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L, OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques La séance annuelle de lAcadémie des Sciences de Paris — Le lundi17 décembre dernier, l'Académie des Sciences a tenu sa séance publique an- nuelle. Après une magistrale allocution du Président, M. Maurice Lévy, sur les progrès de la Science au cours du xx° siècle, le Secrétaire perpétuel a proclamé les noms des lauréats des divers prix de l'Académie. Le sujet du concours pour le Grand Prix des Sciences mathématiques était le suivant: Perfectionner en quelque point important la recherche du nombre des classes de formes quadratiques à coefficients entiers et de deux indéterminées. L'auteur du Mémoire couronné est M. Marnias LercH, professeur à l'Université de Fribourg. Le Prix Francœur a été attribué à M. En. MAlLLeT. Le Prix Poncelet a été décerné à M. L. LecorNu pour l'ensemble de ses travaux sur la Mécanique. Le Prix extraordinaire de six mille franes a été partagé comme suit: trois mille francs à M. Maxime LAUBEUF pour ses études qui ont fait faire un grand pas à la navigation sous-marine; mille francs à M. le Capitaine CHarBonnier pour son « Traité de Balistique intérieure théorique »; mille francs à M. AugussoN DE CAVARLAY pour son « Cours d'Electricité » professé à l'Ecole d'Application du Génie maritime; mille francs à M. A. Gnasser pour son ouvrage : « La Défense des côtes ». Le Prix Montyon (Mécanique) a été décerné à M. le colonel LEROSEY pour ses nombreux travaux concernant l'arme du Génie. Le Prix Plumey a été attribué à M. MoissenET pour les services que ses appareils rendent à la navigalion. Le Prix Lalande a été décerné à M. Gracogint pour ses observations sur les comètes. Le Prix Damoiseau à été attribué à M. J. vox Hee- vERGER, professeur à l'Université de Graz, pour son vaste travail sur la comète de Biéla. Le Prix Valz à été décerné à l'abbé VERSOHAFFEL, directeur de l'Observatoire d’Abbadia, pour ses études _ méridiennes. Le Prix Janssen a été attribué à M. Barnaro, astro- nome à l'Observatoire Lick. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Le Prix Montyon (Statistique) a été décerné à M. P. ou Maroussem. Des mentions honorables ont été accordées à M. Barras et à M. ParcHas. Le Prix Jecker a été décerné à M. A. BÉuaL, pour l'ensemble de ses travaux de Chimie. Le Prix Desmazières a été attribué à M. H. Brucu- MANN pour son travail sur les prothalles et les plantules de plusieurs Lycopodes européens. M. G. Isrvanrr à obtenu une mention très honorable. Les Prix Montagne ont été partagés comme suil: mille francs à M. G. Decacroix pour ses recherches de Pathologie végétale, et cinq cents francs à M. A. Boisrez pour sa « Flore francaise des Lichens ».. Le Prix Thore a été décerné à M. SEURAT pour ses recherches sur les larves parasites entomophages des Hyménoptères. Le Prix da Gama Machado à été partagé entre: Mu: la comtesse pe LiNDEN pour ses recherches sur la coloration de l'aile des Insectes, M. Pauz CarNoT pour ses études sur le mécanisme de la pigmentation, M. Mi- CHEL SIENLECKI pour ses observations sur la fécondation chez les Sporozoaires, et M. L. Borpas pour ses recher- ches sur les organes reproducteurs mâles des Coléop- tères. Le Prix Montyon (Médecine et Chiruryie) à été partagé entre: MM. Harcoreau et LEreppe pour leur « Traité de Dermatologie », M. GuiILLEMINOT pour ses applications médicales des rayons X, et M, Juzes Soury pour son ouvrage sur « Le Système nerveux central ». Des mentions sont attribuées à MM. Nogécourr, SABRAZÈS et PAuL GALLOIs. Le Prix Barbier a été décerné à M. MARAGE pour sa théorie de la formation des voyelles, et à M. Guinann pour son étude pharmacodynamique de la morphine et de l’apomorphine. Le Prix Bréant a été partagé entre MM. Aucrarr el REMLINGER. Le Prix Godard a été décerné à M. Léon BErxano. Le Prix Parkin a été attribué à M. H. Cour. Le Prix Bellion a été partagé entre MM. les D BrauLr, S. Gace, Knopr et LÉON JACQUET. Le Prix Dusgate a été décerné à M. le D' Icarp pour son ouvrage: « La Mort réelle et la Mort apparente ». 1 2 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Le Prix Lallemand a été partagé entre MM. Maurice DE FLEURY et DE NaBias. Le Prix du baron Larrey a été décerné à MM, Ner et LavaL ; une mention honorable à M. Fine. Le Prix Montyon (Physiologie) a été partagé entre M. Pachon (études sur le mécanisme cardiaque et vasculaire) et Mlle Jorevyro (fatigue du muscle). Le Prix Pourat est attribué à MM. Bercont et SIGALAS. Le Prix Martin-Damourette a été décerné à M. Er. Loc. Le Prix Philipeaux a été partagé entre M. DELEZENNE pour ses travaux sur les subtances anticoagulantes et M. Niccoux pour ses recherches sur l'élimination de l'alcool dans l'organisme. Le sujet de concours pour le Prix Gay était: « Appli- quer à uve région de la France ou à une portion de la chaîne alpine l'analyse des circonstances géologiques qui ont déterminé les conditions actuelles du relief el de l'hydrographie ». Le prix a été attribué à M. Maurice Luceon, professeur à l'Université de Lausanne. Le Prix Montyon (Arts insalubres) a été partagé entre M. A. Trircar (désinfection par la formaldéhyde) et MM. SÉvène et Canex (emploi du sesquisulfure de phosphore dans la fabrication des allumettes). Le Prix Cuvier a été décerné à M. A. FritscH, pro- fesseur à l'Université de Prague. Le l’rix Wilde a été attribué à M. M. DerÉpine. Le l’rix Varllant à été partagé entre M. Henri Gau- rer (fusibilité des alliages, poids atomique du bore) et M. FE. Osmoxo (métallographie microscopique). Le /’rix Trémont a été décerné à M. Cu. FRÉMONT. Le l’rix Gegner à été attribué à Mwe Curie pour les admirables travaux que connaissent nos lecteurs. Le Prix Delalande-Guérineau à été partagé entre MM. les capilaines MauraIn et LAcouBe. Le Prix Gérome Ponti a été décerné à MM. P. Giro» et E. MasséÉnar. Le Prix Tchihatchef a été attribué à M. ne Loczx, professeur à l'Université de Budapest. Le Prix Houllevique a été décerné à M. Wazrerawr. Le l’rix Boileau, destiné à encourager les travaux sur l'hydraulique, à été partagé entre MM. SAUTREAUX, Juces Decenmer et Nau. Le Prix Cahours a été divisé en trois parties: deux parts égales ont été attribuées à MM. Mouxeyrar et Merzxer et une subvention a été accordée à M. DEracoz. Le l’rix Saintour est décerné à M. DeBurAUx. Le Prix de Laplace est attribué à M. Macaux. La /ievue est heureuse de voir figurer parmi les lauréats plusieurs de ses collaborateurs ; elle s'empresse de leur adresser, à cette occasion, ses bien vives féli- citations. La séance s'est (erminée par la lecture d'une Notice de M. Berthelot sur la vie et les travaux de M. F-Ch. Naudin. $ 2. — Physique Nouvelle détermination de la vitesse de la lumière à l'Observatoire de Nice.— Avant d’en- trer dans le détail des expériences que M. Perrotin a entreprises depuis plus d’un an, à l'Observatoire de Nice, dans le but de déterminer la vitesse de la lumière avec plus de précision qu'on ne l'avait fait jusqu'à ce jour, nous rappellerons brièvement les quelques ré- sullats auxquels sont parvenus les physiciens qui se sont occupés de la question, sans nous étendre sur les méthodes employées à cet effet. La méthode du miroir tournant, inventée par Foucault, fut employée par lui dès 1862 : on trouva, par cette méthode, le nombre 298.000 kilomètres pour la vitesse de la lumière, avec une erreur estimée inférieure à 500 kilomètres. Michel- son, en 1879, obtint par cette méthode 299.910 kilomè- tres à près; puis, plus tard, en 1882, par une 10.000 détermination, en un autre point, il trouva 299.853 kilo- mètres : ainsi qu'on le voit, ces deux valeurs concordent assez bien. Newcomb, en 1885, obtenait, au moyen de la méthode de Foucault, et après une discussion très minutieuse, le nombre 299.860 kilomètres, avec une erreur possible de + 30 kilomètres. L'expérience de Fizeau, entre Montmartre et Suresnes, uniquement effectuée pour faire une vérification de la méthode de la roue dentée, donna en 1849 une vitesse de 315.000 kilomètres par seconde pour la propagation de la lumière. La méthode Fizeau comporte une tech- nique fort délicate, et la lenteur dans les variations d'intensité de l'image de retour constitue une difficulté qui restera presque insurmontable pour les approxima- tions successives. En 1872, entre le Mont Valérien et l'Ecole Polytechnique, M. Cornu trouva pour la vitesse de la lumière 298.500 kilomètres, avec une approxima- tion de _ environ; plus tard, entre l'Observatoire de Paris et la tour de Montlhéry, M. Cornu, utilisant les éclipses du 3° au 21° ordre, arriva à la valeur de 300.400 kilomètres, avec une erreur relative de 300 kilo- mètres: ainsi qu'il est facile de le voir, lesnombres suc- cessifs de M. Cornu sont forts discordants. En 1882, Young et Forbes appliqueut la même méthode d’une facon très ingénieuse, sinon à l'abri de toute critique, et obtiennent 301.382 kilomètres, avec des résultats singuliers, et encore incomplètement expliqués, sur les lumières de couleurs différentes. C'est encore la méthode de la roue dentée de Fizeau, mais avec les perfectionnements qu'y avait apportés M. Cornu, qui a servi à M. Perrotin pour sesexpériences. Dans les nouvelles mesures faites depuis un. an à !'Ob- servatoire de Nice, la lunette d'émission, de six pouces d'ouverture, avec la roue dentée et le chronographe enregistreur, étaient établis dans l'angle sud-ouest du grand équatorial de Nice, tandis que le collimateur à miroir argenté, de trois pouces, était installé dans le village de La Gande, sur la rive droite du Var, à un peu moins de 12 kilomètres de l'Observatoire. La source lumineuse était le filament d'une lampe électrique de seize bougies sous 102 volts. La distance a été déterminée avec un soin tout parti- culier par un astronome de l'Observatoire de Nice, M. Simonin, au moyen de deux triangulations indépen- dantes, qui l'ont conduit, l’une au nombre 11.862,27 et l'autre au nombre 11.862,17 : on a adopté la moyenne de ces valeurs : 11.862,22, C'est avec ce nombre que les observations failes par MM. Perrotin et Prim ont été réduites. Ces observalions, effectuées avec la roue légère de cent cinquante denis, sont, pour chaque ordre, la moyeone : 5 (V+v) Y représentant la moyenne des valeurs obtenues en vilesse croissante et y en vitesse décroissante. On est arrivé, pour la vitesse de la lumière, au nombre 299.900 +0,08 ; cette valeur, qui résulte de 1.500 mesures environ, n'a pas exigé moins d'une année de travail. Le nombre 299.900 kilomètres, auquel M. Perrotin est parvenu, est donc du plus haut intérêt, car ilne dif- fère plus essentiellement des nombres obtenus jusqu'à ce jour. Il est très voisin de celui auquel M. Michelson a été conduit dans ces dernières anntes, par la mé- thode du miroir tournant de Foucault, mais s'éloiyne davantage de celui de M. Cornu, tout en restant, à bien peu de chose près, dans les limites que tolèrent les erreurs moyennes des mesures. En résumé, cette nouvelle détermination est tout à la louange du talent expérimental de M. Perrotin qui, par une tout autre méthode, se rencontre avec un physicien aussi habile etingénieux que M. Michelson. s Le véritable avenir, pour la détermination de la vitesse de Ja lumière, nombre si important dans les théories scientifiques modernes, appartient incontestablement aux méthodes astronomiques. sai th der CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 3 Il est à regretter que l'on ne s'efforce pas de créer, | dans ce but, une coopération universelle; malheureu- sement, si les coopérations sont uliles et fructueuses, elles diminuent en apparence l'influence de chaque observateur. Le travail en commun parait moins pro- fitable : la Science trouve sa limite dans l’égoisme et les ambitions personnelles. $ 3. — Chimie La grandeur moléculaire et la densité de la vapeur du soufre. — La question de la grandeur moléculaire du soufre aux diverses températures est l'une de celles qui ont provoqué le plus de travaux de la part des physiciens et des chimistes. Tandis que l’on est d'accord pour considérer la va- peur du soufre à haute température (de 900° à 1.700°) TABLEAU I. — Relations entre la pression et la densité de la vapeur du soufre à diverses températures. PRESSION DENSITÉS DE VAPEUR (O?=—1 cn AE mm, de Me | 49400 | 1—262 | 1236 | 1=914 | «= 192 —— | — À = | il GET 6, 7.09 7,50 | 1,5 5,80 6, 1,35 1,68 | 2 6,00 1 EE EE | 2,5 6,15 1e 1,61 1,16 | | 3. 6,25 me 7,66 data 20 6,33 1e 7,68 1181] % 6,40 de 7,10 1,19 | 4,5 6,46 1: 1,11 1,80 | 5 6,50 de 1,12 » 6 6,57 de 1,14 7 6,64 T: Tes | 8 6,71 re » | | (] 6,15 qe » » | 10 6,179 TA ) » LES 6,87 He » Qt 6,97 Ti » » l 20 1,10 ) » » | 25 20 » » » | 30 26 » » » » 35 30 » SALES | » » comme composée de molécules à deux atomes, on ne s'entend plus en ce qui concerne la grandeur molécu- laire du soufre vers 500° et au-dessous. La densité de vapeur augmente graduellement à mesure que la tem- pérature s'abaisse et l'existence de molécules à 5,6 ets (peut-être 9) atomes a été successivement souteuue et combattue. Aujourd'hui, on peut admettre comme dé- montrée (grâce surtout aux belles recherches cryosco- piques de Beckmann) la présence de molécules à huit atomes dans le soufre dissous, mais l'incertitude règne encore pour le soufre à l’état gazeux, dont la molécule paraît se dissocier progressivement. Deux chimistes autrichiens, MM. Otto Bleier et Léopold Kohn, viennent de donner une solution, qui paraît déli- nitive, à cette question, à la suite d’une longue série de recherches qu'ils ont communiquées à l'Académie des Sciences de Vienne’. L'étude attentive de toutes les recherches faites antérieurement sur le sujet, ainsi que quelques expériences préliminaires les avaient amenés à la conviction (partagée par Ostwald), que la détermi- nation des isothermes de dissociation du soufre aux températures les plus basses possible donnerait seule une réponse à la question. Comme la détermination des densités de vapeur est la seule méthode qui permette de 1 Monatshelte für Chemie, vol. XXI, n° 7, 1900. travailler commodément et exactement aux basses pressions et par conséquent au-dessous du point d'ébul- lition, les auteurs l'ont employée à suivre quaulitative- ment les phénomènes de dissociation. Ges expériences ont été très délicates et compliquées; après avoir écarté, autant que possible, les causes multiples d'erreur, MM. Bleier et Kohn sont arrivés aux résullats que donne le tableau LE. L'examen de ce tableau montre clairement que, pour cinq températures différentes, les isothermes de disso- ciation du soufre s’'approchent asymplotiquement de la mème valeur, qui est égale à 8. Crtte valeur corres- pond à la plus srande molécule qui se trouve dans le mélange dont se compose la vapeur de soufre. IL est donc prouvé que Ja molécule de soufre non dissociée contient huit atomes. Ces résultats sont en contradiction avec ceux de Biltz, qui ont servi de base à l'hypothèse de Riecke. D'après cette dernière, la densité de vapeur du soufre conserve- rait constamment la valeur 6 dans un certain intervalle de pressions. Or, parmi les expériences de MM. Bleier et Kohn, celles qui unt été faites à 310° ne montrent aucun arrêt correspondant de l'isotherme de dissociation; la courbe semble continuer directement dans la direction de la valeur 5 sans être modifiée au voisinage de la valeur 6. De nouvelles expériences, faites à une tempé- rature légèrement supérieure, permetiront d'éluciier complètement ce point, mais elles ne modifieront pas le résultat essentiel de ce travail, à savoir que la gran- deur moléculaire du soufre est égale à 8. $S 4. — Métallurgie L'Aluminothermie.— Le 28 décembre, a eulieu, à la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, une conférence fort intéressante de M. Guillet, au cours de laquelle l'auteur a expliqué les principes du procédé Goldschmidt relatif à l'aluminothermie et les applica- tions de ce procédé aux industries métallurgiques et de transport. Nous avons déjà plusieurs fois entretenu nos lecteurs de cette importante question; si nous y revenons aujourd'hui, c'est pour bien marquer le gros intérêt qui s'y attache et qu'a rendu encore plus manifeste l'exposé de M. Guillet. Après avoir montré la très grande quantité de corps dont les oxydes peuvent être réduits et déplacés par l'aluminium, en raison de la place élevée que ce dernier corps occupe dans l'échelle des chaleurs développées par la combustion des différents métaux avec un atome d'oxygène, M. Guillet s'est arrêté longuement sur les précautions qu'il y à à prendre dans les différentes phases des opérations d’aluminothermie : 1°. Préparation du mélange d'aluminium el d'oxyde. —_ Ces deux corps doivent être réduits en une poudre de grosseur identique et bien déterminée; ils doivent surtout être bien débarrassés de leur humidité. 2, Préparation du creuset où se fera la réaction. — Deux corps réfractaires seuls peuvent être utilisés: l'alumine ou la magnésie; c'est à cette dernière qu'on s'arrête. Il y a lieu, dans ce cas, de bien choisir la qualité de la magnésie. La magnésie calcinée à basse température éprouve un {rop grand retrait; la magnésie calcinée à haute température ne tient pas. L'agglomé- rant qui reliera la pâle peut d’ailleurs avoir de graves inconvénients. Le meilleur procédé consiste à prendre un mélange convenable des deux qualités de magnésie dont il vient d'être question, et à s'abstenir de tout agglomérant, en donnant à la pâte la consistance nécessaire au moyen d'une pression énergique. 3%, Préparation de la poudre d'amorçage. — On prend généralement un mélange d'aluminium et d'un oxyde très inflammable, comme le peroxyde de baryum. f 4, Jxécution de la réaction. — On commence par mettre, dans le creuset, une petite quantité du mé- lange thermique, soit, par exemple, s'il s’agit de pré- parer du chrome pur, un mélange de sesquioxyde de 4 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE chrome et d'aluminium ; on répand avec précaution, à la surface de ce mélange, la poudre très inflammable dont nous avons dit la composition, puis on jette une allumette. La réaction s'amorce aussitôt; et, quand le mélange proprement dit entre en ébullition et projette des étincelles, on achève de verser le restant par peliles doses; le culot de mélalse réunit dans le fond du creuset, et la scorie consistant en alumine ou corindon surnage. Il est à remarquer que, dans la réaction conduite de celte facon, aucune parcelle de carbone ne peut être insérée dans le métal préparé, qui, par suite, jouit de propriétés tout à fait spéciales; on peut ainsi obtenir des aciers très chromés et cependant pas trop durs. La préparation du manganèse, du tungstène et de beaucoup d’autres métaux à l'état pur, qui sont de plus en plus employés en mélallurgie, se fera avec les mêmes facilités. L'autre application de l’aluminothermie se rapporte à l'obtention des haules températures partout où ces dernières entrent en jeu pour déterminer les réactions et, par exemple, lorsqu'il s’agit de faire une soudure autogène entre deux pièces d'acier. Pour cela, on emploie un mélange type d'aluminium et de peroxyde de fer dit fhermite, ce mélange devant correspondre par ses proportions à une chaleur de combustion que requiert la température déterminée que l’on veut atteindre. On place bout à bout les pièces à souder et on entoure toute la partie qui doit former joint d’un petit barrage en terre réfractaire ; on prépare d'un autre côté la fusion du mélange thermique dans un creuset, et l’on en verse le contenu à l'intérieur du barrage. Puis on attend environ dix minutes avant de procéder au démoulage. Il est-à remarquer que les premières parlies de liquide qui s'écoulent de la surface du bain dans le creusel sont constituées par de l’alumine. Ce corps forme. au contact du métal, une faible couche bientôt solidifiée, sur laquelle la thermite peut passer et sé- journer jusqu'à refroidissement complet, sans qu'il y ait à craindre pour cela qu'elle fasse corps avec les deux morceaux qu'on cherche à souder ou vienne en détériorer la forme. L'intérêt de la séance a été fortement accru par l'exécution, en présence des nombreux auditeurs, de plusieurs expériences de soudage qui ont parfaitement réussi. Deux tubes de chaudière et deux rails de tramway (type Broca) ont été très bien soudés bout à bout. Néanmoins, nous restons persuadé que le véri- table champ d'action de l'aluminothermie est la préparation des métaux rares à l'état pur, fabrication qui peut supporler un prix de revient relativement élevé en raison de la valeur des produits obtenus. $ 5. — Biologie Introduction de la Mante religieuse aux Etats-Unis. — On sait qu'un certain nombre d'espèces ont été, dans le courant de ce siècle, transportées acci- dentellement d'Amérique en Europe ou vice versa; elles se sont naturalisées dans leur nouvelle patrie, grâce à la ressemblance du climat américain et de celui de l'Europe centrale. L'Amérique nous à donné le trop sameux Phylloxera et le Doryphora de la Pomme de terre; mais, pour ne pas être en reste, nous lui avons rendu la Mouche de Hesse (Cecidomya destructor), la Piéride du Chou, le Diplosis Tritiei, l'Ocneria dispar, elc., qui causent aux Etats-Unis des dommages considérables. M. Slingerland ! vient de signaler l'intro- duction récente d’un Insecte de grande taille, bien connu en France, la W/antis religiosa. Cet Orthoptère a été découvert en 1899 dans une petite zone autour de Rochester (N.-Y.), renfermant les trois villes de Char- The common european praying Mantis, a new beneficial Insect in American, Bulletin Cornell Univ. Agric. Exp. Station, 185, Ithaca, Novembre 1900. lotte, Sammerville et Irondequoit, et il y est, paraït-il, devenu très commun; il s’'avance beaucoup plus au nord que les Mantes américaines (Stagimomantis carolina el dimidiata), que l'on rencontre 320 à 480 kilomètres plus au sud. La Mante religieuse est bien acclimatée, car on a trouvé couramment ses oothèques, si caractéristiques, attachées aux herbes ou aux troncs d'arbres. En Europe, cette espèce pond ses œufs en septembre, ef ceux-ci éclosent en juin de l'année suivante. Les observations de M. Slingerland montrent qu'il en est de même dans l'Etat de New-York, jusqu'à présent du moins. Il est très probable que ce sont des oothèques qui ont élé introduites par quelque pépiniériste importateur; Rochester est justement un grand centre de pépinières, où l'on importe quantité de jeunes arbres d'Europe. M. Slingerland se félicite de l'introduction de cet Insecte carnassier, et espère qu'il se multipliera aux Etats-Unis aux dépens des Insectes herbivores nuisibles aux plantes cultivées. - Sur l’enseignement de l’'Embryologie à l'Université de Nancy. — Dans deux articles parus, l’un dans le numéro du 15 septembre 1900 de la Revue générale des Sciences, l’autre, plus récent, dans le Journal de l'Anatomie (numéro 6, novembre- décembre), M. le Dr G. Loisel insiste sur la nécessité de la création d'un enseignement de l'Embryologie dans les Universités francaises et fournit quelques docu- ments sur la manière dont cet enseignement est orga- nisé à l'Etranger. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt ces articles, mais je regrette que M. Loisel, qui a poursuivi son enquête jusque dans l'Uruguay, ne se soil qu'im- parfaitement renseigné en ce qui concerne certaine partie de notre propre pays. J'espère qu'il ne m'en vou- dra pas d'indiquer brièvement qu'on peut trouver, même en France, un enseignement d’Embryologie « véritablement organisé ». L'Embryologie est, depuis au moins dix ans, enseignée régulièrement et spécialement dans la Faculté de Méde- cine à laquelle j'ai l'honneur d’appartenir. Il y a quatre ans que je fais moi-même ce cours, d'ail- leurs bénévolement. J'y consacre pendant le semestre d'hiver environ vingl lecons. Chacune d'elles est suivie de la démonstration d'un certain nombre de prépara- tions correspondant au sujet qui vient d'être traité. Le programme comprend l'Embryogénie, soit : Produits sexuels, maturation, fécondation, segmentation, for- mation des feuillets primaires, ébauche des principaux organes, annexes fœtales, le tout étudié autant que possible chez les Vertébrés et particulièrement chez l'Homme. Ces cours sont suivis par les étudiants en Médecine de première année; maisilest clair qu'ils sout ouverts à tous les autres. Les élèves sont interrogés sur les matières du cours, successivement à l'examen semestriel qu'ils subissent après leur deuxième inscription et à l'examen oral de doctorat, c'est-à-dire au milieu de la deuxième année. Cette doutle sanction n’a jamais fait l’objet d’un règle- ment solennel; néanmoins, elle est acceptée par tous sans avoir à aucun moment donné lieu à la moindre récrimination. Nos étudiants ont vite compris l'impor- tance de l'Embryologie et les avantages qu'ils en reti- rent. Ils la considèrent comme le préliminaire obliga- toire de l'Anatomie et de l'Histologie. Indépendamment de ces conférences spéciales, j'ai l'habitude, ainsi que cela se fait presque partout, d'é- tudier dans le cours d’Anatomie le développement des systèmes ou organes qui figurent au programme, et, comme les agrégés chargés des conférences complémen- taires d’Anatomie en font autant, il s'ensuit que l'orga- nogénèse est enseignée entièrement, ou peu s’en faut, dans le courant de la scolarité anatomique. Il ne manque, en définitive, à cet enseignement qu'une chose : des travaux pratiques. Jusqu'à présent je n'ai pas pu en faire, d'abord faute des fonds néces- saires, et ensuite parce que le temps des élèves de PE EEE RS SPP RE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 5 première année est presque entièrement accaparé en hiver par d’autres exercices. Je me demande. d'ailleurs, s'il serait possible et réellement fructueux d'essayer de leur apprendre à fous à réaliser les préparations longues et minutieuses, d'une étude souvent difficile, qu'exige ordinairement l’'Embryologie. Je crois que des démonstrations de préparations de choix sont préfé- rables, et, si quelques élèves d'élite veulent sérieuse- ment s’'adonner à ce genre de recherches, il y a tou- jours de la place pour eux au laboratoire. Je me dispenserai de discuter l'avantage qu'il y aurait à rattacher cet enseignement aux Facultés des Sciences plutôt qu'aux Facultés de Médecine. S'il ne s'agit pas seulement de créer dans celles-là de nouveaux débou- chés et d'improviser de nouvelles chaires, on peut tiouver dans les Facultés de Médecine un personnel tout préparé à cette besogne, des professeurs, titulaires ou agrégés, qui, pour n'être pas zoologistes, ne sont cependant, pour ainsi dire, pas médecins et se conten- tent d'être anatomistes. Les besoins des étudiants en Médecine ne sont, d’ailleurs, pas les mêmes que ceux des étudiants en Sciences naturelles. A. Nicolas, Professeur d'Anatomie à l'Université de Nancy. $S 6. — Hygiène publique Les Sanatoria d'arrondissement : Le futur Sanatorium de Versailles. — En annoncant, il y a quelques mois, aux lecteurs de la Æevuet, le mouve- ment qui se dessinait à Versailles en faveur de la créa- tion dun sanatorium populaire pour tuberculeux adultes, nous insistions sur l'importance considérable de cette manifestation pour l'avenir de la lutte contre la tuberculose en France. Nos prévisions se trouvent justifiées dans des con- ditions sur lesquelles nous croyons utile d'appeler tout particulièrement lattention de nos lecteurs par un court historique de la question et par l'exposé de son élat actuel. Lors des dernières élections municipales, un certain nombre d'ouvriers de Versailles prirent, à la suite d’une Conférence {de notre collaborateur le D° Romme, l'ini- tiative de porter la questinn sur le terrain électoral, pour lui donner droit de vie et de cité, et pour consa- crer dès l’origine son caractère intercommunal. C’est alors que M. le D' Fleury, de Versailles, se rendit en Allemagne pour étudier les sanatoria qui y ont été créés. À son retour, un Comité d'initiative fut formé et, dans une Conférence donnée le 25 novembre, M. le D" Fleury exposa l’état d'iufériorité où la France, qui perd 150.000 tuberculeux par an, se trouve à Légard de l'Allemagne qui, avec dix millions d'habitants de plus que notre pays, a 76 sanaloria pour tuberculeux adultes, ouverts, contre 2 dans notre pays. Et sa con- clusion fut que, si la France à un devoir national et social à remplir dans Ja lutte contre la tuberculose, ce devoir lui deviendrait facile par le groupement régional des Municipalités. Huit jours après, le corps médical de Versailles pre- nait l'importante décision que voici : « Le corps médical de Versailles, considérant comme un devoir professionnel d'affirmer la nécessité de la création d'un sanatorium populaire pour les tubercu- leux adultes, a décidé, d'accord avec le Comité d'ini- liative, d'appuyer cette création de son aulorilé. « À cet effet, les médecins de Versailles, réunis le 3 décembre 1900, ont décidé de faire directement et individuellement un appel à la générosité privée. « Dans ce but, ils s'adressent à leurs concitoyens en les priant de leur faire connaître le montant des sous- criptions qu'ils seraient disposés à verser ultérieure- ment, après constitution, dans une forme définilive, du groupement des Municipalités intéressées. » 1 Voyez la Revue du 15 mai 1900, page 625. | | Si les médecins de Versailles ont pensé faire seule- ment œuvre de dévouement et d'humanité, la Ztevue générale des Sciences est heureuse, en leur adresssant l'hommage de sa profonde sympathie pour le grand exemple qu'ils donnent, d'affirmer que leur décision est d’une portée bien plus haute : Lorsque, à la suite de leurs confrères de Seine-et-Oise, les médecins de France auront compris qu'ils ont, tous et partout, le devoir et le pouvoir d'intervenir avec une autorité prépondérante et souveraine dans les questions d'Hygiène publique. la routine administrative laissera la place à la Science seule dans la défense de la santé publique. — Il était donc tout particulièrement opportun que, dans un cas d'ordre général comme celui de la lutte contre la tuberculose, le corps médical fit acte d'autorité. Les médecins de Versailles ont donné d'abord un exemple d'ordre général excellent; ils ont, en ouire, tracé la voie la plus vraie, la plus pratique et la plus sûre, pour la lutte nationale contre la tuberculose. Et leur initia- live, qu'attend un rapide succès, sera, nous l’espérons, rapidement imitée. En mème temps’ qu'il adressait son appel à l1 généro- sité privée, le corps médical de Versailles s'est adressé à tous les médecins de l'arrondissement pour leur demander de se joindre à lui. D'autre part, les Municipalités de l'arrondissement, pressenties oflicieusement, ont déjà manifesté en grand nombre leurs sympathies pour le projet du « Groupe- ment des Municipalités intéressées », en vue duquel le corps médical s'adresse aux habitants de l'arrondis- sement de Versailles. Des hommes d'initiative et de haute intelligence se sont mis à la tête du mouvement, et tout permet de croire que, dans une réunion géné- rale des maires de l'arrondissement, qui doit se tenir prochainement, il sera pris des résolutions définitives, assurant la création rapide du sanatorium par un syndi- cat intercommunal constitué sous le régime de la loi de 1890-1893. S'il en est ainsi, l'arrondissement de Versailles aura fourni la meilleure solution que permette notre régime administratif et social pour la lutte contre la tubercu- lose. Si, en effet, on l'examine telle qu'elle se présente dans ce cas initial, au point de vue de l'arrondissement de Versailles, on est tout de suite frappé de la facilité de l'effort total, En supposant que les Municipalités, — qui peuvent, aux termes de la loi de 1890-1893, recourir pour celte espèce aux centimes additionnels, — puissent songer à créer le sanatorium à leurs seuls frais, elles n'auraient, pour la lotalité de l'arrondissement, à four- nir qu'une somme de 2 francs par tête d'habitant, répartie sur 2 ou 3 exercices. Mais la générosité privée devant intervenir dans une large mesure, et les sub- ventions du Pari mutuel étant presque certaines en pareille matière, les Municipalités n'auront, en réalité, à fournir qu'une quote-part totale, égale au plus à { franc par têle d’habitant. Il n'est pas une commune, si pauvre et si petite qu'elle soit, dont le budget ne permette, dans un tel cas, exceptionnel et unique, une contribu- tion totale et maxima de { franc par habitant, soit de 0 fr. 50 par an pour deux ans, ou mème de 0 fr. 33 pour trois ans. Par la double intervention du corps médical, puis des Municipalités syndiquées, le mécanisme de la créa- lion du sanatorium qui, pour 100 lits, comporte une dépense d'environ 600.000 francs, se trouve ainsi pres- que automatique. L'entretien, qui demande un effort moindre, mais continu, représenté par une dépense globale de #francs par lit et par jour, se trouve en même temps considé- rablement simplifié. Dans le cas d’un sanatorium comme celui de l’arron- dissement de Versailles, il est à prévoir qu'un quart au moins des lits seront réservés à des malades payants. L'entretien à assurer ne porterait que sur 75 lits. Ür, la ville de Versailles, qui perd à elle seule 200 tuberculeux par an, a 20 ou 25 lits occupés en permanence à son 6 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE hôp:tal — en plein centre de la cité! — par les vic- times du fléau. En supposant qu’elle en dirige la moitié seulement sur le sanatorium, eile y occupera 10 lits, presque sans augmentation de dépenses, en faisant seulement un déplacement de chapitres budgétaires. Qu'on admette la même proportion pour les autres hô- pitaux de l'arrondissement, on voit que #0 à 50 lils se trouveront occupés, sans surcroît de frais pour l’arron- dissement. — En fait, la dépense supplémentaire, comme frais d'assistance publique globaux, pe portera que sur 25 à 30 lits, c’est-à-dire ne dépassera pas 40 à 45.000 francs pour l'arrondissement entier, somme dont la répartition sur l’ensemble des communes appelées à intervenir est tellement insignifiante qu'en faisant même abstraction des demandes certaines des arrondissements voisins, la difficulté sera surtout de satisfaire aux demandes locales. Si la question de l'entretien, dans le cas du sanato- rium intercommunal, devient ainsi d’une remarquable simplicité financière par la substitution partielle du sanatorium municipal à l'hôpital municipal, une autre question, beaucoup plus délicate, se trouve en même temps presque résolue : celle des secours de maladie à la famille. Nous n'avons pas et nous n’aurons sans doute pas de longtemps de loi d'assurances contre l'invalidité du travail, comme en Allemagne. Mais nous avons plus et mieux avec l’admirable et puissante organisation de nos Sociétés de secours mutuels. — Que se passe-t-il actuellement pour le mutualiste tuberculeux ? Pendant toute la durée de sa longue agonie, la Société dont il fait partie lui sert des allocations dont le montant devient si élevé que certaines Sociétés vont jusqu'à exclure la tuberculose de leurs prévisions statutaires. On avait songé à envisager les mutualités comme pou- vant jouer en France, dans la création et l'entretien des sanatoria, le rôle des Sociétés d'assurances alle- mandes; mais il faut bien s'en garder en présence de la solution intermunicipale — qui, par les liens mul- tiples, étroits, existant partout entre les Mutualités et les Muuicipalités, conduit, directement et normale- ment, à beaucoup mieux : à l'affirmation statutaire, dans la constitution du syndicat intercommunal, d'un privilège en faveur du mutualiste appelé à faire béné- ficier sa famille, pendant son traitement, d'un secours de maladie. Que cette disposition résulte, à défaut de clauses préalables dans les statuts des Sociétés exis- tantes, de l'adoption par leurs sociétaires d'une nou- velle clause, ou de la création de sociétés spéciales, peu importe. La situation en présence de laquelle se trouveront les Sociétés de secours mutuels deviendra alors telle- ment avantageuse, matériellement et socialement, qu'elle ne peut pas ne pas être appréciée par toutes; actuellement, elles dépensent pour le sociétaire tuber- culeux 800, 1.000, 1.500 francs, et même davantage, sui- vant les statuts, pendant la durée de l’évolution totale de sa maladie. Elles n'auront plus qu'à dépenser 200 francs en secours de maladie, à la famille, pour les sociétaires tuberculeux en traitement de 100 jours, 300 francs au plus pour un traitement de 150 jours. Sur 100 tuberculeux de première période, pour lesquels, actuellement, leur dépense totale est en moyenne de 100.000 francs, pendant la durée complète de l'évolu- tion, 3 ans environ, elles ne dépenseront plus que 44.000 francs, en ne perdant que 20 sociétaires, au lieu de 80 ou 90 au moins, si l’on accepte le résultat moyen de 20 guérisons et 60 ajournements. Non seulement elles réaliseront ainsi un gain matériel de plus de 90 p.100, mais, en s'engageant, elles asureront à leurs sociétaires un privilège de priorité de traitement, dont aucun ne méconnaitra l'importance. Il faut donc que Versailles complète son œuvre, et que le sanatorium de Seine-et-Oise, qui, par l’interven- tion du corps médical affirmant son autorité, par l'in- tervention des Municipalités affirmant leur solidarité sociale, donne à la France entière un exemple salutaire, devienne l'exemple décisif, par la solution pratique de la question subsidiaire, mais essentielle : celle des secours de droit à la famille du tuberculeux en traile- ment. Quand, répondant à l'appel du corps médical, les maires de l'arrondissement se réuniront à Versailles, qu'ils sachent bien que, de tous côtés, partout où l’on sent, où l’on voit le dauger poignant de la tuberculose, on attend avec confiance leur décision. On attend avec confiance la création par eux du sanalorium inter- communal, et par eux aussi la création de l'assurance de maladie pour la famille du travailleur tuberculeux, dans la seule forme compatible avec le génie de notre race : celle de l'intervention des Mutualités, réservant à leurs sociétaires un droit privilégié au traitement gratuit en sanatorium communal, mais rendant elles- mêmes le traitement possible et efficace par les secours à la famille. Si Versailles, et les communes, grandes ou petites, qui se groupent dans cette œuvre féconde, l’accomplis- sent jusqu'au bout, les médecins qui sont si géné- reusement intervenus en corps constitué et les maires qui les ont si activement secondés, en se préparant à prendre eux-mêmes en mains l’action décisive, auront accompli une œuvre dont ils auront le droit d'êlre fiers, $ 7. — Géographie et Colonisation Fondation du Prix du Commandant Lamy. — La Soriété de Géographie et le Comité de l’Afrique française ont eu l'excellente pensée de consacrer le souvenir du Commandant Lamy par la fondation, au 1°" Tirailleurs algériens, d'un « Prix du Commandant Lamy », destiné à récompenser chaque année un ancien tirailleur distingué par ses bons services. En faisant part à ses lecteurs de la souscription ou- verte à cet effet à la Société de Géographie (184, bou- levard Saint - Germain), et au Comité de l'Afrique Francaise (15, rue de la Ville-l'Evêque), la /?evue sort de ses habitudes d'abstention en matière de souscrip- tions. Elle le fait volontiers, non seulement à cause de l'importance exceptionnelle des deux grandes œuvres auxquelles restera attaché le nom du Commaadant Lamy : traversée du Sahara, de l'Algérie au Tchad — et destruction de l'empire de Rabah au Tchad — mais aussi parce qu'en prenant l'initiative de cette souscription, MM. Foureau et Ch. Dorian ont bien rendu l'hommage qui convenait à la mémoire d'un soldat dont les hautes traditions d'esprit militaire res- teront dans le souvenir de tous ceux qui l'ont connu. — Comme son second, le Commandant Reibell, qui, six semaines après son retour du Tchad, repartait pour le Touat à la tête de son bataillon, sans souci des fatigues de la dure campagne de deux ans poursuivie au Sahara et au Tchad, le Commandant Lamy était de ces hom- mes dévoués avant tout au « bien du service » qui sont l'honneur d'une armée. — C’est avec le dévouement absolu et supérieur au «bien du service » qu'on accomplit de grandes œuvres, comme cette marche héroïque de la mission Foureau - Lamy, qui, dans l'histoire des découvertes géographiques, constitue un faitsans précédent, — et le Commandant Lamy méritait que son dévoûment eût la sanction la plus haute qu'il eût ambhitionnée : celle de l'association de son nom à la consé-ration du dévoñment des vieux Llirailleurs de son régiment au bien du service. Tout en conseillant à ses lecteurs d'envoyer de pré- férence leurs souscriptions à la Société de Géographie ou au Comité de l'Afrique française, la levure se met à la disposilion de ceux d’entre eux qui le désireraient pour transmettre leurs souscriptions à la Société de Géographie. EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES ri LES POISONS CELLULAIRES (CYTOTOXINES) Tandis que, dans l’ancienne Médecine, les médi- caments d’origine animale jouaient un très grand rôle, la Pharmacologie perfectionnée du xIx° siècle les avait plus ou moins complèment abolis. Au lieu d'administrer des humeurs ou des organes de toute sorte d'animaux, la Médecine prescrivait, pour guérir les maladies, les substances les plus diverses, bien définies au point de vue chimique, comme les alcaloïdes, les composés du carbone des séries grasses el aromatiques, les substances miné- rales, etc. Au milieu de ce mouvement, qui portaitle cachet d'une remarquable précision scientifique, il s'est produit tout d'un coup un revirement étrange vers la pharmacologie animale. Presque en même temps, MM. Richet et Héricourt d'un côté, et Brown- Séquard de l’autre, signalèrent l'importance de substances provenant d'organes (testicules) ou du sang, dans la lutte contre les maladies. MM. Richet et Héricourt obtinrent des résultats satisfaisants, pour empêcher l’éclosion d'une maladie expéri- mentale, à l’aide du sang des animaux réfractaires. Un peu plus lard (1889), Brown-Séquard préconisa l'extrait Lesticulaire eontre la faiblesse sénile. A la suite de ces travaux, il se développa toute une direction nouvelle qui amena la création de la Sérothérapie et de l'Organothérapie (ou Opothéra- pie), comme deux puissants moyens dans la lutte de l'homme contre les maladies. Nous n'avons pas besoin d’insister ici longue- ment sur les conquêtes brillantes obtenues par les deux nouvelles méthodes. Tout le monde, même les gens qui sont loin d’être « du métier », con- nait la belle découverte des antitoxines, faite par Bebring, et ses nombreuses applications. Le sérum antidiphtérique, qui a sauvé des milliers de malades el a préservé un grand nombre de per- sonnes contre la contagion, est sorli victorieuse- ment de loutles les épreuves el occupe aujourd'hui la première place dans la thérapeutique des mala- dies infectieuses. A côté de lui se rangent plusieurs autres sérums, dont l'importance est plus ou moins grande. En ce moment où la peste s'allume dans des foyers disséminés sur toutes les parties du globe, la principale arme scientifique consiste dans l'emploi du sérum antipesteux. Capable de guérir la peste humaine en pleine évolution, ce sérum est aussi efficace pour empêcher l’éclosion de la mala- die chez les personnes exposées à la contracter. Le sérum antilélanique, quoique peu actif dans la guérison du lélanos déclaré, rend cependant de très grands services pour prémunir l’homme et le cheval contre cette maladie, Le sérum anti- venimeux est le meilleur remède contre la morsure des serpents, et le sérum antistreptococcique se répand de plus en plus dans la lutte contre la fièvre puerpérale et plusieurs autres maladies, provoquées par le même microbe. Mais, il faut bien l'avouer, la sérothérapie actuelle reste encore impuissante contre toute une série de maladies et des plus graves, par exemple la tuber- culose. On à bien préparé une quantité de sérums antiluberculeux, mais aucun d'eux n'est capable de remédier à ce mal terrible. Il est très probable que, pour plusieurs maladies infectieuses, on trouvera des sérums appropriés ; pour atteindre ce but, il faut encore vaincre beau- coup d'obstacles difficiles à surmonter. Dans les infections où le rôle des microbes est tout à fait évident, c'est la sérothérapie qui occupe la première place. Au contraire, dans certaines ma- ladies, dont l’étiologie est encore très obscure, l'organothérapie a donné des résultats d’une réelle valeur. Mais c'est tout spécialement pour ce qui concerne le myxædème, cette maladie bizarre, occasionnée par l'atrophie de la glande thyroïde, que le succès par le lraitement opothérapeulique est assuré. Dans le traitement, par l'extrait testicu- laire, de l’affaiblissement de l'organisme dans des essais thérapeutiques contre les maladies des reins par le suc de cet organe et dans beaucoup d'autres exemples analogues, les tentatives, très nom- breuses, n'ont abouti qu'à des résultats dou- teux. Un champ très vaste est donc ouvert encore aux recherches qui auront pour but de porter remède à de nombreuses maladies dans lesquelles ni la sérothérapie, ni l’'organothérapie n'ont pu résoudre le problème. Parmi les tentatives nombreuses faites dans ce but, je désire attirer l'attention du lecteur sur une série de nouvelles recherches, poursuivies dans ces trois dernières années avec beaucoup de zèle et qui ont pour objet l'étude des poisons cellulaires ou cylotoxines ”. 1 J'ai abordé incicemment quelques-unes de ces questions dans un précédent article : L'état actuel de la question de limmunité dans les maladies infectieuses, paru dans la Revue générale des Sciences du 30 novembre 1900, tome XI, p. 1210 et suivantes. 8 EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES Il Sous ce nom de cytoloxines, on a proposé de réunir des poisons contenus dans des organes et des humeurs de l’homme et des animaux. Ces poi- sons, d'origine cellulaire, sont en même temps des substances qui empoisonnent les cellules. Quoique connues depuis longtemps, les cyto- toxines n'ont été bien étudiées que dans ces der- niers temps. C'est M. Bordet* qui, dans un travail exécuté à l'Institut Pasteur, a décrit pour la pre- mière fois l’action toxique du sérum de cobayes, préparé avec des injections de sang de lapin, vis- à-vis des globules rouges de cette dernière espèce animale. Tandis que le sérum d’un cobaye normal laisse les hématies de lapin intactes ou à peu près, le sérum sanguin d’un cobaye ayant subi plusieurs injections de sang de lapin, dissout les globules rouges des lapins avec une grande intensité. Il est donc bien facile d'obtenir artificiellement une hémotoxine, ou hémolysine, dirigée contre les hémalies d'une espèce animale déterminée. M. Bor- det a démontré, en plus, que cette hémotoxine est constituée par deux substances différentes, dont l’ane — alexine — est très peu stable et est dé- truite par un chauffage peu prolongé à 55-56, tandis que l’autre — la substance sensibilisatrice — résiste bien à celte température et n’est détruite que par un chauffage à 65-68°. Le concours de ces deux substances est néces- saire pour que l’action hémolytique soit énergique ; il faut donc, pour qu’un sérum détruise activement les hématies, qu'il contienne à la fois ces deux ma- tières. La substance sensibilisatrice, ou, d’après notre nomenclature, la philocytase, n'existe en abon- dance que dans le sérum des animaux traités au préalable par les injections de sang (sérum actif). Au contraire, l'alexine, ou cytase, existe tout aussi bien dans le sérum des animaux neufs, n'ayant subi aucune injection, que dans celui des animaux traités. Il suit de là qu’un sérum d'animal neuf ac- quiert un pouvoir hémolytique intense lorsqu'on l'additionne de substance sensibilisatrice, c'est-à- dire lorsqu'on y ajoute une certaine dose de sérum d'animal, préparé par les injections de sang. Sous l'influence de cette addition, le sérum neuf est « activé ». L'expression « activer le sérum neuf » (expression dont je serai amené à me servir dans la suite) signifie donc : ajouter au sérum neuf la substance sensibilisatrice. Comme cette dernière résiste à l'action d'une température de 55°, on peut très bien activer un sérum neuf en l’addition- nant de sérum actif qui à été chauffé à 55° et qui a 1 Annales de l'Institut Pasteur, 1898, p. 688. été dépouillé ainsi de sa cytase propre, el par con- séquent de son pouvoir hémolytique propre. La substance sensibilisatrice a été ainsi dénom- mée par M. Bordet parce que cet observateur ad- met que cetle matière, qui par-elle-mème ne détruit pas les globules, fonctionne en les rendant très sensibles à l'action destructive de l’alexine. Il résulte de ces notions que, soumis aux injec- tions de globules étrangers, l'organisme réagit en sécrétant une substance qui favorise l’action des- tructive, sur ces globules, d'une autre matière que cel organisme possédait déjà avant le traitement. La découverte de l’hémotoxine a ouvert la voie à un grand nombre de recherches qui se pour- suivent surtout dans les deux directions suivantes: D'une part, on cherche à approfondir le mécanisme de l'action des cytotoxines sur les éléments cellu- laires correspondants. D'autre part, on essaye d'obtenir des cylotoxines vis-à-vis des cellules les plus diverses, dans le but de résoudre certains problèmes de Pathologie et de Thérapeutique géné- rales. à Dans la première catégorie de travaux, il y a surtout à signaler les importantes recherches de MM. Ehrlich el Morgenroth", qui ont démontré que la substance sensibilisalrice de Bordet ou, comme ils la désignent, la substance intermédiaire (Zwischenkürper), se fixe sur le globule rouge du sang correspondant. Ils ont pu fournir la preuve de ce fait par l'expérience suivante : Un sérum hémolytique, chauffé à 55° et par conséquent privé de la cytase (ou complément, d'après la nomen- clature de M. Ehrlich), est mis en contact avec les hématies, vis-à-vis desquelles l’hémotoxine se montre active. La substance sensibilisatrice ou intermédiaire, incapable de dissoudre à elle seule les hématies, se fixe sur ces cellules. Aussi, lors- qu'on sépare ces éléments et qu'on leur ajoute du sérum normal, renfermant de la cytase, les héma- lies se dissolvent avec rapidité. D’un autre côté, le sérum, chauffé à 55° et débarrassé des hématies qui avaient fixé la substance sensibilisatrice, ne possède plus sa propriété d'activer un sérum nor- mal qui ne contient que de la cytase et qui, à lui seul, est incapable de dissoudre les globules rouges. Les fails que je viens de résumer sont généra- lement acceptés et rentrent dans le domaine des vérités bien établies el définitives. Par contre, on n'est pas d'accord sur le mécanisme intime de l’action des deux substances qui constituent l'hé- motoxine ; sur les hématies, MM. Ehrlich et Mor- genroth admettent que la substance intermédiaire agit en contraclant des combinaisons chimiques 1 Berliner klinische Wochenschrift, 1899, no 1. EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 9 véritables et que sa molécule possède deux grou- pements haptophores. Par un de ces groupements, la molécule se fixe sur l'hématie, tandis que par l’autre, elle se combine avec la cytase. À la suite de cette double affinité, la cytase peut s'intro- duire dans le globule rouge, sur lequel elle agit comme un véritable dissolvant. Sans l’action de la substance intermédiaire, la cytase est impuis- sante à se combiner avec la substance de l’hématie. La conception de M. Bordet ne s'accorde pas bien avec cette manière de voir. Pour lui, il n'existe aucun fait démontrant que la substance sensibili- satrice se combine avec la cytase. Il admet que cette matière sensibilisatrice, retenue par le glo- bule, exerce sur lui une action de mordancage, grâce à laquelle le globule absorbe la cytase des- tructive. Cette dernière s’'attacherait au globule sensibilisé, comme une couleur s’altache à un élément mordancé, ou, comme on dit en histologie, qui à été soumis à la fixation. D'après ses recher- ches, les globules sensibilisés absorbent la cytase et la font disparaître du liquide ambiant, tandis que les globules non sensibilisés ne la fixent pas. Mais, d'autre part, la comparaison avec les phéno- mènes de teinture se justifie en ce que l’absorp- tion de l’alexine par les globules sensibilisés ne suit pas les lois élémentaires des combinaisons chimiques, notamment celle des proportions défi- nies. Ce sont les stromas des globules qui ont la propriété d'absorber ainsi les matières actives du sérum hémolytique. M. Nolf', dans un travail récent, a lâché de préciser le rôle des deux substances dans l'hémo- lyse. Pour lui aussi, la philocytase joue, dans la dissolution des globules rouges, le mème rôle que les mordants en teinture. Fixée sur l'hématie, celte substance la rend plus avide de la cytase, comme le mordant facilite la fixation de la couleur sur la fibre du tissu. Dans ces conditions, la cytase, se trouvant en forte quantité dans l'intérieur du globule rouge, exerce sur celui-ci son action hydra- tante, ce qui amène la diffusion de l'hémoglobine et souvent même la dissolution du stroma globu- laire. Quant au mode de l’action dissolvante de la cylase sur l'hématie, M. Nolf le compare à celui de certains sels minéraux, comme le chlorure ammo- nique. Il refuse d'accepter la comparaison des cy- tases avec des ferments protéolytiques, compa- raison qui avait été souvent formulée, el soutenue notamment par M. Buchner. M. Nolf passe en revue les diverses propriétés des eytases et les trouve très analogues à l’action dissolvante de plusieurs sels. Mème cette parlicu- 1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 656. D larité des cytases de rester inactives à la tempé- rature de 0°, est partagée par le chlorure ammo- nique, qui, seul parmi tous les sels étüdiés par M. Nolf, n'exerce aucune action dissolvante à la température de la congélation de l’eau. Mais il à été impossible à M. Nolf de pousser plus loin ces analogies, et notamment de sensibiliser par la substance intermédiaire les globules rouges à l'action des doses par elles-mêmes inactives de chlorure ammonique ou de n'importe quel autre sel. Au contraire, dans l'histoire des vrais ferments solubles, nous trouvons des exemples de sensibi- lisation très comparables aux phénomènes de l'hémolyse. Ainsi, d'après la découverte très inté- ressante de M. Chepowalnikoff, faite sous la direc- tion de M. Pawloff, le suc intestinal du chien ren- ferme un ferment qui, par lui-même, est inactif vis- à-vis des substances albuminoïdes, mais qui facilite leur digestion par le ferment pancréalique d'une façon vraiment remarquable. L'idée que l'hémotoxine est un mélange de deux enzymes et que la cytase se comporte comme un ferment soluble, ne peut nullement être considérée comme réfutée par M. Nolf. Cette idée s'accorde, au contraire, très bien avec l’ensemble des faits connus, sur une partie desquels nous devrons revenir plus tard. Toutrécemment, M.London',àSaint-Pétersbourg, a publié un travail sur l'hémolyse. Il y soutient la théorie d'après laquelle l'action de l'hémotoxine serait purement chimique. Bien que confirmant les expériences de M. Bordet qui avaient amené ce dernier à comparer l’action de l'hémotoxine au mordancage des tissus, il n'en accepte pas l'inter- prélation. Il nous est impossible d'entrer ici dans des détails à ce sujet. IL nous suffit de dire que le mécanisme de l'action intime de l'hémotoxine et de ses deux parties constituantes n'est pas encore suffisamment éclairei pour qu'on puisse en parler comme d'une acquisition définitive. Il Le désir d'approfondir la question de l'hémo- loxine à amené seulement de nombreux travaux dans le but d'établir sa composition et le mécanisme de son action; il a suggéré aussi des recherches sur l'origine de l’hémotoxine. D'où vient ce poison cellulaire, et comment se répar- tissent les deux substances qui le composent? Pour répondre à cette question, j'ai entrepris” une série d'expériences, exécutées sur des cobayes, non 4 Archives des Sciences biologiques, Saint-Petersbourg. 1900 {en russe). 2'Annales de l'Institut Pasteur, 1899, p. 131. 10 EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES auxquels j'injectai du sang défibriné d'oie. Les hématies de ce volatile, introduites dans le péri- toine de cobayes, y sont plus ou moins rapidement saisies par les leucocytes mononucléaires, les macrophages. Dans l’intérieur de ces cellules, les globules rouges subissent une véritable digestion intracellulaire, qui doit ètre attribuée à une action fermentative des sues des phagocytes. Celte diges- tion est tout à fait comparable à l'hémolyse qu'on observe 12 vitro sous l'influence de l'hémotoxine. C'est pourquoi il est si difficile de refuser l'ana- logie entre ce poison des globules rouges et le ou les ferments digestifs des macrophages. L'analyse de faits nombreux nous a amené à cette conclusion que l'hémotoxine est un produit phagocytaire qui se retrouve dans le sérum. Maïs, tandis que la substance sensibilisatrice, ou, comme l’a désignée M. London, le « desmon », est déjà chez l'animal vivant excrétée dans le plasma sanguin, l’alexine reste, pendant la vie des phagocytes, renfermée dans le corps de ces cellules. Mais, lorsque lesleucocytes éclatent en dehors de l'organisme, lors de la for- malion du sérum, ou bien lorsqu'ils subissent une avarie grave à la suite des injections de liquides dans le péritoine, une partie des alexines s’en échappe et passe dans les humeurs. En raison de ces circonstances, il se présente des cas où l’hémo- lyse se produit très facilement dans le sérum, recueilli en tubes, mais n'a point lieu dans l'orga- nisme vivant. On peut affirmer d'une facon générale que plus la phagocylose des hématies est prononcée plus il y a d'hémotoxine qu'on retrouve dans le sérum sanguin. Dans certains cas, par exemple lorsque l'on injecte du sang d'oie, non pas dans le périloine, mais sous la peau de cobayes, une partie des glo- bules rouges se dissout dans le liquide, en dehors des phagocytes qui n'interviennent que tardive- ment. Dans ces circonstances, la quantilé d'hémo- toxine dans le sang est notablement plus faible que dans le cas où la digestion des hématies se fait exclusivement ou presque exclusivement dans l'intérieur des phagocytes. Lorsque, au lieu d'injecter du sang d'espèce étrangère, on introduit des globules sanguins ap- partenant à la mème espèce animale, ces éléments passent dans le sang sans subir de dissolution. Mais aussi, dans ce cas on n'obtient pas, d'hémo- toxine artificielle dans le sérum de ces animaux. Pour arriver à un résullat positif, MM. Ebrlich et Morgenroth ‘ ont dû injecter des globules sanguins préalablement avariés par l'addition d’eau. Dans ces conditions, les hémalies détruites sont englo- | bées par les phagocytes et y subissent une diges- ! Berliner klinische Wochenschrift, 1900, p. 453. tion intracellulaire, ce qui a pour conséquence l'apparition de l'hémotoxine dans le sérum. Les expériences de M. Bordet ont démontré que l'in- jection des stromas des globules rouges suffit déjà pour provoquer la formation de l’hémotoxine. M. Nolf avait d'abord affirmé le contraire; mais, après avoir repris le sujet, il est arrivé à des résul- lats conformes à ceux de M. Bordet. Somme toute, on peut dire, en résumé, que l’'hé- motoxine est un poison des globules rouges, qui souvent est préformé dans le sérum de beaucoup d'animaux et qui, dans ce cas, ne manifeste pas de spécificité pour les hématies d'une espèce déter- minée. L’hémotoxine artificielle, qu'on peutobtenir facilement à l'aide d’injections de sang d'espèce étrangère, est, au contraire, spécifique dans son action vis-à-vis des globules rouges de l'espèce qui à fourni le sang injecté. L'hémotoxine est un poison cellulaire constitué par deux substances différentes : la cylase et la philocytase ou substance sensibilisalrice, intermédiaire, ou desmon. Ces deux substances ressemblent à des ferments et servent pour la digestion des hémalies. Elles représentent très probablement les ferments digestifs des pha- gocytes, dont l'un, la cytase, reste renfermé dans les phagocytes, sauf des cas particuliers, tandis que l’autre est excrété en parlie dans le plasma sanguin et passe dans les exsudals et les transsu- dats. III Après la découverte de l’hémotoxine artificielle, plusieurs savants, indépendamment les uns des autres, ont eu l'idée de rechercher s’il est possible d'obtenir des poisons analogues agissant sur d'autres éléments cellulaires. J'ai exposé d’abord! un programme d'études dans cette direction et je me suis mis à préparer un sérum contre les leuco- cyles et un autre contre les spermatozoïdes. Bientôt après, M. Landsleiner, à Vienne, publia une Note sur un sérum qui immobilise les spermatozoïdes de taureau”. Ce sérum avait élé obtenu à la suite d'injections de sperme de cet animal à des lapins. Tous les deux, M. Landsteiner et moi, Nous avons pu préparer des sérums spermotoxiques qui, au bout de peu de temps, paralysaient les mouvements des spermatozoïdes, mais qui étaient incapables de dissoudre ces éléments, mème après un contact très prolongé. M. Moxter*, le regretté jeune savant attaché à l’Institut de Koch, à Berlin, a pu confirmer ces données et y ajouter le fait que le sérum spermotoxique, lui aussi, est constitué par deux substances différentes: la eytase et une 1 Archives russes de Pathologie, février 1899, ? Centralblalt für Bakteriologie, 1899, p. 546. 3 Deutsche medicinische Wochenschrift, 1900, n° #, p. 62, EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES substance intermédiaire ou sepsibilisatrice (philo- cytase). D'après Moxter, non seulement la cylase de la spermotoxine serait identique à celle de l'hémotoxine, mais aussi sa seconde partie consti- tuante, la substance intermédiaire, agiraiten même temps contre les spermatozoïdes et contre les hé- maties. Cette manière de voir, opposée au principe de l'action spécifique des poisons cellulaires, a rencontré, de notre part’, une opposition appuyée par des expériences qui prouvent la différence entre la spermotoxine et l'hémotoxine. Les sérums leucotoxiques que nous avons ob- tenus avaient élé préparés dans le but de trouver une substance capable d’arrêter les macrophages dans leur œuvre destruclive, lors des processus atrophiques dans l'organisme. Mais nous avons pu constater que le sérum obtenu à la suite des injec- tions de ganglions lymphatiques de lapins, détrui- sait non seulement les macrophages de ce rongeur, mais aussi ses leucocytes polynucléaires. Ajouté en pelite quantité, ce sérum immobilisail presque instantanément les leucocytes de lapins et les transformait en vésicules rondes, qui devenaient transparentes et laissaient facilement apercevoir le noyau. La découverte d'un sérum leucotoxique a été utilisée par M. Delezenne” dans ses études intéres- santes sur le mécanisme des actions anticoagu- lantes dans l'organisme. Il a pu établir que le sérum leucotoxique empêche la coagulation du sang. comme le font les injections de peptlone, et que, dans les deux cas, intervient le foie qui retient la substance coagulante échappée à la suite de la destruction des leucocytes. M. Funck a préparé aussi un sérum leucotoxique et a confirmé le fait que ce sérum agit en même temps contre les leucocytes mono et polynucléés. M. von Dungern * a publié une note très inléres- sante sur un sérum qui immobilise les mouve- ments des cils vibratils. Ge sérum avait été obtenu avec des injections de la muqueuse de la trachée de bœuf à des cobayes. M. Lindemann a préparé, dans mon laboratoire, des cobayes, auxquels il injectait de la substance rénale de lapin. Au bout de quelque temps, le sérum de ces cobayes manifestait une action toxique sur les reins de lapin, occasionnait une albuminurie et des phénomènes de néphrite aiguë. M. Schütze f, au contraire, avait vainement injecté des reins et du foie broyés à des animaux, sans ? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 369. 2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 3 Centralblatt für Bakteriologie, 1900. 3 Munchener medicinische Wochenschrilt, 1899, n° 38. 5 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 48. 5 Deutsche medicinische Wochenschrift, n° 21, p. 431. | jamais réussir à avoir un sérum néphrotoxique ou hépatotoxique. IL est incontestable que M. Schütze ne préparait pas ses animaux d'une facon suff- sante, car la découverte de la néphrotoxine arlili- cielle a pu être confirmée par M. Nefedieff dans mon laboratoire, et celle de l'hépatotoxine à pu être faile indépendamment par M. Delezenne et M. Deutsch ‘. Ces deux observateurs ont obtenu, à la suite des injections de foie d'espèce étrangère, des sérums qui agissent sur les cellules hépatiques d'une facon nécrosante très prononcée. Dans ces recherches des divers poisons cellu- laires, les plus grandes difficultés avaient été éprouvées pour la préparation de sérums agissant contre les centres nerveux. Pour arriver à un résultat positif, neus nous sommes appliqués, M Metchnikoff el moi, à injecter à des rats et à des cobayes des cerveaux et des moelles émul- sionnés, provenant de pigeons. Comme ces oiseaux supportent assez bien les opérations cérébrales, nous leur avons introduit dans les gros hémis- phères du sérum ainsi oblenu, parallèlement à celui des rats et des cobayes non préparés. Dans plusieurs expériences, l'effet toxique du sérum des animaux trailés avec de la matière des centres nerveux de pigeons à été très manifeste; dans d'autres, au contraire, le sérum des animaux pré- parés se montrait peu actif. Ces différences indi- quaient une variabilité individuelle considérable des Rongeurs dans la production de la névroloxine, ce qui demandait une étude plus approfondie el plus prolongée du sujet. Pendant que nous étions occupés de ces recherches, M. Delezenne nous fit part de ses expériences sur lanévrotoxine qu'il avait pu obtenir en injectant des centres nerveux émul- sionnés de chiens dans le péritoine de canards”. L'introduction de très petiles quantilés de sérum de ces oiseaux ainsi traités, dans les hémisphères cérébraux de chiens, les tuait presque instanla- nément ou provoquait des troubles graves, qui, parfois, présentaient une analogie frappante avec des attaques épileptiques. Ces recherches si intéressantes couronnent la série des travaux sur les poisons cellulaires artifi- ciels. Il est donc hors de doute qu'il est possible d'obtenir des cytotoxines spécifiques, capables d'agir au choix sur n'importe quel système cellu- laire. Il reste à compléter ces études sur les poisons artificiels des organes entiers el, sous ce rapport, il y a lieu de cherchér un poison cardiaque artifi- ciel, qu'on pourrait oblenir à la suite de l'injection de cœur broyé et émulsionné. Comme cel organe, 1 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 13 août 1900, et Comptes rendus du Congrès International de Méde- cine, à Paris. ? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 686. chez certains Vertébrés à sang froid, peut être pen- dant longtemps isolé de l'organisme, on comprend tout l'intérêt que pourrait présenter l'étude de son fonctionnement sous l'influence d’un sérum car- diotoxique artificiel. IA“ Dans les trois chapitres précédents, il n'a été question que de poisons cellulaires qu'on obtient eu injeclant à des animaux des éléments prove- nant d'espèces étrangères. Dans la Nature, les con- ditions pour la production de ces poisons, qu'on désigne sous le nom d’hétérocylotoxines, ne doivent pas se rencontrer facilement. Comment, en effet, concevoir la possibilité de l'introduction, dans les tissus de l'organisme animal, d'organes ou d'hu- meurs appartenant à d'autres espèces? Au contraire, il arrive souvent, dans les conditions naturelles, que du sang ou des éléments d’autres humeurs ou d'organes subissent une résorption dans le sein de l'organisme même. Ainsi, le sang extravasé, les exsudats divers sont facilement résorbés, quelque- fois même en un espace de lemps très court. Cer- lains tissus sont également résorbés dans des processus atrophiques, fréquents dans beaucoup de maladies. Eh bien, dans ces conditions, se fait-il igalement une production de cytoloxines ? C'est cetle question que se sont posés MM. Ehrlich et Morgenroth dans leur troisième Mémoire sur l'hémolyse!. Dans l'intention de la résoudre, ils ont injecté du sang de chèvre à d'aulres individus de même espèce. Lorsque le sang injecté avait été préalablement traité avec de l’eau, afin de détruire un certain nombre d'hémalies, il amenait la pro- duction d'une hémotoxine qui dissolvaitles globules rouges des chèvres autres que celles qui avaient reçu les injections. MM. Ehrlich et Morgenroth on! conclu de ce fait à la formation d’une isotoxine, c'est-à-dire d'une hémotoxine qui agit non plus sur les hématies d'espèce étrangère, mais bien sur les globules rouges de même espèce. Au courant de leurs recherches sur ce sujet, ils n’ont jamais ren- contré d'autotoxines, c’est-à-dire de poisons spéci- fiques agissant sur les cellules du même organisme dans lequel s'était produite la résorption. Comme celle question des autotoxines présente un grand intérêt, non seulement au point de vue purement théorique, mais aussi par rapport au pro- blème pratique des aulo-intoxications, M. Metalni- koff, dans un travail exécuté dans mon laboraloire, lui a consacré une atlenlion toule particulière *. Seulement, au lieu de chercher une aulohémotoxine, ? Berliner klinische Wochenschrilt, 4900, n° 21, p. 453. ? Annales de l'Institut Pasteur, 4900, p. 557. EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES il s'est mis à préparer une aulospermotoxine. Dans ce but, il injectait à des cobayes mäles du sperme de même espèce. Au bout de peu de temps, le sérum sanguin d'animaux ainsi traités immobilisait les spermatozoïdes de cobayes en quelques minutes. Celle action toxique se manifestait non seulement vis-à-vis des spermatozoïdes d'individus étrangers, mais aussi vis-à-vis de ceux que fournissaient les cobayes soumis aux injections de sperme. Voici done un exemple d'une vraie aulocytoloxine, pro- duite à la suite de la résorplion des cellules de méme espèce. Ce poison se trouve dans le sang et sa présence est dénotée par l’action du sérum préparé en dehors de l'organisme. Seulement, et ceci est très remarquable, les spermatozoïdes d'un cobaye, dont le sérum sanguin est très spermo- toxique, vivent très bien dans les organes génilaux du même animal. On les relire des épididymes de ce cobaye dans un état de mobilité extraordinaire. Mais, lorsque in vitro on leur ajoute une goutte de sérum sanguin de même individu, les spermalo- zoïdes s'arrètent au bout de peu de temps. Celte différence d'action s'explique très facilement, si l'on admet que, dans le sang vivant, ne cireule qu'une seule parlie constituante de la spermotoxine: la philocytase où desmon. L° second élément de la spermotoxine, la cytase, resle .confiné dans l'intérieur des leucocytes. Lorsque ces cellules sont vivantes, comme dans le sang circulant, les deux substances ne se mélangent pas; il en résulte que la mobililé el la vie des spermatozoïdes restent intactes. Mais, lorsque, dans le sang retiré de l'orga- nisme, les leucocyles avariés cèdent, en même temps que le fibrine-ferment, leur eytase, celle-ci, sous l'influence de la substance sensibilisatrice, immobilise aussitôt les spermatozoïdes. En pour- suivant ses études, M. Metalnikoff est arrivé à la conclusion que celte substance sensibilisatrice circule réellement dans le sang et pénètre dans les organes mâles. Lorsqu'en effet on soumetles sper- matozoïdes de cobaye, dont le sérum est autosper- moloxique, à l'influence de sérum sanguin d'un cobaye neuf, on constate qu'ils s'immobilisent beau- coup plus rapidement que les éléments mâles d'un cobaye lémoin non traité. Cette série de faits nous montre qu'un organisme peut développer une autotoxine dont les deux parties conslituantes restent séparées chez l'animal vivant; c'est gräce à cela qu'il ne se produit pas d'auto-inloxication. Mais, supposons qu'à la suite d'une circonstance quelconque les leucocytes’ d'un organisme aulotoxique subissent une avarie, la cylase, jusqu'alors reteaue dans l'intérieur des cellules, s'échappera au dehors. Elle pourra facile- ment, sous l'influence de la philocylase qui circule dans le plasma, produire une auto-inloxicalion. EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES 13 Aussi on peut prévoir que, dans des cas de phagolyse chez un cobaye autospermotoxique, les spermalo- zoïdes pourront facilement être immobilisés !. Nous touchons ici à un des problèmes de patho- logie qui présentent un grand intérêt général. On à depuis longtemps attiré l'attention des médecins sur les auto-intoxications dans les diverses mala- dies et on a fait des tentatives nombreuses pour démontrer la présence des autoloxines. On est arrivé à cette conclusion, je m'en rapporte en cela aux nombreux travaux de M. Bouchard et de ses élèves, qu'à côté des Loxines, produites par les mi- crobes vivant dans le tube digestif, il en existe d'autres, élaborées par les cellules de l'organisme même. On a voulu aussi préciser la nature de ces poisons, sans arriver cependant à des conclusions définitives. Eh bien, il y a lieu de se demander si, parmi ces poisons, ne figurent pas les vraies auto- cvlotoxines, développées à la suite de la résorption des cellules. Il existe déjà certaines indicalions en faveur de cette supposition. M. Néfedieff a con- tinué dans mon laboratoire l'étude de la néphro- toxine obtenue par M. Lindemann. M. Néfedieff a confirmé les données de ce dernier et il leur a ajouté un fait intéressant. Le sérum sanguin de lapins auxquels on a lié un des uretères, devient, après un certain temps, manifestement néphro- toxique pour les lapins neufs. La néphrotoxine, dans ce cas. se développerait à la suite de l’atrophie des éléments rénaux du côté de la ligature et présente- rait un exemple d'isocylotoxine ou probablement même d'une autocytoloxine. Dans ectte même caté- gorie peut être rangée une observalion de M. Lin- demann *. Il a vu que le sérum sanguin de chiens, auxquels on a produit une néphrile par le chromate de potassium, devient néphrotoxique pour des chiens neufs. Cette action ne dépend pas du chrome; dont on ne retrouve aucune (race dans le sang des chiens empoisonnés. M. Lindemann lui-même con- clut à une néphrotoxine, analogue à celle qu'il a obtenue après l'injection de substance rénale. MM. Widal et Lesné‘ ont observé le même fait. En présence de ces faits, il ya lieu de rechercher si, dans l’urémie, il ne se produirail pas également une autotoxine qui, sous l'influence de conditions ! Dans une des dernières séances de la Société de Médecine iuterne, à Berlin (Semaine médicale, 1900, n° 47, p. 394, et Münchener medic. Wochenschr.. 1900, n° 46, p. 1685) M. Michaïlis a décrit un cas d'hémoglobinurie qu'il attribue à la production d'une autohémotoxine, consécutive à un épanchement sanguin dans le péritoine. Bien que cette inter- prétation ne soit pas appuyée sur des arguments probants, elle paraït en somme très vraisemblable. Cet exemple nous montre que la nolion des cytotoxines commence déjà à pénétrer dans le domaine de la médecine clinique. ? Centralbatt für allgemeine Pathologie, 1900, p. 308. * Communication au Congrès international de Giazctte des Hôpitaux, 1900, p. 979. | | particulières, manifesterait son action dans l'orga- nisme qui la développe. On sait que des tentatives très nombreuses pour déceler un poison urémique ont échoué. On l'avait longtemps cherché dans les diverses parties constiluantes de l'urine, mais sans résultat suffisant, Alors, on s'est mis à éludier le sang des urémiques, dans l’espoir d'y découvrir le poison en question. Eh bien, malgré l'emploi de méthodes perfectionnées, comme l'injection intra- cérébrale d’après le procédé de Roux et Borrel, le succès n'a pas couronné les efforts. MM. Lesné et Widal' ont démontré que le sérum des urémiques, comme celui des éclamptiques, n’est pas plus loxi- que pour le lapin que le sérum humain normal. Si, dans l’urémie, il ya intervention des autocyto- toxines, il est lout naturel de supposer que ces poisons sont spécifiques au même titre que les cy- totoxines en général. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que le sérum des urémiques ou des éclampti- ques ne soit pas toxique pour le lapin ou une espèce quelconque, autre que l'homme. Cette dernière considération semble présenter une ‘grande diffi- culté dans l'étude des maladies dues aux intoxi- cations. Comment, en effet, oser injecter du sérum toxique à l'homme, le seul être qui y soit sensible? Pour tourner la difficulté, on pourrait essayer d'introduire dans l'organisme humain non pas des sérums aulocytotoxiques, mais plutôt des sérums antitoxiques. Celte hypothèse a pour base le fait précis que les cylotoxines sont capables de provo- quer la production des anlicytotoxines, ainsi que je tàcherai de le démontrer dans le chapitre suivant. V M. Bordet” a établi le premier que l'hémotoxine naturelle du sang de poule, injectée à des lapins, v provoque la formation d’une antiloxine. Ce fait a élé confirmé par MM. Ebrlich et Morgenroth pour plusieurs autres hémotoxines. J'ai pu moi-même préparer une antispermotoxine contre une toxine artificielle qui immobilise les spermatozoïdes de lapin. Le fait a donc une portée générale. Dans leurs études sur les propriélés intimes de leurs anlihémoloxines, M. Bordet d'un côté MM. Ehrlich et Morgenroth de l’autre, ont établi que la partie principale de ces corps est représentée par les anticytases. M. Bordet a bien vu qu'à la suite des injections de l’hémotoxine il se produit aussi une certaine quantité d’antidesmon, ou antiphilocylase (substance qui neutralise l'effet de la substance sen- sibilisatrice), mais il est impossible d'accepter l'af- et ! Lesné : Etude de la toxicité de quelques humeurs de l'organisme. Paris, 1899. Comptes rendus de la Soc. de Bio- Paris. | Jogie, 1899. ? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 257. EL. METCHNIKOFF — LES POISONS CELLULAIRES firmation de M. Schütze que, dans ce cas, cette subs- lance soit la seule active dans l’antihémotoxine. Dans le but de trouver l’origine des anticyto- toxines, j'ai éludié l’antispermotoxine chez le lapin. Le fait, confirmé à plusieurs reprises, à savoir que les lapins màles châtrés, les lapines, les lapins tout jeunes des deux sexes, sont capables de produire, à la suile des injections de spermotoxine, une sub- stance qui neutralise l'effet de ce poison sur les spermalozoïdes de lapin, a démontré qu'il faut chercher la source de l’antispermotoxine ailleurs que dans les organes génitaux. L’absoplion facile de la spermotoxine par les leucocytes indique que ces cellules doivent servir à la production de l’antitoxine. Il est plus difficile d'établir si d'autres éléments contribuent également à la préparation de cette substance dans l’orga- nisme. Dans le courant de ces recherches, j'ai pu consla- ler que le rat, espèce animale sur les sperma- tozoïdes de laquelle la spermotoxine du cobaye n'a pas de prise, est néanmoins capable de produire de l'antiltoxine qui neutralise ce poison dans son effet immobilisant sur les spermatozoïdes de lapin. Ce fait établit en principe qu'une espèce étrangère peut produire une anticytoloxine contre un poison qui est toxique pour les cellules d'une autre espèce. Dans le cas où il ÿ aurait nécessité de préparer une anli-autotoxine pour préserver les éléments hu- mains, on pourrait donc se servir d’une espèce de mammifère quelconque. VI Je n’ai pas besoin d'insisler sur ce que ce chapitre des cytotoxines et des anlicytotoxines ne présente qu'une première ébauche et qu'il reste encore beaucoup de faits importants à établir et à préciser. Pour le moment, on ne peut que pres- sentir l'intérêt et la place que ce chapitre doit prendre dans la Physiologie et la Médecine. S'il est légilime de supposer que, dans certaines maladies, on devra plus tard avoir recours aux anticytotoxines, il est possibie que, dans d'autres cas, on puisse se servir de cytotoxines mêmes. Déjà, dans ma première publication à ce sujet, j'ai exprimé l'opinion que, dans des maladies dues au développement excessif de certaines cellules, comme dans les néoplasies malignes, un sérum anticyto- toxique spécifique pourrait rendre des services dans la lutte contre l’envahissement par la tumeur. Cette mème pensée à été exprimée par M. von Dungern à propos de sa découverte d'un sérum qui immobi- lise les cils de l'épithélium vibratil. M. Ebrlich!, ! Semaine Médicale, 4899, p. 411. dans son discours à l'inauguration de son nouvel Instilut de Thérapeulique expérimentale à Francfort, a accepté et développé cette hypothèse. On fait, dans plusieurs laboratoires, des essais dans cette voie, mais on est encore loin de la solution du. problème. Dans la même publication à laquelle je viens de faire allusion, j'ai émis la supposition que, dans certains processus atrophiques, un sérum leuco- toxique pourrait arrêter l’envahissement des tissus par des macrophages qui détruisent des cellules nobles affaiblies. Plus tard, la constatation de ce fait que les sérums leucotoxiques agissent non seulement contre les macrophages, mais aussi contre les leucocytes polynucléés ou microphages, m'a démontré l'impossibilité de résoudre le pro- blème dans la voie supposée. En tournant la question, je me suis alors arrêté à celle autre hypothèse que les petiles doses de cytotoxines pourraient peut-être servir pour stimuler l’action des éléments spécifiques. Il est de notion courante que certains poisons, employés en petite quantité, non seulement ne produisent pas leur effet toxique, mais, au contraire, servent pour renforcer l'activité des organes et des tissus. C'est en vertu de cetle loi qu'on prescrit de petites doses de digitaline dans les maladies de cœur ou qu'on augmente le rendement de l'alcool par des quantités non toxi- ques d'acide fluorhydrique, ajoutées à la levure. Pour vérifier cette hypothèse, mes collaborateurs, MM. Cantacuzène ‘ et Besredka*, se sont mis à étudier l'influence des petites quantités d'hémo- toxine et de leucotoxine sur les globules rouges et blanes du sang chez les animaux de laboratoire. Leurs résultats ont été confirmatifs, en ce sens que de faibles doses de ces deux poisons cellulaires augmentent réellement le nombre des éléments correspondants. Il restait à voir si le même principe est appli- cable à l'organisme humain. Dans ce but, nous avons, M. Besredka et moi’, injecté à des lépreux des doses croissantes de sérum toxique pour les globules rouges humains. Nous avons constaté, sous l'influence du sérum, une augmentation incon- testable du nombre d'hématies et surtout de la quantité d'hémoglobine chez nos patients. La ques- tion posée a reçu donc par loutes ces données une réponse favorable. En outre, nous avons pu voir que les sérums leucotoxiques, stimulant l'activité des leucocyles, peuvent être essayés dans la lulte contre cerlaines maladies infectieuses, dont l'agent étiologique reste encore inconnu. Comme il est définitivement établi par des 1 Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 315. 2 Jhid., 1900, p. 390. 3% Jhbid., 1900, p. 402. dd Boni at mnt À hé Ut ét. de a dé tn de EL. METCHNIKOFE — LES POISONS CELLULAIRES 15 recherches nombreuses, résumées dans les cha- pitres précédents, que des cytotoxines spécifiques peuvent être préparées contre toute sorte d'élé- ments cellulaires, il y a lieu de chercher si leur emploi en petites doses peut être appliqué dans la Thérapeutique. Dans un grand nombre de maladies chroniques, on observe des éléments nobles, des plus difré- renciés, comme les cellules nerveuses, hépatiques ou rénales, envahis par les macrophages. Souvent on voil ces phagocytes s'accumuler autour des éléments qui se présentent au microscope encore intacts au point de vue morphologique. Cette destruction de cellules très importantes pour la vie normale de l'organisme, par des macrophages, constitue la base des phénomènes scléreux, dans lesquels les phagocytes mononucléaires remplacent les éléments atrophiés par du tissu conjonctif. Ces scléroses des tissus nobles sont tellement répandues que très souvent on les prend pour un processus normal qui s’accomplit dans le courant de la vie et qui caractériserait l’atrophie sénile. Autrefois, on considérait aussi les maladies de la dentition et plusieurs autres maladies des enfants comme tout à fait naturelles et inévitables. Avec les progrès de la Médecine scientifique, on à bien compris toute l'erreur de cette opinion. Il en sera de même pour les maladies de la vieillesse, lors- qu'on les connaîtra mieux qu'actuellement. L'étude de l’atrophie sénile nous prouve qu'il s’agit ici, non pas de phénomènes réguliers, mais bien de quelque chose qui manifeste un caractère anormal et pré- coce. M. Matchinsky a fait, dans mon laboratoire, des recherches minutieuses sur les tissus des vieux chiens au point de vue histologique. Ces obser- valions donnent des résultats beaucoup plus précis que l'élude des modifications des tissus chez les vieillards, car les vieux chiens peuvent être sacrifiés au moment nécessaire, ce qui permet de conserver leurs organes dans des conditions meilleures que chez l'homme. Eh bien, l'étude des tissus de vieux chiens dé- montre que leur atrophie est loin de présenter une marche concordante et régulière. Tandis que les cellules du cerveau et d'autres centres nerveux subissent un envahissement progressif par des macrophages (phénomène qui s'observe, quoique moins constammeut, dans les reins el le foie), les cellules des testicules, de la rate et des ganglions lymphatiques accusent un état de prolifération tout à fait remarquable. Il y a donc, dans l'organisme de tous ces vieux chiens, des éléments qui pros- pèrent à une époque de la vie où certaines cellules nobles se trouvent déjà en voie d’atrophie com- plète. La dégénérescence sénile de l’homme pré- sente les mêmes particularités et doit être également considérée comme quelque chose de prématuré et d'anormal. Un avenir prochain nous apprendra certainement si les cytotoxines nombreuses et spécifiques qu'on sait préparer sont réellement capables de remédier aux maladies atrophiques de tous les âges. Alors seulement on saura si, à côté de la sérothérapie proprement dite et de l’organothérapie, il y aura encore une thérapie par les cytotoxines, c'est-à-dire par des sérums obtenus à la suite de l'injection des organes émulsionnés. Mais, dès à présent, on a le droit d'affirmer que, dans l'étude scientifique de la vie normale et pathologique, les cytotoxines constituent un chapitre aussi nouveau qu'inlé- ressant. El. Metchnikoff, Chef de Service à l'Institut Pasteur. 16 D: TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L’OLINVIER EN ALGÉRIE D'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L’OLIVIER EN ALGÉRIE I. — LES ORIGINES. L'Olivier est l'arbre des rives méditerranéennes. | Son histoire se lie aux anciennes civilisations qui y ont surgi et s’y sont éteintes depuis trente siècles. En Grèce, l'Olivier était l’arbre de la Paix, l'arbre qui fait vivre; mais ce sont les Ro- mains qui ont su don- ner à la culture de l'Olivier une exten- sion considérable vers l'Ouest, et, pen- dant les six siècles de la domination laline, le nord de l'Afrique était couvert d'oli- vettes. Les forêts d'O- | liviers sorlaient de | celte terre si propice par le fait d’une vo- lonté qui ne connut pas d'obstacle, et sut maitriser les besoins du moment pour or- ganiser la prospérilé des générations à venir. On a beaucoup dis- culé sur l'indigénat de l'Olivier en Afri- que. Il est cerlain que celle espèce est spon- tanée en Algérie; mais la forme vrai- ment sauvage est l'O- léastre vrai à lrès pe- tits fruits (fig. L) dont il est très difficile de retirer de l'huile pour un usage courant. Les noyaux des Oliviers cullivés ont donné nais- sance à beaucoup d'Oliviers sauvages qui sont à tort confondus avec le vérilable Oléastre, ou forme primitive, laquelle se reconnait facilement à son port et surtout à ses fruits très petits, sans chair. Certains de ces Zeboudj, ou Oliviers sauvages, se couvrent de fruits, parfois assez volumineux pour être récollés et donner une bonne huile, mais en faible quantité. Les Phéniciens imporlèrent probablement les races déjà cullivées en Orient; ces races améliorées Fig. 1. — Oléastre. se propagèrent de là Cyrénaïque au Maroc et mème en Espagne. Le nom arabe de l'Oléastre est Zeboudÿ, tandis que l'Olivier cullivé est nommé en arabe Ziloun; d'où l'espagnol Aceytuno. En kabyle, l'Olivier cullivé se nomme Azemmourt. Ce nom berbère n'a pas d'analogue de même racine dans les langues de la ré- giondel'Olivier; cetle dénomination indi- que donc une inlro- duction très an- cienne. Les traditions, ain- si que les documents historiques,semblent bien établir que les Carthaginois, comme les Romains, ont pro- voqué, par des me- sures administrati- ves, la plantation des immenses olivettes qui s'élendaient de Sfax aux rives de l'O- céan, En Kabylie, une légende attribue à un conquérant venant de l'Est, la mise en eul- ture de l'Olivier dans | Lous les terrains pro- pices; en quelques années, ce puissant bienfaiteur aurait fait mettre en terre les millions d'Oliviers qui, depuis lors, ali- mentent le pays. Il serait à désirer qu'une nouvelle intervention du mème genre obligeât les Kabyles d'aujourd'hui à 5 5 3 ] réparer les vides qui se sont produits dans leurs plantations. C'est M. Bourde qui, dans un mémorable apport sur Ja culture de lOlivier dans le centre de Ja Tunisie (1893), a établi, par des observalions nom- breuses et des textes très clairs, que l'Olivier avail élé, pendant la période si heureuse de l'occupation romaine, l'agent presque unique de la prospérité de la Tunisie. Il est non moins certain que, dans une grande partie du littoral algérien, l'Olivier a joué autrefois dti tue PRE PR CP D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 17 un rôle beaucoup plus important que de nos jours. Dans le massif du Chenoua, entre deux anciennes villes qui ne comptaient pas moins de 60.000 habi- tants, Tipaza et Cherchell, on trouve encore les ruines de nombreuses huileries romaines, et ce- pendant l'Olivier y est devenu rare, et les quelques arbres témoins ne sont même plus exploités. Dans la région de Tebessa, les ruines d'huileries sont importaates. M. Gsell nous a communiqué les photographies et plans d’une usine très remar- quable et encore debout (fig. 2), à une trentaine de kilomètres au sud de Tébessa. On attribue aux grandes invasions arabes la destruction des forêts d'Olivier. Dans le massif de l'Aurès, une légende rend aussi responsable de cette destruction la Kahena, héroïne qui comman- dait dans cetle région lors de la sixième invasion arabe. La Kahena pensait décourager l’envahisseuren ruinant le pays: tous les arbres frui- üers furent abattus par ses ordres. En- fin, il est probable que, l'exportation sur Rome et Cons- tantinople devenant plus difficile, la mé- vente découragea à ce moment déjà plus d’un produc- teur. Depuis plus de six siècles, la culture de l'Olivier s’est localisée dans quelques sites plus particulièrement favorables, comme la Kabylie. Actuellement la production de l'huile est bien loin de suffire à la consommation locale, car l'Algé- rie importe tous les ans plus de douze millions de litres d'huile comestible. Au moment de la conquête francaise, la fabrica- tion de l'huile, par des procédés primitifs, était con- finée en Kabylie, et, dès les débuts de notre occu- pation, les immigrants jetèrent leurs vues sur l'in- dustrie de l'huile. Les Oliviers sauvages de la ban- lieue d'Alger furent greffés, et, déjà en 1832, trois moulins importés de France avaient été montés par MM. Nadaud, Lacrouts et P. Raynaud. Ces premiers essais démontrèrent que les olives d'Alger pou- vaient donner une huile fine comparable à celle de Provence et d'Italie. En 1833, plus de 10.000 Oli- viers étaient greffés, et M. Fougeroux en plantait 2.000 venus de France. En sept ans, 60.000 Oliviers furent greffés dans la banlieue d'Alger. À Bône, le même élan était donné. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Fig. 2.— Huilerie romaine, près de Tébessa (Photographie de M. Gsell). Mais, malgré le concours de toutes les adminis- trations locales, en 1846, la situation était peu brillante : à peu près toutes les espérances étaient décues ; des lois douanières antilibérales refusaient d'ouvrir le marché français aux produits d'origine ulgérienne.Cependant,lAdministrationlocale avait. dès les premiers jours, soutenu l'effort des colons, et le Jardin d'Essai ou Pépinière centrale ne pou- vant fournir des greffes en suftisante quantité, il fut créé une importante collection d'Oliviers. Pour cela, on fit appel aux agents consulaires de France, en Espagne et en Italie; en 1845, un premier envoi d'Espagne comprenait 200 rejets de souches, 200 boutures de souches d'Olivier nain, dit Arbeca, et des plants de Palma etde Séville. En 1846, 72 plants et 18 variétés furent intro- duits d'Italie. En 1847 et 1848, le Jardin d'Essai recevait de France deux envois, et 27 variélés de Pro- vence venaient s'a- jouter aux collec- tions espagnoles et italiennes. En 1854, celte collection élait, d'après M. J. Duval, un des plus beaux et des plus précieux ornements du Jardin d'Essai ; des sujets étaient envoyés à Misser- ghin et à Bône. Une instruction détaillée sur le greffage des Oliviers élait rédigée par M. Hardy, directeur du Jardin d'Essai, et distribuée largement. Les premiers moulins créés à Alger n'avaient pu continuer, car non seulement les huiles algériennes étaient grevées de droits à leur entrée en France, à titre de produits exotiques, mais une ordonnance du 2 février 1848 accordait aux produits des graines oléagineuses étrangères entreposées à Marseille, la faveur de l'importation en franchise dans les ports de la Colonie. L'accès en franchise du marché national n’a été accordé aux huiles et autres produits agricoles que par la loi du 11 janvier 1851. À ce moment, le Gou- vernement fut poussé à primer les greffes; mais l'Administration jugea qu'il valait mieux encourager la création de nombreux moulins européens, et des primes importantes furent accordées. Le meilleur encouragement à donner élait de fournir aux colons les moyens de tirer parti des récoltes obtenues. On y arriva par des primes aux meilleurs moulins. En 1853, M. J. Duval estimait à 2 millions de litres 1" 18 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE l'exportation en huile d'olive par le port d'Alger, et: s'exprimait ainsi à ce sujel: « On expédie en US à vil prix, des huiles d'olive de qualité supérieure en échange d'huiles très inférieures et très chères. Le commerce s'enrichit à ce va-et-vient, mais la production s'y ruine ». À ce moment, la province d'Alger comptait 18 moulins; la province de Cons- tantine, 20: la province d'Oran, 11. L'importance de ces moulins était très variable; les uns avaient coûté 50.000 francs d'installation, d’autres 4 à 5.000 francs. La force motrice était empruntée à des chutes d’eau. Le moulin Picot, établi en 1850 à Miliana, et le moulin Castelbon, à Fouka, étaient actionnés par le vent; beaucoup de ces usines avaient des manèges. Le mouvement en faveur de l'Olivier était gé- néral ; el, partout où la colonisation pénétrait après la pacification complète du pays, des efforts considé- rables étaient faits. En 1850, la Compagnie des Mines de Mouzaia faisait greffer les nombreux Oli- viers de sa concession par les soldats greffeurs du capitaine Bréauté, el aujourd’hui encore on trouve, dans cette région qui fut longtemps abandonnée après la fermeture des usines métallurgiques, des Oliviers donnant de bonnes olives et formant une véritable station d'essai où il sera possible de choisir les races qui se comportent le mieux. A Saint-Denis du Sig, dès 1852, 40.000 Oliviers élaient plantés. L'élan gagnait la bee indigène, et, dans la région de Mascara, les Beni-Chougran, qui avaient dès 1844 reçu des maïîtres-greffeurs envoyés par le général Bugeaud, greffaient 2.000 pieds par an avec l’aide des soldats. Le même travail s’effec- tuait dans la région de Sidi-bel-Abbès. Après ce premier effort, qui est trop souvent méconnu, l'Algérie avait, en 1854, 23.000 hectares d'Oliviers en rapport, possédait 50 moulins euro- péens, et arrivait à une production évaluée appro- ximativement à 11 millions de litres d'huile, dont près de 3 millions étaient exportés. Les chiffres cités sont tirés d’un important mémoire de M. J. Du- val et basés sur des renseignements officiels. Il varaît donc évident que, depuis 1854, l'Oléiculture n’a fait en Algérie que des progrès assez lents; en 1894, le nombre des moulins européens était de 158; et, en 1899, de 195. Quant à la production, il est impossible de l'évaluer exactement avec les renseignements recueillis; elle doit être de 200.000 hectolitres au plus, dont 25.000 sont exportés. En 1893, M. Bourde, directeur de l'Agriculture en Tunisie, adressait au Résident général un très remarquable Rapport sur la culture de l'Olivier dans le centre de la Tunisie. Ce travail, très docu- menté, fut un événement dans l’agriculture du Nord de l'Afrique. En Tunisie, l'élan fut considérable et de très importantes plantations furent faites, no- tamment dans la région de Sfax ‘ Le Rapport de M. Bourde ne fut pas sans effet en Algérie, et bien des colons se sont de nouveau pré- occupés des avantages que présente, dans certains sites, la culture de l'Olivier; beaucoup d'oléastres sont greffés tous les ans et des plantations sont faites dans les trois départements. IT. — LA RÉGION DE L'OLIVIER. L'Olivier caractérise en Algérie une zone natu- relle très étendue comprenant le littoral, les plaines qui y aboutissent, et reparaissant dans l’intérieur, quand l'altitude estinférieure à 900 mètres; dansles vallées qui descendent des massifs montagneux du Tell. L'Olivier paraît se plaire à une altitude de 300 à 600 mètres. Des peuplements considérables d’Oli- viers sont en pleine production; mais il est facile de constater que beaucoup de vides pourraient être comblés soit par des greffages, soit par de nou- velles plantations. Toute la zone littorale n’est pas également propre à la culture de cet arbre. Les grès de Numidie el les gneiss sont surtout boisés de chênes. Ce sont les alluvions des vallées et les formalions marneuses ou calcaires qui sont occupées par les Oliviers; ces arbres s'avancent jusque dans le Sud, sur les versants de l'Aurès, à Batna, et dans la vallée de l'Oued Chabro, près de Tébessa. Les hautes plaines de Constantine, Sétif, Batna, Aïn Beida sont trop élevées et froides pour l'Olivier, que l’on retrouve très abondant à Guelma, dans toute la vallée de la Seybouse, à Gastu et Jem- mapes, à El Kantour, à Philippeville. Un petit peuplement s'observe dans le massif des Dréats, mais c’est dans la vallée de la Soummam et les vallées secondaires qui en dépendent que l'on retrouve les plus impor!antes plantations. On éva- lue à quatre millions et demi le nombre des Oli- viers greflés dans ce département. Cetle richesse est, en majeure, partie entre les mains des indi- gènes. Dans le département de Constantine, la région de La Calle ne présente l’Olivier qu'à l'état épars, les arbres ne sont pas greffés; les fruits sont cepen- dant récoltés par les indigènes, ge en fabriquent une huile de leur goût. Dans le voisinage immédiat de la mer, comme dans les environs d'Alger et de Bougie, l'Olivier a à ! Voyez, à ce sujet : Vte pe L'EspINASSE-LANGEAGC : La culture de l'Olivier en Tunisie, dans la Revue générale des Sciences du 15 décembre 1896, t. VIT, p. 1105 et suiv.; — et Lours Our- vien: Notes sur la Tunisie, dans la /tevue au 15 juillet 1900, t. XI, p. 827 et suivantes. D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 19 subir les attaques de nombreux parasites: le ver de l'olive détruit une si grande partie de la récolte que les arbres greffés dès 1854 ont été en grande partie abandonnés. Les rendements en huile sont Fig. 3. — Adjcraz. aussi bien différents d’une contrée à l’autre et sou- vent à une faible distance. Le rendement en huile est beaucoup plus élevé à Relizane, Saint-Denis du Sig que dans les olivettes de la base de l'Atlas, dans la Mitidja. Quand 100 kilos d'olives donnent de 16 à 18 litres d'huile à Saint-Denis du Sig, on n'obtient que 14 litres dans le Sahel et dans la Mitidja. C'est un fait, du reste, bien connu que le rendement en huile augmente à mesure que l’on avance vers les régionsles plus chaudes. Dans le département d'Alger, la Kabylie est le centre principal de la culture de l'Olivier. La base des massifs qui bordent les vallées de la Mitidja et du Chélif est le plus souvent peuplée d'Oliviers; cet arbre s'avance jusqu'à Médéa, remonte sur les rives des affluents du Chélif. On évalue à un million el demi le nombre des Oliviers greffés,. Dans le département d'Oran, la région de l'Olivier comprend toules les plaines et les vallées, de la mer à la limite des steppes; Mostaganem est envi- ronné de peuplements considérables, Relizane et Saint-Denis du Sig sont remarquables par de très belles plantations en terres indigènes. De Chougran à Mascara se trouvent aussi de nombreuses oliveltes; mais Tlemcen est le centre le plus important : l'Olivier peuple le pays jusqu'à la frontière du‘ Maroc d’un côté, et jusqu’à la mer de l’autre. La statistique accuse pour ce départe- ment 500.000 Oliviers greflés, appartenant, pour la plus grande partie, aux colons. III. — LES VARIÉTÉS LOCALES DE L'OLIVIER. Tous les auteurs qui ont écrit sur l'Olivier se sont trouvés aux prises avec la difficulté de la déterminalion des races locales et surtout de leur 4. — Bouchok. Fig. assimilation avec les variétés déjà décrites dans les autres contrées. Ce fait avait déjà frappé l'abbé Rozier qui, dans son Cours d'Agricullure, indi- quait, il y a un siècle, le moyen de remédier à cette situation : « Il y aurait un moyen sûr de parvenir à une 20 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE bonne classification de ces espèces jardinières de ’Olivier : il faudrait réunir dans un champ les prin= cipales variétés et les comparer, élablir une syno- nymie sûre. Il est élonnant que les États de Provence et de Lan- guedoc n'aient pas encore tenté cette opération. « Sans une synonymie exacte, comment se faire entendre d'un bout de la province à l’autre? Dè lors, il faut se contenter d'écrire des généralités, et les généralités sont peu instructives. « N’est-il pas singulier que, dans toutes les provinces du Royaume, on ait élabli des pépinières d'Or- meaux, de Müriers, de Peupliers, d'arbres fruitiers, tandis que, dans celles qui ont, par leur position, le privilége d'élever l'Olivier, l'Ad- ministration n'ait pas encore songé ou voulu en établir de semblable pour un arbre dont le produit cons- _ Fig. 5, — Chemlal de l'Oued Aïssi. titue un revenu qu'aucun autre canton du royaume ne peut lui enlever. Il faut donc conclure que les lumières que l’on a sur l'Olivier sont purement locales de village à village, et il n’y a point d'’en- semble pour la généralité d'une région. Preuve sans réplique de la nécessilé d'établir une nomenclature afin que les cullivateurs puissent s'entendre, savoir par l'expérience quelles sont les conditions qui Fig. 6. — Grosse Aberkan des Beni-Aïdel. conviennent à chaque espèce. » Depuis, nous n'avons pas fail grand progrès. Les auteurs espa- gnols nous ont fait connaître leurs Oliviers, les Italiens en ont décrit aussi, la France n’est pas res- tée en retard : tout récemment, une nomenclature des Oliviers tunisiens a été établie; enfin, je m'ef- force, depuis quelques années, de déterminer et de décrire nos races algériennes; mais ce travail est assez long. Les déterminations, pour être rigoureuses, néces- sitent des comparaisons; il faut donc constituer une collection vivante : c'est ce qui a été tenté récem- ment à la Station botanique de Rouïba. Les variétés d'Oliviers cultivées en Algérie sont assez nombreuses; chaque région a ses formes par- ticulières, et il est impossible de comparer ces Oli- viers aux races connues dans les autres centres de culture de cet arbre. Les noms indigènes n’ont pas une grande fixilé et des races très différentes ont une même dénomination. Il y a cependant lieu d’a- dopter la nomenclature indigène, qui seule permet- tra de retrouver facilement les variélés indiquées. D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 21 La difficullé de bien caractériser les variétés d'Oliviers ne doit pas conduire à nier leur existence ; ces races locales ont bien leur importance, et un travail complet qui mettra en lumière, avec les caractères morphologiques, les qualités propres à chaque forme, sera une œuvre des plus utiles pour la colonisation algérienne. il est avantageusement remplacé par l'Adjeraz, qui est peu fertile dans la plaine. Dans les plantations, il est donc très important de ne pas accueillir trop facilement les Oliviers dont on ne connait pas bien les aptitudes à supporter les particularités du sol ou du climat. Les Oliviers sont souvent, dans un but pratique Fig. 1. — Limli de Seddouk. Le tempérament de chaque race d'Olivier doit | êlre bien connu quand on veut faire des planta- tions. Certains Oliviers ne donnent pas de récoltes s'ils ne sont pas arrosés, d’autres aiment les allu- vions des vallées et ne donnent rien dans les marnes. Le Chemlal, qui est si beau dans le fond de la vallée de l'Oued Sahel, jaunit et dépérit quand il est placé sur les versants du crétacé à Seddouk, où divisés en deux seclions : les Oliviers à gros fruits pour conserve; les Oliviers à huile. Jusqu'à ce jour, la culture des Oliviers pour con- serve a été très limitée; on prélève sur les grosses olives ce que la consommation locale exige. Il y aurait cependant grand intérêt à cultiver, dans de bonnes conditions, les grosses olives qui existent déjà chez nous, mais à l'état de ra- reté : il faudrait aussi introduire d'Espagne, de 22 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE Grèce et d'Asie Mineure, les belles olives à confire. | Chemlal de Sfax. _: N : Le es 230 Chemlal de Djerba Ù res À ses (fig. 3à 9 Eee Les olives à huile sont nombreuses (5g 3 à 9), He Tal A E OT boue et, bien que l'étude n'en soit pas achevée, on peut Limli de Seddouk (fig. 7). trouver déjà les éléments suffisants pour les plan- | (rosse Aberkan des Beni-Aïdel (fig. 6). AUS VE | Petite Aberkan de Seddouk. RONDE SAUT ES Aaleth des Beni-bou-Melek (fig. 8). 4] s Fig. 8 — Aalceth des Beni-bou-Melek Adjeraz de Seddouk, Adjeraæz des Beni-bou-Melek, Bou hamar ou Asgouart de la région de Gouraya. grosse Adjeraz d'Ali-Cherif, gros fruit pesant plus de Azoubaï, fruit allongé Beni-bou-Melek. 8 grammes (fig. 3). Boudiss, se rapproche du Zeboudj, est cependant re- Bouchok(fig. 4), Chemlal de Kabylie, Chemlal grosse | collé, constitue un excellent porte-greffe. précoce de Tazmalt, très belle variété très fertile. Ardou, Beni-bou-Melek. Chemlal blanche d'Ali Chérif, Mchiada, Beni-bou-Melek. Petite Chemlal pendante. Ziza, Beni-bou-Melek. Chemlal de l'Oued Aïssi (fig. 5. Youm, Beni-bou-Melek. D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 23 Aberkan, région de Gouraya. Arkani, petite noire. Aabeche, Tizi-Ouzou. Azibli, Tizi-Ouzou, forme à demi-sauvage, peu es- timée. Akerma, Akbou. Bonicher, Akbou. Tefab, olive forme pomme, 7 grammes (fig. 9). Olive de Saint-Denis du Sig. Olive rouge de Rio Salado, olive ronde, rouge cerise, en terre sèche. Corni Cabra, olive longue courbe. Pandoulier de Provence. IV. — CULTURE DE L'OLIVIER. La culture de l'Olivier en Algérie est faite avec beaucoup de soins sur quelques points du territoire de colonisation; mais elle est très négligée dans la plus grande étendue du domaine de cet arbre. Les anciennes olivettes présentent de nombreux vides que personne ne songe à combler, et, sur bien des points, aucune plantation, aucun greffage n'ont été effectués depuis des siècles. Les indigènes, Fig. 9. — Tefab. Olive de Mascara, olive régulière ovoide, produit beaucoup. Olive moyenne de Safsaf. Olive petite de Bréa-Tlemcen. Olive moyenne de Bréa,. Grosse olive de Bréa. Olive de Gastu. Olive du Hamma de Constantine, grosse, pour con- serve. En dehors des Oliviers que l’on peut considérer comme indigènes, on trouve dans les plantations quelques Oliviers introduits, tels que le Pigale, le Pandoulier, le Rouget. qui détiennent la plus grande partie des Oliviers, se bornent à récolter, et laissent souvent l'Olivier sans soins. La récolte se fail à la gaule; l'arbre n'est pas soumis à la taille, ne reçoit aucune fumure et n’est mème pas cultivé au pied, Sur d’autres points, l'Olivier est mieux traité et est l’objet d'une véritable culture. Le solest labouré, et les sillons, tracés horizontalement, permettent à l'eau des pluies d'imbiber le sol. l’eau de pluie est même amenée par des sillons dans une cuvette, au pied de l'arbre; mais on ne voit pas, comme en 19 ra D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE Tunisie, de meska ou surface de réception des eaux de pluie destinées à être conduites dans les bas- fonds plantés en Oliviers. | On a de tout temps fait quelques cultures dans les olivettes. Les céréales y prospèrent, mais au détriment des Oliviers. En Tunisie, les ensemence- ments qui avaient envahi les oliveltes sont inter- dits, et deux labours sont obligatoires. Dans les régions qui recoivent en hiver suffisam- ment d’eau la culture de la fève ct de quelques autres Lé- gumineuses ne peut qu’é- tre conseil- lée. Bien que l'Olivier s'accommo- de de terres pauvres en pays secs, il vient encore mieux dans les terres ri- ches avec ir- rigalion. 1. Sol,-L'O- livier occu- pe les sols les plus dif- férents et prospère dans les gneiss des terrains pri- mitifs de la Kabylie, dans les grès et dans les terres marneuses, dans les schis- les, ou sur des calcaires travertineux. Les rende- ments varient beaucoup suivant la nature du sol; le maximum est obtenu dans les terres très cal- caires et les climats secs et chauds. La multiplication de l'Olivier est facile; cepen- | M. dant, cet arbre est assez rare dans les pépinières et le prix en est resté élevé. Les semis sont rarement pratiqués, les races ne se conservant pas par ce dans un sol bien préparé et bien arrosé l'été. Si le bois qui a fourni les boutures était très sain et très vigoureux, l'enracinement se fait {rès bien; si les boulures sont prises sur des arbres souffreteux, la reprise est très difficile. Si les boutures sont placées dans un sol bien défoncé et fumé, après trois ans elles forment un arbre bon à mettre en place et qui vaut 2 francs à 2 fr. 50. En Tunisie, les Oliviers sont généralement francs de pied et multipliés au moyen d'éclats dé- tachés de la base renflée des vieux arbres. L'é- clat est dé- posé au fond d'un trou de 60 centimè- tres de pro- fondeur et de 50 de cô- té; on jette 25 cenlimè- tres deterre par-dessus, Au prin- temps, les rejets se montrent et le trou se comble naturellement. Ces plantations sont ar- rosées trois fois pendant les deux premiers étés. Ce procédé n'est pas employé en Algérie: quand les indigènes étendent leurs olivet- tes, c'est par la greffe sur les Oléastres; les Européens greffent aussi ou plantent des arbres élevés en pépinière. Les jeunes Oliviers de boulure bien soignés se développent assez rapidement. Nous avons vu, chez Bertrand, à l'Arba, de très beaux sujels non irrigués (fig. 10), qui, à la sixième année, donnaient une moyenne de 32 kilos d'olives par arbre. Fig. 10. — Olivier de 6 ans de bouture, chez M. Bertrand, à l'Arba. moyen; les semis ne donnent cependant pas lou- 2. Greflage. — Le greffage des Oléastres est, jours des individus inutilisables. Aussi le boutu- rage est-il le procédé le plus employé; on bouture généralement des branches vigoureuses, coupées en fragments de 30 centimètres, qu'on plante droits pour beaucoup de localités, le moyen le plus éco- nomique de propager l'Olivier; des versants boisés présentent l'Olivier sauvage en très grande abon- dance. Ailleurs, les sujets sont rares et réunis seu- D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 25 lement dans les bas-fonds. Suivant les circons- tances, les Oléastres se présentent très gros, très vigoureux, ou bien, au contraire, fortement en- dommagés, réduits à de vieilles souches don- nant des rejets. Les beaux Oli- viers ont depuis longtemps attiré l'attention et, de- puis cinquante ans, les colons en greffent un cer- lain nombre. Quand les ar- bres sont sains et bien consti- lués, on greffe en couronne sur les grosses bran- ches. En Algérie et en Tunisie, les indigènes prali- quent la greffe en écusson; pour cela, les Oléas- tres sont coupés à ras terre et, au printemps sui- vant, les trois ou quatre plus belles pousses sont greffées en écusson. Les Kabyles délachent les écussons en contournant le bourgeon, avec la pointe du greffoir ; l'écor- ce est coupée perpendiculai - rement à la sur- face et conserve sur les bords touteson épais- seur; ils enlè- vent ensuite l'écorce avec l'œil adhérent, sans se soucier du bois; il est rare que l'œil se vide; l’écus- son est placé dans une incision en T et assez bas, ra- meaux sont rabatlus à mesure que le bourgeon se développe; trois ou quatre ans après le gref- fage, les jeunes Oliviers commencent à donner des fruits. Chez M. Dufour, à Ighzer-Amokran, les Oléastres à greffer sont d'abord nettoyés, préparés et même les | Fig. — 11. Olivier greffé sur souche d'Oléastre (6 ans), dans la propriété de M. Dufour, à Ighzer-Amokran, en Kabylie, | | | | | sevrés par l’amputation des racines autour du pied; ces sujels, greffés en écusson sur place, sont, l'année suivante, transplantés dans les olivettes en création (fig. 11). 3. Plantation. — Les anciennes planta- lions d'Olhiviers sont très irrégu- lières : tantôt les arbres sont les uns sur les au- tres, formantune véritable forêt qui ne recoit le jour que par le des ar- bres; tantôt des vides importants se sont manifes- tés et les arbres sommet sont isolés. Il est facile de consta- ter, notamment dans la vallée de la Soummam, que ces forêts denses d'Oliviers (fig. 12) sont d'un médiocre rapport; qu'au contraire, dans les mêmes lerrains, les arbres isolés .sont remarquablement fertiles. Dans les sols non irrigables, 20 Oliviers à l'hectare pa- raissent suffi- sants ; en ter- rain irrigué, On plante souvent 80 4100 arbres; mais 66 parais- sent donner de meil- leurs résultats ; les arbres sont à A0" "mètres dans des lignes distantes de 15 mètres. Pour beaucoup de raisons, il est utile que le terrain soit tenu très propre sous les Oli- viers. Les arbres qui restent entourés de brous- sailles, comme cela arrive quelquefois, sont peu fertiles et sujets aux attaques de nombreux para- sites. surtout du ver ou Dacus. La perméabilité du sol sous les Oliviers est nécessaire pour faciliter l'aération et aussi l'imbibilion. Dans la Kabylie de Bougie, les indigènes labourent les Oliviers en tra- devoir Fig. 12. — Olivette d'Adjeraz, dans les marnes du Crétacé, à Seddouk. 26 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE çant, autant que possible, des sillons horizontaux, qui retiennent les eaux de pluie; à Tlemcen et sur bien d’autres points, l'arbre est entouré d’une cu- vette qui reçoit les eaux de pluie qui s’écouleraient dans les bas-fonds. Ces cuvettes sont parfois diposées en V et peu- vent, si elles sont bien entrelenues, jouer un rôle considérable, car l'Olivier végète dans les régions à pluies peu abondantes, et cependant il ne craint pas les bonnes irrigations. Le terrain doit toujours être préparé pour retenir toute l’eau tombée et pour la conduire aux racines. En Tunisie, dans les pays mamelonnés où il ne tombe pas plus de 250 millimètres de pluie par an, les Oliviers sont plantés dans les fonds, el les pen- tes des mamelons sont disposées pour recevoirl’eau, qui est conduite par de petits canaux au pied des fourrage abondant, en même temps qu'une fu- mure. 4. Fumure. — Un kilo d'olives contient plus de 7 grammes de potasse, près de 3 grammes d’azote, et 1 gramme d'acide phosphorique; d'un autre côté, on sait que la potasse domine dans les bonnes terres à Olivier; à Sfax, d'après M. Bertainchand, les terres des oliveltes contiennent 3 à 4°/, de po- tasse. La potasse est donc l'élément principal que l'on doit s’efforcer de restituer à l'Olivier. Les marqines où morges, qui sont généralement sans emploi, contiennent la plus grande partie de potasse que l’Olivier a enlevée au sol; il est donc indiqué, quand cela est possible, de ramener ces liquides de déchet dans les olivettes avec les irrigalions. : On pourrait aussi les évaporer. Il ne faut pas Fig. 13. — Plantation d'Oliviers, à Saint-Denis du Sig. arbres. Cette surface de réception se nomme une meska; il est bien reconnu que les oliveltes qui sont pourvues d’une meska donnent des rendements plus réguliers. Celle disposition a une très grande importance et devrait être imitée en Algérie sur bien des points où la culture de l’Olivier procure- rait l’aisance, sinon la richesse. C'est dans l'Oranie que l'on trouve les plus anciennes plantations d'Olivier à l'irrigation; à Saint-Denis du Sig, Relizane, elles sont en pleine prospérité (fig. 13) et s'étendent autant que la mul- tiplicalion des Oliviers ie permet. Ces plantations sont failes de préférence en terre légère, à raison dé 100 arbres à l’hectare. On donne, en temps ordinaire, au moins cinq irrigalions; l’eau est amenée dans de larges cuvettes, au pied des arbres. Quand les hivers sont peu pluvieux, on donne deux irrigalions en hiver et quatre en été; chaque irrigation est suivie d’un binage. Certaines légumineuses comme les Vigna, Soja, Mucuna pourraient avec avantage être cultivées entre les lignes pendant l'été et donneraient un perdre de vue que ce sont les sols calcaires qui produisent les fruils riches en huile et que l'huile des régions calcaires est de meilleure qualité. L'usage des engrais verts peut rendre de grands services pour la fumure des Oliviers. La fumure polassique et phosphorique sera appli- quée à la légumineuse choisie, et la récolte enfouie en tolalité ou en partie dans le sol. Sous les Oliviers, on peut, en hiver, suivant les condilions locales, culliver le trèlle d'Alexandrie. 5. Taille. — La taille des Oliviers n’est faite mé- thodiquement que dans quelques cultures diri- gées par des colons; elle consiste à évider les arbres en gobelels. Chez les indigènes, souvent on ne pra- lique aucune taille, surtout dans les tribus qui récoltent au moyen du gaulage. Au contraire, dans les pays où les olives sont ramassées à la main, les femmes chargées de ce soin abattent tous les ans, à coups de hachette, un certain nombre de branches; elles cherchent surtout à donner à l'arbre une forme rendant la récolle plus facile. D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 27 En Tunisie, il existe des lailleurs qui, pendant longtemps, ont reçu comme rémunération le bois qu'ils abattaient. Aussi trouve-t-on souvent dans ce pays des ar- bres qui sont ré- duits par la taille à un véritable té- tard. Des lailleurs brevetés ont été formés depuis l'Occupation et doivent seuls tæil- ler les Oliviers. 6. Cueïllette. — La cueillette des olives commence dès octobre pour les olives vertes de conserve, qui sont vendues en assez grande quantilé sur les marchés. Ces olives doivent Fig. 14. — Cucillette des olives, en Kabylie, être cueillies très vertes: production; pour le moment, les seules plantations d'Adjeraz de la région d'Akbou Seddouk, ou les olives de Saint-Denis-du-Sig, de Relizane, pour- raient alimenter une usine. Les olives pour l'huile sont cueil- lies de deux ma- différen- tes : par le gau- nières lage ou à la main. Le gaulage n'est facile que si les olives sont bien mûres; il à le grand nient de briser inconvé- beaucoup de brin- dilles qui de- vraient porter les olives l’année sui- vante. Dans les tribus plus labo- rieuses, qui ont plus de soin des Oliviers, la récolte est faite à la elles donnent dans ces conditions un bon produit. | main; les Kabyles appellent cette opération : traire On trouvera quelques dif- ficultés pour acheter aux indigènes ces fruits cueillis avant matu- rité ; il fau- dra proba- blement l'ap- pèt d'un prix élevé pour les décider à oublier un préjugé bien établi. Ces olives sont desli- nées à la con- sommation familiale et arrivent ra- rement dans les condi- lions que re- quiert une bonne prépa- ration pour le commerce. Si l'industrie des con- serves d'olive devait un jour s'établir en Algérie, une usine devrait être organisée sur les lieux de Fig. 15. — Jeunes Kabyles employées à la cucrllette des olives. les olives. Ce sont les fem- mes et les enfants qui se chargent de faire la récolte (fig. 14145, 16): Les olives sont portées dans des pa- niers en ro- seau el en brindilles d'Olivier. Les olives cueilhespeu- ventavoiral- teint trois degrés de maturité, qui sontindiqués par la cou- leur du fruit: les olives en- core vertes donnent une huile fruilée qui a une légère amertume et se con- serve bien. Les olives violettes donnent une huile fine fruitée, généralement très appréciée el de con- 28 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE servaiion facile. Les olives noires donnent une | elles sont soumises à une manipulation qui a pour huile très douce, mais plus sujette au rancisse- ment. Il est très important, quand on recherche la qualité, de faire cueillir chaque variété d'olive sui- vant le degré de maturité qu'elle exige pour attein- dre son maximum de rendement en quantité et en qualité. Les olives qui tombent et les olives piquées doivent être traitées séparément; non seu- lement leur rendement est inférieur, mais la qua- lité laisse beaucoup à désirer. Depuis quelques années, une grande partie de la récolte est livrée aux moulins européens établis à la portée. Les olives sont alors vendues à la mesure ou au poids; la mesure est le double décalitre, qui, rempli normalement, doit 16 kilos. Parfois, l'acheteur exi- ge une chechia qui s'élève aussi haut que possible au-dessus de la mesure. Les « prix beaucoup suivant les rendements et oscil- lententre 5et11 francs les 100 kilos. Dans les cultures européennes, il faut prendre des ou- vriers pour faire la ré- colte; le quintal d’o- lives, à Saint-Denis du Sig, coûte 1 fr. 25 à 1 fr. 50 de frais de récolte: ces frais de main-d'œuvre sont parfois considérables : ils atteignent 2 francs les 100 kilos; certains colons en sont effrayés et pensent que les frais de cueillette annulent les bénéfices réalisables avec les prix très bas des bonnes huiles d'olive. C’est aussi pour atténuer, autant que possible, ces dépenses que les grasses olives seront loujours recherchées pour les cultures irriguées et exploitées par les colons. En Tunisie, en raison de l'impôt prélevé par l'État, la cueillette est faite à des époques réglées. Les Tunisiens ont adopté un procédé particulier, qui consiste à se garnir l'extrémité des doigts avec des cornes de chèvre et à peigner les rameaux avec la main ainsi armée; les olives tombent et sont ramassées dans des corbeilles. Les olives cueillies pendant la saison froide se conservent assez bien, à condilion de ne pas être mises en las trop élevés, d'être étendues sur des planchers sous une épaisseur de 25 à 30 centi- mètres. Pendant ce temps, dans beaucoup d'usines, peser varient Fig. 16. — Femmes kabyles portant les olives à une huilerie. but de séparer les feuilles apportées avec les fruits. Chez les indigènes, les olives sont souvent con- servées pendant plusieurs mois avant d'êlre tritu- rées et pressées. Dans quelques tribus, dès que les olives sont arrivées à la maison, elles sont plon- gées dans l’eau bouillante, puis étalées, et enfin mises en tas et recouvertes de feuilles et de bran- chages. Toutes ces olives ainsi conservées subissent des fermentations qui augmentent le goût du fruit et déterminent un rancissement qui est très re- cherché par les consommateurs indigènes. Les Kabyles sont convaincus que les olives ainsi traitées rendent plus d'huile que les olives frai- chement récoltées. D'après eux, celte ma- turation délermine- rait l'augmentation du taux de l'huile et ren- drait son extraction plus facile. La conser- vation des olives dans lesusinesestune ques- tion qui présente un certain intérêt. Le plus souvent, dans lesmou- lins à l'huile, on cher- che à éviter, autant que possible, l’encom- brement causé par les livraisons, qui se font parfois d'une manière irrégulière. V. — EXTRACTION DE L'HUILE. L'extraction de l'huile est la plus ancienne industrie du Nord de l'Afrique; même elle avait acquis, sous la domination romaine, un degré élevé de perfection, si l’on en juge par les vestiges que l'on retrouve dans toute la région de l'Olivier. 1. /luileries romaines. — Les huileries romaines différaient peu de nos huileries modernes; les bâti- ments étaient parfois très grands et faits avec un véritable luxe, comme l'huilerie de Bir Oum Ali près de Tébessa. Les Romains employaient au dé- trilage des olives des meules qui permettaient d'écraser la pulpe et le noyau ou la pulpe seule. Le premier modèle était le plus fréquent; il est toujours en usage. Le moulin qui n'écrasait que la pulpe était plus rare; il en existe un (fig. 17), assez bien conservé, à Tipaza, dans la propriété Tré- maux ; il se compose d’une grande vasque en pierre du pays porlant, au milieu, une colonnette; sur D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA cette partie était fixé le pivot sur lequel était appuyée une barre en bois qui traversait les deux meules ainsi suspendues. Les olives élaient dé- pulpées et broyées sans que la pression fût assez forte pour écraser les noyaux. Ces moulins por- taient le nom de Trapetum. Le lrapète était évi- demment destiné à la prépa- ration de l’huile fine, car les Anciens savaient déjà que l'huile des olives dépulpées était supérieure. Les meules roulaient sur les olives et écrasaient la pulpe et le noyau, comme cela se pratique en- core de nos jours. Les Anciens avaient encore d’autreslypes de moulins, entre autres le Zudicula, qui était formé d'un cône de pierre sur lequel roulait une meule qui s'emboitait. Les pressoirs étaient géné- ralement constitués par deux poteaux verlicaux entre lesquels s’engageait une longue poutre (/in- gula) faisant levier; au-devant, sur une dalle munie d’une rigole circulaire, étaient placés les cabas (liscinæ oleariæ). Ces fiscines élaient rem- Fig. 17. — Trapetum CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 29 que l’on retrouve partout et qui sont encore en usage dans la région méditerranéenne. Des vestiges nombreux de l'industrie ancienne des huiles, on peut conclure que l'extraction se faisait avec beaucoup de soin, et surtout que les Anciens ont opéré sur de grandes quanlités. 2. Huileries des indigènes actuels. — Chez les indi- gènes, la fabrication de l'huile est la plus impor- tante industrie; l'outillage est parfois très rudi- mentaire. Dans le cercle de La Calle, les olives sauvages en forêt cueillies et traitées par l'eau chaude, puis écrasées,; l'huile qui surnage est cueillie. Des procé- dés plus compliqués sont en usage dans le pays où l’Olivier est cultivé; cependant, toutes les manipulalions des indigènes sont défectueuses, car elles tendent à obtenir une huile rance qu’ils aiment, mais qui est d’une valeur très inférieure pour le commerce, qui la paie 50 ?/, moins que les huiles de mêmes olives failes par les procédés modernes. sont re- LES romain, à Tripaza. Lig. 18. — Claie d'un pressoir à huile de l'époque romaine, à Thala (Tunisie). placées par de véritables claies en pierre comme celle de Thala (fig. 18), trouvée en Tunisie ; l’ex- trémilé du levier devait être abaissée au moyen d’un treuil ou d’une vis. Les liquides s'écoulaient du pressoir dans des bassins placés en avant; là devaient s'opérer la décantation et la séparation des margines. L'huile était ensuite reçue dans de grandes jarres (fig. 19), Fig. 19. — Jarre à huile (époque romaine). Chez les Kabyles de la région de Tizi-Ouzou, on extrait encore l’huile suivant les anciennes tradi- tions dans toutes les tribus ; mais, cependant, la plus grande partie des olives est portée chez des indus- triels français qui préparent une huile très recher- chée. Dans les tribus moins bien outillées, les femmes sont presque uniquement chargées de la préparation de l'huile. 30 D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE A mesure que les olives rentrent, elles sont sou- mises à l'ébullition, puis mises en tas. Après une quinzaine de jours, ces olives ont perdu une partie de leur eau : elles sont séchées, puis réduites en pâte par le piétinement. Ces opérations se font souvent sur des surfaces rocheuses creusées de trous (fig. 20). La pâte laisse suinter l'huile, qui est recueillie ; on place aussi la pâte dans des vases | percés de trous par où l'huile s'écoule lentement. Quand la pàle a élé ainsi triturée plusieurs fois, elle est portée à la rivière, où elle est traitée par l’eau froide dans de petits bassins dits ahadoun. L'eau est détournée du ruis- seau par une seguia, qui rem- plit le bassin; la pâte d'olive, apportée dans des jarres et des plats, est délayée dans l’eau; pour cela, les femmes, trous- sées jusqu'au dessus des genoux, foulent la pulpe avec les pieds (fig. 21); pour achever la mise en suspension, l’eau est vivement agilée au moyen d'un petit' bâton (fhisrouitt}. L'écume qui se pro- duit alors à la surface (thachela- bots) con- tient l'huile abandonnée par la pulpe: elle est re- cueillie dans un vase spé- cial; cette opération est recom- mencée tant que l’écume est grasse; puis l'aha- doun est ou- vert el sou- vent le li- quideesten- trainé dans un bassin plus grand qui reçoit les résidus de tous les’ aa- doun particuliers. Ce bassin appartient à la com- munauté. L'huile obtenue dans les bassins est très forte et de qualité inférieure. Les olives sont aussi écrasées sur un rocher plan, au moyen d'une pierre que deux femmes poussent alternativement (fig. 22 et 23); ce mouvement Fig. 20.— Trous dans la roche pour la trilu- ration des olives, en Kabylie. Fig. 21.— Extraction de l'huile par l’eau froide dans des trous (Ahadoun), en Kabylie. écrase les olives et forme bientôt une pulpe hui leuse. Dans beaucoup de tribus, cette pierre (aberrai) est remplacée par une grande meule qui tourne (ar'arel) dans une cuvetle en maconnerie, Cette meule est traversée par une longue perche qui aboutit à un arbre vertical, situé au centre de la cuvette et muni d'un pivot en fer roulant dans une crapaudine ; l'extrémité supérieure est maintenue par une traverse en bois posée sur deux montants; souvent, c'est un mulet ou un bœuf qui est altelé à ce manège, mais on y voit aussi des femmes. Lorsque les olives sont ré- duiles en pâte, on en remplit des escourtins d’alfa ({hisena- thim) qui sont empilés sur la table d'un pressoir en bois. Les grignons sont ensuite traités à la-rivière dans l’ahadoun. Cette installation est celle qui existait dans la Provence au Moyen-Age. 3. Moulins des Euro- péens. Partout où l'Olivier est abondant. on trouve des moulins modernes avec un ou- tillage per- fectionné permettant de traiter rapidement les olives à mesure qu'elles ar- rivent. Les olives sont achetées nes,souvent à la mesure, qui est le double décalitre, qui, bien coiffé, représente 16 kilos et est payé des prix très variables ; suivant l'abondance du produit, la matu- rité, la teneur en huile, les prix oscillent entre 5 et 11 francs les 100 kilos. Les moulins sont assez nombreux pour que les indigènes puissent trouver, dans les achats, une certaine concurrence qui leur est avantageuse. Ils aux indigè- D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEB DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 31 - savent du reste très bien qu'en dehors de l'huile dont ils ont besoin pour leur propre consommation, ils ont intérêt à ne pas fabriquer, puisque, pour la vente, leur huile ne vaut pas celle qui est obtenue par les moulins moder- nes, qui est vendue toujours 50 °/, plus cher, et est deman- dée de plus en plus. En Tunisie, au- eune usine ne dé- pulpe les olives. Un industriel qui pro- cède au dénoyau- lage, M. Epinal, à Mehdia, a obtenu 130 franes des hui- les au dépulpeur, tandis que ses hui- les de fabrication courante ne se ven- daient que 90 fr. IL y aurait donc à faire quelques essais pour obtenir une plus-value très sensible. Les grandes usines marchent à la vapeur et ont un assez grand débit qui per- met d'éviter l’'encombre- ment et la fer- mentation des olives. Aussitôt livrées, les oli- * ves sont sou- misesautriage; les feuilles, tou- jours très nom- breuses, sont enlevées; c'est une bonne pré- caution, car la feuille triturée avec l’olive lui communique une saveur dé- sagréable, une grande amer t{ume. Aucune huilerie algérienne ne peut être compa- rée à quelques grandes usines de Tunisie; cepen- dant, d'importants progrès ontété réalisés dans ces dernières années, et il est maintenant bien établi Fig. 22. — Meule, en Kabylie. Fig. 23. — Meule, en Kabylie. que les olives peuvent, en Algérie, donner des huiles très fines, si toutes les minutieuses précau- tions sont prises pour la fabrication. Les manipula- tions, après le tri- turage et le pres- sage, sont assez dé- licates pour bien priver les huiles d'eau el de morge; la chambre des pi- les est souvert chauffée, ce qui permet à l'huile de déposer plus faci- lement. La filtra- tion est une impor- tante opération qui doit être faite aus- sitôt que la décan- lation est termi- née. Les filtres au coton sont généra- lement préférés; il serait à désirer que quelques progrès fussent réalisés dans les appareils en usage. La filtration débarrasse les hu les d'impuretés L quicontribuent au rancisse- ment. Les gri- gnons sont par- fois vendus à Marseille au degré; ils sont utilisés pour la nourriture des porcs ou même comme com bustibles. L’ex- traction de l'huile au fure de carbone n'est installée nulle part en Algérie. Les margines sont sans emploi et jetées. Cepen- dant, M. Ber- tainchand a ré- cemment ap- pelé l'attention sur la composition de ce liquide, qui est riche en matières minérales : 1 litre donne 24 grammes de cendre contenant plus de 12 gram- mes de potasse. Les margines peuvent donc être sul- D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA 32 CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE assimilées aux vinasses des distilleries. Par éva- poration et calcinalion, on a obtenu à Tunis un salin d’une valeur de 22 à 23 francs les 100 kilos. La potasse retirée des margines pourrait être uti- lisée sur place à la préparation des savons, les autres résidus constiluant des engrais. VI. — RENDEMENTS. Il est difficile d'évaluer le rendement de l'Oli- vier ; cet arbre est susceptible de se montrer d'une fertilité extraordinaire; il peut aussi, dans des con- ditions moins avantageuses, resler à peu près sans rapport. Ce n'est que vers la sixième année que l'Olivier commence à rapporter; à Sfax, d'après M. Bourde, l'Olivier ne donnerait à cet âge que 2 ou 3 litres d'olives. Chez M. Bertrand, à l'Arba, j'ai vu une plantation de six ans dans de bonnes conditions, mais non irriguée, donner 32 kilos d'olives par arbre, ce qui représente, à 100 arbres à l'hectare, un rendement de 448 litres d'huile. Des Oliviers, greffés par M. Dufour à Ighzer Amokran, dans des pentes assez rocailleuses, ren- dent, à six ans, 6 kilos d'olives: à dix ans, 20 kilos. Dans les olivettes de Saint-Denis-du Sig, on obtient, d'après M. Deloupy, à six ans, 20 kilos; à dix ans, 40 kilos, à vingtans, 80 kilos, ce qui repré- sente, dans cette région, un rendement en huile de 160 litres, 640 litres, 4.280 litres à l’hectare. Il faut se rappeler aussi que l'Olivier saisonne et qu'on ne peut pas compter tous les ans sur ce ren- dement. Il paraît évident que, pour l’Olivier, comme pour beaucoup d’autres plantes de nos cultures, les ren- dements peuvent devenir très élevés quand on arrive à réaliser toutes les meilleures conditions quant au choix du sol, à la variété, et au mode de culture. Il est aussi certain que l’Olivier, tout en étant l'arbre des terrains secs, donne des pro- duits abondants surlout quand on lui fournit un peu d’eau. L'arbre ne porte pas régulièrement ses fruits : il saisonne; une bonne année est généralement suivie d'une médiocre et d'une mauvaise, si bien qu'on ne compte qu'une bonne récolte et demie en trois ans. La taille bien conduite, les labours fré- quents, les irrigations ont pour effet de régulariser la production. La valeur des olives varie plus encore que la quantité; on ne lient compte, pour l'apprécier, que du rendement en huile. Ce rende- ment varie de 8 à 20 °/,. La moyenne obtenue généralement est de 12 à 45 °/,, c'est-à-dire 13 à 16 litres d'huile pour 100 kilos d'olives. Le tourteau pressé ou grignon, qui représente à peu près la moitié du poids des olives, contient encore 10 °/, d'huile. | prendre la densité des olives, qui est très variable, Il serait intéressant de pouvoir apprécier rapide- ment la quantité d'huile contenue dans les olives. Une méthode sûre et rapide d'appréciation régle- rait les achats faits dans les usines. J'ai essayé de et d'établir une relation entre cette densité et la quantilé d'huile. Je ne peux pas, sans les avoir vérifiés plusieurs fois, donner des chiffres précis; mais on peut, je le crois, admeltre que, moins une olive est dense, plus elle contient d'huile. Pour apprécier celle densité, il suffit d'avoir des éprou- vettes contenant, les unes de l’eau pure, les autres" de l'eau avec un sel qui augmente la densité. J'ai employé le nitrate de soude; la densité du liquide est facile à prendre au moyen d'un densimètre: quand les olives restent à peu près en équilibre, c'est qu'elles ont la même densité. J'ai noté comme densité extrême 1,145 pour une petite Chemlal, et j'ai trouvé dans les Beni-bou-Melek des olives moins denses que l’eau. Des analyses d'olives ont été faites avec beau- coup de soin en Tunisie par M. Berlainchand, directeur de la Station Agronomique. De ces ana- lyses il résulte que les olives de quelques variétés ne contiennent que 7 °/, d'huile dans leur pulpe, tandis que les bonnes races, comme le Chemlal dé Sfax, Nab Djemel, donnent à l'analyse jusqu'à 30 °/, d'huile. Les olives des régions chaudes sont plus riches: le rendement est plus considérable dans le Chélif que dans la Mitidja. VII. — Huice. L'huile algérienne fut longtemps connue surtout par l'huile kabyle, fabriquée, comme nous l'avons" vu, par une population qui recherche l'huile forte et qui va jusqu à conserver des levains de margine rance d'une année à l’autre. Les usines modernes ont beaucoup amélioré la réputation des huiles d'Afrique, mais il reste encore beaucoup à faire pour obtenir des produits aussi fins qu'en Provence et qu'en certaines contrées de l'Italie où la fabrication est très soignée. Les dégus- lateurs d'huile d'olive reconnaissent aux huiles certains caractères importants, qui sont: le goût, l’odeur, la couleur, la pâte. Le goût est doux généralement, et souvent d'une manière très nette; mais il y a aussi des échantil= lons amers; celle amertume peut tenir à un défaut de maturité, à un mélange de feuilles. L'odeur a une importance assez grande et se confond avec le goût; la rancidité se manifeste par une mauvaise odeur. Pour obtenir des huiles n'ayant pas d’odeur, il faut beaucoup de précautions dans le triage des D' TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE 33 olives et dans toutes les manipulations, l'huile | fixant avec la plus grande facilité les parfums déve- | loppés par les moisissures ou toute fermentation complexe. La filtration faite le plus tôt possible est une bonne précaution contre les odeurs suscep- tibles de provenir des liquides aqueux restant en contact avec l'huile. La couleur est très variable et les consommateurs ont des goûts différents. Les huiles vert clair sont généralement peu recherchées : on préfère les | huiles ambrées ; avec certaines variétés de Chemlal, on obtient, dans la vallée de la Soummam, des huiles blanches très remarquables. La limpidité est obtenue par des décantations et filtralions ; c'est une qualité trop souvent négligée. La pâte désigne l'impression onctueuse, vis- queuse, que laisse dans la bouche une huile dégus- | tée; on dit aussi qu'une huile est grasse quand elle a de la pâte. Les huiles surfines, devant être consommées sans coupage, ne doivent pas avoir de pâle; les huiles de | Chemlal sont dans ce cas. Mais la pâte est quelque- fois recherchée par lé commerce pour faire des coupages; l'huile grasse d'Adjeraz convient pour améliorer les huiles de coton démargarinées, si abondantes sur le marché. En dehors de ces caractères, on trouve, dans les huiles comme dans les vins, des crus. La nature des terrains, la variété cultivée, le mode de fabri- cation et de conservation jouent alors un rôle pré- pondérant. La densité des huiles d'olive algé- riennes varie de 0,917 à 0,915, à 15°. La détermination et le dosage des acides gras des huiles algériennes n’ont pas encore été faits avec le même soin el la même précision qu'en Tunisie; mais il est déjà évident que les huiles algériennes contiennent, comme les huiles tuni- | siennes, peut-être à un degré moindre, une assez forte proportion d'acides gras concrets, qui explique une tendance exagérée à se solidifier sous l'in- fluence des basses températures. En général, la | solidilication de l'huile d'olive ne se produit qu'entre 0° et + 4°; les huiles algériennes se figent parfois à une température plus élevée. Certaines variétés d'olives donnent des huiles plus margari- nées, et il y aurait intérêl à déterminer pour chaque variété le taux des acides gras concrets. L'acidité _ des huiles est parfois assez élevée, mais c’est là un résullat dû à une mauvaise conservation. On évite l'acidité par une fabricalion rapide et soignée et par la filtration faite aussitôt que possible. Les huiles d'olive sont classées en deux catégo- ries : les huiles comestibles et les huiles indus- trielles, mais chacun de ces groupes se subdivise. Les huiles comestibles sont loin d'avoir la même valeur : Les huiles de première pression sont dites REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. « huiles vierges », surfine et fine, et vendues de 120 à 140 francs. Les huiles de deuxième pression sont : mi-fine, ordinaire, mangeable, kabyle, et se vendent de 80 à 100 francs. Les huiles industrielles ou lampantes sont, en grande partie, produites par les indigènes et proviennent d'une mauvaise fabrication; le mauvais goût provient de la fer- menlation des olives et du rancissement; elles peuvent devenir très fortement acides et convien- nent alors (rès bien pour la savonnerie ; elles valent encore de 70 à 80 francs. Les huiles de ressence, d'enfer, de crasse, sont utilisées par les industries et valent 50 francs, mais les grignons ne sont pas traités par le sulfure, el une importante part de la matière grasse des olives est perdue, car les grignons sont peu utilisés pour l’alimentalion des animaux ; l'huile de pulpe, obtenue par le traitement au sulfure, n’est pas acide et est très propre au graissage des machines. La production de cette huile tend à se généra- liser dans le pays de l'Olivier: il est à désirer que les industriels algériens examinent les avantages que celte nouvelle manipulation pourrait leur donner. Un certain nombre vendent leurs grignons au degré; le prix est généralement 0 fr. 30 le degré. VIII. —- Commerce. L'Algérie est loin de produire la quantité d'huile nécessaire à sa consommalion ; plus de 120.000 hec- tos d'huile de graines y sont importés tous les ans et consommés par une population qui, à prix égal ou peu supérieur, préférerait l'huile d'olive. Les meilleures huiles produites dans les prin- cipaux centres oléicoles sont exporlées, mais 12.000 hectos sur une production de 200.000 repré- sentent encore une faible exportation. Les pays producteurs de l'huile d'olive versent annuellement dans la consommation environ 8 mil- lions d'hectos d'huile; 7 millions d'hectos sont consommés dans les régions productrices et 1 mil- lion d'hectos environ exportés dans les contrées dépourvues d'Oliviers. Celte proportion est encore faible, et il est probable que la facilité croissante des relations commerciales étendra, dans de notables proportions, les (transactions sur celte marchan- dise. La France importe plus de 250.000 hectos, qu’elle achète en Italie (100.000 hectos), en Espagne (55.000 heclos) et, depuis quelques années, en Tunisie (100.000 hectos). La production totale de l'huile d'olive est assez limitée et, à mesure que les bons procédés de fabrication démontreront de plus en plus que l'huile d'olive est la plus fine et la plus comestible de toutes les huiles, la consommation augmentera. 1 34 D° TRABUT — L'ÉTAT ACTUEL DE LA CULTURE DE L'OLIVIER EN ALGÉRIE Les pays étrangers qui importlent le plus d'huile d'olive sont : la Grande-Bretagne, la Russie et les Amériques du Nord et du Sud. L'Angleterre importe près de 200.000 hectos d'huile d'olive provenant, en grande partie, d'Italie et de Turquie; ces huiles ne sont soumises à aucun droit. Les Anglais recherchent les huiles fines et douces sans goût marqué de fruit; aussi les bonnes marques de l'Algérie trouveraient-elles cerlainement un débouché en Angleterre si elles y étaient mieux connues. Les États-Unis importent près de 50.000 hectos d'huile d'olive; ce produit y est très apprécié. La Californie plante beaucoup d'Oliviers, mais fait surlout des olives de conserve, dont la vente est plus rémunératrice; les droits d'entrée sont de 55 franes l’hecto. L'Amérique du Sud consomme environ 70.000 hec- tos; les huiles fruitées y sont le plus souvent re- cherchées. Le Mexique, l'Urugay ont fait des plantations. L'huile de coton est partout entrée dans la consommation courante. IX. — MESURES PROPRES A ASSURER L'EXTENSION DE LA CULTURE DE L'OLIVIER. Depuis longtemps, les meilleurs amis de la co- lonie donnent le conseil d'étendre la cullure des Oliviers; mais ce bon conseil n’est pas toujours suivi avec empressement, parce que cette culture réclame du temps et des capitaux. C'est avec le concours de l'élément indigène qu'elle a pris tant d'extension depuis quelques années en Tunisie, sous l'impulsion donnée par M. Bourde, alors directeur de l'Agriculture. En Algérie, c'est aussi par les indigènes qu'elle peut récupérer son ancienne prépondérance. Dans les olivettes actuellement en rapport, il existe des vides qui ne sont jamais réparés. Les arbres sont séculaires; il est très rare d'en trouver qui aient été plantés récemment. Il serait facile de favoriser la reconstitution des oliveltes par la création de pépinières à portée des régions à repeupler; si l'Administration délivrait des Oliviers bons à planter, les Kabyles creuseraient facilement les trous ei mèneraient à bien les nouvelles plantations qu'ils ne manqueraient pas de faire. Ces pépinières peurraient facilement être dirigées par le Service forestier, qui poursuivrait ainsi une œuvre de reboisement vraiment ulile. Souvent les jeunes sujets pourraient être greflés en forêt et livrés ensuite aux tribus avoisinantes, qui n'auraient qu'à arracher et à opérer le trans- port. Un vœu dans ce sens fut adopté par le Conseil supérieur en 1899. Depuis 1900, des primes sont promises aux agriculteurs qui auront créé des oliveltes. La prime allouée par arbre ne pourra dépasser 1 franc, et la prime tolale pour la même personne ne dépassera pas 500 francs. Une Com- mission spéciale sera chargée de vérifier la valeur des plantations effectuées, et, lorsqu'elles seront en rapport, fera des propositions. Ce système, qui assure un remboursement de 4 franc par Olivier, pourrait être très onéreux pour l'État, si tous les planteurs qui jusqu'ici ne demandaient rien, visaient maintenant la prime promise; mais il a le grave inconvénient de ne constituer qu'un remboursement, alors que généralement le colon a plutôt besoin d'avance. La pépinière régionale délivrant, gratuitement ou à bas prix, des sujets bien adaptés à la région, provoquerait certaine- ment plus de plantations que la promesse d’une prime à percevoir au moment où l'arbre entre en rapport et doit rembourser par ses produits les dépenses faites. M. Marès, professeur départemental d'Alger, a organisé à Orléansville une pépinière d’Oliviers qui est appelée à rendre de grands services dans celle région. Chez l'indigène, l'Olivier, quel que soit le prix de vente, donne toujours des bénéfices et lui assure un élément important de sa nourriture; c'est pour ce motif qu'il n’a aucune crainte à avoir, ni de méventes ni de surproduction. Chez le colon, les conditions sont un peu diffé- rentes, car il doit payer des frais de main-d'œuvre qui augmentent sensiblement le prix de revient des olives récoltées; aussi ne peut-il les vendre, sans perte, au-dessous de 11 francs les 100 kilos, ce qui porte le prix de l'huile à 90 francs. L'indigène peut facilement s’accommoderdetoutes les fluctuations du marché, et il fait le plus souvent de l'huile défectueuse, qu'il ne vend que 50 à 70 fr. Il semble donc que, dans l’état actuel du marché, l'indigène doive toujours planter: les olives lui seront toujours achetées par les moulins européens à un prix en rapport avec la valeur des huiles. L'Algérie importe plus de 12 millions de litres d'huile pour sa consommation; elle devra, par l'augmentation de sa production, faire face à ce besoin. D' Trabut, Professeur à l'École de Médecine d'Alger. E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 3) LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES Dès l'origine de la science électrique, les gaz ont été caractérisés comme des isolants parfaits. Cependant, les premiers électriciens savaient que l'air se laisse traverser par des décharges élec- triques. Ces premières notions ne se sont précisées que très lentement, et l'étude vraiment scientifique des lois de l'isolement par les gaz est encore extrêmement imparfaile. C'est ce qui résultera d'une étude rapide dans laquelle nous nous propo- sons de résumer l’état actuel de nos connaissances sur ces sujets délicats. I. — ÉTUDE DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE. La première étude systématique de l'isolement par l'air est due à Coulomb, dont les travaux sur la déperdition de l'électricité sont longtemps demeurés classiques. Coulomb ne considérait pas l'air comme un isola- teur absolu. « L'air, dit-il, peut être regardé comme composé d'une infinilé d'éléments en parlie idio- électriques, en partie conducteurs... Chaque molé- cule de l'air qui touche un corps électrisé se charge de l'électricité de ce corps plus ou moins rapidement, suivant que la densité électrique du corps est plus ou moins grande et que l'air est plus ou moins chargé d'humidité ou de parties conductrices de l'électricité; dès Finstant qu'une molécule de l’air est chargée d'électrieité, elle est chassée du corps électrisé et remplacée par une autre qui s’éleclrise et est chassée à son tour; chacune de ces molécules emportant une partie de l'électricité du corps qu'elles enveloppent, la densité électrique diminue plus ou moins rapide- ment suivant l’état de l'atmosphère. » Les expériences récentes ont profondément modifié celte manière de voir de Coulomb. MM. Warburg, Nahrwold ont prouvé que l'air plus ou moins humide, mais bien dépouillé de toute trace de poussière, isole d'une manière parfaite, tout au moins tant que la densité électrique à la surface des corps isolés n’alteint pas une valeur trop considérable. Dans les conditions ordinaires, les poussières seules jouent le rôle des petits conducteurs envisagés par Coulomb. On n'a d'abord songé à établir, entre les corps isolants, d'autre distinction que celle qui résulte- rait d'une conductivité plus ou moins imparfaite assignée à ces corps. Faraday, devancé, à son insu, par le génie inventif de Cavendish, intro- duisit dans la Science la notion nouvelle de pouvoir inducléur spécifique où pouvoir diélectrique. La charge d'un condensateur dépend essentiellement de la nature du corps isolant qui sépare les arma- tures. Si ce corps est de la benzine, le condensa- teur se chargera 2, 3 fois plus que si c’est de l'air. Si c'est du mica, il se chargera 8 fois plus, etc. On nomme habituellement constante diélectrique d'un corps le rapport de la charge d’un condensa- teur dont la lame isolante est constituée par ce corps, à la charge que prendrait, dans les mêmes condilions, un condensateur identique, à cela près que la lame isolante serait remplacée par un vide parfait entre les armatures. Celte constante sert de mesure au pouvoir diélectrique. Faraday ne manqua pas d'essayer de caractériser les gaz par leur constante diélectrique espérant trouver, dans ce cas, des résultats d'une grande simplicité, tandis que les isolants liquides ou so- lides ne fournissaient que des résultats compliqués, parfois même incohérents. Il ne put cependant arriver à différencier les gaz sous ce rapport. L'air sec ou humide, à haute ou à basse pression, les gaz les plus divers, lui parurent identiques au point de vue de la charge des condensateurs. C'est qu'en réalilé les constantes diélectriques des gaz sont extrêmement voisines de l'unité. Les diffé- rences qu'il s'agissait de manifester étaient très inférieures à la limite des erreurs expérimentales dans les conditions où opérait Faraday. Les mesures ne devinrent possibles que le jour où Maxwell, guidé par les idées mêmes de Faraday, eut jeté les fondements de la théorie électro- magnétique de la lumière. On sait que, d'après celte théorie, la constante diélectrique K d'un isolant doit être égale au carré de son indice de réfraction 2. Or, l'indice de réfraction de l'air à la pression atmosphérique est, d'après M. Mascart, égal à 1,0002927, c'est-à-dire ne diffère de l'unité que de moins de un trois millième. Son carré, 1,0005863, et par conséquent la constante diélec- trique de l'air à la pression atmosphérique, égale à ce carré, ne différera de l'unité que de un peu plus de un demi-millième. On voit done que pour manifester l'influence de l'air sur la charge d’un condensateur, il faudra pousser au delà du dix millième la précision de mesures électro- statiques, ce qui constitue une très grosse diffi- culté. M. Boltzmann, en Autriche; MM. Ayrton et Perry, au Japon, parvinrent à peu près simultané- ment et d'une manière indépendante, à en trion- pher et à manifester les différences qui avaient échappé à Faraday. Les expériences de M. Bollz- 36 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES mann, réalisées en 1875, resteront comme un mo- dèle classique de ce genre de mesures délicates. Elles ont été complétées depuis par M. Klemencic et par M. Lebedew, qui ont aussi étudié un certain nombre de vapeurs. Toutes ces expériences, exécutées par des mé- thodes variées, ont cela de commun qu'on doit réaliser, à l’aide d'un même appareil, une mesure différentielle très délicate, la mesure de la varia- tion de charge d'un condensateur à lame gazeuse quand on fait varier la pression du gaz, et la mesure absolue de la charge principale de ce con- densateur, plusieurs milliers de fois supérieure à cette varialion. On tourne la difficulté en mesurant non la charge du condensateur elle-même, mais une partie alicote bien déterminée de cette charge, par exemple son trois-centième. Les causes d’er- reur, qu'on ést habilué à considérer comme tout à fait négligeables, prennent ici une importance con- sidérable et masqueraient entièrement le phéno- mène principal, si l’on ne soumettait les plus mi- nimes détails des expériences à une crilique rigou- reuse. En ce qui concerne les résultats obtenus, on peut dire que la loi de Maxwell s'applique exac- tement aux gaz communs : hydrogène, oxygène, anhydride carbonique, ete. La vérification se fait au degré même de précision des expériences. Il n’en est pas de même pour la plupart des vapeurs étudiées. La constante diélectrique de la vapeur se montre, en général, supérieure au carré de l'indice, et cela d'autant plus que la loi de Maxwell s'applique plus mal au liquide corres- pondant. Aucune formule empirique connue ne permet, d'ailleurs, de calculer à priori la constante diélectrique de la vapeur en fonction de la con- stante diélectrique du liquide. On doit à M. Lang une observation fort curieuse. K—1 Le quotient » où s désigne la somme des valences des atomes contenus dans la molécule, possède, pour les gaz communs, une valeur sensi- blement constante. Cette somme de valences est 2 pour l'hydrogène, 4 pour l'oxygène, 8 pour l’'anhydride carbonique; et, en effet, l'excès de la constante diélectrique sur l'unité est 2 fois plus grand pour l'oxygène, 4 fois plus grand pour l’anhydride carbonique que pour l'hydrogène. Malheureusement cette relalion si curieuse ne se maintient plus pour les vapeurs. Si nous ajoutons qu'on n'a étudié les constantes diélectriques des gaz ni à des températures un peu éloignées de la température ordinaire, ni aux pres- sions élevées, ni aux pressions très basses des tubes de Crookes, on sera forcé de reconnaitre que ce qui est fait, au point de vue expérimental, est peu de chose par rapport à ce qui reste à faire. Au point de vue théorique, on est, s'il se peut, encore moins avancé. Deux théories bien différentes ont été proposées pour expliquer la propriété fondamentale des diélectriques. La première et la plus ancienne, proposée par Mossotti et développée par Clausius, est pour ainsi dire calquée sur la théorie du magnétisme ima- ginée par Poisson. Elle consiste à supposer les diélectriques formés de deux sortes de molécules ou d'éléments, les uns parfaitement inertes au point de vue électrique, les autres conducteurs. Tous ces petits conducteurs, englobés comme dans un ciment non conducteur, subissent, chacun pour son compte, l'influence du champ électrique, et l’on comprend, sans qu'il soit nécessaire de faire usage du calcul, qu'au point de vue de ses actions extérieures, une masse ainsi constituée se compor- tera à peu près comme le ferait un conducteur de même forme et de volume plus petit. Introduite“ entre les plateaux d’un condensateur, elle provo- quera une augmentalion de la capacité électrique, et sera d'autant plus efficace à cet égard que le volume des éléments conducteurs formera une fraction plus grande du volume total. Sans doute l’on arrive ainsi à se rendre compte, tout au moins d'une facon grossière et approxima- tive, des principales propriétés des diélectriques liquides ou solides. Mais cette théorie n'est certai- nement pas applicable aux gaz. Il paraît en effet im- possible de considérer ces corps comme possédant des molécules conductlrices au sens ordinaire du mot. La théorie cinétique des gaz, et, si l’on ne veut parler de (héorie, le fait, purement expérimental, de la diffusion des gaz, nous montre les molécules gazeuses en mouvement, et cela même en dehors du champ électrique. La conductivité de certaines molécules gazeuses aurait donc l'effet décrit par Coulomb, pour expliquer la déperdition électrique. Un conducteur placé dans un gaz ne pourrait con- server aucune charge d’une manière durable, et nous savons, au contraire que, dans les gaz bien dépouillés de poussières, les charges électriques se conservent pour ainsi dire indéfiniment. On pourrait, il est vrai, reculer la difficulté au delà des molécules telles que les envisage la théorie cinélique, et même au delà des atomes chimiques, en attribuant à ces derniers une structurecomplexe. Peut-être pourrait-on invoquer, en faveur de ce transport à l'atome des propriétés diélectriques, l'observation de M. Lang, d'après laquelle chaque valence apporte avec elle un accroissement fixe du pouvoir diélectrique, quelle que soit la nature des valences auxquelles elle se trouve associée. Un autre argument pourrait être tiré du mode E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES de dissocialion de la matière en éléments très petits par rapport aux ions électrolytiques vulgaires, que semblent impliquer les propriétés les plus ré- cemment étudiées des rayons cathodiques, et la conductivilé que ces rayons, comme les rayons de Rüntgen et les rayons uraniques, communiquent effectivement à l’air. Il parailra sans doute inutile d'insister sur ce que de semblables considéralions auraient, tout au moins, de prématuré. La deuxième théorie des diélectriques est en germe dans les travaux de Faraday, et à été développée par Maxwell. On sait qu'elle consiste à considérer les diélectriques comme des corps opposant aux forces électromotrices une élasticité électrique, qu'on doit comparer à l’élaslicité vul- gaire, celle que les solides, par exemple, opposent aux forces mécaniques. De même que divers solides diffèrent par leur coefficient d'élaslicité, de même divers isolants ou diélectriques diffèrent par leur constante diélectrique. L'indépendance des molécules gazeuses les unes par rapport aux autres, leur élat de mouvement ne semblent pas constituer de diflicullés insur- monlables pour transporter aux gaz la théorie élastique de Maxwell. L'éther, c'est-à-dire notre vide absolu; jouit, en effet, au suprème degré, de la propriété diélectrique. C'est le corps électri- quement élastique par excellence. On peut supposer que les molécules gazeuses n'interviennent que pour modifier, en la diminuant plus ou moins, l’élasticité électrique de l’éther. Le vague même que Maxwell laisse planer sur sa théorie, dont il n'a jamais voulu ou pu donner d'illustration mé- canique, lui est favorable dans le cas actuel, et nous verrons qu'elle se prête très bien à l’inter- prélation de la seconde catégorie de faits dont nous avons à nous occuper dans cel article. IT. — LiMITES DU POUVOIR DIÉLECTRIQUE. Dans ce qui précède, nous avons cherché com- ment se comporte un gaz quand il isole. Quand cesse-t-il d'isoler ? On sait, depuis longtemps, que la charge con- servée dans l'air par un conducteur isolé est d'autant moindre que la pression est plus faible. Poisson et Biot en concluaient que la charge élec- trique d’un corps est maintenue à sa surface par la pression atmosphérique. Faraday s'élève vive- ment contre celte conception grossière, et prouve que le pouvoir d'isolement d’un gaz est une pro- priété véritablement spécifique, à l'évaluation de laquelle il attache la plus grande importance. «Tous: les effels qui précèdent la décharge, dit-il, sont inductifs, et le degré de tension nécessaire pour que l'étincelle passe est, au point de vue où j'envisage l’induclion, un point très important. C'est la limite de l'influence que le diélectrique exerce pour résister à la décharge. C'est donc une mesure du pouvoir conservateur du diélectrique, qui, à son tour, peul être considéré comme une mesure et une représentation des forces électri- ques en activilé. » Voici comment opérait Faraday. Il plaçait dans deux gaz différents deux couples de boules ou de micromètres à élincelles. L'un des couples A est logé dans une cloche destinée à recevoir les dif- férents gaz; ses boules sont, l’une par rapport à l’autre, dans une situation invariable. Le second couple B est placé à l'air libre et l'on fait varier la distance des boules jusqu'à ce que, les deux couples A et B étant en dérivalion, l’étincelle éclate indifféremment en A ou en B. Plus le gaz de la cloche A est capable d'isoler une charge considé- rable, c'ést-à-dire plus est grand le champ électri- que que peut supporter le gaz sans livrer passage à l'étincelle, plus les boules B devront êlre écar- tées. Faraday a été ainsi conduit à ranger les gaz dans l'ordre suivant, du gaz dont le pouvoir d'isolement est le plus faible, à celui dont le pouvoir est le plus considérable : Hydrogène; Gaz d'éclairage; Oxygène ; Azote; Anhydride carponique; Ethylène; Acide chlorhydrique. Cet ordre n’est pas celui des densilés, puisque l'azote s'inlercale entre l'oxygène et l'anhydride carbonique, de même que l’éthylène entre ce der- nier et l'acide chlorhydrique. On peut remarquer aujourd'hui que c’est à peu près l'ordre des con- slantes diélectriques, telles qu’elles ont élé trou- vées par MM. Boltzmann et Klemencié. Ainsi l’ordre dans lequel les fils métalliques se placent pour leur résistance à la ruplure n'est pas sans analogie avec l’ordre de leur résistance à l'allongement. Maxwell, comme Faraday, attache la plus grande importance à la mesure du pouvoir d'isolement des gaz, où à ce qu'il nomme leur electrical strenght. Malheureusement, les innombrables recherches inslituées depuis Faraday pour l'étude des dis- tances explosives n’ont pas amené, sur ce sujet difficile, le degré de clarté que l’on devait altendre. Les résullals diffèrent d’un expérimentateur à un aulre, d'une manière qu'on peut qualifier de sur- prenante, eu égard au talent incontesté des savants qui ont fait ces mesures. Aucun coefficient ne parait se maintenir constant. Faraday observait déjà, et on a reconnu depuis, que de nombreuses circons- 38 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES lances influent sur la valeur des distances explo- sives; nous signalerons : 1° L'effet des poussières qui peuvent se trouver en suspension dans le gaz ou déposées sur les électrodes ; 2 La modification permanente apportée à la sur- face des électrodes, et la modification temporaire produite dans le gaz par le passage d'une première décharge ; 3° L'action de la lumière ultra-violette provenant d'aigrettes ou d’étincelles produites dans d’autres portions du même circuit ou dans des circuits voisins, si les électrodes ne sont pas protégées par des écrans convenables, etc. De toute facon, la complication des phénomènes s'est révélée telle que de forts bons esprits, notain- ment M. J.-J. Thomson, le célèbre professeur de Cambridge, se sont demandé s’il était utile de conserver dans la Scienee une notion aussi éloignée des réalités expérimentales que leur a paru être celle de l’electrical strenght de Maxwell et de Faraday. IL est clair que beaucoup de causes perturbatrices disparaitraient et que l’on obtiendrait des résultats plus simples si l'on pouvait supprimer les élec- trodes. Or, M. Moser, M. J.-J. Thomson ont prouvé qu'un tube à gaz raréfié s'illumine quand on le place dans un champ électrique variable, par exemple au voisinage des pôles d’une bobine d’in- duction, ou à l'intérieur d’une courte spirale tra- versée par la décharge d'une bouteille de Leyde, [ls ont prouvé que ces tubes sans électrodes se comportent bien comme s'ils étaient traversés par des courants. Ainsi, si l’on prend deux tubes à gaz raréfié concentriques, contenant le même gaz à la même pression, le tube extérieur peut agir sur le tube intérieur à la façon d’un écran électrique : le tube extérieur seul s'illuminera. MM. Moser et J.-J. Thomson en ont conclu que les gaz raréfiés deviennent réellement conducteurs à partir d'une pression suffisamment faible. M. J.-J. Thomson a même pu fonder sur cette observation un procédé de mesure de la conducti- vité altribuable au gaz. À cet effet, il remplace le tube à gaz extérieur par une éprouvelte dans la- quelle il introduit de l’eau acidulée par des addi- lions plus où moins considérables d'acide sulfu- . rique. Tant que l’eau acidulée est faible, le tube à gaz intérieur s’illumine à chaque décharge de la bouteille de Leyde; mais quand on à ajouté une proportion suffisante d'acide sulfurique, le tube à gaz cesse de s'illuminer. À ce moment, le tube exté- rieur à eau acidulée constitue un écran électrique aussi efficace que l'était, dans l'ancienne expé- rience, le tube à gaz extérieur. On est donc con- duit à admettre que la conductivité propre au gaz raréfié qui remplissait ce tube est égale à celle de l'eau acidulée qui, dans la dernière expérience, constitue un écran électrique équivalent. La conductivité d’un gaz ainsi évaluée commence à devenir sensible à partir d’une pression de quel- ques millimèlres de mercure, croît jusqu'à un maximum à peu près égal à la conductivité de l’eau acidulée la plus conductrice, puis décroit indéfiniment et tend vers zéro. On ne peut s'empêcher de s'étonner d’un résultat aussi extraordinaire. Toute notre éducation scien- tifique nous a habitués à voir dans les gaz, même raréliés, des types de corps isolants et non seule- ment les voila conducteurs, mais, si l’on rapporte leur conductivité à la masse et non au volume, on se trouve conduit à leur assigner une conductivité au moins égale à celle des métaux à l'état solide. Comment s’expliquera-t-on alors la grande résis- tance qu'opposent au passage de l'électricité Les tubes à gaz raréfiés pourvus d’électrodes? On est réduit à imaginer que l'obstacle réside à la surface même des électrodes, c’est-à-dire que l'électricité ne peut passer d’un métal à un gaz raréfié ou in- versement, sans rencontrer au passage de fun dans l'autre une résistance considérable. Cela élant admis, on n’est pas encore au bout des difficultés, car, même dans les tubes sans élec- trodes, il est des circonstances où les gaz raréliés isolent. | J'ai élé conduit à chercher ce qui se passe quand on place un tube à gaz raréfié dans un champ électrostatique uniforme, c'est-à-dire entre les plateaux d'un condensateur plan. Si, entre les plateaux d'un condensateur, on place un corps conducteur, par exemple un ballon plein de mer- cure, la capacité du condensateur augmente, comme si l’on avait rapproché les plateaux d'une certaine quantité. On peut remplacer le mercure par de l'eau acidulée, même par de l’eau distillée, de l’alcool, etc. La lrès faible conductivité électro- lytique de ces substances suffit pour laisser passer la quantité d'électricilé nécessaire, et on constate le même accroissement de capacité du condensateur. Si un tube à gaz raréfié est conducteur, il se comportera comme le ballon plein d'eau ou de mercure. S'il est parfaitement isolant, il ne pro- duira aucun effet, ou plus exactement il ne pro- duira que l'effet très faible dû au verre du ballon et qui n'est, par exemple, que la vingtième partie de l'effet du mercure ou de l’eau. Une conductivité non seulement de l'ordre de celle que M. J.-J. Thomson assigne aux gaz raréfiés, mais même un milliard de fois plus faible serait manifestée à coup sûr par celte expérience. Or, voici le premier résullat que j'ai obtenu, en faisant usage des tubes à gaz raréfiés que j'eus E. BOUTY -— LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES 39 d'abord sous la main. Avec un tube donné, si l'on charge le condensateur à des différences de poten- tiel variables, on constate que pour toutes les diffé- rences de potentiel inférieures à une cerlaine limite, le tube à gaz demeure absolument sans effet. Pour les différences de potentiel supérieures, il se comporte au contraire comme un ballon plein de mercure. Au voisinage immédiat de Ja limite, tantôt il est sans effet, tantôt il se comporte comme le ballon plein de mercure. En d’autres termes, placé dans un champ élec- trostalique inférieur à une certaine limite critique, le gaz isole; dans un champ supérieur, il livre passage à l'électricité, il conduit. On reconnait là les mêmes conditions essentielles que l’on obser- _ vait déjà avec les tubes munis d’électrodes. Pour | des différences de potentiel trop faibles, ils isolent; pour des différences de potentiel plus fortes, ils livrent passage à la décharge, La différence entre les deux cas réside dans l'effet propre des élec- _trodes, lesquelles jouent certainement dans la dé- charge un rôle actif, mais dont l'importance rela- tive est inconnue. A la différence de potentiel minimum caractéri- sant une distance explosive déterminée, correspond un champ critique également déterminé. A l’elec- trical strenght de Faraday et de Maxwell, corres- pondra ce que je propose d'appeler la cohésion diélectrique du gaz. Quand le champ est insuffisant pour vaincre celte cohésion, le gaz isole. Quand le champ acquiert une valeur assez grande, l’élasticité électrique du gaz est dépassée. Le gaz cède, comme un fil trop tendu se rompt. On voit que la cohésion diélectrique et l'elec- teical strenght ont la même signification essentielle. L’electrical strenght a toujours été évaluée à l’aide des distances explosives. Sa mesure est viciée, par l'effet propre des électrodes, dans un rapport in- connu à priori. Les mesures de la cohésion diélec- trique sont à l'abri de cette cause d'erreur dont l'expérience seule peut faire connaitre l'importance. L'étude de la cohésion diélectrique est encore trop récente pour avoir fourni les résultats qu'on doit en attendre. Pour un gaz ou une vapeur donnés, et à partir d'une pression de quelques millimètres de mercure, la cohésion diélectrique croit proportionnellement à la pression. Le coeffi- cient de variation est une constante spécifique qui, pour les corps étudiés par Faraday, varie dans le même sens que le pouvoir d'isolement mesuré par ce savant. Cette constante est plus faible pour l'hydrogène que pour l'air, plus grande pour l’anhy- dride carbonique, plus grande encore pour les vapeurs de divers liquides organiques volatils. Pour des pressions suffisamment basses, la cohésion diélectrique croit au lieu de décroitre quand la pression décroit. Elle passe done par un minimum pour une certaine valeur de la pression. Au-dessous de ce minimum, l'ordre dans lequel se placent les gaz pour leur cohésion diélectrique est souvent renversé : c’est ce qui se passe notamment pour l'hyarogène, l'air et l'anhydride carbonique. L'hydrogène, le moins isolant aux pressions éle- vées, devient le plus isolant des trois gaz à très basse pression, tandis que l'anhydride carbonique devient le moins isolant. On peut se demander si le mécanisme en verlu duquel l'électricité traverse les gaz, quand on dé- passe le champ critique, est plus ou moins ana- logue au mécanisme de la conduclivité électroly- tique, à laquelle M. J.-J. Thomson veut l’assimiler. Les données, pour résoudre celte question, nous font défaut. Si l’on résout cette question par l’affirmative, on sera conduit à admeltre qu'un même gaz, à une même température, peut subsister sous deux étals différents, suivant la valeur du champ électrique auquel il se trouve soumis : l'état isolant et l’état électrolytique. Le faible écart que présentent sou- vent les valeurs du champ critique mesurées dans deux expériences consécutives et dans des condi- tions en apparence identiques, serait comparable à l'écart que présentent les lempératures de solidifi- calion observées sur un même corps, dans plu- sieurs expériences de surfusion successives. Ce ne sont là, bien entendu, que des induclions dénuées de preuves et qui tombent d’'elles-mêmes si la conductivité des gaz n'est qu'apparente, ce que personne, à l'heure actuelle, n'est en mesure d'affirmer ou d'infirmer sans restriction. Nous avons dit que, dans l'hypothèse élastique de Maxwell, le passage de l'électricité à travers un gaz raréfié, pour des champs supérieurs au champ critique, est analogue au phénomène de la rupture d'un fil élastique soumis à des traclions progressi- vement croissantes. L'élasticité électrique de l'éther est sans doute infiniment grande; l'éther est le diélectrique par excellence ou, si l'on veut, le seul isolant absolu. Les molécules gazeuses rompent la continuité de l'éther; elles y créent, en quelque sorte, des points faibles, par où peut s'opérer la rupture. On com- prend donc à merveille que la cohésion diélectrique de l'éther perlurbé par les molécules gazeuses diminue d’abord rapidement quand la pression croit, ainsi que l'expérience nous l’a enseigné. Si l’on veut ensuite expliquer l'augmentation de la cohésion diélectrique au delà de son minimum, il faut admettre que le changement d’allure du phénomène tient à l'action réciproque des molé- cules gazeuses, quand celles-ci sont suffisamment rapprochées les unes des autres. Leurs actions 40 E. BOUTY — LES GAZ ENVISAGÉS COMME DIÉLECTRIQUES doivent donc être supposées dans un sens tel que la cohésion diélectrique de l’éther est de moins en moins diminuée, ou, si l’on veut s'exprimer autre- ment, dans un sens tel qu'une nouvelle cohésion diélectrique, appartenant en propre au gaz, fait alors son apparition. Voilà bien des questions posées et non éclair- cies, et nous devons encore en trouver bien d’autres, relatives, par exemple, au rôle exact des électrodes. On ne saurait contester que celles-ci ne jouent un rôle considérable dans la décharge, puisque l'examen spectroscopique des tubes à gaz révèle, au moins dans certaines régions des tubes, la pré- sence de raies caractéristiques du métal dont les électrodes sont formées. Si des particules solides sont arrachées aux électrodes, volatilisées, trans- portées à travers la masse du gaz, ce ne peut être sans qu'un certain travail soit consommé à cet effet. La différence de potentiel nécessaire pour provoquer la décharge doit s'en trouver modifiée. Et, en effet, mes expériences donnent pour les champs criliques des valeurs inférieures à celles des champs explosifs mesurés jusqu'ici. Essayons de pénétrer plus intimement les effets de cette différence et examinons ce qui doit se passer, dans les tubes pourvus d'électrodes, lorsque le champ prend une valeur intermédiaire au champ critique et au champ explosif. Le champ critique étant dépassé, il n’est pas douteux que le gaz livrera passage à une première quantité d'électricité, qui se portera à la surface des électrodes; il n’en ré- sulte nullement que le gaz sera traversé par ce que nous nommons proprement une décharge. Les pre- mières traces d'électricité qui passent doivent, en effet, modifier les surfaces métalliques qui les re- coivent et y produire un effet plus ou moins ana- logue à la polarisation observée dans les électro- lyses. À cetle polarisation correspond aussitôt un abaissement de la différence de potentiel des élec- trodes, laquelle se trouvera ramenée au-dessous du champ critique. L'électricité cessera done de passer. Il n'y aura pas plus de décharge complète à travers ces tubes qu'il n'y a de courant continu dans l'électrolyse d'un sel, quand la différence de potentiel maintenue entre les électrodes est infé- rieure à un certain minimum. À la différence de ce qui se produit dans l'élec- trolyse des liquides, il faudrait d'ailleurs admettre que les forces électromotrices de polarisation dans les gaz sont susceptibles d'acquérir des valeurs énormes, hors de toute proportion avec celles que l’on observe dans les électrolyses ordinaires. Si la mesure des constantes diélectriques des gaz était une opération courante, aussi facile, par exemple, que la mesure d’une distance explosive, il y aurait lieu d'essayer immédiatement cette me- sure pour des champs compris entre le champ cri- tique et le champ explosif. Dans ces limites, on devrait trouver une constante diélectrique appa- rente supérieure à la constante normale, puisque le gaz, n'isolant plus suffisamment par lui-même, aurait partiellement cédé. Mais quand pourra-t-on entreprendre une recherche aussi ardue ? Momentanément, au moins, nous en sommes réduils à nous contenter d’hypothèses, ce qui n'offre, d’ailleurs, que peu d'inconvénients si nous avons la sagesse de ne pas nous attacher à ces créations de notre esprit et si nous savons les ré- duire à leur juste valeur. Celle-ci se mesure à leur fécondité. À un moment donné, les meilleures hy-, pothèses ne sont-elles pas celles qui suggèrent aux savants le plus d'expériences nouvelles et cu- rieuses? Qu'importe si, plus tard, on est conduit à les abandonner? Elles n'en auront pas moins contribué à reculer les bornes de nos connais- sances. E. Bouty, Professeur de Physique à la Sorbonne. » J. TIHOULET — L'ÉFUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES Al L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES Les études exécutées par les naturalisies dans le but de se rendre compte de la distribulion des poissons au sein des eaux marines et de leurs mi- grations soil à l'état adulle et comestible, soit à l'état de jeunes encore impropres à l'alimentation, soit à l'état d’alevins ou d'œufs, c'est-à-dire de plankton, sont d'un haut intérêt scientifique et pratique, el elles constituent évidemment les pre- mières bases d'une exploilalion rationnelle des richesses de la mer. On ne saurait pourtant se dis- simuler que de simples observations zoologiques ne parviendront jamais, à elles seules, à résoudre un problème à la fois très simple et très compliqué et à énoncer des lois véritablement générales et définitives. De même que les progrès récents de l’agriculture ne datent que du jour où l'on s'est décidé à employer dans les recherches les procédés méthodiques d'analyse, de synthèse et d’expéri- mentalion en usage dans les sciences précises, physiques et chimiques, l’aquicullure est incapable de progresser en se bornant à des observations portant à un degré extrème l'empreinte de la per- sonnalité de leur auteur, alors que la véritable science doit être impersonnelle. De telles observa- tions seront loujours susceplibles d’être accusées d'insuffisance, sinon d'inexactitude, d'avoir mal vu ou vu incomplèlement, de ne s'appliquer qu'au lieu et au moment même où elles auront élé ellec- tuées, d’être sans valeur quant à la généralisation des phénomènes, hors d'élat d'amener à une loi applicable au passé aussi bien qu'au présent et surtout à l'avenir, permettant de prévoir, de pré- dire, de distinguer les événements fortuils, d'y ap- porter, s'il y a lieu, lesremèdes convenables, parce qu'elles seront impuissantes dès qu'il s'agira de remonter aux causes el de suivre les manifesta- tions. S'il appartient au naluraliste de reconnaitre certains faits concernant les êtres vivants et de fixer leurs rapports avec les conditions du milieu ambiant, c'est à l’océanographe que revient la tâche, en s'appuyant sur des chiffres, sur des expériences, sur des mesures prises à l'aide d'instruments pré- cis, d’élucider les causes de ces faits, d'entrer dans la connaissance pleine et entière des conditions du milieu, de leur communiquer leur propre caractère de généralité, d’en faire en un mot des lois défini- tives. Ceslois, à leur début, seront plusou moins com- plètes, mais elles seront un pas assuré vers la vérilé et, à leur tour, elles serviront de jalons pour guider d’autres expérimentateurs et leur permettre de s'ap- procher plus près encore de la vérité. Alors, le natu- raliste les reprendraetchercheraà en tirer parti. Le succès final dépend d'une communauté d'efforts. N'est-il pas étonnant que la division du travail, dont les résullats féconds ne font plus l'ombre d’un doute en industrie, ait Lant de peine à s’élablir en ce qui concerne l'exploitation des richesses de la mer? Un phénomène naturel est la résultante de toutes les forces de la Nature; son élucidalion com- plèle, nécessaire pour en tirer un parti utile, oblige à découvrir la part prise individuellement par chacune de ces forces dans la manifestalion qui en est la résullante. Or, les connaissances humaines sont devenues tellement vastes qu'il est impossible à une seule personne de posséder toutes les notions, même les plus sommaires, indispensables pour résoudre une question souvent fort simple en appa- rence, Les diverses spécialités scientifiques auront donc à se prêler un mutuel appui el ceux-là seuls ont Lort qui veulent avoir raison à eux seuls. Quant à moi, je lutte depuis longtemps pour l'introduclion en France, dans l’élude de l’aqui- cullure, des méthodes rigureuses de l'océanogra- phie. Sans elles, on ne parviendra à rien. Si je me montre aussi affirmatif, c'est non-seulement parce que ma conviction est complète, c'est aussi parce que ces mélhodes sont employées partout ailleurs que chez nous. L’Angleterre, l'Allemagne, la Nor- vège, la Suède, les États-Unis ne se contentent pas de regarder; louies ces nalions, pour qui la pêche est une grave question sociale, mesurent des tempéralures, des densités, des chlorurations, des vitesses et des directions de courants, des transparences de l’eau, récoltent et analysent des échantillons de fonds marins, dressent des cartes. S'il fallait, parmi tant d'exemples, parler seule- ment des plus récents, je citerais les travaux auxquels se livrait, l'été dernier (1900), Nansen entre l'Islande et la Norvège, les décisions du Con- grès de Stockholm, auquel il est regrettable que la France n'ait pas élé représentée, el le travail du professeur O. Pettersson, relatif aux courants dans les détroils reliant la Baltique à la mer du Nord et à leurs rapports avec les migrations des harengs'. Ignorant la langue suédoise, dans la- quelle il est rédigé, il ne m'a pas encore élé pos- 1 Redogürelse für de Swenska hylrografiska undersüknin- garne ären 1896-1899 uuder Ledning af G. Ekman, O. Pet- tersson och A. Vijkander. Bihang till Küngl. Swenska Vetenskaps-Akatem'ens Handlingar. Stockholm, 1900. 42 J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANCAISES sible de prendre une connaissance suffisante de son texte pourtant assez peu étendu, et j'ai dû me bor- ner à examiner ses belles cartes ec à feuilleter ses nombreux tableaux, colonnes de chiffres donnant, pour arriver à trancher une question éminem- ment pratique, des dates de récoltes d'échantillons d'eaux, des latitudes, des longitudes, des heures de marées, des températures, des poids de chlore et des poids de sel. Prenons pour exemple la recherche des lois encore inconnues de la distribution au sein de l'Océan et des migrations des œufs de poissons, des larves, des petits animaux qui sont destinés à devenir des poissons comestibles ou à servir de nourriture aux poissons dont l’homme s’efforcera ultérieurement de s'emparer, de ces myriades d'êtres qui, incapables de se mouvoir, sont forcés d’obéir, sans pouvoir y opposer de résistance, aux influences du milieu dans lequel ils sont plongés. On leur donne le nom de plankton, et ils sont la caractéristique de la richesse des fonds de pêche, puisqu'ils sont ou bien le poisson comestible lui- même à l'état d'œufs, ou bien l'aliment de ce pois- son dont la quantité est plus ou moins proportion- nelle. Doser le planklon est, en quelque sorte, doser la masse de poisson marchand et par consé- quent doser le nombre de bateaux, d'hommes pou- vant, sur un espace donné, se livrer à la pêche sans se gêner les uns les autres. Ainsi s'explique l'intérêt que les nations maritimes mettent à étu- dier la distribution du plankton aussi bien dans leurs eaux côtières qu'en plein Océan. Malgré leur inertie, qui est absolue, ils sont néanmoins des êtres vivants et, à cause même de leur faiblesse, extraordinairement sensibles aux conditions exté- rieures. Soumis à des actions trop brutales, ils per- dent la faculté qui nous les rend intéressants, la vie. Le flottage d'une pomme de pin ou d'un fruit des tropiques transporté par les courants est infi- niment plus simple et en même temps moins simple à éludier que celui d'un œuf de poisson assujelli à conserver la facullé d'éclore. Les conditions du voyage, identiques pour l’un et pour l’autre, pour- ront sans danger être plus brutales pour la pomme de pin que pour l'œuf. Toute une série de condi- tions susceptibles d'être souffertes par l’une seront mortelles pour l’autre. Il importe d'abord de savoir entre quelles limites de température l'œuf conserve la faculté de vie. Dans ses migrations inconnues, il n&se rencontrera ou ne sera digne d'intérêt pratique que lorsque la température du milieu restera comprise entre ces limites. Partout ailleurs, il sera inutile de le cher- cher. Cette étude préliminaire revient aux nalura- | listes, à la condition qu'ils opèrent avec des ther- momètres. Et comme il est probable que les limites varient pour les œufs des divers poissons, il faut, au cas où ilen serait réellement ainsi, qu’elles soient élablies, de même que la tempéralure opti- mum, pour une, deux, trois espèces bien détermi- nées. S'il est reconnu qu'elles changent selon les différentes phases de la maturilé de l'œuf, il con- viendra d’avoir des températures dans chacune de ces phases. La question reviendra dès lors à savoir quelle est, dans un espace délerminé de l'Océan — mettons les côtes de France — la répartition de la température au sein des eaux. On exclura ainsi toutes les loca- lités où celte température sortira des limites fixées. On établira des cartes indiquant celte répartition à la surface et dans les profondeurs. Pour cela, il suf- fira de thermomètres à distribuer, d'ordres à donner, pourvu qu'ils soient précis, et de la mise.au net graphique des résullats obtenus. Les autres peuples possèdent de ces cartes; rien ne nous empêche, si nous en avons la volonté, d'en dresser et d'en pos- séder nous-mêmes. ‘ La température ayant permis de resserrer, comme le dirait un mathématicien, les racines de l'équation à résoudre en indiquant d'une façon sûre là où ne seront pas les œufs et là où ils pourront être, cherchons à préciser davantage. Il estévident que les œufs ne seront pas partout où nous sau- rons qu'ils peuvent se trouver, la température seule étant prise en considération. Les œufs du poisson mis à l'étude — car ce serait se condamner d'avance à n'aboulir à rien que de s'altaquer à tous les poissons en même temps — existent-ils toute l'année au sein des eaux ou seu- lement pendant certains mois? Quels sont ces mois? La réponse est d'ordre purement zoologique; elle est à donner après expériences synthétiques et observalions sur place. Aussitôt qu'elle sera. connue, on aura resserré davantage les racines de l'équation. Il s'agira non plus de savoir quelle est la distribution générale des couches d’eau à tem- pératures comprises entre des limites déterminées pendant toute l'année, mais seulement pendant deux, trois ou quatre mois. II Li] Serrons de plus près la question. Les œufs du poisson ont une densité variable non seulement pour chaque espèce, — et, s’il en était autrement, il en résulterait une notable simplification, — mais pour une même espèce, et différente aux diverses époques de la maturilé. On parle bien d'œufs qui flottent et d’autres qui ne flottent pas; on leur à donné un nom, ce qui importe assez peu, tandis J. THOULETC — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES que ce qui importe beaucoup est de savoir quelle est la densité exacte des œufs considérés. Il est probable qu'elle doit varier entre certaines limites. Or, pour des corps en suspension dans un liquide tel que la mer, compcsé de strates hétérogènes au point de vue thermique, de très faibles diffé- rences de température suffisent pour donner lieu à d'énormes différences de position. La densité est à évaluer expérimentalement dans l'intervalle de température {— {' avec l’approximalion maximum qu'on puisse obtenir, c’est-à-dire n'influençant pas la quatrième décimale. Cette délermination, sans être difficile, est beau- coup plus délicate qu'on ne le pense. Elle exige, sinon l'intervention d'un spécialiste, du moins l’obéissance complète aux précautions indiquées par lui, et la ferme persuasion, dont il serait trop long d'exposer ici les motifs, qu'aucune d'elles n’est inutile. Sans entrer dans les détails de l'expé- rience à faire, on prendra un ou plusieurs œufs du poisson en examen, on les placera dans une éprou- vetle d’eau de mer de densilé voisine, et on ajou- tera goutle à goutte, selon la montée ou la des- cente de l'œuf, de l’eau distillée ou de l’eau de mer concentrée jusqu'à ce que ce flotteur infiniment sensible demeure en flottaison parfaite, immobile, sans monter ni descendre en un point quelconque du liquide. On prendra alors la température d’une facon rigoureuse au 1/10 de degré. On mesurera la den- sité avec un aréomètre de haute précision; on en dressera le tableau pour toutes les températures comprises entre les limites £ et {’ el — on ne sau- rail trop le répéter — avec loutes les corrections et précautions usilées en pareil cas. M. Pettersson évaluait le 1/300 de degré. Je n'ose discuter ce chiffre, qui me parait difficile à obtenir pour une opéralion de ce genre dans un laboraloire, et à plus forte raison sur mer, mais il vaut mieux pé- cher par excès que par défaut, et il faut avoir exé- cuté des recherches de ce genre pour être persuadé de l'indispensable nécessité d'une précision aussi grande qu'il est possible de l'oblenir avec des instruments de verre ou de métal. Ce tableau dressé est figuré par une courbe qu'un physicien nommerait celle du coefficient de dilata- tion &e l'œuf; on se reporlera alors à un graphique donnant la varialion de densité des eaux de mer pour l'intervalle {—1'. J'ai dressé ce graphique après de très longues et très délicates expériences. On saura dès lors que l'œuf ne peut se trouver que dans des couches d’eau ayant ces densités et non ailleurs. Pour une différence de quelques cen- tièmes ou mème millièmes dans le chiffre de sa densité, l'œuf, quoique toujours flottant, gagnera des couches d’eau plus ou moins profondes, et, comme les courants varient notablement sur une même verlicale, il éprouvera dans la direction qu'il suit des variations très considérables, l'éloignant de certains parages pour l’accumuler dans d'autres. Il ne restera plus qu'à savoir, le long des côtes de France, entre les limites {— {' et pendant les mois indiqués, la répartition des eaux de densité d— 4. Les étrangers ont relevé ces indicalions pour leurs mers ; il nous faut les relever pour les nôtres, et les cartes qui en permeltront le coup d'œil autop- tique, pour employer l'expression d'Ampère, res- treindront encore les racines de l'équation. Bien entendu, au lieu de densité, on sera libre de mesurer la chloruration, ou de doser la sa- lure, ou même d'évaluer le poids spécifique S'2?. Malgré les inconvénients de cette mesure, c’est un choix à débaltre entre océanographes. Pour moi, je suis d'avis d'adopter la densité s’ à la température in silu 0. III IL est très probable, mais l'expérience seule autorisera à l'affirmer ou à le nier, que l'œuf ne flotie jamais absolument sur le fond. Il doit se maintenir entre deux eaux et monter ou descendre selon les condilions ambiantes. Peut-être les œufs restant profondément immergés sont-ils beaucoup mieux protégés au sein d’un milieu moins troublé que les couches superficielles. Je ne serais pas élonué que ces œufs appartinssent aux espèces de poissons les plus abondantes comme nombre des individus. Même pour des œufs légers, il est dou- teux qu'ils flollent dans la mince couche d'eau épaisse de leur propre épaisseur, c’est-à-dire de quelques millimètres et immédialement superfi- cielle. D'une manière ou d'une autre, là où iront les eaux, là iront les œufs, et nous sommes ainsi amenés à étudier l'économie des courants. On énoncera donc le problème suivant : Tracer pour les eaux françaises la marche, en direction et en vitesse, des courants d'eau de tem- pérature comprise entre { et {” et de densité com- prise entre del d'. La carte n'offre aucune difficulté à être dressée, d'après des expériences failes à la mer. En outre des courants superficiels, on devra étudier les cou- rants profonds, parfois si différents des premiers. C'est le travail le moins coûteux, car on emploiera les bouteilles accouplées de M. Hautreux. Le maté- riel se bornera à une série de bouteilles vides de même dimension, bouteilles de vin, de bière, d’eau minérale, attachées par couple avec une ficelle longue de 5, 10, 15 ou 20 mètres. On les immerge ensemble, on note leur point de départ, leur point J. THOULET — L'ÉTUDE DU PLANKTON DANS LES EAUX FRANÇAISES d'arrivée après un temps connu, et l’on possède toutes les données requises. Dès que ces trois cartes seront dressées : carte de la distribulion des tempéralures, carte de la distribulion des densités, carte des courants super- ficiels et profonds, le problème sera résolu, du moins autant qu'il est humainement possible qu'il le soit. On élucidera alors chaque cas particulier, non par des apprécialions personnelles discutables, mais à l’aide d'instruments maniables quoique dé- licals, précis et comparables entre eux. Évidem- ment, d'autres circonstances que celles que nous avons énumérées seront susceplibles de jouer un rôle : le vent, par exemple, dont l'influence est aussi appréciable et est d’ailleurs fonction de la densité de l'œuf, faible ou nulle si l'œuf flotte profondément, moyenne s'il flotte au sein d'eaux superficielles, très grande s’il demeure au contact de l'atmosphère. On devra encore lenir compte de la présence ou de l'absence d'animaux détruisant les œufs, enfin, de telle ou telle autre circonstance favorable ou défavorable. Mais celles-ci sont acci- dentelles, et, par conséquent, secondaires; celles que nous avons énoncées précédemment sont d’une importance capitale. Plus tard, lorsque l'œuf sera éclos, peut-être même avant, la nature lithologique du fond, en favorisant les conditions d'existence de l’alevin, en lui fournissant une nourriture plus abondante ou mieux appropriée à ses besoins, en lui offrant des abris, ou de toute autre manière, viendra-t-elle prendre de l'intérêt. Les cartes lithologiques de- viendront alors indispensables. En dépit de diffi- cultés multiples, je m'en occupe depuis plusieurs années; j'y consacre tous mes efforts, soutenu que je suis, d'abord par ma ferme conviction, ensuite par l'exemple unanime de toutes les grandes na- | lions marilimes. Le problème, considéré au point de vue exelusi- vement naturaliste de l'observation simple, n'est pas résoluble : par voie empirique, on n'arrivera jamais à rien. À chaque instant, une cause insoup- çconnée troublera les prévisions, et l'expérience acquise la veille sera sans utilité pour la solution des difficultés du lendemain. Il en ira autrement si l'on procède méthodiquement, par des mesures exactes ne laissant aucune prise à l'incerlilude. Si la marche est plus longue, en revanche chaque pas en avant est définitif; on avancera de précision en précision sans jamais reculer ni errer. C'est la seule voie à suivre, la seule adoptée à l'étranger. EL gardons-nous de penser que l'expérience de nos voisins, qui sont presque toujours nos concurrents, nous soit d'utilité immédiate ; qu'on pourra prendre ce qui aura été fail en Écosse, en Allemagne ou en Suède, et l'appliquer à la Manche, à l'Atlantique ou à la Médilerranée. Autres lieux, autres phéno- mènes, et, en cela, chacun n’est appelé à profiter que des fruits de son propre travail. IV En résumé, si l’on veut parvenir à élucider la question de la distribution et des migrations des œufs de poisson ou, d’une manière générale, du plankton, il faut, conformément aux indicalions des zoologisies, commencer par se livrer à certaines recherches préliminaires concernant la densilé des œufs d'espèces bien déterminées, et connaitre la varialion de celle-ci avec la température. On entre- prendra ensuile des mesures systématiques de lem- péralures, de densités et de courants sur les côtes de France, et les résultats seront figurés sur des cartes. On n'oubliera pas la confection de cartes bathymétriques et lithologiques. Sur ces données exactes, indiseutables, les zoologistes pourront ensuile s'appuyer sans crainte et se livrer en toute sécurité aux investigalions qui leur sont spéciales. La question de la distribution et des migrations du planklon dans l'Océan touche à peine, pour le moment, à l'histoire naturelle; elle est avant tout une question de circulation océani- que, appartenant à peu près uniquement au do- maine de l'océanographie précise, rigoureuse, de mesures, d'expériences, de chiffres, et non d'opi- nions personnelles et d'observations vagues. Plus tard, quand elle sera élucidée, elle fera retour aux naluralistes. J. Thoulet, Professeur à la Faculté des Sciences de l'Université de Nancy. hotnteatc "tt Ed he. di spé. dé S hé Se Sn os dd BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX A5. BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Estanave (Eugène). — Contribution à l'étude de l'équilibre élastique d'une plaque rectangulaire mince dont deux bords opposés. au moins sont appuyés sur un cadre. l'hèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 brochure in-4° de T2 pages. Gauthier-Villars, éditeur, 55, quai des Grands-Augustins. Paris, 1900. L'équilibre d'élasticité d'une plaque rectangulaire mince de contexture homogène et isotrope, qui est sollicitée par des forces normales au plan du feuillet moyen, a été traité par Navier en 4820 dans l'hypothèse où les quatre bords de Ja plaque sont appuyés sur un cadre fixe. Navier a exprimé dans ce cas le déplace- ment d’un point quelconque du feuillet moyen à l’aide d'un développement en série double (développement qui se déduit de la formule de Lagrange sur le dévelop- pement d’une fonclion périodique impaire en série de sinus ayant l'urs périodes sous-multiples de la sienne). M. Maurice Lévy, dans une Note communiquée à l'Académie des Sciences en octobre 1899, a montré qu'on pouvait adopter, pour le déplacement d'un point quelconque de la plaque, un développement en série simple, dans les cas où la plaque n'a plus nécessaire- ment ses quatre bords, mais seulement deux bords opposés appuyés, les deux autres pouvant être libres, appuyés ou encastrés. Dans son travail, M. Estanave s’est tout d'abord attaché à démontrer que le développement en série double de Navier est identique au développement en série simple de M. Maurice Lévy, dans le cas où l’on tient compte des conditions d'appui des quatre bords. Le développement en série simple est plus général que celui de Navier et s'applique à six problèmes, suivant que les deux bords non soumis primitivement aux conditions d'appui sont individuellement ou simultanément libres, appuyés ou encastrés. M. Estanave a résolu, dans son Mémoire, ces six problèmes par le développement en série simple. En particulier, dans le cas examiné par Navier, qui est un de ces six problèmes, l’auteur montre que le dé- veloppement en série simple donne un résultat plus rapidement approché. Dans ce cas, il vérifie, d’ailleurs, par l'expérience les résultats que lui a fournis la théorie. Il prend pour cela une plaque de verre carrée et mesure le déplacement du centre, en supposant la charge uniformément répartie sur la plaque. 11 montre que cette expérience pourrait servir, à défaut de moyens plus simples, à déterminer le coefficient d'élasticité de la plaque. Dans les cinq autres problèmes, la méthode qu'a suivie l’auteur est analogue à celle qu'il indique pour traiter le problème de Navier ; mais les calculs sont beaucoup plus laborieux. Cela tient à ce que, dans le cas où la plaque a des bords libres, les conditions analytiques (conditions dues à Kirchhoff) ne sont plus monômes. Néanmoins, M. Estanave trouve l'expression générale du déplacement. En particulier, lorsque la plaque a trois bords appuyés et un bord libre, en supposant la charge uni- forme, il détermine encore par l'expérience le dépla- cement du centre de la plaque et du milieu du bord libre. Il vérifie ainsi les résultats de la théorie, résultats qui, pour ètre obtenus, ont nécessité le calcul numérique de fonctions hyperboliques. La vérilication expérimen- tale à ici une importance toute particulière, car elle démontre l'exactitude des conditions au contour dé- duites par Kirchhoff du Calcul des variations et trouvées ET INDEX intuilivement par M. Boussinesq dans un Mémoire présenté à l'Académie des Sciences le 10 avril 1871. Après avoir examiné ces six problèmes, dont un seul, le problème de Navier, avait été traité, M. Estanave résume dans un tableau les résultats de ses recherches. Ce tableau permet de comparer les valeurs des dépla- cements du centre et du milieu des bords libres d’une même plaque carrée soumise à une charge uniforme, et dont les conditions au contour sont différentes. Dans une deuxième partie de son Mémoire, l’auteur indique rapidement les résultats qu'on peut tirer, au point de vue de la sommation des séries trigonomé- triques, de l'identité qu'il a demontrée précédemment. Il examine les cas où la charge est constante ou bien fonclion entière, pour chaque point, d'une des coor- données de ce point, et indique les séries obtenues; il vérifie, d'ailleurs, ses résultats en effectuant directement la sommation des séries. Le Mémoire de M. Estanave constilue un f(ravail théorique complet, consciencieusement fait, sur la question de l'équilibre des plaques rectangulaires minces dans les différents cas; par les calculs numé- riques et les applications qu'il contient, il pourra rendre des services aux ingénieurs. P. APPELL, de l'Académie des Sciences, Professeur de Mécanique rationnelle à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. 2° Sciences physiques De Bast /Omer), Professeur à Ecole industrielle de Liége, Répétiteur à l'Institut Electro-technique Mon- teliore. — Eléments du calcul et de la mesure des Courants alternatifs. — 1 vo/. in-8° de 190 pa- ges avec 75 fig. (Prix relié : 7 fr. 50). Ch. Béran- ger, éditeur. Paris. 1900. Le livre de M. de Bast, qui a paru en divers articles dans le Bulletin de l'Association des ingénieurs élec- triciens sortis de l'Institut Electro-technique Monte- liore, s'adresse spécialement «aux électriciens possédant une préparation mathématique insuffisante pour abor- der la lecture des ouvrages qui traitent les questions relatives aux courants alternatifs par le Calcul différen- tiel et intégral. » C'est dire qu'il y est fait grand usage de la méthode géométrique et des constructions où interviennent des vecteurs. Le rôle de la self-induction, celui d’une capacité inter- calée sur le circuit, sout indiqués, représentés par des graphiques, et figurés par des constructions géométri- ques. Des applications numériques empruntées à des exemples réels permettent de bien saisir les méthodes de calcul de l'énergie électrique dans le cas des cou- rants alternatifs. Il s'agit toujours de calculs très simples, et qui n'exigent que l'Arithmétique et la Trigonométrie élémentaire. Un chapitre sur les courants polyphasés complète cette première partie. La seconde partie est consacrée à la mesure des grandeurs électriques dans les circuits à courants alter- natifs. Le principe des méthodes de mesure des quantités, des intensilés de courants, des différences de potentiel, de l'énergie, de la puissance, est clairement et briève- ment exposé. On n'a pas voulu donner une description détaillée des compteurs, mais une indication des mé- thodes, en particulier dans le cas de la puissance des courants polyphasés. Bien qu'aujourd'hui il existe plusieurs ouvrages où la théorie des courants alternatifs est présentée sous 10 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX la forme géométrique, nous croyons que peu de livres résument aussi brièvement el aussi simplement toutes les connaissances élémentaires essentielles à l'étude de ces courants. BERNARD BRUNHES. Directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme. Gildemeister (E.) et Hoffmann(Fr.) —Les Huiles essentielles. (Traduction de M. A. Gault, avec une préface et des annotations de M. A. Haller). — 1 vol. in-8° de pages. (Prix : 25 fr.) Bernard Tignol, édi- teur. Paris, 4900. On vit naguère, pendant plusieurs années, les recher- ches chimiques viser surtout à l'élaboration d'une théorie devant permettre de grouper les faits qui s'étaient accu- mulés jusqu'alors. Les chimistes, détournant leurs regards des principes immédiats des végétaux, dont l'étude les avait un instant passionnés, dirigèrent leurs efforts en vue de consolider les docirines atomiques, et il devint possible de dresser, dans les traités classiques de Chimie, un tableau exact de l'ensemble des con- naissances sur la science de la matière. Mais, lorsque les faits connus furent parfaitement catalogués, lorsque furent énoncées avec clarté les lois fixant les relations ‘entre la structure intime des corps et la facon dont ces corps sont capables de se modifier, il devint de plus en plus séduisant d'isoler les principes naturels, d'étudier leur composition, d'établir leur constitution, d'en effectuer la synthèse. La littéra- ture chimique s'enrichit alors rapidement, et de plus en plus pénible fut la tâche consistant à rassembler les nouveaux documents disséminés dans les divers recueils scientifiques et dans lesquels la vérité se trouvait sou- vent masquée par la controverse. De plus en plus, on ressentit la nécessité de se cantonner pendant longtemps dans un sujet pour en connaître les obscurs recoins. L’exposé de toute question nouvelle devait désormais, en raison de l'originalité des faits et de l'abondance des documents, faire l'objet d'une monographie spé- ciale pour être utile non seulement à la Science, mais encore et surtout à l'Industrie, dont la nécessité de pro- duction grandit en même temps que s'accroît chez l’homme le besoin de bien-être. En particulier, l'étude des essences, reprise il y aune quinzaine d'années seulement par MM. von Baeyer, Barbier, Bertram, Bouchardat, Bouveault, Semmler, Tiemann, Wallach, Wagner, ete., fit faire à la Chimie un pas immense en dévoilant l'existence d'espèces jusque-là inconnues et douées de propriétés extré- mement curieuses. Aussi, celte intéressante question des huiles essen- tielles méritait-elle qu'une place particulièrement im- portante lui fût réservée dans le système de nos con- naissances chimiques. C’est ce que nous avons eu en vue de réaliser, M.J. Dupont et nous, en faisant paraitre, dès le mois de janvier 1897, dans l'Agenda du Chimiste, un travail qui fut le plan d'un ouvrage sur les Huiles essentielles et leurs principaux constituants, publié deux ans plus tard par MM. Charabot, Dupont et Pillet. De leur coté, MM. Gildemeister et Hoffmann ont écrit un Trailé consacré plus spécialement aux huiles essen- tielles, Traité dont M. Gault vient de nous donner la traduction. Il s’agit là d'une œuvre de la plus grande ulilité, aussi bien parles documents scientifiques qu’elle contient, que par les données pratiques et les rensei- gnements économiques qui y sont consignés. Depuis bientôt dix ans, nous n'avons cessé de suivre avec le plus vif intérêt les beaux travaux de MM. Ber- tram, Gildemeister, Walbaum, Stephan, chimistes du laboratoire de MM. Schimmel et Cie. Nous savons tout le soin que ces savants ont coutume d'apporter à leurs publications. Aussi n'avons-nous que des éloges à adresser à MM. Gildemeister et Hoffmann. Leur intéressant ouvrage débute par une étude his- torique des huiles essentielles, étude qui renferme les documents les plus curieux sur l'origine de l'industrie de la distillation. Plus loin sont passés en revue rapi- dement les principes constitutifs des essences. Enfin — et c’est la partie capitale de l'ouvrage — l'histoire des huiles essentielles se trouve exposée avec tous les détails que comporte l'état actuel de nos connaissances sur la question. Tous les sujets sont traités avec une précision qui révèle la rare compétence des auteurs. C'est donc un agréable devoir que nous remplissons en conseillantla lecture de ce bel ouvrage aux personnes que cette ques- tion des huiles essentielles peut intéresser soit au point de vue purement spéculatif, soit au point de vue com- mercial ou industriel. Euc. CHARA\BOT, Docteur ès Sciences. Hugot (Charles), Chef de Travaux à la Faculté des Sciences de Bordeaux. — Recherches sur l’action du Sodammonium et du Potassammonium sur quelques métalloïdes (7hèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 84 pages. Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. On sait que, en présence de l'ammoniaque liquide, c'est-à-dire à l’état d'’ammoniums substitués (AzH®M}°, les métaux alcalins possèdent une faculté réactionnelle bien supérieure à celle qu'ils manifestent d'ordinaire à froid, lorsqu'ils sont libres. M. Hugot a étudié spéciale- ment, dans sa thèse, leur action sur les principaux mé- talloïdes : iode, phosphore, arsenic, soufre, sélénium et tellure. En faisant d'abord agir l’'ammoniaque liquide seule sur l’iode sec, il obtient un iodure d'azote ammoniacal qui répond à la formule Azl$,3AzH° et perd successive- ment, par voie de dissociation, une et deux molécules d’ammoniaque; tous ces corps sont cristallisés et natu- reilement fort instables. Avec le phosphore rouge et les ammoniums sodé ou potassé, il obtient les combinaisons P*Na, 3AZH*; PK, 3AZH° el PNa*, PH, suivant les proportions relatives des corps en présence. L'arsenic lui donne les composés AsM°, AzH° et As'K?, AzH*; enfin le soufre, le sélénium et le tellure se sont transformés purement et simple- ment en sulfures, séléniures et tellurures alcalins, ces derniers répondant aux formules M°$Se, M'Se*, MTe et M°Te*. Au point de vue expérimental, ce travail nous parait irréprochable; il est intéressant en ce sens qu'il nous fait connaître un certain nombre de corps nouveaux, impossibles à l'heure qu'il est de préparer autrement, mais il nous semble manquer quelque peu d'interpré- tations théoriques ou tout au moins d'esprit de géné- ralisation. Quelle peut être, par exemple, la structure moléculaire des composés P'Na, 3AzH* et P5K, 3AzH°? On serait assez tenté d'y voir des combinaisons du phosphore rouge non dépolymérisé et il eût été inté- essant de rechercher si le phosphore ordinaire donne, dañs les mêmes conditions, naissance aux mêmes corps : M. Hugot ne l'a pas fait. C’est une lacune, et nous pourrions en citer d’autres, que l’auteur s’efforcera, sans doute, de combler dans l'avenir. L. MAQUENNE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. 3° Sciences naturelles De Launay (L.),, Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines. — Géologie pratique et petit Dictionnaire technique des termes géologiques les plus usités. — 1 vol. in-18 de 344 pages avec 41 figures. (Prix :3 fr. 50) Librairie Armand Colin, Paris, 1900. « Ce livre de Géologie pratique est destiné surtout à ceux qui, ne sachant pas de Géologie, ont pourtant be- soin de quelques-unes des connaissances auxquelles elle amène. » Tel estle but que M. de Launay s’est proposé. Ce livre n’est donc pas un traité de Géologie s’adres- sant plus ou moins à des initiés, mais une sorte de guide dont peuvent tirer parti les plus ignorants. Il suf- firait, pour en mettre l'utilité en évidence, de repro- duire les têtes de chapitres. Toutes les applications de BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 47 la Géologie y sont traitées avec une érudition et une compétence remarquables. C'est une véritable œuvre de vulgarisation, qui, ainsi que l’auteur le souhaite, fera revenir bien des gens de leurs préventions contre la Géo- logie, réputée science aride ; loin de ressasser des lieux communs, comme font la plupart des ouvrages dits de vulgarisation, celui-ci traite certaines questions d'une facon toute nouvelle. Je signalerai en particulier les chapitres relatifs aux applications de la Géologie à l'Agriculture, qu'il s'agisse du rôle du sol, des engrais, des amendements ou du drainage. Pour donner une idée du soin apporté à l’élude de tous les problèmes dans un but vraiment pratique, je ne puis mieux faire ue de signaler, dans le chapitre consacré à la recherche ne minerais, les paragraphes concernant les formalités administratives à remplir pour formuler une demande de recherche ou de concession. Un dictionnaire technique termine le volume; il a le grand avantage d'expliquer les termes spéciaux em- ployés dans la nomenclature géologique et de donner les caractères des principaux fossiles. C'est un très heu- reux complément du livre. On doit déja à M. de Eaunay plusieurs importants ouvrages sur les applications de la Géologie; ils ont eu un succès mérité; mais il est facile de prévoir pour la Géologie pratique un succès encore plus grand. J. BERGERON, x Professeur de Géologie à l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures. Soury (Jules), Docteur ès lettres, Directeur d'études à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, à la Sorbonne. — Le système nerveux central. Structure et fonc- tions. Histoire critique des théories et des doc- trines. — 2 vol. gr. in-8° avec figures. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. Cet ouvrage est consacré à l’étude de tout ce qui a été écrit sur l'anatomie et la physiologie du système nerveux central, depuis les philosophes grecs jusqu’à nos jours. La première partie de l'ouvrage, le tiers environ, est consacrée à l’antiquilé et aux temps modernes. Elle comprend l'exposé de toutes les théories relatives à la structure et aux fonctions des organes de la vie, de la sensibilité et de la pensée, depuis Aleméon de Crotone (vers 500) jusqu'à Broca, Fritsch et Hitzig. Toutes ces théories sont exposées avec un détail, une précision, une sûreté d'analyse et de critique véritablement hors ligne. La période contemporaine commence à Broca qui, le premier, établit scientifiquement la localisation céré- brale d’une fonction de l'intelligence. Dans cette partie, qui comprend presque les deux tiers de son ouvrage, M. J. Soury étudie les fonctions du système nerveux central, les voies sensitives et motrices, les voies senso- rielles, les voies d'association et commissurales. Le chapitre consacré à l'écorce cérébrale est des plus importants, et il en est de même de ceux consacrés à la cénesthésie, aux émotions, à la vision, à l’audition, à l’olfaction et à la théorie des neurones. Cette partie de l'ouvrage comprend l'analyse et la critique d'un nombre considérable de travaux et repré- sente une somme de labeur dont seuls peuvent se faire une idée ceux qui font des recherches basées sur des textes originaux. L'œuvre de M. J. Soury n’a son analogue dans aucun pays et représente un travail et une étendue de con- naissances extraordinaires. Pour l’entreprendre, il fal- lait non seulement être tout à la fois un linguiste et un philosophe, un psychologue et un neurologiste, mais il fallait encore, pour la mener à bien, posséder l'érudition et la puissance d'analyse qui caractérisent depuis si longtemps les travaux de ce savant. Après avoir lu l'ouvrage de M. Soury, on se rend compte du service immense rendu par l’auteur à sa génération, car nous pouvons maintenant avoir une idée complète de tout ce qui a été dit et fait sur l'ana- tomie et la physiologie du système nerveux depuis l'Antiquité jusqu'à aujourd'hui et embrasser d’une vue synthétique la marche progressive des connaissances humaines dans ce domaine. J. MAREY, de l'Académie des Sciences, Professeur au Collège de France. Fenizia (C.), Professeur à l'Université de Naples. — Storia della Evoluzione. — 1 vol. in-8° de 400 pages de la Collection des « Manuels Hoepli ». (Prix :3 fr). Ulrico Hoepli, éditeur. Milan, 190. M. Fenizia a donné, dans ce livre, l’histoire de la doc- trine évolutionniste, qu'il a divisée en quatre périodes : une antique, allant des philosophes grecs à Vanini et à Giordano Bruno; unemoyenne, qui débute par l’appli- cation du microscope aux études d'histoire naturelle et se termine aux philosophes de la Nature, Gœthe, Tre- viranus, Oken; une période moderne, où la théorie de l’évolution prend réellement corps avec Kant, Lamarck, les Geoffroy Saint-Hilaire, Lyell, Speneer et Wallace, et enfin une période contemporaine, durant laquelle [a doctrine s'établit définitivement ; elle débute naturel- lement par Darwin: Certes, le livre de M. Fenizia n’est pas entièrement original, comme il en avertit, d’ailleurs, le lecteur dans l'introduction: bien des fois, on a déjà fait, plus ou moins complètement, l'histoire des idées évolutionnis- tes, d'abord vagues, nuageuses, puis se précisant de plus en plus, à mesure que les faits s'accumulaieut, que les objections d'ordre théologique perdaient de leuc force, et que les esprits s’'écartaient de plus en plus de la fumeuse métaphysique. Mais le livre de M. Fenizia me parait détaillé et com- plet, surtout en ce qui concerne les précurseurs italiens, philosophes ou naturalistes. On lira encore avec intérêt l'histoire de l'opposition faite à Darwin, qui a été traité officiellement (je ne dirai pas où) « d'amateur intelli- gent, dont les longues recherches sur les races de Pigeons prouvent seulement le manque de véritable esprit scientifique », sans compter les aménités ecclé- siastiques qui ne lui ont pas manqué. Cette histoire de l’Evolution ne va guère au delà de Darwin; quelques pages à peine sont consacrées à ses successeurs immédiats, apologistes ou contradicteurs ; les Ecoles du néo-darwinisme et du néo-lamarckisme, les théories d'Hæckel et de Weismann, les idées biomé- caniques de Roux et Delage sont indiquées trop rapide- ment, de sorte que l'ouvrage ne donne pas une idée suf- fisante de l'état actuel des esprits touchant les causes de l'Evolution. Il est vrai qu'il y a là matière à un livre nouveau, dont les conclusions montreraient, à mon sens, que la doctrine évolutionniste a singulièrement évolué depuis son génial fondateur. L. CuÉNoT, Professeur à l'Université de Nancy 4 Sciences médicales Nimier (H.), Professeur au Val-de-Gräce, et La- val (Ed.), Médecin aide-major de première classe. — I. Les Explosifs, les Poudres, les Projectiles d'exercice. Leur action et leur effet vulnérant. — 4 vol. in-12 de 192 pages avec 18 figures. (Prix : 3 {r.) — II. Les Armes blanches. Leur action et leurs effets vulnérants. — 1 vo/. in-12 de 488 pages avec 39 figures. (Prix :6 fr.). — IT. De l'infection en Chirurgie d'armée. Evolution des blessures de guerre. — 1 vol. 1n-12 de 400 pages avec figures. (Prix : 6 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1901. Ces trois volumes continuent et complètent la série des études concernant les blessures de guerre, com- mencée par un volume analysé ici même, sur l'action 1 Ce compte rendu est le Rapport présenté à l'Académie des Sciences par la Commission chargée de décerner le prix Montyon pour 1900, prix que l'Acadéwie vient d'attribuer à notre éminent collaborateur. De son côté, l'Académie de Médecine a tenu à temoigner aussi sa particulière estime à M. Jules Soury en décernant le prix Saintour à son beau 48 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX vulnéraante des projectiles de guerre. Ils sont écrits avec la même méthode, et sur le même plan. Cette unité de conception et d'exécution en rend Ja lecture facile et attrayante et donne aux faits et documents tès nombreux, un enchaïnement logique qui permet d'en saisir l'intérêt, la portée et l’enseisnement. Nous ne pouvons donner qu'un court apercu des matières traitées par MM. Nimier et Laval, mais il suffira à en faire comprendre l'importance scientifique. i. Les attentats anarchistes ont, dans ces dernières années, altiré l'attention du public sur les blessures qui résultent de l'explosion de corps doués, sous un petit volume, d'une énergie considérable. C'est d’après l'examen approfondi de ces faits, et aussi sur des don- nées antérieurement déduites d’explosions acciden- telles, de poudrières, de torpilles ou d'obus, que MM. Nimier et Laval ont établi leurs conclusions. Les traumatismes que les explosifs déterminent sur le corps humain sont dus à l’action directe des gaz résultant de l'explosion, action analogue à celle du vent soufflant en lempêle, et aussi aux projectiles, combinés d'avance (balles, clous) ou éventuels (frag- mentsde bois, de verre, poussières), que ces Jelsqazeux animent d'une vitesse initiale souvent considérable. C'est ainsi qu'agissent la dynamite, le coton-poudre, l’acide picrique (mélinite), etc. MM. Nimier et Laval étudient en détail les effets de chaque explosif, et ter- minent leur intéressant volume par la description des accidents de la guerre, des mines et de ceux qui sont produits par les balles à feu. Le dernier chapitre est consacré à l'examen des effets vulnérants des fausses balles, servant de projectiles d'exercices, effets qui sont semblables à ceux produits par les explosifs. II. L'augmentation sans cesse croissante de la distance à laquelle les projectiles peuvent atteindre l'adversaire a abaissé la proportion des blessures par les armes blanches à un taux pour ainsi dire négli- geable. 11 était de 1,50 pour 100 pour la guerre de Crimée, de 1,3 seulement pour la guerre franco-alle- mande ; il descendra encore dans les prochaines guerres. De nos jours, il ne garde quelque importance que dans les expéditions coloniales, le sabre, la lance el la flèche restant, pour les tribus non civilisées, les armes favorites, celles dont elles se servent avec le plus d'habileté et le plus de succès. Enfin, il faut compter avec le tempérament spécial de certains peuples, à la tête desquels a toujours été le peuple français, qui les porte à préférer l'arme blanche à toutes les autres, pour que l’on ne puisse songer encore à supprimer de la Pathologie l'étude des bles- sures que produisent l'épée, le sabre ou la baïonnette. MM. Nimier et Laval divisent les armes blanches en armes tranchantes, comprenant le sabre et accessoi- rement la hache d’abordage, et en armes piquantes, (baïonnette, épée, pointe du sabre, lance, flèche). Les blessures causées par ces différentes armes offensives offrent des types cliniques bien distincts, que les auteurs se sont attachés à définir avec soin, en four- nissant, à l'occasion de chacune d'elles, les principales données historiques, balistiques et militaires qui s'y rapportent, Le mécanisme d’après lequel se produisent les lésions est particulièresnent bien élucidé : le trai- tement est indiqué d’une facon claire et concise. Le cha- pitre consacré à la baïonnette fait apprécier à leur valeur la méthode el la documentation de MM. Nimier et Laval. Le livre se termine par un court chapitre, sorte d’appendice consacré aux armes défensives, dont la cuirasse est la seule qui soit encore en usage dans les armées européennes. Elle est cependant perforée par livre, que M. Landouzy n'a pas hésité à qualifier : « un ouvrage fait d'une libre critique mise au service d'une éru- dition qui confond autant par son élendue que par sa préci- sion ». Le rapporteur à l’Académie, M. Vallin, s'est étendu aussi sur les mérites de cette œuvre considérable : elle res- tera, a-t-il dit « comme le résumé des efforts tentés dans l'examen des doctrines » relatives au système nerveux pen- dant la dernière moitié du siècle qui vient de finir. la plupart des projectiles employés à notre époque, et, si elle peut protéger le cavalier contre les coups de sabre, elle ne fait, en se laissant pénétrer, que rendre plus graves les coups de feu quelle devrait servir à éviter. Aussi est-elle à la veille de tomber en désuétude : une des plus grandes Puissances militaires de l’'Eu- rope, l'Allemagne, l'a déjà, supprimée de son armement. III. La plupart des blessures produites par les pro- jectiles, les explosifs, les armes blanches, lorsqu'elles ne sont pas immédiatement mortelles, devraient cica- triser et guérir sans complications, avec les méthodes si rigoureuses de désinfection des plaies que nous pos- sédons à notre époque. Si l’on étudie chez les blessés la nature des infirmités qu'ils conservent ou la cause de leur mort, on est frappé du rôle prépondérant joué par l'infection. Les médecins militaires doivent done avoir pour objectif principal d'éviter l’entrée en scène des germes infectieux, et de combattre énergiquement les accidents dont ils pourraientdevenir l’origine. Cette notion bien simple, qui domine toute la Chirurgie d’ar- mée, est, hélas l'encore trop méconnue de nos jours par un grand nombre de médecins qui seraient appelés en cas de guerre à donner leurs soins aux blessés, C'est pour ceux-là que la lecture du livre de MM. Nimier et Laval sera particulièrement utile et instructive; elle leur rappellera les désastres] chirurgicaux des guerres de Crimée, d'Italie, de la guerre de 1870 et leur mon- trera, en comparant l'évolution d’une plaie par coup de feu, peu ou point infectée, avec une plaie infectée, les conséquences prochaines et éloignées d'une insuffi- sante conuaissance de l’antisepsie. En effet, les mains des chirurgiens sont une des sources les plus ordinaires de l'infection des blessures de guerre : on ne saurait trop le répéter, et nous nous permettrons de trouver que MM. Nimier et Laval n'ont pas assez insisté sur ce point. Dans un livre si riche en. faits et en observations, il manque quelques exemples typiques de ce mode — habituel, redisons-le, — de contamination des plaies. L’asepsie du chirurgien est plus indispensable que celle des balles ou des épées. Les balles sont, en effet, généralement aseptiques, les sels qui se forment aux dépens de leurs enveloppes métalliques suffisant généralement à la destruction - des germes déposés à leur surface. À ce titre, la balle à chemise de cuivre est plus asepiique que la balle à chemise de maillechort (Lebel), et surtout que la balle à chemise d'acier (balle allemande). Mais, en tout cas, elles sont généralement peu septiques, bien que ni l’'échauffement de la balle dans le canon du fusil, ni la déflagration de la poudre ne suffisent à les stlériliser si elles sont contaminées par des microbes très virulents, ainsi qu'il résulte des expériences entreprises sur ce point par MM. Nimier et H. Vincent. Les fragments de vêtements, entrainés dansles tissus par les projectiles, ne doivent pas non plus être ‘le plus souvent incriminés, bien qu'on puisse admeltre qu'ils soient susceptibles, dans certains cas, d'être souillés par les espèces bac- tériennes les plus virulentes. Mais c’est surtout l'épi- derme, les muqueuses, les cavités naturelles qui con- üennent une flore microbienne extrêmement variée et dont la virulence est aisément mise en aclion ou réveil- lée par le traumatisme. il va sans dire que la question du terrain joue un rôle considérable dans le dévelop- pement consécutif de l'infection. Donc, mains du chirurgien, état microbien et résis- tance du blessé, accessoirement contamination des projectiles, tels sont les facteurs de l'infection en Chi- rurgie d'armée, Un danger dont on est averti peut être aisément prévenu : dans l'espèce, la diffusion des pra- tiques antiseptiques, l'amélioration de l'hygiène indi- viduelle du soldat en campagne seront les conditions essentielles d'une saine évolution des blessures de guerre, qui réduira à leur minimum les sacrifices encore trop nombreux des vies humaines. C'est là la conclusion naturelle de l'ouvrage de MM. Nimier et Laval, et dont elle suffit à montrer l'utilité et l'intérêt. D: GABRIEL MAURANGE. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 49 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE: ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 10 Décembre 1900. M. P. Painlevé est élu membre de la Section de Géométrie en remplacement de M. Darboux, nommé secrétaire perpétuel. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Guillaume pré- sente ses observations du Soleï, faites à l’équatorial Brunner de l'Observatoire de Lyon pendant le troisième trimestre de 1900. La surface totale des taches a dimi- nué des 4/5; les facules ont diminué tant en nombre qu'en étendue. — M. D. Eginitis a observé à Athènes les Léonides dans les soirées du 14 au 17 novembre; il y avait deux points radiants dans & Lion et Régulus. Les 23 et 24 novembre, il a apercu aussi quelques Bié- lides. — M. Rodriguez communique les observations des Léonides faites à l'Observatoire du Vatican, à Rome, dans la nuit du 14 au 15 novembre. — M. Léopold Téjer démontre que la série de Fourier d’une fonction bornée et intégrale appartient à la classe des séries pour lesquelles une certaine limite existe. — M. Ww. Stekloff démontre que la méthode de Neumann fournit la solution du problème intérieur de Dirichlet, quelle que soit la fonction continue f à laquelle doit se réduire sur (S) la fonction harmonique cherchée. Il en est de même du problème extérieur de Dirichlet. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ponsot démontre que, à la limite extrême de raréfaclion, soit sous volume constant, soit sous pression constante, la chaleur spé- cifique moléculaire d'un composé gazeux est inférieure à celle du mélange de ses éléments obtenu par disso- ciation. — M. H. J. S. Sand indique une formule qui sert à exprimer la concentration aux électrodes dans la solution d’un seul sel ou d’un mélange. L'auteur en déduit qu'il est possible d'empêcher l'évolution d'hydro- ène pendant l’électrolyse d'une solution acide de sul- ate de cuivre en agitant très fortement le liquide. — M. Eug. Demarçay indique les raies situées entre À 5.000 et À 3.500 du spectre de lignes du samarium. La substance qui a servi à les obtenir était à un grand degré de pureté; elle ne contenait que des traces de Gd, À et 2— 7e. — M. Marcel Guichard a obtenu la réduction totale des oxydes de molybdène à une tem- pérature inférieure à 6000. L'oxydation du mobybdène par la vapeur d’eau ne commence que vers 7009. Par oxydation progressive du molybdène dans la vapeur d’eau ou des mélanges d'hydrogène et de vapeur d’eau, on n'obtient jamais d'autres oxydes anhydres que MoO® et Mo0. Vers 800°, on peut obtenir du molybdène métallique par réduction totale de ses oxydes au moyen d'un mélange d'hydrogène et de vapeur d’eau de pres- sion totale égale à la pression atmosphérique, et pourvu que la pression de la vapeur d'eau soit inférieure à 350 millimètres. — M. Ch. Camichel, à propos d'une note récente de M. Lemoult, rappelle qu'il a déjà démontré la loi suivante : Si l’on dissout des poids des dérivés des indophénols proportionnels aux poids mo- léculaires dans le même volume du dissolvant, les dif- lérents spectres obtenus présentent une bande rouge de position invariable. — M. F. Wallerant montre que lorsque les particules complexes qui constituent les corps cristallisés ne sont pas cubiques, elles doivent être considérées comme des particules cubiques défor- mées. De celte définition résulte que les formes primi- tives de tous les cristaux ont même signification phy- sique. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Béhal etC. Phisalix ont reconnu, par des réactions chimiques et physiolo- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. giques, que le principe actif du venin sécrété par le lulus terrestris est de la quinone. — M. S. Jourdain a étudié le venin de la glande forcipulaire de Ja Scolo- pendra morsitans. Des petits mammifères mordus par la scolopendre ne tardent pas à succomber; chez l'homme, ilse produit une inflammation locale. Il est probable qu'on se trouve en présence d’un vrai venin, et non d’un corps analogue à la quinone comme chez les Iules. — M. E. Rodier a reconnu que la température de congélation du sérum sanguin chez les différentes espèces de Sélaciens est (rès voisine de celle de l'eau dans laquelle ils vivent. Chez un même animal, le liquide péricardique, le liquide péritonéal et aussi le liquide utérin ont le même point de congélation que le sérum sanguin, quoiqu'ils contiennent généralement plus de chlorures. — M. R. Kæhler a constaté que les Echinides et les Ophiures capturées par la Belgica dans les régious antarctiques offrent un faciès tout à fait spécial et sans aucune analogie ni avec les formes arctiques et subarctiques, ni avec les formes subantarc- tiques déjà connues. Ce fait est absolument contraire à la théorie de la bipolarité des faunes. — M. Ab. Netter examine les mœurs des Abeilles au double point de vue des Mathématiques et de la Physiologie expérimentale. Pour lui, les Abeilles fonctionnent automatiquement en toutes leurs évolutions. — M. M. Bra à constaté que le champignon qu'il a isolé des tumeurs cancéreuses n'est pas un blastomycète. Il peut végéter en blastomycète, mais il se reproduit aussi par endospores et présente un état filamenteux. Il appartient, par conséquent, à un ordre plus élevé. 17 Décembre 1901. Séance publique annuelle”. Séance du Séance du 24 Décembre 1900. M. E. Guyou a obtenu, par la méthode de l’analyse harmonique, des formules et tables permettant de cal- culer les heures et hauteurs des pleines et basses mers, connaissant les hauteurs d'heure en heure. — M. C.Gui- chard recherche les congruences dontles deux réseaux focaux sont cycliqnes. — M. W. Stekloff poursuit ses études sur l'emploi de la méthode de la moyenne arith- mélique de Neumann à la solution du problème de Di- richlet. — M. A. Liapounoff étudie une série relative à la théorle d'une équation différentielle linéaire du second ordre: — M. M. Krause, à la suite de ses re- cherches sur les fonctions thêta à trois variables, montre la possibilité de former des systèmes orthogonaux de soixante-quatre coefficients dont les éléments sont eux- mêmes des produits de fonctions thêta et donnent tous les systèmes possibles. — M. G. Kænigs est arrivé à construire un compas composé, dit homographique, réalisant par des articulations l'homographie plane gé- nérale. Cet appareil peut donner, par exemple, la cons- truction de la formule Euler-Savary. —- M. Jougnet indique les conditions suffisantes pour que le théorème des tourbillons en Thermodynamique soit vrai en l’ab- sence de toute viscosité. — M. P. Duhem communique ses recherches sur le théorème d'Hugoniot et quelques théorèmes analogues relatifs aux ondes d'ordre ». 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré étudie les variations des cotes barométriques simullanées ayx jours de la révolution synodique. — M. A.-B. Chau- veau communique les résultats des observations de l'électricité atmosphérique faites à la Tour Eiffel et au Bureau central météorologique. La variation du champ 1 Voyez ce même fascicule, page 1, DTA 4 0 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES avec l'altitude est modifiée par lss saisons; mais cette influence, considérable au voisinage du sol, cesse de se faire sentir à une trentaine de mètres au-dessus. — M. H. Chevallier a reconnu que les petites oscillations de température ont un rôle plus efficace que les échauffe- ments à température physiquement constante dans la production des modifications permanentes des fils mé- talliques, estimées d'après les variations de la résistance électrique. — M. René Paillot a constaté que, dans une pile formée de deux électrodes de fer plongées dans l’eau acidulée, et dont l’une des électrodes est aimantée, la force électro-motrice d'aimantation tend toujours vers une limite, déterminée pour un échan- tillon de fer et un acide donnés. M. J. Borgman communique de nouvelles observations sur les phéno- mènes de luminescence qui se produisent dans un tube en verre rempli d'un gaz raréfié et muni d'un fil de pla- tine tendu, communiquant à l’un des pôles d'une bobine de Ruhmkorff. — MM. Foveau de Courmelles et G. Trouvé décrivent des appareils permettant diverses apphcalions physiologiques de la lumière produite par une lampe à incandescence, l’action des rayons étant considérablement concentrée par la réflexion sur un miroir parabolique. — M. F. Caubet considère les iso- thermes qu’il a obtenues dans la liquéfaction des mé- langes gazeux. En. dehors des points situés sur la courbe de saturation, l'isotherme théorique coupe l’'isotherme pratique eu un nombre impair de points aux tempéra- tures inférieures à la température critique, et en un nombre pair aux températures de condensation rétro- grade. — M. Albert Colson a observé qu'en dehors de toute excitation électrique ou lumineuse, un tube à vide en verre émet des gaz réducteurs qui se renouvellent à mesure de leur absorption, comme s'ils possédaient une tension fixe, et dont le pouvoir réducteur dé- passe celui de l'hydrogène libre. — M. ©. Boudouard a étudié la réaction réversible : 2C0—C0?<4-C à diverses pressions; la formule de M. Le Chatelier, donnant l’équi- libre des systèmes gazeux à toute température, se véri- fie encore. On pourra donc s’en servir pour déterminer la composition du mélange gazeux résultant de l’action de l'air sur le charbon à différentes températures. — M. M. Berthelot a introduit des feuilles d'argent et de l’oxygène dans des tubes scellés qu'il a soumis à diverses températures. La combinaison commence vers 200°, même à la pression de l'oxygène dans l'air, et va en augmentant Jusque vers 500-550. Les quantités d'oxyde formé qui persistent après refroidissement sont minimes, mais toujours d'autant plus grandes que la température maximum a été plus élevée. En même temps que la combinaison a lieu, une portion de l'argent se désagrège et se réduit en poussière lanugineuse. L'auteur à constaté également que les lois ordinaires ne s'appliquent pas aux débuts des combinaisons. — M. Berthelot a répété les expériences précédentes avec l’oxyde de carbone. Entre 300° et 500° l'argent se désa- grège el du carbone se dépose. 11 s’est peut-être formé un composé intermédiaire analogue au nickel-carbonyle qui s’est détruit ensuite avec production d'argent et de carbone. — Le même auteur a étudié encore l'action de l'hydrogène sur l'argent. Il y a eu des traces de dé- sagrégalion; peut-être s'est-il formé un hydrure métal- lique très instable? — M. Fonzes-Diacon a préparé le séléniure cuivrique par l’action de H° Se sur le chlo- rure cuivrique anhydre. Il a obtenu le séléniure cui- vreux par voie humide sous forme d'un précipité vert; ce même composé, parfaitement cristallisé, prend nais- sance dans la réduction du séléniure cuivrique par l'hy- drogène, dans la réduction du séléniate de cuivre par le charbon, et dans l’action de H: Se sur les chlorures de cuivre à haute température. — M. V. Thomas, en trai- tant le chlorure thalleux par le brome en présence de l’eau, a obtenu, par concentration de Ja solution, une série de produits : d'abord des lamelles hexagonales orangées de formule Th‘ C!° Br5, puis un mélange d’ai- guilles et de lamelles, puis des lamelles orangé-jaune dont il poursuit l'étude. — M. Oechsner de Coninck a déterminé la densité des solutions aqueuses et alcooli- ques de nitrate d'uranium, puis la solubilité de ce sel dans divers dissolvants minéraux et organiques, enfin sa chaleur de dissolution dans l’eau et dans l'alcool. — MM. L. Bouveault et A. Wahl ont étudié l’action des réducteurs sur les deux nitrodiméthylacrylates d'éthyle isomères. Le sodium réagit sur l’éther & pour donner du nitro-isobutylène; l’'amalgame d'aluminium donne l’aminodiméthylacrylate d’éthyle. Cette dernière four- nil avec KCAz l'uréodiméthylacrylate, avec l’isocyanate de phényle la phénylurée correspondante, qui se trans- forme avec les alcools en isopropénylphénylhydantoine. — M. A. Fernbach a isolé une nouvelle diastase, la tannase, qui, dans la fermentalion gallique, transforme le tanin en acide gallique; cette diastase est secrétée par l’Aspergillus niger. — M. H. Pottevin est arrivé aux mêmes résultats, Imdépendamment de M. Fernbach; dans la réaction, il se produit toujours une certaine quantité de glucose. — M. P. Portier a ajouté divers sucres à du sang de chien ou de lapin; les seuls qui subissent la glycolyse sont le lévulose, le galactose et le maltose. — M. H. Causse, répondant à une note de M. Molinié, conclut que le paradiazobenzènesulfonate de sodium est bien un réactif du cystinate de fer con- tenu dans les eaux contaminées; il est vrai que d’autres corps réagissent avec lui, mais avec une teinte propre à chacun d'eux. — M. G. André a étudié les transtor- mations chimiques qui se passent pendant l’évolution du bourgeon. Il est permis de comparer l’évolution du bourgeon avec la germination de la graine, tant au point de vue de la distribution de la matière minérale que de la transformation des substances organiques. — M. H. Carette a extrait de l'essence de Rue la méthylnonyl- cétone; elle est incolore et non fluorescente. Elle donne une oxime et deux produits de condensation avec le benzylal. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Charrin, étudiant les albuminuries intermittentes, a constaté que les maxima de plusieurs phénomènes (élimination de l’albumine; toxicité, densité, degré de congélation de l'urine; pression vasculaire) s’observent sensiblement au même moment de la journée. — MM. O. F. Mayet et J. Bertrand indiquent un moyen d'étudier les mou- vements amiboïdes des globules blancs du sang de l'homme dans la phagocytose du bacille d'Eberth. — M. G. Marinesco a étudié les modifications cytométri- ques et caryométriques des cellules nerveuses motrices après la section de leur cylindraxe. Elles se rapprochent de celles dues à la résection du nerf hypoglosse dans ce sens que, dans les deux cas, après la phase de réac- tion avec augmentation du diamètre maximum du corps cellulaire, du noyau et du nucléole, il s'ensuit l’atrophie progressive de toutes ces parlies, avec ou sans ébauche de réparation. — M. Ed. Rogez, au sujet d'une récente note de Mle Barthelet sur la télégonie chez les souris, pense que des résultats négatifs ne prouvent rien et qu'il suffit d’un seul cas positif authentique pour mettre bors de doute l'existence de la télégonie. — M. A. Giard répond que les résultats positifs ne seront pas toujours probants, surtout dans le cas des souris blan- ches, étant données la difficulté qu'on éprouve à opérer sur des races pures, et l'influence possible de l’atavisme. — MM. Y. et M. Delage, dans le but de contrôler la théorie de la fertilisation chimique des œufs de Læb, ont déterminé la proportion de magnésium dans les produits sexuels mâle et femelle des Oursins. La quan- tité de métal est à peu près la même dans les deux cas, et, s’il y avait une différence, elle serait plutôt en faveur des produits femelles, ce qui démontre l’inexactitude de la théorie proposée. — M. G. Loïisel a reconnu que les ovules mâles et les cellules de Sertloli ont même origine (cellules germinatives) et mêmes caractères morphologiques (hypertrophie et polymorphisme). Ce sont des éléments qui semblent pouvoir se suppléer l’un l’autre, et qui, par conséquent, ont probablement mème caractère physiologique. — M. P. Vignon communique de nouvelles expériences contraires à l'hypothèse qui ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 51 attribue aux granulations basilaires des cils le rôle de centres cinétiques. — M. L. Mangin pense que le para- site qui dévaste les plantations d’œillets en Provence, nommé Æusarium Dianthi par MM. Prillieux et Dela- croix, ne constitue pas une espèce nouvelle, et doit être attribué au Fusarium roseum. Il serait également para- site pour la pomme de terre. — M. René Maire com- munique ses études cytologiques sur les Gastromycètes. Dans toutes les espèces étudiées, il y a fusion de deux noyaux seulement dans les jeunes basides. — MM. L. Ma- truchot et M. Molliaraä ont observé les variations de structure d'une algue verte, le Stichococcus bacillaris Näg., sous l'influence du milieu. — M. H. Ricôme à étudié le développement des plantes étiolées ayant reverdi à la lumière. Les réserves de la graine per- mettent à la plante de se développer sans l’action chlo- rophyllienne; si l'étiolement n’a pas été de trop longue durée, elle peut même paraître, quelque temps après la mise à la lumière, plus vigoureuse qu'une plante nor- male. La transpiration joue aussi un rôle dans le phé- nomène. — M. Lucien Daniel a constaté que la décor- tication annulaire peut amener un grossissement marqué du fruit dans les Solanées alimentaires et très probablement dans les autres familles qui fournissent des fruits comestibles. — M. A. Bresson a recherché l'âge des massifs granitiques de Cauterets et du Néou- vielle (Hautes-Pyrénées) et d’une partie des formations anciennes qui les bordent. Ces deux massifs ont dû traverser un grand pli synclinal, rempli par le Carbo- nifère. — M. Paul Choffat a déterminé des Ammonites trouvées non loin de Mocambique ; elles se rapportent au Crétacique supérieur. Elles montrent une analogie frappante avec celles du Natal et de l’Inde, ce qui con- firme l'existence d’une mer contournant le sud du continent africain. — M. Henrik Arctowski a observé, au cours du voyage de l'Expédition antarctique belge, des îlots bas complètement recouverts de neige, trans- formée en glace en dessous et descendant en pente douce vers la périphérie de l'ile. 1l existe donc des gla- ciers plats, et la grande calotte glaciaire de Croll peut fort bien recouvrir l'Antarctide. — M.J. Thoulet, après une étude critique des procédés de détermination de la densité de l'eau de mer, a été conduit à adopter l'aéromètre à volume et poids variable de M. Buchanan et à rapporter la densité à celle de l’eau distillée à 4, Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 4 Décembre 1900. M. Polaillon à propos des travaux de M. \Wlaeff, rappelle que c'est M. Mayet qui a le premier démontré la transmission du cancer de l'homme au rat. M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage de M. J.P. Cardamatis relatif à fièvre bilieuse hémoglo- binurique en Grèce. L'auteura recueilli concurremment 116.119 cas de paludisme et 1.519 de fièvre bilieuse hémoglobinurique, et il conclut que la dernière est une entité morbide bien distincte du paludisme. La médi- cation quinique a donné des résultats défavorables dans la fièvre bilieuse; l’auteur conseille le bleu de méthy- lène, les injections d'éther et de sérum artificiel. — M. Hanriot présente le rapport annuel sur le Service médical des eaux minérales et il conclut par les vœux suivants qui sont adoptés par l’Académie : 1° Une en- quête sera faite, au besoin sur place, par les soins de l’Académie sur les diverses sources autorisées jusqu'à ce jour. L'autorisation sera retirée à celles dont l’ex- ploitation aura cessé depuis plus de trois années. Une liste générale des sources autorisées sera dressée et publiée par l'Académie. 2° Il y a lieu d'étudier les me- sures propres à constater les variations et à prévenir l’épuisement des nappes minérales; 3° Les Compagnies seront invitées à se conformer strictement aux condi- tions de leur autorisation. En cas de non-exécution, l’autorisation pourra leur être retirée; 4° L'analyse pré- sentée et acceptée par l'Académie et la date delamise en bsuteilles seront inscrites sur chacune des bouteilles mise en vente. 5° IL y a lieu d'organiser une surveil- lavce sur les sources et les établissements thermaux. Les inspecteurs régionaux, pour la présentaliou des- quels l'Académie se met à la disposition du Ministre de l'Intérieur, ne pourront exercer la médecine dans aucune des stations soumises à leur surveilance. — M. Hallopeau présente un jeune homme porteur d'un angiome volumineux de la lèvre, ayant déterminé une déformation en groin de la face. — M. Lucas-Cham- pionnière présente un sujet âgé atteint d’une fracture de l'extrémité de l'humérus et traité sans immobilisa- tion malgré une déformation notable; au bout d'un mois de traitement, le malade ne sent plus de douleurs et peut mouvoir librement son bras. L'application d’ap- pareils plâtrés est impuissante à modifier la déforma- tion, et l'épaule reste généralement enraidie et doulou- reuse. — M. E. Lancereaux signale des cas d'hémor- ragies névropathiques des voies digestives (stomatorra- gies, hématémèses, entérorragies) qui ne sont liées à l'existence d'aucun désordre matériel. Elles tuent ra- rement et ne sont graves que par leur répétition. On les traiteru efficacement par l'emploi des opiacés et les injections d’ergotine. — M. Albert Robin a constaté que les malades à émissions laiteuses, considérés à tort jusqu'à présent comme des calculeux, des phosphatu- riques ou des neurasthéniques, sont simplement des dyspeptiques hypersthéniques périodiques ou perma- nents. On peut diviser ces malades en deux catégories, suivant qu'ils ont simplement des émissions laiteuses irrégulières ou qu'ils expulsent d'épais liquides crayeux à la fin de la miction ou des conglomérats d'aspect plätreux, qui provoquent des crises vésico-urétrales sou- vent très douloureuses. L'anémie par déglobulisation constitue la complication générale la plus souvent ob- servée. Le traitement devra s'adresser d'abord à la dyspepsie hypersthénique. — M. le Dr Le Roy lit une étude bactériologique sur les loupes cancéreuses. Séance du 11 Décembre 1900 M. le Président annonce le décès de M. J. Bergeron, secrétaire perpétuel. Séance du 18 Décembre 1900 Séance publique annuelle. M. E. Vallin lit le Rap- port général sur les prix décernés en 1900. — M. le Président proclame les noms des lauréats des concours. — M. Debove prononce l'éloge de Charcot. Séance du 26 Décembre 1900 M. le Président annonce le décès de M. Duclos et de M. Béranger-Féraud, correspondants nationaux. L'Academie procède au renouvellement de son bu- reau pour 4901. — M. Guyon, vice-président en 1900, devient président pour 1901. M. Riche est élu vice- président. M. E. Vallin est réélu par acclamations secrétaire annuel. M. Hanriot est réélu trésorier. MM. Jungfleisch et Le Dentu sont nommés membres du Conseil. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 24 Novembre 1900 M. A. Laveran a rencontré l'Anopheles claviges dans toutes les régions à fièvre palustre, tandis que les ré- gions où l'on trouve seulement les Culex sont exemptes de paludisme. — M. P. Courmont à étudié l'agalutina- tion des bacilles de Koch par la sérosité pleurale des tuberculeux. — M. Pachon a observé les eflels éloignés de la section du sympathique cervical sur la tension du globe oculaire; il y a retour à la normale. — M. Mayet adresse une note sur la Jleucocytose dans la tièvre typhoide. — M. Christiani expose ses recherches sur l'histologie des greffes thyroïdi-nnes chez les Reptiles. — M. Ribot (de Toulouse) envoie un mémoire sur la présence du calcium et du magnésium dans la rate. 52 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Séance du 1° Décembre 1900 MM. Ch. Achard et Lœper ont observé, dans le rhu- matisme articulaire aigu, de la leucocytose avec poly- nucléose au cours de la période fébrile, et éosinophi- lie à la fin et dans la convalescence. — Les mêmes auteurs ont constaté, dans deux cas, que la dégénéres- cence amyloïde ne paraît pas modifier la perméabilité du rein au bleu de méthylène. — MM. Sabrazès et Mathis n'ont pas remarqué de modifications des glo- bules rouges dans le cours du zona, mais bien de l’hy- perleucocytose du premier au cinquième jour, puis un retour à la normale, et quelquefois une nouvelle pous- sée d'hyperleucocytose avec un peu d'éosinophilie. — MM. Mairet et Ardin-Delteil concluent de leurs recher- ches que la sueur de l'homme normal n’est pas toxique. Lorsque cette sueur tue, elle tue par sa différence de tension osmosique avec le sang de l'animal auquel on l'injecte.—M.L. Monfet décrit le procédé qu'il emploie pour l'analyse de l'urine; l'acide est précipité à l’état d'urate cuivreux et dosé par sédimentation; l'acide phosphorique est dosé de même à l'état de phosphate d'urane. — M. Hénocque présente un oculaire spec- troscopique très simple.— M. Sicard a trouvé de la leu- cocytose mononucléaire dans le sang d'enfant en cours d'éruption vaccinale. — M. Nobécourt a constaté qu'il n'existe que des mononucléaires dans les séreuses nor- males du cobaye; on peut provoquer l'apparition de polynucléaires en injectant sur la peau des bouillons peptonisés. — M. Pinois a éludié l'action du canthari- date de potasse sur le placenta des cobayes. Séance du 8 Décembre 1900. MM. F. Bezançon, V. Griffon et L. Le Sourd ont obtenu, sur sang gélosé, de belles colonies du bacille trouvé par Ducrey dans le pus du chanere mou; dans ce milieu, les bacilles conservent longtemps leur vita- lité et leur virulence. MM. Tuffier et Hallion ont reconnu que l'effet anesthésique produit par l'injection sous-arachnoïdienne de cocaïne résulte d’une sorte de section physiologique transitoire des racines posté- rieures. — MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté que la sueur épileptique interparoxystique n'est pas toxique; la sueur recueillie au moment des attaques possède des propriétés toxiques faibles, mais réelles, qui s’atténuent assez rapidement après l'attaque. — MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné les lésions et les épanchements tuberculeux et ont constaté au début la présence de polynucléaires; mais ceux-ci disparaissent bientôt pour faire place à un grand afflux de mononucléaires. — MM. E. Maurel et de Rey- Païlhade ont constaté que, pendant le sommeil hiver- nal, les pertes des tortues, calculées par kilogramme de leur poids, sont d'autant plus grandes que l'animal est plus petit. Quelque soit le volume de l'animal, ses pertes sont proportionnelles à sa surface. — M. Tri- bondeau a étudié un testicule humain adulte, dont le canal était obstrué depuis trois mois par des tuber- cules; les tubes étaient en dégénérescence plus ou moins complète, sans spermatides, ni spermatozoïdes. Les cellules de Sertoli persistaient seules dans quelques tubes. Séance du 15 Décembre 1900. MM. L. Grimbert et G. Legros ont cherché à mo- difier les propriétés da bacille coli en le cultivant sur des milieux additionnés de divers antiseptiques. Sur cinq échantillons, deux ont perdu la fonction indol et un seul la propriété de dégager des gaz en milieu lac- tosé; cette modification a persisté à travers une ving- taine de générations. — M. A. Hénocque a étudié l'influence physiologique des ascensions à la Tour Eiffel; l'effet le plus remarquable de la montée, soit en ascenseur, soit à pied, a été l'augmentation constante de l'activité de la réduction de l'oxyhémoglobine. — MM. Sabrazès et Muratet ont reconnu, dans la séro- sité péritonéale du bœuf, une sorte de concentration des leucocytes, qui sont plus nombreux que dans le sang, — M. Wiener envoie une note sur l'action micro- bienne du sérum des animaux traités avec l’'arsenic et la créosote. La Société procède au renouvellement de son bureau pour 1901, qui est ainsi constitué : Président : M. Ch. Bouchard; Vice-présidents : MM. Netter et Raïllet: Secrétaire général : M. E. Gley. Séance du 22 Décembre. M. Gellé à étudié les mouvements de l'air expiré pendant l'émission des sons voyelles, en ayant aspiré au préalable de la fumée; il montre que la formation de la voyelle À s'accompagne d’un mouvement molé- culaire en fourbillon, sans aucune expiration du dehors. — MM. Mairet et Ardin-Delteil ont constaté que la sueur des paralytiques généraux à une toxicité faible mais réelle. — M. G. Legros ne croit pas à l'existence de capsules chez toutes les espèces microbiennes, annoncée par Boni, car le procédé de cet auteur se prète à la critique. Chez les colibacilles, on peut ren- contrer d’une manière inconstante des pseudo-capsules. — H. Frenkel a observé que, si l’on verse de la fleur de soufre sur de l'urine, elle tombe au fond si l'urine, renferme des acides biliaires, et reste à la surface dans le cas contraire. Quelques autres substances partagent la propriété de faire tomber le soufre. — MM. J. Cluzet et H. Frenkel ont reconnu que les liquides qui ne laissent pas tomber le soufre ont une tension super- ficielle supérieure à 50 dynes par em?. — MM. Ravaut et Vidal ont observé que les épanchements pleuraux expérimentaux ont une composition histologique va- riable suivant le mode de production. — M. Waleswood a constaté que, chez les Mammifères, l'hémisphère gauche du cerveau est plus développé que le droit, et que le côté droit du corps est plus développé que le gauche. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 Décembre 1900. M. le Secrétaire général aunonce l'envoi d'une note de M. A. de Grammont intitulée: Contribution à l'étude de la réfraction et de la dispersion, où sont étudiées les courbes qui, pour chaque valeur de l'indice, s’obtiennent en portant aux abscisses les déviations causées par un prisme d'angle A et en ordonnées les incidences. Toutes ces courbes ont, pour diamètre des cordes parallèles à l'axe des incidences, une droite, dont Re an [l l'angle avec l’une des déviations a pour tangente — et dont l'abscisse à l’origine est égale à A. Cette droite est le lieu des minima de déviation pour les différentes couleurs. L’incidence rasante donne pour chaque courbe une émergence limite et une déviation maxima. Le lieu des points d'émergence est une droite, dite droite des limites, inclinée à 45° des axes et passant par le point de la droite des minima dont l’ordonnée est 90°. Le mémoire étudie d'autres propriétés des courbes, ainsi que les effets de la variation de l'indice et de l'angle du prisme. — M. V. Crémieu a étudié lellet de la convection électrique et repris les expé- riences de M. Rowland. D'après Maxwell le mouve- ment de translation d'une bande électrisée de largeur l, de longueur ds, se déplacant dans le sens de cette longueur avec une vitesse v, doit équivaloir à un élément de courant dont l'intensité serait donnée par l'équation : ids — cvlds. s désignant la densité de l’électricité sur la bande mobile. Ce courant de convection posséderait les propriétés magnétiques des courants de conduction. La réciproque de cet effet serait une force pondéromotrice d'induction /, qui s'exercerait sur un corps électrisé . placé au voisinage d’un solénoïde électromagnétique, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53 à l'intérieur. duquel le flux varierait avec une vi- dx à : Ve tesse ES La valeur de f à une distance » de l'axe, Û pour une charge y, serait u dx he 2xr dt” M. V. Crémieu, après avoir essayé, sans succès, de constater l'existence de cette force, et de l'induction électromagnétque qui devrait résulter de la variation du champ magnétique dû à un courant de convection, a répété l'expérience de M.Rowland, en opérant sur des courants beaucoup plus intenses. Un disque d’ébonite, doré suivant des secteurs isolés, chargé à une densité | superficielle électrique de 2 à 5 C. GC. S., tournant entre des plateaux fixes diélectriques récouverts de secteurs d'étain, isolés les uns des autres et séparément reliés au sol, produit, sur une aiguille aimantée placée parallèlement à son plan, des déviations dont le sens est celui que fait prévoir la théorie de Maxwell. Mais _ l'ordre de grandeur est beaucoup plus petit. De plus, les déviations peuveut s'annuler, lorsqu'on interpose une plaque conductrice devant l'aiguille; lorsque l'aiguille aimantée est en face du milieu d'un secteur fixe ou de l'intervalle de deux secteurs ; lorsque ces secteurs fixes sont reliés au sol en des points symé- triques par rapport à l'aiguille aimantée, et enfin lorsque, dans les secteurs, on remplace l'étain par une couche de graphite qui peut se charger, sans permettre le mouvement rapide de l'électricité. Il est donc cer- ain que les déviations observées proviennent d'un phénomène accessoire de conduction qui se produit dans les secteurs fixes. M. Crémieu se propose de recher- cher si l'effet prévu par Maxwell ne deviendrait pas observable, en supprimant les secteurs fixes qui forment un écran conducteur entre le disque mobile et l'aiguille aimantée. — M. C. Matignon expose la théorie et les usages de la métallurgie à base d'aluminium ou aluminothermie. Sous ce nom, Hans Goldschmidt dés:- | gne l'application de la haute chaleur de combinaison de l'aluminium à l'oxygène à la réduction des oxydes, soit en vue d'obtenir les métaux et leurs alliages, soit pour utiliser la chaleur dégagée dans la réaction. L'aluminium réduit tous les oxydes, sauf la magnésie, en mettant en liberté le métal. Dans la plupart des cas, la réaction, une fois provoquée en un point de mélange, se propage d'elle-même dans toute la masse; par suite de la chaleur dégagée l’alumine et le métal fondent et se séparent; on retrouve, au fond du creuset, un culot métallique recouvert par de l’alumine fondue. Pour amorcer laréaclion, on dépose à la surface du mélange d'oxyde et d'aluminium, pris en grains obtenus par un procédé spécial, quelques grammes de bioxyde de baryum et d'aluminiun en poudre, qu'on enflamme par l'intermédiaire d'un fil de magnésium. Pour la soudure des rails de tramways, des tubes de fer, de cuivre, il est commode d'utiliser la chaleur dégagée par une réaction que l’on provoque à l'intérieur d'une boîte entourant les pièces à réunir. M. Matignon exécute de brillantes expériences de réduction d’oxydes par l'alu- minium. CG. RAvEaAU. Séxnce du 4 Janvier 1901. M. A. Job décrit, une nouvelle méthode expérimen- tale pour l'élude de la transpiration des gaz. On ne dispose, en Chimie, d'aucun appareil simple et com- mode pour mesurer les vitesses de dégagement gazeux dans les réactions. L'auteur y arrive au moyen d'un dispositif très simple, constitué par un tube ou un pelit ballon à réaction, terminé par une tige capillaire et relié latéralement à un manomètre. Le gaz se dégage dans l'appareil plus rapidement qu'il ne peut s’écouler par la pointe capillaire, et il se produit un excès de pression qui est indiqué au manomètre et peut: être - enregistré. En régime permanent, pour une vitesse de dégagement, on observe: une pression constante. au manomètre. Pour étalonner l'appareil, l’auteur y pro- duit un débit gazeux constant et counu, et cela au moyen de l'électrolyse; on emploie une solution de soude à 15 °/, avec des électrodes en nickel, et connaissant l'intensité du courant employé, on en déduit facilement la quantité de gaz tonnant produite. La sensibilité de l'appareil augmente avec la finesse du tube capillaire, car l'excès de pression est plus grand: mais alors la rapidité des indications diminue ; on obvie à cet in- convénient en donnant à l'appareil un très pelit vo- lume, afin que l'équilibre s'établisse rapidement. Les indications de l'appareil nécessitent deux corrections : l'une de température (0,006 par degré), l’autre de pres- sion (1/80 par cent. de Hg); on peut s'affranchir de la première en opérant à température presque cons- tante, de la seconde au moyen d'un petit dispositif additionnel approprié. Cet appareil est susceptible d'applications diverses; il peut servir à mesurer la vitesse des fermentations. Il permet l'étude de divers phénomènes d’électrolyse. En séparant le ballon en deux parties par une paroi poreuse et en placant une électrode dans chaque parlie, on pourra recueillir sé- parément les gaz déyagés à chaque électrode et mesurer leur vitesse de dégagement. En placant en série deux ou plusieurs appareils dégageant, par des réactions électrolytiques convenables, des gaz différents, on pourra, en faisant varier les intensilés des courants, réaliser des mélanges gazeux de composition absolu- ment déterminée dont on pourra mesurer la vitesse de transpiration. Enfin on pourra calculer l'intensité d'oxydation électrolytique dans une réaction par la différence des vitesses de dégagement de l'oxygène dans cette réaction et dans un voltamètre ordinaire. — M. G. Sagnac expose la suite de ses recherches per- sonnelles et celles qu'il a faites en commun avec M. P. Curie, sur les transformations des rayons X par la matière‘. 4. Application de la transformation des rayons X à la Chimie. Les éléments qui transforment notablement les rayons X (tels que le platine, le plomb, l'étain, le nickel ou le fer, le zinc, le cuivre) émettent en général les rayons secondaires les plus actifs et communiquent cette propriété aux mélanges ou aux composés qui en renferment. L'étude de l’action élec- trique des rayons secondaires émis par un Corps per- met d'y reconnaitre la présence d'une petite quantité d'un élément relativement très actif, par exemple le cuivre, le fer dans l'aluminium. De là, une méthode. pour chercher à découvrir des éléments nouveaux. 2, Absorption des rayons secondaires par l'air. L’éner- gique absorption que les rayons secondaires les plus actifs issus d’un métal comme le platine éprouvent dans les premiers millimètres d'air adjacents au métal rayonnant à été vérifiée d'une manière directe en raré- fiant l'air autour du métal. 3. Nouveau mode de dé- charge des corps électrisés. Un faisceau de rayons X décharge un conducteur C même quand le faisceau ne traverse pas la région I de l'atmosphère soumise au champ électrique du conducteur; il suffit que le fais- ceau de rayons traverse une région E de l'atmosphère électrostatiquement séparée du champ du conducteur G par un écran de Faraday discontinu, comme une loile métallique, mais dans laquelle règne un champ élec- trique F, de même sens* que le champ F;. — Il en résulte, en particulier, que si des rayons pénètrent aussi dans la région 1, la présence du champ exté- rieur F, peut, suivant le sens de ce champ et celui du champ F;, modifier considérablement la vitesse de dé- charge du corps C; cette vitesse varie alors, par qe 1 Voir G. Sacxac : « Luminescence et rayons X, » paru dans le n° du 30 avril 1898 de la Revue (9e année, p. 31). ? Expériences décrites dans un pli cacheté déposé à l'Académie des Sciences, le 18 juillet 1898, ouvert dans la séance du:5 février 1900. — M. P. Villard a‘trouvé que les flammes, les corps incandescents, le phosphore, produisent les mêmes eflets qu'un faisceau de rayons X. (Société Francaise de physique, séance du 16 mars 1900.) È 54 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES exemple dans le rapport de 1 à 10 ou 20, quand on renverse le signe de l’électrisation du conducteur C, alors qu'elle est indépendante de ce signe en l'absence du champ extérieur F,. M. Sagnac explique ces phéno- mènes en admettant que les ions produits par les rayons dans l'air de la région E acquièrent sous l'in- fluence du champ électrique F, une vitesse et une force vive suffisantes pour quitter les lignes de force du champ F, et pénétrer dans la région I de l’autre côté de l'écran de Faraday. Ces flux d'ions positifs ou néga- tifs produits dans l'atmosphère sont les analogues des rayons cathodiques, considérablement plus rapides et moins diffusables, produits dans le vide de Crookes. 4. Electrisation négative des rayons secondaires déri- vés des rayons X (travail fait en commun avec M. P. Cu- rie). Un faisceau assez intense de rayons X, recu à travers une fenêtre d'aluminium dans une enceinte de Faraday en plomb épais complètement entourée d’une enveloppe continue de paraffine, s'est montré dépourvu d'électrisation (le dispositif aurait permis de déceler un courant électrique de l'ordre de 10 ampère). On a pu constater que le même faisceau de rayons X, recu par une lame d’un métal lourd tel que le platine, le plomb, l'étain, le zinc, excite en frappant le métal des rayons secondaires électrisés négativement, capables de produire un courant électrique de l’ordre de 10-10 am- père. Pour pouvoir recueillir les charges négatives issues du métal, ou les charges positives complémen- taires libérées sur le métal, on raréfiait l'air autour du métal jusqu'à la pression du millième de millimètre de mercure afin de rendre à l'air ses propriétés isolantes malgré l’action des rayons X et des rayons secondaires qui le traversaient. Par leur électrisation négative, les rayons secondaires des métaux tels que le platine, le plomb, présentent une certaine analogie avec le rayonnement spontané du radium. 5. Comparaisons diverses. La partie électrisée des rayons secondaires est aussi peu pénétrante que les rayons cathodiques produits par les décharges dans le vide de Crookes et que Lenard a étudiés (1/2 micron d'aluminium ne transmet que les 3/5 des charges négatives des rayons secoudaires du plomb). Elle constitue, dans l'optique des rayons de Rüntgen, l'analogue des rayons cathodi- ques, encore plus absorbables que les métaux émettent sous l'influence des rayons ultra violets, et que P. Le- nard ‘ a récemment étudiés dans le vide. D'autre part, l'ionisation des gaz par les rayons X est analogue à l'ionisation des gaz par les rayons ultra violets® de longueur d'onde inférieure à 0,2, rayons absorbables par l’air et divers gaz d'autant plus fortement en géné- ral que leur longueur d'onde est plus petite. — M. Le- moine présente quelques jouets du nouvel-an basés sur quelques principes simples de Physique. L'un des plus curieux est le bateau sous-marin, qui s'enfonce dans l’eau et remonte à la surface alternativement. Dans ce bateau est disposée une chambre cylindrique, percée à sa partie supérieure d’un trou capillaire et à sa partie inférieure d'un orifice plus large. Cette chambre est divisée en deux parties par une cloison horizontale per- cée d'un trou; la partie inférieure contient de l'air, la partie supérieure un mélange d'acide tartrique et de bicarbonate de soude. Quant on pose le bateau sur l’eau, l’eau pénètre par le fond et chasse devant elle l'air qui sort par le trou capillaire : le bateau tombe au fond. L'eau arrive alors dans la seconde chambre et de l'acide carbonique se produit; comme il ne peut se dégager assez rapidement par le trou capillaire, il refoule l'eau par la seconde chambre, et le bateau remonte peu à peu. Il reste un moment à la surface, jusqu'à ce que l'acide carbonique soit expulsé, puis l'eau rentre et les mêmes phénomènes se repro- duisent. 1 P. Lexar : Drude's Annalen d. Physik, t. II, p. 359- 370, 1900). ? P, LenanD : Loc. cit., t, 1, p. 486-507; €. II, p. 298-319, 1900. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 4% Décembre 1900. M. A. Béhal expose, au nom de M. C.Phisalix et au sien, le résultat de leurs recherches sur le venin du Julus terrestris. Ils ont trouvé que la quinone en cons- titue le principe actif. — M. M. Guichard communique le résultat de ses recherches sur l'oxyde bleu de molyb- dène. Il indique une méthode qui permet d'obtenir cet oxyde à l'état de pureté. Sa composition est Mo0", 4 MoO*, 6 H°0. Il n'existe pas d'oxyde anhydre corres- pondant. L'action des acides sur ce composé donne du tétrachlorure de molybdène et de l’acide molybdique, et cette réaction peut être renverse. le l’ensemble de ses recherches sur les oxydes de molydène, M. Gui- chard conclut que le molybdène possède deux oxydes à fonction acide, deux oxydes à fonction basique, un oxyde salin, ces oxydes étant hydratés, et deux oxydes anhydres seulement, le trioxyde et le bioxyde. — M. P. Freundler a poursuivi l’étude du couple zinc- cuivre sur les chlorures d'acides, en solution dans l’éther anhydre. Il obtient en définitive, avec le chlo- rure de butyryle par exemple, de l'aldéhyde butyrique, du butyrate d’éthyle et du chlorure d’éthyle, le chlorure de zinc formé restant en solution. On peut donc repré- senter la réaction par les deux équations : 2CH%.COCI+Zn+2(CH5)0—2C'H5.CO2CH%+ZnCl2+20?H°CI, 2C*H°COCI + Zn + 2H —ZnCË + 20C*H5.CHO. M. Freund a déjà signalé la première de ces réactions (Am. Chem., t. CXVIIL); toutefois il a obtenu, en em- ployant le zinc seul (et non le couple), une certaine quantité du corps CH5 — C— O0 — CO.C'H5 | CH5 — C — O0 — CO.CH* qu'il a considéré comme étant du dibutyryle. Ce pro- duit semble ne se former qu'en quantité très minime lorsqu'on opère avec le couple préparé par réduction du zinc et de l’oxyde de cuivre dans un courant d'hy- drogène (Lachmann). Quant à l'hydrogène nécessaire à la réduction du chlorure en aldéhyde, il provient évi- demment du couple dans lequel il existe, soit à l’état occlus, soit à l'état de combinaison. En effet, lorsqu'on fait réagir sur le chlorure d’acétyle ou sur le chlorure d'isovaléryle le couple préparé par le procédé ordinaire (chauffage du cuivre avec de la limaille de zinc), on obtient, comme dans le cas du zine, de l’éther sel et du chlorure d'éthyle, et seulement des traces infinitési- males de produit réducteur. L'auteur étudie présente- ment les modifications à apporter au couple pour amé- liorer les reudements en aldéhyde. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 14 Décembre 1900. M. A. Schuster lit un mémoire sur l’inertie élec- trique et l'inertie de la convection électrique. Les calculs de self-induction sont basés sur l'hypothèse que les courants qui traversent un conducteur le remplis- sent d'une facon continue, le flux étant traité comme celui d’un liquide incompressible. Cette hypothèse est généralement rejetée dans le cas des électrolytes, où l'électricité est conduile par un grand nombre de ions irrégulièrement distribués. Dans les environs immé- diats d’un ion, le champ magnétique est plusieurs fois plus grand que celui calculé dans l'hypothèse d'une distribution continue ; le total de l’énersie magnétique est donc estimé au-dessous de sa valeur. Ce qui est universellement reconnu dans le cas des électrolytes doit être également accordé quand le courant est con- duit par un gaz; et il est probable que, même dans les conducteurs solides, le courant se compose d'électrons positifs et négatifs se mouvant avec des vitesses diffé ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 53 rentes. L'objet de ce mémoire est de calculer les termes additionnels qui deviennent nécessaires pour l’éva- luation de la self-induction, et de discuter les cas possibles dans lesquels les corrections peuvent affecter les résultats expérimentaux. L'analyse mathématique montre qu'on doit ajouter un terme correctif conte- nant une quantité qui peut être appelée inertie élec- trique. L'auteur a calculé la valeur numérique de cette quantité pour un conducteur solide, et a trouvé environ 2 X 10 — 12 unités C.G.S.; elle est de la dimension d une surface. Les expériences de Hertz ont prouvé que si l'inertie électrique existe, elle doit être moindre que 18 X 10—3. Dans le cas des liquides et des gaz, l'inertie électrique des ions mobiles devient beaucoup plus importante, et le calcul de la selfinduction par les procédés ordinaires donne des résultats erronés. L'in- troduction d'un terme représentant l'inertie altère les équations générales du mouvement électrique ; l’auteur a appliqué la théorie modifiée aux décharges de la bouteille de Leyde, aux décharges sans électrodes de J. J. Thomson et à la théorie électro-magnétique de la lumière. Dans le cas des décharges sans électrodes dans un tube à vide, il est possible que l'absorption de l'énergie ne soit pas seulement due à la conductibilité du gaz, mais aussi à l’inertie qu'il possède. — Le même auteur lit un mémoire sur laprécession magnétique. La méthode la plus délicate pour déterminer l'influence de l'ivertie électrique est basée sur les forces électro- motrices introduites par le mouvement des conduc- teurs qui transportent des courants électriques. Si l'électricité se comporte comme un corps possédant de l'inertie, la rotation d’un corps traversé par des cou- rants doit affecter le flux de la même manière que la rotation de la terre modilie la direction des cou- rants d'air. Si le magnétisme terrestre est dû à des courants électriques, il est intéressant de rechercher si les effets de l’inertie peuvent expliquer la varia- tion séculaire. Le calcul moutre qu'une précession magnétique du caractère de la variation séculaire serait produite, mais que la précession serait beaucoup plus lente que les variations actuellement observées, Le calcul, fait d’abord pour les courants dans une sphère creuse, est étendu à une sphère solide. La ériode calculée d'un cycle est de 7 X 10!‘ années. Si es courants sont confinés à une mince couche de la terre, le temps se réduit à 14 xX 105 années; pour pro- duire la période actuelle de la variation séculaire, il faudrait que la couche de courant ait des dimensions moléculaires. Il est donc possible que le phénomène de la variation séculaire soit d'un caractère moléculaire. En réponse à une observation de M. Blakesley, M. Schuster signale que, si l’intérieur de la terre était liquide, la période du cycle serait environ cent fois moindre. — M. A. W. Rücker lit un mémoire sur le champ magnétique produit par les tramways. Considé- rant le cas d’un tramway pour lequel le courant part de la station centrale le long d'un fil de trolley et revient partie par les rails, partie par la terre, l’auteur montre que la force verticale perturbatrice en un point est due aux courants dans les feeders ef les rails, et que les courants terrestres affectent seuls la force horizontale. L'expérience montre que ce sont surtoutles instrüments à force verticale qui sont affectés par l'établissement d’un tramway électrique, et comme ce trouble est dù aux lils et aux rails, il est impossible pour un observa- toire d’être protégé par des rivières ou d’autres acci- dents naturels des environs. Si l’on considère les fils de trolley et les rails comme des conducteurs isolés, l'effet d’un tramway sur un point situé à une certaine distance est dù à la différence entre le courant du trol- ley et le courant du rail. Le trouble augmente avec la longueur du tramway, et pour un tramway d'une lon- gueur donnée, les pertubations sont maximum aux points situés sur une perpendiculaire abaissée sur le milieu de la ligne. Des expériences faites à Stockton sur la grandeur de la force perturbatrice ont donné, avec l'appareil à force verticale, une perte de 16,3 ‘/,, et avec l'instrument à force horizontale une perte de 15,9 concordance très bonne. L'hypothèse que les extrémités de la ligne sont au-dessus et au-dessous du potentiel moyen de la terre d’une même quantité, et que la perte en un point est proportionnelle à la différence du poten- tiel entre le rail et la terre, conduit à la théorie ordi- naire d'un barreau de Fourier. Cette hypothèse plus exacte a été appliquée aux résultats de Stockton. La perte calculée est de 20 °/,. Le calcul de la force verti- cale perturbatrice donne 10,5 >< 107 unités C. G.S., ce qui concorde avec la valeur 7 X 107° unités GC. G.S. observée. En somme, pour les besoins pratiques, il est suffisant d'employer le courant de retour moyen par les rails, dont les formules sont plus simples. — M.R. T. Glazebrook communique quelques notes sur l'appli- cation pratique de la théorie des perturbations magné- tiques par les courants terrestres. L'auteur y à mis la formule préconisée par M. Rücker sous une forme pra- tique, et il donne une fable des distances auxquelles les perturbations sont négligeables pour des tramways de longueur donnée. -— M. R. Threlfall présente sa balance de gravité à fil de quartz qui a déjà été décrite ici, elle est surtout remarquable par son exactitude et sa portabilité. — M. Watson présente une série de pen- dules demi-seconde, dont le support est particulière- ment stable. Ils sont couverts d'une enveloppe dont l'air peut-être extrait de facon à diminuer le décrément logarithmique. Le mouvement des pendules est indiqué par des rayons de lumière réfléchis par des prismes à angle droit qui y sont attachés, et la période d'oscil- lation est déterminée par la méthode des coincidences au moyen d'une horloge astronomique. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 6 Décembre 1900. M. A. C. Chapmann à obtenu, en oxydant l'huile du bois de santal par le permanganate de potassium neutre, de l'acide santalénique C'‘H#*O?, cristallisé, fondant à 76°; [x}]n — + 189,05. — M. A. Scott a trouvé pour le bromure d'ammonium un équivalent différent de celui donné par Stas; ce dernier est arrivé à 98,032 tandis que l'auteur trouve 97,996. Le poids atomique de l'azote s'abaisserait donc de 14,045 à 14, 0/0, nombre qui se rapproche de celui déduit des densités relatives de l'oxygène et de l'azote (16 : 14,003). La cause de cette diflérence tient probablement à ce que le brôme employé par Stas n'était pas pur et contenait du pla- tine. — MM. Henry J. Horstman Fenton et H. Owen Jones ont poursuivi l'étude des propriétés de l'acide oxalacétique, obtenu par oxydation de l'acide malique en présence de fer ferreux. Son hydrazone, chauffée avec de l’eau, perd CO* et donne l’hydrazone de l'acide pyruvique; si la concentration est suffisante, cette décomposition n’a pas lieu et l'hydrazone perd de l’eau en donnant l'acide phénylpyrazolonecarboxylique de Wislicenus. — MM. J.-J. Dobbie, Alex. Lauder et Photios G. Paliatseas ont reconnu que la corydaline C'H'5Az (OCH*), alcaloïde de la Corydalis cava, diffère de la corybulbine C'#H'5Az0(OCH°)° par un groupe mé- thoxyle en plus. Cette dernière renferme un groupe hy- droxyle, car elle peut donner un dérivé monoacétylé. Les deux alcaloïdes sont transformés par HI concentré en C#H'AZ(OH)',HI. La corybulbine est convertie en corydaline par l’action du iodure de méthyle et de la potasse. — MM. W.-J. Pope et W.-N. Hartley ont résolu la tétrahydro-B-naphtylamine racémique en ses composants actifs au moyen des acides dextro et lévo- bromocamphorsulfoniques. Mais en libérant la base de ses sels au moyen de la soude et en préparant le chlo- rhydrate, on observe une racémisation considérable ; et les chlorures actifs deviennent difficilement sépara- bles du mélange des sels. Le spécimen le plus pur de d-tétrahydronaphtylamine, obtenu en traitant le bro- mocamphorsulfonate par la soude et distillant sous pression réduite, donne : [als —+ 379,24; il contient ACADÈMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES encore 30 °/, de base gauche, ce qui fait que la base droite pure donnerait environ [al —+ 96° Ce cas d'inversion optique n'a pas encore été sisnalé; mais on a observé la racémisation par benzoylation de com- posés : R Ne A Ro NazH qui se transformaient probablement en : NG:A7H° RAA US MM. W.-R. Dunstan et H. Brown ont reconnu que l'Hyoseyamus muticus de l'Egvpte contient beaucoup plus de hyoscyamine (graines : 0,87 °/,; tiges et feuilles : 0,59 0/,) que la raème plante aux Indes (0,1 °/, seule- ment). Le Datura stramonium d'Egypte contient égale- ment cet alcaloïde dans la proportion de 0,35 °/,. — M. A.-E. Dixon a étudié l'action des uréthanes sur les | amines benzénoïdes primaires. La phényluréthane et la paratoluidine donnent de l’aniline et un mélange de phénylparatolylecarbamide et de diparatolylcarbamide. La réaction est probablement la suivante : I. PhAzH.CO.OEt + ToAzH°?— ElOH + Ph.AzH.CO.AZHTo. Ii. PhAzH.CO.AzHTo+ToAzH?= Ph.A7H°+ToAzH.CO.AzHTo. De l’aniline et de la paratolyluréthane, on obtient les mêmes composés. L'orthotoluidine et la phényluréthane donnent de la ditolylcarbamide et de la phénylorthoto- lylcarbamide. La phényluréthane et l'x-naphtylamine produisent de la di-x-naphtylcarbamide el de la phé- nyl-a-naphtylcarbamide. — M. W.-H. Sodeau a cons- | taté que le chlorate de calcium se décompose en perdant 0,6 °/, de son chlore, et 20/4 lorsqu'il y a explosion. Le chlorate d'argent, chauffé à 350°, explode en perdant 7 °/, de son chlore; dans la décomposition lente, il peut dégager jusqu'à 36 °/, de chlore si l’on abaisse suffisamment la pression. Il y a deux réactions simul- tanées : 2 M(CIO®)® — 2 MCI + 60° 2M(C10:} = 2M6 + 2 CE + 302, Pour le chlorate de calcium, la première décomposition procède 4180 fois plus vite que la seconde; pour le chlo- rate d'argent, le rapport n'est que 1,8 à 1. — M. G. J. Fowler à préparé un azoture de fer Fe*Az par l’action de l'ammoniaque, sur : 4° le fer finement divisé; 2 le chlorure et le bromure ferreux; 3° l’'amalgame de fer. Il se décompose à 600 dans un courant d'azote; sa densité est 6,35. Chauffé dans un courant d'air à 2009, il est transformé en oxyde ferrique et azote. Il est décomposé par l'acide sulfurique suivant l'équation : 2 Fe°Az + 6H°S0#— 4FeSO* + 2 AzH'HSO* + H£. L'acide chlorhydrique gazeux le transforme rapidement à 350° en chlorure ferreux et chlorure d’'ammonium. Chauffé en tube scellé avec l'iodure d'éthyle, il donne lieu à la réaction : Fe?Az + 5 CHI = AzHSl + 5 Ci + 2Fel. — MM. G. J. Fowler et Ph. J. Hartog ont déterminé la chaleur de formation de l'azoture de fer en utilisant sa décomposilion par l'acide sulfurique. Elle est de 3,04 cal. La constitution de ce composé est probable- ment : Fe Fe SS 4 IS Az A2 Fe” Nke __ M. M. O. Forster a obtenu, par hydrolyse du nitrile non saturé qui se forme quand l'hanhydride du bromo- nitrocamphane est (raité par la soude, l'acide infra- campholénique C'H!0?; il est optiquement inactif et se transforme en acide isolauronolique par l'acide sul- furique chaud. L'aminoinfracampholène CSH'*AzH? se prépare en traitant l'amide de l'acide infracampholé=M nique par l'hypobromite de soude. — MM. Th. Hill Easterfield el B. Cracroft Aston ont examiné trois variétés de Tutu (Coriaria ruscifolia, C. thymifolia, C. augustissima) de la Nouvelle-Zélande et en ont isolé un glucoside, la tutine, CTH%07, en cristaux incolores, fondant à 208-209 et donnant [xls —+-90,25. Elle n'est pas identique à la coriamyrtine, dont la formule est C'*H'#0*. Son action pharmacologique est semblable à celle de la coriamyrtine, mais beaucoup moins prononcée. — MM. J. B. Cohen et C. E. Whiteley ont cherché à produire un nouvel atome de carbone asymétrique dans un composé déjà oplique- ment actif, dans le but d'en détacher ensuite le groupe primitivement actif et de déterminer l'influence de ce groupe. Pour cela, ils ont utilisé un grand nombre de réactions, telles que la réduction, la bromuration où l'hydroxylation des éthers composés d’un acide non“ saturé et d'un alcool aclif, ou la réduction de l'éther cétonique d’un alcool actif, l'alcool étant ensuite enlevé par hydrolyse. Ces réactions peuvent être représentées comme suit (X est un groupe ou atome, sauf de l’hydro- gène; A est un groupe alcoyle actif; C est le nouvel atome de carbone asymétrique) : (_(2) CH ICXe00A DE .CH?: CHX.CO*A {(c) :CH°.CHX.COH \ ( CH: CH-CO\ > (b) .CHX.CHX.CO?A ( \ G .CO.CO?A À (b) .CHOH-.CO’A | (e) :CHOH.COHI b c) a D) c)u . CHX.CHN/CU?H a) 3) b ñ Comme exemple de (1), les auteurs ont étudié la réduction des éthers menthyliques des acides mésaco- pique et phénylerotonique. Pour (2), ils ont préparéles dérivés bromés des éthers amyliques et menthyliques de l'acide cinnamique et du tartrate de dicinnamyle, mais l’hydrolyse de ces derniers n’a pu se faire sans départ du brome, et il a fallu renoncer à ces réactions. Comme exemple de (3), les auteurs ont étudié la réduc- tion du pyruvate de menthyle. Mais dans tous les cas, les corps obtenus ont été optiquement inactifs; ces expériences n'en sont pas moins poursuivies. — M. W. H. Perkin junior a préparé, à partir de l'acide ax-diméthylglutarique, l'acide dyméthylglutaconique : CO?H.C(CH°)CH:CH.CO®H, dont l’éther éthylique, mis en digestion avec l'éther cyanacélique sodé, et chauffé avec l'acide sulfurique, se convertit presque quanti- tativement en acide isocamphoronique : CO*A.C(CH°,° CH (CH2CO®H)CH2CO*H, identique avec celui préparé du pinène par Baeyer. — M. J. W. Mellor indique une nouvelle méthode de synthèse de l'acide adipique: l’action du malonate d’éthyle sodé sur le cyanure de chloropropyle donue le cyanopropylmalonate d'éthyle, qui, par hydrolyse avec l’acide sulfurique, se trans= forme en acide adipique. — M. H. M. Dawson à reconnu que le triodure de potassium est un sel nor- mal, qui, a des concentrations correspondantes, est dis- socié électrolytiquement au même degré que les autres sels binaires. De même, le triiodure d'hydrogène est électrolytiquement dissocié comme l'acide iodhydrique et appartient au groupe des acides forts. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. © 12 ANNÉE N° 2 950 JANVIER 1901 Revue générale Ds SCienc pures el appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. LL — —— CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Mort des Professeurs Potain et Hermite. — Quatre deuils cruels viennent de frapper le monde savant. Les lignes suivantes rappelleront au lecteur l'œuvre de Bergeron et celle de Chatin. Dans son pro- chain numéro, la Aevue consacrera une notice à la vie et aux travaux de Potain et de Hermite. Jules Bergeron. — Le 6 décembre dernier s'est éteint Jules Bergeron, l'un des doyens de la Médecine française. Né en 1817 à Niort, il fut recu interne des hôpitaux en 1840, et nommé médecin des hôpitaux en 1852. Il se consacra à la médecine infantile, et fut pendant longtemps médecin de l'hôpital Sainte-Eugénie, réservé aux maladies de l’enfance. Appelé à l’Académie de Médecine en 1865, il en fut secrétaire annuel de 1879 à 1882, vice-président en 188%, président en 1885, et enfin secrétaire perpétuel depuis le 22 mars 1887. Depuis lors, il lui consacra toute son activité. C'est grâce à lui surtout que l’Aca- démie pourra prochainement s'installer dans le magni- fique local qu’on est en train d'achever rue Bonaparte. En qualité de secrétaire perpétuel, Bergeron à pro- noncé, aux séances annuelles, les éloges de quelques grands maitres disparus, éloges qui resteront des mo- dèles du genre. Une grande part de la vie de Bergeron a été égale- ment consacrée aux questions d'hygiène publique; il était membre du Comité consultatif d'Hygiène depuis 1872, et vice-président de ce corps depuis 1884, Adolphe Chatin. — Le 15 courant, le botaniste Gaspard-Adolphe Chatin est décédé aux Essarts-le-Roi. Il était né près de Tullins dans l'Isère, où il fit ses pre- mières études; sa prodigieuse facilité de travail lui valut d’être envoyé à Paris, où il compléta son instruc- tion et conquit rapidement tous ses grades. En 1841, il . était nommé agrégé à l'Ecole de Pharmacie, où il fut chargé, comme suppléant, du cours de Botanique, dont il réorganisa complètement l’enseignement. En 1848, il devenait professeur titulaire, et, en 1873, directeur de REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, | l'Ecole, fonction qu'il résigna en 1886. Entre temps, il | avait été élu, en 1874, membre de l'Académie des Sciences, et il en fut président en 1897. Nous empruntons à la Notice que M. Gaston Bonnier a lue devant l’Académie des Sciences, et dont il a bien voulu nous communiquer les épreuves, l'appréciation suivante sur l'œuvre de Chatin : « On peut dire qu'il n’est pas une seule partie de la Science des végétaux qui n'ait été abordée par le savant botaniste. Morphologie externe, Anatomie, Physiologie, Géographie botanique, Organogénie, Classification, Cryptogamie, autant de divisions de la Botanique dans lesquelles viennent se ranger d'importants travaux de l’Auteur. La caractéristique principale de l'œuvre de Chatio estsurtout dans la production d'idées originales, fertiles en résullats, dans l'ouverture de voies nouvelles explorées ensuile avec succès par les nombreux savants qui ont marché sur ses traces. « Je citerai d’abord l'immense ouvrage intitulé l'Ana- tomie comparée des végétaux, dont la publication, restée inachevée, a commencé en 1856, et où sont examinées successivement les plantes aquatiques, les plantes aériennes, les plantes parasites et les plantes terrestres. À travers ces recherches d’Anatomie com- parée, on rencontre des observations pénétrantes sur les diverses adaptations des végétaux et sur les modili- cations profondes qu'éprouve la structure des êtres sous l'influence du milieu extérieur. Ces longues recherches ont été l’origine première de cette nouvelle branche de la Science qu’on nomme maintenant l’Ana- tomie expérimentale. « Les changements de siructure dans les parties aquatiques ou {souterraines des plantes sout scrutés d'une façon très remarquable dans cette suite de Mémoires; mais c’est surtout l'étude des plantes para- sites qui en constitue le mérite principal. Chatin met en évidence, pour les espèces les plus diverses, les caractères de régression dus à l'influence du parasi- tisme. Cette question des plantes parasites a, d’ailleurs, toujours occupé Chatin, et il y revenait encore, en 1891, par une Note aux Comptes Rendus, où il montre le pre- mier que le parasite n’absorbe pas, telles quelles, les substances élaborées par l'hôte, mais en laisse de côté une partie pour digérer et transformer le reste. 58 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « L'un des premiers, il a compris que, pour prendre toute la valeur scientifique qu’elle comporte, la classi- fication des plantes doit être fondée aussi bien sur les caractères de leur structure que sur ceux de la forme extérieure. Enoncée déjà par Mirbel au commencement du siècle dernier, cette vérité n'est plus aujourd'hui contestée ; elle est pour ainsi dire devenue banale. Elle ne l'était pas, tant s’en faut, en 1839, lorsque Chatin choisit ce sujet pour sa thèse de Doctorat ès Sciences. Depuis, dans les Mémoires que je viens de citer et dans d’autres encore, il a développé tous les résultats acquis successivement par lui dans cette voie. Aujourd'hui que l'étroit sentier d'autrefois est devenu une large grand'route, il est juste de rendre hommage à ceux qui y ont planté les premiers jalons. « On doit encore à Adolphe Chatin un important Mémoire sur l’anthère, qui a provoqué aussi de nom- breux travaux sur la constitution et la déhiscence de l’étamine. Dans ces derniers temps, le savant botaniste a fait paraître une série de recherches sur les Champi- gnons du groupe des Tubéracées, notamment des Truffes, des Terfézées et des Tirmaniées. Ces recherches ont été réunies en un volume qui a paru en 1892. » $ 2. — Physique La loi de Cailletet et Mathias et la den- silé critique. — En 1886, MM. Cailletet et Mathias ont formulé la loi suivante : Les moyennes des densités d'un liquide et de sa vapeur saturée, pour toute sub- stance stable, sont une fonction rectilinéaire de la tem- pérature : Di =D, + ot. Bien que cette loi ait été vérifiée pour un assez grand nombre de substances entre le point d’ébulli- tion et le point critique, M. Sydney Young vient de se livrer à un nouveau travail qui a porté sur une tren- taine de corps, et il a constaté que, pour la plupart d'entre eux, l'écart entre la théorie et l’expérience augmentait rapidement au-dessous du point d'ébulli- tion. Le pentane normal est le seul qui obéisse rigou- reusement à la loi; l'hexaméthylène, le benzène, l'hep- tane normal, etc., semblent suivre une loi qui serait représentée par la formule plus complexe : Di = D,+at+ pe; pour les alcools, il y aurait même lieu d'introduire un quatrième terme, À. M. Sydney Young a calculé, d’après les densités obser- vées, les valeurs de ces trois constantes pour tous les corps étudiés et pour toute la série de températures utilisées. Dans ce cas, les résultats de l'expérience concordent bien avec ceux de la théorie. Doit-on donc rejeter la formule simple D=Doxt? M. Sydney Young pense que non, et il montre qu'elle donne des résultats suffisamment exacts si l’on restreint son emploi pour les températures situées entre le point d’ébullition et le point critique. Dans ce cas, en effet, les valeurs obtenues par les deux formules ne pré- sentent qu'une légère différence. M. Young conclut, en somme, de ses recherches que la loi de Cailletet et de Mathias est presque, mais non absolument exacte: elle ne paraît se vérilier complète- ment que lorsque le rapport de la densité actuelle à la densité théorique au point critique —- possède la va- C D leur normale 3,77. Mais les écarts sont généralement si faibles que la densité critique peut être calculée au moyen des den- sités moyennes du liquide et de la vapeur saturée (à des températures situées entre le point d’ébullition et quelques degrés du point critique) en se servant de la formule simple DD;-#Æ2f, avec une erreur maximum de 0,25 °/, et dépassant rarement 0,1 2/4. La lampe à incandescenee et le courant alternatif. — On sail que l’inertie de nos impres- sions visuelles les étale sur une durée d’un dixième de seconde environ, c'est-à-dire qu'une action extrême- ment courte sur notre œil est ressentie comme si la même lumière tolale lui arrivait en un dixième de seconde. Il en résulte qu'un objet immobile, vu à une lumière discontinue, dont les éclats se succèdent avec une période inférieure à un dixième de seconde, semble éclairé d'une facon uniforme. Mais il n’en est plus de même si l'objet est en mouvement, et les éclats doivent alors se répéter avec une fréquence beaucoup plus grande pour donner l'impression d’un déplacement continu. Ainsi un arc alternatif, dont l'éclat s’abaisse très rapidement après que l'intensité du courant a franchi le maximum, donne l'impression d’un mouve- ment saccadé ou de la multiplicité d'un objet brillant qu'il éclaire, au moins pour les fréquences de 40 à 50, les plus ordinaires actuellement. Les joueurs de bil= lard, par exemple, s'accordent à trouver extrêmement désagréable, presque intolérable même, l'apparition d'un chapelet de billes sous une lampe à arc alternatif. Jusqu'ici on avait admis, en général, que les varia= tions d'intensité des lampes à incandescence dans les circuits alternatifs ordinaires étaient trop faibles pour être observées; au moins, les objets que l’on déplace dans le voisinage d'une lampe à incandescence ali= D Fig. 1. — Représentations du courant et de la chaleur déga- gée d'une lampe à incandescence. — ABCDE, courant sinu- soïdal; AB'CD'E, développement de chaleur produite par le courant précédent; abcdefgh, développement de chaleur figuré. mentée par un courant de 40 à 50 alternances sem- blent-ils se mouvoir avec une vitesse parfaitement uniforme. Un calcul approximatif montre, cependant, que les variations de température, et, par conséquent, d'éclat du filament, sont loin d'être négligeables. Considérons une lampe alimentée par un courant purement sinu- soïdal ABCDE (fig. 1). La chaleur dégagée en chaque instant sera proportionnelle au sinus carré et sera donnée par une courbe telle que AB'CD'E. L'aspect des courbes montre que l’on pourra, comme grossière approximation, supposer la lampe alimentée par un courant discontinu abecdefyh, dont les interruptions sont de l’ordre de la moitié de l’alternance. Supposons que la période de repos du courant soit d'un centième de seconde. Pendant ce temps très court, où la lampe ne recoit aucun apport de chaleur, elle devra se refroi- dir d’un nombre de degrés donné par le quotient de l'énergie rayonnée par la capacité calorifique du filament. On peut admettre 10 kilowatts par gramme pour valeur de la puissance rayonnée par un filament poussé, et, comme chaleur spécifique du charbon aux températures dont il s’agit ici, 0,5 par rapport à l’eau ou 2,1 en valeur absolue. L’abaissement de la tempé- rature en un centième de seconde, en supposant que l'épaisseur entière du filament y participe, sera donc de 50 degrés environ. La température au moment initial étant au voisinage de 2.000° absolus, la diminu- tion de la puissance rayonnée, régie à peu près par la CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 59 loi de Stefan, sera de l’ordre du dixième, et l'éclat visuel qui est, à ces températures, grossièrement pro- portionnel à la sixième puissance de la température absolue, de l’ordre du septième de l'éclat maximum. Ces variations d'éclat peuvent être mises très facile- ment en évidence par une méthode stroboscopique, ainsi que vient de le montrer M. Samoilof. IL suffit, pour cela, de faire tourner, au-dessous d'une lampe à incandescence en circuit alternatif, un disque portant des secteurs alternativement blancs et noirs, et de régler la vitesse de ce disque de telle sorte que la durée du passage d'un secteur sombre à la position du précédent soit précisément égale à la période d éclat de la lampe. Dans ces conditions, les positions dans lesquelles viennent se superposer les secteurs blancs dans les moments du maximum d'éclat apparaissent en clair, et les positions intermédiaires sont marquées par des bandes sombres estompées, mais bien nette- ment visibles. L'expérience est très frappante lorsqu'elle est faite avec un disque portant une double rangée d’un nom- bre inégal de secteurs (fig. 2), et tournant avec un mouvement uniformément varié, un toton tournant dans une assiette, par exemple, et perdant peu à peu sa vitesse. On voit, dans ces conditions, se succéder rapidement les phénomènes suivants : Dans la couronne portant le plus grand nombre de secteurs, les bandes som- bres tournent rapide- ment d'abord, puis de plus en plus lentement dans le sens de la rota- tion du disque, s'arrê- tent pendant un instant très court, puis partent en sens inverse. Les mêmes apparences se manifestent ensuite dans la deuxième couronne. Puis le disque devient uniformément gris, et, après un temps plus ou moins long, on voit se reproduire le même phé- nomène, mais avec un : : nombre de bandes som- bres deux fois plus considérable, marchant d’abord dans le sens direct, puis dans le sens rétrograde. Enfin le disque redevient gris, jusqu'au moment où la vitesse est assez faible pour que les bandes appa- raissent isolément. Cette expérience, qui peut être variée de bien des manières, offre un réel intérêt de démonstration; elle permet d'aller plus loin encore; si l'on s’entoure de quelques précautions, elle donne la possibilité d’ana- lyser avec une certaine précision la variation de l'éclat des lampes, et même, avec des dispositifs particuliers, la forme de cette variation. Les observations que nous avons pu faire nous ont montré que l'ordre de grandeur des variations ne Sécartait pas notablement de celui qu'indique le calcul approché. Fig. 2. — Disque pour la stro- boscopie de la lampe à incan- descence. $ 3. — Chimie Synthèse de l'acide isocamphoronique. — En traitant l'anhydride «x-diméthylglutarique : CO?H.C(CH*)°.CH2. CHE. CO°H par le pentachlorure de phosphore et le brome, et en versant ensuite ‘ le produit de la réaction dans l'alcool, M. W.-H. Perkin junior a obtenu l’éther bromodimeé- thylqlutarique : * 4 Proc. of the Chem. Soc., n° 229, 1900. CO2CH5— C(CH?.CH2.CH — COC | Br qui constitue un liquide huileux bouillant à 165-170 (35mmi, Par l'action de la potasse alcoolique sur cet éther, on obtient l'acide diméthylglutaconique : CO’H.C{CH°\: CH —= CH: CO'H qui cristallise dans l’eau en tables fondant à 172° et constitue vraisemblablement un stéréoisomère de l'acide «x-diméthylglutaconique préparé par Conrad, lequel fond à 150°. 11 est, du reste, absolument certain que l'acide fondant à 172° est bien l'acide diméthylglu- taconique, car l'oxydation manganique à la tempé- rature de 0° le convertit quantitativement en acides di- méthylmalonique et oxalique : CO?H.C{CHS CH — CH.CO'H + 0% = CO*H.C(CHS)*.CO*H + CO*H.COH. L'acide diméthylglutaconique est rapidement éthérifié par l'alcool et l’acide sulfurique. L’éther diméthylglu- taconique : É CO2C2H5 — C(CHS CH = CH.COCH° est un liquide incolore, bouillant à 2000 (200%). Quand on fait digérer cet éther en solution alcoolique avec l'éther cyanacétique sodé, il se produit une conden- sation, et si l'on chauffe alors avec de l'acide sulfurique dilué, l'on obtient aisément un acide fondant à 166, possédant la formule empirique C*H'*0°,et qui est iden- tique avec l'acide isocamphoronique. Cette identité à été prouvée par le fait que le point de fusion de ce produit n’est point changé quand on le mélange avec une quantité égale d'acide isocamphoronique prove- nant du pinène. De plus, quand on le chauffe avec de l'acide sulfurique concentré à 100°, l'acide synthétique est converti en acide terpénylique. Cette transfor- mation, comme l'a montré Tiemann ?, esl caractéris- tique de l'acide isocamphoronique. La condensation de l'éther diméthylglutaconique avec l’éther cyanacétique peut être exprimée ainsi : CO!C2H° — C(CH#}.CH = CH.CO2C2H5 + CAz.CHNa— CO?CTI5 C0?C7H° — (0: CHE: C(CHCHÈCHS Na CAz — CH — CO?C'H5 L'éther cyané ainsi produit donne à l'hydrolyse au moyen de l'acide sulfurique et après élimination d’acide carbonique, l'acide isocamphoronique qui doit donc avoir pour constitution : CO2H COI Co°H CH3—C—CH? CI CI DS / KA CH C'est la formule qui a été proposée en premier lieu par Tiemann à. La diastase de la fermentation gallique. — L'acide gallique s'obtient en abandonnant des noix de Galles, pulvérisées et humectées d'eau, à la fermen- tation spontanée. Le tanin qu'elles renferment se transforme alors peu à peu en acide gallique qu'on {Ber, d. deutsch. Ch. Ges., 1900, 33, 920. ?Ber. d. deutsch. Chem. Ges., 29, 2613. #Ber, d. deutsch. Chem. Ges., 1896, 29, 2614. 60 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE isole finalement par dissolution dans l’eau chaude et cristallisation. Comme l’a montré M. Van Tieghem, en 1868, ce sont des moisissures, l'Aspergillus niger où le Penicillum glaucum, qui opèrent la transformation du tanin. Celui-ci a, d'après les travaux de Schiff, la formule d’un anhydride particulier de l'acide gallique : CH2(OH)SCO — O — CSH*(OH)CO?H. C'est donc en fixant une molécule d'eau, en s'hydro- lysant, qu'il donne naissance à l’acide cherché: Tannin + H°0 — 2CH*OH)*CO*H. (Acide gallique.) On avait lieu de croire, d’après cela, que les moisis- sures reconnues par M. Van Tieghem doivent agir en sécrétant une diastase spéciale, une tannase; mais il fallait le démontrer et on n’y avait pas encore réussi. MM. Fernbach et Potitevin, cherchant chacun de son côté, viennent de combler cette lacune {Comptes rendus Ac. des Sciences, t. CXXXI, p. 1214 et 1215). En culti- vant l’'Aspergillus sur du liquide de Raulin, dans lequel le sucre est remplacé par du fanin, ou même de l'acide gallique, il se développe un mycélium assez épais, qu'il leur a suffi de laver, puis de faire macérer dans l’eau, pure ou chloroformée, pour obtenir une so- lution de tannase. Celle-ci, filtrée à la bougie Cham- berland, hydrolyse le lanin et le transforme complè- tement en acide gallique. La tannase est, comme les autres diastases, précipitée par l'alcool de sa solution aqueuse; elle agit en milieu neutre ou acide ; enfin, sa température optimale est aux environs de 670. Dans la Nature, l'acide gallique accompagne quelque- fois le tanin; aussi la diastase capable de dédoubler celui-ci doit-elle être assez répandue. M. Pottevin l'a signalée déjà dans les feuilles de sumac. $ 4. — Physiologie Nouvelles études sur la Bile. — Sous la direc- tion du professeur Pawlow se continuent, au labora- toire de Physiologie de l'Institut de Médecine expérimentale de Saint-Pétersbourg, les intéressantes recherches sur les sucs digestifs, dont nos lecteurs ont eu connaissance il y a quelques mois, par un article de notre collaborateur, M. Arthus ‘. Après avoir porté leur attention sur le suc gastrique et sur le suc pan- créatique, les physiologistes pétersbourgeois abordent l'étude de la bile. Le travail est signé de M. Bruno et a été publié dans les Archives des Sciences biolo- giques, Volume VII, page 87. Ce travail porte sur deux questions: surlesloisde l'é- coulement de la bile dans le duodénum et sur les fonctions digestives de la bile. Les lois de l'écoulement normal de la bile dans le duodénum ne peuvent être connues que par l’observa- tion d'un animal porteur d’une fistule pratiquée de telle facon que le sphincter duodénal du canal cholédoque soit conservé. Ce sphincter, en effet, ne se relâche qu'à certains moments, dans l'intervalle desquels il arrête complètement l'écoulement biliaire. C’est dire que cette étude ne peut être faite ni au moyen de la fistule de la vésicule biliaire (fistule cholécystique), ni au moyen de la fistule du canal cholédoque pratiquée en un point de son trajet (fistule cholédoque). M. Bruno a pratiqué une fistule duodénale intéressant la portion du duodénum dans laquelle s'ouvre le canal cholédoque : par deux incisions convenablement dirigées, il sépare le frag- ment duodénal du reste du duodénum, répare par une suture la plaie du duodénum et attire à la peau le fragment duodénal isolé porteur de l’orifice normal du canal cholédoque. En opérant ainsi sur le chien, on constate que l’écou- 1 Voyez la Revue du 15 juillet 1899. | taires: lement biliaire est discontinu : il ne se produit pas pendant le jeûne. Lorsque l'estomac est vide, et bien que la vésicule contienne alors de la bile, ainsi qu'on l’a observé des milliers de fois, il ne se produit aucun écoulement par la fistule de Bruno, ni sous l'influence des mouvements généraux, ni sous l'influence des for- tes inspirations, ni sous l'influence des efforts, ni sous l'influence des changements de pression abdominale ou thoracique. En présentant à l'animal des aliments, en les lui faisant sentir, on ne provoque aucun écou- lement biliaire, même si l'animal a été maintenu en état de jeûne prolongé. La bile s'écoule, au contraire, pendant les heures qui suivent le repas. L’écoulement commence de dix minutes à une heure après le repas (quinzeminutes en général après un repas de lait, qua- rante-cinq minutes aprèsun repas de viande ou de pain); il dure pendant tout le temps que l'estomac est rempli et cesse de cinq à dix minutes après l'évacuation finale du chyme gastrique dans le duodénum. La cause première de cetécoulement ne doit pas être cherchée dans les phénomènes bucco-pharyngo-æso- phagiens du repas, car l'écoulement biliaire ne se produit pas si l'on fait prendre à un chien œsopha- gotomisé un repas fictif (l'æsophage incisé est suturé à la plaie opératoire du cou, et les aliments avalés tom- bent au dehors par cette plaie). — Elle ne doit pas être cherchée dans l’action mécanique exercée par les ali- ments sur la paroi gastrique, car on peut introduire dans l'estomac, par une fistule, des substances qui ne produisent pas d'écoulement biliaire: telle est, par exemple, l’ovalbumine, qui ne provoque point, dans ces conditions, de sécrétion de suc gastrique.— Elle ne doit pas être cherchée dans l'acte de la sécrétion gastri- que ou pancréatique,car ces sécrélionssont provoquées elles-mêmes par le repas fictif,inefficace, nous venons de le dire, pour provoquer l'écoulement biliaire. Si nous tenons compte de la période latente de Ja production de l'écoulement biliaire après le repas; si nous considérons que cet écoulement cesse quelques minutes après l'évacuation finale du chyme dans le duodénum, ou après son évacuation par une fistule gas- trique, nous sommes amenés à conclure que l’excré- tion biliare est produite par le passage du chyme gastrique dans le duodénum. Parmi les substances contenues dans le chyme gas- trique, ce ne sont pas les substances acides qui pro- voquent, par leur action sur la muqueuse duodénale, l'écoulement biliaire ; car l'introduction, dans l'estomac et, par son intermédiaire, dans le duodénum, d'acide chlorhydrique dilué, ne provoque point cet écoulement. On sait, eu outre, que le repas fictif détermine la sécré- tion d'un suc gastrique très acide; nous avons vu que l'écoulement biliaire ne se produit pas sous son in- fluence. Les substances actives du chyme sont les pro- duits de la transformation peptique des substances albuminoïdes, les matières grasses, et les substances qu'on à coutume de grouper sous le titre de substan- ces extractives. On démontre, en effet, au moyen dé l'animal porteur de la fistule de Bruno, que l’ingestion d’une solution de protéoses peptiques, d'huile d'olives ou d'amandes douces, d'une solution d'extrait de viande Liebig, provoque un écoulement biliaire. Remarquons ici que l’excrétion biliaire et la sécré- tion gastrique sont, l’une et l’autre, provoquées par les produits de la digestion peptique des substances albu- minoïdes et par les substances extractives; mais la sécrétion gastrique n'est pas provoquée par les graisses, tandis que l'excrétion biliaire est engendrée par ces substances. La sécrétion pancréatique et l'excrétion biliaire succèdent à l’ingestion de matières grasses; mais, si l'acide chlorhydrique peut provoquer la sécrétion pancréatique, il est incapable d'engendrer l'écoulement biliaire. On sait que la bile n’est pas, à proprement parler,un suc digestif: elle ne contient point de ferments solu- bles capables d'agir sur les diverses matières alimen= point d'amylase capable de transformer CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE GI l'amidon en dextrines et en maltose ; point de pepsine ou de trypsine capable de peptoniser les substances protéiques, point d'invertine capable de transformer la Saccharose en sucre interverti.Mais la bile joue un rôle indirect dans la digestion. Ce rôle est double : d’une part, elle est un des facteurs qui, dans le duodénum, mettent fin à la digestion peptique; d'autre part, elle favorise éminemment l'action diastasique du suc pan- créatique. Les expériences de M. Bruno établissent avec la plus grande netteté celte action favorisante. Des mélanges de bile et de suc pancréatique produisent une transformation des substances protéiques, des bydrocarbonés et des graisses, beaucoup plus rapide et beaucoup plus profonde que le suc pancréatique seul. On ne doit pas imaginer que la bile renferme quelque proferment qui, en présence du suc pancréa- tique,se transformerait en ferment, car le mélange de bile bouillie et de suc pancréatique se comporte comme le mélange de bile non bouillie et de suc pancréatique. La bile agit donc en rendant le milieu plus favorable à l’action des diastases pancréaliques. $ 5. — Hygiène publique Opinion des médecins sur les Sanatoria populaires. — Au sujet des sanatoria populaires dont la /tevue a entretenu ses lecteurs dans son der- nier numéro ‘ et du grand effort que tentent, pour en créer un en Seine-et-Oise, la Municipalité de Versailles et diverses Sociétés de secours muluels du département, plusieurs éminents cliniciens nous ont fait l'honneur de nous adresser les lettres suivantes, qu'il nous parait utile de publier : Mon cher Directeur, Les médecins de Versailles ont trouvé le moyen de réaliser la création d'un sanatorium populaire, et ils ont, suivant moi, trouvé le meilleur moyen. Je ne puis donc qu'approuver sans réserve leur ini- tiative et serais heureux qu'ils pussent réussir. Agréez, etc. P. Brouardel. Membre de l'Académie des Sciences et de l'Académie de Médecine, Doyen de la Faculté de Médecine. Cher Monsieur, Mon approbation vous est acquise, c'est-à-dire acquise au corps médical de Versailles, entièrement. Votre bien dévoué. D: A. Gilbert. Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. Médecin de l'Hôpital Broussais. Cher monsieur et ami, En réponse à la circulaire que vous avez bien voulu me faire parvenir concernant la décision prise par les médecins de Versailles de créer un sanatorium popu- laire pour tuberculeux, je m'empresse de vous faire savoir que j'approuve complètement ce projet. La luite contre la tuberculose réclame toutes les initiatives et toutes les bonnes volontés. A défaut de l'initiative du Gouvernement, souvent enrayée par des considérations budgétaires, il y a grand intérêt à ce que les municipalités, syndiquées par arron dissement, par cantons ou par groupements, s’efforceut de créer des sanatoria, dans lesquels les tubereuleux au début pourront guérir et cesseront d’être nuisibles à leurs compagnons de travail et à leur famille. Mon concours, si peu important qu'il soit, est assuré à l’œuvre si intéressante de la ville de Versailles. Recevez, etc. .H. Richardière. Médecin des Hôpitaux de Paris. Mon cher Directeur, ; M'est avis que l'initiative prise par les médecins de Versailles est des plus importantes; m'est avis qu'au- tour d'elle doivent se grouper toutes les municipalités de l'arrondissement, si elles veulent s'assurer contre le flot montant de la tuberculose. Je vous envoie mon acquiescement au projet d'entente et d'accord entre les 1 Voyez la Revue du 15 janvier 1901, t. XIT, p. 5 et suiv. < municipalités et les sociétés de secours mutuels; ce projet permettra, par voie détournée, d'arriver, pour la construction et l'entretien d’un sanatorium versaillais, aux résultats obtenus en Allemagne par voie légale d'assurance contre la maladie. Il faut savoir gré à nos confrères de Versailles de réussir à persuader les municipalités qu'elles ne s'assu- reront contre la morbidité et la contagion de la tuber- culose qu'autant qu'elles y travailleront par des mesures de prévoyance et d'assistance, au premier rang des- quelles s'imposent le sanatorium populaire et les caisses de santé. Veuillez, etc. D' Landouzy. Membre de l'Académie de Médecine, Professeur à la Faculté de Médecine. Monsieur, En réponse à votre lettre circulaire du 11 janvier, je m'empresse de vous répondre que je suis partisan absolument convaincu des sanatoria populaires, et que je considère comme d’une importance capitale pour le succès de la lutte à entreprendre contre la tuberculose, la création, en très grand nombre, de ces établissements. Je ne puis donc qu'applaudir à la déci- sion collective des médecins de Versailles, et je souhaite ardemment que les municipalités de Versailles et de l'arrondissement répondent résolument au vœu du corps médical. Ce serait d'un excellent exemple et d'une importance capitale. Veuillez agréer, etc, D' Gaston Poupinel. Mon cher ami, Il me semble impossible de ne pas féliciter haute- ment le corps médical de Versailles d’avoir pris l'ini- tialive de ceite excellente mesure. La tuberculose est curable, mais à condition qu'on nes'y prenne pas trop tard. Certes il est bon, il est humain de secourir les mourants qui languissent dans les douleurs d’une lente ‘et progressive agonie, alors qu'il n'y a plus d'espoir à former. Mais pourquoi ne pas aider et protéger ceux qui peuvent guérir? Les sanatoria destinés aux malades qui peuvent guérir valent mieux que les asiles qui rendent moins cruelle la mort des malades qui ne peuvent pas être sauvés. Linitiative des médecins et des Syndicats de Ver- sailles devrait être partout imitée. Crois-moi, cher ami, ton fidèlement dévoué, Charles Richet, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris Monsieur, Vous voulez bien me demander mon avis au sujet du projet de création d'un sanatorium populaire de tuber- culeux dans l'arrondissement et pour les malades de l'arrondissement de Versailles. Je considère que ce projet doit ètre vivement encou- ragé. Et il est désirable, à tous les points de vue, qu'il trouve bon accueil près des municipalités. Dr Gilbert Ballet. Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. Médecin des Hüpilaur. Mon cher Directeur, Ce grand mouvement d'hygiène sociale qui se des- sine chaque jour davantage, n'a pas d'expression plus immédiatement utile et profitable pour l'avenir de notre race, que la création de sanatoria pour les tuber- culeux pauvres. Je n'ai pas à reproduire ici les arguments en faveur de ces institutions, qui sont des œuvres de solidarité el d'économie sociales bien entendues: ces arguments sont aujourd'hui reproduits partout, et bien connus de ceux que préoccupent les grandes questions médicales. Je ne puis donc qu'approuver de toutes mes forces le vœu exprimé par les médecins de Versailles dans leur réunion du 3 décembre 1900. Veuillez agréer, etc. S D: Ray. Durand-Fardel. Ancien Chef de Clinique de la Faculté. 62 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Mon cher ami, Je considère comme pouvant être d'une grande im- portance sociale cette union projetée entre le corps médical et les Municipalités d’une région et le groupe- ment syndical de ces Municipalités mêmes. D' Gley, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris: Mousieur, Je m'associe volontiers aux démarches du corps médical de Versailles, en faveur de la création du sanatorium populaire. Le seul moyen de combattre victorieusement le fléau de la tuberculose est de traiter les tuberucleux au début de la maladie. II faut donc les y inviter et leur en donner le moyen. La création de sanatoria doit se com- pléter par les caisses de secours aux malades, secours qui doivent être suffisants pour que les familles secou- rues y trouvent l'équivalent de travail du membre mo- mentanément hospitalisé. Les riches, en donnant les sommes nécessaires, s'as- surent contre la contagion; l'Etat économise des vies humaines et crée une armée; les municipalités conser- vent un contribuable et font l'assainissement des com- munes.Un pauvre tuberculeux vaguant dans la rue est un danger; à l'hôpital, un fléau; au sanatorium, il tend à redevenir une unité de travail, et, rentrant guéri, à grossir Ja richesse municipale d'un contribuable vaillant et apte au travail. Je suis heureux de voir l'initiative de Versailles et regrette que Paris n'ait pu en donner l'exemple. Veuillez agréer, etc. D: Allyre Chassevant. Professeur agrégé à la Faculté de Médecine Monsieur le Directeur, L'idée de grouper les municipalités de l’arrondisse- ment de Versailles pour la création d'un sanatorium populaire destiné aux tuberculeux constitue l'initiative la plus heureuse et la plus féconde et prépare la meil- leure solution du grave problème qui commence à préoccuper l'opinion publique. La lutte contre la tuberculose ne sera sérieusement entamée que le jour où, dansle moindre village comme dans la plus grande ville, l'intérêt privé sera d'accord avec l'intérêt public pour dépister la maladie dès son début et pour la soigner quand elle est encore guéris- sable. En répondant avec ensemble et générosité au vœu du corps médical de Versailles, les municipalités de l’arrondissemeut donneront un grand exemple de patriotisme éclairé; en assurant la créalion d’un sana- torium inter-communal pour tuberculeux pauvres, elles rendront un service signalé non seulement aux populations de Seine-et-Oise, mais à la France tout entière. Recevez, Monsieur, elc. D: Fr. Barth. Médecin de l'Hôpital Necker Monsieur le Directeur, Je suis persuadé que la tuberculose est beaucoup plus contagieuse qu'héréditaire; que, de plus, cette maladie, bien soignée surtout dès le début, doit et peut guérir. Par conséquent, il est désirable que les munici- palités répondent à l'appel du corps médical. 11 serait fort utile, pour ne pas dire indispensable, d'installer dans ces maisons un laboratoire de chimie rudimentaire, permettant d'analyser facilement les urines et surtout de déterminer l'acidité, car un tuber- culeux hypoacide et éliminant ses phosphates est un tuberculeux qui va mal ou est sur le point d'aller mal; au contraire, un tuberculeux hyperacide et éliminant peu de phosphates est un malade qui tend vers la gué- rison. Ce qu'il faut donc surtout, c’est augmenter l'acidité; la meilleure méthode est celle des injections sous- cutanées de sérum artificiel; règle générale: moins on donne de médicaments par la voie buccale, mieux cela vaut, car lous les remèdes éreintent plus ou moins je m'associe de grand cœur. le tube digestif. En résumé : cure d’air (sanatorium), repos, bonne nourriture, sérum artiliciel, pas de médi- caments, telle devrait être la marche à suivre dans celte affection : les sanaloria sont donc tout indiqués. Agréez, etc. D' R. Marage. Docteur ès sciences. Mon cher collègue, J'estime que l'initiative prise par les médecins de Versailles au sujet de la création d’un sanatorium po- pulaire pour tuberculeux est du plus haut intérêt. Il est fort désirable, dans l'intérêt des malades aussi bien que de ceux qui ne le sont pas, mais ne sont point à l'abri de la contagion, de la voir couronnée de succès. Et ce serait certainement là un grand etbon exemple que donneraient les municipalités de l'arrondissement en répondant au vœu du corps médical. Veuillez agrèer, etc. Paui Richer. Membre de l'Académie de Médecine. Monsieur, Ce serait avec joie que je verrais le projet de créa= tion d'un sanatorium pour les tuberculeux, aboutir. Cet établissement est de toute nécessité et rendrait un véritable service aux malades eux-mêmes et à l'entou- rage de ceux-ci, trop souvent contaminé par le tuber- culeux, toutes les précautions recommandées restant forcément impratiquées dans les classes pauvres. J'estime donc qu'il serait d’un excellent exemple et d'une grande importance que les municipalités répon- dissent favorablement au vœu du corps médical, auquel Recevez, etc. D' Magnus. Cher monsieur, La création d'un nouveau sanatorium populaire pour tuberculeux me parait un des meilleurs moyens de lutter contre la tuberculose, surtout si l’on organise, à côté des services cliniques, des laboratoires de recher- ches avec toutes les ressources nécessaires aux études » bactériologiques. C'est ce que la ville de.L.yon a fait à Hauteville et jl est à désirer que toutes les grandes villes suivent cet exemple. Veuillez agréer, etc. D" C. Phisalix. Assistant au Muséum, Monsieur, En réponse à votre circulaire du 1{ courant, je m'empresse de vous faire savoir que, à mon avis, il serait d’un excellent exemple et d'une grande impor- tance que les municipalités de l'arrondissement de Versailles répondissent à l'unanimité au vœu du corps médical relatif à la création d’un sanatorium populaire pour tuberculeux. Veuillez agréer, elc. D' Laugier. Médecin à la maison de Nanterre, Sous-chef du Service Médical de la Compagnie de l'Ouest, Expert près les tribunauæ. Cher Monsieur, L'initiative de nos confrères de Versailles est, comme vous le dites, des plus importantes; nous devons les féliciter hautement de l'avoir prise, et pousser de tou- tes nos forces à la réalisation de leur projet. Mais permettez-moi maintenant de vous dire que vous allez loin, en ajoutant : « Elle prépare une solu- tion complete de la grosse question de la lutte contre la tuberculose etc... ». Cette question. je le crains, n'est pas de celles qui peuvent recevoir une solution « complète ». Notez, en effet, que la généralisation aussi large qu'on peut la prévoir du système sanalo- rial, assurera — et c'est beaucoup — la cure maxima réalisable; mais ne vaudra coutre l'expansion tuber- culeuse, que dans la mesure où la dissémination bacil- laire, par les malades, est elle-même cause efficiente de tuberculose. Or, il semble probable : 1° que le bacille est d'origine végétale et qu'il est répandu largement dans la Nature, d'où il essaimera toujours, même en supposant l’extinc- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 63 tion de tout foyer Humain; 2 et c'est un corollaire, qu'il est présent chez l'homme sain beaucoup plus fré- quemment qu'on ne supposait d'abord; 3° que son énergie pathogène est plus restreinte qu'on ne croyail ; 4° enfin que cette énergie même est en raison directe de la déchéance organique. Tout cela revient à dire que les causes les plus ordi- maires de cette déchéance — surmesage, insuffisance alimentaire, méphitisme, alcoolisme etc., — dominent de haut la matière, et que la solütion, forcément incom- plète sans doute, quoi qu'il arrive, est étroitement liée à la solution même;de la — ou des — questions sociales. J'ai développé récemment certaines de ces idées, peu en vogue, j'en conviens, mais motivées pourtant, dans le numéro de juillet 1900, de « L'Æuvre anti- tuberculeuse. » Veuillez agréer, etc. L. Jacquet, Médecin des Hôpitaux de Paris. Monsieur le Directeur, Sans avoir les qualités requises pour donner un avis indiscutable sur la question des sanatoria, je puis répondre à votre lettre-circulaire datée du 11 jan- yier 1901. Les termes généraux de ma réponse sont l'expression de la conviction de tous les corps médicaux avec lesquels je suis en rapport: 1° Toutes les municipalités de France sont intéressées à la question de la fondation des sanatoria pour tuberculeux : les unes, à titre de traitement effectif pour leurs membres alteints de tuberculose, en plus ou moins grand nombre ; les autres, à litre de traite- ment préventif. Versailles et les villes de la banlieue parisienne doivent plus que d'autres encore agir d'après ces deux ordres de considérations (lraitement effeclif et pré- venlif), et agir vite : en effet, bon nombre des tubercu- leux parisiens émigrent, tôt ou tard, vers la banlieue; celle-ci se trouve contaminée effectivement, ou, dans tous les cas, fortement menacée. 20 Il y a lieu de traiter en sanalorium les tubercu- Jeux curables à lésions confirmées, mais, plus encore, et surtout, d'ouvrir des sanatoriums pour tous les ma- lades que le médecin, ou qu'une Commission médicale déclare suspects de tuberculose. Comme on l'a dit, et comme il faut le répéter sans cesse : «Il est indispen- sable de soigner les tuberculeux TROP TÔT ». Ce paradoxe si vrai doit solliciter toute l'attention des municipalités, car, au point de vue médical comme au point de vue financier, il vaut mieux prèvenir que quérir. Les gens que la décision médicale enlève pour un temps à leurs travaux rémunérateurs devant être assu- rés d'une compensation pécuniaire suffisaute pour leur famille, pendant la durée du traitement, il est indis- pensable que toutes les municipalités de larrondisse- ment se liguent avec la métropole versaillaise, pour décider la plus prompte solution du problème des sanatoria à créer et à soutenir matériellement et moralement par l'union des efforts réunis des munici- palités et des sociélés de secours mutuels. Veuillez, etc. L. Triboulet. Médecin des Hôpitaux de Paris, Cher Monsieur, Quand on étudie la facon dont la lutte contre la tuberculose a été conduite en Allemagne, en Belgique et en Suisse, c’est-à-dire dans les seuls pays qui pos- sèdent ou vont posséder un nombre suflisant de sanato- ria, on est obligé de se dire que l'initiative individuelle isolée, je veux dire la charité privée, organisée ou non, aurait été mcapable de réaliser une œuvre aussi considé- rable. Même inépuisable, comme on la dit, elle ne peut intervenir qu'à titre d'ajuvant en se chargeant, par exem- ple, dans une certaine mesure et pour une part toute petite, de la famille de l’ouvrier hospitalisé, de l’ouvrier lui-même quand il sortamélioré dusanatorium, etc. C’est l'Etat seul qui a fondé les nombreux sanatoria en Alle- magne; c'est le Conseil provincial qui s’est chargé de la création des sanatoria en Belgique ; en Suisse, enfin, les sanatoria sont œuvre cantonale. Chez nous la situation est aussi très netle. Pas plus que pour l'alcoolisme, l'Etat en France ne fera quel- que chose pour la tuberculose. Il y à juste un an, le Goavernement nomma une grande Commission extra- parlementaire pour l'étude des moyens de lutte con- tre Ja tuberculose, et M. Waldeck-Rousseau fut à cette occasion couvert de fleurs par la presse médicale aussi bien que par la presse politique. Or, cette pauvre Com- mission vient de s’éteindre bien doucement, et sa mort passa tout à fait inapercue. Du reste, même de son vivant, personne dans le monde parlementaire ne s'est jamais occupé de son existence. Elle laissa, comme tes- tament, un recueil de Rapports et de Mémoires d’un intérêt scientifique considérable. Et c'est tout. Dans notre pays, il y aurait pourtant un moyen bien simple de forcer le Gouvernement de s'occuper sérieu- sement de cette question : ce serait de la porter devant le suffrage universel, d'en faire une plate-forme électo- rale. Dans un article que j'ai publié à cette époque, dans la /tevue des Revues, j'avais adressé en ce sens un appel au parti socialiste, eu développant celte idée que, toute considération humanitaire mise de côté, le parti socialiste — et ceci est encore exact pour les autres partis — aurait un intérêt, en tant que-parti politique, à s'emparer de la question de la tuberculose, à se poser en défenseur atlitré des classes laborieuses, à soulever une agitation fructueuse sur le terrain d'une réforme sociale pratique et d’une réalisation relativement facile. M. Fournière me répondit dans la Petite République, en prenant au nom du parti socialiste, l'engagement formel d’attirer l'attention des organisations ouvrières sur l'importance des sanatoria. Il n’en fut plus question. Et pourtant l'histoire des dernières élections de Ver- sailles, que nos lecteurs connaissent, est là pour montrer que la question des sanaloria était une plate-forme élec- {orale idéale, qui passionnail vérilablement le lecteur. Ainsi donc, en France, nous n'avons à compter ni sur le Gouvernement, ni sur les partis politiques, et les trois ou quatre sanatoria qui ont été créés avec le con- cours de la charité privée montrent que nous n'avons pas à compter sur elle pour arriver à des résultats appré- ciables. Nous arrivons ainsi, par exclusion, à conclure qu'en France, la lutte contre la tuberculose ne peut être effi- cacement conduite que par les Municipalités entrainant ensuite dans leur sphère d'action les Conseils géné- raux. C'est ce qui a été fait en Belgique et c’est ce qu'on est en train de faire à Versailles. L'idée d'un sanatorium intercommunal par effort as- socié des communes voisines est donc des plus heureuses. C'est une véritable expérience sociale à laquelle devrait s'intéresser la pléiade d'écrivains et de philantropes qui se réclament de Le Play et du comte de Chambrun. Elle est sûre d'aboutir, car les efforts des hommes qui ont imaginé cette combinaison sont secondés par tous ceux qui se soucient réellement de l'avenir de notre pays. D' R. Romme. Préparateur à la Faculté de Médecine. Monsieur, J'applaudis à l'initiative du corps médical et de la municipalité de Versailles, car elle prépare une solu- tion à l’organisation des sanatoria populaires. Il n'y en a pas en dehors des caisses d'assurances par voie de mutualité ou autre. Je ne crois pas à la bienfaisance pour la constitution d'œuvres durables. Il faut se hâter. Le danger presse et menace tous les ans plus vite. La tuberculose est partout, dans toutes les classes, à tous les äges. La méningite tuberculeuse tue toujours plus nombreux les enfants parisiens; je le constate avec terreur à la ville et à l’hôpital. Aucun sacrifice n'est à redouter; que Versailles agisse donc, et son œuvre, plus belle etplus efficace que toutes les défenses héroïques de certaines villes assiégées, lui méritera mieux que la croix d'honneur qu'on leur 64 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE donne, car ce sera la reconnaissance de tout ce qu'il y a d'intelligent et d'averti en France. D' Louis Guinon, Médecin de l'Hôpital Trousseau. Monsieur le Directeur, L'utilité de créer un sanatorium en Seine-et-Oise, n'est, je crois, discutée par personne. Ce sanatorium sera rapidement rempli et rendra les plus grands ser- vices. Ici mème j'ai déjà recu plusieurs demandes pro- venant d'habitants de ce département, demandes mal- heureusementimpossibles à accueillir puisque Angicourt est réservé aux Parisiens. L'idée d'un groupement syndical des municipalités de l'arrondissement parait particulièrement heureuse. Ce groupement est quelque chose de nouveau, bonne con- dition pour réaliser une fondation aussi nouvelle qu'un sanatorium. Les anciennes organisations d’Assistance auraient plus de mal que ce groupement d’origine ré- cente à se dégager de leurs vieilles traditions. Elles auraient toujours tendance, malgré leur bon vouloir, à ramener le sanatorium vers le type classique d'hôpital ou bien d'hospice. C’est là un danger très grave que votre organisation évitera. Ce groupement syndical parait un moyen excellent d'assurer les dépenses de fonctionnement du sanato- rium. Pour les dépenses de fondation et de premier établissement, il sera, je crois, utile de faire en même temps appel à la bienfaisance privée. Celle-ci, dans un département aussi riche el aussi éclairé que Seine-et- Oise, ne fera pas défaut. Vous semblez avec raison compter plus sur l'ini- tiative locale que sur le concours de l'Etat. C’est par l'énergie de ses organisations régionales que l’Allema- gne est, en effet, parvenue à créer ses 80 sanatoria pou- vant actuellement soigner chaque année plus de 20.000 tuberculeux pauvres.Ne pensez-vous pas, toutefois, qu'en raison de l'importance de quelques hippodromes de Seine-et-Oise, le pari mutuel ne doit pas vous aider un peu ?Savez-vous aussi qu'en Allemagne le choix d'un ter- rain (question toujours délicate) est très souvent résolu par une concession gracieuse daos une forêt de l'Etat ? La tentative de Versailles est tellement intéressante, elle peut avoir une telle valeur d'exemple dans la lutte contre la tuberculose, qu'il importe qu’elle aboutisse. Tout se réduit au fond à une difficulté d'argent. Cette difficulté surmontée, votre succès est certain. Est-il nécessaire de vous dire que notre concours personnel et mon expérience d'Angicourt vous sont à l'avance tout acquis. Veuillez agréer, etc. D' A.-F. Plicque, Médecin en chef du Sanatorium d'Angicourt. Monsieur, Je suis très heureux de l’occasion que vous m'offrez d’applaudir à l'initiative des médecins de Versailles, et suis persuadé que la Municipalité de cette ville com- prendra l'intérêt énorme qui s'attache à la fondation des sanatoria dans les conditions proposées. Si l'ar- rondissement de Versailles mène à bien cette œuvre, son exemple sera fructueux pour la nation tout en- tière. Agréez, etc. D' Apert. Chef de Clinique médicale à la Faculté de Paris Monsieur, Je réponds très volontiers à votre demande et suis d'avis qu'il serait d'un excellent exemple et d'une grande importance que les municipalités de l'arron- dissement de Versailles répondissent avec résolution au vœu du Corps médical touchant la création d'un sanatorium populaire pour tuberculeux, la guérison n'étant possible que si le malade consent à se faire soi- #ner dès le début de la maladie — ce que permet seul le sanatorium avec prime de secours accordée à la famille. Agréez, etc. D' Georges Gasne, Ancien interne des Hôpitaux de Paris, Ancien Chef de Clinique à la Faculté de Paris. $ 6. — Sociétés savantes Conférence Scientia. — Le jeudi 17 de ce mois. a eu lieu, au reslaurant Champeaux, la première réunion de cette année de la Conférence Scientia, administrée par MM. Max de Nansouty, Henri de Par- ville, Charles Richet et Louis Olivier. Le diner, présidé par M. Henri de Parville, était offert à M. J. Marey, membre de l’Académie des Sciences et de l'Académie de Médecine, professeur au Collège de France, directeur de la Station physiologique du Parc des Princes. Autour de l'illustre savant et pour le fêter, avaient tenu à se grouper nombre de ses amis, de ses admi- rateurs et de ses disciples, parmi lesquels : MM. Baclé, D' M. Baudouin, D' Bérillon, Dr Bianchi, Bischoft- sheim, R. Blanchard, Bouchez (P.), Bourdon, M. et Me Routon, Boyer, D' Béni-Barde, D' A. Broca, Cail- letet, D' Camus, D' Cavasse, G. Caye, Champigny, Dr Charrin, Chaumat, Chauveau, Clément, J. Courmont, D' de Cyon, D° Carvalho, D' Cornil, D' Champetier de Ribes, da Cunha, Dagincourt, Darboux, Delaunay, Des landres, Dr Doléris, Ducretet, Dujardin, Emmanuel, Fabre-Domergue, Fleury-Hermagis, Francois-Franck, Gayon, Gariel, Giard, Gley, Godefroy, Guéroult, Guiart, Guimbeau, D' Hallion, D' Hallopeau, D' Hayem, Hen- neguy, Hern, Houssay, E. Janssen, J. Janssen, Kæniss, Lamarzière, D Labbé, Dr Laborde, D' Lancereaux, Lauth, L'Hôte, Læwy, Laffargue, D' Manouvrier, D' Ma- rage, Mareschal, Marichelle, P. Masson, D' J. Martin, Mendelssohn, Morieu, M. de Nansouty, Nicloux, L. Oli- vier, P. Painlevé, de Parville, Pellissier, Pesce, L. Poyet, … R. Poyet, Mile Pompignan, M. et M": Phisalix, Dr Pozzi, D' Quinton, D' Regnault, D' P. Richer, Dr Ch. Richet, Richard, Rochefort, Tilly, Albert Tissandier, Paul Tis- sandier, D' Topinard, Tridon père et fils, Trouvé, Vil- lars, Vallot, Vitoux. Au dessert, M. Henri de Parville a porté la santé de M. J. Marey et rappelé, de la facon la plus heureuse, la vie scientifique, c'est-à-dire toute la série des glo- rieuses découvertes de l'éminent physiolegiste. Puis M. Charles Richet, au nom des anciens élèves du Maître, a pris la parole et dit ce que doivent au fondateur de la Méthode graphique et de la Chronophotographie, les physiologistes du monde entier; il a insisté parlicu- lièrement sur la grandeur du service que M. Marey a rendu, avec son collaborateur et ami M. Chauveau, aux sciences biologiques, en y introduisant la mesure pré= cise des phénomènes observés. M. Marey, a-t-il dit, couronne aujourd'hui cette œuvre grandiose, en pro- voquant l’unificalion des étalons et des méthodes de mesure dans tous les laboratoires de Physiologie. Une telle entreprise va permettre à tous ceux que passionne l'étude de la vie, d'opérer suivant un système de me- sure exactement déterminé, de traduire, en quelque sorte, dans la même langue, leurs résullats expéri- mentaux, et de les comparer utilement. A la confusion actuelle, à l'impossibilité où l'on est de bien définir les conditions expérimentales, et surtout d'apprécier la grandeur des phénomènes biologiques, va succéder, grâce à M. Marey, la possibilité, pour tous les physio- logistes, d'expliquer les écarts entre les résultats obtenus par chacun d'eux dans la même étude. M. Labbé, ancien camarade d'internat de M. Marey, nous à ensuite retenus quelques minutes sous le charme de sa parole, en racontant gaïiment quelques épisodes de la jeunesse laborieuse de son ami, et en buvant à la Sainte Amitié. Sur la proposition de M. Charles Richet, il a semblé à tous les convives que se présentait, pour eux, une charmante occasion de manifester à M. Marey, d'une facon plus durable que par un banquet, leur admira- tive et reconnaissante affection, et il a été décidé, par acclamalion, qu'une médaille commémorative de cette belle fête serait offerte au créateur de la Méthode gra- phique et de la Chronophotographie. F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 63 L’ETNA A occasion du prochain voyage d'étude de la Revue en Sicile et (Grande-Grèce occidentale !, nous avons prié l'un des savants qui ont le plus fait pour la connaissance de l'Etna, de nous donner quelques pages sur le grand volcan sicilien. L'article suivant, qu'il a bien voulu nous re- mettre et où nos lecteurs trouveront la synthèse du savoir actuel sur l'une des questions les plus atla- chantes de la Physique du Globe, fera partie d'une série de Mémoires originaux sur la Sicile, que la Revue distribuera, en cours de route, à tous les touristes de la croisière. ILENDE « L'Etna s'élève sur la côte orientale de la Sicile; sa base est baignée par la mer et empiète même légèrement sur la ligne générale des rivages ; ‘; sa masse imposante et f solitaire est complète- ment détachée des mon- tagnes calcaires et gra- nitiques quiremplissent une parlie de son hori- zon. La forme pyrami- dale de sa cime (fig. 1, 5,12 et 18), l'aspect brûlé de ses flancs, la disposilion de leurs an- fracluosités, qui décèle un groupement autour d'un centre commun, la belle et riante végétation qui couvre sa base, les villes, les villages élégants et presque monumentaux qui s'y détachent sur la verdure, tout y révèle à l'œil, d'aussi loin qu'il puisse l'apercevoir, un massif à part, doué d’une existence individuelle, un de ces points où s’est concentrée de nos jours l’activité de la Nature mi- nérale, où vit une cause sans cesse agissante de destruction et de renouvellement, un volcan, à la fois source de désastres par les secousses qu'il occa- sionne, par les déjections dont il recouvre le terrain, et source de richesses par la nature du sol que font naitre à la longue ses produits accumulés. » Cette esquisse, aussi rapide que précise, est em- pruntée à la première page du Mémoire d'Élie de Beaumont sur l’Etna, publié, en 1836, dans les 4 Cette croisière, que nous avons déjà annoncée, per- mettra de visiter toute la Sicile; puis, sur la côte d'Italie : Salerne, Pæstum, Amalfi, Naples et Pompéi. Elle aura lieu aux prochaines vacances de Pâques. Le départ s'effectuera de Marseille, le 31 mars; le retour en ce même port, le 16 avril. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Fig. 1.— Vue de la cime de l'Etna, prise du Mont Frumento. Annales des Mines. Pour la compléter, il suffit d'ajouter que la cime de la montagne s'élève à une altitude de 3.313 mètres et que la circonférence de sa base est de plus de 140 kilomètres: d'où il résulte que l’Etna, de quelque côté qu'on le consi- dère, à la condition qu'on en soit assez éloigné, frappe moins par son élévation que par l'ampleur de sa masse. Cependant, la régularité de sa forme conique n'est qu'apparente; il est échancré à l’est-sud-est par une immense dépression à parois abruptes, connue sous le nom de Valdel Bove (fig. 5), qui constitue son trait orographique le plus caractéristique. De plus, la pente de ses flancs varie suivant chacune des géné- ratrices du cône qu'il représente, et, dans chaque direclion, elle varie aussi avec l'altitude. Très forte dans les parties hautes, elle diminue peu à peu, de telle sorte que le mont se termine à la partie F.. inférieure par une cein- ture régionale de très pelite inclinaison, En- in, le sommet est {tron- qué, et le plateau de sa troncature (fig. 3), qui a reçu le nom de Piano del Lago à cause de quelques petites flaques d’eau qui s'y voient au moment de la fonte des neiges, est surmonté par un cône haut de 300 mè- tres, creusé d'un cratère d’où l’on voit, presque en tout temps, s'échapper un panache de fumée plus ou moins développé (fig. 15). C’est là, dans les inter- valles de reposrelatif du volcan, que se concentrent et persistent les manifestations de son activité. Les changements de pente qu'affecte une même génératrice du dôme montagneux s'effectuent plus ou moins rapidement, et, dans certaines directions, on peut distinguer des sortes de gradins qui inter- rompent un instant la régularité des variations de l'inclinaison. La discontivuité la plus prononcée est celle qui s’observe entre les pentes très faibles de la région périphérique et les pentes qui dépas- sent 10° et atteignent jusqu'à 25° sur les parties hautes de la zone centrale. Élie de Beaumont, dans son Mémoire célèbre, avait attaché une importance capitale à cette particularité géodésique et s'en était servi comme d’un argument puissant pour soute- nir que la partie abrupte du massif, qu’il désignait sous le nom de gibhosité centrale, avait eu un tout autre mode de formation que la région à pentes + 66 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA faibles constituant ce qu'il appelait les falus late- l'AUX. Cependant, quelle que soit la zone que l’on con- sidère, on n’y trouve, dans tous les cas, que des accumulations de pro- duits de projection et de coulées épanchées ou de dykes solidifiés après remplissage de fentes par des laves en fusion. Ces matériaux sont tous, sans excep- tion, d'origine volca- nique ; leur aspect ex- térieur varie peu, et leur composition chi- mique est partout sen- siblement identique. Le pétrographe le plus exercé ne peut établir aucune différence es- sentielle entre les élé- o ments les plus anciens de ce sol et ceux des éruptions les plus modernes. Aussi, l'hypothèse d’une dualité orogénique fon- damentale du massif de l’Etna ne pouvait être fon- Fig. 2. — La « Rocca Musarra », dans le Val del Bove. sérieuses empruntées à l'observalion. Le savant géologue français, séduit par la grandeur et la har- . diesse des idées de son contemporain allemand, s'en fit le défenseur passionné et puisa dans l'étude attentive de la struc- ture de l'Etna une sé- rie d'arguments ingé- nieux, qu'il sut grou- per et faire valoir avee » une grande habileté. D'après la concep- tion de L. de Buch, le | Val del Bove (fig. 5) se- - rait un cratère de sou- lèvement typique; les # matériaux de ses pa rois, primilivement dé- posés en couches pres- =: que horizontales, au- raient été rompus par l'effort des forces sou- terraines, écartés à plu- sieurs kilomètres de distance de chaque côté de l'ouverture formée, rele- vés à plus de mille mètres de leur position première et inclinés en sens inverse les uns des autres, de Fig. 3. — Le Piano del Lago et le Mont Frumento. dée que sur des considérations lectoniques. C’est, | manière à offrir la disposition anticlinale qu'ils en effet, en partant de données de cet ordre que Léopold de Buch avait élé amené à créer sa fa- meuse théorie des cratères de soulèvement. Quand Élie de Beaumont visita la Sicile, en 1834, la théorie en question n'était guère qu'une œuvre de pure imagination ; elle manquait de preuves affectent aujourd'hui. La même poussée aurait sou- levé Loute la gibbosité centrale et subitement porté vers le ciel, à une hauteur de 3.000 mètres, des dépôts précédemment opérés à une faible hauteur au-dessus du niveau de la mer. Tout le reste du volcan, tout ce qui serait postérieur à la produc- F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 67 tion du cratère de soulèvement et à la saillie de la gibbosilé ne constituerait qu'un mince revêle- ment, engendré par des éruptions de médiocre importance, comme celles de la période historique et étalé sur la masse déplacée par le cataclysme. Élie de Beaumont cherche à prouver, par des études statistiques, que les éruptions or- dinaires ne rejettent qu'un cube très faible de malières et surtout que leur apport sur les cimes est presque insi- gnifiant ; d’où il con- clut que des phéno- mènes de ce genre peuvent, à la rigueur, élargir et surélever un peu la base du volcan, - mais qu'ils sont inca- pables d'expliquer l'im- posante haüteur de son sommet. Il insiste sur l'existence de longues nappes de laves largement élalées et sur celle de bancs continus et d'épaisseur uniforme de cendres et de lapillis, visibles dans la coupe des parois du Val del Bove et sur l'impossi- bilité de pa- reilles forma- lions sur des pentes de 35 à 40°, comme celles, ‘des points où on les observe.Il oppose à ces dispositions les alluresdes coulées mo- dernes lors- que les pen- tes du terrain sur lequel el- les s'épan- chent devien- nent tant soit peu considé- rables, leur élroilesse, leur manque de cohésion, leur aspect scoriacé, leurs inégalilés de toute sorte. Il rappelle que les produits de pro- jection s'éboulentet glissent dès que la pente atteint une certaine limite, et qu'ils ne forment des couches d'épaisseur uniforme que lorsque l’inclinaison du terrain qui les reçoit est très petite. Comme con- séquence de la comparaison, il arrive à cette con- Fig. 4. — La « Rocca Capra », dans le Val del Bove, vue du Midi. Fig. 5. — Jond du Val del Bove et cime de l' Elna. | clusion que les coulées et les lits de cendres visibles | le long de la paroi du Val del Bove ne sont plus | aujourd'hui dans la position qu'ils ont dû posséder | au moment de leur dépôt primitif. | Le point faible de cette argumentation serrée vient de ce qu'elle se base sur une observation incomplète et insuffi- sante de la constitution des parois du Val del Boxe. Les stratifica- lions concordantes et régulières n’y sont qu’apparentes ; étu- diées de près, elles montrent toutes les in- égalités et les acci- dents des épanche- menis ordinaires des éruplions modernes, les mêmes enchevêtre- ments, les mêmes jux- | tapositions de coulées étroites et les mêmes super- posilions mouvementées. D'autre part, assurément des nappes liquides bien fluides n'auraient pu se solidifier sur de fortes pentes avec une épaisseur ant soit peu notable; mais l'observation des vol- cans en érup- tion de nos jours a mon- tré depuis longtemps que la visco- sité des laves leur permettait de se comporter tout autre- ment que ne pourrait le faire li- quide de mo- bilité par- faite. Les pentes indiquées par Élie de Beau- mont comme limite extré- me de celles qui permettent une solidification des laves en cou- lées continues sont bien inférieures à celles que révèle l’observation. Enfin, l’argument principal contre la théorie des cratères de soulèvement est celui que l’on tire de ce fait que les dykes (fig. 2 et 4) qui sillonnent la paroi du Val del Bove ne présentent ni rejets, ni fondues un 68 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA failles et surtout de ce qu’ils sont, pour la plupart, verticaux, au lieu de se montrer fortement inclinés et déplacés en conformité du mouvement de l'im- mense dislocation que comporte l'hypothèse. La théorie de L. de Buch a été combattue, dès son apparition, par les savants anglais el par quelques rares géologues francais. Lyell, son plus redoutable adversaire, n'a pas cessé, pendant plus de quarante ans, de l’atlaquer et de travailler à mettre en évidence le peu de solidité de ses fonde- ments. En France et en Allemagne, elle continuait encore à jouir d’un crédit extraordinaire, soutenue par la grande autorité des hommes qui en avaient été les promoteurs; mais enfin la lumière s’est faite entièrement. Aujourd'hui, elle n’est plus citée que pour mémoire, mais elle reste intéressante l'atmosphère d'immenses quantités de gaz et de vapeurs (fig. 6 et 7). Sur le lieu principal de leur emplacement se dressent des cônes qui sont dis- tribués généralement en séries rectilignes vers la cheminée centrale du volcan et vers l’orifice craté- riforme qui en est le débouché et qui persistent, après exlinction de leurs feux, sous forme de pus- lules plus ou moins volumineuses. Ces cônes para- sites, composés de matériaux de projection meubles et altérables, sont peu à peu démantelés par l’action des agents atmosphériques et quelquefois aussi disparaissent, ensevelis sous les apports d'éruptions plus récentes. C'est par centaines qu’on les compte sur les flancs de la montagne, à toutes les altitudes et dans toutes les orientations. L'Etna forme un massif entièrement volcanique; Fig. 6. — Vue du Cratère de l'Etna, en 1836. dans l'histoire des Sciences en ce qu’elle fournit un exemple frappant de l'engouement auquelle monde géologique se laisse parfois entraîner en faveur des conceptions les plus controversables. Rentrons maintenant dans le domaine des faits. Ceux que nous avons à décrire sont assez curieux et assez importants pour mériter d'appeler l’atten- tion, surlout si nos interprétations sont accep- tées du lecteur comme des probabilités et non comme des vérités entourées d’une cerlitude dog- matique. IT L'emplacement de l’'Etna, son âge géologique et sa constitution sont tout d’abord dignes d'être notés. Là, il ne s'agit pas d'un volcan simple, mais d'un massif volcanique complet, dans lequel la bouche éruptive principale est escortée de tout un cortège d’évents accessoires qui ont fonctionné successivement sur ses flancs, déversé à maintes reprises des torrents de lave fondue et rejeté dans on n'apercçoit dans sa masse aucun élément d’ori- gine sédimentaire, quoique la profonde entaille du Val del Bove (fig. 5) l'ait découpé sur une immense étendue, en y laissant debout quelques débris de l’ancien sol, tels que les roches Musarra et Capra représentées figures 2 et 4. Il est de formation rela- tivement récente, car il n’a commencé à fonction- ner que durant la période quaternaire ; mais, depuis. lors, ses manifestations ne paraissent pas avoir subi d’interruptions prolongées. Ilestentouré d’une. ceinture de roches mélamorphiques ou sédimen- taires visibles sur la majeure partie de son pour- tour et relevées, pour la plupart, à de grandes hauteurs, de manière à lui présenter de tous côtés. la tranche de leurs assises. Vers l’est et le sud-est, ses laves peuvent couler sans obstacles jusqu’à la mer, mais dans toutes les autres directions elles rencontrent à courte distance une barrière infran- chissable de roches stratifiées. Des gneiss et des micaschistes forment, particu- lièrement au nord, le revers extérieur de l'enceinte F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 69 qui ferme l’enclos ; puis, vient le Jurassique supé- rieur, représenté par des calcaires compacis sur les hauteurs de l’escarpement qui porte le théâtre de Taormina ; le Crétacé, moins bien caractérisé, lui succède. Des argiles et des calcaires à Nummulites, des marnes à Fucoïdes apparaissent ensuite, sur- montées de puissantes assises de grès tantôt à grains fins, lantôt en conglomérats grossiers. Le Pliocène est largement représenté par des marnes fossilifères, relevées vers l’ouest jusqu'à 240 mètres d'altitude, riches en espèces identiques à celles de la mer voisine ou peu différentes de celles-ci. Enfin, c'est seulement après le dépôt d'assises quater- naires à cailloux roulés que les premières érup- tions sont venues au jour. | L'Etna est loin d’avoir eu, aux diverses phases | de son développement, une configuration semblable à celle qu'il possède actuellement. Dans une pre- mière période, antérieure au creusement du Val del Bove, on doit se le représenter sous la forme d'un amas, d'épaisseur sans cesse croissante, allongé de O.-N.-0. à E.-S.-E. et occupant à peu près l’em- placement actuel de la grande entaille du massif. | Sartorius von Waltershausen', auquel on doit la | plupart de nos connaissances sur l'Elna, a montré | qu'à cette époque le maximum d’éruptivité du vol- | can ne siégeait pas au même lieu qu'aujourd'hui; | il se trouvait à l'est du cône terminal moderne, en | un point situé au fond du grand cirque du Val del | Bove, au milieu de l’espace connu actuellement Parmi les dépôts sédimentaires que nous venons d'énumérer, les uns sont franchement d'origine marine, les autres se sont faits dans des eaux sau- mâtres. Leur disposition montre que la région orientale de la Sicile a subi un soulèvement consi- dérable et que, de ce côté, le rivage a été constam- ment, pendant toute la durée de la période tertiaire, découpé par un large golfe arrondi cor- respondant à peu près à l'emplacement actuel de . V'Etna. C’est au milieu de cet espace que le volcan . s'est ouvertet a amoncelé pendant de longs siècles , les produits de ses déjections. Aujourd'hui, le golfe est comblé, dans presque - toute son étendue, par les matériaux volcaniques ; - et, les dépôts sédimentaires qui en occupent le 4 fond ne se voient plus que vers le sud, dans la - plaine du Simelo, ou qu'en étroits ilots épargnés par les courants de feu, près de la bordure des champs de laves et de scories. Fig. 1. — Vue du Cratère de l'Elna, en 1838. sous le nom de Trifoglielto. C'est là, en effet, que s'observe le point de convergence des dykes (fig. 2 et 4) correspondant aux fentes, remplies de laves, par lesquelles le volcan déversait alors ses épan- chements incandescents et projetail ses gaz et ses vapeurs embrasées. C’est là qu'élait alors la che- minée centrale du volcan. L'Etna de cette époque avait donc son point culminant précisément sur l'emplacement où il est aujourd’hui entaillé le plus profondément. Sa forme était celle d'un immense tumulus funéraire et l'imagination des contempo- rains pouvait déjà sans peine y voir la tombe d'En- celade enterré vivant, ébranlant le sol de secousses convulsives et exhalant par toutes les fissures du 4. Dr WoLGANG SARTORIUS, FREINERRN VON WALTERSHAUSEN : Der Ætna, vollendet von Dr Arnold von Lasaulx. Erster Band: Reisebeschreibung Sartorius und Geschichte der Eruptionen; Zweiter Band: Topographisch-geognostische Beschreibung, Entwickelungsgeschichte und Producte des Ætna. Leipzig, Verlag von Wilhelm Engelmann, 1880. 70 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA lerrain les effluves corrosifs de son haleine brû- lante. L'événement qui clôt celte période est le creuse- ment du Val del Bove. Comment s’est formée cette énorme cavité? A-t-elle été le résultat d’une succes- sion prolongée de phénomènes d’intensités varia- bles et médiocres, ou provient-elle d’une gigan- tesque calastrophe, devant laquelle tout s’efface, incomparable par sa soudaineté et sa violence, unique dans les fastes du volcan? L'hypothèse d'une série d’éruplions modérées se produisant sur le même centre, avec accompa- gnement d’effondrements partiels et d’explosions successives, est au premier abord la plus séduisante, La comparaison du creusement du Val del Bove avec la formalion d’un cratère comme celui du cône « terminal de l’Elna n'a doncrien d’étrange. La dif-" férence entre les deux phénomènes a pu sans in- vraisemblance être considérée comme purement quantitative. Cependant, quand une éruption se présente avec un caractère de gravité tout à fait exceptionnelle, ses effets cessent, à beaucoup d'égards, de pouvoir êlre assimilés à ceux d’une succession d’éruptions normales de médiocre énergie. Ils acquièrent des caractères dislinetifs qui ne permellent plus de les rattacher les uns aux autres par un lien continu. Or, c’est précisément dans de telles conditions Fig. 8 — Aci Castello : Les fles Cyclopes. car elle est la plus simple et s'appuie exclusivement sur les données de l'observation courante. Les cratères centraux de tous les volcans actifs sont sans cesse modifiés dans leurs dimensions, leur forme et leur profondeur par les phénomènes dont ils sont le théâtre. Le cratère (fig. 15) de la cime actuelle de l’Elna en est un exemple des plus nets. Ses diamètres varient suivant l'intensité des explo- sions qui s'y produisent; son orifice actuel est en- touré de bourreletls saillants qui attestent l'existence antérieure de poussées volcaniques plus violentes que celles d'aujourd'hui. Sa profondeur subit des modifications incessantes encore plus marquées; tantôt, il est presque entièrement comblé par l’afflux des laves en fusion ou par l’entassement des projections ; tantôt, il se présente sous la forme d’un gouffre béant, tellement profond qu'une obs- curité complète règne au fond de sa cavité. qu'ont été engendrés tous les grands appareils vol- caniques désignés naguère sous le nom de cratères de soulèvement. Le Val del Bove à l'Etna, le cirque de la Somma au Vésuve, la baie de Santorin dans l’Archipel grec, les caldeiras des Açores, l'entaille gigantesque du Krakatau dans les iles de la Sonde ne résultent point d'une suite prolongée de phéno- mènes éruptifs d'intensité moyenne, mais chacun. d'eux provient d'un grand cataclysme dont la vio- lence ne peut être comparée à celle des éruptions ordinaires les plus puissantes. Ce qui les caracté- rise surtout, c’est l'énergie inouïe de l'explosion qui a présidé à leur genèse et, au contraire, la faiblesse et souvent même l'absence totale d’épanchements concomitants de laves en fusion. Les cônes des éruptions normales sont formés de produits de projection retombés près de l'orificede sortie; d'où résullent une structure loute spéciale CP RS VE Re EE EE PE TT F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 71 de ces cônes et une forme habituelle à pentes mé- diocrement inclinées de la paroi intérieure des cra- tères qui en occupent le centre. Dans les caldeiras et autres appareils éruptifs de même ordre, l’ancien sol est, au contraire, entaillé à parois abruptes; il est comme découpé à l'emporte-pièce; tout ce qui se trouvait dans le domaine d'action de la poussée explosive : matériaux volcaniques compacts ou incohérents, roches sédimentaires ou métamorphi- ques, roches éruplives anciennes, tout à été broyé, pulvérisé, projeté au loin ou effondré au sein de la matière fondue mise à découvert par l'explosion. Malgré l’énormité du déblai correspondant au creusement d’une cavilé comme le Val del Bove ou la baie du Santorin, ce qui domine dans les projec- trouve, enlassés en dépôts épais au pied des escar- pements, sur les talus de faible inclinaison compris entre la sortie du Val del Boveet la mer. Les iles Cyclopes (fig. 8 à 11), qui montrent leurs récifs pittoresques près de la côte, en face d'Aci Castello, n'appartiennent pas aux projections de l'ancien sol du Val del Bove. Quoi qu'en dise la légende qui veut qu’elles aient été lancées par Po- lyphème à la poursuite d'Ulysse, elles ont eu une origine plus pacifique. Leur base est constiluée par une marne verte quaternaire que traversent des dykes de lave noire basaltique et que couronnent des prismes démantelés de la mème roche. L'épan- chement de ce basalte s'est fait au début du fonc- tionnement de l’Elna comme volcan. Fig. 9. — La Grotte des Palombes (du groupe des Cyclopes). lions, ce ne sont pas les débris du sol de la catastro- phe, ce sont les éléments du bain incandescent sous- jacent, ce sont des matériaux vilreux qui, refroidis brusquement dans les airs, n'ont pas eu le temps de prendre la structure cristalline des laves des érup- tions ordinaires. Dans les grandes caldeiras à laves acides, on les retrouve sur les revers du volcan sous forme de ponce ; à l'Etna, dont le magma igné pro- fond possède une constitution chimique basique, on peut les recueillir dans une situation analogue, avec l'aspect de cendres, de lapillis ou de tufs denses et de couleur foncée, mais toujours avec cette vitrosilté caracléristique qui ne manque jamais. Naturellement, ces produits sont peu abondants sur les crêles ou sur les flancs fortement inclinés de la montagne; ils ne s'y sont guère maintenus et, d’ailleurs, sont faciles à confondre avec les produits projetés par les éruptions normales, mais on les Malgré ce désaccord entre l'observation géolo- gique et la légende, les iles Cyclopes n’en sont pas moins intéressantes au point de vue scientifique, car on y peut voir un exemple remarquable du métamorphisme exercé par l'épanchement basal- tique sur la marne ambiante. Entre la roche sédi- mentaire et la matière épanchée, des infiltrations d'eaux thermales, chargées de matières minérales, ont déposé une série variée de minéraux cristallisés : grenat, diopside, trémolite, analcime, mésotype, pyriles, ete. On peut se demander pourquoi le Val del Bove est entaillé dans la direction E.-S.-E. plutôt que dans toute autre orientation. La cause principale de ce fait tient probablement à la configuration et à la structure du sol de cette partie de l'Elna avant l'effondrement. La forme‘d'anticlinal allongé que nous lui avons reconnue favorisait évidemment une rupture suivant la direction en question. Mais on 72 F.-A. FOUQUÉ — L’ETNA peut ajouter encore qu'à l'époque où le centre éruptif du Trifoglielto présentait son maximum d'activité, le centre éruptif actuel avait déjà com- mencé à fonctionner, comme le prouve l'intersec- Lion réciproque de quelques-uns de leurs dykes, et alors les produits des deux foyers se juxtaposaient et s'appuyaient. Le massif dont la sommité corres- pondait au Trifoglietto était donc, pour ainsi dire, étayé du côté occi- dental, et, dès lors, il n'est pas étonnant que la montagne se soit ou- verte en sens opposé, dans la direction où la poussée explosive ren- contrait une moindre résistance. On peut êlre aussi tenté de s'étonner de ce que le paroxysme du foyer Trifoglietto aitimmédiatement pré- cédé son extinction à peu près complète et que sa longue existence antérieure ait fini d'une manière si brusque et si absolue. Le cône actuel du Vésuve, les Kamenis de San- torin sont là pour montrer qu'un volcan à caldeira n'est pas nécessairement éteint à tout jamais. On pourrait, il est vrai, citer de nombreux exemples de centres volcaniques dont la vie a cessé complètement après des cataclysmes de ce genre. Mais com- bien d'autres, après une longue période de repos, reprennent une vie nouvelle ! L'affai- blissementmomentané ou définitif du foyer éruptif, en une localité Fig. 10. — Æcueil des Cyclopes. historique, des éruptions y ont eu lieu. L'une des plus récentes et des plus considérables a été celle de 1852, dont nous devons la description détaillée à Lyell. Ces objections étant écartées, on peut dire, en résumé, que la formation des grands cirques volca- niques, caldeiras (cratères dits de soulèvement), est caractérisée par la vio- lence et la courte du- rée des phénomènes, par l'intensité extrême des explosions, la for- me abyssique des ef- fondrements, la rareté et la médiocrité des épanchements de ma- tière fondue, l’affaisse- ment consécutif du vol- can, épuisé, pour ainsi dire, par la grandeur de l'effort accompli, et la vacuité plus ou moins prolongée des cavités nouvellement creu- sées. Le terrain am- biant conserve sa constitution; il n’est ni soulevé, ni affaissé notablement; il est entaillé à pic, troué, comme s'il avait été perforé par un énorme pro- jeelile animé d’une prodigieuse vitesse. Après la longue période d’édification qui avait signalé les débuts vol- caniques de l'Etna, le creusement du Val del Bove représente une courte phase de des- truclion, suivie de la période de réédifica- tion qui dure encore aujourd'hui. Les érup- Lions nouvelles, de mê- me que les anciennes, n'ont pas cette instan- lanéité el cette énergie qui caractérisaient la déterminée, peut être attribué à la mise à découvert du bain fon- du aux points correspondants et à la perte abon- dante des matières volatiles qui sont l'agent direct des explosions. Il est donc bien naturel d'y voir se produire une période de repos plus ou moins prolongée. Enfin, si le centre du Trifoglietto semble aujourd’hui tout à fait inerte, on peut faire remar- quer que le fond du Val del Bove n’est pas dé- pourvu de toute manifestation volcanique. À main- les reprises depuis le commencement de la période phase destructive. Le sol se déchire encore à chacune d'elles ; il se fait encore des explosions, des projections de matières incandescentes, des dégagements de va- peurs et de gaz, des épanchements de lave fondue, parfois très abondants; mais, bien qu'effrayants encore et souvent dangereux à observer, les phé- nomènes peuvent être suivis et étudiés dans tout le détail de leurs développements. On possède actuellement de nombreux enseigne- ments sur la question et, chaque jour, des études F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 73 nouvelles étendent encore le champ de nos connais- sances. La Chimie et la Minéralogie prêtent aux recherches un concours de plus en plus efficace. Un volcan esl un grand laboratoire naturel où les - expériences se font d'elles-mêmes et s'offrent spon- tanément à l'observation. III Rien d'intéressant à suivre comme l’évolution d'une éruption. Des commolions souterraines en annoncent le début; puis, le sol se déchire el une communication s'établit entre l'atmosphère et les profondeurs du terrain. Les phénomènes mécani- _ que de cette période sont encore bien peu connus, et se consolide sous forme de bourrelets cordés emboités les uns contre les autres. Plus souvent, c'est une coulée épaisse demeurée liquide dans son intérieur, tandis que sa surface semble refroidie et immobile; cependant, cette coulée marche et pro- gresse, poussant devant elle les blocs qui l'encas- trent. Parfois, elle se rompt brusquement à son extrémité terminale et se vide; la cuirasse pierreuse qui l'enveloppait se rompt et s’affaisse, ou, au con- lraire, se maintient sous forme de tunnel, suivant son degré d'épaisseur et de consistance. Un cas fréquent est celui dans lequel une coulée se ter- mine en cul-de-sac renflé, immobilisée par l'amon- cellement des blocs qu’elle a déversés à son extré- Fig. 12. — L'Observatoire et le Cratère d'érüption. mais l'installation d'observaloires de Physique ter- restre aux environs des centres volcaniques (fig. 12) permet d'espérer que, dans un avenir prochain, ils dévoileront leurs secrels les plus cachés. On assiste ensuite à l'émission des éléments volatils que l’on peut recueillir et soumettre à l'analyse; on voit les cônes s'élever graduellement et l’on constate l’agen- cement des pièces de leur structure. Le liquide incandescent s'échappe par quelques points de la fissure; on le voit bientôt s’envelopper d'une cara- pase produite par la solidification de ses parties - superficielles; on peut se rendre compte de toutes les particularités si curieuses de son écoulement et - de leurs causes multiples. Tantôt, c'est un courant de feu qui charrie à sa surface des blocs refroidis, comme le fait une rivière en train de se congeler; tantôt, c'est un lit étroit et mince de matière à très . haute température et par suite relalivement très fluide qui, tout entier, devient rapidement visqueux mité. Alors, si la solidificalion n'est pas complète, on voit souvent des jels brûlants s'échapper tout à coup de ses parties latérales, par suite du déplace- ment de quelques blocs ou de l'ouverture d’une crevasse de relrail. Les accidents si variés que présente l'écoulement des laves demandent à être observés au fur et à mesure qu'ils se produisent (fig. 13 et 14), car, autrement, lorsque l'arrêt est complet, il est pres- que impossible de se rendre compte du mode de formation des empilements étranges qui représen- tent le résullat final. Mais le spectacle le plus saisissant dans le cours d'une éruption est celui des admirables feux d’arti- fice qu'engendrent les explosions. Durant la nuit, à chaque délonation, les blocs incandescents pro- jetés illuminent le ciel de points élincelants; ils reiombent avec fracas et, pendant quelques instants encore, revêtent la surface des cônes d’un semis 1 n F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA lumineux. Puis, tout rentre dans l’obseurité jusqu'à ce qu'une autre explosion renouvelle le phénomène. Durant le jour, le feu d'artifice se change en un panache de fumée que sillonnent les éclairs de la foudre; le bruit du tonnerre se mêle à celui des détonalions éruptives. Le terrain est recouvert d'une couche de matériaux pulvérulents qui con- slituent ce qu'on appelle de la cendre volcanique, où se trouvent jonchées des masses affectant toutes les grosseurs, depuis celle d'une lentille jusqu'à celle de bombes à couches enroulées dontle volume atteint parfois plusieurs mètres cubes. Les projec- tions les plus effrayantes sont celles qui sont engen- | pauvres en soude et en potasse. Les deux analyses _ dont nous donnons les chiffres ci-après peuvent ètre considérées comme représentant la composi-" lion des termes les plus écartés de la série: 4 See die de dep ne A0 22 53,66 Acide titanique 1,16 0,33 AIUMINRE TERRE 2152 11,53 Fe°0$ . 5,00 10,06 FeO. 1,29 3,20 Chaux. 10,19 10,87 Magnésie 2,03 6,93 Soude. 52 3,97 1,40 Potassemr et 2.62 2,82 100,00 100,00 Les deux éléments chimiques dont la proportion LS Fig. 13. — Lave récemment épanchée, mais déjà refroidie à sa surface et recouverte de neige dans ses anfractuosités (1865). — La lave, pâleuse, a contourné tous les obstacles, le pied des arbres, etc. L'éruption était toute récente quand l'Auteur de cet article établit son campement. drées par la lave retombant encore à l'état fondu; alors, dans leur chute, les blocs s’aplatissent et s'étalent à la surface du terrain qui les recoit ; ils écrasent et brûlent. Ce cas s’observe particulièrement lorsqu'on a affaire à des laves basiques, comme celles de l'Etna, qui, par suite de leur composition chimique, sont très fusibles et douées d'une grande densité. Leur couleur noire est également une conséquence de leur leneur élevée en oxydes de fer. Les roches de l'Elna ont élé souvent analysées, et la conclusion à laquelle on est conduit par cesrecher- ches, c'est que tous les malériaux qui composent la montagne sont, au point de vue chimique, assez peu différents les uns des autres. [ls sont tous basi- ques; leur teneur moyenne en silice est d'environ 50 °/,; ils sont riches en oxydes de fer et en chaux, est la plus variable sont l’alumine et la magnésie, ce qui correspond à des varialions importantes dans la composition minéralogique, comme nous allons l'indiquer ci-après. Mentionnons encore la présence constante de peliles quantités d'acide phosphorique, du chlore et plus rarement celle de l'acide sulfurique, combinés au calcium ou au so- dium, et jouant un rôle considérable dans la décomposition des roches et la formation du sol arable qui en dérive. Ces données chimiques sont à peu près tout ce que savaient les minéralogisles sur la constitution des laves de l'Etna au commencement du xrx° siècle. De quelques échantillons exceplionnels, Cordier avait pu extraire de minces esquilles de feldspath, dont il avait reconnu la basicité, et Gustave Rose avait confirmé cette détermination en constatant +9 F.-A. FOUQUE — L'ETNA sur ces menus débris l'existence des stries carac- téristiques des feldspaths tricliniques; mais, en somme, les roches noires et denses comme celles de l’'Etna n'étaient, en réalité, connues, ni au point de vue de la composilion minéralogique, ni au point de vue de la structure. La taille des roches en lames minces, inaugurée par Sorby, et l'examen, au microscope en lumière polarisée, des lamelles ainsi oblenues, fines et déli- cates comme des pelures d’ognon et transparentes comme elles, ont mis en pleine lumière ce qui, jusque-là, était resté dans une obscurité profonde. Le nouveau moyen d'invesligation a transformé la Minéralogie. Les cailloux les plus foncés, les plus a donné naissance. A l'Elna, on y voit des feldspaths basiques abondants, du pyroxène, de l'olivine, de la magnétite, de l'ilménite, de l'apalite clairsemée contenant l'acide phosphorique décelé par l'ana- Iyse. On se rend compte de toutes les particularités qui ont signalé leur genèse. Quand la matière fondue jaillit des profondeurs du sol, elle ne ren- ferme, en général, que peu d'éléments cristallisés, car plusieurs des éléments minéralogiques qui lui appartiendront après consolidation ne pourraient résister à la haute tempéralure qu'elle possède: mais, à mesure qu'une coulée progresse, il s'en développe de nouveaux plus petits et ordinaire- ment plus allongés que les premiers. Les pétro- F'g. 14. — Même torrent de lave que dans la figure 13, après fusion de la neige qui l'avait envahi. opaques ont révélé tous les détails de leur struc- ture. On se les représentait généralement comme des agrégats informes, dont l'œil humain ne pour- rait jamais discerner la constitulion, aussi confuse que mystérieuse. Au lieu de cela, les cristaux qui les composent ont montré leurs propriétés les plus intimes et leur agencement. La lumière polarisée aidant, ils se sont parés des couleurs du spectre les plus éclatantes et se sont soumis aux investi- galions les plus minutieuses des recherches opti- ques. Aujourd'hui, ces découvertes sont entrées dans le domaine de l’enseignement classique. Jelons un coup d'œil rapide sur ce qu'elles nous ont appris relativement à la composition minéralogique des laves des volcans. Et d'abord, elles y ont montré des cristaux divers, dont la composition est en rapport direct avec celle du magma igné qui leur graphes distinguent done deux catégories de cris- laux : ceux qui ont pris naissance dans le magma fondu des profondeurs ou dans le trajet ascen- sionnel de la matière ignée et ceux qui se sont produits durant l'épanchement. derniers, connus sous le nom de microliles, s'alignent dans la direction du courant incandescent, aulour des cristaux de formation antérieure; ils en suivent tous les mouvements, se disposent en lrainées fluidales qui indiquent le sens et les particularités de l'entrainement qu'ils ont subi. Les études failes dans le laboratoire contrôlent avec une fidélité rare les données acquises par l'observation directe sur le terrain. Le microscope permet aussi d'apercevoir et d'ap- précier exactement les légers changements que subit la composition minéralogique en concor- dance avec les variations de la composition chi- Ces 76 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA t mique. Dans les épanchements les plus basiques, la proportion d'olivine est augmentée, les oxydes de fer sont en cristaux nombreux, les feldspaths s'éloignent du type labrador pour se rapprocher du type anorthite. Inversement, dans les épanche- ments les plus acides, l'olivine disparait, la magné- tite est moins abondante et les feldspaths se rapprochent du type andésine. Les cristaux sont cimentés par de la malière vitreuse qui représente le résidu de la cristallisa- lion; c'est une sorte d'eau mère de nature ignée, qui correspond à l’eau mère des cristallisations opérées au sein des dissolutions aqueuses. Celle partie vitreuse des roches s’y montre en propor- tions très variables suivant les conditions dans lesquelles s’est effectuée la crislallisalion, Très abondante quand le refroidissement a été rapide, comme dans les cas des produits de projection, elle peut faire complètement défaut si la consolida- tion s’est opérée avec une grande lenteur. Dans ce dernier cas, il arrive aussi que les cristaux déve- loppés lentement et dans un milieu tranquille sont remarquables par leurs plus grandes dimen- sions et par leurs enchevêtrements. Il en résulte des laves exceptionnelles, dont la cristallinité appa- rait même à l'œil nu. L'aspect extérieur des laves (fig. 13 et 14) dépend encore de la proportion relative des cristaux engen- drés dans la profondeur et des microliles nés dans le courant du feu pendant l'écoulement à la surface du sol, rapports qui peuvent être modifiés ou même intervertis suivant les condilions orographiques et méléorologiques de l’éruption, suivant la compo- sition chimique des laves déversées et leur tempé- ralure initiale. Notons, en passant, que la matière ignée des coulées en mouvement est une sorte de boue épaisse chargée le plus souvent d’une quantité innombrable de menus cristaux, ce qui doit contri- buer singulièrement à en augmenter la viscosité. Signalons encore ce fait que les cristaux qui se forment les premiers sont, en règle générale, ceux qui sont le plus basiques, d'où il suit qu'au fur et à mesure de leur production, la matière vitreuse qui représente le reste de leur cristallisation devient de plus en plus acide et par conséquent moins dense et moins fusible; elle constitue done ainsi peu à peu un moyen de charriage moins parfait. Au premier abord, l'étude des substances vola- tiles rejetées par les volcans semble presque im- praticable. Au moment des explosions qu'elles déter- minent, l'approche des bouches d'émission (fig. 15) est rendue impossible par la grêle des projectiles qui en émanent. Mais la Nature fournit d'elle-même un moyen de tourner la difficullé. En arrivant au conlact de l'atmosphère, la matière fondue ne perd pas entièrement les éléments volatils qu’elle recé- lait; par suite de sa viscosité très grande, elle peut en retenir uve partie et la transporter avec elle. Il est vrai que l'écorce superficielle des coulées laisse échapper lentement et presque régulièrement les gaz et les vapeurs dont elle est chargée: c'est même par suite de ce fait qu'elle se montre géné- ralement criblée de bulles allongées dans le sens de l'écoulement et qu'elle se hérisse d’aspérités scoriacées. Mais la partie profonde de ces mêmes coulées relient avec énergie les éléments volatils qu'elle emprisonne. Ce n'est qu’en certains points particuliers, où ces matières se trouvent accumulées accidentellement en plus grande quantité, qu’elles peuvent se dégager en abondance par l'intermé- diaire d'étroites crevasses. On a donné le nom de fumerolles à ces émissions locales de vapeurs et de gaz dont les produits peuvent être aisément recueillis et soumis aux investigations chimiques ordinaires. Parmi les éléments de ces émanations, les uns se retrouvént presque tous dans toutes les éruptions, les autres sont plus particulièrement l'apanage de tel ou tel volcan. Occupons-nous d’abord des premiers. Ils varient sur une même coulée avec la température de la lave qui les émet. C'est à Ch. Sainte-Claire Deville | que l’on doit d'avoir reconnu la loi de leur suc- 3 cession. Une première catégorie de fumerolles est caractérisée par la présence abondante de sels alcalins : chlorures, sulfates, carbonates, ete., parmi lesquels domine le chlorure de sodium. Elles possèdent toujours une très haute lempéra- ture ; c’est au milieu des laves encore au rouge vif qu'on les observe. Les sels alcalins y forment seuls des dépôts cristallisés: tous les autres éléments concomitants y sont volatisés et rapidement ex- pulsés au loin par l’action de la chaleur. La seconde catégorie de fumerolles se reconnait à l'ampleur des dégagements suffocants d'acide chlorhydrique et d'acide sulfureux associés à des torrents de vapeur d’eau. La température y est comprise entre 150° et 600°. Les dépôts qui s’y forment sont principalement conslilués par des oxydes de fer brillamment colorés, provenant de la décomposilion des chlorures de fer par la vapeur d'eau. La troisième catégorie correspond à des tempé- ratures peu différentes de 100°. Malgré la présence de l'hydrogène sulfuré et de l'acide carbonique, ses vapeurs sont généralement alcalines et ses dépôts sont formés de sels ammoniacaux.: carbo- nale, chlorure et sulfate. Le soufre s'y montre en globules concrétionnés provenant de la décompo- sition à l'air de l'hydrogène sulfuré. Enfin, à une température inférieure à 100°, on F.-A. FOUQUE — L'ETNA 1 En ne rencontre plus, sur les coulées du volcan, que de la vapeur d’eau et de l'acide carbonique, à moins que, s'éloignant à quelques kilomètres de sa base, on n'aille récolter les gaz des volcans boueux qui sont, pour ainsi dire, ses satellites. Alors, on y trouve en abondance de l'hydrogène et du gaz des marais. Le long des coulées provenant des bouches subaériennes de l'Etna, ces derniers gaz ont dis- paru, brûlés au contact de l'air entre les roches incandescentes. Il faut des conditions toutes parti- culières pour qu'on puisse les recueillir, les ana- lyser, ou au moins les voir brûler en produisant de véritables flammes. C’est notamment ce qui est arrivé, en 1866, à Santorin. L'éruption élaiten partie sous-marine; les gaz se dégageaient bulle à bulle met, de magnifiques spécimens de sels de potasse cristallisés et de chlorure de plomb (cotumnitc) que l’on ne rencontre guère ailleurs. À l'Etna, ce sont les sels de cuivre qui sont fréquents. Lors de l’éruption de 1878, on voyait d'abord, dans les fumerolles à haute température, de johes lamelles brunes de sous-oxyde de cuivre (cuprite) tapissant les laves des coulées, et quand on revenait quel- ques jours après aux mêmes lieux, ces dépôts cui- vreux, hydratés et transformés par l’action de la vapeur d’eau et de l'acide chlorhydrique du voisi- nage, étaient si abondants qu'ils semblaient recou- vrir les roches d’un tapis verdoyant”. Dans le cratère de Vulcano, l’une des îles Éoliennes, l'acide borique afflue en telle quantité dans le cratère du Fig. 15. — Intérieur du Cratère de l'Etna. de la mer; ils s'allumaient au contact des roches incandescentes, s'éteignaient ou se rallumaient suivant les caprices du vent. On pouvait les re- cueillir et les conserver dans des tubes qu'on fer- mait à la lampe. Sur les roches brûlantes d’un ilot naissant, leurs flammes ressemblaient à celles d'un bücher. En réalité, tous ces éléments volatils existent ensemble dans les fumerolles à très haute Lempé- rature, et peuvent y être constalés, à moins qu'ils n'y soient dissociés ou brûlés. Et dans les fume- rolles moins chaudes, ils disparaissent successive- ment à mesure que la température devient insuffi- sante pour amener leur volatilisalion ou pour produire les réactions qui président à leur genèse. Nous avons dit que chaque volcan possédait aussi des éléments volatils qui lui étaient propres. Ainsi, le Vésuve offre parfois, dans les fentes incan- descentes de ses coulées et de son cratère du som- volcan, qu'il y à fait l'objet d'une exploilation industrielle. Ces exemples suffisent pour appuyer la distinc- lion que nous avons faite parmi les différentes sortes de fumerolles et pour justilier les consé- quences que nous en tirerons ci-après. HA Une histoire quelque peu détaillée des éruptions de l'Etna depuis le commencement de la période historique viendrait ici à point nommé dans notre description; mais elle nous entrainerait trop loin, c'est pourquoi nous préférons renvoyer, Sur ce point, nos lecteurs à l'ouvrage de Lasaulx, conli- nuateur de l’œuvre de Waltershausen, aux mé- moires de Gemellaro et de Silvestri. 1 Au Vésuve, on recueille aussi quelquefois, mais beau- coup plus rarement, de l'oxyde de cuivre cristallisé; toute- fois, ce n’est pas de la cuprite Cu?0, mais de la tenorite CuO. 78 F.-A. FOUQUE — L'ETNA Cependant, je crois devoir ajouter quelques lignes sur la constitution économique des cam- pagnes de l'Etna et sur les conséquences ordinaires des éruptions qui, de temps en temps, y portent le trouble. On sait que, au point de vue du climat et du genre de végétalion qui en est la résultante immé- diate, l'Etna a été depuis longtemps divisé en trois régions d'altitudes différentes : une région basse, très habitée, très cultivée, où prospèrent toutes les plantes du pourtour de la Méditerranée; une zone boisée, dont l'altitude varie de 1.090 à 2 000 mètres, peu plus élevé, mais ils y deviennent promptement clairsemés. Le pin (Pinus nigricans) persiste à une altitude plus grande et y forme des bois pitto-. resques au milieu des cônes et jusque dans la cavilé des cratères parasites. Sous ces ombrages s'élalent de vastes espaces sauvages où croît la fougère (Pteris aquilina) et où fleurit encore le genêt de l'Elna, au feuillage étroit et arrondi. La région désertique, enveloppée d'un linceul de neige pendant une grande partie de l’année, sèche etnue durant les mois de l'été (fig. 18), ne présente qu'une végétalion des plus rudimentaires. La seule Fig. 16. — Village dans la region des Chätaigniers (zone moyenne de l'Etna). et une zone centrale, inculte et déserte, qui com- prend la cime de la montagne et ses parties les plus abruptes (fig. 18). La vigne est cultivée jusqu'à une allitude de 1.200 mètres. Dans les parties hautes de la zone qu'elle occupe, les pentes deviennent déjà très considérables: aussi la culture y est-elle distribuée en gradins, qui, durant l'hiver, dispa- raissent sous un manteau de neige uniforme. La région boisée est très favorable au développe- ment des arbres de l'Europe centrale; ils s'y main- tiennent et s'y propagent malgré les ravages de l'homme et des animaux domestiques. Le chàâtai- gnier (fig. 16 et 17) est commun dans la partie la moins haute de la zone ; il y pousse vigoureusement et présente encore quelques beaux spécimens de la végétation forestière que l’on y admirait autrefois. Le chêne et le hêtre se renconlrent à un niveau un plante qui, grâce à ses feuilles épineuses, s'y défende en touffes serrées contre la dent des moutons et y protège quelques plantes herbacées chétives, est l’astragale à fleurs roses (Astragalus siculus). C'est également celte plante qui figure en première ligne dans les maigres pälurages du Val del Bove. La région désertique contribue pourtant pour une large part à la fertilité des deux autres régions de l'Etna. C’est elle qui recoit les eaux de pluies en plus grande abondance, qui conserve le dépôt des neiges de l'hiver, les filtre peu à peu durant l'été, les charge de malières solubles et les amène dou- cement vers la région basse pour y abreuver les racines des plantes, maintenir l'humidité du sol et alimenter les sources nécessaires aux villes et aux villages, si nombreux sur tout le pourtour de la montagne. Dans les jours chauds de l’année, l’eau ‘ F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA 79 de ce réservoir immense arrive, au bas des pentes, jusqu'au seuil des habitations, exempte de microbes malfaisants et douée d’une délicieuse fraicheur. Les effets fâcheux des éruplions sont peu sensi- bles dans cette zone élevée. Ils se bornent, en général, à l’action de pluies désagréables de cen- dres et de lapillis imprégnés de vapeurs acides, qui retombent à courte distance du cône terminal et n’exhaussent le terrain, après leur chute, que de quantités minimes. Rarement des bouches nou- velles s'ouvrent sur le Piano del Lago et émettent des coulées de laves qui se déversent sur les pentes. Cependant, un spectacle curieux est celui dont on est témoin dans ce cas particulier, lorsque, comme en 1869, la lave se précipite dans le Val del Bove, du haut des escarpe- ments, en cas- cadesbrülantes ou en longs ru- bans de feu. El- les’ysuperpose aux champs de scories sortis directement du fond de la ca- vité ou des bords de son enceinte. C'est ainsi que l'on y constate l’a- moncellement successif des laves de 1792, Fig. 17. — Région des Chälaigniers. 1802, 14814, 1819, 1836, 1852, 1869. Encore quelques milliers d’éruptions de ce genre, et le Val del Bove sera comblé; la grande découpure de la montagne aura disparu, et l’Elna, réédifié dans son intégralité, pos- sédera de nouveau la configuration de sa période volcanique primitive. Contrairement à ce qui vient d'être dit, les érup- tions qui, comme celle de 1865, surviennent dans la région boisée, peuvent causer de grands dom- mages. Le terrain sur lequel s'élèvent les forêts de pins, les bois de chène et de châtaigniers, se trouve déchiré et bouleversé par l'ouverture des fis- sures du sul; des arbres séculaires sont écrasés, anéantis par les projections ; les plus épargnés sont ébranlés, réduits à l’état de poteaux et à demi en- fouis au milieu de blocs de toutes dimensions, blan- chis d'efflorescences salines. Ceux que rencontre le flot incandescent d'une coulée flambent immédia- tement à leur cime comme des faisceaux de paille desséchée ; bientôt ils sont, en même temps, brûlés et tranchés à leur base, à moins que la lave, en se solidifiant à leur contact, ne leur forme un enduit protecteur. Cette sorte de cuirasse est écartée de quelques centimètres du tronc de l'arbre cerné, gräce au développement des vapeurs provenant de la combustion de son écorce (fig. 13 et 14). Si la coulée poursuit sa marche descendante, les pertes s'accentuent, les champs et les vergers sont envahis, les fermes détruites, les villages atteints. Mais les éruplions les plus désastreuses sont celles qui se produisent dans la région basse de l'Etna, surtout à la limite supérieure de la zone cultivée. Elles y ravagent les vignes et les jardins, renversent et brûülent les ha- bitalions. 1669, les laves ont franchi les murs de Catane En et pénétré dans la ville, portant avec elles l'in- cendie et la ruine. En quel ques jours, el- les transfor- ment une riche en un désert, qui campagne désormais sem- ble voué à une stérilité irré- médiable. Ce- pendant, pres- que toujours la Nature ne tarde guère à reprendre ses droits; peu à peu, la végéta- tion reparait ; les cendres et les scories désagrégées et décomposées se couvrent de verdure et de fleurs; l'élément destructeur est devenu un agent puissant de fertilité, Le genêt, spontanément semé par les vents, brille au milieu de celle renaissance végé- tale; il dresse ses touffus et s'élale en bouquets d'or, tandis que ses racines, armées de rameaux leurs renflements microbifères, cheminent silen- cieusemententre les blocs et les détrilus pierreux, et, tout en effectuant leur mystérieux travail chimique, vont chercher au loin les éléments inorganiques qu'exige la nutrition de la plante. Les matériaux volcaniques contribuent inégale- ment à rendre au sol les substances nécessaires à sa fertilité. Les cendres sont, avant tout, l'agent de celte restitution. La surface étendue de leurs grains, comparée à leur petit volume, augmente la facilité de l'attaque par l’eau; mais leur altérabi- 80 F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA lité lient surlout à leur composition chimique basique et à leur structure vitreuse habituelle. À composilion chimique égale, les corps vitreux soxt non seulement moins denses et plus fusibles que les minéraux cristallisés correspondants, mais ils sont surtout plus attaquables par l’eau, par les réactifs chimiques de toute sorte, ainsi que par les agents biologiques naturels. Plus leur vitrosité est marquée, plus ils sont aisément altérés. La même observation s'applique aux parties scoriacées qui forment le revèlement des coulées, quand on les compare à la portion plus cristalline et plus compacte qui en occupe le centre. De là résulte, dans les terrains d'origine volcanique ba- sique, des alternances de lits rougeätres désagrégés et à demi décomposés, avec des banes compacts qui semblent avoir conservé leur fraicheur et leur composition primitive. Pourtant, en réalité, il ne s’agit là que d’une question de mesure, car, dans Fig. 18. — La Casa Inglese et la cime de l’Etna. un avenir plus ou moins éloigné, ce sol rocheux tout entier sera transformé en terre végétale et les minces racines du genêt ou de la vigne triomphe- ront ainsi de la résistance qu'oppose la compacité extrême des bancs formés par des silicates fondus à haute température et consolidés lentement en associations cristallines. 1 Pour clore cette revue rapide de l'histoire géogé- nique de l’'Etna, il nous reste à dire quelques mots des relations qui peuvent rattacher ce volcan aux centres éruplifs similaires des régions avoisinantes. L'Etna est-il relié souterrainement aux îles Éolien- nes, au Vésuve, à Pantellaria ? Le magma fondu qui à engendré leurs laves est-il le même? Ces districts sujets aux commotions du sol et aux explosions des cralères subissent-ils le contre-coup des variations brusques de pression qui ont lieu sur le territoire de l’un d'eux? On sait que les auteurs des traités classiques de Géologie, se basant sur un certain nombre de faits d'observation englobés dans des considérations hypothétiques plus où moins probables, ont conelun que la Terre était composée d’une masse centrale volumineuse rigide, d’une zone de silicates fondus et de l'écorce solide que nous foulons sous nos" pieds. Comme conséquence de ces idées, ce serait lan zone de matière en fusion qui servirait de moyen de connexion entre les volcans; elle serait la voie principale de transmission des mouvements et constituerait le réservoir commun au sein duquel tous les foyers éruptifs puiseraient les matériaux de leurs déjections. 4 La question de la transmission des ébranlements est l’une des questions les plus difficiles et les plus. controversées de la Physique terrestre. Nous en. laissons la solution future aux observaloires où. l’on s'occupe spécialement de cet intéressant pro= blème. “4 Mais nous pouvons, dès maintenant, hasarder quelques déductions à tirer de la composition des laves. S'ilexiste véritablement un réservoir commun de matières en fusion sous-jacent à l'écorce ter- restre, on peut affirmer l'hétérogénéité actuelle du liquide igné qu'il renferme. Ses déjections sont dissemblables; elles diffèrent d'un point à un autre et changent même dans un dislrict donné suivant l’époque d'évolution des éruptions. La composition chimique des laves du Vésuve, pas plus que leur composition minéralogique et leur F.-A. FOUQUÉ — L'ETNA si structure, ne ressemble à celle des laves de l'Etna. Au Vésuve, les laves sont riches en potasse; le minéral caractéristique de leur consolidation cris- talline est la leucite; à l'Etna, les alcalis sont en petite proportion, la chaux est abondante, le feld- spath labrador est l'élément blanc dominant. L'Etna n'a émis que des laves basiques, mais les volcans d'Auvergne, distribués sur des territoires régionaux qui ne sont pas beaucoup plus étendus, ont rejeté des laves très acides et des laves très basiques; la domite du Puy de Dôme ne ressemble . ni aux andésites et trachytes du Mont Dore, ni aux phonolites de la même région, ni aux basaltes qui les environnent. Le basalte du Plomb du Cantal a succédé presque sur le même emplacement à des andésites et à des phonolites. Comment expliquer de tels faits? Il me semble que l'hypothèse la plus simple consiste à considérer l'hétérogénéité du magma supposé général comme primordiale et absolue, comme une conséquence forcée de l'hétérogénéité des matières cosmiques qui, suivant la théorie de Laplace, ont contribué par leurs précipitations successives et leur concentra- tion à constituer le globe terrestre. Telle n'est pas cependant l'opinion qui prédo- mine à notre époque parmi les géologues. D'après beaucoup d'entre eux, le magma profond aurait été primitivement homogène; son hétérogénéité actuelle serait le résultat d'un travail moléculaire s’opérant incessamment dans sa masse depuis un temps immémorial et aboutissant à sa division graduelle en magmas secondaires de composilions différentes, puis à celle des magmas secondaires en magmas lerliaires et ainsi de suite. Le processus ainsi décrit a reçu le nom de diflérentiation. Au moment où un magma fondu, représentant une dissolution ignée sursaturée, commence à se cristalliser, et à se liquater, de même que, lorsque - des cristaux se séparent d’une dissolution aqueuse sursaturée, ce sont des différentiations qui s'opè- rent. Quand deux liquides, très solubles l’un dans l’autre à haute température, se séparent par sursa- turalion déterminée sous l'influence d'un refroi- dissement convenable, c'est encore une différen- tiation qui a lieu. On peut cependant opposer de graves objections à l'application de ces données au liquide résultant ile la fusion des silicates. Et d’abord, la différentiation d'un tel magma a - été interprétée diversement au point de vue des ‘conditions de sa production. Pour un certain nom- bre de pétrographes, elle est le résultat de la cris- tallisation et en suit les phases. C'est une pure liquation à la facon de celle des alliages fondus. Les cristaux formés se séparent surtout en raison . de leurs différences de densités. Pour d'autres, elle s'effectue avant toute solidification; ce ne sont pas encore des cristaux microscopiques, des cristallites qui se séparent du magma originel, ce sont des composés définis, doués aussi d'un arrangement stéréochimique, mais dépourvus de structure molé- culaire régulière, dénués de réseau cristallogra- phique. Dans ce cas, la différentiation a pour effet d'amener la formation de couches liquides dis- tinctes, de compositions et de densités différentes. La théorie de la différentiation, malgré de nombrenx faits d'observation qui lui‘sont favo- rables, appliquée aux magmas laviques, est insuf- fisante. Elle ne peut expliquer les récurrences dans un même district d'éruptions laviques appartenant au même lype, ni leurs enchevêtrements avec des produits pétrographiques variés, dont la succession se fait sans aucun ordre constant. Enfin, ce qu’on doit surtout lui reprocher, ce sont les transferts à grande distance qu’elle suppose, pour des éléments chimiques que toutes leurs propriétés rapprochent au plus haut degré. D'après les lois connues de la diffusion, des transferts de cet ordre exigeraient d'ailleurs une durée qui dépasse tout ce que peut concevoir l'imagination la plus audacieuse. Quelle raison plausible donner pour expliquer l'accumulation de la potasse au Vésuve, de la chaux à l'Etna, de la soude dans le bassin norvégien de Christiania? Et parmi les produits volatils, pour- quoi l'abondance du chlorure de plomb (cotunnite) au Vésuve, de l'acide borique à Vulcano, de Ix cuprite à l’Etna? Du reste, la localisation des gîtes salins et mé- tallifères, celle des minéraux rares, celle sources minérales en matières solubles diverses, ne sont pas davantage explicables par la différentiation d’un magma profond homogène: il faudrait toujours en venir à l'hypothèse de trans- lalions de certains éléments à de grandes distances de leur gisement primitif et à la constatation de concentrations et de dépôts locaux inexplicables. Au contraire, tout s'interprèle aisément, si l’on admet une hétérogénéité primordiale dont les manifestations se poursuivent depuis l'origine des temps géologiques, et dont on peut maintenant apprécier toute la diversité". F.-A. Fouqué, Président de l'Académie des Sciences, Professeur au Collège de France. des riches 1. Les figures 5, 13, 14, 16 et 17 sont la reproduction ae photographies exécutées par M. Berthier, au cours du Voyage d'étude de M. le Professeur Fouqué à l’Etna. Nous devons à l’obligeance de M. W. Eugelmann. éditeur à Leipzig, l'autorisation de reproduire les figures 1,2, #, 6,7, 9, 10, 11 et 18, tirées du livre célèbre du D' Sartorius von Waltershausen sur l’Etna. Les figures 3, 8, 12 et 15 sont la reproduction de photo- graphies qui nous ont été communiquées-par M. Ed. Alinari, photographe à Palerme. NUDeNT- ND. + REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. D4* 82 RALEZE — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS LA LAITERIE FRANÇAISE ET Les industries agricoles, jadis si modestes, si peu connues, se transforment avec une surprenante rapidité, bénéficiant de tous les progrès récents de la Mécanique ou de la Chimie et des découvertes, si multipliées et si fécondes, de la science des fer- mentations. Entre autres, les industries du lait, qui ne datent que d'une vingtaine d'années au plus, ont transformé certaines régions auxquelles elles sont venues apporter l'activité et la fortune: le Danemark, une partie de la Hollande, de la Suède, de la Norvège, la Finlande doivent à l'exploitation industrielle du lait le plus clair de leurs revenus, et, dans notre beau pays de France, au climat doux et tempéré, cette irdustrie trouve tous les jours une faveur de plus en plus grande. La production annuelle du lait en France dépasse 82 millions d'hectolitres ; c’est environ 4 milliard 200 millions que l'exploitation de ce produit repré- sente dans notre pays. Elle est devenue une de nos principales industries agricoles parce qu'elle est à la portée des petites bourses, et c’est aussi parce qu'elle nécessite peu de capitaux qu'elle a éveillé dans nos campagnes l'esprit d'association et de coopération collective. Les premières laiteries coopératives ont débuté timidement par de petites associations fromagères dans le Sud-Est; puis, le -succès aidant, l’idée, si naturelle et si féconde, de la coopération a fait du chemin : elle s’est développée dansle Jura, le Doubs, les Alpes, la Savoie, puis a fait son apparition dans la Vendée et les Charentes où la culture pastorale a succédé à la vigne ruinée par le phylloxera. Dans ces contrées, où l'on attendait impaliemment l'exploitation qui devait faire revivre les fermes délaissées, le succès a été énorme et, depuis 1892 ou 1893, le nombre des laiteries coopératives s'est accru à tel point qu'aujourd'hui le syndicat de ces laiteries compte plus de 50.000 membres et que le chiffre d'affaires de ces établissements syndiqués dépasse probablement 20 millions par an”. Le mouvement s'étendra encore. Peut-être, pour notre bien national, parviendra-t-il à atteindre la Bretagne et la Normandie, quoique, dans cette dernière province, les idées soient bien peu tour- nées du côté de la coopération ; mais la perspective d'un progrès certain, d'un gain palpable (argu- ment des plus convaincants) décidera sans doute 4 Voir Rosenay : Les Laileries coopératives des Deux- Sèvres, SES RÉCENTS PROGRÈS nos cultivateurs de la Normandie à renoncer à un isolement dont ils sont les premiers à souffrir. Il y a donc beaucoup à faire et beaucoup à espérer dans cette industrie ; les laiteries peuvent devenir plus nombreuses et plus puissantes sans que la concurrence soit à redouter comme cause d’avilis- sement des prix. Cet avenir si plein de promesses a excité, dans nos populations rurales aussi bien que chez nos constructeurs et nos mécaniciens, une émulation salutaire qui s'est traduite, à notre grande Exposi- tion, par l'apparition de plusieurs appareils ou procédés nouveaux dus à des Francais. En plus des inventions et des découvertes dont nous allons parler, l’activité industrielle française s'est révélée par des perfectionnements notables dans la cons- truction du matériel de laiterie dont la valeur, la précision, le fini ne laissent rien à désirer. À part quelques machines (certaines écrémeuses, qui sont construites par de puissantes maisons du Danemark ou de la Suède, outillées spécialement en vue de cette fabrication), on peut dire que nos constructeurs sont aujourd'hui en mesure de fournir tous les appareils nécessaires à l’agence-" ment d'une industrie laitière quelconque, et, en effet, nous avons trouvé dans notre Exposition nationale à peu près tous les appareils et tous les procédés soit nouveaux et à l'essai, soit anciens et sanctionnés par la pratique. I. — LE LAIT EN NATURE. La consommation du lait en nature s’accroit tous les jours; le lait est l'aliment par excellence des enfants et des débiles et la qualité de cet aliment va toujours en s'améliorant sous l'influence de cette vogue et de la multitude des demandes. On a sélectionné les animaux producteurs, on tient les étables avec plus de soins de propreté; mais on a perfectionné surtout les procédés de conservation et de stérilisation. Le lait est, de par sa nature, essentiellement instable : c’est un milieu d'élection pour le déve loppement de tous les organismes et, lorsque sa structure, si complexe et si délicate, est attaquée en quelques points, des modifications profondes ne tardent pas à apparaître : le lait se décompose, devient mauvais de goût et dangereux pour la santé, tous inconvénients qui ont fait songer à la recherche de procédés de préservation contre toute R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS 83 ingérence de microbes ou décomposition de nature quelconque. Toute infection par les microorganismes mise à part, le lait subit, lorsqu'il est abandonné au repos, une première modification physique; la crème monte à la surface et le liquide a perdu dès lors son homogénéité primitive. On ne la lui restitue pas complètement par l'agitation avec chauffage modéré ; la crème, surtout lorsqu'elle est séparée depuis longtemps, ne se remélange plus uniformé- ment au lait, et l'aspect de ce nouveau liquide hétérogène a quelque chose de choquant et de désagréabie à la vue. On s’est préoccupé d'empêcher cette séparation de la crème et on y est parvenu en pulvérisant mécaniquement ou en fragmentant les globules du lait, qui sont cependant déjà très petits. La théorie indique et la pratique confirme le fait d’une séparation plus prompte ou, si l’on veut, d'un écrémage plus rapide, des globules gros que des globules petits. Plus les globules sont petits, plus la sé- paration demande de temps et on peut pré- voir l'existence de glo- bules si petits de dia- mètre que la séparation ne se ferait pralique- ment plus. Lafragmentation s’ob- tient en faisant passer du lait chauffé entre 30° et 40° par un orifice extré- mement pelit et sous pression de plusieurs centaines d'atmosphè- res: Une première solution de ce problème a été proposée par M. Julien (à Paris). Le procédé est encore mis en pratique à l'heure actuelle avec succès complet. L'appareil Julien (fig. 1) se compose d’un pot de presse hydraulique P dans lequel se trouve un piston constitué par deux cylindres À et B de même axe, c'est-à-dire dans le prolongement l'un de l'autre; ces deux cylindres sont de diamètres diffé- rents et chacun d’eux aboutit au dehors par un joint étanche de presse. Si l’on détermine dans le pot une surpression par une injection de liquide, le grand piston tend à ressortir et le petit à rentrer par conséquent. Mais le grand piston comprime, Fig. 1. — Appareil Julien pour la fragmentation des globules du lait, — P, pot de presse hydraulique; A, grand piston pressant le ressort R; B. petit piston creux; 0, ouverture: E, ar- rivée du lait; S, sortie du lait. dans son mouvement au dehors, un robuste ressort à boudin R réglable à volonté, de sorte que l'on peut faire monter la pression à un degré voulu, mettons par exemple 250 ou 300 atmosphères. Mais, quand le gros piston sort au dehors, le petit pénètre à l'intérieur du pot : le petit piston est constitué par un tube ouvert à son extrémité et présentant en un de ses points une ouverture extrêmement petite O, un trou d'épingle. Quand ce trou arrive à l'intérieur du pot, le liquide comprimé trouve une issue et s'échappe par la petite ouverture sous une pression énorme. Tout ce qui pénètre dans le pot par le tube d'amenée E sort par la pelite ouverture. Si l'on injecte deux liquides non misecibles, on émulsionne l’un d'eux dans l’autre. Si l’on injecte une émul- sion déjà préparée, les globules se fragmentent sous l'énorme pression, et du lait, traité par cet appareil, sort avec des globules tellement divisés, d'un diamètre si petit, que l’écrémage spontané ne se fait plus; le lait reste indéfiniment homogène. L'idée du procédé est fort ingénieuse : MM. Gau- lin et C ont imaginé, et avaient exposé au Champ- de-Mars, un appareil simple et dérivant d'un prin- cipe analogue. Les liquides à traiter sont injectés dans un espece clos dont ils ne peuvent sortir que par une ou plusieurs ouvertures très étroites. En cas d'ali- mentation surabondante, il se produit une pression qui s'élève, et qui deviendrait dangereuse si l’on ne livrait pas issue au liquide, qui arrive en excès sur le débit, par une soupape de sûreté qui ne s'ouvre que sous une pression minimum de tant d'atmosphères, mettons 250 ou 300; le liquide s'écoule donc par les petites ouvertures sous une pression de 250 à 300 atmosphères. L'espace clos dans lequel arrive le liquide injecté, dont une paroi est percée de petites ouver- tures et où on a logé la soupape régulatrice de pression, est enfermé dans une enveloppe portant un tube de dégagement. On règle le débit et la pression pour que ce tube de sortie fournisse toujours un peu de liquide. L'appareil de Gaulin et C° remplit fort bien le but poursuivi et le lait traité se conserve homogène sans trace de séparation de crème à la surface. IT. — STÉRILISATION, La stérilisation du lait est plus que jamais à l'ordre du jour et le temps n'est pas loin, sans doute, où, dans les grandes villes tout au moins, elle sera rendue obligatoire. Deux circonstances retardent cependant cette mesure d'hygiène et, pour ainsi dire, d'humanité, aussi bien que d'intérêt général : 84 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RECENTS PROGRÈS 1° Le lait stérilisé par le chauffage, seule stéri- lisation qui soit efficace, est généralement moins agréable au goût que le lait naturel; il présente souvent un léger goût de cuit ou de brülé et, quoique inférieur en qualité, il coûte cependant plus cher que le lait naturel frais. 2% Le public n’a aucun moyen de s'assurer si le lait qu'on lui présente est stérilisé ou non, l'analyse bactériologique d'un lait étant longue et délicate; celte particularité n'est pas ignorée de certains négociants peu scrupuleux, et il arrive parfois que l'on met en vente des laits très imparfaitement stérilisés, sachant que leur consommalion est en général assez prompte et que, d'autre part, des plaintes ne sont guère à redouter de la part des acheteurs, car la marchandise est périssable et d'une bien faible valeur. Il y avait donc encore beaucoup à faire ei beau- coup à trouver dans celte question de la stérilisa- tion. Il fallait trouver le moyen de stériliser com- plètement le lait sans lui donner le goût de cuit, sans altérer ni l’'arome, ni la couleur, et ensuite présenter au public ce lait dans des vases clos et cachetés, offrant loutes garanties de conservation et rendant loutes fraudes impossibles. Le problème n’est pas commode : Si l’on chauffe le lait dans les environs de 100°, mais sans les précautions spéciales que nous allons énumérer, la stérilisation est incomplète; quelquefois, la chaleur a détruit certains germes pathogènes et l'on s'ap- plaudit du résultat, mais la plupart du temps la disparition totale des germes dangereux est incer- laine. Puis, à supposer qu'elle soit consommée, l'expérience a prouvé qu'il pouvait survivre encore des germes n'altaquant pas le lait d'une manière visible, n'amenant pas la tourne et passant par là même inaperçus. Certains de ces germes, qui résis- tent à des températures de 108° et de 110°, sont-ils inoffensifs? C'est peu probable, carles êtres vivants, quels qu'ils soient, sécrètent des toxines et, en tout cas, dénaturent quelque peu le lait. D'où cette conclusion : c'est que, pour arriver à la stérilisation absolue, cerlaine, il faut chauffer le lait à une température de 108° à 110° au minimum, et pendant un temps assez prolongé. Ou bien, si l'on redoute ces hautes températures, il devient nécessaire de prolonger longtemps l’action de la chaleur ou de l'appliquer à plusieurs reprises. Or, tout le monde sait que, si l’on chauffe du lait jusqu'à l'ébullition, le lait brunit; il brunit donc aux environs de 100°, en perdant, avec sa belle couleur appétissante, son délicieux parfum naturel. Dans les appareils du commerce, on retrouve, dans les produits du traitement à chaud, un écho de tous les écueils et des difficultés dont nous venons de parler : nous n'avons pas à insister sur les petits appareils domestiques employés dans les ménages pour stériliser le lait à donner aux enfants; la plupart des procédés ou des disposi- tions ne présentent rien de scientifique ou d’étudié; presque tous ces petits appareils sont des joujoux qui donnent à ceux qui s’en servent une bien fausse sécurité. Le lait n’est pas stérilisé, il a souvent un goût mauvais, dû soit à la cuisson, soit au contact avec les bouchons en caoutchouc destinés à l'oeclu- sion hermétique. Il existait, à l'Exposition, des appareils plus sérieux et dont quelques-uns ont déjà recu la sanction d'une longue pralique : ce sont les stéri- lisations par autoclaves de MM. Gaulin et C° ou de M. Fouché. Les procédés se distinguent par l'ingéniosité apportée au système de fermeture des vases; dans les deux dispositions, on arrive à une stérilisation absolue, en montant suffisamment la température et sans qu'il en résulte de détériora- tion bien sensible du lait dans des vases petits où la quantité d'air est nécessairement très limitée. Nous rappellerons l'appareil déjà ancien de stéri- lisation de M. J. Hignette, dans lequel la chauffe atleint seulement 100 ou 102°, mais qui fournit la stérilisation par des chauffages répétés ou pro- longés. A l'Exposition figurait un appareil entièrement nouveau et des plus intéressants : l'appareil Kuhn. L'inventeur a construit son appareil en en faisant la synthèse, c'est-à-dire en conservant devant les yeux la liste des problèmes posés et les résolvant tous successivement par des dispositions prises en conséquence. L'air est nuisible : M. Kuhn opère en chauffant le lait en grand, sans air et dans un espace com- plètement clos.Il fallait procéder vite aux chauffages et aux refroidissements : M. Kuhn emploie un bain- marie intérieur au lait, c’est une circulation d’eau froide ou chaude dans une canalisation placée au sein même du lait à traiter. Et enfin, pour parer aux inconvénients du chauf- fage au contact de corps, tels que cuivre ouétain, caoutchouc, etc., toutes les opérations s'effectuent dans des vases doublés d'argent, l'expérience ayant prouvé que ce métal n’a aucune action chimique sur le lait. L'appareil se compose d'un gros cylindre doublé d'argent et contenant, suivant les modèles, 500 ou 1.000 litres de lai. On commence par faire le plein, puis on chauffe jusqu'à 108° ou 110°; le lait se dilate et fait pression sur lui-même. Alors, on laisse écouler un léger filet de lait petit à petit, de facon à limiter la pression intérieure à 3 ou 4 atmosphères en moyenne; la pression est donc beaucoup plus R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS considérable que celle qui correspond à la tension de vapeur du liquide dont elle reste indépen- dante. On arrive, au moyen de cet appareil, non seulement à une stérilisation absolue, mais encore à satisfaire aux conditions mulliples que nous avons énumérées. Le lait a conservé son agréable couleur naturelle, il ne présente aucun goût de euit ou de brûlé, et il est fort difficile, presque toujours impossible, de le distinguer du lait frais. En transvasant ce lait aseptiquement dans des vases complètement remplis et fermés ensuite hermétiquement, le lait se conserve indéfiniment, même dans les circonstances les plus défavorables, par exemple celles de maintien prolongé aux tem- pératures de 30 à 35°. Les Allemands ont profité des ingénieux travaux de notre inventeur francais, et un constructeur de Berlin vient d'établir un slérilisateur continu fonc- tionnant avec pression de lait. Il est à prévoir que, sous peu, on ajoutera à ces appareils la pompe à fragmentation, qui s'impose dans la pratique, et que l'on trouvera alors couramment, dans le commerce, du lait indubitablement stérilisé, d'un goût naturel et franc, et conservant indéfiniment l'appélissant aspect du lait venant de la traite. L'Exposition est à peine fermée que déjà l’on signale encore un nouveau procédé des plus sim- ples et des plus efficaces. Nous voyons arriver ces progrès avec une légi- lime salisfaction var l'emploi de ces procédés nou- veaux mettra un terme aux craintes qu'inspirent trop souvent, avec raison, les laits mis en vente cou- rante, soit au point de vue des maladies qu'ils peu- vent propager : tuberculose, fièvre typhoïde, etc., soit aussi à celui des fraudes dont ils sont l’objet, écrémage partiel, addition d’eau ou de lait écrémé, etc. Les bidons ou vases de lait stérilisé seront toujours scellés hermétiquement et il sera facile de retrouver les responsabilités en cas de défauts dans la qualité. IT. — LE LAIT CONCENTRÉ. La concentration du lait a non seulement pour but de diminuer le poids mort par l'extraction d'une partie de l’eau contenue, mais encore de pro- longer la conservation du liquide. Le lait concentré s'allère moins vile que le lait naturel, et d'autant moins vite encore qu'on l'addilionne d’une cer- laine quantité de sucre de canne destiné à rendre la masse plus sirupeuse età empêcher la circulation de l'air. Ce lait concentré n'est donc plus du lait naturel; il s'éloigne beaucoup de son modèle, mais dans la consommation ordinaire usuelle, avec du thé, du café, il peut fort bien remplacer le lait frais. Quoique l'industrie de la conceutration ne se soit pas très répandue en France, nos constructeurs se sont occupés du matériel qu'elle nécessite et nous avions à l'Exposition de forts beaux appareils à évaporer dans le vide établis par MM. Egrot et Grangé, Deroy fils aîné, Gaulin et C'° (leur vacuum est pourvu d‘un brise-mousses), Bréhier. Notre fabrication francaise, très soignée, a déjà sa réputation faite à l'Étranger pour ces appareils de concentration et elle lutte avec avantage avec celle des Suisses ou des Allemands. Il serait à désirer que, trouvant dans le pays une excellente matière première, un lait délicieux et des appareils fort bien établis, notre industrie nationale arrivàät à satisfaire aux demandes de nos colonies en lait concentré, mais tel n’est pas toujours le cas, encore à l'heure actuelle. IV. — INDUSTRIES BEURRIÈRE ET FROMAGÈRE. Le beurre se prépare par le barattage de la crème, et la crème est obtenue du lait, partout aujourd'hui, par le moyen de l'écrémage centrifuge. Les écrémeuses, turbines qui tournent aux vites- ses énormes de 4 à 8.000 tours par minute (on en construit dont le nombre de tours s'élève à 45 ou 18.000), sont des appareils dont l'établisse- ment exige des soins et une habileté loute spéciale du constructeur, un choix intelligent des meilleurs métaux, car, sans ces précautions, les écrémeuses exposeraient, par leur explosion, les ouvriers aux dangers d'épouvantables accidents. La construction des centrifuges, longtemps can- tonnée en Danemark et en Suède, commence à se vulgariser, malgré les difficultés qu’elle présente. En France, en particulier, l’écrémeuse Mélotte est aujourd'hui construite de toutes pièces par M. Garin {de Cambrai), qui a eu la hardiesse et qui doit conserver tout le mérite de cetle initiative heureuse. Il exposait au Champ-de-Mars un maté- riel irréprochable fort remarqué et obtenant un grand succès. D'autres, parmi nos bons constructeurs, se pro- posent d'aborder bientôt celte fabrication difficile, malgré les frais considérables de création d'un oulillage spécial. Les différents modèles exposés élaient nombreux et créaient à l'acheteur un vérilable embarras du choix entre appareils tous de belle et solide cons- truction et de toutes grandeurs, depuis de petits bijoux, presque des pièces d’horlogerie, écrémant 30 ou 40 litres de lait à l'heure, jusqu'à une énorme écrémeuse, de construction française, à moteur élec- trique direct, de taille à travailler 4 à 6.000 litres dans le même temps. Nos constructeurs nationaux se sont âprement disputé les premières récom- 86 R. LEZÉ — LA LAITERIE FRANÇAISE ET SES RÉCENTS PROGRÈS penses, les grands prix et les médailles d’or que le jury était heureux de leur décerner. La maturation de la crème est incontestablement l'opération capitale de la bonne préparation du beurre. On ne se persuade pas assez chez nous de cette vérité, et, si nous trouvions à l'Exposition des colleclions de ferments purs, ferments lactiques pour la plupart, nous ne constations pas que l’on se soit préoccupé encore d'établir des étuves ou plutôt des chambres à température constante. La régula- rité de la température est cependant une des con- ditions de la réussite, et les beurres de Nor- mandie doivent une partie de leur répula- tion à la régularité de la fermentation des crèmes dans des chambres où passe de l’eau courante. Dans la matura- tion de la crème, il se dégage, du lait en voie d’acidification lactique, un parfum que la matière grasse emmagasine au fur et à mesure; la matière grasse peut être quel- conque : on obtient le délicieux arome du beurre en faisant mü- rir des crèmes artifi- veler les surfaces, alin d'amener, par des chances plus nombreuses, la rencontre des globules les uns avec les autres. Le barattage se fail par simple contact si la température n’est ni trop basse, auquel cas les globules restent durs et ne se soudent pas entre eux, ni trop élevée, auquel cas la matière grasse est trop fluide; l'agitation défait, d’un côté, ce qu’elle a édifié de l’autre, les qualités et les ren- dements sont mauvais. De très bonnes barattes étaient exposées au Champ-de-Mars : baratte-tonneau nouvelle (Baquet, barattes de Chapel- lier, Leconte, Fouché, etc.); les types de ces appareils étaientnom- breux et de construc- tionextréèmementsoi- gnée- Le malaxage du beurre après le ba- rattage à une in- fluence prépondéran- te sur la faculté de conservation du pro- duit; il a pour but de parachever l'émul- sion du lait dans la malière grasse. Nous devons men- tionner le beau ma- tériel d’Hubert, ma- laxeurs destinés à la cielles composées de graisses ou huiles quelconques émul- sionnées dans du lait. Ce parfum est fugace : il se dissipe à l'air peu à peu, ou plus vite à la cha- leur : en chauffant du beurre dans le vide et re- cueillant ce qui se dégage dans un tube plongé dans un mélange réfrigérant, on perçoit, dans ce tube refroidi, l’'arome caractéristique du beurre naturel. La maturation est donc un enfleurage, dans le sens que l’on attache à ce mot en parfumerie. La tranquillité de la crème avec la régularité de la température donnent les meilleures conditions de caplation du parfum. Mais, par contre, nos constructeurs mécaniciens se sont distingués dans l'établissement du matériel de beurrerie : barattes et malaxeurs. Le barattage est de mieux en mieux compris et l'on sait maintenant qu'il ne consiste pas à fouetter la crème, mais bien à l'agiter doucement, à renou- Fig. 2. — Appareil de Simon frères pour le malaxage du beurre (type mü à bras avec cône retourneur.) grosse industrie, et aussi les nouveaux modèles de Simon frères dont la figure 2 représente le type mû à bras avec le cône retour- neur. Cet appareil, qui fonctionnait tous les jours sous les yeux du public, a élé vivement remarqué. Enfin, signalons, en industrie fromagère, le matériel fort bien étudié et de belle construction de Lardet et de Laurioz; il nous a semblé supérieur en tous points à celui des exposants étrangers. En somme, cette exposition du matériel français de laiterie a fait honneur à nos constructeurs etles a placés à l’un des premiers rangs, si ce n’est tout à fait au premier; il nous donne bon espoir pour l'avenir el nous a quelque peu consolé de notre infériorité trop visible en certaines autres branches de l'industrie. R. Lezé, Protesseur de Laiterie à l'École d'Agriculture de Grignon = tin) af”. HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE —.— L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE Nous voudrions, dans cet article, donner un ré- sumé sommaire des travaux accomplis par l'Expé- dition antaretique belge. Il serait difficile de dis- cuter, dès à présent, les résullats scientifiques acquis, l'étude des matériaux rapportés étant à peine commencée. Les voyages d'exploration mo- dernes nécessitent, au retour, la collaboration d'un C'est le 18 août 1897 que l'Expédition a quitté le port d'Anvers, et ce n’est que le 29 novembre que nous avons passé le cap des Vierges, à l'entrée du détroit de Magellan. Dans les canaux de la Terre de Feu, nous nous sommes attardés plus de six semaines. Cette région est intéressante. Elle a un caractère tout à fait antarctique, qui la différencie L.Smith 0 É = EE: e { 2 ë Hughes = frebus et Verror ee — | P\Seymour Terre de Graham “Grané per LE Porremans 5 rue Hautéfeurlle Farts. a S $ “kig. 1. — Carte des terres antarctiques situées au Sud du cap Horn, dessinée par l'Auteur, d'après les cartes de l'Amiraute anglaise et d'après la carte du détroit de la Belgica, dressée par M. Lecointe. grand nombre de savants. Le calcul des observa- tions, l'étude des roches, des plantes et des ani- maux ne peuvent être accomplis qu'avec l’aide des spécialistes compétents, et c'est pourquoi il faudra attendre quelques années avant de pouvoir porter un jugement sur la modeste entreprise du commandant de Gerlache. I La Belgica était un petit bateau; c'était l’ancienne Patria, le plus petit des baleiniers norvégiens, et, capitaine, officiers, machinistes, matelots et sa- vants, nous n’étions, {ous compris, que dix-huit hommes à bord. très notablement du reste de l'Amérique du Sud et, d'un autre côté, elle offre des ressemblances frap- pantes avec les terres polaires que nous allions visiter. Au point de vue morphologique, il y a une ana- logie certaine entre ces deux pointes continentales qui s’avancent l’une vers l’autre. Par une heureuse circonstance, nous avons pu comparer ces deux régions. La Belgica a contourné la Terre de Feu en passant par le canal de Magellan, le Magdalena Sound, les canaux de Cockburn, de Darwin, du Beagle et enfin le détroit de Le Maire. C'est le 14 janvier 1898 que la Zelgica a quitté le port Saint-Jean, sur l'ile des États, après avoir visité 38 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE de nombreux endroils des terres magellaniques et des canaux de Darwin et du Beagjle. que devait présenter l'extrémité méridionale de l'Amérique lors de la grande extension des glaciers La flore et la faune de la région des canaux de la Terre de Feu étant encore très imparfaitement de l’époque pléistocène. C'est le 23 janvier que nous sommes arrivés dans la région peu connue connues, le nalu- des Terres de raliste de l'expé- Palmer (fig. 1)- dition, M. Raco- Jusqu'au 13 fé- vitza, a pu y faire une collection de plantes et d’ani- maux dans la- quelle de nom- breuses espèces nouvelles seront à signaler. Pour ce qui concerne la Géo- logie, il me sem- ble que les quel- ques observa- tions faites sur l'ancienne glacialion de celte con- lrée ne manqueront pas d'intérêt. Les glaciers qui descendent du massif du mont Sarmiento jusqu'à la mer sont admirables; ceux que l'on voit dans le ca- nal de Darwin sont aussi im- Fig. 2, — Aspect des terres antarcliques découvertes par l'Expédition à l'ouest du golfe de Hughes. (Photographie du Docteur Cook). vrier, la Zelgica a croisé dans le golfe de Hughes (fig. 2) et dans le grand détroit découvert. Ce dé- troit a élé nom- mé détroit de la Belgica. Il sépare un archipel, for- mé de cinq îles principales et d'un grand nom- bre de petites îles, d’une terre qui est le prolon- gement septentrional de la Terre de Graham. L'archipel a été appelé l'archipel de Palmer et la côte qui s'é- tend au sud-est du détroit de la Belgica a élé nommée la Terre de Dan-. posants; mais co, en souvenir l'imagination du lieutenant fait voir au géo- Emile Danco, logue d’autres décédé à bord fleuves de glace pendant l'hi- incomparable - vernage del’Ex- ment plus éten- dus. pédition dans les glaces du Des roches pôle Sud. polies et mou- Pendant no- tonnées, de tre séjour dans nombreuses ces parages, moraines, des nous sommes lacs sous forme parvenus à ef- de cuvettes fvcluer vingtdé- creusées dans barquements, la montagne, bien répartis au pied des éta- sur toutel’éten- ges des vallées el d’autres ves- tiges de l’action glacière démontrent à l'observateur que les gla- ciers actuels ne sont que de minimes restes d'une glacialion presque complète de tout ce pays. Une dizaine de degrés plus au sud, dans la ré- gion des terres découvertes par l'Expédition antarc- tique belge, nous avons pu voir quel était l'aspect Fig. 3. — La Belgica engagée dans le pack. (Photographie du Docteur F Cook). due de la carte dressée par le lieutenant Le- cointe. Nous avons également cherché à faire l'ascension d'un pic élevé de l'une des îles de l'archipel de Palmer, et à cette fin nous avons fait une excursion, qui a duré toute une semaine, sur les glaciers de cette île; mais les difficultés rencontrées à franchir les crevasses nous ont ar- nt D Re nent ent HENRYK ARÇIOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 89 & 4 _rêtés à une hauteur de 500 mètres environ. _ Le 12 février, nous sommes entrés dans l'Océan _ Pacifique et nous avons navigué sur l'emplacement _ des îles Biscoë jusqu'à la Terre Alexandre, que nous n'avons pu approcher à cause d'un pack extrèmement dense. Enfin, poursuivant notre route vers le sud-ouest, nous nous sommes engagés dans le pack à trois reprises différentes (fig. 3) en vue de gagner des latitudes plus élevées. Le 16, une lem- pête du nord-est nous a permis de nous avancer . dans le pack jusqu'à 71931" de latitude Sud; mais, rions faire dans la région antarelique. Malheureu- sement, cetle première série annuelle complète d'observations ne correspond pas à un point fixe du globe car la Belgiea n'a cessé de dériver avec les glaces dans lesquelles elle se trouvait empri- sonnée; mais, par contre, l'étude de cette dérive est des plus intéressantes, car elle démontre que, dans la partie de l'Océan Antarctique où nous nous trouvions, il n'y a pas de courant sensible, la dé- rive dépendant entièrement des vents. Néanmoins, et ceci est un fait important à noter, Fig. 4. — La Belgica emprisonnée dans 1es glaces. (Photographie du Docteur Cook.) la saison étant déjà très avancée, nous sommes restés bloqués dans les glaces et nous avons été obligés d'hiverner (fig. 4). IT _ L'hivernage de la Belgica est le premier hiver- age antarctique, et il est à remarquer que ce pre- mier hivernage a été effectué dans les conditions les plus difficiles qu'il puisse se rencontrer dans les régions polaires. Notre séjour dans les glaces a duré plus d’une année, ce qui, du reste, était très désirable pour les observations météorologiques que nous dési- dans le sud-est il y avait, de même que dans l’est, un obstacle contre lequel le pack venait buter et le long duquel il se déplacait. La Terre d'Alexandre doit donc se prolonger vers le sud et s'étendre vers le sud-ouest. Les sondages que nous avons effectués viennent confirmer cette conclusion. - Les glaces du pôle Sud semblent donc se trouver dans des conditions très différentes de celles du pôle Nord, où il y a plusieurs courants bien pro- noncés, qui déblaient les abords de l'Océan Arctique de la masse de glace de mer qui s’y forme. La ré- gion du pôle Sud est très probablement occupée par des terres sur une très vasle élendue, et peut-être 90 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE même y a-t-1l un continent antarctique. La grande quantité d'icebergs que l'on rencontre dans le pack et, en dehors du pack, dans les parlies méri- dionales des trois océans qui englobent l'Antarcti- que, nous montre que ce qui est le plus caractéris- tique pour ces régions, c’est la glace d’origine ter- restre. À d’autres points de vue, le pack antarc- tique diffère très notablementdece- lui du Nord. Les floes (champs de glace) sont plus étendus et cou- verts d’une couche très épaisse de neige (fig. 5 et 6) et, l'été antarcti- que étant très froid, la fusion de la glace de mer ne s'opère que sur une faible échelle. Le printemps étant arrivé, il nous semblait que la glace allait bientôt se rompre et fondre et qu'il n’y aurait qu'à suivre les voies d’eau formées pour se dégager du pack. Il n’en à pas été ainsi. Au mois de septembre, le thermomètre est descendu jusqu’à — 43° et la tem- péralure moyenne de ce mois a été — 18%5; le mois d'octobre fut également froid, et en no- vembre le ther- momètre est encore descen- du à — 21°. Ce n’est qu'en dé- cembre que le rayonnement solaire a com- mencé à atta- quer la neige d’une facon ef- ficaceet, en jan- vier, voyant que les conditions de notre prison ne changeaient que bien peu, il a bien fallu prendre la résolution de se frayer un chemin artificiel dans le grand champ de glace au milieu duquel la Belgica élait prise. Après des travaux prélimi- naires avec des explosifs, qui ne donnèrent aucun résultat pratique, el après avoir mesuré l’épais- seur de la glace de notre floe suivant différentes directions, nous lrouvàämes un tracé d’après lequel la glace était peu épaisse; c’est dans celte glace, de 1,50 à 4,70 et, au maximum, de 2 mètres Fig. 5, — Les pressions dans le pack antarctique. (Photographie de l'Auteur.) Fig. 6. — Aspect des monticules de glace de mer produits par les pressions de la banquise. Ces monticules sont ensevelis sous la neige chassée par les tempêtes. (Photographie de l’Auteur.) d'épaisseur, que nous avons scié un chenal artificiel de 700 mètres de longueur, suffisamment large pour que notre bateau püt en sortir (fig. 7). Ce travail a duré tout un mois, durant lequel tout le monde, sans distinction, a dû travailler pen- dant huit heures par jour; c'était là le maximum de travail vigoureux que nous pouvions fournir. Le canal étant terminé, le floe s’est rompu, et la Belgica a failli être écrasée par les pressions; mais, finalement, le 14 février 1899, nous en sommes sortis, et, après un autre mois de difficultés et de danger con- tinuel, la Pelqiea réussit à se frayer un chemin dans la petite glace mou- vante et serrée qui forme la bordure de la banquise. Nous étions alors par 102° de longitude O.; de là jusqu’au cap Horn, les vents nous furent favorables. III Le travait cartographique de l'Expédition est la belle carte hy- drographique du détroit dela Belgica, carte dressée, par M. G. Lecointe ; — elle s'étend sur 1° 1/2 de lati- tude et sur 3° de longitude, c'est-à-dire qu'elle ne com- prend qu’une étendue très restreinte; né- anmoins, l'intérêt qu'elle présente est considérable, car c’est le premier relevé de côtes antaretiques détaillé et, comme la description géographique de cette contrée sera donnée avec beaucoup de détails, elle pourra servir dorénavant comme type d’une contrée antarclique. La configuration de l'ensemble des terres situées au sud de l'Amérique ne ressort pas encore bien clairement; pourtant, il me semble qu'avec les don- nées acquises on peut se permettre de signaler dif- férentes analogies qu'elles présentent avec la pointe HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 91 néridionale de l'Amérique. Ainsi, ici également, | être entièrement recouvertes d’un grand manteau a côte Pacifique est très montagneuse, et la chaîne | de glace, de sorte qu'elles aussi ont un « inland- e montagnes se recourbe vers le nord-est, tout | sis » qui ensevelit tout. mme la chaine des Andes se recourbe vers le Ces glaciers sont dépourvus de moraines de sur- ud-est. De part face et ils n'ont t d'autre, nous £ RENE. ANSE pas de ruis- Mnous trouvons seaux comme dans des ré- ceux du Groen- gions qui pa- land. L'étude raissent être des glaciers an- [des régions tarctiques au- d'affaissement, rait demandé ù de profon- un séjour pro- vallées sont longé ; pour- tant, notre at- tention a été constamment atlirée par la grande variété de formes que nous avons pu observer el par qui rme une ban- _ extérieure, à remar- la nouveauté uer à l’ouest 2 des nombreux Fig. 1. — Canal artificiel de 700 mètres de longueur, scié dans la glace de la Terre de mer de 1m,70 à 2 mètres d'épaisseur, en Janvier et Février 1899, pour déga- tableaux que 6 ger la Belgica du champ de glace dans lequel elle est restée emprisonnée : ds it RUE toute une année et avec lequel elle a subi une dérive totale de 3.000 kilomè- DONSENIOUS de- e à l’ouest de tres. (Photographie de l'Auteur.) vant nous en si Terre de Feu. peu de temps, Il est difficile de bien se rendre compte du relief | que mème en trois semaines les notes se sont ac- des terres découvertes par l'Expédition, la pres- | cumulées. Une découverte importante est à signa- ique totalité de la surface se trouvant ensevelie | ler au sujet des glaciers : je veux parler des ves- ous d’épais tiges tout à fait à de certains d’an- ciens glaciers. L'époque gla- cière à laissé ses (races jus- que dans la ré- gion polaire antarctique, là même où il est difficile de s'i- maginer une glaciation plus forte que celle que l’on y voit (fig. . Ces glaciers frent beau- p d'intérêt cause de leur immense exten- La région des neiges per- pétuelles des- end ici jusque 2 ; Fig. 8. — L'une des iles Biscoë, à la sortie du Détroit de la Belgica. — Celte : ; lrès près du ni- île, quoique peu élevée, est complètement ensevelie sous une épaisse couche de nos jours. 7 de glace permanente. Elle nous démontre que dans les régions antarctiques rai s peu de la mer, le niveau des neiges éternelles est au niveau de la mer, par 65° de latitude, Ilme paraît pro le sorte que et que des glaciers peuvent se former sur terrain plat. bable que la artout s'éten- grande exten- ent des champs de névés. Les glaciers se termi- | sion des glaciers antarctiques est conlemporaine ent à la mer par des murailles de glace. Vers le | de l’époque glaciaire des canaux de la Terre de ud et vers l'est, sur la Terre de Danco et sur la | Feu; malheureusement, nous ne possédons aucune Lerre de Graham, c’est l'inlandsis qui s'étendàperte | donnée paléontologique permettant de le démon- e vue; et, chose tout à fait caractéristique pour la | trer. Nous n'avons trouvé des terrains sédimen- région antarctique, même de petites îles peuvent | taires qu’en un seul endroit ; c'élaient des schistes | 92 HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE | ARS RES AREA PAT aux strates fortement inclinées et métamorphi- | donnée de ces terres antarctiques constituera-t-elles ques au contact d'une grande masse granilique, | sans aucun doute, une monographie aussi complèté et nous ne pouvons rien dire de l’âge de ces schis- | qu'on pouvait l'espérer. les. Partout ailleurs, c'étaient des roches éruptives anciennes, du granile, de la diorite, de la serpen- IV line, une porphyrite et du gabbro. Le terrain erra- tique était de beaucoup plus varié, démontrant que Je désire encore indiquer, en peu de mots, quels plus au sud, dans les Terres de Graham, il doit y | ques autres recherches de l'Expédition antarctique avoir un massif gneissique, des porphyres, mais | belge, concernant la géographie physique de la aussi des terrains sédimentaires, car le grès ne | région anlarctique; ils’agit des observations météos manque pas. Dans l'archipel de Palmer, par contre, | rologiques et océanographiques. Fig. 9. — Le laboratoire de Zoologie, à bord de la Belgica. il y a peut-être un ancien volcan, car au pied des | Une série de sondages effectués entre l'ile des montagnes, sur l’une des îles de l'archipel, du ba- | Elats et les Shetland méridionales nous font con salle et d'autres roches volcaniques ont été trouvés. | naître les relations bathymétriques du grand Ainsi, pendant notre court séjour dans le détroit | canal antarctique qui sépare l'Amérique du Sud de la Belgica, nous nous sommes efforcé de re- | des terres antarctiques. La plus grande profon cueillir Lous les matériaux voulus pour pouvoir | deur mesurée se trouve non loin du cap Horn; elle donner une description physique des terres dé- | est de 4.040 mètres, et, à partir de là, le fond de couverles; de son côté, le D' Cook ne cessait de | la mer se relève tout doucement vers le sud, car prendre des photographies toutes les fois que | par 62° de latitude, nous avons encore mesuré un l'éclairage le permettait, et ces photographies en | profondeur de 2.900 mètres. Mais, à partir de là disent béaucoup plus que de longues descriptions. | vient une pente assez abrupte qui nous mène rapi= M. Racovitza a recueilli une importante collec- | dement vers le plateau continental de l'archipel des lion botanique, et ses découvertes zoologiques sont | Shetland méridionales. Au sud du cercle polaire du plus haut intérêt; aussi la description qui sera | nous avons également effectué une série de son | | | | | | HENRYK ARÇTOWSKI — L'EXPÉDITION ANTARCTIQUE BELGE 93 dages qui démontrent l'existence d’un plaleau con- Les icebergs, le pack, la formation de la glace linental antarctique dont la terminaison est donnée | de mer et les transformations qu'elle subit, ce par l'isobate de 500 mètres qui suit à peu près le 71° | sont là des sujets d'étude que nous avons tenu parallèle. Au delà, vers le nord, les profondeurs | à ne jamais perdre de vue; mais je ne puis in- vont en augmentant rapidement, tandis que, vers | sisler. le sud, la plaine sous-marine se relève douce- | Le climat antarclique de la mer glacée est, ment, de sorte que par 71°36' on trouve le fond à | d’après nos observations météorologiques, très 390 mètres. rigoureux, humide et tempétueux. Les cyclones Au cours des sondages, de nombreuses séries de | sont fréquents et le vent atteint souvent une vio- températures des eaux ont été prises en pro- | lence extrême. La neige est abondante, et le ciel fondeur, et des échantillons d’eau ont été puisés | est le plus souvent couvert. Néanmoins, lorsque le Fig. 10. — Le laboratoire de Physique, à bord de la Belgica. pour la détermination des poids spécifiques. Ces | temps est clair, les phénomènes optiques que l'on données permettront de discuter la question de | peut observer dans l'atmosphère rendent admirable l'échange des eaux polaires et océaniques dans | ce paysage monotone. ces parages. Les différentes phases du crépuscule, les halos et L'étude des fonds sous-marins a également pu | les parhélies et le phénomène du mirage ont été Êlre abordée, grâce aux échantillons de sédiments | souvent observés, et l'étude de ces phénomènes, rapportés par les sondes et par les dragues, et, | variables et encore peu connus, est des plus inté- te qui rend ces sédiments tout particulièrement | ressantes. Les phénomènes électriques ne se sont intéressants, c'est la grande quantité d'éléments | manifestés que sous forme d'aurores polaires, qui terrigènes qui les caractérise. ont toujours élé observées et décrites avec soin. De gros blocs sont disséminés avec des cailloux | Les observations magnétiques, qui ont été pour- plus petits, du gravier et du sable qui se mêlent | suivies par M. Lecointe, ont démontré que les au- àla vase à Globigérines. La provenance de ces blocs | rores australes mouvementées correspondent (de erratiques est évidente : ils viennent des terres ant- | même que les aurores boréales) à des tempêtes arcliques, ce sont les icebergs qui les charrient. | magnétiques. 9% A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE Y Comme ce court exposé le démontre, les résultats scientifiques de l'Expédition antarctique belge seront variés et satisfaisants ‘; une grande publi- cation, qui se prépare sous les auspices du Gouver- nement belge, les fera connaitre en détail. Mais le principal résultat de l'Expédition antarc- tique belge aura été d’avoir fait connaître au grand public combien peu nous savons encore de région du pôle Sud, et combien est minime tâche accomplie, comparativement à ce qui doi encore être fait au point de vue de l'exploration de l'étude scientifique des nombreux problème qui se posent au sujet de la géographie antarc tique. : Henryk Arctowski, Membre de l'Expédition. LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE L'analyse chimique basée sur la séparation des éléments par voie électrolytique, en d’autres ter- mes l'analyse électrolytique, occupe une place de plus en plus importante non seulement dans les laboratoires consacrés uniquement à la science, mais encore dans les laboratoires industriels. Nous ne voulons pas dire par là que les méthodes élec- trolytiques soient destinées à se substituer, en analyse, aux méthodes gravimétriques et volumé- triques ; nous croyons simplement que celles-ci sont destinées à remplacer celles-là lorsque ces der- nières n'offriront pas le degré de précision et de simplicité voulu. Cela se conçoit aisément si l’on considère que les principes qui guident les métho- des gravimétriques et volumétriques d'une part et les méthodes électrolytiques d'autre part sont entièrement différents. Là, donc, où les premières méthodes ne permettraient pas une séparation rigoureuse de certains éléments, il y a bien des chances pour que les méthodes électrolytiques ne rencontrent pas, elles, les mêmes écueils pour ces éléments. C'est ce qui se passe par exemple pour la séparation de l’antimoine d'avec l’étain; ces métaux, très difficiles à séparer par l'analyse gravi- métrique, se séparent, au contraire, le plus aisé- ment du monde par l’électrolyse. 1 Principales publications à consulter au sujet de l'Expé- dition antarctique belge : Narrations. — De Gerlache, trois articles dans l'Z/lustra- tion du mois de mars 1900 et Bull. Soc. Géogr., Bruxelles, 1900, no 5; — D' Cook, dans Me Clure's Magazine, novem- bre 1899, et dans Century Magazine, pour janvier 1900; — Dobrowolski, dans Ateneum (Varsovie), septembre 1899 ; — Lecointe, Bull. Soc. géogr., Anvers 1900; — Arctowski, dans le Geographical Journal, février 1901. Résultats généraux. — Lecointe, Arctowski et Racovitza, dans Bull. Soc. Géogr., Bruxelles, janvier 1900 ; — Raco- vitza, dans la Géographie, février 1900, Notices spéciales. — Arctowski dans le Geographical Journal, le Bull. de l'Acad. de Belgique, les Comptes Rendus, Ciel et Terre, sur les résultats météorologiques, océano- graphiques, les aurores australes et les glaciers; — Le- cointe, dans Bull. de l'Acad. de Belgique, sur les observations magnétiques ; — Dollo, dans Bull. de l'Acad. de Belgique, sur les poissons antarctiques; — Arctowski et Renard, dans Bull, de l'Acad. de Belgique, sur les sédiments marins. Aussi bien, nous n'avons nullement l'intention di comparer les deux sortes de méthodes. Cependant il est difficile de ne pas être frappé d’un gran avantage que présente l'analyse électrolytique nous voulons parler de la simplicité de la manipu lation, qui consiste à placer les électrodes dans une solution, à régler le courant et, à la fin de l'opés ration, à laver une des électrodes, la sécher et peser. C'est précisément cette simplicité dans Les opérations qui a permis de donner tant d’extensio) à l'analyse électrolytique dans les laboratoires industriels. : 7 Dans les essais de séparation, par voie électro lytique, des éléments les uns d'avec les autres, chimiste devra constamment se laisser guider pa un certain nombre de principes, que nous allons rappeler en {es interprétant avec l'hypothèse de ions. Dans cet exposé, nous aurons en vue l’analys électrolytique des métaux. Nous ne parlerons pa de l'analyse électrolytique des métalloïdes, bie que les principes qui la guident soient les mêmes parce qu’elle n'a été appliquée jusqu'ici qu'à très pelit nombre de cas. Ï. — LA TENSION DE POLARISATION. A. Tout sel métallique, de méme que tout acid et toute base, en solution aqueuse, se séparen électrolytiquement sous l'influence d'une tensioi électrique minima dite tension de polarisation: Ce principe n'est pas rigoureusement vrai analyse parce que, comme l’a montré Nernst, cett tension de polarisation dépend de la concentratio du métal dans le bain et que cette concentration diminue à chaque instant au fur et à mesure qu le métal se dépose. En effet, la tension de polarisation 6 se compose si l'on néglige la tension ri nécessaire à vaincre résistance r du bain, de deux valeurs tout à fai indépendantes l'une de l’autre : 1° de la ten sion +, nécessaire pour séparer les anions dé A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 95 l’anode ; 2° de la tension <. nécessaire pour sépa- rer les cations à la cathode. Chaque sorte d’anions ou de cations a, pour une | même concentration, une valeur déterminée (2, ou s.). Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs Tensions électriques pour des concentrations normales. äla cathode:, à l'anode e4 » À : = Ag. — 0,178 I. 0,52 io — 0,34 Br. 0,94 2e m 1.08 11180 0,0 = ? Et 2 GIE 1,31 He 2 + 0,17 | OH 1,68 CESR TA ER ELE SO+ ++ À ENS Lie ETES Eee + 0,74 | HSO: 2,6 * er = =] trouvées par Nernst pour les tensions relatives à . quelques ions en concentration normale (c’'est-à- Pr, 18 No: M : ; ; dire à 7 grammes par litre, m étant le poids mo- léculaire et v la valence de l'ion). —_ La tension de polarisalion minima nécessaire - pour effectuer une électrolyse quelconque s'ob- tiendra donc en faisant la somme : C— Eg + Ec. C'est ainsi que le sulfate de cuivre, en concentra- tion normale, exige pour sa séparation électroly- tique la tension : e— 1,9 — 0,34 — 1,56 volt. Les valeurs : el &, dépendent l’une et l'autre de la concentration des cations et des anions. En “analyse électrolytique, où il y a toujours un grand “excès d’anions par rapport aux cations à précipiter, - la concentration des anions ne varie pas suffisam- «ment au cours del'électrolyse pour faire varier sen- - siblement la valeur «,. Au contraire, la concentra- tion des cations à précipiter sur la cathode diminue constamment, au cours de l’électrolyse, jusqu'à ce - qu'elle devienne pratiquement nulle ; il en résulte des variations sensibles pour <: etpar suite pour €. Ces variations sont données par la formule de Nernst : K Ee = — p - log ü volts. K est une constante pour une même tempéra- ture; v est la valence du métal précipité; C est la concentration des ions-métal et P la fension de - dissolution de ce métal. L'idée de tension a été - suggérée dans la théorie des ions par l’analogie qu'on a établie entre le phénomène de l'ionisation et celui de la vaporisation. De même qu’un liquide (ou d’ailleurs tout autre corps) possède une certaine tendance à passer à l’état de vapeur et que la mesure de celte tendance est exprimée par sa ten- sion de vapeur, de même une substance susceptible d'envoyer des ions en solution tend à passer à l'état d'ions et la mesure de cette tendance est exprimée par sa tension de dissolution. D'après la formule précédente, on voit que si la concentration C des ions du métal qui se dépose sur la cathode diminue en progression géométrique, la valeur < augmente en progression arithmétique. A la température ordinaire (17°), on trouve que si la concentration est réduite au 1/10 de sa valeur, 0,0575 y & augmente de volts, v étant la valence du métal. Considérons, en particulier, une solution de sul- fate de cuivre en concentration normale, c'est-à- - 63 ; : dire contenant —- grammes de cuivre par litre ; celte solution peut être considérée comme pratique- ment dissociée. Au fur et à mesure que la concen- tration des ions-cuivre diminue par suile du dépôt de métal sur la cathode, les valeurs de «, et de e sont les suivantes : Variation de la tension de polarisation avec la concentration. CONCENTRATION {nombre de gr. par litre) £c e + 31,3000. . — 0,34 1,56 3,1500. . —031 1,59 0,3150. . . GER 1,61 0,0313. . . — 0,25 1,64 0,0031. . 10:22 1,67 0,0003. . — 0,19 1,70 Les concentrations plus petites sont pratique- ment nulles en analyse. Avec des solutions de métaux monovalents, les variations de e sont encore plus considérables. Si, maintenant, on classe les métaux par ordre croissant de tensions de polarisation pour une con- centration délerminée, on voit que la différence des tensions de polarisation de deux métaux con- séculifs est bien souvent inférieure aux variations de cette tension au cours de l’électrolyse. Tensions de polarisation des sulfates et des chlorures. SOLUTION À 1 MOLÉCULE-GR. MÉTAUX par litre. ss sulfates chlorures NMANCHLESE Ne Le 2,115 2,134 An Ca 2,424 1,813 Cadmium . . 2,062 1,484 Re: 1,993 1,397 De lie, ET ER ES EE 1,881 1,295 Nickel. . . 1,198 1,290 MITA PORN AE 1 — 12225 nn Eee ac — 1,215 Hydrogéene "re ECC 1,662 1,061 BISMUEN MN 0,995 AMIMOINE ESP R- -- 0,934 ArSeniC ee Che ee — 0,760 CUITE. PNR 1,385 — Mercure 175 0,920 — ATEeDULS NES 0,926 — Palladium APR Enr, — 0,244 PIaneR EME CE - — 0,170 OS oh 1 DT ON0E TO — 0,060 96 A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE Il en résulte qu'une méthode d'analyse basée exclusivement sur la séparation successive des métaux par accroissement graduel de la tension électrique aux électrodes ne serait pas exacte. Ce principe permet cependant de séparer les métaux ayant des lensions très différentes, comme le cuivre d'avec l'argent par exemple. Il faut donc chercher d’autres principes pouvant servir de bases à la séparation électrolytique des métaux. Nous allons ainsi être amené à parler des sels « complexes ». Auparavant, notons les deux principes qui dé- coulent des considérations qui précèdent : 1° Étant donné en solutions différentes sortes d'anions et de cations, il y aura électrolyse lorsque la tension de polarisation sera suffisante pour libérer à la fois lun des anions et l'un des cations. 2 La tension minima à mettre aux bornes d'une cuve électrolytique croit avec la dilution du sel. II. — LES SELS COMPLEXES :. Les solutions employées en électrolyse, que ce soient des solutions acides, basiques ou neutres, peuvent contenir le métal à l’état de se] simple (sulfate de cuivre, nitrale d'argent, etc.), de sel double (sulfate de nickel et d’ammonium, etc.), ou de sel complexe (zincate de sodium, arseniate de cuivre, etc.) Un sel simple a un métal qui se dirige vers la cathode à l’état d'ions. Un sel double se comporte à l'électrolyse comme un mélange de deux sels simples, c'est-à-dire que les deux métaux se dirigent vers la cathode à l’état d'ions. Un se] complexe est un sel qui, en solution, se dissocie pour donner non pas des ions-mélal, comme dans les sels simples ou doubles, mais des ions complexes où entre le métal. Les sels complexes que l’on rencontre le plus souvent en analyse sont les arséniates, les antimo- niates, les sulfhydrates doubles de sodium con- centrés, les oxalates doubles alcalins, les cyanures doubles de potassium. La dénomination de double appliquée à ces sulfhydates, oxalates et cyanures est donc impropre; nous la remplacerons par celle de complexe. Dans les solutions des sels complexes un des métaux est le cation, le reste de la molécule est l’anion complexe contenant l’autre métal. Voici quelques exemples de sels complexes dis- ! Les sels complexes ont été étudiés au point de vue de leur application à l'analyse électrolytique, notamment par Freudenberg (Zeit. phys. Chem., XIII, 91), auquel nous empruntons une partie de’ce qui suit. sociés en anions complexes contenant l’un des mélaux et en cations constitués par les ions de l’autre métal : . ST —— Cu*(AsO!} — 3Cu +2AS0* Arséniate de cuivre. ; NE K°{[Zn(OH}'] — 2K + Zu(OH) Zincate de potassium. K2[(C20‘/Zn] — 2K + (C°0)Zn Oxalate complexe de zinc et de potassium. + K[(CAz)'Ag] — K+(CAz}Ag Cyanure complexe d'argent et de potassium. Le métal de l'anion complexe ne pourra se déposer électrolyliquement que si cet anion se dissocie à son tour, ou si l'on décompose cet anion par un courant à très forte tension. Dans un cértain nombre de sels complexes, l'anion complexe étant déjà en partie dissocié, le métal engagé dans cet ion se dépose directement à la cathode comme pour un sel simple, aveccette grande différence que /a concentration des ions de ce méta élant toujours très faible, la tension aux électrodes doit ëtre beaucoup plus grande que pour un sel simple. Lescyanures potassiques complexes d’or, d'argent, de mercure, de cadmium ont des ions en partie dissociés et s'électrolysent facilement; d’ailleurs, la présence de cette dissociation se reconnaît par les précipités de sulfure que donnent ces sels com- plexes sous l'influence de l'hydrogène sulfuré. Au contraire, les cyanures potassiques complexes de platine, d'arsenic, de fer, ont des ions complexes non dissociés : ils ne précipitent pas par l'hydrogène sulfuré et n'envoient pas non plus de métaux à la cathode sous l'influence du courant, à moins qu'on n’emploie des tensions suffisamment élevées pour les décomposer chimiquement. III. — SÉPARATION DES MÉTAUX PAR VOIE ÉLECIRO- LYTIQUE. D'après les considérations qui précèdent, il est facile de se rendre compte de l'application qu'on peut faire des ions complexes en analyse. Etant donné, en solution, différents métaux qu'il s’agit de séparer, on engagera un ou plusieurs d’entre eux dans des ions complexes afin d’espacer suffi- samment les valeurs des tensions de polarisation relatives à chaque métal. Un accroissement graduel de la tension électrique aux électrodes permettra alors de séparer successivement chaque métal. Seuls, les métaux engagés dans des combinaisons absolument complexes, c'est-à-dire dont {ous les ions sans exceplion sont complexes, resteront en A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE 97 solution quel que soit le courant. On les ramènera à l’état d'ions simples par décomposition chimique de la combinaison complexe, puis on les séparera électrolytiquement dans les conditions ordinaires. Citons enfin un dernier principe d'une très grande importance en analyse électrolytique, puis- qu'il permet de subdiviser encore les différents groupes que nous venons de séparer : 3° Sont seuls susceptibles de se déposer sur la cathode EN SOLUTION FORTEMENT ACIDE, /eS mélaux dont les tensions de polarisation sont inférieures à celle de l'hydrogène, ainsi que le plomb et l'étain dont les tensions lui sont à peine supérieures. L'ordre des tensions de polarisation des métaux “élant le même que celui des tensions de polari- sation de leurs sels, le tableau de la page 95 ‘indique que le manganèse, le zine, le cadmium, le - fer, le cobalt, et le nickel ne sont pas susceptibles “de se déposer électrolytiquement en solution for- tement acide, et qu'au contraire l’élain, le plomb, Je bismuth, l’antimoine, l'arsenic, le cuivre, le mercure, l'argent, le palladium, le platine, l'or, … peuvent se déposer électrolytiquement en solution fortement acide. Ce principe s'explique aisément si l’on considère que les métaux de la première série ont des ten- sions de polarisation notablement plus grandes que celle de l'hydrogène. Il en résulte qu'en solution fortement acide, la proportion d'ions il qui se ren- dent à la cathode en même temps que les ions- métaux de cette série est assez forte pour empêcher tout dépôt métallique sur la cathode. - En résumé, une séparation électrolytique de plusieurs mélaux en solution comprendra les opérations suivantes : 4) L’addition d’un acide fort, qui permettra une première scission des mélaux en deux divisions; 2) La formalion, dans chacune de ces divisions, d'ions complexes en vue d’espacer suffisamment les valeurs des tensions de polarisation relalives à chaque métal ; 3) La séparalion successive des métaux à la cathode par accroissement graduel de la tension de polarisation. En dehors des principes généraux qui précèdent et qui servent de base à la séparation des métaux les uns d'avec les autres, il faut noter la propriété ‘que possèdent le cobalt, le nickel, le manganèse, le ‘plomb, le bismuth et l'argent de pouvoir, dans erlaines condilions, se déposer à l’état d'oxyde ur l'anodé. Celte propriété est d'un très grand secours en analyse, au moins pour séparer le man- ganèse et le plomb; les autres métaux n'ont pas encore pu être déposés en totalité à l’état d'oxyde sur l'anode, la plus grande partie se déposant sur la cathode ou restant dans le bain. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. IV. — L'INTENSITÉ DU COURANT. L'intensité du courant règle, conformément à la loi de Faraday, la quantité de métal déposée dans un temps donné. Il semble donc qu’on puisse cal- culer aisément, d’après cette loi, le temps néces- saire pour priver complètement un bain d'un métal déterminé. Il n'en est rien, car le bain contient toujours des cations étrangers à ce métal, en par- ticulier des ions H. La concentralion de ces ions est assez faible, pour qu'au début de l'électrolyse elle soit négligeable par rapport à la concentration du métal à déposer; la quantité du métal déposé est alors proportionnelle à la quantité d'électricité qui passe, conformément à la loi de Faraday. Mais lorsque le bain s’est appauvri en métal, la concen- tralion des ions de celui-ci est comparabie à celle des ions ñ (pour ne parler que des ions ï ). La loi de Faraday s'applique toujours, mais à condition de tenir compte du dépôt à la cathode non seule- mentdes ions-métal, mais encore des ions H et des autres ions étrangers. ‘ Cette concentration des ions H, d'ailleurs, aug- mente souvent au fur et à mesure que l'électrolyse se fait, ce qui retarde encore la fin de l'opération. C'est ce qui a lieu, par exemple, dans l'électrolyse du.sulfate de cuivre, où la quantité d'acide sulfu- rique du bain augmente proportionnellement à la quantité de cuivre déposé puisque, pour chaque équivalent de cuivre déposé, il y a un équivalent d'acide sulfurique formé, L'acide sulfurique élant dissocié en ions mn el SO’, sa production amènera dans le bain de nou- veaux ions I. Ainsi, dans une analyse électrolytique, la plus grande partie des éléments à séparer se dépose pendant les premiers moment et les dernières par- lies se déposent beaucoup plus lentement. La densité du courant, e'est-à-dire le rapport de l'intensité à la surface totale de l'électrode sur laquelle se fait le dépôt, doit être comprise entre certaines limites. En effet, l'adhérence et la compa- cité du dépôt, facteurs très importants en analyse électrolytique, dépendent en partie de la densité du courant. En outre, une trop grande densité peut provoquer sur l’électrode un dégagement gazeux qui altère ou qui retarde la formation du dépôt. V. — LES ÉLECTRODES. Les électrodes doivent être inattaquables par les bains employés, cela va de soi ; de plus, elles doivent offrir une forme telle que la densité du courant sur l’électrode qui reçoit le dépôt soil aussi homogène que possible. DELLE 98 A. HOLLARD — LES PRINCIPES DE L'ANALYSE ÉLECTROLYTIQUE Les électrodes idéales au point de vue de l’ho- mogénéité de la densité seraient constituées par deux sphères concentriques, le liquide se trouvant entre ces deux sphères. Classen et Riban, pour se rapprocher le plus possible de cette forme idéale, se servent d'une Fig. 1. — Ælectrodes de Fig. 2. — Electrodes Classen. de Riban. capsule hémisphérique (fig. 1 et 2) destinée à rece- voir le dépôt électrolytique. L'autre électrode est située, concentriquement à la première, à l'inté- rieur de celle-ci; elle est constituée soit par un petit disque (Classen), soit par une petite capsule hé- misphérique (Riban). Les deux appareils qui précèdent n’ont pas leurs pareils pour la réalisation d’une densité de courant aussi parfaitement homogène. Mais ils présentent deux incon- vénients : le premier, c’est que l'électrode destinée à recevoir le dépôt sert de récipient au bain; aussi ces électrodes ne peuvent- elles servir que pour les liquides parfaitement clairs et non sus- ceptibles de donner de précipité LT TN rl IL au cours de l’électrolyse. Le deuxième inconvénient de ces appareils c’est de n'utiliser que la face interne seule de la cap- sule pour recevoir le dépôt, ce qui entraine une grande dépense de platine. Pour l'appareil classique de Ri- che, le premier de ces inconvénients n'existe pas. Cet appareil (fig. 3) consiste en deux creusets con- centriques ; le premier creuset intérieur, quiestsans fond et percé de fenêtres, reçoit le dépôt électroly- tique. Avec ce système d’électrode, on peut laisser impunément un précipité au fond du bain. La dépense de platine est malheureusement forte. L'appareil que nous avons fait construire (fig. 5) est une modification de celui de Luckow (fig 4). — Qu’on veuille bien nous excuser si notre partialité d'auteur nous porte à en grossir les avantages. — Il est constituée par un cylindre en platine un peu évasé destiné à recevoir le dépôt électrolytique et par une deuxième électrode entourant la première à l'intérieur et à l'extérieur. La densité du courant Fig. 3. — Electro- des de Riche. est ainsi rendue à peu près homogène à l'intérieur et à l'extérieur de l’électrode qui recoit le dépôt. Cette densité, bien que moins parfaitement homo- gène que dans les appareils de Classen et de Riban, est cependant suffisante dans la pratique. La sur- face active de l’électrode est très grande pour un poids de platine relativement très faible. L'élec- trolyse se fait dans un verre transparent, aussi est-il plus facile qu'avec les appareils précédemment dé- crits d’y suivre les différentes phases de l’opéra- tion. Enfn, s'il y a un précipilé dans le liquide, il n'est pas toujours nécessaire de le filtrer; il suffit de le laisser se déposer au fond du verre, de plon- ger ensuite les électrodes et de faire passer le courant. Pour les dépôts peu adhérents, on a intérêt à avoir des surfaces d'électrodes aussi grandes que possible. A cet effet nous avons fait construire des électrodes en toile de platine Fig-"4 — Electroly- seur Lüuckow. Fig. 5. — Ælectrolyseur Hollard. identiques quant à la forme à l’électrode en feuille. VI. — CONCLUSION. Tels sont, dans leurs grandes lignes, les principes qui doivent, à notre sens, guider le chimiste dans ses recherches d'analyse par voie électrolytique. S'il y a encore quelques séparalions qui n'ont pu être réalisées par l'analyse électrolytique, c'est que cette science est née d'hier et qu'on est loin d'avoir épuisé toutes les ressources que fournissent les principes que nous avons rappelés. Il n'est pas nécessaire, pour la mettre à profit, d'attendre qu'elle soit devenue une science complète et indé- pendante. Pour le moment, elle est le complément indispensable de l'analyse gravimétrique, dont elle a déjà comblé des vides énormes et à laquelle elle a fourni des méthodes d'une simplicité incompa- rable. A. Hollard, Chef du Laboratoire central de la Compagnie française des Métaux. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 99 ANALYSES 1° Sciences mathématiques Loir (M.) et de Caqueray (G.), Lieutenants de vaisseau. — La Marine et le Progrès. Les luttes de l'avenir par la Science, par les millions. — 1 vol. in-16 de 369 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Librairie Hachette et Cie, Paris, 1901. « Ce livre n'a pas de prétentions scientifiques. Il est uniquement une œuvre de vulgarisation ». Telle est la première phrase. Elle définit nettement le but pour- suivi par les auteurs, qui est d'expliquer l’évolution du matériel naval au cours du dix-neuvième siècle et sa £ composition au début du vingtième siècle. …. L'introduction a pour titre : « Le rôle et l'utilité de … la Marine ». Elle rappelle par des exemples récents et … montre par des hypothèses plausibles quel a été et quel … serait le rôle de la Marine dans une guerre où la France se trouverait engagée : diversions sur les côtes enne- “ mies, maintien des communicalions avec nos posses- sions africaines, ravitaillement par mer en armes et en munilions comme en 1870, destruction de la marine de — commerce ennemie, etc. … Les auteurs combaltent la théorie qui n'assigne à la Marine qu'un rôle secondaire dans les guerres futures etconcluent par ces mots de Richelieu : « On ne peut, sans la mer, ni profiter de la paix, ni soutenir la guerre. » Après avoir comparé l’ancienne flotte à voiles à la marine à vapeur, et constaté la révolution complète qui s’est opérée aussi bien dans la construction et l’en- tretien du matériel naval que dans les conditions mêmes de la guerre, la tactique et la stratégie mariti- mes, ils racontent, d’une facon fort intéressante, les débuts laborieux de la marine à vapeur, les luttes contre les préventions, le triomphe définitif après le merveil- leux succès du Napoléon, de notre célèbre ingénieur Dupuy de Lôme, en 1855. —. Vient ensuite l'historique des progrès dans la période mmnqui s'étend de 1853 à 1875. Les principales étapes “sont : l'emploi des projectiles creux ou obus (inven- tés par le général Paixhans), la destruction de la flotte turque à Tchesmé par les obus russes (1853), la r. construction, sur l’ordre de Napoléon II, des batteries ….ilottantes cuirassées, employées pour la première fois dans la guerre de Crimée où elles prennent une part * prépondérante au bombardement de Kinburn (1855), la construction de la frégate cuirassée Za Gloire, surles - plans de Dupuy de Lôme (1857), la construction des cui- rassés à réduitcentral Magenta et Solferino(1860), l'adop- tion de l’éperon sur ces bâtiments, l'apparition du type Monitor qui nous vient d'Amérique, le commencement de la construction en fer (la frégate /a Couronne, 4860), puis l'addition des cloisons étanches (le cuirassé Océan, 1870). du pont blindé et du double fond {le cuirassé Re- doutable, 1875) qui ajoutent tant à la sécurité des na- vires, l'adoption de l'acier (1875, M. de Bussy). Les auteurs font remarquer justement que, trois fois en vingt ans, la France a tenu la tête des constructions navales et montré la voie du progrès : création du pre- mier vaisseau rapide à vapeur, de la première batterie blindée, du premier navire cuirassé. Ils nous montrent l’évolution nouvelle causée par l'apparition ‘de la lorpille. On crée, pour l'utiliser, des bâtiments nouveaux, les torpilleurs; on crée, pour s’en défendre, les filets métalliques, toute l'artillerie légère à tir rapide, et les contre-lorpilleurs ou destroyers, pe- tits croiseurs à grande vitesse destinés à détruire les torpilleurs. La lutte entre le canon et la cuirasse, qui dure depuis si longtemps, est fort bien décrite. L'artillerie augmente BIBLIOGRAPHIE ET INDEX d'abord successivement ses calibres, passant de 19 cen- timètres à 24, 27, 34 et enfin 42 centimètres ; puis elle cherche l'accroissement de puissance dans l’augmen- tation de vitesse initiale. Aussi les calibres diminuent et reviennent à 305 millimètres, tandis que la vitesse initiale passe de 450 mètres sur le cauon de 42, à 820 mètres sur le 305. Le tir des pièces d'artillerie moyenne (16, 14, 10 cen- timètres) est accéléré. Enfin, l'emploi des explosifs puis- sants vient rendre les effets des projectiles plus terribles encore. La cuirasse, après avoir d'abord cherché à lutter par l'accroissement de l'épaisseur poussée jusqu’à 55 centi- mètres en France, 61 en Angleterre, est fabriquée en métal de plus en plus résistant (métal compound, 1880; procédé Schneider, 1889; procédé Harvey, 1894; procédé Krupp, 1898) et l’on diminue son épaisseur pour protéger une partie de plus en plus grande de la surface des œuvres mortes du navire. Le croiseur cuirassé Je Du- puy-de-Lome, de M. de Bussy, est le premier type cons- truit dans cet ordre d'idées. IL est imité partout. Les cuirassés, à leur tour, blindent la plus grande surface possible au lieu de limiter la cuirasse à une étroite bande à la flottaison, Enfin, on cherche une augmenta- tion de la sécurité dans le dédoublement des ponts blindés et un compartimentage cellulaire à la flottaison, dont le principe est dû à M. Bertin (1875). La « course à la vitesse » fait l’objet du chapitre v. Tandis qu'is y a vingt ans une vitesse de 15 nœuds élait considérée comme très belle, aujourd'hui les tor- pilleurs alteignent 31 nœuds (/e Forban de M, Normand, 1897) et 33 nœuds (/a Viper anglais de M. Parsons, 1900); les grands croiseurs, 23 nœuds 5 (Guichen, 4899); les paquebots, 23 nœuds (/e Deutschland, 1900). Les auteurs montrent l'énorme importance de la vi- tesse aux points de vue lactique et stratégique. Ils ap- pellent l'attention sur ce fait, trop peu connu, que les vitesses d'essai de nos navires sont très voisines de leurs vitesses en service courant, parce que nos essais sont faits loyalement, dans les lignes d’eau correspondant au chargement normal; il n’en est pas de même à l'Etranger, surtout en Angleterre, où il manque toujours des poids considérables à bord des navires au moment de leurs essais. Les perfectionnements nombreux amenés dans les machines à vapeur et les chaudières par la recherche des grandes vitesses sont ensuite passés en revue. On s’est trouvé finalement conduit à une augmenta- tion considérable du déplacement; on arrive aujour- d'hui à 15.000 tonneaux pour les cuirassés, 13.000 pour les croiseurs. Puis, MM. Loir et de Caqueray traitent un sujet tout d'actualité : la navigation sous-marine, C’est le dernier moyen de combat que le siècle a vu entrer dans la pra- tique; c'est peut-être celui dont l'avenir est le plus grand. Les auteurs font l'historique des sous-marins depuis les premières tentatives de Van Drebbelt, à Lon- dres en 1620, en passant par la Tortue de Bushnell (1786), le Nautilus de Fulton (1800), jusqu'aux derniers types parus : le Gymnote, le Gustave-/Zédé, le Morse et le Narval en France, le Plunger et le Holland aux Etats-Unis. Ils font ressortir que les Anglais ont tout à perdre à la mise en pratique de la navigation sous-marine et qu'après l’avoirtraitée dédaigneusement, ils ontreconnu, par l’organe même du premier lord de l’'Amirauté, que le moment était venu de s’en préoccuper. Les auteurs établissent enfin que l'emploi du sous- marin dans les guerres navales est légitime, ainsi que 100 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX la reconnu la Conférence de La Haye, à laquelle la question avait été posée par le tsar Nicolas IL. Ils parlent enfin de l’utilisation des navires de com- merce en temps de guerre. La « course », supprimée en 1856 par le Traité de Paris, ne peut plus être faite que par des croiseurs de la marine de guerre, ou par des bâtiments du commerce transformés en croiseurs auxiliaires en temps de guerre. Les paquebots moder- nes, avec leurs énormes vitesses, seront les meilleurs corsaires. Leur prix élevé de construction et d'armement fait que leur nombre n’est pas très important. L’An- gleterre, dans son immense flotte commerciale, n’a que 38 paquebots filant 18 nœuds et au delà. Il est à noter, d’ailleurs, que les deux paquebots les plus rapides actuel- lementàflot appartiennentà l'Allemagne: le Deutschland (23 nœuds), Je Kaiser Wilhelm (22 nœuds 5). Outre lesbatiments employés comme corsaires, d'autres seront utilisés comme transports de troupes, de char- bon ou de matériel, comme bäliments-hôpitaux, etc. Le prix de revient des navires fait l’objet du chapitre vu. Ce prix s'est naturellement élevé en même temps que la complication et le nombre des organes s’est accru. La comparaison donnée par les auteurs entre le Redoutable (1874) et le Masséna (1894) est saisissante à ce point de vue. Le kilogramme du navire armé, qui coûtait 0 fr. 76 en 1871, revenait à 4 fr. 66 en 1891 et atteint aujour- d'hui 2 fr. à 2 fr. 20 pour les grands navires, en France. Tout est plus cher : les blindages en fer coûtaient 1 fr. le kilo, ceux en métal compound 1 fr. 80, ceux en acier 2 fr. 20, ceux en métal Harvey 2 fr. 40. Un ca- non de 27 centimètres, modèle 1866, valait 18.550 francs; un canon de 27centimètres modèle 1893 en coûte 175.000. Les frais d'entretien d'un matériel compliqué aug- mentent naturellement beaucoup aussi. Tout ce chapitre, bourré de chiffres et de renseigne- ments extrêmement intéressants, explique bien pour- quoi le budget de la Marine a pu passer de 106 millions en 1872 à 292 millions en 1900 (troupes déduites). Nous voyons ensuite qu'en Angleterre le kilogramme du navire armé ne coûte que 1 fr. 50. Cela tient surtout au prix des matériaux de construction. Pour la coque et le blindage, on a pour 60 francs, en Angleterre, ce qui qui en coûte 100 en France. Les auteurs sigualent enfin les réformes à apporter : industrialiser le mode de travail des arsenaux (ils cons- tatent cependant que des progrès sensibles ont été réa- lisés de ce côté), diminuer les frais généraux excessifs, les frais d'administration, de surveillance, supprimer les nombreux services auxiliaires, enfin spécialiser les arsenaux, au lieu de conserver 5 arsenaux de plein exer- cice, ce que n’a pas l'Angleterre avec une marine triple de la nôtre. Dans le dernier chapitre: « Regard sur l'avenir », les auteurs, après avoir résumé ce qui précède, constatent que tout le monde arrive aux grands tonnages et indi- quent la composition probable des flottes qu'on va mettre partout en construction. Tel est ce livre, qui vieut au bon moment, alors que tout le monde, en France, après l'humiliation de Fa- choda, a les yeux tournés vers les choses de la mer. Il défend notre Marine contre les attaques injustes et les critiques systématiques; mais aussi il n'hésite pas à signaler les points faibles et les réformes désirables. C'est l’œuvre de deux patriotes sincères et de deux esprits clairvoyants. d'AOUNE 2° Sciences physiques Thomson (J.-J.), de la Société Royale de Londres. — Les Décharges électriques dans les Gaz. l'raduction française, avec notes, de M. Louis BarBicLon. l’réface de M. Cu.-Ev. GuiLLaume. — 1 vol. in-8° de 172 pages avec 41 figures. (Prix 5 fr.) Grauthier-Villars, édi- teur. Paris, 1900, L'étude des phénomènes électriques dans les gaz a pris depuis quelques années une extension considérable. Les progrès réalisés dans cette branche de la Physique permettent d’entrevoir maintenant un lien entre des phénomènes en apparence fort différents, tels que les décharges électriques dans les tubes de Geissler ou de Crookes, la convection photo-électrique, la conductibilité acquise par les gaz sous l'influence des corps incandes- cents ou des rayons Rôntgen, le phénomène de Zee- mann, etc. À Lestravaux del’illustre physicien anglaisJ.-J, Thomson ont tout particulièrement contribué au progès de cette question, et l'esprit de généralisation qui a présidé à ses recherches se retrouve dans son ouvrage. Dès les premières pages, l’auteur nous met en pré- seuce de phénomènes bien faits pour conduire à l’idée moderne de l’ionisation des gaz, à savoir l'impossibilité absolue de communiquer une charge électrique à un gaz par simple contact, alors qu'au contraire, sous cer- taines influences (réactions chimiques, électrolyse, action de la lumière ultra-violette ou des rayons Rônt- gen), certaines particules de ce même gaz acquièrent une capacité électrique énorme et peuvent transporter des charges considérables. La description du phénomène de la condensation des vapeurs par les gaz électrisés, et un long chapitre con- sacré à la conductance acquise par les gaz sous l'in- fluence des rayons Rüntgen, complètent cette première partie. La seconde parlie renferme l'exposé des principaux faits relatifs à l’action de la lumière ultra-violette sur les corps électrisés, et à l’électrisation des gaz par les métaux portés à l’incandescence, les flammes et les décharges électriques : elle se termine par l'étude des phénomènes d’électrolyse dans les gaz. La troisième partie est exclusivement consacrée aux rayons cathodiques et aux rayons de Lénard. Elle renferme, résumé en cinquante pages, tout ce qu'il ya d’essentiel sur ce sujet. 1 L'extrême clarté de l'exposition rend particulièrement facile la lecture de cet ouvrage, et l’on ne peut guère lui reprocher que d'avoir paru deux ans trop tôt. Toutefois, M. Barbillon est allé au-devant de cette critique et, dans une série de notes substantielles, 1l met le lecteur au courant des progrès accomplis sur ces questions pen- dant ces dernières années. P. VicLaro, Docteur ès sciences. Sambuc (D'), Professeur agrégé à la Faculté de Mé- decine et de Pharmacie de Lyon. — Précis de Chimie minérale. — 1 vol. in-12 de 970 pages de la Bibliothè- que de l'Etudiant en Pharmacie.(Prix cartonné :40 fr.) A. Storck et Cie, éditeurs, 8, rue de la Méditerranée, Lyon, 1900. L'ouvrage est divisé en trois parties : généralités, métalloides et métaux. S'il faut louer l'auteur d'avoir voulu présenter les généralités sous une forme plus moderne que celle généralement adoptée dans les précis similaires, du moins peut-on regretter que certains chapitres, et parti- culièrement celui des équilibres chimiques, présentent quelques lacunes qui, cependant, étaient susceptibles d'être comblées en restant sur un terrain très élémen- taire. Dans ce chapitre, l’auteur, après avoir exposé l'ana- logie qui existe entre les phénomènes d'équilibre chi- mique et ceux d'équilibre mécanique, nous montre très nettement comment les varialions de l’état d'équilibre d'un système avec la pression et la température peuvent être prévues qualitativement au moyen du théorème de Le Châtelier. Après ce début, on pouvait s'attendre à trouver quelques notions sur la partie quantitative du phénomène, tout au moins la loi des tensions fixes pour les systèmes monovariants. C'est en vain que nous l'avons cherchée. Sans doute, l'auteur aura craint que trop de développements sur ces questions délicates ne sortent un peu du cadre d'un Précis, mais il eût été préférable, à notre avis, de remplacer les quelques pages consacrées à la Stéréochimie, dont l'intérêt est discu- Fr BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 101 table en Chimie minérale, par ces notions très impor- tantes au point de vue de la dissociation et des trans- formations allotropiques. C’est une lacune que nous engageons l’auteur à combler dans la prochaine édition. La monographie des éléments forme les deux der- nières parties, métalloides et métaux, suivant la division généralement adoptée dans l'Enseignement. Dans chacune de ces parties, l'ordre suivi est celui de la classification de Mendelejeff. Si cet ordre est très conve- nable pour l'étude des métalloïdes, j'avoue, sans craindre d'être considéré par certains comme tant soit peu vieux jeu, que, pour les métaux, cetordre, au point de vue didactique, me parait présenter plus d’inconvé- nients que d'avantages. Pour un étudiant de nos Ecoles de Médecine et de Pharmacie, qui doit surtout retenir de la Chimie le côté pratique, il est préférable de lui enseigner le cuivre à côté du plomb plutôt que dé pla- cer ce métal immédiatement après l’ammonium, et la classification de Thenard reste encore pour lui celle qui est le plus ulile à connaître. Mais, à part ces quelques réserves de détail, je dois dire que j'ai lu ce petit livre avec grand plaisir. Il est écrit avec clarté, il contient un grand nombre de faits que l’on considère à tort comme sans importance dans les ouvrages similaires; et, quant à la partie industrielle, elle est au courant des perfectionnements récemment introduits dans plusieurs branches de l'industrie chi- mique. Ceux de nos étudiants qu'intéresse la Chimie miné- rale trouveront donc, dans ce livre, un guide aussi sûr que clair et précis. H. Gaurier, x Professeur de Chimie minérale à l'École supérieure de Pharmacie de Paris. Valeur (Amand), Préparateur de Chimie au Collège de France. — Contribution à l'étude thermo- chimique des quinones. Recherches sur la cons- * titution des quinhydrones. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages. Gauthier- Villars, imprimeur. Paris, 1900. | L'auteur à su tirer de ses résultats thermochimi- ques des conclusions fort intéressantes; mais, de plus il a, au cours de ses recherches, élucidé certains points d'ordre purement chimique. Les conclusions auxquelles arrive M. Valeur peuvent se résumer ainsi : La fonction paraquinone est caractérisée par le déga- gement de chaleur qui accompagne la fixation de deux atomes d'hydrogène. Cette quantité de chaleur est bien plus considérable dans les paraquinones que dans les orthoquinones. Dans ce dernier cas, les orthoquinones sont compa- rables aux célones simples. La chaleur de réduction des paraquinones décroit quand on substitue, dans la molécule, du chlore à de l'hydrogène. À Le chloranile est comparable, au point de vue ther- mique, à uo chlorure d'acide bibasique. Au point de vue thermique, les quinone-oximes sont comparables aux nitrosophénols. Outre ces recherches calorimétriques, l'auteur a 616 conduit à imaginer une nouvelle méthode de dosage des quinones et desquinhydrones, une méthode égale- pen ToeUS de dosage des halogènes dans les ma- ÊTES organiques. Enfin, il a abordé l'étude de la cons- ES el il a montré que, parmi . diffé s for proposées, une seule conve- nait qui expliquait convenablement les réactions de ces composes,. G. BLaxc, Docteur ès sciences. Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dicti i Chimie industrielle. 7! III, Re a pe Tignol, éditeur. Paris, 1900. ; Ce fascicule comprend, notamment, les arti bre noleum, Magnésium, Malt, Manganèse, nn cerisafe, Mercure, Molybdère, Monazites, Mordants Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs Opium et le commencement de l’article sur l’'Or. ‘ : 8° Sciences naturelles Chemin (0.), /Zngénieur en Chef des Ponts et Chaus- sées, ancien Professeur à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. — De Paris aux Mines d’Or de l'Australie occidentale. — 1 vol. in-12 de 370 pages avec figures et cartes (Prix :9 fr.). Gauthier-Vil- lars, éditeur. Paris, 1900. Depuis les premiers temps romanesques et déjà loin- tains (il y a quelque cinq ou six ans) où l'Australie occidentale se révélait à nous par l’exhibition de mine- rais d'or extraordinaires provenant de mines plus ou moins réelles, et par le lancement à grand fracas de sociétés problématiques sous le patronage de nobles seigneurs anglais, le tassement ordinaire s’est fait, le pays est passé peu à peu de la phase spéculative à la phase industrielle, et, malgré l'irrégularité trop générale des filons de cette contrée, qui ne permet pas de pré- visions assurées, la production s'est élevée d'année en année jusqu'à un chiffre important (27 millions en 1896, 60 en 1897, 100 en 1898, 156 en 1899 et, d'après les résultats des neuf premiers mois seulement, 145 en 1900). En même temps, de nombreux ingénieurs et sa- vants ont visité la Western Australia et nous l'ont fait connaître scientifiquement. Il nous suffira de citer, en première ligne, l'ouvrage allemand de M. Schmeisser, qui avait antérieurement étudié le Transvaal et qui, à la suite d’un voyage en Australie fait en 1895, con- cluait à peu près ainsi pour le champ d'or de Coolgardie : « Sur 500 mines ouvertes, 450 ne valent rien, #0 sont douteuses, 10 sont excellentes; maisil y eu tant de filou- teries, de trompe l'œil etde mensonges que le public ne peut les reconnaitre » : réflexion pessimiste, qui s’est trouvée très juste, puisqu'en somme, pour quelques mines productives, comme Golden Horseshoe, Great Boulder, Ivanhoe, Lake Wiew, Hannans Browhnill, Sons of Gwalis, etc., un trop grand nombre d’autres n'ont jamais rien donné. Deux ans après, en 1897, M. Gascuel a parcouru les mêmes régions, et les résultats fort intéressants de son étude ont été publiés dans les Annales des Mines de février 1899, en même temps qu'une collection d'échan- tillons à l'appui était déposée à l'Ecole-des Mines. Une bonne monographie géologique de Coolsardie, due à M. Van Oldruitenborgh, a paru à Liège en 4897. MM.Güczel et Woodward, géologues du Gouvernement de Western Australia, ont publié chaque année une série de Mé- moires. Enfin, le nouvel ouvrage de M. Chemin, ingé- nieur en chef des Ponts et Chaussées, résultat d’un voyage fait vers la même époque que celui de M. Gas- euel, vient apporter un utile complément à cette biblio- graphie, qu'il serait facile d'étendre, et nous présenter une image, pittoresque aussi bien que scientifique, de l'Australie occidentale, avec des détails très complets sur l’ensemble de ses richesses minérales, de nom- breuses vues photographiques et des cartes géologiques. L'auteur a passé une année entière en Westralie, et, parfaitement compétent, il a pu étudier en détail l'en- semble du pays, dont il donne une description métho- dique et très complète. On sait que les champs d'or de Coolgardie, dont les centres principaux sont Coolgardie et Kalgoorlie, puis Menzies, Dundas, ete., ont été découverts depuis 1892, au milieu d'un désert, que la présence de l'or a fait rapidement peupler et que relie aujourd'hui un chemin de fer de 600 kilomètres au port de Perth, sur l'océan Indien. C'estun pays presque absolument plat (à 350 me- tres au-dessus de la mer), extrêmement sec, très chaud, mais assez salubre. Les caractères topographiques et cli- matériques du pays font que les observations géolo- giques y sont très difficiles. Si l'on ajoute à cela que, jusqu'à 30 ou 50 mètres de profondeur, on rencontre, presque toujours, en raison de la pénétration facile des pluies dans ces terrains arides, une zone altérée, oxydée, où les roches sont méconnaissables (particuliè- ment au voisinage des gisements d’or, dont les pyrites 102 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sulfatisées ont accentué cette décomposition), et que les travaux de mine ontété maintenus de préférence, jus- qu'à ces derniers temps, dans cette zone supérieure tou- jours plus favorable au rendement’, on s'expliquera comment les problèmes géologiques relatifs aux champs d'or de Coolgardie sont encore loin d’être tranchés. Pour ces questions géologiques, M. Chemin partage générale- ment les opinions de Van Oldruitenborgh, auquel nous devons un essai de carte géologique de l'Australie oeci- dentale, forcément très hypothétique, vu les difficultés d'observation que je viens de rappeler, mais néanmoins exact sans doute dans ses grandes lignes. La Western Australia paraît être constituée par des terrains cristallophylliensalignés NNE—SSO, avec inter- calations de dômes granitiques et de très nombreuses roches vertes, diorites, amphibolites, serpentines, dia- bases, etc., c'est-à-dire par un ensemble analogue à celui du Plateau Central ou de la Bohème. Parallèle- ment aux plissements, et de préférence dans la diorite ou les schistes amphiboliques, parfois à leur contact avec le gneiss, on y peut observer des zones aurifères, sou- vent broyées, schistifiées, traversées par des veines quartzeuses secondaires et chargées, en même temps, de sulfures métalliques, qui pourraient faire penser aux fahlbandes de Norvège, aux Zrandes des Alpes au- trichiennes ou du Valais et dont quelques-unes, quali- fiées en Australie de /odes ou de formations, ont donné certains des gisements aurifères les plus riches de Kal- goorlie. Si l'assimilalion que l'on a proposée avec les fahlbandes (ou, plus généralement, avec les zones am- phiboliques pyriteuses d’autres pays), élait exacte, on pourrait remarquer que certaines de ces fahlbandes, soit dans les Alpes, soit à Kongsberg. en Norvège, se sont trouvées également aurifères ; que, d’après M. Ber- nard, l'or du Carsevenue, dans le Contesté Franco- Brésilien, se rencontre de même dans des zones d'am- phibolites ou de diorites au milieu des gneiss, et enfin que, d'après M. Levat, les zones aurifères ayant alimenté les placers de la Zeya, en Sibérie orientale, sont elles aussi interstratifiées dans les terrains cristallophylliens: c’est-à-dire que, pour une räison ou une autre, il parait exister, daus divers pays, au milieu des gneiss et mica- chistes, des zones aurifères, dont la teneur en or n'aurait pas, à propremept parler, une origine filonienne. MM. Van Oldruitensborgh et Chemin ont combattu cetle assimi- lation des formations de la Western Australia avec les fahlbandes, considérées elles-mêmes par eux (ce qui est peu vraisemblable) comme de simples stockwerksou, failles minéralisées par des eaux thermales, en s’ap- puyant surtout sur cette observations que divers odes de laWestern Australia contiennent des rocheséruptives, telles que porphyres syénitiques, porphyres, trachytes et andésites (?), différentes et indépendantes des roches encaissantes et sur ce qu'il exisle, au voisinage, des veines latérales d'oligiste manganésifère (où je serais beaucoup plutôt porté à voir un phénomène secondaire qu'un produit d'émanation directe sorti de ces roches éruptives, ainsi qu'ils l'ont supposé). Peut-être une théorie des falhbandes différente de la leur, théorie qu'il serait trop long d'exposer ici, permettrait-elle de retenir ce rapprochement, tout en admellant, avec ces deux savants, que l'origine première de l'or a pu être, dans nombre de cas, une inclusion sous forme de py- rite, mispickel, ou tellurure aurifère, dans les roches basiques et magnésiennes. Quoi qu'il en soit, il est à noter que rien ne distingue à l'œil les parties aurifères dés /odes des parties stériles, bien que l'or, dans la zone intacte en profondeur, soit accompagné, comme dans tant d’autres gisements, par des pyrites, mispickels et tellurures. A côté de ce type un peu exceptionnel de Kalgoorlie, il existe, à Coolgardie, des filons de quartz aurifère de deux genres : les uns, qui ont donné lieu au « lancement » 1 La fin de ces minerais oxydés, au moment où nous écrivons, peut marquer une phase critique dans le dévelop- pement industriel de la région: | de la Bailey's Reward ou de la Londonderry, formés de quartz laileux et opaque stérile, avec des poches res- treintes d'une extraordinaire richesse; les autres, de quartz transjucide à éclat gras, à teneur plus régulière. Ces filons renferment, en profondeur, divers sulfures, pyrite, chalcopyrite, mispickel, galène et blende. Dans les monts Dockrell du Goldfield de Kimberley, on a trouvé de la galène à or libre. Dans le Murchison, la présence de la blende accompagnant l'or est considérée par les mineurs comme un signe de richesse. Dans le goldfield de Pilbana, on a trouvé (comme dans le Murchison Range, au Transvaal) des stibines à cristaux d'or, les filons d'or, dans cette région, étant souvent accompagnés de calcite. M. Chemin décrit en détail tous ces gisements et accompagne son étude scientifique de considérations économiques sur les conditions d'exploitation, le rende- ment, l’avenir des divers goldfelds. Je me contente de signaler ici ce côté, qui n’est pas le moins important, de son livre. À ses descriptions géologiques, j'emprunte- rai seulement encore, pour terminer, ce fait curieux, qu'à Nullagiue, dans le district de Pilbana, on aurait trouvé quelques diamants en broyant des conglomé- rats aurifères, qui ne sont eux-mêmes autre chose que des alluvions consolidées. Même rencontre a été signalée dans la partie ouest du Witwatersrand Transvaalien; elle correspond à une association relalivement fré- quente du diamant et de l'or dans les alluvions, qui avait déjà été signalée dans l'Oural et à Bornéo, et qui, si elle n’est pas un simple effet de la préparation mé- canique effectuée dans l’alluvionnement sur des roches très diverses, pourrait contribuer à éclairer sur l'oti- gine de certains diamants : origine, qui n'est pas né- cessairement partout la même que dans les gisements du Cap, les métléorites, les fers natifs, les aciers et les belles expériences synthétiques de M. Moissan, L. De Launay, Professeur à l'Ecole Supérieure des Mines; Convert (F.), Professeur d'Economie rurale à l’Insti- tut national agronomique. — L’Industrie agricole. — 1 vol. in-16 de 44 pages. (Prix cartonné : 5 fr.) (J.-B. Baillière et fils, éditeurs. Paris, 1901. Il y a toujours une certaine hardiesse à modifier le titre sous lequel on est habitué à désigner une science, et à bapüser celle-ci d'un nouveau nom, même quand il répond mieux que le premier à la nouvelle direction que cette science a su prendre. M. Convert, professeur à l'Institut national agrono- mique, vient de publier une remarquable étude d'éco- nomie rurale, qu'il a intitulée : « L'industrie agricole ». Ce titre, jusqu'ici, était réservé à l’ensemble des opéra- tions qui permettent de transformer, à la ferme ou à l'usine que celle-ci alimente, les produits du sol en produits manufacturés. Il nous semble donc utile de faire l'inventaire des documents que renferme le livre de M. Convert et de rechercher les raisons qui l'ont amené à choisir le titre sous lequel ils sont réunis. Après avoir défini avec beaucoup de soin le terri- toire agricole, la répartition, sur ce territoire, de la grande et de la petite propriété, établi la valeur de la propriété foncière, du bétail et du matériel d'exploita- tion, M. Convert passe en revue les conditions techni- ques et économiques qui règlent la production et le commerce des denrées agricoles, des céréales, des pommes de terre, des betteraves, des raisins, des plan- tes textiles et oléagineuses, du bétail et de ses produits. C'est là, comme nous le disions plus haut, une étude d'Economie rurale, et M. Convert, en lui donnant un titre un peu inattendu, a sans doute voulu montrer l'élape considérable que l'agriculture a franchie. Les premiers écrivains qui ont entrepris de professer l’agri- culture, Caton, Columelle, Varron, la dénommaient du terme vague de res rustica; l'agriculture était la vie aux champs, que le T'héätre de l'Agriculture d'Olivier de Serres nous apprenait à contempler. L'agriculture était un métier, une pratique, presque un usage. Au- jourd'hui, l’agricullure est une industrie: elle utilise BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d'une facon rationnelle le sol, l'atmosphère, les engrais, qui sont ses malières premières, elle en retire des pro- duits manufacturés; elle a son outillage et sa machi- … nerie, sa comptabilité, ses établissements de crédit, son organisation syndicale, ses relations avec les mar- . chés intérieurs et extérieurs. Or, l'étude d'une industrie ne comporte pas seulement des renseignements techniques, elle précise aussi les conditions économiques propres à assurer son dévelop- pement. L'esprit du livre justifie donc son titre. L. Lixper, Professeur à l'Institut National Agronomique. Bonnier (J.). — Contribution à l'étude des Epica- rides. Les Bopyridæ. (Zravaux de la Station Zoo- logique de Wimereux). — 1 vol. in-4° avec 41 plan- ches. P. Klincksieck, éditeur. Paris, 1900. M. J. Bonnier vient de publier une suite aux belles étu- des de M. A. Giard et de lui-même sur les Epicarides ; ce second volume traite des Isopodes parasites branchiaux —… des Crustacés Décapodes, formant le groupe des Hopy- ride. Cette monographie, aussi remarquable par la précision des descriptions et des figures que par l'in- — térêt général des résultats, porte sur environ 80 espèces - de Bopyrides, réparties en 25 genres distincts. Le yolume conlient, en outre, deux chapitres généraux, Jun sur l’éthologie des Epicarides, et l’autre sur la taxonomie du groupe; tous les curieux de Biologie générale liront ces deux chapitres, pleins d’apercus suggeslifs et écrits de main de maitre. Dans leur développement, les Bopyrides passent par trois stades successifs : 1° le stade épicaridien, où la larve quitte la cavité incubatrice de la femelle; 2 le stade cryptoniscien, durant lequel la larve mène la vie pélagique et cherche l'hôte sur lequel elle doit se fixer ; et enfin 3° la phase adulte ou stade hopyrien, où l’ani- mal prend sa forme aplatie caractéristique. Tous les Epicarides, Bopyrides compris, paraissent être des hermaphrodites protandriques, c'est-à-dire que la larve eryptoniscienne possède des testicules qui s’atrophient lorsqu'apparaissent les ovaires ; les Bopyrides se com- ortent un peu spécialement à cet égard : dès que la arve munie de testicules est fixée et absorbe la nour- - rilure abondante que lui fouruit son hôte, la mélamor- Re s’accomplit, et, sans peut-être que les testicules “…_uient jamais fonctionné, les ovaires se développent, ainsi que la cavité incubatrice. Aussitôt que cette larve - a évolué en femelle définitive, elle est rejointe par … d'autres larves cryptonisciennes ; une seule d’entre elles - £e fixe sur la femelle; ses testicules deviennent fonc- - tionnels, et elle devient un mâle définitif, de taille très “ minime, qui n'acquerra jamais d'ovaires. L'herma- phrodisme n’existerait donc que dans un seul sexe. …_ - MM.Giardet Bonnier ont constaté depuis longtempsque les diverses familles d'Epicarides sont toujours adaptées … à une famille très nette d'hôtes : les Epicarides des Am- phipodes ne se trouvent pas sur les Schizopodes, ceux des Rhizocépbhales n'infestent pas les Cirrhipèdes ses- siles, ete. Enfn, il est infiniment probable, contraire- ment aux opinious de Sars et d'Hansen, que chaque espèce d'Epicaride n'infeste qu'une seule espèce d'hôte, phénomène du reste assez habituel pour les parasites internes ou semi-internes. L. Cuévor, k : Professeur à la Faculté des Sciences de Nancy. % …_ Brunschvicg (Léon), Docteur ès lettres, Professeur . agrégé de Philosophie au Lycée de Rouen.—Introduc- tion äla Vie de l'Esprit. — 1 vol. in-12 de 175 pages de la Bibliothèque de Philosophie ‘contemporaine. $ (Prix : 2 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1900. L- Get ouvrage échappe, par son objet, à la compétence À de la Revue. Nous le signalons cependant, eu raison … du lien qui rattache à la Science positive Ja spéculation 1 philosophique. L'auteur l’a écrit pour le grand public, qu'il voudrait amener à réfléchir sur les hautes ques- … tions de l'esprit et à s'associer de plus en plus au pro- Ë grès intensif de la vie scientifique, esthétique et morale. 1e 0) 4 Sciences médicales Barié (Ernest), Médecin de l'Hôpital Laënnee. — Traité pratique des maladies du Cœur et de l’Aorte (avec une préface de feu Poraix, membre de l'Institut). — 1 vol. in-8v de 984 pages avec figu- res, J. Ruelf, éditeur, 106, Paris, 1900. M. le D' Barié, médecin de l'hôpital Laënnec, publie, sous le titre de Traité pratique des Maladies du Cœur et de l'Aorte, un livre qui se recommande à l'atten- tion du monde médical par son esprit et par sa forme. Les nombreux et importants travaux de J’auteur sur la sémiologie et la pathologie du cœur ont toujours été marqués au coin de la probité spécifique et de la réserve professionnelle les plus dignes, et il en donne ici une preuve nouvelle, qui pourrait servir d'exemple, en omet- tant, par une discrétion très louable, tout ce qui pourrait ressembler à une apologie personnelle. C'est continuer d'uve facon très heureuse, en fait de pathologie car- diaque, la grande tradition médicale de Bouillaud et du Professeur Potain. Elève de ce dernier maître, le D° Barié a appris de lui à joindre à un labeur opiniâtre le mérite de n’en point faire parade. La première partie du Traité de M. Barié est consa- crée à l'étude de la sémiologie cardiaque, c'est-à-dire à l'exposé des signes principaux des affections du cœur et des moyens que nous possédons de les reconnaître, Dans les ouvrages de ce genre, un pareil exposé est nécessaire ; 1l permet aux débutants de s'orienter avec moins de peine dans une étude particulièrement diffi- cile, il nous permet aussi de connaitre la méthode qui a guidé l’auteur et qui légitime ses assertions. Cela est plus indispensable encore quand il s'agit de patholegie cardiaque, sujet que trop d'auteurs se sont plu à obscur- cir. La précision, a netteté et la concision de l'exposé préliminaire de M. Barié remettent heureusement la question à son jour véritable. Nous signalerons, notam- ment, la très concluante étude de l’auteur relative aux souffles cardio-pulmonaires, à leur légitimité, à leur diagnostic différentiel, tels qu'ils résultent des travaux du très regretté Professeur Potain. La plus grande partie de l'ouvrage est naturellement consacrée à l'examen des diverses affections du cœur, aiguës et chroniques, qui peuvent atteindre le péri- carde, les appareils valvulaires, le myocarde, avec leurs causes, les lésions qu'elles provoquent et les com: plications variées qui les accompagnent trop fréquem-" ment, Ici, l’anatomo-pathologiste cède presque toujours le pas au clinicien, c'est-à-dire que M. Barié, préoccupé de faire œuvre utile, a laissé de côté les discussions théoriques qu'ont soulevées les travaux de divers au- teurs, au sujet de l’évolution anatomique des lésions du cœur. Les débutants n'auront qu'à y gagner, mais ceux pour qui ces questions offrent encore un vif intérêt, auraient peut-être eu grand profit à connaître d'une facon plus péremptoire l'opinion personnelle de l’au- teur. Sa compétence nous est un sûr garant de l’avan- tage que notre instruction en aurait tiré. Nous ne louerons pas M. Barié de la forme sous laquelle se présente son livre, de la clarté de son expo- sition. Ce sont là des qualités que nous nous attendions à trouver, mais nous le remercierons beaucoup de l'in- génieuse idée qu'il à eue de présenter, à la fin de chaque chapitre, un résumé récapitulatif des données qu'il conlieut; « c'est, comme le dit Potain, dans la préface qu'il a faite à cet ouvrage, une sorte de manuel aonexé au livre, et ce serait fort à souhaiter que les manuels, toujours associés de la sorte, fussent ainsi un moyen de se souvenir méthodiquement non une facon d'apprendre insuffisamment ». En résumé done, l’ou- yrage de M. le D' Barié, est indispensable à qui veut ayoir une connaissance exacte des affections du cœur. Il fait honneur à l’auteur et à la science médicale fran- caise, Dr H, VAQuEz, Professeur agrégé, Médecin des Hépitaux. 104 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 3 Décembre 1900. L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction publique, la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante au Bureau des Longitudes: 1° M. le vice-amiral Fournier ; 2° M. Félix Arago. — M. Dede kind estélu Correspondant pour la Section de Géomé- trie. — M. Strasburger est élu Correspondant pour la Section de Botanique. 1° SciENCES MATHÉMATIQUES. — M. Bassot annonce que le Parlement français a voté la loi ordonnant la revi- sion de l'arc de méridien de Quito. L’exécution des opérations est confiée au Service géographique de l'Armée et aura lieu conformément aux desiderata du Rapport de M. Poincaré. — M. H. Andoyer indique quelques corrections nouvelles à apporter à la valeur de la longitude de la Lune donnée par Delaunay; elles se rapportent aux coefficients du huitième et du neuvième ordre. — M. Pierre Weiss présente un nou- veau cercle à calcul qui permet d'effectuer simplement les multiplications et les divisions par le déplacement de deux aiguilles sur une échelle logarithmique. 20 Sciences PHYSIQUES. — MM. Brillouin montre queles actions mesurées par les appareils de M.de Eolvos dans les caves d'un bâtiment irrégulier peuvent avoir joué un rôle comme causes d'erreurs dans l'emploi de la balance de Cavendish pour la mesure de la constante de la gravitation ; il a pu en être de même pour la balance de M. Boys. Toutefois, la perturbation a probablement été toujours assez faible. — MM. Popoff et Ducretet ont remarqué qu'en introduisant un téléphone dans le cireuit d’un radio-conducteur et d’une pile, on peut recevoir les signaux hertziens émis à grande distance. Ils ont fait des expériences entre deux stations distan- tes de 500 mètres et ils ont perçu des signaux au poste radio-téléphonique dans des conditions où le poste ordinaire avec relais et décohéreur ne donnait rien. — M. A. B. Chauveau a représenté la variation diurne de l'électricité atmosphérique au Bureau central météo- rologique età la Tour Eiffel par la superposition d'ondes sinusoidales. Les valeurs des coefficients, données par la formule de Fourier, mettent bien en évidence la sépa- ration des deuxrégimes d’hiveret d'été. — M. Lémeray est arrivé théoriquement à la loi suivante: Des volumes égaux de métaux simples au zéro absolu sont encore égaux entre eux aux points de fusion respectifs. Si l’on construit un graphique en portant en abscisses les coefficients de dilatation linéaire À et en ordonnées les températures absolues de fusions T, les point obtenus se rapprochent de l'hyperbole ÀT —0,02.—M. Armand Gautier signale que, dans l’action des acides miné- raux sur le granit en poudre, le dégagement d'hydro- gène gazeux est moins élevé qu'il ne l'avait indiqué précédemment. — MM. C. Chabrié et E. Rengade ont obtenu des aluns d'indium avec le césium et le rubi- dium. Ce fait rapproche l'indium des métaux capables de donner des sesquioxydes, et la propriété de son hydrate d’être soluble dans les alcalis le rapproche plus de l'aluminium que du fer. Toutefois l’acétylacétonate d'indium, nettement cristaMisé, n’est pas volatil et ne peut servir à déterminer son atomicité; ce dernier fait rapproche l'indium du fer et l’éloigne de l'aluminium, dont l’acétylacétonate est volatil sans décomposition .— M. Oechsxer de Coninck a déterminé les densités de quelques solutions de nitrate d'uranium dans l'alcool méthylique et dans l'acide acétique, et il a examiné la stabilité, vis-à-vis de la lumière solaire diffuse, des principales solutions du même sel. — M. T. Klobb à étudié la forme cristalline du chlorosulfate lutéocobalti- que (Co.6AzH*) SO*. CI 3 H°0 et de son isomère le chloroséléniate. La forme primitive est un prisme rhom- bique très voisin du prisme droit à base carrée; l'angle im est de 90°5’. Les laces observées sont: 001,110, 101, 011, 201, 223. — M. G. Flusin a étudié l'osmose de divers liquides organiques à travers une membrane de vessie de porc. Les vitesses d’osmose varient avec les capacités d'absorption de la membrane; la différence d'affinité de la membrane pour les deux liquides avec lesquels elle est en contact semble déterminer le sens « et l'intensité de l’osmose. — M. F. Garrigou a cons-… taté que la méthode de traitement des eaux minérales à la source par l’hydrate de baryte met en évidence l'existence de matières organiques variées: grasses, alcaloïdiques, acides et indifférentes, qui restent en solution ou sont précipitées à l'état de sels barytiques insolubles. — M.J. Wolff a reconnu que de l'alcool méthylique se forme dans la fermentation du jus de divers fruits: cassis, prunes, quetsch, mirabelles, ceri- ses, pommes, raisin blanc et noir (pour ce dernier sur- tout lorsque le jus fermente en présence de la rafle). 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ch. Richet appelle myosérum Où sérum musculaire le liquide rouge, riche en matières protéiques, obtenu par compression de la chair musculaire au moyen d'une forte presse. Ingéré à dose suffisante par les chiens, il les guérit définitive- ment de la tuberculosé inoculée. Par contre, injecté dans la veine ou sous la peau, ilse montre extrêmement. toxique. — M. L. Camus a reconnu que l'injection intra-veineuse de lait de chienne chez le chien peut pro- duire dans un certain nombre de cas l'apparition de substances anticoagulantes dans le sang, comme après les injections de lait de vache. Le phénomène n’est pas constant, car le chien est peu sensible, mais il est absolument hors de doute. — MM. J. Sabrazès et L. Muratet ont fait l’étude des liquides séreux contenus normalement dans la plèvre et le péritoine. du bœuf et de quelques animaux domestiques. Il y à une sorte de concentration des éléments leucocy- taires : les polynucléés neutrophiles et éosinophiles s'y trouvent accumulés en grand nombre, etils sont associés à des lymphocytes et à des macrophages de diverses provenances, — M. G. Bonnier recherche l’origine du méristème vasculaire dans la feuille et compare sa dif- férenciation avec celle des tissus analogues qui se ren- contrent dans la tige. Le limbe aplati de la feuille est exposé à la lumière par sa face supérieureet à l'ombre par sa face inférieure. La face exposée à la lumière de- vient la plus riche en chlorophylle ; c'est de ce côté que se feront surtout l'assimilation et la transpiration chlo- rophylliennes. Lorsque la feuille devient vasculaire, c'est vers la face supérieure, là où un excès d'eau est nécessaire pour les fonctions chlorophylliennes, qu'on voit se former les vaisseaux du bois; les pôles libériens se forment à l'opposé. Les feuilles demeurant cohéren- tes entre elles par leurs bases dont l’ensemble consti- tue la tige, les faisceaux viennent s’y réunir, et alors, dans la tige,le bois se trouve vers l'intérieur et le liber vers l'extérieur. — M, Léon Flot montre qu'entre la feuille et la tige, d'une part, entre le bourgeon, la feuille et la tige, d'autre part, chaque tissu est continu, et que cette continuité doit être étendue au méristème vascu= laire et même à la moelle. Séance du T Janvier 1901. M. Maurice Lévy, président sortant, fait connaitre à | l'Académie l’état où se trouve l'impression des recueils qu'elle dirige.— M. F. Fouqué, vice-président en 1900, … courbe irréductible prise arbitrairement sur la surface . triques. — M. Ed. Defacqz, en fondant le phosphure 9 « la valeur absolue des éléments magnétiques au 1°" jan- “vier 1902, dans les stations de Perpignan, Nice, Parc - Saint-Maur et Val-Joyeux (Seine-et-Oise), Cette dernière . de nouvelles méthodes de synthèse pour les cétones, les ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 105 devient président en 1901. — M. Bouquet de la Grye | 3° SCIENCES NATURELLES. — M. G. Saint-Remy a élu- est élu vice-président pour 1901. — MM. Bornet et M. Lévy sont nommés membres de la Commission cen- trale administrative pour 4901. — M. le Président an- nouce à l’Académie la mort de M. P. Potain, membre de la Section de Médecine et de Chirurgie. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy communiquent leurs observations de la comète 1900 & (Giacobini) faites à l'équatorial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M. P. Choffardet adresse ses observations de la même comète faites à l'Observatoire de Besancon. — M. Emile Picard énonce le théorème suivant relatif aux surfaces n'ayant d'autres singularités qu'une ligne double avec points triples: On peut, sur la surface /, trou- ver un certain nombre À de courbes algébriques irréduc- tibles, telles qu'il n'existe pas d’intégrale de troisième espèce ayant seulement comme lignes logarithmiques toutes ces courbes ou quelques-unes d’entre elles, mais telles qu'il existe une intégrale de troisième espèce n'ayant d'autres lignes logarithmiques qu'une À + {°° etlatotalité ouune partie des premières. — M. H. Min- kowski démontre que, parmi tous les corps convexes ayant une surface de même grandeur, la sphère a: 4° le plus grand produit du volume et de la courbure moyenne, et 2° la plus pelite courbure moyenne, d'où résulte qu'elle a le plus grand volume. D'autre part, si un corps convexe de volume égal à 1 u’est pas un cube avec des faces parallèles aux plans des coordonnées, la moyenne arithmétique des aires de ses trois projections sur les plans des coordonnées est toujours > 1. — M. L. Schlesinger démontre qu'étant donnée une équation linéaire à coeflicients rationnels à points d'in- détermination n'appartenant pas à la classe de M. Fuchs, on peut trouver une équation appartenant à cette classe et liée à la première par une relation dont les coefficients sont des fonctions uniformes en x, satisfaisant à un système d'équations différentielles linéaires homogènes àcoefficientsrationnels. — M. S. Zaremba communique quelques recherches sur la théorie des équations de la Physique mathématique. —M.H. Duport fait connailre une conséquence du théorème des forces vives relative aux actions mutuelles des atomes. 20 SGiENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux indique station a élé créée pour y continuer les éludes entre- prises au Parc Saint-Maur, où les observations sont troublées par les nouveaux réseaux de tramways élec- de cuivre avec le biphosphure de tungstène, a obtenu, vers 1200°, un nouveau phosphure cristallisé, facile à isoler, de formule Tu P; sa densité est de 8, 5. — M. G.-F. Jaubert établit les deux propriétés suivantes du bioxyde de sodium: 1° Il n’est pas d’un blanc pur (comme l'indique le dictionnaire de Wurtz), mais il est franchement jaune clair; 2°1l ne tombe pas en déliques- cence à l'air; de jaune clair, il devient simplement blanc en se transformant en carbonate. — MM. C. Ma- tignon et M. Délépine ont préparé à partir du thorium l'hydrure et l’azolure de ce métal, en le chauffant res- pectivement dans une atmosphère d'hydrogène ou d'azote. L'analyse des produits obtenus indique pour l'hydrure la composition ThH‘et pour l’azoture la com- position Th*Az'. — M. E.-E. Blaise a étudié l’action des nitriles, du cyanogène et des éthers isocyaniques sur les dérivés organométalliques; il est arrivé ainsi à éthers&-cétoniques et les acides, peut-être aussi pour les éthers «-cétoniques et les acides bitasiques. — M. G. Favrela observé que les chlorures diazoïques réagissent sur la méthyl ou l'éthylacétylacétone avec élimination d'une molécule d'acide acétique et formation d'une hydrazone, par suite de l'union du diazoïque avec ce qui reste de l'acétylacétone et transposition moléculaire consécutive. dié le développement embryonnaire du Tænia serrata Goeze. IL a observé des stades plus jeunes que ceux décrits par Van Beneden. — M. Maurice Lugeon à trouvé la racine d’une des écailles préalpines, l’écaille inférieure de la zône interne: c’est la tête anticlinale, extrêmement laminée, d'un pli qui vient de la vallée du Rhône. Cette découverte est une preuve en faveur de l'hypothèse du charriage des Préalpes. L. BRUNET, SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 18 Janvier 1901: La Société procède au renouvellement de son bureau pour 1901, qui est ainsi constitué : Président : M. H. Pellat; Vice-président : M. H. Poincaré ; Secrétaire général : M. Abraham; Vice-secrétaire : M. R. Dongier; Trésorier : M. de la Touanne. M. Cotton présente le nouveau cercle à calculs de M. Pierre Weiss. Cet instrument ne permet de faire que des multiplications et des divisions, mais il est d'une simplicité remarquable. Il comporte une seule graduation logarithmi- que, gravée sur métal, suivant une circonfé- rence de 16 centimèé- tres de diamètre (fig. 1). Sur cette graduation se meuvent deux aiguil- les, l'indicatrice et la multiplicatrice. L'indi- catrice entraine tou- jours dans son mouve- ment la multiplica- trice; celle-ci, au con- traire, peut se mou- voir seule, sans dépla- cer l'indicatrice. Pour faire un produit a X b, on met l'indicatricesur l'un des facteurs 2, et la multiplicatrice, en la faisant mouvoir seule, sur la division {. Puis on les fait tour- ner solidairement jusqu'à ce que la multiplicatrice soit en b; l'indicatrice se trouve alors en a X h. La preuve est évidente, l'espace qui sépare la division 1 du pro- duitah étant égal à la somme des logarithmes de à et de b. On peut, sans lire ce premier produit, le multiplier immédiatement par un troisième facteur c en ramenant la multiplicatrice seule en 1, puis en faisant tourner tout le système jusqu'à ce que la mul- tiplicatrice soit en c. Pour diviser / par », on place l'indicatrice en / et la multiplicatrice en m, et l’on fait tourner les deux aiguilles d’un mouvement solidaire jusqu'à ce que la multiplicatrice soit en 1; l'indicatrice a xb Fig. 1. Schéma du cercle à calculs de M. P. Weiss. donne alors le quotient —+ On voit que la position 1 111 intervient dans toutes ces opérations. On évite le pointé de cette position au moyen d'un butoir facultatif, qui entre en jeu ou est supprimé par un mouvement à res- sort. Cet appareil, qui à été construit par M. E. Wer- lein, permet en somme de faire un rombre quelconque de multiplications et de divisions sans que la précision et la rapidité des opérations soient diminuées par la lecture d’un résultat intermédiaire. On obtient très facilement une précision de 41/2000, même dans les opé- rations compliquées. — M. E. Bouty entretient la Société de ses dernières recherches sur la cohésion diélectique des gaz, recherches qu'il a déjà exposées en partie ici-même®, Il insiste sur la généralité de 1E. Boury : Les gaz envisagés comme diélectriques, dans la Revue du 15 janvier 4901 (voir spécialement pages 38, 39 et 40). 106 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES l'existence du champ critique, au-dessous duquel le gaz se comporte comme un isolant, et au-dessus duquel il livre brusquement passage à l'électricité. Le phéno- mène s'est vérifié pour tous les corps étudiés : air, acide carbonique, hydrogène, vapeurs d'alcool, d'éther, de benzine, de sulfure de carbone, même pour la vapeur d'eau. Le champ critique varie avec la pression des gaz; aux pressions élevées (de 2 ou 3 millimètres jus- qu'à 60 millimètres de Hg), le champ critique croit linéairement avec la pression, et le phénomène peut être représenté par l'équation y — à + bp. Or, et c'est là une analogie remarquable, M. Max Wolf, étudiant l'influence de la pression des gaz sur la différence de potentiel nécessaire pour faire jaillir l'étincelle entre deux électrodes métalliques placées dans ces gaz, est arrivé à représenter le phénomène par une équation semblable. On peut comparer les valeurs de a et de h dans les deux cas, et l'on constate, pour l'hydrogène par exemple, que est presque identique tandis que à est de 40 à 45 fois plus petit dans le cas de M. Bouty que dans celui de M. Wolf. Il est probable que le coet- ficient h est lié à la nature du gaz, tandis que a dépend des électrodes; on comprend que ce dernier soit très élevé dans les expériences de M. Wolf, les électrodes jouant un rôle très actif dans le passage des étincelles, tandis que, dans les expériences de M. Bouty, les parois de verre du récipient ont un rôle tout à fait se- condaire. Aux faibles pressions (inférieures de 2 mil- limètres de Hg), la valeur du champ critique décroit progressivement, passe par un minimum, puis remonte brusquement à un nombre élevé. M. Bouty a cherché à représenter l'ensemble du phénomène par une seule fonction, et il est arrivé après de nombreux tatonne- ments à l'équation : y=a+iVpt ++ qui donne des résultats remarquablement concordants pour tous les gaz étudiés. — M. Bouty résume ensuite les expériences très intéressantes d'un architecte amé- ricain, M. W.-C. Sabine, sur l'acoustique des salles. Lorsqu'un son est émis dans une salle, un auditeur re- coit à la fois l'onde directe et les ondes réfléchies par les parois. Les parois accroissent donc l'intensité dans une mesure qui dépend en graude partie de leur pou- voir absorbant. Pour déterminer ce pouvoir absorbant, M. Sabine a recours à la méthode suivante : Dans une grande salle garnie de sièges en bois, on installe un tuyau d'orgue, actionné par une soufflerie à eau silen- cieuse, et on lui fait donner un son assez intense. Si l’on interrompt brusquement ce son, on constate que la sensation sonore ne cesse pas instantanément dans toute la salle; à cause des réflexions répétées des ondes sur les parois, un auditeur continue à percevoir le son pendant un temps qui peut varier de 2 à 10 se- condes suivant les salles. L'auteur a constaté expéri- mentalement que la durée de ce son résiduel est la même en quelque point de la salle que l’on se place; c’est une constante caractéristique de chaque salle. Si l'on garnit un certain nombre de sièges en bois d'une longueur déterminée de coussins en crin, on constale que la durée du son résiduel diminue par suite de l'ab- sorption plus grande par les coussins des ondes sonores; la diminution est la même quel que soit l'endroit de la salle où l’on ait placé les coussins. Si l’on augmente la longueur des coussins, on constate une nouvelle dimi- nution de la durée du son; l’auteur a reconnu que le phénomène pouvait être représenté par une loi hyper- bolique, ayant, pour la salle considérée, la forme : S13 à : 4t——— , où x est la longueur des coussins; on en 4146 + x déduit immédiatement que le pouvoir absorbant des parois de la salle sans coussins est égal à celui de 146 mètres de coussins. M. Sabine a cherché à repré- senter les pouvoirs absorbants par une unité plus exacte. Si l’on ouvre, dans une paroi d'une salle, une fenêtre de 4 mètre carré de superficie, toutes les ondes qui passeront par celte ouverture seront perdues, et je pouvoir absorbant sera égal à 1. En répétant les expé- riences précédentes et en notant le nombre de m* de fenêtres ouvertes qui produisent la même diminu- tion du son résiduel que des surfaces de diverses sub= stances, on obtiendra le pouvoir absorbant de ces sub- stances dans la nouvelle unité. Voici quelques-uns des résullats de l'auteur : Pouvoirs absorbants. Fenêtre ouverte TEL Revêtement de bois . 0,06% Plàtre sur bois. 2 0,034 Verre. SC EG EN IE APAC AT Auditoire par mètre carre 0,96 — par personne. 0,44 Femme isolée . . 0,5% Homme isolé. x 0,48 Liège . . note Les expériences de M. Sabine ont été faites à Bos- ton dans douze salles différentes dont le volume va- riait de 62 à 9.300 m°. Partout il a vérifié la loi générale : a (pes: Il a reconnu que a varie comme le volume et qu'il est en moyenne égal à 0,171 V. Au moyen de cette formule et des pouvoirs absorbants déjà trouvés, on peut cal= culer d'avance la durée du son résiduel pour uve salle donnée. La meilleure acoustique semble être réalisée lorsque la durée du son résiduel est de 2 à 2 1/2 ses condes. Les intéressants travaux de M. Sabine vont fournir des données nouvelles et posilives aux archi- tectes chargés de la construction des salles d'audition. L. BRUNET. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 28 Décembre 1900. M. Guichard établit que, dans l’action de l’eau sur le pentachlorure de molybdène anhydre, ilse forme une solution renfermant du tétrachlorure de molybdène, de l'acide chlorhydrique et de l'acide molybdique. L’al- tération au contact de l'air de cette solution conduit finalement à l'oxyde bleu. — M. Pouret a étudié l'ac- tion du bromure d'aluminium sur les dérivés chlorés de la série du méthane; il montre que cet agent de synthèse permet de passer facilement des dérivés chlo- rés aux dérivés bromés correspondants avec de bons rendements. — M. Wyrouboff communique les résul- tats de ses recherches sur la constitution des oxalates doubles complexes des sesquioxydes et des monoxydes. 11 est parvenu à obtenir un oxalate de chrome très bien cristallisé et tout à fait insoluble dans l’eau, par consé- quent fort différent de l'oxalate ordinaire soluble et incristallisable. L'oxalate cristallisé s'obtient avec le sulfate ou l'alun, c'est-à-dire avec la molécule normale C12(OH). Chauffé à 1800 il ne garde qu'une molécule d'eau, qui ne peut être éliminée sans décomposition. Il faut donc en conclure que l’oxalate ordinaire, celui qui entre dans la composition des sels complexes, est Gr° 0*(0H}°, On n'obtient pas d'oxalate cristallisé, ni avec le chlorure, ni avec le nitrate, ni avec l’acétate de chrome, ni même avec le sulfate ou l’alun, s'ils ont été chaulfés pendant quelque temps à 30°. IL faut conclure de là que la molécule normale Gr*(0H;° est extrème- ment instable en solution. Elle ne paraît pas exister pour l’alumine et l'oxyde de fer, dont tous les sels trai- tés par les oxalates alcalins donnent des oxalates com- plexes comme le chlorure de chrome ou l'alun de chrome chauffé à 30°, — M. Béhal établit la constitu- tion d’une des cétones qu'il a isolées de l'huile de bois. Elle répond à la formule d'une diméthyleyclohexènone. — M. Job décrit une nouvelle méthode expérimentale pour la mesure de quelques vitesses de réaction. — M. Blaise entretien la Société de l’action des dérivés organométalliques sur les nitriles et les isocyanates. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 107 MM. Moureu et Delange ont réussi à obtenir le nitrile phénylpropiolique dont ils poursuivent l'étude. — M. Léger, en faisant agir le bioxyde de sodium sur les solutions alcalines des diverses aloïnes, à la tempéra- ture du bain-marie, a obtenu les résultats suivants: La barbaloïne fournit un corps cristallisé, fondant exacte- ment à 223-2249, présentant toutes les propriétés de l'alobémodine de MM. Tschireh et OEsterle. L'isohar ba- loïne donne un corps assez semblable au précédent, mais s’en distinguaut par l'aspect différent de ses cris- taux. Ceux-ci, déposés du toluène, sont d’un jaune orangé plus pâle et fondent assez peu nettement de 216 à 2190, L'Aomonataloïne donne un corps tout à fait différent des deux premiers. Il cristallise de l'alcool méthylique en aiguilles jaune d'or, fusibles nettement | à 236-2370. Sa solution dans les alcalis est jaune orangé au lieu d'être rouge cerise. Avec l'acide sulfurique concentré, il fournit une magnilique coloration violette. Chauffé avec la poussière de zinc, il se sublime un corps cristallisé en lamelles blanches légèrement jau- - nâtres qui, oxydé par l'acide chromique, donne un pro- - duil en partie solnble dans les solutions alcalines fai- — bles. La partie soluble peut être précipitée par HCI en - flocons blancs sublimables sans altération. La partie insoluble se sublime en aiguilles iucolores. Ces carac- tères semblent indiquer la présence du méthylanthra- cène dans le produit fourni par l’action de Zn. On sait que ce carbure donne à l'oxydation l’acide anthraqui- none-carbonique, soluble dans les alcalis, l'anthraqui- none et ses homologues étant complètement insolubles dans les liqueurs alcalines bouillantes. La nataloïne se comporte exactement comme l'homonataloine, le pro- duit obtenu fondant à 238-239° et ayant les mêmes propriétés que celui que donne l'homonataloïne. à LE Séance du A1 Janvier 1901. La Société procède au renouvellement de son bureau | pour l’année 1901, qui est ainsi composé : Président : M. Engel ; Vice-présidents : MM. H. Moissan, Gautier, A. Car- not et Auger ; Secrétaires : MM. A. Béhal et G. Bertrand; Vice-secrétaires : MM. A. Hébert et Moureu; Trésorier : M. A. Petit; Archiviste : M. A. Desgrez. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 13 Décembre 1900. …— Séance extraordinaire, dans laquelle M. H.-A. Miers retrace la vie et l'œuvre de Rammelsberg. è Séance du 20 Décembre 1900. M. J.-W. Mellor à étudié la combinaison de l'hydro- gène avec le chlore, et pour interprèter les expériences antérieures sur la question, il a repris l'étude de l’élec- trolyse de l'acide chlorhydrique; il a constaté qu'il se dégage toujours des traces appréciables d'oxygène (0,009 %). — MM. J.-T. Hewitt et J.-H. Lindfield ont nitré les trois toluèneazophénols par l'acide nitrique dilué chaud; dans chaque cas, le groupe nitro est entré dans le noyau phénolique en position ortho par rap- port à l'hydroxyle. Le même phénomène avait été observé pour l'oxyazobenzène et l'acide benzèneazo- salicylique. — MM. J.-T. Hewitt et H.-A. Phillips ont constaté que les ortho-oxyazo composés se comportent vis-à-vis du brome comme de vrais oxyazo composés. Ainsi le benzèneazo-p-crésol, dissous dans l'acide acé- k tique glacial avec un excès d'acélate de soude, puis bromé, done du benzèneazo-0-bromo-p-crésol. — « M. W. Rose Innes à employé la pyridine à la déter- … mination des poids moléculaires par la méthode ébul- liscopique; la constante est de 29,5. Les acides, les … alcools et les phénols donnent des poids moléculaires normaux. La pyridine ne favorise donc pas l'association des substances dissoutes. MM. A.-W. Gilbody et - C.-H.-G. Sprankling ont préparé l'acide p-éthoxyphé- l nylsuccinamique et ses dérivés alkylsubstitués; deux formules peuvent être prévues théoriquement pour les dérivés asymétriques, mais une seule, la formule (I), à élé observée : R.CH.COH CH?.CO°H | R.CH.CO.AzH.CSH*.0C1HS (11) | CH>.CO.AZH .CSH‘OC2H° (I) Les sels des dérivés supérieurs de la série n'ont pu être obtenus, à cause de la formation de composés cycliques du groupe de la pyrantine : HE.CO CH.CO SEE Les auteurs en ont profité pour préparer une série de dérivés substitués de la pyrantine, soit dans le noyau succinimique, soit dans le noyau benzénique, et pour en déterminer la stabilité. Ils ont trouvé que l'intro- duction de groupes méthyle dans le noyau gras diminue dans une grande proportion la stabilité, tandis que l'in- troduction de ces mêmes groupes dans le noyau aro- matique l’augmente. — M. F. Stanley Kipping relate quelques expériences analogues à celles rapportées récemment par MM. Cohen et Whiteley,et entreprises dans le but de préparer directement des quantités iné- gales de deux substances énantiomorphes en synthé- tisant un atome de carbone asymétrique en présence ou en combinaison avec un composé actif, dans l'espoir que ce dernier exercerait quelque action directrice sur les atomes ou groupes entrant en combinaison. Les résultats ont été également négatifs, probablement à cause d’une racémisation ivtervenant dans l'hydrolyse du produit original. — M. Alf. Senier présente un appareil destiné à la préparation de l’oxyde nitrique par action de l'acide nitrique sur le cuivre. La pro- duction d'oxyde nitreux y est évitée en éloignant le nitrate de cuivre et l'eau à mesure qu'ils se forment. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM 1900. 4° SGIENCES MATHÉMATIQUES. — Rapport de MM. W, Kapteyn et J. C. Kluyver sur un mémoire de M. K. Bes, intitulé : L'équation finale. On obtient l'équation finale des équations 9 — 0, d — 0, où # et Ÿ sont des fonctions homogènes en trois variables respectivement d'ordre /, m, par l'élimination d’une des trois variables. A côté de l'équation finale, l'auteur considère une équation déduite de y—0, ÿ—0, linéaire en une des trois variables, qu'il appelle équation terminale. 1° Deux méthodes d'élimination. 2° Extension des méthodes au cas de trois équations à quatre variables et à celui de » équations à n+1 variables. Solution nouvelle du problème, résolu par Liouville, de la détermination de la valeur d’une fonction homogène arbitraire quand on y substitue un système de valeurs commun à 2 équations homogènes à 2-1 variables. 30 Elimination de n—1 variables, étant données n équations à 2 +n! variables. Les méthodes employées ici sont en relation intime avec un mémoire anté- rieur (Rev. gén. des Sc.,t. X, p. 886). Le travail paraitra dans les publications de l’Académie, M. Schoute présente la thèse de A. Toxopens «Inlei- ding tot de bepaling van het aantal kwadratische hyperuimten in de ruimte van vijf afmetingen » (In- troduction à la détermination des nombres des hyper- quadriques dans l’espace à cinq dimensions). 20 ScieNcEs PHYSIQUES. — M. H. A. Lorentz : La théorie du rayonnement et la seconde loi de la Thermo- dynamique.Si un corps pondérable quelconque M occupe une partie de l’espace enfermé dans une enceinte à parois parfaitement réfléchissantes, l'éther contenu dans la partie restante de cet espace sera parcouru dans tous les sens par des rayons de différentes lon- gueurs d'onde. L'énergie par unité de volume (la densité Ne | >Az CH2.C0/ Séance du 29 Décembre 108 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de l'énergie) de l'éther pourra être représenté par l'intégrale (T,À)dX indiquant la part de cette énergie qui appartient aux rayons dont les longueurs d'onde sont comprises entre À et À dx. En supposant que chaque rayon qui se propage à l'intérieur de l'enceinte finit, après un nombre plus ou moins grand de réflexions, par rencontrer le corps M et que ce dernier possède un certain pouvoir absorbant, quelque faible qu'il soit, pour toutes les longueurs d’onde qui existent dans la radiation d'un corps « absolument noir » de la tempé- rature T, on est arrivé depuis longtemps au théorème important que la fonction /(T,2) doit être entièrement indépendante de la nature particulière du corps M. C'est là une conclusion rendue inévitable par le prin- cipe de Carnot. En se servant de ce même principe, M. Boltzmann a démontré que la densité totale y de l'énergie est proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue, et M. W. Wien a fait voir que la fonction universelle /(T,A) doit être de la forme f(T,À) —T'o (TA), & étant une fonction du produit TA. Or, cet état de l’éther est caractérisé non- seulement par la densité x de l'énergie, mais aussi par certaines longueurs déterminées. On peut considérer, par exemple, la longueur d'onde },» pour laquelle la fonction /(T, À) est maximum; en vertu de la loi de Wien, elle est inversement proportionnelle à T. Si l'on admet que, en ce qui regarde l'éther, une explication des phénomènes n'exige autre chose que les équations bien connues du champ électromagnétique, il n y a que la vitesse de la lumière qui soit déterminée par les propriétés de ce milieu. Les valeurs de x et de Au doi- vent alors dépendre de la nature du corps pondé- rable M, et, tous les corps pondérables donnaut lieu aux mêmes valeurs de ces quantités, il doit y avoir une certaine ressemblance entre ces corps différents; il faut même que, à températures égales, cette ressemblance puisse s'exprimer par l'égalité numérique entre des grandeurs qui se rapportent à la constitution intime des corps. Sans cela on ne pourrait même pas com- prendre que l'équilibre de température entre deux corps, aprés s'être établi par le contact, subsiste encore, si on les expose à leurs radiations mutuelles. Il est permis de croire qu’on pourra rendre compte des phénomènes de l'émission et de la radiation en consi- dérant les corps pondérables comme des systèmes de petites particules mobiles, dont quelques-unes, les électrons, portent des charges électriques. On peut écrire les équations qui détermineront l'état de l'éther dès qu'on connaît le mouvement des électrons, et on peut s’'imaginer qu'on à également établi les équations du mouvement de ces particules elles-mêmes. Malheu- reusement le problème est très compliqué et il est difficile de pénétrer dans le mécanisme des phénomè- nes. On peut cependant examiner quelles modifications des dimensions, des masses, des charges électriques sont compatibles avec les lois de Boltzmannet de Wien. A côté du premier système $S, composé du corps Met de l'enceinte dont il vient d'être question, l’auteur considère un second système S'. On obtient les dimen- sions, les densités de la matière pondérable et celles des charges électriques dans ce second système en multipliant respectivement par a, b, ce les quantités correspondantes du premier système, chacun de ces trois facteurs ayant une valeur constante. On admet l'égalité des vitesses dans S et S' et on suppose qu'on puisse donner aux forces moléculaires dans ce dernier système les intensités requises par les valeurs à, b, e. Alors, le mouvement de S', qui est impliqué dans ce qui vient d'être posé, pourra exister réellement sous la condition L—4c?; de plus pour que $ et S' satisfas- sent à la loi de Boltzmann, il faut qu'on ait ae —1, ce qui exprime que les charges électriques ont les mêmes valeurs dans les deux systèmes. Evidemment il se pourrait qu'on n'eut pas la faculté de disposer libre- ment des dimensions et masses des électrons, et des forces qui les sollicitent. Si, par exemple, les électrons avaient des dimensions constantes, les mêmes dans. tous les corps, et si cette égalité contribuait à rendre identique les états de l’éther provoqués par différents corps pondérables, il ne serait pas permis de supposer le facteur a différent de l'unité. On aurait alors h — 1, c— 1 et on ne pourrait, dans ce cas, arriver à aucune conclusion, le système S’ ne se distinguant pas de S. Si, d'un autre côté, les masses et les charges des électrons conservaient toujours le même rapport les unes par rapport aux autres, il faudrait = €, ce qui conduirait de nouveau à a — b= ce — 1. Mais il faut remarquer que, si les dimensions des électrons ou les rapports entre leurs charges etleurs masses devaient être les mêmes dans tous les corps, il ne serait que rationnel d'admettre que les valeurs absolues des charges et des masses le fussent également. Ainsi l'on est toujours amené à admettre que les électrons de différents corps pondérables sont égaux entre eux, et que si l’un de ces corps contient plusieurs espèces d'électrons, chacune de ces espèces se retrouve dans tous les autres. On peut comprendre alors comment tous les corps peuvent donner lieu aux mêmes valeurs de & et de À." À une tempéralure déterminée l'énergie cinétique moyenne w d’une molécule est la même dans tous les cas, Or, cette énergie, combinée avec la charge e d’un électron, peut servir à déterminer une cerlaine longueur. On peut ainsi se demander quel doit être le rayon R d'une sphère pour que la charge e, répandue uniformément sur sa surface, donne lieu à une énergie électrostatique égale à w. La longueur d'onde }» pour- rait être un certain multiple de ce rayon R; elle deviendrait ainsi inversement proportionnelle à w, c'est-à-dire à la température T, conformément à la loi de Wien. Quant à y, cette quantité pourrait être déter- minée par la condition que l'énergie contenue dans un cube, dont ?,, est l’arète, fut égale à un certain nombre de fois l'énergie y, ce qui serail en accord avec la loi de Boltzmann. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M. E. van Everdingen jr: Le phénomène de Hall et la résistance de cristaux de bismuth dans le champ magnétique et en dehors. (Suite ; voir Aev. gén. d. Se. t. XI, p. 1251). Ici l’auteur donne les résultats complets sur le coefficient de Hall, la résistance du bismuth cristallisé dans le champ magnétique el en dehors, les résistances suivant les axes et suivant d'au- tres directions particulières. Il résume ces résultats dans la forme suivante : Pour le bismuth cristallisé, le coefficient de Hall est considérable pour une force magnétique normale à l'axe principal et insignifiant pour une force magnétique parallèle à cet axe: le coeflicient pour une force magnétique de direction quel- conque se déduit de ces deux cas à l'aide d’un ellip- soïde. En dehors du champ magnétique, les résistances dans le bismuth cristallisé se déduisent pour toutes les directions à l’aide d’un ellipsoïde de révolution, l’ellip- soïde de la conductibilité ; proportion des axes de 5 à 3. Dans un champ magnétique parallèle à l’axe principal, on a affaire à un ellipsoide de révolution à axes peu différents; dans un champ magnétique normal à l'axe principal, il y a un ellipsoïde à trois axes plus différents l’un de l’autre. Dans un champ magnétique de direction quelconque, on trouve un ellipsoide à trois axes iné- gaux dont on obtient les axes par superposition des! cas principaux. En général les résistances d'une plaque de bismuth, en deux directions perpenticulaires l'une à l’autre dans le champ magnétique, s’accroitront d'une manière inégale, ce qui explique l'asymétrie du phé- nomène de Hall. (à suivre.) P. H. ScHouTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. : hi 42° ANNÉE DIRECTEUR : NORD 15 FÉVRIER 1901 o Revue générale D Cienc pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $ 1. — Nécrologie Charles Hermite. — Charles Hermite est né à Dieuze le 24 décembre 1822, sur celte terre lorraine si cruellement mutilée par la guerre de 1870. Le génie mathématique, comme le génie artistique, est presque toujours précoce : déjà la composition d'Hermite au Concours général en porte la marque par de fins aper- eus sur le Théorème de Descartes. Deux ans après, à peine entré à l'Ecole Polytechnique, Hermite fait une lécouverte qui le place au premier rang des analystes de son temps. La théorie des fonctions elliptiques, née” de l’idée géniale d'Abel sur l’inversion de l'intégrale elliptique, était dans son plein épanouissement: Jacobi, en montrant comment il fallait étendre le protlème de Pinversion à deux systèmes de deux intégrales ultra- elliptiques, avait indiqué l'existence des fouctions abé- …liennes à deux variables et à quatre paires de périodes; peu à près, Gôpel et Rosenhain avaient découvert les _ “xpressions analytiques permeltant de construire ces - fonctions. À ce moment, en 1842, où l'importance des “nouvelles transcendantes était à peine entrevue, un - jeune polytechuicien de première année, Charles Her- - mite, envoyait à Jacobi, par l'intermédiaire de Liou- - ville, la résolution du problème de la division des fonc- {ions abéliennes; voici comment Jacobi répondait à cet _ envoi: Kænigsberg, le 24 juin 1842. « Je vous remercie bien sincèrement de la belle et …_ importante communication que vous venez de me faire touchant la division des intégrales abéliennes. Vous - vous êtes ouvert, par la découverte de cette division, un “aste champ de recherches et de découvertes nouvelles qui donnent un grand essor à l'art analytique... Je vous … prie de faire, bien mes compliments à M. Liouville : je “lui sais bon gré d'avoir bien voulu me procurer le grand … plaisir que j'ai ressenti en lisant le Mémoire d’un jeune “…séomètre dont le talent s'annonce avec tant d'éclat dans ce que la Science a de plus abstrait. » —…. Ce «talent » était du génie: Hermite devait égaler “les plus grands géomètres. A partir de 1842, ses décou- -vertes se succèdent ininterrompues dans une vie uui- — quement consacrée à la méditation et au travail. ( Pr REVUE GÉNÉRALE DES S IX :E£:, FCO. k LV a CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Hermite publie d’abord des recherches sur la trans- formation des fonctions abéliennes; puis, avec Cayley et Sylvester, il crée et développe la théorie des formes algébriques : il découvre en particulier une loi de réci- procilé entre les covariants des diverses fonctions, par où il ouvre dans cette théorie un grand et fécond champ de recherches. En même temps, par ses Mémoires sur l'introduction des variables continues dans la Théorie des nombres, où semblait devoir régner exclusivement la discontinuité, Hermite raltachait les admirables dé- couvertes de Gauss à un ordre d'idées nouveau qui lui permettait de les poursuivre dans un plus vaste domaine. Nous rencontrons ici une vérité qu'Hermite fait res- sortir dans lous ses (ravaux et qu'il se plaisait à répéter dans son enseignement : c'est l'unité profonde des Mathématiques, depuis la Physique mathématique jus- qu'à la Théorie des nombres; c'est l'appui mutuel que se prêtent les diverses parties d'une même Science, la Théorie es variables continues à l'Arithmétique supé- rieure, la Géométrie aux problèmes a'intégration, la Théorie des fonctions à la classification des incommen- surables. C’est ainsi que l'étude des formes arithmé- tiques conduisit Hermite à la découverte de groupes discontinus de transformation, de la nature de ceux que deux éminents mathématiciens francais ont em- ployés, plus tard, pour la construction des fonctions fuchsiennes et hyperfuchsiennes. Hermite à, d’ailleurs, étudié d’une manière approfondie le type le plus simple de ces fonctions : la fonction modulaire; son nom reste ainsi lié à ces nouvelles fonctions, dont ila fait une application d’une importance capitale à la résolution de l'équation du cinquième degré. Il ne s’agit pas là d'une résolution numérique qui peut se faire approximati- vement pour un degré quelconque, mais de la mise en évidence des relations qui unissent les cinq racines entre elles et caractérisent leur mole d'existence pour donner une idée de la méthode d'Hermite, qu'il est impossible d'analyser ici, on peut dire qu'elle pré- sente une analogie lointaine avec la méthode élémen- taire de résolution trigonométrique de l'équation du troisième degré. Quoique arrivé à la vie scientifique dans un fenps où les principales propriétés des fonclions elliptiques étaient déjà découvertes par Abel et Jacobi, Hermite 3 110 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE a fait faire de grands progrès à la théorie de ces fonc- tions en la ramenant à quelques principes généraux avec l’aide des méthodes de Cauchy : on lui doit notam- ment une formule de décomposition en éléments simples essentielle pour l'intégration, une étude approfondie des fonctions qu'il a appelées doublement périodiques de deuxième et de troisième espèces; ici encore se rencontrent de belles applications, bien inatt:ndues, à l’Arithmétique : des identités entre des séries obte- nues dans la théorie des fonctions doublement pério- diques conduisent, avec une facilité surprenante, à des théorèmes profonds sur lathéorie des nombres. En 1885, parut un ouvrage d'Hermite intitulé : Sur quelques applications des fonctions elliptiques; le point de départ de ces applications est l'intégration d'une équation différentielle du deuxième ordre, appelée équa- tion de Lamé; Hermite montre que celte équation peut toujours être intégrée par des fonctions doublement périodiques de deuxième espèce : il rattache ensuite à cette intégration de nombreuses applications des fonc- tions elliptiques à la Mécanique et à la Physique mathé- matique. Cet ouvrage, en dehors de son immense intérêt analytique, a été de la plus grande utilité aux méca- niciens et aux astronomes. Dans cette rapide revue, nous nous limitons aux idées essentielles, nous ne montrons en quelque sorte que les sommets; c'est pourquoi nous ne pouvons pas- ser sous silence un travail qui apparait comme un roc isolé et splendide dans le domaine presque inexploré des incommensurables : les recherches d'Hermite sur la généralisation des fractions continues ont été cou- ronnées par la démonstration de la transcendance du nombre 6, dans un Mémoire qui est un modèle de pro- fondeur et d'élégance; les méthodes créées à cet effet par le génie d'Hermite ont permis, peu après, à un géomètre allemand, d'établir la transcendance du nombre x, c'est-à-dire l'impossibilité de la quadrature du cercle. Après le savant, l'homme et le professeur. Hermite ! Quel mathématicien contemporain n'évoque à ce nom une figure puissamment expressive, au front génial, aux yeux profonds, comme fixés sur un monde mysté- rieux, invisible aux profanes! Pour Hermite, les Mathé- matiques avaient une existence propre, extérieure au penseur : elles formaient un monde d'harmonieuse fala- lité, qui était comme le support de l'univers matériel. Spiritualiste convaincu, il pensait que l'âme aurait un jour la révélation complète de ces harmonies mathé- matiques dont un reflet seul est accessible à l'intelli- rence humaine. Son influence sur le mouvement ma- ématique du x1x° siècle a élé capitale, non seulement pa lécouvertes et ses publications, mais par l'exemple de sx vie entièrement consacrée à la Science, par les conseils personnels et directs qu'il ne refusait à aucun chercheur, par lès idées et les encouragements bienveillants qu'il donnait à ses élèves en pénétrant dans leurs vues plus loin qu'ils ne le faisaient eux- mêmes. Cette influence s'étendit au monde entier, et la correspondance mathématique d'Hermite, si elle pou- vait êlre recueillie et publiée, constituerait comme le tableau de la vie mathématique des soixante dernières années du siècle. Les sentiments des mathématiciens du monde entier se manifestèrent à cet égard d'une façon éclatante, à l'occasion du soixante-dixième anni- versaire de la naissance du grand géomètre : en 1892, un Comité de mathématiciens étrangers et francais se forma et ouvrit une souscription dans le but d'offrir à Hermite, en témoignage de respectueuse admiration, une médaille à son effigie, dont l'exécution fut confiée à M. (haplain. Pas un mathématicien ne resta étranger à la sou tage constitué de la manière suivante : une tige,“ recevant continuellement de la machine un mouve« ment oscillatoire, porte deux cliquels qui sont sus= ceptibles de faire MOUVOIT UNE TOUE À rochels, et celle-ci, en tournant, agit sur la valve. Mais, à l'état de régime, une pièces auxiliaire, comman- (5 dée par le régulateur, maintient les cliquetsM écartés de la roue: Quand le régulateur« o s'écarte de sa position moyenne, il aban- donne l’un des cli- quets, qui fait alors le sens convenable: Le second cliquet in= tervient d’une ma nière analogue, quand il y à lieu dem faire tourner la roue« dans le sens opposé. La régularisation ob= tenue par ce procédé se fait par petites sac= cades, sans jamais dépasser sensible ment le but, et, par conséquent, sans avoir à craindre l'ap= parilion d’oseil= lalions à longue pé- riode, mais elle est nécessairement aSSeZ lente. Une méthode toute différente, el qui donne, au con- traire, un réglage ex- trèmement prompt, consiste àmeltre sous la dépendance du ré- Les choses se pas- gulateurle tiroir d'ad- sent à peu près com- me pour un bouchon de bouteille, qu'on enlève plus facilement par un mouvement hélicoï- dal que par une traction directe, Quand on veut établir une valve d'étranglement mue par l’action indirecte du régulateur, on charge celui-ci d’embrayer ou de débrayer, en temps utile, un engrenage mû par la machine et relié à la valve, Fig. 6. — Reégulaleur Tremper. mission d’un petit cy- lindre auxiliaire dont le piston est solidaire de la valve. Dans ce cas, on évite la trop grande brutalité d'action en ayant recours au procédé du servo-moleur, imaginé, comme l'on sait, par Far- cot. La figure 5 montre un appareil de ce genre: Les appareils dits compensateurs constituent une solution intermédiaire entre l’action directe eb tourner la roue dans RUDOLEF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL 131 l'action indirecte : le manchon est relié cinémati- quement à la valve; mais cette liaison n’est pas invariable et, dès que le manchon se déplace par l'effet d’une variation de vitesse, un engrenage entre en jeu pour modifier progressivement la liaison et permettre ainsi le retour graduel à la vitesse primitive de régime. Au lieu de faire agir le régulateur sur une valve l'étranglement, on peut le charger de manœuvrer une détente variable. Ge n’est pas ici le lieu de dis- cuter les avantages et les inconvénients respectifs «de la détente fixe ou variable. Bornons-nous à cons- tater que les régulateurs de la détente comptent de nombreux partisans. La principale difficulté con- siste à oblenir du régulateur une puissance sufti- sante et, en outre, à meltre l'appareil à l'abri des réactions provenant du tiroir. Nous avons déjà signalé cette difficulté en parlant des régulateurs dans le volant. Il faut, autant que possible, élablir un mécanisme zon réversible, c'est-à-dire faire en sorte que le régulateur soit capable de conduire l'organe de détente, sans que celui-ci puisse dé- placer le régulateur. Les machines à déclic, du type Corliss, par exem- ple, qui sont toujours en grande faveur, sont pourvues de régulateurs agissant sur la détente; le rôle du régulaleur consiste alors à modifier, quand il y a lieu, la position des organes de dé- clic, pour que les obturateurs d'admission soient déclanchés à l'instant convenable. Au moment du déclanchement, il se produit nécessairement un choc qui pourrait, si l’on n’y prenait garde, impri- mer au régulateur des oscillations fâcheuses. Quelques régulateurs sont disposés pour trans- former une machine à détente fixe en machine à détente par déclic. La figure 6 se rapporte à ce cas. L'appareil se monte sur la conduite de vapeur, au voisinage de la boîte à tiroir; il porte à sa base une soupape qui, au repos, ferme complètement la con- duite. Un levier oscillant, bien visible sur la figure, donne un mouvement alternatif à deux cames qui viennent à tour de rôle soulever la tête de la sou- pape. Le soulèvement cesse à l'instant où la came, qui est en prise, vient buler contre un taquet attaché au manchon du régulateur, et les boules ont pour fonction d'amener ce taquet à la hauteur voulue. IV En somme, si les types de régulateurs se sont indéfiniment multipliés, on ne rencontre depuis dix ans, dans cette partie de la Mécanique appli- quée, aucune invention fondamentale : il y a eu sur- tout des perfectionnements de détails; en même temps, les constructeurs se sont mieux rendu compte de la nécessité d'établir une corrélation convenable entre le régulateur et la machine, mais ils ne sem- blent pas être encore sortis de la période des läton- nements, et ils auraient grand intérêt à s’aider un peu plus des lumières qu'une théorie bien com- prise est susceptible de projeter sur celte délicate question. Ils auraient intérêt également à insti- tuer, avec le concours des théoriciens, des expé- riences méthodiques pour élucider les points qui demeurent encore obscurs. Quelques tentatives ont déjà été faites ; il importerait de les reprendre et de les compléter. Il y a là un beau champ d'é- tudes pour les laboratoires de Mécanique. L. Lecornu, Ingénieur en chef des Mines, Professeur à l'Ecole des Mines, UNE NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL ‘ Quand on considère les expériences que l'on a faites, pendant ces dernières années, en de nom- breux endroits, pour perfectionner la télégraphie par ondes électriques, on peutremarquer que le but que l’on s'était proposé était d'atteindre les plus grandes distances possibles pour la communication entre deux-stations non réunies par des fils. Pour y parvenir, il fallait donner une très grande puissance 4 Cetessai contient un résumé général d'une communi- cation que l’auteur a faite au Congrès international d'Électri- cité à Paris, août 1900, sur « la dirigeabilité des appareils pour la télégraphie par ondes électriques «. électrique aux appareils générateurs de la pre- mière stalion, et une très grande sensibilité pour, les effets des ondes électriques aux appareils ré- cepteurs de la seconde station. On peut le dire, des progrès considérables ont élé réalisés surtout par l'emploi des antennes. Toutefois, on n’a pas fait, jusqu'ici, d'études exactes sur les phénomènes qui se passent dans le milieu compris entre les antennes des deux stations pendant le fonctionnement des appareils. Il est, cependant, évident que l'étude de ces phénomènes peut être d'une grande importance pour le dévelop- 132 pement de la télégraphie par ondes électriques, sans parler de l'intérêt qu'il y aurait pour les expé- -rimentateurs à se rendre compte ou, au moins, à se faire une idée de ce qui se passe entre les appa- reils qu'ils font fonctionner. Il m'a done semblé . utile d'essayer d'apprécier le rôle que joue le milieu dans cette nouvelle sorte de télégraphie élec- trique. [ Quel est ce milieu? C'est sans doute cette part de l'atmosphère de notre planète qui sépare les appa- reils aux deux stations. D'après cela, il convient de comparer la propa- gation des effets produits par les appareils généra- teurs aux phénomènes connus en électricilé atmos- phérique : on ne supposera pas qu'il s'agit seulement des lois de la propagation des ondes électriques LL — NN Fig, 4. — Variations de la distribution des surfaces équipo tentielles avec les accidents du relief terrestre. dites hertziennes, car ces lois sont les mêmes que celles de la propagation de la lumière. Or, l'étude de l'électricité atmosphérique nous a appris que la Terre elle-même a un potentiel constant, auquel on peut attribuer la valeur zéro, quand on ne considère pas les phénomènes cé- lestes. En montant dans l'atmosphère, on atteint des points possédant des potentiels différents; en réunissant les points de même potentiel, on trace des surfaces, nommées surfaces équipotentielles, qui entourent la Terre comme les enveloppes d'un bulbe entourent le bourgeon central. La succes- sion des surfaces équipotentielles n’est troublée par aucun corps, quel qu'il soit, qui s'élève dans l'atmosphère, si, loutefois, ce corps est d'assez petite largeur; mais lorsqu'il s’agit d'objets de grandes dimensions, les surfaces équipotentielles les plus basses se resserrent autour de cet objet; tel est le cas d’un édifice isolé, d'un bois, d’une montagne; le sommet de la montagne a le poten- tiel de la Terre, et non le potentiel d’un point situé dans l'air libre à la même hauteur au-dessus du sol. Le potentiel d'un point dans l'air libre peut être mesuré. en joignant ce point avec le sol au moyen d'un fil métallique porté en haut par un aérostat ou un cerf-volant (fig. 4). Le sommet du fil prend RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL -le potentiel de son entourage, la base du fil a le poténtiel de la Terre, et l'on remarqué un flux d'électricité le long du fil; c'est ce que Franklin a démontré il y a environ un siècle et demi. Le potentiel qu'on trouve ainsi n’est pas tou- jours le même : il est soumis à des variations tem-= poraires, dont les écarts les plus grands correspon= dent aux temps d'orage. On sait que les orages jouent le rôle d'un appareil généraleur pour la télégraphie par ondes électriques : ils produisent. donc, aux antennes de la station réceptrice, les mêmes effets que les fluctuations de l'électricité créées par les appareils générateurs le long des antennes de la station de départ !. Les appareils générateurs de la première station produisent le même effet qu'un orage. Quand on met en marche ces appareils, des oscillations élecz triques se propagent le long de l'antenne: cepen- dant, ces oscillations ne restent pas seulement à l'intérieur de l'antenne, mais elles se dispersent aussi à d'entour de l'antenne dans l'atmosphère: d'après la Lhéorie de Faraday, elles ne pénètrent méme pas dans les antennes et se répandent seu= lement à l’entour. La direction des oscillations est celle de l'antenne elle-même. Done l'équilibre des surfaces équipotentielles percées par l'antenne est dérangé de la mème façon que l'équilibre d’une surface liquide, quand une pierre tombe d'une hauteur considérable dans le liquide. De même que la pierre, en percant la sur- face liquide, produit des ondes qui s'étendent sur l'eau radialement à la surface, pendant que les molécules d’eau, sans éprouver de translation, se déplacent en haut et en bas, c'est-à-dire dans la même direction que la pierre dans sa chute : — ainsi dans l'atmosphère qui entoure l'antenne de la première station se produisent des oscillations. ou des dérangements des surfaces équipotentielles; et leur direction est parallèle à l'antenne, tandis que la propagation est perpendiculaire à cette direction. Supposons un morceau de bois nageant à la sur- face liquide à quelque distance de l'endroit où la pierre a percé la surface : il se déplacera pendant quelque temps en haut et en bas: et ce mouvement peut être regardé comme un signe de la production d'une onde liquide au voisinage. Cela ressemble aux phénomènes de la télégraphie par ondes élee= triques. Le long de l'antenne de la première stas tion, des oscillations électriques sont produites : elles se propagent par surfaces équipotentielles, en 1 Il est très intéressant de remarquer que. dans les pre- mières expériences, où l'on a fait usage d'un tube Branly pour signaler des oscillations électriques produites à une très grande distance, c'étaient les orages quiremplaçaient les appareils générateurs. (Expériences de M. Popolf en 1895.) 38 æ RUDOLF BLOCHMANN — NOUVELLE THÉORIE DE LA TÉLÉGRAPHIE DITE SANS FIL 133 dérangeant l'ordre normal, et elles sont reçues aux antennes de la seconde station, qui sont, en géné- ral, parallèles à celles de la première station, et Fig. 2. — Transmission des ondes électriques le long des - surfaces équipotentielles. — G, g, Station et antenne trans- mettrices ; R, r, station et antenne réceptrices. Les flèches doubles représentent les oscillations de haut en bas et de bas en haut qui se propagent le long des lignes équipo- tentielles. rendues apparentes par les appareils spéciaux de la station réceptrice (fig. 2. II J'apporte à la démonstration de ma théorie des arguments spéciaux. Certains phénomènes sont difficiles à expliquer en supposant que les oscilla- lions électriques, propagées par les appareils gé- nérateurs possédant des antennes, suivent les lois de la propagation de la lumière. On les explique très bien, au contraire, en adoptant ma théorie. Noici, en effet, quelques faits positifs : 1° Entre deux stations situées à l’intérieur du continent, on n'a pas encore transmis de télé- gramme à une aussi grande distance qu entre deux - stations séparées par la mer ; 929 Quand l'une des deux stations était installée à une hauteur assez différente de l’autre, on a obtenu de moins bons résultats que lorsque les deux sta- « Lig. 3. — Mauvaise transmission des ondes entre deux anten- . nes, siluéez à la même hauteur, mais non surles mêmes surfaces équipotentielles. Lions se trouvaient à peu près à la même hauteur ; . 3° Par des antennes dirigées horizontalement … on n’augmente pas considérablement les effets ; … %° Eninstallant une station au pied d’une falaise et en employant une antenne qui va du pied de la falaise au sommet et même plus haut, on trouve que l'efficacité de l’antenne n’est pas proportion- nelle à la somme des hauteurs de la falaise et de l'antenne en air libre, mais moindre (fig. 3): 5° On a déjà transmis des télégrammes par ondes électriques à des distances plus grandes qu'il ne serait possible, en raison de la courbure de la Terre, si la propagalion des ondes élait complètement rectiligne (fig. 4). Le premier argument et le second Sont basés sur des observations très connues. On peut se figurer que des surfaces équipotentielles réguliè- rement distribuées transmettent le mieux possible les ondes produites par une oscillation électrique. Or, au-dessus de la vaste surface d’eau représen- tée par la mer, on a des surfaces équipolentielles offrant la plus grande régularité possible, tandis qu'au-dessus du continent terrestre, avec ses bois, ses collines, ses montagnes, la situation des sur- faces équipotentielles est beaucoup moins régu- lière. On ne peut done s'élonner qu'on alteigne des résultats meilleurs à la mer que sur le continent. Fig. 4. — Preuve de la transmission des ondes par les sur- laces équipotentielles entre deux stations G et R pour les- quelles la courbure de la terre empêche la transmission eu ligne droite. C'est surtout sur les haules monlagnes que l’or- dre des surfaces équipolentielles est le plus compli- qué. Et en effet, on ne réussit pas bien en installant sur les montagnes des stations pour la télégraphie par ondes électriques : c'est ce que l'on a trouvé dans des expériences faites au Mont Blanc et à la Zugspilze. Quant au troisième argument : en invoquant seu- lement les lois de la propagation de la lumière, il serait difficile de comprendre pourquoi des an- tennes étendues horizontalement ne produisent pas un renforcement semblable à celui qu'on obtient avec des antennes (tendues verticalement et de mème longueur. Mais, d'après la théorie développée ci-dessus, il est clair qu'il ne peut y avoir aucun intérêt à join- dre aux appareils des antennes parallèles aux sur- faces équipotentielles et ne les perçant à aucun endroit. Plus il y aura de surfaces percées, plus l'efficacité sera acerue, les autres circonstances res- tant égales. à D'après ce théorème, basé sur notre théorie, on peut, d’ailleurs, formuler une règle pratique pour la position des.antennes en tout cas spécial. 13% A. ETARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE Ainsi, conformément à l'argument 4, la longueur d’une antenne conduite le long d’une falaise sera presque inefficace, parce qu’elle se trouve parallèle aux surfaces équipolentielles, qui sontelles-mêmes, en ce cas, à peu près verticales. On ne peut done s'étonner de ce fait, qu'on a observé en plusieurs endroits des falaises des côtes de l'Angleterre. Quant à l'argument 5, nous nous rappelons qu'on a réussi à recevoir une communication télégra- phique par ondes électriques à une distance de plus de 100 kilomètres en n'employant que des antennes de 40 mètres de hauteur. Or, pour voir du sommet de l'antenne d'une sta- tion le sommet de l'antenne de l’autre, il faudrait que les antennes eussent une hauteur supérieure à 200 mètres à chaque slation. III On voit done l'impossibilité d'expliquer l’effica- cité des appareils à la station réceptrice par la seule supposition d'une propagation recliligne des ondes qui transportent les dépèches à travers le milieu, et l'on se trouve forcé de faire d'autres hypothèses qui soient d'accord avec les faits. Or, c'est à cette condition la plus importante que satisfait la théorie développée plus haut, en suppo- sant que les ondes électriques, dans la télégraphie dite sans fil, se propagent suivant des surfaces équipotentielles comme des ondes liquides. Cette théorie me semble donc, en l'espèce, la meilleure explication des divers phénomènes de la nouvelle sorte de télégraphie, et je ne connais pas actuelle- ment de phénomène qui ne puisse être mis d'accord avec elle. Maintenant, en supposant ma théorie exacte, comment répondre à la question suivante : Les ap- pareils de la télégraphie par ondes électriques, tels" qu'ils sont actuellement en usage, permettent-ils une dirigeabilité complète? On conçoit tout de suite qu'une dirigeabilité complète est impossible. Pour une dirigeabilité complète, il faudrait : 1° Qu'on püt disposer un appareil générateur quelconque de façon à ce qu'il ne mit en action qu'un certain nombre d'appareils récepteurs choï- sis à volonté; 2° Qu'on püt disposer un appareil récepteur quelconque de telle sorte qu'il ne fût mis en action que par un certain nombre d'appareils gé- nérateurs choisis à volonté. Mais il faut remarquer que la télégraphie par ondes électriques ne sera universellement applica= ble qu'après l'invention d'une dirigeabilité com- plète des appareils générateurs et récepteurs les uns par rapport aux autres, et qu'une telle inven=" tion réaliserait un grand progrès, alors même que la distance à laquelle on pourrait transmettre des télégrammes se trouverait réduite. Rudolf Blochmann, Docteur ès sciences, Ingénieur-électricien, à Kiel. REVUE ANNUELLE DE CHIMIE Peu à peu, des circonstances réelles ont introduit dans les langues d'Europe l’idée de politique mon- diale. La Science, plus encore, a le caractère d’uni- versalilé. S'il parait singulier de parler d’une Chimie belge ou suisse, je pense que la Chimie française ou allemande ne sont pas à ce point différenciées qu'on les puisse traiter comme des arts distincts. Beaucoup d’entre nous peut-être, en parcourant l'Exposition, ont modifié leur conception intime sur ce point. Ils auront fait une synthèse plus vaste qu'autrefois et de laquelle disparaissent les mots trop artificiels de théorie et de pratique, où les nationalités scientifiques s'alténuent pour ne laisser que cette Chimie illimitée comme les formes de la malière, soumise aux lois des nombres, de la Physique et de la Vie. Le chimiste ne doit pas être l'homme d'une mode qui passe et bientôt le laisse vieilli. Aussi longtemps qu'il pense, il doit expérimenter sans préjugé dans toutes les directions d'une science qui n’a pas pour but un rêve de poète, mais l'amé- lioration progressive de la civilisation. Sauf quelques découvertes éclatantes, en un an les Sciences ne semblent faire aucun progrès; mais, observées à chaque période décennale, on les trouve profondément changées dans leur forme et leur puissance. Les savants pratiquent la recherche et gardent le monopole des idées premières; mais les physi- cienset chimistes de l'Industrie modifient ces idées dans un sens pratique. Cette armée de savants te- naces est assez nombreuse pour mettre à jour bien des faits que les laboratoires ne pourraient soup- conner, n'ayant ni la continuité du temps, ni la grandeur des masses, ni la nécessité absolue de surmonter jusqu'aux moindres difficullés. Les meilleurs parmi ces hommes naissent au A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 135 hasard sur tous les points du monde civilisé. Le | vrais participants à la lutte économique sont vaste champ de comparaison qui s’est constitué à Paris cette année pour les hommes et les choses, mous montre qu'il n'y a pas de Chimie étroite- ment spécialisée en une région; les nouvelles se dispersent trop vite pour cela. Toutefois, les chi- mistes français n’ont pas lieu d’être mécontents. Pour ne eiter que les exposants qui ont accumulé leurs produits dans ces dix dernières années, je crois que rarement un jury international à vu un ensemble de substances aussi rares et parfaites que celles qui ont été exposées par nos compa- triotes MM. Moissan, Tanret, de Laire, Chenal et Douillel, etc... IL semble bien que l’on vante trop par avance ce qui est lointain. Est-ce une suggestion d'éru- dition ou le charme vague que laisse le souvenir d'un voyage rapide? Savants et industriels de premier plan existent dans chaque contrée; mais notre sulfale de cuivre est aussi bleu que tout autre, et quelques produits sont même plus fins. Autrefois, on a constilué, avec raison, une Chimie pure ayant pour annexe la Chimie appliquée. Mais il y a de cela cinquante ans; il est raisonnable d'admettre que, depuis ce temps, les transports à vapeur et les télégraphes nous ont fait une autre vie. Certes je ne pense pas que la Chimie pure soit un chapitre de l’applicalion : c’est bien la haute spécu- lation intellectuelle qui conduit la pralique. Mais la Chimie pure ne peut être maintenant que l’un des volumes — le premier — de la Chimie. On a dit, pour des langues ou des civilisations, qu'il y en avail de mortes parce qu'en ces matières on connait un long passé. Les sciences expérimentales n’ont véritablement qu'un siècle; mais leur vitesse d'évolution étant bien plus grande, elles atteignent plus tôt l'extrème vieillesse. C'est ainsi que l'anatomie de l’homme est une science morte : on n'y découvrira plus ni muscles ni os notables; cependant il sera toujours indispensable de la connaitre parfaitement. Les parties de la Chimie qui ne touchent pas, par l’'expérimentation indéfinie, au monde physique ou vivant, approchent de cet élat. Parlant de ce point de vue, on peut dire que la Chimie appliquée, suivant l’homme dans sa recherche du mieux, doit avoir une place plus grande que par le passé dans lous les degrés de l’enseignement et dans les livres. Il appartiendra aussi aux jeunes chimistes d'Industrie, quand la force des choses leur mettra en mains, à leur tour, la responsabilité de conduire les usines, d'y laisser entrer plus de visiteurs en - état de comprendre. A quoi bon tant de secrets chimiques pour les nouveaux venus, alors que les toujours informés? Le nombre des travaux de Chimie organique est immense et admirablement repertorié dans les Centralblatt; on peut donc en parcourir tous les extraits ou se reporter aux mémoires originaux. En lisant tout cela avec conscience, un homme du métier est frappé de la pauvreté de ces écrits. L'idée d’un inventeur véritable se manifeste de loin en loin; elle est intéressante, mais donne nais- sance à des milliers de mémoires sur des cas particuliers, qui ne le sont plus. Soyons plus précis: ces cas ont un petit intérêt; mais, au lieu de les exposer en de longues pages, il faudrait les réduire à six lignes de constantes référées à la page et au numéro que cela devrait prendre dans une pro- chaine édition du Répertoire court et apprécié de Beilstein. Le /eilstein serait toujours rédigé d'avance et, selon la phrase facile dont on abuse : on y comblerait une lacune. C'est sans doute par plus pelits volumes que, dans l'avenir, sera constitué un Zeïlstein, isolant ainsi les grandes fonctions, les dérivés à corps simples peu usuels, les questions à l'élude telles que celles des terpènes ou des albuminoïdes. En conservant le cadre d'ensemble, on se rapprocherait plus des groupes monographiques, et on lui laisserait, au besoin, des pages blanches à chaque chapitre. Une œuvre ainsi conçue préparerait les documents épars pour un esprit conslitué comme le fut celui de Gerhardt. Dès à présent, les documents moyens sont plutôt surabondants. En Chimie organique, les affirmations verbales de nomenclature continuent. Le Congrès de Genève avait voulu créer une langue systématique dont il est peu resté parce que l’expérimentalion produit plus de matières compliquées qu'un grammairien ne peut introduire de formes utiles dans sa syn- taxe. Je continue à penser que des formules indé- finiment variables se lisent, mais ne se parlent pas. On n'immobilisa pas une langue vivante. Aussi chaque auteur prend-il de plus en plus la liberté de créer des néologismes qui forment, pour son travail journalier, une sorte d’ « argot » pas- sager et excellent, pourvu qu'on n’en veuille pas embarrasser la science classique. Je relève les noms de « chalcone », de « prozane », de « méthé- bénol » pour cette année. Une vue large de l'évolu- tion chimique exige déjà beaucoup de temps; espé- rons que les nouveaux chimistes n'abandonneront pas la proie pour contempler ces ombres faciles. Assurément, de grands progrès se sont accom- plis dans l'étude des isoméries. D'abord considé- 136 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE rées comme les différentes manières d'écrire une formule plane — sur le plan du papier — on a pensé aux formules à trois dimensions; de là, la Stéréochimie et l'isomérie optique. Tout cela reste ‘sans mouvement. C'est un pavage en relief, angu- leux, mais inerte. Dès le début, M. Berthelot, avec ses vues d'ensemble, concevait l'isomérie dyna- mique, démontrée par le calorimètre. Ce sont ces isomères fragiles, en perpétuel état de « migration moléculaire », gardant la même composilion, mais changeant de propriétés du jour au lendemain, parce qu'on les a simplement mis au jour, laissés attendre, chauffés, électrisés ou dissous. Et voici encore un néologisme : c'est l« alloergie » qui produit tout cela. Peu importe, les chiffres obtenus au calorimètre sont susceptibles d'être traduits en kilogrammètres ou en walts, et, provisoirement contents des images, nous devinons les isomères chargés et travaillant à circuit ouvert ou fermé comme des accumulaleurs. Les synthèses chimiques complexes se font maintenant avec une extrême facilité, et de là résultent souvent des corps doués de pouvoir rota- loire, mais inaclifs par compensation De nom- breux travaux se font maintenant pour isoler les composants actifs. Dans notre temps de rapide production, les questions chimiques à l’ordre du jour se rapportent à la détermination exacte des faits pour qu'il n'y ait plus lieu d'y revenir. Cela est louable, mais il conviendrait de ne pas voir, dans la séparation des isomères optiques ou anli- podes par solubililé, une tendance nouvelle. Cette attaque de la question des antipodes peut êlre extrêmement ingénieuse dans sa technique, mais ne présente que des variantes de la méthode de Pasteur sur la solubilité des tartrates d’alcaloïdes actifs. Sur ce terrain, de réels progrès sont faits, et le mécanisme de la séparation est de mieux en mieux connu. W.-J, Pope et S.-J. Peachey' consi- dèrent l'acide dextrocamphosulfurique de Rey- chler comme préférable à l'acide tartrique pour la séparation des bases inaclives par compensation. En outre, la séparation se fait mieux en saturant exactement deux molécules de base par un mé- lange équimoléculaire d’acide chlorhydrique el de l'acide actif. Le détail de ces préparations et sur- tout la longueur des noms — il s’agit du dextro-v- bromo-camphosulfonate lévolétrahydroquinaldi - que — s'opposent à l'analyse complète d'un mé- moire long, mais parfaitement intéressant. Quand deux solides droit et gauche, — tels les acides lartiques — cristallisent ensemble, ils don- nent un « racémique » : l’activité optique tombe à zéro. D'ailleurs, les cristaux portent un signe na- ! Chemical Society, décembre, 1899. turel de leur sens rotaloire. Les auteurs se sont demandé si, en mêlant en proportions moléculaires deux liquides ne différant que par leur sens, ils restaient en simple mixture dépourvue de rotation ou bien formaient un véritable composé « racé= mique » également neutre. En faveur de la combi= naison racémique, on ne peut retenir qu'un failm observé par Ladenburg : un mouvement thermique lors du mélange de la dextro et de la lévocitutine: Les autres caractères ne sont pas affectés. Cepen-" dant, le pouvoir rotatoire des matières actives varie du simple au triple, selon le dissolvant dont on fait usage pour l'observer. Ce fait, étroitement, comparable à celui de la multirotation, tient, selon les auteurs, à l'équilibre qui s'établit entre le corps. actif dissous et l’état d'agrégation moléculaire du dissolvant défini par les travaux de Ramsay et Shields. Cela dépend encore, selon T. M. Lowry', de” l'isomérie dynamique dont il est question plus haut. IL faut ajouter que bon nombre de bases métalliques ou de matières organiques compli- quées provoquent, selon les cas, des séparations" pratiques. Les procédés d'oxydalion sont toujours très in- téressants à connailre parce que chaque réaction a une manière d'être spécifique, et qu'en étudiant beaucoup dans cette voie nous aurons quelque» chance de connaitre le mécanisme chimique des” oxydations naturelles, diastasiques ou autres: Comme nouvel exemple de curieuse spécificité, on. peut citer l'action du réactif de Caro sur les acé- tones. Ce réactif, mélange d'acide sulfurique con- centré et d'un persulfate, intercale un oxygène. dans les cycles cétoniques *. Soit l'exemple de la menthone : CHE — CO CH — CIS DC _ cr Nc re CHE — CO — 0 S> CH—CH | N CHE — CHE — CH — CH, Ces travaux, encore peu avancés, laissent deviner le moyen d'ouvrir des cycles au point précis où l'acétone est devenue une lactone. Le camphre agit de même. L'acétone vulgaire donne un peroxyde explosif : (O OH CO) CU* L'oxydalion, l'hydrogénation, l'hydratation, la substitution et la condensation sont les cinq grands moyens de travail et de production en Chimie organique. Jusqu'à présent, tout cela s’est fait en. —_—_—_—_—_—_—______———————…—…—…—…—…….…—.….….…"…"……"—….—.….…"—….…—_—….….—…."…—…"_—_—_—_— ! Chemical Society, 15, 21. < ? Bagyer et Vizuicer : Berichte, t. XXXIL, p. 3625. PEU, A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 137 passant par des cycles compliqués et loujours en consommant une forte quantité de produits chi- miques. De plus en plus on s'efforce de réaliser ces travaux en utilisant directement l’énergie électri- que. Ainsi se font nombre de dérivés acides nitrés, amidés, etc. Par exemple, les réactions suivantes se font à l'électrode négative : CSHE — CO — CO — CH + H? = CSHS — CH(OH) — CO — C'HS TL ©" CR Benzyle. Benzoïne. 2CSH"A20° + 8H = 4H°0 + CSH* — Az — Az — CH* | | CHS CH$ CH* ne D... Nitrotoluène. Dérivé azoté. Le progrès en toule chose est si lent qu'on ne peut affirmer que l'application directe de l'énergie libérée ait supplanté les moyens chimiques. Il y a lieu toutefois d'espérer et de beaucoup espérer. Souvent les visées industrielles et commerciales ont été la vérilable cause des progrès rapides d'une branche de la Chimie organique. C’est là un fait connu et nullement une crilique. L’ensemble de la Chimie organique doit beaucoup au succès financier des couleurs dites d'aniline. Mais aussi, des considérations économiques agissent en sens inverse: si je ne me trompe, l'activité, un peu moins grande, de quelques branches de la Chimie organique tient à ces raisons. Les matières colorantes ont conduit à des succès tels que le nombre des chercheurs s’est accru. De ce fait la question a été mieux connue et même soumise à cetle étude « exhaustive » qui l’a un peu épuisée. Les bonnes couleurs du début subsistent; un petit nombre d'autres seulement s'y sont ajou- tées : il suffit de les mélanger pour avoir une bonne palette. Pendant ce temps, les milliers de couleurs trouvées tombent dans l'oubli. I] faut dire aussi qu'une élude rationnelle à fait baisser le prix des colorants vraiment pratiques.et que les antiques couleurs végétales qui donnaient tant de splendeur aux costumes anciens, ne sont pas mortes, lants’en faut. Les parfums, il y à vingt ans, nous Pie un monde inconnu; aujourd’hui, il nous reste déjà moins d'espoir de créer des sensalions olfactives inédites par des coups de synthèse simple. Puis, à supposer qu'on vienne à créer une infinité de nuances parfumées, notre organe percepteur ne peut de suite s'y accoutumer. Lié de tout temps au monde naturel, l'odorat ne tiendra pas pour agréables ‘tous les produits chimiques que nous sommes capables de faire. Et, dans ce monde na- turel, nous connaissons déjà la plupart des formules peu nombreuses qui forment les parfums. D'abord on n’a cru voir que des entités odorantes chimi- _quement définies, comme la vanilline, la couma- rine, le rhodinol... De là un élan de recherches. Mais la nature compose les parfums, dont chaque “fleur à adopté et conserve toujours la mode, avec des drogues simples. Il paraît acquis ! que l'essence naturelle de jasmin — un parfum de fleur s'il en fût — est un composé de Into} CHTAZ AE Trac ein OT Jasmine C'8H1502, S 3,0 Anthranilate de méthyle € sp. \z02. ,0,5 Acétate de benzyle C’H!0*. 65,0 Acétate de linalyle C'?H?%0?, 1,5 Alcool benzylique C'HSO . ET MEN AlCoolbnalorque CAO PEAR 04515 C'est bien là une composition où, dans de fortes quantités de dérivés benzyliques ou linaloïques, la Nature, comme un parfumeur en vogue, met à propos de minimes doses d'autres drogues égale- ment connues. Ici les plantes donnent des masses énormes d'huiles à odeur parfois repoussante, mais d'où l’on sait extraire les constituants des parfums es- timés. Il y a moins à chercher des nouveautés chimiques qu à séparer des constituants dépréciés pour les mélanger de nouveau selon des propor- tions demandées. À ce point de vue, n'est-il pas curieux de savoir que la coumarine, malière sim- ple qu'on fait très facilement de pleine synthèse, est encore produite à bon compté par une orchidée du Mexique ? L'étude pas donné grand chose Je crois bien que le souci, pour tous les Dforloires s, de mener leurs affaires courantes tout en préparant des produits d'Ex- position a restreint les travaux; mais aussi, en se plaçant comme pour les couleurs et les parfums au point de vue de la production, on croit voir les mêmes effets. Un grand effort de travail a été fait pour créer de synthèse plus de dérivés médicamen- teux que nos organes n'en peuvent supporter. Le chloroforme, l'antipyrine, le sulfonal, le salicylate et quelques autres bienfaits artificiels sont con- sacrés par un usage prolongé. Mais, fort heureu- sement, on ne mange pas des masses notables de médicaments aclifs. Les maladies susceptibles d’être traitées avec succès ne le sont qu'avec un bien petit nombre de produits chimiques. L'im- mense effort qu'il reste à faire à la Chimie orga- nique dans ce domaine, ne doit pas nécessairement se réaliser dans des fabriques. Les opiacés et la quinine sont l'objet de cultures méthodiques. L'éducation de ces plantes en vue de produire beaucoup d'alcaloïdes n'apparaît pas plus extra- ordinaire que celle de la betterave sucrière, et alors le végétal créera sans doute plus économi- des Duldides n'a celte année ‘ Hesse, Berichte, t. 32, p. 565, 165, 2.611. 158 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE quement les poisons compliquées que ne pourra le faire une usine. Puis une autre évolution s’est ac- complie par l'intervention pastorienne ; les grandes : maladies portent en elles leur principe de guérison: quelques centimètres cubes d'une sérosité anti- diphtérique, produite en abondance par des chevaux vaecinés à cet effet, supprime le croup plus vite qu'une série de médicaments et de soins éclairés. Divers maux ont déjà leur antidote ou contre-poison certain, et cela débute. Ce n’est plus dans le sens de la consommation des produits chimiques que se fait le progrès. Le principe de la conservation de l'énergie ne se dément pas pour la Chimie orga- nique : il se transforme. Les couleurs, les médica- ments et les parfums semblent avoir un avenir plus étroit qu'on n'avait pensé.Mais une étude deplus en plus approfondie de la Chimie organique théorique et pralique est exigée du monde moderne dans un autre but; si tous ces produits dont nous avons parlé peuvent échapper à l'usine de synthèse, ils devront sortir de l'usine d'extraction. À mesure que des hommes sont soustrails aux dures besognes tradi- tionnelles, d’autres se forment, dansles laboratoires, pour diriger le travail des machines et des êtres en vue de produire plus de matière alibile, de la pré- server, de la transporter et de diminuer pour tous cette somme de souffrance qui, autrefois, paraissait un mal nécessaire. La puissance scientifique me parait, dans une certaine mesure, indéfinie pour extraire et con- server, non pour créer économiquement. Pour les synthèses, on ne dispose que de la houille, du bois, du pétrole, de l'air, et de l’eau. Et la Nature trans- forme ces choses bien plus adroitement que nous. En raison de la simplicité de formule des bases hexoniques, on ne pouvait manquer d'en rechercher la constitution et au besoin d'en faire la synthèse. Selon À. Ellinger ‘, la lysine, acide diamidocaproï- que des Lissus vivants, se convertirait par putré- faction en cadavérine : A2H?— CH? — CH°— CH* — CH°— CH° — AzH°. L'argynine CH'#Az‘0*, autre constituant des pro- toplasmas, que l’eau de baryte sépare en urée el acide diamidovalerianique, a été reconstituée par MM. E. Schulze et Weinterstein . L’acide diamido- valerianique et la cyanamide engendrent à leur tour l’argynine : AH = C — AzH — CH? — CH? — CH? — CH — COH | le AZI Sans doute le mot de bases hexoniques, qui se trouvait convenir aux premières bases en C° qu'on 1 Berichte, t. XXXAI, p. 3542. 2 Berichte, t. XXXII, p. 3191. a découvertes, ne devra pas être pris Lrop à la lettre En réalité, si l’argynine a six carbones, il n’y en a que cinq en continuité formant le vrai radical de la formule. Tout cela se passera vraisemblable= ment, comme pour les sucres, avec un peu plus” de complication introduites par les azotes; il se fera des divisions comme celles des pentoses, des heptoses et leurs polymères. L'étude de la morphine achemine peu à peu les chimistes vers la synthèse. La matière précieuse qui suspend pour des temps assez longs la douleur, a une formule très complexe, seulement probable « et un peu imprécise; mais c'esl déjà un grand point que deux hommes aussi compétents que Knorr el von Gerichtlen continuent à s'accorder sur le schéma suivant d'un phénanthrène substitué : S Non: °°} cn 222 ons f À CH: NY | | 5 CH— 0 OHCH — \NZ0H Avant peu d'années, des kilomètres de terre seront rendus à la production de la matière alibile,M la seule chose que l’homme ne puisse espérer faire de synthèse et dont il vit souvent avec parcimonie, quand il ne meurt pas de famine. Sur le cas de la quinine, on est moins avancé en … théorie; mais, en pratique, celte précieuse matière, . qui a valu 800 francs le kilo, ne vaut plus que 60 francs. Ce résultat est dû à une culture métho-" dique, à une éducation de la plante par sélection … et, si la synthèse en usine intervient bientôt, ce qui se peut, nous aurons à enregistrer un grand … succès chimique sans doute, mais non pas une | conquête sur la fièvre ni un changement de travail . producteur. Il en est de même pour d’autres questions. Quel avantage aurons-nous d'ici longtemps à faire des terpènes si nous le pouvons jamais? L'exemple des sucres est là, très sensiblement connu, — je parle du saccharose; — on ne songe pas à tenter de nouveaux efforts pour produire le sucre, dont la betterave el la canne nous font un aliment pratique, landis que la synthèse nous le ramènerait à l'état de médicament coûteux. IL n’est pas dans mon esprit de médire de la Chimie, que j'aime trop, mais on ne peut demander à la science de l'homme que les choses rares et chères que la mine et la cul- ture ne peuvent donner. Il en va ainsi de la question de l'indigo : on en écrit beaucoup, diverses syn- thèses se font depuis vingt ans avec difficulté; mais l'indigotier poursuit toujours avec le plus grand succès économique celte synthèse qui nous A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE 139 parait d'autant plus pénible qu'on y a dépensé des millions. Pour cet indigo, après l'acide phénylpro- piolique, on veut faire mieux et il se trouve que la production de matériaux simples, comme la phtalimide ou l'aldéhyde orthonitrobenzoïque, se présente encore comme des problèmes praliques non résolus. N'ayant pas a décrire l'infinité des cas particuliers et les procédés lechniques, le champ d'une Revue de Chimie organique se rétrécit chaque année. Peut-on encore intéresser les hommes de cullure générale en leur parlant des trois séries de dérivés aromaliques qu'on découvre par centaines? Je ne le crois pas. Les sucres aldéhydiques sont connus en grand nombre: mais il se peut que, dans Île monde vivant, existent divers sucres cétoniques. En tous cas, l'étude chimique de ces corps est importante et peu avancée, sauf dans le cas de Pancien lévulose, aujourd'hui fructose. Entre autres choses, c'est de l'examen de ces cétoses que s'occupe M. G. Bertrand, en les attaquant par les ferments dans les laboratoires de Chimie de linstitut Pasteur, pourvus du puissant outillage moderne. C'est ainsi qu'a été produit un sucre cétonique simple : l'érythrulose OHCIF — CO — CHOH— CH°0H!. Ce qui reste net el ouvert à notre besoin de science, ce sont, parmi les corps « non classés », de Gerhardt, les terpènes avec leurs résines, les « extractifs » et saponaires et les albuminoïdes, depuis ceux qui sont relativement simples jusqu'aux tissus épidermiques condensés comme des saccha- rides. Pour connaître ces matériaux liés à la vie, il faudra certes un temps bien plus long qu'il n’en a fallu pour acquérir notre peu de savoir sur de simples pyrogénés de nos séries grasse et cyclique. IT La Chimie minérale réserve toujours la surprise de corps simples nouveaux : en cela, elle touche à l'inconnu permanent de la Nature physique et permet d'attendre toute sorte de révélations. Les travaux de MM. Moissan, Ramsay, Curie ont rompu nos classifications et apporté de nouveaux sujets d'étude. Dans ce cas, nous ne puisons pas, ainsi -qu'il se passe en Chimie organique le plus souvent, dans le réservoir restreint de nos hypothèses, mais “dans l'infini naturel. Et si nous ne devinons de la sorte qu'une bien faible fraction des secrels qu'il nous sera donné de “connailre, au moins ne passons-nous pas notre temps .à tourner sans but théorique dans le cercle de notre propre pensée. Les grandes inventions qui émeuvent jusqu'au grand publie restent rares, bien que, dans ces der- nières années, on ait été favorisé d'une façon exceptionnelle : il n’est pas possible d'en écrire de nouveau les points marquants chaque année. Dans la Chimie physique et minérale de labora- toire, il en est de même. Les gaz de l'air, les rayons de Becquerel, les métaux radiants de Curie ont été décrits avec soin dans cette Æevue. L'étude laborieuse se poursuit sans qu’un détail de quelque généralité puisse provoquer de sur- prise. Comme en Chimie organique, l'Exposition a donné aux chercheurs, sinon du repos, au moins de tout autres occupations. Aucune Revue ne devrait peut-être s'écrire celte année, sinon pour rappeler le passé et dire que tous les laboratoires ont repris leur travail avec l'espoir de faire en ce siècle autant que dans l'autre. Malgré la formule rassurante et simple qui prétend que les sciences progressent en raison directe du carré des maté- riaux qu'elles accumulent, il serait heureux qu'or pût réaliser dans cent ans seulement la quantité de travail intellectuel et matériel qui à illustré les hommes du xix° siècle disparus ou vivant encore. Nous avons vu que les questions physico-miné- rales se développent de plus en plus. L’anhydride persulfurique $° 07, découvert en 1878 par M. Ber- thelot, a conduit à la fabrication des sels dont on entrevoit l'importance et dont la stabilité surprend nos préjugés. Le persulfate d'ammonium se pro- duit aujourd'hui par kilogrammes; on l'aurait fait depuis plus longtemps sans doute sans l'idée des atomicités fixes, de cette sorte de défense qui est faite à la Nature de permetlre des combinaisons imprévues pour une série où l’analogie avait, à notre sens, arrêté définilivement le rapport des combinaisons. Il n'a pas semblé aux expérimenta- leurs que l'acide persulfurique fût loujours le même, et dès lors MM. Martin Lowry et J. West * ont recherché la nature de ces combinaisons. Il a paru d’abord que des composés en série tels que xH?0* + ySO° prenaient naissance ; une étude plus complèle a montré que les effets obser- vés dépendent de la concentration en acide selon les conditions de préparation. Ces concentrations dépendent elles-mêmes d'un équilibre chimique où figurentles phases H°0, SO'H?,SO“H et H°0?. l'a forme de la courbe d'équilibre serait donnée par l’équa- tion du quatrième degré : SO'H _, il H20 — Ho / * Cela est un peu spécial et se résout par l'étude d'un cas particulier issu d'une théorie générale. A 1 C, R:°1900, t. EXXX, p. 1330. 1 J. of the Chem. Soc. 1900 p. 951. 140 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE un autre point de vue, celte question des acides du soufre commence à subir une importante trans- formation. L'acide sulfurique élait arrivé à une fabrication presque parfaile dans les encombrantes chambres de plomb bien connues. Mais il semble qu'un souffle nouveau bouleverse toutes nos idées de production chimique. Une très ancienne réaction, qui ne se réalisait que dans les cours de Faculté, a été reprise : l'acide sulfureux, qui n’est pas saturé, s'est montré plus combustible qu'on ne croyait; et, en faisant passer ce gaz dans un tube avec de l'oxygène en présence d’une matière de contact (l'ancienne action catalytique), on a de l’anhydride sulfurique solide : SO? +0—S0*. De longues études sur un dispositif et des con- ditions avoisinant ce qu'on appelle ie « tour de main chimique », vont révolutionner une industrie!. En effet, on n'aura plus à transporter, dans de dan- gereuses touries ou dans des cilernes flottantes, un liquide corrosif — le vitriol — mais des blocs solides et inoffensifs dans leurs boîtes en métal : de l'anhydride SO*. Quelques morceaux du plus im- portant des produits chimiques pourront acidifier de l'eau dans le centre des continents peu accessi- bles. Sur toute la Chimie minérale agit le même esprit de simplification. Pour le chlore et ses dérivés, il y a dix ans à peine, se faisait un puissant effort de recherches chimiques. Aujourd'hui, il semble bien que, pour faire la soude électrolytique correspondant à 23 ton- nes de sodium, on soit menacé de l'encombrement résultant de la production de 35 tonnes de chlore. Le monde ne peut indéfiniment consommer du chlore ni ses dérivés. Le siècle passé lègue cette abondance de biens ; aux autres à établir le détail et aussi l'équilibre de ces richesses de la science en vue d'un meilleur résultat général. Toute cette grande industrie minérale et phy- sique se lient, senchaine. Nous voyons encore bien peu dans ces questions, liées à tant d'intérêts de tout ordre, au déplacement de toutes les formes de richesse. On a commencé à sentir les premières atleintes de la pénurie du charbon, lequel n'existe, de science certaine, que dans de rares points d’un seul des terrains géologiques du globe. L'Amérique et même la Chine n’en donneront que pendant un temps limité. Mais déjà nous commençons à savoir capter avantageusement l'énergie du Soleil. C'était autre- ‘ La Revue publiera dans son prochain numéro un im- portant article de M. A. Haller sur cette question. — fois une chimère, avant qu'on eût inslallé en grand, sur les eaux vives, des turbines, des alter= nateurs et des càbles. Avec un médiocre lorrent,s on peut concentrer dans un village, et à distance, la: puissance de plusieurs milliers de chevaux infali= gables, travaillant nuit et jour, pendant des mois" et des années. Ce fait est gros de conséquences chimiques. 1 Grâce au four électrique de M. Moissan, dont le nom restera comme celui du créateur d’une évolu= lion physico-chimique, l'énergie solaire sera accu= mulée sous diverses formes. Sans essai de pro= phétie, — ce qui est toujours vain, — nous savons ce qui est déjà sorti de ce puissant appareil calorifique sous diverses formes. Le carbure dé“ calcium emmagasine presque directement la lumière solaire. 4 Peu de métaux, bien peu, échappent à la réduc= tion et nous assistons au début de l'action de ces tempéralures. . En même temps toute une métallurgie par électrolyse voie sèche nous apparait : tel est le cas du magnésium et surtout de l'aluminium. Mais, ici encore, il s'agit de mettre en barres un peu de l'activité du monde solaire. L'aluminium consomme en se formant une grande quantité d'énergie. ‘De là est née l’alumino-thermie. M. Moissan, sans doute préoccupé de ne pas introduire de carbone dans les métaux, ce qui a lieu toujours en les réduisant par le charbon selon l'usage, imagina de jeter de l’oxyde de chrome sur un bain d'alu minium fondu. Plus tard M. Goldschmidt élablit sur celte idée l’alumino-thermie pratique. LE limaille d'aluminium et l'oxyde de chrome allumés en un point par une cartouche très oxydante a bioxyde de baryum continuent à brûler en grandes masses, selon une loi thermochimique : ilse fait du 1 chrome fondu et une scorie de rubis: Cr°05 + AI — AI°05 + 2Cr. Et l'on peut, par cette simplification, faire des tonnes de métal sans gaz, sans fumée, presque dans des appareils de salon. La classification étroite des sciences, si brille ment cataloguées par Auguste Comte, fut passagère; les idées, moins systémaliques, de Cournot l’er portent. Il ne reste plus comme directions irréduc= tibles que les sciences de l'Esprit et celles de là Nature. Dans ces dernières, il y a quelque chose de comparable à une ligne de partage des eaux ent deux plaines infinies. Du sommet nous regardons l'étendue mystérieuse des phénomènes physiques et matériels; de l’autre le mystère de la vie. A. Etard Examinateur de sortie à l'Ecole Polytechnique; Chef de Service à l'Institut Pasteur, = BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l = BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Lavergne (Gérard). — Manuel théorique et pra- tique de l'Automobile sur route. — 1 vol. de 722 pages et329 fiqures (Prix: 17 fr. 50) — Ch. Béran- ger, éditeur. Paris, 1900. M. Lavergne n’est pas un inconnu pour les lecteurs de la Revue qui, depuis longtemps, ont su apprécier en lui le savoir de l'ingénieur autant que le style serré et concis de l'écrivain. Son ouvrage actuel peut être considéré comme un des documents les plus complets publiés sur cette nouvelle industrie de l'automobilisme, qui prend tous les jours plus d'importance. On y retrouve naturellement les qualités de précision du mathématicien qui n'avance aucun chiffre à la légère et base tous ses calculs sur des données expérimentales. Les exemples pratiques abondent, qui viennent justifier les résultats trouvés par le calcul, et la classification très nette adoptée par l’auteur est de nature à jeter des bases solides dans l'esprit du futur adhérent au nouveau genre de sport. Pour faire l'analyse d’un tel livre ou même en énoncer seulement les chapitres, il fau- drait un espace considérable ; nous nous bornerons donc à en signaler seulement les points les plus saillants. Au début de son ouvrage, M. Lavergne prend la pré- caution d'initier son lecteur aux termes techniques qu’il emploiera à presque toutes les pages. Cet exemple devrait bien être suivi par les auteurs de tousles livres techuiques qui s'adressent au grand public. Puis, après quelques mots d'historique, indispensables à toute science, il entre immédiatement au cœur de son sujet. Les trois agents d'énergie auxquels l’automobilisme peut avoir recours jusqu'ici sont : la vapeur, le pétrole et l'électricité. Les organes qui les engendrent et ceux qui les mettentensuile en œuvre seront donc étudiés dans l'ordre précédent, et leurs caractéristiques discutées. Parmi les chaudières à vapeur, le système aqua- tubulaire est préléré avec chauffage par combustibles liquides ; et, puisque les moteurs rotatifs ne sont pas encore pratiques, et que les turbines ne sont pas appli- cables en raison de leur trop grande vitesse, on est forcé de se rabattre sur des moteurs alternatifs à cylindres fixes multiples, à simple ou à double expan- sion, dont le surchauffage des enveloppes et l’adjonction - d'un condenseur à air pourront améliorer le rendement. Tous ces organes relativement pesants conviendront spécialement pour la traction des véhicules lourds. Avec le pétrole lampant ou l'essence de pétrole, il faut avoir recours aux carburateurs : Les plus perfectionnés parmi les appareils de ce genre sont les carburateurs à pulvérisation qui s'adaptent aux voitures et non aux -motocycles. Quant aux moteurs, ils appartiennent tous au type à compression et à explosion, avec distribution par soupapes automatiques, sauf dans les moteurs Loyal et Dufour. La régulation s'obtient lors des varia- tions de charge, en modifiant soit la quantité d'essence admise dans le carburateur ou dans la chambre d’aspi- ration, soit la quantité du mélange carburé admis dans le cylindre, soit enfin le dosage du mélange carburé. Un constructeur même fait varier la compression en rai- son inverse de la richesse du mélange, en constituant le fond de la culasse du cylindre par un piston mobile. L'allumage du mélange explosif s'obtient généralement avec une étincelle d'induction produite par une pile sèche. Un des moteurs à essence les plus intéressants à signaler est celui imaginé par MM. Gobron et Brillié, qui évite toute trépidation de la voiture par la combi- naison heureuse de deux pistons travaillant en sens REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. inverse l’un de l'autre : c'est un système absolument analogue à celui du moteur von OEchelhauser, dont la stabilité en marche, même avec des unités de très grande puissance, est si remarquée. Les moteurs rotatifs, avec l’essence de pétrole pas plus qu'avec la vapeur, ne sont arrivés à un degré de perfection les rendant pratiques, et la solution du problème paraît encore bien lointaine. En résumé, les moteurs à essence présentent généralement le grave défaut de manquer d'élasticité et c’est surtout dans les organes de réglage qu'il y a lieu de rechercher les améliorations. Au point de vue électrique, les accumulateurs sont les seuls générateurs applicables aux automobiles, si l'on fait abstraction du si intéressant essai d'utilisation du trolley que tout le monde a pu admirer à l’Exposi- tion de Vincennes. L'auteur passe en revue les différents accumulateurs employés et donne la préférence au couple plomb-plomb avec eau acidulée sulfurique. Un calcul détaillé fait très bien ressortir la possibilité éco- nomique d’un tel mode de locomotion et les différents concours de fiacres qui ont eu lieu sont venus pleine- ment confirmer la réalité de ces chiffres. Quant au moteur électrique, son avantage sur tous les autres systèmes de moteurs, au point de vue de la traction, n'est plus discutable. C’est la machine automobile par excellence, jouissant à la fois du mouvement rotatif, de l'élasticité et de l’autorégulation, qui sont autant de gages précieux de sécurité pendant le marche. Dans un chapitre très condensé sont résumés les avantages et inconvénients des trois éléments d'énergie. La lecture attentive de ce passage du livre redressera bien des erreurs ou des idées préconçues. On entre ensuite dans les domaines du constructeur et de l'acheteur. Veut-on calculer la puissance qu’il est nécessaire de donner à un moteur pour que la voiture qu'il actionnera réponde à des conditions imposées, ou désire-t-on se rendre compte de la puissance d’un mo- teur existant, par exemple, au moment de la réception? Les deux cas ont été prévus et les questions résolues. La seconde partie du livre traite des transmissions, c'est-à-dire des organes intermédiaires reliant le moteur au véhicule lui-même. C’est un cours de Mécanique spécialement approprié au sujet: la nécessité des trans- missions est justifiée par l'obligation de modifier la vitesse de marche, de faire reculer la voiture, de dé- brayer le moteur et d'assurer l'indépendance des roues motrices, lors des virages. M. Lavergne a décritavec beau- coup de détails les différentes sortes d'embrayages, les plateaux de friction, les courroies, les engrenages, les engrenages différentiels, les encliquetages, les chaînes Galle, les chaines Renolds, les systèmes acatènes, etc. Les assemblages divers de ces organes varient suivant les systèmes de voiture, qui sont tous passés très cons- ciencieusement en revue. Le véhicule comprend les essieux, les roues, les ban- dages et sur chacun de ces éléments on trouve, dans l'ouvrage de M. Lavergne, tout ce qu’on en peut dire. L'étude des bandages, en particulier, présente un gros intérêt : elle montre la tendance manifeste à se servir du caoutchouc, même pour les voitures lourdes. Vien- nent ensuite : la fabrication des ressorts si utiles à la suspension, celles du châssis et de la caisse; et, à ce propos, l’auteur discute comment le carrossier doit com- prendre l'esthétique de sa voiture, tout en se confor- mant aux principes de l'ingénieur: il conseille d'éviter les larges surfaces transversales qui peuvent accroître bien vite le travail imposé aux moteurs pour la propul- sion rapide du véhicule et propose la disposition en bi- seau des glaces placées sur l'avant des voitures et pour ++ 142 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX la caisse même la forme de proue, qui, par une heu- reuse coïncidence, semble devoir complaire à l'œil qui, par habitude, recherche toujours le cheval. Des freins agissant soit sur les bandages, soit sur des poulies, des appareils mécaniques de graissage complètent la liste des organes qu'on peut rencontrer dans une voiture automobile. Une troisième partie décrit, dans tous leurs détails, les nombreux systèmes de voitures, et le lecteur, bien initié à la connaissance de chaque élément, en par- court toutes les pages avec fruit et sans fatigue. Ce sont d'abord les véhicules à vapeur comprenant les omnibus, camions et tracteurs; les voitures légères et les avant- trains moteurs. Parmi les véhicules à pétrole se succèdent les tricycles et quadricycles, les voiturettes, les tricycles et voiturettes de livraison, les voitures; enfin,on passe aux véhicules électriques, c’est-à-dire aux voitures, fiacres et cabs. Un système mixte, celui des véhicules pétroléo- électriques, semble assez logique, puisque l'électricité vient suppléer au manque d'élasticité du moteur à pé- trole, tandis que ce dernier permet d’emporter sur la voiture une grande quantité d'énergie dont le renouvel- lement est bien facile en cours de route. L'ouvrage se termine par le compte rendu très im- partial des résultats de tous les concours qui ont eu lieu depuis 189% et qui ont eu une si grande influence sur le développement de l’industrie nouvelle. En première ligne se place le concours de Paris-Rouen, dont, on se le rappelle, le prix fut partagé entre les maisons Pan- hard et Levassor et les fils de Peugeot frères ; puis, suc- cessivement, la course de Paris-Bordeaux où la voiture à pétrole Panhard accomplit, en 48 heures 47, un trajet de 1.200 kilomètres; la course Paris-Marseille (1711 kilomètres); celles de Paris-Amsterdam, de Nice- Castellane ; enfin, le tour de France. A côté des courses de vitesse, sont signalés les concours de poids lourds, les concours de fiacres et de voitures de livraison, les concours de moteurs et d’accumulateurs. Tous les détails en sont à lire pour celui qui veut suivre pas à pas les progrès de l’automobilisme. Il y éprouvera cer- tainement un léger sentiment de fierté nationale, en reconnaissant que cette industrie prit son essor prin- cipalement dans notre pays. Il faut savoir gré à M. Lavergne de l'avoir si bien montré. Son livre est utile et restera : c'est une étude didactique de premier ordre. EMILE DEMENGE, Ingénieur-métallurgiste, 2° Sciences physiques Hiorns (Arthur H.), Directeur de l'Ecole de Métal- lurgie de « Birmingham and Midland Institute ». — Les Alliages métalliques. (Traduction augmentée d'un appendice par M. 9. Bounouarn, Préparateur au Collège de France, avec une préface de M. H. Le CHATELIER, /ngénieur en chef des Mines.) — 4 vol. 1n-8° de kkk pages avec figures. (Prix : 10 francs.) G. Steinheil, éditeur, Paris, 4901. L'étude des alliages métalliques a fait l'objet, dans ces dernières années, de Mémoires nombreux et impor- tants, et s'est développée au point de constituer une branche nouvelle de la Science, la Métallographie. Mais ce mouvement scientifique, provoqué principalement par les travaux de M. H. Le Chtelier, est de date toute récente. Les résultats obtenus, tout en donnant une orientation nettement scientifique à des questions qui n'élaient traitées jusqu'ici que d'une manière grossiè- rement empirique, sont encore insuffisants pour per- mettre d'édilier une théorie générale et définitive ; ils suffisent à démontrer que la Métallurgie estune science comme une autre et non un art réservé à quelques spécialistes qui dissimulent leur ignorance en parlant de secrets de fabrication; mais ils ne permettent pas encore de donner à cette science une forme suffisam- ment précise pour être traduite immédiatement en applications pratiques. Les traités relatifs aux alliages, pour la plupart anté- rieurs aux travaux auxquels nous faisons allusion, et qui ne sont que des collections de faits et d'obserz valions, gardent donc encore leur intérêt, au moins à titre de documents. M. Boudouard a donc fait œuvre utile en nous donnant une traduction du livre de M. Hiorns, qui mérite une place à part parmi les ouvra= ges consacrés aux alliages métalliques. M. Le Chatelier le caractérise ainsi dans une très intéressante préface placée en tête de la traduction de M. Boudouard : « La précision des détails, la variété des formules contenues dans cet ouvrage inspirent à première vue une confiance dont nous avons pu contrôler le bien fondé sur différents points qui nous étaient plus parti- culièrement connus. Ce n'est certainement pas un ouvrage bien rédigé; il manque d'ordre, il est sur- chargé de répétitions, et pourtant la lecture en est attrayante. Il a une certaine saveur de vieux bouquin; on y trouve des collections de recettes sentant leur alchimie, qui font bien comprendre ce qu'a été cette industrie des alliages et comment elle s’est développée. Ce livre clôt une longue période de tälonnements em= piriques; il en fait connaître les résultats avec toute l& précision que comporte le sujet. » Ë M. Boudouard a fort heureusement complété le livre de M. Hiorns par un appendice dans lequel il résume les travaux récents sur les alliages métalliques et montre bien l'orientation nouvelle que prend mainte=M nant la question. G. Cuarpy, Docteur ès sciences. Richaud (Albert), Pharmacien en chef de l'Hospice d'Ivry.— Recherches physiologiques sur l’inulase et l’inuline. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 94 pages. G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. ” L'inuline est un corps voisin de l’amidon, qu'on ren= contre, sous forme de réserve, dans un assez graud nombre de végétaux. Elle constitue la masse principales des lubercules de topinambour, des fonds d'artichaut, des gousses d'ail, etc. Elle joue donc un rôle assez important aussi bien dans la nutrition des animaux que dans celle des plantes. Or, il arrive, comme pour les autres hydrates de carbone complexes, que l'inuline n'est pas directement assimilable par l'organisme. Dans sa thèse, M. Richaud l’a montré pour le chien et le lapin: quand on injecte l’inuline en solution aqueuse dansles veines de ces animaux, on la retrouve presque tout entière dans les urines. Chez les plantes, par exemple chez les tubercules de topinambour, au moment de la germination, l'inuline est d'abord transformée en sucre, en lévulose, sous l'influence d’un ferment soluble particulier, que Grüss a désigné sous le nom d’rnulase. È s Un tel ferment intervient-il aussi dans la digestion des l'inuline par les animaux? C'est la question principale résolue par les recherches de M. Richaud. En opérant sur le bœuf, le chien, le lapin et le canard, l’inulase n'a pu être décelée dans aucune partie de l'appareil dt gestif, mème quand ces animaux avaient été soumis durant une assez longue période au régime inulacé. , C'est le suc gastrique, agissant en vertu de son acis dité, et seulement en vertu de son acidité, qui est l agent physiologique normal de la saccharification de l'inu- line. On s'explique très bien ce phénomène quand on étudie l'action de l'acide chlorhydrique sur l'inuline : même à des dilutions inférieures à celles où il existe dans le sue gastrique, l'acide chlorhydrique transforme l'inuline en lévulose dès la température du corps. Ces, résultats ont été confirmés presque au même moment par MM. Biéri et Portier (CG. /?. Soc. Biol., mai 1900). On voit par là combien il faut être prudent dans la généralisation des processus d'ordre chimico-biologiquess Sans doute, en s'appuyant sur l'existence des diverses diastases digestives : amylolytiques, pepsiques, lipa= siques, etc., chez les Animaux et les Plantes, on pou= vait croire qu'il en serait de même pour l'inulase. Les faits rapportés plus haut établissent nettement qu'il BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 143 n'en est pas ainsi, qu'une même transformation chi- mique peut être réalisée de manière différente chez les - deux groupes d'êtres vivants. La thèse de M. Richaud renferme encore quelques expériences relatives à la spécificité de l'inulase, à l’action de divers agents physiques et chimiques sur ce ferment, enfin à l'influence négative du régime inulacé sur la formation et la nature du glycogène hépatique. Bien que sommaires, elles méritent d'être signalées, car elles complètent d’une manière utile l'étude prin- cipale entreprise par l’auteur. GABRIEL BERTRAND, Chef de Service à l'Institut Pasteur. 3° Sciences naturelles Cord (E.-G.) et Viré (A.). — La Lozère. Causses et gorges du Tarn. GUID£ DU TOURISTE, DU NATURALISTE ET DE L'ARCHÉOLOGUE. — À vol. in-16 de la Collection des Guides Boule, avec 87 dessins ou photographies, 4 cartes en couleurs, (Prix, cartonné toile : 4 fr. 50.) Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1900. L'an dernier paraissait un livre ayant pour titre : « Le Cantal, guide illustré du tour du naturaliste et de larchéologue », dont les auteurs étaient deux Cantaliens d'origine : MM. Boule et Farges. Ce livre, à la fois guide et monographie, constituait une innovation des plus heureuses, car les auteurs avaient rompu avec les méthodes surannées usitées dans la rédaction des anciens guides. On se bornait en effet, dans ces derniers, à une énu- mération, très souvent aride, de ce qu'on voyait super- ficiellement. Les traits spéciaux d'un paysage, son véritable caractère étaient remplacés fréquemment par un morceau littéraire qui pouvait s'appliquer à mille paysages plus ou moins semblables. On ne se deman- dait pas pourquoi telle contrée avait un cachet si spé- cial, pourquoi telle rivière était torrentueuse, telle vallée large et peu profonde, telle autre étroite et fortement encaissée; on ne cherchait pas à expliquer la richesse minérale, industrielle ou agricole d'un pays; on se bornait à une simple constatation; on ne se deman- dait pas quels facteurs avaient pu influer sur la race d'une région, sur sa faune et sa flore, ete., etc. En revanche, le touriste devait se pâmer devant certains paysages et certains monuments. Le reste ne comptait pas ou était de médiocre importance. Les auteurs du Cantal ont voulu transformer l'éduca- - tion du touriste; ils ont voulu que son esprit eût autant de joie que ses yeux. … Ils ne se bornent pas, en effet, à enregistrer ce mquils voient; ils se demandent le pourquoi des choses; ils expliquent et ils commentent ce qu'ils décrivent. Ils obligent ainsi le lecteur à réfléchir et à “raisonner et, en ce faisant, ils l'instruisent. Ils ne s'adressent pas seulement à sa mémoire; ils demandent aussi un effort à son intelligence. Et ainsi ils multi- plient pour lui l'attrait et les profits du voyage. Les auteurs ont suivi l’évolution profonde subie par les études géographiques dans ces dernières années. Le succès du Cantal à décidé M. Bcule, un savant qui sait écrire simplement et rendre accessibles à tous des questions même ardues, à entreprendre la publi- “cation de guides analogues pour toutes les régions françaises. Les auteurs de ces guides joindront à la par- “faite connaissance d'un pays qui sera généralement le leur, des titres scientifiques ou littéraires éprouvés. —._ Le second volume de cette collection a trait à “la Lozère, un*des départements les plus pittoresques de “France et dans lequel les paysages présentent la plus grande opposition. —…. J'ai eu l'occasion de parcourir ce département avec les membres du Congrès géologique international, en “raversant deux fois lu Margeride, en suivant toutes la “région des Causses, les gorges si curieuses et si belles du Tarn et de la Jonte, el en terminant mon excursion dans le sud des Gévenues, à l'Aisoual, J'ai pu me rendre & Ja compte, livre en main, de la facon dont le Guide était composé, de son côté pralique, et goûter encore mieux l'attrait de la contrée que je visitais. J'ai constaté, avec plaisir, combien les auteurs, MM. E.-G. Cord et Viré, avaient su présenter habilement et simplement tout çe qui doit intéresser un touriste. Des cartes, de nombreuses et belles photogravures, des dessins au trait, viennent augmenter l'intérêt du livre et sont des souvenirs précieux pour le voyageur. En terminant, il convient de dire que l’œuvre de M. Boule sera considérable, car la série des Guides- monographies constituera une magnifique étude de notre pays et des moyens pratiques de le visiter. Nous sommes persuadé que ces Guides seront appréciés de toutes les personnes qui ne se contentent pas de voir, mais qui veulent comprendre ce qu'elles voient. Pu. GLANGEAUD, Maître de Conférences à l'Université de Clermont-Ferrand. Piolet (le R. P.) et Noufflard (Ch... — L'Empire colonial de la France : Madagascar, La Réunion, Mayotte, les Comores, Djibouti. (Préface de M. Cuaizcey-Bert). — 1 vol. 1n-4° de la Collection Courtellemont, avec figures. (Prix : broché, 22 fr.; relié, 21 fr.) Firmin-Didot et Ci et Aug. Chal- lamel, éditeurs. Paris, 1901. Ce livre est le premier volume d'une série d'ouvrages sur nos colonies, dont notre ami et collaborateur M. Gervais-Courtellemont à entrepris la publication. Nous signalons tout particulièrement à nos lecteurs la belle préface de l'ouvrage, qu'un autre de nos colla- borateurs, M. Chailley-Bert, a magistralement écrite. Il analyse la situation de notre empire colonial à la fin du xix° siècle avec la netteté et la précision qui sont la caractéristique de son talent. Il nous montre d'abord l'importance de cet empire, « acquis par nous presque en totalité depuis 1880, d'une étendue de 8 millions de kilomètres carrés, quinze fois grand comme la France continentale ». Il étudie successivement les intéressantes questions des groupes indigènes qui peuplent cet empire, son climat tropical, et déduit de ses observations le rôle que nous sommes appelés à y jouer, — d'où découle l'im- pulsion que nous devons donner à notre politique colo- niale. Il nous expose ses vues sur l’administralion colo- niale et constate les immenses progrès de l'idée coloniale dans l’opinion publique en France. M. Chailley-Bert cède alors la plume au P. Piolet, l'auteur de tant d'ouvrages appréciés sur Madagascar, qui nous décrit, avec une profonde connaissance des choses et des hommes de ce pays, d'abord la géogra- phie de l'ile, puis son histoire et les différentes étapes de la colonisation. Dans presque tout son récit, le P. Piolet oublie volontairement qu'il est missionnaire et nous parle de tout avec une grande indépendance et une liberté d'esprit dont on doit lui savoir gré. Des illustrations, véritablement merveilleuses de vie et de couleur locale, accompagnent le texie et le com- plètent harmonieusement. Après Madagascar, voici la Réunion, Mayotte et les Comores, par M. Ch. Noufflard, le distingué fonctionnaire de l'Office Colonial, qui a fait une étude particulière de ces îles. Le lecteur fait avec lui un voyage des plus agréables dans ces régions qui nous rappellent de glorieux souvenirs, de sombres journées el aussi de brillantes espérances. Du même auteur est le chapitre consacré à la Côte francaise des Somalis. Côte inhospitalière, déserte, et que nous nous ingénions à développer, dans l’espé- tance de destinées plus ou moins lointaines ou plus où moins certaines, mais avec une persévérance véri- tablement digne d'éloge. L'ensemble de ce premier volume nous fait bien augurer de l'œuvre entière, Elle fera connaître et, par conséquent, aimer nos colonies dans uñ motide qui 16s iynore trop, ét qui doil cependant foutnir les initiatives 424 BIBLEIO GRAPHIE et les capitaux si nécessaires à la mise en valeur de ce nouveau domaine. N'oublions jamais que les destinées de la France dans le monde sont intimement liées à la prospérilé des pays aujourd'hui placés sous notre protection, où nous devons faire triompher la cause de la civilisation, de la science, et surtout de l'humanité. IESR CO L'École Nationale d'Agriculture de Montpellier. ‘ Enseignement. Laboratoires. Champs d’expé- riences. Publications. Action extérieure. — 4 vol. in-8° de 260 pages. (Prix broché :8 fr.) Coulet et fils, éditeurs, Grandrue, 5. Montpellier. 1900. Le Directeur de l'Ecole d'Agriculture de Montpellier et ses collaborateurs ont eu l'excellente pensée de pu- blier un volume sur leur Ecole, à propos de l'Exposition de 1900. Cet ouvrage, édité avec soin et avec goût, ren- ferme toutes les indications que l’on peut souhaiter sur ce bel établissement d'enseignement agricole, si bien placé aux portes de Montpellier, dans l’admirable région viticole de notre Midi. M. Paul Ferrouillat et les professeurs ont rédigé une série de notices sur l'Ecole elle-même, qui n’a été fondée qu’en 1872, sur chacune des chaires, sur les installations générales, les labora- toires, les champs d'expériences, les cultures, les tra- vaux des maîtres, en un mot, sur tout ce qui touche à la vie de l'Ecole et à son fonctionnement. C'est une très heureuse et bonne pensée que d’avoir réuni tous les renseignement utiles destinés à instruire le public sur une de nos grandes Ecoles d'Agriculture. Tant de personnes sont disposées à croire que l’on forme des jardiniers ou que l’on instruit des ouvriers ruraux dans nos Ecoles nationales d'Agriculture! Il est bon de mon- trer ce qu'est aujourd'hui l'Enseignement agricole. A Montpellier, on compte déjà onze chaires différentes, qu'ilest utile d'indiquer : io Agriculture et arboricullure agreste ; 20 Botanique et sylviculture ; 3° Chimie générale et agricole ; 4° Economie rurale et législation ; 5° Génie rural; 6° Physique, Météorologie, Géologie et Minéralogie; 7° Sériciculture ; ; 8° Technologie; 9° Viticulture ; 40° Zoologie générale et Entomologie ; 419 Zoologie et Zootechni?. Ce n'est pas tout. Des conférences sont faites sur les questions scientifiques qui se rattachent aux divers cours et n'ont pas pu être traitées d'une facon assez étendue dans chacun d'eux. C’est ainsi que la Bacté- riologie, la Comptabilité agricole, les Cultures colo- niales, la Culture pratique agricole, le Dessin et l'Hor- ticulture sont enseignés dans une série de conférences faites par les professeurs, les répétiteurs, ou des con- férenciers spécialistes. Il y a lieu également de citer : La station Séricicole, le Laboratoire d'Analyses,le Laboratoire spécial d'(Eno- logie, l'Observatoire météorologique et la Station d'Essais de semences. Voilà, nous dira-t-on, beaucoup de science et peu de pratique ! C’est une erreur. La pratique bien com- prise est enseignée à Montpellier comme à Grignon ou à l'Ecole de Rennes; et nous trouvons dans l'introduc- tion de l'ouvrage que nous analysons d'excellentes observalions à cet égard : « Ge n'est pas que l'instruction pratique manuelle des élèves soit complètement négligée. Si un petit nombre d’entre eux, au sortir de l'Ecole, savent tenir, avec la souplesse et la fermeté voulues, les mancherons d'une charrue, ils ont, tous, au moins €lé mi; aux prises avec les diflicullés d'exécution des travaux pra- tiques de culture. On peut, d’ailleurs, se demander quel serait l'avantage de faire, dans le programme actuel d'enseignement de l'Ecole, une beaucoup plus large part aux travaux pratiques de culture. Le dommage le plus certain qui en résulterait serait de diminuer l’ex- ANALYSES ET INDEX posé des notions fondamentales des sciences appliquées à l’agriculture en privant les élèves du bagage scienti= fique dont ils auront le plus grand besoin pour amé- liorer, chacun dans son milieu cultural, les conditions actuelles de la production agricole. Leur rôle dans une exploitation viticole n'est pas de bien tailler les vignes; mais de savoir comment on laboure bien, à quel mo= ment il convient de labourer, comment il faut tailler et quelle taille aussi bien que quel engrais il faut applis quer pour obtenir les récolles les plus abondantes et les plus durables, » L'auteur de ces lignes, M. Houdaille, a parfaitement raison et répond aux critiques inintelligentes de ceux qui confondent un agriculteur avec un ouvrier rural: Quant à l'utilité du rôle qu'a joué l'Ecole de Mont- pellier dans l'œuvre du progrès agricole, il est mis en évidence par le nombre de ses élèves et par la carrière qu'ils ont embrassée depuis leur sorlie. Depuis 1875 jusqu’à 1895, sur 1.193 élèves admis, 407 ont été diplômés;.et sur ce nombre, 63 sont devenus profes- seurs, 216 font de la pratique agricole pour leur compte personnel; T1 sont devenus régisseurs ou directeurs d'exploitations. Ce résultat est intéressant et il prouve combien a été réellement fécond l'Enseignement donné à l'Ecole de Montpellier. : Si le volume que l'on nous présente aujourd’hui n'avait eu pour objet que de nous indiquer le nombre: des agriculteurs sortis de l'Ecole, il aurait encore son utilité. D:Z0n1A, Professeur à l'École d'Agriculture de Grignon: 4° Sciences médicales Morache (G.), Professeur de Médecine légale à 14 Faculté de Médecine de l'Université de Bordeaux» — La Profession médicale ; ses devoirs, ses droits. — 4 vol. in-12 de 323 pages. (Prix cart. : 4 fr Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. Bien que la Médecine soit plus vieille que les reli- gions, elle finit, à une certaine période de l’évolution, sociale, parse confondre avec elles. Les maladies ont, en effet, des origines mystérieuses. Il était logique qu'on: les rapportät à l'action de puissances surnaturelless C'est pourquoi, au début des civilisations, les fonctions de prêtre et de médecin devaient être dévolues au même personnage. En outre, les moyens de guérir ou de soulager et les dogmes religieux ne se transmetten guère que par la tradition. Dans ces matières, l’ingénio= sité personnelle n'est d'abord pour rien, elle ne peut se manifester que plus tard. A toutes les autres mani= festations de l’art et de la pensée sont attachés des exemples d'esprits prodiges. On peut citer des mathé= maticiens, physiciens, etc. et des artistes d'un génie prodisieusement précoce : Jamais ce fait ne se produit en matière de religions’, ni de médecine, parce qu'elles reposent, les premières, sur l'observation uni= verselle, la seconde, au moins sur l'observation indivis duelle, Or, il faut un temps très considérable, si fécond. que soit un esprit, pour rassembler les éléments de l'une ou de l’autre. Tous les livres sacrés fondamentaux sont à la fois des livres de Morale et de Médecine. La Médecine garda son caractère religieux jusqu'au jour où elle devint une professionspéciale. Encore, malgré cette scission, conserva-t-elle longtemps des habitudes pres= que sacerdotales. Aujourd'hui, la conception de la Mé= decine a totalement changé, et elle semble passer au rang des professions simplement commerciales. C'est pourquoi nous devons savoir gré à M. Morache d'avoir publié un ouvrage plein de bons conseils, d'idées généreuses et de renseignements positifs, qui peut sers vir de guide soit au médecin même, soit aux jeunes gens qui se destinent à la médecine pratique. Ils y # 1 Nous prenons ici le mot de « religion » dans son sens le plus grave, et nous ne faisons aucune allusion aux imagina=. tions des illuminés ni aux formes décadentes des religions. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 145 trouveront l'histoire résumée de leur profession, de- puis les Collèges de prêtres jusqu'aux Facultés actuelles, l'exposé des lois qui nous régissent aujourd'hui. L’au- teur consacre un chapitre intéressant à la femme-mé- decin, dont il soutient chaleureusement la cause. Puis il entre dans certains détails de la vie du médecin, montre ce qu'il doit être pour remplir son rôle avec correction et dignité. Les chapitres relatifs aux diverses positions médicales et aux rapports du médecin avec le malade déuotent une grande compétence déontologique et sont, à n’en pas douter, le fruit de réflexions person- nelles suggérées par une excellente pratique. Il en est de même des pages importantes où le Pro- fesseur Morache traite du secret médical. Elles sont d'une lecture très attrayante pour le médecin, qui sans cesse se {rouve dans des situations difficiles pour les cas en apparence les plus simples et où le monde n'’en- trevoit pas la moindre difficulté. C’est un maître qui questionne le médecin sur la santé d'un de ses servi- teurs, une famille sur l’état d’un de ses membres; ailleurs, c'est, chose plus troublante, un conseil à don- ner sur l'opportunité d’un mariage, elc. Bien des gens ne savent pas quel embarras causent au médecin les questions les plus banales du monde; et il n’est point d'homme plus soumis que lui à la question perpétuelle. Mis-à-vis du malade même qu'il soigne, le médecin peut être tenu au secret médical. Sans compter les cas où le bonheur d'un ménage, les destinées d’une famille dé- pendent de son silence, chaque jour le médecin est obligé de masquer la vérité à son malade, de le récon- forter par des explications qu'il imagine avec le plus d'à-propos qu'il peut et qui sont prises pour l'expression de sa science. Jeune, quand on tourne d'une mémoire agile les feuillets documentés des gros traités de Patho- génie, on raille sans pitié les explications pathogéni- ques de ses ainés; plus tard, quand on a soi-même dû exposer bien des motifs et forger bien des contes, on devient plus indulgent et on envie parfois celte ingé- niosité dont on se moquait naguère. Les principales variétés du secret médical sont expo- sées par M. Morache et les diverses questions sont ré- solues dans le sens le plus strict. Après une étude sur les expertises et les médecins experts, l'auteur envi- sage la situation morale et matérielle du médecin. En résumé, c'est un fort bon guide que ce livre de La Profession médicale. Wn'admet pas la moindre res- triction à la responsabilité du médecin, et, par cela même, rehausse son rôle. D'un bout à l'autre, il a été été écrit avec un sens parfait de la dignité profession- nelle. D' A. LÉTIENNE. Crespin (J.), Professeur suppléant à l'Ecole de Mé- decine d'Alger, Médecin sanitaire maritime. — Com- ment on se défend contre les maladies coloniales. Guide du voyageur et du colon. — 1 vol. in-18 de 46 pages (Prix 1 fr.). L'Edition médicale française, 29, rue de Seine. Paris, 1901. 5° Sciences diverses Mourey (Ch.) et Brunel (Louis), directeurs. — L'Année coloniale, premicre année (1899), avec la collaboration de MM. le général GAzniéxr, Picquié et TeissieR, — 1 vol. in-8 de 413 pages et une introduc- tion, avec cartes et photogravures. Charles Taïllan- dier, libraire-éditeur. Paris, 1900. Voici une nouvelle publication à laquelle il faut sou- haiter de durer et de s’accroître, car son existence se faisait désirer. Elle pourra présenter au public et aux spécialistes de tout genres qui s'occupent des colonies, un résumé annuel très commode des efforts de l'Ad- ministration et de l'initiative privée pour la mise en valeur de nos possessions. Elle sera aussi le lien et comme le centre de la littérature coloniale, livres, articles de revues ou de journaux, dont le flot va gros- sissant sans cesse, au grand désespoir des chercheurs. Ces derniers sauront tout spécialement gré aux direc- teurs de la bibliographie générale et spéciale qui ter- mine le recueil, et qui est concue avec méthode; ils y verront volontiers la « cartographie » prendre plus de développement; nul n’est mieux placé pour atteindre ce résullat que les fonctionnaires de l'Office Colonial. La première partie du livre contient une série de mémoires ou d'articles sur des questions de colonisa- tion, générales ou particulières à certaines possessions françaises. Les pages consacrées par M. le: général Galliéni à Madagascar donnent une vue de l’état des voies de communication dans la grande île au milieu de 1900, et justifient les projets à l'étude ou en voie de réalisation; elles sont d'un gouverneur qui aime sa colonie, et, ce qui n'esl pas pour déplaire aux géo- graphes, d'un connaisseur en fait de pittoresque. Ceux qu'inquiètent les dépenses faites par la métropole pour nos possessions, et qui voudraient les voir toutes se sulfire à elles-mêmes, comme la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Dahomey, et bientôt les Etats de l'Union Indo-Chinoise, liront avec reconnaissauce le rapport rempli de franchise de M. Picquié, inspecteur général, sur « les budgets locaux des colonies »; nous regret- tons de ue pouvoir analyser ici ce rapport. La mise en valeur du Congo français au moyen de concessions, œuvre entreprise par M. Guillain, et organisée par les décrets de février, mars et avril 4899, porte déjà des résultats, indiqués par une étude de M. Georges Teis- sier, maitre des requêtes au Conseil d'Etat. Suivent des pages résumant la marche de pénétration vers le Tchad par les trois missions Joalland-Meynier (Voulet- Chanoine), Foureau-Lamy et Gentil, événements que bien des revues, sans compter lés journaux les moins coloniaux; avaient rendus familiers au public. Notons, enfin, des indications intéressantes sur le Jardin Colo- nial de Nogent-sur-Marne, sur l'Office Colonial, et sur les entreprisespatientes de l'Alliance Française aux colo- nies. Les directeurs nous permettront d'exprimer l'avis que des articles du genre de ces derniers, ou de celui sur les budgets locaux, pourraient seuls trouver place dans la première partie du recueil ; les autres semble- raient plus losiquement placés, sous des dimensions plus réduites, daus les divers chapitres de la seconde partie où l’on trouve l’état de la colonie qu'ils intéressent. Ces chapitres, dont on comprendra que nous n’es- sayions point ici le compte rendu détaillé, sont bien compris. Ils donnent, sur chacune de nos colonies, les renseignements généraux d'ordre administratif, poli- tique et économique vraiment utiles aux futurs colons, aux gens d’affaires et aux divers savants, avec un catalo- gue de tous les journaux locaux. Pourquoi nejoindrait-on pas, l'an prochain, à ces précieuses indications quelques autres sur certains phénomènes physiques? Il est diffi- cile au public de se procurer au jour le jour les résul- tats des observations météorologiques faites dans les diverses stations coloniales : des tableaux très simples, dont l'Office Colonial réunirait aisément le contenu, pourraient présenter, par exemple, les moyennes les mieux contrôlées des chutes d’eau et de la température aux divers mois de l’année; la colonisation y trouverait son compte, comme la spéculation scientifique. Ge léger désideratum une fois émis, nous n'avons aucun scru- pule à recommander sans réserve la pratique de cette seconde partie du recueil. La documentation en parait très sûre, et l’on peut y relever, presque à chaque cha- pitre, beaucoup d'inédit. Si nous avions une préférence, peut-être trop égoïste, à indiquer, nous signalerions les pages consacrées à l'Afrique Occidentale. Les courtes statistiques commerciales proviennent, pensons-nous, des ministères, dont elles devancent très heureusement les publications. J. Macuar, Agrécé d'Histoire et de Géographie, 146 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 14 Janvier 1901. M. le Président annonce à l'Académie le décès de M. Ch. Hermite, doyen de la Section de Géométrie, et de M. Ad. Chatin, membre de la Section de Botanique. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré fait l'analyse critique de la méthode de Gyldèn dont M. Backlund s’est récemment servi pour déterminer les variations séculaires de l'équateur terrestre qui sont les conséquences des variations séculaires de léclip- tique. II montre que la méthode renferme un vice fon- damental, qui en empêche toute application. Les inéga- lités trouvées par M. Backluud sont donc inexactes; il faut revenir aux anciens coefficients de Stockwell. — M. Perrotin communique les observations de la nou- velle comète découverte par M. Giacobini, le 20 décem- bre, à l'Observatoire de Nice. Celte comète paraît offrir un grand intérêt en raison de son mouvement direct et de la valeur de certains de ces éléments. — M. G. Hum- bert, poursuivant ses recherches sur les fonctions qua- druplement périodiques, est arrivé à ure surface qui est le premier exemple explicite de surface d'ordre quatre, à quinze points doubles, dont les coordonnées s’expri- ment en fonction uniforme quadruplement périodique de deux paramètres. — M. D. Th. Egorov communique quelques remarques complémentaires sur les systèmes orthogonaux admettant un groupe continu de transfor- mations de Combescure. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Rheïns rappelle que ses expériences faites à Dijon en 1894-1895 ont montré que les mélanges de conversations téléphoniques produits dans des circuits appartenant au même retour commun sont causés par de mauvais isolements, c’est-à-dire par des pertes à la terre. Ces expériences sont analo- gues à celles de M: Gavey et de sir W. Preece. — M. Armand Gautier a soumis à l’action de la chaleur diverses roches ignées pulvérisées : granit, porphyre, ophite, lherzolite. Il à constaté un fort dégagement gazeux, constitué par HS, CO®, CO, H, CH'et Az. Ces gaz ne proviennent qu'en très faible partie d'inclusions; ils résultent principalement de réactions successives se produisant au rouge. — M. H. Pélabon a étudié l’ac- tion de l'hydrogène sur le protosulfure de bismuth BiS, et l’action inverse de H?S sur le bismuth. La proportion d'hydrogène sulfuré croit très régulièrement à partir de 0 en mème temps que la proportion de sulfure de bis- muth, et le rapport 6 de la masse d'hydrogène sulfuré à la masse totale tend vers le nombre 0,893, quand le rapport R du poids de sulfure non décomposé au poids de mélange formé par ce corps et le bismuth mis en liberté tend vers {. Les réactions sont plus rapides à 6109 qu'à 4409, — M. V. Thomas a préparé par cinq méthodes les chlorobromures de thallium du type TIX*, 3 TIX. Des trois composés qui ont élé jusqu'à présent signalés, il parait douteux que Tl* CI‘ Br° el TI“ CE Br‘ existent: si ces corps se forment, ils ne sont en tout cas pas stables, et se dédoublent par cristallisation en donnant Tl'CI* Br*, seul composé se formant d'une façon régulière. — M. Tarible à observé que le bro- mure de bore, en présence des chlorures de phosphore, réagit avec la plus grande facilité pour donner des combinaisons doubles : PCI, 2BoBr*; PCI,2BoBr”. Les corps ainsi obtenus sont parfaitement cristallisés et se décomposent à froid par l'eau, le chlore et le gaz am- moniac. — M. G. F.Jaubert a observé que le peroxyde de sodium, exposé à l'action de l'air humide, absorbe progressivement la vapeur d'eau sans décomposition, ACADEMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES c'est-à-dire sans aucun dégagement appréciable d’oxy= gène et aucune déliquescence. On obtient ainsi une série d'hydrates de bioxyde de sodium allant de Na°0?-L2H°0 à Na°0? + 8H°0; ce dernier est très stable à froid, il se dissout dans l’eau d’où il peut cris= talliser: il commence à se décomposer vers 300-400, — M. Oechsner de Coninck a déterminé les densités de quelques solutions du nitrate d'uranium dans HAz0* ef H?S0* étendus, puis sa solubilité dans l’alcool méthy= lique, l’éther, l'acétale d’éthyle et l'acide formique. — M. M. Berthelot a déterminé la chaleur de combustion: et la chaleur de formation des mercaptans éthylique eb amylique,. des sulfures d’éthyle et d’amyle. La substis tution du soufre par l'oxygène correspond à une aug= mentation moyenne de 51,3 cal., égale à la d fférence. observée entre les oxydes et les sulfures métalliques dissous (52 cal.). — M. Berthelot a déterminé la cha= leur de formation d’un échantillon de sulfocyanure de phényle envoyé par M. Billeter (de Neuchâtel); elle esb de 63,7 cal. D'où il résulte que la trausformation du sulfocyanure en isosulfoyanure dégage + 17,2 cal. — M. W. Louguinine a déterminé les chaleurs latentes de vaporisation et les chaleurs spécifiques de quelques substances organiques : aniline, méthyléthylacétoxime, anisol, butyronitrile. — M. L. Hugouneng a étudié l’action du persulfate d'ammoniaque, en milieu alcalin, sur quelques principes immédiats de l'organisme: L'acide urique est oxydé en allantoïne, qui se détruit aus-itôt en donnant de l’urée et de l'acide allanturique: La bilirubine est transformée instantanément en bili= verdine. L'hématine est transformée en une liqueur incolore qui abandonne des flocons d'oxyde de fer. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau conclut, d'expériences instiluées régulièrement pendant treize mois sur un chien, que l'alcool ingéré, dont l'organisme s'imprègue si rapidement, ne saurait participer qu pour une très faible part, s'il y participe, aux coms bustions où le système musculaire puise l'énergie nécessaire à son fonctionnement. Cette substance n'’esb pas un aliment de force et son introduction dans une ation de travail se présente avec toutes les apparences d'un contre-sens physiologique. Ces résultats sont et accord avec ce que l'on sait de l'élimination de l'alcool en nature par les émoncloires extérieurs, particulières ment la voie pulmonaire. — M. G. Chauveaud com-= munique quelques réflexions sur la structure des plantes vasculaires. On trouve à la base du cotylédon les mêmes formations que dans la racine; la différence consiste en une réduction du protoxylème el en une succession: plus rapide des diverses structures. — M. Jules Gar nier indique, dans le Beaujolais, un gisement de fluo rine odorante dégageant du fluor libre. — M. André Tournouër indique les raisons qui le font croire à l'existence d’un animal nouveau dans l'intérieur de la Patagonie, le Æymché des Indiens, le Néomyledon de FI. Ameghino. Séance du 21 Janvier 1901. M. C. Jordan lit une notice sur la vie et les travaux de Ch. Hermite. — M. G. Bonnier lit une nolice sur la vie et les travaux d'Ad. Chatin. — M. E. Mascart annonce la mort de M. Z. Gramme, le célèbre inventeus de la dynamo. 49 SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. R. du Ligondès, eli réponse à une note de M. de Freycinet, pense que la formation des planètes télescopiques par ruplure d'un ou plusieurs anneaux n'est pas acceptable, tandis que son hypothèse de la génération des planètes par agglo= mérations successives de matériaux cireulaut à l'inté- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 147 rieur de la nébuleuse solaire, sur des orbites un peu obliques à son équateur, concorde mieux avec les faits. — M. S. Kantor généralise un théorème de M. Picard, relatif aux surfaces de l’espace R, dont toutes les sec- tions planes sont unicursales algébriques. — M. A. Lia- pounoff donne une démonstration rigoureuse d’un théorème du calcul des probabilités se rapportant à la formule connue de Laplace et Poisson qui sert à l'éva- luation approchée de la probabilité pour que la somme d’un grand nombre de variables indépendantes, sou- mises au hasard, soit comprise entre certaines limites. Il y arrive par la méthode du facteur discontinu. — M. P. Duhem communique quelques considérations sur la condition supplémentaire en Hydrodynamique. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Caubet étudie la va- riation des concentrations des deux phases coexistantes liquide et vapeur le long des isothermes. Tout mélange de CO? et de SO? qui, à la température de 66°3 et sous la pression de 57,6 atmosphères, est susceptible de pré- senter deux phases coexislantes, donnera une phase liquide de concentration X, — 0,70926 et une phase vapeur de concentration X, = 0,33238. — M. R. de … Forcrand, en réponse à une note récente de M. G. K, Jaubert, fait remarquer qu'il a déjà préparé l'hydrate de bioxyde de sodium Na*0*Æ8H°0 et indiqué ses pro- priétés et son emploi pour la préparation de l’eau oxy- sénée. — M. E. Baud, en faisant réagir le gaz ammoniac sur le chlorure d'aluminium, a obtenu quatre composés : 4e ACI,24zH", corps très stable qui distille sans décom- position vers 4509; 2° Al?CI°,104ZH5, très stable encore, se dissociant sous la pression atmosphérique vers 380°; 30 Al?CI‘,12AzH*, qui se dissocie vers 180°; 4° enfin AËCI,18AZH%, beaucoup plus dissociable et qu'on n’ob- tient qu'aux lempéralures voisines de celle de la liqué- faction de l’ammoniaque. — MM. G. et E. Urbain, par la cristallisation fractionnée des éthylsulfates, ont retiré des parties les plus solubles des terres yttriques l'yttrium, le nouvel erbium et l'ytterbium. Ceux-ci, transformés en nitrates et décomposés partiellement par la chaleur, ont pu être séparés et obtenus à un assez grand état de pureté. — M. Ed. Defacqz, en faisant réagir l'hydrogène arsénié gazeux sur l'hexachlorure de tunystène, a obtenu le biarséniure Tu As°; l’action de lhydrogène arsénié liquéfié conduit à un chloroarsé- niure Tu*AsCLI’. — M. R. Marquis, en nitrant le furfu- rane dissous dans l'anhydride acétique en présence de pyridine, a obtenu un nitrofurfurane C‘H*0OAZ0®, soluble dans les alcalis en rouge-orangé, cristallisable en gros cristaux d’un blanc jaunâtre. Il se forme aussi un liquide qui parait être de nature aldéhydique. — M. P. Lemoult établit la loi suivante : Les colorants à spectres d'absorption disconlinus présententune bande rouge dont le milieu est fixe (pour une dilution molé- culaire et une épaisseur invariables) {ant que la molé- cule ne se complique que de substances non significa- tives, tandis que le milieu de cette bande se déplace très sensiblement quand on modilie le nombre des groupements auxochromes azotés tertiaires. — MM. A. el L. Lumière et Chevrotier ont obtenu, en trailant le phénoldisulfonate de soude par l'oxyde de mercure, un composé organique très slable, le mercure-phénoldi- sulfonate de soude, dans lequel le mercure est com- plètement masqué au point de vue chimique. Toutefois ce corps possède des propriétés toxiques, antiseptiques et antivégétatives qu'il doit en grande partie au mereure qu'il renferme. — MM. Adrian et Trillat ont reliré de l'agaric blanc le produit désigné sous le nom d'acide agaricique. Il cristallise en aiguilles et correspond à la » formule C*H°°0°. Ce n’est pas un acide et d'autre part, il n'est doué d'aucune propriété physiologique. — M. F. Bodroux, en faisant réagir le bromure de trimé- thylène sur le benzène en présence de chlorure d'alu- minium, à obtenu, en même temps que le diphényl- propane symétrique, du propylbenzène en quantité notable. Ce dernier provient de la décomposition par ACL d’une partie du diphénylpropane. — M. E. Gé- -rard à constaté que l'extrait aqueux de rein de cheval peut transformer la créatine en créatinine par déshy- dratation; cette action est due vraisemblablement à un ferment soluble. — M. M. Hanriot montre : 4° qu'un ferment, alténué par une action chimique, peut se ré- générer et revenir à son activité première; 2 quel’action de la lipase sur les acides et les éthers semble être une combinaison chimique régie par les lois de la dissocia- tiou. — M. M. Tsvett montre que la bande fondamen- tale de la chlorophylle est double et que sa partie gau- che, tournée vers le rouge, appartient à la chlorophyl- line bleue, le segment dextre, beaucoup plus faible, étant dû à une seconde chlorophylline. Pour beaucoup de plantes, les chlorophyllines subissent au contact de substances cellulaires inconnues et en présence d'alcool une trans'ormation en corps différents que l'auteur appelle métachlorophyllines. — M. Aug. Gérardin a reconnu que la terre peut servir à épurer l’air chargé de gaz odorants. La terre est perméable à l’air et sa perméabilité est indépendante de sa composition. La résistance de la terre au passage de l'air est proportion- nelle à l'épaisseur de la couche filtrante et à la quantité d'eau qui l'humecte, — M. Eug. Charabot à reconnu que les influences capables de modifier les plantes de facon à les rendre plus aptes aux fonctions chlorophyl- liennes favorisent en même temps la formation des éthers d'alcools terpéniques. — M. G. Bertrand à reconnu que les graines du caféier de la Grande-Comore, qui eroit spontanément dans l'ile, ne renferment pas de caféine, à l'inverse du Coflea arabica cultivé dans le même endroit. Cette différence de composition chimi- que suffit à faire de ce caféier de la Grande-Comore une espèce nouvelle, comme l'avait déjà pensé Baïllon. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a cons- taté que la substitution partielle de l’alcool au sucre, en proportions isodynames, dans la ration alimentaire d'un sujet qui travaille, ration administrée peu de temps avant le travail, entraine pour le sujet les consé- quences suivantes : 1° diminution de la valeur absolue du travail musculaire; 2° stagnation ou amoindrisse- ment de l'entretien; 3° élévation de la dépense énergé- tique par rapport à la valeur du travail accompli. En somme, les résultats de la substitution se montrent à tous les points de vue très franchement défavorable, — MM. Lannelongue, Achard et Gaillard ont étudié l'influence du climat sur l’évolution de la tuberculose pleuro-pulmonaire expérimentale. Des cobayes, ino- culés de la même facon, étaient divisés en plusieurs lots dont l’un restait à Paris au laboratoire, les autres étant envoyés au bord de la mer, à la campagne ou à la montagne. Dans toutes les expériences, la mortalité a été moindre au laboratoire qu'ailleurs, malgré les con- ditions plus défavorables, — MM. A. Charrin et Moussu ont injecté au lapin du mucus dans la veine de l'oreille et ont observé la mort en quelques minutes, probable- ment par obstruction vasculaire dans les centres ner- veux grâce à des thromboses ou à des embolies. Le mucus doit done renfermer un produit coagulant. — M. H. Varnier montre qu'il est possible d'obtenir, chez la femme vivante, une bonne radiographie du bassin, permettant d'apprécier, avec une exactitude suffisante, les diamètres utiles à l'accoucheur. — M. E. Topsent a déterminé les Spongiaires rapportés par l'Expé- dition antarctique belge; l’examen de ces animaux est contraire à la théorie de la bipolarité des faunes. — M. Antoine Pizon a constaté que, chez les Tuni- ciers, une partie très importante du pigment, peut- être même la totalité, provient de la destruction des éléments des différentes générations d’ascidiozoïdes qui meurent dans le cormus. — M. G. Bohn propose une nouvelle théorie de l'adaptation chromatique, diffé- rant des théories actuelles en ce que la formation du pigment est attribuée beaucoup plus à des causes chi- miques qu'à la lumière, cette dernière n'intervenant que dans la lutte que soutiennent entre eux, dans un même organe, les granules pigmentaires de diverses teintes. — M. Guilliermond a étudié la structure de quelques moississures (Dematium), Gomme Wager chez 148 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES É les levures, il a observé un noyau toujours accolé à une vacuole chargée de fins granules. Il y a donc une grande analogie entre la structure des moississures et celle des levures. — M. F. Wallerant montre, par l'exemple de l'iodargyrilte el du rutile, que les cristaux peuvent posséder des axes de symétrie apparente, et que la symétrie mécanique peut être réalisée en dehors de la symétrie géométrique. — M. A. Lacroix areconnu qu'une parlie de l'or alluvionnaire de Madagascar existe à l'état natif dans les roches gneissiques de cette île; on le retrouve dans la latérite qui provient de la décom- position sur place de ces gneiss. — M. Léon Bertrand établit que les roches éruplives du cap d’Aggio sont d'âge très récent et datent du Pléistocene ou, au plus, du Pliocène supérieur. — M. Ph. Glangeaud a reconnu que les trois dômes de Saint-Cyprien (Dordogne), Sau- veterre et Fumel (Lot-et-Garonne) ont un noyau virgu- lien et portlandien entouré de Cénomanien, de Turo- nien et de Sénonien pour le premier, de Turonien et de Cénonien seulement pour les deux autres. Séance du 28 Janvier 1901 M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de M. J.-G. Ardagh, correspondant pour la Section de Botanique. _ 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. Frémont a constaté que la position de la fibre neutre dans les corps rompus par flexion dépend du rapport de la limite élastique à la compression et de la limite élas- tique à la traction. De plus, un acier est fragile ou non- fragile suivant que le rapport inverse est plus petit ou plus grand que l'unité. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Lagrange a constalé que les ondes hertziennes, dans la télégraphie sans fl, n'agissent pas sur un cohéreur enfoui à une faible pro- fondeur dans le sol. — M. A. Gautier a recherché l'origine des gaz qui se dégagent lorsqu'on porte au rouge certaines roches. L'hydrogène provient de l'ac- tion de la vapeur d'eau sur les sels ferreux; l'acide carbonique est dû en partie à la dissociation des carbo- nates, et l’oxyde de carbone à la réduction de CO? par les sels ferreux. — M. Oechsner de Conink, par l'ac- tion de la chaleur sur le nitrate d'uranium, a obtenu les modifications rouge et orange du sesquioxyde et un oxyde brun. — M. Tarible a étudié l'action du bro- mure de bore sur les iodures de phosphore et à obtenu les composés P?[*, 2BoBr3 et P°1‘, 2BoBr° + I. Avec les chlorures d’arsenic et d'antimoine, le bromure de bore donne lieu à une double décomposition; avec les bromures et iodures de ces métalloïdes, il y a simple dissolution. — M. M. Guerbet, en faisant réagir l'al- cool ænanthylique sur son dérivé sodé, a obtenu : de l'acide œnanthylique, de l'alcool diænanthylique, de l'alcool triænanthylique et l'acide correspondant. Ces réactions sont analogues à celle observée déjà avec l'alcool amylique inactif; leur généralisation consti- tuera une nouvelle méthode de synthèse des alcools. — MM. P. Sabatier el J.-B. Senderens ont reconnu que le nickel réduit est un agent très actif, qui permet de réaliser facilement, à température peu élevée, soit des hydrogénations directes, soit des dédoublements molé- culaires. Les auteurs ont réalisé par cet agent, au-des- sous de 300°, l'hydrogénation directe du benzène en hexahydrobenzène, puis son dédoublement en trois molécules d’éthylène. — M. M. Hanriot, après avoir montré que la saponification des graisses par la lipase est limitée par les acides gras mis en liberté, a pensé que si l’on mettait la lipase en présence de glycérine et d’un excès d'acide, elle doit pouvoir les recombiner, de facon à réaliser toujours le même rapport entre les quantités d'acide et d'éther en présence. L'expérience a justifié ces vues et l'existence de cette réaction inverse. — M. Testenoire rappelle que les chaleurs spécifiques de la soie, de la laine et du coton ont été déterminées au Laboratoire d'étude de la soie à Lyon, en 1898, et ont donné des nombres identiques à ceux trouvés par M. Fleury en 1900, 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau a déler= miné la dépense énergétique qu'entraînent respective= ment le travail moteur et le travail résistant de l’homme qui s'élève ou descend dans la roue de Hirn. IL conclut que la formule à employer pour exprimer la loi générale de la dépense énergétique dans le travail des: moteurs animés doit contenir comme éléments fonda= mentaux : 1° L'expression de la dépense atlachée l'exécution du travail intérieur qui équilibre la charge. dans la contraction statique; 2 l'expression de l’aug mentalion ou de la diminution imprimées à ce travai intérieur, en fonction de la valeur de Ja charge et de la vitesse de déplacement de la masse qu'elle repré sente, quand la contraction statique se transforme en contraction dynamique pour opérer le soulèvement 0 l’abaissement de cette masse; 3° L'expression de la dépense consacrée à l'exécution même du travail exté rieur, positif ou négatif. — M. L. Camus a constaté que l'injection dans les vaisseaux d’un animal de fibrine en suspension dans l’eau salée à 8 °/,, ne détermine pas la production d'un sérum fibrinolytique; le sérum d l'animal ainsi traité précipite non seulement les solus tions de fibrine, mais aussi le sérum et les solutions des fibrinferment de l'espèce animale qui a fourni la fibrine: — M. Chapot-Prévost a opéré la séparation d’un monstre double monompbhalien autositaire, Maria-Rosa= lina. L'un des deux sujets composant présentait une inversion du cœur, constatée par la radiographie: L'union des cœurs n’est pas une conséquence fatale de l'inversion de ce viscère. — M. Lannelongue fait ressor= tir l'importance de la radiographie pour établir, dans des cas analogues, s'il existe bien deux cœurs séparés eb distincts. — M. Michel Siedlecki a observé une gréga= rine, la Wonocystis ascidiae Laok, qui passe la plus grande partie de sa période de croissance tout entière dans une cellule de l’épithélium intestinal d'un Tuni= cier, le Giona intestinalis. Elle exerce, sur celte cellule; une action hypertrophiante, qui peut s'étendre aux cellules voisines, et entrainer celle du tissu conjoncti environnant. Il y a peut-être là un des modes de généra= tion des tumeurs chez les êtres supérieurs. — MM. M: Caullery et F. Mesnil ont observé chez les Grégarines tous les degrés depuis le développement entièrement extracellulaire jusquà la croissance presque complète ment intracellulaire, avec schizogonie intracellulaire possible. Ils ont constaté également l’action hypertro= phiante exercée par la grégarine sur la cellule-hôte. = M. L. Trabut a éludié la manne exsudée par cerlains oliviers. Elle contient environ 52 °/, de mannite el pros vient de Ja liquéfaction du liber par une bactérie, qui doit être transportée par les insecles. — M. J. Beau- verie a recherché l'influence de la pression osmotique du milieu sur la forme et la structure des végétaux: Plus la concentration des solutions nutritives aug= mente, plus les racines des plantes en expérience s’enfoncent profondément dans la solution. La parti aérienne de son côté se réduit beaucoup en hauteur: En même temps, la moelle disparaît dans les racines; et il se produit un abondant suber péricyclique. M. V. Paquier a observé la présence du genre Caprina dans l'Urgonien supérieur de Rimet (Isère). Ces Ga prines sont de pelile taille; leur valve supérieure se montre uniformément pourvue de canaux séparés pan des lames radiantes, généralement simples. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 8 Janvier 1901. M. le Président annonce le décès de M. Potain, membre de l'Académie. M. Jules Bœckel a pratiqué, chez une femme atteinte de tumeur maligne de l'estomac, l’ablation totale de cet organe. La malade a guéri très rapidement et jouit, depuis lors, d’une excellente santé. L'ablation totale de l'estomac est done non seulement compatible avec l'existence, mais elle l’améliore d'une facon notable ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES dans certaines affections incurables et fatalement mor- telles. — MM. les D'° Balestre et Gilletta de Saint- Joseph communiquent un mémoire sur la mortalité de Jl'erfance dans la population urbaine de la France. Séance du 45 Janvier 1901. M. Du Castel est élu mewbre titulaire dans la Section de Thérapeulique et Histoire naturelle médicale. — M. le Président aunonce le décès de M. G.-A. Chatin, membre de l'Académie. Séance du 22 Janvier 1901. M. J.-V. Laborde présente un appareil de conten- tion dû à M. Altermann, pour prévenir les allitudes vicieuses el les déformations chez les élèves violonistes. — M. Guéniot présente un rapport sur deux communi- cations : l’une de MM. Doléris et Marlatie, l’aulre de M. Dupaigne, relatives à l’anesthésie médullaire appli- quée aux accouchements. Des observations présentées et d’autres analogues, le rapporteur conclut que : 4° l'iujection sous l’arachnoïde lombaire d'un cenli- gramme de cocaine en solution à 1°/, produit une analgésie régionale qui s'élend à toule la portion du corps située au-dessous d’une ligne passant par l'om- bilic; 2° cette injection, pratiquée sur Ja femme en travail d'accouchement, supprime à la fois la douleur que déterminent les contractions de l'utérus et celle qui est due au passage de l'enfant; de plus, loin d’entraver Ja marche du travail, elle semble, au contraire, l'accé- lérer; 3° l'influence de la cocaïne se fait ainsi sentir peudant une durée qui varie de une heure un quart à deux heures; 4° L’injection, praliquée avec toutes les précautions d'une asepsie rigoureuse et suivant une technique strictement déterminée, ne semble constiluer aucun danger sérieux pour la mère ou pour l'enfant, Moutefois, celte anesthésie ne pourra être généralisée ; elle a des contre-indications très neltes. — M. Paul Berger a pratiqué chez un malade souffrant, depuis plus de trente aus, de douleurs très vives dans le genou, l’ablation totale de la rotule. Le rérultat fonctionnel à été excellent, car les mouvements du genou se sont conservés, grâce à la suppléance qui s'est établie entre les parties latérales du triceps et le droit antérieur. La cause de l'affection était nne ostéomyélite chronique d'emblée de la rotule. — M. J.-V. Laborde sigoale un cas de rappel à la vie d'un nouveau-né en élat d'as- phyxie blanche complète à l’aide des tractions rhytmées de la langue, poursuivits pendaut cinquante-cinq mi- nutes. — M. Ch. Wardell Stiles attire l'attention sur uue maladie répandue eu Extrême-Orient : l'hémoptysie parasitaire, et qui pourrait être introduite en Europe el aux Etats-Unis, au relour des troupes iuternalionales qui se trouvent actuellemont en Asie. Celle maladie st causée par un ver: le Paragonimus Westermann (douve du poumon), qui se trausmet probablemeut par Veau. Lorsqu'il se loge dans les poumons, il produit généralement la (oux et des crachements de sang(hémop- iysie); les crachats renferment coustamment des œufs du ver; les malades peuvent vivre très longtemps et même guérir quelquefois. Lorsque le ver parvient au cerveau, 1l peut produire des attaques d’épilepsie jack- sonienues et le pronostic est plus grave. — M. H. de Brun donne quelques renseiguements sur l'épidémie de peste de Beyrouth, eu 1900. Elle a été très légère et a porté sur quatre personnes qui ont toutes guéri, grâce aux injections de sérum de Yersin. Ces quatre personnes élaieut employées dans uue fabrique de douceurs arabes et ont dû être infectées par des sacs de sésame venant de Bombay ou d'Alexandrie. Séance du 29 Janvier 1901. M. Jaccoud est élu secrélaire perpétuel. M. A. Pinard, à propos d’une communication récente “de M. Laborde, fait remarquer que la méthode des …tractions rhytmées de la rangue ne supprime pas l’em- “ploi du tube laryngien, qui reste nécessaire loutes les fois que les voies respiraloires sont obstruées par du 149 mueus. — M. Porak a observé, dans une dizaine de cas, que l'injection méthodique de cocaïne sous l’arach- noïde lombaire était favorable aux parturientes. La dif- ficulté consiste dans la ponction du canal rachidien.— M. A. Laveran présente un rapport sur un ouvrage du D' A. Papadakis, sur l'hygiène publique locale (en Grèce) et internationale. Cet ouvrage fait ressortir, en parliculier, que les affections thoraciques (tuberculose, pueumonie, bronchopneumonie), sont bien moins rares qu'on ne le croyait dans le midi de l'Europe. — M. le D' Tuffier lit un mémoire sur l’analgésie chirurgicale par voie rachidienne. SOCIETE DE BIOLOGIE : du 5 Janvier 1901. M. le Président annonce le décès de M. Potain, membre honoraire de la Société. M. A. Giard étudie le phénomène de la féconda- tion artilicielle des œufs signalé par Loeb et attribue ce développement parthénogénétique à l'augmentation de la pression osmotique du milieu et à la perte par l'œuf d'une certaine quantité d'eau ({onogamie). — M. M. Letulle a observé à la surface du placenta humain normal des boules ou gouttelettes constituées par une matière albuminoïde ; elle sont sécrétés par la couche épithéliale plasmodiale qui recouvre la vil- losité placentaire. — M. Pinoy, qui a étudié les mèmes boules dans le placenta du cobaye, les consi- dére comme des déchels sarcodiques rejetés par le plasmode. Leur production est augmentée dans les intoxications et dans les infections microbiennes aiguës. — MM. Th. Tuffer et Milian ont praliqué l’examen cylologique de trois cas d'hydrocèle ; ils ont constaté l'existence de cellules endothéliales, témoignant de l'origine mécanique possible de l’épanchement. Ces faits sont analogues à ceux observés par MM. Widal et Ravaut pour laséreuse pleurale. — M. F. Bosc annonce qu'il a trouvé, d'une facon constante, dans les lésions pustuleuses de la clavelée, un parasite qui serait la cause de cette affection. — M. V. Griffon à éludié le liquide céphalo-rachidien dans quatre cas de ménin- gite aiguë; dans la méningite tuberculeuse, il y a pré- dominance de lymphocytes; dans la méningite simple, il y a polynucléose exclusive. — MM. S. Arloing, J. Nicolas et G. Antoine ont constalé qu'on peut pro- curer au chien une certaine immunilé contre la diphté- rie par l'injection de mélanges de toxine-sérum où de culture-sérum ; mais elle n'est jamais aussi forte, ni aussi certaiue que par l'emploi exclusif ou de la toxine, ou de la culture, ou du sérum. Elle dépend du principe actif qui n'est pas neutralisé,et, à l'ordinaire, du sérum administré en excès. — M. H. Stassano a éludié les trypanosomes du sang du rat el a pu observer le phé- nomène de la reproduction sexuée. La conjugaison semble consister dans une simple fusion des noyaux, sans que les protoplasmas y prennent part. Séance Séance du 12 Janvier 1901. M. Ch. Féré a observé que le refroidissement de l'air extérieur provoque une diminution considérable du travail, suivie d’une légère recrudescence peu durable, à laquelle succède un épuisement rapide. — M. Ch. Féré a conslalé sur des cobayes qu'un jeûne accidentel, même d'un jour, diminue la résistance à l’asphyxie par submersion. — M. Ch. Féré à observé divers cas de persistance de mouvements automatiques pendant le coma. Il s'agissait de mouvement devenus habiluels antérieurement, et qui étaient peut-être alors de simples réflexes. — M. J. de Tarchanoff élablit que les neris pneumogastriques jouent un rôle important dans la régulation de la température du corps, d'une part en modifiant les pertes de chaleur par la surface cutanée el les poumons, d'autre part en agissant sur la produc- tion de la chaleur, grâce à leurs filets nerveux sécré- toires de différentes glandes abdominales. — M. Pozer- ski a constaté que si l’on porte une solution d'invertine 150 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES de la levure de bière à 40° pendant un temps variable, et qu'on la ramène à 250, elle ne reprend pas son état primitif ; son intensité a été augmentée d'une quantité déterminée. MM. V.Henry et Pozersky, considérant les résultats précédents, pensentqu'ilest possible que l'inver- tine revienne à son état normal au bout d’un temps très long ou en abaissant la température au-dessous de 25°. M. Dastre déduit de là que toute détermination d’acti- vité fermentifère à une température inférieure à la plus haute de celles où le ferment à été porté dans sa pré- paration, où à la plus haule de celles où il existe dans les conditions naturelles, est faussée par cela-même. — M. M.-E. Gellé a mesuré la durée des sons-voyelles; dix voyelles (a, 6, 1, 0, u dites deux fois) peuvent être émises en une seconde. — M.Permilleux à soumis du foie de chien aux vapeurs de chloroforme et a reeuellli une certaine quantité de liquide hépatique, dont il a éliminé le sucre réducteur par dialyse. Le liquide restant, agissant sur de l’empoi d'amidon, en a trans- formé une parlie en sucre réducteur, le reste en dex- trine. Le foie renferme donc un ferment amylolytique qui peut être isolé, M. A. Dastre classe le ferment amy- lolytique dans les ferments endocellulaires; la dialyse chloroformique est un des meilleurs procédés d’extra- ction de ces ferments. — MM. S. Arloing et J. Nico- las ont poursuivi sur l’âne leurs essais sur la prépa- ration rapide de l'antitoxine diphtérique par association du sérum antidiphtérique à la toxine. On obtient la meilleure réaction antitoxique lorsque les injections s multanées de sérumet de {oxine sont séparées, mais elle est cependant inférieure à celle qui suit l'injec- tion de toxine pure. Donc les injections de toxine-sérum ne sont pas recommandables dans la préparation du sérum antidiphtérique.—M.Ch.Garnier a observé dans le testicule adulte d'Asfacus fluviatilis des ovocytes à côté des spermatogonies, ettous les stades de tran- sition entre ces deux éléments. — MM. J. Courmont et EF. Arloing ont fait l'étude cytologique de la pleu- résie diphtérique expérimentale du cobaye. La formule leucocytaire est nettement mononucléaire. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 1° Février 1901. M. Ch.-Ed. Guillaume rend compte d'expériences faites récemment sur l'erreur capillaire des thermo- mètres, qu'il avait déjà signalée autrefois dans son Traité de Thermométrie. Cette erreur est due aux varia- tions de l’angle de raccordement du mercure avec le verre suivant le sens de la variation de la température. Plusieurs procédés peuvent être employés pour la déterminer. Le plus simple consiste à placer le ther- momètre dans l'appareil destiné à la mesure du coef- ficient de pression, à créer artificiellement une marche ascendante bien régulière de la température, et à déprimer faiblement le ménisque par un léger abais- sement de la pression extérieure. La température continuant à monter, le ménisque commence par se bomber sans déplacement, puis, lorsqu'il a atteint l'angle limite, part brusquement, et avec une vitesse uniforme. En déterminant le temps employé par le ménisque pour se reformer complétement et repren- dre son mouvement ascensionnel, on peut connaitre l'élévation correspondante de la température, et, par conséquent, la différence des indications du thermomètre qui, pour une même température, s’établissent à mé- nisque tombé où aplati. Elle varie d’un point à l'autre d'un tube de diamètre uniforme, suivant la nature de la surface du verre. Il est nécessaire de tenir compte de cette erreur dans l'emploi des thermomètres à tube fin ou à gros réservoir, et en général de tous les thermomètres dont le degré est très long. A partir d’une longueur du degré égale à 10m, elle devient très évidente, et pour des thermomètres divisés en cen- tième de degré, chaque centième occupant un espace de 0,5-0,7"%, elle peut dépasser une division. Il est donc illusoire de pousser au delà d’une certaine limite la longueur du degré, les erreurs capillaires arrivant très vite à dépasser les erreurs de lecture. (A suivre) SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 25 Janvier 1901, M. Pouret poursuit l'étude de l’action du bromure d'aluminium sur les hydrocarbures chlorés acycliques# il expose les résultats qu'il a oblenus dans la série de l'éthane. — M. Léger, par l’action de Na*O® sur la chlos robarbaloïne, a obtenu un corps cristallisant du toluène en aiguilles jaune orangé et dont la composilion se rapproche de la formule C'HCO*, c'est-à-dire d’un@ méthyltrioxanthraquinone perchlorée. La production d'un tel corps ne peut s'expliquer avec la formule de la barbaloïne chlorée C'H'*CI#07, mais s'interprète par faitement avec la formule C#H{6CMO. La partie de J molécule située en dehors du groupement C'*H°CI0ÿ est détruite dans la réaction avec production d'une grande quantité de C0*. La barbaloïne serait, par suite C#H*0%, Cette dernière formule, qui s'accorde avec les analyses, permettrait, en outre, d'expliquer la forma= Uüon, par l’action de Br sur la barbaloïne en solution dans HBr, d’un corps non encore décrit et qui ne peut ètre dérivé d’une facon simple de la barbaloïne for mulée G'°H'°07. Les analyses de ce dernier corps con: cordent très bien, au contraire, avec la formule C#HBr%0°, M. Léger se propose de vérifier l'exacti tude de ces prévisions qui ne sont exposées que sous toutes réserves. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 25 Janvier 1901. l Par suite de la mort de la Reine Victoria, la séance est levée en signe de deuil. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Décembre 1900 (suite). MM. A. Senier et W. Goodwin ont fait réagir Je bibromure d’éthylène sur la xylidine et la pseudocu muidine et ont obtenu la dixylyléthylènediamine et Ja dicumyléthylènediamine avec les pipérazines qui en dérivent, — Les mêmes auteurs ont fail réagir les diphényl-, dialphyl- et dinaphtyléthylènediamines sun la phénylearbimide et lont oblenu des diamines du type C’H‘/AzR'.CO.AzHPh}?. — MM. A. Harden el J Okell, en traitant la f-nitroso-xnaphtylamine par le nitrite de potassium et HCI, ont préparé un sel d@ potassium eristallisé, C'2H°O?A7K, qui, décomposé pan HCI et le chlorure stanneux, donne un corps qui esb probablement un imidazol : PAN Ÿ'Az. Az(0H)/ Cette substance se comporte comme un acide et donnes des sels avee la plupart des métaux. L'a-nitroso-f-naphs tylamine se comporte de mème envers l'acide nitreu et forme des composés isomères aux précédents. MM. H.-E. Armstrong et L.-P. Wilson, en mélangeant la métaxylidine avec la proportion moléculaire d'acide sulfurique à 100 °/,, et en chauffant à 185-1959, puis em veulralisant par le carbonate de polasse, ont obtenu le 1:2:4:6-m-xylidinesulfonte de potassium. Ce corps; diasoté, puis bouilli avec de l'alcool, donne Je 1:3:5-m-xylènesulfonate de potassium, à parti duquel les auteurs ont préparé de nombreux dérivés: — MM. F.-D. Chattavay et K.-J.-P. Orton répondent aux remarques de M. Amstrong sur leur travail relatib à la préparation de l’acétylchloraminobenzène et de ses dérivés. L'acétylehloramino-2 : 4-dichlorobenzène peut être obtenu par l'action directe du chlore sur l'acétanilide. Séance du 17 Janvier 1901. MM. Scott et W. Arbuckle recommandent l'appareil suivant pour l'obtention de l'acide iodique : un flacon à fond rond recoit deux tubes, dont l’un est lié à un condenseur à reflux; l'autre amène un courant d'oxy- gène qui traverse le liquide. De l’iode finement pulvérisé, bouilli avec dix fois son poids d'acide nitrique fumant, est oxydé complètement en vingt ou trente minutes. — M. A. Lapworth applique ses lois sur le changement isomériaue à la substitulion en méta dans les amines benzénoïdes. Par exemple, lorsque l'acide sulfurique fumant réagit sur la diméthylaniline, le sulfate de dimé- thylaniline d'abord formé (1) s’unit avec de l'anhydride sulfurique (Il), puis de l'acide sulfurique s’élimine par perte d'un atome d'hydrogène dans le noyau (Il), et “enfin le groupe labile SO*H émigre à la place de l'hy- drogène, tandis que l'azote qui était devenu pentavalent redevient trivalent (IV) : (ce (cu (CH° CH? .. H On s( WII .. . Az AK Az. SOSII Az le Noso1 | \osoul 0x A do A Qu ny He nl Jsov ï il Hi ïi (1) (11) (III) IV) MM. T.-S. Patterson et C. Dickinson ont préparé quelques éthers à partir d’autres éthers du même acide. Ainsi, par la méthode de Fischer, on obtient du tar- trate d'éthyle pur à partir du tartrate de méthyle et vice-versa. La méthode peut être utile en certaines circonstances. — M. T.-H. Lee a retiré du Bignonia Secoma une matière colorante orange, la sécomine ; elle devient rose-rouge par les alcalis et jaune-clair par les acides. Elle sert localement à la teinture du coton et au vernissage du bois. — M. B.-D. Steele indique une nou- velle méthode pour mesurer la vitesse des ions en solutions aqueuses. Elle consiste à enfermer le liquide à mesurer entre eux deux cloisons de gélatine, qui con- tiennent l'ion indicateur en solution; au passage [du courant, le cathion de la solution est suivi par le cathion de l'indicateur, et l’anion de la solution par l'anion cor- réspondant de l'indicateur. IL est nécessaire que ces ons indicateurs se meuvent moins rapidement que Lion mesuré. La position de la limite entre les deux solutions se voit facilement à cause de la différence de réfraction, et le mouvement est mesuré au moyen d'un cathétomètre. La vitesse absolue de quelques ions a été calculée et comparée à celle obtenue par Kohlrausch. La concordance est bonne. — MM. H.-M. Dawson et J.-Me Crae ont examiné l'influence exercée par l’ad- dition de sels des métaux alcalins sur la distribution de lammoniaque entre l’eau et le chloroforme à 20°. Aussi longtemps que la concentration de l’ammoniaque dans la phase aqueuse est moindre que 0,5 normal, l’alléra- tion du coefficient de distribution est proportionnelle à : k-k la concentration du sel, et pr est constant; Æ est le coefficient de distribution avec l’eau pure, et X le coefficient de distribution pour une solution de sel de normalité 7. Pour une concentration de l’'ammoniaque à ESTIRES ER plus grande que 0,5 normal, la valeur de LEE diminue 1 avec une concentration croissante du sel et constante kde l'ammoniaque, tandis qu'elle augmente pour une concentration constante du sel et croissante de l’am- moniaque. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 29 Décembre 1900 (suite). - {o SorencEs Physiques. — M. Onnes présente au nom kde M. J. C. Schalkwijh : /sothermes de précision. I, ä . ] ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Mesures et calculs de la correction pour le volume du menisque de mercure chez les manomètres à gaz. Pour qu'on puisse obtenir dans les mesures de pression une précision de 1/10.000, il faut qu'on connaisse le volume du menisque de mercure des manomètres à 3 % près. Détermination directe du volume de quelques ménis- ques. Solution approchée de l'équation différentielle de la surface capillaire en deux cas limites pour une valeur approchée de la tension superficielle : 4) pour des tubes très étroites; b) dans le cas où le quotient de la flèche du ménisque par le rayon du tube est très petit. Représentation graphique des résultats. Solution gra- phique de l'équation différentielle. Contrôle. — M. H. W. Bakhuis Roozeboom communique, au nom de M. H.-B. Holsbær, un compte rendu de la thèse « Over oploswarmten, ete. » (Sur les chaleurs de dis- solution en général et celle de Cd SO‘, + H°0 en parti- culier). Les résultats principaux sont compris dans le tableau suivant : Chaleurs de dissolution de CdSO", : H°0 en (x —;)nr0. D) æ 5 10° 15° 95° 400 2.075 2.530 2.985 200 2.194 2.418 2.642 100 2,118 2.288 2.458 50,6 2.013 2.118 2.223 30,6 1.835 1.918 2.001 20.6 1.657 1.633 1.609 15,6 1.405 1.258 4.111 13,6 1.061 810 679 15,03 15,10 1514 15,03 219 165 3 —1.221 De ce tableau, l'avant-dernière ligne fait connaître la teneur en H° O des solutions saturées, landis que la der- nière Jigne donne en calories la chaleur théorique de dissolution de ces solutions. — M. P. van Romburgh: Sur l'action de l'acide nitrique sur les éthers de l'acide mcthylphénylaminoltormique. L'action de AzO? sur CH3 COHEAZC COOR où R représente un radical quelconque, est bien diffé- rente de ce qu'on pourrait attendre. Le groupe du mé- thyle et le restant de l'acide formique ne changent pas, la réaction se bornant à l'introduction de Az0* dans le noyau benzénique. Chez les éthers de l'acide phényl- aminoformique on fait entrer facilement trois groupes Az0® dans le noyau; ici on n'y réussit qu'avec deux et obtient des produits de la composition I : Az0, AzO, 7 5 3 [l 6 77 2 il (1 ner Az0, : Az0, 6 CH, NE CE NA CE NGO0R NCo0R Seulement en suivant un chemin indirect on obtient aussi des produits de la composition II. — Ensuite M. Romburgh présente : Sur les huiles éthériques des feuilles d'Alpinia malaccensis Rose. Suite d’une com- munication antérieure (voir Rev. gén. d. Se., t IX, p. 476. — Enfin M. Romburgh présente encore : Sur les huiles éthériques d'Ocimum Basilicum L. — M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom de M. J.-J. Blan- ksma, une analyse de la thèse: « Organische polysul- liden, ete. » (Polysulfures organiques et polysullfures de sodium). L'auteur a trouvé que la substance Na? S° se prête facilement à une décomposition double; il a obtenu ainsi un grand nombre de bisulfures aroma- tiques et aliphatiques. — Ensuite M. de Bruyn présente au nom de M. N. Schoorl: Sur des dérivés uréiques des sucres. Les efforts inutiles de MM. Lobry de Bruyn et Alberda van Ekenstein pour distinguer dans l'urine la lactose de la glucose ont provoqué l'étude de M. Schoorl. Il démontre qu'il est possible de soustraire les sucres de l'urine traitée avec un acide dilué, sous forme de dérivées d’urée. — Enfin M. de Bruyn présente au nom de M. A. F. Holleman: Sur la nitration des acides orthochlorobenzoïque et orthobromobenzoique, et la thèse de Mlle E. Kleerekooper : La phœniceïne, la matière colorante de Copaifera bracteata (en hol- landais). — M. Bakhuis Roozeboom présente au nom de M. E. Cohen: L’enantiotropie de l'étain. Sixième partie, contenant plusieurs remarques bibliographiques sur l’étain gris. Probablement l’énantiotropie de l'étain a été observée déjà dans le temps d’Aristote (384-322 avant J-C.). — M. Roozeboom présente encore au nom de M, J.-N. Adriani : Lignes eutectiques de systèmes de trois substances, dont deux sont des antipodes optiques. Dans les Aend. Acad. dei Lincei du 9 avril 1899, p. 332, M. Bruni a décrit une méthode pour déci- der si un corps inactif, compensé extra-moléculaire- ment, est un conglomérat, un corps racémique ou bien un cristal de mélange pseudoracémique. M. Bruni veut déterminer le point euteclique d’une solution d'un des antipodes, dissoudre ensuite des mélanges des antipodes en proportions connues dans le même milieu de solution et déterminer de nouveau les points eutectiques. En examinant de cette manière tous les mélanges de 100 ‘°/, dextro, jusqu'à 100 2} lévogyre, on trouve pour chaque proportion une température déterminée. En construisant des graphiques, le lieu des points eutectiques correspondant à ces différentes proportions est une courbe dont le caractère révèle la pature du corps inactif. Si l’on obtient une courbe à trois branches, on a affaire à un corps racémique. Deux branches s'obtiennent quand le corps inactif est un conglomérat des antipodes. Et la courbe n’admet qu'une branche unique s'il s'agit de cristaux de mélange inac- tifs. M. Adriani croit que cette méthode, appliquée par M. Bruni à des solutions aqueuses, montre encore plus d'avantages quand on se sert de milieux supérieurs de solution. Ici, il applique la méthode de M. Bruni à l’oxime du camphre. Au dessus de 103, l’-oxime du camphre est cristal de mélange, au-dessous de 103 il est corps racémique. Comme troisième substance, l'auteur a employé successivement la naphtaline, la phénantrène, la benzoïne et l’anthracène. Ces résultats sont contenus dans le tableau suivant : NAPHTALINE PHÉNANTRÈNE BENZOÏNE ANTHRACÈNE o/od- 0/0 L- 8104 9904 1370 2130 100 0. 6100 1602 10002 10902 90 5 60,0 = — = S5 10 59,6 15,6 99,1 107,6 $0 20 59,2 74,9 98,2 106,8 15 25 59,4 = 97,8 = 10 30 60,1 14,2 97,4 106,2 65 35 60,8 148 e = 60 40 61,3 15,6 97,0 105,1 50 50 61,9 16,2 97,2 105,6 La première ligne indique les points de fusion. Ces résultats affirment les considérations théoriques de M. Bruni et les résultats obtenus antérieurement (/tev. gén. d. Sc., X, p. 800) par l’auteur. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. J.-M. van Bemmelen : Sur l'importance du travail de feu G. J. Mulder rela- tif à notre connaissance de la terre cultivable. Cette étude paraîtra dans les mémoires de l'Académie. — En- suite M. van Bemmelen présente au nom de M. G. Rein- ders: Deux nouveaux lieux où l'on trouve des miné- raux ferrugineux dans el sous les tourbières. — M. A. A. W. Hubrecht présente au nom de M. J.-F. van Bem- melen: Troisième communication d'observations sur lastructure du cräne des Monotrémes. L'os ethmoïdeet le cornet nasal de la mâchoire supérieure. — M. van der Waals présente au nom de M. J. Valckenier Su- ringar : Contribution à l'étude des espèces du genre Melocactus des Indes Néerlandaises Occidentales. Sont nommés rapporteurs MM. C.-A.-J.-A, Oudemans et ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES J.-W. Moll. — M. B.-J. Stokvis présente une brochure Doit-on combattre la fièvre ? P. H. Scnoure. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances de Décembre 1900. 1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — M. Tacchini commu nique à l'Académie les résultats de ses observations sur les Léonides, exécutées pendant le mois de novembre il reconnait que, malgré l’état de pureté .du ciel, Je phénomène des étoiles filantes a complètement mans qué, ce qui conduit à croire que le nuage météorique s'est dissous, ou qu'il s’est déplacé. — M. Millosevich donne les éléments de l'orbite définitive de la pet planète Eros, pour la période du 18 août au 31 octobm 1900. — M. Bianchi s'occupe de l'intégration de l'équas tion A,u—0 dans l'espace indéfini non euclidien. M. Burgatti éludie dans une première note le mouve- ment d’un pendule vertical, dont le point de suspension est assujetti à des mouvements oscillatoires, et déter mine ces mouvements; dans une deuxième note, M. Bur- gatti s'occupe de quelques surfaces à lignes de cour bure isothermes. — M. Severi présente le résultat de ses recherches sur les coïncidences d'une série algés brique œ (*+1) —# de couples d'espaces à 4 dimen sions qui se trouvent dans un espace à r dimensions. 20 SGENCES PHYSIQUES. — M. Agamennone donne des détails intéressants sur l'influence que les variation atmosphériques peuvent exercer sur les appareils seï miques, et insiste sur les précautions à prendre pour que ces influences soient réduites au minimum. = M. Manuelli décrit ses recherches sur l'action du brome sur le lapaconone. — MM. Bruni et Gorni exa: minent la marche du phénomène de la congélation daus des solutions solides de trois subslances. M. Viola démontre que la loi de rationalité des indices ne peut avoir aucune valeur en cristallographie, puis qu'elle ne correspond pas à la preuve de l'expérience: 3° SciENCES NATURELLES. — M. Arcangeli expose dan une note ses observations sur une variété de Pinu Pinea L. var. fragilis, dont les fruits ont les pignons-à écorce tendre; M. Arcangeli décrit ses tentatives de reproduction de cette variété, et il arrive à la conclt sion qu'il ne s’agit point d’une véritable variété, mai d'un état pathologique de l'arbre en relation avec les conditions du milieu où l'arbre se trouve. — M. Mar- telli, ayant visité les îles de Paxos et Antipaxos dans l'archipel lonien, décrit leur structure géologique. M. Rosati donne une étude pétrographique des roches volcaniques des environs de Pachino en Sicile. M. No a étudié la propagation de la filaire du sang (Filaria immitis) à l'hôte définitif au moyen des mous: tiques; il donne des nombreux détails et des dessins sur la manière dont l'infection se produit, sur l’évol tion des moustiques el de la filaire. — M. Basili dé montre que l'opinion de Ross sur l'impossibilité d’une infection paludéenne des moustiques femelles (Culex pipiens) non fécondées est fausse, et décrit les expés riences qui prouvent que les femelles fécondées et non fécondées sont infectées également en suçant le sanf d'une personne atteinte par la fièvre. — M. Gorin poursuit ses recherches sur l'infection micetozoïque d la cornée, en relation avec l'infection de la cornée le vaccin. — MM. Lo Monaco et Panichi ont découven un phénomène particulier d’agglutination qui se pro duit dans le sang des malades de fièvre paludéenne,, selon toute probabilité, il s'agit d’un phénomène com mun à plusieurs maladies infectieuses, mais qui peut être d’une grande utilité pour suivre le cours de Ja maladie, pour son traitement et pour être sûr de Ja guérison. ERNESTO Mancini. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassetto, 12: ANNÉE N° 928 FÉVRIER 1901 ES | Revue générale des DIRECTEUR : SCien pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. RE ——— —— CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques La Médaille d’or Swammerdam. La So- ciété hollandaise pour l'avancement des Sciences et de la Médecine (Genootschap ter bevordering van Natuur, Gences en Heelkunde) à Amsterdam a décerné la grande Médaille d'or de Swammerdam pour l’année 1900 au Professeur C. Gegenbaur, de Heidelberg. Cette médaille à été instituée par la Société en 1880 eur être décernée tous les dix ans au savant qui aura fait, dans cet espace de temps, des recherches importantes sur les sciences où s’est illustré Swam- merdam. La médaille avait été décernéte pour la pre- mière fois en 1880 à C. Th. von Siebold, et en 1890 au Professeur E. Häckel, $ 2. — Mécanique Recherches récentes sur lélasticité des métaux. — On a admis pendant longtemps, à la suite des travaux de Wertheim, que le rapport de la contrac- tion transversale à l'allongement, — coefficient de Poisson, — est le même pour tous les métaux, et égal à 1/3, alors que de Saint-Venant était arrivé, par des considérations théoriques, à la conclusion que, pour AE: corps isotropes, ce coefficient doit être égal 1/4. La question fut définitivement éclaircie lorsque, par ses admirables recherches sur l’élasticité des solides, . Amagat démontra que ce coefficient varie d'un corps à un autre, se rapprochant d'autant plus du nombre théorique que le corps est plus éloigné des conditions dans lesquelles il peut prendre des déformations perma- _nentes avant de se rompre. Ainsi le verre, le cristal, Vacier, donnèrent des nombres voisins de 0,25, le :cuivre et le laiton 0,33, le plomb 0,43. Quant au caout- chouc, il n'éprouve pas de modification de volume lorsqu'on le soumet à une traction, et le coefficient de Poisson atteint, pour ce corps, la valeur de 0,5. A ce point de vue, le caoutchouc se comporte comme le erait un corps constitué par un grand nombre d’alvéo- les élastiques, remplies d'un liquide incompressible. La varialion des modules avec la température a donné lieu à quelques bons travaux, mais on n'avait pas REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. ler | apercu jusqu'ici de loi bien nette reliant entre elles les variations des divers coefficients. Une recherche récente de M. Clemens Schaefer l’a con- duit à une relation très intéressante, que nous allons examiner. Un certain nombre de métaux furent étudiés, sous la forme de fils, dont on déterminaitle module d'élasticité et le coefficient de torsion à diverses températures comprises entre — 1869 et + 20°. Entre ces limites, les coeflicient varièrent suivant une fonction sensiblement linéaire. Désignons par 5 le coefficient de Poisson, Tagceau LL MÉTAUX | ,0132.10—8 19 0 | Platine. | Palladium Ferss,?. Nickel . (O Ya | Cuivre . | Argent. Aluminium. Zinc . Plomb . .593/0,178. 103 51310 ,2696 0,3035 10,3281 0,301 10,489 51|0, 8209 par E le module d'élasticité, par y le coefficient de tor- sion, par « et f$ leurs variations. On sait que : En multipliant le second membre de cette équation par le quotient des deux fonctions qui représentent respectivement la varialion de E et de y, on en déduira immédiatement la variation de 5. On écrira donc : l— ot Go) — + TE oi—=(l - Les valeurs trouvées par M. Schaefer pour les diverses 4 15 ra CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE crandeurs des coefficients de l’élasticité sont résumées dans le tableau I ci-joint (page 153). On peut, ensuite, se proposer de déterminer la tem- pérature pour laquelle le rapport devient égal à 1/2, c'est-à-dire celle où le métal prend les propriétés élas- tiques d’un liquide. En effectuant le calcul, on trouve les nombres donnés dans le tableau Il, où nous avons rapproché de ces nombres les températures de fusion déterminées directement. La concordance entre ces deux séries de nombres est loin d'être parfaite; mais, si l’on envisage la difficulté que l’on rencontre dans la détermination des coefficients de l'élasticité, et l’extrapolation considérable qui conduit à la détermi- nation de la valeur limite de 6, on reconnaitra que le seul fait d'une certaine analogie dans l'allure des deux tableaux mérite d'être pris en sérieuse considération. Il ne serait pas impossible qu'en poursuivant les mesures directes jusqu'au voisinage de la température de fusion, on arrivät, sans aucune discontinuité, à la valeur limite de « pour ce point lui-même. En d’autres termes, la fusion des métaux se produirait par le fait d'une variation continue de leurs propriétés élastiques. Cette curieuse relation n'est pas la seule que l'on TagLeAu IL. TEMPÉR. É 1 MÉTAUX G— — 2 de fusion Platine. . 141 4e Palladium He me et à 17124 115) HEC ER AR Et ee 1.470 1.500 env. Nickel . CE 1.391 1.400. — Cuivre . 1.169 1.08% Argent. 990 95% connaisse entre la température de fusion des métaux etleurs autres propriétés. Il y a plus de vingt ans, M. Raoul Pictet a montré que la plupart des métaux se dilatent d’une quantité sensiblement égale entre le zéro absolu etleur point de fusion; et ultérieurement, M. Wiebe a modifié l'énoncé de cette loi approchée en faisant intervenir la loi de Dulong et Petit, ce qui l’a conduit à envisager non plus la variation des distances des molécules comme le fait amenant à la fusion, mais le travail fourni aux atomes. La synthèse des propriétés élastiques et thermiques des métaux est, on le voit, pleine de promesses. Les physiciens se sont un peu désintéressés, depuis une vinglaine d'années, de ce genre de questions. Mais le retour vers les études moléculaires, nettement accusé au dernier Congrès international de Physique, nous fait espérer des progrès rapides dans cette direction. $ 3. — Physique Les expériences de Niepce de Saint- Victor et les rayons de Becquerel. — Quand on lit les curieuses notes de Niepce de Saint-Victor! insérées dans les Comptes-Rendus de l'Académie des Sciences, de 1857 à 1867, on rencontre des phéno- mènes qui font d'abord penser à ceux que produisent les rayons de Becquerel. L'oubli partiel dans lequel sont tombées les observations de Niepce de Saint-Victor appellerait alors une juste réparation et il faudrait lui attribuer une part du mérite que l’on aime à reporter des découvreurs d'aujourd'hui à leurs précurseurs mé- connus. Que faut-il penser de cette appréciation ? Les 1 Niepce de Saint-Victor était le neveu de Nicéphore Niepce. C'est Nicéphore Niepce et non pas Niepce de Saint- Victor qui fut l'associé de Daguerre et l'inventeur de la photographie. lecteurs de la Æevue tiendront sans doute à être nette ment renseignés à ce sujet. Parmi les expériences de Niepce de Saint-Victor, voit l'une des plus frappantes en ce qui concerne l’analogié apparente des phénoménes qu'il a signalés et des phé nomènes dus aux rayons de Becquerel : : « J'expose à la lumière solaire une feuille de carton très fortement imprégnée de deux ou trois couches d'une solution d'acide tartrique ou de sel d’'urane après l’insolation, je tapisse avec le carton l’intérieur d'un tube de fer blanc assez long et d'un diamètre étroit ; je ferme le tube hermétiquement, et je constate après un très long laps de temps comme le premier jour, que le carton impressionne le papier sensible préparé au chlorure d'argent. À la température dé l'air ambiant, il faut vingt-quatre heures pour ob tenir le maximum d'effet; mais si, après avoir projeté dans le .tube quelques gouttes d’eau pour humecten légèrement la feuille de carton, on l’expose à un température de 40 à 50°, on l’ouvre et on applique son embouchure sur la feuille de papier sensible, suffira de quelques minutes pour obtenir une imag circulaire de l'embouchure, aussi vigoureuse que si le papier sensible avait été exposé au Soleil. L'expérience ne réussit qu'une fois, c'est-à-dire que la lumière semble s'être échappée tout entière du carton, et que pour obtenir une seconde image, il faudra recourir une seconde insolation ». Le caractère temporaire du phénomène et la néces: sité d'insoler le papier que l’on enferme ensuite dans une boite suffisent déjà à distinguer complètement les phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor dans l'extrait qui vient d'être cité et les phénomènes décour verts par M. H. Becquerel. On sait, en effet, que le rayons de Becquerel sont émis spontanément et indéli niment par l'uranium sans qu'il soit besoin d’exciten l'uranium par les rayons du Soleil; c'est là précisément qu'est le grand intérêt de la découverte de M. H. Bec querel. Il n’est pas sans intérêt de pousser plus loin l'examen des phénomènes signalés par Niepce de Saint-Victor afin de les distinguer mieux encore des phénomènes dé radio-activité. Dans les expériences de Niepce de Saints Victor, les sels d'uranium ne jouent pas d'autre rôle que le sulfate de quinine ou l'acide tartrique, pa exemple. Sans doute, des rayons de Becquerel devaient êlre émis dans les expériences de Niepce de Saint-Vies tor où se trouvaient intervenir des sels d'urane; mais les rayons spontanés de l'uranium n'avaient aucune part dans les effets observés par Niepce puisque l’action préalable de la lumière solaire était indispensable el que d’ailleurs le phénomène était temporaire. Ce qui agissait, c'était quelque chose qui n'était pas spécia aux sels d’urane en tant que renfermant de l’uraniun Au contraire, les rayons de Becquerel ne sont pas émis par le sulfate de quinine, ni par l'acide tartrique. Le sels d'urane les émettent en tant que renfermant dé l'uranium, les sels uraneux, non fluorescents, les émettent aussi bien que les sels uraniques fluorescen l'uranium métallique extrait des sels d'urane est troil ou quatre fois plus actif que ces sels eux-mêmes. C caractère atomique de la radioactivité se retrouve pou, le thorium et pour les nouvelles et si remarquables" substances que leur radioactivité très énergique a per mis à M. et Mme Curie, puis à M. Debierne de découvrir au milieu de minerais qui en renfermaient seulemen des traces inappréciables à l'analyse spectrale elle même, et de concentrer progressivement. On sait com ment M. et Mme Curie ont réussi à obtenir en particu lier des échantillons de sels de radium presque purs caractérisés nettement par un spectre lumineux touts fait nouveau et par un poids atomique très supérieur celui du baryum avec lequel leradium offre de grande analogies. Est-il besoin de dire qu'il n'y à rien d'ami ‘ La citation suivante est extraite des Comples Rendu | de l'Acad. des Se, du 1er mars 1858, t. XLVI, p. 451. M CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 55 — logue dansles propriétés observées par Niepce de Saint- “Victor ? L'action que parait exercer à distance un sel “d'uranium dans les expériences de Niepce de Saint- “Victor n'est pas essentiellement différente de celle qu'exerce, dans des circonstances analogues, une autre matière impressionnable comme l'acide tartrique, et “même elle est très inférieure à celle de l'acide tartrique. — L'action à distance que Niepce de Saint-Victor croyait avoir isolée ne traversait pas une lame de verre (ce qui suffirait à la rigueur à la distinguerune fois de plus d’une action de rayons de Becquerel). D'après cela, Niepce de Saint-Mictor avait adopté l'hypothèse de Foucault pour “lequelles effets observésseraient dus à des rayons invisi- “blesne traversant pas le verre.MaisNiepce de Saint-Victor n'a même pas démontré qu'il eût affaire à un agent se | propageant en ligne droite ; l'hypothèse d’un rayonne- _ ment n'est donc pas justifiée. 1 existe mème des expériences de l'abbé Laborde, “contemporaines de celles de Niepce de Saint-Victor, montrant assez bien ce qu'il reste d’obscur dans les travaux de Niepce de Saint-Victor. Voici l’une des expé- riences de l'abbé Laborde!: « La boite contenant le carton insolé a été laissée pen- dant quatre heures dans un endroit chaud: je l'ai dé- bouchée ensuite avec précaution, et, tenant l'ouverture en bas, j'en ai retiré doucement le carton insolé ; j'ai fixé promptement sur le fond du bouchon un papier “sensible traversé par une bande de verre, et J'ai re- fermé la boite. Je l'ai placée dans un endroit frais, et lorsqu'au bout de douze heures je l'ai ouverte, j'ai trouvé le papier sensible noirci sur la surface décou- verte, malgré l'absence du carton insolé. » Pour l'abbé Laborde on a affaire non à use radiation issue du carton insolé, mais à une émanalion qui reste enfermée dans la boîte de fer-blanc et produit à elle seule les actions chimiques que Niepce attribuait à une _ radiation émanée du carton. Il pourra être intéressant d'approfondir les phéno- . mènes découverts par Niepce de Saint-Victor et dont . l'étude est, on le voit, si incomplète. Mais le peu que nous apprennent sur ces phénomènes les expériences su Niepce de Saint-Victoret celles de ses contemporains suffit pour nous permettre d'affirmer qu'il n'y a rien de commun entre ces phénomènes, où l’action de ra- “‘hations invisibles n'a même pas pu être constatée, et les phénomènes bien nettement définis qui sont dus “aux rayons de Becquerel. La découverte et l'étude des “rayons spontanés de l'uranium, du thorium et des nou- veaux éléments radioactifs ne doit absolument rien à Niepce de Saint-Victor. __ Nouvelle méthode pour la cristallisation des solutions, en particulier des solutions de substances albumineuses. — Une difficulté quise présente souvent lorsqu'on cherche à faire cris- talliser certaines solutions, pour obtenir à l'état pur le corps qu'elles renferment, c'est la formation d'une croûte cristalline à la surface, croûte qui contient géné- ralement une bonne partie des impuretés de la solu- tion. Cette croûte tombe au fond à la moindre secousse et une nouvelle croûte se reforme rapidement. Ce phé- nomène est particulièrement gênant pour les solu- tions albumineuses, et M. Wroblewsky, qui s'occupe depuis plusieurs années de l'étude de ces corps, a été amené à rechercher le moyen de le prévenir®. La formation des croûtes doit être attribuée à la va- porisation superlicielle ; il faut donc d'abord empêcher cette dernière et chercher à provoquer la concentra- tion de la solution d'une autre facon. Pour cela, M, Wroblewsky utilise une propriété des membranes de parchemin : Si l'on suspend dans l'air un tuyau de parchemin rempli d'eau et bien fermé à ses deux extré- | Bulletin de la Société Française de Photographie août 1859. — RU se à … Bulletin international de l'Académie des Sciences de Cracovie, 1900, n° $, p. 319. Œ mités, on constate que l'eau ne mouille pas sa surface extérieure; mais, si l'air est sec, l’eau diminue en quantité à l'intérieur, et au bout de quelques jours elle ä disparu complètement; elle s’est infiltrée dans la membrane et s'est évaporée à sa surface extérieure. Si, à la place de l’eau pure, on introduit dans le tube de parchemin une solution, celle-ci se concentrera de plus en plus jusqu'à ce que le corps dissous se dépose sous forme cristalline ou amorphe. Sur ce principe, M. Wroblewsky a construit l'appareil suivant (fig. 1) : Dans un vase A, on introduit un large tube B, fermant hermétiquement l'ouverture C, et fermé lui-même par le bouchon D, qui est traversé par le tube E. Le tube B est fermé en bas par une membrane de parchemin végétal fixée par une triple ligature. Ou place du chlorure de calcium poreux dans le fond du vase À et de l’eau dans le tube E. Si l’on introduit une solution dans le tube B, elle se concentrera peu à peu et cristallisera sans formation de croûte à la surface. On observe, pour certains sels, un phé- nomène très curieux : c’est la formation decristaux sur la surface ex- térieure du parchemin. Pour le sulfate d'ammonia- que, ils sont longs et filifor- mes, ressemblant à des brins d'herbe très fins ou à .des fils de toile d’araignée; ils poussent dans la direction du chlorure de calcium. Le chlo- rure d'ammonium forme des cristaux plus courts; le chlo- rure de sodium et l’acétate de potasse ne produisent qu'uu duvet subtil. Le sulfate de magnésie ne forme qu'une ef- florescence minime; le sul- fate de cuivre ne donne pres- que rien. On a observé des phénomènes analogues dans Fig. 1. — Appareil pour | la cristallisation des la nature, par exemple à la solutions. — A, vase surface des plantes qui pous- fermé contenant des sent dans un sol saturé de substances hygrosco- piques ; B, tube renfer- mant Ja solution à cristalliser; C, col; D, bouchon; E, tube plein d'eau. chlorure de sodium. L'appareil de M. Wroblew- ski, appliqué à la cristallisa- tion de l'albumine d'œuf, lui a donné des cristaux plus purs que ceux qui résultent de la méthode de Hotfmeis- ter, et cela sans formation de croûte superficielle et dans un temps beaucoup plus court. On à observé également une très faible cristallisation de l'albumine à l'extérieur du parchemin. Il y a là un phénomène d'osmose qui paraît général pour tous les corps. La lampe à incandescence et le courant alternatif. — Nous recevons la lettre suivante : « Vous avez publié, dans un réceut numéro de la Revue générale des Sciences’, d'intéressantes remar- ques sur les variations de température et d'éclat des lampes à incandescence parcourues par des courants alternatifs. Voulez-vous, à ce propos, me permettre de rappeler que j'ai donné moi-même, il y a quelques années, une théorie complète du phénomène, basée sur la loi du rayonnement de H.-F. Weber. J'étais arrivé, pour un courant sinusoidal de fréquence 40, à des va- riations de température de 10° en plus ou en moins de Voyez la Revue du 30 janvier 1901, t. XL, p. 58. Eclairage électrique, 5 juin, 1897. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE la moyenne, et à des variations d'éclat de 10 °/, environ en plus ou en moins de l'éclat normal. J'indiquais de plus la possibilité d'observer ces variations d'éclat en agitant un objet brillant devant la lampe. « Les nombres que je viens de citer reposent entit- rement sur la théorie de H.-K. Weber qui, je le remar- quais déjà dans le travail cité, semble donner pour la température des lampes des nombres inférieurs à la réalité (1100° environ). Quelques expériences que j'ai publiées l’année suivante m'ont donné, pour la tem- pérature moyenne de lampes moyennement poussées, de 1600° à 1700°, Néanmoins, l'allure générale du phé- nomène et son ordre de grandeur sont très sulfisamment indiqués par la méthode que j'ai employée, et mes résul- tats ne diffèrent pas beaucoup de ceux de M. Samoilof; il n'y a pas lieu d’ailleurs d'être surpris de ces légères différences, étant donné : 4° qu'il emploie la loi de Ste- phan au lieu de la loi de Weber; 2° qu'il substitue au courant sinusoidal vrai un courant fictif simplement interrompu. » Paul Janet, Cliargé de Cours à la Faculté des Sciences de Paris. $ 4. — Chimie Action de léther méthylmalonique sodé sur l'oxyde de mésityle. — Les expériences di- risées dans cette voie ont eu principalement pour objet la synthèse de l'acide dihydrocamphorique ‘, et, bien que ces tentatives n'aient pas élé couronnées de suc- cès, M. Crossley a pu néanmoins obtenir plusieurs dérivés intéressants. Tout d’abord l’action de l’oxyde de mésityle sur l'éther méthylmalonique sodé peut s'exprimer ainsi : (CH5)°C — CH. GO. CH° + Na.C(CII) (CO?C2I)* /C(CH°). (COC?H5). CO, : —(CHSECS ; CHE + CFO. Nc: co” Le produit de condensation ainsi obtenu, soumis à la saponification, fournit un acide £-cétonique qui perd spontanément de l’anhydride carbonique en fournis- sant une cétone : CH(CIE) — CON (CHÿCL CHE, DO CT Cette triméthyldihydrorésorcine (2:6-dicéto-3 : 4 :4 triméthylhexaméthylène) possède très certainement la coustitulion qui lui est assignée ici parce que l’oxyda- tion au moyen de l'hypobromite de soude le convertit en acide a«-ÿ-5-triméthylglutarique : CH CH. CON (CPC CHE COZH Il n'a pas été jusqu'ici possible de convertir la trimé- thyldihydro-résorcine en l'acide cétonique : CU CI). CO (CH3)2C4 NCIÉCO.CIP. Celle résorcine substituée fonctionne comme une dicé- tone et donne une dioxime bien caractérisée, mais sa forme la plus usuelle est la forme énolique : CH(CIP) = COS CH° CL DUR: N\CHE — C{0H)- Ainsi, par exemple, elle fournit un sel d'argent, unéther méthylique et un dérivé monoacétylé. En même temps, lanature non saturée de ce com- posé peut être démontrée par le fait qu'il s'unit au brome en donnant un dérivé dibromé. Celui-ci, qui est 1A.-W. Crosscey, Journal of the Chem. Soc., t. 19, p. 198. ; extrêmement instable, perd rapidement de l'acide | bromhydrique et fournit un dérivé monobromé ainsi qui le montrent les relations : - CH(CHS)— CO CHE CHÈ— CBr OH /CH(CH)CO ŸGIBr > (CH}CC SN GBr CIE — C(ON)7 CII(CIH) — CO ou (CH'CC >CHBr. \CH®——— CO Traitée par une quantité insuffisante d'hypobromile de soude, la triméthyldihydrorésorcine est transformée en un dérivé bibromé : CH(CH# CO CCC Durs SCHE — CO lequel, traité à son tour par la potasse, est converti ef en acide 4-55-triméthylglutarique et dans le composé mono bromé ci-dessus. Composition chimique des Pétroles ro mains. — La composition chimique des pétroles varie beaucoup selon leur provenance ; les divers pétroles connus et exploités peuvent se rattacher à trois formes. principales : les pétroles d'Amérique, constitués pres que en totalité par des carbures forméniques; les pétroles de Bakou, composés surtout de carbures eyeli ques saturés ou naphtènes, et les pétroles intermé= diaires, tels que ceux de Tiflis, qui réunissent les deux sortes d'hydrocarbures. | Les pétroles de Roumanie avaient été jusqu'à présent peu étudiés quant à leur composilion. M. Poni, profes seur à l’Université de Jassy, a entrepris l'étude de plu sieurs d’entre eux et publié récemment (Annales scie tifiques de l'Université de Jassy, 1900, 2e fase.) des résultats précis sur les portions les plus volatiles du pétrole de Colibasi. Contrairement à beaucoup de pétroles, ce dernier nt contient pas de carbures éthyléniques ou acttyléniques Il renferme une certaine quantité de carbures gazeux forméniques (élhane, propane, butane, pentane ter* tiaire), Les parties qui distillent au-dessous de 100% sont pour une notable proportion constituées par des pentanes et des hexanes, qu'accompagnent de faibles quantités de benzène et de toluène, ainsi que des dose assez importantes de carbures cycliques saturés méthylpentaméthylène, hexaméthylène. Ces résultats, qui seront sans doute complétés pro chainement par M. Poni, tendent à ranger les pétroles de Colibasi dans la troisième catégorie, tout en indin quant une prépondérance assez marquée des carbure à chaine ouverte. + $ 5. — Physiologie La ration d'entretien dans les pays chauds — Nous empruntons à un travail de M. Maurel!, dont I première partie seulement vient de paraitre, une série de données fort intéressantes sur la ration d'entretien dans les pays chauds. En s'appuyant sur les faits qu'il a observés et les re cherches qu'il à faites en Cochinchine, au Cambodge à la Guadeloupe, ete., M. Maurel montre que, dans les régions intertropicales dont la latitude n’est pas corrigé par l'altitude, les azotés, dans la ration d'entretien, doi vent figurer pour 4 gramme à 4 gr. 25 environ et les ternaires pour 4 à 5 grammes environ par kilo gramme de poids, soit 60 à75 grammes d'azotés et 240 1 E. Maurer : Influence des climats et des saisons sur ls dépense de l'organisme chez l'homme. Archives de Méd cine navale 4900, no 11. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE à300 6 grammes de ternaires pour un homme de 60 kilo- grammes. origine des azotés est sans importance, et on peut les demander indifféremment au règne animal et au règne végétal. Pour les # ou 5 grammes de ternaires, on peut adopter comme proportion : { gramme de corps gras, 0 gr. 50 our ool, contenu dans” une liqueur fer- mentée vin, b ière ou cidre), et 2 gr. 50 à 3 gr. 50 d’hy- drates de carbone. … Le nombre de calories, constituant un des Ho les Jus importants de la ration, doit être environ de 27,5 h 32,5 colories, en moyenne de 30, pose ns ‘un homme Fe 60 en fa quantité d'aliments et le nombre de calories s doivent donner correspondent à la ration d'en- tien. Pour les autres rations, celles du travail, de la wissance, de la grossesse, etc., les règles pour les fixer t les mêmes que pour les pays tempérés. $ 6. — Sciences médicales l'infiuence de l'Oxygène sur les Convul- ons strychniques. — C'est un fait bien connu physiologistes qu'on peut, par la respiration arti- elle, atténuer chez le chien, chez le lapin, chez le aye, les phénomènes de l’empoisonnement strych- e, et rendre inoffensives des doses d'alcaloïde rtelles pour un animal respirant normalement (Rich- Leube, Rosenthal, Uspensky, Westphal, Lasch- ewitz, Ebner, Brown-Séquard, Rossbach et Jochelsohn, nanoff, Buchheim, Pauschinger, Richet, Eckhardt). es physiologistes toutefois différent d'avis dans l'inter- tation du phénomène. Les uns admettent que la res- ration artificielle détermine une ventilation plus par- ite des alvéoles pulmonaires et une oxygénation plus tomplète du saug, ayant pour conséquence une com- bustion plus rapide des substances organiques et vrai- mblablementde lastrychnine ; — les autres admettent ue, par la respiration artilicielle, sont produites des Xcitations périphériques capables de détermmer une aibition plus ou moins complète du pouvoir excito- exe des centres nerveux. . Osterwald!, sur les conseils du P'Jacobi, s'est pro- é de résoudre la question du mécanisme remar- able que nous venons de signaler. Siles phénomènes caniques de la respiration artificielle sont la cause l'atténuation des symptômes strychniques, cette énuation ne devra pas se produire si l'animal n’est soumis à la respiration arüficielle. Si les phéno- nes de suroxygénation du sang dans la respiration ificielle sont la cause de l'atténuation observée, cette ténuation devra se produire si l'animal respire libre- nt dans une atmosphère suroxygénée.Telles sont les positions de M. Osterwald. les expériences sont faites sur des souris, sur des Sobayes, sur des poussins, comparativement. A deux himaux aussi semblables que possible, on injecte s la peau une même quantité de strychnine (à dose mortelle ou à dose mortelle) ; l’un est placé dans , l'autre dans une cloche d'oxygène. Les accidents Ychniques sont toujours plus graves, et plus rapide- nt mortels pour l'animal conservé dans l'air que ur celui maintenu dans l'oxygène. Ainsi, par exemple, IX cobayes pesant chacun 440 grammes recoivent *,2 d’azotate de strychnine en injection sous-cutanée:; m À est placé dans une cloche d'air; l'autre B dans ne cloche d° oxygène. Après quinze minutes, le cobaye A sente une exagération des réflexes très manifeste ; cobaye B n’en présente aucune, Après vingt minutes, cobaye À présente des convulsions spontanées; le baye B ne manifeste qu'une très légère agitation. Après vingt-cinq minutes, le cobaye A ‘est en tétanos ontinu, le cobaye B paraît normal. Après vingt-sept Archiv. fur experiment. Pathologie und Pharmakologie, [900 ; 401-63. 157 minutes, le cobaye À meurt. " ormal. En placant deux cobayes l'air naturel, l’autre dans un les accidents strychniqu’ es chez le premier a ad on approche des l - avec la vie, quand mènes «| 2 -nces que les phé- .ration artificielle ne ation des phénomènes uit être recherchée dans les Ce on de l'organisme. -istrerles expériences de M. Oster- : elles sont faites avec rigueur et s'accr c des expériences antérieures, notam- ment à iles d'Ananoff. Mais nous devons faire des réserves, au moins provisoires, sur l'interprétation qu'il en donne. S'agit-il, comme il le dit, de changements dans les processus d'oxydations or: ganiques sous l'in- fluence des modifications de la tension de l'oxygène ? Avant d'admettre cette conclusion, il faudrait établir la réalité de cette augmentalion des oxydalions dans le cas où l'animal respire dans l'oxygène pur, ou dans le cas où l'animal est soumis à une respiration artificielle énergique. Or, nous savons que, dans le phénomène de l’apnée produit par une respiration artificielle active, les oxydalions ne sont point augmentées, et la tension de l'oxygène dans le sang est normale. Et pourtant dans ces conditions l'atténuation des phénomènes strych- niques se produit. Que la tension de l'oxygène daus le sans de l'animal qui respire dans l'oxygène pur soit supérieure à la tension de ce gaz dans le sang de l’ani- mal qui respire dans l'air, c ea là chose probable ; mais n'oublions pas que l'oxygène dans le sang est pour la plus grande part combiné à l'hémoglobine, et que la tension dans de capillaires est pour l'oxyzène égale à la tension de dissociation de l’oxyhé moglobine dès qu'est consommée la très petite fraction d'oxygène qui, dissoute dans le plasma, avait une tension supérieure. Une remarque s'impose encore : l'oxygène respiré sous pression de cinq atmosphères produit chez les animaux des accidents convulsifs, absolument sem- blables aux accidents strychniques; on comprendrait sans peine que l'oxygène sous pression d'une atmos- phère exagérât les accidents dus à la strychnine; on est surpris de le voir les atténuer. On sait qu'un poison capable de supprimer l'activité d'un élément vivant commence par exalter cette activité quand il est em- ployé à dose faible; mais on n’a pas d'exemples nets de poisons qui, à dose convenable, exaltent une activité vilale et qui, à dose moindre, diminuent sette activité. Ces remarques n’enlèvent rien de l'intérêt des re- cherches de M. Osterwald; elles montrent, au con- traire, tout l'intérêt qui s'attache à ces recherches, qu'il serait désirable de voir étendre et compléter. es phéno- n° wal ce $ 7. — Géographie et Colonisation La production du Caoutchoue. — Jusqu'à ces dernières années, le caoutchouc était © considéré unique- ment comme un produit forestier et ne pouvait, à aucun titre, être rangé au nombre des productions agricoles. À Actuellement enc ore, malgré une production annuelle qui dépasse 42 millions de kilogrammes, pour le monde entier, le caoutchouc est presque uniquement fourni par des végétaux ayant poussé sans culture dans les forêts; mais, en présence d’une consommation qui devient de plus en plus considérable, le problème s’est posé de la création de cultures ralionnelles, non seu- lement pour assurer dans l'avenir la production du caoutchouc nécessaire à l'industrie, mais encore pour diminuer, autant que possible, les frais de récolte et pour obtenir un produit plus homogène. A lui seul, le Brésil fournit plus de la moitié du caoutchouc annuellement livré au commerce (23 mil- lions de kilogrammes en moyenne pour les deux ou 158 trois dernières années), el ce caoutchouc est produit par diverses espèces du genre Æevea, par le Castilloa ct par un Aanihot. Mais les arbres du genre Hevea sont principalement exploités au Brésil et fournissent le caoutchouc le plus estimé. D'après M. Eug. Acker- mann‘, on na guère à craindre la disparition de ces arbres dans les forêts du Brésil car, à l'encontre de ce qui se passe en Afrique, les récolteurs ne détruisent pas les arbres producteurs : ils se contentent de les saigner par des incisions périodiquement répétées. Dans lEtat de Para, ce qui manque principalement, c'est la main-d'œuvre, car la récolte se fait dans les lorèts marécageuses où les récolteurs rencontrent mille obstacles et contractent de dangereuses maladies, « Si les propriétaires de terrains ont intérêt à planter, ce n'est pas précisément parce que la matière première fait défaut, mais c'est afin d'avoir plus de facilités pour l'extraction, ou bien pour augmenter la valeur de leurs terres, et enfin aussi pour pouvoir se procurer plus facilement la main-d'œuvre, car cette dernière affluera de préférence dans une plantation où les conditions hygiéniques ne peuvent être que bonnes, comparées à celles de la forêt quasi vierge. » La récolte n’est pas réglementée dans les Etats de Rio de Janeiro, Minas Geraes, Espirito Santo, Parahyba, Rio Grande do Norte, Sergipe, et même dans l'Etat de Para, si riche en Aanicobas. L'Etat de Para a établi, par une loi du 20 mars 1896, des primes pour l’encou- ragement des plantations d'arbres à caoutchouc. Il alloue 1 million de reis par lot de 2.000 seringueiras plantés convenablement, pourvu que le terrain appar- tienne en propre au planteur où qu'il soit affermé par lui. Il existe aussi une réglementation dans les Etats de Matto Grosso, des Amazones et de Bahia; mais les données de M. Ackermann se rapportent principalement à l'Etat de Para * qui est d’ailleurs le principal centre de la production de caoutchouc. Les arbres exploités dans l'Amazonie ne sont pas seulement des espèces du genre Hevea (H. Brasiliensis, H. discolor, IL. paucrflora, I. lutea), mais encore le Castilloa elastica, que le pro- fesseur Buscalioni, de Rome, nous a dit avoir rencontré maintes fois sur les rives des affluents de l’Amazone. M. Ackermann décrit en détail les procédés d'extraction et de coagulation du latex, procédés qui sont connus de toutes les personnes au courant de ce qui concerne la production du caoutchouc. Un seul ouvrier, opérant sur une centaine d'arbres, répartis à des distances variables, peut arriver à extraire 400 à 800 kilogrammes de caoutchouc, chiffre qui est relativement peu consi- dérable et qui pourrait être beaucoup plus élevé dans une plantation bien organisée. Les conditions hygiéni- ques sont telles que la mortalité est très élevée. « La moitié du caoutchouc récolté appartient à l'ouvrier, mais on en déduit une portion en échange des avances failes. On en déduit une deuxième portion pour l'achat des vivres et des objets nécessaires à la vie, en vue d'un autre séjour dans la forêt marécageuse. Aussi, en dépit de leur paye, en apparence forte, les ouvriers en caoutchouc sont pauvres. » L'ouvrier se trouve donc exploité par le propriétaire de la forèt qui ne l’est pas moins, à son tour, par le courtier intermédiaire ou ? Au pays du caoutchouc, par Eugène Ackermann, ingé- nieur civil des mines. Rixheim, 1900. * On trouvera un bon apercu de cette réglementation dans le Bulletin de la Société d'Etudes coloniales, édité à Bruxelles (n° 11, novembre 1900). CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ll ee Aviador; ce dernier verse lui-même des prix très élevés à l’armateur pour tous les objets qu'il lui achète et qui sont destinés aux ouvriers. Il en résulte que l mateur seul réalise de sérieux bénéfices et, par suit de cette exploitation répétée, l'industriel européen n'obtient le caoutchouc de Para qu’à des prix relatives ment élevés. Les primes accordées pour la création de plantations n'ont produit jusqu'ici que très peu d'effet, et le Brésil ne compte en ce moment encore qu'un petit nombre de plantations sérieuses. Nos colonies tropicales pour raient donc, avec profit et sans crainte d’une concur rence très prochaine, créer et développer des plant rions de végétaux producteurs de caoutchouc. Des essais ont déjà été poursuivis dans cette voie, depuis plusieurs années, et de nombreuses plantations son! en voie de création dans nos diverses colonies. Nous regrettons seulement d’avoir à constater que ces entre prises agricoles ne reposent pas sur les essais préalables de culture et d’exploitalion qui étaient nécessaires, @ qu'une administration soucieuse de l'avenir écono: mique de ces possessions aurait dû faire poursuivre depuis longtemps par les Services botaniques et agri coles de nos colonies. Tout ce qui concerne l'existence de végétaux produ teurs de caoutchouc étant de première importance nous devons signaler en passant l'envoi qui nous a été fait, très récemment, par M. Vadon, chef de station du Congo francais, d’un échantillon botanique de Aïckxi Gilletii accompagné d’un peu de caoutchouc de bonne qualité. Il nous à paru intéressant de signaler ce fait en passant, car jusqu'ici les Xickxia rencontrés au Congo 2e fournissaient qu'un produit adhérent et de très mau vaise qualité. L'échantillon a été recueilli sur la rive droite du Congo, un peu en amont de Brazzaville. Em recherchant cet arbre au Congo, on trouvera peut-être le moyen d'augmenter la production de caoutchouc dans notre colonie, production qui s’est élevée seules ment à 657.110 kilogrammes pour l'année 1899, alors que les exportations de caoutchouc de l'Etat indépen: dant (Congo belge) ont atteint 1.734.505 kilogrammes en 1898. nn ce $ 8. — Réunions scientifiques Réception en l'honneur du Professeur Agassiz. — M. le Professeur A. Agassiz, l'illustre oc nographe américain, se trouvant récemmentde pass à Paris pour quelques jours, la Société Zoologique di France avait pris l'initiative d’un banquet en son hon neur. Ce banquet a eu lieu au restaurant Champeauà le 4er février. Malgré le peu de temps dont avaient dis posé les organisateurs, on peut dire que cette fête parfaitement réussi, car, si les invités étaient pe nombreux, ils comptaient du moins parmi eux les n@ tabilités du monde zoologique. Nous citerons : M. Ed mond PERRIER, directeur du Muséum d'histoire natw relle ; MM. Eicmoz et Griarb, membres de l’Institut MM. Y. Deracr, Certes et Bouvier, anciens présidents de la Société Zoologique de France; MM. R. BLANCHARD SCHLUMBERGER, J. Guiart et Neveu-LEMAIRE, représentan le Bureau de cette même Société ; M. ScnLeIcHE éditeur ; M. Have, représentant le laboratoire de Géo logie de la Sorbonne; MM. Bouraw, FRANCOIS, HEROUAKI Lagé, Racovrrza et Roserr, représentant les différent laboratoires de Zoologie de la Sorbonne. M. le Profes seur Munier-Cnazmas, M. le Professeur Ch. Ricnfl MM. Trousssant et J. Ricnanp s'étaient fait excuser. he. Dre A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE “ Dœbereiner a montré, en 1832, que, lorsqu'on t passer sur de la mousse de platine humide un ange de deux volumes de gaz sulfureux et d'un ime d'oxygène, il se forme de l'acide sulfu- sur la fabrication de l'acide sulfurique par ntermédiaire de la mousse de platine : Il brûle 1 soufre (ou des pyrites) dans un four spécial, élange l'acide sulfureux obtenu avec de l’air, et passer le gaz dans des tubes de platine ou de jrcelaine, contenant du fil ou de la mousse de aline, et maintenus à une certaine température. anhydride sulfurique résultant de la combinaison des deux gaz S0° et O, est condensé dans des chambres cylindriques de 30 pieds de haut sur 8 » large, recouvertes à l'intérieur de lames de omb et remplies jusqu'au sommet de morceaux quartz. À la partie supérieure de l'appareil, on t couler de l’eau ou de l'acide sulfurique étendu, ovenant d’une préparation antérieure, acide qui enrichit et se rassemble au fond, d'où il est de ouveau pompé à la partie supérieure de la cham- re, jusqu'à ce qu'il possède la concentration roulue ?. » D'après des renseignements que nous devons à lobligeance de M. Kolbe, directeur actuel des Éta- blissements Kuhlmann, à Lille, Kuhlmann, vers 833, aurait également entrepris des essais, dans n usine de Loos, en vue de préparer l'acide sul- rique par la combinaison du gaz sulfureux avec xygène de l'air, par l'intermédiaire de l'éponge platine. Ses essais eussent élé salisfaisants, si éponge avait conservé « ses propriétés catalyti- ques » qui vont en s’atténuant avec le temps”. On à tenté de remplacer l'éponge de platine par d'autres substances de contact. C'est ainsi que Woehler et Mahla ont opéré avec des oxydes de Buivre, de fer et de chrome, et paraissent avoir bbtenu de bons résultats avec les deux derniers 4 Extrait d'une conférence faite à Nancy le 12 janvier. — us devons les figures qui illustrent cet article à l'obligeance e M. Auguin, directeur de la evue industrielle de l'Est, poque, est néanmoins signalée: par Knapp, dans sa Chimie technologique, t. Il, p. 399 (Dunod, 1870); par Mbunge, dans son Handbuch der Soda-Industrie, t. 1, p. 191 ieweg, Brunswick, 1893), et dans le Dictionnaire des Arts Manufactures de Laboulaye, 2° édition. î LA FABRICATION DE LACIDE SULFURIQUE È AU MOYEN DES PROCÉDÉS PAR CONTACT oxydes. Comme nous le verrons dans la suite, cetle réaction a été reprise par le Verein chemis- cher Fabriken de Mannheim. De son côté, Plattner a choisi du quartz broyé, mais a dû y renoncer, par suile de la lenteur de la réaction. Magnus avait d'ailleurs observé, dès 1832, que le verre pulvérisé jouissait de la même propriété. La question fut reprise, bien longtemps après, par M. CI. Winckler, en Allemagne, et par MM. Mes- sel et Squire, en Angleterre. Au lieu d'éponge de platine, le premier se servit d'amiante plaliné, tandis que les seconds employèrent de la ponce platinée et aussi de l'asbeste platiné, sur lesquels ils faisaient arriver‘ un mélange préalablement desséché de SO*Æ 0, obtenu par la décomposition au rouge de l'acide sulfurique SO‘H*. La fabrication de l'acide sulfurique fumant n'entra dans le domaine de la pratique qu'à partir du jour où la Padische Anilin und Soda Fabrik, avec les puissants moyens dont elle dispose, entre- prit une étude minutieuse et systématique des conditions chimiques et physiques les plus favo- rables à la combinaison des gaz réagissants. Ce procédé, tenu secret pendant longtemps, ne fut livré à la publicité qu'à la suite d'indiscrétions commises au préjudice de la Société, qui chercha ensuite à se protéger par la demande d’une série de brevets. Avant d'aborder la description du procédé, qu'il nous soit permis de remercier publiquement la So- ciété badoise en la personne de son directeur, M. le D' Brunck, pour la gracieuselé avec laquelle elle a mis à notre disposition, non seulement des échantillons d’acides de teneurs diverses en anhy- dride, et un spécimen de la masse de contact qu'elle emploie, mais encore tous les documents et plans qui constituent l'originalité de son pro- cédé. La fabrication comporte trois opérations princi- pales : 1° Traitement préliminaire du mélange des gaz à mettre en œuvre; 2 Réglage des conditions de température pen- dant la combinaison; 3° Disposition ou arrangement de la substance de contact, pour ne pas avoir une pression exa- gérée. ! Brevet allemand 4.566; Lunge, Æandbuch der Soda-In- dustrie, 2 édition, p. 863. 160 À. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE Î. — TRAITEMENT PRÉLIMINAIRE DU MÉLANGE DES GAZ. 1. Zmpuretés des gaz.— On sait depuis longtemps que les gaz provenant du grillage des pyrites ren- ferment, outre de petites quantités d'acide sulfu- rique et d'anhydride, d'autres impurelés parmi lequelles nous signalerons le soufre, le fer, le manganèse, le cuivre, l'arsenice, l’antimoine, le phosphore, le mercure (déjà signalé par Berzélius en 1517, et Kuhlmann en 1863), le plomb, le zine, le bismuth, le thallium, le sélénium et leurs com- posés. Les effets de ces impuretés sont de différentes sortes : dans certains cas, l'acide SO*H? peut atla- quer le plomb et le fer des appareils, et gêner le mécanisme des opérations. Il entraîne de plus les poussières dans l'appareil catalytique, et encrasse par suile la substance de contact. Parmi ces impuretés, on à reconnu que l'ar- senic, le phosphore et le mercure avaient une in- fluence particulièrement nuisible sur cette sub- slance, et la mettaient hors d'usage au bout de peu de temps. 2. Purification des gaz. — Pour effectuer la pu- rification, on lance un jet d'air ou de gaz déjà pu- rifié, puis un jet de vapeur dans les gaz chauds, au moment de leur sortie des fours à pyrites. Cette opération a pour effet de brasser la masse gazeuse et d'assurer une combustion parfaite du soufre et de toute malière combustible. L'injeclion de la vapeur en plusieurs fois a des effets très importants; elle dilue l'acide sulfurique et empêche ainsi l'attaque de l'appareil réfrigérant (qui est en plomb ou en fer); elle s'oppose en outre à la formation de dépôts de la matière incrus- tante que l'acide sulfurique forme avec les pous- sières solides, lors du refroidissement des gaz non mélangés de vapeur. L'encrassement des conduites est ainsi évité, car les impuretés se rassemblent sous forme de boues faciles à enlever. Elle empêche enfin la formation d'hydrogène arsénié et d'hydro- gène phosphoré volalils, qui peuvent résulter de l'attaque des parties métalliques par l'acide sulfu- rique concentré. 3. Refroidissement graduel des gaz. — Après ce traitement, les gaz traversent un tuyau en fer ou en briques dans lequel ils commencent à se refroidir, puis ils s'écoulent dans un système de tuyaux en plomb qui achèvent de les refroidir à 100° environ, et même au-dessous. 4. Lavage. — Is traversent ensuite des tours d'arrosage ou barbottent dans une série de laveurs contenant soit de l’eau seulemeni, soit de l'eau aci- dulée, soit enfin dans une solution de bisullite dé soude, pour de là se dessécher dans un appareil à acide sulfurique concentré ou dans tout autre système desséchant. | Pour construire les laveurs, il convient d’éviler l'emploi de matières qui soient susceptibles dé produire, sous l'influence de l'acide sulfurique des gaz comme l'hydrogène arsénié ou l'hydrogène phosphoré. Le lavage des gaz est enfin facilité par une aspiration convenable. . ». Examen des gaz. — Avant d'entrer dans l'appareil de contact, les gaz sont soumis : 4° à un essai oplique ; 2 à une analyse chimique pour s'a surer de l'absence d'arsenic, de phosphore, de Inercure, etc. L'essai optique consiste à examiner une c0lonneM de plusieurs mètres de long et éclairée à une de ses extrémités. Bien lavés, les gaz deviennent transparents et absolument exempts de brouillards* L'examen chimique s'effectue en faisant barboter pendant vingt-quatre heures une dérivation des gaz épurés dans un flacon laveur renfermant de l'eau distillée ; on cherche ensuile, dans cette eau, les impuretés par les méthodes analytiques con- nues (appareil de Marsh). IT. — RÉGLAGE DES CONDITIONS DE TEMPÉRATURE PENDANT LA COMBINAISON. On sait que la combinaison de l'acide sulfureux avec l'oxygène est une réaction exothermique, et que la chaleur dégagée est : SO? + O — SO + 32,2 cal. Mais la combinaison de ces gaz n'a lieu qu'à une température relativement élevée, en sorte qu'on doit chauffer préalablement les deux gaz, ou l’un d'eux au moins. Pendant la réaction, la cha= leur dégagée s'ajoute à Ja chaleur primitive, en! sorte que la température s'élève très haut, et at* teint parfois le rouge blane, si le mélange est très riche en gaz ou le courant assez rapide. Cette énorme chaleur et celte température élevées nuisaient à la fabrication pralique de l’anhydride sulfurique. Les préjudices qui en résultent sont des diverse nalure : 1° Les appareils en fer sont rapidement oxydés; 2° L'action de la substance catalytique est affai= biie ; < 3° La capacité de production des appareils s'en trouve amoindrie ; 4° El, avant lout, la réaclion, qui devait êlre, presque quantitative, est beaucoup moins parfaite: La surélévalion de température est surtout nui- sible si l'appareil est tel que les gaz contenant SO b A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 161 quittent la substance catalytique au point le plus aud. La réaction inverse de SU* en SO? + 0 se produit d'autant plus facilement que la tempéra- ture est plus élevée, et celle-ci s'élève d'autant plus du la quantité de gaz qui passe par l'appareil ca- Lalytique est plus grande, ou que les gaz sont plus “concentrés. Il en résulte que la conversion de 0? + 0 en SO’ est limilée par la réaction inverse, es gaz, au sortir de l'appareil catalytique, ren- ment de l'acide sulfureux. Aussi, dans les procé- s par contact employés jusqu'alors, on ne réa- ail la combinaison en SO* que d'une partie du élange de SO°+ 0. Une notable proportion des gaz réagissant non combinés élait utilisée pour On peut éviter celle dissocialion partielle en re- froidissant d'une manière régulière l'appareil, afin d'enlever Lout excès de chaleur, en sorte que la tem- pérature oblenue fournit des résultats quantitatifs, quelles que soient la quantité et la concentration des gaz employés. Après absorption du SO* formé, les gaz ne renferment plus que des traces de SO° et peuvent Ôtre déversés sans inconvénient dans atmosphère. Le rendement est en tous points comparable à celui obtenu dans les chambres. En outre, les appareils durent plus longtemps et tra- Vaillent mieux par suite de l’abaissement de tem- pérature. Le refroidissement de l'appareil de con- et a pour but de le maintenir dans la zone de lempérature la plus favorable, et s'effectue à l’aide d'un courant de gaz dont on règle la température et la vitesse. On peut aussi refroidir à l'aide de bains de mélaux en fusion, dont la température reste constante. - Lorsque les gaz que l’on veut trailer sont utilisés x-mèmes pour le refroidissement de l'appareil, en envoie une partie ou la lotalilé sur la surface extérieure de l'appareil, pour enlever l'excès de de chaleur. . Les gaz qui quittent le milieu réfrigérant sont suite portés à la température la plus favorable la marche de la réaction, avant d'être dirigés dans la masse de contact. Sur ce point, il faut tenir comple de la concentration des gaz. Avant de passer en revue les différentes sortes appareils tels qu'ils sont décrits dans les brevets, nous allons donner un procédé de préparation l'amiante platiné. On imbibe de l'amiante bien effiloché avec une solution de chlorure de platine rendue légèrement alcaline par l'addition de car- bonate de soude, on ajoute du formiate de soude III. — DisPOSITION DES APPAREILS. Dans la figure 1, M représente une pièce de maconnerie ou un tuyau de fer dans lequel est placé le conduit R. Ce dernier est composé de deux par- lies a et b, destinées à différentes fonctions et pou- vant posséder des diamètres et des longueurs dit- férentes : une d'elles peut-être aussi remplacée par un certain nombre de conduits plus étrous. La par- tie b des conduits R recoit la masse de contact refroidie par l'air froid entrant par » dans le tuyau extérieur. L'autre partie 2 du conduit R a pour but de porter le gaz contenant l'acide sulfureux et arri- = 5 KÜX ?— ka SISSEE / AË AÈ f 7 1 N ÈINONSKSIIKKK SSSSAN IS : TS NNNINISS Fig. 1 Fig. 2: fig. 4. — Schéma d'un des conduits dans un appareil par contact. — M, pièce de maconnerie ou tuyau de fer; R, conduit; a, partie où le gaz sulfureux se réchaufle; h, par- tie contenant la masse de contact; Ah!, chauflage; », arri- vée de l'air froid; L, sortie de l'air; e, sortie de l'anhy- dride sulfurique. Fig, 2, — Appareil par contact à plusieurs conduits. — Les Ééttres communes ont la même signification que dans la WW', parois. figure 1; DD', couvercles; vant par D à la température nécessaire à la réac- lion. Au commencement de l'opération, tout l'appareil est porté par le chauffage ZA (par exemple un chauffage à gaz) à la température nécessaire à la réaction. Cette dernière une fois commencée, on n'a plus besoin de chauffer si l'on travaille avec des gaz concentrés, parce que l'air, chauffé par la masse de contact, transporté en a est à une Lempé- ralure suffisamment élevée pour empêcher la zone 162 A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE de la réaction de reculer ou de s'éteindre. Par les ouvertures d'issue mobiles L, L, le courant d'air peut être réglé de manière à communiquer à la masse catalytique la température nécessaire à la réaction. Quand on travaille avec des gaz plus faibles, l'air qui s’échauffe en jouant le rôle de refroidissant, est chauffé en outre par le chauf- fage LA", de manière à communiquer aussi aux gaz qui arrivent par a une température plus élevée. Si les gaz à travailler sont encore plus faibles, il peut devenir nécessaire de chauffer préalablement et d'une manière durable l'air arrivant en n, ce qu'on RTS fe RS RE 1 Fig. 3. tuyau S qui contient, entre les deux parois W, Wls le conduit R (fig. 3 et 5). Pour la mise en marches l'appareil est porté à la température de réaction par un chauffage, par exemple par celui indiqué par 2, que les gaz chauffants peuvent quitter pa les canaux L, L. Par les ouvertures E ou E!, on laisse entrer le gaz à travailler, dont la tempéra= ture peut encore se règler par l'appareil de chauf fage G, dans l’espace du luyau S, où il refroidit la masse catalytique dans R : de là, le gaz se dirige par les ouvertures À etF vers D (fig. 3) ou bien pa la voie de À et H dans l’espace D, où se fait le TITRES 2e LRRY Fig. 4. Fig. 3. — Autre disposition du conduit dans un appareil par contact. — EE!, arrivée des gaz à travailler venant du réchauffeur G par les ventilateurs V'V':;S, tuyau de passage des gaz à travailler, chauffé extérieurement par les gaz h qui quittent l'appareil en L; A, sortie des gaz ; I, appareil de température : F, rentrée des gaz dans l’espace D, où ils se mélangent avec l'air ou les gaz venant de J; R, conduit renfermant la masse de contact; e, sortie de l'anhydride sulfurique. Fig. 4. — Appareil de contact à plusieurs conduits. — AA, arrivée des gaz; BB!, tuyaux traversant diamétralement l'appareil et facilitant la distribution du mélange gazeux; C, parois mitoyennes forcant les gaz à passer près des conduits R pour refroidir la masse catalytique; N, appareil mélangeur. Les autres letires ont la même signification que précédemment. peut faire par le chauffage LA’ ou de toute autre manière. Les gaz sortant de l’espace de contact D, et conte- nant l'anhydride sulfurique, quittent par le con- duit e l'appareil catalytique pour le travail ulté- rieur. Dans la figure 2 est représenté un appareil avec un certain nombre de conduits de contact RR qui communiquent entre eux par les deux parois W, W'etles couvercles D D'. Examinons une autre disposition d'appareils : Dans la pièce de maçonnerie M est installé le mélange des gaz, et ensuite dans la masse cataly- tique du conduit R. Les gaz convertis partent de nouveau par c. Dans l'appareil H, la température du gaz peut se régler avant son entrée dans D. Ces appareils peuvent être modifiés à leur tour, de manière à réunir un certain nombre de conduits R en un seul appareil. Parmi les diverses formes d'application, celle, par exemple, représentée par la figure 4, est très avantageuse en pratique. On a trouvé, en effet, qu'en travaillant avec de gros appareils ayant un grand nombre de con-, A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 163 + nm” { à “duils, il est préférable de distribuer convenable- | cations des thermomètres se trouvant dans les “ment le courant gazeux dans le tuyau S. Ceci est | différentes parties des appareils, notamment dans ait d'abord par les chambres À, A!, qui dirigent le | Det D', jusqu'à ce que les analyses du gaz entrant ca affluant vers l'appareil par toute l'enceinte du | et sortant donnent les meilleurs résultats pra- fuyau S, ensuite par les tuyaux B, B'qui traversent | tiques. diamétralement l'appareil, et, en raison de la lon- Les chambres de distribution du gaz À A! peuvent : gueurdes cordes des arcs correspondants, possè- | être étendues sur toute la surface du tuyau S, nt des trous latéraux de différentes dimensions, | comme le montre la figure 6. La chaleur rayon- mlesquels le gaz subit une distribution homo- | nante de l’appareil lui-même peut alors servir à ne à l'intérieur même du corps de tuyau. règler la température des gaz entrants. Pour que le gaz refroidissant puisse suivre la Au lieu des gaz mêmes à travailler, on peut se même direction durant son chemin ultérieur et | servir d’air ou d'un autre gaz comme réfrigérant, Fig. 5. Fig. G. Îg. 5. — Appareil par contact dans lequel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre que celui à travailler. — } RRGrISUres que précédemment. A, sortie du gaz étranger, qui peut communiquer sa chaleur dans H aux gaz à travailler. Mig. 6. — Autre disposition d'appareil par contact. — Les chambres de distribution À sont étendues à toute la surface du | tuyau S. Mêmes lettres que précédemment. passer en même temps le plus près de la masse | si, par exemple, on fait refluer le courant réfrigérant catalytique à refroidir, on établit, à des distances | (fig. 5) à l'aide d'un ventilateur V par GetEE’, ele., pas trop éloignées, un certain nombre de parois | vers S. Le courant gazeux refroidit alors le conduit itoyennes C, C, qui se dressent dans $S, de manière | R, et quitte le tuyau S par À, naturellement sans “à laisser au courant gazeux un passage libre tout | être ensuite dirigé vers D. près des parois des conduits R R. La chaleur accumulée dans l'air (gaz) sortant Il est encore avantageux de bien mélanger les | peut être évidemment utilisée, par exemple, en La “uaz avant leur entrée dans la masse catalytique, | transportant sur les gaz affluents à travailler à l'aide fin d'en égaliser la température. L'appareil mélan- | d’un appareil H approprié. geur N, établi au-dessus du couvercle D, sert à ce Dans les figures 7 et 8 se trouve une autre forme -but en mélangeant convenablement le gaz arrivant | typique d'application de notre procédé Elle sert de O, F et J pour se diriger vers Det R. surtout à travailler des gaz concentrés. Le gaz —_ L'intensité et la température du courant réfrigé- | arrivant par E est dirigé par F F' vers la partie la rant sont convenablement réglées suivant les indi- | plus chaude P de la masse catalytique dans R. La A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE partie relativement la plus froide arrive alors à l'endroit le plus chaud de la masse de contact et la refroidit énergiquement. Le courant réfrigérant peut quitter S soit par À ou A’, ainsi que par B ou B', ou par B et B’, pour être dirigé directement par 0 vers D ou par le refrigérateur H vers D, ainsi que par O et H vers D avec une température réglée. On peut aussi diriger une partie du gaz à travailler directement par J vers D. Les autres dispositions pour la distribution, la direction et le mélange du gaz, sont semblables à celles décrites dans l'exemple 2. Ici encore, la distribution des courants gazeux Fig. 1. — Schéma d'un conduit de l'appareil. reil par À ou A’, etc. La chaleur qu'il emporté peut être ulilisée d’une manière quelconque, par exemple en s'en servant pour chauffer préalable: ment, dans l'appareil de chauffage H, les gaz à tra= vailler introduits par F, au point d'empêcher le recul de la zone de réaction P. Dans une pièce de maconnerie ou dans un tuyau M (fig. 10 et 11) sont établis, dans une paroi W, un seul ou plusieurs conduits SS $S, entre les: quels se dressent un seul ou plusieurs conduits RRR, également établis dans une paroi W. Si l'appareil est construit avec plusieurs conduits (fig. 11), les conduits S sont séparés de ceux dési- CEE ES LE NVWOWNW00NVVIVVVTTKK NUS Fig. S. — Appareil à plusieurs conduits. Fig. T et 8. — Appareil par contact pour travailler les gaz concentrés. — E, entrée des gaz; FF/, arrivée des gaz vers la partie P la plus chaude de la masse de contact; S, tuyau de passage des gaz; AA!,BB', sortie des gaz vers le tuyau O ou vers l'appareil réfrigérateur H; J, dérivation des gaz entrés par E allant directement vers l'espace D ou se fait le mélange avec les gaz ayant traversé l'appareil et venant de O. Les autres lettres ont la même signification que : précédemment. peut se régler suivant les analyses du gaz et les indications des thermomètres. f Au lieu des gaz à travailler, on peut ici se servir également d'air ou d'un autre gaz comme réfrigé- rant, ce qui se recommande surtout quand on (ra- vaille avec des gaz fort concentrés, parce que le volume et la masse de ces derniers sont relative- ment petits, de sorte qu'ils ne peuvent pas suffire au refroidissement. Un appareil servant à ce but est représenté dans la figure 9. A l’aide d’un venti- lateur V"' actionné électriquement, le courant d'air (ou gazeux) réfrigérant est soufflé sur la partie la plus chaude P de la masse catalytique, passe parS, où il refroidit la masse de contact et quitte l'appa- gnés par R par un réservoir K (en forme de caisson), dont l’intérieur est destiné à distribuer les gaz af- fluents. Ces derniers passent entre les conduits R elS, et refroidissent la masse calalylique dans R.. Suivant Ja concentration des gaz, les conduits peu- vent être chauffés par le chauffage 2 ou refroidis par un courant d'air réglable dans L. Les gaz con- verlis quittent l'appareil par D et c. Pour la mise en pratique, les dimensions indiquées dans les figures sont à recommander. Néanmoins, les dia- mètres (ainsi que la longueur des conduits) peuvent. subir des variations dans de vastes limites. On a décrit, dans les exemples précédents, plu- sieurs formes d'application du nouveau procédé. A. HALLER — LA FABRICATION DE L’ACIDE SULFURIQUE 165 “Nous voulons encore montrer, dans un exemple concret, comment-il faut opérer pour arriver au résultat le plus favorable possible. … Dans ce but, nous admettons le cas concret où il faudrait travailler un mélange gazeux contenant “cnviron 42 °/, en volume d'acide sulfureux et la - mème quantité d'oxygène. On chauffe d'abord l'appareil par le chauffage À exemple le chauffage à gaz fig. 4) jusqu à ce n (hermomètre dans le couvercle de dessus D iarque la température d’environ 300° C., après oi on fait entrer tout le courant gazeux par À ns l'appareil. En dosant par des analyses consé- tutives l'acide sulfureux des gaz entrants el sor- Pig. 0.— Appareil par contact pour les gaz concentrés dans equel la masse catalytique est refroidie par un gaz autre “que le gaz à travailler. — E, arrivée du gaz étranger envoyé par le ventilateur V'!'; AA!, sortie de ce gaz qui peut céder sa chaleur en H aux gaz à travailler. Mèmes lettres que précédemment. lants, on constale l'effet pratique des conditions données, et l'on règle en conséquence la tempéra- ture à l'intérieur de l'appareil de contact. On y arrive en orientant l'intensité el la température du courant réfrigérant à l’aide des soupapes V,V' et I, et, si cela est nécessaire, du chauffeur G, de nanière à amener la transformalion la plus favo- ble de SO* en SO”. Dans le cas admis ci-dessus, on y parvient en tisant entrer dans D environ deux tiers du cou- ant gazeux total par À et un tiers par V'(fig. 4). La température dans D, égalisée par le mélangeur N, est alors d'environ 380° C, landis que le thermo- mètre dans D' marque 234° C (fig. 4). Dans ce cas concret, la transformation est de 96 — 98 °/, de la possibilité théorique, ce qui équivaut à une pro- duction de 48-50 kilos de SO' en 24 heures : elle peut monter à 99°/, si l’on charge moins l’appa- reil, de manière à prolonger le contact entre le gaz et la masse catalytique. Un dernier perfectionnement introduit par la Société badoise consiste à éviter l'excès de pression nécessaire, dans les appareils précédents, pour forcer les gaz à circuler à travers la masse de con- tact. Dans ces appareils, on place l'amiante platiné dans des tubes plats; aussi faut-il, pour forcer les ze z PE A All É ‘ li RS RIRE 2.0, RL RAI On 1 de, 0 V4 4 FE 4 4 Y. # 3 | M a LM M7 SA: LR PS U, 7 U, A1 Fà 15 7 Ge ‘ Pa 7À /1 A 7 Le À à ‘, A Ex L 4 Z , ’ pe ’ # ANTENNES 7 1 Ex /, # 4 FA PA L À | EA | 7 4 L ANNNNNNN SNS NS NN NS $h Fig. 10. — Appareil Fig. 11. — Appareil à plusieurs à un seul conduit, conduits. Fig. 40 et 11. — Autre dispositif d'appareil par contact. — Mêmes lettres que précédemment. K, réservoir en forme de caisson facilitant la distribution des gaz affluents. gaz à les traverser, une si forte pression que l'on doit recourir à une pompe. En outre, il est dit aussi que sous pression les gaz se combinent mieux, et les brevets qui précèdent sont libellés dans ce sens. Mais la Société a trouvé que l'avantage obtenu en travailiant sous pression est plus que compensé par l’augmentalion des dépenses. Elle a cherché à ne pas dépasser la pression atmosphé- rique et, grâce au moyen qu’elle a employé, toute pression disparait dans les tubes de contact et, par suite, les frais de compression sont réduits au minimum. En se reportant aux figures 12 et 13 qui accom- pagnent le brevet, on voit que les tubes R, qui ren- ferment la substance de contact, sont divisés en un graud nombre de compartiments, à l'aide de plaques perforées ou tamis. Sur chaque plaque on met la 166 A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE substance de contact, de manière à recouvrir les trous ou les mailles, et sur la partie annulaire entre le tube et le bord de la plaque. Le principe de l'appareil est tel que la pression exercée sur une couche de substance catalytique ne se transmet pas aux suivantes et, de plus, les couches sont disposées de telle manière que les gaz doivent passer forcément à lravers la masse de contact. Une tringle de fer à est fixée dans la partie D'et passe au milieu du tube R. On enfile un tube court h sur lequel repose une première couche de subs- RSS 22227 Fig. 43. Fig. 12 et 13. — Disposition intérieure des tubes renfer- mant la substance de contact. — à, tringle de fer, fixée sur le fond D'; b, tube court portant une première plaque perforée e, recouverte de la substance, dd'ul!, tubes annu- laires ou trépieds supportant les plaques suivantes ce'el'elll, tance de contact disposée sur une plaque perforée ou grille, qui est recouverte conformément aux indications précédentes. Sur cette plaque, on met un collier où un tube court d, puis une autre plaque perforée et ainsi de suite. La pression sup- portée par la couche de substance catalytique se transmet aux plaques, et de celles-ci aux tubes, et la substance catalytique en est soulagée d'autant. Cette disposition des couches offre de plus en plus l'avantage de mélanger à chaque fois les gaz, en sorte que leur température s'égalise et que l'effet réfrigérant décrit dans les brevets précédents est augmenté. D’autres moyens peuvent être employés, mais le principe élabli est le même. On peut se servir, comme l'indique la figure 13, des trépieds (d, d', d') pour soutenir les plaques, au lieu de tringle centrale et des petits colliers comme dans l& figure 192. Pour éviter l’agglomération de la substance cata lylique et, par suite, l’augmentalion de pression, il importe avant tout, quel que soit le procédé employé de ne pas empêcher le refroidissement régulier, qui est une des causes de réussite. Dans ce qui précède, nous avons cru devoir donner dans leur texte intégral l'ensemble des bre vets qu'a pris la Société badoise pour celte nouvelle fabrication. Nous ne nous dissimulons cependant pas qu’il n'est pas aisé de discerner exactement le disposilif qu’elle emploie en réalité ; l'essentiel pour nous est desavoir les principes sur lesquels repose le nouveau procédé. L En résumé, les points importants à retenir sont les suivants : 1° Préparalion de la masse de contact qui parait être de l'amiante platiné ; 2° purification rigoureuse des gaz réagissants ; 3° maintien de la température de ces gaz à l’intérieur des chambres, de telle façon: qu'elle soit intermédiaire entre la température nécessaire à la formation de l’anhydride sulfurique; et celle à laquelle ce corps se dissocie. D'autres brevets ont été pris pour la fabrication. de l'acide sulfurique par la méthode de contact, mais, à part ceux pris par la Compagnie parisienne de couleurs d’aniline (brevet français 275.927 et brevets allemands et anglais), aucun de ces pro= cédés ne semble encore être en mesure de rivalisen avec celui que nous venons de décrire. On a cherché a utiliser d'autres substances de contact, comme le peroxyde de fer, provenant du grillage des pyriles, ou le sesquioxyde de chrome: (Voir brevet francais 280.393; brevet anglais, n° 17.266; brevets allemands, 107.995, 108.446, des la Verein Chemischer Fabriken, à Mannheim.) IV. — AVENIR DE L'INDUSTRIE DE L'ACIDE SULEURIQUE* Nous avons successivement passé en revue les différents procédés employés pour la fabrication de l'acide sulfurique. Essayons maintenant de nous faire une idée de la situation respective de chacun d'eux, et de l'avenir qui leur est réservé. L'ancien procédé de distillation des sulfates de fer, le seul qui fut pendant longtemps en état de fournir de l'acide fumant « dit de Nordhausen » malgré les services rendus, semble destiné à dis= paraître devant son nouveau rival, le procédé par contact. , D'après Winckler, cet acide coûtait en Bohème lieu de fabricalion d'alors, en 1792, 50 florins l@ % A. HALLER — LA FABRICATION DE L'ACIDE SULFURIQUE 167 # Le à “quintal de 50 kilos, et en 1873, 10 florins. On en produisait en 1832 environ 1.700 quintaux, en 1846, 50.000 quintaux, et en 1873, 66.000 quintaux. Selon M. G. Hattensaur (Catalogue des produits , chimiques de la Section autrichienne), J.-D. Starck parait avoir à lui seul livré au commerce en 1838, 19.260 quintaux d'acide fumant et 5.000 quintaux dé caput mortuum; en 1872, ses usines produi- sirent eucore 34.410 quinlaux du même acide, avec 132 quintaux de peroxyde de fer (caput mor- ium “En 1873, 120 fourneaux étaientencore en marche, mais, devant la concurrence menacante du procédé par contact, introduit d'abord à Freiberg en Saxe, par M. C. Winckler, la fabricalion de cet article iminua tellement qu’en 1893 il n'y avait plus que 15 à 16 fourneaux qui fonclionnaient sur les 120. Les progrès réalisés dans la fabrication de l'acide sulfurique par les chambres de plomb ne sont pas moins suggestifs. Au début, alors qu'on préparait l'acide sans sal- “pôtre, par la combustion du soufre en présence de “la vapeur d'eau, 1 kilo de cet acide revenait à M9 francs ; ce prix tomba en 41740 à 5 fr. 75 quand même approximative, de la production actuelle dans les différents pays, comme il serait non moins difficile de savoir quel sort est réservé à ce pro- cédé plus que séculaire. - Dans le brevet de la Société Badoise, nous rele- vons la phrase suivante : « Les acides au-dessous de 50° B. peuvent être préparés, par notre procédé, au moins aussi économiquement que par l’ancien. lous les acides plus concentrés peuvent être pré- parés à bien meilleur compte, et l'économie sur Pancien système est d'autant plus grande qu'il s'agit d'acides plus concentrés. » - Il semble donc, d’après cela, que si le problème économique de l’oblention des acides concentrés par le procédé par contact est résolu, il reste encore quelque espoir pour la fabrication de l'acide à 50°, cest-à-dire de celui que fournissent directement les chambres de plomb, acide qui trouve son utili- salion dars la fabrication des superphosphales. Quoi qu'il en soit, l'acide préparé par la méthode de contact, outre les nombreux avantages que je viens d’énumérer, possède encore l'inappréciable mérile d’être d’une grande pureté et de ne pas ren- fermer d'arsenic. D'autre part, les frais d’établisse- ment du nouveau procédé sont de beaucoup infé- rieurs à ceux qu'exige le système des chambres de plomb et représentent, d'après la Société Badoise; les deux tiers du prix d'une installation de mème puissance travaillant avec ce dernier système. L'obtention des acides fumants à divers état de concentration en à naturellement étendu l'emploi. Indépendamment de son utilisation pour la prépa- ration de l'acide à 66° et même d'acide plus étendu pour accumulateurs, emploi auquel il se prête admi- rablement en de l'absence de produits nitreux, l'acide par contact sert à la sulfonation des colorants et des matières premières pour colorants ou autres produits organiques, à la concentration des mélanges résiduaires d'acide azotique et d'acide sulfurique provenant de la fabrication des nitro- celluloses, etc. Mais une de ses applications les plus ingénieuses, à l'heure actuelle, est son emploi comme oxydant de la naphtaline pour la prépara- tion de l’anhydride phtalique, matière première d'une des synthèses industrielles de l’indigo. Quel que soit l'avenir réservé à ce procédé, il constitue une des étapes les plus intéressantes du chemin parcouru par la science appliquée à l’in- dustrie, durant le siècle qui vient de s’écouler. Il montre, etc’estlà ma conclusion, que, dans l'avenir, le chimiste, qu'il ait à s'occuper de science pure ou de ses applications, sera tenu d'être familiarisé, non seulement avec toutes les méthodes ordinaires d'analyse et de synthèse de nos laboratoires, mais qu'il devra posséder à fond toutes les questions de Chimie physique, car elles sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important dans l'étude des phénomènes de la Nature. raison A. Haller, Membre de l'Institut, Professeur de Chimie organique à la Sorbonne. 168 D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES PROBLÈMES MATHÉMATIQUES Quels seront les buts particuliers auxquels ten- dront les principaux génies mathématiques des générations à venir ? Quelles nouvelles méthodes et quels nouveaux faits restent à découvrir, dans le riche et large champ de la pensée mathématique? L'histoire de la Science nous enseigne la conti- nuilé de son développement. Nous savons que chaque époque a ses problèmes propres, que l’époque suivante résout ou laisse de côté comme stériles pour les remplacer par d’autres. Si nous voulons nous faire une idée du développement probable du savoir mathématique dans les temps qui vont nous suivre immédiatement, il nous faut passer en revue les questions que se pose la Science présente et dont elle attend la solution de l'avenir. Il est difficile et souvent impossible de préjuger exactement la valeur d’un problème; cette valeur se décide, en fin de comple, par le gain qu'il pro- cure à la Science. Nous pouvons cependant nous demander s'il existe des signes généraux capables de nous faire reconnaitre les problèmes utiles. Un tel problème doit tout d'abord être bien défini; son sens et sa portée doivent être faciles à saisir. Puis, il faut qu'un problème mathématique soit difficile, afin de nous attirer, mais non complè- tement inabordable, pour ne pas déjouer tous nos efforts. Les mathématiciens des siècles passés avaient l'habitude de s'adonner avec un zèle passionné à la solution de quelques problèmes difficiles. Je rap- pellerai, à cet égard, le problème posé par Jean Bernoulli, de la ligne de plus courte descente. L'expérience montre, dit Bernoulli en publiant l'énoncé de ce problème, que rien n’excite plus les grands esprits à lravailler pour l’augmentalion du savoir, que les problèmes difficiles et en même temps utiles qu'on leur propose; aussi, espère-t-il mériter la reconnaissance du monde mathématique en posant, à l'exemple d'hommes comme Mersenne, Pascal, Fermat, Viviani, une question aux analystes, pour leur permettre de juger de l'excellence de leurs méthodes et de mesurer leurs forces. C'est à ce problème de Bernoulli et à d’autres semblables que le Caleul des Variations doit son origine. De mème, le problème bien connu de Fermat sur l'équation x? + y*=— 71 nous offre un exemple frappant de l’action qu'un problème très spécial et, en apparence, peu important peut exercer sur la marche de la Science. C'est le problème de Fermat qui à suggéré à Kummer l'introduction des idéaux el la décomposition des nombres d’un corps issu de la division du cercle en idéaux premiers, pro- position qui, étendue à lous les corps algébriques a pris place au centre même de la Théorie des Nom bres moderne et dont la signification s'étend, bien au delà des frontières de la Théorie des Nombres, au domaine de l’Algèbre et de la Théorie des Fone tions. . Pour parler ‘d'un tout autre domaine de recher ches, je rappellerai le problème des {rois corps! M. H. Poincaré a entrepris de trailer à nouveau cette difficile question et d'approcher d'avantage de la solution, et c'est à celte circonstance que nous devons les méthodes si fécondes et les principes si haute portée dont ce savant a enrichi la Méca nique Céleste”. Je dirai un moi des conditions qu'il est légitime d'imposer à la solution d'un problème mathéma= tique : parmi ces conditions, j'ai, avant tout, en vue celle qui consiste à répondre à la question pa un nombre fini de raisonnements fondés sur un nombre fini d'hypothèses venant de la position même du problème et que l'on doit toujours for= muler exactement. Cette exigence de la déduction: logique par un nombre fini de conclusions n'est autre que l'exigence de la rigueur dans la démons- tration. C'est, d'ailleurs, une erreur de croire que celte rigueur soit l'ennemie de lasimplicité. De nom breux exemples nous montrent, au contraire, la méthode rigoureuse comme étant en même temp la plus simple et la plus aisée à saisir. En même temps, le souci de la rigueur ouvre la voie à des méthodes plus susceptibles de développement que les anciennes. C’est ce qui est arrivé pour la théorie des courbes algébriques (par l'application de lan Théorie des Fonctions) et surtout pour le Calcul des Variations. D'autre part, en posant la rigueur de démonstra= tion commé condition d'une solution parfaite, je suis en même temps opposé à celle idée que les notions de l'Analyse, — ou mieux encore celles de l'Arithmétique — soient seules susceplibles d'un traitement entièrement rigoureux. Cette opinion, qui a trouvé parfois les représentants les plus au= lorisés, je la tiens pour complètement erronée : une interprétalion aussi étroite de la nécessité de la rigueur nous conduirait à l'ignorance de toutes. les notions issues de la Géométrie, de la Mécanique el de la Physique, à l'interruption de tout apporb de nouveaux matériaux fournis par le monde exté rieur, et même, finalement, au rejet des notions dun continu et du nombre irrationnel. Mais, quel nerf 1 Voyez l'article de M. Porncaré dans la Æevue du 15 jans vier 1891, t. Il, p. 1 et suiv. D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES vital serait enlevé aux Mathématiques si l'on rétran- - chait la Géométrie ou la Physique mathématique ! Je pense, au contraire, que partout où, soit la Géo- “mélrie, soit les Théories de la Philosophie natu- _relle, introduisent des concepts mathématiques, il incombe aux Mathématiques d’élucider les prin- -cipes qui sont à la base de ces concepts et de faire reposer ces principes sur un système simple et “complet d'axiomes, de telle sorte que ni par leur “précision, ni par la manière dont ils se prêtent dla déduction, les nouveaux concepts ne le cèdent en rien aux anciennes nolions arithmétiques. «— J'ajouterai quelques remarques sur les difficul- és que peuvent offrir les problèmes mathématiques et la manière dont nous surmontons ces difficultés. Lorsque la réponse à une question quelconque persiste à nous échapper, la raison en est souvent que nous n'avons point reconnu le point de vue sénéral d'où le problème proposé apparait comme “appartenant à une chaine de problèmes de la même famille et où il suffit de se placer pour simplifier la solution de tous ces problèmes. On peut prendre “comme exemple l'introduction des intégrales prises suivant des chemins imaginaires dans la Théorie des intégrales définies par Cauchy, et celle des idéaux dans la Théorie des Nombres, par Kummer. Un rôle plus important encore est, à mon sens, dévolu, dans la recherche des problèmes, à la spé- cialisation. Dans la plupart des cas peut-être, où l'on cherche en vain la solulion d'une question, cet in- succès provient de ce que des problèmes plus sim- -ples et plus faciles que celui qu’on se propose n’ont pas encore été ou ont été imparfaitement éclaircis. On est done conduit à trouver quels sont ces pro- blèmes plus faciles et à les résoudre par les mé- thodes les plus parfaites possible et les plus sus- ceplibles de généralisation. Il arrive, parfois, que l’on cherche la réponse à l'aide d'hypothèses insuffisantes ou dans un sens erroné et que l’on n'arrive pas au but par suite de celte circonstance. Alors se pose la question de prouver l'impossibilité de la solution avec les hypo- thèses données et dans le sens demandé. C'est ainsi que d'antiques et difficiles problèmes: — démons- tration de l'axiome des parallèles; quadrature du cercle ; résolution par radicaux des équations du 5° degré — ont reçu, quoique dans un sens diffé- rent de celui que l’on avait eu en vue primitive- ment, une solution complètement salisfaisante et rigoureuse. - Ce fait remarquable est une des raisons qui font .naitre en nous une conviction, parlagée cerlaine- … ment par tout mathématicien, mais que on jusqu'à présent, du moins, n’a élayée sur une dé- —monsiralion : je veux parler de la conviclion que … toute question mathématique précise est susceptible REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1900 169 d'être élucidée rigoureusement, soit qu’on arrive à donner la solution de la question posée, soit qu'on arrive à démontrer l'impossibilité de celte solution. In y à pas: d'«ignorabimus » en Mathématiques. Infinie est la multiplicité des problèmes qui se posent. Que l’on me permette de donner, comme échantillons, un certain nombre de problèmes em- pruntés aux différentes disciplines des Mathéma- tiques et qui paraissent propres à faire avancer la Science. Î. — PROBLÈMES RELATIFS AUX NOTIONS FONDAMENTALES. $ 1. — Problème de Cantor sur la puissance du continu. Deux systèmes, autrement dit deux ensembles de nombres réels ordinaires (ou de points), sont dits, d'après Cantor, équivalents où de méme puis- sance, lorsqu'on peut établir entre eux une relation telle qu'à chaque nombre du premier ensemble en corresponde un el un seul du second. Les recher- ches de Cantor sur de tels ensembles de points rendent très vraisemblable une proposition dont cependant la démonstration n'a pu être obtenue, en dépit d'efforts les plus persévérants, et qui s'énonce ainsi : Tout système de quantités réelles en nombre in- fini, c’est-à-dire tout ensemble infini de nombres (ou de points), est équivalent soit à l'ensemble des entiers naturels 4, 2, 3..., soit à l'ensemble de tous les nombres réels et, par conséquent, au continu, c'est-à-dire à l'ensemble formé par les points d’ua segment; au sens de l'équivalence, il n'y à, d'après cela, que deux ensembles de nombres : l'ensemble numérable et le continu. De cette proposition résulterait encore que le continu est la première puissance après celle des ensembles numérables; sa démonstralion jetterait done un pont entre l'ensemble numérable et le continu. Rappelons encore une autre assertion très remar- quable de Can!or, en rapport étroit avec la propo- sition précédente et qui fournirait peut-être la clef de la démonstration demandée. Un système de nombres est dit ordonne lorsque, de deux nombres quelconques du système, il est spécifié lequel est l'antérieur et lequel le postérieur, cette spécili- cation étant telle que si 4 est antérieur à et h à e, a est aussi forcément antérieur à c. L'ordre naturel des nombres d'un système est celui dans lequel le plus petit est qualifié d'antérieur, Île plus grand de postérieur; mais il existe évidem= ment une infinité d'autres ordres possibles pour un système quelconque. Un ordre déterminé quelconque assigné à un 44 170 D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES Système de nombres permetévidemment d'ordonner tout système partiel extrait du premier. Cantor con- sidère alors en particulier les ensembles qu'il appelle hien ordonnés, caractérisés par cette cir- constance que non seulement l’ensemble lui-même, mais chacune de ses parties renferme un nombre antérieur à tous les autres. Le système des nombres entiers dans leur ordre naturel est manifestement bien ordonné. Par contre, le continu dans son ordre nalurel n'est pas bien ordonné : car, si nous en extrayons un ensemble partiel composé de tous les points d'un segment de droite à l'exception du point initial, cet ensemble partiel n'aura pas de premier élément. La question se pose alors de sa- voir si l’ensemble de tous les nombres ne se laisse- rait pas ordonner d'une autre façon, de manière que chaque parlie de l'ensemble ait un premier élé- ment, c'est-à-dire si le continu peut être envisagé comme un ensemble bien ordonné. Cantor croit à une réponse affirmalive. Il me semble hautement désirable d'obtenir une démonstration directe de celle vue de Cantor, par exemple en indiquant un ordre qui possède la propriété indiquée. $ 2. — Axiomes de l’Arithmétique. Lorsqu'on veut approfondir les principes d'une Science, on à à constituer un système d'axiomes représentant exactement et complètement toutes les relations qui existent entre les notions élémen- laires de cette Science. Les axiomes ainsi constitués sont en même temps les définitions de ces notions élémentaires, et une proposition quelconque appar- nant au domaine dela Science actuellementexaminée n'est valable qu'autant qu'elle dérive, par desraison- nements en nombre fini, du système des axiomes. On doit ensuite se demander si quelques-uns de ces axiomes ne se commandent pas mutuellement, ou si ces axiomes ne renferment pas de parties com- munes qu'il faut laisser de côté si l'on veut obtenir un système d'axiomes indépendants. Mais, avant toute autre question relative aux axio- mes, je voudrais signaler, comme la plus impor- tante, celle qui consiste à montrer que ceux-ci sont compatibles entre eux, c'est-à-dire qu'on ne peut londer sur eux aucun système de conclusions logiques en nombre fini conduisant à des résultats contradictoires. En Géométrie, celte preuve se fait par la construc- tion d'un système de nombres, tels qu'aux axiomes géométriques correspondent des relations analo- gues entre ces nombres el que, par conséquent, toute contradiction entre ceux-là se montrerait égale- ment dans celles-ci; autrement dit, en ramenant la compatibilité des axiomes géométriques à celle des axiomes arithmétiques. Mais, pour ces derniers, la démonstration devra se faire par une voie directe. Je suis convaincu que l'on doit arriver à cette dé= monstration en modifiant d'une manière convenable les méthodes usitées dans la théorie des nombres irrationnels. Les axiomes de l'Arithmétique ne sont au fond autres que les lois connues du calcul, avec addition de l’axiome de continuité. Je les ai énoncés récem- ment’, en remplaçant l'axiome de continuité par deux autres plus simples, qui sont l’axiome connu d’Archimède et un axiome (axiome d'intégrité)M d'après lequel les nombres forment un système d'objets auquel on ne pourrait rien ajouter en con servant tous les autres axiomes. La preuve de la compatibilité des axiomes arith- métiques n’est autre que celle de l'existence mathé- mathique du continu. Elle enlèverait tout fonde- ment aux objections qui ont quelquefois été formulées contre l'existence du système des nom- bres réels. Celui-ci serait alors envisagé, non comme l’ensemble de toutesles fractions décimales (ou l’ensemble de toutes les lois de formation de séries fondamentales), mais comme un ensemble d'objets régis par les axiomes précédemment cons- titués et entre lesquels sont vraies toutes les propo- sitions, et celles-là seulement qui sont (par des dé- ductions en nombre fini) conséquences de ces axio- mes. Je suis persuadé qu'on montrerait de même l'existence (au sens que je viens d'indiquer) des ensembles cantoriens de puissance supérieure. Par contre, pour l'ensemble de toutes les puissances (ou des alephs cantoriens), on peut démontrer qu'on ne saurait constituer un système d’axiomes. compalibles (à mon sens), de sorte qu'on ne doit pas, d'après ma définition, considérer cet ensemble: comme une idée ayant une existence mathéma- tique. $ 3. — Etude mathématique des axiomes: . de la Physique. Les recherches faites sur les principes de la Géo- métrie nous conduisent à essayer de traiter sur le même modèle les théories physiques où les Mathé- matiques jouent déjà un rôle : celles-ci sont tout d'abord le Calcul des Probabilités et la Mécanique. En ce qui concerne les axiomes du Calcul des Pro- babilités, il me paraît désirable de joindre à leur: étude logique un développement rigoureux et satis- faisant de la méthode des moyennes en Physique mathématique, spécialement en Théorie cinétique des gaz. Relativement aux principes de le Mécanique, il à été fait d'importants travaux du côté des physi- ciens : j'ai en vue les écrits de MM. Mach, Hertz, Jahresbericht der Deutschen Mathematiker Vereini— gung, vol. VIII, 1900, p. 180. $ : D: HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 171 oltzmann, Volkmann. Il serait donc très désirable thématiciens. Il serait, par exemple, intéres- t d'établir d'une manière rigoureuse les pas- està la limite qui, dans le livre de M. Boltzmann, nduisent de la conception atomistique au mouve- ient des corps continus. our constituer les axiomes de la Physique sur odèle de ceux de la Géométrie, nous essaierons brasser, par un petit nombre d’axiomes, une lisse aussi générale que possible de phénomènes ySiques, puis d'arriver aux théories spéciales r adjonctions successives de nouveaux axiomes. De plus, une tâche revient aux mathématiciens : de vérifier exactement, dans chaque cas, si Îe uvel axiome ajouté n'est pas en contradiction ec les précédents. Le physicien se voit souvent rcé, par les résullats de ses expériences, de faire, cours méme de la théorie, de nouvelles hypo- ièses, en se fiant, relativement à leur compatibi- é, à ses expériences mêmes et à un certain sens sique : c'est cette marche qui est logiquement acceptable. II. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A L'ARITHMÉTIQUE ET A L'ALGÈBRE. Après avoir, dans ce qui précède, envisagé ques questions relatives aux principes des dif- rentes branches des Mathématiques, nous allons isser à des problèmes plus spéciaux empruntés ces différentes branches, en commencant. par rithmélique et l’Algèbre. $ 1. — Irrationalité et transcendance de cértains nombres. Les théorèmes arithmétiques de M. Hermite sur fonction exponentielle et leur continuation par - Lindemann exciteront l'admiration de toutes générations de mathématiciens. Mais il serait ssaire d'aller plus loin dans la voie ainsi frayée. & classe de problèmes me semble s'offrir tout ord. Quand nous reconnaissons qu'une fonction nscendante, parmi celles qui jouent un rôle en alyse, prend des valeurs algébriques pour cer- ins arguments algébriques, ce fait nous apparaît me très remarquable. Tout en sachant qu'il e des fonctions transcendantes qui, pour toutes valeurs algébriques de la variable, prennent des eurs algébriques et même rationnelles, nous endrons cependant pour très probable quelatrans- ante e2/f#z par exemple, qui, pour les valeurs nnelles de z, prend des valeurs toutes algébri- es, est au contraire toujours trancendante lorsque prend une valeur algébrique, mais irrationnelle. métriquement, cette affirmation s’énoncerait ainsi : Si, dans un (riangle isocèle, le rapport de l'angle à la base à l'angle au sommet est algébrique, mais irrationnel, le rapport de la base au côté est toujours transcendant. Malgré la simplicité de cet énoncé el sa ressemblance avec ceux de MM. Her- mile et Lindemann, je tiens sa démonstration pour très difficile, ainsi que celle du théorême suivant : L'expression af, formée avec une base algébrique « el un exposant algébrique irrationnel3 (par exemple le nombre 2?, ou i-#=— €") représente toujours un nombre transcendant. Ces démonstrations condui- raient sans doute à dé nouvelles méthodes et à de nouvelles vues sur la nature de certaines transcen- dantes. un 2. — Problèmes sur les nombres premiers. Dans la théorie de la distribution des nombres premiers, des progrès essentiels ont été faits dans ces derniers temps par MM. Hadamard, de La Vallée Poussin, von Mangoldt et d'autres. Pour la complète résolution des problèmes que pose le mémoire de Riemann « Sur le nombre des nombres premiers inférieurs à une quantité donnée », il faut cependant encore prouver l'exactitude de l'assertion de Riemann : es zéros de la fonce- tion-E(s), représentée par la série : ( À | t{s ct qu sante ne T ARE : ont tous pour partie réelle = (si l'on fait abstrac- tion des zéros entiers négatifs connus). Une fois cette démonstration obtenue, resterait à étudier de plus près la série infinie par laquelle Riemann représente le nombre des nombres premiers infé- rieurs à x et à décider, en particulier, si la dif- férence entre ce nombre et le logarithme intégral : 1 de x n'est, en effet, que de l'ordre > en x, et également, si les termes dépendant des premiers zéros complexes de &(s) déterminent réellement la condensation, par places, qui se manifeste dans les énumérations de nombres premiers. Nous serons peut-être alors en état d'aborder la solution rigoureuse du problème de Goldbach : Tout nombre pair est-il la somme de deux nombres premiers ? ou de celui-ci : Æxiste-t-il une inlinité de nombres premiers difflérant entre eux de deux unités, ou, plus généralement : l'équation ax+by+ce—0, où.les coeflicients a,b,c sont premiers entre eux deux à deux, est-elle toujours soluble en nombres premiers Xx,} ? Mais je considère comme non moins intéressant, et d'une portée peut-être plus grande, l'extension des résultats obtenus sur la distribution des nombres premiers ordinaires à la distribution des 172 D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES idéaux premiers dans un corps de nombres quel- conque donné k, question qui se ramène à l'étude de la fonction, correspondant au corps considéré, il ts) = D la somme élant étendue à lous les idéaux j du corps X et 2(J) représentant la norme de J. $ 3. — Caractères topologiques des courbes et des surfaces algébriques. Le nombre maximum de traits fermés et séparés dont se compose une courbe plane algébrique d'ordre » à été déterminé par M. Harnack ; reste à se demander quelle situation respective ces traits peuvent occuper dans le plan. Pour les courbes du 6° ordre, j'ai pu — par une voie assez indirecte — me convaincre que les 11 traits possibles d'après les résultats de Harnack ne peuvent pas être exté- rieurs les uns aux autres, mais qu'il doit toujours y en avoir un auquel un seul autre soit intérieur el les neuf restants extérieurs, ou inversement. Une élude approfondie des relations des traits entre eux, dans le cas du nombre maximum, me parait aussi intéressante que la recherche correspondante du nombre, de la forme et de la situation des nappes d'une surface algébrique dans l'espace; jusqu'ici, on ne sait même pas encore combien une surface du quatrième ordre peut posséder de nappes séparées. Je joindrai à ce problème purement algébrique une question qui me semble pouvoir s'aborder par la même méthode de variation continue des coelf- ficients et dont la réponse aurait une importance toute pareille, pour la topologie des courbes dé- finies par des équations différentielles : la question du nombre et de la situation des cycles-limites de M. Poincaré pour une équation du premier ordre et du premier degré de la forme : dy _Y STE où X el Y sont des polynômes du n°" degré EME LT III. — DivisiON DE L'ESPACE EN POLYÈDRES ÉGAUX. Lorsqu'on cherche les groupes de déplacements dans le plan pour lesquels existe un domaine fondamental, on sait que la réponse est très dif- férente suivant qu'on considère un plan Rieman- nien (ellipique), Euclidien ou Lobalschewskien (hyperbolique). Dans le cas elliptique, il y a un nombre fini de sortes de groupes et chacun d'eux comprend un nombre fini de répétitions du domaine fondamental pour remplir le plan tout entier sans 1 Nath. Annalen, tome À. lacunes. Sur le plan hyperbolique, il y aun nombrt infini de catégories essentiellement différentes dt domaines fondamentaux (les polygones bien connus de M. Poincaré); pour recouvrir entièrement M@ plan, il faut un nombre infini de domaines égaux à l’un de ces polygones. Le cas du plan euclidier est intermédiaire : car alors il n’y a qu'un nombre fini de groupes de déplacements (à domaine fons damental) essentiellement distincts; mais, da chacun d'eux, le plan ne peut être recoux tout entier que par une infinilé de domaine homologues entre eux. Les mêmes conclusions sont valables dans l’espact à trois dimensions. La limilalion du nombre de groupes de déplacements dans l'espace elliptique est une conséquence immédiate d’un théorème dé M. Jordan. Les groupes de l'espèce hyperboliqu ont été étudiés dans les Leçons sur les Fonclions automorphes de MM. Fricke et Klein, et enfi MM. Fedorow, Schænflies, Rohn ont démontré que, dans l’espace euclidien, il n'y a qu'un nombn fini de catégories distinctes de groupes de déplæ cements à domaine fondamental. Mais, tandis que les démonstrations relalivessi l'espace elliptique et à l'espace hyperbolique son immédiatement valables, quel que soit le nombn des dimensions, la généralisation du théorè relatif à l’espace euclidien semble offrir de notable difficultés, de sorte qu'il serait désirable de rechex cher si, dans l'espace euclidien à n dimensions, À nombre des catégories esssentiellement distineta de groupes de déplacements à domaine fondamenta est encore fini. De plus, on peut aussi demander s’il existe de systèmes de polyèdres égaux remplissant l’espa@ entier sans lacunes, sans que l'un de ces polyèdre soit domaine fondamental d'un groupe de déplact ments. Je signalerai également une question vol sine, importante pour la Théorie des Nombres aussi, sans doute, pour la Physique et la Chimie étant donné une infinité de corps d’une mêm forme donnée (par exemple, des sphères de rayo donné ou des tétraèdres réguliers d’arète donnée comment peut-on les emballer le plus serré pos sible, c'est-à-dire les placer de manière que rapport de l'espace rempli à l'espace non remp soit le plus grand possible? IV. — PROBLÈMES EMPRUNTÉS A LA THÉORIE DES FONCTIONS. ; Si nous considérons le développement de la Thét rie des Fonctions dans ce siècle, nous remarquon avant tout, le rôle fondamental que jouent et qi continueront sans doute à jouer les fonctions q l'on nomme analytiques. D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES 175 . On pourrait, de bien des manières, abstraire, de Pinfinie variété des fonctions possibles, des classes “élendues de fonctions plus particulièrement inlé- ressantes. On peut envisager, par exemple, la classe des fonctions salisfaisant à une équation différentielle algébrique (ordinaire ou aux déri- vées partielles). Mais, nous pouvons le remar- quer immédiatement, nous laisserions ainsi dé côté certaines fonctions issues de la Théorie des bres et qui ont pour nous une très grande importance. C'est ainsi que la fonction £ (s) ne isfait à aucune équation différentielle algé- que, comme on le voit aisément à l'aide du héorème analogue de Hôülder sur la fonction F et e la relation connue entre 5 (s) et € (1-5). D'un autre côté, si nous considérions (comme | nous y conduisent des raisons arithméliques et éométriques) la classe de toutes les fonctions ontinues et indéfiniment dérivables, nous serions ors privés de l'instrument si commode que nous “fournissent les séries de puissances et obligés de renoncer à la propriété d'après laquelle la fonction est déterminée par ses valeurs dans un intervalle “aussi petit qu'on veut. Tandis que notre première limitation du domaine fonctionnel était trop étroite, “celle-ci est trop large. Au contraire, la notion de fonction analytique “embrasse tout le trésor des fonctions les plus im- porlantes pour la Science, qu'elles nous viennent de la Théorie des Nombres, de la Théorie des Équa- tions différentielles ou de la Théorie des Équations fonctionnelles algébriques, ou de la Géométrie ou de la Physique mathématique. C'est par là que les fonctions analytiques occupent à bon droit le pre- mier rang dans l’ensemble des fonclions. = . — Caractère analytique de certaines fonctions rencontrées en Calcul des Variations. Un fait des plus remarquables, au point de vue de la Théorie des Fonctions analytiques, est qu'il existe des équations aux dérivées partielles dont es intégrales sont toutes nécessairement des fonc- tions analytiques : qui, en un mot, n'admettent que des solutions analytiques. Les plus connues de ces équalions sont l'équation des potentiels : Gi enr dx? dy= LE et cerlaines équations linéaires étudiées par M. Pi- ard, ainsi que l'équation : PAGES ES EU GE 77 Era l'équation des surfaces minima et d'autres. Le plus grand nombre de ces équations ont un carac- “ère commun: elles sont les équations de Lagrange correspondant à certains problèmes de Calcul des Variations, lesquels sont de la forme : TS Fe: FA *- Re E SJ: P,4,2; x.y) dxdy = Minimum le si la fonclion F satisfaisant, pour tous les arguments que l'on a à considérer, à l'inégalité : HA Re dp® dq* dpdq} 7 et étant d’ailleurs analytique. Nous dirons qu'un tel problème de Calcul des Variations est régulier. Les problèmes de Calcul des Variations réguliers sont ceux qui jouent le rôle le plus important en Géométrie, en Mécanique et en Physique mathé- matique, et il y a lieu de se demander si leurs solutions ne sont pas nécessairement analytiques, c'est-à-dire si toute équation aux dérivées par- tielles de Lagrange correspondant à un problème régulier de Calcul des Variations n'a pas la pro- priété de n'admettre que des solutions analytiques, même lorsque — comme c’est le cas pour le pro- blème de Dirichlet, — on délermine l'intégrale par des valeurs au contour quelconques, analytiques ou non. Je remarquerai encore qu'il existe, par exemple, des surfaces à courbure constante négative repré- sentées par des fonctions continues et dérivables, mais non analytiques, tandis que, probablement, toute surface à courbure constante positive est forcément analytique. On sait que les surfaces à courbure constante positive sont liées au problème régulier de Caleul des Variations qui consiste à faire passer par une courbe fermée de l’espace la surface de plus petite étendue possible parmi celles qui enferment avec une surface donnée un volume donné. $2, — Existence d'équations différentielles linéaires à groupe de monodronie donné. Dans la Théorie des Équations différentielles linéaires à une variable indépendante 7, je signa- lerai un problème auquel Riemann paraît avoir déjà songé et qui consiste à montrer qu'il existe toujours une équation difiérentielle linéaire de la classe de Euchs ayant des points singuliers donnés etun groupe de monodromie donné. Gette question exige, par conséquent, la recherche de » fonctions de la variable 7, qui soient régulières dans le plan de cette variable, à l'exception des points singu- liers donnés; en chacun de ceux-ci, elles ne peuvent devenir infinies qu'avec un ordre fini et, lorsque la variable z décrit un contour enveloppant ces points, elles doivent subir les substitutions linéaires don- nées. | L'existence de pareilles équations différentielles 174 est rendue vraisemblable par l'énumération des constantes, mais une démonstration rigoureuse n'a pu être obtenue que dans le cas particulier où les racines des équations fondamentales relatives aux substitutions données sont toutes de module 1. Cette démonstration a été donnée par M. Schle- singer, à l’aide des fonctions zétafuchsiennes de M. Poincaré. $ 3. — Expression de deux variables liées par une relation analytique en fonction uniforme d’une même troisième. Comme l’a montré M. Poincaré, toute relation algébrique à deux variables peut être uniformisée par les fonctions automorphes d’une variable, c'est-à-dire que, étant donnée une équation algé- brique quelconque à deux variables, on peut tou- ;ours remplacer celles-ci par des fonctions uni- formes et automorphes d'un paramètre auxiliaire, de telle sorte qu'après cette substitution l'équation donnée soit une identité par rapport à ce para- mètre. La généralisation de ce théorème fonda- mental à des relations analytiques quelconques (et non pas algébriques) à deux variables a été égale- ment abordée avec succès par M. Poincaré, sui- | vant une voie toute différente de celle qui l'avait mené au but dans le problème spécial. Toutefois, a démonstration de M. Poincaré ne nous assure point qu'il soit possible de choisir les fonctions uniformes du nouveau paramètre de telle sorte que, en faisant décrire à ce paramètre tout le domaine régulier de ces fonctions, on ait effective- ment {ous les points ordinaires du domaine analy- tique proposé. Au contraire, il semble que, dans les recherches de M. Poincaré, outre les points de ramification on doive encore, en général, excepter une infinité de points du domaine donné, auxquels on ne par- vient que pour des valeurs limites du paramètre. Élucider cette difficulté me parait une chose bien D' HILBERT — PROBLÈMES MATHÉMATIQUES désirable, en considération de l'importance fond mentale du problème de M. Poincaré. bre de cas particuliers, et dont les récents travaux de M. Picard sur les fonctions algébriques de deux variables semblent préparer la solution générale V. — CoxcCLUSION. « Les problèmes qui précèdent ne sont que des exemples de problèmes; ils suffisent cependant à montrer la richesse et la multiple extension de M science mathématique actuelle. Une question s'im® pose : les Mathémaliques ne sont-elles pas des= tinées à se fraclionner (comme il est, depuis longtemps, arrivé à d’autres sciences) en sciences partielles, dont les représentants respectifs se coms prendront à peine entre eux et dont les rapports se relàcheront de plus en plus? Je ne le crois ni ne le souhaite; la science mathématique est, à mom sens, un tout indivisible, un organisme dont la vitalité dépend de la cohésion de loules ses parties: Dans la variété des matières traitées en Mathéma tiques, nous reconnaissons l'identité des moyens logiques, la parenté des idées. D'ailleurs, à me sure qu'une théorie mathématique s'étend, s construction s’harmonise de plus en plus et des relations insoupconnées se découvrent entre les branches jusque-là séparées de la Science. Cesh ainsi que, dans leur extension, les Mathématiques ne perdent point leur caractère unitaire, mais | manifestent de plus en plus clairement. D. Hilbert, Professeur à l'Université de Gættingues 1 L'auteur a exposé plus amplement ces idées au Congrès international des Mathématiciens. On en trouvera le déve= loppement technique dans les Güttingen Nachrichten et dans les Archiv für Mathematik und Physik. Lie nt" Î HE * T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 175 “Le désir que le commencement du xx° siècle fégorien et julien devient de plus en plus géné- A; les inconvénients résultant pour la science, commerce et les relations internationales, de leur différence, sautent aux yeux et deviennent de jour en jour plus sensibles. Aussi, les amis de la paix observent, avec infiniment de raison, qu'il y à déjà assez de sujets pour nous diviser, en dehors du calendrier; tandis que les amis de la guerre remarquent, avec non moins de raison, que, si des mées alliées font usage de différents calendriers, les opérations militaires pourraient éventuellement en souffrir. Ce sont des considérations d’ordre mi- litaire qui ont fait accepter, aux puissances de l'Eu- rope centrale, le système des fuseaux et l'heure du 15° E. de Greenwich. « Das ist eine Ruine!.. » S'écriait au Reichsrath allemand le maréchal de Moltke pour se plaindre de l'emploi de diverses heures sur les chemins de fer de l'Allemagne; quelle expression aurait-il employée, ou, plutôt, créée pour signaler les dangers pouvant éventuelle- ment résulter de l'emploi, par des troupes alliées, de divers calendriers? Et ces dangers pourraient éventuellement résulter rien que de la différence dans la célébration de certaines fêtes. Des chefs d'armées spéculant sur la répugnance que pourrait éprouver l’ennemi à se battre en certains jours, Suivraient « mutalis mulandis » une tactique qui date, tout au moins, des Macchabées. Quoi qu'ilen Soit, et me gardant bien de m'appesantir là-dessus, je ne crois pas exagérer en disant que des consi- dérations d'ordre militaire finiront, peut-être, par emporter la pièce; bien plus que la remarque, res- tée jusqu'ici platonique, du célèbre von Struve, que « toutes les sciences sont intéressées à l'unification dans la mesure du temps ». C'est pourquoi cel article, où je voudrais montrer qu'avec un peu de bon vouloir un si long desi- -deratum du monde civilisé pourrait être réalisé du jour au lendemain, sera agréé, je l'espère, par les amis du progrès, par ceux de la science, par ceux “de la paix et par ceux de la guerre”. I Une revue orthodoxe, le Glasnik pravoslavne Tsrkve ou Kralievini Srhiyi, organe du Consis- - ! On doit à la plume de M. Charles Loiseau, l'écrivain bien connu de la Revue des Deux-Mondes et l’auteur du oïncide avec l'unification des deux calendriers . L’UNIFICATION &. DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN toire métropolitain de Belgrade, la plus haute auto- rité ecclésiastique du royaume, vient de rendre un service signalé à la cause du progrès, en portant à la connaissance de tout le monde orthodoxe un projet de réforme du calendrier julien, du profes- seur Maxime Trpkovitch. En vue du but à atteindre, ce projet me parait un vrai tour de force et un chef-d'œuvre. Le but à atteindre, c'est d'arriver à l'unification du calendrier, de manière à salisfaire à la fois l'Orient et l'Occident, et à ne blesser aucune sus- ceptibilité, ni scientifique, ni politique, ni reli- gieuse, ni nationale. Trois siècles d'histoire nous montrent l'arduité du problème, compliqué par la décision, prise à Saint-Pétersbourg, de ne pas séparer la réforme astronomique de la question de la Pâque. De fait, un mouvement d'opinion publique, demandant qu'on commencàt par unifier les dates dans la vie civile et politique et qu'on laissäl à l'Église orthodoxe le soin d’aviser à la détermination de la Päque et des fêtes qui en dé- pendent, s'était naguère manifesté dans les divers États de la péninsule balkanique, lorsque le veto de la puissance protectrice de l'orthodoxie, se réservant Ja solution simultanée de la double ques- tion, arrêta Loute chose. Depuis lors parut un projet élaboré par une Commission de la Société russe d'Astronomie, mais ce projet — qu'on est porté à considérer comme un « ballon d'essai » — fut combattu, sans parler d'autres, par le directeur de l'Observatoire russe national de Poulkova, le pro- fesseur Oscar Backlund, dans un mémoire adressé, au mois de mai dernier, à la Société impériale des Sciences de Saint-Pétersbourg. À la suite, peut-être, de cette opposition, la Russie vient d'inviter, dit-on, les divers États slaves orthodoxes à collaborer ensemble à la créalion d'un nouveau calendrier, destiné à remplacer le julien. C’est dans ces cir- constances que le Consistoire métropolitain or- thodoxe de Belgrade crut bien faire d'ouvrir les colonnes de son organe à une nouvelle édition, soigneusement revue et augmentée, du projet de l'éminent professeur de Belgrade. Je me fais d’au- lant plus de plaisir de le signaler aux lecteurs de celte /?evue, que l'attention publique de l'Occident Balkan slave, une étude aussi intéressante que bien docu- mentée, ayant pour titre : La réforme du calendrier russe (Paris, Plon, 1900), parue d'abord dans la tevue hebdomadaire. Peut-être le tableau des difficultés s’opposant à l’unifica- tion du calendrier est tant soit peu chargé. Avec du fouloir, la Russie en a vaincu bien d’autres! 176 T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN commence déjà à s’en occuper. La matière, sans être obscure, étant plutôt aride et abstraite, je lâcherai de joindre, dans la mesure du possible, la clarté à la brièveté. Je parlerai d’abord de la ré- forme astronomique; ensuite, de la question de la Pâque. = IT Deux mots, d'abord, pour rappeler ce qu'on en- tend par réforme astronomique du calendrier. La durée moyenne de l'année tropique, c'est-à- dire du laps de temps qui sépare deux retours consécutifs du Soleil au point vernal de l'éclip- tique, en d’autres termes à l'équinoxe de printemps, est évaluée aujourd'hui à 365 jours 5" 48' 48". L'année julienne était de 365 jours 6"; il s'ensuit nn excédent annuel de 1112”. Cela fait que chaque année, l'équinoxe se rapproche d'autant du 1° jan- vier, ce qui représente un déplacement moyen de 18" 40" par siècle. C'est à cause de ce déplacement que le calendrier du monde orthodoxe se trouve, aujourd'hui, en retard de 13 jours sur le nôtre. Du temps de la réforme grégorienne (1582), la détermination de la moyenne de l’année tropique offrait des difficultés insurmontables. En compa- rant entre elles les moyennes fournies par les observations de Ptolémée (vers 180), du célèbre astronome arabe Albategnius (929), des Tables alphonsines (vers 1250) et de Copernic (1543), on constlalait, aux différentes époques, des varia- tions assez sensibles, avec une différence entre le maximum et le minimum de plus de 13 minutes. De plus, Copernic avait émis la théorie que ces variations se représenteraient, d’après un certain cycle, à des époques déterminées. Enfin, tous les astronomes étaient convaincus que la science n’était pas encore assez avancée pour permettre d'adopter une moyenne quelconque comme définitive — ce qui, du reste, est répété, de nos jours encore, par des maitres de la science contemporaine. Les choses étant ainsi, la ligne à suivre, suggérée aux auteurs de la réforme par le bon sens lui-même, élait qu'on se bornät à assurer l'accord du calen- drier avec le Soleil pendant plusieurs générations; qu'en le faisant on troublät le moins possible la chronologie, et qu'on s’en remit à la postérité pour trouver quelque chose de mieux dès que les pro- grès de l’Astronomie le lui permettraient. Ce que le bon sens suggérait fut fait. On trouva une règle d'intercalalion où, d'après nos premiers astre- normes modernes, l'écart du calendrier avec le Soleil monte à peine à un jour après 4.000 ans environ ; on relégua toute exception dans la suc- cession régulière et quadriennale des bissextiles aux années séculaires, et on ne manqua pas non plus d’inviler la postérité à modilier la règle d'in- tercalation, quand la science aurait assez progressé pour permettre de le faire en toute süreté. Cela dit, voyons ce que propose, pour la règle d'intercalation, le professeur Trpkovitch. | Au sujet de l'inlercalation, le professeur Trpko: vitch eut l'heureuse idée d'essayer le même procédé logique qui avait conduit à la règle d'intercalationm grégorienne, mais en lui appliquant la duréem de l’année tropique admise générale= ment aujourd'hui, celle donnée par la Connais= sance des Temps, à savoir 365 jours 3" 48! 48/ (enm décimaux 365,2422). Grâce à ce procédé fort ingé- nieux, le savant serbe arriva à nous proposer une d'intercalation qui, en moyenne comme définitive, anéantirait pratique ment l'écart déjà presque insensible du calen- drier grégorien avec le Soleil, car il devrait se passer plus de 150.000 ans avant que cet écart alteigne un seul jour. Voici, de fait, en deux colonnes, le procédé logique suivi à la fin du xvr° siècle, et celui adopté par le professeur Trpko= moyenne règle vitch en 1900. À LA FIN DU XVI SIÈCLE. (Réforme grégorienne.) La durée moyenne de l’an- née tropique peut être éva- luée, dans l'état actuel de la science, à 365 j. 5h 49m 425, ! L'excédent annuel de l'an- née julienne serait de 10m 485. Le nombre de siècles après lequel cet excédent monte- rait à un nombre entier de jours, sans fraction aucune, est de quatre. Tous les 4 siè- cles, en effet, cet excédent monte à 3 jours entiers. C'est dire qu'il y a, en chaque période de quatre siècles, 3 jours en plus dont il faudrait se débarrasser. Il est préférable, pour la chronologie et les calculs, que cela ait lieu aux années séculaires. C’est dire que, sur quatre années séculaires, il faut en garder UNE SEULE comme bissextile : les rrois autres deviendraient communes. Le choix, entre quarre, de l'année séculaire bissextile, est tout indiqué par le même nombre 4, pris comme divi- seur, d'après la règle sui- vante : ! Cette évaluation, que j'ai trouvée citée dans un ouvrage crilique sur la réforme grégorienne paru âu commencement du xvue siècle, ne diffère que de 4 secondes de celle de Tables alphonsines qui est de 365 jours 5! 49m 46%. III supposant ladite A LA FIN DU XIXC SIÈCLE. Projet serbe du prof. Trpkovitek. La durée moyenne de. l'année tropique admise gé- néralement aujourd'uui, celle dela Connaissancedes temps, est de 365 jours 5h 48m48s, L'excédent annuel de l'an née julienue serait de 11m412%, Le nombre de siècles après lesquels cet excédent mon- terait à un nombre entier de jours, sans fraction au- cune, est de neuf. Tous les” 9 siècles, eu effet, cet excé- dent monte à 7 jours entiers. C'est dire qu'il y a, en chaque période de neuf siè= cles, 7 jours en plus dont il faudrait se débarrasser. 4 Il est préférable, pour la chronologie et les calculs, que cela ait lieu aux années séculaires. C'est dire que, sur neul an- nées séculaires, il faut en gar- der seulement peux comme bissexliles; les SEPT autres deviendrsient communes. Le cloix, entre NEur, des deux annees séculaires bis sextiles, est tout indiqué pa le même nombre 9, pris comme diviseur, d'aprés la régie suivante : 77 « Sera bissextile l'année « séculaire dont le chiffre « indiquant le nombre de «siècles qu'elle représente, « divisé par 4, donne pour “reste, au quotient, 0; tou- «tes les autres seront com- « munes. » « jxemples. Lesannées 2000, ée 2000 serait, par con- séquent, bissexlile. cuPar contre 21, 22 et 23 donnent pour reste, au quo- ent, 1, 2 et 3 : les années 2100, 2200 et 2300 seraient, “par conséquent, communes. T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 117 « Seront bissextiles les « années séculaires dont le « chiffre iudiquant le nom- « bre de siècles qu'elles re- « présentent, divisé par 9, « donne pour reste, au quo- « tient, 4 ou 0; toutes les « autres seront communes. » Exemples. Les années 2000, 2100, 2200, 2300, 2400, 2300, 2600, 2700, 2800, repré- sentent 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 21 et 28 siècles. Or, 22 divisé par 9, donne pour reste au quotient #4; et 21 divisé par 9 donne pour reste, au quotient, 0; les années 2200 et 2100 seraient, par conséquent, bissextiles. Par contre 20, 21, 23, 24, 25, 26 et Z8 divisés par 9, donnent pour reste, au quo- lients 2,03, 9 00 1, 280etr 1; les années 2000, 2100, 2300, } 2400, 2500, z600 et 2800 se- raient, par conséquent, com- munes. bt celle que nous propose le Professeur Trpkovilch ; cest bien, me parait-il, le cas d'appliquer l'adage talien que : « i geni si incontrano (les génies se rencontrent) ». Aussi, un calcul à la portée de tous “jrouve aisément que, si la durée moyenne de “l'année tropique fournie par la science à la fin du xvr siècle avait été définitive et exacte jusqu'à la dernière fraction, l'année grégorienne serait main- ienue perpéluellement d'accord avec le Soleil; tout tvomme si la durée moyenne actuelle, celle de la Connaissance des temps, élait la vraie, définitive et exacte jusqu'à la dernière fraction, l’année qu'on nous propose — el que, pour ma part, j'ap- “pellerais volontiers {rpovilchienne — serait égale- “ment maintenue perpétuellement d'accord avec le Soleil. Du reste, ce n'est pas un mince mérite que “celui d’avoir, en toute hypothèse, renvoyé l'écart d'un jour à une époque si lointaine qu'il peut être considéré — sauf des perturbations dans Îles lois, connues jusqu'ici, du système solaire — comme pratiquement anéanti. - Voilà, partant, un projet qui doit salisfaire, à la “Lois, l'Occident et l'Orient. Il doit salisfaire l'Occi- dent parce quil était, en germe, dans le procédé logique qui à conduit à la règle d'intercalation grégorienne; si bien que si la science avait, alors, -fourni la mème moyenne qu'aujourd'hui, il en serait résulté logiquement et nécessairement la “règle d'intercalalion de l'illustre savant serbe. “11 doit satisfaire l'Orient parce que son projet est «le plus ingénieux et, au point de vue mathématique, le plus exact de lous ceux qu'on à mis en avant _ jusqu'ici, et que l'heureuse idée de suivre le même - procédé logique des auteurs de la réforme grégo- rienne ne lui a été suggérée par personne; tout comme personne n'a songé, avant lui, à en faire l'application à la moyenne de l'année tropique, admise actuellement. Le mérite de Christophe Colomb n'est, certes, pas diminué par le fait que les propriétés de la sphère élaient connues bien longtemps avant lui; — question d'en faire l’ap- plication. Ce n'est pas encore tout. La seule objection qu'on peut soulever contre le projet de M. Trpko- vitch ne fait, précisément, qu’en rehausser le mé- rite en vue du but à atteindre. « La durée moyenne de l'année tropique, remarque-t-on avec raison, n'est pas encore connue avec assez de certitude pour nous permettre de substituer, dans l'état actuel de la science, une autre règle à la règle d'in- tercalation grégorienne. Ce serait un saut dans l'obscurité (ein Sprung ins Dunkle*). » Voici ma réponse. Un coup d'œil aux Æxemples cités plus haut nous monire que la différence entre les deux règles d'intercalation se manifesterait, pour la première fois, en 2000. Or, d'ici à l'an 2000, ilya encore cent ans, et « c'est d'ici à cent ans, — je dirai avec les paroles mêmes de l’auteur du projet, — que la science devra se prononcer définitivement sur la préférence à donner à l'une ou à l'autre règle ». Il s'ensuit que, d'ici là, tout ce qu'on demande à l'Occident, c'est qu'il garde sa règle grégorienne ; en d'autres mots, qu'il ne fasse rien et se tienne tranquille. Franchement, il faudrait un grand mauvais vouloir pour ne pas accepter une pareille condition : pour rejeter d'avance le verdict que donnera la science en l'an 2000, et pour ne pas applaudir à un tel essai! Quelques mots, maintenant, sur la question de la Päque. [AL Au sujet des règles pascales, le Professeur Trpkoviteh, bien qu’étant parfaitement au courant 1 Tel est en effet le verdict unanime prononcé, encore tout récemment, sur la question, par trois parmi les plus illus- tres représentants de la science, te Professeur Fürster, de Berlin, le Professeur Newcomb, de Washington, et le Pro- fesseur Backlund, directeur de l'Observatoire de Poulkova. Je me borne à citer les paroles avec lesquelles ce dernier termine sa note : Zur Theorie der Präcession und Nutation, présentée à l'Académie impériale des Sciences de Saint- Pétersbourg et insérée dans ses Comptes rendus demai 1900. « Les moyennes absolues des mouvements des planètes — « dit le Professeur Backlund — ne sont pas encore con- « nues, et il n'est même pas certain que, généralement, «ces moyennes existent. Il s'ensuit qu'actuellement toute « tentative pour obtenir, sinon la correction absolue de « notre calendrier, du moins une formule d'intercalalion « qui soit, relativement à la véritable anuée tropique, plus « exacte et plus simple que la grégorienne n'est juslifiée ni « par des considérations pratiques, ni au point de vue de « l'état actuel de la science. » 178 soit de la faveur, de plus en plus croissante, que trouve, en plusieurs sphères orthodoxes, le projet, déjà émis dès 1863 par Mædler, d'un accord de toute la chrétienté pour limiter la grande mobilité de la Pâque, soit de la probabilité que la Russie saisisse de cette question l'Église orthodoxe, n’a pas cru qu'il lui convenait, à lui simple laïque, d'aborder, dans son projet, une question qui est essentiellement du ressort de l'Église. Cela eût nui au but, l'unification pacifique du calendrier ; aussi s’y prit-il de manière à l’atteindre sans nullement engager l'avenir: parti d'autant plus sage qu'il est permis de douter que la Russie elle-même vienne facilement à bout de faire accepter, sans murmures, aux populations orthodoxes, une modification des règles pascales établies par le Concile de Nicée. Partant, le Professeur Trpkovitch commence par établir, avec des données de fait indiscutables, que la réforme du calendrier Julien est imposée à l'Église orthodoxe par le Concile de Nicée lui- même, vu qu'à cause de l’incorrection du calen- drier Julien, cette Église ne célèbre plus la Pâque à l’époque prescrite par ledit Concile. Pour obtenir ce relour à l'exécution des règles de Nicée il faut, évidemment, replacer l’équinoxe à la date indiquée par le Concile comme point de départ du comput pascal, c'est-à-dire au 21 mars, d'où la nécessité de relrancher du calendrier Julien treize jours, ce qui aurait, comme conséquence, de faire coïncider les dates juliennes du mois avec les grégoriennes. Présentée de cette manière, l'unification des dates serait d’aulant plus acceptable aux populations orthodoxes qu'on ne leur demanderait point de s'incliner devant l'Occident ni devant Rome, mais devant le Concile de Nicée et le verdict de la science orthodoxe. Et afin qu'elles ne puissent objecter quoi que ce soit à l'unification, non pas seulement des dates, mais, aussi, des fêtes, le Pro- fesseur Trpkovitch a élaboré un comput pascal tout à fait indépendant de celui de Lilio qui servit de base à la réforme grégorienne, de sorte que, même à cet égard, les populations orthodoxes pourront dire ne s'être inclinées que devant le Concile de Nicée et la science d'un de leurs core- ligionnaires. Enfin, pour qu'il saute aux yeux qu'elles n'auraient rien emprunté à la réforme grégorienne, d'ici à l'an 2000 leur Pâque tombera, il est vrai, le même jour que la nôtre, non pas, toutefois, sans qu'il faille admettre une exception pour l’année 1954. Celte exception — qu'il eût presque fallu créer tout exprès — sera là pour témoigner de l'indépendance du monde orthodoxe vis-à-vis des calculs de l'Occident. En présence d’un tel immense résultat, l'unifi- calion, jusqu'à l'an 2000, des dates aussi bien que des fêtes — avec l'unique exception de la Pâque de T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 195%, — je croirais vraiment commettre une ma vaise action en exprimant des réserves sur n'im porte quel point du comput pascal du Professeu Trpkovitch. Si, par hypothèse, il se trouvait, parmi les lecteurs, un seul qui fût tenté de le faire, je supplierais de vouloir patienter jusqu'à l'an 1957 Ce sera alors le moment de flageller, s’il le faut impitoyablement les considérants ou les cale qui ont déterminé l'exception; mais, de gràce qu'on ne veuille pas le faire avant 1954. Un t@ zèle serait d'autant plus blämable, intempestif @ nuisible que, d'ici là, d'après toute probabilité, là Pâque de toute la Chrétienté ne sera plus célébrée ni d'après les épactes de Lilio ni d'après celles du Professeur Trpkoviteh t. N Le double projet du Professeur Trpkovitch sera t-il accepté? Il le serait, à coup sûr, si l’histoire n'était pas là pour nous avertir que la sagesse et l'utilité pratique d’une proposition sont loin d’être toujours une garantie de son acceptation. Il y dans la question qui nous occupe, trop de suscepti bilités et d'intérêts en jeu, pour qu'on puisse présas ger avec certitude ce qui va arriver. C'est pour- quoi, forcé de me borner à exprimer le vœu quil triomphe, je dois aussi envisager la probabilité qu'on n’en tienne pas compte. Or, quand même il en serait ainsi, un peu de bonne volonté suffirail encore pour nous mettre en possession de l’unifi= cation du calendrier. Les difficultés ne viendraient point, en tout cas, de l'Occident, et c’est ce qui importe de bien établir. Je suppose, en effet, qu’on tienne absolument à modifier, dès à présent, la règle d’intercalation gré” gorienne; je suppose aussi que la Russie lienne absolument à réaliser un plan qu'elle caresse depuis longtemps, celui de faire coïncider la ré= forme astronomique de son calendrier avec une limitation de la mobililé actuelle de la Pâque et des fêtes qui en dépendent. Or, même dans ce cas, on ne ferait que réaliser une double éventualité déjà prévue par les auteurs eux-mêmes de la ré® forme grégorienne qui, de plus, ont eu soin d’'enJe= ver d'avance tout obstacle à sa réalisation. M& démonstration sera empruntée au Commentaire officiel de la réforme grégorienne, publié par ordre de Clément VII, et à une déclaration toute récente du cardinal secrétaire d'État. 1 Je me fais un devoir de remarquer que le Professeur Trpkovitch est tout à fait libre de préventions vis-à-vis de l'Occident, et son Étude est caractérisée par une largeur et une élévation d'idées qui lui font grandement honneur. Mais il a dû forcément lenir compte des dispositions d'esprit. des populations orthodoxes. En ce qui concerne, d'abord, une modification de la règle d'intercalation grégorienne : « Nous “axvouons franchement — lit-on dans le dit Commen- aire — que la postérité pourrait un jour découvrir “que la longueur moyenne de l’année est une autre “que celle admise aujourd'hui, auquel cas il faudrait lui adapter une autre règle d'intercalation”. » Cette citation est tellement explicite qu’elle suffit. Voici, maintenant, ce que nous trouvons, dans le même Commentaire, au sujet du désir, manifesté jar plusieurs, qu'on fit de la Päque une fête même tout à fait fixe comme Noël. « L'Église, y lisons-nous, usant de son droit, pourrait librement faire qu'il en soit ainsi, sans que nul puisse lui en faire un reproche, car il “agit, ici, d'un précepte cérémonial de l’ancienne “loi qui a cessé d'exister. Il ne parait pas cepen- dant qu'un usage aussi ancien [celui encore en Ÿ tam velusla nullo modo sine qravi aliqua causa fringenda videtur)?. » Et plus loin : « Ainsi que nous l'avons déclaré au chapitre “premier, c'est librement (libere), et uniquement (solum) à cause d'une certaine analogie avec la “Pique des Hébreux que l'Église tient compte, dans “la célébration de la sienne, de l'équinoxe et de la XIV! lune; tandis qu'elle est obligée, par précepte divin, à défendre et sauvegarder la paix et la con- orde entre les croyants *. La conclusion est évidente et s'impose. J’ajou- terai que la proposition de simplement imiter la obilité de la Päque, en l’annexant à un dimanche éterminé, fut discutée du temps de la réforme régorienne, et qu'elle fut écartée surtout par égard l'attachement des églises séparées de l'Orient pour les règles pascales de Nicée. I s'ensuit que si e Saint-Siège adhérait, pour sa part, à la dite Zimi- tation, il ne ferait qu'exercer, maintenant, en vue de l'accord de toute la chrélienté dans la célébra- tion de la Päque, un droit que, pour la mème rai- son, il s’est librement défendu d'exercer en 1582. e passe à la récente déclaration du Saint-Siège. MI Un ami du Professeur Fôürster, le directeur bien connu de l'Observatoire de Berlin, mis au fait de la faveur que trouvait, en Allemagne et ailleurs, la proposition dont l’illustre astronome s'était fait le 1 Clavius (Christ. S. J.). Romani Calendarii a Gregorio XIII P. M. restituti explicatio, S. D. M. Clementis VIII jussu edita. Romæ, 1603, C. V, S 15. io CNE PRE 8 Ibid., C. V, S 13. » = > T. DE QUARENGHI — L'UNIFICATION DES CALENDRIERS GRÉGORIEN ET JULIEN 179 promoteur, d'annexer la Päque au troisième di- manche après l’équinoxe fixé par le méridien de Jérusalem, eut une heureuse idée. Il l’engagea à s'adresser directement, en sa qualité de Président du Comité international des Poids el Mesures (et celle du temps en est une), au cardinal secrétaire d'État, lui exprimant le respectueux désir d'être éclairé — dans un but de paix et d'intérêt social — sur les dispositions du Saint-Siège. Le conseil fut suivi, et c’est le Professeur Fôrster lui-même qui, fort au courant de ce qui se passe en Russie, m’en- gage à donner une vaste publicité à la réponse qu'il recul; réponse, du reste, déjà connue dans les hautes sphères de l'Allemagne, de la Russie et d’ailleurs. Aussi je remarque, en passant, que, tout à fail à l'encontre de la renommée faite à Rome d'être, dans ses réponses, d'une lenteur rappelant l'éternité, le Saint-Siège mit, celte fois, tant de sol- licitude à répondre sur une question aussi grave, qu'on doit y voir la preuve certaine qu'il n’a pas été pris au dépourvu et que la question avait déjà été l'objet d’un sérieux examen. La lettre du Pro- fesseur Férster porte la date du 18 avril 1897; c'est en date du 6 mai de la même année que $. E. le cardinal Rampolla lui communiquait, en ces termes, la pensée du Saint-Siège : « … Si l'on devait considérer la réforme pro- posée, dit le cardinal, sous le seul rapport des avantages d'ordre social, la réponse mériterait, sans doute, un accueil favorable. Mais l'Église doit, aussi, avoir égard au point de vue religieux tradi- tionnel, à la connexion de la solennité de Pâques avec les mystères de la mort et de la résurrection du Seigneur. En outre, le Saint-Siège doit éviter tout danger d'introduire, dans la chrétienté, des divisions encore plus grandes, par suite du nouveau changement. « Toutefois, si l’on arrivait à écarter ce danger et à faire demander universellement la stabililé rela- tive de Pâques grâce à un mouvement de l'opinion publique mieux éclairée par le monde savant, l'ini- tiative d'une pareille réforme pourrait alors être prise en considération, surtout dans un Concile général. » Quant à la crainte exprimée dans ce document que si le Saint-Siège, sans y être déterminé par l'expression d’un désir général, allait modifier les règles pascales actuellement en vigueur, il s'expo- serait à introduire dans la Chrétienté des divisions encore plus grandes, il faudrait vraiment ne rien savoir de l'Orient et ne rien avoir appris de l'his- toire même de l'Occident, pour la trouver illégitime ou suggérer qu'on n'en tienne pas compte. Cela étant, on se demande si le Saint-Siège pou- vait faire plus que reconnaitre les avantages d'ordre social qu'aurait la mesure proposée, indi- IS R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE quer où git l'obstacle et suggérer lui-même la ma- nière de procéder pour engager M. Fürster à pren- dre en considération — comme le désirerait l'Église protestante d'Allemagne — ni plus ni moins que l'opportunité d’une iniliative. Mon but est atteint : au lecteur de se faire une opinion. J'ajouterai seulement que, si la respons sabilité qui pèse sur la Russie est lourde, elle né l'est pas autant que la tâche qui s'offre devant elle serait glorieuse. Ces. Tondini de Quarenghi. REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE I. — ZOOLOGIE GÉNÉRALE. Dans les Revues des années précédentes, j'avais l'habitude de consacrer ce chapitre à la revision des travaux relalifs à l'histoire des produits sexuels. Pendant ces dernières années, les zoologistes se sont surtout préoccupés de préciser l'origine et la formation de ces produits, de fixer la valeur relative des deux gamètes et la signification des globules polaires, et enfin d'expliquer la réduction karvogamique. Les travaux sur ces questions, si nombreux autrefois, se sont fait beaucoup plus rares en 1900, et je les passerai d'autant plus volon- tiers sous silence que je puis renvoyer le lecteur à un article très remarquable publié récemment dans ce journal par Le Dantec”. En revanche j'attirerai l'attention sur des travaux qui ont soulevé en ces derniers Llemps une légitime émotion, et qui se rap- portent au développement de l'œuf sans féconda- tion sous l’action de certains réactifs, ou, si l’on préfère, à la parthénogénèse expérimentale. Loeb? d'abord, et Morgan‘ ensuile, ont re- marqué que des œufs d'Oursins, momentanément plongés dans certaines solutions salines, particu- lièrement de chlorure de magnésium, et replacés ensuite dans l’eau de mer pure, subissaient la seg- mentalion, tout comme s'ils avaient été fécondés ; dans certaines expériences, ils ont même pu obte- nir des Pluteus. Les premières expériences de Loeb ont été vive- ment critiquées par Viguier. qui a prétendu que les résultats obtenus par cet auteur tenaient à ce qu'il opérail sur une espèce dont les œufs sont sus- ceplibles de se développer normalement par parthé- nogénèse. Viguier n’a pas pu reproduire les pre- mières expériences de Loeb mais, entre Lemps, ce dernier avait publié de nouvelles observalions très concluantes, et d'autres auteurs arrivaient aux mêmes résultats que lui chez d'autres animaux. ! K, Le Danrec: L'Hérédité, clef des phénomènes biolo- giques, dans la Æevue gén. des Sciences des 15 et 30 juin 1900, t. XI, p. 131 et 798. ? Amer. Journ. of. Phys., 1899 et 1er avril 1900. ® Archiv. f. Entwickelungsmech., NI et IX. * Comptes Rendus, 1900. Ainsi Giard!, en opérant avec des œufs d'Astéries qu'il plongeait dans une solution de chlorure de magnésium, à obtenu des segmenlations à 2, 4, 8eb 16 cellules, ne différant que par la lenteur du pro= cessus évolutifet par la fréquence des irrégularités: de celles qu'il obtenait à la suite de fécondations normales. Giard a constaté un autre fait très inté= ressant. En fécondant des œufs de Psammechinus par des spermatozoïdes d’Astéries, il à remarqué que la segmentation de ces œufs offrait les mêmes caractères que celle des œufs d’Astéries traités par les solutions salines : lenteur du développement arrèt de segmentation d'un blastomère au stade 2 ou 4, impossibilité de dépasser le stade 16, etc: Quant aux œufs témoins, non traités par la solution saline et non fécondés, ils n’ont jamais montré la moindre trace de segmentation. Bataillon ? a également obtenu des résultats posi= üfs en traitant des œufs de Balraciens (Grenouilles) et de Poissons (Gardons), soit par du sérum de sang de Mammifère, soit par des solutions de sel marin à 1 °/, ou de sucre à 10 °/,. Ces segmen® tations ne sont jamais nombreuses et le dévelop- pement s'arrête de bonne heure. Winckler ? a opéré d'une manière différente, et il a obtenu des segmentations d'œufs d'Oursins à l'aide d’un extrait de sperme de ces animaux. Il préparait le liquide excitateur en faisant agir de l’eau douce sur des spermatozoïdes d'Oursins, puis: il fillrait plusieurs fois et ajoutait cet extrait en proportion déterminée à l’eau de mer dans laquelle se trouvaient lesœufs. Ces œufs se sont segmentés régulièrement jusqu'au stade 4 et ensuite irrégu= lièrement. Nalurellement, des expériences de con= trôle avaient été établies, et l'auteur affirme avoir pris loutes les précautions voulues pour éviter les. causes d'erreur. Enfin Loeb‘ a publié tout récemment les résuls Lats de nouvelles expériences dans lesquelles il à 1‘ C. R. Soc. Biologie, 1900. ? Comptes lendus, 1900 et Arch. f. mech, XI. % Nach. K, Ges. Wiss. (iüttingen, 1900. # Am. Jour». of. Phys., août 1900, et Science, 1900. Entwickelungs= ! R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 181 réussi à obtenir des segmentations parthénogé- nétiques d'œufs de Chétoptères sous l'influence de “Solutions de chlorure de potassium ou de chlorure “de sodium; certains œufs ont mème atteint le ‘Stade de Trochosphère. Quelle explication peut-on donner de ces phéno- mènes si remarquables ? Loch avait d'abord sug- géré que le spermatozoïde apportaità l'œuf les ions qui lui manquent ou certains ions capables de con- produit lorsque l'œuf est remis dans l'eau pure. Les solutions salines ou sucrées agissent par leur l | | F nier travail, Loeb est arrivé, el indépendamment (he “désirer que les zoologistes poursuivent dans cette voie des recherches qui pourront nous fournir des e rôle complexe du spermatozoïde. II. — 7Z00L0GIE SYSTÉMATIQUE. ANATOMIE ET EMBRYOLOGIE. $ 1. — Protozoaires. Ce sont surtout les Sporozoaires qui ont fait l'objet de travaux importants en 1900. Toutefois, il a peu de choses à dire au sujet des Coccidies, sur lesquelles Mesnil a publié, dans cette ARevue?, des articles très documentés. Je mentionnerai seule- ment les travaux de Schaudinn, qui a étudié le cycle compiet du développement du Coccidium Schubergi el décrit avec beaucoup de détails les phénomènes de la fécondation. - Ence qui concerne les Grégarines, on sait que Cuénol avait montré que l'élimination nucléaire, considérée par Wollérs comme préparatoire à une — fécondation isogamique, n'était qu'une simple épu- ration, et que les sporoblasles se formaient sans qu'il y ait fusion préalable des individus; la féconda- tion restait donc douteuse. Siedlecki! a décrit, chez la Monocyslis Ascidie, une reproduction sexuée, mais les phénomènes de sexualité se passent à un Stade postérieur à la formation des sporoblastes. L'auteur retrouve les faits énumérés par Cuénot : accolementdes deux Grégarines, formation dukyste, puis épuration nucléaire dans chacune de ces deux Grégarines accolées, et enfin division du nouveau noyau pour former des sporoblastes. C'est à ce moment seulement que les deux Grégarines, jus- qu'alors distinctes, se pénètrent mutuellement, puis les sporoblastes de l’une se conjuguent avec ceux de l’autre : c’est une vérilable copulation iso- gamique sans lrace de réduction karyogamique. Léger * a retrouvé une fécondation sexuée ana- logue chez une Ophryocyslis nouvelle. Deux indi- vidus se rapprochent et s'enkystent, et leurs noyaux subissent une réduction karyogamique Chaque individu se transforme alors en un sporo- blaste unique, et les deux sporoblastes d'un même kyste se fusionnent pour donner un sporocysle, également unique, qui, par trois divisions succes- sives, formera huit sporozoïtes. Ici encore il y a isogamie parfaite comme dans le cas précédent. Ces observations sont d'autant plus intéressantes qu'elles se rapportent à un genre très rare et fort mal connu et qui est le seul représentant du groupe des Amæbosporidies. L'École médicale de Rome et celle de Liverpool ont poursuivi leurs intéressantes études sur les Héma- lozoaires du paludisme. Depuis la publication de l'article de Mesnil que je citais plus haut, plusieurs faits intéressants ont été découverts. D'après Grassi, Bignami et Bastiannelli”, les trois Anopheles à ailes tachetées d'Italie (A. maculipennis, pictus et pseu dopictus) peuvent propager la malaria, mais le premier est l'agent le plus habituel. Le dévelop- pement du parasile exige une température supé- rieure à 16°; de 14° à 15°, les Sporozoaires de la fièvre estivo-automnale ou irrégulière ne se déve- loppent pas dans le sang de l’Anopheles; de 20° à 22°, le développement se fail très lentement, et à 30° le cycle complet de l'évolution a lieu en 7 jours. Les mêmes auteurs ont montré que les black- spores ne sont que des états de régression de l’'Hé- matozoaire dans le corps du moustique, et que, par conséquent, aucun failne permet encore d'admettre l'infection héréditaire chez l'Anopheles. Celte der- nière hypothèse avait été émise par Laveran et Manson. L'école italienne soutient au contraire que l’évolution complète du parasite ne peut s'effectuer que dans deux hôtes successifs. Elle admet enfin 1 Comptes Rendus, 1901. F. Meswre : Coccidies et Paludisme, dans la Revue gén. des Sciences des 30 mars et 15 avril 1899, t, X, p. 213 et 215. 1 Bull. Ac. Se. Cracovie, 1899, > Comptes Rendus, 1900. # Unters. z. Nat. d. Menschen v. Moleschott, XNII. 182 R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE que chaque forme de fièvre est caractérisée par un Hématozoaire spécifiquement distinct : le P/asmo- dium malariæ pour la fièvre quarte, le P. vivax pour la fièvre tierce, et le Zaverania præcox pour | la fièvre irrégulière. Le développement de cette dernière espèce a surtoutété bien étudié; ses gamé- tocytes ont une forme spéciale : ce sont les corps en croissant de Laveran. Ce dernier auteur ‘ qui, soit dit en passant, n’ad- met qu'une seule espèce d'Hématozoaire du Palu- disme avec plusieurs variétés, a fait un essai de classification des Hématozoaires endo-globulaires qu'il divise en trois groupes : 1° Hématozoaires du paludisme ; Hématozoaires des Oiseaux, du singe et des chauves-souris; 2° Hématozoaires des Bovidés, du mouton, chien et du cheval; 3° Hématozoaires des Vertébrés à sang froid. Cet auteur? a montré aussi que la loi de coexis- tence des Anopheles et du paludisme sur les mêmes points du globe se confirme de plus en plus, et qu'elle s’applique aussi bien aux régions tempérées qu'aux régions chaudes. du $ 2. — Trochozoaires. Dans la Revue annuelle de 1899, j'ai résumé l'his- toire si remarquabie du ver Palolo des îles Fiji et Samoa. Goldsborough Meyer * a observé aux îles Tortugas un nouveau Sfaurocephalus (St. greqa- ricus), qui, en raison de ses habitudes, mérite le nom qu'il lui donne d’Aflantic Palolo. Comme le Palolo du Pacifique, son apparition est en relation avec les phases de la Lune. Les eaux à la surface desquelles il se montre une fois par an ont un fond de Coraux et de Nullipores, parmi lesquels le ver est caché le reste de l’année. Les premiers échantillons se montrent le matin vers quatre heures, et leur nombre augmente très rapidement. La région anté- rieure des vers ne renferme pas d'éléments sexuels tandis que les segments de la région postérieure sont bourrés de ces éléments. Peu de temps après l'apparition des vers, ces segments sont le siège de contractions violentes, etils éclatent en mettant en liberté les œufs ou les spermatozoïdes; puis les . vers retombent au fond de l'eau, et à neuf heure du matin on n’en rencontre plus un seul échan- tillon à la surface. Le Palolo atlantique émigre donc tout entier vers la surface à l'époque de la reproduction tandis que, pour celui du Pacifique, c'est la région postérieure seule, chargée de produits sexuels, qui monte à la surface de l'eau. L'étude de la reproduction des Annélides nous ! Cinquantenaïire Soc. Biologie. * C. R. Soc. Biologie, 4900. * Bull. Museum Gompar. Zoology, XXXVI. réservera, sans doute, encore bien des surprisess Ainsi l'on a observé tout récemment certains fails très curieux et tout à fait inattendus dans la fécon® dation des Hirudinés. Lorsqu'il existe un organe copulateur, le sperme est injecté directement dans l'appareil femelles mais, quand cet organe est rudimentaire ou nul (Herpobdellides, Rhynchobdellides et la plupark des Ichthyobdellides), la fécondation s'opère d’une manière vraiment extraordinaire. Au moment de la copulation, un, spermatophore, fourni par l'un des conjoints, est appliqué sur le tégument d l’autre, puis, comme Kovalewsky ! l'a établi le pre= mier chez la Placohdella, les faisceaux de sperma tozoïdes pénètrent dans les tissus sous-jacents en traversant les téguments et arrivent dans la lacune ventrale. Le spermequis’échappe pénètre ainsi dans la cavité cœlomique, et les spermatozoïdes se dis- persent : les uns pénètrent dans les organes pha-" gocytaires ou capsules néphridiennes où ils seront absorbés et digérés, mais la plupart des sperma- tozoïdes s'insinuentpar trainées à travers les parois épaisses de la matrice pour tomber dans l'intérieur où ils rencontrent des œufs qu'ils fécondent. Ces phénomènes si curieux ont été revus par. Kovalewsky*, par Brandes* et surtout par Brumpit chez plusieurs espèces. Ghez les Glossiphonides, les spermatophores sont formés de deux tubes distincts, « munis d’une paroi élastique servant à injecter lew sperme dans les tissus, et la fécondation s'opère comme chez la Placobdella. Chez les Ichthyobdel- lides, les spermatozoïdes, après avoir traversé les M téguments, pénétrent dans un tissu particulier, le tissu vecteur, formé par l'hypertrophie des parois M ovariennes, et atteignent les œufs qu'ils fécondent. Il est à remarquer qu'ici les spermatophores sont mous et que les spermatozoïdes sont déjà mobiles avant d'en sortir, ce qui n’est pas le cas chez les autres. *. Vi Brumpt s'est assuré qu'il n'y avait jamais de fécondation directe chez les formes où cette fécon- dation tégumentaire existe. Il est assez difficile d'expliquer des phénomènes aussi bizarres. Pourquoi les spermatozoïdes, qui, par leur nature, doivent féconder des œufs, de- viennent-ils normalement la proie de phagocytes, et pourquoi au lieu d'arriver facilement à l'ovaire par la voie naturelle, l’atteignent-ils par un chemin si compliqué? Brumpt admet que les Hirudinés possédaient primitivement un pénis; celui-ci s'élant atrophié dans un certain nombre de formes, . les spermatophores se sont peu à peu développés, ! Comptes Rendus, 1899. * Mém. Soc. Zoologique de France, 1900. % Halle'scher Zeit. f. Nat, 1900. 4 Mém, Soc. Zoologique de France, 1900. rudimentaires d’abord (Æemiclepsis), is se sont érenciés progressivement pour acquérir une forme très compliquée. La fécondation hypoder- lique permet un accouplement plus facile et plus pide que la véritable copulation, et, comme elle tplus avantageuse pour l'espèce, elle a été fixée Ja sélection. L. Calvet! a repris l'étude de différentes questions ltives à l'histoire des Bryozoaires Ectoproctes arins, en choisissant particulièrement des types üpares. Il s'est surtout occupé de la métamor- ose et de la blastogenèse. Pendant la métamorphose, il ne retrouve dans ozoïte que des tissus ectodermiques et mésoder- ques embryonnaires : le polypide n'est formé 16 de ces seuls éléments et il ne renferme donc le deux feuillets. La prolifération des cellules lodermiques est le point de départ de toutes les pmations blastogénétiques et l’ectoderme fournit ns cesse des éléments qui constituent le tissu senchymateux, l’ancien tissu funiculaire des teurs, aux dépens duquel se forme le polypide S blastozoïdes. Celui-ci ne renferme done que S éléments issus de l’ectoderme. Le polypide ménéré à la même origine. L'ectoderme est, en linitive, le seul feuillet qui se perpétue à travers colonie, et les Bryozoaires offrent un nouvel émple des différences profondes qu'offrent les veloppements embryonnaires et blastogéné- ques. On a placé, pendant longtemps, à côté des Bryo- aires le /Aorouis, que des travaux récents de Stermann tendraient à rapprocher plutôt des téropneustes. D'après les recherches récentes de üle*, c'est la première opinion qui doit déci- mment prévaloir. Cet auteur a publié une étude S complète sur l’embryogénie d'une espèce nmune dans l’étang de Thau, le Ph. Sabatieri. laisse de côté la première partie du travail, qui exclusivement descriptive, mais très documen- > pour ne m'occuper que de la seconde dans uelle l'auteur envisage certaines questions érales, parmi lesquelles deux sont particuliè- nent intéressantes. L'Actinotroque des Phoronis : la Méditerranée diffère de celle des ?horonis de Céan par plusieurs caractères, dont les prin- paux touchent au nombre des tentacules et à li des diverticules du tube digestif. Or, la diterranée contient au moins deux espèces dis- etes de Phoronis, et l'espèce de l'Océan ressemble >aucoup à l'une d'elles. Les deux espèces médi- ‘anéennes ont aussi une même forme larvaire, l'espèce océanienne possède une forme larvaire À hèse de Doctorat, ès sciences, Paris, 1900. b Ann, Sciences Naturelles Zool., 1900, à Ÿ R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 183 | différente de celle qui appartient à sa similaire de la Méditerranée. IL en résulte cette conséquence curieuse que deux espèces différentes à l'état par- fait ont des formes larvaires identiques el, réci- proquement, que deux espèces semblables (ou peu s'en faut) à l’état parfait ont des formes larvaires dissemblables. Roule montre combien est inexacte l'opinion de Mastermann, qui croyait à une affinité directe et immédiate entre l'Actinotroque et les Entérop- neustes. Il fait avec les Phoronidiens une classe de son embranchement des Trochozoaires et les place près des Bryozoaires dans un groupe à part, voisin des Ptérobranches. De plus, il trouve, dans la struc- ture de l'Actinotroque, une concordance avec celle des jeunes embryons de Vertébrés et de Tuniciers. Le vestibule buccal, recouvert par le capuchon céphalique, représente à ses yeux la région pos- térieure d'un neuraxe qui ne se développe pas davantage, et disparait par la suite. Le diverlicule du tube digestif, dont les cellules deviennent vacu- olaires, représente à son tour une ébauche de notocorde, qui se détruit également, et manque à l'adulte après avoir existé chez la larve. Les rela- lions mutuelles de ce diverticule avec le vestibule buccal rappellent exactement celles de la notocorde et du neuraxe pris à leurs débuts. Comme l’Acti- notroque se rapproche d'autre part de la Trocho- phore, larve des Vers annelés, l’auteur conclut en reprenant et modifiant l'ancienne opinion des natu- ralistes. On disait autrefois : le Vertébré est un Annélide retourné. D'après Roule, celle assertion est inexacle si on l’applique aux adultes, mais elle est juste si on l’'emploie pour les embryons encore très jeunes. Il faut dire : l'embryon du Vertébré est une Trochophore retournée. Les larves des Pho- ronidiens constituent ainsi la transition réelle des larves d'Annélides aux embryons des Tuniciers et des Vertébrés. Passé ces phases larvaires, ces êtres établissent leur organisation suivant des plans différents, et ne peuvent plus se comparer avec exactitude. Cette conception n’enlève rien aux affinités des Eutéropneustes avec les Chordés, qui sont admises presque universellement, mais que Spengel combat encore. Au cours de ses recherches sur les Enté- ropneustes du Pacifique, Willey! à eu l’occasion d'examiner une forme nouvelle très primitive, le Ptychodera flava, chez lequel ces affinités appa- raissent avec la plus grande évidence. Cet auteur est d’ailleurs convaineu que si Spengel avait pu prendre comme point de départ de ses recherches une forme telle que le PJ. flava, au lieu du PI. mi- Re 1 Zoological Results, Part. III. Enteropneusta from South Pacific. 18% R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE nuta de Naples, son opinion aurait été complé- tement modifiée. Spengel n'avait pas établi de division dans les Enteropneustes; Willey comble cette lacune et il répartit les formes connues en trois familles : Ptychodéridés Spengelidés, et Ba- lanoglossidés. $ 3 — Arthropodes. Cet embranchement a été l’objet de travaux par- üiculièrement nombreux en 1900: la plupart se rapportent aux Insectes. L'un des plus importants est une thèse de Ch. Janet, dont la première partie comprend une monographie de la Myrmica rubra, remarquable par la précision et l'abondance des détails. L'étude de la musculature, du système nerveux central et des nerfs périphériques, a con- duit l’auteur à considérer la tête de l’Insecte comme formée par un nombre de somites plus élevé que celui qu'on admettait jusqu'ici. On sait que ces somiles, au nombre de six, sont désignés de la manière suivante : I. Somite proto-cérébral ou du labre II. — deuto-cérébral ou antennaire III. — trito-cérébral ou post-antennaire IV. — mandibulaire V. _— maxillaire VI. — Jlabial Je ferai remarquer, en passant, que l'existence du somite III ou post-antennaire se trouve confirmée par les recherches de Folsom ! qui a trouvé, chez des Collembola adultes, une paire d’appendices rudimentaires situés en arrière du somite II et ne pouvant appartenir qu'à ce somite III. Janet considère que le système nerveux sympa- thique de la portion stomodæale du tube digestif, qui comprend trois ganglions, est le prolongement antérieur de la chaîne nerveuse: Pour lui, ces ganglions correspondent à autant de somites qu'on n'avait pas soupconnés jusqu'à présent, parcequ'ils se sont contractés el invaginés en modifiant la structure de leur épiderme pour en faire l'épithé- lium du stomodœum. La tête des Insectes serait done composée de neuf somites, et, aux six somites signalés plus haut, il convient d'ajouter les trois suivants qui les précèdent et que Janet appelle : I. Somite proto-stomodæal ou du gésier Il. deuto-stomodæal ou œsophagien LE trito-stomodæal ou clypéo-pharyngien À part un Mémoire de Prowazek® qui a constaté chez un Thysanouve (/sotoma grisea), que la seg- mentalion élait d'abord totale et presque égale et ne devenait superficielle qu'ullérieurement, ce qui prouve que le type de segmentation des Insectes a été acquis secondairement, la plupart des travaux 1 Psyche, vol. VII. ? Arb., Zool. Institut Wien, 1900. relatifs au développement de ces animaux se » portent surtout à la métamorphose. On a volontiers considéré jusque dans ces dei nières années que le phénomène essentiel et pn mordial de la métamorphose était la phagocytost ainsi que les travaux de Kovalewsky, de Metel nikoff, de Van Rees, elc., paraissaient l’avoir établ Cependant Korotneff, en 1892 déjà, avait nié foi mellement la phagocylose chez les Tinéides, plus récemment Karawaiew avait, en 1898, soi tenu la même thèse pour les Fourmis. Cette impot tante question a été reprise de différents côtés," elle est tout à fait à l'ordre du jour en ce mome Terre‘ affirme que, chez l'Abeille, la destructioi des muscles ne s'opère pas par phagocytose. Dam la larve, les muscles offrent déjà deux sortes 4 noyaux : des grands noyaux, qui se chromatolysel lors de la nymphose pour disparaître ensuite, des petits noyaux, qui se mulliplient pendant métamorphose el serviront à la réédification de muscles de l’imago (myoblastes imaginaux). La subs dégénérescence chimique sans phagocytose. dernier fait a été confirmé par Kochewnikoff=. Anglas * observe, chez la Guèpe et l’Abeiïlle, qu certains muscles sont envahis par les leucocytes qui digèrent sur place les fragments musculaires mais sans former de boules à noyaux, tandis qu d'autres rentrent d'eux-mêmes en régression. même, les cellules des glandes de la soie et tubes de Malpighi dégénèrent sans intervention Ad leucocytes. Les cellules adipeuses subissent un dégénérescence granulo-graisseuse et persiste jusqu'à l'éclosion. L'auteur admet que des élément cellulaires peuvent agir sur d'autres éléments les détruire : il désigne ce fait sous le nom généré de /yorytose. Les rapports entre le lyocyte ete éléments digérés peuvent d'ailleurs varier : lyocytose peut s'exercer, soil à distance, soit accolement, soit par englobement (ce dernier est la phagocytose). La lyocylose d’Anglas à à critiquée par plusieurs auteurs. | Berlese ‘ a suivi la transformalion du tissu à peux chez les Diptères et trouve, comme Anglas, q le tissu adipeux ne disparait pas pendant la mét morphose, mais qu'il se charge de granules album noïdes (qui ont été pris par Van Rees pour des le cocyles). Ce tissu ne s’histolyse même pas. servirait, d'après l'auteur, à élaborer les matériä 1 C, R. Soc. Biologie, 1899 et Bull. Soc. Entomol., A9 * Zool. Anz., 1900. 1 Bull. Scientif., 1900. 4 Hevisla di Patolog. vegelale, 1899. R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 185 pour les tissus en voie de formation. Ces faits ont été vérifiés par Supino et Henneguy. Dans un tra- ail plus récent, Berlese étend ses conclusions à “tous les groupes de Watabola ; il ajoute que les leu- “cocvte. n'altèrent en rien les particules de sub- Stances qu'ils ont englobées el ne servent qu'à ransporter ces particules : ils ne joueraient qu'un rôle tout à fait secondaire dans la destruction. L'auteur admet surtout une dégénérescence chi- mique, transformant la substance musculaire en bstance assimilable, qui serait ensuite {ranspor- fée par les leucocytes. - Seul parmi les auteurs récents, Pérez! affirme que, chez les Fourmis et les Tinéides, l'histolyse est lue exclusivement à la phagocytose, lout en recon- naissant que les boules à noyaux font défaut. - Il semble résulter des recherches que je viens de ter que l’histolyse ne s'effectue pas de la même manière dans tous les groupes d’Insectes; mais, en tous cas, la plupart des auteurs s'accordent actuel- lement pour admettre que les phénomènes phago- meytaires, lorsqu'il s'en produit, sont précédés d'un élat semi-pathologique, dégénérescence ou nécro- iose chimique; cel état peut être attribué à des auses complexes, asphyxie, inanition, sécrétions ternes de l'organisme métabole, etc. Comme le fait remarquer Giard, dans une communication à Société de Biologie, on ne peut conclure que les inuscles ne sont pas touchés de ce qu'ils ne pré- —“entent pas d'altérations visibles. Ce savant cite, à ce sujet, des exemples frappants de muscles mani- lestement allérés, sans qu'on puisse déceler ces ältérations au microscope. « Refuser d'admettre, ajoute Giard, que le point de départ de l'histolyse se trouve dans les alléralions préalables des tissus et prétendre que les phagocytes, surexcités par des stimulines, v° nt attaquer précisément les éléments ondamnés à lisparaitre, c'est, il me semble, reve- ir sous une lorme nouvelle à la théorie de la pré- destination, aux propriétés prépotentielles des lastides, ec un mot aux idées vitalistes et théolo- piques si con:raires aux progrès de la science. » Notons enfin qu'à la suite de la communication e Giard, M>snil, au nom de Metchnikoffet au sien, insiste sur l'apparition précoce de la phagocytose, le-ci in‘ervenant désle début de l'histolyse, que >s myop} 1ges soient d'origine musculaire ou leu- cocytaire, mais il ajoute : « Nous pensons volon- liers, avec M. Giard, que, dans un grand nombre de cas, le point de départ de l'histolyse existe dans une altéralion préalable des tissus ». . Caullery et Mesnil”, en observant un Crustacé Epi- “caride parasile des Balanes (/emioniscus balani), DC: R. Soc. Biologie, 1900. Eu ? C. R. de la Société de Biologie, 1900. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901, ont eu l'occasion de constater dans certains appen- dices une disparition de fibres musculaires qu'ils attribuent à une phagocytose. Ce phénomène a lieu quand le Crustacé, qui est prolandre, passe de l’état mâle à l’état femelle. Les Epicarides sont des êtres très remarquables, en raison des modifications profondes que le para- sitisme leur imprime. Jules Bonnier‘ vient de leur consacrer un splendide volume, dans lequel il s'occupe plus particulièrement des Bopyridés el qui complète les recherches antérieures qu'il avait entreprises avec Giard. Les parties les plus inté- ressantes de ce mémoire se rapportent naturelle mentau développement. Les Epicarides qui, à l’élat adulte, offrent des déformalions si diverses, sortent lous de la cavité incubatrice sous la même forme larvaire, que Bonnier appelle le stade épica- ridien. L'uniformité remarquable de cette forme démontre l'origine monophylélique de lout le groupe. À ce stade, l'Epicaride ressemble à un petit Isopode globuleux, lui-même. La ramassé sur | phase cryploniscienne, qui lui succède, est essen- tiellement adaptée à la vie libre et pélagique et con- traste, par ses formes élancées et ses appendices grêles, avec la précédente. Les organes sensoriels que possède cette larve l’aident dans la recherche de l'hôte sur lequel elle se fixe et où elle subit une métamorphose que Bonnier éludie en détail. Les Cryplonisciens atleignent leur maturité sexuelle sous la forme cryptoniscienne, et l'étrange défor- malion qu'offrira la femelle ne sera due qu'au déve- loppement des ovaires et de la cavité incubatrice. Les Bopyridés, au contraire, subissent une trans- formation nouvelle et parviennent à un stade /'opy- ridien, qui restera définitif chez le màle et qui se modiliera ultérieurement chez la femelle par le développement des ovaires. Les observations de Bonnier lui ont permis d'éla- blir les relations phylogénétiques des différentes familles d'Epicarides. Nous avous dit plus haut que ceux-ci élaient monophylétiques. Les formes les plus simples sont les Wicroniscidés, parasites des Copépodes, qui se fixent déjà au stade Epicaridien : ce sont les plus voisins de la souche commune. Après eux se détachent les Cryploniscinés, dont les formes inférieures, parasiles des Cirripèdes, des Ostracodes et des Rhizocéphales, ont la partie antérieure modifiée pour la fixation, tandis que la région postérieure, complètement déformée, cons- titue la cavité incubatrice ; chez les formes supé- rieures, parasites des Arthrostracés, toute la sur- face du corps constitue un vaste sac incubateur; enfin, une dernière famille, remarquable par sa 1 Contribution à l'étude des Epicarides. Thèse de Boc- torat, ès sc. Nat., Paris, 1900. 186 dégradation, est parasite des Schizopodes. Dans toutes ces formes, les pléopodes des larves épicari- diennes sont biramés. Il n’en est plus de même chez les Bopyrinés, où ces appendices n’ont qu'une seule rame. La première famille, celle des Dajidés, est parasite des Schizopodes ; les trois autres familles sont parasites des Décapodes et la fixation a lieu, soit sur l'abdomen (Phryxidés), soit dans la cavité branchiale (Bopyridés), soit enfin dans la cavité viscérale elle-même (Æntoniscidés). L'évolu- tion des Epicarides a donc suivi d'une manière très précise celle des Crustacés, et leurs formes se com- pliquent en même temps que leurs hôtes s'élèvent. $ 4. —_ Vertébrés. Les mémoires publiés en 1900 sur les Vertébrés se rapportent presque tous à l'anatomie comparée ou à l’organogénie et n'ont pas leur place dans cette Revue. Je ne vois guère à signaler ici que les travaux de Bashford Dean ! et de Doflein * sur le développement du Bdellostome. Depuis longtemps les zoologistes avaient fait de vains efforts pour arriver à connaître l'embryologie des Myxinoïdes ; le sujet était intéressant, car ils espéraient pou- voir en tirer des renseignements précis sur la position systématique des Cyclostomes qui, pour les uns, sont des types ancestraux et, pour les autres, des formes dégénérées. Cette lacune a été comblée par les deux auteurs ci-dessus, qui ont réussi à se procurer des matériaux suffisants sur les côtes de Californie. Les observations de B. Dean sont surtout très complètes et son mémoire est illustré de superbes dessins. Les œufs du P. Stouti sont peu nombreux, chaque femelle n'en pondant qu'une vingtaine ; ils ont la forme d’un ovoïde très allongé, ayant 25 millimètres de longueur sur 7 de largeur environ, et ils sont munis à leurs pôles de filaments à l’aide desquels ils restent attachés en chaine les uns aux autres. Le petit nombre et les grandes dimensions de ces œufs contrastent avec le nombre élevé et la petite taille des œufs de Lam- proie. Ces différences s’affirment dans le cours du développement. Ainsi la segmentation est méro-° blastique et assez voisine de celle des Sélaciens. IL y à, entre la segmentation du Bdellostome et celle de la Lamproie, des différences analogues à celles que l'on connaît entre la segmentation des Séla- ciens et celle des Ganoïdes. En ce qui concerne le développement des organes, il faut surtout noter la formation du système ner- veux par invagination; de plus, le cerveau est remarquablement allongé dans l'embryon du Bdel- lostome et il se rétrécira ultérieurement. B. Dean n'observe pas, au cours des l'embryogénie, la 1 J'estschrilt z. Küppfer. Fischer. Jena. # Vorh. deut. Zool. Gesellschaft, 1900. R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE moindre indication d’ares viscéraux ni de membres pairs, et il ne trouve aucune preuve en faveur de l'hypothèse que l'œil pinéal des Craniotes représente une structure primitive. En revanche, la présente d'une série régulière et, dans tout le corps di l'embryon, de tubes segmentaires formant un pro néphros représente pour lui un caractère primitif L'embryogénie du P. Stouti ne fournit dont aucun fait tendant à prouver que les Cyclostomes sont des formes dégénérées: elle permet, au con traire, de retrouver certaines dispositions primi tives, et B. Dean incline à considérer les Myxinoïdes comme des larves d'Amphioxus très évoluées. Dans la Revue annuelle de 1898, j'ai déjà indi qué quelques-uns des faits les plus importants observés par G. Kerr pendant le développement di Lepidosiren. L'auteur, qui n'avait alors publi qu'une courte note préliminaire, vient de donne un {ravail complet accompagné de planches ‘. Aw renseignements qu'il avait déjà fournis, il ajoute des observations sur les transformations de la larve sur le remplacement des branchies externes, pors tées, sur les quatre premiers ares branchiaux, p les branchies internes, etc. III. — GÉOGRAPHIE Z0OLOGIQUE. FAUNES. $ 1. — Faunes des eaux douces et saumâtres. Les zoologistes suisses poursuivent très actives ment jies recherches qu'ils ont entreprises sur Ja distribution du Plankton dans les nombreux lacs de leur pays et ils ont publié en ces derniers temps des travaux d'une grande importance. Dans un mémoire d'ensemble, Burkhardt ? fai connaître la composition et la répartition du Planle ton dans les différents lacs suisses suivant le profondeur, la température de l’eau et l’altitude.l divise les lacs suisses en quatre catégories, offran chacune une faune spéciale : 1° Les grands lacs de la plaine, jusqu’à 750 mètre (lac de Genève, de Thun), lacs profonds et chauds (lac de Neuchâtel), et lacs peu profonds, avec des associations fauniques également très tranchées: 2% Les petits lacs de la plaine, caractérisés pa les Daphnia longispina, Bosmina longirostris,"e auxquels manquent les Zythothrephes longimanu et Posmina coregont. | 3° Les lacs des Alpes, au-dessus de 750 mètres avec les Daphnia longispina et Diaptomus denticot nis; les B'ythothrephes et Leptodora font défaut: | E 4 1 Phil. Transact, 1900. ? Rev. Suisse de Zoologie, 1900, - | D | 4° Les lacs du Jura, sans caractères bien tran- chés. Certains Crustacés offrent des variations fort Curieuses qui affectent particulièrement le Fosmina “coregoni; chaque lac en possède, en effet, une 4 locale particulière qui change de l'une à l'autre. Burkhardt a comparé toutes ces variations et il les réunit en sept groupes principaux. Les Daphnia hyalina offrent des variations analogues, mais dans cerlains lacs seulement. Une remarque semblable peut être faite au sujet des Corrégones, «Ces variations tiennent à ce que les lacs de Suisse ne sont pas reliés par des cours d'eau à courant peu rapide et qu'en ce pays tous les cours d’eau ont le caractère de torrents. Les migrations étant ainsi rendues impossibles, les individus restent éparlis en colonies qui varient dans des directions “différentes. Des remarques analogues ont été faites par Minnie Enteman sur les Daphnia longispina des lacs du Wisconsin. Dans un autre travail très documenté’, Bur- hardt étudie plus spécialement le lac de Neuchâtel mA 1 point de vue des variations diurnes et saison- ières et de la distribution en profondeur du Plankton. C'est en juillet que le Plankton est le plus abondant, et ce maximum est suivi d'une dimi- nution qui devient très rapide en octobre et se con- linue jusqu’en décembre, puis la quantité se relève : en février on observe un nouveau maximum, plus aible qu'en juillet, et suivi d'une nouvelle diminu- lion. Furman* a fait, de son côté, des constatations analogues dans le lac de Neufchàtel, et Yung* a également trouvé dans le lac de Genève deux maxima : l'un en juin et l’autre en décembre, celui-ci moins marqué, et deux minima : l'un à la fin de l'hiver et l’autre à la fin de l'été. En ce qui concerne la distribution du Plankton en profondeur, Burkhardt établit quatre zones : 1° La zone des Rotifères, qui s'étend de la sur- face jusqu’à 20 ou 30 mètres ; 2 La zone des Cladocères, qui s'étend jusqu'à 70 mètres en été et 150 mètres en hiver; - 3° La zone des Copépodes, qui descend jusqu'à 80 mètres en été et jusqu'au fond en hiver; 4 La zone abyssale qui ne renferme que quel- ques formes très rares (Triarthra longiselta). . Comme on le voit, les limites de ces zones varient en été et en hiver. En effet, de juin à septembre, les couches au-dessous de 80 mètres paraissent être inhabitées ; en octobre, on trouve déjà à 100 mètres les Diaptomus laciniatus, qu'on rencontre en no- F Fa —… 2 Mith. Naturf. Ges. Luzern. III, 1900. & ©? Arch. Sc. Phys. Nat. Genève, 1899. —… © Archives des Sciences phys. el nat. Genève, 1899, R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 187 dépassent celte profondeur. Puis, à mesure que l'été s'avance, les profondeurs se dépeuplent progres- sivement. Le Plankton capturé entre 100 et 200 mè- tres représente, de juin à septembre, 0 à 0,2 °/, de la quantité totale, et de janvier à mars 10 à 20 °/, de cette quantité. Ces migrations saisonnières sont assez difficiles à expliquer. Burkhardt pense que les animaux suivent dans leur chute les Diatomées ét les Anu- rées qui meurent à la fin de l'été et dont les cada- vres tombent au fond du lac. En hiver, les pêches profondes ramènent effectivement de grandes quantités de ces algues mortes. En été, les ani- maux remontent vers les couches superficielles qui se peuplent d'algues dont ils font leur nourriture. Les oscillations diurnes du Plankton ont déjà été observées dans les lacs suisses et Burkhardt à remarqué qu'elles variaient beaucoup d'amplitude, non seulement suivant l'éclairage et l’état de l’at- mosphère, mais aussi el surtout suivant les espèces considérées. Elles sont à peu près nulles chez les Rotifères tandis qu'elles sont très marquées chez les Bosmina coregoni, Leptodora hyalina et Cyclops; mais ce sont les Bithothrephes longimanus el certains Diaplomus qui offrent les plus grandes oscillations, celles-ci pouvant atteindre 20 et même 50 mètres. Ces faits, confirmés par Fuhrman, ont été ézale- ment observés par Yung dans le lac de Genève. Or, on sait, d'autre part, que ces oscillations n'exis- tent pas dans les lacs de l'Allemagne du Nord. A quoi lient cette différence? Incontestablement à cette circonstance que ces derniers ontune eau peu transparente et que les algues, qui y sont très abondantes, forment à la surface une couche absor- bant une grande partie des rayons lumineux. Les espèces très sensibles à la lumière peuvent donc séjourner dans les couches superficielles. Au con- traire, dans les lacs suisses, dont l’eau est d’une si remarquable transparence et où les algues sont peu abondantes, ces mêmes espèces devront s'enfoncer pendant le jour et n'’apparaïtront que la nuit à la surface, ainsi que le font les animaux pélagiques marins. La faune des marais salants de Lorraine, qui sont dus à la présence de dépôts triasiques de sel gemme, et dans lesquels la salure varie beaucoup, a fourni à Florentin" matière à d’intéressantes obser- valions. Cette faune est surtout très riche en Pro- tozoaires (Rhizopodes, Flagellés et Infusoires), mais n'offre qu'un nombre relativement restreint de Métazoaires appartenant à différents ordres : Néma- todes, Turbellariés, Rotateurs, Gastérotriches, Oli- gochètes, Crustacés, Insectes, Batraciens, Poissons. 4 Ann. Sciences Naturelles, Zool., 1899, 188 R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE La plupart de ces formes vivent dans les eaux douces du voisinage, mais d'autres ne sont connues que dans la mer et quelques-unes sont spéciales à ces mares. Quelle est l'origine de ces formes franche- ment marines? Florentin se refuse à admettre des immigralions passives el il est d'avis que les types marins, ainsi que Ceux qui sont propres aux mares salées, viennent de la transformation d'espèces d'eau douce. D'abord l'existence de formes propres aux mares, etque l’auteur peut facilement rattacher à des espèces des eaux douces voisines, est un argu- ment en faveur de cette manière de voir, mais il y a des preuves directes. Ainsi Florentin a pu suivre dans les mares la transformalion d'une Infusoire d’eau douce (Frontania leucas) en une autre espèce qui n’avait encore été trouvée que dans la mer. IL est à remarquer que les individus vivant dans l'eau salée des mares ne diffèrent ordinairement pas des échantillons de même espèce vivant en eau douce. Cependant des variations peuvent se pro- duire. Chez les Protozoaires, les changements portent sur la laille et surlout sur la structure du protoplasma qui devient plus ou moins vacuolaire:; les Infusoires offrent des varialions parfois consi- dérables dans leur appareil ciliaire. Chez les Epino- ches, les changements portent sur la taille et le nombre des plaques latérales. S 2. — Faunes marines. Les publications auxquelles ont donné lieu les grandes expéditions zoologiques se sont continuées en 1900 faisant suile aux volumes antérieurs. Trois fascicules de la Nordske Nordhavs Expedition sont consacrés aux Thalamophores, aux Bryozoaires et aux Hydraires.Les Résultats des Campagnes scien- tiliques du Prince de Monaco se sont accrus des Nudibranches étudiés par Bergh, des Géphyriens étudiés par Sluiler, d’un supplément aux Décapodes dû à Milne Edwards et Bouvier, et enfin d'un très important travail de Chevreux sur les Amphipodes, où sunt décrites 173 espèces dont 39 nouvelles. Les Bulletins etles Mémoires du Juseum of com- paralive Zoology at Har ward College renfermentles travaux de Lütken et Mortensen sur les Ophiures et de Garman sur les Poissons recueillis par l'A /ha- loss, ainsi qu'un grand Mémoire d'Agassiz sur les iles Fiji et leurs récifs coralliens. Goldsborough Mayer, après avoir décrit les Méduses des iles Tor- tugas (Floride), fait observer qu'elles se rappro- chent beaucoup plus de celles du Pacifique sud que de celles de la côte occidentale d'Afrique, des îles Canaries par exemple. Au contraire, les Siphono- phores des îles Tortugas sont voisins de ceux des iles Canaries. Un nouveau fascicule, consacré aux Alciopidés et aux Tomoptéridés et dû à Apstein, s'est ajouté aux ÆErgebnisse de lExpédilion du Plankton. Tandis que les Tomoptéridés sont abondants partout, les Alcio- pidés sont plutôt rares et, sur 801 pêches exécutées par le National, G96 n'ont pas fourni un seul Alciopidé, 96 ont fourni un seul individu et une seule en à fourni 44. Les individus sont done peu abondants et les associations très rares. La Commission pour l'étude des Mers allemandes, a publié d'intéressantes recherches de Heincke eb Ehrenbaum sur les œufs et les larves des Poissons du golfe de Kiel. Les auteurs décrivent avec beau- coup de détails les œufs pélagiques et indiquent les caractères qui permettent d'arriver à une détermi- nalion précise. Dans le même volume, Dunker s'occupe de la variation et de l'assymétrie chez le Flet et donne des stalisliques sur la varialion dans la posilion des yeux. la taille du corps, le nombre des rayons des nageoires, etc. Willey ! a continué la publication de ses Zoological results; les deux derniers volumes renferment une série de monographies sur les Crustacés, les Bryo- zoaires, les Hydraires, les Alcyonaires de la Nou- : velle-Guinée, ainsi que ses recherches sur les Enté- ropneustles dont j'ai parlé plus haut. Je signalerai enfin une nouvelle publication, qui n’est encore qu'à ses débuts, sur la faune des côles d'Australie, d'après les résultats de l'Expédition de la « Z'ethys »: les Poissons et les Crustacés ont déjà paru. Parmi les travaux relatifs à la faune de nos côtes, il faut mentionner ceux de Roulesur les Zoanthaires de Corse? et de Lacaze-Duthier sur les Alcyonnaires du golfe du Lion‘. Topsent continue ses Études mo- nographiques des Spongiaires de France : son nou- veau Mémoire a pour objet les Hadromérines. Ce groupe renferme des Eponges fort répandues ct remarquables par leurs caractères extérieurs : aussi ont-elles fréquemment attiré l'attention des nalu- ralistes qui, malheureusement, le sont décrites sous les noms les plus différents. Une révision de ces formes s'imposait absolument et Topsent s'en est acquitté avec la compétence qu'on lui connait *. Nansen * a publié le premier volume des Résullats Scientiliques de son Expédition polaire (1893-96). On y trouvera un mémoire de Nansen et Collet sur les Oiseaux polaires et un autre de Sars sur les Crus- tacés pélagiques recueillis parle Fran. Les formes dominantes sont les Copépodes, mais la plupart des espèces sont identiques à celles qui ont déjà été M trouvées à des latiludes moins élevées. F. Rômeret F. Schaudinn ont entrepris, sous le nom de Fauna Arctica, Vélude des collections qu'ils ! Mém. of the Austral. Museum, 1899 et 1900. ? Bull. Soc. Zool., France, 1900. * Arch. Zool. Exp. 1900. * Arch. Zoolog. Expedil., 1900. 5 J'he Norvegian North Polar Expédition. Vol. 1. 1900. R. KŒHLER — REVUE ANNUELLE DE ZOOLOGIE 189 ê ont recueillies en 1898 dans les parages du Spitz- —… berg. Les deux fascicules qui ont paru renferment - une série de monographies des Hexactinellides, - des Nématodes, des Baleines, des Cirripèdes, des « Décapodes, des Échinodermes, et la description d'un nouveau Proneomenta. L'intérêt qu'ils offrent lient non seulement aux descriplions des espèces, mais aussi à la revision que les collaborateurs s'astrei- gnent à faire, à propos de chaque groupe, de toutes les formes arctiques connues. La relalion générale du voyage renferme, en outre, d'impor- “tantes observations sur la distribulion des faunes sur les côles du Spilzberg. Deux courants marins “convergent vers ces iles : un courant chaud venant du sud, qui s'élale sur les côtes ouest et nord-ouest, et un courant froid venant du nord, qui suit la côte nord-est. Or la richesse de la faune sur la côte est “et nord-est contraste avec la pauvrelé des côtes ouest el nord-ouest. Celles ci n'offrent,en effet, que “des Échinodermes, assez abondants, à la vérilé, des Pantopodes, quelques Mollusques, et un très petit nombre de Foraminifères. Sur les côtes esl, on trouve au contraire d'épaisses forèls d'Hydraires et de Bryozoaires; les Aclinies, les Éponges calcaires, les Ascidies, les Alcyonaires, les Annélides, les Crus- tacés, ete., sont Lrès nombreux. EF. Rômer et F. Schaudinn ont rencontré, au nord du Spitzhberg, vers 81932 lat. N, et à une profondeur de 41.000 mèlres el au-dessus, une faune abyssale tout à fait parliculière, qui diffère “de la faune des autres parages du Spitzhberg et de celles des régions arcliques en général. Celle faune est caractérisée par des Éponges siliceuses, Telra- xouiés et surtout Hexactinellides, d'une abondance extraordinaire; par des Alcyonaires,des Pennatules, et de nombreux Foraminifères. F. E. Schultze, qui étudié ces Hexaclinellides, n'y a rencontré que des genres nouveaux. Quand cette faune sera con- nue, il sera de la plus grande importance de la comparer à la faune antarclique abyssule, et les résultats de celte comparaison permettront peul- êlre de résoudre la que des enfants provoqués par des fruits contaminés a poussière et des poils irritants de la chenille du Ebrun (Liparis Chrysorrhwa). — Le même auteur a rvé trois cas de pseudo-parasilisme du Cheliler neroïdes chez des enfants dont la tète portait de breux poux. — M. Wlaeff pense que les blastomy- S virulents peuvent êlre la cause des néoplasmes ins et que le sérum des animaux immunisés doil e considéré à l'heure actuelle comme un des meil- eurs traitements à leur opposer. — M. Borrel, sans loir nier les résultats obtenus dans le traitement des céreux par le sérum d'oies immunisées, considère 1e la théorie blastomycélienne du cancer est loin ire prouvée. — M. G. Leven a constaté que la rétion de l'urée est constante chez l'adulte normal ont le régime alimentaire ne varie pas. — M. E. Rataud ose l’évolution morphologique de l'encéphale des opes. — MM. P. Nobécourt et Bigart ont observé ue le péritoine ne constitue pas un lieu de formation la substance agglutinante. Celle-ci n’est pas répartie lans la même proportion dans les différentes humeurs AUADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197 de l'organisme. Elle est toujours au maximum caps le sérum sanguin; elle est moins abondante dans les sérosités. — M. F. Dévé montre que deux formations échinococciques, les vésicules proligères et les scolex, peuvent donner naissanc» à des kystes hydatiques. Pour éviter l'échinococcose secondaire post-opéraloire, il faudrait donc tuer les germes échinococciques dans le kyste par une injection tænicide faite avant l’ouver- ture large de la poche. — Le même auteur montre que des ky-tes sous-séreux peuvent provenir de germes échinococciques lombés dans la cavité périlonéale. II y a donc possibilité de récidives de kystes hydatiques aux dépens d'un débris de membrane hydatique aban- donné dans une plaie. — M. J. Pellegrin a constalé que les Ophidiens, soumis [à la privation complèle de nourriture (aliments et eau), meurent beaucoup plus rapidement que ceux qui ont de l'eau, mais pas d'aliments, à leur disposition. Toutefois la perte de poids est à peu près la même dans les deux cas. — M. M. Nicloux à déterminé la capacité respi- ratoire du sang du fœtus à diverses périodes «le la vie fœtale ; elle est à peu près constante entre six mois el demi et neuf mois, Le sang ne subit donc que des varia- tions à peine marquées dans la fixation de l'oxygène. — M. E. Jeanselme, qui à étudié le tokelau dans l'Indo-Chine francaise, est arrivé aux mêmes conclu- sions que M. Tribondeau en Océanie : cette maladie est une dermatomycose aspergillaire. — MM. Ch. Achard et L. Gaillard ont constaté que le rein malade, qui laisse passer l’albumine, laisse aussi passer la caséine. Inversement la caséine, en traversant un rein sain, le rend perméable aux albumines. A très .pelile dose, la caséine ne passe pas dans l'urine. — MM. J. Cluzet et H. Frenkei ont déterminé la tension super- ficielle des urines. A l'état normal et pathologique, elle est presque toujours inférieure à celle de l'eau distillée. Les sels minéraux l'élèvent et les matières organiques l’abaissent; les sels biliaires, en particulier, ont une très grande influence. — M. R. Dubois rappelle qu'il a employé, pour la première fois, en 1883, le procédé de dialyse des ferments qui se trouvent dans l'intérieur des tissus par l'action des vapeurs anesthésiques. SOCIÈTE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du A Février 1901 (suite). M. Ponsot, à la suite de la communication de M. Guillaume, signale le fait suivant : En étudiant un thermomètre, il a déterminé directement la correc- tion de pression intérieure à faire subir à la lecture d'un thermomètre placé verticalement, en faisant des lectures successives, le thermomètre élant alternative- ment horizontal et vertical, à température fixe et cela en des points très nombreux de la tige thermométrique. La courbe représentalive de ces corrections, eu prenant pour abscisses les divisions du thermomètre, présente des maxima et des minima. De la courbe des corrections de calibrage, M. Ponsot à déduit pour chaque point du thermomètre des longueurs équivalentes ou correspon- dant à un volume invariable. Il a constaté que les maxima de la courbe de correction de la pression inté- rieure correspondaient aux points où les longueurs équivalentes étaient aussi maxima. Il en conclut que, malgré les variations de la section intérieure du tube thermométrique, ainsi mises deux fois en évidence, 1/ n'y a pas eu d'erreur sensible où mesurable provenant de la variation de la pression capillaire. M. Guillaume, répondant à M. Ponsot, insiste sur le fait que la correc- tion de calibrage est toujours appliquée aux résultats bruts avant qu'on les soumette à d’autres calculs. Cette première correction une fois faite, on ne trouve plus aucune relation entre la correction capillaire et la forme du tube; ou tout au moins cette relation, qui existe en théorie, est entièrement masquée par une autre cause de variation indépendante de la forme du tube. — M. A. Broca : Causes de variation de lacuité visuelle. Quand l'œil regarde des détails de formes, 198 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES son pouvoir de définition n’est pas limité, comme dans le cas des instruments d'optique, par la seule ouver- ture de son système centré. Les propriétés multiples des milieux transparents de l'œil et de la rétine inter- viennent. C’est ainsi que l’acuité visuelle diminue quand l’ouverture de la pupille augmente. Cela tient aux aberrations des bords de la cornée et du cristallin. Quand on prend pour fest-objet une série de lignes pa- rallèles blanches séparées par des intervalles égaux noirs, on mesure avec une grande précision (3 °/,) le moment où l’on ne distingue plus qu'une plage grise. Une première question se pose: l'angle résoluble, dans ce cas, est-il le même que dans la vision des lettres”? On trouve qu'il en est ainsi. On peut se demander comment on lit: si c'est en comptant les jambages des lettres. En essayant de compterles traits du test-objet, on voit qu'on ne peut les compter que pour une distance beaucoup plus faible, c'est-à-dire pour un angle sous-tendu beaucoup plus grand. Donc la lecture ne se fait pas de cette façon ; chaque caractère est un individu dont nous reconnais- sons la forme à première vue. L’acuité visuelle varie avec la couleur (Macé de LépinayetNicati)et aussi avec l'inten- sité lumineuse. De nombreux auteurs ont montré que la variation de l’acuité visuelle entre les éclairements pris sur un papier blanc pour deux ou trois bougies à un mètre et les éclairements les plus forts qu'on peut réa- liser, est très minime. Puis, au-dessous de cet éclaire- ment, la variation est très rapide. Si donc on fait de la photométrie par l’acuité visuelle, on n'aura debons ré- sullats que pour les éclairements faibles. Pour ceux-ci d'ailleurs, la méthode par comparaison des plages est moins bonne ; les deux méthodes ne peuvent donc se remplacer, mais se complètent. On peut se demander comment varie la courbe à l’origine. Charpentier a montré l'existence d'un minimum visuel plus élevé que le minimum lumineux, et pour lequel l’acuité visuelle prend très vite une grande valeur. Cela montre que la courbe d’acuité visuelle en fonction de l'intensité coupe l’axe des iutensilés en un point de sa région positive, et sous un angle de 90. L'adaptation n'a pas d’in- fluence pour les très basses intensités (Charpentier). L'auteur a vu que, en utilisant un test-objel petit, se détachant sur un fond complètement noir, l'adaptation n'a pas d'effet pour les éclairements élevés; elle en a au contraire pour les éclairements moyens {trois à quatie bougies-mètre). Cela tient probablement à ce que la pupille, dans le cas des éclairages élevés, est toujours resserrée, dans le cas des éclairages faibles est toujours au maximum, dans le cas des éclairages moyens se resserre un peu par l'adaptation, qui joue le rôle d’une augmentation de la sensation. Quand on cherche l’a- cuité usuelle ou le pouvoir de définition pour des plages LES : ayant un rapport ï d'intensité fixe, et non pas seulement pour des plages noir sur blanc, la question se complique. Kolbe fit en 1885 quelques expériences à ce sujet. L'au- teur les a reprises par une méthode plus précise et plus ! commode, qui lui a permis de les compléter. Pour compris entre 0 et 0,75 (acuité visuelle 1, c’est-à-dire résolution d’un angle de pue minute), la définition de l'œil ne change pas. Pour ï compris entre0,075et0,15, la variation est rapide (de 1 à 0,92); puis elle devient lente pour . compris entre 0,15 et 0,6 (de 0,92 à 0,8). La variation est ensuite rapide. Ceci a lieu pour I—40 bougies-mètres environ. Pour 1=—7 bougies-mètres : : rie il : environ, l’acuité visuelle pour T— 0 est de 0,9,oùelle l' se maintient jusqu'à Te 0,1. La {re zone de variation rapide est moins accentuée, et la zone de variation lente U 2e : El! A Re s'étend jusqu'à ñ => 0,5 environ. Quand on étudie l'in- fluence de l'éclairage pour la valeur de - — 0,5, on vo que la courbe d'acuité baisse beaucoup plus tôt. que pour = ses conditions, une bonne adaptation. C'est le cas où se trouve en radioscopie ; l'adaptation permet, commen l’a indiqué M. Béclère, de voir beaucoup mieux LL — 0, On comprend de quelle utilité est, dans détails dans ce cas. Quand : tend vers 1, le problèm devient celui de la photomètrie ordinaire. Charpentier a montré qu'avec une seule plage entourée par la plaf de comparaison, pour les éclairages faibles, la fractio différentielle diminuait quand la surface augmentai Il fallait voir ce que devenait ce phénomène : 1° pol les intensités élevées ; 2° pour des plages alternative On sait, en elfet, que, dans ce cas, la fraction différer tiable diminue. L'auteur a entrepris cette question moyen du disque de Masson (un trait interrompu St fond blanc; quand il tourne, on a des anneaux £f dont on peut calculer le rapport au fond blanc pan loi de Plateau). Il a vu dans ce cas que la grandeur à Ï suivant ur loi bien nette. Le fait intéressant à faire ressortir a gulaire des plages résolubles variait avec : ë I-' 1 point de vue pratique est la valeur de : perceptib : : II en fonction du diamètre apparent. n tend, dans conditions de l'expérience, vers 0,008 pour des dia tres apparents de 45! à 20!. Au-delà, la sensibilil de l'œil baisse un peu. Il y a donc intérêt à employé des plages photomètres alternantes, vues sous le di mètre apparent de 15! à 20'. Pour des diamètres appé rents compris entre 15! et 10!, la fraction d’intensil différentiable varie de 0,008 à 0,0095. Puis la variatio devient très rapide, la fraction différentiable n’étan plus que de 0,025 pour un diamètre apparent de plage de 5. Ces expériences ont été faites par un beau jou près d’une fenêtre bien éclairée. — M. Raveau rappell comment M. Wood est parvenu à obtenir des image d'ondes aériennes émanant d'une élincelle électriqu par l'emploi de la méthode de Tipler (Schlierenme thode), qui est une extension du procédé inventé pa Foucault pour rendre directement visibles les défau d'un miroir ou d'un objectif’. Les seize photographié projetées par M. Pellin représentent, en leurs phase successives : la diffraction par un petit écran; la for mation d’un train d'ondes régulières par la réflexiol sur un escalier; la réflexion d'une onde sphérique part miroir plan; la réflexion par un miroir cylindrique ci culaire ; deux cas de réflexion par un miroir demi-cir@l laire ; la réflexion par un miroir elliptique complet Al transformation d'une onde sphérique en onde plane pa un miroir parabolique; la même transformation pk une lentille pleine d'acide carbonique; la réflexion pa une surface mamelonnée avec production d'ondes pat géniques; le passage d'une onde à travers un réseal la diffraction par un petit trou; deux cas de réfractio par une surface plane; la réfraction par un prism d'acide carbonique et par un prisme d'hydroyène. Le clichés, mis en vente par la maison Newton et Gi Londres, appartiennent au Laboratoire d'Enseigne me de la Physique, à la Sorbonne. Séance du 15 Février 1901. M. P. Lemoult communique ses recherches sur spectres d'absorption de quelques matières colorant artilicielles, recherches entreprises dans l'espoir trouver une caractéristique propre à chacune 1 Voir Philosophical Magazine, t. XLVIW, p. 218, août 189 et t. L, p. 148, juillet 4900; Mature, t. LXIT, p. 342, 9 aoû 1900 et Journal de Physique (3), t. VIL, p. 621 et Là p.12. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 199 principales familles que forment ces substances. Il Sest adressé d'abord aux colorants du triphénylmé- CSIT*.AZH® 4 ne OI C—C°H'.AzH* (ou OH) NC C°H5.AzH? (ou OH) dans lequel la ou les substitutions azotées, situés en “para du carbone central et qui donnent à la molécule n caractère de colorant, sont appelées groupes auxo- Chromes ; l'atome d'azote est dit, en outre, primaire Suil est lié à deux atomes d'hydrogène, secondaire lors- Qu'un des H est remplacé par un radical gras ou aroma- tique et tertiaire lorsque les deux H sont remplacés par es radicaux. Les autres substitutions qui peuvent être effectuées sur les atomes d'H du noyau C°H* et qui n'ont as d'influence sur le caractère colorant de la molécule nt appelées groupements non significatifs. Pour ndre possible les comparaisons, les spectres d'ab- rption ont été observés sur des solutions d'une lution constante (une molécule-gramme dans 1000 li- tres d’eau) et sous une épaisseur invariable (6 mm.). l'on examine les spectres ainsi obtenus pour les divers colorants du triphénylméthane, on constate que les uns comprennentune bande lumineuse relativement étroite située dans la région du rouge, tandis que les tres comprennent, outre. une bande de cette nature, ane autre (allant du bleu au violet) qui occupe une position variable avec chaque corps, et qui est, en général, beaucoup plus large que la première. La bande rouge apparait donc déjà comme un caractère commun aux substances étudiées; mais de plus, ce actère commun est le plus persistant de tous car, si Von observe un même colorant, on constate que la “position et l'étendue des bandes se modifient avec la lution et l'épaisseur, mais que la bande rouge per- ste alors que les autres ont disparu par suite d'une lution moindre ou d’une épaisseur plus grande ; elle onstitue donc un caractère de famille qui survit à effacement des caractères individuels. Si, maintenant, Non observe les divisions occupées par le milieu de ces bandes rouges, on constate que, pour tous les colorants possédant deux groupements auXochromes avec azote tertiaire, le milieu occupe toujours la division 21 du Spectroscope, tandis que pour les colorants à trois groupements auxochromes tertiaires, le milieu de la lande est toujours à la division 32, et cela quels que Soient le nombre, la nature et la position des groupes TAgLEau |. — Rapport du ménisque au ray michel et Bayrac, d'après lui, s'explique très bien par le fait que ces savants ont opéré sur des indophénols ayant {ous un azote tertiaire. Si l’on prépare des indophénols ayant, par exemple, un azote primaire, la bande rouge devra probablement se déplacer. C'est ce que M. Lemoult a observé. Tandis que pour les indo- phénols à azote tertiaire de MM. Camichel et Bayrac, le milieu de la bande rouge correspond à la division 7,5, pour les indophénols à azote primaire de l’auteur, il correspond à la division 16, Ainsi, dans une même famille, les colorants qui n’ont pas la même bande rouge diffèrent donc par un élément essentiel : la nature ou le nombre de leurs groupes auxochromes azotés. Ces faits peuvent s'exprimer ainsi: Les colo- rants à spectre d'absorption discontinus présentent à une bande rouge dont le milieu est fixe (pour une dilution moléculaire et une épaisseur invariable) tant que la molécule ne se complique que de substances non significatives, tandis que le milieu de cette bande se déplace très sensiblement quand on modifie le nombre des groupements auxochromes azotés tertiaires. C'est ce qu'on pourrait appeler la loi des groupements auxochromes azotés. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 26 Janvier 1901. 10 SciENCES PHYSIQUES. — M. J.-D. van der Waals pré- sente au nom de M. G. Bakker: Contribution a la théo- rie des substances élastiques. L'auteur suppose que les forces élastiques, qui ne se présentent que dans le cas de très petites distances, dépendent de la fonction poten- tielle'— fe —# r — 1, où r désigne la distance. Jl déduit les relations 2U — 30 — (S,ES,—HS,), 2B—S,+S,—HES., où U, B, @ indiquent respectivement le viriel des forces extérieures, celui des forces d'attraction moléculaires et la pression thermique au point considéré, tandis que S,, S., S, représentent les tensions moléculaires dans les directions des axes principaux de pression. Ensuite, il trouve que la différence des tensions par unité de surface dans la direction des lignes de force et dans la direction perpendiculaire est égale au triple du travail nécessaire pour une raréfaction infinie de la substance, augmentée du double du viriel des forces d'attraction moléculaires. Enfin il s'occupe de la dilatation et applique ses résultats à l’allongement d’un prisme, à la dilatation d'un cylindre creux et d’une calotte sphé- rique, au piézomètre d'Oersted. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M. J.-C. Schalkwijh : /so- thermes de précision. 1. Mesures et calculs sur la cor- on du tube dans un thermomètre à mercure. R en centimètres 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,05 0,00126 0, 00252 0, 0038 0, 00506 0,00637 0,00773 0,0091 0,0107 0,1 0, 00252 0,0050% 0,0076 0,0102 0,0128 0,0155 0,0183 0,0213 0,15 0, 00876 0, 0076 0,011% 2 0,01! 0,0192 1 0,02324 0,027 0,0318 0,2 0, 00505 0,0103 0,0155 0 ,0206 0, 0,0310 0,0366 0 ,0426 0,25 0,0065 + 0,0151 0,0196 + 0,0261 £ 0,0327 0,0393 0,0462 0,0536 0,3 0,0080 0,0159 0,0239 0,0320 0,0401 0,0566 0,0657 0,35 0,0093 £ 0,0188 0,0283 0,0384 0,0489 0,0700 0,0815 0,4% 0,0108 + 0,0218 0,0331 0,0453 0,0383 0,090 ‘substituants non significatifs, A la suite d'observations de MM. Camichel et Bayrac, qui ont étudié antérieure- “ment le spectre d'absorption des matières colorantes du groupe des indophénols, et annoncé qu'il renferme ne bande rouge de position invariable, M. Lemoult a repris l'étude de ces colorants. Le résultat de MM. Ca- rection pour le volume du ménisque de mercure chez les étalons de manomètre à gaz (suite, voir Rev. gén. d. Se., t. XII, p. 151). L'auteur continue ses recherches théoriques et expérimentales sur la forme de la courbe méridienne de la surface de révolution du ménisque de mercure ; il résume ses résultats sous forme de gra- 200 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES phiques et dans le tableau I à double entrée, faisant con- naître le volume du ménisque en cmc. quand on donne le rayon R du tube capillaire en centimètres, et le quo- tient à de la division de la flèche du ménisque par R. Dans ce tableau, les volumes ne différant pas sensi- blement de ceux des segments sphériques correspon- dants sont imprimés en pelits caractères; les résultats montrant une différence assez importante avec ce rap- port ont été soulignés, et Les volumes imprimés en ila- lique ont été obtenus à l’aide d’extrapolations. Dans le cas R — 0,5, à — 0,14, l'auteur trouve 0,045, tandis que le segment sphérique correspondant donne 0,0365; ainsi la différence se monte à 23 °/,, tandis que les fautes admises dans les isothermes de précision ne sur- passent pas 3°, — M. H. W. Bakhuis Roozebonn pré- TABLEAU IT, CONCEN- TRATION à LE Dane en ÉRIUE Ke Li Ê (+ 245 2) Ap 000 a 1.863 |1,863 r0/| Po 2 ps me H20 1,0107 |2,0897| 1.122 ECS 0,02036 0,02015 0,5056 |0,9892! 0,5310 0,5 0.009600 [0,00955% 0,2500 |0,4806! 0,2580 0,258 0.002657 [|0,004646 0,1250 0.2372| 0.1273 (URL 0.002295 |0,002292 0,0652 |0,1230! 0,06602 0.060605 0,001190 |0,001189 0.0285 |0.0532| 0.02856 0,02857 0,0005147 |0,005147 sente, au nom de M. A. Smits, deux mémoires: 1° Déter- mination de la décroissance de la tension de vapeur de la solution de Na à des températures élevées. Ce tra- vail fait sule aux travaux antérieurs de l'auteur (voir Rev. gen. “deuSc.,\t.X, p.887, Mt. "XI, p-1224, 1028): 20 Remarques sur les résultats de la détermination de la décroissance de la tension de vapeur et de l'abaisse- ment de la température de congélation de solutions pas trop diluces. A l'aide de la théorie du potentiel thermo- dynamique, M. J.-J. van Laar a développé (Zeritschr. [. physik. Chemie, t. XV, p. 457, 1894) des formules très exactes pour la décroissance de la tension de Tagceau II. CONCEN- nel ac |Ar /, A:\lAp 1/Ap\! 4p MAP & + lee ) E( 2) [! 1.000 œr. : ES ASE Po 120 1,0000 |3,1237| 1,538 1,8610 0,03353 |0,03297 0,887 |1.6154| 0,8993 0,9048 0,016: 0,01617 0,2393 |0,8211| 0,4407 0 ,4420 0,007962 |0,007930 0,1179 |0,4071| 0,2188 0,2191 0,003947 |0,003939 0,05829 |0.2073| 0,1113 0,111% 0,002007 |0,002005 vapeur et l’abaissement du point de congélation. Il trouva : log ——f—Tloge, AT = To—T— où p, et p désignent la tension de vapeur du milieu solvant et de la solution, tandis que €, f, +, &, R, S indiquent respectivement la concentration, une cons- tante qui disparaît pour des solutions très diluées, les températures d'ébullition de la solution et du milieu solvant, une constante et la chaleur moléculaire de fusion du milieu solvant. L'auteur, en négligeant les puissances supérieures à la seconde, en déduit par combinaison, pour le cas de l’eau comme miliéu sol- vant : 3 Ap , 1/Ap\° 18,016 As Po ü 5(2) mnt ax(1 ] =). Ainsi, il trouve à l’aide des déterminations du point de congélation de M. Raoult (Zeitsch. f. physik. Chen, t. XXVII. p. 638) sur le sucre de canne, le tableau IH Les résultats de ce tableau correspondent assez bieïh avec ceux obtenus par l’auteur, les déviations ne sur passant pas 21 pour mille. Dans le cas de NacCl, les dé terminations de M. Raoult donnent le tableau III. À contraire, les résultats de ce tableau ne s'accordent nullement avec ceux de l’auteur, les dévialions mon: taut de 56 à 136 pour mille, quand la concentration diminue de 1 à 0,05829. La valeur de Ap de M. Raoul surpasse toujours celle de M. Smits. L'auteur croil que M. Raoull a commis une erreur, déjà accusée par Ap N 11 décroissance de la quantité 1 —--.-—,où — repré 3 N + n sente la concentration. 20 SCIENCES NATURELLES. — M. F,. À. F. C. Went : Sun l'influence de la nutrition sur la sécrétion des enzymes par Mouilia sitophila (Mont) sace. Le champigno Monilia Ssitophila est employé dans l’île de Java pou faire fermenter de petits gâteaux de graines d'Ara® chides. Il a une couleur orange très prononcée, lors® qu'il se développe à la lumière; dans l'obscurité, il resté blanc. Ce sont les rayons bleus et violets qui exercent cette influence sur la production du pigment; ur éclairage d'un quart d'heure suffit pour faire appa raître, quelques heures après, une couleur rose. [/ali= ment carboné du champignon peut être très varié quoique les hydrates de carbone et particulièrement le raffinose, le maltose, l’amidon, la dextrine, la cellu: lose soient préférables. Comme aliment azoté, on peut choisir les peptones aussi bien que les amides et les sels inorganiques (sels ammoniacaux, nitrates, nitrites). Le Wonilia vit assez bien sans oxyyène libre en produt- sant de l’alcoolet de l'acide carbonique. Le champignot secrète des enzymes : 1° une /ipase, qui saponifie les corps gras (en conséquence le lait se caille lorsqu'on y cultive le Monilia) : 2 une {rypsine, qui attaque les ma= tières albuminoïdes, les peptones, la gélatine, mais qui n'est sécrétée que lorsqu'une de ces substances se trouve dans le liquide nutritit ; 3° probablement une tyrosinase, parce que les milieux contenant des ma= tières albuminoïdes, ou des peptones, ou de la tyrosine sont colorés en brun par le champiguon ; # une znver= tase, qui intervertit le sucre de canne et est sécrélée dans des conditions de nutrition très diverses; ñ° un enzyme amylolytique (ou bien deux), qui change l'ami- don en (/-glucose avec l'intermédiaire d'une dextrine (plus tard le glucose est transformée en alcool, tandis qu'il se produit aussi une quantité d'éthers); 6° une eylase altaquant la cellulose ; 7° un enzyme qui hydro= lyse le maltose et qui est désigné par le nom de m»a1t0* glucase. Cette maltoglucase n'est sécrétée que lorsque l'aliment du champignon est hydrocarboné, ou bien quand il contient des corps albuminoïdes, ce qui s'explique par l'influence d'un reste hydrocarboné de ces substances. La sécrétion est très différente pour les divers hydrates de carbone, les plus efficaces étant le raffinose et le maltose, puis l’amidon, la cellulose et enfin le galactose, le xylose, le glycogène, le sucre de canne ; le maltose doit être un terme intermédiaire de la transformation. Les quantités de maltoglucase sécrétées croissent avec la quantité de raffinose dans les liquides, jusqu’à une limite (environ 10 °/, de raffinose) ; en dé= passant cette limite, la quantité d'enzyme diminue. La pression osmotique du liquide n’influe pas sur le phé= nomène. En général la quantité de maltoglucase monte avec le développement du mycélium du champignon Les faits sont en désaccord avec l'opinion générales ment admise que la sécrétion d'un enzyme soit preuve de la faim des cellules. P. H. Scoure. { Le Directeur-Gérant : Louis OLIviEr. Paris. — L. MARETUEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, INPES 15 MARS 1901 DIRECTEUR : pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Revue générale “> 9 “Un Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $ 1. — Mathématiques Une nouvelle propriété de la Sphère. Les Surfaces pseudo-sphériques et la Géométrie non euclidienne. — De récents travaux viennent te mettre une fois de plus en lumière la différence qui xiste entre les théorèmes que l’on peut énoncer sur ne portion de surface, et ceux qu'on peut énoncer sur les surfaces entières. C’est ainsi que l’un des résultats les plus importants la Théorie générale des Surfaces est le suivant : Une rface étant donnée, il en existe une infinie variété d'autres qui sont applicables sur la première, c’est- ä-dire qui lui correspondent de manière qu'une ligne quelconque tracée sur l’une de ces surfaces ait même longueur que la ligne homologue tracée sur la surface donnée. Pour trouver une de ces surfaces, il suffit de houver une solution quelconque (à certains cas excep- tionnels près) d'une certaine équation aux dérivées Jartielles. \ Par exemple, il existe une infinité de surfaces appli- Gables sur la sphère; ce qui revient à dire qu'il existe ine infinité de surfaces ayant leur courbure totale constante. » Mais il faut se garder de donner à ces théorèmes une Signification qu'ils n'ont pas. Leur sens est celui-ci : Une portion suffisamment restreinte quelconque d'une Surface quelconque étant donnée, il existe d'autres portions de surface applicables sur la première. Supposons, au contraire, qu'il s'agisse de surfaces lières : alors les conclusions peuvent changer du tout tout. C'est ainsi que l'on a les propositions sui- La sphère est la seule surface YERMÉE ET SANS SINGU- RITÉS qui Soit à courbure constante positive; Lln'existe aucune surface fermée et sans singularités Qui soit applicable sur une sphère, sans lui être égale ; propositions qui résultent des travaux de MM. Min- owski, Liebmann, Hilbert, auxquels nous faisions lusion en commencant. . IL est même probable que, conformément à une vue déjà ancienne de Minding, et par analogie avec ce qui passe pour les polyèdres convexes d'après un théo- ème connu de Cauchy, le théorème de l’indéforma- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE bilité de la sphère s'étend à toute surface fermée et convexe. En tout cas, celte conclusion est d'ores et déjà établie pour une déformation infiniment petite. De même, si l'on cherche à déterminer une surface en se donnant, en fonction des cosinus directeurs de la normale, la courbure totale ou la courbure moyenne, on est conduit à une équation aux dérivées partielles aisée à former : il semble donc qu'on ait une infinité de solutions, dépendant de fonctions arbitraires. C'est bien ce qui a lieu pour des portions de surfaces, mais non pour des surfaces entières. Dans le cas de sur- faces fermées convexes, sans qu'il soit encore établi que la solution (si elle existe) est unique, on est déjà assuré que les solutions sont isolées, c'est-à-dire que, l’une d'elles étant donnée, il n’en existe pas d'autre infiniment voisine de la première. Enfin,.le même ordre de recherches a conduit M. Hilbert à la solution d’une question qui intéresse tout particulièrement l'histoire et les principes de la Géométrie. On sait que le procédé employé pour démon- trer en toute rigueur que la Géométrie non euclidienne né conduit à aucune contradiction consiste à réaliser cette géométrie par un changement convenable «pporté aux conditions dans lesquelles se place la Géo- métrie ordinaire. On avait cru tout d'abord arriver au but en remplacant le plan par une autre surface, la pseudosphère de Beltrami, laquelle est à courbure constante négative. Il n’en était rien : la pseudosphère, qui présente une ligne singulière, ne pouvait être uti- lisée que dans une région limitée à cette ligne et, par conséquent, ne pouvait représenter qu'une partie du plan non euclidien. Depuis, on a obtenu la démonstration demandée en remontant plus haut, en modifiant la définition même de la longueur d'une ligne. Mais il restait à savoir si la voie primitivement suivie permettrait de parvenir au même résultat, en remplacant la pseudosphère de Beltrami par une autre surface, également à courbure nésative, mais dépourvue de singularités. La question vient d'être résolue par la négative : une telle surface ne peut exister. Nous ne pouvons parler ici des raisonnements par lesquels ces différents théorèmes ont été établis. Disons seulement qu'ils nous montrent combien la rigueur et : 5 202 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE la généralité qu'on a introduites en Analyse dans ce siècle sont loin d'être des conquêtes stériles. Ainsi les démonstrations de M. Liebmann reposent toutes sur l'introduction d'une certaine surface auxi- liaire et sur la forme qu'affecte cette surface en un quelconque de ses points. Si cette surface était partout régulière, les raisonnements tiendraient en quelques lignes. Mais il n'en est pas ainsi : la surface en ques- tion a toujours des points singuliers. Il faut donc dis- cuter ces points et constater en toute rigueur que leur présence ne change pas les conclusions que l’on a en vue. De même. le raisonnement par lequel M. Hilbert démontre l'impossibilité d'une surface pseudosphéri- que partout régulière exige que la surface soit rappor- tée à ses lignes asymptotiques et que l'on discute si, dans les conditions où l’on se place, le choix de ce genre de coordonnées est légitime. $ 2. — Astronomie La Comète Giacobini (1900, c). — La dernière comète de l'année 1900 a été découverte le 20 décembre dernier, à l'Observatoire de Nice, par M. Giacobini, à l'aide de l’équatorial coudé de cet observatoire. Les observations se succédèrent tant à Nice qu'à Alger, par MM. Rambaud et Sy, à l’équatorial coudé de 0%,318 d'ouverture, et à Besançon, par M. P. Chofardet à l'équatorial coudé. Ces différentes observations n'ont pas encore permis de pousser beaucoup plus avant la connaissance de l'orbite, dont les éléments paraboliques ont été tout d'abord calculés par MM. Kreutz et Müller (de Kiel), puis, plus tard, par M. Campbell, de Mont-Hamilton. Le directeur des Astronomische Nachrichten pense que cette comète peut présenter un très réel intérêt, en raison de son mouvement direct et de la valeur de certains de ses éléments qui la rapprochent d'une classe curieuse de comètes dont le nombre s’accroit de jour en jour. C'est également l'avis de M. Perrotin; nous serons d'ailleurs bientôt édifiés sur ce point, si l’astre nouveau, dont l'éclat va s’affaiblissant, peut néanmoins être suivi assez longtemps pour permettre la détermination d'éléments ayant pour base un arc de courbe de quelque étendue. La queue de la comète s'étend en forme de panache dans un angle de position voisine de 45° et mesure de deux à trois minutes d'arc de longueur dans la lunette du grand équatorial de Nice; la nébulosité de la tête, régulièrement arrondie, entoure un noyau bien carac- térisé, de 11° grandeur environ. Cette découverte intéressante fait le plus grand hon- neur à M. Giacobini, qui, d'ailleurs, en récompense de ses importants travaux, vient de se voir décerner le Prix Lalande à l'Académie des Sciences. S 3. — Génie civil La Locomotive moderne et son avenir. — A la dernière réunion de la Société d'Encouragement pour l'Industrie nationale, M. Sauvage, le savant ingé- nieur des Chemins de fer de l'Ouest, a traité, devant un auditoire d'élite, la question des locomotives, qu'il connait si bien. Les principaux traits de sa conférence si substantielle ont été les suivants : La machine locomotive joue un rôle considérable au point de vue social, et ses progrès, comme vitesse el comme puissance, ont provoqué une véritable révolution dans la vie moderne. La construction et la conduite de toutes les locomotives existantes occupent plus d’un million de personnes. Il esttrès difficile d'établir le prix de revient réel d'une machine en service. On le rap- porte généralement à la tonne kilométrique trans- portée ou au voyageur transporté à 1 kilomètre, et on S'apercoit ainsi que l’on n'a pas intérêt à ménager outre mesure les organes du cheval de fer pour pro- longer son existence, d'autant plus que les besoins satisfaire se modifient très vite. Il n'y a pas à propre ment parler, depuis l’origine des chemins de fer, de gr changements dans les dispositions essentielles di machines; la distribution se fait toujours par tiro plan, et le changement de marche au moyen de la cow lisse, C'est sur une multitude d’autres points, qu paraissaient secondaires au début, que se sont port les perfectionnements, et chacun d'eux, résultat d’études constantes aussi bien en théorie qu’en. pratique est venu très utilement contribuer à améliorer Je rendement. Ceci prouve, en passant, que l’établisseme des principes fondamentaux ne suffit pas pour le déve loppement d'une grande invention telle que la machine locomotive, et que les multiples ingénieurs qui, tous les jours, s appliquent à l'étude d’un détail sont loin de faire œuvre vaine. En réalité, il n'existe pas de locomotives à très grande vitesse, car il faut toujours tenir compte du tonnage qu'one machine doit remorquer, tonnage qui dépend de l’adhérence et, par conséquent, du poids même de cette machine. C'est donc une erreur de cher cher à augmenter outre mesure le diamètre des roues: Aussi, même dans les machines à grande vitesse, les dimensions des roues motrices sont limitées à 2 mètres de diamètre. Pour l'étude générale de la machine, il semble qu'on puisse passer successivement en revue la chaudière, qui produit la vapeur, le mécanisme, qui utilise cette vapeur, et le châssis, qui supporte le tout, et repose sur les roues. Mais il ne faut pas oublier que la locomotive doit être une, et que l'ingénieur qui la cons truit fait toujours intervenir simultanément les (rois questions, pour que les liaisons entre les différents organes ne risquent jamais d'être défectueuses. On regrellait beaucoup, il y a vingt ans, que les anciens ingénieurs des chemins de fer se soient limités au chiffre fatidique de 1"44 pour l’écartement normal de la voie, et qu'ils n'aient pas eu l’idée d'adopter quelques centimètres de plus, ce qui aurait facilité les efforts des ingénieurs actuels, obligés d'augmenter Ja puissance des machines. On avait certaizsement tort de penser ainsi, car le chemin parcouru depuis cette date est considérable, bien que le chiffre de 1244 sub= siste toujours; du reste, celui qui fait l'étude d'une locomotive n’est pas seulement gêné par le faible écar. tement de la voie, car le poids des différents organes réparti sur chaque essieu ne doit pas dépasser la limite de résistance imposée pour le rail. Les chaudières, toujourstubulaires,ne sont plus forcé ment comprises entre l'écartement des roues. On les dispose carrément au-dessus : on ne craint plus de relever ainsi le centre de gravité dans une certaine pro portion, et on y trouve même l'avantage d'un certain balancement qui alténue les chocs trop violents. Au fur et à mesure que la chaudière s'élève, la hauteur de la cheminée diminue, et mème elle disparaît presque dans les machines anglaises, en raison du gabarit très limité des voies. Parmi les locomotives à vaporisation puissante, presque toutes en usage maintenant, il con= vient de citer la machine Mallet, de la Compagnie de l'Est, à qui revient l'honneur d'avoir marqué la pre mière cette évolution dans l'histoire des chemins de fer. Les tubes qui puisent les calories des gaz du foyers et les transmettent à l’eau qui entoure leur surface extérieure dans la chaudière, ont diminué en nombre et augmenté en diamètre. De plus en plus se répand l'usage des tubes Serve, c'est-à-dire de tubes munis l'intérieur d'ailettes qui multiplient la surface du métal en contact avec les gaz, sans modifier celle qui est baï gnée par l'eau. Avec les pressions plus élevées, aux quelles on produit la vapeur, les foyers sont devenus plas épais ; ce qui est très curieux, c'est la teudance em Europe à conserver les foyers en cuivre, tandis qu'en Amérique on n'emploie que des foyers en acier. Ges derniers présentent évidemment l'avantage d'un poids. moindre, et d'un prix moins élevé. Mais leur faible épaisseur parait un peu risquée. | ÿ 4 % # é CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 203 A côté des deux cylindres recevant alternativement Ja vapeur de la chaudière, on a essayé le système com- pouud, d'abord avec 2 cylindres seulement, puis avec 3 cylindres, et enfin on s’est arrêté à la solution symé- trique des # cylindres, 2 à basse pression, 2 à haute “pression, qui présente naturellement l'avantage d'un meilleur équilibrage pendant le mouvement. Des tiroirs cylindriques remplacent quelquefois les tiroirs plans de la distribution. Enfin, le châssis se fait différemment en Europe et en Amérique. Un assemblage de longerons el d'entretoises remplace ici le cadre simple en fer forgé qui seul est employé de l’autre côté de l'Atlantique. Il faudrait des “expériences pratiques comparatives, c'est-à-dire basées sur des conditions identiques de travail, pour établir quel est le système le plus durable. Les roues servent d'intermédiaires entre le châssis et la voie, etc'est sur- tout dans leur disposition, et en vue de la douceur du roulement, que les modificalions les plus importantes ont été apportées ces dernières années. D'abord, pour augmenter l'adhérence de la machine, on accouple 2, 3,4 et mème 5 essieux. Quelques solutions compor- “tent 2 essieux moteurs, permeltant de constituer des ‘accouplements partiels. Mais ce qui caractérise surtout la machine moderne, c'est l'adoption à peu près géné- rale du boggqie, qui répartit uniformément le poids anté- nieur sur les deux rails,et évite les ripages Gont les effets peuvent être si dangereux. Les idées se sont bien modifiées au sujet du boggie. On considérait cet organe, à l’origine, comme devant servir exclusivement sur les lignes secondaires à courbes prononcées, en raison de la facilité évidemment réelle avec laquelle sa faible lon- gueur lui permet dé s'encadrer dans un arc de petit rayon. Il se trouve précisément aujourd'hui que c'est sur les grandeslignes à profil très largement étudié, que le boggie. présente le plus d'intérêt, et c’est à lui sur- tout que l’on est redevable de la sécurité qui permet d'aborder les grandes vitesses actuelles. Quel est l'avenir réservé à la locomotive ? Son moteur à vapeur sera-t-il remplacé à courte échéance par la réceplrice électrique, comme nous en voyons déjà quelques exemples ? Certes on peut prévoir, au moins dans l’état actuel de nos connaissances, que les loco- molives à vapeur ne sont pas près de disparaitre, et que la question du prix de revient empêchera encore long- temps de généraliser l'application si intéressante de l'électricité, qui a déjà été faite pour la traction des tram- - ways et le remorquage de convois lourdsdans des con- ditions limitées de vitesse. A cepropos,oncroit souvent à tort que l'électricité fournie par les chutes d'eau ne - coûte rien. La chute, en effet, telle qu'elle se montre aux yeux du touriste, représente une puissance dont la valeur n’est pas utilisée, et qui se perd. Il en est d’elle comme de la houille enfouie à quelques centaines de mètres au-dessous du sol. Mais, s'il faut aménager cette chute pour en tirer parti, de même que l’on extrait la houille à grands renforts de travaux, la dépense devient très réelle,et même considérable, et la seule différence, au point de vue de l'exploitation, entre l'utilisation d'une chute d'eau et l'emploi du charbon, est que dans le premier cas les frais de premier établissement sont très élevés, et ceux d'entretien beaucoup plus réduits. La locomotive à vapeur a donc encore de beaux jours, et on trouvera le temps de la perfectionner davantage. Une centaine de projections, fort bien choisies, sont venues ajouter un attrait de plus à la conférence de M. Sauvage. On a beaucoup remarqué celles qui mon- traient les différents âges, si dissemblables, de la loco- motive américaine, comme aussiles vues se rapportant au record européen de la rapidité de montage d'une locomotive, record tenu il ya quelque temps par les ateliers d'Epernay, où en moins d’une semaine une ma- chine fut complètement montée, équipée, et mise en service. Cette précision et cette rapidité extraordinaire de montage font particulièrement honneur à M. Dejean, . l'habile ingénieur de ces usines de la Compagnie de l'Est. Le Gaz à l'eau et ses applications. — Ces jours derniers, notre collaborateur M. Emile Demenge a fait, devant la Société de l'Industrie Minérale, une conférence fort documentée sur le gaz à l'eau et sur ses principales applications dans l’industrie. Comme la question du gaz à l’eau est à l’ordre du jour et que l'on en parle, non seulement comme moyen de chauffage dans les usines, mais encore et surtout comme un pro- cédé d'éclairage pouvant apporter un contingent utile aux anciens appareils producteurs de gaz de houille, nous croyons utile de signaler à nos lecteurs quelques points de cette conférence, nous réservant de les entre- tenir plus longuement de la question dans un article de fonds que nous prépare notre collaborateur. Le gaz à l’eau est constitué par un mélange de deux gaz combustibles : l'oxyde de carbone et l'hydrogène, et caractérisé par l'absence de tout gaz inerte, tel que l'azote. Son pouvoir calorifique est d'environ 2.800 calo- ries par mèlre cube. Sa température de combustion dans l'air froid, en tenant compte de la variation très sensible des chaleurs spécifiques des corps aux tempé- ratures élevées, est de 2030°; tandis qu'avec le gaz Sie- mens ordinaire cette température, calculée dans les mêmes conditions, ne s'élève qu’à 1500v1, Pour produire le gaz à l’eau, les opérations sont inter- miltentes. Dans une première période, on porte à l'incandes- cence, par insufflation d'air, une certaine masse de combustible, et, pendant la seconde période, on fait passer au travers de celte masse incandescente un courant de vapeur d'eau, laquelle est décomposée d'après la formule : H°0 + C = CO + H°, en absorbant progressivement les calories emmagasinées dans le combustible. 11 faut donc, au bout d’un certain temps, arrèter le passage de la vapeur et ramener, par un nouveau soufflage d'air, l'incandescence dans le com- bustible. Daus la plupart des procédés, on s'attache, pendant la période de soufflage d'air, à obtenir l'incandescence tout en produisant une combustion incomplète. Les gaz sortant de l'appareil contiennent une certaine quan- üté d'oxyde de carbone et sont utilisés postérieure- ment à des chauffages quelconques, soit à la produc- tion de la vapeur d'eau, soit à son surchauffage. Dans ce dernier cas, on leur fait traverser une chambre gar- nie de briques placée à la suite du gazogène, et dans laquelle de l'air supplémentaire est introduit pour com- pléter la combustion. Pendant la deuxième période, la vapeur est obligée de passer par cette chambre avant d'être introduite dans le gazogène. Un seul procédé suit une tout autre voie pendant la période de soufflage, et les résultats qu'il donne sont si remarquables que la méthode mérite une mention particulière. C’est un ingénieur suédois, M. Dellwik, qui a imaginé, à l'encontre des idées acquises, de pro- duire immédiatement dans le gazogène une combus- tion complète. Il arrive à transformer tout de suite le carbone en acide carbonique, en réglant convena- blement les proportions relatives du coke enfourné et de l'air insufflé. On comprend très bien, même sans avoir recours au calcul des calories, qu'on développe ainsi au ceutre de la masse du coke une chaleur infini- ment plus vive,etque, parsuite, on oblient beaucoup plus rapidement l'incandescence, en donnant de plus, pour ainsi dire, à cette incandescence une plus grande inten- sité. Deux conséquences importantes s’en déduisent : 1° La période de soufflage d'air est extrêmement plus réduite qu'avec les autres procédés (1 minute 1/2 au lieu de 8 à 10 minutes); 20 La période de dégagement du gaz à l’eau, qui cor- respond au passage de la vapeur, dure beaucoup plus longtemps qu'avec les autres procédés (de 8 à 12 mi- nutes au lieu de 3 à 5 minutes). La conclusion est qu'avec le procédé Dellwik, on RME" 2 RE 1 Voir l'ouvrage de M. Dawour : Le Chauffage Industriel et les Fours à gaz, 1898. 204 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE produit 2, 3 mètres cubes de gaz à l'eau par kilo de carbone brûlé, en employant un bon coke sec conte- nant jusqu'à 10 °/, de cendres, et ayant au moins la grosseur du poing. Le pouvoir calorifique moyen du gaz à l'eau obtenu pratiquement étant de 2.550 calories par mètre cube, et 1 kilo de carbone développant au maximum 8.080 calo- ries, le rendement de l'appareil s'elève donc à : 2 9.83 ARRET EN TEE 8.080 la vapeur totale, consommée par mètre cube de gaz à l'eau produit, se tenant, d'autre part, entre Ok. 80 et 1 kilog. Ainsi, au lieu de rechercher la combustion complète en deux fois, à l’aide d'abord d'un gazogène, puis d’un régénérateur, le procédé Dellwik l’obtient complète immédiatement; les pertes par rayonnement sont moindres et l'appareil est beaucoup plus simple, ce qui est très appréciable aux points de vue de la construc- tion, de l'encombrement et de l'entretien. Le gaz à l'eau a des applications multiples, car il convient très bien au chauffage, à la production de la force motrice et à l'éclairage : 41° Grâce à la flamme pure, réductrice et très chaude, que donne sa combustion, on emploie déjà beaucoup le gaz à l'eau pour le réchauffage des métaux facile- ment oxydables, pour le soudage des centres de roues, des tubes en acier de gros diamètre, et des pièces de chaudronnerie de toutes sortes, etc. Dans les ateliers modernes de construction, le gaz à l’eau sert au chauf- fage des rivets et alimente les nombreux feux de forges. Dans les fabriques d’accumulateurs, il donne un moyen très efficace pour faire les soudures au plomb; dans les grandes aciéries, il est utilisé au chauffage des fours à sole et des fours à creusets et permet de simplifier considérablement la construction et la marche de ces fours. Il en est de même en verrerie, en céramique, et dans les fabriques de produits chimi- ques. En ua mot, son emploi se répand de plus en plus, et l'on compte déjà plus de 40 installations Dellwik en Suède, en Allemagne et en Angleterre *; 20 En ce qui concerne la force motrice, le gaz à l'eau, ne donnant à la combustion aucun résidu, présente un avantage très appréciable pour l'alimentation des mo- teurs. Une consommation de 4 mètre cube suftit pour produire un cheval-heure effectif ; 30 Enfin, pour l’éclairage, le gaz à l’eau, qui n'a pas de pouvoir éclairant par lui-même, peut être employé, soit à l’état pur sous des becs à incandescence, soit à l'état de mélange avec le gaz d'éclairage dans la pro- portion de 25 à 30 °/,, et, dans ce dernier cas, on res- titue au mélange son pouvoir éclairant normal par une recarburation à l’aide du benzol. $ 4. — Chimie L’Analyse des Sucres.— Nos lecteurs savent que M. Duclaux a organisé à l’Institut Pasteur, sous la direction de M. Trillat, une série de conférences desti- nées surtout à instruire les jeunes chimistes qui fré- quentent le laboratoire d'Analyse et de Chimie appli- quées. Le 13 février, M. Lindet, professeur à l’Institut National Agronomique, à fait une conférence sur l'ana- 1yse des sucres, à laquelle avaient été conviés les spécia- listes qui s'occupent de la question. M. Lindet a montré tout d'abord que les sucres, dont le chimiste adminis- tratif, industriel ou commercial, doit se préoccuper, sont peu nombreux. Ils présentent des propriétés communes, quelquefois avec des intensités semblables, quelque- 3 Rapport de M. Derzwix à l’Jron and Stœl Institute, Mai 1900. Ouvrage de M. Drcke : Dellwik-leischers Was- sergas System und seine Anwendungen. Frankfurt à M. Juillet 1899. fois avec des intensités différentes. Ces dernières sont les seules que le chimiste puisse utiliser dans lan recherche des sucres; elles sont au nombre de deux, le pouvoir rotatoire et le pouvoir réducteur vis-à-vis dem solutions alcalines de cuivre; mais chacune d'elle se dédouble, du fait de la transformation ou inver= sion des sucres par le chauffage en présence des acides. Le conférencier, après avoir indiqué.les procédés dem défécation au sous-acétate de plomb et au sulfate de bioxyde de mercure, a exposé ces deux propriété fon- damentales des sucres, montré qu'elles varient d'un sucre à l’autre, et fait voir comment on peut profiter de ces variations pour doser chacun d'eux. Puis il à discuté les procédés dits d'inversion. Il a terminé l'en tretien en donnant quelques exemples de calculs appliqués à l'analyse des mélanges de saccharose, de maltose, de dextrose et lévulose, aux mélanges de dex= trine et de maltose, de dextrine et de dextrose. M. Lindet s'est préoccupé surtout non pas de dis- cuter les nombreux résultats obtenus par différents pro- cédés, résultats souvent contradictoires, mais de donner aux jeunes chimistes du laboratoire, qui devien- dront bientôt des praticiens, une méthode simple et débarrassée de petits procédés accessoires qui ralen- tiraient son exécution et ne la rendraient pas plus exacte. $ 5. — Zoologie Hermaphrodisme et Parthénogénèse chez les Nématodes. — On sait que les Nématodes, qui comptent environ 4.600 espèces, ont presque toujours les sexes séparés, sauf quelques rares exceptions. Mau- pas vient de publier un travail des plus intéressants ?, aussi rempli d'idées que rigoureux dans l'observation, dans lequel il étudie spécialement l’hermaphrodisme et la parthénogénèse des Nématodes. A la liste des 18 espèces chez lesquelles on ne connaît pas de mâles, Maupas ajoute encore 16 espèces; sur ces 35 espèces, . 25 sont hermaphrodites et 9 parthénogénétiques, et il est probable, vu la grande quantité d'espèces chez lesquelles les mâles sont inconnus, que ces nombres s’accroitront beaucoup dans la suite. Par leur morpho- logie et leur biologie, ces Nématodes unisexués ne se distinguent en rien de leurs congénères à deux sexes séparés; tous, ovo-vivipares ou ovipares, se présentent avec l'aspect général et la conformation ordinaire des femelles ; la modification s'est donc produite unique- ment sur l'organe génital, qui n'est d'ailleurs modifié que dans son fonctionnement. Chez les espèces hermaphrodites, l'organe génital, arrivant à maturité, commence d'abord par fonctionner comme testicule et produit une certaine quantité de sperme, emmagasiné dans un appendice de l'utérus, jouant le rôle de réceptacle séminal. Puis les œufs se développent, et lorsqu'ils sortent de l'ovaire pour se rendre dans l'utérus, ils traversent la poche à sperma- tozoïdes et sont fécondés. Il y a donc hermaphrodisme protandrique et fécondation autogamique dans le sens le plus strict du mot, toute fécondation croisée étant interdite à ces Nématodes. Mais il y a un défaut d'har- monie manifeste entre l’activité masculine et Pactivité féminine de ces hermaphrodites, puisque, quand le stock de spermatozoïdes est épuisé (entre 200 et 250 œufs fécondés), la femelle continue à pondre au moins :00 œufs, qui ne sont plus fécondés et se désorganisent rapidement ; cet état est donc défavorable à l'espèce et ne peut pas être une adaptation saisie et fixée par la sélection naturelle . Mais les mâles ne sont pas complètement absents; ils sont seulement très rares; pour 10.000 femelles de Rhabditis Viquieri, il y a 450 mâles; pour le même nombre de femelles de Diplogaster robustus, ily à seu- lement un mâle: d'autres espèces présentent des étages ! Modes et formes de reproduction des Nématodes (Arch. Zool. exp., 3° série, t. VIII, 4900, p. 463). : - intermédiaires entre ces deux extrêmes; ces mâles rarissimes sont d'ailleurs parfaitement normaux au “point de vue structural, et leur spermatozoïdes sont identiques à ceux de leurs femelles hermaphrodites. Mais ils ont perdu à peu près totalement tout instinct … ettout appétit sexuel; ils ne s'occupent pas plus des femelles que si elles étaient des corps inertes, fait … d'autant plus singulier que, chez les espèces dioïques normales, les mâles sont très ardents a la recherche - des femelles, et ces dernières absolument passives. Maupas explique cette décadence psychique par la non transmission héréditaire de l'instinct copulateur mâle, puisque les quelques mäles qui réapparaissent acci- dentellement ne prennent plus part à la procréation des générations successives. . On assiste donc chez les Nématodes à une élimina- tion progressive du sexe mâle; chez Rhabditis Viqureri, il existe un mélange de mâles purs, de femelles pures (1/5 des femelles), et de-femelles hermaphrodites (les 4/5 des femelles), qui tous trois ont leurs facultés gén6- -siques intégrales ; à l’autre extrémité de la série, les mâles sont seulement des témoins de l’ancienne dioi- cité; ils ne jouent littéralement aucun rôle et méritent bien, comme les mäles complémeutaires des Saccu- lines, la dénomination de mäles ataviques. L'herma- phrodisme s'est développé uniquement sur la forme - féminine des espèces, comme le prouve l'étude des organes génilaux, qui affectent toujours la disposition typique des femelles et jamais celle des mäles, con- clusion qui s'accorde avec ce que l’on sait pour les Crustacés, Poissons et Mollusques hermaphrodites; il semble qu'il y ait là une loi générale et que l'état bisexué de la glande génitale ne trouve un terrain favo- rable à son développement que chez les individus ayant déjà subi uue différenciation sexuelle somatique dans le sens femelle. Cependant l’hermaphrodisme du type mäle n'est pas impossible à rencontrer; plusieurs auteurs, et Maupas pour Æhabditis elegans, en ont décrit, des cas, mais toujours à l’état d'anomalies isolées. Enfin, cette production successive de spermatozoïdes et d'ovules dans l'ovaire de ces Nématodes, la produc- tion d’ovules chez des mâles anormaux de Nématodes, Crustacés, Batraciens et Echinodermes, tout cela prouve une fois de plus l'identité des cellules germinales mâles et femelles; chaque cellule génitale possède en puis- sance les deux tendances sexuelles, ou, plus exactement, chacune d'elles est neutre et attend la circonstance déterminante qui la fera pencher dans un sens ou dans l’autre. Maupas ne partage pas l'opinion des auteurs qui trouvent une corrélation entre la vie sédentaire et l’hermaphrodisme; si tous les kermaphrodites se fécon- daient par eux-mêmes, cette hypothèse serait évidente, : mais l’autofécondation est plutôt rare chez les animaux hermaphrodites, de sorte qu'on ne voit pas quelle rela- tion pourrait bien exister entre ces deux conditions, . puisque, finalement, il y a nécessité, soit de fécondation externe, soit d'accouplement. En tous cas, ce que l'on sait de l’hermaphrodisme chez les Nématodes, restés - libres et agiles, n'est pas favorable à cette générali- sation. $ 6. — Physiologie Les Sérums précipitants.— En étudiant le phé- nomène de l'hémolyse sous l'influence des sérums, et de l’agglutination des hématies qui en est en général le prélude, M. Bordet a attiré l'attention des biologistes . sur un fait intéressant, dont l'importance théorique et pratique nous apparaît chaque jour plus grande. En injectant dans le péritoine du lapin, à plusieurs reprises, quelques centimètres cubes de sang défibriné de poule, on communique au sérum du sang de ce » lapin un certain nombre de propriétés qu'il ne possé- dait pas avant les injections auxquelles l'animal a été soumis. Si l'en mélange le sang défibriné de la poule et le sérum normal du lapin dans des proportions quel- conques, on ne conslate dans ce mélange ni agglutination CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 205 ni dissolution des hématies, ni précipitation du sérum. Si l'on mélange le même sang défibriné de poule et le sérum du lapin soumis aux injections intrapéritonéales de sang de poule, on constate, pour des proportions convenables des deux liquides constituant le mélange, une agglutination etune dissolution des hématies et une précipitation du sérum. Cette même précipitation se produit si l'on mélange du sérum de poule et du sérum de lapin soumis aux injections intrapéritonéales de sang de poule; elle ne se produit point si l'on mélange du sérum de poule et du sérum de lapin normal. C’est une propriété acquise; mais cetle propriété n'esl acquise que pour le sérum de la poule ; le sérum du lapin actif vis-à-vis du sérum de la poule est inactif vis-à-vis des sérums d'autres animaux. En injectant à plusieurs reprises, dans le péritoine de lapins, du lait, on obtient, au bout de quelque temps, chez ces animaux, un sérum doué de la propriété de précipiter le lait. Si, dans un tube, on verse 3 centi- mètres cubes de ce sérum, et dix à quinze gouttes de lait, on voit apparaitre dans le mélange des grains très fins, qui grossissent peu à peu, et se transforment en flocons qui, suivant que le lait est écrémé ou normal, tombent au fond, ou montent à la surface du mélange. Le mélange de lait et de sérum de lapin normal, dans les mêmes proportions, demeure opalescent et sans trace de précipitation. En immunisant des lapins, des cobayes, des chiens et des chèvres contre le sérum toxique d’anguilles, par injections progressives et répétées de ce dernier, M. Tchistovitch a obtenu chez ces animaux des sérums qui, mélangés in vitro au sérum d’anguille, en produisent la précipitation. MM. Bordet et Tchistovitch avaient, dans leurs travaux, signalé les proprétés précipitantes que peuvent acquérir les sérums, en indiquant en même temps que cetle précipitation ne se produit que vis-à-vis de la liqueur qui à servi aux injections, et pour l'espèce animale qui a donné celte liqueur. Mais ils n'avaient pas insisté sur cette notion de spécificité de leurs sérums. Ces sérums nous apparaissent aujourd'hui comme doués d’une double spécificité : 1° ils ne précipitent que l'espèce chi- mique ou les espèces chimiques contenues dans les liqueurs qui ont servi aux injections : si l’on fait des injections de sérumglobuline à plusieurs reprises, on obtient un sérum capable de précipiter la sérumglo- buline, mais non pas la sérumalbumine, mais non pas la caséine, etc. ; 2° ils ne précipitent cette espèce chi- mique que si elle provient de l'espèce animale à laquelle on à emprunté la substance injectée. Si l'on injecte du’ sérum de poule au lapin, le sérum de ce lapin acquiert la propriété de précipiter le sérum de poule, mais non pas ceux du cobaye, du chien, du cheval, de l'oie, etc. Ces notions, déjà indiquées par M. Nolff, se sont pré- cisées chaque jour davantage, à mesure que les travaux sur ces intéressantes questions se sont faits plus nom- breux. MM. Leclainche et Vallée font une application de ces - notions à la chimie clinique. En injectant pendant plu- sieurs jours de suite, dans les veines d'un lapin, de 20 à 30 centimètres cubes d'uneurine humaine, albumineuse, contenant environ 2 grammes d’albumine par litre, ils ont obtenu chez ce lapin un sérum qui, mélangé à une urine albumineuse, en détermine la précipitation. M. Uhlenhuth, en injectant dans le péritoine du lapin des solutions concentrées d'ovalbumine de poule, a obtenu un sérum capable de précipiter les solutions d'ovalbumine de poule, même extrèmement diluées, incapable de précipiter les solutions d’ovalbumine d’autres oiseaux, permettant par conséquent de carac- tériser cette ovalbumine. M. A. Schütlze, en injectant sous la peau de lapins, à six ou huit reprises espacées de trois à quatre jours, 10 à 20 centimètres cubes de lait de vache chaque fois, obtient un sérum précipitant le lait de vache, mais ne précipilant pas le lait de chèvre ou le lait de femme; — en injectant le lait de femme, il obtient un sérum pré-: 206 À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE cipilant le lait de femme, mais ne précipitant pas le lait de vache ou le lait de chèvre; — en injectant du lait de chèvre, il obtient un sérum précipitant le lait de chèvre, mais ne précipitant pas le lait de vache ou le lait de femme. M. Schütze en conclut que lies caséines de ces divers laits ne sont pas identiques. Nous ne com- baltons pas cette conclusion, mais elle est certaine- ment prématurée, car rien ne prouve à l'heure pré- sente que la nature du milieu dans lequel se fait la précipitation ne soit la cause des résultats différents observés; rien ne prouve que ce n'est pas aux variations de ce milieu chez les divers animaux qu'il faut rap- porter les différences observées. Vraisemblablement la conclusion de M. Schülze sera vérifiée; mais il est resrettable d'entendre émettre des conclusions ainsi prématurées. M. Schütze a constaté encore que le sérum capable de précipiter le lait de vache ne peut plus le précipiter aussi bien, aussi abondamment, quand ce lait a été maintenu à l’autoclave pendant une demi-heure, à une température qu'il n'indique pas. M. Uhlenhuth enfin, en injectant dans le péritoine du lapin du sang défibriné de bœuf à huit jours d’inter- alle, et à plusieurs reprises, a obtenu un sérum capable de précipiter le sang de bœuf dilué au 100°, sans pré- cipiter le sang du cheval, de l'âne, du porc, du bélier, du chien, du chat, du cerf, du lièvre, du cobaye, du rat, de la souris, du lapin, de la poule, de l’oie, du pigeon, de l'homme. En injectant de même à des lapins du sang d'homme, M. Uhlenhuth a obtenu un sérum précipitant le sang d'homme, et lui seul, ne pré- cipitant le sang d'aucun des animaux ci-dessus nom- més. La réaction est d'ailleurs extrêmement sensible; il suffit de traces de sang, diluées dans une grande quantité d’eau, pour la manifester. Il y a plus : M. Ühlen- buth, reprenantpar l'eau salée physiologique des taches de sang humain vieilles de quatre semaines, a obtenu une liqueur précipitant par son sérum de lapin pré- paré avec le sang humain ; — tandis que les liqueurs obtenues en partant de taches de sang de bœuf et de cheval ne précipitent pas par ce même sérum. C’est là une applicalion ingénieuse des faits que nous venons de signaler à la Médecine légale. M. Uhlenhuth annonce qu'il utilisera la même mé- thode pour rechercher si le sang du cheval est iden- tique au sang de l’âne, si le sang de l'homme est iden- tique au sang du singe. Ce sont là des faits intéressants à connaitre, sans doute, mais qui nous paraissent secon- daires à côté des nombreuses questions de toute pre- mière importance que cette méthode nouvelle de diffé- renciation des substances albuminoïdes nous permettra de résoudre. $ 7. — Congrès Le cinquième Congrès international des Physiologistes. — Le Congrès international des Physiologistes, qui a lieu tous les trois ans, doit se réu- nir cette année à Turin du 17 au 21 septembre. Il sera -présidé par notre éminent collaborateur, le professeur Angelo Mosso. En même temps, se tiendra une Exposition d'appa- reils scientifiques intéressant la Physiologie; elle restera ouverte du 1# au 23 septembre. La Station zoologique de Naples y exposera les animaux marins les plus utiles pour la Physiologie comparée. Les séances des 17, 18, 19 et 20 septembre seront remplies par les travaux ordinaires du Congrès (com- munications et démonstrations). La journée du 21 sep- tembre sera consacrée à des séances plénières d'intérêt général, dans lesquelles seront discutés en particulier les premiers résultats obtenus par la Commission inter- nationale de contrôle des instruments enregistreurs et d'unification des méthodes en Physiologie. On se rap- pelle que cette Commission fut nommée en août 1898, au Congrès de Cambridge, à la demande de M. Marey: Cette Commission, composée de MM. Bowditch, von Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mislawsky, Mosso et G. Weiss, s'est réunie pour la première fois, du {°° au 8 septembre, à la Station physiologique de Paris. Elle s’est d'abord assuré l'appui moral et matériel de l'Association internationale des Académies. D'autre part, le Gouvernement français lui a accordé une sub- vention de 50.000 francs pour faire construire, à la Sta- lion physiologique, un bâtiment dans lequel s'exécute- ront les recherches comprises dans son programme. Enfin, la Commission a senti la nécessité de s’adjoindre quelques membres nouveaux; MM. Fredericq, Chauveau et Cornu ont déjà été désignés. Les premières recherches de la Commission lui ont permis de formuler dès à présent quelques principes, que les physiologistes auront le plus grand intérêt à adopter. Ce sont les suivants : IL est désirable que, dans les tracés que l'on publie, les temps soient représentés par des unités métriques, c'est-à-dire que la seconde y corresponde au centimè- tre, à ses multiples ou à ses sous-multiples. Les tracés devront toujours se lire dans le sens de l'écriture ordi- naire, c'est-à-dire de gauche à äroite. La reproduction topographique des tracés devra se faire par des procé- dés dérivés dela photographie, c’est-à-dire sans l’inter- vention de la main du graveur. Les temps seront tou- jours tracés au chronographe, celui-ci inscrivant en même temps que les autres styles traceurs. Les leviers inscripteurs ne doivent pas avoir de période d'oscillation propre, capable d'altérer la forme des tracés. Dans les cas nombreux où le mouvement doit être transmis à distance au levier qui l’enregistre, il faut que les orga- nes de transmission de ce mouvement l’altèrent le moins possible. Il y a lieu de recommander aux con- structeurs d'employer, autant que possible, des ma- tières inaltérables dans la confection desappareils trans- metteurs et traceurs. Les unités de temps choisies devront être la seconde, la minute, l'heure; les divisions de la seconde seront décimales. Dans la mesure des températures, on adop- tera toujours le degré centigrade ; l'unité de chaleur sera la calorie. Pour les mouvements provoqués par les excitations électriques, il est indispensable qu'une en- tente s'établisse entre les physiologistes relativement à l'unité d'excitation ; celle-ci devra ètre rattachée aux unités C. G. S. ILest à désirer que les tracés portent le signal du début et de la fin des excitations télanisantes, ainsi que du nombre de ces excitations. M. Marey a montré à la Commission comment la chro- nophotographie complète et étend les applications de la méthode graphique, comment elle s'applique à un très grand nombre de phénomènes dont on ne pourrait autrement fixer les phases, et comment, grâce aux in= dications chronographiques qu'elle renferme, cette mé- thode peut se combiner avec les autres procédés d’in- scription physiologique et même s’identilier à eux. Au prochain Congrès, M. Marey développera les applica- tions diverses de cette méthode. Il a aussi semblé à la Commission qu'il serait dési- rable d'établir une entente parmi les physiologistes re- lativement à la manière d'exprimer, par les courbes, les résultats obtenus par les observalions successives des divers phénomènes, et sur le choix des variables qui seraient représentées sur chacune des coordonnées. La Commission internationale se réunira de nouveau à Santa Margherita, près de Gènes, le 15 avril prochain, et préparera les communications qu’elle compte faire au Congrès de Turin. Les adhésions au Congrès sont recues par M. le D° Z. Trèves, secrétaire local, 30, Corso Raffaello, Turin. # M4 % | | ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 207 L’EXISTENCE NORMALE ET LE ROLE DE L’ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX t Les découvertes ne sont pas le fait du hasard. “Le plus souvent elles se préparent et mürissent Jentement dans les consciences en travail de toule une génération d'hommes. Quelquefois elles sem- “blent surgir spontanément et tout à coup de la pensée de celui qui les crée ; mais, en réalité, dans Ce cas encore, leur éclosion a élé précédée d'une Jongue période d'élaboration. La découverte que “je vais exposer n'échappe pas à cette règle : comme “par une subite intuition, une vision de l'esprit, j'entrevis, vers la fin de 1898, l'existence de l’ar- Senic dans la glande thyroïde, et j'en avais acquis, bientôt après, la preuve expérimentale ; mais, de- puis deux années, le rôle de cet élément dans la Nalure, sa présence, que je venais de constater dans les roches anciennes, les eaux de la mer, les plantes de la grande famille des Algues, le mé- Canisme lui-même de l’action thérapeutique et physiologique de l’arsenic, occupaient ma pensée. Dès mes recherches de 1897 sur l'emploi des caco- dylates dans les maladies consomplives, j'avais été “rappé des surprenants effets de l’arsenic orga- ique, et peu à peu s'était fait en moi un travail latent qui m'amenait à celle conviction que cet élément, pour arriver à exciter à un si haut degré le fonctionnement des lissus et l'assimilation, pour- rait bien, passagèrement du moins, faire partie de quelques-uns de nos organes. Dans ce cas, où le chercher, sinon à côté de cet iode dont je le voyais si souvent accompagné dans la Nature ? C'est ainsi que je fus amené, peu à peu et presque inconsciem- ment, à considérer d'abord l’arsenic comme pos- ible dans l'économie, puis comme probable dans la glande thyroïde, où je le trouvai en novembre 1898. Cette découverte allait contre toutes les idées reçues. Comment admettre, chez les êtres vivants, lexistence non pas transitoire, mais nécessaire, d'un élément qui par sa toxicité même parait ncompatible avec la vie? Les toxicologistes de tous les pays ne s'étaient-ils pas assurés des mil- liers de fois, au cours de leurs expertises, que cet “élément n'existe pas dans nos organes? L'arsenic que je venais d'entrevoir ainsi dans une glande thyroïde de chien, n'y était-il pas plutôt contenu passagèrement, amené par les hasards de l'ali- mentation ? Comment, d'ailleurs, supposer qu'il _ puisse se localiser dans tel ou tel organe, alors qu’ on ne l'a jamais rencontré dans le sang? Il 5 agissait de centièmes de milligramme; cette trace k L d'arsenic que j'avais cru retirer d’une thyroïde n'était-elle pas venue du dehors ? Partout, dans nos laboratoires on trouve du fer : nos fourneaux, la plupart de nos instruments, les charpentes de nos hottes en sont formées; les parcelles d'oxyde qui s'en détachent sont généralement arsenicales. Nos réactifs eux-mêmes peuvent-ils nous laisser la complète certitude qu'ils sont tous absolument exempls d'arsenic ? C'est ainsi qu'ulors que j premier anneau d'arsenic retiré d'une glande thy- roïde, commença pour moi l'angoissante période d'inquiétudes et de doutes qui précède si sou- vent la complète satisfaction que donne la certi- tude. C'est le moment où le corps et l'esprit se fatiguent à la fois; où l'on craint tout, jusqu'à la la malveillance; où l’on surveille la poussière qui vollige, le réaclif déjà vérifié, la main qui le verse, où l'on essaie de contrôler ‘avais déjà en main le le vase qui le recoit; sa méthode par une méthode nouvelle, infidèle ; où le résultat vous échappe, où le doute revient, où l'on recommence loul, péniblement, anxieusement, jusqu'à ce qu'enfin surgisse en l'es- prit une conséquence imprévue, nécessaire, véri- fiable par une expérience simple, indiscutable, qui coupe court à toute réplique et entraine la convic- tion définitive. Ceux qui ont fait cetle chimie des millionièmes comprendront ce qu'a eu de pénible, pour celui qui la subissait, l'obligation ou d'aban- donner une découverte qu'il sentait comme faite, ou de proclamer un fait si surprenant qu'il allait paraitre d'abord presque absurde. souvent La thyroïde est une glande vasculaire, sans con- duit excréteur, composée de deux lobes ovoïdes, situés à la partie antérieure et inférieure du larynx. C'est elle qui s'hypertrophie dans le goitre. Pres- que jusqu'à ces dernières années, on ne savait à peu près rien de ses fonctions et de sa composi- tion, et l’on fut très surpris d'apprendre, en 1895, que Baumann y avait trouvé de l’iode en quantité notable. On sait aujourd’hui que cette glande agit, par ses sécrétions internes, sur la nutrition des cellules, en général, et, plus particulièrement, sur celle de la peau. Chez l'homme, les deux lobes de la thyroïde pèsent, réunis, 21 grammes environ. J'y ai trouvé 208 ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX en moyenne 0,15 d'arsenic, soit la cent-quarante millième partie du poids de l'organe. Par quelle méthode délicate peut-on ainsi, non seulement déceler, mais préciser de si faibles quantités d'un élément comme perdu dans cent quarante mille fois son poids de substances étrangères ? J’essaierai de le faire comprendre au lecteur en quelques mots. Lorsque, dans une expertise légale, le chimiste doit rechercher l’arsenic dans les organes, il faut qu'il renonce à utiliser directement toutes les caracléristiques physiques ou chimiques de cet élément. Il est devenu latent et toutes ses proprié- tés ordinaires ont disparu par le fait de son union avec les principes de nos tissus. Il faut donc, au préalable, détruire les substances auxquelles l’ar- senic est mêlé ou combiné, mais de façon à éviter toute perte, par insolubilisation ou volatilisation, des moindres traces de cet élément. J'ai donné, en 1876, une méthode qui remplit bien ce deside- ratum ’. Elle consiste à détruire la matière des organes successivement par les acides nitrique, sulfurique, puis encore nitrique. On arrive ainsi à détruire la matière animale en empêchant toute perte d’arsenic, particulièrement à l'état de chlo- rure. Finalement, il reste une liqueur acide et un peu de charbon poreux. On délaie dans l'eau bouillante, on filtre et l’on précipite l’arsenic à l'état de sulfure par un courant prolongé d'hy- drogène sulfuré. Les moindres traces de ce métal- loïde sont dès lors condensées dans ce faible pré- cipité, qu'on lave et met à digérer dans une solution faible de carbonate d'ammoniaque. L’ar- senic se dissout, à l'exclusion d’une certaine quan- lité de soufre et d’autres impuretés; par évapora- tion de la liqueur filtrée, il reste un peu de sulfure d'arsenic, qu'on oxyde par l'acide nitrique, puis sulfurique. En opérant ainsi, les moindres traces de ce métalloïde arrivent à être condensées, à l'état d'acide arsénique, dans les quelques gouttes in- colores d'acide sulfurique qui restent au fond de la petite capsule où l’on opère. On étend d'eau et verse dans l'appareil dit de Marsh. C’est un appa- reil producteur d'hydrogène, où l'arsenic, introduit à l’état oxydé, se transforme intégralement, si l'on suit une pratique convenable, en hydrogène arsé- nié volatil, qu'entraine le courant d'hydrogène. Le gaz traverse, au sortir du flacon, où il se produit un tube de verre étroit porté au rouge où l'hydrogène arsénié, décomposé par la chaleur, dépose son arsenic métallique sous la forme d’un anneau gris noirâtre. En opérant avec les précaulions que j'ai autre- fois indiquées *, on peut ainsi retrouver 05,02 ! Annales de Chimie et de Physique, 5° sér., t. VIII, p. 384. ? Voir loc. cit. et aussi Compt. rend. Acad. Sciences pour 1899, t. CXXIX, p. 936. d'arsenic en 200 grammes de substance primitive c'est-à-dire la trace d’arsenic contenue dans 10 mil lions de fois son poids d'organes. Il reste, pour apprécier les faibles poids d’arsenie recueilli chaque fois, à comparer ensuite l'anneau obte à une gamme d'anneaux types provenant de poi connus d'acide arsénieux versé dans l'appareil di Marsb. II est presque inulile d’ajouter que tous les réactifs doivent avoir été, au préalable, essayés suk des quantités égales au moins à celles où ils de vront être employés. C'est muni de celle méthode délicate, perfe lionnée encore au cours de ce long travail, que j'abordai la recherche de l’arsenic normal chez les animaux. IT Les seuls organes de l'économie où j'ai trouvé l’arsenic sont : La glande thyroïde ; Le thymus ; La mamelle ; La peau et ses appendices ; Les os Enlin, et d'une facon qui m'a paru intermit tente, le lait et le cerveau. . Tous les autres tissus, glandes et humeurs de l'organisme, y compris le sang, sont entièrement dénués d'arsenic. Nous verrons tout à l'heure qu'ik est cependant un cas où le sang peut en contenit normalement. Chez l'homme, de la glande thyroïde, le plus riche des organes en arsenic, j'ai retiré OE,15 d'arsenic. Cet élément est constant à l’état physiologique. J'ai trouvé par kilogramme de glande fraiche : D Homme. 7,5 milligrammes. Porc ee RÉ cue A} — MOUTON ESC ES D 5 — Par rapport au poids total d'un adulte pesant 68 kilogrammes, en, moyenne, 06,15 d’arsenic re- présentent un quatre cent cinquante millionième (50:00:00 1 ) de la masse du corps! Cette quantité 450.000.000 suffit pourtant pour que la glande, fonctionnant normalement, la santé se maintienne. Et cette dose suffisante est nécessaire, car il n’y a pas de thy= roïde sans arsenic, et pas de santé sans thyroïde. La constalation de l'influence certaine qu'un élé- ment, quel qu'il soit, peut ainsi exercer, à ces doses infinitésimales, sur le fonctionnement vital, n'est peut-être pas le moins surprenant résultat de ces recherches. J'ai reconnu que l’arsenic n’est pas contenu dans toutes les parties de la glande. Il entre dans la constitulion de ces substances phosphorées qu'on ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 209 appelle les nucléines, substances qui constituent | urtout les noyaux des cellules: 1 gr. 2 de ces conviction. - En même temps, je remarquais que ces nucléines arsenicales entrainent avec elles la presque totalité de l’iode de la thyroïde. Il restait donc établi que dans cette glande exis- tent une ou plusieurs nucléo-protéides arseni- cales. Elles s’y trouvent toujours à l’état de santé ; elles diminuent ou se modifient dans certains états pathologiqués. Elles semblent présider à certaines fonctions spéciliques; nous y reviendrons tout à l'heure. lai constaté que l’arsenic existe aussi dans elques autres organes. Si nous les rangeons près l’ordre décroissant de leur richesse en cet élément, nous aurons : Arsenic en milligrammes par Kilogramme d'organes frais. Glande thyroïde humaine . 7,5 de porc. . 3,2 Mamelle de vache. . . . . 1,3 — HSE EC de CC LU 10,15 Poils, cheveux et cornes. . ) ÿ milligrammes. Peau . traces (OS LS SRE EEE - (décroissantes. Atte - T4) DIERVEAUE MEL nee à Me à HESTICUHLEAMEN EN AH iioutes Tous les autres organes ont été trouvés exempts Pas davantage dans le rein (porc), ni dans les glandes salivaires (250 gr. provenant du bœuf) ; Le pancreas de bœuf (250 gr.) n’en a fourni lune trace douteuse, inférieure au sept mil- ionième du poids de l'organe. Les muqueuses stomacale et intestinale, le tissu cellulaire sous-cutané, les glandes lymphatiques, 8 poumon, les capsules surrénales (250 gr.), la moelle osseuse des jeunes animaux, en sont entiè- rement exempts. J'ai recherché l’arsenic avec grand soin, et inu- ülement, dans le testicule des animaux adultes (homme, bouc, cheval); dans la laitance de hareng; dans les ovaires et l'utérus de la vache en état de vacuité et de gravidité. 250 grammes de sang de porc défibriné, 310 grammes de sang humain provenant de sai- fourni le plus léger indice d'arsenic. …! M. C. Pagel, de Nancy, aurait depuis trouvé une trace d'arsenic dans le testicule, gnées sur des personnes pléthoriques, n'ont pas On n'en trouve ni dans les reins, ni dans les urines, même en opérant sur 5 litres à la fois; ni dans les malières fécales habituelles (500 et 250 gr.). J'ai reconnu que l'arsenic s'élimine par des- quamation épidermique, par les ongles et les che- veux, enfin par une toute autre voie dont nous allons maintenant parler. [IT L'observation des effets de l'arsenic organique sur l’économie m'avait amené, bien avant ces recherches sur l’arsenie normal de l'économie, à constater que, par un mystérieux mécanisme, les préparations arsenicales agissent à la fois sur !e fonctionnement de la peau, la crue des poils et des cheveux, et sur la menstruation. Chez les femmes malades auxquelles j'avais administré quelque temps l'arsenic sous forme de cacodylates, la chevelure devenait plus longue, plus épaisse, la peau se débarrassait de ses éphélides, pigments et autres signes de déchéance, et les règles, plus abondantes, au lieu de se produire par périodes de vingt-huit à vingt-neuf jours, reparais- saient souvent après le 24° ou le 25° jour. D'autre part, je savais que, quand il y a dysmé- norrhée ou simple retard des époques menstruelles, le médicament le plus actif est la teinture d'iode, prise à l'intérieur ou même absorbée par la peau. Or, je venais d'observer que les cheveux, poils et ongles, qui croissent avec le plus d’abondance sous l'influence du traitement arsenical, sont pré- cisément les organes qui, après la thyroïde, sont les plus riches eu arsenic et en iode. Puis donc que l'iode et l’arsenic sont simultané- ment assimilés par la thyroïde et excrétés par l'épi- derme, les poils et les cheveux, il pouvait se faire, vu l'influence simultanée que j'observais du traite- ment arsenical sur la poussée des appendices de la peau et sur le flux menstruel, que celui-ci fût, comme la crue des poils et des cheveux, en rapport direct avec l'élimination de l'arsenic et de l’iode. C'est ce que mes expériences confirmèrent. M. P. Bourcet, qui s'était chargé, dans mon laboratoire, des recherches relatives à l’iode dans l’économie, a complété la preuve pour l'iode. J'ai dit plus haut que le sang normal ne contient pas d’arsenic, ou du moins, s'il y existe, il serait au-dessous de 4 vingt-millionième du poids de la liqueur, soit moins de 0#",05 par kilogramme de sang. Il en est de même de l'iode; M. P. Bourcet a trouvé dans le sang humain à peine 0,025 et dans celui de chien 0,036 d'iode par kilo- gramme. Mais il en est tout autrement du sang mens- 210 ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L’ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX truel. Ce sang est arsenical et iode. Jai trouvé dans le sang des menstrues de 0,17 à 0,33, en moyenne 0"E",28 d’arsenic, par kilogramme, et M. P. Bourcet évalue à O8", 11 environ, c’est-à- dire à 4 fois plus que pour le sang normal, la quan- tité d'iode des menstrues chez la femme. Une glande thyroïde humaine complète et saine contenant environ 06,15 d'arsenic, on voit que, si l’on admet une perte moyenne de 400 à 500 gram- mes de sang menstruel pour toute une époque, il sera ainsi perdu de 0v",12 à 0%6",14 d’arsenic sous cette forme. C'est presque la totalité de la provision d'arsenic contenue dans la thyroïde avant les règles. Ainsi, l’arsenic et l’iode réunis dans la thyroïde s'éliminent chaque mois régulièrement par les menstrues chez la femme, et ce flux à pour origine et résultat une sorte de déplétion des principes arsenico-iodés fournis par cetle glande, peut-être même empruntés partiellement à la peau. Après avoir élé élaborées dans la glande thyroïde, les nucléo-protéides spécifiques qu'elle forme sont en tout temps versées, à petite dose, dans les Iym- phatiques et dans le sang, qui les porte aux cellules des divers Lissus dont elles excitent la vitalité et la reproduction. Mais chaque mois, chez la femme, leur excédent passe dans les menstrues pour être versé au dehors, sauf le cas où, celle-ci ayant concu, ces nucléines sont utilisées à la consltilu- tion du nouvel être qui a besoin de phosphore, d’arsenic et d'iode sous cette forme éminemment plastique. On voit maintenant quelest, entre le fonctionne- ment de la thyroïde, celui de la peau et de ses appendices et la fonction génitale, ce rapport caché que m'avaient fait entrevoir mes premières obser- valions. Mais, avant que j’eusse donné avec évidence, par la démonstralion du passage des protéides thyroï- diennes arsenicales et iodées de la thyroïde dans le flux menstruel, la preuve des relations directes qui existent entre les fonctions thyroïdiennes, culanées et génilales, la dépendance de ces fonc- tions, sinon le mécanisme et la raison d'être de leurs rapports, aurait pu résuller de l'examen allenlif des fails physiologiques et pathologiques déjà connus. On savait, en effet, que la glande thyroïde excite et régularise la croissance, qu'elle agit sur la nulri- tion de la peau et qu'elle est en relation avec le développement des organes génitaux. La piéine activité de la thyroïde ne se réveille, en effet, qu'à la puberté. Sa dégénérescence chez le crétin coïn- cide avec l'arrêt de la croissance, l’'infantilisme des organes sexuels, les modifications myxædéma- teuses de la peau. Gette glande prend un dévelop- pement particulièrement rapide chez la femme aussitôt après que celle-ci a subi l'influence du liquide séminal. Cest une très vieille remarque; consignée déjà par Juvenal dans un vers curieux de ses Salires : parlant des suites de la nuit de noces d’une jeune mariée, il dil : … non poterit cras collum cironderec filo Nutrix. Chez beaucoup de femmes, la glande thyroïd s'hypertrophie périodiquement avant l'apparition des règles. À la suite de la thyroïdectomie, on peut voir survenir une atrophie des organes mäles où femelles (Joffmeister:). EL, réciproquement, l'injec tion du suc thyroïdien chez l’infantile ou le myxæ démateux développe les organes génitaux, l’activité assimilatrice générale et l'intelligence; en même temps, l'æœdème de la peau disparaît peu à peu, le sécrélions cutanées se rétablissent, les poils et les ongles repoussent; en un mot, tous les organe riches en nucléines, et particulièrement ceux où nous avons trouvé l’arsenic et l’iode, sont favora= blement influencés par ce suc. il s'établit chez elle entre la crue des cheveux, poils: et ongles, la perte de sang chaque mois, et la pro duclion des nucléines arsenicales de la thyroïde une sorte de balancement d'où résulte l’état de santé. Mais il convient de se demander comment, menstruelle, et comment se passent les choses chez les animaux qui n'ont pas d'écoulement sanguin au moment du rut. On remarquera que presque tous les animaux sang chaud sont couverts de poils ou de plumes et que les appendices cutanés tombent ou muenl après la saison des amours pour se reproduire en | suile, grâce aux réserves accumulées, un peu avant la nouvelle époque des rapprochements sexuels C'est ce qui se passe régulièrement pour les ani® maux sauvages: le cerf, le renne, le renard, loutre, etc., dont le poil tombe au printemps, et se reproduit au début de l'hiver”. C'est-à-dire que chez les animaux velus, les protéides thyroï diennes, caractérisées à la fois par l'arsenic eb l'iode, sont utilisées à nourrir la peau et ses ap pendices jusqu'au moment où, ces organes ayant alteint leur plein développement, le flux richemen | phosphoré de ces protéides spécifiques reflue vers 1 On dit généralement que ces animaux prennent leur poil d'hiver dès qu'il fait froid et le perdent avec la chaleurs Ce n'est point là une explication, mais simplement une constatation: encore est-elle mal interprétée, car les anis maux en stabulation, même chauffés, prennent aussi leu poil d'hiver et le reperdent au printemps. Je domaine génital, dont il provoque la suractivité. Dès lors, la peau et les annexes, qui s’en nourris- Stient, sont lentement alteinls de déchéance : les poils tombent, ainsi que les bois chez les Cervidés “cornes caduques, et la peau elle-même, chez ces pèces, est souvent alteinte d'altéralions variées. “Chez l'homme, mâle qui n'est pas couvert de et la desquamation pidermique continue, correspondent, au point vue de l'absorption et de l'élimination des me, dont la peau lisse et glabre subit moins exfoliation, qui n'a pas de poils au visage, et dont cheveux ne poussent que fort peu, dès qu'ils Ib atteint, à la puberté, leur maximum de déve- ppement. En effet, tant que se fait chez la jeune fille l'ac- oissement de la chevelure, les règles ne se pro- sent pas: la menstruation s'établit chez elle à poque de la puberté, qui est pour l'homme celle la poussée intense du poil et de la barbe. C'est poque de la vie où, chez la femme, la pousse $ clieveux et poils s'arrête, au contraire; leur bulbe recevant, à certaines époques, une quantité insuffisante de nucléines arsenicales déviées vers flux menstruel, non seulement le poil ou les leveux ne poussent plus ou mal, mais il se fait ès mues, des chutes de cheveux répondant à la rte du poil d'hiver chez les animaux. La plus portante de ces mues se produit au printemps; e autre a lieu en automne. La plus connue est Île qui suit l'accouchement, alors que la mère ent de fournir au fœtus le maximum de ces pro- téides et nucléines arsenicales essentielles. S'il exisle une sorte de suppléance entre la crue dés cheveux, des poils et ongles, et les fonctions “énilales, la coupe des cheveux, chez la femme, à donnant à leur reproduction un essor qui dé- rne en partie le flux des nucléines arsenicales, ra influer sur les règles. C’est bien ce qui paraît produire en effet, d’après l'enquête délicate à aquelle j'ai dû me livrer à ce sujet. Les religieuses, portent leurs cheveux courts, savent qu'il faut iter de les couper aux époques menstruelles. une jeune professe entrée depuis peu au cou- nt, on coupe par mégarde sa belle chevelure issent le lendemain; quelques jours après, elle est prise d'accidents cérébraux. Elle avait joui sque-là d'une bonne santé. ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX 214 belle chevelure, a remarqué que ses cheveux devien- nent rebelles au peigne, durs, difficiles à coiffer quelques jours avant ses mois. Si les règles retar- dent on avancent, ce singulier phénomène retarde ou avance régulièrement. Ces rapports entre la nutrition, le développement ou la dégénérescence des appendices de la peau, et l’élat des fonctions génitales, ne se remarquent pas seulement chez les Mammifères, mais chez tous les Vertébrés. Chez l'oiseau, le mâle, arrivé à la période de plein développement qui précède celle des amours, s’est paré de plumes d'une lon- gueur et d'un coloris spécial qui tombent lorsque ses fonctions génilales ont épuisé les réserves phosphorées ou arsenicales de ses organes spéci- fiques. Le héron perd alors son aigrette; le com- battant, sa riche collerette; le coq sauvage, les longues soies de son cou; l'oiseau de paradis, ses belles plumes latérales ; les Mormonidés, Palmi- pèdes de l'Océan glacial du Nord, se débarrassent alors d'un gros élui corné, coloré en rouge, qui entourait leur bec, et de la plaque cornée longitu- dinale qui accompagnait chaque paupière. Ces phénomènes répondent à la chute du poil d'hiver chez les Mammifères velus, et l’on ne sera pas tenté d'expliquer iei la chute de ces aigrettes, de ces plumes d'ornement, de ces appendices cornés en disant que l'oiseau n'a plus besoin de se dé- fendre contre le froid. Des phénomènes semblables se produisent pour la peau et la carapace des Batraciens après l'époque des rapprochements sexuels. On voit done que, dans un grand nombre de classes d'animaux très différents, le développe- ment et la dégénérescence de ces appendices cuta- nés où j'ai conslaté la présence de l’arsenie est tou- jours en rapport avec les fonclions génitales. La Pathologie, à son tour, va nous fournir de nouvelles preuves de ces relations. On sait que plusieurs maladies de peau peuvent frapper la femme durant la grossesse : le masque, la pigmentation cutanée, les vergetures, le prurigo gestativus, la chule des cheveux, etc., aulant de témoignages de la déchéance et du manque de vitalité du tissu dermique et de ses appendices, dont les nucléines spécifiques sont dérivées vers le placenta pour la formation des organes arseni- caux et iodés du fœtus. Certains eczémas, chez la femme, s'exacerbent aux époques menstruelles. On sait aussi qu'au mo- ment de la ménopause, alors que la glande thy- roïde ne peut plus dériver ses produits vers le domaine génital el tend à perdre de son énergie fonctionnelle, la peau est le siège de diverses alté- rations : roséoles, eczémas, poussée de poils. Chez les tuberculeux, l’arsenic, ou plutôt la puis- 212 ARMAND GAUTIER — LE ROLE DE L'ARSENIC CHEZ LES ANIMAUX sance assimilatrice d'où résulte dans la thyroïde la formalion des nucléines arsenicales, diminue très sensiblement. Aussi voit-on chez ces malades des altérations diverses de la peau : les éphélides, la pigmentation, l'arrêt de la pousse des ongles, la chute des cheveux, souvent aussi des troubles menstruels. Tous ces désordres cessent à la fois par le traitement arsenical cacodylique. Avec l’altération de la thyroïde coïncident, chez les myxœdémaleux, les modifications de la peau, qui devient sèche et rugueuse, des cheveux et des poils, qui tombent ou se raréfient, des organes génilaux, qui tendent à s’atrophier. À L'ensemble de ces faits peut se résumer en quel- ques mots : toutes les nucléoprotéides, ou prin- cipes richement phosphorés des noyaux cellulaires et des parties les plus nobles des protoplasmes, aclivent la vie générale et la reproduction des tis- sus. Les nucléoprotéides spécifiques de la glande thyroïde, et particulièrement arsenicales, unies à des protéides iodées et bromées, sont allirées par les organes d'origine ectodermique : la thyroïde, le thymus, le cerveau, la peau et ses annexes, qui les utilisent à leur entretien. Les protéides arseni- cales iodées et bromées d’origine thyroïdienne se désassimilent ensuite, chez le mâle, par la chute des cheveux, la pousse des poils et des cornes, et par desquamation épidermique ; chez la femelle, le surplus des nucléines de la thyroïde se dé- tourne périodiquement vers les organes génitaux, qui les utilisent pour le développement du fœtus, s'il y à eu fécondalion, ou qui les rejettent au dehors dans le cas contraire. On sait, par les travaux de Brown-Sequard, Dani- lewsky, Selenski et Sostin, que les nucléoprotéides et les autres principes phosphorés de l’économie impriment une activité remarquable au développe- ment, à la reproduction et au fonctionnement des cellules. Ce rôle, déjà très actif, des nucléines riche- ment phosphorées est porté à son degré d'excel- lence lorsque viennent concourir à la formalion de ces nucléines l’arsenie, l'iode et peut-être le fer. On connaît depuis longtemps l'efficacité de ces trois agents dans les maladies où la nutrition tend à dégénérer. Deux de ces éléments excitateurs se fixent tout spécialement, et presque uniquement, dans la glande thyroïde. C'est elle qui, en assimi- lant sous forme de protéides l’iode et l’arsenic, en fait des excitateurs puissants, des ferments de vie. La thyroïde vient-elle à souffrir ou disparaitre, comme chez les goitreux, les myxædémateux, les thyroïdectomisés, certains phtisiques dits laryn- gés, les iodoglobulines et les arsenico-nucléines ne sont plus dès lors, ou ne sont qu'imparfaite- ment sécrélées, la reproduction cellulaire s'alan- guit, les fonctions génitales sont atteintes; la . faibles quantités; le navet, le chou, la pomme de recherches pourraient faire naître dans les esprits peau, la sensibilité, les centres nerveux dégénès rent; c'est la vieillesse hàtive, la décrépitude de organes. INT Cet élément d’excilation et de reproduction de tissus, cet arsenie que les Anciens avaient si bien nommé Séfnv, doom, le male, le vigoureux, d'où nous vient-il? Puisque nous l'éliminons sans cesse, il faut qu'il soit journellement absorbé. J'ai examiné à ce point de vue quelques aliments usuels. - Le pain fail avec le blé qui croit sur les terres des environs de Paris ne contient pas d'arsenie Mais Stein en aurait trouvé des traces dans les Graminées cullivées sur des lerrains plus ou moins pyriteux. 4 La viande, le foie, lesreins, n’en contiennent pa nous l'avons vu. Il en est de même des œufs. J'ai cherché en vain ce métalloïde dans le poisson. Mais j'ai constalé l’arsenie, quoique en faible proportion, dans le lait, la peau, le thymus, et dans le cerveau en quelque cas. Ce sont là des aliments que nous consommons presque tous les jours. Plusieurs végétaux nous en fournissent aussi den terre et le blé lui-même quand il pousse sur ce tains terrains. Enfin, l'arsenie accompagne presque toujours le fer dans les eaux potables ou miné” rales. - Des recherches méthodiques plus complètes faites dans cetle voie, seraient intéressantes. . Au point de vue de la médecine légale et des inquiétudes, futures ou rétrospectives, que ces il est utile de remarquer que, sauf dans la thyroïde la mamelle, la peau et ses appendices, peut-être dans le cerveau et le testicule, on ne trouve pas & moindre indice d'arsenic. Il est absent du foie, la rate, des reins, des poumons, du sang, des urines, des intestins, des muscles. Si donc l’exper (et c'est la règle qu'il suit généralement) s'adresse séparément dans “ses recherches loxicologiques d'arsenie, dans le cas d’imputalion criminelle, chacun de ces organes que j'ai reconnus en êtm totalement dénués, et s'il y trouve des {races caral térisables de ce métalloïde, c’est que l’arsenic ava élé introduit pendant les derniers jours de la wi sous forme médicamenteuse ou criminelle. Le seul cas qui pourrait laisser, peut-être, de doutes est celui des.exhumations tardives, alofl qu'on peut craindre que l’arsenic de la peau et dt la thyroide se soit partout diffusé dans le deliqui cadavérique. Mais, comme on l'a vu, l'arsenie total de la thyroïde d'un adulte s'élève à 0 millig. # | environ; en doublant cette quantité pour teni | | ] JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 213 compte des traces qui se trouvent dans la peau et s autres organes, s'ils se répandaient dans tout cadavre, gràce à la liquéfaction bactérienne, s 34 centièmes de milligramme, pour un corps jumain tout entier pesant en moyenne 68 kilos, : : 34 feprésenteraient le rapport de 6-800:000.000 — 1 .000.000° total. Or, nous avons vu que la méthode la plus soit un deux cent millionième du poids È : ee . { , délicate permet d'apprécier à peine = (un Rue? PP PÉRE 50.000.000 ingt millionième), c'est-à-dire une quantité dix fois lus grande d'arsenic. Cet élément, aiasi dilué au ux cent millionième, échapperait donc à toute cherche. Il resterait une dernière question à résoudre, et ! ce nest pas la moins intéressante : Les faits pré- cédents démontrent que la fraction de milli- gramme d’arsenic déposée dans la thyroïde, et qui ne représente pas au delà d'un quatre cent millio- nième du poids total du corps, est nécessaire et suffisante pour le bon fonctionnement de la vie. Quel est donc le secret de l’activité qu'impriment à nos organes ces doses presque infinilésimales d’arsenic et peut-êlre d’autres substances qui nous échappent encore? Il serait trop long d'aborder ici ce problème. J'ai essayé de le résoudre dans un Mémoire lu le 8 août à La Section de Pathologie gé- nérale du Congrès international de Médecine. On le trouvera dans les Actes imprimés de ce Congrès. Armand Gautier, Membre de l'Académie des Sciences. Professeur à la Faculté de Médecine de Paris PREMIÈRE PARTIE : 1. — DÉFINITION ET CONDITIONS DE POSSIBILITÉ D'UNE ECLIPSE. Sous le nom d'éclipse, on entend DEP REUeNE eux phénomènes distincts : Un astre non lumineux en soi, éclairé par le Soleil par exemple, laissera derrière lui une région de pénombre et d'ombre, un cône d'ombre, si l'on it; si la trajectoire d’un deuxième astre, égale- ent obscur, le conduit dans cette région, son lt se trouve supprimé par l'ombre portée du emier corps : il y a éclipse proprement dite, mme on en rencontre pour les satellites : éclipse l6 Lune, éclipses des satellites de Jupiter. Mais, d'autre part, un corps opaque peut s’in- oser entre l'œil de l'observateur et l'objet idié : c'est le cas d’une occullation à propre- ent parler, occultation d'étoiles ou de planètes la Lune, occultation du Soleil par la Lune ou, l'on veut, éclipse de Soleil. Alors la distinction ndamentale s'aperçoit immédiatément : dans le mier cas, si nous prenons une éclipse de Lune, tre satellite lui-même s'éclipse, c’est-à-dire teint en pénétrant dans l'ombre, et, de ce fait, de- nt simultanément invisible pour tous les points Ja Terre ; au contraire, pour une occultation, pour e éclipse de Soleil, c’est à proprement parler l’ob- ateur lui-même qui est éclipsé : les divers ints terrestres pénètrent successivement dans THÉORIE DES ÉCLIPSES ET RÉSULTATS DES LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL s OBSERVATIONS l'ombre partielle ou totale, et l'éclipse est locale à un instant donné. Sans doute, cette distinction est un peu étroite et terrestre : elle pourrait sembler vanileuse à un esprit astronomique extérieur, ignorant si les astronomes les plus méritants sont sur une planète ou sur ses satellites, mais elle est indispensable, cependant, locales. Prenons, au reste, le problème géométrique de la manière la plus simple : dans les deux cas, pour qu'il y ait éclipse, le Soleil, la Terre et la Lune doi- vent se trouver en ligne droite, voisinage d’un de ses nœuds, la Lune doit être en conjonction ou en opposition; de plus, les distances mutuelles devront être telles que l'ombre de la Lune atteigne la Terre, ou réciproquement, ce qui nous conduit à calculer la longueur des cônes d'om- bre portée par ces deux astres. 1° Ombre de la Terre. — Si nous désignons par 1 la longueur du cône d’ombre, par r et R les rayons de la Terre et du Soleil, et par d la distance des centres de ces deux corps, on à immédiale- ment : par ses conséquences c'est-à-dire que, au Go = = CRE ie FC d d c'est-à-dire : __ 206.265 5D—w 214 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL D et w figurant le diamètre apparent et la paral- laxe horizontale du Soleil. Prenons alors pour r la valeur moyenne du rayon terrestre à la latitude de 45°; considérons quele demi-diamètre apparent = D ni varie entre 16118" et 1545", soit entre 978" et 945”, et que la parallaxe horizontale w est comprise eatre 9! et 8,8; il en résulte que le minimum de la longueur du cône d'ombre possède la valeur : 206.265 = r—9207r Or, la distance de la Terre à la Lune, lorsque celle-ci est à son apogée, est de 63,7 rayons ter- restres : done, toujours, le cône d'ombre de la Terre atteindra la Lune. Ainsi l'éclipse de Lune est visible, au même in- stant, en tout un hémisphère, pour lequel la Lune est alors au-dessus de l'horizon et, comme ce phé- nomène présente une certaine durée, on peut même dire qu'il est visible sur plus de la moitié de la sur- face de notre globe. À chaque instant, au pôle de l'hémisphère en question, il y aura éclipse de Lune au zénith : en ce point, le temps sidéral est égal à l'ascension droite de la Lune, et la latitude égale la déclinaison de notre satellite. Mais c'est là un problème parfaitement théo- rique que nous venons d'esquisser, et quand nous disons que la longueur du cône d'ombre estenviron de 200 rayons terrestres, nous n'apportons qu'une donnée fictive et purement géométrique ; en réalité, il est impossible de négliger notre atmosphère, dont l'influence consiste à réfracter les rayons tangents et à réduire énormément la longueur de ce cône d'ombre pour la faire tomber à 42 rayons : dans ces conditions il ne saurait jamais y avoir d’éclipse totale ; la Lune serait loujours éclairée pendant une éclipse, et un observateur à sa surface verra tou- jours au moins les 3/4 de la surface du Soleil. Et, s'il n'y a pas à proprement parler d'éclipses totales, on conserve ce nom, cependant, pour le cas des éclipses dans lesquelles la Lune pénètre tout enlière à l'intérieur du cône géométrique langent aux sur- faces du Soleil et de la Terre. Au reste, notre atmo- sphère intervient encore d'une seconde manière : les couches d'air inférieures sont plus ou moins humides, d'une transparence incomplète, ce qui leur permet d'éteindre en grande partie les rayons qu'elles réfractent et d'augmenter ainsi l'apparence d'éclipse; de plus, elles absofbent principalement la nuance complémentaire du rouge, de sorle que la Lune est toujours teintée en rouge pendant les éclipses totales. Enfin, les couches les plus basses de l'atmosphère sont trop denses pour que les rayons lumineux qui les traversent soient encore capables d'éclairer | question est inférieure à 1°2#. la Lune par réfraction. Si l'on veut tenir compte de l'effet de ces couches, et mettre d'accord les prés dictions d’éclipses de Lune avec les observations Mayer a reconnu qu'il suffisait d'augmenter de _ de sa valeur le diamètre de l'ombre. 20 Ombre de la Lune. — Le calcul que nous venons d'indiquer est tout aussi simple dans le second cas on trouve alors que la longueur du cône d'ombre portée par la Lune peut varier entre 57,54 X 59,73 X r. Or, la distance de notre satellite oscille entre 55,9 Xr et 63,7 X 1, de sorte que son ombre peut, ou non, atteindre la Terre : dans le premier cas l'éclipse de Soleil est Lotale, dans le second elle est annulaire. Ceci, bien entendu, pour les poin situés dans l'intérieur du cône d'ombre ou de sot prolongement, car l’éclipse n'existe point en un lieu d'observation trop éloigné et n’est que partielle pou un observateur placé dans la région de pénombre Ainsi l'ombre de la Lune va se déplacer à la su face de la Terre, d'abord en raison du mouvement relatif de la Lune et du Soleil, puis en raison du mouvement de rotalion de la Terre: et, comme les moyens mouvements diurnes de la Lune et du S leil sont respectivement de 13° et de 1°, la Luné nous semblera se déplacer, par rapport au Soleil de 12° par jour, ou de 30° par heure dans la direcm tion de l’ouest à l’est, c'est-à-dire que, vue de la Lune, l'ombre marcherait dans ce sens, sur la Terre immobile, avec cette même vitesse de 30! à l'heure: le calcul plus complet montre que, effectivement l'ombre de la Lune se déplace de l’ouest à l’est. Mais nous avons dit également que la possibilité de l’éclipse exigeait la présence de la Lune au voë sinage d'un de ses nœuds, et celte dernière condi Lion est bien imposée par ce fait que le plan d& l'orbite lunaire ne coïncide pas avec celui de Péclip: tique : et, en effet, si la Lune restait constamment dans le plan écliptique, il y aurait éclipse à toutt conjonction (ou opposition), tandis que notre satel lite, s'écartant de l’écliptique, peut atteindre et dé passer une latitude de 5°, ce qui va rendre réelle ment les phénomènes un peu plus complexes. E calcul complet, d’ailleurs très facile, peut alors &t résumer de la manière suivante : Si la latitude de la Lune est supérieure à 49 l'éclipse de Lune est impossible. Si la latitude est comprise entre 52! et 143 l'éclipse est douteuse. Si la latitude est inférieure à 52, l’éclipse es cerlaine. Pour une éclipse de Soleil, les résultats sont di mème nalure: l'éclipse est impossible si la latituden de la Lune est supérieure à 1°34'; douteuse entres 192%" et 1°34'; certaine, enfin, si la latitude & JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 215 Au resle, ces limites dans la latitude peuvent s'exprimer autrement par des limites dans la dis- “jance de la Lune à son nœud, et nous revenons à ire que l'éclipse de Lune est possible si la distance de la Lune à son nœud est inférieure à 12°, tandis “que l'éclipse du Soleil exige seulement que cette “mème distance ne dépasse pas 17°. Ainsi, la fré- quence relative des éclipses, pour la Lune et le Soleil, 12 17. Si les éclipses de Soleil sont donc plus fréquentes que celles de notre satellite, ce résullat cependant parait au premier abord paradoxal, puisque l'on à beaucoup plus souvent l'occasion d'apercevoir des éclipses de Lune; et c’est parce que, nous l'avons pu deviner déjà, en un même lieu les éclipses de «Lune, s'étendant à tout un hémisphère, sont envi- ron trois fois plus fréquentes que celles du Soleil, chacune de ces dernières étant localisée à une étroite région terrestre. Au reste, un exemple fera mieux comprendre la rareté, en un point déterminé, des éclipses totales du Soleil : la der- nière qui fut visible à Paris remonte à 1724, et la prochaine ne se présentera pas avant l'an 2026. Enfin, la durée d'une éclipse de Soleil est toujours assez courte: elle est aumaximum de huitminutes à l'équateur et de six minutes à la latitude de Paris, pour une éclipse totale; de 12 et 10 minutes pour une éclipse annulaire, tandis que la durée totale du phénomène, depuis le premier contact jusqu'au dernier, ne peut dépasser quatre heures et demie à l'Équateur, et trois heures et demie à Paris. Maintenant que nous savons dans quelles con- ditions peuvent se produire les éclipses, il reste à calculer à l'avance, à prédire le retour de ces hénomènes si importants. Or, la ligne des nœuds se meut sur l’écliptique dans le sens rétrograde: les éclipses vont se repro- duire dans le même ordre après la période qui amène le Soleil, la Lune et la ligne de nœuds dans es mêmes positions relatives. En introduisant donc révolution synodique, 29,53060 jours, et la évolution draconitique, 27,21229 jours, le pro- blème revient à trouver deux entiers K et K!tels Sera représentée par le rapport Ne K.29,53060 — K!.27,21229 dont les réduites successives sont: Et, si nous voulons nous en tenir à cette dernière réduile, nous aurons : révol. dracon. — 6.587 jours 37 942 == CARE 223 révol. synod. — 6.587 jours 37 = CHaneMIMourse Aïosi,au bout de dix-huitans onze jours, c'est-à- diresensiblement après une révolution du nœud, les trois mobiles reviendront dans les mêmes positions relatives: cette période, dite saros par les Chal- déens, leur avait élé enseignée par l'observation des éclipses et comprend, en général, 70 éclipses, soit 41 éclipses de Soleil et 29 éclipses de Lune! Après quoi les phénomènes vont se reproduire dans le même ordre et aux mêmes intervalles. Enfin, dans une même année, il y a au plus 7 éclipses: 4 ou 5 de Soleil et 3 ou 2 de Lune. Il y en à au moins deux et, s’il n’y en a que deux, ce sont deux éclipses de Soleil. On pourrait penser, cependant, que ces caleuls ne sont encore que très approchés, en ce qui con- cerne la périodicité des éclipses, parce que nous n'avons fait entrer en ligne de compte que les moyens mouvements du Soleil, de la Lune, de la ligne des nœuds, et que les inégalités sont appelées à troubler une telle concordance ; il n’en est rien, et cette concordance est fort exacte à cause de la coïncidence suivante : le cycle chaldéen comprend aussi 239 révolutions anomalistiques qui équivalent à 6.585,5 jours de sorte que, après dix-huit ans onze jours, non seulement la Lune revient aux mêmes posilions par rapport à son nœud et par rapport au Soleil, mais encore sensiblement à la même posilion par rapport à son périgée. IT. — LES PREMIÈRES OBSERVATIONS D ECLIPSES. Comme les phénomènes superficiels qui se produisent sur le Soleil sont dissimulés, en temps ordinaire, par l'éclat de la surface, l'observation la plus attentive ne fournitpas grands renseignements sur la nature même de cet immense foyer, et il fallut profiter avec soin des éclipses totales pour étudier la périphérie, pour édifier lentement l'état actuel denos connaissances et de nos théories sur la constitution physique du Soleil. La première apparence qui attire le regard, pen- dant une éclipse totale, consiste en une auréole lumineuse, blanchàtre et dégradée, qui entoure le disque obscur de la Lune et peut s’en éloigner à une distance égale à celle du diamètre solaire lui-même : c'est la couronne. Puis, la moindre attention permet d'observer les protubérances. Or, ces phénomènes si importants ne sont guère suivis el observés avec 216 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL soin que depuis l'éclipse tolale de 1842, bien que les plus vieux textes aient donné déjà des indica- tions très précises relativement à la visibilité de la chromosphère : Ainsi, Plutarque, lorsqu'il parle de l’éelipse totale de l'an 98, dit que « la Lune laisse déborder autour d’elle, dans les éclipses, une partie du Soleil, ce qui diminue l'obscurité. » Les derniers mots, comme le pensait Arago, ne peuvent laisser aucun doute : il s'agit bien là d'éclipse totale, car, par une éclipse annulaire, il n'y a véritablement pas obscurité, mais bien plutôt un simple affaiblis- sement de la lumière. Il est certain, au reste, que les Anciens admet- taient l'impossibilité des éclipses totales !. Mais, sans nous altarder à l'Antiquité proprement dite, nous pouvons trouver au Moyen-Age d'intéres- santes indications visuelles sur les éclipses, la cou- ronne et même les protubérances. L'observation la plus ancienne dans laquelle les phénomènes soient réellement décrits avec quel- ques détails précis remonte à l’an 1239”. Le chroni- queur dit nettement que l’on vit un cercle autour du Soleil, avec un trou enflammé dans la partie inférieure, — Quoddam foramen erat ignilum in circulo solis ex parte inferiori — ce qui, sans nul doute, doit êlre considéré comme se rapportant à une importante protubérance. Clavises observe un phénomène analogue le 21 août 1550 et il en parle avec surprise. Nous pouvons encore chercher de précieux renseignements sur la visibilité de la cou- ronne dans l’A/magestum n0ovum du père Riccioli : Ici, pendant les éclipses totales, la couronne est présentée comme un anneau lumineux entourant le disque noir de la Lune, et l'on ne tarde pas à donner l’explicalion de ce phénomène en utilisant les déterminations des diamètres apparents du Soleil et de la Lune faites par Tvcho-Brahé. En effet celui-ci avait trouvé que, dans les meilleures condi- tions, c'est-à-dire pour la Lune au périgée et le Soleil à son apogée, le diamètre angulaire de la Lune reste toujours inférieur à celui du Soleil. Il en ré- sullait done bien, pour eux, l'impossibilité des éclipses totales : toutes les éclipses étaient annu- laires, et l’on apercevait toujours, autour de la Lune, un anneau lumineux constitué par la surface même du Soleil. Mais bientôt apparait dans la science l'invention des lunettes; la mesure des diamètres angulaires s'effectue avec une plus grande préci- sion, et l'on est obligé de reconnaître que, dans les cas les plus favorables, le diamètre de la Lune peut surpasser celui du Soleil d’une quantité approxi- mativement égale à 27; il fallait chercher une toute autre explication à l'apparition de cette au- 1 V PLurarQuE : Opera Moralia. De facie in orbe Lunæ. ? Cette observation a été rapportée par Muratori. Ann R. Ital., &. XIV. col. 1097. réole qui entoure la Lune pendant les éclipses Kepler propose deux hypothèses pour expliquer la présence de la couronne. Dans la première, il suppose le voisinage du Soleil constitué par de l'éther enflammé, qui resterait lumineux quand l’astre lui-même serait éclipsé ; la seconde hypo= thèse, qu'il fallut abandonner depuis, mais qui fut alors acceplée par presque tous les astronomes; consiste à dire que, pendant une éclipse totale, on: aperçoil l'atmosphère de la Lune éclairée par les rayons tangenls issus du Soleil. Le premier, Cassini s'éleva précisément contre celte conception : Dans de nombreuses observations des occullations d'étoiles ou de satellites par une planète, il n'avait, en effet, jamais observé de diminution appréciable dans l'éclat des astres qui Ss'appro= chaient du bord de la Lune. Néanmoins, il ajoute que, « dans quelques cas, il a vu l’allongement des disques d'étoiles et de satellites quand ils tou- chaient le bord de la Lune; cela donne à supposer qu'autour de la lune existe une atmosphère, mais si faible qu'elle ne peut devenir si netlement visi= ble pendant les éelipses totales. » L'éclipse totale de 1706 allait fournir une excel= lente occasion d'élucider ce premier problème et l'on se garda d'y manquer puisqu'elle était visible dans le Sud-Est et le Sud de la France; voici, à cet égard, ce que nous trouvons de plus saillant dans l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences pour l'an 1706 : ï « L'Astronomie peut se vanter, et elle conservera cette gloire dans les siècles à venir, que jamais phé- nomène céleste n’a eu de plus grands et plus illus=" tres observateurs. Le roi voulut voir faire les ob=« servalions par des astronomes de l’Académie, et pour cela M. Cassini le fils et M. La Hire le fils allèrent à Marly avec tous les instruments néces= saires. La Société Royale des Sciences de Montpel= lier observa avec beaucoup de soin cetle éclipse. Ces messieurs ont remarqué que, pendant qu’elle fut totale, l'obscurité ne ressembla ni à celle de lan nuit, ni à celle du crépuseule, mais qu'elle fut d'une espèce particulière, qui ne peut non plus s'exprimer que la lumière et le son. Il est assez étonnant que la variélé qui règne dans la Nature s'élende jusque sur l'obscurité, qui semble n'avoir qu'une cause, et par conséquent devoir être forb uniforme. , « Mais, de tous les phénomènes de cette éclipse, le plus considérable, et en même temps le plus difficile à expliquer, ce fut une couronne d'une lumière pâle, large de la douzième partie du dia mètre de la Lune, qui parut autour de son disque» dans les lieux où l'éclipse fut totale, Les astrono= mes de la Société Royale de Montpellier, plus atten* tifs el plus exacts que d’autres observateurs, remarquèrent que cette couronne, qui, à la vérité, des bornes qu'on vient de lui donner, allait beau- oup plus loin, en s’affaiblissant loujours, et formait un grand espace circulaire de huit degrés de dia- “mètre, dont la Lune était le centre. » Toutes les observations effectuées à Montpellier, q rait bien paraître une chevelure lumineuse au Soleil dans les éclipses totales. C'est cette lumière répan- due sur le Zodiaque, que nous commençämes d'observer avec admiralion au mois de mars 1683. Dans notre Rapport, nous jugeàämes que, si l'on avait pu voir cette lumière à la présence du Soleil, elle lui avait formé peut-être une espèce de chevelure. « Nous avons supposé qu'il ya autour du Soleil une malière lumineuse plus dense, proche de cet astre, el plus rare à une plus grande dislance, où elle est facilement effacée par les crépusecules et par la clarté de la Lune. Dans cette éclipse, on aura pu voir aisément la partie de cette lumière plus dense qui environne immédiatement le Soleil, comme il est arrivé en diverses villes. La partie la plus rare, “qui lui succédait à une plus grande distance du Soleil, n'aura pas pu être observée aisément; néan- moins, les astronomes de Montpellier, qui apportè- t une attention particulière pour voir s'ils ne listingueraient point notre lumière, remarquèrent autour de cette couronne une aire lumineuse plus le, qui s'étendait jusqu’à la distance de quatre degrés de côté et d'autre. Le reste de la lumière, qui s'étend à une distance beaucoup plus grande, n'aura pas été visible à cause que l'obscurité de Pair n'était pas assez grande pour pouvoir distin- guer la partie la plus rare qui est plus éloignée du oleil, et qui ne parait le matin qu'avant que le Doc commence, et le soir de ‘après qu'il est « Ayant donc supposé cette malière lumineuse, On en pourra voir la partie plus dense, qui envi- onne immédiatement le Soleil, dans les éclipses lotales, avec quelques différences en divers lieux de la Terre, suivant la diverse constitution de Londres, l’éclipse totale du 3 mai 1715 : Lionville EVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 de ses JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL A fit de très intéressantes observations de la cou- ronne et crut qu'il fallait, au contraire, en attribuer la présence à l'atmosphère de la Lune. Cette opi- nion élait principalement basée sur le fait SERRE $ observations, comme de celles de Halley, semblait résulter que la couronne était ie non autour du Soleil, mais autour de la Lune. Au reste, il remarque très justement que la couronne n'était pas régulière, et il mentionne que l'on aper- cevait, autour du disque lunaire, des rayons res- semblant à ces gloires que l’on dessine autour de la tête des saints. Alors, précisément, il compare encore les rayons à ceux que l'on voit, après le coucher du Soleil, dans un pays de hautes montagnes, et le fait parait tout naturel puisque l’on sait que, dans la Lune, il y a de plus hautes et de plus abondantes mon- tagnes que sur la Terre; l’ensemble des observa- lions conduit Lionville à attribuer une hauteur de 64 lieues à l'atmosphère lunaire, ce qui ne doit nullement étonner, selon lui, si l'on la pesanteur sur la surface lunaire est trois fois moindre que sur la Terre et que, par conséquent, à égalité de quanlilé d'air, l’atmosphère de la Lune devra s'élever à une hauteur trois fois plus consi- dérable que ne le fait la nôtre. De plus, pendant cette éclipse de 1715, Lionville observa nettement, pour la première fois, la chro- mosphère solaire : « J'ai observé, dit-il, que, vers la fin de l'éclipse entière, il y avait, autour du bord de la Lune qui n'avait pas encore quitté le Soleil, un cercle d'un rouge très vif, dont le limbe de la Lune était bordé, ce qui venait sans doute de ce que ces sortes de rayons, étant ceux qui sont le moins faciles à rompre, étaient séparés des autres qui souffrent une plus grande réfraction, ce qui faisait qu'ils étaient les seuls qui pussent encore être visibles. » Et celle observation fut confirmée par Halley qui apercut, en outre, la rupture du mince croissant du Soleil par les montagnes de la Lune, les « Baily beads ». Mais, entrainé par l'idée fixe d'une atmosphère lunaire, il erut devoir attri- buer ce phénomène aux inégalités de réfraction qui se produisent dans les couches atmosphériques voisines du disque de la Lune; le raisonnement le conduisait à admettre une condensation gazeuse dans la calotte qui entoure le pôle méridional de notre satellite, « lequel air ne voyant jamais le Soleil, ou du moins que fort obliquement, doit être d'une densité beaucoup plus grande que le reste de la même atmosphère ». Cette explication peut ardt hui nous paraitre bien légère et, cependant, elle fut certainement émise avec la plus entière bonne foi; les circons- tances mêmes étaient groupées pour la rendre vraisemblable, car le phénomène apparut précisé- songé que 5* 218 JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL ment au pôle méridional de la Lune et, de plus, Lionville faisait enfin la remarque très importante que le Soleil s'affaiblissait toujours d'intensité au fur et à mesure que la Lune se rapprochait de lui : l'explication de cette singularité se présentait encore naturellement dans son système, puisque les rayons solaires étaient de plus en plus absorbés par l’at- mosphère de la Lune, chargée de vapeur d’eau. Toutes ces raisons sont abandonnées aujourd'hui, mais l'observation de Lionville, très bien conduite et très complète, peut être considérée comme une base sûre, car le dernier signe de l’affaiblisse- ment lumineux fut retrouvé dernièrement, princi- palement à l’aide de la photographie. Enfin, à propos de cette éclipse de 1715, de nom- breux observateurs sont d'accord sur un phéno- mène très singulier, qui ne parait pas avoir reçu, jusqu'ici, d'explication satisfaisante; il s'agit, si l’on en veut adopter leur description, « de fulmina- tions ou vibrations instantanées apparaissant sur la superficie de la Lune. C'étaient des feux qui ne duraient qu’un instant; ils allaient en serpentant comme font nos éclairs : ce n’était donc autre chose que des éclairs, des tonnerres qui pouvaient être alors dans l'atmosphère de la Lune, supposée plus orageuse que celle de la Terre, à cause du grand nom- bre deses hautes montagnes. Ce spectacle imprévu causa une espèce de frayeur aux observateurs. » Ces deux éclipses, de 1706 et 1715, si rappro- chées, et qui devaient donner lieu à des observa- tions intéressantes autant qu'inattendues, altirèrent bien légitimement l'attention du monde savant tout entier : cette apparition de la couronne fit le plus grand bruit et suscita des recherches, tout comme des discussions. Malheureusement, les astronomes ou les physiciens, nous allons le voir, multipliant leurs expériences, devaient verser dans une bien autre difficulté : les propriétés intimes de la lumière et les conditions de sa propagation. Dans les Mémoires de l’Académie des Sciences pour l'an 1715, nous trouvons d’abord un travail étendu, dans lequel Delisle donne une bonne et complète description de ses expériences, en vue d'étudier et de reproduire toutes les circonstances des éelipses : Il introduit, dans une chambre noire, par un trou très pelil, le faisceau des rayons du Soleil qui lui permet d'obtenir l’image du disque sur un écran blanc; à une distance déterminée de cet écran, il place alors un cercle opaque de telle sorte que le diamètre de son ombre surpassât légè- rement, sur l'écran, celui de l'image du soleil. En interceptant ainsi complètement le faisceau lumi- neux par le disque, Delisle observe sur l'écran l'ombre du disque, entourée par un anneau lumi- neux à bords bien définis. Cet anneau n'était pas idenlique, à beaucoup près, à la couronne observée pendant les deu éclipses et, cependant, Delisle crut devoir iden= tifier les deux aspects. Il conclut donc de son expérience, pour expliquer l'apparition de l’aus réole lumineuse autour de la Lune, pendant les éclipses totales du Soleil, que point n'est même besoin de supposer l'existence de l'atmosphère lunaire, « pas plus qu'autour du cercle de plomb qui me servait pour couvrir l'image du Soleil » mais que la couronne est simplement le résultats d'un phénomène de diffraction pour la lumière. HI ajoule que, lorsqu'il regardait son disque à l’aide d’une lunette, il le voyait entouré par plusieur. anneaux lumineux, nettement séparés les uns des. autres par des intervalles sombres et colorés; ainsi son expérience était bien faite, l'explication même en était bien dans la diffraction, mais son identi= fication des deux phénomènes était absolument illusoire et, avec un peu moins d'entrainement, il eut pu le reconnaitre, puisque la couronne lunaire n'est pas régulière comme son anneau, et que, de plus, elle élait unique dans toutes les observations: La même année, de la Hire cherchait à expliquer autrement encore l’apparilion de la couronne et il réalisa l'expérience suivante : Il prend une boule de pierre de couleur blanc-grisätre, non polie, et la suspend à un fil, de manière qu'elle éclipse le Soleil à ses yeux. Il aperçut alors une auréole lumineuse autour de la boule de pierre, dont la surface, avec ses aspérités fort inégales, réfléchit la lumière solaire : d'où l'auréole. Jusqu'ici lexpli- calion est vraiment par trop vague, et il crut l'ex= pliciter de la manière suivante : le diamètre du Soleil étant, en fait, beaucoup plus grand que celui de la Lune (ou de la pierre), les rayons solaires éclairent toujours plus de la moitié de la sphère; ainsi done, en regardant la partie obscure, on la voit entourée par le cercle lumineux qui déborde de la ealotte hémisphérique. Rien n'arrête plus pour complèter l'explication de la couronne; l’épaisseu de cet anneau est variable avec la distance de 1 Lune au Soleil et, par suite, tantôt la couronne nous apparait plus large et plus brillante pendant une éclipse, tantôt, au contraire, elle devient presque invisible; enfin la surface de.la Lune, loin d'être uniforme, est recouverte de hautes montagnes où de profondes vallées ; l'anneau n'est donc pas régus lier : il présentera des interruptions qui constituent les rayons mêmes de la couronne; et les change ments dans la forme de cette auréole sont produits par le mouvement du disque lunaire. Cette explication est beaucoup moins bonne, priori, que la précédente, et nous ne nous arrêtes rons pas à la discuter: en fait, elle repose sur une raison géométrique assez subtile, mais il n’y es tenu aucun compte de ce que nous sommes for JEAN MASCART -- LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 219 EL foisins de la Lune, ce qui nous empêche aussi d’en percevoir un hémisphère entier, et, outre que la randeur de la couronne n’eslnullement expliquée, “Mais l'occasion était belle de nouveau : il allait y joir une éclipse tolale de Soleil le 22 mai 1724, ter à cet intéressant phénomène, tandis que les tronomes pensaient bien profiter de celte occasion pour résoudre définitivement toutes les questions lors en discussion. Louis XV fit venir à Trianon les astronomes Jaraldi et Cassini ; lui-même, il observa avec eux différents contacts et doigts de l’éclipse; et, on l'expression même de Cassini, le roi avait pporté le thermomètre et le baromètre de son inet pour observer « les variations qui pour- aient arriver pendant l’'éclipse, lant dans les degrés le chaud et de froid que dans la pesanteur de r ». Cette observation royale ne devait pas four- ir grand résullat scientifique : on apercevait bien la couronne autour de la Lune, mais sans en pou- » semblait pas concentrique à la Lune. A l'Observatoire de Paris, les conditions de visi- ité sont plus favorables et Delisle se charge des plit ces thermomètres d'esprit de vin, les sou- et « à l'expérience de l’eau bouillante et ensuite à tempéralure de l'air pendant l’éclipse ». Pendant totalité, il apercut bien effectivement l'auréole ineuse autour de la Lune, avec une largeur onslante; cependant cet anneau paraissait blanc 2 E son contour extérieur n'était pas aussi netle- nent délimité que pour les anneaux artificiels de expériences : « Mais, continue-t-il, entrainé par On hypothèse première, comme je persiste dans la, pensée que ces anneaux artificiels et celui qui arait autour de la Lune dans les éclipses totales Soleil proviennent d'une même cause, je crois e ce qui m'a empêché d'apercevoir cet anneau Le 2 mai 1733, Vasssenius observe aussi la cou- ronne : il remarque les flammes rouges que nous appelons aujourd'hui protubérances et, toujours dans les mêmes idées, il les attribue à des nuages flottant à travers l'atmosphère de la Lune et éclairés par le Soleil d'une façon particulièrement intense. Il y eut encore une éclipse lotale, au xvin° siè- cle, le 24 juin 1778, et, si les observateurs en fu- rent peu nombreux, nous possédons cependant une fort bonne description d'un amiral espagnol, don Antonio de Ulloa; don Antonio aperçut la couronne large de 5' environ, avec circonférence intérieure rougeätre, dont la teinte va en s’affaiblissant dans le jaune pâle, pour paraitre entièrement blanche lorsque l'on parvient au bord extérieur. Çà et là, à partir de cet anneau lumineux, et jusqu'à des dis- tances égales au diamètre angulaire de la Lune, tantôt plus, tantôt moins, s'échappaient des jets ou rayons perceplibles, et le tout semblait animé d'un mouvement circulaire rapide, tel un soleil ou feu d'artifice mis en jeu sur son centre. III. — LES ÉCLIPSES AU XIX° SIÈCLE. Ainsi, en réalité, le problème de la constitution physique du Soleil, celui de la nature de la couronne, qui paraissaient devoir être définitivement tranchés au début du xvir° siècle après avoir attiré l'atten- lion du monde savant, étaient à peine posés, au contraire, lorsque fut visible en Amérique l'éclipse totale du 16 juin 1806. Cette éclipse fut observée par Bowditch et Ferrer. Ce dernier remarqua que la couronne était concentrique au Soleil, avait une largeur de 6 minutes, avec une coloration « blanc de perle » et que, parfois, du bord de l'anneau par- taient des rayons pouvant s'étendre jusqu à une distance de trois degrés. Il n'y avait encore guère là de victoire, et la ques- tion eut progressé fort lentement si F. Arago n'avait eu l'intuition que le problème allait changer entièrement d'allure pour se diriger dans une voie en quelque sorte plus physique ; dans une nolice justement célèbre, il attira tout particulièrement l'attention sur l'intérêt et l'utilité des observalions d'éclipses, et c'est à son influence, à sa haute auto- rité, que l'on doit cerlainement en partie les si nombreuses observalions de l'éclipse qui allait se produire en 1842. L’éclipse totale de 1842 se présentait, au reste, pour nous, dans des condilions particulièrement favorables, sa ligne centrale passant à travers toute l'Europe et l'Asie ; elle fut observée en France par les astronomes français, en Italie par les Italiens et les Anglais, en Autriche parles Allemands !. Et cette 4 Voir ArAGo : Annuaire du Bureau des Longiludes pour 1846; Barzy : Memoirs of the FR. Astron. Society, t. XV, 1846. 220 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL éclipse revêt, au point de vue historique, un carac- tère spécial, puisque, pour la première fois, elle fournit à Fusinieri l'occasion de tenter l'analyse spectrale de la lumière coronale : « M. Fusinieri, dit Arago, décomposa, à l’aide d’un prisme de verre, la lumière de l’auréole lunaire. Il assure que le spec- tre provenant de cette décomposition manquait absolument de vert; que la place qu'occupe ordi- nairement celte couleur était entièrement obscure. » Mais ce n'est pas tout et, bien que l'observation des protubérances soit relativement plus récente que celle de la couronne, nous avons vu que Stan- nyan (1706), Lionville (1715), lord Aberdour, au cours d'une éclipse annulaire (1717), Vassenius (1733) et quelques autres auteurs avaient cepen- dant, et sans s’y arrêter beaucoup, donné quelques indications el quelques descriptions sur ces étran- ges phénomènes. On allait avoir d'importantes déterminations avec Airy, Arago, Baily, de Littrow, Fusinieri, Mauvais, Petit, Piola, elc., et, à propos de l'observation de deux protubérances roses pen- dant l’éclipse du 8 juillet 1842, Arago dit fort nette- ment que l’on « se trouve mis sur la trace d'une troisième enveloppe située au-dessus de la photo- sphère et formée de nuages obscurs ou faiblement lumineux. » Ainsi les idées vont se préciser et les moyens de recherche se multiplier. Depuis 1842, les observa- tions attentives de treize éclipses totales vont apporter desrésultatstousles jours plus intéressants, en même temps que l'analyse spectrale complétera si heureusement les recherches télescopiques. Pour la couronne, les gloires el rayons lumineux qui l'entourent, on reconnail de plus en plus l’impossi- bilité d'attribuer ces aspects si divers à l’atmos- phère de la Terre, qui iutervient certainement, mais trop faiblement: quant à l'hypothèse ancienne d'une atmosphère lunaire, elle est très rapidement abandonnée et, dut-elle exister, cette atmosphère est sûrement lrop peu élevée et trop éthérée pour jouer ici un rôle appréciable; ainsi ces apparences sont donc bien véritablement propres au Soleil lui- même, comme l’affirme Otto Struve, dès 1851. L'éclipse de 1851 est observée, en Suède, par les Anglais, les Allemands et les Russes": Ollo Stlruve a l’occasion d'y mesurer les hauteurs des protubé- rances. L'éclipse du 30 octobre 1853 est observée par Moesta; celle du 7 septembre 1858 par Gilles et les Brésiliens; celles de 1865 et 1867 par le P. Capel- letti, Moesla, etc. , Cependant, en 1858, d'après ses propres observa- tions, et celles de ses prédécesseurs, Liais avait déjà tenté un classement rationnel des protubérances, ! Voir les Wémoires de la Soc. astron. de Londres, t. XXI. Nous voici parvenus à l'éclipse lotale du 48 juils let 1860, incontestablement une des plus impor tantes et des plus fertiles en conclusions, à cause des photographies que l’on obtient en deux points différents : l'honneur de l'intervention des images photographiques pendant les éclipses revient, en plus grande partie, à Warren de la Rue !, et ce pro: cédé, seul rapide, descriptif et complet, va deveni® indispensable pour être employé avec succès dans toutes les éclipses suivantes. Le 31 décembre 1861, au Sénégal, Poulain et Dutaillis observent pour la première fois les franges mobiles. D'ailleurs l'analyse spectrale avait fait de très rapides progrès. On savait déjà que le spectre de la lumière solaire est un spectre d'absorption dû à la photosphère, on connaissait dans son ensemble la composition chimique du Soleil, mais il restait encore, précisément, à éludier les spectres de la couronne et des protubérances. C'est ici que se place l'éclipse célèbre du 18 août 1868: elle devait offrir pour l'étude des spectres une occasion excellente, d'autant qu'elle est très rare, puisque la durée de l'éclipse totale allait atteindre jusqu'à 6%45° dans la presqu'ile de Malacca. Les principaux observateurs de cette éclipse furent le lieutenant Herschel, le major Teu nant, Janssen, Rayet, ete. « Deux magnifiques pro= tubérances, dit M. Janssen, brillaient d'une splens deur qu'il est difficile d'imaginer : l’une d'elles avait plus de 3° de hauteur. Elle était formée d'une immense colonne gazeuse incandescente, principa lement composée de gaz hydrogène. » De ses obsers tions spectroscopiques, M. G. Rayet conclut d’une manière analogue que « les protubérances sont des jets d'une matière gazeuse incandescente, les flammes d’un phénomène chimique d’une puissaneë extrême. La lumière de la couronne est très faible par rapport à celle des protubérances. Tandis que la lumière de ces dernières donne un spectre très vif, la couronne ne donne aucun speclre coloré sens sible. » Ainsi, au cours de cette éclipse, on observe un spectre continu relalivement pàle, sillonné pas quelques raies fines et très brillantes qui, pour plupart, peuvent être rapportées à l'hydrogène; om était done bien en droit de conclure que les protus bérances sont en grande parlie gazeuses, qu'elles dépendent sûrement du Soleil, et ce nouveau pro: cédé d'observation à l’aide du spectroscope permet de lever les derniers doutes qui pouvaient encore subsister sur l'origine de ces protubérances. Néan moins, l'étude attentive des éclipses totales restait indispensable pour élucider les choses, et prin cipalement pour analyser les autres parties de 1 Voir WanneNDE LA RuE : Philosophical Transactions,1862 Vatmosphère solaire. En même temps, d’ailleurs, et frappé par l'éclat des fines raies protubérantielles, vun des observateurs eut l'idée, aussitôt après éclipse, d'en rechercher la présence avec le même “spectroscope dans la lumière diffuse du ciel au bord du disque solaire : c'est en vertu de cette “remarque que M. Janssen, indépendamment de Lockyer, dont le procédé était resté inapplicable “pendant 18 mois, allait utiliser et vulgariser l’em- “ploi de cette élégante méthode générale sur laquelle “nous aurons à revenir et qui, depuis cette époque, en dehors des éclipses, permet d'assurer l'étude égulière de la chromosphère et des protubérances. Pendant l’éclipse de 1869, Young reconnait, à la base de la chromosphère, une couche de vapeurs rillantes, dite reversing layer où couche de ren- ersement, et qui, selon les théories de Kirchhoff, oit engendrer les raies noires du spectre solaire “normal: mais cette couche est extrêmement mince t, de ce fait, invisible en temps ordinaire; elle 'apparaît au commencement et à la fin de la tota- ité que pendant un temps très court de une ou deux … secondes. —…. En 1870, Harkness et Young concentrent leur “attention et leurs efforts sur l’élude de la couronne “elle-même : ils observent alors un spectre continu relativement intense, dans lequel il est aisé de dis- “tinguer quelques raies de l'hydrogène et de l'hé- ium, et pour lequel la particularité la plus remar- “quable consiste dans la présence d'une raie verte, “d'origine inconnue, qui apparaît à une grande hau- F coronale. Pendant l’éclipse de 1871, Janssen, avec un appa- reil très lumineux, reconnait la présence de quel- ques raies noires de Fraunhofer, d’ailleurs faibles, dans le spectre des parties extérieures de la cou- ronne, Mais à partir de 1882, on va tendre de plus en lus à remplacer l'observation visuelle par la pho- tographie et à étendre l'étude du spectre dans une seconde région, à peine soupçconnée jusqu'alors, à savoir la partie la plus réfrangible. EL, en effet, au point de vue spectral même, la plaque sensible résente une supériorité incontestable: avec l'œil, l'observation du spectre devient très difficile au- elà du bleu, tandis que l'impression photogra- phique est forte dans le bleu, l’indigo, le violet, et peut même s'étendre aisément au delà, depuis À 400 usqu'à À 360, dans la région ultra-violette et invi- Sible. Au reste, il ne faudrait pas croire que la limite extrême est imposée par la plaque photo- graphique : celle-ci pourrait être sensibilisée encore ‘beaucoup plus loin, mais celte limite est unique- ment délerminée par les verres d'optique ordinaires “qui absorbent complètement les radiations les plus -réfrangibles; ainsi, avec des verres transparents JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 224 spéciaux, et comme pour la lumière du disque, l'étude de la lumière coronale pourrait être pour- suivie dans une troisième région encore plus réfran- gible, purement ultra-violette, mais cette étuden'a pas encore été faite. Cependant, grâce à la photographie, on recon- naissait bien dans la seconde région les trois lumiè- res à spectres différents" qui avaient élé distinguées déjà dans la partie lumineuse du spectre et qui composent la lumière coronale, mais l'attention des observateurs était principalement portée sur le spectre à lignes brillantes qui doit offrir l'intérêt tout particulier de nous renseigner sur les gaz el les vapeurs composant l'atmosphère solaire : Parmi toutes les lignes brillantes de cette seconde région spectrale, il faut attacher une mention spéciale aux radiations attribuées au calcium et qui sont Jes plus fortes, dans la couronne tout comme dans la chromosphère. En même temps, on cherchait à reconnaitre la région où le spectre continu atteint son maximum d'éclat : mais nous pouvons laisser ici de côté ce point très particulier, car les résultats obtenus sont véritablement encore tropdiscordants, les uns pla- çant le maximum d'éclat de cette région dans la partie violette, d’autres le situant dans le rouge. Pour le vert solaire, cependant, il parait bien que l'intensité soit de 40 à 100 fois celle de la couronne, si l'on observe le même point par rapport au Soleil, avant et pendant l’éclipse, de 0 à 10’ dy bord envi- ron, mais les déterminations sont des plus déli- cates et malaisées. En février 14892, M. H. Deslandres, de l’'Observa- toire de Paris, et M. Hale, directeur de l'Observa- toire de Chicago, reconnaissent simultanément la présence de gaz lumineux, sur le disque même du Soleil, à l'emplacement des facules. Iei encore le progrès nouveau est obtenu à l'aide de la photogra- phie et chaque observateur à son mérite propre : c'est à Chicago qu'est réalisé le premier instrument permettant d'inscrire la forme de ces gaz, mais c’est à Paris que l’on obtient le premier appareil enregistreur des vitesses ; de plus, les expériences de M. Deslandres établissent que ces gaz n'appar- tiennent pas aux facules mêmes du disque, mais qu'ils sont véritablement situés au-dessus, en sorte que l’image obtenue représente la chromosphère entière du Soleil, telle qu'on la verrait si la photo- sphère eût préalablement été enlevée. Enfin, jus- qu’alors, on ne possédait guère que les raies bril- lantes renversées qui sont émises par des couches relativement élevées de la chromosphère, tandis que l’on obtient, à Paris, des images monochroma- tiques du Soleil avec les raies noires du spectre ‘ Abney et Shuster, 1882, 1883, 1886. normal qui correspondent à des couches plus basses du reversing layer. Les recherches progressent rapidement depuis 1892, et les trois cents raies environ que l’on peut noter dans le spectre des protubérances sont pres- que toutes identifiées avec des mélaux ou des métalloïdes. C'est peut-être ici le lieu de signaler encore les nombreuses tentatives faites pour avoir quelques indications sur la polorisation radiale de lalumière : d'Abbadie, Arago, Mauvais (1842), Liais (1858), d'Abbadie, Prazmowsky, Secchi (1860), Blaserna, Brett, Langley, Pickering, Ranyard (1870), Ra- nyard, Lockyer (1871), etc..., s'étaient attachés à cette question, mais tous ces astronomes avaient obtenu des résultats plus ou moins contradictoires. M. Janssen est peut-être le seul qui, dès 1871, accuse une polarisation nelte, el nous voilà rame- nés, pour quelques minutes à peine, à un problème de même ordre que celui de la détermination du bleu du ciel, de la nature intime de la lumière dif- fuse, questions si complexes encore malgré les beaux travaux parus depuis les lucimètres et eya- nometres primitifs de Bouguer el de Saussure. Nous arrivons ainsi à l’une des éclipses les mieux étudiées et les plus fructueuses, celle du 16 avril 1893. M. Deslandres fut envoyé à Foundioum (Séné- gal), par le Bureau des Longitudes, avec la mission d'observer l'éclipse de 1893 et, à son retour, il con- signa ses principales observations dans un rapport assez complet, minutieux et des plus intéressants : en effet, au lieu de s'étendre à plaisir sur ses pro- pres déterminations, M. Deslandres à le mérite, difficile et rare, de faire un remarquable exposé de la question, résumant les travaux, les connais- sances acquises définitivement, les hypothèses émises au sujet de l'atmosphère solaire, avant de montrer les desiderata actuels et les points. parti- culiers dont il visait l'étude en montant ses expé- riences personnelles. C'est pendant cette éclipse que M. Deslandres fit ses premières observations sur la rotation de la couronne solaire qui, selon lui, au voisinage de l'équateur, suit à peu près le disque du Soleil dans son mouvement : en même temps que M. de La Baume-Pluvinel, il remarque encore la corrélation qui existe entre la forme de la couronne et la phase d'activité solaire au même duit M. Deslandres à conclure, par une grande similitude entre l'atmosphère solaire et l’atmos phère terrestre, à une étroite parenté entre les états deux atmosphères. A partir de 1893, le nombre des astronomes qu s'attachent à l'étude du Soleil croît sans cesse, Deslandres, Hansky, Koslinsky, Morin, ele... : M. Deslandres, qui s'était installé dans ce butà Yézo (Japon), parvient à formuler nettement cette loi que « les variations périodiques des taches, qui sont suivies par les protubérances, s'étendent aussi à la couronne et à l'atmosphère solaire tout ens tière. » L'éclipse totale du 22 janvier 1898 fut observée aux Indes et, cela, principalement par des astro nomes anglais : sir Norman Lockyer, E. Waltem Maunder, Christie, Campbell, de l'Observatoire Lick, etc... La durée de la totalité de l'éclipse fut dé deux minules; la couronne s’étendail Lout autour dé l'astre, mais de préférence à l’est et à l'ouest dans le plan de l'équateur solaire, et son aspect rappelle franchement celui qu’elle affectait dans les éelipses de 18856 et 1896. Une fois de plus la photographie allait permettre une nouvelle expérience : on pro fila de cette éclipse, pour la première fois, afin d’en= registrer, à l’aide du cinémalographe, les diverses phases du phénomène. Enfin Pedler observe nette: ment la ligne spectrale du fer à la base de la cour ronne, cependant que la principale raie verte coros nale, très élevée sur un des bords, etait invinsible sur l’autre. Dans une seconde partie, nous examinerons les théories actuelles sur la constitution physique eb les résultats nouveaux qui se dégagent de l’obser vation de l’éclipse du 28 mai 4900. Jean Mascart. Docteur ès Sciences, * N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 293 … Dans le compte rendu du troisième Congrès inter- “national de Psychologie, publié ici même?, notre aître M. Pierre Janetécrivait les lignes suivantes, “qui méritent d'être rappelées, comme précisant admirablement la nalure, le but et l’évolution écessaire du mouvement psychologique moderne : Ce troisième Congrès, disait M. P. Janet, est un ongrès de psychologues tout simplement, sans pithète. Cela signifie, à mon avis, deux choses : abord qu'il n'y a pas deux psychologies, qu'il nen exisie aucune en dehors de celle qui tient ompte des faits, et deuxièmement que cette psy- hologie n'a aucunement la prétention enfantine de supprimer le raisonnement et le système, de se asser des conceptions des grands philosophes, et u’elle appelle, au contraire, toutes les bonnes volontés, toutes les études, quelles qu'elles soient. C'est là une initiative heureuse, et il viendra une époque où l’on trouvera aussi bizarre de dire un cours de Psychologie expérimentale que de dire cours de Physique ou dePhysiologieexpérimentale.» La Psychologie ainsi comprise, la composition du Congrès élail très différente et variée : ecclésias- tiques, occultistes, médecins et philosophes se cou- “doyaient avec les métaphysiciens, les sociologues et les expérimentateurs. L'Asie même avait un représentant, un philosophe indien, M. Chalterjii. On a élé digne de cet ancien épithète de « philo- sophe », montrant une largesse d'idées, un horizon infini devant la pensée. Le Congrès à siégé au Palais des Congrès du 20 ‘au 25 août, sous la présidence de M. 7h. Ribot, professeur au Collège de France et directeur de Ja Revue philosophique, ayant comme vice-président M. Charles Richet, le directeur de la Revue scien- Lilique, et comme secrélaire général le D' Pierre Janet, chargé du cours de Psychologie expéri- mentale à la Sorbonne *. Les séances générales, au nombre de six, étaient - Voir pour le premier Congrès : Revue générale des Sciences, 1892, t. IL, p. 609, et pour le troisième, Ibidem, HB07 tVIII, p-7 22. ? Pierre Janet : Troisième Congrès de Psychologie. /evue générale des Sciences, 1897, t. VIII, p. 22-27. Le lecteur trou- . vera dans cet article une synthèse sur l'évolution de l'esprit . psychologique dans la manifestation intellectuelle de ces _ trois Congrès. * Le Congrès comptait 416 membres, nombre inférieur à celui de Munich (503), et supérieur de beaucoup aux deux premiers Congrès, de Paris (210) et de Londres (300). Le . nombre des communications annoncées était d'environ 160, nombre égal à celui du troisième Congrès ; la plus grande . majorité eu a été faite. & LES. TRAVAUX DU IV’ CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE’ consacrées chacune à des études psychologiques dis- tinctes : la première concernant les é{udes histo- riques; la deuxième, la Physiologie cérébrale; la troisième, les études relatives aux phénomènes du somnambulisme; la quatrième, les études philoso- piques sur la Psychologie ; la cinquième, les é{udes de Psychologie expérimentale, etlasixième séance, la Psychologie sociale et la Psychologie patholo- gique*. Le Congrès a élé ouvert, le lundi 20 août, par un discours du Professeur /#1hol, qui a passé en revue le développement de la Psychologie depuis le der- nier Congrès psychologique, ou plutôt de 1889 à 1900. Bilan consciencieux et érudit, le discours de M. Ribot représente en même lemps une mise au point de l'activité psychologique de la dernière dizaine du xix° siècle, qu'on consullera toujours avec profit. Dans la même séance, le Professeur 77. Æbbhin- ghaus, de Breslau, a fait une comparaison entre la Psychologie actuelle et la Psychologie il y à cent ans. Il a parlé d'abord des publications et des sociétés dont disposait chacune des Psychologies à la distance d'un siècle, et ensuile il a abordé la queslion capitale : les conceptions psychologiques d'antan et d'aujourd'hui. L'expérimentation est mise à l'ordre du jour actuellement; l’activité mentale comme la physiologie des sens sont élu- diées d'après des méthodes précises, et l’on cherche à déterminer des lois psychologiques. La Psycho- logie contemporaine est autonome; celle d'il y a centans était subordonnée à d’autres sciences; la Psychologie moderne ne se laisse plus guider par des analogies mécaniques ou physico-chimiques; elle ne cherche dans la Biologie, selon le Profes- seur Ebbinghaus, qu'un parallèlisme pour les faits de conscience. Un dernier point de cette com- paraison est que la Psychologie est devenue de nos jours internationale; elle se termine par les mots de Galilée : De subjecto vetustissimo no vissimam promovemus scientian. Pour l'exposition de l’ensemble des travaux, nous suivrons la mème classification que M. Janet a suivie 1 11 y a eu sept sections : [. Psychologie dans les rapports avec l'Anatomie et la Physiologie; Il. Psychologie intros- pective; III. Psychologie expérimentale et Psycho-Physique; IV. Psychologie pathologique et Psychiatrie; V. Psychologie de l'hypnotisme, de la suggestion et des sciences connexes ; VL: Psychologie sociale et criminelle; VII. Psychologie ani- male, anthropoloyique et ethnologique. Les deux dernières sections ont travaillé ensemble. 224 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE dans les autres comptes rendus publiés ici même; de la sorte, la comparaison sera plus facile et plus claire. On comprend bien que cette classification est schématique, mais, néanmoins, elle peut très bien servir comme un crilérium suffisant pour l'étude des travaux du Congrès. J. — ÉTUDES GÉNÉRALES DE PHILOSOPHE. Cilons dans cet ordre d'idées, en dehors des con- férences de MM. Ribot et Æhhinghaus, exposées plus haut, une nofe du D' Aarsqui, de Christiania, sur les sept énigmes du psychique. Il s'agil des questions concernant la délimitation des frontières du moi et du non-moi; l'auteur a passé en revue, pour cette précision de frontière, toutes les projec- tions du moi dans le temps et dans l'espace, et il cherche à étudier ce qui appartient au monde externe et au monde psychique. L'excursion est plutôt métaphysique et a l'allure d’une disser- tation de philosophie spéculative. Æd. Franklin PBuchner, de New-York, a traité de la valeur des hypothèses en Psychologie; les hypothèses doivent jouer un rôle considérable en Psychologie, si elle aspire à devenir une science, car des hypothèses constituent la vie même d’une science. La Psycho- logie ne doit pas seulement amasser des fails, mais il faut avant tout expliquer. Conception un peu trop littéraire, à notre avis, que celte manière d'envi- sager le but de la Psychologie. On n’a fait jusqu'à nos jours que des hypothèses en Philosophie, et la Psychologie était bien loin du monde à cause de cela une science. Ce qui précise le caractère vraiment scientifique de la Psychologie moderne, c'est justement cet amas de documents, qu'il faut recueillir sans trêve, quitle à construire plus tard les hypothèses qu'on voudra. Citons encore, dans cette catégorie d'études trai- tant des généralités philosophiques, les commu- nications de John E. Purdon sur l'algèbre du moi; du R. P. Peillaube sur le péripatétisme et lapsycho- logie expérimentale, conslatant une sympathie intel- lectuelle entre ces deux doctrines ; d’'Anton Marty, de Prague, sur la ressemblance : l'auteur conclut qu'il y a deux espèces de similitude, l’une l’iden- tilé partielle, et l’autre qui est constituée par des analogies ; de Pavicié, de Zagreb (Croatie), relative à une Aypothèse sur la possibilité des rapports de läme et du corps, imprégnée d’un spiritualisme spi- ritiste qui n’a rien de nouveau, pas même au point de vue de la synthèse des faits connus; de Ch.-V. Ehrenfels, de Prague, sur la racine biologique du positivisme ; d'Eugène von Schmidt, sur les difë- rentes directions dans l'entendement du monde : l’auteur passe en revue et fait un examen critique des trois grands systèmes philosophiques auxquels se ramène, selon lui, l'explication du monde : Jes matérialisme, le rationalisme et le spiritisme. Revue inutile à notre avis, car elle n'apporte rien de nou veau, ét surtout rien de bien précis. William Stern a traité de la liberté, et essaye d'en donner uné définition nouvelle. La liberté est la prédominance» conquise des forces psychiques sur les excitations extérieures; en d’autres mots, l’auteur estime quil faut maintenir la notion du libre arbitre. Le D' Jus rand de Gros a essayé de mettre en relief l'arti= ficialité de la limile qu'on veut tracer entre la Psy= chologie et la Métaphysique, et enfin le professeurs Muünsterberg a parlé de la Psychologie atomistique Il est encore à remarquer : la communication sur la croyance de l'abbé Ch. Dennis, directeur des Annales de Philosophie chrétienne, celle du D' Jean Philippe sur le problème de la conscience dans là Psychologie expérimentale, celle du D' CZaparède; de Genève, sur la définition de la perception, celle d'Abit sur la perception et la conception, celle de Victor Basch sur l’universalilé du jugement esthés tique, distinguant deux sortes de sentiments capi=. taux dans le faisceau constitué par le plaisir et le Jugement esthétique : les sentiments sensibles, directs, et les sentiments associés. Les premiers sont universellement parlagés, et les seconds sont essentiellement instables. Le D' J. Philippe signale que, depuis plusieurs années, le désaccord va s'ac= centuant entre ce qu'observe en nous la conscience; et ce qu'enregistrent les procédés d'investigations de la Psychologie expérimentale. C'est loujours dans ce groupe qu'on pourraib signaler la communication de M'° Zœuf, de Paris, intitulée : Contribution à la théorie psychologique dl temps. M'° Bœuf croit qu'il existe une sensation de temps, simple et immédiate, fournie exclusivemen par lesens interne. C'est dans l'organisme qu'il faut chercher l’origine du sentiment de temps : la sen= sation iniliale est celle du ry{hme nerveux, qui est un sentiment du corps régulièrement disconlinus Cette sensation du rythme existe chez tous les êtres vivants, et sera d'autant plus parfaile que l'activité supérieure de l'esprit n’entrera pas en jeu, comme perturbatrice des opérations automatiques. Le D' Paul Carus; à propos de l'identité et de l& continuilé du moi, essaye de constiluer une pSY- chologie qui offre une nouvelle intérprélation de l'âme. L'homme a le sentiment vague, mais tou jours présent, de son unilé physiologique; ce sen timent s'impose à l'organisme par la nécessité où il est d'agir comme une unité. Le moi n'est quel conscience que nous avons de notre propre his- loire, et par 2ndividualité l'auteur entend la vie d corps limitée à un moment du temps; la person: nalité est la forme de la vie, de la pensée et du sen timent. Ce qui périt, c’est l'individu; la personne N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU dure, reste comme une partie du grand tout qui est “l'humanité; elle dure sans forme après la mort aussi bien que dans les changements subis pen- dant la vie. L'illusion du moi n’est que le résultat “du procédé mythologique de notre langage. “— Citons enfin les quelques communications con- “cernant l’éternelle question de la terminologie Drychologique et philosophique. M. Goblot,et, dans “une autre communication, M. Claparède, de Genève, ont atliré l'attention du Congrès sur cette nécessilé de Lerminologie, parait-il, urgente. Onn'arien voulu savoir, et lacommunication de M. Claparède, quoique mjaile dans une séance générale, coram populo, na pas suscité le moindre désir de s'entendre. oins on s'entend, plus on travaille, paraît-il. Et e Congrès, tout en écartant la communication de M. Claparède, a passé à l’ordre du jour. La termi- ologie, en somme, gêne si peu, et elle est si utile aux philosophes à cause de ses multiples mal- ' “entendus ! ! Bon nombre de communications au Con- grès n'auraient pas pu avoir lieu si cette termi- nologie était, une fois pour toute, bien défininie. II. — PSYCHOLOGIE EN RAPPORT AVEC LES FONCTIONS ANATOMIQUES. Demoor,chargé de cours à l'Université de Bruxelles “ont fait une importante communication sur la “physiologie de l'écorce cérébrale. La cellule ner- nerveuse est bien plastique. Chaque fois que le “neurone est mis en état d'irrilabilité d'une ma- “nière suffisamment intense, la substance fonda- “mentale, étant excitée, réagit et le protolasma “se contracte, d'où, comme conséquence immé- diate, l'état moniliforme des cellules. « Le neu- rone, écrivent les auteurs, comme toutes les cel- gie). La nn de la plasticité enne l'explication de diverses expériences faites sur le cerveau et est confirmée d'ailleurs par elles : 4) la rapidité de la yélinisation dépend de la mise en œuvre des cel- lules ; L) l'activité des neurones est indispensable au complet développement des arborisations des neurones ; c) lesphases d'activité ou de repos de la cellule sont caractérisées par la consommation ou _Paccumulation de la substance chromatique. La cellule nerveuse, telle que nous devons la concevoir au point de vue psychique, n’est donc pas essen- tiellement dominée par l'hérédité ; elle est plastique IVe CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 19 19 or et dépendante, dans sa structure et dans son allure fonctionnelle, des excitants qui lui parviennent. » L'activité de l'écorce cérébrale à l'allure du phéno- mène réflexe, el la mise en œuvre des centres sensivito-moteurs ne peut faire naître que des idées particulières; les idées complexes surgissent dans les centres d'association. La distinction de ces deux ordres decentres,sensivito-moteurs et d'association, paraît expérimentalement démontrée chez l'animal et chez l'homme. Cette communication a mis, on le voit,en discus- sion la question, à l’ordre du jour, des centres d'association, pour ne pas dire la doctrine de Flechsig. Le D O. Vogt, de Berlin, a pris la parole pour répondre comme il suit aux arguments de MM. Heger et Demoor. Flechsign’a pas prouvé par l'étude de la myélinisation la nature sensitive des centres moteurs, car l'identité entre la marche de la myélinisationet ladirection dela conduction dans la fibre nerveuse n'existe pas, selon Vogt. Il n'est pas nécessaire d'inventer des centres d'association pour expliquer le côté physiologique de l'idéation. Il n'y a pas un seul fait, en clinique, qui montre l’exis- tence des centres d’associalion. Les expériences de M. Demoor semblent démontrer que les animaux avaient une sorte de cécité psychique, qu'on peut très bien expliquer parune lésion des fibres d'asso- ciation sans avoir besoin de supposer un centre d'association. Dans toule l'écorce cérébrale des Carnivores, il y adesfibres de projection et, partant, eù assez grand nombre pour qu'il soit impossible de distinguer anatomiquement des centres de pro- jection et des centres d'association. La bataille s’annonçait belle et pourtant la dis- cussion a été close pour passer à l’ordre du jour selon les exigences du Congrès. Il jaillit si peu de lumière de la discussion! On a regretté l'absence de Flechsig, qui était attendu avec curiosité, sympa- thie, voir même enthousiasme, par bon nombre de savants désireux d'entendre une parole aussi auto- risée à propos d'une question si capitale. M. O. Vogt a fait une communication sur l'ana- tomie du cerveau et la Psychologie; il conclut qu'on ne peut pas faire une Psychologie sur des recherches anatomiques. M'e J. Joteyko, du laboratoire Kasimir de Bruxelles, a communiqué deux notes d’une valeur réelle sur la falique : une première traitait de la fatique comme moyen de défense de l'organisme et la seconde de la distribution de la fatique dans les organes centraux et périphériques. M'° J. Joteyko rattache la fatigue aux fonctions de défense de l'organisme et la fait entrer dans la catégorie des défenses actives générales (fonctions de relation), en pouvant y distinguer trois modalités admises pour les autres fonctions de défense. Elle peut 226 être une défense immédiate (paralysie périphéri- que), une défense préventive (la sensation de fatigue, qui, de même que la douleur pour les exci- tations sensitives, par la trace profonde qu'elle laisse dans la mémoire, empêche le retour d'un sensation semblable), et enfin une défense consé- cultive (l’accoulumance, qui rend l'organisme plus résistant à la fatigue). Les recherches de M!° J. Joteyko -plaident, en outre, en faveur de l'origine périphériquede la fati- gue motrice; on a examiné, dans ce but, les varia- tions du quotient de la fatigue sous l'influence de la fatigue elle-même. Par quotient de la fatique, Y'au- teur entend « le rapport numérique = qui existe entre la hauteur totale des soulèvements, exprimés en centimètres, et le nombre des soulèvements dans une courbe ergographique ». On sait que deux savants allemands, Æoch et Kraepelin, sont les pre- miers auteurs qui aient attiré l'attention sur ce rap- port ; d’après ces auteurs, le nombre de soulève- ments ergographiques était rattaché au travail des centres nerveux cérébraux et la hauteur totale des courbes au travail musculaire. Or, M'° Joteyko, examinant ces courbes, a remarqué qu'à chaque nouvelle courbe, la valeur du quotient de la fatigue N diminue; ce qui prouve, en d’autres Lermes, que la diminution de hauteurest plus marquée et qu’elle est bien loin de suivre une marche parallèle à la diminution du nombre. La hauteur élant l’expres- sion de la fatigue musculaire, il s'en suit, comme conclusion logique, que les centres psycho-moteurs sont plus résistants à la faligue que les appareils terminaux. Mie Mich. Stefanowska, de l'Institut Solvay de Bruxelles, a communiqué également deux notes : une sur les appendices piriformes des cellules ner- veuses, et l’autre sur les conditions dans lesquelles se forment les varicosités sur les dendriles céré- brales. Les prolongements protoplasmiques des cellules nerveuses cérébrales ne sont pas lisses, mais hérissés de nombreux corpuseules, que M'': Stefanowska a proposé d'appeler appendices pirilornes. Ces appendices apparaissent tardive- ment dans les cerveaux en voie de développement, et au moment où les cellules nerveuses ont déjà acquis leur forme définitive. Des expériences nom- breuses ont aidé l’auteur à surpendre une variabi- lité notoire dans la disposition des appendices piriformes; ainsi, chez les animaux plongés dans le sommeil, soit naturel, soil anethésique inoffen- sif, les appendices sont étalés exactement comme chez les animaux éveillés. Au contraire, chez les animaux intoxiqués par une éthérisation violenteet prolongée, on trouve de nombreux groupes de neu- N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV*° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE rones qui ont perdu leurs appendices piriformes en même temps, leurs dendrites se sont garnies de granulalions et de varicosilés. La disparition des dendriles ne commence donc que lorsqu'il y a à signaler des lroubles graves. M'!° Stefanowska finit par conclure que, même dans les conditions nor males, les appendices piriformes sont doués d'une certaine mobilité, et que, par des oscillations imper ceptibles, ils varient le contact entre les neurones eb exercent leur influence sur le passage de l'influx nerveux. « Les preuves expérimentales manquen pourtant absolument à l'opinion de l’auteur, et toub ce qui a élé écrit à ce sujet sur l’amæboïsme ner veux est basé uniquement sur des conceptions philosophiques.» Dans la seeondecommunication,M!!° Siefanowska veut démontrer que les perles et les varicosités qu'on observe souvent sur les prolongements des: cellules nerveuses ne constituent nullement læ preuve que l'amæboïsme cérébral existe. De nom= breux faits, au contraire, montrent que les phéno= mènes observés sont des formations pathologiques; et l’auteur cite à l'appui de sa thèse.des faits expéa= rimentaux concernant des animaux profondément endormis par suite de la fatigue physiologique, des animaux anesthésiés, des animaux intoxiqués, et des animaux qui ont succombé à l'asphyxie, à la décapitation ou à la strangulation. Des troubles de nutrition seraient la cause de ces altérations patho= logiques. M! Stefanowska conclut qu'en fait de conceptions psychologiques on devrait s'abstenir de baser l’amæboïsme cérébral sur lapparilion des perles et des varicosilés. III. — PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE. Les travaux concernant la Psychologie physiolo= gique sont très nombreux et nous contenterons d’une énumération bien sommaire. Signalons d'abord les communications intéres sant la psychologie et la physiologie des organes des sens. Aars, à propos des conditions de la rivalité des images r'éliniennes, constate que, parmi les fac= teurs qui déterminent la juxtaposition de l’aller= nance des images ‘réliniennes, des phénomènes d'origine centrale jouent un rôle notoire. L'image correspondante peut disparaitre si, au moyen des lentilles placées devant les yeux, on cherch et l’on arrive à rendre l'accommodalion plus difficile pour un œil ou pour l’autre. Les condi= lions centrales de la perception contribuent plus en d’autres cas, à donner une nettelé aux image réliniennes que l'accroissement d'intensité des ex citations. — Le L'F. Krueger (Sur la consonanceeb la dissonance) veut démontrer expérimentalement l'inexactitude de la théorie de Helmholtz sur la | sidi s N. VASCHIDE —— LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 227 - consonance et la dissonance. Il ne s’agit pas du tout de la coïncidence et de la non-coïncidence des har- & moniques. S. A/rutz (d'Upsala) a expérimenté sur “des sensations particulières de chaleur, qu'il dis- H tingue de la sensation ordinaire de chaud; celle-ci, qu'il appelle sensation de chaleur ardente (Æi{zeem- “plindung), ressortirait, d'après l’auteur, d'une exci- tation simultanée de points chauds et froids de la peau. A/rutz à étudié, en plus, ce qu’il appelle les “sensations paradoxales de froid et de chaud : sen- salions produites par l’excitalion avec une pointe chaude d’un organe terminal de la perception du froid. Alrutz a expérimenté avec l'appareil de "Thouberg.—N. Vaschide communique les résultats de ses recherches sur le rapport de la sensibilité tactile et de la sensibilité musculaire et conclut à une existence indépendante de ces deux sensibililés. Ses recherches, qui ont porté sur des phénomènes d'ordre anatomo-physiologique, d'ordre patholo- “ gique et d'ordre psychologique, le conduisent à + admettre, en outre, une innervation musculaire sensitive et, avec elle, une sensibilité musculaire tout à fait indépendante. Cette indépendance plai- derait pour le sentiment d'une « aclivilé muscu- “laire », bien particulière, dont parlait Gerdy, et qui peut être rattachée à un sens spécial, ayant comme “fonction le mouvement, sensation irréduclible, et - comme organe le muscle. AM. L. Marillier et J. Philippe (de Paris) relatent - également des résullats de recherches esthésiomé- … triques. Les auteurs ont voulu vérifier et faire la | Te générale de la sensibilité tactile, qui, a depuis Weber, n'a fait le sujet d'aucun travail de ce genre. Weber n'avait expérimenté encore que sur un seul sujet, et c'est à ce cas unique qu'on est obligé de rapporter loutes les mesures prises pour déler- miner la finesse de la sensibilité tactile. Les auteurs ‘ont essayé de combler cette lacune, ayant pris des mesures méthodiques et des séries complètes sur quatre personnes. Des mensurations ont été faites avec le compas de Weber, selon un dispositif spé- cial, sur lequel ils promettent de revenir dans un mé- moire ultérieur. Ignorant ce dispositif et les détails de l'expérience, nous nous contentons de signaler la portée réelle de ces recherches, qu'on ne saurait qu'applaudir. Dans un autre ordre d'idées, citons un remar- "quable travail de Patrizi et de Casarini, de l'Uni- versité de Modène, sur les {ypes des réactions vaso-molrices par rapport aux types nnémoniques Let à l'équation personnelle, une des plus impor- -tantes parmi les communications qui ont été pré- . sentées au Congrès. Il existe un tÿpe mnémonique quelconque qui correspond généralement à une réaction vaso-motrice particulière (acoustico-vaso- motrice, optico-vaso-motrice). Un type mental donné dépend au premier chef de la vivacité avec laquelle les excitations sensorielles préférées, pour ainsi dire, arrivent à sa connaissance; on peut même considérer le réflexe vasculaire comme l'in- dice dynamogénique de l'intensité de la sensation: à une rapidité plus ou moins accentuée de l’équa- tion personnelle correspondrait une réaction vas- culaire correspondante et bien définie. C'est ainsi qu'on pourrait expliquer la transformation incon- sciente d’une sensation dans un mouvement, l’ap- pareil physiologique étant disposé de la sorte et gràce à la rapidité du processus nerveux en géné- ral ; il en est de même dans l'équation personnelle pour l'exécution d'une réaction volontaire, acte psychique qui résulterait de la transformation préalablement adoptée des sensations et des per- ceptions. Casarini, un élève de Patriyi, a publié déjà, sous l'inspiralion de son maitre, un travail sur celle question dans la Aivisla di Science Dio- logiche, n° 3, vol. II. Vogt, à propos de la Contribution à la psycho- logie des sentiments, a constaté, laissant de côté les varialions individuelles, des modificalions ca- ractéristiques et bien constantes, au point de vue de la respiration, au point de vue du réflexe patel- laire, au point de vue du tonus musculaire du quadriceps et au point de vue du travail muscu- laire, pendant la gaieté, pendant la tristesse, et pendant un élat psycho-sensoriel agréable ou désa- gréable. Les modifications de la gaieté sont d’une autre nature que celles provoquées par la tristesse, tant au point de vue de l'augmentation et de la diminution des forces et du travail musculaire qu'au point de vue de la profondeur et de la fréquence res- piratoires, ete. L'émotion que Vogt appelle agréable n’est pas complètement opposée à celle qu'il appelle désagréable; l'influence modificatrice du désa- gréable s'approche le plus de la gaieté. Les recher- ches de Vogtsont précieuses, mais elles gagneraient beaucoup psychologiquement, si le critérium n'était pas dans un état subjectif un peu vague el par con- séquent un peu loin d'êlre défini. 17. Tschisch, d'Yourieff (Dorpat-Russie), croit que les excilations des organes supérieurs des sens par eux-mûÔmes ne provoquent pas de douleur, comme tous les excilants électriques elmécaniques ou autres, puis- qu'elles ne détruisent pas de tissu vivant. La dou- leur ne peut être causée que par la transformation d'un tissu vivant en un tissu mort et elle est pro- portionnelle à l'étendue du tissu détruit. La dou- leur est universelle parce qu'elle est intimement liée à la destruction du tissu vivant. Le prince Jean de Tarchanoff a parlé, dans une conférence très applaudie, des //lusions et hallucina- tions des grenouilles en dépendance de leur espèce. Il y à des espèces de grenouilles qui présentent 228 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE certaines susceptibilités nerveuses, qu'on trouve absentes chez d’autres espèces : la grenouille brune, par exemple (/?ana lemporaria) présente, à la suite du sommeil chloroformique, des phénomènes tout particuliers. Chez les grenouilles, comme chez les autres animaux et chez l’homme, il y aurait donc des différences psycho-physiologiques indi- viduelles. Me Marie de Manacéine a fait deux communica- tions : l'une sur les variations du caractère sous l'influence de différentes nourritures et l'autre sur lhérédité psychologique. Le'caractère subirait des changements notables sous l'influence de la nour- riture. Enfin 27% V, Paget et A. Thomson ont étudié le rôle de l'élément moteur dans la percep- tion esthétique visuelle et ont proposé un question- naire au Congrès dans le but de soumettre à un examen plus large la thèse des auteurs. Fr. da Costa Guimaraens (de Paris) traite de la psychologie des sports et conclut que ce qui fait l'attrait du sport, c'est une excitation, résultante d'un surcroit d'activité des fonctions vitales, et qui n'est due qu'à une oxygénation plus active. IV. PSYCnoLoGIE EXPÉRIMENTALE. PSYCH0-PHYSIQUE. Citons en premier lieu la note du Professeur Külpe, de Würthourg, sur le rapport des différences à peine perceptibles avec les diflérences nettement perceptibles”. Le Professeur Külpe incline à croire que la question ne peut être résolue que par des considérations purement théoriques; les recherches de Merklen n'ont pas apporté à la question une conclusion satisfaisante (Phil. Stud., IV, V, X). De nouvelles recherches sur les intensités lumineuses et sonores ont établi que l'appréciation des inter- valles est tout autre quand il s'agit des différences à peine perceptibles, que lorsqu'il s'agit des diffé- rences nettement perceptibles. De ces données, on pourrait déduire, au premier abord, que la loi de Weber aura une signification tout à fait différente quand elle s’appliquera à certaines différences perceptibles, que lorsqu'elle sera appliquée à d’autres. Külpe est d'avis que, conformément à la tradition, il faut réserver le nom illustre de cette loi à la signification qui s'applique à la détermi- nalion du seuil. L'hypothèse de la relation est préférable, car la loi psycho-physique aurait de la sorte une significalion psychologique. Il serait très désirable d'essayer la même interprétation pour les excitations à peine perceptibles dans leur rapport avec les sensations. Si l'interprétation est possible pour les intensités, et elle est vérifiée cha- 1 Ueber das Verhältniss der ebenmerklichen zu den ucber-. merklichen Unterschieden. que jour, pour ce qui concerne les qualités, il existe une autre formule de grandeur, pour les différences à peine perceptibles, formule de beaucoup moin instable. | Le Professeur A/f. Lehmann (Sur l'équivalent mécanique des états psychiques) a étudié de son, côté la loi de Weber, mais au point de vue de là relation qui existe entre l'excitation et la sensa= tion, et des interprétalions dont cette relation est susceplible. Le point capital serait de trouver une formule exacte et se faisant un écho précis de la réalité des faits ; l’auteur croit avoir réussi à déter= miner empiriquement une pareille formule pour les sensations visuelles, par la mesure des disques: en rotation. Inutile de dire que la formule est très compliquée. Lehmann croit, en outre, qu'on peut exprimer de la même manière la loi de Webew pour les sensations auditives et même pour les travail musculaire à l'égard de l’innervation cen= trale; on pourrait alors mesurer, grâce à cette pro= portionnalilé des sensations et des irritations cen- rales, par les méthodes ergographiques, l’équiva= lent mécanique des divers états de conscience. P. Mentz a parlé du degré de saturation des diverses régions du spectre et de la méthode dé mesure précise de la saturation. (lie Sättiquns= verhällnisse des Spectrums und die Bedeutung von Sättigungsmessungen inshesondere für die Untes= sachung Farbenblinder). Les positions maxima de saturation coïncident avec celles des couleurs pures. Le Professeur J. Malcolm Stratton (de Californie, E. U.) a fait connaître une nouvelle méthode pour la détermination de la plus petite distance latérales perceptible. Le 1)" J. Roubinovitch a réussi à mesurer /es variations du diamètre pupillaire en rapport avec l'eftort intellectuel à l'aide d’un nouveau dispositif personnel, et il conclut dans le sens de l’existences d'un rapport direct ou indirect entre les phénomè- nes pupillaires et l'effort intellectuel, A. Netchaell (de Saint-Pétersbourg) a fait une communication sur le développement de la mémoire chez les écoliers des deux sexes ; les sujets sur lesquels les recher= ches ont été faites étaient âgés de neuf à dix-huit ans. Retenons de ses conclusions que le développez ment de la mémoire subit une sorte d'arrêt à l’âge de la puberté et que c’est encore vers onze et qua- torze ans que la mémoire des filles et des garcons diffère le plus. Les recherches de Netchaeff con- firment dans leur ensemble les recherches anté=" rieures faites au point de vue de la psychologie individuelle en Amérique et en France (Gil= bert, Mac-Donald, Binet et Vaschide, etc.). Enfin citons encore un travail de pédagogie expérimen= tale, d'une vraie valeur, sur la force musculaire des élèves à travers l'année, dù à M. C. Schuyten,s N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 229 directeur du Service pédagogique et du Labora- “toire de Pédagogie scolaire d'Anvers. Il se dégage e ses nombreuses et méthodiques recherches que É J'écolier est sujet aussi physiquement à des varia- _ tions saisonnières, qui présentent tous les carac- tères d'une loi. Des présentations et des descriptions d'appareils “ou de méthodes ont été faites par AZ. Sommer, “artius, Scripture, Patrizi, Toulouse et Vaschide, Thierry, D° EÆncausse, etc. Le Professeur Som- ir (de Giessen) a présenté quatre appareils : un pour l'analyse des mouvements de la main, destiné l'analyse des trois dimensions, un second pour es mouvements du pied, un troisième pour la me- sure de la pupille et un quatrième pour les excita- tions optiques. Le Professeur Martius (de Kiel) fait “connaitre un appareil pour la mesure de la sensi- “bilité lumineuse, et le Professeur Scriplure, un très ingénieux appareil pour la sensibilité des couleurs. - Toulouse et Vaschide présentent une série d'appa- reils (12) pour la mesure des sens et qui facilite- “ront cette mesure en la rendant simple et pré- cise. L'abbé TRierr3) signale un procédé de nota- tion pratique, à propos de ses recherches expéri- mentales sur la hauteur et la mélodie de la parole parlée. Le D° Patrizi présente un ergographe cru- ral, et enfin, le !' EÆncausse quelques appareils wlectriques enregistreurs destinés à l'étude des sujets et des médiums; ce sont des appareils de contrôle. Rappelons encore la communicalion du A ZI. Toulouse sur l'examen psychologique; il a parlé sur la valeur et la possibilité des unités de mesure en Psychologie. V. — PSYCHOLOGIE DESCRIPTIVE. Le Professeur Zergson a communiqué une note sur la conscience de lefort intellectuel. Dans tout effort intellectuel, il y à une lulte dans une composilion entre des images multiples et ana- logues qui essayent de s’insérer dans un seul et même schèma, les unes ne le DO DBESnE pas tout à fait, les autres le dépassant, jusqu'à ce qu'enfin la coïncidence de l'image avec le schéma soit obte- nue. Ce mouvement sui gencris des images doit entrer pour une large part dans la conscience que nous avons de l'effort intellectuel. — Le Professeur Bourdon (de Rennes) a étudié le {ype grammaltical dans lesassocialions verbales d'une manière expé- mentale et il acquiert la preuve qu'il existe réelle- ment un type grammatical. Il a observé, en outre, que, chez cerlaines personnes, il y a spécialement — tendance à effectuer par exemple des associalions grammaticales par contiguïté. — Paul Sokolov (de tion colorée. I s'agit des phénomènes analogues à l'audition colorée; ilya des personnes qui traduisent en langue chromatique des choses beaucoup plus abstraites, du moins en apparence, telles que les individualités humaines, les caractères, les qualités intellectuelles et morales. Signalons également des communications : du À. P. Bulliot,sur la classifi- cation des caractères et de la physiologie humaine, d'Anastasy (de Marseille) sur l'associalion subcon- sciente des mots, des idées et des actes (observation personnelle), du D° Houroe (de Westfeld, Mass., U. S. A.), sur les images olfactives dans le réve, du D° Weygang, sur l'association dans le réve, ete. H. Pieron (de Paris) essaie de donnerune nou- velle interprétation des faits de rapidité anormale dans le processus d'évocation des images. Son inter- prétation est d'ordre psychologique. Une image envahit le champ de la conscience et toutes les images qu'elle tend alors à évoquer viennent, sans qu'aucun réducteur les empêche ou les retarde, cristalliser, pour ainsi dire, presque simultanément autour d'elle. Il se forme ainsi, avec toutes les images susceptibles d’affinité, un système psycho- logique cohérent. N. Vaschide communique le ré- sultat de ses recherches sur l'imaginalion créatrice chez l'enfant; l'imagination créatrice est caraclé- risée par une incohérence particulière, qui rappelle de très près l’incohérence pathologique. L'enfant systématise en créant, pour ainsi dire, dans le délire. Remarquons enfin la très intéressante communi- cation sur /a psychologie du chatouillement du Pro- fesseur James Sully. Retenons cette définition du chatouillement : c'est un reflexe sensoriel impli- quant un ou des modes caractéristiques de sensa- tion. VI. — PSYCHOLOGIE COMPARÉE ET PSYCHOLOGIE SOCIALE. M. Jean Philippe a eu l'occasion de recueillir dans un service d'accouchement une observation concernant les premiers mouvements de l'enfant ; il s'agit d'un fœtus d'environ vingt-deux semaines, expulsé sans apparence d'intoxication ; la mère aurait senti, ajoute M. Philippe, des mouvements actifs trois eu quatre jours auparavant. Les mou- vements élaient des mouvements d'extension et de flexion des jambes. Le Professeur Charles Richet a présenté au Con- grès un petit prodige musical Pépilo-Rodriquez- Ariola, dont la précocilé musicale a émerveillé des artistes de marque. Il n'a aucune instruction mu- sicale et il est rebelle à toute culture de ce genre. Sa main était si petite qu'elle ne pouvait guère em- brasser que cinq notes; pour exéculer un accord, Pépito était forcé d'égrener rapidement quelques immédiats 230 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV: CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE notes. Pépito est compositeur etimprovise en outre des morceaux de musique vraiment surprenants pour son âge. Ce pelit prodige a exécuté devant les congressistes quelques morceaux et improvisé aussi quelques frêles accords d'une harmonie chaude et gaie et à peu près parfaite au point de vue de la grammaire musicale. Le Professeur Bryan à exposé les conclusions des recherches faites, en collaboration avec le Pro- fesseur Lindley, sur un jeune prodige mathémati- que, dont les facultés arithmétiques se sont mani- festées à l'âge de trois ans. Rien de particulier dans la famille ; la mémoire et l'étendue sont con- sidérables, la rapidité de la mémoire est remar- quable, surtout dans les multiplications. Esprit très ingénieux, il sait tirer grand profit de ses connais- sances, etil est arrivé à découvrir un grand nombre de méthodes nouvelles de calcul. Sa prodigieuse faculté de calcul tient, d’après ce que les auteurs ont pu observer et expérimenter, à une hiérarchie de mécanismes automaliques qu'il tient facilement et rapidement à sa disposition. Signalons encore la communication du D° Chaiïk lous sur l'hérédité el la contagion, comme facteur de la viciation morale, du traitement méthodique des viciations par l'éducation et de l'application de la méthode dans les colonies d'enfants. Parmi les notes concernant la Psychologie sociale, citons celles de Groppali (Psychologie sociale el Psychologie collective), celle de Tongo Takébé sur la classification des tendances qui constituent les facteurs essentiels des phénomènes sociaux, celle de Schultz sur la psychologie des sauvages, celle d'Æulenburg sur le problème de la psychologie sociale. Une dernière catégorie de communications con- cerne l'étude de la Psychologie sociale au point de vue pénal et celui de la criminalité ; les auteurs ont étudié, soit l'inégalité criminelle des sexes, soit l'influence du système économique sur la cri- minalité, etc., titres des notes de A/M. de Seeland, du 2} Valentin, de Æ. Reich, du D' Martrès, etc. VII. — PSyYcHoLOGIE PATHOLOGIQUE. Le Professeur Pierre Janet, au nom de Y. Ray- mond et au sien, à fait connaitre dans une courte note les recherches entreprises à son laboratoire de la Salpêtrière sur /a respiration de Cheynes-Stokes dans l'hystérie et l'influence de l'activité cérébrale sur le rythme de la respiration. Ce rythme est pres- que constant chez les hystériques, mais la crise et la respiration se rapprochent de l'état normal à mesure que l'activité cérébrale du sujet se réveille et que son attention devient plus intense. Le !}' V. Truelle (de la colonie de Dun-sur-Auron) relate deux cas damnésie continue: l'un à la suite d'une attaque épileptiforme et l’autre à la suite d’une intoxication par l'oxyde de carbone ; le D' Paul Tesdorpt com= munique quelques considérations critiques sur Jan valeur et l'utilité d'une définition exacle du caracs tère pour le jugement des maladies mentales. Les D" Séglas, étudiant les hallucinations psychiques; est d'avis que ce terme doit disparaitre de la no= menclature psychiatrique, comme une expression, entretenant des confusions regrettables ; la plupart des phénomènes désignés sur le nom d'hailuecina tions psychiques ne sont pas du tout, à vrai dires des hallucinalions. Toulouse et Vaschide font con= naître le résultat de leurs recherches, faites sur des» aliénés, au point de vue de la psychologie indivi= duelle: l'application des questionnaires et des testes à l'examen psychologique des aliénés. Le D" C. G: Ferrari (de Reggio-Emilia), a parlé également sur le même sujet; il a traité des testes et den l'examen clinique des aliénés. Le D' G. Ollah (de Budapest), à propos de la connaissance partielle avec une amnésie totale, n'admet pas que la perte d'un souvenir soit liée à une perceptibilité incons- ciente de l'acte. Il y aurait toujours une conserva- tion partielle de la conscience, comme il y aurait une conservation au moins tout aussi partielle de la personnalité de l'individu. Ollah n’admet même pas qu'un sujet soit hypnolisé dans un sens opposé à ses actes, désirs et impulsions. Il y a beaucoup de considérations gratuiles dans la dissertalion psychiatrique de l’auteur hongrois. Citons encore la communication du D' À. Brouwer (de la Haye) sur l'aulo-suggestibililé pathologique comme un trait caractéristique de l'hystérie, celle du L}° Valen- tin sur la psychothérapie et la logothérapie, qui cherche à marquer la place exacte, théorique et pra- tique, de la suggestion verbale pure (logothérapie) dans l'ensemble des moyens de traitement qui. relèvent de la Psychologie médicale. Le Professeur À. Tamburini, directeur de l'Ins- titut psychiatrique de Reggio-Emilia (Italie), a fait connaître une intéressante observalion sur les 2ber- rations de la conscience viscérale. Ces hallucina- tions font l'effet, comme les autres hallucinations sensorielles et motrices, d'un état morbide irritatif, de ces centres corticaux. Des images sensorielles … ou motrices des impressions e!des mouvements des, viscères,déposéesetenregistréesàl’élatinsconscient dans les points corlicaux respectifs, deviennent, dans des cas morbides, conscientes, et, parallèle- ment avec l'exagération morbide, leur réviviscence forme l'origine des hallucinalions viscérales et des délires correspondants. Les éléments sensoriels qui constituent la conscience viscérale jouent, d'après, le Professeur Tamburini, un grand rôle parmiles élé- ments qui forment les sentiments du moi, surtoul N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE 231 w dans les faits émolifs; leurs hallucinations à eux tous doivent exercer une influence considérable sur la conscience des sentiments du moi, en d’au- “tres mots sur la personnalilé. È Le D' P. Hartenberg essaye de formuler une nception psychologique de la névrose d'angoisse, elle qu'elle a été définie et délimitée en 1895 par Freud (de Vienne). C'est une névrose émotionnelle spécifique, l'affection apparaissant une iévrose du sympathique (le sympathique représen- mt le mécanisme nerveux de la vie émotionnelle). Bitons du même auteur une seconde communica- ion, traitant de la psychologie de la timidité. Enfin Ze D' Morlon Prince a fait connaitre, dans une note préliminaire, un curieux cas de person- alité mulliple. I s'agit du développement de trois personnalités dans un même individu, et des rela- lions que:les personnalilés comportent entre elles etl'individu primitif. Le sujet est unique sous plu- Sieurs rapports et présente sous chacune de ses jersonnalilés des phénomènes bien définis et des troubles contradictoires les uns par rapport aux autres; les personnalités avaient acquis quand même une complète indépendance. Une de ces per- “onnalités est la conscience exaltée au plus baut “point; les souvenirs sont continus depuis l'enfance et sa conscience personnelle n'est pas successive par rapport aux autres, mais contemporaine avec elles, et ce n’est que dernièrement que cette person- “nalilé s'est séparée des autres, qu'elle a acquis une mexislence indépendante absolue. Cette personnalité raffinée a écrit une autobiographie, décrivant les “faits et actes conscients de la vie de l’enfance jus- qu'au temps présent et les comparant avec celle de la conscience primaire. Cette personnalité est pré- dominante sous ce rapport aussi, et dirige beaucoup es autres, qui ne sont en somme que des fragments mutilés du « soi primaire ». Ces trois personnalités peuvent êlre hypnolisées. La communication de comme D Maurice de Fleur y, qui a faitconnaitre au Congrès des précieuses remarques sur la psycho-physiologie a duré plusieurs mois sans aucun trouble sensoriel altentif et sans aucune modification notable de la VIII. — L'nyPNOTISME ET LA SUGGESTION. Quoique le Congrès ait eu une section spéciale, consacrée à l'étude de l'hypnotisme, de la sugges- tion et des questions connexes, on est forcé de conslaler que les sciences connexes ont eu une pré- pondérance marquée, bien entendu en tant que nombre. Nous parlerons de ces sciences connexes dans le chapitre suivant; iei nous signalerohs les quelques travaux scientifiques concernant ces phé- nomènes. Nous en avonsd'ailleurs cité quelques-uns au chapitre précédent, comme touchant à la Psy- chologie pathologique. Signalons d'abord une communication faite dans une des séances générales sur a divination de le pensée, par le D° C.-G. Ferrari, du Laboratoire de Psychologie de Reggio-Emilia, une précieuse con- tribution à l'étude de la psycho-physiologie de la suggestion. Le D' C.-G. Ferrari a eu l'occasion d'étudier trois liseurs de la pensée : Pickmann, Dalton et Caselli, et ilaremarqué qu'il s’agit toujours d'un couple télesthésique, formé par le divinateur de la pensée et celui qui le conduit. Ce couple se fait par des transmissions sub-automatiques, possibles entre les deux personnes grâce à la perception des mouvements minimes de n'importe quel organe et de nature multiple. Ferrari pense, avec beaucoup de raison, que celle personnalité télesthésique pourrait nous donner peut-êlre la elef des faits encore très obscurs des formes rudimentaires de la suggestion. Le D' P. Hartenberg fait connailre un procédé spécial pour provoquer le sommeil artiliciel, pro- cédé qui consiste à réunir chez le sujet le plus grand nombre de conditions favorables au sommeil, mais en s'abstenant d'évoquer l'idée de dormir. Le sommeil serait produit par des impressions organiques et sensorielles. Mentionnons encore la communication du 1° Liégeois, sur les hallucina- tions négatives et la psychologie expérimentale, celle du 2} Æncaussesur le transfert hypnotique, du Dr Regnault, sur la classification des qualités psy- chiques primitives, basée sur les récentes décou- vertes hypnotiques, du D° Falk Schuph sur le pro- blème du les méthodes de l'investigation psychologique, etc. N'oublions pas une note du président de la section, le D° Bernheim, sur l’anesthésie Lhystérique, qu'il réduit à un en- semble de phénomènes d'aulo-suggestion et qu'on arrive facilement à désagréger par la suggestion ou par la persuasion. C'est également à ce chapitre qu'on pourrait citer la communication de M. Jagadiska Chandra Chatterjii, professeur à Benarès (Indes anglaises), sur les méthodes employées dans l'étude de la Psy- chologie expérimentale aux Indes, méthodes qui, somnambulisme et 232 N. VASCHIDE — LES TRAVAUX DU IV° CONGRÈS DE PSYCHOLOGIE pour la plupart, tiennent à une utilisation adroite et merveilleuse des manipulations hypnotiques ou de la suggestion. Il s'agissait surtout de la révéla- tion d'une méthode classique indienne, connue sous le nom de Yoga, et sur ceux qui l’'emploient, les Yogins. On a admiré l'enthousiasme de croyant de #7. J.-C. Chalterjii, quand il a évoqué ainsidevant les congressistes les méthodes de ces lutteurs admi- rables pour le Nirvhäna; il a réussi à suggérer la possibilité de connaissances scientifiques pré- cieuses pour ces artistes de procédés hypnotiques. IX. — PSYCHOLOGIE TRANSCENDANTE. Les représentants de la Psychologie transcen- dante et surtout des soi-disantes sciences connexes se sont donné rendez-vous dans la cinquième sec- tion, où la discussion a été souvent assez vive. Plusieurs psychologues ont pris successivement la parole comme Æhhinghaus,. Külpe, Tarchanof, Vogt, Vaschide, Hartenberg, ete.; après des lon- gues répliques, le président Bernheim a précisé la part des faits vraiment scientifiques el a insisté sur le rôle considérable que joue la mentalité de l'observateur. Le Professeur Æhhinghaus a été surtout très applaudi quand il a protesté, au nom de la science psychologique, contre la confu- sion regrettable que certains représentants des sciences annexes faisaient des phénomènes psy- chiques. Parmi les multiples communications concernant les phénomènes télépatiques : transmission de la pensée, l'au-delà de la conscience, etc., faisons une place à part à celle du Professeur Myers, (de Cambridge) le président de le Société de recher- ches psychiques de Londres, sur le phénomène classique de {france (léthargie), à propos d'un cas remarquable de M'° Thompson. Dans cet état, le sujet semble endormi, mais il est néanmoins capa- ble de parler ou d'écrire sur certains sujets, que sa personnalité normale ignore à ce momentet dont il se souvient rarement à un retour à la vie éveillée. Cette forme léthargique peut suggérer une substi- tution temporaire de personnalité. M. Myers a recueilli les témoignages de plusieurs personnes pour arriver à la conclusion que les faits révélés par M Thompson au cours de ses expériences lui étaient absolument inconnus. La plupart des faits évoquent des communications avec des morts, qui semblent, à ce que dit M. Myers, parler par la bouche de M"° Thompson. Contentons-nous d'enregistrer ce fait et croyons sur parole M. Myers, auquel la Psychologie doit beaucoup de choses, qu'il n'y à eu aucune fraude. Mais nous nous permettrons d'observer qu'outre la fraude, pour ne parler qu'en question de principe, il ya lieu d'accorder place à une foule d'erreurs tenant, pour la plupart, aux états psychiques des témoignants et aux conditions dans lesquelles M@ fait a été recueilli. Citons encore le Professeur Ælournoy, de Genève, qui à montré la nécessité, pour la Psychologie, de s'occuper des problèmes que soulèvent les phéno mènes dits occultes, supra-normaux, et a proclamé hautement que les spirites n’ont apporté aucun fait scientifique à l'appui de leur thèse; lesdits phéno mèênes supra-normaux peuvent être expliqués par les lois psychologiques ordinaires. Dans le même sens à parlé aussi le D' ©. Vogt, de Berlin, 4 sa communication contre le spiritisme. De toute cette lutte résulte, à mon avis, la néces silé de vulgariser dans le monde des notions élé- | 1 l [ D. D mentaires de méthodologie et de préciser plus largement la significalion des conditions qu'exige une bonne expérience. X. — COMMUNICATIONS DIVERSES N'oublions pas de mentionner la création de l’Institut psychique international, qui a élé annon cée au Congrès par une communication succincte dn D" Ockorowicz. Get Inslitut vient d'être créé à Paris, dans le but d'organiser un centre intellec tuel internalional pour la Psychologie et les science annexes, en harmonisant lous les efforts et em centralisant toutes les ressources. L'Institut veu mettre à la disposition des travailleurs, écrib M. Janet dans le premier numéro du Bulletin de Finstitut, au nom du Comité provisoire, les docu= ments nécessaires à leurs études, instruments, livres, ete.; il veut fournir des ressources à tous les laboratoires, à lous les chercheurs, réunis où isolés, qui pourraient montrer qu'ils ont besoin: de cet aide pour une recherche ou une publi= cation intéressante ; il veut encore provoquer de études et des recherches sur cerlains faits qui mériteront d'être mis à l’ordre du jour ou qui le sont déjà, et organiser enfin, autant que possible, des laboratoires permanents, une clinique, où se= raient effectuées, par quelques-uns de ses membres; les recherches jugées les plus utiles, etc. » Le programme est assurément beau et des plus nobles; reste la grande besogne, après avoir tracé un si vaste et admirable plan d'études, de le mettre en pratique. La direction, étant confiée, au moin pour le commencement, à des savants et psycho= logues comme MM. Ch. Richet et Pierre Janet entre autres, doit inspirer confiance dans l'avenir de celte institution. Le Congrès a fini, comme tous les Congrès, par un banquet et par des discours, qui n'ont manqué ni d'élan, ni de volubilité, ni d'humanité. Ce ban- quet a eu lieu au premier étage de la tour Eiffel. Il convenait bien aux psychologues de siéger à une certaine hauteur et d'avoir devant eux un horizon plus large; ils ont pu à leur gré jeter des jalons, pour l'avenir de la Psychologie, dans l'infini du temps et de l'espace. … Avant de finir, n'oublions pas de féliciter le Comité d'organisation pour la réussite du Congrès, qui compte pour beaucoup dans l'histoire de la Psychologie. Félicitons en particulier M. Janet, qui a assumé la lourde tâche de Secrétaire général du ET LA CULTURE DES AGAVE La culture des Agave a, depuis une vingtaine Agave susceptibles de donner des produits indus- triels comme au Mexique. Il Depuis longtemps l'Agave Americana, impro- prement appelée Aloès,est propagée comme plante de clôture et d'ornement en Algérie. Elle y prend n grand développement et s'y montre, ainsi ue plusieurs de ses congénères, bien adaptée au imat. Mais c’est bien à tort qu'elle y été regardée à production de fibres textiles. Si l’on peut extraire ses grosses feuilles quelques mèches de fouets, Line réussit guère à l'exploiter en grand. Il con- viendrait, croyons-nous, d’éludier de plus près la possibilité de cultiver conjointement des espèces du même genre dont on tirerait des fibres utili- Sables. Voici à ce sujet quelques indications : . Depuis 1886, ayant eu à créer un Jardin bota- dique pour nos Écoles supérieures, je me suis cupé de réunir une collection d'Agave, tant au nt de vue purement botanique qu’au point de e de l'utilisation de nos terres arides par ces REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES 1901. D: TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN-ALGÉRIE _ pris une grande PA PRTEUICE quel les cli- | | spéciale au Jardin. | Dr Weber m'a envoyé des graines de l'Agave qui 233 pli largement la destination d'une pareille réunion. Les Congrès n'apportent jamais de solutions pré- cises, mais préparent l’espril; on apprend à se connaitre et on localise mieux ses pensées après avoir assisté à des séances où les représentants | les plus différents de la Psychologie ont agité des idées. Et, dans un mouvement se ientifique, site des idées, c'est déjà beaucoup! N. Vaschide, Chef des travaux du Laboratoire de Psychologie expérimenta!e de l'École des Hautes Études. (Asile de Villejuif.) LE CRIN DE TAMPICO UNIVITTATA ET HETERACANTHA EN ALGÉRIE plantes. En 1892, j'ai recu de nombreux échantil- lons de Sisal vrai et faux; ces végétaux se sont très bien développés et font l’objet d'une étude En septembre 1894, M. le fournit le Tampico et qui porte le nom indigène de Lechuguilla. Ces, graines avaient été récoltées au Mexique sur les lieux mêmes de l’exploilation. Or, les plantes qui en sont issues se sont montrées identiques aux Agave que je possédais déjà sous le nom d'Agave univittala. Ces végétaux (fig. 1) sont remarquables par de nombreux caractères qui permeltent de les classer dans une section spéciale du genre. Leurs fleurs sont en épi de 3 à 4 mètres rappelant l'inflorescence de la Scille marilime; elles sont insérées deux par deux. Les feuilles ont une marge sèche épineuse qui se détache très facilement du reste de la feuille, si bien qu'avant de travailler ces feuilles, les Mexi- cains éliminent facilement les épines en détachant les marges épineuses. Les Tampico grainent très bien à Alger et, en 1898, j'ai pu distribuer, par l'intermédiaire de la Société d'Horticulture de celte ville, une assez grande quantité de graines provenant de sujets plantés en 1886 au Jardin botanique. Les rameaux souterrains ou stolons sont, dans cette espèce, longs et nombreux; aussi cet Ayave se présente-t-il en touffes avec des roseltes de lout âge (fig. 2). Sur chaque sujet, les feuilles sont au nombre de trente à quarante, longues et étroites, rigides et graduellement alténuées en pointe cana- liculée, striées de vert sombre sur le dos, et pré- gen 234 D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE sentant longtemps une raie large de couleur claire | des épines petites, inégales, crochues, distantes de quel- ques centimètres; l’épine ter- minale est brune, vulnérante, canaliculée. Si l'on examine la section de la base de la feuille, elle montre une quan- üilé extraordinaire de gros faisceaux rigides ; en écrasant la feuille, on voit apparaître les fibres qui, en nombreux fais- ceaux, sont noyées dans un parenchyme qui laisse exsu- der une matière mucilagi- neuse très abondante et riche en saponine. IT C'est autour de San-Luis- de-Potosi que se fait la prin- cipale exploitation de la Le- chuguilla ; l'exportation se fait de Tampico, d’où le nom de crin de Tampico donné au pro- duit. Le nom de fibres de Tain- pico est donné à toutes les fibres exportées par ce port. Il y a cependant lieu de dis- tinguer et de réserver, d’après M. Rose ‘, l'expression de gne les Lechuguilla est surtout composée de petits sur la face supérieure. La marge est cornée et porte |! (punlia très épineux, de Prosopis, de Yueca d'autres Agave de petite taillé L'exploitation de la fibre de Tampico est faite par des In diens christianisés ou par dés métis appelés Peons, habitant des gourbis. — Celte exploi® tation est faite d’une manière. barbare : les feuilles müres ne sont pas récoltées seuless les feuilles jeunes du centrèw sont coupées, elles forment um! « Cogollo ». — Cette pointe centrale, formée par la réus nign des jeunes feuilles nom encore épanouies, est arrachée au moyen d'un bâton muni d'un anneau de fer ou percé d'un trou et nommé urro.m Ces Cogollos sont chargés” sur le dos et apportés sous uR arbre ou sous un hangar. Vo ci, d'après W.-S. Booth, com» ment se fait l'extraction de l& fibre. | « Sous de grossiers hangars couverts de feuilles de palmiers» on peut voir les Peons préparant la fibre. Une botte fraiche den Lechuguilla à sa gauche, l'hommen s'assied les jambes étendues côté d’un piquet de bois d'en viron 20 centimètres de haut maintenu solidement en terre él obliquant légèrement à gauche « Istle » pour les fibres d'Agave à feuilles courtes | Une autre pièce]de bois carrée de 10 centimères est fixée“ (A. heteracantha), de « Palma loca » pour les fibres de Yucca, et de « Guapilla » pour les fibres d'Agave à feuil- les linéaires (A. uni- villala). Les Agaves crois- sent sur des plateaux calcaires à des altitu- des de 1.000 à 2.000 mètres; la température y oscille entre 10° el 30°, avec une moyenne de 46° à 20°; les pluies y sont peu abondantes, car aucune céréale n'y vient sans irrigalion; la flore qui accompa- ! Rose : Useful plants of Mexico, in U, S. national Herba- | mais et la même manœuvre est répétée sur la deuxième partie de la feuille. Les fibres sont empilées, puis ex , rium, t..V, n° 4, 1899. ÿ Fig. 2. — Siolons d'Agave univillata. l sur celle-ci, à quelques“ centimètres au-dessus du sol. À un centimètre aus dessus de cette tablettes le pieu est troué et res coit la pointe d’un 4a/laem dor (fig. 3) ou racloi tranchant monté sur win manche de bois que l’ouvrier prend de Jà main droite. Prenant une feuille et enlevant adrot tement les marges épis neuses, il place un épi égrené de mais dans le cavité pour avoir plus de prise ; alors, avec Îles mouvements re la feuille est pressée & raclée par les passages successifs sous la lame une première face étant ainsi traitée, la feuille est retournée et raclét de l’autre côté, la partit ainsi préparée est en® roulée autour de l’'épi dem | | A 4 SG posées au soleil. Dans les Haciendas, on emballe ensuite la fibre en ballots de 100 kilos, revêtus de toile gros- à ière, et, par de très mauvaises routes, ce produit est expédié sur San-Luis-de-Potosi et Tampico. » FA « A Alger, l'Agave de Tampico se montre au moins “aussi riche en fibres que dans son pays d'origine : avec des feuilles pesant 200 grammes fraiches, en D: j'obtiens 15 grammes de fibres tandis que ans les exploitations mexicaines le rendement nest que de 5 °/,. Les fibres oblenues sont très elles el semblables aux fibres qui sont vendues pour la brosserie à 60 francs les 100 kilos. III - La multiplication de celte plante économique ble très facile, et sa propagalion dans les ter- < CPC LL) Fig. 3. — Tallador Mexicain, ins arides doit être une opération productive. On peut admettre que toutes les stations où se trou- vent déjà des Agave et des Opunlia conviennent ransplantée, soit en pépinière, soil en place. Quand les plantations auront acquis une cer- e importance, la multiplication se fera simple- ent par les très nombreux rejetons que donne D' TRABUT — LE CRIN DE TAMPICO ET LA CULTURE DES AGAVE EN ALGÉRIE 235 place dès le début de l'automne jusqu'en avril et mai. Aucune préparation du terrain n'est nécessaire : dans les pentes rocailleuses, sableuses, déboisées, il suffira de suivre les lignes horizontales et de placer les jeunes sujels ou rejelons au moyen d'un coup de pioche; un enfant peut faire cette plan- tation, et les jeunes bergers indigènes pourraient couvrir le pays d'Agave de Tampico si, au lieu de s'endormir sous une broussaille, ils consacraient à ce travail utile quelques heures tous les jours. Dans un lerrain nu comme une dune, il est pos- sible d'établir 5.000 touffes qui, en production, donneront plus d’une tonne de fibre. Mais cet Agave devra surtout êlre planté dans des terrains irréguliers rocailleux, utilisant pour le mieux les vestiges de terre que la dénudation conti- nue entraine tous les ans. Ces plantes, disposées en lignes continues et horizontales, auraient pour effet de retenir l'eau et l'humus, et favoriseraient le développement de petites plantes fourragères très importantes, pour le mouton, notamment. Ce n'est qu'après lrois ou quatre ans que les premières plantations seront exploitables: il faudra alors cou- per les feuilles avec une serpette emmanchée lon- guement ou une sorte de sabre, et les transporter dans une usine ; ou les traiter sur place avec le tallador mexicain, ce qui est possible, les feuilles de tampico se laissant très facilement décortiquer. Il est probable que si cette culture s'implante, des usines s’organiseront et achèteront aux indigènes les feuilles récoltées par eux. Cent kilos de feuilles, pouvant donner 7 kilos de fibres valant de 3 fr. 50 à 4 francs, pourront faci- lement être payés 1 francs à 1 fr. 50. Les 5 à 600 feuilles nécessaires pour faire 100 kilos sont très vite ramassées. La pulpe des feuilles de la Lechuguilla contient en abondance un mucilage riche en saponine qui pourrait probablement être ulilisé. Les Agave qui donnent le Tampico et le Sisal peuvent, en Algérie et en Tunisie, occuper des sur- faces très importantes et fournir à la métropole des textiles de premier ordre, qui, sur les marchés, sont très demandés et payés des prix élevés. D' L. Trabut, Professeur à l'École de Médecine d'Alger 236 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Braunmühl (A. von), Professeur de Mathématiques à l'Ecole Polytechnique de Munich. — Vorlesungen über Geschichte der Trigonometrie. ErstTer TriL.— L vol. in-8v de vu-260 pages. (Prix : 9 marks.) B. G. Teubner, éditeur, Leipzig, 1900. Dans cette première partie de son ouvrage, M. von Braunmüh{ embrasse l'histoire de la Trigonométrie de- puis l'Antiquité jusqu'à la découverte des logarithmes. Les huit chapitres qui la composent sont écrits avec autant de science que d’érudition. D'ailleurs, les remar- quables mémoires publiés antérieurement par l'auteur dans la Bibliotheca Mathematica de Stockholm et dans les Nova Acta de l'Académie Royale Léopoldine-Caro- line d'Iéna, le désignaient tout naturellement pour cette délicate entreprise. Le mathématicien allemand étudie d'abord les traces de la Trigonométrie chez les anciens peuples de l'O- rient. Les documents relatifs à cette période sont rares : le Papyrus d'Ahmes nous initie aux laborieux procédés des Esyptiens, et le T'cheou per à ceux, non moins rudi- mentaires, des Chinois. Puis les géomètres grecs entrent dans la lice. Ils découvrirent des formules semblables aux nôtres pour la résolution des triangles rectilignes et sphériques, mais ils arrivèrent à ce but grâce à des méthodes lentes et détouruées, que le grand astronome Ptolémée eut le mérite de simplifier quelque peu. Avec les Hindous, les sinus s'introduisirent dans les calculs; toutefois, leurs plus illustres savants : les Aryabhatta, les Brahmagupta et les Bhaskara, dirigèreut plutôt leurs efforts vers les questions d’Algèbre. De leur côté, les Arabes imprimèrent un vigoureux essort à la Trigo- nométrie. Les perfectionnements qu'ils y apportèrent permirent de nombrenses applications astronomiques. Comme son prédécesseur hindou Aryabhatta, et sans doute indépendamment de lui, Al-Batani eut, en effet, la lumineuse pensée de substituer les sinus des arcs aux moitiés des cordes des arcs doubles que les Grecs utilisaient dans leurs calculs. Il découvrit également l'expression fondamentale de la Trigonométrie sphé- rique, et, sous la dénomination d'ombre étendue, il se servit de la tangente dans ses formules gnomoniques. Du v° au vue siècle de notre ère, les mathématiciens de la Chrétienté perfectionnèrent médiocrement nos connaissances (risonométriques ; aussi est-ce avec rai- son que M. von Braunmühl leur consacre seulement quelques pages. Avec Régiomontanus (1436-1476), la Trigonométrie moderne commence à prendre corps. Son De Triangulis planis et sphericis est le plus ancien traité trigono- métrique qu'ait produit l'Occident. L'illustre astro- nome Copernic apporta également sa pierre à l’édifice ; mais c’est surtout à Viète qu'on doit les plus grandes découvertes dans ce domaine. Son Canon mathematicus (1579) est un recueil de tables où se rencontre, pour la première fois, en regard de l'angle correspondant, la valeur des sinus, tangentes, sécantes, cosinus, cotan- gentes et cosécantes, calculées de minute en minute. Dans ses autres livres, il parvint à affranchir la Science des énoncés prolixes précédemment adoptés. Il pré- senta, sous forme de tableau, les éléments connus et inconnus d’un triangle et constitua de la sorte les for- mules générales expéditives que nous utilisons jouc- nellement. Telle est, en substance, l’œuvre érudite de M. von Braunmübhl, dont nous souhaitons de pouvoir bientôt signaler l’achévement. Jacques Boyer. Vidal (CI). — Pour la Géométrie euclidienne Etude critique élémentaire sur les fondements de Géométrie. — Une broch. in-8° de 37 pages. Croville Marant, Paris, 1900. La brochure de M. Vidal mérite d'être signalée àt ceux qui s'intéressent aux fondements de la Géoméb Ils y trouveront une série d'arguments tendant prouver que la Géométrie euclidienne est la se admissible. La thèse développée par l’auteur est la st vante : Z! n'y a qu'une Géométrie, la Géométrie eu@ dienne, parce qu'il n’y a qu'une ligne droite, la dra euclidienne; selon M. Vidal, cette affirmation mes d’ailleurs qu'une conséquence naturelle de la défini de la ligne droite par Euclide. C'est dire que l’aut refuse d'admettre la notion de droite lobatchefskien aussi bien que la droite riemannienne, et qu'il conte les arguments sur lesquels Beltrani et Mansion éta blissent l'indémontrabilité du postulat d'Euclide. Nous laissons aux revues spéciales le soin d’examin en détail le point de vue développé par M. Vidal. Not devons nous borner à reproduire ici les titres des paragraphes que comprend cette brochure : Les tro Géométries. — Démonstration du postulatum d’Euclide” dans la théorie des parallèles; conséquences. — Dis cussion des arguments sur lesquels se fonde la p tendue indémontrabilité du postulatum d'Euclide Identité de la droite riemannienne avec une circon rence de grand cercle d'une sphère. — Unité de la G métrie. Vraie signification des théories non euclidiennes” — Sur quelques définitions de la ligne droite. | | À 1 2° Sciences physiques Gerland (E.), Professeur à l'École Royale des Mine de Klausthal et Traumüller (F.), Professeur Gymnase Nikolaï à Leipzig. — Geschichte d physikalischen Experimentierkunst. — {| | in-8° de 442 pages avec 425 figures. (Prix : 17 fr. 50 W. Engelmann, éditeur. Leipzig, 1900. Ë Cet ouvrage procède d’une conception nouvelle; n’est point une histoire de la science, ni même une toire de la Physique. Le but des auteurs a été non po laut de donner une image du développement de cet science que d'indiquer avec netteté la filiation des pre cédés expérimentaux, avec leurs résultats les plus im médiats. De celte façon, le sujet est limité, les consi rations trop générales en sont exclues, et si les moy de la connaissance y sont exposés avec détail, on sk rêle au seuil de la science proprement dite : on ne qu'entrevoir le résultat. Ainsi envisagée, l'histoire perd un peu de son impol tance philosophique et éducatrice, au moins pour élèves, auxquels l’ouvrage s’adressera surtout à ti documentaire; mais ceux qui, en Physique, ont attei la maturité suppléeront aisément par la réilexion a développements qui n'entraient pas dans le cadre l'ouvrage. Mème ainsi restreinte, l'histoire présente core un grand intérêt; la disproportion entre les moye et les résultats dans les périodes créatrices devientr évidente, et on voit nettement apparaître la perspit cité des hommes qui ont su se mouvoir à travers mi causes d'erreurs et dégager de ce fouillis les lois sin ples sur lesquelles on a ensuite échafaudé la sciene Mais cela même doit nous rendre circonspects. créateurs, le plus souvent, ont été moins affirmatils que les élèves. Ceux-ci, supprimant l'indication «toi se passe comme si », que les maitres conservaient s0 gneusement, ont pu souvent verser dans la scolastiqu À une certaine époque, un résidu est négligeable; plus Hard, il cesse de l'être, et, parce qu'on l’a négligé sciem- nent, on continue à n'en pas tenir compte, bien plus Len puisqu'on ignore son existence. La découverte de l’argon, plus d’un siècle après que Caven- ‘“dish avait déclaré qu'il le négligeait pour le moment, restera l’une des preuves les plus éclatatantes du tort que cause au progrès de la science l'ignorance dans dans laquelle la plupart d’entre nous vivent de l’histoire des découvertes. Aussi, quand la brèche est ouverte, on voit le progrès s’accomplir par la suppression de l'opi- nion toute faite ; il se répand à grands flots, comme le prouve la découverte de l'hélium, du néon, du crypton, du xénon, auxquels on n'est arrivé que par la voie “du doute créé par l’argon. Dans l'ouvrage dont nous nous occupons, l'art expé- | imental est pris depuis ses origines, chez les Babylo- mniens et les Assyriens, jusqu'au milieu du xix° siècle. ë es divisions sont celles de l'histoire politique : anti- “quité, moyen-âge et temps modernes, avec un peu de “décalage dans le début de ces périodes. Nous trouvons ïen peu de documents sur les premiers peuples, tan- dis qu'avec les Egyptiens, nous arrivons à connaitre le iphon, la balance, le rouleau, alors que la scienre des recs, synthélisée par Aristote, s'élève jusqu'à des prin- ipes généraux. Archimède, au mi° siècle avant notre re, donne les premiers principes de l'Hydrostatique, s lois du levier et le célèbre principe qui porte son nom. Ecole d'Alexandrie, à la suite d'Euclide, poursuit étude de l'Hydros!atique, invente la pompe à feu, “l'orgue à eau, le moulin à vent, et une foule de ma- “chines dont le principe a été conservé jusqu'à notre poque. …— Le Moyen-Age voit à l'œuvre surlout les Byzantins et Jes Arabes, et les temps modernes préludent à la renais- ance des études scientifiques dans l'Europe occiden- ‘tale. Les auteurs placent le début des temps modernes de la science au moment où Galilée entre en scène, et rangent encore les précurseurs, Porta, Tartaglia, Léo- nard de Vinci et Stevin, dans la fin du Moyen-Age scien- ifique. A partir de ce moment, la classification adoptée par les auteurs est mixte; ils considèrent une des bran- hes de la Physique pendant une période assez élendue, occupent ensuite des autres questions pendant des pé- odes à peu près équivalentes, el dont le commence- ment et la fin marquent une époque de grand progrès, montrant ainsi le développement paralièle, et synthétisé en général dans un ou deux chercheurs heureux ou génials, de sciences bientôt arrêtées par les diflicultés de atechnique, ou par le retard relalif des sciences voisines. Pour la densité, les lois de la chute des corps ainsi que pour le microscope et le pendule, Galilée est l'ini- iateur. Kepler et Descartes sont rapprochés dans un chapitre, pour des raisons peut-être insuffisantes ; les «recherches optiques de ce dernier sont indiquées en détail, ainsi que ses expériences moins connues sur le nagnétisme et la représentation des lignes de force par des limailles. Ilest intéressant de noter ici la découverte, faite par M. Korteweg, d'une lettre de Golius à Constan- tin Huygens le père, d'où résulte d’une manière défini- tive que Descartes découvrit la loi de la réfraction tout à fait indépendamment de Snellius. La période suivante nous donne des travaux d'Otto de Guericke et de Boyle, puis ceux de Torricelli sur la pression des gaz. Nous ajouterions volontiers icile nom de Pascal, dont les mérites relatifs au baromètre ne sau- raient être méconnus sans injustice. Cette période, en somme, développe surtout les idées de Galilée et en revise quelques-unes. À une époque peu ultérieure, uygens, Leibnitz et Papin iatroduisent, chacun dans un domaine différent, des idées plus nouvelles. On a rendu pleinement justice à Leibnilz et à Huygens qui sont considérés, à l'heure actuelle, comme deux des plus puissants génies de tous les temps. Papin, s'il ne peut être placé au même niveau comme grandeur et … généralité de la conception, futcependant un expérimen- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 237 tateur et un inventeur de génie, que les auteurs placent, au point de vue particulier de l'expérience, sur un pied d'égalité avec les deux grands émules de Newton. Au xvn° et au xvure siècle, on s'occupa beaucoup du baromètre et du thermomètre, que l'on modifia de mille manières, et, parmi les inventions récentes, il en est peu dont on ne retrouve la genèse dans cette période. Leibnitz et Papin s'occupèrent même du baromètre anéroide, et correspondirent à son sujet. Puis Amon- tons, d'une part, Fahrenheit de l'autre, apportèrent au baromètre, au thermomètre et à l'aréomètre de grands perfectionnements. Dans la même direction travaillent Réaumur et de nombreux savants qui s’occupèrent de Metéorologie. En Optique, le grand expérimentateur est Newton, dont l'œuvre reste à peu près intacte jusqu’au début du xix° siècle, qui découvre pour ainsi dire Huygens. Le milieu du xviur siècle voit les débuts de l'étude systéma- tique de l'Électricité, et, à la fin du même siècle, les découvertes de Galvani et de Volta ouvrent une ère nouvelle. Nous voici dans le plus grand siècle de la Physique, celui de son complet épanouissement. Vue avec un peu plus de recul que nous n'en avons actuel- lement, son histoire sera glorieuse. Aujourd'hui encore il est trop récent pour que, dans la masse énorme des documents, le tri soit facile. Les auteurs de l'ouvrage dont nous parlons allègent singulièrement cette tâche en se limitant à l'Électricité, où les travaux d'Ampère, d'Arazo, d'Oersted, de Faraday préparent l'avènement du télégraphe et de la machine dynamo-électrique. D'où vient ce choix ? Pourquoi n'avoir parlé ni de l’Acous- tique, ni de la transmission de la Chaleur, nide l'Optique, ni de la découverte des grands principes de la Thermo- dynamique ? Nous n’en voyons pas la raison, et n'y rat- tachons aucune critique, mais le fait devaitétre signalé. Les auteurs ont eu l’heureuse idée de reproduire un grand nombre de figures originales, fort intéressantes à examiner de près lorsqu'on aime à se rendre compte des moyens de découverte. Et, si leur ouvrage présente plus d’une lacune, il n’en renferme pas moins des do- cuments nombreux et généralement bien choisis qu'il était utile de rassembler et de publier. Cu. Eb. GUILLAUME, | Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. Van’t Hoff (J. H.) — Leçons de Chimie physique. Ouvrage traduit de l'allemand par M. Convisy, pro- fesseur agrégé au lycée de Saint-Omer. 3 vol. 1n-8° {Prix : 23 fr.). — Librairie scientifique Hermann, Paris, 1900. La Revue a signalé, lors de son apparition, la pre- mière parlie des Leçons de Chimie physique, de Van't Hoff (J.-H.) traduites en francais par M. Corvisy. L'ou- vrage est actuellement complété par la publication de deux autres volumes relatifs l'un à la Statique chi- mique, l'autre aux Relations entre les propriétés et la composition des corps. Le deuxième volume des Leçons de Chimie physique, la Statique chimique, est presque entièrement consa- cré à des questions sur le développement desquelles l'œuvre personnelle de M. Van'’t Hoff a eu une influence prépondérante. Le problème traité dans ce volume peut se résumer de la façon suivante : La composition chimique élémentaire, telle que la donne l'analyse chimique, ne suflit pas à caractériser un corps; il faut compléter ce résultat par d’autres données, à la connais- sance desquelles on arrive en étudiant les corps qui, possédant la même composition chimique, présentent des propriétés différentes. Cette étude conduit à consi- dérer trois cas différents que M. Van t Hoff examine suc- cessivement ; ce sont: le cas des corps polymères dans lequel on rapporte la variationdes propriétés à la gran- deur du poids moléculaire,au nombre de molécules chi- miques réumes pour former la molécule physique; le cas des corps isomères, dans lequel les différences de pro- priélés observées pour des corps de même composilion . élémentaire sont attribuées à des différences dans le 238 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX groupement des atomes qui constituent la molécule ; enfin le cas des corps polymorphes, dans lequel on examine les différents édifices cristallins qui peuvent constituer les mêmes molécules. On sait combien M. Van't Hoff a fait avancer les con- naissances relatives à la détermination des poids molé- culaires en introduisant la notion de pression osmotique, et en étendant aux systèmes liquides et nolamment aux solutions diluées les lois relatives aux systèmes gazeux, telles que la loi d'Avogadro. En ce qui concerne les idées relatives à l'isomérie, M. Van’t Hoff a joué encore un rôle prépondérant dans le développement de la notation stéréochimique et l'élude des relations qui existent entre l'asymétrie moléculaire et les pro- priétés des corps optiquement actifs; nul n’élait mieux désigné que lui pour traiter ces délicates questions. Le troisième volume des Leçons de Chimie physique. est consacré à l'étude des relations qui existent entre les propriétés des corps et leur composition, relations qui sont divisées, comme l’a proposé Ostwald, en rela- ions colligatives (dépendant du nombre de molécules), addilives et coustitutives (dépendant de la nature des atomes unis dans la molécule et de leur mode de liaison). M. Van’t Hoff examine successivement les relations relatives aux propriétésphysiques,relations de volume et de pression dans diverses conditions, en tenaut compte des équations caractéristiques des corps, températures d'ébullition, températures critiques, chaleurs spécifiques, tensions superficielles, ete., puis les relations relatives aux propriétés chimiques. Cette dernière partie n'est pas d’une clarté parfaite et l’auteur semble le reconnaître lui-même, car il termine son livre par la phrase suivante : « Au commencement de ce travail, nous sommes partis des phénomènes sim- ples de l'équilibre chimique, basés sur les principes de la Physique; nous arrivons maintenant à la fin de notre ouvrage, entouré de relations encore mystérieu- ses, parmi lesquelles l'instinct merveilleux du chimiste est seul capable de trouver sa voie. » En tête de chacun des volumes se trouve reproduite la préface de M. Van't Hoff, dans laquelle il justifie la division adoptée en Dynamique chimique, Statique.chi- mique et Relations des propriétés avec la composition; il y résume de la facon suivante le mode d’expesilion suivi dans cet ouvrage: « La méthode adoptée est celle que j'ai suivie dans mon enseignement. Elle consiste essentiellement à développer toute loi en partant d'un exemple concret convenablement choisi et traité expé- rimentalement ; l'ensemble des résultats est autant que possible représenté par un graphique ; puis viennent la conclusion et enfin les développements théoriques sur la généralité et la portée de cette conclusion. » Cette dernière partie est souvent moins complète que les premières, et il semble qu'un ouvrage de ce genre gagnerait à contenir une discussion plus serrée de la signification des termes employés, du caractère plus ou moins hypothétique des principes invoqués, en un mot, à développer davantage le côté philosophique de la question. La lecture des deuxième el troisième volumes des Lecons de Chimie physique ne nous semble pas devoir modifier l'impression signalée dans cette Revue à pro- pos du premier volume et que nous résumions dans la phrase suivante: L'ouvrage de M. Van’t Hoff ne cons- tilue pas un traité didactique complet, mais plutôt la réunion d’une série de conférences sur les points importants de la Chimie physique et particulièrement sur les travaux de l'auteur et de ses élèves. La lecture en est néanmoins des plus instructives et la traduction de M. Corvisy rendra de réels services aux chimistes français. M. Corvisy a ajouté, à la suite de sa traduction, deux notes intéressantes: l’une sur le volume critique d'après Dieterici, l'autre sur la densité réelle des composés chimiques et la relation de cette densité avec la compo- sition et la structure, d'après Ramonikof. G. CHarry, Docteur ès scierces, 3° Sciences naturelles Giglio-Tos (D'Ermanno) Professeur à l'Université d@ Turin. — Les Problèmes de la Vie. 1" Partie“ La Substance vivante et la Cytodiérèse. — 1 wok in-8° de 288 pages. Chez l'auteur, Palais Carignanos Turin, 1900. Tout biologiste vraiment digne de ce nom, c'est-à= dire désireux de rapporter à leurs véritables causes les phénomènes de la matière vivante et d’en pénétren le mécanisme intime, éprouvera un sentiment bien naturel de curiosité et le vif désir de le satisfaire, en voyant l'annonce d’un ouvrage sur les problèmes de ak vie. Sa curiosité et son désir de lire iront grandissant… s’il lui est donné de connaître le sommaire ou seulu= ment l'en-tête des chapitres de ce livre. L’assimilation et la reproduction — la biomolécule et ses développe= ments — la physiologie de la biomolécule — le bio: more — le bioplasma, la biomonade et la cellule —1à cytodiérèse —les lois rationnelles de la cytodiérèse — les problèmes analytiques de la cytodiérèse — les pro= blèmes complexes de la cytodiérèse ; tels sont les titres de chapitres. Un ouvrage dont la matière est à telles euseignes vaut plus qu'une simple présentation et a besoin d'une analyse détaillée. Mais écoutons d’abord la profession de foi scientifiquem de l’auteur. Convaincu, dit-il dans sa préface, que lan Biologie spéculative actuelle s'achemine vers la téléo- louie, il veut la remettre, si possible, sur la route que doit suivre une science vraiment positive. La nature new nous cache rien, et nous présente, au contraire, tous les moyens nécessaires pour dévoiler ses mystères. Point n'est besoin de forces spéciales pour la solution des questions biologiques, et l'application des principes généraux des phénomènes de la matière brute suffit à l'interprélation des manifestations fondamentales de la vie. Les merveilleux phénomènes vitaux ne sont que les conséquences naturelles de phénomènes chimiques, physiques et mécaniques, el de même que les phéno- mènes météorologiques, avec leur apparente complexité, relèvent d'une seule cause fondamentale, la chaleur solaire, de même on peut ramener à des causes simples les processus vilaux les plus compliqués, si l'on en analyse toutes les conditions exactement et avec une” rigueur mathématique. Avec une rigueur mäthématique ! C'est-à-dire queles phénomènes vilaux, élant admis qu'ils ne sout pas d'essence propre et sont réductibles à des actions phy- sico-chimiques, doivent être étudiés comme autant de questions mécaniques, et mis en problèmes : les pro- blèmes de la vie. Exemple: Silessurfaces planes de deux corps rigides et fixés sont parallèles entre elles et tan- gentes à la cellule pendant la cytodiérèse, quelle est la direction du plan de division, celle-ci étant inégale? Le problème ainsi posé mathématiquement et résolu de la même facon, les Biologistes auront d'autre part et ensuite à vérifier expérimentalement le résultat. Cette. vérification n’estcependant pas essentielle ; elle ne sau-" rait en tout cas remplacer la détermination mathéma- tique desconditions du phénomène. Il serait très fâcheux qu'une question cellulaire fût seulement débattue sur le terrain expérimental; car, ne connaissant pas exac- tement la valeur des actions qui s’exercent sur la cel- lule, le Biologiste serait tenté d’invoquer, comme on l’a si souvent fait, des forces hypothétiques, des agents mystérieux, conduisant la matière vivante en dépit de” Loutes les lois mécaniques. Tel est l'aspect général du livre. Voici maintenant le contenu essentiel des divers chapitres. Dès l'introduction, l'auteur prend position en annon- cant l'interprétation qu'il donnera dans son premier chapitre des deux phénomènes fondamentaux de la vie M l'assimilation et la reproduction. L'assimilation, affirme=" t-il, est un phénomène chimique, exclusivement chi=n mique, qu'on ne peut songer à expliquer par une pro- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 239 priété physique telle que la structure morphologique. La cause intime de l'assimilation, comme celle de tout Dore chimique, est donc à chercher uniquement dans la constitution chimique de la matière vivante. «La bio-molécule » ou molécule vivante! voilà la base “de l'assimilation. » + Rappelons que le point de vue de Rhumbler et d'au- “tres cytomécaniciens est tout différent, que pour eux assimilation est un phénomène purement physique, épendant seulement de l’état d'agrégation de la sub- stance vivante, et nullement influencé par la composi- “tion chimique de cette substance, et que, d'une facon plus générale, la constitution physique de la matière wivante seule importe à considérer pour l'explication es phénomènes de la vie. » Dans le chapitre 1°: L’assimilation et la reproduction, Mauteur rappelle quels sont les changements chimiques “le lamatière : substitution, addition, dédoublement, ete. Puisque la substance vivante ne contient pas un seul “élémentqu'on neretrouve chez lesautrescomposésbruts, puisque l'explication des phénomènes chimiques vitaux ne peut être fondée sur des changements qui ne ren- trent pas dans les types ci-dessus mentionnés des chan- ements chimiques de la matière, on doit se demander ces changements sont suffisants pour permettre une interprétation des phénomènes vitaux fondamentaux, de l'assimilation, et de la reproduction qui n’est qu'une conséquence de la première. Contrairement à la plu- part des biologistes, l’auteur répond affirmativement. Une molécule de méthyléthylcétone, sous l'action de oxygène, se dédouble en deux molécules d'acide acétique : Méthyléthyl- Acide Acide célone acétique acétique CH | CA° CH* CASE OMIS [ | CoON COOoH Co | CH* - De mème, un microcoque, qu'on peut supposer réduit à une seule molécule, à une biomolécule, par une série de mutations chimiques, change sa constitution et est devenu capable de se dédoubler en deux molécules égales entre elles et identiques à la molécule primitive. i l'on désigne par a l’état premier du microcoque ou de sa molécule, par M son élat secondaire après la érie des mutations successives, on peut exprimer par le schéma suivant le cycle vital du microcoque : a...M= a+ a, - Il y à ici, on le voit, deux phénomènes : 1° dédou- blement de la molécule primitive a (qui s'est transfor- mée en M) en deux autres molécules 4, c'est-à-dire qu'il y a une véritable reproduction ; 2° une transfor- mation de la molécule a en M par une série de mula- ions chimiques particulières, pendant lesquelles la molécule a a doublé le nombre de ses atomes; ce der- nier phénomène est l'assimilation, dont le premier, la reproduction, n’est que l'effet final. La ressemblance est parfaite, pour ce qui concerne l'acte reproducteur de la molécule chimique et de la biomolécule. Elle est à première vue bien moins évidente pour ce qui est de l'autre acte, celui de la transformation chimique ou de l'assimilation vitale ; mais elle le devient par laconsidéra- tion suivante: c'estqu'on peut transformerles deux mo- Jlécules d'acide acétique formées en deux molécules de -méthyléthylcétone, parl’action successive du perchlorure “de phosphore, du zinc-éthyle et de l'oxygène, véritables aliments que la molécule d'acide acétique utilise tout “comme la molécule vivante, et qu'elle assimile pour sa “transformation en molécule de méthyléthylcétone. L'auteur conclut done : que l’assimilation et la re- “production sont, en dernière analyse, deux phéno- nènes chimiques. Puisque ces mêmes phénomènes peuvent être produils artificiellement chez des corps qui ne sont pas vivants, point n’est besoin pour les expliquer d'une force spéciale; les actions de l'affinité chimique, qui produisent les changements de la matière brute, suffisent à l'explication. L'auteur, après s'être demandé pourquoi la molécule d’acide nitrique n'est pas vivante, elle aussi, quoique capable d’assimiler et de se reproduire, en donne la raison : c'est tout sim- plement parce que les conditions de son existence ne sont pas réalisées, ni peut-être réalisables, dans la Nature. Il est aussi amené à examiner les conditions nécessaires pour la vie. La biomolécule et ses développements, tel est le titre du chanitre II. Le développement biomoléculaire est douné par le diagramme : dr Dr creal..eM—act a. Puisque la biomolécule as’estrégénérée identiquement par son dédoublement final, c'est là un développement autogénétique. Le développement homogénétique est celui où une biomolécule a! se dédouble en deux mo- lécules e', e', semblables entre elles, mais différentes d'elle : Ans cheedr- Meter Au bout d'un certain nombre de développements homogénétiques la molécule primilive a! peut se régé- nérer véritablement par un développement autogéné- tique. Enfin, le développement hétérogénétique est celui dans lequel une biomolécule a! se divise en deux autres molécules «et 1! inégales entre elles et diffé- rentes d'elle-même : ae BEC A MU EL ET Dans ce développement hétérogénétique, l’une des biomolécules finales peut fonclionner comme biomo- lécule autogonétique; c’est celle qui, par une série plus ou moins longue de développements biomoléculaires peut régénérer la première: c'est une biomolécule génétique, immortelle ; l'autre, dépourvue de cette pro- priété, est une biomolécule somatique. [On ne voit pas pourquoi, du moment que e! peut reproduire a, et se comporte comme molécule génétique, celte molécule a une notation e” différente de a!, dont elle doit cepen- dant reproduire les caractères essentiels}. Tous ces modes théoriques de développement de- vaient être prévus pour suffire aux évolutions si diverses de la matière vivante. $ Dans le chapitre HT, Physiologie de la biomolécule, l'auteur, grâce à la précision de son point de départ, peut rectifier un certain nombre de conceptions phy- siologiques, telles que celles de la respiration, de la fonction chlorophyllienne, de la sécrétion. La respira- tion est une oxydation et non une combustion; elle ne se décompose pas en deux actes nécessairement liés l'un à l’autre par un lien de conséquence; la fixation de l'oxygène, qui est une véritable assimilation, et le dégagement d'acide carbonique, qui est une désassimi- lation, sont dans une indépendance relative l’un vis-à- vis de l’autre, et sont successifs et non pas nécessaire- ment dépendants. De même, la fonction amylogène, qui produit l’amidon, ne dépend pas nécessairement de la fonction chlorophyllienne, qui fixe le carbone atmo- sphérique; car les organismes dépourvus de chloro- phylle peuvent former des substances amyloïdes, et d’autres, qui possèdent de la chlorophylle ou de la bac- tério-purpurine, sont par contre incapables de produire des hydrates de carbone; aussi ne doit-on pas dire que le chloroleucite agit simplement par action de présence, mais bien qu'il se modifie pour donner lieu à l’amidon, puisque tous les atomes constituants de l’'amidon pré- existent dans la biomolécule avant que celle-ci sécréle l'amidon. — On trouvera dans ce chapitre plusieurs dé- finitions et distinctions utiles. Ainsi, dans les réactions chimiques de la matière brute, on peut distinguer les 240 BIBLIOGRAPHIE — éléments indispensables, nécessaires et utiles, et la même distinction se retrouve dans les phénomènes chimiques de la matière vivante. D'autre part, il y a lieu de séparer les substances qu'on comprend sous la dé- nomination très large de produits de sécrétion, en deux catégories au moins : les éléments de refus, et les élé- ments de désassimilation. Au chapitre IV, apparait le hiomore, particule vivante qu'il est nécessaire de concevoir et d'admettre, puisque la matière vivante est une émulsion. Ce biomore est composé de biomolécules qui y sont déposées d'une facon déterminée, de même que les molécules d’une substance cristalline, et y sont soumises à une attrac- tion réciproque. A l’intérieur du biomore, les biomo- lécules sont unies par le lien physiologique d'une étroite symbiose moléculaire; elles se réunissent les unes les autres et de telle sorte que le produit de sécrétion de l'une devienne un aliment de l’autre, et réciproque- ment. Il résulte de là l'existence d’un milieu interne biomorique, produit et utilisé par les biomolécules, grâce auquel celles-ci échappent dans une certaine mesure aux conditions extérieures de la vie. Dans le chapitre V, l’auteur nous présente successi- vement le bioplasma, la biomonade et la cellule. Le bioplasma est la substance vivante, formée de biomores quelle que soit la nature de ceux-ci; les biomores sont immergés dans un liquide interbiomorique. On ne doit pas comprendre dans le bioplasma les parties non vivantes, telles que l'amidon, la cellulose, etc. {Cette manière de voir sur l’amidon et d'autres corps de la substance vivante, sans être en contradiction for- melle avec l’idée que nous en donne l'auteur au cha- pitre IT, est cependant assez inattendue; car on aurait rangé plutôt l'auteur parmi les biologistes qui font vivre l'amidon dans la cellule vivante que parmi ceux qui n'en font qu'un corps inerte]. Quelques remarques suivent sur l’existence des structures fonctionnelles du bioplasma, structures caractéristiques d'autant d'états physiologiques différents. [Cette notion, très impor- tante, était déjà dans la science.] A citer aussi la no- tion de la probiose, c'est-à-dire de la vie antérieure d'organismes précédents, qui ont préparé aux suivants un milieu favorable (ex. : formation de l’humus, de la houille, alimentation des animaux carnivores qui sup- pose l'existence d’herbivores lesquels à leur tour sup- posent des végétaux). Tout système symbiotique de biomores forme une biomonade ou unité vivante. De ces biomonades, les unes sont incomplètes, c’est-à-dire incapables de se régénérer par elles-mêmes, même partiellement (œuf non fécondé, spermatozoïde); les autres sont complètes (œuffécondé), capables de se reproduire. La cellule est une biomonade à bioplasme différencié, formé de biomores dissemblables, ceux du noyau, du cytoplasme, du centrosome, etc.; elle est avant tout caractérisée par ces biomores de nature chimique spé- ciale dont l’ensemble forme le noyau. L'étude du phénomène essentiel de la cytodiérèse forme la matière du chapitre VI. Le point crucial du raisonnement est le suivant. Il ne peut y avoir de différence fondamentale entre la division d’une molé- cule et celle d'une particule visible, telle qu'un bio- more, puisque la molécule a non seulement la qualité chimique, mais encore la forme. De même ce qu'on dira des biomolécules, composants de la particule du biomore, pourra s'appliquer aux biomores, composants de la biomonade, de la cellule. La division de la bio- molécule est donc le phénomène élémentaire de la division cellulaire. C'est l'orientation des atomes qui est la cause effi- ciente de la division des molécules et spécialement des biomolécules, parce qu'elle seule pent donner lieu à un nouveau groupe d’atomes, c'est-à-dire à une molécule nouvelle. De même pour le biomore et sa division. Soit un biomore À, et soit la situation de ses biomolé- cules constituantes, à l'instant même de leur naissance, donnée par le schéma (1) : ANALYSES ET INDEX tution chimique changera, et, comme leur arrangement est en étroite dépendance de leur constitution, on obtiendra une disposition nouvelle telle que celle-ci (2)« @) fe Si l’arrangement (2) est celui qu'offre le biomore au moment de la division des biomolécules, et si le déve= loppement de celles-ci a été autogénétique, c'est-à-dire si la biomolécule 4! reproduit deux fois la molécule primitive 4, on obtiendra : bb (3) $ ff ee “dd aa Puisque les molécules du schéma (3) sont de même nature chimique qus celles du schéma (1), elles pren= dront la même disposition réciproque qu'en (1), comme leur nombre est à présent double, leur orien= tation sera double aussi et amènera nécessairement | division du biomore. Le biomore (3) se divisera donc en: deux biomores semblables au biomore (1), comme dans, le schéma (4) : 8. (4) 1 b f b De même que la division du biomore résulte fatale= ment de l'orientation des biomolécules, de même, la” division des biomonades et des cellules succède inévi= tablement à l'orientation complète des biomores. L’au= teur nous fait assister, par ses figures 1 et suivantes, à. cette orientation de plus en plus complète des bio: mores, qui s'effectue au cours des étapes successives de la cytodiérèse. Il explique ou pense expliquer de cette facon tous les détails du processus cytodiérétique, par le jeu de l'orientation des biomores au sein de LL cellule. Combien souvent ces biomores sont des ma- rionnettes, dont l'auteur tire le fil pour les conduire où il veut et où il faut, c’est ce que le lecteur pensera certainement plus d’une fois, notamment quand il verra comment l'orientation des biomores (fig. 17 et 18) doit expliquer l'éloignement des chromosomes et la: formation des étoiles-filles. Dans ce chapitre, il y a beaucoup de points de vue très intéressants et dont nous songerons d'autant moins à contester l'exactitude que nous les avons nous-même toujours admis. Telle est l'existence éphémère des structures de la division cellulaire (asters par exemple), dont la forme varie et disparait, mais dont la matière demeure. Telle est l’opposilion nette établie entre la pé= riode assimilatrice et la période de division de la cellule: Dans les chapitres VII, VIII et IX enfin, l’auteur dé= duit d’abord de son interprétation générale de la cyto=, diérèse, ce qu'il appelle les Lors rationnelles de la cyto= diérèse, c'est-à-dire des lois qui ne découlent pas des l'observation, mais qui sont une conséquence mathéma= tique. Il n’en énonce pas moins de 28. La formule de, ces lois est empruntée à la donnée empirique (ex:le spirème est l'indice du commencement de la division du noyau), mais l’auteur la présente toujours comme uns résultat mathématique de l'orientalion des biomores,. comme corollaire de sa proposition fondamentale. Viennent ensuite dans le chapitre VIII les problèmes. analytiques de la cytodiérèse. Après avoir supposé, dans. le chapitre précédent, des conditions idéales pour l’ac= complissement de la cytodiérèse, l’auteur analyse les | effets des conditions naturelles où le phénomène s'ac= eo an tt © BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 241 … complit, leur influence sur le schéma général du pro- cessus cylodiérélique, dans un certain nombre de pro- … blèmes dont le type général est le suivant : Etant donnée | telle condition particulière nouvelle, en quoi le phéno- … mène en sera-t-il modifié? 11 y a ainsi un problème pour l'action de la position des corpuscules centraux sur la direction de la cytodiérèse, un autre pour l’ac- tion de la pesanteur sur cette même direction, un troi- —sième pour l'influence des obstacles mécaniques exté- … rieurs, un autre pour l'action des obstacles mécaniques intérieurs, des substances brutes de la cellule, etc. Toutes ces conditions diverses sont étudiées mathéma- tiquement à l’aide de constructions géométriques et de formules algébriques. … Eclairé par l'étude analytique de ces diverses condi- tions, l'auteur peut enfin aborder, dans le chapitre IX, étude des problèmes analytiques de la cytodiérèse, dont “la complexité est en effet très grande dans la nature et demande chaque fois une connaissance exacte des conditions particulières réalisées dans le cas qu'on se propose d'examiner, Il pose et résout quelques-uns de “ces problèmes complexes tels que la détermination de la direction des plans de segmentation dans les divers types d'œufs se développant naturellement, dans les œufs comprimés artificiellement, etc. Ainsi est amenée tout naturellement la seconde partie de cet ouvrage, qui paraîtra plus tard et sera intitulée : l'Ontogénèse et ses problèmes. Tel est le livre de Giglio-Tos. Très fortement pensé, très logignement conduit, il est fort bien écrit, et par là d'une lecture facile, malgré la difficulté du sujet traité. Jamais, ce semble, une théorie générale de la vie n'avait serré d'aussi près la matière et jamais, bien que l'idée d'une interprétation physico-chimique eût germé et même pris forme dans le cerveau de bien des Biolo- gistes, sinon de la plupart des Biologistes actuels, cette idée n'avait pris une forme aussi précise que dans ce livre. Jamais surtout on n'avait si peu senti l'effort de l'application d'une théorie matérialiste à l'explication des phénomènes de la vie, jamais par conséquent une théorie générale de la vie n'avait eu autant de naturel et de vraie simplicité. … L'auteur a cru devoir ne pas-s’en tenir à l'interpréta- tion générale de la vie. et a voulu expliquer des phé- nomènes vitaux particuliers, aujourd'hui les phases de Ja cytodiérèse, demain les processus de l'ontogenèse, en les présentant comme autant de conséquences, logique- ment et mathématiquement déduites de sa proposition générale, comme autant de lois rationnelles. Ce n’est Jamais sans quelque appréhension que l'on voit une belle théorie générale se risquer au milieu des écueils sans nombre que lui offrent les faits particuliers; ou, “pour me servir d'une autre image, c'est en tremblant qu'on la voit descendre, elle qui élait faite pour être placée très haut parmi les réalités de l'observation, au risque de se heurter et de s'abimer contre l’une d'elles. ans les sciences dont l’objet est accessible à nos sens, e danger que court l’idée n’est pas dans son envolée géniale ni dans le soleil qui peut la brûler, mais dans la redescente sur terre parmi les données empi- iques qui peuvent la briser. Actuellement, du reste, l’essai d'une théorie générale par les faits est-il suffisamment probant de sa soli- ‘dité? Si la théorie résiste à l'examen des faits, cela ne ient-il pas à ce que les faits eux-mêmes résistent en- core en parlie à l'examen, à ce que leur forme est encore assez vaguement connue pour que, vus d'un peu haut, ils paraissent coïncider avec toute théorie bien faite, comme l’est celle-ci? Toute théorie générale de la vie n'est-elle pas dès lors comme un article de foi, “qui parfois, comme ici, a pris pour nous séduire la forme d’un raisonnement admirable, et qui appartient comme ici à une religion scientifique séduisante, qu'on est heureux de voir si bien défendre et qu'on est heu- eux aussi de partager ? D'ailleurs, je ne veux pas faire croire que l’auteur a cherché à éprouver, comme d'autres biologistes, sa théorie par les faits, qu’il a mis comme d'autres en for- mules mathématiques les données de l'observation. Son procédé est plutôt inverse. Il établit des principes : la nature chimique de la biomolécule, par suite ses changements et son orientation. De ces principes il tire les conséquences logiques qu'ils comportent (lois ra- tionnelles); avec ces principes il résout des problèmes (problèmes de la vie). L'énoncé de ces lois, l'idée de ces problèmes lui sont fournis par l’empirisme, et sont exprimés dans le langage de l'observation microsco- pique. Mais là est le seul emprunt qu'il fasse à l’obser- vation. Ses lois, ses problèmes peuvent et doivent se passer de la vérification et de la solution empiriques. Il se contente de signaler çà et là, non sans satislac- tion, la coïncidence du raisonnement et de la donnée expérimentale. L'auteur, qui est biologiste de profes- sion, a voulu et su oublier qu'il était expérimentateur, pour pouvoir raisonner librement sur les phénomènes de la vie; il a fait ainsi manœuvre en sens inverse. Il faut tenir comple de ce sens inverse de la re- cherche scientifique et considérer que l'explication d'un phénomène particulier vient du point opposé à celui d'où nous le regardons habituellement, nous autres biologistes expérimentateurs et observateurs, pour ne pas accabler d'un « voilà pourquoi votre fille est muette » des explications telles que celles qu'on trouve dans ce livre pour la formation du spirème et pour d'autres phénomènes caryocinétiques. Si chacun de nous, en effet, avait voulu donner à ce phénomène une apparence de précision, nul doute qu'en partant du fait particulier il ne soit arrivé à une explication analogue, sur la valeur réelle de laquelle il ne se serait pas cependant fait illusion. Mais, encore une fois, le mérile de ces interprétations de Giglio-Tos est tout dans leur origine, et non pas dans leur nature, dans leur valeur intrinsèque. C'est dire que ce sens inverse du raisonnement fait à l’auteur le plus grand mérite, car il est presque une innovation, qu'un esprit très original seul pouvait réa- liser. Mais les théories, qui donnent du mérite à la personne, sont moins généreuses malheureusement envers la science impersonnelle; et trop souvent, après elles, il ne reste plus qu'à dire d'elles et de leurs au- teurs : Se non e vero, e bene trovato : un reproche que le plus humble fait bien observé, n'encourt pas, et un compliment que les plus belles théories, telles que celle-ci, font venir sous la plume, en attendant leur vérification expérimentale. A. PRENANT, Professeur d'Histologie à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. 4° Sciences médicales Saint-Hilaire (D Etienne) — La Surdi-Mutité. Etude médicale. — 1 vol. in-8° de 300 pages. (Prix : 10 fr.). Maloine, éditeur. Paris, 1900. La surdi-mutité est un des points de la Pathologie dont la bibliographie est la plus riche: car elle n'intéresse pas seulement les auristes; elle a provoqué aussi de nombreux travaux de l'école neurologique, pour qui elle constitue au plus haut point un effet de la dégé- nérescence nerveuse; enfin, au titre d'infirmité so- ciale, elle a excité l'intérêt des économistes et des phi- lanthrop s : d'où résulte que peu de sujets ont fait naître plus d'études et de controverses. Malheureuse- ment, chaque auteur qui écrit sur cetie question, s'efforce surtout de réunir les arguments qui appuient ses opinions persounelles, de sorte que celui qui, igno- rant de la question, en voudrait prendre uue idéee com- plèle et impartiale, serait embarrassé de trouver dans la littérature française moderne un livre capable de le satisfaire à ce point de vue. Cette regreltable lacune vient d'être fort heureusement comblée par le docteur Saint-Hilaire, qui nous donne aujourd'hui une excellente mise au point d'ensemb'e de la surdi-mutilé. Il la traite 242 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX en médecin impartial, laissant au lecteur le soin de juger la valeur des opinions contradictoires si souvent mises en présence ; tout au plus guide-t-il discrètement | notre choix en nous montrant ce que lui a appris son expérience dans l'Institut départemental d’Asnières, qu'il dirige. En 1893, le Conseil général de la Seine fondait à Asnières « l'Institut départemental de Sourds-Muets et Sourdes-Muettes ». L'intérêt majeur de cetle œuvre était qu'une formule nouvelle était mise en action. Cet établissement fut rattaché à la Direction de 1 Enseigue- ment primaire, au lieu de dépendre, comme ses ana- logues, de la Direction de l’Assistance publique : ainsi le Conseil général montrait que les sonrds-muets doivent- être considérés non pas comme des infirmes à secourir, mais comme des enfants à élever. C'est surtout en Danemark et en Allemagne que la surdité-mutilé a été étudiée, les travaux français sur ce sujet se bornant le plus souvent au seul exposé de son traitement pédagogique. Cependant, dans la statistique, la France arrive en assez bonne place avec 58 sourds-muets par 100.000 habitants. Aux conseils de revision, le nombre des jeunes gens exemptés pour surdité-mutité a subi, de 1875 à 1890, uue progres-ion constante : de 9,82 pour 10.000 examinés, il est arrivé à 14,25. Fort heureusement, celte progression ne s’est pas maintenue, et ce chiffre est retombé, en 1898, à 6,95. Le maximum des réformes prononcées pour cette cause se voit en 1889-1890. Il correspond à la géné- ration des enfants conçus pendant la guerre. Les épi- démies, la misère et les chagrins s'associèrent pour faire porter aux enfants de celle époque une forte somme de tares de dégénérescence : et ce qui vient à l'appui de cette hypothèse, c'est que le maximum des sourds-muels se montrait, il y a dix ans, dans les dé- partements francais ravagés par l'invasion prussienne. On peut dire qu'aujourd'hui la surdi-mutité tend à décroître en France, sauf dans quelques départements: telle la Nièvre, car c’est surtout en cette région que sont envoyés en nourrice les enfants trouvés de Paris; une fois élevés, ils s’y établissent, se marient entre eux et associent ainsi les tares de dégénérescence dont ils sont abondamment pourvus. Contrairement à l'opinion de la majorité des auleurs étrangers, le D' Saint-Hilaire, observant la population de l’Asile d’Asnières, arrive à celte conclusion que la proportion des surdi-mutités congénitales y 2st presque égale à celle des surdi-mutités acquises; et, surtout en ce qui concerne ces dernières, que les garçons sont beaucoup plus souvent atteints que les filles. L'hérédité directe de la surdi-mutité est rare : 1 pour 150 sourds-muets est issu de parents sourds-muets; et, inversement, sur 45 ménages de sourds-muets ayant un {otal de 50 enfants, on ne note à Asnières qu’un seul enfant sourd-muet. Mais si l'on recherche chez les parents des sourds- muets la surdité simple, on la retrouve beaucoup plus souvent : 10 fois sur 100 d'après le D' Saint-Hilaire. La surdi-mutité, nous dit l'auteur, est, en raison de l'épilepsie, de la mévingite, ete., notée chez les ascen- dants, une maladie à localisation nerveuse, une lare qui doit être rangée parmi les membres dela «Famille névro- pathique » telle que l'a définie Féré. Les stigmates so- matiques de la désénérescence, qui ont été constatés maintes fois chez les sourds-muets, sont encore une preuve de la nature névropathique de cette affection. Ce sont les anomalies de développement trouvées par Scheibe dans l'oreille interne, qui sont habituellement la cause de la plupart des cas de surdi-mutité de nais- sance; en outre, la faiblesse congénitale explique pour- quoi les mäladies infectieuses frappent volontiers l'oreille interne et produisent la surdi-mutité acquise. La fréquence remarquable de la surdi-mutité chez les enfants nés de parents consanguins a, pour la pre- mière fois, été mise en lumière par P. Ménière, en 1856. Les observations personnelles du D' Saint-Hilaire | confirment de tous points cette donnée classique. Dans : la population de l'Institut d’Asnières, il trouve que 9 °/, des sourds-muets congénitaux sont nés de mariages « consanguins, tandis que cette proportion tombe à 4,40/, chez les sourds-muets acquis. La surdi-mutité congénitale est en effet l'expression d’une dégérescence intense, dont la cause est le plus souvent, dans le dépar- tement de la Seine tout au moins, l'alcoolisme des ascendants : et dans les cas où l’ouie est perdue après ja naissance, presque toujours on lrouve comme cause occasionnelle de sa disparilion une méningite ou des convulsions. La tuberculose est également très fré- quente chez les parents des sourds-muets, à ce point que le Dr Saint-Hilaire la note 26 fois sur 100. Soixante pour cent des sourds-muets acquis sont porteur de végétations adénoïdes du naso-pharynx; proportion énorme, puisque, chez les enfants normaux, ces végétations ne se montrent que 20 fois sur 100 : ce n'est pas à dire que cette hypertrophie de l'amygdale M pharyngée puisse amener une surdité suffisante pour M créer la mutité : mais elle a pour effet de favoriser la localisation sur l'oreille des maladies infectieuses. Le chapitre qui traite de l'anatomie pathologique de la surdi-mutité a été étudié avec un soin remarquable : l'auteur a compulsé toutes les autopsies de sourds- muets et en à réuni les données en un tableau qui témoigne de sa grande érudition. Plus loin, la symptomatologie est présentée. La mé- thode de Bezold, qui fait l'examen de l’ouie avec la série continue des sons, est, d'après le D' Saint-Hilaire, Ja meilleure méthode d'examen des sourds-muets que l’on … connaisse actuellement. Elle montre que, sur les deux octaves d'une audition normale, les sourds-muets ont soit des frous, soit des rlots auditifs; et elle démontre que la surdité totale est extrêmement rare chez les sourds-muets congénitaux. Son grand mérite à élé d’avoir mis en lumière ce fait, que plus d'un tiers des sourds-muets sont capables d'apprendre à parler par l'utilisation de ce qui leur reste d’audition. Un autre avantage précieux de la méthode de Bezold est celui-ci, qu'elle évite au professeur tout tätonuement et lui permet de discerner à coup sûr, à l'avance, ceux des sourds-muets qui sont capables de profiter d'un enseignement acoustique. « Tous les sourds-muels dont le champ des restes auditifs persistants embrasse les tons allant de B! à G* sont capables de percevoir, par l'ouie, les sons articulés, et peuvent par conséquent M apprendre à parler. » Il serait trop long de poursuivre cette analyse à travers les chapitres de diagnostic, de pronostic et de traitement qui terminent cet excellent livre : insistons seulement sur quelques intéressantes notions que nous fournit l'expérience de l'auteur. Soixante pour cent des sourds-muets sont adénoi- diens. Le curettage du naso-pharynx peut-il améliorer. leur condition? Le D" Saint-Hilaire l’a pratiqué chez 97 enfants de l’Institut d'Asnières: 3 seulement ont eu l’ouie sensiblement améliorée. Cependant, à tous cette inoffensive intervention a été utile, non pas au point de vue auditif, mais en améliorant l’état général, en ren- dant la respiration plus ample et en modifiant heu- reusement le timbre de leur voix. 4 Voici une autre remarque intéressante, et qui montre chez les sourds-muets un stigmate somatique de dégé-" rescence non encore signalé : « Les garcons de l'Institut d'Asnières portent des habits confectionnés à la Belle=n Jardinière. Le coupeur de cet établissement fut surpris, ! après avoir pris ses mesures, de l'extrême longueurs des manches de nos élèves. Il revint à Asnières, reprit ses mesures, et constata que 53 °/, de ces enfants ont les bras plus longs que les entendants-parlants de la même taille. » ! Tel est ce livre dont on peut dire que ceux qui veu- lent se mettre au courant de la question de la surdi-= mutité, pleine de problèmes sociaux, doivent avant tout commencer par le lire. A peine est-il paru, eb bientôt il sera classique. D' MarceL LERMOYEZ. Médecin des Hôpitaux de Paris. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES - ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 18 Février 1901. 10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M.F. Rossard a observé, “à l'équatorial Brunner de l'Observatoire de Toulouse, les variations d'écht de la planète Eros; la période de elles-ci paraît être de 2 h. 22. — M. Ch. André a fait des observations analogues ; il en déduit qu'Eros cons- “itue un système double, formé de deux astéroïdes, “ont les diamètres sont à peu près dans le rapport de ois à deux. Le phénomène de variabilité périodique Eros ne sera que temporaire. — M. C. Guichard, étu- diant la déformation du paraboloïde quelconque, arrive au résultat suivant : Si l'on connait une déformée du paraboloide, on peut en déduire trois autres. — M. A. Hurwitz montre qu'on peut résoudre d’une manière rès simple, par l'emploi des séries de Fourier, le pro- blème classique des isopérimètlres : Délerminer, parmi les courbes fermées de périmètre donné, celle qui nferme une aire maximum. — M. R. Alezaïs étudie es fonctions de deux variables, signalées par M. Picard, qui présentent la plus grande analogie avec les fonc- “tions modulaires elliptiques. —M. H. Poincaré indique ne forme nouvelle des équations géuérales de la Mé- £anique, à laquelle il a été conduit par l'étude du mou- ‘ement de rotation d'un corps solide creux dont la cavité est remplie de liquide. — M. P. Duhem étudie la p'opasation des ondes dans les fluides visqueux, et ontre qu'en général il ne peut s'y produire aucune onde se propageant avec une vitesse finie. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Becquerel a constaté que le rayonnement du radium, contenu dans une petite cuve en plomb, traverse le fond de celle-ci et impres- sionne deux cu trois épaisseurs de plaques photogra- phiques. Si l’on inlerpose entre la cuve de plomb et les plaques quelques lames métalliques, on-constate, au- dessous de celles-ci, une impression beaucoup plus otle; ces lames sont donc le siège d’une radio-activité “secondaire ; elle est très forte, mais moins pénétrante “que le rayonnement direct. — MM. A. Hébert et G. Reynaud ont éludié l'absorption spécifique des rayons X par les sels métalliques. Dans la série des nitrates, l'absorption est d'autant plus forte que le poids atomi- que du métal combiné est plus élevé. — M. L. Malassez présente un nouveau modèle d'oculaire à glace micro- “métrique offrant sur les modèles courants l'avantage que, dans la mise au point, les lentilles restent à la même distance l'une de l’autre, de sorte que la combi- “naison oplique de l'oculaire n’est pas modifiée. — MM. H. Moissan et P. Lebeau, en faisant réagir le fluor sur lanbydride sulfureux ou sur l'hydrogène sulfuré hu- mide, ont obtenu un nouveau corps gazeux, le fluorure “ile sulfuryle, SO*F*, très stable. Il se liquifie à — 52° el fond à — 120°. Il n’est pas décomposé par l'eau à la mempérature ordinaire; il est décomposé par la potasse “aqueuse ou alcoolique. Pour en faire l'analyse, on le décompose au rouge par la vapeur de sodium.— MM. A. Haller et G. Blanc, en trailant l'élher cyanomalonique sodé par le nitrate d'argent, ont obtenu un dérivé ar- gentique qui, chauffé avec les iodures alcooliques, fournit les éthers alkylcyanomaloniques : CAz. C (R) (CO®C*H°}°. Ces éthers, traités par HCI à chaud, sont aponifiés avec élimination de CO:. I] se forme Az H'CI, CH°OH et les acidesR. CH?. CO*H. Les éthers, traités par la potasse, donnent les mêmes acides cyanés. — MM. E. Jungfleisch et E. Léger ont comparé l'hydrocincho- nine, obtenue par Caventou et Willm dans l'oxydation de la cinchonine, avec la cinchonifine qu'ils ont isolée des produits de l’action de l'acide sulfureux sur Ja cin- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER choniue. Ces deux corps sout absolument semblables; ils possèdent les mêmes sulfates et chlorozincates, avec les mêmes formes cristallines. — M. P. Cazeneuve, en faisant réagir l’acétate d'argent sur l'urée de la phénylhydrazine ou sur la diphénylcarbazone, a obtenu le dyphénylcarbodiazine C‘H°Az : Az. CO. Az : Az. C£HS. Ce corps se combine facilement avec les acides de la série grasse en quantités équimoléculaires; il donne un dérivé bibromé. — M. P. Genvresse a obtenu, par l’action du peroxyde d'azote sur le limonène, un nouvel alcool, le limonénol, C'°H'0, contenant deux doubles liaisons dans sa molécule. C’est un alcool secondaire, car, traité par le mélange chromique, il donne une cétone, la limonénone, C'‘H'0. Celle-ci donne une oxime qui est identique avec la carvoxime. — MM. L. Bouveault et A. Wahl ont chauffé la solution chlorhy- drique de l'acide aminodiméthylacrylique et ont obtenu par distillation le diméthylpyruvate d’éthyle (CH*)CH. CO. CO?C*H*, qui est saponifié par l'eau à chaud, en donnant l'acide diméthylpyruvique, fondant à 34°. — MM. L.-J. Simon et L. Dubreuil ont fait réagir les acides monobromés de la série grasse sur un excès de pyridine ou de quinoléine. On obtient des bromhydrates basiques de pyridine-bélaines et de qui- noléine-bétaines. L'acide monobromosuccinique donne un produit qui ne renferme pas de brome, et qui parait être le fumarate monoquinoléique. — M. Marcel De- lage, en faisant réagir l'acide sulfurique fumant sur le pyrogallol, a obtenu l'acide pyrogalloldisulfonique, cristallisant avec 4 H°0. Il donue un sel de baryum 1 : ’ — avec > H°0, et un sel de calcium avec # H°0. Les disulfonates sont moins solubles que les monosulfo- nates. — M. V. Harlay a isolé des tubercules de l’avoine à chapelets (Arrhenatherum bulbosum) une matière de réserve, très semblable à la graminine d'Ekstrand et Jolhlanson. Celle-ci, sous l'action des ferments sécrétés par l'Aspergillus niger ou du suc des jeunes pousses de la plante, s’hydrolyse en donnant un sucre. — M. R. Dubois a constaté qu'un certain nombre de substances organiques : essences de camomille, de romarin, de cumin, de rose, esculine, en présence de potasse alcoo- lique, émettent une fluorescence assez forte. — M. J. Dumont a constaté : 1° que, dans les sols humifères, la fixation de l'acide phosphorique n’est pas due exclusi- vement à la rétrogradation; 2 que la quantité de phos- phate absorbé n'est pas proportionnelle à la richesse en calcaire, mais à la grandeur du rapport de l'humus au calcaire; 3° que les terres de bruyère, malgré leur pauvreté en chaux, fixent des quantités notables d'acide phosphorique; 4° que l’abondance de l'humus atténue sensiblement la rétrogradation. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Lannelongue commu- nique le cas d'une petite fille porteur d’une fistule con- génitale lacrymo-pharyngo-faciale, venant déboucher au-dessous de la narine droite par un orifice arrondi. L'auteur a obtenu facilement la cure parfaite de cette anomalie, qui présente un très grand intérêt au point de vue embryologique. Ce cas est, en effet, inexplicable avec la théorie d’Albrecht sur la formation de la narine et dela lèvre supérieure. — M. A. Charpentier a observé qu'une excitation électrique brève du nerf donne lieu à une double transmission : 1° une partie est transmise presque instantanément comme par un conducteur ordinaire; 2° une aulre partie se transmet, toujours électriquement, mais avec la vitesse modérée de l’influx nerveux; cette seconde partie, quoique modifiée phy- siologiquement, est encore de nature électrique, car elle peut êire conduite à distance par un fil métallique 19 rs ES et provoquer chez un autre animal une contraction mus- culaire par l'intermédiaire du nerf moteur. — M. L. Roos a cherché à vérifier, par des expériences faites sur des cobayes, si l'ingestion quotidienne de vin exerce une action défavorable, indifférente ou favorable sur l'organisme. La comparaison avec des animaux témoins, n'ayant pas pris de vin, lui parait démontrer que l'usage quotidien du vin,même à dose relativement forte, n'est pas défavorable. — M. R. Quinton signale de nouvelles expériences montrant que le globule rouge nucléé résiste à la pénétration de l'urée dans son protoplasma, et n'y cède que peu à peu. Il a constaté, d'autre part, que la cellule végétale, et très probiblement la bactérie, présentent cette même résisiance. — M. Descours- Desacres a étudié la propagation dans les pommeraies des chancres dus au Nectria ditissima. Le puceron lanigère est l'agent actif de transmission; il propage lui-même le mycélium et les spores du champignon. La nicotine, le tanin et l’acide tanique sont des remèdes eilicaces. — M. A. Lacroix a examiné une série de roches, recueillies par M. Villiaume dans la région de Nossi-Bé et de la baie de Passindava à Madagascar. Elles renferment toutes, comme caractéristique commune, une amphibole brune alumineuse et sodique du groupe de la barkévicite. Ces éléments constituent une nou- velle province pétrographique, à roches riches en alcalis, dont il sera intéressant de déterminer l'extension. — M. A. de Lapparent a examiné une empreinte fossile recueillie par le colonel Monteil aux environs de Bilma (Sahara oriental). Cette empreinte, déterminée par M. V. Gauthier, est celle d’un Oursin de grande taille, de l’Aturien supérieur, analogue aux Oursins du Balout- chi-tan. Cette découverte montre que la mer crétacée s'est étendue dans le Sahara au delà du Tibesti. — M. Stan. Meunier a examiné une météorile tombée du ciel le 15 juin 1900 au Macina (Soudan). Elle a la forme d'une plaque, recouverte d’une croute qui est de l’oxyde de fer magnétique. L'intérieur est constitué par du fer métallique, coutenant 7 °/, de nickel, des traces de cobalt, du sulfure et du phosphure de fer, du graphite et de la silice. — M. Georges Rolland a étudié le mode de formation des minerais de fer oolithiques de Lor- raine. Pour lui, ces minerais sont de nature sédimen- taire et d'origine continentale. L'épaisseur et la ré- partition du fer n'offrent aucune relation générale ré- gulière ni avec la topographique souterraine, ni avec l'emplacement des failles. Séance du 25 Février 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy annonce la découverte, dans la coustellation de Persée, d'une nou- velle étoile très brillante, de couleur bleuâtre. Elle a été aperçue par divers observateurs à Edimbourg, à Saint- Jean-d’\ngély et Toulouse. M. Rayet, qui a pu en faire l'analyse spectracle, a trouvé les lignes de l'hydro- gène très brillantes. L'étoile a augmenté rapidement d'éclat. — M. C. Flammarion transmet des dépêches d'un certain nombre de membres de la Société astro- nomique de France, qui ont observé l'apparition de la nouvelle étoile. — Dom Lamey résume ses observa- tions sur les variations des diamètres apparents de Jupiter, qui le conduisent à admettre l'existence d'un milieu réfringent ou atmosphère cosmique autour de ceux-ci. Les écarts qui subsistent entre les observations de M. Landerer et les nombres déduits de la théorie de Souillart, proviennent certainement de l'influence de cette atmosphère. — M. Ed. Maillet communique ses recherches sur une certaine catégorie de fonctions transcendantes. — M. Vasseur a fait l'étude des lignes qui apparaissent dans le sciage des métaux, lignes s'gnalées par M. Frémont. Ces lignes dépendent uni- quement de la scie qui les produit : la distance qui les sépare est égale à l'intervalle de deux dents successives de la scie, et leur apparition est en rapport av.c l'état d'usure de la scie, et la voie que celle-ci possède. 1° SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bernard Brunhes com- munique quelques observations sur les propriétés ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES isolantes de la neige et de la glace. La ligne télégra- phique qui relie l'Observatoire du Puy-de-Dôme au bureau de Clermont-Ferrand est souvent rompue en hiver par le vent. On peut se contenter de rattacher les extrémités par un fil qui traine sur la neige, sans que les communications soient gènées. — M. F. Larroque expose une théorie du timbre d'après laquelle, contrai- rement à Helmholtz, le timbre n'est pas indépendant des différences de phases et d'intensité relative des sons” partiels. — M. Guinchant a recherché, sur des solu- tions de substances organiques, comment varie avec la pression le volume du corps dissous, c’est-à-dire Ja différence entre le volume de la dissolution et le volume du dissolvant. Les expériences montrent qu'au moins jusqu’à # atmosphères, le volume du corps dissous est indépendant de la pression. — M. A. Colson a constaté que, dans certains cas, la réversibilité d’une réaction hétérogène peut être déterminée par des causes acces- soires d'ordre chimique : ainsi la présence d’un peu de, vapeur d'eau favorise la reconstitution du carbonate d'argent dissocié. — MM. C. Chabrié et E. Rengade ont observé que les solutions d’alun d'indium et de césium et d'alun d'indium et de rubidium se troublent par la chaleur; dans le premier cas, il se précipite de l’oxyde d'indium, dans le second cas un composé com= plexe. Les auteurs ont déterminé le poids atomique de l'indium par ébulliscopie de l'acétyiacétonate ; le métal est bien trivalent. — M. Baïlhache, en faisant passer de l'hydrogène sulfuré dans une solution sulfurique d'acide molybdique, a obtenu un précipité cristallisé, constitué par un nouveau sulfate de molybdène répon= dant à la formule Mo*0".2S0*. Il se dissout en brun dans l'eau froide, mais la solution se décompase rapidement à l'air ou à chaud. Chauffé avec NaCI ou NaBr, il donne naissance à l’oxychlorure ou oxybromure de molybdène: — M. E.-E. Blaise à constalé qu'en condensant les, nitrites avec les éters «-bromés des acides homologues de l'acide acétique, en présence de zinc, et en décom- posant par l’eau les dérivés organométalliques qui résultent de cette condensation, on obtient les étherss B-cétoniques mono ou dialkylés en à. Ces éthers peu= vent à leur tour être dédoublés en célones.—M. A. Béhal, en faisant réagir les dérivés atkylhalogénés du magné- sium sur les éthers-sels de la série cyclique R.CO.0C*Hÿ, lesatransformésen carbures éthyléniques R.C(CH*):CH°.. Ces corps se polymérisent très facilement. Oxydés par le mélange chromique ou le permanganate, ils donnent des méthylcétones : R.CO.CH*. — M. Henri Masson indique une nouvelle méthode de synthèse des alcools tertiaires de la série grasse. Elle consiste à faire réagir l'iodure de magnésium alkylé MgIR sur les éthers-sels X.CO®R!, ce qui détermine une transformation dans le groupement X.CRR'OH.—MM. C.Camichel et P. Bay- rac out repris leurs recherches sur les spectres d'absOrp=M tion des indophénols. D'après eux, le déplacement apparent de la bande rouge, lorsqu'on remplace un azote primaire par un azote tertiaire, proviendrait d'une différence du pouvoir absorbant des deux colorants. Las loi des auxochromes de M. Lemoult serait donc erronée: — M. L.-J. Simon est arrivé à la conclusion que la forme 6 du glucose, celle dont le pouvoir rotatoire prend immédiatement sa valeur limite, correspond à la formule aldéhydique. Les formes « et y qui possèdent la multirotation, c'est-à-dire qui prennent en solution aqueuse des pouvoirs rotatoires immédiats variables, tendant en sens inverse l’un de l'autre vers le pouvoir de &, correspondent aux deux configurations stéréo- chimiques de la formule oxydique. — M. G. Bredig a, étudié l’action diastasique du platine colloïdal ; elle se manifeste déjà pour des quantités, excessivement faibles de platine. Elle est maximum pour une certaine température. L'or colloïdal exerce en milieu alcalin une aclion presque aussi intense que le platine. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. S. Jourdain a étudié le rôle des canaux péritonéaux chez les Sélaciens. IIS servent à lester l'animal par l'introduction d'une certaine quantité du liquide ambiant dans la cavité péritonéoss + he en DS EE 2 A de RSS dant dti re : des Poissons. — MM. M. Lambert et L. Garnier ont ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES re = S) péricardique, et à le délester par l'expulsion du liquide | introduit. Ils agissent à l'inverse de la vessie natatoire constaté que le pouvoir réducteur du sang chloroformé est notablement augmenté au bout d’une heure. Ce fait peut s'expliquer soit par la formation, aux dépens du chloroforme, d'une substance réductrice (acide formique ou autre), soit par la mise en liberté, sous l'influence du chloroforme, d'un sucre réducteur résultant de la dissociation d’une molécule protéique. — MM. L. Ma- truchot et M. Molliard ont reconnu que le gel, la plasmolyse et la fanaison lente ou rapide déterminent dans certaines cellules végétales des phénomènes entiè- rement parallèles. En particulier, le noyau s'y montre comme élant le siège d’une exosmose d’eau s’effectuant par un processus identique. L'étude cytologique con- tirme que la mort des cellules par congélation corres- pond bien à un abaissement considérable de la teneur en eau, et qu’en réalité la mort par gel est une mort par dessiccation. — MM. A. Müntz et E. Rousseaux com- wmuniqueut une étude sur la valeur agricole des terres à Madagascar, basée sur l'examen de plus de 500 échan- tillons de terres provenant des diverses parties de l’île. En résumé, la zone littorale se présente dans des condi- tions de fertilité satisfaisantes, mais les terres ocreuses du massif central sont pauvres et peu propres à la cui- ture, sauf dans les fonds des vallées. — M. A. Ch. Girard s’est livré à l'étude de la valeur alimentaire et de la culture de l’ajonc et il est arrivé à cette conclusion que l’ajonc peut fournir une récolte correspondant, par hectare, à 8.000 kilos de foin, c’est-à-dire que la pro- duction d’une ajonnière dans les sols les plus médiocres vaut, surface pour surface, la production fourragère des terres les plus fertiles. — M. Stan. Meunier a exa- miné une métléorite tombée dans l'île de Ceylan le 43 avril 1795. Elle appartient au type des montré- sites; elle est constituée par de l’enstatite, de l'oli- vine, un pyroxène maguésien et une masse vitreuse ; elle renferme des granules de fer nickelé, et de tres petits grains de fer chromé. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 12 Février 1901 L'Académie vote à l’unanimité la proposition sui- vante de M. Léon Colin: Vu la persistance de la variole à Paris et dans sa banlieue, l'Académie de Médecine eslime que les mesures recommandées par M. le Préfet de Police conservent tout leur caractère d'utilité et qu'il importe à la population de continuer à profiter des ressources mises à sa disposition pour la pratique des revaccinations. — M. Henri Monod, étu- diant la mortalité en France de 1886 à 1898, en lire les constatations suivantes : 1° Diminution constante du taux de la natalité, compensée par une diminution, légère- ment supérieure, du taux de la mortalité; 2° Constante immigration des campagnes vers les villes; 3° Décrois- sance sensible de la mortalité par maladies épidémi- ques; 4° Proportion à peu près stationnaire des décès dus à la tuberculose ; 5° Taux considérable de la morta- lité infantile. — M. G. Dieulafoy signale une nouvelle comp'ication de l’appenditie: l'hémathémèse. Il com- munique six cas de vomito negro appendiculaire, dont cinq se sont terminés par la mort. Il semble que, sous l'influence de la toxi-infection appendiculaire, il se produise une ulcération aiguë en un point de la muqueuse de l'estomac, qui entame bientôt une arté- riole et provoque l'hémorragie. Il importe donc, dans l’'appendicite, de supprimer le foyer sans retard, avant quil ait pu lancer l'infection de tous côtés. — M. Boi- net signale un cas de macrodactylie, à propos duquel il fait remarquer que la macrodactylie n'appartient pas exclusivement à la tératologie. Elle est 1arement héré- ditaire. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez la femme, à droite qu'à gauche, au médius et à l'in- dex qu'aux autres doigts. La dissection montre une hypertrophie de tous les tissus du doigt. Séance du 19 Février 1901. M. P. Berger présente un rapport sur une commu- nicalion du D' P. Michaux relative à un nouveau mode de suture par agrafage de la peau, inventé par le D'P. Michel. Ce procédé constitue un mode de réunion très satisfaisant, sauf pour les peaux très fines ou qui présentent des plis irréguliers; son exécution est extrêmement rapide. Par contre, l'instrument est cou- teux, et demande une certaine habitude ; l'enlèvement des agrafes est un peu laborieux. — M. J. Lucas- Championnière, au sujet de la récente communication de M. Dieulafoy, constate qu'aujourd'hui l’appendicite est beaucoup plus fréquente et plus grave qu'autrelois. Elle.-semble avoir pris un caractère épidémique. Elle paraît également coincider avec l'augmentation anor- male de la consommation de la viande. L'auteur vou- drait voir revenir à l'emploi plus fréquent des purgatifs, qui empêchent l’évolution des affections intestinales. M. A. Robin a constalé que la dispepsie hypersthénique avec hyperchlorhydrie prédispose à l’appendicite. Pour lui aussi, les purgauifs constituent un bon moyen pro- phylactique. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 9 Février 1901. M. P. Mégnin rappelle qu'il a déjà observé sur des chiens les accidents de stomatite érucique causés par les poils urticants de certaines chenilles. — M. P. Merklen a suivi l’état fonctionnel du foie dans la gastro- entérite des jeunes enfants par l'étude des coeflicients urinaires. Ceux-ci ne peuvent donner d'indication absolue sur le pronostic de l'affection, mais leur écart, plus ou moins marqué de la nurmale, traduit l'atteinte du foie par l'intoxication générale. — M. Y. Manoué- lian à étudié les fivres nerveuses terminales dans le noyau du toit du cervelel; elles présentent des arbori- sations libres, jamais d'anastomoses. — M. R. Dubois présente deux épreuves pholographiques obtenues au moyen de la lumière émise par le bouillon liquide de photobactéries. — MM. R. Anthony et J. Salmon ont reconuu que la pygomélie (monstruosité caractérisée par la présence d’un ou deux membres pelviens surnu- méraires)estune monstruosilé double, symétrique, lamb- doiïde, de la série sycéphalique, devant être placée entre l'iléadelphie et l'édadelphie à laquelle elle aboutit. — MM. E. Wertheimer et H. Gaudier ont observé que le cordon cervical du sympathique n'a aucune influence sur la fréquence des mouvements du cœur chez l'homme — M. E. Wertheimer a constaté, chez le chien à jeun, que si, après avoir provoqué une première sécrétion pancréatique par une injection excitante, on injecte alors de la pilocarpine dans une veine, le suc secrété sous l'influence de l’alcaloïde agit non seulement sur l'amidon, comme le premier, mais encore sur l’albu- mine. — M. J. Rehns a reconnu, chez le lapin, que l'immunité active ne peut être conférée à un organisme normal par l'injection du poison diphtérique à doses croissantes, après mélange préalable avec une ou plu- sieurs fois son équivalent d'antitoxine. — MM. P. Carnot et L. Fournier ont observé un nouveau cas d’angine de Vincent. Ils ont isolé et cultivé le bacille fusiforme et le spirochète qui paraissent être les agents pathogènes de la maladie. — MM. A. Gilbert et L. Fournier ont administré la lécithine à des tuberculeux et à des neu- rasthéniques. Ils ont reconnu que l'emploi prolongé de la lécithine n’est pas plus nocif chez l'honime quechez les animaux. Les résultats thérapeutiques sont encore incomplets, mais des plus encourageants. — MM. P. No- bécourt et P. Merklen ont constaté qu'il existe dans les organes de l'homme et de divers animaux, ainsi que dans le lait de femme et de chienne, un ferment qui dédouble le salol en phénol et acide salicylique. Ce ferment n’est peut-être que la lipase. — M. M. Letulle a étudié le placenta resté adhérent à la surface de la cavité utérine (môle hydatiforme, déciduome) et y a 246 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES trouvé des boules sarcodiques identiques à celles qui se trouvent à la surface des villosités du placenta humain normal. — M. P.-L. Simond a observé, chez une espèce de tortue asiatique, Trionyx gangeticus, un hématozoaire endoglobulaire pigmenté quil nomme Haemamoeba Metchnikovi. — MM. G-. Meillère et Loeper ont étudié la répartition du glycogène dans les organes du lapin, du rat et du cobaye, et dans le musele du cheval, et en ont effectué le dosage. — Les mêmes auteurs ont étudié les variations durapport des albumines urinaires (sérine et globuline) au cours de diverses affections; elles ne paraissent donner aucune indication diagnostique. — M. E. Maurel, à propos de la communication du D' Mayet sur la phagocytose du bacille d'Eberth, pense que Je sang constitue un milieu lus commode et plus physiologique que la sérosité du vésicatoire pour l'étude de ce phénomène. — MM. Bi- gart et L. Bernard ont obtenu un sérum surréno- toxique par la méthode générale de préparation des sérums cytotoxiques. — M. V. Balthazard a déterminé les variations horaires de l’excrétion urinaire chez l'homme normal. Les maxima de volume d'urine et de d'urée se placent trois à quatre heures après de midi et du soir. — M. N. Vaschide à rience de Weber sur l’olfaction en milieu liquide et a constaté qu'on se rend parfaitement compte de la nature des sensations olfactives des mélanges odoriférants. — M. L. Bard à déterminé la tonicité du liquide céphalo-rachidien dans un certain nombre d'affections. Cette tonicité se mesure en faisant tomber une goutte du sang du malade dans une petite quantité du liquide céphalo-rachidien et en observant s'il se produit ou non de l'hématolyse. Séance du 16 Février 1901. M. L. Bard a reconnu que, dans Îles pleurésies et péritonites hémorragiques tuberculeuses, les liquides épanchés ne provoquent pas l'hématolyse, Landis que le contraire a lieu pour des pleurésies et péritonites de nature cancéreuse. — M. A. Dastre communique quelques remarques à propos de la recherche des fer- ments endocellulaires par la dialyse chloroformique. __ M. Et. Rabaud a étudié la formation des yeux des Cébocéphales. — M. L. Maurel à constaté : 1° qu on peut faire descendre la température sous-cutanée du lapin, par immersion dans l’eau froide, à 30° et même à 260,5 sans Luer l'animal : 2° Toutefois, avec la tempé- rature sous-cutanée de 269,5, les réflexes sont très diminués, et les muscles presque en état de résolution. __ MM. Lagriffe et L. Maurel ont repris les expériences précédentes par ventilation et mouillage. Au-dessous de 25°, la vie est sérieusement menacée, à 20°, l'animal paraît condamné à succomber. Les principaux symp- fôèmes observés sous l'influence de ces températures graduellement décroissantes sont : le frisson, la dimi- nution des réflexes, la résolution musculaire, le coma, et parfois des phénomènes convulsifs. = M. R. Dubois croit que le corps vilré n est pas fluorescent, mais qu'il se comporte comme un milieu un peu dis - persif. — M. A. Laveran à fait, sur les hématies des Oiseaux, des observations qui tendent à montrer qu'elles possèdent une membrane d'enveloppe et que le protoplasma est de nature liquide. M P. L. Simond a étudié un hémalozoaire endoglobulaire qu'il a observé chez le Gavial du Gange; il lui donne le nom d'Hæmogregarina Hankini. — MM. A. Théohari et A. Babès ont étudié les modifications histo- chimiques de la muqueuse gastrique SOUS l'influence de l'alcool. Dans une première période, l'alcool donne l'hypersécrétion du chlore sous toutes ses TRS sua la pepsine. Dans une seconde période, le fait le plus a diminution considérable du chlore saillant, c'est | 1 gs che organique, correspondant à des cellules principales qui ne fabriquent plus de pepsine. — MM. Grand- Moursel et Tribondeau montrent que la coloration par la thionine phéniquée constitue un moyen simple et pratique de différencier dans les coupes du pancréas quantité les repas de répété l’expé les ilôts de Langerhans. — MM. J. Courmont et Ch. Lesieur ont étudié la polynucléose dans la rage clinique et expérimentale. Il y a des poussées de poly- nucléose pendant l'incubation, s’accentuant du sep- tième au neuvième jour ; la polynucléose est définitive au neuvième jour et dépasse 75 °/° à partir du dixième jour. — MM. Guiraud et Gautié indiquent une méthode générale de coloration des bactéries au moyen du bleu d’aniline soluble à l'eau. — M. E. Suchard a fait de nouvelles observations sur la structure du tronc de la veine-porte du rat, du lapin, du chien, de l’homme et du poulet. — MM. L. Camus et E. Gley, à propos de la communication de M. Wertheimer, annoncent qu'ils ont observé aussi que le suc pancréatique, sécrété par les chiens à jeun sous l'influence de la pilocarpine, digère l’albumine de l'œuf et la fibrine du sang. M. G. Loïisel est élu membre de la Société. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Février 1901 (suire). M. V. Crémieu annonce que les résultats de ses nou- velles expériences sur la convection électrique confir-M ment tous ceux de ses précédents essais. Il a pu, en outre, découvrir deux nouvelles causes d'erreurs par suite desquelles on peut observer des déviations d’un système maguétique, placé au voisinage d'un corps « chargé en mouvement ; ces déviations peuvent se pré- senter avec tous les caractères de réversibilité, et sont du même ordre de grandeur que ceux attendus de l'effet magnétique de la convection. Il est donc très naturel que d'autres aient pu se tromper. M. Crémieu conclut donc aujourd’hui que, dans les conditions où MM. Rowland et Himstedt ont opéré, comme dans ses propres expériences, /a convection électrique ne pro- duit pas d'effet magnétique. — M. P. Janet présente à la Société un assez grand nombre de nouveaux comp- teurs, ayant figuré à l'Exposition universelle, principa= lement pour courants alternatifs. Il fait à ce sujet un exposé des diverses méthodes que les électriciens ont imaginées pour réaliser, dans la construction des comp- teurs d'électricité, la condition fondamentale : couple moteur proportionnel à la puissance à mesurer et cou- ple résistant proportionnel à la vitesse (celle-ci donnée, dans tous les compteurs présentés à la Société, par un disque métallique tournant entre les branches d’un aimant). Suivant la manière de réaliser le couple moteur, les compteurs se classent en deux groupes : 1° Les compteurs moteurs du type Thomson, comprenant deux circuits, l’un fixe, l’autre mobile (pouvant servir aussi dans le cas des courants continus). M. P. Janet rappelle rapidement le principe de ces compteurs bien connus, et donne quelques indications sur les artifices employés pour éviter, dans le cas des courants alter- natifs, l'erreur résultant du décalage dû à la self-induc- tion du cireuit à fil fin (par exemple, emploi d'une spire en court-circuit placée dans la bobine à gros fil). 20 Les compteurs à champ tournant. On réalise ici un champ elliptique tournant (analogie optique) en super- posant deux champs rectangulaires alternatifs d’ampli- tude H et H', décalés d'un angle o, par le moyen de deux circuits, l’un à gros fil, l’autre à fil fin. Ce champ ellip- tique tournant équivaut à deux champs tournants ordinaires d'intensités inégales, lesquels tendent à entraîner en sens opposés un conducteur de révolution mobile autour de l'axe commun. La différence des deux couples, que l'on calcule facilement par un raisonne- ment géométrique, est le couple moteur de l'appareil; il est proportionnel à HH! sine. Le circuit à gros til fournit H proportionnel à l'intensité du courant; on s'arrange de manière que le champ H’ du circuit à fil fin soit proportionnel à la force électromotrice alterna- tive et en quadrature avec celle-ci. Alors la vitesse de rotation du conducteur placé dans le champ elliptique tournant est proportionnelle à la puissance à mesu- rer. On à imaginé bien des procédés pour obtenir le ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 247 n1 décalage de - entre H' et la force électromotrice. M. P. Janet indique les ingénieuses solutions représen- # tées par les compteurs : Hartmann et Braun; Raab; Hummel; Batault. M. P. Janet passe ensuite aux comp- “teurs Spéciaux aux courants triphasés en imaginant, —. par exemple, un montage en étoile. Il fait au tableau le diagramme des divers vecteurs à considérer, et classe … les compteurs pour courants triphasés suivant les trois —…ypes de formules par lesquelles on peut exprimer la —…. puissance P, savoir : P — ,i, — ei, (notations bien connues), 2P— (03 — Ce) Ci(ie — 13), BP— (14 — is) (Es — 02) — (is — 13) La — C4). . Dans tout compteur triphasé à champ tournant, il y a deux systèmes tournants montés sur le même arbre, entraînés par des couples respectivement proportion- nels à chacun des deux termes du second membre des - formules précédentes. M. P. Janet présente la solution … fournie par les compteurs Siemens et Halske, Hummel, - Schuckert; dans le cas le plus général des courants tri- phasés à quatre fils, il est nécessaire d'employer une équation plus générale que les précédentes : certains compteurs (Aron, Thomson) s'appliquent à ce cas. M. L. Poincaré, ancien Secrétaire général de la So- ciété, est nommé Secrétaire général honoraire. | SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 8 Février 1901. M. G. Bertrand présente ses recherches sur le café sans caféine de la Grande-Comore, recherches qui ont déjà été exposées ici même. — M. Jouve présente les résultats de l'étude des ferro-siliciures industriels. Après un court historique des produits définis ou non décrits antérieurement, il reprend l'étude des siliciures décrits par Sainte-Claire Deville, Carnot et Goutal, puis plus récemment par MM. Moissan, Lebeau et de Chal- mot. Il montre qu'il n'existe dans les produits indus- triels que les siliciures Fe?Si et FeSi (le premier déjà décrit par M. Lebeau), à l'exclusion de tous autres siliciures tels que FefSi®, FeïSi? et FeSi. Il signale également la grande pureté, par rapport à la teneur en soufre et phosphore, des produits préparés actuellement $ dans les usines de la Compagnie générale d'Electro- chimie. 11 termine en faisant un rapprochement entre les proportions du carbone existant dans ces siliciures et du silicium manquant au chiffre théorique pour les produits cristallisés Fe*Si et FeSi; il semble que le car- bone remplace lesilicium dans les proportions de leurs poids atomiques. — M. Guerbet, poursuivant ses recherches sur les réactions que fournissent les alcools, lorsqu'on les chauffe au voisinage de 200° avec leurs dérivés sodés, montre que l'alcool œnanthylique donne dans ces conditions de l'acide œnanthylique, de l'alcool diænanthylique $C"H#0 et l'acide correspondant C#H#0*, en même temps que de l'alcool triænanthyli- que C*H#0. Ces composés se sont formés dans les réac- tions suivantes: 20H60 HI CHÉNaO — CHSLO + C'HENaO? + 4H, 2CAH300 Æ CIHENaO = CHMO + CHHENaO? + 4H. ! 14 nu î : L'alcool divnanthylique & est un liquide incolore, d'odeur faible, ne se solidifiant pas à — 20°, IL bout à 286-2899. Sa densité à 15° est 0,8405. L'acide divwnan- thylique £ fond à + 4°, bout à 190-1929 sous 13 millimètres de pression. Sa densité à 15° est 0,8860. L'a/cool tria- nanthylique est liquide, incolore, à peu près inodore. Il bout à 202-206°sous 13 millimètresde pression,eta pour densité, à 15°, 0,8%47. M. Guerbet, rapprochant les réactions précédentes de celle qu'il a déjà obtenue avec l'alcool amylique inactif (C. 22.,t. CXXVIIT, p. 511 et 1002), pense qu'elles sont des cas particuliers de la réaction générale suivante : 2CmH?2n+20 + CrH22 +1Na0 — Cn+aH2(m+n)+20 + Crf?m—INaO AH. Il continue ses recherches en vue de cette générali- sation. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 8 Février 1901. La Société procède au renouvellement de son bureau pour 1901. Sont élus : Président : M. S. P. Thompson; Vice-présidents : MM. Th. Blakesley, C. V. Boys. J. D. Everett et J. Walker; Secrétaires : MM. H. M. Elder el W. Watson; Secrétaire étranger : M. R. T. Glazebrook; Trésorier : M. H. L. Callendar; Bibliothécaire : M. W. Watson. En outre, MM. W. Gibbs et R. Kœnig sont nommés membres honoraires. M. S. P. Thompson, en prenant possession du fau- teuil de la présidence, rappelle les principaux travaux présentés à la Société durant l’année écoulée, Il insiste ensuite sur la question de l'enseignement de la Phy- sique, Les membres de la Société ont l'habitude de présenter de temps en temps des modèles qui illustrent quelques principes dela Physique. Celte coutume d'em- ployer des modèles est considérée par les physiciens du continent comme tout à fait anglaise, et résultant d’une sorte de constitution mentale qu'ils peuvent à peine comprendre. Pour les Anglais, elle n'a rien d'ex- traordinaire. Faraday s'est servi de modèles pour étu- dier le champ électrostatique enveloppant les corps chargés. Lord Kelvin en a construit pour exprimer ses idées sur l’élasticité, la théorie élastique de la matière et la constitution même de celle-ci. Les modèles de Maxwell pour les diélectriques hétérogènes et l'induc- tion mutuelle entre deux circuits sont bien connus. Ces modèles sont très utiles pour l’enseignement ; ils per- mettent de saisir ce qui, dans la Nature, est abstrait, en en contemplant la représentation ou l'analogue dans le concret. Les physiciens francais ne peuvent concevoir un phénomène compliqué s'il n'a été mis sous forme d'équation mathématique. Les physiciens anglais doivent en construire un modèle qui produira mécaniquement l'opération analogue. Les deux méthodes sont justes, mais, — à en juger d'après leurs fruits, — la méthode de Faraday a des avantages sur celle de Poisson. — M. R. W. Wood présente un réseau à échelon de mica. Il est intermédiaire entre un réseau ordinaire et un échelon à plaques épaisses. Un grand nombre de feuilles de mica ont été examinées à l’interféromètre, et on à choisi celle qui, sur la plus grande partie, présentait des franges droites et non brisées. Celle partie est marquée et découpée en rectangles. Le mica avait environ 5 mil- limètres d'épaisseur, et le retard d’un des rectangles était de 50 longueurs d'onde pour la lumière du sodium. Neuf de ces rectangles forment le réseau; ils sont mis en place sous le microscope, et cimentés aux angles par de la cire. L'écartement du réseau esl de 5 millimètres ; le nombre des lignes élait de dix. Le pouvoir de l'instrument ne permet pas de résoudre les lignes du sodium; mais les lignes jaunes du mercure sont aisément séparées. L'effet de Zeeman peut être montré avec un échelon fait de quatre plaques d'inter- féromètre, avec les rayons verts du tube à mercure. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 7 Février 1901. MM. H. J. H. Fenton et Mildred Gostling ont cons- taté que l’action de l'acide bromhydrique sur toutes les formes de cellulose donne une grande quantité de bromométhylfurfuraldéhyde ; la cellulose doit donc contenir un groupement où un noyau analogue à ceux du lévulose. — MM. C.-F. Cross et E.-J. Bevan 248 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES exposent la question de la constitution de la cellulose. 1° Leurs propres au tétracétate C‘HO(OAc)', leur paraissent indiquer une constitution cétonique CO: (CHOH)*: CH?. 2° La règle de Will et Lenze sur la formation des éthers nitriques des céloses se vérifie pour la cellulose. 3 Faber et Tollens, étudiant les produits d’oxydation des oxycelluloses, n’ont jamais trouvé d'acides avec la chaine normale à six atomes de carbone. Ces raisons les ont amenés à conclure que la cellulose n'est pas un polyaldose (anhydride), mais qu’elle possède une cons- titution cétonique. Les recherches de Fenton et Gostling, cn condeusant les celluloses en méthylfurlural, ouvrent une nouvelle voie expérimentale, et rendent encore plus douteuse la conslitution polyaldosique. Elles montrent que le lévulose ou un autre cétose est le matériel d'élaboration de la cellulose, etelles expliquent en même temps d'une facon simple l'origine des com- posés non saturés, dérivés du furfurol, qui sont les constituants du complexe de la lignone. Elles sont contraires à l'hypothèse.que tous les constituants de la plante donnant du furlurol sont des pentoses ou pentosanes. — MM. H.-J.-H. Fenton et H.-0. Jones ont observé que l'hydrazone de l'acide oxalacétique, chauffée avec de l’eau, perd de l’acide carbonique, et donne l’hydrazone de l'acide pyruvique : CE?.CO?H CHS. C: A2HPh C : AzHPh + CO? [ | CO*H Mais, en présence d'acides de concentration suffisante, une réaction tout à fait différente se produit ; de l’eau est éliminée et il se forme l'acide pyrazolone carboxy- lique de Wislicenus : CON CH?.C0.0H CH?.CO | | C:Az.AzHPh = C:Az.AzPh + H°0 | | CO?H CO°H Avec des acides de concentralion insuffisante, les deux réactions se passent simultanément, la quantité de CO* dégagée diminuant quaud la concentration de l'acide augmente. Des expériences parallèles faites avec différents acides ont montré que les volumes de CO* obtenus sont en raison inverse des affinités des acides, d'où une méthode de mesure de ces dernières. Ces phénomènes peuvent s'expliquer en supposant que la molécule non dissociée de l'hydrazone tend à perdre de l’eau en donnant le dérivé de la pyrazolone, mais que l'ion négatif CO?H —CAz*HPh—CH?CO0 est instable et tend à perdre CO?. Dans ce cas, toute circonstance tendant à prévenir l'ionisation favorisera la production du dérivé de la pyrazolone, telle la présence d'une concentration suffisante d'ions hydrogène. Les auteurs ont étudié l'influence d’un certain nombre de sub- stances sur les réactions. 4° L'influence des sels, des bases et des non-électrolytes est nulle, les résultats étant pratiquement les mêmes qu'avec l’eau pure. 20 L'effet d'un sel en présence de son propre acide est de diminuer beaucoup l'influence de cet acide. 3° Les dissolvants ayant des pouvoirs ionisants différents donnent des résultats différents, la quantité de CO? dégagée étant plus grande dans le cas de l'eau, moindre avec l'alcool amylique, et faible avec le toluène et le le nitrobenzène. — M. R.-M. Caven, par l’action du chlorure d’éthoxyphosphoryle OP.OC?H°: CE sur l’ani- line, a obtenu le chlorure d'éthoxyanilidophosphoryle recherches, qui les ont conduits L OP.0C?H5.AzHC‘H5.CI. Le second atome de chlore peut être remplacé par l’action de la paratoluidine et l'on obtient l'éther éthylique de l'acide anilido-p-toluido- phosphorique OP.OC?H°.AzHC'°H5.AzHC‘H:CH*. Si l’on effectue ces deux réactions dans l’ordre inverse, on arrive au même composé, on en déduit que les deux… atomes de chlore dans le produit original sont situés dans une position analogue par rapport au reste de la. molécule. L'atome de chlore qui a été remplacé par le groupe éthoxy est-il dans une position différente des deux autres? Pour en juger, on prépare les composés suivants : d'une part,le chlorure d’anilidophosphoryle OP.AZHCSHS: CF, puis le chlorure d’anilido-p-toluido- phosphoryle OP.AzHC'H°.AzHCSH:CH°.CI ; d'autre part, le chlorure de p-toluidophosphoryle OP.AzH.C°H*CH*:CP, puis le chlorure de p-toluido-anilidophosphoryle. Les deux produits auxquels on aboutit sont identiques; on en déduit que le premier et le second atome de chlore sont dans une position similaire, et par conséquent que les trois atomes le sont aussi dans la molécule de chlorure de phosphoryle OPCF. Il en résulte qu'un dérivé: R! / OP —R" N kR'" ne possède pas de plan de symétrie et peut exister dans une forme droite et une forme gauche. Des expériences ont été entreprises pour vérifier cette conclusion. — MM. A. Lapworth et E. M. Chapman décrivent une méthode de préparation de la camphoquinone pure en grande quantité. Quand la camphoquiuone est traitée à — 10° par l'acide cyanhydrique, il se forme une masse presque incolore, qui doit être un mélange de formes stéréoisomériques de l’'«-dihydroxcyanocamphre: C(OH)CAz CHU] CO L'une d'elle a été isolée; dissoute dans l'acide sulfu- rique fumant, elle se transforme dans l'amide de l'acide a-hydroxycamphocarboxylique. L'acide lui-même : \ 2 Gt) Serie H NC è À LA î : ; $ 0 est obtenu en chauffant le nitrile avec HBr concentré. Il cristallise en aiguilles ou en prismes et fond avec dé- composition en donuant l'hydrocamphre. Il est converti en camphoquinone et CO* par le peroxyde de plomb et l'acide acétique. ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 26 Janvier 1904 (fin). SCIENCES NATURELLES. — Rapport de MM. C. A. J. A. Oudemans et J. W. Moll sur un mémoire de M. Valcke- nier Suringar : Contributions à l'étude des espèces du genre Melocactus des Indes Neerlandaises Occiden- tales. Ce travail faisant suite à cinq mémoires du père de l’auteur, feu M. W. F. R. Suringar, paraîtra dans les publications de l’Académie. — KHapport de M. J. M. van Bemmelen au nom de la Commission géologique, sur les travaux géologiques en 1900. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. A ARR SD 12° ANNÉE N° 6 30 MARS 1901 | Revue générale des Sécienc DIRECTEUR : pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. È Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrang ————————————————————— s, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE F $ 1. — Distinctions scientifiques 4 Élection à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 18 mars, l'Académie des Sciences a procédé à l'élection d'un membre dans la ection de Géométrie, en remplacement de M. Ch. Her- mite, décédé. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant 58 : M. Humbert a obtenu 54 suffrages. M. Goursat — 2 — À M. Borel "0" À _ Il y a eu un bulletin blanc. M. Humbert, ayant réuni la majorité absolue des suf- lrages, a été proclamé élu. Le nouvel académicien, qui est professeur d'Analyse à l'Ecole Polytechnique, a “publié d'importants mémoires sur diverses branches “des Mathématiques. $ 2. — Géodésie Revision de l'arc de méridien de Quito. -- Comme complément à l’article de M. Poincaré, sur la nouvelle mesure de l'arc de méridien de Quito, voici “quelques renseignements relatifs à l’organisation maté- rielle de la Mission. m…— Le personnel de la Mission comprend cinq officiers “opéraleurs du Service géographique de l'Armée et un médecin militaire; celui-ci, en outre de ses fonctions “spéciales, aidera les officiers à recueillir des renseigne- ments intéressant les sciences naturelles. Ces officiers “sont : M. le chef d'escadron d'artillerie breveté Bour- geois, chef de section de Géodésie, qui sera chef des opérations sur le terrain; M. le capitaine du génie bre- mveté Maurain et M. le capitaine d'artillerie breveté La- “combe, qui ont déjà effectué tous deux la reconnais- sance de l'arc à mesurer; M. le capitaine d'artillerie Ballemand; M. le lieutenant d'artillerie Perrier, et enfin - le médecin aide-major Rivet. Un personnelsecondaire, composé d'un sous-officier et quinze caporaux ou sol- dats, est affecté à ces officiers pour les seconder. La Mission aura, en outre, la collaboration d’un as- “tronome francais, M. Gonnessiat, déjà installé comme “directeur de l'Observatoire de Quito. Le départ pour l'Equateur a été prévu en deux REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. échelons. Une Mission d'avant-garde, constituée par MM. les capitaines Maurain et Lallemand, s'est em- barquée à Saint-Nazaire le 9 décembre 1900, avec notre chargé d’affaires à Quito, M. Frandin, lequel était en congé en France et n'a pas hésité à abréger ce congé pour accompagner nos officiers afin de pouvoir leur prêter, dès le débarquement, l'appui de son expérience auprès des autorités de l'Equateur. Le deuxième échelon comprendra tout le reste du personnel : il doit s'embarquer fin avril et amènera le matériel instrumental. En arrivant à Guayaquil, il trou- vera rassemblé, par les soins de la Mission d’avant- garde, le convoi destiné aux transports etse mettra en route immédiatement. Les travaux d'observations pourront ainsi commencer dès le mois de juin 1901. Ajoutons enfin qne la durée totale des opérations a été prévue pour quatre ans. $ 3. — Physique Le Rayonnement calorifique des Étoiles. — Depuis les grands perfectionnements réalisés par le professeur Langley dans les procédés de mesure de l'énergie rayonnante, on a essayé maintes fois de déterminer l'énergie qui nous est envoyée par les étoi- lesles plus brillantes. Jusqu'ici, toute tentative avait échoué, faute d’une sensibilité suffisante des appa- reils, bien que M. Boys eût réussi déjà à percevoir l'élévation de température produite dans le récepteur de son microradiomètre par l’action d’une bougie placée à 2.700 mètres. La question vient d’être reprise aux Etats-Unis par M. E.-F. Nichols, qui, suivant les indications donuées par M. Georges Hale, dans le Bulletin de l'Observatoire Yerkes, a obtenu pour la première fois une indication bien nette de l'instrument. Le récepteur de M. Nichols n'est autre chose qu'un radiomètre de Crookes, constitué par deux petits disques de mica, de 2 millimètres de diamètre, noircis et réunis par une tige de verre suspendue à un fil de quartz très fin, dans un vide relatif, éludié de facon à donner le maximum d'effet. La radiation dont on veut mesurer l'énergie est envoyée sur l’un des disques de mica par un grand 6 25€ CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE miroir argenté, de 61 centimetres de diamètre et de 2m,40 de foyer, recevant le faisceau réfléchi par un sidérostat. Elle pénètre jusqu'au récepteur à travers une fenêtre de fluorine, l’une des substances les plus transparentes que l’on connaisse. La sensibilité de l'appareil, mesurée par la radiation d’une bougie, a été trouvée environ cinq fois plus grande que celle du radio- mètre de M. Boys, tandis que la surface qui concentre le rayonnement était 2,4 fois plus grande. L'appareil actuel est donc, au total, 42 fois plus sensible. Il est vrai qu'il fait intervenir une réflexion de plus; mais on sait que la plupart des miroirs, notamment ceux d'argent, sont presque parfaits dans l'infra-rouge, qui fournit environ les quatre cinquièmes de la radiation totale des sources très blanches comme les belles étoiles. L'étalonnage préalable a montré qu'une déviation de Onm 1 sur l'échelle, correspondait à l'énergie envoyée par une bougie située à 15 milles, ou à 24 kilomètres”. L'image de la Lune, projetée sur l'une des lames, chas- sait violemment l'équipage hors du champ. Les mesures relalives aux étoiles ont été faites en été, par un temps clair. Arcturus, étudié pendant sept soirées, a donné une déviation moyenne de 0%",60, tandis que Véga a fourni 0,27. La mesure directe du rapport des deux radiations à donné 2,1 en moyenne. M. Nichols ne considère encore le résultat de ses mesures que comme provisoire, et comme simplement destiné à donner une idée de l'ordre de grandeur de l'énergie cherchée ; d'après son opinion, on peut cepen- dant en conclure avec une assez grande certitude que l'énergie recue d'Arcturus n'excède pas celle que nous enverrait une bougie située à 10 kilomètres, l'absorption atmosphérique étant supposée éliminée. Ce résultat, si peu précis qu'il soit encore, a cepen- dant une importance considérable, parce qu'il nous permet de fixer, pour la première fois, nos idées sur la limite supérieure de l'énergie recue des étoiles. En per- fectionnant encore les moyens d'investigation, et en comparant les résultats radiométriques aux données photométriques, on aprivera à comparer le rendement photogénique des plus belles étoiles à celui de quelques foyers terrestres, d'où l’on déduira leur température approximative. ; Pour le moment, les nombres ci-dessus, rapprochés d’autres résultats, conduisent à des conclusions diffici- lement admissibles. Ainsi, M. Ch. Dufour a trouvé la lumière d’Arcturus 33.10° fois plus faible que celle du Soleil. L'intensité lumineuse de celui-ci étant admise égale à 60.000 bougies à 1 mètre, Arcturus équivaudrait à 60.000 bougies à 180 kilomètres, ou à une bougie à 720 mètres. Le rendement lumineux d’Arcturus serait : = I0()\ÈeS donc à celui de la bougie dans le rapport de (5) soil 1,2 environ 200 fois plus grand. Or, on admet en général que le rendement de la bougie est de l'ordre de 1 °/4. Notre premier résultat est donc manifestement er- roné. S'il est encore difficile d'en indiquer la raison, on peut tout au moins, en attendant des résultats expérimentaux plus parfaits, admettre comme probable que le rende- ment lumineux de cette belle étoile est considérable, ce qui indiquerait que sa température est très élevée. $ 4. — Chimie La constitution de la Cinchonine et de la Quinine. — Künigs, qui a fait une étude approfondie de ces deux alcaloïdes du quinquina, leur a attribué la constitution suivante : ‘ Les nombres relatifs à la sensibilité de l'instrument, comparée à celle de l'appareil de M. Boys, ne semblent pas s'accorder parfaitement. L'indication de la distance de l'échelle, que M. Hale ne donne pas, fournirait probablement l'explication du désaccord. | CH Cu ARS 4 Et ” 1 Re à HC// Qne CH. CH : CHE | | CH? | CH» | HOC CH: HOC : | JcH 10G | cu NA N172 AZ Az CHE CR Ge G CH L' c à CH /Xe/Nc.ocH LE) Er) nol EX JcH (0 JG Az CH Qumine. Az CH Cinchonine. Elle se base, entre autres, sur le fait que la cincho nine donne, par oxydation, un acide, appelé ci cincholoiponique, qui, d'après Kônigs, répond à la formule (1). : CH C.CIT° ; PAS é Se | du CHE CH.CO*H CH CHE A | CH° | hype CH? V7 ce Pas 7 4 AZ AZ (1) (1) ; Mais on a fait observer que les réactions connues de. l'acide cincholoiponique s'expliquent tout aussi bien en admettant la formule tautomère (Il). Si cette der nière venait à être démontrée, la constitution de la cinchonine et de la quinine serait remise en question, ainsi qu'une foule de réactions quien dépendent, commen la transformation de ces corps en cinchène et apocin- chène. IL était donc de toute importance d'élucider rapidement ce doute; le Professeur Skraup vient d'y. arriver de la facon suivante ‘ : ? L'acide cincholoiponique donne facilement un dérivé iodométhylé qui correspond à la formule (HI) ou (IV); l’une dérivée de (1), l’autre de (Il): CH2.CO'H CH COH | INC CH Ü H:C fes CN CH.co mc Jen: ne | | 2 y cC/2cn A7.I AZ.1 AN AN cs Cu CH CES (I) (LV) Ce dérivé iodométhylé, chauffé avec de la potasse concentrée, perd de l'acide iodhydrique et se transforme dans le dérivé diméthylamidé d’un acide bibasique renfermant le noyau du cyclopentane, et qui ne peut que répondre aux formules (V) et (VI) dérivées de la formale (I),ou aux formules (VI) et (VII) dérivées de la formule (11): CIE .CO°H CH°.CO*H I | CH CH Ë val N CH. CO®H ma C he sr | | AZ AZ PA ZEN CH CH CH CH“ (V) (VI) 1 Monatshefte für Chemie, t. XXI, p.819 et suiv. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ; CH CON CH COH N7 NZ Ü Ü HeC//NGN.coH H2C A 1e FE MR | L AZ Ke EN cf Ce che CI (VIT) (VIII —…. Ge corps (ou ce mélange de corps, car il est probable que (V) et (VI) ou (VII) et (VIII) sont présents tous “deux à la fois), traité à son tour par la potasse fondante, se dédouble en diméthylamine Az H(CH*} et en un acide tribasique à chaine ouverte. Les formules pro- bables pour cet acide sont (IX) et (X) qui dérivent salement de (V) ou (VI, et (XI) et (XII) qui dérivent également de (VII) ou (VII) : CH?.CO°H CH?.COH ; | | CH CH REX AN H°C CH.COH H°C CH.CO’H | | COOH CHE CH® CO0H (IX) {X) CH CO CHS CO NZ A DE PE H°C CII, COH H°C CH.CO®H | | | | COOH CH CH COOH (XI) (XI) xistence des corps (X) et (XII) estinvraisemblable, e, dans la fusion avec KOH, l'un des deux carboxyles liés au même atome de carbone ne pourrait subsister disparaitrait par élimination de CO*. Il ne reste donc que deux constitutions possibles (IX) et (XI pour l'acide ribasique dérivé de l'acide cincholoiponique. Laquelle possède-t-il? Pour résoudre cette question, M. Skraup a fait inter- nir la synthèse. En effet, d'une part, en faisant réagir acide malonique sodé sur l'acide méthylglutaconique, on doit obtenir un corps de formule (IX),et, d'autre rt, l’action de l'acide méthylmalonique sodé sur acide citraconique doit donner un composé de for- ule (XI). L'auteur a préparé ces deux corps, et il a staté que c’est le premier qui est identique à l’acide rivé de l'acide cincholoiponique. Ce dernier possède nc la formule (1), et la cinchonine et la quinine épondent bien aux schémas de Künigs. La constitution de ces deux alcaloïdes est donc défi- mitivement élucidée au point de vue tantomérique. On Pourra maintenant entreprendre sur des bases sûres étude de leur confisuration stéréochimique. $ 5. — Biologie Sur lPEnseignement de lEmbryologie en nee, Réponse à M. le Professeur Nicolas, Dans la Revue générale des Sciences du 15 jan- er 14901, M. le Pro‘'esseur Nicolas a publié une not: réponse à deux articles que nous avions écrits sur nseignement de l'Embryologie dans les Universités ancaises et étrangeres. M. Nicolas a eu raison de penser que nous ne lui en voudrions pas de cette ponse ; nous en aurions d'autant plus mauvaise grâce il vient, en somme, apporter l'appui de sa haute torité à ce que nous avions dit. vant d'aller à l'étranger nous rendre compte de la nière dont y était compris l'enseignement de l'Em- bryologie, nous nous étions tout naturellement rensei- au sujet des Universités françaises. Nous savions nc qu'à Nancy, l'Embryologie est en grand hon- neur et, si nous l’avions oublié, les travaux des Profes- seurs Nicolas et Prenant nous l’auraient rappelé. Nous savions également qu'à Lyon, à Bordeaux, à Toulouse, que presque partout, enfin, cette science fait l’objet d'un enseignement particulier, ou du moins prend une bonne part des euseignements classiques des Facultés des Sciences ou des Facultés de Médecine. Mais nous avions appris, en même temps, que, dans ces Universités, des travaux de laboratoire concernant l'Embryolouie n'étaient pas faits. Et c’est ce qui nous avait permis d'écrire que, malgré tous ces efforts, il n’y avait pas, en France, « un enseignement véritable- ment orxanisé ». Or, c'est ce que M. Nicolas constate lui-même pour Nancy. « Il ne manque, en définitive, à cet enseigne- ment. nous dit-il, qu'une chose : des travaux pratiques. Jusqu'à présent je n'ai pu en faire, d'abord faute de fonds nécessaires, et ensuite parce que le temps des élèves de première année est presque entièrement accaparé en hiver par d'autres exercices. Je me demande, d’ailleurs, s’il serait possible et réellement fructueux d'essayer de leur apprendre à {ous à réaliser les préparations longues et minutieuses, d'une étude souvent difficile, qu'exige ordinairement l'Embryo- logie. » Pour ce dernier point, nous sommes entièrement de l'avis de M. Nicolas. Vouloir organiser des travaux pra- tiques d'Embryologie à l'instar des travaux d'Anatormie, ce serait faire gâcher des pièces à des élèves, ce serait les dégoûter de l'Embryologie en ne leur apprenant ri-n. Mais cela ne veut pas dire, pour nous, que l’en- seisnement de l'Embryologie doive rester purement théorique. Pour cette science, autant que pour les autres sciences biologiques, il faut voir par soi-même si l'on veut bien comprendre. C’est l'idée que nous avons trouvée appliquée dans plusieurs Universités étrangères et c’est celle que nous avons essayé d'appli- quer nous-même à la Faculté des Sciences de Paris dans un cours libre (lecons et travaux pratiques) sur l'Embryolosie de l'Homme et des Verlébrés. Le succès de nos travaux pratiques a été tel, depuis trois ans, qu'ils devaient répondre à un véritable besoin; c'est pourquoi il nous semble utile de faire connaître en quelques lignes la méthode que nous avons suivie, Eu réalité, ce que nous faisons à la Faculté des Scien- ces, ce sont plulôt des conférences ou des démonstra- tions pratiques d'Embryologie que de véritables tra- vaux pratiques. Chaque séance, en effet, comprend d'abord une sorte de préparation théorique faite au tableau noir, dans la salle de cours. Cette préparation consiste à expliquer aux élèves ce qu'ils vont avoir à étu lier dans la salle du laboratoire. Là, chaque élève trouve à sa place ord naire : un microscope ou une loupe et les préparations faites d'avance sur le sujet d'étude. Ces préparations sont numérotées dans l'ordre correspondant au plan exposé préalablement au tableau noir. L'élève n'a donc qu'à prendre successivement toutes ces préparations et à les étudier en s'aidant de ses notes ou de ses livres ainsi que de nos propres conseils, Comme elles sont choisies parmi les plus belles et les plus démonstratives, l'étudiant se trouve attiré immé- diatement par la facilité avec laquelle il reconnaît tou- tes les choses dont il a entendu parler ou qu'il a vues dessinées. Cette manière de procéder, si elle est avantageuse pour l'élève, présente du côté du maitre quelques diffi- cultés. D'abord, pour pe 1 que les étudiants soient nom- breux, il est nécessaire de procéder par séries, car nous pensons, comme le Professeur Minot, qu'il ne faut pas plus de vingt à vingt-quatre élèves à chaque séance. En outre, il faut faire d'avance un très grand nombre de préparations et opérer une sélection parmi elles, ce qui estun travail long et fastidieux. Les préparations que nous avons faites jusqu'ici nous ont cependant permis de faire étudier les points suivants : 10 lépithélium germinatif et la formation des élé- ments sexuels (embryons de poulet et de souris); CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 90 j'œuf et l'ovogenèse chez le moineau, la chatte et la souris; 30 Jes spermatozoïdes de différents Vertébrés; la spermatogénèse chez le moineau ; 4° Ja fécondation chez l'Asearis; la segmentation chez Toursin, l'Asearis et la grenouille; 30 Ja formation des leuillets chez le poulet; 6° Ja première ébauche du corps et des annexes chez le poulet et chez la souris; 8° Je développement de quelques organes chez le pou- let et chez la souris; 9 l'étude des membranes fœtales et des différents placentas (dissection et étude de coupes). Enfin quelques séances sont consacrées à la techni- que embryologique pour les élèves qui désirent pour- suivre des recherches originales. Ce plan, évidemment, ne représente pas toute l'Em- bryologie des Vertébrés, mais il se complétera et se perfectionnera tous les ans par de nouvelles séries de préparations. Du reste, il existe encore à la Faculté des Sciences de Paris d’autres travaux pratiques d'Embryo- logie, et ce sont même de beaucoup les plus importants, car ceux-là sont faits par MM. Le Dantec et Francois, sous la haute direction du Professeur Giard; ces der- niers travaux concernent presque exclusivement l'em- bryologie des Invertébrés, l'étude des formes larvaires et des acteurs de l'évolution ; ils sont les compléments des lecons théoriques de M. Giard sur l'Evolution des êtres organisés et de M. Le Dantec sur l'Embryologie générale. On voit done qu'à ce point de vue l'Université de Paris a dépassé celle de Nancy, et cela sans crédits spéciaux, du moins en ce qui Concerne l'Embryologie de l'Homme et des Vertébrés, où tout est fait bénévo- lement’. On voit aussi, ce que nous sommes très heu- reux de constater, que nos idées sur la manière d'enseiguer pratiquement l'Embryologie se rencon- trent avec celles de M. Nicolas. A Nancy, c'est la Faculté de Médecine qui semble devoir concentrer l’enseignement de l'Embryologie. À Paris, c'est la Faculté des Sciences. Quel est le meil- leur système? L'avenir nous le dira peut-être. En atten- dant, il ne nous paraît pas mauvais que deux de nos Universités françaises aient compris el appliquent la même question de deux facons différentes. Mais, quelle que soit la Faculté qui assume la tâche et l'honneur de cet enseignement, trois choses doivent être considérées avant tout si l’on veut faire vraiment œuvre utile sans gaspiller inutilement le budget, de l'Etat ou celui de l'Université : 1° Exiger du personnel enseignant des connaissances biologiques générales et non pas seulement la connais- sance spéciale de l'Homme ; 20 Organiser l'Embryologie d’une facon complète (Embryologie générale et Embryologie spéciale) de façon à éviter le système des doubles emplois; 30 Obtenir une entente entre toutes les Facultés d'une méme Université de manière que les élèves puissent suivre facilement la partie de l'enseignement embryo- logique qui leur convient. Nous ne savons si nous nous abusons, mais il nous semble bien que, là encore, nous serons du même avis, M. Nicolas et nous. Et, si ce maître à pu écrire, dans sa note : « Les besoins des étudiants en Médecine ne sont pas les mêmes que ceux des étudiants ès Scien- ces naturelles », il n'en pense pas moins, nous en sOm- mes certain, que le premier besoin des uns et des autres est une base scientifique solide et que la Science est la même pour tous. Gustave Loisel. Docteur en médecine et ès sciences, Préparateur aur Facultés des Sciences et de Médecine de Paris. a ——"————_— ——— » Nous devons dire toutefois que nous n'aurions jamais pu poursuivre l'œuvre que nous avions entreprise Si nous n'avions trouvé l'appui le plus précieux de la part de nos maitres, les professeurs Giard et Mathias Duval. $ 6. — Hygiène publique Le Sanatorium de l'arrondissement ad Versailles. — Nous avons tenu nos lecteurs au cou” rant du mouvement qui s’est dessiné dans l'arrondis” sement de Versailles en faveur de la création d'u sanatorium intercommunal, mouvement qui a reçu} | vive approbation d'un grand nombre de médecins ?, Ka è Fevue est heureuse d'enregistrer aujourd'hui le succès de ces efforts : dans sa séance du 20 lévrier, le Conseih municipal de Versailles a adopté le principe du sanas torium intercommunal et assumé sa part dans l'édilica tion du futur monument. Voici, d'ailleurs, un extrait. du procès-verbal de ses délibérations : « Le Conseil, « Vu l'exposé du Müuire, « Vu les lois du 5 avril 188% et du 22 mars 1890; « Considérant qu'il y a lieu de pourvoir, par la créa tion d’un sanatorium, aux nécessités qu'imposent les soins à donner aux adultes atteints de tuberculose puls monaire ; { Considérant, en outre, que ce sanatorium serait uti- lement fondé et entretenu au moyen des ressources fournies par plusieurs municipalités réunies en syn dicat, conformément aux prescriptions de la loi du 22 mars 1890; À « Délibère : « Ily a lieu de constituer un syndicat entre les communes intéressées, pour la création et l’entretierm d'un sanatorium destiné à donner, aux adultes desdites communes, alteints de tuberculose pulmonaire, les soins médicaux nécessaires à leur état; « Les frais de premier établissement seront couverts au moyen : 1° Des sommes provenant d'une souscription déjà ouverte;  2° Des subventions de l'Etat et du département; 3° Des produits des dons et legs ; 4 Enfin, pour le complément nécessaire, par les communes syndiquées, au prorata de la population officielle de chacune d'elles. J « Ceux d'entretien seront répartis entre les communes sur les mêmes bases. » ; A 1. — Géographie et Colonisation Les explorations du major Gibbons et du capitaine Lemaire; le haut Zambèze et le haut Congo. — Deux grandes expéditions scientif ques, qui ont été conduites au centre de l'Afrique, de 1898 à 1900, l'une par un anglais, le major Gibbons l'autre par un belge, le capitaine Lemaire, ont notables ment accru nos connaissances sur la partie supérieurê des bassins du Congo et du Zambèze. Elles ont, l'unë et l'autre, reconnu la ligne de faîte qui sépare ces deux fleuves et, s'étant rencontrées, elles ont quelque temp} cheminé ensemble; on doit des notions nouvelles à ï premiere de ces deux expéditions sur les sources dù Zambèze, et à la seconde, sur celles du Congo. Le major Alfred Saint-Hill Gibbons avait, en 1895 1896, accompli un premier voyage dans tout le Zambèze supérieur et dans le pays des Barotsé; il avait visitée Mashikoloumboué, le Makouenga, le Matoutala etlë Matoka, qui n'avaient été jusque-là traversés que pal quelques explorateurs, et avait effectué un parcouts total d'environ trois à quatre mille kilomètres. De celte première expédition avaient fait partie aussi M. Pere C. Reid, ex-officier anglais, un écossais, M. F.-D. Pirië et un génevois, M. Alfred Bertrand; mais Ces Voyageurs w'avaient pas tous suivi le même itinéraire, et le caps taine (depuis major) Gibbons s'était séparé de ses com pagnons durant presque toute cette exploration. C'est précisément pour compléter son étude du pa Voyez la Revue du 15 15 janvier 1901, t. XIT, p. 5 mai 1900, t. IX, p. 625, et du ? Revue du 30 janvier 1901, t. XII, p. 61, + | LD. dd CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 253 des Barotsé que le major Gibbons à entrepris un nou- veau voyage en 1898. Il était accompagné des capitai- nes Quicke, Stevensen, Hamilton et Alexander, celui-ci s'occupant plus spécialement d'’ornithologie, et de MM. L. C. Weller et Muller. Ce dernier mourut de dysen- terie en cours de route. Organisée sous les auspices du Gouvernement britannique et de la Société de Géogra- phie de Londres, l'expédition était munie de chaloupes ét de chalands en aluminium démontables, et tout avait été prévu pour qu'elle -pût se dédoubler en deux expéditions distinctes, chaque fois qu'il paraïîtrait utile de le faire. Parti du Cap, le major Gibbons arriva en août 1898 à Hété, sur le territoire portugais, et, de là, il remonta le Zambèze. Il éprouva de grandes diflicu tés à cause des nombreux rapides qui gênent le cours du fleuve. Le transport des vapeurs et des marchandises au delà des chutes de Kébrabasa, sur une distance de 65 milles, fut particulièrement pénible, et il fallut employer 537 por- teurs. Ce fut à Chikoa que M. Gibbons réumt les pièces démontées de son steamer pour remonter le fleuve ; mais, en raison de l'impétuosité du courant, on dut “lüire plusieurs voyages pour transporter toutes les _ charges. …_ Le major Gibbons dressa la carte du fleuve et releva mheaucoup d'inexactitudes, surtout en ce qui concerne les rapides ; ceux-ci sont beaucoup plus nombreux quon ne l'avait cru. Le voyageur donna le nom de gorge Livinsstone à celle qui est située près de Zoumbo et qui est l’une des plus pittoresques du Zambèze. La “navigation cesse aux rapides de Molélé, à environ 20 milles en aval du confluent de la Gouay, qui descend “de Boulouwayo. On rencontre encore un grand nombre ‘de rapides jusqu’à 40 milles en amount des chutes Vic- toria. Après avoir franchi 90 rapides sur une distance de 20 milles, le major Gibbons renonca à aller plus loin. Je 10 mars 1899, il était à Kazoungoula, au confluent du Kouando, près de la frontière allemande; de là, il se dirigea vers Séchéké et Lialoui. — L'expédition entreprit alors l'exploration des affluents “de droite du haut Zambèze. Le capitaine Quicke remonta le Kouando jusqu'à sa source, puis, se portant “ers le nord, gagna le Loungoueboungou, dont la vallée, “comme celle des autres cours d'eau de la région, est Jimitée par des ondulations de sable qui s'abaissent “dans la direction du Zambèze. … Le major Gibbons constata que le Kouilo, qui coule à l'ourst du Kouando, et qui fut jadis traversé par rito Capello et Roberto Ivens, doit être reporté plus à louest que ne l’indiquent les cartes. Celte rivière se jetie dans l'Okavango, qui, en aval du confluent, croise lusieurs fois le 18° lat. S., puis coule vers le sud-est dans une plaine marécageuse sans décrire les sinuosités que marquent certaines cartes. Un bras fluvial, qui porte le nom de Mag’ouekouana, unit l'Okavango au Kouando ou fleuve de Linyanti. En suivant ce chenal vers le Kouando, M. Gibbons fut frappé de sa largeur et il en conclut qu'il a dù être autrefois le véritable lit de lOkavango, lequ 1 aurait alors appartenu au système ydrographique du Zambèze. « De Lialoui, le major Gibbons poursuivit l'exploration ‘du Zambèze supérieur. 11 remonta le fleuve en canot jusqu'à Nana-Kandoundou, à l’est du lac Dilolo, puis il _Suivit la voie de terre. La découverte la plus intéressante de la Mission, au point de vue géographique, fut celle des sources du lambèze. 11 fut reconnu que leur emplacement doit être reporté à environ 160 kilomètres au nord-ouest de endroit qu'on lui assigne ordinairement; elles sont Situées dans une région ondulée plutôt que monta- gueuse, à 1.500 mètres d'altitude environ. Au point de vue ethnographique, il faut signaler la rencontre dans le Barotsé d'une tribu fort curieuse de Boschimans. Ces indigènes ont la péau très claire et les lèvres rentrantes; ils sont d'assez petite taille. Ils sont armés d’arcs et deflèches, et ne possèdent pas d’habita- lion ; ils dorment en quelqueendroit qu'ils se trouvent. le 4 Leur costume consiste simplement en une peau de chat qui leur peud à la ceinture. La caravane du major Gibbons faisait route vers la Loufira, le fleuve du Katanga, quand, le 145 novem- bre 1899, à Moumbeshe, à trois jours à l’ouest du Loua- laba, dans lequel se jette la Loufira, elle trouva la Mis- sion scientifique du Katanga, à la tête de laquelle était lé capitaine Lemaire, et elle se joignit à celle-ci. Les deux voyageurs reconnurent ensemble la ligne de par- age entre le bassin du Zambeze et celui du Congo, et ils ne se séparèrent qu à Loukafou, dans le Katanga. Le major Gibbons poursuivit sa route par Mpouelo, au nord du lac Moéro. De là, il passa sur le Tanganyika qu'il remonta en steamer jusqu’au poste congolais de Ouvira, à l'extrémité septentrionale, Puis, par la vallée du Roussisi, l'explorateur arriva au lac Kivou. Il tra- versa le massif volcanique qui s'étend jusqu'au lac Albert-Edouard et, après avoir atteint les rives de ce lac, il pénétra dans l'Ouganda, Le 3 mai 1900, il arriva à Afouddi, sur le Nil.blanc, en face de Doufile. Enfin, au poste belge de Kéré, sur le Nil, il trouva un bateau à vapeur qui le conduisit au Caire. Le capitaine belge Charles Lemaire, qui avait été chargé de reconnaître la partie sud-est des territoires de l'Etat indépendant du Congo, et dont le major Gib- bons’a fait la rencontre, a rapporté lui aussi de son voyage un cerlain nombre d'observations géographi- ques importantes. Partie d'Europe le 12 avril 1898, l'expédition compre- nait, outre son chef, MM. Quemper-Voss et de Windt, géologues; Michel, sous-intendant; Dardenne, peintre- dessinateur; Questiaux, prospecteur; de Harinck, chef d’escorte, et un anglais, M. Caysney; elle avait un im- portant bagage d'instruments scientifiques et deux piro- gues démontables en aluminium. L'expédition, qui avait laissé Chindé, à l'embouchure du Zambèze, au mois de juin 1898, atteignit, le 30 juil- let, le lac Tanganyika par le Chiré et le lac Nyassa. Elle eut à déplorer la mort de deux de ses membres, MM. de Windt et Caysney, qui se noyèrent dans le Tanganyika, au cours d’une tempête, dans la nuit du 9 au 10 août. La Mission Lemaire a déterminé d'une façon précise la position du lac Moéro. Des observations faites anté- rieurement sur la rive septentrionale de cette nappe avaient déjà établi que Mpoueto est à 8° 28° 32” lat. S. et 280 52° 22” long. E. de Gr., à une altitude de 950 mè- tes, soil au niveau même du lac. M. Lemaire à fait, à son tour, au village de Kabeca, situé sur la rive méri- dionale et à quelques mètres au-dessus du Moéro, des observations qui ont donné comme résultats : latitude, 90 23 21” S., et longitude, 28° 21° 46” E. de Gr. L'une des questions les plus importantes qui aient été élucidées par la Mission Lemaire est celle des sources du Congo. On sait que les géographes ne sont pas d'ac- cord sur la détermination du cours d'eau qu'il convient de regarder comme la branche initiale de ce grand fleuve. Ées explorations du D: Reichard, en 1883-1884, el celles de Capello et Ivens, en 1884-1885, avaient fait admettre que le Loualaba, coulant près de Kibouri, dans le Katanga, et ayant sa source vers 12°30' de lat.S., devait être considéré comme la branche maitresse du grand fleuve africain. Mais les Anglais ont générale- ment admis, et cette opinion est maintenue par eux sur leurs cartes les plus récentes, que la source du Congo doit être cherchée dans le cours d’eau qui, sous le nom de Tchozi. puis de Tchambézi, a son origine par environ 9 de lat. S. et 30° de long. E. de Paris, dans le plateau qui sépare les lacs Nyassa et Tanganyika; ce cours d’eau est celui qui devient le Louapoula après avoir traversé le lac Bangouelo. : Enfin, d'après une troisième théorie, il faut voir la source du Congo dans celle du Louboudi, qui est la branche occidentale du Loualaba. Cette opinion, qui à été proposée, en 1894, par M. Wauters, dans le Mouve- ment geographique de Bruxelles, est celle qui répond le mieux aux données géographiques et géologiques les CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE plus récentes. Le Congo, d’après lui, c'estle Louboudi, de Francqui et Cornet, continué par le Kamolondo, de Brasseur, venant s'embrancher sur le Louapoula, de Eivingstone. M. Lemaire, après avoir exploré et étudié les cours d’eau du Katanga, s’est entièrement rangé à la manière de voir de M. Wautrs et a reconnu dans le Louboudi le cours principal du Congo, mais en reportant la source du fleuve à une branche de ce cours d’eau appelée Kouléchi. M. Lemare a constaté qu'en effet, des trois branches qui forment le Louboudi, à savoir le Louboudi, la Kouléchi et le Loug-nda, la seconde pos- sède un débit qui est au moins double de celui du Lou- boudi. Nous devons aussi à la Mission Lemaire des rensei- gnements très précis sur la ligne de faite Congo-Zam- bèze. Jusqu'à ce jour, on s’était généralement imaginé que cette ligne était constituée par une région maréca- geuse servant à la fois de réservoir aux affluents du Congo et à ceux du Zambèze. Tout au contraire, M. Lemaire a pu constater que le partage des eaux ne présente nulle part ce caractère d’indécision dont ont parlé les voyageurs; s’il n'y à pas un relief monta- gneux sensible entre les deux bassins, partout M. Le- maire, comme d'ailleurs le major Gibbons, a reconnu l'existence d'une frontière très nette. La séparation des eaux est marquée par une plaine sablonueuse, parse- mée de maigres bouquets de bois, principalement de palmiers nains, qui alternent avec des parties nues d'où surgissent quelques roches, plus généralement d'origine éruptive que sédimentaire ou métamorphi- que. Quant au lac Dilolo qui, d'après Livingstone, se serait déversé en partie dans le bassin du Congo par le Kassai, en partie dans celui du Zambèze par la Lotemboué méridionale et la Liba, il ne serait, d’après M. Lemaire, qu'un grand étang sans communication avec le Kassai. Aux très fortes pluies, il semble bien déborder vers la rivière Lotemboué, mais au moment où l’a vu le capi- taine Lemaire, il était comp'ètementisolé, et sans com- municalion avec le Zambèze. Parmi les autres résultats scientifiques de la mission Lemaire, il faut ajouter que M. Quemper-Voss a fait, au cours de ce voyage, d'importantes études géologiques. En ce qui concerne les prétendues richesses minières du Katanga, elles ont été très exagérées; la mission a trouvé seulement un peu de cuivre et, sur la ligne de faîte Congo-Zambèze, beaucoup de limonite et parfois de l'hématite, mais elle n’a nulle part rencontré de mé- taux précieux. Sur les bords du Louboudi, elle a reconnu des traces de stations préhistoriques. - Gustave Regelsperger. La Consommation du thé et du café dans quelques pays. — Le tableau ci-dessous donne les chiffres de consommation de thé et de café pour un certain nombre de pays, par année et par tête d'habi- tant: Pour le thé : 188% 1898 Angleterre 0k220 2k647 Russie . 0,304 0,340 Allemagne 0,031 0,050 Hollaude . 0,410 0,625 Brancet etre 0,013 0,022 Etats-Unis... 0,490 0,432 Comme on le voit, c'est en Angleterre que le thé est consommé en plus grande quantité. Gette denrée jouit dans les colonies anglaises de la même faveur que dans la métropole, car, pour l’année 1899, la consommation s’estélevée, par tête d'habitant, à 3 kil. 330 pour lAus- tralie et à 2 kil. 125 pour le Canada (année finissant le 30 juin). Au contraire, la consommation de thé est très res- treinte en Allemagne et surtout en France. En ce qui concerne le café nous trouvons les chiffres suivants : P 1884 1899 Angleterre . . . . . . . Ok405 0Kk324 RUSSIC LUN NE PS M OAONEE, 0,063 Allemagne 2,316 2,754 France . Te NN PES AENTS 2,079 Ttalress 30e SN PAONSSS 0,441 Autriche-Hongrie . . . . 0,904 0,918 États Uni NM ET Mb 4,741 Si l'Angleterre consomme une grande quantité dethé on voit qu'en revanche la consommation du café est très restreinte, tandis qu'elle est très élevée et qu'elle s'accroît d'année en année en Allemagne, en France ef surtout aux Etats-Unis. H. L. S 8. — Langue scientifique Délégation pour ladoption d’une langue auxiliaire internationale. — MM. le comman dant Cugnin, C.-A. Laisant, répétiteur à l'Ecole Poly technique, Ch. Limousin, André Lalande, docteur es lettres, L. Couturat, chargé de Cours à l'Université de Toulouse, et L. Leau, docteur ès sciences, délégués par divers Congrès ou Sociétés pour étudier la question d'une Langue auxiliaire internationale, sont tombés d'accord sur les poiuts suivants : 1° 11 y a lieu de faire le choix et de répandre l'usage d’une Langue auxiliaire internationale, destinée non pas à remplacer dans la vie individuelle de chaque peuple les idiomes nationaux, mais à servir aux rela tions écrites et orales entre persounes de langues maternelles différentes ; { 20 Une Langue auxiliaire internationale doit, po remplir utilement son rôle, satisfaire aux conditions suivantes : | {re condition. — Etre capable de servir aux relations habituelles de la vie sociale, aux échanges commerciaux et aux rapports scientifiques et philosophiques ; 2me condition. — Etre d’une acquisition aisée pout toute personne d'instruction élémentaire moyenre, el spécialement pour les personnes de civilisation euro: péenne; 3ne condition. — Ne pas être l'une des langues natio pales. 3° IL convient d'organiser une Délégation générale représentant l'ensemble des personnes qui comprennen la nécessité ainsi que la possibilité d’une langue aux liaire, et sont intéressées à son emploi. Cette Délégation nommera un Comité composé de membres pouvant être réunis pendant un certain laps de temps. Le rôle de ce Comité est fixé aux articles suivants. 4° Le choix de la Langue auxiliaire appartient d’abord à l'Union internationale des Acadéimnies, puis, en cas d'insuccès, au Comité prévu à l'article 3; 5° En conséquence, le Comité aura pour première mission de faire présenter, dans les formes requises} à l'Union internationale des Académies, les vœux émis par les Sociétés et Congrès adhérents, et de l'inviter respectueusement à réaliser le projet d'une Langue auxiliaire ; 6° Il appartiendra au Comité de créer une Société de propagande destinée à répandre l'usage de la Langue auxiliaire qui aura été choisie ; É 7° Les soussignés, actuellement délégués par divers Congrès et Sociétés, décident de faire des démarches auprès de loutes les Sociétés savantes, commerciales et de touristes, pour obtenir leur adhésion au présent projet ; | 8° Seront admis à faire partie de la Délégation Jes représentants de Sociétés régulièrement constituées qui auront adhéré à la présente Déclaration ‘. 6 ! S'adresser pour renseignements ou adhésion, à M. L. Leaus 54, rue Saint-Placide, Paris. ; « PREMIÈRE PARTIE Parmi les nouveaulés qui ont figuré à l’Exposi- “tion de 1900, dans le domaine de l'Industrie chi- «mique, il ny en à pas de plus instruclive que celle qui fera l'objet de cet exposé. La fabrication “industrielle de l’indigo, en partant du goudron de houille, est en effet intéressante, et par les pro- _blèmes d'ordre économique qu'elle soulève, et par | les réflexions qu’elle suggère. Atrente ans environ de distance, c'est la même lutte qui se renouvelle entre l'Industrie, fécondée t inspirée par la Science, et l'Agriculture, s’immo- dilisant dans ses mélhodes séculaires, parce u’elles étaient rémunératrices et qu’elles n'’exi- eaient qu'un minimum d'efforts. Mais si, dans la Jutte présente, nous nous trouvons encore en face dumêème champion qui a su mettre en valeur la Mssnchèse de l’alizarine de MM. Graebe et Lieber- “mann, et a en quelque sorte consommé la ruine de certains de nos départements agricoles, jadis les L plus florissants, ceux qui produisaient la garance, _ l'agriculture de notre pays n’est pas en cause pour be moment. C’est à peine si quelques-unes de nos “colonies peuvent, en effet, être légèrementatteintes par le conflit. Ce sont les producteurs des Indes “anglaises, de Java, du Guatemala, etc., qui sont “principalement menacés. Des deux côtés les parties Bu: pris position et, si par le bas prix du sol, le bon marché de la main d'œuvre et la simplicité des “opérations, les producteurs d'indigo se trouvent ranciers, il ne faut pas se dissimuler qu'ils ont en “iace d'eux un concurrent redoutable, qui dispose concurrent, que ses succès industriels ont, à juste litre, encouragé, voire même enhardi, pourrait 1 nécessaire à l’élaboralion de son procédé pouvait “lui être livrée en quantités suffisantes et dans des pa à ajouter que si ces conditions se réalisaient, met si, d'autre part, les rendements des opérations Avant d'aborder l'étude des divers procédés de Synthèse qui successivement sont entrés dans le court historique de l'indigo naturel, des plantes qui le produisent, de leur mode de traitement, des “ion et pendant le battage, et enfin du prix de revient de la matière colorante. ns EE dans une situation plus favorable que jadis les ga- de moyens intellectuels et matériels puissants. À ce bien s'en ajouter un autre, si la matière première “onditions avantageuses. Nous n’hésitons même a ugmentaient, la victoire reviendrait à ce dernier. # de l'application, nous allons faire un réactions qui se passent dans les cuves d’extrac- PRODUCTION DE A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259 L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL L'INDIGO NATUREL ‘1. — PRÉPARATION DE L'INDIGO NATUREL. Depuis l'introduction, sur le marché, de l'indigo synthétique, les producteurs d'indigo naturel se sont avec raison préoccupés de l'avenir de la culture de la plante qui le fournit. Les Gouvernements de la Grande-Bretagne et de la Hollande, directement atteints dans leurs colonies, ont cherché un remède au nouvel état de choses, et ont saisi les hommes de science de la question. Il en résulte que, depuis quelque temps, on a étudié de plus près cette cul- ture, et on a surtout cherché à améliorer les pro- cédés d'extraction, de façon à augmenter le ren- dément en matière lincloriale. Tous ces essais ont fait l'objet de communications, de conférences et de monographies, parmi lesquelles nous citerons en première ligne une conférence due à M. Rawson, et insérée dans le journal de la Société des Arts de Londres, une autre conférence faite par M. Nœælting à la Société industrielle de Mulhouse, et enfin celles de M. Baeyer et de M. Brunck publiées dans le Bulle- tin de la Société chimique de Berlin. Nous avons, d'autre part, recu des renseignements précieux de quelques-uns de nos colons de la Martinique et du Tonkin, de telle sorte que nous pouvons à l'heure présente déjà nous faire une idée approchée des chances qui restent au produit naturel, et savoir quelles conditions de prix doit remplir l'indigo ar- tificiel pour être en mesure de supplanter son rival $ 1. — Historique. Il semble que l'emploi de l’indigo comme matière tinctoriale date de la plus haute antiquiié. On a découvert que des tissus bleus, trouvés sur des momies égyptiennes vieilles d'environ cinq mille ans, avaient été -teints à l'indigo. Dioscorides en fait déjà mention, et Pline en donne la description sous le nom d’indicum, et relale qu'il fut importé des Indes en Europe ; mais il paraît ne pas avoir connu ni son origine, ni sa composition. Dans plu- sieurs écrits anciens, le nom Vila a été employé pour désigner l’indigo et la plante dont il dérive. Avant le xvi° siècle, on employait très peu d'indigo en Europe, et, durant de nombreuses années, la consommation en était plutôt minime, par suite de l'opposition des cultivateurs de pastel qui, en An- gleterre, en France et en Allemagne, incitèrent les 1 La plupart des données concernant la culture et le trai- tement des plantes à indigo sont empruntées à la confé- reuce remarquable de M. Rawson. 256 A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL pouvoirs publics à en proscrire l'emploi. Les culti- vateurs de pastel prétendaient que l'indigo était non seulement une teinture peu solide, mais que c'était une drogue corrosive et pernicieuse: en réalité, ils craignaient que l'importation de l' indigo ne consommäl la ruine de leur industrie. En France, la loi était si sévère que Henri IV fit publier un édit condamnant à la peine de mort quiconque emploierait cette drogue pernicieuse, üppelée nourriture du diable. L $ 2. — Origine. L'indigo ne croit que sous les tropiques; les principaux lieux de production sont les Indes, et tout spécialement le Bengale, l'Oudhe, Madras. On le fabrique aussi à Java, Manille, en Chine, au Japon, au Tonkin, au Cambodge, dans l'Amérique centrale (Guatemala, Mexique, Salvador), ainsi que dans certaines parties de l'Afrique. La plupart de ces pays ont tenu à montrer leurs produits à l'Exposition de 4900. Les principales plantes d’où l’on retire l’indigo sont : l’/ndigofera tinctoria, V'Indigofera anil, V In- digofera disperma et l'Indigofera argentea. W y a encore de nombreusés variétés de moindre impor- tance. D'autres plantes que celles de l'espèce Zndigofera fournissent aussi de l'indigo, mais dans une pro- portion relativement moindre. Il en est ainsi de la Weightia tincloria (Madras), du S/robilanthes dlac- cidifolius (Assam), du Tephrosia loxicaria (Bom- bay), du Polygonum linctorium (Chine et Russie), du Zonchocarpus cyanescens (côte occidentale de l'Afrique), et de FZsa/is tinctoria (Chine, Afghanis- tan, elc.). À L'Isatis linctoria ou pastel, très répandu jadis en Europe, n’est plus guère cultivé que dans le Lin- colnshire, et, sur le continent, dans le sud de la France, la Hongrie, etc.; mais on ne l’emploie plus isolément pour la teinture. $S 3. — Culture. De toutes 'les plantesque nous venons de citer, la plus répandue est, sans contredit, l’Zndigofera lincloria, qui seule est cultivée au Bengale. Avant de semer la graine, la terre est soumise à une pré- paralion assez laborieuse. En octobre, dès qué la saison manufacturière est terminée, la terre est défoncée au moyen d'une grande houe, après quoi elle recoit un labour par la charrue. Dans le but de casser les motles et de l’adoucir, on promène sur la lerre soit une pièce de bois de cinq à huit pieds de long et ayant un côté plat, soit un rouleau très lourd. On laboure la terre encore trois ou quatre fois, et finalement les peliles mottes de terre sont finement pulvérisées par des femmes et des enfants, qui emploient à cet effet des baguettes courtes mais: solides. La graine est semée au moyen d'un semoi” vers la fin de février ou au commencement de mars Elle lève au bout de quatre à cinq jours et, ver le milieu de juin, époque à laquelle la saison ma nufacturière commence habituellement, la plante & atteint la hauteur de trois à cinq pieds, avec uné tige ayant environ un quart de pouce de diamètre La récolte de l'indigo est des plus précaires: L’abondance de pluies, comme leur rareté, sonb également nuisibles. Quand la saison n'est pas favorable, il arrive que l’on soit obligé de seme trois fois et même quatre fois. Outre les fluctua= lions du temps, trop grande humidité ou trop grande séclieresse, la destruclion de la plante peut encore se produire du fait de petites pu naises, de chenilles et même de certaines fourmis blanches. La feuille de l'indigo est d’une couleur vert jaunâtre et rien n'indique qu'elle contient une matière colorante bleue. Le rendement de l'indigo à l'acre varie considérablement. Le rendement d'une récolte de bonne moyenne peut être évalué de 50 à 60 quintaux (2.500 à 3.000 kilos) à l’acre. En prenant pour base d8 chiffre le plus faible, on trouve qu'une récolte d'indigo enlève à l'acre 53 kil. 500 de matière minérale, dont 4 kilos d'acide phosphorique el 12 kg. 450 de potasse. L'azote y figure en outre pour 17 kilos; mais, comme l’indigo est une plante de la famille des Légumineuses, il est probable qu'une partie de cet azote est fournie par l'atmosphère La plante épuisée, ainsi que celle de rebut, sont peu de chose près les seuls engrais utilisés aux Indes. Cette dernière constitue même un engrai supérieur, car elle contient tout ce qui est néces: saire aux besoins d'une nouvelle récolte. Aux Indes, il semble que la culture de l'indigo constitue une monoculture; mais, ainsi que le fait observer un de nos producteurs les plus avisés dé la Martinique, on peut aussi l’envisager comme plante d'assolement productrice d'engrais. Dans ce dernier cas, elle. permettrait la régénération des terres épuisées par une trop longue monoculture de la canne à sucre. M. Thierry a fait, à ce sujet, des expériences pratiques établissant que non seu lement la culture de l'indigo restait lucrative, mais améliorait le terrain à tel point que les cannes sucre, cultivées après un tel assolement, donnaient un rendement presque double du rendement moyen normal, sans augmentation de dépenses. Et M. Thierry ajoute : Par l’indigo, ce serait l& culture perfectionnée qu'on pourrait appliquer dans les contrées ruinées par la monoculture de la canne à sucre. (4.046 m° A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 951 II — FABRICATION DE L'INDIGO. Elle comprend les opérations suivantes 1° Coupe de la plante; 2% Chargement des cuves et extraction; 3° Battage ; 4° Ebullition et filtrage; 5° Compression et coupage ; 6° Séchage. $ 1. — Récolte de la plante. .» à “ Elle commence ordinairement au milieu de juin. Après la première coupe, la plante donne de nouvelles feuilles et après deux ou trois mois, on procède à la deuxième récolte. À Béhar, où la fa- brication est presque exclusivement dirigée par “des Européens, la première récolte, qui est consi- “érée comme la principale, est appelée Morhan et la seconde Xhoontie. Î Au Cambodge, en Cochinchine, au Tonkin et en Chine, il semble au contraire que l’exploilation se psse exclusivement par les indigènes, et on consi- dère la seconde coupe comme supérieure à la pre- hi: Les indigos qu'on prépare dans ces contrées D d'ailleurs inférieurs à ceux des Indes, en raison même du traitement primitif auquel on les _ Soumet. — À Béhar, les travaux qu'exige une exploilation -d'indigo sont généralement divisés en un certain nombre de factoreries, de 2 jusqu'à 10 ou 12, sui- ant l'étendue de Me pioaton FER Éree ù On trouvera, dans la figure 1, extraite de la _ de M. Rawson, le plan général d'une ctorerie d'indigo de petite importance. Celle factorerie possède six cuves à extraction C t deux cuves à battage E H. Les premières sont Dre à un niveau plus élevé que les dernières. D cure des cuves à extraction à une capacité lun peu plus de 1.000 pieds cubes. Les dimen- Es actuelles sont 18 pieds sur 16, par 3 pieds 1 de profondeur, la profondeur étant mesu- Jée à partir des poutres transversales et non du sommet de la cuve. Chaque cuve à battage s'étend Sur toute la longueur des six cuves à extraction et à comme largeur 13 pieds 6 pouces; au milieu de chaque cuve à battage et sur toute sa longueur, à l'exception d'un espace ménagé à chaque extré- Mmilé, s'élève une paroi de 3 pieds de hauteur qui là partage en deux parties, tout en permettant au liquide de cireuler lorsque la roue à battage est mise en mouvement. Les cuves sont construites en RE Un | “ Renseignements particuliers. briques et sont doublées en ciment de Portland. La roue à battage E est constituée par un arbre de couche armé de trois rangées de rayons, et ces rayons, au nombre de 6 dans chaque rangée, sont pourvus, à leur extrémité, de lames qui, en tour- nant, frappent le liquide, et le font circuler conti- nuellement. Les cuves sont habituellement librement expo- sées à l'air, bien que dans certains cas elles soient couvertes. Bien entendu les dimensions, la forme, le nom- bre de ces cuves peuvent varier d'un endroit à un autre. Autrefois le liquide était ballu à la main et l'est encore d’une manière générale à Madras, dans quelques provinces du Nord-Ouest, et certaine- ment aussi au Cambodge, au Tonkin et en Chine. Le matériel d’exploilation d’une usine, à part les euyes, comprend un générateur ainsi qu'une machine à vapeur I, des pompes J, des cuves à faire bouillir M, des filtres K, des presses L, un séchoir et divers ateliers. Le séchoir et les ateliers ne figurent pas sur le plan. S2. — Chargement des cuves à extraction. La première opéralion consiste à nettoyer à fond les cuves, et ce travail est fait soigneusement chaque jour. L'indigo est ensuite empilé dans les récipients, les tiges étant placées plus ou moins ver- licalement, de facon à permettre à l'air de s'échap- per.plus librement et au liquide, après l'extraction, de s'écouler aussi complètement que possible. La quantité de plante fraiche que reçoit une cuve de 4.000 pieds cubes, varie de 5.000 à 4.800 kilos. Après l'avoir chargée, on place au sommet de la cuve, et en travers, un certain nombre de pièces de bambou qui sont reliées entre elles et maintenues dans leur position par trois ou quatre fortes pièces de bois, elles-mêmes fixées par des chevilles en fer à des montants disposés sur les côtés du récipient. On introduit ensuite l'eau dans la cuve jusqu'à ce que son niveau atteigne, à quelques pouces près, les poutres placées au sommet. Si on la rem- plissait complètement, le liquide finirait par débor- der, car la plante subit un gonflement considérable pendant la macéralion. Il est indispensable d'avoir de l’eau en abon- dance et de bonne qualité; car de la qualité de l'eau dépend beaucoup la réussite de l'opération. L'eau de rivière, de lac et l’eau de pluie sont les principales sources d’approvisionnement. Les eaux chargées de matières organiques donnent de mau- vais résultats, tant au point de vue du rendement, que de la qualité de l'indigo. La durée de l'opération de l'extraction est de neuf à quatorze heures, suivant la température et 258 A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL les autres conditions climatériques. L'eau n'agil pas immédiatement sur la plante, et durant une heure ou deux il ne se produit aucune réaction. Silôt que l’eau pénètre la feuille, l'extraction du principe colorant se fait rapidement. Ce principe colorant est, en effet, très soluble dans l’eau. Après deux ou trois heures, le niveau du liquide s'élève dans la cuve, des bulles gazeuses montent à la sur- face, laquelle se couvre bientôt d’une épaisse écume. Il se produit un fort dégagement d'acide carbonique et ultérieurement du méthane et de du vert au bleu indigo sombre. Afin de s'assurer SM le battage est suffisant, on prélève une petite quan: tité du liquide et on le verse sur une assiette blan- che. Si le précipité se dépose rapidement, laissant terminé, et la roue est arrêtée. On ajoute parfois un peu de chaux à la solution à examiner ou, ce qui vaut mieux encore, on sa ture du papier fil avec le liquide on le soumet au l'hydrogène. Après une cer- Elévation : de — = —,— taine période de fe — fermentation, le li- quide s’affaisse, ce Niveau lo vapeurs d'ammo LÉLLLLLLL LS LIL LS TÉL qui indique aux surveillants, avec Nu soD. certitude, que la plante est suffisam- l'opération du bat lage n’est pas com ment infusée. Une plète. Un autre mode vanne de décharge D étant alors ouverte, le liquide s'écoule d'oxydation con: dans la cuve de battage. La feuille qui, avant l'extraction, était d'une couleur jaunâtre, est main- tenant d'un vert bleuàtre et semble de ce chef contenir plus d'indigo que la plante à l’état pri- mitif. Il n’en est cependant rien, car on ne trouve aucun avantage à faire une seconde extraction. Après l’écoule- ment de l'eau, la plante, dont la température s'élève rapidement, est entassée au dehors pour servir d'engrais par la suite, et les cuves sont de nouveau préparées en vue d'une opération. Plan Fig. 1. $ 3. — Battage. Le liquide provenant de la euve à extraction a une couleur qui varie de l’orangé vif au vert olive, et possède une fluorescence particulière. Lorsque toutes les cuves sont déchargées, la roue est peu à peu mise en mouvement, pour atteindre graduelle- ment un maximum de tours. Dans des conditions normales, l'opération du battage dure de deux à trois heures, bien que, dans certains cas, elle puisse — Plan d'une factorerie d'indigo de petite importance. — GC, cuves à extraction; D, vannes de décharge: E, roues de battage; F, manchon de raccord; G, tuyaux de conduite pour la 2° cuve de battage; H, écoulement des cuves; 1, moteur à vapeur; J, pompe; K, tables; L, presses; M, chaudières à ébullition; N, charbon. is paraît donner de très bons résullats: Après le battage; on laisse dépose l'indigo, ce quiexige deux ou trois heus res, après quoi ON fait évacuer le li quide surnageant, soit par la surface au moyen de puis soirs, soit en enle- vant des bouchons en bois disposés au: bas côtés de la cuve. Le fond de la cuve est incliné vers l’un des angles, où se rassemble l'indigo précipité, qui es passé à travers un ou deux tamis d’où il coule d une citerne. De là on le fait passer dans un grand réservoir rectangulaire en fer. Dans son passage de la eiterne au réservoir à ébullition M, l’indigo est à nouveau tamisé deux fois, pour éviter qu'il con: tienne des débris de plantes et de terre. ÿ 4. — Ebullition et filtrage. Le liquide contenant de l'indigo en suspension (jusqu'à 5 °/,) a ordinairement, lorsqu'il est élex par une pompe à vapeur, une température de 6 66° C. On le porte à une température de 85 à 100% qu'on maintient pendant un quart d'heure ou une demi-heure. Cette opération a pour but : 4° D'empêcher la putréfaction du liquide, décom- posilion qui ne manquerait pas de se produire, étant donné le climat de l'Inde. 29 De dissoudre une partie des malières brunes qui ont élé précipitées avec la « fécule » d’indigo, et obtenir ainsi une plus belle qualité. 3° De permettre aux particules de la matière co- Jorante de se déposer plus promptement et par uite de faciliter une évacuation plus rapide du quide inutilisable. L'indigo une fois déposé, on décante le liquide “clair surnageant et on fait passer le colorant à tra- vers des tamis sur un grand filtre appelé « table ». Le plan nous montre deux tables K ayant chacune 8 pieds de longueur et 7 pieds de largeur. Ces ables sont recouvertes de lattes étroites ef paral- “lèles assujetties sur un cadre solide en bois, dont s côtés, ayant environ 18 pouces de hauteur, sont en pente à l'extérieur. Latable, en . dans une le Ride est bleu; on ae de nouveau sur le F. ltre au moyen d'une pompe, jusqu'à ce qu'il soil “parfailement clair; il est alors couleur de vin de Xérès. Quand le liquide est complètement égoulté, ue, recueille la masse pulpeuse qui, dans cet état, Li enferme de 8 à 12°/, d'indigotine prête à être pressée. $ 5. — Compression et coupage. h La presse L est composée d'une très forte boite L ectangulaire dont tous les côtés ont de très nom- breuses perforalions, et qui est convenablement garnie de deux épaisseurs de drap fort et d’un tissu lé serré. Elle est placée au-dessous de vis puissantes Que l'on fait tourner au moyen de longs leviers. On introduit dans la caisse un volume de pâte calculé de facon à obtenir, une fois pressé, un pain \ prent de trois à trois pouces un quart d'épaisseur, et on soumet la masse à une pression lente et LA graduelle. … Quand il ne s'écoule plus de liquide, on desserre progressivement les: vis, on relire le pain qui ren- ferme environ 70 °/, d’eau et, à l’aide d’un fil de cuivre, on le conpe en Morceaux cubiques d'environ trois penses à à trois pouces et demi de côté. È $ 6. — Séchage. — Cette opération se fait dans une construction “levée et bien aérée, pourvue de rayons en bambou léger ou en toile métallique espacés d'un pied, sur lesquels les cubes sont placés. Le séchage dure environ deux ou trois mois, et s'opère très lente- A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 259 ment, l'air étant très humide à cette époque de l'année. Pendant le séchage, il se produit un fort dégagementd'ammoniaque, etles pains se couvrent d’une épaisse végétalion cryplogamique qu'on en- lève au moyen de brosses avant de les emballer. III. — GENÈSE DE L'INDIGO. $S 1. — Indican. M. Schunck * fut le premier qui attribua la for- mation de la matière colorante, dans les plantes à indigo, à un principe particulier ef amorphe, auquel il donna le nom d’indican. N assigna à celui retiré de l'Zsatis tinctoria la formule C?H"Az0". En 1887, M. Alvarez”, étudiant les microbes dépo- sés sur les feuilles d’Zndigofera, en découvrit un (Bacillus indigogenus), appartenant au groupe des bacilles capsulés, qui, ensemencé, à l'état de cul- turé, dans une décoction stérile de feuilles d'Zndi- gofera, détermine la formation d’indigo. Dans cette fermentation, il yaurait deux actes successifs : l’un, microbien, qui aboutit à la genèse de l'indigo blanc ; l’autre chimique, qui consiste dans la transforma- lion de l'indigo blanc en indigo bleu par oxydation. Dès 1893 *, MM. C. I. v. Lookeren-Campagne et van der Veen ont admis que le dédoublement de l’indican lévogyre, en glucose dextrogyre et en un corps qu'ils regardentcomme de l'indigo blanc, ainsi qu'en d'autres corps azolés, était dû à la présence d'une enzyme qui, une fois la plante morte au sein de l’eau de macération, diffuse à travers les cellules, et exerce son action hydrolysante. L'indigo blanc, une partie de l’indican non transformé et d’autres substances azolées, restent dissous à la faveur de la chaux et, en faisant barborter l'oxygène, l'indigo blanc estoxydé en indigo bleu, tandis que les autres produits fournissent de l’indigo brun. Quand à l'in- dirubine, elle peut constiluer un autre produit d'oxydalion ou de dédoublement de l'indican. le Professeur H. Molisch *, à la suile de ses études faites à l’une des stations d’essai de Java, arrive à peu près au même résultat, et exclut éga- lement l'action des bactéries et des moisissures. M. le D'Bréaudat*, en opérant sur l’/Zsaltis alpinä, les Zndigofera anil et tincloria el V'Isatis lincloria, a réussi à montrer que le suc des plantes à indigo 1 Philos. Magaz. (4) XV, p. 13; (4) XV, p. 29, 117,183. ? Revue des Matières colorantes de M. L. Lefèvre, t. IV (1898), p. 454. 3 Tydschrift voor Nijverheïd en Landbhouw en N. Indié, t. XLVI. Die landwirtschaftl. Versuchstationen, t. XL, p. 401; £. XLV, p. 195; t. XLVI, p. 249. Chem. Zeit., 1899, . 165. % Sitzungsber. der Kaïiserl. Akademie der Wissensch, Vienve, 1898, t CVII. Fasc. 1. * Comptes rendus de l'Académie des Sciences (1898), t. CXXVII, p. 769 (1899), t. CXX VIII, p. 1478. 260 A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL ' _ conlient deux diastases hydratant, : l'une douée d'un pouvoir capable de dédoubler l’indican; l'autre, possédant des propriétés oxydantes, qui se mani- festent surtout en présence d’alcalis, de terres alca- lines et des carbonates correspondants. M. Marchlewski” émit plus tard l'hypothèse que l'indican pouvait être considéré comme un produit de condensalion d’une molécule d'indoxyle avec une molécule de glucose, et proposa pour le glu- coside la formule C'*H"OfAz. M. Hazewinkel”, M. Beyerinck”* et M. van Rom- burg* ont enfin prouvé, indépendamment l’un de l'autre, que l’indican se scinde, sous l'influence des acides et des ferments, en indoxyle et en glucose. Le glucoside de l’{satis tincloria est appelé isatan par M. Beyerinck, tandis qu’à l’enzyme qui le dé- double l'auteur a donné le nom d'isatase. Dans une série d'essais, exécutés sur des feuilles d’IZndigofera leptostachya, M. Hazewinkel a nette- ment mis en évidence ce fait que des feuilles d'in- digo plongées dans de l'eau bouillante ou dans des solutions antiseptiques fournissent un liquide qui se conserve facilement, s’il n’est pas trop acide, et qui renferme un composé susceplible de fournir de l'indigo quand on le traite : 4° par un acide et un agent oxydant (sel ferrique, par exemple); 2° par une enzyme contenue dans les feuilles; 3° par de l’'émulsine; 4° par certaines bactéries. L'auteur isole l'enzyme spéciale de l'indigo de la façon sui- vante : les feuilles d'indigo sont broyées à froid avec de l'alcool concentré, puis séchées; la poudre est ensuite épuisée par de la glycérine ou par une solution de chlorure de sodium à 10 °/,. L'auteur donne le nom d'indiémulsine à ce ferment. M. Hazewinkel démontra ensuite, de la façon Ja plus nette, que, dans le dédoublement de l’indican, il se forme un sucre réducteur et de l'indoxyle, qu'il caractérisa par sa transformalion en les trois indogénides dérivées l'une de l'isatine (indirubine), et les deux autres de la benzaldéhyde et de l'acide pyruvique. Il confirma enfin une observation faite par M. van Lookeren-Campagne et M. van der Veen, à savoir que le liquide tenant en dissolution l'in- dican devenait alcalin après l'oxydalion, à la con- dition, bien entendu, qu'il ne soit pas trop acide avant la fermentation. Il admit finalement que l'in- dican se trouve à l'état de combinaison saline se dédoublant, dans le cours de la fermentation, de la même façon que le myronate de potasse. L’autèur ! Marcuezwski et Rapcuirre, Journ. Soc 1898, p. 430. * Comptes rendus de l'Académie des Sciences d'Amster- dam, du mois de mars 1899, p. 590; Chem. Zeitung, t. XXIV, 1900, p. 409. * Académie des Sciences d'Amsterdam, séance du 30 sep- tembre 1900, { Chem. Zoit., . Chem. Industry, t. XXIV, 1900, p. 409 ajoute que le fait qu'il se forme de l'indoxyle dans. la fermentation, explique la production de quan tités notables d’indirubine dans le procédé d'ex= traction à l'eau chaude ou en liqueur alcalines (loc. eil.). l Alors que l'indican isolé par M. Schunck était. amorphe, MM. Hoogewerff et H. Ter Meulen‘ on réussi à l'obtenir cristallisé, en partant des feuilles, de Polygonum tinetorium et de l’Indigofera lepto stachya. L'indican ainsi oblenu se présente sous læ forme de petites lancettes fondant à 51° en per dant de l’eau. Le produit anhydre fond à 104 102. Comme l'avait prévu M. Marchlewski, ce indican répond à la formule C'*H'TAz O5 3 H°O, et est lévogyre. | Quand on fait pasger l'air à travers une solutio aqueuse d'indican, chauffée préalablement avec d l'acide chlorhydrique, et à laquelle on a ajouté u peu de chlorure ferrique pour accélérer l'oxydation, on obtient 91 °/, de l'indigotine qu'on devrait obtenir selon l'équation : H) CII AZOS + IE so = coneon + ce me Indican. cs Pr te ZONES CH Di + O* N AZI Indoxyle. co — 2H°0 + CHI Nc = cé ae TO NazH/ K AH Indigotine. L'indigotine constitue une poudre d'un ble foncé qui se sublime en prismes de couleur pour pre el à aspect métallique. Broyée dans un mortier, elle prend également l'aspect métallique. On peut l'extraire de l'indigo soit par sublima tion, soit en le faisant bouillir avec de l'anilines filtrant la liqueur et laissant refroidir; il se dépose. des aiguilles d’un bleu sombre ou pourpre ayan un reflet cuivré : elle se dissout aussi dans l'acid acétique glacial, la nitrobenzine et la paraffin bouillante. Les agents réducteurs convertissent l'indigo ble en un dérivé incolore, dit indigo blanc ou indigo réduit, soluble dans les liqueurs alcalines. C'est à l’état ne blanc : ; Il >C‘H* COI 04e NA / cm NAZH Y que l'indigo est employé en teinture. La matière teindre est immergée dans une cuve contenant d l'indigo réduit, puis exposée au contact de l'air Dans ces conditions, l'indigo blanc, fixé sur la 1 Recueil des Travaux chimiques des Pays-Bas, t. XIX 1900, p. 166. A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 261 fibre, s'oxyde et se transforme en indigotine qui devient insoluble et adhère intimement à la fibre. $ 2. — Autres constituants de l’Indigo. L'indigoline est de beaucoup le constituant le plus important de l'indi0 naturel. Sa teneur varie considérablement, et va de 5 à 80, et même 88 °/,.. Mais, outre l’indigoline, la matière colorante naturelle renferme encore de l’indirubine ou indi- gorubine et divers autres produits organiques, parmi lesquels des substances brunes (brun d’in- digo), et ce que l’on appelle le gluten d'indiyo, com- posés dont l'ensemble peut atteindre de 12 à 30 °/, de l'indigo. L'indigo naturel contient aussi plus ou moins de matières minérales qui sontgfournies, en partie par la plante, et en partie par les eaux boueuses employées pour la macération. Lu La quantité de cendres varie de 2 à 60 °/, et “même davantage pour les indigos de la Chine, du Tonkin et du Cambodge. L'indigo Bengale de bonne Qi en contient de 3 à 6 °/. … Bien que, dans beaucoup de cas, ce soit gràce à f, présence des colorants secondaires mentionnés plus haut qu'on oblient certains effets de teinture, On ne juge cependant de la qualité d'un indigo que “par sa teneur en indigotine. — !. Zndigorubine ou Indirubine. — Jusqu'à une époque relativement récente, la proportion d'indiru- “bine contenue dans les indigos Bengale ne dépas- sait pas 2°/,, mais actuellement elle atteint souvent 10 °/, et même plus. Les indigos de Java en ren- ermeraient jusqu'à 15 °/,. La quantité de cet isomère de l'indigotine, qui prend naissance, dépend sans aucun doute des conditions dans lesquelles se fait le dédoublement de l'indican, lors de la préparation de l'indigo. Il “ne semble, en effet, pas que l’indirubine doive sa formation à un glucoside particulier, M. Schunck “ayant montré que l'indican, abandonné pendant “quelques jours avec de la soude caustique, fournit, non pas de l'indigotine, mais son isomère l'in- dirubine. D'autre part, M. Hazewinkel attribue de son côté à l’alcalinité du produit de la macération des feuilles, la production plus ou moins grande d indirubine aux dépens de l'indoxyle, dans le cours de la fermentation, et en particulier vers la fin. Or, on sait, d’après les travaux de M. Baeyer, qu'on peut obtenir l'indirubine, en même temps que l'indigoline, par réduction du chlorure d'isa- line, ou mieux encore par condensation de l'isatine avec l’indoxyle. Dans les conditions où s'opère cette dernière synthèse, il est à supposer que l’indoxyle prend la forme tautomère, à laquelle on a donné le nom de pseudo-indoxyle, de sorte que l'indirubine peut-être considérée comme l’indogénide « de l'isa- üne, l'indigotine en étant l'indogénide 6. CO C‘H* CZ NCH+COS “Az AzH/ N co Pseudoindoxyle, Isatine. , CO C°H! — C'‘H: SC AZH. AzH N çn Indirubine. Cette indirubine est identique avec l'indirubine naturelle‘. Étant donnée qu’elle prend naissance dans certaines conditions de fermentation et d'oxy- dation de l'indican, on peut admetlre qu'une plus ou moins grande quantité de l'indoxyle qui se forme s'’oxyde en isaline qui, en présence de la pseudoforme du même indoxyle, se condense en indirubine. MM. Marchlewsky et Radcliffe ont montré que l'indirubine synthélique et l'indirubine naturelle se comportent exactement de la même manière. Ils établirent entre autres que l'indirubine mise en présence d'agents réducteurs a/calins se convertit incomplètement eu indigotine, mais que la transfor- malion est complète lorsqu'an la traile par des agents réducteurs acides. Vu sa conversibilité en son isomère bleu, étant donnée en outre la faible quantilé d'indirubine contenue dans l'indigo na- turel, les mêmes auteurs estiment que l'importance attribuée aux propriétés tinctoriales de l'indirubine a été surfaite, D'autre part, cependant, on a reconnu en pratique que lorsque l'indirubine se trouve dans l'indigo en quantités appréciables, elle a beaucoup de’ valeur, particulièrement dans la teinture de la laïne. 2. Gluten d'indigo. — Substance amorphe, à con- sistance gluante, de couleur brun jaunâtre, et pos- sédant des propriélés anaiogues à celles du gluten végétal ordinaire. Se retire de l'indigo, en même temps qu'une partie des substances minérales, quand on le traite par un acide dilué. 3. Bruns d'indiyo. — Appelés par Schunck iudi- réline et indihumine, ces bruns prennent naissance quand on chauffe pendant un certain temps de l'in- dican, en dissolution dans l’eau, et qu'on traile ensuite la liqueur par un acide. Il ne se forme dans ces conditions ni indigotine, ni indirubine, mais uniquement des substances brunes constituées par un mélange de plusieurs composés, parmi lesquels M. Schunck a isolé au moins cinq produits, 4 M. Rawson ne croit pas à celte identité (loc. cit.). 262 A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL IV. — RENDEMENTS. AMÉLIORATIONS. Bien que toutes les parties de la plante ren- ferment de l'indican, en pratique on ne traite que les feuilles. Les plus belles tiges mêmes ne con- tiennent que des traces de colorant. Selon M. Hazewinkel”, qui a fait des. dosages au moyen de l'hypobromite de soude, les feuilles d’Zn- digofera leptostachya contiennent environ 0 gr. 60 d'indigotine °/,, tandis qu'un mélange à parties égales de feuilles el de liges n'en renferme que 0 gr. 30 °/.. Avec les méthodes actuellement en usage aux Indes, la plante fraiche fournit (selon M. Rawson) environ 2 kil. 500 d'indigo par 1.000 kilos, et d’après d'autres renseignements venant de Calcutta, 1 kil. 650 seulement par tonne‘. En ce qui con- cerne le rendement à l'acre, les données indiquées par M. Rawson concordent approximativement avec celles qui nous sont parvenues, c’est-à-dire qu'il est dans le premier cas de 6 kil. 800, et dans le second 6 kil. 500. Cet indigo renferme en moyenne 60 °/, d'indi- gotine. L'indigo de Madras est inférieur et litre de 30 à 50° Celui des provinces du Nord-Ouest (Oudhe, etc.) est intermédiaire entre celui du Bengale et de Madras. L'indigo de Java est le plus riche et a une teneur de 72 jusqu'à 82°/.. L'indigo de Guatemala renferme environ 40 °/, d'indigo *. Un échantillon d’indigo de la Martinique, que nous avons trouvé au pavillon de celte colonie à l'Exposition de 1900, à donné, à l'analyse, d'indigoline. Enfin, les indigos du Cambodge, de la Chine et du Tonkin, ont des teneurs qui varient de 5 à 12 °/, d'indigotine. Cette faible teneur provient de ce que le liquide de macération de la plante est précipité par la chaux, avant d'être soumis au battage. Au Béhar, avec deux coupes, le kilo d'indigo revient à 6 fr. 50. À la Murlinique, d’après des renseignements qu'a bien voulu nous fournir M. Thierry, le pro- ducteur de l'indigo analysé, le prix de fevient ne dépasserail pas 3 francs le kilo. Au Cambodge, où l’on peut faire jusqu'à trois DATE EN la éLDocecit. ? Le rendement au Cambodge est à peu près identique, v'est-à-dire qu'on obtient de 1 kil. 200 à 1 kil. 800 d'indigo à 60-65 07, d'indigotine quand la plante est épuisée et traitée à la manière européenne. # Dans la Æev. gen. des mat. cal.-(1901), t V, p. 4, on trouve une série d'analyses d'indigos de Java et de Bengale : Trocadéro des échantillons en pâte à 20 0/.. débutant à 2 piastres 50, soit environ 6 fr. 25 !. Telle qu’elle se présente actuellement, la silua de perfection qu'elles sont susceptibles d'atteindre: Nous avoris déjà vu qu'à la Martinique un asso; lement judicieux entre la canne à sucre et les /Zndi gofera permettrait d'augmenter le rendement de l’une et l’autre culture. D'autre part, des essais institués au Cambodge par le D° Bréaudat, sous la direction scientifique de M. Calmette, directeur de l'Institut Pasteur, à Lillek nous montreront bientôt s’il est possible d'extraire la Lotalité ou la presque totalité de l’indigotine que peut fournir la plante. Comme nous l'avons déjà fait remarquer d° après lesanalyses faites par M. Hazewinkel, à Java, l Indi- golera éludié par lui renfermerait 6 kilos d'indigo» tine par tonne de feuilles, et 3 kilos par tonne d’un mélange à parties égales de feuilles et de tiges. Or, au Béhar, où la variété ne doit guère différer de celle de Java, on en retire à peine le tiers ou le sixième quand on emploie la plante entière. Il ya donc un déchet considérable qui semble dû aux procédés d'extraction, el en particulier à la fers mentation. De nombreuses tentatives ont été faites pour régler celte fermentation, et nous nous bornons à signaler deux procédés de traitement qui ont été brevetés, l'un par MM. Gueugnier et Valette (Brev: fr. N° 302.169), et l’autre par M. Calmette (Brev. fra N° 300.826). Dans le premier, sans doute inspiré par les com= munications du D' Bréaudat, on aseptise la cuve; tout en déclarant que l'opération n'est pas indis-= pensable, et on opère le dédoublement de l’indican: par une diastase oxydante (laccase de l'arbre à laque, tyrosinase, ferment de la gomme arabique): L'addition d'eau oxygénée augmente la rapidité de la formation d'indigo bleu. Le rendement serait sensiblement doublé. La méthode de M. Calmette n’est qu'une appli= cation des découvertes faites, dans son laboratoire, par le D' Bréaudat. Elle consiste : 1° « À broyer, par écrasement LÉ. "| Te ONE" NERF 1 Nous devons ces renseignements à M. Gueugnier qui s'ef= force d'extraire sur place l’indigotine, et qui en a exposé au A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET _entre des cylindres de bois ou de métal, les tissus des plantes indigofères. | 2° «À recueillir la bouillie végétale sortant des _ cylindres dans des cuves profondes remplies d'eau -épurée, débarrassée de sels calcaires, ceux-ci ayant . Vinconvénient de hâter la précipitation de l’indigo, précipitation qu'il faut empêcher dans cette phase de l'opération. __ Les cuves doivent être munies d’agitateurs pour «maintenir la masse en mouvement pendant un r mps suffisant, variable suivant la température de Veau et les sortes de plantes indigofères employées. 3° « On passe au filtre-presse le liquide de macé- L'INDIGO ARTIFICIEL 263 hâter la précipitation d’une nouvelle cuvée d'indigo. « Ce procédé d'extraction a pour objet essentiel d'éviter l'intervention de toutes les bactéries auxquelles on attribuait jusqu'à présent la faculté de dédoubler, au sortir de la plante indigofère, l’indican en indigotine et en indiglucine. Ce dédou- blement et la précipitation de l'indigo bleu sont effectués ici exclusivement par l’action successive de diastases hydratantes et oxydantes qui préexis- tent dans le suc cellulaire des Zndigofera, et qui sont mises en liberté par le broyage des cellules végélales. « On obtient ainsila transformation complète de — Tableau récapitulatif des récoltes d'indigo, 1880-1900. PAYS D'ORIGINE A ——— —— TOTAUX Guatemala Indes Néerlandaises TagLeau I. ANNÈES Indes Orientales Kurpah et Madras kilos 1850—1881. 2.239.900 1881—1882. . . . .300 1882— 1883. . . .800 M1883—1884. . . . . 5.800 M1884— 1885. . . . . .200 1885—18%6. 5.000 MESG— 1887. . . . . . 50.500 1887—1888. 5.400 DRISES—1889. LE 364.200 an ea 4.100 EVA CEE .800 De ere 5.900 .000 2,500 Disos 1805: KA NET HES 2,100 1895—1896. . . . . .000 1896— 1897. 5.100 1897 —1898 . 851.200 1898—1899, 2,700 | 1599— 1900. 1.500 | JUCLENE. MERE 89.518.600 44.799.900 | Moyennes. 1.475.930 2,239.950 L kilos kilos 769.400 116.000 729.600 394.000 653.400 501,000 908.200 515.000 887.800 5.000 615.600 .000 574.000 9.000 571.300 52.000 138.400 000 589.200 3.000 . 7100 711.000 36.000 638.000 16.100 632,000 100 195.000 3.600 603.700 . #00 679.400 .600 S11.000 600 90%. 100 .400 631.400 .200 595.100 11.726.600 12,300,700 158.344.900 586.330 615.035 7.917.245 lation des cuves, et on l'envoie dans des cuves en bois ou en métal couvertes, contenant une très pelite quantité de chaux, de baryle, de magnésie ou d'un carbonate alcalin ou alcalino-terreux quel- Conque. Ces cuves sont munies de dispositifs per- umettant la précipilalion rapide de l'indigo à l'état dindigo bleu, par émulsion continue d'air filtré, éomprimé, ou par la chute en cascades dans une ie de cuves superposées. 4° « Le dépôt d'indigo est recueilli, comprimé en Pains et séché à 75° jusqu'à ce qu'il ne renferme pas plus de 5 à 7 °/, d'eau. 5° « Le liquide sortant du filtre-presse renferme encore des diastases oxydantes extraites des sucs Gellulaires de la plante, diastases à l'aclion des- quelles est due la précipitation de l’indigo à l’état indigo bleu. Ce liquide retourne en totalité ou en partie dans les cuves à émulsion d'air, où l'excès de diastase oxydante qu'il renferme est utilisé à l'indican et le maximum de rendement en indigo bleu. Ce rendement, avec les sortes d'Andigofera ordinairement cultivées, alteint loujours avec ce procédé un minimum de 6,6 à8 kilos, par 4.000 kilos de plante. « 11 peut s'élever à 10 kilos avec des plantes de qualité supérieure, récoltées immédiatement avant la floraison. L'indigo ainsi obtenu titre constamment 80°/, à 82°/, d'indigotine, avec une leneur en eau ne dépassant pas 7 °/,. » Si les prévisions de l’auteur sont confirmées par l'expérience, il est facile de voir que le prix de l'indigo, et partant de l’indigotine qu'on peut en extraire, baissera considérablement. D'après une communication qu'a bien voulu nous faire le D' Calmette, des essais en grand ont été entrepris au Cambodge et on attend la fin de la campagne pour en avoir le résultat. V. — STATISTIQUE DE LA PRODUCTION DE L'INDIGO. Nous donnons, dans le tableau 1’, la produc- lion des principaux centres pour une période de A part l'année dernière, celte pro- duction s'est maintenue dans les environs de 8 millions de kilos par an. D’après des rensei- gnements qui nous parviennent de divers côtés, il ne semble pas que l’on soil disposé à abandonner cette culture dans les provinces du Nord-Ouest de l'Inde et dans l’Oudhe, où la surface totale plantée en indigo était évaluée, jusqu'au milieu du mois d'avril de 1900, à 76.395 hectares, contre 61.309 hec- tares l’année d'avant, ce qui équivaut à une aug- mentation de 24 °/,. D'autre part, la superficie des terrains plantés en indigo et susceptibles d'irrigation s'est accrue de 48 °/, en 1900, par rapport à l'année précédente, passant de 44.363 hectares en 1899, à 65.665 hec- tares pour l'année 1900. Toutes les plantalions importantes se sont développées dans des propor- tions notables alors que les autres sont restées à peu près dans les mêmes conditions que l’année dernière ?. Les chiffres contenus dans ce tableau peuvent êlre considérés comme un minimum, car ils ne vingt années. L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES comprennent pas la produclion de la Martinique, du Cambodge (où 2.000 hectares seraient affectés a la cullure de l'indigo), du Tonkin et de la Chine. Si nous admettons une teneur moyenne de 50 0/, d'indigotine, ce qui est au-dessous de la vérité» on voit qu'il faudrait produire annuellement 4 mil=« lions de kilos environ d’indisotine artificielle, si. la culture venait à être abandonnée. La valeur tolale de l'indigo, en se basant sur I production de l’année 1899-1900, peut être estimée à près de 52.000.000 franes, somme sur laquelle’ la consommation en France at être de 6 à 7 mil- lions de francs. Cette valeur globale est inférieure à celle des années précédentes, l'indigo de culture ce subi une déprécialion notable du fait de l’apparilion de l'indigo synthétique. 1 Dans une deuxième partie, nous passerons en» revue les recherches qui ont conduit à la prépara= tion synthétique de l’indigo, dans les laboratoires, puis dans l'industrie; et nous examinerons la situa- tion respective de l'indigo naturel et de l'indigon artificiel. A. Haller, Membre de l'Institut, Professeur de Chimie organique à la Sorbonne: L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES Le transformisme, c'est-à-dire la notion de la descendance des espèces évoluant sous l’influence de facteurs naturels, est un fait acquis, il n’est maintenant plus un biologiste, j'entends sérieux et surtout compétent, qui le conteste. Mais le mode de la transformation, les causes de l’évolulion, les processus par lesquels une espèce nouvelle dérive d’une espèce antérieure, cela c’est un champ ouvert à toutes les opinions, dans lequel le progrès, ou du moins le changement des idées, est incessant. On estloin maintenant des explications primitives de Lamarck et de Darwin, et si l'on ne peut prétendre être arrivé à des explications définitives et absolu- ment satisfaisantes, il est permis de penser que l'on serre maintenant la vérité de plus près. J'ai voulu retracer dans cet article, en les simplifiant autant que possible, les théories successives qui se sont produites touchant les processus et les causes de l’évolution; naturellement, j'ai dû me borner, dans cet exposé, à quelques arguments pour ou contre telle théorie, trop incomplets peut-être pour 1 Nous devons ce tableau à l’obligeance de M. Lefebvre, auquel nous adressons nos meilleurs remerciements. ? Revue des Cultures coloniales, 5° année, t. VIN, p. 59. entrainer une conviction, mais suffisants pour indi- quer la marche des idées. Pour être plus concret, je me bornerai presque exclusivement à deux exemples : la Girafe, animal progressif par rapport aux Ongulés banals dont elle est sortie, et la Taupe,\ animal régressif par rapport aux Inseclivores de plein air. I. — EXAMEN DES THÉORIES ACTUELLES. L'explication de Lamarck est bien connue : elle. se résume en celle phrase: effets de l'usage ou du défaut d'usage sur les organes et hérédite de ces effets. « La Girafe, dit-il, qui vit dans des lieux arides, ne peut que brouter le feuillage des arbres s'efforce continuellement d'y atteindre; il es résulté de cette habitude, soutenue depuis long= temps, dans tous les individus de sa race, que ses jambes de devant sont devenues plus longues que celles de derrière, et que son col s'est allongé de telle sorte qu’elle peut atteindre à 6 mètres de hau- teur ». Pour la Taupe, l'explication est de même ordre; Lamarck admet que le défaut d'emploi d'un organe lici les yeux), devenu constant par les habi= L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES 26 cet organe et finit par le faire disparaître el même J'anéantir. … L'explication de Dascin est une combinaison des idées lamarckiennes et d’un nouveau facteur, Ja sélection des variations favorables : « Supposons qu'au début la Girafe ait eu un cou de longueur ordinaire; en temps de famine, les individus les Ds allongés, et capables ainsi de brouler un pouce ou deux plus haut que les autres, ont souvent pu Métre conservés; leur croisement a donné des des- Méndants, hérilant des mêmes particularilés, ou F d'une tendance à varier de la même manière; celte sélection des individus les plus favorisés par l'allongement du cou, combinée avec les effets héréditaires de l'augmentation par l'usage, a dû transformer un quadrupède ongulé ordinaire en Girafe ». — « Chez la Taupe, vivant presque conti- nuellement sous terre, les yeux ont dû s’'atrophier par défaut d'usage: d'autre part, les individus dont s yeux étaient particulièrement réduits de gros- seur, avec paupières soudées, ont du être conservés jar la sélection naturelle, puisque ces individus taient exempts des traumatismes oculaires qui loivent être fréquents chez des animaux souter- ins. Atrophie par défaut d'usage et sélection des individus à yeux prolégés auraient amené l'état jue nous connaissons aujourd'hui chez la Taupe. » 1. Abandon de l'hérédité des caractères acquis. A la réflexion, on a vu qu'une partiede l’explica- ion darwinienne élait difficilement soutenable : best l'hérédité des caractères acquis par l'usage et non-usage. D'abord, il n'est pas prouvé que leffort d'une Girafe pour atteindre des branches lus hautes puisse allonger son cou d'une façon bien sensible, et ensuile on n'a jamais pu citer un emple convaincant de la transmission hérédi- faire d’un caractère acquis; enfin, celte hérédilé, ut-elle constalée en apparence, est inconcevable, in raison de la séparation manifeste el précoce des ellules germinales et du reste du corps ; comment ne modification des muscles et des os, causée par agent externe comme l'exercice, pourrait-elle élentir sur les cellules germinalés de facon à ce ue le descendant, non soumis au même agent Xterne, présente la même modification somalique? Mors à apparu l’école des sélectionnistes purs, ou 0-darwinistes, dont Galton, Wallace et Weis- ann ont été les représentants les plus notables. Gomme le dit Wallace: « la Girafe n'a pas acquis Son long cou en l’étendant constamment dans le but d'atteindre les branches des arbres élevés, mais simplement parce que toute variété douée Pun cou exceptionnellement long a pu trouver un Supplément de nourriture au-dessus des branches REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, tudes que l'on a prises, appauvril graduellement ; mangées par ses compagnes, et leur survivre en cas de disette. » 2. Relour à la médiocrité ou panmixie. — Mais il est assez difficile de comprendre, dans l'explica- tion néo-darwinienne, comment les yeux des caver- nitôles ont pu régresser, puisque, élant inutiles, ils ne donnent plus prise à la sélection; Weismann a dû compléter Son explicalion par la lhéorie de la cessalion de sélection ou panmixie (relour à la mé- diocrité de Galton). Quand un organe cesse d'être utile, dit-il, les individus qui naissent avec cet organe imparfait ont autant de chances que les autres de vivre et de laisser une postérité; les varialions en mieux constituent un désavantage, puisque l'organe, étant inulile, prend de la subs- tance qui serait mieux utilisée ailleurs; elles sont donc éliminées par la sélection naturelle, et il ne reste en présence que les variations en moins et l'état moyen. Il en résulte qu'à chaque génération, les animaux à yeux imparfails se mêlent aux types moyens et abaissent le niveau de l'organe visuel jusqu'à son atrophie et même sa disparilion. Je puis dire tout de suite que le mode d'action de la panmixie a rencontré beaucoup de sceptiques : pourquoi les varialions en mieux seraient-elles éliminées par la sélection naturelle? Quelle difré- rence peul-il y avoir, au pointde vue du succès dans la.vie, entre une Taupe qui a des yeux parfaits et une autre qui a des yeux médiocres? Or, si les variations en mieux ne sont pas éliminées, il est évident que la panmixie n'aura pour effet que de maintenir l'organe à son niveau moyen ; pour que l'œil s'atrophie tout à fait, il faudrait que le nombre des individus variés dans le sens de la diminution augmente constamment, ce qui serait le fait d’une tendance germinale à la cécité, et non pas celui de la panmixie (Delage). 3. Direction définie des variations. — Depuis Darwin, plusieurs penseurs se sont attachés à bien comprendre la marche des variations cumulatives dont la résultante estun caractère spécifique donné. Si l’on admet que la Girafe n’a pas eu son long cou en une seule fois, par une variation brusque, il a fallu que ce cou augmente graduellement de géné- ralion en génération, que la variation ait suivi une marche définie, régulière, sans retour en arrière, Quand on étudie par exemple les formes qui ont précédé le Cheval, on peut établir, à parlir du PLe- nacodus, une série qui montre l’atrophie graduelle des doigls latéraux et l'accroissement du doigt médian, sans compter la modilication graduelle des molaires. Or, si celte série représente réellement la lignée du Cheval, il est évident que la variation a marché toujours dans le même sens. L'hypothèse 6* 266 L. CUÉNOT — L'É VOLUTION DES THÉORIES TRANSFORMISTES de Lamarck explique très bien ce phénomène : les doigts latéraux se sont atrophiés lentement par défaut d'usage, le doigt médian a grandi par l'effet contraire, les molaires se sont lentement modifiées par suile de leurs frottements réciproques. On com- prend que Cope, surtout paléontologiste, désirant s'expliquer cette marche définie des variations, ait adopté, en la précisant, l'hypothèse lamarckienne, c'est-à-dire les effets des conditions extérieures sur le corps (adaptation fonctionnelle) et l'hérédité de ces effets. Eimer, en étudiant les dessins et les taches colo- rées des ailes des Papillons, se convainc aussi qu’un développement régulier dans un petit nombre de directions déterminées (orlhogénèse) préside à la produelion des nouveaux caractères. Les agents externes, et surtout la température et la nourriture, impriment aux types organisés des directions de développement, suivant lesquelles se forment des séries de variations et d'espèces, qui marquent comme autant de stades successifs de l’évolution. De temps en lemps, quelques groupes d'individus s'arrêtent slalionnaires sur les différents échelons ‘génépistase), laudis que le reste de l'espèce con- linue sa marche ascendante ; ces quelques individus arrêlés à un certain slade constituent une espèce stable. Eimer accepte toujours l'hérédité des carac- tères acquis, bien que sa théorie puisse à la rigueur s'en passer; mais, par compensation, il rejette tout à fait la sélection naturelle; puisque l’évolution est délerminée dans une certaine direction, par l’in- fluence d'agents externes sur tous les individus soumis à celle influence, il n’y a évidemment pas choix des individus porteurs de variations favo- rables ; l'espèce primitive se modifie en masse. Enfin Weismann lui-même sent que la sélection de varialions accidentelles ne rend pas très bien compte de la direction définie et adaptative de lévo- lution ; il cherche à la compléter par sa théorie de la sélection intra-germinale. Au contraire d'Eimer, il accepte toujours la sélection des variations favo- rables, mais repousse l’hérédité des caractères acquis. Il faut d'abord admettre que la variation utile, par exemple l'allongement du cou et des membres de la Girafe, ait apparu chez un nombre suffisant d'individus et ait donné prise à la sélec- lion. On sait que, pour Weismann, les cellules sexuelles renferment de petits corps figurés (déler- mintunts), qui contiennent en puissance tous les ca- ractères de l'être développé; par exemple, un carac- tère N est représenté dans les cellules sexuelles par un certain nombre de déterminants à, b, €, d, légè- rement différents les uns des autres; or, s'il se produit une variation dans un certain sens, elle tient à ce que le déterminant correspondant à cette varialion (2 par exemple) à pris par hasard le des- sus sur les autres (4, c, d) dans la lutte pour Jan nourriture que les pelits corps figurés se livrent entre eux. Etant plus fort, il se nourrit mieux, aux détriment des déterminants plus faibles, si bien autres à, €, d, diminue. A la génération suivantes puisque ce déterminant D, par suite d'une bonne nutrition, a augmenté encore la distance qui Me. sépare des autres, la modification du caractère qu'il représente progresse encore dans le même sens qu'à la première génération ; cette nouvelle variation donne encore prise à la sélection, et Les même phénomène continue jusqu'à ce que l’adap tation parfaite soil réalisée ; alors le progrès cesse; puisque tout changement, soit en moins, soil en plus, devient désormais défavorable, et comme tel est éliminé par la sélection. Pour les organes en régression, l'explication est analogue ; si un organe devient inutile, la panmixie commence à produire son effet dégénératif, @ laissant se développer les animaux porteurs de variations dirigées dans le sens de la diminulion de l'organe. À ces variations correspondent des déter= minants plus faibles, qui se nourrissent mal; ils se réduisent encore, par suile de la concurrence des déterminants plus forts, et, à la deuxième généra= tion, la varialion diminutive est naturellement plus forte qu'à la première. : F La conception de Weismann est un peu nu geuse, comme celle d'Eimer, d’ailleurs; mais il nh a pas lieu de chercher à la criliquer à fond, puis qu’elle repose sur une théorie de l’hérédilé qui malgré son ingéniosité, s'est écroulée sous le poids de sa complication et de son invraisemblance. 4. Abandon de la sélection naturelle. — Après les critiques sur l'hérédilé des caractères acquis, seconde parlie de l'explication darwinienne, là séleclion des variations favorables, subit à son tour un assaut. Mivart, Nägeli, Osborn, Emery Delage, etce., font remarquer que les variatio minimes, même lorsqu'elles sont utiles à tous les degrés, le sont trop peu pour créer un avant donnant prise à la sélection ; en temps de diselle les Girafes adultes ne meurent pas : elles souffrent et maigrissent; celles qui meurent, ce sont | jeunes Girafes à peine sorties du sevrage, peut-êbre aussi les animaux âgés, et il n'y a aucune chance pour qu'un cou plus long de quelques centimètres assure la survie de son possesseur. Il n’y à auc L raison pour qu'une Taupe qui a des yeux bien fone tionnels soit inférieure en quelque chose, même dans la vie souterraine, à une Taupe dont les yeu sont médiocres. Enfin, contrairement à l'opink de Wallace, parmi les caractères des animaux, il. est certainement qui sont d'une parfaite inuli 267 présentes (secrélion d'anticorps comme l’antisper- “motoxine, pouvoir régénérateur excessif dans des ganes qui sont très rarement mutilés); ilest donc “de toute impossibilité que la fixation de ces carac- tères soit due à la sélection de variations uliles à - Ces arguments, dont on nesaurait nier la valeur, pnt convaineu la majorité des biologistes que là Sélection est un processus purement conservateur t non édilicaleur; elle se borne à supprimer les individus mal venus et les monstres, et ceux qui présentent des variations par trop défavorables, les albinos, par exemple; elle maintient les espèces dans leur état moyen, mais est incapable d'en créer de nouvelles. “5. La varialion brusque. — Nous àvons vu que Pexplication darwinienne et néo-darwinienne repo- Sait sur la sélection de variations faibles, qui devaient s'accumuler dans le même sens pendant une série de générations pour arriver à donner un caractère spécifique, notablement différent du caractère correspondant de l'espèce-souche; en d'autres termes, la varialion est continue, el nous avons vu que Cope, Eimer et Weismann ont cher- ché à s'expliquer cette conlinuilé. Mais on peut imaginer des variations hrusques qui, d'un seul éoup, produisent un type nouveau, parfaitement viable, grâce aux corrélations de développement, Qui diflère de sa forme souche par des caractères du moins aussi importants que ceux que nous constatons entre les espèces les mieux caracté- hisées : cette hypothèse, qui a été émise bien avant Darwin, a été reprise par Mivart et Huxley, et blus près de nous, par Clos, Camerano, Bateson, le Vries et bien d’autres; on peut dire que lexpli- ion de la discontinuilé des espèces par la dis- ntinuité des varialions a gagné un terrain consi- rable, et, si elle n'est pas applicable à tous les , ilest à peu près cerlain qu'il y à pas mal d’es- ces nées par variation brusque, en une seule snération; on pourrait en ciler de nombreux xemples : parmi les Echinodermes, les espèces POphiures à six, sept ou huit bras, les Crinoïdes tramères et trimères, les Astéries à bras nom- eux, reproduisent exactement les variations usques qui apparaissent de temps en temps chez les espèces pentamères normales. Deux Turbellariés clades, Dendrocælum Nausicaæ et Phagocala jracilis, ont été considérés par Hallez comme des pèces « d’origine tératologique » ; les nombreuses ècessénestres de Gastéropodes, Causilia, Physa, Yéhatina sinistrorsa, Pupa. quadridens, Pirula une perversa, ele., ne peuvent être que des silus inversus d'espèces dextres; la disposition singu- lière du bec de ZLoxia curvirostra, à branches croisées et non opposables, se retrouve identique chez des Oiseaux à bec habituellement opposable. De cultures d'(Æuothera ‘Lamarckiana, de Vries a obtenu une fois une forme ((Ænothera giqas) notablement différente du type, qui se reproduit semblable à elle-même depuis cinq ans, sans aucun retour vers la souche. Je pense avec Delage que, pour que ces variations brusques se fixent à l'état d'espèces, il ne suffit pas qu'elles apparaissent à l'état de sports isolés, comme ceux que nous voyons journellement ; il faut qu'elles se présentent en même lemps chez un cerlain nom- bre d'individus (on sait du reste que cela se produit dans certaines localités). À mon avis, la varialion brusque ou forte, comme on voudra, a une très grande importance; elle nous dispense d'expliquer la direction définie des petites varialions cumula- tives, el, bien plus que ces dernières, elle dispense de tout recours à la sélection naturelle. 6. Origine des varialions. — La discussion sur les caractères acquis et leur hérédité a amené la lumière sur un point d'importance capitale { l'ori- gine des variations héréditaires: H est bien connu maintenant que les influences externes, exercice, température, lumière, surtout nourriture, ete, peu- vent modifier un organisme de deux facons : elles peuvent produire une modification somaltique, non transmissible, ou bien une modification germinale corrélative, portant sur les cellules sexuelles; cette dernière seule se traduit chez les descendants par arialion, qui, le plus souvent, n’a aucune ressemblance avec la modification somatique pré- sentée par les parents, Les expériences, les obser- vations cliniques le prouvent avec évidence : l'in- gestion d'alcool produit chez un homme des désordres caractéristiques, folie, cirrhose, alhé- rome, ele.; c'est la modification somalique; mais cet alcool modifie aussi, d'une facon invisible, naturellement, les cellules sexuelles : c'est la modi- fication germinale; el les descendants de l’alcooli- que présentent une variation par rapport aux descendants d'individus normaux, mais ils ne sont aucunement alcooliques. L'inloxication syphili- tique d’un ou de deux parents produit une modi- fication des cellules sexuelles qui se traduit chez les descendants par des dystrophies sans nombre, mais ceux-ci ne sont pas du tout syphilitiques. Dans la plupart des cas, on peut prévoir à l'avance la modificalion somatique qui sera produite, chez un individu donné, par un agent externe donné, mais jusqu'ici, faule sans doute d'expériences assez nombreuses, il est à peu près impossible de pré- 268 L. CUÉNOT —— L'ÉVOLUTION DES THÉORIES ,TRANSFORMISTES voir quelle sera la variation présentée par le des- cendant dont le germe a été modifié, ni même de dire si tel agent externe sera capable de produire une modification germinale, 1. L'isolement physiologique. — Dans les para- graphes précédents, nous avons exposé la succes- sion des idées sur la genèse des variations et des adaptations; il est temps de parler maintenant d’un facteur des plus importants, sur lequel Romanes à surtout attiré l'attention : il ne suffit pas qu'une espèce morphologique se constitue par variation d'une forme antérieure, il faut encore qu’elle s’isole de l’espèce-souche, sans quoi le croisement libre ne tarderait pas à submerger les variations et à tout ramener au type moyen de l'espèce. Cette séparation peut se produire par des processus très différents : isolement géographique, les groupes étant séparés par d'infranchissables barrières phy- siques (espèces des diverses îles d'un archipel), ou bien les habitats étant assez différents pour que le croisement devienne impossible (plantes de la plaine etplantes alpines) ; isolement par suite d'une différence d'ordre psychologique (Chien, Chacal et Loup), d'ordre anatomique (différence de taille rendant l'accouplement impossible, comme par exemple entre un Terre-Neuve et un roquet), et enfin incompatibilité sexuelle (espèces jorda- niennes, Vespa vulgaris et germanica), C'est-à-dire stérilité ou très faible fécondité des croisements, entré individus ‘qui ne sont séparés les uns des autres ni par des barrières physiques, ni par leurs mœurs, ni par des différences anatomiques. On comprend l'importance capilale de cette dernière variation, qui doit maintenant être acceptée comme possible, bien qu'on ne puisse pas encore la pro- voquer expérimentalement. On connaît, en effet, beaucoup d'espèces physiologiques qui ne présen- tent que des différences morphologiques absolu- ment minimes (Melasoma populi et tremuleæ parmi les Coléoptères, Vespa vulgaris el germanica parmi les Guêpes, formes bivalens et univalens de l'Asca- ris megalocephala, Puccinia coronifera et coronala parmi les Urédinées, etc.). Puisque ces espèces- sœurs, irréductibles l'une à l'autre, ne diffèrent que par cet unique caractère de l'infertilité, il faut bien que la variation qui les a séparées ait porté sur cet unique caractère. II. — EXPLICATION NOUVELLE DE LA FORMATION DES ESPÈCES. Il ne suffit pas de lailler, il faut recoudre ; après l'exposé des différentes vues émises par les au- Leurs, nous pouvons maintenant chercher à dégager la théorie la plus probable. Nous avons vu que des conditions habituelles ; ce changement a modi* l'hérédité des caractères acquis est non démontrée et, de plus, inconcevable, que la sélection des petites: variations favorables n'existe pas, que la sélection intragerminale, ayant comme point de départ la sélection d'individus porteurs de variations favo rables, n'existe pas ; que la panmixie explique mal la régression des organes inuliles ; en revanche nous avons acquis des idées plus justes, puisque expérimentales, sur la variation, sur la nécessité et la possibilité de l'isolement physiologique. Sur les débris des théories précédentes, il s'en est édifié une autre, qui doit beaucoup à Weismann, à Romanes, un peu à Eimer, un peu à tous ceux qui ont jeté leur mot dans la discussion, et q Delage a magistralement exprimée. Reprenant l'exemple de la Girafe, je vais tâcher d'expliquer dans l'esprit de cette théorie, comment celle forme a pu prendre naissance : Il existait, vers l'époq miocène, un Cervidé, voisin d'A/ces par exemple, répandu sur une partie étendue du continent émergé ; un groupe de ces animaux, habitant pro bablement les confins de l’aire de distribution quelque part dans l'Eurasie ou l'Indo-Afrique, à été soumis à des conditions de milieu différentes fié peut être le soma, mais aussi les cellules sexuelles, el il en est résulté que tous les descen dants du groupe considéré ont présenté une varia= tion par rapport à la forme type, variation consislant en un allongement corrélatif des pattes: du cou, de la langue, etc. Si l’on se souvient que la toxine syphilitique modifie les cellules sexuelles d’un couple humain de telle manière que leur pro= duit peut être un géant bien constilué (ou un nain: suivant les cas), rien d’impossible à ce qu'une nour# riture un peu différente ait déterminé, chez l'On: gulé, considéré la venue de descendants atteints d'un gigantisme relalif. Cette variation, naturellez ment héréditaire puisque d'origine germinale, à continué dans le même sens pendant un nombre inconnu de générations, nombre qui a pu être très petit, à Or, il s'est trouvé que ces Ongulés modifiés dans le sens du gigantisme ont trouvé dans la région qu'ils habitaient des conditions telles que la vie leur était possible ; au lieu de brouter des arbustes; ils ont brouté des arbres. Ils ne se sont pas mé langés à l'espèce souche, soit à cause de l'isolement géographique, soit à cause de l'impossibilité d’accouplement, soit pour une autre raison. L'évo lution dans le sens du gigantisme s’est arrêtée poux une raison inconnue, peut être parce que les cel lules sexuelles modifiées n’ont plus donné prise à la cause modificatrice, peut-être aussi à cause du changement de régime qui a supprimé cette cause soit enfin par intervention de la sélection destrue eu F live. Et voilà la forme Girafe constituée, stable et _ définie. — Les condilions nécessaires pour la création d’un “type nouveau sont donc : 1° nouvelles conditions de “nulieu, agissant sur un groupe d'individus, et pro- “duisant une modification germinale, qui se traduit “par une varialion héréditaire, absolument quel- tonque ; 2° isolement physiologique des individus variés ; 3° place vacante dans la Nature, que ces individus variés puissent occuper et où ils puissent vivre tant bien que mal. - Cette explication à une conséquence capitale, touchant l'illusion de l’adaplalion : il y avait jadis une tendance, vieux reste du finalisme, à consi- dérer les espèces comme très bien adaplées aux milieux où elles vivent, et l’on se demandait com- Ment une forme nouvelle, transportée dans un nouveau milieu, pouvait s'adapter si merveilleuse- ment aux conditions de celui-ci ; on comprend que les explications de Lamarck et de Darwin, qui permettent de comprendre si clairement et si complètement la genèse des adaptations, aient séduit et séduisent encore tant de biologistes. «A mon avis, l'adaptation de l'espèce n'est qu'une illusion (je ne parle pas de l'adaptation indivi- cité de l'individu), et voici comment on peul se rendre compte de cette illusion : Les individus qui atteignent dans leurs migrations la région des condilions-limiles, c'est-à-dire une région légè- ‘ement différente de celle qui leur convient par- tement, ou bien succombent ou bien peuvent ur que leurs cellules germinales se modifient, et ils donnent naissance à une forme nouvelle; de leux choses l’une, ou bien celte forme nouvelle elle nous reste inconnue, ou bien ces caractères lui permettent d'y vivre tant bien que mal, et alors la variété se propage et se fixe. Rien d’éton- nant à ce que, dans les innombrables directions de variation, il s'en trouve de temps en temps quelqu'une qui par hasard soit adéquate aux con- tions d’une place vide, et on se récrie alors sur merveille de l'adaptation! Pour faire compren- L. CUÉNOT — L'ÉVOLUTION DES TIÉORIES TRANSFORMISTES duelle, qui est réelle dans les limites de la plasti- 269 dre ma pensée d’une façon tout à fait concrète, je dirai que ce n’est pas parce que la Girafe broute des arbres qu'elle a un grand cou, mais que c'est parce qu'il lui est venu un grand cou qu'elle n'a pu faire autrement que de brouter des arbres; ce n'est pas parce que la Taupe habite sous terre que son œil à dégénéré, mais c’est parce que son œil a dégénéré qu'elle a été contrainte d'adopter la vie obseuricole. La notion de la place vacante dans la Nature comporle une autre conséquence intéressante : à nôtre époque, il ne doit plus y avoirde places vides, ou du moins très peu, comparativement aux temps cambriens où la terre ferme et l'air n'avaient pas un seul habitant; les formes animales se sont multipliées dans des directions tellement variées qu'il n'y a que très peu de chances qu'il se forme maintenant de nouvelles espèces; ce n'est pas le matériel des variations qui doit manquer, car il \ en a probablement aulant et même plus qu'autre- fois, mais, comme loules les places sont occupées ou peu s’en faut, comme il y a partout une espèce en possession, ici perforant les roches, là habitant dans les champignons, les fourmilières, les ca- daivres, des commensaux, des parasites, ele., etc., il est de plus en plus improbable qu'une variété naissante trouve un milieu adéquat, dépourvu de concurrence. Je n'ai nullement la prétention de croire que l'explitalion que je viens de développer donne une solulion définitive du problème de l’évolution: mais c'est celle qui, à mon sens, concorde actuel- lement le mieux avec les faits, et cela suffit pour qu'on l'accepte. verrons dans dix ans ce qu'il en restera Nous L. Cuénot, Professeur à l'Université de Nancy. 1 Bibliographie du sujet dans les ouvrages classiques de Lamarck, Darwin, Wallace, Weismann, etc. — DELaGE : La structure du protoplasma et les théories sur l'hérédité, Paris, 1895. — Année Biologique, t. 1 à #, 1895-98. — HaLLez, Morphogénie générale et affinités des Turbellariés, Travaux et Mémoires des- Facultés de Lille, t. 2, mémoire n° 9, 1892. — Bareson : Walerjals for the study of variations, Londres, 1894. — De Vus : Recherches expérimentales sur DSi des espèces, /tevue générale de Botanique, t. 13. 1901, p.5. J'ai publié, il y a sept ans, dans la Revue générale des Sciences (La nouvelle théorie transformiste, t. V, 15 février 1894), un article très weismanniste qui, comparé à celui-ci, montre bien le changement des idées. 270 LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL DEUXIÈME PARTIE : LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL DU 28 MAI 1900. ET L'ÉCLIPSE Dans un premier article *, nous avons donné la théorie générale des éclipses et indiqué les résul- tats principaux des observations qui en ont été faites. Nous allons maintenant aborder la question de la constitution physique du Soleil, telle qu'on peut la concevoir d’après les observations précé- cédentes; nous terminerons par l'exposé des nou- veaux faits qui ont été mis en lumière à la suite de la récente éclipse du 28 mai 1900. I. — Coxsrirurron PHYSIQUE DU SOLEIL. L'ensemble des travaux des astronomes, depuis l'Antiquité jusqu'à l’éclipse du 18 août 1868, con- duisit à considérer le Soleil comme un globe essen- tiellement gazeux; la température propre que l’on y supposait devait être très élevée, de sorte qu'au- cun corps ne saurait y exister qu'à l’état gazéiforme le plus prononcé. D'autre part, on sait que les gaz, fussent-ils même portés à une très haute tempéra- ture, restent Loujours fort peu lumineux, de telle facon que le globe solaire gazeux devrait émettre, par lui-même, fort peu de lumière; cependant le rayonnement considérable à travers les espaces célestes permet un fort refroidissement superficiel el il en résulle, par voie de condensation, que les éléments gazeux des régions périphériques doivent se résoudre en quelque sorte, à l'état de poussière, liquide ou solide. Cette poussière peut jouer un rôle analogue à celui que nous attribuons au car- bone, à la chaux ou à la magnésie dans nos flam- mes artificielles; elle rayonne énergiquement et, par l'effet de cet abaissement relatif de tempéra- ture, le globe gazeux va pouvoir s'entourer d'une enveloppe très lumineuse : c’est la photosphère. $ 1. — Photosphère. Cette photosphère très lumineuse constitue la parte visible du Soleil ou, en un mot, l’astre pro- prement dit; elle futétudiée dès la plus haute Anli- quilé, et c’est précisément par les recherches si persévérantes, si altentives et si bien interprétées dont elle fut l’objet que l’on put parvenir à se for- i Voyez la Revue du 15 mars 1901, {. XIT, p. 213 etisuiv. JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION-PHYSIQUE DU SOLEIL mer sur le Soleil les quelques notions générales qui précèdent. Dans l'étude de la photosphère, l'examen de taches peut être inscrit à la première place: ces déchirures de l'enveloppe lumineuse nous permet tent précisément de sonder la masse plus avant pour constater l'obscurité relative du noyau gazeux central; pour invisibles qu'elles soient générale= ment à l'œil nu, leurs dimensions n'en sont pa moins considérables, et leur diamètre atteint cou: ramment le double et le triple de celui de notre Terre; leurs formes étranges et irrégulières restent d’ailleurs mystérieuses; leurs mouvements ont révélé les lois de la rotalion superficielle du Soleil leurs vitesses, variables avec la latitude, établis- sent cette rotation même et servenl encore de preuve frappante pour l’état gazeux de l’astres enfin, l'examen minutieux des taches conduit encore les astronomes à admettre l'existence d'une atmos- phère autour de l'enveloppe lumineuse. $ 2. — Chromosphère. Cette atmosphère, Lockyer a proposé de l'appeler chromosphère, dénomination qui a du reste prévalus à cause de sa teinte et des lignes brillantes et iso= lées de son spectre : la chromosphère enveloppe la surface photosphérique à l’état de couche, très irrés gulière, mais dont l'épaisseur est au moins évaluée à 8.000 kilomètres; elle est constituée, en majeure parlie, par de l'hydrogène incandescent et fréquem ment injecté de vapeurs métalliques. Remarquons, tout de suile, que les détails rela tifs à la chromosphère et aux protubérances sont dus à l'observation oculaire et, surtout, depuis 1868: à l'application journalière de la méthode Lockyers Janssen, faite, en dehors des éclipses, aux régions extérieures de la chromosphère et au bord. Depuis 1892, d'autre part, la méthode Hale-Deslandres d'enregistrement photographique permet d'étudier non seulement les prolubérances et la chromos: phère au bord, mais, en outre, la chromosphèrt projetée sur le disque mème du Soleil. . La chromosphère se présente sous quatre aspects bien tranchés : : 1° Le premier aspect de la chromosphère est celui d'une couche très nettement délimitée, comme _ serait la surface libre d'un liquide: son éclat tranche alors parfaitement avec l’espace environ- nant, qui paraît sombre à l'extérieur et, cependant, on peut remarquer près du bord extérieur une faible diminution d'intensité lumineuse, 2° Plus ordinairement, la chromosphère est gar- nie de petits filaments lumineux, semblables à des poils brillants : tous ces filaments sont dirigés dans ‘ün même sens, et plus ou moins inclinés; leur orientalion ou leur entrainement n'est pas toujours dirigé dans le sens des courants supérieurs qui transportent les protubérances bien que, cepen- dant, le cas en soit assez fréquent. Cette structure du deuxième aspect s'observe principalement entre les latitudes moyennes et les pôles. 3° D’autres fois, la surface chromosphérique est diffuse, de manière qu'il est difficile de dire avee quelque précision où elle s'arrête ; ce phénomène slobserve, de préférence, dans les régions des facules. 4 Enfin, etcela le plus souvent, la chromosphère est terminée irrégulièrement et garnie de petits appendices coniques el irréguliers, ou bien aussi de pelites flammes dirigées en tous sens : ce sont là des protubérances rudimentaires. Le plus fréquem- ment, ces protubérances se présentent dans les points du périmètre solaire où l’on rencontre des granulations ou marbrures de la surface, de telle sorte qu'il paraît exister une étroite dépendance entre les granulations et ce quatrième aspect de la chromosphère. $ 3. — Protubérances. Outre ces petits objets rudimentaires, la chromo- sphère peut présenter un assez grand nombre lappendices, lumineux el très étendus, que l’on embrasse sous la dénomination générale de protu- bérances et que nous allons indiquer rapide- ment dans les trois formes très différentes sous lesquelles se peuvent présenter ces appendices: en forme d'amas, de jets et de panaches fig. 1). D'ailleurs, l'intensilé lumineuse de la chromo- Sphère est considérable : son éclat est tellement vif qu'il peut occasionner des doutes sur le moment récis de la totalité ! et reste assez remarquable, oique très affaibli, sans doute, quelles que soient les circonstances atmosphériques, favorables ou n ; la largeur de cet anneau peut être évaluée à EE ou 15”. - 1. Amas, — Les amas peuvent être rangés en trois catégories : k - Les uns sont de simples élévalions, des sortes de monticules très brillants: dans leur intérieur, on — 2 CAPPELLETTI, TISSERAND, STrEPnAN, etc, JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE PU SOLEIL 271 a ne perçoit aucune distribution nelte de la masse, tandis que leurs contours sont généralement diffus ou garnis de poils; leurs formes sont variables, quoique généralement arrondies, et ces amas parais- sent être de simples surélévations de la chromo- sphère n'excèdant guère une hauteur de 15 à 20”. Ou bien encore les amas auront une forme plus diffuse, plus légère : ce seront des agglomérations analogues aux cumuli de notre atmosphère. Sous cet aspect, on les rencontre généralement aux envi- rons des taches ; mais cette forme est plutôt rare, el elle paraît alors dériver d'une nébulosité diffuse qui cache l’organisation intérieure du jet. Enfin, toujours plus léger et plus diffus, l'amas peut se composer de masses nuageuses, presque de brouillards, qui vont se trouver au sommet des grandes protubérances, là où, en quelque sorte, la dissolution des panaches produit de faibles lueurs, engendre au sommet des masses de légers voiles cirrilormes. 2, Jets. — Sous cette dénomination on comprend un ensemble de flammes vives et brillantes que l'on trouve de préférence dans le voisinage des taches, ou dans la lumineuse couronne de facules qui environne généralement une tache. Certains jets sont lriangulaires, tels de courtes et raides pointes d'épée, mais très vifs et, en même Lemps, d'une extrême variabilité; ils sont alors de courte durée el prennent rarement un grand développe- ment en hauteur. D’autres, qui ne se rencontrent que très rarement sur une grande échelle, ont reçu la dénomination plus parliculière de cônes. 4es cônes très courts sont très fréquents; fréquemment ils s’allongent pour prendre une forme curviligne très gracieuse. Quand une telle transformation à lieu, elle nese produit pas graduellement; en géné- ral, si l'une des formes vient à disparaitre, l'autre forme se substitue à la place de la première après un très court intervalle de tranquillité ; ainsi l'aspect de ces dernières formes de jets est fort analogue à celui de flammes transportées ou brusquement abattues par le vent et ces flammes, toujours très vives, s'observent communément près des laches. L'intensitélumineuseesttoujourstrès grande dans les jets, et le fond même est plus lumineux que le reste du contour solaire; d’ailleurs, ces jets offrent parfois des formes véritablement magnifiques, commelesplus beaux bouquets de feu d'artifice qu'il soit possible d'imaginer : les branches vont retom- ber souvent en paraboles plus ou moins inclinées, offrant, en quelque sorte,une véritable beauté artis- ‘tique; certains jets figurent la tête de gigantesques palmiers avec les gracieuses courbures des rameaux; d’autres encore seront des jets composés, dont des branches, issues de la même base, s'écartent à une 272 2 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL certaine hauteur dans diverses directions. Le plus souvent, enfin, la tige, très vive et très brillante, s'élève à une certaine hauteur; là, elle se subdivise en ramifications ell'on voit flotter à la partie supé- rieure une sorte de chevelure, tantôt entrainée par le vent dans la direction du jet, lantôt repoussée au contraire en sens inverse de la direction de la tige. Quoi qu'il en soit de toutes ces formes, les jets sont toujours caractérisées par une constitulion compacte, filamentaire à la base, neltement déli- mitée au sommet en filets sans nuages; leur lumière est si vive qu'on les apercoit encore à travers les Fig. nuages légers lorsque d'aventure la chromosphère disparait, et leur spectre indique la présence de plusieurs substances autres que l'hydrogène. Nous n'avons pas à introduire ici une subtile distinction entre les jets et les gerbes, selon l'appellation d'un certain groupe aussi de protubérances, et nous devons nous en tenir aux très vastes généralilés ; souvent, dans la lumière des gerbes lumineuses, on se trouve en présence d'une variation dans la réfrangibilité des raies, variation dont l'effet se traduit par un doublement de la raie normale, ou bien par une diffusion de l’un ou l’autre côté. C'est là une des plus importantes circonstances qui soient dans la Physique solaire, et on l’altribue généralement à la vitesse considérable de la masse lancée. Souvent, enfin, les gerbes, parvenues à une cer> laine hauteur, s'arrêtent, puis se résolvent en mas» ses brillantes et très vives qui, au bout de quelque temps, paraissent entièrement isolées de leur base primilive pour flotter comme des nuages. D'ailleurs les gerbes, comme les flammes, ont une court@ durée. C'est là leur caractère propre : raremenb leur transformation complèle exige une heure, el c'est souvent l'affaire de quelques minutes. 3. Panaches.— Tout en présentant, bien entendu, un certain nombre de points communs avec les jets, cette troisième catégorie de protubérances 1, — Groupe de protubérances photographiées dans le quadrant Sud-Ouest du Soleil, par MM. E. Barnard et G. W. Ritche. diffère considérablement cependant des précédentes et s'affirme par un certain nombre de caracléris® tiques : une moindre intensité lumineuse; une plus grande persistance dans la durée; une termis naison sui generis à la partie supérieure, qui les fait souvent se résoudre en nuages pommelés et déchiquelés comme ceux de notre atmosphère terrestre ; la diffusion et la hauleur beaucoup plus considérable que l'on y observe; les assemblages très volumineux qu'ils forment; et, enfin, par là situation dans laquelle ils se présentent, très indif= féremment, sur toutes les parties du bord, tandis que les jets, en particulier, se rencontrent seule= ment, comme nous l'avons vu, à côté des taches où dans leurs régions. Parmi les panaches, nous distinguerons deux JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 273 groupes : les formes simples et les formes com- posées : Les formes simples consistent en des masses “filamenteuses, larges à la base pour se rétrécir en pointe, au delà. On les observe quelquefois droites, “mais le plus souvent recourbées sous l’action évi- . dente des courants qui les entrainent. Il n'est pas rare de remarquer de doubles inflexions dans ces panaches, et le phénomène est assez net pour que l'on puisse être conduit à attribuer à ces jets une “forme spirale; un de leurs aspects les plus brillants el les plus gracieux consiste à se rattacher à la -“chromosphère par une langue très mince, pour “s'élever sur ce pédicule en s’élargissant comme “une fleur. D'ailleurs ces panaches peuvent offrir, parfois, une très grande élendue. Au point de vue de la hauteur à laquelle elles sont susceptibles de s'élever, ces formes sont dans les circonstances les plus variables : dans le cas le plus fréquent, parvenu à une cerlaine hauteur, le panache s’épanouit en trainées et en nuages; quelques-uns, à une hauteur relalivement faible, sont terminés par une masse nuageuse et diffuse : d’autres se relèvent comme une corne coupée par rois étages de nuages; les uns offrent l’aspect d'un uàge rattaché seulement par une queue; enfin l'on peut encore observer des filets, presque isolés, qui se replient pour relomber normalement à la hromosphère. Parfois, cependant, il peut arriver que ces uages soient simplement projetés sur les panaches et sans aucune relalion intime avec eux, mais ouvent aussi on peut les voir se former au som- net même du panache. » Les panaches peuvent se présenter dans toutes es inclinaisons possibles par rapport à la surface solaire, depuis ceux qui sont verticaux jusquà ceux qui se trainent, qui paraissent ramper sur la chromosphère. On les verra, lantôt accouplés et convergents, tantôt assemblésavec des inclinaisons différentes, mais c'est ici le lieu de remarquer que -Loutes ces variétés peuvent se rapporter, en grande partie, à de simples effets de perspective et que; en réalité, les bases de filets voisins peuvent être fort éloignées les unes des autres, dans la direction du rayon visuel. Malgré tout, il est une observation fort curieuse sur la forme remarquable de ces filets. En général, à la base, le filet est très voisin de la verticale; puis il s'incline avec beaucoup de délicatesse pour s'élever parfois de nouveau. Leur structure ressemble à un assemblage de longs - poils, particulièrement à des moustaches; généra- … lement les filets sont serrés, de telle sorte qu'on + les puisse prendre pour des nuages continus si 7 l'air atmosphérique n'est pas favorable aux obser- 4 -vations. Au pôle, d'ailleurs, on les trouve fré- $ quemment plus clairsemés, avec un sommet confus qui peut se réduire à un très faible nuage, et presque perpendiculaires au bord dans toute leur étendue : ilest trop naturel d'imaginer alors que, en cet endroit, il leur manque le courant qui doil les entrainer, par ailleurs. L'assemblage de tous ces jets, de tous ces nuages, va pouvoir donner naissance aux formes que nous avons appelées composées : mais aussi la deserip- tion suceincte qui précède laisse entrevoir suffi- samment l'infinie variété de loutesles combinaisons possibles, les caprices auxquels seront sujets les panaches composés pour lesquels il serait illusoire de tenter une description de Lypes constants. Quelques-unes des masses de ces panaches se présentent avec une organisation (rès singulière qui leur ferait altribuer, au premier abord, une structure réticulée, laissant des trous obscurs et des ouvertures béantes; ainsi la continuité appa- rente serait plutôt obtenue dans de mauvaises con- ditions atmosphériques; mais, si l’on peut effectuer les observations avec un grossissement suffisant, par un temps favorable, et que l'on porte toute son altention sur la structure du panache, il semble bien que cet aspect soit réellement inhérent à la structure intime du phénomène, et que cette sorte de quadrillage résulte seulement de l'entrecroise- ment varié des divers jets filamenteux. Le sommet des panaches est le plus souvent très déchiqueté, pour ressembler aux amas de cirro- eumuli que lon peut trouver à l'extrémité des nuages orageux el qui conslituent alors un ciel pommelé. Quoiqu'il en soit, il est intéressant de xêmarquer que les panaches s'élèvent toujours au- dessus de la chromosphère par de petits jets isolés et non pas sur une étendue parfaitement continue, bien que, à une certaine hauteur, les filaments se mêlent, s'enchevêtrent et finissent par se confon- dre en une masse qui parail unique; aussi, en par- tant de la base, peut-on suivre les divers filets. lumineux qui les produisent et qui, dans les régions plus élevées, se ramifiant parfois, s'inclinent dif- féremment, el arrivent à s’embrouiller de toutes les manières possibles. C'est donc cetle structure qui a suggéré l’idée des formes arborescentes pour les protubérances; mais il est manifeste, comme nous l'avons déjà fait pressentir, que ces formes complexes, dans la majorité des cas, dépendent de la différence des directions des formes élémen- taires que nous projetons virtuellement les unes sur les autres et que, faute d’une transparence suf- fisante, nous ne pouvons séparer. Ce serait un travail déjà fort long que de réunir les descriptions de ces figures compliquées qui s'étendent parfois de 30° à 40° en lalitude, et à plus de 60° en longitude, sur la surface solaire; nous 274 JEAN MASCART -_ LES ÉCLIPSES nous contenterons de mentionner les hauteurs considérables de 150 à 200", auxquelles ces masses peuvent atteindre; quelquefois 240", mais rarement plus. Les travaux de Lockyer et de Respighi, par- liculièrement, ont mis en évidence que ces protu- bérances peuvent s'élever à 300,000 kilomètres de la surface solaire, en même temps que leurs trans- formalions s'effectuent avec la plus grande rapi- dité : ainsi, Young eut l'occasion de voir un frag- ment de protubérance se détacher, puis s'élever pendant douze minutes environ, avec une vitesse moyenne comprise entre 200 et 260 kilomètres par seconde. 4. Pluies solaires. — Sous cette dénomination, el pour en finir avec la description des singularités superficielles, nous allons réunir enfin quelques cas de queues, protubérances nuageuses, masses filamenteuses, pluies solaires..…., mais sans vouloir, bien entendu, laisser nullement entendre par là une communauté d'origine, ou une relation quel- conque qui, bien que vraisemblable, est encore entièrement méconnue. Le phénomène inléressant des pluies solaires fut spécialement éludié par Tacchini et nous le rapprocherons des protubérances nuageuses : dans ce groupe, et sous la dénominalion de nuages, nous voulons comprendre toutes les masses isolées qui nagent, qui flottent isolées au-dessus de la chromosphère, et cette classe nuageuse peut géné- ralement fournir les renseignements les plus utiles à l'intelligence du mode de formation fondamental des protubérances. Quelques nuages, comme nous l’avons vu, sont le résultai de la désorganisation, de la diffusion des paraches en masses déchiquetées; d’autres, au contraire, paraissent être la continuation même des panaches qui cesseraient d’être alimentés par la partie inférieure de la chromosphère et, ainsi, ils se trouvent alors isolés pour flotter librement dans l'atmosphère supérieure. Puis, dans ces masses isolées, se présente souvent un curieux phénomène : une partie plus brillante se manifeste dans la masse, puis s'épanche en filets curvilignes, s'éparpille en quelque sorte dans toutes les direc- Lions, el cette structure singulière ne doit pas être considérée comme très rare; on croit pouvoir en conclure que le phénomène des panaches est sus- ceptible de se former au milieu même de la zone atmosphérique sans que, pour cela, il soit besoin d'un orifice d'émission proprement dit d'où la masse solaire gazeuse pourrait émerger. Cépendant les comparaisons que nous avons faites entre les panaches solaires et nos nuages grossières : les masses filamenteuses ue ressemblent que d'une facon très lointaine aux sont assez ! LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL nuages habituels qui résultent des condensations de vapeurs, cumulus ou cirrus. La forme qui sex rapproche le plus des panaches est celle de certains cirrus très légers qui sont entraînés à travers notre atmosphère par des courants très violents : et ces aspects se présentent le plus souvent lorsqu'un vent du nord, très violent dans les hautes régions; rencontre des cirrus déjà formés antérieurement; les déchire, les enchevêtre, et les entraine en filets plus où moins parallèles. Cette forme, appelée horse tails (queue de cheval) en Amérique, est bien en effet, celle qui ressemble le plus aux panaches de l'atmosphère solaire. En résumé, tous ces phénomènes sont donc le simple résultat d’un transport des masses nua- geuses à travers le milieu dans lequel elles flottent et ils ne‘peuvent servir en rien à la démonstration de l’existence d’une force d'impulsion qui les lance directement à des distances aussi considérables : au contraire, dans le cas des filaments incurvés qui rebroussent chemin ou reviennent sur eux- mêmes après avoir atleint une certaine hauteur, on peut trouver le symptôme et la raison de deux forces distinctes, celle qui les produit et celle qui les transporte. $S #. — Ondulations lumineuses. Enfin, et pour en finir avec les objets plus parti- culièérement relatifs aux périodes d’éclipses, nous allons dire quelques mots des ondulations solaires : Au commencement et à la fin de la totalité de l’éclipse, la lumière solaire crée de curieuses ondu- lations sur les murs blancs ou même sur le sol, ondulations qu'on ne saurait mieux comparer qu'à celles qui se produisent au fond d’une pièce d’eau éclairée par le Soleil, et qui correspondent aux ombres des légères vagues de la surface. Cette apparence est encore fort mal expliquée, bien que l'attention ait été attirée sur ce point, pour la première fois encore par Arago, dès la fameuse» éclipse du 8 juillet 1842. Au moment où l'éclipse allait FRA Lotale, écrivait à Arago l'un de ses compatriotes, Fau- velle, je vis les derniers rayons du Soleil onduler fortement et avec vitesse sur la muraille blanche d'un des établissements militaires du rempart Saint-Dominique. L'effet peut être comparé à ce qu'on observe lorsque la lumière solaire tombe sur un mur où sur un plafond après avoir élé réfléchies à la surface d’une nappe d’eau agilée. Le même phénomène se reproduisit au moment de l'émersion du soleil. Les ondulations, fortes d'abord, s'affai= blirent graduellement et disparuren( au bout de 5 à 6 secondes Lors de la même éclipse, un autre observateur, Savourin, écrivait également à Arago : « On à vu “ ». JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 275 des ombres et des laches lumineuses courir les | ter, il est vrai, les unes des autres, mais sans être, uses après les autres, comme paraissent le faire les ombres produites par de petits nuages qui “passent successivement devant le Soleil. Ces taches “n'étaient pas de la même couleur : il y en avait de Douce, de jaunes, de bleues, de blanches ». Ce phénomène a été presque constamment re- Suivantes; la meilleure et la plus complète des- “ription que l’on en possède est due à Diamilla uller, de Milan, et se rapporte à l’éclipse du 22 décembre 1870 ; d’ailleurs, pendant l’éclipse du 98 mai 1900, dont nous allons bientôt avoir l'occa- ion! de parler, ces ondes furent notées, en Espa- gne, par de nombreux observateurs, notamment M. Arcimis, Augustin de Soto, Salvador, Baurich, . Bru Marin, Moye, etc…., etc. $ 5. — Observation journalière des protubérances. Cette observation peut s'effectuer gràce à la méthode dont le principe fut imaginé par Lockyer ; bien qu'elle sorte un peu du cadre des éclipses proprement dites, il est cependant indispensable d'en parler, et par ce fait qu'elle fut mise au point pendant une éclipse même, par M. Janssen, comme nous l'avons déjà vu, et à cause des services con- sidérables qu'elle rend tous les jours, des précieu- ses indications qu'elle fournit sur la la constitution des protubérances, Le procédé repose, d’ailleurs, sur les très simples observations suivantes : Dans les circonstances ordinaires, les protubé- rances solaires nous demeurent invisibles, pour la même raison que les étoiles : elles sont masquées par la lumière intense que réfléchissent certaines articules de notre propre atmosphère, particuliè- rement celles qui sont dans le voisinage de la direction du Soleil dans le ciel; mais, s’il nous élait seulement possible d’affaiblir en même temps la lumière, elles nous apparaîtraient bientôt. Or est précisément là ce que fait le spectroscope : et uisque la luminosité aérienne n’est autre que de la lumière solaire réfléchie, son spectre serà natu- rellement le même que celui de la lumière du So- Jeil, c'est-à-dire une bande colorée et continue, entrecoupée par des raies obscures; alors il est d'expérience élémentaire que ce spectre est fort affaibli par toute augmentation du pouvoir disper- sif, puisqu'il va falloir que la lumière s'étale en un plus long ruban de manière à couvrir une sur- face plus étendue. D'autre part, si nous voulons effectuer une ten- tative du même genre sur un spectre discontinu “conslitué par des lignes brillantes, et si nous aug- - mentons le pouvoir dispersif du spectre employé, les raies lumineuses ne vont nullement subir un … affaiblissement du même genre : elles vont s'écar- ni difluses, ni privées de leur éclat. Ainsi done, si l'image du Soleil formée par une lunette est exa- minée à l’aide du spectroscope, on peut espérer voir au bord du disque les raies brillantes corréla- lives du spectre des protubérances, si tant est que celles-ci soient réellement gazeuses. Tel est le principe très simple de cette méthode qui peut comporter les applications instrumentales les plus variées. IT. — LA COURONNE. Nous avons déjà vu, sommé loute, au cours des diverses éclipses, les propriétés générales de la couronne, son aspect, $es variations et les recher- ches relatives à la composilion de sa lumière; aussi allons-nous nous borner désormais à réunir iciquelques tentatives particulières, parfois dis- cordantes, puisque l'on n'a pu obtenir encore de résultats nets avec les procédés proposés pour observer et étudier la couronne en dehors des éclipses. En ce qui concerne particulièrement l'intensité lumineuse de la couronne, les résultats sont assez différents les uns des autres; et, en effet, une telle évaluation est fort malaisée si l'on veut penser aux variations exceplionnelles et extraordinaires que subit la lumière pendant une éclipse totale de So- leil. Cependant il est manifeste que l’on peut en- core distinguer nettement la couronne 40 secondes après la réapparition du Soleil el que l'on peut mème conslater son existence pendant un temps beaucoup plus considérable, 6 à 7 minutes envi- ron avant et après la totalité : en fait le pouvoir éclairant de la couronne intérieure est relative- ment considérable, et l’on peut admettre actuelle- ment qu'il est supérieur à celui qui s'attache à la pleine Lune dans les circonstances les plus favo- rables. Mais, et c’est là précisément un point dont l'im- portance relative est difficile à établir, l'éclat de la couronne dépend beaucoup de l'état de notre at- mosphère : ainsi, pendant l’éclipse de 1858, sous le beau ciel des Indes, la lumière coronale était fort belle et procurait une clarté suffisante pour lire des caractères de moyenne grandeur. D'autre part, en 1842, Baily observait une couronne très brillante à Paris tandis. que, simultanément, el à travers un ciel légèrement brumeux, Airy la trou- vait très pâle à Turin; de même, en 1851, la cou- ronne était fort belle à Gottembourg, en Suède; et au contraire, faible et étendue à Lilla-Edet, égale- ment en Suède. Ainsi done la couronne est assez lumineuse, à ce point que, dans un tout autre phénomène, les (9 Lyi 276 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL passages de Vénus sur le Soleil, on peut apercevoir | Tout d’abord, en contact immédiat avec Ja chro= la planète 2 ou 3 minutes avant son passage sur le | mosphère, se trouve une première couche dans disque solaire, au moment, par conséquent, où elle | laquelle la lumière est encore assez vive et qui ne se délache que sur la luminosité de la couronne; | peut s'étendre à une distance de 40 ou 12 minutes: Fig. 4. Fig. à. Fig. 2 à 5. — Photographies de la couronne pendant l'éclipse du 28 mai 1900. Agrandissement : 3/1. Clichés de M. Deslandres. 2, — Temps de pose : 1 seconde. Fig. 3. — Temps de pose : 4 secondes. — 8 — Fis. 5, — Bi] — d'ailleurs, sinon sur la visibilité coronale, nous | c'est là, par conséquent, que s'élancent etse trans: avons du moins des renseignements assez concor- | forment les diverses protubéranres que nous avons dants sur les divisions lumineuses de la couronne : | signalées. Cette zone est d’un bleu d'argent, assez L JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL brillante pour présenter un aspect nacré. Quelques “auteurs ont voulu décrire diverses couches de “lumière, mais celle expression ne nous parait guère admissible ou vraisemblable, car l'intensité - Jumineuse va en diminuant par degrés insensibles Sans qu'il soil possible d'assigner des limiles pré- _cises entre les différentes couches. … Jusqu'ici, la couronne pent être considérée “comme parfaitement concentrique au disque so- “aire : les divers aspects qu'elle présente pendant “l'éclipse permettent d'autant moins d'en douter qu'elle est plus brillante dans la région où le Soleil est plus voisin du bord de la Lune et, ne pouvant “donc plus l'attribuer à l'atmosphère lunaire, il faut bien la considérer comme apparlenant presque intégralement au Soleil: mais, pour pouvoir ainsi raisonner avec justesse, il ne faut pas tenir compte lune partie corunale plus éloignée, d'une zone irrégulière qui, précisément, donna peut-être lieu aux erreurs des premiers observateurs. Cette seconde région de la couronne conslilue, à proprement parler, ce qu'on appelle l’auréole (fig. 2 à 5): elle est souvent irrégulière et son contour, loin d'être uniforme comme on l'aurait tout d'abord sup- posé, est indécis el présente des inégalités, parfois même de très profondes échancrures ou cavités, Ces irrégularités ont été remarquées depuis longtemps, élprincipalement par Gilles, qui étudia en Amérique Néclipse de 1858; les parties les plus brillantes correspondent généralement au voisinage des pro- ibérances et à la base des aigreltes, ou peut-être mieux encore, comme on l'a dit récemment, aux plages brillantes de la chromospbère. Pendant les années 1870 et 1871, cette troisième zone de la Couronne présenta même une singularité remar- quable : en certains points on observa des sortes d'interruplions de l’auréole, des cavités profondes qui parvenaient presque jusqu'au bord du disque aire; c’est ce que les Anglais appellent riffs, et position de ces échancrures fut déterminée avec une précision suffisante, soit par les observations optiques, soit, surtout, par la photographie. Or, en 1860, nous avons dit dans l'histoire des éclipses que, pour la première fois; deux expéditions élaient préoccupées de photographier l’éclipse, bnous avons vu sans cesse par la suite les progrès incessants dont nous sommes redevables à ce nouveau procédé d'observation; mais, ici, c'est “peut être le lieu de revenir sur ces deux photogra- phies qui, toutes deux, fournissent des détails in- essants et distincts. L'un des photographes fut Varren de la Rue, à Villabellosa; l’autre, Seechi, u Desierto de las Palmas, en accompagnant l’ex- pédition espagnole qui était sous la direction d'Aguilar. Ces deux photographies fournirent les ésullats suivants : la photographie de Warren de 19 1 mr la Rue, obtenue en grossissant les images avec l'oculaire, reproduit admirablement les protubé- rances et leurs accessoires, landis que la couronne n y est visible que dans sa partie la plus brillante et la moins élevée; Secchi, au contraire, photogra- phia l'image directe fournie par l'objectif, ce qui a l'avantage de donner une plus grande quantité de lumière et un champ plus étendu. Depuis cette époque, c'est le second procédé qui est très généralement employé par Lous les obser- vateurs : il présente, en effet, tous les avantages, et le séul inconvénient de la petitesse des images est bien aisément détruit par des agrandissements ultérieurs, sans arriver loulefois à meitre en évi- dence le grain de la gélatine ; nous ne pouvons que mentionner, sur ce point très particulier, l'heureuse tentative réalisée dans l'objectif d'agrandissement de Christie. Quant à effectuer l'étude de la couronne en dehors des léclipses, c’est là encore un problème fort malaisé, el les recherches de cette nature sont pousuivies par de nombreux observateurs, parti- culièrement Huggins ‘, Hale *, Riceo *, etc., bien que, de l’aveu même des auteurs, les résultats soient assez incertains. M. Deslandres reprend aussi cette question *; il étudie avec soin les con- dilions théoriques du problème, il fait de nom- breuses tentatives, plusieurs essais avec des mé- thodes différentes, et parvient enfin à la conclusion que la reconnaissance journalière de la couronne est liée étroitement à la découverte d’une méthode permettant d'observer des images formées avec les rayons caloriques seuls. L'obstacle, en effet, qui réside dans la lumière diffuse du ciel, diminue très rapidement au fur et à mesure que l'on veut utiliser des radiations de longueurs d'onde crois- santes; de plus, le spectre coronal indique assez que le maximum d'éclat de la couronne est plutôt situé vers le rouge. - Précisément M. Langley © parvint à enregistrer les radiations calorifiques du spectre solaire normal par un procédé très ingénieux, bien qu'indirect, et qui nécessite l'intervention d'un bolomètre et d'un galvanomètre très sensibles; mais celte méthode parait difficilement applicable au cas de la cou- ronne, car l'image calorique devrait être obtenue par le mouvement d'un point el non pas, comme dans les appareils enregistreurs de la couronne, par le mouvement d'une ligne; ainsi done, il reste encore à trouver une méthode permettant la photo- 1 Proceedings of the Royal Sociely, 1885. % Astronomy and Astrophysies, 1894. # Mémoires des Spectroscopistes italiens, 1893 et 1894. * Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891-1894. 5 Bulletin astronomique, 1894. 5 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1894. 278 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL graphie directe de ces rayons spéciaux, méthode qui offrirait alors les plus précieux avantages. Nous pourrons alors résumer! de la manière suivante les moyens propres à obtenir le mieux possible des détails faibles de la couronne, tels que, par exemple, les rayons caractéristiques. Les photographies de la couronne peuvent se diviser en épreuves à petite et à grande échelle ; les premières donnent la structure générale, mais elles sont relativement peu utiles, puisque celte structure est actuellement connue à l'avance; les grandes épreuves, au contraire, sont plus intéres- santes, car elles montrent les divisions de la cou- ronne et se prêtent, autant qu'il est possible, à l'étude des rotalions encore indéterminées entre les jets coronaux et les détails de la surface même du Soleil. Et, puisque la couronne présente à la fois des parties très intenses près du bord solaire, et des parties très faibles du côté opposé, particuliè- rement dans les jets caractéristiques, il est bon à priori d'employer des plaques lentes, qui ont l'a- vantage d'avoir une échelle de tons plus étendue, et de se prêter aux nuances délicates ; cela d'autant plus que les parties les plus faibles sont peut-être aussi les plus intéressantes. Mais, d'autre part, les régions les moins lumi- neuses ont à lutter contre un ennemi, que l’on ren- contre plus ou moins dans tous les appareils d'Op- tique, et qui consiste dans la lumière diffuse de l'ap- pareil : aussi, pour diminuer celte lumière diffuse, est-il bon d'éviter, autant que possible, les miroirs auxiliaires, les objectifs à quatre verres, les objectifs d'agrandissement.. Enfin, une autre sorte de lu- mière intervient encore, celle que diffuse le ciel, qui se trouve en quantité d'autant plus notable que la durée de l'éclipse est plus courte, et dont nous eûmes l'occasion déjà de montrer l'intérêt : elle a pour origine la diffusion de la lumière coro- nale dans les couches d'air situées au-dessus de l'observateur, et, en outre, la diffusion de la lumière du disque central dans les régions élevées et éloi- gnées de l'atmosphère, à côté de la zone de totalité. Or, cette lumière diffusée se trouve relativement très intense dans l'ultra-violet, et diminue rapide- ment lorsqu'on remonte vers le jaune, le rouge et l’infra-rouge, ce qui permet d'expliquer pourquoi les jets coronaux observés à l'œil sont plus longs que sur les plaques; c'est également pour cette raison que M. H. Deslandres fut amené à placer devant les plaques des écrans jaunes et rouges, pour diminuer la lumière du ciel et faire mieux ressortir les coronaux, Dans cet ordre d'idées, il serait encore avantageux d'employer une rayons 1 Voir H. DEesLanDRes : Comptes rendus de l'Académie des Sciences. Février 1901. plaque impressionnée par les seuls rayons infra= rouges. II, — L'écurse pu 28 mar 1900. Cependant, parmi les éclipses du xix° siècle nous avons omis la dernière, celle du 28 mai 1900 parce que nous voulions donner à son sujet quels ques indications plus étendues : la ligne centrale; partant du Sud de l'Amérique du Nord, venait tra verser le Portugal, l'Espagne, l'Algérie et la Tunisie, et de nombreuses Missions s'élaient préparées® Malheureusement l'éclipse lotale était de courte durée, une minute à Alger, ét, comme toujours dans ce cas, le ciel est resté assez éclairé; aussi les photographies les meilleures devaient être, en gé néral, celles de pose la plus courte, et l'on pouvait aisément: les repérer puisqu'il était facile d'avoir, dans le champ, l’image de la planète Mercure. Les préparatifs ne furent pas inutiles : un peu. avant la totalité, on put noterl'apparitiou des frange ondoyantes et mesurer avec succès, en Espagnes la réfrangibilité de la principale raie coronale, 1 raie verte. Les panaches avaient une forme incur* vée à l'équateur, tandis que les pôles étaient munis d’aigrettes, ce qui caractérise bien le type coronal de minimum d'aclivitésolaire. De plus, gràce au pho= topolarimètre Cornu, M. Landerer mesura la pro= portion de lumière polarisée de la couronne solaire Deux mesures assez concordantes lui ont fourni pour la lumière polarisée la proportion de 0,52, ce qui est très considérable : d'autre part, M. Joubin, guidé dans ses recherches par une idée préconçue sur la nature de la lumière coronale, a trouvé qu'il y avait au moins trace de polarisation elliptiques Nous ne pouvons songer à mentionner Lous les: astronomes quise rendirent à cette éclipse, d'autant plus que cette énumération serait fort dépourvue. d'intérêt, et nous allons nous borner à mentionner les principaux résultats. 1 A Alger, un grand nombre d'astronomes sont allés pour observer la couronne et les protubé= rances, notamment M. Stéphan. Le nombre de photographies obtenues est de 28 pour l'éclipse partielle, et de 6 pour la couronne. Parmi ces pho= tographies, l'une d'elle présente un grand intérêt: prise dix secondes avant la totalité de l'éclipse, elle donne à la fois des images intenses des points. de Baily, de la chromosphère, des protubérances et de la couronne; M. Trépied signale encore une curieuse protubéranceen boule. L'un des caractères distinctifs pour la couronne de cette éclipse résulte de la grande netteté avec laquelle sont accusés les rayons polaires, ce qui rappelle les couronnes de 1878 et de 1887. La photographie du spectre des lignes brillantes de la chromosphère, dans la rés 3 _gion qui s'étend de G à I, contient un nombre con- “sidérable de raies; malheureusement on aboutit à un résultat négatif dans une tentative faite pour ob- tenir les spectres de deux parties diamétralement “opposées dela couronne, à 5' d'arc environ du bord du Soleil dans l'équateur de cel astre. —. Quant aux observations thermo-actinométriques, il est à remarquer que le minimum du thermo- “mètre à boule brillante s’est produit environ 6 mi- nutes après le milieu de l'éclipse ; la température à lNombre, sans abri, n'a baissé que de 1°,5 pendant toute la durée de l’éclipse, mais sans passer par un minimum net à aucun instant; le thermomètre humide a suivi constamment une marche parallèle celle du thermomètre sec et, enfin, la variation du baromètre n'a rien montré qui puisse être atlribué à l'éclipse pour une influence quelconque. M. de la Baume-Pluvinel, à Elche, oblient neuf épreuves photographiques de la couronne avec un appareil à trois objectifs de 1"50 de foyer; trois ichés avec un objectif de 2"70 de foyer ; la cou- en 1887 aux Iles du Salut : on y retrouve la même forme incurvée des panaches équaloriaux el jes èmes aigrelles aux pôles. Le spectroscope a donné un spectre continu de la couronne s'étendant à 12° environ du bord du Soleil; il est impossible, dans cespectre, deretrouverles raies de Fraunhofer; ant aux raies brillantes, on en compte environ 3», qui ne sont guère visibles que d'un côté de léquateur, l'activité solaire devant être beaucoup oindre de l’autre côté. La raie coronale s'élend à % ou 5 du bord du Soleil. - M. J. Comas Sola, à Elche, obtient deux photo- graphies de la couronne et trois photographies = jours le type du minimum d'activité; l'expansion équatoriale maxima atteint presque trois fois le rayon solaire, M. H. Deslandres, à Argamasilla, s'était installé - 2° Reconnaissance du spectre ultra-violet de la ronne dans la seconde partie la plus réfrangible JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 279 la seconde partie, problème non encore abordé. 4° Elude du spectre calorifique de la couronne dans une partie éloignée du rouge, étude non en- core abordée et très importante pour les recherches ultérieures sur la couronne. 4° Photographie directe de la couronne avec des plaques lentes et à grain fin. La recherche sur la rotalion de la couronne sem- ble avoir conduit à une rotation plus rapide que celle du disque ; les raies gazeuses chromosphériques et le spectre continu sont assez intenses sur les épreu- ves : mais les raies coronales indispensables à l'étude de la rotation manquent presque absolu- ment, sauf en deux points où elles ont la faible hauteur de 3° et se prêtent, à la rigueur, à une me- sure; celte faiblesse des raies coronales a déjà été signalée aux époques des minima de laches. Pour ce qui est du spectre ultra - violet, on l’a complet (hauteur 15')}, mais sans délail. D'autre part, M. Deslandres obtient des épreuves qui donnent : 1° le spectre ultra-violet enlier de la couche ren- versante, à savoir la moitié déjà connue, de À 4.000 à À 3.900, et la partie non encore reconnue, de À 3.500 à À 3.000; 2° le spectre ullra-violet entier de la chromosphère supérieure, non reconnue jus- qu’alors, par la méthode Lockyer-Janssen ; 3° le spectre entier de la couronne avec deux anneaux complets qui annoncent deux radiations coronales nouvelles. Eofin. un chronopholographe à pellicule mobile a fourni, en deux minutes, jusqu'à 500 épreuves successives de 0%,02 de haut sur 0",03 de large, qui montrent la marche du phénomène : une des épreuves montre la série complète des raies ullra- violettes de l'hydrogène (au moins 24). Les expé- riences sur le rayonnement calorilique indiquent clairement la possibilité d'obtenir la couronne en dehors des éclipses avec les rayons calorifiques. Sur quelques-unes des photographies directes qui ont été oblenues de la couronne, on voitles bandes équatoriales s'écarter du Soleil à la distance de deux diamètres. l M. Hamy, à Elche, obtient sept photographies de la couronne, dont quelques-unes fort étendues, qui accusent encore netlement un minimum d'ac- tivité. Pour les observations spectroscopiques, il est à remarquer que la raie verle caracléristique de la couronne, bien que tombant dans une région sen- sible des plaques orthochromatiques employées, n'a donné aucune trace d'impression; celte raie n'a pas été aperçue non plus dans le spectrescope organisé en vue d'un examen oculaire qui a fourni un spectre continu dans la région avoisinant la longueur d'onde À 530; l'absence de cette raie verte n'a pas permis d'utiliser un grand appareil inter- férentiel adjoint à ce spectroscope, appareil destiné 280 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL à étudier plus complètement la constitulion de la raie demeurée invisible. M. Landerer, à Elche, étudiait la lumière pola- larisée comme nous l'avons déjà dit; il est bon de remarquer en outre que la proportion de lumière polarisée provenant des régions de l'atmosphère situées à 90° du Soleil a fort sensiblement la même valeur que celle qui procède des enveloppes mêmes de cet astre, ainsi qu'il résulte de plusieurs obser- vations faites par un ciel serein, à Tortose, et pré- cisément au mois de juin, car cette dernière pro- portion alteint des chiffres variant de 0,50 à 0,57. M. Marcel Moye, à Elche, remarque les franges sous forme d'ondulations sinusoïdales régulières, grisâtres, et lranchant faiblement sur un sol rou- geâtre éclairé par les derniers rayons du Soleil; leur largeur était de 8 à 10 centimètres, leur inter- valle de 30 à 40; elles avaient sensiblement une direction est-ouest, et leur vitesse de translation élait assez faible, celle d'un homme au pas. Une minute à peu près avant la totalité, M. Moye signale le phénomène suivant: En plus du premier système, un second réseau de franges vient se superposer au premier : leur apparence était la même, mais cette fois leur mouvement était en sens contraire, c'est-à-dire ouest-est, de sorte que l'ensemble des deux systèmes d’ondulations offrait l'aspect de la représentation algébrique œde l'infini. À Paris, peu de résultats : par temps médiocre, l'on ne put observer que le dernier contact de l'éclipse (partielle en France), et les observalions ne sont pas très concordantes. À Lyon, les contacts sont observés et l’on a pu les déduire de l'étude suivie des flèches des images, tandis que trois instruments permettaient d'étudier le ligament noir antérieurement signalé par M. André. À Besançon, observations par temps brumeux et ciel variable. A Toulouse, avec M. Baillaud, observation directe des contacts, mesure de la corde commune, obten- Lion de clichés photographiques; les observations météorologiques montrent que la température a baissé de 3°; l'état hygrométrique de l'air et la pression barométrique sont sans changements; le vent, qui était modéré, a légèrement faibli pour se modérer à la fin. À Bordeaux, avec M. Rayet, l'ob- servation des contacts se fait dans un ciel nébuleux, à travers les légers cirrus qui tiennent peut-être au refroidissement dans le cône de pénombre, et la température a baissé de 3°,9. A Nice, les conditions atmosphériques sont excel- lentes, et les observations fructueuses : M. Per- rotin appelle tout particulièrement l'attention des observateurs sur les rapports possibles entre la lumière zodiacale et ces formes variées de la cou- ronne. Encore que partielle à Marseille, l’éclipse cache cependant les 8/10 du diamètre solaire el l'on peut faire de bonnes observations: on note les contacts, les occultalions par la Lune des laches situées sur le disque solaire ; la température baisse de 3°,1 jusqu'au milieu de l'éclipse pour remonter ensuite, et la déclinaison magnétique suit une marche analogue. ’ A l'Observatoire de Météorologie dynamique dem Trappes, M. Teisserenc de Bort lance un ballon sonde à 2 h. 49 m.; il s'élève rapidement et, après avoir traversé deux couches de cirrus, atteint 10.500% à 3 h. 42; le thermomètre marquaitm alors — 55° et se maintient à cette température de 3 h. 49 m. à 4 h. 2 m. En outre, les enregis- treurs fournissent à M. Violle d'importantes me- sures aclimométriques. ; IV. — TuÉORIES SOLAIRES. . Pour chaque partie du Soleil, prise séparément, on à pu voir se développer les hypothèses et les « théories les plus variées et, cependant, quelques- unes d’entre elles répondent assez bien à la plu- part des faits observés et suggèrent des expé- riences nouvelles. Bien entendu, les premières théories se proposè- rent uniquement l'explication des taches : à ce phénomène s'était, dès les premiers temps bornée l'observation; puis, lorsque la chromosphère fut étudiée d’une facon plus particulière, de nouvelles hypothèses surgirent pour satisfaire aux plus récentes observations. Une des théories les plus généralement admises, et qui rend assez bien compte, somme toute, de l'ensemble des principaux phénomènes observés, est celle de M. Faye. Elle explique bien les variations de la vitesse super- ficielle dans la photosphère par les mouvements verticaux des gaz et, aussi, la formation et la segmentation des taches à l’aide de tourbillons en cyclones analogues à ceux de notre atmosphère :; en outre, cette théorie a le grand avantage de rapporter uniquement les phénomènes solaires à des phénomènes du même ordre journellement observés à la surface de la Terre, et M. Faye fait aussi remarquer que celte étude du Soleil peut, réciproquement, suggérer des idées nouvelles sur la météorologie terrestre. Les théories sont beaucoup plus variées s’il s'agit d'expliquer uniquement la nature de la couronne; mais, dans ce cas, il est vrai, l'incertitude esl en- core plus grande par ce fait que les analogies font presque entièrement défaut. Il reste seulement évident que la couronne est intimement liée à la, pholosphère et à la chromosphère, et que toute explication qui la concerne doit s'accorder égale- ue ENT SR RES 4 Faye : Sur l'origine du monde, p. 235-256. JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL 281 ment avec les fails acquits sur les deux autres parties du Soleil. D'ailleurs, les théories de la cou- -ronne se divisent en deux grandes catégories, selon “qu'il s'agit d'attribuer la couronne à une matière “venue du dehors, ou bien, au contraire, de la sup- œnoser émanée du Soleil lui-même. — L'idée d'attribuer la couronne à des essaims “météoriques, ou à des comètes très voisines du Soleil, et de rapporter lesaigreltes caractéristiques aux queues cométaires est déjà assez ancienne : en particulier, elle fut adoptée par M, Norman Lockyer qui devait même la généraliser pour expliquer les étoiles variables ; cette même idée est reprise par M. Schuster, dans son Rapport sur éclipse totale de 1886”, qui prétend que « cette théorie à l'avantage de fournir une explication plausible de la périodicité solaire et mérite de fixer laltention des hommes de science. » En fait, elle conduit à la conséquence suivante : la couronne doit présenter une dissymétlrie spéciale, toujours du même côté pour les mêmes mois de l’année; or l'examen attentif des couronnes antérieures à 1886 Jui montre bien, en effet, que la couronne est tou- jours plus étendue à l'Est pendant le mois d'avril, et que, au contraire, elle est plus large à l'Ouest en juillet et août. Cependant, pour les observations de la couronne de 1893, la confirmation de lelles théories ne va pas être nelte et les phénomènes se compliquent ; pour les épreuves photographiques à longue pose, la couronne apparait légèrement plus large à l'Est, landis que, pour les faibles poses, cette extension est plutôt portée vers l'Ouest. Cette théorie, d’ailleurs, a d'autres points faibles : elle ne rend aucun compte des jets courbes et symé- triques de la couronne à l'époque du minimum des laches, non plus que des extensions équatoriales ét,enfin, elle implique une trop grande vitesse pour les parties extérieures de la couronne qui devraient participer au mouvement rapide des météores. La tendance moderne et plus générale serait d'attribuer la couronne à des éruptions de matière sues de la photosphère et, en effet, les protubé- rances du bord solaire ont parfois des vitesses radiales supérieures à 600 kilomètres par seconde, vitesse iniliale assez considérable pour rejeter la Matière pour ainsi dire à l'infini. Le gaz ainsi pro- jeté loin du Soleil se refroidit alors suffisamment —pour se condenser et donner naissance aux pous- Sières de la couronne. Cette hypothèse fut reprise dans ses derniers temps par M. Schæberle, astro- home à l'Observatoire Lick, et développée d'une manière complète sous le litre À mechanical Theory “ol the Solar corona* : par des éruptions normales “ ! Philosophical Transactions, 1890. « = Rapport del'Observation Lick sur l'eclipse de janvier 1889, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. à la surface, et réparties uniformément sur le par- rallèle de 15°, M. Schæberle estime pouvoir expliquer les rayons courbes des pôles etles différents aspects de toutes les couronnes. Mais ce n'était encore là qu'un essai, une série d'idées premières ; car M. Schæberle allait avoir l'occasion d'observer l'éclipse de 1893, au Chili, dans lesexcellentes conditions d’une station demon- tagne, el il crut devoir publier tout de suite une note préliminaire" pour la rectification de ses hypo- thèses primitives ; désormais il suppose que les centres d’éruption sont irrégulièrement distribués, hypothèse beaucoup plus logique, ou bien encore qu'ils sont jalonnés sur la surface solaire par les laches et les facules, les vitesses ayant des gran- deurs et des directions quelconques. Alors le mou- vement est uniquement déterminé par la vitesse iniliale d'éjection et la gravitation universelle, exactement comme pour les planètes etles comètes, Les,lrès grandes vitesses fou rnissent les rayons de la couronne extérieure; les vitesses moyennes engendrent les rayons enchevêtrés de Ja couronne moyenne, el la même origine peut être attribuée aux protubérances. Enfin les rayons courbes de la couronne moyenne etles filamentsincurvés des pro- tubérances seront tout simplement des ellipses dont un foyer est occupé par le Soleil, ce qui permet à M. Schœberle de dire que « cette hypothèse simple explique bien toute les apparences de l'atmosphère solaire, et par la seule loi de la gravitation, en dehors de toute action magnétique ou électrique. » La même année, une hypothèse bien différente el assez curieuse était proposée par M. Bigelow * : On suppose le Soleil fortement aimanté et dans les mêmes conditions que la Terre, c’est-à-dire de façon que les pôles magnétiques soient voisins des pôles de rotation. Mais cela ne suffit pas ? il faut encore admettre alors que les particules coronales s’orien- tent suivant les lignes de force, tout comme la limaille de fer dans l'expérience classique des aimants ou, si l'on veut, que ces particules soient sinon ferrugineuses, au moins magnétiques. En résumé, M. Bigelow superpose une deuxième hypo- thèse à la première, et si une action de l’ordre du magnétisme peut être possible près des pôles solaires, du moins la force supposée est insuffisante pour expliquer l’ensemble du phénomène; il est juste de dire, toutefois, que M. Bigelow a présenté accidentellement cette hypothèse, au cours de cherches fort intéressantes sur les variations pério- diques de l'aiguille aimantée à la surface de la Terre. Nous voici parvenus à tout un groupe de travaux dont le butest d'expliquer les phénomènes solaires par des théories électriques : 1 Astronomy and Astrophysies, 1893. ? Astronomy and Astrophysies, 1893. 6** 282 JEAN MASCART — LES ÉCLIPSES ET LA CONSTITUTION PHYSIQUE DU SOLEIL D Guidés par des analogies de forme, d'anciens observateurs furent tentés d'admettre une origine électrique pour les protubérances et, dès 1873, Tacchini et de la Rive les comparaient à nos aurores boréales ‘: Fizeau, en s'appuyant sur de nouvelles preuves, élait conduit à considérer cetle hypothèse comme la plus probable *. D'ailleurs il est bon de remarquer que tous les auteurs qui ont rapporté l'ensemble des phénomènes à d'autres causes, par exemple à la chaleur solaire et aux éruptions, comme le P. Secchi’ et le P. Sigreaves”, ou à des combinaisons chimiques, comme M. Brews- ter *, que tous ces auteurs admettent la coexistence d'actions électriques importantes. Néanmoins, toutes ces explications ne sont réellement valables que pour les protubérances, et même, plus exacte- ment, pour certaines protubérances: elles négligent complètement la chromosphère, dont l'importance est pourtant plus considérable, et n’apportent aucune lumière sur la cause et la nature même de cette action électrique. De même, on chercha souvent l'explication de la couronne dans des théories électriques : dans un important mémoire sur la question, M. Huggins’ signale minutieusement les nombreuses analogies des rayons coronaux avec les formes des queues cométaires ; or, si l'on veut s'en tenir aux théories fréquemment admises de Faye’, Norton, Bredi- chin “..., il faut attribuer les queues cométaires à une force répulsive, émanant du Soleil, qui serait proportionnelle à la surface et de nature électrique; c’est donc par de telles impulsions électriques que M. Huggins s'applique à représenter les rayons coronaux. La même opinion est encore soutenue par M. Balfour Stewart ?. Dans un autre ordre d'idées, MM. Hermann Ebert, Pupin ".…. invoquent, pour la couronne, la réaction et la polarisation diélectrique des poussières cos- miques extérieures, sous l'influence de perturba- tions électriques supposées dans le Soleil et, par conséquent, la production d'élincelles électriques dirigées vers l'extérieur dans le gaz coronal. Enfin, M. Deslandres ‘? propose une théorie électrique basée sur l'analyse spectrale. Cette théorie con- 1 Memorie della Socicta degli Speetroscopi italiani, 1893. 2 Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1891. # Seccur : Le Soleil. iThe physical constitulion of the Sun. Astronomy and Astrophysies, 1894. 5 À short rewiew of my theory of the Sun. Astronomy and Astrophysies, 1894. 8 On the corona ofthe Sun. Proc. of the Royal Soc., 1885. 7 Annuaire du Bureau des Longitudes, 1883-1885. 8 Annales de l'Observaloire de Moscou, t. V et Astrono- mische Nachrichten, n° 211. ° Procedings of the Royal Institution. t. IV: 19 Astronomy and Astrophysics, 1895. 11 Astromomy and Astrophysics, 1893. 12 Rapport sur l'éclipse du Soleil du 16 avril 1893. jour en jour moins absiraite, que son essor mo duit à un rapprochement inlime entre notre atmos- phère d'une part, avec ses phénomènes électriques" et, d'autre part, la chromosphère du Soleil; des toute facon, il y a là une tentative précieuse, puis que nous aurions autour de nous un point de com paraison d'observation plus courante et plus acce sible. V. — CONCLUSIONS. Nous avons essayé d'exposer la si vaste question: du Soleil et, certainement, sans y réussir d'une facon satisfaisante. Bien que, au point de vue d& l’Astronomie physique proprement dite, les docu ments s'accumulent, les faits se précisent, les expé= riences incontestables soient acquises et les idée nouvelles germent tous les jours, nous n'avons pt développer aucune théorie particulière ni entre dans la moindre description. Quelles sont l’étenduem et la composition de la couronne? L'atmosphère coronale est-elle entraînée par le Soleil comme une atmosphère ordinaire? Peut-être même plus vites selon l'étrange indication provisoire de M. Des landres ? Quelle est l'énergie électrique de la cou ronne? Existe-t-il quelque rapport entre les grandes. marées géologiques et la stabilité du système solaire? Les phénomènes électriques interviennent= ils dans les manifestations lumineuses? La varia= lion de l'aiguille aimantée, selon l'indication obtez nue à Marseille, les aurores polaires, sont-elles em rapport avec le Soleil? Mais, bien plus, nous n'avons rien dit des taches, de leurs observations régu lières, de leur rotation, de leurs transformations, de leurs variations périodiques et de leur relation avec l'apparition des cirrus de notre atmosphère, de problèmes analogues pour les facules, les granulæ tions, et nous ne pouvons que renvoyer aux deux excellents ouvrages de Secchi et de Young. Il est jusqu'ici bien prématuré de conclure en faveur d’une théorie, d’une hypothèse, plutôt que d'une autre : d'abord parce que nous n'avons pa l'autorité nécessaire et, de plus, parce que nous. nous sommes plulôl proposé de montrer que l'As= tronomie, jadis étude des posilions, puis science mécanique avec Newton, allait puiser ensuite un puissant auxiliaire dans la Physique et la Chimié et que, malgré quelques défenseurs encore des vieilles methodes, elle devient pour ainsi dire de derne vers la constitution physique du monde et vers la cosmogonie elle-même est considérable el que, de ce fait, ce monde même nous devient plus palpable, entre, pour ainsi dire, en rapport plus direct avec nous. Jean Mascart, Docteur ès Sciences. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 283 1° Sciences mathématiques iorest (F.) et Noalhat (H.) /ngénieurs. — Les “Bateaux sous-marins. Tome 1] : Technologie. — 4 vol. in-8° de 400 pages avec 311 figures (Prix: “15 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900. Le premier volume de l'important ouvrage de MM. Fo- est et Noalhal a été analysé dans la Revue générale des ciences du 30 décembre 1900. Le second traite, mme l'indique son titre, de la technologie des sous- marins. 11 est divisé de la facon suivante : immersion stabilité, orientation, direction, sécurité, habitabilité, rme, force motrice et propulsion, appareils de chan- ment de marche et hélices réversibles, armement, pareils divers. Cette simple nomenclature donne une ée de la facon très complète dout les auteurs ont profondi le sujet. Il faut ajouter qu'ils ne se sont pas épartis de cette largeur de vue qui les a guidés depuis commencement : Il n'y a pas, disent-ils, d'idées négli- eables, le progrès est la résultante de tous les efforts ndividuels, el ils se sont assujettis, partant de là, à ne ïen laisser de côté, tout en indiquant leur manière de oir et en préconisant les moyens pratiques et ration- els. On conçoit, dans ces conditions, quel intérêt offre éette encyclopédie des sous-marins el combien il est diflicile de donner dans une courte analyse une idée un pareil traité, Dans le premier chapitre, consacré à l'immersion et à à stabilité, deux cas sont à considérer : flottabilité lle et flottabilité positive. Avec la flottabilité nulle, >s essais qu'on a tentés sur des sous-marins de volume ariable n'ont pas réussi; c'est par introduction d'eau ns des réservoirs qu'on modilie graduellement le poids du bateau de manière à rendre le poids du vire égal à la poussée à telle ou telle profondeur. e sous-marin ne peut d'ailleurs trouver son équilibre après une série d'oscillations pendulaires faciles à omprendre; c'est seulement avec des appareils asser- S qu'on peut oblenir une immersion régulière et un uilibre un peu durable. D'autre part, les réservoirs ivent être disposés de manière à assurer la stabilité assiette longitudinale, même lorsque les hommes se éplacent pour manœuvrer. Parmi les appareils décrits, érégulateur d'immersion de M. Noalhat et l'appareil stabilité longitudinale de M. Forest méritent une ntion spéciale. “Dans le second cas, la poussée l'emporte sur le poids: excès de flottabilité offre de sérieux avantages : si le ulateur d'immersion ne fonclionne plus, le sous- arin ne risque pas de s'immerger à une profondeur lle que sa coque puisse être écrasée; si les appareils retour à la. surface ne marchent pas, le bateau y ient de lui-même, Enfn l'excès de flottabililé est un acteur important de.la stabilité du sous-marin. Si l'on £ avoir un certain excès de flottabilité, il faut un ISposilif qui crée une action mécanique capable d'an- uler l'effet de la poussée. Deux procédés s'offrent pour provoquer l'immersion : )n peut avoir recours à des hélices à arbres verticaux Ou à l'emploi de gouvernails horizontaux qui provo- quent la plongée du bateau en marche seulement. Ce dernier procédé est le seul qui ait donné de bons ré- iltats. La solution qui semble devoir prévaloir con- Siste à employer quatre palettes-vouvernails, que l’on place symétriquement deux par deux vers l'avant et wers l'arrière de chaque côté du navire : on arrive nsi, sur des sous-marins dont le tonnage varie de 30 a300 tonneaux et où la force de flottabilité a des va- BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX leurs comprises entre 15 et 100 kilos, à obtenir une route sensiblement horizontale, l'axe du bateau étant incliné seulement de 2 à 5°. Les auteurs donnent ensuite le principe du régulateur d'immersion, composé d’un piston hydrostatique et d'un lourd peudule pou- vant subir de légers déplacements en avant ou-en ar- rière suivant que le bateau s'incline la pointe en bas ou la pointe en haut. Le rôle du premier est de reculer l'immersion; celui du second est de rectifier l'horizon- talité, et la combinaison de leurs effets assure la régula- rité des trajectoires. Le chapitre relatif à la stabilité d'assielte transver- sale, beaucoup moins importante que la stabilité lon- gitudinale, est court. On y trouve démontré l'avan- tage d'employer deux hélices à pas et à sens de rotation contraires. L'orientation est liée à la visibilité; {rois cas se pré- sentent: 1° Navigation à la Surface ou en affleurement : le: commandant surveille l'horizon et guide le navire en regardant par un capot; 2° Navigation en immersion complète à moins de # mètres d'eau au-dessus de la plate-forme supérieure; des appareils de vision dans une direction déterminée (tube oplique) ou de vision panoramique (périscope) traversent la paroi supérieure et vont recueillir au-dessus de l’eau l'image qui par- vient, par une ou deux réflexions, dans l'intérieur du bateau et d'après laquelle on se guide; 3° Navigation en immersion complète au delà de 3 mètres; la visibi- lité est nulle, le bateau se conduit au moyen du com- pas et du gyroscope et revient de temps à autre vérifier et rectifier sa route. ; La direction s'obtient au moyen du gyroscope. Les auteurs donnent la théorie de l'appareil et la descrip- tion du gyroscope marin. La construction de cet appa- reil, qui est la boussole du sous marin, demande une précision mathématique et son emploi exige un per- sounel soigneux et expérimenté, mais on peut dire qu'il résout compièlement le problème de la direction. MM. Forest et Noalhat atlachent une grande impor- tance à la sécurité. Ils voudraient que non seulement la coque du sous-marin fût d'une solidité qui lui permit de résister à la pression à de grandes profondeurs, mais même qu'elle fût munie de cloisons étanches, qui com- pliquent un peu ces navires. [ls demandent qu'on place un double jeu d'appareils d'immersion et qu'on prévoie la faculté de pouvoir chasser l'eau qui se trouve en excès daus les réservoirs, au moyen de l'air comprimé. Ealn, ils voudraient multiplier les poids de sécurité, pièces de fonte ou de plomb d’un poids plus grand que celui de l’eau emmagasinée dans les réservoirs, poids qu'une manœuvre très simple permet de laisser tomber comme un ballon jette son lest,. Pour l'habitabilité, on peut obtenir l’aéralion d'un sous-marin de trois manières : 1° par l'air ou l'oxygène comprimé dans des réservoirs ; 22 par la purification et la régénération de l'air vicié au moyen de procédés chimiques; 3° par le retour du bateau à la surface où ou renouvelle l'air intérieur avec des ventilateurs. Le premier procédé est dangereux et nuisible à la santé; le second, qui consiste à faire absorber l'acide carbo- nique par des matières convenables, soude caustique, chaux, bioxyde de magnésium, etc., et à expulser la couche intérieure par une pompe pneumalique en cas de besoin, tend à prévaloir actuellement. Les auteurs préconisent le troisième, qui consisie à revenir à la sur- face, à la facon des souffleurs, renouveler sa provision d'air. MM. Forest et Noalbat, dans ie chapitre relatif à la forme, se contentent de rappeler des essais sur la ré- 284 sistance des carènes sans donner léur avis, sauf sur ce point qu'il y à avantage à faire courts les bateaux peu rapides. Comme section transversale, ils recommandent de se rapprocher de la forme circulaire, qui assure une plus grande résistance aux pressions extérieures. L'étude de la force motrice et de la propulsion em- brasse un chapitre de 150 pages; l’espace restreint d’une courte analyse ne permet que d’en donner un apércu, bien que cette partie présente un intérêt tout spécial à cause de la compétence bien connue de M. Forest. Etant donné que (out sous-marin doit être muni d'un moteur électrique, qui sera seul employé pendant la marche en immersion, doit-il recourir aussi et forcé- ment au même mode de propulsion quand il navigue à la surface ? Evidemment non, mais on doit distinguer cependant deux classes de sous-marins : les uns, garde- côtes, s'éloignant peu des ports, auront de préférence un moteur unique; les autres, autonomes, doivent avoir deux moteurs, un de surface etun d'immersion; au mo- mert de plonger, ils éteigneut les feux, remplissent les réservoirs au niveau convenable, et procèdent ‘alors comme un bateau purement électrique au moyen de leurs dynamos. Comme générateur d'énergie électrique, les piles sont impuissantes; seuls les accumulateurs sont admis- sibles. Après avoir étudié les types d’accumulateurs, les auteurs décrivent le moteur électrique et abordent une question capitale, celle des changements de vitesse. Dans le cas de deux électro-moteurs, manchonnés sur le même arbre d'hélice, on a la faculté de faire leur couplage en tension ou en quantité, en munissant les collecteurs de balais doubles; ensuite, par la manœuvre d’un coupleur, il sera facile de grouper la batterie pour les différences de potentiel suivantes : 50, 100, 150 et 200 volts. L'échelle de vitesse sera suffisamment étendue pour satisfaire au fonctionnement du sous-marin en employant les quatre combinaisons et en couplant les deux électromoteurs en tension ou en quantité, ou en retirant un des électromoteurs du circuit, MM. Forest et Noalhat passent ensuite en revue les divers projets de chaudières sous pression proposées pour servir à recharger les accumulateurs et arrivent aux sous-marins autonomes. Là, le moteur, à vapeur ou à pétrole, doit remplir le double rôle de propulseur et de récupérateur de force. Le moteur à vapeur présente deux grandes qualités, il est plus simple et plus robuste; il est difficile, par contre, d'obtenir une mise en pression rapide de la chaudière : cependant, on peut citer deux systèmes assez bons : celui, bien connu des yachtmen, de la «Liquid Full Engineering C°», qui permet d’avoir de la pression en dix ou onze minutes, et les procédés de M. A. Seigle, employés sur le Narval. Pour les mo- teurs à hydrocarbures, on peut invoquer les avantages suivants : ils sont légers, peu encombrants, leur mise en marche et leur arrêt sont instantanés. Cette partie est à lire dans son entier. Ne pouvant suivre les auteurs sur ce terrain, nous appellerons l'attention sur leur moteur à huile lourde, de 500 che- vaux, pesant moins de 20 kilos par cheval, et sur le moteur Diesel, fort intéressant et qui est l’objet d’une description très complète. Le chapitre X traite des appareils de changement de marche. Le sous-marin autonome devant avoir recours à deux moteurs distincts, l’un électrique, l'autre à va- peur ou à pétrole, le propulseur doit, par économie de poids et de prix, tourner le plus vite possible dans l’un et l'autre cas. Cependaut, les vitesses qui conviennent avec les deux genres de moteurs sont loin d'être égales; donc, il devient indispensable de faire varier le facteur de la transmission et on ne peut y arriver qu'en em- ployant un changement de vitesse, à moins de moditier le pas de l'hélice quand on change le nombre de tours. De nombreux systèmes de changement de marche sont décrits par les auteurs. Pour les hélices réversibles, qui paraissent l'objetde leurs préferences, ils disent qu'elles ont peu été employées jusqu'ici; cela est vrai en France; mais, au contraire, on en a pas mal installé à l’étran- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX joie parce que c'est l'arme des faibles, le véritablé ger, toujours avec le pire résultat, et cela parce qu'on. a eu recours à des appareils délicats et fragiles. La so lution de MM. Forest et Gallice paraît dans de meil leures conditions. û Le chapitre suivant est consacré à l'armement MM. Forest et Noalhat comparent Ja torpille Whitehead et la torpille Howell et donuent la préférence à celle-ci L'étude des modes de lancement présente beaucoup d'intérêt. Enfin, les auteurs décrivent sommairement une séries d'appareils divers, engins de sondage, de sauvetage, etes ayant trait à la navigation sous-marine. 1 Cet ouvrage est, comme on le voit, une encyclopédie complète du sous-marin, qui fixe, à l'entrée du xx° siècles gation, dont les pacifiques doivent voir les progrès avet peace-maker, l'unique moyen d'empêcher dans l’aven les hommes devraient songer à se secourir et now s'entre-tuer. . 2° Sciences physiques Minet (Adolphe). — Traité théorique et pratiqu d’EÉlectro-Chimie. — 1 vol. 1u-8° de 576 pages avet 207 figures. (Prix : 18 fr.) Librairie Polytechnique Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1900. Les ouvrages traitant d'Électro-chimie sont rares en langue française : aussi saura-l-on gré à M. Mine d’avoir réuni dans son volume un grand nombre documents fort intéressants relatifs à l’Electro-chimi théorique, pratique et industrielle. Il est, toutefois, regrettable que M. Minet ait eu si pe recours aux publications étrangères; les travaux des savants français sont, certes, considérables, mais ils n'ont pas à eux seuls servi à édifier la science électros chimique. On eût été également satisfait de voir, à côté de chaque question traitée, l'indication de à source bibliographique, indication indispensable lorsqu'on désire approfondir un sujet. À Le début de la première partie, intitulée Théorie de l'Electrolyse, es consacré aux unités mécanique et électriques, à la description des instruments mesure électrique, aux phénomènes de Pellier et de Thomson, ainsi qu'aux éléments de la Chimie (classifi cation des éléments, table de Mendeleef, nomenela ture et notations chimiques, fonctions chimiques, car bures, alcools, phénols, aldéhydes, amines, arsines sucres, gommes, alcaloïdes, etc. etc.). Il nous semblen que l’auteur aurait pu sans inconvénient réduire ul peu ces longs développements (120 pages), qui appar tiennent aux traités de Physique et de Chimie, En revanche, nous aurions aimé plus développée la parti consacrée à la mesure de la résistance des électrolytes dissolution, où il n'est fait mention d'aucune méthodes qui ont été proposées ces dernières année L'ouvrage comporte la description d’un grand nom bre de types de piles et d’accumulateurs, ainsi que les résumés de travaux fort importants relatifs à l'électro lyse des liquides (électrolytes dissous ou fondus), de solides (diélectziques) et des gaz.- Si l’on n'avait pas l'impression très nette que M. Minet a voulu faire preuve d’impartialité, on po rait peut-être regretter que les conclusions général les rapprochements entre les phénomènes et la théoni manquent quelquefois dans son ouvrage, et l'on conclu rait que cette absence fait tort à l'unité scientiliqué du travail et donne parfois l'impression d’une encyclo pédie. ë M. Minet s’est beaucoup servi de la théorie des i pour expliquer bon nombre de phénomènes, et, certains moments, on pourrait le croire ioniste et mêm un ioniste des plus avancés puisqu'il va jusqu'à calculer (p. 238) la conductibilité individuelle d'un ion! trouve ainsi que la conductibilité de l’ion-chlore € BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 285 égale à 39,7. Qu'il nous soit permis d'avouer que nous avons peine à nous faire une idée de ce que l’auteur entend par là : que l'ion entre en jeu dans la conduc- tibihté de l'électrolyte par sa charge, par sa vitesse, ou “méme, à la rigu-ur, par ce que Kohlrausch appelle sa “« mobilité », nous pouvons le concevoir; mais que l'ion mit une conductibilité individuelle proportionnelle, “d'après M. Minet, à sa vitesse de translation, cette affir- “mation ne serait-elle pas le résultat d'une confu- _ sion? Quoi qu'il en soit, M. Minet a suffisamment convaincu le lecteur de la haute portée de la théorie d’Arrhénius par la large place qu'il a faite aux applications et aux reuves qui confirment cette théorie. Aussi, pourrait-on étre surpris de le voir se retourner brusquement contre hypothèse d’Arrhénius si l'on n'avait pas déjäeu la preuve de son impartialité. Sa neutralité en matière de théorie est même si absolue que ce n’est pas lui-même qui se charge d’anéantir l'hypothèse d'Arrhénius; il Jaisse au D' Joseph W. Richard le soin d'agir et de montrer (p. 261) comme quoi Arrhénius se met « en ‘contradiction formelle avec toutes les données que fournit la Chimie ». On est alors en droit de demander M. Minet quelle iuterprétation il compte donner à tous ces phénomènes chimiques et physiques qu'il a si simplement et si clairement expliqués à l'aide de la héorie d'Arrhénius. « M. Richard, répond M. Minet, {(p. 261), a cherché à donner une explication relative- ment satisfaisante du phénomène de dissociation en le considérant sous un jour particulier ». Le « cherché à donner » et le « relativement » ne sont pas trés rassu- ants, mais écoutons ce que dit M. Richard : « Une molécule en dissolution peut bien se séparer en atomes, “mais ces atomes doivent être assimilés à des solénoïdes raversés par un Courant qui maintient en regard les ôles de nom contraire des différents atômes. Avant la dislocation de la molécule, les atomes étaient reliés par a force de l’affinité chimique; après la dislocation, ils ple de transformation de l'énergie ». Nous avouons que nous ne voyons pas très bien en quoi celte théorie diffère de celle d’Arrhénius; il est vrai qu'elle met les ions en cage et les appelle des atomes, mais elle ne les supprime pas; de plus elle suppose que ces solénoi- des n'ont qu'un pôle; l’autre pôle, qui est bien gènant, elle n’en parle pas. Après avoir ainsi fait mettre à néant la théorie des ions, M. Minet passe en revue « les recherches effec- “tuées en France sur les électrolytes dans ces dernières nnées ». Dans ce chapitre éminement patriolique, on trouve traités à la suite les uns des autres les sujets es plus différents : les électrolytes fondus de M. Lucien Poincaré, les conductibilités électriques des acides et des sels organiques de M. Daniel Berthelot, le transport “électrolytique des ions à l’état combiné de M. Chassy, a conductibilité moléculaire des sels en dissolution étendue de M. Joubin, etc., etc. On peut se demander pourquoi M. Minet ne {raite pas plutôt ces intéressantes “questions exclusivement dans les chapitres où ces matières sont traitées dans leur ensemble, ce qui aurait pas nui à l'unité de l'ouvrage; sans doute, c'est afin de mettre plus en évidence la part de travail qui revient à chaque auteur. La deuxième partie de l'ouvrage est consacrée au {rai- tement électrolytique des composés chimiques, orga- niques et inorganiques, ne donnant pas lieu à la pro- duction d'un métal (l'électrométallurgie devant faire l'objet d'un second volume). Les procédés de fabri- cation industrielle y sont décrits avec force détails intéressants el utiles. Eufin la troisième partie traite des réactions chi- miques de l'étincelle et de l'effluve, appliquées à une série de composés et d'éléments chimiques. La fabri- * cation ainsi queles propriétés et applications de l'ozone . y occupent une place importante. Ou voit que cet ouvrage, par les questions nom- breuses et variées qui y sont traitées, est appelé à sont reliés par la force électrique. C'est « un cas sim- intéresser les théoriciens et les praticiens, les savants et les industriels. A. Horcaro, Chef du Laboratoire central de la Compagnie française des Métaux Gouré de Villemontée, Agrégé de l'Université, Docteur ès Sciences. — Résistance électrique et Fluidité. — 1 vo/. in-16 de 188 pages de l'Encycelo- pédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50 ; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars et G. Mas- son, éditeurs. Paris, 4901. Si l'Encyclopédie dirigée par M. Léauté a rompu fran- chement avec son programme en publiant le travail de M. Gouré de Villemontée, Mémoire tout court plutôt qu'Arde-Mémoire, on ne peut que féliciter son éminent directeur d’avoir donné l'hospitalité d’une publication bien assise à une monographie qui manquait en Phy- sique, et sera la bienvenue de lous ceux qu'intéresse la curieuse relation, trouvée par G. Wiedemann, entre les coefficients de frottement et les conductibilités des solutions, relation peut-être plus grosse de coust- qüences qu'on ne l'avait pensé jusqu'à ces derniers temps, et qui cadre merveilleusement avec l’idée du transport de l'électricité dans les électrolytes par le déplacement d’un véhicule matériel. L'auteur, que certaines parties de la question ont personnellement occupé, et qui lui à fait un apport expérimental très intéressant, s’est proposé de rassem- bler et de discuter toutes les expériences relatives à la mesure des résistivités électriques et des coefficients de frottement des liquides, puis d’en faire une synthèse par la discussion des lois empiriques dans lesquelles on a cherché à établir une relation entre ces coefti- cients. C'est cette partie, où se trouvent toutes les données expérimentales, qui est de beaucoup la plus importante. Le sujet est divisé en cinq chapitres : Sels fondus, solutions aqueuses, eau, solutions alcooli- ques, mélanges de sels; enfin, les résultats acquis dans ces cinq directions sont rapidement résumés. De la discussion minutieuse des résullats expérimen- taux donnés par l’auteur, de leur rapprochement et de l'examen des relations numériques qui subsistent malgré la variation de la température, de la concentra- tion dans un même dissolvant, ou du changement de ce dernier, résultent quelques lois bien nettes, qui sont, en somme, la confirmation de ce que G. Wiede- mann avait entrevu dès 1856, et qui avait donné lieu, en 1876, à l'hypothèse de Grotrian, « d'après laquelle une partie du travail effectué par un courant traversant un électrolyte est employé à surmonter le frottement intérieur ». Cette synthèse arrive à point, au moment où la théorie de la transmission électrolytique tend à se répandre de plus en plus et, dans les ingénieuses généralisations de M. Giese, de M. Riecke, de M. J.-J. Thomson, de M. Drude, touche de si près à l'Optique qu'elle permet de prévoir des synthèses plus impor- tantes encore. Cu. En. GUILLAUME, Docteur ès Sciences, Physicien au Bureau iuternational des Po:ds et Mesures. Annali del Laboratorio chimico centrale delle Gabelle, diretti dal D" V. VircAvecouta. — Volume IV. Rome, 1900. Le Laboratoire chimique de la Douane italienne, fondé à Rome il y a, je crois, cinq ou six ans, exécute non seulement les analyses de denrées et de marchandises soumises à l'impôt, mais s'occupe aussi de recherches originales sur des questions qui lui sont posées par la Direction générale des Douanes. Ces recherches, rela- tivement nombreuses et variées, sont réunies, tous les aus, en un volume par le Directeur du Laboratoire, M. V. Villavecchia. Le volume qui vient de paraitre en renferme dix-neuf. Parmi celles-ci, les plus importantes ont rapport aux méthodes d'analyses des essences provenant des fruils d'Aurantiacées : citrons, bergamotte, oranges, etc., 286 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX essences dont la fabrication et le commerce ont pris une si grande importance pour certaines régions de l'Italie et notamment pour la Sicile. L'intérêt de ces recherches vient surtout de ce que tous les échantil- lons analysés ont élé préparés sous les yeux des ex- perts. Une autre série de recherches, également impor- tantes, concerne les matières grasses et en particulier l'huile d'olive. Elle comprend cinq Mémoires. Enfin, il faut sisnaler une étude sur l'analyse des encres; un Mémoire, accompagné de planches, sur les soies artili- cielles, avec l’énumération de toutes les méthodes bre- vetées de fabrication de cette substance ; un tableau de la composition des condiments qui se trouvent dans le commerce. Le Directeur lui-même a joint un Rapport très documenté sur la composition des vins sucrés, malaga, samos, etc., qui ont été importés en Italie pendant la période 1890 à 1897. GABRIEL BERTRAND, Chef de Service à l'Institut Pasteur. 3° Sciences naturelles Delgado (J.F.N.) et Choffat (Paul). — Carta geolo- gi a de Portugal. — 2? /euilles à l'échelle du 1/500.000. Direcçäo dos Trabalhos geologicos. Lisboa, 1899. Choffat (Paul). — Aperçu de la Géologie du Portu- gal. — 1 br. gr. in-8°, 40 pages, 1 carte géologique au 1/200.000. 1 planche de coupes, T liqures. Extrait de « Le Portugal au point de vue agricole ». Lis- bonne, 1990. Si l'on veut se rendre compte des progrès réalisés dans nos connaissances géologiques sur le Portugal, il faut comparer l’ancienne carte géologique du pays, publiée en 1876 par MM. Ribeiro et Delgado, à la nou- velle carte, publiée par la Direction des Travaux Géo- louiques et signée par MM. Delgado et Choffat. Cette carte ne comprend pas moins de trente-trois teintes différentes; elle sort des ateliers de M. Wührer, à Paris, etne laisse rien à désirer au point de vue de l'exécution. La partie la plus nouvelle est l’œuvre de M. Choffat; elle comprend la région mésozoïque au nord du Sado, dont les levés détaillés au 1/100.000 ont figuré à l'Exposi- tion (Section portugaise des Mines). L'absence d’un texte explicatif est en quelque sorte compensée par la publication d’un « Apercu de la Géologie du Portugal », dû à M. Paul Choffat. Cette notice est destinée au grand public et vise plutôt un but pratique, mais le géologue y trouvera un résumé inappréciable. En quelques lignes, l’auteur fait ressortir la division du Portugal en régions géologiques naturelles, qui sont les suivantes : 4° La Meseta, grand massif de terrains anciens, dont une partie seulement se trouve sur territoire porlugais, mais qui constitue la plus grande partie du pays. 20 Une bordure de terrains mésozoïques et cénozoi- ques, commencant à Aveiro ets’étendant avec plusieurs interruptions jusqu'en Algarve. 3° Une bordure méridionale, comprenant le Barrocal et le littoral de l’Algarve. 4° Une grande surface de terrains cénozoïques qui coupe en deux la bande mésozoïque occidentale et couvre une parlie de l'aire paléozoïque ; elle comprend les régions inférieures des bassins du Tage et du Sado (dépression du Sorraïa). 59 Témoins de très petites dimensions, les îles Ber- lengas et Farilhôes, formées par des roches granitiques. Leur existence semble prouver que le massif ancien s’étendait jadis beaucoup plus à l’ouest et qu'il a été coupé du nord au sud par un fossé, dans lequel les mers mésozoiques ont formé leurs dépôts. La Serra de Cintra, autre affleurement de granite au bord de l'Océan, ne doit pas être considérée comme un fait de même ordre, car son éruption est postérieure au Crétacé et la rattache aux roches éruptives modernes, qui jouent un rôle important dans l’ouest du Portugal. M. Choffat évalue l'extension des affleurements de roches anciennes à 7/10 de la superficie du pays, celle du mésozoïque à 1/10, celle du cénozoïque à 2/10. Emize HauG, : Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. Alezais (H.), Médecin des Hôpitaux, Professeur Sup pléant à l'Ecole de Médecine de Marseille. — Con tribution à la Myologie des Rongeurs. (Thèse pou le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). = 1 vol. in-8 de 400 pages. Félix Alcan, éditeur Paris, 1900. | Les travaux de Myologie sont si rares et d'un intérêb si spécial que je citerai les paroles mêmes de l’auteun pour expliquer l'idée qui a inspiré ses recherches : « En abordant cette étude de Myologie comparée, j'ai et pour but de rechercher, en me plagant dans des condi tions qui réduisent au minimum les influences fami= liales, l’action qu'exerce la fonction sur des groupes musculaires déterminés. J'ai pensé, d'autre part, qu'il n'était pas indifférent de réunir des descriptions pré cises d'anatomie qui pouvaient être utilisées soit dans Jan classification des animaux eux-mêmes, soit plutôt dans l'interprétation des anomalies si fréquentes chez l'homme et chez les animaux supérieurs. » M. Alezais a disséqué, avec grand soin, semble-t-il, un certain nombre de Rongeurs présentant les adaptations les plus variées : Cobaye, Ecureuil, Gerboise, Lapin, Rat, Marmotte, ete., et il en décrit minutieusement les muscles peauciers, et ceux du tronc et des membres: Son étude l’a conduit aux conclusions suivautes : Uu certain nombre de dispositions musculaires ont un ca= ractère adaptatif et sont communes aux Sauleurs par exemple (Lièvre, Gerboise); d’autres dispositions, au contraire, sont manilestement ind“pendantes du genre de vie : ainsi l’obturateur intermédiaire existe chez 1e Lapin el manque chez le Lièvre, pourtant très voisin ; le grand dentelé naïil des six premières côtes (Gerboise),\ ou des sept premières (Cobaye), ou des huit premières (Marmotte), etc. J'avoue que ces résultats, qui pouvaient être prévus à l’avance d'une facon générale, ne me paraissent pas d'u intérêt bien palpitant; on sait bien qu'un animal fouisseur a des os et des muscles disposés pour fouir, et qu'un sauteur à des os et des muscles qui convien= nent au saut, de mème qu'il est extrêmement probable que chaque muscle à un nerf et des vaisseaux sanguins: Mais, ce point mis à part, je conviens très volontiers que le travail de M. Alezais renferme des documents qui pourront être utiles aux physiologistes qui expéri=" mentent sur les Rongeurs, au même titre que les mo= nographies classiques de la Grenouille, du Lapin, dun Chat et du Chien, et aussi aux anatomistes qui s'amusent à comparer les anomalies musculaires de l'homme avec les dispositions normales des animaux inférieurs : L. Cuénor, * Professeur à l'Université de Nancy» 4° Sciences médicales Bechterew (W. v.), Professeur à l'Académie i1mpe= riale de Médecine de Pétersbourg. — Les voies de conduction du Cerveau et de la Moelle (à l'usage des médecins ct éludiants en médecine. Tradue= tion, sur la 2 édition allemande, par M. G. BONNE. —« 1 vol. in-S° de S56 pages avec planches et figures: (Prix : 48 fr.) 0. Doin, éditeur. Paris, 4900. L'anatomie du système nerveux se métamorphose sous nos nos yeux; les conceptions que l'on croyait définitives ne sont que des formes transitoires. Il est heureux pour le grand publie que les chefs d'école aient à cœur de synthétiser à un moment donné les con naissances éparses et de marquer l'étape. Kælliker à consacré à la structure des centres nerveux un volume entier de son /istologie ; Van Gehuchten en est à sa troi= sième édition ; Dejerine poursuit son Anatomie et Cajaln BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 287 A à commencé le Système nerveux des Vertébrés; Bech- terew, enfin, nous donne une édition considérablement #randie de ses Voies de conduction, qui avaient paru y a quelques années. —_ Analomiste et clinicien, le professeur Bechterew est ee connu de tous ceux qui s'occupent du système “nerveux, grâce à de nombreuses publications (j'en elève SO dans la table bibliographique), en général “courtes et substantielles, toujours originales et person- elles. Elève principal de Flechsig, il a paru, au début, spécialiser dans la méthode de son maître, c'est- Pdire dans l'étude des voies nerveuses d’après l’époque myélinisation des faisceaux; mais, depuis, il a abordé és autres moyens d'investigation, et l'on trouvera dans ëe volume, à côté de la méthode embryologique, l'his- ologie de structure par la méthode de Golgi-Cajal, les dégénérations secondaires pathologiques et l'expéri- nentation physiologique. La cytologie générale ne fait bas partie du plan de l'ouvrage; la morphologie exté- ieure est supposée connue. L'œuvre est considérable et n'a pu être achevée lavec le concours de plusieurs collaborateurs, élèves . mailre et travaillant dans son laboratoire, Ce sys- me a l'inconvénient de nuire à l'unité et à la concision, nais il est devenu une nécessité pour toutes les publi- ations de longue haleine. Outre un index bibliogra- hique général qui termine le volume, chaque chapitre Suivi d'une bibliographie détaillée et très complète, ns laquelle les publications allemandes sont men- jonnées en langue francaise. Voici l'ordre des questions principales : 4° Voies de induction de la moelle et racines des nerfs rachidiens: 20 Voies de conduction du tronc cérébral; — 3° Voies e conduction du cervelet; — 4° Voies des hémisphères érébraux : fibres de projection et fibres d'association. Dans chacune de ces quatre sections, l'étude des voies e conduction est précédée de celle de la substance rise de la même région. Je ne puis, on le comprend, indiquer que les idées fénérales. Le veurone, avec ses chaînes qui s’actionnent voie ascendante ou descendante, reste, malgré les ftaques récentes, la base de toute interprétation. mœboisme, qui resserre ou suspend les contacts cel- iaires, est une hypothèseséduisante, qui pourrait expli- uer les phénomènes du sommeil de la mémoire, de habitude, de certaines paralysies, mais ce n’est encore u'une hypothèse. L'écorce cérébrale est une réunion d'organes juxta- üsés qui, tous sans exception, possèdent des fibres cen- ipètes et des fibres centrifuges. Ces organes ou centres ont de deux ordres : les centres d'association et les tres sensoriels et sensitivo-moteurs. Flechsig à eu aison de reconnaitre dans l'écorce cérébrale de vastes es dites d'association. Il a eu le tort de croire qu'elles renfermaient pas de fibres de projection, erreur evée par tous les anatomisies; mais sa conception remière n'en garde pas moins toute sa valeur physio- gique. Ce sont bien ces régions voisines des centres teurs,et sièges des fonctions élevées de l'intelligence de la conscience, qui caractérisent le cerveau humain ; rs fibres de projections passent par la couche optique vont en grande partie au cervelet, ce qui leur assigne un rôle dans les fonctions complexes de l'équilibre. Les centres sensoriels possèdent tous des fibres centri- üuges qui se rendent aux organes des sens; leur signi- ication est obscure et se rapporte peut-être à l’accom- modation des membranes sensorielles. Les centres sensitivo-moteurs sont bien connus, bien que plusieurs d'entre eux (facial supérieur, mouvements e l'œil) restent à préciser. Leur nombre est d'autant us grand que l'animal occupe une place plus élevée ; singe possède un centre pour chaque doigt. Tous t unis aux deux moitiés du corps; pour la plupart, ction fondamentale est croisée; pour d’autres, elle est ale de part et d'autre (facial supérieur); pour quel- jues uns (peaussier du cou), elle est surtout uni et omo-latérale. La voie sensitive, encore mal déterminée dans la moelle,monte par le ruban de Reil et s'interrompt tota- lement dans la couche optique, comme Dejerine l'a reconnu un des premiers; de là, les fibres vont aux cir- convolulions centrales en se mêlant aux radiations thalamo-corticales; Bechterew admet qu'une partie des fibres du noyau de Burdach pénètrent dans le corps strié (glôbus pallidus) avant de se terminer dans l'écorce. La voie motrice est plus simple; elle est représentée par ie faisceau pyramidal. Notons que le faisceau pyramidal croisé ne s'entre-croise pas entièrement dans les pyramides du bulbe; une portion minime de ses fibres reste dans le cordon latéral du même côté. Le sort du faisceau pyramidal direct est incertain; il semble que la majeure partie de ses fibres soit croisée et que l’autre s'épuise du même côté de la moelle. Ce sont là les voies de grande communication, les voies principales; mais il en est d'accessoires, que l'auteur appelle voies d'intérét local et qu'il a étudiées avec beaucoup de soin, car elles expliquent un grand nombre de phénomènes paradoxaux de la Physiologie ou de la Clinique; elles fonctionnent à côté des grandes voies et peuvent les suppléer en cas d'obstacle. Elles sont représentées par la substance grise de la moelle, les noyaux de la substance réticulée, les tubercules qua- drijumeaux, le locus niger,les couches optiques, en un mof.les centres ganglionnaires échelonnés tout le long du névraxe. Elles sont parcourues dans les deux sens par des courants centripètes et centrifuges. Ces centres ganglionnaires ont, du reste, des fonctions complexes, à peine soupconnées aujourd'hui. Bechterew a reconnu que le tubercule quadrijumeau-postérieur intervient dans l'audition, l'émission de la voix el la coordination des mouvements réflexes. La couche opti- que n'est pas seulement un relai sensitif, ses fonctions propres sont surtout motrices; elle joue un rôle essentiel dans la production des mouvements involon- taires (cœur, tube digestif, vessie) et des mouvements affectifs ou psychoréflexes. Ces derniers possèdent d’ailleurs des centres corticaux reconnus par Bech- terew. La substance grise du 3° ventricule est unie au cervelet et prend part à l'équilibration du corps. Le cervelel, organe de l'équilibration et de la tonicilé musculaire, est relié aux centres nerveux par des connexions que J'on découvre chaque jour être plus nombreuses et plus spécialisées. La moelle lui apporte les impressious du tact et du sens musculaire par le faisceau de Gowers, le faisceau cérébelleux direct, les noyaux de Goll et de Burdach; elle en recoit des exci- tations motrices par le faisceau marginal antérieur el le faisceau intermédiaire. Au cerveau arrivent les fibres cérébelleuses qui ont suivi le pédoncule cérébel- leux supérieur, les noyaux de la base (noyau rouge, couche optique, noyau lenticulaire), et, après interrup- tion dans ces centres, sont parvenus jusqu'à l'écorce des régions antérieures; cette voie centripète permet l'idée représentative de la position de notre corps dans l’espace, idée qui est la base du sens de l'équili- bre. L'écorce réagit sur le cervelet par des fibres centrifuges qui suivent le même parcours ou s'engagent dans le pied du pédoncule cérébral et dans le pédoncule cerébelleux moyen. Je dirai, en terminant, quele traducteur, M. Bonne, a fait, lui aussi, un long travail, auquel l’avaient préparé ses propres études sur la moelle; sa traduction est claire, agréable à lire et bien française. Nous devons nous féliciter de voir que ces grands ouvrages étrangers trouvent des éditeurs pour les faire connaître au public médical, d'autant plus que le livre de M. Bechterew n’intéresse pas seulement les anatomistes de profession ; les physiologistes et les cliniciens, fous ceux qui s'oc- cupent à un litre’ quelconque du système nerveux, y trouveront une foule de renseignements précieux ré- surnés et groupés, avec l'indication de la source, s'ils veulent se reporter au travail original. A. CHARPY, Professeur d'Anatomie à la Faculté de Toulouse, 288 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 4 Mars 4901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann décrit un appareil, dit mire méridienne à miroir métallique, destiné à la mesure des ascensions droites. Il à pour objet de rendre le méridien du lieu où l’on opère visi- ble sous la forme d’une ligne lumineuse projetée sur le ciel, ce qui dispense de munir la lunette d'observation d'un réticule. — M. J. Janssen, à propos de l’appari- tion de la nouvelle étoile de Persée, pense que la for- mation d’étoilés temporaires peut être attribuée à la diminution de température de ces étoiles, laquelle per- mettrait la combinaison de leur hydrogène et de leur oxygène, qui dégage une énorme quantité de chaleur et de lumière. Mais, une fois la vapeur d’eau formée, l'éclat de l'étoile doit de nouveau rapidement diminuer. — M. M. Luizet communique quelques observations de l’éclat de la nouvelle étoile de Persée. — M. H. Deslan- dres a photographié. le spectre de la nouvelle étoile, qui est formé par des raies brillantes, extrêmement larges, assimilables à des bandes, montrant la présence de l'hydrogène, du calcium, du magnésium et du par- hélium. L’explication la plus simple des particularités de ce spectre consiste à admettre l'existence d'une masse de gaz à très haute pression, qui se meut àpeine par rapport au Soleil et est subitement le siège de phé- nomènes électriques très intenses. — MM. J. Guil- laume, Le Cadet et Luizet ont observé les variations d'éclat de la planète Eros à l'Observatoire de Lyon. La variation totale est environ de deux grandeurs; elle présente deux maxima et deux minima. — M. M. Lui- zet déduit de ses observations que la période totale de Ja variation d'éclat d'Eros est de 5 h. 16 mi., 15: — M. Baïllaud, étudiant de même les variations d'éclat d’'Eros, trouve que la période entre les maxima est égale à celle déduite des minima; elle serait de 2 h. 23 m., {. — M. Ch. André déduit, des courbes de variation d'éclat données par M. Luizet, que le système double formé par la planète Eros a une excentricité égale à 0,0569 et une densité moyenne de 2,4 par rap- port au Soleil. Les deux astres du système seraient des ellipsoides très allongés; leur aplatissemement, dans l’ellipse méridienne, paraît voisin de 1/2. — M.L. Mon- tangerand, d’après des déterminations faites à l'Obser- vatoire de Toulouse, calcule que l'amplitude de la période de variabilité d'Eros serait de 2 h. 22. — M. D. Th. Egorov étudie une classe de surfaces du troisième ordre qui admettent une déformation con- tinue avec conservation d'un système conjugué, et détermine la surface associée à la déformation infini- ment petite de l'espèce considérée. — M. Ed. Maillet établit un théorème relatif aux systèmes complets d'équations aux dérivées partielles définissant deux divisions P et Q de l’espace R,, sans faire intervenir la théorie des groupes finis de transformations de Lie. 29 SGiENCES PHYSIQUES. — M. S. Leduc conseille l’em- ploi de l’effluve électrique, source intense de rayons violets et ultra-violets, pour obtenir des rayons de courte longueur d'onde. — MM. Lortet et Genoud décrivent un appareil photothérapique à arc électrique sans condensateur. Il donne une zone active beaucoup plus étendue, et l'intensité photochimique y est telle que le temps d'exposition peut être diminué de beau- coup. — M. C. Gutton a reconnu expérimentalement que la longueur d'onde d’un résonateur reste la même lorsque celui-ci et ses fils de transmission sont plongés dans l’eau, mais elle diminue si les fils seuls sont pla- jusqu'au corps à activer; elle peut même se transmettre cés dans l’eau; l’auteur en déduit que l'indice de ré” fraction de l’eau pour les ondes électromagnétiques est de 8,3. — M. L. Benoist donne des courbes d’isotrans= parence des corps vis-à-vis des rayons X de dureté moyenne et de rayons mous bien déterminés. Ces cours bes montrent l'influence des poids atomiques; elles se rapprochent d’une hyperbole équilatère. — MM. P. Cu rie et A. Debierne ont fait de nouvelles expériences sur la radio-aclivité induite par le radium, et concluen que le rayonnement du radium n'intervient pas dans ce phénomène. La radio-activité induite se transmet dans l'air de proche en proche, depuis la matière radiante par des tubes capillaires très étroits. Les corps s'acti= vent progressivement, d'autant plus rapidemeut ques l'enceinte dans laquelle ils se trouvent est plus petites et tendent à prendre une activité induite limitée. — M. H. Moissan, en dissolvant les diverses variétés de soufre dans l’ammoniac liquide à — 20°, à obtenu um beau liquide pourpre, qui ne constitue pas une dissolu= tion, mais renferme un composé nouveau, le sulfam= monium, complètement dissociable à la pression et à la température ordinaires. Entre 0 et 20, le liquide répond à la formule (AzH‘}S, 2AzH*; à — 229, il serait (AzH*}S, AzH*. Ce corps possède la propriété de sulfurer, à froid un grand nombre de corps simples et composéss — M. Armand Gautier décrit une méthode de dosage des sulfures, sulfhydrates, polysulfures et hyposulfite qui peuvent coexister en solution, en particulier dans les eaux minérales sulfureuses. Pour cela, on chauffe. à 30°. la solution; tout le H?S libre ou combiné aux monosulfures se dégage, et est dosé à l'état de sulfure d'argent. Puis on fait passer un courant d'acide carbo= nique, qui entraine à l’état d'H?S tout le soufre des sulfures fixes; cet H?S est de nouveau dosé. S'il y a des polysulfures, le soufre en excès se précipite. On titres ensuite les hyposulfites par l'iode; puis on chauffe pour réunir le soufre, on le filtre, on l'oxyde et on le dose à l'état de sulfate de baryte. — M. J. Aloy a déterminé le poids atomique de l'uranium par comparaison avec celui de l’azote en mesurant les quantités d'azote et d'uranium contenues dans un même poids d'azotate d'uranium (Az0*)UO?.6 H?0. La moyenne de huit déter minations à donné 239,4 pour poids atomique de l’ura nium. — M. L. Baud a fait l'étude thermique des chlo= rures d'aluminium ammoniacaux : ACL sol. + 2AZH° gaz — AICI, 2AZI* sol. + 82 cal. 28 soit 2 x 41 cal. 14. ALCI,2Az11 sol. + SAZ2H% gaz — AlCIS, 10AzH' sol. +162 cal. 95% soit 8 X 20 cal. 37. 4 AËCIS, 10AZH° sol. + 2AzH° gaz — ACL, 12215 sol. + 23 cal soit 25 11cal 5: La stabilité de ces corps, ainsi que la chaleur de fixation d’une molécule d’ammoniac, va en diminuan du composé le moins ammoniacal au composé le plus ammoniacal. — M. P. Lebeau, en employant le procédé de préparation dessiliciures métalliques par l'action d'u métal sur le siliciure de cuivre, a obtenu un nouveau composé du silicium et du cobalt, répondant à la fors mule SiCo, comparable par sa composition et ses pro priétés au siliciure de fer SiFe. Ce corps est rema quable par sa résistance aux agents oxydants, et il esb peu attaquable par les acides, sauf l'acide chlorhydri que.— M. V. Grignard indique les raisons qui militenb en faveur de l'existence de combinaisons organomagné siennes de formule RMgl ou RMgBr : 1° elles sont solides etnon spontanément inflammables à l'air; 2 elles" ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 289 _ Se forment sans mise en liberté de bromure ou d'iodure le Mg; 3° par copulation avec les aldéhydes et les “cétones, elles donnent des composés qui renferment tout l'halogène employé et qui, par l'action de l’eau, “se décomposent avec formation d'un alcool secondaire “ou tertiaire sans dégagement d'aucun gaz. - MM. Béhal ct Tiffeneau, en faisant réagir l'iodure de méthylma- “unésium sur l’anisate de méthyle, ont obtenu la para- pseudopropénylanisol : CH*0.C'H*.C(CH®) : CH?, isomère “de l'anéthol, qui s'oxyde en donnant une cétone : CH°0. CSH°.CH=.CO.CH*, avec transformation de la chaîne pseudopropylénique en chaine propylique. L'anéthol ‘possède une chaine propylénique : CHO.C‘H°.CH — H.CH®. — MM. L. J. Simon et H. Bénard ont étudié a multirotation des deux phénylhydrazones du d-glu- cosé, celle de Skraup et celle de Fischer. Les rotations finales sont les mêmes pour les deux isomères; la rotation initiale qui, pour l'hydrazone de Skraup, est, “en valeur absolue, inférieure à sa limite, lui est, au contraire, supérieure pour celle de Fischer. Le temps “employé par les.deux hydrazones pour prendre, en Sens opposé, leur rotation limite, est du même ordre de “randeur. Ces faits s'expliquent en affectant aux deux hydrazones multirotatoires les schémas stéréoisomères sorrespondant à la formule oxydique, réservant la formule aldéhydique à l'hydrazone de pouvoir rotatoire invariable. — MM. P. Sabatier el J. B. Senderens ont réalisé la combinaison directe, en présence du mickel réduit, de l'hydrogène avec le benzène, avec formation exclusive de l'hexanaphtène ou cyclohexane U‘H!?. Cette méthode est tout à fait générale et s'étend à tous les homologues du benzène. — M. de Forcrand a déterminé la chaleur spécifique et la chaleur de fusion du glycol éthylénique. La chaleur spécifique du glycol est de 0,265 pour { gramme vers le point de fusion; la chaleur de fusion est de — 2? cal.,66 pour une molécule. MM. Em. Bourquelot el H. Hérissey ont reconnu que le gentianose est un hexotriose auquel on doit attribuer la formule C'8H*#2015, Traité par l'invertine ou par l'acide sulfurique très étendu bouillant, il se dé- “double en gentiobiose C'2H**0!! et lévulose. Traité par le liquide fermentaire de l'Aspergillus ou par H*S0* un peu plus concentré, il donne 2 molécules de dextrose et du lévulose. Ce fait s'explique en admettant la pré- sence dans le liquide d'Aspergillus d'un second ferment, hydrolysant le gentiobose.— M. G. Brédig, sans vouloir affirmer l'identité des métaux colloïdaux avec les dias- lases, pense que les solutions colloïdales peuvent être onsidérées comme des modèles de diastases inorgani- ques : 4° à cause de leur action catalytique intense; 2° à ause de leur état colloïdal hétérogène, présentant une surface très grande pouvant donner lieu à des transfor- ations irréversibles; 3° à cause de leur faculté de fixer ertains corps, ou bien en formant des combinaisons chimiques complexes, ou bien par absorption. - 3° SCIENCES NATURELLES: — M. N. Gréhant a constaté que, si l’on fait respirer de l'oxygène à des animaux “emipoisonnés et menacés de mort par l’oxyde de car- bone, l'élimination et la disparition du poison sont con- sidérablement accélérées. L'emploi de l'oxygène s'impose donc dans le traitement de l'intoxication oxycarbonée. — MM. Charrin et Moussu montrent que la présence de mucus dans l’organisme est une cause constante de hromboses ou d’embolies. Ces mucus sont sécrétés soit par les bactéries, soit par l'épithélium des mu- queuses. — M. H. Stassano a constaté que le proto- plasma des leucocytes polynucléaires demeure incolore avec le mélange de Romanowsky, tandis que celui des leucocytes mononucléaires se teint toujours en bleu- gris. L'auteur pense que les granulations chromato- phylles tirent leur orisine de l'appareil nucléaire. — - MM. E.-L. Bouvier et H. Fischer ont étudié un exem- plaire de Pleurotomaria Beyrichi. Le sang hématosé qui retourne au cœur provient en partie des branchies, en partie du réseau palléal. Ces deux sortes d'organes paraissent avoir dans la respiration un rôle sensible- ment égal. — M. A. Lécaillon montre que les faits que l'on observe dans l'ovaire des Insectes inférieurs donnent le droit d'admettre que, chez ces animaux, le travail chimique à la suite duquel d’abondants maté- riaux de réserve sont accumulés dans l'œuf est effectué par diverses cellules. Les œufs et les cellules vitello- gènes, dérivées des gonades, y prennent part; il en est de même des cellules mésodermiques entrant dans la constitution de l'ovaire. — M. M. Hartog à reconnu que la propulsion brusque de la langue chez les Anoures est une érection comparable à la protrusion silente du pied chez les Lamellibranches : dans les deux cas, c'est une propulsion, nonune prétraction. — MM. P.-P. Dehérain et Demoussy ont constaté que les graines en germi- nation forment des racines et commencent leur évo- lution dans l’eau absolument privée de chaux. Le dévelop- pement des graines en germination s'arrête dans l’eau distillée quand elle renferme des traces impondérables decuivre. Les êtres vivants : champignons, algues, graines des végétaux supéri-urs en voie de germination,sont des réactifs infiniment plus sensibles que tous ceux qu'on emploie dans le laboratoire, et décèlent la présence de quantitésinfinitésimales d'un métal comme le cuivre, quon ne peut caractériser par les réactions chimiques habituellement employées. — M. J. M. Guillon a dé- terminé l'angle de géotropisme des racines de diverses variétés de vignes américaines, c'est-à-dire l'angle que les: racines naissant à la base des boutures font avec la verticale. En général, plus l'angle de géotropisme est aigu, plus la plante résiste à la sécheresse, car ses racines s'enfoncent davantage. — M. V. Amalitzky a pratiqué, dans l'étage glossoptérien de Russie, le long de la Dvina du Nord, des fouilles qui ont amené la dé- couverte d'une riche flore et de squelettes de Parera- saurus et de Dicynodon. — M. H. Douxami a éludié les formatious tertiaires et quaternaires de la vallée de Bellegarde. Séance du 41 Mars 1901. La Section de Géométrie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de. M. Ch. Hermite : En première ligne, M. Georges Humbert; en seconde ligne, MM. Ed. Goursat, en troisième ligne, MM. E. Borel et J. Hadamard. — L'Académie procède à l'élection d'un correspondant pour la Section de Géographie et Navigation. M. A. Nor- mand est élu. — M. G. Darboux lit une notice sur la vie et les travaux de M. Th. Moutard. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Montangerand a poursuivi, à l'Observatoire de Toulouse, ses recherches sur la variabilité d'Eros. De nouvelles mesures attri- buent à la période de variabilité la valeur 2 h. 38 m.; la demi-période de croissance serait plus longue que la demi-période de décroissance. — M. H. Deslandres a fait de nouvelles observations et de nouvelles photo- graphies spectroscopiques de la neuvelle étoile de Persée. Celle-ci décroit constamment, et la raie-bande noire commence à présenter des divisions nettes. Il semble qu’il faille mamtenant considérer l'étoile comme formée de deux astres au moins, dont l'un est peut-être une nébuleuse et qui s’approcheraient l'un de l’autre avec une énorme vitesse. — M. J. Guillaume présente ses observations du Soleil faites à l'Observatoire de Lyon (équatorial Brunner) pendant le 4° trimestre de 4900. La surface totale des taches est plus forte que dans le 3° trimestre; les groupes de facules ont continué à diminuer tant en nombre qu’en étendue. — M. Hatt indique la facon dont les ingénieurs hydrographes uti- lisent les points de Collins pour la détermination d'un quadrilatère. — M. Ed. Maillet démontre qu'une cer- taine fonction transcendante & ne peut satisfaire à une équation différentielle d'ordre quelconque que si les exposants à » de cette fonction satisfont à certaines conditions de croissance. — M. Léon Autonne résume ses dernières recherches sur les groupes quaternaires réguliers d'ordre fini. — M. P. Duhem démontre qu'il ne peut se produire, dans un fluide visqueux, une onde qui serait d'ordre 2 par rapport aux vitesses, et qui se 290 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES propagerait avec une vitesse finie et différente de zéro. 20 SCIENCES PHYSIQUES. M. J. Janssen, à propos de sa communication relative aux lignes télégraphiques ou téléphoniques établies sur la neige au Mont-Blanc, tient à remarquer que des essais analogues avaient été faits en petit avant lui, mais qu'il est le premier à avoir tenté l'expérience sur une ligne de 10 kilomètres. — M. Th. Tommasina présente un électro-radiophone à sons très intenses dans lequel la limaille se trouve dans un mélange isolant liquide, constitué par de l'eau ou mieux par de la glycérine, seule ou mélangée à de la vaselme. — M. E. Péchard, en réduisant l'acide molyb- dosulfurique par l'alcool, a obtenu deux comhinaisons cristallisées, l’une eu lamelles hexagonales, de formule 5 AzH®,MoO?S0®, 7 MoO®-ES H°0, l'autre en prismes, de formule 3 AzH°,Mo0?S0®, 7 Mo0° +10 H°0. On peut ob- tenir encore d’autres composés complexes dans cette réaction. — M. J. Hamonet a préparé, à partir du diiodobutane 1.4, la diacétine du butanediol 1.4; cette dernière, chauffée avec de la chaux, puis distillée, donne le butanediol 1.4 ou glycol tétraméthylénique : HO.CH*. CH®.CH°.CHOH. C'est un liquide visqueux, incolore, miscible à l’eau en toutes proportions. — M. A. Hébert a fait réagir la poudre de zinc sur les acides gras saturés C:H°0?. Ceux-ci se décomposeut d'une part en acide carbonique et en eau, d’autre part en carbures dont la majeure partie est constituée par un mélanye de carbures éthyléniques, de poids moléculairesetde points d'ébullition très élevés . — MM. À. Lumière, L. Lumière et F. Perriaont reconnu que toutes les substances qui possèdent un hydroxyle phénolique dissolvent l'oxyde de mercure pour donner des corps organométalliques dans lesquels les réactions du mercure sont masquées. Toutefois, les phénols susceptibles de s'oxyder facile- ment, comme les amidophénols, subissent l'oxydation. Les auteurs ont préparé, en particulier, le mercure gaïacol-sulfonate de sodium. — M. M. Berthelot, en chauffant dans une cloche, au voisinage de 500°, un mélange d'acétylène et de propylène, a fait la synthèse d'un carbure nouveau, de formule GH°, qui résulte donc de l'union des deux composants. On obtient un résultat analogue avec le triméthylène, isomère du propylène. Dans les mêmes conditions l'allylène et l'éthylène se combinent pour donner aussi un carbure CH$, différent du précédent. M. P. Genvresse, en faisant réagir l'acide azoteux sur le pinène, a réalisé la préparation directe du terpinéol. Cette méthode se prête facilement à une préparation en grand. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. Aug. Charpentier a cons- taté que, dans la transmission électrique brève par le perf, la variation négative qui l'accompagne ne se ter- mine pas par Le simple retour à l'état électrique primitif ; ce retour est générale ment oscillatoire, c'est-à-dire que le phénomène initial est suivi d’alternatives électriques probablement de sens opposés. — MM. N. Vaschide et C1. Vurpas ont étudié les actes vitaux chez un nouveau- né venu au monde sans cerveau, et ayant survécu trente-neuf heures. L'abaissement notable de Ji tem- pérature, la rapidité concomitante du pouls, la respi- ration remarquablement ralentie el à type Scheyne- Stokes montrent l'importance et le rôle des hémisphères cérébraux dans la circulation, la respiration et la calorilication. — MM. R. Lépine et Boulud signalent un cas de mallosurie chez une femme atteinte de diabète grave. — M. E. Perrier présente le sixième volume des « Expéditions scientifiques du Travailleur et du Talisman », consacré aux Crustacés décapodes, — M. E. L. Bouvier a comparé diverses espèces de Bathonymus, Isopodes gigantesques des grands fonds. Ces animaux présentent des houppes branchiales qui n'existent pas dans les Isopodes non parasites et aui viennent suppléer à l'insuffisance des lames respira- toires chez des animaux d'aussi grande taille. De même l'œil s'est accru d’une facon démesurée, pour s'adapter à la vie abyssale. — M. H. Coupin a constaté que les plantes supérieures, tout autant et même plus souvent que les champignons inférieurs, permettent d'apprécier r la présence de substances toxiques (Ag, Hg, Cu, Cd, ete.) à une dose où l'analyse chimique est impuissante à lan k manifester. — M. Kôvessi à reconnu que, pour la greffe des vignes, les rameaux sont d'autant mieux aoutés que leurs parois cellulaires sont plus épaisses et que leurs cellules renferment plus d’amidon, c’est-à= dire que leur différenciation est plus complète. Le rameau mal aoûté a subi les transformations anato=M miques de l’aoûtement, mais à un faible degré. — M. PM Fliche a déterminé une empreinte d'élytre trouvée dans le Muschelkalk supérieur (Trias) des envirous de Lunéville. Elle appartient au genre (:/aphyroptera, et l’auteur en fait une espèce lotharingira. — M. gd: Thoulet présente les sept premières feuilles d'un Altas lithologique et bathymétrique des côtes de France. — M. H. Arctowski a déterminé la période diurne et la période annueile des aurores australes observées pendant l'Expédition de la Belgica. Les deux courbes obtenues présentent une analogie frappante avec les courbes correspondantes de l'ile Jan Mayen et les résultats d'autres stations boréäles. L. BRUNET. + ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 26 Février 1901. Sur la proposition de M. Landouzy, l'Académie vole des remerciements au Ministre du Commerce, et parti= culièrement au Sous-Secrétaire d'Etat des Postes, Télé- phones et Télégraphes, qui vient de faire placarder dans tous les bureaux de poste une instruction concer= nant l’évitabilité et la prophylaxie de la tuberculose. M. Saint-Yves Ménard est elu membre titulaire dans la section de Médecine vétérinaire. . M. Le Dentu présente un rapport sur un mémoire du D' Mouchet (de Sens), relatif à une série de seize opé- rations pratiquées sur le rein pour des affections de nature diverse, et avec un succès constant : pas une mort, pas un accident opératoire, seulement deux décès tardifs par tuberculose et par sarcome, non im- putables à l'intervention. — M. Hanriot présente un rapport sur les travaux des stagiaires de l'Académie aux eaux minérales. — M. Guyon signale trois cas d'hé- M matémèses toxi-infectieuses, survenues à la suite d'in- fection urinaire grave; deux malades ont guéri. — M. G. Dieulafoy, à la suite d’une communication ré- cente de M. Lucas-Championnière sur l'appendicite, pense que si cette maladie parait plus fr-quente à notre époque, c'est qu'elle était autrefois méconnue; M les affections dénommées miserere, passion iliaque, M péritonite a frigore et beaucoup de périlonites déri- vaient de l’'appendicite. Quant au lavage de l'estomac par une solution alcaline dans le traitement des héma-= témèses appendiculaires, l’auteur le repousse parce qu'il est préférable de laisser l'estomac en repos alin de faciliter la formation du caillot vasculaire oblura- teur. M. Lucas-Championnière répond que tous les malades atteints de vomito nesro appeudiculuire et traités par les lavages alcalins ont été soulagés, et plusieurs ont guéri. Tous ceux qui ont été traités au= trement sont morts. Séance du » Mars 1901. M. Hallopeau présente un rapport sur un travail de M. Tourtoulis-Bey relatif au traitement de la lèpre par l'injection sous-cutanée d'huile de Chaulmoo:ra. Des faits exposés, il ressort que les lépreux, soumis à un traitement intensif par l'huile de Chaulmoogra, peuvent présenter une amélioration telle qu'on peut les considérer comme guéris. Plus souvent, ils continuent à présenter des manifestations, mais celles-ci peuvent revêtir un caractère remarquable de bénignité. Il est probable que ce médicament exerce donc une influence favorable sur la lèpre. M. du Castel, qui a appliqué la même méthode, constate que l'injection sous-cutanée a des avantages sur l'absorption stomacale, qui est très peu souveut supportée. Par contre, l'injection est dou- loureuse, nécessite des interruptions à la suite des ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 291 “infiltrations imflammatoires qu'elle entraine, et s’ac- … compagne facilement de la production d’embolies grais- seuses pulmonaires. — M. Lancereaux présente un rapport sur un mémoire du D' Fournier (d'Angoulême), relatif à un cas d'hystérie et de catalepsie, avec phéno- “mènes d'auto-suggestion, de double vue et de télépathie. — M. Hervieux montre que la pratique de la varioli- “sation a pour conséquences la persistance des endémies “et des épidémies varioliques, l’aggravation de la mor- lité, la dépopulation, et une atteinte plus ou moins “rave portée aux relations commerciales et à la pros- “périté de nos colonies. Il demande à l’Académie de roposer l'interdiction, sous perne d'amendes, des inocu- ations varioliques. Celte proposition, après les obser- Vations de quelques membres, est mise aux voix el adoptée. — M. G. Linossier montre que les gastror- ragies ne constituent pas une contre-indication abso- ue au lavage de l'estomac. Quand celui-ci se trouve indiqué par une obstruction pylorique, la réplétion &astrique, les vomissements incoercibles, l’impossibi- Jité de l'alimentation, on pourra en obtenir parfois excellents résultats, surtout si on le pratique avec ne solution de perchlorure de fer. — M. Huchard à étudié un nouveau médicament, le létranitrate d'éry- throl, qu'on appelle en thérapeutique tétranitrol. Il à une action vaso-dilatatrice et hypotensive. — M. Dela- enière lit un mémoire sur la résection du genou pour umeur blanche suppurée grave. l ( SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 23 Février 1901. «MM. M. Lambert et L. Garnier ont conslaté que le pourvoir réducteur du sang traversé par des vapeurs de loroforme augmente sensiblement. — M. Bissérié, ën injectant à des lapins des levures de brasserie lavées aseptiquement, a observé que le sérum de ces lapins acquiert la propriété d'agglutiner les levures. — M. Yvon, qui a déterminé les varialions horaires de excrétion urinaire chez l'homme normal, a obtenu des résultats qui concordent parfaitement avec ceux de : Balthazard. — M. L. Camus présente un appareil jui permet de réaliser la circulation artificielle avec un ur isolé et qui inscrit les changemeuts de volume, — S. Jourdain : L'âme de la cellule. — M. G. Loisel présente une grenouille rousse (Æana lemporaria) -lle, qui offre tous les caractères sexuels secon- ires du mäle. Cette grenouille présente une atrophie marquée des ovaires. — M. A. Chassevant à reconnu, jar la méthode de Mette, que la saccharine entrave la gestion gastrique (in vitro); la diminution d'activité lu suc gastrique est déjà considérable pour une faible [üse de saccharine. — M. Milian à observé plusieurs d'hémolyse dans des épanchements hémorragiques pleurétiques. — M. A. Raïlliet a reconnu que la pie ut être considérée dans notre pays comme un des ropagateurs principaux du Syngamus trachealis; ce fématode pond des œufs en voie de segmentation, des- nés à être rejetés à l'extérieur; l'embryon, se dévelop- ant dans ces œufs lorsqu'ils sont répandus sur le sol umide ou dans les flaques d'eau, peut poursuivre irectement son évolution, qu'il ait réintégré l'organisme ant ou après l’éclosion. L'évolution du Syngamus bra- Hivalis, parasite des Oies, suit une marche parallèle à elle de l'espèce précédente. — M. Aug. Pettit a étudié es altérations rénales qui se produisent chez le lapin, la suite de l'injection de sérum de Congres. — M.G.. Le Bon : La phosphorescence invisible. — MM. J.-V. Laborde et Meillère ont observé une personne atteinte 8 crises répétées de céphalalgie, accompagnées de douleurs épigastriques avec nausées et vomissements. Ces symptômes provenaient d'une intoxication par une ibstance dont elle avait l'habitude de se teindre les heveux. L'application de ce liquide ayant été suspen- ue, les accidents ont complètement et rapidement Séance du 2 Mars 1901. MM. Ch. Achard et M. Lœper ont examiné le sang d'un certain nombre de malades atteints d'intoxications diverses par le plomb, l'alcool, le mercure, la morphine, l'éther et l’antipyrine. La formule leucocylaire parait différer non selon la nature du poison, mais plutôt suivant le caractère aigu ou chronique de l’intoxication. Dans l'ictère, la formule varie suivant les lésions qui le produisent. — Les mêmes auteurs ont constaté que le polynucléaire et l'élément médullaire se rencontrent dans presque toutes les affections passagères sans ten- dance à l'organisation, alors que le lymphocite et le mononucléaire se voient surtout dans les affections subaiguës, ayant tendance à l'édification de tissus plus ou moins durables. — M.C. Vallée, éludiaut l’alimenta- tion d'un enfant au moment du sevrage, montre que l'apport thermique est bien plus considérable que pour l'adulte ; le rôle prépondérant dans l’apport total des calories est tenu par les graisses, puis, peu à peu, pen- dant le sevrage, il passe aux hydrates de carbone. — M. C1. Regaud a constaté que, pendant la spermato- genèse, la chromatine nucléaire subit des changements quantitatifs et histochimiques considérables. M. Re- naut fait ressortir que M. Regaud démontre ainsi que le chromatine n’est pas la substance héréditaire au sens strict du mot. — M. E. Hédon à observé que l'hémolyse des globules par la solanine est contrariée par les acides, par diverses substances coagulaut l'albu- mine, et par le sérum ; ce sont les substances albumi- noïdes de ce dernier, et non les sels qui agissent. — M. R. Dubois admet l'existence, dans l'encéphale, d'un centre jouant un rôle prépondérant dans le mécanisme du sommeil. Ce centre serait situé entre le bulbe et le cerveau. — M. R. Dubois montre que le sommeil est produit par l'accumulation, dans certaines proportions, de CO? dans l'organisme ; il provoque expérimentale- ment le sommeil naturel chez un chi-n, par autonarcose carbonique. — M. E. Maurel montre que, dans le cours d’une entéro-colite chronique, où après £a guéri- son, là constatation d’une hyperleucocytose ne dépas- sant pas 20.000 leucocytes doit faire penser à une com- plication hépatique, telle que la congestion, etc., et qu'une hyperleucocytose plus considérable, avoisi- nant 50.000, doit l'aire penser à une hépalite suppurée. — MM. Em. Bourquelot et H. Hérissey : Sur la cons- titulion du gentianose (Voir le compte rendu de l'Aca- démie des Sciences, p. 289). — M. Et. Rabaud poursuit ses études sur la formation de l'œil simple ou double et des fossettes olfactives chez les Cyclopes. — MM. Jean Camus et Pagniez ont observé qu'un grand nombre de sérums, provenant de malades atteints d'affections diverses, agglutinaient les globules du sérum d'indi- vidus normaux. — M. C. França conclut de ses recherches que l'application d'un sérum leucotoxique à des animaux rabiques peut modifier de facon notable l'aspect des lésions. Aussi bien dans le bulbe que dans les ganglions, les cellules nerveuses lésées par le virus rabique sont attaquées et souvent détruites par des leu- cocytes. —MM . F. Barjon et A. Cade ont ob-ervé dans un cas de typhus angéio-hématique : une leucocytose très marquée (polynucléose neutrophile), l'anémie glo- bulaire, l'absence ou la rareté des hématoblastes. — Les mêmes auteurs ont reconnu, dans un cas de maladie de Friedreich : 1° l'existence d'éléments cellulaires, d'ailleurs assez rares, dans le liquide céphalo-rachi- dien, éléments constitués à peu près exclusivement par des lymphocytes et des globules rouges; 2° l'existence d’une pachyméningite cérébrale très accentuée. — MM. J. V. Laborde et Meillière ont constaté que la teinture pour cheveux, qui avait causé les accidents toxiques qu'ils ont décrit précédemment, est formée d’un mélange de paraphénylènediamine, de résorcine et d'eau oxygénée. Injectée au chien, cette leinture produit la mort en 15 à 20 heures, avec des symptômes carac- téristiques. On voit donc tout le danger de l'application, même extérieure, de pareilles teintures. 2992 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE 1er Mars 1901. M. Cartaud présente, au nom de M. Ch. Frémont, une communication sur les lignes superficielles qui se produisent dans le sciage des métaux, communication sur laquelle nous reviendrons avec détails dans la chronique du prochain numéro de la /?evue. M.R.Dongier présente un Appareil de mesure des cour- bures et des éléments d'un système optique quelconque, convergent ou divergent. Il comporte, comme acces- soire essentiel, un viseur autocollimateur, dans lequel l'oculaire est remplacé par un microscope qu'on peut soulever plus ou moins de quantités mesurables, La lumière, fournie par une source étendue, est renvoyée par le système éclairant vers l'ouverture d’un dia- phragme où se trouvent deux fils croisés, puis vers l'objectif du collimateur et la surface à étudier. Celle-ci est disposée sur une plate-forme pouvant être déplacée de quantités mesurables. Si la croisée des fils se trouve au foyer de l'objectif du collimateur, la lumière réflé- chie par la surface observée est renvoyée vers l'ob- jectif, puis vers le microscope; elle parait issue du foyer de la surface à étudier. On obtient le demi-rayon de courbure avec une précision au moins égale à celle fournie par le sphéromètre, même lorsque celui-ci fournit la valeur de la flèche à un micron près, en mesurant le déplacement de la plate-forme mobile, pour les mises au point successives de la surface elle- même et de son foyer. La mesure des éléments d'un système optique est obtenue en interposant entre le viseur ef la plate-forme mobile une plate-forme fixe destinée à le supporter. On détermine ensuite avec facilité et précision les grandeurs qui interviennent dans les formules dont M. Cornu a fait usage‘. — A propos de la Communication de M. Dongier, M. A. Cornu fait remarquer qu'en effet on ne peut pas compter sur le sphéromètre pour mesurer avec préci- sion un rayon de courbure. Il n’est même pas exact de dire que cet instrument puisse définir une flèche à un micron près, si ce n’est quand on utilise seulement de très petits déplacements de la vis. Mais on a tou- jours les meilleurs résultats en employant la méthode du levier optique de M A. Cornu ?, applicable à la fois aux courbures des surfaces concaves et des surfaces convexes; la supériorité de cette méthode tient non seulement à la perfection automatique du levier op- tique, mais encore à ce que l'observation sur le petit miroir du levier se fait sur une échelle divisée qui n’a nullement besoin d'un étalonnage rigoureux; la mé- thode élimine les erreurs attachées à tout étalonnage absolu délicat comme celu de la vis du sphéromètre. Dans sa méthode de mesure des éléments d’un système optique, M. A. Cornu a tenu à proscrire rigoureuse- ment l'emploi de toute pièce ou surface auxiliaire (miroir ou lentille), dont il faut définir la valeur op- tique, et dont l'emploi peut altérer la netteté des images. M. Dongier répond que son appareil permet à la fois la mesure des courbures et des éléments des systèmes optiques, aussi bien divergents que conver- gents. Dans le cas des systèmes convergents, il ne comporte que les accessoires optiques indispensables, employés aussi par M. Cornu, à savoir : uve lentille collimatrice et un microscope viseur. Il a l'avantage de porter en lui-même le moyen de régler à l'infini par autocollimation, et c'est dans cette opération qu'in- tervient le miroir rigoureusement plan. Sa disposition verticale et ramassée le rend très maniable et propre à rendre service même aux industriels. M. A. Cornu ajoute que la simplicité de son dispositif ne perd guère d'avantages dans le cas, d’ailleurs très rare dans la pratique, d'un système divergent. Quant au réglage à l'infini, il peut se faire avec toute la précision voulue, Séance du ! Journal de Physique, 1'e série, t. VI, p. 276, 308; 4871. ? Journal de Physique, 1" série, t, IV p. 7; 1875. sans viser un objet extrèmement éloigné, et même | sans viser d'autre objet que le réticule du collimateur L'autocollimation n'est que l’un des procédés permets tant d'effectuer ce réglage; elle n’exige pas, d’ailleurs l'emploi coûteux d’un miroir parfaitement plan. La moyenne des observations, par réflexion normale sun une glace argentée ordinaire et successivement sur SES deux faces, suffit généralement pour la précision du focomètre. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 22 Février 1901: MM, A. Haller et G. Blanc communiquent les résul tats de leurs recherches sur les éthers alcoylcyanoma* loniques. En traitant le cyanomalonate d'éthyle argen tique par les iodures alcooliques, ils ont obtenu les éthers de la forme : * | COCHE R.CC | IRÈCGOETARS CAz On a opéré en particulier sur les iodures de méthyle d’éthyle et de propyle (normal), et l’on a obtenu les éthers cyanomaloniques substitués correspondants. Ce sont des liquides bouillant respectivement à 4359 (28 millimètres), à 142-1459 (30 millimètres) et 1550-1570 (28 millimètres). Quand ou les fait bouillir pendant longtemps avec des acides étendus, on obtient les acides gras correspondants (propionique, butyrique et valérique). La potasse aqueuse provoque un dédou blement différent. On obtient alors les acides «-cyano propionique,«-cyanobutyrique et «-cyanovalérique, qui ont été caractérisés au moyen de leurs anilides (obtenues en chauffant l'acide bien sec avec l'isocyanate de phé nyle) et fondant respectivement à 104-105°, 86-879 et 88-899. — M. A. Béhal, à propos d'une note parue dans le dernier numéro des Comptes Rendus et due à M. Gri guard, se voit dans l'obligation de communiquer les résultats d’un travail sur l’action des dérivés organa métalliques sur les éthers-sels de la série cyclique. a étudié, tantôt seul, tantôt avec MM. Tiffeneau et Som melet, divers corps de cette série. Voici les résultats généraux obtenus: Ilse forme, avec les dérivés méthylés et les éthers sels cycliques ayant le groupe CO?H sur le noyau, des chaines pseudopropyléniques R-CÆ0Re Les fonctions phénols ou éthers de phénols qui sont fixées sur le noyau se perturbent par cette réaction. Ces dé: rivés se polymérisent avec facilité. Les polymères géné: ralement bien cristallisés sont dimères. Ils se disssocient sous l'influence de la chaleur en deux molécules de monomères avec peu de produits accessoires. Ces dimères sont saturés : l'union s’est donc faite par Ja fonction éthylénique. Les monomères, traités par l’iode et l'oxyde de mercure suivant les indications de M. Bous gault, se transforment en cétones, la chaîne pseudopros pylénique donnant lieu à une transposition moléculaire qui fournit une chaine linéaire : = KR. CH°.CO.CH. Ÿ C'est là le premier exemple d’une transformation de cet ordre; la transformation inverse est très connues il suffit de rappeler celle de la pinacone, de l’hydro= benzoïne et du benzyle. Oxydés par le permangana les dérivés pseudopropyléniques donnent des céton R.CO.CH* avec détachement du groupe méthylène. E propriété de fournir des carbures ne tient pas à ce fait que l'alcool est tertiaire; en effet, un certain nombre d’alcools secondaires qui, théoriquement, devraient se former par l'action des dérivés organo-métalliques du magnésium se déshydratent et fournissent des carbures Cependant, en faisant réagir l’iodure de magnésium ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES - méthyle sur le pipéronal, M. Béhal à obtenu l’éther “oxyde correspondant à l'alcool secondaire : CH CH° D 1% (o | | (n \ 2/ Nc € 6 1/ Nes CH Noa H'.CH.0.CH CH RASE . qui fond à 410-1119. — MM. Béhal et Tifeneau ont | étudié l'action de l'iodure de magnésium-méthyle sur lanisate de méthyle; ils ont obtenu ainsi un monomère fusible à 32° et bouillant à 224. Le dimère corres- pondant fond à 58° et se change lentement à 350° en émonomère. Il se forme dans cette réaclion peu de para-isopropylanisol. Le parapseudopropénylanisol NiE “Cu.0.cH.c Fee Q »© LES = 8 B Fig. 8. \( . ‘ Fie. 7 subira, de la part du mé- EN tal, une réaction dont la composante horizontale / tendra à ramener vers la droite la lame de scie, et, par suite, la dent d! creusera, à partir de ce moment, un sillon à, à,, à droite du prolongement de l'élément précédent à, &,; pour la même raison, la dent ÿ! travaillera à droite du sillon y, y, qu'elle vient de faire. Le mouvement de balancement alternatif à droite et à gauche se continuera ainsi régulièrement au moment de l'entrée en prise des dents successives de la scie. Ce mouvement, ayant son origine à la surface CD, tandis que la scie subit un effort de traction du côté de B, ira en diminuant d'amplitude à mesure que l'outil péne- trera dans le métal, et les sillons produits auront une profondeur de moins en moins grande. A la sortie (fig. 8), le mouvement inverse se produira; au moment où la dent d, quittera le métal, la réaction qu’elle subissait de la part de lamatière venant à cesser, la lame se reportera vers la droite et la dent fn Creusera un sillon à droite de l'élément qu'elle creusait précédemment. En résumé, le travail de la scie produira deux séries dé sillons dont la largeur sera égale à l'intervalle de de dents, et qui auront pour limites des lignes qui seroni respectivement les copies des profils d'entrée et d sortie de la scie dans la pièce travaillée; ces deux séries de lignes sont indépendantes l’une de l'autre elles peuvent se croiser, leur netteté va en diminuatif depuis les bords vers le centre de la pièce. $ 3. — Chimie Méthode de séparation du glucose d’avet le maltose. — Cette méthode, due à M. A. C. Hill consiste essentiellement à éliminer le glucose du mélange par la fermentation au moyen du Saccharo: myces Marxianus, un ferment, qui, comme l'a observé Hansen en 1888, n'agit point sur le maltose. Pour être réellement pratique, la méthode doit être conduite avec certaines précautions. On peut, par exemple, opérer de la manière suivante : Une culture pure du ferment: qui a été lavée à plusieurs reprises avec de l’eau puré stérilisée, est ajoutée à la solution des deux sucres de laquelle on désire retirer le maltose. Cette solution doit contenir 10 °/, au maximum du mélange des deux sucres, et être à la température d'environ 25-290, La fermentation se poursuit lentement en l'absence de matières protéiques et sans multiplication notable des cellules du ferment. Quand le dégagement d'acide carbonique à presque cessé, le mélange est porté à 400° et filtré. On additionne alors le liquide d'u liers de son volume d'alcool, et on évapore le tout dans le vide à basse température; le sirop épais résultant convenablement traité par l'alcool à 80-85 °/,, donne le maltose cristallisé et blanc du premier coup. é $ 4. — Zoologie Le Laboratoire de Biarritz. — Les laboratoires de Zoologie maritime sont déjà nombreux en France, mais l'examen de leur répartition géographique montre une lacune assez grave : dans le golfe de Gascogne, au sud d'Arcachon, on ne trouve plus que l’annexe de Guéthary, stalion qu'ont fait connaître, il y a déjà longtemps (1847), les recherches de De Quatrefages, mais que son éloignement d'un centre important com damne à être le plus souvent inutilisée. Le fond du golfe de Gascogne présente cependant des conditions particulières; des études récentes ? montrent que de nombreux courants y viennent converger. Aü nord de Biarritz commencent les dunes, indice de fonds sableux, dont la faune peut être étudiée à Arcæ chon. Cependant, l'estuaire de l'Adour, et surtout Me Gouf de Cap Breton déterminent, au voisinage de Bians ritz, des conditions spéciales dont les recherches du marquis de Folin ont déjà montré l'intérêt. 2 De Biarritz à la Bidassoa, les falaises sont le plus so vent constituées par des calcaires marneux, qui fo prévoir une faune et une flore différentes de celles de côtes landaises; pour ne citer que les Mollusques, dont H. Fisher a publié récemment une liste‘; on y peub remarquer un assez grand nombre d'espèces où de variétés méridionales (lusitaniennes ou méditerra néennes). | Pendant le Congrès de pèche qui s'est tenu à Biarril# en 1899, les naturalistes qui y assistaient, frappés pa ces considérations, ont regretté l'absence d'un labo toire de Biologie. L'idée d'en créer un est alors venuë à une Société scientifique locale, Biarrilz-Association grâce à l'appui de la municipalité biarrote, le projetæ pu être mené à bonne fin et un laboratoire, encore bien modeste, s'élève auprès du rocher de la Vierges 1 A. C. Irc : Chem. Soc., n° 234, p. 45. ? HauTreux. La Géographie, T.1. 3 Travaux du Laboratoire de Wimereux, T. VIH. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 301 ez loin des centres de Ja vie mondaine, pour que les naluralistes aient tout le calme et la tranquillité néces- “saires à leurs travaux. $ 5. — Sciences médicales a préparation des produits opothéra- ques. — La très vieille opothérapie a justement pris, depuis un certain temps, une place honorable ans la Thérapeutique. Peut-être même en a-t-on un Bu abusé; mais, en somme, à part la thyroïdine, qui “entrainé quelques accidents dont la cause reste encore obscure, ses produits semblent pouvoir être employés s danger, à la condition qu'on en use avec discer- ent. Nous examinerons ici non leur fonction toxicolo- ue, mais simplement leur fabrication et leur emploi. La fabrication est à la fois des plus élémentaires et des plus délicates. Une des principales questions pour btenir un produit réellement efficace, c'est de choisir les organes parfaitement saius et aussi frais que pos- le. Le mieux est d'employer ces organes aussitôt mimal abattu. Chaque préparateur peut, naturelle- nt, recourir à des procédés différents. Quelques-uns, Jinstar de l’autruche, cachent soigneusement leur anière de faire. Deux praticiens seulement ont bien oulu répondre à notre demande de renseignements ; e sont : M. Flourens, de Bordeaux, et M. Varenne, de ris. Voici le procédé de M. Flourens : L'animal est choisi très sain, d'un bel aspect. Aussitôt juil est abattu, on enlève l'organe, on le porte dans un vase très propre au laboratoire, on le hache finement, on le sèche mécaniquement et très rapidement à l'air froid, puis on le met à l’étuve à 37° en présence de ucre. Lorsqu'il est complètement sec, on le pulvérise, s on le passe au tamis de soie très fin. On met le fout en pâte avec de la gomme et de l’eau, puis on ivise en pastilles ou en pilules. M. Flourens insiste avec raison sur la nécessité de extrème division de l'organe, l’état parfaitement sain éla glande et l’ensemble des soins dans la fabrication. ee donne, paraît-il, d'excellents résultats. Il nble, en effet, rationnel et bien appliqué. M. Varenne n'opère pas de la même manière. Bien endu, comme M. Flourens, il prend des organes olument sains, aussitôt l'animal abattu. Ce point est Ssez difficile à réaliser à Paris; il faut pour cela avoir les alliés parmi les égorgeurs des abattoirs. Mais on oit reconnaître qu'ils mettent généralement beaucoup & bonne volonté et même de l'amour-propre à exé- ter le mieux possible ces petites opérations. Aussitôt ane extirpé, on le met dans un récipient contenant a glycérine et du sucre, mélange préalablement ilisé à 115°. Le lendemain l'organe est très finement broyé dans un appareil spécial, soigneusement stéri- sé, puis la pulpe ainsi obtenue est versée dans une uantité déterminée de vin (généralement : muscat, nache, porto, ete., ces vins étant pasteurisés); puis, ès dix à douze jours de macération, le vin est fil- ; etc., et enfin prêt à être employé. Il est bien évi- t que, par ce même procédé, on pourrait également enir des produits solides. Bien que l’auteur n'ait pas exploité commercialement produits, il en a cependant fait usage en de nom- breuses circonstances, et les résultats ont été des plus urageants. es produits les plus employés en opothérapie sont suivants : D'abord, par ancienneté, il convient de er les préparations orchidiennes que l'illustre et regretté Brown-Sequard à remises en honneur. On les a conseillées contre Ja faiblesse générale, l'ataxie, l'im- puissance, la sénilité, à la dose de 2 à 5 grammes d'’or- gane frais par jour. ; La médication ovarienne (dose 0 gr. 50 à 2 grammes d’ovaire frais de brebis) a été conseillée contre l'amé- norrhée, les troubles de la ménopause et la chlorose. Mais on ne saurait se montrer trop prudent dans l’em- ploi de médicaments aussi actifs, et dont tous les effets sont encore loin d'avoir été précisés. Les préparations {Ayroïdiennes semblent actuelle- ment les plus employées. Le célèbre chirurgien géne- vois Reverdin mit en évidence, en 1882, l'importance de la glande thyroïde; puis Schiff, en 1884, Gley, etc., ont fait à ce sujet d’intéressantes expériences. C'est là le sujet opothérapique qui a été le plus étudié. Les doses de glande thyroïde fraiche (mouton), sont de 0 gr. 50 à { gramme par jour. Il est important de noter, à ce sujet, que Gley (Société de Biologie, 31 juillet 4897), a établi que la thyroïdine existe en plus grande quantité dans les glandes parathyroïdes que dans la glande thyroïde elle-même, ce qui établirait l'importance de ces glan- dules dans la fonction thyroïdienne. On a essayé d'appliquer le traitement thyroïdien à une foule de maladies, trop, peut-être; mais il y a eu, et il y a d’incontestables succès. Il paraît certain que le goitre, la maladie de Basedow, le myxædème sous ses différentes formes, ont élé très avantageusement combattus par la médication thyroïdienne. En parti- culier, Guttmann a considéré dans l'obésité l'extrait thyroïdien comme le spécifique de cette dystrophie. Le thymus est employé à la dose de 2 à 3 grammes par jour contre le goitre exophthalmique, et le goitre kystique. — Produit encore peu connu. Le rein semble agir contre l’albuminurie, la néphrite, le diabète, l'urémie (?). Dose : 2 à 5 grammes de rein de mouton par jour. — Mais en ce cas, comme en d'autres, pourquoi pas la vieille opothérapie culinaire, c'est-à-dire un bon rognon...”? Les capsules surrénales, si bien étudiées par Abelous et Langlois, ont, dit-on, réussi contre la maladie bronzée d'Addison et aussi contre certaines affections cardiaques. Dose : 2 à 3 grammes. Le D' Brunet, médecin de la Marine, a conseillé le sue pulmonaire contre les affections diverses de la poi- trine. Ce.n'est peut-êlre pas sans raison, car il nous semble que le sirop de mou de veau était jadis classique. Mais il faut se garder de conclusions trop simplistes, et d'ailleurs encore tout à fait hasardées. La rate aurait une valeur incontestable dans la ca- chexie palustre ; elle agirait aussi dans l’anémie et la chlorose (?). Dose : 1 à 3 grammes par jour. Nous ne donnons ces indications qu'à titre d'exemple de ce qui se pratique, car, encore une fois, sur tous ces points, la science, il faut en convenir, n’a pas encore prononcé. Le foie, d'après Gilbert et Carnot, serait à conseiller dans des cas d'ictère, de cirrhose hépatique, de dia- bète (?). Dose : 1 à 5 grammes. Le cœur lui-même agirait avantageusement dans les irrégularités cardiaques, et le pouls lent permanent. Dose : 1 à 3 grammes. La moelle osseuse semble avoir réussi contre le ra- chitisme et la leucémie splénique. Dose : 0 gr. 50 à 2 grammes. La substance nerveuse a été conseillée par le Dr Cons- tantin Paul dans les névroses, les psychoses, l’ataxie. Dose : 1 à 3 grammes. Quant à la prostate et aux vésicules séminales, etc.., on les a naturellement employées. Leur histoire est encore trop récente, et nous n'y insisterons pas. 302 CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE CONFÉRENCE FAITE A LA SOCIÉTÉ DES AMIS DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS (14 FÉVRIER 1901) Messieurs, Je vais vous parler aujourd'hui de la tuberculose expérimentale. Vous savez que la tuberculose est de toutes les maladies la plus redoutable, et que, parmi les fléaux qui sévissent sur l'humanité, il n'en est pas de plus cruel. Des statistiques précises établissent que la mortalité par les affections tuber- culeuses représente à peu près le cinquième de la mortalilé totale. Elles atteignent les êtres humains dans la force de l’âge, et font mourir après de longues et douloureuses souffrances. Done, rien de surprenant à ce que médecins et physiologistes unissent leurs efforts pour combattre ce mal terrible. Ce que je voudrais ici vous exposer, très sommai- rement, {rop sommairement peut-être, ce sont les travaux des expérimentateurs, travaux qui nous ont permis d'avoir des notions si pénétrantes et si utiles sur la maladie elle-même, sur ses causes et sur son lraitement. Pour aborder avec fruit cette étude, il faut com- mencer par donner un apercu, très rapide, des grandes phases par lesquelles ont passé les con- naissances médicales sur la tuberculose. Une première longue période va d'Hippocrate à Laënnec. Les observations, etles théories plus encore que les observations, s'accumulent. Faits épars, données multiples, documents incomplets, confus, mal obser- vés, mal racontés, le plus souvent mêlés de supers- titions étranges. Nul lien ne rattache ces inutiles travaux. Au milieu de tout ce faltras incohérent, c'est à peine s'il se trouve de loin en loin quelque juste remarque à glaner. En somme, c’est très peu de chose. Dans les galeries poussiéreuses de nos vastes bibliothèques, des observations innombra- bles sont accumulées, qui dorment d'un vénérable oubli. Ne les réveillons pas. Il n’y a rien de bon à puiser, elce n'est pas sans quelque mélancolie qu’on voit tout cel immense labeur humain aboutir à un si mince résultat. En réalilé, quoique le mot de tuberculose ait été prononcé par les anatomo-pathologistes du dix-huitième siècle, tout est resté confondu jusqu'à .Laënnec. En 1819, Laënnec, précédé de quelques années par Bayle, créa de toutes pièces la nosogra- phie de la maladie tuberculeuse. Il montra quui produit pathologique, de forme spéciale, le tubers cule, peut se rencontrer dans tous les organes dans le poumon, dans le périloine, dans le cerveau dans le‘foie, dans la rate. Celle maladie, que Laënnec décrivit avec précision, c'est la tuberculose dont il aftirma l'unité. Après Laënnec, séduits par les brillantes con quêtes de l'Anatomie pathologique et des naissante investigations microscopiques, les médecins livrèrent à de longues et laborieuses études; mais ces travaux n'apportèrent aucune lumière ni l’étiologie, ni à la nature, ni au traitement de l'affection tuberculeuse. Il se commit même uné erreur singulière. Un grand anatomiste, dont il ne faut prononcer le nom qu'avec respect, — car ill introduit dans la science, qu'il aimait passionné: ment, des idées nouvelles et fécondes, — Rodolphe Virchow, a fait faire à l'étude de la tuberculose pas en arrière. Il eut la funeste idée de brise cette ünilé nosographique que Laënnee avait et tant de peine à établir, et de supposer deux tubers culoses : la forme caséeuse et la forme tuberew leuse proprement dite. Pendant longtemps les médecins de tous pa S suivirent aveuglément celte erreur de Vircho encombrant les livres et l'enseignement de distines tions subtiles, absolument erronées, sur cette soi disant différence entre les deux phtisies. On ensei gnait des axiomes lels que celui-ci : le plus gra danger pour un phtisique, c'est de devenir tubers leux, — à moins, il est vrai, que ce ne soit l'in verse. — Bref, méconnaissance complète de nature de la maladie tuberculeuse. Aussi bien comme tout à l'heure pour les prédécesseurs dé Laënnec, nous sommes forcé de dire que le long effort des successeurs de ce grand médecin, di 1820 à 1865, n'a donné que très peu de résultats nolables, et qu'il n'ya aucun profit à tirer de à lecture de tous ces livres, journaux, revues mémoires, qui se sont enlassés pendant un dem siècle. Nous arrivons enfin à l'expérimentation. En 1865 date mémorable dans l'histoire de la science méd cale, Villemin fit une expérience fondamentale 5 élablit que la tuberculose était une affection conta gieuse. Certes celle contagiosité de la tuberculose avail été soupconnée depuis longtemps. Mais il y à loi + CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 303 d'une opinion hypothétique incertaine à une dé- monstration rigoureuse, de sorte que la gloire d'avoir élabli la contagiosité et l'inoculabilité de la tuberculose revient tout entière à Villemin ! Il fit un petit nombre d'expériences, cela est Lyrai, mais ces expériences étaient tellement pré- cises qu'elles ont, mème alors, entrainé la convic- tion de tous ceux — ils ne furent pas d’abord bien nombreux — qui ont consenti à les examiner sans arti pris. “Villemin inocula à quelques lapins des crachals devant l'accueil de l’Académie de Médecine. Lorsque Villemin présenta ses expériences, il y cadémie, sans exceplion, et les médecins les plus illustres de cette époque, Béhier, Pidoux, Piorry, Guéneau de Mussy, Bouillaud, Hardy, etc., tous fépondirent à Villemin, pour essayer de le con- s objections théoriques! Et quelles objections! Mai relu celte longue discussion, qui se prolongea an, et je dois dire qu’elle n’est guère instruc- live au point de vue scientifique. En revanche, elle est bien curieuse comme étude psychologique. le montre à quel point les idées nouvelles, même les plus élémentaires et les mieux justifiées, ont peine à entrer dans la science classique, et quelles mauvaises raisons on est habile à découvrir pour se refuser à admettre l'évidence. Prenons, pour mieux en juger, quelques-uns s arguments qui onLélé alors opposés à Villemin, guments présentés, je le répète, non par les pre- Miers venus, mais par des académiciens célèbres. La première objection est un syllogisme simple èt étrange. Si la phlisie était contagieuse, on le saurait depuis longtemps; or on ne le sait pas, donc elle n'est pas contagieuse. M. Peter, un des adversaires les plus acharnés de Villemin, comme il le fut de Pasteur, s'écriait, plein d’indignation : « Mais si la phtisie était con- tagieuse, il n'y aurait plus d'étudiants en méde- cine, ni de malades, ni d'infirmiers; il n'y aurait plus personne, et les villes seraient de vastes cimetières! » Les discours de M. Pidoux ont occupé, bien inu- tilement, deux grandes séances de l'Académie. « Vous dites que la phtisie est contagieuse. Hélas! on reconnait bien là les idées néfastes de M. Pas- teur, qui prélend qu'il y a des germes, et des ger- mes parliculiers, pour chaque maladie. Mais alors, si chaque maladie est créée par un germe spéci- fique, il y aurait donc un vaccin pour chaque mala- die : alors lout progrès en Médecine serait ar- rélél! » Voilà, Messieurs, quelles étaient les opinions médicales en 1867, il y a trente-trois ans, voilà ce que pensait l'Académie de Médecine des germes, des virus, des vaccins et de la spontanéilé morbide. Mais la vérité fait son chemin, quelques obstacles qu'on lui oppose, et, quoique Villemin n'ait pas trouvé de défenseurs dans les Académies, les So- ciélés savantes et les Cliniques, il en trouva dans les Laboraloires. De toutes parts, les expériences se succédèrent, précises, répétées, pressantes, indis- culables, renversant cette absurde idée d'une spontanéité morbide, si chère aux médecins d’au- trefois, et qui semblait être le dogme fondamental de la Médecine classique. On reconnut que le mot de spontanéité morbide n’est qu'une ineplie; que l'organisme, s’il n’est pas infecté par des parasites, n'est jamais malade. Les travaux de notre immortel Pasteur ont appris au monde que presque toujours, sinon toujours, la maladie, c'est le parasite, et qu'il n'y à pas plus de maladie sans parasite qu'il n'y a de champ de blé sans que des grains de blé aient ensemencé la terre. Voilà ce qui est élabli, voilà ce qui est indiscutable, voilà ce que personne ne conteste plus aujourd'hui. A partir de 1865, tous les travaux de Pathologie expérimentale, quels qu'ils soient, n'ont fait que rendre plus évidente la contagiosité de la tubercu- lose. Cette contagion, qui était d'abord niée avec tant d'énergie, a été de nouveau démontrée, tout de suite après la découverte de Villemin, par le mémorable travail de M. Chauveau, qui, sur ce point comme sur tant d'autres, fit de fondamentales expériences. Chauveau, en 1868, démontra que, si l'on fait ingérer aux animaux des produits tuber- culeux, ces éléments infeclieux, malgré l'activité des sues digestifs, déterminent la tuberculose, et cela fatalement. Sur un lot de quatre génisses, il choisit pour témoin celle qui semblait la plus ché- tive, et aux trois autres il fil ingérer, par la voie digestive, des tissus tuberculeux. Un mois après, les trois génisses alimentées ainsi mouraient de tuberculose confluente. Le témoin survivait. Done la contagiosité de la tuberculose était établie pour l'ingestion stomacale, comme elle l'avait été pour l'inoculation sous-cutanée. Cependant les non-contagionnistes résistaient 304 encore; et ce n’est qu'en 1882 que triompha définiti- vement la vérilé. La grande découverte de Robert Koch compléta et fortifia celle de Villemin. Koch découvrit ce que tous les histologistes et les bacté- riologistes cherchaient en vain depuis longtemps : il trouva le microbe de la tuberculose. Dans un travail admirable, modèle de sagacité technique, il prouva que, toutes les fois qu'apparaissent dans les organes malades des produits tuberculeux véri- tables, ces produits sont caractérisés par la pré- sence d'un microbe spécifique. Certes, il est impossible d'établir une comparai- son entre les découvertes des savants; et je n’es- sayerai pas de faire un parallèle entre la découverte de Koch et celle de Villemin. Tout au plus me sera- til permis de dire que cette constatation du microbe était prévue, fatale en quelque sorte. Villemin avait établi que la tuberculose était contagieuse; Pasteur avait démontré que pour toutes les maladies conta- gieuses la cause de la contagion et de la maladie est un microbe. La découverte du microbe de la tuberculose était la conséquence nécessaire de ces deux démonstrations. Donc Koch découvrit le microbe de la tubercu- lose. Il indiqua les procédés qu'il faut suivre pour le déceler dans les liquides et dans les tissus mor- bides. Mais il fit plus encore. De 1885 à 1894, pour- suivant, avec une rare persévérance et une habileté technique consommée, ses patientes études, il montra que le mierobe lubercuieux, lorsqu'il végète dans un bouillon liquide, abandonne à ce liquide de culture des substances douées de propriétés extra- ordinaires. Il ne s'agit pas de propriétés théra- peutiques, comme il l'a cru d’abord téméraire- ment, mais plutôt de propriétés inverses, qui consistent à aggraver immédiatement la maladie tubereuleuse. Mais quoique la tuberculine ne gué- risse pas, pourlant la découverte de la tuberculine constitue une des plus brillantes conquêtes de la Pathologie expérimentale. Le poison soluble sé- crété par le microbe tuberculeux a le pouvoir étrange de déceler, partout où ils se trouvent, des produits tuberculeux. Que l’on injecte de minimes parcelles de tubereuline à un individu tubercu- leux, une fièvre intense survient, et cette fièvre prouve que le malade était tuberculeux. Il est bien évident aujourd'hui que cette tuber- culine, sur laquelle on avait fondé très légèrement de trop vastes espérances, n’est pas le remède de la tuberculose. Au contraire, elle l'augmente et l'accélère. Elle n’en a pas moins ce grand avantage de pouvoir révéler, partout où elle se trouve, l'in- feclion tuberculeuse commencante. Aussi bien la tuberculine est-elle devenue d'un usage général pour permettre de reconnaitre quels sont les animaux infectés de tuberculose. Il est CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE presque impossible, au début de la maladie, de décider par un examen, même approfondi, si tels ou tels animaux sont tuberculeux. Or, si lon injecte à tous les animaux d'une même étable une petite quantité de tuberculine, les animaux sainsne sont pas atleints et ne réagissent pas à l'injecs tion, tandis que les animaux tuberculeux, même très légèrement et presque imperceptiblement tuberculeux, prennent une fièvre extrêmement vive. Ce sont là des faits qui ont passé dans la més= decine vétérinaire usuelle. C’est donc à la fois un® découverte scientifique importante et une décou verte pratique de premier ordre, que la découverte de la tuberculine. IT Je ne vous parlerai pas des travaux innombrables des savants qui, après Villemin et Koch, ont étud la pathogénie de la tuberculose expérimentale, me contenterai seulement de vous indiquer quelques données fondamentales dues aux recherches des savants qui ont travaillé dans les laboratoiress quelques axiomes, si vous me permetlez ce mob un peu ambitieux. Ce seront les conclusions de la science d'aujourd'hui sur la tuberculose, et je pense qu'après cet exposé vous serez tous de mon avis lorsque je vous dirai que la Médecine expéri- mentale a singulièrement enrichi la Clinique médi cale, si pauvre en documents pathogéniques. Première loi : I n'y a pas d'animal qui soit réfrac taire à la tuberculose. Vraiment non, l'infectio tuberculeuse ne comple pas d’'exceptions. Tous les animaux peuvent en être atteints, tous peuvent à un moment donné voir leur organisme s’infecter, tous peuvent présenter des nodosités tuberculeuses dans lesquelles végète le bacille de Koch. Si je pas= sais en revue les animaux sujets à contracter la tu berculose, j'aurais tous les animaux de la création à citer : on l’a trouvée chez le lion, chez la girafes chez le chien, le chat, le rat, la souris, on l’a tro vée chez les oiseaux, les poules, les faisans, les: perroquets; on a même pu l'inoculer aux animaux à sang froid, aux poissons el aux grenouilles. Of a pu montrer que les vers de terre contiennent des bacilles de Koch en état de vie. Enfin les mou: ches elles-mêmes peuvent,en se portant d'un poinb à un autre, disséminer les germes infectieux con tenus dans leur organisme. Par conséquent, à cæ point de vue, pas d'exception, et la tuberculose est une maladie qui sévit sur loutes les espèces anis males. f Avec une gravité, il est vrai, assez différentes Certaines espèces’ sont atteintes par la tubers culose d’une manière très redoutable, et meurent tout de suite. Le singe, par exemple, est extrêmt ment sensible à l'injection d'une très petite qua CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 305 tilé de culture tuberculeuse; et, une fois inoculé, meurten quinze, vingt, trente jours tout au plus. u contraire, d'autres animaux sont beaucoup plus résistants : par exemple les Solipèdes, comme l'âne, le cheval. Il est vrai qu'ils ne résistent pas indéti- niment, et que, même lorsqu'ils paraissent avoir résisté, à l’autopsie on constale qu'ils ont de la “tuberculose dans leurs organes. Le bacille tuber- euleux à évolué, mais il a évolué lentement. Et il est intéressant de constater que, si toutes les espèces animales sont sujeltes à la tuberculose, elles ont des pouvoirs de résistance très différents. Deuxième loi : tous les organes peuvent être atteints de tuberculose. Non pas que la tuberculose soit capable d'envahir toutes les cellules de l'orga- nisme; mais, comme (ous nos organes, qu'il s'agisse du cerveau, de la rate, du foie, de l'in- lestin, du poumon, recoivent des vaisseaux, et que ces vaisseaux sont entourés d'une gaine de tissu vonjonctif, le bacille tuberculeux vient se déposer dans le tissu conjonctif de ces différents organes, autour des vaisseaux, pour y déterminer la granu- ation tuberculeuse. Par conséquent, il peut y avoir des lubercules dans chaque tissu, avec prédomi- nance très marquée, il est vrai, pour le tissu pul- monaire; mais, enfin, il n'esi pas d'organe qui échappe à la tuberculose, comme il n'est pas d'espèce animale qui lui soit rebelle. . La troisième loi est très importante au point de vue de la pathogénie et de la prophylaxie de la tuberculose. Je n'ai pas parlé encore de prophylaxie, et pour- ant cette prophylaxie, nous devons la considérer avec plus de respect encore que la thérapeutique de la tuberculose. C'est en elle que nous de- vons mettre, plus encore que dans la thérapeu- tique, loutes nos espérances. On peut avoir à la rigueur quelque scepticisme pour le traitement; il est pas permis d'en avoir pour la prophylaxie de tuberculose. Or l'expérimentalion nous donne des lecons de prophylaxie qui sont irréprochables. - Ce qui détermine la maladie tuberculeuse, c'est naturellement le bacille de Koch; ce microbe infec- tieux, qui, pénétrant dans un point quelconque de Porganisme, y va faire un foyer pour de là répandre ses ravages partout. Or le bacille de Koch est très sislant à la dessiccation, et à la chaleur; et, par ite, les crachats tuberculeux, où fourmillent les bacilles infectieux, répandent partout la fatale in- fection. Malgré la lumière, la dessiceation, la chaleur dans de certaines limites, bien entendu), ils conser- ible danger de ces crachats tuberculeux. Des expé- ences très nombreuses ont élé faites, qui mettent en pleine évidence la force contagieuse des crachats tuberculeux. Desséchés à une température in- “ent toute leur virulence. De là, l'immense et ter- férieure à 50°, et pulvérisés, ils forment une fine poussière, terriblement toxique, qui détermine falalement une maladie mortelle. Donc les erachats tubereuleux constituent l’agent principal de contagion et d'infection; donc une conséquence s'impose, si importante qu'il faut toujours l'avoir présente à l'esprit : c'est que le malade tuberculeux est un élément d'infeclion, et que, par les crachats qu'il répand autour de lui, ilrépard autour de lui la mort, en contagionnant tous les individus qui l'avoisinent. De celte contagion par les crachats, les exemples abon- dent, aussi bien dans la Médecine clinique que dans la Médecine expérimentale. Mais la Médecine clini- que n'a pu en affirmer la réalité qu'après avoir élé guidée par la Médecine expérimentale. La quatrième loi est une loi de pure Pathologie expérimentale, mais elle montre bien tout ce nous pouvons encore espérer des ressources sans fin d'expérimentalion. Les ita- liens ont découvert qu'il existe deux variétés de tuberculose : la tuberculose des Oiseaux et celle des Mammifères. Or la tuberculose des Oiseaux est pour ainsi dire antagoniste de celle des Mammi- fères; car les espèces animales qui sont lrès sen- sibles à la tuberculose aviaire ne sont pas très sensibles à la tuberculose des Mammifères. Ainsi, par exemple, j'ai pu prouver que, si l'on compare la réceptivilé du singe à ces deux variétés de tubereuloses, on constate que le singe résiste très longtemps à la tuberculose aviaire, mais qu'il succombe en très peu de temps à la tuberculose des Mammifères. Par conséquent on peut espérer, — et les belles découvertes de notre époque nous autorisent à cette espérance, — qu'un jour peut-être on trou- vera, dans l’atténuation des virus ou des bacilles tuberculeux, certaines formes nouvelles, races spéciales, à virulence atténuée, qui constitueront un vaccin contre la tuberculose. Évidemment j'aurais encore de bien nombreux faits à vous indiquer sur l'étiologie et la patho- génie de la tuberculose, et je n'ai pu vous donner que les lignes principales. 1] faudrait un très long temps pour énumérer tout cet immense effort. 11 me suffira seulement, après ce court exposé, de vous faire remarquer quel abime exisle entre la Médecine d'aujourd'hui, qui est la science expéri- mentale, et la Médecine d'observation, qui était la médecine d'autrefois. La maladie, qui apparais- saitjadis comme une divinité malfaisante et incon- nue, un être mystérieux et impénétrable, inhé- rent à l'organisme par je ne sais quelle méchanceté de la Nature ou par quelque défaut de notre orga- nisation, cette maladie, nous pouvons aujourd'hui la déterminer dans sa cause et ses modalités. physiologistes 306 CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE Nous savons, de par les immortels travaux de Pasteur, qu'elle dépend d’un parasite. Et quant à la tuberculose, les deux glorieux élèves dePasteur, Villemin et Koch, nous en ont démontré la nature. Grâce à eux, le virus de la tuberculose n’est plus un être de raison. C'est un organisme que nous pouvons ensemencer, cultiver, répandre. Nous pouvons étudier les agents qui le rendront plus intense ou plus faible. Il est en notre pouvoir, puisque nous sommes à même de le connaitre. Ce n'est plus, comme a dit quelque part Claude Bernard, en parlant des forces vitales, ce n'est plus un de ces Sylvains ou de ces Dryades de la fable, dont on affirmait l'existence sans les avoir jamais rencontrés : c'est un être réel, dont il est permis d'étudier toutes les propriétés. Et alors nous avons quelque droit de prendre en pitié cette parole sarcastique d’un médecin célèbre, à qui on parlait de la découverte du microbe de la tuberculose : « Bah! dit-il, ce n’est qu'un microbe de plus! » III J'arrive maintenant à la deuxième partie de cette étude, c'est-à-dire à l'exposé de quelques-unes de mes expériences relatives à la thérapeutique de la tuberculose. De même que tout à l'heure il s agissait de Médecine expérimentale, il va s'agir ici de Thérapeutique expérimentale, et vous me croirez sans peine si je vous dis que l'avenir de la Thérapeutique repose entièrement, ou presque en- lièrement, dans l'expérimentation. La Thérapeutique expérimentale, en effet, pré- sente d'incomparables avantages sur la Thérapeu- tique clinique. Nos patients, les animaux sur lesquels nous faisons nos études, sont forcément très dociles : ils n'ont pas les résislances et les fantaisies des ma- lades. Surtout on peut agir sur eux sans crainte, et essayer les plus périlleuses tentatives. Il y à un précepte qui dirige, et doit diriger, la conduite de tout médecin : Primo non nocere. Mais en Thérapeutique expérimentale cette pru- dence est tout à fait indifférente. Nous n'avons pas à nous préoccuper de la santé de nos clients. Nous cherchons à faire l'épreuve des actions théra- peutiques les plus imprévues et les plus invraisem- blables, et, dans notre recherche, nous avons le droit de porter la témérité à ses dernières limites; témérité que les médecins doivent souvent nous envier, car ils n'ont jamais le droit, par curigsité scientifique, de compromettre la vie de leurs ma- lades, landis que nous, dans nos essais, nous avons le devoir de tout oser pour connaître le traitement le plus efficace de telle ou telle maladie. | joindre une grande sévérité dans nos conclusions, Il est vrai qu'à cette extrême audace nous devons et procéder avec une rigueur irréprochable dans n0S expériences. Si bien que je vous proposerais de formuler ainsi les deux règles essentielles de la Thérapeutique expérimentale : audace dans l'hypo= thèse, et rigueur dans l’expérimentation. La Thérapeutique expérimentale a encore un autre grand avantage sur la Clinique; c'est qu'elle peut procéder sur des sujets exactement compas rables. Quand nous inoculons une maladie, nous la donnons le même jour, à la même heure, à même dose, à même virulence, et nous l’inoculons à des animaux de même taille, de mème âge» de même alimentalion. Nous placons tous nos sujets infectés dans des condilions rigoureuse- ment identiques, et tout est comparable. Il n'en. va pas ainsi en Clinique. Quand le médecin est appelé à soigner un malade, il n’en trouve que bien rarement un autre qui soit exactement dans les mêmes conditions. Le virus n’est pas identique; et on sait que la virulence des bacilles est très variable. La porte d'entrée n'est pas la même, ce qui crée peut-être des différences notables dans la virulence. Certains malades arrivent avec des lésions pulmonaires déjà avancées : chez d’autres, la ma= ladie n’est qu'à son début. Il s’agit tantôt d'enfants, tantôt d'hommes très âgés. Les uns sont dans la misère, les autres ont tous les secours que peut apporter le luxe. Il en est qui se soignent avec per= sévérance et régularité; d’autres, au contraire, ne peuvent s'astreindre à un traitement méthodique. Bref, sur nos animaux tout est homologue; chez les malades toute comparaison est difficile, incer= taine, et parfois impossible. Ajoutons ceci : c'est qu'il faut attendre parfois de longs mois, voire même de longues années, pour qu'une comparaison puisse s'élablir entre des ma= lades, landis que nous, si nous avons quelque incertitude dans nos conclusions, comme nous pouvons à notre gré renouveler l'expérience, nous: n'avons qu'à la recommencer pour faire cesser nos doutes. Le matériel vivant, chiens, cobayes, lapins, ne nous fera pas défaut, et nous n'avons qu'à inoculer la maladie pour avoir autant de malades qu'il nous sera nécessaire. IV Revenons à la tuberculose, et à sa thérapeutique: Voici par quelle série de considéralions je me suis trouvé amené à éludier, en physiologiste, le traitement de la tuberculose. Et tout d'abord, je vous demande pardon si je viens vous parler de moi; c'est à dire de mes: expériences et de celles de mon fidèle collaborateur | CHARLES RICHET — IA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 307 “Héricourt. Mais cela est nécessaire dans le sujet qui nous occupe ici, car nous avons pu réaliser “quelques progrès dans la thérapeutique expéri- “mentale de cette redoutable maladie. no En 1888, j'ai pu prouver que la transfusion péri- 2 de sang appartenant à un animal vacciné contre une maladie, protège l’animal transfusé “contre celte maladie. Si l’on inocule des chiens vec un staphylocoque, et si le chien guérit, le Sang de ce chien guéri vaccine les lapins contre ce même slaphylocoque ; tandis que les lapins non transfusés meurent toujours. … C'était là le principe de la sérothérapie, ou plu- ôt de l'hématothérapie, d'où est dérivée la séro- thérapie. Ainsi il avait été par nous établi que le sang des “animaux, soit réfractaires à une infection, soit vac- cinés contre celte infection, protège plus ou moins contre l'infection. Nous avons alors cherché sur quelle maladie commune devait être essayé le pre- nier traitement sérothérapique, et longtemps nous avons discuté la question de savoir si nous de- vions agir sur le charbon, sur la diphtérie, ou sur la tuberculose. Or, par suite de différentes raisons, dalheureusement pour notre perspicacité, nous n'avons choisi ni la diphtérie, ni le charbon, mais la tuberculose. Aussi bien, à partir de 1888, laissant Ja diphlérie, qui devait donner de si beaux résul- ts à Behring et à Roux, avons-nous étudié la sérothérapie de la tuberculose; et très malheu- reusement cette sérothérapie de la tuberculose ne mous donna que des résullats médiocres, encou- rageants parfois, mais en somme ne donnant, que des encouragements. Oui, il faut bien le recon- naître, malgré nos persévérants efforts pendant six ans, nous n'avons pas pu obtenir mieux qu'une légère amélioration, et une médiocre prolongation de la vie chez les animaux tuberculeux. - Si la durée de la vie chez le chien tuberculeux est de 45 à 50 jours en moyenne, le chien qui a été sérothérapisé de différentes manières vit un peu plus longtemps : 60 à 70 jours. C’est une diffé- rence assurément, mais presque négligeable. thérapique, que nous avons été les premiers à ppliquer, en janvier 1890, un an avant la décou- verte de Behring, n'a pas donné de résultats plus éclatants. Aussi, abandonnant, non sans regrets, la d'autres moyens thérapeutiques. Nous avons essayé les substances les plus diffé- rentes, et je vous fais grâce de ces essais : ils part Behring en un jour de mauvaise humeur, de constituer des spéculations théoriques sur. la phi- losophie des Sciences naturelles. Tous les médicaments que nous avons employés, plomb, acide urique, thallium, arsenic, cacodylate de soude, iode, glycérine, térébenthine, ammonia- que, nous ont donné des améliorations, mais rien de plus. Nous étions donc bien près d'êlre décou- ragés, lorsque, il y a deux ans, nous avons décou- vert un procédé thérapeutique efficace, par hasard pour ainsi dire. Ce fut peut-être un hasard heureux. mais vous reconnaitrez, je crois, que les hasards heureux ne sont que pour ceux qui cherchent. Eh bien! ce hasard heureux nous à enfin servi, si bien qu'au- jourd'hui nous disposons contre la tuberculose d'un agent thérapeutique qui est toujours, sans exception, d'une absolue eflicacité. Parmi les nombreux chiens que j'avais un jour inoculés de la tuberculose, il en emploi, à qui, par curiosité, sans grande confiance d'ailleurs, je voulus donner de la viande crue comme alimentation. J'avoue qu'à ce moment je ne pensais vraiment pas à en faire une expérience méthodique. Voilà pourquoi je fus un peu sur- pris, lorsque, trois ou quatre mois après, alors que tous les autres chiens inoculés étaient morts, je constatai que ce chien, nourri à la viande crue, non seulement vivait toujours, mais encore qu'il resta un sans élait en parfaite santé. Cependant, Messieurs, sachez-le bien, lorsqu'on est mis en présence d'un résullat auquel on ne s'attendait pas, tout se passe comme si l'on avait un voile devant les yeux. Les idées préconçcues empêchent de distinguer la vérité, même lorsqu'elle est éclatante. Je crus à un hasard, à un accident, à une inoculation imparfaite, à une idio-syncrasie de ce chien resté indemne : toutes raisons détesta- bles, qui cependant trouvèrent moyen de me satisfaire, de sorte que cette expérience, qui aurait dû me paraitre très frappante, n'a pas excité mon attention. Elle a longtemps passé comme inapercue devant moi; car je ne voulais pas la voir, et il a fallu attendre un an pour me décider à faire quelque attention à cette étonnante immunité du chien nourri à la viande. L'expérience était positive; mais je n'y croyais pas. Pourtant j'eus l'idée très simple de la recom- mencer sur deux autres chiens. Six mois après, ces deux chiens, nourris à la viande crue, étaient en parfait état de santé, alors que tous les témoins élaient morts. Cette fois, je refis des expériences nouvelles, plus positives, mieux disposées, et porlant sur un plus grand nombre d'animaux. Alors enfin le fait 308 CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE apparut en pleine é avec de la viande crue résistent à la tuberculose, et ils résistent indéfiniment. Ils ne meurent jamais, alors que les chiens autrement nourris meurent toujours. Je vais vous pré- senter ici quel- ques-uns des ta- bleaux indiquant le fait. Ces tableaux sont des graphi- ques, où sont in- diqués les poids jour par jour. Sur la ligne des x sont les jours; sur la ligne des y le poids en propor- tions centésima- les. En effet, le meilleur moyen de savoir quel est l'état de santé 1 1 d'un animal, c'est de déterminer son poids. Nous n'avons guère d'autre procédé exact pour savoir si un animal se por il maigrit; et s'il ne maigrit pas, s'il engraisse, Pois | vidence : les chiens nourris chien, l'animal a perdu 30 °/, de 5 E . Vende crue (11) --—-Vendecute(l) 5 Novembre 1899 0 Le À | Jours 10 20 30 %0 50 60 Z0 80 S0 100 110 120 130 160 150 160 170 180 150 Fig. 1. — Comparaison de la viande cuite el de la viande crue. physiologique extrême et d'éma te bien ou mal. S'il dépérit, 45 jours, chiffre qui représente la durée moyenne de la maladie tuberculeuse expérimentale d Par conséquent, en suivant jour par jour les poids des animaux en expérience, et en les transcrivant sur une courbe graphique, on peul son poids. Voyez. ce chien, inoculé il y a vingt-cinq jours seulement,. et nourri avec de la viande cuite : il est élique, af- fabli; on voit se dessiner ses cô- tes : les Lissus musculaires sont. atrophiés; tout le tissu adipeux de son organisme à disparu. Dans quelques jours ce pauvre animal v mourir épuisé, comme meurent les malheureu dire dans un état de dégradation ciation complète: Poids T 2 PT Gen om 0 me mn bn ue mt Qu 1 as LE A ere = 120 2 nn | | 4e a] Bed : 100 90 80 7 nl Légende Eee nm 60 || sommes W270e cuite(I) == —— — Piande crue (Il) 50 6 Février 1900 40 — + 30} : 1 20! | | :0 1 OL Lt L L | Jours & 8 12 16 20 2E 28 32 36 10 EF Œ8 52 56 60 6k 68 .72 J6 60 BE 88 92 96 100 110 Fig. 2. — Comparaison des effets de la viande cuite et de la viande crue. si son poids augmen maladie. Chez les chiens tuberculeux, si la maladie suit son cours normal, à partir du jour de l'inoculation, le poids baisse régulièrement, si bien qu'au bout de te, c'est qu'il triomphe de la | apprécier l'état de santé des Il est évident que, si le graphique se rapporte à plusieurs chiens, les poids des chiens qui sont, morts tombent à zéro, de sorte que la courbe gra= phique des poids représente à la fois le poids des animaux opérés. CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 309 chiens vivants, et la mortalité des chiens qui ont succombé. Soient trois chiens, dont les poids sont rapportés à 100; si l'un d'eux meurt, et que les “deux chiens vivants pèsent 90 et 90, le poids total - Cela posé, voici quelques graphiques dont je vais vous donner l’explicalion résumée. — Le premier (fig. 1) porte sur huit chiens. Les quatre chiens témoins sont morts rapidement, Sauf un, qui à survécu 145 jours : deux chiens nourris à la viande cuite sont morts assez rapide- ment aussi; tandis qu'au 150° jour, — et l'expé- rience a continué beaucoup plus longtemps, — les quatre chiens nourris à la viande crue étaient tous es quatre très bien portants. Au 120° jour ils avaient augmenté en moyenne de 40 ?/,, ce qui est une augmentalion énorme, et si, à partir du a été supprimée. Le graphique suivant (fig. 2) n'est pas moins 20° jour, ils sont L'autre chien, je vous le montre ici. Vous voyez comme il est gai, agile, gras, bien portant; je ne crains pas de dire qu'il est dans un état triomphant de santé. Le graphique suivant (fig. 3), vous indique en- Fig. 4. — Courbe des poids d'Azalée. En + alimentation carnée. core la même expérience (26 décembre 1899). En outre, dans ce cas, l’alimentalion carnée a été donnée in extremis; et le détail des poids d'un des chiens, détail qui est reproduit sur la fi- gure 4, est parli- Nous les quatre all |] [] ETTTITITTTTIA culièrement inté- assez affaiblis et 10 HER) ES Pere eee ET L_| ressant;carilmon- +: : +4 +1 10 ovonr à at malades ; je laisse ET LE | tre avec une net le hasard décider teté parfaite que quels sontles deux le relèvement du poids de l'animal qu'il. faudra ali- menter à la viande coïncide exacte crue, quels sont ment avec le mo- les deux à nourrir ment de l’alimen- avec la viande cui- lalion carnée (en te. Et vous voyez +). Ce chien, qui e résultat de l’ex- pesait 12 kilos au périence. Au 48° jour les deux chiens nourris à Légende moment de l'ino- Zémans (IV) [ | culation,étaitpres- AT ET Pianae crue au 24007 (1) + AuZkjnraimentaimäla que mourant au la viande cuite 25° jour, le 20 jan- aient morts, tan- vier, et ne pesait dis que les deux 10} plus que 9 kilos. hiens nourris à Alors il est nourri o ] viande crue aient augmenté Cette expérience date du 6 février 1900, Un an äprès, au 6 février 1901, les deux chiens nourris à a viande crue étaient vivants et bien portants, ant une augmentation de 40 °/, par rapport à ur poids primitif. L'un d'eux a été sacrifié : il avait presque plus de tuberculose dans le pou- mon, mais seulement des nodules fibreux en voie A de cicalrisalion, lraces d’une tuberculose guérie. Fig. 3. — Alimentalion carnée in extremis. à la viande crue, et le résullat est extraordinaire, car le 24 avril il pesait 19 kilos, et sa santé était florissante. Il a été sacrifié le G février 1901, un an et deux mois après l'inoculation, et ses poumons, examinés par M. Letulle, paraissaient absolument indemnes de tuberculose ? Voici enfin un autre graphique (fig. 5) très ins- tructif; car il porte sur quatorze chiens. Dix té- moins; quatre autres nourris à la viande crue. Au 310 CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 100° jour les dix témoins étaient morts, tandis que les quatre animaux nourris au jus de viande et à la viande crue étaient en pleine santé. N'est-il pas vrai qu'il serait absurde de supposer dans cette différence radicale un effet du hasard? Sachez bien aussi qu'il s’agit là d'un fait géné- ral, facile à obtenir par d’autres expérimentateurs que moi, et à la portée de tous les physiologistes. Voici un chien tuberculisé il y à huit mois par M. Chantemesse, et nourri à la viande crue. Vous pouvez constater qu'il se trouve, ainsi que l’autre chien présenté tout à l'heure, dans un état de santé excellent. Le témoin est pourtant mort deux mois après l'inoculation, dans un état misérable. Ce qui rend celte expérience particulièrement à son régime normal, à son élat de nature. Done, à on ne peut pas appliquer à l'homme omnivore ce qui s'applique au chien carnivore. Mais M. Bou- chard s'est chargé de répondre à cette objection, et de répondre d'une manière typique, en faisant" remarquer que le problème consiste alors à trans- former l’homme en un animal carnivore. Vraiment ce n’est pas bien difficile: ilsuffitde nourrirl'hommen avec de la viande crue. . La. deuxième objection, très fréquemment pré-M sentée aussi, c'est qu'il s'agissait là d'une surali- mentation. À la vérité, ce n'est pas tout à fait une objection, c’est une explication ; car les faits sont tout aussi incontestables avec l'hypothèse d'une suralimentalion, qu'avec une autre hypothèse. EL Foids | | ] T : 2 F | Î + +3 pl | Légende 50) m—— /2720178 (À) | 725 deviende (IV) so 86 Décembre 1899 zo! 30 [ 20! î ll ï [AIS Jours& Fig. 5. — Autre expérience ayant porlé Sur quatorze chiens, dont quatre nourris à la viande crue. instructive, c'est que M. Chantemesse, doulant, — comme c'était son droit, — des résultats que j'avais indiqués à l'Académie de Médecine et à la Société de Biologie, a voulu les contrôler par lui-même; et alors il a tuberculisé le même jour deux chiens de poids égal, et il les a nourris l'un à la viande crue, l'autre à la viande cuite, en leur donnant exacte- ment la même quantité de viande. Vous voyez le résultat de cette très précise expérience. C'est la confirmation éclatante de ce que j'avais annoncé. \y Naturellement, messieurs, de nombreusés objec- tions m'ont été faites. La première, la plus com- mune, ne ma pas appris une chose tout à fait inconnue. On m'a averti que le chien élait un ani- mal carnivore, ce dont je me doutais un peu, et que, par conséquent, le chien étant carnivore, si on lui donne de la viande crue, on le fait revenir 8 J2 16 20 ZE 28 32 36 &0 %E 8 52 56 60 6 68 12 76 80 8Z 88 S2 SJ6 100 107 108 112 116 120 12% 128 132 136 40 % il n'y à que les fails qui importent. Pourtant, je ne crois pas qu’on puisse expliquer par la suralimen- … tation la guérison de la tuberculose avec la viande crue. En effet, en caleulant très exactement le nom- bre de calories des aliments donnés à mes ani- M maux, et en les alimentant avec le nombre de M calories minimum qui suffise à leur existence, j'ai ] vu qu'ils résistaient très bien. Lorsqu'on donne à. des chiens tuberculisés de petites quantités, et des M quantités tout juste suffisantes, de viande crue, ces chiens er semi-inanition se portent beaucoup mieux que les chiens qu'on hyperalimente soit par de la viande cuite, soit par des quanlités considé- rables de féculents, soit par toute autre ration ali- mentaire surabondante. 4 Enfin, et c'est un procédé de discussion auquel on a toujours recours en désespoir de cause, on m'a objecté que c'était là un procédé de traitement très banal, et que tous les médecins le connaissaient, depuis longiemps. Je n'insiste pas sur cetle ques: CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE 311 “tion de priorité, puisqu'on n'a pas trouvé encore + les traités de Médecine ou de Thérapeutique - quelque document à l'appui. — En tout cas, l'application de cette thérapeutique à À l'homme comporte une assez grave difficulté. On ne peut espérer qu'un homme, et surtout un malade, va pouvoir ingérer la quantité considérable de viande rue qui est nécessaire. En effet, la quantité de “viande qu'il faut donner aux chiens pour les pré- server de la tuberculose est vraiment très forte. Si Jon donne à des chiens des quantilés au-dessous de 10 grammes de viande par kilogramme de poids, ils meurent; il faut donc leur donner au moins 10 où 15 grammes par kilo, pour qu'ils résis- tent à la maladie. | | | | traitement spécial). Or j'ai pu démontrer que le sérum musculaire contient tous les éléments théra- peutiques actifs contre la tuberculose; car si, d’une part, on nourrit des animaux avec de la viande lavée, c'est-à-dire de la viande dont on a enlevé la partie soluble, et d’autre part d'autres animaux avec du jus de viande, ce sont les chiens nourris avec le jus de viande qui résistent, tandis que les chiens nourris avec la fibrine musculaire lavée ne résistent pas (fig. 6). Par conséquent, au lieu de donner de la viande crue, il suffit de donner le sérum musculaire, qui contient les éléments thé- rapeuliques de la viande. Qu'un malade ne puisse pas prendre 750 grammes de viande crue, par Or,12 grammes El EE (BE ES ES VA EE je dégoût, par inap- par kilo, cela re- 10 | + | ar ht + + pétence, ou pour présente la dose (RE TT se D QUI IPS = ! toute autre cause, 110! — —— : des = RAS : ès forte de 750 | DE ei [| il pourra toujours [LE 4 | LEE CE Lo : 2: 9 100 + ! boir s de srammes pour un ie ml sa | : SN jus dé Dome; et on pe pl + | LE 22) | [| LR Es viande, qui con- peut guère espé- Let | st en | tient les éléments 4 | ” . rer que des mala- Hi TT TT thérapeutiques de deshumainspour- , le L lat RE moe la viande crue. En ront tous les jours j: — nue masquant par des EE vérer 75 ET 60 RSS EE ssences ‘on- ingérer 150 gram EE DU RISNE 9 EE [ essences quelcon mes de viande s0 = ne | ques, ou par des ue. C'est une dif- a asp | 1 [ 1=S condiments , ou iculté, Messieurs; ul EN y Ci par du bouillon or- ce n'est pas une x Légende + dinaire, très con- objection: c’est au 20 Jnans M) GE centré, l'odeur peu A. : : _ Hand e/Z F : médecin à appli- | TR TT [1] agréable du jus de M Ales 31 | se . quer à ses mala “ js ai su | viande, on en fail D = doméesde ALU 1 D 2 VE 1 PO LL une boisson très Ü— us 0 20 ET] 70 50 Ton, la Thérapeutique expérimentale ; or ces données sont positives, irréfutables. Ce n'est pas à nous d'en rouver le modus faciendi. Le physiologiste qui availle dans son laboraloire in anima vili n'a pas à se préoccuper des méthodes suivant les- quelles le médecin appliquera ses données in anima LI “Heureusement, d'ailleurs, il y a un moyen de tourner la difficulté; j'ai montré que dans la viande ya deux éléments qu'on peut facilement séparer. l'on soumet de la viande fraiche à une très forte pression, on obtient un liquide, qui s'écoule; liquide uon peut appeler sérum musculaire. La chair sculaire, après la mort, se coagule à peu près omme se coagule le sang, et donne un caillot et un um. La presse exprime du caillot musculaire ou la fibrine musculaire un sérum qui s'écoule. Vous oyez ici ce sérum musculaire : c'est ce qu'on appelle communément le jus de viande crue (Eüuoc, en grec, d'où le nom de zomothérapie que j'ai donné à ce Fig. 6. — Effets comparatifs de la viande lavée et du sérum. acceptable, qu'il est facile, même pour un malade, d’avaler en grande quantité. De nombreux essais, variés de plusieurs ma- nières, nous ont montré qu'il faut à peu près 2 kilos de viande pour faire 750 grammes de sérum musculaire, et que ces 750 grammes sont néces- saires, par jour, pour le traitement d'un homme adulte (en rapportant les quantités reconnues comme nécessaires pour le chien aux quantités nécessaires pour l'homme). Gertes, c’est là une assez lourde dépense, et la fabrication de ces 750 grammes de sérum est fort délicate, et assez longue. Mais, si le médecin veut guérir son malade, et si le malade veut guérir, ces difficultés sont sans grande importance, et peuvent être vaincues. Pour ma part, je ne doute pas que l'industrie y arrivera bientôt sans peine, et que le prix de revient de ce produit précieux pourra être nota- blement abaissé. 312 CHARLES RICHET — LA TUBERCULOSE EXPÉRIMENTALE VI Quels sont les éléments actifs du jus de viande et quel est le mécanisme de son action antitubercu- leuse, il m'est malheureusement impossible de vous le dire. D'ailleurs, après avoir exposé les faits, qui sont positifs, il est assez pénible d'avoir recours aux hypothèses, extrèmement fragiles toujours. Pour- tant, ne füt-ce que comme moyen mnémotechnique, qu'il me soit permis, en terminant, de faire une hypothèse sur l’action du sérum musculaire. Supposons que les éléments nerveux sont, à un moment donné, imprégnés par le poison que sécrète le bacille tuberculeux : celte intoxication sera la cause immédiate de la mort. En effet, si l'individu ou l'animal tuberculeux meurent, c'est par suite ‘ d'une intoxication lente, d'une déchéance orga- nique graduelle, déchéance due à ce que peu à peu le système nerveux se trouve imprégné, intoxiqué par un poison, le poison redoutable que fabrique le bacille tuberculeux. Une tuberculine quelconque, inconnue encore, va porter son aclion délétère sur le système nerveux. Or, comme le sys- (ème nerveux commande tous les phénomènes chi- miques de l'organisme, une fois que le système ner- veux est atteint, tout le chimisme de l'être est en souffrance. Il n’v a plus de nutrition satisfaisante, parce que le système nerveux, qui préside au tro- phisme de toutesles cellules vivantes, est profondé- ment lésé. Son intoxication amène de graves troubles de nutrition dans toules les cellules de l'organisme. Sile sérum musculaire empêche la déchéance du système nerveux, c’est probablement par une sorte de substitution nutritive. Admettons que dans le jus de viande se trouvent certaines subs- lances qui viennent se fixer sur les cellules ner- veuses. Une fois que ces cellules se trouvent im- prégnées par ces substances, elles ne peuvent plus absorber le poison tuberculeux, et alors celui-ci circule dans l'organisme sans pouvoir offenser les cellules nerveuses, parce que ces cellules, saturées par d’autres substances, sont réfraclaires à l’im- prégnation, l'imbibilion par le poison tuberculeux. C'est à peu près ce qui se passe avec un écheveau de soie coloré, qui, une fois coloré, ne peut plus fixer une nouvelle matière colorante. Si, au con- traire, cel écheveau était blanc, il prendrait toute la matière colorante du bain où on l'a plongé; mais, une fois qu'il est teint, il a fixé une couleur, et il n’en prend plus d'autre. De même les cellu- les nerveuses, une fois qu'elles se sontimbibées des subslances contenues dans le suc musculaire, ne peuvent plus s'imbiber de tuberculine. Alors, peu à peu, l'organisme se débarrasse de la luberculine par les émonctoires naturels : et la maladie, au lieu de s'acheminer à une ierminaison fatale, marche régulièrement vers la guérison. $ VII Mais peu importe la théorie. Les faits sont là; ils sont éclatants, incontestés, incontestables. Que deviendront-ils entre les mains des cliniciens? Je l'ignore; mais je suis bien convaincu qu'ils com” portent une application à la thérapeutique humaines Ce serait, d'ailleurs, une entreprise inepte que d’es® sayer de mettre en conflit l'expérimentation etla clinique. Ceux qui croient qu'elles se contredisent, ceux-là, je tiens à le proclamer bien haut, n'on rien compris ni à la clinique, ni à l’expérimen= tation. L'accord est nécessaire, et, s'il y a désac> cord, c'est que l'interprétation est erronée dans l’une ou l'autre science, voire même dans les deux sciences à la fois. Si l'expérimentateur peut arriver à de plus brillants et plus sûrs résultats que le clinicien, il serait très injuste d'accuser ce dernier. Lorsqu'un physiologiste cherche la vérité dans son laboratoires il a de bien autres soucis que le médecin, qui cher che avant toutes choses à guérir son malade. Ea médecine hippocratique, la médecine d'observation, a un devoir beaucoup plus précis que le nôtre : un devoir auquel elle ne doit pas faillir, auquel elle n'a jamais failli. Il s'agit non pas de faire des théo ries, d'expliquer des phénomènes, de chercher l& vérilé, de découvrir des faits nouveaux : il s'agit de toute autre chose. Voici un malade qui souffre : ik faut le soulager. Voici un individu qui va mourir à il faut éviter sa mort, ou prolonger sa vie. Nous, les physiologistes, les expérimentateurs nous avons une autre mission que celle de calmer la souffrance ou de prolonger l'existence d’un malade : nous avons la mission de connaître un& parcelle de la vérité des choses, et d'aller en avant Nous songeons non aux malades actuels, mais aux malades futurs, dont la science apaisera les souf: frances. À chacun son rôle. Les uns ont à faire pro gresser la science, les autres ont la très noble tàch@ de soulager les douleurs humaines; et il faut que l'accord se fasse entre ceux qui vont au delà d doctrines recues, cherchant hardiment la vér dans des voies nouvelles, et ceux qui, mettant em pratique les anciens préceptes de l’art médical clas sique, appliquent prudemment les données sciens tfiques au traitement de leurs malades. Mais les uns et les autres doivent avoir à la fois le même double idéal; le culte de la vérité, quie seule belle et désirable, et l'amour des hommes; nos frères, dont les misères doivent nous émous voir. Charles Richet, Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecine de Paris. Membre de l'Académie de Médecine- 14,210 ‘1 célliis L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 313 SUR LA THÉORIE DES 2: Lorsqu'on suit les discussions qui se sont pro- duites récemment au sujet des théories des ma- “chines à vapeur, on ne peut qu'être frappé de l'in- Cerlitude qui s'attache encore à la plupart des questions soulevées. Et ce n'est pas seulement dans des polémiques, c'est dans des ouvrages de longue leine et ayant un caractère purement didactique, que l'on constate des divergences profondes entre les opinions émises par les différents auteurs. -I1y a plus d'un quart de siècle que la plupart des questions actuellement débattues furent sou- levées par les remarquables expériences auxquelles se livra Hirn sur sa machine de Logelbach, avec la Collaboralion d'une pléiade de savants, parmi les- Quels il faut citer M. Dwelshauvers-Dery, l'éminent professeur de l’Université de Liège. » Mais où peut remonter plus haut encore et cons- tater que les questions qui alimentent les dis- ssions acluelles puisent leur origine à une époque bien plus ancienne, et datent du jour où Watt, en créant la machine rotative à Liroir et à ondensation extérieure, eut la géniale inspiralion de la munir de l'enveloppe de vapeur. . Les phénomènes dont l'interprétation donne lieu aujourd'hui à d’ardentes polémiques sont ceux sur lesquels Watt fut amené à émettre son opi- nion. Et cela n'a rien de surprenant, si l'on songe que la machine à vapeur n'a pas varié dans son >ssence, et est aujourd'hui ce qu'elle élait en 1765. Que l’on considère, à côté de la machine rolative à balancier conçue par Walt, une machine rotative à balancier conslruite dans ces dernières années : n sera frappé de l'extrème similitude qui existe entre ces deux machines. Que l’on compare même la machine de Watt une machine moderne à irectrices, on retrouvera la filiation immédiate jui relie entre elles ces deux machines, la seconde lé différant essentiellement de la première que par suppression du balancier. existe assurément des machines à vapeur qui, seulement au point de vue de leur aspect gé- al, mais encore au point de vue du principe de r fonctionnement, s'écarlent complètement de machine primitive de Watt — telles les diverses ines à vapeur dont la construction est arrivée ine de Watt n'en reste pas moins debout : mise en présence de nos machines modernes, elle ne REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. LES DISCUSSIONS RÉCENTES MACHINES A VAPEUR choque pas et n'étonne pas. Et s'il en est ainsi, si son aspect même ne parait pas étrange, c'est que ses organes essentiels, c'est que le principe de son fonctionnement, trouvent encore leur application dans la plupart de nos machines actuelles. Le cylindre en fonte, à l’intérieur duquel circule un piston pressé alternativement dans les deux sens par la vapeur venant de la chaudière ; la tige qui traverse l’un des couvercles du cylindre, et qui, élant reliée au piston, est animée avec lui d’un mou- vement de va-et-vient; la bielle qui, articulée à la tige par une de ses extrémités, reliée par son autre extrémité à un bouton de manivelle, transforme le mouvement de va-et-vient de la tige en un mouve- ment circulaire; l'arbre qui, recevant l’action mo- trice de la bielle par l'intermédiaire de la manivelle, subit un mouvement de rotation continu, et lrans- met à d'autres mécanismes le travail dela machine ; le volant qui, monté sur l'arbre, agit par sa masse pour maintenir l'uniformité de la vitesse : tels sont les organes essentiels que l’on rencontre dans la plupart de nos machines à vapeur actuelles, et qui se retrouvent tous dans la machine à balancier de Watt, celle-ci possédant en outre le balancier, o$- cillant sur son axe horizontal et relié d'une part à la tige du piston, d'autre part à la bielle. Quant aux dispositions adoptées par Watt dans la construction du cylindre; quant à l'emploi de deux lumières d'admission, permettant l'entrée et la sortie successives de la vapeur sur les deux faces du piston; quant à la façon dont ces lumières sont mises allernativement en communication avec la conduite d'amenée de vapeur et avec la conduite d'échappement, et ce par le jeu d’un tiroir unique qui les recouvre et les découvre successivement; quant à la commande de ce liroir, mis en mouve- ment par une barre d'excentrique actionnée elle- même par l'arbre, tout cela se retrouve, sans modi- ficalions dignes d'être notées, dans un nombre considérable de machines actuelles. En ce qui concerne les machines à balancier, l'organe par lequel le balancier est relié à la tige du piston est aujourd'hui encore le parallélo- gramme de Watt, el n'a subi aucune modification depuis qu'il est sorti des mains de l'inventeur. On sait que Wait imagina en outre le régulateur à force centrifuge, qui est mis en mouvement par la machine, et qui, au fur et à mesure qu'il tourne plus rapidement, agit par l'intermédiaire d'un sys- tème de lringles pour diminuer de plus eu plus ll 314 l'introduction de vapeur dans le cylindre.Depuis,on a inventé un très grand nombre de régulateurs déri- vant de celui de Watt et fondés comme lui sur l’utili- salion de la force centrifuge ; on a inventé un très grand nombre de mécanismes destinés à régler l'in- troduction de vapeur sous la commande du régu- lateur. Mais, chose remarquable, le régulateur de Watt subsiste à côté de ses dérivés; le mécanisme imaginé par Watt subsiste à côté des autres méca- nismes qui ont pris naissance ullérieurement. Et parmi les machines les plus perfectionnées et les plus économiques, il en est qui sont munies du ré- gulateur de Watt sans que celui-ci ait subi la moindre modification. Lorsque les circonstances le permettent, le ren- dement de la machine se trouve augmenté par l'emploi de la condensation : la vapeur, au lieu de s'échapper à l’air libre, se rend du cylindre au con- denseur, récipient dans lequel un jet d'eau la refroididit énergiquement el en produit par consé- quent la condensation à basse pression. Or, non seulement le principe de la condensation réalisée hors du cylindre est dû à Watt, mais, en outre, son condenseur est encore employé aujourd’hui : de nombreux types de condenseurs ont été imaginés, mais ils ne sont pas parvenus à supplanter le type primitif imaginé par Watt. En résumé, la machine à vapeur actuelle se trouve encore marquée de la forte empreinte de Watt. Certes, il existe certains types de machines sans cylindre qui s'écartent complètement des concep- lions de Watt, même de la conception qu'il eut d'une machine à rotation directe. D'autre part, des innovations importantes ont été apportées aux ma- chines à cylindres, telle la multiple expansion, tels de nombreux systèmes de distribution. Grâce à ces innovations, grâce surtout aux progrès énormes qu'a réalisés la construction mécanique, qui se trouvait, au milieu du xvin° siècle, dans un état tout à fait rudimentaire, le rendement de la ma- chine à vapeur s'estamélioré dans une mesure con- sidérable. Mais il n'en est pas moins vrai que les machines de notre époque, malgré la gigantesque contribution d'un nombre incalculable de théoriciens, d’expéri- mentateurs, de constructeurs, s’écartent moins de celle de Watt que celle-ci ne s’écartait des premiers tätonnements de Papin et de Newcommen. L'esprit humain aurait-il été frappé de stérilité dans le domaine spécial qui nous occupe? Nulle- ment, mais l'œuvre d'un seul homme a été telle- ment prodigieuse qu’elle a presque atteint du pre- mier coup la perfection. Si, dans une autre planète, il existe des êlres constitués à peu près comme nous, si, en outre, il existe dans cette planète une région pour laquelle Lu. “+ | L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR | les conditions générales de l’industrie ont été à peu près les mêmes que dans l'Europe occidentale au milieu du xvin° siècle, ilest probable qu'il aura fall de multiples générations d’inventeurs pourfaire de la machine à vapeur ce que Watt est parvenu en faire à lui seul, grâce aux ressources de son merveilleux génie. Il Ce qu'il y a peut-être de plus prodigieux dans li création de Watt, c'est l'enveloppe de vapeur, dont l'emploi se rattache à cette question des échanges qui à donné lieu, dans ces dernières années, à des polémiques si vives el parfois si passionnées” Watt avait compris que le travail de la machine est affecté d'une perte notable due à ce que à vapeur chaude, pénétrant dans le cylindre, aban donne de la chaleur aux parois, et à ce qu'ensuité la vapeur, s'étant refroidie, reprend, en s'échappant du cylindre, la chaleur qu'elle y a déposée à son eutrée. Il y à, de ce chef, une dépense de chaleur supplémentaire, venant s'ajouter à la chaleur direc tement utilisée à la production du travail. | Watt avait compris, en outre, que cette perte serait réduile dans une forte mesure par l'emploi de l'enveloppe de vapeur, espace annulaire ménagé autour du cylindre proprement dit et rempli dem vapeur chaude, de facon à maintenir les parois & une haute température. Or, si Watt avait imaginé l'emploi de l'enveloppe; s'il en avait compris l'efficacité, si l'expérience w surabondamment démontré que l’enveloppe con“ stilue, en effet, l'un des moyens les plus puis sants d'améliorer le rendement de la machine, i est remarquable qu'aujourd'hui encore les hommes | techniques ne sont pas parvenus à se mettre entiè rement d'accord sur l'explication à donner de ce fait incontesté : l'utilité de l'enveloppe. La question est tellement controversée, les idées« émises au sujet de l'enveloppe sont tellement dive gentes, qu'on a pu écrire en 1900 dans la Revue de Mécanique que « le rôle exact des enveloppes dé satisfaisante ». Sans vouloir discuter ici le bien fondé de cette déclaration, et rechercher si, par à constater que l'unanimité des hommes compé tents n'est pas acquise à une explication déte minée, et que les controverses continuent à se pro duire sur une question ouverte depuis plus de cent trente-cinq ans. “par un phénomène de divination vraiment surpre- “nant, il comprit l'utilité que devait avoir l'enve- “loppe. Nous possédons notamment les immortelles expériences de Regnault sur les propriétés de la vapeur. Nous possédons les travaux de Carnot sur “la théorie générale des moteurs thermiques. Or, _ l'œuvre des deux savants français, œuvre qui a servi de fondement à tant d’autres travaux destinés “à nous éclairer et à nous guider dans nos raison- vapeur. Les expériences de Hirn et de ses collaborateurs e’, \ | \ NE | 1 E\ NES \ Ce d° a’ e? Fig. 1. — Courbe de travail du piston dans un cylindre donnée par l'indicateur de Watt. eurent pour but principal de déterminer ces échanges de chaleur, dont déjà se préoccupait Walt, ët auquel il appliqua le remède de l'enveloppe. L'instrument dont se servirent les expérimenta- eurs alsaciens (comme on désigne généralement les collaborateurs de Hirn) fut l'indicateur de Watt. Cet appareil n'avait élé employé jusqu'alors que ur se rendre compte des différentes phases du netionnement de la vapeur et pour mesurer le travail développé à l'intérieur du cylindre. - On sait que l'indicateur est un instrument monté ur le cylindre à l'effet de réaliser Le tracé automa- que du diagramme abedea (fig. 1), dont les ordonnées (hauteurs mesurées à partir d’une hori- “zontale 4’) représentent les pressions exercées rune des faces du piston, tandis que les abscisses (distances horizontales mesurées à partir de la werlicale 4e) représentent les chemins parcourus par L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 315 le piston. Le cylindre, représenté schématiquement dans la figure, possède quatre lumières, qui sont alternativement ouvertes et fermées par des distri- buteurs: la lumière supérieure de gauche commande l'admission sur la face gauche du piston, et la lumière inférieure de gauche commande l'échap- pement sur cette même face. Pendant que le piston passe de la position ini- tiale À à la position B, il y a admission, la lumière d'admission de gauche étant ouverte, et la lumière d'échappement de gauche étant fermée, ainsi que l'indique la figure. La pression, sensiblement cons- tante, développée sur le piston, est représentée par la ligne 4h du diagramme. À partir de la position B du piston, les deux lumières de gauche sont fermées, et la vapeur introduite dans le cylindre se détend en perdant de la pression suivant la courbe he. Pendant la course arrière de C en D, c'est la lumière d'échap- pement de gauche qui s'ouvre pour permettre à la vapeur de s'échapper en exercant sur le piston une pression résistante représentée par la ligne cd du diagramme. À partir de la position D du piston, les deux lumières sont de nouveau fermées, de telle façon que la petite quantité de vapeur qui reste dans le cylindre se trouve refoulée dans l'espace mort en se comprimant suivant la courbe de. C'est cette courbe ahcdea que trace automatique- ment l'indicateur. On sait que cet appareil est formé d'un petit cylindre en cuivre sur lequel est montée une feuille de papier, et qui, commandé par une ficelle, subit autour de son axe un mouvement de va-et-vient en rapport avec le mouvement de va-et-vient du piston dans le cylindre à vapeur. D'autre part, la pointe d'un crayon est continuellement en contact avec le papier porté par le petit cylindre. Si ce crayon restait entièrement immobile, il tracerait un trait horizontal sur le papier par suite du mou- vement de va-el-vient de celui-ci. Mais le crayon est lui-même actionné par un pelit piston qui est en communication avec le cylindre à vapeur, et qui, étant soumis en outre à l’action d'un ressort anlagoniste, s'élève plus ou moins selon que la pression de la vapeur est plus ou moins forte. Le crayon occupe donc sur le papier des niveaux va- riables, pendant que le papier se déplace horizon- talement sous le crayon : par suite de ces deux déplacements simultanés, déplacements horizon- taux (abscisses) et déplacements verticaux (ordon- nées), on obtient le tracé du diagramme. La surface comprise à l’intérieur de ce dia- gramme fait connaître la quantité de travail déve- loppée par la vapeur sur le piston moteur. Il suffit, pour s'en convaincre, de remarquer que le travail s'évalue en multipliant par le déplacement l'effort 316 exercé dans le sens de ce déplacement. En effet, si par exemple un cheval tire un véhicule dans des conditions bien délerminées, il est évident qu'en parcourant un espace deux fois plus grand, il aura ccompli un travail deux fois plus grand. Si, d'autre part, par le serrage des freins, on oblige ce cheval à développer, sur un même trajet, un effort deux fois plus grand, il est non moins évident que le tra- vail aura encore doublé. On voit donc bien que les deux facteurs qui constituent le travail sont d’une part le trajet, d'autre part l'effort accompli dans le sens de ce trajet. Or, d'après ce qui a été dit plus haut, les abscisses du diagramme sont proportionnelles au trajet par- couru par le piston. Les ordonnées du diagramme sont proportionnelles à l'effort accompli par la vapeur sur le piston. Si la pression de la vapeur était constante pendant la course motrice, et élait encore constante pendant la course résistante, le diagramme serait évidemment formé d'un rectangle dont la surface (produit de l'abscisse totale par la différence des deux ordonnées à l’aller et au retour) serait proportionnelle au travail, produit de la course du piston par la différence des deux efforts (efforts moteur à l'aller et effort résistant au retour). Mais si la pression, au lieu d'être constante pen- dant toute une course simple du piston, prenail des valeurs successives, qui toutefois resteraient cons- tantes pendant certaines parties de la course, il est évident que le diagramme, au lieu de constituer un rectangle unique, serait formé d'une série de rec- tangles accolés. Et chacun de ces reclangles aurait encore une surface proportionnelle au travail cor- respondant. La surface Lotale serait donc propor- tionnelle au travail total. Et si, enfin, la pression varie continument, la surface interceptée à l'intérieur dela courbe pourra être considérée comme formée d'une infinité de rectangles élémentaires, chacun de ces rectangles étant proportionnel au travail élémentaire corres- pondant. Cette surface est donc proporlionnelle au travail total. Watt s'était borné, et pendant plus d’un siècle on s'élait borné comme lui, à demander à l'indicateur la mesure du travail développé. Les Alsaciens allèrent plus loin et s’atlachèrent à dégager du dia- gramme d’indicateur la mesure des quantités de chaleur échangées entre la vapeur et les parois du cylindre. Ils se fondèrent à cet effet sur les considérations suivantes : Lorsqu'un poids déterminé de vapeur est à une pression donnée, on peul, au moyen des lables, en calculer le volume, à la condition toute- fois de connaître la quantité d’eau qui y estmélangée si cette vapeur est sursaturée, où de connaitre le L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR quantité de chaleur dans une série de positions ' degré de surchauffe si elle est surchauffée. Récipro: q quement si, connaissant et la pression et le poids de la vapeur, on connait en outre le volume occupé par cette vapeur, on peut calculer, suivant les cas, le titre (proportion de vapeur sèche) ou le degré de surchauffe. Or, si l'on remarque que, dans la courbe de dé: tente du diagramme d’indicateur, un point telq f fait connaître en même temps le volume occupé par la vapeur à l'intérieur du cylindre, et la pres sion correspondant à ce volume; si l'on remarque que, pour une machine marchant avec une grande régularité, on peut, en mesurant pendant une pé riode de plusieurs heures la quantilé d’eau néces saire pour maintenir le niveau de la chaudière, em déduire la quantité de vapeur dépensée à chaque coup de piston, on se trouve posséder, en tous points de la détente, ces trois éléments : poids, pression et volume, dont il sera possible de dédui le titre de la vapeur, ou éventuellement son degré de surchauffe. Mais il ya plus : l’état de la vapeur étant bien connu, on peut déterminer parles tables la quantité de chaleur qu'elle possède. Et, connaissant cette successives du piston, on peut en déduire les quan lités de chaleur qu'elle aura abandonnées aux 14 rois ou reçues de celles-ci. IT Voilà donc le résultat extrèmement séduisa auquel ont tout au moins tendu les efforts des Alsaciens: ce simple diagramme d’indicateur ne sê bornerail plus à faire connaitre la quantité de traz vail effectué. Il se transformerait en un procès-vers bal graphique des échanges, en une sorte de livre de complabilité renseignant sur les entrées et les sorties de chaleur à mettre au crédit et au débit du métal d'une part, du fluide d'autre part. Mais, immédiatement, surgissent de nombreuses objections qui permettent de révoquer en doute l'efficacité de la méthode alsacienne et qui montrent en même temps à quel point des expériences faites sur une machine à vapeur sont plus difficiles effectuer et à interpréter que ne le sont des expé riences de laboratoire. La méthode alsacienne est fondée sur la connais: sance de la quantité de vapeur enfermée dans ] cylindre pendant la période de détente. Or, cette connaissance, est-il possible de la posséder exactes ment? Le poids de fluide à évaluer n'est-il pas en effet modifié d'un instant à l'autre par l'action des fuites? D'autre part, il importe de remarquer que le fluide qui évolue à l’intérieur du cylindre pendant la détente ne comprend pas exclusivement celui L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 317 qui est envoyé de la chaudière à chaque coup de piston, mais comprend en outre la vapeur de com- pression, refoulée dans l’espace mort à la fin de la course du piston. Celte vapeur, en connait-on exac- tement le poids? En d'autres termes, sait-on si, au ns des proportions énormes? D'autre part, orsqu à un moment quelconque du fontionnement vapeur, et que, de ce chef, l'évaluation de la cha- r possédée par le fluide ne soit pas entachée dune grande indétermination? D'autre part encore, si la vapeur a été surchauffée avant d'entrer dans le cylindre, esl-on assuré qu'elle restera dans un état d'homogénéilé complète en perdant sa sur- hauffe, et que toutes ses parties passeront simul- lanément par le point de saturation ? Ou bien, au contraire, les parties les plus voisines du métal ne Seront-elles pas arrivées à se sursaturer alors que d'autres parties seraient encore à l'élat de sur- chauffe, chose qui jetterait la plus grande indétermi- nation sur l'évaluation de la chaleur possédée. Enfin, objection d’un toutautre ordre, le diagramme même de l'indicateur est-il suffisamment exact, la propor- ionnalité entre ses abscisses et les chemins par- Courus parle piston, entre sesordonnées et les efforts développés sur le piston, est-elle suffisamment com- plète pour que, abstraction faite de Loutes les autres bbjeclions, il soit possible d'en tirer des conclusions quelque peu certaines quant aux quantités de cha- leur possédées par la vapeur pendant les phases Successives de son travail ? . Telles sont les principales questions soulevées par les expériences alsaciennes. Après avoir donné u à une retentissante discussion entre: Hirn et uner en 1882, et après avoir fait couler des flots d'encre pendant les dix-huit années qui suivirent, es questions n'ont point encore reçu de solution définitive : les avis sont aujourd'hui encore absolu- ment partagés, et certains ingénieurs continuent à Ppliquer la méthode alsacienne, alors que d’autres a déclarent enlièrement dépourvue de pertinence, échanges. On sait, en effet, que les expériences alsa- siennes ne se bornent pas à la détermination des par la vapeur d'échappement, et rayonnant à tra- vers les parois. En ce qui concerne l'affectation de l'indicateur à la mesure des échanges, notre intention n’est nulle- mentd'exposerici quelle est notre opinion et de nous efforcer de la justifier : nous voulons nous borner à montrer combien les questions relatives au travail de la vapeur sont loin d'avoir reçu une solution définitive. Nous nous contenterons toutefois de signaler un fait, sans le commenter. Dans sa Irès remarquable « Nouvelle méthode pour représenter l'échange de chaleur entre le métal et la vapeur » (Mulhouse, 1888), M. Dwelshauvers-Dery établit des diagrammes des échanges, diagrammes qu'il super- pose aux diagrammes d'indicateur, et qui fournis- sent ka représentation graphique des échanges tels qu'ils sont censés s'être produits, en vertu de la théorie alsacienne. Or, sur huit diagrammes, cor- respondant à huit essais effectués par Hallauer en 1873 et 1875, diagrammes qui ne font que repro- duire fidèlement les conclusions que Hallauer avait tirées lui-même de ses essais, il y en a sept qui montrent la vapeur absorbant de la chaleur au début de la détente, lorsqu'elle est encore relalive- ment chaude, et rendant de la chaleur aux parois à la fin de la détente, lorsqu'elle est relativement froide. Nous nous contentons d'exposer le fait, laissant au lecteur le soin d'en tirer argument pour ou contre le système alsacien. L'un des points qui, à la suite des expériences alsaciences, donnèrent lieu aux controverses les plus vives, réside dans l'existence ou la non-exis- tence d'une certaine quantité d'eau à l'intérieur du cylindre au début de la compression. Les Alsaciens avaient fait tous leurs calculs en admettant la sic- cité de la vapeur à l'instant considéré. Dans la polémique publiée en 1882 par la Æevue univer- selle des Mines et de la Métallurgie, Zeuner objecta que l'hypothèse de la siccité de la vapeur était gra- luite, que, eu égard à la possibilité de l'existence d'une certaine quantité d'eau dans le cylindre, le poids lotal de fluide était entièrement indéterminé, et que. de ce chef, planait une incertitude complète sur la grandeur accomplis entre le fluide et le métal. Hirn et Hallauer ripostèrent en maintenant la légitimité de l'hypothèse, et en sou- tenant qu'il était impossible que l’eau qui tapisse les parois au début de l’échappement ne füt pas vaporisée intégralement et {rès rapidement, étant en communication avec de la vapeur à basse pres- sion. Il est incontestable, en effet, que si l'eau et la vapeur se trouvent l'uneet l'autre à la température de 100° à la fin de la détente, et si, par suite de l’ou- verture de la lumière d'échappement, la pression de la vapeur tombe à un dixième d’atmosphère, et des échanges 318 L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR sa tempéralure à 46°2, l’eau ne pourra pas rester à 100° dans un milieu dont la pression est inférieure à une atmosphère. La vaporisation prendra dès lors un caractère explosif, absolument analogue à celui qui se présente lorsque l’eau d'une chaudière, portée par exemple à 150 degrés, se trouve ramenée brus- quement à la pression atmosphérique par suite d'une rupture des tôles. Dans l’un et l’autre cas, il se produit une vaporisation extrémement éner- gique et extrêmement rapide, due à la brusque rup- ture d'équilibre entre la pression de l’eau et la pression ambiante. Mais, dans l’un et l’autre cas, ce n'est qu'une très petite partie de la masse d'eau qui prend part à cette explosion, et la chaleur qu'elle absorbe par ce fait ramène la masse liquide res- tante à la température de saturation correspondant à la pression ambiante. De même que la plus grande partie de l’eau d’une chaudière qui fait explosion reste à l’élat liquide, de même la plus grande partie des gouttelettes qui lapissent les parois au début de l’échappement restent aussi à l’état liquide, et ne se vaporisent ensuite que graduellement, en vertu de la chaleur abandonnée d’une facon con- tinue par les parois. Dans ces conditions, l’eau doit-elle avoir entière- ment disparu avant la fin de l’échappement, ou peut-il en rester une certaine quantité au début de la compression ? Telle est la question essentielle qui alimenta la discussion entre Zeuner et l'École alsacienne, question controversable assurément et à laquelle aucune donnée expérimentale antérieure ne pouvait apporter une solution certaine. Zeuner ne se borna pas à invoquer contre le sys- tème alsacien la possibilité de l'existence d’une cer- taine quantilé d’eau au début de la compression : il se fonda sur les expériences mêmes des Alsaciens, et sur les diagrammes d'indicateur qu'ils avaient publiés, pour affirmerlaréalité de cetteexistence. En effet, plusieurs des diagrammes relevés comportent une courbe de compression 4 e (fig. 1) qui s'écarte énormément de la courbe de compression adiaha- lique*, telle qu'elle se serait produite pour de la vapeur primitivementsèche, dansla situation repré- sentée par le point d. La courbe de compression réelle d e montre que les volumes successifs de la vapeur sont beaucoup plus petits qu'ils ne devraient être si elle se comprimait adiabatiquement suivant une courbe telle que d e. La réduction des volumes implique une condensation énergique : la vapeur s’est donc trouvée en présence d’une substance qui lui à pris de la chaleur, et cette substance, c'est l'eau s{agnante, comme on l’a appelée depuis, l'eau qui règne en permanence dans le cylindre. On sait qu'une transformation adiabatique est celle pour laquelle le fluide qui se transforme ne recoit ni ne perd de chaleur. IT L'argument de Zeuner n’a pas paru péremptoire aux partisans du système alsacien : la substance qui, dès le commencement de la compression, à pu absorber la chaleur de la vapeur, ce n’est pas l’eau stagnante, c’est le métal même des parois : l'exis tence de l’eau stagnante n’est donc pas prouvée: Et ici se greffe, sur la question de l’eau stagnante, une question qui, à son tour, a donné lieu aux con" troverses les plus vives. Pour que le métal ait pu; dès le début de la compression, refroidir énergi quement la vapeur, il faut que sa température ai été inférieure à celle qu'a prise la vapeur aussitô qu'elle a commencé à se comprimer : il faut dont qu'il y ait eu, pendant l'échappement, une égalité complète entre la température des parois et celle de la vapeur. Voilà donc la question qui se pose : la tempé= rature des parois suit-elle exactement celle de la vapeur, ou bien oscille-t-elle entre des limites plus rapprochées ? Les remarquables recherches de M. Bryan Don kin sont venues apporter aux questions contro= versées des éléments expérimentaux de la plus haute valeur, mais n’ont pas mis fin à la discussion: Le savant expérimentateur a pratiqué des logements dans l'épaisseur de la paroi des cylindres, el y a installé des thermomètres. Mais quelque intéres®= santes que pussent être les indications fournies par” ce procédé d'investigation, elles ne pouvaient évi= demment pas faire connaître la température à las surface même des parois. En ce qui concerne la question de l’eau stagnante, le « revealer » de M. Donkin est de nature à élu= cider cette question d'une façon beaucoup plus: certaine : cet appareil est formé d'un petit récipient cylindrique en verre, contenant un noyau en fonte, et mis encommunication permanente avec l’un des fonds du cylindre. Le revealer, qui n’est autre chose qu'un prolongement de l’espace mort, contient à chaque instant de la vapeur à la même pressions que celle du cylindre. Il suffit d’inspecter le re- vealer pour voir l’eau se déposer en gouttelettes pendant la période d'admission, et pour voir ces gouttelettes se réduire de plus en plus pendant la période d'échappement. Or, dans certains cas, les gouttelettes se réduisent au point de disparaitre: Dans d'autre cas, elles ne disparaissent pas loutes; et certaines d’entre elles subsistent en permanence dans le revealer, en affectant des dimensions va= riables. 11 semblerait done que la question füt défi- nitivement tranchée par l'ingénieuse expérimen= tation due à M. Donkin : puisqu'il y a quelquefois" dans le revealer de l’eau stagnante en quantité sui | fisante pour être parfaitement visible, il y en à ‘aussi quelquefois dans le cylindre. Telle est, du moins, la conclusion très catégorique formulée par “Certains auteurs. Mais à cela d'autres répondent que, malgré la communication permanente entre le mevealer et le cylindre, les conditions dans les- uelles se trouve la vapeur ne sont pas identiques dans l’un et l’autre milieu, et que, dès lors, ce que on voit s'accomplir dans le revealer n'a pas un ractère probant au sujet de ce qui s'accomplit dans le cylindre. D'autre part, on objecte que les énomènes dont on à une perceplion très nette dans le revealer, ce sontles condensations et vapo- urisations effectuées sur le verre,mais quel’'on serend L éompte d'une facon beaucoup moins certaine des énomènes qui s'accomplissent sur la surface du oyau en fonte, celle-ci n'apparaissant que der- rière le rideau formé par les goutteleltes déposées sur le verre. Or, c’est le noyau en fonte qui doit demment donner l'image la plus fidèle des phé- nomènes intéressant les parois du cylindre à apeur. En résumé, la question n'est pas expérimen- lalement élucidée, ou, du moins, certains auteurs soutiennent qu'elle ne l’est pas. - Des hommes techniques, observant que le revea- er montre ce qui se passe à côté du cylindre, et non dans le cylindre, ont proposé de lever la diffi- eulté en construisant le cylindre lui-même en serre. Mais, à supposer que cette idée fût réalisable, elle ne ferait pas faire un pas à la question, el sou- lèverait des objections au moins aussi fondées que elles qui ont été formulées contre le revealer : lorsqu'on aurait vu les phénomènes qui se produi- sent dans un cylindre en verre, on ne pourrait en rer aucune conclusion certaine quant aux phéno- Mènes qui se produisent dans un cylindre en fonte. | | | IN n Le revealer fournit d'autre part, et sous réserve es objections qui lui sont faites, des indications cieuses sur d’autres points controversés, notam- ment sur la forme qu'affecte l’eau déposée sur les parois : antéreurement aux expériences de M. Don- kin, l’eau affectait, suivant certains auteurs, la forme d'une couche continue, suivant d'autres, la forme de gouttelettes. Le D° Kirsch, dans son mémoire sur la transmission de la chaleur à tra- vers les parois des cylindres', s'exprime ainsi : - On ne pourrait guère révoquer en doute que tout éhangement de température de la vapeur se com- Munique pour ainsi dire instantanément à une “couche d'eau en contact avec elle, tandis qu'en ce Die Bewequng der Wärme in den Cylinderwandungen cr Dampfmaschine, Leipzig, 1886, p. 21. L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR 319 qui concerne la transmission plus éloignée à une paroi métallique, il est douteux que l’on puisse aussi raisonner sur une égalité instantanée de tem- pérature. » D'autre part, M. Dwelshauvers-Dery, dans sa remarquable « Etude calorimétrique de la machine à vapeur », dit, au contraire, que l'échange s'effectue entre les parois et l’eau « attachée en gouttelettes de rosée sur la face du métal » (p.35). Or, le revea- ler nous montre, conformément au système de M. Dwelshauvers-Dery, l’eau déposée sur les parois en gouttelettes, et non en couche. Cette question de la forme affectée par l’eau a une importance beaucoup plus grande qu'il ne semble à première vue, car à cette question se raltache celle du rôle que l’eau joue au point de vue des échanges de chaleur : selon que l'eau se dépose en gouttelettes ou en couche sur les parois, il faut la considérer comme un véhicule favorisant la transmission de la chaleur, ou comme un obs- tacle dressé entre la vapeur et le métal, el venant, selon l'expression du Professeur Cotterill', mettre obstruction au passage de la chaleur. En effet, si l'eau, au lieu de créer un obstacle au passage de la chaleur communiquée par la va- peur au métal, agit au contraire pour faciliter ce passsage, on comprend que toute particule liquide déposée sur la paroi appellera d’autres particules liquides, puisqu'elle favorisera la transmission de la chaleur et par conséquent la condensation de la vapeur ambiante. En conséquence, les gouttelettes primitives formeront des centres de condensation ets’accroitront graduellement. Si, au contraire, l’eau constitue un obstacle au passage de la chaleur, ce sera sur les parties sèches de la paroi que la vapeur sera le plus fortement sollicitée à se condenser, el partout où la paroi sera déjà mouillée, la conden- sation se ralentira. Les gouttelettes primitivement déposées formeront des centres d'obstruclion et non des centres de {ransmission, et, dès lors, la condensation s'uniformisera sur toute la surface, puisqu'elle aura une (endance à se produire le plus énergiquement sur les points où elle ne se sera pas encore produite. On voit par là l'importance que présente la ques- tion de la forme affectée par l’eau déposée sur les parois : l’eau est-elle un véhicule ou un obstacle? Si elle est un véhicule, favorisant des échanges qui sont essentiellement nuisibles, il y a lieu de réali- ser la siccité la plus grande possible à l’intérieur du cylindre. Si, au contraire, elle forme un obstacle, la même conclusion ne s'impose plus. Or, selon que l’on adopte l’un ou l'autre système, l'explication ! The steam engine considered as a thermodynamic ma- chine, Londres, 1890, p. 291. 320 L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR de l'utilité de l'enveloppe de vapeur présente des difficultés plus ou moins grandes : le rôle incontes- table de l'enveloppe est, en portant les parois d’une facon permanente à une température relativement élevée, de diminuer les condensations et de rendre en conséquence les surfaces plus sèches. Mais un autre effet non moins incontestable de l'enveloppe, c'est de mettre la vapeur d'échappement en contact avec des parois plus chaudes, ce qui, abstraction faite de la question de siccité plus ou moins grande des parois, doit augmenter la chaleur versée en pure perte dans la vapeur d'échappement. L'en- velopve produit donc pendant la période d'échap- pement un effet qui par lui-même est essenlielle- ment nuisible; mais si cet effet est compensé par l'influence de la siccité plus grande du métal, le rôle de l'enveloppe ne s’en justifie pas moins très facilement : pendant l'admission, la chaleur versée par la vapeur se trouve réduite parce que les parois sont plus chaudes, etparce qu'elles sont plus sèches. Pendant l’échappement, la chaleur versée par les parois dans la vapeur se trouve réduite également parce que les parois sont plus sèches, e/ quoi- qu'elles soient plus chaudes. Le rôle de l'enveloppe est donc facile à justifier si l'on admet que l’eau est un véhicule favorisant les échanges. Il n’en est pas de même dans l'hypo- thèse contraire. On voit par là que les expériences de M. Donkin apportent leur contribution à la solution d'un pro- blème qui se trouve posé depuis le jour où Watt a imaginé l'enveloppe de vapeur. Mais ces expériences résolvent-elles la question ? Oui, d’après les uns. Non, d'après les autres, en vertu de cette remarque que le revealer n'indique pas d’une facon cerlaine ce qui se passe à l’intérieur du cylindre. Ici encore les avis restent partagés. V Une autre question, celle de la conduclibilité extérieure du fluide et du métal, vient se greffer sur la question des échanges. Le coefficient de con- ductibililé extérieure, comme l'appelait Fourier, ou, si l’on préfère, le coefficient de transmission entre le fluide et le métal, a donné lieu aux appré- ciations les plus diverses et les plus contradictoires : les Alsaciens paraissent avoir admis un coefficient de transmission égal à l'infini, puisque tous leurs raisonnements supposent une égalité complète réa- lisée à chaque instant entre les températures de la vapeur, de l'eau et des parois. Le Professeur Cotterill se rallie explicitement à ce système d'une conduclibilité infinie, tout en admettant pourtant que, lorsqu'il y a une couche d’eau interposée entre la vapeur et le métal, il peut y avoir une différence | notable entre la température de la vapeur et celtes du métal : cette différence résulte de la faible con» ductibilité interne de l’eau interposée. « Toutefois ajoute l’auteur (p. 291 de l'ouvrage cité plus haut)" une telle expression ne doit pas signifier qu'il ait une différence finie de température entre les particules du fluide et les particules du métalen contact immédiat. Il est probable qu'aucune diseon linuité semblable ne se produit dans la Nature. D'après cette opinion, il y a, en l’absence de toute couche d’eau interposée, égalité complète de tem: péralure entre les parois et la vapeur immédiate ment voisine. Or, dans le cas où la vapeur est saturée et verse de la chaleur dans le métal, il esb impossible que les molécules les plus voisines du métal descendent au-dessous de la température de la masse fluide. Il en résulte qu'il y a égalité de température entre cette masse et la surface des: parois, et qu'il y à transmission de chaleur sou: une différence de température absolument nulles ce qui suppose un coefficient de transmission égal à l'infini. A cette phrase de M. Cotterill : « Il est probable qu'aucune discontinuité semblable ne se produi dans la Nature », on peut objecter que la disconti= nuité existe sans contestation possible dans l’espèces les molécules voisines ne sont pas en contact immé diat. Elles évoluent à des distances très petites le unes des autres, mais à des distances finies; pour= quoi, dès lors, les mouvements thermiques de deux molécules voisines, l’une fluide, l'autre solide, nes pourraient-ils pas présenter entre eux des diffé- rences finies, tout aussi bien que les mouvements! cosmiques de deux planètes voisines? Nous exposons celte objection sans en diseute la valeur, et uniquement pour montrer à quel point toutes les questionsrelatives au fonctionnement de la vapeur daus les cylindres sont controversées € controversables. Nous nous bornons à ajouter que la théorie de l'égalité des températures est battue en brèche par des considérations qu'il serait trop long de développer ici et qui concernent la conduc Libilité intérieure du métal. Mais ces considérations" absolument probantes selon les uns, sont sans valeur selon les autres. L'égalité de température entre la vapeur et le parois, la possibilité d’un échange de chaleur sans qu'il y ait aucune différence finie entre les tempé ralures des molécules voisines, voilà ce qui implis que une conductibilité extérieure infinie. Telle esb donc la conclusion à laquelle aboutissent les opis nions de certains auteurs. Il en est d’autres qu admettent pour le coefficient de transmission un@ valeur finie. Mais les appréciations varient encore d'une facon extrême sur la grandeur de ce coef ficient : l’une des valeurs les plus considéra n L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES À VAPEUR 321 Cher les chiffres ci-dessus de ceux qui sont indiqués r M. Dommer dans son remarquable mémoire r la transmission de la chaleur dans l'industrie". Dommer, se fondant sur un très grand nombre lexpériences accomplies, non dans des cylindres à vapeur, mais dans des appareils où la vapeur agit à l'état de régime en conservant sa pression, conclut que, dans les circonstances les plus favo- rables à la transmission de la chaleur entre la vapeur et les parois sur lesquelles elle se con- dense, le coefficient de transmission est de 000 calories par heure, par mèlre carré et par egré. - Ce chiffre n'atteint donc pas 10 ?/, de celui que nous avons relaté ci-dessus. Or, si l'on remarque que les expériences auxquelles se réfère M. Dom- Mer ont un caractère de simplicité et de continuité ui est de nature à créer les éléments de la certi- lude scientifique, on arrive à cette conclusion que pour arriver à des notions exactes sur les phéno- mènes qui accompagnent le travail de la vapeur, est dans beaucoup de cas à des recherches effec- tuées en dehors de la machine à vapeur qu'il faut avoir recours. Il y à incontestablement le plus grand intérêt à élucider les diverses questions qui partagent les hommes techniques : lorsqu'on sera arrivé à une notion claire et précise des phénomènes qui saccomplissent dans la machine à vapeur, on pourra en tirer des conclusions pratiques quant aux moyens d'améliorer le rendement de celle-ci. Routefois, il n'y a pas d'illusions à se faire : la machine à vapeur, malgré toutes les incertitudes qui s'attachen£ encore à son fonctionnement, n’est . La machine de Watt consommait environ 28 kilos de vapeur par cheval-heure. Aujourd'hui, grâce à diverses innovations, mais grâce aussi aux progrès onsidérables accomplis par la construction mé- canique, certaines machines, nécessitant d’ailleurs e dépense de chaleur relativement forte par kilo vapeur environ par cheval-heure. La consommation descendra-t-elle jamais beau- E À Revue gén. des Sciences pures et appliquées, 15 mai 1899. de vapeur, arrivent à ne consommer que 5 kilos de coup au-dessous de la limite qu'elle a atteinte aujourd’hui ? Peut-on prévoir que les inventeurs parviendront à modilier le cyele de la machine et à le rapprocher du eyele idéal de Carnot? On sait que le cycle de Carnot, celui qui donne le plus grand rendement possible pour les tempé- ralures extrêmes entre lesquelles évolue le fluide, consiste en deux transformations isothermes alternant avec deux transformalions adiabatiques. L'eau, se trouvant dans la chaudière à sa tempéra- ture de vaporisation, et se vaporisant sous pression constante, et par conséquent sous température constante, subit la première des quatre transfor- mations du cycle de Carnot. Transportée de. la chaudière dans le cylindre et s'y détendant jusqu à la pression du condenseur, elle y subirait la seconde transformation du cycle idéal si la détente élait vraiment adiabatique, au lieu d'être accom- pagnée d'échanges de chaleur. Transportée ensuite dans le condenseur, et s'y condensant sous pres- sion constante et sous température constante, elle y subirait la troisième lransformation du cycle de Carnot si la condensation s'arrêlait au point voulu pour que le fluide pût subir ensuite une quatrième transformalion, consistant en une compression adiabalique qui le ramènerait à l'état d'eau chaude, à la pression et à la température de vaporisation de la chaudière. Cette eau chaude serait réintro- duite dans la chaudière pour être de nouveau vaporisée. C'est par cette quatrième transformation que le cvele de Carnot diffère essentiellement du cycle réel: dans le cyele réel, en effet, le fluide qui évolue est entièrement condensé à la température du condenseur, et puis foulé dans la chaudière à l'état d’eau relativement froide pour y être ramené à la température de vaporisalion aux dépens d'une quantité de chaleur supplémentaire développée par le foyer. Réalisera-t-on jamais la quatrième phase du cycle idéal, ou du moins la réalisera-t-on jamais d'une facon pratique? Si l'on songe que depuis Watt, et même depuis Newcommen, pendant un espace de deux siècles, ie cycle accompli par la vapeur n'a pas élé modifié dans son essence, si l'on songe que ce cycle est réalisé dans les machines les plus diverses, y compris les turbo-moteurs, qui ne ressemblent en rien aux machines à cylindres, et dans lesquels la vapeur agit à l'état purement dynamique, il est permis d'affirmer avec une quasi- certitude que le cycle de la machine à vapeur ne se rapprochera jamais davantage du cycle de Carnot. Ce premier point étant admis, on peut se deman- der si l’on arrivera à améliorer le rendement de la machine en éloignant les limites entre lesquelles 322 oscille la température de la vapeur: quant à la température d'échappement, que l'on ramène à 30 ou 40° centigrades dans les machines à con- densation, il n'y a évidemment pour ainsi dire pas d'intérêt à la faire descendre davantage, car on réalise déjà par là une contre-pression suffisam- ment faible pour pouvoir n'en tenir presque aucun compte dans l'évaluation du travail. En ce qui concerne la température supérieure, elle a été portée, grâce à l'emploi de la surchauffe, à un degré tel qu'il n’est pas possible de l’élever davantage sous peine de détruire les bourrages, de brüler les lubrifiants, et de détériorer très rapi- dement tous les organés qui entrent en contact avec la vapeur. Mais lorsqu'on considère le fonctionne- ment de la vapeur surchauffée, on constate que le cycle qu'elle parcourt s’écarte d'une facon très notable du cycle de Carnot : si, par exemple, de la vapeur produite à huit atmosphères, soit à 170°8, est ensuite surchauffée à 250°, la première transformation subie sera très éloignée de la transformation isotherme du cycle de Carnot. Or, plus un cyele s'écarlte du cycle de Carnot, plus sonrendementdiminue. On peut évidemment remé- dier à cet inconvénient, tout au moins théorique- ment, en réalisant la production même de la vapeur à une température comparable à celle que l’on aurait réalisée par la surchauffe, et en portant la pression de la chaudière à plus de 60 atmosphères. Des tentatives ont été faites dans cette voie, mais n'ont produit que des résultats peu satisfaisants : ilimporte, en effet, de remarquer qu'il est un cer- tain nombre de pertes inséparables du fonctionne- ment de la machine à vapeur, pertes que l'on pourra atténuer, mais que l'on ne parviendra jamais à supprimer. Telles sont notamment les pertes dues aux échanges, aux fuites, et aux espaces morts. Or, il est de toute évidence que plus on augmentera la pression et la température d'admis- sion, plus ces pertes deviendront considérables. Et quoi que puissent faire les inventeurs, l'emploi des très hautes pressions se heurtera loujours à cet inconvénient. Lorsqu'on évalue le rendement d’une machine à vapeur, il importe de tenir compte de ce qu'il y a de vague et d'indéterminé dans ces expressions : « travail développé par kilo de vapeur », «con- sommalion en kilos de vapeur par cheval-heure ». En effet un kilo de vapeur représente une dépense de chaleur plus ou moins grande, selon qu'il aura élé produit à une pression plus ou moins forte, selon qu'il aura été surchauffé ou ne l'aura pas été. Il faut done se rendre compte, dans chaque cas particulier, de la quantité de chaleur qu'aura absorbée la vapeur. Et c'est pour- quoi l'on ne peut comparer la machine à basse L. ANSPACH — SUR LA THÉORIE DES MACHINES A VAPEUR pression de Watt à une machine à haute pression actuellement construite, sans tenir compte de Jam quantité de chaleur que représente, dans l'une et l’autre machine, la vapeur consommée. VII Considérons de la vapeur fonctionnant suivants le cycle réel {vaporisation isotherme , détente dans le cylindre, condensation totale dans le condenseur, refoulement et échauffement de l’eau dans la chaudière, antérieurement à une nouvelle vaporisation isotherme), mais supposons que ce cycle réel soit accompli sans aucune des pertes, qui l’affectent toujours. Supposons la vapeur produite à 8 atmosphères,, soit à 170°,8, et condensée à 0,1 atmosphère, soits à 46°2. La quantité de chaleur totale absorbée par l'échauffement préalable de l’eau et par la vapori= sation est, en ce cas, de 612 calories par kilo. Si cette chaleur était transformée intégralement em travail, elle produirait 260.100 kilogrammètres, à raison de 425 kilogrammètres par calorie. Si, d'autre part, cette chaleur avait été dépensée suivant le cycle de Carnot, si, en d’autres termes, elle avait été versée intégralement à la température de 170°8, au lieu d'être en grande parlie employées à accroilre la température du liquide, antérieure ment à la vaporisalion, le travail produit aurait atteint 28 °/, du chiffre ci-dessus indiqué; car on sait que, suivant le cycle de Carnot, le rendement est égal au rapport de la chute de températures (dans le cas présent 1246) à la température absolue (443°8) à laquelle la chaleur est versée: Le travail aurait donc été de 72.828 kilogram= mètres. Mais la chaleur a été, dans le cas que nous con-" sidérons, non pas intégralement transformée en travail, non pas utilisée suivant le cycle idéal de Carnot, mais bien utilisée suivant le cycle réel, sans aucune perle. En ce cas, l'on trouve que le travail développé serait de 65.786 kilogrammètres, et représenterait un rendement d'un peu plus de 25°/.. La dépense de vapeur serait, dans ces condi- tions, de 4 kil. 104 par cheval-heure. Or, dans des machines compound construites par la Société Bollinckx, de Bruxelles, et fonctionnant à des pressions un peu inférieures à 8 atmosphères, consommant done, par kilo de vapeur dépensée, un peu moins de chaleur que la machine consi- dérée, la dépense a été de 5 kil. 340 par cheval= heure. On n'ignore pas que d'autres essais, effectués à des pressions plus élevées, ont conduit à des consommations plus faibles en kilos de vapeur, eb | qu'avec de la vapeur surchauffée la consomma- ù A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 393 tion est déjà descendue au-dessous de 5 kilos ; mais |ilne faut pas oublier que, dans ces conditions, la dépense de chaleur par kilo a été plus forte. Dans le cas qui nous occupe, le travail développé par silo de vapeur dépensé est de 50.570 kilogram- .. et atteint environ 19,5 °/, du travail équi- valent à toute la chaleur versée; il atteint 69,5 °, lu travail développé suivant le cycle de Carnot, b77 °/, du travail qui eût élé développé suivant le ÿele réel, mais sans aucune perle. “Ces 23°/,, qui séparent le cycle réalisé du cycle tel il s’effectuerait sans perte, représentent l'étape jui resterait à franchir par la machine à vapeur si Mon pouvait espérer la suppression totale des [ rtes. Or, ces pertes, on pourra les atlénuer, on ne Ourra jamais les supprimer : les espaces morts disparaîtront jamais, non plus que les fuites, lés pertes par échange, les pertes par rayonnement. “D'autre part, on sera toujours amené à ne réaliser lune détente incomplète, et à réduire par là le ail développé dans le cylindre : cette détente icomplète est justifiée, et le sera toujours, par les considérations multiples relatives à la dépense à premier établissement, aux frottements des “pièces de la machine, aux espaces morts, aux hanges. Et lorsqu'on fait usage de dispositions haute- d'autres, notamment la perte par rayonnement. 11 n'y a donc pas à se le dissimuler, la machine vapeur qui, depuis Watt, n'a fait que de très a ibles progrès, est condamnée à n'en faire égale- ment que de très faibles dans l'avenir. Quoi qu'il DEUXIÈME PARTIE : igofères; nous allons maintenant passer en Nue quelques-unes des tentatives faites pour éer de toutes pièces ce produit dans les labora- FABRICATION en soit, ces progrès, si minimes qu'ils puissent être, sont dignes de la sollicitude des construc- teurs, des expérimentateurs et des analystes. Pour pouvoir marcher sûrement dans la voie qui reste encore à parcourir, il faut que ceux-ci s'at- tachent à résoudre les questions qui sont ouvertes depuis un quart de siècle. Il faut qu'ils s'attachent à lever toute l'incertitude, toute l’indétermination qui est inhérente à ces questions. Et si paradoxal que cela semble, nous ajouterons que si l’on veut arriver à connaitre la machine à vapeur, ce n'est pas la machine à vapeur elle-même qu'il faut étudier : les expériences de Regnault, qui fournissent au constructeur les indications les plus précieuses, sont des expériences de labora- toire. D'autre part, la contribution si efficace que M. Dommer, dans le mémoire cité ci-dessus, a apportée à la solution d’une question controversée, nous indique quelle est la voie à suivre. C'est parce que les propriétés générales de la matière sont insuffisamment connues que des questions posées depuis un quart de siècle n'ont pas encore recu leur solution. Ce sont ces propriétés générales qu'il importerait de déterminer d’une façon suffi samment précise pour quil ne pût plus rester aucun doule sur leur réalité. Telle est l'œuvre primordiale et indispensable, à la suite de laquelle toutes les discussions qu'on a vues se produire dans ces dernières années pourront enfin aboulir à des conclusions certaines et indiscutées. C'est à la Science pure qu’il faut avoir recours. C'est dans le laboratoire du physicien que la ma- chine à vapeur se perfectionnera. L. Anspach. Professeur à l'École Polytechnique de Bruxelles. L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL DE L'INDIGO ARTIFICIEL Elle constituerait cependant l’un des chapitres les plus captivants de la Chimie aromatique, el serait intéressante à bien des points de vue. Qu'il nous suffise de rappeler qu'elle est due aux travaux mémorables de M. de Bæyer, qui y a consacré plus de vingt ans de labeur. Dès le début de ses recherches, M. Bæyer s'était donné comme tâche d'établir la constitution de l'indigo, et, en couronnant, en 1878, ses travaux par la synthèse du produit artificiel, ila pu annon- cer que : « la place de chaque atome de la molé- cule de cette matière colorante avait été déter- 324 A. HALLER — L'INDIGO N NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL minée par l'expérience ». Comme toujours, l'ana- lyse a précédé la synthèse. Il a fallu détruire gra- duellement la molécule indigo, étudier les divers termes de destruction, et les relier entre eux, avant d'être en mesure de reconstruire l'édifice abattu par les forces chimiques. On savait, depuis 1826, que l’indigo fournit par distillation sèche de l’aniline, et les travaux de Fritsche avaient montré, dès 1841, que la matière colorante, chauffée avec de la potasse, donnait naissance à ce même acide anthranilique ou acide orthoamidobenzoïque, qui, depuis les travaux de Ieumann, joue un si grand rôle dans la synthèse industrielle de l'indigo. Un autre point important de la chimie de ce composé est sa transformation en isatine, sous l'influence des agents oxydants, transformation accomplie simultanément par Lau- rent et Erdmann en 1841. Comme le fait remarquer M. Bæyer, ses recher- ches sur l’isatine ont élé suscitées par l’analogie que présente ce corps avec l'alloxane, appartenant à la série urique. Il soumit donc cette isatine à une réduclion ménagée, et obtint un corps renfermant deux atomes d'hydrogène en plus que l'isatine, el auquel il a donné le nom de dioxindol. Ce composé, réduit plus énergiquement par de l’étain et de l'acide chlorhydrique, se transforme en une nouvelle molé- cuie, l’oxindol, laquelle, chauffée avec de la poudre ae zine, fournit enfin un produit ne renfermant plus d'oxygène, l’izdol, substance-mèrede l'indigo. Les formules suivantes nous permettent de tra- duire schématiquement les relations qui existent entre l'indigo, l’isatine son produit d'oxydation, le + l'oxindol et l'indol : CO CH Vox. œnZ Nco. Gare NT 2 NAzH/ Indigo. Isatine. H(OH) °CH= co” co CH co. CH MS cr. Az NAzH Naz7 Dioxindol. Oxindol. Indol. Cetle transformation de l'indigo en sa substance- mère se fait actuellement par une méthode moins coûteuse, qui consiste à traiter de l'indigo même par de l’élain et de l’acide chlorhydrique, età chauf- fer le produit de la réaction avec de la poussière de zinc. Il est intéressant de faire remarquer que celle méthode de réduction énergique, déjà employée dans la technique industrielle, en 1863, pour lrans- former le nilrobenzène en aniline,futin(roduite dans les laboratoires par M. Bæyer, et permit, trois ans plus lard, à ses assistants, MM. Græbe et Libermann, d'élucider la question de la constitution, et, parsuite, à effectuer la synthèse de l'alizarine. Bien que MM. Engler et Emmerling aient observé . la formation de traces d'indigo dans le traitement de l'o-nitroacétophénone par de la poudre de zincetde la chaux sodée, la première synthèse effective de qu'à partir du jour où il réussit à faire celle du pro duit d'oxydation de la matière colorante. Elle date de 1879, et consiste à réduire l'acide par de l'acide nitreux, ce qui fournit de l’isonitros sooxindol (ou isatoxime); ce dernier est réduite phosphore, qui donne naissance à du chlorure d'isatine, que le zine en poudre convertit en indigo La succession des réactions que nous venons d'énumérer se schématise de la facon suivante :: CIE.COOH CH? CG: AZOIL CE .: CH Don cr" > C0 Az0° NAzH/ SAZU Ac. 0. nitrophénylacétique. Oxindol. Isatoxime. CH.AzH? CsH#7 > CO NH Amidooxindol. œmf S co s—— ce ° car Na NAzH/ Isatine. Chlorure d'isatine. >> 0 me" Ne cé Sous. fé NAz/ Ki Indigo. Toutes ces réactions, fort simples, jettent un jour éclatant sur la constitution de l'indigo, et ont sus= cité de nouvelles synthèses de cette molécule. L'objet de cet article étant d’insister particulière ment sur les synthèses de l'indigo qui ont subi l'épreuve de la pratique industrielle, nous passe= rons sous silence celles qui n'ont qu'un intérêt purement théorique et aborderons la première qui encore due à M. Bæyer, fut l'objet d'une fabrication en grand de l'indigoline. | Le point de départ de cette synthèse est l'acide cinnamique, qu'on peut obtenir par la réaction de Perkin, en partant de l’aldéhyde benzoïque, ou em faisant agir du chlorure de benzylidène sur l'acé- tate de soude. En nitrant cetacide, ou plutôt sa éther, on obtient un mélange d'acides ortho (70 2/6} et para-cinnamiques (30°/,) qu'on sépare, le pre mier seul se prélant aux opérations subséquentes Cet acide, additionné de brome, est transformé en dibromure, qui perd deux molécules d'acide brom= hydrique quand on le traite par de la potasse alcoolique, pour donner naissance à de l'acide ortho-nitrophénylpropiolique. Ce dernier composé A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 325 fournit directement de lindigo lorsqu'on le hauffe avec un alcali en présence de glucose, ü mieux de xanthate de soude. Les schémas divants rendent compte des réaclions successives ai se produisent : CH = CH.CO0H CHBr.CHBrCOOH S CH: AzO? Ac. ortho-nitrocinnamique. Dibromure d'ac. 0. nitrocinn. : C.COOH CO“ co >> ES Az0? lcoolique, et donne de l'acide ortho-nitrophényl- xyacrylique. Fondu avec un alcali, cet acide four- ditdel'indigo en quantilé minime,comparativement lu rendement de 70 °/, que donne la réaction à acide ortho-nitrophénylpropiolique : CH = CH.COOH CHOH.CHCI.COOH con NAz0® Ac. 0. nitrocinnamique. : CH.COOH CH *AzO? Ac. o. PIC DNA RU cn" cmZ ° AS = cc Nore. \Az0® NazH/ tn Mc. 0. nitrophényloxyacrylique. Indigo. Le prix trop élevé de l'acide ortho-nitrophényl- propiolique n'a pas permis de préparer l'indigo- line même avec cel acide, mais il a été employé pendant quelque temps pour l'impression, grâce à la bropriélé qu'il possède de pouvoir être transformé sur tissu, au moyen du xanthate de soude, en ndigo. Les dessins qu'on obtenait ainsi avaient beaucoup plus de finesse que ceux qu'on réalisait les anciens procédés et, au point de vue de impression, l'emploi de l'acide ortho-nitrophényl- bropiolique constiluait un réel progrès. II. — SyNTBÈSsE DE BÆYER ET DREWSEN. » Malheureusement, vu sa cherté, ce produit fut bientôt délrôné par un autre, dont la synthèse est alement due à Bæyer, qui l'effectua en collabora- lion avec Drewsen en 1882. … Cette synthèse, qui consiste à condenser, en pré- ence de soude caustique, l'aldéhyde ortho-nitro- nzoïque avec l'acétone, surpasse en élégance et simplicilé tous les autres procédés de prépa- tion de l'indigo. Quand les matières premières sont suffisamment pures, la réaction donne des rendements meilleurs que ceux fournis par l'acide ortho-nitrophénylpropiolique, rendements qui peu- vent atteindre 80 °/, de ceux prévus par la théorie. Le mécanisme de cette réaction peut se traduire de la facon suivante : (N\— cHo — CHOH.CIP.CO.CIP. | | + CH3.CO-CH° — k — Az0°? — AzO? V7 O. nitrobenzaldéh. Acétone. Ortho nitrophényllactylcétone. Cette dernière combinaison, en présence d'un alcali, se convertit rapidement en indigo et acide acélique : 1: CHOH.CH® 2| | — Az0O° Ai 10 — d + 2H°0 + 202402. Caatt-À Acide acétique. .CO:CH°: =. ji ee Indigo. La cétone intermédiaire, insoluble par elle-même, peut-être solubilisée par combinaison avec je bisul- fite de soude, et constitue alors le sel de Kalle ou sel d’indigo qui, en impression, l'emporte sur l'acide ortho-nitrophénylpropiolique par son em- ploi plus facile. Il suffit, en effet, de faire passer le tissu imprimé en soude caustique pour développer le colorant. Comme on le voit, le problème de la fabrication de l'indigo parait être, en apparence, des plus simples, puisqu'il se réduit à la préparalion de l'aldéhyde ortho-nitrobenzoïque, car l'acétone est un produit qu'on peut avoir à volonté. Or, c'est précisément là préparation de cette aldéhyde qui à présenté de grandes difficultés jusqu'alors. Pour arriver au but cherché, il semble qu'il suf- fise de nitrer l'aldéhyde benzoïque, d'un usage si courant en industrie; mais, comme pour l'acide cinnamique, Le dérivé orthronitré est loin de se for- mer en quantité théorique, accompagné qu'il est de notables proportions de produit métanitré, inu-° üilisable pour la préparation de l'indigo. Dans des essais tentés pour obtenir du chlorure de benzyle orthonitré, qui, par oxydation, fournirait l'aldéhyde cherché, on à encore été éconduit par la formation du dérivé paranitré qui est sans valeur par la syn- thèse projetée. Bien d’autres tentatives ont été failes, avant celle qui est à l'ordre du jour, et qui consiste à oxyder directement l'orthonitrotoluène, au moyen du bioxyde de manganèse et de l'acide sulfurique. Cet orthonitrotoluène se forme dans la proportion de 60 à 66 °/,, à côté du paranitrotoluène, quand on nitre le carbure dans certaines conditions. Ce procédé d'oxydation est dû à la Sociélé chi- mique des Usines du Rhône, qui déclare ètre arrivée à un résultat industriel et se trouver en mesure de 326 A. HALLER — L'IN::GO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL réaliser en grand la synthèse de Bæyer et Drewsen. Cette même Société a étendu son procédé aux métaxylènes nitrés, et a obtenu deux aldéhydes mé- tanitrotoluyliques qui, par condensation avec l'acé- tone, en présence de soude caustique, lui ont fourni un indigo méthyle B et son isomère R, aux- quels elle attribue la constitution : CH CH Ac: CO AA ET CON (Se ane De (Ca 47H JC /asH Na, WTE ce Indigo méthyle B. Indigo méthyle R. Les rendements obtenus en aldéhyde, dans l'oxy- dation de l'orthonitrotoluène, sont-iis suffisants pour justifier les espérances qu'a fait naître ce procédé? Nous ne saurions nous prononcer à cet égard, et l'avenir seul pourra nous éclairer sur ce point. On a fait une grave objection à l'application pos- sible de cette synthèse sur une grande échelle. Au point de vue industriel, un procédé n’est viable que lorsqu'on peut se procurer la malière première en quantité suffisante et à un prix rémunérateur. Or, jusque dans ces dernières années, la matière pre- mière, le toluène, nécessaire à la mise en œuvre de ce procédé, ne se retirait que des goudrons pro- venant des usines à gaz, et était par conséquent d'une production relativement limitée. Depuis la construction des fours à coke à récupération des sous-produits, les quantités de goudron dont peut disposer l'industrie augmentent journellement. Il nous suffit de citer les exemples suivants : En 1883, la production du goudron en Europe à été de 675.000 tonnes. En 1898, cette production a atteint le chiffre de 1.207.800 tonnes, lesquelles, avec le coefficient de 2 à 3 °/, de benzols bruts, peuvent fournir, en chiffres ronds, de 24.000 à 36.000 tonnes de carbures benzéniques. Or, on admet généralement que le benzol brut renferme, en moyenne, un sixième ! de toluène, ce qui fait une production de 6.000 tonnes de toluène pour l'année 1898. Mais cette produetion à certainement augmenté depuis cette époque, puis- qu'on ne cesse d'installer, aussi bien en France qu'en Belgique, en Allemagne et aux Etats-Unis, des fours à coke à récupération, soit du système Semet Salvay, soit du système Otto Hoffmann. Il existe actuellement1.451 fours du premier système, et 357 autres en construction, de sorte qu'à un moment donné il en fonctionnera 1.808. On pré- tend, d'autre part, que les fours Otto Hoffmann { Nous prenons à dessein le sixième, car, si les. benzols des goudrons des usines à gaz renferment environ 23 °/, de toluène, ceux provenant des fours à coke contiennent tout au plus 45 °/, de ce carbure. sont beaucoup plus nombreux et plus répandus, et que bientôt il en existera environ 5.000 de parle monde entier !. À Outre cette augmentation dans la produclion du goudron, on a cherché à améliorer le rendement 6 carbures benzéniques. On sait, en effet, d'après les« travaux de Bunte, que, sur la quantité de benzols« bruts réellement produits dans la distillation, 5 4 seulement restent dans le goudron, tandis que 95 °/, sont entraînés par les gaz. | Or, comme les gaz des fours à coke ne sont guère utilisés pour l'éclairage, on a songé à en extrairel benzols, en les faisant barboter à travers des goue drons fluides qui retiennent les carbures benzé niques. Actuellement déjà ce système permet "à l'Allemagne de produire 30.000 tonnes de benzols; par suite de ne plus être tributaire de l'étranger et en particulier de l'Angleterre, et le jour où to ses fours à coke seront munis de laveurs, on estime que la production de benzols s’élèvera à environ 80.000 tonnes par an. En admettant donc que le | sixième de 80.000 tonnes soit du toluène, on aurait à sa disposition 13.000 tonnes environ de carbureÿ | ce qui, à raison de 4 kilos de toluène par kilo gramme d'indigotine, permettrait de préparer plus de 3.000.000 de kilos de la matière colorante, sur les 4.000.000 qui sont employés. Nous avons donc là une source de toluène quil suffira de capler et de régler. Mais rien ne s'opposew ce que l’on n’en trouve pas une autre, soit en réglant la marche des fours de façon à enrichir les gou=M drons en toluëne, soit en préparant celui-ci au moyen du benzène et du méthane. | Dans cette production intensive de carbures, il aura sans doute un excès de benzène pour lequelil faudra trouver un débouché rémunérateur, si l'on ne veut pas que le prix du toluène s'élève au delà de certaines limites. | Le champ des études sur ce sujet est des plus étendus, en même temps que des plus captivants: La simplicité même de cette synthèse de l'indi gotine, les bons rendements qu'elle fournit une fois que l'on est en possession de l’'aldéhyde orthonitra benzoïque, la possibilité qu'il y a d’avoir à un moment donné la matière première en quantité suffisante l’'émulation des chercheurs. III. — PROCÉDÉ DE LA SOCIÉTÉ BADOISE. Le point de départ de ce procédé est une obser= 1 Sammlung Chem. und Chemisch-technischer Vorträgel du Profes. Ahrens. Chemisches auf der Weltausstellung Zu Paris 1900, par le Dr G. Keppeler, t. VI, fase. I. A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL caustique, il se formait de l'indigo. Les essais | | entés pour faire de cette synthèse l'objet d'une exploitation industrielle n'ayant pas réussi, faute de rendements, la Société Badoise tira parti d’une autre découverte de Heumann, celle qui consiste à ondre l'acide phénylglycine-0.-carbonique avec de la potasse. Dans ce cas, la réaction est beaucoup plus nette, et les rendements sont meilleurs. … La mise au point de ce procédé, tel qu'il est exploité actuellement par la Sociélé, a demandé qui n'ont pas duré moins de sept années, el qui ont abouti à des résultats remarquables, non seule- ment en ce an concerne Rneanne elle- même, exes, qu'il a fallu créer “4 dre, de facon à former un cycle de réactions aussi parfait Les différents stades de cette fabrication sont les divants : 1° Oxydation de la naphtaline en acide phtalique au moyen de l'acide sulfurique fumant, et régénéra- ion de ce dernier acide : L RES NE C0 0e NAN DATES Naphtaline. Anbydride phtalique. 2° Préparation de la phtalimide el transformation le cette imide en acide ortho-amidobenzoïque ou acide anthranilique : /N\ coou AH | | NOT AA o. 0/ Phtalimide. Ac. anthranilique. 3° Préparation de l'acide monochloracétique et action de cet acide sur l'acide anthranilique pour btenir l'acide phénylglycine-ortho-carbonique : po AZHCHÈ.C ” KL aaGIe.cooN Ac. phenylglycine-ortho-carbonique. Scoot + CHÉCI.COOH pa 12 pe Az 4 Fusion de cette dernière molécule avec de la 1 …/ \coon NE 00, 1 | | Nc.coon. AZHCHE.COOH Ha Acide indoxylique. = con — co CD A NN S—— 20 DE=K (ya AH A7H— NA Indoxyle, Indigo. & 1. — Préparation de l’anhydride phtalique. _ La naphtaline, matière première dont on part considérables sur le marché, et à un prix ne dépas- sant guère 112 francs la tonne. D’après M. Brunck, on dispose d'au moins 40 à 50.000 tonnes de ce carbure, dont 15.000 tonnes seulement, correspon- dant aux demandes, élaient isolées jusqu'alors. Les 25.000 tonnes restantes étaient donc disponi- bles pour la fabrication de l’indigo, puisque, faute d'emploi, elles restaient dans les huiles lourdes, ou servaient à la fabrication du noir de fumée. L'oxydation de la naphtaline par l'acide chro- mique élant trop coûteuse, la Société Badoise réus- sit, après de longues études, conduites systémati- quement, etavee une science consommée, à trouver les meilleures conditions nécessaires pour effectuer cette oxydation au moyen de l'acide sulfurique anhydre, en présence du bisulfate de mercure, sel qui a pour effet de modérer la réaction. Il est vrai qu'un heureux hasard, le bris d'un thermomètre à mercure, a singulièrement contribué à assurer le succès de celte opération; mais, comme le dit fort judicieusement M. Brunck, on aurait atteint le but poursuivi, sans ce fait heureux. Les quantités d'acide fumant employées pour celle oxydation élant considérables, il a fallu, pour rendre le procédé économique, récupérer l'acide sulfureux, et le retransformer en anhydride, par un procédé autre que celui des chambres de plomb, qui est loin d'être avantageux. C'est ici qu'intervient l'ingénieux et nouveau pro- cédé de fabrication de l'acide sulfurique, imaginé par M. Ch. Winckler, et mis au point par M. Knietsch, de la Société Badoise, procédé qui permet de pré- parer l'anhydride par combinaison directe du gaz sulfureux el de l'oxygène de l'air, en présence de l'amianthe platinée*. Dans celte opération, l'acide sulfurique sert donc de corps intermédiaire pour fournir l'oxygène né- cessaire à la transformation de la naphtaline en anhydride phtalique, et repasse ensuite, sous forme d'acide sulfureux, à travers la masse de contact, pour se convertir à nouveau en acide sulfurique. La Société Badoise récupère ainsi, annuellement, de 35 à 40.000 tonnes d'acide sulfureux provenant de la fabrication de l’anhydride phtalique. 2, — Phtalimide. Acides anthranilique et monochloracétique. un La préparation de la phtalimide au moyen de l'ammoniaque sèche et de l’anhydride phtalique ne présentant pas de difficultés au point de vue indus- triel, nous n'y insisterons pas. Gräce aux recherches de MM. Hoogewerff et Van Dorp, recherches basées sur la découverte d'A. W. Hoffmann, la transformation de la phtalimide en 1 Revue gén. des Sciences du 28 fév. 1901, t. XII, p. 159. 328 A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL acide anthranilique s'effectue assez facilement au moyen de solution d'hypobromite ou d'hypochlorite de soude. On emploierait à la Société Badoise l’iypochlo: rite ; et le chlore nécessaire à sa fabrication, comme celui qui sert à chlorurer l'acide -acétique, est obtenu par un procédé électrolytique que la mai- son a acquis de la Sociélé Zlektron de Griesheim. Ce chlore est ensuite purifié et liquéfié d’après une méthode qui a été brevetée par la Société Badoise, et se trouve dans les meilleures conditions de pu- relé pour chlorurer l'acide acétique. Suivant le D' Brunck, on transforme actuelle- ment déjà 2.000.000 de kilos d'acide acétique en dé- rivé monochloré, c'est-à-dire la quantité correspon- dante à celle d'acide extraite par distillalion de 100.000 mètres de bois. $ 3. — Acide phénylglycineorthocarbonique. Indigo. La condensation de l'acide anthranilique avec l'acide monochloracétique semble aussi se faire assez régulièrement, mais une des plus grandes difficultés à vaincre fut la détermination des condi- tions exactes pour la fusion, sur une grande échelle, de l’acide phénylglycocolleorthocarbonique, opé- ration au cours de laquelle il se forme de l'acide indoxylique, qui, oxydé au contact de l'air, donne de l'indigo. La Société a même réussi à isoler cet acide, et le livre, sous le nom d’indophore, à l'impression, où il trouve un emploi analogue à celui du sel d'indiyo de Kalle, où à celui de l'acide ortho-nitro-phénylpropiolique. L'indigo qui, sous l’action de l'air, se sépare de la solution aqueuse de la masse de fusion, est cris- tallin. Pour l'obtenir à l'état de finesse que néces- site la cuve à fermentation, on se sert d’un procédé déjà appliqué jadis à l'indigo même, et qui consiste à le transformer en sulfate d’indigo qu'on décom- pose ensuite par l’eau. Il se forme ainsi une pâte très ténue qu'il suffit de laver jusqu'à ce qu'elle ne contienne plus d'acide sulfurique. Cet indigo ains; divisé se prête très bien à la préparalion des cuves, car il se réduit, et partant se dissout avec la plus grande facilité. Quoi qu'on en ail dit et écrit, l’indigotine obtenue par voie de synthèse, soit par le procédé Heumann, soit par celui de Bæyer et Drewsen, soit par tout autre procédé, est en tous points identique avec celle qui se trouve dans les indigos naturels. Telle qu'elle est livrée au commerce, cette indi- gotine présente sur le produit naturel un certain nombre d'avantages, qu'énumère M. Brunck dans la conférence déjà cilée : « La régularilé, la teneur constante du produit livré en indigoline pure, l'ab- sence absolue de corps accessoires dans cet indigo, LA la facilité avec laquelle il se réduit gràce à son état: de division extrême, tous ces avantages constituent les principales qualités en face de la richesse irré gulière en colorant, et de la difficulté de réduction que présente l'indigo naturel. Le teinturier qui n’est: pas familiarisé avec les méthodes de dosage, se wo 13 contraint d'acheter l'indigo naturel non pas d'aprè 1 sa valeur intrinsèque, mais d’après les caractè facilement trompeurs de l'aspect extérieur. Les propriétés de l’indigo artificiel mettent l’acheteut à l'abri de ces risques, et lui assurent un produit uniforme et d'unequalité irréprochable ». | L'indigo synthétique donne des nuances très pures et aussi solides à la lumière que celles fours nies par l'indigo naturel. De nombreuses expé riences ont été faites à ce sujet, et on a pu voir am pavillon de la Société des Usines du Rhône, à l'Exposition de 1900, que des échantillons de tissus teints en indigo synthétique ne le cédaient en riens comme beauté et comme solidité à la lumière, à ceux teints avec de l'indigo naturel. Lesnuances qu'on obtient avec celle indigotinem pure seront sans aucun doute uniformes, et tou jours identiques à elles mêmes ; tandis que celles fournies par les indigos de culture varient avec leur composition, et aussi avec la façon dont son conduites les cuves à teinture. Or, dans la teinture sur laine, comme aussi dans celle du coton, on tient à cette variété de nuances, qu'on ne peut réas liser avec le produit synthétique actuel, ce qui fait que l'emploi de la matière colorante naturelle n'est pas près de disparaitre si l'écart entre les prix n'est pas trop considérable et si l’on n'arrive pas, comme on l’a fait pour les alizarines, à produire des indi= gos artificiels qui se rapprochent par leurs compos sants, indigotine, indirubine, bruns d’indigo, etc. du colorant naturel”. Il est inutile d'ajouter que l'indigotine pure, extraite de l'indigo de culture par la méthode l'acide sulfurique, qui permet d'obtenir un rende= ment industriel de plus de 90 °/,, avec un mini mum de frais de 4 à 1 fr. 50 par kilog., jouit des mêmes avantages que ceux que nous avons énu mérés à propos du produit synthétique, puisqu ‘els lui est identique. En outre des synthèses que nous venons d'énu- mérer el qui seules, jusqu'à présent, ont reçu la consécration de la pralique, on a breveté plusieurs autres procédés, les uns plus élégants que les autres, mais, en raison de leur complication et aussi de la cherlé des matières premières, ils ne parais= sent pas actuellement susceptibles d’être réalisés industriellement dans la forme sous laquelle ils sont présentés. | 1 Voyez dans la première partie de cet-article, p. 261. A. HALLER — L'INDIGO NATUREL ET L'INDIGO ARTIFICIEL 320 ee Ter er = d'a JE IV. — CONCLUSIONS. $ Dans notre exposé, nous avons envisagé le pro- blème de la production de l'indigotine sur toutes s faces. Indigo naturel. — Nous avons d’abord montré qu'avec une culture intelligente, tenant compte des vantages de l’assolement, sousun climat approprié, ans les pays où le sol ainsi que la main-d'œuvre nt à bon marché, il était possible de produire de ndigo à haute teneur, à la condition que le aitement de la plante se fasse d'une manière ra- iionnelle, et qu'on ne perde pas dans les diverses “Manipulations une bonne partie de la matière colorante. Maintenant qu'on connait les principes uxquels est due l'indigotine, ainsi que le méca- nisme desa formation dansles cuvesà fermentation, bn ne tardera pas à pouvoir régler avec soin la arche des opérations, de manière à obtenir le haximum de rendement et parlant une baisse des prix. On a souvent comparé le cas de l'indigo à celui de la garance. Rien de moins comparable épendant, au point de vue de la production de la plante et du traitement de cette dernière. Tandis e la garance était cultivée dans des pays où la re et la main-d'œuvre étaient relativement oné- reuses, les plantes à indigo poussent dans des égions beaucoup plus favorisées sous ce rapport, ébrien n'empêche même de la cultiver dans nos iouvelles colonies où les conditions sont encore bus favorables. De plus, alors qne la garance est ine plante bisannuelle et que la racine n'est utili- able qu'au bout de deux ou même trois ans de culture, les Zndigofera sont des plantes annuelles qui fournissent deux et parfois trois coupes par haque campagne. Signalons enfin un autre avantage en faveur de indigo. Avec les moyens dont nous disposons, ïen n'est plus facile que d'extraire du produit na- urel l’indigotine, de manière à la mettre en con- éurrence avec la matière colorante artificielle, opération à laquelle ne se prêtait point la garance. Jomme nous l'avons indiqué, cette extraction est loin être coûteuse, et donne d'excellents rendements. Pour toutes ces raisons, nous ne voyons pas, ant donné les prix actuels de l'indigotine artili- e, que la culture de l’indigo soit compromise qu'il faille l’abandonner à bref délai. Nous éroyons au contraire que, sous l'aiguillon de la concurrence, les producteurs d’indigo amélioreront ture et traitement, au point de pouvoir fournir 4 malière colorante à un prix auquel le produit artificiel ne pourra peut-être pas atteindre, avec les procédés acluellement en vigueur. Si la victoire devait leur rester, ce serait en quelque sorte le REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. triomphe de la Bactériologie sur la Chimie synthé- tique. Indigo artiliciel. — Des deux procédés qui sont actuellement en concurrence, celui de la Société Badoise s'impose à l'admiration des hommes de science, comme à celle des industriels, par l'ingé- niosité et la ténacité déployées pour vaincre les dif- ficultés de toute nature qui se sont présentées, par l'utilisation rationnelle des sous-produits qui ren- trent dans le cycle des opérations, et par l’ensemble des perfectionnements introduits dans la fabrica- tion de produits connexes. Cette admiration, que suscitent de tels efforts el une telle initiative ! de la part d'hommes qui n'en sont plus à compter leurs succès, ne saurait cependant nous faire oublier que, sur le terrain industriel, le petit nombre ainsi que la simplicité des réactions mises en jeu sont des facteurs aussi importants que celui du prix des matières premières, pour arriver au point essentiel que vise tout fabricant, —le prix derevient du produit final. Nous croyons savoir qu'à l'heure présente ce prix de revient ne justifie pas les espérances qu'on a fondées sur ce procédé, el que l'indigo de culture, comme l'indigotine préparée par la méthode Bxyer et Drewsen, ne sont pas près de s'effacer devant leur puissant rival. Sans doute, ce dernierprocédéne peutencoreavoir la prétention de rivaliser avec celui de la Société Badoise, car il ne semble pas encore avoir com- plètement la sanction de la pratique; mais il se recommande à l'attention de l'industriel par sa grande simplicité et le nombre restreint d'opéra- lions qu'il nécessite. Rien n'empêche d’ailleurs qu'il se développe parallèment, et qu'il limite ses débouchés. Quoi qu'il advienne de cette lutte, qui dès main- tenant est engagée sur presque tous les points du globe, on ne saurait méconnaitre le haut mérite des hommes qui, par leur initiative, leur volonté persévérante, n’ont pas hésité à l’entreprendre. Elle montre une fois de plus combien est étroite, en Allemagne, l'alliance de la Science et de l’In- dustrie, et combien l’une et l’autre peuvent se prêter un mutuel appui, grâce à l’organisation rationnelle du haut enseignement, et grâce aussi à la foi profonde qu'a le peuple allemand dans les progrès de la science, et à la grande habileté avec laquelle il sait s'en servir. Née pour ainsi dire en France, l'industrie des malières colorantes s'est surtout développée chez nos voisins, et si dans cette production nous a: rivons au second et même au troisième rang, nous- en connaissons la cause, et partant aussi le remède: 4 La Société Badoise a dépensé 22.500.000 francs pour monter la fabrication de l'Indigo. 7" 330 PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE Nous ne saurions aujourd'hui insister sur ce sujet, grave entre tous ; mais qu'il nous soit permis de déclarer que, si nous avons une perception très nette de la haute tâche qui incombe à l'homme de nous avons aussi le ferme désir, dans la modeste sphère qui nous est échue, d'accomplir la nôtre, si les circonstances et les hommes nous le permettent. Dans ce vaste domaine de la Chimie et de ses science, [ | saurait donc se désintéresser de la plus minime applications, la France a été l'initiatrice de toutes choses, depuis le commencement du siècle; elle ne partie de son œuvre et abdiquer entre les mains de l'étranger, car elle manquerait ainsi à ses tra ditions el à tous ses devoirs. 3 A. Haller, Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne GALILÉE ET LES PRINCIPES Ce n’est point un vain titre que celui du der- nier ouvrage de Galilée, imprimé à Leyde, chez les Elzevirs, en 1638 : Discorsi e Dimostrazion matemaltiche intorno a due nuove scienze, attenenti alla Mecanica ed i movimenti locali. C'est, en effet, de ce livre que datent, d'une part, la Résistance des matériaux ; de l'autre, la Dynamique ratio- nelle‘. Pour cette dernière science en particulier, les démonstrations mathématiques de Galilée ont créé de toutes pièces le modèle à imiter; elles ont enseigné comment on pouvait effeclivement pro- céder dans le domaine de la Mécanique ainsi que les Anciens avaient procédé dans celui de la Géo- métrie, en déduisant, d'un petit nombre d'axiomes ou de postulats. convenablement choisis, une chaine indéfinie de conséquences inattendues. Cependant, le mode d'exposition de Galilée dif- fère, sur un point essentiel, de celui qui est devenu classique. On sait que le problème qu'il a traité et complètement résolu équivaut à ce que nous appe- Jons aujourd'hui la dynamique d’un point matériel dans le cas d’une force d'intensité et de direction constantes. Or, nous considérons ce problème comme exigeant au moins l'admission de deux principes de Dynamique : celui de l'inertie et celui de l'indépendance de l'effet d'une force et du mouvement antérieurement acquis, et nous com- mencons par poser ces principes, que Galilée admettait, d'ailleurs, tout comme nous (bien entendu, cependant, sous d'autres formules). Tout à fait différente est la marche que suit le traité latin De Motu locali, inséré dans les Journées III et IV du dialogue des Nouvelles Sciences, et qui en constitue le fonds. Il est à peine utile de remarquer que le concept du point maté- riel n'existe point pour Galilée, qui, d'ailleurs, ne distingue point encore la masse et le poids d'un ! Rationel, orthographe de l'auteur. [Note pe LA Rép.] DE LA DYNAMIQUE le représentant déjà par un seul point. Mais, qui est surtout digne d'attention, c'est que Galilée tout à fait spéciale. Il Tout d’abord il définit le mouvement uni forme et en déduit les propriétés; puis il passe mouvement uniformément accéléré, comme étant le plus simple après le mouvement uniforme, el remarque seulement, dans un préambule, que ce mouvement uniformément accéléré doit être consk déré comme élant le mouvement naturel des corps graves qui descendent. Il invoque à cet égard des raisons 4 priori, qu'il ne développe, d’ailleurs: que très peu, mais qu'il déclare confirmées par des expériences établissant après coup la validité des conséquences de la théorie. ; Galilée pose ensuite, comme étant le seul pos= tulat qui lui soit nécessaire, qu'il y a égalité de vitesse pour une même hauteur de chute verticale dans les descentes d'un même mobile suivant des plans diversement inclinés. n De la définition du mouvement uniformément accéléré, il déduit la loi des carrés des temps, déve loppe la théorie du mouvement vertical et du mou vement sur des plans inclinés, puis montre quelle vilesse acquise par un grave qui descend lui pers met de remonter précisément à la même hauteur» Arrivant enfin au mouvement des projectiles, i invoque celte fois, dans le préambule et sous à forme qui suit, les principes indispensables : « Je conçois un mobile lancé sur un plan hori zontal et j'écarte par la pensée tout empêchement il est déjà constant, par ce qui a été dit ailleurs que son mouvement sur ce plan sera uniforme @ perpétuel, si le plan s'étend indéfiniment; mais PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 331 “si nous concevons le plan comme limité et d'ail- eurs en élévation, le mobile, que je concois comme doué de gravité, arrivé à l'extrémité du plan, continuera à progresser, en surajoutant à ce premier mouvement uniforme et indélébile , “celui de descente tenant à sa propre gravité, en sorte qu'il en résultera un certain mouvement com- posé du mouvement horizontal uniforme et au mouvement de descente verticale, uniformément accéléré... » - Pour bien spécifier la position que prend Galilée dans ce traité De Motu locali, je traduirai égale- ent les passages les plus caractéristiques de Pautre préambule, auquel j'ai déjà fait allusion : - « Puisque, pour la descente des graves, la Nature emploie un certain mode d'accélération, nous dé- touvrirons la théorie de ces effets, si la définition que nous allons donner de notre mouvement accé- éré est bien d'accord avec l'essence du mouve- ment... La Nature se sert, dans toutes ses œuvres, des moyens les premiers, les plus simples, les plus faciles... Quand je remarque qu'une pierre, tom- bant d'en haut à partir de l'état de repos, acquiert successivement de nouveaux accroissements de vitesse, comment ne croirai-je pas que ces accrois- sements doivent se faire selon la raison la plus Simple et qui se présente avant toute aulre?.…. » IT Malgré la date tardive de sa publication dans dialogue des Nouvelles Sciences, le traité Ze Motu locali a certainement été concu dès les pre- ères années du xvu° siècle, époque à laquelle ilée parvint à l'ensemble des résultats capitaux ntenus dans ce traité. Des fragments remontant dcette période, et publiés dans la nouvelle édition Ss Opere di Galileo Galilei (vol. VIII, 1898), estent que de bonne heure la rédaction en était à très avancée. C'est cependant un problème qui, désormais, est probablement insoluble que celui de savoir jusqu'à quel point la rédaction pri- live a été successivement développée ou trans- ‘mée. En particulier, le mode d'exposition choisi Galilée et que nous avons indiqué, est-il véri- ment son dernier mot, le terme définitif d'une longue évolution de sa pensée? faisait-il, au con- ire, déjà partie du plan primilif? ou enfin faut-il apporter à une période intermédiaire? Voilà ce il importerait de savoir. Je vais dire pourquoi la seconde de ces trois ällernatives me parait la plus probable, quelque ngulier que le fait puisse paraîlre à certains ards. Ii s'agit d’ailleurs de débrouiller, autant e possible, une autre énigme, celle des motifs ai ont fait différer à Galilée pendant trente ans la publicalion de découvertes qui lui donnaient le juste orgueil d’avoir créé une nouvelle science. La première occasion de retard fut, bien entendu, celle de l'invention du télescope, qui assura à Galilée, dans un tout autre domaine, une gloire immédiate et non moins éclatante que celle qu'il pouvait déjà espérer de la postérité. Le voilà, à un âge déjà mûr, enlrainé dans une série de nou- velles occupations, et en même temps engagé dans des polémiques avec les détracteurs de son génie. Il se met à dos tous les fidèles d'Aristote et se trouve compromis une première fois au sujet de l’opinion de Copernic. C'était, semble-t-il, le mo- ment, pour lui, de consacrer les années de recueille- ment relatif qui suivirent à achever l’œuvre com- mencée depuis si longtemps, à laquelle il n'avait pas cessé de rêver. Sa publicalion ne pouvait man- quer de le fortifier, et n'enlrainait aucun risque pour lui, car toute polémique contre Aristote est soigneusement écarlée du plan d'exposition que nous avons vu; le traité est exclusivement mathé- malique ; les nouvelles idées introduites sont rame- nées au minimum strictement indispensable. Une fois cette tâche lerminée, Galilée n’en eût élé que plus fort pour reprendre celle de la défense de Copernic. Eh bien! par une faule de tactique qui semble singulière chez un vieillard assagi et profondé- ment expérimenté, il va attendre patiemment de longues années l'occasion qu'il croira assez favo- rable pour essayer, avec les Wassimi Sistemi, pour Copernic, mais surtout contre Aristote, le dange- reux coup de partie qu'il perdit devant le pape Urbain VII. Le dialogue des Nouvelles Sciences se présente comme une continuation du célèbre ouvrage de 1632 (les interlocuteurs, notamment, sont les mêmes); il a donc été conçu et exécuté après les Massimi Sislemi; mais, toutefois, cela ne vaut que pour les deux premières Journées, consacrées à la Résistance des matériaux; la seconde, d'ail- leurs, est brusquement arrêtée; les deux suivantes sont rempiies, sans explication préalable, par le traité De Motu locali, coupé, de place en place, avec quelques rares développements dialogués. L'œuvre littéraire, dans toute cette dernière partie, est à peine ébauchée. Évidemment Galilée, surpris par les événements et voulant sauver le plus tôt possible ce qui lui restait de plus précieux dans son trésor scien- tifique, a adopté, au dernier moment, pour son traité De Motu locali, un mode de publication pour lequel il ne l’avait point conçu. La précipi- tation avec laquelle le nouveau plan a élé exécuté rend improbable une refonte, à celte date, de la rédaction antérieure. 392 PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE III Remarquons maintenant ce que Galilée dit, dans le passage que nous avons traduit de son préambule, sur le mouvement des projectiles ; son énoncé du principe de l'inertie serait fondé sur ce qu'il aurait déjà longuement développé ailleurs. A la vérité, on le déduirait aisément du postulat relatif au mouvement sur les plans inclinés et de la suite des théorèmes qui en découlent. Mais il est bien improbable que ce soit là ce qu’a voulu dire Galilée; ou bien le traité De Wotu locali avait contenu des considérations supprimées comme faisant double emploi avec celles qu'on trouve dans les Massimi Sistemi; ou bien, ce qui est un peu plus probable, il avait été conçu par Galilée comme ne devant être publié qu'après un ouvrage de polé- mique contre la Dynamique d’Aristote; ou enfin, ce que je croirais volontiers, il s'agit d'un simple ren- voi au Massimi Sistemi ajouté en dernier lieu. C'est, en tous cas, là que se trouve le nœud de la question que nous agitons, que nous touchons le fl qui va nous conduire à l'explication de cette faute de tactique apparente signalée tout à l'heure. En réalité, l'homme qui, à celte époque crilique, a le plus introduit de vérités nouvelles avec le moindre cortège d'erreurs, Galilée, n'avait nulle- ment le tempérament d'un novateur. On le voit assez au relard subi par la publication de sa théorie dynamique. Une fois qu'il en est en possession, il en combine le mode d'exposition suivant un moule artificiel, qui a dû exiger de longues et profondes méditations pour éviter une opposilion formelle avec la Physique d’Aristote, et pour glisser, au milieu d'une théorie mathématique, de facon à attirer le moins possible l'attention des Scolas- tiques, les deux principes fondamentaux de la nou- velle doctrine. Mais, ce tour de force accompli, il se rend compte, avant d'avoir mené à fin tous les développements mathématiques de son Traité, que ses précautions ont été vaines; car à ce moment (après ses découvertes astronomiques et à leur sujet), il est déjà en butte à des attaques directes et il sent grandir contre lui l'hostilité des Péripaté- ticiens. Il est désormais trop en vue et (rop jalousé pour que l’on ne découvre pas, dans sa théorie mathématique du mouvement, l'opposition latente contre Aristote. Or, si Galilée n'a point, comme je l’ai dit, le tempérament du novateur, c'est-à-dire s'il ne se dévouera pas, en écarlant toute considération per- sonnelle, à la propagation immédiate ou, au moins, la plus rapide possible, de ses opinions ou de ses convictions, il a, au contraire, le tempérament du polémiste, en ce sens qu'il ne reculera pas devant la lutte commencée, et surtout que, toutes les fois qu'il se jugera touché directement, il se défendram avec âpreté et ténacité. Pris à partie au nom d'Aris= tote, il va s'en prendre désormais directement à Aristote; il va rentrer dans la voie logique, dont tout d’abord il s'était écarté, et faire table rase de la Dynamique d’Aristote avant d'exposer la sienne Mais, pour ce faire, il lui faut soutenir l'hypothèse copernicienne, car, en réalité, c'est sur cetle hypothèse que reposent les deux principes quil postule. Voilà, ce me semble du moins, comment on peut le mieux donner l'explication cherchées voilà le motif qui a déterminé la conduite de Galilée pendant les vingt-cinq dernières années de sa vies IV Mais il me faut justifier plus amplement ce que je viens de dire sur la liaison logique et histo= rique entre les principes de l'inertie et de, l'indé» pendance du mouvement antérieur d’une part, et; de l'autre, l'hypothèse de Copernic. C'est, d’ails leurs, un point qui, par lui-même, mérite d'être mis pleinement en lumière, d'autant qu'il est le. plus souvent méconnu dans les expositions cou: rantes des principes de la Dynamique. Remarquons, tout d'abord, que l’adoption expli ici est, dans la première moitié du xvn° siècle, @ dès avant les publications de Galilée, la pierre de adversaires‘. La question de priorité est oiseuse à ce sujet. L'habitude s'introduit aujourd'hui dé errement ne se justifie guère, car l’un et l’autre principes se retrouvent à peu près aussi clairement dans les Commentaires sur les mouvements de Mars, de 1609, c'est-à-dire bien avant 1632. Mai dèsle commencement du siècle et avant ses décou vertes en Dynamique, Galilée était lui-mème coper nicien, de sorte qu'entre lui et Kepler la question de la priorité réelle et mème celle de l'indépendance ré ciproque se trouvent insolubles; au reste, elles n'on d'énoncer des principes, mais de les faire servir la construction d'une théorie. Or, à cet égard; ne peut même y avoir débat: tout l'honneur appart tient à Galilée. même époque, a pu être conduit à adopter de principes en désaccord absolu avec les opinions dominantes. Faut-il transformer Galilée, pe exemple, ainsi qu'on le fait trop souvent, en un savant qui procède exclusivement par expérience, qui fonde toute théorie sur la seule observation des “faits? Je montrerai plus loin que cette opinion est aussi radicalement erronée que celle qui considère des principes de Dynamique comme directement éta- blis sur l'expérience. Faut-il se rallier à la conjec- ture que le principe de l'inertie aurait été formulé “par retour aux idées de Démocrile, et comme suite “du mouvement intellectuel qui se prononca, dès le xvi° siècle, contre la tyrannie d'Aristote? Il suffit de remarquer que, dans les fragments qui nous «restent sous le nom du philosophe d’Abdère, il n'y en à pas un seul qui puisse suggérer à personne la notion de l'inertie, et que ses conceplions à ce “sujet doivent être devinées d’après la polémique qu'Aristote a dirigé contre lui. Or, ni Galilée, ni “kKepler ne sont des ennemis systématiques d'Aris- ote, comme le sera Bacon; ils n'ont pas l'esprit fait pour aller s'attacher à une doctrine, pour cela seulement que le Stagirite l'a combaltue. Ils ont obéi à un motif plus impérieux et plus décisif. V Mais, pour apprécier pleinememt ce molif, il convient de considérer tout d’abord quels étaient es principes dynamiques d'Aristole, comme on continuait, d’ailleurs, à les enseigner couramment au xvu° siècle. Leur exposé permeltra, en même emps, de juger, par comparaison, de l'importance du progrès réalisé par Galilée. “Aristote distingue les mouvements en deux sortes : les mouvements naturels etles mouvements violents. La nature de chaque être comporte, d'a- près lui, le principe du mouvement et du repos cet être, en tant qne ce mouvement et ce repos e sont point occasionnés accidentellement parune tion extérieure. Une telle action est, au contraire, e violence (Blu, vis). ps; la substance céleste compose des sphères imées de mouvements de révolution uniformes ristote concevait ces sphères comme nécessaire- nt concentriques à la terre, suivant le syslème tronomique d'Eudoxe; mais, depuis l'introduc- de Ptolémée, cette condilion avait été aban- née par l'École) “1 J'emploie ce mot au sens de la terminologie actuelle ; S celle d'Aristote, la cause est le moteur immobile, être PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 339 que constante. Si l'action de cette cause cessail, le mouvement s'arrêterait instantanément; il ny a aucune action extérieure; le moteur immobile (le Dieu d’Aristole) est seulement un objet de désir. Lui ressembler autant qu'il est possible au mobile de ressembler à l'immuable, c'est le but proposé à la nature des corps célestes; mais ce prétendu moteur n'agit pas plus qu'il ne peut subir d’ac- lion. Les mouvements nalurels des quatre éléments sublunaires sont verticaux et dirigés vers le centre du monde pour les corps pesants (terre et eau), vers la périphérie pour les corps légers (air et feu); la cause de leur mouvement est encore regardée comme permanente et interne, mais non plus comme constante. Aristote connait, en effet, l’accé- lération des mouvements de descente ou d’ascen- sion, mais il l’atlribue à ce que la cause varie en augmentant à mesure que le corps se rapproche du but vers lequel il tend. Il regarde, d’ailleurs, celte cause comme mesurable à chaque instant d'après la vitesse qui est son effet direct. Quant aux mouvements violents, l'action exté- rieure qui les détermine ne doit nullement être regardée comme imprimant au corps mû une force perpétuant son mouvement. Si celui-ci se continue, en effet, lorsque l'action a cessé, si le projectile lancé par la main ne tombe pas aussitôt de son mouvement naturel, suivant la verticale, c’est que l’action du milieu ébranlé par la projection se sub- slitue à l'action qui a cessé et entretient, pendant un certain Lemps, le mouvement violent. Quoi qu'il en soit de cette continuation du mouvement, il est suffisamment clair, d'ailleurs, qu'Aristole regarde l'action extérieure violente comme produisant in£- tantanément, à chaque moment, une vitesse qui ne persiste point. Sous ce rapport, l’action externe est absolument assimilable à l’action interne. Il ressort de cet exposé qu'Aristote u a aucune notion correspondant à celle de la force, au sens moderne du mot. Il nie, aussi nettement que pos- sible, l'inertie et le mouvement antérieurement acquis, éléments essentiels de notre conception actuelle. Il n'y à d’assimilation possible entre sa doctrine et les nôtres qu'en ce qui concerne ce qu'on appelle les forces instantanées; mais cette dernière notion est précisément une curieuse survivance des dogmes de l'École, et elle jure si outrageusement avec loutes celles auxquelles elle est accouplée, qu'elle est sans doule condamnée à disparaitre bientôt sans retour. S'il n'a pas la notion de la force, Aristote n'a, sublunaires; celui des sphères célestes est, à leur égard. nne cause secoude. Mais, cette remarque faite au pcintde vue de l'exactitude littérale, je crois sans intérêt de m'arrêter ici à ces subtilités métaphysiques. 334 PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE dès lors, bien entendu, aucun mot pour repré- senter celle notion en général. Le terme de puis- sance (dus, polenlia) a, dans son langage tech- nique, une acception particulière ; il signifie seule- ment possibilité, et c'est ainsi que sa célèbre défi- nilion du mouvement” doit être comprise (le pas- sage de la possibilité à la détermination). Si donc Aristote emploie ce terme de puissance pour dési- gner une force, un poids, par exemple, à l’état statique ou bien dans une machine simple, il faut bien admettre qu'il n'entendait par là qu'une possibilité de mouvement (d'ailleurs plus ou moins grande et susceplible de mesure). Bien plus, rien ne nous prouve qu'aucun des mécaniciens de l’An- tiquité l’ait entendu autrement. C'est précisément le défaut, dans la langue scien- tifique, d’un terme approprié au concept moderne qui à fait hésiler, au xvir° siècle, entre le mot de puissance el celui de force (correspondant au latin vis, mais ayant, comme ce dernier, une significa- tion beaucoup plus ambiguë que le grec Six). Quant à Galilée, nous avons vu comment, dans son traité De Motu locali, il se passe du concept et du terme correspondant ; mais, dans les Jassimi Sistemi, il n'en parail pas davantage sentir le besoin, et se conforme au langage d’Aristote, sauf à employer, très rarement, une expression passablement vague, celle de virlu*, dans des cas où nous dirions natu- rellement force. NII Si, pour juger le système dynamique d'Aris- tote, on fait abstraction des préjugés qui dérivent de notre éducation moderne, si l’on cherche à se replacer dans l'état d'esprit que pouvait avoir un penseur indépendant au commencement du xvn° siècle, il est difficile de méconnaître que ce système est beaucoup plus conforme que le nôtre à l'observation immédiate des fails. Ce qu'on peut lui reprocher dans son ensemble, c'est précisé- ment de s’en tenir trop fidèlement à une observa- tion que nous qualifions désormais de grossière, de ne pas lui avoir substitué une analyse expéri- mentale suffisamment profonde. Il y a, toutefois, une exception qui concerne le rôle du milieu dans CRE TR RTE ER PRE TEE nn: EAP EEE ! « L'acte (la réalisation) du possible, en tant que pos- sible. » — Chez les Grecs, xivnots désigne le changement en général; c'est pourquoi Galilée dit encore, en terme d'Ecole, mouvement local (c'est-à-dire changement suivant le lieu).— La définition d'Aristote n'a d'intérêt que comme formule générale ; appliquée au mouvement local (la réalisation de la mobilité dans le mobile), elle se réduit à une pure tauto- logie. * Dans quelques passages des Vuove Scienze, il emploie, au contraire, le mot forza en l'appliquant tantôt à la puissance. tantôt à ix violence. Mais il est difficile de reconnaitre exactement s'il entend donner un sens précis à ce terme vulgaire, et si ce sens est bien le nôtre. la conservation des mouvements violents; évidem ment la conception de ce rôle n’est nullement déri=« vée de l'expérience; c'est une vue théorique, liée« au rejet de l'hypothèse de l'existence du vide absolu, considéré comme inconcevable. C'est dire que ce rôle du milieu n’est point une invention d’Aristole; on le trouve déjà formellement supposé par Platon; il est ainsi une conséquence de la doc- trine éléatique, adoptée sur ce point par le Maître et qui n'était alors contredite que par Démocrite. Que cette conception ne soit d’ailleurs nullement absurde en elle-même, il suffira, pour le montrer, de rappeler qu'il ya vingt-cinq ans environ, elle ’élé reprise dans la /evue scientifique avec applis cation à l'éther. Supposer que la matière pondé: rable est absolument inerte et que la continuation du mouvement qu'elle acquiert, aussi bien que les! attractions et répulsions entre ses molécules, soit due à l’action du milieu où elle est plongée, est em effet une hypothèse qui aurait théoriquement l'in= térèt d'écarter la question des frottements de l'éther dans la conception mécanique de l'univers. Mais évidemment, nous n’en sommes pas encore à cela près pour déterminer dans quel sens il faut en: tendre, à cet égard, l'application de la formule actuellé du principe de l'inertie, de facon à la maintenir en accord avec les observations astrono= miques. Le système d’Aristote est, sans contredit, insuf fisant pour constituer une Dynamique rationelle, puisque, comme on l'a vu, il y manque des notions indispensables pour la construction d'une théorie. mathématique. Mais, pour combler cette lacune, 4h n'y aurait point de difficultés insurmontables, mal= gré la distinction primordiale en corps de natures différente sous le rapport du mouvement, distine tion absolument contraire aux tendances de l'ab= straction mathématique, qui réclame des postulats absolument universels. Sous ce rapport, il y a, en particulier, dans le système d’Aristote, un vice logique, en ce que le rôle du milieu n’est pas conçu d'une façon identique dans les mouvements vio lents, où il conserve le mouvement acquis, et dans les mouvements naturels, où il n'intervient point Mais, somme toute, il n’y avait, dans ces lacunes et ces incohérences, rien qui fut suffisant, au temps de Galilée, pour justifier la destruction complète du système. VII 3 Comment fut-il cependant amené à regardem cette destruction comme nécessaire ? Quelle est, cel égard, la valeur de l'opinion traditionelle qui: le représente, dès le début de sa carrière, comme le champion, contre Aristote, de la méthode expé= rimentale ? Ds - … Qu'il ait eule génie de l'observation et de l'expé- jence, cela est bien clair. Sa découverte, si pré- oce, de l'isochronisme des oscillations du pendule donne lieu, sur le premier point, à aucune serve ; mais elle n’a jamais eu rien à faire nipour contre Aristote, d'autant que Galilée a toujours ésenté cet isochromisme comme un fait expéri- ntal, qu'il n’en a jamais tenté l'explication théo- ue, et que même il a toujours cru que la durée s oscillations était absolument indépendante de plitude de l’arc. L'invention du pendule est lonc précisément un de ces exemples, fréquents ans l'histoire des sciences, de la fécondité d'une bservation grossière, mais pratiquement utile, and bien même elle ne répond à aucune des endues exigences de la méthode moderne. Quant à la célèbre expérience de la tour de Pise, le a simplement eu pour but de prouver qu'une vre de plomb tombe aussi vile que deux livres é plomb. Mais Aristote n’a jamais dit le contraire, ble fait était parfaitement admis dans les ouvrages assiques médiévaux sur la matière (par exemple rdanus Nemorarius : le Gravi el levi). Qu'à ise, quelque scolastique ait sollicité des textes dAristote mal compris, pour en déduire une consé- quence évidemment absurde à priori, et que Galilée ait institué une expérience pour en montrer 1-fausseté, c’est là une circonstance accidentelle peut prouver les abus de la scolastique, mais pnt il ne faut pas exagérer l'importance. Jamais PAristote ni l'École n'ont refusé de faire appel à expérience; seulement on ne savait pas faire expériences précises et concluantes, ce qui est te la difficulté. Or, à cet égard, Galilée est cer- nement un des maitres de la pensée moderne, arce qu'il a, le premier, sur des exemples déter- inés, montré de quelles précautions il fallait éntourer et quelle ingéniosité il fallait dépenser Dur aboutir à un résultat valable; mais il ne l’a que beaucoup plus tard (par exemple, dans > Discorsi de 1612 sur les corps flottants ou en Mouvement dans l’eau) et toujours pour justifier ne théorie conçue à priori, non pas pour la onsliluer 4 posteriori. Nous possédons d'ailleurs, aujourd'hui, du temps de l'expérience de Pise, des juvenilia de Galilée Ir le mouvement et en particulier sur la pesan- r. Nous pouvons en conclure qu'avec plus de erté d'esprit que ses collègues, il n'avait pas ore des idées beaucoup plus justes; il admet héme, comme faits d'expérience, des erreurs dont Seul énoncé appelait la critique, par exemple, au commencement de la chute des graves, le uvement est plus rapide qu'immédiatement près, et que l'accélération de la chute ne com- ence qu'après ce premier retardement. Nous PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 339 n'apercevons, dans ces essais, qu'une idée réelle- ment importante, parce que Galilée la suivra pa- tiemment et y restera toujours attaché; c'est que la doctrine d'Aristote sur la pesanteur, et en parti- culier la distinction des corps graves et des corps | légers, est incompatible avec le principe d’Archi- mède et avec les conséquences qu'en a déduites le géomètre de Syracuse. C'est donc l'esprit mathé- malique d’Archimède qui a été le premier inspi- rateur de Galilée; c'est Archimède qu'il a surtout étudié profondément et qui restera toujours son guide avoué. Un autre mécanicien, qui a eu une grande influence sur l'évolution scientifique de la Renais- sance, ne paraît point en avoir sensiblement exercé sur Galilée. C’est par la préface des Pneumatiques de Héron d'Alexandrie, beaucoup plus que par Lu- crèce, que la conception de la matière comme formée de molécules séparées par de petits vides, a été alors introduite et s'est répandue. Une telle hypothèse, acceptée d’ailleurs en fait dans l'École même d'Aristote dès la seconde génération, ne suscitait pas des scrupules aussi vifs que les doc- trines malfamées d'Epicure. Mais cette question n'est point de celles auxquelles s'attaque Galilée, quoiqu'il adopte comme probable cette opinion des petits vides; car c'est une marque particulière de son génie, à côté de la plus large fantaisie comme spéculations, que d'écarter avec soin et de consi- dérer comme n'existant pas, quand il s'agit des fondements à donner à la science, tout problème qui ne lui paraît pas actuellement susceptible de solution. VIII Nous aboutissons donc à cetle conclusion qu'il est également improbable que les deux premiers principes de la Dynamique aient élé coneus a priori (pour remplacer un système condamné comme insuffisant), ou qu'ils aient été établis à posteriori (en suivant les procédés de la méthode expérimen- tale). Tout au contraire l’origine de ces principes s'éclaire immédiatement, si l’on rapproche l’hypo- thèse copernicienne des thèses d’Aristote : ces prin- cipes ont été, de fait, des machines de guerre construites pour défendre le système de Copernic, et elles sont, non seulement si appropriées à ce but, mais encore si indispensables qu'on doit les con- sidérer comme des conséquences immédiates de ce système, conséquences déjà déduites par son auteur. S'il ne les a pas formulées explicitement, ce n’est pas moins jusqu'à lui qu'il faut les faire remonter logiquement. Aristote donnait une explication (théologique, ce qui aggravait la difficulté) pour le mouvement diurne attribué à la sphère des fixes. Cette explica- 330 tion était interdite à Copernic, qui attribuait le mouvement à la Terre. Il lui était tout aussi impos- sible de faire regarder la rotation de notre globe, soit comme un mouvement naturel, soit comme un mouvement violent, au sens d’Aristote. La perpé- tuité de cette rotation ne pouvait se concevoir que comme un fait, n'ayant pas d'autre explication que le fait de son existence antérieure : or c’est là le principe de l’inertie. D'autre part, l'hypothèse de la rotation dela Terre avait soulevé, dès l'Antiquité, l’objection très natu- relle, notamment consignée par Ptolémée, que cette rotation troublerait tous les mouvements que nous observons à la surface. Il était donc néces- saire d'affirmer, pour contredire cette objection, que le mouvement communiqué persiste dans les corps devenant libres, et par suite n'apparait pas pour nous. Or, que ce soit dans ce sens que Galilée entend le principe de l'indépendance du mouvement anté- rieurement acquis, c'est que l’on voit clairement quand il affirme, dansles Massimi Sistemi, que tout se passe, absolument et rigoureusement, à la surface de la Terre, comme s'il n’y avait pas de rotation. À Il ne fait qu'une exceplion, d'ailleurs malheu- reuse, pour les marées, qu'il cherche très ingénieu- sement à expliquer par la rotation de la Terre, sans se soucier de l'observalion, déjà courante chez les Anciens, qui reliait les périodes du flux à celles du mouvement de la Lune. Tout au contraire, il calculera la durée de la chute d’un grave sur la Terre depuis la sphère de la Lune en regardant la trajectoire comme verticale; ainsi il n’a aucune idée de la déviation vers l’est, et il ne parait point que la rectification nécessaire pour l'exactitude du principe ait été faite avant Newton. IX Encore de nos jours, il n’y a pas d'argument plus valable à invoquer du côté expérimental, à l'appui du principe d'inertie, que le fait de la cons- tance et de l’uniformité du mouvement diurne. Ce qu'on ne remarque pas d'ordinaire, mais ce qu'il conviendrait de mettre en lumière dans l’enseigne- ment, c'est que ce principe renferme tout d'abord une définilion du temps, en lant que mesuré par un mouvement de rotalion qu'on a tout lieu de regarder comme s’effectuant en dehors de toute aclion externe ou interne ou sous l'influence d’ac- lions se contrebalançant exactement, sans qu'il soit d’ailleurs, bien entendu, possible d'instituer à cet égard aucune démonstalion en règle. En second lieu, on convient, par analogie, de regarder comme absolument libre, ou comme soumis à des actions PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE se contrebalançant, un corps animé d'un mouvemen#* de translation recliligne et uniforme. Il y là une accord, pour une expérience grossière, avec 4 notion statique (puissance d’Aristote). Enfin on prouve que l’analogie invoquée est suffisante, parce invariables), on peut démontrer que la formule admise pour le principe d'inertie suffit à établm l'uniformité de rotation d’un solide invariable libre autour de l’un de ses axes principaux d'inertie. trouve. Même la célèbre expérience de Foucault prouve, en bonne logique, la rotation de la Terre que si l'on admet la fixité absolue des axes rappor aux étoiles, ce qui est, au fond, l'hypothèse mèm de Copernic. Celle-ci est donc la base fondamens tale de l'édifice de la Dynamique moderne, de mê que l'hypothèse de Newton sur la gravitation uni verselle en est la base supérieure, puisqu'elle entraîne le principe de l'égalité entre l’action etl réaction. Le second principe de Galilée, celui de l'indépen* dance du mouvement antérieurement acquis, commence la définition positive du concept. force, en conduisant immédiatement à l’un des éléments de la mesure, à savoir l'accélération: L'autre élément, la masse, est un nouveau concepl qui ne peut être constitué avant d'avoir admise troisième principe de la Dynamique, celui de lin dépendance des effets des forces, ce qui monta bien que ce troisième principe est essentiellemen différent du précédent. Galilée s'arrête avant di faire ce nouveau pas en avant; on à vu par que postulat il évite, pour les mouvements sur le pla incliné, la question de la décomposition des forces Quant au mouvement d’un système de poids cons trariés, il ne le traite point. Nous ne pouvons donc nous prononcer en touk certitude sur la façon dont il eût posé la question D'ailleurs, en réalité, le concept de masse n'a pi été constitué avant Newton; quoique l'idée deMk variabilité de la pesanteur avec la distance at centre de la Terre eût hanté avant lui de nombre esprits, et en particulier celui de Galilée, on concevait aucun moyen de constater expérimen talement cette variabilité, pas plus que d'applique une commune mesure aux corps sublunaires et au corps célestes”. 1 Je reviendrai, dans une étude ultérieure, sur l'histoire | du principe de l'indépendance des effets des forces. | . Bornons-nous donc à considérer le second prin- ipe ; nous avons VU que, SOUS sa forme générale, dans les Aassimi Sistemi, Galilée le concoit “entre de la Terre) comme pour les mouvements de nslalion. Dans le traité Ze Motu locali, au con- traire, il le formule rigoureusement en le limitant aux mouvements de translation, mais il n'en pro- pose aucune vérification expérimentale dans le cas jù le mouvement antérieur n’est pas dirigé suivant a force accélératrice. C’est uniquement dans le cas la direction est la même (cas qui se ramène ilement à celui de la simple chute), qu'il a procédé à des expériences pour constater la valeur pratique de la règle des carrés du temps, théori- quement établie à priori. Ces expériences furent ailes avec une pièce en bois, d'une longueur de douze brasses environ, dont l'inclinaison pouvait ier à volonté. Un canal, large d'un doigt envi- fon, élait creusé le long de cette pièce et garni de parchemin ; on y faisait descendre une bille de bronze. Le temps était mesuré en pesant une antité d’eau écoulée sous niveau à peu près constant pendant la descente. Quelles qu'aient été les précautions prises pour assurer l'exactitude de lexpérience et en particulier pour diminuer les frottements, il est évident que la vérification portait seulement sur ce point que lorsque la hauteur de chute est assez faible pour que la résis- tance du milieu et les frottements n'allèrent pas ncore sensiblement la vitesse, la règle des carrés du temps peut êlre considérée comme valable éxpérimentalement. Bien entendu, Galilée ne entendait pas autrement ; mais il est également élair que, restreinte dans ces condilions, l'expé- Hence ne peut sérieusement justifier, ni la règle en elle-même, ni le principe sur lequel elle repose. Si l'on faisait d’ailleurs des expériences avec de plus grandes hauteurs de chute, elles pourraient uniquement servir, en supposant vraie la règle des Carrés du temps, à déterminer les effets dus à la résistance du milieu et à la variation de la pesan- PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE 337 La première est relative à l'existence d'un milieu, qui empêche la théorie d’être absolument rigoureuse. Elle fut en particulier soutenue par Descartes, qui, avant d'admettre sa matière sub- tile et de se prononcer contre l'existence du vide, avait précisément manqué vers 1619, par une faute de raisonnement singulière, la déduction théorique de la règle des carrés du temps ‘. Cette objection, qui n’est pas levée au principe, maintient en fait le caractère à priori de la règle en question, et empêche de la considérer comme une loi empirique. Mais précisément le trait du génie de Galilée est d’avoir négligé l’action du milieu pour construire une théorie mathématique. La seconde objection tint à la difficulté que l’on trouva à concevoir une vitesse initiale nulle. Avec les habitudes d'esprit contractées sous l’enseigne- ment aristotélique, on ne pouvait s'empêcher de se représenter la pesanteur comme produisant instantanément, au commencement même de la chute, une vitesse finie. La règle de Baliani, qui ne donnait pas lieu à la mème difficulté, trouva, par suite, un certain accueil. Dans la polémique à ce sujet, ce fut surtout Gassendi qui défendit Galilée ; Fermat l'appuya. Descartes, au contraire, quoiqu'il admetle la règle de Galilée comme pratiquement valable pour de faibles hauteurs de chute, répugne toujours à l'idée d’une vitesse initiale absolument nulle. XI Dans le courant du xvin° siècle, le point de vue sous lequel on considérait les principes de la Dynamique se modifia peu à peu. La Physique, en se constituant comme science indépendante, exclu- sivement fondée (au moins le prétendait-elle) sur l'expérience, justifia ses méthodes par des succès assez décisifs pour lui assurer pleine confiance en elle-même; elle tendit dès lors naturellement à rattacher à son domaine tout ce sur quoi l'expé- rience pouvait porter. Il fut done désormais admis que les principes de la Dynamique étaient au moins induits de faits observables à la surface de la Terre: si des expériences précises ne pouvaient être que difficilement instiluées pour établir rigoureuse- ment ces principes, on pouvait au moins vérifier leurs premières conséquences, ou plutôt, posant celles-ci comme des lois naturelles découvertes et établies par l'expérience, remonter de là aux prin- cipes qu'elles supposent théoriquement. En particulier, pour la chute des corps, un appa- reil très ingénieux, la machine d’Atwood, fut cons- truil et adopté dans l'enseignement ; il permit de 1 Voir Correspondance de Descartes (éd. de Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, t. 1, 1897, p, 75). 338 PAUL TANNERY — GALILÉE ET LES PRINCIPES DE LA DYNAMIQUE montrer (en retardant d'ailleurs les vitesses de chute par l'emploi de poids contrariés) comment on pouvait vérifier les théorèmes de Galilée sur les relations entre les espaces parcourus, les vitesses et les temps; comment même on pouvait, en fai- sant varier les poids en mouvement, vérifier le principe de l'indépendance des effets des forces, dans un cas, à la vérité, très particulier, mais suffi- sant, àlarigueur, pour définir le concept de masse. Grèce à la continuité de l’enseignement dans ce sens, grâce d'autre part, à la glorification de plus en plus grande de la méthode expérimentale, cette conceplion des principes de la Dynamique a triom- phé pendant la plus grande partie du sièele dernier, et l'oubli de la vérité historique a été tel que Gali- lée fut transformé en un expérimentateur, ayant découvert, avec ses plans inclinés, les lois de la chute des corps. Une réaction devait se prononcer à partir du moment où, pour contiauer sa marche en avant, la Physique dut faire de nouveau appel aux Mathé- matiques, et perdit ainsi une partie de l’indépen- dance qu'elle avait conquise. Ayant à critiquer, pour les développer analytiquement, les concep- tions théoriques que se faisaient les physiciens d'après leurs expériences, les mathématiciens re- connurent, avec plus de précision, les limites réelles qu'on doit imposer aux conclusions expéri- mentales, et revendiquèrent, sous des formes d’ail- leurs plus ou moins vives, les droits de la spécula- lion à priori, droits qu'ils étendaient d'ailleurs singulièrement, dans leur domaine propre, par la création de théories empreintes d'un caractère purement hypothétique, comme les Géométries non-euclidiennes. En ce qui concerne principalement les principes de la Dynamique, l'impossibilité à priori où l'on se trouve de les vérifier expérimentalement a été éta- blie par M. Henri Poincaré au Congrès de Philoso- | phie de 1900. Le cas est donc le même que pour le postulatum euclidien sur les parallèles, mais il y a une conclusion différente à tirer, pour ce qui regarde l’enseignement; car le postulatum des parallèles a été admis dès l’origine de la science : il n'y a donc qu'à le poser comme tel. Les principes de la Dyna- mique ont été découverts après deux mille ans de spéculations sur le mouvement et sur les forces (au moins à l’état statique) ; il y a donc à les justifier. Or, pour cela, je ne sache point qu'on puisse prendre un meilleur procédé que celui de revenir * à la vérité historique. Ce n’est point par l'observa- Le tion des faits à la surface de la Terre que ces prin cipes ont élé découverts, ce n’est point de la Phy= sique qu'ils dépendent : ils ont été construits pour l'explication des phénomènes célestes, en liaison directe (au moins les deux premiers) avec l’hypo= thèse de Copernic. Les corps célestes restent, d'ail leurs, les seuls qui représentent réellement les points matériels ou les solides invariables de J Mécanique rationnelle, et c'est seulement des pro grès de l'Astronomie qu'on peut attendre désor. mais quelque nouvelle détermination relative aux concepts fondamentaux de la Dynamique (nota ment sur le rôle du milieu, soit dans la propagas tion de la force, soit comme résistance passive). L'exposition des lois de la chute des corps a moyen de la machine d’Atwood doit au contraire être abandonnée. Ces prétendues lois sont des théo: rèmes mathématiques qu'il ne faut pas présenter pour autre chose que ce qu'ils sont. L'important, en Physique, serait d'enseigner, à propos de la chute des corps (ce que l’on ne fait point), dans quelles limites ces théorèmes sont applicables, quelle est la valeur des corrections à apporter à partir dem telle hauteur de la chute. Mais l'important est sur tout de montrer comment se fait la science, com ment on peul la faire progresser par des décou= vertes nouvelles; c’est de ne pas introduire à ceb égard des idées fausses en consacrant à l'étude minutieuse d'appareils de simple démonstration sur lesquels on ne peut faire que des expériences. scientifiquement illusoires, un temps qu'on peut employer sur des appareils de recherche réelle. Je ne parle pas de l'appareil du général Morin, construit beaucoup trop grossièrement pour donner même une idée favorable du procédé d’enregistre= ment par tracés continus, procédé d'une grande utilité pratique, mais dont il est aisé de trouver pour l’enseignement de meilleures illustrations. suffirait sans doute, à propos de la chute des corps, de mentionner les vérifications expérimentales de Galilée, mais encore conviendrait-il de spécifier leur portée réelle qu'il ne faut ni exagérer ni res treindre ; car, si elles sont absolument insuffisante pour établir l'exactitude illimitée des formules théoriques, elles montrent au moins que ces for” mules sont suffisamment conformes aux faits, dans des limites restreintes, pour qu'il convienne de less employer à titre théorique el sous les réserves nécessaires. Paul Tannery. Directeur des Manufactures de l'État. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 339 4° Sciences mathématiques fetto (Eugène), Professeur de Mathématiques à l'Uni- Versité de Giessen. — Vorlesungen über Algebra. 2 vol. in-8° de 388 et 520 pages. (Prix : 35 fr.) BG. Teubner, éditeur. Leipzig, 1896-1900. Cet ouvrage vient prendre place à côté des traités ssiques de Serret et de Weber, C'est dire qu'il s’agit ine œuvre importante destinée à ceux qui, possédant fond l’Algèbre élémentaire, désirent s'initier aux par- élevées de la science algébrique. Ils y trouveront bases essentielles des diverses théories de l’Algèbre üpérieure, présentées d'après les progrès les plus cents, progrès auxquels M. Netto a, comme on sait, ment contribué. L'auteur n'a recours qu'aux éthodes purement algébriques, sans faire intervenir une manière systématique les théories arithmétiques éJAlgèbre moderne. C’est en cela que ce traité diffère cisément de celui de Weber; aussi ces deux ouvrages mands se complètent l'un l’autre et correspondent- aux deux tendances qui caractérisent les méthodes ployées de nos jours par les divers auteurs, Netto a divisé son traité en cinq parties. Le pre- er volume, comprenant les trois premières parties, st entièrement consacré à la Théorie des Equations ébriques à une inconnue. fauteur suppose connus du lecteur la Théorie des erminants et les éléments de la Théorie des Nom- s. IL débute, comme zntroduction, par les notions mentaires relatives aux nombres complexes, puis il xamine, dans la premiere partie, les propriétés des netions entières et des équations algébriques : théo- mes relatifs à la continuité, existence des racines, Mmetions symétriques, propriétés des résultants et des riminants, formes quadratiques. deuxième partie à pour objet la résolution numé- jue des équations. On y trouve d'abord, à propos de dséparation des racines, les théorèmes classiques de olle, Budan-Fourier, Sylvester, Sturm, Hermite, puis ddéterminalion des racines par approximation d'après és méthodes de Newton, Bernoulli, Lagrange. La dernière partie du premier volume traite de la ésolution algébrique des équations. Viennent d'abord S équations du deuxième, troisième, et quatrième és, puis la détermination des racines 1° de l'unité. célèbre problème de la division de la circonférence n parties égales fait l’objet d'un exposé très intéres- t, dans lequel l’auteur passe en revue les diverses thodes qui résultent des travaux de Gauss, Kro- cker, Lagrange et Jacobi. e deuxième volume contient deux parties bien dis- tes (les parties IV et V de l'ouvrage complet). Dans d première, après avoir exposé les propriétés les plus portantes des fonctions entières à plusieurs varia- l’auteur étudie les équations algébriques à plu- ürs inconnues. La théorie de l'élimination est exa- ée d’une facon très complète. Ce n'est pas un nple exposé des méthodes de Bezout, Cramer-Poisson, ecker, Cayley et d’autres, mais une étude com- ée et critique, qui sera lue avec beaucoup d'intérêt. Asignaler aussi la lecon consacrée à la Théorie des varactéristiques de Kronecker, avec le théorème sur les loumes quadratiques découvert par Hermite. La qua- ème partie se termine par la démonstration du narquable théorème de Hilbert sur l'irréductibilité me fonction d'un nombre quelconque de variables enfermant un nombre quelconque de paramètres. lest seulement dans la cinquième partie que l’auteur BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX fait intervenir la notion de substitutions. La Théorie des groupes finis et des substitutions fait suite à l'étude des équations abéliennes; elle est limitée aux propriétés les plus-essentielles. La notion de nombre algébrique et la résolution des équations algébriques donnent lieu à une série de chapitres; puis viennent les applications de la Théorie des Equations à la détermination des points d’inflexion d’une cubique plane, et à l'étude des équations résolubles d'un degré supérieur au quatrième et plus spécialement celles du cinquième degré. H. Fer, Professeur à l'Université de Genève. Graffigny (Henry de), Zngénieur civil. — Les nou- veaux Ascenseurs. — ! rochure in-12 de 160 pages avec 51 figures, de la Petite Encyclopédie seienti- lique et industrielle, publiée sous la direction de H. de Graffiquy. (Prix: 1 fr. 50.) . Bernard et Cie, impri- meurs-éditeurs. Paris, 1901. Les ascenseurs ont complètement transformé les conditions d'habitabilité dans la maison moderne, et ces appareils de levage, mis directement à la disposi- tion du public, sont assez variés aujourd'hui pour qu'il y ait eu utilité à leur consacrer une étude spéciale, dans le but d'en faire connaitre les particularités. L'auteur de ce petit volume à distingué les ascenseurs avec puits, les ascenseurs sans puits et les ascenseurs à compensateurs. Les premiers, hydrauliques, peuvent être équilibrés par des conlrepoids ou non, suivant la quantilé d’eau dont on dispose, et c’est pour éviter d'une facon absolue la rupture de l'attache du piston à la cabine que l’on a été amené à adopter un autre moyen d'équilibrage que le contrepoids, comme l'ont fait notamment MM. Heurtebise et Pifre avec leurs appa- reils de. compensation. Mais, de tous les systèmes d'ascenseurs, les plus simples sont ceux où le cylindre- presse ainsi que le piston sont radicalement supprimés, c'est-à-dire dans lesquels il n’est plus nécessaire de forer un puits de hauteur correspondant à la course de la cabine. Ici, la cage est suspendue à un câble venant s’enrouler sur un treuil actionné par un moteur quel- conque, hydraulique, à vapeur, à gaz, électrique. Ce sont les ascenseurs électriques Pifre et Otis qui pren- nent en France le plus de développement, sous la con- dition, toutefois, que l’on ait affaire au courant continu, tandis que, dans les quartiers où les secteurs ne distribuent que des courants alternatifs, on à encore la ressource d'employer des ascenseurs à air comprimé. Ce rapide aperçu montre que le problème de l'élevation des personnes et des charges comporte des solutions très diverses, et la possibilité de trouver réunies, en un petit nombre de pages, la description, l'analyse et la comparaison de tous les systèmes d’ascenseurs qui ont fait leurs preuves, est une bonne fortune pour les architectes et les propriétaires désireux d'augmenter le confort de leurs immeubles. Euice DEMENGE. 2° Sciences physiques Jones (Harry C.), Assistant de Chimie physique à l'Université John Hopkins (Baltimore). — The Theory of electric Dissociation and some ofits Applications. — 1 vol. in-8° de 290 pages avec figures (Prix cartonné : 8 fr. 75). Macmillan and ©, éditeurs, Londres et New-York, 1901. Cet ouvrage est un exposé très net de cette partie, importante entre toutes, de la Chimie physique qui étudie la nature et la constitution des solutions éten- dues. Les faits et les expériences qui y sont sommai- 340 rement mais très clairement présentés, les interpré- tations et les conclusions théoriques qui y sont exposées avec beaucoup de simplicité et de méthode, rendent la lecture de ce livre facile et agréable. Dans le premier chapitre, l'auteur rappelle ce qu'on connaissait de la Chimie physique avant 1887: en particulier les rapports entre la constitution chimique des corps et leurs propriétés physiques (point d'ébul- lition, chaleur spécifique, volume moléculaire, viscosité, réfraction de la lumière, rotation du plan de polarisa- tion, etc.). Le deuxième chapitre traite des expériences et des recherches de Pfeffer relatives aux pressions osmoti- ques et des lois de Van’ Hoff sur les pressions osmo- tiques. Dans le troisième chapitre, l’auteur passe en revue un grand nombre de faits qui viennent tous corroborer l'hypothèse de la dissociation électrolytique, en parti- culier les propriétés additives des éléments constituant les solutions étendues (augmentation de volume résul- tant de la neutralisation des acides par les bases, couleur des solutions, chaleur de neutralisation des bases par les acides, pouvoir rotatoire, etc.). Les relations qui existent entre la pression osmotique et l’abaissement du point de congélation des solutions, entre la pression osmotique et l'élévation de leur point d'ébullition, entre la pression osmotique et leur con- ductibihté sont exposées avec beaucoup de clarté, ainsi que les rapports trouvés entre la dissociation et l’acti- vité chimique. Le quatrième chapitre est consacré aux applications de la théorie de la dissociation électrolytique. Des développements sur les phénomènes électrolytiques y occupent naturellement une très large place (vitesse des ions, conductibilité, force électromotrice calculée en fonction de la pression osmotique des ions, théorie des piles, etc.). Enfin les dernières pages contiennent l’application de la théorie des ions à certaines questions de biologie végétale et animale. Én résumé, ce livre est un précis très approprié aux besoins des étudiants qui désirent avoir une ‘connais- sance générale de la dissociation électrolytique telle qu'on la conçoit aujourd'hui. Nous ajouterons que les rares formules mathématiques qu'on y rencontre se réduisent à des expressions extrémement simples. A. HOLLARD. Chef du Laboratoire central de la Compagnie française des Métaux Leroy (Emile), Préparateur au Collège de France. — Recherches thermochimiques sur les principaux alcaloïdes de l'Opium. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 4 brochure in-8° de 60 pages, Gauthier- Villars, imprimeur, Paris, 1900. C'est un pur travail de Thermochimie qui, comme la grande majorité des travaux de ce genre, est d'un intérêt quelque peu restreint au point de vue des ré- sultats touchant la constitution des corps. L'auteur a déterminé les chaleurs de combustion et de formation des six principaux alcaloïdes de l’opium (Morphine, Codéine, Thébaïne, Papavérine, Narcotine, Narcéine). Ces mesures confirment, par analogie, les relations admises entre la codéine et la morphine d'une part, la thébaïne et cette dernière base d'autre part. L'étude de la chaleur de neutralisation des alcaloïdes par l'acide chlorhydrique (chlorhydrate solide et dissous) permet de les comparer au point de vue de la fonction basique. L'auteur a, en outre, étudié, toujours au point de vue thermique, les acides opianique, hémipinique et la méconine. Il en résulte, comme on le sait déjà, que: 1° I] y a la même analogie entre la méconine et l'acide hémipinique qu'entre la phtalide et l'acide phtalique ; 2 L'acide opianique et l'acide hémipinique présen- tent entre eux les relations d'aldéhyde à acide. G. BLANC. Docteur ès sciences. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX = Fosse (Richard). — Contribution à l'étude du G-bi- naphtol (T'hèse de la Faculté des Sciences de Paris\ — 1 hrochare 1n-8° de 72 pages. Jouve et Boyek,Me éditeurs. Paris, 1900. E. Ce travail est une étude d'ordre très spécial, quil nous est impossible de résumer ici. On y trouve d'abon un nouveau mode de préparation du binaphtol,-qui consiste à oxyder une solution bouillante de $-naphtel par l’acétate de cuivre, puis la description de quelqu dérivés de ce corps, éthers, acétals ou autres, l'expo d'un grand nombre d'essais infructueux, et enfi une discussion qui conduit l'auteur à admettre les deux restes naphtoliques du &-dinaphtoi sont un par leurs carbones «. L. MAQUENNE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle Klôeker (Albert), Assistant au Laboratoire Carlsherg à Copenhague. — Die Gärungs-organismen in d Theorie und Praxis der Alkoholgärungsgewerb — 1 vol. in-8° de 320 pages avec 147 figures. Mas Waag, éditeur. Stuttgard, 1901. M. Klôcker, lorsqu'il était assistant du Professe Hansen, à Carlsberg, a dirigé les travaux des personn qui viennent s'initier aux méthodes du grand sayanil danois et chercher un modèle pour l'installation d'u laboratoire industriel; comme les méthodes de Carls® berg sont suivies universellement, M. Klôcker a youll les faire connaitre dans leurs détails à tous ceux q ne peuvent se rendre à Copenhague : chimistes, dis lateurs, brasseurs, etc. ‘ Une première partie comprend l'installation générale d'un laboratoire de bactériologie appliquée, étuves, mi croscopes, ballons, etc., la préparation des milieux culture, la description des méthodes. Comme appli tion, le contrôle de la fabrication dans les diver industries de la fermentation est indiqué d’une façol claire et précise, et il en est de même de la manœuw des appareils à culture pure de Hansen. ‘4 Une deuxième partie est consacrée à l'étude des fais ments, et une classification nouvelle a le mérite de ral procher les Mucorinées des levures alcooliques; l'étut des levures elles-mêmes est donnée avec suffisamment de détails, mais sans perdre de vue le caractère p tique de l'ouvrage. Les faits exposés sont démontr et l’on ne rencontre pas de discussions plus ou m0 académiques sur des points dont le praticien n'a nul souci. Parmi les bactéries décrites, on a fait une sage sélection, en ne donnant que celles intéressant vraiment les industries de la fermentation, etavec leu caractères essentiels. Enfin une bibliographie bien fai termine le volume. ; Cet ouvrage de M. Klücker frappe le lecteur parst clarté et son style précis. L'auteur a voulu faire un guide pratique pour les laboratcires industriels, il & désiré que son livre fût sur la table et non dans un bibliothèque, et il nous semble qu'il a pleinement atteint ce but. P. PETIT, Professeur à la Faculté des Sciences, Directeur de l'Ecole de Brasserie de Nan@ 3° Sciences naturelles Queva (C.), Docteur ès sciences, Maitre de confi rences de Botaniqueà la Faculté des Sciences de Lil __ Contributions à l'anatomie des Monocotyléc nées. /. Les Uvulariées tubéreuses.— 1 10]. in-80 162 pages avec 11 planches. (Travaux el mémoires de l'Université de Lille, tome VII, Mém. 22.) Univen de Lille, rue Jean-Bart, 4900. M. Queva continue ses recherches sur lanatomié comparée des Monocotylédones. Ce nouveau travail esb une contribution à la connaissance des Liliacées remarquables à tant d'égards. } Les recherches de l'auteur ont porté sur les genres Gloriosa et Littonia; plusieurs Gloriosa sont cultivés dans nos serres en raison de la beauté de leurs fleurs: Les Gloriosa superba el virescens, Littonia modesti nt fait l'objet d'une étude approfondie avec des détails ur le mode de végétation et une description morpho- Jogique et anatomique des divers stades de développe- ment jusqu'à l’état adulte. Pour comparer rigoureu- sement les points éludiés dans des plantes et des rganes de plus en plus âgés, M. Queva a pris la pré- ution de déterminer exactement un certain nombre niveaux qu'il a pris comme point de repère. C'est me précaution qu'il convient de recommander aux atomistes ; faute de la prendre, il leur arrive de com- er ce qui n'est pas comparable et de signaler des érences où il n'y a que des variations dues à l'âge atif des organes étudiés. Le tubercule des Uvulariées tubéreuses est annuel chez les Gloriosa; il est situé à la base du troisième entre-nœud de la tige; tous les tubercules que la plante rme successivement ont la même valeur. Le premier —tubercule du Littonia est un renflement situé à la base lu second entre-nœud de la lige principale. ca lise de ces plantes renferme des faisceaux simples isposés sur deux rangs; l'externe fournit aux feuilles rs faisceaux principaux; l'interne leur donne de tits lobes supplémentaires. Les rameaux axillaires de nflorescence s'insèrent très profondément sur le sys- ème des faisceaux intérieurs de la tige qui supporte inflorescence. La feuille recoit de la tige deux sortes de faisceaux ; iles uns ni les autres ne se terminent en pointe libre. deuxième racine des jeunes plantes montre un irieux exemple de raccourcissement. La surface se lisse, la partie centrale se contracte longitudinalement sous l'influence de celte traction, la plante pénètre ans le sol. Les faisceaux concentriques qui se forment e ceux de la tige ont la valeur d’anastomoses. Les sceaux de la tige présentent toujours une zone cam- le comparable à la zone cambiale des Dicotylédones ; Queva en tire la conclusion qu'il est logique de con- sidérer les Monocotylédones comme dérivant des Dico- Ylédones inférieures. Les cristaux d'oxalate de chaux se rencontrent à peu près toujours chez les Liliacées, existent ni dans les deux Glor1osa étudiés, ni dans le ittonia moresta. Onze planches accompagnent ce mémoire; la lecture en serait beaucoup plus facile si les figures étaient jux- laposées au texte : c'est une habitude à recommander ux jeunes anatomistes. Les maitres de l'Université de e, dont les travaux sont justement appréciés, evraient en donner l'exemple. E. Decrock. s Chef des travaux à l'Institut botanique de Montpellier. éÉodoresco (E. C.). — Influence des différentes radiations lumineuses sur la forme et la struc- ture des Plantes. {Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 122 p., avec 4 plan- ches, Paris, Masson éditeur, 1900. l'on a fait beaucoup d'efforts pour établir l'action diverses radiations lumineuses sur les phénomènes ssimilation, la lumière blanche a seule été étudiée ans ses rapports avec la forme et la structure de la nte. La méthode des spectres est pratiquement plicable à des expériences de ce genre. C'est au en d'écrans absorbants que, comme la majorité de qui l'ont précédé, l'auteur les a réalisées. Malgré défauts des verres colorés, c'est à eux qu'il a eu re- ts; il se flatte d'avoir établi des écrans de verre ge, bleu et vert ne laissant passer aucune radiation Cherchons à synthétiser les conclusions de son tra- 1. La lumière verte est la plus défavorable au déve- pement des plantes normalement pourvues de chlo- hylle, les seules sur lesquelles aient porté les périences de l’auteur. Elles y périssent rapidement, Ppauvries par le défaut de production de la chloro- lle, par le défaut d'assimilation: naturellement elles ièrent une surface très faible: en somme l'étio- ent est à peu près complet; il doit l'être puisqu'il se produit ni verdissement ni assimilation. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES E1 INDEX 341 C'est dans les radiations bleues et indigos que les plantes poussent le mieux et présentent le maximum de développement de tous leurs tissus, exception faite pour la lumière blanche, bien entendu. Or, c'est dans les lumières bleue et violette que la transpiration est le plus énergique, que la croissance est le plus ralentie. L'auteur à constaté que, dans ses expériences, le limbe foliaire présente toujours le maximum de surface chez les plantes exposées à la lumière bleue, qu'il garde les dimensions minima dans le vert et des surfaces inter- médiaires dans le rouge. Or ces surfaces sont en rai- son directe de la transpiration. Plusieurs auteurs ont affirmé depuis peu que la lu- mière et surtout les radiations les plus réfrangibles du spectre interviennent pour favoriser la réduction des azolates et la production des substances albuminoïdes dans la plante. L'auteur y voit une des causes du bon état de ses cultures soumises aux radiations bleues. Si l'on ajoute que les rayons verts sont nuisibles à l'action des diastases, on comprend que toutes les in- fluences s’additionnent pour empêcher le développe- ment et amener la mort rapide des plantes qui ne re- coivent que des radiations vertes. En somme, il est fort peu question de la structure dans ce travail, mais du développement général de la plante dans ses rapports avec les radiations. C. FLAHAULT. Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. De Rouville (Et.); Chef des Travaux de Zoologie à l'Université de Montpellier. — Du Tissu conjonctif comme régénérateur des Epithéliums. — (7hèse de la Faculté des Sciences de Paris). —1 vol. in-8° de 160 pages avec 11 planches. Delord-Bæhm et Martial, imprimeurs. Montpellier, 1900. Dans cette thèse, M. de Rouville a étudié les sujets suivants : l'intervention des cellules conjonctives pour régénérer normalement l’épithélium sus-jacent, la valeur comparative de l’amitose et de la mitose, la signification de la membrane basale et enfin la question de la spécificité des feuillets. C'est peut-être beaucoup à Ja fois. Sur des coupes d'organes variés, intestin de Crustacés, Insectes et Vertébrés, vessie urinaire, urelère el utérus, M. de Rouville a cru reconnaitre que, par places, les cellules conjonctives sous-jacentes à l'épithélium péné- traient à la base de celui-ci pour y constituer des cel- lules de remplacement ; mais, comme il se base à peu près uniquement sur la ressemblance qu'offrent dans ses coupes les noyaux conjonctifs et ceux des cellules basales de l’épithélium, on ne trouvera peut-être pas cet argument suffisant pour entrainer la conviction. Quant aux fusées conjonctives qui pénétreraient dans l'épithélium, il est probable que ce sont des coupes plus ou moins tangentielles de faisceaux musculaires allant s'insérer sur la cuticule et passant à travers la couche épithéliale. A propos de l'amitose, M. de Rouville en observe d'assez nombreux exemples dans des épithéliums et dans le tissu conjonctif; il pense que ce mode de divi- sion peut très bien se présenter dans des cellules jeunes et actives, et n’a donc pas de signification dégénérative. A coup sür, les sujets étudiés par M. de Rouville sont d'un haut intérêt, mais très difficiles comme toutes les questions de Cytologie générale, et il ne me paraît pas qu'il les ait abordés avec une éducation technique suf- lisante, malgré son séjour dans les Universités de Leipzig et de Munich; ses figures ont un aspect sché- matique et ses épithéliums cylindriques une admirable régularité qui rappellent plutôt les travaux d'il y a vingt ans que la scrupuleuse exactitude de la Cytologie moderne. Il est possible que les idées soutenues par M. de Rouville soient exactes, bien qu'elles aillent à l'encontre des opinions reçues, mais je doute que son travail suffise à les faire accepter par les cytologistes. L. Cuénor, Professeur à l'Université de Nancy. Buior (Paul), 2rofesseur à la Faculté des Sciences de Jassy. — Contribution à l'étude de la Faune des Lacs salés e Roumanie. Extrait des Annales scien- tifiques de l'Université de Jassy, tome I, 2° fase.) — lnprimerie « Dacia», P. Ilieseu et D. Grossu. Jassy, 1900, Dans ce travail sur les lacs salés de la Roumanie, M. Bujor a cherché à déterminer les conditions physi- ques qu'ils présentent pour le développement de la vie et des espèces animales et végétales qu'on y rencontre. Ses analyses montrent que ces lacs sont, pour la plu- part, fortement minéralisés et d'une très riche teneur en chlorure de sodium (chlore, 23,29519; sodium, 14,312300). L'acide sulfurique (combiné) y existe en quantité notable (anhydride sulfurique, 2,574820). Ces eaux déposent un limon d'une richesse saline extraordinaire, où le chlorure de sodium est à la teneur de 36,40330, la silice de 572,90 et l’oxyde d'aluminium de 125,90. Cette extrème richesse saline élimine de ces lacs une grande partie des représentants des faunes lacustres ordinaires de l'Europe. Par contre, on y trouve en abon- dance un petit crustacé phyllopode rougeûtre,l'Artemia salina, et aussi un protozoaire flagellé, le Clamydo- monas dunali, très caractéristique de tous les lacs salés de l’Europe. Les classes les plus représentées sont celles des Crus- tacés et des Protozoaires. Parmi les Crustavés, les formes dominantes sont celles des types dégradés. L'auteur a fait sur quelques-uns de ces animaux cette observation très intéressante que, transportés dans une eau de plus en plus riche en sel, les Branchipus, qui vivent ordinairement dans l’eau douce, peuvent s'adapter au nouveau milieu en s'acheminant progres- sivement vers l'Artemia salina; et que, d'autre part, cette dernière espèce, transportée pendant plusieurs générations dans des eaux de salinité décroissante, arrive à donner des formes voisines de celles du Branchipus normal. Quant à la flore, elle ne comprend guère que des Algues. M. Bujor termine son Mémoire par l'indication des maladies sur lesquelles les eaux précitées exerceraient un effet curatif : scrofules, rhumatismes (mais non l'articulaire), maladies du système nerveux, de la peau, de l'utérus et de ses annexes. ÉX0E 4° Sciences médicales Ménard (V.), Chirurgien de l'Hôpital Maritime de Berck-sur-Mer. — Etude pratique sur le Mal de Pott. —1 vol. in-8° de 452 pages avec 205 figures (Prix : 12 fr.). Masson et Ci, éditeurs, Paris. 1901. Depuis quelques années, une série de travaux s'occu- pant particulièrement du traitement opératoire du mal de Pott ont été communiqués à diverses Sociétés sa- vantes et ont rappelé l'attention sur cette maladie si fréquente et si grave. Placé dans un centre des plus importants pour l'étude de cette affection, à l'hôpital que l’Assistance publique de Paris entretient à Berck, M. Ménard était placé mieux que qui que ce soit pour faire des recherches sur ce point; cent quatre-vingts lits de l'établissement sont en effet occupés par des enfants atteints de maux de Pott. C’est dire la richesse de ma- tériaux que possède le Dr Ménard. Dans le livre qu'il nous présente aujourd'hui, Ménard s'occupe spécialement du traitement. Mais n'oubliant pas que, pour qu'un traitement soit scientifiquement recommandable, il faut qu'il s'appuie sur une anatomie pathologique précise, l'auteur reprend l'étude de cette anatomie pathologique et lui consacre plus des deux tiers de l'ouvrage. Il est impossible d'analyser cette partie; c'est une accumulation de faits qu'il faut lire et qui nous don- nent successivement les caractères généraux du foyer BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tuberculeux du rachis, de l'inflexion vertébrale, des abcès tuberculeux, des altérations du canal rachidien et de la moelle, enfin des phénomènes de réparation-e de consolidation du rachis dans le mal de Pott. Le chirurgien consultera surtout avec intérêt le cha pitre qui a trait aux inflexions du rachis, où l’on trou un grand nombre de recherches personnelles sur lésM inflexions normales, sur les gibbosités expérimentales envisagées successivement dans les différentes régions sur l'étude d'une série de pièces pathologiques d flexion. M. Ménard insiste sur ce fait que l'inflexi reste rarement incomplète, et que tôt ou tard le cont1@ finit par s'établir entre les deux segments (on appelle inflexion incomplète celle où il existe un interv entre les deux segments qui ne sont pas parvenusau contact, une force résistante, autre que les corps verté braux, s'opposant à la déviation). L'étude des phénomènes de réparation et de cons lidation du rachis fournit aussi des constatations impo tantes. ù ÿ L'évolution complète du mal de Pott, aussi biend la période destructive que de la période de réparation est très longue; c’est par années qu'il faut chiffre durée de Ja maladie. La consolidation commence par une ankylose arcs postérieurs où il n'y a généralement pas foyer tubereuleux, et où l’on trouve simplement d lésions d’irritation de voisinage; plus tard se faitMlé réparation antérieure par soudure fibreuse , puis osseuse, sans hyperostose périostique. Jamais le cal nd de grandes dimensions, et pour M. Ménard riens prouve qu'un cal néoformé puisse empêcher l'inflex de devenir complète. { Tous ces points d'anatomie pathologique sont, comm nous le verrons dans un instant, importants à com naître au point de vue du traitement. Nous ne dirons rien des chapitres qui ont trai l'étude des symptômes et du diagnostic, de manière arriver immédiatement au traitement. 3 M. Ménard est éclectique : suivant les cas, il recourt la méthode ambulatoire, dans laquelle l'enfant march soutenu par un appareil, ou à la méthode de rep dans laquelle le decubitus dorsal occupe la place pri cipale. D'une manière générale, il nous a semblé q M. Ménard avait tendance à élargirles indications del méthode de repos qu'il pratique en fixant l’enfant su un petit matelas, lui-même placé sur une planche Placant sousle matelas une cale, il exagère l'extension des deux segments rachidiens, supérieur et inférie dans le voisinage du point malade, et supprime ainsiMle rôle si néfaste de la compression du segment supér sur le segment inférieur de la colonne, évitant ain les ulcérations compressives. La manière de confectionner les corsets, le trait ment des abeès, de la paraplégie sont autant de points décrils avec minutie. Enfin, l’auteur aborde la question si discutée di redressement de la gibbosité pottique. La gravité dece redressement forcé et la possibilité de la rupture dé poches d’abcès, jointes à ce fait que jamais il n produit de cal intersegmentaire, d'hyperostoses eur tives, sont autant de raisons qui font qu'actuelleme cette méthode, autour de laquelle on a fait grand br doit être délaissée. M. Ménard publie, du reste, u série de cas de récidives après redressement, une l'appareil plâtré enlevé. « Aucun fait, dit-il, n’a démo tré un avantage du redressement de la gibbosité. » Telle est, dans ses grandes lignes, l'analyse de @ livre intéressant par l'expérience considérable de l'au teur. Si nous ajoutons que de nombreuses figures, plul de deux cents, toutes personnelles, éclairent les: des criplions et en facilitent la compréhension, on com prendra que nous disions en terminant que tous & qui s'intéressent à l'étude du mal de Pott doivent, cet ouvrage. Dr HENRI HARTMANN, Professeur agrégé à la Faculté Chirurgien de l'Hôpital Laribois ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 343 i ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS | Séance du 18 Mars 1901. L'Académie procède à l'élection d'un membre dans la Section de Géométrie, en remplacement de feu Ch. Hermite. M. Humbert est élu. 10 SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. E. Guyou propose une nouvelle méthode qui permet de déduire la latitude dun navire d'un certain nombre d'observations de hauteurs circumméridiennes. — MM. Ch. André et MLuizet discutent les valeurs de la période de varia- ion lumineuse d'Eros obtenues par divers observateurs. sconcluent que cette période ne saurait différer beau- p de 5 h. 16 m.; elle n'est pas moitié moindre, car deux branches de la courbe diffèrent par la forme, l'écartement et par les éclats des minima. Eros est onc bien une planète double, — M. P. Cousin com- nmunique quelques théorèmes relatifs aux zéros des fonctions entières de n variables. — M. H. Duport pré- te un mémoire sur la loi de l'attraction universelle, s lequel il étudie les actions mutuelles des atomes solides considérés comme des êlres de raison; il est ainsi conduit à appliquer aux systèmes d’atomes le principe de la moindre action. — M. Ribière étudie les ibrations des poutres encastrées. Il met en évidence le ger bien connu des charges rhytmées dont la pé- e coïncide avec celle de l’une des vibrations propres dela poutre. On doit donc s'attacher dans les cons- actions à n’employer que des pièces dont les vibra- is propres aient une période très courte qui rende btte coïncidence impossible. — M. P. Duhem poursuit étude de la propagation des discontinuités dans un uide visqueux. Si l’on admet son hypothèse relative à d viscosité, il s'ensuit qu'une surface de discontinuité depeut se propager dans un fluide visqueux. Dans le contraire, on arrive à une généralisation facile de la orie de Riemann et de Hugoniot. — M. E. Jougnet tudie la propagation des discontinuités dans les fluides Hi se basant sur les principes de l'Energétique, et il rive à démontrer les formules de Riemann-Hugoniot our des ondes de forme quelconque. Sa méthode s’ap- ique sans difficulté aux fluides qui sont le siège de factions chimiques. — M. L. Marchis démontre que “principe de Garnot-Clausius, sous la forme du dia- amme entropique, ne peut s'appliquer à la représen- on des res de chaleur dégagées ou absorbées le fluide évoluant dans une machine à vapeur, et cette application, faite par beaucoup d'ingénieurs, onduit à des résultats erronés. © SCIENCES PHYSIQUES. — M. C. Vallée a constaté que ide sulfurique, additionné d'alcool absolu et mis en nce de carbonate de chaux, réagit lentement sur rnier, mais que la neutralisation est complète au tde quelques mois. Il en est de même avec l'acide ique. L'addition d'eau provoque un accroissement a vitesse de neutralisation. — M. C. Chabrié a pré- é à l'état pur un certain nombre de composés peu nus du cæsium : le bromure CsBr, l'iodure Csl, le uorure CsF], le chromatre neutre Cs°CrO* et le bichro- e Gs*Cr°07. — M. P. Lebeauétablit l'existence, dans ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe*,SiFe Fe, composés qu'il a obtenus à l’état pur et cris- isé. La siliciuration du fer par les procédés électro- tallurgiques peut avoir, suivant la nature des matières mières employées, deux limites correspondant à la formation des composés SiFe et S°Fe. — MM. Tissier ëGrignard ont étudié l’action des chlorures d'acide des anhydrides d’acides sur les composés organo- Iliques du magnésium. Dans les deux cas, il se pro- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER duit, après trailement à l’eau, des carbinols : R.R'*:C.OH. Les auteurs ont préparé ainsi le triméthylcarbinol, le diméthylphénylcarbinol. — M. M. Guerbet a fait réa- gir l'alcool caprylique sur son dérivé sodé, et a obtenu les alcools dicaprylique et tricaprylique; ce sont des | alcools secondaires comme l'alcool caprylique lui-même, et la soude formée ne réagit plus sur eux pour donner les acides correspondants, comme elle le faisait dans le cas de l'alcool œnanthylique. — M. de Forcrand à mesuré les tensions de vapeur et les chaleurs de vapo- risation du glycol éthylénique. Il à aussi constaté qu'il se combine avec l'eau pour former un hydrate de for- mule C*H°0°,2H°0, dont la chaleur de formation est très faible : environ 01,60. — M. E. Baud a fait l'étude thermique du composé AlCF,1SAzH*. On a : AËCI sol. + 18 AzHS gaz — Al°CI, 18 AzH° sol. + 317,85 cal, Il a également déterminé les {ensions de dissociation à 0°, à — 100,7, à — 229,3 et à — 37°. — M. A. Wahl a étudié l’action de l'acide nitrique sur trois dérivés de l’acrylate d'éthyle : le crotonate, le tiglate et l'isolau- ronolate d’éthyle; dans les trois cas, il se forme un nitrate, mais pas de dérivé nitré. L’éther acrylique est donc le seul corps de cette série avec lequel on ob- tienne un dérivé nitré. — M. R. Fosse montre que l’un des produits obtenus .par Rousseau en appliquant au G-naphtol la réaction de Reimer et Tiemann, et désigné par lui sous le nom de binaphtylène-alcool, est en réa- lité un dérivé du trinaphtylméthane, le naphtylol- uaphtyl-oxynaphtyl-méthane : Core OIL.CHS.CHS NO. ; Nour M. F. March, en faisant réagir la soude sur le 6£- diacétylpropionate d’éthyle, a obtenu de l'acide acétique et de l'acide lévulique. L'action du chlorhydrate de semi- carbazide donne la semi-carbazone normale et une autre qui est l'urée du diméthylpyrazoléthanoate d'’étyle. L'hydroxylamine donne le diméthyloxazoléthanoate d’éthyle, à partir duquel on prépare facilement l'acide correspondant et ses sels métalliques. — M. J. Derôme a reconnu que l’acétonedicarbonate d'éthyle mono- cyané, qui se forme dans l'action du chlorure de cya- nogène sur l'acétonedicarbonate d'éthyle, donne des dérivés de substitution alkylés qui correspondent à sa forme énolique CO*.C*H°.C(CAz):COH.CH*.CO*C*H5. — MM. L. Bouveault et A. Bongert ont préparé, par action du chlorure de butyryle sur le sodacétylacétate de méthyle, un mélange de c- et d'o-butyrylacétyla- célates de méthyle isomères, qu'on sépare par disso- lution du premier dans le carbonate de soude. Le premier est hydrolysé par l'eau en donnant la butyryl- acétone et par les alcalis en butyrylacétate de mé- thyle; le second est dédoublé par la potasse en acétate et butyrate de potasse et alcool méthylique; il donne avec AzH° de la butyramide et de l’acétylacétate de méthyle. — M. H. Pottevin a reconnu que le gallo- tannin est un glucoside de l'acide digallique. En même temps il a conslaté que la tannase possède la propriété de dédoubler les éthers-sels des acides organiques et certains glucosides. — M. L. Grimbert, en cultivant le Bacillus tartricus dans une solution de glucose ou de saccharose, a observé la production d'acétylméthyl- carbinol, réduisant la liqueur de Febling, et facilement identifiable au moyen de son osazone. Le B. coli, le bacille d'Eberth et le pneumobacille de Friedländer ne produisent pas ce dérivé. 30 ScreNCEs NATURELLES. — MM. Albert Robin et Mau- rice Binet ont observé que les échanges respiratoires sont beaucoup plus élevés chez les phtisiques que chez les individus sains. Ce phénomène pourrait servir d'élé- ment de diagnostic. Il tendrait à montrer que la tu- berculose est une maladie consomptive. — M. Aug. Charpentier rappelle que dans la conduction lente par le nerf il s'ajoute une réaction électrique propre de ce nerf, sans doute par un phénomène spécial de réso- nance. Le phénomène connu sous le nom de variation négative paraît être, sinon toujours la phase initiale, au moins une phase de début de la réaction électrique du nerf. L'auteur donne une méthode qui permet de recueillir cette réaction, et, par suite, sa phase plus frappante de variation négative, sur le nerf en place et uon lésé. — M. A. Imbert a étudié les déplacements des opacités intraoculaires qui se produisent lors des changements d'orientation du globe; l'observation de ce phénomène peut donner des indications sur les défor- mations internes du corps vitré et ses changements de consistance. — M. P. Vignon a poursuivi ses recherches cytologiques sur quelques types d'Ascidies, et étudié spécialement les cellules vibratiles et les cellules sécré- tantes. — M. H. Devaux a reconnu que : 1° les plantes phanérogames ou cryptogames sont empoisonnées par des solutions de sels de plomb ou de cuivre diluées à quelques dix-millionièmes ou moins encore; 2° le métal est à la fin fixé par toutes les parties de la cellule, mais d'une facon inégale : ce sont d’abord ou exclusi- vement la membrane, puis le noyau et le nucléole, enfin le protoplasma. — M. L. Beulaygue a constaté que : 4° à l'obscurité les fleurs éclosent, le plus souvent, plus tard qu'en pleine lumière; 2° la couleur des fleurs subit, en général, à l'obscurité, une diminution d’in- tensité qui est très légère pour certaines fleurs, assez sensible pour d’autres, et qui, pour quelques-unes, peut aller jusqu'à la décoloration complète; 3° les fleurs développées à l'obscurité sont, en général, de dimen- sions moindres que celles des fleurs développées à la lumière; par contre, les pédicelles sont parfois plus développés, mais le poids total est, en général, infé- rieur. — M. P. Ledoux à reconnu que les pétioles aplatis des Acacias jouent complètement, au point de vue physiologique, le rôle de feuilles normales. Ils s'en distinguent par quelques disposilions spéciales qui ont pour effet, les unes de s'opposer à une transpiration trop active, les autres d'emmagasiner dans la plante la plus grande quantité d’eau possible. — M. H. Arc- towski a observé que les icebergs tabulaires, qui sont plutôt rares dans les régions arctiques, se trouvent, au contraire, en grand nombre dans les régions antarc- tiques. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 12 Mars 1901. M. El. Metchnikoff, à propos de la discussion sur l’'appendicite, signale que, dans un grand nombre de cas de cette maladie, on a observé la présence de vers intestinaux, et que la maladie a cédé à l'application d’un vermifuge. Il conclut que, dans tous les cas sus- pects d’appendicite, il faut pratiquer l'examen helmin- thologique des matières fécales ; daus tous les cas où il y aura possibilité de le faire, appliquer le traitement vermifuge avec de la santonine contre les ascarides ou du thymol contre le trichocéphale. — M. Cornil signale un cas de péritonite infectiéuse à streptocoques, avec hématémèse très abondante, ayant causé la mort. — — M. le D' Golosceano lit un mémoire sur l'emploi d’un instrument dit otophynter, pour le lavage de l'oreille. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 9 Mars 1901. M. G. Weiss a constaté que, dans l'excitation des nerfs et des muscles, il y a une durée d’excitalion plus favorable, c’est-à-dire exigeant pour obtenir la secousse minima une moindre dépense d'énergie. — M. G. Weiss ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES jouissant d'aucune propriété toxique, et n’empêchant donne la description d’un interrupteur balistique pour expériences physiologiques. — M. E. Hédon a obtenu, par injection intrapéritonéale de levure au lapin, un sérum agglutinant la levure à doses élevées, mais ne pas la fermentation. — M. A. Billet décrit un hémato= zoaire endoglobulaire trouvé dans le sang d’une espèce de Z'rionyx du Haut-Tonkin. — M. S. Maziarski a étu- dié la structure des néphridies des Vers de Terre; elles se composent de deux parties, l’une qui peut être com- sidérée comme une glande, un rein très primitif, l'autre comme une vessie, — M. Rispal a observé, dans trois cas d'abcès dysentériques du foie, une leucocytose légère ou nulle, au lieu de l’hyperleucocytose signalée par M. Boinet et M. Maurel. Ce caractère n’a done aucune valeur pour le diagnostic différentiel des abcès. de foie. — M. R. Dubois : La photographie de l’invi= sible. Réponse à M. Le Bon. — M. G. Loisel a fait des observations analogues à celles de M. Regaud sur Im chromatine nucléaire, mais ne pense pas que ces cons= fatations permettent de dire que la chromatine ne doit plus être considérée comme le substratum de l’hérédité — M. J. Girard a observé chez une enfant opérée pou péritonite la présence de deux trichocéphales dans l'appendice. — MM. L. Marchand et C1. Vurpas décri= vent les lésions de la moelle dans un cas de méningo= myélite expérimentale chez le chat. —M. FX. Mesnila observé un cas de régénération de la partie antérieure du corps et de la trompe chez une Sy{lis gracilis dont ilne restait qu'un fragment de la partie moyenne d corps, composé de huit sétigères. — M. F. Mesnil signale un nouveau cas de viviparité chez un Syllidien, qui montre que la viviparité, chez les Annélides poly= chètes, est liée à la parthénogenèse. — M. F. Mesnil montre l’étroite parenté des Annélides polychètes d'eau douce, sibériennes et américaines, entre elles d'une part, et d'autre part avec une forme d’estuaire el des: formes franchement marines. — MM. Sabrazès el Fauquet ont reconnu que l'alimentation exclusive pat le lait, prolongée pendant plusieurs semaines, conlère. à l'urine la propriété de laquer les globules rouges; cette propriété est en rapport avec l'hypochlorurie. == M. H. Vincent signale deux cas de cystite hémorra= gique due au bacille d'Eberth, qui se sont présentés a déclin de la fièvre typhoïde. — MM. A. Gilbert eh P. Lereboullet ont observé qu'au cours des affections hépatiques aiguës ou chroniques il peut y avoir uw retard dans l'élimination aqueuse des urines (opsiurie), que l'examen fractionné met en lumière. Ce retard parait dù au retard de l'absorption aqueuse au niveau de l'intestin, dû à l'hypertension portale, et peut per mettre de juger de l’état de la perméabilité hépatique —- Les mêmes auteurs ont constaté dans l'ictère une inversion du rythme colorant des urines due au pas sage en plus grande abondance des pigments biliaires dans l'urine au moment de la période digestive. Entin, les mêmes auteurs montrent que le caractère essentiel de l’ictère acholurique est une imprégnation jaunâtre des téguments avec cholémie, mais sans cho lurie cliniquement appréciable. — M. L. Meunier donne une nouvelle technique opératoire pour le dosage de l'acide chlorhydrique libre dans le suc gastriques basée sur une combinaison des procédés de Gunzhourg et de Mint{z. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Mars 1901. M. B. Brunhes a été conduit à étudier systéma- tiquement la durée d'émission des rayons Rüntgen: par des expériences entreprises en vue de détermine la vitesse de propagation de ces rayons. Il utilisait l'action des rayons X sur les potentiels explosifs statis ques, en essayant de synchroniser, par une émission de rayons X, deux étincelles éclatant à deux micro= mètres indépendants reliés à deux machines électrosta= tiques. L'une de ées étincelles est une étincelle primaire, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 545 et la décharge secondaire correspondante charge el “décharge dans un instant très court un condensateur de Kerr à sullure de carbone, disposé comme dans les expériences de MM. Abraham et Lemoine. L'autre étin- celle sert de source lumineuse éclairante. En faisant varier de 15 centimètres à 80 centimètres la distance des deux micromètres, on modifie la grandeur de la biréfringence observée, et si le phénomène était aisé à Saisir, il serait facile d'en déduire le temps écoulé entre larrivée de l'onde des rayons X au premier et au second micromètre. Malheureusement, il arrive (rès rarement que la synchronisation soit parfaite, et cela parce que Vémission de rayons X n'esl pas instantanée, comme une étincelle, mais dure un temps très mesurable. Pour mesurer ce temps, M. Brunhes dispose un tube de Grookes à 30 centimètres environ d'un disque de tôle percé de trous. Le disque à 50 centimètres; les trous sont distribués suivont des rayons ; ils ont 4 millimètres de diamètre. Quand on fait tourner ce disque et qu'on observe l’image obtenue sur un écran fluorescent placé derrière, on observe que les trous s’allongent par le mouvement : ils prennent l'aspect d'ovales, dont le grand diamètre augmente avec la vitesse de rotation. M. Bruuhes présente à la Société des photographies obtenues avec le disque au repos et avec le disque en mouvement. Les vitesses réalisées ont atteint 2.000 tours par minute, ce qui donne, pour la vitesse linéaire des trous, jusqu'à 45 mètres par seconde. L'étude des obser- valions à l'écran et des radiographies conduit à des de AA 4 I durées d'émission comprises entre —— et + Ex Sec) 9.000 ‘12.000 seconde. M. Brunhes s’est demandé si le courant de décharge qui traverse un tube de Crookes était a//ongé bar le passage à travers ce tube. Pour répondre à cette question, il a intercalé, en série avec le tube, un micro- mètre à étincelles ; et il a photographié l'ombre portée par cette étincelle à travers les trous du même disque, d'abord au repos, puis en mouvement. Les photographies qu'il présente montrent un aspect identique de ces mbres, que le disque soit au repos ou amené à une vi- tesse de 2.000 tours à la minute. La durée de l’étincelle reste donc inappréciable par cette méthode d'observation alors que la durée d'émission des rayons X par le tube ui est en série avec elle dure environ d ( sr à re ——— de | 10.000 seconde. Dans quelques cas, l'étincelle a paru être Vacillante ; et a l’on reconnu sur le cliché, outre les mages des trous donnés par l'étincelle principale, des rous plus pâles déplacés par rapport aux premiers, Mais à bords également nets. Les radiographies Gorrespondantes ont, au contraire, constamment donné bour/chaque trou une image unique et allongée. M. Colar- deau, qui avait eu l'occasion de photographier à travers ün disque tournant percé d'une fente étroite, était arrivé à des résultats notablement différents. Il présente à la ociété des clichés qu'il n'avait pas publiés jusqu'ici, et ui semblent indiquer qu'une émission de rayons X Bst composée en général d'une série d'émissions succes- Sives correspondant à des oscillations de décharge, hacune des émissions étant d'ailleurs instantante, {: Brunhes ne conteste pas que, dans des conditions Gonvenables, on puisse obtenir une émission oscillante le rayons X. Mais, dans les conditions où il s’est placé, le tube excité par une bobine d’induction modèle ucretet, ou ancien modèle Rubhmkorff, sans conden- eur sur le secondaire, et avec ou sans micromètre en ie, — il a eu constamment une émission unique, b durant un temps appréciable, hors de proportion ee la durée d'une étincelle mise en série avec le Wbe et étudiée à l'aide du méme disque tournant. M it observer qu'il a réalisé des vitesses absolues très Supérieures à celle de M. de Colardeau. Selon lui, si le fourant de décharge reste uniforme, c’est que lemoment où éclate l’étincelle est celui où les projectiles gazeux attirés vers la cathode du tube de Crookes viennent la rapper et se charger négativement : alors commence REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, l'émission des rayons cathodiques lancés sur l’antica- thode, ef, comme un pareil faisceau s’allonge en chemin (expériences de Majorana), il s'écoule un temps fixé entre le commencement et la fin de l'émission de rayons X par l’anticathode. La divergence des résultats obtenus par divers observateurs montre seulement que cette explication a besoin d'être étayée par de nouvelles expériences. — Après avoir fait circuler un petit appa- reil, imaginé par M. Abbe pour montrer qu'une source lumineuse émet plus de lumière dans le verre que dans l'air, M. Culmann présente 4 réfractomètres, construits par la maison Zeiss, à Iéna. 1° Un nouveau modèle du rélractomètre d'Abbe, muni d'un dispositif permettant de chauffer les prismes et de les maintenir à tempéra- ture constante, L'appareil est à lec- : ture directe; il permet l'emploi de la lumière blanche, et mesure les indices compris entre 1,3 et 1,7 avec une exactitude qu'on peut estimer à environ 2 unités du quatrième chif- fre décimal, 2° Aéfractomètre de dé- monstration. C'est un réfractomètre d’Abbe, destiné aux manipulations de Physique. Toutes les données nécessaires pour le calcul des in- dices se déterminent sur l’instru- ment lui-même. 3° Jéfractomètre à immersion. Imite pour ainsi dire le thermomètre ou l'aréomètre, et per- met de mesurer l'indice d’un liquide aussi commodément qu'on mesure sa température ou son poids spéci- fique. Le prisme P (fig. 4) est immer- gé dans le liquide à étudier, qu'on éclaire par le bas au moyen du miroir M. Le verre du prisme doit être plus réfringent que le liquide. Soit alors ABC le rayon qui frappe le prisme sous l'incidence rasante. IL est réfracté une première fois en C, une deuxième fois en D, et sépare une plage claire d’une plage obs- cure. Le phénomène est observé à l'aide d'une lunette O0, qui fait corps avec le prisme. Ayant détre- minué sur l'échelle micro- métrique B' la limite entre les deux plages, il n’y a qu'à consulter une table pour obtenir l'indice. Le prisme à vision directe F sert à achromatiser la limite. L’er- reur des mesures n'atteint pas une demi-unité du qua- trième chiffre décimal. En revanche, l'échelle est as- sez restreinte, les valeurs de l'indice devant étre comprises entre 1,325 et 1,367. 4 Réfractomètre à angle variable (fig. 2). Le liquide à examiner L affecte la forme d'un pris- me à angle varia- ble. Une des faces AB de ce prisme est fixe; elle est formée par le fond du vase qui con- lient le liquide. L'autre face CD est mobile ; elle Fig. 2. — Réfractomètre à angle va- est constituée par riable. — À, B, fond de la cuve; L,! / / / ARS 7 M Fig. 1. — Réfractométre à immersion. — M, miroir; P, prisme; À, B, C, D, rayon lumineux; F, pris- me achromatique; O, O0", lunette. la base plane liquide constituant;le prisme: V, d'une espèce de cylindre viseur. cylindre tronqué en verre V qui fait corps avec un viseur. Tout se passe comme si le rayon limite, dessiné en pointillé sur la figure, pénétrait directement sous l'incidence 7 346 -rasante de l'air dans le prisme L. Si nous désignons par » l'indice du liquide, 2 sin « est donc égal à 4. Pour faire une mesure, on amène la croisée des fils du viseur sur le rayon limite. Les faces planes du cylindre V étant perpendiculaires à l'axe du viseur, le rayon limite les traverse normalemeut. L'angle « est, par conséquent, donné par l'inelinaison du viseur, qu'il suffit de mesurer pour obtenir l'indice du liquide : 7 = cosec «. L'instru- ment exige l'emploi d'une lumière homogène. Il donne une moins grande précision que le réfractomètre d’Abbe, mais permet d'étudier des liquides plus réfringents. — Au nom de M. Damien, M. Sagnac présente des expé- riences relatives aux interférences secondaires dans les lamés cristallines. Ces expériences sont exécutées devant la Société par M. Pellin qui à construit un ap- pareil à cet effet. Elles sont relatives à la lumière pa- rallèle. — 1. On sait qu'en lumière parallèle, entre deux nicols croisés, une lame de quartz parallèle à l'axe, dont une face a élé creusée sous forme de calotte sphérique (cuvette de Biot), donne des anneaux de polorisation chromatique dont le maximun d'éclat est obtenu lorsque la section principale de la cuvette Q fait 45° avec celle de chacun des deux nicols. Une se- conde cuvette Q’, identique à la première, lui est exacte- ment superposée, sa section principale croisée avec celle de la première. La lumière est éteinte dans tout le champ. On écarte alors les centres des deux cuvettes perpendiculairement au faisceau lumineux. La lumière reparaît aux bords du champ sous forme de franges colorées d’abord extrêmement larges qui s’avancent vers le centre en se resserrant aulour d’une frange centrale noire de plus en plus fine. Ce sont les franges secondaires de différence, définies par le lieu des points où la différence des épaisseurs des deux cuvettes de quartz est constante. Elles sont rectilignes et perpen- diculaires à la ligne des centres des deux cuvettes supposées identiques. Le système des deux cuvettes fonctionne alors comme un compensateur de Babinet, mais avec l'avantage de donner des franges d'intervalles coutinüment variables à volonté, — 2. Les cuvettes Q et Q' étant superposées et croisées (extinction), on tourne () de 90°. Les sections principales étant main- tenant parallèles, on obtient des franges d'addition (anneaux deux fois plus serrés qu'avec une seule cu- vette). En déplaçant encore latéralement Q', on modifie ces anneaux secondaires définis par le lieu des points pour lesquels la somme des épaisseurs des deux cu- vettes est constante. Leurs teintes s'élèvent progressi- vement pendant que leur centre commun se maintient au milieu de la distance des centres des deux cuvettes. Enfin, si Q' tourne de 22° 5, on obtient un phéno- mène plus complexe dans lequel on peut distinguer une belle combinaison des deux systèmes d’anneaux primaires correspondant aux deux cuvettes avec les franges rectilignes de différence et les franges cireu- laires d’addition. — 3. En remplaçant les cuvettes de Biot par des cuvettes de quartz perpendiculaires à l'axe cristallographique, on obtient des anneaux circulaires (franges d’addition) si les quartz sont de même signe. On obtient des franges rectiliqnes de différences si les cuvettes, identiques géométriquement, sont formés de quartz de signes contraires, et, dans ce cas, le sys- tème fonctionne comme un système de prismes de Sénarmont, avec l'avantage de fournir des franges d’intervalles continüment variables. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 8 Mars 1091. M. A. Gautier expose ses recherches sur les gaz que la chaleur dégage, dans le vide, des roches ignées. Lorsqu'on porte les granits, porphyres, ophites, etc., à une température de 700 à 800°, on obtient, outre une quantité notable d’eau, 4 à 10 fois Le volume de la roche en gaz où prédomine l'hydrogène, accompagné d'acide carbonique, d'un peu de H°S, CO, CH“, Az, Argon, AzIl', avec des traces de pétrolène, benzène, CAzHS,... M. Gau- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 4 tier établit que ces gaz ne préexistent pas à l’état occlus dans ces roches, mais qu'ils proviennent principalement de l’action de leur eau de constitution (qui ne se dégage qu'au rouge) sur les silicates, carbonates, sulfosilicates: azolures, carbures, etc., et autres composés ferreux.(et en certain cas nickeleux) constituant ces roches. Par des expériences de contrôle, M. Gautier s’est assuré que les sulfate, carbonate, chlorure, silicate ferreux traités par la vapeur d’eau au rouge, fournissent abondam: ment de l'hydrogène. Les gaz dégagés de ces roches se rapprochent singulièrement par leur constitution dé ceux qu'on extrait aussi dans le vide des météorites, et de ceux qu’on. a recueillis dans les émanations volcæ niques. Tous ces gaz ont, en effet, même origines l’action de l’eau sur les principes ferrugineux ou nicke leux de ces roches. Il n’est pas besoin, pour s'expliquer les actions volcaniques, de l'hypothèse de la pénétran tion des eaux de surface jusqu'aux régions incandes= centes du globe. L'eau de constitution des roches ignées suffit à provoquer les réactions qui donnent naissance à ces gaz dès que la température s'élève dans les pro fondeurs à 400 ou 5000, par le fait du réchauffement des autres matériaux fondus souterrains, qui, sous la pression énorme des terrains qu'ils supportent, tende à être refoulés et à remonter par tous les trajets de moindre résistance. — M. Bougault poursuit l'étude de la réaction qu'il a fait connaître : formation d’aldéhydes de formule : c par action de I et HgO sur les composés cycliquesà chaîne latérale propénylique. Aux faits déjà connus,l ajoute ce qui suit : 1° la formation de ces aldéhydes est, comme il l'avait pensé, précédée d’une fixation d IOH sur la liaison éthylénique; dans une deuxièm phase, HgO décompose cette combinaison en en vant HI. Il le prouve en préparant le composé interm diaire R.C“H5.10H; 2 cette fixation de 10H, engen par l’action de I et HgO, est générale pour tous les cor possédant une liaison éthylénique dans une chaine ouverte. Il a préparé, entre autres, les composés d’addi tion de IOH avec les composés cycliques à chaîne laté rale allylique : estragol, safrol, etc. Ces corps ne sont, pas attaqués par HgO; l’azotate d'argent les décompose en donnant des produits dont l'étude n'est pas termi née; 3° tous les composés résultant de la fixation de 10H sur une liaison éthylénique sont détruits par le zinc et l'acide acétique, avec retour au composé éthylé= nique primitif. Cette réaction, inverse de la précédentey a le même caractère de généralité; 4° dans la prépa ration des aldéhydes, il est avantageux de remplacer l'alcool par l'éther saturé d’eau, pour éviter la formas tion d'acétals ; 5° les acides de formule générale : Co’H R. CRC ; obtenus par oxydation des aldéhydes, ont été dédoublés en isomères optiques, au moyen de leurs sels de mors phine; 6° ces mêmes acides, oxydés par le mélange chromique, donnent les cétones R.CO.CH* ; on obtient un meilleur rendement en partant de la combinaison des aldéhydes avec le bisulfite de soude. Les cétones R.CO.CHS, traitées par MnO'K alcalin, conduisent aux acides R.CO.CO’H. Enfin ces derniers, oxydés pan l'acide adipique CO*H.CH?.CH°.CH?.CH°.CO°H (p. f. 1509} en traitant par KCAz le diiodobutane-1.#, que lui a fourni la diamyline du butanediol-1.4 : C“H‘0.CH°.CH* CH2.CH2.0CH*, Cette expérience confirme pleinement la constitution bis primaire attribuée par lui à ce diio= dobutane, au dibromobutane et à la diamyline elle même. Le di-iodobutane a été transformé par l’acétate d'argent en diacétine qui bout à 230°. Celle-ci par saponification a donné le butanediol-1.4 qui n'avai ve ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES : 347 — point encore été obtenu. Ce corps est un liquide vis- “queux, qui cristallise très bien dans l’eau glacée; il «fond à —- 16° et bout à 229-2300, — M. Amand Valeur, mur les conseils de M. Béhal, a étudié l’action des “iodures de magnésium méthyle et éthyle sur quelques méthers d'acides bibasiques de la série grasse.’ Par l'action de l'iodure de magnésium méthyle sur l’oxa- aie d'éthyle, il a obtenu la pinacone ordinaire : (CHPÈC — C(CH°) | - OH OH “Avec le malonate d’éthyle et l'iodure de magnésium- éthyle, il a obtenu un alcool non saturé bouillant à 177- -178°, et répondant à la formule : (C1 )2C. CH : C(C2H5)° I OH Avec le succinate d'éthyle, il a obtenu le 3.6-diéthyloc- anediol-3.6 fusible à 70° : (C*H°}.C(OH).CH°.CH°.C(OH) (G#H°}. M. Amand Valeur se propose de continuer ses recherches en préparant notamment une série de pina- -cones diverses et en étudiant la réaction sur les éthers à poids moléculaire plus élevé, sur les dérivés gluta- riques et les acides alcoylés. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 21 Février 1901. MM. F.S. Kipping et H. Hall ont cherché à séparer en deux parties la d-/-hydrindamine par l'acide d-J- mandélique, mais les diverses fractions obtenues dans a cristallisation sont identiques. Avec le chlorure de d-I-phénylchloracétyle, on obtient deux dérivés iso- mères, ce qui montre que la base est extérieurement compensée. Le d-mandélate de d-/-hydrindamine n'est pas résoluble en plusieurs fractions par cristallisation ; c'est donc un sel partiellement extérieurement compensé AB, dAdB. Les sels d'hydrindamine dérivés de l'acide mandélique racémique et de l'acide d-mandélique ne diffèrent que par leur pouvoir rotatoire et ont leurs autres propriétés semblables. On en conclut que les trois composés optiques différents JAdB, dAJB, JAIB forment des mélanges isomorphes. — Les mêmes auteurs, en traitant la benzylhydrindamine par l'acide a-bromocamphorsulfonique, ont obtenu, par cristalli- sation fractionnée, deux sels isomères. Décomposés par la baryte, ils donnent une base optiquement inactive. Comme ils contiennent à la fois un atome de carbone asymétrique et un atome d'azote pentavalent, ils peu- vent être considérés comme les sels de deux bases exlé- rieurement compensées différentes : + C+Az,—C—Az et +C—Az,—C+ AZ. Les sels obtenus avec les acides d-camphorsulfonique et d-hydroxy-cis-7-camphanique ne sont pas résolubles en deux isomères par cristallisation. — MM. A. Lap- -worth et W. H. Lenton établissent comme suit la constitution de l'acide camphanique et de l’anhydride bromocamphorique. L'amide de l'acide camphanique, chauffée avec les chlorures de phosphore, esl convertie eu nitrile, qui, traité par les alcalis, se résout en acide cyanhydrique etacide camphononique.Ce dernier, quelle que soit la constitution du camphre, répond à la for- mule : CMe*.c0 CO*H.CMe Nc. Cr Le camphanonitrile est donc la lactone d’un acide -a-hydroxynitrilique : CH®.CMe — CO | CMe? CH2.C(CA7).0 L'acide camphanique et l’anydride bromocampho- É rique sont donc bien représentés par les formules sui- vantes de Bredt : CIF.CMe — CO CH°.CMe — CO | | CMe? 0 | CH®. ((CO®H).0 ce. LB) — bo . MM. F. D. Chattaway et K. J. P. Orton ont étudié l'action des acétylchloro-et acétylbromoaminobenzènes sur les amines et la phénylhydrazine. Avec les amines aliphatiques, la réaction est la suivante : R.AZH® + CH°CÉË.AzCIAc — R.AZHCI + CSH°C.AzHAc. | CMe* Avec les amines aromatiques, la réaction commence de même, mais l’halogène quitte aussitôt l'azote pour pässer en position para ou ortho. Si celles-ci sont occu- pées, les dérivés formés sont très instables et se décom- posent en donnant des azobenzènes subslitués. Avec la phénylhydrazine en excès, on à la réaction suivante : 4 CSHS.AzH.AzH® + 2(: AzX) — C'H°Az? + C'HSAZH® + 2 C°H5.AZH.AZzH*.HCI + 2 (: AzH); quand le composé chloroaminé est en excès, on a : CSH5.AzH. AzH?-+ 3 (: AzX) — CSHSX + Az? + X° + 3(: AzH). Les mêmes auteurs décrivent une méthode facile pour la préparation de l’orthochloroaniline par la chlorura- tion de l'acétanilide au moyen du chlorure de chaux. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 23 Février 1901 (suite). M. H. W. Bakhuis Roozeboom présente, au nom de MM. E. Cohen et E. H. Büchner : Sur la loi de solubilité donnée par M. Etard. D’après la loi trouvée en 189% par M. Elard (Aun. de Chim. et de Phys. série VII, £. II et IT), les lignes de solubilité sont des droites y— a+ bt, où y est le pourcentage de matière dissoute et { la température. Si l’on connaît les difficultés qu'on a à surmonter pour obtenir une solution réellement saturée, si l'on sait qu'il est souvent nécessaire d'agiter pendant plusieurs heures la matière solvante, maintenue à une température constante, en contact avec le sel en poudre, on est d’abord étonné de la communication suivante de M. Etard : « Pour obtenir une solution saturée de sel dans l’eau, il suffit de mettre dans un verre de Bohème un mélange de sel concassé et d’eau à volumes sensi- blement égaux, … le thermomètre destiné à prendre les températures sert en même temps d’agitateur. La rapi- dité de la saturation est telle, dans les conditions que je viens d'indiquer, qu'on peut, pendant l'ascension continue mais très lente du thermomètre agitateur, prendre autant d'échantillons qu'on le désire de la solution parfaitement saturée aux températures £°, 4, 1, 4... La régularité et la concordance des résultats suffiraient à démontrer la vérité de l'affirmation précé- dente. Cependant des expériences comparatives ont encore été faites pour la mettre hors doute, et elles ont montré qu'en effectuant la saturation dans un ballon agité pendant des heures, ainsi qu'on le recommande souvent, on n'arrive pas à une précision plus grande. Ce sont des précaulions « illusoires ». Néanmoins, d’après une série d'expériences faites en 4898 (Ann. de Wiedemann, t. LXV, p. 344) par MM. Kohnstamm et Cohen, ils trouvèrent que plusieurs des solutions saturées de M. Etard ne contenaient que 65 °/° de sel dissous ; ces résultats sont d'accord avec ceux obtenus en 1897 par MM. Mylius et Funk comme le montre le pelil tableau suivant : GRAMMES DE CdSOt EN 100 GRAMMES D'EAU — Cohen TEMPÉRATURE Etard et Kohnstamm Mylius et Funk 0° 55,52 75,52 15,47 40° 60,92 15,90 76,00 150 63,11 16,11 76,05 318 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Les auteurs comparent les résultats de M. Etard aussi avec ceux obtenus en 1884 par M. Andreae. Les expé- riences de M. Andreae, exécutées avec le plus grand soin, ne mènent non plus à des droites de solubilité. La conclusion de l'étude äe MM. Cohen et Büchner est donc la suivante : La loi de solubilité de M. Etard ne s’ac- corde pas avecles résullats des expériences; un rapport aussi simple entre la solubilité et la teñpérature ne semble pas se présenter. Une répétition des recherches de M. Etard pour des températures élevées serait dési- rable. — M. Bakhuis Roozeboom présente ensuite au nom de M. C. H. Wind: Les irrégularités de l'étalon Weston pour la force électromotrice. MM. W. Jäger, E, Cohen et bien d'autres ont remarqué des irrégula- rités dans la force électromotrice de l’étalon Weston. On en a cherché la cause dans les propriétés de l’amal- game qui forme l’un des pôles de l'élément. L'auteur croit pouvoir expliquer complètement tous les phéno- mènes, en supposant qu'à chaque température il peut y avoir équilibre entre deux phases distinctes d'amal- game de cadmium. Un argument très favorable à cetle hypothèse se déduit de la règle des phases de Gibbs appliquée aux expériences de M. Jäger sur la pile: Amalgame à 14,3 °/, Cd | Solution de CdSO, | Amalgame x, où l’'amalgame x au second pôle admet le rapport molé- culaire x de Hg à CI. En effet, la courbe qui représente (d'après ces expériences) la force électro-motrice de la pile en fonction de la teneur en cadmium du pôle variable (fig. 1), présente une partie sensiblement hori- zontale entre les limites de 5 etde 14,3 °/, de cadmium, ce qui ne s'explique que dans l'hypothèse qu’à la tem- pérature des expériences il y a équilibre entre deux phases dont l’une renferme 5 °/, et l'autre 14,3 °/, du métal. Cette hypothèse explique d’abord d’une manière plausible pourquoi l'élément de M. Jäger ne présente sa force électromotrice qu'après un certain laps de temps, si le pôle variable renferme plus de cadmium que +0,01 Tauieur terminale - 0,01 -0,02 Fig. 1.— Relations entre la force électromotrice de l'élément Weston et la teneur en cadmium du pôle variable. 44,3 °/,, la force électromotrice étant nulle au com- mencement. En effet, il suffit de supposer qu’au com- mencement l’'amalgame n’est pas tout à fait homogène, et, que, dans la surface en contact avec la solution, il y a des parties d'amalgame dont la teneur est infé- rieure à celle de la plus forte des deux phases qui peu- vent coexister à la température donnée. Alors un temps assez considérable devra s'écouler avant que, dans l'amalgame presque solide, l'équilibre définitif soit atteint. Et, en attendant, tout près de la surface de contact, des courants électriques prennent naissance, eb aussitôt ces courants tendent à rapprocher les teneurs! des diverses parties de l’amalgame à cette surface, der celle de l’une ou de l’autre des phases coexistantes de Iax température donnée; ainsi ces courants nivelleront les différences de potentiel entre ces äiverses parties de [HAE 6 14.5 % Cd Fig, 2. — Diagramme des isothermes de l'élément Weston 8 g manière à établir très vite un équilibre entre l’amal- game et la solution, équilibre qui réduit d’abord à zéro le voltage de la pile, pour se modifier ensuite du même pas que s'établit l’equilibre définitif dans toute l'éten- due de l’amalgame. Ensuite les différences de caractère observées par M. Cohen en deux piles du type : La Cd | Solution diluée de CdSO, | Amalgame à 14,3 0/, Cl, FA construites à 25°, peuvent s'expliquer à l'aide de la | même hypothèse. Après avoir trouvé pour la force électromotrice des deux éléments la même valeur de 50 mV, à 25°, M. Cohen observait qu'à 0° celle du pre= mier s'était élevée à 55 mV, tandis que celle du second” montait d'abord jusqu’à 52 »V pour diminuer ensuite à 51mV. Sile diagramme des isothermes pour l'élément de M. Cohen a l’aspect général indiqué par la figure 2; il suffit de supposer que fortuitement l’amalgame du premier élément formait un mélange de parties égales des deux phases, tandis que celui du second conte- nait seulement une petite quantité de la phase à une teneur minimale de cadmium pour rendre compte des phénomènes observés. Dans cette supposition, les deux. éléments présentent (en P, et P,) la même force électro- motrice à 25°. Et, après l’abaissement de la température à 0, il s'établit un équilibre provisoire entre l’amal- game et la solution, qui dans les deux éléments est celui. des deux phases qui peuvent coexister à 0°. Mais l’équi- libre définitif (Q, et Q,) doit être différent dans les deux. éléments, etc. L'auteur rappelle plusieurs autres faits qui peuvent servir d'arguments pour soutenir son Opi-" nion. Le Physikalisch-Technische Reichsanstalt, qui avait adopté pour la construction de l’étalon Weston un amalgame de 14,3°/,,a modifié sa composition, en recom- mandant maintenant une teneur moins forte. D'après la théorie de M. Wind, selon toute vraisemblance, cette modification récente dans la construction devra con- courir à perfectionner en effet l'étalon. P.-H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès 30 AVRIL 1901 À Revue générale Be N0lencos pures el appliquées sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œutres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande $ 1. — Physique _ Identité du spectre de l’aurore polaire et du spectre cathodique. — Dans son Rapport pré- senté au récent Congrès international de Physique, le Professeur Paulsen, de Copenhague, résumant les observations faites en Islande par l'Expédilion qu'il dirigea dans l'hiver 1899-1900, émit l'opinion que le spectre auroral contient un certain nombre de raies (rès voisines de celles que donne le spectre cathodique de l'azote. Cependant, l’auteur de ce Rapport, rédigé peu rès le retour de l'Expédition, s'exprimait en termes s prudents, attendant des mesures plus complètes our affirmer une coïncidence réelle d’une si grande importance pour la théorie de l'aurore polaire. Dans une nouvelle Note, présentée récemment à l'Académie des Sciences de Danemark, M. Paulsen a pensé pouvoir être plus affirmatif, à.la suite des mesures ites par M. Scheiner, de Potsdam, sur des clichés dbtenus en Islande ou impressionnés au laboratoire vec le même appareil, à lentilles de quartz et à prisme de spath d'Islande. Les raies mesurées embrassent les longueurs d'onde comprises entre 0y,426 et 0u,337. Voici, en effet, ce que M. Scheiner écrivait récemment à M. Paulsen, dans une lettre lue à l'Académie des Sciences de Copenhague : « Comme je vous l'ai déjà indiqué verbalement, la mple inspection des épreuves, combinée avec vos mesures de longueurs d'onde, me donnait la presque rtitude que le spectre de l'aurore polaire photo- aphiée sur les plaques Pellin est identique au spectre cathodique de l'azote. Cependant, il m'a paru utile de sonstater encore celle coïncidence par des mesures, hais sans déterminer à proprement parler les longueurs d'onde, cette détermination ne pouvant être faite avanta- seusement que sur l'ensemble des épreuves. «Je me suis donc borné, pour le moment, à mesurer la iosition des sept raies les plus brillantes des plaques WLet XII (aurore polaire et lumière cathodique). Je n'ai nployé ensuite que quelques raies des spectres de Omparaison, pour ramener l'une à l'autre les deux preuves, faites avec une dispersion différente. Il en résulté le tableau Isuivant, qui donne les distances e la raie la plus brillante (), — 0y,392) en millimètres, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « Si l’on tient compte du peu de netteté des raies, on doit considérer cette concordance comme très satis- faisante, et, comme, en outre, les intensités relatives sont, autant qu'on en puisse juger, les mêmes dans les deux spectres, il n'y à plus à douter que le spectre de l'aurore polaire contienne le spectre cathodique de l'azote. » M. Paulsen n'a pas réussi à photographier directe- TABLEAU [. — Positions relatives des raies de l’au- rore polaire et du spectre cathodique de l'azote d'après les mesures de M. Scheiner des épreuves de M. Paulsen. SPECTRE CATHODIQUE SPECTRE DE L'AURORE A mesuré Réduction A réduit À mesuré millimètres millimètres millimètres millimètres — 4,4 + 1,62 + 2,41 +. 5,60 + 6,40 + +++++ | 10,11 ment les raies dont la longueur d'onde dépasse 0u,470, sauf la raie dite principale, dont la longueur d'onde est 0,557. Cette raie se retrouve dans le spectre catho- dique de l'oxygène, mais elle y possède une largeur bien plus grande. Ces constatations ont évidemment une très grande importance pour la théorie de l'aurore polaire. Ce mystérieux phénomène a donné lieu, d’ailleurs, dans ces derniers temps, à des travaux de premier ordre, sur lesquels la Revue reviendra très prochainement La réflexion et la réfraction du son. — M. R.-W. Wood, professeur de Physique à l'Université du Wisconsin, qui se livre depuis plusieurs années à 8 390 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE l'étude de la réflexion et de la réfraction du son, est arrivé à fixer par la photographie cinématographique les positions successives des ondes sonores, et il à publié récemment à ce sujet d’intéressantes observa- tions que nous allons résumer. Le principe de la méthode qu'il utilise est dù à Topler. L'appareil (fig. 1) consiste essentiel- lement en une len- tille achromatique L de bonne qualité. En a, on fait jaillir | versent la partie inférieure de Q sont déviés dans le du diaphragme, en forçant une plus grande quantité de lumière à pénétrer de cette partie du champ dans la lunette. Par conséquent, en regardant dans l'instrus ment, on verra la partie supérieure de la masse d'air plus claire que le reste du champ. Les rayons qui tra sens contraire et forment une iMagen qui est complète ment intercepléem par le diaphragme cette partie du une étincelle élec- trique donnant une source lumineuse linéaire et étroite. L'image de cette source se forme en h, où elle esl aux Fig. L. et du HR de, ro Ce pe ondes les la ‘densitéies trois quarts inter- sonores. — a, source lumineuse; L, lentille; Q, centre d'ébran ement Tee es à Se 5 de l'air; b, image de la source; E, écran; T, lunette. P < Œ ceptée par un dia- phragme E. En re- cardant par la lunette T, on voit le champ dela lentille uniformément illuminé par la lumière qui n’est pas intercepltée par le diaphragme. Si l'on abaisse le dia- phragme, le champ s'assombrit; si on l'élève, le champ s'éclaire davantage. Fig. 2, — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre une plaque de verre plane. — En 1, on voit l'onde sphé- rique qui arrive à la plaque et l'onde réfléchie, sphérique également, qui commence à se former. En 2 et 3, l'onde incidente est déjà sortie du Champ; l'onde réfléchie, tou- jours sphérique, continue à se propager. — On apercoit l'image des boules entre lesquelles se produit l’étincelle et des tiges qui les tiennent. Supposons maintenant qu'il ÿ ait sur le devant de la lentille, en Q, une masse sphérique d'air plus dense Fig. 3. — Réflexion d'une onde sonore sphérique contre un miroir sphérique. — Les figures se suivent de droite à gauche suivant les numéros d'ordre. que le milieu environnant. Les rayons lumineux tra- versant la partie supérieure de cette masse seront plus déviés;et formeront une image de l'étincelle au-dessous jaillir immédiatement champ apparaîtra donc noire. 3 Or, les ondes so nores sont des ré gions de condensa= tion, dans lesquel- dans l'air environ- nant. Si donc l’on produit une de ces ondes en Q et qu'on l’illumine pen= dant un instant très court, on apercevra le front de cette onde dans le champ | de la lunette. On arrive 1 2 à ce résultat en fai- sant jaillir en Q, entre deux petites boules de laiton,uneétincelle qui produit une onde so- nore, puis en faisant après, en ä,uue se- conde étincelle très courte, dont la lueur éclaire l'onde quicom- mence à se propager en Q. Pour obtenir l'i- mage photosraphique du phénomène, on sub- stitue à la lunette un 3 A . .n . "2 0 objectif photographi- Fig. 4. — Réfraction d'une onde que derrière lequel des plaques se déplacent à intervalles rappro- chés : on peut ainsi re- produire l'onde dans une série de positions successives: Par cette méthode, M. Wood a pu suivre le trajet de l'onde frontale dans les phénomènes de réflexion et de sonore sphérique de l'air dans l'acide carbonique. Fig. 5.— Dilfraction et réflexion d'une onde sonore sphérique par un réseau cylindrique. réfraction, et vérilier ainsi les conséquences prévues par la théorie. Les photographies que nous reprodui- sons ici (fig. 2 à 6) en donnent quelques exemples typiques. : Quand une onde lumineuse sphérique est réfléchie CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE par un plan, on sait que l'onde réfléchie est également sphérique, son centre de courbure étant situé derrière fa surface réfléchissante, à la même distance que celui de l'onde primitive au devant. Il en est de même pour les ondes sonures sphériques, comme le montre la figure 2. EL Le 2 Lorsque Ja surface réfléchissante est un miroir sphé- rique (lig. 3), l'onde réfléchie est d'abord plane (fig. 3, “no 1); puis elle poursuit son chemin et s'incurve sur “és bords (fig. 3, n° 2 et 3). Mais bientôt les bords neurvés disparaissent presque complètement (fig. 3, n° 4), car l'onde passe au foyer du miroir. Plus loin, les bords s'incurvent en sens contraire (fig. 3, n°° 5 et 6). L'évolution curieuse de cette onde peut être reproduite “entièrement par des dessins géométriques, construits ép se basant sur les lois de la réflexion. La figure 4 représente le phénomène de la réfraction. Donde sonore sphérique est formée dans l'air et assu- “joitie à se réfracter dans une atmosphère d'acide car- bonique ; celle-ci est renfermée dars un récipient en terre, fermé à sa partie supérieure par une membrane de collodion tendue, d’une finesse extrême. L'onde sphé- n Fig. 6. — Réflexion et diffraction d'une onde sonore sphérique par un escalier, ique, en arrivant à cette membrane, est en partie léfléchie dans l’air, en partie réfractée dans l'acide car- onique, où elle poursuit sa route sous forme de sur- ce d'hyperboloïde (fig. 4, n°° 2 et 3). “Les deux dernières figures représentent des phéno- mènes de diffraction. Dans la figure 5, le réseau de dif- fraction est formé par des lamelles de verre disposées Sur une surface cylindrique, et l'onde incidente part du centre de courbure du cylindre. La figure montre successivement l'onde incidente, les ondes réfléchies à Mintérieur du cylindre par chaque lame de verre, les Ondes diffractées à l'extérieur, et le réfléchissement les ondes diffractées par la table d'expérience. La figure 6 montre la formation d'une note musicale r la réflexion d’une seule onde par une suite de gra- ins, phénomène que Young a démontré être analogue ,la formation d’une lumière d'une longueur d'onde définie par un réseau de diffraction !, Les clichés de ces photographies nous ont été obligeam- nent prêtés par le journal anglais Nature (de Londres). lis ee trouvent dans le commerce, ainsi qu'un grand nombre utres analogues. sous forme de clichés à projection, et S constituent une belle illustration pour l’enseignement de Acoustique. Le Laboratoire d'Enseignement de la Phy- ue à la Sorbonne en a fait l'acquisition d’une série, qui utilisée aux cours de la Faculté des Sciences. $ 2. — Chimie Une réaction analogue à celle de Canniz- zaro dans la série grasse.— Lorsqu'un aldéhyde de la série grasse est traité par une lessive alcaline, il y a condensation de deux molécules d'aldéhyde, et for- mation d'aldol. Ainsi, l’acétaldéhyde CH°.CH0 se con- dense en acétaldol CH°.CH(OH).CH.CHO. Avec les aldéhydes aromatiques, la réaction est dif- férente : il se forme l'alcool et l'acide correspondants. Ainsi, la benzaldéhyde, traitée par la potasse, donne de l'alcool benzylique et du benzoate de potasse : 2C°H°.CHO + KOH — C°H5. CH2OH + CH .CO°K. Cette dernière réaction est connue sous le nom de réaclion de Cannizzaro. Quelle est la cause de cette différence ? Le Professeur Lieben, de Vienne, a cru la trouver dans le fait que, pour les aldéhydes gras, l'atome de carbone («), qui est relié immédiatement au groupement aldéhydique CHO, porte toujours un atome d'hydrogène, tandis que, dans les aldéhydes aromatiques, il n’en porte pas : @.) CH CHS.CH?.CHO N IC (œ)C.CHQ CH (x HC CH CH.CHO K/ CHE CH Aldéhydes gras. Aldéhyde aromatique. Si cette hypothèse est fondée, on doit pouvoir, en substituant par d'autres groupes le ou les atomes d’'hy- drogène reliés au carbone « dans un aldéhyde gras, modifier sa réaction en présence des alecalis. M. À. Franke, élève du Professeur Lieben, vient de vérifier la justesse de cette supposition‘. Il a préparé l'aldéhyde «-oxyisobutyrique : LA CH*.C(OH) (CH).CHO dans lequel l'atome de carbone « n’est lié directement à aucun atome d'hydrogène. Cet aldéhyde, traité par une lessive de soude, ne donne pas d’aldol, mais bien de l'alcool oxyisobutyrique et de l’oxyisobutyrate de soude : CH*.C(OH)(CH*).CHO + NaOH — CH®.C(OH)(CHS). CH£OH + CH*.C(OH)(CEH).CONa. C'est l’analogue, pour la série grasse, de la réaction de Cannizzaro. M. Leo Wessely?, autre élève de Lieben, a obtenu une réaction analogue avec l’aldéhyde «-diméthyl-3- oxypropionique : a CH?OH.C(CH*}.CH0 qui donne avec la potasse du pentaglycol et de l’«-di- méthyl-B-oxypropionate de potasse, Formation de composés aromatiques à partir du glutaconate d’éthyle et de ses dérivés. — En chauffant avec de l'alcool à 150° le dérivé sodé de l’éther dicarboxy-glutaconique : COC HS)? :C: CH: 1C(CO! CHE | Na MM. Lawrence et Perkin junior ont remarqué * qu'il y avait formation abondante de trimésate d'éthyle : t Monatshefte für Chemie, 1900, t. XXI, p. 1122, 2 Monatshefte für Chemie, A904, t. XXII, p. 66. 3 T. Lawrence et W,. H. PERKkIN JUN. : Proc. of the Chem. Soc., n° 234, p. 41. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE CO?C2H° SN [ 2fIS IAE C L'éther méthylique sodé subit une transformation analogue. : Le glutaconate d’éthyle sodé : COC*H°CH.CH : CH.CO*C°H° | Ar Na subit, dans les mêmes conditions, une décomposition différente, et il est converti en acide hydroxy-isophta- lique : L'éther méthyl-glutaconique : CO?C2H5.CH.CH : CH.CO?C°H5 | CH° chauffé avec de l'éthylate de soude à 440°, donne un éther solide fondant à 96°, lequel, par hydrolyse, four- nit un acide fondant à 216° qui n'a pas encore été complètement étudié. L'acide trimésique, soumis à la réduction au moyen de l’amalgame de sodium, fournit un mélange des sté- réo-isomères répondant à la constitution : )2H5 L Jco H 7 L'un d'eux a été isolé et fond à 210°; chauffé avec de l’anhydride acétique, il perd CO® en donnant l’'anhy- dride de l'acide tétrahydro-isophtalique, dont la for- mule de structure ne peut être que: CO°H AN CO°H 74 Ce sont là de nouveaux exemples intéressants de synthèses de composés aromatiques à partir de dérivés de la série grasse. $ 3. — Biologie Comment les fleurs attirent les Insectes. — Dans ces dernières années, M. Plateau a publié un certain nombre de travaux, tous faits avec le plus grand soin, dans le but de définir ce qui attire vers les ileurs les Insectes avides de nectar. Ses expériences ont été critiquées par divers auteurs,etnotamment par M. Forel ‘, qui ne l'a peut-être pas fait avec toute la coufloisieque mérite un observateur aussi consciencieux que M. Plateau. Mais cette polémique aura pour avan- tage de mettre les choses au point; la critique la plus serrée et la moins indulgente n’est pas de trop quand on expérimente sur les sensations et les senti- ments des animaux. Voici quelques faits qui paraissent acquis : Beaucoup d'Insectes, notamment les Mouches et les Guêpes, paraissent être surtout dirigés par l'odorat; ils butinent là où il y a du nectar où du miel, quelle ——— 1 Rivista di Biologia générale, XU, nos 1-2, 1901. que soit la couleur de la fleur où il se trouve, où I& forme de l’artifice où il a été déposé. Il semble qui n’en est pas de même pour les Abeilles et Bourdons dont l’odorat est beaucoup moins bon que celui d Insectes cités plus haut ; l’Abeille, lorsqu'elle a trouvés du nectar sur une certaine fleur, se rappelle et la forme de la fleur et la place où elle se trouve, et elle y revient grâce à sa mémoire, qui peut durer pendant envirot huit jours; l'odorat seul ne peut la guider sur lPappät qu'à une distance très courte, quelques centimètresà peiue ; en effet, si l'on cache quelques fleurs d'un mas= sif sous des feuilles vertes, les Abeilles cessent de les visiter jusqu'au moment où elles découvrent l'artifice par l’odorat, en furetant très près d'une fleur cachée, alors, elles cherchent à y pénétrer, et peuvent y revenirs Des Abeilles et des Bourdons, auxquels on à coupé les organes olfactifs (antennes), butinent comme les indi- vidus normaux, ce qui prouve évidemment que ces Insectes sont guidés, non point par l'odorat, mais pa la vue des yeux composés, si trouble qu'elle puisse être et par les souvenirs visuels. Il est très curieux de constater que les fleurs artifi cielles les mieux imitées, mêlées aux fleurs naturelles de la même plante, ne trompent jamais les Abeilles et la plupart des Hyménoptères, même si l'on a mis du miel à l'intérieur des corolles artificielles. 11 est éton= pant que l'imitation, parfaite au point de vue de l'œil humain, soit insuffisante pour l'œil de l’Insecte; mais il faut bien qu'il en soit ainsi, à moins que ces fleurs artificielles aient une odeur qui éloigne les Insectes. Enfin, qu'une fleur soit colorée ou verte, qu'elle ait des marques éclatantes (organes vexillaires) ou non; elle attire toujours les Insectes pourvu qu'elle ren= ferme du nectar, ce qui montre que la fécondation des végétaux ne souffrirait aucunement si les partiess voyantes des fleurs étaient supprimées ; celles-ci n'ont donc pas la fonction attractive qu'on leur avait attri= buée. | En somme, ce qui sépare M. Forel de M. Plateau, c’est que le premier altribue un rôle prépondérant à lan vue, à la mémoire visuelle des localités, de la forme et de la couleur des fleurs, surtout pour les Abeilles tandis que le second donne à l’odorat une importance beaucoup plus grande qu'à la vue; l'expérience des Abeilles à antennes coupées, si elle réussit comme le dit M. Forel, donne évidemment tort à M. Plateaun D'autre part, le dédain des fleurs artificielles, l’indiffé= rence des Insectes à la forme et à la couleur des fleurs pourvu qu'elles renferment du nectar, parlent en faveurs de M. Plateau. Il est possible qu'ils aient tous deux. raison, et que les différentes espèces examinées se: comportent très différemment. L'Association des Anatomistes.— L'Associa tion des Anatomistes a tenu son troisième congrès à Lyon, dans les locaux de la Faculté de Médecine, les 1er, 2 et 3 avril, sous la présidence de M. le Professeurs Renaut, de MM. Arloing, Lesbre, Chautre, vice-prési= dents (ces deux derniers en l'absence de MM. Testut ef, Ledouble empêchés). Plus de cinquante anatomiste français et étrangers assistaient à cette réunion. Parmi les personnalisés étrangères, cilons les Professeurs Golgi et Luigi Sala (Pavie), Van Beneden (Liége), Romiti (Pise), Laskowsky et Eternod (Genève), Bugnon (Lau= sanne), Van der Stricht (Gand), Strasser (Berne), Keibe (Eribourg-en-Brisgau), Fusari (Turin), etc. Les trois journées ont à peine sufli pour les commu nications, démonstrations, discussions, et quelques visites aux services et musées d'anatomie. La réception de l'Université Lyonnaise a été extrèmement cordialey la Municipalité de Lyon elle-même a Lenu à s'y asso cier. Rendez-vous a été pris pour la prochaine session, en 1902, à Montpellier, sous la présidence de M. le Profes seur Sabatier, les trois premiers jours de la semainé avant Pâques. Tous les anatomistes sont invités à cettem réunion. ‘ CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 4. — Physiologie L’insuffisance glycolytique. — L'organisme nimal possède une remarquable aptitude à retenir et utiliser la glycose. Un homme peut ingérer 500 gr. e glycose et plus en vingt-quatre heures, sans qu'il en passe même des traces dans les urines. Cette glycose se fixe partie sous forme de glycogène dans le foie et dans les muscles, partie sous forme de graisse dans les Lissus adipeux, ce glycogène et cette graisse étant ulté- eurement brülés pour fournir l'énergie nécessaire à la production de la chaleur animale ou du travail mus- tulaire. Le pouvoir glycolytique de l'organisme n'est pas toutefois illimité : la quantité de glycose (ou de produits capables de se transformer en glycose dans lécouomie) ingérée augmentant, il arrive un moment où le sucre s’accumule dans le sang, et passe dans les urines. La quantité de glycose que l'organisme peut émmagasiner et utiliser varie considérablement d'un individu à l’autre : tel sujet pourra absorber 800 grammes de glycose en vingt-quatre heures sans présenter de glycosurie ; tel autre aura des urines sucrées pour en avoir absorbé 400 grammes, 300 grammes et moins. Gette quantité varie selon le mode d'introduction de a glycose : un homme peut ingérer 100 grammes de slycose d’un coup sans devenir glycosurique; il le devient à peu près sûrement si on lui en injecte 60 #rammes sous la peau. Quand, à la suite d'une alimen- tation normale, ne produisant pas de glycosurie chez la majorité des sujets, on voit apparaitre la glycosurie, on dit quil y a insuffisance glycolytique. On peut admettre également qu'il y a insuffisance glycolytique Chez les sujets qui deviennent glycosuriques à la suite d'une injection sous-cutanée d'une solution de glycose incapable {à la même dose et à la même concentration) de rendre glycosuriques le plus grand nombre de sujets. L'insuffisance glycolytique se manifeste au maximum chez les diabétiques (forme grave). Il est des cas où le pouvoir glycolytique de l'organisme est nul ou presque nul — tel par exemple le cas des animaux dont on à enlevé la totalité du pancréas — l'organisme éliminant, sous forme de glycose, par les urines, la totalité des hydrates de carbone ingérés ou injectés, et la totalité des hydrates de carbone formés dans l'économie, aux dépens des substances protéiques. Il est des cas où le pouvoir glycolytique de l'organisme, sans être nul, est considérablement réduit: l'organisme éliminant, sous forme de glycose, par les urines, la totalité des hydrates de carbone ingérés ou injectés, mais pouvant utiliser la glycose dérivée dans l'économie des substances pro- téiques. IL est des cas où l'organisme peut utiliser la totalité des hydrates de carbone ingérés, quand leur quantité est petite, ou seulement une partie, quand leur quantité est plus grande. Il est des cas, enfin, où il n'y à point glycosurie avec l’alimentation normale, mais où la glycosurie apparait pour une alimentation contenant une quantité d'hydrates de carbone plus &rande que la quantité moyenne d’une alimentation normale, tout en étant insuffisante pour produire la “lycosurie chez la majorité des individus. Il y a donc tous les degrés dans l'insuffisance glycolytique. » Dans un intéressant travail publié par MM. Achard t Læper dans les Archives de Médecine expérimentale t d'Anatomie pathologique, ces auteurs ont recherché insuffisance glycolytique par la méthode des injec- ions sous-cutanées dans un certain nombre d'affec- tions aiguës ou chroniques. Ils ont montré que cette insuffisance glycolytique est fréquente dans le cancer et dans la cachexie luberculeuse, dans les diverses affections rhumatismales, dans la pneumonie, dans la dièvre typhoïde, etc. « Le diabète ne doit donc pas nous apparaitre, disent-ils, comme une entité morbide à part, car le trouble fondamental qui le caractérise se relie étroite- ment aux désordres nutritifs observés communément dans les maladies les plus diverses. Ce n'est pas un état morbide sans analogue dans le cadre nosologique, c’est un état dans lequel le trouble banal de l'insuffi- sance glycolytique est porté à son plus haut degré. « Il est donc permis de se demander s’il n’y aurait pas lieu d'étudier de plus près les relations du diabète avec les maladies qui s’accompagnent le plus volon- tiers d'insuffisance glycolytique.…. » Ce sont là des opinions intéressantes et suggestives, qu'il est utile, croyons-nous, de signaler. Une remarque nous est suggérée par une phrase que nous relevons dans ce travail. « Plusieurs procédés sont susceptibles, disent MM. Achard et Lœper, de mettre en évidence l'insuffisance glycolytique. Certains d'entre eux ne sont pas applicables à la clinique : telles sont la détermination de l’activité glycolytique du sang (Lépine)... ». M. Lépine a soutenu l'opinion que le sang normal cireulant possède un pouvoir glycoly- tique qu'on peut mesurer en déterminant, 72 vitro, la quantité de sucre disparaissant dans le sang extrait de l’organisme dans des conditions de température dé- terminées, et pendant un temps déterminé. M. Arthus a démontré l’inexactitude de cette opinion et établi, de facon indiscutable, que le sang in vivo ne possède aucun pouvoir glycolytique, et que celui qu'il possède in vitro lui est conféré par la production extraorga- nique d'un agent glycolytique d’origine leucocytaire. On ne saurait donc, dans aucun cas, déterminer le pouvoir glycolytique d’un organisme vivant ou l'insuf- fisance glycolytique en étudiant la glycolyse dans le sang. L'insuftisance glycolytique comme le pouvoir glycolytique sont des propriétés tissulaires, non des propriétés hématiques. Albumines du sang d'homme et du sang de singes. — Si on injecte sous la peau d’un lapin, à deux ou trois jours d'intervalle, pendant deux à trois semaines, de 5 à 10 centimètres cubes de sérum de sang humain, on communique au sérum du lapin ainsi traité la propriété de précipiter 77 vitro du sérum de sang d'homme, sans précipiter le sérum du sang des autres animaux, tels que le cheval, le bœuf, le mouton, le porc, ete. Le pouvoir précipitant du sérum augmente à mesure que les injections se font plus nombreuses, et il est possible, après plusieurs mois de traitement, d'obtenir un sérum de lapin capable de donner encore un précipité non douteux dans un sérum dilué à 1/50.000€. Or, si l'on fait agir un tel sérum de lapin préparé au moyen d'injections de sérum humain sur le sérum de certains singes, on voit apparaître dans le mélange un précipité qui, pour être moins abondant que dans le sérum humain, n'en est pas moins non douteux. Peut- on, de ce fait intéressant, et qu'il serait important de contrôler sur différentes espèces de singes, peut-on tirer des conclusions positives sur les relations phylo- génétiques des espèces humaine et simiesques ? Il con- vient d’être prudent, car, si les sérums précipitants possèdent, en général, une remarquable spécificité (un sérum précipitant le sérum de cheval ne précipite pas le sérum d'âne), il existe des exceptions : c’est ainsi que le sérum d'un lapin préparé au moyen d'injections répétées de sang de poule précipite le sérum de poule, mais précipite aussi le sérum de pigeon. Contentons- nous donc, pour le moment, d'enregistrer la précipita- tion des sérums de sangs d'homme et de certains singes par un même sérum préparé au moyen du sang d'homme, et attendons que les expériences aient été multipliées et variées pour en tirer des conséquences d'ordre théorique. 354 LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE La méthode d'observation est aussi vieille que le monde. Elle à suffi, au cours des siècles, a créer une foule de sciences: l’Astronomie, la Météoro- logie, l'Histoire naturelle, la Médecine, l'Agricul- ture, etc. Plus moderne qu'elle, la méthode expé- rimentale s’est immédiatement montrée plus puis- sante. C'est d'elle que sont nées les merveilles dont la Physique ne cesse de nous étonner et les belles créalions synthétiques de la Chimie actuelle; avec la spectroscopie, la méthode expérimentale tend à régénérer l’Astronomie; la Minéralogie, la Géo- logie, la Zoologie elle-même lui doivent leur renou- veau. Quels profits a pu tirer la Médecine de cette méthode ? Quels avantages peut-elle encore en attendre en Physiologie, en Thérapeutique, en Cli- nique”? Est-ce vers l'observation directe plus ou moins exclusive du malade, ou vers l’expérimen- talion appliquée à la maladie qu'il faut surtout tourner les efforts des générations nouvelles dans l'intérêt de la science et de la pratique médicales? Voilà ce que je voudrais examiner. En Médecine, la méthode d'observation & fait ses preuves. Il ne paraît pas bien nécessaire de montrer le rôle important qu'a joué, dans la genèse de la Médecine actuelle, la culture de cette branche de l'Histoire naturelle qui s'occupe de la descrip- tion exacte des organes, l’Anatomie. On peut, à la grande rigueur, faire de la médecine sans anato- mie, lorsque, ainsi qu'Hippocrate qui ne la con- naissait pas, on est un observateur de génie. Mais où en serions-nous si, comme on le professait du temps de Gallien, nous pensions encore que les aliments et l'air passent, l’un poussant l’autre, par la trachée-artère, que les larmes coulent des ven- tricules du cerveau, et que les rhumes ont la même origine! C'est cependant ce grand médecin, tout plein des erreurs de son temps, le premier. des physiologisies et expérimentateurs, s’il n’y eût eu Aristote, qui démontra que les urines viennent des à la vessie par les uretères, et qui put établir que les artères contiennent, durant la vie, non pas de l'air, comme on le pensait avant lui, mais bien du sang. L'invasion, par les barbares du nord, de l’Eu- rope civilisée compromit durant dix siècles ces premiers essais de science médicale. Il fallut tout ce lemps pour que l'esprit humain, profondément troublé par l'invasion des nouvelles races, reprit enfin confiance en lui-même. Avec la Renaissance, reins rattachés ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTAiE ‘à raisonner d'après la doctrine du libre examen et de l'observation directe des faits succéda partout à celle de l’au: torité. Jusque-là, la science des Écoles avait vécu sur la parole d'un Aristote de convention. En 1495, on publia à Venise sa véritable Æistoire des Animaux et ses Parties des Animaux. C'est ains qu'à dix-huit cents ans d'intervalle, le grand philo: sophe grec enseignait aux hommes, de nouveau la Nature. L'esprit d’observa tion directe et d’expérimentation méthodique, la confiance en la raison humaine appuyée sur le faits devinrent les levains de cette grande, de la plus grande des révolutions. Pour nous en tenñ aux choses de la Médecine, vers 1543 le célèbre chirurgien de Charles-Quint, Vésale, fondait l’ana tomie réelle, et décrivait pour la première fois, de visu, les organes du corps humain dans son traité De humani corporis {abrica. En 1550, l’espagnok Michel Servet, comme Vésale ancien étudiant de Paris, fit la remarquable observation que le sang passe du ventricule droit du cœur au ventricule gauche à travers le poumon et qu'il s'y revivifies Mais, Lant est lente la méthode d'observation pure qu'il fallut encore un siècle, et un homme de palient génie, pour que Harvey reconnüt, grâce à la dissection d'un grand nombre d'animaux, même vivants, que le cœur pousse dans les artères, qui se dilatent pendant qu'il se contracte, le sang qui revient au cœur par les veines : démonstratio mémorable que confirma définitivement l'observa tion directe de la circulation capillaire faite, peu de temps après, par Malpighi. La découverte de la circulation du sang par Har vey ne s'imposa pas aisément; jugé commé un rêveur par les praticiens de son temps’, Harvey perdit sa clientèle. En France, il n'eut pas pour lui les médecins de tradition, ni la Faculté, mais il eut le grand Descartes, Molière et Louis XIV?. On se divisa en circulateurs et anticirculateurs. Malheu= reusement, ces derniers n'ont pas encore tous dis paru avec Harvey et Molière, et les progrès dus en: Médecine aux sciences exactes gèneront toujours quelques modernes Thomas Diafoirus. Sans eux et malgré eux, la Zoologie, la Phyeis logie humaine, l'Anatomie comparée se sont peu à peu constituées à côté de la Médecine clinique: qui seule avait paru d’abord devoir attirer utile ment l'attention des praticiens. Mais qui ne voit 1 D'après son compatriote Aubry, cité par Milne Edwards Physiologie et Anatomie comparées, t. II; p. 24, note. + Il ordonna qu'une chaire fût créée au Jardin des Plantes pour enseigner l'anatomie et la circulation du sang. ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 399 être bien comprise qu'en s’éclairant de celle de homme et des animaux dans leur état de fonc- lionnement normal. Je n'ai pas à dire iei comment les Spalanzani, les “Hunter, les Geoffroy-Saint-Hilaire, les Ch. Bell, les Magendie, les J. Müller, les Flourens, les CI. Ber- “nard, etc., ont fait de la Physiologie une science expérimentale, autonome, distincte de l’Anatomie proprement dite et de cette anatomie plus fine des tissus, l'AJistologie, qu'avait fait naître une inven- tion admirable des physiciens du xvu° siècle, le microscope. » Vers cette époque, la Chimie entre en scène. La belle et puissante science des transformalions de la matière n'avait jusque-là consisté qu'en une Suite de recettes plus ou moins hermétiques, origi- naires des Egyptiens, des Grecs et de l'Asie, sorte de tradilion transmise aux initiés, mélée d’alchi- mie, d’astrologie et un peu de magie. Avec le mé- decin périgourdin Jean Rey, l'anglais Robert Boyle et le hollandais Van Helmont, commence la vraie himie, et même la Chimie biologique. Jean Rey démontrail, vers 1630, la pesanteur de Pair, el, par conséquent, sa matérialité niée par Aristote d’après une expérience mal comprise. Rey établit l'augmentation du poids des métaux quand on les calcine, et introduisit dans la Science cette notion essentielle du poids comme un critérium dans l'étude des variations de la malière. La balance devint désormais comme la boussole du chimiste. Vers le même temps, Van Helmont dis- inguait les différents airs, qu'il nommait gaz, et ‘découvrait l'acide carbonique. Robert Boyle éta- blit expérimentalement que l'air ordinaire est indispensable à la vie de tous les animaux, y com- pris les poissons, et qu'ils meurent si cet air ne se renouvelle pas ou leur est enlevé. Peu d'années après, Lavoisier allait renouveler les doctrines et fixer les notions des vrais élé- ments. En 1775, il démontrait que l'esprit sylvestre (l'acide carbonique de Van Helmont) est formé de charbon uni à une partie de l'air; en 4777, il établit que cet air, jusque-là considéré comme un élément homogène, est formé de deux gaz : un air vital, propre à entretenir la vie el la combustion, et un gaz résiduel, une molette irrespirable, qu'il re- garda d’ailleurs comme probablement très com- Rplexe’. … ‘Ildit en propres termes : « Je soupçonne d'ailleurs que la partie nuisible et méphitique de l’air est elle-même fort composée ». (Voyez Œuvres de Lavoisier, publiées par Dumas. Paris, Imprimerie nationale, t. IL; p. 120.) On voit . que Lavoisier avait été plus perspicace que ses successeurs et qu'il n'avait pas considéré le résidu de l'air impropre à la combustion comme un élément simple. La même année, Lavoisier couronnait ses mémo- rables recherches sur l'air et la combustion par la découverte de l’origine de la chaleur animale. Jo- seph Black avait déjà constaté en 1757 que le gaz sylvestre s'échappe des poumons à chaque expira- tion. Placant des animaux dans son calorimètre à glace, Lavoisier montra qu'ils produisent, en un temps donné, une quantité de chaleur presque égale à celle que donnerait la quantité de charbon contenu dans l'acide carbonique qu'ils excrèlent durant cette mème période si ce charbon étail directement brûlé à l'air. Il en conclut aussitôt « que la respiration est une combustion lente d'une partie du carbone contenu dans le sang, et que la chaleur animale est entretenue par la por- lion de calorique qui se dégage au moment de la conversion de l'oxygène en acide carbonique, comme il arrive dans toute combustion de char- bon ». Ainsi fut faite la découverte de l’origine de la chaleur animale, de ce fait mystérieux intimement lié à la vie, car il commence et finit avec elle. Chose remarquable, c'est à un médecin pralicien, Robert Mayer, que nous devons la preuve que la seconde propriété essentielle des animaux, à savoir leur aptitude à se mouvoir et à produire du tra- vail, est en corrélation étroite avec les causes qui entretiennent leur chaleur. Cette découverte capi- tale date de 1842. C'est ainsi que, grâce à la méthode rationnelle, à la fois fondée sur l'observation et l'expérimen- tation, tendait à S’établir peu à peu ce grand prin- cipe, aujourd'hui universellement admis, que tous les actes des êtres vivants susceptibles de mesure et d'équivalence matérielle ou mécanique -sont d'ordre purement physico-chimique, et que, par conséquent, toutes les fonctions vitales, à l'excep- tion de celles de l’entendement, pour lesquelles l’'équivalence n’est pas démontrée, sont des modes d'être de l'énergie : Les formes diverses résultent des mécanismes qui mettent en jeu cette énergie et les modifications dépendent des conditions ma- terielles, externes ou internes, physiques ou méca: niques, qui l'excitent, la modèrent ou la trans- formentsuivant leur état et celui du milieu ambiant. Telle fut l’idée directrice, la doctrine fondamentale du déterminisme de CI. Bernard. Montrer que l'analyse des faits de la vie conduit à les subdiviser en définitive en une série d'actes mécaniques ou physico-chimiques mesurables, et toujours sous la dépendance des lois qui régissent les phénomènes matériels, serait faire l'histoire des découvertes de la Physiologie moderne tout entière : l’osmose et les échanges pulmonaires; les mécanismes chimico-physiologiques de la diges- tion ; les lois de l'isotonie qui président à l’absorp- 356 ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE lion et aux sécrétions; la mécanique des mouve- ments musculaires ; les forces qui, dans chaque organe, déterminent la consommation des réserves et la production de l'énergie chimique, calorique ou mécanique; le mode de fonctionnement des organes des sens, et particulièrement de l'audition et de la vue, etc., toutes ces découvertes, qui ont fait de la Physiologie moderne la vraie science prépa- raloire à la Pathologie et à la Clinique, ne sont que des chapitres des sciences mécanique, chimique et physique dans leurs applications à l'étude précise des phénomènes de la vie. L'Analomie, la Physiologie et la Physico-chimie ont été les trois échelons successifs qui ont permis d'accéder au sanctuaire, où, sous des voiles de plus en plus transparents, se célèbre le grand mystère de la Vie. Il serait injuste d'oublier ce dont la Médecine est redevable à une science dont elle n'est, pour ainsi dire, qu'un rameau, l'Æistoire naturelle des étres vivants. Cest de l'Histoire naturelle que sont issues l’Anatomie et la Physiologie comparées, la Tératologie, l'Embryogénie. C’est à elle que revient la détermination étiologique des maladies parasi- taires : gale, teigne, trichinose, fièvres paludéen- nes, fièvre jaune, coccidiose, cancer et syphilis peut-être. À la Botanique nous devrions une vive reconpaissance, ne nous eût-elle fourni que le quinquina, l’opium, la rhubarbe, la coca, l'ipéca, le cacao. et mille autres drogues si précieuses en thérapeutique. Mais l'Histoire naturelle est restée avant tout une science d'observation, el c'est de l’expérimentalion surtout, qu'à mon sens, la Méde- cine de l'avenir doit attendre ses principaux pro- grès. C’est au laboratoire, en effet, et par l’expérimen- tation, que les chimistes biologistes ont patiem- ment déterminé la composition des lissus, du sang et des humeurs;,tqu'ils ont pu saisir leurs variations et entrevoir ainsi les causes profondes des états diathésiques primilifs, constilutionnels ou patholo- giques. C’est par l'étude expérimentale précise qu'ils ont pu expliquer les relations entre la contraction du musele, la calorification et les excrétions simul- tanément formées, pour en déduire ensuite le régime qui convient à l'homme au repos ou au travail; c'est par la Chimie que nous connaissons les processus qui donnent naissance à l'urée, à l’acide urique, aux graisses, aux sucres, aux diverses excrétions et à leurs modifications normales ou anormales. Elle les poursuit jusque dans les tissus et les cel- lules où nait la perturbation primilive d'où la maladie tire son origine; c'est la Chimie qui éclaire la digestion et les troubles qui s'y ralta- chent; qui fait connaître les variations des échanges respiraloires et des excrétions pendant le repos, le travail, les états normaux ou pathologiquess” c'est elle à qui l’on doit la découverte des agents spécifiques de la vie cellulaire, ces mystérieux ferments excilaleurs des actes élémentaires pri mordiaux, dont l'harmonie crée le fonctionnement de chaque organe. Cet ensemble de connaissances exactes a fait dem la Physiologie moderne une science définie, mé- thodique, précise, offrant à la Pathologie un solide point d'appui et de puissants moyens d'action. M Je sais bien qu'attachés à la vieille médecine dite traditionnelle (celle qui de tout temps a re- lardé), quelques-uns de ces anticirculateurs dont je parlais plus haut diront : Que nous importent la Physiologie et la Science; avant lout, le malade, las clinique, l'hôpital! J'ai hâte de le reconnaître, le but principal du médecin praticien n’est pas d’ex- pliquer les faits qu'il observe et de faire des décou- vertes (et il en a fait d'ailleurs de mémorables, celle de l’ausculfation en particulier). Mais il doit, M avant tout, rendre les services qu'on attend de lui, « soigner, soulager, guérir. Je m'incline devant sa science, sa prudence, son dévouement, son rôle si précieux, si touchant, lorsqu'il vient apporter dans les familles l'espoir et la santé. Mais, dans cet article, je me place, non pas tant au point de vue du médecin, qu'à celui de la Médecine, ou plutôt de ses progrès à venir et de ses méthodes. Je viens de montrer ce que la médecine physiologique a gagné à la méthode expérimentale; voyons ce qu'a gagné ou peut espérer d'elle la médecine clinique. IT Avant l'époque moderne, alors que la maladie s'éludiait surtout à l'hôpital, fort peu au labora- toire, quelle conception se faisail-on de l'éfat patho- logique ? « La maladie, dit Friedlander, est une certaine forme de la vie qui résulte d’une sédition des for- ces s'associant d’une façon nouvelle; forme qui, bien que contraire à la forme régulière de la vie, s'unit avec elle. Aussi, dans les corps malades, la vie parait non seulement s'être écartée de la règle générale, mais encore être troublée où même dis- soute par la lutte de ces forces qui ne s'accordent point » (Fundanienta doctrinæ pathologicæ, p. 32, cilé dans le Dictionnaire de Médecine en 30 vol.), « La maladie, dit Chomel, est une aberration nola- ble survenue soit dans la disposition matérielle des solides ou des liquides, soit dans l'exercice d'une ou plusieurs fonctions {/bid., t. XII, p. 50). « La maladie, dit Maurice Raynaud, c’est l’en- semble des phénomènes qui évoluent sous l'in- fluence d'une même unité affective » (Dictionnaire de Jaccoud, article Maladie, p. 502). lise ARMAND GAUTIER — LA MÉDECINE EXPÉRIMENTALE 397 lution des phénomènes sous l'influence des unités “Où entités alectives? Heureusement, le génie des #rands médecins : Hippocrate, Celse, Sydenham, Morgagni, Jenner, Laënnec, etc., avait suppléé à Pinsuffisance des conceptions de leur temps: mais ces grands hommes appartenaient surtout à l’École de l'observation pure. Voyons ce qu'a produit de- puis l'École de l'expérimentation méthodique. “ En 1848, un jeune chimiste de vingt-six ans découvrait la dissymétrie moléculaire et y ratta- ait aussitôt la polarisation rotaloire. Pour sé- rer ses cristaux hémièdres, Louis Pasteur Saya l’action des moisissures, et fut conduit dinsi, vers 1855, à examiner le mécanisme que jouent les êtres inférieurs monocellulaires dans lair qui les charrie, et qu'ils ont loujours pour ori- ine un organisme préexislant et semblable à eux. De 1865 à 1870, il observa que des corpuscules 1 contagieuses, la péhbrine et la facherie. À côté le Pasteur, un pas de plus avait été fait par Davaine, qui découvrit la bactéridie, organe spécifique de maladie charbonneuse. Bientôt, la plupart des eclions conlagieuses furent conçues par Pasteur omme de vérilables fermentations, provoquées dans les tissus ou les humeurs par la présence de es organismes spécifiques, étrangers à l'écono- mie à l'état de santé, et auxquels il donna le nom de microbes. . Cette conception pathogénique nouvelle des ma - dies virulentes ne ful pas sans provoquer les pro- estations de la vieille médecine. Alors que les mi- €robes du charbon, de la fièvre puerpérale, du choléra des poules, du rouget du pore, de la tuber- culose étaient isolés, cullivés 12 vitro, transmis à maitres de la science clinique de ce temps n'hésitait pas à prononcer ces paroles à la tribune de l'Aca- démie de Médecine. « Ce sont là des curiosités d'histoire naturelle, intéressantes à coup sûr, mais à peu près de nul profit pour la Médecine propre- ment dile, et qui ne valent ni le temps qu'on y passe, ni le bruit qu'on en fait. Après lant et de si laborieuses recherches, il n’y aura rien de changé en Médecine : il n’y aura que quelques microbes de plus ». Singulier élat d'esprit de cette médecine suran- née qui « s'attache aveuglément, comme fait dire Molière au médecin de son Malade imaginaire, aux opinions des anciens, el qui jamais n'a voulu coni- prendre ni écouter les raisons et les expériences des prélendues découvertes de notre siècle ». Comment, au point de vue historique ou logique, accepter celle prétention des purs cliniciens qui voudraient borner nos moyens d'information à l'observation directe du malade, à la clinique seule; qui, après avoir négligé, comballu même, il y à trente ans, l'emploi du microscope et du thermomètre, restent encore méfiants devant les résultats précis, matériels, indisculables, sortis des laboratoires du physiologiste ou du chimiste, et qu'effraye la mélhode expérimentale à laquelle les sciences physico-chimiques doivent leur surpre- nante évolution et leur cachet de certitude. Mais, pour fermer les yeux, empêchera-t-on le soleil de luire? Malgré les railleries, les objections ou les réserves de la vieille médecine, successivement furent découverts les vaccins de la rage, du tétanos, de la diphtérie, de la peste. On rattacha clairement l'idée de maladie à celle d'un empoisonnement par des toxines issues des microbes, ou par des sub- stances offensives originaires de nos propres Lissus ; on découvrit les antitoxines, ou créa des cytoloxi- nes. À ces magnifiques conquêtes vinrent s'ajouter, sorlies également des laboratoires des physiolo- gistes expérimentateurs et des zoologistes, la décou- verte des sucs organiques sécrétés par les glandes et cellules spécifiques, celle de la phagocytose, enfin lx connaissance des ferments, oxydants, ré- ducteurs, hydrolysants, déshydratants, coagulants, anticoagulants..…. ces agents actifs qui président aux phénomènes élémentaires de la vie. Tout cet ensemble de découverles mémorables, et telles que la Médecine n'en avait point fait d'aussi grandes depuis ses antiques fondateurs, est le fruit de la méthode d'investigation expérimentale, méthode bien ancienne déjà, mais presque nouvelle en Médecine. Comme elle l'avait fait pour la Phy- sique et la Chimie, elle a transformé de fond en comble la vieille nosologie, les vieilles conceptions étiologiques, la vieille thérapeutique. Sans doute, il a fallu un Pasteur pour l'intro- CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT duire en Pathogénie, battre en brècheles anciennes barrières et faire tomber les antiques préjugés. Mais, Pasteur disparu, la méthode reste; elle est bonne, elle est fructueuse et les découvertes se continuent. Celte méthode, le génie de Pasteur nel'a pas créée; mais, frappé un jour, comme l'avait été avant lui Van Helmont, de l’idée que la maladie transmis- sible n’est peut-être qu'une fermentation, Pasteur appliqua à la vérification et au développement de cctte hypothèse la méthode des sciences dont il était l’adepte. Elle consiste, partant d'un premier fait d'observation spontanée, fourni quelquefois par le hasard, à provoquer, grâce à un choix raisonné d'expériences de contrôle, les phénomènes qui peu- vent rationnellement venir appuyer ou contredire la conception qu'on s’est faite d’abord du fait d'obser- vation initial. L'expérience provoquée doit être susceptible de mesure, et assez simple pour ne per- mettre qu'une conclusion; celle-ci confirme ou con- tredit l'hypothèse provisoire d'où l’on est parti; généralement, elle la modifie ou la généralise; etla conception ainsi modifiée, si elle est désormaisjuste, fait prévoir une série de fails nouveaux qui doivent se vérifier à leur tour. L'examen de ces faits pourra rectifier encore l'hypothèse directrice: et ainsis de conception en conceptions, de vérification ern vérifications, surgit une vérité plus large, plus uni verselle, une théorie, une loi, qui répond à tousles faits connus et en fait prévoir et découvrir un grand nombre d’autres jusque-là imprévus. Telle est la méthode expérimentale. Sans doute elle ne saurait, dans tous les cas, se poursuivre directe ment sur l’homme malade, mais elle peut s'appli quer aux conceptions qu'on se fait de la maladie, se pratiquer sur les animaux de nos laboratoires rendus malades à volonté, puis, par un juste ét prudent retour, profiter à l’homme lui-même. C'es dans ces expériences mélhodiquement conçues provoquées dans des conditions artificiellement et rationnellement simplifiées, c'est dans le silence du laboratoire que se sont faits ces progrès qui ont changé la face de la Médecine, qui en ont déjà fait l’une des branches les plus précieuses du savoir humain, et qui créeront un jour la plus grande et la plus surprenante de toutes les. sciences : Ja Science de la Vie. Armand Gautier, de l'Académie des Sciences, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. LES LOIS DU RAYONNEMENT ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE PREMIÈRE PARTIE De grands progrès ont été réalisés depuis quelques années dans la connaissance des phéno- mènes du rayonnement. Dans ce problème, d’une extrême complexité, les relations simples commen-, cent à apparaître, ayant pour la première fois l'aspect de lois naturelles. En même temps, les applications se multiplient, suivant généralement la théorie, mais la précédant parfois. Tel est le cas des manchons incandescents, qui révolu- lionnèrent pour un temps l'éclairage, et dont le 1 Cette étude fait suite à un article publié dans la Revue du 15 janvier 1892, sous le titre : L'Energie dans le spectre. Quelques-uns des faits qui semblaient devoir être admis à cette époque ne le sont plus aujourd'hui, et la plupart de ceux qui n'ont pas été abandonnés ont pris une forme plus nette et plus générale. L'article qu'on va lire était écrit presque en entier il y a plus d'un an; mais la perspective de voir, à l'occasion du Congrès de Physique, surgir des résultats nouveaux, m'a engagé à en différer la publi- cation. Les données numériques que l'on trouvera plus loin ont été mises en harmonie avec les travaux les plus récents, et notamment avec les résultats magistralement exposés par M. Lumer et M. Rubens au tome II des Rapports du Congrès. : LES PRINCIPES: mode d'action est resté longtemps inexpliqué. Nous nous y arrêterons longuement dans la suite # mais une foule de résultats intéressants devront être mentionnés avant que nous puissions aborder ce cas parliculier que beaucoup de physiciens considèrent encore comme paradoxal; c'est l'exposé de ces résullals que sera consacrée la première partie de cet article. I. — PRINCIPES GÉNÉRAUX. Un corps noir absorbe, par définition, toutes les radiations arrivant à sa surface. Plaçons dans une enceinte fermée, isotherme, un corps de cette nature, et laissons l'équilibre de température s’étas blir. À ce moment, le corps noir perdra, dans un temps donné, aulant d'énergie qu'il en absorbera; puisque, d’après le principe de Carnot, sa tempé rature demeurera invariable. Remplacons maintenant le corps noir par un aulre corps que nous supposerons complétement opaque. Lorsque l'équilibre thermique est établi, “ce corps absorbe une partie de l'énergie que lui “envoie l'enceinte, et en réfléchit une autre portion; “de plus, il émet une quantité d'énergie exactement “égale à celle qu'il absorbe, et son pouvoir émissif est encore exprimé par un coefficient égal à celui qui définit numériquement son pouvoir absorbant. En tout point de l'enceinte fermée, les radiations traversent l’espace dans toutes les directions, et lénergie émanée d’un élément déterminé de la surface se compose, pour une parlie, de radiations émises, et pour une autre, de radiations réflé- €hies. Nous changerons infiniment peu les condi- tions du rayonnement en introduisant dans l’en- ceinte un corps noir infiniment petit. Ce corps devant être en équilibre avec l’enceinte, nous en concluons que la radiation, dans une enceinte fermée, est identique à celle qui part d’un corps noir. Toutes les directions de l’espace sont tra- versées par des flux égaux et de sens contraire: il ny à aucun échange d'énergie entre les divers points de l'enceinte, et aucune direction privilé- viée pour l'intensité du flux; on peut donc dire que les radiations sont en équilibre. ; Les raisonnements qui précèdent ne souffrent qu'une exception, celle d'une enceinte parfaitement réfléchissante. Son pouvoir absorbant élant nul, son pouvoir émissif l’est aussi. Donc ses parois n'introduisent aucune énergie à l'intérieur, el l'énergie qui s'y trouve est indéfiniment celle qui l'occupait lorsque l'enceinte s’est fermée. Mais il suffit d'y introduire un corps ayant un pouvoir émissif différent de zéro, pour que les radiations à l'intérieur deviennent identiques à celles du corps moir ayant la température du corps rayonnant dans l'enceinte. Ce dernier se mettra en équilibre non pas avec l'enceinte, dont la température peut tre quelconque, mais avec l'éther qu'elle contient, Si l'énergie moyenne était inférieure à celle qui s'établit uitérieurement, le corps se refroidirait ‘d'une quantité correspondante à celle de l'énergie absorbée par l’éther, et inversement. Ce qui vient d'être dit est vrai de tout ensemble de radiations. Les mêmes résullats sont encore exacts pour une radiation isolée, et c’est même dans le cas seulement d’une radiation isolée qu'ils peuvent prendre une forme précise. Un corps n'est, en général, ni complètement réfléchissant, ni parfaitement absorbant. La valeur “numérique de son pouvoir absorbant varie avec la nature de la radiation considérée, chaque radiation qui arrive à la surface d'un corps étant, en général, absorbée dans une proportion déterminée, diffé- rente d’une radiation à l’autre. Un corps peut renvoyer régulièrement une ra- - diation donnée ; il est alors réfléchissant pour cette CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 359 radiation. Il peut aussi réfléchir régulièrement toutes les radiations : dans ce cas, il est complè- tement réfléchissant. S'il diffuse également toutes les radiations sans en absorber, on le nommera un corps blanc. S'il en absorbe une proportion constante, il sera un corps gris’. Si, enfin, il en absorbe une proportion variable suivant la nature de la radiation, on le nommera un corps coloré. Cette lerminologie est empruntée à la considé- ration du spectre lumineux; elle peut s'appliquer sans modification à tout l'ensemble du spectre. Un corps diffusant peut être assimilé à un corps réfléchissant composé de miroirs élémentaires extrêmement petits, orientés dans loutes les direc- tions. Un corps peut diffuser par sa surface externe s'il est opaque; s’il est transparent, il ne renverra qu'une faible partie de la lumière par sa surface externe; mais il pourra en renvoyer une proportion considérable, s'il est constitué par un grand nombre de surfaces ou de paillettes superposées. Tel est le cas de la neige, dont la blancheur est due à sa texture en même temps qu'à la transparence de l'eau pour la lumière visible. Dans l'infra-rouge, l'eau est bientôt opaque, donc absorbante; d’ailleurs, son pouvoir réfléchissant est faible; la neige joue à peu près, dans cette région du spectre, le rôle du noir de fumée dans le spectre visible. La neige est un corps coloré dans le sens que nous venons de définir. Un œil dont le pouvoir s’étendrait sur deux octaves de radiations la verrait avec une teinte correspondant au bleu. Il convient d'étudier de plus près Le cas des corps transparents. Supposons un tel corps placé dans l'enceinte isotherme. L'énergie recue par une de ses faces atteint en partie la face opposée; là, elle rencontre une radiation venant en sens inverse, dont l'intensité est égale à celle de la radiation atteignant la première face. Comme il ne peut y avoir ni gain, ni perle d'énergie sur la seconde face, il est nécessaire que le corps émette, par toute son épaisseur, une énergie égale à la diffé- rence entre celle qui est entrée et celle qui émerge venant de l'enceinte. L'émission le long d’un rayon sera égale à l'absorption le long de ce même rayon, et, si nous isolons une épaisseur infiniment petite du corps, de facon à pouvoir négliger la portion qu'il absorbe de sa propre radiation, quantité du second ordre par rapport à celles que nous consi- dérons, nous pourrons dire que, dans un corps Pl tn." | RER + 1 Une généralisation trop hâtive avait fait admettre autre- fois, à la suite de Stéfan, que la répartition de l'énergie rayon- nante était la même pour tous les corps solides ; en d’autres termes, on considérait tous les corps comme gris, le blanc et le noir formant les deux limites; mais on sait aujour- d'hui qu'il est loin d'en être ainsi. 360 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT partiellement transparent, le pouvoir émissif est égal au pouvoir absorbant pour chaque radiation particulière. Un corps infiniment mince absorbe une quantilé infiniment faible de toute radiation. Un corps infi- niment épais absorbe complètement toutes les radiations. Entre ces deux extrêmes, un corps sera considéré comme absorbant ou transparent suivant la délicatesse des moyens d'investigation que nous emploierons pour déterminer la proportion de l'énergie qui le traverse. Nos notions vulgaires sur la transparence sont tirées de l'examen d’une lumière traversant un corps sous les épaisseurs sous lesquelles il se présente habituellement. Nous sommes peu habitués à considérer les corps sous des épaisseurs d'un micron ou d'un kilomètre. Sous la première, l'or et l'argent sont rettement transparents pour la lumière ordinaire et pour notre œil, comme moyen d'investigation; sous la deuxième, l’eau est absolument opaque. La distinction d’un corps opaque ou transparent n'a donc aucune signification, si l'épaisseur n'est pus précisée, et tout l'exposé qui précède pouvait être limité au cas général de la radiation réfléchie et de la radiation partiellement transmise. Les résultats énoncés ci-dessus, fondés sur l’idée d'un équilibre thermique final, sont généraux, lorsque la seule énergie que possède un corps est thermique et immédiatement transformable en radiations. Dans certains cas, il est vrai, on pourrait hésiter sur la vraie nature de l'échange d'énergie entre plusieurs corps en présence. Considérons, par exemple, deux corps complètement réflé- chissants dans tout le spectre, à l'exception d’une bande étroite, la mème pour les deux corps. Sup- posons que leur pouvoir émissif soit différent, el placons-les dans une enceinte réfléchissante pour toutes les radiations. Le corps À aura un pouvoir émissif 4, le corps B un pouvoir émissif D, et nous supposerons à plus grand que b. Nous pouvons amener ces deux corps à deux températures telles que leur émission ait la même valeur, À étant plus froid que B. Ils émettront l'un vers l’autre la même énergie, et on pourrait penser que leur différence de température se maintiendra indéfiniment. Mais, d’après l’égalilé des pouvoirs émissifs et absorbants, nous savons que À émet autant que B, parce que son pouvoir émissif est plus considérable; il absorbera donc une plus forte proportion de l'énergie ambiante aussi longtemps que les températures ne seront pas arrivées à l'égalité. À ce moment seulement, son émission et son absorplion deviendront identiques. Mais toute émission de radiations n’est pas due à un phénomène thermique. La phosphorescence nous donne un exemple de radiations émises par jours une modification de nature chimique dans le des corps froids et de même nature que celles quë k | peuvent donner des corps portés à une vive incar descence. Un corps de cette nature, placé dans une enceinte fermée, détruit l'équilibre correspondant au corps noir; mais, dans ce cas, on constale tous corps en question, ce qui l’exclut des raisonnements précédents, fondés sur le principe de Carnot *. On ne saurait trop insister, dès le début, sur Ge point que, dans une enceinte fermée en équilibre, la radiation est celle d’un corps noir, et possède par conséquent la valeur la plus élevée correspondant à chacune des radiations de l'énergie rayonnante de chaque longueur d'onde que puisse donner un corps simplement incandescent à la même tempé= rature. On attribue arbitrairement au corps noir le pouvoir émissif égal à l'unité pour toutes les radia= tions. Nous conserverons provisoirement cette dé finilion, mais nous montrerons qu'elle peut faire place à une autre définition rigoureuse du pouvoir émissif. II. — LE corps NorRr. Les résultats qui viennent d'être énoncés ne sont qu'une série de conséquences nécessaires du second principe de la Thermodynamique. Si élé-M mentaires que semblent les raisonnements, il n'a pas fallu moins que le génie de Poisson et la grande perspicacité de Kirchhoff pour montrer toute la généralité de ces résultats. On eût pu les lire en entier dans les idées de Prévost, si l’on avait su les interpréter. Rien peut-être mieux que l'histoire de ces quelques principes ne montre qu'une idée ne peut germer qu'à son heure, lorsque le terrain est préparé à la recevoir. Banale dans la suite, elle est stérile jusqu'alors. Dans les innombrables recherches failes en vue d'élucider les questions qui se posent au sujet des radiations, on a combattu sans cesse contre deux ordres divers de complications. D'une part, les actions spécifiques des radiations sur des récepteurs particuliers, tels que l'œil ou la plaque photogra- phique, ont trompé sur leur véritable énergie; et, même dans l'emploi de la pile ou du bolomètre, on a trop facilement admis que le récepteur, noir dans le spectre visible, l'était pour toutes les radialions: D'autre part, on a pris comme source des radialions des surfaces qui n'élaient jamais complètement noires ni même grises, mais qui étaient toujours des corps colorés, suivant la définilion que nous en avons donnée. 4 Nous faisons abstraction des radiations d’origine encore inconnue émises par les corps radio-actifs; jusqu'ici, il & été impossible de trouver la source de ces radiations, sans admettre que le principe de Carnot souffre des exceptions. CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 361 En réalité, si l’on fait abstraction d'une enceinte fermée, le meilleur corps noir est un corps presque Liransparent pour toules les radialions, et dont Miépaisseur est très grande, Une colonne d'un mélange gazeux isotherme et ayant une épaisseur de quelques milliers de kilomètres sous une densité suffisante est un excellent corps noir, et sa radia- tion peut servir de terme de comparaison. … Tel serait le cas du Soleil s'il était à une tempé- _ralure uniforme depuis une grande profondeur “malière est négligeable. Mais nous savons qu'il n'en est pas ainsi : la décroissance de l'éclat, du centre au bord figuré de son limbe, nous montre que les “couches supérieures absorbent la lumière émanée “des couches profondes et la modifient. Les radia- lions qui parviennent à l'extérieur traversent des ilieux matériels qui ne sont ni assez transparents, ni assez opaques pour nous donner une radiation hysiquement bien définie. Transparentes, elles laisseraient venir jusqu'à nous les radialions non déformées des couches profondes. Suffisamment opaques dans une épaisseur de tempéralure cons- tante, elles nous donneraient la radiation du corps noir de celte température. Si nous prenons un corps solide, l'expérience enseigne qu'il possède toujours une région de réflexion sélective dans laquelle son émission est très faible. - Quant aux corps que nous considérons comme noirs, nous verrons de combien il s'en faut qu'ils absorbent toute lumière incidente. C'est après avoir erré pendant longtemps à travers loutes ces complications, que l'on a enfin compris comment le problème pouvait être simplifié : il suffisait de réaliser pratiquement la conception e Poisson et de Kirchhoff, d'une enceinte fermée. Sans doute, celle conception est irréalisable en toute rigueur, mais on peut s’en rapprocher autant que l’on veut, en créant une enceinte de dimensions suffisantes, percée d'une étroite ouverture permet- lant d'examiner sa radialion, et, par surcroît, recou- verte intérieurement d’un enduit se rapprochant autant que possible de la couleur noire. Dans ses belles recherches sur le degré d'incan- descence, M. H. Le Chatelier a plus d'une fois examiné la lumière dans une fissure profonde, et l'a comparée à celle de la surface. M. Christiansen a employé un procédé analogue, alors qu'il cherchait à déterminer le coefficient d'émission d'un corps + Schnebeli, peut-être inconsciemment, avait - déterminé aussi le rayonnement dans l'enceinte creuse d’un four à réverbère. … Mais c'est dans ces dernières années seulement que des mesures rigoureuses de l'émission ont été faites à l'aide d'une enceinte telle qu'elle vient | “jusqu'à une distance du centre où la densité de sa : d'être définie. Suggérée par M. Willy Wien, mise à l'épreuve par M. Saint-John dans des expériences sur lesquelles nous reviendrons, elle a conduit, à l'Institut physico-technique impérial, M. Lummer, travaillant isolément ou avec la collaboration de M. Kurlbaum ou de M. Pringsheim, à des résultats d'une remarquable netteté. Des sphères de métal, recouvertes extérieu- rement d'oxyde de fer, élaient placées dans un fourneau : leur température élait mesurée à l’aide de couples thermoélectriques internes, et la radia- tion élait reçue sur une lame bolométrique creuse, formant un corps noir par sa forme même. Ou bien aussi, un cylindre creux de platine, fermé à ses extrémités, était parcouru dans le sens de sa lon- gueur par un courant intense qui l’amenait à une température élevée. Un couple replié le long des parois, et prolongé par une longue spirale, indiquait la température intérieure. Les résultats obtenus dans ces expériences sont d'une importance capitale, et il convient de les étudier avec quelques délails. Cependant, pour en mieux saisir le lien, il est nécessaire de connaitre d’abord les idées théoriques régnantes sur les lois numériques du rayonnement. On se souvient que Stefan, en faisant la synthèse des expériences sur l'intensité du rayonnement connues un peu avant 1880, élait arrivé à la con- clusion que l'énergie de l'émission totale variait comme la quatrième puissance de la température absolue, La loi était d'une séduisante simplicité : mais, précisément pour cette raison, elle ne fut acceptée d’abord qu'avec méfiance, et comme une indication empirique facilitant le travail de la mé- moire. Les expériences sur lesquelles s'était appuyé Stefan étaient hétérogènes, et n'embrassaient qu'un intervalle de températures peu étendu. Elles ne s’ap- pliquaient qu'à des corps visiblement noirs, et non point au corps noir théorique; bref, si l’auteur de la loi eût prélendu donner autre chose qu'une formule . mnémonique, il eût encouru les criliques les plus justifiées. Et, cependant, par une fortune singulière, cette loi a survécu à toutes les autres. Tout d’abord, on se souvint d'une appréciation donnée par Kirchhoff en 1861. Après avoir montré que le corps noir pouvait être conçu indépendam- ment de l'existence de tout corps réel, il avait ajouté que les lois du rayonnement, pour ce corps fictif, devaient probablement être simples, comme toutes celles dans lesquelles n'interviennent pas les propriétés de la malière. Puis, en 1884, M. Boltz- mann, s'appuyant sur la théorie électromagnétique de la lumière, donna ce qu'on considéra long- temps comme un semblant de preuve de la réalité de la relation trouvée par Stefan. Enfin le succès de l'expérience augmenta la confiance, et, de plus 362 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT en plus, on tend aujourd'hui à considérer comme suffisamment rigoureuses les démonstrations don- nées par M. Boltzmann, puis par M. W. Wien, indépendamment de toute théorie sur la nature de la radiation. M. Wien a incorporé la loi de la quatrième puis- sance comme loi intégrale dans une relation qu'il a indiquée, et qui contient à la fois les relations entre la température, la longueur d’onde et la puis- sance de la radiation. Cette loi, dont l'expression est : a été, dans ces derniers temps, le point de départ d'assez vives discussions, notamment au sujet des résultats qu’elle fournit pour les très grandes lon- gueurs d'onde‘. Il est cependant trois de ses con- séquences qui sont généralement admises : ce sont d’abord la loi intégrale de la quatrième puissance, puis la loi dérivée donnant la position du maxi- mum de la puissance rayonnante en fonction de la température de la source. Celte relation, dési- gnée sous le nom de Joi du déplacement, est con- tenue dans la formule : \nO — const. — A: Enfin, on peut poser une troisième relalion entre la température et la valeur du maximum de la puis- sance. Cette relation s'écrit : PnO—5 = const. = B. Nous n'insisterons pas sur les nombreuses études préliminaires qui ont conduit M. Lummer et ses collaborateurs à perfectionner peu à peu leurs appareils qui, aujourd’hui, ne laissent plus rien à désirer. Ce travail, long, patient, et où se révèle à chaque pas une grande ingéniosité, en même temps que l'emploi de moyens considérables, est marqué, dans ses diverses étapes, par une série de publications qui s'étendent déjà sur un inter- valle de cinq ou six ans; ilest plus intéressant de nous limiter ici aux résultats les plus récents, obtenus avec les derniers appareils, et en prenant des soins méticuleux, tels que de dessécher parfai- tement l'air entre la source et le bolomètre, et à le dépouiller de son acide carbonique qui, avec la vapeur d’eau, absorbe de larges bandes dans l'infra- rouge. La première vérification est celle de la loi inté- grale qui est donnée de la manière suivante : La puissance lotale de la radiation réciproque entre une source à la tempéralure 6, et le bolomètre à 1 D'autres lois ont été proposées récemment par Lord Rayleigh, M. Thiesen, M. Planck; nous y reviendrons tout à l'heure, la température ordinaire @, étant mesurée, on Æ forme le quotient : P 0, —0,: dans lequel ©, * n'intervient, pour les températures" très élevées, que comme un terme correctif presque négligeable. Si ce quotient est sensiblement cons= tant, la loi de Stefan se trouve vériliée. Mais on peut aussi la donner sous une autre forme;« qui consiste à calculer, par la loi de la quatrième puissance, la température qu'il faudrait attribuer “au corps rayonnant, pour que cette loi se trouvät. vérifiée. C'est ce dernier calcul qui se trouves effectué dans le tableau I, reproduit d'après less publications de M. Lummer, en éliminant seule- TagLeau I. — Vérification de la loi de Stefan, d'après M. Lummer. TEMPÉRATURE] DÉVIATIONS absolue ®, e réduites calculé obs.— cale. © serrrshhr— 19 1Ÿ 19 LS DO PO 19 F2 19 19 Ü DER ODERE I SONO FONROUwUrEeSR | LOUE = Ge Or e . 500 = [oO] o2 C2 Moyenne..." ment trois expériences qu'il considère comme peu sûres. La première colonne contient les températures absolues, mesurées au moyen d’un couple Le Cha- telier étalonné par MM. Holborn et Day; la seconde, les déviations du galvanomètre, ou plutôt celles qui auraient élé observées, si elles n'avaient pas été réduites par des dérivations. La troisième donne les valeurs de ©, d’après la relation : P—5(0,1— 2904), le récepteur ayant été constamment maintenu à la température de 290° absolus, ou 17° C. La colonne suivante donne les températures recalculées par celte formule, dans laquelle on introduit la valeur moyenne de 5; enfin, la dernière, les différences . entre les températures observées et calculées. Comme on le voit, les écarts entre les tempéra- tures observées et calculées sont extrêmement faibles, et sont entièrement contenus dans les limites d'incertitude d'observations excellentes soit, de la température, dans des régions d’un accès dif- ficile, soit de la puissance de radiations variant dans le rapport de 1 à 430; on peut donc consi- ———— Mérer la loi de Stefan comme absolument véri- iée, pour le corps noir, depuis la température ordinaire jusqu'au voisinage de 1.300° C. …. Les deux autres conséquences de la loi de Wien “ne sont pas moins bien vérifiées: mais ici l’étale- ment de la radiation en un spectre l’affaiblit, en même temps que, pour les températures basses, le maximum se déplace de plus en plus dans l'infra- ue des expériences faites à partir de températures élativement élevées. Le tableau IL contient les Savoir : les trois premières colonnes les données directes de l'observation, et les deux suivantes la valeur numérique des produits dans lesquels se Pagceau II. — Vérification des conséquences de la “formule de Wien, d’après MM. Lummer et Pringsheim. » | 5 FEES DIFFÉ- | P,0-—5 mn [2 Pnoy.| RENCE | MEMPÉRA- Pm ImO 2,026| 2 814/2.190 10-17] 62103/ +001 4,98 | 2.950/2.166 10-01] 791,5/—1,5 13,66 | 2.980/2.208 10—1| 910,1/+1.6 | 21,50 | 2.956/2.166 10—17 996.5|—2,0 34,0 2.966/2,16% 10—17 2 68,8 | 2.959/2.116 10-17 ,3 145,0 | 2.979/2.184 10—17| 4.460,0|—0, 4 210,6 | 2.928/2.246 10—1| 1.653,5|7,5 410—17 résument les deux dernières lois. Dans la sixième, a porté, comme au tableau [, la vérification sous la forme de températures calculées; enfin la lernière donne les écarts. Dans ce cas aussi, les conséquences de la loi de Wien présentent un admirable accord avec les expériences, faites avec une remarquable hardiesse it une habileté consommée. Il semblait done, il y a peu de temps encore, que cette loi fùl bien celle radialions. Cependant, une de ses conséquences semblait improblable; c’est celle d’après laquelle, pour une lempérature infinie, la puissance de la iation reste finie pour chaque longueur d'onde. Une formule empirique modifiée fut donnée abord par M. Thiesen, afin de représenter mieux erlaines expériences de MM. Lummer et Prings- eim non indiquées ci-dessus. Puis, Lord Ray- igh en proposa une seconde, MM. Lummer et ahnke une troisième, enfin M. Planck donna la relation : CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 363 fondée sur la théorie électromagnélique de la lumière. Au moment où M. Planck publia cette formule, MM. Rubens et Kurlbaum venaient de terminer une série de fort belles expériences faites en vue de déterminer la puissance des rayons restants réflé- chis par le spath fluor ou le sel gemme, après avoir été émis par le corps noir à des températures variables. C'est évidemment pour les grandes lon- gueurs d'onde que l’on obtiendra un critérium sensible de ces lois, puisqu'elles ne diffèrent sensi- blement entre elles que pour des valeurs considé- rables du produit 0. 6 Or, le spath fluor donne des rayons par réflexion dont les longueurs d'onde sont respectivement de 424,0 et 314,6, le sel gemme, des radiations de 51°2. Les températures auxquelles fut soumis le corps noir allèrent de — 188 à + 1.500, et, dans ce large espace des produits, la formule de Planck donna une concordance remarquable avec l'expé- rience. Comme elle contient la loi de Stefan, la loi du déplacement et la relation P,@-*const., elle est aussi vérifiée par les expériences antérieures de MM. Lummer et Pringsheim. Dans l’état actuel de la question, cette formule de M. Planck est donc la plus satisfaisante; sa forme est encore suffisamment simple pour qu'elle soit très maniable. Puissance absolue de la radiation. — Nous n'avons envisagé jusqu'ici que les valeurs relatives de la puissance rayonnante, sans nous occuper des nombres qui la représentent en valeur absolue. La valeur du coefficient d'émission a été déter- minée par divers observateurs, mais tous les résul- tats trouvés jusqu'à ces derniers temps étaient erronés par défaut. Celui auquel on peut accorder le plus de confiance se déduit des mesures de M. Kurlbaum; c'est le plus élevé de tous ceux qui ont été indiqués, et le sens des erreurs possibles des mesures conduit à penser qu'il est aussi appro- ché par défaut. Sa valeur est de 5,32.10 © watt, Suivant les unités adoptées, on trouvera la radia- tion totale d’un corps noir en multipliant ce coeffi- cient par la surface du corps en centimètres carrés, et par la quatrième puissance de sa température absolue. La puissance de la radiation passant d'un corps noir à la température absolue ©, sur un autre corps noir à la température absolue O,, est égale à P—5,328(0,:—0,:)10—12 vatts, S désignant la surface d’émission du premier corps noir, le second étant supposé absorber toute l'énergie émanée de cette surface ‘. Le coeflicient RE 0 CORRE 0 | 1 La valeur du coefficient numérique de cette expres- sion est d'une grandeur peu commode pour le calcul, comme aussi le calcul des puissances quatrièmes des températures 304 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT numérique de celte formule, qui est celui d’une loi naturelle, peut être logiquement défini comme pou- voir émissil du corps noir. Une définition analogue pourra s'appliquer à d'autres corps ; mais, COMME nous le verrons, le problème perdra de sa sim- plicité. Éclat visible du corps noir. — MM. Lummer el Kurlbaum ont déterminérécemmentle rapportentre les variations de la température et celles de l'éclat visible du corps noir. Leur méthode consistait à équilibrer la radialion émanée de leur enceinte par celle d'une source constante; puis, élevant d'une petite quantité la lempérature du corps noir, ils affaiblissaient son rayonnement au moyen d'un secteur tournant, jusqu'à ce que l'égalité fût réta- blie. Leurs résultats ont élé consignés dans un tableau qui donne, pour des températures absolues comprises entre 900° et 1.900°, la variation relalive de l'éclat en fonclion de la variation relative de la température absolue. À la plus basse de ces tem- pératures, l'éclat varie trente fois plus rapidement que la température ; à la limite supérieure, quatorze fois. Partant de l'ensemble des résultats de MM. Lum- mer et Kurlbaum, j'ai réussi à représenter la série des rapports des radiations par un arc d'hyperbole qui donne, par extrapolation, d'une part la tempé- rature minima de la première émission lumineuse, et d'autre part le rapport correspondant à une température infinie, rapport qui esl marqué par la deuxième asymptote de l’hyperbole, dont l'ordon- née est égale à 10. On en conclut qu'aux tempéra- tures extrèémement élevées, une élévation de la température de 1 °/,, de sa valeur augmenterait l'éclat visible de 1 °/.. Possédant l'équation de cette hyperbole, il est facile de donner, pour l'intervalle exploré par MM. Lummer et Kurlbaum, une expression analy- tique de l'éclat du corps noir en fonction de la température. Cette expression est E — A6 (0 — 650)7 d'où l'on déduit immédiatement, pour l'expression du rendement lumineux : R — BO-1(0 — 650). III. — LE RAYONNEMENT DES SOLIDES. Par un hasard fréquent en science, l'étude du rayonnement s'était attaquée d'abord aux cas les plus complexes et les plus inextricables, el n'avail absolues fait intervenir des nombres peu maniables. On rentrerait dans les grandeurs ordinaires en exprimant, comuwe je l'ai proposé au Congrès de Physique, les tempéra- tures en milliers de degrés. Le pouvoir émissit du corps noir serait alors égal à 5,32. pu conduire qu'à des ébauches de lois, et à des. formules empiriques qui rassemblaient quelques. cas particuliers. Généralisant trop lôt les consé=« quences d'observations encore peu nombreuses on avait émis l'opinion, longtemps en faveur, que la plupart des corps solides ne sont que des corp noirs en réduclion, autrement dit, des corps gris, et on avait pensé que, par un simple changemen d'échelle, on parviendrait à représenter les détails du rayonnement du corps noir. On attribuait ainsis en bloc, à telle surface, un pouvoir émissif donné par une fraction déterminée de l'unité, admettan comme cerlain que la puissance de son rayonne= ment, pour chaque longueur d'onde, élait, à celle du corps noir à la même tempéralure, dans le rap= port indiqué par ce coefficient. Comme les lois trouvées étaient complexes, on atiribuait aussi une forme compliquée à celles qui régissent le rayon nement du corps noir, et, lorsque, par hasard, on pensait à un corps transparent, on se contentai d'invoquer l'exception. Mais le progrès des recherches multiplia les exceptions; bien plus, il conduisit à admettre que tous les corps réels rentraient dans cetle catégories et qu'en réalité un examen minutieux des prom priétés de chaque corps, à chaque température et pour chaque longueur d'onde, pourrait seul nous renseigner complètement sur son émission. Considérons, par exemple, une lame peu épaisse de quartz; elle est absolument transparente dans le spectre visible, et sa transparence s'étend très: loin dans l'ultra-violet où l'infra-rouge : puis, en divers endroits de l'infra-rouge, elle réfiéchitn une fraclion très importante de la radiation inci= dente, et absorbe le reste, n'en laissant pas passer la moindre trace; la différence entre l'unité et son pouvoir réfléchissant est égale à son pouvoir émissif dans ces régions. Le quartz possède ainsi une émission limitée à quelques portions étroites de l’infra-rouge et pro-= bablement de l’ultra-violet, et, tant qu'il n'éprouve pas de transformation, n'émet aucune radiations appréciable en dehors de ces bandes isolées. Mais les corps peuvent se modifier considéra blement avec la tempéralure, et ces modification ont, pendant longtemps, caché la vraie significatiow de la loi de Kirchhoff concernant le rapport des pouvoirs émissif et absorbant. j Eh quoi, se disait-on, le quartz est un corps transparent à la lumière, et, cependant, amené à une température élevée, il brille d’un éclat très” vif; que devient alors celle belle et simple relation de Kirchhoff? La loi de Kirchhoff n'en est pas moins: exacte el générale; mais, dans notre cas particulier, si l'on avait tenté de faire tomber, sur du quartz incandescent, un rayon-de soleil, on aurait vu qu'il. CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 365 “que le quar!z transparent. Cette transformation se broduit à une température fort élevée, qui coïncide brûleur Bunsen, et ne devient lumineuse que dans e chalumeau oxhydrique *. Le verre possède des propriétés analogues, bien que moins accentuées. Si l'on chauffe au chalumeau un tube de verre contenant un fil de métal, on voit e dernier devenir sensiblement lumineux avant que le verre lui-même émette la moindre trace de lumière. - Voici, à ce propos, une expérience que j'ai réalisée récemment, el qui me parait intéressante: Ayant placé un morceau de verre à l'intérieur d'un tube de fer chauffé assez uniformément à une température un peu supérieure à 1.000°, je com- mencai par voir les parois du tube au travers du verre sans affaiblissement appréciable de leur éclat. Puis, au bout d'un moment, le verre se détacha en formant une lache sombre sur son entourage; enfin, la tache s'éclaircit peu à peu, et finit par se distinguer à peine des plages envi- ronnantes. . L'explication du phènomène est simple : Au début, le verre froid était transparent. Puis, arrivé à une certaine lempérature, il devint opaque, mais étant encore beaucoup moins chaud que les parois du tube, il se comporta comme l'aurait fait tout autre corps opaque à une température infé- rieure à celle de l'enceinte. . Ilexiste propablement des corps ne possédant aucune transparence appréciable en aucune région du spectre, et, pour ces corps, on devra s'attendre à ce que les lois du rayonnement se présentent sous une forme un peu moins complexe que pour ju fournissent un spectre parfaitement continu, et qui, tout en s'écartant sensiblement de celui du apparemment inallérée jusqu'aux températures les plus élevées auxquelles on puisse le soumettre. Ou bien aussi, voulant se rapprocher du corps noir avant que l'on eût pensé à le réaliser parfaitement, ler, d'oxyde de cuivre ou de noir de fumée. | d $ M. A. Cotton a attiré récemment mon attention sur la puissance démonstrative de cette expérience. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. Cependant, l’emploi de ces surfaces présente quelques difficultés. Les oxydes ou le noir de fumée sont des corps grenus, qui, aux grandes longueurs d'onde, laissent apercevoir la surface métallique sous-jacente ; ils doivent donc donner une émission moindre de rayons peu réfrangibles que le cerps noir à la même température. De plus, ces substances sont mauvaises conductrices, et leur surface externe est forcément plus froide que la bande de métal sur laquelle ils sont portés, et que Fom amène, généralement par un courant électrique, & la tem pérature de l’observation. Il est évidemment très difficile de mesurer &irectement la température de l’oxyde, et on en est réduit à adopter celle de la bande, tout en la considérant comme fournissant une limite supérieure du nombre cherché. Pendant longtemps, les résultats classiques obtenus par M. Langley sur l'émission des corps à diverses lempératures ne furent que peu dépassés, et il faut attendre une quinzaine d'années pour trouver, dans le vaste ensemble des recherches exéculées par M. Paschen, une abondante moisson de faits nouveaux et bien coordonnés. Ses mesures se sont étendues au platine poli, à l'oxyde de cuivre, au noir de fumée, et à diverses sortes de charbon, nus ou enfermés dans une enveloppe de verre, el ont été discutées en partant d'une formule ana- logue à celle de Wien, mais contenant des coelfi- cients indélerminés. M. Paschen pose, en effet, pour les corps sur lesquels ont porté ses recherches : ce rene e,, t,et « élant des constantes inconnues. Cette formule admet la loi du déplacement : 1h 9 —A comme-une de ses conséquences. L’expo- sant« sera celui de la température dans la fonction exprimant l’ordonnée maxima de la courbe de l'énergie (P,— B@:), et cet exposant, diminué de l'unité, donnera l’exposant de la température dans . la fonction exprimant la puissance totale de la radiation, donc : fra — (O2: Pour conduire à la loi de Stefan, x devra donc nécessairement être égal à 5. M. Paschen donne, pour le plaline, des mesures à un grand nombre de températures, comprises entre 594° et 1.711° absolus. Entre ces limites, la position du maximum recule de 34,716 à 14,493, et le produit, qui devrait être constant, passe de 2,207 à 2.555. Si donc le produit, par sa faible varialion, montre un écart des lois adoptées, au moins peut-on dire que cet écart est très peu marqué. Dans la suite, M. Paschen adopte la valeur moyenne 2.336 pour le platine. Pour les autres s* 366 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT corps examinés, le produit à, s'est montré très constant: ses valeurs numériques seront données plus loin. Considérant la fonction À, P, — ABO*-! comme très caractéristique des propriétés des corps, M. Paschen en établit la valeur aux diverses tem- pératures, conformément au tableau III. Si l'on compare le rayonnement du platine à TagLeAu II. — Valeurs de À,P», d'après M. Paschen'. ES moment, de noter que l’exposant « déduit du maximum diffère considérablement, pour le platine» | de la valeur théorique 5 trouvée pour le corps noir, et se rapproche de cette valeur pour les corps réels dont les propriétés optiques sont voisines de celles du corps noir. La valeur de x, déduite des l’ensemble des courbes d'énergie, ne présente pas les mêmes écarts. TEMPÉRATURE Eee PLATINE OXYDE DE FER vulgaire absolue | 15 288 0,0133 0,333 | 100 3173 » AE 200 473 » 931 | 300 573 0,603 8,31 | 400 673 1,47 17,67 | 500 173 3,19 34,0 70 973 11,4 101,0 | aoû 1.173 32,2 241,0 | 1.100 1.373 77,6 526,0 | 1.300 1 573 166.0 » , à CHARBON NOIR DE FUMÉE |OXYDE DE GUIVRE CHARBON NU | dans du verre l | 0.367 0,379 0,371 0,513 | 1,18 1,93 » » | 3,41 3.62 3,41 » 8,29 SA 8,06 10,2 17,2 18.1 16.6 20,5 32,7 34,4 » 31,3 90,9 97,5 » 102.0 » 228,0 » 928.0 » 467.0 » 450.0 celui des corps les plus noirs observés par M. Pa- schen, on voit qu'aux températures ordinaires, l'énergie du rayonnement est dans un rapport com- pris entre 4/30 et 4/40, tandis qu'aux températures élevées, ce rapport arrive à 1/6 ou 1/7. L'exposant de la puissance de © donnant le rayonnement du platine est donc plus élevé que pour des corps relativement noirs. On pourrait déjà en conclure que le maximum de l'émission du platine se produit pour des longueurs d’ondes plus courtes que celles auxquelles on observe le maximum des corps noirs, Tagceau IV. — Constantes À, a, Ces faits ressortent plus nettement encore des recherches exécutées ultérieurement par MM. Lum=. mer et Kurlbaum et Lummer et Pringsheim *. Ainsi, la valeur de l'expression : | mn 0, — 0,1? | constante pour le corps noir à la température @,, rayonnant vers un récepteur à la température ©, a élé trouvée, dans une série spéciale d'expériences, conforme au tableau V. B, c,, c,, d’après M. Paschen. | A—=hmO .'. ses « PE MU Ure Û 2 « d'après les courbes complètes. . . . . Déduits de Pm—B0% . . . . {pp : 5, 1 | Déduits de la formule générale. ; mass ; CONSTANTES PLATINE OXYDE DE FER|NOIR DE FUMÉE CHARBON NU OXYDE CHARBON de cuivre dans du verre .609,0 2.562.0 2,505,0 2.645,0 5,560 5,618 5,576 5,026 5,688 5,560 5,472 5,338 352,0 692,0 1.132,0 2.933, 0 .946,0 1:614:0 1.687.0 » 14,63 14,2% 13,83 130 à une même tempéralure. L'expérience directe vérifie cette conclusion, le maximum étant à 74 pour le platine à 15°C, tandis qu'à la même lempé- ralure, il se trouva au voisinage de 9x pour les divers corps à forte émission étudiés par M. Pas- chen. Les constantes définitives déduites de l'ensemble des recherches de M. Paschen sont rassemblées dans le tableau TV. Je reviendrai sur ces résultats ; il suffira, pour le On voit que l’oxyde de fer est loin de rayonner autant que le corps noir aux températures basses Aux températures élevées, son émission s’aps proche des deux tiers de celle du corps noir. Aux températures les plus élevées atteintes dans ces. expériences, le rayonnement total du platine es resté en dessous de 18°/, de celui du corps noir PR RE € Re 1 Wied. Ann., t. LX, p. 706, 1897. 2 Verh. der Phys. (es. zu Berlin, 6 mai 1898; id. der Deutschen Phys. Ges. 3 février et 3 novembre 1899. man CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 367 …._ ét aux lempératures basses, il est tombé à 4°/,. | “ En d’autres termes, pour les radiations dont il | … s'agit ici, le pouvoir réfléchissant du platine est “voisin de 96 °/,, et descend à 82 °/, pour les radia- “lions moyennes correspondant à la température … de 4.761° abs. ou 1.500° C. environ. —. Dans des mesures ultérieures, MM. Lummer et ©, abs. A CORPS NOIR (O, — 290°) OXYDE DE FER PLATINE POLI 3120,8 LH RyI » 8,92 | 492 99,8 » 6,00 | 654 99,2 30,28 7,45 | 195 100,5 33,49 11,14 1.108 99,8 12,91 15,27 1.481 101,2 59,74 17,97 1.761 Pringsheim étudièrent toute la répartition de “l'énergie dans le spectre du platine poli entre 802° et 1.845° abs. Le radiateur était constitué par une caissette rectangulaire de platine laminé, à - l'intérieur de laquelle se trouvait l'élément thermo- électrique Le Chatelier, et que l'on chauffait par un courant intense. Le tableau VI résume ces mesures. | Ce tableau contient les valeurs de la tempéra- ture absolue observée, de la longueur d'onde cor- respondant au maximum, et de la puissance Tagceau VI. — Valeurs des coustantes caractéris- … tiques de la radiation du platine poli, d’après MM. Lummer et Pringsheim. A e ; O0 — | Pr à |B=PmO0-6| 5 L 0) " V PIB moy. (3,20)! 0,941(2.566)/3.544 10-2| 80406 2,25 | 8,40/2.592/3.595 10-21] 4.158 9,02 | 15,179] 2.582 13.624 10-21] 1.987 1,90 | 24,4112.637/3.414 10-21] 1.387 1,80 | 36,36] 2.680 [3.336 10-21) 4.479 1,59 | 75,96 2.685|3.348 10—21| 1.672 1,40 131,0 |2.581|3.473 10—21| 1.844,17 maxima, puis de leur produit, qui est conslant comme pour le corps noir. Les autres colonnes montrent que la loi P,, — const. @'"est sensiblement - vérifiée; d'une part, en effet, la quantité B est à peu - près la même à toutes les températures, et, d'autre - part, si l’on adopte la valeur moyenne de B, on - peut recalculer @ par la sixième racine du quo- De P lient —". Dent Il semblerait donc à première vue que la formule : dût représenter convenablement la puissance de la radiation du platine en fonclion de la longueur d'onde et de la température. Mais, si l'on s'éloigne des conditions données par le voisinage du maximum, on voit que la formule fournit des valeurs plus basses que les quantités mesurées, ainsi que le montre la figure 4, où les courbes pleines passent par des points observés, landis que les cour- bes pointillées sont calculées par la formule. M. Paschen déjà trouvé, ainsi que nous l'avons fait obser- ver, que, si l'on délermine l’ex- posant de À en prenant l’ensemble d’une courbe fournie par le pla- line, cet est d'une unité environ plus petit que lors- | qu'on le déduit des maxima. De même MM. Lummer et Prings- heim trouvent qu'en rempla- cant Je facteur X-° par le fac- teur 4° dans la formule géné- rale,et en attribuant au platine à la fois un facteur ?,0 égal à celui qui a élé fourni pour le corps noir (2.940 au lieu de 2.630), et une température fictive déduile de la rela- 2.910 Xn avec un changement d'é- chelle, à appliquer parfai- tement une isotherme du platine sur une iso- therme du corps noir. En d’autres termes, la radiation d'une surface déter- minée de platine à la tempéra - ture @ est identique à celle d’un 1304 nil avait 101 exposant 90 tion 0 — » On arrive, De Fig. 1. — Courbes de radiation du platine poli. corps noir, dont la tem- 2.940 d é pérature est 5535 9 = 1,120, mais dont la super- ficie est sensiblement moindre, le facteur de réduc- tion de la surface variant avec la température. Les résullats qui précèdent ont été établis en partant d'une formule qui, comme nous l'avons vu, est loin d’être exacte pour les très grandes longueurs d'onde, mais qui est suffisante pour la région peu étendue qui nous intéresse actuelle- 368 G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES ment. Si l’on considère le corps noir et le platine comme formant deux extrêmes dans la classe des radiateurs employés dans l'éclairage, on pourra caleuler deux limites des températures qui se dé- duisent, pour d’autres radiateurs, de la position du maximum. Ces températures extrêmes seront entre elles TasLeaU VIL — Températures déduites de }, 0— const. d'après MM. Lummer et Pringsheim. DÉSIGNATION ® max. [© minim. abs. abs. .2000| 3.7500 .450 -200 .450 .200 .100 .87ÿ .960 .750 .900 .100 Arc électrique (charbon positif). Lampe Nernst — Auer — à incandescence. . . . Bougie Brüleur Argand æ æ LUN me 19 19 02 dans le rapnort 1,12, et les radiateurs auront une température voisine de la plus haute valeur si leurs propriétés se rapprochent de celles du corps noir, ou de la plus basse si leur surface ressemble à celle du platine poli. Il est probable que les corps indiqués au tableau VII possèdent des propriétés intermédiaires entre ces deux extrêmes. Si, dans la formule établie précédemment pour le rendement du corps noir, nous remplacons @ par LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES D'APRÈS M. C. DE FREYCINET La Philosophie des Sciences. Pourquoi ce titre n'est-il pas un pléonasme? La Philosophie n'est done pas la Science elle-même? Il existe donc une Philosophie en dehors de la Science? Toules les données de nos connaissances sont expérimentales ; d'abord grossières et telles qu'elles sont fournies à la communauté des hommes par l'exercice ordinaire et presque machinal des sens, elles se trouvent chaque jour affinées et précisées par l'effort progressif du genre humain. C'est cet effort progressif qui esl la Science. La Philosophie, qui a la noble prétention de coordonner tous les éléments du savoir humain, d'y discerner, sous le nom de principes, les faits les plus fréquents, devrait, semble-t-il, s'inspirer sans cesse du résultat de la recherche scientifique, pour dégager du produit brut du laboratoire quelque 1 C. ne Freyaner : Essai sur la Philosophie des Sciences, 4 vol. in-8. Gauthier-Villars. 1, 12 0, ce qu'on pourra faire, au moins à titre d'indication, à une distance suffisante de 6509 abs on trouve que le rendement lumineux de la radia-= tion du platine à la température de 1850° abs, par exemple, est = 2,273 fois plus grand que celui du corps noir. À 2050°, c'est-à-dire tout près du point de fusion du platine, le facteur de réduction eskn 2,888. Une lampe à incandescence à filament mé- tallique aurait donc un rendement beaucoup meilleur que celui des lampes à filament de char= bon si seulement on pouvait les porler à des tem= -péraltures aussi élevées. Les fabricants de lampes à incandescence sont arrivés, par une étude souvent répétée de la valeur relative de divers filaments, à une conclusion ana logue, puisque après avoir employé des fils très noirs ils en sont arrivés, pour augmenter les ren=\ dements, à rendre la surface du filament très réfléchissante, rapprochant ainsi les propriétés du charbon de celles des mélaux dans la mesure du possible. Dans un deuxième article, nous étudierons quel- ques applications des principes qui précèdent. Ch.-Ed. Guillaume, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. anneau de la chaine universelle dont nous possédons seulement des tronçons. La philosophie qui échappe à cette règle, qui se place en dehors des faits positifs et prétend dominer" a priori des mondes qu'elle ignore, ne devient plus qu'un système ou qu'un amas de débris de systèmes: Car le sort des systèmes est de se combattre et de se détruire les uns les autres, pour disparaître et renaître sous d'autres formes, attendu qu'un des signes de l'impuissance de l'esprit humain aban- donné à lui-même, c’est l'impossibilité où il est de varier la multiplicité des combinaisons qu'il forme, à l'inverse de la Nature qui, par ladiversilé de ses pro= ductions, semble réaliser l'infini dans le contingent: On souliendra, certes, que l’on ne peut faire de science sans esprit de système; que le fait même d'admettre la possibilité de l’œuvre scientifique est déjà un système philosophique. Et cela est vrai: Aussi vrai que l'on ne peut s'exprimer qu’en vers ou bien en prose. Un esprit critique et altentifn G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 369 - peut, en effet, voir des systèmes partout. Mais à quoi «bon pousser jusqu'à l'exagération l'importance de “cette remarque? Le système n’est que l'ordre que Le mettons dans nos connaissances; au-dessus # de lui, il y a les connaissances elles-mêmes; sans “cela la Philosophie ressemblerait à ces mauvais ta- leaux où le cadre l'emporte sur la toile elle-même. “La Scholaslique n'a donc pas encore assez dit la “stérilité et l'impuissance de la logique pure? La “science moderne n'a plus que faire de ces dis- sertations ingénieuses, brillantes, où la logique miroite sur le vide, comme s'irrisent les bulles de … savon. … Depuis trois siècles que lui a été révélée la mé- thode expérimentale, la Science y a trouvé de telles forces et de tels moyens de s’accroitre, qu’il semble qu'elle n’ait commencé à vivre que depuis cette époque. C'est pourquoi elle s’est détachée de ces problèmes transcendants, inaccessibles à l'expé- rience, qui sont du domaine de l’inconnaissable. On peut presque dire qu'elle l’a fait à regret, car, ‘en battant en retraite, partout où elle à pu, elle a jeté garnison. C'est ainsi qu'en abandonnant la Psychologie transcendante, elle a créé la Psycholo- gie expérimentale; qu'en abandonnant aux casuistes ‘la vieille théorie de la morale, elle a créé la Socio- ogie et s'efforce de fonder sur des bases certaines les principes de la responsabilité et de la liberté. Mais s’il y a aujourd’hui une Psychologie et même une Morale fondées sur l'expérience et la statistique, il n'y aura jamais de Métaphysique expérimentale. Ou plutôt, s’il y en avait une, ce ne pourrait être que la philosophie des sciences et ce serait vraiment la Philosophie. Mais on sent bien qu'une telle philosophie n'aurait rien de dogmatique. Elle serait comme le grand registre où seraient inscrits les faits fondamentaux, indéniables, essentiels, les notions primordiales, “avec les qualités et les attributs que le sens commun et la critique scientifique . (qui n’est qu'un sens “commun affiné) leur reconnaissent. Ce registre ne porterait sans doute aucune mention de bien des questions qui ont passionné les siècles passés. On -n'y écrirait qu'avec réserve, avec le souci de ne point dire plus que l’on n’a vu, de ne parler qu'avec discrétion des habitants de Mars et de Vénus. Ce “n'est point notre faute si nos ancêtres ont eu la folie des grands rêves philosophiques; mais notre tort serait de les imiter. Une des grandes sources de leurs erreurs fut le raisonnement par analogie. “Ils disaient : ma canne a deux bouts, l’ordre du “ temps doit aussi avoir deux bouts; de là les _ questions inaccessibles et absurdes en soi de … l'origine et de la fin du monde. …_ C'est un bienfait de la Science de nous avoir appris à nous méfier de nous-mêmes et des élour- deries de notre raison. On sait que, dans la vieille cosmogonie, les philosophes plaçaient la Terre au centre de l'Univers et autour d'elle faisaient tourner le Monde. Comme eux, la philosophie subjeclive fait de la raison humaine le centre de l'ontologie. Galilée a appris aux astronomes à sorlir des hori- zons terrestres pour se transporter au centre du Soleil. Ainsi fait la science, qui nous enseigne à sortir de nous-mêmes, à échapper autant que pos- sible au joug de notre propre nature, pour nous placer en acteurs autant qu’en spectateurs au milieu de cet Univers dont nous ne sommes pas le centre, mais seulement un point. Notre raison n'est plus qu'une lunette braquée sur le monde. La logique en est le réticule. Il semble que jusqu'ici je n’aie rien dit du livre de M. de Freycinet qui est l’objet même du présent article‘; en réalité je ne pensais qu’à cet ouvrage en traçant ces lignes. C'est un livre de philo- sophie sage et d’allures réservées que l’auteur a voulu écrire. Il dit modestement que ce n'est qu'un essai : nous n'y contredirons pas. Une telle œuvre, en effet, est nécessairement incomplète, puisqu'elle est destinée à s’accroitre chaque jonr des remar- ques nouvelles suggérées par une connaissance plus approfondie de la Nature. Il y a aussi un motif qui donne au livre un caractère particulier. M. de Freycinet porte en lui, comme l'on sait, l'âme d’un mathématicien. Son optique s'en ressent : c’est le côté mathématique et mécanique de la Philosophie naturelle qu'il s'est plu à contempler et à nous décrire. Le côté biologique, par exemple, est laissé par lui de côté. Ceux qui liront les remarques si judicieuses dont la succession constitue le livre de M. C. de Freycinet ne pourront que regretter qu'il n'ait pas cherché à nous faire connaitre le résultat de ses observations sur ce côté de nos: connaissances. L'ouvrage comprend deux parties qui traitent : l’une de l'Analyse, l’autre de la Mécanique. L'espace, le temps, l'infini, la continuité, la divisibilité à l'infini, les infiniment pelits, les limites, la méthode infinitésimale, le calcul infini- tésimal et les rapports de ce calcul avec la matière, tels sont les titres des chapitres de la première partie. À propos des notions de {emps et d'espace, tons ce passage où l’auteur veut marquer le rôie qu’elles jouent dans les sciences exactes el même en Algèbre et en Arithmétique : « On peut se de- mander ce que seraient devenues ces deux belles no- Proc. cit. 370 sciences si les notions d'espace et de temps leur ayaient manqué, et si nous eussions été réduits aux données de la seule logique. » Une telle déclara- tion, comme l'on sait, n'est pas de nos jours une banalilé. L'auteur déclare qu'il n’essaiera pas de définir l'espace et le temps. Il rappelle le conseil de Pascal qui, parlant du temps, a dit : « Qui pourra le dé- finir ? Et pourquoi l’entreprendre, puisque tous les hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant du temps, sans qu'on le désigne davantage. » Encore moins s'occupera-t-il de la question de savoir si les notions d'espace et de temps sont objectives ou subjectlives, comme disent les philo- sophes : « car, dit-il, le débat n'est pas près de se clore et je doute qu'il se termine jamais. Car, en ces matières, chacun se règle d'après son incli- nation personnelle et sur un ensemble d'impres- sions, souvent difficile à analyser, beaucoup plutôt que sur une démonstration formelle, ne laissant prise à aucune objection. » « D'ailleurs poursuit-il très justement, cette question, fort intéressante pour la pure mélaphy- sique, est étrangère au sujet dont je m'occupe. La formation et le développement des sciences ne se ressentent pas de la solution donnée à ce détail préliminaire... … «© Nul géomètre, en posant l'équation d'un mouvement, ne se demandera si les espaces par- courus et les durées écoulées ont une valeur objec- tive ou subjective. Nul physicien ne sera pris d’un scrupule analogue, en formulant la loi du refroi- dissement dans le vide ou celle de la transmission de la lumière. A l’un et à l'autre il suffit que les calculs soient toujours vérifiés par l'expérience et que l'introduction de pareils éléments n’amène jamais d’obseurité dans le langage, ni de confusion dans les idées... » La Science n’a à pourvoir qu'à des besoins con- tingents du même ordre que les faits expérimen- taux qui lui ont fourni ses lois et ses principes. Et, à vrai dire, puisque l’homme ne tire sa connais- sance que de ces faits expérimentaux, on ne voit pas qu'il puisse, par ses seules connaissances, et qu'il puisse, par conséquent jamais, trouver une solution rigoureuse et démontrée des problèmes lranscendants qui constituent le domaine de la pure mélaphysique. Celte manière de penser eût dû, me semble-t-il, conduire M. de Freycinet à une autre théorie de l'infini que celle qu'il propose. L'idée de répétition est une notion commune; l'idée d’une répétition très prolongée et même perpétuelle, c’est-à-dire qu'il ne sera Jamais temps de finir, en résulte assez clairement; c'est là la notion exacte de l'indéfini. G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES M. de Freycinet indique lui-même que c'est sous cette seule forme logique que l’idée d'infini appa= sait aux mathématiciens, et qu'elle s’introduit (avec les Mathématiques toujours) dans les sciences. Or, l'origine de cette notion, c'est ce fait intime de la conceplion d’une répétilion qui ne finit Jamais : Ce fait purement subjectif est la seule base positive de l'idée d’infini. On ne peut pas citer de phénomène physique où ce fait se trouverait réalisé objecti= vement. L'indéfini n'est qu'une manière de nous repré= senter les choses. Notre esprit peut bien concevoir, ‘par exemple, une division perpétuelle ou indéfinie de la matière; on ne peut trouver d'expérience qui réalise ce caprice de notre esprit. Nous pouvons bien concevoir le prolongement indéfini d'une droite dans l’espace ; rien ne nous autorise à dire que l'Univers physique réalise cetle conception. Et quand je dis cela, je le dis au nom même des principes de Philosophie positive que j'énoncais au début, ces principes qui veulent que l’on se limite aux faits constatés et bien acquis, sans se hasarder aux conjectures. Nous avons reconnu que la notion d'indéfini résulte d'une opération intime de la raison, et qu'elle est par essence subjective: En transportant celte notion hors de nous, en lui cherchant et lui imposant une objectivité, nous émettrions une hypothèse arbitraire : on peut ajou- ter une hypothèse inutile, car elle est inaccessible à M l'analyse scientifique, et tombe dans ces conceptions transcendantes dont nous parlions plus haut et au sujet desquelles on peut émettre lous les systèmes imaginables, sans attendre jamais d'aucun fait ni confirmation ni infirmation. Voilà pourquoi il me parait inutile de vouloir subordonner cette notion de l’indéfini à une notion mystérieuse que nous aurions d’un infini dont, d'après ce qui vient d'être dit, nous ne pouvons trouver de définition dans la Nature, et pas davan- tage au dedans de nous. Mais, que nous ayons ou non l'idée innée de l'infini, préalablement à l'opération de raison qui nous amène à concevoir l'indéfini, cela, encore une fois, est sans importance pour le côté positif du déve- loppement des sciences. Je voudrais pouvoir m'arrêter sur les pages où M. de Freycinet nous dépeint le rôle régénérateur de l'indéfini dans la science mathématique. Il ne faut pas s'étonner de l'importance de ce rôle. Le monde mathématique est essentiellement subjectif; la notion purement subjective de l'infini (ou indéfini) devait nécessai- rement avoir une prise particulièrement puissante sur des êlres purement logiques. Le progrès inoui des sciences mathématiques dans les trois derniers siècles l'a assez prouvé. Mais là où les difficultés devaient naïtre, c'est aw G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES 311 L contact essayé, mais en fait impossible, entre cette subjectivité et les problèmes d'ordre objectif “soulevés par l'étude de la Nature. — C'est contre cetle antinomie que lutte encore la “science moderne, et que la science luttera tou- jours. — Et cela ne s'entend pas alors seulement de la “notion d'infini, mais de l’ensemble de la science mathématique, subjective par essence, dans son application à la représentation des lois de l'Univers ‘physique et objectif. L'expérience nous dévoile chaque jour des objec- tivités nouvelles; de son côté, la raison élabore Sans cesse dans le cerveau du mathématicien les C'est une tâche ardue, et dont le succès hasardeux et qui n'est pas rare cependant, peut tenir du êtres entre eux représentent logiquement les apports dûment constatés par l'expérience entre les objectivilés physiques. Il faut bien observer qu'il y à concomitance des deux ordres de faits; il n'y à ui superposition ni contact. Les uns sont l'œuvre de notre esprit, les autres sont l'œuvre de la Nature, _ Cette question capitale, etquiest le nœud gordien de toutes les doctrines scientifiques, se trouve traitée en excellents termes par M. de Freycinet dans le chapitre où il s'occupe de Panalyse infinilésimale et de la matière. Détachons-en celte phrase caractéris- tique : « Nous avons intérêt à connaitre, non les propriétés des corps théoriques, mais les propriélés des corps tels qu'ils se présentent dans la Nature. Ils importent seuls à nos besoins et, dans beaucoup de cas mêmes, à nos spéculation scientifiques ». L'abus des spéculations mathématiques dans l'étude des phénomènes physiques a précisément conceptions purement logiques, mal nécessaire certainement, mais dont l’exagération doit être évitée sous peine de voir la Physique elle-même verser dans la Géométrie non euclidienne, ou celle à » dimensions. Il … Dans la seconde partie, l'auteur s'occupe de la . La notion de force est d'ordre physique; elle à Sa source dans une série d'expériences que réalise là vie journalière. La matière prise en elle-même, Soustraite aux actions extérieures, telles que les “contacts avec des corps voisins, est essentiellement obile; «le moindre effort produit un mouvement. pour résultat de substituer aux êtres physiques des | Par lui-même le corps ne résiste pas, il est inca- pable de résister. « La mobilité, la mobilité parfaite, absolue, telle est la propriété fondamentale des corps, et celle qui intéresse essentiellement le géomètre. » Après avoir développé cette remarque judicieuse et si vraie, l’auteur se propose de rechercher quel rapport existe entre l'effort et le mouvement produit. De là d’abord la nécessité de comparer entre eux les efforts, ou la mesure des forces ; puis la constatation d'un certain coefficient propre à chaque corps, qui est sa masse, en sorte que la masse est proportionnelle à l'efort nécessaire pour imprimer au corps un mouvement donné. L'auteur rapproche ainsi avec raison ces deux notions de force et de masse, et critique avec beaucoup de justesse la définition de Poisson, d'après laquelle la masse serait la quantité de matière dont est com- posé le corps. « Mais, dit-il, que doit-on entendre par quantité de matière? Nous nous faisons une juste idée des quantités relalives de matière contenues dans des corps de même nature... Mais comment effectuer la comparaison, si les corps sont de nature différente ? » Il n'admet pas davantage la définition de Laplace: La masse d’un corps est la somme de ses points matériels... La densité d’un corps dépend du nombre des points matériels renfermés sous un volume donné. « Mais ce procédé, dit M. de Frey- cinet, ne fait pas disparaitre l'objection. On est toujours en droit de se demander : Qu'est-ce que la masse d'un point matériel ? Et pourquoi y a-t-il plus de points matériels dans un litre de mercure que dans un litre d'eau ? » : En terminant son chapitre sur la force et la masse, l’auteur critique les tendances que l'on à eues de donner à la Mécanique « un aspect syslé- matique et un caractère logique, comparables à ceux de la Géométrie, où les données physiques sont en effet peu nombreuses, et passent même parfois inapercues ». Il rappelle, par exemple, la constitution hypothétique attribuée aux corps solides, et les erreurs auxquelles elle a conduit en ce qui concerne la théorie du choc. « La méthode déductive, souveraine dans les Mathématiques pures, n’est féconde en Mécanique qu'à la condition de s'appliquer à des éléments réels, fournis par le monde extérieur. Sinon, elle conduit à des résultats qui concernent non le monde tel qu'il est, mais tel qu'il nous plaît de l'imaginer. » Nous lisons plus loin : «Il n’est pas moins illo- gique de repousser la notion directe de force, sous prétexte qu'elle est puisée dans le sentiment de notre effort personnel, c'est-à-dire dans l'obser- vation de la Nature. Pourquoi ne pas repousser aussi les couleurs du spectre solaire, parce que (ue = 19 c'est notre œil qui les voit ? En définissant la force : « le produit de la masse par la vitesse », comme le voudraient certains auteurs, en donnerait-on une idée bien nette à l’homme qui n'aurait jamais essayé sa force musculaire ? Autant les Mathéma- tiques pures aspirent à s'élever dans la région de l'abstrait, autant les Sciences physiques, dont la Mécanique est la première, doivent plonger leurs racines dans le concret, sous peine de manquer de base, et de s'épuiser bientôt en spéculations chimé- riques ». C'est là, il faut bien en convenir, le langage de la saine raison : c'est celui qui convient à notre bon sens français ; car ces subtilités, « ces spéculations chimériques » sont des superfétations exotiques, päles fleurs d'un pays de rêves ; elles ne s’acclima- teront jamais à notre clair soleil. Les mécaniciens ont, comme on sait, ramené la Mécanique à trois principes fondamentaux: la loi de l’action et de la réaction, due à Newton ; la loi de l’inertie, que l’on rapporte généralement à Galilée, et que l’auteur, par une citation très précise, montre pouvoir être attribuée à Képler. Enfin la loi de l'indépendance des mouvements, due sans conteste à Galilée’. À vrai dire, cette dernière loi s'appelle plutôtla loi de l'indépendance des effets des forces, et nous aurions aimé voir M. de Freycinet mettre mieux en évidence ce sens véritable du troisième principe. VA A ces trois lois fondamentales, l’auteur propose, non sans raison, d'adjoindre le principe de l’équi- valence mécanique de la chaleur. Les chapitres suivants sont consacrés aux notions de la quantité de mouvement, de la force vive, du travail et de l'énergie. Cetle dernière notion est, comme on sait, le pivot de la doctrine cosmogonique moderne. La conser- vation de l'énergie’ est présentée comme la loi suprème de la Nature. De là l'intérêt qui s'attache à la question des causes possibles de déperdition de l'énergie. L'auteur énumère plusieurs de ces causes. Il faut « que les agents de la Nature ne subissent pas l'influence du temps, et qu'ils ne soient pas susceptibles de faiblir entre deux époques consécutives. Qu'importe, en effet, qu'aux deux époques les distances dont les actions dépendentse retrouvassent identiquement les mêmes, si dans l'intervalle la valeur intrinsèques des forces avait baissé? si, par exemple, l'attraction entre deux corps n'avait pas, à la même distance, conservé la même intensité? » Il est clair qu’en pareil cas l'expression numérique de l'énergie aurait changé. La question ainsi posée est redoutable, mais elle 1 Voir, sur ces questions, le récent article de M. Pau Tanneny : Galilée et les Principes de la Dynamique, dans la Revue du 15 avril 1901, t. XI, p. 330 et suiv. G. KŒNIGS — LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES mettent d’asservir passagèrement la Nature à notre pourrait être accompagnée de bien d'autres : Pour=. quoi le temps n'’aurait-il pas aussi de l'action sue les masses : pourquoi, comme dans les fusées, la massenesedissiperait-elle pas, en prenantune formes nouvelle à nous inconnue ? Certainement à prior toutes ces réserves sont admissibles, car nos notions sont d'origine expérimentale, et leur portée es forcément limitée dans l'espace aussi bien que dans le temps. Craignons de faire renaitre sous d’autres formes le problème de l'origine et de la fin d monde. Vivons dans notre espace et dans notre le temps, heureux si nos connaissances nous per raison. Il est possible qu’au delà de limites de temps que nous ne pouvons pas prévoir, une autre huma= nité vive dans un Univers dont les lois soient trè différentes des nôtres. Cette époque ne peut pas plus intéresser la nôtre, que la nôtre ne l'inté- ressera. Elle fait partie, elle aussi, du monde inac- cessible aux efforts de la Science; on ne peut à so sujet qu'émettre des conjectures qui sont sans influence sur la science de notre époque, et notre compréhension de l'Univers actuel. On peut toutefois, comme on le fait pour la marche mystérieuse du Soleil vers la constellation d'Her= cule, se demander dans quel sens notre monde physique se trouve emporté, et comment, par la dissipation de l'énergie, pourraits’effectuer quelque transformalion profonde équivalant presque à une dissolution. l’auteur s'arrête à deux causes : d'abord la résistance opposée par les milieux cosmiques au mouvement des astres; en second lieu le rayonne ment incessant du Soleil et des étoiles dans les espaces célestes, et le refroidissement qui en résul terait pour notre globe. La dernière cause est, em effet, de nature à conduire aux conclusions les plus pessimistes. Tout nous indique que la Terre est uné: planète comme tant d’autres, et qu'elle est sou= mise aux mêmes lois. Sans aller chercher bien loin, la Lune, qui gravite autour de nous, est un astre mort, qui semble tout à fait impropre à une vie animale telle que celle de l'humanité. Mais combiem d'années faudra-t-il à notre planète pour tomber à ce degré de déchéance? Quelque cause, de nous encore ignorée, est-elle capable d’enrayer ce mou vement? Qui nous dit même que le sens de ce mouvement est bien celui que nous lui prêtons? Qui nous dit, par exemple, que la Lune, qui nous semble morte, et dont le sort semble nous menacer dans l'avenir, ne sera pas quelque jour régénérée; et que, sur ses volcans éteints, comme sur n0$ roches ignées, ne viendront pas s'étendre plus tard des couches d'humus, propices à la végétation et à la vie animale”? Questions bien intéressantes, cerles, mais bien, or nn tm + gr + À ie peu accessibles, el où l’on est réduit aux conjec- tures. III Le livre de M. de Freycinet est inspiré de ce simple bon sens qui s'allie si bien à la Science; il est écrit en un style sans prétention, clair et lim- pide. On peut deviner ceux qui lui en feront un &rief : ceux qui voient de la profondeur sous toute nébulosité; ceux qui tiennent l'argutie pour de la finesse. Il sera, au contraire, lu avec plaisir par tous ceux qui aiment les idées simplement présentées | solidement assises sur des faits, et non sur des _ rêves. - Les philosophes de profession ne sont pas sans se rendre compte de la nécessité de s'alimenter au foyer de l'expérience. Plus d'un comprend qu'au- dessus du verbe il y a la chose; et nous savons N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 5) 1 ce fondément et longuement que l’on finit par s'im- prégner de ses méthodes et surtout de son esprit : cet esprit si peu systématique en fait, qu'il crait et qu'il doute tour à tour, trouvant peut-être dans son doute plus de force et plus de raison de vivre, que danssacroyancemême, car, suivantla belle parole de M. Duclaux : « C'est parce que la Science n'est jamais sûre de rien qu'elle avance toujours ». Belle leçon de doute, mais d'un doute qui n’est pas le scepticisme stérile et décevant. Il serait, pour ces motifs, bien désirable, ainsi que l’exprime M. de Freycinet, que les savants vou- lussent bien quelquefois résumer en quelques pages l'essence de ces leçons philosophiques que leur donnent chaque jour Le calcul et surtout le labo- ratoire. C'est peut-être à eux la faute si le mouve- ment philosophique n'est pas en harmonie plus intime avec le mouvement scientifique. M. de Frey- cinet, par son livre, leur a donné un bel exemple: espérons qu'il sera suivi. G. Kœnigs, Professeur de Mécanique expérimentale à la Sorbonne. LA VIE BIOLOGIQUE Si les études physiologiques entreprises sur les animaux à la suite de l'ablation des hémisphères cérébraux et du cervelet ont été nombreuses, il n'en est pas de même lorsqu'il s'agit de l’homme. Lorsque l'on s'adresse à un animal, les premières difficultés commencent dès qu'il faut discerner ce qui doit être rapporté au choc opératoire de ce qui est fonction de la lésion provoquée. Les animaux auxquels on s'adresse sont généralement adultes, Ou, en tous cas, possèdent déjà certains réflexes, Survenus par l'habitude et abandonnés aux centres inférieurs, dans l’acquisilion et dans le dévelop- ement desquels le cerveau a joué un certain rôle. Le hasard vient de réaliser sur l'homme même une semblable expérience de Physiologie, dans laquelle se trouvent comblés la plupart des desi- derata précédents. Ici, en effet, pas de choc opéra- loire dont l’action puisse gêner l'expérience. En Second lieu, aucun phénomène d'habitude ne peut êlre invoqué pour expliquer certains acles, puis- que l'enfant a été examiné au moment même de sa naissance et le jour suivant. La durée de la vie a été assez longue pour permettre d'entreprendre un cerlain nombre d'expériences de Pycho-physio- logie et les suivre pendant un temps suffisant. ! Travail du Laboratoire de Psychologie expérimentale de l'École des Hautes-Études (Asile de Villejuif.) (D'UN lANENCÉPHALE ‘35 Il s’agit du cas d'un anencéphale, chez lequel les hémisphères cérébraux et le cervelet sont absents, venu au monde dans le courant de février 1901. Nous avons relu à ce sujet les différentes obser- vations publiées jusqu'à ce jour, el nous avons été frappés par ce fait que les études ont surtout porté sur la genèse de la monstruosité, sur l'interpréta- lion tératologique, sur la structure, soit macrosco- pique, soit microscopique, des divers éléments ana- tomiques, principalement des éléments nerveux ; sur la persistance ou non de l'aspect embryologique de ces derniers alors qu'ils sont soustraits à l'in- fluence des centres supérieurs. Mais de recherches psycho-physiologiques proprement dites, entre- prises méthodiquement, nous n'en avons à peu près pas trouvées. Les seules descriptions qui en sont faites sont disséminées sous forme d'incidents. Néanmoins, nous relevons certains détails curieux et intéres- sants par les rapprochements que nous pouvons faire avec notre cas. Nous en parlerons lorsque nous aurons à comparer différentes particularités remarquables, soit par leur similitude avec notre observalion, soit par leur différence. Prenons maintenant connaissance de l'état de notre sujet et des conditions dans lesquelles il se présente à notre observation. Nous procéderons ainsi comme on a coutume de le faire dans les la- 371 N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE à “à boratoires de Physiologie : la Nature dans notre cas aura été l’opérateur. L'accouchement eut lieu dix mois ‘après la con- ception, ainsi qu'il semble ressortir de la cessation des règles, et des divers renseignements fournis par la mère. L'enfant arriva en état asphyxique et de mort apparente. Des bains chauds, ainsi que des friclions énergiques sur le corps, le ranimèrent. Notre sujet est du sexe masculin; il pèse au mo- ment de la naissance 2 kil. 620, alors'que le poids normal varie entre 3.000 et 3.500 grammes. Ce qui frappe tout d'abord chez lui, c'est l’absence de calotle cranienne (fig. 4 et 2). A la place on voit une Fig. 1. — L'anencéphale vu de face. tumeur rouge, bosselée, mollasse, bourgeonnante, recouverte de croûtes, présentant à sa base un sillon profond qui lui forme un vrai pédicule. On remar- que que cette tumeur n’est animée d'aucun mou- vement d'expansion à la vue, à la main, où à un instrument enregistreur. Le corps et le visage sont violacés, les mouvements respiratoires sont irré- guliers. Get enfant vécut.39 heures. Examiné de près, nous voyons d'une facon géné- rale que le côté droit du corps semble plus gros que le côté gauche. Les membres (pieds et mains prin- cipalement) semblent plus développés que chez un enfant ordinaire au moment de la naissance. Pas d’autres difformités appréciables sur le tronc et les membres. La verge, les testicules sont nor- malement conformés. C'est surtout du côté de la tête que les lésions et les difformités existent. Les photographies des figures 1 et2 précisent d'ailleurs son aspect général. Du côté du visage, on voit que le front n'existe que par sapartie toutà fait inférieure. Le nez ne présente pas de dépression au niveau de sa . yeux sont particulièrement saillants. Lorsque l’on racine et se continue en ligne droite avec le vestige persistant de l'os frontal, rappelant ainsi le profil d'un nez grec. Les oreilles sont mal formées; il ny a pas de lobule, de sorte que le diamètre antéro postérieur est aussi grand que le diamètre supéro inférieur. On note l'existence d’une saillie angu* leuse prononcée et pointue à la partie postéro® supérieure du bourrelet de l'oreille. On a de la sorte la disposition d’une oreille fœtale, dont les dimens sions se seraient simplement accrues sans que l'organe perde rien de son aspect primitif. Les ouvre les paupières, on voitlesconjonctives rouges; la cornée terne et vitreuse. Un exorbitisme très accusé, s’accompagnant dem lésions analogues de la cornée qui était terne, Fig. 2. — L'ancncéphale vu de profil. desséchée, inégale, de couleur brunàtre, a été éga- lement signalé chez un chien anencéphale: par MM. Sabrazès et Ulry!. Les pupilles sont toutes deux très dilatées, quoique inégalement. L'inéga- lité a lieu au profit de la droite, dont le diamètre semble double de celui de la gauche. Le strabisme externe est très accusé. Les pupilles sont fortement dirigées en bas et en dehors, au point d’être cachées toutes deux derrière les commissures palpébrales externes. Les paupières sont d’ailleurs conlinuel- lement à peu près closes. L'exorbitisme, le strabisme externe, la dilatation de la pupille constatés dans notre cas, comme dans celui de MM. Sabrazès et Ulry, ne sont-ils pas dus à l'absence du moteur oculaire commun, dont au- ! De l'anencéphalie. À propos d'un cas de tumeur angio- mateuse endo et épicranienne avec malformations multiples M du crâne, de l'encéphale, de la moelle cervicale et des yeux, chez un chien nouveau-né ayant vécu 30 heures, par J. SA- grazès et E. ULry. J. de Physiol. et de Pathol. gén., t. LM no 4, 7139-53. { ñ D'une facon générale, l’ensemble de la tête de cet énfant donne assez bien l'aspect d'une tête de II Moyons maintenant les résultats de l’autopsie. Comme nous l'avons dit, on relève d'abord une bsence complète de calotte cranienne. À la place, on voit une masse bourgeonnante, mamelonnée, iollasse, de couleur groseille, parsemée de croûtes urulentes à sa surface (fig. 4 et 2). Un sillon profond, surtout en arrière, limite sa artie inférieure en l'étranglant, Fig. 3. Lorsque l’on excise cette tumeur bosselée, un quide clair citrin s'écoule par la plaie. Il est con- énu dans de pelites cavités, séparées les unes des utres par des cloisons ne les laissant pas commu- quer entre elles. Le revêtement interne de ces rentes poches est légèrement grisätre. Le poids cette poche kyslique isolée et débarrassée du iquide qu'elle contient est de 11 gr. 5. Rien chez elle ne ressemble à du tissu nerveux; sa con- sistance, au contraire, est dure, lardacée. Si l'on détache complètement la tumeur par son pédicule, _ peut l’extraire dans sa totalité sans rien ren- ntrer qui rappelle l'aspect de la substance ner- veuse. - L'atlas est surmonté par un os haut de 1/2 à 1 centimètre, qui est le commencement de l'occi- VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 375 pital. Le frontal n'existe pas. Pas de voûte orbi- taire, pas de plancher sus-orbitaire. L'œil s'extrait sans grande difficulté par la partie supérieure laissée libre par l’excision de la tu- meur. Le système nerveux, extrait complètement del’axe cérébro-spinal, se compose simplement de la moelle avec ses ganglions rachidiens, du bulbe, de la pro- tubérance moins es pédoncules cérébelleux moyens et de rudiments des tubercules quadrijumeaux. Au delà se voit un tissu scléreux adhérent aux méninges de façon à ne former avec elles qu'une seule membrane absolument indivise. A la partie moyenne de la base du crâne, on délimite assez bien la seile turcique. Fig. 4. j8. 3, — ace dorsale. — 1, 2, 3, 4, éminences blanchâtres; 5, plancher ventriculaire; 6, bord fibreux en avant du plan- cher, donnant communication avec l'aqueduc de Sylvius ; 7, sillon en avant des éminences 4. — J'ace ventrale. — 1, tronc basilaire; 2, cérébrale postérieure; , à : aire; 5, artère née de la vertébrale gauche: 6, la sixième paire; 7, 8, la septième et la huitième paires; 9, 10, 11, les neuvième, dixième et onzième paires; 12, la douzième paire; 13, nerf rachidien. blanchätres ; 8, tissu fibreux. 3, ventrale gauche; 4, artère née du trone basi- Revenons maintenant sur chaque partie avec plus de détails (fig. 3 et 4). Les ganglions rachidiens paraissaient normaux à l'œil nu. La moelle semble plus mince que d'or- dinaire. Son poids est de 4 grammes (queue de cheval comprise). Le bulbe et la protubérance pèsent 1 gramme el 1 décigramme. Le plancher du 4° ventricule est à découvert (fig. 3). Une simple bande transversale le recouvre en son milieu. En haut, il semble se con- tinuer par un faible pertuis avec l'aqueduc de Sylvius. Pas de trace de cervelet. Un peu en avant du plancher ventriculaire, on observe une masse nerveuse, de forme à peu près quadrangulaire, découpée par des sillons qui délimitent quatre éminences irrégulières blanches dont deux sont 316 N. VASCHIDE ur CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE antérieures, deux poslérieures, et qui rappellent assez bien les tubercules quadrijumeaux rudimen- Plus tissu fibreux absolument différent de la substance taires. haut, nous sommes en présence de cérébrale, et dont le poids s'élève à A la face ventrale (fig. 4), ce qui frappe tout d’abord c'est l'absence de pont de Varole, absence suftfisam- ment expliquée par le défaut du cervelet et consé- quemment des pédoncules cérébelleux moyens. Malgré celle apparence, le lien lopographique qui correspond à la protubérance existe. Assez rappro- - chés de la ligne médiane, se détachent, du milieu de 2 grammes. la région nerveuse bulbo-prolubérantielle, deux filets minces blanchâtres qui se dirigenten avant. Il s'agit probablement ici du moteur oculaire externe. Plus en dehors, et en allant de haut en bas, on voit émerger successivement les troncs nerveux sui- vanis : Latéralement, c'est d'abord le groupedes VII® versées à leur partie postérieure par le nerf optique: Il est intéressant de rapprocher de celle observas lion, où aucune parlie importante de l'œil ne fait défaut, un cas signalé par Gade', dans lequel on note une absence de cristallin, de corps ciliaire et d'iris et où l'un des yeux est atteint de coloboma rélinien et choroïdien. Nous n'insisterons pas davantage sur l'examen nécropsique, de même que nous ne parlerons pas des résullats des recherches histologiques. Nous + n'avons dit que ce qu'il est nécessaire de connaître pour comprendre les recherches et les expériences Psycho-physiologie auxquelles nous nous sommes livrés et qui conslituent l'objet principal de de cet article. III Au moment de sa naissance, ainsi que le jour Fig. 5. — Respiration thoracique. — (Pneumosraphe Marey avec un tambour Marey d'un diamètre de 5 centimètres, et avec unegplume d'une longueur de 10,5 centimètres). Lire le tracé de gauche à droite. La figure représente des morceaux de plusieurs courbes successives: ces courbes ont été prises vingt-deux heures après la naissance. Vitesse dn cylindre : un tour dans cent secondes, la circonférence du cylindre étant de 45 centimètres (dispositif Ch. Verdin.. et VITI® paires: plus bas, celui du glosso-pharyngien etduvago-spinal; plus en dedans, la XIF° paire ; enfin les nerfs rachidiens font leur apparition sur la face latérale bulbo-médullaire. Les artères verlébrales côtoient le bulbe, et se réunissent à sa parlie médiane en un tronc com- mun, le tronc basilaire, qui, à la partie supérieure, se divise en deux branches quiforment les cérébrales postérieures. Ces dernières limitent lopographique- ment la partie antérieure de la protubérance anru- laire; Sur son trajet, la vertébrale gauche donne naissance à une ramification vasculaire qui se dirige du même côté et en haut. Une branche ana- logue se détache à droite du tronc basilaire et suit une direction symétrique à la précédente. L'œilnous montre loutes les parties constitutives ordinaires. Le cristallin et le corps vitré semblent normaux. Nous voyons une réline ainsi qu'une sclé- rotique el une choroïde, ces deux dernières lra- suivant, le sujet laissa écouler par la bouche une salive filante et sanguinolente. Il rendit également de l'urine et du méconium. L'examen des différentes fonctions nous révèle les parlicularilés suivantes. La température, soit centrale, soit locale, est très basse. Un thermomètre placé dans le rectum ne dépasse pas 28°. Le corps, généralement violacé, semble plus froid que les objets environnants. Placé auprès d'un gros feu, l'enfant ne parvient pas à se réchauffer, et si les points du corps exposés aux rayons caloriques augmentent un peu de tempéra- ture, iln’en est pas de même des autres parties, qui restent aussi froides qu'auparavant et ne subissent aucune influence du fait de l'élévation de la tem- péralure d’une région voisine. 1 F.-G. Gane : Ün cas d'auencéphalie avec amyélie totale et autres anomalies constitutionnelles (Norsk Magasin 1. Logevidensk, 189%, p. 715). LA { pu N. VASCHII ET CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 31 Un des troubles organiques les plus apparents est assurément la modification respiratoire qui existe chez notre sujet depuis le moment de sa naissance. Cette modification du rythme fut surtout marquée quelques heures qui suivirent. Plus tard elle se régularisa un peu. C'est à un moment de calme res- piratoire relatif que furent pris les graphiques dont nous donnons un exemple. L'enfant ne res- pire qu à des intervalles très éloignés. Il prend une teinte encore plus asphyxique:; alors survien- nent deux ou trois respirations profondes et brus- “ques, après lesquelles revient la période d’apnée. Nousavonsainsi une respirationavectypedeCheyne- -Stokes desplus nets, comme d’ailleursentémoignent -les tracés respiratoires des figures 5 el 6. Le nombre après l'accouchement et pendant les “des respirations ne dépasse pasen moyenne le chiffre de 8 à 9 par minute. Contrairement à celte diminution de la fréquence respiratoire, le nombre des battements cardiaques reste à peu près normal. - Le nombre des pulsations est de 138 à la minute. - Lorsque l’on pratique l'auscullation du cœur, on reconnait un rythme embryocardique des plus nets. Mais. on s'aperçoit que la vitesse est irrégulière. Les battements cardiaques, en effet, se précipitent *au moment de la période dyspnéique; leur nombre croitalors d'une facon très manifeste. À ce moment « on relève quelques faux pas du cœur. Nous regret- * tons de n'avoir pu inscrire comparalivement le tracé Sphygmographique à côté du tracé respiraloire afin : de saisir ce ralentissement simultané de la respira- tion et de la circulation à un moment donné (période apnéique) et leur accéléralion au moment d'une autre période plus courte que la première (période dyspnéique); mais il était impossible matériellement de déceler graphiquement les pouls radial capillaire. La pression sanguine était très faible, et, Sans pouvoir donner de mesures précises, il nous semble qu'elle était inférieure à la pression normale. Les différentes périodes respiratoires n'exercent aucune aclion sur la pupille, comme on l'a décrit dans le Lype Cheyne-Stokes vulgaire urémique chez l’homme. Les troubles respiratoires et circulatoires el que nous avons observés d'une façon très manifeste dans notre: cas n'ont pas loujours élé relevés dans | les diverses observations d'anencéphalie. C'est ainsi qu'Arnold" rapporte l'histoire d’un monstre hémi- | céphale chez lequel la respiration et le pouls ne pré- | sentaient pas d'anomalies.Ilest vrai que l'absence des hémisphères élait moins totale que chez notre sujel. | L'enfant dont il parle, en effet, avait vécut trois jours ; la voûte cranienne manquait et la masse céré- | brale était disposée sur la base cranienne présentant | l'aspect de plusieurs tubercules qui, à la section, offraient des cavités. Nous avons déjà insisté sur Îes troubles vaso-mo- teurs, caractérisés par une leinte violette de tout leté- gument. Le moindre atlouchementsur la surface du corps, quelque faible qu'il soit, fait aussitôt dis- paraitre la cyanose. Le point en contact devient iuimédialement très blanc sur toute la surface de | contact, qui tranche ainsi sur le reste violet du ee FBorremans …L'ig. 6. — Respiration abdominale de l'anencéphale, — Mÿmes conditions expérimentales que pour la figure 5. Expériences faites dans la même journée, vingt-deux heures après la naissance. | corps. Dès que l’altouchement a cessé, la coloration | violette réapparait. Les réflexes idio-musculaires recherchés par le pincement musculaire sont également très nets. Les reflexes iriens n'exislent pas. La pupille reste | immobile. Une lumière intense placée très près de | l'œil ne provoque eucune contraction pupillaire. Un altouchement, même énergique, avec la tête d’unt | épingle soit de la conjonctive soit de la cornte, au | niveau de la pupille, ne provoque aucun mouvement de défense ou de réaction quelconque. La pupille même y restecomplètementinsensible. L'enfantpa- rail n'avoir aucune sensation ni aucune nolion de ce alttouchement. Le jour qui suivit l'attouchement, vingt heures environ après la naissance, notre sujet présenta une série de crises convulsives. Le début fut pré- | cédé d’un vomissement verdâtre. Pas de cri initial | mais les lèvres se pincèrent, le bras gauche pré senta quelques mouvements auxquels succéda un contracture de la main. Le pouce et l'indexe des trois autres doigts étaient en extension. La pha- 1 ArxOLD : Gehirn, Rückenmark und Schädel eines Hemi- cephalus von dreitägiger Lebensdauer. Bet. z. pal. Anat. u. | z. Al. Pat., Liegler, 1892, u. 407. 318 N. VASCHIDE er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE lange était en extension forcée sur la main; la phalangine et la phalangette en flexion forcée. La main était en extension forcée!sur l’avant-bras. Puis la contracture. se généralisa; l'enfant avait tout le corps raide comme une barre. À cette phase tonique succéda une phase clonique, caractérisée par des mouvements de tout le corps, avec mouve- mentde maslication des lèvres et expulsion d’écume par la bouche.Au débutdel'aceès, l'enfanturina,mais ne rendit pas de matières fécales. L'accès dura en- viron deux minutes. À peine la première attaque était-elle terminée et les mouvements avaient-ils disparus, qu'eut lieu un second accès en tout sem- blable au premier, avec miction; il dura environ deux minules. Dix minutes après la fin du deuxième accès eut lieu un troisième sans miction, qui dura environ trente secondes. Ce troisième accès fut d'ailleurs le dernier. Les crises convulsives ne sereproduisirent plus jusqu'à Ja mort. IV La sensibilité a fait l'objet de recherches minu- tieuses. Pour obtenir des résultats, il était nécessaire que l'impression atteignit un certain degré capable de provoquer un mouvement de défense. Car la sensation n'était saisie que par la réaction motrice qu'elle provoquait, et qui permettait en quelque sorte d'en mesurer l'intensité. Le tact était très nettement conservé. Lorsque l'on chalouillait, même légèrement, l'enfant sous la plante des pieds, on provoquait un mouvement de flexion des jambes avec rejet du corps en arrière. La sensibilité à la douleur existait également. Des piqûres aux pieds, aux jambes, au ventre, auni- veau du nez amenaient des mouvements de défense qui montraient que l'impression n’était pas restée sans résultat. La sensibilité thermique n’était pas abolie. Un tube d’eau froide, placé contre la cuisse, ne produi- sait aucun effet, mais un tube d’eau chaude provo- quaitleretrait du membreinférieur etun mouvement du corps tendant à fuir l’objet brûlant. Ces expériences ont été répétées un nombre de fois assez considérable pour affirmer la constance des résultats obtenus, et éliminer le hasard de ces séries de recherches. Nous venons de voir que la sensibilité semblait conservée, et la mesure même de celte sensibilité nous était donnée par les réactions de défense du sujet. Ces mouvements étaient associés, coordonnés etsemblaient converger vers un but. C'estainsi qu'à des piqûres sur les jambes, le ventre, le nez, qu'au chatouillement de la plante des pieds, qu'à l'appli- cation d’un corps chaud sur la cuisse, qu'à l’ap- proche d’un flacon d'ammoniaque pur, l'enfant réagissait par des mouvements de flexion des membres inférieurs, et le rejet en arrière du Corps et de la tête. Lui mettait-on un biberon aux lèvres il exerçait des mouvements de succion . Lorsqu'un liquide arrivait dans la bouche, un mouvement de déglutition s'ensuivait, et le liquide était parfaite ment avalé. Lorsqu'on lui offrait de l’eau sucrée avec une cuillère, l’enfant avait des mouvements des lèvres pour empêcher l'issue du liquide en: dehors de la cavité buccale. Ces réflexes associés, ces mouvements d'ensemble ont été relevés dans plusieurs cas d’anencéphalie Arnold” raconte que lorsqu'on provoquait des mou“ vements réflexes d’un seul membre (avec une piqûre ou avec une égratignure de la peau), Ces mouvements ne restaient pas localisés, et se propa“ geaient aux autres membres. Lorsqu'on lui intro= duisait le doigt dans la bouche, le sujet faisait des: mouvements de succion. Il avalait l’eau et le lait, mais parfois avait des régurgilations. Sabrazès e Ulry? rappellent également l'existence de phèno mènes analogues chez un chien anencéphale dont ils rapportent l'observation. L'animal, qui vécut trente heures, têtait comme les autres, et se tenait bien sur ses pattes. 4 L'examen minutieux des diverses sensibilités sensorielles montre leurabolition complète. Les sub= stances employées furent choisies parmi celles qui provoquent les sensations les plus intenses pour chacun des organes des sens examinés, et qui de vaient entrainer sûrement les mouvements de défense si les impressions en avaient été perçues. Du bromhydrate de quinine, déposé à la surface de la langue, restait sans effet. De l’éther, du camphre, placés sous le nez, ne pro duisaient aucun résultat. De l’'ammoniaque pur ame- nait un mouvement de retrail de la tête. Mais l’ammoniaque exerce plutôt une impression tactile qu'olfactive sur la sensibilité de la muqueuse pitui- taire. L'enfant semblait ne rien entendre. Des cris, des bruits intenses produits contre son oreille ne provo=« quaient aucune réaction de sa part. La vue était également abolie. La projection d'une lumière, même vive, sur l'œil n'était suivie d'aucun mouvement réactionnel de la part du sujet, pas même d'une simple modification pupillaire. Cettew absence de réaction de la pupille à la lumière a été relevée également par Arnold”° dans un cas d'anen- céphalie. Le goût, l’odorat, l'ouïe, la vue faisaient donc complètement défaut chez notre monstre. 1 ArNOLD : Loc. cit. ? Sasrazëset ULny : Loc. cit. % ArNOLD : Loc. cit. N. VASCHIDE Er CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 319 V Nous avons vu des réflexes associés et des mouve- ments coordonnés en vue d'une réaction de défense, mais nous notons également l'existence de mou- “vements Spontanés. L'enfant reste le plus souvent “immobile dans son lit. Iln'a pas l'air incommodé par sa respiration difficile, qui provoque un élat asphyxique à peu près constant chez lui. À ce mo- ment l'enfant semble dormir. Il est vrai que la Simple absence de mouvements suffit à lui donner “l'apparence du sommeil. Les paupières sont tou- “jours closes, et la régularité respiratoire, qui indi- k que le sommeil chez les autres, ne peut pas ici ser- ir de critère en raison de son irrégularité naturelle . et constante. —._ Ilestainsi à peu près impossible de savoir lorsque Je sujet dort, ou lorsqu'il est éveillé, de même que J'onne peutdire s’il dort à peu près toujours ou s'il “ne dort jamais. Cependant, à de certains moments, il imprime à ses bras et à ses jambes des mouve- “ments spontanés et qui ne répondent à aucune exci- “tation extérieure particulière; parfois il fait enten- _ dre quelques gémissements courts et monolones que rien ne semble provoquer. Ces cris, brefs et rares, TT un peu ee dans la nn Corps. … Ces cris coïncident assez souvent avec des réactions . de défense. Dans le cas d’Arnold*, où l'enfant vécut . trois jours, ce dernier criait et gémissait à des - intervalles le plus souvent très espacés. Au moment de la mort, les troubles asphyxiques et dyspnéiques semblèrent augmenter d'intensité. ‘enfant, la bouche grande ouverte, fut pendant quelques instants en proie à des phénomènes de suffocation, NII L'importance et la rareté de notre cas nous oblige à rester dans le domaine purement expérimental, el à constater des données biologiques précises sans » loutelfois prétendre en expliquer la cause et le mé- canisme. Nous nous contenterons:de poser de nou- “ veaux problèmes et d'objecter quelques faits pré- … cis à des opinions classiques et à des conceptions biologiques accréditées. 1° La température de 28° observée ici est une des - plus basses, croyons-nous, que l’on ait rencontrée, - jusqu'alors compatible pendant un temps relative- ment long avec une vie psycho-physiologique. 2° Le pouls était très rapide, et baltait à 138 par 1 ARNOLD : Loc. cit, minute, coïncidant ainsi avec une tempéralure de 28°. Celte dissociation nous a paru remarquable, et bien propre à mettre en évidence la différence de l'action que le cerveau exerce sur la respiration, où il joue un rôle imporlant, et sur la circulation, où son imporlance est à peu près nulle. 3° La respiration en lype de Cheyne-Stokes semble indiquer que le bulbe ne suffit pas à la res- piration rythmique normale. Celle-ci exige, pour être régulière et normale, l'intégrité du cerveau. Certaines expériences de physiologie que nous avons pratiquées sur le chien concordent avec ces résultats. Il semble done que, dans les phénomènes respira- toires, il faille faire intervenir deux actions diffé- rentes : l’une bulbaire, l’autre cérébrale. Au bulbe serait dévolu le rôle principal et vériblement fonda- mental, au cerveau celui de coordinateur, capable seul de donner un rythme défini aux excitations saccadées du bulbe, résultat probable de l'action de l'acide carbonique qu'un sang asphyxique met au contact des éléments bulbaires. ° Nous constatons également un état parliculier des vaso-moteurs, correspondant probablement à la paralysie des vaso-constricteurs. On note une dilatation très intense de toute la surface des téguments. Lorsqu'on produit une pression, on voit que, quelque légère qu'elle soit, la partie tou- chée devient très pâle. Mais cette blancheur dis- parait instantanément, dès que l'attouchement cesse. La rapidité de ce changement de coloration est telle qu'il pourrait à peine être apprécié par quelques centièmes de seconde. Cet état anémique ne serait-il pas sous la dépendance de l’écrase- ment des capillures superficiels, provoqué par l'élat de paralysie du système moteur vasculaire ? ° Les réflexes existent et sont exagérés. EL, à un degré de plus, nous avons observé l'existence de convulsions à type jacksonien, avec leur allure ordinaire. 6° La sensibilité générale ne semble pas abolie, si nous en jugeons d’après les réactions motrices qui la caractérisent habituellement et la mesurent, et qui sont les seuls moyens par lesquels elle peut être saisie à cet âge chez les enfants les plus nor- maux. La présence de ces réactions peut ainsi être considérée comme le symbole habituel d'une vie psycho-physiologique rudimentaire. Aucune sensi- bilité spéciale n'était conservée, mais on notait l'existence de la sensibilité tactile et thermique, de la sensibilité à la douleur. Le sujet réagissait très nettement à ces divers modes de la sensibilité. La douleur, ou au moins les réactions habituelles par lesquelles nous la saisissons et en mesurons jusqu'à un certain point l'intensilé, persistait éga- lement. 380 N. VASCHIDE £r CL. VURPAS — LA VIE BIOLOGIQUE D'UN ANENCÉPHALE 1° Le sujet avait pendant sa vie des réflexes associés, ainsi qu'en témoignent les quelques ébauches de réactions de défense et surtout les mouvements coordonnés qui répondaient à un état moteur suffisamment équilibré‘. L'enfant avait des mouvements de la tête significatifs, des contorsions plus ou moins définies quand on lui meltait un biberon à la bouche : il remuait alors les lèvres. 8° Le sujet poussait des cris sans avoir de pleurs véritables. Ces cris étaient aigus, faibles, peu pro- longés, monotones, et tantôt étaient spontanés, tan- tôt venaient comme réaction de défense, comme mode de réponse à une impression douloureuse. 9° Il est difficile d'émettre une opinion ferme sur la question du sommeil, et de dire si le sujet dormait réellement. L'allitude était sensiblement la même le jour et la nuit. À peine pouvait-on cons- tater une diminution très légère des phénomènes moteurs pendant la nuit. Nous pensons donc que le sommeil est avant tout un phénomène psycholo- gique, au moins dans ses éléments essentiels. Ces divers résultats nous semblent démontrer d'une part que les fonctions organiques fondamen- tales ou végétatives en plus d'une activité biolo- gique indépendante, ont besoin pour leur bon fonc- tionnement d’une synthèse physio-motrice qui 4 Voir pour l'étude des mouvements associés le récent travail de G. Hanau et Euc. MeveA : Contributo allo studio de movimeuta associati in Poliambulanza di Milano, fasc. XI, 1900. leur est donnée par les hémisphères cérébraux Il y a un rythme, une coordination spéciale que» les hémisphères seuls peuvent donner. Beaucoup de recherches de laboratoire ont mon- tré celte nécessité psychomécanique ; notre expé= rience de physiologie naturelle la précise. En second lieu, il semble qu’une catégorie de phénomènes psychiques que, jusqu'ici, on attribuait exclusivement aux hémisphères cérébraux, comme Ja sensibilité spéciale du tact, de la douleur, la sen= sibilité thermique, de même que certaines réactions: assez bien coordonnées à ces diverses impressions existaient chez notre anencéphale indépendamment. de l’action du cerveau. - Il ressort encore cette notion que l'existence de ces phénomènes est purement physiologique, et primitivement sous la dépendance des fonctions: bulbo-protubérantielles et médullaires. À Le cerveau, envisagé sous cet angle, ne semble jouer qu'un rôle de luxe extrêmement utile pour LL bon fonctionnement de l'organisme et la régularité de ses fonctions, mais non indispensable pour une vie psycho-biologique rudimentaire. Son rôle parait être avant tout celui d’un coordi naleur psycho-dynamique. « C1. Vurpas, Interne des Asiles de la Seine. 4 (Asile de Villejuif.) N. Vaschide, Chef des travaux du Labo- ratoire de Psychologie expérimenta:e à l'Ecole des Hautes-Etudes. 1° Sciences mathématiques “Mansion (D: P.), Professeur à l'Université de Gand. - —Elemente der Theorie der Determinanten {3° édi- tion). — À vol. in-4° de 10% pages. (Prix : 3 fr. 25) - — T'eubner, éditeur. Leipzig, 1900. … Cette troisième édition allemande parait en même “iemps que la sixième édition francaise. Cette indica- tion seule suffirait pour recommander à nouveau l'ou- -vrage de M. Mansion à ceux qui enseignent la Théorie des Déterminants. Nous insisterons donc plutôt sur les “avantages qui ont fait le succès de ce manuel que sur son contenu même. n Il a été écrit d'excellents ouvrages sur la Théorie des Déterminants, et cela dans les divers pays. Ce sont ceux ‘de Brioschi, Baltzer, Salmon, Günther, Scott, Muir, arez et Gasco, Gordan, Pascal, pour ne citer que les incipaux. Mais il s’agit là de traités présentant la cience des Déterminants sous une forme systématique. Ils ne s'adressent guère à celui qui aborde pour la pre- mière fois cette théorie, en elle-même d’une grande implicité, mais qui est souvent exposée sous une orme beaucoup trop aride pour le débutant; on cons- e même ce fait dans bien des ouvrages d'Algèbre pi consacrent un chapitre aux Déterminants : le désir, très louable d’ailleurs, de présenter cette théorie en - toute rigueur scientifique et d'une façon aussi complète que possible, fait souvent oublier aux auteurs d'ou- | vrages élémentaires le public auquel ils s'adressent. Il n'y a, par contre, que fort peu d'ouvrages renfer- mant les éléments de la Théorie des Déterminants dégagée de la forme symbolique, qui ne convient guère à un premier enseignement. C'est ce qui explique la faveur que l'on continue à accorder au livre de M. Man- sion, qui se propose de « conduire, par la voie la plus * courte, sinon la plus facile, aux vérités les plus impor- tantes de cette Algèbre nouvelle ». En tête de l'ouvrage se trouve un chapitré prélimi- naire renfermant les premières propriétés et les pre- mières applications des Déterminants à deux ou trois lignes. Ces préliminaires sont présentés d'une manière extrêmement élémentaire; ils permettent au lecteur de se familiariser sans difficulté avec le mécanisme des Déterminants. C'est un extrait d'un opuscule qu'a publié M. Mansion sous Je titre : Zinleitung in die Theo- mie der Determinanten (Edit. franç. « lutroduction à la Théorie des Déterminants » ). Ce n'est qu'après cette première initiation que l’au- eur aborde les définitions et propriétés fondamentales des Déterminants : I. Permutations d'éléments à un indice; II. Permutations distinctes d'éléments à deux ‘indices; IL. Définition des Déterminants; IV. Propriétés fondamentales. . Il examine ensuite le calcul des Déterminants et les » propriétés relatives aux mineurs et aux opéralions sur . les Déterminants, puis il passe aux applications. Cette dernière partie est destinée à mettre en évidence l'uti- - lité des Déterminants dans les différentes branches mathématiques ; elle offre un grand intérêt par la diver- sité des questions qui y sont traitées. Cette nouvelle édition renferme diverses améliora- tions de détail et le nombre des exercices supplémen- taires s’y trouve considérablement augmenté. Nul doute . qu’elle rende service aux élèves des grandes Ecoles, . aux ingénieurs, et, en général, à tous ceux qui désirent aborder la théorie et en trouver, condensé en un petit volume, un exposé exact et suffisant. H. FEur, Professeur à l'Université de Genève. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 381 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX Rateau (A.), /ngénieur des Mines. — Traité des Turbo-machines. Æascieule 1: Généralités. Tur- bines hydrauliques et leur régularisation. — 1 vol. in-4° de 26% pages avec 495 figures. (Prix :40 fr.) Ve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1900. Sous le nom générique de Turbo-machines, M. Rateau comprend les turbines et roues motrices (à eau, à va- peur ou à air), les pompes et ventilateurs centrifuges el hélicoïdes, les hélices propulsives. L'ouvrage en question, formé par la réunion d'articles publiés, de juillet 14897 à mai 1900, dans la Revue de Mécanique, n'est que le premier fascicule de l’étude générale de ces machines. Il est consacré aux turbines hydrauliques et aux moulins à vent; mais il débute par les généralités qui se rapportent à toutes les Turbo- machines. Leur théorie était, jusqu'à ces dernières années, éta- blie, en partant du théorème des forces vives, par la formule de Bernouilli, qui a le tort de supposer des machines parfaites sans pertes de charges. Déjà, plu- sieurs auteurs allemands, entre autres M. Bodmer, avaient tiré leur formule du théorème des quantités du mouvement. M. Rateau s'appuie sur le théorème des moments des quantités de mouvement. Il parvient rapidement à une formule très simple, qui renferme, comme cas particuliers, toutes les formules déjà con- nues, et qui s'applique aux machines telles qu’elles existent, avec toutes leurs imperfections, parce que le théorème des moments des quantités de mouvement reste vrai, quels que soient les frottements intérieurs. Les formules générales une fois posées, M. Rateau les applique aux moteurs hydrauliques, et accessoire- ment aux moulins à vent; de la sorte, sans se préoc- cuper d'écrire à leur sujet tout ce qu'on en peut dire ou de présenter des monographies d'appareils, il pé- nètre assez avant dans le fonctionnement de ces ma- chines et arrive à d'intéressantes conclusions inédites. Après le 1‘ chapitre, qui donne l'historique des turbines et les généralités qui les concernent, le 2m° étudie les turbines sans distributeur, que leur faible rendement empêche d'utiliser comme moteurs hydrau- liques, mais qui sont fort employées comme moteurs aériens : effectivement, les moulins à axe vertical et les turbines atmosphériques à distributeur ne sont que l'exception. M. Rateau étudie les moulins hollandais à quatre ou six grandes ailes, d'origine fort ancienne, et les moulins à nombreuses petites ailes, créés plus récem- ment par les Américains; il donne sur ces derniers les expériences de Murphy. Il parle aussi des moulinets hydrométriques et anémométriques. Le chapitre 3 est consacré aux turbines à injection partielle, qui sont toujours des turbines sans réaction : roues Pelton, turbines centriluges et centripètes. Le chapitre 4 s'occupe des turbines à injection totale, qui sont généralement des turbines à réaction : tur- bines hélicoïdes (ou parallèles ou axiales), turbines cen- trifuges, centripètes, mixtes (ou hélico-centripètes). Le chapitre 5 étudie la régulation automatique de la vitesse des turbines, devenue si nécessaire depuis que ces moteurs sont attelés directement à des dynamos, et qui emprunte ordinairement le ministère de trois organes principaux : le fachymètre (ou régulateur à boules), le servo-moteur auxiliaire et le volant. M. Ra- teau décrit leurs principaux dispositifs; puis il donne la théorie du réglage telle qu'il la comprend. Comme développement de cette théorie, il étudie, ce qui n’avait pas encore été fait d'une manière approfondie, les oscillations périodiques dues aux coups de bélier qui sg 382 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX se produisent dans les longues conduites d’eau munies ou non de réservoir d'air. Ces coups de bélier peuvent affoler le régulateur; pour y remédier, on a parfois recours au réservoir d'air; M. Rateau donne des for- mules inédites pour le calcul de ce réservoir, et comme, au lieu de diminuer les coups de bélier, il peut quelquefois les exagérer jusqu'à provoquer la rupture de la conduite, il donne une autre solution fort élégante qu'on a trouvée à ce difficile problème. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines. 2° Sciences physiques Thomas (V.), Docteur ès sciences, Préparateur de Chimie appliquée à la Faculté des Sciences de Paris. — Les Phénomènes de Dissolution et leurs applications. — 1 vol. in-8° de 197 pages, 51 figures. (Encyclopédie scientilique des Aride-Mémoire). (Prix:2fr.50) Gauthier-Villars, éditeur. Paris, 4901. Qu'est-ce qu'un phénomène de dissolution? Si l’on cherche une définition qui comprenne réellement tous les cas à propos desquels on emploie le mot de disso- lulion, je ne crois pas qu'on puisse arriver à uue for- mule autre que la suivante: les phénomènes de disso- lution comprennent toutes les transformations d'un système hétérogène en système homogène. Il suit im- médiatement de là que l'étude de la dissolution ne peut être considérée comme formant un chapitre à part dans la Mécanique chimique ; et, en fait, dans les publications les plus récentes et les plus autorisées, notamment celles de M. Duhem, Van't Hoff, Ostwald, Bancroft, etc, on ne trouve aucune séparation entre les phénomènes de dissolution etles autres équilibres chimiques. L'ouvrage que vient de publier M. Thomas n'est relatif qu'à un certain nombre de points particuliers : c'est le résumé de Mémoires récents et importants, relatifs aux dissolutions; ces Mémoires sont, en parti- culier, ceux de M. Etard sur les solutions saturées des sels métalliques; de M. Le Châtelier sur la forme théo- rique des courbes de solubilité, sur la fusibilité des mélanges salins et des alliages métalliques ; de M. Raoult sur la congélation et la vaporisation des solutions, etc. On peut adresser à cette compilation deux reproches: le premier, c'est de manquer de critique au point de ne pas même signaler, lorsqu'il y a lieu, les contradictions qui existent entre les conclusions de deux mémoires analysés dans des chapitres différents; le second, c’est d'être fort incomplète ; on ne peut comprendre, en par- ticulier, que l’admirable série de recherches expérimen- tales due à M. Bakhuis Rozeboom et à ses élèves soit passée sous silence dans un ouvrage de ce genre. G. CHARPY, Docteur ès sciences. Pouget (Isidore), Agrégé de l'Université, Chef des Travaux pratiques à la Faculté des Sciences de Hennes. — Recherches sur les sulfo et les sélénio- antimonites (J'hèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8 de 68 pages. Gauthier- Vil- lars, éditeur. Paris, 1901, Dans les recherches qui font la matière de sa thèse, M. Pouget a étudié les solutions que forme le sulfure d'antimoine lorsqu'on le met en présence des sulfures alcalins ou alcalino-terreux, et aussi les cristaux que ces solutions déposent. — Par la préparation de l'ortho- sulfoantimonite de potassium, qu'il à obtenu, se trouve complétée la série dont trois termes (méta, pyro, para) avaient été préparés par M. Ditte. Un sel acide de potas- sium et un de sodium, obtenus par l’auteur, appar- tiennent à la série des sels para. Le potassium, qui fournit les combinaisons les plus variées, donne ainsi quatre types distincts. Les sels pyro sont d'une remar- quable instabilité : leurs dissolutions aqueuses éprou- vent deux décompositions différentes, selon qu'elles sont chauffées ou conservées à froid. Les sels alcalino-terreux, ortho, pyro, méta, sont étudiés ensuite, puis divers sels des métaux lourds, argent, zinc, manganèse, plomb, fer. Les sels de cui- vre et de mercure donnent lieu à des phénomènes par- ticuliers de réduction. Le sélénium peut former plusieurs combinaisons analogues aux précédentes, en se substituant au soufre en tout ou en partie. Rien de pareil ne se produit pour le tellure, comme l'auteur s'en est assuré. C'est une nouvelle raison de regarder comme inexact le classement du tellure à côté du sélénium : la conclusion .des recherches de M. Metzner se trouve ainsi confirmée. On trouvera dans ce travail, exposée avec clarté, et appuyée constamment d'analyses exactes, la préparation méthodique de sulfosels, dont la plupart sont cris= tallisés. L'auteur s'y est constamment préoccupé d’opé= rer dans des conditions exactement définies, et d’appli- quer l'analyse tant aux précipités qu'aux liqueurs où ces précipités se forment. L. PIGEON, Professeur adjoint à l'Université de Dijon. Oppenheimer (Carl). — Die Fermente und ihre Wirkungen.—1 vol. in-8 de vin-329 pages. (Prix : 10 m4.) F. W. Vogel, éditeur, Leipzig, 1901. Le livre de M. Oppenheimer n’est pas comparable au remarquable ouvrage publié, il y a deux ans, par M. Duclaux sur «les diastases, les toxines et les venins »: Ce n’est point, comme ce dernier, une œuvre de puissante critique et de haute originalité, mais un travail de savante el minutieuse bibliographie. Il est divisé en deux parties : la première traite des propriétés générales des ferments solubles; la seconde est consacrée à l'étude particulière des diastases et des oxydases. Elle renferme, en outre, intercalée cà et là, la description sommaire d'un certain nombre de fer- mentations : fermentation de l’urée, fermentation lac- tique, acétique, etc. L'auteur a fait ces intercalations dans l'hypothèse — très probable, mais trop souvent en= core à vérifier, — que les microbes agissent par l'in- termédiaire des ferments solubles qu'ils sécrètent. C'est, en outre, une manière pour lui de ramener tous les processus fermentalifs à une conceplion unique, con- ception qu'on trouve résumée, en quelque sorte, dans les propositions suivantes : Un ferment est le substratum matériel d’une forme d'énergie particulière, produit par les cellules vivantes et plus ou moins adhérent à celles-ci. Cette énergie est capable, sans entrainer la destruction du ferment, de provoquer le dégagement de l'énergie latente de cer- taines substances et leur transformation en énergie cinétique, de telle manière que la substance nouvelle= ment produite, où la somme des substances nouvelle- ment produites, possède une énergie latente plus petite que Ja substance originelle. Le ferment agit d’une manière spécifique, c'est-à-dire que chaque ferment exerce son activité seulement sur des substances dont la constitution et la structure stéréochimique sont tout à fait déterminées. Cette conception est, il faut le reconnaitre, assez vague en ce qui touche la nature même des ferments solubles. Comment doit-on comprendre, en effet, qu'un tel ferment soit le substratum d'une énergie particulière? Pour le reste, elle a le tort de négliger l’action réver- sible des ferments, action extrêmement importante à plus d'un titre, et dont au moins un exemple avait été mis en évidence, bien avant l'apparition du livre, par les expériences de Hill. Malgré cela, le livre de M. Oppenheimer est encore un livre utile. On y trouve, en effet, rassemblés et coor- donnés, la plupart des innombrables travaux publiés jusqu'ici sur les ferments et la fermentation. Près de 1300 Mémoires y sont cités et, en le consultant, on s'é- pargnera bien des peines, même au seul point de vue de la recherche bibliographique. Gabriel BERTRAND, Chef de Service à l'Institut Pasteur, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3893 Mathieu (L.), Agrege de l'Universite, Directeur de la Station œænologique de Beaune (Côte-d'Or).— Etudes sur la Conservation des Vins mousseux. — | v0/. in-8° de 96 pages, avec figures (Prix : 6 fr. 50) Du- Jardin, éditeur, 24, rue Pavée-au-Marais, Paris, 1901. La préparation des vins mousseux donne lieu à de nombreux insuccès. Tantôt il se produit des modifica- “tions anormales de la saveur et du bouquet du vin, — modificotions dues soit à la nature du vin, soit à celle des bouchons ou des bouteilles. Tantôt le gaz ou le vin s'échappent en partie et le vin perd la propriété de mousser. Tantôt enfin, et cette cause est la plus fré- quente, le vin se trouble ou donne des dépôts. Les causes de ces divers accidents sont très nom- -breuses et elles sont peu connues. M. Mathieu s'est efforcé d’en signaler le plus grand nombre en les grou- “ pant méthodiquement. Son travail sera donclu utilement par les industriels se livrant à la fabrication des vins mousseux, qui ne s'appuient trop souvent que sur des - données empiriques pour remédier aux accidents de fabrication. La connaissance théorique des causes des troubles que l’on observe dans les vins mousseux est … d'un graud secours dans la pratique, car, si elle n'indique pas avec précision le remède, elle montre la voie dans r RE NÉ didactiques “ laquelle il convient de le chercher. Il faut, en effet, en vinification comme dans toutes les industries, que les enseignements de la Science soient mis à profit pour que la pratique progresse. X. ROcQuEs, Ingénieur-Chimiste, Ancien Chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris 3° Sciences naturelles Chalon (Paul-F.), Zngénieur des Arts et Manufac- tures. — Recherche des eaux souterraines et Cap- tage des sources. — 1 vol. de 195 pages. (Prix relié : 4 fr.) Charles Béranger, éditeur. Paris, 1900. L'auteur à réuni, sous une forme commode, une foule de renseignements pratiques sur la recherche et le captage des sources, sur les eaux artésiennes, la cons- truction des puits, les caractères des eaux potables, Ces chapitres techniques sont précédés de notions théoriques sur les lois générales de l'hydrologie sou- terraine, exposées avec beaucoup de clarté et d'une manière attrayante. Le premier chapitre renferme des données trop sommaires sur la stratigraphie générale. Quelques exemples concrets, empruntés de préférence au bassin de Paris, n'eussent pas été déplacés, de même que des conseils pratiques pour la lecture d’une carte géologique. Car il ne faut pas oublier que la première condition à remplir dans les recherches d’eau, c'est d'acquérir préalablement des connaissances très précises sur la structure géologique de la région. Euice HauG, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de l'Université de Paris. De Montille (M!!:S.-N.), Agrégée de l'Enseignement secondaire des jeunes filles. — Notions de Bota- nique pour l'Enseignement secondaire des jeunés filles.—1 vol. in-16 de 336 pages avec 345 gravures. (Prix, cartonné :2 fr. 50.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1901. Bien que la /tevue n'ait pas à rendre compte des traités tout à fait élémentaires, nous croyons devoir signaler ici ce petit ouvrage en raison des qualités qui le distinguent de la plupart des manuels de Botanique pour les classes de l’enseigne- ment secondaire. Laissant de côté quelques assertions comme celles-ci : Les végétaux « ne possèdent ni la faculté de sensibilité, ni celle du mouvement volontaire », nous insisterons uniquement sur l'esprit hautement pédagogique de ce petit livre. Allant du connu à l'inconnu, du complexe au simple, l’auteur procède constamment par analyse, commence par appeler l’attentior du lecteur sur les faits d'observation courante, lui met sous les yeux les végétaux dont elle va lui parler, lui apprend à en dis- cerner les différents organes et à reconnaitre les fonc- tions de chacun d'eux, déroule enfin devant lui le ta- bleau du monde végétal en décrivant, avec figures à l'appui, les principaux types, — les plus vulgaires spé- cimens — des diverses familles naturelles. En chacune elle consacre quelques indications particulières aux espèces cultivées ou usitées dans l'Industrie ou en Phar- macologie. JEAMGE Maige (Albert), Preparateur à la Sorbonne. — Re- cherches biologiques sur les Plantes rampantes (Thèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 brochure in-8° de 116 pages, avec 4 pl. (Extrait des Annales des Sciences naturelles, 8e Série, Botan., XI). Paris, Masson, 1901. A en croire l’auteur, il n’existerait d'autre travail un peu général sur cette question qu'un résumé suc- cinct des différents modes de végétation des plantes rampantes dû à Kerner (P{lanzenlehen, 4888) ; en effet, le savant autrichien a bien observé et bien décrit ce qu'il a vu; mais pourquoi M. Maige s'arrête-t-il à la première édition de l'ouvrage de Kerner? Quoi qu'il en soit, il est vrai que la structure et la physiologie spéciale des plantes rampantes n'ont pas fait l’objet d'une étude d'ensemble. M, Maige a demandé à l’expé- rience comment la pesanteur et la lumière agissent sur elles. Il nous semble qu'il aurait dû prétendre à des conclusions plus positives et attendre, pour les formuler, d'avoir fait faire quelque progrès à la question. Nous nous contentons de reproduire textuellement les résultats généraux de ce travail; le lecteur les appréciera. « Les plantes qui ont fait l’objet de ce travail forment un groupe biologique que l’on peut déterminer par les caractères suivants : 4° les rameaux rampants sont des rameaux végétatifs ou des rameaux florifères à fécondité atténuée ; 2 les premiers entre-nœuds pos- sèdent une croissance intercalaire rapide; le bourgeon terminal présente par suite un aspect caractéristique (bourgeon dissocié); 3° les nœuds sont munis de racines adventives. La production de ces racines est un carac- tère héréditaire, c'est-à-dire que les racines adven- tives se développent même si la tige ne repose pas sur le sol; 4° Ja cause de la replation est due au géotro- pisme transversal. « L'étude de l'action de la lumière diffuse sur les plantes montre que ce facteur favorise la production de rameaux rampants et peut faire apparaître, jusqu'à un certain point, les différents caractères qui déter- minent ces plantes chez des rameaux qui ne les pré- sentent pas d'ordinaire. Je suis donc conduit à émettre cette hypothèse que /es plantes à rameaux rampants du groupe étudié dans.ce travail out dü se former pri- mitivement sous l'action d'une lumière atténuée. Ces plantes posséderaient ainsi une origine analogue à celle que l’on attribue d'ordinaire aux plantes grim- pantes. « Dans le groupe des plantes rampantes, délimité comme il a été dit, on peut distinguer plnsieurs degrés d'adaptation. Un certain nombre de plantes ont gardé simplement, en dehors des caractères généraux du groupe, les caractères végétatifs, Ce sont des plantes faiblement adaptées. « En partant de ce groupe, la différenciation s'ac- centue dans deux voies différentes; un certain nombre de plantes ont subi Sans doute profondément l’action du sol, à la surface duquel elles se développent et qui les recouvre partiellement; e/les ont acquis des caractères analoques à ceux des tiges souterraines. D'autres ont subi plutôt l'influence profonde de la lumière difluse, elles ont donné des rameaux étiolés, allongés et amin- cis, dont la forme et la structure se rapprochent de celles des rameaux grimpants. Cette ressemblance morphologique et anatomique entre tout un groupe de 384 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX plantes rampantes et les plantes grimpantes semble indiquer une communauté d'origine, et c’est là encore un fait à l'appui de l'hypothèse que j'ai énoncée, car on s'accorde généralement à attribuer à l’action de la lumière diffuse la formation des rameaux grimpants. « Certaines plantes ont des rameaux horizontaux, en général souterrains, mais qui parfois sortent du sol en donnant des rameaux rampants aériens. D'autres ont des rameaux rampants aériens qui se transforment en rameaux souterrains. « Ces plantes forment transition vers le groupe des plantes à drageons. Elles montrent qu'il y a une étroite analogie entre ces dernières et les plantes rampantes; il est très vraisemblable de supposer que ces deux groupes ont la méme origine el proviennent du grand développement des organes végétatifs, résultant de laffaiblissement de la fécondité sous laction de la lumière dilfuse. « La lumière atténuée à done pu constituer un fac- teur puissant de transformation et jouer, dans l'évolu- tion des végétaux, un rôle beaucoup plus considérable que celui qui lui est attribué généralement. » C'est tout. C. FLaxaurr, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. Sully (James). — Etudes sur l'Enfance (Traduction de M. A. Mono», avec une Préface de M. G. Compayré). — 1 vol. in-8° de xxxn-554 pages, avec 52 figures (Prix : 10 fr.) F. Alcan, éditeur. Paris, 1900. M. Baldwin, dans le beau livre qu'il a consacré au développement mental de l'enfant, et que nous avons analysé ici même, s'était surtout attaché à «expliquer » sa structure psychologique. M. J. Sully, persuadé, et peut-être à très juste raison, qu'il ne faut pas se pré- occuper trop vite d'interpréter les faits, mais d'abord et surtout de les bien connaître, a eu pour objet essen- tiel de nous donner des descriptions précises et fidèles des manifestations les plus caractéristiques et les plus importantes des premières phases de la vie mentale. L’expérimentation, qui lient une si large place dans le livre classique de Preyer, el à laquelle Baldwin lui- même a eu plus d’une fois recours pour contrôler l'exactitude de certaines de ses théories, est ici relé- guée tout à fait à l'arrière-plan; la méthode dont M. Sully s’est presque exclusivement servi, c’est la mé- thode d'observation: il à mis a profit les observations systématiques des psychologues et des éducateurs qui se sont consacrés spécialement à la Child-study, en les confrontant constamment avec les siennes propres et en les contrôlant par de méthodiques rapproche- ments avec les observations occasionnelles que lui ont communiquées les parents et les maîtres et ces mul- tiples traits que l’on peut relever dans les autobiogra- phies et les souvenirs d'enfance. M. Sully n’a pas prétendu écrire un traité complet de Psychologie infantile, pareil à celui dont M. Compayré a enrichi, il y a quelques années, la littérature scienti- fique de langue française. Son livre est, en réalité, un recueil d'études détachées et dont chacune pour- rait à la rigueur se suffire à elle-même, ce qui ex- plique la disproportion qui existe entre les divers chapitres, qui sont de très inégale étendue. Mais il y a entre toutes ces études un lien organique et elles forment un tout complet et cohérent : toutes, elles ont pour objet essentiel de mettre en lumière « l'origi- nalité » de la psychologie infantile et de faire com- prendre à quel degré diffère de celle de l'adulte la structure mentale de l'enfant au cours des premières années de sa vie. L'étude de l'âme de l'enfant est, si l'on peut dire, par définition, l'étude d'un développement. Mais, tandis que Baldwin songe surtout à se servir de la connais- sance des phénomènes qui constituent sa trame, pour expliquer les lois qui régissent les processus psychiques de l'adulte, M. Sully les examine en eux-mêmes et pour eux-mêmes, il essaie de penser avec l'enfant et, comme lui, de réaliser en sa conscience l’état d'esprit où Pen" fant se trouve placé et de jeter sur Le monde le même regard qu'il y jette. Le résultat, c'est qu’en raiso même des différences qui séparent l'adulte de l'enfant, dans ce livre tout descriptif cependant et dont Jess théories explicatives ont été bannies pour la plupart, beaucoup d'hypothèses implicites ont trouvé place, et bien souvent, ce sunt des hypothèses invérifiables puisque l'introspection ne peut plus nous fournir ei l'aide précieuse qu'elle nous donne pour l'intelligence de la psychologie de l'adulte. Il importe, toutefois, de relever l'excellent parti que M. Sully a su tirer des matériaux que lui fournissaient l'Ethnographie com parée et l'étude de la religion et de l’art des non civi disés : il a trouvé là des termes de comparaison qui luin ont facilité la compréhension de plus d'une démarch de l'imagination et de la balbutiante raison de l'enfant L'ouvrage se divise en neuf livres : le premier est consacré à l'étude des relations qui existent chez l'en fant — chez le très jeune enfant en particulier — entres les sensations actuelles et les images encore confuses. et indécises qui peuplent son esprit. Il insiste sur ce fait que l'imagination de l'enfant n’est jamais purement plastique et passive, mais toujours créatrice et inven tive quelque peu dans ses perceptions. La part qui revient aux images dans ses réprésentations des choses est bien plus considérable que chez l'adulte; aussi sont elles dans une large mesure illusoires. Tous les objets subissent des transformations profondes dans sa cons cience : il ne voit pas ce que nous voyons, il n'entend pas ce que nous entendons; il discerne mal le passés du présent el extériorise sans cesse ses images internes: Nulle part cette activité de l'imagination créatrice nem se révèle plus clairement que dans les jeux de l'enfant; aussi M. Sully a-til fait à leur étude une très large place dans cette section de son livre: il s’est attaché à déterminer la part qui revient à l'imitation dans les scènes que joue l'enfant et dans l'attitude qu'il à en= vers ses jouets et celle qui revient à l'invention; il an montré que le jeu était, plus encore qu'une activité sociale, un moyen d'objectiver, de traduire en actes des représentations, de les rendre pour soi-même tangibles et réelles. Aussi est-il pris au sérieux par l'enfant et constitue-t-il un très efficace agent de développement mental. M. Sully étudie, en ce même chapitre, les mythes enfantins et le monde de fictions où se complaît l'es- prit de l'enfant et qu'il construit avec les histoires qu'on lui a contées et ce que lui a appris de l'Univers san courte et obscure expérience. Mais ce serait une grande erreur que de se représenter l'enfant comme voué à vivre, sans en sortir jamais, au pays bleu de féerie ; il est très réaliste à sa manière et cherche à comprendre ce qu'il voit, parce qu'il a besoin de comprendre pour agir. Il ne s'attache, d’ailleurs, dans les objets, qu à ce” qui l'intéresse, il ne voit d'eux que le trait qui a pour lui quelque valeur, — et c'est ainsi que, tout nalturetlement" et sans le chercher, il fait des abstractions. Les objets concrets sont assimilés les uns aux autres et rangés en larges classes ou minutieusement distingués, suivant qu'il est de son intérêt de les discerner avec une préci= sion plus ou moins grande. L'acquisition de souvenirs nets et bien classés est la condition même de l'exercice de la raison, et il semble que ce soit ce besoin et ces désir passionné de comprendre qui fassent l'enfantatten- tif et lui permettent de retenir ce qu'il voit et de Suppo= ser dès lors des rapports entre les choses, des liaisons: li se représente tout d’abord ces lois des choses sous forme mythique; toutes ses explications, pareilles en, cela à celles des premiers hommes, transforment la nature en un ensemble de vivants semblables à lui: Mais les explications qu'il se donne à lui-même ne lar-n dent pas à ne plus le satisfaire, et vient alors l’âge des! questions. 11 interprète à sa manière, et par analogie avec ce qu'il sait déjà ou croit savoir, les réponses qu'on lui fait; rien n'est plus curieux que les conceptions qu'il se forme alors de la Nature, que ses idées sur lui-même et sur Dieu. M. Sully a consacré à cette cosmologie, à BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 380 “cette psychologie et à cette théologie enfantines, l’une “des meilleures parties de son livre. … L'évolution de la persée enfantine peut être étudiée, . d'ailleurs, avec une assez grande précision, parce qu'elle se reflète dans l’évolution parallèle que suit le mjangage enfantin. Nulle, peut-être, des multiples ques- tions qui se rapportent au développement mental de l'enfant n'a été plus étudiée ni mieux que celle du langage ; aussi M. Sully ne nous apporte-t-il que bien «peu de chose sur ce point qui soit vraiment nouveau, … mais son très long chapitre constitue un excellent ré- …_sumé des travaux antérieurs. Il examine {our à tour la « formation des mots articulés, les transformations pho- … néliques et sémantiques que les enfants font subir ii mots du langage des adultes, le rôle joué par l’ana- ogie dans ces altérations linguistiques, la construction des phrases, les déformalions imprimées au sens des phrases par certaines associations d'idées: les exem- … ples sont nombreux et bien choisis etcette étude mérite … de demeurer classique. —…._ Les pages où M. Sully traite de la sensibilité enfan- tine sont un peu rapides et fort incomplètes; l'auteur “s'est d'ailleurs borné à faire l’étude d’une seule émo- tion, celle de la peur: il passe successivement en “revue les diverses formes de peur (peur des sons, peur - des choses visibles, peur des animaux et peur de l'obs- “ curité). Les remarques originales abondent en ce . chapitre, dans la première et la dernière sections . 2 surtout, et les faits curieux; il convient de noter au passage la tendance de certains enfants à transformer … l'obscurité en une personne ou une chose. M. Sully a relevé d’intéressauts rapprochements entre les peurs des enfants et celles des sauvages et des neurasthéni- - ques et psychasthéniques. Dans les deux chapitres suivants, l'auteur traite de la - formation du sens moral et social chez l'enfant; il - étudie successivement les sentiments égoïstes et leur relation avec la colère, la genèse des sentiments altruistes et leur conflit avec les instincts brutaux et -(ominateurs originels, les mensonges et les formes diverses qu'ils revêtent dans la conscience enfantine, l'attitude de l'enfant vis-à-vis de l'autorité, ses luttes contre les personnes et sa docilité devant la règle et Ja coutume, la formation du sentiment de la justice. Les dernières parties du livre sont consacrées à l’es- thétique de l'enfant. Après avoir étudié l’attitude de l'enfant devant les beautés naturelles et les œuvres d'art et recherché comment se constitue et se développe chez lui le sentiment esthétique, M. Sully traite de ses premières tentatives artistiques, qui nous éclairent beau- coup mieux que des paroles sur sa conception du beau, - et manifestent les relations qui unissent au plaisir - du jeu les essais encore gauches ethésitants pour repré- . senter plastiquement les objets. Des pages fortintéressan- tes sont consacrées à la parure et aux histoires inventées par les enfants; mais, la partie essentieile de ce cha- pitre, c'est l'examen méthodique des dessins d'enfants, qui remplit, à lui seul, toute une section de l'ouvrage, la plus riche en faits nouveaux et en déductions origi- nales. Ce n’est pas seulement, d’ailleurs, sur la genèse et l'évolution du sentiment esthétique, mais sur celle . de la pensée que nous éclaire cette analyse des concep- tions et des procédés graphiques de l'enfant. De mul- tiples et fécondes comparaisons sont instituées entre ces dessins et ceux qu'exécutent les sauvages. De très nombreuses illustrations rehaussent la valeur de ce beau travail. La préface de M. Compayré est une utile et intéres- sante « revue » de l'état actuel des études relatives à la psychologie de l’enfant, et un court exposé critique des méthodes en usage. Les douze dernières pages sont rem- _ plies par des observations et des réflexions sur l'enfant dessinateur, qui complètent sur certains points la sug- gestive étude de M. Sully. L. MARILLIER, Agrègé de l'Université, Maître de Conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes, 4° Sciences médicales Nicolle (M.), Directeur de l’Institut impérial de Bac- tériologie de Constantinople. — Eléments de Micro- biologie générale. — 1 vol. in-18 de 342 pages avec figures. (Prix : 4 fr.) O0. Doin, éditeur. Paris, 1901. La Microbiologie tient aujourd'hui une telle place dans la Médecine qu'il ne faut pas s'étonner si, par une juste réciprocité, la Physiologie tend à son tour à en prendre une de plus en plus importante dans ce que l'on est convenu d'appeler la Microbiologie géné- rale. Pour mieux dire, la microbiologie, après avoir renouvelé toutes nos idées en matière de Pathologie, est devenue le point de départ d'une conquête physio- logique qui ne saurait se comparer, comme impor- tance, qu'à la découverte de la circulation du sang, par exemple. Tout le monde comprend que nous voulons parler de la phagocytose et de l’œuvre de M. Metchni- koff et de son école. L'ouvrage de M. Nicolle met bien en lumière cette évolution. Il se divise en deux parties. La première, que l’on pourrait appeler l’ancienne Mi- crobiologie générale, est consacrée aux microbes et à leurs fonctions. Nous retrouvons là les premières no- tions, dues à Pasteur lui-même, sur les microbes, leur nature, leur place dans la classification, leur nutrition, le pouvoir-ferment et l'équation chimique des princi- pales fermentations; puis, les chapitres consacrés aux sécrétions des microbes et aux propriétés générales des diastases, aux toxines, à la virulence et à ses varialions, préparent à mieux comprendre le rôle patho- gène des microbes, qui fait l'objet de la seconde partie. Ici l’auteur, adoptant frauchement la seule marche logique et conforme à l'état actuel de la science, place au premier plan l'étude de la fonction phagocytaire. I décrit les phagocytes au point de vue anatomique d’abord, puis au point de vue physiologique; il passe en revue leurs diverses propriétés : motilité, sensibilité chimique et tactile, migrations; il ne manque pas d'insister sur leur fonction digestive, la plus impor- tante de toutes, et sur les diverses sécrétions qui en sont le corollaire; ainsi se trouve mise au point la délicate question des substances bactéricides, des ly- sines, des alexines, des agglutinines. Nous assistons ensuite à la lutte de ces phagocytes contre les mi- crobes : c’est le chapitre consacré à l'infection et à l'inflammation. Puis, vient la grosse question de l'im- munité; l’auteur établit dès l’abord une distinction bien tranchée entre ces deux genres d'immunité : l’im- munité contre les microbes et l’immunité contre les toxines, distinction qui seule peut donner la clé de tant de faits et de tant d'expériences que leurs auteurs mêmes n'ont pas toujours su interpréter correctement. Cette distinction, M. Nicolle ne la perd pas de vue en traitant des divers modes de production de limmu- nité: immunité naturelle ou acquise, spécifique ou non spécifique, conférée par la maladie, par l'hérédité, par la lactation. IL complète cet exposé très clair par un résumé des travaux les plus récents, relatifs à la formation des anticorps; c'est en quelque sorte la partie documentaire et justificative de l'ouvrage. Enfin nous trouvons pour terminer, car l’auteur a eu le souci d’être complet eu un petit nombre de pages, un apercu sur les maladies infectieuses des plantes, chapitre nou- veau de cette microbiologie générale, née d'hier, et qui sera demain la véritable pathologie générale. La brève analyse que nous venons de donner permet au lecteur de se rendre compte de l'excellence du plan suivi par M. Nicolle, aussi bien que de son originalité et de la nouveauté des matières traitées qui, pour une grande part, se trouvent pour la première fois réunies en un corps de doctrine. Cet ouvrage, nous dit la pré- face, reproduit une fraction de l’enseignement que M. Nicolle donne aux élèves de l’Institut impérial de Bactériologie de Constantinople; à coup sûr, ensei- gnement et professeur honoreraient n'importe quelle Faculté de France ou d'ailleurs. Dr Répin, Attaché à l'Institut Pasteur. 386 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 25 Mars 1901, M. Paul Sabatier est élu Correspondant dans la Sec- tion de Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu membre de l’Académie. —M. Davidson est élu Corres- pondant pour la Section de Géographie et de Navigation, en remplacement de M. A. David, décédé. 1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. de Jonquières pré- sente une petite rectification à une note précédente sur les réduites caractéristiques d’une équation. — M. G. Mittag-Leffler euvoie une note sur une formule de M. Fredholm relalive aux étoiles de convergence. — M. H. Padé donne l'expression générale de la fraction rationnelle approchée de (1 + x)", et en tire quelques conséquences. — M. C. Maltézos a étudié les séries de monticules de poussière ou de sable fin qui se forment sur le fond de la mer d'une plage par temps calme ; ils sont dus à l’interférence des ondulations de l’eau qui vient avec celles réfléchies par le rivage; ce sont donc des lignes nodales. On peut reproduire ce phénomène dans un vase, et l’auteur l'a observé également sur la terre à la suite de l’action des vents. 2, SCIENCES PHYSIQUES. — M. Bordier communique une nouvelle théorie de la machine de Wimshurst sans sec- teurs. — M. C. Tissot a mesuré la période des ondes utilisées dans la télégraphie sans fil par la méthode de Feddersen. La période varie avec la longueur de l’an- tenne et celle de l’étincelle ; les périodes mesurées variaienf entre 0,6 X 106 et 1,8 >< 10-56 seconde. — M. Brauer donne la description du télautographe Rit- chie, appareil destiné à transmettre l'écriture et, d’une facon générale, tout dessin ou tracé linéaire, à une dis- tance quelconque, en utilisant les lignes téléphoniques à deux fils — M. H. Becquerel a recherché si les diverses parties du rayonnement du radium donnent également des rayons secondaires. Le rayonnement non déviable et très absorbable provoque des rayons secon- daires faibles; les rayons déviables en provoquent avec une intensité d'autant plus grande, qu'ils sont plus déviables et plus absorbés. Les rayons non déviables et très pénétrants donnent naissance à des phénomènes secondaires intenses. — MM. P. Curie et A. Debierne montrent que la présence des gaz joue un rôle dans la propagation de la râdio-activilé induite, car dans le vide parfait cette propagation n'a pas lieu. — M. A. Nodon a observé que des rayons X prennent naissance sous l'influence simultanée de radiations ultra-violettes et d'un champ électrique : les rayons X peuvent donc être produits directement dans l'air et en dehors du vide de Crookes. — M. L. Benoist a fondé une méthode de détermination des poids atomiques sur les lois de trans- parence de la matière pour les rayons X. Cette mé- thode, appliquée à l’indium, assigne à ce corps le poids atomique 113,4, identique à celui trouvé récemment par MM. Chabrié et Rengade au moyen des méthodes chi- miques. — M. A. Ponsot, étudiant la chaleur spécifique d'un mélange gazeux de corps en équilibre chimique, montre que le système dont la formation accroit le volume du mélange, et qui déplace l’autre quand le volume croît, est aussi celui qui tend à composer seul le mélange gazeux lorsque la température croit au delà de toute limite, que la pression reste constante, ou que le volume soit invariable. Sa formation accroît la cha- leur spécifique du mélange, et l'accroissement est plus grand sous pression constante que sous volume cons- tant. — M. M. Berthelot a examiné un métal ayant servi à l’incrustation d’un étui égyptien antique ; ce ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES — DE L'ÉTRANGER métal est constitué par du platine, allié à d’autres mine» rais de la mine de platine. — M. Berthelot a étudié 1 relations électrochimiques des états allotropiques l'argent. Si l’on plonge, dans une solution de nitrate d'argent, des électrodes formées d'un côté par de l’ar= gent en feuilles, de l’autre par l’une des quatre modif cations allotropiques, on observe un courant immédiat, qui baisse ensuite jusqu'à devenir nul, probablement par suite d’une modification de la surface de l'électrode: — M. A. Gautier, en chauffant en tube scellé de l'eau et des roches ignées pulvérisées, a obtenu une solution: identique aux eaux sulfureuses naturelles. Il est pro= bable que les gaz réducteurs qui se forment dans l'ac= tion de Ja vapeur d’eau sur les poudres de roches, agissent sur les silicates pour former, en présence di soufre des sulfures métalliques, des sulfosilicates et des oxysulfures, qui se décomposent ensuite facilement par l’eau. Les eaux sulfureuses naturelles doivent avoir là même origine. — M. H. Pélabon étudie l’action de l'hydrogène sur le réalgar et la réaction inverse, et l'influence de la température et de la pression sur Je phénomène. — M. M. Delépine a déterminé les chaz= leurs de formation des acétals et des composés iso= mères. La comparaison montre la différence thermiq qui existe entre un corps dérivé d'une seule chaïr carbonée et un corps dérivé de plusieurs chaînes carbo= nées, réunies par l'oxygène, susceptibles en général de se disloquer par fixation d’eau. — M. G. Massol a élu= dié thermiquement les trois acides oxybenzoïques, les. trois acides nitro-benzoïques, les acides o-chloro ef iodo-benzoïques et les acide 0- et p-bromo-benzoïques: — M. P. Lemoult présente des observations qui con= firment la généralité de la loi des auxochromes; l'étude des déformations des spectres d'absorption avec la dilution permettra de lui donner un énoncé plus absolu. — M. J. Bougault, par oxydation de l’anéthol, a obtenu successivement les corps suivants : l'aldé- hyde correspondant, puis l'acide correspondant, puisl paraméthoxyacétophénone, puis l’acide paraméthoxy= phénylglyoxylique, puis l'acide auisique. — MM. Hal ler et Guyot, par nitration de l'acide diméthylamido= benzoylbenzoïque, ont préparé l'acide mononitré cor= respondant, renfermant le groupe nitro en ortho par rapport au groupe diméthylamidé. Cet acide donnes avec la diméthylaniline, la diméthylanilinephtaléine mononitrée, qui peut être réduite en amidodiméthyla nilinephtaléine. — M. R. Fosse, en appliquant la réac: tion de Baeyer à un mélange de $-naphtol et d’aldéhyde. oxynaphtoïque, a obtenu le naphtylolnaphtyloxynaph-= tylméthane : C'°H6 OH.CHe.CH£ Kane? L'auteur en a préparé les éthers, et montre qu'il pos: sède la constitution d’un naphtylol-dinaphtopyrane. M. J. Hamonet a réduit le dibromo ou le diiodobutane par le zinc, dans l'espoir d'arriver au tétraméthylènes En présence de l'alcool, on obtient du butane: il ya done eu hydrogénation. En l’absence de tout corp étranger, il se forme de l'éthylène. La chaîne tétramé= thylénique est donc fort instable. — MM. L. Vignon et F. Couturier ont constaté que l'augmentation de I richesse du grain de blé en gluten se fait très lentement, pour des augmentations notables d'engrais azotés… D'autre part, l'augmentation des engrais phosphatés produit une diminution progressive dans la teneur dus grain en azote. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. H. Stassano à {rouvé,« “ans la sérosité sanguinolente qu'on retire par ponction “du ganglion satellite du chancre des syphilitiques, des “corps mobiles, parfois très abondants, qui, dans les préparations fixées et colorées, ont les caractères des infusoires flagellés du sous-groupe des Monadines. — M. S. Leduc a constaté que la courbe de l'ascension “thermométrique offre un moyen simple, facile et très “sensible d'apprécier l'intensité des combustions orga- niques dans les différents états physiologiques et patho- logiques. — M. Aug. Charpentier a étudié les carac- ‘tères de la conduction musculaire des excitations électriques dans les muscles de la cuisse chez la gre- mouille. Il a retrouvé, comme dans la conduction ner- veuse, l'existence de deux ondes : l’une lente, l'autre rapide. — M. André Broca étudie les variations de lacuité visuelle avec l'éclairage et l'adaptation. Pour les “éclairements élevés, l’acuilé visuelle diminue par l'adaptation à l'obscurité. — M. J. Kunckel d’Hercu- Jaïs établit qu'il y a dans l'ancien continent un grand “Acridien migrateur, le Schistocera peregrina Olivier, “dont l'aire de dispersion s'étend au-dessus de l'Equa- teur, dans le nord de l'Afrique et le sud de l'Asie; de même, il existe dans le nouveau continent un grand Acridien migraleur, te S. amerieana Drury, dont l'aire de dispersion s'étend au-dessus el au-dessous de PEquateur. Il est impossible que l’un de ces Schisto- cera ait pu traverser l'Atlantique. — MM. L. Ravaz et A. Bonnet ont comparé des rameaux de vigne, fou- droyés naturellement et artificiellement, avec des ra- eaux dits atteints de gélivure. Ils ont constaté que les altérations qu'ils portent sont identiques, et qu'elles sont dues uniquement à la foudre. Il en résulte que la gélivure doit être rayée de la liste des maladies micro- biennes de la vigne. — M. P. Choffat a pu constater, dans un gisement des environs de Lisbonne, que la HSE est d'âge incontestablement tertiaire. … Séance du 17 Avril 1901. 10 SGIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Mascart signale - que le bolide dont il a observé l'apparition le 24 sep- tembre dernier près d'Angoulême, à été apercu presque au même moment par M. L. Havet aux environs de Tours. — M. A. Liapounoff énonce une proposition très générale du Calcul des Probabilités. — M. Servant “ poursuit l'étude de la déformation du paraboloïde gé- “néral. — M. M. d’Ocagne indique un théoèrme qui … donne la somme des angles d’un polygone à connexion -multiple; il permet de vérifier la somme des angles d'un cheminement topographique quelconque. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. F. Larroque a reconnu que ni dans le son des instruments à archet, ni dans celui de la plupart des instruments de cuivre, l'analyse du timbre ne révèle l’existence d'harmoniques suraigus “très énergiques. Le mordant ou l'éclat du son de ces instruments résulte donc de la discontinuité du son. — M. G. Gouy a déterminé les [propriétés électrocapil- laires de quelques composés organiques en solutions aqueuses. La viscosité électrocapillaire ne dure qu'une ou deux minutes aux dilutions modérées; elle est nulle aux dilutions extrêmes, sauf pour la caféine et l’'amygdaline, corps extrèmement actifs. — M. A. Duboin à étudié les propriétés réductrices du ma- gnésium et de l'aluminium sur plusieurs corps; en particulier, l'action de l'aluminium sur l’alumine donne J'oxyde AO. — M. L. Wintrebert a préparé l’osmyl- oxalate de sodium Os0?(C*0*/Na°,2H°0 en traitant le peroxyde d'osmium en solution aqueuse par un mélange de bioxalate de soude et d'acide oxalique. Il a préparé également les osmyloxalates d'ammonium, d'Ag, de Ba, de Sr, de Ca. — M. P. Brenans, en faisant agir l'iode dissous dans l'iodure de potassium sur une solution -alcaline de phénol, a obtenu, dans des circonstances diverses, le diiodophénol-1 : 2 : 4, corps blanc, fusible “à 71-72, et le triiodophénol-1 : 2 : 4: 6, corps fusible à 1560, — M. Amand Valeur a fait réagir les dérivés organométalliques sur les éthers dérivés des acides bibasiques dans le but d'obtenir des glycols bitertiaires, ACADÉMIES ET SOCIÈTES SAVANTES 387 Avec l’éther oxalique, il a obtenu la pinacone dérivée de l’acétone ordinaire; avec le malonate d’éthyle, on oblient un alcool non saturé, provenant de Ja déshy- dratalion du glycol bitertiaire; avec le succinate d'éthyle, on obtient le corps : CH: C5 26 > C— CHE — CH —C< - C5” | | Nc OH oh MM. Tissier et Grignard, en faisant réagir l'eau sur les dérivés organométalliques C'H?:+1MgM', ont obtenu les carbures C'H°+2 à un élat de très grande pureté. L'action du magnésium sur fes alcools conduit à des alcoolates, du type (C*H*0)Mg. — M. Ch. Moureu, en faisant réagir l'iodure de magnésium-éthyle sur le ni- trite d’amyle et sur le nitrométhane, a obtenu dans les deux cas de la diéthylhydroxylamine. Ces faits éta- blissent que les dérivés organomagnésiens réagissent sur les dérivés oxygénés de l'azote et probablement aussi du soufre. — M. E. E. Blaise à reconnu que, dans la réaction d'un dérivé halogéné alcoolique sur le magné- sium, én présence d'éther anhydre, on obtient un dérivé élhéré d’une stabilité remarquable et de com- position RMgX(C*#H°}0. On peut obtenir des dérivés cristallisés de ce corps par condensation avec certains nitriles. — M. G. F. Jaubert à réalisé une nouvelle synthèse de l'aniline en faisant réagir l'hydroxyla- mine sur le beuzène en présence d'AICI® comme agent de condensation : CS + AzH°.OH — C'HS.AZH? + HO. MM. E. Jungfleisch et E. Léger rappellent que l’ac- tion de l'acide sulfurique dilué sur la cinchonine produit toujours une certaine quantité d'hydrocinchonine. Ils montrent que la cinchonine ordinaire contient toujours un peu d'hydrocinchonine, et que les propriétés qu'on lui à attribuées sont celles d'un mélange. Ils donnent les propriétés de la cinchonine pure. — M. M. Han- riot poursuit l'étude du mécanisme des actions lipolyti- ques. Les ferments lipolytiques se comportent absolu- ment comme les sesquioxydes de fer et d'aluminium, susceptibles de s'unir avec les acides organiques pour former des sels instables aisément dissociables. Il ne serait pas impossible que la lipase fut un sel de fer. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. E. L. Bouvier et H. Fischer décrivent l'organisation interne du /’/eurolo- maria Beyrichii Hilg, (spécialement le tube ‘digestif et le système nerveux). — M. P. Lesne signale des phéno- mènes de variation sexuelle qu'il a observés chez les mâles de certains Coléoptères appartenant à la famille des Bostrychides:; il les désigne sous le nom de pœæei- landrie périodique. — M. A. Robert à constaté que les Trochus conuloïdes Lam. et exasperatus Penn. ont des pontes agglomérées. Il a pu obtenir le développe- ment complet du Tr. conuloïdes dans des bacs-filtres à fond de sable, ou dans des bacs à fond de grès poreux. — M. E. Bataillon a reconnu que des solu- tions isotoniques convenables de diverses substances déterminent, sur l'œuf de Ztana lemporaria, les mêmes troubles de l'évolution dans la région du blastophore. L'action tératogène des substances employées est en rapport avec la plasmolyse qu'elles engendrent; elle est mesurée par leur poids moléculaire et leur coeffi- cient isotonique. — M. P. Vigier à étudié l'origine des parosomes où pyrénosomes dans les cellules de la glande digestive de l'Ecrevisse. Il lui parait évident que, sous l'influence de l’activité sécrétoire, le nucléole est le seul élément figuré qui émigre dans le cytoplasme pour contribuer à l'élaboration du produit glandu- laire. — M. A. Dangeard examine le rôle de la z00- spore et du spermatozoïde dans la reproduction sexuelle du Polytoma l'vella. — M. René Maire communique de nouvelles recherches eytologiques sur les Hyménomy- cètes. L'Hygrocybe coniea constitue une exception à la loi de la formation des basides établie par Dan- 388 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES geard. — M. G. Delacroix a observé une forme conidienne du champignon du Black-rot (Guignardia Bidwelli). Elle se trouve aussi bien sur les sclérotes que sur les pycnides ou les spermogonies. Elle est peu répandue en France. — M. F. Kôvessi a étudié l'influ- ence des conditions climatologiques sur la végétation des sarments de vigne. La chaleur et la lumière sont nécessaires à un bon développement, mais un excès d'humidité suffit pour produire un mauvais aoûtement dans des régions même bien favorisées aux autres points de vue. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 19 Mars 1901. L'Académie procède à l'élection d'un membre titu- laire dans la Section de Pathologie médicale. M. Joffroy est élu. M. A. Proust indique la distribution géographique de la peste dans les cinq parties du monde en 1900 et au commencement de 4901. Il donne, pour les princi- paux centres, l'histoire de la marche de l'épidémie, le relevé des cas et des décès et les mesures prophylac- tiques employées. — M. Paul Reclus cite un certain nombre de cas où la méthode de Bier (anesthésie par injections intra-arachnoïdiennes de cocaïne) a eu un résultat mortel. Il lui semble qu'à l'heure actuelle on ne doit pas abandonner les autres méthodes d’anes- thésie qui ont fait leurs preuves. — MM. A. Robin et M. Binet cherchent à montrer que la tuberculose ne se développe que sur un terrain particulier. L'une de ces conditions de terrain est la déminéralisation orga- nique ; la seconde consiste dans une élévation marquée des échanges respiratoires. — M. Chapot-Prévost lit un travail sur un nouveau xiphopage vivant du sexe masculin. — M. Barette communique une note sur un cas d'appendicite gangreneuse hypertoxique compliqué d’ictère grave mortel. ‘Séance du 26 Mars 1901. M. Nocard présente quelques considérations sur la fièvre aphteuse et son traitement, à propos d'une note de M. Jouarre. Cette maladie, qui s'est répandue dans tous les pays de l’Europe, n’a été combattue victorieu- sement qu'en Angleterre, grâce à des mesures extré- mement rigoureuses. Dans les autres pays, malgré des législations sanitaires souvent excellentes et bien appli- quées, elle continue à causer de grands dommages. La découverte de l'agent microbien qui la provoque, et des divers modes de sa propagation permettra proba- blement de la combattre avec plus de succès. En atten- dant, tous les traitements qui ont été proposés n'ont guère donné de résultats. — M. J.-V. Laborde, à pro- pos de la discussion sur les injections intra-arachnoï- diennes de cocaïne, rappelle qu'il a publié, il y a déjà dix-huit ans, une étude complète sur l’action physio- logique de la cocaine et de ses sels, laquelle permet de prévoir les dangers des injections ainsi pratiquées vomissements, céphalée, tremblements, syncope cardio- respiratoire, ete. Il y aurait peut-être lieu de remplacer l'injection intra-arachnoïdienne par l'injection intra- musculaire ou intra-abdominale, qui ne présentent pas les mêmes dangers. — M. A. Soret a constaté que l'io- doforme est très opaque aux rayons X, et que, dans la radiographie d'une plaie pansée avec l’iodoforme, les grains de celui-ci produisent des ombres noires, qui pourraient suggérer l’idée de la présence de grains métalliques. Il y à donc lieu, pour les radiographes, de se mélier de l'iodoforme, si souvent employé dans les pansements. — M. A. Proust termine l'étude de Ja peste en 1900 dans la Colonie du Cap, en Angleterre et à bord de divers navires. Dans beaucoup de cas, les rats et les souris ont servi d'agents de transmission. Le sérum de Yersin s'est montré efficace dans plusieurs épidémies, L'auteur termine en indiquant les mesures nécessaires pour protéger la France contre l'importa- tion de la peste, ou pour y arrêter immédiatement ce . Elle avait probablement pour origine la pénétration dans fléau. — MM. J.-V. Laborde et Gibrat communiquent divers cas de rappel à la vie par les tractions rythmées de la langue, sur des personnes ayant subi l'intoxica= tion par l'oxyde de carbone. Séance du 2 Avril 1901. M. Panas présente un rapport sur un travail du D' Lagrange, relatif à quatre cas de guérison degliomes de la rétine. Ces observations tendent à nous rassurer sur la gravité du pronostic d'une affection en règle générale désespérante et qui conduit les petits sujets à une mort horrible. — M. Panas présente un autre rap= port sur un mémoire de M. Aug. Collomb, relatif à un cas d'infection cornéenne due à l'Aspergillus fumigatus. l'œil de poussières provenant de sacs de cacao secoués par le sujet dans son travail. — M. Brunon pense que, pour empêcher l’éclosion de la tuberculose, il faut s'adresser à ses causes qui sont : l'alcoolisme, le con- finement dans les maisons urbaines, la sédentarité dans les ateliers et les collèges, la vie dans les villes, l’igno- rance des lois de l'hygiène. Pour parer au plus pressé, enrayer la marche de la maladie et sauver les malades susceptibles de guérison, il suffit de les transporter hors des villes, et de les soumettre à une aération con- linue. Le sanatorium construit à grands frais n’est pas indispensable pour appliquer ce traitement. Nombre de malades de fortune modeste se guérissent en faisant la cure purement et simplement à la campagne. Les indigents des hôpitaux pourraient bénéficier de la même méthode et être envoyés par l’Assistance publique dans des bâtiments achetés ou loués à la campagne. — M. Lancereaux communique un relevé personnel de 2.192 observations de tuberculose avec la nature des circonstances qui ont préparé le terrain. L’hérédité est. peu fréquente et la contagion rare; les deux grandes causes qui favorisent l'éclosion de la maladie sont : 1° les excès de boissons alcooliques et surtout de bois-\ sons avec essences (1.229 cas); 2 l'encombrement ou l'insuffisance d'aération et le sédentarisme (651 cas). C'est contre ces deux causes qu'il faut lutter pour enrayer la marche de la tuberculose. — M. Moty lit un travail sur le rôle des oxyures dans l'appendicite. — M. Piéchaud communique une note sur l'extraction, par un électro-aimant, d'un corps étranger métallique situé daps la bronche gauche. — M. Bureau lit un tra- vail sur les strychnos africains et les plantes servant à empoisonner les armes en Afrique. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 16 Mars 1901. M. Wlaeff a constalé que le sérum normal ne doune pas les mêmes réactions locales, générales et leucocy- taires que le sérum des animaux immunisés par les blastomycètes pathogènes des tumeurs malignes de l'homme. — M. V. Henri a observé que l'addition de sucre interverti ralentit la vitesse d’inversion du sac- charose par la sucrase. Par contre, lorsque, pendant l'inversion du saccharose par la diastase, on ajoute une nouvelle quantité de saccharose, la vitesse d'inversion est augmentée. — M. Ch. Féré à reconnu que l’ano- malie du pli d'opposition du pouce coïncide avec une disposition musculaire particulière : l'insertion du muscle adducteur du pouce, au lieu de s'étendre à toute la longueur du métacarpien du médius, ne s'étend qu'à un peu plus de la moitié supérieure de cet os. — M. G. Weiss montre que l'exception apparente des muscles pseudo-penniformes à la loi de l'adaptation fonctionnelle s'explique par la structure particulière de ceux-ci. — M. H. Ribaut a constaté que, chez le chien au repos, sous l'infiuence de la caféine, il y avait à peu près constamment une surproduction de chaleur. — MM. L. Marchand et Cl. Vurpas ont étudié les lésions du système nerveux central dans l'inanition. Les alté- rations observées sont surtout des lésions atrophiques portant sur le corps cellulaire et les prolongements. — AN. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 389 F. Dévé a observé la transformation directe des olex en kystes échinococciques. — M. E. Suchard à servé que les cellules endothéliales du trouc de la eine porte ont la forme de pentagones ou d'hexagones issez réguliers. — M. L. G. de Saint-Martin a déter- iné l’oxyhémoglobine du sang par la méthode spec- rophotométrique ou par le dosage du fer, et a toujours btenu des résultats d'une rigoureuse concordance. — M: L. Grimbert a reconnu que le Pacillus tartricus, produit de l'acétylméthylcarbinol. — M. J. Guiart ignale la présence de nombreux helminthes dans “diverses affections intestinales. Ceux-ci seraient inof- e l'intestin et en les percçant, ils livreraient passage x nombreuses bactéries intestinales. — M. L. Capi- n signale un cas de pneumonie franche arrêtée dans on évolution, puis guérie par l'injection de sérum ntidiphtérique, suivant la méthode récemment inau- urée par Talamon. — MM. G. Félizet el A. Branca décrivent la structure des cellules interstitielles du tes- ieule eclopique. — M. Ch. Dopter a produit expéri- mentalement des névrites par injection de sérum lurémique au niveau du nerf sciatique de cobayes. Il y Malà une indication sur la genèse de certaines para- | Iysies urémiques. — M. R. Oppenheïm à recherché le rôle des capsules surrénales dans la résistance de l'or- nisme à quelques infections. Pour le pneumo-bacille, observe une résistance plutôt moins grande des inimaux décapsuülés. Pour le tétanos et le charbon, pas d'influence appréciable. Pour la diphtérie, les animaux “partiellement décapsulés survivent plus longtemps que es témoins. — MM. R. Oppenheim et M. Lœper décri- ent les lésions des capsules surrénales dans quelques infections expérimentales, — M. G. Carrière a conslalé qu'il existe, dans les cultures de bacille de Koch, un ferment soluble qui décompose la monobutyrine, ana- Mlogue ou peut-être identique à la lipase de M. Hanriol. “Il n'y à pas de rapport constant entre la teneur d'une . culture en fermeut et sa virulence. Séance du 23 Mars 1900. M. Chaleix-Vivie a reconnu que le bleu de méthy- lène exerce une action bactéricide remarquable sur le “eonocoque. — M. G. Marinesco décrit les lésions des entres nerveux conséculives à l'élongation des nerfs “périphériques et craniens. — MM. A. Laveranet F. Mesnil ont observé le mode de multiplication du try- | panosome du Nagana (Herpetomonas Brucei); c'est une simple division longitudinale. — Les mêmes auteurs établissent que le corpuscule chromatique pos- érieur des Trypanosomes est de nature centrosomi- que. — MM. M. Lambert et L. Garnier montrent que hyperglycémie chloroformique est due, au moins partiellement, à une action autre qu'un réflexe ayant le poumon pour point de départ; il y a probablement “une action sur le foie lui-même, — M.J. Rehns mon- tre que les hémolysines composées, spécialement les exines, existent à l'état libre et actif dans le sang circulant. — MM. D. Courtade et J. F. Guyon ont éludié l'excitabilité comparée du nerf érecteur sacré et du nerf hypogastrique. — M. J. Cluzet indique deux nouveaux procédés pour la recherche de la bile dans Jes urines. Ils consistent à mesurer la tension super- ficielle, soit par la méthode du comptes-gouttes, soit . par celle des ascensions capillaires. Un abaissement de a tension normale indique la présence de la bile. — M: H. Vincent a cullivé avec succès le bacille fusiforme dans les milieux organiques liquides, de préférence - humains. L'inoculation du bacille sous la peau des animaux donne lieu à des abcès, à des trajets fistuleux -eta des foyers de nécrose ulcéreuse. — M. M. Cavalié indique un procédé simple pour mettre en évidence la perte de substance de la couche d'albumen de l'œuf de 4 ü Griffon à constaté que, dans la méningite cérébrospi- nnäle à méningocoques de Weichselbaum, les méninges restent imperméables à l’iodure de potassium, et que celui-ci ne peut-être décélé dans le liquide céphalo-ra- chidien. — M. G. Le Bon montre que la phosphores- cence des êtres vivants paraîtêtre liée à des phénomènes d'hydratation et de déshydratation. — M. G. Carrière a fait l'examen cytoscopique du liquide céphalo-rachi- dien dans la sclérose en plaques. — MM. Ch. Achard et M. Loeper ont éludié la rétention des chlorures par les tissus au cours de certains élats morbides. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Scance du 22 Mars 1901. M. Callendar expose ses recherches sur la dilatation de la silice. L'extrême petitesse de l'expansion ther- mique de la silice (quartz fondu) rend la détermination du coefficient de dilatation très difficile. L'auteur a fait ses expériences sur une barre de silice pure longue de 40 centimètres, et d'un diamètre de { millimètre. Cette barre était renfermée dans un tube de platine d'envi- ron 3 millimètres de diamètre, qui pouvait être porté à diverses températures par le passage d’un couran électrique. La barre et le tube étaient fixées à ur extrémité, et la position de l'autre extrémité éta observée au moyen d’un microscope à lecture micro- métrique à un millième de millimètre près. La dilata- tion du tube, dont on connaissait le coeflicient d’ex- pansion, servait à calculer sa température, et, par suite, celle de la barre. L'augmentation de longueur, la longueur originale, et l'intervalle de températures de la silice étant connus, on en pouvait déduire son coef- ficient de dilatation. Dans des expériences prélimi- naires, l’auteur avait examiné la distribution des températures le loug d’une barre de platine chauffée et soumise au refroidissement à ses deux bouts; le résultat avait montré que l'erreur due à ce refroi- dissement pouvait être négligée dans le cas de la silice. La dilatation de la silice jusqu'à 1.000 est régulière; elle est d'environ un dix-seplième de celle du platine. Eotre 1.000° et 4.400o, la silice se dilate plus rapidement qu'au-dessous de 1.0009, et si on la laisse pendant très longtemps à la même température, elle continue à augmenter de longueur. Si l’en représente le phéno- mène par une courbe, les températures étant portées en abscisses et les augmentations de longueur en ordonnées, une ligne droite correspond à la dilatation de la silice jusqu'à 1.0000. Au - dessus, la ligne s'in- curve vers le haut, ét par refroidissement, elle revient suivant une ligne supérieure à la courbe ascendante, de sorte que la longueur finale de la barre est plus grande que la longueur primitive lorsqu'on revient aux basses températures. La détermination du coeffi- cient de la dilatation à ces hautes températures a été faite au moyen du zéro variable, c’est-à-dire en prenant pour longueur de la barre celle que l’on obtient en la refroidissant subitement jusqu'à la température la plus basse. À 1.400°, les propriétés de Ja silice s’altèrent et la dilatation est remplacée par une contraction. Au refroidissement, on observe alors une dilatation suivie d'une contraction. Le point critique auquel se manifeste la contraction par le chauffage avait été trouvé de 800° environ par Le Châtelier; celui-ci utilisait une méthode différentielle, en employant la porcelaine comme éta- lon. Comme la dilatation de la porcelaine est incertaine, l'auteur estime que l'effet observé était piutôt dû à des irrégularités dans la dilatation de la porcelaine que dans celte de la silice. M. C.-V. Boys fait observer que. la faible dilatation de la silice en fait une bonne suspension pour les pendules, à cause du peu de com- pensation nécessaire. Ses propriétés élastiques par- faites la rendraient utile pour les ressorts des chrono- mètres. M. Threlfall a fait des expériences similaires en principe à celles de lauteur entre 0° et 100°. La dévitrification de la silice vient troubler le phénomène, et il pense qu'elle doit augmenter avec la température. — M. Baly présente ensuite les appareils spectrosco- piques d'University College. 390 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Mars 1901. MM. W. C. C. Pakes et W. H. Jollymann ont reconnu que les bactéries qui décomposent l'acide for- mique en CO? et H réduisent aussi l'acide nitrique en acide nitreux. Si on les cultive dans un milieu eonte- nant à la fois un formate et un nitrate, il ne se dégage pas de gaz, mais on trouve dans la solution du bicar- bonate et du nitrite. Ces mêmes bactéries, cultivées en présence de d-glucose et de nitrate, dégagent CO? et Az, et aussi H quand le sucre est en excès. Les auteurs n'ont pas encore trouvé de bactérie qui décompose les formales sans réduire les nitrates. — MM. S. W. Ru- hemann et H. W. Bausor, en condensant les acides crésoxyfumariques sous l'influence de l'acide sulfurique concentré, ont obtenu les acides tolu-y-pyronecarboxy- liques et les tolu-y-pyrones. — M. T. S. Patterson a étudié l'influence des alcools isobutylique et octylique comme solvants sur la rotation du tartrate d'éthyle. Les deux liquides abaissent la rotation spécifique de la substance active dissoute, le second plus que le premier. Il y à une rotation minimum distincte pour certaines concentrations. Le lartrate d’éthyle à dans l'alcool iso- butylique un volume de solution moléculaire plus grand que dans l'alcool »-propylique et plus faible que dans l’alcooloctylique.—MM.P.F.FranklandetF.W.Aston ont étudié l'influence du groupe hétérocyclique du fur- furane sur le pouvoir rotatoire en préparant le dipy- romucyltartrate diéthylique et en déterminant sa rota- tion. L'influence du radical pyromucique est semblable à celle des acides aromatiques, mais, à l'inverse des radicaux d'acides gras, les dérivés du tartrate d’éthyle avec ceux du premier sont plus fortement lévogyres, lan- dis que ceux des seconds sont plus fortement dextrogyres que le tartrate d'éthyle lui-même. Les dérivés pyromu- ciques ressemblent aussi aux dérivés aromatiques cor- respondants en ce que leur lévorotation est diminuée par élévation de la température, tandis que les dérivés correspondants des acides gras ont leur dextrorotation abaissée dans les mêmes circonstances. — M. J.-J. Sudborough propose la règle suivante pour classifier les deux éthers monoalkyliques isomériques d’un acide dicarboxylique asymétrique : l'éther & sera celui qui aura la plus haute constante d’éthérification et l'éther 8 la plus basse. L'auteur indique les avantages de ce système. — M. J.-J. Sudborough a obtenu, en chauffant le trinitrobenzoate d’a-naphtylamine avec de l'alcool, un composé d’addition du trinitrobenzène avec l'a-naphtylamine en belles aiguilles rouges. On obtient de la même facon des composés analogues, tous rouges pourpres, très stables, solubles dans l'acide acétique glacial d'où ils recristallisent. Ils donnent avec l’anhy- dride acétique un dérivé monoacétylé, où le radical acétyle est relié à l'azote. — Le même auteur a reconnu que toutes les substitutions en ortho, qu'elles soient d'un caractère positif ou négatif, ont la propriété d'accélérer la formation des dérivés diacétylés des amines pri- maires. — MM. R.-H. Pickard et W. Carter, en oxy- dant les aldéhydes avec le persulfate d’ammonium en présence de chaux, ont obtenu l’amide de l'acide cor- respondant avec un rendement de 30 à 40 °/,, qui peut s'élever à 70 °/, par un second traitement analogue. — M. A.-C. Hill décrit une méthode pour isoler le mal- tose dans un mélange de ce corps avec le glucose. — M. E.-P. Perman a déterminé les tensions de vapeur de solutions aqueuses d'ammoniaque pour des concen- trations variant de 0 à 35 °/, et des températures de 0° à 60°. La varialion de la pression avec la concentra- tion à diverses températures est représentée par l’équa- tion : p(100—c)— ac-be*; a et h sont des constantes el c la concentration de l’ammoniaque dans la solution. La variation de la pression avec la température (la con- centration restant constante) est exprimée par l’équa- Séance du T7 1 Voyez la Revue du 15 avril 1901, t. XII, p. 300. tion : log. p—a-ft+yt?; «,$ et y sont des constantes;la dernière toujours négative. Le même auteur a refait les expériences précédentes avec des solutions ammonia= cales contenant du sulfate de soude entre 26° et 472 Les courbes ne sont pas très différentes, ce qui PrOUVE que le sulfate de soude n'existe pas à l'état d’hydrates dan: la solution. — MM. W. Lawrence et W.-H: Perkin jun. ont préparé des dérivés aromatiques à partir du glutaconate d’éthyle et de ses composés!, = M. Ph.-A. Guye a confirmé les résultats de Tschugaeffl d’après lesquels la rotation optique de composés conte nant le groupe phénacétyle est plus proche de celle: des composés renfermant les groupes acétyle ou chlo=M racétyle que celle des dérivés contenant le groupe to= luyle, bien que la masse du groupe phénacétyle se rapproche plus de celle du groupe toluyle que de celle. d'aucun des autres groupes. La même remarque a été faite avec le groupe amyle. Une autre conclusion plus. générale de l’auteur, c'estique lorsque des substitutions. de chaines ou de groupes d'éléments sont effectuées dans un composé possédant un carbone asymétrique suffisamment loin de cet atome asymétrique, la rota tion n’est que légèrement affectée. — M. A.-E. Dixon: a préparé la $-chloroallylthiocarbimide CH°: CCI.CHPA AZCS, huile incolore, bouillant à 1820, qui, avec l'ammo= niaque, donne la chloroallylthiourée d'Henry. Celle-ci, chauffée avec l'acide monochloracétique, fournit le chlorhydrate de la f-chloroallylthiohydantoine : /S — CH CH?.CCL. CHE. A7H.C€ l NAz— CO d'où l’on peut retirer la thiohydantoïne et l'acide thio= glycolique. L'auteur a préparé aussi les a b-chloroal= lylphényl(-orthotolyl, -benzyl) thiocarbamides.La $-chlo= roallylthiocarbimide absorbe du brome pour donner la B-chloro-Bydibromopropylthiocarbimide, qui s’unit avec l'aniline pour former un composé cyclique : - Az Ya ya LIN GFI5 CH BEEN OA : Avec la benzylamine, on obtient une base analogue: — M. A.-E. Dixon a remarqué antérieurement que le trithiocyanate de phosphore P(CAz)* semble posséder, des propriétés thiocarbimidiques aussi bien que thio=" cyaniques; de nouvelles recherches lui ont montré que le pouvoir de fonctionner des deux manières est égale ment manifesté par les produits qui dérivent des thio= cyanates métalliques et des chlorures d'éléments ou des radicaux électronégatifs. Ces produits, traités par une base comme l'aniline, donnent des précipités qui offrent l'épreuve de la désulfuration, caractéristique des (hio=" carbamides et qui sont généralement hydrolysés par l’eau en donnant desthio-urées substituées correspondant aux bases employées. Ainsi le trithiocyanate de phos phore P(SCAz)' donne avec l’aniline un corps Jaune, décomposé par l’eau chaude en donnant la phosphotri phényltrithio-urée P(AzH.CS.AzH.C5H"}. Le trithiocya- nate de phosphoryle PO(SCAz}, obtenu par l’action de POCEF sur le thiocyanate de plomb, présente les réac- tions thiocarbimidiques et s'unit avec l’aniline, l'o-tolui-\ dine et l'ammoniac sec. Le dérivé de l'aniline se dissout dans l'eau chaude et laisse déposer de la phényl- thio-urée, qui provient probablement de l'hydrolyse de la phosphoryltriphényltrithiocarbamide PO(AZH.CS: AzH.C‘H5)*. i ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Mars 1901. | 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. C. Kluyver : Sun le développement d'une fonction en une série de poly= nômes. Comme l’a remarqué M. E. Borel (Ann. de 4 Voir le détail de ces recherches dans le présent fascicule | de la Revue, page 351. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Æcole norm. sup., t. XVI, p. 132), le problème fonda- mental consiste dans la décomposition de 1 : ({— x). Des solutions de ce problème fondamental ont été données par MM. Mittag-Leffler (Acta mathematica, o(t. XXIII, p. #3 et t. XXIV, pp. 183 et 205) et Painlevé Comptes rendus du 23 mai et du 3 juillet 1899). Ici lauteur en donne une solution nouvelle, peut-être au oint de vue de la théorie un peu plus simple que les solutions précédentes. Comme l’a démontré M. Painlevé, problème de la décomposition de 4 : (1 — x) est lié à lui de la représentation conforme, caractérisé dans la détermination par un certain degré de liberté. Dans ce problème il s’agit de représenter l'intérieur d'une cir- conférence se rapportant à la variable u, au centre u— 0, et avec un rayon égal à l'unité, par l'intérieur d'une courbe fermée sans nœud se rapportant à la va- able 7, qui inclut l'origine z—0 et passe par le point Z—=—+ 1. Aux valeurs 0 et+ 1 de u doivent correspondre s valeurs 0 et +1 de z; de plus on doit faire dépendre à forme de la courbe de z d'un ou de plusieurs para- mètres, de manière qu'à des valeurs convenablement choisies de ces paramètres correspondent des courbes lus ou moins oblongues, limitées d'un côté par un rcle de Z au centre Z—0 et au rayon r —1 et de l’au- re côté par une bande d'épaisseur infiniment petite environnant le segment de droite (0,+1). Ici l’auteur ppose que ces courbes de z sont des ellipses dont — 0 représente un des foyers et z— 1 le sommet de Vautre côté du grand axe. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. van der Waals : Péquation eritique et la théorie du mouvement cyclique. Seconde communication (pour la première, oir Atev. génér. des Se., t. XII, p. 297). Ici l’auteur con- sidère des molécules se composant de trois atomes. lahord il écarte des cas particuliers de trois atomes i se ramènent à des cas de deux atomes. Le cas de dP, , dP : (r + 7) (DA) IT, 1 dPy dPy AL (r Ste Gr + =) (De — Dos) =RT, qQ qui se réduisent à une équation critique unique en ( eux cas particuliers. En supposant qu'on ait : » 1 Ê 1 \e Pau = 5œ(b — bo), Poz = > de (De — Dos), on trouve : dPy | Le+T +atb— 2] 87, mme dans le cas d'une molécule à deux atomes, pour très grand en comparaison de «,, et : [r nee 5 (bb) | 2) —2RT, pour «, —*,. Pour les cas situés entre ces deux limites on a donc : À dby / ke [+ +au-n]o-2 rer où le multiplicateur f est compris entre 1 et 2. L'auteur, en supposant /—2, a appliqué cette formule aux résul- “tats des expériences sur l'acide carbonique, publiées dans son ouvrage : Continuität, etc. (tome 1, chapitre Sur les expériences d'Andrews). A l'aide de certains éveloppements, il trouve : |: De +) | y—hb by — b5) |’ ce qui donne des approximations assez satisfaisantes, omme le montrent les Chiffres suivants : CALCULÉ TROUVÉ b = 0,001798 v — 0,002622 0,002629 b — Ü,0018% v — 0,002731 0,00275 b — 0,00195 y = 0,003050 0,003026 b = 0,0020 v—0,003213 0,00321 Ensuite l’auteur déduit des équations qui font trouver le point critique, dans la forme : . a v— b 92 RT db PT RT an nl (à db db 3 se dv} dv CORTE ON ECS _ dv M. H. Kamerlingh Onnes : Sur les expériences de M. de Heen relatives à l'état critique. La littérature scien- tifique fait mention de plusieurs expériences qui peuvent mettre en doute la rigueur de l'hypothèse de la conti- nuité des états fluide et gazeux, qui forme la base de la théorie de van der Waals. En particulier, ces expé- riences font douter qu'une matière simple n'admette pas une tempéralure, une pression et un volume cri- tique uniques, qu'au-dessus de la température critique elle ne se présente pas avec une densité unique pour une pression et une température données, et qu'au-dessous de la température critique, chaque température n'ad- mette pas deux densités déterminées de phases stables coexistantes d'équilibre. Seulement, on à toujours pu indiquer des circonstances dont on avait oublié de se rendre compte dans ces expériences. Si on les répète en prenant les précautions nécessaires indiquées, elles constituent alors autant de preuves de la théorie en cause. En 189%, M. Kuenen prouvait que les déviations observées dans les expériences de M. Galitzine sont dues à l'influence de quantités extrèmement petites de substances étrangères. Par ces recherch. s de M. Kuenen (Rev. génér. des Se., t. NV, pp. 558 et 595), non seulement les considérations de M. Galitzine ont été réfutées, mais aussi celles de M. de Heen. Toutefois, ces beaux résultats n'ont pas pu convaincre M. de Heen de la nécessité d'appliquer le plus grand soin à la purifica- tion de la matière à étudier. Au contraire, en 1896, M. de Heen a publié de nouvelles expériences, avec CO®, sur la purification duquel il ne donne pas un seul détail. D'après ces expériences une densité critique déter- minée, admise jusqu'à présent, serait une quantité chi- mérique, à remplacer par deux quantités réelles, une densité critique 0,640 de l'acide fluide et une den- silé 0,298 de l'acide gazeux, dont la densité chimérique ne formerait que la moyenne. Le présent mémoire de M. Onnes fait connaître les tentatives de M. J.-E. Ver- schaffelt et de l’auteur pour corriger les expériences de M. de Heen. Elles prouvent que les déviations des résul- tats de M. de Heen deviennent inférieures aux erreurs d'observation, si l’on y apporte les corrections néces- Saires. Seulement, comme M. de Heen n’a pas fait atten- tion aux éléments dont dépendent ces corrections, il faut se restreindre à leur caractère général. D'après les conclusions de l’auteur, il est donc désirable que M. de Heen lui-même répète ces expériences avec les précautions indiquées ; en attendant, il n’est pas permis d'emprunter à ces expériences, faites avec des matières impures, le droit de douter de la rigueur des consi- dérations qui forment la base de la théorie de M. van der Waals. — Ensuite M. H. Kamerlingh Onnes pré- sente, aussi au nom de M. H.-H.-F. Hyndman : /s0- thermes de gaz à deux atomes et de leurs mélanges binaires. I (Piézomètres à volume variable pour des températures basses). Pour des raisons théoriques, on préfère se servir exclusivement des gaz à un atome dans les recherches de précision sur les isothermes de gaz purs et de leurs mélanges binaires. Malheureusement on ne dispose que des trois matières He, À, Hg, dont la première et la secoude sont trop coûteuses, tandis que la troisième a une température critique tellement éle- 392 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES vée, qu'à la détermination de cette température s'op- posent de grandes difficultés expérimentales. Donc on est obligé d'employer des gaz à deux atomes. Les expé- * riences de M. Amagat ontfait connaître des isothermes pour des températures au-dessus de 0°, et des pressions jusqu’à 3.000 atmosphères même. Mais pour des tempé- ratures basses, presque toutes les données nous font défaut, si l'on excepte les recherches pionnières de M. von Wroblewski sur l'hydrogène jusqu'à — 180°, et celles de M. Witkowski sur l'air jusqu'à — 1450. Ici il s'agit d’une troisième série d'expériences, entreprises depuis 1894 dans le Laboratoire cryogène de l'Univer- sité de Leyde. 1. Exposé de la méthode. 2. Disposition générale. 3. Les piézomètres. 4. Les cylindres de pres- sion etleurcombinaison.5. Lesmanomètres.6.Influence des erreurs dues à la construction. — Enfin, M. Onnes présente au nom de M. F.-A.-H. Schreinemakers : Les équilibres de systèmes ternaires. Dans la détermina- tion des compositions de phases fluides conjuguées, on rencontre quelquefois des difficullés expérimentales presque insurmontables. Cela arrive, par exemple, si les deux fluides en équilibre l’un avec l’autre forment une émulsion, ou si la chimie analytique n'offre pas les moyens de déterminer les quantités des deux matières composantes. Cependant on peut atteindre dans ces cas, par approximation, le but qu'on se propose, en suivant des détours. L'auteur en donne un exemple en s’occu- pant du système Eau-Phénol-Acétone. M. A. Smits : Le facteur i comme fonction de la concentration. Par- mi les sels examiriés par l’auteur, le KAz0, est le seul où le facteur i (voir /?ev. génér. des Se., t. XII, p. 200), décroit si la concentration augmente. Aussi, l'auteur s’est proposé de rechercher s'il y a d'autres sels se comportant de la même manière. Le KAZ0, étant un sel anhydre, cet examen a porté sur des azo- tates dont on ne connait pas d'hydrates. L'instrument dont s’est servi l’auteur est l'appareil de Landsberger modifié (voir Rev. génér. des Se., t. XI, p. 1074). Les résultats ont trait à NaAzO,, Ba(AzO,), Sr(Az0.)., AgAzO,, Pb(Az0,).. Ils prouvent que NaAzO,, Ba(Az0,), AgAz0,, Pb{Az0,), se comportent de la même manière que KAzO,, tandis qu'au contraire le facteur 1 croît avec la concentration chez Sr(Az0O.).. Rapport entre ces résultats et ceux obtenus par MM. Krannhals et Jahn. — M. C. Lobry de Bruyn présente au nom de M. P.-K. Lulofs : Vitesse de substitution chez les dérivées halo- génés-azotiques aromatiques. Communication en rap- port avec une étude de MM. Lobry de Bruyn et Steger (Rev. génér. des Se., t. IX, p. 919). Toi la recherche est ® étendue à d'autres substances de la série aromatique. — M.E. Mulder présente au nom de M. G.-H. Coops la thèse : Réaction de l'acide muriatique sur une solution aqueuse de formaldéhyde (en hollandais). — M. J.-C. Kapteyn présente, au nom de M. Chr. A.-C. Nell : Bandes polaires, d'après des observations de vingt années par H.-d.-H. Croneman. 90 SGIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck: Les bactéries oligonitrophiles. A s’agit ici des microbes qui se développent sous concurrence libre avec le monde bactériel entier en des milieux nutritifs, où l’on n'a pas ajouté à dessein des compositions d'azote. Ces microbes donnent lieu à deux séries distinctes d'expériences d'accumulation. En effet, on peut étudier le développe- ment de ces microbes: 1°dans la lunuère, sans autre source de carbone que l'acide carbonique dé l’atmos- phère, ce qui livre des bactéries oligonitrophiles chromo- phylliennes; 2° en présence d’une autre source de car- bone ce qui doit mener à des bactéries oligonitrophiles incolores. lcil'auteur se restreint à la dernière catégorie. 1. Aerobiose et anaerobiose. 2. Entassement de Azo{o- bacter chroococcum de l'humus. 3. Culture pure de Azotobacter chroococcum. 4. Azotobacter agilis. — M.F.A.F.C. Went présente au nom de M. J. L. Schou- ten : Culture pure de Saprolegniaceæ, Description d'une méthode nouvelle pour faire des cultures pures de bactéries et d'autres micro-organismes, permettant d'isoler sous le microscope une celluleunique, —M. B. J. Stokvis lit le rapport de la Commission chargée d'étu= dier s'il est possible de surmonter entièrement ou @xk partie les difficultés de l'approvisionnement de la ligne militaire d'Amsterdam en ce qui concerne l’article sel (NaCI). — Ensuite M. Stokvis présente 1° la thèse M. J. Brand: Fecherches sur la sécrétion et la const® tution de la bile chez l'homme vivant (en hollandaïs) La sécrétion de la bile est continuelle. Elle s’abaïsse pendant la nuit et atteint son minimum dans les heures matinales, augmente très rapidement après le réveil,et admet un premier maximum après midi, et un second maximum dans le soir. La quantité de bile sécretée peut s'élever à 1100 ec. par jour et ne diffère donc pas aus tant qu'on le suppose de la quantité correspondante d'urine; mais elle s’abaisse aussi jusqu'à 500 cc. pan jour. Couleur, constitution et propriétés physico-chE miques de la bile, etc.; — 2° une brochure de M. E: H. van der Kemp, contenant une étude économique et historique sur le sel (NaCI) et ce qui leremplace dans les Indes néerlandaises. P. H. Scnoure. ACADÉMIE ROYALE DES LINCEI Séances Janvier-Mars 1901. 1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Tacchini présente le résumé de ses recherches sur les taches et facules solaires et sur la distribution des protubérances en! 1901. — M. Millosevich donne communication de ses observations sur la nouvelle planète FX 1901, et sum l'étoile temporaire de Persée. — M. Bertini : Sur les systèmes linéaires de degré zéro. — M. Weingarten Sur les surfaces de discontinuité dans la théorie de l'élasticité des corps solides. — M. Levi-Civita : Su la détermination des solutions particulières d’un sys tème canonique dont on connaît quelque intégrale au relation invariante. Sur les mouvements station naires des systèmes holonomes. — M. Tedone : Sur les déformations des plaques d'épaisseur finie. — M. Bog gio : Sur l'équilibre des plaques élastiques emhoîtées: — M. Bortolotti : Sur les produits infinis divergents: 2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. Guglielmo poursuit ses expériences sur la mesure absolue de la pression atmosphérique au moyen du ludion. — M. Riccô déeril la communication téléphonique qu'il a établi à l'Obser vatoire de l’Etna, avec le conducteur posé sur la neiges — M. Pochettino donne les résultats de quelques mesures de dispersion électrique. — M. Scalfaro étudie la vitesse de la lumière dans les cristaux magnétisés® — M. Contarini : Sur la détermination des mouvez= ments séismiques. — M. Manzetti présente la descrip* tion d'un nouvel appareil qui mesure les fréquence des courants alternatifs. — MM. Ciamician et Ange exposent leurs recherches sur l’action chimique de la lumière. — MM. Angeli et Angelico donnent la des cription de quelques réactions du nitrosyle. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. Struever présente une note sur l’action chimique entre l’hauerite et quelques métaux à la température ordinaire. — M.F. Millosevich! étudie la perowskite d'Emarese dans la vallée d’Aostes — M. Dainelli : Sur le Miocène inférieur du Mont Pros mina én Dalmatie. — M. Clerici s'occupe de la géologie des alentours de Rome. — M. Pampaloni étudie les scories trachytiques de l’Averne dans les Campi Flegreis — M. De Stefani expose quelques considérations sun la villa de Ciceron, à Pozzuoli, et sur un phénomènes précurseur de l'éruption du Monte Nuovo. — M. Longo décrit le phénomène de la mésogamie dans la Cucur= bita Pepo Lin. — M. Grassi présente le résultat de nouvelles recherches sur l'infection paludéenne. = MM. Lo Monaco et van Rynberk exposent le résultat des expériences exécutées pour établir la fonction dé l'hypophyse cérébrale. — M. Gorini poursuit son étude sur le vaccin. — M. Marenghi transmet un travail sun la structure de la rétine. ERNEsTO MANGini. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. d'Ugar PESTE “d'étude, la Ztevue a décidé de diriger l’une de ses excursions de cette année en Finlande. Peu de Français | du siècle qui vient de finir, c'est aux arts de la paix que le peuple finlandais s'est consacré tout entier : il a fait l'inventaire de ce que le sol, la mer et les lacs peuvent directement lui fournir, et dressé le bilan des “connaissent cet admirable pays, dont le savant, aussi bien que l'artiste et le sociologue, ont intérêt à étudier “el la nature physique et la civilisation. 12° ANNÉE Revue générale 15 MAI 1901 D SCiences pures el appliquées DIRECTEUR LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE CROISIÈRE EN FINLANDE (27 JUIN-29 JUILLET 1901) Sur l'avis du Comité de Patronage de ses Voyages | Rapides d'Imatra. Aucune nation peut-être n'a, autant que la Finlande, pris soin de se bien observer : pendant toute la durée richesses que les condi- tions climatériques lui permettent d'espérer; sur tout son territoire, il a re- levé l’état matériel et mo- ral des habitants, semé à profusion les écoles, ré- pandu la science, et fina- lement, créé, en même temps quelebien-être ma- tériel, ua état d’intellec- tualité et de moralité, où la plupart des nations de l'Europe trouveront, à me- sure qu'elles le connai- tront davantage, un exem- ple à suivre. Le voyage fera voir com- plètement toute la Fin- lande, ses beautés natu- rellesetses institutions, et il permettra de visiter, en outre, Hambourg et Copenhague, Saint- Pétersbourg et Reval, Stettin et Ber- lin. — Le prospectus encarté dans le présent nu- méro de la Revue indi- que, en dé- tail, l'itiné- raire et Îles conditions de ce voyages | 9 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Election à l'Académie des Seiences de Paris. — Dans sa séance du 29 avril, l'Académie a procédé à l'élection d'un membre dans la Section de Botanique en remplacement de feu Adolphe Chatin. La Section avait présenté la liste suivante de candidats : en I"ligne, MM. Renault et Zeiller ; en 2° ligne, MM. Bureau, Costantin et Mangin. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants étant 58, M. Zeiller a obtenu 35 voix M. Renault — 22 — Il y a eu un bulletin blanc. En conséquence, M. Zeiller a été déclaré élu. On doit au nouvel académicien une longue suite de travaux méthodiquement enchainés et d'une impor- tance capitale sur la flore fossile, en particulier sur celle des terrains houillers. Depuis plus de vingt ans, M. Zeiller s'est appliqué d'une part à organiser la récolte systémalique des empreintes végétales dans nos mines, en vue d'accroître les documents paléontolo- giques, d'autre part à soumettre à une rigoureuse critique l'étude des matériaux amassés. . Cette. étude avait un double but: 1° suffisamment nombreuses et bien définies, rapportées chacune à l'horizon où elle est le plus abondante, les espèces recueillies permet- traient de caractériser les diverses zones d’un même terrain et, notamment en ce qui concerne les mines de houille, guideraient les ingénieurs dans la recherche des lits à exploiter ; 2° l'observation de la série des espèces qui se sont développées depuis les temps pri- maires jusqu'à la période actuelle, et l'analyse minu- tieuse de leur structure, apporteraient quelque jour à l'obscure question de la différenciation progressive des climats aux anciens âges de la Terre et renseigne- raient peut-être, en quelques points, sur les modalités de l’évolution des différents groupes de végétaux depuis l’époque primaire jusqu'à nos jours. Dans ces deux directions, M. Zeiller est arrivé à des résullats très importants, et il a éclairé bien des ques- tions obscures de la Paléobotanique, L'étude des plantes fossiles se base, le plus souvent, sur les carac- tères tirés de la morphologie externe, les échantillons conservés sous forme d'empreintes, les seuls que l'on rencontre dans la plupart des cas, n'étant pas sus- ceptibles d'analyse anatomiqne. M. Zeiller a pour- suivi la recherche d'échantillons fructifiés, estimant que les véritables affinités des végétaux fossiles ne sau- raient, dans la plupart des cas, être définitivement déterminées que par l'observation des appareils frueti- ficateurs, base principale de la classification des végé- taux vivants. Ses investigations ont été couronnées de succès. La découverte, dans le bassin houiller de Valenciennes, d’épis fructificateurs déterminables de Sigillaires lui a permis, en établissant que les Sigil- laires sont positivement des Lycopodinées, de trancher la question si controversée de l'attribution eryptoya- mique de ces végétaux, chez lesquels la présence d'un bois secondaire a fait longtemps penser à une origine phanérogamique. De même, l'étude des fructifications des Fougères houillères ou secondaires a conduit M. Zeiller, pour cette classe de Cryptogames vasculaires, à une classification naturelle, destinée à remplacer ou tout au moins à compléter la classification artificielle établie sur les frondes stériles. Des recherches ana- logues sur les spores et les sporanges des Sélaginellées houillères l'ont conduit à considérer celles-ci comme reliées par une transformation progressive aux Selagi- nella actuels, . , : Une autre partie des recherches de M. Zeiïller se rap- porte au fait suivant : il est très rare de trouver des plantes fossiles entières; on ne rencontre généralement que des fragments ou des empreintes d'organes détas chés : tiges, frondes, spores, rhizomnes, etc., et il est arrivé que, faute de caractères suffisamment accusés, on à attribué à des espèces différentes des parties sépa= rées d'une même plante. M. Zeiller a eu l’occasion, d'étudier certains cas de ce genre, et ila, en particulier, en montrant que le genre Vertebraria représente le rhizome des fougères Glossopteris, donné la solution, “attendue pendant cinquante ans, de l’une des énigmes. les plus obscures de la Paléontologie végétale. Les travaux de M. Zeiller sur les bassins houillers. fraucais ont engendré, de leur côté, des résultats pra= tiques de grande valeur. En déterminant à La Grand Combe l'âge relatif, demeuré jusqu'alors indécis, de faisceaux de couches séparés les uns des autres par un accident géologique important, M. Zeiller a donné des indications utiles pour la recherche en profondeur, la- quelle a abouti effectivement à la découverte de nouvelles. richesses houillères. Il est arrivé au même résultat par ses études paléobotaniques sur le bassin de Graissesac. L'anuée dernière, M. Zeiller a publié ua ouvrage ma= gistral, les £Zléments de Paléobotanique, qui a été pré= seuté aux lecteurs de la Æevue, et dans lequel l’auteur cherche à montrer par quelles successions de formes on passe peu à peu des flores anciennes à celles qui peu= pleut aujourd'hui notre globe, et quelles variations de climat ont accompagné ou déterminé ces transfor- malions organiques. Si cette synthèse peut être aujour= d'hui abordée avec succès, c'est grâce surtout aux con- tributions précieuses que M. Zeiller à apportées à Jan Paléobotanique. , $ 2. S Nécrologie F.-M. Raoult. — L'illustre chimiste français que la Science vient de perdre, était né à Fournes-en-Weppest (Nord) le 10 mai 1830. IL fit ses études à Laon et à Paris, devint successivement répétiteur au Lycée de Reims, professeur au Collège de Saint-Dié, puis au Lycée de Sens. En 1863, il recevait de la Faculté des Sciences de. Paris le diplôme de docteur ès sciences physiques, sur la présentation d’une thèse très remarquée, qui portait” pour titre : Recherches sur les forces électro-motricess des éléments voltaiques. Peu après, il était appelé à lan Faculté des Sciences de Grenoble, où on le chargeait du cours de Chimie; titularisé en 4870, il conserva sa chaire jusqu'à sa mort. é De très bonne heure Raoult fit preuve des plus bril= lantes qualités de chercheur et d’expérimentateur. On racoute qn'il avait retrouvé tout seul les lois de Faraday et de Ohm; il avait également entrepris des expériences sur le passage de l'électricité à travers les solutions, sans avoir connaissance des travaux déjà effectués sur ce sujet. Lorsqu'il annonça ses résultats à quelques jeunes savants de ses amis qui habitaient Paris, il apprit, non sans un grand désappointement, que tout cela était déjà connu. Mais il reprit aussitôt courage, en se disant que, puisqu'il avait été capable de refaire seul de telles découvertes, il pourrait bien aussi contribuer aux progrès de la science dans d'autres directions encore inexplorées. Ses premières recherches, après sa thèse de docto= rat, portent sur les effets chimiques du courant élec= trique, sur l'inversion du sucre de canne sous l'in= fluence de la radiation solaire, sur les carbonates de calcium, de strontium et de baryum, sur l’absorption de l’ammoniaque par les solutions salines. C’est au, cours de ce dernier travail qu'il fut amené à considé= rer les points de congélation des solutions, et qu'il commença cette série de recherches sur la tonométrie. et la cryoscopie, qui ont rendu son nom illustre bien au | 34 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 395 delà de nos frontières. Nous ne tenterons pas de les résumer de nouveau; elles ont été exposées dans tous “Jeurs détails aux lecteurs de la Ztevue, par M. P. Freund- ler', puis, tout récémment, par l’auteur lui-même*. “Nous nous contenterons d'emprunter à l’une des plus “urandes autorités du monde savant de notre époque, “Lord Kelvin, l'appréciation suivante de l'œuvre de Raoult : —._ « Depuis le commencement du siècle, beaucoup “d'expérimentateurs, et des plus habiles, ont étudié le “point de congélation et la tension de vapeur des disso- lutions; mais, s'ils ont réussi à observer des faits inté- ressants, ils n’en ont vu ni la raison, ni le lieu. “Raoult est venu. Il est sorti des sentiers battus et il a “étudié les dissolutions des matières organiques, Il l’a “fait avec une science et une habileté consommées, sans “hâte, suivant un plan déterminé d'avance, et il a ainsi “découvert des propriétés ignorées, des lois nouvelles et fécondes, universellement connues aujourd'hui, mais dont la révélation complète, faite il y a quelques anuées seulement, frappa le monde savant de surprise et d’admiration. » La renommée de ses travaux a valu à Raoult les plus “hautes distinctions. En 1889, l'Académie des Sciences “de Paris lui décernait le prix international Lacaze, de “10.000 francs. En 1890, elle l'inscrivait au nombre de ses Correspondants et il recevait la croix de la Légion “d'honneur. En 1892, la Société Royale de Londres lui décernait la Médaille Davy, « pour la plus grande dé- “couverte en Chimie faite en Europe et en Amérique ». En 1895, il recevait tout ensemble la rosette d'officier “de la Légion d'honneur et le prix biennal de l'Institut, prix de 20.000 francs, décerné par toutes les classes réunies. Il devenait, en 1898, l’un des quarante membres étrangers de la Société Chimique de Londres, en 1899 membre correspondant de l'Académie impé- riale de Saint-Pétersbourg. En 1900, il était choisi par la Commission d'organisation des Congrès de l'Exposi- tion universelle pour faire à Paris, devant le Congrès international de Chimie, en présence des plus grands - savants de l'Europe et du monde, l'unique conférence de Chimie générale inscrite au programme, et les appa- reils qui avaient servi à ses expériences personnelles étaient admis au Musée centennal de la Section de Chimie, avec la qualilication officielle d'instruments historiques. Celte même année, le Gouvernement de la “République lui conférait la haute dignité de comman- deur de la Légion d'honneur. … A son intellixence et à son génie, Raoult alliait les plus belles qualités de l'âme, et c'est entouré non Docu de l'admiration des savants, mais aussi du espect et de l'affection de tous ceux qui avaient le rivilège de l’approcher, qu'il s'est éteint, il y a quelques semaines, après une très courte maladie, Adolphe Hirsch. — La mort vient d'enlever à la Suisse un de ses savants les plus distingués, dont le “nom s'était répandu bien au delà des frontières de son pays d'adoption, en raison de la part prépondé- “rante qu'il avait prise à la création et à la direction de “l'Association géodésique internationale et du Bureau nternational des Poids et Mesures. L'activité qu'il …déploya en faveur de ces deux organisations lui assu- _rera la reconnaissance de tous ceux qui comprennent t il importance de l'échange des idées entre les nations, de ceux qui pensent que la paix du monde serait mieux assurée si, par une œuvre poursuivie en commun, les hommes apprenaient à se mieux connaitre, et par là même à s'aimer et à s’estimer par delà les fron- tières politiques. Adolphe Hirsch, né en 1830 à Halbertstadt, dans la province de Saxe, se voua de bonne heure à l'étude de … l'Astronomie, qu'il poursuivit sous la direction d'Encke et de Le Verrier, et serait problement rentré dans son À ! Voyez la levue du 1 juin 1894, t. V, p. 409 et suiv. * Voyez la Revue du 30 août 1900, t, XI, p. 958 et suiv. 14 pays si, en 1857, une situation ne s'était inopinément offerte à lui à l'Etranger. L'industrie horlogère, qui s'était fortement implan- tée parmi les populations industrieuses du Jura suisse, avait pris un grand développement, grâce aux relations ouvertes dans les pays d'outre-mer par quelques hardis Neuchätelois ; mais les experts envoyés à l'Exposition Universelle de Paris avaient rapporté l'impression que le développement futur de cette belle industrie était intimement lié à un service d'heure bien organisé. La création d'un observatoire astronomique venait donc d'être décidée, et la direction en fut proposée au jeune savant; renonçcant momentanément à un champ d’acti- vité plus vaste, il se voua entièrement à l’organisation du nouvel établissement, qu'il dirigea jusqu'à sa mort, et qui rendit les inappréciables services qu'on en attendait, tant par une distribution très précise de l'heure dans tous les centres horlogers du pays de Neuchâtel et des cantons voisins,que par l'examen suivi des chronomètres à l'Observatoire même. Hirsch habitait Neuchâtel depuis quelques années, lorsque la Conférence pour la mesure du degré en Europe vint y tenir ses assises. Le jeune astronome fut dé-igné, avec Bruhns, de Leipzig, pour remplir les fonc- tions de secrétaire de la Conférence, et se sixnala dans cette assemblée, comme dans celles qui suivirent, par des aptitudes si parfaites à ces fonclions, que, lorsque la Conférence grandissante fut devenue la puissante Association géodésique internationale, les suffrages unanimes de ses collègues le portèrent aux fonctions lourdes et délicates du secrétariat. Doué d’un espril organisateur de premier ordre, possédant parfaitement plusieurs langues, il devait rendre à cette Association d'éminents services, jusqu’à l’âge où de cruelles souf- frances lui firent paraitre la tâche trop lourde, et, fina- lement, l'an dernier, le conduisirent à résigner ses fonctions. Mais de cette Association géodésique devait naître une autre organisation internationale. Les écarts im- portants entre les côtés communs aux triangulations des pays voisins, écarts que n’expliquaient pas les er- reurs des mesures d’angles, avaient conduit les géodé- siens à exprimer, en 1867, le désir de voir créer un office central où les étalons employés sur le terrain pussent être ramenés à une même unité. En 1869, l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg se mit en relations avec l’Académie de France pour appuyer cette motion, et l'étendre à toutes les unités du systeme métrique. Les pourparlers aboutirent en 1875, et une Conférence diplomatique décida la création du Bureau international des Poids et Mesures, placé sous la sur- veillance d’un Comité dont Hirsch devint secrétaire. Le général Ibañez, alors directeur de l'Institut géodé- sique et statistique d'Espagne, fut appelé à la prési- dence des deux organisations internationales, de telle sorte que, par leurs bureaux, une aclion commune el “un appui mutuel demeurât assuré pour toute la période de développement qui devait préparer l'avenir. Pendant de longues années, Hirsch, dont la puissance de travail était considérable el l’activité inlassable, pourvut à ses triples fonctions, à l'étonnement de tous ceux qui l'ont vu à l'œuvre et savaient combien, tout en ayant présentes à l'esprit les grandes lignes des devoirs qu'il avait assumés, il connaissait les moindres détails, s'enquérait de tout avec le même soin, était, en un mot, l'âme de ces organisations qu'il avait puissam- ment aidé à créer. Depuis quelques années, ses forces, sur le déclin, avaient ralenti son activité; mais aussi, grâce à d'heu- reux débuts, elle était devenue moins nécessaire, el il pouvait contempler avec une légitime satisfaction l'œuvre, désormais viable, qu'il avait accomplie. Ses travaux personnels datent de l'époque de sa jeunesse, alors que ses occupations extérieures étaient encore restreintes ; plus tard, par la coordination qu'il leur a donnée, il a fait valoir et fructifier les travaux des autres, et, s’il a pu regretter parfois que ses pro- 396 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE pres recherches dussent être abandonnées, il a, du moins, trouvé une compensation dans la gratitude de ceux dont il rassemblait et publiait les Rapports si documentés qui constituent les volumes d’une valeur inappréciable édités par l'Association géodésique. Les vingt-deux volumes de procès-verbaux du Comité inter- national des Poids et Mesures sont, en revanche, entiè- rement dus a sa plume, ainsi que les Rapports adressés aunuellement, jusqu'en 1892, aux Gouvernements ayant adhéré à la Convention du Mètre. Hirsch s'était altaché à la Suisse sans esprit de re- tour; il aimait ce petit pays comme sa palrie, ainsi que le témoigne le testament par lequel il Jègue toute sa fortune à l'Etat de Neuchâtel pour l'entretien de l'Observatoire, qui était sa première créalion. $ 3. — Astronomie La variabilité de la planète Eros. — La pe- tite planète Eros, dont, il y a quelques mois, nous avons entretenu nos lecteurs‘, vient encore d'attirer sur elle l'attention des astronomes par une nouvelle particula- rité non moins curieuse que les précédentes : nous voulons parler de sa variabilité. Annoncée comme probable par une courte Note du D: Egon von Oppolzer, de Potsdam, la variabilité d'Eros est maintenant entièrement confirmée. Les communi- cations faites aux Comptes Rendus de l'Académie des Sciences et aux Astronomische Nachrichten ne laissent aucun doute à cet égard. Cette question de la variabilité de la petite planète Eros est d'autant plus intéressante que les astronomes qui ont étudié les variations périodiques d'éclat de cet astéroïde sont d'opinions différentes : les uns les repré- sentent par une oscillation simple, toujours identique à elle-même, et se reproduisant indéfiniment à inter- valles d'environ deux heures cinq minutes; pour les autres, la courbe qui les représente est formée de deux branches différentes, dont l’ensemble se reproduit à des intervalles d'environ cinq heures trois minutes, sensiblement doubles des précédents. L'adoption de l'une au lieu de l’autre de ces concep- tions ayant, au point de vue cosmogonique, une certaine importance, il y avait intérêt à (rancher la question. C'est ce qu'a essayé de faire M. Ch. André, l'éminent directeur de l'Observatoire de Lyon, par la discussion très rigoureuse des observations déjà con- nues : celles de MM. Montangerand et Rossard, à Tou- louse, de M. Deichmüller, à Boun, et les séries de Lyon, auxquelles ont pris part MM. Guillaume, Le Cadet et Luizet. Les premières observations qu'a pu faire M. Ch. An- dré de la variabilité lumineuse d'Eros, ont conduit cet astronome à penser que, contrairement à l'idée qui paraissait alors admise, celte variation était à double oscillation, et qu'à cet égard la petite planète qui nous occupe se rallachait à ce que M. Ch. André a appelé « les étoiles doubles photométriques à variation lumi- neuse continue ». C'est dans ce sens que l'habile directeur de l'Obser- vaioire de Lyon a dirigé ses recherches ultérieures, pour lesquelles il a été secondé avec beaucoup de zèle par MM. Guillaume, Le Cadet et Luizet, qui, aussi sou- vent que l’état du ciel l'a permis, ont suivi assidèment la planète Eros, depuis le coucher du soleil jusqu'à ce qu'elle soit arrivée au voisinage de l'horizon. Par comparaison avec un certain nombre d'étoiles voisines, el en employant la méthode des degrés (ou méthode d'Argelander), ces observateurs ont obtenu, chacun de son côté el d’une facon tout à fait indépen- dante, la suite des éclats de la planète. Ces résultats ont été traduits en courbes et les heures des maxima et des minima déduites de ces courbes par la méthode de Pogson : dans leur combinaison, et alin de mettre LE ———————————…— —…— —… …— …—————— . Voyez la Revue du 15 décembre 1900, p. 1254. k | que celle de ces deux étoiles, due en partie à une forme. en évidence le caractère qu'on supposait à cetle courbe de variation, on à séparé les heures en deux groupes, suivant que le phénomène tropique correspondant était numéroté pair où impair à parlir de l’un d'eux pris pour origine, un minimum déterminé, par exemple. M La discussion de tous les nombres ainsi obtenus donne ensuite les constantes de la courbe de lumiere de la planète, ainsi que cette courbe elle-même, et dé= montre qu’en effet la variation lumineuse ne s'effectue, pas suivant une seule oscillation, mais suivant unes oscillation double, chaque période de la variation se composant de deux branches distinctes et non iden= tiques; c'est ce qu'indiquent bien les résultats suivants fournis par M. Ch. André (fig. 1). | * Si l’on suppose une série de périodes successives, toutes d'ailleurs identiques, et si l’on désigne par, 13, IN ee PMP MEME eee , les heures des minima et des maxima, impairs et pairs, de ces périodes successives comptées à partir d'un premier minimum, 1° Ona : ms— m,— 0119 —2nÿ1m, M,— M, — 0118 —92hÿ0m; ms— m3 = 0100 —92024m, My—M,— 0101 — 21260, les intervalles qui séparent les points tropiques dem même nature sont notablement différents dansles deux Deg 21e Le EE D HOME RSS 18- 7 1Deg-ogn ce GE) EPA SEP 9 hr mes Fig. 1. — Courbe de variabilité d'Éros. branches de la période; Ja branche paire est plus étroite que la branche impaire; ; 20 On a aussi : M, — m, = 0056 — 1h20, M, — m3 — 0054 — 1h18, Les temps d'accroissement de lumière de chaque aninimuim au inaximum suivant sont sensiblement 105 mémes. 3° Au contraire : Me — M,— 0063 — 1h31m, mi, — M, — 0046 — 1h6m, La durée de la diminution de lumière est moindre dans la branche paire que dans la branche impaire. | ° La durée totale de la période est de : 02195 — 5h16m4, d'après les minima, 02196 — 5116m2, d'après les maxima, soit en moyenne. P—5h6m15. 5° Les époques des minima successifs sont données par les expressions : 1901, Février 20, 757 ) | sehjpmlé E 5 1901) Février 20; 10h48m$ 9 1615 LE ô 50 La variation totale d'éclat est, à fort peu près, de deux grandeurs. e TR La courbe de lumière d'Eros est ainsi tout à fait, semblable à celles de 8 Lyre et de U. Pégase; elle MOn= tre que la variation lumineuse de cette planète est, ainsi CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 397 mcllipsoidale assez accentuée et en grande partie à des occultations successives et réciproques de deux astres Jumineux très voisins, se mouvant autour de leur centre de gravité commun dans une orbite probable- ment elliptique et dont le plan passait par la Terre à époque des observations. » En raison du déplacement relatif de la Terre et de la petite planète Eros, la position du plan de l'orbite change progressivement par rapport à nous; bientôt ce lan ne rencontrera plus la Terre, toute variation pério- ique d'éclat disparaîtra et, à cet égard, Eros redevien- dra semblable aux autres pelites planètes. Pendant cet intervalle, les détails de la courbe de Jumière, les variations relatives d'éclat, changeront aussi progressivement, et leur observation continue nous fournira des renseignements importants sur les causes qui rendent si différentes les unes des autres les ourbes de lumière des étoiles doubles photométriques à variation lumineuse continue Mais les résultats acquis déjà sont suffisants pour “fournir sur ce système double, absolument unique jusqu'ici, des données dont la plupart le caractérisent définitivement. Ces données sont les suivantes : 4 Durée de la période : 514615; 2° Excentricité : 0,0569; » 3° Longitude du périastre comptée à partir de Ja igne des nœuds : 1620,45 ; 4 Le demi-grand axe est peu supérieur à la somme es rayons des deux astres supposés sphériques ; 5° Les dimensions des deux astres sont peu diffé- entes, leur rapport est compris entre 3/2 et 1; 6° La densité moyenne du système est 2,4; T° Ces deux astres seraient des ellipsoïdes très allon- gés, l’aplatissement de leur section méridienne parais- “Sant voisin de 1/2. À propos de ces valeurs, il est bon de faire remar- juer que : … a) La durée de la révolution du satellite d'Eros est très voisine de celle de Phobos (7P39m), . b) L'excentricité est presque la même que celle de - l'orbite lunaire (4,0509), c) La densité moyenne de ce système diffère peu de celle de Mars (2,28). …. d) Le demi-grand axe, exprimé en fonction du rayon “le la planète, est très sensiblement le même que celui “de Phobos mesuré en fonction du rayon de Mars. _e) L'aplatissement obtenu est en dehors de tous ceux ue nous connaissons dans le système solaire et supé- ieur aussi à ceux des étoiles doubles photométriques étudiées jusqu'ici. D'ailleurs, dans son étude sur la va- iabilité de la petite planète Eros, M. Ch. André n'in- ïque cet aplatissement que sous toutes réserves, el en ttendant le résultat de calculs ultérieurs faits d'après ne autre méthode. . Quoiqu'il en soit, la petite planète Eros, qui se re- ommandait déjà à l'attention des astronomes par tant e curieuses particularités, ne saurait être négligée des bservatoires, et il faut espérer que son étude constante ermettra d'élucider certaines questions cosmogo- niques encore fort obscures. $ 4. — Chimie Sur le phéno-:-cétoheptaméthylène et ses dérivés. — La condensation du chlorure de phényl- propionyle en présence du chlorure d'aluminium ‘ four- uit une cétone cyclique, l'«-bydrindone ; par le même mécanisme, le chlorure de phénylbutyryle est converti “en «-célo-tétra-hydronaphtalène*. Cette nouvelle mé- thode d'obtention de cétones cycliques, appliquée au chlorure de phénylvaléryle, vient de conduire MM. Kip- ing et Hunter * à une cétone qui n’est autre que le phé- 1 KippinG : Chem. Soc., t. LXV, p. 680. ? KippixG et Iizz : Chem. Soc.,t. LXXV, p. 144. . “ F. S. KirrixG et À. E. Hunter. Journ. of the Chem. Soc., LXXIX, p. 602. d no-x-cétoheptaméthylène. Les relations entre ces trois composés se comprennent aisément au moyen des trois schémas : / 1 AN 2 AD CH NX cu: / ATOS | Re Ra (8) « ls /CH= / CH? < VA NAN uo CO Co a-hydrindone. æ-cétotétrahydro- l’uéno-r-cétohepla- naphtalène. méthylène. Le phéno-x-cétoheptaméthylène, comme l'indique sa formule, contient une chaïoe fermée de 7 atomes de carbone, condensée avec un noyau benzénique. Ce composé ressemble assez à celui que Dieckmaon! a préparé en condensant l'éther phtalique avec le gluta- rate d'éthyle : . ,COOC?HF QUIE + CHE COOC?H* CHECO.0.C°H5 —2@H 0H NCH2CO.0.C1 /CG0.CHCO r' CH: > CH : CO.CHCO?C?H° ce dernier, à l’hydrolyse, fournissant le dicétoheptaméthylène (1). phéno-1.5 Co CIE PR AA, /\ AVANT IE AYVANT:C Ncx: a | | Pc KA? CH — Az? Nc: ca?” Co Le phéno-+-cétoheptaméthylène est une huile inco lore, d'une légère odeur menthée; sa constitution es établie par son mode de formation ; de plus, elle a été caractérisée comme cétone et, à l'oxydation, elle four- nit de l’acide o-phtalique. Enfin, de même que l’oxime de l'x-célotétrahydro- naphtalène, l'oxime du phéno-«-cétoheptaméthylène est réduite en un a-amino dérivé de la forme (IN). Cette nouvelle base fournit une chlorhydrate qui, soumis à la distillation sèche, donne un produit neutre (vraisemblablement un hydrocarbure) par un méca- nisme analogue à celui qui moutre la formation d'hy- drindéne à partir du chlorhydrate d'hydrindamine. = $ 5. — Biologie Sur la myologie des Rongeurs. — Au sujet de son mémoire sur la Myologie des Rongeurs, récern- ment.analysé dans la Revue par M. Cuénot, M. le D'H. Alezais, de Marseille, nous prie d'insérer les lignes suivantes : « 4° Quand M. Cuénot dit que les résultats auxquels je suis arrivé pouvaient être prévus à l'avance d’une facon générale, car « on sait bien qu'un animal fouisseur « à des os et des muscles disposés pour fouir, et qu'un « sauteur à des os et des muscles qui conviennent au saut », n'est-ce pas rappeler le Virtutem dormitivam pour expliquer le Cur facit dormire? Le tout est de savoir quelles sont ces différences anatomiques en rapport avec des adaptations fonctionnelles variées, car, dans d’autres cas, la morphologie mieux connue sera d'un utile secours pour reconnaître la fonction. &« 20 Quand les anatomistes qui ont pris la peine de comparer les anomalies musculaires de l’homme avec les dispositions normales des animaux inférieurs s'ap- pellent Gegenbaur, Fürbringer, Testut, Ledouble, elc., et que les résultats obtenus permettent avec Dubois, Selenka, etc., de fixer la place de l’homme parmi les Anthropoides, n'est-il pas permis de penser que l'expres- sion d'amusements donnée à leurs travaux n'est pas absolument juste? » 1 Ber. d. deutsch. Chem. Ges, 32. 2241. 398 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE En réponse à ces observations, M. Cuénot nous a adressé la Note suivante : « Il fut un temps où la comparaison des anomalies musculaires de l'Homme avec les muscles normaux des Animaux inférieurs avait un intérêt, parce qu'on pensait que ces anomalies avaient une signification dlavique et reproduisaient les dispositions des ancêtres réels de l'Homme; mais l'accumulation des recherches dans ce sens a contribué à modifier l'opinion; il aurait fallu, en eflet, que l'Homme ait eu pour ancêtres tous les Mammifères possibles et même impossibles, ce qui est très invraisemblable. Les anomalies musculaires ne sont donc rien que des variations, sans aucune signi- fication alavique ; leur recherche est devenue d'un intérêt morphologique assez médiocre, vu leur nombre et leur infinie variété; et, quant à leur comparaison avec les dispositions normales des Vertébrés inférieurs, ce n’est qu'un jeu de l'esprit dont on ne voit ni le sens ni le but. Quant à fixer la place de l'Homme parmi les Anthropoides, M. Alezais me permettra de penser que la comparaison des anomalies avec les muscles normaux des animaux inférieurs y a contribué pour moins que rien », $ 6. — Sciences médicales La diflérenciation cellulaire et les tu- meurs ‘. — On sait que chacun des feuillets embryon- naires a sa fonction spécifique, de telle sorte qu'on peut classer les organes ou tissus d'un adulie suivant leur provenance; les cellules, d’abord toutes sem- blables, évoluent suivant un mode caractéristique (cy- tomorphose) pour chaque organe, tantôt en se modi- fiant toutes, comme dans le système nerveux, tantôt en se divisant en deux lots, les unes subissant la ditféren- ciation, les autres restant à l’état embryonnaire et capables de se multiplier activement (épiderme, mé- senchyme adulte, mésothélium des organes génito-uri- naires, épithélium entodermique du tube digestif). Or, il semble y avoir un lien entre la genèse des tumeurs et le degré de différenciation des tissus : les tumeurs à croissance rapide se reucontrent principalement dans le tissu le moins différencié du corps, le mésenchyme : myxome, myome, fibrome, lipome, chondrome, ostéome et sarcome; ce issu affirme ainsi, dans l’ordre patho- logique, sa capacité d'évoluer dans les sens les plus variés. L'endothélium des vaisseaux, les globules amiboïdes du sang et la névruglie, tout en étant plus avancés que le mésenchyme, sont cependant restés à un degré ass-z bas de différenciation : aussi peuvent-ils encore pro- duire des tumeurs d’une allure propre, angiome et gliome. Il est probable qu'il existe une tumeur résul- tant de la muliiplication excessive des leucocytes. Par contre, les cellules les plus différenciées ne forment pas de tumeurs : il est très rare qu'il y ait pro- lifération cancéreuse des cellules hépatiques (le cancer du foie provient de lépithélium banal des canaux biliaires), ou bien des muscles striés (les myomes du cœur ou des muscles du squelette sont excessivement rares); enfin, les cellules nerveuses ne donnent jamais de tumeurs. Minot propose de classer les tumeurs d’après leur feuillet d’origine : les tumeurs musculaires ou myomes doivent être démembrées, parce que les muscles striés et lisses sont distincts génétiquement, il en est de même des épithéliomas; il est illogique de placer les gliomes dans les tumeurs conjoncüves, puisque la né- vroglie provient de l'ectoderme, et le tissu conjonctif du mésoderme. ll est, en effet, probable que la spécificité de chaque feuillet embryonnaire ne gouverne pas seu- lement la différenciation normale, mais aussi la diffé- renciation pathologique; il y aurait donc des cancers ectodermiques, mé-odermiques et entodermiques. ‘ Mixor : The embryological basis of Pathology (Science, vol. XIII, 1901, p. 481): $ 7. — Littérature scientifique Projet de création d’un Dictionnaire tech-" nique en trois langues. — Tous ceux, savants, ingénieurs, chimistes, industriels, etc., que leurs occu- pations obligent à consulter fréquemment des publica- tions en langues étrangères, se sont souvent trouvés dans l'embarras pour obtenir l'équivalent en français de tel terme technique spécial dont les dictionnaires courants, même les plus complets, ne donnent pas la traduction. 11 existe bien quelques essais de diction- naires techniques, tels que celui des « Notes et formules de l'Ingénieur » ou celui de M. Hospitalier, qui témoi- gnent d'efforts louables pour faciliter la lecture des mémoires en anglais ou en allemand. Mais ces diction- naires sont loin d'être complets, et la forme condensée qu'on a voulu leur donner a empêché souventd’attri= buer aux termes qui y figurent toutes les significations qu'ils peuvent prendre suivant les mots auxquels ils sont associés, Aussi, nos lecteurs apprendront-ils probablement avec intérêt l’entreprise tentée par la Société des Ingé= nieurs allemands ( Verein deutscher Ingenieure). Gette* Société a décidé de prendre à sa charge la confection d'un Dictionnaire technique en trois langues (français, allemand, anglais), qui contiendra tous les termes et toutes les phrases spéciales en usage dans les sciences techniques. Mais, au lieu de confier la rédaction de ce dictionnaire à une seule personne, dont les connais- sances, même étendues, seraient forcément incom- plèles, le Société a décidé de faire appel au plus grand nombre possible de collaborateurs et de demander seu= lement à chacun d'eux ce qui concerne sa spécialité, Dans ce but, la Société a fait connaitre son projet à la plupart des associations scientifiques et techniques des pays de langues francaise, allemande et anglaise, aux grands établissements industriels et à divers particu= liers. La collaboration qu'elle sollicite est gratuite. Chaque collaborateur recevra un carnet portant trois sections divisées alphabétiquement, et destinées à recevoir les termes et expressions (en français, par exemple), avec leurs traductions (en anglais et en allemand), relatifs à la branche qui aura été choisie par le collaborateur. Les réponses seront envoyées à un rédacteur en chef, M. le Jr Hubert Jensen, savant doublé d'un lexico= graphe, qui les réunira, les comparera, et rédigera le texte définitif du Dictionnaire. Celui-ci paraîtra en trois volumes, dont chacun contiendra les trois langues, l’une dans l’ordre alphabétique des mots, les deux autres comme traduclion. La Société prend à sa charge tous les frais d'impres= sion et d'édition de l'ouvrage, qui sera vendu à un prix très modéré. La Société des Ingénieurs allemands a reçu beaucoup: de réponses favorables à ses propositions, et plusieurs collaborateurs sont déjà au travail. Les personnes qui désireraient lui apporter leur concours peuveut s'adres= ser à M. Hubert Jensen (49, Dorotheenstrasse, Berlin, N. W.). C’est de l'appui et de la coopération du plus grand nombre que dépend le succès du Technolexicon, qui constituera un auxiliaire précieux de la littérature scientifique et technique et rendra de réels services au développement de la science et de l’industrie dans tous les pays de langue francaise, allemande et anglaise. S 8. — Enseignement Conférence sur lalcoolisme. — M. le D' Le= grain, médecin en chef de l'Asile de Ville-Evrard, fera: le lundi 20 mai, à 3 heures, une conférence sux « Le récidivisme de l'ivrognerie; mentalité du récidis viste ; remèdes». Cette conférence aura lieu à l’Asile d Villejuif, au Laboratoire de Psychologie expérimentale de l'École des Hautes-Etudes. 2 | 5 …. L'esprit français a soif de clarté. Il veut que les “choses lui soient présentées neltement, même “quand la netteté de l'exposition devrait dépasser un peu ce que semblent autoriser les notions réel- “lement acquises. D'autre part, il ne peut se con- tenter de connaître le comment des phénomènes. “C'est un besoin pour lui d'en apercevoir le pour- “quoi, c'est-à-dire de les rattacher les uns aux au- “tres par ces relations de cause à effet dont l’en- chainement logique conslilue ce qu’on appelle des - théories. - En vain essaierait-on de le décourager en lui montrant qu'un édifice doctrinal n’a jamais qu’une - durée limitée, et que bientôt l'observalion révèle un phénomène dont la théorie admise est impuis- à rendre compte. Il sait que cet apparent sante à “échec de la doctrine est moins un renversement qu'une évolution, et qu'il suffira généraiement d'en modifier quelques termes pour la rendre apte «à sa nouvelle lâche. Au rebours de ceux qui s'au- “torisent de ces changements pour dénier loule va- - leur objective aux doctrines et les considérer tout au plus comme des cadres commodes, en vue de l'enregistrement méthodique des faits, un instinct sûr avertit l'esprit français que la vraie science à pour objet principal non la connaissance des résul- tats d'expérience, mais l'intelligence des rapports qui les unissent. Tandis que l'observation perfec- -Lionne ses méthodes, et introduit une précision “croissante dans l'expression des faits constatés, le . savant se sert de ces progrès pour mieux définir les rapports déjà entrevus, de sorle que peu à peu “les lignes maitresses de l'édifice doctrinal se dé- gagent avec une netteté grandissante. C'est à ce point de vue qu'on a vraiment le droit de dire qu'il existe une science francaise; car, si la connaissance des phénomènes est une de sa nature, et n'a pas à compter avec les distinctions de race ou de nationalité, l’idée qu'on se fait des choses n'est nullement indifférente au progrès de l'obser- “ation elle-même, qu'elle guide en l’orientant vers “des voies fécondes. Or, tandis que, dans d'autres » pays, on se contente volontiers de recueillir des - faits, évitant avec une défiance systématique toute - Lentative de les réunir en théorie, chez nous on . professe de iongue date ce qu'exprimail si bien M. H. Poincaré dans son discours au Congrès de - Physique de 1900, c'est-à-dire que « le savant doit ; ordonner : on fait la science avec les faits, comme n une maison avec des pierres; mais une accumula- lion de faits n’est pas plus une science, qu'un las de pierres n’est une maison ». La * A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 399 L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES A toutes les époques, le mérite de nos grands hommes de science est d’avoir tenu dans leurs mains de ces flambeaux directeurs qui éclairaient la route de leurs contemporains, mérilant, par les services rendus, une gratitude dont nous ne sau- rions nous affranchir sous le prétexte que la lumière projelée avait parfois ses défaillances, et qu'on dispose aujourd'hui d'instruments plus per- fectionnés. Nulle part cette disposition nationale ne s'est manifeslée avec plus d'éclat ni plus de succès que dans le développement de la science cristallogra- phique, la plus française qui soil par ses origines; car c'est un des nôtres, Carangeot, qui a inventé le goniomètre d'application, l'instrument si simple qui sert à mesurer les angles des crislaux; c'est un autre Français, Romé de l'Isle, qui a su manier cet ingénieux outil de façon à découvrir, en 1783, le principe de l'invariabilité des angles mutuels des faces dans une même forme. Enfin, quelques années plus tard, notre compatriote l'abbé Haüy construisait sur cette base l'édifice, aussi simple que majestueux, de la première doctrine cristallo- graphique. Il convient d'en rappeler succinctement le principe. Sur sa table de travail, Haüy vient d’élaler une série de cristaux qui tous appartiennent à l'espèce connue sous le nom de chaux carbonalée. Il a beau savoir que, dans chacun de ces cristaux, les faces homologues, quoique suscephibles d’un développe- ment inégal, font entre elles des angles dièdres invariables, cette loi ne suffit pas pour mettre de l’ordre dans une pareille richesse de formes en apparence incompalibles. Ici, voilà des pyramides très pointues, à douze faces triangulaires, dont les deux moitiés se raccordent par un hexagone en zigzag. À côté, d'autres échantillons ne montrent que des prismes à six pans, mais ceux-ci sont cou- ronnés Lanlôt par une base unique, tantôt par la combinaison de cette base avec trois facettes qui lui sont tangentes, lantôt par une pyramide trian- gulaire aplalie, qui fait du sommet du cristal une tête de clou. Parfois les cristaux sont allongés, presque aciculaires; d’autres échantillons, ra- massés comme en boule, portent douze faces à peu près semblables, de contour pentagonal. D'au- tres enfin seraient facilement pris pour des cubes. N'est-ce pas une vaine tentative, de chercher une loi de dérivation commune dans celte mullilude de polyèdres, qui ne semblent se rattacher les uns aux 400 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES autres que parce que le nombre de leurs faces est le plus souvent, mais pas toujours, un multiple de 3? Heureusement, les de carbonate de chaux sont fragiles, et de ce défaut même va sortir pour Haüy un précieux enseignement. Parmi les pyramides qu'il a sous les yeux, quelques-unes ont perdu leur pointe; mais la cassure qui en ré- sulte n'est pas inégale et capricieuse, comme ce serait le cas avec du cristal de roche. Elle est par- faitement plane et brillante ; souvent même elle se compose de {rois facettes identiques, formant un pointement symétrique. Ce qui est plus remar- quable encore, c'est que le choc d'un marteau fait naître indifféremment ce même poinlement sur tous les cristaux, quelle que soit leur forme. Tous se clivent, c'est-à-dire se laissent débiler, suivant trois directions faisant entre elles le même angle; si bien qu'en continuant à les briser, de manière à faire disparaître l’une après l’autre toutes les faces originelles, on n'a plus, quel que soit le cristal primilif, qu'un noyau de forme constante. Ce noyau est un solide appelé parallélipipède, parce qu'il est limité par trois couples de faces, deux à deux parallèles. Les six faces se groupent symétriquement trois par trois aulour de deux sommets opposés, et, si l'on s'arrange pour que la figure ainsi obtenue soit équilibrée dans tous les sens, on reconnait que les six faces sont des lo- sanges ou rhombes identiques, ce qui vaut au noyau le nom de rhomhoëdre. De cette observation, le lumineux esprit d'Haüy tire la conséquence que voici: Ce rhomboëdre, qui survit seul à la destruction de tous les cristaux, quels qu'ils soient, doit être la vraie forme, la forme primitive, du carbonate de chaux. Toutes lès autres formes doivent pouvoir s'y ratlacher, en considérant chacune de leurs faces comme le ré- sultat d'une section plane ou {roncature opérée sur les angles ou les arêtes du rhomboëèdre primitif; car, les directions des faces ayant seules de l'im- portance dans les cristaux, on peut toujours, pour une face donnée, concevoir un plan parallèle qui viendra couper les arêtes du rhomboëdre. D'ailleurs, le fait n’est point particulier au car- bonate de chaux. Une foule d'autres espèces se comportent d’une manière analogue. Le sel marin, et avec lui la galène ou sulfure de plomb, par exemple, se clivent suivant trois directions à angle droit, qui engendrent des noyaux cubiques. La ba- ryline ou sulfate de baryte se clive en prismes droits à base de losange; l'anhydrite ou sulfate de chaux anhydre, en prismes rectangulaires à faces inégalement brillantes, ele. Par une généralisation hardie, Haüy érige ce fait d'observation en prin- cipe universel. Tous les cristaux sans exception doivent avoir pour noyau un parallélipipède, et, cristaux comme un tel solide géométrique est susceptibles d'une suite ordonnée de yariélés à symétrie dé croissante, depuis lé cube jusqu'au polyèdre com= posé par trois couples de parallélogrammes iné- gaux et obliques les uns sur les autres, le secret de l'inégale symétrie des cristaux devra se trouver dans la forme de leur noyau primitif, invariable pour une substance donnée. Effectivement, en comparant ce noyau, tel qu'il est révélé par le clivage, avec les formes plus com= pliquées des cristaux naturels, Haüy s'assure que toute modification opérée sur un élément du noyau se répète sur tous les éléments identiques. Ainsi, qu'une troncalture équilatérale se substitue à un angle d’un cube, les sept autres angles porte= ront la même modification. Qu'une des arêtes de. ce cube soit abattue par une face langente, les douze arêtes seront abattues de la même facon. C'est Ja loi de symétrie, qui va devenir la règle infaillible dans l'analyse des formes dérivées, et permeltra de distinguer celles qui sont simples de celles qui découlent de la superposition de plu sieurs formes indépendantes. Haüy va plus loin encore : Puisque chaque face est une troncature qui, dans le cas le plus général, abat un angle du noyau primitif; puisque, d'autre part, la direction de cette face importe seule, eb non sa position, il est facile de la définir avec pré- cision, en faisant connaître les rapports mutuels des longueurs inlerceptées sur les trois arêtes de l'angle qu'elle tronque, ces longueurs elles-mêmes pouvant être évaluées en fraction de la dimension des arêtes du noyau normal. Or, en procédant à cette mesure, Haüy découvre avec surprise que ces: rapports sont toujours simples, et que, pour tous les cristaux, ils peuvent constamment s'exprimer" par des fractions dont les deux termes sont des nombres entiers. C’est ce qu'on appelle des frac- tions r'alionnelles. 4 Ainsi, supposons qu'une troncalure intercepte; sur les arêtes d'un angle, trois longueurs qui, ex= primées en fractions de la dimension propre de arêtes, soient entre elles comme les nombres 4, et5. Une autre troncature, absolument quelconqu et n’appartenant pas à la même forme, interceptera des longueurs telles que 1, 2, 7; de sorte que les ur loi de symétrie vient donc se joindre la oi de troncatures rationnelles; et ces deux lois ensemble régiront toutes les combinaisons de la matière cristallisée. 1 rapports seront toujours rationnels. À 1 IT Jusqu'ici l'expérience seule a parlé. Observateur habile et perspicace, Haüy a su constater des faits D AE A, DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 101 qui n'apparaissaient pas au premier coup d'œil, et = les grouper en lois expérimentales, d'une portée » absolument générale. Mais voici que va se mani- - fester le savant de race française, qui veut trou- ver la signification intime des rapports révélés par l'observation. - Il lui suffira pour cela de rapprocher, par une relation de cause à effet, les deux notions fonda- mentales du parallélipipède primitif et des tronca- tures rationnelles. Puisque le clivage permet de réduire n'importe quel crislal de carbonate de chaux, par exemple, en rhomboèdres de plus en plus petits, mais toujours identiques, n'est-il pas paturel d'admettre qu’un rhomboëèdre soit composé par la juxtaposition régulière et l’empilement ordonné d’une foule de rhomboèdres élémentaires de la même forme, qui seront, selon l'expression d'Haüy, les molécules intégrantes du noyau? Dans ce cas, si l'on suppose ces molécules assez peliles … pour que l'appréciation de leurs formes et de leurs dimensions échappe à nos sens, lorsque, sur un angle d’un rhomboëdre, on voudra faire naître une » face quelconque, il suffira d'enlever, sur les trois faces aboutissant à cet angle, un certain nombre de rangées contenant chacune un nombre entier de molécules intégrantes. Après quoi, à la place de l'angle, il restera une troncature en forme d'esca- lier dentelé, dont chaque marche aura la hauteur d'une molécule. Mais les dimensions sont si petites que l'impression produite sur nos organes par cet escalier sera celle d’une face plane et continue. Et comme chaque arèêle limitative de ce plan repré- sente forcément un nombre entier de molécules, les rapports mutluels des arêtes appartenant à diverses faces ne pourront être que rationnels. Nous voilà donc parvenus, du premier coup, à une conceplion infiniment claire de Ja nature intime d'un corps cristallisé. C'est un assemblage ordonné d'éléments parallélipipédiques, dans lequei, par l'addition ou la soustraction d'un nombre entier d'éléments, on peut faire naïîlre loutes les formes compatibles avec la symélrie propre du noyau. Chose curieuse! au lieu de se laisser séduire par ce qu'il y avait de lumineux et de simple dans cet ensemble de conceptions, les cristallographes étrangers, surtout ceux de l'École allemande, s'obs- tinaient à chercher une autre formule. Weiss a cru la trouver dans ce qu'il a appelé la Loi des zones. Il faut dire qu'une zone, en Cristallographie, est l'ensemble de toutes les faces qui sont parallèles à une même direction, de sorte que, si elles étaient seules, elles engendreraient un cylindre à base polygonale, ayant cette direction pour axe. Or l'observation montre que les zones comprenant plus de deux faces sont fréquentes dans les cris- laux, et qu'en outre, quand une forme relalivement simple est donnée, par exemple celle d'un prisme hexagonal coiffé par la pyramide correspondante, si cette forme vient à s'enrichir en facettes adven- tives, celles-ci auront une tendance marquée à venir se placer de préférence dans les zones engendrées par la combinaison d'une des faces de la pyramide avec une de celles du prisme. 11 semble donc que, par ce seul fait qu'une zone existe (et pour cela il suffit que deux faces soient développées), elle appelle, en quelque sorte, les nouvelles faces à venir. Et fréquemment une de ces nouvelles faces s'arrange de manière à se trouver à la fois dans deux zones préexistantes, ce qui la détermine absolument, puisque la direc- tion d'un plan est fixée quand cn connait celle de deux lignes que le plan doit contenir. Une telle disposition ne saurait être un effet du hasard. Elle doit trouver sa raison d’être dans les propriétés fondamentales de la malière cristallisée. C'est pourquoi Weiss a cru pouvoir se passer de la formule d'Haüy, et lui substituer une loi longtemps réputée plus générale, dont l'énoncé est le sui- vant : Dans le développement progressif des dillérents termes d'une série cristalline, chaque terme ullé- rieur est déterminé par les zones que forment entre eux les termes précédents. Quelle distance entre cet énoncé, à essentiellement germanique, et la formule d'Haüy, toute empreinte de la limpidité même des cristaux! Encore, si cette infériorilé était rachelée par une portée plus générale! Mais pas du tout. Traduite en bon français, la loi des zones exprime toulsim- plement qu'un corps crislallisé est entièrement défini en puissance par quatre faces non parallèles entre elles; car ces quatre faces, prises deux à deux, engendrent six zones, lesquelles, combinées entre elles, en font naïîlre de nouvelles, el ainsi de suite indéfiniment. Or, si l'on fait passer trois des quatre faces par un même point, et que la qua- trième soit logée dans l'intérieur du frièdre ainsi obtenu, on engendre une pyramide à quatre faces triangulaires; et cette pyramide est elle-même le quart du parallélipipède qui serait élevé sur le double de sa base triangulaire. Nous voilà donc ramenés au noyau parallélipi- pédique d'Haüy, noyau dont nous savons que nous pouvons tirer toute la série des formes admis- sibles, en joignant trois à trois les points de divi- sion des arêtes fondamentales, préalablement sec- tionnées en parties égales. Il y a mieux, et, parce que nous sommes libres d'opérer ces jonctions en partant des combinaisons les plus simples, cela nous donne l'assurance de constituer une série beaucoup mieux ordonnée que celle où il faudrait l'allure faire appel à la seule expérience, la production des faces cristallines pouvant parfois dépendre de cer- tains caprices extérieurs, capables de masquer plus ou moins les tendances propres du corps cristallisé, En résumé, la théorie francaise d'Haüy n’a pas seulement le mérite de la simplicité. Elle va plus loin que l’autre, et pénètre dans ce domaine des causes inlimes, dont la doctrine allemande sem- blait se refuser systémaliquement l'accès. III Cependant, il est impossible au génie, quelque grand qu'il soit, de trouver du premier coup la for- mule définilive. Si, à cerlains égards, sa puissance de conception devance l'avenir, son édifice doc- trinal repose sur des faits, dont une observation plus attentive et mieux outillée enrichira beaucoup le catalogue, en même temps que la définition de quelques-uns d’entre eux pourra s’en trouver modifiée. C'est ainsi que, dès le temps d'Haüy, la grande loi de symétrie se voyait mise en défaut dans cer- lains cas, assez rares, avait-il semblé d'abord, pour qu’on püt les traiter comme des exceptions accidentelles. Par exemple, plusieurs cristaux, comme ceux de la pyrile de fer, n’offraient que la moitié des faces exigées par la symétrie de leur noyau cubique. D'un autre côté, par sa conception des molécules intégrantes, étroitement juxtaposées et empilées, Haüy semblait admettre, au moins implicilement, la continuité de la matière cristal- lisée. Or, les cristaux, comme tous les autres corps solides, se dilatent par la chaleur, et se contractent par le froid. 11 faut donc qu'entre leurs derniers éléments il subsiste des intervalles susceptibles de varialion. Donc, leurs dernières particules ne doi vent pas être conliguës. Faudra-t-il, pour cela, renoncer d’une manière complète à la conception d'Haüy? Mieux inspiré, un élève de ce grand maitre, Delafosse, guidé par ce bon sens pratique qu'on nous permettra encore de présenter comme une qualité française, soupçonne que la solution du problème doit se trou- ver dans une interprétation moins rigoureusement géométrique des faits observés. La loi de symétrie dit que les éléments identiques seront identique- ment modifiés. Mais les cristaux ne sont pas de simples polyèdres : ce sont des objets réels et con- crets, où l'identité géométrique n'implique pas nécessairement l'identité physique. Au lieu de composer un cube avec des molécules intégrantes cubiques et conliguës, imaginons que les particules aient la forme de télraèdres réguliers, c'est-à-dire de pyramides à faces de triangles équilatéraux. En A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES les orientant toutes de la même facon, on formera, de ces pyramides, des strates, dont l'empilage pourra donner naissance à un cube; sans doute il y subsistera des vides, puisque c’est par leurs pointes que les tétraèdres d’une face viendront toucher les bases planes de la strate supérieure. Mais, si les éléments sont très petits, les vides seront prati- quement négligeables. Or, dans ce cas, on voit bien que les deux extrémités d'une arête cubique, suite de tétraèdres empilés, n'ont pas la même signification physique, puisque lune fait apparaître une base, et l’autre une pointe de pyramide. Done il est naturel que ces deux extrémités ne se modifient pas ensemble. Dès lors l’hémiédrie, c'est-à-dire la réduction à moitié du nombre des faces admissibles, non seu- lement n'apparaît plus comme une exception capri- cieuse, mais s'encadre dans la conception géné- rale, en accusant un lien de plus entre les faits d'observation el la cause profonde qui les déter- mine. Ce premier pas une fois franchi, Delafosse est conduit à en faire un autre, non moins décisif. Pourquoi, sur une même ligne, les particules inté- grantes seraient-elles contiguës? 11 suffit qu'elles: y Soient également espacées. On voit de suite que cet espacement laissera toute latitude à l’accom- plissement des varialions de volume; et, en outre, il est aisé de s'assurer que les particules ainsi ordonnées formeront un réseau de parallélipi- pèdes, chaque particule occupant, par son centre de gravité, le sommet de l'un de ces noyaux paral- lélipipédiques dont la juxtaposition produit l'as- semblage. Par ce moyen, les molécules intégrantes d'Haüy n'ont plus qu'une réalité géométrique. Elles définissent les lignes maïitresses de l'ordonnance qui préside à l'édifice cristallin ; et la réalité phy- sique appartient seulement aux particules non con- liguës, dont l’espacement fixe précisément les dimensions du noyau primitif de l’assemblage. Telle est la première évolution de la doctrine d'Haüy. Sans qu'elle ait rien perdu de sa limpidité, sans que son expression première ait été sensible- ment modifiée, la voilà mise en accord avec une nouvelle catégorie de phénomènes, en même temps que disparait toute contradiclion entre la conception fondamentale et la notion de disconti- nuité de la matière pondérable. C’est à Bravais que reviendra maintenant l'honneur de développer la théorie des assemblages réticulaires, et d'en tirer toute une série de conséquences fécondes. IV Dans ses, Xludes cristallographiques, dont la publication a commencé en 1849, Bravais ne s'est A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 403 pas borné à donner une classification rigoureuse, en même temps qu'une théorie géométrique, aussi élégante que complète, des assemblages rélicu- laires. Fidèle à l'esprit de ses devanciers, il s’est attaché à faire ressortir la notion de cause, en rat- tachant plus étroitement que jamais les faits cris- tallographiques à la nature des éléments des cris- taux. Ceux-ci, par leurs formes géométriques, trabissent l'ordonnance intime dont ces formes sont l'expression extérieure. Mais ils la trahissent « encore mieux par la frappante régularité avec laquelle s’y distribuent les propriétés physiques de toute nature. Un fait, commun à tous les cris- taux, domine cette disposition : C'est que les pro- priétés physiques, variables avec les directions suivies, sont identiques pour toutes les directions parallèles, quel qu'en soit le point de départ. Or, ces propriétés, dans un corps qui a passé lente- ment de l’état fluide à l’état solide, ne peuvent . dépendre que de l’arrangement des particules ma- térielles. Celui-ci obéit donc à la même loi, c’est- à-dire que, variable avec les directions, il est le mêrae pour toutes les lignes parallèles. On en déduit sans peine, d'une part, que, sur une direc- tion donnée, les particules matérielles doivent être équidistantes; d'autre part, que toutes ensemble occupent, par leurs centres de gravité, les nœuds ou sommets d’un assemblage réticulaire, c'est-à- dire formé de parallélipipèdes égaux et régulière- ment juxtaposés. Or, la symétrie, dans un système réticulaire, est assujetlie à des condilions spéciales. Elle n'obéit pas seulement aux lois générales qui gouvernent la symétrie de tous les polyèdres géométriques, el que Bravais s'attache à définir exactement. La forme parallélipipédique de l'assemblage impose des sujélions particulières, par suite desquelles les seuls axes de symétrie admissibles sont ceux de l’ordre 2, 3, 4 ou 6. Examinant alors quelles com- binaisons ces axes et les plans de symétrie peuvent former entre eux, Bravais démontre qu'elles en- gendrent sept groupes distincts, qui sont précisé- ment ceux qu'Haüy avail définis (le système ter- naire ou rhomboédrique étant séparé du système hexagonal). Il y a done une remarquable concor- dance entre les résultats de l'observation et ceux de la théorie. Pour la première fois, on apercoit nettement la cause qui limite de façon si étroite le genre de la symétrie dans les cristaux. Pour la première fois, aussi, apparait la raison profonde de ce fait si frappant, qu'il n'existe pas de cris- taux dont la symétrie soit coordonnée autour du nombre 5, alors que cetle ordonnance est si fré- quente dans le règne organique, nolamment pour les Échinodermes. C'est que la symétrie quinaire est absolument incompatible avec les conditions géométriques des assemblages parallélipipédiques. Mais pourquoi, parmi les variélés, au nombre de sept, que peuvent offrir les systèmes réticulaires, un corps donné choisit-il toujours la même ? C'est qu'évidemment une raison d'équilibre mécanique, propre à la substance, domine ce choix; et cette raison ne peut être logiquement cherchée que dans la forme même des éléments du cristal. Si ces élé- ments ont une symétrie propre, leur équilibre sera le mieux assuré quand cette symétrie sera d'accord avec celle du réseau choisi. Supposer les particules sphériques ou agissant comme telles, c'est enlever toute cause raisonnable à l'adoption d'un genre de symétrie réliculaire de préférence à tout autre. Ce principe une fois admis, on entrevoit de suite une conséquence capilale. Puisqu'il n'existe que sept variétés de systèmes réticulaires, un corps qui cristallise est forcé d'opter en faveur de l’une d'elles, vraisemblablement de celle avec laquelle il a le plus d'éléments communs. Mais la particule cristalline, dont la forme détermine ce choix, n’esl pas un parallélipipède. Les lois qui régissent sa symétrie sont beaucoup moins étroites. Elle peut posséder des éléments auxquels les assemblages réticulaires n'aient pas droil, comme aussi elle peut ne contenir qu'une partie des éléments de symétrie du système choisi. Il y aura donc deux cas à considérer dans la cristallisation : ou bien la particule est pleinement satisfaite par le système adopté; ou elle n’est que partiellement en har- monie avec lui. Dans le premier cas, une forme cristalline se présentera toujours avec la lotalité des faces que fait prévoir la symétrie géométrique du réseau. Elle sera donc Aoloëdrique. Dans le second cas, une parlie seulement des faces géométlriquement admissibles se produira : celles qui sont comman- dées par les éléments communs au système et à la particule. La forme sera incomplète ou mérié- drique”. Pour savoir quelles variétés comporte ce second cas, évidemment le plus fréquent de tous, puisque c'est par exception seulement qu'un polyèdre mo- léculaire se trouvera en harmonie complète avec un système réticulaire, il suffit de rechercher sui- vant quelles lois peut se produire le désaccord entre les deux symétries. Bravais résout le pro- blème dans une analyse qui restera comme un modèle de lumineuse élégance, et, du coup, voilà classés, dans un ordre logique, tous les genres, jusque-là réputés indépendants, de formes mérié- driques, alors que la Cristallographie allemande —————————…————— 1 Le mot de méroédrique, employé en Allemagne, semble plus conforme à l’étymologie. 10! A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES avait dû se borner à en dresser le catalogue, sans pouvoir établir aucun lien entre eux, comme s'ils correspondaient à autant de fantaisies de la Nature, cherchant à échapper, par des moyens divers, aux lois fondamentales de la cristallisation. Ainsi, plus de parahémiédrie, d'antihémiédrie, d'énantiomor- phisme, ni d'hémimorphisme, mais une chaîne par- faitement rationnelle de dérivations, dont chaque anneau trahit ce qui manque à la particule pour que sa symétrie soit pleinement d'accord avec celle du réseau. El celte chaine est si complèle qu’elle prévoit des combinaisons encore inconnues, dont, quelques années plus tard, l'expérience apportera la confirmation. En même temps, la théorie montre pourquoi la généralité du phénomène avait si complètement échappé aux premiers observateurs. C'est que la réduction qui accuse la mériédrie ne peut faire sentir son plein effet que sur les formes dont les éléments ne sont ni parallèles, ni perpendiculaires aux axes de symétrie. Or, ces formes sont justement celles qui ont le moins de chances de se produire, parce que leurs faces sont moins chargées que les aulres de centres moléculaires, ainsi qu'il est aisé de le calculer. La Nature, toujours fidèle au prin- cipe de la moindre action, produit le plus volontiers les formes qui résisteront le mieux à la destruction, parce que, sur leurs faces, les particules se montrent plus étroitement serrées. Mais ces formes ne ré- clament, pour leur génération, qu'une partie des éléments de symétrie du réseau. Si celle parlie est justement celle qui est respectée dans le polyèdre moléculaire, il n’y aura pas de réduction du nombre des faces, et la mériédrie demeurera latente. La théorie de Bravais est si séduisante, elle com- plète si heureusement l'édifice des Haüy et des Dela- fosse, qu'elle a fini par s'imposer à notre enseigne- ment, surtout à partir du moment où l'on a réussi à en simplifier l'exposé, que, par une sorte de co- quetterie de géomètre, l’auleur avait enveloppé d'un appareil un peu rébarbalif pour des commen- cants. Mallard est de ceux qui s'y sont appliqués avec le plus de succès, et la cause qu'il défendait a pu sembler définitivement gagnée, lorsque ce sa- vant, dans une suite de recherches mémorables, a montré qu'on pouvait rattacher à la doctrine de Bravais loute une série de phénomènes nouveaux qui, au premier abord, avaient paru la mettre en échec. \ En effet, au moment même où se terminait la car- rière de Bravais, l'introduction des méthodes opli- ques et leur application à l'examen des plaques minces en lumière polarisée venaient mettre un nouveau sens à la disposition des minéralogistes. Mais cette conquête nouvelle ne marchait pas sans” surprises, el, à chaque instant, on rencontrait des cas de désaccord entre la théorie et l'expérience Une substance de symétrie cubique, qui aurait dû êlre optiquement isotrope, manifestait une biré= fringence incontestable; telle autre était optique- ment biaxe, quand sa cristallisation ne laissait pré- voir qu'un seul axe. C'est alors que, dans. son Mémoire sur les Anomalies optiques, Mallard fit voir que les cristaux anormaux n'étaient pas homo- gènes, qu'ils se composaient de parlies distinetes, de symétrie inférieure à celle de l’ensemble, mais groupées de façon à composer, par leur arrange- ment, un édifice plus symétrique que ses éléments constituants. Il restait à découvrir la cause de ce groupement. Le plus souvent, l'étude attentive des parties asso- ciées révélait chez elles une symétrie, à ia vérité d'espèce inférieure, mais peu éloignée de ce qui convenait à un degré plus élevé. Déjà Pasteur avait appelé l'attention des minéralogistes sur ce qu'il appelaitles formes-limites, en montrant que, quand une espèce minérale est dimorphe, c'est-à-dire sus- ceptible.de donner naissance à des cristaux appar- tenant à deux systèmes distincts, la forme la plus symétrique est une forme-limite ou approchée de l'autre, en ce sens que, dans celte dernière, Les directions et les paramètres des axes s'approchent des valeurs qui conviennent à la première. Élargissant cette notion de symétrie-limite, pour l'appliquer non plus seulement aux cristaux, mais aux assemblages réticulaires, Mallard va la rendre infiniment féconde et en tirer d'importantes con- séquences, qui lui serviront à expliquer, non seu- lement les anomalies opliques, mais un bon nombre des associations connues sous le nom de macles. Ces dernières consistent, en général, dans l’accole- ment de deux cristaux laissant entre eux un angle rentrant. Dans quelques-unes, il y a pénétration mutuelle des éléments de la macle, qui s'enchevé- trent plus ou moins l’un dans l’autre. Depuis longtemps la sagacilé des cristallogra- phes s’exerçait sur ce sujel. Bravais l'avait abordé avec sa hauteur de vues habituelle, mais sans en donner une solution complète. D'autres s'étaient bornés à classer les macles par catégories, suivant la nalure des mouvements qu'il convenait d'ima- giner pour amener en coïncidence les réseaux des deux cristaux accolés. Sur un point du moins, tous s'accordaient : c'était pour reconnaître que l'effet ordinaire des macles était de procurer, à l'ensemble des individus associés, une symélrie supérieure à celle de chacun d'eux. Ici, on voyait deux cristaux d'Albile, l'un et l'autre dépourvus de symétrie, s’accoler suivant une face commune, mais en se tournant réciproquement, ET A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES de telle sorte que l'ensemble avait pour plan de symétrie la face de jonction. Souvent même, la macle se répélait un grand nombre de fois, les cristaux composants se réduisant en lamelles de plus en plus fines, de sorte que leur association finissait par consliluer un individu monoclinique. Ailleurs, c'était la Croiselte de Bretagne, c'est-à-dire l'associalion en croix grecque de deux cristaux de Slaurotide, individuellement plus longs que larges, mais engendrant, par leur croisement, un cristal équilibré suivant deux directions reclangulaires. Enfin, dans la Christianite, cet équilibre trouvait moyen de se réaliser suivant trois axes à angle droit, par la combinaison de deux macles sembla- bles ; après quoi, on voyait les trois pointements se raccourcir jusqu'à disparition complète des angles rentrants, ne laissant plus apparaitre au dehors que douze losanges, identiques d'apparence avec ceux qui limitent le dodécaëèdre rhomboïdal du système cubique. D'autres fois, dans la macle de la Croix 4 . le 1er, deux dodécaèdres pentagonaux de Pyrite, c'est-à-dire deux formes hémiédriques, s'enchevé- traient avec une telle régularité que la partie com- mune aux deux cristaux reconstituait le cube py- - ramidé holoédrique, dont chacun représentait la réduction à moilié. Dans tous ces exemples, le gain de symétrie réalisé par la macle ne pouvait faire de doute. Or la symétrie d'un édifice naturel est le gage extérieur de sa stabilité, car mieux la disposilion est équi- librée relativement aux diverses direclions de l’es- pace, plus l'édifice a de chances de résister aux agents extérieurs de destruction, On comprend donc que, si quelque arrangement peut procurer à un . corps un degré de symétrie plus élevé, une simple raison d'équilibre mécanique doive le porter à réa- liser cetle disposition favorable. Nulle part, là recherche de cet équilibre n'éclate mieux que dans la double macle de la Christianite, dont nous venons de parler. Quoi de plus typique que ce raccourcissement systémalique des trois branches, se ramassant sur elles-mêmes, se pelo- tonnanl, oserons-nous dire, de facon que la macle n'offre plus que des angles saillants, en mème temps que, de toutes les formes régulières, elle choisit celle qui diffère le moins d'une sphère, l'idéal des polyèdres en fait de résistance vis-à-vis du dehors! Encore faut-il cependant que celte réalisation d'un arrangement favorable puisse êlre oblenue avec le minimum d'effort. C’est ici que Mallard fait intervenir avec succès la symétrie-limite. Suppo- sons qu'il existe, dans le réseau d’une substance, un axe-limite d'ordre lernaire, c'est-à-dire tel qu'une rolalion de 120 degrés autour de cette ligne ramêne presque exactement en coïncidence les éléments du réseau cristallin. Cela suffira pour que 105 trois cristaux de l'espèce s'associent autour de l'axe en question, chacun prenant une des orienlalions que déterminerait une symétrie ternaire parfaite. De cette facon, l'ensemble des trois cristaux sera plus voisin du réseau ternaire que ne l'élait chacun d'eux individuellement, et par cela même le grou- pement aura gagné en stabilité. Tel est le cas de l’Aragonite, et une explication semblable parait convenir à un grand nombre de maäcles. Toujours la recherche d'un groupement plus stable, qui n’est elle-même qu'une application du principe de la moindre aclion, y est facilitée par le fait que la symétrie du réseau diffère peu de ce qui conviendrait à un degré plus élevé. La symé- trie-limile apparait donc comme une propriélé générale et protectrice des édifices cristallins. C'est de la même façon que, dans certaines variétés de Grenat, malgré une concordance absolue de la forme extérieure avec celle du dodécaëèdre rhomboïdal du système cubique, l'étude optique révèle que chaque face se décompose en quatre triangles biréfringents. Chacun d'eux est la base d'une pyramide biaxe, mais de symétrie-limile quasi-cubique. Gràäce à cetle circonstance, l'angle au sommet de la pyramide se trouve tel que, si quarante-huit de ces polyèdres se groupent autour d'un même point, lout l'espace se trouvera rempli, en même temps que l'enveloppe extérieure sera un dodécaèdre presque parfait. Une troupe assaillie par un ennemi supérieur se forme en carré, aux angles abaltus, parce qu'elle n'a besoin de résister que dans le plan où se pro- duit l'attaque. Les cristaux de grenat font mieux. Menacés dans toutes les directions de l'espace, ils se rassemblent autour d’un point, offrant partout la même résistance, parce qu'il ne reste plus entre eux que des vides insignifiants. On dirait d'une ingénieuse {richerie, par laquelle une espèce par- vient à dissimuler ce qui lui manque pour conquérir un degré supérieur de stabilité. La généralilé de ces combinaisons une fois cons- tatée, ce ne sera plus s'aventurer avec excès que de se demander si vraiment les différences entre les réseaux cristallins, suivant les espèces, ont bien toute l'importance qu'on a coutume d'y attribuer. En se fondant sur les formes extérieures domi- nantes, on à tout nalurellement classé tel corps dans le système hexagonal, et tel aulre dans le système rhombique, tandis qu'un troisième élait communément regardé comme cubique. Mais celte différence peut être plus apparente que réelle, et Mallard fait voir, en effet, que les paramètres ca- racléristiques de ces espèces sont faciles à ramener les uns aux autres, au besoin à l’aide d'une trans- formation qui consiste à multiplier quelques-uns d’entre eux par des nombres très simples. Alors 406 apparait, dans tous les trois, une symétrie extrê- mement voisine de celle du cube. Mais ceci, dira-t-on, est une vue de l'esprit; et cette assimilation, obtenue à l’aide d'un artifice de notation, ne se juslifie pas par une expérience directe. Attendons! voici venir la célèbre notion de l’isomorphisme, qui va donner une base réelle à la nouvelle conception. VI On sait que deux substances sont dites isomor- phes lorsqu'elles peuvent s'associer ensemble en toutes proportions, pour donner naissance à des cristaux homogènes. Ainsi les trois sulfates de ma- gnésie, de zinc et de fer, une fois mélangés, peuvent engendrer des cristaux Gù les quantités relatives de fer, de zinc et de magnésie ne sont pas assu- jetties à la loi des proportions définies, qui règle toutes les combinaisons chimiques. Il faut donc admettre que ces trois substances se substiluent indifféremment les unes aux autres, sans qu'il en résulte aucun trouble dans l’arrangement de l'édifice. Dans l'exemple choisi, la chose parait s'expliquer sans difficulté; car les trois sulfates, pris isolément, engendreraient des cristaux presque complètement identiques. On comprend donc que leurs polyèdres moléculaires puissent être admis, au même titre, à l'édification d’un assemblage réticulaire unique. Mais il n'en va pas de même quand l'expérience enseigne qu'on peut faire cristalliser ensemble, en toutes proportions, le chlorate de soude cubique, le chlorate de potasse monoclinique et l'azotale de soude rhomboédrique. Comment ces trois noyaux, de symétrie incompalible, pourraient-ils se substi- tuer les uns aux autres sur les nœuds d'un même réseau ? Ici, vraiment, la tolérance de la Nature semble passer les bornes. Cependant l’anomalie va disparaître, si nous examinons plus attentivement les cristaux eux- mêmes. Nous remarquerons alors que leur système cristallin est si peu fixe qu'il change avec la tem- pérature. Cela donne l'idée de comparer leurs paramètres avec ceux du système cubique. Tantôt la presque identité des chiffres saute aux yeux du premier coup; tantôt elle devient évidente après mulliplicalion par des facteurs simples. Donc la symétrie apparente de ces sels isomorphes nous trompait sur la vraie nature de leur réseau. S'il n'est pas rigoureusement cubique, il s’en faut du moins de bien peu. La même constalalion peut se faire sur un grand nombre de substances, appartenant aux groupes chimiques les plus divers, si bien qu'on arrive à reconnaitre, avec Mallard, que tous les corps, sans A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES exception, doivent posséder un réseau cristallin très voisin de l'assemblage cubique. Cette conclusion n’a rien que de très naturel et concorde avec une foule de résultats d'expérience: On sait que les planètes, comme leurs orbites, ont en réalité une forme elliptique. Cependant, l'excen- tricité de ces ellipses est si faible, qu'un œil exercé, non armé d'un appareil micrométrique, ne saurait les distinguer de cercles parfaits. De même, les” propriétés physiques des différents corps : conduc- dibilité calorifique, conductibilité optique, ete., s'expriment par des ellipsoïdes à trois axes. Mais les trois axes sont si peu différents que, représenté par un dessin à l'échelle, chaque ellipsoïde fait l'effet d'une sphère. On comprend donc que si, théoriquement, les parallélipipèdes qui forment les noyaux des assem- blages oscillent depuis le cube jusqu'au prisme doublement oblique, ce dernier puisse, dans la - plupart des cas, n'être qu'un cube légèrement déformé dans tous les sens. Mais, comme sa symé- trie est déterminée par celle de la particule maté- rielle qui s'y adapte, la conclusion rejaillit sur cette dernière. D'où il résulte que toutes les particules élémentaires des cristaux jouiraient d’une forme peu éloignée de ce qui convient à une symétrie cubique. - Là encore, ilsera permis d'apercevoir une consé- quence du principe de la moindre aelion; car si, à chaque particule cristalline, on substitue la sphère qui représente son rayon d’activilé, la combinaison la plus simple est celle qui permettra à toutes les sphères de s’empiler de manière à occuper le mi- nimum d'espace. Or cet arrangement, qui est celui d'une pile de boulets, se résume dans la formation d'un réseau d'octaèdres réguliers, c'est-à-dire doué de symétrie cubique. 4 À côté de l'isomorphisme, un autre phénomène apparait, qui en offre l’exacte contre-partie, c’est le polymorphisme, c'est-à-dire la propriété, que présentent certaines substances, de revêtir, sans changement de densité ni de propriétés chimiques, des formes cristallines incompatibles. Tel le bisul=. fure de fer, cubique avec la Pyrite, rhombique avec la Sperkise; tel l’oxyde de tilane, quadratique, mais de deux facons différentes, avec le Rutile et l’Anatase, tandis qu'il est rhombique avec la Brookile, etc. Déjà Pasteur a projeté sur cetle bizarrerie apparente un rayon de lumière, par la considération des formes-limiles, en faisant voir que les formes les moins symétriques d'un minéral polymorphe tendent vers les plus symétriques. comme vers une limite. Dans cetle même voie} Mallard cherche à montrer qu'il s’agit là de grou= pements, analogues à ceux des corps à symétrie limite, et qui ne donnent pas des résultats iden _d A. DE LAPPARENT —— L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 107 tiques, parce qu'ils correspondent d'ordinaire à des températures de formation différentes. Complète- ment enchevêlrés l’un dans l'autre, les éléments du groupement fournissent l’une des variétés du corps polymorphe; plus localisés dans certaines parties, ils en donnent une autre, et la chaleur, en modifiant cet arrangement, peut opérer le passage de la première variété à la seconde. Ainsi, l’ordre apparaît partout, même dans les phénomènes qui semblaient contradictoires avec les lois régulières de la cristallisation, et autour de … l'idée de symétrie-limite s'introduit une impression … générale d'harmonie, tendant à effacer les distinc- tions lranchées qu'un premier examen avait con- duit à établir entre les manifestations de l'état cristallin. En résumé, sans renoncer au principe de la théorie de Bravais, et en y ajoutant seulement la notion de symétrie-limite, Mallard a éclairé d'une vive lumière des problèmes de loute nature, dont plus d'un semblait posé, à l’origine, de manière à mettre en échec la doctrine des réseaux. Et, de ces problèmes, il a donné des solulions éminemment . philosophiques, qui révèlent, dans la matière cris- tallisée, des propriétés où la grande notion de l’ordre se manifeste dans tout son éclat. Comment donc se fait-il qu'au lieu d’entrainer une adhésion universelle, les belles théories de … Mallard aient rencontré, surtout en Allemagne, une … opposition qui les a fait presque entièrement aban- donner? C'est ce qu'il nous reste maintenant à examiner. ! VII ur Ce qui domine toute la théorie de Bravais, c'est “ l'idée, essentiellement rationnelle, que la symétrie d'un cristal doit avoir sa raison d'être dans les - conditions intrinsèques de forme de la substance qui cristallise. Chose singulière ! une conception …_ aussi logique semble avoir rencontré, chez les « cristallographes de l'École allemande, une répu- - gnance invincible. Ils se sont fait un devoir d'y échapper autant que possible, comme si c'était une … hypothèse discutable, et leur rêve a toujours été de fonder l'édifice doctrinal de la Cristallographie sur des considérations purement géométriques, où … la structure du cristal soit envisagée pour elle- même, et sans aucun égard à la cause qui la pro- duil. A celte répugnance naturelle se joignait une rai- son plus plausible, tirée de la forme, à vrai dire défectueuse, sous laquelle le rapport entre la struc- ture et la substance était présenté par Bravais et ses conlinuateurs. Nous l'avons déjà dit: il est bien rare qu'une idée féconde puisse revêtir du premier - coup son expression définitive. À l’époque où à 3 Bravais publiait ses recherches, c'est-à-dire au moment où la théorie atomique prenait enfin pied dans la Chimie, il semblait tout naturel d'envisager la molécule chimique comme l'élément fonda- mental des corps cristallisés, On pouvait se croire autorisé à représenter celte molécule comme un polyèdre, dont les sommels étaient des atomes simples. Dans l'acte de la cristallisation, les po- lyèdres moléculaires devaient lout d’abord satis- faire à cette condilion, que les centres de gravité vinssent se placer sur les nœuds d'un assemblage réticulaire. Ensuite, puisque tous les centres de gra- vité étaient des points homologues, toute ligne tirée de l’un d'eux et aboutissant à un sommet ato- mique avait nécessairement son homologue dans les autres polyèdres, en vertu du principe expéri- mental de l'égale constitution des milieux cristal- lisés suivant les directions parallèles. Il en résultait que tous les polyèdres moléculaires devaient avoir la même orientation. Une telle conclusion était d’au- tant moins propre à exciter quelque défiance, qu'elle semblait implicitement exigée par les con- ditions d'équilibre mécanique du milieu De cette manière, un cristal homogène apparais- sait comme un édifice réliculaire simple, dont tous les nœuds étaient occupés par les centres de gra- vilé de polyèdres moléculaires, tous identiques et semblablement orientés. A la vérité, Mallard avait fait remarquer que cer- lains phénomènes, tels que la polarisation rota- toire, semblaient exiger la présence, sur une même rangée, de molécules dont les orientalions allerne- raient de trois en trois, de quatre en quatre, ete. Mais il lui paraissait suffisant de réunir ces molé- cules par groupes complexes, comprenant chacun toutes les orientations admissibles, ce qui l’aulori- sait à signaler l’analogie de ce groupement avec les phénomènes de polymérisation, connus en Chimie. C'élait donc une exceplion, et, d'autre part, si l'orientation des molécules pouvait ainsi varier, du moins leur identité n'était pas mise en question. Cependant, l'observalion nous montre que cer- taines substances ont la faculté de donner, suivant les circonstances, des cristaux qui ne sont pas superposables. Les uns sont droits, les autres gau- ches, et leurs relations mutuelles sont celles d’un objet avec son image réfléchie par un miroir. Ces cristaux, dont l'étude a été l’un des premiers titres de gloire de Pasteur, peuvent d’ailleurs se pro- duire ou séparément ou ensemble; et l'exemple bien connu du quartz montre que les parties droites et gauches sont susceptibles de s’enchevêtrer de diverses facons. Il faut donc, pour qu'une théorie cristallographique ’soit complète, qu'elle admette l'existence simullanée non seulement de polyèdres élémentaires d’orientations diverses, mais de po- 408 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES lyèdres non superposables. Même celte conclusion semble nécessaire pour les édifices pourvus de centre et de plans de symétrie, car deux objets symétriques relativement à de tels éléments sont forcément inverses etnon superposables. Partant de ces considérations, divers savants, notamment MM. L.Sohncke, Schoenflies, von Fedo- row, Curie, etc., se sont proposé le problème sui- vant : Rechercher toutes les combinaisons d'objets régulièrement distribués, dans un espace indéfini, qui sont compatibles avec les exigences de l'homo- généité cristalline. C'est une question de haute géométrie, qui a déjà fait, en 1869, l'objet d'une étude de M. Camille Jordan sur les Groupes de mouvements. En abordant ce problème, on reconnait de suite qu'il est nécessaire d'élargir les conditions de la symétrie, telles que les avait posées Bravais. Dans les assemblages réticulaires de ce savant, tous les nœuds sont des centres de symétrie. En outre, il y a des axes de symétrie qui peuvent être d'ordre 2, 3, 4 ou 6; enfin des plans de symétrie, dont cha- cun sépare deux moiliés, se correspondant l’une à l’autre comme un objet et son image réfléchie par le plan. L'assemblage, supposé indéfini, est toujours ramené en coïncidence avec lui-même par une rotation, de l'angle convenable, autour de l'un de ses axes de symétrie. Il n'en est plus de même si les objets dont il s'agit d'étudier la distribution régulière peuvent varier de forme ou d'orientation. Chaque nature d'objet, envisagée avec chacune de ses orientations admis- sibles, constitue une unité sui generis qui, Consi- dérée seule, se répète périodiquement dans le milieu cristallin, engendrant ainsi un assemblage rélieu- laire spécial, conforme aux réseaux de Bravais. Si, de cetle unité, on veut passer à celles d’une autre catégorie, il ne suffira plus de faire subir à l’en- semble du erislal une translalion ou une rotation. Les mouvementsqui permeltront à cetensemble de se recouvrir lui-même seront nécessairement plus compliqués, puisqu'il faudra, par exemple, que certaines unités pivotent sur elles-mêmes pour pouvoir, après la translation, se superposer à celles qui n'en diffèrent que par leur orientation. L'analyse géométrique montre que, dans ce cas, il doit y avoir des rotations hélicoidales, la rotalion habituelle autour d'un axe de symétrie élant accom- pagnée d'une translation suivant cet axe, comme il arrive pour le mouvement d'une vis. Il peutexister aussi, à côté des plans de symétrie ordinaires, des plans de glissement où plans de symétrie transla- loire, c'est-à-dire tels que la symétrie qu'ils déter- minent ne soit salisfaite que moyennant un glisse- ment de ces plans sur eux-mêmes. C'est seulement après cette translation, définie en grandeur et en direction, que la moitié de gauche trouve à droitè M sa symétrique. Pour donner une idée de la complication qui peut résulter de cette extension de la notion des assemblages homogènes, il suflira de dire que lan suite des théorèmes géométriques nécessaires à la solution du problème occupe six cen!s pages dans l'ouvrage de M. Schoenflies, et que cet auteur ÉVasn lue à deux cent trente le nombre des combinaisons admissibles, tandis que M. Sohncke se bornait à er “considérer soixante-dix. Pour l'un comme pour l'autre, d'ailleurs, ces combinaisons complexes Se répartissent entre {rente-deux groupes principaux de symétrie, dont sep{ groupes holoédriques, cOr=M respondant aux réseaux de Bravais, et le reste s'appliquant aux structures mériédriques. A ce points de vue, el fidèles à l'ordre d'idées qui a jusqu'ici prévalu parmi leurs compatriotes, MM. Sohncke et Schoenflies n'ont pas manqué de signaler, comme un mérite de la nouvelle théorie, la ressource qu'elle offre de voir, dansles formes mériédriques; de simples variétés de siruclure, sans aucune hypothèse sur la forme des éléments composants: Étrange disposition, qui, dans l'étude d’une science nalurelle comme la Cristallographie, regardé comme un succès de pouvoir perdre entièrement de. vue la considération de la nature réelle et concrète! Si la nouvelle conception n'avait d'autre inconvé=, nient que d'obliger les minéralogistes, désireux de s'inilier à la Cristallographie, à dépenser d’abord presque une année de leur temps dans des exer-. cices de pure géométrie, il faudrait encore savoir s'y résigner, pour obtenir l'avantage de donner une base rationnelle aux démonstrations. On pourrait, d’ailleurs, comme pis aller, recevoir des mains du mathématicien la classification des assemblages, et se borner à en faire l'application Mais nous prétendons montrer que cet altirail peut être laissé de côté par les cristallographes, et que, au moins dans l'immense majorité des cas, ceux-ei ont avantage à se contenter des réseaux de Bravais, à la condition d'introduire, dans la formule de ce savant, une modification très simple, indiquée par M. F. Wallerant, dans ses remarquables études sur. les anomalies opliques et les groupements cris= lallins. Q VIII Tout d'abord, nous remarquerons que, le nombre des catégories d'unités qu'on peut distinguer dans un milieu homogène étant forcément limité, l'en semble de ces unités constitue un groupe destiné à se répéter périodiquement. Chacune dés unités dés ce groupe à son réseau géométrique propre, né différant de celui d'une autre unité voisine que par sa posilion dans l’espace, et pouvant être amené en coïncidence avec lui par une simple translation suivant la ligne qui joint les centres des deux uni- “iés. Par conséquent, l'assemblage complexe, celui auquel seul s'applique la notion des axeshélicoïdaux -et des plans de glissement, résulte, comme le recon- “nait d'ailleurs M. Schoenflies, de l’enchevétrement … de réseaux congruents qui se pénètrent les uns les “autres, leur nombre étantégal à celui des catégories … distinctes d’unilés composantes. L'édifice ainsi engendré peut se partager en fractions identiques, dont chacune a ses éléments distribués de la même façon autour de l'un d’entre eux choisi comme centre; et tous ces points centraux, identiques entre eux, forment ensemble un réseäu normal de . Bravais. Cela revient simplement à prendre, pour point — de départ de la théorie, non plus le polyèdre molé- — culaire, mais la partie du corps crislallisé qui, ren- “fermant un représentant de chacune des unités “distinctes, gravite autour de chaque point central. En d'autres termes, partout où Bravais el ses continualeurs parlaient de molécules ou de polyé- dres moléculaires, il suffit de substituer le mot de particules complexes, entendu comme il suit : Dans sa théorie générale des groupements régu- “liers, M. Schoenflies a été amené à introduire la * considéralion d’un élémert qu'il appellele domaine fondamental. C'est la partie de l’espace cristallin dans l’intérieur de laquelle il n'existe aucun organe de symétrie, et où, par conséquent, tout point réel - du milieu est seul de sa nature, en même lemps - que ce domaine contient à coup sûr un représen- “tant de tous les éléments distincts que le milieu “comporte. En se répélant autour des organes de PE métrie qui en limitent le contour, ce domaine en engeudre d'autres, et le tout constitue ün ensemble symétrique, le domaine complexe. - Or, supposons qu'un domaine fondamental, choisi comme le lieu de la partie initiale d’un cristal, contienne dans son intérieur une particule cristal- “line concrète, à l'égard de laquelle nous n'avons “besoin de faire aucune hypothèse, et qui sera la “particule fondamentale de M. Wallerant. Celle-ci, “par rotation autour des axes de symétrie du domaine complexe, donnera des parlicules superposables à la première, mais pouvant différer d'orientation. Les plans de symétrie en donneront d'autres, “inverses de la première; et le tout ensemble, occu- “pant le domaine complexe, constituera la particule “complexe, élément initial et individuel, non de la substance, mais du corps cristallisé. - Les particules complexes, ainsi définies, seront toutes orientées de la même façon, et auront leurs entres de gravité disposés sur les nœuds d’un éseau de Bravais; et cela en vertu de l'expérience ui nous révèle l'identité des propriétés physiques “E * MT is ba, fe ES Te rh pen ETS. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 109 des cristaux en tous les points. C'était sans droit que cette loi expérimentale avait été étendue aux intervalles i2{ermoléculaires, beaucoup trop petits pour être accessibles à l'observation; et voilà pour- quoi on pouvait taxer de conceplion faulive celle qui consistait à attribuer la même orientation à toules les molécules. Quand nous disons, l'expé- rience en mains, que tous les points d’un cristal sont identiques, ce que nous considérons. ce ne sont pas des points géométriques, ni même des centres moléculaires, ce sont des éléments de va- lume autour d'un point. Selon toute vraisemblanee. ces éléments renferment un grand nombre de centres moléculaires, et c'est la moyenne des pro- priétés de ce groupe qui nous apparait comme constante. Or, il est parfaitement permis de penser que la particule complexe, telle que nous l'avons définie, est de l’ordre de ces réalités observables : car elle résulte du groupement symétrique de plusieurs par- ticules fondamentales, dont chacune doil être un agrégat de molécules chimiques en plus ou moins grand nombre. Done, c'est à elle que s'applique le principe expérimental qui sert de base à toute la théorie cristallographique, et le devoir de s’en tenir à cel élément est d'autant plus étroit, qu'à vouloir chercher ce qui se cache dessous, nous tomberions forcément dans l'hypothèse, puisqu'il s'agit de choses sur lesquelles l’observalion directe n’a pius de prise. Un autre avantage de cette conception est de nous faire entrevoir le phénomène de la cristalli- sation sous un jour nouveau, et d'ailleurs beaucoup plus conforme aux enseignements de la Physique et de la Chimie. Dans l’ancienne manière de voir, il pouvait, il devait même sembler que la molécule chimique, polyèdre aux sommets définis par les alomes, fût l'élément commun des trois états, gazeux, liquide et solide, d'un même corps. Par suite, la cristalli- sation eût simplement consisté dans l'alignement des polyèdres moléculaires sur les nœuds d'un réseau, combiné avec une rotation de ces polyèdres autour de leur centre de gravité, jusqu'à ce que tous eussent pris l'orientation la plus conforme à l'équilibre du système. Il n'en est plus ainsi avec la par{icule complexe. Celle-ci est un édifice dont la formation doit être le premier acte de la cristallisation; et cette forma- tion doit être précédée par celle des particules fon- damentales, dont chacune, nous venons de le dire, est très vraisemblablement elle-même un agrégat de molécules chimiques. Ne sait-on pas, en effet, que la densité de la vapeur du soufre augmente quand sa température baisse, ce qui n'est expli- cable que si cette vapeur, à basse température, 9° 410 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES resuñhie d'une condensation de molécules qu'une pius grande chaleur aurait dissociées? À plus forte raison est-il logique d'admettre que le dernier élé- ment du soufre liquide soit un groupe moléculaire encore plus compliqué, et que cette complication doive s'accroitre dans le soufre solide, amorphe ou cristallin, et ainsi pour tous les autres corps. De plus, ce n’est pas seulement par un plus grand état de condensation que se distinguerait l’état cris- lallin : c'est aussi et surtout par cette sorte d'orga- nisalion géométrique qui engendrerait la particule complexe. On s’'expliquerait par là qu'il paraisse y avoir, ainsi que M. Tammann a cherché à ie démon- irer, une discontinuité complète entre l’état amorphe et l’état cristallin, tandis qu’il y a continuité entre l'élat liquide et l'état gazeux au delà du point cri- tique. Bien d’autres considérations inléressantes pour- raient être rattachées à cette notion des particules complexes. Par exemple, les liquides cristallisés, comme ceux que MM. Lehmann et Reinitzer ont étudiés, ne montreraient-ils pas, au voisinage de leur point de solidification, une formation antici- pée des édifices complexes? Une propriété analogue ne pourrait-elle pas expliquer le pouvoir rotatoire des dissolutions? Ce qui est certain, c’est que, d'après l'explication que M. Wallerant a donnée de ce qu’on appelait les anomalies optiques, l'allure oplique d’un cristal est déterminée non par son réseau, mais par sa particule. Celle-ci est déjà un milieu spécifié, en ce qui concerne l’élasticilé de l'éther suivant les diverses directions, et, à cet égard, le réseau peut être en contradiction avec la particule sans que les propriélés définies par cette dernière s’en trouvent modifiées. Done, si les circonstances permettent à celle-ci de se former avant la constitution définitive du cristal, le milieu liquide où elle préexiste pourra très bien différer d'un milieu isotrope. Quoi qu'il en soit, sans nous aventurer davan- tage dans ces considérations, peut-être prémalu- rées, il doit nous suffire d’avoir montré que la particule complexe est le seul élément duquel on puisse partir avec sécurité pour l'établissement d’une doctrine cristallographique ; el puisque l'identité d'orientation de telles particules ne sau- rait faire de doute dans un cristal homogène, la théorie si simple des réseaux de Bravais doit suffire à l’enseignement. Dans un seul cas, celui de la polarisation rotatoire, il y aura lieu de faire obser- ver que des éléments fondamentaux peuvent se superposer, avec des orientations alternantes, sur une mêmerangée, el que des files d'éléments droits peuvent coexister avec d'autres, occupées par des éléments gauches. Encore s’agira-t-il d'une struc- ture propre au polyèdre complexe, mais qu'il est | un réseau cubique, en orientant son axe ternair inutile de vouloir faire dériver de la s{ruclure gé- uérale de l'assemblage cristallin; car, de même que celle-ci peut être sans influence sur la biréfrin- gence, il n'y a pas de raison pour qu'on lui altri= bue, en matière de polarisation rolatoire, la cause d'un phénomène que les liquides eux-mêmes sont parfois capables de manifester. Ainsi, dans tout l'exposé des structures cristallo= graphiques, les théories de Bravais suffiront, et il sera permis de s'affranchir des exigences d'une ‘doctrine assurément plus générale au point de vue mathématique, mais destinée, par sa complication, à rester dans le domaine des purs géomètres. Et de cette manière, la salisfaction d'établir eux- mêmes la série rationnelle de leurs principes pourra être laissée aux cristallographes, sans exiger d'eux un effort disproporlionné avec le but poursuivi. IX Voilà done un nouveau pas en avant dans l'évo- lution de la doctrine cristallographique inspirée les travaux d'Haüy. Un premier progrès avait con- sisté à remplacer la notion des molécules inté- grantes par celle de la disposition réticulaire des centres de gravité. Dans une seconde étape, Bra- vais avait réussi à donner la clef des structures mériédriques. Ensuite la conception de la symétrie=" limite avait fourni à Mallard le moyen de rattacher, à la théorie même de Bravais, des phénomènes qui semblaient faits pour l’ébranler. Enfin, voici qu'avec les particules complexes, M. Wallerant rajeunit la doctrine en lui permettant de serrer de plus près encore la réalité des phénomènes. Cela veut-il dire que, moyennant l'introduction de cette idée nouvelle, il n’y aura plus rien à changer aux conceptions de Mallard sur les macles, l'isomorphisme et le polymorphisme? Nullement, et là aussi une évolution se manifeste, dont le mérite revient encore à M. Wallerant. Le principe de cette évolution consiste dans une remarquable extension donnée à la notion de symétrie-limite, déjà développée avec tant d'éclat par Mallard. Voici comment elle intervient de nouveau : Bravais avait admis qu'un corps en voie de cris- lallisation choisissait nécessairement, parmi les sept systèmes de réseaux, celui avec lequel la symétrie de sa molécule (disons maintenant de sa particule) possédait le plus d'éléments communs: Il n'étail venu à l'esprit de personne qu'une parti= cule pût adopter un réseau de symétrie notables ment supérieure à la sienne. Par exemple, une particule pourvue d'un axe ternaire et de trois axe binaires normaux élait condamnée au réseau ler naire, el on n'avait pas l'idée qu'elle püût adopte 3 A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES A1 suivant une des diagonales du cube, et ses axes binaires suivant ceux de l'assemblage cubique qui - forment un système normal à cette diagonale. l Une telle hypothèse devait d'autant mieux être écartée, semblait-il, qu'elle se heurlait à des … objections mécaniques. En effel, pour qu'une par- ticule adopte un réseau cubique, il ne suffit pas … que quelques-uns des éléments réels de symétrie | du réseau cubique se trouvent en coïncidence avec - les éléments de même ordre de la particule. Il faut encore, par exemple, que les actions exercées . par celle-ci soient les mêmes suivant les lrois directions rectangulaires qui correspondent aux axes quaternaires du réseau. Cette condilion est satisfaite quand la particule a quatre axes ternaires coïncidant avec les diagonales d'un cube; car alors - la géométrie démontre qu'elle possède nécessaire- * ment aussi trois axes binaires équivalents, orientés comme les arêles du cube. En général, tant que la symétrie commune à la particule et au réseau de- meure supérieure à celle du système réticulaire qui vient immédiatement après, la condition qui fixe le choix est remplie par seule raison de symé- trie, quelle que soit la particule complexe. Mais quand il faut tomber dans un degré inférieur, le choix d'un réseau trop élevé pour la particule demande à être justifié par des considérations pro- pres à celle dernière. Or, en général, et grâce à ce fait d'expérience, que presque tous les corps peuvent être ramenés à un réseau cubique, nous pouvons penser que ces raisons ne manqueront pas. À côté de ses éléments réels de symétrie, la particule aura des éléments- limites; par exemple, il s'y trouvera des lignes, occupant la posilion des axes quaternaires du | réseau cubique, et telles que, par une rolalion - de 90° ou même seulement de 180° autour de ces lignes, la particule se trouve presque exactement | subslituée à elle-même. Tout naturellement alors, | j : s 4 ? Rd cr, ces lignes tendront à s'orienter suivant les axes - qualernaires réels d’un réseau cubique, et ainsi le + réseau cristallin choisi jouira d'une symétrie sensi- blement plus élevée que la particule. D'une façon générale, on peut, avec M. Walle- rant, définir un élément ou organe de symélrie- « limite par celte condilion que, traité comme un …— organe réel passant par le centre de gravité de la parlicule, il amène celle-ci dans une situation telle que sa superposition à la situation initiale déter- mine une parlie commune plus grande que pour n'importe quelle autre posilion. Or, l'introduction de celle considération nous - oblige immédiatement à étendre beaucoup la no- - tion de mériédrie. Bravais avait fixé des limites $ au-dessous desquelles la symétrie d'un polyèdre - ne pouvait descendre, sous peine de faire tomber le cristal dans un système réticulaire inférieur. Mais ces limites s’appliquaient à la symétrie réelle. Si la défecluosité de celle-ci se trouve suffisamment compensée par l'existence d'éléments-limites, ces derniers interviendront pour maintenir la particule dans le système choisi. Seulement il en résultera de nouvelles variélés mériédriques, non identiques avec celles que Bravais avail si rigoureusement classées. Comme conséquence, aux groupes mériédriques de Bravais, que caractérisait la symétrie relative- ment élevée de la particule, toujours suffisante pour que l'ordre du réseau ne pût s'abaisser d'un degré, il convient d'ajouter ceux où celte symétrie est restreinte, c'est-à-dire ne possède avec le réseau que le minimum d'éléments communs. Le cas le plus tranché est celui où l'existence d’éléments- limites permellrait à une particule, dépourvue de tout élément réel, de s'accommoder néanmoins, pour la cristallisation, d'un réseau cubique. Si peu probable qu'il paraisse au premier abord, un tel choix ne doil pas être exclu. Celte conception une fois admise, ce qu'on appe- lait autrefois les azomalies opliques va maintenant apparaître sous un jour tout différent. On voyait un corps, tel que la Boracile, dont les formes accu- saient un réseau cubique. Dans la persuasion que Lous les corps cubiques devaient avoir une sphère pour ellipsoïde oplique, et par conséquent être iso- tropes, on s'élonnait de lrouver la Boracite nette- ment biréfringente. Mais, en réalité, la particule complexe de la Boracite est biaxe. Seulement, la présence d'éléments-limites lui a permis de prendre un réseau cubique, ce qui n'empêche pas les pro- priétés opliques, gouvernées par la parlicule et non par le réseau, d'être celles d’un corps non seu- lement biréfringent, mais biaxe. La même considération va entrainer d'autres : conséquences, et donner à M. Wallerant la clef des groupements cristallins, entendus dans leur sens le plus général, de manière à comprendre non seu- lement les macles proprement diles, mais aussi les associations qui se traduisent, sous le microscope polarisant, par la division d’une plaque mince en plages diversement orientées. Déjà, en ce qui concerne les macles, ou groupe- ments de deux cristaux formant entre eux un angle rentrant, la symétrie habituelle de ces associations montre bien qu'elles doivent être gouvernées par une loi, d'équilibre mécanique. Dans le plus grand nombre, l'association des deux cristaux se fait sui- vant une face plane, commune à tous deux, et le second cristal se comporte comme si, primilivement situé dans le prolongement ex&st du premier, il avait tourné de 180° autour dune perpendieu- laire à la face de jonction. C'est ce qu’on appelle A12 une hémitropie, et, dans la plupart des cas, ce mou- vement fictif a pour effet d'engendrer un édifice géométriquement symétrique. Cela prouve donc que, si les deux cristaux n'ont pas pu s'orienter exactement l'un comme l’autre, du moins leur voisinage ne leur à pas permis de prendre des orientations indépendantes. Une force a dû agir, qui a déterminé la seconde moitié à se placer d'une façon déterminée par rapport à la pre- mière. Quelle peut être celte force? L'idée de la | symétrie-limite va nous aider à la découvrir. Imaginons, par exemple, une particule complexe pourvue d'un axe-limite. Si cet axe était un axe réel, sur deux rangées normales à cet axe, et fai- sant entre elles l'angle conforme à son degré, les particules seraient à la fois symétriques les unes des autres et parallèles entre elles, puisqu’une rola- tion autour de l'axe les ramènerait en coïncidence avec elles-mêmes. Il n’en est plus ainsi quand l'axe est seulement axe-limite. Alors, deux cas peuvent se présenter : ou bien la cristallisation se fait assez largement pour qu'un seul cristal prenne naissance, où Loutes les particules auront la même orientation ; ou bien la cristallisalion est quelque peu troublée, ce qui empêche la formation d’un gros cristal homo- gène. Mais alors, à côté d'une portion qui vient de se constituer normalement, une particule complexe voisine, par raison d'équilibre, devra tendre à adopter, grâce à l’axe-limite qu'elle possède, l'orientation qui l’éloignera le moins de celle du groupe précédent. Ayant ainsi pivolé autour de son axe-limite, et occupant, de cetle manière, la situa- tion qui assure le mieux son équilibre relalivement à l'édifice contigu, elle pourra devenir le point de départ d'une nouvelle portion cristalline qui, rela- tivement à la précédente, aura une orientation symétrique par rapport à l'axe. Supposons que cet axe soit d'ordre 3 ; trois cristaux se trouveront ainsi associés autour de lui, et l'axe, qui fait défaut comme élément réel à la particule, sera un élément réel du groupe des trois cristaux. Il ne s’agit donc plus, comme le pensait Mallard, d’une sorte de tolérance de la Nature, admettant à prendre part à la formation d'un seul édifice trois sorles de matériaux peu différents les uns des autres. C’est une raison d'équilibre qui détermine ce groupement, et on peut prévoir, pour chaque cas, par un calcul très simple, de combien d'éléments le groupement se composera, expliquant ainsi, de facon lumineuse, nombre de faits déjà enregistrés par l'observation. D'ailleurs, ce ne sont pas seulement les axes, seuls envisagés par Mallard, qui serviront d'appui à ces combinaisons. Les plans-limites et les centres- limites y auront les mêmes droits. De plus, les élé- ments-lunites des particules fondamentales, S'il en A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES existe, joueront un rôle analogue. Enfin, il en sera de même pour ceux des éléments réeis de la parti= cule complexe qui, en raison de leur nature, ne pourraient appartenir à un réseau parallélipipé= dique. La symétrie-limite étant laraison d'être des grou- pements de cristaux, ces groupements doivent être d'autant plus fréquents que la particule complexe est moins riche en éléments réels, c'est-à-dire que la mériédrie est plus prononcée. Les macles appa- raissent done comme une compensation de ce qui manque à la particule. Et, de fait, comme l'a remar- qué M. Wallerant, il y a des substances, mérié- driques qui ne se présentent jamais qu'en cristaux maclés. D'ailleurs, dans les cas nombreux où les divers groupes conservent le même réseau, la macle, se dissimule sous l'apparence d'un cristal urique de symétrie supérieure, et il faut, pour la révéler, soit l'étude optique, soit celle des figures de corro- sion. X Tel est le principe fécond de l'ingénieuse analyse par laquelle M. Wallerant a, pour la première fois, établi une classification satisfaisante des divers modes de groupements des cristaux. Chemin fai- sant, celte analyse lui a fourni l'explication de plusieurs macles dont, jusqu'alors, il avait été impossible de justifier logiquement la formation. Elle lui a permis également de montrer qu'une face quelconque ne pouvait pas être indifféremment choisie pour l'accolement de deux cristaux; enfin, que les cristaux cubiques holoédriques ne devaient offrir que deux sortes de plans de macle : résultat conforme à l'observation, mais inexpliqué jus-. qu'ici. La fécondité de la méthode est encore attestée M par la facililé avec laquelle elle semble permettre l'explication du polymorphisme. Pour cela, il suffit à M. Wallerant d'appliquer aux particules fonda mentales les règles de la symétrie-limite. On com- prend que l'existence d'éléments-limites, dans une parlicule de ce genre, doive entrainer un grou-» pement semblable à celui des cristaux proprement dits, et qui engendrera une parlicule complexe. Or, si les éléments-limiles en question font justement entre eux les angles exigés par la symétrie réelle d'un polvèdre, le groupement des particules fonda mentales ne peut se faire que d'une manière, et le. corps est monomorphe. Si, au contraire, les angles des éléments-limites sont légèrement différents de ce qui conviendrait, il se produira divers groupez= ments, donnant naissance à des particules com= plexes non identiques, quoique très voisines el de même symétrie totale. Dans la cristallisation, ces particules se disposeront suivant les mailles de. Loco … v A. DE LAPPARENT — L'ÉVOLUTION DES DOCTRINES CRISTALLOGRAPHIQUES 113 réseaux presque rigoureusement semblables ; mais les différences se traduiront par des apparences de cristallisation distincles, engendrant le polymor- phisme. D'ailleurs, les angles des éléments-limites, ainsi que le degré de leur approximation, seront sus- ceptibles de varier avec la température. Celle-c1, en s'élevant, pourra donner à la particule fondamentale une symétrie supérieure qui, une fois réalisée, auto- risera le retour à un groupement monomorphe. Tel serait le cas de la Boracite, qui, on le sait, devient _ isotrope à 265 degrés. Ilserait ici hors de propos d'insister davantage sur ces considérations délicates, dont on trouvera le développement dans les publications de M. Wal- lerant, Nous croyons en avoir assez dit pour faire apprécier la valeur de ces conceptions ingénieuses, qui se recommandent suffisamment par l’ordre re- marquable qu'elles introduisent dans une série de phénomènes, dont le premier aspect était plus ou moins aberrant. Cependant, nous ne saurions ter- miner sans indiquer, avec l’auteur, comment la symétrie-limite suffit à rendre compte de la forma- tion des parlicules complexes. Les particules fondamentales élant des éléments concrets qui agissent les uns sur les autres à dis- tance, on conçoit que les actions d’une telle parli- cule sur un point extérieur puissent prendre des valeurs sensiblement égales pour des posilions du point symétriques par rapport à des droiles, à des plans ou à un centre. La particule jouira done, au point de vue mécanique, d'une symétrie-limite, qui doit trouver son expression dans une symétrie- limite d'ordre géométrique, et alors cette dernière, suivant la loi générale des groupements, devient une cause suffisante pour la formation, par associa- tion, de plusieurs particules fondamentales, d'une particule complexe plus symétrique. Mais la symétrie-limite, que nous avons attribuée à la particule fondamentale, nous permel de re- porter le même raisonnement sur les molécules chimiques qui la composent. Ainsi, selon l'expres- sion de M. Wallerant, « la symétrie des corps cris- tallisés devient le résullat d'une série d'étapes successives, chaque élape étant en progrès sur l'étape précédente, au point de vue de la symétrie ». Un rudiment de régularité détermine d'abord l'as- sociation de plusieurs molécules; l'édifice ainsi engendré prolite de sa moindre imperfection pour constituer une particule complexe, et, chez cette dernière, le progrès est tel qu'il peut suffire à lui assurer un réseau de symétrie élevée, c'est-à-dire une stabilité de beaucoup supérieure à celle que le corps amorphe aurait pu réaliser. XI L'évolution doctrinale dont nous venons d'es- quisser les phases a-t-elle dit son dernier mot? Il serait téméraire de l'affirmer. Quoi qu'il en soit, la Cristallographie française a le droit, croyons-nous, d'être fière de son œuvre. Ce n'est pas à des recu- lades successives qu'elle a dû se résigner. Au con- traire, toujours fidèle à son principe fondamental, elle n'a eu chaque fois qu'à en renouveler l'expres- sion en la précisant; et, tandis que son édifice théorique gagnait progressivement en rigueur géométrique, chaque fois aussi on la voyait prendre un contact plus intime avec la réalité, serrant de plus près ces relations de cause à effet dont la con- naissance doit être le but de toute science digne de ce nom. Que d’autres, si c'est leur goût, se com- plaisent dans des constatalions purement expéri- mentales, systématiquement écartées de toute nolion de causalité, ou donnent leur préférence à des considérations mathématiques à la fois com- pliquées et sans signification objective bien mar- quée. En restant fidèle aux traditions françaises, nous croyons rendre un meilleur service à l'ensei- gnement d’une science vers laquelle les adeptes viendront plus volontiers si, dans un édifice doc- trinal qui ne les éloigne jamais du monde réel, ils sont assurés de trouver à la fois la rigueur, la lim- pidité et l'élégance. A. de Lapparent, de l'Académie des Sciences, Pro’esseur à l'Institut Catholique &e Paris ALA L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV UN PROJET D’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV Parmi les événements, qui paraitront un jour caractéristiques et fondamentaux de notre époque, il semble bien qu'il faille compter, en première ligne, cetle prise de possession rapide de la lerre, celte expansion soudaine, par laquelle nos vieilles nalions européennes, lasses d’étouffer entre des frontières étroites, vont chercher au loin, comme un moyen de se rajeunir et de se retremper, ce que les contrées, hier encore inconnues, renferment de ressources vierges. Dans ce mouvement, qui rap- pelle, à bien des égards, celui du xvi‘ siècle, la France à pris sa part glorieuse. Ce qu'est, ce que vaut son empire colonial, on a essayé, à diverses reprises, de le faire connaîlre scientifiquement dans cette Æevue par les belles monographies sur le Congo, sur Madagascar, sur la Tunisie, etc., que ses lecteurs n’ont pas oubliées. Le plan de coloni- sation, que je me propose d'analyser ici, d'après un manuscrit de 1767, lombé par hasard entre mes mains, présente, on le verra, cetle particularité, qu'il est, en grande partie, celui-là même à l’heu- reuse réulisalion duquel nous venons d'assister depuis trente ans. Des hostilités ou des incuries administratives l'ont fait avorter, il y a un siècle. Outre l'intérêt de curiosité, que présente, dans ce cas particulier, la vieille histoire, toujours trop jeune, de l’homme d'initiative paralysé par la rou- tine, elle doit peut-être provoquer ici un sentiment d'un autre genre, je veux dire un juste hommage pour l’auteur de ce projet, que ses contemporains ont considéré seulement comme un original remuant el encombrant, et qui, s'il eût été écouté, cût pu cependant nous conquérir, à bien peu de frais, dès le Lemps de Louis XV, au lendemain du traité de Paris, les contrées mêmes.sur lesquelles nous avons pu jeter notre dévolu longtemps après : le Tonkin, la Cochinchine et Madagascar, aux- quelles il ajoutait, par une singulière prescience de l'avenir, le Transvaal, l'Abyssinie et même l'isthme de Suez, où il proposait d'établir un transit". L'homme dont il s'agit est un M. de Maudave, connu surlout dans notre histoire colonialé par son essai d'occupation de Madagascar en 1768, mais dans la vie aventureuse duquel celte tentative, sur laquelle on à généralement insisté”, ne fut, on ! Je suis loin de prétendre que toutes les idées de Mau- dave fussent nouvelles de son temps ; mais beaucoup d'entre elles, qui avaient été émises au début du xvnre siècle, étaient tombées, depuis lors, dans un complet discrédit. ? Voir notawment : Poucet pe Sr-Axbné : La colonisation va le voir, qu'un épisode. Sans vouloir faire un chapitre d'histoire, qui serait peu à sa place, il convient cependant de rappeler en quelques mots ce qu'était l'individu, et dans quel milieu il se trou- wait placé, pour faire apprécier ce qu'eût pu valoir son œuvre. On comprendra, par l'extraordinaire roman de cette existence mouvementée, combien ® Maudave, à quarante ans, lorsqu'il écrivait, pour le duc de Praslin, ministre de la Marine, ou pour les Directeurs de la Compagnie des Indes, les rapports très étudiés et circonstanciés, dont je donnerai plus loin des extraits, apportait, à l'appui de ses propo- sitions, une forte expérience du monde, de la vie el des hommes, avec les preuves les plus décisives d'initiative hardie, d'endurance indomptable, d’ha- bileté même dans des circonstances difficiles. Il est seulement étonnant qu'une carrière aussi tumultueuse lui ait laissé le loisir de cultiver si bien son esprit et de se former le style très net, parfois élégant, qui donne une valeur de plus à ses Mémoires. Entré au service à quinze ans, en 1740, Maudave y resta de 1740 à 1756, et fit, non sans éclat, presque toutes les campagnes de celte période batailleuse, où il eut plus d'une occasion de développer la bonne haine cordiale qu’on le voit, en toute occa- sion, témoigner aux Anglais; c'est ainsi qu’en 1756, il se conduisit brillamment contre eux au siège de Mahon, et gagna la croix de Saint-Louis. Presque aussitôt, il passa de là dans l'Inde avec Lally- Tollendal et y accomplit, comme loute cette pauvre armée si mal conduite, quelques merveilleuses prouesses, rendues malheureusement inuliles par l'incapacilé du général en chef. En 1758, mettant fin à une jeunesse orageuse, où les incidents piquants ne manquèrent pas, il se maria avec la fille du gouverneur de Karikal, Mlle Porcher de Soulches, et crut un moment retrouver ainsi une fortune considérable, repré- sentée par de grands biens dans ce pays. Mais, dès l’année suivante, tandis qu'il était en France, où le Gouvernement l'avait rappelé, ses biens subirent le sorl commun de toules nos pos- sessions indiennes. Les Anglais s'en emparèrent, brülèrent, pillèrent et saccagèrent sans merci. de Madagascar sous Louis XV (1886), et V. Tanrer: Un essai de colonisation à Madagascar en 1768 (Aevue Bleue, du 19 octobre 1895). À St FR ak: Maudave, à peu près ruiné, demanda immédia- “tement à être renvoyé dans l'Inde, et l’oblint sans J peine. On le chargea même d'une véritable mission — de confiance, et, par un très long pouvoir, on l'auto- risa généreusement « à susciter aux Anglais le plus … d'ennemis et d'embarras qu'il lui serait possible ». Mais celte feuille de papier fut le seul secours k qu'on lui donna, et le plus extraordinaire, de Lo en effet, sans recevoir un centime de l'État, i À réussit à armer contre l'Angleterre divers er indiens, parmi lesquels celui de Maduré, qui, après avoir soutenu un long siège, forca le général anglais Lawrence à battre en retraite (1763). Voici, d'ailleurs, comment, dans un Mémoire inédit adressé à la Compagnie des Indes le 17 août 1767, il rappelle incidemment lui-même son rôle dans celte circonstance : —. « Vous savez, Messieurs, que l'état politique de - la côte de Coromandel est absolument changé. Les «_ Anglais, sous le nom du nabab d’Arcate’, en sont Î absolument les maitres, et il ne reste quelqu'ombre … de liberté que dans la partie du Sud, c'est-à-dire … que le Tanjaour ?, les deux Marava et le Toudaman n'obéissent qu'à moilié au gouvernement d'Areale, dont ils dépendent. J'avais ménagé, dans le courant de l’année 1762, une révolution importante, qui éclala en février 1763. Je fis soulever, à l’aide de deux ou trois cents fugitifs français que je ras- semblai, le pays de Maduré?, sous la conduite d'un Mogol plein d'esprit et de courage, qui soutint avec succès deux sièges longs et meurtriers pendant cette même année. Le général de l'armée anglaise - et plus de 1.200 soldats européens périrent au pied “ des remparts de Maduré. Si les Anglais réussirent … une troisième fois, ce ne fut que par une insigne « perfidie, sur laquelle je ne veux entrer dans aucun Bictair. …._ « Cette révolution était infiniment ulile à nos affaires ; elle coupait en deux la puissance du nabab d'Arcate: elle formait une confédération entre les Puissances du Sud pour leur mutuelle * conservalion; j'ai soutenu la gageure autant qu'il m'a été possible; j'ai été sourd aux menaces des “Anglais, qui m'ont assez estimé pour n'oser me ‘faire aucune offre : ressources qu'ils employèrent … plus fructueusement après mon départ; je conserve L encore une lettre fulminante, que le Conseil de - Madras m'écrivit pour m'averlir qu'ils sollicite- raient ma punition en France, si je ne cessais - de leur nuire directement ou par de secrètes influences. …. «Je ne sais s'ils ont, en effet, sollicité ma puni- « tion; ma conduite dans l'Inde est restée, de la part un k LUS RATE —._ : Arcot ou Arkot, ancienne capitale de la Carnatique. 2 Tandjore ou Tandjavour. . % Madoura. DL. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV A5 de la Cour et de la Compagnie, sans blàme el sans approbalion. J'en ai été pour des peines et des travaux incroyables, et pour me voir en proie aux calomnies insensées et aux murmures ténébreux d’une vermine écrivante et murmurante. Je ne me rends ici ce témoignage à moi-même que pour la salisfaction de ma propre conscience, et je puis l'appuyer sur les preuves les plus solides et les plus indisputables.…... » Tandis que Maudave luttait ainsi dans l'Inde, on négociail en Europe. La fin de la guerre de Sept-Ans le contraignit à l'inaction, et décida son départ pour l'Ile de France, où, avec les débris de sa tor- tune, il acheta quelques biens, qu'il commença à faire valoir. Moins de trois ans après (1766), nous le voyons devenu l’un des principaux colons de l’île, où il possédait un établissement de 500 noirs et faisait, avec la Compagnie des Indes, des affaires d'une certaine importance. Quelques-unes de ces diffi- cultés légales et administralives, en partie causées par l'hostilité anglaise, en partie aussi par les erreurs de notre centralisation, contre lesquelles l'ile sœur de la Réunion continue toujours à se débattre, déterminèrent, à ce moment, les habi- tants de l'Ile de France à envoyer Maudave à Paris comme député, pour exposer leurs doléances, et faire connaitre la crise intense qu'ils subissaient. Quand Maudave arriva à Paris avec son Rapport, le ministère avait déjà tranché la question sans l'attendre. Le contretemps était fâcheux ; mais notre député, homme de ressources, n'était pas d'un tempérament à se démonter pour si peu. Fort bien reçu par le ministre de la Marine, le duc de Praslin, ancien ami de son père, il com- menca à lui parler éloquemment des projets qu'il avait concus pour réorganiser notre puissance colo- niale dans la mer des Indes, en prenant un point d'appui à Madagascar, et, comme entrée de jeu, il lui offrit de conquérir pacifiquement la grande ile, sur laquelle Richelieu et Colbert avaient eu déjà les yeux fixés, si on lui prêlait, pour trois ou quatre ans, une centaine d'hommes et une pacotille de quelques dizaines de mille francs, qu'il s'engageait personnellement à rembourser à l'échéance. L'idée était séduisante, à un moment surtout où la France venait de perdre toules ses colonies et cherchait vainement une compensalion; Maudave l'exposa fort bien; pendant six mois, il entass: Rapports sur Rapports (ceux précisément dont je vais donner des extraits); enfin le ministre se déclara convaincu et, au début de 1768, fit partir secrètement Maudave avec le titre de « Comman- dant pour le Roi dans l'ile de Madagascar », et la mission honorable de conquérir lui-même le pays de son commandement ; plus une cinquantaine A16 L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV d'hommes, et, pour le reste, de fort belles pro- messes. Cette tâche nouvelle présentait, dès le début, quelques ressemblances regrettables avec celle dont on l'avait chargé, sept ans auparavant, dans l'Inde ; néanmoins, Maudave, qui possédaitle don par excellence, la foi, s'embarqua plein d'enthousiasme pour Fort-Dauphin, où il s'installa bientôt avec sa jeune femme, et se mit énergiquement à l’œuvre. Pendant deux ans et demi, en effet, du 14 juillet 1768 à décembre 1770, il appliqua toutes ses forces à réaliser un plan très sérieusement et müûrement conçu, dont l’idée fondamentale, on peut en juger par ses Mémoires, ressemblait fort à ce que nous appelons aujourd'hui l’organisation d'un protec- oral, avec troupes indigènes encadrées d'Euro- péens; sans aucun souci personnel, il négligea entièrement, pour se consacrer à celle œuvre patriolique, la geslion de ses biens de l'ile de France; là encore, comme dans l'Inde, il oblint des résultats extraordinaires pour les ressources dont il disposait, et faillit nous donner, un siècle plus tôt, la colonie qu'il nous a fallu acheter récemment au prix de tant de millions et de vies humaines. Mais, une fois de plus, un si beau zèle fut inutile. À Paris, au ministère de la Marine, on avait absolument oublié Maudave, qui n’était plus là pour plaider sa cause. Madagascar était très loin à cette époque (134 jours de traversée). On avait autre chose à faire dans les bureaux que de lui envoyer les marchandises, l'argent et les hommes si formellement promis. En vain, Maudave réclama; ses lettres, soigneusement classées dans les cartons des Archives (où l’on peut les lire encore), restèrent sans effet. Il y eut là une correspondance navrante, trop souvent dans le ton des deux échantillons, pris au hasard, que je vais reproduire: la correspondance d'un homme, qui est parti à des milliers de lieues servir sa patrie, qui a tout sacrifié à la gloire de son entreprise, qui y dépense toules ses forces, qui y risque chaque jour sa vie, et qui sent que son crédit s’'épuise, pendant ce lemps, à Paris, qu’on l’'abandonne, qu'on va le laisser périr au port, faute d’un peu d'appui : « Je ne puis plus rien faire, Monseigneur, si je ne recois des colons. Je n'ai auprès de moi que des soldats et cinq ou six ouvriers particuliers. Déci- dez, Monsieur le Duc, s’il convient que je me mor- fonde inutilement à Madagascar en attendant vai- nement des secours qui ne viendront pas. J'ai mis les choses au point où il faut pour travailler avec honneur et profit. Mais je ne puis plus rester dans l'état actuel... N'abandonnez pas un si grand ou- vrage, Monsieur le Duc, pour de légères contradic- tions. Je vous engage ma vie, ma foi et mon hon- neur que je n'ai rien exagéré dans les avantages que je vous ai promis. Daignez vous en reposer sur moi, et envoyez-moi les sommes que je vous demande. » (16 août 1769.) Et; “un"an après: "cn... Je tremble, Monsei- gneur, que vous ne soyez dégoûté de mon projets et que vous ne m’envoyiez l'ordre de m'en retour- ner. Si ma crainte est vaine, vous ne tarderez pas à vous applaudir de m'avoir donné quelque créance. » (août 1770.) Enfin, ce personnage, qu'on ne voyait jamais au ‘ Ministère et dont on ne recevait que des réclama- tions, parut tout à fait fâcheux; le moment était bon pour le gouverneur de l'ile de France, M. Des- roches, qui jalousait Maudave et craignait de lui voir prendre une trop grande imporlance. Quel= ques Rapports perfides, où l'occupation de Mada= gascar fut représentée comme tout à fait inulile et même nuisible, amenèrent, en décembre 1770, le rappel pur et simple de Maudave, qui, ruiné une fois de plus par l'abandon où il avait laissé ses biens de l'ile de France pendant deux ans, rentra à Paris essayer de défendre encore un projet à la, grandeur duquel il ne renonçait pas. } Maudave se faisait toujours mieux écouter de près que de loin. En outre, un changement de ministère était déjà à cette époque une occasion favorable pour faire reprendre une tentative que le ministre tombé venait de renoncer à poursuivre." M. de Praslin ayant cédé son portefeuille à M. de Boynes, celui-ci, probablement sur les instances de Maudave, se décida, en 1774, à réoccuper Madagas- car, et y consacra, du premier coup, l'argent et les hommes nécessaires; seulement, par une inconsé- quence curieuse, ce ne fut pas Maudave qu'il en chargea, mais un aventurier hongrois, protégé par la Reine et le duc d’Aiguillon, Beniowski, qui new réussit, avec les deux millions qu'on lui confia, qu'à entasser faute sur l'aute, nous aliéner les Mal- gaches, rendre la prolongation de l'établissement impossible et, pour conclure, offrit ses services à l'Angleterre. En 1775, Maudave avait cinquante ans, un àge où l’on songe d'habitude à liquider ses entreprises anciennes plutôt qu'à en commencer de nouvelles; il avait déjà été ruiné deux ou {rois fois; il avait beaucoup promené ses projets et ses espérances d'un bout du monde à l’autre; il avait combiné bien des plans palrioliques, qui ne lui avaient rapporté que des déboires; il aurait pu se reposer. Au lieu de cela, qu'imagine-t-il? Toujours plein de son idée de reprendre l'Inde aux Anglais, el de contre-balan-. cer, hors d'Europe, leur puissance envahissante, il se rappelle qu’il a connu autrefois le Grand Mogol, et l'a vu effrayé des progrès anglais. De là à conce= voir une alliance possible avec lui, et une attaque victorieuse de l'Inde par le Nord, il n'y a qu'un L. DE LAUNAY —— UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV AT «trois amis et quelques serviteurs, arrive, à travers mille dangers, auprès de l'Empereur, qui l’accueille “avec bienveillance, parle, est insinuant, convain- “cant comme toujours, et sort de l'audience avec la « promesse d'une armée et une lettre demandant à “Louis XVI l'alliance et le protectorat de la France. Celle entreprise extraordinaire allait-elle donc réussir? Non; la malchance de Maudave l’atteint “encore une fois. Le Grand Mogol meurt subitement, et son successeur, méconnaissant toutes ses pro- “ messes, ne donne à Maudave qu'un commandement “ sans imporlance, sous les ordres d'un Français, nommé Madec, qu'il a fait son général en chef. Madec, jaloux de Maudave, le tient à l'écart, Le dé- courage, l'amène finalement à quitter l'armée “mogole, et le pauvre rêveur, toujours déçu, va mourir misérablement de la fièvre à Mazulipatam (1778). l $ À IT Tel fut l'homme; prenons-le maintenant à l'heure … de ses plus belles illusions, dans les mois qui pré- cédèrent son départ pour Madagascar, et voyons comment il concevait tant de grands et originaux projets, auxquels l'événement devait, pour un siècle, donner un démenti apparent, mais qui, tous ou presque tous, ont été repris (un peu plus coûteu- sement) de nos jours. Là est surtout l'originalité - des documents nouveaux que je possède, puisque le recueil s'arrête au moment du départ de Mau- dave à Madagascar!. Mais, avant de reproduire son plan de réorgani- sation coloniale dans la mer des Indes, il n'est peut- - être pas inutile d'indiquer encore succinctement … quelle était la situation en 1767, au moment où il 4 écrivait, et quelles tentatives avaient déjà été failes É par la France dans les mêmes régions, antérieure- « ment à lui. Le rappel sommaire deséchecs, auxquels -aboutirent successivement nos divers essais de … colonisation officielle et ministérielle sous nos plus Li grands ministres, Richelieu, Colbert, etc., contri- … buera à faire apprécier les vues toutes différentes “de Maudave, qui se prononcait pour une colonisa- tion libre et non administrative, commerciale et K -non politique : la question n’est pas, aujourd'hui … même, sans présenter quelque intérêt d'actualité. Les premières Compagnies de commerce colonial françaises, à l'image de celles des Anglais et des . Hollandais, remontent, on le sait, à Richelieu, et furent toutes plus ou moins malheureuses ?. Celle 1 Ce recueil est le copie de lettres autographe de Maudave, - renfermant, écrit de sa main, le brouillon de tous ses rapports. ? Cie du Morbihan au Canada; Cies du Sénégal, des Antilles … (ou des îles de l'Amérique), de Madagascar et des Indes- Orientales, etc. Voir Carzzet : L'Administration en France pas. Sans hésiter, il se met en roule avec deux ou | de Madagascar, . habitant d'avoir 200 volailles, 12 porcs, consliluée une première fois de 1611 à 1615, avec le privilège pour douze ans du commerce au delà du cap de Bonne-Espérance, reforma, en 1642, sous la direction de Berruyer el Desmartins, qui avaient déjà envoyé à Madagascar, en 1638, Francois Cauche. Comptant, parmi ses principaux actionnaires, le maréchal de la Meille- raye et le surintendant Fouquet, qui parurent surtout occupés à s'éliminer mutuellement l'affaire pour en tirer un profit personnel, elle eut cependant pour conséquence l'établissement, à Fort-Dauphin, de Flacourt, qui s’y maintint dix ans, et le premier peuplement de Bourbon. La disgrâce de Fouquet et la mort.du maréchal de la Meilleraye, en 1664, amenèrent alors la cession de Madagascar au roi Louis XIV et la reconstitulion de la Compagnie des Indes-Orientales par Colbert, qui, en excellent bureaucrate, ne manqua pas d'y appliquer son système ordinaire de réglementation à outrance el de formalisme administratif, lorsqu'il expédia à Madagascar, en 1665, le marquis de Mondevergue. L'entreprise, pourtant, lui tenait à cœur ; il lui accorda les plus grands privilèges, et trouva même, pour lui procurer des actionnaires, une méthode que l'on pourrait recommander à nos hommes d'État : celle de taxer les principaux personnages dépendant du Roi, fonctionnaires en tèle, à un nombre d'actions déterminé selon leur rang. Mais concoit-onune colonie de Madagascar, au xvn°siècle, où les tribunaux devaient juger strictement d'après le coutumier de Paris, où le blasphème par récidive élait puni de six heures de carcan, où il était défendu aux Francais d'épouser une indigène non catholique, où les particuliers n'avaient pas le droit de com- mercer, etc. !. C’est toujours la même erreur fatale et bien francaise, qui nous fait appliquer, aux nègres de la Guadeloupe ou aux créoles de la Réunion, les rouages compliqués et paralysants de notre sys- tème électif, imposer notre système monélaire dans nos colonies asiatiques, traiter des sauvages du Soudan suivant les règles générales applicabies à tout citoyen, de Belleville au Tonkin, et qui, même dans l’ordre privé, nous conduit à diriger de Paris les affaires les plus lointaines, au moyen de Conseils d'administration distrails et incompétents. se de sous le ministère du cardinal de Richelieu, t. IL. — Guer : Les origines de l'ile Bourbon et de la colonisation francaise à Madagascar, 1888. — Relations de Cauche (1638-1642); Flacourt (1661), sur Madagascar. — DE RENNErORT (1688) : His- toire des Indes-Orientales, etc. 1 Paucrar : Louis XIV et la Cie des Indes-Orientales de 1664, Paris, Calmann Lévy, 1886. — P. CLéuenr : Histoire de Colbert, 1874, t. I, p. 498 — Voir, dans l'ouvrage de GUEr (loc. cit.), p. 124, l'ordonnance de M. Delahaye à l'ile Bourbon en 1674. « Chaque habitant nourrira deux bœufs..., nul ne tiendra ni chien, ni chienne ;.… ordre à chaque et six milliers de riz, etc., etc. ». A 118 L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV Dans les onze premières années, la Compagnie des Indes perdit six millions et demi.et, dans la suite, sauf un instant très bref de prospérité, elle ne fit que végéter, jusqu'à sa déconfilure finale. Compagnie officielle, voulant faire grand du premier coup, et toujours disposée à oublier son but commercial pour un apparent intérêt polilique, en outre fort mal servie par la plupart de ses agents, ileût été, du reste, fort extraordinaire qu'elle obtint un meilleur succès! À Madagascar, tout finit par un massacre en 1674, et, sauf un rapport demandé en 1714 par le comte de Pontchartrain au gouverneur de Bourbon, M. Parat, il ne fut plus question de cette colonie pendant près d’un siècle. Quant aux événements qui amenèrent la perte de l'Inde en 1763, ils sont connus de lous. Au moment où M. de Maudave rédigea ses Mé- moires, en 1767, il ne nous restait, de nos anciennes possessions dans la mer des Indes, que les îles de France et de Bourbon, avec quelques comptoirs ruinés à Pondichéry, Karikal, Mahé, etc. C’est done, en prenant pour pivot de ses combinaisons les deux îles des Mascareignes, qu'il projetait de recom- mencer la lulte commerciale et politique contre l'Angleterre. Mais, suivant lui {il est constamment revenu sur cette opinion), si la possession des deux iles nous élait absolument indispensable comme le seul point d'où l’on pût faire une guerre avanta- geuse aux Anglais, isolées, elles n'en étaient pas moins un gouffre de dépenses vaines. D'où l'idée d'occuper pacifiquement Madagascar, qui, protégée par l'ile de France, devait, en échange, la nourrir et servir de base pour toutes les entreprises com- merciales sur la côte d'Afrique, dans la mer Rouge, en Perse, dans l'Inde et dans l'Extrème-Orient. Telle est l’idée mère du plan, que nous allons le voir développer dans ses Rapports adressés aux syndics de la Compagnie des Indes et au ministre de la Marine. Les premiers, qui sont d’un intérêt plus général, et vont surtout nous occuper ici, avaient pour but d'exposer à la Compagnie com- ment elle pourrait se reconstituer sur des bases nouvelles et lrouver, dans sa détresse présente, des éléments de prospérité; les autres, sur lesquels Je reviendrai peut-être un jour, visent le projet plus spécial d’un établissement à Madagascar. Le recueil que j'ai en mains renferme trois Mé- moires principaux à la Compagnie des Indes, en date de juillet 1767, du 17 août 1767, et du 24 sep- tembre 1767, plus divers Rapports de détail sur Pondichéry. Dans tous, on voit Maudave protester contre la superslilion qui prétendait identifier notre fortune dans l'Inde avec la prospérilé appa- rente de Pondichéry, et réclamer avec insistance la diminution de la tutelle administrative, de la centralisation et du fonctionnarisme, la suppres= sion d'un faste inutile, la substitution du com-= merce à la politique, l'abandon des codifications uniformes imposées aux pays les plus divers; à l'occasion, il s'y montre économiste en étudiant la question monétaire, toujours si capitale pour les pays en relation commerciale avec l'Inde et l'Extrème-Orient. Les quelques extraits suivants pourront en donner une idée, mais on remarquera surtout les passages relatifs au Tonkin, à l'Abys= sinie, et au commerce de la mer Rouge par l'isthme de Suez : … «€ Dans la situation où est aujourd'hui votre Compagnie aux Indes, écrivait-il en juillet 1767, que lui sert un tribunal sous le nom fastueux des Conseil supérieur? À la place de ce tribunal sans occupation, substituez quatre personnes inlelli= gentes dans les affaires de commerce... Au lieu de ce monde d'employés et de commis, qui vous sont trop à charge, je ne vous souhaite que des facteurs et des correspondants : je ne vois aucune diffé rence réelle entre la Compagnie des Indes et quel= que autre maison de commerce que ce soit, si vous. en exceplez l'importance de l'objet et la multipli= cilé des affaires; vous devez donc vous conduire. sur les mêmes maximes, et surtout éviter un vains élalage d’ostentation et d'état politique, qui ue convient plus à votre situation, qui ne lui a jamais convenu, et sur lequel on pourrait peut-être rejeler une portion de nos pertes el de nos désastres. . «Je soutiens qu'un système régulier peut êlre plus aisément suivi par un seul homme qui aurait votre confiance, que par un prétendu tribunal, tou- jours bizarrement composé, où l'intérêt de chaque particulier divise l'Administration et étouffe le bien: public. Aussi, malgré les maximes républicaines, voyons-nous le général de Batavia exercer l’aulo= rilé la plus despotique. . « L'un des meilleurs moyens de vivilier le commerce de la Compagnie dans les Indes est, à mon sens, de favoriser le commerce des parliculiers. Il vous convient notamment de faciliter à vos employés les moyens honnètes de faire fortune par un travail assidu et une industrie vigilantes car ce serait une folie d'imaginer que les appoin- tements que vous pouvez donner fussent au fond suffisants à l'ambition des plus modérés; en pro= curant à chacun les moyens de travailler suivant ses forces el sa valeur, vous remplirez un double objet. … « Le commerce des Indes, pris dans son sens absolu, est ruineux pour l'Europe en ce que nous y portons notre or et notre argent en échange des produils de l'industrie des Indiens... On peut mème altribuer à celte cause ces épuisements d'argent, où L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 119 l'Europe a langui avant la découverte de l'Amé- ique… Mais ces terreurs s'évanouissent en les con- “sidérant d'un œil impartial et philosophique. Les “mines du Mexique et du Pérou ne seront pas “apparemment silôt épuisées. Vous pouvez même “diminuer la sortie de l'or et de l'argent par une judicieuse exportation des denrées du royaume et du produit de nos manufactures. J'ose même dire “que cet objet, intéressant pour l'Elat et très avan- siageux pour vous, à été trop négligé; j'en dirai bien “la raison. Les marchandises de l'Inde, qui nous “sont nécessaires, accourent, par une altraction aisée à expliquer, aux lieux où l'argent les attend. Nos denrées et nos marchandises sont de défaite plus difficile... Ce n'est pas au bord de la mer et surtout “ans nos établissements de la côte de Coromandel;... c'est dans l'intérieur des terres, dans les grandes _LOE ans les capitales, qu'il faut en envoyer des « .… Laissons Pondichéry devenir, s'il le peut, une ville considérable, en l'aidant à se relever de “ses ruines par de légers secours et quelques encou- “ragements. Il est vraisemblable que cette ville ne “parviendra de longtemps à l'orgueilleuse et inutile _sompluosilé où nous l'avons vue. La médiocrité, où je la crois condamnée par la nature des choses, est presque un gage de sa conservalion. Nos ennemis Ja prendront sans doute; mais ils nous la rendront à la paix : elle ne vaudra plus la peine d’être gardée ni détruite. — « Cesraisons mènent à affirmer que les véritables entrepôts de la Compagnie des Indes doivent êlre l'ile de France et à l'ile Bourbon... 11 ne vous anque que d'y construire des magasins en élat de recevoir vos marchandises. Vos vaisseaux pourront y altendre les saisons convenables pour se rendre leur destinalion; car vous êtes quelquefois expo- sés à de grands retards, et j'ai vu, depuis 1765, on, et l’on ne peut manquer son but... .. Je crois qu'il serait très utile aussi que la ompagnie des Indes songeät à se procurer des omploirs aux lieux que je vais indiquer ; savoir : à Mascate, à Bassora, à Banderabassi, à Surate, à Mangalor, à Calicut, à Cotate, à Portenove, à Masulipatan, à Yanaon, à Panjan, au Pégou, à Jou- “dia, dans le royaume de Siam. Nous avons déjà = loges abandonnées dans la plupart de ces chelles ; il faut en reprendre possession et nous procurer celles qui nous manquent. Outre ces loges, je pense qu'il est à propos d'avoir des agents dans Ja plupart des grands établissements européens et 1 de travailler aussi à obtenir quelques comptoirs dans les îles de la Sonde et à Bornéo. Je ne comi- prends pas par quel motif nous avons abjuré pour ainsi dire le commerce de la Cochinchine, et par quelle négligence nous n'avons jamais tenté celui du Tonkin; cetle partie orientale de Inde est peut- être la plus riche région de l'Univers. Toutes ces vastes régions sont ouvertes à la navigation. Les divers genres de leurs productions font l'objet du plus grand cabotage du monde... « … La Compagnie n'ignore pas les avantages de la navigation dans la mer Rouge; mais ce n'est pas assez de se borner aux routes frayées; il faut s'en ouvrir de nouvelles. Je voudrais, Messieurs, que vous entrelinssiez aux Indes quelques jeunes gens actifs, laborieux et instruits des vrais principes du commerce; que vous les destinassiez à parcourir ces vastes régions pour découvrir de nouveiles sources de commerce: ils en seraient en quelque sorte les apôtres. Ces missionnaires d'un ordre nouveau étendraient, de tous les côtés, les branches de volre industrie. Il est telle côte barbare sur le bord de l'océan Indien, qui, à 50 lieues de la mer, renferme, dans la plus grande abondance, les plus précieux objets du commerce; il est aisé de se les procurer : il ne faut que vouloir, mais on ne veul pas assez. « … On a exploité, pendant près de 60 siècles, le commerce des Indes par la voie de la mer Rouge”. Les Véniliens, dans nos temps modernes, y acqui- rent des richesses immenses. L'Italie fut le magasin général des denrées d'Orient. La découverte du cap de Bonne-Espérance changea le cours de ce com- merce, que les principales nations de l'Europe se partagèrent. L'Italie ne fut plus le centre de cet important négoce. L'heureuse témérité de Vasco de Gama la relégua, pour ainsi dire, dans un coin. Il est aisé de prouver que les frais d’une si grande navigation en dégoûteraient les négociants, si les richesses de l'Inde élaient loutes renfermées sur les côtes de l'Empire mogol. Mais, comme l'industrie européenne.s’est ouvert de nouvelles branches de négoce à l'Est et au Sud-Est, la route du cap de Bonne-Espérance est, à ce dernier égard, le chemin le pus DANDEE s'il n'est pas le plus court. « Il ne s'ensuit pas que la voie de la mer Rouge n'ait son ulililé, en l’'employant judicieusement; je souliens même qu'elle nous donnerail une exten- sion de commerce considérable. Examinons d'abord les moyens de nous en servir, et nous jelterons ensuile un coup d'œil sur les avantages qui en résulleront. « M. de Nointel, ambassadeur de France à Cons- ! Sur cette question du commerce des Indes et de l'Éthiopie par la mer Rouge, Maudave reprend, près d'un siècle après, 420 L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV lantinople, en sollicilant à la Porte le renouvelle- ment des Capitulations, eut ordre de demander la permission de tirer des marchandises des Indes par la mer Rouge, et la liberté de les déposer en Égypte pour être transportées à Marseille. Le grand vizir Achmet Coprogli accorda ces deux articles en payant 3 °/, sur le prix d'achat aux douanes du Grand-Seigneur. Je n’ai pas vu que le commerce des Indes aitréclamé contre ce projet. En examinant les Mémoires du temps, on doit trouver, dans les Archives de la Compagnie, les mesures qu’on voulait* prendre pour lransporter les marchandises au Suez et du Suez au Caire; la langue de sable, qui sépare la première de la seconde de ces deux villes, n'a pas plus de 20 lieues d'étendue, quoique la largeur de l’isthme de Suez soit à peu près de 35. La branche orientale du Nil se rapproche, en effet, de ce port de la mer Rouge à cette distance. Le transport des marchandises du Suez au Caire peut se faire aisément sur des chameaux. L'Égypte en fourmille. « … La partie méridionale du golfe Arabique est bordée, dars toute sa longueur, du royaume de Sennaar, de la Nubie et de l’Abyssinie. Ces trois grandes contrées regorgent de richesses, qui, à la réserve d'un léger transport, que de petites cara- vanes en font en Égyple, restent sans débouchés. Au moyen de nos liaisons de commerce avec les Tures, nous serions admis à lraiter à Suequen où le Grand-Seigneur entretient une garnison, et où les peuples de Sennaar et de Nubie abordent en foule. Les Abyssins ne demandent pas mieux que de recevoir nos vaisseaux dans la baie d'Alkireo et dans l'ile de Messoua?. « J'ai eu autrefois entre les mains une lettre de M. de Maillet à M. de Pontchartrain, de l'année 1696. Elle contenait des détails très curieux et très instructifs.sur la Nubie et le royaume de Sennaar. Quoiqu'’elle ait été imprimée, il ne m'a pas été possible de la retrouver. Je m'en rappelle très bien une particularité intéressante, qui prouve combien il serait facile d’obtenir ce qu'on voudrait pour la sûrelé du commerce de la part du Gouvernement d'Égypte’; voici le fait : « Louis XIV envoyait, en Abyssinie, un ambassa- les idées de Colbert et de M. de Maillet; de même que l'idée du canal de Suez se trouve déjà dans le Parlait Négociant de Jacques Savary (1679). 1 Souakin, port le plus sûr de la mer Rouge, et lieu d'em- barquemeut des pèlerins de la Mecque. , ? Arkiko et Massaouah. * Voir, sur cette question des rapports commerciaux entre la France et l'Abyssinie sous Louis XIV, Masson : Commerce français dans le Levant au xvue siècle, 1897, p. 323-326 et 411-413. La lettre de M. de Maillet, dont il est question plus loin, y est résumée, ainsi que l'histoire de l'ambassade à laquelle était atlaché le chirurgien Poncet, et que conduisait Le Noir du Roule (1703). — Cf. pe Caix DE Sr-Ayxour : Histoire des relalions de la France avec l'Abys- sinie chzétienne sous Louis XIII et Louis XIV. deur au Grand Négus. Quelques marchands francais et grecs se joignirent à l'ambassade. Cette petile« caravane arriva à Sennaar. Le Roi reçut l'amba sadeur avec de grands honneurs; mais le barbare, tenté par l’appât du gain, le fit massacrer avec tout son monde. Il ne s'en échappa qu'un chirurgien franc-comtois nommé Charles Poncet, qui retourna pour la seconde fois en Abyssinie, et du premier voyage duquel nous avons une relation, insérée, si je ne me trompe, dans le « Recueil des lettres édifiantes ». « M. de Mallet, dont les conseils avaient décidé l'ambassade, et qui en avait dirigé la route, fut outré de la perfidie du roi de Sennaar. Il proposa à la Cour d'en lirer une vengeance éclatante; o lui en demanda les moyens; ilnégocia avec les Puis sances du Caire, et il en oblint la permission de faire passersurleurs terres un corps de 1.200 soldats français avec leurs canons et leurs munitions. I voulait se mettre à la tête de ce corps et le conduire lui-même à Sennaar, qu'il aurait saccagée et brûlée et il assurait à M. de Pontchartain qu'il laverait dans le sang de ce roi barbare, la cruelle violations du droit des gens dont il s'était rendu coupable La Cour, qui avait des affaires plus importantes laissa le roi de Sennaar tranquille, et perdit toutes vues de liaisons et de commerce avec le roi d'Abyssinie. Ce fait est très singulier dans loutesx circonstances, et il prouve assez clairement que les Puissances du Caire entreront dans nos desseins, si nous savons leur y faire trouver des avantages. M &«_.… Si jamais nous pouvons avoir une COrrespons dance assidue avec l'Abyssinie, nous y ferons um commerce prodigieux. Ces peuples sont plus doux et plus civilisés que les autres nègres; ils ont même le singulier privilège de tenir aux musulmans el aux chrétiens, et ces deux religions rivales, q s'accordent sur si peu de points, comptent les Abyssins au nombre de leurs enfants, puisqu'ils ont l'honneur d'être circoncis et l'avantage d'être baptisés. Il est vrai, car il ne faut rien dissimule que les Abyssins sont entachés de l'hérésie de Dioscore; mais les riches productions de leur so sont encore dans la pureté de leur production originale; en les traitant comme des frères bàtards ou rebelles, nous pouvons encore commercer ulile ment avec eux. | « J'ai beaucoup entretenu, dans les Indes, un homme d’espril et de sens, qu'un concours dé circonstances bizarres avait relenu vingt ans el Éthiopie; il ne pouvait se lasser de louer la douce el l'humanité de ces peuples, et d'exalter la richesse el l'abondance des productions du pays. Il préten dait que nos vaisseaux, en montrant quelque envie de trailer avec eux et se présentant sur les côtes de Dalkirko et de Messoüa, les atlireraient, aveen L. DE LAUNAY — UN PROJET D'EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS SOUS LOUIS XV 494 ur or, leur ambre, leur civelte, leur ivoire et Moutes les autres riches denrées de l'Abyssinie, our recevoir en échange les toiles blanches et bleues des Indes, les brocards et autres ouvrages de “a fabrique de Surale, et surtout de celles de Hami- abad. Je laisse à penser combien cette branche de commerce isolée, et pour ainsi de hors-d'œuvre, Serait avantageuse au commerce général de la Compagnie. » Ë II Dans les extraits précédents, on remarque l'ab- “ence de toute indication sur Madagascar, qui “devait pourtant jouer, à l'avis de Maudave, un rôle de premier ordre parmi nos colonies futures. L'ile ‘de France et ses dépendances ayant élé, en effet, “depuis 1763, rétrocédées à l'État, cette partie de “ses projels ne regardait plus la Compagnie des Indes “et c'est dans toute une série d'autres Rapports, “adressés au duc de Praslin, ministre de la Marine, que nolre héros les a longuement développés. “— Je ne saurais, sans dépasser le cadre de cet arti- cle, donner ici un résumé de toules ses idées très originales sur la grande ile madécasse ; mais je tiens cependant à en extraire quelques passages caractéristiques. C'est ainsi qu'après avoir exposé l'importance ‘stratégique de nos deux vieilles colonies de Bour- bon et de l'ile de France, en même temps que l’im- possibilité, où elles lui semblaient, de se suffire à elles-mêmes, Maudave indique Madagascar comme devant devenir leur centre naturel de ravilaille- ment : « Cette île, dit-il, par son étendue, par le nom- “bre et la variété de ses productions et par le carac- “lère des peuples qui l’habilent, est susceptible du plus grand commerce. Les indigènes sont naturel- “lement négociants : ils vivent sous une ombre de lois et de police... Ce peuple est doux, palient, rs grand imilateur. —…._ « … S'il était question de former une colonie en “Amérique, on dirait: prenez les précaulions né- 0 pour transporler un peuple tout formé, avec sa subsistance, son industrie, ses arls et “même les instruments de ses arts; vous allez habiter une terre agreste et sauvage, qui ne vous donnera rien qu'après de longs et pénibles travaux. L'ile de Madagascar nous offre des ressources plus prochaines : elle est peuplée, elle est cultivée; il n'est question que de lier une correspondance réci- - proque avec les habitants, pour en retirer les plus “grands fruits. Il y a, après tout, une grande diffé- rence entre le climat de cette île et celui de l'Amé- rique ; ce dernier dévore ses habitants: les indi- _Bènes ne sont que des barbares presque semblables aux monstres de leurs forêts, sans lois, sans police, et, ce qui est encore plus à considérer, sans be- soins; l'ile de Madagascar, au contraire, renferme un peuple actif, laborieux, simple, doux et qui ne demande qu'à étendre la sphère de ses connais- sances ;… d'après mon expérience personnelle, il n’en est peut-être point sur la terre, avec lequel une nation commerçante puisse négocier avec plus de fruit. Rien n'est plus aisé que de donner aux Ma- décasses nos goûts et nos besoins. « La religion nous offre, à cet égard, des armes d'une bonne trempe. Ces peuples ont un penchant incroyable pour nos cérémonies et la magnificence de notre culte... Ils se rendront en foule sous notre protection. Divisés en petits états politiques, tour- mentés par leurs maîtres, ce peuple doux et limide connait le prix du repos et de la sûreté, En les traitant bien, avançant peu à peu et ne les violen- tant pas, nous les verrons abandonner leurs tyrans et briguer la faveur de nous être incor- porés.. Nous connaissons parfaitement, à l'ile de France, le caractère des Madécasses. Ils sont lents dans leurs opérations, mais doux et paisibles. Is aiment les arts mécaniques, ils deviennent aisé- ment charpentiers, menuisiers, serruriers, forge- rons, macons, couvreurs, tanneurs, elc. Ils s'alta- chent aisément à leurs maîtres, quand ils en sont bien traités, mais ils sont légers, volages et sujels à ce qu'on appelle dans leur langage : se piller de fan- laisie. Avec de la douceur, de la patience, de la fermeté, de l'équité, on en fait Lout ce qu'on veut.» Je n'ai pas voulu interrompre celte longue cita- tion; mais on aura remarqué le curieux parallèle entre les États-Unis et Madagascar, il y a un siècle; les difficultés relatives aux indigènes, on sait com- ment les Américains les ont résolues, d’une façon radicale, en supprimant ceux-ci; quant au climat, qui passait alors pour plus insalubre encore que celui de Madagascar, il est assez réconfortant pour l'avenir de constater combien vite l'occupation des Européens l’a assaini. Ailleurs, Maudave revient, à diverses reprises, sur les produelions de l'ile, insistant surtout sur l'extraordinaire mulliplication des troupeaux, sur les bois précieux des forêts, les gommes, les résines, le chanvre, le lin, etc. Menlionnons aussi quelques points accessoires, qu'il peut être curieux de rap- peler : ainsi la soie, produite abondamment par une chenille malgache (le Zombyx radama), soie qui ne peut se dévider, mais qui se carde et se file à la que- nouille; ainsi encore les baleines, dont il serait, suivant lui, possible d'organiser la pêche sur les côtes orientales et méridionales. « Elles y sont très communes, dit-il, et malgré le peu d'industrie des insulaires, ils en prennent assez souvent. » Enfin, il propose d'attirer à Madagascar des ouvriers indous, comme les Anglais l'ont fait si activement et avec CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT succès pour leurs colonies de Maurice et de Nalal. Il signale même la présence de l'or dans la partie centrale, « que les Portugais ont fouillée autrefois », tout en remarquant, avec raison, que les richesses Lerritoriales sont de plus de valeur réelle que celles des placers de la grande ile. Sur tous ces points, il se montre, en somme, très judicieux, sans avoir rien à nous apprendre de nou- veau; mais, là où il témoigne véritablement d’une perspicacilé singulière et nous donne un avis qui, aujourd'hui encore, vaudrait peut-être d'être écouté, c'est lorsqu'il met en relief la proximité entre Ma- dagascar et ce presque fabuleux Monomotapa, que nous appelons aujourd'hui le Transvaal et la Char- tered, lorsqu'il insiste vivement sur le lien intime qui raltache l'un à l’autre les deux pays et qui peut les faire prospérer l'un par l’autre : l’un extrayant en abondance l'or de ses mines, l’autre lui envoyant en échange la nourriture dont il regorge. N'y eût-il, dans le manuscrit dont nous nous occupons ici, que ce passage, il eût valu, ce me semble, d'être signalé : « Un objet essentiel de notre établissement à Madagascar, écrivait Maudave au ministre de la Ma- rine, est de créer, d'étendre de nouvelles branches de commerce sur la côte orientale d'Afrique, depuis la terre de Natal jusqu'au cap de Gardafui. La baie de Delagoa, où se décharge une grande rivière qui vient de l'intérieur des terres, mérite d'être mieux connue et plus fréquentée. On y échange des toiles et des guingans contre de l'or, de l'ivoire et des esclaves... Les Arabes de celte côte trafiquent avec les nègres de l'intérieur des terres jusqu’au fond du Monomotapa, dont ils tirent beaucoup d'ors Quoique les Portugais prétendent à l’exelusif dans celte partie de l'Afrique, leur misère ou leur fai blesse donne beau jeu. Il n'est presque point dé gouverneur portugais dans ces quarliers, dont on: n'achète la bienveillance avec des chemises et quel ques paires de bas. Il est sûr que la côte crientale d'Afrique regorge de richesses... » Si l'on songe que tout cela a été écrit en 1767; on reconnaitra que ce Maudave, qui invitait le Gou vernement de Louis XV à occuper le Tonkin eb Madagascar, à récoller l'or du Transvaal et à éla blir des relations commerciales avec l'Abyssinie ets bien mieux, qui lui en offrait le moyen, ne méri= lait peut-être pas l'oubli profond où son nom est tombé. L. De Launay, Ingénieur en chef des Mines, Professeur à l'Ecole Nationale Supérieure des Mines. LES LOIS DU RAYONNEMENT ET LA THÉORIE DES MANCHONS A INCANDESCENCE DEUXIÈME PARTIE Dans un premier arliclc!, nous avons résumé les recherches expérimentales qui ont permis d'éta- blir les lois du rayonnement des corps incandes- cents; nous allons maintenantmontrer l'application de ces données à quelques problèmes pratiques. [. — CONDITIONS D'UNE BONNE UTILISATION DE L'ÉNERGIE DANS L' ÉCLAIRAGE. Les recherches récentes relatives au rayonnement des corps noirs et des corps réels ont confirmé, en la précisant, l'idée, mise au jour déjà par les tra- vaux anciens, que, pour un radiateur donné, le rap- port de l'énergie lumineuse à l'énergie totale aug- mente en même temps que s'élève la température du radiateur. Mais nous savons aujourd'hui, contrairement à l'opinion anciennement admise, que, pour une nn ——_— 4 Voyez la Revue du 30 avril 1901, €. XII, p. 358. LES APPLICATIONS même température, ce rapport varie d’un corps l'autre, augmentant en général avec le pouvoirs réfléchissant des surfaces, puisque, au moins pou les métaux, le coefficient définissant ce pouvoi varie dans le même sens que la longueur d'onde # D'autre part, la puissance de chaque radiation due à l'incandescence pure est toujours moindre que celle du corps noir, ou lui est tout au plus égale, el nous avons vu que, même pour des corps considérés: en général comme très noirs, la différence peut être considérable. L Les conditions pratiques de l'éclairage pourront faire préférer tel radiateur à tel autre, suivant le ? La température élevée à laquelle peut être porté la mium et son pouvoir réfléchissant considérable ont cond M. Auer von Welsbach à créer récemment une nouvelle lampe électrique à incandescence, ne dépensant que watt environ par bougie. L'explication de cet excellent ren: dement est contenue tout entière dans les faits d’ expériencè résumés dans notre premier article. J CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 123 ut poursuivi el les moyens dont on dispose. Si, ar exemple, pour une raison quelconque, on re- Cherche le maximum de l'éclat, c'est-à-dire le maximum de lumière pour une surface donnée, n devra avoir recours au corps noir, que l’on mènera à la plus haute température qu'il puisse “supporter, ou que le chauffage permettra de réali- ser. Mais c'est là un cas très exceptionnel, car on “peut, en général, compenser le défaut d'éclat par l'augmentation de la surface, et l'intensité importe “seule. En pratique, le problème se ramènera donc “presque toujours à celui du rendement, qui, comme “nous l'avons vu, augmente avec la température de la source et avec son pouvoir réfléchissant dans _l'infra-rouge. Ici encore, deux cas très différents peuvent se présenter suivant le mode de chauffe du radiateur : ou bien l'apport d'énergie est illimité, comme dans la chauffe par le courant électrique; ou bien il est donné par une flamme, et alors il est limité théoriquement à la température de la flamme. Dans le premier cas, la limite de la température “sera imposée seulement par la conservation du radiateur ; dans le second, on devra chercher à aug- menter le plus possible la température de laflamme, et à utiliser très complètement sa chaleur. Les conditions d'utilisation du courant élec- trique pour la production de la chaleur sont trop connues pour qu'il y ait lieu d'y insister; en re- “vanche, la question de la température des flammes “est fort controversée, et il convient de nous y arrêter un inslant. L IL. — ÉTCDE DE LA FLAMME. 1. — Mesure de la température des flammes. Malgré de nombreux travaux consacrés à cette question, la température des flammes est très mal connue, et les résultats donnés par les divers auteurs qui s’en sont occupés diffèrent dans une large mesure, sans que l’on trouve des raisons suf- fisantes pour éliminer d'emblée les nombres les plus divergents. On sait seulement, d’une façon bien certaine, que la température varie considérablement en des «points trèsivoisins d’une même flamme, et qu'à des “distances qui se mesurent par une fraction de mil- -limètre, les écarts atteignent plusieurs centaines de degrés. L'étude complète comprendra donc une sorte de topographie thermométrique de la flamme, indiquant les variations de l’état thermique en ses divers points, puis une mesure absolue permettant … de fixer l'échelle de l'ensemble. Jusqu'ici, deux procédés ont été appliqués à lévalualion de la température des flammes. Le . premier, purement théorique, consiste à calculer les quantités de chaleur dégagées par les com- bustions, et, connaissant les chaleurs spécifiques des constituants, à en déduire les lempératures moyennes. L'autre, plus fréquemment employé, est uniquement expérimental; il transforme le pro- blème dans celui de la mesure de la température d’un corps immergé dans la flamme, et que l'on suppose en équilibre thermique avec elle. Pour une exploration détaillée, on devra, d'après ce qui vient d'être dit, employer un corps de très faibles dimensions, par exemple un fil fin de platine. Lorsqu'on compare les résultals obtenus par les deux procédés, on voit que le premier fournit des nombres incomparablement plus élevés que le second, et, comme celui-ci à paru jusqu'ici à peu près sans reproche, on en a conclu que la théorie négligeait des facteurs très importants. Le procédé expérimental, pour direcl qu'il pa- Cr Fig. 1. — Dispositif de M. Smithells pour l'étude du Bec Bunsen. raisse, cache cependant d'assez grosses erreurs, dont quelques-unes ont été mises en lumière par les physiciens qui l'ont appliqué, mais dont plu- sieurs semblent avoir été trop négligées jusqu'ici. Lorsqu'on amène, en un point déterminé d'une flamme, une soudure thermoélectrique, les deux fils qui y aboutissent conduisent de la chaleur à l'extérieur, ct refroidissent le point de contact dont la température est considérée comme indiquant celle de la flamme. On réduit celte erreur en em- ployant des fils fins, en choisissant des métaux peu conducteurs, par exemple en substituant au platine pur, qui forme généralement l’un des élé- ments du couple, un de ses alliages avec un métal réfractaire, de telle sorte que les deux parties du couple soient constituées par des alliages de pla- tine. Enfin, dans l’étude d’une flamme dont une région étendue est homogène, une flamme circu- laire par exemple, on donne aux deux parlies;du fil aboutissant à la soudure une forme qui épouse celle de la flamme, ainsi que l’a fait M. Smithells CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT dans l'étude du bec Bunsen’. Dans les expériences de cet habile chimiste, les fils disposés en C, et, sur les deux cônes de la flamme (fig. 1), donnaient des résultats sensiblement différents de ceux four- nis par les fils en C et C.. Les observations failes dans les meilleures con- ditions ont conduit M. Smithells aux résultats suivants : La température indiquée par les couples croît dans l'ordre C,, C,, G,, G,. En C,, elle est de 1611°, et en C, de 1530°. Dans une flamme plate, lumineuse à sa partie ® Fig. 2. — Schèma des positions adoptées pour la mesure des températures dans une flamme plate. J2 supérieure, les mesures effectuées de à à 4 (fig. 2) ont donné les résullals suivants : SUR LE BORD EXTÉRIEUR AU CENTRE En ‘at. 1.4789 1960 Du 1,5640 3820 CRIE: 21 1.5600 6410 C'EST es 1.5470 9470 e 1.5760 1.1100 LR 1.6130 1.1000 1.6130 1.6130 La température va done en montant du bas au haut de la flamme, beaucoup plus rapidement à l'intérieur qu'à l'extérieur, les deux lames chaudes se rejoignant au sommet. D'autre part, M. Vivian Lewes indique, pour les différentes parties d'une flamme lumineuse de gaz d'éclairage, dans deux Mémoires parus à quelques années de distance, les résultats ci-après *: EN 1892 EN 1895 Zone non lumineuse. . 1.0149 1.0230 Commencement de la partie IURINEUSE ER NES 12610 1.6580 Fin de la partie lumineuse. . 1.3680 2.1160. Enfin M. Waggener a fail, en 1895, sous la direc- tion de M. Warburg, d'intéressantes recherches sur la flamme du bec Bunsen *. Après avoir vérifié que la conduction électrique par la flamme et les forces 1 À. SurraELcs : On flame temperatures, etc.; Trans. Chem. Soc., 1895, p. 1042. 2 V. Lewes : 1bid, 1892, p. 322; Proc. Roy. Soc., t. LVII, p- 394; 1895. * Verhandlungen der Berliner Phys. Ges., t. XIV, p.18. — thermoélectriques dues au contact direct des ga chauds n'influencent pas sensiblement les mesures; il constala, au contraire, qu'un fil demeuré très longtemps dans la flamme est altéré au point de donner au galvanomètre des indications qui, Si elles sont rapportées au premier élalonnage, faus= sent les résultats de plusieurs centaines de degrés En employant des fils de divers diamètres, recti= lignes ou circulaires, M. Waggener put déterminer" les conditions dans lesquelles la conduction ther- mique est suffisamment éliminée. Le fil généra= lement employé, n'ayant que 0,045 millimètre de diamètre, fournissait des résullats à peu près indépendants de la conduction, mais que l'on pouvait encore corriger par extrapolation, en tenant compte des données fournies par les fils de plus gros diamètre. Une exploration complète de la flamme sous- traile aux courants d'air a conduit M. Waggener à formuler les conclusions suivantes : La mesure directe de la température par le plus fin des fils employés donne un maximum de 170% sur le. cône extérieur, à 2 centimètres au-dessus dun brûleur, la flamme ayant une hauteur totale de: 3 à 13 centimètres. Le milieu du cône extérieur possède une température maxima de 1591° ; enfin, la surface intérieure du cône possède une tempé- rature qui, dans la partie la plus chaude, atteint 1408. L'’extrapolation, pour un fil infiniment mince, donne, pour la partie la plus chaude, une tempé- ralure de 1750° à 1760°. | Les nombres qui viennent d’étrereproduits, tout en donnant à peu près la physionomie générale de certaines flammes, ne représentent pas, si l’on en exceple un résultat de M. Lewes, très discordant des autres, les plus hautes températures soup-" çconnées dans les flammes ordinaires. Ainsi, il est d'expérience courante qu'un fil très fin de platine, introduit dans une flamme, fond à son extrémité et forme une perle qui se solidifie. Ce fil rencontre done des filets gazeux dont la lempérature est supérieure à celle de la fusion du platine, qui, d'après M. Violle, est de 1715°, et, suivant MM. Holborn et Wien, de 1777°. Or, ce phénomène ne peut guère être attribué au fait d'une combi- naison qui se produirait entre le platine et l’un des constituants de la flamme, puisque la fusion se produit au bout d'un instant très court, et semble, au contraire, s’arrêler ensuite, dès que la perle a pris des dimensions notablement plus grandes que le diamètre du fil. La conduction de la chaleur étant la même pendant toute l'expérience, ce phéno- mène ne peut pas être invoqué pour expliquer la solidificalion succédant à la fusion. Je reviendrai bientôt sur cette question ; mais je. puis, dès maintenant, signaler comme l’une des. CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 425 longtemps qu'il est très mince, rencontre par instants des filets gazeux beaucoup plus chauds jue l'ensemble du courant ambiant, tandis que, notables, elle prend automatiquement la moyenne, dans le temps et dans l’espace, des températures i l'entourent, et qui est sensiblement inférieure $ 2. — Méthodes nouvelles. Les observations qui viennent d'être menlion- nées et leur discussion nous montrent déjà que les valeurs données pour la température des flammes on! certainement trop basses, ou lout au moins Se rapportent toujours à une moyenne prise sur un intervalle de temps plus ou moins long, et un espace plus ou moins étendu, el. ne s'appliquent pas au maximum alteint dans les flammes. Mais il est une cause générale d'erreur dans ces déter- minations, à laquelle on n'a pas prêté, à beaucoup près, l'attention qu'elle mérite : c’est le refroidis- sement du fil explorateur par le rayonnement. » En réalité, la température prise par le fil résulte “d'un équilibre entre l'énergie soutirée à la flamme, et celle qui est rayonnée à l'extérieur. . Or, l’une et l’autre étant proportionnelles à la Surface du fil, au moins tant que celui-ci est assez fin pour ne pas dénaturer le régime de la flamme, Vécart entre les deux températures, de la flamme et du fil, est indépendant du diamètre de ce dernier. 11 n'est donc pas éliminé par une extrapolalion, Ou par une combinaison quelconque des expérien- ces, à moins que l’extrapolation se rapporte au pouvoir émissif du fil. - Il est facile d'exprimer, par une équation dont nous chercherons ensuite à déterminer les coeffi- cients, l'erreur que l’on peut commettre dans la mesure de la tempéralure d'une flamme par l’in- candescence d'un fil. Soient O., 9, et ©, respec- divement les lempératures absolues du courant gazeux, du fil et de l'enceinte, À et B deux coeffi- lents à peu près constants. Si le fil est en platine “poli, l'équilibre s'établira lorsque ©, satisfera à la | condition : : A(O, — 0,) = B(0, —0,'), ffisamment exacte dans un intervalle de tempé- ature assez étendu. La tempéralure de la flamme sera donnée alors par : le dernier terme corrigeant la température direc- lement observée par le fil. Aux températures basses, ce terme est presque négligeable dans la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. £auses du phénomène le fait que le fil, aussi | majorité des cas. Cependant, les précautions que prennent les météorologistes dans la mesure de la température de l'air montrent que, même aux tem- pératures ordinaires, on commettrait des erreurs sensibles si l’on n’en tenait pas compte. Or, la rapi- dité de son ascension avec la température nous montre que, dans le cas qui nous occupe, il peut devenir extrêmement important. Je ne connais malheureusement pas d'expé- riences propres à nous donner des valeurs du quotient + permettant d'évaluer avec quelque cer- titude ce terme correctif. L'incertilude porte, d'ailleurs, tout entière sur le coefficient A, qui devrait être déterminé dans les conditions de den- silé, de composition chimiqueet d’agitation existant dans la flamme. On peut, cependant, se faire une idée de l’ordre de grandeur de ce rapport en partant de certaines expériences sur l'énergie dissipée à la fois par rayonnement et par conduction, dans des gaz à des pressions diverses. Ici, desexpériences de MM. Ayr- ton et Kilgour nous apprennent que l’émissivilé d'un fil augmente à mesure que son diamètre : diminue ; et comme, pour des raisons dont l'exposé nous entrainerait loin de notre sujet, celte pro- priété devrait varier en sens inverse si l’on ne con- sidérait que le rayonnement, on peut en conclure que les échanges entre une surface métallique et le gaz ambiant augmentent moins PRPISPOIOD que les dimensions de la surface. D'autre part, des recherches très étendues, faites par M. J.-E. Petavel”, ont fait connaître les quan- tités d'énergie dissipées dans l'air, dans l'hydro- gène et dans l'acide carbonique par une bande de plaline chauffée par le courant électrique. La figure 3 représente une parlie de ses résullats sur les deux premiers gaz. Les abscisses sont les températures, et les ordonnées les émissivités, c’est-à-dire, dans chaque cas, le coefficient qui, multiplié par un centimètre carré el par la chute de température en degrés, donne, en watts, l'éner- gie dissipée. Pour chacun des cas étudiés, nous pourrons écrire l'expression de la puissance dissipée sous la forme : P — A(0.,—0,) + B(0,° —0,'), 9, élant à la fois ici la température du gaz ét celle de l'enceinte. L'émissivité totale sera donc : pe à 0,5 — 0,5 6,6; A e0. Les courbes correspondant aux divers cas ne On the Heat dissipated by a platinnm Royal Soc., t. CXCI, UJ. E. PETAVEL : surface at bigh temperatures. Trans. p. 501-524, 1898. à a 126 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT devront différer que de la quantité A, variable | M. Petavel, que la température du gaz était des suivant la nature et la densité du gaz; elles devront | 1009 environ, on aura : ; donc être parallèles, si À est constant, condition sensiblement satisfaite par les résultats de l’expé- rience, ce qui vérifie nos hypothèses. La correction serait donc supérieure à 900 degrés. Les expériences dans l'air sec, sous 1 em. de Ce résultat est certainement exagéré, surtout pression, devront donner sensiblement la valeur | parce qu'il est déduit d'expériences faites dans uns du second terme; on en déduira la valeur de A, | gaz en repos, et parce que l'écart 9,—0, est priss dans chaque cas particulier, par différence, en re- | vers les températures basses, tandis que 9, —0.. 0, — 0, + 929 degrés. 00% S S [I = R | À 003 R HA S : mi & 902 Us Le T : AL o01 | 1 + < BA i [ei £ HAE: ls Ë © x 2 0. 0 100 200 300 #09 500 600 700 800 9500 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,100 180 Température er degrés Cnrtigrade Fig. 3. — Æmission du platine chauffé dans l'air et dans l'hydrogène, d’après M. Pelavel. marquant que ce procédé nous donne une valeur | s'élend en réalité vers les températures élevées: minima. Par exemple, à 1.700° abs. on aura : Mais, d’autres facteurs agissent en sens inverse; FAR : 4 : ï ose ainsi, le gaz des flammes n’est pas de l'hydrogène re a pur, et, en l’assimilant à de l'hydrogène à la den- | sité correspondant à la pression atmosphérique, et, pour l'hydrogène sous la pression atmosphé- | nous en avons certainement exagéré l'effet. rique, et à la même température : La conclusion est que l'équilibre entre la chaleur enlevée à la flamme et l'énergie rayonnée par le : fil s'établit à une température très inférieure à On en déduit : celle de la flamme, et, en tenant comple des erreurs dans les hypothèses précédentes, on admettra néanmoins qu'elle puisse en différer de 300 o et, en admettant, d’après d'autres expériences de | 400 degrés. A — 0,040. 0, — 0, + 0,7(0, —0,), CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT Le 1 Les résullats donnés par MM. Lummer et Prings- “heim, pour la bougie ou le brüleur Argand, …_déduits d'expériences sur la radiation, peuvent être affectés de la même erreur, en tant du moins quil s'agit de la température des gaz de la flamme. ‘3 Le calcul qui précède nous a seulement ren- “…scignés sur l'ordre de grandeur de l'écart qui « peut exister entre la lempérature d'une flamme et “celle du fil servant à la mesurer. Appliqué à des “expériences faites spécialement en vue de déter- miner le rapport des coeflicients A et B, il pourrait Sans doute fournir des résultats assez approchés. Mais on pourrait imaginer d'autres procédés per- mettant de déterminer avec exactitude la tempé- rature des flammes. _ On pourrait d'abord opérer par extrapolation, en déterminant la tempéralure que prennent une série de fils dont le pouvoir émissif irait en décroissant. Si l'on réussissait à maintenir, dans la flamme, un fil de plaline noirci, on observerait ans doule un écart considérable entre sa tempé- ature et celle d'un fil poli”. En second lieu, on pourrait opérer dans un cylindre assez long, et aussi parfaitement réflé- “chissant que possible, alténuant dans une large mesure les effets du rayonnement. Si le pouvoir “réfléchissant du cylindre était en outre déterminé, onnailrait l'intensité. Comparant cet éclat, par termédiaire d'un étalon, à celui du même fil chauffé dans le vide par un courant, on trouverait donc réduit soit à n'éludier que les flammes les moins chaudes, et à en déduire une correction pour s autres, soit à employer des fils non métalliques, e qui, depuis les travaux d'Auer et de Nernst sur »s terres rares, ne présenterait peut-être pas de op grandes difficultés. Enfin, dans une toute autre direction, on pour- rait déterminer l'indice de réfraction des flammes, —….! Nous verrons plus loin qu'en effet un fil de platine re- vert de substances diverses et chauffé en un même point d’une flamme, peut prendre des températures qui, ! éjà au voisinage de 12000, diffèrent de plusieurs centaines e degrés. par les procédés interférentiels employés déjà par M. Mach, et par M. Daniel Berthelot, et, de la con- naissance de leur composition chimique, leur tem- péralure se déduirait immédiatement. En attendant que l'emploi d'une des méthodes qui viennent d’être décrites, ou de telle autre que l'on pourra imaginer, ait permis de déterminer en toute rigueur la température des flammes, nous pouvons admeltre avec beaucoup de vraisemblance que les parties les plus chaudes de la flamme du bec Bunsen dépassent 2.000°, et atteignent peul-êlre 2.200». Dans tout ce qui précède, nous n'avons considéré que des flammes ordinaires, brûlant sans aucun artilice destiné à en élever la lempérature. Mais on peut, soit par un mélange convenablement effectué de l'air et du gaz combustible (Système Chemin ou Bandsept), soit en élevant la pression, augmen- ter à la fois le rendement de la combustion et la température de la flamme. Mais cette question est fort complexe, et nous entrainerait loin de notre sujet. $ 3. — Éclat propre des flammes lumineuses. L'éclat d'une flamme dépend à la fois de sa tem- péralure et de la densité des particules de charbon portées à l'incandescence par la combustion des parties gazeuzes, celte densité étant prise pour toute l'épaisseur .de la partie considérée de la flamme, mais rapportée à la surface visible. Elle peut être exprimée par le rapport de la superficie formée par la somme des projections des particules dans une direction déterminée à la superficie {otale de la portion de flamme que l’on considère, vue dans la même direction. Dans la plupart des flammes éclairantes, cette densité est extrêmement faible, comme on peut s'en convaincre par diverses expériences dont nous ne cilerons que les plus lypiques : 1° Il est d'observation courante que la flamme d'une bougie, exposée aux rayons solaires, ne pro- jette aucune ombre perceptible, ce qui, au degré de sensibilité de l'observation, certainement troublée par la réfraction dans les gaz chauds, nous montre que la densité superticielle des particules de char- bon dans la flamme de la bougie est négligeable. 2% Comme complément, si l'on observe le filament d'une lampe à incandescence en partie à travers la flamme d'une bougie, d'un bec papillon ou d'un brûleur Argand, en ayant soin de diaphragmer l'œil très fortement, on aperçoit non seulement très distinctement le filament derrière la flamme, mais encore on ne constate qu'une différence minime entre les parties vues directement ou à travers la flamme. 3° L'action lumineuse des particules disséminées 128 CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT dans une flamme s'addilionne sans affaiblissement sensible pour d'assez grandes épaisseurs. Ainsi, l'intensilé d'un bec papillon vu par la tranche ou par le plat est à peu près la même. D'après M. Féry’, l'éclat maximum dans le sens du platest égal à 0,35 de l'éclat moyen de la flamme du carcel, tandis que, dans la portion la plus bril- Jante de la tranche, il est égal à 7,2 de la même unité. Pour une mèche plate à pétrole, la différence est moindre, ce qui tient en majeure parlie à ce que les dimensions dans les deux sens sont dans un rapport plus voisin de lunilé que dans le bec papillon. Dans la flamme de l'acétylène, dans laquelle la densité du carbone est beaucoup plus grande que dans celle du gaz d'éclairage ordinaire, M. Féry a trouvé encore un éclat de 7,2 à plat, et de 33 par la tranche, pour une flamme de 3 centimètres de lar- geur. On voit donc que, même pour celte flamme relativement opaque, les actions s'additionnent sur d'assez grandes épaisseurs. Une expérience facile à faire donnerait une valeur assez exacte de la densité du carbone dans les flammes: il suffirait, pour cela, de comparer l'intensité lumineuse de chaque flamme à celle d'une lampe incandescente de même teinte, en tenant compte du rapport des superficies appa- rentes de la flamme et du filament. Les nombres que l’on trouverait ainsi pour les flammes ordi- naires seraient de l'ordre de quelques centièmes au maximum. 1 C. Féux : Photométrie de l'acétylène. Association fran- çaise, Congrès de Carthage, 1896. 2 On pourrait aussi déterminer la densilé superficielle des parcelles lumineuses par un procédé d'addition consistant à mesurer l'éclat de plusieurs flammes superposées. Soit p cette densité pour une flamme donnée; la portion libre sera 1—p, et, pour » flammes superposées, elle sera réduite à (1—p}". Soit kp l'éclat de l'ensemble des flammes par rapport à l'éclat d'une flamme isolée, k étant forcément plus petit que m. Nous aurons, pour déterminer p, l'équation : 1—(1—p}r = kp. Les deux équations : m — ER) = /# et a . m De Fe m(m Ie —_ 2); 2 donneront deux valeurs de p approchées respectivement par excés et par défaut. , Soit, par exemple : m1 — 10, k—9; la première équation . La racine sera al= donnera : P— 7 et la seconde : p = 1 1 1 certainement comprise entre ñ et r la deuxième valeur étant beaucoup plus approchée que la première. Done, si dix lumières superposées ont une intensité neuf fois plus grande qu'une seule lumitre, la densité des particules lumi- neuses dans la direction considérée sera de 0,024. III. L'INCANDESCENCE DES OXYDES ET MANCHONS INCANDESCENTS. LES Jusqu'à ces dernières années, on pensait que la plupart des oxydes suivaient, au point de vue de leur émission lumineuse, des lois particulièress« indépendantes de l'incandescence proprement dite: el il n’est pas rare, aujourd'hui encore, d'entendre des physiciens, n'ayant pas suivi de très près les travaux récents dans cette direction, parler de ‘ phosphorescence, de fluorescence, plus généra” lement de luminescence, pour expliquer l'éclat lumineux apparemment anormal de certainsoxydes Ce mot de Juminescence, assez vague pour per mettre de cacher l’imprécision de la pensée, esk opposé ici à l'idée de l'incandescence régulière, soumise à la loi de Kirchhoff, c’est-à-dire, en réa= lité, au principe de Carnot limilé à des phéno mènes thermiques et des radialions. Tout rayon» nement soumis à ce principe admet l'égalité du pouvoir émissif et du pouvoir abscrbant de a source, inférieur ou, au plus, égal à celui du corps noir; et, si une radiation quelconque, émanée d’uné source donnée, possède une puissance plus grande que celle de la radiation émise par la même super ficie du corps noir à la même température, on peut affirmer que la genèse de celte radiation est dans un phénomène différent de l'incandescence, phé> nomène modifiant la nature physique de la source“ d'une manière brusque ou lente, mais tendant nécessairement vers une limite. Tel est le cas d’une oxydalion, ou d'une variation dans l’élat de com binaison. Que la lumière se produise à une tem: pérature élevée ou basse, qu'elle soil phosphorés® cente à la manière ordinaire, après insolation, où qu'une forte élévation de température soit néces: saire pour la provoquer, — phénomènes thermo: luminescents, — elle ira en diminuant en méme temps que l’activité de la transformalion qui lui donne naissance, et s'éteindra lorsque celle-ci sera complète. Si donc on peut invoquer les phénos mènes de luminescence pour expliquer une brèvé surproduction de lumière dans la chauffe d’un oxyde fraîchement préparé et susceptible de subir encore une transformation, on sera contraint d'abandon: ner celle explication si un corps, porté à uné température élevée, est susceptible de fournir indé finiment la même lumière par simple élévation d la température, sans qu'intervienne aucune source étrangère d'énergie. On devra donc, dès l’abord, abandonner toule explication de l'éclat remarquable des manchons incandescents fondée sur la luminescence, car | faudrait admellre en même temps la transformar tion assez rapide de ces oxydes, étant donnée Je | différence considérable entre l'éclat normal des CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 129 corps incandescents et l'éclat anormal des man- | nous verrons combien l’évolution des idées a été chons, que l’on se propose d'expliquer par là. rapide sur cette importante question. Si rigoureux que paraisse ce raisonnement, la MM. Nichols et Snow ont éludié l'éclat d'une moindre ex- mince couche d'oxyde de zinc, étendue sur une lame de platine, chauffée par le courant électrique, et dont la tem- pérature était déduite de son allonge- ment. périence bien faite paraîtra plus convain- -canle; je dirai avant que de bon- On compa- rail cet éclat à celui d'une lame nue, par l’intermédiai- re d'une lam- pe à incandes- cence peu poussée, de manière àres- ter sensible- ment cons- 2,5 2,0 Parmi Îles 175 nombreux consacrés de- 1° Vs: < 2 L — = vincandes 100° 800 900° 1000° 8009 900° 1000° 800° go0 1000° tante. cence des oxy- Les auteurs He : Fig. 4. — Eclats du platine et de l'oxyde de zinc, en fonction de la température, et DES Je citerai pour diverses longueurs d'onde, d'après MM. Nichols et Snow.— La comparaison reconnurenl en premier est faite avec une lampe à incandescence faiblement poussée. d'abord que lieu une re- l'éclat de l’o- 0,015 0,010 0,005 € A= 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7 0,5 0,6 0,7 Fig. 5. — Éclats du platine et de l’oxyde de zinc en fonction de la longueur d'onde, et pour diverses températures, à d'après MM. Nichols et Snow. ‘que l'on tira d'expériences très peu postérieures, | rapidement, pour tomber, au bout de dix minutes, Te re SPAS re au quart environ de sa valeur iniliale, pour les 2 » L. ICHOLS ET B. W. 5NOW : Un the Character © e = , . light emitted by incandescent zinc oxide. Phil. Mag., COURTES longueurs d'onde. Dans le Jeune et le +. XXXIIL, p. 19; 1892, . | rouge, la variation est moins marquée, mais encore 430 notable. Nous nous trouvons donc iei en présence d'un véritable phénomène de phosphorescence à température élevée, caractérisé à la fois par sa faible durée et par l'éclat anormal du corps radiant. Mais, à partir du moment où ce phénomène de départ a pris fin, la nature de la radiation se modi- fie, et devient plus régulière, tout en conservant certaines anomalies, résumées dans les figures 4 el5: La première représente l'éclat du platine et celui de l’oxyde pour diverses longueurs d'onde, et à des températures croissantes portées en abs- eisses. Dans la seconde, au contraire, les longueurs d'onde sont prises comme abscisses décroissantes, el chaque courbe correspond à une température déterminée. Les premières courbes sont done des isochromatiques, les secondes des isothermes. On voit que l’isochromatique rouge de l'oxyde de zinc est presque confondue avec celle du platine; puis que, à mesure que l’on avance vers le violet, la prépondérance de la première sur la seconde va en croissant, notamment aux tempéralures élevées, jusqu'à être plus que quintuple pour l'extrême violet à 1.000. L'isotherme de 692°, pour l'oxyde de zine, est enlièrement au-dessous de celle du platine ; à 848?, elle passe au-dessus à partir du jaune, et, à 401%, elle lui est entièrement supérieure. Dans les deux catégories de courbes, on remarque des irrégularités, les isochromatiques se relevant rapidement un peu au-dessous de 900°, tandis que les isothermes élevées remontent brusquement dans l’orangé, et pour toute la partie plus réfran- gible. Les auteurs concluent de leurs expériences que l'oxyde de zinc est fortement luminescent au-des- sus de 880°. Le phénomène appartient, suivant leur opinion, « à la classe de ceux que Becquerel et les premiers chercheurs qui s'en sont occupés ont définis comme une phosphorescence par la cha- leur ». Dans les idées actuelles, nous donnerons, de leurs résultats, une interprétation un peu diffé- rente: nous dirons que l’oxy.. d- :nc subit, à 880”, une transformation thermique reversible, dont l'un des caractères est une forte augmentation du pou- voir émissif dans une partie du spectre, et qui pourrait sans doute être décelée aussi par l'étude de quelque autre de ses propriétés, tout comme le subit éclat que prend le quartz s'accompagne d’un énorme changement de sa viscosité. Mais nous avons vu que l'émission totale du pla- tine n'arrive qu'à 18 °/, de celle du corps noir à une température voisine de son point de fusion ‘, et La dernière colonne du tableau V de notre précédent CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT qu'à 1000° elle n’est que de l’ordre de 10 °/,. Un corps peut donc posséder un pouvoir émissif très supérieur à celui du platine sans que son rayonne- ment fasse intervenir autre chose que l'incandes- cence proprement dile. Les recherches de MM. Nichols et Snow nous. montrent donc seulement que l’oxyde de zine, tout en subissant une transformation, possède, plus encore que le platine, la propriélé d'émettre un rayonnement d'autant plus abondant, relativement “à celui du corps noir, que sa température est plus élevée. Cela est d'autant plus vrai que l’on consi- dère des longueurs d'onde plus courtes. En 1893, M. Violle publia, sur l’incandescence des oxydes!, une note que sa brièveté fit passer presque inapereue, mais qui, pour la première fois, plaça” la question sur son vrai terrain. Rompant avec ses prédécesseurs, qui avaient opéré sur des surfaces librement exposées, il introduisit divers oxydes dans un four chauffé électriquement. Voici la conclusion de son travail : | « J'ai opéré sur du charbon, de la chaux, de la magnésie, de la zircone et de l’oxyde de chrome, eb j'ai constaté que ces substances si différentes. offrent, dans le four, exactement le même éclat impressionnent également l'œil ou la plaque pho-. tographique. Ainsi, dans une enceinte fermée dont tous les points sont à la même température, tous ces corps sont en équilibre de rayonnement, sui- vant la loi de Kirchhoff. » | Peu de temps après, M. Ch. E. St. John soumit l'in= candescence des terres rares à une étude très: approfondie *. Il commenca par examiner le man- chon Auer au phosphoroscope à étincelles, à la température ordinaire et pendant l’incandescence normale, mais sans constater des phénomènes. phosphorescents plus intenses que ceux que donne une feuille de papier. L'étude de la fluorescence donna aussi un résultat négatif. L'excilation par les rayons cathodiques ne pro= voqua que de faibles lueurs. Enfin, la chaufte” directe dans le brûleur Bunsen permit de tracer des courbes continues en fonction de la longueur articlé (rayonnement total du platine poli en centièmes de celui du corps noir) doit être écrite en elfet : » au lieu de . . 3,92 3,92 — 6,00 6,00 = 1,45 1,4) — M Na te de PAIE 11,14 = 45,97 15,97 ue TN SLT ET 17,97 — ORAN 5 chacun des nombres étant redescendu d'un rang. 1 J. Viore : Rayonnement de différents corps réfractaires, chauffés dans le four électrique. C. R., t. CXVII, p. 33; 1893. * Cu. E. Sr. Jonx : Ueber die Vergleichung des Licht= emissionsvermügens der Kôrper bei hohen Temperaturen, und über den Auerschen Brenner. Wäied. Ann. {. LNI, p. 433; 1895. CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 131 d'onde, courbes possédant des maxima peu accen- tués et correspondant en général à la position des “raies dans les spectres de lignes des mêmes oxydes. “ L'incandescence, provoquée d’abord par le pro- … cédé déjà employé par MM. Nichols et Snow, donna lieu à des expériences plus détaillées : l’oxyde à étudier élait étendu au pinceau sur une lame de platine, de manière à former une tache limitée, permettant d'observer simultanément le rayonne- “ment du platine nu. Le résultat fut, dans tous les cas, une diminution notable de la température du platine, due au rayonnement de l’oxyde, à tel point | “que, malgré la faible conductivité thermique de ce - dernier, appliqué en couches assez épaisses, le dos … de la lame montrait une tache sombre correspon- “dant à l'endroit occupé par l'oxyde. Ces expé- ricnces, dans le détail desquelles il serait superflu d'entrer, engagèrent l'auteur à abandonner le pro- édé d’abord adopté, et qui ne permettait en aucune façon de déduire la température de l’oxyde de celle “de son support. Il eut recours alors au procédé de l'enceinte fermée isotherme, dans laquelle se trouvait con- tenue une lame de platine portant, comme précé- “demment, une tache d'oxyde. Le rayonnement, examiné photométriquement, à une température de 1.140° et pour des longueurs d'onde embrassant la totalité du spectre lumineux, fut trouvé le même à deux centièmes près environ, pour le platine, la magnésie, les oxydes de didyme, de zircone, de -anthane, d'erbium, de fer et de zinc. Le rayonne- ment de ces corps est donc, aux erreurs d'expé- rience près, purement incandescent. Pour déterminer le pouvoir émissif vrai des oxydes, M. SL John eut alors recours à un ingé- nieux arlilice. L'isothermie étant établie dans l'en- einte, et tous les points à l'intérieur élant con- …fondus par l'égalité de leur éclat, il introduisail rapidement, par l'ouverture servant aux observa- “ions, un tube de porcelaine, chauffé seulement à une température inférieure au rouge sombre, et à extrémité duquel on voyait simultanément le pla- tine et l'oxyde chauffés. Comme, à ce moment, ils ne recevaient plus aucun rayonnement lumineux du reste de l’enceinte, on pouvait observer leur » ropre rayonnement, à la température mesurée du fourneau. Les résullats de ces mesures sont indi- qués dans le tableau I, dans lequel les nombres sont rapportés au platine, dont la radiation est prise pour unité. On voil que tous les oxydes étudiés rayonnent plus fortement que le platine, le rapport étant "celui de 4 à 1 pour la zircone, dans la région verte … du spectre. La conclusion générale que l'on peut lirer du travail de M. St. John, est que la cause de l'éclat des manchons incandescents réside surtout dans leur pouvoir émissif considérable dans le spectre visible; l’auteur y ajoute les raisons suivantes : le fait que, par construction, ces manchons possèdent une grande surface utile, et qu'ils sont disposés de facon à être en contact avec la partie la plus chaude de la flamme. Nous pouvons y joindre une remarque sur la- quelle nous reviendrons : c’est que, à l'exception du lanthane, les corps examinés par M: St. John ont, par rapport au platine, un pouvoir émissif qui va en croissant lorsqu'on avance dans le spectre. Or, comme, à la température dont il s’agit ici, le platine est encore rougeâtre, les oxydes seront nécessairement plus blanes. De plus, si l’on admet que l’extrapolation soit permise au delà des limites du spectre visible, vers les grandes longueurs d'onde, on pourra penser que la répartition de l'énergie rayonnée dans les diverses régions du TAgLEaAU 1. — Pouvoirs émissifs relatifs du platine et de quelques oxydes à 1.050°, d'après M. Ch. E. St. John. MAGNÉ- PLATINE spectre est plus avantageuse, au point de vue de l'éclairage, dans les oxydes que dans le platine, en d'autres termes, qu'ils auront un meilleur rende- ment lumineux. Une théorie nouvelle des manchons a été pro- posée, il y a peu d'années, par M. Bunte, dans un travail contenant d'ingénieux aperçus, de très judi- cieuses remarques, mais sur les conclusions duquel nous aurons quelques réserves à formuler‘. Son point de départ est une expérience identique en principe à celles de M. Violle et de M. St. John. Les oxydes étant chauffés au centre d’un long tube de charbon porté à une température élevée par le courant électrique, M. Bunte trouva que leur éclat était toujours sensiblement le même à la même température, et en conclut à l'égalité de leurs pou- voirs émissifs. En réalité, il observait dans une enceinte à peu près fermée, et son expérience ne fournit aucun document sur l'émission propre des oxydes. La suite de son raisonnement n’en est, d'ail- leurs, nullement affectée, car la seule conclusion qu'il utilise est l'absence de phosphorescence ou de pouvoir émissif anormal, ce qui le conduit à cher- 1 I. Buvre : Les progrès récents de l'éclairage par les flammes. Æevue générale des Sciences, {. IX, p. 456; 1898, Li] CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT cher, dans la température très élevée que peuvent | moindre que le suppose M. Bunte, qui ne tient pas prendre les manchons, la raison de leur éclat. Or, M. Bunte juge nécessaire de rechercher la cause d'une tempéralure qu'il considère comme anor- male dans le brûleur, et appuie son raisonnement sur les faits suivants : Le manchon se compose d'un mélange de thorium et de cérium contenant 1 à 2 centièmes de ce dernier corps; un manchon au thorium, alimenté par un bec brûlant 100 litres à l'heure, donne 2 bougies, tandis qu’un manchon au cérium en fournit 7 ou 8; en revanche, le man- chon Auer arrive à 60 et même à 80 bougies. Le mélange des deux oxydes est donc nécessaire pour produire la température élevée à laquelle le grand éclat du manchon est attribuable. Supposons donc, comme M. Killing l’a indiqué, que le cérium exerce une action catalytique sur la combinaison de l'hydrogène avec l'oxygène, ou, plus généralement, sur la combustion. Sur chaque granule de cérium, la combustion sera activée, el, en ce point précis, la température sera forte- ment exagérée. Cependant, pour que l'action cata- lytique puisse produire une importante élévalion de la température, il est nécessaire que les grains actifs soient très disséminés, et pour ainsi dire. isolés au point de vue thermique. Or, M. Bunte attribue au thorium, formant le support du cérium, ce rôle d’isolant, puisque, par la calcination de son nitrate, il constitue une masse boursouflée et fila- menteuse dans un extraordinaire état de division. « On sera tenté, dit M. Bunte, d'objecter tout d'abord à cette explication que la masse de l’oxyde de cérium, formant environ 1 °/, du poids du manchon, est bien faible. Mais il est aisé de voir que le fait n'est pas du tout improbable, si on le compare à ce qui se passe dans les flammes de gaz ordinaires. « D'après Davy, l'éclat des flammes de gaz est dû aux particules de charbon, qui, produites par la décomposition du gaz, se trouvent portées à l'incan- descence. Admettons que la totalité de charbon ren- fermé dans la benzine, la moitié de celui renfermé dans l’éthylène, qui constituent les portions éclai- rantes de gaz, soient mises en liberté. Un litre de gaz de bonne qualité fournira alors 5 milligrammes de charbon environ. Le volume d’une flamme brûlant 450 litres à l'heure et donnant un éclairement de vingt bougies, est d'environ 2? centimètres cubes; elle renferme donc quelque chose comme 0 mg. 1 de charbon, et cette quantité minime, portée au blanc, suffit à produire l’éclairement. « Or, la quantité d'oxyde de cérium dans le man- chon Auer est d'environ 4 milligrammes, soit qua- rante fois plus grande que la quantité de charbon à l'état libre dans une flamme du bec papillon. » La masse de charbon dans la flamme est même : maximum est encore plus déplacé vers Lo compte de la dilatation considérable due à la tem= pérature, quintuplant environ le volume du gaz dans la flamme. ‘ Cette théorie est fort ingénieuse, et extrêmement séduisante; mais on peut sè demander si elle est nécessaire. Nous savons que la température vraie! de la flamme du brûleur Bunsen est beaucoup plus élevée que ne semblent l'indiquer les expériences: directes. Or la flamme, entourée par le manchon; ‘qui la protège de l’afflux latéral de l'air, est proba= blement plus chaude encore. Le rayonnement de chaque brin, au lieu de se faire, comme dans le cas d’une mesure par un fil, dans toutes les direc= tions de l’espace, ne se produit que sur une demi= sphère, les autres directions étant protégées par 1 reste du manchon ; enfin, d'après ce que nous avons» vu au sujet des expériences de M. St. John, faits qui deviendra encore plus probable dans celles de M. Le Chatelier, on peut ‘admettre que le rayonne= ment dans l’infra-rouge est relativement faible, ets. par là même, le refroidissement par des radiations inutiles beaucoup moins important que pour le platine. Pour ces diverses raisons, il paraît certains que le manchon, sans exercer aucune action cata= lytique sur la combustion, doit prendre une tem= pérature beaucoup plus élevée qu'un fil de platine exposé à la flamme; et, comme nous avons trouvé un écart possible de plusieurs centaines de degrés entre la température maxima des gaz et celle que l’on mesure, on devra admettre, en partageant la différence, que le manchon peut arriver, dans une flamme qui n'est nullement activée, à la tempéra= ture de 2.000 environ que lui attribuent MM. Lum $ mer et Pringsheim, suivant la répartition de l’éner-= gie dans son spectre. Il se peut, d’ailleurs, que cette température, déduite des courbes d'énergie, soit encore un peu exagérée; MM. Lummer et Pringsheim considè- rent, en effet, le corps noir et le platine comme deux extrêmes, comprenant entre eux le manchon: Auer. au point de vue de la répartition de l'énergie et de la position du maximum. Mais, nous avons vu que les oxydes s’écartent du corps noir plus encore que le plaline, d’où l’on conclut que leur LOT : longueurs d'onde. -Celte remarque rend encore moins nécessaire l'action invoquée par M. Bunte. Les travaux dont je vais donner un court résumé la rendent absolument inutile. MM. Le Chatelier et Boudouurd, dans un travai dont nous ne possédons malheureusement qu'une relation sommaire’, ont serré de beaucoup plus 1 H. Le Cuareuer Er O. Boupouanp : Sur la radiation des manchons à incaudescence. C. R., t. CXXVI, p. 1861; 1898, CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT 133 près la théorie des manchons, en l'enfermant entre quelques expériences judicieusement choisies et habilement conduites. - Exposant d'abord un couple aplati sous forme d'un petit disque au même point de la flamme d'un brûleur, soit nu, soit recouvert d'un oxyde, ils «trouvèrent à la fois les températures et les éclats donnés ci-après (Tableau Il) et rapportés aux ra- -diations semblables dans l'élalon Violle. —._ La température étant d'autant plus basse que la …léperdition par rayonnement est plus grande, on ‘en conclut que le pouvoir émissif du manchon “Auer pour l'ensemble du spectre est exceptionnelle- ment faible. Comme, de plus, la proportion de son température est de 1775°, va en croissant vers le bleu, contrairement à ce qui devrait se passer si son pouvoir émissif suivait une allure semblable à —lagceAU II. — Températures et éclats de divers corps dans la même flamme, en fonction de l’étalon Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard. CORPS (reuréra- ROUGE VERT BLEU | ] À | | Blafine.. + . . . .| 42900 | 0,085 | 0,040 | 0,014 Oxyde de fer. . . . .| 1.800 | 0,015 | 0,005 | 0,001 Manchon Auer. . . .| 1.3800 0,070 0,125 | 0,125 Oxyde de thorium. .! 1.2900 | 0,014 | 0,014.| 0,003 Oxyde de cérium. | 1.1109 0,019 0,007 | 0,0015 Oxyde d'urane. . . .| 1.0700 | 0,003 | 0,002 | 0,0005 Oxyde de lanthane | 1.2500 | 0,040 | 0,031 | 0,018 celui du platine, on est obligé d'admettre que, pour ce mélange d'oxydes, il croît très rapidement vers les courtes longueurs d'onde. La comparaison avec les chiffres trouvés pour les oxydes purs montre qu'aucun d'eux ne possède cette propriélé d'une facon aussi marquée, et qu’à ce point de vue le manchon est doué des qualités oplima parmi les corps examinés. Extrapolant, comine nous l'avons _ fait précédemment, nous admettrons que, dans l'infra-rouge, le pouvoir émissif va en baissant de plus en plus, etretrouve peut-être, mais seulement à une grande distance, une nouvelle région de grand pouvoir émissif. Pour expliquer celte particularité d'un mélange dont les propriétés ne sont pas additives, MM. Le . Chatelier et Boudouard ont comparé l'éclat d’une poudre porphyrisée, ayant exactement la compo- sition du manchon, à celui d'une masse obtenue, suivant le procédé indiqué par Auer, en calcinant le mélange des nitrates. Résultat : la poudre, bien qu'intimement mélangée, possédait les propriétés - de la thorine, tandis que la solution solide obtenue par voie humide et caleination avait toutes les propriétés du manchon. rayonnement à celui de l’étalon Violle, dont la | Il faut donc admettre que la petite quantité de ! cérium ajoutée au thorium, à l'état de dissolution réciproque, change complètement sa coloration aux températures élevées, comme de pelites additions de nickel, de manganèse, de chrome, transforment du tout au tout la couleur des verres dans lesquels ils se trouvent à l’état de dissolulion solide. MM. Le Chatelier et Boudouard vont plus loin : comparant l'éclat de la région la plus lumineuse d’un manchon en service à celui d’une petite quan- tité de matière semblable amenée à diverses tempé- ratures sur un couple, ils établissent les deux séries de résultats ci-dessous (Tableau 111), l'étalon Violle servant toujours de terme de comparaison. Leur conclusion est que la température du man- chon, résultant de la comparaison de ces chiffres, varie de 1590° à 1710°, suivant la radialion utilisée. Notre raisonnement sera un peu différent : On voit que, même à 1700°, température à laquelle le Tagseau III. — Éclats du bec Auer et de la même substance à diverses températures, rapportés à l’éta- lon Violle, d'après MM. Le Chatelier et Boudouard. | | ROUGE | VERT BLEU Bec Auer . - 0,23 | 0.42 0,41 1.1000. . 0 ,.0023 0.,0017 | 0,0013- 1.3000, 0,019 0,031 0,02 1.5000. 0,14 0,28 0,17 1.7000. 0,35 0,78 0,40 bleu possède le mème éclat dans les deux cas, le rouge est plus intense dans la substance d'épreuve que dans le manchon; il est probable que la super- ficie considérée était mieux remplie sur le couple que dans le manchon, qui consiste en des filaments séparés. On peut en conclure, avec beaucoup de vraisemblance, que l'éprouvette n'a pas réellement atteint la lempérature du manchon, qui pouvait être sensiblement supérieure à 1700°. Notons encore que MM. Le Chatelier et Boudouard ont chauffé un man- chon hors de la flamme, par simple contact avec les gaz chauds, sans trouver de différence d'éclat pour la même température mesurée. IV — CONCLUSIONS. Le magistral exposé des lois générales du rayonnement, dû à Kirchhoff, leur spécialisation théorique par M. Boltzmann, M. Wien, MM. Lum- mer et Pringsheim, M. Planck, enfin leur vérifica- lion expérimentale dans le cas du corps noir, nous ont donné, après bien des eflorts, une base solide sur laquelle une connaissance plus complète des radiations pourra désormais être édifiée. Les pro- priélés de quelques corps ont été examinées à ce point de vue, et les faits mis au jour par l’expé- rience, et qu'aucune théorie ne permet jusqu'ici de CH.-ED. GUILLAUME — LES LOIS DU RAYONNEMENT relier complètement, el encore moins de prévoir, nous ont montré que, dans cerlains cas, une sim- plicité analogue à celle que l’on rencontre dans l'étude du corps noir, conduit à des relations em- piriques différant seulement par la valeur des coefficients numériques, de celles qui régissent le cas théorique le plus simple. Mais la règle semble ètre la complexité. Parmi les corps que l'impor- lance d’un problème industriel à conduit à exami- ner de plus près, il n’en est pas un qui ne s'écarte sensiblement d'une loi simple, pas un qui ne pré- sente ce que l’on considérait, il y a peu de temps encore, comme une singulière anomalie. Nous savons parfailement aujourd'hui qu'aucune irrégularité du rayonnement n'est en opposition avec les lois de Kirchhoff, c'est-à-dire avec le prin- cipe de Carnot, appliqué à des phénomènes uni- quement thermiques, à la seule condition que, pour aucune radiation émanée d'un corps ne subis- sant pas de transformation chimique, le pouvoir émissif ne soit supérieur à celui du corps noir. Mais il n'existe aucune relation apparente entre les pouvoirs émissifs en divers endroits du spectre, sauf, cependant, autant que l'on en peut juger, une certaine relation de continuité entre les coeffi- cients relatifs à des points conligus du spectre. Sous cetle seule restriclion, le pouvoir émissif en une région quelconque peut s s'abaisser sinon jus- qu’à zéro, du moins jusqu'à des quantités si faibles qu'un corps, en couche peu épaisse, n’émettra, en ces points, aucune énergie mesurable. Tel est le cas pour des corps dits transparents, comme le quartz, dans tout le spectre visible, et jusqu'à des températures très élevées. Certains corps, transparents dans le spectre visible, le sont dans une grande étendue en dehors de cette région restreinte ; mais aussi, des corps à pouvoir émissif visible élevé peuvent être très transparents dans l’infra-rouge, et comme, aux températures qu'il est possible d'atteindre par les moyens ordinaires de l’industrie, le maximum de la puissance rayonnante se trouve dans celle partie du spectre, l'énergie lotale émanée de ces corps subira un gros déficit. Si, de plus, leur pouvoir émissif va en croissant progressivement vers les courtes longueurs d’onde, de tels corps pourront, à une température donnée, avantager les radia- tions bleues au détriment des rouges, et posséder une coloration blanche ou même bleuâtre, à des températures où le corps de rayonnement maxi- num aurail une teinte encore nettement rouge. Ce dernier aura, il est vrai, un éclat supérieur à celui de la substance à laquelle nous attribuons ces propriétés particulières ; mais il pourra rayon- ner incomparablement plus dans les régions de plus grande longueur d'onde. ‘certainement celles du platine, que les auteurs Sans doute, l’éclal des manchons conduit à sup- poser leur température exceptionnellement élevée. Mais nous avons vu, d'une part, que les tempéra= tures ordinairement attribuées aux flammes sont beaucoup trop basses ; d'autre part, que la tempé= ture qu'indiquent pour les manchons les expé= riences de MM. Lummer et Kurlbaum sont très probablement erronées par excès, par le fait que, si l’on part des propriétés du corps noir pour s'avancer vers celles des manchons, on rencontre avaient considéré comme un cas extrême, per- mettant de calculer avec sécurité une valeur infé= rieure de la température des manchons, celle de la limite supérieure étant donnée par la comparaison avec le corps noir. En revanche, les températures indiquées par MM. Le Chatelier et Boudouard sont, sans doule, sous-évaluées. Mais, entre les limites qui paraissent aujourd'hui le plus vraisemblables; on se trouve encore dans les températures des parties chaudes des flammes, brülant dans de bonnes conditions, sans qu'il soit nécessaire d'in voquer une cause spéciale de surélévation. Fi Le dernier facteur essentiel de la grande inten-= silé des manchoss incandescents, comparée à celle. de flammes carburées de même superficie appa- rente, réside dans la densité superticielle beaucoup plus grande de la matière participant au rayonne=" ment. Cependant, celte densité est encore assez faible pour que la circulation du gaz autour des, filaments soit facile; elle est certainement infé- rieure à 1/4 pour la totalité des deux côtés du man- chon, et ce n’est que tout près du bord que los cité est à peu près complète. Aucune élude complète de la répartition de la puissance rayonnée par les oxydes isolés ou les manchons n’a encore été faite pour une région dun spectre s'étendant au loin dans l'infra-rouge; et, d'ailleurs, sur le rayonnement des corps, à l’excep- tion d'une demi-douzaine au plus, notre ignorance est à peu près complète. Les substances utilisées par M. Auer von Welsbach présentent cet intérêt, particulier de posséder, dans leur spectre d'émis- sion, des lacunes étendues dans une région facile à explorer ; elles donneraient, avec relativement peu de peine, des résultals très éloignés de ceux qua fournis jusqu'ici l'étude des corps à rayonnement à peu près régulier. Sa brillante découverte, après avoir, par son élrangelé, dérouté pour quelque temps les physi- ciens, leur a donné une précieuse pierre de louche pour éprouver des théories d’une immense impor- tance, qu’elle à d'abord semblé ébranler, puis défi- nitivement raffermies. à Ch.-Ed. Guillaume, Physicien au Bureau international des Poids et Mesures. D: L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOŒETUS HUMAIN 13 ces derniers temps, à la composition chimique globale de l’homme ou des animaux. Cependant, c'est bien une question primordiale échanges nutritifs, il semble que la solution de problème fondamental s'impose tout d'abord romme une nécessité. Les notions acquises sur la tatique chimique de l'économie servent de guide pour les travaux ultérieurs; ce n'est pas sans in- convénient que la plupart des auteurs ont cru pouvoir s'en passer. … II] ne s'agit pas seulement de fixer, par un essai qualitatif, la liste des éléments, des acides et des “bases constiluant le squelette chimique des ani- “maux supérieurs, l'homme compris; ce sont là “des notions fort anciennes dans la science. Ce qui “importe, c'est de les rajeunir en les précisant par des données quantitatives, en étendant à lout Vorganisme une enquête aussi minulieuse que possible, nécessaire pour établir, à un moment terminé, le bilan d'un organisme vivant. Si, jusqu'à présent, les tentalives faites dans cette Voie ont été peu nombreuses, c'est que le sujet comporte de très grandes difficultés. L'analyse “immédiate du corps d'un animal de petile taille est déjà malaisée; dans l'espèce humaine, chez Padulte, actuellement du moins, les difficultés nt presque insurmontables; elles sont moindres: ien que très réelles encore, s'il s’agit d'un cadavre “de fœtus ou de nouveau-né. C'est par là que le hproblème a été aborbé dans ces derniers temps; Penquête a fait un premier pas; elle permettra plus tard de fixer avec précision la composilion de ce segment anthropométrique dont Bouchard! a troduit la notion dans la science, et montré limportance dans l'étude scientifique des troubles de la nutrition. | - Ce n'est pas d'aujourd'hui, d’ailleurs, que l'in- térét de ces problèmes s’est imposé aux biologistes. « ‘ Cu. Boucnaro : Traité de Pathol. gén., t. II, p.185 et suiv. LES RECHERCHES RÉCENTES SUR LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FŒTUS HUMAIN ET DE L'ENFANT NOUVEAU-NÉ Déjà, en 1858, von Bezold' publiait une analyse des cendres d’un fœtus de cinq mois; en 1863, Bischoff”, en 1877, Fehling *, déterminent, de façon très sommaire les proportions respectives d’eau et de matériaux fixes de l'organisme fœtal. La question, reprise dans une communication de Giacosa‘ au Congrès de Rome, en 1894, est devenue actuelle de par les travaux de Lange”, Michel ®, Camerer junior et Sœldner‘ et enfin les divers Mémoires publiés par Hugounenq*. L'analyse complète (matières organiques et inor- ganiques) du corps du nouveau-né soulève, nous l'avons dit, des difficultés sans nombre et, même avec les derniers progrès de la technique, on ne peut pas regarder comme rigoureux les résultats acquis au prix des plus grands efforts. Voici cepen- dant lrois analyses de nouveau-nés de poids presque identiques, oscillant autour de 2.685 grammes. Nous ne donnerons que la moyenne de ces analyses, dues à Camerer junior et à Sældner : Poids du fœtus . . 2.685 gcramines. EU ER LE re uli912 — Résidu fixe. STAPS. 113 Matières albuminoïdes , 308 _— — extractives. 13 —_ — grasses 397 — (BEN ELLE cv PORN 65 — Le cadavre d’un de ces nouveau-nés, 2.616 grammes, renfermait 434,2 de carbone, 64“,1 d'hydrogène, 465,8 d'azote, soit en cen- tièmes : pesant! CU En TN ic AL G OO ONE EE RTT Sont en ANS LOUE ETATS 2,45 Az 1,18 On doit à Michel des déterminations d'azote dans l'organisme du fœtus et du nouveau-né : ses ré- sultats (Tableau 1) sont antérieurs à ceux de Came- rer et de Sœldner, et d'accord avec eux. Ils font bien ressortir l'augmentation considérable d'azote Von Brzozn: Zeisteh. f. wis. Zoolog.,{. IX, 1858, p. 246. 1 2 Biscuorr : Zeitsch. f. ration. Medicin, t. XX, 1863, p. 15. 3 Fencinc : Archiv. {. Gynækol., t. XX, 1811, p. 523. 4 Gracosa : Giornale d, R. Ace. di Med. di Torino, avril- mai 489%, p. 364 et Arch. ital. de Biol., t. XXII, 1895, p. 252. 5 pe LANGE : Vergelijkende asch. analyse, Dissertation, Amsterdam et Maly's Jdahresbericht, t. XXVII, 1898, p. 260. 5 Mrcuec : Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 21 mai 1899, p. 422. " 7 CAmerER junior : Zeitsch. f. Biologie, t. XXXIX. 8 Hucouxeno : Compt. rend. Soc. Biologie, 1899, p. 331 et 523: Journal de Physiol. et de Pathol. générale, 1899, n° 4 et 1900, n°S 1 et 4; Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, 2 avril et 21 mai 1900; Annales de Chimie et de Physique, 7 série, t. XXII, mars 1901. 436 D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN par conséquent, de matières albuminoïdes fa- briquées par le fœtus durant les deux derniers mois de la grossesse : cette constatation s'impo- Sera de nouveau pour les sels minéraux les plus Tagcrau | — Poids et proportions d'azote dans le fœtus à différents âges d'après Michel. AGE DU FŒTUS POIDS TOTAL RÉSIDU FIXE AZOTE 2 mois 4/2 : 1780 18 4 08122 30 — 4ÿj.. 15558 12,6% 1,384 He... 445.0 14,26 5,N81 5 (= 418.0 59,44 6,228 6 — 672.0 10062 11,048 T — 102%.0 156,30 16,005 A 3335 ,0 1028,35 12,100 importants fer, la chaux, l'acide phosphorique, le etc. C'est, en somme, pendant les deux der- niers mois de la gestation que l'organisme fœtal fixe, élabore et constitue les deux tiers de sa masse totale, qu'il s'agisse des malières organiques, des phosphates, des sels alcalins ou terreux. Il n’est pas besoin de souligner l'importance de ce fait. L'effort des expérimentateurs a porté principale- ment sur la composition chimique des cendres. L'accord est à peu près complet sur tous les points, sauf sur le fer. Le dosage d'une petite quantité de fer, répartie sur une masse considérable de cendres phosphalées, calcaires et magnésiennes, rencontre des difficultés dont ceux-là seuls ont une idée qui ont eu à les surmonter. Les méthodes classiques beaucoup les notions acquises à ce jour sur statistique minérale du fœtus et du nouveau-né. On trouvera ci-dessous (Tableau Il) les résultals des analyses rapportées à 100 gr. de cendres :l s'agit de sept sujets d'âges divers étudiés par Hugounenq ! 1 Si l’on rapporte les résultats de l'analyse non plus à 100 gr. de cendres, mais à 1 kilogr. de poids vivant, on trouve les résultats suivants. Nos 1. . 27814 26,38 23,10 25,92 25,82 35,36 31,37 | — 7 Enfin, dans le tableau III, on trouvera la propors tion de chacun des éléments minéraux pour los ganisme total des fœtus incinérés. Les analyses de Camerer et de Sœldner. n'ont fait que confirmer les données qui précèdent. De ces résullats concordants découlent quelques con£ tatalions importantes. F Il Dans l’ensemble, la fixation des sels minéraux estbeaucoup plus intense pendant les trois derniers mois de la grossesse et nous retrouvons ici ce que les recherches de Michel et des auteurs allemands: avaient montré pour les graisses et les matières protéiques. Toutefois, la fixalion des sels minéraux a lietr TaBLeau II. — Analyse des cendres de fœtus de divers âges (L. Hugounenq). Numéros d'ordre. . . . . . . . 1 2 sl 4 o 6 SEL RTE ed TE F 0) F F M Période de la grossese . . . . k-4 m. 1/2 à 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m. a ons Poids du fœtus, . . , ,. 0k,522 0k,570 0k,800 1k,165 Poids des cendres. . . . . . .. 14gr.0020 148r,7154 18gr,3752 30gr,7705 en ee CO? 2 ,50 % 0,96 % 0,90 % 0,32 % 1,89 & CL. 9:91 8,59 16) 8,53 4,26 P°0° 32133 3436 34,04 35.39 35,36 SO: 1197 1,80 1,18 1,46 1,53 Ca0 38,21 32250 34,64 34,13 40,55 Mg0. » 1,58 » ES 1551 K°0 . 4,21 8,28 1,21 8,45 6,20 Na°0. 13,15 12,62 10,62 10,95 8,12 Fe*0 0,33 0,40 0,38 0,38 0,39 Lt: conduisent à des résultats complètement faux ; les | électivement : si toutes les substances augmentent déterminations de von Bezold et de Giacosa, par exemple, sont quatre et cinq fois supérieures à la teneur réelle des cendres en fer. Hugouneng a fait la critique de ces résultats, et fixé la technique de ces dosages, qu'il a toujours effectués par voie pondé- rale. Les proportions respectives de sodium et de potassium, incertaines jusqu'en ces derniers temps, ont été précisées et, dans l’ensemble, il n’est pas probable que les recherches ultérieures modifient au cours du développement, l'accroissement es surtout marqué pour la chaux el l'acide phos phorique. Il n'y a pas fixation parallèle de l'acide et de la base dans les proportions exigées par la formule (PO*)Ca*; l'organisme ne fixe pas directe= ment le phosphate de chaux tout formé; il paraît d’abord assimiler du phosphore organique, sans 1 HuGouneno: Journ.de Phys.et de Path. gén., 1900, p. 509 D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 13 | “doute sous forme de nucléine et de lécithine. Il “emprunte à ces composés de l'acide phosphorique, qu'ullérieurement, vers la fin de la grossesse el urtout après la naissance, il neutralisera par de Ja chaux, peut-être assimilée, elle aussi, à l’état de substance organique. L'analyse des cendres du permet de saisir sur le fait, pour ainsi dire, les pro- _cédés chimiques de calcification du tissu osseux et “d'écarter les anciennes notions par trop simplistes qui ont égaré longtemps la physiologie patholo- sique et la thérapeutique du rachitisme. Si l’on suppose toute la chaux à l’état de phosphale tricalcique, il reste, pendant tout le cours de la grossesse, un excédent d'acide phosphorique non Saturé par la chaux et probablement à l'état orga- nique. Cet excédent est, pour les 7 sujets analysés, respectivement de : 0 gr. 71 ; 0,01 ; 1,27 ; 1,74; 2,13: “{œius aux divers stades de son développement: puis, à la fin, des sels polassiques de préférence. La prédominance dela soude tient à l'abondance relative du tissu cartilagineux chez le fœtus, le cartilage étant très riche en chlorure de sodium. Bunge qui, le premier, a établi cette particularité, l'a rattachée à un phénomène alavique. Le cartilage, en effet, ayant apparu tout d’abord chez des ani- maux marins et s’élant, par conséquent, formé dans l’eau de mer. est resté riche en chlorure de sodium. L’ontogenèse est bien d'accord ici avec la phylogénèse : c'est surtout au début et dans la période moyenne de la grossesse que le fœtus assimile du sel pour édifier ses cartilagés. Au contraire, la potasse, prédominant dans le globule rouge et le muscle strié, augmente vers la fin de la vie intra-utérine. Sa proportion est en rapport avec le degré de développement, et aussi, en quelque mesure, avec la vigueur du sujet. TaëLeau II. — Proportions des éléments minéraux dans l'organisme total des fœtus. I Numéros d'ordre . , ... .. :, 1 2 3 4 5 n v | nee PRE EME ERA F F F F ki M M Période de la grossesse 4-4 m. 1/2 4 1/2-5 m. 5-5 m. 1/2 6 m 6 m. 1/2 A terme A terme Rp du fus... ., .. . Ok,522 0k,570 0k,800 1k,165 1,285 2k,720 3k,300 | Poids des cendres 1:£r,0020 146r,7154 18gr,3752 3.gr,7:05 32gr,9786 O6gr,7556 10Ggr, 1630 {0 Lie » 0,23 0,28 0,10 1,85 ,23 Cle. À ,24 ds 2,31 2,80 #,10 k + 8200 0°. #.86 AE 10,74 11,60 34,05 38,49 805 0,20 0.19 0,55 0,41 1,44 1.40 Cao . 4,56 5,83 10,66 11521 39,08 13,18 RE ne er » 0,49 1,41 » | & ,.2 û 2,21 2,11 ,.98 8.03 | Nw0 1171 209 < 3.26 360 1/83 6.33 Fe*0* 0,061 0,061 0,073 0,119 0,126 0,383 0,421 1,03; 2 gr. O1. Le 2° sujet, qui donne un excédent de 0 gr. O1 seulement, était dans un état de pro- fonde déchéance de cause inconnue. La teneur des cendres en potasse el en soude fournit également quelques comparaisons intéres- Santes : c'est d’abord la prédominance de la soude, dont la proportion continue à s'élever au cours du développement de l'embryon, mais moins rapide- -ment que la teneur en potasse (Hugounenq, ibid.) : POUR AGE DU FŒTUS UNE MOLÉCULE DE POTASSE, K20 % mois à 4 m. 1/2. . . . 2,2 moléc. de soude, Na0 bimois à 5m. 1/2. . . 2,3 _ 6 mois 450 2,2 _ 6 m. 1/2 LA — Milerme:t, 17. Ê 182 — Vers le milieu de la gestation, on trouve plus de - 2 molécules de soude pour 1 de potasse ; à la fin, la - proportion devient : 4,2 molécule de soude pour _ 1 de potasse, rapport presque équimoléculaire. ‘Comme les variations du chlore sont à peu près parallèles à celles de la soude, on peut en conclure que l'organisme assimile d'abord des sels de soude, La détermination précise du fer est d'une impor- tance loute particulière, parce qu'elle permet de résoudre certains problèmes intéressants. Nous avons déjà vu que les données anciennes ne méri- taient aucune créance, à cause des procédés de dosage défectueux. En appliquant une méthode plus rigoureuse, j'ai trouvé pour l'organisme lotal !: AGE DU FŒTUS Fe*05 4 mois à 4 m. 1/2. . 0060 k m. 4/2 à 5 mois. . 0,061 5 mois à » m. 1/2 0,073 6 mois. . 0,119 6 m. 1/2. 0,126 ATEN EE Sn CU AIN EPS 0,383 A terme. 0,421 lei encore apparait l'intensité de l'assimilation pendant les trois derniers mois : néanmoins, comme la même loi régit la fixalion des autres éléments minéraux, le rapport du fer à l’ensemble des cendres reste à peu près constant pendant la gestation. Ea quantité de fer contenue dans l'organisme global du nouveau-né est de 0 gr. 353 à O0 gr. 421, 138 D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN en moyenne 0 gr. 40 Fe*0*, ce qui correspond à 0gr.28 de fer métallique. La quantité de fer de l'éco- nomie est plus faible qu'on ne le croyait autrefois; la soustraction de fer subie par l'organisme mater- nel au bénéfice de l'embryon ne dépasse guère 0 gr. 30 de métal et répond, par conséquent, à un peu moins de 100 gr. d’hémoglobine humaine, soit, élant donnée la richesse en hémoglobine du sang chez la femme, à 800 gr. environ de sang maternel. Comment ce fer est-il réparti? Combien fait par- lie intégrante du sang, combien des autres tissus ? Existe-t-il, indépendamment de ces deux sources de fer, une réserve destinée à subvenir aux be- soins de l'enfant durant l'allaitement, et à compen- ser la pauvreté extrême du lait en fer ? Bunge a beaucoup insisté sur cette réserve de fer accumulée par les jeunes animaux, réserve qui se traduit par une teneur relative en fer très élevée à la naissance, mais rapidement décroissante, par suite du développement actif des tissus. Il est très malaisé de répondre à ces questions pour le fœtus humain et de confirmer ou d'infirmer sur ce point, d'une façon absolument précise, les asserlions du physiologiste bälois. Nous ne possédons aucun moyen d'évaluation exacte de la quantité de sang contenue dans un organisme ; les chiffres, à cet égard, varient suivant la méthode employée, et ne méritent pas beaucoup de créance. C’est donc sous toutes réserves que nous présenterons les considérations qui suivent. En admettant les données les plus récentes rela- tives à l’homme adulte, le sang fournit 0 gr. 80 à 0 gr.85 Fe°0* par litre; d'autre part, la quantité de sang est de 1/12 environ du poids du corps, ce qui, pour le fœtus à terme n° 8, donnerait 275 grammes de sang, soit, en calculant sur une teneur de 0 gr,9 Fe°O* par litre, 0 gr. 247 pour la totalité du Fe°0* d'origine hématique. Ceci ferait supposer qu’à la naissance 50 à 60 °/, du fer total sont à l'état d'hémoglobine; le reste entre dans la composition des tissus (muscles, os, elc.), Mais, comme ces divers tissus ou liquides contiennent beaucoup moins de fer que le sang, il s'ensuivrait que la majeure partie du fer non hématique serait, non pas à l’état d'élément cons- tilutif des tissus, mais sous forme de réserve dé- posée dans tel ou tel organe (foie, rate) et des- tinée à parer, chez le nourrisson, à l'insuffisance du fer alimentaire. Les résullats précédents semblent done nous autoriser à élendre à l'espèce humaine, ce qui jusqu'à présent n’avail pas été fait, la théorie sédui- sante de Bunge. Mais il ne faut pas se dissimuler que les calculs ci-dessus reposent sur deux hypo- thèses non encore vérifiées avec une exactitude suffisante : rapport de la quantité de sang au poids total et, en second lieu, constance de la teneur en fer pendant toutes les périodes de la vie. Or cette dernière supposilion va à l'encontre d'une donnée qui à cours (je n’en ai pas vérifié le bien fondé), el suivant laquelle le sang du nouveau-né contien= drait beaucoup plus d'hémoglobine et, partant, de fer que celui de l'adulte. D'après Leichtenstein, la richesse en fer serait, chez l'enfant, le double de ce qu'elle est chez l'adulte. Si cette dernière asser= tion, qui parait excessive, était exacte, il est cer tain que les calculs ci-dessus seraient sans objet: la réserve de fer serait inadmissible. Je pencherais plutôt pour admettre, sans cepen- dant considérerle fait comme absolument démontré, que celle réserve existe bien chez le nouveau-né el qu'à l'instar des jeunes Mammifères l'enfant apporte en naissant une provision de fer nécessaire pour subvenir à l'édification de ses tissus, et pour” parer à l’insuffisance du fer dans le lait maternel." III Si maintenant nous envisageons l'ensemble de la statique minérale du fœtus pendant les six derniers mois de la vie embryonnaire, nous sommes amenés à constater d’abord que, si l'on fait abstraction des bases alcalines, de l'acide phos- phorique et de la chaux, dont les variations sont dues à la genèse des globules rouges et à la forma tion du tissu osseux, on observe que la composi= lion centésimale des cendres varie peu. Vers la fin, le poids total de ces cendres augmente beaucoup: mais, sauf les particularilés signalées plus haut, les rapports des éléments entre eux ne subissent: pas de grandes modifications. Quant à l'alimentation minérale, la cellule de” l'embryon de quatre mois a les mêmes exigences que la cellule du nouveau-né. Au cours de l'évolu- tion embryonnaire, le nombre des cellules aug- mente; mais la composition du squelette minéral ne change pas, sauf pour les sels nécessaires à. l'édification de deux tissus spéciaux : le sang et l'os." Une autre question se pose, celle du rapport existant entre la composition minérale de l'orga- nisme global et la composition des cendres du lait. Bunge, à qui l’on doit sur ce sujet d'intéressantes: recherches, a montré que, pour un certain nombre d'espèces (chat, chien, lapin), il y a parallélisme: entre la composition minérale de l'organisme et celle du lait maternel, tandis que ce parallélisme ne se manifeste à aucun degré entre les sels du plasma sanguin et ceux du lait. « La cellule épithé- liale de la glande mammaire, a écrit Bunge, prélève sur les sels minéraux du plasma toutes les substances inorganiques, exactement dans la pro- portion où elles sont nécessaires au nourrisson pour se développer et réaliser l'organisme de ses. Mascendants. » C'est là, du moins, ce qui résulte des “constatations faites par Bunge et ses élèves sur les petits animaux. Chez l'homme, il n’en va pas de même, ainsi que le montre le tableau suivant : CENDRES mn pi A du du ts nouveau-né lait de femme “Anhydride phosphorique (P20%. . 35,28 0}, 21,30 ©} Chaux (Ca0). . CE Tee 40,48 14,19 Magnésie {M20 4,51 2 87 Mbiore OP Ne ren € %.26 19.73 …_Anhydride sulfurique (SO* . 1,50 » Peroxyde de fer (Fe°0?). . . 0,39 Ü,18 Potasse (K°0) . ; 6,20 35,15 Moude (Na 0): . . . : . . . . 8.12 10,43 Anhydride carbonique (CO* . 1,89 » Pa … À la seule inspection des chiffres ci-dessus, il est évident qu'on ne saurait reconnaitre aucun rapport, Fe &e EME “dans la composition quantitative, entre les cendres CE L de sélection qu'elle manifeste chez certains Mam- l bez les petits Mammifères à développement ra- Mpide et, dans ces limites, elle se vérifie d'autant EL ieux que le développement est lui-même plus | rapide. Les petils animaux constituent, en effet, une part importante de leur organisme, et spécialement |] { Me leur tissu osseux, durant l'allaitement, ce qui f Ma pas lieu chez l'homme. La période d'allaitement Meprésente chez le chien, par exemple, un quart Me la durée du développement total ; ce rapport n'est chez l'homme que de 1/20 environ, c’est- mi-dire cinq fois moindre. Il s'ensuit que le lait est, chez les petits Mammifères, un facteur du déve- D beaucoup plus important et surtout plus étroitement adapté que chez l'homme. Cette adaptation a été bien mise en évidence par les travaux de Bunge et de ses élèves, en particu- lier d'Abderhalden ; mais il résulte de ce qui pré- cède qu'elle est restreinte aux petits animaux. On ne la retrouve pas dans l'espèce humaine. | | SFr IV — On peut se demander si, indépendamment des éléments minéraux communs (Cl, O, S, Ph, C, Na, K, Ca, Mg. Fe, etc.), le fœtus n'assimile pas à l’état Là traces certains autres corps simples, peut-être l h “indispensables : les beaux travaux d'Armand Gau- “lier sur l'arsenic organique évoquent naturelle- “ment cette question. Telles qu'on les pratique l'ordinaire et quand on se préoccupe de sous- aire les cendres à toute addilion de sel étranger, es incinérations de cadavres ne laissent guère l'espoir de retrouver, dans les cendres, des corps ÿ D' L. HUGOUNENQ — LA COMPOSITION CHIMIQUE DU FOETUS HUMAIN 439 comme l’arsenic ou l'iode : et, en fait, la recherche de ces substances, dans le résidu de l'incinération, ue donne que des résultats négatifs. On pourrait s'attendre à rencontrer de la silice dans l'organisme du fœtus ou du nouveau-né : malheureusement, la recherche de la silice ne va pas sans de grandes difficullés : il faut opérer avec des acides dislillés dans du platine, travailler exclu sivement dans des vases de platine, éviter la chûte des poussières et surtout des parcelles détachées des parois réfractaires du four à moufle au cours de l'incinération. En prenant les précaulions les plus minutieuses, je suis arrivé à extraire quelques flocons à peine visibles de silice, mais en si petite quantité que la présence de ce corps reste douteuse en raison des erreurs à peu près inévitables que comportent les recherches de ce genre. Dans tous les cas, si les tissusde l'embryon renferment du sili- cium, c'est à l'état de traces infinilésimales, et il en est probablement de même du fluor. Ces corps simples ne semblent faire partie intégrante de nos tissus qu'après la naissance, et ne pénétrer dans l'économie qu'avec les aliments. Il y aurait enfin une autre question à résoudre, mais qui exigerait des quantilés de cendres très supérieures à celles dont on peut pratiquement disposer : je veux parler de la recherche des métaux rares. Il n'est pas impossible qu'un ou plusieurs métaux rares figurent parmi les éléments normaux el peut-être nécessaire de l'organisme, abstraction faite de lout apport alimentaire acci- dentel, déjà dans l'utérus. Je n'ai fait, dans cette voie, qu'une tentative. La chaux des cendres a été isolée à l'état d'oxalate, puis retransformée en chaux caustique; et enfin, suivant les indications données par Verneuil, en sulfure de calcium. On sait, depuis les travaux de Becquerel, que les chaux des diverses origines ne se comportent pas de la même facon et, soumises à des traitements identiques, donnent des sulfures diversement phos- phorescents. Avec la chaux des cendres de fœtus, j'ai préparé un sulfure qui, excité par la flamme du magnésium, donne à l'obscurité une phosphores- cence magnifique, plus intense que celle de Ja chaux pure, et se distinguant de celle de la chaux par une coloration vert livide. Cette phosphores- cence persiste pendant plusieurs minutes; elle impressionne la plaque photographique. Quel que soit le sexe du fœtus, la couleur de la phosphorescence est identique. Mais ce sont là des questions qui appellent de nouvelles recherches, sur un terrain où la Chimie physiologique n’a pas dit son dernier mot. . D' L. Hugounenq, Professeur à la Faculté de Médecine de Lyon, Membre correspondant de l'Académie de Médecine. BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 410 1° Sciences mathématiques Enestrom (Gustaf), de Stockholm. — Bibliotheca mathematica. — Zeitschrift für Geschichte der Mathematischen Wissenschalten, 3 Folge, 1 Bard, 1 und 2? (Doppel) Heft. — 1 vol. 1n-8° de 296 pages. (Prix : 20 marks.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1900. Jusqu'au commencement de 1900, la Bibliotheca Mathematica paraissait à Stockholm en fascicules tri- mestriels formant, à la fin de chaque année, un mo- deste opuscule d'une centaine de pages. Malgré l'exi- guité d’un tel cadre, les notes d'histoire mathématique insérées dans ce recueil se signalaient à l'attention des rares mathématiciens curieux des choses du passé, car l'érudition des Enestrom, des Steinschneider, des Moritz Cantor, des Dickstein, des Favaro et des Zeuthen y élucidait souvent des petits problèmes archéolo- giques pleins d'intérêt. Avec la troisième série, inau- gurée depuis plusieurs mois, les auteurs se trouvent moins à l’étroit, et ils peuvent maintenant donner à leurs Mémoires des dimensions proporlionnées à l'im- portance des sujets traités. Le rédacteur en chef, M. Enestrom, ouvre ce volume par un plaidoyer pro domo. Après avoir passé en: revue les principaux travaux relatifs à l'histoire des sciences exactes durant la seconde moilié du xix° siècle, il signale l'importance des éludes de ce genre, puis ül trace le programme qu’à l'avenir suivra sa Revue. En- suite, M. Duhem, de Bordeaux, nous démontre, à l'aide d'une sagace interprétation du Traité des Corps flot- tants d'Archimède, que le génial syracusain ne con- naissait pas le paradoxe hydrostatique. Chose curieuse : c'est une méthode erronée qui le conduisit à la décou- verte de ses fameuses lois. Le véritable créateur des fondements exacts de l'Hydrostatique fut Simon Stevin (1548-1620), considéré jusqu'ici comme un simple com- mentateur du grand mathématicien grec. Un peu plus loin, M. Zeuthen, de Copenhague, nous fait voir combien nos connaissances, concernant l’évo- lation de la Trigonométrie dans l'Antiquité, se sont enrichies par là publication du récent ouvrage de M. von Braunmühl, analysé ici-même'. Viennent après : la Notice de M. Carra de Vaux sur un manuscrit arabe trailant de machines attribuées à Héron, Philon et Ar- chimède; des Notes de M. Paul Tannery sur la pseudo- géométrie de Boëce; d'intéressantes contributions à l’histoire de la physique au Moyen Age, par Maximilian Curtze, de Thorn, et un article illustré original sur des niveaux du seizième siècle, que décrit M. Kuchazewski, de Varsovie, d'après un petit traité d'Olbrycht Stru- mienski imprimé à Cracovie en 1573. - Aux pages suivantes M. Gino Loria, de Gênes, publie, avec commentaires, quelques fragments inédits d'Eva- riste Torricelli, sur la courbe logarithmique, d'après les autographes de la Bibliothèque de Florence. Puis M. J. Bosscha, de Haarlem, nous entretient de la magni- fique édition des Œuvres complètes de Huygens, entreprise par la Société hollandaise des Sciences, et dont huit volumes ont déjà paru. Notons encore, parmi les autres Mémoires remarquables contenus dans ce fascicule de la Bibliotheca Mathematica, une subs- tantielle biographie de Sophus Lie, par Friedrich Engel ; des nécrologies plus succinctes de C. Immanuel Gerhardi (1816-1899) par Félix Müller; du savant his- 1 Voir le compte rendu des Vorlesungen über Geschichte der Trigonometrie, de M. A. von BrauNuuuL, dans la Revue générale des Sciences, t. XH, p. 236. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ° mouvement scientifico-historique. torien de la Physique, Rosenberg (1845-1899), par Günther, de Munich; et un court travail de M. G.-A Laisant, qui nous renseigne sur l’état d'avancement d Répertoire bibliographique des Seiences mathématiques: Enfin, l’opuscule se termine par des analyses d'ou- vrages et par des indications bibliographiques: sur 1e Jacques Boyer. Hoffmann (}.-C.-V.). — Sammlung der Aufgaben des Aufgaben-Repertoriums der ersten 25 Bänden der Zeitschrift für mathematischen und natur- wissenschaftlichen Unterricht. (Publié avec l'aide de M. SroLe et classé par MM. EumErICH 64 MUSEBECK). — 1 vol. in-8° de 400 pages. B.-G. Teubner, édi= teur. Leipzig, 1900. 24 Dans les vingt-cinq dernières années, le Journal pour l'enseignement des Mathématiques etdes Sciences naturelles a publié un très grand nombre de pro= blèmes d'Elémentaires et de Spéciales, envoyés pour l&s plupart par des professeurs dans les gymnases alle mands, et dont un certain nombre ont été empruntés à des revues étrangères, lelles que les Nouvelles Annales, où le Journal de Mathématiques élémentairess C’est l'ensemble de ces problèmes que les auteu viennent de rassembler, en les classant et en les revi= sant. Les énoncés seuls sont indiqués, et, pour les solutions, on renvoie aux sources. Les problèmes se rapportent à l'Arithmétique, à la Géométrie dans Je plan ou dans l'espace, à la Géométrie moderne du triangle, des lieux géométriques ou des enveloppes, aux Sections coniques ou aux courbes des degrés supé- rieurs, enfin à la Physique, en y comprenant un peu de Mécanique. 6 Cette collection souffre du défaut inévitable de sa conception, On n'y cherchera pas la pondération ni l'homogénéité, puisque les collaborateurs sont légions d'aptitudes et de préoccupations très diverses, et que les: auteurs ont tout publié indistinctement, Mais ce défaut a bien sa contre-partie; si l'effet est peu satisfaisant au point de vue de l'ordonnance, en revanche, il y a, dans une telle œuvre, plus de place pour l’imprévu, plus de chances de trouver des problèmes intéressants et son tant des ornières tracées par un auteur unique, et dans lesquelles il a tendance à revenir. Pour les professeurs francais, il s’y ajoute l'intérêt de voir ce qui se fail dans un pays où l'instruction est en grand honneurs ils pourront sans doute y faire d'utiles emprunts. J& parle ici suriout des professeurs de mathématiques car les problèmes de physique sont peu nombreux, cb leur choix n'est peut-être pas des plus heureux. On: eüt pu les supprimer sans diminuer sensiblement 1 valeur de l'ouvrage. Cu.-ED. GUILLAUME, Physicien au Bureau internationa des Poids et Mesures. Bureau des Longitudes. — Annuaire pour l’an- née 1901, avec des Notices scientiliques. — 1 va 1n-12 de 900 pages. (Prix : 4 fr. 50.) Gauthier- Vilar. éditeur. Paris, 1901. Indépendamment du Rapport de M. H. Poincaré sur le projet de Revision de l'Arc méridien de Quito, Rap port qui à été publié par la /evue, cet Annuaire con= tient des notices sur :le Transport électrique de la Force, par M. A. Cornu ; la Conférence astronomique interna tionale tenue à l'Observatoire de Paris en juillet 1900 par M. M. Lœwy; l'Etablissement du Système métrique par M. Bassot; etc., etc. ‘ H. Porxcaré : La Revisionde l'Are méridien de Quito, dans la licvue générale des Sciences, du 15 août 1900, p. 925. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX = = 2° Sciences physiques Mouneyrat (A.).— Nouvelle méthode genérale de “préparation des carbures d'hydrogène chlorés, bromés et chlorobromés de la série acyclique (Thèse de la Faculté de Paris). — 1 brochure in-8 de 96 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1900. Il est assez rare, maintenant que la Science est sil- Jonnée de grandes lignes dans toutes les directions, de irouver dans une thèse même l'ébauche d'une voie nouvelle; c'est pourtant ce que nous offre le travail de M: Mouneyrat, et, à ce point de vue, il nous semble … mériter une attention toute spéciale. … Jusqu'à présent l'application du chlorure d’alumi- nium aux réactions des corps acycliques n'avait pu être réglée systématiquement, comme elle l’est en série romatique, depuis les mémorables recherches de MM. Friedel et Cralts. M. Mouneyrat nous montre que e réactif, en agissant sur les hydrocarbures formé- niques chlorés, donne lieu à un départ de gaz chlorhy- drique, et détermine ainsi l'apparition, dans la chaîne, d'une liaison multiple, le plus ordinairement double. … Il résulte de là que, en présence du chlore, ou du rome, le chlorure d'aluminium est un halogénant éner- ique pour tous ces composés, et, comme l’altaque se fait à des températures différentes, suivant le degré de substitution du corps initial, les actions secondaires Sont, en général, peu importantes. - C'est là le point capital de cette étude, qui a été éten- due depuis la série de l’éthane jusqu'à celle de l'hexane normal. Quelques-unes des réactions signalées par l'auteur “pourrout servir avec avantage à préparer certains dé- rivés halogénés de la série grasse; cilons, entre autres, Paltaque du tétrachlorure d'acélylène par le chlore et e chlorure d'aluminium, à 120°, qui donne naissance à léthane perchloré C?CI°, avec un rendement de 80 °/;, et celle du bromure de propyle, qui, sous l'action du brome et du bromure d'aluminium, vers 50°, se (rans- forme presque intégralement en bromure de propylène. L. MAQUENNE, Professeur au Muséum d'Histoire naturelle. ollins (Henry-F.), Professeur à l'Ecole Royale des - Mines de Londres. — The Metallurgy of Lead and … Silver. Part. I : Lead. 1 vol. de 368 pages (Prix : 16 sh.); Part. Il : Silver. { vol. de 352 pages (Prix : 146 sh.). Charles Griffin and C°, éditeurs, Londres, 1901. La grande maison d'édition Charles Griffin and C°, de Pondres, vient de faire paraïilre ces deux volumes dans collection des ouvrages métallurgiques publiés sous haute direction de sir W. C. Roberts-Austen, le savant professeur du Collège Royal, bien connu de nos cteurs par ses beaux travaux de microstructure des métaux, qu'il a conduits de pair avec notre compatriote Osmond. Le premier volume a pour objet l'étude, sous une forme condensée et pratique, de la métallurgie du plomb ; l'auteur a repris le sujet déjà si bien traité en e qui concerne les procédés américains et allemands, r MM. Hoffman et Schnabel, mais en y ajoutant un and nombre de faits puisés à d’autres sources con- mporaines et même tirés de ses propres expérieuces. ar exemple, les méthodes australiennes pour le trai- ment des plombs argentifères n'avaient jamais encore é décrites avec autant de détails. Cette métallurgie du plomb est présentée avec la généralité qu'elle com- porte, étant donnée la grande variété des minerais Mrépandus sur les diverses parties du monde. . L'auteur donne de nombreux détails sur les méthodes d'essai des minerais de plomb et d'argent, et, après avoir décrit les propriélés du plomb et les caractéris- tiques de ses minerais, il passe en revue les procédés d'extraction dans l'ordre suivant : grillage et réaction, grillage et réduction, — précipitation. Il indique en UEVUE GÉNÉRALE LES SCIENCES, 1901. passant une méthode de calcul très pratique pour établir la charge dans le fourneau avec des minerais d’une composition donnée. Il s'arrête suffisamment sur la question des poussières, et montre les moyens de les recueillir, de les condenser et de les traiter. Enfin, l'examen des minerais mixtes contenant à la fois plomb et zinc, lui sert de transition pour aborder la désargentation avec ses trois méthodes : la coupellation, le pattinsonnage et le procédé de Parkes. De toutes les branches de la métallurgie, celle de l'argent, a dit Percy, forme le sujet le plus étendu, le plus varié et le plus compliqué. M. Collins a consacré à l'argent tout le second volume, et, pour donner à son ouvrage un caractère pratique, il a supprimé tout ce qui est suranné et historique, pour y condenser l’actua- lité, qui seule intéresse l'ingénieur au cours de ses travaux. On sait qu'aucun des procédés de traitement des minerais argentifères n'est applicable dans tous les cas. La méthode la plus convenable à employer est indiquée par la nature des minerais et leur richesse, l'importance de la production, les conditions géogra- phiques d'emplacement des usines de traitement, les exigences de la main-d'œuvre, etc. Si le combustible est rare, on traite les minerais par amalgamation. Mais une méthode plus générale consiste à dissoudre l'argent, après un grillage chlorurant, par l'hyposulfite de soude seul ou additionné d’une certaine quantité de chlorure de cuivre. Enfin, si les minerais argentifères sont riches et suffisamment plombeux, et si, en même temps, le prix du coke n’est pas trop élevé, les procé- dés par fusion sont plus économiques. Les trois méthodes: amägsalmalion, lixiviation et fusion, ont été très complè- tement étudiées par l’auteur, qui donne de nombreux détails inédits sur la pratique de la lixiviation par lhy- posulfite, et sur l'obtention des mattes au haut fourneau. Il est à remarquer toutetois que l'ouvrage ne men- tionne pas les procédés basés sur l'emploi des cyanures. Cettequestion rentre, d’ailleurs, dans celle qui fait l'objet d’un volume spécial publié également par la maison Grilfin, et dont nous rendrons compte. De nombreux renseignements sur le traitement des cuivres argenti- fères et leur raffinage, tel qu'il est pratiqué à Anaconda o1 près de Liverpool, terminent cet intéressant travail. EuiLe DEMENGE. Ingénieur métallurgiste. 3° Sciences naturelles Devaux (U.), Professeur adjoint à l Universite de Bor- deaux. — Recherches sur les Lenticelles. — 4 broch. in-8° de 240 pages, avec 6 planches (Extrait des Annales des Sciences naturelles, 8° Serie, XI). Masson, éditeur. Paris, 1900. Volumineux mémoire consacré à une question consi- dérée comme de minime importance par beaucoup de botanistes. M. Devaux n'a pas voulu seulement préciser l'histoire de ces petits organes, mais encore établir leurs relations avec le milieu extérieur et avec la vie des plantes et des organes qui les portent. Si le travail est long, il a du moins, le mérite d'être bien ordonné; à une époque où la production scientifique est excessive, l’ordre et la coucision sont de plus en plus des qualités maîtresses. L'auteur possède la première; il sait le prix de la seconde, puisqu'il consacre « tout un chapitre à un résumé général, afin que le lecteur puisse avoir une idée assez précise de l'ensemble en lisant seulement ce résumé ». Nous allons essayer de le synthétiser encore ; car, tel qu'il est, il dépasserait de beaucoup les limites qui nous sont accordées. Les lenticelles peuvent se produire sur tous les organes pourvus de formations secondaires ; leur répar- lition primitive, liée à l'existence des stomates, est en rapport avec la vigueur de la végétation, avec le nombre des entre-nœuds et leur distance par rapport au som- met végétatif. Les lenticelles primitives sont écartées passivement par suite de l'accroissement des organes TC 442 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET. INDEX en longueur et en diamètre. À partir d'un certain écar- tement, des lenticelles secondaires se développent entre les premières sur les racines comme sur les tiges. On distingue dans la lenticelle un phelloderme, des couches subérifiées et une région génératrice ; ces diffé- rentes régions varient beaucoup dans les différents organes et suivant les plantes; c'est, on pouvait le penser, chez les plantes aquatiques que les lenticelles ont la structure la plus simple. La naissance d’une len- ticelle a Loujours lieu dans les tissus superficiels ; elle est en voie d’accroissement continuel et de continuelle destruction. Il peut y avoir des temps d'arrêt ou de ralentissement, suivant la saison, des moments où tous les phénomènes sont exagérés; mais le type évolutif reste semblable à lui-même ; il ne subit que des varia- tions quantitatives. Cette évolution résulte du conflit continuel des phénomènes que nous avons distingués : la prolifération, qui tend sans cesse à augmenter la masse des cellules vivantes de la lenticelle, et la cica- trisation, qui tend à la diminuer sans cesse. La struc- ture et les dimensions de la lenticelle dépendent à chaque instant de l'équilibre de ces actions contraires. La couche génératrice s'épuise souvent complètement ; il faut que la lenticelle en reconstitue alors une nouvelle dans ses parties profondes. La lenticelle a sa physiologie propre, indépendante du rôle général que la lenticelle remplit dans la plante. Les lenticelles sont poreuses, en général; mais elles sont plus ou moins fermées par une ou plusieurs couches subérifiées. Le degré de porosité varie avec la saison et avec les conditions extérieures ; la transpira- tion lenticellaire varie dans le même sens. Une lenti- celle placée sous l’eau s'hypertrophie, comme dans l'air humide, par simple arrêt de la transpiration. L'eau semble venir toujours de l'intérieur de la plante. On peut expérimentalement transformer une lenticelle aquatique en lenticelle aérienne, et inversement. Il existe une corrélation étroite entre le développe- meut de chaque lenticelle et la transpiration générale, ou plutôt avec ce que l’auteur appelle l'état d'hydrose interieure, c'est-à-dire de l'humidité interne; l'hydrose propre de la cellule dépend directement du niveau d'hydrose intérieure. L'hydrose n’est pasle seul facteur, du reste; les cellules de la lenticelle paraissent toujours riches en substances osmotiques qui leur permettent d'exercer sur l'eau une attraction supérieure à celle des tissus voisins. Les lenticelles diffèrent beaucoup du périderme ; elles ressemblent davantage au tissu cicatriciel, d'un côté par leur liège, qui ressemble plus au liège traumatique qu'au liège ordinaire, de l'autre par la prolifération dont elles sont le siège et qui est analouue à celle qui donne le callus. Mais leur origine et l'existence de la porosité et d'une prolifération indéfinie distinguent profondément les lenticelles des simples cicatrices. On pourrait plus justement les rapprocher de l'aérenchyme, à la condition de modifier la notion que Schenck a donnée de ce tissu. En somme, les lenticelles sont des organes ayant une autonomie propre ; on peut les définir : de pelites plages localisées de parenchyme méa- tifère en prolifération continuelle et en continuelle évolution, capables de s'hypertrophier et de se cicatriser, selon les conditions extérieures ou intérieures d’'humi- dité, en s'adaptant sans cesse à ces conditions. Grâce à leur porosité, les lenticelles servent certaine- ment, dans une large mesure, aux échanges gazeux généraux de l'organe; mais ce n’est pas en vue de ces échanges qu'elles existent ; car 1° elles sont souvent absentes ou insuffisantes; 2° la plante possède souvent des plages poreuses différentes des lenticelles et ser- vant à l’aération; 3° l'ouverture et la fermeture des lenticelles ne sont pas provoquées par les besoins d'aération. ÿ Les lenticelles sont des régulateurs automatiques de l’'hydrose interne et de la transpiration générale. Ce sont, avant tout, des organes de transpiration. La plante les utilise efficacement aussi pour les échanges gazeux « proprement dits; mais les variations indépendantes de la porosité lenticellaire gènent probablement ces échanges dans certains cas. M. Devaux rendrait service aux lecteurs en donnant de son Mémoire un résumé substantiel, dégagé des détails trop minutieux et accompagné de quelques bonnes figures dans le texte. C. FLAHAULT Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. Hachet-Souplet (P). — Examen psychologique des animaux. — l/n vol. in-16° de 462 pages. Schleï cher frères, éditeurs, Paris, 1900. M. Hachet-Souplet estime que le meilleur moyen de déterminer la forme et l'étendue de l'intelligence d’un animal, c’est d'étudier de quelle manière 1l se. coms porte vis-à-vis des tentatives de dressage qu'on lui fai subir etde rechercher par quels procédés on réussit, le plier à l'exécution des exercices qu'on cherche à lui enseigner. Si la Psychologie comparée n’a pas fait de plus rapides progrès, c’esl, à ses yeux, parce que, jus qu'ici, l'observation y à joué un rôle par trop prépon dérant et presque exclusif: elle doit suivre la même destinée que les autres branches de la science de l'esprit et faire plus large, d'année en année, la parl assignée à la méthode expérimentale dans ses moyens d'investigation; et ici la forme que revêt naturellement l'expérimentalion, c’est celle du dressage méthodique et rationnel, du dressage surtout des animaux supés rieurs. Ces expériences jettent un jour précieux Sur quelques-unes des plus délicates questions qui se rap portent au mécanisme de la volonté et à la genèse des instincts; elles permettent, d'autre part, d'esquisser les principaux traits d’une classification psychologique des animaux, fondée non plus sur des inductions et des analogies, mais sur des faits contrôlés et que l’on peut toujours vérifier en les reproduisant à volonté. Il y aurait donc un réel intérêt à ce que des laboratoires de « dressage rationnel », véritables laboratoires de Psys chologie comparée, fussent annexés aux grands jardin zoologiques et que soient appelés à y travailler des hommes qui auraient à la fois une connaissance précise des lois des phénomènes psychiques et une pratique étendue des procédés en usage pour accoutumer les! animaux aux exercices que l’on veut obtenir d'eux. M. Hachet-Souplet divise les animaux en trois classes ceux qui sont rebelles à tout dressage et répondent seulement par des réactions immédiates et invariables aux excilations périphériques; ceux que l’on peut dresser par la coercition, en agissant tour à tour ou simultané ment sur eux par la peur et par la faim, et ceux enfin que l’on peut dresser par la persuasion, auxquels on: peut enseigner un exercice en le répétant patiemment devant eux, de manière à les inciter à l’accomplir par une sorte d'irrésistible suggestion. Les animaux du premier groupe en sont réduits des processus réflexes excito-moteurs; ceux qui appa tiennent au second ont des instincts; ceux enfin du troisième groupe sont, à des degrés divers, intelligents: M. Hachet-Souplet à mis en tête de son livre un ta bleau synoptique qui donne de la classification qu'il a tentée une vue d'ensemble. Le premier coup d'œil que l'on y jette montre que des animaux très distants les uns des autres au point de vue zoologique se trouvent réunis en un même groupe les uns avec les autres, tandis que des espèces: voisines sont placées dans des catégories différentes et que parfois même des races appartenant à une même espèce se trouvent séparées (le lapin de garenne par exemple et le lapin domestique). Dans la première catégorie, on ne trouve guère men lionnés au tableau que les Protozoaires. Dans la seconde divisée en deux sections, sont placés à l'étage inférieur les méduses, l’oursin, le solen, etc. ; à l'étage supérieur le nautile, le poulpe, le crabe, divers poissons, là grenouille, le pigeon domestique, le bison, le buffle, le daim, le mouflon, le bélier, le lapin de ferme. Dans L froisième catégorie, viennent se placer les animaux intelligents : divisés en trois groupes : les animaux du premier ont une intelligence ouverte, mais très limi- e et que l'on dresse plus aisément et plus sûrement par coercition (cacatoès, cheval, âne, chameau, lama, hèvre, etc.); ceux du second groupe présentent, à | côté d'un fonds assez riche d'instincts primitifs et “lune intelligence encore capable en quelque mesure d'adaptations nouvelles, un ensemble d’instincts Secondaires, dérivés d'actes intelligents, très complexes 64 très stables (animaux à industries fixes : abeilles, urmis, fauveltes couturières, castors, chiens des prai- ries, etc.); ceux du troisième groupe enfin sont dans une mesure indéfinie accessibles à la persuasion, ils sont Capables d'invention occasionnelle, d'abstraction, de raisonnement, ils rêvent, ils distinguent leur personne nettement de celles de leurs congénères, ils ont la “notion du temps, ils commettent des erreurs et savent Jes reconnaitre, etc. Mais parmi eux les uns sont farouches et souvent féroces et il faut les apprivoiser {p. 92, approvisionnement pour apprivoisement), avant de tenter de les dresser (ours, loutre, félins); les autres nt vraiment une intelligence et un caractère analogue, utes proportions gardées, à celui de l'homme, (chiens, nges, éléphants, coatis, etc.). M. Hachet-Souplet a con- “Sacré un chapitre aux émotions des animaux, et un autre Mieur langage : il a montré que l’on pouvait dresser lés chiens en une certaine mesure à imiter la voix umaine. Ce n’est là d’ailleurs qu'un exemple entre plusieurs de ces instincts secondaires, ou, si l’on veut, de ces habitudes d'abord intelligentes, puis automati- ques dont il a indiqué la genèse en quelques pages “particulièrement intéressantes, (p. 110 et sq.). C'est par des consolidations et des slratifications successives habitudes qu'il explique les instincts complexes des sectes et des autres animaux constructeurs ; les lois e sélection ne seraient pas intervenues dans la Constitution de ces instincts, mais seulement dans leur “ixation ; les habitudes inutiles ou nuisibles sont élimi- nées. b A côté de bien des digressions philosophiques et Sychologiques inutiles, ce mince volume contient de és utiles renseignements sur la vie mentale des maux, et, encore quil ne faille pas, à notre avis, prendre pour crilérium exclusif de leur développement ! (is psychique, celui que M. Hachet Souplet à choisi, el que classification présente certaines étrangelés qui la endent sujette à revision, la méthode expérimentale ont il s'est attaché à fixer les règles constituera sans oute, entre des mains intelligentes, un précieux ins- trument de découvertes pour la Psychologie comparée. L. MaARILLiER, LE , Maître de Contérences , à l'Ecole pratique des Hautes-Études. 4° Sciences médicales iley (E). Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, Assistant près la Chaire de Physiologie gé- “nérale au Muséum d'Histoire naturelle. — Essaisde - Philosophie et d'Histoire de la Biologie. — 1 vo/. in-8°, de 344 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Masson et Cie, éditeurs. paris, 1900. \ Les études réunies dans ce volume, malgré la diver- ité des questions dont elles traitent, dit avec raison teur dans sa Préface, sont cependant toutes inspi- ées par le même esprit. C'est, en elfet, un esprit apte Ja généralisation, et en même temps rompu à la ensée philosophique, qui se révèle dans ces pages. La ilosophie n’y est toutefois, comme elle doit l'être our le biologiste, que « la réflexion sur le savoir icquis », et les Essais d'Histoire sont, eux aussi, « des ssais de synthèse des idées existantes sur un ensem- ble de faits ou dans l'œuvre d’un savant ou dans celle dune collectivité scientifique. » La première étude est consacrée à une question qui à la base de la Physiologie générale, l’/rritabilite. n y suit les différentes phases par lesquelles à passé BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 443 cette doctrine depuis Glisson jusqu'à CI, Bernard, qui a porté à un si haut degré de perfection l'œuvre de ses devanciers : on y trouve aussi les arguments opposés à la théorie, et leur réfutation. Cette histoire et cette critique conduisent à un exposé dogmatique, fortement pensé, et d’un caractère bien personnel, où l'auteur, tout en s'inspirant largement des travaux de CI. Bernard, n'hésite cependant pas à se mettre en opposition avec les idées de l'illustre physiologiste, quand elles lui paraissent prêter le flanc à la critique. A travers les développements donnés aux diverses faces de la question (nature, cause, lois, signification, portée doctrinale de l'irritabilité), il est d’ailleurs facile de distinguer la pensée directrice qui doit aboutir à la conception philosophique finale. La spontanéité des êtres vivants n’est qu'apparente; la vie n’est que le ré- sultat d’un conflit entre l'organisme et le milieu; elle dépend donc de l'irritabilité « cette forme organique de l’inertie ». Si, dans bien des cas, la réaction, chez les corps vivants, est beaucoup plus puissante que l’action subie, c'est qu'il existe chez eux des réserves d'énergie potentielle, et, en définitive, ils n’échappent pas à la loi de la conservation de l'énergie. D'autre part, la substance organisée ne renferme au- cun élément qui ne se retrouve aussi dans les corps bruts, et les édifices matériels qui la composent res- tent soumis aux lois ordinaires de la Physique et de la Chimie : c’est dire que les phénomènes vitaux se rédui- sent à des phénomènes physico-chimiques. Il n’y a pas place pour un principe spécial et indépendant, supé- rieur à la matière. Cl. Bernard a cru devoir admettre une « idée directrice », qui préside à l’ordre, à la succession des phénomènes vitaux; mais cette concep- tion, à bien l'approfondir, ramène au dualisme. Si l'on veut aller plus loin et remonter à la cause du développement, si frappant chez les êtres vivants, de la faculté de réponse, il faut la chercher dans un état par- ticulier d'instabilité de la matière, qui permet aussi de rendre compte des lois les plus importantes des actions vitales. M. Gley entre ici dans des considérations inté- ressantes sur la constitution de la substance organisée, qui rappellent les tentatives failes par Pfluger pour expliquer l’état labile de l'albumine vivante, mais qui ne doivent rien aux idées du physiologiste allemand. Se pose alors le problème délicat des rapports de l'irritabilité avec les phénomènes de conscience. Cl. Bernard a hésité devant la solution. Après avoir fait observer que la sensibilité consciente, la sensibilité inconsciente, la sensibilité insensible disparaissent suc- cessivement sous l'influence d'un même agent, l'agent auesthésique, et qu'elles ne sont par conséquent que des degrés différents d’un même phénomène élémen- taire, après avoir posé en principe que la caractéris- tique de la sensibilité, c’est « la réaction motrice à une stimulation », il-a laissé intentionnellement de côté les phénomènes psychiques. Et cependant, si lon affirme l'identification absolue entre la sensibilité et l'irritabilité, iln'y a de ce point de vue que deux ma- nières de considérer cette dernière propriété. « Ou bien, on en fait la marque spécifique de la vie et on consi- dère la sensibilité comme un perfectionnement; la conscience n'esl qu'un épiphénomène qui se produit à cause el en raison de l'union de toutes les parties de l'organisme, surtout chez les êtres supérieurs. On abou- tit ainsi au malérialisme absolu. Ou bien on rattache l'irrilabilité à la sensibilité, et on fait de cette dernière une propriété très générale et caractéristique de la vie partout où on rencontre de la vie. Le terme ultime de cette condition est une doctrine hylozoïste, comme par exemple la théorie de Haeckel sur l'âme des plasti- dules ». M. Gley, tout en faisant ses réserves, incline visiblement vers cette dernière théorie. Qu'il me soit permis cependant de faire remarquer que l'hypothèse d'une conscience épiphénomène et témoin inactif et l'hypothèse hylozoïste ne s'excluent pas l'une l’autre, à en juger par un des derniers travaux de Le Dante, Le Déterminisme biologique. 444 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Quoi qu'il en soit, la conclusion de cette remarquable étude se devine : «La métaphysique n'entre pas en mai- tresse dans la science, c’est l'essentiel. Le mécanisme reste comme l'explication positive des phénomènes. Et, pour revenir à la question particulière dont il s’agit, il n'ya rien de spécial ni dans l’irritabilité, ni par suite dans la vie, quant à leur nature et quant à leurs lois ». Ces pages étaient écrites en 1889 : depuis lors le vitalisme a de nouveau fait son apparition dans les sciences biologiques. Mais ce néovitalisme, comme on l’a appelé, se présente aujourd'hui sous une forme telle que, par certains côtés, il ne s'éloigne pas beau- coup des conceptions de ses adversaires les plus déc'a- rés. Bunge, son représentant le plus en vue, dans la dernière édition de son Traité de Chimie biologique, ne ferme-t-il pas son chapitre « Vitalisme et Méca- nisme » sur ces mots : Sollte nicht vielleicht jede Zelle und jedes Atom ein beseeltes Wesen sein, und alles Leben nur Seelenleben? J'ai idée que l’auteur de l'étude sur l'Irritabilité se ralliera volontiers à cette conclusion, à sa première partie, du moins. On voit par les réflexions que suggère la lecture de ce travail, par les rapprochements qu’elle amène avec les études plus récentes de biologie philosophique, combien elle est instructive : on y trouvera d'autant plus de satisfaction que toujours la netteté et la préci- sion de la langue répondent à la netteté et à la précision de la pensée. L'étude suivante: Un physiologiste au xvur° siècle : L'irritabilité et la sensibilité d'après Lecat, se rat- tache au même ordre d'idées que la première. C’est une discussion critique sur les rapports entre ces deux propriétés, d’après les opinions d'un médecin français qui ne craint pas d'affirmer qu'il n'y a pas d'irritabilité sans sentiment, et de supposer dans toute parcelle vi- vante l'existence d'une âme, c’est-à-dire de quelque chose doué de sensibilité consciente. Dans le travail intitulé : Résumé historique et évo- lation de la physiologie du système nerveux, M. Gley retrace à grands traits l'œuvre accomplie dans ce domaine depuis Galien, et nous avertit aussi de ne pas nous faire d'illusion sur l'étendue de nos connais- sances, puisque, malgré quelques hypothèses sédui- santes, le problème capital, celui du mécanisme de l’action nerveuse, reste tout entier à résouire. C'est bien une Conception et une Classification phy- siologique des glandes que nous présente ensuite l’auteur, puisque l’une et l’autre se basent unique- ment sur le mode de fonctionnement de ces organes. Après avoir mis en lumière ce que les découvertes successives nous ont appris sur la structure et le rôle des glandes, il est amené à établir nettement la carac- téristique de l'élément glandulaire. M. Gley fait bien voir qu'il ne faut pas la chercher seulement dans l’éla- boration des principes immédiats par l'activité chi- mique de la cellule, puisqu'à ce compte toute cellule serait glandulaire : cet acte, qui est la sécrétion pro- prement dite, ne doit pas être séparé de l'acte d’excré- tion cellulaire par lequel l'élément anatomique rejette dans le sang ou dans la cavité de la glande les sub- stances qu'il a fabriquées. Ce n’est qu’à la condition de ne pas perdre de vue l'union intime de ces deux opérations que l’on arrive à bien définir ce que c'est qu'une glande. De même la classification que nous propose M. Gley s'appuie exclusivement sur la notion de fonction. Il divise d’abord les glandes en deux grands groupes : 1° les glandes à rôle nutritif;, 2° les glandes à rôle défensif. Dans le premier groupe rentrent : 4° les glandes di- gestives: 2° les glandes nutritives (servant à la nutrition générale); 3° les “landes excréteuses (servant à éliminer les déchets de la nutrilion); # les glandes servant à maintenir la composition du milieu intérieur; 5° les glandes servant à la reproduction {nutrition conti- nuée). : Dans le deuxième groupe viennent se ranger : 4° les glandes protectrices d'organes ou de fonctions (rôle surtout physique); 2 les glandes protectrices de l'or= ganisme contre lui-même (rôle chimique). Cette classi= fication, déjà fort instructive en elle-même, offre at physiologiste, comme on peut en juger, un plan ration: nel d’études et un cadre très large et très élastique dans lequel il pourra faire entrer facilement tout ce que nous savons sur les fonctions des glandes, Quelques pages sur les progrès de la physiogénie, à propos de recherches relatives au développement dela fonction motrice chez l'embryon, font ressortir l'intérêi qui s'attache à l'étude de la formation et du dévelop pement des propriétés fonctionnelles de la matière vivante, si l’on veut arriver à expliquer ses réactions. C'est une lourde tâche, que la Société de Biologie, l’occasion de son cinquantenaire, a confiée au dévoue- ment de son Secrétaire général, lorsqu'elle l’a chargé de lui présenter un rapport sur l'œuvre de la Société depuis sa fondation ; mais aussi elle savait en quelles: mains elle remettait cette tâche. Ce travail sur Hi Société de Biologie et l'évolution des Sciences biolo- giques en France de 1849 à 1900, a certainement ré pondu et au delà à l'attente de ceux qui, eo le confiant à M Gley, savaient qu'ils y trouveraient la représenta- tion fidèle et éloquente des services rendus par la Société et des progrès réalisés dans les sciences biolo= giques pendant la dernière moitié du siècle qui vient de finir. Un tel travail ne s’analyse pas : on ne peub qu'admirer et l'esprit dans lequel il est conçu, et Ja. méthode qui en a réglé l'exécution, et l'intelligence critique qui s’y exerce, servie par une plume souple eb élégante. Ce n’est pas seulement l'histoire de la Société de Biologie, c’est aussi et surtout une vérilable ency= clopédie, un tableau complet des conquêtes successives! de la science durant ces cinquante dernières années, tableau qui ne se borne pas à nous les présenter dans un ordre méthodique, mais qui s'anime sans cessé d'aperçus ingénieux sur les liens qui rattachent les unes aux autres les principales découvertes, sur J& direction qu'elles ont imprimée aux efforts des inves" ligateurs, sur les conséquences qu'on en a tirées. Ony voit comment, à mesure que la Science progresse, elle tend à devenir explicative, de descriptive qu'elle était. comment des problèmes nouveaux se sont posés, des voies nouvelles se sont ouvertes dans tous les domaines de la Biologie... À L'ouvrage se termine dignement par une étude sur l& la vie et l'œuvre de Brown-Sequard. C'est un portrai lumineux de l'illustre savant, de ses facultés maîtresses; de ses tendances d'esprit, de sa méthode de travail, de son activilé prodigieuse. C’est une appréciation juste et vraie de tout ce que la Physiologie doit au décou= vreur infatigable. C’est enfin un hommage ému à l'homme et à ses qualités de cœur. Tous ceux, et ils sont nombreux, qui aimaient le Maître regretté, serons reconnaissants à M. Gley d’avoir si bien exprimé les sentiments qu'il leur inspirait. D'E. WERTHEIMER, Professeur à la Faculté de Médecine de Lille Perrier (Edm.), Hembre de l'Institut, Directeur da Muséum d'Histoire naturelle; Poiré (Paul), Profes= seur honoraire au Lycée Condorcet; Joannis (Alex et Perrier (Remy), Chargés de Cours à la Faculté des Sciences de Paris. — Nouveau Dictionnaire des Sciences et de leurs applications,avec figures dans! le texte. Fascicules 1 à 11. — (Prix du fasciculen 1 fr.) Delagrave. éditeur. Paris, 1901. Les auleurs de ce nouveau Dictionnaire se sont donné: pour but de présenter le tableau, aussi complet que possible, de l’état actuel des diverses sciences et des applications qu'elles ont engendrées. : La rédaction a été confiée à des collaborateurs spé= ciaux, appartenant pour la plupart au corps enseignant, el qui, au double point de vue scientifique et pédago gique, ont depuis longtemps fait leurs preuves. ; Les articles parus dans les onze premiers fascicules vont de Abeille à Chlore. “ ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 9 Avril 1901. M. le Secrétaire perpétuel annonce le décès de M. Raoult, Correspondant pour la Section de Physique “énérale. — M. Sébert entrelient l'Académie de l’uti- lité scientifique d'une langue auxiliaire internationale, t lui demande de porter cette question devant l'Asso- iation internationale des Académies. — M. Ch. Méray ait connaitre particuliérement la langue internatio- male du Dr Zamenhof, connue sous le nom d'£speranto". 40 SciENCES PHYSIQUES. — M. de Forcrand a été mnmené à modifier légèrement la loi de Trouton, et propose de l'exprimer sous la forme suivante : Dans tous es phénomènes physiques ou chimiques, la chaleur de olidification d'un gaz quelconque est proportionnelle sa température de vaporisalion sous la pression tmosphérique. — MM. C. Camichel et P. Bayrac ont étudié l'absorption de la lumière par les dissolutions des divers indophénols et déterminé les minima de transparence. Quand un azote tertiaire est remplacé par un azote primaire, le minimum de transparence se déplace vers l'extrémité ia pius réfrangible du spectre. — M. P. Lemoult a observé qu'en milieu sulfurique es benzophénones para-amidées substiluées donnent vec certaines amines aromatiques, à l'exclusion des utres, des produits de réaction qui sont des matières olorantes; les seules aminés qui sont capables de cette réaction sont celles qui ont au moins deux noyaux äromatiques fixés directement sur l'azole; il faut, en Moutre, que l’un de ces noyaux soit un phényl et qu'il “ait sa posilion para libre, l'azote élant en 1. 20 SCIENCES NATURELLES. — MM. André Broca et Sulzer ont déterminé l'angle limile de numération es objets. Les résultats montrent que la numération s traits est une fonction plus compiexe que la recon- “naissance d'une lettre; elle est certainement due à des mouvements oculaires. — M. P. Pourquier conclut d'un certain nombre d'expériences que la résistance s moutons algériens à la clavelée n'est pas hérédi- taire. La clavelisation préventive des troupeaux afri- ains, en tant que mesure générale, lui parait, pour le oment, téméraire et même dangereuse. — MM. L. uparc et F. Pearce ont trouvé dans l'Oural moyen (district de Solikamsk) une nouvelle roche pyroxénique qu'ils appellent Æowskite. Elle est constituée par du diallage, de l'olivine, de la hornblende, de la magné- te et des spinelles chromifères. Cetle roche est tra- ersée par des filons plus basiques de dunnites. — Stan. Meunier a examiné des échantillons de la luie de sang tombée à Palerme, dans la nuit du 9 au 10 mars. C’est une poussière très fine, composée en majeure partie de grains de quartz et de débris de diatomées. Il s'agit très probablement de matériaux arrachés par les remous atmosphériques au sol du Sahara. È , Séance du 45 Avril 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Lippmann dé- mmoutre que la puissance représentative d’une portion finie de courbe continue est infiniment supérieure à elle d'un ensemble infini et discontinu comme le Jan- age écrit. — M. Emile Borel étudie la décomposition es fonctions méromorphes en éléments simples. Une fonction méromorphe d'ordre fini ne peut pas toujours se 1 Voyez, à ce sujet, l'article de M. Méray dans la Æevue u 15 avril 1900, p. 417. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER mettre sous la forme d'une fonction entière d'ordre fini et d'une série canonique de fractions simples. — M. Edm. Maillet démontre un théorème sur les racines des équa- tions transcendantes. — M. H. Padé étudie la fraction continue de Stieltjes et montre que le mémoire de ce savant est la tentative la plus profonde faite jusqu'ici pour obtenir la définition d'une fonction au moyen d'un tableau de fractions rationnelles approchées. — M. G.-A. Miller démontre que le nombre des opéra- lions invariantes du groupe à des isomorphismes d'un groupe abélien H est égal au nombre d'opérations de la plus haute puissance dans un des plus grands sous- groupes circulaires de H. r 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Eug. Bloch a consiaté que la résistance électrique du sélénium diminue sous l'action du rayonnement du radium ; cette aclion est de l'ordre de celle d'une lumière diffuse faible. — MM. André Broca et Turchini ont observé, au moyen d'oscillations électriques vibrant environ un million de fois par seconde, que les propriétés des électrolytes placés sur le circuit de décharge sont profondément modifiées. Dans des conditions convenables, il jaillit dans les électrolytes très conducteurs des étincelles disruptives extrêmement puissantes qui montrent que, pour des oscillations de cet ordre de fréquence, l'élec- trolyte se comporte à peu près comme un diélectrique. — M. G.-A. Hemsalech à éludié les étincelles oscil- lantes et l'influence de la self-induction placée dans le circuit de décharge. Avec les électrodes en Fe, Co, Zn, Cd, Cu, Al, Pb, l'intensité de l'élincelle, après avoir passé par un minimum peu marqué, augmente consi- dérablement avec l'augmentalion de la self-induction. — M. M. Berthelot à étudié l'action de l'eau oxygénée sur l'oxyde d'argent. Il se forme d'abord un peroxyde Ag°0? extrèmement instable, qui se décompose d'une part en Ag°+ 0, d'autre part en Ag°0 0. Mais une fraction de Ag°0 se combine avec Ag*0* pour donner Ag'0*, qui peul se décomposer à son tour en 2 Ag 0 +0. — M. E. Pozzi-Escot pense que l'acide picrique n'a pas la valeur que M. Popoff a cherché à lui attribuer comme réactif microchimique des alcaloïdes. 30 SCIENCES NATURELLES, — MM. L. Géneau de La- marlière et J. Maheu ont étudié les caractères de la flore des mousses des cavernes; ils sont identiques, ou à peu près, à ceux qu'on constate dans les espèces qui croissent à une ombre épaisse et dans les endroits frais ou humides. — M. F. Kovessi donne un certäin nombre d'indications qui fournissent une base ration- nelle pour la taille des divers cépages de la vigne dans les diverses régions; elles apprendront, en outre, à exéeuter celte taille suivant les conditions climatéri- ques de l'année qui précède. — M. Aug. Chevalier communique les faits géologiques qui le conduisent à admettre l'existence probable d’une mer récente dans la région de Tombouctou. Séance du 22 Avril 1901. La Section de Botanique présente la liste suivante de candidals à la place laissée vacante par le décès de M. Ad. Chain : en première ligne, MM. B. Renault et R. Zeiller; en seconde ligne, MM. Bureau, Cos- tantin et Mangin. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Picard présente ses recherches sur les résidus et les périodes des inté- grales doubles de fonctions rationnelles. — M. R. Bri- card étudie une question relative au déplacement d'une figure de grandeur invariable. — M. E. Borel déduit de ses recherches sur les fonctions entières de plusieurs variables et leur mode de croissance, que 446 l'hypothèse qu'une fonction croissante de plusieurs variables est une fonction entière restreint singulière- ment la généralité de son mode de croissance. — M. G. Lippmann décrit un appareil destiné à entrainer la plaque photographique qui recoit l'image fournie par un sidérostat, avec la même vitesse de rotation que cette image, afin d'obtenir des images posées de tous les points du ciel. — M. P. Duhem, poursuivant ses recherches sur la propagation des discontinuités dans un fluide visqueux, indique une nouvelle extension de la loi d'Hugoniot. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ed. Mack a déterminé quelques isothermes de l’éther entre 100° et 206° avec l'appareil qu'ila précédemment décrit. —M. P.Chroust- choff indique les modifications qu'il a élé amené à apporter, dans ses recherches cryoscopiques, à la construction et à l'emploi du thermomètre électrique de Callendar etGriffiths, ainsi qu'à la méthode employée par Raoult pour la détermination de l’abaissement du point de congélation. — M. P. Weiss décrit un nou- veau système d'ampèremètres et de voltmètres indé- pendauts de l'intensité de leur aimant permanent; on arrive à ce résultat par l'emploi simultané d’un couple directeur magnélique prédominant et d'un couple directeur élastique d'importance subordonnée.— M. G..- A. Hemsalech poursuit l'étude de l'influence de la self-induction sur les spectres d’étincelles. Certaines raies diminuent rapidement en intensité avec l'aug- mentation de la self-induction. D'autres diminuent lentement et d'une manière continue. Enfin une troisième catégorie diminue, passe par un minimum, augmente considérablement, atteint un maximum d'in- tensité, et diminue de nouveau. — M. E. Kœnig a observé que la superposition d’un courant alternatif au courant continu dans un arc électrique, produit des oscillations lumineuses périodiques se suivant assez lentement pour être perceptibles à l'œil. — M. G. Trouvé présente un appareil qui imite les effets des fontaines lumineuses par la projection de grains solides au moyen d'un jet d'air continu. — M. G. Contremoulins décrit un appareil de mensuration exacte du squelette et des organes donnant une image nette en radio- graphie; il suffit de prendre deux épreuves radio- graphiques avec changement d'incidence du tube de Crookes. — M. A. Gautier a obtenu encore, dans la décomposition des roches cristallines en poudre, de l'ammoniaque, de l'azote et de l’argon provenant d'azo- tures et d’argonures métalliques, de l’iode et enfin de l’arsenic provenant d’arséniures. — M. R. Güntz, en chauffant à 12000 l'amalgame de baryum dans un courant d'H, a obtenu de l’hydrure de baryum, BaH°, solide grisätre, très stable. Il est décomposé par l’eau en baryte et hydrogène; chauffé dans un courant d'azote, il se transforme en azoture de baryum Ba'Az. — M. H. Henriet propose une nouvelle méthode de dosage de l'acide nitrique dans les eaux basée sur la transformation totale de celui-ci en hydroxylamine par le chlorure stanneux en excès; on titre ensuite par l'iode le chlorure stanneux non utilisé. — M. M. Delé- pine à constaté que si l’on oppose à un acélal un alcool autre que celui qui le constitue, il y a déplacement plus où moins complet de l'alcool de l'acétal initial, surtout si l’on chauffe en présence d’un peu de HCI. On peutpréparer ainsi denouveau acétals.—M. E.-E. Blaise indique une méthode générale de synthèse des éthers f-cétoniques acycliques non substilués; elle consiste à faire réagir les dérivés éthéro-organomagnésiens sur le cyanacétate d'éthyle, et à décomposer par l’eau le produit obtenu. L'auteur à préparé ainsi le propionyl et le butyrylacétate d'éthyle. — MM. Ch. Moureu et R. Delange, en traitant par un excès de sodium l'acide amylpropiolique CH — C = C — CO°H, ont réalisé la synthèse de l'acide caprylique CH — (CH°)° — COH. L’acide hexylpropiolique, dans les mêmes con- ditions, donne l'acide pélargonique. — MM. L. Ma- quenne et E. Roux, en réduisant la glucosoxime par l'amalgame de sodium, ont obtenu une base, la gluca- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES mine, qui parait répondre à la constitution suivante OH H OH OH ; | (AzH?)CH? — C — PE EN ERA NO NH RE lee G— C— C— CHOÏ. Son pouvoir rolatoire est de —15°,3, sans multirotations — M, J. Bougault à préparé l'acide paraoxyhydra= tropique en déméthylant son éther, qu'on obtient fac lement à partir de l’anéthol. C’est un corps cristallisés ‘fondant à 1309, inactif, mais dédoublable par la mo phine en deux isomères actifs. — M. Bongert a fait réagir la phénylhydrazine sur les deux butyrylacétyl acélates de méthyle isomères et a obtenu un dérivé de la bispyrazolone. Avec l'hydrazine, on obtient soit du propyiméthylpyrazolcarbonate de méthyle, soit de la méthylpyrazolone. — M. G. Favrel, en faisant réa les éthers alkyleyanacétiques sur les chlorures di azoïques, à obtenu des phényl- (toluyl-) hydrazone-c nitriles butyriques. — MM. Amé Pictet et A. Rotsch: ont retiré du tabac du Kentucky trois nouveaux alca= loïdes : la nicotéine, C'H'?A7?, liquide; la micotelline; C!°HSAz=, solide, fondant à 1470-1480; la nicotimine, CH%A7?, liquide, isomère de la nicotine. —M. Rosen> sthiel a constaté qu'en engageant la nitramine dans une combinaison azoïque sulfonée, on lui confère une solubilité qui lui manque à l’état de liberté et qui fac lite toutes les réactions des agents réducteurs, dont l’action s'exerce sur la nitramine seule, sans que le sulfo-naphtol intervienne par sa substance, — M. Maillard a constaté que la matière rouge, soluble dans le chloroforme, qui se produit à l’air dans les urines: sous l’action de HCI, est de l’indirubine; elle provient digo qu'elle peut remplacer eu totalité; les méthodes de dosage des dérivés indoxyliques basées sur le dosage: du bleu d'indigo seul sont donc illusoires. —MM. Louise et Riquier donnent une formule qui permet de calculer l’'écrémage et le mouillage dans les analyses de lait. M. E. Manceau a étudié la seconde fermentation © prise en mousse des vins de Champagne. La fermenta= tion partielle du sucre est la cause principale de læ variation des proportions de sucre exigées par les dif férents vins pour acquérir la même pression. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Chauveau démontre que, daus les moteurs inanimés comme dans le mus: cle, moteur animé, l'énergie consacrée à l’exécution du travail mécanique positif a une double destination :4l est dépensé de l'énergie pour créer les forces de soutien qui équilibrent les charges à soulever (travail intérieur) ;ilenestdépensé pour créerles forces motrices qui opèrent le soulèvement de ces charges (4ravai extérieur). — M. A. Robert a étudié au Laboratoire de Roscoff les premiers phénomènes du développement des Trochus maqus et Tr. Conuloïdes ; la segment tion est tout à fait semblable chez ces deux types, et analogue à celle des Crepidula. — Me Rondeau-Luzeau a observé l’action des solutions isotoniques de chlorures et de sucre sur les œufs de /?ana fusca. Il ÿ a un co mencement de segmentation, qui s'arrête à des stades. variables suivant les chlerures. — M. G. Weiss a excité des nerfs et des muscles par des ondes de très courte durée (0”,0001), et a observé qu'avec un courant continu la quantité d'énergie mise en jeu pour provoquer l’exci= tation passe par un minimun pour une durée déter minée de passage du courant. — MM. Albert Frouin. et M. Molinier ont étudié l’action de l'alcool sur la sécrétion gastrique. L'hypersécrétion provoquée pan l'alcool n'est pas due seulement à uve action locales ou à l'action sur les terminaisons nerveuses des voies, guslalives ; c'est à une aclion spéciale sur le système nerveux que l'alcool doit son effet. — M. Stan. Meunier expose un mode de formalion du minerai de fer ooli= thique de Lorraine, qui est en contradiction avec celub admis par M. G. Rolland. Pour lui, le calcaire s'est déposé dans la mer thoarcienre sous forme de limon, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES A47 puis a pris la forme oolithique; puis il a été baigné par des solutions ferrugineuses, dont les molécules de cal- caire ont retenu peu à peu tout le fer. Louis BRUxET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 9 Avril 1901. M. Debove signale la pullulation des moustiques dans “certains quartiers de Pa:is. S'il est probable que ces “Insectes ne transmeltent à Paris aucune maladie con- tagieuse, ils n'en sont pas moins des hôtes très incom- modes. M. Debove demande donc que la Ville de Paris supprime ses eaux slagnantes dans les places et jardins publics, et les remplace par des eaux courantes, où qu'elle y fasse verser la pelite quantité de pétrole néces- #saire pour arrêter le développement des moustiques. MM: Vallin, Laveran et Proust s'associent à ces ob- servalions. — M. L. Hugounenq communique ses re- cherches sur la composition minérale de l'organisme du fœtus humain et de l'enfant nouveau-né, La /evue publie dans le présent fascicule un article détaillé sur celte question. : Séance du 16 Avril 1901. - M. le Président aunonce le décès de M. Costomiris, Correspondant étranger. . M. Farabeuf fait remarquer que les bords de la - Bièvre sont infestés de moustiques dont la piqüre est souvent très douloureuse; il appelle l'attention de la Commission des Moustiques sur celte situation. — M. Liégeois rappelle qu'il a obtenu, depuis une quin- zaine d'années, de bonus résultats dans le traitement de la chlorose par l’acétophosphate de cuivre. D'autres médecins étrangers, Meudini, Hare, Cervello, etc., ont obtenu des résultats analogues par l'emploi de divers sels de cuivre. — M. Delorme attire l'attention sur la … nécessité du lavage complètement aseptique du linge sale, et décrit les procédés usités dans divers hôpitaux pour arriver à ce but. Il propose à l'Académie d’en- nager l'autorité civile à prescrire, dans les lavo rs publics, l’usage de Jessiveuses-désinfecteuses; d'en proposer la généralisation à l’Assistance publique, et à tous les hôpitaux civils, militaires et coloniaux. — M. Galezowski lit un mémoire sur les névrites optiques paludéennes. Séance du 23 Avril 1901. M. J. V. Laborde présente un rapport sur un mémoire de M.J. de Tarchanoff, relalif à l'influence de la quinine sur les muscles striés pendant la chloro- formisation. Cet alcaloïde produit, dans les muscles, “une perte de la transparence, de l'élasticité et de l'irritabilité; ils sont devenus opaques et rigides. — M. H. de Brun a obtenu d'excellents résultats dans le traitement de la lèpre par l'ichtyol à l'intérieur ; la dose peut aller jusqu'à 10 grammes par jour. Quant à l'ichtyol administré à l'extérieur, l’auteur n'en a retiré aucun avantage. — MM. Peugniez et Rémy communiquent uue note sur l'extirpation des projectiles logés dans Jencéphale, avec une observation de plaie pénétrante “du crâne par arme à feu. — M. Fochier donne lecture d'un mémoire sur uu cas de dyslocie grave dans un - utépus bicorne. _ SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 30 Mars 1901. le cœur isolé. C'est un poison systolique ; si parfois le ventricule de la grenouille, emprisonné et arrêté, ren- “ferme encore du sang, cela tient vraisemblablement à sun état particulier de fatigue du myocarde. — M. F. Henneguy a fait des essais de parthénogenèse expéri- mentale sur les œufs de grenouille avec des solutions salines: les meilleurs résultats ont été obtenus avec les azotates de potasse et d’ammoniaque qui ont produit des segmentations allant jusqu'au stade 16. — M. G. Maréchal a observé le développement de spores dans les cultures pures du bacille de Ducrey, ainsi que la formation d'une capsule autour du microbe et de la spore dans le chancre mou et la syphilis. — M. A. Tho- mas décrit les altérations des cylindres-axes dans la sclérose en plaques, ainsi que l’évolution pathologique de la névroglie dans la même maladie. — MM. A. Tho- mas et P. Loew ont étudié les altéralions des cordons postérieurs dans les tumeurs de l'encéphale. — M. An- dré Lombard démontre, par des expériences sur l'atro- pine et la sirychnine, qu'en pénétrant dans la circula- lion, les poisons alcaloïdiques sont d'abord fixés sur les leucocytes. Dans ce cas, l'animal est réfractaire; dans le cas contraire, il y a empoisonnement général par diffusion dans le sérum. — M. G. Linossier a reconnu expérimentalement que l'acide salicylique s'élimine aclivement par la bile; toutefois la proportion est in- suffisante pour qu'on puisse lui atribuer, comme on le supposait, une action antiseplique directe impor- tante dans les affections biliaires. — M. Hanriot montre que certains oxydes métalliques (sesquioxyde de fer, d'alumine, ete.) peuvent jouer vis-à-vis des acides or- ganiques un rôle analogue à celui de la lipase. Cette constatation et d'autres faites concordent avec l'hypo- thèse que la lipase serait un sel de fer. — M. J. Simo- nin a observé dans les selles dyssentériques la présence presque constante de l'entérocoque, qui était le com- pagnon à peu près exclusif du colibacille. — MM. Sa- brazès el Fauquet ont constaté que la première urine du nouveau-né après l'accouchement esl douée de pro- priélés hématolytiques. — MM. Calugareanu et V. Henri ont observé chez un chien une salivation très abondante, pendant la maslication, à la suite de la su- ture croisée des nerfs hypoglosse et lingual. — M. Ch. Schmitt a reconnu qu'à pouvoir sucrant égal la saccha- rine relarde moins la digestion que le sucre. — MM. Gilbert el P.Lereboullet ont constaté que la cause prin- cipale de la splénomégalie dans les cirrhoses biliaires, c'est la superposition de deux facteurs : infection et congeslion passive. M. R. Suzor a reconnu expéri- meulalement que le jaune d'œuf cru constitue une subs- tance alimentaire de premier ordre, par la voie hypo- dermique. Il constitue en même temps, et employé de la même facon, un stimulant et un releveur de Ja nu- trilion générale de tout premier ordre, utile dans tous les cas d'épuisement, y compris les cas de démence. — Le même auteur a traité avec succès des accès de mi- graine et de névralgie faciales par des applications de cocaine dans la narine, du côté où siège la douleur. — M. G. Leven montre l'utilité d'une alimentation d'épreuve dans les recherches sur la nutrition. — MM. Milian et Legros ont étudié le liquide céphalo-rachi- dien dans le tétanos spontané. Il conserve sa limpidité ct ne renferme ni germe microbien, ni toxine. — MM. Ch. Achard et M. Loeper moutrent l'existence d’un mécanisme régulateur de la composition du saug à l'élat normal, qui subit des variations pathologiques. Séance du 20 Avril 1901. M. A. Laveran a étudié le Piroplasma equi, héma- tozoaire endoglobulaire qui produit une maladie des chevaux dans le sud de l'Afrique. Il n’a rien de commun avec l’hématozoaire du paludisme, comme on l'avait pensé d'abord. — M. A. Laveran a reçu de diverses localités où règne le paludisme des échantil- lons d'Anopheles (Bonifacio, Constantine, Orléansville, Haut-Tonkin, Brésil). — M. Kronecker crilique les méthodes servant à déterminer les manifestations ex- lérieures de l'activité du cœur. — M. E. Hédon signale l'action antitoxique du sérum et du phosphate acide de soude contre certains glycosides hémolytiques toxt- ques pour les Poissons (cyclamine, saponine, solanine). — M. H. Ribaut a constaté que la caféine à dose faible abaisse l'élimination azotée; à dose forte, elle l'aug- mente. — M. A. Pugnat démontre que le mode d'ac- lion des urines vis-à-vis des globules rouges dépend de leur degré de concentration moléculaire, le laquage 148 ne se produisant qu'avec des urines hypotoniques au sang. — M. A. Sicard propose de remplacer la mé- thode des injections sous-arachnoïdiennes par celle des injections extra-durales par voie sacro-coccy- gienne; cette dernière est d’une inocuilé absolue. — M. E. Gley a trouvé, dans le corps thyroïde d'un homme atteint de goitre exophtalmique, 2 milligrammes d'iode pour 100 grammes de glande fraiche. — M. G. Weiss montre que lorsqu'une onde électrique traverse un nerf, le seuil de l'excitation est d'autant plus élevé que l'onde est plus fréquemment interrompue. — M. A. Imbert cite divers laits à l'appui de l'hypothèse d'Haughton, d’après laquelle la forme même de cer- tains muscles produit dans leur fonctionnement une dépense inutile d'énergie. — M. L. Lutz présente une bougie-pipette pour stérilisation et répartition di- recte des liquides. — M. $S. Jourdain à observé que les escargots, en se promenant à la surface des vitres, produisent un son musical analogue à celui qu'on ob- tient en promenant un doigt humide à la surface d'une lame de verre, — M. CI. Regaud a éludié le mode de formation des chromosomes pendant les karyokinèses des spermatogonies chez le rat. Les demi-chromosomes résultent de deux segmentalions {transversales succes- sives, sans fissuration longitudinale. — Le même au- teur a observé une transformation para-épithéliale des cellules interstitielles dans les testicules d'un chien, probablement à la suite d’une orchite ancienne. — MM. G. Félizet et A. Branca poursuivent leurs re- cherches histologiques sur le testicule ectopique par l'étude des fibres élastiques et des épithéliums. — M. A. Dastre à observé que les matières grasses chez les Crustacés sont localisées dans le foie. — M. J. Le- fèvre, à propos des notes de MM. Lagriffe et Maurel sur la mort par réfrigération, rappelle qu'il à déjà étudié et décrit antérieurement le mécanisme de la ré- sistance au froid. Il a, de même, reconnu quil y a constamment augmentation du rendemént de travail chez l'homme, sous l'action brusque ou même pro- longée du froid, et chaque fois que le froid fait suite à l’action du chaud. — M. G. Meillère a reconnu, dans la recherche toxicolosique du plomb, que la présence des phosphates introduits par les cendres des organes, empêche la précipitation électrolytique à l'état d'oxyde puce. — MM. A. Frouin et M. Molinier: Action de l'alcool sur la sécrétion gastrique (Voir page 446). — MM. A. Valdiguié et J. Larroche ont constaté que le suc de pommes de terre possède les propriétés géné- rales des ferments solubles, en particulier un fort pouvoir réducteur. — MM. E. Lesné et P. Merklen montrent que les urines dans les gastro-entérites des nourris- sons, comparées aux urines des nouveau-nés sains, possèdent un point cryoscopique hypertonique, ei un chiffre de chlorures diminué. — M. G. Poujol décrit un procédé de récolte et de répartition applicable aux grandes quantités de sérum. — M. E. Maurel a constaté que, sous l'influence d'une alimentation faiblement azotée, l'acide urique tombe à de très faibles propor- tions; il en est probablement de même des autres com- posés azotés de l'urine représentant les produits de désassimilation incomplète; ces produits doivent dimi- nuer également dans l'organisme. — Le même auteur a étudié l'élimination urinaire des chlorures; elle est normalement de 0,20 à 0,25 grammes par kilogramme de poids. Si l’on restreint l'absorption de NaCl, l'élimi- nation ne peut pas descendre au-dessous de 0,05 gr. DE SOCIETE FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 19 Avril 1901. M. H. Pellat, président, rend compte des réunions tenues pendant la semaine de Pâques. — M. P. Lauriol expose les récents progrès relalifs à l'éclai- rage, au chauffage et à la force motrice, et en même temps ses recherches personnellés sur ces diverses questions. Il passe en revue les progrès de l'éclairage au gaz par incandescence, qui permet actuellement de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ne brûler que 10 à 15 litres de gaz (soit 0 fr. 003) pan carcel-heure, au lieu des 105 litres qu'exigeait le be Argand et 430 qu'exige le bec papillon. Il indiqu les diverses méthodes de produetion des gaz pauvres (gaz à l'eau), obtenus par le passage de Ja vapeur d’eaw sur le charbon incandescent, auxquels, en Angleterre, on mêle des vapeurs de pétrole; on oblient ainsi un mélange pratiquement comparable au gaz ordinaire, a triple point de vue de l'éclairage, du chauffage et de la force motrice. Les lampes à pétrole lampant, qui ont malheureusement l'inconvénient de siffler et dont l’allus nage exige quelques minutes, ne consomment par carcel-heure que 4 grammes de pétrole, soit 0 fr. 0012, tandis que les lampes à pétrole ordinaire consommen dix fois plus. Le prix élevé du carbure de calcium (au moins 25 centimes le kilo) porte à 0 fr. 0072 le carcel= heure fourni par l’acétylene. L'auteur insiste sur les inconvénients des orifices très fins d'écoulement des l'acétylène qui sont nécessaires et malheureusement, difficiles à réaliser parfaitement ; il indique des résultats personnels relativement à l'éclairage par l'acétylènes L'incandescence par l'acétylène fournit le carcel-heure à Ofr.0015. M. Lauriol passe ensuite à l'électricité. A parle des lampes à arc sans rhéostat employées avec succès dans quelques rues de Paris, des nouvelles” lampes à incandescence (lampe à osmium de M. Auer, lampes à filament de bas voltage, lampes à filament des haut voltage 220 volts). Le chauffage électrique revient à 145 centimes le kilowatt-heure, prix environ égal à 6 fois celui que coûte le chauffage au gaz. D'après. des expériences de l’auteur, il y a, dans le chautfage au gaz, perte de la moitié de la chaleur dans la cheminée. La calorie-gaz ne coûterait que 1/12 de la calorie électrique si elle était utilisée intégralement» — À propos de la communication de M. Lauriols M. H. Le Chatelier indique un progrès intéressant relatif à la fabrication du gaz à l'eau. Il insiste surle fait que le gaz à l’eau ne donne pas un rendement supérieur à celui du gaz pour l'éclairage par incan= descence. Il dit qu'il serait intéressant d’avoir des, renseignements sur la compression du gaz et sur l'utilisation du gaz comprimé dans des appareils de petites dimensions, M. Pellat demande des renseis gnements sur les précautions prises pour Éviter l'empoisonnement par l'oxyde de carbone des gaz à l'eau. M. Lauriol répond que l'on peut donner une odeur très forte aux gaz à l'eau par la carbylamine. I faut naturellement pour le gaz à l’eau (qui renferme 40 °/, en volume de CO) de bonnes canalisations, aussi bien d'ailleurs que pour le gaz d'éclairage (qui renferme 7 à 8 /° de CO). M. Le Chatelier exprime le désir que l’on puisse se procurer des becs pour le gaz comprimé. Il insiste sur la facilité avec laquelle la compression est possible au moyen des petits moteurs à air chaud, système Henrici, dont l'installation n'en traine qu'une dépense insignifiante. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 22 Mars 1901. M. Engel présente un mémoire de M. de Coppet. sur Ja cristallisation spontanée de l’hydrate Na?S04, 10H20 dans les solutions sursaturées de sulfate de sodium, avec des remarques sur leslimites de l'état, métastable de ces solutions. — M. A. Gautier commune nique une méthode de séparation et de dosage de l'hydrogène sulfuré, des sullures et des polysulfures: — M. Ad. Jouve recherche le sélénium dans l'acide sulfurique, au moyen d’un courant de gaz acétylène; la sensibilité, qui atteint environ 1/1.000.000°, est plus grande, de beaucoup, que celles que donnent les réactifs connus, tels que la codéine ou le gaz sulfureux. — M. l'abbé J. Hamonet a fait réagir quelques métaux sur le butane diiodé ou dibromé en vue d'obtenir le Lélraméthylène, mais jusqu'ici ce corps n'a pu être. préparé. Avec le sodium, la réaction est extrèmement violente; la masse charbonne et le gaz dégagé contient “une très forte proportion d'hydrogène. Si l’on dilue le mbutane dihalogéné dans le benzène, le loluène ou le Kylène, il n’y a plus réaction, même à la température “d'ébullition de ces liquides. Avec le zinc en présence de l'alcool à 75° (réaction de Gustavson pour le trimé- ylène), il se dégage un gaz qui contient 20 °/, d’hy- drogène, 10 ‘ d'un composé immédiatement absor- bable par le brome et 10 °/, de bulane. Sur le zinc Seul, le diiodobutane et le dibromobutane agissent lentement à la température du laboratoire, 12 à 16», ‘en donnant de l’éthylène, comme si la chaîne tétra- méthylénique se brisait au moment de se fermer. — : Delépine expose les résultats oblenus en opposant maux acétals d’alcools monovalents, divers alcools mo- novalents, bivalents, trivalents, tétravalents et hexava- lents. Dans tous les cas il y a une réaction, c'est-à-dire “un déplacement plus ou moins avancé de l'alcool pri- milif par le nouvel alcool. Cette méthode revient en somme à faire de nouveaux acétals avec des acélals mdhifférents déjà obtenus; elle conduit à la formation … d'acétals déjà connus ou inconnus dont la description sera faite ultérieurement. — M. Ch. Moureu s'est pro- posé de montrer que le réactif découvert par M. Gri- gnard (iodures d'alcoyl-magnésium) pouvait attaquer des composés oxygénés autres que ceux du carbone. L'action de l'iodure d'éthylmagnésium sur le nitrite d’amyle lui a donné de la diéthylhydroxylamine Az(C°H°)20H; avec le nitroéthane, il a obtenu la même base, mélangée d’un autre composé, qu'il suppose être l'oxyde de triéthylamine Az(C*H5}O. Le nitrate de méthyle réagit aussi très énergiquement ; il y a pro- luction d'un mélange basique, possédant des proprié- “tés réductrices très nettes. L'auteur a commencé Jétude des composés oxygénés du soufre; le phényl- ulfonate de méthyle et lesulfate d'éthyle sont attaqués “violemment par les iodures d'alcoyl-magnésium; le sujet est en cours d'expériences. Il n'est pas douteux que les composés oxygénés des autres métalloïdes ne soient dans le même cas. M. Moureu poursuit la solu- ion de ces différents problèmes en collaboration avec M. R. Delange et M. H. Desmots, Il espère que cette étude apportera quelques fails précis, qui seront de nature à éclairer peut-être définitivement la structure intime des acides minéraux oxygénés, c'est-à-dire le mode de liaison de l'oxygène avec l'élément spécial contenu dans chacun de ces acides. — M. P. Lebeau “expose le résultat de ses recherches sur les composés binaires de fer et de silicium. L'étude qu'il a faite de ces combinaisons établit nettement l'existence, dans les ferrosiliciums industriels, des siliciures SiFe?, SiFe et SiFe.Il donne, en outre, des procédés de préparation qui lui ont permis d'obtenir ces composés purs et cris- allisés el de faire l'étude de leurs principales pro- priétés,; et il montre également que la siliciuration du fer par les procédés électromélallurgiques peut avoir deux limites correspondant à la formation des com- posés SiFe ou Si*Fe suivant la nalure des matières pre- ….mières employées. — M. Grimbert, en étudiant l’action du Bacillus tartricus sur les hydrates de carbone, a constaté, parmi les produits de la fermentation, la présence constante de l'acétylméthylcarbinol, qu'il a caractérisé par l'ensemble de ses propriétés et la for- mation de son osazone C'H*Az, fusible à 243° et qui lui est commune avec le biacétyle. Il serait intéressant de rechercher si d’autres ferments jouissent de la ème propriété, ou si elle est caractéristique du B. lartricus seul. Séance du 26 Avril 1901. …. M. R. Fosse à étudié l'un des corps obtenus par Rousseau dans l’action du chloroforme sur le 8-naphtol. Le corps considéré par Rousseau comme un binaphthy- ne-alcool : : CSHS$— COH CÆHUO ou | ï C'H°— CH possède la formule suivante : 3 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 149 CH CH2%0?2 OH — CH —C È . ou PA c’estle naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane. M. Fosse démontre cette formule par l'analyse de ce corps et de ses élthers méthylique, éthylique, acétique, le dosage de l'acide acétique dans l’éther acétique, la cryoscopie de l’éther méthylique et enfin la synthèse en partant de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du 8-naphtol : OH — CH5— COH + 2C!H70H — 2H20 ,CHS + OH — C'OH5— CH£ )0, SG Le naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane, cristallisé dans le nitrobenzène, puis dans l’acétone, se présente en belles aiguilles prismatiques, incolores en retenant du dissolvant ou opaques par dessication. Ce corps x fond à 273° en un liquide brun. L'éther méthylique fond à 255°, éthylique à 304°, acétique à 2850, Cette substance présente la curieuse propriété, quoique phénol, d'être insoluble dans les alcalis en solution aqueuse, mais de se dissoudre dans les alcalis en solution alcoolique d’où l'eau la précipite inaltérée. Pour démontrer que ce corps possède bien OH phénolique, sur le conseil de M. Haller, M. Fosse à fait directement Ja synthèse de l'éther méthylique, en partaut de l'éther méthylique de l'aldéhyde oxynaphtoïque et du &-naphtol: CH°— O0 — CH$ — COH + 2C!°H70H — 21120 à Coprs + CH°— O0 — CH — CHS > + CH— € H°—( ED 0e Le corps oblenu fond à 2550, il est identique à celui préparé par l'action de l'iodure de méthyle sur le naphtylol-naphtyl-oxynaphtyl-méthane potassé. — M. L.-J. Simon a comparé, au point de vue de la réac- tion colorée qu'ils donnent avec le perchlorure de fer l'acide salicylique C'H‘0* et l'acide isopyrotritarique CH"0# qu'il a isolé dans les produits de la calcination de l'acide tartrique. 11 en résulte qu'il ne serait pas impossible que l'acide isopyrotritarique soit précisé- ment la substance que l'on prend parfois pour l'acide salicylique dans la recherche de ce corps, dans les boissons alimentaires et en particulier dans les vins. — M. Le Chatelier présente une note de M. Georges Rosset sur une pile électrique à dépolarisant, sponta- nément régénérable par oxydation directe à l'air. — M. L. Maquenne décrit une nouvelle base qu'il a obtenue, en collaboration avec M. E. Roux. en réduisant la glucosoxime par l'amalgame de sodium; ce corps, qu'il désigne sous le nom de glucamine, est une base forte dont la plupart des sels sont sirupeux et incris- tallisables. L'oxalate est en paillettes hexagonales inco- lores. Sa conslitution est celle d’un aminohexane- pentol C°H!*Az0*, diflérant des glucosamines connues par deux atomes d'hydrowène en excès. — M. Grignard se réserve l'emploi en chimie organique des combi- paisons alcoylohalogénées du magnésium qu'il a décou- vertes. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 21 Mars 1901. MM. S. B. Schryver et F. H. Lees ont constaté que, dans la décomposition par l’eau de la bromo- morphide, il se forme, à côté de l'isomorphine, une autre base isomère, la f-isomorphine. Celle-ci se forme également dans la décomposition de la chloromorphide. L'isomorphine donne facilement un méthiodure dia- célylé CHU(OCH*.CO)OAZCH'I. La bromocodéide, traitée par l’eau, fournit également de l'isocodéine, qui donne, par traitement avec CH'I, un méthiodure C‘H:8 O*(OCH°) AzCH°T. On arrive à ce même dérivé à partir du méthiodure d'isomorphine par diverses réactions, ce qui montre les relations de ces deux corps. On en 450 déduit pour le méthydroxide d'isomorphine la consli- tution d'une phénolbétaine : 0 C'°H150°4 | Az(CHS)° D'une autre série de réactions, les auteurs déduisent que l'isomorphine contient absolument les mêmes groupes que la morphine; les formules de ces deux bases seraient donc probablement: AN Ê NH | pe CENT CY | AACH (L | -ér Zn —0 PIN | | Be RING HoÛ lou | / Az-08 cn: ou | CH® Morphine (Knorr). Isomorphine. M. H. A. D. Jowett poursuit ses recherches sur la constitution de la pilocarpine. L'isopilocarpine, traitée par le brome en solution acétique, donne un perbro- mure de dibromoisopilocarpine, avec un peu de mono- bromoisopilocarpine et d'acide isopilocarpinique. Ce perbromure, traité par AzH*, se transforme en dibro- moisopilocarpine. Celle-ci, oxydée parle permanganate, donne de l'acide pilopinique C$H'!O*Azet de l'acide pilo- pique C’H'°04. Quand l'isopilocarpine est traitée par le brome en solution aqueuse, on obtient des acides bro- més. L'acide dibromoisopilocarpinique, traité par l'amalgame de sodium, donne de l'acide pilopique. Réduit par le zine en solution acétique, il fournit par contre une lactone, l'isopilocarpinolactone, G'H10*A7?, lévosyre. La bromuration de la pilocarpine donne des résullats analogues à celle de l’isopilocarpine. Les aci- des bromopilocarpiniques fournissent par réduction de l'acide pilocarpinique. — M. A. Harden a contaté que le Bacillus coli communis fait fermenter le glucose en produisant environ la moilié d'acide lactique, puis de l'alcool, de l'acide acétique, CO®,H et de petites quantités d'acides succinique et formique. L’acide lactique est un mélange d'acide inactif et d'acide gauche. Le d-fruc- tose donne les mêmes produits de fermentation; le l-arabinose et le d-galactose produisent également de l’acide lactique gauche. Le mannitol donue une plus forte proportion d'alcool; la production de ce dernier semble dépendre de la présence du groupe CH*(0H). CH.OH. En présence d'acide aspartique comme aliment azoté, la fermentation a lieu de même, mais la majeure partie de l'hydrogène produit est employée à réduire l'acide aspartique en succinate d'ammonium. M. Pakes faitremarquer que les décompositions bactériennes ont lieu très différemment suivant qu'elles se produisent en présence où à l'abri de l'air. — M. G. D. Lander à étudié l'action de l'oxyde d'argent sec et du iodure d’é- thyle sur l'éther benzoylacétique, la déoxybenzoïine et le eyanure de benzyle. Avec le premier, on obtient de l'éther éthylbenzoylacétique, avec de très faibles quan- tités d'étherf-éthoxycinnamique.Avecla déoxybenzoïne, il se forme un peu de bidésyle. Avec le cyanure de ben- zyle,la décomposition est plus profonde; on obtient du dicyanostilbène. — Le même auteur a étudié lalkyla- tion des acylarylamines par l'oxyde d'argent sec et les iodures d’alkyles. Avec l'iodure d’éthyle, on oblient seulement des imino-éthers, tandis que l'iodure de méthyle donneun mélange d'acylalkylamines normales et d'imino-homologues. Les imino-éthers se distinguent de leurs isomères : 4° par leur état liquide à la tempé- rature ordinaire; 2° par leurs points d'ébullition qui qui sont de 30 à 50° inférieurs à ceux des acylalkyla- mines; 3° par le fait que leurs chlorhydrates chaultés ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES régénèrent les acylarylamines par perte de chlorure d'alkyle; 4° par leur rapide hydrolyse au moyen de HCI dilué, en amine, acide et alcool. — M. G. D Lander a encore cherché à préparer des imino* éthers aliphatiques à partir des amides. En chauffant de l'oxamate d'éthyle avec de l'oxyde d'argent sec eb de l'iodure d'éthyle, il a obtenu l'éther diéthyliqu semi-imino-oxalique. L’uréthane, dansles mêmes con» ditions, donne de l'iminocarbonate diéthylique à côté d'un peu de cyanurate triéthylique. — M. H. Cromp> ton présente une note sur la détermination théorique de la chaleur latente de vaporisation des liquidess Imaginons une vapeur saturée dans un élat assez rarélié pour obéir à la loi PV—RT. Supposons qu'il soit possible, à température constante et par la compres sion seulement, de réduire le volume V, de la vapeur à celui que le liquide qu'elle forme occuperait normaæ lement (soit v.), sans qu'il se produise de changement d'état, et la substance continuant à obéir à loi des gaz pendant la compression. Le travail accompli pendant ce changement de volume est : ç y 7 [rar = f ay = RTIo8 - n 0 et comme il ne se produit aucun changement de tem= pérature, une quantité de chaleur équivalente à ce travail est dégagée pendant la compression, La vapeur occupe maintenant le volume du liquide, mais n’est pa liquide. C'est, par hypolhèse, un gaz à haute pressionss et si la pression est réduite à sa valeur initiale, le gaz se dilatera jusqu'à son volume primitif. Pour former le liquide, la substance doit être placée dans un état tel qu'il soit possible de réduire la pression jusqu'à la tension de vapeur normale du liquide, sans changements de volume. En supposant qu'il ne se produise aucune variation d'agrégation moléculaire, la substance doit. donc être débarrassée de l'énergie potentielle d’expans sion du gaz, c’est-à-dire de l'énergie qui rendrait capables les molécules de la substance d'occuper leur volume primitif en retournant à la pression initiale. Cette énergie est égale à celle qui est libérée en comprimant la substance, soit RTlog, V,/v..Sielle est mise sous formes de chaleur, la quantité totale de chaleur dégagre pen= dant la formation du liquide aux dépens de la vapeur sera 2RT log, V,/v, c'est-à-dire la chaleur latente de» vaporisation. Si V, el v, sont pris pour 1 molécules gramme, R devient égal à 1,976 calorie, el2 RTlog, Vo/Wo est la chaleur moléculaire de vaporisation. En divisants par le poids moléculaire M, on obtient la chaleur latente de vaporisation dans les unilés ordinaires. Les obser= vations de Cailletet et de Mathias permettent de vérifier la formule précédente dans d'assez larges limiles (Pas bleau 1). D, est la densité de vapeur, & la densité du liquide, et / la chaleur latente de vaporisation. Tagceau |. — Comparaison des chaleurs latentes den vaporisation observées et calculées par la formule de Crompton. “D D, ds M L'obs. | / cal. COM 0.0%#% [1,110 4% |72,23. MH es 0,099 [0,90 4% 157,48 |54,26 _— 0,233 [0,720 ## [31,80 A20 0,044 [0,998 4% 66,90 — 0,081 |0,890 4% [59,50 — 0,151 [0,755 44 |13,25 SO? 0,0045/1,4338] 6% 91,2 — 0,0136/1.3520| 64 80,5 |86,05 — 0,036411,2425| 64 168,4 |70,03 On voit que la concordance des résultals est assez bonne. Les écarts proviennent de ce que la vapeur saturée au point d'ébullition n'est pas un gaz parfait ets possède généralement une densité un peu plus élevée “que celle qui correspond au poids moléculaire normal “de la substance. — MM. Bohuslav Brauner et “FN, Pavlicek out déterminé à nouveau le poids ato- “nique du lanthane, retiré de la cérite, purifié par cris- mtallisation fractionnée du nitrate double ammoniacal, met soumis ensuite à la précipitation fractionnée par la mpotasse. Pour la détermination, l'oxyde est converti en sulfate; celui-ci, chauffé à 450° et pesé plusieurs fois, “diminue de poids jusqu'à une certaine limite; chauflé dans une atmosphère de carbonate d'ammoniaque, il diminue encore de poids jusqu'à un nombre con- stant qui correspond à La—138,2. Or, si l'on reprend le résidu par l'eau, on constate qu'il est fortement acide, et qu'il contient, à côté du sulfate neutre, une mpelite quantité de sulfate acide, qu'on peut déter- “miner par l'alcalimétrie. Il en résulte une erreur sur le poids atomique de 0,8 en moins. Les auteurs con- mcluent que toutes les déterminations d’équivalents des mterres rares par la méthode des sulfates faites au xx" siècle sont entachées d’une erreur analogue. La “correction, appliquée au lanthane, donne, pour la frac- tion la plus pure, le poids atomique 139. — M. B. Brau- “ner a déterminé également le poids atomique du pra- ‘séodyme par quatre méthodes : analyse du sulfate, “analyse de l’oxalate, synthèses du sulfate. On observe “ésalement que le sulfate chauffé présente une réaction acide et contient du sulfate acide. En éliminant les “Séries entachées d'erreurs, on obtient la moyenne Pr — 140,94. Mais les r'sultats prouvent seulement que l'équivalent du praséodyme est de 47, et le poids ato- mique pourrait être : Pr 47,Pri = 9#,Prt = 1%1,P: IV — 188 où PrY — 235. La détermination du poids molé- culaire du PrCF anhydre par l’ébulliscopie a donné 247,4, ce qui permet de conclure que le praséodyme possède bien le poids atomique 140,94. — M. B. Brau- ner a préparé un tétroxyde de praséodyme Pr°0* par fusion du nitrate de praséodyme avec le nitrate de potasse; densité — 5,978. C'est un oxyde ozonique, ne donnant pas la réaction du peroxyde d'hydrogène. Il “se combine avec le trioxyde Pr°0* pour donner un “oxyde complexe Pr'0* où Pr''O'$, densité — 6,704. Le nitrate de praséodyme donne avec H°0*, Na*O* et un .alcali un hydrate du peroxyde Pr*0, qui est un oxyde antozonique. C'est à cetle série qu'appartient l’acétate “Ac’:Pr,0.0.0.Prtt:(OH)Ac—+ H?0.—Le même auteur, appliquant la méthode du sulfate à l1 détermination du poids atomique du néodyme, a obtenu la valeur Nd — 143,80 avec une substance purifiée, après avoir déter- miné expérimentalement la correclion due à la pré- sence du sulfate acide. Le néodyme forme, à l'état sec, un oxyde supérieur Nd°0', avec une si faible tension de “l'atome actif d'oxygène que celui-ci, mis en liberté par …les acides, se dégage dans une solution de sel ferreux sans l’oxyder; c'est probablement un oxyde ozonique - limité. Le néodyme donne des composés antozoniques - du type R°0' ; l’acétate a une formule identique à celle de l’acétate de praséodyme. — M. B. Brauner à appli- ué les résultats de l'étude de l’hydrolyse du sel “Th (C*0'.AzH*)17H°0 au fractionnement et à la purifi- - cation des composés commerciaux du thorium. Les frac- _ lions basiques positives sont dénommées Th,, et les » fractions acides négatives Thg. Le poids atomique des : fonctions basiques est Th, — 233,5 (méthode de l’oxa- “late) ou Th, = 233,3-233,7 (méthode du sulfate). Les . fractions négatives ont d'abord donné Tha— 232,5, puis, “après purification, Thg = 232,0 et 231,9. En continuant n le fractionnement des parlies négatives, on arrive à un produit pour lequel Th4 —220. Cette diminution du poids “atomique est accompagnée d'un abaissement de la den- Msité de l'oxyde qui tombe de 10,2 à 9,6, en même temps que le thorium acquiert la propriété de former - facilement des sels basiques. — MM. F. S. Kipping' et 1 Voyez le présent fascicule, page 397. - ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES i51 A. E. Hunter décrivent la préparation du phéno-«- cétoheptaméthylène et de ses dérivés. — M.J. J. Sud- borough rappelle que l’un des deux diphényl-dinitro- éthylènes, obtenus récemment par J. Schmidt! dans l'action du peroxyde d'azote sur le tolane, a été pré- paré autrefois par lui-même en faisant réagir le per- oxyde d'azote sur le monochlorostilbène, ACADEMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 20 Avril 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : /nvo- lutions Sur une quartique plane à point triple, Les invo- lutions quadratiques I, sur la courbe donnée C, à point triple O admettent une enveloppe d’involution F* de la troisième classe. Chacune de ces involutions I, peut être engendrée à l’aide d'une infinité de faisceaux de coni- ques ; les points de base de ces faisceaux sont le point O el trois points variables de C,, engendrant sur cette courbe une involution cubique [,, conjuguée à I,. Deux involutions conjuguées I,, {, admettent la même enve- loppe d'involution L*. Points et tangentes communs de C, et L*. Involutions quadratiques particulières à conique d'involution L*. Les involutions 1, conjuguées aux involutions J, sont d'un caractère particulier, car l'enveloppe d'involution de l'involution I, la plus géné- rale est une [°,etc. — M. J. C. Kapteyn : L'intensité iumineuse des étorles fixes. 1. Parallaxe moyenne des éloiles de grandeur et de mouvement propre donnés. 2. Probabilité pour que la parallaxe d’une étoile arbitraire surpasse sa valeur moyenne dans une proportion déter- minée, 3. Données pour le mouvement propre, la dimension et les nombres des étoiles de grandeur dé- terminée. 4. Nombre des étoiles dont le mouvement propre est situé entre des limites déterminées. 5. Force lumineuse et graudeur absolues. 6. Déduction de la densité en étoiles et de la courbe de l'intensité lumi- neuse, 7. lofluence de l'incertitude par rapport aux valeurs de certaines constantes. 8. Le degré d'approxi- malion des résultats déposés dans la courbe d'intensité lumineuse. 9. Les étoiles du premier type spectral et celles du second. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. J. D. Van der Waals : L'équation critique et La théorie du mouvement cyclique. Troisième communication (Voir Aer. gén. des Se., t. XIT, pp. 297 et 391). Il y a encore une quan- tité, se rapportant au point critique, pour laquelle la valeur, calculée à l’aide de l'équation : aie = (o+ B)(—D=RT où b est considéré comme une constante, diffère con- sidérablement de ce que nous apprend l'expérience. Au point critique, la quantité (> ) calculée pour la [ Aa”. 1 e pire T dp pression de la vapeur saturée, coïncide avec (— =) + p dT}v Pour plusieurs substances, l'expérience fait trouver une valeur près de 7, tandis que l'équation critique mène au résultat 4, si reste constant. Seulement, la com- pressibilité de la molécule — ou, pour s'exprimer d’une manière plus prudente, la variation de b — fait trouver pour la quantité indiquée la valeur 6,7, tout à fait d'accord avec un calcul antérieur (Continuiteit, 1, p. 199). Par rapport à cette quantité l’auteur répète ce qui a été remarqué pour (ar) k réduire le volume critique de 3 à 2 environ, les autres quantités caractéristiques du point critique montrant des déviations assez considérables des valeurs calculées, s’'accommoderaient par beaucoup à ces valeurs. La der- nière supposition exige que l'éxpression : ————————————_—__ ! Ber. der d.chem. Ges., t. XXXIV, 619. : s'il y avait lieu de 152 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES - [£ db ( T dPy |: pe dvx \dbx dbdT/h se réduise à une quantité négligeable, ce qui, à son tour, mène à la relation : . Ps __ dPy dbaT db Cette relation est de rigueur, si les forces atomiques croissent proportionnellement avec la température- D'après cette dernière hypothèse, tant soit peu inat- tendue etsingulière, b, — b, et hne dépendent plus de la température, et les molécules, quoique bien compres- sibles, ne se dilatent plus par la chaleur. Néanmoins, l’auteur développe des arguments qui semblent prouver que ce résultat touche de près à la vérité. Ensuite, il revient aux équations : (id) sa dv) | an VTT D __ db dv qui figurent déjà dans la seconde communication, en examinant pour quelles valeurs de f et de hilya accord complet entre les expériences et le calcul. Cette élude a comporté des analyses assez pénibles. Elles mènent entre autres à la forme : (e + À) — De) = (1 +f)RT. de l'équation critique, d'après laquelle les conditions s'approchent de plus en plus de celles qui se présente- raient, siles molécules composées pouvaient être consi- dérées comme décomposées en des alomes singu- liers, ete. — M. H. Kamerlingh Onnes : Sur des différences de densité à proximité du point critique causées par des différences de température. L'auteur revient à la communication précédente (Æev. génér. des Se., t. xn, p. 391) où il a prouvé que les déviations de la théorie de van der Waals indiquées par M. de Heen ne se présentent plus, si l’on répète les expériences avec de l’acide carbonique pur. Là il en déduisait que les résultats de M. de Heen exigent des corrections systématiques, M. de Heen n'ayant pas tenu compte de différences de température causées par des proces- sus adiabatiques. Ici, l'auteur s'occupe principalement d’autres différences de température, peut-être très importantes, en rapport avec le mode d'échauffe- ment. En réunissant les résultats des expériences de M. Amagat sur les condilions à la proximité du point crilique dans un diagramme, où la densité et la pression figurent comme abscisse et ordounée, on trouve facile- ment à l'aide des coeflicients de tension par interpolation les densités à des températures intermédiaires. Ainsi l'un des diagrammes de l’auteur donne d'abord pour iso- therme à chaque température la droite pointillée d' in- clinée sous un augle de 45°. Ensuite à chaque tempéra- ture correspondent les deux lignes d_1 et y, faisant ds — _ === connaître par leurs distances, mesurées suivant less ordonnées de la droite pointillée, la variation de la den=« sité correspondaut à une différence de température de 1°. De cette manière les trois couples de lignes ont traits aux températures de 35°, 409, 45°; ce qui fait voir que pour 35° même des différences de températures très, petites mènent à des variations de densité assez consi= dérables. L'auteur donne encore une analyse du pros blème de la variation de la densité dans un cylindre où la température varie avec la hauteur d’après une loi linéaire. 2 3. SCIENCES NATURELLES. — M. J. L. C. Schræder van der Kolk: Durelé et propriété du clivage des minéraux en rapport l'une avec l'autre. En 4852; Kenngott a essayé de mettre en rapport l'une avec l'autre la dureté des minéraux et leurs poids spécifique et atomique. En commencant par le corindon et l'hématite, il trouva qu'en général le minerai au poids. spécifique rélatif considérable possédait la plus grande dureté. Dans ces tentatives, Kenngott s'est limité à des. substances alliées, comme le corindon, l’hématite, la calcile, la dolomite. Au contraire, l’auteur a cherché comparer à cet égard les minéraux les plus variés; dans l'espoir que les déviations aussi probables de Ja loi de Kenngott pourraient servir à nous mettre sur la, piste de quelques phénomènes nouveaux. Comme mesure du «poids spécifique relatif », il considère l'expression « poids spécifique divisé par poids ato= mique ». Il n'obtient une concordance assez satisfai= sante qu'en multipliant le quotient de cette division pan le nombre des atomes de la molécule. Ces expériences ont trait à 300 minéraux; il a seulement exclu les. zéolites et d'autres substances où le rôle joué par l'eau est encore inexpliqué. En dressant un diagramme où l'abscisse et l’ordonnée sont proportionnelles au poids spécifique relatif modifié et à la dureté, l’auteur a découvert des irrégularités qui ne s'expliquent qu l'aide de la propriété du clivage. En effet, ce diagram présente des lignes en zigzag et toujours les minéraux très clivables se trouvent aux points les plus bas ; seule= ment toute régularité disparait là ou les maxima ses trouvent au-dessous de la dureté 5 de l'échelle de Mohr. D'après l’auteur, ce résultat s'explique par la remarque que les duretés 1, 2, 3, 4 de l'échelle de, Mobr n'ont pas un caractère assez prononcé et sonb plutôt en rapport direct avec le développement de La propriété du clivage, ete. — M. C. Winkler présente a nom de M. H. D. Beyerman : L'influence de l'excitation laradique de la « capsula interna » sur la respiration — Ensuite M. Winkler présente encore deux mémoires. de M. L. J. J. Muskens : 1° « La physiologie et Ja pathologie des mouvements et des positions forcés en rapport avec une déviation conjuguée de la tête el des yeux »; 2 « Quelques expériences sur des dévia= tions du sens de l'odorat sous des pressions extraordi= uaires intercraniennes ». Sont nommés rapporteurs MM. T. Place et C. Winkler. Ÿ: P. H. SCuOUTE. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. dE 12: ANNÉE DIRECTEUR : N° 10 LOUIS OLIVIER, Docteur ès 30 MAI 1901 ù Revue générale M HClences pures el appliquées sciences, publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, Auresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et Ja traduction des œuvres et des travaux la Norvège et la Hollande. À CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à lAcadémie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 21 mai, l'Académie a pro- cédé à l'élection d’un membre dans sa Section de Méde- cine et de Chirurgie, en remplacement de feu le Profes-- seur Potain. La Section présentait comme candidats : En première ligne, MM. À. Charrin et Jaccoud; En seconde ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem, Lancereaux, A. Laveran et Ch. Richet. Au premier tour de scrutin, le nombre des votants . élant 65 : M. Laveran a obtenu. M. Richet — ” M. Cbarrin — : M. Lancereaux — HN M. Hayem — f M. Jaccoud — @ M. Cornil — > re 1 ho 1 € =] Pa LA MÈRES i M. Fournier AO RR d 7 AT —. Au second tour, le nombre des votants élant 66 : ù M. Laveran a chtenu. MMA vONRS y M. Richet RES OR ANT + — # M. Charrin — 43 4 M. Jaccoud — 4 Mi Langereaux. — : - . :.. .. CE M. Hayem _— 1 Ce second tour ayant encore abouti à un ballottage, “l'Académie a procédé à un dernier vote. Le nombre “des votants étant toujours 66, FJ M. Laveran a obtenu . . . . . . 40 voix M. Richet TN RTE 2 — … En conséquence, M. Laveran à élé déclaré élu. a La pathologie doit au nouvel académicien, d’habiles observations, notamment la découverte de l'hémato- zoaire de l’impaludisme, micro-organisme qu'il était …_extrèmement difficile se dépister et dont M. Laveran a “eu le mérile d'établir la présence constante dans le “sang des paludiques. Tous nos lecteurs savent à quels précieux résultats ont abouti en ces derniers temps les - recherches expérimentales entreprises à la suite de L celle importante constatation. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. $ 2. — Nécrologie Maxime Cornu. — Maxime Cornu, enlevé préma- turément à la Science, avait de bonne heure manifesté des aptitudes remarquables pour les sciences naturelles. Né à Orléans, en 1843, il entra à l'Ecole Normale en 1865, après de brillantes études. Reçu docteur en 1872, pendant qu'il occupait les fonctions de répétiteur de Botanique à la Faculté des Sciences (1869-1874), il fut nommé ensuite aide-naturaliste au Muséum, en 1874,et conserva ces fonctions jusqu'en 1884. C'est perdant cette période qu'il suppléa Brongniart, dans la chaire d'Organographie et de Physiclogie végétales ; à la mort du titulaire, il fut chargé du cours pendant trois ans. En 184, il fut nommé à la chaire de Culture du Muséum. Les nombreux travaux de Maxime Cornu peuvent être divisés en deux séries, correspondant aux deux périodes de sa vie scientifique. Dans la première série, jusqu'en 1884, date de sa nomination au Muséum, nous trouvons surtout des tra- vaux de Cryptogamie. Cornu acquit rapidement, dans ce domaine encore peu exploré en France, une grande autorité; sa thèse sur la monographie des Saprolégniées fut un coup de maitre, et bien des botanistes d'âge mûr envieraient ce travail d'un débutant, récompensé par un prix à l'Institut. Rarement on a vu une plus riche moisson de faits nouveaux, associée à une aussi grande habileté d'observation. Il est fâcheux que le complé- ment de ces belles recherches n'ait pas été publié, bien que les planches qui devaient illustrer le texte fussent prètes. Après la publication d'une série de Notes : sur les Chytridinées, dont il indiqua les affinités avec les Myxo- mycètes ; sur les Rouilles du Pin, de l’Avoine, des Mal- vacées, dont il vérilia le cycle évolutif, il fit paraître des études très intéressantes sur les Péronosporées. Il débuta par l'histoire du Meunier des Laitues ou Bremia Lactucæ, et formula les procédés destinés à enrayer, dans les cultures maraïchères, cette redoutable affec- tion. Vint ensuite l'histoire du Peronospor a de la Vigne ou Mildiou, dont il signala le premier le grand danger pour nos vignobles : bien qu'il n'ait pas indiqué de remède eflicace, beaucoup de mécomptes eussent été évités si l'on avait écouté son cri d'alarme. 10 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Sa nomination à la Commission du Phylloxera, comme délégué de l'Iustitut, lui fit entreprendre des recherches anatomiques et entomologiques dont les résullats, épars dans un grand nombre de Notes, ont été rassemblés en un Mémoire important. S'il n'a pas élucidé toutes les phases de l'histoire du Phylloxera, il a laissé des documents précieux sur les lésions des radicelles, sur le rôle des formes ailées dans l'extension de la maladie. Ces diverses études ne l'avaient pas empêché de se livrer à des travaux de Botanique systématique, et il a pris une part importante au classement de certaines collections du Muséum : Algues, Champignons, etc. Lorsqu'il fut nommé, en 1884, professeur de Culture au Muséum, Cornu trouva, dans ce nouveau service, l’oc- casion de manifester toutes les ressources de son activité. Il eut d’abord à remettre en état, avec des crédits notoirement insuffisants, les jardins et les serres qu'un assez long interrègne avait laissés presque à l’aban- don. Il fit résolument face aux difficultés de la tâche. La restauration des parterres avec des corbeilles à garni- tures variables pour chaque saison; la constitution des collections de plantes d'ornement : Rosiers, Chrysan- thèmes, Dahlias, furent, pour le public, les premiers signes visibles de sa gestion. L'établissement de relations permanentes avec les résidents, les colons et les mis- sionnaires, fit affluer au Muséum des plants ou graines d'espèces nouvelles; il en surveilla le développement avec un soin jaloux, détermina, par l'étude approfondie de la graine, certaines espèces inconnues ou douteuses, et fit connaitre les espèces ou les variétés susceptibles d’être répandues soit à titre ornemental, soit à titre ali- mentaire ou industriel. Ces multiples occupations n’empêchaient point Cornu de chercher à étendre le cercle d'action du Muséum. Sans méconnaitre le rôle de ce grand établissement comme iostrument d’études et de collections, il eut le mérite de faire aux plantes utiles des colonies une place jusqu'alors trop exiguë, et il créa, le premier, un cours de Cultures coloniales. Ses efforts ne furent pas vains : depuis quelques années, un certain nombre de colonies, notamment celles de la Côte d'Afrique, ont reçu, par ses soins, des plantes importantes à divers titres, qui sont maintenant en pleine production. En outre, il étendit et perfectionna le système d’é- changes eutre le Muséum et les jardins indigènes ou étrangers. Au catalogue annuel des graines, il ajouta, dès 1886, une liste de plantes vivantes nouvelles ou peu connues ; et, à partir de 1887, un nouveau catalogue fut destiné aux divers établissements d'instruction. Tous ceux qui dirigent un jardin botanique, même modeste, ont pu apprécier l'importance de ces inno- valions. On pourra juger, par cette courte et incomplète énumération, de l’œuvre accomplie par Maxime Cornu, et les regrets que sa fin prématurée laisse à ses amis seront partagés par tous ceux qui s'intéressent à la prospérilé du Muséum. L. Mangin, Professeur au Lycée Louis-le-Grand. H.-A. Rowland.— Le savant éminent que la jeune école des physiciens américains considérait comme son chef vient de mourir à l’âge de 53 ans, alors que l'on pouvait attendre encore beaucoup de son esprit ingénieux et fécond et de sa remarquable activité. Dans la courte période de sa vie scientifique, embras- sant moins de trente années, il a touché aux questions les plus diverses, apportant, dans tous ses travaux, une recherche rare de la perfection, un esprit fin et ingé- nieux, une hardiesse que n'arrêtaient pas les difficultés. Rowland ne se mit aux études physiques qu'après être sorti de l’école,où son éducation avait été celle de l'ingénieur, et il semble que tous ses travaux, jusqu'aux derniers accomplis, aient gardé le reflet de la première voie qu'il avait suivie. C'est, en effet, un travers com- mun à toutes les écoles, d'envisager, dans une recher- che de Physique, le résultat sans s'attacher suffisam- ‘des déviations observées a été remise en question par ment aux moyens, de construire, de pièces et de morceaux, un appareil de premier jet, que l’on moditié ensuite d'une facon continue, et dont on ne fait um plan d'ensemble que lorsqu'il s'agit d'en donner la description dans une publication définitive. Ge n'est point ainsi que procède l'ingénieur. Pour lui, le résul* tat théorique est secondaire; l'objet principal est la construction, machine, pont, hangar, voie navigable ow« carrossable. Il ne peut pas demander au public d'em= ployer des trésors d’ingéniosité pour utiliser une route mal faite, comme le physicien s'impose à chaque instant des efforts qu'un peu plus de première prépas ralion lui aurait souvent épargnés. Rowland avait importé dans la Physique des idées d'ingénieur, et c'est là peut-être surtout que git le secret de ses succès. La première publication de Rowland date de 1872; et se rapporte au magnétisme du fer; il la compléta ultérieurement par des recherches sur le magnétisme du cobalt et du nickel. Il était déjà tout à fait de la jeune Ecole, et parlait de la perméabilité magnétique de ces métaux, expression très neuve, et que, dans les analyses qui parurent de ses travaux, on ne manquait pas de mettre entre guillemets. Nommé professeur à l'université Johns Hopkins, il obtint bientôt un de ces congés prolongés que la libérale organisation des uni- versités américaines rend possibles, et qu'il vint passer dans le laboratoire de Helmhol{z, récemment nommé à Berlin. L'illustre physicien était alors tourmenté par la vérification des idées de Weber sur le courant électri- que, envisagé comme un transport réel de particules, ou comme une convection, ainsi qu'on désigne aujour- d'hui ce phénomène. Les conséquences vérifiées des idées de Weber ne lui semblaient, en effet, pas suffi=M santes pour prouver l'exactitude du point de départ, car la même forme mathématique aurait pu être inter= prétée de bien des facons diverses. Mais il pensait que celte idée pourrait être mise à l'épreuve par la mesure de l’action électro-magnétique d'une charge réelle animée mécaniquement dun mouvement rapide. M. Schiller avait fait déjà, sous la direction de Helmholtz, une expérience dans ce sens ; mais le ré- sultat avait été négatif. Le jeune professeur de Balli=" more vint alors proposer un nouveau plan d'expé= riences, qui aboultirent, en 1876, au résultat classique connu sous le nom de phénomène de Rowland. Ce résullat eut une grande importance pour le développe= ment ultérieur de la théorie des ions. On admit définitivement qu'une charge électrique en mouvement est assimilable à un courant, et on partit de là pour expliquer, par le déplacement de charges entrainées par la matière, l’existence des rayons cathodiques, lew phénomène de Leeman, certains phénomènes de l’au- rore polaire, ceux que présentent les corps radioactifs, etc. Aujourd'hui, l'interprétation donnée par Rowland les recherches de M. Crémieu; déjà, on avait relevé quelques contradictions, par exemple dans l'expérience de Hertz, suivant laquelle les rayons cathodiques, dans un tube à vide plat, n'exercent aucune action électro= magnétique appréciable sur l'extérieur, alors qu'on peut, à l’aide d'une boussole, dessiner les lignes de force telles qu'on les déduirait du calcul. Il y à évidemment encore, dans les expériences de Rowland et dans celles de M. Crémieu, des conditions qui nous échappent; mais, les premiers résultats dus- sent-ils être abandonnés, que le développement de théories aujourd'hui encore fructueuses ne leur serait pas moins redevable d'un progrès {rès grand. Ses recherches sur les diélectriques eurent moins de retentissement, bien que parlant d'une idée théorique fort intéressante. Rowland pensait que les résidus diélectriques sont dus à l'orientation diverse des cristaux, et il en concluait qu'un cristal unique devait être absolument dépourvu de résidus. Il pensa en trouver la preuve dans le fait que les résidus sont considérables dans le verre, beaucoup moins dans le quartz, et inappréciables dans le spath d'Islande. Il "1 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 455 mettait ainsi que le verre est un corps formé d'une “infinité de petits cristaux, le quartz un cristal souvent _ maclé; enfin il admit qu'il avait opéré sur un cristal “unique de spath. Aujourd'hui, les idées se sont un peu “modifiées; on possède une théorie satisfaisante des éforinations résiduelles, et le résidu diélectrique se rattache si simplement à des modifications chimiques, ï une électrolyse véritable, qu'il est à peine besoin d'y ; Bb des impuretés, de l'eau et de la doute notam- mnient, et l'électrolyse n'y est pas invraisemblable. A ependant, il pourrait être intéressant de reprendre les expériences de Rowland avec du quartz fondu. Dans son idée, les résidus devraient être beaucoup plus importants, tandis que, dans celles qui prévalent “aujourd'hui, ils devraient avoir à peu près disparu. … Depuis une vingtaine d'années, les recherches de Rowland furent moins guidées par des idées théoriques “que par le désir d'arriver au maximum de la perfection dans la mesure considérée elle-mème comme un but, comme s’il avait vu de bonne heure que la théorie est Souvent décevante, et qu'il est du devoir de tout physi- _“cien doté de grands moyens, de fournir à la Science des données précises et qui resteront, pour un temps, indis- utables. Son premier travail de Métrologie fut une détermination de l'équivalent mécanique de la calorie par une méthode directe de consommation de travail à dans un calorimètre, recherche exécutée de main de “maitre, et qui est, aujourd'hui encore, le document le plus certain que nous ayons sur cette constante fonda- mentale, obtenue sans l'intermédiaire de l'énergie élec- rique. Pour la première fois, Rowland annonca que la chaleur spécifique de l’eau diminue, lorsque la tempéra- ture augmente, jusque vers 30°, passe par un minimum, “et remonte ensuite, donnée précieuse pour la calori- ….métrie et la thermochimie, ainsi que pour la théorie “des nombreuses anomalies auxquelles l’eau est sou- Le propre d'une détermination bien faite est sou- “vent d'admettre ultérieurement des corrections cer- taines. Il en fut ainsi du travail de Rowland, dont on put, récemment, améliorer un peu le résultat à la suite . des progrès réalisés en T hermométrie, en rectifiant ses “mesures de températures par une comparaison de ses tbermomètres avec des étalons issus du Bureau inter- “national des Poids et Mesures. Il est très remarquable que le résultat obtenu directement par Rowland pré- sente un accord presque parfait avec celui des mesures exécutées par les procédés électriques. Cette concor- dance constitue une vérification précieuse pour l'en- Semble de ces dernières, dont la précision a plus que décuplé depuis une vingtaine d'années. La plus fondamentale des mesures électriques est celle de l'ohm ;Rowland y consacra aussi un important travail, avec M. Kimball, etle résultat qu'ils donnèrent passe pour l'un des meilleurs de ceux, très nombreux, qui se sont accumulés en vue de la Conférence des Elec- {riciens, de 1884. Dans la décade qui suivit, Rowland s'’adonna aux tra- vaux d'Optique, et, reprenant la question par l'origine, commenca par perfectionner extraordinairement l'ou- tillage des _Spectroscopistes, en confectionnant les mer- veilleux réseaux de très grande étendue, et d’une per- | feclion inconnue jusque Tà, au moyen desquels toutes es bonnes mesures en Optique —- à l'exception de ceiles mettant en jeu les procédés interférentiels directs — ont été exécutées dans ces dernières années. Par l’étude approfondie du métal des réseaux, par la construction d'une vis très parfaite, d'un tracelet à longue marche rectiligne, par la réalisation d’un ensemble de précau- tions nécessaires à observer, Rowland arriva à couvrir des surfaces supérieures à un décimètre carré de lignes parallèles, à raison de cinq cents ou plus au millimètre, —Lracées sur des surfaces planes vu concaves, et donnant “des spectres d'une pureté et d'un éclat incomparables. … Tout naturellement, il fut le premier à se servir d’un outillage aussi parfait, et détermina un très grand nombre de raies soit dans le spectre de l'arc, soit dans le spectre solaire, constituant ainsi uu document de référence de premier ordre, auquel on rapporte aujour- d'hui les longueurs d'onde inconnues. Avec les travaux classiques d’Angstrüm et de M. Thalèn, le spectre de Rowland constitue le document métrologique le plus complet que l’on possède sur la distribution des raies identifiées. Il convient de dire, cependant, que, en ce quiconcerne les longueurs d'onde absolues, les nombres peuvent être déjà un peu améliorés en tenant compte des recherches exécutées au Bureau international par M. Michelson. La méthode plus directe employée dans ces mesures ne fait intervenir aucune difficulté théo- rique, et permet d'arriver par des procédés interfé- rentiels jusqu’au mètre, tandis que la méthode des réseaux oblige à faire une détermination sur une lou- gueur moindre pour connaitre la constante de l’instru- ment, et laisse un peu plus d'incertitude sur le résultat. En fait, la divergence entre les nombres de Rowland et ceux de M. Michelson est un peu plus grande qu'on aurait pu s'y attendre, étant donné la grande habi- leté du physicien de Baltimore; elle nous confirme dans l’idée que l'exécution d'une mesure de longueur est, en réalité, hérissée de plus de difficultés qu'on ne le croit communément. De plus, le rapport des longueurs d'onde mesurées du rouge au violet varie un peu, ce qui pourrait faire croire à une imperfection encore ignorée dans la théorie des réseaux. C'est là un point délicat, et auquel il conviendrait de consacrer une étude approfondie. Cette vie si bien remplie, la perfection des travaux dans tous les domaines avaient donné à Rowland une situation importante aux Etats-Unis et dans le monde entier. Ayant appliqué une critique serrée à ses propres travaux, il avait pour ses résultats une estime très naturelle et très légitime, et les défendait, avec une cer- taine véhémence, du procédé des moyennes, ce qui l'a fait accuser de manquer de modestie. Lui, au contraire, après avoir considéré comme un premier devoir l'exé- cution irréprochable d'un travail, pensait que le second était d'en assurer le bénéfice à la science, en le gar- dant du mélange; il y fallait sans doute plus de courage que de présomption, car Rowland ne pouvait ignorer que, si la seconde impression devait être l’admi- ration, le premier sentiment serait de sourire. $S 4. — Chimie Théorie de la dureté des métaux et des alliages. — M. C. Benedicks vient de donner ‘ une explication très simple et très élégante de la cause qui détermine le degré plus ou moins grand de la dureté des métaux et des alliages. Si son hypothèse est fondée, elle aura une importance qui n'échappera à personne, puisqu'elle permettra de faire prévoir quels sont les alliages qui doivent offrir le maximum de dureté. Le point de départ de cette théorie est l'application aux métaux de la loi des gaz d'Avogadro. — La pres- sion des gaz croit DARpOEHOn Te ELA au nombre des molécules, pour des volumes égaux et à la même tem- pérature. — Cette loi, appliquée tout d'abord à un métal pur privé de Lout alliage signifie : « La pression ITexercée dans un métal par ses ANR croît proportionnel- lement au nombre de ces molécules, pour des volumes égaux et à la même température, ou encore » : : poids spécifique co poids atomique‘ Quel est l'effet de cette pression sur les propriétés du métal? M. Benedicks répond : Gelte pression a pour effet de donner au métal une dureté d'autant plus grande que cette pression est plus élevée. En d’autres termes : /es 1 Béxeorcgs : Zeitsch. {. Phys. Chem., 2 avril 19)1. 456 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE valeurs des coefficients de la dureté et de la pression internes sont égales, à une constante près. On peut donc, dans l'égalité qui précède, remplacer I par A, coef- ficient de dureté, et écrire : A — const. X ROIS PERRUÉE SpÉSIEUE, poids atomique Effectivement, cette égalité se vérifie avec une très grande approximation, comme le prouve le tableau suivant dressé par M. Benedicks. Dans ce tableau, les cocf- fivients de dureté ont été empruntés à Bottone (1893)° poids spécifique poids atomique le nom de concentrations atomiques. el les rapports ont été désignés sous — Coefficients de dureté et concentrations atomiques. TABLEAU Î. |CONCENTRA- NTS TIONS | de dureté | atomiques (observés) |(calculées } POIDS POIDS spécifiques | atomiques 0,1456 0,190 0,110 0,1408 0.137 0,1375 0,1360 0,136 106,6 0,1200 ,1107 197 ,# 0.1107 ,1090 65,2 0.1077 .1077 14,0 0.098 ,0983 197,0 0,0979 .0980 108,0 0 .0990 .0963 21,4 0 ,0821 .DS21 112.0 0,0760 .DS68 24,0 0.0726 .0726 118,0 0.0651 .0619 204,2 0.0563 .0574 207,0 0,0570 .0550 25) .0400 .U40L 40,0 .0405 039% .0230 .0221 AA 12,0 .3010 0,1457 0,146 D — DIE — 0 1 © 0 on Dr -] => © IN 1lE 0 CI Ainsi, pour les corps simpies : La dureté est propor- tionnelle à la concentration atomique. Cette théorie, appliquée non plus aux corps simples, mais aux alliages, est encore plus intéressante au point de vue pratique. M. Benedicks, s'appuyantsur les travaux de MM. Le Chatelier, Osmond, Sorby, ete., considère les alliages comme des solutions solides constituées, suivant les cas, par des combinaisons métalliques dissoutes dans un excès de métal, ou par un des mélaux dissous dans un excès de l’autre. Ici, a dureté de alliage est proportionnelle à la pression osmotique de lélément dissous. Considérons, par exemple, le fer électrolytique; il contient, comme on sait, un peu d'hydrogène dissous, 0,028 0/, d'après une analyse de Cailletet. Gette quan- tité d'hydrogène, malgré sa petitesse, donne cependant au fer une dureté très grande; c'est qu'rn effet, les 0 gr. 028 d'hydrogène contenus dans 100 gr. de fer représentent un nombre d’atomes d'hydrogène préci- sément égal au nombre d’atomes que représentent 0 gr. 34 de carbone, et on sait qu'un acier à 0,34°/0 de carbone est un acier très dur. A la vérité l'acier, contient le carbone sous des états tellement différents (G, FC, ele.) qu'il est généralement très difficile d'éva- luer sa dureté d’après sa teneur en carbone. Autre exemple : l'expérience montre qu'à teneurs ésales le chrome rend le l'er plus dur que ne le fait le wo]llram, ce qui est tout à fait conforme à la théorie de 2 Borroxe. Chem. News, xxvn, 215, 1873. M. Benedicks puisque la pression osmolique exercée par le chrome est plus de trois fois plus graude que cellem exercée par le wolfram, les poids atomiques de ces élé= ments étant respectivement 52,1 et 184. De même, l'aluminium (poids atomique, 27,1) rend le cuivre plus dur que ne le rend l'étain (poids atomi- que, 118,5). Ainsi, la dureté des alliages, qui dépend de la pression, osmotique, est d'autant plus grande que la concen= tration moléculaire est plus grande, mais à condition que toutes les molécules Soient véritablement dissoutes dans le métal. Le wolfram et le chrome, qui ont des poids atomiques très supérieurs au carbone, donnent cependant des alliages plus durs que les aciers parce qu'ils sont plus solubles dans le fer que le carbone. Parmi les alliages cuivre-étain, les plus durs sont ceux qui contiennent 9°/, et 35°/, d'étain; ce sont précisé- ment ces alliages qui, d’après les photographies micro= graphiques de Guillemin et d'Osinond, présentent seuls des aspects homogènes. On voit par ces exemples que la pression osmotique ne peut exister que s'il y a dis" solution parfaite, et alors seulement la dureté sera pro= portionnelle à la concentration moléculaire du corps qu'on à introduit dans l'alliage. A. Hollard, Chef du Laboratoire central : de la Compagnie francaise des Métaux = $ 3 — Sciences médicales Les Helminthes comme agents inoeula- teurs des Bactéries’.— On sail maintenant qu'un certain nombre de maladies sont inoculées par des parasites assez inoffensifs en eux-mêmes : la malaria, la filaire du sang, peut-être la fièvre jaune, par les Moustiques; le trypanosome de la Nagana pir la Mouche Tsé-tsé, ete. ; il se pourrait que les parasites intestinaux du groupe des Nématodes, considérés jus— qu'ici comme n'ayant aucune imporlance pathogène, jouent un rôle du même ordre. A l'état normal, l'épi- thélium intestinal oppose une barrière infranchissable à la flore bactérienne hébergée dans l'intestin; mais si cet épithélium vient à être éraillé, déchiré par un Helminthe fixé à la paroi, comme un Ascaris, un Tri chocéphale, la plaie peut s'infecter, et les bactéries inoculées par le parasite produiront, suivant les cas, une entérile, une appendicile, un simple abcës, voire une péritonite ; dans nos pays, comme le bacille typhique est l'un des plus abondants, il en résulte que les para- sites intestinaux ouvrent surtout la porte à la fièvre typhoïde; mais, dans d'autres pays, ils produisent l'ino- culation de la dysenterie ou du choléra. . — Géographie et Colonisation Croisière en Finlande : Livres à lire. — La bibliographie des ouvrages relatifs à la Finlande est sinvulièrement réduite lorsque l'on en exclut les livres écrits soit en finnois, soit en suédois. Nous ne croyons devoir mentionner aucun de ceux-ci, la connaissance des langues finnoise et suédoise étant fort rare en France. Nous indiquerons done seulement ici quelques livres et brochures écrits en français et aussi quelques volumes en allemand ou en anglais. Pour ces derniers, nous donnons entre parenthèses, selon notre habitude, la cote sous laquelle ils sont classés à la Bibliothèque Nationale de Paris. [. — GÉNÉRALITÉS. — GÉOGRAPHIE. — GÉOLOGIE. VOYAGES. — GUIDES. Eusée Reccus : Nouvelle Géographie universelle, & Me L'Europe scandinave et russe. Paris, Hachette, 1880, gr. in. 8° p. 317-356. 1 Guranr : Rôle pathogène de l'Ascaride lombricoïde, Arch. de Parasitologie, I, 1900, p. 70. — Le _Trichocéphale et Beauvors : Finlande. (Article de 26 colonnes, suivi de nombreuses indications bibliographiques d'ou- vrages en suédois et en finnois relatifs à la Fin- , lande, dans la Grande Encyclopédie, t. XVI, A Paris, Lamirault, 1895.) “Notices sur la Finlande, publiées à l’occasion de 4 l'Exposition universelle de Paris en 1900, Helsing- cu fors, 1900, in 8°. a Kinlande au dix - neuvième siècle. Imprimerie F. Tilgmann, Helsingfors, 1900, in-4°. ennia (Bulletin de la Société de Géographie de Fin- lande). — On y trouvera de nombreux travaux sur la géographie, la géologie, l'hydrographie, etc., de la Finlande, souvent accompagnés, lors- qu'ils sont en langue suédoise, d’un résumé en allemand ou en francais (8° M. 8309). omimnission géologique de la Finlande. — Catalogue d'une collection de cartes géologiques, roches, etc. exposée à l'Exposition universelle inter- nationale de 1900 dans le pavillon finlandais, suivi d’un apercu de la géologie de la Finlande, etc. Helsingfors, 1900, broch.in-8°. Atlas de Finlande, avec texte, publié par la Société de Géographie .de Finlande, Helsingfors, 1869. — Atlas in. fol. et texte in-8° (en francais). D: fexarius : Le Grand-duché de Finlande. Notes, Sta- tistiques. Traduit du suédois par G. Bruper. Hel- singfors, 1876, in-8°. Xavier MarmiEer : Lettres Sur la Russie, la Finlande et la Pologne. Paris, Delloye, 1844, 2 vol. in-12. Garrzix : La Finlande. Notes recueillies en 1848, pendant Tornea. Paris. Bertrand, 1852, 2 vol. in-8°. . ou CuaizLu: Le, pays du Soleil de minuit. Voyage dété en Suède, en Norvège, en Laponie et dans la Finlande septentrionale. Paris, 1882 (et 1884), gr. in-8°. . Léouzox Le Duc: Souvenirs et impressions de voyage dans les pays du nord de l'Europe : Suède, Fin- ] lande, Danemark, Russie. Paris, 1886, in-8°. LÉéox De Rosny : Le pays des dix mille lacs. Quelques Jours de voyage en Finlande. Paris, 1886, in-8°. Cu. Rasor : Au Cap Nord. Itinéraires en Norvège, Suède, Finlande. Paris, Hachette, 1898, in-16. Henri Jocy : À travers l'Europe. Enquétes et Notes de : voyage. En Finlande, ete. Paris, Lecoffre, 1898, in 18. Æ. Wesrermancx : La Finlande (Revue internationale de Sociologie). Paris, 1897, in-8°. Léouzox Le Duc: Les iles d'Aland. Paris, Hachette, 1854, L in-12. AW. Rae Wicsox : Travels in Russia, Poland and Fin- à land. Londres, 1828, 2 vol. in-8°. A. Twgenie : Trough Finland in carts. Londres, Black, 1897, in-8°. (80. M. 10188). Jopecius : Aus Finland. Gotha, 1888. 4x. Rerzius : Finland. Schilderungen aus seiner Natur, seiner alten Kultur und seinen heutigen Volks- . leben. Uebersetzung von C. Appel. Berlin, 1885, F in-8°. (8° M. 4290). Ænank Vincenr : Norsk Lapp and Finn, or Travel Tra- einqs from the far north of Europe. With route map. Londres, 1881, in-80. (80. G. 1192). “Handbook {or travellers in Russia, Poland and Finland (Guide Murray). Londres, 1893, in-16. (8°. M. 8234). Becker : Atussie. Leipzig, 1897, in-16. Mrs. JT. — FAUNE ET FLORE. Societas pro fauna et flora fennica. Meddelanden (Comptes rendus publiés depuis 1876). Helsing- fors, in-89. (80, S. 5895). Le -Reurer er MELa : inlands Fiskar.… The Fishes of Fin- les associations parasitaires, C. R. 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Darmstadt, 1895, gr. in-8°. (4°. V. 1866} L'Enseignement secondaire et primaire en Finlande: Imprimerie Centrale, Helsingfors, 1900, in-8°. VII — — INDUSTRIE. — COMMERCE. NAVIGATION. AGRICULTURE. D: Güsra GrorexreLT: L'Agriculture en Finlande vers l@ fin du dix-neuvième siècle. Helsingfors, 1900 in-8°. La péche en Finlande. Imprimerie Centrale, Helsing fors, 1900, in-8°. A. Biscuwarow : La question de la prospérité finlans daise et ses causes (Revue politique et parle mentaire). Paris, 1897, in-8°. à N. ne Mœrogr : Tarif pour les marchandises 1mpor= tées de Finlande. Saint-Pétersbours, 1898, in-82 (8. M. 10626). EC Aperçu général du développement de l'activité 1nduss trielle en Finlande. Helsingfors, 1900, in-8°. Aperçu du développement de l'institution du pilotage et des phares de Finlande avec Catalogue desk objets exposés à l'Exposition Universelle de Paris 1900. (Administration générale du pilos tage et des phares de Finlande). Helsingfors;s 1900, broch. in-8°. s Pilotage et phares de Finlande. — Rapport sur les tra vaux opérés par les vapeurs-brise-glace de l'Etat pendant les hivers de 1890-1899. Helsingfors, 1900, broch. in-4°. À Erxest FR. ANDERSEN : l'ableaux statistiques de l'Admie nistration générale du Pilotage et des Phares, CH Finlande. Melsingfors, 1900, in-4°. D' P. NOLF — LA PRESSION O0 SMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 459 LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE PREMIÈRE PARTIE : L'étude de la tension osmotique date dela décou- verte des cloisons semi-perméables. Ce fut Traube “qui, guidé par des raisons de nature toute physio- logique, découvrit ces dernières et détermina le pre- - mier leurs propri ‘tés. Il est superflu de refaire ici l'histoire de celle mémorable découverte, ni d'analyser dans leurs détails les conséquences si importantes qui en résultèrent pour la physique et la chimie des solu- tions. La Revue générale des Sciences a consacré à “ce sujet plusieurs articles‘, dont un du fondateur lui- …_ même de la théorie nouvelle des solutions, Van l …Hoff=. Il est cependant indispensable. pour la bonne “intelligence des faits d'osmose, d'étudier d'un peu près les notions qui sont acquises en Chimie “ sur les propriétés des membranes semi-perméables à + chimiques, avant de passer à l'élude des phéno- mènes vilaux. Car un grand nombre d'interpré- tations fausses énoncées en Biologie proviennent d'une connaissance incomplète des conditions du phénomène chimique lui-même. : I. — NATURE DES PHÉNOMÈNES OSMOTIQUES Traube établit d’abord que les parois semi-per- méables, dont il obtint la première en mettant en contact les solutions de deux colloïdes qui se pré- cipitent, le tannin et la gélatine, sont imperméables aux membranogènes, c’est-à-dire aux substances dont la combinaison produit la membrane; à con- dition toutefois que les deux faces de la membrane restent baignées d'une solulion des membrano- gènes. Mais cette imperméabililé n'est pas limitée aux membranogènes seuls. Ainsi, d'après Traube, la membrane de lannate de gélatine serait aussi im- perméable au ferro-cyanure de potassium, tandis que celle de ferro-cyanure de cuivre ne se laisse- rait traverser ni par les sulfales alcalins, ni par le chlorure et le nitrate de baryum, qui passent tous très facilement au travers du tannate de gélatine. Autant de membranes, aulant de conditions de perméabilité différentes : constatalions des plus importantes, comme on le verra plus loin. D'après Traube, ce qui déciderait du passage ou 4 Eranp : La constitution des solutions étendues, 1899. Massanr : La pression osmotique et la physiologie de la cellule, t. 11, p. 69, 1891. HaweurGer : Sur une propriété nouvelle des hémalies, 1893. 2 Vax v Horr : La pression oSmotique au point de vue physiologique, physique et chimique, t. IV, p. 185, 1895. SANG ET LYMPHE du non-passage d’une substance quelconque au tra- vers d'une paroi donnée, ce serait la grosseur de ses molécules. Chaque cloison était supposée percée d'une multitude de pores, qui étaient évidemment plus petits que le diamètre de la molécul: des membranogènes, mais toujours plus larges que la molécule d'eau. Une molécule quelconque n’'arri- vait à traverser les pores qu'à condition d'être plus petite qu'eux. Cette explication toute mécanique du phéno- mène a dû êlre rejetée à la suite des constatations de Tammann, portant sur la perméabilité de diverses cloisons vis-à-vis d'un grand nombre de substances organiques. Ce qui décide de la pénétration, c'est, d'après Tammann, une affinité spéciale de la subs- lance en dissolution pour le colloïde hydraté qui constitue la membrane : affinité de même nature que celle qui décide de la solubilité ou de la non- solubilité d'une substance dans un dissolvant. D'après Tammann, le phénomène est absolument de même ordre que celui observé par Lhermitte. Ce savant, ayant superposé dans un cylindre de l'éther, de l’eau et du chloroforme, avait vu l’éther descendre à travers l’eau vers le chloroforme, ce qu'il expliquait par la plus grande solubilité de l'éther que du chloroforme dans l’eau. Nernst a décrit une variante de cetle expérience plus démonstrative encore. L'eau dissout l'éther et non le benzol. Si done on sépare du benzol et de l'éther par une couche d'eau, il devra se produire une absorption de l'éther par le benzol. Pour rendre l'expérience possible, il faut donner à l'eau un substralum solide; un morceau de vessie sert à cet” effet. On remplit d'une solution de benzol dans de l'éther saturé d'eau un osmomètre (enlonnoir à tube long et mince, sur l'orifice large duquel est hé un morceau de vessie bien imbibé d’eau) et l’on plonge l'instrument dans de l’éther saturé d'eau. Il se pro- duit très rapidement une ascension du liquide dans le tube de l’osmomètre, indiquant que l’éther exté- rieur pénètre dans l'appareil. Comme on le sait, la première mesure de la force avec laquelle se fait la pénétration d'un dissolvant dans un osmomètre contenant une solulion d'une substance dans ce dissolvant, a été faile par Pfeffer. Ce botaniste imagina de donner comme Soutien à la membrane de ferro-cyanure de cuivre la paroi poreuse d'un vase de faïence dégourdie. Au moyen d'un pareil osmomètre, qui est imperméable au saccharose, Pfeffer détermina la force osmolique de 460 D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE diverses solutions sucrées. Les résultats sont trop connus pour être exposés ici. Comme on le sait, ils forment, avec les détermina- lions opérées par de Vries sur des cellules végé- tales, la base expérimentale sur laquelle Van © Hoff édifia la théorie cinétique de la pression osmotique. La mesure directe de la pression osmotique d’une solution donnée est une opération très malaisée. Aussi n'est-elle jamais effectuée dans les travaux courants lant des physiciens que des biologistes. On recourt habituellement à des procédés indirects, dont deux sont basés sur les travaux de Raoult sur le point de congélation et la tension de vapeur des solutions. Ces valeurs sont dans un rapport simple avec la pression osmotique des solutions et un calcul facile les dérive les unes des autres. On peut énoncer ces rapports, en disant que des solutions équimoléculaires de diverses substances dans un même dissolvant ont même tension osmo- tique, même tension de vapeur et même point de congélation. Ceci étant connu, il est utile d'analyser de plus près l'équilibre existant entre deux solutions non pénétrantes séparées par une cloison semi-perméa- ble. Pour prendre un exemple concret, soient deux solutions dans l’eau : l’une de sucre, l’autre de sul- fate de magnésie, séparées par la paroi de ferro- cyanure de cuivre. Si les solulions ne sont pas iso- toniques, il ÿ aura immédiatement passage d’eau de la moins concentrée vers l’autre et ce mouve- ment ne pourra s'arrèler que lorsque les deux liquides auront même pression osmotique, autre- ment dit quand l’eau, des deux côtés de la mem- brane, présentera une même tension de vapeur. Et comme Tammann le fait remarquer, il est également nécessaire, pour qu'il y aitéquilibre, que la tension de vapeur d'eau soit, dans l'épaisseur de la membrane, égale à celle des solutions. Une mem- brane de ferro-cyanure de cuivre, séparant deux solutions isotoniques non-pénétrantes, est donc elle-même en équilibre osmotique avec cessolutions, ce qui ne peut s'effectuer, puisqu'elle est imperméa- ble aux molécules salines, que par la perte d'une partie de son eau d'imbibilion. Au point de vue biologique, cette analyse du phénomène a son im- portance, en ce qu'elle montre qu'une paroi semi- perméable (morte ou vivante) peut être en équili- bre osmolique avec un liquide très salin et pour- lant ne contenir ellemême aucune molécule de sel. Avant de quitter le terrain des faits de Chimie pure, il est intéressant de dire encore quelques mots des substances dissociées électrolytiquement. Ostwald, se plaçant au point de vue de l'ancienne théorie de Traube, d'après laquelle la pénétration ou la non-pénétration élaient fonction de la laille .potassique passe, que les ions Kf et CI soient des molécules, l'avait étendue aux produits dé law dissociation électrolytique des molécules, aux ions. Puisque, dans une solution diluée de chlorure potassique, la majeure partie de cette substance se trouve à l’état dissocié, ce qui condilionnera le pas- sage du chlorure potassique au travers d’une mem- brane semi-perméable, ce sera moins la taille de la molécule non dissociée que celle de ses ions. D'après Ostwald, il faut donc, pour que le chlorure pénélrants. Si l'un de ceux-ci, le K* par exemple, ne lraverse pas, il retiendra l'autre en raison de sa charge électrique de nom contraire, à moins que du même côté de la membrane n'existe un autre ion électro-positif pénétrant qui puisse accompa- gner l'ion Cl à travers la cloison ou qu'il y ait de l’autre côté de celle-ci un ion électro-négatif égale- ment pénétrant, qui ferait la traversée en sens inverse. Ces vues toutes théoriques d'Ostwald ne furent pas confirmées ni par Tammann, ni par Walden. Ces deux auteurs arrivent à la conclusion que, pour ce qui concerne les cloisons de tannale de géla- line et de différents ferro-cyanures, les ions ne semblent habituellement pas être les agents déter- minants de la pénétration ou de la non-pénétration des substances qu'ils constiluent. Conclusion d'au- ant plus remarquable qu'elle est en désaccord avec les résultats obtenus en Physiologie. II. — LE SANG AU POINT DB VUE OSMOTIQUE. La première application des données physiques sur la pression osmotique à l'étude de cellules d'origine animale date des travaux de Hamburger sur les globules rouges. Cet auteur a résumé lui- même, dans cette /evue, les résultats de ses recher-. ches à ce sujet’, ce qui permettra d'abréger l’ex- posé. Hamburger constata que les globules rouges nucléés ou non-nucléés de différents Vertébrés se comportent, dans diverses solulions salines, comme si leur paroi était imperméable aux sels de ces solutions. De sorte qu'ils gonflent dans des solutions salines diluées et se ratatinent au con- traire dans des solutions concentrées, le mou- vement d'expansion ou de rélrécissement ne s'arrêtant que lorsque l'équilibre osmotique est atteint entre le liquide extérieur et le suc intra- globulaire. Si la dilution du liquide extérieur est portée au delà d’une certaine limite, le gonflement des globules devient tel, à un moment donné, qu'ils éclatent et laissent échapper leur contenu coloré dans le milieu ambiant. Ce phénomène servit de | ! HaweurGer: Revue générale des Sciences, t. IV, p.33, 1893, M D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 161 2 Valeur de la pression osmolique des globules et des liquides qui les baignaient. En employant des “solutions de différents sels de mélaux alcalins ou alcalino-terreux, il constala d'abord que, pour les “Substances de même coefficient isolonique, /es Concentrations correspondant à la limite de la glo- “hulolyse sont équi-moléculaires. Les valeurs cal- culées des coefficients isotoniques concordaient “d'ailleurs pleinement avec celles de de Vries. D'autre part, il détermina la dilution qu'il faut “aire subir au sérum d'un animal pour que, dans ce “sérum dilué, les globules commencent à perdre “leur hémoglobine. À ce moment, ce sérum dilué possède évidemment la même pression osmotique “que les liquides salins, dans lesquels s'opère le _ même début de globulolyse, et dont il avait déter- “ininé la Leneur en sels. D'où la possibilité de cal- euler très simplement à quelle concentration saline “(2n chlorure sodique par exemple) correspond le b, ce qui signifie que la substance s'est localisée principalement dans le sérum;a—),quand le par- tage s’est fait uniformément entre globules et sérum ; à D, quand les globules ont fixé la plus grande partie de la substance. Ayant examiné, par ce procédé, la façon de se comporter d'un grand nombre de composés organiques et inorganiques, 1 Henix : Ueber die Permeabilität der Blutkôürperchen. Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVI, 1897, p. 229: Ib, : Versuche über das Vermügen der Salze einiger Stickstoffbasen in die B'utkürperchen einzudringen. Archiv 1ür die gesammte Physiologie, t. LXX, 1898, p. 525. # j +2 y, 23 RS D LS RE ee D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 463 “il arriva à toute une série de conclusions intéres- santes dont voici quelques-unes : Les différents su- cres, ainsi que les alcools hexa- et pentatomiques restent confinés exclusivement dans le plasma. Lérythrite y pénètre très lentement et en petite quantilé, la glycérine plus rapidement et plus abondamment. Le glycol pénètre immédiatement el en quantité telle que sa concentration est à peu près la même dans le sérum et les globules. L'al- cool éthylique se localise en très léger excès dans les globules, où son entrée est instantanée. L'éther “montre encore beaucoup plus d'affinité pour les - globules, qui en prennent la grande majorité. Il en est de même pour un grand nombre d'aldéhydes et de célones. Les amines et les amides ont une ten- dance au partage uniforme, tandis que les sels des acides aminés se localisent en grande parlie dans le sérum. | Les sels des mélaux alcalins fixes restent dis- . sous dans le sérum; une très pelile partie pénètre les globules. Quant aux sels d'ammonium : les chlo- rure, bromure, nitrale, sulfocyanate, oxalale, lac- tute, éthylsulfate, ferro-et ferricyanure se partagent uniformément entre les globules et le plasma, landis que le sulfate, le phosphate, le tartrate, le succinale reslent confinés en très grande partie dans le plasma. Or, fait très intéressant, les sels de triméthylamine et d'éthylamine présentent abso- lument les mêmes propriétés que les sels d'ammo- nium, c'est-à-dire que les sels des acides du groupe chlorure pénètrent, ceux du groupe sulfate ne pé- uètrent pas. Ce qui décide donc du passage des sels d'ammo- nium et des amines, c'est le radical acide, autre- ment dit l'ion électro-positif. Il semble réellement que l’on soit ici en présence d'une aclion élective de la paroi du globule rouge pour tel ion à l'exelu- sion de tel autre. Si les chlorures d’ammonium, d'éthylamine ou de triméthylamine pénétrent, et non les sulfates de ces bases, c'est que l'ion CI traverse la paroi globulaire, tandis que SO'— ne le fail pas. Si, d'autre part, les chlorures de potassium ou de sodium ne sont pas pénétrants, ce serail à cause de leur cathion Na+, K*, qui, à l'inverse de H'Az*, n'arriverait pas à traverser l'enveloppe globulaire. Koeppe' base sur des raisons de cet ordre l'ex- plication d'un phénomène de nature très intéres- sante, observé avant lui par Gürber. Mélange-t-on, à une solution isotonique de chlo- rure sodique, des globules rouges qui ont été lavés à différentes reprises au moyen d'une solu- tion isolonique de sucre, et saturés ensuite de 1 Kogepe : Der osmotische Druck als Ursache das Austau- sches zwischen rothen Blutkürperch-n und Salzlüsungen. Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXVITI, p. 189, 1897. CO”, on observe que la solution saline devient alca- line. Il n’en est rien si les globules sont artéria- lisés, ou s'ils sont placés dans du sulfate au lieu de chlorure de sodium. Et, d'après des analyses de Gürber, cette alcalinisation s'opère sans qu'il y ait sortie d'un atome métallique hors des globules. Comment expliquer ces fails? Au moment où l’on place les globules veineux dans la solution de chlo- rure sodique qui leur est isotonique, leur tension osmotique totale est due aux sels qu'ils con- tiennent; de ces sels, les principaux sont le chlo- rure et le carbonate de potassium. Dans le liquide périglobulaire, la tension est due à du chlorure sodique seul, de sorte que la tension partielle des ions CI est plus forte à l'extérieur qu'à l'inté- rieur. L'inverse existe pour l'ion CO’. L'un et l'autre sont pénétrants. Ce qui empêche le chlorure de sodium de pénétrer dans les conditions ordi- naires, c'est la charge électrique de Na*, qui ne traverse pas la paroi globulaire. Mais ici cet obs- tacle est levé, car, au fur et à mesure que des ions CI pénètrent dans les globules, ils sont remplacés dans le liquide extérieur par des ions CO”, char- gés d'électricité du mème nom. Le mouvement ne s'arrête qu'après égalisation des tensions partielles du carbonate et du chlorure. Si, dans le milieu extérieur, il existe au lieu de CI, des ions SO”, qui, comme Iledin nous l'a montré, ne traversent pas la paroi globulaire, l'échange est impossible. Et voilà pourquoi, d'après Koeppe, le sulfate ne devient pas alcalin, à l'encontre du chlorure. L'explication donnée est très ingénieuse et inlé- ressante au plus haut chef, en ce qu'elle nous montre comment, sous l'action d'un acide, un élé- ment organisé peut sécréler un liquide alcalin, sans que cependant intervienne la moindre aclion vitale. Il y aurait cependant lieu, étant donné la nouveauté de ces hypothèses, de multiplier les expériences et les épreuves, afin de pouvoir éli- miner de façon définilive les échanges de molé- cules ou des ions électro-positifs. Et cela d'autant plus que des recherches récentes tendent plutôt à faire admeltre une perméabilité légère des glo- bules rouges aux sels de mélaux alcalins fixes. Il est incontestable que toutes ces études, basées sur la notion de la pression osmotique, ont fait faire de grands progrès à nos connaissances sur la physiologie du sang. Mais les résultats acquis dans ce domaine spécial ont, à côlé de leur intérêt propre, une signification plus générale. Le sang est, de tous les Lissus (puisqu'on à pu l’appeler un tissu liquide), celui qui se prête le mieux aux études osmotiques. Les expériences s'instiluent plus facilement, et les condilions de ces expé- riences sont plus conslantes et plus simples que partout ailleurs. 164 D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE Rien d'étonnant donc au fait que la paroi de l’hémalie ait élé la première paroi semi-perméable organisée, étudiée dans ses détails. Il est tout naturel aussi, étant donné la signifi- cation des résultats acquis, que ces recherches d'hématologie constituent la préface et le guide de toute investigation similaire portant sur d’autres Lissus. À nombre de points de vue, les idées et les expé- riences sont nouvelles et donnent des aperçus neufs. Pour n’en citer qu'un, des plus importants, il suf- fira de dire quelle part énorme il faudra très pro- bablement faire, en Physiologie ou en Pathologie, non plus aux affinités chimiques, atomiques, mais aux affinités existant entre molécules ou groupe- ments moléculaires, à ces forces inconnues qui déterminent la solubililé d'une substance dans une autre, qu'il s'agisse de gaz, de liquides ou de so- lides. Comme le montrent les résultats de Gryns et de Hedin, c’est grâce à leur simple solubilité dans la paroi des globules que la plupart des poisons globulaires peuvent, dans certaines conditions d’ex- périence, déterminer la destruction des globules. Il y a là, pour l'étude de l'action des poisons en général, un champ nouveau d'expérience, d'autant plus précieux que les considéralions tirées unique- ment de la statique chimique se sont montrées définitivement insuffisantes pour l'explication en- lière des phénomènes. Déjà un essai hardi dans cette direction vient d'être tenté par Meyer. Hermann avait déjà re- marqué le pouvoir dissolvant vis-à-vis des graisses des différents narcotiques de la série grasse. Il s'était demandé si l’action physiologique de ces derniers sur la cellule nerveuse, comme sur le glo- bule rouge qu'ils détruisent, n'est pas en rapport avec cette affinité de solution. D'autre part, R. Dubois ! avait observé la sécré- tion d’eau par les feuilles des plantes grasses sous l'influence de l’éther, du chloroforme, de l'alcool. D'après Dubois, la narcose serait le résullat d'une déshydratation des cellules nerveuses par les hyp- notiques, qui chasseraient l’eau de ses combinai- sons (physiques) avec les constituants de la cellule nerveuse. Meyer reprend l'idée de Dubois, mais en limitant l’action des narcotiques aux substances grasses qui constituent une partie notable du sys- tème nerveux. Dans la cellule nerveuse, les corps gras sont dans un certain état d'équilibre de disso- lution ou de mélange avec l’eau, les sels, les pro- téides. Introduisons dans cette cellule une sub- stance dissolvant facilement la graisse : l'équilibre sera rompu. D'où changement des conditions vi- ‘ R. Dusois : Mécanisme de l'action des anesthésiques. Revue générale des Sciences, t. 11, p. 561, 1891. tales et narcose. Si cette idée est exacte, il faut d’abord que tous les dissolvants des graisses soient des anesthésiques, et que leur action narcolique soit proportionnelle à leur affinilé de solution pour les matières grasses. Des expériences assez nom- breuses de Meyer et de son assistant Baum sent en complet accord avec ce postulat. Il serait téméraire cependant, élant donné l'écart considérable entre ces nouvelles tendances et celles qui ont régné jusqu'ici dans ce domaine scientifique, de se lais- ser aller trop facilement au charme de la nou- veauté. Le côté séduisant de la théorie doit mettre en garde contre elle. Il est certain que celte compréhension des choses a un double avantage. Elle expliquerait non seulement l'action narcolique elle-même, action qui serait la même pour toutes les cellules, que celles-ci soient d'origine végélale ou animale, qu'elles proviennent d'un protozoaire ou d'un ver- tébré supérieur; mais, chez l'organisme élevé, elle nous fournirait, de plus, la raison de l’électivité spéciale de la substance narcotique pour la cellule nerveuse, plutôt que pour la fibre musculaire ou le leucocyte. Et à ce dernier point de vue, lout autant qu'au premier, l’idée est très intéressante en ce qu'elle entreprend le problème de l'affinité du médica- ment pour tel ou tel tissu et introduit ici, au lieu et place de l’affinité atomique, dont on a fait un réel abus, la conception plus moderne de l’affinité entre molécules : l’affinité mécanique (Ostwald). Avant de quitter les globules rouges, il est inté- ressant de citer brièvement les résultats acquis par divers auteurs sur la conductibilité électrique du sang. D’après Arrhénius, le transport de l'électri- cité à travers une solulion est malériel, en ce sens que ce sont les ions qui portent aux électrodes la charge électrique dont ils étaient déjà pourvus avant le passage du courant. Celui-ci n'a qu'un effet, c'est de libérer les ions de leurs attractions électriques mutuelles. Le sérum, qui est une solulion saline, conduit l'électricité. D'autre part, le liquide intraglobulaire, qui est une solution saline de concentration isotonique, doit présenter sensiblement le même pouvoir con- ducteur, ou inversement la même résistance. Mais il s'agit de savoir si les ions qui se trouvent dans l'intérieur des globules pourront en sortir; si d'autre part les ions extérieurs, quand ils rencon- treront les globules, pourront les traverser. La paroi globulaire est-elle imperméable aux ions extra où intraglobulaires ? Dans le premier cas, la | conductibilité du sang doit être sensiblement égale à celle du sérum; dans le second cas, elle lui sera notablement inférieure. TE KL A CR EE Poe D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 165 e1 Plusieurs auteurs (Roth', Bugarszky et Tangl*, … Stewart”, Oker-Blom ‘, Rollett”) ont étudié dans ces - dernières années la conductibilité du sang com- parée à celle du sérum, et tous sont d'accord pour faire des globules rouges, sinon des isolateurs par- faits, du moins des corps extrémement peu con- ducteurs de l'électricité. D'où la conclusion que leur paroi est très peu perméable aux ions. Cette conductibilité très imparfaite des globules … rouges n'est cependant pas une preuve décisive de leur non-perméabilité. C’est ainsi que, dans une des expériences de Stewart, des globules imprégnés de chlorure ammonique ne conduisaient pas sensi- -blement mieux l'électricité que des globules nor- maux, ce qui provient, sans doute, de l'énorme résistance qu'oppose le stroma des globules rouges “ à la translation des ions. Stewart détermina également les changements de la conduclibilité électrique du sang, quand on provoque la destruction des globules par différents moyens, tels que l’eau, les sérums étrangers, le gel et le dégel, la chaleur, la saponine. Les résultats sont variables suivant l'agent globulolytique employé. D'une part, se rangent les agents qui, comme l'eau et la saponine, augmentent la conductibililé spéci- fique du sang (en tenant compte bien entendu de la diminulion de conduelibilité pouvant provenir d’une dilution éventuelle du liquide). D'autre part, se groupent les sérums étrangers et le froid qui laissent inaltérée ou même diminuent la condueti- bilité du sang après avoir déterminé l'hémolyse. La chaleur occuperait une situalion intermédiaire. Ces constatations ont été étendues par Rollelt à l'action de la décharge électrique, qui agirait à la facon du froid el des sérums étrangers. Stewart conclut de ses recherches que la paroi globulaire peut laisser diffuser d’une façon indé- pendante l'hémoglobine et les sels du globule. L'hémoglobine seule diffuse, quand la conducti- bilité électrique reste la même; tandis qu’une augmentalion de la conductibilité indique la sortie simullanée des sels et de l'hémoglobine. La conclusion ainsi énoncée est inattaquable; et il semble démontré par les recherches de Stewart _et celles de Rollett qu'en effet l'hémoglobine peut quitter seule des globules qui gardent leurs sels. Stewart admel aussi que, dans certains cas, les sels du globule peuvent abandonner partiellement celui- ! Roru : Elektrische Leitfähigkeit thierischer Flüssig- keiten. Centralblatt fur Physiologie, t. W, p. 2H, 1897. = BuGarszky und TaxGe : Eine Methode zur Bestimmuny.…. Centralblatt für Physiologie, t. W, p. 297, 1897. % Srewart : The behaviour of the hœmoglobin and... Journal o1 Physiology, t. XXIV, p. 211, 1899. * OKER-BLON : die gesammte Physiologie, t. LXXIX, pp. 111 et 510, 1900. * Rozcerr : Elektrische und Chemische Einwirkungen. Archiv {ür die gesammte Physiologie, t. LXXXIL, p. 199, 1900. Thierische Säfte und Gewebe. Archiv fur ci, sans qu'il y ait en même temps diffusion de l'hémoglobine. Les observations qui plaident en faveur de ce dernier mouvement osmolique, inverse du premier, sont beaucoup moins probantes, el, si elles trouvent quelque confirmation dans certaines expériences du dernier travail d'Oker Blom, il y a cependant lièu d'attendre une enquête plus approfondie des faits avant de conclure trop affir- mativement. Ces observations de Stewart sont très intéressantes par le fait qu’elles apportent une con- tribution assez inattendue et toute nouvelle à la question déjà tant discutée des rapports existant entre l'hémoglobineet le stroma. Dans ces derniers temps, la théorie osmotique avait favorisé beau- coup les partisans de l’idée d'une indépendance chimique absolue entre ces deux constituants du globule. Mais nombreux sont cependant encore les partisans de l’autre doctrine, suivant laquelle il y aurait combinaison fragile entre l'hémoglobine et certains constituants du stroma : combinaison dont le produit est insoluble dans le liquide intra-glo- bulaire ou dans le sérum. L'eau distillée ou les solu- tions salines étendues n'agiraient pas autrement qu'en délruisant cette combinaison par hydrolyse, ce qui meltrait l'hémoglobine en liberté et Jui per- mettrait dès lors sa diffusion dans le sérum. Il est assez difficile, sinon impossible, de comprendre pourquoi ce sont justement les concentrations iso- toniques des substances chimiques les plus diver- ses qui s'opposent dans la même mesure à cette action de l’eau distillée : eau distillée que l’on n'est d'autre part pas habitué non plus à considérer comme un agent d'hydrolyse aussi puissant. Aussi est-il né, sous l'influence des travaux sur la pres- sion osmolique des globules, une autre théorie, d’après laquelle les globules constituent des sortes de vésicules constituées par une paroi semi-per- méable, séparant leur liquide intérieur du milieu. extérieur. Au point de vue du fond de celte théorie, il est absolument accessoire de savoir si le liquide intérieur est logé dans une cavilé unique ou dans une multitude de vacuoles. Celle question n’a d'in- ltérêt qu'en ce qui concerne la forme extérieure du globule. Mais ce qui importe, c'est la localisation de l'hémoglobine dans le liquide intraglobulaire, localisalion qui entraine la séparation absolue d'avec le stroma. Celui-ci, loin d'être combiné à l'hémoglobine, lui serait, au contraire, totalement imperméable, tout au moins dans ses couches péri- phériques. Un argument sérieux contre celte hypothèse, c'est la difficulté de concevoir la disso- lulion de l'hémoglobine dans la petite quantité de liquide intraglobulaire, alors que, pour certains sangs, toute la masse liquide du sérum ne suffit pas à opérer cette dissolution. Cependant, on peut dire a priori, élant donné notre ignorance des condi- 466 tions exactes de solubilité de l’hémoglobine même dans des milieux artificiels, qu'il est difficile de tirer argument des quelques faits connus contre l'idée d'une solulion sursaturée possible à l'inté- rieur des globules, où les conditions physiques sont certainement très différentes de celles qui existent dans un cristallisoir. D'âilleurs plusieurs physiologistes, et non des moindres, ont observé, dans certaines conditions, des cristaux d'hémoglo- bine à l'intérieur des hématies, ce qui ne se con- çoit qu'en supposant ces cristaux baignés d'un liquide tenant la même substance en solution. D'autre part, Meltzer' vient de publier le résultat d'une série d'expériences, confirmant d'ailleurs d'anciennes recherches de Rollelt et de lui-même, dans lesquelles il est parvenu à détruire des glo- bules et à mettre leur hémoglobine en liberté, rien qu'en les agilant longtemps et fortement avec du mercure ou de la poudre de verre. C'est d’ail- leurs une observation courante en Physiologie que du sang, agilé longtemps avec des perles de verre où un autre corps indifférent dans le but de le défibriner, finit toujours par se teindre d'hémo- globine. Il serait curieux de savoir comment les partisans de la combinaison chimique entre stroma et hémoglobine expliquent ces faits. Pour en revenir aux expériences de Slewart, cet auteur n'arrive à s'expliquer la diffusion séparée de l'hémoglobine et des électrolytes du globule que dans l'hypothèse d’une combinaison chimique de la première avec le stroma; et Rollelt insiste particulièrement aussi en faveur d'une pareille interprétation des faits. Il est certain que ces expériences écartent en tout cas une mise en liberté des substances conte- nues dans les globules par rupture de l'enveloppe de ceux-ci. Si tel était, en effet, le mécanisme du phénomène, il faudrait que, lorsqu'un globule se vide de son contenu, il se vidät toujours intégrale- ment. Mais on peut parfaitement concevoir une autre issue des constituants du liquide intra-globu- laire, sans cependant abandonner la théorie osmo- tique. J'étais arrivé, pour d’autres raisons et sans connaître à ce moment les travaux de Stewart, à expliquer la sortie de l'hémoglobine par une diffu- sion de celle-ci à travers une membrane dont les conditions de perméabilité sont altérées*. Normalement, la paroi de l'hématie est imper- méable à l'hémoglobine, mais si, par l'adjonction d'eau, ou par d'autres moyens, on transforme le degré d'hydratation ou la structure chimique ou D'après le Centralblatt fur Physiologie, année n° 16. ? Meurzer : Journal of Physiology, t. NV, p. 255. # Nozr : Le mécanisme de la globulolyse. Annales de J'Ins- titut Pasteur, octobre 1900. 1900, D' P. NOLE — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE physique de cette paroi, cette imperméabilité peut parfaitement disparaitre, ce qui provoquera la diffu- sion d'hémoglobine à l'extérieur. À priori, on pour- rait supposer très légitimement que cette perméa- bilisation vis-à-vis de l’hémoglobine peut ne pas s'étendre aux électrolytes. Mais il n’est même pas besoin de cette hypothèse pour mettre les faits de Stewart en accord avec la doctrine osmotique. Il y à lieu de remarquer que si, dans la globu- ‘lolyse par un moyen quelconque (le froid par exemple), on ne détruit pas les slromas des glo- bules, il n'y a aucune raison pour que les électro- lytes intra-globulaires se répandent dans le sérum, mème si le stroma leur est devenu perméahle. En effet, les stromas occupent le même volume et mème quelquefois un volume plus grand que les globules intacts avant l'hémolyse; le liquide qu'ils contiennent tend à se mettre non seulement en équilibre osmotique, mais même en équilibre de composilion chimique avec l'extérieur. Or, cette équilibralion sera toute différente pour l'hémoglo- bine et les électrolytes. La première était contenue exclusivement dans les globules (avant que la paroi lui soit devenue perméable), les seconds possé- daient dans les globules et dans le sérum une concentralion identique. L'équilibre exigera, pour s'établir, une sorlie abondante de l’hémoglobine, sans aucun déplacement concomitant des sels. Le fail que ces stromas ne conduisent pas mieux l'élee- tricité qu'auparavant ne prouve aucunement qu'ils ne sont pas devenus perméables aux ions qu'ils contenaient, ainsi que l’atteste la constatation, citée plus haut, faite au sujet du chlorure ammonique. Au contraire, si l'on dilue fortement le milieu extérieur, la concentration des électrolytes dans les stromas deviendra plus forte que dehors et une partie d'entre eux suivra l’'hémoglobine : c'est ce qui explique l’action de l’eau distillée. Quant à la saponine, Stewart déclare lui-même qu'il faut des doses fortes de cet ingrédient pour lui voir pro- duire l'effet de l'eau distillée. Or, d'après Stewart, à ces doses, la saponine dissout complètement les globules. Il n’est dès lors plus étonnant que l’obs- tacle au passage du courant, les stromas, étant dis- paru, le courant passe plus facilement. Les doses moyennes, en dissolvant incomplèlement les stro- mas, diminuent probablement l'obstacle qu'ils op- posent aux transports électriques et c'est ce qu'opé- rerait également la chaleur. Pour ce qui est de la sortie isolée d’électrolytes à lravers une paroi normale, elle n'est nullement en désaccord avec la théorie osmotique (puisque Ham- burger lui-même avait basé sa conception osmo- tique sur la notion des échanges isoloniques), à condilion d'admettre que la paroi globulaire ne - leur est pas complètement imperméable. Or, les Li D: P. NOLEF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE CS [ep] —! travaux de Hedin aboulissent, comme il a été dit | Heïdenhain', très documenté, rempli d'expériences plus haut, à cette conception. Il est encore intéressant de faire remarquer ici “que, par la mesure de la résistance électrique de liquide sanguin additionné de différents sels des métaux alcalins et alcalino-terreux, Oker-B'om est - arrivé à confirmer, dans leurs données essentielles, - les résultats de Hedin concernant la perméabilité des globules vis-à-vis de ces sels. “ Ilest facile de constater, par la longueur de cet — exposé, où ne sont cependant relalés que les fails principaux et d'intérêt général, combien grand est l'essor imprimé à l'étude des phénomènes de la vie “par les nouvelles théories sur les solutions. Dans — d'autres domaines de la Physiologie, les acquisi- tions ne sont pas moins notables. Ce furent natu- … réellement surtout les phénomènes d'absorption et de sécrétion qui furent soumis à l'analyse par les Ki nouvelles méthodes. III. — LA FORMATION DE LA LYMPHE, Il ya une dizaine d'années régnait, pour ainsi dire - sans consteste dans la science, la théorie purement mécanique de la formation de la lymphe, telle qu'elle avait été conçue par Ludwig à la suite de ses travaux et de ceux de ses élèves. La lymphe, intermédiaire entre le sang et les éléments des tissus, était considérée comme le produit d'une filtration du plasma sanguin au travers de l'endo- thélium vasculaire, filtralion se faisant sous l'in- fluence de la pression régnant dans les vaisseaux sanguins, filtration absolument analogue dans son essence à celle que l’on peut produire artificielle- ment au travers de membranes animales où végé- tales mortes. Cependant Ludwig, lout en faisant à la filtration la part prépondérante dans la formation de la Iymphe, avait admis à côté d'elle l'intervention pos- sible de phénomènes de diffusion ou d'osmose s'établissant entre le plasma, le liquide filtré et les tissus, et pouvant amener des modifications dans la composition chimique du liquide filtré. . Cette théorie, dans laquelle on n'accordaitaucune importance à la constilution ou à la vitalité de l'endothélium des vaisseaux sanguins, avait eu des contradicteurs. C'est ainsi que Tigerstedt et Santesson', à la suite d'expériences de filiralion au travers de mem- branes animales vivantes et mortes, avaient conclu … à une intervention active, vitale, de l'endothélium vasculaire lors de la formation de la lymphe. Mais il fallut l’apparition du remarquable travail de HE NAME . ! Ticensreor et Sanresson : Die Filtration im Thierkürper. Mittheïilungen vom Physiologischen Laboratorium zu Stock- holm, 1886. nouvelles, pour ébranler la foi des physiologistes dans l'hypothèse mécanique de la formation de la lvmphe. La réaction, difficile à se produire, en fut Laturellement d'autant plus forte, et grand le regain des idées vitalistes dans ce domaine de la science. Heidenhain, au lieu d'étudier, comme ses prédé- cesseurs, la formation de la lymphe dans les mem- bres, fit ses observations sur le liquide du canal thoracique d'animaux à jeun. Mais, avant d'en ex- poser brièvement les résultats, il estbon de rappeler que les travaux de l'école de Ludwig (Tomsa, Paschutin, Emminghaus) avaient montré la grande influence de la stase veineuse sur la vitesse d'écou- lement de la lymphe, alors que les variations de pression dans les capillaires artériels, provoquées par le jeu desnerfs vaso-moleurs,s'étaientmontrées sans effet ou d'effet peu marqué (Rogowicz, Men- sonides). Les principaux résultats de Heidenhain sont les suivants : 1° À l'encontre de ce qu'avait observé Colson ? Heidenhain soutient que l'occlusion de l'aorte thoracique n'arrête pas immédiatement l’écoule.- ment de la lymphe, qui se continue pendant une ou deux heures. Le liquide lymphatique est plus concentré en albuminoïdes que normalement. 2° La ligature de la veine porte produit une accé- lération dans l'écoulement de la lymphe, qui, tout en élant sanglante, est moins riche en albuminoïdes que la lymphe normale. 3° L'obluralion de la veine cave inférieure dans le thorax cause une énorme accélération du courant lymphatique ; la Ilymphe est très riche en albumi- noïdes. L'inteslin est anémié. %° Si l'on injecte dans le sang de l'animal vivant (chien) certaines substances, telles que le bouillon : d'écrevisses, d'anodontes, des solutions de peptone, d'ovalbumine, ete. (lymphagogues de 1" classe), on accroit dans des proportions notables la quan- tité de lymphe s’écoulant par le canal thoracique, sans qu'il y ait la moindre hausse de la pression sanguine (il y à habituellement baisse de celle-ci. 5° L'injection inlra-veineuse de solutions salines ou sucrées concentrées (Iymphagogues de 2° classe) produit également une accélération énorme de l'écoulement de la lymphe thoracique : accélération qui, de l’aveu de Heidenhain, est conciliable en partieavec la théorie physique de la formation dela lymphe, puisque les accélérations constatées sont n ! HeibeNHAIN : Versuche und Fragen zur Lebre von der Eymphbildung Archiv für die gesammte Physiologie, 1891, Bd. XLIX. 2? Corsox : Recherches physiologiques sur l'occlusion de l'aorte thoracique. Travaux du Laboratoire de Physiologie de Liège, t. II, p. 3, 1889-90. D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE en raison de la valeur osmotique de la solution injectée. Mais Heidenhain constate, en plus, que la concentration du lymphagogue est plus forle dans la lymphe que dans le sang. De tous ces résultats, seul le n° 2 est en accord, d'après Heidenhain, avee la théorie de la filtration. D'après les expériences faites sur les membranes mortes, on sait, en effet, que, lors de la filtration d'une solution d'albuminoïdes, le produit filtré est d'autant plus riche en albuminoïdes, et d'autant moins abondant que la pression filtrante est plus basse. C'est aussi ce qu'avaient constaté les élèves de Ludwig dans leurs expériences sur la lymphe des membres, c'est encore ce qui se produit après la ligalure de la veine perte. Mais ni la conservation de l'écoulement lympha- lique après occlusion aortique (c'est-à-dire après suppression où diminution extrèémement considé- rable de la pression filtrante), ni la concentralion en albuminoïdes après l'obturalion de la veine cave, ni l'action des lymphagogues ne peuvent s'expli- quer par les mêmes principes. Il faut, pour com- prendre ces faits, admettre une intervention active de lendothélium vasculaire. La lymphe n'est donc pas un produit de lranssudation, c'est un produit de sécrétion. Elles lymphagogues sont des stimulants de cette sécrélion, tout comme les diuritiques ou les cholagogues sont des stimulants de l'activité sécréloire du rein ou du foie. Et, de même que, parmi les diurétiques, il y a lieu de faire une dis- linetion entre ceux qui agissent directement sur l'épithélium glandulaire, sans influencer la circula- lion, et ceux dont l'effet se marque surtout sur les conditions de celle-ci, il y a lieu aussi de grouper les lÿmphagogues suivant des différences de pro- priélés analogues. L'ensemble des constalalions était imposant, et le réquisitoire contre la théorie de Ludwigtrèsserré. Par des exemples tirés de la composition chi- mique de la sécrétion de certaines glandes (lait) et du débit de celles-ci, comparé à celui du canal thoracique, Heidenhain fournissait, en outre, la preuve décisive que, lors de la sécrétion glandulaire, il y avait lieu, — pour expliquer le passage des matériaux solides et liquides, qui, sortis du sang, se retrouvent dans le produit de sécrélion glandu- laire, — de faire intervenir d'autres forces que la filtration, celle-ci seule ne pouvant suffire à expli- quer les chiffres. À vrai dire, Ludwig avait déjà déclaré qu'il fallait associer Ja diffusion à la fillra- tion, el Heidenhain ne fournit ici aucune preuve contre celte intervention de la diffusion. Il la croit possible el probable, analogue à celle qui règle les échanges gazeux entre le sang et les tissus, mais ses préférences vont néanmoins à la théorie de la secrélion. Ce fut un physiologiste anglais, Starling, qui reprit point par point les expériences de Heiden- hain et rechercha si leur contradiction avec les lois de là diffusion et de la filtration est aussi irréduelible qu'elle paraît à première vue !. Starling établit d'abord que la lymphe du canal thoracique, chez l'animal au repos, est produite exclusivement par les viscères abdominaux. C'était done la circulation dans ces organes qu'il fallait observer, et déterminer quelles modifications elle éprouve dans les expériences de Heidenhain *. Après occlusion de l'aorte thoracique, il y a baisse artérielle très considérable dans tous les territoires artériels de l'abdomen et aussi dans la veine porte, tandis que dans ia veine cave infé- rieure la pression reste normale ou peut même être légèrement augmentée. Si la théorie de Lud- wig est exacte, il ne peut dès lors plus y avoir des liltralion qu'au niveau des capillaires hépatiques dont la pression n'a pas varié. Et la lymphe qui s'écoule par le canal thoracique doit être exclusi- vement de la Ilymphe hépalique. C'est, en effet, ce que démontre la ligature préalable des lymphali- ques hépaliques. Si, après avoir fait celle-ci, on occlut l'aorte, on supprime tout écoulement par le canal thoracique ; or, il y a tout lieu d'admettre que, » de même que la lymphe intestinale est plus riche en albuminoïdes que celle des membres, de même la lymphe hépatique est plus concentrée que la lymphe intestinale. Ainsi s'expliquent donc et la conserva- tion de l'écoulement lymphalique et la richesse considérable en albuminoïdes de la lymphe oble- nue. La ligature de la veine porte produit une forte hausse de pression dans les capillaires de l'intes- lin et de la rale, sans altérer la pression artérielle, d'où fillralion, d'après l'hypothèse de Ludwig, d’une lymphe plus abondante et moins riche en matière organique. C'est ce que l’on constate dans l'expérience. L'obstruction de la cave inférieure augmente fortement la pression dans cette veine, ainsi que dans la veine porte, alors que la pression artérielle générale subit une énorme chute. D'après l'hypo- thèse de Ludwig, il faut donc s'attendre à une filtralion exagérée dans le foie, et à une suppres- sion où à une diminution de lymphe intestinale. Si, en effet, avant d’oblurer la veine cave, on procède à la ligature des lymphaliques du foie, l’occlusion veineuse ne s'accompagne plus d'une augmentalion, mais souvent d’une légère diminution de l'écoule- ! Bayuiss et SrarLiNG : Observations on venous pressures and their relationship lo capillare pressures. Journal of DPhysiology, vol. XVI, 1894. | ? SraRLuNG : The influence of mechanical factors on lÿmph production. Journal of Physiology, vol. XVI, 1874. “…_ lique Von Brasol, Klicowicz avaient D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 469 ment de la lymphe par le canal thoracique, et le liquide obtenu se caractérise par une Leneur faible … en albuminoïdes. Au contraire, dans l’occlusion Simple de la veine cave, la lymphe obtenue est très riche en albuminoïdes, ce qui est dû précisé- ment à son origine hépatique. Voilà donc expli- quées très clairement, et par des raisons toutes mécaniques, les expériences que Heidenhain avait jugées inconciliables avec toute théorie physique de la formation de la lymphe. Loin d’avoir battu — en brèche la doctrine de Ludwig, elles constituent, comme a pu le dire Starling, l'argument le plus - solide qu'on ait invoqué jusqu'ici en sa faveur. Voyons maintenant comment Starling' comprend l’action des lymphagogues. Heidenhaim avait déjà vu que l'action des lymphagogues de deuxième ordre est en rapport avec leur coefficient osmo- constaté, “ D. de sucre et de sels sodiques. Il “d'autre part, une dilution très considérable du sang après des injections intra-veineuses de solutions - faut donc admettre que, immédiatement après Dieur injection dans le sang, ces substances — altirent directement des tissus dans le sang une - quantité d'eau telle que l'équilibre osmotique, rompu un instant entre le sang el les tissus, soit bientôt rétabli. Mais la paroi des capillaires n’est pas imperméable aux cristalloïdes; Lout au plus se laisse-t-elle traverser plus rapidement par l’eau ‘que par leurs molécules. Aussi, le mouvement de l’eau de l'extérieur des vaisseaux vers l'intérieur est-il accompagné d'un mouvement en sens inverse de la substance injectée. Cette exsndation n'est d'ailleurs que l'exagéralion de la filtration ét de la diffusion normales. Or, les conditions sont deve- -nues très favorables à la filtration. L'entrée en masse de l'eau des tissus dans le sang a créé un état de pléthore hydrémique. Et Starling et Bayliss ont démontré que, si la pléthore hydrémique n'est - pas accompagnée d'un accroissement marqué de pression arlérieile, elle détermine une élévation de pression très considérable dans le système porte et dans la veine cave inférieure, c'est-à-dire une augmentation de la pression capillaire dans tout l'abdomen. Or, c'est de la pression dans les capil- laires et non dans les artères que dépend la valeur de la filtration de la lymphe. C'est ce qui explique la forte quantité de lymphe s'écoulant par le canal thoracique. La preuve que ce sont bien ces causes toutes mécaniques, et non une irrilation de l'endo- thélium vasculaire, qui conditionnent le phéno- — mène, c'est que l’on peut s'opposer à loute action È lymphagogue du cristalloïde en enlevant, préala- É » ! E. H. SraruiG : On the mode of action of lymphago- gues. Journal of Physiology, vol. XVII, 1895. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. blement à l'injection, un volume de sang équiva- lent à l’eau qui sera soutirée aux issus par la masse du cristalloïde injecté. Dans ces conditions, la solution de ce dernier qui circulera au contact de la paroi vasculaire sera plus concentrée que s'il n'avait pas élé fait de soustraction sanguine préa- lable, mais la masse totale du sang ne sera pas augmentée, il n'y aura pas augmentation de la pression capillaire, et pas d'exagéralion de la fil- tration normale. Dans celte expérience, il se pro- duit non de la pléthore hydrémique, mais de l'hy- drémie simple, dont Cohnheim avait déjà dit qu'elle n'occasionne pas d’æœdème hydrémique glandulaire. Quant à l'argument tiré par Heidenhain d’une con- centralion éventuelle plus forte du cristalloïde dans la lymphe que dans le sang, il a été réfuté par Cohnstein'. Cette richesse plus grande de la lymphe est plus apparente que réelle. Elle provient de ce que, dès l'introduction du cristalloïde dans les vaisseaux, celui-ci tend à en sortir, de sorte que sa concentration dans le sang, maxima au moment de l'injection, diminue progressivement. Or, au moment de la concentration maxima est filtrée une lymphe à concentration correspondante, lymphe qui ne s'écoule par le canal thoracique qu'après un temps plus ou moins long; el si, au moment de la prise de celte lymphe, on saigne l'animal, on trouve nécessairement une plus faible concentration du cristalloïde dans ce sang que dans la lymphe. Le contraire serait étonnant. La lymphe normale du canal thoracique possède habituellement un point de congélalion très légère- ment inférieur à celui du sang (Leathes) *. Il en est d'ailleurs de même pour le sang veineux comparé au sang artériel, et celui des veines sus-hépaliques comparé à celui de la veine porte ?. Or, après l'injection des divers lymphagogues de deuxième classe, les altérations que subit la pres- sion osmotique du sang sont suivies par des oscil- : lalions parallèles de la tension de la lymphe et les différences observées ne dépassent jamais les diffé- rences normales (Leathes). Il est intéressant de savoir avec quelle rapidité s'effectue l'arrivée dans le sang de l’eau des Lissus, sous l'influence d'une injection d'un cristalloïde en solution concentrée. Dans une expérience Leathes, où 100 centimètres cubes d'une solution concentrée de sucre avaient élé injectés en huit mi- nutes, il s'était produit, pendant le même temps, un afflux dans le sang de 800 centimètres cubes d'eau de ! ConnNSTEIN Ueber intravenôse Injectionen, Archi lür die gesammte Physiologie, &. LIX, p. 508; t. LX, p.291: t. LXIT, p. 58; t. LXIII, p: 587; 1895-1896. 2 Learues : Fluid exchange in tissues. Journal of Physio- logs, vol. XIX, 1895-1896. # Faxo et Borrazzr : Travaux du Laboratoire de Physiolo- gie de Florence, 1896. 10* 170 des tissus et l'équilibre osmotique était obtenu au moment même où finissait l'injection, ainsi que le prouvait l'arrêt dans l'augmentation de la masse du sang. Un échantillon de lymphe thoracique, recueilli pendant les deux minutes qui suivirent l'arrêt de l'injection, fut trouvé en équilibre osmo- tique avec le sérum recueilli lors de l'arrêt. Cette rapidité extrème d’équilibration à travers la paroi des capillaires se conçoit très bien, si l'on songe et à la minceur de cette paroi et à son immense surface. Pour ce qui est des lymphagogues de première classe, Slarling établit d'abord que la lymphe, dont ils provoquent l'écoulement, provient en grande partie, sinon exclusivement, du foie, ce qui explique sa plus grande richesse en albuminoïdes. Une ana- lyse approfondie des phénomènes l'amène à la con- clusion que cette augmentalion de la production de lymphe hépatique n’est pas due à des changements dans les conditions mécaniques de la cireulation à travers le foie, mais à une augmentation de la per- méabilité des capillaires de cet organe. D'après le physiologiste anglais, cette transformalion des conditions de perméabilité n'est pas un phénomène physiologique, et la production exagérée de lym- phe n’est pas l'exagération d'une fonction sécré- toire normale, mais le résultat d'une transformation pathologique de l'endothélium vasculaire. Cette influence nuisible serait à rapprocher de l'action meurtrière qu'exercent plusieurs lympha- gogues de première classe sur les leucocytes (Lœwit, Wright). EL ici apparaît pour la première fois, dans ces recherches sur la formation de la lymphe, le rôle que joue la cloison. On a souvent voulu faire, des différences entre les propriétés filtrantes d’un tissu vivant et du même tissu mort, un argument en faveur des doctrines vitalistes. Il s’agit de s'en- tendre : Les expériences de de Vries sur la valeur osmo- tique des solutions salines ont toutes été faites avec des cellules vivantes el celles-ci se sont com- portées comme de vraies osmomètres minuscules à cloison semi-perméable. Ici, sans aucun conteste, les phénomènes observés pendant la vie du proto- plasme pariétal sont en accord rigoureux avec les lois physiques de l’osmose. Or, ces mêmes cellules morles montrent des propriétés osmotiques tout différentes; leur imperméabilité à une foule de sub- slances à disparu. Ceci prouve-l-il contre la nature physique des phénomènes observés pendant la vie? En aucune façon : vivant, le protoplasme pariélal possédait certaines propriétés osmotiques ; mort, il en a d’autres; mais ni dans un cas ni dans l'autre il n'intervient activement pour régler les échanges. Si donc l’endothélium vasculaire présente vivant et D° P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE rigoureuses et bien déterminées. L'une des consé= normal une perméabilité différente de celle qu'il possède en état de maladie ou de mort, cela n'est pas une preuve que la lymphe ne soit pas formée suivant les seules lois physiques de filtration et d'osmose. La vie de la cellule n'a ici pour effet ques d'établir et de maintenir cerlaines conditions de perméabilité. Celles-ci étant données et ne variant pas d'un moment à l'autre, la filtration de la lymphe doit s'établir nécessairement, d'après des lois quences de celles-ci, c'est que jamais une pareille membrane, qu'elle soit vivante ou morte, ne pourra être mouillée sur ses deux faces que par des liquides en équilibre osmolique (en admettant, bien entendu, un temps suffisant pour l'établissement de cet équilibre). Cette importance de l'intégrité de la paroi capil= laire au point de vue de la formation de la lymphe avait été démoutrée par de nombreuses expériences de Cohnheim, qui, par l'application de divers irri= tants, était parvenu à créer des œdèmes locaux sous l'influence d'une pléthore hydrémique. Tout récemment Magnus ‘, en soumettant des lapins et des chiens à l'action de divers poisons (tels que éther, chloroforme, arsenic, phosphore, état urémique...), a pu produire chez eux des ædèmes eutanés étendus, par l'injection de sérum artificiel, qui, à lui seul, ne produisait aucun effet. Ici encore, comme pour les lymphagogues de pre- mière classe (d’après Starling), il s’agit bien plutôt d'une véritable lésion de la cellule endothéliale que d'une exagération de sa fonction normale, de sa sécrétion, comme le voudraient Heidenhain ou Hamburger *. Quelles sont donc les conditions de perméabilité de la paroi des capiliaires normaux? Des expé- riences citées plus haut, on peut conclure que tous les éléments cristalloïdes du sang traversent rapi= dement la paroi des capillaires. En est-il de même des albuminoïdes? D'après Slarling, il y a lieu de faire ici une dis= linetion entre les capillaires, suivant les organes qu'ils nourrissent. La lymphe des membres contient environ 2-3 °}, d'albuminoïdes, celle de l'intestin 4-6 ?/,, celle du foie 6-8 °/,, c'est-à-dire autant ou presque aulant que le plasma sanguin. Or, ces richesses différentes correspondent à des degrés de perméabilité différents. C'est ainsi ques la stase veineuse produira des effets très marqués 1 Maoxus : Die Entstehung der Iautœdeme bei experi menteller bydræmische Plethora. Archiv 1ùr experimentell@ Pathologie, t. XLIT, 1899. 2 HaweurGer : Zur Lehre der Lymphbhildung. Archiv fu Physiologie de Dubois-Reymond, 1895; et Zeitschrift fü Biologie, 1893. D' P. NOLF — LA PRESSION dans le foie, moindres dans l'intestin et faibles dans “es membres. De même la pléthore hydrémique, qui ne produit pas d'écoulement de lymphe dans les “membres, accroit dans des proportions colossales le flux de lymphe du canal thoracique. Si donc la lymphe des membres contient moins d'albumi- noïdes que la lymphe viscérale, c’est que les capil- - laires ne laissent passer les albuminoïdes du sérum qu'en beaucoup plus faible quantité. Il existe - dans les vaisseaux une concentration de ceux-ci - beaucoup plus considérable qu'autour d'eux. Or, les albuminoïdes du sérum auraient, d'après des mesures directes de Starling", un pouvoir osmotique - d'environ 30 millimètres de mercure, c'est-à-dire “que, placés dans un osmomètre à paroi imper- méable pour eux, mais perméable aux sels du sérum, ils atlirent vers l'intérieur de l'osmomètre le liquide salin avec un effort tel, qu'il faut une pres- “sion hydrostatique de 30 millimètres de mercure : réguant à l'intérieur de l'osmomètre pour le con- “ trebalancer. Si l’on venait à augmenter la pression “interne, le liquide salin filtrerait en dehors et le - liquide intérieur s'enrichirait en alhuminoïdes. Or, les capillaires des membres constiluent une mem- brane peu perméable aux albuminoïdes du sérum. Ceux-ci retiennent donc à l’intérieur des vaisseaux la masse liquide du sang, et la force de ce pouvoir est celle que mesure l'osmomètre. D'autre part, il règne dansles vaisseaux une pression hydrostatique, la pression sanguine, qui, au niveau des capillaires, atleint une valeur de même grandeur que l'altrac- tion des albuminoïdes, mais s'y exerce en sens iaverse, et diminue dans les capillaires veineux. Comme adjuvant des forces osmotiques, il y a lieu de ciler la pression intérieure des organes, dont l'action neutralisera une partie de la pression san- …guine. Slarling® voit, dansle jeu combiné de ces fac- “teurs, un ensemble de forces suffisant pour expli- uer, Sans aucune intervention aclive de l'endo- thélium vasculaire, l'équilibre remarquable qui existe entre liquides intra etextra-vasculaires. Les constiluants liquides du sang, sollicités par des forces à peu près égales et d'action contraire, sont, “au point de vue du choix qu'ils ont à faire entre l'extérieur et l'intérieur des vaisseaux, dans un Dur d'incertitude permanent. Cèdent-ils au niveau “des capillaires artériels à l’action dominante de la “pression sanguine, ils diluent le liquide extra-vas- culaire et concentrent le liquide sanguin d'autant “(en albuminoïdes) : conditions favorables pour l'établissement d'un mouvement en sens inverse, qui s'effectuera dès que la pression sanguine sera LE. H. SraruiG : The glomerular functions of the Kidney. Journal of Physiology, t. XXIV, 1899. © SrarLixG : On the absorption of fluids from the connec- tive tissue spaces. Journal of Physiology, t. XIX, 1895-96. OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE de | = très légèrement diminuée, c'est-à-dire au niveau des capillaires veineux. Il pourra done s'effectuer une fillration continue de liquide dans une partie de l'arbre circulaire, avec résorplion équivalente dans l’autre. Dans les parties de l'organisme, le foie par exemple, où la lymphe est très riche en albumi- noïdes, le pouvoir osmotique (effectif) du sang sera fortement diminué, le liquide transsudé aura peu de tendance à rentrer dans les vaisseaux. C'esl aussi là que se forment les plus grandes quantités de lymphe el que règne d'ailleurs la pression capil- laire la plus faible. D'après les idées de Slarling, également soute- nues par Cohnstein, ce n’est done aucunement la tension osmotique totale du plasma qui importe au point de vue des échanges de liquides entre les tissus et le sang, mais la fraction très faible de cette tension qui est due aux substances pour lesquelles l'endothélium vasculaire est peu ou pas perméable, c'est-à-dire les albuminoïdes (tension osmolique effective). Quand on injecte dans les veines d'un animal des solulions concentrées de cristalloïdes, on augmente passagèrement la tension osmolique tolale du sang; mais l'équilibre s'établit presque instantanément par sortie d'eau des lissus ; d'où dilution considérable du sang et abaissement proporlionnel de la tension osmolique effective. Cette diminulion de la tension osmotique effective joint ses effets à l'augmentation de pression dans les capillaires qu'amène la pléthore hydrémique, et l'on voit se produire une diurèse abondante et un écoulement exagéré de lymphe thoracique. Mais ces phénomènes ne durent guère et, après quelques heures, l'état normal s'est rétabli. Quels sont les effets de l'injection de solutions concentrées de colloïdes, telles que le sérum épaissi, la gomme arabique, la gélaline, ete. ? Lei aussi, on assiste, sitôt l'injection faile, à une véritable dilu- lion du sang, ainsi que l’atteste la forte diminution du nombre des hématies!. À ce point de vue donc, identité absolue entre colloïdes et cristalloïdes. Muis l'effet de la pléthore causée par les crislal- loïdes était une diminution de la pression osmolique effective du plasma sanguin, qui est augmentée au contraire dans la pléthore due aux colloïdes. Dilré- rence essentielle au point de vue de la théorie phy- sique de la filtration, différence essentielle aussi au point de vue du résultat ultérieur de l'injection. Tandis que lymphe et urine coulent abondamment après l'injection des cristalloïdes, il ne se produit, dans la pléthore due aux colloïdes, ni augmentalion de l'écoulement de la lymphe, ni accélération de la 1 Czerxy : Versuche über Bluteindickung und ihre folgen. Archiv für experimentelle Pathologie und Pharmakologie, . XXXIV. ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE sécrélion urinaire’ (quand la solution de colloïde est suffisammentconcentrée). Et l'appauvrissement du sang en globules rouges, passager dans le pre- mier cas, peut persisler pendant des jours pour je second. A côté des facteurs (pression capillaire, pouvoir osmotique des albuminoïdes, diffusion), dont lac- lion a élé mise hors de doute par les travaux exposés jusqu'ici, il y a lieu de citer aussi la désin- tégration moléculaire, qui s'effectue dans les tissus. C'est Koranyi* qui a insisté particulièrement sur le rôle de celle-ci’. Les phénomènes vitaux s'accom- pagnent d’une destruction de grosses molécules en molécules plus petites et plus nombreuses, d'où hausse de la valeur osmolique dans les liquides cel- lulaires et péri-cellulaires, hausse qui est maintenue constante grâce à la continuité de la vie. Cette diffé- rence constante de niveau osmotiqueentreleliquide intra- et extra-vasculaire aura pour effet la sorlie d'une certaine quantité d'eau des vaisseaux el agira, par conséquent, comme adjuvant de la filtration due à la pression sanguine. Plus un tissu ou un organe déploieront d'aclivité vitale, plus intense sera l'action de ce nouveau facteur, plus abondante aussi sera la formation de la lymphe.Asher et Barbera*ont récemment insisté beaucoup sur le rapport existant entre l'activité de diverses glandes et la quantité de lymphe qui s'en écoule et ils en sont arrivés à admettre, comme facteur essentielet actif de forma- tion de lymphe, non pas l'endothélium vasculaire, mais les cellules glandulaires elles-mêmes. D'après eux, la pléthore hydrémique n'agirait que gràce à son action excitante sur les diverses sécrétions, él la peptone devrait son activité lymphagogue à sons pouvoir cholagogue prononcé. Pourquoi l’action sur la sécrétion doit-elle êtres considérée comme primilive, et l'accroissement d'écoulement de lvmphe comme secondaire, voilà ce que ne nous disent pas ces auteurs. Et, d'autre. part, dans des recherches plus récentes, où, grâces à l'emploi de poisons vasculaires, Asher empêche l'action lymphagogue et cholagogue de la peptone; il n'en obtient pas moins, par l'injeelion de cristal= loïdes, un écoulement de lymphe aussi considérable que normalement. Il n'en est pas moins vrai que ces travaux ont’ mis en lumière l'importance de l’activité organique. sur la formation de la lymphe, en excluant dans les cas examinés les changements mécaniques de la cireulation. Il résulte de celte longue revue qu'il serait imprudent d'être trop exclusif et de vouloir rattacher à telle ou telle cause unique la formation de la lymphe. Les recherches exposées plus haut ont montré la valeur de quelques facteurs. IL en existe probablement encore d'autres, dont de fu=" turs travaux montreront la nature et l'importance. Dans un second article, nous examinerons le rôle des phénomènes osmoliques dans l'absorption intestinale el les sécrétions glandulaires. D' P. Noli. Assistant de physiologie à l'Université de Litge. LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE récent arlicle à l'exa- : mais, La /evue à consacré un men d'ensemble de la machine à vapeur” parmi les machines, les locomotives méritent une élude spéciale. L'imporlance des services rendus par les locomotives, le grand nombre de ces ma- “hines à la surface de la terre, nombre qu'on peut estimer à 130.000 ou 140.000, l'augmentation de i Srmo : Ueber Diurese. Archi für experimentelle Patho- logie, €. XLI. 2 Koranvyi : Zeitschrift fu: kliniseche Mediein, t. XXXUIT, p. 1. 1898. # Voir aussi Rorn : Permeabilität der Cipillarwand. Archiv fur Physiologie, 41899. ‘ Asuen et Banpena : Eigenschaften und Entstehung der Lymphe. Zeitschrift für Biologie, t. XXXVI, p. 154-255, 1898. Asuer : Zhidem, t. El P- 20101899; Asuer et G1es : Zbidem, LE des p. 180, 1908 Asuer et BUscH : 5 TE t. XL, p. 333, 1900. 5 Les machines à vapeur en 1900, numéro du 15 sep- tembre 1900, p. 1.001. leur puissance dans les construclions récentes, enfin l’adoption assez générale de cerlains types, analogues par divers construcleurs, rendent cette élude particulièrement intéressante. Pour arrèler les dispositions d'une locomotive, il convient de préciser la nalure des services qu'on lui demande: elle doit remorquer un train de poids donné, avec une vilesse délerminée, sur une cer laine ligue de chemin de fer. Ces lermes un peu vagues du problème se précisent quand on re= marque que la résistance à la traction des trains, composés d'un malériel bien construit et de type dé= terminé, entretenu en bon état, a une valeur assez constante pour chaque vitesse, sur une voie horizon= tale (à moins que le train ne soit soumis à l’action d'un vent violent, qui peut en augmenter beaucoup à La … Ja résistance). Cette résistance des trains, exprimée “en kilogrammes par tonne, fait connaître l'effort de traction nécessaire pour remorquer chaque n _ tonne’. A celle résistance intrinsèque des véhicules s'ajoute celle qui résulte de l'inclinaison de la voie, une rampe d'un certain nombre de millimètres par mètre augmentant d'autant de kilogrammes par tonne la force de traction nécessaire. Les courbes causent aussi une résistance supplémentaire. Après avoir ainsi défini le fonctionnement nor- mal de la locomotive, il ne faut pas oublier qu’on lui demande de travailler dans.des conditions aussi variées que possible, en remorquant des charges moindres à plus grande vilesse, et plus fortes à vitesse réduite. La variation du régime résulle d'ailleurs, avec un même train, des changements de . l’inclinaison des voies. Pendant les périodes de démarrage, la locomo- - Live doit fournir l'excès d'effort de traction “saire pour imprimer au train une accéléralion suffisamment rapide. Le poids de la locomotive a des limites fixées d’après la solidité des ponts qui ont à la porter; en outre, la charge sous chaque roue est limitée par les condilions d'’élablissemeut de la voie. Il est d’ailleurs évident que la locomotive doil être essen- tiellement une machine légère relativement à sa puissance, puisqu'elle constitue une masse à un certain point de vue inutile qui s'ajoute au train utilement transporté. Une autre sujétion résulle de la nécessité d’ins- crire le profil transversal de la locomotive dans le gabarit de la ligne qu'elle doit parcourir. Les gaba- rits diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre: ils sont très petits en Angleterre, moins resserrés dans l'Europe continentale; c'est en Amérique qu'ils atteignent les plus grandes dimensions, en hauteur et en largeur. Il est de première importance que la locomolive circule avec une entière sécurilé sur les rails, aux plus grandes vitesses ; il ne faut pas qu'elle faligue outre mesure ni qu'elle déforme la voie, el même elle doit franchir aisément, sans être exposée au déraillement, les inégalités accidentelles qu'on n'est jamais sûr d'éviter absolument, quelque soin qu'on apporte à l'entretien. Enfin la locomotive doit satisfaire à la condition primordiale de tout appareil industriel: elle doit . travailler économiquement. Le prix de revient du service des locomotives néces- 1 Pour fixer les idées, on peut admettre, aux vitesses de 25, 50, 15 et 100 kilownètres à l'heure, des résistances de 2 — 3,5— 5 et 6,5 kilogrammes par tonne; toutefois, ces valeurs sont assez variables, suivant les dispositions du matériel. à ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE 173 dépend d'ailleurs non seulement des machineselles- mêmes, mais beaucoup de l'usage qu'on en fait. Quand on emploie des locomotives puissantes à remorquer des charges réduites, on les ménage; les dépenses d'entrelien et de combustible sont modérées; pourvu que les charges ne soient pas par trop insuffisantes, il est probable que, rapportées au cheval-heure, ces dépenses atleindraient leur minimum. Au contraire, on peut surmener les machines, leur faire trainer la charge la plus lourde qu'elles puissent prendre, pour une vitesse déter- minée; la production de la chaudière est alors forcée jusqu'à ses dernières limites, et la vapeur n'est pas utilisée économiquement. Les dépenses de et d'entretien augmenteront beaucoup. Mais les frais de personnel sont mieux ulilisés; les charges de capital sont moindres, et cette marche, rapportée à la tonne kilométrique transportée, peut être la plus avantageuse. En un mot, il ne s'agit pas de produire l'unité de travail (le cheval-heure par le moteur avec la moindre dépense, il faut abaisser au minimum le prix de revient des transports, par exemple le prix de la tonne transporlée à un kilomètre, en tenant comple de loutes les dépenses du chemin de fer. combustible aussi fourni IT L'effet ulile de la locomotive peut se mesurer par un certain effort de traction et par une certaine vitesse: en multipliant l'effort par la vitesse, on oblient l'expression de la puissance de la machine !. C'est la puissance utile, qui résulte de l'effort de traction sur le crochet d’attelage ; mais la puissance de la locomotive se présente sous trois étals suc- cessifs: la vapeur, en poussant les pistons, produil d'abord la puissance indiquée; vient ensuite la puissance eflective du moteur, qui résulte de la poussée horizontale exercée sur les rails par les’ roues motrices : par suite des froltements du méca- nisme, celte puissance effeclive est moindre que la puissance indiquée. Enfin, pour arriver à la puis- sance ulile, on subit un second déchet, fort impor- tant, parce que la locomotive doit se trainer elle-même, avec son tender qui porte les appro- visionnements d’eau et de charbon qu'on juge nécessaires, suivant la longueur du parcours. On doit toutefois remarquer qu'une portion de la diffé- 1 La définition de la puissance, quotient du travail par la durée, est rappelée dans l’article précité de la Æevue (15 sep- tembre 1900, p. 1001). Le produit d'une forse parune vitesse, c'est-à-dire par le quotient d'un espace parcouru par la durée du parcours, est le produit d'une force par un par- cours, c'est-à-dire un travail, divisé par une durée; c'est donc bien une puissance. Même les techniciens confondent souvent, d'une manière fâcheuse, les expressions fonda- mentales : force, travail et puissance. 41% rence entre la puissance effective et la puissance utile correspond au travail absorbé par la résistance de l'air, dont'une fraction serait, en toute rigueur, attribuable au train, en partie masqué par le tender. C'est surtout aux vitesses extrêmes que le poids de la locomotive et du tender vient en réduire beaucoup l'effet utile. A mesure que la vitesse augmente, l'effort maximum de traction qu'on peut produire diminue, parce que, d'une part, la production de là vapeur ne peut augmenter proportionneliement à la vilesse, et parce que les laminages de vapeur réduisent de plus en plus la pression sur les pistons. D'ailleurs, la locomotive elle-même, avec son tender, exige une part crois- sante de cet effort réduit: on est obligé de dimi- auer de plus en plus la charge utile, si bien qu'on arrive à une limite où elle serait nulle. A petile vitesse, lorsque la grandeur de Feffort moyen nécessaire tient à lamontée defortes rampes, le poids de la locomotive devient une fraction importante du poids total remorqué, jusqu'à ce qu'on arrive à la rampe limite où elle se remorque- rait seule. La liaison de deux ou plusieurs essieux, à l'aide de hielles d'accouplement, qui les obligent à tourner ensemble, permet de profiter, pour l'adhérence, du poids supporté par les essieux ainsi couplés. Pour remorquer de lrès fortes charges, à vitesse nécessairement réduite, on a besoin d'une grande adhérence, la grandeur de l'effort de traction résultant des dimensions des cylindres et du faible diamètre des roues. Dans cerlains cas, on arrive à l’adhérence totale, lous les essieux étant moteurs. L'effort de traclion, qui s'exerce à la jante des roues motrices, ne doit pas dépasser la limite de l’adhérence, sinon les roues se mettent à paliner au lieu d'avancer en roulant sur les rails. Cette limite d'adhérence, assez variable, peut atteindre le sixième ou le cinquième du poids que la roue fait porter au rail ; elle s'abaisse beaucoup quand les rails sont humides, mais le sable permet de la ramener à une valeur à peu près suflisante. La limite du poids sous les roues, qui dépend de la constitution des voies, parait êlre actuellement, sur les grandes lignes françaises, de 17 à 18 tonnes pour l’ensemble des deux roues d'un essieu. Ce poids est parfois dépassé en Angleterre et aux Etats-Unis ; trouve des exemples d'essieux chargés à 20 et 22 tonnes. En outre, on doit lenir comple, dans une certaine mesure, du rappro- chement plus ou moins grand des différents essieux. On ne peut pas aller plus loin, c'est-à-dire utiliser toute la puissance de la machine en remorquant de plus fortes charges à des vilesses encore réduites, même on ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE parce que l'effort de traction devrait dépasser celui que l'adhérence permet d'utiliser. Il est alors nécessaire d'employer d’autres dispositions, par exemple de recourir à la crémaillère. Il est clair qu'il est aisé de construire des loco- motives n’atleignant pas les limites de poids impo- sées, et de puissance réduite. Cela est quelquefois utile, surtout pour des réseaux secondaires ; mais, en général, les chemins de fer ne manquent pas de Jocomolives anciennes, relativement faibles, qui conviennent pour les services faciles. On a parfois critiqué la largeur usuelle des voies, 1%,44 environ entre les bords intérieurs des rails, en disant qu'elle imposait une limite fâcheuse à la puissance des locomolives, et qu'une largeur un peu plus grande aurait permis une amélioration considérable dans la construction de ces machines. On faisait cette critique il y a quinze ou vingt ans; et, depuis cetle époque, bien que la largeur des voies n'ait pas élé augmentée, on à énormément accru la puissance des locomotives. Il est certain que le constructeur de locomotives trouve en général que la place lui est élroilement mesurée pour loger tous les organes de la machine et leur donner des dimensions suffisantes. Mais il n’est pas évident qu'une voie plus large permettrait d'augmenter beaucoup la puissance des machines, parce que, pour en profiter, il faudrait dépasser les limites des poids que peuvent porter les rails; il faudrait donc une voie non seulement plus large, mais encore plus robuste. Or, qu'on donne simple- ment aux constructeurs de locomolives celte voie renforcée, ils sauront bien accroître encore la puis- sance de leurs machines. Dans l'étude de la locomotive, on considère sépa- rément la chaudière, qui produit la vapeur, le moteur, qui l'utilise, et le véhicule, qui porte l'en- semble. C’est une division du sujetcommode; mais, pour la construction de nouvelles locemotives, il faut prendre garde de se laisser entrainer à la déterminalion séparée de ces différentes parties, qui doivent s'assembler entre elles d'une façon étroite, de manière à composer un ensemble homo- gène. Tous les organes d'une locomotive dépendent les uns des autres, et, si on ne les détermine pas comme membres d'un corps unique, on risque de créer un monstre, au lieu de produire une machine présentant les qualités nécessaires d'harmonie et d'unité. III La chaudière de locomotive est assez compliquée, mais elle s'adapte bien aux conditions spéciales qui lui sont imposées. Il est digne de remarque que, malgré des essais de dispositions nouvelles, parfois très ingénieuses, ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIÈCLE telles que l'emploi des foyers circulaires en tôle “ondulée de la marine, la suppression complèle de la boîte à feu avec le foyer, remplacés par une chambre en briques, on s'en est toujours tenu, “en pratique, au vieux système de la chaudière “tubulaire avec ses différentes parties agencées de _ même. Cette chaudière se compose d'une hoïte à feu, ‘dans laquelle se trouve placé le foyer, d'un corps cylindrique, fixé à la boite à feu et traversé par un “grand nombre de lubes qui reçoivent les gaz chauds produits dans le foyer, d'une oïle à fumée, où pénétrent les gaz sortant des tubes, et que surmonte la cheminée. —. Le foyer est formé de quatre faces à peu près “ verlicales, et d'un cie] horizontal, qui le ferme à la partie supérieure; il est ouvert à la partie infé- rieure, où est placée la grille. La boite à feu a des faces verticales placées à “pelite distance de celles du foyer, auxquelles elles “sont reliées par des eztreloises ; à la base, un cadre ferme l’espace occupé par des lames d'eau entre les tôles voisines. La face avant du foyer, dite plaque tubulaire, est percée de trous où s'ajustent les lubes, dans la partie qui correspond au corps cylindrique. La face supérieure de la boîte à feu peut être une paroi plane, rallachée par des entretoises au ciel du foyer; c'est la disposition la plus solide et la plus simple, qu'on applique de plus en plus fréquemment dans les constructions récentes. On à beaucoup employé, notamment dans la construction anglaise, une boile à feu fermée à la partie supérieure par un berceau demi-cylindrique qui prolonge le corps cylindrique; la consolidation du ciel du foyer est alors plus difficile. Cette “disposition donne une ligne très simple à la ilhouette extérieure de la locomotive; mais, à esure que ceux qui voient les machines se rendent ieux comple des condilions de résistance des iverses parlies, ils en arrivent à préférer, au simple point de vue esthélique, les formes qui indiquent ia construction la plus logique. - La largeur de la grille est souvent limitée à un mètre, parce qu'elle est contenue dans le foyer, “monté lui-même à l'intérieur de la boite à feu “descendant entre les longerons, placés entre les “roues. D'autre part, la longueur de la grille ne peut $ guère dépasser 3 mètres, pour la commodité du … chargement. Toutefois, dans certains cas, la boite “à feu déborde au-dessus des longerons intérieurs et mème des roues, ce qui augmente la largeur de -la grille : cette disposition a été appliquée en Belgique par feu M. Belpaire, et le foyer Wootten, usité sur certaines locomotives américaines, ren- “ ferme une grille destinée à brûler des anthracites | menus, dont la surface atteint 9 mètres carrés. Dans les locomotives à grandes roues, on à pendant longtemps placé le corps cylindrique en grande partie entre les roues, ce qui en limitait étroitement le diamètre, puisque la Lôle de la chau- dière doit toujours rester à quelque distance des roues ; On paraissait allacher quelque importance à ce que l’axe de la chaudière ne fût pas placé trop haut. Mais on a reconnu, depuis plusieurs années, qu'il n'y avait aucun inconvénient à élever cet axe beaucoup plus qu'on ne le faisait précédemment : le diamètre du corps cylindrique peut alors être suffisamment augmenté pour les locomotives à grandes roues comme pour les autres : on trouve, sur certaines machines américaines, des diamètres dépassant 2 mètres, et la hauteur de l’axe au- dessus du rail atteint 2",900. Les {ubes, traversés par les gaz chauds du foyer, donnent une surface de chaufle étendue dans une chaudière relativement petite. Pour une longueur donnée entre les deux plaques tubulaires où ils s'ajustent, et pour une même section transversale du corps cylindrique à garnir de tubes, cette surface de chauffe est d'autant plus grande que les tubes sont plus rapprochés et de plus petit diamètre. Mais il y à inconvénient à serrer par trop les tubes : dans les plaques lubulaires, les parois métalliques trop minces, qui restent entre les trous, se rompent aisément: d'autre part, les Lubes trop serrés ne laissent plus assez d'espace dans la chau- dière pour l'accès de l’eau et le dégagement de la vapeur, et les intervalles trop étroils se remplissent facilement d’incrustations déposées par les eaux calcaires ou sélénileuses. Aussi ne parail-il pas avantageux de descendre au-dessous de 45 milli- mètres pour le diamètre extérieur des tubes (ce qui donne 40 millimètres environ à l'intérieur), et ül convient que la distance de centre à centre de ces tubes dépasse 60 millimètres. Une application intéressante, fréquente surtout en France, est celle des tubes Serye à ailettes inté- rieures : ces ailettes augmentent la surface en contact avec les gaz chauds, et on peut alors employer des tubes plus gros (70 millimètres à l'extérieur) en moins grand nombre. L'emploi des tubes à ailettes a définitivement tranché, par un argument pratique irréfutable, une ancienne discussion sur la manière de mesurer la surface de chauffe des chaudières : les taient la surface intérieure des lubes, en contact avec les gaz chauds, lesautres la surface extérieure, baignant dans l'eau. On avait une certaine préfé- rence pour celte seconde méthode, parce qu'elle donne de plus grands nombres, qui font meilleur effet sur le papier. Mais les tubes à aileltes inlé- uns COMpP- 476 ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE rieures, dont la surface mouillée est fort réduite par rapport à la surface chauffée, donnent de bons résultats ; c’est donc cetle dernière qui est la plus importante. Une autre preuve de ce fait se voit dans le faible échauffement du métal des chaudières cette heureuse circonstance tient à ce que la cha- leur entre difficilement dans la tôle, tandis qu'elle sort aisément dans l’eau. On ne doit pas considérer uniquement la surface de chauffe des tubes, mais il faut tenir compte de la section transversale, qui détermine le passage ouvert aux gaz chauds, se rendant du foyer à la cheminée. Trop petite, cette section diminue l’acti- vilé du tirage. On est le plus souvent obligé, pour consolider l'emmanchementdes tubes dans la plaque tubulaire du foyer, d'y enfoncer des hagues ou viroles,qui réduisent beaucoup la section à l'entrée. Un organe essentiel et caractéristique de la loco- motive est la {uyère d'échappement, qui rejette dans la cheminée la vapeur sortant des cylindres, de manière à produire un tirage forcé des plus intenses. Il convient que l'appel soit énergique, qu'il puisse être gradué suivant les besoins, que l'air soit également réparti sur toute la surface de la grille, et que la tuyère d'échappement ne crée pas une contre-pression trop forte sur les pistons. Certaines études théoriques et quelques expé- riences spéciales ont été faites pour déterminer les meilleures disposilions de l’échappement. Néan- moins, les résultats de ces recherches sont loin d’être complets, et c'est d’après quelques règles empiriques assez mal établies qu'on dispose habi- tuellement les tuyères d'échappement des locomo- tives. Il y a place pour de nouvelles études, et pour des perfectionnements peut-être importants. Les boites à fumée étaient autrefois aussi pelites que possible. Depuis une dizaine d'années, on a beaucoup appliqué en Europe la hoïle à fumée allongée, longue de deux mètres environ, originaire d'Amérique. Grâce à sa vaste capacité, elle peut recueillir une grande quantité d’escarbilles, entrai- nées par le tirage actif,sans que ces escarbilles accu- mulées viennent obstruer le débouché des tubes. Les ingénieurs européens ont récemment appris, avec une cerlaine surprise, qu’un retour à la boile de plus pelite dimension paraissait se produire en Amérique, tandis qu'ils étendaient les applications de la boite agrandie. Voici les motifs de celte nou- velle pralique américaine. On pousse tellement la combustion, aux États-Unis, que les entrainements aucune boîte à fumée, quelle qu'en fût la capacité, ne saurait les recueillir en totalité. À quoi bon alors en garder une fraction? On à pris le parti de disposer les appareils pour que les escarbilles soient rejelées par la cheminée, toutefois après s'être broyées par le choc contre d'escarbilles sont énormes : z les parois de la boite à fumée, afin d'éviter la pro= jection de gros fragments pouvant allumer des incendies. La pression effective de la vapeur s'élève à 14, 15 et même 16 kilogrammes par centimètre carré pour les locomotives compound; elle est généralement limitée à 10 ou 12 kilogrammes par centimètre carré pour les locomotives à simple expansion. L'emploi de tôles d'acier doux, de qualité très uniforme, a permis à la fois d'aug- menter la pression et les dimensions de la chaudière sans accroître l'épaisseur du métal aulant qu'il l'aurait fallu d’après les règles anciennes. Pour les foyers, on emploie en Europe le cuivre, tandis qu’en Amérique on les construiten tôles d'acier beaucoup plus minces; il en résulte non seulement une éco- nomie sur le prix du métal, mais encore une réduc- tion fort appréciable du poids. En Europe on à trouvé jusqu'ici que la durée des foyers d'acier était trop courte, et qu'il en résultait une augmen-— lation de dépenses pour l'entretien; en présence de” la nécessité d'augmenter toujours la puissance des machines, sans dépasser certaines limitesde poids, il serait désirable qu'on püt arriver à construire dans de bonnes conditions des foyers très légers. Pour apprécier, d'une manière générale, une chaudière de locomotive, il convient de considérer la production de la chaleur, qui dépend des dispo- sitions du foyer, des tubes, de l'échappement el principalement de la surface de la grille, el l'utili- sation de la chaleur produite, qui est en rapport avec la surface de chaufe. L'action des différentes parties de la surface de chauffe d'une chaudière est fort inégale : tandis que les premiers mètres carrés de cette surface, en contact avec les gaz très chauds de la combustion, et surlout ceux qui forment la surface de chauffe direcle, qui reçoivent en outre la chaleur rayonnante dégagée par le combustible, absorbent beaucoup de chaleur dans un temps donné, la transmission est bien moins active à travers les derniers mèlres carrés, baignés par des gaz déjà refroidis. La production des chaudières est donc loin d'être proportionnelle à la surface de chauffe. IV De même que la chaudière, le mécanisme de la locomotive est resté le même en principe depuis soixante ans : la distribution de la vapeur est tou- jours effectuée dans chaque cylindre par un tiroir unique, commandé par un appareil de changement de marche, tel que l'ancienne coulisse de Ste- phenson. Cette coulisse est encore usitée, mais souvent on fait usage d'autres mécanismes équi- valents, plutôt à cause des convenances de l’instal- lation dans chaque cas particulier, qu’en raison de De te tr ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES À LA FIN DU XIX° SIECLE ES 1 — a leurs avantages intrinsèques comme appareils de |Mistribution. Parmi ces mécanismes, celui de Wals- Chaerts, fort employé en Belgique, en France et en Allemagne, convient surtout pour commander des tiroirs placés au-dessus de cylindres extérieurs. Le “mécanisme de Walschaerts prend un des mouve- inents de commande du tiroir sur la crosse du piston, ce qui élimine l'influence perturbatrice de l'obliquité de la bielle motrice, d'où résullent, avec d'autres systèmes, des inégalités dans l'admission Sur les deux faces du piston. — Les essais de distributions petfectionnées, à tiroirs superposés, à obturateurs multiples, sont restées à l'état d'applications isolées. Au tiroir plan ordinaire, qui consomme un travail notable en frottements inutiles et même nuisibles, “car ils produisent une usure rapide des surfaces frottantes et des mécanismes, on substitue assez fréquemment aujourd'hui le /iroir cylindrique, dont l'emploi est d'ailleurs ancien, car M. Ricour J'avait appliqué vers 1883 aux locomotives des (‘Le- “ins de ler de l'Etat français. La modification la plus importante qui ait été "apportée au système ancien des locomotives se voil dans l'emploi de plus en plus fréquent de la dispo- Silion compound, où la vapeur travaille successive- k ment dans deux cylindres de dimensions croissantes, entre lesquels se trouve un réservoir intermé- diaire de: vapeur. Quelquefois ce réservoir est supprimé, et la vapeur passe directement du pelit dans le grand cylindre : c'est la disposition connue sous le nom de Woolf. Comme la locomotive ordinaire, à simple expan- Sion, avait deux cylindres, il a suffi d'en remplacer “ün par un cylindre plus grand pour obtenir Ja marche en compound, comme l'a fait M. Mallet ers 1872. Mais comme ce second cylindre n'est plus directement en communicalion avec la chaudière; es deux cylindres, en donnant un échappement à Lextérieur au premier, et une admission directe au second. Les locomotives compound à deux cylindres sont “irès nombreuses, surtout en Allemagne el en Au- “riche, Mais, dans bien des cas, on a préféré mulli- plier le nombre des cylindres, porté à trois et plus “souvent à quatre, d’abord parce qu'avec deux “cylindres seulement on arrivait parfois à des dimen- “sions excessiveset génantes pour le second cylindre, ensuile afin de réduire les efforts que supportent les pièces du mécanisme. Les locomotives compound à trois cylindres on! été construites depuis longtemps par l'ingénieur F. W. Webb : deux petits cylindres, à haute pres- sion, attaquaient un essieu à la manière ordinaire : un gros cylindre unique, à basse pression, comman- dait un autre essieu, non accouplé avec le précé- dent. Cette disposilion, présentant divers inconvé- nients, nes'est pas développée en dehors du maté- riel du London and North- Western Railway. On a aussi construit des locomotives compound à trois cylindres, avee un cylindre à haute pression placé au centre et deux cylindres à basse pression exlé- rieurs. Quatre cylindres, dont deux à haute pression el deux à basse pression, se prêlent à plusieurs mon- tages différents. Dans le système Vauelain, usité aux États-Unis, il y a de chaque côté de la locomo- live un groupe formé d'un eylindre à haute pression et d'un cylindre à basse pression superposés, avec distributeur unique de vapeur; les deux liges de piston sont attelées sur une traverse verticale qui porte au milieu l'articulation de la pelite tête de la bielle motrice. D'autres fois, les cylindres sont en tandem, placés l'un derrière l'autre. Une disposition très intéressante, qui a reçu de nombreuses applications, surtout en France, est celle des cylindres formant deux groupes séparés, qui commandent chacun un essieu. On avait d'abord pensé qu'on pourrait supprimer l'aceouplementdes deux essieux, commandés séparément par les deux groupes, ainsi que l'avait fait M. Webb, mais on à reconnu qu'il y avait grand avantage, au point de vue de l'équilibre des pièces et de la bonne marche de la machine qui en résulte, à conserver l'accou- plement. Outreles avantages propresausystème compound, qui utilise mieux la vapeur que la simple expan- sion, celte disposition, en divisant entre deux groupes la puissance lotale, a ramené la locomotive moderne, utilisant la vapeur à très haule pression, aux conditions favorables des anciennes locomo- tives travaillant à pression modérée, parce que la haute pression totale n'agit qu'en deux fractions successives. La faligue des pièces, se traduisant en lourdes dépenses d'entretien, devenait excessive pour les locomotives ordinaires, à mesure que la pression augmentail, parce qu'on n'arrivail pas à donner à ces pièces des dimensions suffisantes : la disposition compound à quatre cylindres à fourni une bonne solution d'un problème fort difticile. Elle a permis d'obtenir des machines excellentes, sans augmenter les dépenses de traction. Si la dé- pense d'achat est un peu plus forte, elle est large- ment compensée par l'économie de combustible qui résulte de la disposition compound, ef, d'autre part, la multiplicité des mécanismes n'augmente 118 ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE pas les dépenses d'entretien autant qu'on pourrait le craindre, parce que ces mécanismes s’usent bien moins vite que ceux des locomotives à simple expansion. La cause de double : l'économie de combustible est d'abord, la disposition compound exige moins de vapeur pour la production d’une puis- sance donnée; et, par suile de cette réduction de la dépense de vapeur, la chaudière est moins sur- menée, de sorte que la production, par kilogramme de combustible brûlé, est plus forte. On à parfois supposé que la locomotive com- pound élail moins élastique que la locomotive ordi- naire, c'esl-à-dire se prêtait moins bien à des services très variables, et surtout qu'elle ne prenait pas aussi facilement de grandes vitesses. Mais la pratique à fait justice de ces préjugés. Il est juste d'ajouter que les inconvénients signalés ont pu quelquefois se produire, mais ils tenaient à des dispositions vicieuses qui ont été améliorées. \ Les disposilions de la locomotive, envisagée comme véhicule qui roule sur les rails, demandent à être déterminées avec le plus grand soin: ces dispositions laissent quelquefois à désirer dans certaines constructions anciennes. Les conditions d'adhérence exigent l’accouplement d'un nombre d'essieux variable, suivant la grandeur de l'effort à produire, la charge sous chaque essieu étant limi- tée. Cette limite est fixée pour la locomotive pesée sur des bascules formant une voie bien horizon- lale, les ressorts élant soigneusement réglés. Mais lorsque la locomotive roule sur les rails, plusieurs causes modifient constamment la répartition de la charge entre les diverses roues. Ce sont d'abord les oscillations, parfois assez étendues, de la masse suspendue, oscillations qui font varier la tension des ressorts el, par conséquent, la force avec laquelle ils pressent les boîtes des essieux. D'autre part, les flexions et les inégalités de la voie agissent aussi sur les ressorls et, par suite, sur la charge, en abaissant et en soulevant les roues. En oulre, l'effort vertical variable que la crosse du piston exerce sur ses glissières, celui qui résulte, sur cer- laines locomotives, de l'inclinaison des cylindres, enfin, l'effet de l’inertie des masses tournantes, quand elles ne sont pas parfaitement équilibrées, viennent constamment modifier la charge sous Celle augmente comme le carré de la vilesse et prend, dans certains cas, une grande importance. chaque roue. dernière aclion En résumé, la charge sous chaque roue, au lieu de conserver la valeur trouvée au repos lors du pesage, varie entre deux limites, parfois assez éloi- gnées. Il en résulte d’une part un accroissement de la fatigue du rail, et, d'autre part, un risque de: déraillement lorsque la limite inférieure s'abaisse par trop. Quand ces écarts sont peu imporlants, il semble qu'on pourrait, sans inconvénient, relever un peu la limile imposée à la charge moyenne de chaque essieu. Au point de vue de la conservation de la voie eb de la sécurité de la circulation, les charges verti= cales sur les rails ne sont pas seules à considérer : les actions horizontales, qui s’exercent perpendi= culairement à la voie el qui résultent de la poussée transversale des roues et surtout du choc des men- tonnets des bandages contre le rail, ont une très grande importance. Diverses causes, notamment les inégalités de la voie, impriment parfois à la locomotive un mouvement de Jacet ou d’oscillation autour d'un axe vertical. Lorsque toutes les roues sont resserrées vers la partie centrale de la locomo- tive, qui n'a ainsi qu'une courte base d'appui, et qui présente aux extrémités des parlies impor- Llantes en porte-à-faux, on comprend que le lacet prenne facilement une grande importance : les men- tonnets des roues extrêmes viennent choquer le rail avec violence, et il peut en résulter des défor- mations el des ripages de voies, dangereux pour la locomotive même qui les produit ou pour les trains suivants. L'intensité de ces actions augmente beau- coup avec la vitesse. Le danger résulte aussi de lan coïncidence d'un violent choc transversal et d'une forte réduction de la charge qui appuie la roue d'avant sur le rail. Au contraire, quand les essieux extrèmes sont placés loin du milieu de la locomolive, surtout quand le premier essieu se trouve tout à fait à l'avant, il s'oppose plus efficacement au lacet, et les chocs contre le rail sont moins violents. De plus, si cet essieu peut prendre un déplacement transversal, contrôlé par des ressorts ou des plans inclinés, les chocs contre le rail s'en trouvent fort amorlis. L'amélioralion est encore plus importante quand l'avant de la locomotive est supporté par un hogie où lrain de deux essieux, qui répartit entre ses deux roues placées d'un même côté l'action latérale contre les rails et qui, en oulre, distribue également la charge entre ses quatre roues, de sorte que les varialions de la charge verticale sous les roues d'avant sont fortement allénuées. Pendant longlemps, le bogie a été considéré uniquement comme un appareil facilitant la cireu- lation des locomotives dans les courbes raides, mais inulile sur les lignes peu sinueuses. Certes, le bogie se prête fort bien au passage dans les courbes, mais, en outre, il améliore beaucoup law circulation sur toutes les lignes, en réduisant les efforts verticaux et horizontaux que la locomotive EE a exerce sur les rails, et en se prétant aux sinuo- sités accidentelles que peuvent présenter les rails. L'opinion de presque tous les ingénieurs de che- mins de fer est unanime sur ce point, et les appli- cations du bogie n’ont cessé de se mulliplier sur la {plupart des chemins de fer d'Europe (On sait qu'en Amérique le bogie est d'un usage général, et qu'il existe à peu près depuis l'origine de la locomo- live). IL y a peu d'années encore, les administra- tions de quelques réseaux imporlants de divers pays élaient restées rebelles à l'emploi du bogie, “prétendant que, sur leurs voies peu sinueuses el bien entrelenues, il ne constituait guère qu'un sup- plément de poids à peu près inulile; mais successi- Yement on à vu disparaitre ces dernières résis- tances. —… Pour que le bogie ait toute son efficacité, il con- vient qu'il ait la plus grande liberté de déplace- ment dans tous les sens, Con- trôlée par des moyens de rap- pel suffisants : @est ce qu'on ‘obtient en ajou- 'fant, au pivo- tement autour de la cheville ouvrière, la fa- ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX° SIÈCLE ractérisliques de la construction moderne des loco- motives. Même avec plusieurs essieux accouplés, on l'applique fréquemment : notamment les puis- santes locomotives à quatre et même à cinq essieux couplés qu'on construit aux Elats-Unis en sont munies. On estime assez haut les services du bogie pour sacrifier l'avantage évident de l’adhérence totale pour ces fortes locomotives à marchandises. Bien entendu, la charge que porte le bogie est alors réduile au minimum. Toutefois, pour ces locomotives, on se contente assez fréquemment d'un seul essieu porleur à l'avant, muni de l’arliculation Bissel ou d'une dis- posilion équivalente. VI Quelques exemples de locomotives récentes com- pléleront ces considérations Le nombre des es- couplés fournit un élé- générales. sieux ment simple de classificalion. En outre, on range dans des catégories spé- culté de dépla- cement lrans- versal. Quel- quefois on considère seulement la cireulation de la machine dans des courbes régulières, et le seul déplacement que puisse prendre le bogie corres- pond à l'inscription radiale des essieux dans la ourbe ; c'est ce que réalise la disposition de Zisseh courbe régulière, manquent de souplesse pour l'entrée en courbe et pour le passage r diverses parties sinueuses des voies. Toutefois, urs, au bogie, mais commodes dans certains as). Il convient, en outre, pour que bogie ménage “autant que possible les voies, qu'il ne soit pas trop “Chargé et qu'il soit placé tout à fait à l'avant de la locomotive, le pivot se trouvant à peu près sous la Cheminée. Avec le matériel des grands chemins de L. une charge de 14 à 18 lonnes, également ré- partie sous les quatre roues du bogie, parait très convenable. …_ En résumé, l'emploi du bogie est l'une des ca- Mig. 4. — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés et bogie, com- pound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'Ouest. ciales les ma- chines-tenders quiporlentleur approvisionnement d'eau et de combustible, et les machines diles es- sieux moleurs ne restent pas toujours parallèles. articulées, où les divers Les locomotives à un seul essieu moteur, dites à essieux libres où indépendants, ne sont plus que rarement employées. Même avec une charge tres forte sous l'essieu moteur unique, elles manquent d'adhérence dans bien des cas. On a encore construit récemment quelques exemplaires en An gleterre et aux Etats-Unis: mais on peut dire que c'est un type condamné en principe. Si elles suf- fisent à la rigueur pour les trains très rapides à rares démarrages, il est difficile de les employer dans d’autres cas; cette spécialisation forcée est, en pratique, un inconvénient sérieux, que ne vient racheter aucun avantage bien marqué. La locomolive normale à grande vitesse a aujour- d'hui deux essieux couplés précédés d’un bogie. La disposition compound à quatre cylindres, usi- tée sur tous les grands réseaux français, convient parfaitement pour ce genre de machines (fig. 1). Pour les services les plus rapides, il n'est pas nécessaire de construire des locomolives présen- tant des dispositions extraordinaires permetlant en 480 de réduire la vitesse des pistons, telles que des roues de diamètre énorme; les diamètres de 2 mè- tres à 2%,100 suffisent parfaitement pour les plus grandes vilesses que puissent supporter les voies ; mais il faut des locomotives très puissantes et rela- tivement légères. En somme, les vitesses maxima atteintes aujourd'hui en pleine marche ne dépas- sent guère celles qu'on obtenait quelquefois sur les pentes il y a bien longtemps; mais la locomotive moderne soutient ces vitesses plus longlemps, et | ea ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIX:° SIÈCLE trois essieux couplés et à bogie (fig. 3); en donnant aux roues couplées un assez grand diamètre, 1,7 environ, on oblient une machine pouvant mars cher vite, tout en exercant un grand effort de trac tion. Ces machines conviennent pour presque to les services de chemins de fer; il n’y a guère q les grands trains de marchandises sur fortes rampes et les trains très rapides qu'elles ne pu sent remorquer dans de bonnes conditions. Sur les réseaux du Nord et du P.-L.-M., notamment, on Lig. 2, — Locomotive à grande vitesse, à deux essieux couplés, bogie à l'avant, et essieu porteur à l'arrière, compound quatre cylindres, des Chemins de fer du Nord (type Atlantic); surtout elle marche vite sur les paliers et sur les rampes, de manière à se rapprocher de l'unifor- mité de la vitesse, toujours grande ; en outre, elle démarre rapidement. Afin d'augmenter encore la puissance des loco- molives à grande vitesse, il faut les munir d'une chaudière plus grande, et alors le poids devient trop lourd pour les deux essieux couplés et le tender à bogie. les trouve avantageuses pour la remorque des trains de marchandises à des vitesses accélérées Ces trains s'intercalent plus facilement entre les lrains de voyageurs, sans avoir à perdre un lemps énorme en garages ; le matériel etle personnel sont mieux utilisés, el il en résulle une large compensa Lion de la petite augmentation de la dépense de coms buslible, qui peut résulter d'une vitesse plus grande Fig-.3; bogie. On est alors conduit à munir la machine d'un cinquième essieu, essieu porteur placé à l'ar- rière, sous un très vasle foyer. Les deux essieux couplés sont alors rapprochés autant que possible, ce qui à l'avantage de réduire la longueur des bielles d'accouplement. Ce lype remarquable de locomotive est origi- naire d'Amérique, où il est désigné par le nom de type Atlantic; il commence à se répandre en Eu- rope : on en a construit des exemplaires en Angle- terre, en Allemagne, en France (fig. 2). Un autre lype bien moderne est la machine à — Locomotive à trois essieux couplés et à bogie, compound à quatre cylindres, des Chemins de fer de l'ESIM En augmentant encore le diamètre des roues motrices, qui peut atleindre deux mètres, on arrive à une vérilable locomotive à grande vitesse, à très forte adhérence, qui peut porter une très vasle chaudière. Le système compound à quatre cylin= dres, avec deux essieux moleurs différents, cons vient très bien pour ces machines à trois essieux couplés et à bogie. Les locomotives à quatre essieux couplés ave un bogie (fig. 4), ou un simple essieu porteur à l'avant, sont fréquemment construites aux État Unis avec des dimensions vraiment colossales : ces ED. SAUVAGE — LES LOCOMOTIVES A LA FIN DU XIXe SIÈCLE 181 chines remorquent des trains d'un poids qui raît invraisemblable aux ingénieurs européens. Par exemple, une machine de ce genre, construite mr l'/llinois Central Railroad, pèse 103 tonnes, “dont 87 pour le poids adhérent. rempli, le poids s'élève à 165 tonnes. Cette machine traîne, parait-il, des trains de 1.800 tonnes sur rampe de 7 millimètres par mètre. … On fail mème des machines à cinq essieux cou- plés, avec bogie ou essieu porteur à l'avant. Les machines-tenders sont employées ordinaire- ment pour des services de banlieue et de manœu- “res dans les gares. Quelquefois, en donnant aux outes à eau et à combustible une capacité suffi- ante, on peut les employer pour des services de rande ligne : mais le poids des approvisionne- ments vient réduire la part allribuable à 11 ma- chine proprement dite. Pour les lignes sinucuses de montagne, il faut concilier une forte adhérence avec une grande flexibilité. Plusieurs dispositions, souvent assez compliquées, ont été appliquées à cet effet, L'une des plus satisfaisantes est celle de M. Mallet, où “deux paires de cylindres, les uns à haute, les - autres à basse pression, commandent deux groupes - d'essieux différents. Le groupe d'arrière est relié | directement au chässis de la locomotive : le groupe d'avant est muni d'une articulation Bissel. Il exige . un tuyau articulé pour l'admission de vapeur ; afin d'obtenir plus facilement des articulations étan- Avec le tender | ches, on commande ce groupe par les cylindres à basse pression, qui recoivent la vapeur du réser- voir intermédiaire, et non de la chaudière, c'est-à- dire à tension réduite. VII La conclusion qui terminait l’article précité sur la machine à vapeur en général est applicable à la locomotive : les progrès dans la construction sont dus à l'application de plus en plus étendue de la méthode scientifique. C'est une erreur, qui du reste devient rare, de penser qu'en fait de machines | ——— EE og Lee À 4 nana TT be à quatre essieux couplés et à bogie. le rôle de la science est d'indiquer quelques grandes théories générales, qui ne peuvent guère s'appli- quer directement aux cas de la pratique. L'an- cienne distinetion entre la théorie et la pratique s'efface de plus en plus : non seulement les dispo- sitions d'ensemble, mais tous les détails des appa- reils sont déterminés scientifiquement, par l'appli- cation raisonnée des ressources de la technique aux diverses conditions du problème à résoudre. On demande quelquefois si la locomotive à va- peur n’est pas appelée à disparaitre bientôt devant les applications croissantes de la traction élec- trique. Certes, il est difficile de prévoir avec quelque précision ce que seront les machines de l'avenir ; mais si la très petite locomotive indépendante, au- trefois essayée sur les tramways, a cédé la place aux moteurs électriques (au moins quand on ne s’est 482 LIEUTENANT PERRIER — PASCAL pas amusé, par un caprice véritablement stupé- fiant, à rendre ce mode de traction très compliqué et très onéreux), le remplacement de la puissante locomotive à vapeur des chemins de fer ne parait pas très proche. Plus une machine motrice est puissante, moins elle se prête, en principe, à la commande indirecte par transmission : l'augmentation même de la puissance des locomotives récemment construites semble être, à ce point de vue, une garantie de leur durée. La transmission électrique a un champ PASCAL CRÉATEUR DU CALCUL DES PROBABILITÉS ET PRÉCURSEUR DU CALCUL INTÉGRAL. î Î. — LE CALCUL DES PROBABILITÉS. | Le Calcul des Probabilités est né de deux problè- mes posés à Pascal par un bel esprit de ses amis, sans doute plus acharné joueur que bon analyste, le chevalier de Méré'. Cerles, depuis longtemps, on avait la notion de l'importance qu'ont dans les jeux, pour le réglage des enjeux et des paris, les rapports des nombres de cas favorables ou non aux joueurs. Mais c'était une audacieuse entreprise qu'essayer de soumettre pour la première fois à l'analyse des événements qui dépendent du hasard et paraissent devoir, plus que lout autre objet, échapper forcément au calcul. Paseal et Fermat la tentèrent avec succès. M « En combien de coups peut-on espérer faire sonnez ? avec deux dés ? » Tel était le premier pro- blème du chevalier de Méré. Il présente peu de dif- ficullés. Pascal, Fermat et Roberval le résolurent facilement, mais la solution de Pascal ne nous est pas restée. Il est vraisemblable que, par les seules ressources du bon sens, Méré en trouva une qui devait être exacte, si l'on en juge par une phrase d’une lettre de Pascal à Fermat *. Il s'altaqua alors à d'autres problèmes analogues, tels que celui-ci : « En combien de coups peut-on espérer faire une rafle * avec deux dés ? » et les résolut également. Mais le suivant l'arrêta : « Dans un jeu de hasard 1 Galilée avait été, cinquante ans plus tôt, invité par un amateur de jeu à s'occuper d'un problème de même genre. Voir Berrranp : Les Lois du hasard (Revue des Deux Mon- des du 15 avril 1884). 2 C'est-à-dire amener deux six. 3 « Il me disoit.… si on entreprend de faire sonnez avec deux dés. il y a désavantage de l'entreprendre en 24 (coups). » (Lettre de Pascal à Fermat, du 29 juillet 1654, p. 223, Lahure.) i C'est-à-dire amener le même point avec chaque dé, d'application très vaste, avant de s'élendre aux grands chemins de fer. [1 convient toutefois d'in* intermédiaires entre ceux des tramways et de chemins de fer proprement dits, services caracté risés par l'emploi de trains légers très fréquents Cette application parait se développer, et prend sans doute beaucoup d'importance. à Ed. Sauvage, Protesseur à l'École des Mines de Paris. tout à fait égal, deux joueurs, jouant une partie en« un certain nombre de points, en ont déjà chacun un nombre inégal, et veulent rompre la partie sans l’achever. On demande de déterminer les partis. des joueurs, c’est-à-dire comment ils doivent par= tager équitablement l'enjeu ». Les parts doivent être évidemment proportionnelles aux probabilités respeclives de gagner la partie; ces probabilités inconnues dépendent des nombres connus des points qui manquent à chaque joueur pour atteindre le nombre convenu, et le problème consiste à déler- miner les probabilités en fonction de ces nombres. Méré n'était pas de taille à le résoudre : «IL a très bon esprit, » écrivait Pascal, « mais il n'est pas géomètre; c'est, comme vous savez, un grand défaut; et mème il ne comprend pas qu'une ligne mathématique soit divisible à l'infini et croit fort bien entendre qu'elle est composée de points en nombre fini, et jamais je n'ai pu l'en tirer; si vous pouviez le faire, on le rendroit parfait". » Roberval lui-même n'eut pas plus de succès que Méré.w Pascal avait transmis l'énoncé à Fermat el tous deux réussirent presque en même temps. Fermat communiqua le premier sa solution à son rival eb celui-ci répondit par l’envoi de la sienne. À partir de ce moment, l'histoire des origines du Calcul des Probabilités est Lout entière dans les six admirables lettres qui nous sont restées de la correspondance échangée par eux dans les derniers mois de 1654: Il faut croire que celle de Pascal avec Méré fut moins active; une leltre, tantôt intéressante, tantôt ridicule, de ce dernier est parvenue jusqu'à nous *. 1 Lettre de Pascal à Fermat du 29 juillet 1654, p. 223. 2 Lettre citée par Bossut dans son Discours sur la vie el les ouvrages de Pascal, ajouté au tome second de l'Essai ‘ral LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 183 "_« L'impatience me prend aussi bien qu'à vous », écrit Pascal à Fermat le 29 juillet 1654; « et quoi- que je sois encore au lit, je ne puis m'empêcher de “ous dire que je recus hier au soir, de la part de M. de Carcavi, votre lettre sur les partis, que j'ad- -mire si fort que je ne puis vous le dire. Je n'ai pas 6 loisir de m'étendre; mais, en un mot, vous avez …_frouvé les deux partis des dés et des parties dans la parfaite justesse : j'en suis tout satisfait; car je ne doute plus maintenant que je ne sois dans la | vérilé, après la rencontre admirable où je me “irouve avec vous... Mais parce que la peine des “combinaisons est excessive, j'en ai trouvé un “abrégé, et proprement une autre méthode bien plus “courte et plus nette, que je voudrois pouvoir vous “2, dire ici en peu de mots; car je voudrois désormais vous ouvrir mon cœur, s'il se pouvoit, tant j'ai de joie de voir notre rencontre. Je vois bien que la vérité est la même à Toulouse et à Paris". » Pascal se trompait en estimant sa méthode « plus ourte et plus nelle ». Elle est fort ingénieuse et consiste, au fond, à rechercher l'« équation aux ifférences ‘parlielles » du problème? : mais, telle u'il la présente, elle conduit quelquefois à d'inex- ricables raisonnements, et ne s'applique, d’ail- leurs, qu'au cas de deux joueurs. Celle de Fermat, basée sur des combinaisons, est plus directe, plus générale et lui permit de résoudre le problème “analogue dans le cas de trois joueurs. Pascal crut … d'abord cette généralisation inexacte : « Je ne pus - vous ouvrir ma pensée enlière touchant les partis de plusieurs joueurs, par l'ordinaire passé, » écrit-il - à Fermat le 24 août; « et même j'ai quelque répu- … gnance à le faire, de peur qu'en ceci, cette admi-. CLS …rable convenance qui éloit entre nous, et qui “m éloit si chère, ne commence à se démentir; car je crains que nous ne soyons de différens avis sur ce sujet. Je veux vous ouvrir toutes mes raisons, et vous me ferez la grâce de me redresser, si j'erre, ou de m'affermir, si j'ai bien rencontré. Je vous le demande tout de bon et sincèrement; car jé ne me _tiendrai pour certain que quand vous serez de mon côté". » Mais il y avait erreur en un point du raisonnement par lequel Pascal prétendait con- vaincre Fermat *. Celui-ci le lui fit remarquer et il sur l'Histoire générale des Mathématiques, Louis, Paris, 1802, et par Havet dans son édition des Pensées de Pascal, Delagrave, 1863, p. 5 : « Les démonstrations de la Géométrie sont le plus souvent fausses, elles empêchent d'entrer dans des connaissances plus hautes qui ne trompent ja- mais, de remarquer à la mine et à l'air des personnes qu'on voit quantité de choses qui peuvent beaucoup ser- vir, etc. » 1 Leitre de Pascal à F'ermat du 29 juillet 1654, p. 220 et 122. ? Voir LarLace: Œuvres complètes, t. VII, Théorie analy- tique des probabilités, introduction, p. XXV, XXXV, CXLv. … * Lettre de Pascal à Fermat du 24 avril 1654, p. 226. 4 Voir MonrucLa : Histoire des Mathématiques, Agass Paris, 1860, t. LIL, p. 382. J'avoua de bonne gràce dans la lettre du 27 octobre : « Votre dernière lettre m'a parfaitement satisfait: j'admire votre méthode pour les partis, d'autant mieux que je l'entends fort bien; elle est entière- ment vôtre, et n'a rien de commun avec la mienne, et arrive au même but facilement. intelligence rétablie'. » Dans l'« Usage du triangle arithmélique pour déterminer les partis qu'on doit faire entre deux Joueurs qui jouent en plusieurs parties », Pascal expose d'abord une première solulion du problème des partis, celle dont nous venons de parler; il y Joint une seconde ainsi que des solutions de pro- blèmes analogues, toutes basées sur la considé- ration de son triangle arithmétique. Les deux prin- cipes* fondamentaux qu'il énonce au début du chapitre dérivent du simple bon sens dans le cas de circonstances absolument égales pour les deux joueurs. Bernouilli* et D'Alembert # ont recherché s'il ne faut pas les modifier quand ceux-ci sont dans des circonstances physiques ou morales diffé- rentes, par exemple dans le cas où leurs fortunes sont inégales. Les recherches de Pascal et Fermat ne furent pasimmédiatement publiées, mais firent sans doute quelque bruit parmi les savants de l’époque. Les énoncés, sinon les solulions, des problèmes traités par eux parvinrent à Huyghens, qui s'y atlaqua à son tour. En 1658, parut son « Le ratiociniis in ludo aleæ ». On y trouve résolus les différents cas du problème des partis, par une méthode du reste analogue à celle de Pascal, ainsi que les solutions ou seulement les énoncés de quelques autres pro- blèmes du même genre. Huyghens rend d'ailleurs justice à ses illustres contemporains et reconnait formellement leurs droils de priorité”. C’est donc à tort qu'on a voulu quelquefois lui attribuer l'in- Voilà notre ! Lettre de Pascal à Fermat du 27 octobre 1654, p: 235. > Premier principe : « Si l'un des joueurs se trouve en telle condition que, quoi qu'il arrive, une cerlaine somme doit lui appartenir en cas de perte et de gain, saus que le hasard puisse la lui ôter, il ne doit en faire aucun parti, mais la prendre entière comme assurée, parce que le parti devant être proportionné au hasard, puisqu'il n'y à nul hasard de perdre, il doit tout retirer sans parti. » Deuxième principe : « Si deux joueurs se trouvent en telle condition que, si l’un gagne, il lui appartiendra une certaine somme, et s'il perd, elle appartiendra à l'autre: si le jeu est de pur hasard, et qu'il y ait autant de hasards pour l'un que pour l'autre, s'ils veulent se séparer sans jouer, et prendre ce qui leur appartient légitimement, le parti est qu'ils séparent la somme qui est au hasard par la moitié, et que chacun prenne la sienne. » * Anciens Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, ES 10e ATSI TN pu ‘ Mélanges de Littérature, t. V, et Opuscules mathéma- tiques, t. IL et V. * « Sciendum vero quod jampridem inter præstantissimos tola Gallia geometras calculus hic agitatus fuerit ne quis indebitam mihi primæ inventionis gloriam hac in re tribuat. » 184 LIEUTENANT PERRIER — PASCAL vention du Calcul des Probabilités; sa gloire est assez belle: il est inutile de la grandir en dimi- nuant celle de Pascal et Fermat. Ceux-ci ne par- tagent avec personne lPhonneur d'avoir ouvert à leurs successeurs une route féconde de l'Analyse. IJ. — LA ROULETTE. Nous arrivons aux travaux de Pascal sur la roulette. On sait la place considérable occupée par celte courbe dans les recherches mathématiques du xvu: siècle. Elle doit sa célébrité autant à ses nombreuses et remarquables propriétés, qu'aux querelles fameuses qu'elle a suscitées, méritant d'être appelée par Montuela « l'Hélène » ou « la pomme de discorde » des géomètres. Tout a été dit sur elle, depuis Groningius' et Carlo Dati” jusqu'à Bertrand *; nous n'avons donc nullement la prétention d'analyser les innombrables écrits qu'elle a fait naître, mème en n'en retenant que ce qui concerne spécialement Pascal. La question de la roulette est d'ailleurs étroitement liée à celle, plus générale, des origines du Calcul intégral. Au temps de Pascal, tout comme aujourd'hui, des procédés sommatoires étaient indispensables pour la recli- fication des lignes courbes, la quadrature des sur- faces planes ou courbes et la cubature des volumes, problèmes suggérés par la considération de la rou- lette ou d'autres courbes. On peut dire que chaque géomètre imagina alors les siens pourles appliquer aux cas particuliers qu'il avait en vue. Aussi, le Pascal précurseur du Calcul intégralne peut-il être séparé du Pascal qui, sous le nom de Dettonville, défait tous les géomètres de l'Europe de trouver les solutions de certains problèmes sur la roulette. Nous les étudierons ensemble, après avoir donné un rapide aperçu des travaux antérieurs. Cette étude ne peut être poussée bien loin si l'on s'interdit, ce qui est notre cas, loute formule, toute figure et tout développement exclusivement mathé- matique. Il faut se borner à l'historique des faits et à quelques généralités mathématiques indispen- sables. Le lecteur insuffisamment versé dans les -sciences devra passer celles-ci; mais il pourra quand même s'intéresser à celui-là, et se faire une idée du génie mathématique de Pascal et de quel- ques-uns de ses rivaux. En ce qui concerne le lecleur déjà assez au courant des questions de Géométrie et d'Analyse, notre but serait atteint si nous pouvions lui inspirer le désir d'approfondir, parmi les œuvres mêmes de Pascal, les opuscules qui accompagnent la « Lettre de Dettonville à Car- avi». Il pourra se rendre comple des procédés Le ne EP RE \ Historia cycloidis. 2 Lettera a Philalethi. 3 Article dans le Journal des Savants, numéro de mai 1520. sommaloires de Pascal et voir combien, si primitif qu'ils nous paraissent aujourd'hui, ils étaient remarquables pour l’époque, puisqu'ils lui ont permis d'énoncer des théorèmes qui sont la tra duction même de formules de notre Calcul intégral, dont certaines sont déjà très compliquées". $ 1. — La méthode des indivisibles. On est tenté de s'imaginer aujourd'hui que notre Analyse infinitésimale, telle que nous la con= paissons et l'appliquons, dans ses deux grandes divisions du Calcul différentiel et du Calcul intégral permet seule de résoudre les problèmes qui sonb de son ressort. La méthode d’exhaustion, celles des indivisibles, celle des indéterminées de Descartes, celle des limites et des fluxions de Newton, sont peu connues malgré les services que chacune à rendus dans son temps. La méthode d’exhaustion est la plus ancienne: Pour arriver à la connaissance d'une courbe, par exemple, les géomètres de l'Antiquité imaginaient un polygone inscrit à la courbe, et un polygone circonscerit; ils les étudiaient en supposant que le nombre de leurs côtés augmente, tandis que le longueurs de ces côtés diminuent; ils avaient ainsi une idée de plus en plus approchée de la courbe; toujours comprise entre les deux polygones, @ arrivaient, en raisonnant par continuité, à décou= vrir exactement ses propriétés. Pour les surfaces et les volumes, ils usaient de méthodes analoguest Au début du xvn° siècle apparait la méthode des indivisibles. Le Milanais Cavalieri? l’applique dès 1629 et l'expose en 1635 dans sa « (Gcomelria indi= visihilibus continuorum nova quædam ralione pros mota ». À la même époque, en France, Roberval est en possession d'une méthode analogue, mais, suivant son habitude, ne publie rien, car il aimait faire mystère de ses découvertes et détestaitd’écrire, ayant quelque peine à s'exprimer nettement. Il se contente de réclamer, par une lettre de 164%à Torris celli*, des droits de priorité discutables. Le « 7railés des Indivisibles », publié seulement après sa mort# 1 Jusqu'à des formules contenant des intégrales doubles eb triples. Ce fait a été très bien mis en évidence par Maries A ceux que les traités géométriques de Pascal rebuteraientà première lecture par suite de l'archaïsme de la forme, on n saurait trop conseiiler de les étudier d'abord dans Marie Histoire des Sciences mathématiques et physiques, t. MN p. 187 et suivantes). Marie, quelque inégal et incomplet sun certains points qu'on puisse le juger, a un wérite rare: il complètement lu les principales des œuvres dont il parle de préférence les œuvres mathématiques). Dans son histoires il donne de chacune une analyse qui la suit pas à pas. Quandh l'œuvre n'est pas écrite en français, ou est d'un style vieilli cette analyse, véritable traduction résumée et commentées facilite singulièrement l'étude de l'original. 2 1598-1647. 3 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VI. ‘ Premier volume de Mémoires publié par l'Académie des, Sciences. LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 482 GO QC ontre bien qu'il avait puisé sa méthode dans son opre fonds; mais, en voulant, comme il dit, s'en jouir « juveniliter » et la garder «in petlo », il ait laissé à Cavalieri l'honneur de la découverte. “ La méthode des indivisibles ne correspond qu'à “notre caleul intégral limité à l'intégration des fonc- “tions différentielles. On comprend aisément pour- “quoi ce dernier est né, somme toule, avant le calcul différentiel : rectifier des lignes courbes, quarrer des surfaces planes ou courbes, cuber des volumes, sont des problèmes qui se sont forcément posés de “tout temps, tandis que ceux du calcul différentiel Wiennent moins naturellement à l'esprit. Le calcul intégral n’est au fond que l'inverse du calcul différentiel, puisqu'il revient toujours à chercher si les fonctions placées sous le signe somme ne sont pas des différentielles de fonctions nnues. Au contraire, dans la méthode des indi- décomposés en un nombre infini d'éléments qu'il apoelle des indivisibles, c'est-à-dire qu'il considère comme représentant le dernier terme de la décom- position. Pour les lignes, ces indivisibles sont des points placés côte à côle; pour les surfaces, ce sont des droites parallèles juxtaposées; pour les volumes, des plans parallèles empilés. Ainsi pré- “sentées, les hypothèses sur lesquelles repose la méthode paraissent évidemment absurdes, et Cava- ieri est forcé d'avouer qu'il ne peut donner de “démonstration rigoureuse de celle-ci. Altaqué par Guldin’, il la compléta et la justifia en 1640 dans ses « Zxercitationes geometricæ sex », faisant voir qu'elle est au fond une transformation heureuse de la méthode d'exhauslion. Le seul défaut de Cavalieri était de s'exprimer « d'une manière un peu dure pour des oreilles accoulumées à l'expres- ion géométrique ». Ses indivisibles sont ce que nous appelons aujourd'hui des lignes, des surfaces ou des volumes élémentaires qui décroissent indé- finiment à mesure que leur nombre augmente indéfiniment. (Cest ainsi que Roberval l'entend dans sa lettre de 1644 à Torricelli.) Il ne faul voir dans les hypothèses de Cavalieri qu'un moyen com- mode d'abréger le discours. 11 faisait, en somme, abstraction d'une dimension des indivisibles, qu'il suffit de rétablir dans ses raisonnements pour leur rendre la rigueur qui parait leur manquer. - Les grands géomnètres de son temps ne s'y sont pas trompés etont pratiqué la méthode en se faisant ine idée très exacte de son esprit. Mais, comme Cavalieri, ils sous-entendaient constamment dans Mu 1577-1643. > MoxrucrA: Histoire des Mathématiques, t. Il, Agasse, aris, an VI, p. 28. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 9901. leurs démonstrations les différentielles des varia- bles, ce que nous appellerions aujourd'hui dx, dy, dz, ds,..…. et les supposaient implicitement égales entre elles. Pascal est formel à cet égard : « Tout ce qui est démontré par les véritables règles des in- divisibles, se démontrera aussi à la rigueur et à la manière des Anciens; et ainsi l'une de ces mé- thodes ne diffère de l'autre qu'en la manière de parler : ce qui ne peut blesser les personnes raison- nables quand on les a une fois averties de ce qu'on entend par là. Et c'est pourquoi je ne ferai aucune difficulté, dans la suite, d'user de ce langage des indivisibles : /a somme des lignes ou la somme des plans ;.… je ne ferai aucune difficulté d'user de cette expression : /2 somme des ordonnées,... puisqu'on n'entend autre chose par là sinon la somme d'un pombre indéfini de rectangles faits de chaque ordonnée avec chacune des petites portions égales du diamètre, dont la somme est certainement un plan. De sorte que, quand on parle de /a somme d'une multitude indélinie de lignes, on a toujours égard à une certaine droite, par les portions égales et indéfinies de laquelle elles soient multipliées!. » Pascal et Roberval négligentsans cesse les quantités infiniment petites vis-à-vis des quantités finies : « Une grandeur continue d'un certain ordre n'aug- mente pas », dit Pascal, « si on lui ajoute des quanti- tés d'un ordre inférieur entelnombre qu'on voudra»; etil ajoute, ens'exprimant comme Cavalieri: «Ainsi, par exemple, une somme de lignes n'augmente pas plus par l'addition d'une somme de points, qu'une somme de surfaces n’augmente par l'addition d'une somme de lignes, ou une somme de solides par l'addition d’une somme de surfaces ?. » Roberval emploie sans cesse les expressions « infini » et «infiniment petit », absolument dans le sens que nous leur attribuons aujourd'hui. La notion de l'infini mathématique élait donc familière aux géomètres de l'époque *. Ne pouvant faire que des démonstrations géomé- triques, ils ont déployé une habileté véritablement étonnante dans l'application de la méthode des 1 Lettre de Dettonville à Carcavi, p. 332. 2 Peotestatum numericarum Summa, P. 311. 3 Au sujet de l'idée de l'infini dans Pascal, voir Pensées, (édition Havet, Delagrave, 1883, article I,1; article XXV, 3), ainsi que De l'esprit géométrique (méme édition, p. 536 et suivantes). Voir aussi, la lettre du chevalier de Méré que nous avons déjà citée. Dans tout le passage de l'opuscule D: J'es- prit géométrique indiqué ci dessus, Pascal prend le mot « indivisible » au sens bien précis qu'il avait depuis Cavalieri pour les géomètres de son temps. Deux indivisibles ne sont donc ni « deux portions de pur espace », ni « plutôt deux atomes réels, deux petits corps », et Pascal n'entend point, p. 541, prouver que le « point géométrique, et en général les figures géométriques-pures sont des idées sans réalité » (Havet), mais seulement faire voir l’absurdité qu'il y aurait à prendre les hypothèses de Cavaheri au pied de la lettre. 10°* 486 indivisibles. En général, Cavalieri opérait comme il suit : Etant donné par exemple deux solides, l’un de volume inconnu, il admettait que le rapport de leurs volumes est égal à la valeur limite de celui des sommes de leurs indivisibles, en nombre infini, et obtenait le volume du second en cherchant cette limite par des considérations purement géométri- ques. En opérant d'une façon analogue pour les surfaces, il arriva à quarrer les paraboles jusqu'à celles du quatrième degré, et établit par analogie la règle pour celles de degré quelconque. Wallis, ” par une méthode qui est au fond celle des indivi- sibles, entrevit clairement que le problème de la quadrature de la parabole de degré m revient à trouver la limite, pour 7 — æ, du rapport de la somme des m»°%% puissances des nombres entiers de {à n à n fois la (m — 1)*" puissance du der- nier, mais ne parvint, lui aussi, à la formule géné- rale qu'en opérant de proche en proche. En obte- nant, comme on l’a vu plus haut, les sommes successives des puissances semblables, entières et positives, des termes d’une progression arithmé- tique, Pascal résolut du même coup la question dans toute sa généralité. Fermat et Descartes y par- venaient en même temps par d’autres voies. Les détails précédents sur les progrès de la Géométrie infinitésimale entre les mains des con- temporains de Pascal permettront de comprendre exactement ce qui fait l'originalité de celui-ci dans les profondes recherches que lui inspira la roulette. Il n’a rien modifié au principe de la méthode des indivisibles, et l'a sans cesse appliquée en se ren- dant, comme on l'a vu, parfaitement compte de sa portée; Cavalieri avait déjà considéré ce que Pascal appelle des « onglets », Tacquet* et Huyghens s’en servaient à la même époque. Mais là où Pascal se révèle supérieur, c'est dans les procédés géomé- triques qu'il était, comme eux, forcé d'employer pour obtenir les limites de sommes d'éléments infi- niment petits en nombre infini. Son génie a pu se donner libre carrière el résoudre les problèmes les plus difficiles que la Géométrie se soit posés jus- qu à lui. $ 2. — Travaux sur la roulette antérieurs à Pascal. La roulette avait déjà été l’objet de nombreuses recherches quand Pascal commença à s'en occuper. Connue, d'après Wallis, dès 1451 par le cardinal de Cusa, étudiée par Galilée qui essaya de la quarrer en la comparant par des pesées à son cerele générateur, elle avait élé mise à la mode en France par le P. Mersenne. Eu 1628, il propose à Roberval le problème de la quadralure de l'aire totale de la roulette; celui-ci le résout en 1634, et appelle la 1 Jésuite belge ; 1612-1660. LIEUTENANT PERRIER — PASCAL courbe « trochoïde », tandis qu'en même temps Beaugrand lui donne le nom de « cycloïde » qui lu“ est resté; en 1638, apprenant du P. Mersenne Je succès obtenu par Roberval, Descartes lui répondk par l'envoi d’une solution à lui; d’où querelle entre Descartes et Roberval, que ce dernier envenime« aussitôt. Descartes trouve, immédiatement après, la tans gente à la roulette au moyen d'une méthode géo métrique élégante, devenue plus tard la base de 1 théorie des centres instantanés de rotation; il fait proposer par Mersenne le problème à son adver= saire et à Fermat : Roberval, après de nombreu efforts infructueux, le résout par sa méthode ori= ginale des « mouvements composés », si mal expli= quée d’abord par lui qu’elle fut longtemps discutée; en même temps Fermat en donne une solution par la méthode « de maximis et minimis » qui lui à valu d’être regardé par d'Alembert, Laplace et Lagrange comme le véritable inventeur du Calcul différentiel : autre querelle, bientôt apaisée, entre Descartes et lui. Enfin, en 1644, Roberval découvre la cubalure« des volumes engendrés par la courbe entière tour: nant autour de son axe ou de sa base. La même année, Torricelli, dans un appendice à ses Opuscula yjeometrica, publie à son tour une solution du problème de la quadrature de la courbe ; Roberval réclame ses droits de priorité, Torricelli répond et la querelle ne prend fin qu'en 1646 ; si les droits de priorité résident dans l'anté- riorité de Ja découverte, ceux de Roberval élaient inconteslables, puisque, dès 1637, Mersenne, à la fin de son /armonie universelle, cite la décou- verle de Roberval". $ 3. — Premières interventions de Pascal dans les polémiques suscitées par la roulette. Certainement Pascal, avant d'entrer lui-mêmes en scène, s’intéressa aux débats provoqués par la roulette. Il est diflicile de croire, comme il l’affirme dans son Aistoire de la roulette, qu'il ait ignoré jusqu'en 1658 le rôle important de Roberval, plus âgé que lui de vingt-et-un ans, mais ami de son père et le sien, avec qui il entrelenait des rela= lions suivies. L'Histoire de la roulette, publiée en 4658, est visiblement inspirée par Roberval. L'amitié de Pascal le porte d'abord à attribuer à la solution de Roberval pour la tangente à la rou= letle une supériorité exagérée sur celles de Fermab et de « feu M. Descartes ». Il accuse ensuite formellement Torricelli de pla= 1 ]l est curieux de constater les variations de Pascal sui vant les besoins de sa cause. Dans l'Æistoire de la rou lette, il prend violemment parti pour Roberval contre Torricelli. Dans la Suite de l'histoire de la roulette, etc envers Roberval. Torricelli aurait trouvé la lution de celui-ci dans les papiers de Galilée, uel « feu M. de Beaugrand » l'aurait commu- ée en 1658. Tout comme à Descartes, il était fficile à Beaugrand de protester! Montucla et ême Bossut, si enclin d'ordinaire à l'indulgence ur son héros, n’ont point admis l'accusation. is Montucla a parlé de la « fulminante et pédan- lesque » lettre de Roberval, Marie à affirmé que € Roberval passa bientôt d’une discussion modérée x plus violentes injures » et Bossut va jusqu'à ire que « Torricelli concut un tel chagrin de cette cusation de plagiat qu'il en mourut à la fleur de n àge ». Bertrand a montré au contraire que la liscussion entre Torricelli et Roberval n'a pas épassé les bornes de la courtoisie. Leurs lettres ntété publiées. Elles « ne prouvent rien de con- re à la bonne foi de Torricelli. Roberval, écri- nt à Torricelli, n'a pas l’impertinence de l'accuser 6 plagiat, et Torricelli, répondant à des réclama- ions exprimées en termes courtois, acceple avec blitesse les assertions de Roberval, sans avoir à éfendre sa loyauté !. » « Il serait cruel », a dit ondorcet, « d'être obligé de suspecter Pascal de mauvaise foi ». On y est cependant bien forcé en cette circonstance, surtout quand on remarque ses Variations d'opinion sur Torricelli : En 1651 ?, lorricelli est pour lui « un génie si illustre, et dont nous avions déjà recu des productions en Géo- nétrie, qui surpassent toutes celles de l'Antiquité ». En 1658 *, il le met bien au-dessous de Roberval et le traite par l'ironie en rapportant ses tentatives Walheureuses pour résoudre certains problèmes r la roulette. Ici encore, les raisons de sa con- duite doivent être recherchées dans son amitié pour Roberval et une secrète jalousie envers Torricelli que l’on a vu déjà être fort vraisemblable. . — Défi adressé aux géomètres contemporains par Pascal, ses polémiques et ses travaux sur la roulette. | La roulette élait quelque peu délaissée des géo- mètres depuis douze ans, quand Pascal ramena avec éclat l'attention sur elle en 1658. Tout comme sa nièce Marguerite Périer, sa sœur Gilberte Pas- al (M Périer) nous apprend, dans sa Vie de Blaise Pascal, comment il chercha dans l'étude le cette courbe une diversion à ses souffrances, {comment son ami, le duc de Roannez, homme ieux et d'ailleurs versé dans les Mathématiques, pasagen à publier le résultat de ses médilations, mp. 353), pour défendre Roberval contre le P. Lallouëre, il tient avec beaucoup de force que les droits de priorité résident dans l'antériorité de la publication. 1 Article dans le Journal des Savants, n° de mai 1890. > Lettre à M. de Ribeyre du 12 juillet 1651, p. 71. $ Histoire de la roulette, p. 339. LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 487 pour prouver qu'on peut être à la fois géomètre de génie et chrélien ardent : « Ce renouvellement de ses maux commença par un mal de-dents qui lui Ôta absolument le sommeil. Dans ses grandes veilles, il lui vint une nuit dans l'esprit, sans des- sein, quelques pensées sur la proposition de la rou- lette. Cette pensée étant suivie d’une autre, et celle-ci d'une autre; enfin une multitude de pensées, qui se succédèrent les unes aux autres, lui décou- vrirent, comme malgré lui, la démonstration de toutes ces choses, dont il fut lui-même surpris. Mais comme il y avait longtemps qu'il avait renoncé à loutes ces connaissances, il ne s'avisa pas seule- ment de les écrire : néanmoins, en ayant parlé par occasion à une personne à qui il devait toute sorte de déférence, el par respect et par reconnaissance de l'affection dont elle l'honorait, cette personne, qui est aussi considérable par sa piété que par les émi- nentes qualités de son esprit et par la grandeur de sa naissance, ayant formé sur cela un dessein qui ne regardait que la gloire de Dieu, trouva à propos qu'il en usât comme il fit, et qu'ensuite il le fit imprimer !. » Sous le nom d’A. Dettonville ?, Pascal adressa er latin, en juin 1658, une cireulaire à tous les géo- mètres en renom, bientôt suivie d'une seconde, destinée à préciser cerlains points”. Il leur deman- dait de trouver l'aire d'un demi-segment de la rou- lette « ordinaire‘ » el son centre de gravité, les volumes des solides qu’il engendre en tournant autour de l'axe, puis autour de la base, leurs centres de gravité, enfin les centres de gravité des quatre solides partiels obtenus en coupant les précédents par un plan mené par l’axe. Les solutions devaient être reçues avant le 1* octobre. M. de Carcawi, conseiller du Roi, assisté d'un jury de personnes compétentes, devait les juger, et Pascal déclarait avoir déposé entre ses mains deux prix de 40 et 20 pistoles destinés aux auteurs des solutions Jugées les meilleures et les premières en date. Il suffisait de traiter complètement deux cas particu- liers indiqués par Pascal et de prouver, dans les autres cas, que « les données suffisent pour déter- miner Loutes les choses demandées; en sorte qu'il soit facile... de déduire l'une quelconque de ces choses de celles qui sont renfermées dansl'énoncé », c'est-à-dire, dénoncer la solution (ce EE 1 Vie de Blaise Pascal, par Me Périer, édition Havet des EÈRE de Pascal, Delagrave, 1883, p. x. 2 Amos Dettonville, anagramme de Louis de Montalte. pseudonyme sous lequel Pascal avait publié les Drovin- ciales, en 1656. # Les deux circulaires (textes latin et francais de Pascal) sont réunies dans les œuvres de Pascal sous les titres « Pro- blemata de cycloide proposita mense junii 1658 » et « Pro- blèmes sur la cycloïde, proposés en juin 1658 ». - Ainsi nommée pour la distinguer de la cycloïde «allon- gée » et de la cycloïde « accourcie ». en somme, 488 LIEUTENANT PERRIER — PASCAL que nous exprimerions aujourd'hui en disant donner la formule), quitte à en fournir plus tard la démonstration détaillée, lorsqu'on serait moins pressé par le temps. Les problèmes de Pascal étaient d'une difficulté bien supérieure à ceux résolus avant lui sur la roulette. Ildemandait des quadratures et des cuba- tures dont ses prédécesseurs n'avaient pu traiter que des cas particuliers à l'aide de méthodes ingé- nieuses, mais non générales. Au 4 octobre, Carcavi est absent de Paris : le jury ne peut se réunir. Pascal l'annonce le 7 dans ses « Réflexions sur les conditions des prix alla- chés à la solution des problèmes concernant la cycloïde » ou « Annolata in quasdam Solutiones problematum de cycloide ». Cet écrit vise, sans les nommer, l'illustre Wallis d'Oxford et le P. de Lal- louère', Jésuite de Toulouse. Le premier, dès le mois d'août, avait réclamé contre le faible délai accordé aux concurrents : il pouvait se faire, remarquait-il, « que leurs lettres, quoique écrites le 4° octobre, soient très longtemps en chemin, soit par les incommodités de la saison; soit par celles de la guerre, soit enfin par les tempêtes de mer qui peuvent arrêter, ou même faire périr les vaisseaux qui les portent*. » Pascal lui répond d'un ton assez haut : Les prix « venant de ma pure libé- ralité, j'ai pu disposer des conditions avec une entière liberté‘. » Lallouère avait annoncé à Carcavi, à la fin de septembre, qu'il avait résolu toutes les questions proposées et lui avait envoyé, à titre d'exemple, un caleul relatif à l'une d'entre elles. S'il faut en croire Pascal, le calcul est faux et n'est accompagné d'aucune explication qui puisse au moins faire supposer juste la méthode suivie; bien plus, l'auteur l'a produit sciemment, pour gagner du temps et pouvoir ensuite tromper le jury sur la date où ses efforts auraient élé cou- ronnés de succès. Pascal le déclare exclu du con- cours : « Nous allons examiner », conclut-il, «’les calculs et les solutions des autres qui ont été reçus dans le temps". » Trois jours après paraît l'Histoire de la roulette”. Pascal rend compte d’abord des envois de certains géomètres qui ont communiqué des résultats inlé- ressants sans prélendre au prix. Sluze avait déterminé l'aire totale de la roulette par une mé- 1 1600-1664. ? Histoire de la Roulette, p. 338. 3 Jb1d., "p.329. 4 Jbid., p..333. 5 Histoire de la roulette, appelée autrement trochoïde ou eycloïde, où l'on rapporte par quels degrés on est arrivé à la connaissance de cette ligne ou Historia trochoïidis, sive cycloidis, gallice la roulette : ?n qua narratur quibus gra- dibus ad intimam illius lineæ naturam cognoscendam per- ventum sil. thode nouvelle. Huygens avait quarré le segmen limité par une parallèle à la base, menée au quan de l'axe à partir du sommet. Le chevalier Wrensà la fois géomètre et grand architecte, à qui nous devons l'église Saint-Paul de Londres, avait quarré conque de la courbe limité au sommet (Pascal affirme d'ailleurs‘ que Roberval en avait déjà trouvé lui-même, décidément coutumier de ce genre de réclamations, a revendiqué cette découverte Lallouère est aussi cité : Il aurait envoyé des solutions visiblement empruntées à Roberval Quant aux concurrents pour les prix, on ne pourrä les juger encore de quelque temps, Carcavk n'étant pas revenu. Pascal termine en proposant de nouveaux problèmes qui ne feront plus l'objet d'aucun prix : trouver la longueur et le centre de gravité d’un are quelconque de la roulette limité au sommet (le premier de ces deux déjà résolu pa Wren), les surfaces qu'il engendre en lournant aus tour de la base ou de l'axe d’une fraction de tou quelconque et leurs centres de gravité. Pasca annonce avoir résolu ces problèmes et avoir aussi rectifié les ares de la roulette allongée ou accourcie . Le 24 novembre, le jury se réunit enfin. Il existe“ un véritable procès-verbal de sa délibération# Lallouère n’a rien envoyé de nouveau depuis sep tembre, a même déclaré ne plus concourir; pa acquit de conscience, on examine son calculeton trouve des fautes grossières : « Dans un solide aigu par une extrémité, et qui va toujours en s'élargis sant vers l'autre, il assigne le centre de gravité vers l'extrémité aigue ». Reste seul Wallis pour prétendre aux prix; son Mémoire n'a pas plus de succès. Non seulement l'auteur a commis de erreurs de calcul, maissa méthode est fausse : « Il raisonne de certaines surfaces indéfinies en nombre et qui ne sont pas également distantes entre elles,« de même que si elles l'étoient..….. »; il prend mal «les centres de gravité de certains solides élevés perpendiculairement sur des lrapèzes'. » Bref «les prix n'ont point été gagnés, parce que pers sonne n’a donné la véritable solution des problè mes" ». | Tel est le récit des faits pris dans les œuvres de Pascal. La plupart des auteurs ont accepté aveus 1 Jbid., p. 341. 2 Anciens Mémoires de l'Académie, t. VL. De trochoide. 8 Récit de l'examen et du jugement des écrits envoyés pour les prix proposés publiquement sur le sujet de la rou lette, où l'on voit que ces prix n'ont point été gagnés, pale que personne n'a donué la véritable solution des problèmess 4 Histoire de la Roulette, p. 350. 5 Jbid., p. 351 et 352. S Jbid., p. 349. ment ses dires. D'autres’ se sont montrés plus res envers lui. Groningius, dans son /isloria cycloidis, à sou- u les prétentions de Wallis, et celui-ci, dans son ité De cycloide, à protesté lui-même contre la Cision du jury. Mais le procès-verbal du 25 no- fembre est trop précis sur les erreurs de Wallis our qu'on puisse les mettre en doute; il les a hilleurs lui-même reconnues, et, quelque excuse il en fournisse, il est bien difficile dès lors de lui lonner raison. “Les erreurs de Lallouère sont tout aussi indé- fables. Du reste, en lisant Pascal, on sent conti- iuellement combien il est sûr de leur réalité et la e qu'il en éprouve. Le Jésuite était sans aucun loute inférieur aux difficultés des problèmes pro- posés. Sa (Greometria promola in seplem de cycloide ris, parue en 1660, est surtout une vaste com- ilation, dénotant une faible originalité; il y an- once (c'était son habitude) la publication à bref lélai de la quadrature du cercle, et « que penser », omme disait Fontenelle, « d’un homme qui avait ü le malheur de faire une pareille découverte »? De plus, on ne peut accuser Pascal d'avoir voulu se dérober à l'obligation de payer les prix promis : tait l'époque où, près de la mort, il vivait dans à pauvreté et dépensait son bien en aumônes. - Mais que de contradictions, d'obscurités appa- 'aissent dans ses écrits, quand on tente de les approfondir ! Le 7 octobre, il sent le besoin d'exposer longue- ment pourquoi Lallouère doit ètre exclu , du concours”; le 10, il le range parmi ceux qui ne prétendent pas aux prix*; faut-il croire que le ésuite s'est précisément désisté dans l'intervalle? Comment ces trois jours ont-ils suffi à Pascal pour étudier à fond les envois de Sluze, Huyghens, Wren et Lallouère (c'est le 10 qu'il en rend ‘ompte* alors que le 7 il était seulement sur le point de les examiner‘). En juin, il promet de pu- blier ses propres solutions le 1° octobre, mais en ajoutant cette condition, qui prête à bien des équi- voques : « si personne n'a résolu nos problèmes ». Or, le 4 octobre, le jury ne se réunit pas. Pascal en profite pour se contenter de communiquer ses olutions à Carcavi, Roberval et au notaire Ga- lois’; il attend encore trois mois pour les rendre publiques en y joignant celles de ses nouveaux problèmes! Dans l'intervalle, il lance le 12 décem- 1 BenrranD (article cité); Raoul Rosières : La découverte de Ja cycloïde, Revue générale des Sciences, 30 juillet 1890. .* Histoire de la Roulette, p. 330 et suivantes. 3 » » » eue 340. + » » » , P. 340, 341. Si » » » HD: 333. &) » » » : 325 7 , p. 335, 342. LIEUTENANT PERRIER — PASCAL 489 bre, contre le P. Lallouère, mais sans le nommer, un violent réquisitoire! qui se réduit à ceci : « De Lallouère n'a répondu à aucune demande d’expli- calions complémentaires sur ses solutions parce qu'il n’a rien trouvé et veut s'approprier les mien- nes. » Comme si le Jésuite ne pouvait pas dire à son tour avec autant de vraisemblance : « Si Pascal ne publie rien, c'est qu'il attend mon envoi pour donner mes solutions comme siennes! » Tout cela cause un certain étonnement. Il re- double à la lecture de deux lettres de Pascal à Lallouère, d'authenticité indiscutable, publiées en 1659 et signalées par Bertrand. Dans la première, Pascal loue le Père d'avoir trouvé une méthode plus générale, dit-il, que celle de Roberval, en lui faisant remarquer qu'il soupconne seulement quel- ques erreurs dans les calculs. Dans la seconde, il convient qu'un examen plus approfondi lui à mon- tré la rigoureuse exactitude de ceux-ci. Affirmer que Pascal a réellement joué un double jeu avec son adversaire, soupçonné de plagiat, pour l'amener à se découvrir et mieux le frapper ensuite, est une grave accusation qu'il est difficile de porter tant que de nouveaux documents n'auront pas éclairé à fond la question; mais il faut bien avouer qu'il donne, jusqu'ici, prise à tous les soupcons. D'ailleurs, comme il à habilement disposé des conditions de la lutte pour rester maître du champ de bataille! Il accorde à ses rivaux, pour résoudre des problèmes qu'il a eu et a encore le loisir de méditer à l'aise, un délai bien insuffisant, étant données les lenteurs des communications à l'épo- que; de parti pris, il passe outre aux protestations de Wallis. Les juges sont ses amis : sans aucun doute, c'est lui qui prend les décisions?; en l'absence de Carcavi, il a communication d’une partie au moins des mémoires envoyés®; il fait surveiller Lallouère‘; le procès-verbal du 25 no- vembre est sûrement écrit de sa main. Il sent tous ses avantages et, afin d'affirmer à tous sa supério- rité, il retarde la publication de ses solutions pour en ajouter de nouvelles. Le premier concurrent, le seul redoutable, Wal- lis, pressé par le temps, envoie heureusement des résultats incomplets et entachés d'erreurs. Le second, Lallouère, est négligeable : Pascal 1 Suite de l'histoire de la roulette, où l'on voit le procédé d'une personne qui avait voulu s'attribuer l'invention des problèmes proposés sur ce sujet ou Historiæ trochoïdis sive cycloidis continuatio, in qua Videre est cujusdam viri ma- chinamenta qui se auctorem problematum super hat re pro- positorum erat professus. 2 « Leurs calculs sont done justement réputés nuls. » Histoire de la Roulette, p.322. e croit p. 333, 340 et 341. « Je témoignai donc mon soupcon et je priai qu'on ob- servàt ses démarches ». Ibid., p. 354. 490 LIEUTENANT PERRIER — PASCAL le sait et se joue de lui. Il a en plus le malheur d’être Jésuile : Pascal l’accable sans pitié. Le grave reproche bien établi qu'on peut adres- ser à Pascal nous semble donc celui d’avoir été trop habile dans une affaire où il était à la fois juge et partie. Après le jugement du 24 novembre, Pascal recut les solulions de quelques-uns des problèmes pro- posés en octobre. Wrenet Fermat avaient trouvé le centre de gravité d’un arc quelconque de la rou- lette limité au sommet ainsi que les surfaces qu'il engendre en tournant autour de la base ou autour de l'axe d’une fraction de tour quelconque, mais personne n'avait trouvé les centres de gravité de celles-ci. Au début de 1659, Pascal se décida enfin à publier ses découvertes impatiemment attendues. Il com- mence par donner, dans la « Lettre de Dettonville à Carcavi », une méthode pour la recherche des centres de gravité, fondée sur le théorème, déjà connu, des moments dans le cas de forces para- lèlles,et la considération de certaines sommes dites « triangulaires ». Pascal définit ensuite ce qu'il appelle un « lriligne rectangle ». C’est l'aire com- prise entre deux axes rectangulaires et une courbe quelconque limitée à ces axes. Le « Traité des trili- gnes rectangles et de leurs onglets » a pour but de déterminer les éléments du triligne nécessaires pour obtenir certaines surfaces et certains volumes engendrés par sa rotation autour des deux axes ainsi que leurs centres de gravilé. Le « Traité des sinus du quart de cercle », le « Traité des ares de cercles », le « Petit traité des solides circulaires », développent le cas particulier où le triligne est cireu- laire: Enfin, dans le « Traité général de la rou- lette », Pascal montre que les précédents donnent tous les éléments nécessaires pour résoudre les fameux problèmes proposés, et qu'il suffit d'en faire l'application à la roulelte !. ! Huyghens, Leibniz et Jean Bernouilli devaient enrichir plus tard la liste des propriétés de la cycloïde en montrant que sa développée est une cycloïde égale, que la cycloïde est à la fois « tautochrone » et « brachystochrone ». En communiquant ses opuscules à Huyghensw Pascal y ajoute la « Dimension des lignes courbes de toutes les roulettes », généralisation du problèmt déjà traité par Wren dans le cas de la roulette ordinaire seulement. Pour de Sluze’, il y joim un traité « De l'escalier, des triangles cylindriques: et de la spirale autour d'un cône ». Les réponse de Huyghens et de Sluze nous sont restées *. L'analyse de cette partie de l’œuvre de Pasca nous est interdite à cause des développements mathématiques étendus qu'elle exigerait. Mais, en se reportant à ce que nous avons dit plus haut dé sa méthode et de ses procédés, on voit que, to en ayant surtout cherché à résoudre des problèmes concernant une courbe particulière, et sans abon der dans toute leur généralité ceux des recti cations, des quadratures, des cubatures et des centres de gravité, Pascal doit être placé en tête des grands géomètres qui, avant Leibniz et Newton ont, en somme, pratiqué le Calcul intégral, maïs sans le soumettre à un mode uniforme par un algo® rithme. Il a pressenti les « merveilles de la nou velle analyse * ». N'y fait-il pas allusion quand à s'écrie? : « Il y a des propriétés communes à toutes ces choses, dent la connoissance ouvre l'esprit aux plus grandes merveilles de la Nature. La principale comprend les deux infinités qui se rencontrent dans toutes : l'une de grandeur, l’autre de pet tesse © »? Lieutenant Perrier, Détaché au Service Géographique de l'Armée. 1 Lettre de Dettonville à Huyghens de Zulichem, non datée 2 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale de Liège, non datée. 8 Lettre de Huyghens de Zulichem à Dettonville, du 5 fé vrier 1659 et Lettre de Sluze à Pascal, du 29 avril 1659. 4 Lettre de Dettonville à Sluze, chanoine de la cathédrale de Liège, p. 445. e 5 De l'esprit géométrique, p.169. 5 Cet article de M. le lieutenant Perrier paraitra prochais nement dans un ouvrage que le regretté Adolphe Hatzfeld a consacré à Pascal, et pour la partie scientifique duquel notre distingué collaborateur lui a donné son concours. Ce livre aura pour titre : Apocrne Hatzrerb : Pascal, À vols in-$° de 300 pages, chez Alcan, 1901 (Collection des grands philosophes, dirigée par Cronius Prar). BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Andoyer{(H.), Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de Paris. — Leçons sur la Théorie des Formes et la Géométrie analytique supérieure. Tome I. — 1 vol. gr. in-8 de 508 p. (Prix : 15 fr.) …Gauthier-Villars, éditeur, 55, Quai des (irands-Au- gustins, Paris, 1901. La Théorie des Formes peut êlre exposée au point de ue purement algébrique, sans l'intervention de la éométrie; mais on peut aussi, dès le début, avoir re- urs à la Géométrie analytique, afin d'interpréter ométriquement les diverses théories algébriques. Cette dernière méthode offre non seulement un grand térêt, mais elle est encore appelée à rendre de grands rvices à la fois à l’Algèbre supérieure el à la Géomé- trie. C'est aussi celle qui a été adoptée danscet ouvrage. L'interprétation géométrique des propriétés de la Théorie des formes algébriques permet d'édifier une Géométrie générale, que M. Andoyer désigne sous le nom de Géométrie analytique supérieure, et dont la Géométrie ordinaire n'est qu'un cas particulier. Suivant que les formes envisagées renferment deux, trois ou uatre variables primitives, on se trouve conduit à la Géométrie binaire, à la Géométrie ternaire ou à la Géo- métrie quaternaire. Ces trois Géométries, prises dans leur ensemble, correspondent à la Géométrie ordinaire. L'auteur se propose de les examiner successivement, en méme temps que les formes algébriques qui les engen- drent. - Ce premier volume contient l'étude des formesbinaires ét ternaires et des formes qui endérivent, el, par suite, aussi les Géométries binaire et ternaire. Il comprend deux parties : I. La Géométrie binaire; Il. la Géométrie ternarre. Dans chacun de ces domaines, l'auteur expose d'abord la théorie générale des Invariants; puis, après avoir étudié les formations invariantes générales, il examine successivement les systèmes linéaires, les résultants et les discriminants, les formes bilinéaires et les systèrnes quadratiques. Chaque partie se termine ‘par une étude intéressante des propriétés de la Géo- métrie métrique. - On concoit facilement que, dans cet exposé, il n'y avait pas lieu de faire intervenir d’une facon systéma- tique la partie arithmétique de la Théorie des Formes, c'est-à-dire celle qui s'occupe de la formation des sys- tèmes complets, etque l’on retrouve d’ailleurs dans les traités classiques d'Algèbre supérieure. M. Andoyer s'est borné aux notions les plus simples, afin de pouvoir ‘embrasser d'un poiut de vue unique l'ensemble des théories algébriques dont on fait usage en Géométrie analytique. - Gerte facon nouvelle de développer la Théorie des Formes, jointe à la clarté et à la précision de l'exposé, permet de classer cet ouvrage parmi les publications les plus imporlantes parues dans ce domaine. H. Feur, Professeur à l'Université de Genève. Rollet (P.), Professeur a l'Ecole d'Arts et Métiers … de Chälons et Foubert (E.), Professeur à l'Ecole … primaire supérieure de Lille. — Cours d'Algèbre, . pour les Ecoles primaires supérieures et pr'ofession- . “elles et pour la préparation aux Arts et Métiers. — 1 vol. in-12 de 400 pages, avec nombreux exer- eices et problèmes. (Prix, cartonné : 3 fr.) Félix Alcan, éditeur, 108, Boulevard Saint-Germain, Pa- ris, 1901. BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 2° Sciences physiques Meyrat (P.). et Dardant (A.), Professeurs à l'Ecole de Commerce de Limoges. — Cours de Marchan- dises. 1°r fascicule : Métaux; ?° fascicule : Produits chimiques. Engrais. Explosifs. — 2 vol. qr. in-12 avec figures. Librairie Nony et -Cie, Paris, 1901. Ces deux petits volumes sont les premiers d’une série de six fascicules, dans lesquels les mêmes auteurs présentent, envisagés d'un point de vue essentiellement commercial, tous les produits naturels où manufac- turés, susceptibles d'être échangés entre les différents peuples. Il y avait là matière à des développements consi- dérables et nos futurs commerçants sauront gré à MM. Meyrat et Dardant d’avoir su condenser en un si petit nombre de pages les questions essentielles qu'il leur est indispensable de connaitre sur chaque mar- chandise : Origine des produits, leurs caractères dis- tinctifs, leurs variétés, leurs principaux emplois, leur valeur commerciale, les droits d'entrée qu'ils suppor- tent, etc. Le premier volume traite des mélaux et plus de là moitié en est naturellement consacrée aux fers ef à ses dérivés, fontes et aciers. C'est le véritable résumé d’un cours de Métallurgie avec explication des termes cou- rants employés dans le langage des forges. Peut-être pourrait-on reprocher aux auteurs de ne pas s'être tou- Jours adressés aux sources les plus récentes en la ma- tière et d'apporter à leurs élèves des définitions aujour- d'hui un peu surannées. Il est certain, par exemple, que de l’acier contenant 0,009 de carbone est loin d'être doux et que la trempe agit encore assez sur l'acier con- tenant moins de 0,006 de carbone, pour que tous les jours il y ait en douane de vives contestations, en vue justemeut de déterminer le point de passage, d’ail- leurs très douteux, entre l'acier dur et l'acier doux. Ce côté de la question, envisagé au point de vue des droits d'entrée, méritait évidemment plus de précision. D’au- tre part, lorsque l'obtention d'un métal comporte, comme pour le zine, des procédés Irès différents, sui- vant la teneur des minerais traités, et, par conséquent, variables avec les régions, il eùl été préférable de signaler chacun d'eux, d’une facon succincte, c'est . vrai, mais sans en omettre. L'histoire des produits chimiques, des engrais et des explosifs constitue le second fascicule. Ici la descrip- tion des procédés d'extraction ou de fabrication paraît plus comolète et plus soignée. Elle contient certaine- ment toutes les notions élémentaires utiles au com- mercant, qui veulapprécier sa marchandise et en assurer la conservation. A part nos légères critiques sur la partie purement technique de l'ouvrage, nous avons plaisir à recon- naître que son programme d'ensemble est eycellent. C'est une idée heureuse et nouvelle d’avoir réuni pres- que dans les mêmes pages, à propos de chaque produit, les chiffres aux formules, car cela facilite singulière- ment les recherches. Toute la partie statistique est fort bien présentée; de nombreuses cartes émaillent le texte et permettent de retrouverles lieux de production et de consommation des principales substances com werciales; enfin, la plupart des chapitres se terminent par quelques extraits bien choisis d'ouvrages connus, qui donneront certainement envie à beaucoup de lec- teurs de se reporter aux textes originaux, ce qui leur sera très profitable. M Dane ne Ingénieur-métallurgiste. 492 Severin (Emile-C.), l’rofesseur de Sciences physi- ques au Lycée de Bärlad. — Produits de conden- sation de l'acide dichlorophtalique (Thèse pour le doctorat de l'Université de Paris). — Une brochure de 62 pages. L. Boyer, imprimeur, Paris, 1901. MM. Haller et Guyot ont montré autrefois qu’en con- densant l'anhydride phtalique avec la diméthylaniline on obtenait l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque, qui a été ensuite le point de départ de l'étude de nouveaux dérivés (anthraquinone, antbranol correspondants, etc..…). M. Severin s'est proposé d'étudier ce qui se passerait dans le cas de l'acide phtalique dichloré 1:.2— 3.6. Lorsqu'on condense l'anhydride dichlorophtalique avec la diméthylaniline en présence du chlorure d’alumi- nium, on obtient l'acide diméthylaminobenzoyibenzoïque dichloré : CH° COC'H Az CeHeCE< NcHs CooH Tandis que l'acide non chloré traité par l’anhydride acétique se transforme en une phtaléine, l'acide chloré donne seulement un anhydride mixte. De même, l’acide diméthylaminobenzoylbenzoïque se condense sous l'influence de l'acide sulfurique en don- nant l'anthraquinone correspondante. L’acide di- chloré, au contraire, ne donne rien. Ce faittrouve son explication dans la règle de V. Mayer, relativement à l'éthérification directe de certains acides. En effet, une éthérification n’est autre chose qu'une condensation entre un groupe acide et un groupe alcool avec élimi- nation d’eau. Or, les deux groupements négatifs qui limitent en ortho le carboxyle rendent l’éthéritication, ainsi que toute autre condensation, difficilement réali- sable. On peut cependant y arriver en changeant le carac- tère négatif d'un des orthosubslituants, par exemple en réduisant le groupe CO — C'H*Az(CH°)°. La condensation, dans ce cas, se fait très facilement : el es Cl ZONCHE — CH#AZS CH, 0H: | CH — n°0 +| | Donraz 2 L SRE | /C00H KL /co CH él ù Il semble donc que la présence des atomes de chlore par rapport à un des carboxyles empêche la condensa- tion de l'acide diméthylaminobenzoylbenzoïque chloré. L'auteur a vérifié qu'il en était de même pour l'acide diéthylé. G. BLANC, Docteur ès sciences, Lagatu (H.) et Sicard (L.). — Guide pratique et élémentaire pour l'Analyse des terres et son uti- lisation agricole, avec une Préface de M. E. Riser, Directeur de lInstitut national agronomique. — 1 vol. in-8° de 303 pages, avec planches et figures. (Prix: 6 fr.) Coulet et fils, éditeurs à Montpellier, et Masson et Ce, éditeurs à Paris, 1901. « Notre guide pour l'analyse des terres est pratique, en ce sens qu'il décrit les opérations de laboratoire BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX que l'on effectue couramment pour étudier les terres | arables; il est élémentaire, en ce sens qu'il contient l'indication de tous les détails de ces opérations, et, sous une forme aussi simple que possible, les explica- tions permettent de comprendre pourquoi tous ces détails sont nécessaires. » Tel est le dékut de l « aver- tissement » de l'ouvrage que nous présentons, début que les auteurs se préoccupent constamment de justi- fier. Le prélèvement des échantillons de terre, la description et la conduite des appareils de mesure et de chauffage, l'analyse physique et l'analyse chimique le figure exactement. forment l'objet d'autant de chapitres bien détaillés etm bien exposés; les méthodes décrites sont conformes à celles du Comité consultatif des Stations agronomiques Nous regrettons seulement de n'y pas voir adjoints quelques mots sur les déterminations de potasse eb surtout d'acide phosphorique « assimilables », c’est-às dire solubles dans les acides faibles, soit dans l'acide acétique, comme l'a préconisé M. Dehérain, soit dans. l'acide citrique à 1 °/,, suivant la méthode de Dyer Après cette légère critique, il convient de faire res= sortir les bonnes qualités de l'ouvrage : un grand nombre de traités d'analyses de terre arrêtent leur étude aux déterminations que nous avons signalées et négligent de montrer d’une facon suffisante comment et en quoi les résultats analytiques permettent, si on sait bien les interpréter, d'améliorer les cultures exé-= cutées sur les terres examinées. C’est une faute que MM. Lagatu et Sicard n’ont pas commise, et les éloges ne doivent pas leur être ménagés à cet égard. Presque la moitié de leur ouvrage est consacrée à l’utilisation agricole de l'analyse des terres, à l'interprétation des résultats, aux améliorations culturales suggérées par ces analyses. Un chapitre entier est réservé aux études analytiques appliquées à un ensemble de terres arables, telles que celles d'un domaine ou d'une région, études qui per- mettent aussi d'en dresser les cartes agrologiques et agronomiques, dont l'utilité n’est plus à démontrer. M Un certain nombre d'exemples d'analyses compor- tant des résultats numériques, et une représentation graphique fait encore mieux saisir les ressources que fournit l'analyse du sol bien comprise et bien inter- prétée. Enfin, les dernières pages renferment l'établissement et le détail du devis du matériel et des produits chimi= ques nécessaires à l'analyse des terres et permettent de déterminer les dépenses afférentes à ce sujet. A. HÉBERT. 3° Sciences naturelles Vidal (Louis), Chef des travaux de Botanique à la Faculté des Sciences de Grenoble. — Recherches sur le sommet de l’axe dans la fleur des Gamo- pétales. (T'hèse pour le Doctorat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8, broché, de 415 p. avec 4 planches, figures dans le texte (An= nales de l'Université de Grenoble, X11). Impr: Allier frères. Grenoble, 1901. | Si tout le monde est d'accord sur la nature de l'axe floral, qui est une tige, s'il n'existe aucune difficullé relative à l'interprétation de la nature foliaire du calice et de la corolle, quelques difficultés ont été soulevées, il y à bien longtemps déjà, au sujet de la nature exclusivement foliaire de l'androcée et du gynécéen L'organogénie semblait impuissante à expliquer lan structure de certaines fleurs autrement que par une, participation de l'axe à la constitution de l'ovaire. On a pu croire que l'étude anatomique du système vas=s culaire avait résolu toutes les difficultés; mais M. Van, Tieghem, qui en avait tiré si bon parti, a eu plus d’une fois l’occasion de reveuir sur ses observations” pour en modifier l'interprétation, sans modifier d'ail=" leurs la conclusion essentielle qu'il en avait tirée: Eichler, MM. Celakovsky, Warmiog, Gœbel, par des moyens différents, sont arrivés au même résultat, à savoir que le système vasculaire ne peut donner, à lui seul, la solution du problème. Le débat est donc toujours ouvert, M. Grélot s'y est engagé récemment; M. Vidal y prend part à son tour. Il ne se renferme pas dans un seul procédé d'étude; il les utilise tous sans parti pris, n'ayant d'autre désir que celui de faire la lumières Il observe avec soin, décrit brièvement ce qu'il à vu et L'axe ne prend aucune part à la constitution du pistil des Gamopétales lorsque les carpelles sont plus \ ou moins libres (Asclépiadacées, Apocynacées); dans presque toutes les autres Gamopétales à ovaire supère, Vaxe prend part à la constitution du pistil, soit en se rolongeant au centre de l'ovaire, soit en se creusant n une coupe réceplaculaire. Dans le premier cas, les uilles carpellaires sont plus ou moins concrescentes avec un axe intraovarien, à moins que l'axe ne soit fudimentaire. L'axe intraovarien des Gamopétales pos- Sède assez souvent un système vasculaire caractéristique de la tige; les faisceaux y sont orientés normalement; ïls sont rangés en un cercle ou forment un anneau béro-ligneux continu, sans trace de péricycle ou d'endoderme. M. Van Tieghem dit qu'il existe, dans Ce cas, un axe transitoire. Plus fréquemment l'axe intraovarien est parcouru par des faisceaux inverses isolés ou par des faisceaux dont l'orientation n’est pas déterminable. Quel que soit son développement mor- phologique, l'axe intraovarien parait être de nature œaulipaire. Le sommet en est libre entre les carpelles embrassants concrescents. Quelquefois il atteint le plafond de l'ovaire qu'il touche, s'appliquant contre orifice interne du canal stylaire; plus souvent, l'axe ne s'élève pas jusqu'au sommet de l'ovaire, qui n'est Pluriloculaire que dans sa partie inférieure. Des faits tératologiques connus depuis longtemps confirment cette opinion. L’axe floral prolongé dans la fleur est bien alcrs une tige qui peut n'avoir pas de système vasculaire. Si l’on admet qu'il existe des feuilles sans faisceaux conducteurs, il est logique d'admettre qu'il puisse exi-ler aussi des tiges sans faisceaux. Cette interprétation est à fort peu près celle de M. Warming et de M. Celakovsky. : Dans le cas où l'axe intraovarien est réduit au mini- um, et où la placentation est basilaire, on peut se demander si l'ovule unique est terminal. On l'a cru; le fait a été infirmé dans plusieurs cas par de bons bservateurs. M. Vidal confirme que l’ovule n’est pas erminal chez les Composées et Plombaginacées. Dans és deux familles, la placentation basilaire dérive de Ja placentation axile par avortement complet de l'axe LL par réduction des ovules à un seul. - Ilest impossible de ne pas admettre la participation de l'axe à la constitution des ovaires infères des Gamo- pétales. Dans beaucoup de cas, les faisceaux demeurent éunis sur une certaine longueur; les faisceaux qu'on suppose radialement superposés sont soudés en un “faisceau unique (Caprifoliacées); il peut aussi y avoir concrescence latérale de faisceaux appartenant au même verticille. Chez les Composées mêmes, soudures latérale et radiale sont si intimes que la nervation de Ja coupe réceptaculaire ne laisse plus soupconner e nombre et la disposition des pièces florales. Il est certain que, si des coupes réceptaculaires ainsi consti- tuées représentent des sommes d'appendices, il n'est ‘pas possible de les distinguer d'organes caulinaires, et, si l'indépendance des faisceaux caractérise les feuilles, il faut bien admettre qu'il n’y a pas de feuilles dans l'ovaire infère des Composées. On peut dire, en vérité, que, chez les Phanérogames es plus différenciées (Dipsacées, Composées), le carpelle est réduit à ne former que le style. Le sommet de l'axe a supplanté le carpelle. : - Nous laissons de côté les détails relatifs à la part qui revient à l'axe dans la conduction du tube pollinique, Jl'emmagasinement des réserves ou la constitution du fruit. Relevons simplement, pour finir, quelques indi- calions relatives aux applications à la systématique des détails morphologiques qui précèdent. 11 convient de faire remarquer d'abord que la forme de l'axe est très variable chez les plantes d’une même famille et identique souvent dans des plantes très . différentes. La réduction du nombre des graines entraine le raccourcissement de l'ovaire et surtout de l'axe ovarien, la gynobasie et, plus tard, la substi- tution physiologique du péricarpe au tégument séminal. - Des modifications de cette sorte peuvent se produire - dans des groupes éloignés et induire en erreur. — Il ne paraît pas douteux que l'Empetrum dont on a 0 L f | BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 195 beaucoup discuté les affinités ne doive être réellement rapproché des Vaceinium et des Ericacées. Les Convol- vulacées paraissent plus voisines des Labiées qu'on ne le pense. L'Adoxa Moschatellina doit être définitive- ment rapproché des Caprifoliacées. Nous devons nous arrêter, mais il convient de dire que le travail de M. Vidal est de ceux qui perdent à être analysés: IL fait honneur à l’auteur et à l'Univer- sité de Grenoble, qui a pris, depuis quelques années, une place si honorable parmi les centres d'étude des Sciences naturelles. C. FLAHAULT, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. Stephan (Pierre), Préparateur à l'Ecole de Médecine de Marseille. — Recherches histologiques sur la structure du tissu osseux des Poissons (7hese de la Faculté des Sciences de Paris). — A vol. in-8° de 150 pages avec 8 planches. L. Danel, imprimeur, Lille, 1901. La thèse de M. Stephan touche à plus de choses que ne le laisse penser son titre. On y trouve non seule- ment la structure des différents tissus calciliés dont l'os n’est qu'une espèce, mais encore le développement de ces tissus et les considérations d'ordre général sur divers modes d’ossification et la classification des tissus squelettiques. C'était là un vaste sujet à entreprendre, trop vaste peut-être même pour un jeune savant. L'Histologie est une des sciences les plus difficiles parmi les sciences biologiques. Elle demande une longue initiation pour acquérir la pratique des méthodes, pour amener une éducation suffisante de l'œil; enfin, et surtout, pour savoir juger les faits et leur faire donner tout ce qu'ils peuvent fournir. Si M. Stephan n'a pas encore traversé cette période d'initiation, le travail qu'il nous présente aujourd'hui nous montre qu'il possède, en germe tout au moins, ce qu'il faut pour devenir un histologiste de carrière. Les différents tissus squelettiques sont caractérisés tout d'abord par la nature de la substance intercellu- laire qui donne à ces lissus leur caractère général le plus frappant, la consistance. Cependant, l'étude de cette substance ne saurait nous fournir une classifica- tion de ces tissus. M. Stephan nous montre, en effet, que, si elle est presque toujours fibrillaire, on peut trouver tousles intermédiaires entre les larges faisceaux de fibrilles du double cône vertébral, par exemple, et la couche superficielle des écailles, où cette substance se dissout presque entièrement par la décalcification. Cette première partie de lathèse de M. Stephan se termine par cette généralisation très intéressante : « Il y à une concordance complète entre la substance : osseuse qui se forme et Ja substance fondamentale du tissu conjonctif dans lequel s'accomplit l'ossification. » Quand le tissu conjonetif est lâche ou muqueux, la substance fondamentale est homogène; quand il est chargé de fibres conjonctives, celle-ci devient fibril- laire. Ce sont surtout les éléments cellulaires qui per- mettent de diviser les tissus squelettiques des Poissons. En laissant de côté le cartilage et ses variétés, M. Ste- phan distingue et étudie quatre cas : 1° L'os proprement dit, qui renferme des cellules à nombreux prolongements ramifiés (ostéoblastes). Ce tissu se trouve chez les Ganoïdes, les Sirénides et les Physostomes ; 2 La dentine, dont les cellules ne présentent qu'un ou deux longs prolongements (odontoblastes) : écailles pläcoïdes, dents et plaques masticatrices; 30 L'ostéodentine, nom sous lequel Owen désigne les tissus qui renferment à la fois des ostéoblastes et des odontoblastes : Ganoïdes osseux; quelques Téléos- téens ; 4° La substance ostéoïde, de Külliker, ou substance spiculaire, de Pouchet, qui est une espèce d'os réduit à sa substance fondamentale : presque tous les Téléos- 494 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX téens, plaques basales des dents et des écailles des | Sélaciens. Dans cette étude, M. Stephan ne nous apporte rien de bien nouveau, et il ne pouvait le faire non plus en se limitant, comme il l’a fait, à l'examen de la forme et du degré de ramification de ses prolongements. Du | reste, la partie la plus importante de son Mémoire traite du développement des tissus squelettiques. | Il étudie tout d'abord l’ossification fibreuse en pre- | nant pour type la formation:des doubles cônes verté- | braux. Cette ossification se fait chez les Poissons de la même facon que chez les Vertébrés supérieurs, avec un remaniement vasculaire moins considérable cependant de l'os nouvellement formé. < Les os un peu volumineux, tels que les os du crâne et ceux de la ceinture scapulaire, montrent des systèmes de Havers bien caractérisés; mais, le plus-souvent, ces systèmes sont rares et isolés au milieu de la substance fondamentale ; quelquefois même, comme chez les Gadi- dés, ils sont complétement absents; et, d'une façon très générale, on peut dire que l’ossification trabéculaire constitue la majeure partie du squelette des poissons supérieurs adultes. | L'ossification dans le cartilage divise toujours les his- | tologistes au sujet de l’origine des ostéoblastes et de la | substance osseuse. Dans la plupart des cas étudiés par | M. Stephan, les cellules cartilagineuses acquièrent peu à peu la colorabilité des cellules médullaires et persis- | tent sous cette forme, à la suite de la fonte de la car- tilagéine; celle-ci ne se transformerait donc pas en substanceosseuse.]Ilest quelques points cependant,— les arcs branchiaux des Gadidés et le maxillaire supérieur | du Tetrodon reticulatus, — où il semble bien que l'on | ait affaire à du cartilage calcifié. Après avoir montré les relations qui existent entre le développement des corps verlébraux des Ganoïdes osseux et des Téléostéens, M. Stéphan étudie la répar- tition des divers modes d'ossification; il donne ensuite quelques détails intéressants sur certains os mous et termine son travail par un essai de classification des tissus squelettiques. ; Les conclusions de cette thèse sont les suivantes : «4° Confirmant pour les Poissons ce que l’on admet en général pour les Vertébrés supérieurs, quele tissu osseux est seulement une adaptation spéciale du tissu conjonc- tif, nous avons montré qu'il n'y a pas de différence essentielle entre celui des Poissons et celui des Verté- brés plus élevés en organisation. « 20 Les tissus fibreux, fibro-cartilagineux et cartila- gineux ossifiés sont absolument équivalents... ; « 3° Au cours de l'édification d'organes, on voit les phénomènes du développement s'arrêter à différents états parcourus dans l'édification des os des Mammifères ; « 4° Chez les Poissons, les tissus de substance dure peuvent présenter un certain nombre de particularités ou de modes spéciaux d'évolution qui apparaissent dans cette classe et y restent limités... Eu somme, si le travail de M. Stéphan ne fait guère avancer nos connaissances générales sur les tissus calci- fiés, ce n'est pas la faute de l’auteur, qui nous présente ici une œuvre très consciencieuse. Cela lient plutôt à la direction qu'il a donnée à ses recherches. L'Histologie purement descriptive ne laisse plus grand’chose à glaner chez les Vertébrés, et nous pensons que ce n'est | pas dans cet embranchement qu'on trouvera la solution | de la grande question de la descendance des tissus. D'un autre côté, les points d'histosénèse en suspens ne pourront être résolus qu’en portant toute l'attention sur la structure intime et sur la physiologie de la cel- | lule, c’est-à-dire, dans le cas particulier, sur le rôle de la cellule cartilagineuse ou osseuse dans la résorp- tion de la cartilagéine et dans la formation de la matière calcaire. Or, c’est justement cela que M. Stephan a laissé de côté. Espérons qu'il nous donnera, dans un prochain Mémoire, ce complément indiqué. Les os de Trachypterus, de Lophius, de Cyclopterus et de quel- ques Poissons des grandes profondeurs, os qui sont », mous et faciles à couper sans décalcification préalable, fourniraient probablement matière très favorable pour cette étude. GUSTAVE LoIsEL, Préparateur à la Faculté de Médecine et à la Faculté des Sciences de Paris, Chauveau (C.). — Le Pharynx. T. I : Anatomie et Physiologie. Préface de M. le IX PoLaiLLon. — 1 vol: 1n-8° de 40% pages avec 165 figures. (Prix : 12 fr.) J.-A. Baillière, éditeur. Paris, 1901. Ce volume est le premier d'une série qui formera le. Traité du Pharynx. M. Chauveau a fait plus qu'un rappel des connaissances anatomiques et physiolo- giques sur le pharynx, nécessaires à l'exposé et à l'in telligence des maladies de cet organe et des procédés thérapeutiques. IL à écrit et bien décrit tout ce qu'on sait d’essentiel sur l’anatomie, le développement et Ia physiologie du pharynx. Peut-être même son zèle l’a-tl emporté trop loin en arrière, jusque dans une période prépharyngienne du développement; car il décrit réel= lement ah ovo la formation du tube digestif, d'une fa= con qui rappelle trop certaines lecons d'agrégation Mais le reste, c'est-à-dire l'anatomie proprement dite et surtout la physiologie avec le rôle du pharynx dans les moyens de défense des voies respiratoires et diges-=" tives, rachète grandement ce point faible par la clarté des descriptions et par l'abondance des documents bien employés et mis à leur vraie place. C'est là, en somme, un ouvrage eslimable, qui témoigne, chez un clinicien, d'une disposition d'esprit réellement scienti-\ fique. A. PRENANT, Professeur à l'Université de Nancy. 4° Sciences médicales Marie (D°A.), Directeur de l'Institut Antirabique de Constantinople. — La Rage. — 1 vol. in-80 de 180 pages, de l'Encyclopédie scientifique des Aïde- Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Masson et Gauthier- Villars, éditeurs. Paris, 1904. Ce livre, qui est une intéressante étude sur la rage chez l'homme et chez les animaux, donne une descrip-\ tion exacte de l’évolution de la maladie durant ses diffé- rentes phases: sa durée et la période d’incubation. Dans des pages aussi claires que précises, l’auteur parle du diagnostic différentiel de la rage avec des maladies d’une autre espèce dont les symptômes peu- vent être confondus avec ceux de l’hydrophobie : l'hys- térie, l’hydrophobie imaginaire, certains accès de deli- rium (iremeus, quelques formes de tétanos, etc. Le chapitre sur l'anatomie pathologique contient des obser- vations sur les altérations vasculaires admises jusqu'en 1890, sur l'atrophie pigmentaire de Schalfer et de Poz= polf, sur les tubercules rabiques de Babès qui peuvent mauquer dans le névrax d'animaux rabiques, sur les lésions décrites par van Gehuschten. Ce savant déclare avoir retrouvé chez des hommes et chez des animaux morts de la rage des ganglions périphériques. Bien que ces lésions soient faciles à vérilier, el nous mettent entre les mains un diagnostic de la plus haute impor- tance, elles ne se présentent pas toujours avec la net= teté décrite par le savant histologiste, et, selon Nocard et Vallée, leur absence ne saurait faire exclure l'exis= tence de la rage. — Les hygiénistes, les administrateurs" liront avec fruit la partie où M. Marie discute less questions de police sanitaire, qui jouent un si grand rôle dans la prophylaxie de la rage. "4 Ce livre arrive au moment où les Instituts antiras biques tendent de plus en plus à se multiplier; aussi lira-t-on avec utilité les passages de ce volume qui con= cernent l'installation et le fonctionnement des Instituts antirabiques, et l'application de la méthode pasteu= rienne, qui, comme le dit M. E. Roux dans la préface, a épargné des milliers de vies humaines, et dont Iles résultats dépassent les plus satisfaisants obtenus jus= qu'ici en Médecine. D: A. Loir, A Directeur de l'Institut Antirabique de Tunis 5° Sciences diverses Harion (Henri), Professeur à la Faculté des Lettres de Paris. — Psychologie de la Femme. — { vol. in-12 de xu-307 pages. (Prix : 3 fr. 50) Armand Colin et Cie, éditeurs. Paris, 1901. “Lourbet (Jacques). — Le problème des sexes. — nitro]. in-8° de 301 pages. (Prix : 3 fr. 50) V. Giard et Brière, éditeurs. Paris, 1901. Voici deux livres qui se rapportent au même sujet et dont, en dépit de frappantes différences de ton, d'esprit et de méthode, les conclusions sont, sur bien des oints, les mêmes. M. Lourbet ramène à des causes istoriques et sociales, dont l'effet peut et doit aller “steffacant, les traits de l'intelligence et du caractère “féminins qui se pourraient interpréter comme des marques d'infériorité, et se refuse à les faire dériver “des particularités que présente, au point de vue phy- siologique, l'organisme de la femme. M. Marion, à vrai “dire, bien qu'il ait plus longuement et plus fortement “insisté sur sa fonclion d'épouse et de mère, dont l’ac- “complissement lui semble l'essentiel de la vie de la emme et la raison d'être de tout le reste, ne concluait pas autrement. M. Lourbet s'attache à établir que, si “l'équité autant que l'intérêt social commandent qu'une réelle égalité de droits soit créée entre les deux sexes, iLest à souhaiter que cette « équivalence » de l'homme et de la femme ne se transforme jamais en une sorte d'identité où s'effacerait la féconde originalité de l'un et de l'autre et où s’amoindriraient, en se neutrali- sant, leurs aptitudes spéciales. C'était là aussi, à peu de chose près, l'opinion de M. Marion. Tous deux ils “sont d'avis que les multiples problèmes pédagogiques “et sociaux que la vie actuelle contraint à se poser “ne peuvent être résolus que par l'incessante et intime - collaboration de l'homme et de la femme. Si la mort n'a point permis à M. Marion de conduire - au dernier point d'achèvement ce livre qu'il aimait, du moius sommes-nous assuré que l'on à conservé, dans ces pages, sa pensée tout entière. Il est une idée cependant qui domine tout l'ouvrage, et qui nous semble appeler quelques réserves : c’est la transmission - héréditaire aux femmes de notre temps des caractères . acquis par leurs mères et leurs aïeules, au cours de - celte longue période de sujélion où se sont déroulées leurs vies et dont, à vrai dire, le terme n'est point ‘encore apparu. Une femme est fille de son père comme de sa mère, elle lui emprunte bien souvent des parti- _cularités de structure physique ou mentale, des apti- _tudes, des goûts, des maladies; il serait bien étrange que, si ces façons féminines d’être et de penser ne sont pas sous la dépendance immédiate du sexe, mais d'origine purement sociale, elles se soient ainsi trans- » mises par hérédité maternelle, sans que l'hérédité - paternelle les ait en rien altérées. La vérité est, à nos - yeux, qu'il s'agit beaucoup moins ici d'hérédité biolo- - gique que de tradition, d'éducation, d'imitation, de ce -que Baldwin à appelé hérédité sociale. Du reste, - M. Marion ne méconnait pas l'importance de cette imi- tation sociale et, en désaccord sur ce point avec M. Lourbet, il reconnaît, d'autre part, que, si large - qu'il faille faire la part des facteurs sociaux dans la genèse des particularités de l'intelligence et du carac- -tère féminins, ilest bon nombre de traits caractéris- tiques de l'esprit de la femme qui sont sous la dépen- dance immédiate de son organisation sexuelle ; il fait sienne la phrase célèbre de Maudsley: « Sex lies “deeper than culture ». Peut-ètre serait-il parvenu à une conception plus exacte et plus précise de cette - question de l'origine des caractéristiques psychologi- _ ques des deux sexes, s'il n'avait pas écarté de propos délibéré du champ de ses recherches les documents - ethnographiques : ils lui auraient fourni plus d'une indication précieuse, et lui auraient montré, en parti- culier, que la division du travail et la spécialisation BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 495 des fonctions sont beaucoup plus complètes dans les sociétés non civilisées, qu'il ne l’avait imaginé. Après ces premiers chapitres, consacrés à l'étude de la condition sociale de la femme dans le passé, M. Ma- rion fait une rapide esquisse de ses caractères anato- miques et physiologiques, et examine les conséquences psychologiques qu'entraine, pour la jeune fille et pour la femme, le développement de la fonction pour la- quelle elles sont essentiellement organisées : la fonc- tion maternelle. Il recherche dans les goûts, les ten- dances, les manières d'être et d'agir de la petite fille avant la puberté, l’esquisse de la femme future, puis, passe en revue les diverses catégories de phénomènes psychologiques, en s'efforcant de déterminer dans quelle mesure différent, chez l'homme et chez la femme, les diverses manifestations de la vie affective et de la vie intellectuelle, et comment se traduisent, dans les actes, ces varialions des événements inté- rieurs. La caractéristique essentielle de l'esprit fé- minin, c'est pour Jui, en dépit des expériences contes- tables de Lombroso sur la sensibilité féminine, la prédominance de la vie émotionnelle ; il en étudie, avec grand soin, les divers aspects : tendances égoistes (sensualité, avarice, coquelterie, jalousie, envie, besoin de dominer), sentiments sympathiques (il montre que la femme est, comme l'homme, capable d'amitié vraie et désintéressée), sentiments supérieurs (sens esthé- tique, sentiment religieux, curiosité scientifique, désir de la vérité, sens moral ; il place, dans cette catégorie, la pudeur), et s'efforce de mettre en lumière Ja réaction exercée par cesdiverssentimentslesunssurlesautres. On peut s'étonner que nulle place n'ait été donnée à l'étude des émotions simples : joie, tristesse, colère, peur, etc. Le chapitre consacré à l'étude de l'intelligence fémi- nine est l'un des meilleurs du livre : M. Marion montre finement que le plus réel obstacle au développement intellectuel de la femme, c'est sa docilité, sa plasticité même, son manque d'originalité, œuvre, d'ailleurs, des conditions sociales où elie à vécu. La seule qualité qu'il lui refuse — et à juste raison — c'est l'esprit cri- tique. Il signale ‘aussi son manque d'initiative. Elle est ingénieuse et adroile, elle a une imagination mer- veilleuse des détails, elle estrarement, dans le domaine de l’action, créatrice et vraiment inventive. Mais elle a toutes les qualités négatives qui font les volontés fortes : la patience, l'endurance, l'obstination. Le caprice est chez elle de surface et d'apparence; Le fond, c'est, chez la plupart, la ténacité douce. Les derniers chapitres sont consacrés à l'étude de la destinée de la femme, des améliorations que comporte sa condition, et des droits politiques à lui concéder. Le livre de M. Lourbet est, avant tout, un livre de polémique. On le lira, néanmoins, avec intérêt et avec: fruit, en dépit des réserves que suscitent certaines des opinions que M. Lourbet a adoptées, sans les soumettre à une assez rigoureuse critique : la théorie, par exem- ple, qui fait de la famille maternelle une forme posté- rieure et dérivée par rapport à la famille patriarcale. L'idée qui domine tout l'ouvrage, c'est qu'aux premières phases de l’évolution humaine, la condition mème du développement mental se trouvait dans une certaine supériorité de force musculaire, qui seule pouvail assu- rer les loisirs et l'indépendance nécessaires pour se libérer de l'existence purement animale : de là, l'état d’infériorité intellectuelle où la femme a été longtemps condamnée à vivre. Le plan qu'a suivi M. Lourbet est analogue à celui de M. Marion. Il s’est surtout attaché à établir qu'aucun des caractères anatomiques sur les- quels on à voulu fonder l’infériorité nécessaire de la femme n'a la constance, ia signification ou la valeur que la plupart des auteurs leur ont altribäées; sur bien des points il a partiellement raison, mais il a affaibli son argumentation en abondant, plus qu'il n'aurait fallu, dans son propre sens. L. MARILLIER, , Maitre de Conférences à l'École pratique des Hautes-Éludes 196 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 29 Avril 1901. M. R. Zeiller est élu membre dans la Section de Botanique. 1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Lebesgue montre que toute fonction dérivée, limitée supérieurement en valeur absolue, étant de première classe, est sommable et que son intégrale, considérée comme fonction de sa limite supérieure, est une de ses fonctions primitives. — M. H. Dulac communique ses recherches sur les inté- gralesanalytiques des équations différentielles du premier ordre dans le voisinage de conditions initiales singu- lières. — M. de Séguier détermine les équations de certains groupes et montre, en particulier, que le seul groupe deux fois transitif de degré p -+ 1 et d'ordre CRE - ; s DL? — 1) (p > 2) est le groupe modulaire, excepté si p — 7. — M. P. Duhem démontre, par une méthode semblable à celle de Lejeune-Dirichlet, un théorème relatif à la stabilité d'un système animé d'un mouve- ment de rotation. — M. Ed. Maillet démontre que les lois des montées de Belgrand et les formules des débits d’un cours d’eau sont, en réalité, non des lois empiri- ques, mais des lois théoriques approximatives. — M. A. Cornu indique une méthode de compensation mécanique de la rotation du champ optique fourni par le sidérostat et l’héliostat, basée sur l'emploi du joint universel ou croisillon. La solution est aussi rigoureuse que celles de M. Turner et de M. Lippmann et elle a sur elles l’avantage d'être mécaniquement plus par- faite, car elle ne comporte que des mouvements de pivotement réalisables avec une rigueur presque indé- finie par les procédés mécaniques usités dans la cons- truction des instruments de précision. 2. ScieNCES PHYSIQUES. — M. Edouard Mack a vérifié sur l’éther la loi de M. Amagat : A volume constant, l'augmentation de pression est proportionnelle à l’ac- croissement de température. C'est-à-dire que les lignes d'égal volume ou isochores sont des droites: p — a t + $. Les isochores de l’éther présentent une légère courbure, mais, vu leur petitesse, les écarts peuvent être attribués aux erreurs de mesures seulement. — M. L. Decombe indique le mode opératoire qu'il a employé pour mesurer la période des oscillations élec- triques par le miroir tournant. Le résultat général a été la constatation de J'unicité de la période des exci- tateurs électriques. — M. G. A. Hemsalech a constaté que le spectre de bandes, obtenu dans l’étincelle oscil- lante avec certains métaux, est identique au spectre de bandes de l'azote du pôle négatif. Il n'a trouvé aucune bande du pôle positif — MM. Ph.-A. Guye et F.-L. Perrot indiquent une méthode de mesure rapide de la tension superficielle des liquides par la méthode des gouttes, qui permet, dans certaines conditions, d'obtenir cette valeur à 1 ou 2 % près. — M. P. Th. Mul- ler a reconnu que la conductibilité électrique d'une eau minérale ou d'une eau de source est une constante caractéristique ; on peut reconuaitre la moindre varia- tion de composition de l’eau par une varialion corres- pondante de la conduetibilité. — M. Ph. Barbier a fait l'étude du myrcénol, alcool provenant de l'hydratation du myrcène, et a reconnu qu'il possède la constitution : CIF — C= CH — CH? — CH? — C(OH) — CH = CHE | CHS Ce . Comme cette formule est celle qui a été attribuée au licaréol par M. Tiemann, il faudra en chercher une — DE L'ÉTRANGER autre pour ce corps. Le myrcénol donne, par oxydation? un aldéhyde isomère du lémonal et susceptible d'exister M sous deux formes stéréoisomériques. — M. A. Wahla préparé, par réduction du nitro-diméthylacrylate d’éthyle, le nitroacétate d’éthyle. Il a obtenu le même corps à partir du nitro-malonate d'éthyle par élimina- tion de CO? sous l'influence de la potasse. — M. Mavro- jannis a préparé les trois éthers ortho, méta et para- nitro-benzoylcyanacétiques en faisant réagir les chlo- rures de nitrobenzoyle sur l’éther cyanacétique sodé. — M. Al. Leys indique une nouvelle réaction caracté- ristique de la saccharine; en ajoutant à une solution extrêmement diluée de saccharine 2 gouttes de per- chlorure de fer, puis 2 cc. d’eau oxygénée, on obtient, au bout de 30 minutes, une coloration violette qui se maintient pendant des semaines. L'auteur décrit l’ap- plication de la méthode aux produits de laiterie, — M. M.E. Pozzi-Escot indique les réactions microchi- miques de quelques alcaloïdes, spécialement avec le chlorure de platine et l’iodure de potassium ioduré. — M. G. André a étudié la migration des matieres azotées et des matières ternaires dans le Sinapis alba et le Lupinus albus. — M. Balland a fait l'analyse des graines du Voandzou, légumineuse de l'Afrique inter- tropicale; ces graines offrent la particularité de ren- fermer les matières nutritives dans les proportions nécessaires pour en faire un aliment complet. 3. SCIENCES NATURELLES. — M. L. Cailletet présente un appareil permettant aux aéronautles d’emporter de l'oxygène dans leurs ascensions; il se compose de plu- sieurs vases contenant de l'oxygène liquide, d’un réci- pient destiné à faire repasser à l'état gazeux l'oxygène liquide en le réchauffant, enfin d’une sorte de masque qui assure la respiralion du gaz par le nez. Cet appareil a été employé avec succès par le comte Castillon de Saint-Victor dans une ascension. — M. G. Weiss com- munique un apercu de ses recherches sur les constantes physiques qui interviennent dans l'excitation électrique du nerf. — M. Aug. Charpentier décrit une nouvelle : méthode pour la mesure directe de la longueur d'onde dans le nerf à la suite d’excitations électriques brèves. Elle peut se comparer à la méthode de Koenig pour montrer l'interférence du son dans un tuyau à deux branches. On a obtenu, pour les demi-longueurs d'onde, les valeurs: 18mm,5; Qmm 9: Gmm 2: 4mm 5, ce qui démontre la coexistence d’harmoniques avec la vibration fonda- mentale, — MM. Charrin et Guillemonat ont constaté sur des cobayes qu'on fait fléchir la vitalité d’un orga- nisme et sa résistance à la maladie quand on stérilise les milieux qu'il habite, l'air qu'il respire etles aliments qu'il ingère. — M. Marage à reconnu que le liquide de l'oreille interne de la genouille est une dissolution, dans un fluide de nature indéterminée, de bicarbonate de chaux et de traces de bicarbonate de magnésie avec des cristaux de carbonates en excès; l’une des fonctions des otolithes est de maintenir aussi constante que pos- sible la conductibilité acoustique de ce milieu.— MM. C: Vaney et A. Conte ont étudié les phénomènes d'histolyse etd'histogenèse accompagnantle développementdes Tré- matodes endoparasites des Mollusques terrestres; il n'y a, à aucun moment, intervention de la phagocytose. — M. A. Conte décrit l'évolution des feuilles blasto- dermiques chez quelques Nématodes. On constate une disparition plus ou moins importante de l’ectoderme, et une disparition totale de l'endoderme. Le tube digestif de l'adulte est formé, d’une part par des éléments ecto- dermiques constituant l'æœsophage, d'autre part par des éléments mésodermiques formant l'intestin. Dans tous ces cas, la cavité générale est limitée par deux feuillets ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 197 d'origine mésodermique. — MM. H. Coutière et J. , Martin décrivent un nouvel hémiptère marin recueilli à Djibouti, l'Hermatobates Djiboutensis, et un individu “un peu différent qu'ils nomment Hermatohatodes Mar- “cher. L'étude de ces insectes les conduit à créer une “nouvelle sous-famille d'Hémiptères, celle des Herma- | tobatine. — M. P. Carles adresse une nole ayant pour titre : « La pourriture grise du raisin aurait-elle quelque rapport avec la présence des morilles dans les vignes? » Séance du 6 Mai 1901. …. L'Académie procède à l'élection de deux correspon- “dants. M. G. Zeuner est élu Correspondant dans la Section de Mécanique. M. Oudemans est élu Corres- - pondant dans la Section de Géographie et de Navigation. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Loewy présente le quatrième volume des Annales de l'Observatoire de “Joulouse, renfermant le calatogue, dû à M. Saint- ‘Blancat, de 3.179 étoiles visibles dans Ja zone de Tou- louse. — M. B. Baïllaud à appliqué le photomètre à “coin à la mesure des grandeurs photographiques des “étoiles. L'emploi de cet appareil offre moins de préci- sion pour les très belles étoiles que pour les étoiles faibles. Toutefois, les résultats paraissent suffisamment “exacts. — M. G. Bigourdan donne la liste des nébu- “leuses nouvelles découvertes à l'Observatoire de Paris de 1897 à 1900. — M. A. Demoulin cherche à déter- -miner la surface réglée la plus générale telle que le “lieu des projections d'un point quelconque de l'espace sur ses génératrices soit une courbe sphérique. Le cône le plus général satisfait à la question. Une autre solution est fournie par un conoïde droit admettant comme directrice curviligne l'intersection d'un cylindre de révolution renfermant l'axe du conoïde et d'une Sphère quelcouque. — M. G. Tzitzeica s'occupe de la -déterminalion de toutes les surfaces qui admettent un réseau conjugué iavariable dans une déformation con- “ tinue. — M. L. Desaint communique ses recherches | - sur les séries de Taylor et les étoiles correspondantes. — M. C. E. Guillaume iudique un procédé pour la ‘correction de l'erreur secondaire des chronomètres. Il … cousiste à employer pour les balanciers une combinai- son de laiton et d'acier au nickel, dont les dilatations . vont en s'écartant à mesure que la température s'élève. Des chronomètres à balanciers construits sur ce principe ont présenté une erreur secondaire pratiquement nulle. 2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Poincaré, poursuivant ses études sur la pression atmosphérique, détermine le mouvement, en chaque jour synodique, de l'axe instan- tané de symétrie des écarts baroméiriques. — M. E. - Bertainchand à étudié les poussières atmosphériques rouges observées à Tunis le 10 mars 1901. Elles étaient constituées par un sable siliceux entouré d'une fine pellicule de limonite; elles provenaient vraisemblable- ment du Sahara, d'où elles avaient été arrachées par un ouragan. — M. V.Crémieu: Sur l'existence des courants ouverts (Voir p. #98). — M. G. Flusin a étudié l'osmose à travers la membrane semi-perméable de ferrocyanure de cuivre. Pour un même vase, les vitesses d’osmose - sont proportionnelles aux pressions osmotiques, et, par conséquent, inversement proportionnelles aux poids - moléculaires. L'urée seule présente une anomalie, pro- - venant de ce qu'elle traverse la membrane. — M. L. . Guillet a cherché à préparer des alliages d'aluminium et de tungstène, en réduisant l'acide tungstique par un plus ou moins grand excès d'aluminium. Suivant les conditions, il a obtenu les alliages AlTu*, Al‘Tu, AlTu, en cristaux bien déterminés. Les résultats sont bien moins nels avec l'oxyde TuO*. -— M. A. Granger, en - faisant réagir le mercure sur le triiodure d'antimoine en tube scellé vers 300°, a obtenu un iodoantimoniure — de mercure Hg'Sb'.2Hgl°. Il cristallise en prismes. — — M. Ad. Jouve a trouvé de petits cristaux prismatiques … de chaux dans un four à carbure de calcium qui avait …. été arrêté au début de la réaction. Ils se sont proba- “ blement formés par refroidissement de la chaux fondue … ou vaporisée dans cet espace clos. — M. V. Thomas établit que : 4° le mercure réagit sur l'iodure de mé- thylène exempt d'iodoforme en donnänt en même temps CHI. Hgl, CH°(Hgl}® et CH(Hgl)'; 2 l'iodure CH°L. Hgl se décompose sous l’action de la chaleur en donnant les dérivés CH?{Hgl}° et CH(Hgl}'; 3° l'iodure de méthy- lène est décomposé par certains métaux avec formation d'éthane et de méthane ou de carbures acétyléniques précipitant en rouge le chlorure cuivreux ammoniacal. — MM. Ch. Moureu et R. Delange, en traitant l'acide amylpropiolique par l'acide sulfurique fumant!, ont obtenu l'acide gras à deux atomes de carbone de moins; en traitant le même acide acétylénique par la potasse alcoolique, ils ont obtenu un acide f-cétonique non substitué et à chaîne normale, l'acide caproylacétique. — M. A. Wahl, en chauffant à 100° uue solution chlor- hydrique étendue d’x-aminodiméthylacrylate d'éthyle, a obtenu un corps qu'il suppose être l'acide diméthyl- pyruvique. Pour fixer sa constitution, il l'a réduit par l'amalgame de sodium et a obtenu l'acide +-oxyisovalé- rique, ce qui confirme son hypothèse. — M. R. Fosse montre que l'anhydride obtenu par Rousseau en appli- quant la réaction de Reimer et Tiemann au f-naphtol, n'est autre chose que la dinaphtoxanthène : ACHAS CH*: Note 0 M. M. Descudé, en faisant réagir le chlorure d'acélyle sur l'oxyde d’éthyle (éther) en présence de ZnC!, à obtenu du chlorure et de l’acétate d'éthyle. Avec un éther mixte (oxyde de méthyle-amyle), on obtient à la fois du chlorure de méthyle et du chlorure d'amyle, et de l'acétate de méthyle et de l'acétate d’amyle. Les réactions sont presque quantitatives. — M. G. André examine la variation des hydrates de carbone saccha- rifiables, de la cellulose insoluble et de la vasculose dans le Sinapis alba et le Lupinus albus. 3 SCIENCES NATURELLES.— MM. Lannelongue, Achard et Gaïllard ont étudié l'influence du travail muscu- laire, de l'alimentation insuffisante et de l'inhalation d'un air chargé de poussières sur la marche de la tuber-. culose chez les cobayes. L'action pernicieuse de ces trois facteurs a été nettement constatée, — M. C. Phi- salix à étudié l'affection connue sous le nom de maladie des chiens, et en a isolé et cultivé le microbe spécifique. C'est le même que celui de l'infection spou- tanée du cobaye. L'auteur à constaté, de plus, que les jeunes chiens qui ont recu, à plusieurs reprises, des inoculations de culture atténuée du microbe, résistent aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'infection expérimentale. — M. Bierry a constaté que l'injection du sérum néphrotoxique au chien provoque une albu- minurie intense qui peut amener la mort. Le sérum. d'an chien ainsi rendu néphrilique jouit, à son lour, de propriétés néphrotoxiques vis-à-vis d'un autre chien. — M. Etienne Rabaud montre que les processus léra- tosènes se divisent en deux grands groupes; certains d'entre eux sont extrémement précoces, les autres plus ou moins tardifs. — M. A.-D. Waller décrit un signe distinctif qui permet de reconnaitre sur la peau intacte, par les réactions aux excitalions électriques, si les tissus sont vivants ou morts; comme la peau est douée d'uve survie exceplionnellement prolongée, le fait de sa mort indique que la mort délinitive a eu lieu. — M. E. Bataillon a étudié l’évolution des œufs imma- turés de ÆRana fusca. Il est conduit à leur attribuer une pression osmotique supérieure à celle de l'œuf mür.— MM. Fabre-Domergue et Eug. Biétrix out étudié le développement de la Sole au laboratoire de Concarneau. Favorisé par une nourriture abondante, on obtient une survie de plus de 50°/,, ce qui permet d'envisager la possibilité d'une culture industrielle de la Sole. — M. Jean Friedel décrit des expériences qui le con- duisent à supposer que l'assimilation chlorophyllienae est accomplie, sans intervention de la matière vivant», par une diaslase qui utilise l'énergie des rayons solaires, la chlorophylle fonctionnant comme sensibilisateur. — 498 M. E. de Martonne a reconnu que les mouvements du sol. en Valachie, accusent une tendance générale à l'affaissement, comme dans le bassin pannonique. Mais cet affaissement atteint son maximum d'amplitude et d'extension dans la région limitrophe de la Moldavie, tandis qu'à l’ouest de l’Oltu, il était localisé à la bor- dure du massif cristallin et compensé probablement par un soulèvement d'une partie de l'Olténie tertiaire. Toute l’histoire du bas Danube et des vallées valaques est en liaison intime avec ce processus qui se continue peut- être encore à l'heure actuelle. — M. F.-A. Forel a pra- tiqué des sondages thermométriques sur les eaux du Léman, el a comparé les variations de la température avec celles d’antres lacs. Il en déduit que l'amplitude de la variation thermique annu-lle est fonction de la latitude; elle est nulle à l'équateur et maximale au pôle. D'autre part, il semble que la profondeur de pénétra- tion de la chaleur croît aussi avec la latitude. Louis BRruNeT. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 3 Mai 1901. M. H. Morize, au sujel d'une récente communication de M. B. Brunhes, rappelle que, dans sa thèse, publiée eu 1898 à Rio de Janeiro, et écrite en langue portu- gaise, il a décrit, mais non réalisé, une méthode pour la mesure de la vitesse des rayons de Rüntgen. Un même flux de rayons X provoquerait successivement la décharge de deux micromètres chargés silués sur son parcours et séparés par une distance connue. On éva- luerait au miroir tournant l'intervalle de temps sé- parant les deux étincelles, et l'on en déduirait la vitesse des rayons actifs. M. Morize propose aujour- d'hui une autre méthode. Une fente fixe serait éclairée par une source de rayons X. Assez loin devant cette fente, un système de deux disques, portés par un même axe horizontal, peut être mis en rotation rapide. Ces disques sont munis de fentes qui, successivement, viennent se mettre deux par deux en ligne droite avec la fente fixe. Si le disque tourne très lentement, c'est dans cette position qu'un écran fluorescent placé derrière le dernier disque peut s'illuminer. Quand les disques tournent très vite, et si les rayons X se prs- pagent aves une vitesse finie, l'illumination de l'écran doit se déplacer, dans le sens du mouvement, d'une quantité dont la mesure fera connaître la vitesse des rayons X. M. L. Benoist fait observer qu'il à établi et présenté à M. Lippmann, ea mars 1898, en vue d’une réalisation ultérieure, un projet de mesure de la vilesse des rayons X, complètement étudié et fondé précisément sur la méthode et la disposition expéri- mentale que propose en dernier lieu M. Morize. — M. V. Crémieu informe la Société de Physique qu'il croit avoir pu réaliser expérimentalement des courants ouverts. L'existence de ces courants serait la consé- quence directe des résultats obtenus par l’auteur sur la non-existence de l'effet magnétique de la convection électrique. Le principe de l'expérience esi le suivant : Un disque d'ébonite a été doré suivant des secteurs radiaux isolés les uns des autres. Ces secteurs se chargent par influence en face d'un inducteur fixe en touchant un premier balai métallique; ils viennent ensuite se décharger sur un balai relié au premier par un fil conducteur. On constate alors que la partie con- vection du circuit ainsi constitué ne produit aucun effet magnétique, tandis que la partie conduction en produit un très notable. L'intensité mesurée des cou- rants réalisés est de l'ordre de 10-* ampère. L’expé- rience est trop délicate pour pouvoir être reproduite en public; mais l’auteur, désireux de la soumettre aux critiques de toutes les personnes compétentes, se tient à leur disposition, au Laboratoire des Recherches phy- siques, à la Sorbonne. — La question des poids molé- culaires étant généralement abordée par ses côtés phy- siques, M. Lespieau demande à la Société la permission ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES d'envisager rapidement le côté chimique. I] rappelle d'abord comment on peut arriver aux uombres actuel- lement en usage, soit en admettant l'existence des atomes et l'hypothèse d’Avogadro, soit en partant de l'existence de nombres proportionnels el en fixant Je choix de ces nombres par la condition de correspondre à des volumes de vapeur égaux. Il expose que cette manière de procéder peut paraitre supérieure à Jan première parce qu'elle est exempte d'hypothèse, mais qu'en réalité elle est obligée d'admettre dans les COm=M binaisons chimiques une simplicité qui ne s’y rencontre pas. fl cite de nombreux exemples à l'appui de son dire. Il existe, par exemple, des carbures C‘*H!? et C#H*%, Le rapport des poids d'hydrogène qui se com- binent ici à un même poids de carbone est égal à& D] A D. On n'’oserait pas citer de tels exemples après avoir énoncé les lois de MNalton et de Gay-Lussac comme on les énonce d'habitude. Pour mettre ces lois en accord avec lés faits actuellement connus, il fau drait remplacer les rapports simples par des rapports commensurables. Mais l'analyse devient impuissante à confirmer de telles lois, et l'hypothèse que l’on fait se confond pratiquement avec celle des atomes. D’ail: leurs, comme l'ont ditGerhardt, Wurtz et bien d’autres, les formules des corps sont faites pour rappeler les réactions de ces corps. Elles ne doivent être que des équations de réactions contractées (Gerhardt). M. Les- pieau essaye d'établir que l'étude des réactions d'un corps permet à elle seule de lui donner une formule développée sans hypothèse d'Avogadro et sans notion de valence. Il rappelle que les chimistes n'hésilaient point à sacrifier l'hypothèse d'Avosadro quand elle semblait en contradiction avec les formules déduites … des propriétés chimiques; il cite les travaux de Wil- lamson sur l’éther, de Wurtz sur les radicaux hydro- carbonés, comme ayant établi par une voie chimique les formules de ces composés. Il se résume en disant que la recherche du poids moléculaire d’un corps et celle de sa formule développée sont deux problèmes inséparables. L'idée d’Avosadro devient, dans cette conception, une loi expérimentale au même titre que la loi de Raoult. Il semble d’ailleurs à M. Lespieau que cet accord entre les propriétés chimiques et ies pro- priétés physiques plaide singulièrement en faveur de l'hypothèse atomique. — MM. P. Curie et G. Sagnac exposent leurs recherches sur l'électrisation négative des rayons Secondaires dérivés des rayons X. Tandis que les rayons X ne se montrent pas électrisés, les rayons secondaires qu'excitent les rayons X en frappant le zinc, l’étain et surtout le platine ou le plomb, nous … ont fourni des flux d'électricité négative de l’ordre du 101 ampère; les rayons secondaires de l’alaminium ne semblent pas électrisés, et l'on sait qu'ils ne diffè- rent pas notablement des rayons X qui les excitent, tandis que les rayons secondaires du zinc, de l’étain, et surtout du platine ou du plomb sont beaucoup plus absorbables que les rayons X générateurs dont ils sont une transformation‘. L'émission électrique du plomb, par exemple, est aussi absorbable que l'émission cathodique produite par la décharge dans le vide et" étudiée par P. Lenard. Aussi est-elle difficile à obser- ver quand le métal rayonnant est entouré d’un diélec- trique solide (paraffine). Nous l'avons étudiée surtout en placant une lame L du métal rayonnant (platine; par exemple) à quelques millimètres seulement des ‘ Le Professeur Dorn a constaté que les rayons secondaires M du platine, du plomb renferment des rayons déviables par l'aimant et d’autres rayons non déviables: ceux-ci existent seuls dans le faisceau secondaire de l'aluminium. L'un de nous avait antérieurement émis l'hypothèse que les rayons secondaires issus de la transformation des rayons X par les métaux tels que le platine, le plomb, pouvaient bien renfermer des rayons déviables par l'aimant (G. SAGNaAC: L'Eclairage électrique du 12 mars 1898 : Aayons X, rayons secondaires cb rayons Lenard). . ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 199 parois d'une boîte métallique B, dans laquelle nous | aréfions l'air jusqu’au vide de Crookes( - _ demilli- mètre de mercure), de manière à lui rendre suffisam- ment ses propriétés isolantes malgré l'action des rayons X et des rayons secondaires qui le traversent, “lu tube focus, placé à quelques centimètres seulement de la lame L, lui envoyait des rayons X sur une sur- face d'environ 30 centimèlres carrés, à travers des fenêtres fermées par de l'aluminium. L'intérieur de la boîte B était tapissé d'aluminium. La lame L (platine “par exemple), isolée des parois, communiquait avec Vaiguille d'un électromètre et avec un quartz piézo- “électrique; on pouvait ainsi mesurer le flux électrique “des rayons secondaires par la méthode d'opposition “le M. Curie. On compensait d'ailleurs l'effet dû à la “force électromotrice entre le métal L et celui des “parois de la boite B (platine-aluminium par exemple), effet qui, dans le vide de Crookes, n'est plus que la “centième partie environ du courant étudié. Dans les ‘conditions indiquées, le platine, perdant les charges négatives emportées par les rayons secondaires, se chargeait de la quantité complémentaire d'électricité positive. On renversait le phénomène et l'on recueillait | électricité négative envoyée par les rayons secon- daires en formant la lame intérieure L d'aluminium et placant une mince feuille de platine sur les fenêtres de Ja boîte B. L'existence de rayons secondaires électrisés formant un faisceau déviable, mélangé à des rayons non déviables, est en accord avec l'analogie des rayons secondairesetdes rayons spontanés des corps radioaclifs signalée par Mme Curie. Elle s'accorde aussi avec l’ana- logie des rayons X et des rayons ultraviolets. Le Pro- fesseur A. Righi et le Professeur P. Lenard ont, en “effet, montré que les rayons ultraviolets peuvent, en frappant des métaux (électrisés ou non), provoquer une émission de rayons cathodiques particuliers. —M. Guil- laume présente, à la demande de M. le D' Berger, un appareil désigné par lui sous le nom de plastiscope, et qui permet, grâce à une illusion d'optique, de donner, dans certains cas, une impression assez nette de relief avec une seule image. Une loupe binoculaire est com- plétée par un système divergent tel que la mise au point sur les bords du champ soit plus éloignée qu'au centre. De cette facon, la partie centrale et les parties” périphériques ne sont pas au point en même temps; et si, comme cela arrive souvent, le sujet central et prin- cipal du dessin est en avant du reste, il apparaît effec- tivement avec un faible relief attribuable uniquement à la mise au point. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 410 Mai 1901. …. M. A. Haller décrit, au nom de M. A. Guyot et au «sien, une nouvelle matière colorante qui dérive du diphénylèneméthaue ou phénylfluorène. Ce composé s’oblienten diazotant, en solution sulfurique concentrée, l'hexaméthyltriamidotriphénylméthane ortho-amidé, et -oxydant ensuite la leucobase obtenue : [CSH*AZ(CHS 2 AzH? + AzO®H + SOAI* NAZ(CUSE (C'H+Az(CHE 2 = ( 1 Az?.SO'H + 2H°0. Nc NAZ(CHSE [CHH“Az(CH°)°]? C‘H‘Az(CH:)? ‘4 74 à CH 4e RQ = CH— CH — Az(CH*)? + SOH? + Az? NAz(CH} C'H'AZ(CH) Quand la diazotation se fait en solution acide étendue, on obtient la leucobase du violet cristallisé hydroxylé. Quand elle se fait en solution chlorhydrique, il se forme, outre le dérivé phénolique, la leucobase du violet cristallisé monochloré, et ce deruier en quantité d'autant plus grande que l'acide employé est plus con- centré. La leucobase décrite plus haut donne, par oxy- dation, une matière colorante d’un bleu-violet qui, en teinture, donne des nuances tirant sur le bleu. — MM. E. Blaise et G. Blanc ont cherché à montrer qu'il existe entre les acides du type «-campholénique, d'une part, &-campholénique, $-campholytique (isolau- ronolique) d'autre part, une différence profonde qui provient de la transposition apparente dans le noyau C‘H'* du camphre, du reste CO?H ou CH*.CO*H, Pour cela, ils ont traité la dihydrocampholénamide de Mahta et Tiemann par le brome et la soude, et obtenu une nouvelle base, l’«-dihydroaminocampholène CSHCH®. AzH°. Eb. à 1900: l'urée fond à 107-1080, l’oxamide à 147-1480, le picrate à 227° (se déc.). «n — + 329,48. D!5 — 0,8655. La comparaison de cette base avec l’isomère droit du dihydro-B-aminocampholène n'a pu être faite parce que celte dernière base n'a pu être dédoublée en ses deux composants optiques. De ce côté, la démons- tration est incomplète. L'acide dihydrocampholénique a alors été bromé. L’éther bromé correspondant CH. CHBr. CO*C3H5 bout à 135-1400 (H = 12 mm.). Traité par la potasse aicoolique, il donne un acide incomplet CH. CH — CH. CO“H, Eb. à 155° (12 mm.), F. à 702: Ce dernier, oxydé par le permanganale, donne une cétone C#H0, Eb. à 164-165. L'’oxime fond à 107-1080, la semicarbazone à 1882. Elle est donc différente de la triméthyl-1. 1. 2-cyclopentanone-3 de Noyes et ne peut avoir que la constitution : CH* CH? à C Fe CO/ PE lan fe — MM. Ch. Moureu et R. Delange communiquent les premiers résultats qu'ils out obtenus dans l'étude des acides acétyléniques. Ils ont préparé deux acides acyeliques normaux, lac. amylpropiolique CH" —C=— G — CO*H et l'ac. hexylpropiolique C'H®—C=C—CO'H, ainsi qu'un certain nombre de leurs dérivés. Chacun de ces acides, hydrogéné par le sodium et l'alcool absolu, fournit l'acide saturé gras correspondant; l'un d'eux est identique à l'acide caprylique C#H#O0#, qui existe sous forme de glycéride dans le beurre de vache, et l’autre à l’acide pélargonique C'H!*0* de l'essence de pélargonium. L'acide amylpropriolique, traité par: l'acide sulfurique fumant, se dédouble avec formation d'acide caproïque C‘H#*0: et d’un acide sulfoné. Chauffé avec de la potasse alcoolique, il fixe une molécule d’eau, en donnant, avec de bons rendements, l'acide caproylacétique C°H'— C0 — CH*— CO*H, nouvel acide G-cétonique dont il est aisé de préparer les éthers par éthérification directe. Celte dernière réaction sera généralisée; elle constitue un procédé de synthèse nouveau des acides et éthers f-cétoniques. — M. Wy- rouboff résume brièvement ses recherches sur la cons- titution des composés du chrome. — M. Albert Gran- ger décrit la préparation et les propriétés d'un iodo- antimoniure de mercure obtenu en faisant réagir l'iodure d'antimoine sur le mercure. Ce composé Hg®Sb:.2Hgl° est cristallisé et rappelle la stibine par son aspect. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 26 Avril 1901. M. H. L. Callendar lit un mémoire sur la correction thermodynamique du thermomètre à gaz. Dans un court historique, il montre que les hypothèses faites par 500 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ceux qui ont jusqu'à présent tenté de résoudre cette question, ont élé généralement erronées. De 4885 à 1888, M. Chappuis a fait une série de comparaisons soignées entre divers thermomètres à gaz et un ther- momètre à mercure très délicat, et il a dressé une table de différencesentreles thermomètres à hydrogène et à azote. M. Callendar a pris les observations de M. Chappuis et calculé une nouvelle table de diffé- rences. L'indice n de l'équation de Joule-Thomson modifiée n'est pas constant. Pour la vapeur, il est de 3,5; pour CO*il est de 2. La correction thermodyna- mique est très faible, surtout dans le cas de l'hydrogène | et de l’hélium; elle est bien moindre que la correction pour la dilatation du bulbe du thermomètre. — M. R. W. Wood communique une note sur lä production d'un spectre de lignes brillant par la dispersion anomale et ses applications. M. W. H. Julius a suggéré l’idée que le « spectre à éclats», vu immédiatement au moment de la totalité, est peut-être dû à la réfraction anormale de la lumière de la photosphère par l'almosphère de vapeurs métalliques qui entoure le Soleil. La lumière ainsi ré- fractée anormalement possède des longueurs d'onde presque identiques à celles que les vapeurs métalliques sont elles-mêmes capables de rayonner. Le Soleil est supposé entouré d'une atmosphère de vapeurs métalli- ques dont les indices de réfraction décroissent à mesure que la distance au centre croît.Dans cette atmosphère, les rayons de lumière venant de la photosphère se meuvent suivant des trajectoires courbes; l'indice de réfraction est très faible, excepté pour les longueurs d'onde très proches de celles absorbées par la vapeur. Donc la lumière qui ressemble à celle émise par les vapeurs sera très fortement réfractée, et s'incurvera suffisamment pour atteindre la Terre après que la pho- tosphère aura été cachée par la Lune. L'auteur montre le spectre à éclat du sodium, en envoyant la lumière d'une lampe à arc par une fente horizontale sur le devant d'une plaque métallique plane supportée de telle facon que le plan de sa surface inférieure coïncide avec le plan de la fente. A une distance d'environ 2 mètres, on dispose un spectroscope à vision directe donnant un spectre vertical, et placé à une hauteur telle que le prisme recoit tout juste les rayons venant de la fente et rasant la plaque. En regardant au spec- troscope, on voit un beau spectre continu. On place alors un bec Bunsen sous la plaque métallique, et on y fait brûler du sodium. Il se produit une couche de vapeurs de sodium d'indice de réfraction variable. En élevant ou abaissant le spectroscope, on voit les lignes du sodium dues à la dispersion anomale. En arrangeant des écrans, on peut obtenir ces lignes de telle façon, qu'en interceptant la lampe à arc le spectre à éclats s'évanouil. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 28 Mars 1901. Séance anniversaire annuelle. M. T. E. Thorpe, pré- sident sortant, résume l'activité de la Société pendant l'année écoulée. — Il est ensuite procédé à l'élection du bureau pour l'année courante; le scrutin donne les résullats suivants : Président : M. J. Emerson Reynolds; Vice-présidents : MM. E. Divers, C. E. Groves, H. Mec Leod, H. A. Miers, T. Purdieet T. Stevenson; Secrétaires : MM. W. R. Dunstan et A. Scott; Secrétaire étranger : M. R. Meldola ; Trésorier : M. W. A. Tilden. Séance du 18 Avril 1901. M. J. Moir a reconnu que le produit de condensation . C#H*OAz?, obtenu par Holtzwart en faisant bouillir une solution aqueuse du polymère de l'acétronitrile, est très probablement une cyanohydroxylutidine 11), iso- mère avec le composé (IT) obtenu par Guareschi dans Ja CU“ CU 4) É 20 ) CG H Ke 7 OH H'EX 70H AZ AZ (I) (I) j réaction de l'acétylacétonamine sur l'éther cyanoacé= tique. Il a trouvé également que le troisième isomère préparé par von Mayer est, en réalité, identique au dé rivé d'Holtzwart. Les deux isomères forment des aiguilles blanches peu solubles, d’un goût très amer. Ils sont. transformés en pseudolutidostyrile par l'action de H Br. lis donuent des dérivés bromés, nitrés et, pan réduction de ces derniers, des dérivés aminés. Le dé= rivé aminé (I) ne donne pas de coloration avec Fe*Clf, le dérivé aminé (II) fournit une coloration indigo. —= MM. W. R. Dunstan et E. Goulding, en faisant réagi les halogénures d’alkyles sur des oximes en présence de méthylate de soude, ont obtenu, à côté des éthers vrais des oximes RHC : AzOH et R?C : AzOH, des éthers d'isooximes : REC — AzH et ns. R?C — AzH SZ Ô Les isooximes alkylées sont très instables et ne peu=" vent être étudiées qu'en combinaison avec l'iodure de sodium. Elles s’hvdrolysent en donnant l’aldéhyde ou la cétone correspondante, ainsi qu'une hydroxylamine 8-subslituée. Par la réduction ordinaire, elles sont transformées dans l’amine primaire de l'alkyle subs= titué et dans l'aldéhyde ou la cétone correspondante: Par réduction ménagée, elles donnent l’amine secon= daire correspondante. Les éthers alkylés des oximes sont des liquides stables, fournissant, par hydrolyse; l'aldéhyde ou la cétone et une hydroxylamine 4-sub= stituée. — Les mêmes auteurs ont préparé une triéthyl=M oxamine (C°HS)AzO, possédant des propriétés diffé= rentes du composé décrit par Bewad comme ayant la même constitution. Bewad vieut de reconnaître que son dérivé est la 8-éthyl-sec-batylhydroxylamine, ce qui, explique les divergences. — M. ©. Forster a préparé le {-nitrocamphène en chauffant une solution alcoolique de 1:1-bromo= nitrocamphane avec le nitrate d'argent. C'est un solide cristallisé en prismes fondant à 560. Traité par H Br, il donne le 2:1-bromonitrocamphane (1): ù CHB PANNES re ie r . NCH.Az0? N CBr. Az0? (1) (1) fondant à 1789; traité par le brome, il fournit Je 1:2-dibromo-1-nitrocamphane (I), fondant à 1959. Lan réduction du nitrocamphène par la poudre de zinc et l'acide acétique glacial donne le 1-aminocamphène, fondant à 46°. On obtient le 1-hydroxycamphène en. chauffant le sulfate d'aminocamphène avec le nitrate de potassium. — MM. C. Young et W. H. Oates ont préparé la beuzal-2-méthvlsemicarbazone C'H°.CH © Az.Az (CH*).CO.AzH® et le 3-phényl-1-méthylhydroxy= triazol qui en dérive par fermeture de la chaîne : Az. AzCH® cH.c£ | Naz: CON Ils ont obtenu un certain nombre de composés ana- logues et discutent la possibilité de l'isomérisme dans la série du triazol. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. DIRECTEUR : N° 11 15 JUIN 1901 _ Revue générale Dr Noenc 11 pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adrésser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. VOYAGES D'ETUDE DE LA REVUE CROISIÈRE EN SYRIE ET PALESTINE ? Sur le conseil du Comité de Patronage de ses voyages d'étude, la Ztevue prépare en ce moment, pour les mois de septembre et octobre prochains, une croisière en Syrie et en Palestine. Déjà, en 1897, nous avions conduit une centaine de touristes en ces régions, à Rhodes, à Adalia, à Damas, à Baalbeck et à Jérusalem. Nous nous proposons, cette Mannée, de visiter ces mêmes régions plus en détail et d'ajouter à l'itinéraire d'il y a quatre ans des escales et des excursions nouvelles. C’est ainsi notamment que Seront étudiées dans leur ensemble l'ile de Rhodes et Mile de Chypre, et que seront organisées autour de érusalem et de Béthléem jusqu'à la mer Morte et au Jourdain des excursions que ne comprenait pas notre programme de 1897. Enfin, une grande tour- née facultative en Galilée et Tibériade avec re- Miour par Port-Saïd et Alexandrie, permettra aux tou- “ristes qui le désireront, d'aller au mont Carmel, à “Nazareth, au mont Thabor, à Tibériade, Capharnaüm, M Bethsaida, Magdala et Cana, puis à Port-Saïd et à lexandrie, et même de visiter Suez, le Caire et la (DAMAS, BAALBECK ET JÉRUSALEM) 7e RGANISÉE AVEC LE CONCOURS DE LA COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES (414 SEPTEMBRE - 9 OCTOBRE 1901) Haute-Egypte, toutes facilités de retour d'Alexandrie au Caire par les paquebots de la Compagnie des Message- ries Maritimes leur élant donnée. Le prospectus encarté dans le présent numéro de la Revue renseigne suffisamment le lecteur sur l'intérêt et les conditions du voyage, pour que nous n’ayons pas à nous y étendre ici. Ce que nous avons tenu à annoncer à cette place, c'est que le savant éminent qui avait bien voulu, en 1897, se charger de la direction scientifique de notre croisière en Méditerranée orientale, a accepté d'assumer eucore cette année la tâche délicate de nous préparer en cours de route à l'observation des pays que nous irous visiter : M. Charles Diehl, correspondant de l'[ns- titut et professeur d'Histoire byzantine à l'Université de Paris, nous donnera à bord des conférences sur l’his- toire et les monuments de l'Orient latin; sur les lieux mêmes, ses explications nous aideront à ressusciter et à bien comprendre le monde disparu. Nous le remer- cions d’un concours qui sera, nous n'en doutons pas, aussi apprécié cette année qu'il l’a été, ily a quatre ans. HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 11 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élections à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans ses dernières séances, l’Académie a procédé à l'élection de plusieurs Correspondants. Notre éminent collaborateur M. Paul Sabatier, pro- fesseur de Chimie à la Faculté des Sciences de Tou- 4 louse, à été nommé Correspondant pour la Section de Chimie, en remplacement de M. A. Haller, élu précé- demment membre de l’Académie. M. Oudemans, membre de l'Académie des Sciences d'Amsterdam, bien connu par sa {riangulation de Java, et M. Davidson ont été élus Correspondants dans la Section de Géographie et Navigation. M. Zeuner, professeur au Polytechnikum de Zürich, a été nommé Correspondant pour la Section de Méca- nique. — Astronomie Le Sidérostat et la Photographie stellaire. — On sait que, dans l’image fournie par un sidérostat, un seul point est immobilisé, tandis que les autres points du ciel paraissent tourner autour du premier avec une vitesse variable. La simplicité de la relation analytique qui lie au temps la rotation du champ optique observable avec le sidérostat a naturellement attiré l'attention des astro- nomes et des physiciens intéressés à l'emploi de ce genre d'appareil, et suggéré l’idée d'obtenir la com- pensation mécanique de cette rotation particulière- ment gênante pour la Photographie stellaire. On peut donc se proposer de réaliser un appareil qui communique à la plaque phofographique, automati- quement, cette même vitesse de rotation que possède l'image, afin d'obtenir des images posées de tous les points du ciel. M. H. H. Turner, directeur de l'Observatoire de l'Uni- versité de Cambridge ‘, a posé récemment ce problème, et en a indiqué trois solutions différentes. M. G: Lippmann, dans une Note présentée à l'Aca- démie des Sciences®, vient de proposer une quatrième solution, qui est la suivante : l'appareil qui sert à déplacer le miroir du sidérostat permet également de donner à la plaque le mouvement qui convient pour suivre l'image. Considérons, en effet, le rayon lumineux qui va du centre de l'objectif à l’image d’un point quelconque du ciel : ce rayon se déplaçant entraîne la plaque. Mais supposons ce rayon lumineux représenté par une tige métallique rendue solidaire du châssis porte-plaques; il y a dès lors entraînement. Or, l'appareil qui sert à faire mouvoir le miroir du sidérostat est précisément constitué de manière à représenter les rayons inci- dents et réfléchis sous forme de tiges métalliques. Soit donc, installé derrière le porte-chässis, un appareil disposé comme le moteur du sidérostat. Munissons-le d’une tige assujettie à rester symétrique de l’axe polaire par rapport à la direction de la queue du miroir. L'axe polaire a la direction du faisceau incident venant de l'étoile, la tige a donc la direction du faisceau réfléchi correspondant, et vient percer la plaque au point où se formerait l'image du pôle céleste. Toul se passe donc comme si le faisceau réfléchi provenant du pôle céleste entraînait la plaque photographique. Au lieu de l’image du pôle, on pourrait employer l'image d'un autre point du ciel arbitrairement choisi : il faudrait alors ajouter à l'appareil une tige de plus. ‘ H.-H. Turner. : Monthly Notices of R. A. S., 1. p. 122; 1901. ? Comptes rendus, t. CXXXII, p. 931. LXT. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Tel est, succinctement, l'appareil de M. Lippmann destiné à entrainer la plaque photographique qui reçoit l’image fournie par un sidérostat. Antérieurement à ce descriptions purement théoriques de MM. Turner et G Lippmanv, M. P. Gautier, membre du Bureau des Longitudes, avait réalisé, d'après des données numé= riques que M. Cornu lui avait communiquées en mar 1899, un mécanisme simple, imposant au châssis photo graphique un mouvement angulaire compensateur, suffisamment précis pour l'obtention d’un cliché astro= photographique de courte durée. C'est le disposili qu'on apu voir à l'Exposition universelle de 1900, a foyer de l'instrument gigantesque (lunette photogra= phique et sidérostat) construit par M. Gautier. Enfin, M. A. Cornu vient à son tour de présenter l’Académie des Sciences !, une solution plus élégante de ce problème du sidérostat photographique, tout em précisant les motifs qui limitent considérablemen l'application de tous les mécanismes compensaleurs. Le dispositif décrit par M. Cornu dérive d’études anciennes, relatives à un objet bien différent : à l'occasion de recherches sur la réflexion cristalline &, M. Cornu avait été conduit à réaliser mécaniquement la relation homographique qui lie les plans de pola= risation des rayons incident et réfléchi sur la surface d'un milieu isotrope ou cristallisé, et qu'on rencontre dans d'autres phéuomènes optiques. Cette relation est précisément celle qui lie l’angle de rotation du champ: du sidérostat avec l'angle horaire de l'autre, dont l'image est envoyée dans une direction fixe d'angle horaire. Le plus précis des organes cinématiques qui réalise cette relation est le jorut universel, ou joint hollandais, ou encore croisillon, souvent employé en mécanique pratique pour transmettre le mouvement de rotation: d’un axe à un autre axe incliné sur le premier, et situé dans un même plan. k Le joint universel résout d'une manière simple @ générale le problème de la compensation rotative du champ fourni par le sidérostat et l’héliostaf : lasolution: qui en résulte est aussi rigoureuse que celles d MM. Turner et G. Lippmaun, et elle a sur elles l’avan= tage d'être mécaniquement plus parfaite, car elle ne comporte que des mouvements de pivotement, réali- sables avec une rigueur presque indéfinie par les pro= cédés mécaniques usités dans la construction des ins- truments de précision. Le défaut des solutions de MM. Turneret G. Lippmann est de comprendre des organes frottants, tels que manchons où coulisses, d'une exéculion moins rigous reuse, qui entrainent des résistances lrès inégales suivant l'angle sous lequel les tiges guidantes les cons duisent; de là des coincements et des déformations qui altèrent la relation des rotations simultanées. Ajoutons que la solution de M. Turner est subor= donnée à une condition rigoureuse, que les sidérostal et les héliostats ne remplissent qu'imparfaitement, prés cisément à cause des pièces frottantes inhérentes à leur construction : il en résulterait des complications additionnelles provenant de l'imperfection .de ces. appareils. ; F Eu effet, pour pouvoir opérer la compensation désiré avec la précision nécessaire à la photographie céleste on doit supposer que l’on connait d'avance le point du champ autour duquel s'effectue la rotation, avec la même rigueur que celle dont le mécanisme compens sateur est susceptible. \e' US Il y aurait donc d'abord un réglage préliminaire à effectuer, à savoir la mise en coïncidence rigoureuse 1! Comptes rendus, t. CXXXIT, p. 1013. ? Ann. de Chim, et Phys. 4, série, t. XI, p. 282. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE C3 centre de rotation du mécanisme avec le centre de fation du champ, et ensuile l'addition d'un dispositif rectification en marche, pour ramener la coinci- lence des divers points du champ avec les étoiles au r et à mesure des déplacements inévitables des ages durant les longues durées d'exposition. “Une pareille méthode de rectification est employée ournellement dans les observatoires avec les équato- aux photographiques pour l'obtention des clichés de Carte du Ciel; mais les conditions sont bien diffé- entes : avec l'équatorial, les erreurs à corriger sont “produites par une sorte de translation qui est sensi- “lement la même pour tous les points du cliché : on peut donc la corriger par deux monvements indépen- “ants, l’un en ascension droite, l’autre en déclinaison, ès bien définis par l'observation d'un point quelconque du champ. Dans l'observation avec un sidérostat, le problème “de la rectification en marche est beaucoup plus com- mpiexe, non seulement par suite de l’imperfection pra- lique des organes moteurs du miroir, mais parce que fous les points du champ offrent des déplacements différant considérablement en grandeur et en direc- tion : il faudrait done observer simultanément au moins deux points du cliché, — par exemple, l’un au centre, l’autre à la circonférence, — car la correction un seul point n'entraine nullement celle de tous les ïtres; et, de plus, on devrait disposer les réglages de anière que la rectification de l’un ne dérange pas la éctification de l’autre. Ces diverses considérations, qui s'appliquent à tous Bs mécanismes proposés jusqu'ici, suftisent pour mon- er que des solutions cinématiques, simples en héorie, entrainent souvent beaucoup de complications dans la pratique. Eclipse du 4° satellite de Jupiter. — lalilée écouvrit les quatre premiers satellites de Jupiter les et 8 janvier 1610; celui que nous numérotons IV, Callisto, observé le 7 janvier, était vu également dès le lendemain par S. Mayer. Or, malgré de plus récentes “découvertes, ces quatre satellites constituent la partie capitale et très importante du système de Jupiter. … Ce sont les éclipses des satellites de Jupiter qui permirent la première détermination de la vitesse de la lumière par Rœmer, et une détermination un peu précise des longitudes terrestres; puis ces corpus- œules suscitèrent les recherches théoriques de Newton, Lasranse, Bailly, Laplace, Souillart, etc.; enfin, pour des maisons analytiques, l'étude du système de Jupiter est une des plus importantes en même temps qu'une des plus délicates de la Mécanique céleste. Cependant les quatre satellites se différencient rapi- dement en deux groupes : tout d'abord, les trois premiers sont étroitement liés par une relation de Sommensurabilité très approchée, qui crée un nouvel intérêt et une difficulté daus la théorie de Jupiter; ils éclipsent à chacune de leurs révolutions. Mais la relation qui existe entre leurs longitudes les empêche de s'éclipser tous trois en même temps. Enfin, avant ie la théorie n'intervint avec succès, Bradley et largentin, en diseutant les observations, reconnurent célèbre inégalité de 437 jours qui se présente dans les éclipses de ces trois satellites. Quant au quatrième satellite, il fait nettement bande part : sa théorie présente la plus grande analogie ce celle de notre satellite, la Lune; il offre des égalités de même nature, mais s’éclipse beaucoup moins souvent que ses trois voisins. = Ainsi, l'observation des éclipses des satellites de Jupiter prend une importance réelle, et il serail fort ésirable que l’on cherchàt à réunir et à relier toutes S mesures déjà faites à ce sujet, d'autant qu'elles uvent assez souvent paraître très discordantes, comme cas s’est déjà présenté. Et, en effet, la théorie put établir que l'ombre de Jupiter présente une forme assez complexe : ainsi, le phénomène géométrique de pénombre et d’ombres se trouve encore compliqué de ce fait. 11 faudrait donc classer, en premier lieu, les anciennes mesures avec leurs facteurs compliqués qui dépendent de la distance du satellite au disque brillant de la planète, de l’état de l'atmosphère, de l'instrument employé, de la délicatesse de l'œil de l'observateur ; puis, selon l'indication de M. Cornu, développée par M. Obrecht, il faudrait rompre résolument avec la routine et substituer les mesures photométriques aux mesures micrométriques; du moins la chose ne fait aucun doute pour l'observation de tels phénomènes. Un exemple va bien mieux encore faire saisir la nécessité d'une étude plus systématique des éclipses. Dans Ja nuit du 17 au 18 mai dernier, le quatrième satellite de Jupiter devait s'éclipser : M. Bigourdan, à l'Observatoire de Paris, dont le mérite est établi depuis longtemps en ce qui concerne l'observation des objets faibles, s’apprêta à regarder l’éclipse : il avait pour l'observation, selon Les vieux procédés, un équatorial et ses deux chercheurs. Or, qu'advint-il? L'appréciation de la disparition et de la réapparition du satellite, dans les chercheurs, fournit des heures assez diffé- rentes de celles qui étaient prévues dans la Connaissance des Temps; mais, dans l'équalorial lui-même, le satellite ne cessa pas d'être visible. Done, il n'y eut point, à proprement parler, d'éclipse. Alors l'évaluation dans les chercheurs n'a aucune signification scienti- fique, et ne pourra jamais être utilisée : c'est un mélange indissociable de l'état atmosphérique et de la délicatesse de perception visuelle de l'observateur. Au lieu d'un résultat à peu près nul, une mesure photométrique de demi-éclat aurait toujours fourni une donnée numérique relative à la surface d'ombre. $ 3. — Aéronautique Un point d'histoire de la Locomotion aérienne. — J'ai éprouvé quelque surprise en rele- vant, dans une conférence faite à l'Institution royale, par M. G.-H. Bryan, membre de la Société Rovale de Londres, sur l'Æistoire et les progrès de la Loco- motion aérienne, reproduite par notre excellent confrère anglais Nature, du 28 mars dernier, l'indication sui- vante concernant les expériences récentes du comte Zeppelin et celles des capitaines Renard et Krebs : « Les expériences du comte Zeppelin faites l'été dernier, et consistant eu un voyage aérien dirigé, dans certains cas, contre un vent debout, nous autorisent à dire que la solution de ce problème a été obtenue avant la fin du xix° siècle. Le seul résultat antérieur approchant de celui du comte Zeppelin a été celui de MM. Renard et Krebs, avec le ballon La France. Ges aéronuutes ont réussi une fois à accomplir un voyage aérien en retournant à leur point de départ; mais le fait ne s'étant pas reproduit, et la vitesse de leur ballon étant donnée par un auteur comme égale à quatre milles, et par un autre à qualorze milles à l'heure, ilest bien difficile de juger, par des documents aussi contradictoires, le degré de succès obtenu. » Pensant qu'il pourrait être agréable à M. Bryan de posséder quelques documents authentiques sur les expériences de 1885, je lui expédiai, le {1° avril, ceux qui étaient en ma possession, savoir : une Note pré- sentée à l'Académie des Sciences et publiée aux Comptes rendus de la séance du 7 décembre 1885, et une con- férence faite par le commandant (aujourd'hui colonel) Renard, en mars 1886, devant la Société de Secours des Amis des Sciences, conférence dans laquelle la question tout entière se trouve exposée avec une nel- teté et une élégance qu'on ne retrouve dans ‘aucun écrit ultérieur touchant ce problème. Dans une lettre accompagnant l'envoi, j'exposais les raisons qui me semblaient expliquer la retraite apparente des éminents aérostiers de Meudon, et celles pour lesquelles l'appré- cialion de M. Bryan, concernant les succès remportés avant la fin du siècle passé, S'appliquait bien plutôt, à mon sens, aux expériences de 1865 qu'à celles de 1900. Mon envoi élant resté sans réponse, j'ai tout lieu de penser que M. Bryan se désintéresse de la question, et je crois pouvoir, sans manquer aux règles de la cour- toisie, plaider directement ici la cause des expériences de Meudon. En ce qui concerne les renseignements con- tradictoires, utilisés par M. Bryan, l'explication nous est donnée par un entrefilet publié dans Nature, le 18 avril dernier, p. 594, que je transcrirai en entier : « Il s’est produit quelques divergences dans des allu- sions récentes faites aux expériences exécutées à Paris en 4886, avec le ballon dirigeable La France, M. Cha- nute, dans J’Engineering Magazine d'avril 4896, parlant d’une vitesse de 14 milles à l'heure, tandis que Sir Hi- ram Maxim, dans / Aeronautical Journald’octobre 1900, fait allusion seulement à un cas de retour au point de départ et parle d'une vitesse de 4 milles à l’heure. Une Note, parue dans l'Aeronautical Journal d'avril dernier, mentionne cinq retours au point de départ. En nous reportant à l'article original des Comptes rendus de TaBzrau |. — Vitesse du ballon « La France » dans ses diverses sorties. | | NUMÉROS | des Be DATE ascen- sions NOMBRE | VITESSE de tours |du ballon de l'hélice|en mètres par par minute | seconde OBSERVATIONS Le ballon rentre à Chalais. Avarie de ma- chine, descente à Vélizy. 9 août 1884. 6.00 fs ballon rentre 12 sept. 1884. 8nov. 1884. | _— 3) 3.82 à Chalais. Id. Vent de 6m5 à 7m. Descente à Villa- coublay. Le ballon rentre à Chalais. Id. 25 août 1885. 6,00 6,00 22 sept.1885. > 3 sept. 1885. 1886, nous voyons que la vitesse à été estimée entre 4et 6 mètres par seconde, et il nous parait probable que les discordances sont dues à une confusion dans les unités. » Les faits sont ici correctement rétablis ; mais il peut paräitre singulier que des Notes livrées à une publicité aussi considérable que celle des Comptes rendus de l'Académie des Sciences aient échappé à un homme qui, comme Sir Hiram Maxim, a consacré, avec beau- coup de succès, le meilleur de ses forces au problème de Ja navigation aérienne, et l’on s'élonnera à bon droit que des documents publiés de seconde main sur son autorité puissent créer une légende dont la conclu- sion serait que les expériences de 1885 ont été, en réa- lité, quelque essai informe de navigation, et qu'une unique sortie, dans des conditions mal définies, soit plutôt un aveu d'impuissance que le grand progrès auquel on avait cru. Il suffirait peut-être de renvoyer aux publications originales, que chacun retrouvera aisément; mais il me semble utile d'en donner ici au moins un court résumé : Les étapes successives des épreuves auxquelles a été soumis le ballon La France ont été exposées devant l'Académie des Sciences le 18 août et le 10 novem- bre 1884, puis dans un Mémoire lu à la séance du 23 novembre 1885, et inséré au Compte Rendu du 7 décembre. Les premières décrivent les expériences des capilaines Renard et Krebs, la dernière relate les ascensions faites par MM. Ch. et P. Renard, aidés de M. Duté-Poitevin. Entre les deux séries, le moteur avait été changé, el divers organgs avaient été allégés, de manière à permettre l'enlèvement d'un troisième aéronaute. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE équipé pour la marche ? L'est-il encore aujourd'hui La dernière Note contient des diagrammes de J& vitesse du ballon mesurée par des visées sur le sol, ow au moyen d'un ballon formant loch aérien, aban donné dans l'air à la même hauteur que l'aérostats et se déplacant en même temps que le vent, de probablement un peu trop faibles, à cause du léger entrainement du ballonnet par le dirigeable. J& transcris ici (Tableau I) le résumé donné dans la Note On voit donc qu'à part une avarie de début, presque inséparable d'une mise en train, les ascensions se sont répétées avec le même succès, et, dans les cing dernières, ont donné quatre retours sur cinq sorties! avec un essai, très intéressant d'ailleurs, contre un vent trop fort. Après ces expériences, l'appareil était parfaitement connu des aérostiers qui l'avaient monté, et ces derniers auraient pu, sans aucun doute, répéter indé= finement des ascensions dans des conditions sembla: bles. Convenait-il, dès lors, de fatiguer inutilement le ballon par des expériences qui n'auraient pas appris grand'chose, et dont les avantages n'auraient probas blement pas compensé les inconvénients? Après les ascensions de 4885, l'établissement de Chalais-Meudon: possédait, cela n'est pas douteux, un navire aérien capable d'effectuer un voyage dirigé, toutes les fois que la vitesse du vent ne dépasserait pas sensiblement vingt kilomètres à l'heure, et d'une durée sur laquelle l'étude des piles et de la machine, faite désormai dans un atelier, pouvait renseigner très suffisamment: Combien de temps le ballon La France resta-t-il Ce sont des questions auxquelles les documents rendus publics ne permettent pas de répondre; mais des mil: lions de visiteurs l'ont vu en 1889, au Pavillon du Minis tère de la Guerre, et on peut affirmer qu'à cette époques il existait encore tout entier. ( Les dernières expériences avaient été exécutées, dit la Note du 7 décembre, en présence du général Cam penon, alors ministre de la Guerre, et du général Bres= sonnel, président du Comité des fortifications, qui avaient pu en constater le succès. Dès lors, le ballon était devenu un engin de guerre, classé comme tel, eb n'était plus une machine d'expérience. Le fait même de la cessation des essais de navigation montre la parfaite sécurité des aérostiers chargés de sa manœuvre, et 1 confiance absolue qu'ils avaient dans l’ensemble de leur appareil. Quel que soit le mérite, très grand sans doute, de M. le comte Zeppelin, qui, avec ses propres moyens, tenté la construction d'un appareil nuuveau, présentant d'ingénieuses dispositions et au moyen duquel il a entrepris des ascensions dirigées, il ne semble pas qu'on puisse, pour le moment du moins, établir entre ses expériences et celles de 1885, une comparaison qui lu soit avantageuse; ses ascensions, intéressantes à plus d'un égard, se sont terminées par une chute qui eük été une catastrophe si elle ne s'était produite au-dessus d'un lac, et dans laquelle les machines ont été si forte= tement endommagées qu'elles ont été mises hors d'u sage. Mais les journaux nous ontappris que M.Zeppeli n'avait point perdu courage, et qu'il se proposait de recommencer ses expériences aussitôt quil aurait rassemblé les fonds nécessaires à la réparation de se avaries. C'est seulement lorsque son ballon aura pu fournir un certain nombre de voyages avec retour au point de départ, et avec une vitesse uniforme bien mesurée, que l'on pourra se prononcer définiivement sur les progrès réalisés par rapport aux expériences dem 1885. Mais cette question est tellement à l’ordre du jour en divers pays que, d'ici là, nous aurons probablement à enregistrer plusieurs succès nouveaux, entre lesquels il y aura lieu de faire une comparaison d'ensemble. Ch. Ed. Guillaume. we CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 505 $ 4. — Physique Propriétés diélectriques des électrolytes. = D'après la théorie de Maxwell, tout corps conducteur le l'électricité doit être opaque à la lumière, puisque lopacité n'est autre chose qu'une absorption avec con- “uction de l'oscillation électrique. En fait, la grande * pacité des métaux est bien d'accord avec cette théorie, cela près que les coefficients que l’on en déduit de- “Nraient correspondre à une absorption encore plus érande. En revanche, la plupart des solutions électro- ic Jytiques sont transparentes ou translucides, en contra- iction apparente avec la théorie. Des expériences récentes et très curieuses de MM. André Broca et Turchini résolvent complètement à contradiction, en montrant bien nettement la dis- mrontinuité entre les phénomènes qui se passent dans les électrolytes et ceux dont les diélectriques sont le | Siège, discontinuité qui, comme nous allons le voir, “Se déplace en même temps que la brusquerie du choc électrique, et fait apparaître les électrolytes, dans Certaines conditions, comme de vérilables diélectriques. “Les auteurs placent, dans un cristallisoir, un excita- feur, qu'ils uoient dans une solution électrolytique, et auquel ils font arriver une oscillation électrique dont la fréquence est de l’ordre du million par seconde. Une étincelle équivalente dans l'air permet de mesurer le “potentiel aux bornes de l’excitateur. Dans ces condi- tions, si l'électrolyte est très conducteur, il dissipé, par “lectrolyse ordinaire, le courant alternatif qui se pro- duit aux bornes; mais, s'il est relativement peu con- ducteur, l'égalisation se fait par une étincelle disruptive. ette étincelle est extrèmement puissante, d'un grand “éclat, et donne lieu à des effets mécaniques intenses. Ainsi, lorsqu'elle éclate dans l’eau, la bobine consom- “mant 50ampères, elle fait voler le cristallisoir en éclats, et projelte l'eau à une grande hauteur. J La dilution pour laquelle l’étincelle cesse de se pro- “uire dépend de la forme de l’excitateur. Ainsi, entre dés boules de laiton de 2 centimètres de diamètre, la fré- “quence d’un million ne donne plus d'étincelles pour une concentration supérieure au quarantième pour l'eau additionnée d'acide sulfurique. Entre fils, on J'observe jusqu'à une concentration de 1/7. Nous voyons donc que, pour ces fréquences, des lectrolytes de conductivité moyenne se comportent ‘comme le feraient des diélectriques liquides, huile, pétrole, etc. Si l'on arrive à une conductivité plus élevée, l'électrolyse se produit, et l’étincelle cesse. Les expériences de MM. Broca et Turchini sont encore incomplètes; mais les auteurs nous promettent de les “poursuivre en variant notamment la fréquence. Les résultats déjà obtenus permettent de conclure que les mélectrolytes peuvent devenir des diélectriques pour des fréquences suffisantes, et rendent tout au moins obable le fait que la fréquence donnant l'élincelle reculer…a en même temps que la conductivité, ce qu’on peut exprimer en disant que la conduction électrolyti- que ne s'établit qu'au bout d’un certain temps, qui est fonction de la conductivité. * Ce phénomène présente une certaine analogie avec celui qu'a observé le capitaine Abney dans l'action de Aa lumière interrompue sur les préparations photogra- phiques ‘. Plus l’éclairement est brusque et court, pour une même durée totale, plus l’action est faible, comme Shil fallait un certain temps pour que la lumière puisse ‘décomposer la molécule de bromure d'argent, le premier ‘choc ne produisant qu'une déformation élastique de la molécule, déformation après laquelle elle revient à sa forme primitive. On peut aussi en donner une image très nette en observant l'action des forces plus ou moins vives sur un corps tel que la glu marine ou le brai de goudron. Le choc brusque d'un petit marteau animé d’une rande vitesse, ne laisse aucune trace visible, ou bien 4 Noir la Revue, t. IV, p. 520; 45 août 1893. fait voler en éclats une plaque d’un de ces corps, avec une cassure conchoïde, semblable à celle du verre ou de la silice, alors qu'une pièce de monnaie simple- ment posée sur elle y marque une empreinte très nette, et, creusant un trou de plus en plus profond, finit par passer tout au travers. Le choc agit comme l’oscillation électrique rapide, et le corps y résiste sans se déformer s'il n'est pas trop violent, ou se brise si son énergie est suffisante, tandis qu'un effort lentement poursuivi ouvre un passage sans rupture proprement dite, sem- blable à l’électrolyse, qui est le phénomène lent et continu. $ 5. — Biologie La théorie de Schenk sur la détermination volontaire du sexe. — On se souvient de la théorie de Schenk sur l'origine des sexes chez l'Homme et la détermination volontaire du sexe, théorie qui à fait un bruit considérable dans le gros public; l’auteur expose à nouveau ses idées, légèrement modifiées depuis 1898, son mode de traitement et les résultats obtenus‘: Pour Schenk, l'œuf est déterminé comme mâle ou femelle, dans l'ovaire même de la mère, par le chi- misme général de celle-ci (le père n'a donc aucune influence) : il est déterminé comme femelle, lorsque l'organisme recoit plus d'hydrates de carbone qu'il n'en brûle, ce qui se traduit par le passage dans l'urine d'une certaine quantité de sucre, indice d’une combus- tion incomplète; au contraire, il est déterminé comme mäle lorsque l'organisme brûle surtout ses albumi- noïdes, ce qui se traduit par l'apparition dans l’urine d'une quantité notable d'urates et d'urée. Lorsqu'une femme désire avoir un garcon, il y a lieu tout d’abord de procéder à l’analyse de l'urine, pour se rendre compte de la quantité d'azote et de sucre qu’elle renferme; la femme est ensuite soumise à un régime approprié, dans lequel la quantité d’albuminoïldes est considérablement accrue, et celle des hydrates de carbone diminuée le plus possible; on procède alors à une nouvelle analyse d'urine; si la quantité d'azote y a augmenté dans des proportions considérables, on est en droit de compter que le chimisme de la mère a été modifié, et par suite que les œufs de l'ovaire vont être déterminés comme mâles. Le traitement destiné à provoquer l'augmentation de la combustion azotée consiste soit en une nourriture spéciale, soit en bains froids avec massages, soit à ingérer des pastilles sur lesquelles Schenk ne donne pas de détails (thyroïdine ?); le traitement est commencé un ou deux mois avant la fécondation, et continué deux mois après (Pourquoi ?). Quand le chimisme de la mère a été modifié par le traitement daus le sens indiqué plus haut, on peut compter sur une naissance masculine; si, au contraire, la mère augmente de poids en utilisant l'azote fourni sans que la combustion d'albuminoïdes s’accroisse, il est inutile de suivre le traitement, l'influence détermi- nante sur le sexe des œufs ne pouvant se produire dans ces circonstances. Sur dix-neuf personnes trai- tées par sa méthode, Schenk rapporte que quinze ont eu un garcon comme elles le désiraient, trois avaient un chimisme tel que tout traitement élait inutile, et enfin une est restée stérile. On sait que la théorie de Schenk, point invraisem- blable au premier abord, a suscité de graves critiques (le cas des jumeaux de sexe différent, entre autres); d'autre part, on l'a accusé d'avoir sacrifié la science à ses ambitions personnelles, et ses collègues de l'Uni- versité de Vienne, paraît-il, l'ont forcé à demander sa retraite et lui ont infligé un blàme. Il est vraisemblable qu'ils n’ont pas eu tort; le nouveau livre de Schenk ne donne pas l'impression d'une œuvre de savant sérieux ; sa bibliographie, confuse et incomplète, n'a que de lointains rapports avec son sujet; il est extraordinaire qu'il n'ait pas eu un seul insuccès; ses pastilles sentent furieusement le charlatan, etc. 1 Lehrbuch der Geschlechtsbestimmung, Malle, 1901. 506 LA TUBERCULOSE EN FRANCE ‘ Le 22 novembre 1899, M. Waldeck-Rousseau, président du Conseil des Ministres, inslituait une Commission « à l'effet de rechercher les moyens pratiques de combattre la propagation de la tuber- culose en France ». Un an après, le 30 septembre. 1900, cette Commission déposait son Rapport, et publiait, dans une série de Mémoires, les résultats de son enquête !. L'étude qu'on va lire est faite en très grande partie avec ces documents; qui nous donnent des renseignements assez complels sur la tuberculose en France. I. — EXTENSION ET DISSÉMINATION DE LA TUBERCULOSE EN FRANCE. $ 4. — La mortalité par tuberculose. Quelle est actuellement en France la mortalité par tuberculose? Telle est la question que M. Brouardel s'est posée dès le début de son enquête?. On évalue ordinairement à 150.000 le nombre d'individus qui, tous les ans, meurent en France de tuberculose. Mais ce chiffre n’est pas tout à fait exact, el cela pour plusieurs raisons. La première, c'est que les statistiques du Ministère de l'Intérieur, compulsées par M. Brouardel, ne sont pas complètes : elles ne portent que sur la population urbaine, c’est-à-dire sur un peu plus de 12 millions d'habitants. En second lieu, suivant une ancienne habitude, la tuberculose pulmonaire est encore fréquemment désignée parles médecins, dans les statistiques de mortalité, sous le nom de bronchite chronique. Il arrive alors ceci, surtout dans les petites villes : c'est que, suivant les idées des médecins de la localité, c’est tantôt la tuberculose, tantôt la bronchite chronique qui fait le plus de victimes. Ainsi, à Cours (Rhône), la stalistique donne, pour 10.000 habitants, une mortalité de 0,5 par tubereulose et de 51,4 par bronchite chronique, tandis qu'à Pantin, sur 10.000 habitants, il en meurt tous les ans 2 de bronchite chronique et 42 de tuberculose. Dans certaines localités, on voit même brusquement, d’une année à l’autre, les bronchites chroniques disparaître pour faire place à la tuber- culose, transformation qui tient tout simplement à ce qu'un ancien médecin a été remplacé par un jeune. Ce qui rend enfin cette rubrique de bronchite chronique singulièrement suspecte, c'est qu'elle sévit avec la même intensité chez les enfants ‘ La propagation de la tuberculose (moyens pratiques de la combattre). Paris, 1900. Masson et Cie, éditeurs. * Brouardel. Exposé de la question, p. 3. R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE et les adultes, et devient lrès rare chez les vieil lards. Pour établir le chiffre de mortalilé annuelle par tuberculose, M. Brouardel a donc considéré comme élant d’origine luberculeuse les bronchites chro” niques portées sur les statistiques. Il a trouvé alors que, pendant l’année 1896-1897, sur les 12.531.624 habitants consignés dansla statistique du Ministère de l'Intérieur, 42.399 (soit 33,8 p. 10.000) ont succombé à la tuberculose; en y ajoutant ceux qui sont morts de bronchite chronique, il arrivé au chiffre de 51.624 (soit 41,2 p. 10.000). Si l'on admet que cetle morlalité baisse dans les petits cen= tres et dans les campagnes, on arrive à conclure que sur 35 millions d'habitants que compte la France, 140.000 environ sont emportés annuellement par la tuberculose. « Si, au lieu d'être disséminée sur toute l'étendue du territoire, dit M. Brouardel, cette maladie était concentrée sur un point, ik disparaitrait chaque année une ville ayant la popu= lation de Toulouse ou une population supérieure à celle du Havre, de Rouen, ete. » Pour mieux apprécier la gravité du fléau qu'esb la tuberculose, il ne faut pas oublier que c’est à l'âge de la plus grande activité sociale que les individus sont emportés par la tuberculose. En étudiant la statistique pour la Ville de Paris, M. Brouardel a notamment trouvé que l'âge auquel la tuberculose fait le plus grand nombre de victimes est de trente à trente-qualre ans. Toutefois, si l’on considère les décès tuberculeux en rapport avec Ie nombre de survivants à chaque âge, on trouve, pour Paris loujours, que, si on laisse de côté le premier àge, l’âge maximum de mortalité est de quarante-cinq à cinquante-cinq pour les hommes. et de trente à trente-cinq pour les femmes. Il y & encore ce fait intéressant à noter, qu'à Paris la mortalité par tuberculose est de 62,4 p. 10.000 chez les hommes et de 36,9 seulement chez les femmes. M. Brouardel attribue cette différence en premier lieu à l'alcoolisme, qui est plus répandu parmi les hommes que parmi les femmes, en parlie aussi à ce que la femme est, de par sa situation sociale, moins exposée que l’homme à la contamination tuberculeuse dans l'usine, l’atelier, la fabrique, ete: Disons enfin que M. Brouardel a pu vérifier un fait connu depuis longtemps, à savoir que la mor= talité par tuberculose est plus élevée dans les grands. centres que dans les petits. Un coup d'œil jelé sur le tableau [ montre, en effet, l'existence de dif férences très appréciables entre le taux de la mor- talité par tuberculose dans les grandes et les R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 507 petites villes. Mais il semble que les petites villes “sont en train de perdre cet avantage, car, depuis quelque temps, la tuberculose parait augmenter “dans les villes ayant une population au-dessous de 5 000 habitants, tandis qu’elle reste plutôt station- naire dans les villes de 5 à 10.000 habitants. Ce MABLEAU I. — Mortalité par tuberculose et bronchite — chronique réunies (Moyenne de 1888 à 1897), E dans les villes moyennes. MORTALIT | Proportion Jour 10.000 habit: DÉSIGNATION DES VILLES POPULATION Villes ayant plus de 50.000 ha- bitauts (31 villes). . Villes ayant de 10 à 50. 000 ha- bitants (197 villes) . . Villes ayant de 5 à 10. 000 ha- bitants (30ù villes). . Villes ayant moins de 5. 000 ha bitantes (89 villes. 24 0.119.646 3:803.478 095.356 309.046 pui apparait très nettement dans le tableau I. Cette augmentation est surtout appréciable dans E. villes ayant moins de 3.000 habitants. Elle dique une sorte d'envahissement progressif des campagnes par la (tuberculose, fait qu'un grand “ nombre de médecins avaient déjà signalé à M. Brouardel à litre d'impression. La statistique ci-dessus confirme donc cette impression; mais elle ne fournit encore qu'une simple indication, car Tagzeau Il, — Mortalité par tuberculose et bronchite chronique réunies, dans les petites villes. PÉRIODE 1891-1895 | PÉRIODE 1896-1897 | CR ER. Mortalité Mortalité Propor- Propor- tion pour ë tion pour tion 10.000 tion 10.000 habitants habitants DÉSIGNATION DES VILLES Popula- Popula- Villes de 4 à 5.000 hab. (26 villes) Villes de 3 à 4 (36 villes) . . : Villes de 2 à 3.000 ‘hab. (20 villes) . . : Villes de 1 à 2.000 hab. (7 villes). MES Lie 31,6 | 118.992 4.000 hab. 34,6 | 125.918 50.701 11.169 - le nombre de petites villes sur lesquelles elle donne des renseignements est encore très restreint. $ 2. — La répartition de la tuberculose. - Les faits que M. Brouardel a réunis dans la partie de son Rapport consacrée à la répartition de la _ tuberculose en France sont fort intéressants. Il . est seulement regrettable que son enquête n'ait pu être poussée à fond et se trouve, en somme, limitée à Paris. M. Brouardel a eu l'idée de grouper par dépar- tements les villes qui ont fourni des renseigne- ments statistiques sur la mortalité par tuberculose de leurs habitants. Il est, de cette facon, arrivé à constater qu'il existe en France trois foyers prin- cipaux de tuberculose. Toutefois, il ne s'agil ici que d’une simple indication, car, si certains dépar tements nous fournissent des renseignements inté- ressant la plus grande partie de leur population, dans d’autres la statistique ne porte que sur le dixième, le quinzième, voire même le vingtième de la population totale. Des trois foyers principaux délimités par M. Brou- ardel, le premier part de Paris et des départements voisins, et s'étend vers le nord, où il est limité : à l'ouest, par le département de la Seine-Inférieure; à l’est, par le département du Nord. Le second foyer est constilué par les départements de l’ancienne Bretagne, avec la Mayenne. Le troisième enfin, qui rayonne autour de Lyon, s'étend depuis le Jura et l'Ain jusqu'au Gard, le long de la vallée du Rhône. Ces trois foyers ne sont pas les seuls. La carte de M. Brouardel (fig. 1} montre qu'il en exisle encore d'autres, moins étendus, ilest vrai, mais faisant tout de même tache noire. Ainsi, au Centre, on trouve l'Indre-et-Loire avec une mortalité de 50,3 p. 10.000; la Haute-Vienne avecune mortalité de 51 ,1; la Creuse, avee une mortalité de 37,8. Au sud-ouest, nous pouvons encore signaler: la Gironde avec une mor- lalité de 41,1; le Gers avec une mortalité de 40,5. Chacun des trois foyers principaux a pour centre de rayonnement une ou plusieurs villes dont la mortalité particulièrement élevée grève d'autant celle de tout le département. À mesure qu'on s'é- loigne de cette ville, surtout à partir d'une certaine distance, la mortalité par tuberculose diminue. Si nous prenons en exemple le premier foyer avec le département de la Seine pour centre, nous trou- : vons que la mortalité de 57,4 °/,5,, qu'accuse ce dé- partement, descend à 46,1 dans la Seine-et-Oise, à 40,9 dans l'Oise, à 38,3 dans la Seine-et-Marne. Cette diminution de la tuberculose, à mesure qu'on s'éloigne d’un centre de rayonnement, se retrouve encore, quand, au lieu d'envisager le dé- partement, on prend une ville avec son arron- dissement. Ainsi, dans le département du Nord, qui offre une mortalilé de 42,9 °/,%, nous avons, pour centre, Lille avec son arrondissement, donnant une mortalité de 45,5 ‘50; Cette mortalité tombe à 44,9 pour Hazebrouck (distant de 40 kilomètres de Lille) et son arrondissement; à 40,0 pour Valen- ciennes (distant de 45 kilomètres de Lille) et son arrondissement, à 37,4 pour Dunkerque (distant de 46 kilomètres de Lille) et son arrondissement ; à 34,8 pour Cambrai (distant de 53 kilomètres de Lille) et son arrondissement; à 32,7 pour Avesnes 508 (distant de 87 kilomètres de Lille) et son arrondis- sement. Disons toutefois que l'arrondissement de Douai a une mortalité de 47,1, mortalité supérieure R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE à celle de l'arrondissement de Lille. Un centre de rayonnement n’est pas, non plus, un bloc. On peut le décomposer à son tour en arrondissements, en quartiers, rues, maisons, el mettre ainsi en vedetle certains facteurs interve- nant dans la propagation et l'extension de la tubercu- lose. Faute de documents, M. Brouardel n'a pu faire ce travail d’ana- lyse que pour la ville de Paris. En grou- pant par ar- rondissements et par quar- tiers les décès tuberculeux [moyenne de seize années), M. Brouardel a constaté qu'à Paris (fig. 2) cette mortalité va- rie dans des limites très larges d’un arrondisse- ment à l’au- tre !. Pour ne prendre que les chiffres extrèmes, nous lrou- vonsunemor- talité de 80 pour le xrIv° arrondissement, et une morlalité de 21,9, c'est-à-dire presque quatre fois 4 Mortalité par tuberculose dans les arrondissements de Paris (moyenne de 1881 à 1896), pour 10.000 habitants. moins élevée pour le vue. Si, à la place de l'arron- dissement, unité administrative, on envisage le quartier, groupement plutôt social, on trouve des différences encore plus grandes : mortalité de 104 °/,, dans le quartier de Plaisance, mortalité de 11 °%% dans celui des Champs-Élysées. L'impor” tance du groupement social apparaît très nette ment quand, en allant du centre vers la périphérie, M Is 1e RN ET LOIRE Mortalité pour 10.000 habitants 57, + aàaH,3 Il #1, 1 à 35,9 34, 8 à 30,4 31,1à 20,1 == ES sève SÈV À fl ES vu =, DE — | 7 CHARENTE! +. ÉCÔTE D'OR} : SANTA EMAUTE LOIR! CANTALY 25,3 INTÉ ISERE Ce He AÔN =D: SAVOIE *, à F3, == 7 ! Ü LOT ET 7 + e H LOZÈRE 52, 02 É— T0 Re t ARONNE ! 7 AV \ \ JTARN ET Te yY EYRON ET, La À CE — ln GARONNE! GARD AUCLUSE) 2 \ 2: Æ Borremans Se. 5 rue Æautereuille Farrs Fig. 1. — Répartition des décès par tuberculose dans les départements. XIVe arrondissement . . . . . . . XXe XIXe XVe XVIIIe XIe XIIIe LVe Ve quartier lui-même peut encore être décomposé en éléments plus simples, et, d'après M. c'est-à-dire vres,onprend, sur la carte dressée qui comme taux de mortalité lose, par 10: mille habi tants, les chif fres de : 10,8 tier Champs-Ély- sées; de 22,1 pour le quar- tier des Inva- lides; de 43,6 pour le quar- tier de l'Éco-. le - Militaire ; de 78,4 pour le quartier de Necker; de10% pour le quar- tier de Plai-= sance. Le Brouardel, les 7 C7 CES rs = © de O0 CO O2 = œ à Se © D © N © SG © D IS = 19 CE 19 D = | ont les habitants sont voués à à tuberculose. -« Au point de vue du plan de campagne à suivre inscrits sur la carte de France, aux foyers des “quartiers, et, en dernière analyse, à la maison insalubre. C’est elle qu'il faut viser. » Cette conclusion de M. Brouardel est des plus Jégitimes et ne saurait être trop approuvée, à un Mortalite pour 10 , 000 habitants —_ 104,1 à 66,9 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 509 exerce une action très réelle, très manifeste sur la dissémination de la tuberculose, et constitue un facteur étiologique important. Seulement, il n’est pas le seul, et, en réalité, ses effets ne font que s'ajouter à une série d'autres que nous avons eu l'occasion d'étudier dans la /?evue générale des Sciences !. Il suffit, du reste, de jeter un coup d'œil sur la carte de Paris établie par M. Brouardel, pour voir les qurtiers dits pauvres enserrer comme une ceinture noire les quartiers bourgeois du centre, teints en gris, cependant que les quartiers riches KBatignol | arrières LE M, 9 Re Z=, P1€ Monceau L---—" = du Roule, LE = ES 1 Crime LU 7 Médeleine ! s LE ES Vincent—| de Paul =—=Bellevile—— 1,5 Invalides / f 22,1 /SThomas = == Fig. point de vue général. Une statistique publiée récem- ment par M. Sogniès', nous montre, à Nancy, dans la rue de l’Atrie, une maison dans laquelle se produisent cinq décès par tuberculose sur neuf constatés dans toute la rue pendant dix années; une autre maison, de la rue d'Auxonne, fournit quatre décès sur sept qui se sont produits, dans toute la rue, dans l’espace de sept ans. La propor- tion est encore plus forte dans une maison de la rue Berguier, qui, pour l'espace de quatre ans, fournit quatre décès sur six, ete., elc. Il est donc certain que le logement insalubre . 4H. Socniis : L'hygiène de l'habitation dans ses rapports avec la mortalité par tuberculose. — Œuvre anti-tubere., 1900, nos, p. 212. 2, — Répartition des décès dans les différents quartiers de Paris de 1892 à 1896. se profilent en blanc. Or, la ceinture noire, de même que les quartiers gris qu'elle enserre, n'est pas composée d'une chaîne de maisons insalubres, et dans celles-ci, comme dans celles qui ne sont pas « insalubres », s'exercent en toute liberté les au- tres facteurs de la tuberculose : surmenage physi- que, repos incomplet, alimentation défectueuse et insuffisante, travail dans des usines et ateliers dont l'air est vicié, alcoolisme, ete., ete. La seule chose qu'on puisse dire, c'est que la misère écono- mique et physiologique, qui synthétise les facteurs que nous venons d'énumérer, est fatalement liée à 4 R. Roue: La diminution de la tuberculose en Angleterre. Rev. gén. des Sciences, 1900, numéro du 30 mai, p. 680. »10 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE la maison insalubre, mais peut aussi exister dans une maison répondant, dans une certaine mesure, aux exigences de l'hygiène de l'habitation. C'est une raison pour ne pas se laisser éblouir par les statistiques, fort peu nombreuses du reste, tendant à incriminer la maison insalubre seule. Quand Philippovich ‘ note une mortalité par tuber- culose de 11,6 °/, dans les quartiers aisés de Vienne (Autriche), et de 35 °/,,, dans les quar-. tiers non-aisés ; quand Chadwick * signale une mor- talité de 11,3 °/,, dans les maisons habitées par des ouvriers aisés, el de 38 ‘/. dans des mai- sons habitées par des ouvriers pauvres, ce n'est pas la maison seule, mais bien plutôt les condi- lions matérielles générales qui donnent l'explica- Lion de cette différence. On peut en dire autant de la statistique de M. Sogniès *, quand il nous montre, par exemple, que, dans la même rue (rue Saint- Nicolas), une première partie, habitée par des gens aisés, accuse une mortalité par tuberculose de 17,85 °/656, tandis que, dans la deuxième partie, occupée par des ouvriers et des pauvres gens, cette mortalité monte à 75,3 °/, C'est-à-dire à un taux six fois plus élevé. Dans ces conditions, il est difficile de dire si l'accumulation de décès tuber- culeux dans la même maison doit être attribuée à ses conditions antihygiéniques ou à la misère noire de ses habitants, proie toute désignée pour le bacille de Koch. I ne faut pas croire que, pour M. Brouardel, la lutte contre la tuberculose doit être limitée à l'assainisse- ment du logement. Il estlepremier à réclamer, dans son Rapport, la création d’un nombre suffisant de sa- natoria populaires. Toutefois, on nous permettra de citer ici encore un fait qui montre la multiplicité et la complexité des causes de la tuberculose, ainsi que l'insuffisance des moyens prophylactiques diri- gés contre un seul de ses facteurs étiologiques. Ce fait se rapporte à la question de la désinfection des logements ayant été habités par des tuberculeux. À première vue, celte désinfection, destinée à détruire les germes de la maladie, semble devoir exercer une influence appréciable sur la diminu- tion de la tuberculose. Or, les chiffres que nous trouvons dans le Rapport de M. Martin‘ ne font pas ressortir d’une façon bien nette cette action de la désinfection. En effet, le nombre des désinfections pour tuber- culose, demandées ou acceptées, et le nombre de décès ont suivi la marche suivante : Roexer : Prophylaxie der Wobn-und Arbeitsräume und des Verkehrs. Bericht über den Kongress zur Bekämpfung der Tuberkulose als Volkskrankheït, p. 308, Berlin. 1899. 2fTbrd, II. Socxiës : loc, cit. * A.-J. Marin : Désinfection des logements des luber- culeux, p. 113. ANNÉES DÉSINFECTIONS DÉCÈS ASI2 RER NET 4.5 AIO NAN ENCRES 8.077 ER PSS TTE 1.389 ASIN MR NE ET 8.130 DOG AU ATEN RSS 8.330 : EH PISTE 9.506 41.605 TSON EME CIE 10.504 12.040 899 EURE 11.002 12.053 Ainsi done, malgré l'augmentation progressive el très accentuée du nombre des désinfections, le nombre de décès tuberculeux n'a pas diminué. Tout ce qu'on peut dire, en tenant compte de l’aug- mentation de la population parisienne pendant ces huil ans, c'est que la mortalité par tuberculose est restée stationnaire. Et ce qui rend cette constata- tion encore plus significative, c’est que les désinfec-M tions pratiquées pour des maladies contagieuses épidémiques (rougeole, scarlatine, diphtérie, etc.), ont eu pour résultat d’abaisser très notablement la mortalité par ces maladies : elle comptait pour un dixième, et elle ne compte plus que pour un vingt- cinquième de la mortalité totale. I. — FORMATION DES FOYERS DE TUBERCULOSE. Ces considérations nous amènent à envisager une question, dont l'importance au point de vue de la lutte contre la tuberculose nous paraît assez grande. S'il existe en France trois principaux foyers de tuberculose, quelles sont les causes qui ont con- tribué à les former? Nous aurons à envisager, dans un moment, les rapports entre la tuberculose et l'alcoolisme. Mais, en dehors de l'alcoolisme, existe-t-il d’autres causes pouvant, dans une certaine mesure, nous expliquer la formation des trois gros foyers dont M parle M. Brouardel? Nous n'avons certainement pas la prétention de donner ici la solution de ce problème. Mais il nous semble intéressant de mellre sous les yeux de nos lecteurs quelques faits qui se rattachent à cette question, et dont l'expli- cation n’est pas aisée. $ 1. — Développement industriel et tuberculose. La première idée qui vient à l'esprit, c'est de ratlacher la formation des foyers tuberculeux au développement del’industrialisme dans ces régions, Or, si l’on compare la carte de M. Brouardel avec une carte sur laquelle se trouvent marquées, en cou- leurs différentes, l'agricullure, l'industrie et le com= merce de la France, on constate qu'il n'y a pas de. superposition entre le développement industriel de la région et la formation du gros foyer tubereu= leux. Ainsi, le deuxième gros:foyer, celui qui s'étend surlès départements de l’ancienne Bretagne avec la Mayenne, n'est nullement silué en pays industriel. R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE »11 Le premier et le second foyers sont aussi inter- rompus à chaque instant par des départements agricoles, vinicoles, etc. Ce fait n'est pourtant pas particulier à la France. Du moins, quand on consulte les statistiques portant “Sur un grand nombre d'individus et sur un espace “de temps suffisamment long, on constate, contrai- “rement à ce qu'on pouvait atlendre, que le déve- “loppement progressif et même très intense des forces industrielles d'un pays ne comporte pas une augmentalion correspondante de la tuberculose. - Prenons en exemple l'Allemagne, dont l'essor Pays allemands reunis Prusse, Bavière Saxe) Prusse Angleterre 1887-1893 1887-1895 Allemagne (Villes) industrielle a surtout porté sur la classe des sala- riés, le nombre des ouvriers occupés dans l'indus- trie s'étant élevé de 7.340.789 en 1882 à 10.269.269 en 1895. D'après ce que nous savons sur la fréquence de la tuberculose dans les villes et les campagnes, d'après ce que nous savons sur les conditions hygié- niques de l’ouvrier de fabrique ou d'usine, nous devons donc nous attendre à voir les statistiques accuser une augmentation de la tuberculose. Il n’en estrien. Le graphique de la figure 3 montre très net- tement une diminulion progressive el constante France (Villes) Belgique Pays Bas 1880-1986 1980-1886 1880-1886 industriel pendant les derniers dix-quinze ans est . proverbial. En 1882*, on comptait 19 millions 1/2 - d'habitants vivant de l’agriculture, 46 millions d'habitants vivant de l'industrie, 4 millions 4/2 S'adonnant au commerce. Après treize ans, en 1895, la population industrielle s'était élevée à 20 mil- . lions 1/4 d'habitants, tandis que la population agri- cole tombait à 18 millions 1/2 d'habitants. Pendant cet espace de temps — de 1882 à 1895 — le chiffre de la population totale avail bien augmenté; mais alors qu'il ne s'était élevé que de 14,48 °/,, la popu- - lation industrielle s'était accrue de 26,5 °/,, et . la population agricole avait diminué de 3,77 °/,. _Ajoutons enfin que l'augmentation de la population _ 4 CarërtEen Kann : L'état des forces productives dans les —… différents pays. Mouvement socialiste, 1901, n° 15, p. 157. Fig. 3. — Courbes de la mortalité par tuberculose dans divers pays. — Les chiffres des colonnes verticales indiquent - le nombre des décès par millions d'habitants. de la tuberculose en Allemagne, comme dans les aulres pays industriels, telle la Belgique, par exemple. La facon dont l'industrialisme et la tuberculose se présentent en France ne fait que confirmer le phé- nomène que nous venons de signaler en Alle- magne. Le graphique de la tuberculose nous montre en France une augmentation progressive el cons- tante de la tuberculose de 1880 à 1895, et cepen- dant son développement industriel a élé bien moins intense que celui de l'Allemagne. Les chiffres que cite M. Chrélien Karr‘ indiquent, par exemple, à côté d'une légère diminution de la surface de terres labourables, une augmentalion de la surface de päturages, qui, de 4.115.124 hectares en 1882, a ! La Propagation de la tuberculose, Masson. R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE alteint 4.402.836 en 1892. L’émigration vers les villes et les centres industriels a donc été moins accentuée en France qu'en Allemagne, et pourtant la tuberculose a constamment augmenté dans le premier de ces deux pays. Une petite statistique, établie par M. Baudran et citée par M. Brouardel dans son Rapport, confirme le fait que nous venons de signaler. Dans l'arron- dissement de Senlis, la mortalité moyenne par tu- berculose est de 33,7°/,.. Cet arrondissement compte sept cantons, dont un industriel (Creil), avec une mortalité de 38,4 ; un mixte, c'est-à-dire à la fois industriel et agricole (Crépy), avec une mortalité de 45,8; dans les cinq autres cantons, tous agricoles (Betz, Nanteuil, Neuilly, Pont-Sainte-Maxence, Sen- lis), la mortalité moyenne par tuberculose oscille entre 26,1 et 36,6 °/. J'ajoute que, si l'on se rapporte aux statistiques !, on constate que les conditions matérielles et de tra- vail de l’ouvrier (salaire, durée du travail, législation ouvrière, elc.), n’ont guère varié, au point de nous expliquer la diminution de la tuberculose dans les pays industriels. Nous nous trouvons donc en pré- sence d’un fait qui est en contradiction avec lout ce que nous savons sur les conditions étiologiques de la tuberculose, et dont l'explication nous échappe complètement, à moins d'admettre une influence sur la tuberculose des mesures d'hygiène générale dont les progrès sont indiscutables dans la plupart des pays. $ 2. — Alcoolisme et tuberculose. M. Baudran, dont nous avons cité la petite statis- tique fort instructive, estime que, pour comprendre la distribution et la dissémination de la tuberculose, il ne faut jamais perdre de vue une sorte de loi qui peut se formuler comme suit : « La mortalité par phtisie est fonction directe de l'alcool consommé par tête d'habitant ». Cette loi est le résumé d’un tableau sur lequel l'auteur à porté, pour chaque département, d’un côté, la consommation moyenne de l'alcool total par tête d'habilant, et, de l’autre, la mortalité par tuberculose. Il a trouvé les chiffres que voici, pour 10.000 habitants : JUFANEONACTÉS EL PRNENRE 12117 d'alcool KO NS ON 15,21 Te S0 CIRE 14,72 — 60 TOME El CRE 16,36 — HU ds DO Me 1 M ENPNPRR ANSE 17,16 — BOND! he NL APS 17,30 — 90 et au-dessus. . 50.70 — lesquels chiffres montrent que la mortalité par tuberculose est presque directement proporlion- nelle’à la quantité d'alcool consommé. L'influence phtisiogène de l'alcool est une notion LR. Rome : Joc. cit. clinique ancienne, et lorsque M. Landouzy écrit que « l'alcool fait le lit de la tuberculose », ou lorsque M. Hayem dit que « la phlisie se prend sur le zinc », ils ne font que résumer d’une façon pitto- ; resque un fait qui se trouve déjà noté par les clini-« ciens français etanglais du xvin° siècle. Mais la con- statation scientifique de ce fait, par l’élude comparée des statistiques établissant les rapports étroits entre l'alcoolisme et la tuberculose, ne date que de quel- ques années. Cette étude, faite aujourd’hui dans quelques pays, a montré que partout l'alcoolisme, quelle que soit la nature de la boisson contenant de l'alcool, constitue un des facteurs les plus puissants, sinon le plus puissant, du développement de la tuberculose. * En Angleterre, par exemple, cette relation appa- rait très nettement quand, avec M. Jacquet, auquel nous devons la connaissance de ces faits, on étudie la mortalité par tuberculose dans les professions. I1 suffit de se rapporter au tableau de Tatham * (dans lequel les chiffres représentant le nombre de décès par tuberculose, correspondent annuellement, pour une profession donnée, à 61.215 personnes de celte profession) pour voir la mortalité par tuber- culose augmenter d’une facon considérable, quin- tupler et décupler, dans les professions dans les- quelles l'abus de boissons spiritueuses est notoire. Le tableau ci-dessous nous montre, en effet, que, pour la phtisie, qui a fait périr 69.057 sujets mâles au-dessus de quinze ans pendant la période de 1890-1892, la mortalité comparative a été :: Clerey men EN EC EE 67 CultivateurS ERP RENE LE 79 Médecins At" 7 EU RAS TER NE 105 Maîtres d'écoles "ue SU RATERS ill PÉCHEUTS PAM SE EN ER IE eo 114 ChITLEITIDDA IE EN EE N EER 185 Cabaretiers (districts industriels). . . . 314 Musiciens ambulants. . . . . . : Le 322 OUVERTES TOCLS REC 325 Garcons de cabarets {distr. agric.) . . . 352 — — (diste. industr.}) . . 357 Manouvriers (Londres). : . 384 Marchands ambulants 143 Cabaretiers (Londres). "0... 418 Garcons de cabarets (Londres) .°. . . . 607 Pour l'Allemagne, la statistique qui a été publiée par Baer* nous montre les mêmes relations étroites entre l'alcoolisme professionnel et la tuberculose. En prenant les chiffres de mortalité pour la période de 1881-1893, Baer trouve sur : ! L. Jacquet : Alcool-Maladie-Mort (Rapport à la Société méd. des Hôpitaux), Presse Méd., 1899, n° 98. ? Dans la statistique anglaise, le chiffre global (185) indi- que la mortalité pour l'ensemble des sujets mâles exerçant une profession. k 3 Barr : Alkohol Kongress zur Bekämplung der krankheïit, p. 630, Berlin, 1899. über den Volks- und Tuberculose. Bericht T'uberculose als R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 513 MORTS DE TUBERCULOSE 18.703 restaurateurs. . . . 4.418 soit 24,6 °/o 3.191 cabaretiers. . . . . 808 — 25,2 160 cuisiniers. . . . . . 49 — 30,6 429 sommeliers.. . . . 15% — 35,9 2.358 garcons de café . 1.250 — 53,1 tant de juger, d’une facon indirecte, de l'influence de l'alcoolisalion continue sur le développement e e la tuberculose. Nous savons seulement, d'après le Rapport de M. L. Jacquet, que, sur 252 phtisiques iques avant les premiers symplômes de la maladie; et que ce chiffre est à rapprocher de ceux de Cous- tan (de Montpellier), de Rendu, Barbier, Jacquet, qui estiment que, sur 100 phlisiques, on compte 88 à 90 alcooliques. “ Les remarquables travaux que M. X. Rocques a publiés dans la Revue Générale des Sciences nous dispensent d'entrer dans de grands détails au sujet du développement de l'alcoolisme en France. Il nous semble pourtant intéressant de publier ici “deux tableaux, dont l'un (tableau IT) montre Faug- entation progressive de la consommation annuelle de l'alcool par tête d'habitant en France. Ainsi done, la consommation de l'alcool total, qui “en 1830 était de 7 litres par tête, est montée à 13 litres en 1898. Mais ce chiffre n'est pas exact. Si, avec M. De Lavarenne, on établit la consommation Œawceau II. — Consommation de l'alcool en France depuis 1830. os VINS BIÈRE CIDRE Fret = " ota dautiées| 10e | 8e | 5e | ao litres litres litres litres 1,12 53.7 | 9.215 | 23.0 1,74 84,3 | 12,43 21,0 2,94 91,4 | 19,02 26, | 2,82 | 142,0 | 20,0 30,2 9,71 119,0 | 21,32 | 49.0 | 3,64 ON EEE RTE Er 4,0 70,0 ï 955 (12 années : 4,56 à F) ; 13,676 | 4,32 19,0 | 23,0 18,00 13:81 4,04 » » » | 4,54 » » » » | \ de l'alcool en se guidant sur les tables proportion- - nelles de population suivant les âges, on arrive à - établir qu'un adulte français boit aujourd'hui en moyenne par an 38 à 40 litres d'alcool à 100°. . Letableau IV, que nous tenons à citer, est établit sur les statistiques de Denis, et montre, si l’on con- . sidère l'alcool total, que la France est le pays le - plus alcoolisé du monde. 1 TrisouLer et Marne : L'Alcool et l'Alcoolisme, Paris, 1900. La France est done non seulement le pays le plus alcoolisé, mais encore le seul pays (avec la Bel- gique) dans lequel l'alcoolisme a constamment suivi une marche ascendante. Si maintenant nous consi- dérons la courbe de la tuberculose en France, telle qu'elle figure sur notre graphique (fig. 3), nous cons- tatons que c'est encore la France qui paie le tribut Tasceau IV: — Consommation actuelle de l’alcoo!l dans les divers pays. DER- NIÈRE ANNÉE VIN |arcoor | TOTAL EN ALCOOL à 100 BIÈRE etcidre à 1000 à 100° à 100° 1893 1893 1893 1590 185$ 1890 1894 1893 1890 1893 1890 1S91 1892 France: . ETIENNE Belgique. . . . HÉROS ancre TR. 1. Autriche-Hongrie. . Danemark. | Allemagne. . Angleterre . Pays-Bas Etats-Unis. Suède . . : : Norvège. . Canada . © DE CS le plus lourd à la tuberculose, et que le nombre de vielimes faites par la tuberculose augmente réguliè- rement de 1887 à 1895. Le parallélisme de ces deux faits est assez éloquent pour affirmer les relations étroites entre la tuberculose et l'alcoolisme. Le Rapport très remarquable présenté sur celte question, à la Commission de la Tuberculose, par M. De Lavarenne ‘ relations. Les faits quil cite à l'appui de cette thèse sont de deux ordres : les uns personnels, fournis par une enquête qu'il a faite dans un dis- pensaire silué à Paris, rue Haxo; les autres dé- coulant de l'étude comparée, par département, de la consommation de l'alcool d'un côté, el de la mor- talité par tuberculose de l'autre. Les faits personnels de M. De Lavarenne con- firment les statistiques que nous avons citées plus haut. Sur 50 tuberculeux pris au hasard de la consultalion, il compte 32 hommes, dont 26, soit 80 0/,, étaient alcooliques : ‘c'est la proportion des statistiques de MM. Rendu, Barbier, Jacquet. L'hé- rédité, qui passe pour jouer un rôle considérable dans l’étiologie de la tuberculose, n'a été constatée que cinq fois, la contagion manifeste sept fois, dont cinq chez des alcooliques. Dans tous les autres cas, l'alcool, et l'alcool seul, d'après M. De Lavarenne, était en cause. Ce qui le prouverait encore, c'est que, sur les 18 femmes tuberculeuses, on notail, comme éliologie : 11 fois l'hérédité, 9 fois Les pri- , précise encore davantage ces 1E, De Lavarenxe : Alcoolisme et tuberculose. La propa- gation de la Tuberculose, p. 278. d14 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE vations et le surmenage; 2 autres, chez lesquellesles | évolution rapide. Sur 16 tuberculeux observés par | facteurs étiologiques précédents n’existaient pas, | M. Brunon, 1 étaient alcooliques, et 5 non-alcoo= étaient alcooliques, et chez elles la tuberculose se | liques : les 11 alcooliques sont tous morts; des présentait sous forme grave. 5 autres, 2 sont morts, 2 guéris, 1 amélioré. « © CR CANNMG UE IE CD PEN RMIEULIE NE £. OFERLINW del Fig. 4. — Carte montrant la répartition et la consommation de l'alcool en France. Consommation par tête et par an. EE Moins de 2? litres d'alcool à 1000, de 5 à 7 litres d'alcool à 1000, C7 de 2 à 5 litres d'alcool à 1000. Fi plus de 7 litres d'alcool à 100. Une statistique de M. Brunon, que M. De Lavarenne ! La seconde partie du Rapport de M. De Lava- signale dans son Rapport, semble montrer que non , renne, celle dans laquelle il étudie comparative- seulement l'alcool prédispose à la phtisie, mais qu'il | ment, par département, la mortalité par tubereu- imprime encore à la tuberculose pulmonaire une * lose et la consommation de l'alcool ‘total) aboutità R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 515 méme conclusion : les départements qui four- justement ceux qui consomment de grandes quan- és d'alcool. A première vue, la règle ne parait générale; mais, quand on pousse l'analyse à nd, comme l'a fait M. De Lavarenne, les exceptions parentes s'expliquent fort bien. “Ainsi M. De Lavarenne prend, comme exemple, six départements dans lesquels la mortalité par berculose est la plus élevée : Seine, Rhône, Doubs, Haute-Vienne, Loire-[nférieure, Ardèche. La con- sommation de l’alcool (lotal), en quantités de 21 à litres par tête d’habitant et par an dans la Seine, Rhône, la Loire-Inférieure, de 18 litres 1/2 dans Doubs, nous fait comprendre que la mortalité par ée dans la Haute-Vienne et l'Ardèche, dont les sla- tiques n'accusent qu’une consommation annuelle le 10 à 12 litres d'alcool (lotal) par Lête d'habitant? C'est que, nous dit M. De Lavarenne, la statistique alcool porte sur la population de toutle dépar- lement, y compris celle des campagnes où l’on boit beaucoup moins, tandis que celle de la tuberculose porte seulement sur la population des villes, où l'on boit beaucoup plus. Or, dans la Haute-Vienne, nous vons Limoges, où l'on consomme 22 litres 65 d’al- oo! par lète; dans l'Ardèche nous avons Annonay, ville industrielle, où l'on boit énormément, et qui, dans la statistique pour tuberculose de l'Ardèche, fournit près de 20.000 habitants sur une totalité de 40.000 ». Il suffit, du reste, de comparer la carte de consom- mation de l'alcool (fig. 4), dressée par M. Rocques*, avec celle de mortalité par tuberculose (fig. 1), éla- blie par M. Brouardel, pour voir que les deux se su- perposent presque complètement. Les différences qu'on constate s'expliquent par ce fait que M.Roc- ques n’a tenu compte que de l'alcool des eaux-de-vie el autres spiritueux. Mais si l’on faitentrer en ligne de compte l'alcool du cidre ou du vin, on saisit de Suite la raison pour laquelle certains départements (Côtes-du-Nord, Mayenne, Sarthe, Ille-et-Vilaine, Gard, Ardèche, etc.), teintés en noir sur la carte de . Brouardel, apparaissent en gris foncé ou gris clair sur celle de M. Rocques. Comment peut-on s'expliquer l'action phtisio- gène de l'alcool ? M. De Lavarenne estime qu'il agit par les lésions des muqueuses respiratoire et intes- -tinale qu'il produit. L'alcool permettrait d’un côté au bacille de Koch de se grefler sur la muqueuse bronchique, et de l’autre il affaiblirait la résistance de l'organisme dont la nutrition se trouve compro- 1 X, Rocouess : Etat actuel de l'industrie des eaux-de-vie et liqueurs en France. Rev. gén. des Sciences, 1896, p. 283. mise par le fait de la dyspepsie alcoolique. Bollin- ger ‘, qui a été frappé de la fréquence et de l'évolu- tion rapide de la tuberculose pulmonaire chez les garcons-brasseurs de Munich, généralement très vigoureux, est porté à incriminer l’action délétère de l'alcool sur le cœur. On peul encore admettre que, comme tous les poisons et toxines, l'alcool prédispose à toutes les infections, y compris l'infec- tion tuberculeuse, auxquelles il imprime une marche particulièrement grave. Les recherches expérimentales publiées récemment par Laitinen * mettent ce fait hors de doute. Des relations étiologiques étroites existent done, en France comme parlout ailleurs, entre l’alcoo- lisme et la tuberculose, et aujourd'hui personne ne cherche à les nier. Mais ce dont on ne saurait trop louer M. De Lavarenne, c'est d'avoir gardé la juste mesure, et évité les exagéralions des antialcoolistes fervents, « pour lesquels, comme il dit, alcoolisme et phtisie sont deux termes inéluctables d'une même équalion ». Ce serait, en effet, une erreur que de croire que la tuberculose résulte à peu près uniquement de l'alcoolisme, et que la lutte contre l'alcoolisme atteint directement et toujours la tu- berculose, comme certains l’ont soutenu. Les fails qui prouvent le mal-fondé de cette opinion extrême ne manquent pas. Prenons en exemple la statistique personnelle de M. De Lavarenne. Sur 32 hommes phlisiques, il trouve 26 alcooliques, et nous disons avec lui : C'est l'alcool qui est en cause. Mais sur 18 femmes tuberculeuses du même dispensaire, 2 seulement sont alcooliques, tandis que chez les 16 autres on trouve, comme cause étiologique, l'hérédité, Ja misère, le surmenage, mais pas d'alcool. Un autre fait d'ordre plus général, qui montre que, comme étiologie, il y a encore autre chose à côté de l'alcoolisme, est le suivant : Si, dans un la- bleau, nous établissons, par pays, d’un côté la mor- talité par tuberculose, et de l’autre la consommation de l'alcool Lotal par tête d'habitant, nous consta- tons tout de suite que /e plus souvent'il n'existe pas de rapport direct enlre ces deux facteurs. Ainsi, dans le tableau V, dans lequel les chiffres pour la tuberculose sont empruntés au Rapport de M. Küh- ler”, directeur de l'Office impérial de Santé de Ber- lin, et les chiffres pour l'alcoolisme au Rapport de M. Jacauet*, il est difficile de trouver une corré- L Barr, loc. cit. 2 Taav. LarmNen : Ueber den Einfluss des Alkohols auf die Empfindlichkeit des thierischen Kürpers für Infektionsstofte. Zeitschr. f. Hyq., 4900, t. XXXIV, p. 206. s KüuLer : Allgemeines über die Ausbreitung und Bedeutung der Tuberkulose als Volkskrankheïit. Bericht über den Kongress zur Bekämpfung der Tuberkulose als Volks- krankheïit., p. 48, Berlin 190( 4 L. Jacquer, La propagation de la tuberculose. 516 lation entre la mortalilé par tuberculose et la con- sommation. En faisant même, avec le tableau com- plet de Denis, que nous avons reproduit plus haut, les corrections nécessaires relatives aux années pour ce qui est des moyennes de la consommation d'alcool; en prenant même en considération que la mortalité par tuberculose porte dans certains pays TaBLEAU V.— Comparaison entre la mortalité tuber- culeuse et la consommation alcoolique dans les. différents pays. MORTALITÉ CONSOMMATION Jar de l'alcool total à 100° par an el par tête d'habitant | tuberculose pulmon. pour 1 million d'habitants PAYS Angleterre et Pays de Galles . : Norvège . Belgique . Italie. . | Pays-Bas. Danemark . SUISSE RTE Allemagne . Suède . France . Hongrie . Autriche . Russie . . Lo V9 D NO NN sur les villes seules, et dans d'autres sur les villes et les campagnes ; en faisant, dis-je, toutes ces res- trictions et corrections nécessaires, il n'en reste pas moins vrai qu'alcoolisme et phtisie ne sont pas « deux termes d’une même équation ». Pour certains pays, la situalion qu'ils occupent au point de vue tuberculose et alcoolisme est tout à fait bizarre. Les statistiques les plus récentes rela- lives à la consommalion de l’alcool nous montrent que les deux pays qui viennent en tête de liste sont la France et la Belgique, et qu’en outre, dans ces deux pays, la consommation de l'alcool à suivi une marche toujours ascendante. Or, la mortalité par tuberculose est deux fois moins élevée en Belgique, pays essentiellement industriel, qu'en France, pays en grande partie agricole. La Suède, qui ne consomme que 4 litres 39 d’al- cool, a une mortalité tubereuleuse supérieure à PAI- lemagne, où l’on boit deux fois plus d'alcool. En France, où l'alcoolisme augmente, la tuberculose diminue depuis 1895. Enfin le pays qui consomme le moins d'alcool, la Russie, offre la mortalilé la plus élevée par tuberculose. Etpour apprécier l'im- portance de cette constatation, n'oublions pas que l'alcoolisme proprement dit n'existe pas en Russie, où il est remplacé par l'ivrognerie, et que ce qu'on « boit» dans ce pays, c’est le (hé, quand ce n’est pas 12 Paisoucer et MarutEu, loc. cit. 3 Focurer : L'alcoolisme avant la loi pénale. Paris, 1900. R. ROMME — LA TUBERCU LOSE EN FRANCE l'eau. Autrement dit, la misère, bien connue, des populations ouvrières et rurales de la Russie fait à elle seule « le lit de la tuberculose ». Les contradictions qui résultent de l'opposition de la « statistique-tuberculose » à la «statistique-« alcoolisme » n'ont pas échappé à M. De Lavarenne; mais l'explication qu'il en donne n’est pas toujours à l'abri de toute critique. Il admet que l’augmen-« tation de la tuberculose en Norvège, le seul pays, avec la Suède, dans lequel l'alcoolisme a considé-m rablement diminué depuis une vingtaine d'années, s'explique par deux faits : par la date relativement récente des statistiques de la tuberculose, etparune sorte de reprise de l’alcoolisation avec des bières et des vins fabriqués à Hambourg. C’est très possible; mais il est encore possible que les conditions éco- nomiques aient changé dans un sens défavorable, fait sur lequel nous ne possédons aucun renseigne- ment. Pour expliquer le cas de la Belgique, M. De Lavarenne fait intervenir « l'augmentation considé- rable du bien-être produit par le développement des œuvres d'association, dont le bien produit dépasse assurément ce que l'acoolisme a pu faire de mal ». Or il suffit de consulter les statistiques À relatives au salaire, à la durée du travail, au nombre d'enfants et de personnes employées dans l’indus- trie, etc., pour constater que toutes ces conditions, par lesquelles se mesure le degré de bien-être de l'ouvrier, ont à peine changé depuis une dizaine d'années, en tous cas pas au point d’influencer d'une “facon si remarquable la mortalité par tuberculose. Il est facile de s’en convaincre en jetant un coup d'œil sur le tableau VI", dans lequel se trouvent consignées, pour la ville de Liége, les variations du salaire depuis 1870 : — Variations du salaire des ouvriers à Liège depuis 1870. TaBzeau VI. 1870-1878 | 1879-1887 | DÉSIGNATION 1888-1896 h RO 9 0 GO É9 re En OS de 7 | Charpentiers. . . | Ebénistes . . | Compositeurs d'i imprimerie. c | Mouleurs . . : CAD Fargerons a ŒnNn Mécaniciens . 5 1 | Plombiers. . . . Macons (pierre : | Peintres en bâtiments . Manouvriers. 2:38! HE =) CO de © So © Nous avons cité un nombre suffisamment grand de faits prouvant le rôle important, sinon prépon- dérant, de l'alcoolisme dans la genèse de la tuber- culose. Les considérations développées en dernier lieu tendent seulement à accentuer l'impossibilité ! Bulletin de l'Office du Travail, 1898, n° 12, p. 964. di à R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 517 les autres facteurs, qui tous, et au même litre que Jalcoolisme, créent un terrain favorable à l’ense- “lose, en favorisant la misère physiologique et la “déchéance de l'organisme. III. — LA TUBERCULOSE DANS LES COLLECTIVITÉS. . Une série de Rapports, que nous allons analyser aintenant, nous fait connaître la fréquence et Hextension de la tuberculose dans diverses collec- tivilés telles que l'armée, la marine, les asiles, les prisons, etc. Les faits qu'ils signalent sont intéres - sants à connaître ; il est seulement regrettable que “dans un certain nombre de Rapports nous ne trou- ions pas d'éléments de comparaison permettant de mieux juger la question et d’en dégager les points saillants. $ |. — L'armée. Ce qui frappe d'emblée quand on étudie la uberculose dans l'armée française’, c’est la diffé- rence entre la mortalité générale et la mortalité par tuberculose. La première décroit d'une façon presque régulière depuis un quart de siècle, si bien que, de 10,5 pour 1.000 hommes d'effectif, en 1875, “elle tombe à 4,41 en 1898, ce qui nous donne une diminution de près de 60 °/,. La seconde, au con- F raire, augmente régulièrement, bien que cette augmentation soit relativement peu élevée. La statistique qu'apporte M. Letulle, et qui indique les Japceau VII. — Pertes de l'armée par tuberculose j de 1888 à 1898. } RÉFORMES DÉCÈS Hors ANNÉES À 2 des pertes 1888 4,30 1,18 5,48 1889 4,9% 1,05 5,99 1890 5,10 1,08 6,18 1891 6,10 1,33 1243 1892. . 6,35 1,04 1,59 1893 . 6,33 0,9% 1,21 41894 . 6,55 1,01 1,56 1895 . 8,34 4,1% 9,48 1896 . 1,34 0,9% 8,28 1897 . 1,84 0,95 8,19 1898 . TiAE) Ü,88 8,01 retraites et réformes “irès nettement. Cette statistique accuse bien une diminution du nombre de décès par tuberculose, mais elle montre aussi une augmentation relativement bien plus de 1888 à 1898, le montre … ©: M. Leruice : La tuberculose dans l'armée francaise, Loc. cit. p. 154. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 accentuée du nombre de réformes. Celte augmen- talion peut s'expliquer soit par la fréquence de plus en plus grande de la tuberculose dans la popula- tion civile, soit par la rigueur avec laquelle le ser- vice de santé élimine, dès qu'il peut, toutes les recrues susceptibles de se tuberculiser, afin de pré- server ses effectifs sains. Si nous nous rapportons à une statistique publiée Tagceau_ VIII. — Pertes par tuberculose dans les diverses armées, DÉCÈS TOTAL DES PERTES ARMÉES pour (décès, réformes) 1000 hommes |pour 1000 hommes Francaise (1886-89) . 1,2 Allemande (1882-84). . 0,7 Autrichienne (1878-87). LT Italienne (1881). . 0,8 Espagnole (1886) . 2] Anglaise (1879-84). . 254 Russe (1880-84) . 0,8 Belge (1837-88) . 0,9 par M. Kovatcheff!, nous constatons qu'au point de vue des pertes (décès, retraites, réformes) par tuber- culose, l'armée francaise est relativement mieux partagée que les armées d’autres grandes nations. Ces chiffres ne doivent pourtant être acceptés qu'avec réserve pour ce qui est de la situation respective des différentes armées à l'heure actuelle, car les données de cette statistique sont vieilles de dix ans, et c'est de cette époque que datent les diverses mesures qui ont amélioré l’état sanitaire de l’armée. Ajoutons que la diminution progressive du nombre de décès par tuberculose qu'accuse la statistique de l’armée française existe aussi dans l’armée allemande. Les chiffres cités par M. Schjer- ning? dans son Rapport au Congrès de Berlin, mon- trent notamment que la mortalité par tuberculose dans l'armée allemande est tombée de 0,63 °/,, en 1883 à 0,36 en 1892, et à 0,2%en 1897. Plus intéressante est la question de la mortalité comparée par tuberculose dans l'armée et la popu- lation civile. M. Kovatchef, qui l'aborde dans son travail, cite une statistique de Marvaud, statistique ancienne, qui donne, pour plusieurs pays et villes, la mortalité par tuberculose pour 1.000 individus âgés de vingt à vingt-cinq ans. En la comparant à la statistique de l’armée, il arrive à conclure que le rapport entre la mortalité par tuberculose dans l’armée et dans la population civile, est comme 5 à 3, c'est-à-dire que, pour le même groupe d'âge, la tuberculose fait presque deux fois plus de victimes 1S. Kovarcaere : Contribution à l'étude de la luberculose pulmonaire dans les armées. Thèse de Nancy, 1900. 2 ScHERNING : Die Tuberculose in der Armce, Bericht über den Kongress zur Bekampfung der Tuberkulose, p. 93. le 518 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE dans l'armée que dans la population civile. Mais il faut dire que celte évaluation n’est qu'ap- proximative. En effet, dans la statistique de l'armée nous avons à compter non seulement avec la mor- talité proprement dite, qui est très faible, mais encore avec les réformés dont le plus grand nom- bre est faltalement voué à la mort, d'autant que la plupart d'entre eux, rendus à la vie civile, se trou- vent en face de conditions hygiéniques nullement propices à la guérison de leur tuberculose. En tablant sur les chiffres de la rubrique : « Pertes totales », on peut donc évaluer à 5 ou 6 °/,, la mor- talité par tuberculose chez les jeunes gens passant par l'armée. Si nous comparons cette mortalité à celle de la population civile dans le groupe d’âge de vingt à vingt-cinq ou trente ans, nous trouvons pour celle-ci, dans le Rapport, déjà cité, de M. Küh- ler’, les chiffres suivants : Tagceau IX. — Mortalité par tuberculose dans la population civile de 20 à 30 ans. MORTALITÉ par tuberculose pour 1000 hab. Angleterre (1891-95). . .| 20 à 25 ans 1,88 2:50 3,39 2,10 2 #9 2,52 Prusse (1896) . 20 à 30 Bavière (1894-97) . R2UNa Saxe (1894-97) 20 à 30 Italie 1897). . 20 à 30 Tout approximatif el incomplet que soit notre calcul, il n'en permet pas moins de dire que la mor- talité par tuberculose est plus élevée chez les indi- vidus passant par l’armée que dans la population civile. Parmi les causes qui expliquent ce fait, on peut citer le surmenage de l'éducation militaire, faisant éclore les tuberculoses jusqu'alors latentes, les maladies infectieuses agissant dans le mème sens, l'alimentation plutôt insuffisante, l'encom- brement relatif, la facilité plus grande de contagion qu'on trouve dans toutes les agglomérations, l'hy- giène générale défectueuse, etc. $ 2. — La marine de l'État. Le Rapport de M. Vincent® nous montre que la profession du marin est une de celles qui paient le tribut le plus lourd à la tuberculose. Malgré la rigueur de l'examen médical auquel sont soumis les futurs matelots, malgré la visite minutieuse des hommes au moment de la formation d’un équipage pour un bâtiment entrant en armement, la tuber- culose n’en sévit pas moins dans la flotte. La sta- ! Kouzen : Allgemeines über die Ausbreilung.…., ete. 2 JL, Vincenr : La tuberculose dans la marine de l'Etat, La propagation de la tuberculose, p. 173. tistique de l'Hôpital maritime de Brest, par exemple, donne, pour la période de 1888 à 1897, sur un tota de 1.119 morts, 501 décès par tuberculose, soit une proportion de 46,8 °/,. Si l’on prend la statistique de cinq hôpitaux maritimes (Brest, Cherbourg, Lorient, Rochefort, Toulon), on trouve, pour cent décès de causes diverses, 35,5 décès par tubereu: lose en 1898 et 35,1 en 1899. En 1898, avec um effectif de 44.344 marins, la flotte française a perdu un total de 2.176 hommes, et sur ce nombre là tuberculose entre pour un chiffre de 635 hommes (réformes, pensions de retraite, décès), soit 29 v} des pertes générales. Les décès par tuberculose varient suivant les: professions. Ce sont les gabiers, les mécaniciens: et les chauffeurs qui sont les plus éprouvés : sur 100 décès par tuberculose, ils en fournissait 410 à 11. Leurs conditions de vie et de travail expli quent du reste cette mortalité élevée. Les gabiers; par exemple, sont exposés à toutes les intempéries. du mauvais temps, et contribuent au dur service des embarcations. Les mécaniciens et les chauf feurs sont obligés, de par leur service, de séjourner dans des compartiments mal aérés et surchauffés, dans lesquels la température monte à 40°, voire même à 50 et 55°, où ils s’usent et s'anémient rapi dement. Cette étiologie professionnelle apparait encore plus clairement dans une statistique de Vincent ei Burot, que cite M. Kovatcheff', et d'oùil résulte qu'à Brest la tuberculose entre pour 53,2°/ des décès chez les matelots, pour 23,1 °/, chez les quartiers-maitres, pour 18,5 °/, chez les premiers, et deuxièmes-maitres. Pour ce qui est de la tuberculose dans la marine étrangère, nous trouvons, dans le travail de M. Ko= vatcheff, les indications suivantes : En Italie, la mortalité par tuberculose pendanb la durée du service a été en moyenne, de 1893 1897, de 2,20 °/,,; la proportion des conscrits éli= minés au moment de la visite a été de 4,10 2}. y à donc proportionnellement plus de tuberculeux parmi les hommes en activité de service que parm les conscrits. Dans la flotte allemande, on compte sur 100 décès, 2? par tuberculose. En Russie, 1& tuberculose donne une proportion de 2 °/,, pour les décès et de 1,4°/,, pour les réformes, et cette pros porlion se retrouve presque identique dans la marine néerlandaise. C'est dans la marine anglaise que la tuberculose fait le moins de victimes : sun un effectif de 68.000 officiers et matelots, on ne compte en moyenne que 50 à 55 cas de tubercu lose. Ces faits, peu connus du public, méritaient crovons-nous, d'être cilés ici. 18, Kovarcuerr : Thèse de Nancy, 1900. R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE »19 J S“3: — Etablissements pénitentiaires et personnel; gardiens de la paix de Paris. . Il résulte d'une statistique établie par M. Brouar- “del! que la mortalité moyenne par tuberculose, “depuis cinq ans (1894-1898), dans 87 prisons, a été “en moyenne de 43,7 °/, prisonniers. Celte morta- lité est un peu plus élevée que la mortalité moyenne, et la différence s'explique quand on sait que la population des prisons est composée en très grande partie d'individus vivant habituellement dans de “mauvaises conditions d'hygiène, et souvent infectés de tuberculose au moment de leur entrée dans une prison. La prison ne semble donc pas aggraver leur tuberculose, et ce qui vient à l'appui de cette “proposilion, c’est que, lorsqu'on classe les dépar- tements et les prisons par ordre de mortalité tuber- ‘culeuse, on constate qu'aux départements à forte mortalité tuberculeuse correspond une proportion “élevée de mortalité tuberculeuse dans les prisons. Le personnel des prisons n'est pas non plus très “éprouvé par la tuberculose : elle est de 31,2 °. La situation est tout autre dans les maisons centrales, les pénitentiaires, les colonies agricoles. Ici nous trouvons une mortalité par tuberculose de “115,3 409, presque trois fois supérieure à la mor- “talité moyenne et à la mortalité dans les prisons, “fait que M. Brouardel est disposé à altribuer à “l'insuffisance de la nourriture, à une hygiène “défectueuse des aleliers. Quant au personnel, il offre une mortalité par tuberculose de 19,5 °/,50, c'est à dire une mortalité sensiblement inférieure … à la moyenne. Ce fait est d'aulant plus curieux à noter, qu'à Paris, chez les gardiens de la paix, M. Landouzy* “à lrouvé qu'en moyenne on compte, sur 100 cas de mort, 49 par tuberculose. Le taux de la mortalité par tuberculose n’est pourtant chez les gardiens “de la paix que de 38,4 2, chiffre analogue à celui du personnel des prisons. Mais, suivant la juste remarque de M. Landouzy, il ne faut pas oublier que le recrutement des gardiensde la paix comporte “un examen médical très rigoureux des candidats. Le chiffre relativement élevé de la mortalité tuber- “culeuse tient donc dans cette corporation à des conditions particulières de profession. $ 4. — Asiles d’aliénés ; enfants assistés. …— L'étude de la tuberculose dans les asiles d’alié- nés à révélé à M. Brouardel* des faits tout à fait - : P. Brouanoez : Mortalité par tuberculose dans les établis- Sements pénitentiaires, Loc. cit. p. 187 et 408. ? L. Lanouzy : Mortalité par tuberculose des gardiens de à. Paix de Paris, Loc. cit. p. 197. … ‘ P. Brouarvez : Mortalité par tuberculose dans les asiles …d'aliénés de France (1891-1898), p. 148 et 396. ” divers asiles, on trouve pour la tuberculose une mortalité de 117,1 °,,,,, c'est à dire une mortalité trois fois supérieure à la moyenne. Mais, si l'on divise le nombre des asiles en trois groupes, on trouve que la mortalité par tuberculose y oscille entre 48,3 et 196,7 °,,.,. Certains asiles, comme celui de Cadillac (Gironde), ou de Morlaix (Finis- tère), perdent annuellement par tuberculose plus de 500 sur 10.000, tandis que d'autres, non moins peuplés, n'en perdent que 30: M. Brouardel est donc amené à se demander si, dans les asiles à mortalité luberculeuse élevée, la nourriture est suffisante et les mesures élémentaires d'hygiène bien prises et observées. L'enquête qu'il exige est d'autant plusnécessaire que, dans les asiles privés, d'après une statistique portant sur 716maisons avec une populalion moyenne de 4.261 aliénés, la mor- lalité par tuberculose n’est que de 39,9 °/,,,, pro- TagLEau X. — Mortalité par tuberculose des enfants assistés. POUR POUR D 10.000 enfants assistés 10.000 habitants | portion analogue à celle de la mortalité moyenne par tuberculose en France. La mortalité par tuberculose chez les enfants assislés et moralement abandonnés' n'est pas la même chez les garcons (66.312) et les filles (58.083) : elle est de 20,2 °/,,, chez les premiers, et de 25,4°/,% chez les secondes. Si, comme l'a fait M. Brouardel, on divise les départements en quatre groupes par ordre de mortalité décroissante, et si on compare la mortalité tuberculeuse des enfants résidant dans ces départements, on trouve les chiffres du tableau X. Ils montrent que la mortalité tuberculeuse propre du département n'exerce pas d'influence prépondé- rante sur la mortalité luberculeuse des enfants assistés. Ajoutons que, chez les enfants soumis à la surveillance de l'Assistance publique de Paris, la mortalité par tuberculose est seulement de 19,8 °/ chez les garçons et de 17,2 ©}, chez les filles. Il est intéressant de comparer cette mortalité à celle que fournissent, dans chaque pays, les groupes d'âge correspondant à ceux des enfants assistés. 4 p. Brovarwez : Mortalité par tuberculose des enfants assistés et moralement abandonnés, Loc eil. p. 151 et 397 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE Sinous prenons les statistiques citées par Kühler ‘, nous trouvons les chiffres du Tableau XI ci-dessous : Tagzeau XI. — Mortalité infantile par tuberculose dans les divers pays. MORTALITÉ par tuberculose pour 10.000 hab. Angleterre . Prusse . Bavière. . Saxe Belgique . Italie. = Do OC SE N DVUUSIDEUS 12 Pour Paris, M. Brouardel? nous indique les chiffres suivants : 0 à 1 an mortalité par tuberculose de 73,3 0/60 À à 4 ans — — — 63,9 — 5 à 9 ans — _— — 18,1 — 10 à 14 ans — — — 12,2 — So. — Mines de charbon et chemins de fer. Le Rapport de M. Dislère* est bien fait pour montrer quelles difficullés on rencontre quand il s'agit d'interpréter les statistiques et d'en tirer, non pas une conclusion, mais même une simple indication. Sur 54.000 ouvriers employés dans les mines de charbon des bassins du Nord et du Pas- de-Calais, M. Dislère a trouvé une mortalité moyenne par tuberculose de 21 ‘/,,. Mais, ce qui rend immédiatement suspect ce chiffre, c'est que cette moyenne est établie avec des chiffres dont les extrêmes sont 49 (pour Ferfay) et 5 (pour Anzin); et, si on laisse de côté ces deux chiffres extrêmes, on trouve encore, comme mortalité moyenne par tuberculose, le chiffre de 24 0/,,,. Un autre fait non moins curieux, c'est que, chez les femmes el les enfants de ces mineurs, la mortalité par tuber- culose s'élève déjà à 58 °/,,,. plus du double. Un fait sur lequel M. Dislère insiste, c'est que la fréquence de plus en plus grande de la tubercu- lose chez les mineurs — qui passaient pour être presque réfractaires à l'infection tuberculeuse — coïncide avec le développement de l'alcoolisme dans les centres miniers. L'enquête sur la fréquence de la tuberculose dans le personnel des chemins de fer, entreprise par MM. Galippe et Letulle‘, n'a pu aboulir, pour la 1? Loc. cit. 2 Loc. cit., p. 393. # P. Disière : Note sur la mortalité par tuberculose dans le personnel ouvrier des mines de charbon, Loc. ci. p. 283. ! Gauirpe et M. Lerure : La prophylaxie de la tubercu- lose dans les chemins de fer, p. 209. seule raison qu'aucune de ces administrations, à l'exception du Nord, n’a pu fournir des éléments nécessaires à une telle statistique. Celle de la Com= pagnie du Nord, fort rudimentaire du reste, et qui ne dale que de 1896, donne pour 41.800 employés (en 1898) une morbidité par tuberculose de 7 M pour 1.000. En 1896 et 1897, cette morbidité étails respectivement de 7,75 et de 6,4 pour 4.000. IV. — MESURES PROPIYLACTIQUES PROPOSÉES. Les mesures que la Commission propose d'Oppo= ser en France au flot montant de la tuberculose sont de deux ordres. Les unes sont générales, et peuvent se résumer par ce mot: « guerre aux crachats ». Faire à ce point de vue l'éducation du public par” une propagande active au moyen des conférences, des brochures, des tracts, ete., eic., dans les collec=« tivités de l'Etat (armée, marine, administrations, « écoles, asiles, etc.), ainsi que dans les collectivités privées (établissements de crédit, théâtres, biblio- thèques, communautés religieuses, fabriques, voi- tures publiques, etc., etc.), prescrire la défense absolue de cracher à terre, multiplier les crachoirs hygiéniques à 1 mètre du sol, exiger le balayage humide des parquets, faire d'une façon particulière l'éducation antituberculeuse du personnel, intro- duire l’enseignement antituberculeux dans les écoles, ete. etc. Telles sont les mesures qui, suivant la Commission, peuvent être prises du jour au lendemain et dont l'efficacité contre la propagation de la tuberculose est indiscutable, d’après tout ce que nous savons sur le rôle de la contagion par les crachats desséchés. Comme mesure curative, la Commission réclame la création des sanatoria. Nos lecteurs connaisseut certainement l’organisation et le fonctionnement - de cesétablissements, etnous n'avons pas à insister là-dessus. Mais en attendant que nous en ayons, —" et tout porte à croire que nous n'en aurons pas de. silôt, — que faire des luberculeux qui encombrent nos hôpilaux, où non seulement ils ne trouvent aucune des conditions nécessaires à leur guérison, mais contaminent encore leurs voisins de lit? $ 1. — Pavillons d'isolement pour tuberculeux. \ La Commission spéciale ‘nommée pour étudier ce point a pensé qu'on pouvait dès maintenant, à Paris du moins, créer, dans quelques-uns des hôpitaux existants, des pavillons d'isolement pour tubercu= leux. Ceux-ci trouveront, dans les pavillons spécia=« lement aménagés, les éléments nécessaires à leur guérison, el les malades soignés dans les hôpitaux, !J. Graxoner et Tnomor : Rapport de la Commission de la Tuberculose. p. 127. BR. ROMME‘— LA TUBERCULOSE EN FRANCE 521 énéraux seront ainsi mis à l'abri de la contami- mation tuberculeuse. Ces pavillons comportent naturellement une organisalion spéciale. Suivant M. Letulle', un service d'isolement pour tuberculeux doit se rap- procher autant que possible du sanalorium-lype, “conslituer une sorte de demi-sanalorium dans lequel « tout luberculeux hospitalisé, à quelque période de la bacillose pulmonaire que ce soit, “doit être jusqu'à la fin répulé curable et traité … comme tel ». «… En règle générale, un service pour tuberculeux ne doit pas contenir plus de 60 à 80 lits. Pas de grandes salles, où les infections et contaminations secondaires sont toujours possibles, mais de petites “chambres à 2, 3 ou 4 lits, chambres vitrées dont la surveillance est facile ; puis, quelques chambres dites d'isolement, à un seul lit, pour les moribonds, les conlagieux accidentels (érysipèle, fièvre ty- phoïde, etc.). L'installation et l'aménagement géné- ral doivent répondre aux exigences de la cure anlituberculeuse : cubage d’air abondant (40 mètres “cubes par lit, au minimum), aération parfaite (ven- tilation, fenêtres à triples châssis), chauffage hygié- nique, lavabos, water-closets aérés, chauftés, hygié- niques et commodes, bains et douches à proximité … du service. La triple base de la cure antituberculeuse : le repos, l'alimentation et la cure d'air, sera orga- | -nisce de la même façon que dans un sanalorium type, et il en sera de même de la discipline pour ce qui est, avant tout, du crachat : « la guerre au cra- - chat». La cure d'air, forcément incomplète et insuf- …. fisante dans une ville, sera réalisée au moyen des . galeries-vérandas avec leurs chaises-longues, sun- - box, etc. En ce qui concerne l'alimentation de ces tuberculeux, il faudra régler d’une façon spéciale la quantité et la variété des plats, les heures et le nombre des repas, etc., bref prendre la contre-par- tie du règlement actuellement en vigueur dans la plupart des hôpitaux en France. Les services d'isolement pour tuberculeux, tels - que M. Letulle les voudrait, constituent certai- nement un progrès. Une fois créés, ils auraient - pour résultat de mettre à l'abri de la contamination * tuberculeuse les malades quientrentdans un hôpital - général ponr une affection non bacillaire ; ils offri- raient encore l'avantage de fournir aux tuberculeux, je ne dis pas le confort, mais les conditions parli- …. culières d'hygiène impérieusement exigées par la . nature même de leur maladie. Mais, demi-sanatoria, ils constiluent aussi une demi-mesure, un pis-aller. … En l'absence de sanatoria, ces services d'isolement . 4 M. Lerurre : Organisation d'un service hospitalier en — vue de l'isolement et de la cure de la phtisie pulmonaire, M 1oC. cit., p. 312. seront rapidement envahis par les tuberculeux avancés et incurables, au préjudice des tuberculeux du premier degré qui, à la rigueur, pourraient retirer quelque bénéfice du séjour dans ce demi- sanatorium urbain. En second lieu, il est à craindre que la promiscuilé inévitable entre les tuberculeux avancés et les tuberculeux encore curables n’exerce sur ceux-ci une action déprimante, capable de diminuer grandement les chances de guérison. Mais, comme réforme hospitalière, la création des services d'isolement est indispensable et urgente. $ 2, — Dispensaires pour tuberculeux. Un autre projet ayant obtenu les suffrages de la Commission est celui de M. Calmette, relatif à la création de dispensaires pour tuberculeux, desti- nés à suppléer, en partie, aux sanatoria qui nous font défaut. Partant de cette idée que jamais on n'aura assez de sanaloria pour y hospitaliser les tuberculeux peu aisés, M. Calmette demande que, dans chaque ville et centre important, on crée un nombre suffi- sant de dispensaires spéciaux. Leur but serait de dépister, d'aller chercher les tuberculeux commen- çants de la classe ouvrière, de leur donner les con- seils et les soins nécessaires. À côté de ces conseils, de ces consultations gratuites, l’organisation que comporte le dispensaire distribuera aux malades des secours en nature ou en espèces, des vêtements, des médicaments, des livres; elle fera l'éducation antituberculeuse du malade et de son entourage (« guerre au crachat »), fournira les crachoirs, désin- fectera, quand il sera besoin, le logement, les vête- ments, le linge de corps, donnera, en un mot, « toutes les instructions nécessaires pour assurer dans les meilleures conditions possibles l'hygiène du tuberculeux à domicile, et préserver de la con-. tagion ceux qui l'entourent. » La dépense annuelle que nécessiteraitle fonctionnement d’un tel dispen- saire serait de 60.000 francs environ. M. Calmette a parfailement raison de dire qu'avec ces dispensaires on aura « la certitude d'obtenir des résultats immédiats pour la prophylaxie de la tuber- culose dans la classe ouvrière ». Quant à leur uti- lité au point de vue du traitement et de la guérison des tuberculeux curables, elle est fort contestable. En effet, les dispensaires de M. Calmette constituent simplement un système perfeclionné, très perfec- tionné même, du traitement des tuberculeux à domicile. Or, s'il est une vérité, c’est bien celle qui consiste à dire qu'un ouvrier tubereuleux ou en train de se tuberculiser, ne travaillant plus et tombé dans la misère, ne peut pas guérir chez lui, où il est forcément condamné au logement encom- 1 À. CaLETTE : Dispensaires pour tuberculeux, p. 355. © 19 19 R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE bré, à l'air perspiré et confiné, à la nourriture insuffisante, non seulement comme qualité, mais encore comme quantité. Il n'y a pas de dispensaire qui puisse changer ces conditions inhérentes à la situalion matérielle de l’ouvrier. Ces dispensaires seraient par contre d'une utilité inconteslable pour le fonctionnement régulier des sanatoria. Leur organisation, telle que la comprend M. Calmette, en fait de véritables bureaux de recru- tement des tuberculeux du premier degré, qui seuls peuvent guérir dans les sanatoria et consti- tuent la raison d’être de ces établissements coûteux. C'est du reste de cette façon que M. Fraenkel !, le promoleur de ces dispensaires en Allemague, com- prend leur rôle. En second lieu, comme le veut M. Calmette, ils viendraient en aide à la famille de l’ouvrier hospi- talisé, lui trouveraient une occupation en rapport avec ses forces au moment de sa sortie du sanato- rium, compléteraient enfin très avantageusement le rôle social du sanatorium. C'est dire, que si les dis- pensaires de M. Calmette ne peuvent remplacer les sanatoria, ils en constiuent le complément obliga- toire. $ 3. — Sanatoria marins. L'agitation soulevée ces temps derniers autour de la création des sanatoria pour adultes pauvres, a laissé un peu dans l'ombre une institution mer- veilleuse, les sanatoria marins, dont on ne saurait nier l'efficacité dans la lutte contre la tuberculose chez les enfants. La Note de M. Bergeron” et le Rapport de M. Armaingaud * nous fournissent l'oc- casion de dire deux mots de cette institution. Un sanatorium marin est, suivant l’heureuse définition de M. Armaingaud, « un établissement spécial où se guérissent, par un séjour prolongé dans l’atmosphère marine, aidée ou non de la bal- néation, les enfants entachés de lymphatisme, de rachitisme, de faiblesse de constitution, et enfin les petits scrofuleux ». La clientèle de ces établis- sements se recrutant parmi les candidats à la tu- berculose, il n'est que juste de considérer les sanatoria marins comme un excellent moyen de lutte contre la tuberculose. Nous avons, à l'heure actuelle, échelonnés le long de nos côtes, quatorze sanatoria marins dans lesquels sont soignés près de 2.000 enfants par année, en y ajoulant les pelits malades placés chez des paysans, sur les différents points du littoral. Dans la plupart de ces sanatoria, les enfants ma- 1 B. FRAENKEL : Polikliniken fur Lungenkranke. Zeitsch. [. Tuberkul. und Heilstältenwesen, 1901, vol. II. ?J. BerGeron : Note sur les sanatoriums marins, loc. cil., p. 320. * ARMAINGAUD : Sur le rôle des sanatoriums marins dans la lutte contre le tuberculose, loc. cit. p. 325. . i £ lades sont envoyés et entretenus par les services d'assistance départementale ou par les municipa- lités des grandes villes et d’un certain nombre de communes. Les frais de séjour d'un enfant, jus= qu'à sa guérison, peuvent être évalués en moyenne à à 700 francs. On peut donc évaluer, très approxie mativement, à 1.400.000 francs le coût annuel (entretien des malades, intérêts du capital, conser- vation du mobilier) de nos quatorze sanatoria. Cette dépense n’est certainement pas bien élevée, mais elle n'en pèse pas moins sur le budget des communes et des départements, si bien que, pour la réduire, il arrive souvent que les malades sont retirés trop tôt du sanatorium, au détriment de son action curalive et surtout au détriment de lan durée de la guérison. Or, d'après le calcul de M. Armaingaud, ce n'est pas 2.000, mais 12.000 petits scrofulo-tuberculeux qui devraient, tous les ans, être soignés dans ces établissements. La dé- pense nécessaire serait done de 8.500.000 franes par an. M. Armaingaud, en s'appuyant sur ce fait que le mouvement de la bienfaisance privée suit à. peu près exactement celui de l'assistance départe- mentale et municipale, estime que, pour quintupler le nombre des sanatoria, les budgets publics pour- raient facilement fournir les 4 millions nécessaires. « IL suffit, dit M. Armaingaud, pour se rendre compte que cet espoir n’est pas trop ambitieux, de considérer qu'il y a en France 36.000 communes, et plus de 2.900 chefs-lieux de canton, et quil suffit que 2 communes par canton entretiennent dans un sanatorium marin un enfant indigent, pendant un an, ou 4 communes un enfant pendant six mois, ou simplement 8 communes un enfant pendant trois mois, au prix moyen de 700 franes par année, pour que ce chiffre de 3.800.000 francs soit atteint. » V. — CONCLUSIONS. Pour s'opposer, dans la mesure du possible, à la marche envahissante de la tuberculose, la Com- mission demande donc deux choses : 1° des me- sures d'ordre général que résume la formule : « la guerre aux crachats »; et 2 Ja création d’un nombre suffisant de sanatoria populaires. Si l’en- semble des mesures destinées à empêcher la pro- pagation de la tuberculose par les crachats dessé- chés est d'une exécution relativement facile, on ne saurait en dire autant de la création des sanatoria. En l'absence des assurances obligatoires contre la maladie et l'invalidité, comme en Allemagne; en l'absence des sociétés de secours mutuels nom- breuses et puissantes comme en Belgique; en l’ab= sence des coopératives socialisles qui, comme le Vooruit de Gand, assurent à leurs adhérents une R. ROMME — LA TUBERCULOSE EN FRANCE 523 ans toute leur complexité, les sanatoria. La seule essource qui s'offre à ceux qui ne veulent pas ester impassibles en face des hécatombes que la tuberculose fait tous les ans chez nous, c’est la tharilé, la bienfaisance privée. On l'a, en effet, uti- bienfaisance seule est incapable de lutter efficace- nent contre le mal. 1 La Commission l'a pensé, et, d'une façon toute particulière, elle a attiré l'attention du Gouverne- ÿ ment sur un projet de MM. Letulle et Roux, relatif à la création de caisses d'assurances mutuelles contre la maladie, et de compagnies d'assurance contre la tuberculose, avec traitement au sanato- rium. MM. Letulle et Roux voudraient notamment que le personnel de l'État et de différentes collectivités professionnelless'organisäten assurances mutuelles contre la maladie; de leur côté, l'État et les Com- pagnies privées faciliteraient, par une participation minime et individuelle, ces assurances, qui, en cas le maladie, accorderaient au sociétaire une somme quotidienne égale à la somme mensuellement versée. En versant par exemple 8 francs par mois, “le sociétaire toucherait, en cas de maladie, et quelle qu'en soit la durée, la somme de 8 franes par jour; s'il payait 4 francs par jour au sanato- “rium populaire, il lui resterait 4 francs par jour pour subvenir aux besoins de sa famille. En ad- mettant que l'État, aidé par quelque combinaison financière, par vienne à édifier, dans les différentes régions de son territoire, des sanatoria populaires, le problème du traitement des tuberculeux dans ces établissements se trouverait par là résolu. Une autre combinaison consisterait à créer une “assurance particulière contre la tuberculose. MM. Letulle et Roux pensent que, si les Compa- gnies d'assurances édifiaient des sanatoria, en y —… organisant la triple cure hygiénique, bon nombre d'individus, soit de leur propre mouvement, soit aidés par leurs patrons ou directeurs, contracte- raient ces assurances pour avoir droit, en cas de tuberculose, au traitement dans un sanatorium. …_ Une combinaison particulière permettrait même de subvenir aux besoins de la famille pendant le séjour du malade au sanatorium. Ces deux projets, excellents en eux-mêmes et très rationnels, ont le défaut d'être en désaccord … avec les habitudes du pays. L'assurance mutuelle contre la maladie existe chez nous, sous forme de sociétés de secours mutuels. Malgré la somme modique du versement annuel qui, en 1897, était de 23 fr. 95, les 11.335 sociétés de secours mutuels qui existaient en France au 31 décembre 1897 ne groupaient que 1.539.104 membres participants”, dont 250.604 femmes et 61.287 enfants. Si l'on songe que les membres de ces sociétés constituent l'élite de la classe ouvrière, jouissant d'une cer- taine aisance et pouvant, pour cette raison, faire acte de prévoyance, il est à craindre que l’assu- rance mutuelle contre la maladie, même favorisée par l'État et les grandes Compagnies, comme le veulent MM. Letulle et Roux, n’englobe jamais, tant qu'elle restera facultative, la masse des ou- vriers, la masse de ceux parmi lesquels la tubercu- lose fait le plus de victimes. On peut en dire autant de l'assurance facultative contre la tuberculose, sans compter que les Compagnies françaises d'assu- rances, avec le peu d'initiative qui les caractérise, ne consenliront jamais à se lancer dans une en- treprise dont le bénéfice financier ne leur apparai- trait pas clairement. En admettant même que le principe de l'obli- gation, en fait d'assurances, soit impossible en France, on pourrait faire une exceplion pour la tuberculose qui se présente avec tous les carac- tères d'un véritable désastre nalional. C'est à ce titre que le projet de loi sur les Caisses de retraites qui doit prochainement être discuté à la Chambre, présente pour nous un intérêt tout particulier. Le projet de la Commission, dont M. Guieysse est rap- porteur, est établi sur le modèle de l’assurance allemande * contre l'invalidité et la vieillesse, avec deux classes desalaires et participation de l'ouvrier et du patron à la prime, qui est relativement très peu élevée : 5 ou 10 centimes (suivant la taxe du salaire) versés par l'ouvrier par chaque jour de tra- vail et une somme égale ajoutée par le patron. Ces versements doivent fournir une somme de 200 mil- lions de francs. Quand ces Caisses d'assurance contre l'invalidité verront que la plupart des rentes sont payées à des ouvriers tuberculeux, elles feront comme les Établissements d'assurance en Allema- gne : pour alléger leur budget, elles trouveront un bénéfice à construire des sanatoria. Il faut, en effet, avoir le courage de regarder les choses en face, et d'envisager la situation telle qu'elle est. Pour avoir des sanatoria populaires en nombre suffisant, il faudra dépenser 200 millions de francs pour leur construction et leur installation, 1 Les Sociétés de secours mutuels pendant l'année 1897. Bullet. de l'Office du Travail, 1900, n° 7, p. 691. 2 R. Rouue : Les assurances ouvrières et la lutte contre la tuberculose en Allemagne, Rev. gén. des Sciences, 1899, nos 45 et 16 (15 et 30 août). D2% et un budget annuel de 70 millions de francs pour assurer leur fonctionnement. On ne peut raisonna- blement demander à la charité et à la bienfai- sance, si inépuisables qu'elles soient, de se charger d'une œuvre pour laquelle il faudra des millions et des millions. Les sociétés de secours mutuels, composées en majeure parlie d'ouvriers aisés, de contre-maitres, de petits bourgeois, de bouti- quiers, elc., ne semblent pas vouloir s'intéresser EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS <) Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris” suffisamment aux sanaloria populaires. Le budgeb des communes et des départements est déjà forte” ment grevé. Dans ces conditions, il faut demander au pays un nouvel eflort, le lui imposer, en exi geant le vote du projet Guieysse, afin d'arrêter un mal en train de miner la nation, de désagréger la race et de compromettre l'avenir du pays. R. Romme, L'ÉTAT DE L'INDUSTRIE DES Aussitôt que la synthèse chimique eût ouvert aux chercheurs de nouveaux horizons, un grand nombre d'entre eux dirigèrent leurs efforts en vue de la production des matières colorantes artifi- cielles, et l’on sait combien fécondes ont été jusqu'à ce jour les tentatives, même les plus audacieuses, qui ont élé faites dans cette voie. Parmi les pro- blèmes à la solution desquels paraissent pouvoir conduire les méthodes synthétiques, il en est un qui s'offre sous un aspect des plus séduisants : nous avons nommé celui qui consiste à reproduire de toutes pièces, avec les seules ressources du labo- ratoire, le parfum délicat des fleurs. Et, cependant, les premiers chimistes qui ont fait application de ces méthodes n'ont pas cru devoir envisager cette question. Ce n’est, en effet, qu'en 1874 que surgit l’industrie des parfums artificiels, industrie qui, d'ailleurs, a pour but la transformation de ma- Uüères premières extraites des végétaux, plutôt que la fabrication de produits odorants par la voie purement synthétique. Il n'est pas sans intérêt d'essayer de mettre en lumière les raisons pour lesquelles une question aussi caplivante que celle de la reproduction arti- ficielle des matières odorantes fut si longtemps délaissée. On sait que, pour arriver à reproduire méthodi- quement un corps, il est nécessaire d'être fixé préalablement sur l’architecture atomique de sa molécule. Or, pendant fort longtemps, on ne connut rien de précis de l'histoire des composés auxquels les fleurs doivent leur parfum si recherché; ces composés apparliennent, en effet, à une série de corps possédant descaractères spéciaux, dont l'étude ne remonte pas à une époque antérieure à ces vingt-cinq dernières années. C'est pour cette raison déjà que les tentatives failes en vue de la repro- duction artificielle des matières odorantes sont de date toute récente. Il y en a une autre plus im- PARFUMS ARTIFICIELS ACTUEL portante encore, et qui est de nature à limiter less espérances que l’on pourrait fonder sur l'application" des méthodes synthétiques dans l'industrie des: parfums. Les parfums des fleurs ne sont pas dus. généralement à une substance unique, mais bien à un ensemble de plusieurs corps judicieusement assemblés et réunis en proportions conyenables,;, un cerlain nombre d'entre eux, souvent les plus exquis, n'existant dans le mélange qu'à des doses extrêmement faibles. Songer à préparer industriel: lement cet ensemble de corps, dont plusieurs sont et resteront longtemps encore inconnus, serait Chose téméraire, élant donné que les voies synthétiques sont encore trop torlueuses pour conduire à un but aussi difficilement accessible. Du reste, ainsi que nous l'avons fait remarquer. déjà, la plupart des substances odorantes que nous aurons à passer en revue dans celte monographie: sont, non pas des produits artificiels au vrai sens du mot, mais bien des dérivés de substances extraites des végétaux. Il est arrivé parfois que les chimistes qui ont découvert des matières susceptibles d'application en parfumerie n’ont nullement apprécié comme il convenait les propriélés odorantes de ces malières, si bien que plusieurs d’entre elles n’ont été utilisées industriellement que bon nombre d'années après. leur apparilion dans le domaine chimique. Nous cilerons, dans cet ordre d'idées, le terpinéol, dont l'odeur rappelle celle du muguet, l’anthranilate de méthyle, quel'on rencontre à faible dose dans la fleur d'oranger, et mème l'indol qui, envisagé jusqu'ici comme une matière nauséabonde, est considéré maintenant comme utilisable, mais à des doses infiniment faibles, dans l'industrie de la parfu= merie. Il faut cependant reconnaitre que, dans la voie de la production artificielle des parfums, aussi bien que dans loutes les autres branches du savoir et EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 525 F3 _ | de l'activité humaine, ce sont les recherches “méthodiquement poursuivies qui ont conduit aux “découvertes les plus remarquables. C'est ainsi que Tiemann et Krüger ont préparé une substance ‘à odeur de violette, en voulant reconstituer une “molécule analogue à celle de la matière odorante de l'iris, préalablement isolée et étudiée au point de vue de sa constitution. Un semblable résultat est digne d'admiration, et, lorsque l’on pénètre au cœur de la question, lorsque l’on mesure le nombre et l'étendue des difficultés qu'il a fallu surmonter pour l'obtenir, on le trouve plus remarquable encore. Pour l'ensemble des raisons que nous avons énumérées plus haut, la contribution de la Chimie ‘aux arts qui utilisent les matières odorantes fut, jusqu'en 1874, des plus restreintes, et, parmi les produits connus doués d'une odeur agréable, fort peu avaient antérieurement trouvé leur application dans la parfumerie nitrobenzène (essence de mirbane ), aldéhyde benzoïque (essence d'amandes amères), salicylate de méthyle, et quelques éthers de fruits. I. — HisroriQUE. … L'industrie des parfums artificiels naquit simul- “tanément en France et en Allemagne de la belle - découverte réalisée en 1874 par Tiemann et Haar- mann, et consistant à préparer la vanilline, prin- cipe odorant de la vanille, par oxydation de la coniférine, découverte en 1861 par Hartig. A Grenelle, qui avait été Le berceau de l’industrie chimique en France, fut fondée l'usine de Laire et Ci®, par M. Georges de Laire, dont le nom se trouvait déjà inscrit dans l'histoire des matières | colorantes. Dans cette usine furent exploités et le brevet français Haarmann pour la préparation de . la vanilline en partant de la coniférine, et le brevet français Reimer, pour la production d'aldéhydes aromatiques par l’action du chloroforme et des alcalis sur les phénols. Mais la vanilline ne devint un produit réellement industriel que le jour . (48 mars 1876) où M. de Laire prit un brevet pour préparer ce corps en partant de l’eugénol extrait de l’essence de girofle. Tandis que se fondait en France la Société de Laire et C°, une usine était construite à Holz- minden pour exploiter la découverte que venaient de faire également Tiemann et Haarmann, et deve- nait plus tard la propriélé de la Société Haarmann et Reimer. Nous verrons ensuite les deux Sociétés de Laire et C° d'une part, Haarmann et Reimer d'autre part, continuer à exploiter industriellement les découvertes de Tiemann et de ses collabo- rateurs. Bientôt d'aulres fabrications vinrent se grouper autour de celle de la vanilline, fournissant égale- ment des produits utilisables dans la parfumerie: telles furent celles de la coumarine, substance iso- lée, dès 1825, de la fève tonka et reproduile par W.-H. Perkin au milieu du xIx° siècle ; de l'hélio- tropine, préparée artificiellement dès 1869 par R. Fittig et H. Mielck; de l’aldéhyde anisique. Ce n'est qu'à la fin de 1888 que le terpinéol, connu cependant depuis fort longtemps, fit son apparilion dans le commerce sous le nom de muguet. L'année 14889 marqua la découverte du muse artificiel Baur. Depuis cette époque, l'industrie des parfums arti- ficiels a acquis une importance toujours croissante parmi les autres industries chimiques, à cause de l'influence profonde qu'elle n'a cessé d’exercer sur l’évolution de la chimie des terpènes. En 1890, la Société de Laire et Ci° modifiait de la facon la plus heureuse les conditions de la produc- tion artificielle de la vanilline en préparant ce corps, non-plus directement au moyen de l’eugénol, mais en passant par l'intermédiaire de l'acétyleugénol. Enfin, en 1893, après une série de beaux travaux qui ont éclairé de mille lumières nouvelles les phé- nomènes touchant à la chimie des terpènes, Tie- mann el Krüger découvraient l'ionone, substance à odeur de violelle. Entre lemps, on vit des maisons anciennes et puissantes monter, elles aussi, la fabrication des parfums artificiels appartenant au domaine public, ou bien prendre des brevets pour proléger des méthodes nouvelles de préparation. La coumarine et l’héliotropine furent fabriquées en grand par la Sociélé chimique des Usines du Rhône (Lyon), MM. Schimmel et C!° (Leipzig), la Société anglo-française des Parfums perfectionnés (Courbevoie), MM. Bæhringer et Sæhne (Waldhof), de Haën (Hanovre), Heine et C'° (Leipzig), von Hey-. den Nachfolger (Dresde), Merck (Darmstadt), Riedel (Berlin), etc. Il en fut de même pour le terpinéol, l’aldéhyde anisique, ainsi que pour d'autres pro- duits encore. Des brevets furent pris, notamment par M. P. Monnet et par MM. Heine et C'°, pour la préparation des succédanés de l'essence de rose, qu'on lança dans le commerce sous des noms divers (rhodinol, réuniol, etc.). Le marché de la vanilline fut sensiblement mo- difié, non seulement par les nouveaux brevets de Laire, mais encore par suite de l'emploi de l'ozone comme agent d'oxydation directe de l'eugénol et de l'isoeugénol (brevels Otto et Verley, 1895), ainsi que par les brevets de la Sociélé chimique des Usines du Rhône, permettant de préparer la vanil- line au moyen de l'aldéhyde protocatéchique. Plusieurs fabricants, en France et en Allemagne, 520 ont également consacré tous leurs soins à l'extrac- tion de cerlains principes contenus dans les huiles essentielles, et cela pour des raisons très diverses : raison de solubilité s’il s'agit de produits employés pour la fabrication des liqueurs; raison d'activité thérapeutique s'il s'agit de substances pour l'usage pharmaceutique, etc. Après ce coup d'œil rapide jeté sur le passé de l'industrie des parfums artificiels, nous allons étu- dier : 1° quelques substances à composition définie, extraites des huiles essentielles ; 2° les principales matières odorantes obtenues, soit de toutes pièces, soit par transformalion de certains produits d'ori- gine végélale. Pour apporter quelque méthode à notre exposé, nous grouperons d’après leurs fonctions chimiques les différents corps que nous aurons à passer en revue. Il. — PRINCIPES A COMPOSITION DÉFINIE EXTRAITS DES HUILES ESSENTIELLES. Ces principes ne sont généralement pas employés directement en parfumerie. Les uns trouvent des débouchés dans les industries de la distillerie et des produits pharmaceutiques; les autres, que nous étudierons plus spécialement, servent de matières premières pour la préparation de parfums arti- ficiels. Les corps dont nous aurons à nous occuper dans celte première partie peuvent être groupés de la façon suivante : 1° des a/cools (linalol et menthol); 2° des phénols (thymol et eugénol) et des éthers de phénols (anéthol et safrol) ; 3° une a/déhyde (citral) ; 4° une célone (irone). $S 1. — Alcools. M. Haller a proposé, pour isoler les alcools terpéniques à l’état de pureté, l’élégante méthode que voici : On combine une molécule de l'alcool à extraire avec une molécule d'un acide bibasique de façon à obtenir l’éther acide correspondant. Celui- ci se dissout alors dans les alcalis, tandis que les autres composés (erpéniques sont insolubles. On le sépare donc facilement d'avec ces derniers. Il suffit ensuite de le précipiter de sa solution, et de le saponifier. Les détails opératoires varient évidemment selon les cas. Nous n'aurons point à les décrire ici; d’ail- leurs, en ce qui concerne l'extraction industrielle des alcools dont nous voulons nous occuper, les méthodes physiques sont seules d’une application pratique. 1. Linalol. — Le linalol est un alcool tertiaire non saturé de la formule GH0. Il est très répandu EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS dans la Nature et existe, en particulier, dans l’es- sence de linaloë sous la forme lévogvre, dans Pes= sence de coriandre sous la forme dextrogyre Ses applications industrielles sont des plus restreintes: Il ne sert guère qu'à préparer l’acétate de linalyle, qui a été lancé dans le commerce comme succédaném de l'essence de bergamotte. L'emploi des huiles essentielles qui renferment cet alcool est plusM avantageux que l'emploi du linalol lui-même. Sons extraction s'effectue par simple distillation fraclion=« née, en recueillant le produit qui bout à 197-1980 Le linalol possède la propriété de se transformer" facilement en son isomère, le géraniol, qui est un alcool primaire, et se trouve assez répandu dans la nature (essences de géranium, de palma rosa, de rose, etc.). Comme d'ailleurs le géraniol, le linalol s'oxyde en donnant une aldéhyde, le citral, conte nue dans les essences de lemon grass (verveine des Indes), de citron, etc. 2. Menthol. — Ce corps, alcool secondaire de la formule C°H”"O, existe dans les essences de Wentha piperita de diverses origines et surtout dans l’es- sence de Menthe du Japon (Mentha arvensis Var. piperascens) qui, en raison de son bas prix, en est la source industrielle. L'extraction du menthol se fait de la facon la plus simple, en refroidissant l'essence de menthe du Japon, et essorant les cristaux qui se séparent dans ces conditions. Le menthol naturel est lévogyre. Il fond à 43° et bout à 212°. Par oxydalion, il donne de la men- thone gauche qui, sous l'influence de l'acide sulfu- rique, se convertit en menthone droite. Par hydro- génation de chacune de ces deux menthones, on obtient un mélange de menthol gauche et d'un isomère de celui-ci, l'isomenthol, qui, par oxyda- tion, donne de l’isomenthone. Le menthol possède de nombreuses applications thérapeutiques. On en a fait des « crayons antimi- graine » dont le succès a été assez grand. Ses vertus contre les inflammations des muqueuses de la gorge, pour la guérison des contusions, contre le coryza, etc., sont aujourd’hui universellement reconnues. Toutefois, il convient de remarquer que l’exploi- tation de cette substance est des moins lucratives. Il suffira, pour s'en rendre compte, de jeter un coup d'œil sur le tableau ci-dessous qui fait con- naître les variations de prix subies par le menthol au cours de ces vingt dernières années : | | | PRIX DU KILO ANNÉES de menthol 119 îr. LE LS SAN NE NE RAT M 20 NE) CRE MT ON Ma de moe ol) 11) J'ÉS Dry Le DUREE IE UE 24e ga0 » AS BTE D ET ER ee 2% 5 710 _ EUGENE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 527 » Me ES RME ER EE ee ETS SUR 18 75 RTS A DA A7- texte 271 50 ARTS. MoN pee 32 50 EE ÉD CE LPC) TRIER EE ORNE RESTE 26. » ROME es PMR TE AOL I0 — La cause de cette baisse de prix est due à la sur- production en essence de menthe du Japon durant H ces dernières années. Le menthol a été vendu sans mhénéfice ; aussi, a-t-on dû, au Japon, restreindre les “récoltes de la menthe, si bien que, actuellement, les prix ont une tendance très marquée à la hausse. D'ailleurs, la consommation de menthol tend à s'accroitre, sans toutefois acquérir l'importance qu'elle avait atteinte lors de l'emploi des crayons antimigraine. e $ 2. — Phénols et Éthers de phénols. - Les phénols peuvent être très facilement extraits des huiles essentielles, grâce à leur propriété ‘de Se dissoudre dans une lessive alcaline caustique. Il suffit d’agiler l'essence avec une solution aqueuse de potasse ou de soude à 10-20 °/,, d'ajouter un peu d'eau chaude pour faciliter la séparation de la portion non phénolique, de décanter celle-ci ou de l'entrainer au moyen de la vapeur d'eau, enfin de “remettre le phénol en liberté par addition d'acide …— chlorhydrique étendu. Cette méthode est applicable à à l'extraction du - thymol et de l’eugénol; nous n’aurons donc pas à y - revenir à propos de l'étude de ces corps. Nous aurons à passer en revue, dans ce para- graphe, une série de composés aromaliques ren- _ fermant une chaine latérale C'H° et pouvant être …— groupés deux à deux de façon que chaque groupe … renferme : 1° un composé dont la chaine C'H° a la forme développée — CH?— CH — CH? (chaine ally- lique); 2° l'isomère dont la chaine C'H° a la forme développée — CH—CH—CH° (chaine propény- lique) : GOMPOSÉS ALLYLIQUES ISOMÈRES PROPÉNYLIQUES Eugénol. Isoeugénol (œillet artificiel). Estragol. Isoestragol ou anéthol. Safrol. Isosafrol. Tandis que l’isoestragol (anéthol\ et son isomère, l'estragol, existent tous deux dans la Nature, l’eu- génol et le safrol sont contenus dans les huiles essentielles à l'exclusion de leurs isomères propé- nyliques. Ces composés ont une importance considérable dans l'industrie qui nous otcupe en ce moment, importance qui réside dans la possibilité de les transformer, par oxydation de la chaîne latérale C°H°, en aldéhydes qui constituent de véritables parfums : vanilline, aldéhyde anisique (aubépine), pipéronal (héliotropine). Mais on sait que les corps non saturés s’oxydent facilement avec rupture des chaines à l'endroit d'une double liaison. Il en résulte que la transformation du groupement C°H° en groupement aldéhydique CHO s'effectuera plus facilement sur un corps à chaine propénylique que sur un corps à chaine allylique. Il y aura donc intérêt à convértir l’eugénol et le safrol respecti- vement en isoeugénol et isosafrol, avant d'effectuer leur oxydation en vue de l'obtention de la vanilline et de l'héliotropine. Nous nous bornerons, pour le moment, à indiquer que cette transformation peut être effectuée à l’aide de la potasse alcuolique à l’ébullition. Quant au composé propénylique, l'anéthol, qui conduit à l'aldéhyde anisique, il se trouve tout formé dans les essences de fenouil et d'anis, d'où il suffit de l’extraire. Indiquors les relations qui existent entre les formules de structure des phénols et dérivés phé- noliques dont nous venons de parler, et celles des aldéhydes auxquelles ils donnent naissance, aldé- hydes dont nous aurons à nous occuper plus loin : CH? — CH—CH? (1 CH = CH — CHF / A CSS — OC (3) S—> C‘H—O0CH* N Ne ON (4) on Eugénol. Isocugénol. CHO ES CHE — OCHS on Vanilline. PA CH?— CH—CH* (1 , CH = CH — CH° C°H* + CH Noces f ocH® Estragol. Anéthol. CHO D Cort V4 NocEr Aldéhyde anisique. CH?—CH—CH (1 CH = CH — CHS CHREO (3) > C'IF—O\ ss > CH® | NE > CH: O0 (# 0 / Safrol. Isosafrol. CHO VA > CH" — a? NS C ie () Héliotropine. 1. Thymol. — Le thymol : CH* (2) Pr € CSH5— OH 3) à CH(CH?E (4) se présente sous la forme de cristaux à odeur de thym, fusibles à 50-510, IL bout à 232. C'est de l'essence d’'Ajowan plychotis, très riche en thymol (45-55 °/,), que l’on extrait industriellement ce D28 EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS phénol, contenu aussi dans les essences de thym, de moutarde, de serpolet, ele. Le résidu de l'extraction du thymol est employé dans la savonnerie commune sous le nom de thymène. Les semences d'Ajowan employées en Europe pour là préparalion de l'essence proviennent no- tamment des Indes (Marwar et Rajputana). Les cristaux de thymol se séparent spontanément de l'essence; le reste est extrait comme il a été dit plus haut, c'est-à-dire au moyen d'une lessive de soude. Le thymol est très employé comme antiseptique. Il sert aussi de malière première pour la prépa- ralion de l’aristol, C*H?*(01}, souvent préféré à l'iodoforme à cause de l'odeur désagréable que possède ce dernier corps. Il convient d'ajouter que le thymol est employé encore pour la préparation de savons médicinaux. Durant plusieurs années le prix du thymol a baissé d'une façon constante, pour atteindre une limite ne laissant plus au producteur que des bé- néfices illusoires. Mais l'épidémie de peste qui a sévi dans le nord des Indes à ralenti considéra- blement l'arrivée d'Ajowan et déterminé la con- sommation sur place de cette malière première. Aussi le prix du thymol, qui, de 85 francs le kilo en 1876, était tombé à 19 francs en 1898, s'est-il sensiblement élevé en 1900 pour atteindre et même dépasser la vaieur de 40 francs. Cette hausse va prendre fin el les prix ne vont tarder à fléchir par suile de nouveaux arrivages de semences d’A7owan. 2. Eugénol. — L'eugénol : CH? CH = CH) ns C'Hi = OCH* (3) N OH Ü est intéressant à un double point de vue : ce corps sert, en effet, à préparer, d’une part l'isoeugénol ou æillet artificiel, d'autre part la vanilline dont l'écou- lement est considérable. On l'extrait industriellement de l'essence de girofle en utilisant sa propriété, comme phénol, de se dissoudre dans une lessive de soude. Les clous de girofle, qui servent à préparer l'essence, proviennent notamment des îles de Pemba et de Zanzibar. Les prix de celte malière première avaient fléchi d’une facon très sensible durant ces dernières années. Depuis la suppression de l'esclavage en 1897, dans les iles de Zanzibar et de Pemba, la main-d'œuvre fait défaut, et la production de girofles tend à diminuer, si bien que les cours deviendront forcément plus tendus lorsque les stocks seront épuisés. Cette variation aura une répercussion certaine sur le cours de l’'eugénol. L'eugénol est un liquide incolore ou jaunàtres bouillant à 251-253°. Sa densité à 15° est de 1,072-1,074. Chauffé avec la potasse alcoolique, il se trans forme en isoeugénol. 3. Anélthol. — L'anéthol : s'extrait des essences de fenouil et d'anis par simple refroidissement. On essore ensuite le produib concret. Il possède une odeur d'anis, bout à 228: 2990, et fond à 21°-9149,5 (à 22°-22°,5 Jorsquila été fortement comprimé et soumis à la cristallisan tion dans l'éther de pétrole). On l'emploie fréquemment pour la fabrication des liqueurs, et il sert, en outre, à préparer l’aldéhyde anisique où aubépine, 4. Safrol. — Ce corps existe dans l'essence de sassafras. On l'extrait industriellement de l'essence de camphre débarrassée du camphre. L'essence de camphre (Laurus camphora) est produite prin= cipalement par le Japon. En Europe, on en extrail le safrol par distillation fractionnée et refroidis= sement des portions bouillant entre 228 et 2359 Les produits à point d'ébullition inférieur (huile légère) sont utilisés dans la savonnerie; ils ont, en outre, la même application que l'essence de téré-= benthine. Les parties à point d'ébullition élevés (essence lourde) trouvent aussi leur emploi dans” la savonnerie commune. Le safrol : CH? — CH = CH® cm Lo, a puis . fond à + 8° et bout à 232°. Il peut être converti en son isomère propénylique, l'isosafrol, qui, par oxydation, donne l'héliotropine. C'est en cela d'ail= leurs que consiste l'application industrielle du safrol. $ 3. — Aldéhyde. Cilral. — En 1888 les chimistes de MM. Schim= mel et Ci° découvraient, dans l'essence de Zackou= sia cilriodora, une aldéhyde, le citral, qui ne devait pas tarder, grâce à la belle découverte de l'ionone (violette artificielle), à prendre dans la chimie des parfums une place prépondérante. Peu de temps après, les mêmes auteurs signalaient la présence du citral dans l'essence de citron, et M. Dodge mon= trait que cette aldéhyde se trouve abondamment N + CH5 — C = CH — CH? — CH? — C — CH — CHO | CHS Vus el existe sous deux formes stéréoisomériques. - L'extraction du citral s'effectue en mettant à selon les conditions, d'autres produits d’addition avec le bisulfile de sodium, par fixation de la mo- ® l'hydromonosulfonate, C'H'(SO*Na).CHO. — On peut passer par l'intermédiaire de la combi- naison bisulfitique normale, dont on lave ensuite les cristaux au moyen de l'éther; on décompose ette combinaison par addition de carbonate de … On peut aussi, pour l’extraire, transformer le citral en dihydrosulfonate instable. Celte méthode “présente l'avantage que la combinaison formée se dissout dans l’eau et peut être plus facilement lavée à l'éther qu'un produit solide. La mise en liberté du citral est effectuée par addition de soude. Nous sorlirions du cadre que nous devons im- poser à notre travail en insistant davantage sur le “côté expérimental de la question. Le citral est surtout employé pour la préparation de l'ionone, cétone à odeur de violelte. Aussi les “envois d'essence de lemon grass provenant des Ôtes de Malabar, qui étaient d'environ 1.900 caisses de 7 kil. 5 en 1892-93, se sont-ils élevés l'année “suivante (qui à suivi la découverte de l’ionone) à 2.300 caisses, pour atteindre 3.000 en 1896-97. $ 4. — Cétone. Irone. — Tiemann et G. de Laire avaient entrepris, dès 1880, une série de recherches en ue d'isoler le principe odorant de l'essence d’iris et de le reproduire artificiellement. Pensant' tout d'abord que l'odeur exquise de cette essence était due à un produit provenant d'un glucoside, l'iri- “line, ils poursuivirent l'étude de ce corps; mais leurs prévisions ne furent nullement confirmées. Ce fut seulement en 1893 que Tiemann et Krüger, grâce au puissant concours que purent leur prêter les usines Haarmann et Reimer, et de Laire, par- - vinrent à isoler le vrai principe odorant de l'iris, : UGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 529 auquel ils donnèrent le nom d’irone, et à préparer un isomère de ce corps, l’ionone, que nous étu- dierons plus loin. L'irone est accompagnée, dans l'essence d'iris, d'acides organiques, d’éthers de ces acides, d'al- cools et de petites quantités d'aldéhydes. On éli- mine les acides par dissolution dans un alcali étendu, les éthers par saponification, les aldéhydes par oxydation au moyen des oxydants très faibles. Finalement, on puritie l’irone en passant par son hydrazone que l’on isole facilement, gräce à sa faible volatilité avec. la vapeur d’eau. L'irone répond à la formule C*H"O. Elle bout à 144 sous 16%" et dévie de + 40° le plan de polari- sation de la lumière sous une épaisseur de 100%. Sa molécule renferme un noyau hexagonal, une double liaison dans ce noyau et une autre liaison éthylénique dans une chaine latérale. Praliquement, il n'y a pas intérêt à isoler l’irone. Nous avons dû néanmoins ne point passer sous silence cette intéressante cétone, dont l'étude constitue l'introduction nécessaire à l'histoire de l'ionone. III. — PARFUMS ARTIFICIELS. Parmi les diverses substances exploitées dans l’industrie des parfums artificiels, nous ne pour- rons étudier ici que les plus importantes au point de vue commercial; ce sont, d'ailleurs, celles qui présentent en même temps le plus grand intérêt scientifique. Nous décrirons : 1° des composés nilrés, qui cons- lituent la série des muscs artificiels; 2° des a/cools (terpinéol, succédanés de l'essence de rose) et des éthers (acétate de linalyle, cinnamate de méthyle, anthranilate de méthyle) ; 3° un phenol(isoeugénol) et des éthers de phénols (éthers méthylique et éthy- lique du B-naphtol); 4 des aldéhydes (aldéhyde benzoïque, aldéhyde phénylacétique, aldéhyde cinnamique, vanilline, aldéhyde anisique, pipé- ronal ou héliotropine); 5° une célone (ionone); 6° enfin, une /aclone (coumarine). Cette énumération montre déjà que toutes les fonctions chimiques se trouvent représentées parmi les parfums. Jusqu'ici, il est matériellement impossible de signaler l'existence, chez les ma- tières odorantes, de caractères et de groupements spécifiques. Il semble cependant que les éthers composés, dont le poids moléculaire n'est pas trop élevé, forment une série dans laquelle abondent les substances douées d’odeurs agréables. Les cétones et les aldéhydes non saturées occupent une place importante dans le catalogue des produits utilisables en parfumerie. Mais aucune des règles, d'ailleurs peu précises, que l’on pourrait être tenté 530 EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS de formuler en ce qui concerne les relations entre la qualité odorante d’un corps et sa struclure, ne posséderait une généralité suffisante. Tous les fac- teurs, jusqu’à l’isomérie de position, interviennent en effet pour modifier l'odeur d'un corps. Parmi les substances déjà passées en revue, les composés propényliques possèdent des aromes plus suaves que leurs isomères allyliques; parmi les trois aldé- hydes oxybenzoïques, l'aldéhyde ortho-oxyben- zoïque (aldéhyde salicylique) seule possède ung odeur agréable. La même remarque pourrait être faite en ce qui concerne la vanilline et l'iso- vanilline. Il résulte de cette incertitude que les recherches que l’on peut lenter en vue de trouver de nouveaux composés odorants, ne pourront être guidées que par des considérations dues à de vagues analogies, à moins qu'on ne vise à la reproduction méthodique d'un principe naturel dont la structure est connue. $ 1. — Composés nitrés : Muses artificiels. On sait depuis longtemps que, sous l'influence de l'acide nitrique, certaines substances organi- ques se transforment en produits doués d'une odeur musquée. Kopp rapporte que, dès 1759, Margraf avait obtenu, en traitant par l'acide nitrique l'huile provenant de la distillation de l’'ambre, une résine appelée muse artificiel, à cause de son odeur. En 1878, M. E. von Gerichten relate que les cymènes chloro et bromonitrés ont une odeur de muse. En 1881, Kelbe décrit le trinitro-méta-cymène, et dit qu'il possède une odeur spéciale musquée. En cherchant dans la littérature chimique, on trouve bon nombre d’autres indications relatives à cette odeur musquée dégagée par des produits nitrés, mais aucune substance chimique définie ne fut employée industriellement avant 1888, pour remplacer le muse naturel. Le 3 juillet de cette même année, M. À. Baur prit un brevet allemand pour un procédé de fabrication du muse artificiel. Il avait repris l'étude de l'essence de résine, dans laquelle M. Kelbe avait reconnu la présence du méta-pseudo-butyltoluène, el parvint à reproduire ce carbure artificiellement, et à le transformer ensuite, par nitration, en une substance possédant une très forte odeur de musc. C'élait le premier muse artificiel dont la composition chimique fût parfaitement définie. | Quelques années plus tard, M. Mallmann décou- vrit un nouveau muse à fonction cétonique. Le nombre des substances connues possédant une odeur de musc n’a pas tardé à s'accroitre, et, à côté du résultat pratique, l'étude de ces corps à enrichi la Chimie organique d’un chapitre impor- tant : la défense des brevets, ainsi que le désir de trouver de nouveaux composés à odeur de musc, ont, en effet, suscilé de la part de nombreux chi mistes des travaux fort intéressants. n. Les muses artificiels sont des benzènes polysub: titués, trinitrés où dinitrés. Leurs propriétés odô rantes paraissent dues à la présence des groupe ments nitro (AzO?) dans des molécules telles ques les deux suivantes : R R f # 6 2? IR’ RAR 1 ef 5 3 4 reste alcoolique, généralement CIl*, ou un groupe éther phénolique O.CHP+", l Les groupements AzO° occupent, dans les musts trinitrés, les positions symétriques 2, 4, 6 : R R A0 Nazo® Az0%// \z0® l 1 le 311 | ! à RAR Az0O® Az0? Parmi les muses connus, les deux premiers en date, muscs Baur, ont été le {rinitrobutyltoluène et le trinitrobutylxylène : CH cu? A202/ 70: A20%/ Nz0® Li LE (00) cHA| Jcicr** AZzO? AzO° Le hasard a voulu qu'ils fussent aussi les deux plus importants, le second surtout, au point de vue industriel. Si, dans les musces trinitrés, on remplace u groupe AzO° par cerlains éléments ou radicaux on obtient encore des muses. Ces derniers consti tuent la série des muscs dinitrés à laquelle appar- tiennent, entre autres, les muses Mallmann : CHS ce a Nazo? CH*.C0/” be C(CH®* cu JcicHr) AzO® Az0® Disons un mot des muscs Baur. Parmi les muses trinitrés, c'est le trinitro-pseudo-butylxylène qui est le plus employé. ; On prépare tout d'abord le pseudo-butylxylène par la méthode de Friedel et Crafts (action du chlorure ou du bromure d'isobutyle sur le xylène en présence du chlorure d'aluminium), et on Je nitre ensuite au moyen d'un mélange d'acide ni= trique et d'acide sulfurique à 15 °/, d'anhydride. Le trinitro-pseudo-butyltoluène s'obtient de la même facon, en partant du toluène au lieu du. xylène. — Ce sont des corps cristallisés. Le musc au xylène | M. Monnet prépare son « rhodinol » en saponi- fond à 110°, le muse au toluène fond à 96-97°. | fiant les éthers contenus dans l'essence de géra- On les trouve dans le commerce mélangés avec | nium, fractionnant dans le vide l'essence sapo- “une certaine proportion d’'antifébrine (acétanilide), | nifiée, éthérifiant les alcools de façon à les rendre à cause de leur pouvoir odorant considérable. plus facilement séparables, par distillation frac- —… Le dosage du musc dans un semblable mélange | lionnée, des produits qui les accompagnent, enfin, s'effectue très simplement. Il suffit de chauffer un | en saponifiant les éthers purifiés. “poids connu du produit à étudier avec de l'acide Pour extraire son « réuniol », M. Heine fait appli- chlorhydrique concentré : l'acétanilide se dissout, | cation de la méthode de M. Haller pour la purifi- “on extrait le musc par épuisement au moyen de | cation des alcools terpéniques, en employant l'acide “l'éther, on sèche la solution éthérée, on évapore le | camphorique. dissolvant, et on pèse le résidu. Nous croyons superflu d’insister sur les applica- 3. Acélate de linalyle (bergamiol). — On peut tions du muse artiticiel. Son emploi dans la parfu- | l'obtenir en abandonnant pendant quelques heures …_merie et dans la savonnerie communes n'a dû | à la température ordinaire un mélange de linalol et échapper à personne. La parfumerie fine peut sans | d'acide acétique en présence d'une petite quantité doute l'utiliser, mais à la condition de n'en faire | d'acide sulfurique, concentré. On ajoute ensuite “quun usage des plus parcimonieux, et de l'em- | de l’eau, et l'on fractionne dans le vide l'huile pré- ployer en même temps qu'une cerlaine proportion cipilée dans ces conditions. de muse naturel, produit dont la suavité est bien Il se forme en réalité un mélange d'éthers du connue. s linalol, du géraniol et du terpinéol. Le linalol pos- $ 2. — Alcools et éthers. sède, en effet, la propriété de s'isomériser sous 1. Terpinéol. — Le terpinéol s'obtient par l’ac- | l'influence des acides. ‘tion de l'acide sulfurique étendu sur l'hydrate de Une autre méthode consiste à transformer le “ierpine, qui prend naissance lui-même par hydrata- | linalol en son dérivé sodé, et à traiter ensuile tion de l'essence de térébenthine. Celte essence est | celui-ci par l'anhydride acétique. constituée presque exclusivement par un hydro- L'acétale de linalyle est quelquefois employé “carbure C"H'° connu sous le nom de pinène où | comme succédané de l'essence de bergamotte. … térébenthène. Sous l'action de l'acide nitrique, le pinène se transforme en hydrate de terpine | 4. Cinnamale de méthyle. — Ce produit, doué C'H*0,H°0. d'une odeur assez agréable, possède la propriété Pour convertir l'hydrate de terpine en terpinéol, | de fixer les parfums. On l’obtient en faisant passer il suffit de le dissoudre dans l’eau bouillante, | un courant d'acide chlorhydrique sec dans une d'ajouter un acide dilué et d'entrainer le produit | solution d'acide cinaamique dans l'alcool méthy- formé au moyen de la vapeur d'eau. lique. On obtient un produit liquide, formé d'une petite Quant à l'acide cinnamique : proportion d'hydrocarbures CH (terpènes), et d'un mélange d'isomères C°H"O, parmi lesquels on trouve un terpinéol fusible à 35°, et un terpinéol | 6n peut l'extraire du styrax ou le préparer artifi- : fusible à 32-33°. Le terpinéol cristallisé peut être | ciellement en partant de l'aldéhyde benzoïque. extrait par distillation fractionnée et refroidisse- Le cinnamate de méthyle fond à 35-36° et bout ment. vers 26%. Le terpinéol possède une odeur agréable qui le £ fait employer pour la préparation du syringua, du lilas, du muguet, du gardénia. La savonnerie en fait une consommation considérable, étant donné le bas prix auquel est tombé ce produit. k ! à C5H° — CH = CH — COH 5. Anthranilate de méthyle. — Ce composé a été signalé pour la première fois, il y a trois ans, par M. Gildemeister dans l'essence de fleurs d'oranger. Il possède une odeur rappellant un peu celle de cette fleur; mais son emploi est assez restreint. On peut l'obtenir en faisant passer un courant d'acide chlorhydrique dans une solution d'acide anthranilique : 2. Succédanés de lessence de rose. — Les essences de géranium de diverses origines renfer- …. ment un mélange de deux alcools : le géraniol - C“H"O et le rAodinol C"H®*O, mélange qui possède une odeur assez agréable et qui a été lancé dans - le commerce, sous des noms divers (rhodinol de M. Monnet, réuniol de M. Heine, elc.), comme | dans l'alcool méthylique, chauffant le produit et succédané de l’essence de rose. décomposant par un alcali le sel d’anthranilate de ce /C00H (0 | NH? (2 32 EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS méthyle ainsi formé. C'est un produit fusible à 22-25, $ 3. — Phénols et éthers de phénols. 1. Zsocugénol. — Ce corps est employé dans la parfumerie et la savonnerie sous le nom d'œillet artificiel, mais il sert surtout à la préparation de la vanilline, On l’obtient en chauffant vers 140° l’eu- génol et la potasse en solution dans l'alcool amy- lique, ou dans tout autre dissolvant susceptible de dissoudre à la fois l'eugénol et la potasse, à condi- tion que le mélange bouille entre 90° et 150. On peut encore employer l’amylate de sodium ou opérer l'isomérisalion au moyen de la potasse en fusion. L'isoeugénol bout à 258-262, et donne, par refroidissement, des aiguilles fusibles à 34°. Le parfum de l'isoeugénol s'allie très bien à celui de la rose. 2. Ethers méthylique et éthylique du B-naphtol. — Ces corps, doués d'une odeur extrêmement pé- nétrante, sont connus, le premier sous les noms de yara ou de néroline, le second sous le nom de bromélia. Le yara, C'H'OCH*, s'obtient par l'action de l'iodure de méthyle sur le B-naphtol sodé en pré- sence de l’alcool méthylique. Le bromélia, CHTOCŒH, se prépare d'une façon analogue. Ces produits sont employés dans la savonnerie commune et entrent dans la composition des eaux de Cologne des qualités très inférieures. S 4. — Aldéhydes. 1. Aldéhydes benzoïque, phénylacétique et cin- namique. — L'aldéhyde benzoïque, C5H°.CHO, ou essence d'amandes amères artificielle, peut être préparée par le procédé classique dû à Grimaux et Lauth, qui consiste à oxyder le chlorure de benzyle C'H°—CH°CI. Cette méthode laisse subsister une certaine proporlion de produits chlorés dans le noyau benzénique, exerçant sur le parfum une influence nuisible. Pour remédier à cet inconvénient, la. Société chimique des Usines du Rhône a fait breveter un procédé consistant à oxyder directement le Loluène au moyen du peroxyde de manganèse en solution acide. L'aldéhyde benzoïque sert à préparer l'aldéhyde et l'acide cinnamiques; elle est très employée en savonnerie. L'aldéliyde phénylacétique où a-toluique, C5 — CH°—CHO, s'obtient par l'action de l'acide sulfurique soit sur l'acide phényloxyacrylique, soit sur l'acide phényllactique, soit sur le glycol styrolénique. Elle« se prépare encore à l’aide de l'acide phénylchlo=M rolactique. M. Erdmann a récemment fait breveter un pro=« cédé permettant d'obtenir cette aldéhyde par décom= position, au moyen de la chaleur seule ou de l'eau, de la £-lactone de l'acide 4«-oxyphénylpropionique: L'aldéhyde phénylacétique est employée dans la parfumerie et la savonnerie sous le nom de jacinthes Quant à l’aldéhyde cinnamique, CH —CH —CH— CHO, principe odorant de la cannelle, elle s'obtient artificiellement par condensation de l'aldéhyde benzoïque avec l’aldéhyde éthylique en présence de la soude. 2. Vanilline. — La vanilline, principe odorants de la vanille, dérive de l'eugénol, comme nous la vons déjà indiqué plus haut. Nous avons fait remarquer que l'oxydation de la chaîne propény- lique de l'isoeugénol se fait dans de meilleures con- ditions que celle de la chaine allylique de l'eugénol. Pour obtenir de bons rendements en vanilline, il faut avoir soin de protéger, avant d'effectuer l'oxy- dation, le groupement phénolique libre OH. C'estainsi que M. G. de Laire fit breveter, en 1876, une méthode consistant à oxyder l'acétyleugénol: CSH° A C'H°— OCH* ; N OCO.CH* et que, en 1890, MM. Haarmann et Reimer et M. de Laire prirent des brevets pour l'emploi de l'acétyl- isoeugénol ou du benzoylisoeugénol. L'oxydation s'effectue alors au moyen du permanganate. On obtient ainsi l’acétovanilline ou la benzoylvanilline, qu'il suffit de dédoubler par la potasse ou la chaux pour obtenir la vanilline. Tout récemment, M. Verley a proposé de bloquer le groupement phénolique en transformant l'eu- génol en acide eugénol-sulfurique et celui-ci en acide isoeugénol-sulfurique. En 1895, MM. Otto et Verley ont réussi à éviter de bloquer le groupement phénolique, c'est-à-dire à opérer directement sur l'eugénol ou l’isoeu- génol, en employant l'ozone comme agent d'oxy- dation. On peut encore obtenir la vanilline en partant : soit de l’aldéhyde protocaléchique : CHO (1) % CSIF—OH (3) N OH (4) (procédé de la Société chimique des Usines du Rhône, 1895), soit des aldéhydes para et méla-oxybenzoï=, ques, soit de la pyrocathéchine : soit enfin du gaïacol : LA SOH Une lutte formidable s'est engagée sur le terrain industriel au point de vue de la production de la vamilline. Aussi, tandis que le prix de ce produit était de 8.800 francs en 1876, de 2.000 francs en 1880, de 875 francs entre 1885 et 1890, et se main- enait encore au-dessus de 700 francs jusqu'en 1895, sa valeur descendit brusquement à 157 franes en 1897, à 125 francs en 1898, à 115 francs en 1899. Actuellement, le prix du kilo de vanilline oscille enre 75 et 110 francs ! On peut constater que l'emploi de l'ozone comme agent d'oxydation a été l'une des causes qui ont le plus contribué à l’avilissement des prix. La vanilline fond à 80-81°. Ses applications sont fort nombreuses : la parfumerie, la savonnerie, la pâtisserie, la biscuiterie, la chocolaterie, etc., en font un usage constant, sans pour cela que les applications de la vanille naturelle aient été res- treintes. … 3. Aldéhyde anisique laubépine). — L'aldéhyde anisique : CHO. : (1) s'obtient en oxydant l'anéthol au moyen du bichro- ate de potassium et de l'acide sulfurique, ou bien encore au moyen de l'ozone. Cette aldéhyde entre dans la composition de cer- Hains bouquets. C'est, en particulier, la base des extraits d'aubépine et de foin coupé. 4. Pipéronal ou héliotropine. — En chauffant le safrol soit avec la polasse alcoolique, soit avec le méthylate de sodium, on obtient l'isosafrol, que l'on transforme en héliotropine : * CHO (41) / CH —O, 3), SN: 0/ (4) par oxydation soit au moyen du bichromate de potassium et de l'acide sulfurique, soit au moyen de l'ozone. Le pipéronal fond à 31°et bout à 263°. Il sert de base aux parfums d'héliotropeets'emploie fréquem- ment à l'état de mélange avec la vanilline (hélio- tropine amorphe). Le prix de l’héliotropine a baissé avec une rapidité considérable, ainsi que l'indique e tableau ci-dessous : REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. GÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS 533 PRIX DU KILO ANNÉES d'héliotropine fr 1859 49004) 1881 2,500 » 158 LES HEART IR 1.250» TEST ER RARES 150 » 1887 500 » 1889 . 450 » 1891 312 » ET AR EE 150 » ETES , TU 1897 45 » RU NAME TRE 31 50 11,14) PRE RE NE 36 » Le prix actuel de 36 fr. le kilo ne laisse plus de bénéfice sensible au fabricant. $ 5. — Cétone lonone. — Après avoir découvert le principe odorant de la racine d’iris, Tiemann et Krüger son- gèrent à le reproduire artificiellement. Ils pensè- rent que cette cétone, de la formule C'°H®0, pou- vait s’oblenir en condensant une aldéhyde en C" avec l’acétone ordinaire CH°.CO0.CH*. Les chimistes de MM. Schimmel et Ci° venaient précisément de découvrir le citral, aldéhyde de la formule C"H"O. La condensation de cette aldéhyde avec l’acétone ordinaire devait fournir une cétone C'*H*O d’après l'équation : CCH60 + CH6O = CSH#0 + H?0, Tiemann et Krüger obtinrent bien, en procédant ainsi, la cétone C®H°*0 prévue théoriquement, mais ce corps ne possédait nullement le parfum de l’ionone. Ayant reconnu que le principe odorant de la racine d'iris n'appartenait pas à la série acy- clique, ils eurent l'heureuse idée de soumettre la cétone qu'ils avaient obtenue, et à laquelle ils don- nèrent le nom de pseudo-ionone, à l'action d'un agent isomérisant, l'acide sulfurique. Un isomère cyclique prit naissance quireçu le nom d’ionone el possédait une odeur rappelant celle de la violette. Depuis, il a été reconnu que l'ionone commer- ciale est un mélange de deux isomères, l’x-ionone et la B-ionone, qui ne diffèrent que par la position d'une double liaison dans leur noyau hexagonal. L'une d'elles, l'x-ionone, prend naissance en quantité prédominante quand on isomérise la pseudo-ionone au moyen de l'acide sulfurique étendu ; si l’on emploie, au contraire, l'acide concentré, c'est sur- tout la B-ionone qui se forme. C'est en 1893 que les Sociétés de Laire et CC d’une part, Haarmann et Reimer d'autre part, commen- cèrent l'exploitation du brevet Tiemann, relatif à l'ionone. Il devint aussitôt nécessaire, pour la déleuse des brevets, de pousser jusque dans ses plus obscurs recoins l'histoire des dérivés du citral et de l’ionone. qi" 34 Aussi, aux résultats pratiques que nous venons de signaler, ne lardèrent pas à s'ajouter d'importants résultatsscientifiques. Nousavons d’ailleurs la ferme conviction que l'étude de cet intéressant chapitre de la chimie des matières odorantes réserve encore bon nombre de découvertes. L'emploi de l'ionone ne tarda pas à se généra- liser,gràce à la façon heureuse dont ce corps seconde la violette naturelle, grâce aussi et surtout aux exquis bouquets que surent créer, à l’aide de ce. nouveau produit, les parfumeurs habiles et raffinés dans leur art qui en firentles premiers l'application. On trouve dans le commerce la solution alcoolique d’ionone au 4/10 au prix de 1.000 francs le kilog. $ 6. — Lactone. Coumarine. — La coumarine : CH— CH CHE : No Co! est le principe odorant de la fève tonka. On l'extrait industriellement, au moyen d’un dissolvant volatil, des feuilles de Ziatrix odoralissima, végétal origi- naire de la Virginie, de la Floride et de la Caroline. On l’obtient aussi arlificiellement en partant de l'aldéhyde salicylique et de l’anhydride acétique. Durant ces dernières années, les stocks de Liatrix s'étaient épuisés, et l’on dut avoir recours au procédé artificiel pour la production de la coumarine. Mais actuellement on dispose de nou- velles quantités de matière naturelle. Si l'on tient compte, en même temps, de la hausse subie par le prix du phénol quisert à préparer l’aldéhyde sali- cylique, on sera forcé de conclure que la’ méthode consistant à extraire la coumarine du Ziatrix est actuellement plus avantageuse que le procédé synthétique. La coumarine fond à 67°. Son prix a subi une baisse sensible depuis 4880. On l’emploie en parfu- merie et surtout en savonnerie ; elle entre, en par- ticulier, dans la composition du parfum connu sous le nom de « New-mown hay ». IV. — INFLUENCE DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTI- FICILLS SUR L'AVENIR DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS NATURELS. Encore que très succinct, cel exposé suffira pour mettre en lumière les ressources scientifiques formidables dont a su disposer l’industrie des parfums artificiels. On peut se demandersi une aussi puissante rivale ne menace pas d’une facon constante l'avenir de celle belle industrie des parfums naturels dont Grasse, la terre des fleurs, a conservé le monopole. EUGÈNE CHARABOT — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES PARFUMS ARTIFICIELS Nous avons encore le souvenir précis des inquié- tudes qui, au lendemain de la découverte dem l'ionone, vinrent assombrir les espérances fondées par les laborieuses populations agricoles de l'arron= dissement de Grasse, sur la culture de la violette: Après avoir vu leur échapper les bénéfices que leur ménageaient jadis d'abondantes récoltes d'olives, ces cultivateurs avaient fait l'avance de leur travail et de leurs modestes ressources en plan- tant des violettiers à l'abri des oliviers qui semblent. devoir rester désormais stériles !Etl'on était en droit de se demander s’il n'allait pas se produire ce que l’on avait vu dans l’industrie des matières coloran- Les, où la Chimie, par ses merveilleuses méthodes dem synthèse, est arrivée à réaliser les mêmes assem- blages d’atomes que la vie végétale, remportant ainsi sur la Nature une victoire qui a eu pour conséquence la ruine d'industries agricoles, le bouleversement de la situation économique de plusieurs régions. Mais les événements n'ont pas tardé à montrer que ces craintes étaient sans fondement. | L'industrie des parfums naturels devait se déro- ber à ces lois perturbatrices, et ce n’est nullement au prix de la ruine de celle industrie que celle des parfums ärlificiels a dû le développement considé= rable dont témoigne l'abondance des produits décrits dans les pages qui précèdent. On a pu voir, au contraire, celte industrie nouvelle des parfums artificiels naître et se déve" lopper non seulement sans porter le moindre préjudice à celle de Grasse, mais encore en aidant à son évolution progressive. La Nature conservait en effet le monopole des fines odeurs, landis que l’art du chimiste eréait des produits odorants, manquant il est vrai de discrétion, mais d'un prix peu élevé, et permettant par suite de préparer des composilions à la portée d’une clientèle modeste. De nouveaux besoins sont nés de la posssibilité de les satisfaire, si bien que l’usage des parfums s'est répandu dans toutesles classes de la société. L'em- ploi des malières odorantes artificielles nécessitant » celui d’üne certaine proportion de produits natu- rels, il en est immédiatement résulté que ceux-ci ont trouvé des débouchés nouveaux dans la parfu- merie commune, tout 4n restant la base des compo- sitions les meiileures. C'est en particulier pour cette raison que, depuis l'apparition de l'ionone, c’est-à-dire depuis bientôt huit ans, la consommation des fleurs de violette a sensiblement augmenté chez lous les fabricants : il en est même chez lesquels elle a plus que triplé. Et ces deux industries, rivales en apparence, sont en réalité solidaires dans la voie du progrès, et également prospères. Eugène Charabot. Docteur ès sciences. P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE Qc Œ QE LA PRESSION : — ABSORPTION DANS L'INTESTIN ET LES CAVIYÉS SÉREUSES. “Après l'analyse, que nous avons faile dans un premier article‘, des condilions de l'équilibre es liquides dans les mailles des tissus, il est plus facile de se rendre compte des facteurs qui règlent Pabsorption des liquides salins ou autres introduits dans les cavités naturelles du corps : cavités cœlo- miques, plèvre, périloine, ou cavité inteslinale, Ici encore ce furent des travaux d'Heidenhain sur Pabsorption intestinale qui ouvrirent le débat. Dans un mémoire, paru en 1894, Heidenhain ? élève contre une théorie de l'absorption intestinale des solutions salines, basée uniquement sur les prin- cipes de la diffusion, les objections suivantes : 4° Si, dans une anse inteslinale de chien, on quand, dans un D on en le même liquide des deux côtés de la membrane, il ne se produit aucun mouvement osmolique. Il faudrait donc, d'après les lois strictes de l'osmose, que le sérum ne füt pas absorbé. 2° Si l’on introduit dans l'intestin d'un chien une solution contenant de 0,3 à 0,4°/, (moins de 0,6 °/, à 0,7°/,) de chlorure sodique, il existe au début de Pabsorption une disparition concomitante du selet de l'eau (celle-ci en plus grande quantité). Or, le sang contenant 0,65 °/, de sel marin, il faudrait, dit Heidenhain, si l'absorption obéit aux lois de losmose, que le sang cédât au début une partie de son chlorure sodique au liquide intestinal, alors que c'est le contraire qui s'effectue, . Si, d'autre part, la solution introduite est hyperto- nique (1,2°/, à 1,5°/,), l'absorption porte également dès le début sur le sel et l’eau (plus forte pour le Sel), tandis que les lois de l’osmose exigeraient un passage préalable de l'eau du sang vers l'intestin. 3° Si l'on ajoute aux liquides salins des doses faibles d'un poison de l'épithélium intestinal, de fluorure de sodium, les condilions de la double absorplion se rapprochent davantage des Begnoe mènes de difusion. + ! Voyez Ja Revue du 30 mai 1901, t. XII, p. 459 et suiv. > * HeiDENUAIN : « Neue Versuche über die Aufsaugung im Dünndarm ». Archiv für die gesammte Physiologie, ft: “LVL, p. 519, 1894. OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE DEUXIÈME PARTIE : ABSORPTION INTESTINALE ET SECRÉTIONS GLANDULAIRES ° De deux substances cristalloïdes, le sulfate de sodium et le sucre, dont les coefficients de dif- fusion sont entre eux comme 1,15 et 1,2, la pre- mière est résorbée 10 fois moins rapidement que la seconde (Rühmann), ce qui indiquerait une indépendance absolue des deux ordres de choses. Heidenhain conclut que, lors de l'absorption des solutions salines, il faut lenir compte (à côté des phénomènes osmotiques) d'une intervention aelive des cellules vivantes de la paroi intestinale, inter- vention dont la nature nous échappe. A ces déductions théoriques, si bien échafaudées, Hamburger! opposa l'expérience. Il reprit les essais de Heidenhain sur des chiens morts ue plusieurs heures (24 heures dans certains cas; el... il obtint les mêmes résultats que HA ne L'inteslin mort absorbait les solutions salines hyper et hypo- toniques, le mode d'absorption dans l'intestin mort élait identiquement celui de l'intestin vivant. Avant de pousser plus loin l'analyse de ces phé- nomènes, il est intéressant de voir ce qui se passe dans l'absorplion des liquides salins introauits dans les cavilés séreuses. Ce fut Orlow,élève de Heidenhain, qui entama la question, bientôt suivi par Hamburger, Leathes et Starling. Comme l'avoue Orlow?, qui tâche cepen- dant de leur appliquer une explication vitaliste, les données de l'expérience plaident ici éloquem- ment en faveur d’une explicalion purement phy- sique des phénomènes. Introduites dans les cavités séreuses, les solutions hypotoniques se concentrent rapidement par perte d'eau, jusqu'à ce qu'elles aient alteint le titre osmotique absolu du sérum sanguin (équivalent à une solution de 0,9 °/, de chlorure sodique). Dès ce moment leur absorption se continue beaucoup plus lentement. Les solutions hypertoniques se diluent à la faveur d’une sortie d'eau du sang, de facon à se mettre également en équilibre Cao ie absolu avec le sang, puis leur absorption se fait comme dans le premier cas. Ham burger*,LeathesetStarling* sontarrivés aux mêmes résultats. De plus, ces auteurs ont montré que l’adjonclion de fluorure sodique aux solutions introduites dans les cavités viscérales n'a d'influence sur l'absorption. pas 1 HameurGer : Archiv {ür Physiologie 1896, p. 428. ? Orcow : Archiv für die gesammte Physiologie, t. LIX, 1894. # HamweurGer: Archiv für Physiologie, 1895, p. 281 ; 1896, p. 36, 302. » LeaTuEes et STARLING : Journal of Physiology, 1895. 536 D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE Il en est de même, d'après Hamburger, pour les détériorations causées par d’autres agents chimi- ques, par la chaleur, comme aussi par la mort. La régulation de la pression osmotlique entre le liquide injecté et le plasma du sang se fait surtout, d'après les recherches précitées, par une sortie ou une entrée rapide de l’eau du sang. D'après les lois de l'osmose, elle devrait se faire ainsi, en partie {out au moins, par une entrée ou une scrtie de sel. Celle-ci se fait effectivement: mais faiblement, et ce sont les mouvements du liquide qui règlent surtout l’équilibration de la pression osmotique. Cette constatation a sa valeur en ce qu'elle nous révèle une des propriétés osmo- tiques de la paroi de ces cavités : celle-ci est beau- coup plus facilement perméable à l’eau qu'au sel. Et, sous ce rapport, elle se comporte comme le simple endothélium vasculaire. Cette rapidité plus grande d'absorption pour l’eau que pour la substance dissoute däns l'eau n'est nullement obligée. Il se peut parfaitement que la pénétration se fasse tout aussi rapidement ou plus rapidement. On ne concoil l'action instantanément destruc- tive d'une solulion d'urée à 10 °/, sur des hémalies, qu'enadmettantunerapidité de pénétration del’urée au moins aussi grande que celle de l'eau. Les agents d'hémolyse qui pénètrent lentement, comme la gly- cérine ou mieux encore l’érythrite, ne provoquent la globulolyse qu'au bout de quelques minutes ou mème de quelques heures (Hedin).EtHôüber ! a montré que des solutions hypertoniques de chlorure ammo- nique, d'urée et surtout d'alcool introduites dans une anse inlestinale dechien peuvent y devenir hypo- toniques. C'est ainsi qu'une solution d'alcool, ayant un point de congélation de —0°,689 lors de son introduction dans l'intestin se congélait à — 0°,433 après un séjour de vingt minutes, le point de con- gélation du sérum étant de — 0°,575. Il s'était done produit dans ce cas, une forte dépression osmotique dans l'intestin, provenant de la perméabilité plus grande de la paroi intestinale pour l’alcool que pour l’eau et pour les sels du plasma. Dépression osmotique qui n'était eñ rien la conséquence d'un processus vilal, comme on pourrait l'objecter, puis- qu'on peut en produire d'aussi considérables dans un boyau de parchemin (Hüber). Ce qui décidera du plus ou moins de rapidité de l'absorption d'une solution, ce sera donc non pas sa concentration, mais Sa pénélr'abilité à travers la cloison vivante que la solution baigne. La muqueuse ! Hoger : Archiv für die gesammte Physiologie, 1898, t. LXX, p. 624; 1899, t. LXXIV, p. 225 et 246: Voir aussi : Lazanus-BanLow : The initial rate of Osmosis. Journal of Physiology, t. XIX, p. 140-166 ; t. XX, p. 145-157. intestinale se comporte tout autrement sous ce rap- port que les séreuses. Elle est beaucoup plus per- méable au chlorure sodique que celles-ci, comme le prouve la rapidité d'absorption beaucoup plus grande des solutions hypertoniques de ce sel et la tendance faible à l'équilibration osmotique, qui est à peine ébauchée. Au contraire, les sulfates alcalins la traversent beaucoup moins aisément; aussi des solutions faiblement hypertoniques de ces sels se mettent en équilibre osmolique complet, par sortie M d'eau du sang, avant d'être absorbées(Küvesi)!. On concoit dès lors très bien que toute cause qui dimi- nuera la vitesse d'absorption, laissera aux phéno- mènes osmotiques plus de temps pour se produire. C’est l'explication toute simple de l’action du fluo- rure de sodium sur la résorption du chlorure sodique dans l'inteslin. : Dans le même ordre d'idées, Wallace et Cushny” ont mis en lumière la grande différence de per- méabilité de la muqueusé intestinale pour toute une série de sels sodiques tant inorganiques qu or- ganiques. Celte facilité d'absorption plus où moins grande peut être mise en parallèle avec le pouvoir purgalif des sels. C'est la mise au point de l’ancienne théorie de Liebig, allribuant à des phénomènes d'osmose l’action des purgalifs salins. Comme on le voit, il ne reste plus grand'chose des arguments de Heidenhain. L'absorption des liquides salins dans l’inleslin ou dans les plèvres est un phénomène de même ordre que la résorption des liquides épanchés artificiellement ou naturel- lement dans les tissus. Et il faut s'expliquer la résorption finale de tous les liquides introduits dans la cavité intestinale par les mêmes processus phy- siques que ceux qui amènent, d'après Starling, la résorplion par les capillaires veineux des liquides transsudés par les capillaires artériels, empêchent la formation de lymphe dans les membres, s'oppo- sent à la transsudation à la surface des muqueuses et assurent la vacuité des cavités séreuses. Nous avons analysé à ce propos la grande impor- tance de la pression à l'intérieur des capillaires, contrebalancée en partie par la pression des tissus eux-mêmes. Dans l'intestin vivant, l'étude de ce dernier fac- teur prend une importance spéciale, à raison de l'intervention de la pression abdominale, des con- tractions péristaltiques de l'intestin et du jeu des villosités inlestinales, qui peuvent agir à l'instar de pelites pompes aspirantes sur le contenu intes- linal. Hamburger a mis nettement en lumière la grande importance de la pression intra-intestinale. ! Kovest : 1897. # WarLacet Cusuxy: American Journal of Physiology, t. 1: et Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXXNI: Centralblatt lür Physiologie, t. XI, p. 353 ar des différences très faibles de celle-ci produites expérimentalement, il provoqua des différences notables dans la vitesse d'absorption d'une même solution. En glissant dans une anse intestinale une carcasse métallique de mème forme, qui lui tint lieu de squelette, il a pu supprimer complètement la pression intra-iateslinale dans cette anse. S'il y -introduisait une solution isotonique de chlorure - sodique, celle-ci y reslait indéfiniment, sans aug- - ménler ni diminuer de volume. Il suffisait pour -provoquer un débul d'absorption d’une pression de 0,5 centimètres d’eau salée. La conclusion de tous ces travaux, confirmés et étendus dans de nombreuses recherches récentes, - est nette : il est légitime de dire actuellement que l'absorption des crislalloïdes dans les cavités intes- tinale et cœclomique peut être expliquée dans ous ses détails par la seule mise en œuvre de fac- teurs physiques, sans intervention d’une action vitale quelconque des parois de ces cavités. L'étude de l'absorption des graisses a pris dans ces dernières années une impulsion nouvelle. C'est . cependant une opinion encore classique aujour- d'hui que les graisses sont absorbées à l'état d’émul- sion. Ce genre de pénétration d'une substance dans . l'épithélium intestinal ne se conçoit pas, si l'on n’admet une intervention active des cellules de l'épithélium. En effet, il résulte des recherches de lous les auteurs qui se sont occupés de la question, que la paroi intestinale est absolument imperméa- ble à toutes les substances finement pulvérulentes, telles que carmin, lycopode, encre de Chine, qu'on introduit dans l'intestin, en suspension dans un liquide. Si donc exception est faite pour les gouttelettes d'une émulsion graisseuse, ce doit ètre par suite d'un pouvoir électif des cellules de la muqueuse intestinale. On a voulu faire jouer aux leucocytes le rôle d'agents préhenseurs des goutte- lettes graisseuses. Mais il est prouvé aujourd'hui que la plus grande partie, sinon la totalité de la graisse absorbée, passe par les cellules épithé- liales. Dans ces dernières années, plusieurs travaux ont paru, dont les résultats plaident en faveur d'une tout autre conceplion du mécanisme d'absorption Rockwood, ont montré la possibilité et même la probabilité d'une absorption totale des graisses à l'état dissous, après saponification complète préalable. En raison du caractère particulier du sujet et de la copieuse littérature qu'il com- . porte, il est impossible d'entrer ici dans les détails . du débat, qui se continue d’ailleurs, très animé, entre les défenseurs de l’une et de l’autre théorie. Dans deux articles très documentés, Pflüger . vient d'en résumer les données, et conclut catégo- D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE . des graisses, et deux auteurs anglais, Moore et 531 riquement en faveur d'une absorplion exclusive des corps gras à l’état dissous". Lesalbuminoïdes aussi traversent la paroi intesli- nale à l’état dissous et bien que l'intestin ne ren- ferme, à chaque instant de la digestion, que de fai- bles quantités de peplones, la quantité de celles-ei dépasse toujours notablement celle des albu- minoides simplement (Schmidt -Mühl- heim)?. Et comme, d'autre part, les peplones sont absorbées beaucoup plus rapidement par l'intestin que les albuminoïdes solubles (Friedländer)*, il faut bien admettre que de loin la majeure partie, sinon la totalité des substances protéiques ingérées sont peplonisées dans le cours de la digestion nor- male avant de pénétrer dansla muqueuse digestive, S'il en est ainsi, il suffit, pour produire l'absorp- tion des graisses el des albuminoïdes, des simples lois de la diffusion; et il n'est nul besoin pour l'expliquer de supposer que les cellules vivantes qui forment l'épithélium déploient une activité vitale quelconque qui les rendrait momentanément plus spécialement perméables à telle substances plutôt qu'à telle autre. Seulement, à peine absorbées, tantgraisses (acides gras ou savons) que peptones, subissent de profondes modifications: les premières sont transformées en glycérides, les secondes en albuminoïdes plus complexes. Cette élaboration est, quant à elle, conséquence d’ane action vitale, et l’on peut concevoir qu'elle a sur l'absorplion des.graisses et des albuminoïdes une influence indirecte, mais de haule importance. En effet, les substances absorbées étant transformées, gräce à elle, à mesure de leur pénétration, leur concentration doit rester très basse dans l'intérieur des cellules de la muqueuse; l'équilibre de teneur n'est donc jamais atteint entre le contenu de l'intestin et le contenu des cellules, et la diffusion se poursuit jusqu'à épuisement complet du liquide intestinal. f C'estpar un mécanisme analogue quePfeffer‘expli- quele pouvoir que possèdent certaines cellules végé- tales vivantes d'emmagasiner de grandes quantités de substances colorantes. Ainsi les cellules épider- miques des racines de Zemna minor absorbent le bleu de méthylène d'une solution aqueuse à 0,001 °/, avec une énergie telle qu'après 1 à 3 heures la concentration de la solution intra-cellulaire est de 1 ?/,. Il existe à l'intérieur de la cellule vé- dissous catégorie de 1 Priucer : Ueber die Gesundheïitschädigungen welche durch den Genuss von Pferdefleisch verursacht werden. LXXX, 1900. Lehre von der LXXXI, Archiv fur die gesammte Physiologie, t. In. : Der gegenwärtige Zustand der Verdauung und Resorption der Fette. /bidem. t. 1900. ? Scuwror-Muucuein : Verdauung der Eiweisskorper. Ar- chiv für Anatomie und Physiologie, 1879. 3 FriepLanDer : Zeitschrift fur Biologie, t. XXXII. 5 Prerrer : lflauzenphysiologre. D38 gétale des substances telles que des tannins, de la phloroglucine ou d'autres composés inconnus, for- mant avec la matière colorante des combinaisons solubles ou insolubles, pour lesquelles la mem- brane cellulaire est imperméable. Cette formation incessante aux dépens de la matière colorante de composés non diffusibles équivaut, au point de vue osmotique, à une destruction de celle-ci, et, tant qu'elle se produira dans la cellule, il y entrera de nouvelles quantités du colorant. ; C'est l’analogue complet de la fixation extrême- ment rapide de l'anhydride carbonique d’une atmos- phère confinée par un bälon d'hydrate de polas- sium, que l’on y introduit. Cette combinaison (dont la nature intime peut être variable d'un cas à l’autre) d'un élément pénétrant la cellule avec cer- tains constituants de celle-ci, dont le produit est une substance non diffusible, joue probablement un grand rôle dans les processus de nutrition de la cellule, en ce qu'il permet à celle-ci d'accumuler dans son intérieur de grandes réserves nutritives non diffusibles, sans grande augmentation de sa tension osmotique. On voit immédiatement l'uti- lité d'un mécanisme de ce genre, non seulement au point de vue de la fixation, mais encore de la con- servation à l'intérieur de certains tissus des divers matériaux d'épargne : albuminoïdes complexes peu ou pas diffusibles, formés aux dépens des peptones; graisses insolubles dans l'eau (par conséquent sans action osmotique), aux dépens de savons solubles et de glycérine; glycogène de tension osmotique faible et peu ou pas diffusible, aux dépens des sucres. IT. — SÉCRÉTIONS GLANDULAIRES. Jusqu'ici la vie ne s’estmanifestée dansla produc- Lion des faits d’osmose que suivant des modes sim- ples : soitenélablissant dansuntissu vivantdes con- ditions de perméabilité constantes, permanentes, mais différentes de celles du même tissu mort ou malade (endothélium vasculaire), soit en augmen- tant par désintégration moléculaire la tension osmotique d'un milieu, soit en facilitant dans une mesure très grande les échanges osmotiques de cerlains composés par la production à leurs dépens de substances peu où pas diffusibles. Mais il existe dans l'organisme une série de liquides dont les valeurs osmotiques sont en dé- saccord complet avecles lois de l’osmose (telle que celle-ci se passe au travers de cloisons inertes, à propriétés invariables) : ce sont les liquides glan- dulaires. Ce fut Dreser ‘qui, le premier, étudia, au moyen de ! Dreser : Ueber Diurese und ihre Beeinflüssung durch phar- makologische Mittel. Archiv für experimentelle Pathologie uad Pharmakologie, 1891, € XXIX, p. 303. D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE la cryoscopie, la concentration moléculaire de diverses sécrétions et humeurs organiques. Dreser constata que, tandis que la bile, le lait, l'humeur aqueuse présentaient des valeurs s’écartant très peu ou pas du tout de celle du sérum, il en était tout autrement pour l'urine. C'est ainsi qu'un chat, privé d’eau pendant plusieurs jours, émeltait une urine dont le point de congélation était A — — 49,79, alors que son sérum se congelait à — 0°,66, ce qui » faisait une concentration moléculaire 7 fois plus forte dans l'urine. Au contraire, après l'administra- tion de diurétiques ou à la suite de libations copieu- ses, l'urine peut devenir très diluée et son point de congélation remonter à A——0°,33. Dans d'autres liquides de sécrétion aussi, tels que la sueur, la salive, la teneur en sels peut être très faible et le point de congélalion posséder des valeurs correspondantes. C'est ainsi que, dans un travail qui vient de paraitre, Ardin-Delteil ! cite comme valeurs du point de congélalion de la sueur de l'homme sain des chiffres variant entre A—0°,08 et A —0°,46. J'ai trouvé ? pour la salive tympanique du chien des valeurs très voisines (A = — 0°,193 à A — — 0396). Il faut nécessairement admettre ici une inter- vention active du protoplasme cellulaire qui, par un mécanisme encore inconnu, parvient à enlever au plasma sanguin, solution saline, les éléments d'une autre solution, où les rapports entre l’eau et les sels sont changés, opérant ainsi une sorle de distillation incomplète de l’eau du plasma : un vé- ritable travail, dont on peut établir la valeur en kilogrammètres. Et, sous ce rapport, il est intéres- sant d'ajouter que, d’après d'anciennes observa- tions de Heidenhain, confirmées d’ailleurs par tous ceux qui se sont occupés de la question, la salive sous-maxillaire est d'autant plus concentrée en sels qu'elle coule plus rapidement. C'est-à-dire que la glande sous-maxillaire, excitée fortement, n'opère plus aussi complètement la séparation entre l’eau et les sels du plasma. De ce fait, la dépense d'énergie est moindre; seulement la quan- tilé de salive sécrélée étant beaucoup plus consi- dérable, Le travail total est néanmoins supérieur à celui qui est nécessaire pour sécréter, dans le même temps, une salive plus diluée, mais beau- coup moins abondante. Dans les reins aussi, il y à travail fourni, que l'urine soit plus diluée que le plasma du sang ou qu'elle présente une concen- tralion plus forte. À ce sujel, tous les physiolo- gistes sont actuellement d'accord; mais, où les opi- AnniN-DELtEIL : Cryoscopie de la sueur de l'homme sain. C. R. de l'Académie des Sciences de Paris, novembre 1900. ? P. Norr : La pression osmotique de la salive sous-maxil- laire du chien. Bulletin de l'Acad.royale de Belgique(Sciences), 1900, p. 960. D'° P. NOLF — LA PRESSION mions diffèrent, c'est sur le point de savoir dans quelle partie du rein s’effectue ce travail. La glande rénale occupe une situation unique parmi les appareils sécréteurs, par le fait que ses tubes, au lieu de finir simplement en cul-de-sac, offrent à leur extrémité aveugle un amincissement “de leur paroi, qui s'applique directement sur une houppe vasculaire, formant ce qu’on appelle le f#lomérule. Au niveau du glomérule, le sang est séparé de l'urine par un endothélium très mince, “doublé d'un épithélium tout aussi mince. Partout “ailleurs, la cloison de séparation est plus épaisse. De plus, les dispositions vasculaires du glomérule “ont extrêmement favorables à une filtration abon- dante et facile des éléments cristalloïdes et de l'eau du plasma sanguin. Le vaisseau afférent, très court, de la houppe vasculaire se détache directe- ment des premières ramifications de l'artère ré- male, ce qui permet de supposer que la pression artérielle y est encore très élévée, d'autant plus que le vaisseau efférent est d'un calibre moindre -que l'artère afférente. _ Ludwig admettait que, grâce à cette pression élevée, se produit dans le glomérule une filtra- tion de l'eau et des cristalloïdes du plasma sanguin, et que le liquide ainsi formé, en circulant au tra- » vers des tubes rénaux, y subit une concentration : par suite de la résorption d’une partie de l'eau - filtrée. Cette concentration transformerait le liquide filtré au point d'en faire l’urine définitive. La con + centration dans les tubes rénaux était supposée s'effectuer par suite d'échanges osmotiques avec la lymphe concentrée qui les entoure. _ Ainsi concue, l'hypothèse de Ludwig n'est plus soutenable, depuis que des recherches précises ont . déterminé l'écart, parfois extrêmement considé- rable, pouvant exister entre la tension osmotique ‘du sang, peu différente de celle de la lymphe, et la tension de l'urine. Pour mettre la théorie de Ludwig en accord avec les faits actuellement connus, il faut admettre que le liquide filtré dans le glomérule, liquide a/calin contenant en dissolu- tion tous les éléments cristalloïdes du plasma san- guin, estmodifié, non pas grâce à de simples phé- nomènes osmotiques, mais par l'absorption active _ d’une bonne partie de son eau et de ses éléments . salins (Starling), cette absorption étant due à l'inter- . vention des cellules épithéliales bordant les canali- cules rénaux. Dans cette idée, l'activité spécifique -du rein serait donc, non pas une sécrétion, mais une absorption Au contraire, la théorie de Bowmann, déve- loppée par Heidenhain, suppose une sécrétion ac- tive de l’eau et des sels de l'urine par le glomérule, avec sécrétion également active des constituants _Spécifiques de l'urine, urée, acide urique, elc., et OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 539 d'une certaine quantité d’eau par les cellules des canalicules rénaux. Examinons rapidement à la lumière de ces deux hypothèses les principaux résultats de l’expérience. On sait depuis longtemps que la rapidité d’ex- crétion de l'urine croit avec la valeur de la pres- sion aortique, et que, lorsque celle-ci tombe au- dessous d’une certaine limite (30 — 40 millimètres de mercure),- quelle que soit d'ailleurs la cause de cette chûte, il se produit un arrêt complet de la sécrétion urinaire. D'autre part, il est établi d'une façon tout aussi assurée que la ligature de la veine rénale produit également un arrêt immédiat de l'écoulement de l'urine. Heidenhain explique ces faits en disant que ce qui importe au bon fonctionnement du glomérule, ce n'est pas la pression du sang, mais sa rapidité d'écoulement au travers des vaisseaux gloméru- laires. La chûte de pression artérielle et la ligalure des veines arrêteraient toute sécrétion en dimi- nuant notablement cette vitesse ou en la rendant nulle. L'explication est ingénieuse, surtout en ce qui concerne la seconde constalalion,; on se rend plus difficilement compte par elle de l'influence si considérable de la pression artérielle. Car les cons- tatations faites au sujet des glandes salivaires, dont l’activité nettement sécrétoire a élé mise hors conteste par Ludwig lui-même, montrent une in- dépendance beaucoup plus complète entre le phé- nomène de la salivation et la pression sanguine, le premier pouvant encore s'effectuer en l'absence de toute pression dans les vaisseaux. Au contraire, celte influence prépondérante de la pression artérielle est tout expliquée dans Ia théorie de Ludwig, dont elle constitue la base. L'effet de la ligature des veines, au contraire, est à première vue en opposilion formelle avec cette hypothèse. Mais des expériences ingénieuses de Ludwig et de M. Hermann ont montré que l'arrêt de l'écoulement urinaire, observé dans ces condi- tions, pouvait se comprendre par la dilatation des capillaires veineux (qui forment autour des tubes urinaires un lacis très riche), dilatalion dont la conséquence est la compression et l’oblitération des voies glandulaires. C'est ainsi que, de même que la stase veineuse influence l'écoulement de l'urine, de même la stase urinaire influence l'écou- lement veineux. Si l'on détermine d'une façon concomitante la pression aorlique et la pression à l’intérieur du bassinet, après ligature de l'uretère, ainsi que le firent plusieurs auteurs, et dernièrement encore Starling', on trouve qu'il existe entre les déux va- 1 E.-N. SrarcinG : The glomerular Functions of the Kid- ney, Journalof Physiology, t, XXIV, p. 316, 1899. 940 leurs, quelle que soit leur grandeur absolue, une différence constante, qui est de 40 à 50 milli- mètres de mercure (sensiblement égale, par con- séquent, à la pression artérielle minima, permet- tant encore un écoulement urinaire). Fait très important, comme on le conçoit facilement, et tout en faveur de l'hypothèse d'une filtration dans le glomérule. Pour l'expliquer, Heïdenhain est forcé d'admettre que, dans ces conditions, il n'y a pas arrêt de sécrétion au niveau des glomérules. Celle- ci persiste. Mais l'urine, accumulée dans les canali- cules sous une pression pouvant être élevée (jus- qu'à 95 milligrammes de mercure, dans une expé- rience de Starling), fl{rerait au travers de leur paroi, avec une vitesse précisément égale à celle de la sécrétion dans les glomérules. Le raisonne- ment est étonnant de la part d’un adversaire aussi résolu des processus de filtration dans l'organisme. Voilà done Heidenhain forcé, pour justifier sa con- ception de l'activité sécrétoire du glomérule, d’ad- meltre qu'il se produit, au travers des cellules épaisses bordant Les canalicules, une filtration dont il ne veut à aucun prix, quand il s'agit de l’épithé- lium mince du glomérule, alors que /a pression lilérante y est plus énergique et que toutes les dis- positions anatomiques y sont réunies pour la faci- liter. Un moyen simple pour augmenter la pression capillaire (et non la pression artérielle) dans les organes abdominaux, c'est, ainsi qu'on à pu le voir déjà, l'injection des lymphagogues de deu- xième classe, des substances cristalloïdes. Or, ces agents sont connus depuis longtemps comme de puissants diurétiques. Il a déjà été dit que leur pouvoir diurétique a été trouvé proportionnel à leur valeur osmotique par von Limbeck*, constata- tion confirmée récemment par Münzer* pour diffé- rents sels sodiques, et par Hedon et Arrous*° pour les sucres. Comme il a élé dit au sujet de l’action lympha- .gogue de ces substances, c'est aux changements mécaniques de la circulation capillaire, qui se pro- duisent dans toute pléthore hydrémique, qu'il faut attribuer, en partie du moins, leur influence sur la rapidité d'écoulement de l'urine. Mais ül y a lieu aussi de tenir compte de la dilution du sang et de la diminution de sa tension osmotique effective 1 Vox Limeecx : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Ar- chiv fur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, t. XXV, p. 69, 1889. ? Muxzer : Zur Lehre von der Wirkung der Salze. Zhidem, t. XLI, p. T4, 1898. * H£pox et Arnous : Sur les effets cardio-vasculaires des injections intra-veineuses des sucres. C R. Soc. de Biologie, 1899, p. 642. In. 1n. : Des relations existant entre les actions diurétiques et les propriétés osmotiques des sucres, C. R. Ac. Sciences, t. CXXIX, p. 118, 1899. D' P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE (due aux colloïdes du sang); et cela d'autant plu que la surface glomérulaire peut-être considérée comme étant totalement ou presque totalement imperméable aux albuminoïdes du plasma. À cé point de vue, il est frappant, comme le fait res= sortir Slarling, que la pression osmotique de albuminoïdes du plasma est précisément égale à I valeur minima de la pression aortique permettan encore une sécrétion rénale. Il y a lieu également de renvoyer ici à ce qui & été dit plus haut, concernant les injections intra veineuses des colloïdes, dont l'influence sur le rein est semblable à leur action sur l'écoulement dé la lymphe thoracique. Envisagées au point de vue osmolique, les propriétés diurétiques des cristal= loïdes deviennent donc d’une lumineuse simplicité: Mais, dans des processus aussi complexes que les secrétions glandulaires, il est prudent de ne pas généraliser trop tôt. | Aux facteurs principaux, délerminant un phéno- mène, sadjoignent souvent toute une série de causes secondaires, dont il faut tenir compte. C'est ainsi que, d'après Starling lui-même, il y a, dans la diurèse produite par les injections sucrées, autre chose que les actions exposées plus haut, et cette autre chose c'est une vaso-dilatation rénale causée directement par l’action du sucre sur les vaisseaux du rein. | Dans deux travaux récents sur la diurèse saline: ‘(après injection de NaCl et Na SO‘), Magnus * arrive à des conclusions peu en accord avec ce qui précède. Ce qui importe, suivant Magnus, au point de vue de l'accélération du cours de l'urine, ce n’est pas le changement apporté par la pléthore hydré- mique dans la pression capillaire, mais bien la dilution du sang. La vaso-dilatation rénale ne, jouerait également aucun rôle important. Mais là dilution du sang elle-même ne rend pas compte de tous les faits. C’est ainsi que des solutions de sulfate et de chlorure sodiques âe concentrations telles que la dilulion du sang qu'elles provoquent soit la même, ont cependant un pouvoir diurétique diffé- rent, le sulfate sodique se montrant plus actif que le chlorure. Au point de vue de leur élimination aussi, il existe des différences : le sulfate sodique passe en plus grande abondance dans les urines. Dans une diurèse provoquée par le sulfate sodique, Magnus constate que l'urine obtenue ne contient que 0,05 °/, de NaCI, alors que le sérum en contient 0,60°/,. Ce résulat et d'autres amènent Magnus à considérer le rein comme un appareil extrêmement ! Maënus : Veränderung der Blutzusammensetzung nach Kochsalzinfusion. Archiv {ur experimentelle Pathologie und Pharmakologie, t. XLIV, p. 68,1900. Ib. : Vergleich der diuretischen Wirksamkeit isotonischer Salzlüsungen. Zbidem, p. 396, 1900. Sensible à la teneur du sang en eau etJen sels, féagissant vis-à-vis des différences faibles des Sonstituants normaux ou anormaux du plasma, et éagissant de manière à rétablir l'équilibre rompu. … Dans la pléthore hydrémique causée par l'injec- lion de Na°S0*, il y a diminution de la proportion de chlorure sodique dans la masse sanguine aug- mentée et diluée par l'eau des lissus. Le rein en a pour ainsi dire conscience et retient le chlorure sodique du plasma tout en laissant passer le sulfate. Magnus trouve ces faits peu conciliables avec la théorie de Ludwig. Il suffit pourtant, pour les met- tre d'accord, d'admettre que les canalicules rénaux ont la propriété d'absorber non seulement de l’eau ais encore du sels. On arrive d'ailleurs à celte conclusion par différentes voies. C'est ainsi qu'il est impossible de comprendre autrement, à la lumière de la théorie de Ludwig, la formalion d'urines extrèémement diluées, telles que celles examinées par Dreser (voir plus haut). D'au- tre part, von Koranyi a démontré que, si l'on dilue les urines de viogt-quatre heures, de façon à leur donner une tension osmotique absolue égale à celle du plasma, la leneur en chlorure sodique du liquide ainsi obtenu est de beaucoup inférieure à - celle du plasma. - Cet auteur admet que le liquide filtré au travers - du glomérule abandonne aux cellules des canali- - cules une partie de son chlorure sodique, qui serail remplacé par une quantité osmotiquement équivalente des autres constituants urinaires. - Plus l'urine s'écoulerait lentement au travers des conduits sécréteurs rénaux, plus elle serait riche en urée et pauvre en chlorure sodique. Ainsi s'expliquerait la constatation de Ludwig . que le liquide recueilli dans un bassinet dont l’urétère avait été lié élait très riche en urée et ne contenait plus que des traces de chlorure so- | dique. LR LT L'auteur a examiné, à ce point de vue, un grand nombre d'urines pathologiques et il est arrivé à des conclusions intéressantes, reprises el étendues . par plusieurs cliniciens français. . Très intéressantes sont encore les observalions . de von Koranyi sur les urines du célèbre jeûneur Succi. Au sixième jour de jeûne, Succi émettait | des urines extrêmement concentrées (moyenne de » A—— 8,15), dont la teneur en chlorure sodique _ était très faible (0,26 °/.). Ces différentes consta- | lalions s'expliquent parfaitement en admettant que . le rein est extrêmement sensible à de légères > différences dans la teneur du sang en chlorure | sodique, et l'organe rénal nous apparait ici comme | le véritable régulateur de cette teneur, constante à l’état normal; si cette idée est exacte, il faut | s'attendre à voir diminuer la quantité de chlorure D' P. NOLE — LA PRESSION | OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE 41 sodique dans les urines chaque fois que, pour un motif ou l’autre, il y a tendance à la baisse dans la richesse du plasma en sel marin: baisse pouvant être due à un apport insuffisant ou nul de ce sel (inanition), où à un état de pléthore hydrémique ausé par un agent autre que le chlorure sodique (expérience de Magnus avec le sulfate sodique). On peut se demander si cette action régulatrice du rein s'effectue par sécrétion, au niveau du glo- mérule, d'un liquide plus pauvre en sel marin que le plasma sanguin, ou si elle consiste en la réab- sorption, par le canalicule rénal, d'une partie du sel marin éliminé par le glomérule. La constatation précitée de Ludwig plaide en faveur de la seconde hypothèse. Cette action régulatrice de l'organe rénal sur la composition du sang est très impor- tante, en ce qu'elle touche à une question très intéressante, la constance osmotique du plasma (ou du sérum) des Vertébrés supérieurs. Chez les Invertébrés marins, le milieu intérieur est, d'après les recherches de Fredericq* Botazzi”, en équilibre osmotique complet avec l’eau de mer qui les environne*. Parmi les Poissons, les Sélaciens présentent encore la même dépendance de la valeur osmotique lotale de leurs humeurs vis-à-vis du milieu ambiant. Mais cette valeur totale ne corres- pond plus à une teneur saline égale le sang étant beaucoup moins riche en sels que l'eau de mer (Fre- dericq*);déjàlesTéléostéens marinsontun sang beau- coup moins concentré. Leurs congénères d'eau douce ont encore diminué la valeur osmotique de leur plasma, dont le point de congélation ne diffère pas sensiblement de celui des Amphibiens et des Vertébrés supérieurs. Mais, de parleur vie dans une eau très pauvre en principes salins, Téléostéens d’eau douce et Amphibiens ont à se préserver non plus d'un excès, mais d'un manque de sel. Absor- bant l'eau douce par les aliments avalés et par la surface cutanée et respiraloire (absorption peut- : être très faible, mais continue), n'absorbant certai- nement pas la quantité équivalente de sel marin, ces animaux son! done forcés d'éliminer plus d'eau que de sel pour garder intacte la tension osmo- tique de leur milieu intérieur. C'est ce qu'effectue leur rein. Dreser a trouvé que le point de congé- lation de l'urine de grenouilles était A = — 0°,24. 1 FrevericQ : Influence du milieu ambiant sur la compo- sition du sang des animaux aquatiques. Archives de Zoolo- gie expérimentale, 2e série, t. I, p. 34, 1885. 2 Borazz : La pression osmotique du saug des animaux inarins. Archives italiennes de Biologie, t. XXVIIT, p. 61, 1892. ' 3 Ronier : Observations et expériences comparatives sur l'eau de mer, le sang et les liquides internes des animaux marins. Travaux du Lahoratoire de la Station zo0l. d'Ar- cachon, 1899. “ Frenekxico : Sur la perméabilité de la membrane bran- chiale. Bull. Acad. Sciences de Belgique, p. 68, 1901. 542 Avec la vie aérienne surgissent de nouvelles com- plications. Ici le danger devient double par le fait de grandes pertes d’eau s’effectuant par la peau et les poumons; la nécessité d’une seconde régu- lation se fait sentir et le rein s'en charge encore, l'effectuant d'une facon d'autant plus complète que le besoin en est plus grand. Oiseaux et Reptiles exerètent une urine presque solide. Les Mammi- fères règlent la concentration de leur urine suivant les apports de boisson. d Mais à ces facleurs d'origine extérieure, s'ajou- tent les effets de la désintégration des tissus. Incessamment se produisent des scissions et des combustions dont le résultat est une augmentation de la valeur osmotique de la lymphe et du sang veineux. L'acide carbonique en est le facteur dominant. Sa nature gazeuse rend facile son éli- mination au niveau du poumon, qui apparait ainsi comme organe de régulation de la constance osmo- tique du plasma (von Koranyi). Quant aux produits azolés de la désassimilation, s'ils sont en moindre quantité que l'acide carbonique, ils présentent l'inconvénient de n'être point volatils et s'accu- muleraient fatalement dans le sang, si un organe spécial, le rein, ne se chargeait de leur élimination. Von Koranyi, ayant enlevéles deux reins à un lapin, ‘vit le point de congélation du sérum sanguin de cet animal tomber de A — — (°,56 à À = — 0°,61 en 3 heures, à A — —(°,73 en 7 heures. Au cours de cet exposé, il a donc été fourni des arguments en faveur d'une régulation de la tension osmotique du plasma sanguin par le rein, dont l'activilé serait mise en jeu par des variations de la quantité d’eau, de sels solubles et de prin- cipes cristalloïdes provenant de la désassimilation des albuminoïdes. Ne sont-ce pas là des arguments suffisants pour localiser dans cet organe sinon exclusivement, du moins principalement le siège des forces myslérieuses qui règlent la belle constance osmotique du milieu intérieur des Ver- ltébrés? Plusieurs auteurs ont déjà insisté sur l'importance de cette invariabilité osmotique du milieu intérieur et lui ont attribué des causes dif- férentes. Ce fut d’abord Hamburger’ qui l'attribua à l'intervention active de l’endothélium vasculaire. Puis Winter”, qui insista particulièrement sur la si- gnification générale de la constance osmotique de la plupart des humeurs organiques et attira l’attention sur le rôle important du chlorure sodique dans l'équilibration osmotique. D'après Winter, la plus ou ! HamsurGer : Ueber die Regelung des Blutbestandtheile, Zeitschrift lür Biologie, t. XXNIX, p. 259, 1890. 2 Winrer : De la concentration moléculaire des liquides de l'organisme, Archives de Physiologie normale et patho- logique, 2 série, t. VIII, p. 114, 1896, De l'équilibre molécu- laire des humeurs. Rôles des chlorures. Zhidem, p. 281. D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE moins grande dissociation électrolytique de ce se pourrait servir d’élément régulateur de cette valeur Enfin Fano et Bottazzi' croient pouvoir dérive” l'uniformité du niveau osmotique sanguin de l’exis: tence, dans les lissus et les liquides de l'organisme de combinaisons instables entre le chlorure sodiquem et les albuminoïdes cellulaires et humoraux, com= binaisons qui céderaient aux liquides ambiants du sel marin dès que la tension de ce dernier tom-= berait au-dessous d’une certaine limite, etle repren draient dans les conditions inverses. Cette opinion toute théorique a été infirmée (du moins en ce qui concerne une union possible entre chlorure sodique et ovalbumine) par un travail dem Bugarszky et Liebermann ?. 1 I faut également remarquer ici que si, chez une même espèce animale, il règne une certaine cons tance osmolique du plasma sanguin, et que les valeurs de celte constante varient peu d'un mam- mifère à l’autre, l'étendue de ces variations esk cependant beaucoup plus considérable que nem l'avait indiqué Winter. Un travail récent de Tangl et Bugarszky* fournit à ce sujet des détails très intéressants. Mais, si nous laissons celte curieuse question de la constance osmotique du milieu intérieur des Ver- tébrés supérieurs pour en revenir au mécanisme de la sécrélion rénale, nous sommes obligés de recon-« maitre qu'il est impossible de déduire des expé-« riences citées plus haut une cerlitude quelconque concernant le mode d'activité de l'organe rénal. Heidenhain avait attaché beaucoup d'importance à l’étude de l'éliminalion de diverses matières colorantes par lies reins en vue de l'établissement de sa doctrine. Suivant lui, le mode d'élimination de l'indigosulfate de soude prouve, à n'en pas dou- | ter, la nature sécrétoire de l'épithélium des cana- licules contournés. Des recherches ultérieures d'autres savants ont confirmé le résultat des expé- riences d'Heidenhain sur ce point, comme d'ailleurs sur tous ceux dont s'est occupé l'éminent physio- logiste. Mais, si les faits étaient exacts, leur inter prétation était plus problémalique, et von Sobie- ransky * a montré qu'il était au moins aussi facile de les comprendre avec la théorie de Ludwig. Quant à la présence d'urates dans les cellules des canalicules contournés du rein des Oiseaux, cons- talée par von Witlich, quant aux expériences de ! Faxo et Borrazz : Travaux du laboratoire de Physio= logie de Florence, 1896. = Buoanszky et Liësermanx : Ueber das Bindungsvermügen siweissartiger Kürper, Archiv für die gesammte Physio= logie, t. LXXIT, p. 51, 1898. ; 3 Bucanszky et TaxGL : Moleculäre Concentrations-Verhält- nisse des Blutserums, Archiv für die gesammte Physiolo= gie, t. LXXII, p. 531, 1898. # Von SomieranskY : Ueber die Nierenfunction. Archiv für exp. Pathologie und Pharmakologie, t. XXXV, p.144, 18954 ni x ER À F, NE ve D: P. NOLF — LA PRESSION OSMOTIQUE EN PHYSIOLOGIE b] E Ce tes respectivement par Bial! et par Adami* dans laboratoire de Heidenhain lui-même, qu'il faut énoncer à leur attribuer une valeur démonstralive e l'hypothèse de Bowmann: Dreser * a démontré, des essais avec la fuchine acide chez la gre- ouille, que les glomérules sécrètent un liquide calin qui ne devient acide que dans les canali- ules. Chez les Mammifères carnivores, les urines ünthabituellement d'autantplus acides qu'ellessont “lus concentrées, et, sous l'influence d’une diurèse nergique, l'urine peut devenir alcaline en mème émps qu'elle se dilue. Il est donc très probable que, hez eux aussi, l'urine glomérulaire primitivement caline ne devient acide que dans les canalicules. lais qui nous dira si cette acidité est due à la sécrélion des sels acides plutôt qu'à la résorption le sels alcalins ? » Aucune de ces recherches n’est donc en état de résoudre la question de savoir si le rein est une lande suivant l'opinion de Bowmann-Heidenhain, )u s'il faut comprendre son activilé comme étant “une filtration, compliquée de la résorption ultérieure active d'une partie des éléments filtrés. Il est en fout cas bien certain que, dans l’une ou l'autre “alternative, il faut l'intervention active des cellules des canalicules rénaux tout au moins. Ainsi mo- difiée, la théorie de Ludwig semble rendre compte au moins aussi facilement et avec moins d'hypo- hèses que celle de Bowmann de la plupart des expériences, et elle lui est manifestement supé- heure dans l'explication de certaines d'entre elles. III. — INFLUENCE DE LA CONCENTRATION SALINE SUR DIVERSES CELLULES. Avant de terminer cetterevue troplongue des tra- aux faits dans divers domaines de la Physiologie r l'influence possible de la pression osmolique sur es phénomènes vivants, il sera permis de rappeler que, même avant les travaux de Hamburger, il avait éLé fait par Nasse différents essais sur l’action de concentration saline sur les muscles de gre- nouille. Nasse *, ayant cherché pour différents sels de potassium et de sodium quelles étaient les foncentrations des solutions dans lesquelles les 1 Bra : Ein Beitrag zur Physiologie der Niere, Ayrchiv im die gesammte Physiologie, t. XLVIT, p. 116, 1590. 2 Apaui: Nature of glomerular activity, Journal of Phy- Siology, t. VI, p. 382. - 5 Dreser : Histochemisches zur Nierenphysiologie, Zeits- hrift für Biologie, t. XXI, p. 41, 1855. Nasse: Archiv für die gesammte Physiologie, t. U, >: 114, 1869. muscles de grenouille conservent le plus longtemps leur contractilité, trouva 1° que ces solutions étaient équimoléculaires entre elles; 2° que leur teneur était légèrement supérieure à une solution déci-normale, c'est-à-dire à une teneur de 0,6 °/, de sel marin. Hambuger obtint depuis, comme on le sait, une valeur rapprochée pour la tension osmo- tique du sérum de grenouille. Les observations de Nasse, parues en 1869, étaient, comme on le voit, en plein accord avec la théorie osmotique, dont elles furent une confirmation avant la lettre. J. Loeb'a repris récemment les expériences de Nasse et les a développées considérablement. Ses conclusions sont également en accord avec l'idée que, pour la cellule musculaire comme pour toute vivante, les condilions créées par les propriétés osmo- tiques de la paroi cellulaire sont primordiales au point de vue de la conservalion de la vie. Le même auteur” étudia l'influence des mèmes facteurs sur le développement des œufs d’Arbacia (Échinoderme), et, comme on le sait, il est arrivé à produire le développement (incomplet) d'œufs non fécondés, en les plongeant pendant un certain temps dans des solutions plus concentrées que l'eau de mer. Dans son dernier travail, il attribue à leur seule concentration osmotique élevée, sans intervention chimique, spécifique des solutions, leur pouvoir stimulant sur la division cellulaire. Ces recherches sont l'application directe à la cellule des méthodes employées jusqu'ici, en Physiologie animale, à l'examen des propriétés osmotiques des tissus. Nul doute que, pour la cellule comme pour les tissus, les résultats futurs seront brillants. L'étude de l'influence des solutions salines sur les cellules végétales (microbiennes et autres), mon- trant l'influence des concentrations sur les phéno- mènes de division, de mobilité (Wladimirofl), ren- dant comple de la toxicilé par les propriétés des ions (Krænig et Paul), en est un sûr garant. C'est, d’ailleurs, le propre des études sur les pro- priétés osmotiques d'un tissu, de constituer avant tout l'examen d'une propriété fondamentale de ce tissu, commune aux cellules qui le caractérisent. Les méthodes employées dans ces recherches sont done des méthodes de Physiologie cellulaire, et c'est ce qui constitue leur inappréciable valeur ?. D: P. Nolf, Assistant à l'Institut de Physiologie de l'Université de Liège. cellule 1 J. Loge : Physiologische Untersuchungen über Ionen- wirkungen, Archiv für die gesammte Physiologie, t. LXIX, p.13; t. LXXI, p: 457, 1898. 2 J. Lors : Further experiments on artificial parthenoge- nesis. American Journal of Physiology, t. IV, p. 419, 1900. # Depuis la rédaction de cet article, terminée en février quelques recherches sur ce sujet, déposant dans le sens déjà indiqué, ont été publiées. 44 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Carvallo(E.), £xaminateur à l Ecole Polytechnique. — Théorie du mouvement du Monocycle et de la Bicyclette. — 1 vol. in-8°. (Extrait du Journal: de l'Ecole Polytechnique, 2° série. 5° et 6° cahiers.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. M. Carvallo vient de consacrer un important Mémoire à l'étude du mouvement des cycles. Voici, d’après une communication présentée par l’auteur lui-même à la Société Mathématique de France, les principaux points qu'il a abordés dans son travail : Le cerceau qui roule est un système à trois degrés de liberté. Les paramètres naturels sont l'angle de chute, l'angle de marche sur le sol et l'angle de con- version autour de la verticale. Les trois équations du mouvement sont obtenues par le théorème des travaux virtuels. Ce sont les équations de chute, de marche et de conversion. Le théorème des forces vives sert de vérification. Les mêmes équations sont, d’ailleurs, obte- nues dans là deuxième partie au moyen des équations de Lagrange, affectées d'une modification nécessaire et qui est expliquée plus loin. Un développement en série permet de déduire des trois équations du mouvement deux relations très im- portantes : une équation d'équilibre et une condition de stabilité de l'équilibre. La condition d'équilibre est une relation entre l'angle de chute, la vitesse de marche et la vitesse de conversion. Elle est établie aussi par un raisonnement direct. Par un raisonnement analogue, on calcule la tendance au dérapage. Une discussion complète des régimes d'équilibre, avec la stabilité et la tendance au dérapage, est résumée dans un graphique. Pour terminer, l'auteur calcule l’action de la baguette sur la conversion du cerceau et explique les effets si différents qu'on oblient en appliquant la baguette à l'arrière ou à l’avant du cerceau. Le monocyele donne lieu à des développements ana- logues. Signalons seulement l'équation de marche, les réflexions qu'elle provoque sur le pédalier de la multi- plication, puis une digression sur certains paradoxes de Mécanique : une expérience sur la bicyelette, et le paradoxe du navire. L'étude de la stabilité provoque aussi des digressions sur la stabilité des appareils rotatifs et sur l’Electrodynamique. Dans la deuxième partie, consacrée à la Areyelette, l'auteur montre qu'on est encore en présence d'un sys- tème à trois degrés de liberté. Les trois paramètres sont l'angle de chute, l'angle de guidon et l'angle de marche de la roue motrice. La complication du pro- blème, quand on tient compte des petits détails du mé- canisme, est telle que la seule géométrie de la bicy- clette exige un chapitre spécial. Il faut une application attentive pour y distinguer des éléments qui paraissent identiques au premier abord. Ainsi, pour la roue motrice, l'angle de roulement sur les tourillons peut différer de l'angle de marche surlesol, à cause de l’abais- sement du cadre produit par la rotation du guidon. On étudie ensuite la cinématique de la bicyclette et l'équi- libre au repos. Cet équilibre est essentiellement instable. Pour les équations dynamiques de la bicyclette, le théorème des travaux virtuels, appliqué sans arlifice, conduit à des calculs si compliqués que lauteur a dû renoncer à les exposer dans son Mémoire. Il s'est alors adressé à la simplification de Lagrange, qui consiste à calculer le travail des forces d'inertie au moyen de la force vive, Son but était de vérifier ses premiers calculs par des calculs moins compliqués et d'arriver à une exposition plus abordable. Il s’est alors aperçu d'une ET INDEX parlicularité importante des équations de Lagrang déjà siynalée antérieurement par M. Hadamard, mais encore peu connue. Voici en quoi elle consiste : Lagrange prend pour paramètres des coordonnée proprement dites, par exemple les trois angles d'Eu dans la rotation d'un solide autour d'un point fi Connaissant les trois angles, on peut placer le solide Les coordonnées d'un quelconque de ses points maté riels sont des fonctions de ces trois paramètres et On peut appliquer à ces fonctions le théorème connu st le changement de l'ordre des dérivations. Les pard mètres naturels du cerceau et de la bicyclette ne sati font pas à la même condition : donnez l'angle de chute l'angle de marche et l'angle du guidon, vous ne pourr® pas dire si la bicyclette, partie de Paris dans une diree tion donnée, est arrivée à Versailles ou à Fontaine bleau. Les coordonnées d’un point de la bicyclette ne peuvent pas s'exprimer en fonclion seulement des trois paramètres; il faudrait, en outre, connaître la loi des variations simultanées des trois paratmètres. Il en ré sulte qu'une des transformations de Lagrange devien impossible. Les équations auxquelles il faut s'arrêter, moins simples que les équations délinitives de Lagrange apportent encore une simplification cons.dérable. M Pour la stabilité, la bicycleite exige aussi une mé thode plus puissante que le cerceau. M. Carvallo a été conduit à définir les régimes d'équilibre et à donnet une méthode générale pour étudier la stabilité de ces régimes. Ces deux méthodes, d'aborl appliquées au cerceau et au monocycle, ont permis d'aborder ensuite l'étude de la bicyclette: équilibre avec les mains, sans les mains, et stabilité de ces équilibres. ; Les résullats sont ceux-ci : Les termes principaux de l'équation d'équilibre sont la pesasteur et la force centrifuge. Celle-ci dépend de l'angle du guidon. Aux vilesses habituelles, elle à une prépondérance considé rable, d'autant plus grande que la marche est plus rapide. Aussi le guidon doit-il être manœuvré avec pré caution et par mouvements insensibles. Mais le corps peut être déplacé sans crainte de chule brusque. Pour le lâche-mains, l’auteur trouve que le seul ré gime d'équilibre est la marche rectiligne si le corp reste droit; une conversion ne peut être obtenue par lé cavalier qu'en portant et maintenant le corps incliné du côté où il veut tourner. Quant à la stabilité, elle n'existe pas si le guidon est fixé; mais l'instabilité est faible, assez pour que le ca valier ait tout le temps de porter le guidon insensible ment à droite et à gauche, de facon à retrouver, par une sorte d'oscillation voulue autour de la position d'équilibre, la stabilité qui n'existe pas en théorie. Dans le làche-mains, les formules donnent deu limites de la vitesse, environ 10 kilomètres et 16 kilo mètres à l'heure. Entre ces deux limites, le régime serait stable; en dehors, il serait instable. Toutefoi l'instabilité du côté de la limite supérieure est très faible; maxima vers 18 kilomètres à l'heure, elle tend vers zéro à mesure que la vitesse augmente. M. Carvallo termine en indiquant une méthode permet d'étudier l'influence du frottement sur la stah lité; il indique qu'il y aurait lieu de l'appliquer à Ja bicyclette et qu'elle augmenterait la stabilité. L'auteu poursuit actuellement cette recherche; elle fait prévoit que le frottement rend stables les régimes qui seraient instables au delà de la limite supérieure (16 kilome} Bien entendu, les évaluations numériques dépendent de la bicyclette considérée, notamment de la place dé l'axe du guidon par rapport au centre de la roue direcs trice et à son point de contact avec le sol. E, AM 2 2° Sciences physiques V. Ostwald, Professeur de Chimie à l'Université de Leipzig. — Die wissenschañftliche Grundlage der analytischen Chemie (Les bases scientifiques de la Chimie analytique). — 1 vol. in-8 de 221 pages. (Prix : 8 fr. 75.) Engelmann, éditeur. Leipzig, 1904. Ainsi que le titre l'indique, l'ouvrage du savant pro- esseur de Leipzig n'est pas un traité de Chimie analy- que, écrit spécialement en vue des praticiens; la partie pliquée est réduite, au contraire, à sa plus simple Kpression. Ce qui le distingue des autres publications sur le “nnème sujet, c'est la première partie, théorique, dans quelle l’auteur s’est efforcé de montrer tout le parti “que les méthodes analytiques peuvent tirer des con- Ceptions modernes de la Chimie physique, telles qu'elles se sont développées dans ces vingt dernières années. » Les opérations générales de la Chimie analytique y Sont expliquées à la lumière de ces théories, et l’auteur fait ressortir, avec une grande évidence, selon nous, leur caractère éminemment utile au point de vue Mtlidactique. On s'en rendra compte en jelant un coup d'œil sur les principales questions traitées dans cette première partie. Après un premier chapitre, relatif aux caractéris- “tiques qui permettent d'identifier les corps, l’auteur aborde, dans les deux chapitres suivants, les diverses méthodes de séparation, basées sur des moyens phy- siques : la filtration, la théorie du lavage des précipités, Pétat colloïdal et les phénomènes de décantalion y sont articulièrement étudiés, ainsi que la distillation et les rocédés de séparation de deux liquides par les moyens d'extraction. ; - Ici encore, la théorie donne une idée très claire des conditions pratiques dans lesquelles ces opérations “doivent être mises en œuvre. …. En ce qui concerne les procédés de séparation chi- mique, qui font l'objet des 1v° et v® chapitres, l'auteur “se place au point de vue général de la théorie moderne “des solutions ; il expose d'une facon élémentaire les principales propriétés des ions, puis les lois des équi- libres chimiques et de la dissociation, spécialement “considérée au point de vue des séparations chimiques; es réactions chimiques elles-mêmes y sont envi- “sagées au point de vue des vitesses de réaction. Dans un paragraphe consacré à la précipitation, auteur étudie spécialement le rôle de la sursaturation, les propriétés du « produit de solubilité », la disso- ution des précipités. Enfin, il indique, d'une facon élémentaire, les données fondamentales sur lesquelles sont basées ujourd'hui les méthodes de séparationélectrochimique. La seconde partie est consacrée à l'étude des prin- cipales réactions qui sont employées dans la Chimie analytique pratique, soit pour séparer les métaux les uns des autres, soit pour les doser. Ici encore l’auteur se place absolument au point de vue des théories mo- dernes, et laisse plus ou moins dans l'ombre tous les développements sur lesquels ces théories ne projettent pas quelque clarté, —… C'est donc cette nouvelle manière d'exposer la Chimie analytique qui donne à cet ouvrage an caractère qui ui est bien particulier. Ajoutons enfin que, dans un supplément d’une visg- taine de pages, qui termine le volume, sont décrites diverses expériences de cours, très faciles à exécuter, qui peuvent servir à illustrer cette manière d'exposer Ja Chimie analytique, telle que la comprend M. Ostwald. Nous ne doutons pas que ce petit ouvrage, qui à déjà été traduit en anglais, en russe et en hongrois, m'intéresse aussi bien vivement les lecteurs de langue française qui suivent les développements actuels de la Chimie physique contemporaine. Puicippe-A. GUYE, Professeur de Chimie à l'Université de Genève. L e i BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 545 3° Sciences naturelles Chevalier (Le R.P. S.) — Atlas du Haut Yang:-tse, de I-Tchang fou à P'ing Chan Hien. 65 feuilles ä44:2.500€, 51 X 40. Zmprimerie de la Presse Orien- tale, à Shang-Hai.— Le Haut Yang-tseen 1897-1898 Voyage et description. — 2 fase. avec croquis et figures, 97 p., 5 appendices. Ibid., 1899. La Navigation à vapeur sur le Haut Yang-tse. — Ibid., 1899. ]Zmprimerie de la Mission Catholique. En vente chez Kelly et Walsh, 18 p. 4 cartes extraites de l'Atlas, 1900 *. . En affrontant les ennuis et les travaux d'une longue navigation en jonque sur un fleuve chinois, le P. Chevalier a simplement entendu servir la Science. L'Observatoire de Zikawei qui concentre et distribue les observations pour l'annonce des lempêtes à Shang-Haï et plusieurs autres ports, souffrait. de l'irrégularité et de l’imprécision des télégrammes météorologiques originaires du Haut Yang-tse. Le P. Chevalier résolut d'entreprendre une tournée d'ins pection des stations el instruments installés par les Douanes Impériales, et de provoquer l'établis sement d'un poste au delà de Tchong King. Du même coup, il importait de déterminer, dans tout le réseau, les coordonnées des points principaux : ce fut l'objectif du voyage, et c'en est un des résultats décisifs. Désormais est fixée la position géographique des villes et escales riveraines du Yang-tse entre Hankeou el Sui-fou * ; météorologistes et cartographes n'ont plus qu'à enre- gistrer les données acquises avec une conscience et une compétence indiscutables *; la carte de l'amirauté an- glaise est caduque *. Le P. Chevalier ne s'est pas borné aux seuls relevés astronomiques ; sa curiosité s'est portéeaussisur l'hydro- graphie. Il accomplit son parcours dans des conditions singulièrement favorables à ce genre d'études; son embarcationu®, qui démarrait d'Ftchang le 5 novem- bre 1897, remonta le Yang-tse pendant l'étiage, à la période où émergent les bancs de sables et de galets. les écueils, où s'accusent toutes les inflexions du rivage, que masque la nappe d'eau gonflée par la crue ; tous les accidents furent relevés à la boussole et notés. A la descente, qui fut inaugurée le 27 janvier 1898, el qui fut effectuée sur la ligne médiane du fleuve, la sonde fut jetée par les deux aides chinois du Père, tandis que celui-ci pointait toutes les variations des mouvements de la barque. Tous ces détails méritaient d'être signalés, car ils garantissent la haute valeur et la sincérité de l'Atlas, véritable guide de la navigation. L'Atlas se compose de 65 feuilles, à l'échelle de vingt-cinq millièmes (1 centimètre pour 250 mètres) la légende est en trois langues : francaise, anglaise, 1 Si l’on embrasse sous le nom conventionnel de Yang-tse tout le système fluvial, on sera fondé à discuter le titre mème : l'appellation de Æaut Yang-tse devrait être appli- quée à la branche maitresse de la région proprement monta- snense, jusqu'à Man-yng-tse (transcription anglaise : Man- i-ssu) terminus de la navigation, à 40 /i en amont de P'ing- Chom ; là commencerait le Moyen Yang-tse jusqu'au seuil du plat pays, à l'issue des gorges (Cf. W. R. Carres : The Yang-tse Chiang, dans la (eogr. Journ., XII, 4898, p. 225- 240 avec carte; C. E. Boni : La navigabilité du Fleuve Bleu, dans la Æev. de Géogr., mars 1901, p. 170-180). 2 C'est le nom abrégé, mais usnel, de Souei-tcheou-fou. 5 Dans les appendices Il et III, voir l'exposé de la mé- thode et des calculs; la position de 13 villes, dont 3 en aval d'l'tchang, a été directement déterminée. 5 Dans une traversée rapide d'I'tchang à Haokeou, le P. Chevalier a constaté qu'il y aurait lieu de rectifier et com- pléter ce document (p.97). Ailleurs, près du Che-cheou-hien, le chenal navigable s'est déplacé et la carte anglaise indui- sait les bateaux à vapeur en un faux chemin (p. 11}. 5 Description de la jonque et de l'appareil de halage (p. 15- A8, Cf. Boni, p. 173). 546 chinoise ‘ — la transcription ou « romanisation » anglaise est par elle-même assez significative, car la carte sera vraisemblablement plus consultée par des Anglais que par nos compatriotes. — Sur chaque feuille sont reportés les noms des localités, rive droite et rive gauche ; enfin, sont figurés par des symboles spéeiaux les sables, galets, grosses pierres, roches basses, roches hautes, falaises; la profondeur est chiffrée en mètres. Grâce à des touches très délicatement graduées, l’image est claire et parlante. Entre l’tchang et Sui-fou, le Yang-tse se développe sur 1.124 kilomètres, dont 743 d'l'tchang à Tchong-king, et 381 de ce dernier point à Sui-fou ?. C'est la section la plus critique de l'artère navigable; mais elle n’en est pas moins fréquentée, car elle est le chemin par où s’échangent les produits de l'Etranger et de la plaine chinoise avec ceux de la riche contrée du Sechouan et du Tibet, dont Tchong-King et Sui-fou sont les entre- pôts. Aussi, est-elle suffisamment connue. Toutefois, si les notes et documents du P. Chevalier ne révèlent rien de neuf ou d’'inédit, l'hydrographie et la géographie feront leur profit de mainte remarque. La vallée d'ltchang à Sui-fou est un couloir étroit, s'évasant rarement en bassins où l'horizon s’élargisse. L'issue du défilé sur le cône de déjection étalé en une plaine alluviale marque la brusque retombée d’un gradin montagneux, que souligne une puissante fracture, celle du Hou Kouang ; c'est à l'itchang même que le Yang-tse la coupe *. L’escarpement est le rebord d’un massif tabuldire de calcaire paléozoïque, que le fleuve perce sur 138 kilomètres, et dont la section Nord-Ouest se redresse en plis. Plus loin, vers l'Ouest, un autre fais - ceau de plis plus larges se profile en falaises sur le fleuve. Assurément le P. Chevalier n'a pu apercevoir que la facade, le premier plan de cet ensemble orogra- phique. Il a distingué toutefois depuis l’tchang jusqu à la frontière de Sechouan six formations géologiques, qui sont des membres de ce que Richthofen appelle l'arc du Kouei; il étend les limites du « Bassin Rouge » de Richthofen au delà de Koueitcheou fou, puisque le grès rouge qui donne le ton domine dans les collines qui courent jusque vers Ouchan ; il est frappé enfin de l'apparition d’une zone granitique entre les défilés de Nieou Kan ma fei et d'l'tchang, zone dont Richthofen a dénoncé la signification. Le P. Chevalier a discerné les linéaments primordiaux de ce relief. « En considérant, écrit-il, que presque toutes les collines du Setchoan, à l'exception de quelques chaînes plus hautes, sont formées de sédiments, con- glomérats ou grès, il me paraît naturel de regarder le sommet de toutes ces collines comme le fond d'un ancien lac. Lorsque, par suite de la rupture des bar- rages naturels, par le creusement successif des gorges, les eaux se furent ouvert un passage vers l'immense plaine basse du Houpé, et de là vers la mer, le lac se dessécha ; le fond, déjà sans doute plus ou moins ‘ Pour la figuration des caractères, dit le P. Chevalier dans la Préface, le système suivi est celui du Cursus litera- turæ sinicæ de R.P. Zorrour. Les noms chinois, recueillis au cours de l'expédition ont été rectifiés par des lettrés ou d'après les Annales (p. 61). 2 Les estimalions du P. Chevalier ne concordent pas avec celles de M. Bonin (loc. cil., p. 171-172). M. CHEVALIER D'l'tchang à la mer. 1.750 kilom. 4.550 kilom. D'ltchang au Tchong-king. 600 — 743 — De Tchong-king à Sui-fou . 400 (envir.) LIRE M. BONIN La distance de P'ing-chan à la mer, évaluée par le capi- taine Blakiston à 1.550 milles — 2,400 kilomètres environ (CARLES, loc. cil., p. 231), n'est pas exacte, puisque de Sui- fou, la distance est déjà de 2.674 kilométres.— Ajoutons que le P. Chevalier a pu fixer à 400 mètres le Zi du Sechouan (pau): Ps Ricurorex * Ueber Gestalt und Gliederung einer Grund- linie in der Morphologie Ost-Asieus, dans les Sitzungsber, Akad. Berlin, XL, 1900, 893-898. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX accidenté, commença à se sillonner de ruisseaux, de ravins, de vallées, qui dessinaient de plus en plus les pics et les chaînes des montagnes actuelles. Telle du moins m'apparaît la genèse du « Set choan »# Quoi qu'il en soit de cette explication, les échantillons géologiques rapportés par le P. Chevalier, les figuress el croquis des paysages du Yang-tse, dont beaucoup semblent vus el rendus à la chinoise, seront d'utiless contributions aux notions déjà conquises sur l'architec-« ture de l'Asie Orientale *. s 7 . . . % Le Yang-tse est un travailleur énergique et qui n'a point encore achevé sa phase héroïque ou militante.M Son lit est eucombré de rapides: autant sur la plate-forme nivelée d'l’tchang à la mer la pente est atté-« nuée (0, 062 par kilomètre), autant elle s'accuse à l'amont, 0%,19%, sur le bief l'tchang-Tchong-king, 0 25 %, sur le tronçon Tchong-king-Suitou *. Ce carac- tère quasi torrentiel du Yang-tse n’est pas peu renforcé par les écueils et les éboulis contre lesquels le cou- rant se heurte et tourbillonne. Tous les obstacles soit connus des naulonniers indigènes, qui les bapti= sent de noms congrus et pittoresques ; la nomen- clature des rapides fait honneur à l'imagination et à l'humeur goguenarde des Chinois *. Aurisque de quelques chavirages et du harassementdes haleurs, les jonques franchissent les passes difficiles, même lors des maigres eaux; et, quand le plan d'eau. s'est haussé, elles évoluent avec aisance. Ce problème intéresse surlout la navigation à vapeur. Sur la foi d'un rapport vieux de trente ans, émanant d'une Commission d'exploration anglaise, le Yang-tse fut déclaré imprati- cable. Le P. Chevalier, dans une brochure spéciale, w a réfuté ce dire, et, par une description topographique « minutieuse, dissipé les préventions. « En remontant, le Yang-tse, prononce-tl, nous wavons trouvé nulle part ni couraut vraiment torrentiel, ni barrage, ni aucun endroit qui ne présentât une passe libre d'au » moins 400 mètres de large. Aux basses eaux, qui durent environ quatre mois, il existe deux rapides qui offrent l'aspect d'un barrage, el qu'il serait peut-ètre difficile M de passer autrement que par un touage » 5. Paradoxe M apparent : la navigation à vapeur est moins laborieuse; moins dispendieuse qu'à la cordelle. « Notre manière de naviguer à la cordelle nous oblige à longer de 1rès près larive sur laquelle repose notre moteur. Nous évitons ainsi le courant que nos haleurs ne pourraient vaincre, nous profiltons des remous, mais, en revan- che, nous sommes réduits à n'avaocer qu'au milieu des rochers, où nous trouvons à chaque pas une pointe à doubler, un récif à éviter, un rapide à franchir. Un bateau à vapeur qui aurait à bord une force motrice suffisante pour vaincre le courant du fleuve trouverait partout une eau profonde et un chenal large sans aucun écueil. Il serait donc dans des conditions de sécurité incomparablement supérieures aux nôtres. L'unique obstacle est la rapidité du courant, qui exige un bateau à grande vitesse et par conséquent uue machine consommant beaucoup de charbon *. L'on sait que la solution pratique de la question a été tentée. Le 4 mars 1898, la Jonque du P. Chevalier croi- sait, lors de son retour, un petit vapeur, le Lecchuen que montait M. Archibald Little, un des plus hardis 1.0. 84. 2, Parmi d'autres observations du même ordre, le P.Ghe- valier signale (p. 73) des marmites fluviales (CF. BRUNHES : Sur quelques phénomènes d'érosion et de corrosion fluviales, dans les ©. AR. Acad. d. Se.: XXVI, 1898, p. 5575, 60). # Ces évaluations sont dues au P. Chevalier (Appendice LV} 4 Certains rapides sont appelés passage des haricots; un autre, banc de riz froid; un autre, ôte-tes-bottes. La topo- nymie locale est curieuse, et l'on saura gré au P. Chevalier. d'en avoir donné la traduction, même au prix de la pudeur: {l est fort choqué du nom de tétine de vache appliqué à une montagne, bien qu'il reconnaisse la justesse de l'appel- lation (p. 8). 5 La navigation à vapeur, p. ÿ. ® Voyages et descriplions, p. 30. pionniers, si l'on peut dire, du bassin du Yang-tse ‘, et qui, quatre jours après celte rencontre, atterrissait au quai de Tehong king. Ce futun tour de force, maisexécuté lans des conditions anormales, En effet, outre que le onnage et la vitesse de la chaloupe étaient trop faibles pour une marche sûre et un trafic rémunérateur, il fallut 100 à 150 hommes pour le hisser par-dessus les pides du Sint'an et de Miaochitsé, « à la facon des nques »,remarque assez ironiquement le P. Chevalier. puis cette date, une canonnière anglaise, d'un modèle pécial, réussit à monter jusqu’à Sui fou. Mais un vapeur e commerce de Brême, le Suil-Siang, d'un tonnage rop fort, s'échoua en chemin *. Le P. Chevalier aura donc bien mérité des intéressés en procédant, soit sur sa carte, soit dans le texte expli- catif, au levé des rapides les plus périlleux ou les plus mal famés : Le Sint'an ou nouveau Rapide de Yung-yan- hien (15 kilomètres en amont de cette localité); l'T'tan Rapide I (6 kilomètres en amont de Koei tcheou), Sint'an,autre nouveau Rapide (10 kilometres en aval > la même ville), enfin le Kong ling et le Ta-Tong, plus rapprochés d'l'tchang. Les rapides dits nouveaux sout dus à des éboulements de roches détrempées par les pluies; un de ces accidents s'est produit à la fin de 896 *. Sans avoir pu partout jeter la sonde, le P. Chevalier a déduit, d'après la vitesse du courant et le débit dans les passes, la profondeur du chenal prati- sable. Et il conclut qu'au prix de quelques déblaiements Bt dérochements — travaux déjà en voie d'exécution sous la direction des Douanes impériales — tout vapeur filant 45 à 16 nœuds circulerait sans obstacle sérieux. Nous n'avons pas ici à contrôler le témoignage ou Pexpérience du P. Chevalier: ce que nous voulons rete- nir, c’est que l'investigation des rapides livrera des r éléments précieux pour l'hydrologie du fleuve. L'Atlas du Haut Yang-tse est donc aujourd'hui le document le plus sûr et le plus suggestif pour la péné- lration du bassin, et notamment du Se-Tchouan, ce foyer d'attraction et ce champ d'exploitation que se disputent les Puissances commerciales #, Il est vrai, “s'il faut en croire le P. Chevalier, que ces âpres con- yoitises s'exposent à quelques déceptions. La population Jui a paru moins nombreuse et moins dense qu'on se Î imagine. « En tout cas, elle est très pauvre el habituée à des besoins minimes », trop misérable encore pour ayer les articles « offerts à sa cupidité ». Ce n'est la qu’une impression personnelle, le P. Chevalier >onfesse: que les questions économiques lui sént peu amilières. II n’a donc fait qu'effleurer ce sujet. Que n’a-t-il usé de la mème discrétion au regard de la question des missionnaires *. Bien que le récit soit rédigé sous forme de journal de voyage, une polémique religieuse et politique n'en est pas moins déplacée dans une œuvre de science, qui eût gagné à n'être que le commentaire de l'Atlas. BERTRAND AUERBACH, Professeur de Géographie à l'Université de Nancy. .! M. Liltle a conté lui-même sa tentative dans la 3° édi- tion (Londres, 1898) de son célèbre ouvrage: Through the Yanç se gorges or Trade and Traval in Western China. 2 Boxn, Loc. cit., 172. Cf. Eseere: Mit dem Dampfer über die Yang-tse Schnellen (Ostasiatische Rundschau, 1, fase. 3, P: 43-61. Shanghaï, Deutsche Druckerei, 1901). n ! On comparera la description du P. Chevalier (p. 39) vec celle de Bourxe : The New Rapid on the Yang-tse, e0gr. Journal, 1897, X, p. 191-105; ainsi que les croquis 1 XVIII de l'Atlas et Bourne, p. 193). Cf. Evssenic: Notes r les rapides du Yang-tse-kiang, dans les Annales de 160gr., p. b22-6 1895-1896. 4 M. Boni (loc. cit., p. 1179) considère que la voie fluviale sera toujours préférée, pour le traïüc, au chemin de fer, et oute que la ligne ferrée du Tonkin, même si elle attei- gnait Sui fou püt jamais détourner le courant. Cf. Capit. K. enNarD. L'Indo-Chine (Rev. de Paris, 15 févr. 1901, p. 748.) _ 5 P. 60 et suiv. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 947 4° Sciences médicales Lemaître (Aug.), Professeur au Collège de Genève. — Audition colorée et Phénomènes connexes observés chez des écoliers. — 1 vol. in-$ de 1793 pages, avec 120 figures. (Prix : 4 fr.) F. Alcan, éditeur à Paris, et Ch. Eggimann et C', éditeurs à Genève, 1901. Sous ce titre, l'auteur nous donne les résulats d'une enquête qu'il a faite sur les élèves de la sixième classe du Collège de Genève. Ce livre est une excellente con- tribution à l'étude de l'audition colorée, en ce sens qu'il nous apporte une très ample moisson de docu- ments. Sur 112 élèves répartis entre les quatre divisions de cette classe, 40 possèdent des photismes, c'est-à-dire des associations de sons et de couleurs, soit 36 0/,, pourcentage sensiblement supérieur au pourcentage moyen (15 °/,) constaté jusqu'ici. Quant à la nature des couleurs correspondant aux voyelles, cette étude a, comme les précédentes, souligné l'absence de tout caractère constant. L'a et li s'associent à sept espèces de couleurs, avec, toutefois, une prédominance du rouge pour l'a et du blanc pour l'r. L'e et lu revêtent neuf espèces de couleurs, sans prédominance sensible de l’une ou de l’autre. L'o évoque aussi neuf espèces de couleurs, mais avec une prédominance du noir. Les consonnes, les jours de la semaine, les mois de l’année, les nombres ont aussi leur coloration, sans qu'on puisse y remarquer plus de fixité que chez les voyelles. Il est à regretter que l’auteur n'ait pas jugé bon de faire préciser la nature de cette image chroma- tique. Les lecteurs de la /tevue générale des Sciences que la question de l'audition colorée intéresse savent, en effet (voir numéro du 30 août 1000), que celui pour lequel il n'existe qu'une cerlaine convenance d'har- monie entre les sons et les couleurs n'est pas audilif- coloriste au même tilre que celui qui possède des images extériorisées ; el l'on peut se demänder s'il y a de l'audition colorée dans le fait de voir: Janvier et février, blancs; mars, avril et mai, verts; juillet et août, jaunes; septembre, octobre et novembre, gris. Sur les 112 élèves de la sixième classe, 21 possèdent des diagrammes, phénomène « qui se distingue du pho- tisme en ce qu'il s'applique non seulement aux mots considérés en eux-mêmes, mais en ce quil consti- tue une série, un groupement spécial de termes simi- laires occupant dans le champ de la vision mentale une position déterminée ». Ainsi, par exemple, les mois de l'année sont vus écrits, chaque fois que le sujet y pense, sur toute la longueur d'une circonférence ou d’une ellipse, ou encore éveillant l'idée d'une hoîle à compartiments ou des parallélogrammes combinés; les chiffres, sur une ligue qui s'élève de droite à gauche, ou de gauche à droite, et par paliers plus ou moins réguliers, etc. Enfin, 2 élèves seulement ont des per- sonnifications; en d'autres termes, ce sont des person- nages qu'évoquent chiffres, mois de l’année, jours de la semaine, etc. Mais la majeure partie du livre (11% pages) est consa- crée à l'exposé des synopsies de trois sujets excep- tionpels. On ne saurait donner une idée de la bizarrerie des phénomènes qu'offrent Rodolphe Moine, Pierre Lelort et Jules Pradel et qu'illustrent 103 figures. Quant à l'explication, M. Lemaitre fait une large part à l'associalion, surtout inconsciente, sans oublier, toutefois, que l'association ne peut être que la cause orcasionnelle du phénomène et que, pour produire l'audition colorée, il faut un terrain prédisposé. JEAN CLAVIÈRE, Professeur de Philosophie, äu Collège de Château-Thierry. . ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 13 Mai 1901. M. le Secrétaire perpétuel annonce à l'Académie le | décès de M. Henry Rowland, Correspondant pour‘ la Section de Physique, — La Section de Médecine et de Chirurgie présente la liste suivante de candidats à la place laissée vacante par le décès de M. Potain: En première ligne, MM. Charrin et Jaccoud; en seconde | ligne, MM. Cornil, Fournier, Hayem, Lancereaux, | Laveran et Richet. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Henri Dulae étudie les intégrales réelles des équations différentielles du | premier ordre dans le voisinage d’un point singulier. — M. Lelieuvre communique ses recherches sur certaines relations involutives par rapport à p variables x, y..., , qui se rencontrent dans certains problèmes de Géomé- trie et qui sont caractérisées par la propriété d'être vérifiées par tout groupe de p quelconques des m rü- cines d'un polynome entier f(x).—M. F. Siacci indique quelques cas d’'intégrabilité d’une équation posée par d’Alembert et relative au mouvement d'un projectile dans un milieu résistant, la résistance étant supposée directement coutraire à la vitesse et fonction de la seule vitesse. — M. P. Duhem, en partant des théorèmes | d'Huguniot et des lemmes de M. Hadamard, démontre | que, quel que soit l’ordre d’une onde, elle ne peut se propager au sein d'un fluide visqueux. | 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. G. Lippmann présente | | un salvanomètre parfaitement astatique (voir page 551) — M. H. Pellat décrit une expérience d'oscillation électrique (voir le compte rendu de la séance du 7 juin de la Société francaise de Physique). — M. R. Paillot a étudié, par la méthode de l'isthme, la perméabilité des aciers au nickel dans les champs intenses. Pour les | aciers irréversibles, la perméabilité augmente sensible- ment dans les chàämps intenses. Pour les aciers réver- | sibles, elle diminue, au contraire, régulièrement quand | le champ augmente. — M. Larroque indique les lois de l'écoulement de l'air dansles instruments de musique. — MM. Tissier et Grignard ont préparé des dérivés | organo-magnésiens aromatiques: bromure de magné- | sium-phéuyle et de magnésium-tolyle. Le premier ré- | agit sur le beuzoate de méthyle pour donner le triphé- nylcarbinol (C*H°COH, sur l’acétone pour donner le phényldiméthylcarbinol C$H*(CH*?COH; sur le chlo- | rure d'acélyle pour donner après déshydratation le diphényléthylène (C6H°):CH?. — M. A. Etard, en sou- mettant à l'hydrolyse sulfurique les os de bœuf décal- citiés, a obtenu : 1° du glycocolle, de la leucine et un peu de tyrosine ; 2° une matière sirupeuse très so- luble dans l’alcool coucentré; 3° une matière tout à fait insoluble dans l'alcool méthylique concentré. La partie | insoluble peut-être obtenue à l'état cristallin; elle corres- pond à peu près à la composition C#HP5Az"0'ÿ et fixe une molécule de BaO. — M. Th. Schlæsing' fils a déter- miné la quantité d'acide phosphorique soluble dans l'eau de diverses terres et a trouvé des chiffres allant de 130 à 440 ky. à l'hectare, stock qui peut subvenir aux besoins de nombreuses récoltes. La proportion d'acide phosphorique soluble dans l'acide azotique très dilué {{ à 2 dix-millièmes) suit celle des phosphates solu- bles daus l'eau. — M. Hexzri Lasne à fait l'analyse de deux échantillons d'amblygonite recueillis à Montebras (Creuse), Il en déduit la formule suivante : EE / 0 2[(Po+ *F(Li pts EE =. n) | + mAI1F.0H):. DE L'ÉTRANGER où 21 est égal à 5 pour le premier échantillon et à $ pour le second. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. R. L. Craciunu a cons- taté, d’une facon générale, que les déchets qui s'accu- mulentdans la bile sont plus abondants dans la jeunesse et à l'état de maigreur que dans la vieillesse et à l’état d'engraissement. L'excrétion de la lécithine est maxima chez les animaux vieux, maigres ou gras, comme si cette substance était un produit de déchet de l'organisme. — M. A. Guilliermond a étudié la sporulation des le- vures, en particulier du Sacch. Ludwigii. Au moment de la sporulation, il semble s'effectuer une sorte de dissolution des grains rouges contenus dans les vacuoles et ces corps paraissent se comporter comme des matières de réserve. 20 Mar 1901. membre dans la Section de Séance du M. A. Laveran est élu Médecine et de Chirurgie. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Janssen annonce qu'il a recu de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d'ob- server l'éclipse de Soleil du 18 mai à Sumatra, une dépêche signalant que les observations ont été bonnes. M. Binot, chargé d'une mission analogue à la Réunion, a eu également un temps superbe. — M. G. Bigourdan a observé à Paris, daus la nuit du 17 au 48 mai, l'éclipse du quatrième satellite de Jupiter. — M. M. Luizet communique ses observations de Nova Persée du 1e mars au 29 avril, faites par la méthode des degrés. Les variations rapides d'éclat de cette étoile atteignent encore une grandeur; mais il ne semble pas que leur périodicité soit régulière. — M. Léon Autonne com- munique six nouveaux théorèmes sur les groupes régu- liers d'ordre fini. 20 SciENGES PHYSIQUES. — M. L.-C. de Coppet commu- nique les abaissements moléculaires de la température du maximum de densité de l’eau produits par la dis- solution des chlorures, bromures et iodures de potas- sium, sodium, rubidium, lithium et ammonium. Le rap- port entre les abaissements produits par le chlorure et bromure (ou le bromure et l’iodure) d'un même métal est sensiblement le même pour tous les métaux du groupe. — M. Pierre Lefebvre a étudié la décompo- sition des alcools passant sur le carbure de calcium chauffé vers 500°. On obtient, dans tous les cas, un excès considérable d'hydrogène libre ou combiné; par contre, les produits liquides présentent un déficit d'hy- drosene ; on trouve, en effet, l’aldéhyde correspondaut à l'alcool employé. — MM. Ch. Moureu et H. Desmots ont réalisé la synthèse des alcools primaires acét\ié- niques par la coudensation des carbures acétyléniques vrais avec l'aldéhyde formique. En partant de l'œnuan- thylidène, on obtient l'alcool amylpropiolique; avec le phénylacétylène, on a l'alcool phénylpropiolique. — M. P. Freundler, à propos de la note de M. Descudé relative à l'action des chlorures d'acide sur les éthers- oxydes en présence du zinc, rappelle que M. Freund à déjà obtenu des résultats analogues. M. Freundler lui- même étudie depuis quelque temps l'action du couple zinc-cuivre sur les chlorures d'acides. — M J.-A. Tril- lat a reconnu que : 1° tous les alcools primaires de la série grasse sont oxydables sous l'influence de la spi- rale de platine; 2 on peut limiter l'oxydation à lal- déhyde correspondant à l'alcool; 3° la présence d'eau n'est pas un obstacle à l'oxydation ; elle peut même la favoriser; 4° les corps poreux et le noir de platine donnent par oxydation les acides correspondauts plutôt que les aldéhydes; 5° la formation des acétals, sous l'influence catalytique, est constante, au moins pour ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES es premiers termes de la série grasse : én outre, la réaction est réversible. — M. Ach.Livache à étudié la substitution du blanc de zinc à la céruse dans la pein- ture à l'huile et les enduits. Les compositions et prix de revient de tous les produits à base d'oxyde de zinc qu'il a obtenus ont été reconnus comme donnant en- tière satisfaction au point de vue de la pratique, tout en présentant le double avantage d’être inoffensifs et moins altérables. — M. Th. Schlæsing a recherché sous quel état se trouve l’alumine dans les terres végé- tales, en particulier certaines terres de Madagascar. La plupart des échantillons étudiés contiennent, en pro- portions souvent considérables, soit de l'alumine libre, Soit un silicate de cette base très attaquable par une “dissolution diluée de soude; cette alumine et ce sili- cale se trouvent, en majeure partie, à l’état sableux, et ne sont pas des agents de ténacité dans ces terres; enfin, ils ne paraissent pas faire obstacle à la végéta- tion. — M. P. Tailleur à constaté que la plantule du hêtre contient un glucoside et une diastase qui, sous l'action de l'eau, donnent naissance à de l'éther méthyl- ssalicylique et à du glucose assimilé par la plante. Cette réaction, localisée dans l'axe hypocotylé, ne se produit ni dans la graine, ni dans la plantule âgée. La forma- tion de l'éther méthylsalicylique est donc caractéris- “ tique de la période germinative du hêtre. — M. L. Hu- “ gounenqg, en faisant réagir le persulfate d'ammoniaque “sur l'albumine, a constaté la formation de 5 /, d'urée. …. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Bordier et Gilet ont «étudié l'électrolyse des tissus animaux, et ont reconnu nm que la condition nécessaire pour que le courant ne subissé pas une chute sensible après le renversement, c'est la présence constante, au niveau des aiguilles, d’un électrolyte en quantité suffisante pour imprégner les tissus. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé que le cycle évolutif des Orthonectides comprend au moins deux termes bien distincts, ayant chacun leur *individualité : les plasmodes, les formes ciliées sexuées; il y a, si l’on veut, alternance de générations. — M. L. Duparc à distingué sept types principaux dans les schistes de Casanna en Valais : 1° micaschistes et gneiss à mica blanc ; 2 chlorito-schistes et gneiss chloriteux; 3° schistes et gneiss chlorito-micacés ; 4° schistes cal- caréo-micacés et chloriteux ; 5° schistes amphiboliques; 6° schistes à glaucophane; 7 schistes à chloritoide. — M. W. Kilian communique quelques observations sis- - mologiques faites à Grenoble. Cette station enregistre régulièrement, non seulement les ébranlements locaux, mais des secousses lointaines. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 30 Avril 1901. M. le Président annonce le décès de M. H. Napias, membre de l'Académie. M. Hervieux lit un Rapport au Ministre de l'Intérieur sur les instituteurs et institutrices qui ont contribué le plus activement à la propagation de la vaceine. — M. Delorme signale le cas d’un militaire qui fut blessé - presque à bout portant par une balle de fusil Lebel; celle-ci produisit une fracture de l'humérus, une section de l’humérale et de la radiale et une dilacé- ration explosive de l’avant-bras. Traité par la méthode conservatrice, le membre a gardé sa fonction, ayant seulement perdu une partie de sa force et de sa — mobilité — M. E. Scrini lit un mémoire sur le … strabisme chez les nouveau-nés. — M. Lemoine (de Lille) “ communique un travail sur les sanatoria dans le à ‘traitement de la tuberculose. — M. Morel-Lavallée lit - un travail sur la nature et le traitement de la goutte. — M. de Langenhagen donne lecture d'un mémoire sur un cas de pseudo-lithiase intestinale d'origine - médicamenteuse, LI " Séance du 7 Mai 1901. \* M. Panas présente un rapport sur un travail de … M. José Presas relatif à de nouvelles échelles optomé D "is #4 CAS AE TE A à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, triques et chromo-photométriques. L'auteur a été amené à remplacer dans tous les cas les échelles typo- graphiques par les échelles formées de carrés ouverts d'un seul côté destinées aux illettrés. Il se rattache complètement au système Landolt. — M. Régis (de Bordeaux) lit un mémoire sur le délire onirique des intoxications et des infections. Séance du 4% Mai 1901. M. Chauvel présente un rapport sur un mémoire de M. Galezowski concernant les névrites el thromboses rétiniennes paludéennes et leur guérison par la quinine. Il ne semb'e pas que, dans tous les cas, on se trouve bien en présence d’affections oculaires d’origine palus- tre. Celles-ci n'en sont pas moins bien établies, ainsi que le bon effet du trailement par la quinine. — M. A. Raïlliet présente un rapport sur un travail de MM. Lucet et Costantin relatif à quelques champignons pathogènes nouveaux. Les auteurs ont observé, dans les crachats d’une femme atteinte d'une affection lente des voies respiratoires, un champignon qu'ils nomment Rhizomucor parasiticus. Un cheval atteint de teigne leur à fourni trois champignons : Wucor corymbiter var. Truchisi, M. e. var. Regnieri et Sterigmatocystis pSeudo-nigra. — M. J. V. Laborde cite des cas qui montrent que, lorsqu'on fait intervenir des sensations auditives agréables, en particulier des sensations musicales, sur unsujet, en même temps qu'on pratique l'anesthésie opératoire par le peroxyde d'azote, le sujet supporte des opérations très douloureuses, en parti- culier sur les dents, sans ressentir, pendant et après, la moindre souffrance. — M. Hacks lit un mémoire sur la scrofule des enfants. — M. Suarez de Mendoza lit un travail sur le vertige nasal guéri par l’ablation bilatérale d’un copeau de la cloison épaissie. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 27 Avril 1901. M": Rondeau-Luzeau a étudié l’action des solutions isotoniques de chlorures et de sucre sur les œufs de Rana fusca. — MM. Tuffier et G. Milian montrent que le cytodiagnostic différencie d’une manière absolue la péritonite tuberculeuse du kyste de l'ovaire; le liquide de la première renferme des lymphocytes, tandis que celui de la seconde contient une très grande variété de cellules, surtout de très grosses cellules rondes ou ovalaires vacuolées. — M. André Lombard a reconnu que l’hyperleucocytose est constante après l'injection d'atropine ou de strychnine à un animal réfractaire. Elle est d'autant plus manifeste que l’ani- mal est plus réfractaire et que la dose injectée est plus considérable. — M. A. D. Waller à constaté que les rayons qui font travailler es chloroplastes sont surtout les rayons lumineux rouges. — M. G. Weiss à reconnu qu'au voisinage de l’optimum d'excitabilité du nerf, pour des ondes de même durée, l'excitation est direc- tement liée à la quantité d'électricité mise en jeu, et non à la quantité d'énergie dépensée. — M, H. Ribaut a constaté que le violet de méthyle, en se fixant sur les cellules hépatiques, paralyse leur fonction anticoa- gulante dont l'exercice est provoqué par la peptone à l'état normal. — MM. Bordier et Lecomte prouvent que les courants de haute fréquence, appliqués suivant la méthode de l'auto-conduction, activent notablement les réactions interstitielles, et par suite augmentent la production de l'énergie calorifique dissipée dans le milleu extérieur par la surface du corps des ani- maux. — M. H. Surmont a préparé un sérum cyto- toxique pour la cellule paucréatique du chien en injec- tant dans la cavité périlonéale des lapins une émulsion de cellules pancréatiques du chien. MM. P. Carnot et M. Garnier poursuivent depuis plusieurs mois des recherches analogues. — M. H. Dominici a recherché la formule hémoleucocytaire de la vaccine expérimen- tale du lapin. 11 à distingué trois périodes : mononu- cléose faible, suivie d’une polynucléose, qui fait place TES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES elle-même à une mononucléose marquée. — MM. CI. | toxique très nette. — M. P. L. Simond décrit deux Regaud et A. Policard ont constaté, chez la chienne, que l'épithélium folliculaire élabore une substance à réaction histochimique spéciale, qui se présente sous forme de gouttelettes logées dans des vacuoles intra ou extra-cellulaires. Cette substance passe à travers la zone pellucide, s'’accumule peu à peu dans le proto- plasma de l’ovule, qui, arrivé à maturité, en renferme une quantité considérable. — Les mêmes auteurs déduisent, de leurs recherches sur le testicule de porc, que la fonction sécrétoire des cellules interstitielles s'établit bien avant la fonction spermatogénétique ({es- iicule impubère) et qu'elle persiste lors même que la fonction spermatogénétique ne s'est jamais établie (tes- ticule ectopique). — M. F. Cathelin annonce quil a expérimenté simultanément et indépendamment de M. Sicard, la méthode des injections épidurales d’anes- thésiques par le procédé du canal sacré. Cette mélhode présente des avantages marqués sur celle des injec- tions sous-arachnoïdiennes. — M. Angel Gallardo montre que les croisements des radiations polaires dans les figures karyokinétiques ne sont nullement incompatibles avec l'adoption d’une interprétation dyna- mique, et viennent plutôt la compléter. — MM. Athias et C. França ont constaté la présence de Was/zellen dans les vaisseaux corticaux, chez un paralytique général. Seance du 4 Mai 1901. M. C. Bonne a constaté, au niveau d'une bronche chez un bœuf sain, l'existence d'une leucocytose éosi- nophilique avec essaimage des granulations dans le voisinage d'une glande en suraclivité. — MM. Lecène et Legros signalent un cas d'hémothorax traumatique infecté à streptocoque et à B. perfringens. — M. Le- gros a employé le sérum antidiphtérique dans le trai- tement de la pneumonie expérimentale chez la souris: les résultats ont été toujours négatifs. — MM. Sabrazès ei Fouquet ont constaté que l’urine du chien à la ma- melle n'est pas hématolysante. — M. Nocard admet l'identité du surra et du nagana; par contre, il lui pa- rait certain que le trypanosome de la dourine est spé- cifiquement différent de celui du nagana. — M. G. Weiss énonce la loi suivante de l'excitation électrique des nerfs : Quand une excitation électrique parcourant un nerf a une durée {, la quantité d'électricité néces- saire pour provoquer la réponse minima est liée au temps par la formule Q = a+ bt, a et hb étant deux coefficients indépendants des condilions de l’expé- rience. Toutes les qualités déterminées par cette for- mule sont physiologiquement équivalentes. — M. H. Stassano à observé que le petit noyau des trypanoso- mes donne naissance à un flagelle accessoire se diri- geant vers la partie postérieure. M. A. Laveran, qui a examiné les mêmes préparations, croit cette conclusion prématurée. — MM. CI. Regaud et A. Policard ont étudié les phénomènes sécrétoires, les formations erga- stoplasmiques et la participation du noyau à la sécré- tion dans les cellules des corps jaunes chez le Héris- son. — M. CI. Regaud met en lumière l'indépendance relative de la fonction sécrétoire et de la fonction sper- matogène de l’épithélium sémival: un testicule stérile n'est pas par cela même un organe absolument inutile. — M.9. P. Morat a observé, dans les ganglions spi- naux de la grenouille, une réserve adipeuse très abon- dante en hiver et qui disparait complètement en été. — M. C. Bonne pense que ces goutlelettes graisseuses à existence temporaire sont des matériaux de réserve destinés à la nutrition de la cellule nerveuse. — M. F. Cathelin indique la technique des injections épidu- rales par la voie du canal sacré. Il pense que la cocaine agit par osmose au travers des riches plexus veineux intra-rachidiens. — M. A. Sicard indique également la technique qu'il emploie dans les injections sacero-coccy- siennes et quel est, selon lui, le mécanisme de l'anal- gésie. — M. J. Hobbs à constaté que l'injection de sérum d’urémique chez le cobaye a une action néphro- nouvelles coccidies : le Coccidium Kermorganti qu'il as rencontré dans la rate du Gavialis gangéticus, et le Coccidium Legeri trouvé chez une tortue de l'Inde, le Cryptopus qranosus. — MM. Ch. Achard et M. Loeper ont étudié la formule leucocytaire dans quelques infee- tions expérimentales. Elle paraît indépendante de Jam nature des virus; elle dépend, au contraire, de la facon dont s'accomplissent les réactions de l'organisme à l'infection. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 17 Mai 1901. A propos de la récente Note de M. Morize sur des méthodes propres à déterminer la vitesse des rayons\, M. Bernard Brunhes fait remarquer que ces mé- thodes ne sauraient permettre de mesurer que des vitesses de beaucoup inférieures à la vitesse de law lumière. — M. Georges Rosset présente une pile électrique à dépolarisant spontanément régénérable par réoxydalion directe à l'air. Le dépolarisant dem cette pile, réduit par l'hydrogène de dépolarisation, vient se réoxyder à l'air par la surface de la pile, pendant son fonctionnement même et sans nécessiter aucune manipulation : ce dépolarisant, qui se régénère ainsi spontanément par réoxydation directe à l'air, est donc inusable. 11 est constitué par du cuprate d'ammo- nium, qui, réduit dans la pile, devient du cuprite; celui-ci, à l'air, est ramené à l’élat de cuprate, et le dépolarisant se trouve ainsi spontanément régénéré. Il est intéressant de noter que le cuprite lui-même est un oxydant, et peut dépolariser au besoin en déposant sur le pôle positif (charbon) du cuivre métallique très bon conducteur : lors d’un repos, ce cuivre se redissoult… et reforme finalement le cuprate primitif. La solution excitatrice, étant à base de chlorure d'’ammonium, fournit de l'ammoniaque au pôle positif pendant le : fonctionnement, ce qui compense les pertes inévitables du dépolarisant en ammoniaque. La diffusion du dépo- larisant est évitée par l'emploi d'une membrane col- loïdale semi-perméable de ferrocyanure de cuivre, obtenue par voie de précipitation chimique dans lé- paisseur de la cloison poreuse. Grâce à l'ammoniaque libre du dépolarisant, dans laquelle le ferrocyanure de cuivre est soluble, cette membrane, toujours ré- dans l'intensité est de moins de un milliampère par vingt-quatre heures, pendant un mois qu'a duré l'essai. Cette variation est d'ailleurs très continue. La cons- tance de cette pile est donc remarquable. L'usure du zine est extrêmement régulière devient un véritable fil. Le renouvellement du zine et « de la solution excitatrice rend à la pile son énergie première : la courbe reprend la même allure, un mil- liampère au-dessus de la première. Ce fait démontre l'inusabilité du dépolarisant. En bouchant le trou de respiralion du dépolarisant, la force électro-motrice et le débit baissent plus rapidement que d'ordinaire, et remontent quand on donne de nouveau accès à l'air. On remarquera que les deux états d'oxydation, cuprate et cuprite, sont obtenus dissous, condition indispen- sable à ces réactions successives de réduction et de réoxydation à l'air; que ces deux états sont de puis- sants oxydants presque équivalents; que les produits de la réduction, même jusqu'à l’état métallique, « reviennent toujours à l'air à leur état primitif de maximum d'oxydation; que la solution excitatrice peut compenser au fur et à mesure les pertes inévitables du dépolarisant en ammoniaque; qu'enfin la composition même du dépolarisant permet d'entretenir la mem- brane semi-perméable, qui doit en éviter la diffusion, à l'état colloïdal convenable. Il y a là un concours de circonstances qui font du cuprate d’ammonium une € £ le crayon de zinc M | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 551 Solution particulièrement heureuse de ce problème si itéressant : dépolariser par l'oxygène de l'air, au moyen d'un intermédiaire chimique, et constituer par üite un dépolarisant inusable. — M. G. Lippmann résente un nouveau galvanomètre parfaitement asta- ique. Au lieu d'employer deux aiguilles aimantées Statisées l’une par l'autre, M. Lippmann n'emploie uune seule aiguille 4h demeurant invariablement ans le plan du méridien magnétique. Le courant à nésurer passe dans deux bobines AB d’axe commun ap, qui entourent respectivement les pôles a et h de l'ai- ille aimantée et agissent dans le même sens, l'une A porte l'aiguille ab; il est attaché au levier /, d'une jalance de torsion. Au moyen du tambour torseur de ette balance, on a réglé l'axe de la balance perpen- diculaire à l'axe de l'aiguille ab. Quand le courant it, l'aiguille ab se déplace parallèlement à elle-même la Terre ne tend pas à déplacer l'aiguille; la seule brce directrice est celle de la torsion de la balance *. Malgré l'emploi d’un fil de cocon, le modèle présenté par M. Lippmann est très maniable. La durée d'’oscil- ation est d'environ une minute et l'amortissement est complet ne trois oscillations. La sensibilité est pro- portionnelle à Ja longueur du bras de levier de la balancé de torsion. Il faut prendre une aiguille for- lement aimantée et pas trop légère. La sensibilité Rig.1.— Schéma du galvanomèlre astalique de M. Lippmann. — 1h, aiguille aimantée; A, B, bobines; f, fil de cocon: 1, levier de la balance de HSQn portant un petit contre- poids. parait comparable à celle d'un galvanomètre Thomson. ML'amorlissement devient très grand quand le galva- iomètre est fermé sur lui-même. L'appareil, facile à construire, est d'un emploi commode : l'orientation de aiguille aimantée est bien fixe, tandis que les systèmes i sont seulement astatiques par compensation ont e orientation essentiellement variable. M. Pellat it que cette variation du zéro s’observe, en effet, fré- quemment avec les galvanomètres Thomson à aimant irecteur. M. Broca dit qu'avec le système à deux iguilles verticales de M. P. Weiss, formant un circuit magnétique complètement fermé, on à un zéro très ixe. 11 rappelle les excellents résultats qu'il a obtenus lu moyen d'un équipage à points conséquents ; l’avan- ge sur le galvanomètre de M. Lippmann est que ces uipages sont insensibles à l’action d'un champ uni- me et même encore à l’action d’un changement uni- mément varié du champ. — A propos de la commu- ation de M. A. Cotton, du 13 avril (Réseaux obtenus ja Ja photographie des franges d'interférence), M: Lippmann annonce la propriété suivante que devront posséder les réseaux obtenus par M. Cotton: Si la mière employée pour produire les franges renferme eux longueurs d'onde différentes, À et \, le réseau btenu par la photographie de ces franges sera capable 4, M. Lippmann montre que son galvanomètre est net- ment différent de ceux qui sont dus à A. C. Becquerel. La alance électromagnétique de A. C. Becquerel est environ 000 fois moins sensible que le galvanomètre astatique de Lippmaon. repoussant, l'autre B attirant l'aiguille. Un fil de cocon f de dévier, dans la même direction, les lumières de longueur d'onde À et X. Si la lumière productrice des franges est blanche, le réseau enverra dans une même direction toutes les couleurs de cette lumière et par conséquent constituera un réseau achromatique. M. Cotton indique qu'il n'a fait jusqu'ici d'expériences qu'avec la raie indigo du mercure, employée seule. Mais il avait, lui aussi, examiné le cas où les photo- grapbies seraient faites avec plusieurs radiations super- posées, et remarqué la réversibilité que M. Lippmaon vient de signaler. Lorsque le réseau complexe obtenu avec une lumière colorée, formée de plusieurs radia- tious simples, est éclairé par un faisceau parallèle de lumière blanche, il y a encore une direction priviié- giée où les radiations primitives ont leurs maxima su- perposés. En isolant (lentille et fente) les rayons dif- fractés dans celte direclior, on peut théoriquement reproduire la couleur de la lumière qui avait servi à faire la photographie. Mais il faut que les maxima soient suffisamment intenses et conservent leurs inten- sités relatives. Il faut done que l’action photographique et l'intensité de la lumière incidente aient entre elles uve relation telle que chaque réseau élémentaire ne donne qu'un spectre. M. Cotton reviendra, sur ces ques- tions et présentera à la Société des réseaux qu'il obtient avec les ondes stationnaires. — M. Guillaume signale un mémoire de M. Lyman (Physical Heview, jan- vier 1901), dans lequel l’auteur étudie l'apparition de fausses raies spectrales dans les spectres des réseaux de Rowland et les explique par l'influence des inégalités périodiques des intervalles des réseaux. M. A. Cornu signale les diverses erreurs que comporte l'emploi des réseaux. IL rappelle comment on peut reconnaître les inégalités périodiques par sa méthode du moiré, en superposant presque parallèlement deux réseaux trans- parents obtenus avec la même machine à diviser, ou, d'une manière plus générale, deux copies transparentes d'un même réseau obtenues par la méthode de M. Izarn. Quand on trace un réseau, il faut rendre très constante la tension du système qui relie la machine à diviser au moteur; pour cela, il convient de produire la ten- sion à l'aide de poulies et de poids tenseurs. Une expé- rience très simple pour juger des défauts d'un réseau consiste à observer la lueur que Je réseau diffracte entre le premier spectre et l’image de la fente éclai- rante. Dans un spectroscope à vision directe, sur Ja fente duquel on fait tomber la lueur précédente, on aperçoit plusieurs raies. Le réseau supérpose ainsi au spectre régulier une foule de spectres tenant aux iné- galités périodiques de la vis. D'une manière générale, l'emploi d'un spectroscope par réfraction est uu con- rôle nécessaire des observalions des spectres des réseaux, outre qu'il fournit une dispersion particuliè- rement grande dans l’ultra-violet. — M. D. Korda signale un cas remarquable de vitesse de cristalli- salion. En une fraction de minute seulement, il a fait cristalliser, par refroidissement dans l'eau, des culots de. ferrosilicrum. La forme des cristaux varie avec la proportion de silicium : longues aiguilles pour 10 2/4 de silicium (formule Fe?Si); — tétraèdres de 1 à 10%" de côté pour 22 à 23 °/, de silicium (formule Fesi); — lames d'aspect micacé pour 50 °/, de silicium (for- mule FeSi®). Des cristaux jaunes de ferromanganèse, ou argentés de ferrochrome, se forment d’une manière aussi rapide dans des conditions analogues. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 18 Avril 1901 (suite). M. W. Ackroyd poursuit ses recherches sur les eaux de Moorland, et montre que la présence duw chlore s'explique facilement par la quantité de chlorure de sodium existant dans l'eau de pluie, surtout en hiver. — M. A. C. Perkin a étudié la rohinine, glucoside des fleurs du /?ohinia pseudoacacia. Séchée à l'air, elle possède la formule C#H*0?,8H°0. Elle est hydrolysée par les acides minéraux dilués en une matière colo- 532 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES rante C#H!°05, identique au camphérol, et un sucre, qui donne une osazone mêlée, renfermant de la dex- trosazone et probablement de la galactosazone. L'osy- r'itrine, glucoside de l'Osyris compressa, séchée à 1300, possède la formule 2C?*H*#01%,H°0. La violaquereitrine, glucoside de la Viola tricolor, possède à 160 la formule C?7H°°0'°; séchée à l'air, elle renferme 3H?0, et se trouve identique à l’osyritrine. — M. J. C. Irvine indique un procédé rapide de préparation de l’éther méthylique de l’aldéhyde salicylique : on fait réagir avec l’oxyde d'argent sec un mélange d'aldéhyde salicyli- que et d'iodure de méthyle. L'éther obtenu, chauftè avec une solution alcoolique de cyanure de potassium, se condense facilement en o-diméthoxybenzoine. — M. M. O. Forster, en faisant réagir l'hydroxylamine sur les anhydrides du 1 : 1-bromonitrocamphane, a obtenu le dérivé C!°H10*A7!Br, fondant à 197, Il est converti, par l’action prolongée de la soude, en un composé C'°H1°0*Az?, fondant à 2080. — MM. W. Garsed et J. N. Collie ont observé que, si l’on ajoute à une solution contenant environ 1 °/, d'un sel de cocaïne un excès de solution décinormale d'iode jusqu’à ce que le liquide surnageant contienne un excès d'iode, il se précipite un iodhydrate de diiodococaine C!H?*AzO#HL.I®. L'ex- cès d’iode peut être titré par l'hyposulfite et le précipité peut être pesé ou déterminé d'après la quantité d'iode employée. L'iodhydrate est un composé bien cristallisé et très stable. La titration n’est pas troublée par la pré- sence d'ecgouine; par contre, il faut éviter la présence de benzoylecgonine; celle-ci peut être séparée par l’éther ou le pétrole qui dissout la cocaïne et laisse la benzoylecgonine. — M. T. Gray a préparé de l'acéto- nylacétone très pure, et déterminé sa densité (0,973), son indice de réfraction (1,4232) et sa réfraction molé- culaire (29,85). Elle se condense avec l’hydrate d’hydra- zine pour donner deux composés : C'2H*’Az!, bouillant à 157-8° sous 13 millimètres, et C'2H?*Az5, fondant à 430- 1320, — MM. H. Ryanet W.S. Mills ont obtenu l’acé- tochlorogalactose par l’action du chlorure d'acétyle sur le galactose. Ce composé, traité par la potasse et l'a- naphtol, donue l'a-naphtylgalactoside, C°H!05.0.C!°H7; c'est un glucoside de synthèse, fondant à 2029-30. On obtient de même le »1-crésylglucoside par l’action du m-crésol sur l’acétochloroglucose en solution alcaline. — MM. C. J. Martin et O. Masson ont déterminé les conductibilités de solutions d'acide chlorhydrique et de chlorure de potassium contenant des quantités varia- bles de sucre, et ont trouvé que la conductibilité ne diffère guère de celle des solutions aqueuses, en tenant compte de la viscosité des solutions sucrées. Par con- tre, si l’on ajoute de la soude à des solutions sucrées de différentes concentrations, on constate que le sucre influe sur la conductibilité; ce fait est attribuable à la formation de saccharate de soude, qui est fortement 1onisé en solution diluée, — MM. J.-B. Cohenet H. D. Dakin ont poursuivi leurs recherches sur l’action du couple aluminium-mercure comme halogénant dans la préparation des dérivés chlorés des hydrocarbures aromatiques. Ils ont obtenu toute la série des chloro- benzènes, ainsi que les mono, di-et trichlorotoluènes. L'identification de ces derniers a demandé de longues recherches. — M. E. Dowzard a reconnu qu'une solu- tion d’acétate de plomb absorbe seulement l'hydrogène sulfuré du gaz d'éclairage; une solution à 15 °/, de chlorure cuivreux dans HCI absorbe l'hydrogène sul- furé, phosphoré et antimonié, mais non l’arsenie, — M. R. C. L. Bose a fait l'analyse de la racine de Nerium odorum, et y a trouvé, à côté des deux corps déjà connus, la nériodoréine et la nériodorine, un nou-« veau composé, la Æarabine, C*H#O05, La nériodoréine esttrès soluble dans l’eau, la nériodorine dans l’eau seu-« lementchaude,la karabine y est insoluble. Par contre, elle est très soluble dans l'éther et le benzène, où les deux premiers constituants sont insolubles. L'auteur COnSi=M dére Ja nériodoréine comme une variété de saponine: La nériodorine et la karabine ne sont pas des gluco sides, mais possèdent les caractères des résines; elles ne contiennent pas d’azole. — M. A. Lapworth pense que les changements isomériques dans les composés organiques sont dus à la dissociation, et que la dissocia=« tion entre deux atomes susceptibles de se transposer existe, en général, seulement une fois dans la molécules à un inslaut donné. Celte dissociation aurait le carac=M tère d'une ionisation. L'influence d’un agent cataly-« tique peut être variable. Il peut non seulement» sut menter la vitesse de la transformation en élevant lan concentration des ions représentant un groupe labile dans la modification isomérique, ou soustraire certains ions à Ja sphère d'action en les convertissant en com-" posés non dissociés, mais il peut encore convertir unes molécule en un individu possédant les propriétés d’un groupe dissocié ou d'un ion, eu lui apportant des groupes plus simples avec lesquels elle s’unit. L’atomem duquel un groupe a été enlevé aura, en apparence, une valence d’une unité moindre que celle qu'il a dans un composé non dissocié ; un tel atome est dit sous-valent.M Tandis que les atomes en dedans d'un groupe dissocié ne changent pas leurs positions relatives, la position de sous-valence peut être modiliée par un réarrangement des forces attractives mutuelles entre les atomes; l'en lèvement d'un groupe d’un autre déjà dissocié ne cons= titue pas une double dissociation, mais uu transport d la sous-valence à ce groupe; il est analogue à la con- version d'un ion complexe en un ion simple et un com posé neutre. De ces conceptions, l'auteur déduit quel=M ques lois pour des cas particuliers. — M. A. Lap- worth explique le mécanisme de la réaction de Claisenm en se basant sur les hypothèses qu'il vient d'indiquer 1° un ion sodium s’unit avec le groupe carbonyle de la cétone O:CR,.CHPR, pour former un groupe sous-valents qui perd un atome d'hydrogène : Na.0.CR,:CHR, ; 29 les dérivé métallique se dissocie alors, une partie réagis- sant avec un groupe sous-valent (produit par l’union d'un ion sodium avec l’oxalate, le formate, ete., d’éthyle}s NaOCR, : CHR, + CR,OEt : O (0.CR, : CHR, + CR,;(OEt)ONa] 0: CR,.CR, : CR,.ONa + HOE. Ss- D > L'action de l’acide chlorhydrique, favorisant la conden- sation des aldéhydes avec les cétones, les phénols, ete.; peut être attribuée à une série de transformalions ana= logues, dans lesquelles un ion H agit comme un ion Na — M. P. C. Ray, en traitant une solution de nitrite de mercure par un léger excès d’ammoniaque, à obtenu un nitrite de dimercurammonium : 2AzHg*Az0®.H°0} dissous dans lacide chlorhydrique, puis la solution évaporée à sec, ce corps donne un sel blanc cristalli Azlle?Cl,4HCI. L'acide bromhydrique fournit le sel cor respondant. Les deux sels haloïdes, traités à froid pan la potasse diluée, donnent respectivement 2AzHg°CI,H20 et 24zHg*Br,H°0. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 4, rue Cassette. N° 42 30 JUIN 1901 DIRECTEUR : Revue générale DOS -NCienc ; pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. — — _ _— Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $ 1. — Astronomie L'éclipse de Soleil du 18 mai 1901. — Dans - une des dernières séances de l’Académie des Sciences, = M. J. Janssen a communiqué à l'Académie une dépêche de M. de la Baume-Pluvinel, chargé d’une Mission pour observer, à l'ile de Sumatra, la grande éclipse qui devait s'y produire le 18 mai dernier, dans des circon- stances de durée tout à fait exceptionnelles. D'après le programme arrêté entre M. Janssen et lui, M. de la Baume devait, indépendamment des pho- - tographies de couronne, porter ses observations sur la rotation de la couronne, sur la présence plus ou - moins marquée des raies obscures dans la lumière “coronale, et enfin sur la radiation calorique de la cou- nue Le temps, sauf quelques légers nuages, a favo- risé les observations, et tout le programme fut exécuté. Il est indispensable d'attendre le retour de la Mission … ou, du moins, un Rapport détaillé, pour avoir une idée … précise des résultats obtenus; mais déjà, d'après la dépêche, on remarque que la rotation de la couronne n'a pu être constatée; la présence des raies dans la lumière de la couronne n’est pas observée, comme “très marquée, ce qui s'accorde avec cette circonstance que nous sommes à une époque de minima des Maches, et que c'est aux époques des maxima que les vapeurs du globe solaire s'élèvent davantage dans l'atmosphère coronale et y permettent ces phénomènes de réflexion de la lumière photosphériques accusés par la présence des raies fraunhofériennes. C'est ainsi “qu'elles avaient déjà été reconnues en 1871 et en 1883. …_ L'observation de M. de la Baume est donc intéres- «sante à cet égard, aussi bien que sa constatation d’une “chaleur sensible émise par la couronne. — D'autre part, M. le D' Binot, chef de laboraloire à “l'Institut Pasteur, chargé d'une Mission à l'ile de la “Réunion, dans les mêmes conditions que celle de Suma- “tra, vient d'envoyer une dépêche informant M. Jans- sen qu'il fit un temps superbe, d’où l'on peut inférer qu'il a pu exécuter dans les meilleures conditions le programme dont il avait bien voulu se charger, M. le D: Binot à pu prendre d’ailleurs une nombreuse série de photographies. Les Missions étrangères ne semblent pas avoir été =" REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE favorisées par le beau temps. À Karang-Sazo, la Mis- sion anglaise, sous la direction du Prcfesseur Todd, à été très gènée par les nuages. L'éclipse a duré 620 environ. On a vu Mercure et Vénus. La Mission hollandaise, installée sur la côte même de Sumatra, n’a pas été mieux favorisée. On a égale- ment constaté que l'obscurité a duré 6%20%, Les astronomes américains avaient établi six stations sur autant de petites îles. Partout le ciel à été nuageux, et les photographies n'ont pas montré de traces de la couronne. On n’a pas vu les bandes sombres sur le sol, avant et après la totalité. A Port-Louis (ile Maurice), les observations ont été bonnes. On a pu noter les trois derniers contacts. L'activité solaire. — Nous venons de traverser une période de minimum d'activité solaire, nettement accusé. Depuis le mois de novembre 1900 jusqu'à fin avril 1901, done pendant six mois, on n'a vu qu'un pore insignifiant le 7 février, quelques petites taches du 3 au 9 mars, et un groupe de pores le 20 mars au bord oriental du disque. Le reste du temps, la surface du Soleil n'a présenté d’autres indices de trouble que des facules très mar- quées. Mais ce minimum solaire est passé. Un groupe de taches très remarquable est arrivé au bord oriental du disque solaire pendant la nuit du 19 au 20 mai, et a été observé, dès son apparition, par M. J. Roberts, à Dungannon, en Irlande. Il se compose d'une tache jumelle et d'une troisième, le tout accompagné de plu- sieurs petites. Le même jour, cette tache, qui clôt la période du repos du Soleil, a été observée en France. C'est le cas, ou jamais, de tenter une nouvelle liaison entre cette apparition et les perturbations météorolo- giques, magnétiques, etc. L’éclipse du 4: satellite de Jupiter. — À pro- pos de la Note qui a paru dans la chronique de notre dernier numéro sur ce sujet (p. 503), M. G. Bigourdan nous écrit : « L'observation de ces phénomènes est déjà beaucoup trop négligée, et la fin de cet article pourrait avoir pour 12 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE effet de la faire abandonner encore davantage par ceux qui ne disposent que de faibles instruments. « À mon avis, ce serait très malheureux, et il me semble que cela est démontré bien clairement par l'observalion mème dont cet article se fait argument : en effet, sur les trois lunettes employées, les deux faibles ont donné le moment de l'opposition (moment essentiel à connaitre et qui s'est trouvé avoir une correction énorme), et la grande lunette n’a pu le faire. » La première comète de 1901. — La: pre- mière comète du xx° siècle a été découverte le 23 avril 1901, par M. Halls, à Queenstown, dans la colonie du Cap. Le lendemain de sa découverte, c’est-à-dire le 2% avril, sa position était, à 17 h. 5 m. temps moyen de Greenwich 13014 3h27! Ascension droite . Déclinaison N La comète élait visible à l'œil nu, et a frappé les po pulations de l'Afrique australe, de l'Australie et de toute l'Amérique du Sud. En effet, au moment de sa décou- verte, elle était très brillante, malgré son voisinage du Soleil, avec un noyau bien défini, d'un éclat supérieur aux éloiles de 3° grandeur, et une queue d'une lon- gueur triple d'environ 10°. C'est donc un objet céleste remarquable : cependant ce n'est pas encore là, comme on le voit, la comète Donat de 1858, ni celle de 1861; nous sommes depuis longtemps privés de ces appari- tions. La comète est apparue, le 23 avril, dans une position voisine de ceile de l'étoile & Poissons, est passée le -26 au sud de & et, continuant de suivre à peu près l'équateur, s'est dirigée vers Orion; le 6 mai, elle marquait l'augle occidental d'un triangle un peu allongé dont Bellatrix et Riel formaient la base occidentale. Celle comète fut découverte, en réalité, à Melbourne par un passant, qui la vit par hasard en regardant le ciel le 23 avril au malin : il se hâta de lancer un télé- gramme en Europe pour s'assurer la priorité de son observation, mais comme il ignorait l'adresse du Bureau central astronomique chargé d'enregistrer et de publier les découvertes de ce genre, il envoya son message à Valentia, au lieu de le diriger sur Kiel. Il en résulta un retard de transmission dont profita M. Halls, pour arriver le premier et lui donner son nom. Une photographie a été prise à l'île Maurice, montrant la plus longne des trois queues jusqu’à 15° de distance du noyau ou trente fois le diamètre de la Lune. La comète à dû passer à son périhélie, tout près du Soleil, le 24 avril : la veille on la voyait le matin, le 25 on l’a vue le soir. Elle s'éloigne du Soleil et de la Terre, et son éclat va diminuer de plus en plus. Cette comète semble offrir quelque parenté avec celles de 1843 et de 1882. Nous saurons sans doute bientôt à quoi nous en Lenir sur son rbite exacte. $ 2. — Météorologie Variations de la température à diverses hauteurs. —Dans une note présentée à 1 Académie en août 1899, M. L. Teissereñc de Bort avait indiqué l:s résultats principaux fournis par la première série. mé- thodique de sondages aériens effe clués au moyen de bal- lons-sondes: depuis cette époque, les lancers ont conti- nué avec régularité à l'Observatoire de météorologie dynamique de Trappes, et l'on possède aujourd’hui les dépouillements de plus de 240 ascensions de ballons- sondes, réparties sur les années 1898, 1899 et 1900. Ces documents, groupés par mois, prouvent d'une facon posilive que : ] 1° La température, dans l'atmosphère libre, éprouve dans le cours de l'année une variation saisonnière Irès sensible, au moins jusqu'à l'altitude de 10.000 mètres; 2 L'amplitude de la variation de la température, jusqu'à ces dernières années, ce qui lient à ce qu'on ne suivant les saisons, mente. | Pour les moyennes mensuelles considérées, cette am- plitude est de 17° auprès du sol, de 44, 6 à 5 kilomèM tres et de 12° à 10 kilomètres. x Les résultats s'écartent beaucoup de l'opinion admise diminue quand la hauteur aug-« possédait, avant cette série, que quelques observations isolées pour la température à de grandes hauteurs. : Voici le tableau des moyennes des températures ren contrées par les ballons pour les divers mois à différents niveaux : À TEMPÉRATURE Re au sol à 5.000® à 10.000 Janvier 009 — 1809 — 5204 FEVER Eee 50% — 1503 — 4106 Mars res Lo — 2108 — 5304 ANTILLES a 009 — 92009 — 5307 Mal AOL 503 — 1804 — À903 NL ADIT : CRUE, 70 — 1608 — 5103 Juillet. . 4102 — 808 — 4503 AIO Le ER 1507 —- 807 — 4405 Septembre. . 1708 — 702 — 4108 Octobre . 1304 — ÿo7 — 4709 Novembre. e 1002 — 110 — 4501 Décembre. . . . 308 — 1208 — 4592 On peut remarquer, de plus, sur les courbes repré- sentant l'altitude de diverses isothermes dans les diffé rents mois de 1898, 1899 et 1900, que la température moyenne de 0° se trouve vers 1.200 mètres à la fin de la saison froide, et remonte à 3.600 mèlres en été. Lan moyenne de l'altitude de cette isotherme dans le cours de l’année est d'environ 2.750 mètres, chiffre très voisin de celui qui est donné pour la hauteur des neiges per manentes dans les Alpes. ; 4 L'isotherme moyenne de —50° s'abaisse jusqu'à 8.800 mètres (8.700 mètres en 1899, 8.700 mètres en 1900) à la fin de l'hiver, et dépasse 11.000 mètres en été (11.400 mètres en 1899, 11.100 mètres en 1900). La distance verticale entre les surfaces isothermes ne reste pas constante pendant toute l’année, ce qui tient à ce que la variation annuelle est un peu plus grande dans les couches inférieures. La décroissance de tem— pérature étant plus rapide dans les couches élevées, le changement de hauteur n'est pas non plus le même aw cours de l’année pour les isothermes dans les régions basses et dans les régions supérieures, même à égalité d'amplitude. Le maximum et le minimum (hermique moyens se produisent plus tard en haut que dans les couches in- férieures; ce retard est surtout très sensible pour le minimum, qui a lieu seulement à la fin de l'hiver. Une série plus longue permettra seule de préciser les con= ditions de ces retards; mais il est intéressant, dès à présent, d'appeler l'attention sur la température relatis vement basse du mois de mai. Cette température, dans la série de M. L. Teisserenc de Bort, paraît due principa= lement aux résultats des ascensions faites vers le milieu du mois, c'est-à-dire à l’époque du refroidissement pé= riodique bien connu sous le nom de froid des saints de glace. Chose remarquable, l'inflexion est aussi mars quée sur l'isotherme de — 50° que sur celle de 0°, ce qui montre bien que l’abaissement de température n esb pas limité aux couches voisines du sol. Déjà, M. Hers gesell, à propos du cas particulier de l'ascension mters nationale du 13 mai 1897, avait fait remarquer que les basses températures élaient produites non seulement près du sol, mais encore daus les couches élevées d& l'atmosphère. Ce fait, dont on retrouve aussi la trace dans les observations incomplètes de 1898, tend à confirmer l'opinion des savants qui, comme Ch. Saintes Claire Deville, ont cherché à rattacher le refroidisse= ment de l'air, en mai, à une cause générale. à On ne saurait être trop obligé à M. L. Teisserenc d@ Bort de ses recherches persévérentes el généreuses4 c'est l'exemple d'un observateur attentif et très cons CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 255 cieacieux qui sut développer, chez nous, une branche nouvelle et très importante de la Météorologie, qui ommence à simposer par ses résultats mêmes. $ 3. — Physique Le déplacement des bandes d'absorption dans les solides en fonction de la tempéra- ture. — Si le pouvoir émissif des corps à des tempéra- tures élevées a été l'objet de travaux nombreux, au moins pour la partie visible du spectre, il n’en est pas de même du pouvoir absorbant, qui n'a été que peu examiné jusqu'ici loin de la température ambiante. On a eu, par conséquent, peu d'occasions de comparer les pouvoirs émissifs et absorbants dans les mêmes condi- tions, et de vérifier la loi de Kirchhoff dans le détail. Ainsi qu'il a été montré récemment dans la /evue, tel corps, parfaitement transparent aux rayons visibles à la température ambiante, émet une vive lumière lors- qu'il est porté à une température élevée, ce qui, en admettant la parfaite exactitude de la loi de réciprocité, montre que les propriétés optiques se modifient consi- dérablement avec la température. Cette modification est tantôt graduelle, tantôt brusque, et, dans ce der- ment nul dans le jaune; en revanche on voit, dans, le vert et plus encore dans le viulet, s'avancer la bande d'absorption de l’ultraviolet à mesure que la tempéra- ture s'élève. Le verre à l’oxyde d'argent, jaune par transparence, et par conséquent absorbant dans la par- tie la plus réfrangible du spectre visible, accentue ses propriétés, avec une augmentalion de l'absorption allant vers le rouge. Le bichromate de potasse devient de plus en plus absorbant dans le jaune, à mesure qu'on le chauffe. En revanche, on sait depuis longtemps que ce corps, fortement refroidi, se décolore presque complè- tement, ainsi que le brome, le soufre, etc. Des corps dont les bandes d'absorption se trouvent très loin dans l’ultraviolet, comme le quartz ou la fluo- rine, restent incolores aux températures élevées, tant qu'ils n'éprouvent pas de transformation, parce que le déplacement des bandes s'opère entièrement en dehors du spectre visible. Le travail de M. Koenigsberger est assurément fort incomplet, puisque le nombre des substances examinées est très restreint, et que les expériences ont porté seu- lement sur la partie visible du spectre, de telle sorte que l'ébauche de loi qu'il formule doit encore être con- sidérée seulement comme une première indication TaeLeau 1. — Pouvoir absorbant de quelques corps à diverses températures, d'après M. Koenigsberger. SUBSTANCES Flint lourd . Verre jaune à l'oxyde d'argent Bichromate de potasse TEMPÉRATURES EEE = 15° 100: 1509 200 00 300 3500 0,003 » » 0,003 » 0,004 0,0%# 0,068 | 0,080 | 0,115 | 0,137 | 0,180 0,082 | 0,126 | 0,148 | 0,280 | 0,247 | 0,377 0,237 » » » » » 0,416 » » » » 0,503 1,09 » 1,1% » » .23 0,317 | 1,05 1,62 2,67 3,48 » “nier cas, correspond généralement à un changement d'état. … En revanche, la variation du pouvoir émissif ou absor- bant pour une radiation donnée peut se faire, dans de “larges limites, d’une manière tout à fait continue pour ne longueur d'onde déterminée, comme l'ont déjà montré quelques expériences. Il était intéressant de rechercher si ces varialions se produisent suivant des règles à peu près générales, ou “si chaque corps se comporte, à ce point de vue, d'une facon indépendante de toute loi. Une étude dans ce Sens vient d'être entreprise par M. Koenigsberger, de “Fribourg en Brisgau, et l'a conduit à formuler, au moins pour les corps non métalliques qu'il a examinés, R ette règle, qu'il généralise : Les bandes d'absorption d'un corps solide se déplacent vers les grandes lon- | 0 ueurs d'onde à mesure que la température s'élève, en Méprouvant en méme temps un léger élargissement. | … Les corps examinés par M. Koenigsberger sont en- core peu nombreux; mais, parmi eux, il n'a trouvé aucune exception à celle règle. En voici quelques xemples : « désignant le coefficient d'absorption de la rmule : a . Mdans laquelle l'épaisseur traversée est représentée par /, s valeurs suivantes de « (tableau 1) ont été déduites lobservations photométriques. Le flint lourd, parfaitement transparent dans le pectre visible à la température ordinaire, conserve, aux utres températures, un pouvoir absorbant sensible- ÿ J = Je 17, 3 à Cn. En. Guirraune : Les lois da rayonnement et la théorie des manchons à incandescence, dans la /tevue du LS0 avril 1901, t. XII, p. 358 et suiv, l pour les recherches futures. Il n'était pas moins inté- ressant de la mentionner dès maintenant. $ 4. — Métallurgie La production électrothermique du ferro- silicium. — On sait que le silicium rend de grands services au cours de la fabrication des aciers : on l'ajoute à la fin des opérations sous forme de ferrosili- cium pour réduire les oxydes formés et diminuer les soufflures dans les lingots. À ce point de vue,le sili- cium joue un rôle analogue à celui de l'aluminium. Au cubilot, le: ferrosilicium permet de fabriquer des fontes grises et par conséquent convenables pour le moulage. Enfin l'existence de silicium dans la consti- tution même des aciers n'est plus considérée comme nuisible, et la maison Hollzer fabrique actuellement des aciers à ressorts très élastiques et très résistants, qui doivent leur renommée à la présence du silicium dont la teneur dépasse 1,5 °/4. On comprend donc l'intérêt qui s'attache à l'étude des siliciures contenus dans tous les métaux dérivés du fer. Cette éludé a été conduite d'une facon remarquable, notamment par MM. Carnot, Goutal, Moissan, Lebeau, Gin, etc. Le ferrosilicium avait jusqu'ici élé préparé au haut fourneau. IL contenait du Fe’Si, siliciure isolé par MM. Carnot et Goutal et qui est, de tous, le siliciure le plus stable à baute température. On prépare maintenant ce ferrosilicium à l'usine de Meran (Tyrol) par les procédés d'électrothermie, en {raitant un mélange de battitures de fer à 72 % (1.000 kilos), de quartz (410 kilos) et de coke (398 kilos) avec une densité da puissance en régime normal de 70 watls par centi- mètre carré. Les opérations durent quinze heures et le 556 production moyenne en ferrosilicium est de 776 kilos, ce qui représente un rendement de 1.240 kilos par four et par vingt-quatre heures, soit 200 grammes par kilowatt- heure. Le ferrosilicium contient 21,5 % de silicium, 17,5 de fer et son prix de revient à la tonne ressort à 200 francs. En augmentant la proportion de quartz et en faisant varier en sens inverse la densité du courant, on peut obtenir des ferrosiliciums à teneur plus élevée, jusqu'à 83 %, sans que le prix de revient soit majoré. Cela présente un gros intérêt, puisque le prix de vente croît avec le nombre d'unités de silicium. On paie en France le ferrosilicium à 10 % 180 francs et celui à 25 % 300 francs, ce qui donneS8 francs pour le prix de l'unité entre 10 et 25 %. Au lieu d'employer des batlitures de fer, on peut aussi, avec l'électricité, traiter directement les minerais de fer siliceux, contenant environ 15 % de Si0* et 60 % d'oxyde de fer. Dans ce cas, le mélange se com- pose de 4.800 kilos de minerai de fer, 420 kilos de sable quartzeux et 720 kilos de coke. On obtient un ferrosili- cium à environ #5 %. Enfin, on à été conduit à essayer l'emploi des scories provenant des opérations sidérurgiques et contenant, en dehors d'une certaine proportion de fer, la presque totalité des éléments plus oxydables qye le fer et no- tamment le silicium. Ce sont des sous-produits dont la valeur est à peu près nulle. De plus, le fer et le man- ganèse contenus étant. à l’état de protoxydes, leur réduction exige moins de carbone et, par suite, une moindre dépense d'énergie que celle des minerais dans lesquels ces métaux se trouvent à l’état suroxydé. La réduction des scories de fer, difficile par les gaz réducteurs du haut fourneau, se fait très aisément au four électrique. De plus, les scories provenant de cor- nues Bessemer ou de fours Martin acides contiennent peu ou pas de phosphore. Les ferrosiliciums n’en renferment eux-mêmes que des quantités insignifiantes. Ces dernières fabrications ont été réalisées par M. Gin. Les scories employées provenaient d’un four produi- sant de l'acier à 0,13 de carbone et contenaient 50 % de Si0?, 34 % de FeO et de 10 % de Mn0. On mélan- geait 1.680 kilos de scories et 600 kilos de coke à 80 %. On fit un ferrosilicium à 30 % avec 54 % de fer, 13 % de manganèse et 0,5% de carbone en consommant 5.380 kilowatts-heure par tonne. C'est une économie de 12 % de l'énergie consommée pour la production à l’aide de minerais. En outre la dépense de coke a di- minué de 120 kilos par tonne. Cette fabrication de ferrosilicium au four électrique est à encourager, car elle permettrait de tirer profit des nombreuses installations de carbure de calcium, qui demeurent inertes en raison de la crise subie par cette dernière industrie. La métallurgie francaise, qui consomme beaucoup de ferrosiliciums et de silico- spiegels, pourrait dès lors s'affranchir de l’appoint que lui fournit l'étranger et éviterait ainsi le droit d'entrée élevé de 37 francs qu'elle est obligée de payer. $ 5. — Chimie végétale Découverte de nouveaux alealoïides dans le tabac. — Bien que le tabac ait été l'objet de recher- ches très nombreuses relativement à sa composition chimique, on n’en à retiré, jusqu'à présent, à l’état de pureté, qu'un seul alcaloïde, la nicotine. MM. A. Pictet et A. Rotschy, ayant eu à préparer une certaine quantité de nicotine, vienneut de découvrir, à côté de celle-ci, trois nouveaux alcaloïdes dans le tabac de Kentucky. Ces auteurs procèdent ainsi : On extrait le jus de tabac par le chloroforme ou l’éther, et on débarrasse le produit de l’extraction de la nicotine qu'il contient par distillation aux vapeurs d’eau. En soumettant le résidu à la distillation fractionnée, on sépare deux fractions bien définies, bouillant à 266-2689 et à 300-3100. La première renferme un alcaloïde liquide, de for- mule C!‘H!*Az?, que MM. Pictet et Rotschy nomment CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE nicotéine; elle est soluble dans l’eau, et lévouyre à l'état de base et à l'état de sels. La seconde fraction contient un alcaloïde solide, de formule C!‘HSAz®, désigné sous le nom de nicotellinef il fond à 147-148°, est peu soluble dans l’eau, mais très soluble dans l’alcool. Enfin, la nicotine entraînée par les vapeurs d’eau est mélangée d’une petite quantité d’une base secondaires de formule C!‘’H!*Az?, isomère avec la nicotine, et que les auteurs nomment nicolimine. La proportion des nouveaux alcaloïdes dans le tabacs par rapport à la nicotine est approximativement la suivante : nicotine, 1.000; nicotéine, 20; nicotimine, 5% nicotelline, 1. $ 6. — Géographie et Colonisation Institut de Médecine coloniale. — L'Union Coloniale française, convaincue de la nécessité de law création, à la Faculté de Médecine, d'un Institut de Médecine coloniale, vient de prendre l'initiative d’ou= vrir une souscription publique dont le montant servira à la création et à l'entretien de cet Institut. Nous extrayons du Manifeste qu'adressent au publie MM. Berthelot, Brouardel, Gréard, Perrier et Roux, les passages suivants : « La France a, depuis vingt ans, conquis un domaine colonial considérable. Quelques-unes des maladies qui sévissent sur ces territoires, dont les climats sont si divers, n'existent pas en Europe. Par suite, les modes de leur transmission et de leur traitement sont mal connus des médecins appelés à les traiter. « La responsabilité de la France est moralement engagée vis-à-vis des populations qu'elle a placées sous son autorité et vis-à-vis des Français qui s’expatrient pour mettre en valeur ces régions nouvelles. La pros= périté de leurs entreprises est intimement liée à la pré= servation de leur santé et de celle des indigènes. Enfin, les colons, à leur retour, rapportent en France les ger mes de maladies tropicales, dont les noms figurent à peine dans nos traités de Médecine. » «… L'Allemagne a organisé, à Hambourg et à l'Office impérial de Berlin, un enseignement spécial pour les médecins qui se destinent à exercer dans les colonies: « La Faculté de Médecine de Paris considère qu'il ests de son devoir de créer cet enseignement. Par la valeur de ses maitres, par le nombre de ses élèves, elle peut lui donner le développement nécessaire... » Ê Il nous a paru utile de citer ces extraits du Manifeste pour bien montrer aux lecteurs de la /tevue l'intérêt national qui s'attache à l’œuvre entreprise par l'Union Coloniale francaise et la nécessité, pour tous ceux qui veulent la prospérité de nos colonies et le bon renom de la science française, de contribuer de tous leurs efforts à sa réussite. Voyage de M. Hugues Le Roux dans l'E thiopie occidentale. — Plusieurs points des nous velles, envoyées dans le courant de juin par M. Hugues Le Roux, qui vient d'accomplir un voyage en Ethiopie, paraissent mériter de retenir l'attention des géogras hes. ï Toute la région qui s'étend à l’ouest d’Addis Ababz était restée jusqu’à présent inexplorée. D'Abbadie en 1843, Cecchi en 1880, Aubry en 18854 avaient traversé du nord au sud le Djimma et le Kaffa* Cailliaud en 1821-22, Jean-Marie Schuver en 1881-82, avaient exploré la contrée arrosée par le Jabous et le Toumat. Enfin, plus récemment, M. de Bonchamps eb ses compagnons avaient, d'Addis Ababa, atteint, au prix de quelles difficultés et de quelles misères, on s'en souvient, le Baro et le Nil Blanc. Mais de la contrée approximativement délimitée par 32° 30! et 35° longi tude Est du méridien de Paris, et par 9 et 14° latitude Nord, nous ne savions presque rien, bien qu’elle füb traversée par une route commerciale, depuis longtemps fréquentée par les négociants éthiopiens. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 597 Or, M. Hugues Le Roux annonce qu'il a pu « par- courir en tous sens la province occidentale du Oual- daga ». Il est donc probakle qu'on aura prochainement quelques renseignements sur la Didessa, ce grand affluent méridional du Nil Bleu, dont on ne connais- | sait jusqu'ici que le nom, ainsi que sur la haute falaise qui limite à l’ouest les terrasses éthiopiennes et sur- …plombe les plaines nilotiques. On n’était guère fixé non plus sur la direction exacte du Nil Bleu au sud du Godjam et du Damot : il avait été traversé en plusieurs points par des explorateurs E européens, mais jamais relevé sur tout son cours. M. Le MRoux se croit en mesure d'affirmer « que le Nil Bleu Ë vait été confondu jusqu'à ce jour avec un de ses “affluents septentrionaux et qu'il coule à un degré plus Mau sud qu'on ne l’a cru jusqu'à ce jour. » Ce serait là Mine constatation fort intéressante. Toutefois, avant de la classer parmi les faits acquis, nous croyons sage, sachant combien ces questions d'hydrographie sont dé- icates et fertiles en erreurs, d'attendre que le voyageur ait publié les preuves de sa découverte, itinéraire jour- “nalier, relevé du terrain à la boussole, déterminations des latitudes et des longitudes, preuves qu'on ne pou- “wait s'attendre à trouver dans la courte note qu'il a ‘transmise en France. Notre compatriote ajoute encore : « J'ai eu à soute- nir contre les Beni Changoul (et non, comme lil écrit, “Beni Schangul, qui est la forme anglaise), un engage- assez vif. » Le fait n'a rien de surprenant. Ces popula- “tions du Dar Bertat, depuis qu'elles sont entrées dans l'histoire, c'est-à-dire depuis l'attaque infructueuse “qu’en 1821, Ismail, fils de Mehemet Ali, dirigea contre “elles, se sont toujours montrées très belliqueuses. Elles ont, pendant le xix° siècle, conservé leur indé- ‘pendance aussi bien contre les maîtres de la vallée du Nil, khédives d'Esypte, Madhi Mohammed Ahmed, Kha- life Abdullah, qu'en face des Negus éthiopiens. Actuel- lement elles ne reconnaissent pas plus lautorité de Ménélik, que celle du Khédive d'Egypte ou plutôt de son délégué à Khartoum, le gouverneur général du Soudan, … MWingate Pacha. M. Hugues Le Roux dit enfin que les autorités abys- sines avaient jusqu'à présent mis le Ouallaga en inter- dit et que, s’il a pu le « parcourir, c’est grâce à la bien- . veillance de l’empereur. » Nous savions que Ménélik avait déjà souvent accordé son appui aux explorateurs; “une fois de plus, il aura donc rendu service à la Géo- graphie, P Li ; Henri Dehérain, Les Docteur ès lettres, Sous-bibliothécaire de l'Institut. Croisière en Syrie et Palestine : Livres à lire. — A l’occasion de son premier voyage au « Pays des Croisés », la Aievue a déjà publié, dans son numéro du 15 août 1897, une bibliographie succincte des prin- cipaux ouvrages dont la lecture pouvait être recom- mandée. Nous renvoyons MM. les touristes de la pro- chaine croisière à cette liste, que nous complèterons seulement par l'indication de quelques œuvres récem- ment parues. Signalons d'abord quelques études rapportées de notre premier voyage au pays des Croisés : M. Charles Diehl, qui en avait été le directeur scientifique, comme il a bien voulu accepter de l'être de celui qui se pré- pare, a publié une de ses conférences faites à bord du «x Sénégal » : Les Monuments de l'Orient latin (Paris, Leroux, 1897, broch. in-8°). Tout récemment, dans Ja « Revue de Paris » du 15 avril 1901, sous le titre de Villes mortes d'Orient, il a évoqué, en des pages saisis- santes, le passé historique et la silhouette actuelle des “vieilles cités guerrières, Rhodes et Famagouste. Dans “son volume : Vers Athènes et Jérusalem (Paris, Ha- . chette, 1898, in-16), M. Gustave Larroumet à consigné … les souvenirs de sa croisière à bord du « Sénégal », et, “par sa grâce attique, par la poésie discrète de ses des- "criplions, ce journal du premier voyage en Syrie et 1 Palestine sera, pour les touristes du second, le plus charmant des Guides. Signalons aussi l’œuvre d’un autre de nos compagnons de bord, M. Théophile Calas, qui a publié l’année passée, chez Fischbacher, un volume illustré et plein d'intérêt : Eu terre dé- solée; Au Pays des Croisés avec la Revue Générale des Sciences. Depuis le voyage de 1897, il a paru sur l’ile de Chypre un ouvrage essentiel, de M. Camille Enlart : L'Art Gothique et la Renaissance en Chypre (Paris, Leroux, 1899, 2 vol. in-8°, avec de nombreuses planches et figu- res). On y trouvera le description scientifique, avec les plus précises indications de date et de style, des mo- numents chrypriotes du Moyen-Age, et, en tête du pre- mier volume, une notice historique et une bibliographie au courant des plus récents travaux. F Pour la géographie de la Syrie et de la Palestine, leur administration, leur statistique et leur commerce, nous recommandons l'œuvre de M. Cuinet : Syrie, Lyban et Palestine (Paris, Leroux, in-8°), dont le der- nier fascicule a été publié cette année même. Comme souvenirs de voyage dans ces régions, signalons : de M. André Chevrillon, son livre : Terres mortes, The- baïde-Judée (Paris, Hachette, 1897, in-12), et une Con- ference sur la Syrie (Rouen, Gy, 1898, broch. in-4°); de M. Lucien Gautier : Autour de la mer Morte (Paris, Fischbacher, 1901, in-8°, illustré); de M. Delmas, Egypte et Palestine (Paris, Fischbacher, 1900, in-8, ill.); enfin une traduction de l'ouvrage italien du R. P. Dominique Zanecchia : La Palestine d'aujourd'hui, ses sanctuaires, ses localités bibliques et historiques (Paris, Lethielleux, 1898, 2 vol. in-12). Sur la situation politique de ces pays au point de vue international, M. P. Pisani a publié, en 1898, dans le « Correspondant », sous le titre de Questions d'Orient, deux études: Les Allemands en Palestine et les Russes en Syrie. À noter aussi un livre de W. Cambus: Paläs- tina, Land und Leute (Berlin, Cronbach, 1898, in-8e), écrit par un israélite allemand qui à surtout observé les essais de colonisation agricole juive tentés depuis un certain temps en Palestine. Un intéressant chapitre de l'histoire du Royaume latin de Jérusalem nous est donné par M. Schlumberger dans son livre sur Renaud de Chatillon, prince d'An- tioche, seigneur de la Terre d'Outre-Jourdain (Paris, Plon, 1898, in-8°). Il faut y joindre deux ouvrages étrangers : G. R. Conder : The latin Kingdom of Jeru- salem, 1099 to 1291 (Londres, 1897, in-8°), et la Ge- schichte des Kônigreichs Jerusalem, 1100-1291 (Inns- brück, Wagner, 1898, in-8°), par le professeur Reinhold Rôbricht, dont la Bibliotheca geographica Palæstinæ (Berlin, 1890) est essentielle pour la géographie, l'his- toire et l'archéologie de la Palestine. Mentionnons sur deux sujets très différents un livre d'art du baron E. Rey sur Les grandes écoles syria- ques du 1v° au xu° siècle (Paris, 4898, in-8°), et une étude médicale du Dr B. Boyer surles Conditions hyqié- niques de Beyrouth (Lyon, Rey, 1897, in-8°). Enfin les récentes affaires de Crète ont donné lieu à diverses publications que nous énumérerons briève- ment : V. Bérard, Les Affaires de Crète (Paris, C. Lévy, 1898, 4898, in-12); Laroche, La Crète ancienne et mo- derne (Paris, 1898, in-12); H. Turot, L’insurrection cré- toise et la guerre gréco-turque (Paris, Hachette, 1898, in-12); Henri Couturier, La Crète, sa Situation au point de vue du ‘droit international (Paris, Pédone, 1900, in-8°). Indépendamment de ces ouvrages spéciaux, les mem- bres de la croisière liront avec vif plaisir l'ouvrage tout récent d'un historien doublé d’un écrivain de talent : En Méditerranée, Promenades d'histoire et d'art, volume que M. Ch. Diehl, Correspondant de l'Institut, directeur scientifique du voyage en Syrie et en Pales- tine, fait paraître ces jours-ci à la Librairie Armand Colin. Ils y trouveront notamment des pages char- mantes et pleines d'intérêt sur Rhodes, Chypre et Jérusalem. On © (ee) D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE PREMIÈRE PARTIE : GÉOGRAPHIE La structure orographique du continent africain est maintenant à peu près connue dans ses grandes lignes. Les massifs montagneux y sont rares; leur étendue, même pour le plus imposant, celui des Monts de la Lune, est très limitée, comparative- ment à la superficie de cette partie du vieux monde, et, en tout cas, ils n'y dessinent point ces longues chaînes ramiliées qui forment l’arête de l'Europe, de l’Asie ou de l'Amérique. Ce ne sont ici que des étages superposés de plateaux et de cuvettes de faible altitude, sur lesquels les eaux fluviales se déversent successi- vement en descendant vers la mer. La figure 1 met en lumière cette disposition‘. Elle représente le profil de l'itinéraire suivi depuis Loango et Brazza- ville jusqu'aux plateaux nyam-nyams par le Congo, l'Oubanghi, le Mbomou et le Kèrè. Le profil du bas cours du Congo au-dessous de Brazzaville a été projeté sur celui de la route de Loango au Stanley- Pool. La pente réelle du terrain est, il est vrai, faussée dans un dessin ainsi compris : le relief s'y trouve atténué. Car le profil, au lieu d'être imaginé suivant une ligne droite, est figuré sur l'itinéraire développé, tel que le voyageur se le représente en s’ayançant vers l'intérieur. La carte n’est pas encore couverte d'un assez grand nombre de cotes d'altitude pour offrir les éléments d'une coupe rationnelle. Toutefois, l'erreur résultant de la disposition que j'ai adoptée peut être considérée comme insi- gnifiante, si l’on réfléchit que l'échelle des hau- teurs est centuple de l'échelle des distances. Avec celte proportion, la moyenne des sommets des Pyrénées et des Alpes atteindrait, sur la même figure, 15 à 20 millimètres, et le Mont-Blanc 37 mil- limètres. Autre particularité intéressante de ce schéma : ce sont les bourrelets que présente, de distance en distance, le profil du terrain, formant saillie sur la ligne basse et presque horizontale du reste de la figure, dans Ja parlie centrale. Voici d'abord, près de la mer, la chaïne côtière, monts de Cristal, Mayombé, Palabala, etc., de 600 à 700 mètres d'altitude en moyenne, très rare- ment plus de 1.000 mètres. Cette altitude moyenne ! Les profils représentés par les figures 1, 3 et 4 sont construits avec les altitudes fournies par les cartes de MM. Jacob et Rouvier pour les points voisins de la côte; pour les autres, avec les altitudes déduites de mes observa- tions barométriques. n'est guère dépassée dans l’intérieur. Toute la ré- gion riveraine du La 24280 bas Congo est itiée tourmentée, héris- st KÊRE sée de petites col- Confé du Kère lines, qui, aux en- virons du Stanley- : fa Barmeu ZEMIO Æ Pool, s’écartent en vaste amphithéà- tre pour se relier para; à la Série wdepla tee teaux qui conti- PANGASsa nuent vers le Sud ovango-mscroy Yakoma les plateaux ba- téké. Là, sur 130 kilo- mètres, le Congo est encaissé dans un fossé profond, È tracé enligne pres- que droite entre les « falaises de raxcmi Douvres », sur le Stanley-Pool, et ; la pointe de | Tchoumbiri. Son resserrement sur Éè une largeur de 2 kilomètres au 5] j Al MBomouy Rapides | Setema MOBAYE OUBANGHI *e de Loango aux plateaux Zandés. plus, l'escarpe- ment des parois yen de 100 à 150 mè- É tres qui l’empri- < sonnent, justifient "* e bien le nom de couloir, qui à été donné à cette par- Nea-ntenous tie de son cours. Partout, sur ces rives, règne la fo- rêl aux grandes essences, (fig. 2); Comsn au sous-bois Oobs- Bouenza trué de troncs morts, de bran- ches cassées par MertBamba les singes ou abat- 12460 tues par les vents d'orages, d'épaisses couches de feuilles que la pourriture revêt, la nuit, de faibles lueurs phos- Fig. 4. — Profil de l'itinérai Profil des Eaux ConNGco BRAZZAVILLE LOUDIMA D' CUREAU — NC SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE phorescentes. Ces solitudes sont frappées d'un | ment discordant des toucans et des lourucas, le cri Cr k 45 Ep À 2 D 4 LeT'eiys ro d 1 Fig. 2. La forét du Mayombé, sur les bords de la Loukènène, éternel silence, que fait ressortir encore le bruisse- | plaintif de l'aigle pêcheur et, soir et malin, le con- ment des eaux impétueuses du fleuve, le € cert criard des perroquets qui passent à des hau- 560 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE teurs prodigieuses, se rendant aux cantons riches en arbres à graines, ou revenant à leurs nids. De l’autre côté du seuil des plateaux batéké s'étale la vaste dépression, au fond de laquelle les grands affluents de la rive droite viennent con- Riy Soué M Ndour R:y Yobo M Ndzounçou Mb; Eroubou = R:v Yobo = x, D. AE TAMBOURA (us Tina) se Mbva Baghera = V5 Amet == = Riv. Rembio Ru Zerou MBIMA RiY Karë 25 Tawa 5iNANGBA Ru Mbira -mbira y? Bare- mbanga R:v Bouda V3° Gamandzou V#-Kana BAKARI Riy. Basara 5 24 Rora ZEMIO ( Rw Mbomou) RE ———————— hi Versant du Nil ———_—_—_—_—_—_]_]_—_—_—_—— Versant du Congo 100 Xm 50 60 70 Bo 9o 40 30 M'Bamba (May mbe) Niveau de la mer — Profil de l'itinéraire de Zémio au Soué. 3. Fig. fondre leurs eaux par une mullitude de canaux et d’a- nastomoses, au milieu de bancs de sable, d'i- lots à demi- submergés, de champs de pa- pyrus, de plai- nes vaseuses, hérissées de grands roseaux où le corps de lourds pachy- dermes à ou- vert des pas- sées et creusé des bouges. Le Congo acquiert en cet endroit jusqu'à une vinglaine de kilomètres de largeur. Pen- dant la crue, tout le pays est noyé par les eaux fangeuses du fleuve dé- bordé; les pi- rogues des no- mades Bafou- rou peuvent circuler parmi les arbres de la forêt, sous l’inextricable enlacementdes lianes et des ro- tangs. Ces lar- ges étendues d’eau, ces îles vaseuses, les silhouelles grèêles ou puissantes que projette une végétation exubérante d'arbres, peut- être encore innomés pour la plupart, sur un ciel chargé de brumes lourdes et chaudes; cette éblouis- sante lumière qui donne aux objets rapprochés des tons crus et heurtés, et fond les lointains dans des teintes vagues et nuageuses; les effets du mirage qui paraissent suspendre en l'air les îles et les pirogues; le reniflement des hippopotames;leero- & codile, vautré dans une siesteimmon- de à l'extré- mité d'un bancdesable, d’où la moin- dre alerte le fait lourde- ment sauter dans l’eau; la démarche s0- lennelle des pélicans et des aigrettes en quêle de poisson; le vol d'un an- hinga, moitié oiseau, moi- tié serpent : un varan, al- longé sur une branche, au- dessus de la rivière et guettant sa proie ; une troupe d'’élé- phanis, qui passe dans une clairière, battant des oreilles, ba- lançant la LrOMpeELM= tout cet en- semble forme un tableau absolument étranger à nos sites mê- me les plus sauvages d'Europe et procure l’im- pression d'à- ges géologi- n° Tchighigoua M! Galabourou M° Sarogo Djebel Mançayat M° Boughira Rw Sopo Cotlines de Deleb Riw Biri DEM ZIBER Rty. Zaka Riv Bari Riv. Bibr Rw_D)amba Riv. Neanda Riv Bomou Riv Senghu Riw.Daraoua VS Rabet Fe V*"Mazina BEN Riv Nswa-ngwa M° Koungou Riw Woula VS*Kipa VS Mbima BAKARI] Riv Bagara Riv Rora ZEMIO(Riv Mbomou) ques disparus et de fabuleuses époques, qui ont survécu dans un coin oublié par les révolu- tions du Globe. A Banghi, un nouveau seuil ferme la grande cuvette équatoriale. Le voyageur, Versant du Nil 190 Km —_< 30 10 10 Oubang he LT Bançghr Conga Hi Brazzaville 1 M'Samba | [MENTENTS) Versant du Congo 60 8o go 70 So 40 Lit a Niveau de 15 mer Djcbel-Mangayat, 10 au de Zèm éraire Fig, 4, — Profil de l'itin È | | Qui remonte la rivière, voit peu à peu s'élever sur Jhorizon du Nord un rideau de collines. En arri- van, aux basses-eaux, dans l'espèce de cirque que “domine le poste, il apercoit deux promontoires rocheux qui s'avancent à la rencontre d’une rive à l'autre et ne ménagent, au milieu, qu'une brèche par où la rivière s'échappe en tourbillonnant. Aux eaux hautes, celte porte étroite ne lui suffit plus; le passe par-dessus le seuil et retombe de l'autre “côté en calaracte. + Au-dessus de Banghi, l'Oubanghi est extrême- ent resserré entre des plateaux de médiocre élé- alion. Dans ce défilé, sa profondeur devient con- idérable, son courant torrentueux; les rapides se mètres de longueur, quelques-uns dangereux, notamment celui de l'Éléphant”. Au delà de ce couloir, nous rentrons dans des ux calmes, au milieu d'une terre nouvelle. La Nature a changé d'aspect. La forêt équatoriale “jaisse encore quelques vesliges sur la rive gauche ; “mais la rive droite est dénudée, plate, accore, “la haute futaie, maintenant disparue sans retour. D'immenses plaines herbeuses se développent jusqu'à de lointaines et basses collines. —…. À terrain plat, large rivière. Quoique simple ju et loin du grand fleuve à cet endroit, l'Oubanghi y alteint parfois plus de 1 kilomètre “d'une rive à l’autre. Celle partie de son cours est “partagée, par les barrières rocheuses de Mobaye et “de Sétéma, en trois biefs à peu près navigables en toute saison pour des bateaux de faible tirant d’eau. Les régions de rapides ne sont accessibles qu'aux seules pirogues indigènes. Laissant le Ouellé à droite, le troisième bief nous conduit dans le Mbomou, le tributaire le ‘plus important de l'Oubanghi; il mesure environ 300 mètres de largeur à son confluent. Rivière ca- pricieuse et pleine d’imprévu, le Mbomou présente, dans le quart inférieur de son cours, une série de rapides qui en rendent la navigalion assez péril- leuse pour les pirogues, impraticale pour toute “autre espèce d'embarcation. La figure 1 indique nettement la pente des eaux dans celte région; elle montre la rivière descendant des plateaux - nyam-nyams comme su: les marches d'un escalier. - A partir de Rafaï, le pays devient tout à fait plat. L’altitude se maintient uniformément aux environs de 630 à 650 mètres. Les figures 3 et 4 en donnent “ le profil suivant deux directions, l'une versle nord, , = 1 4 Actuellement appelé par les indigènes Para-mbô, du surnom donné par eux à un de nos agents, M. Juchereau, qui - S'y est noyé, en 1896. D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 5061 l’autre vers l’est; les deux ilinéraires coupent en des points éloignés la ligne de parlage d'eaux entre le Congo et le Nil. Il m'a paru intéressant d'en rapprocher, à la même échelle, l'altitude de trois des principales étapes depuisla côte un des sommets du Mayombé, le Congo à Braz- zaville et l'Ou- banghi à Ban- ghi.On voit par là combien l'al- titudemoyenne du centre du continent sur- passe peu celle des points voi- sins de la côte. Il y a lieu d'insister sur l’orographie el l'hydrographie de celte région, parce qu'elles permellent de serendre comp- Le de bon nom- bre de particu- larilés de la géographie africaine. C'est là aussi, sans doute, que les couches pro- fondes vien- nent le mieux se révéler à la surface. Il sera donc nécessai- re, pour ne pas nuire à = = as) “ Ge un ü = a Ÿ = Lo n — HumusetDépôts végétaux BR sg Herbes at Arbres:Termitières TuLSse aux Coupe schématique des ter Galerie } Hd ti) il te 1 J. Fig. ilot. de vegetation : : ° SW la clarté de l’ensemble, Le FE £ TS de faire marcher defront «S È € les descriptions de la à À = . 3 A conformalion et de la = g À s ML — structure du sol, ainsi DRAM AE a 5 CET, = que la répartition des eaux. I En se basant sur l'examen superficiel des ter- rains dans la région des plateaux zandés, on peut se représenter la coupe du sol comme j'ai essayé de le faire sur la figure 5. L'assise inférieure apparait aux environs de la 562 limile des deux bassins du Congo et du Nil. Du côté Congo, l’amphibolite du Namoungoua, quel- ques blocs de quartz disséminés aux environs du Kèrè, du Bégoué et du Ngwa-ngwa, y représentent seuls cette couche profonde. Les gneiss de Yaben- ghé, de Mbima, du Mbia-Gaza, du Mbia-Dou, du Mbia-Baghéra, voisins de la limite des deux bas- sins, font pressentir les massifs plus importants éparpillés sur l’autre versant. Là, du côté Nil, ces massifs de schistes cristal- lins sont nombreux et disséminés à 20 ou 30 kilo- mètres les uns des autres depuis les hautes vallées du Soué et de l'Iba jusqu'aux limites du Darfour el du Ouadaï el peut être plus loin. L'embarras est de les caractériser par une désignation générale. Le nom de rocher est trop modeste; le nom de mon- tagne trop ambitieux. S’iln’y en a pas déjà d'autre dans la science, le mot zandé mbia (caillou, rocher) paraïîtrait convenir aux si remarquables monoli- D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE lèvement, et qui est plus rapprochée du côté nord, ils s'agglomèrent pour former une chaîne plus compacte, creusée de golfes profonds, de défilés étroits, au sol fangeux, encombré de quartiers de roches et de bambous". L'aspect de celte contrée estempreint d’un carac-« tère singulier et étrange. Gravissez un de ces som- mets. Autour de vous s'étend à perte de vue une plaine uniforme, légèrement ondulée, sans villages, sans habitants, sans vie; la végétation y est maigre, les arbres chétifs et rabougris, les herbes gréles et délicates; c'est un steppe désolé, brûlé par un soleil ardent, stérilisé par un vent sec et aride. Plus près de vous, le terrain se déprime en légère cuvelte. En cette saison sèche, le sol est, par endroits, dur et craquelé, gardant l'empreinte du pied des éléphants et du sabot des girafes; autre Fig. 6. Fig. 6 et T. — Mont Tchighigoua. (Fig. 6. — Côté nord; Fig. 1. — Côté sud.) thes qui hérissent cetle région. C'est à tort que les | cartographes les figurent avec les hachures dignes des plus superbes chaines. Illusion fort naturelle : car Junker n'avait vu que de loin l'alignement des Pambias, et le nom de Djebel, donné emphatique- ment par les indigènes arabisants au groupe du Mangayat, avait pu en imposer aux nombreux voyageurs qui sont venus à Dem Ziber, mais ne l'avaient pas visité”. Le Djebel-Mangayat est le plus considérable de ces massifs. C'est un faisceau de pics, affectant dans son ensemble une forme grossièrement ovale, de 20 à 25 kilomètres dans sa plus grande dimen- sion, du sud-estau nord-ouest. Le plus haut de ces pics, le Tchighigoua a 220 mètres au-dessus de la plaine et un kilomètre environ de longueur; ce n'est donc, en réalité, qu'un très gros rocher. Les autres pics, qui composent le groupe, présentent 4 Les monts des Pambias et les autres massifs situés ‘dans la vallée du Soué ont été reconnus, en 1896, par M. le capi- taine Hossinger et M. le lieutenant Angot, de la Mission Liotard ; le Djebel Maugayat, en 1898, par M. Liotard lui- mème. Rio part, il est formé d’un sable fin, blanc grisâtre, composé en grande partie de lamelles de mica, qui reluisent au soleil. Dans la saison des pluies, la contrée disparaît sous 20 à 30 centimètres d’eau et se transforme en un immense marécage. De ce marais surgissent les géants de granit, isolés ici, là pressés les uns contre les autres. De. la hauteur que vous occupez, ils prennent des formes bizarres, mitres d'évèques, panthéons à moitié éboulés, lions couchés, monstres marins vautrés dans la vase, prodigieuses pierres tumu- laires ; tout cela gris, pelé, souillé de longues trai- nées noirâtres (figures 6, 7,8 et 9). Battue par les. pluies diluviennes, désagrégée par des tempéra= tures qui'passent, entre 6 heures du matin et midi, de + 6° à + 40° ou 45°, la roche se clive en feuil- lets minces; des rainures, des crevasses se creu- sent sur la surface lisse : juste ce qu'il faut à quel=M ques graines pour y germer, à de chétives herbes. pour y croître, à un pauvre buisson pour y assujet- ür son tronc rachitique contre l'effort des”tornades.\ { Bambusus abyssinica. | À | D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 563 “ Ce chaos de pierres sans fertililé et sans vie laisse une impression de désolation et de mort. La dévastation est passée par là avec les hordes du Mahdi. Sur les sommets, on trouve encore quelques débris de poteries brisées, témoins de la fuite des “indigènes devant les horreurs de l'Islam. Ce lugu- bre pays semble porter le deuil de ses villages incen- diés et de ses populations massacrées ou réduites en esclavage. Les autres pics situés vers le Nord, Lifi, outou, Talgaouna, etc. ; ceux qui se trouvent dans la vallée du Soué, Pambias, Eroubou, Ndzoungou, “Ndour et bien d’autres; de même aussi, sans doute, ceux qui sont échelonnés entre ces deux régions et qui ont été recon- nus par les anciens | voyageurs, tels que “jé Dou, le Dara- goumba, le Titam- ; tous ap- à dla Fig. 8. — formation, tous présentent un aspect et une constitution sem- blables, mais sur des proportions beaucoup plus Dour Fartout, ce sont gneiss el ph eites ss des mêé- es éléments, - mais constituée par des frag- E oblongs comme des mor- ceaux de sucre cé, où le quartz _ prédomine, et | soudés par un ciment résistant; celle-ci n’est point feuilletée et offre beaucoup plus de dureté que les autres. ? Voilà donc ce que l'examen superficiel du sol ermet de connaitre de son assise la plus profonde. u-dessus vient se superposer une couche d'élé- ER. extrêmement complexes, épaisse sur le ersant du Congo, plus mince sur celui du Nil. Ce ont des conglomérats formés en proportions très | variables de cailloux arrondis, de sable, enveloppés dans une gangue manifestement riche en fer, dont “Ja teinte passe du rouge brun au noir bleu foncé. En quelques localités, cette partie colorée devient Àprédominante et sert aux indigènes de minerai ‘pour la fabrication du fer. La consistance de cette roche est généralement dure. À sa surface, la gan- gue ferrugineuse forme des veines saillantes, cir- Conscrivant des alvéoles d'où se sont échappés les “cailloux arrondis qui y étaient logés. Elle est dis- posée en tables sensiblement horizontales de 1 à Mont Sarogo (côté est). 3 décimèlres d'épaisseur, dont la superposition constitue les plateaux de l'Afrique centrale. L'as- pect de ces plateaux répond à un type assez uniforme. Quand on monte de la vallée sur le plateau, on trouve d'abord des blocs de roches provenant du terrain désagrégé et prêts à glisser sur la pente. Quelques pas encore et le sol prend son niveau à peu près horizontal. Le sentier est semé d'un fin gravier qui roule sous les pas et rend la marche très pénible. La roche, raboteuse, est recouverte d'une sorte de lichen coriace et d'herbes courtes et fines, très glissantes, Par places, sur les points déclives, se sont amassés quelques grains de terre végétale; des Gra- minées plus drues el plus vigoureuses ont pu s'y fixer. De singulières excrois- sances parsèment la plaine, celles-ci d'origine animale, sorte de gros champignons d'argile grise, isolés ou groupés en tourelles et en châteaux forts : c'est l’œuvre d'un névroptère, le Termes mordax. De dis- | tance en distance s'élèvent des ilots de végétation (fig. 10) : buis- sons et arbres de médiocre hau- teur ; la Lerre leur manque: leurs racines s'é- talent sur le roc. Ces arbres sont posés sur le sol comme les ar- bres naïfs des ménageries en- fantines : le pas- d'une tornade suffit sage d’un éléphant, le vent souvent pour les renverser, et l'on voit redressé le disque de racines qui les soutenail sans les accro- cher au sol. Viennent les pluies lorrentielles du Khamsin : la roche superficielle est délavée; l'eau court en torrent à sa surface, enlève les cendres du dernier incendie de la brousse, entraine tout l'humus qui n'est pas retenu par les racines des herbes. Des flaques d'eau se forment, où ne tardent pas à appa- raître des myriades de tètards, d'hydrophiles, de gyrins, de larves de moustiques, d'hydromètres. La végélation devient plus verdoyante et plus touflue; mais la prochaine saison sèche anéantira ces essais de résurrection : ces plateaux sont voués à la stérilité. Les terrains qui recouvrent les gneiss et les conglomérats ferrugineux sont formés par la désa- grégalion de ces roches. Ce sont, au fond des vallées, des argiles plus ou moins mélangées de sables, d'une couleur passant du blanc pur à l’ocre jaune et au rouge-brun foncé. Au-dessus viennent l'humus, les marais, tous les produits dela décom- position végétale. Sur le versant du Nil, l'action corrosive des agents atmosphériques sur les mas- sifs cristallins a répandu dans la plaine une épaisse couche de sables, à peine mélangés d'un peu d'humus et, par suite, doués d’une très médiocre fertilité. Dans la vallée du Soué, le mica y prédo- mine : là, le sable est grisàtreetcoulant. En d'autres points, c'est le quar!z : le sable prend une couleur jaune-clair ou rosée; il s'agglomère plus facilement ex D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE signalée sur les plateaux; en maints endroits, des. grès grossiers, mélangés de graviers; à Matadi, près de l'embouchure du Congo, des micaschistes à micam blanc *. . Remarque importante : les calcaires manquent à peu près complétement dans toute cette partie de l'Afrique. À Comba, près de Brazzaville, il en passe une bande dirigée du Nord-Est au Sud-Ouest. A partir de là, on n’en trouve plus. Les eaux des rivières ne tiennent en solution que des traces de chaux tout à fait insensibles. Pourtant, l’'Oubanghi renferme des quantités considérables d'huîtres, dont les indigènes font une grande consommation. Il s'en trouve également dans le Souéetjusque dansle Yobo. Fig. 10. — Un plateau Zandé avec des ilots de végétation et des termitières. et, au lieu de se laisser charrier en masse par les eaux de pluie, ilse ravine et se découpe nettement. En aval des hauts plateaux, on à peu visité et peu décrit les pays éloignés des grands cours d'eau ', de sorte que la connaissance des terrains est pres- que exclusivement limitée aux couches alluviales provenant de l'apport des rivières. Les seuils des rapides montrent en quelques pointslaroche à nu : dans le Mbomou, c'est une roche granitoïde alté- rée (taplite), à Banghide gros blocs de quartz blanc laiteux soudés par celte même gangue ferrugineuse ! Sauf dans le Bas-Congo et l'Ogowé, que des géologues de profession out étudiés avec toute la compétence dési- rable. Il est regrettable de constater que l'Etat indépendant du Congo a été l'objet d'investigations scientifiques sérieuses, alors que le Congo francais est à peine effleuré. La bonne volanté, dont j'essaie de faire preuve ici, ne saurait rem- placer les connaissances approfondies que des études spéciales peuvent seules donner. La conformation et la structure du sol étant ainsi élablies dans leurs grandes lignes, essayons de nous rendre compte de la genèse des rivières et des vicissiludes de leur cours. IT L'absence de système orographique entraine l'absence presque complète de sources. Celles-ci, du moins, sont rares et proviennent de faibles transsudations à travers les minces couches d’hu= mus et de sables, qui recouvrent la surface imper= méable des plateaux. On peut donc dire, d'une manière générale, que les rivières prennent nais= sance, non par filtration d’eaux souterraines, ! Les déterminations des échantillons de roches que j'ai rapportés ont elé faites par M. Emile Haug, professeur adjoint à la Sorbonne. D: CUREAU — NOTES $ SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 265 mais par ruissellement des eaux de pluie sur la | ment incliné. Je n'ai vu cet arbre que dans ce pays “surface imperméable des plateaux. Cette absence d'eaux vives occasionne de grandes privations aux populations du Bahr- el-Ghazal, “pendant la saison sèche. À cette époque, les ruis- “éeaux sont taris; la chaleur solaire n’est tempérée _ par aucun nuage; les herbes brûülées couvrent le sol d'un manteau de cendres; les maigres arbres, à moilié calcinés, ont perdu leur feuillage; tout le pays est desséché et aride. Pour satisfaire leur soif, les indigènes n'ont d'autre ressource que de “creuser, dans le lit d’un ruisseau ou d’un marais à sec, un trou de quelques décimètres de profondeur, “dans lequel ils puisent, avec une petite calebasse ou des feuilles réunies en cornet, une eau noire, < bourbeuse, nauséabonde, peuplée d'un monde d'algues et de larves de toute nature. Chose re- - marquable, ces populations fuient le voisinage des rivières, qui pourraient leur assurer une abondante “provision d’eau en toute saison. Elles recherchent, «pour s'y établir, les emplacements dénudés, brûlés, “au milieu du jour, par l'ardeur d'un soleil zénithal. “J'ai vu ainsi construire des villages à proximité … d’un lit desséché, alors que, à une heure de mar- “che, un charmant ruisseau court entre des cailloux “sous un ombrage délicieux. Personne n'a jamais pu me donner une raison suffisante d’une coutume si paradoxale au regard des goûts et des habitudes de la plupart des hommes. La consultation des - fétiches étant éliminée, est-ce hérédité ou tradition chez des peuplades dont le berceau se trouverait dans les contrées du Nord et de l'Est, encore plus arides et desséchées? Est-ce motif irraisonné de santé, crainte inslinclive des miasmes et des brouillards ? Mais, revenons à l'eau de pluie, que nous avons laissée ruisselant à la surface des plateaux. Simple - filet sans cours déterminé dans les dépressions indécises des tables rocheuses superficielles, les “ eaux ont, au cours des siècles, enlamé celles-ci dans les parties plus déclives. Sans cesse grossies par de nouveaux apports, à mesure qu'elles des- cendent vers la vallée principale, l'effet mécanique de leur masse s’accentue : la dépression devient ravinement. On rencontre souvent, dans l'intervalle des pla- + (eaux, des vallons dont le fond est occupé par un - marais hérissé de grands roseaux, de hautes herbes au chaume quadrangulaire garni d'ailes tranchantes comme des rasoirs, d'arbustes épineux, de daltiers sauvages‘ aux pointes acérées; il s’y trouve également, par petils bouquets, une jolie miniature de palmiers, aux couleurs fraiches de vert clair et de rouge orangé, au stipe gracieuse- ! Phœnix spinosa et dans ces vallons marécageux. Au ravinement succède un ravin plus profond, qu'on appelle, depuis Piaggia, une « galerie ». La galerie ne se trouve donc point sur les parties culminantes des plateaux, mais seulement aux approches des vallées principales. Qu'on se figure un ravin creusé dans la roche du plateau, de 15 à 20 mètres de profondeur, aux pentes très raides. Les pluies ont fait glisser d’en haut, d'abord des fragments de roc, puis de la terre végélale. L’épaisseur de la couche formée par celle-ci va naturellement en croissant du bord du ravin jusqu'au fond. Là coule le ruisseau, sur un lit de sable et de feuilles mortes. Dans cette retraite profonde, à l'abri des vents desséchants et des ouragans, dans une atmosphère maintenue humide par la proximité de l’eau, la végétation rencontre un milieu éminemment favorable à sa prospérité. Mais l'épaisseur de terre végétale, trop faible près du bord, ne tolère que le buisson; plus considé- rable au fond du ravin, elle admet les grandes essences ; de sorte que le faite de ces végétaux de taille différente s'égalise au sommet du ravin et que le dôme de verdure dépasse à peine la surface du plaleau. Les grandes vallées, telles que celles du Kèrè, du Woula, du Bamou, du Mbomou', ne sont, en somme, qu'une extension, un élargissement de la galerie. Partons encore de la surface du plateau, Immé- diatement au-dessous du bord, nous trouvons des éboulis provenant de la destruction de la roche. Plus bas commence la terre végétale; la couche augmente d'épaisseur; elle se mélange avec les sables et les argiles charriés par la rivière et dépo- sés par les crues. Là, suivant la richesse du sol, croissent de simples herbes, des buissons, des arbustes ou des arbres. Elus près du thalweg, les herbes seules subsistent; le sol devient fangeux ; c'est le terrain d'inondation, couvert par les eaux, soit tous les ans, soit seulement aux crues excep- tionnelles. Au milieu de cette plaine basse serpente un rideau d'arbres courts el rameux, qui dessine au loin le trajet de la rivière. En approchant, nous reconnaissons que ces arbres bordent un fossé aux parois taillées carrément comme celles d'un canal; la profondeur en est pour toutes les rivières de 3 à 5 mètres en moyenne. Terre végétale en haut; au-dessous, sable, argile et souvent grès tendres dans le bas. La rivière coule tranquillement tout au fond de ce fossé, en saison sèche ; en saison des pluies, elle en remplit tumultueusement les bords 1 Les mots Bamou et Mbomou dérivent d'un mot Karè, impossible à figurer dans notre orthographe et qui signifie eau, 500 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE de ses eaux fangeuses, puis se répand dans la plaine avoisinante. Des deux côtés, les arbres, minés en dessous par le couranl, penchent vers le milieu, comme se saluant d'un bord à l'autre. Cette circonstance facilite beaucoup l'établissement des ponts de lianes en diminuant leur portée. La nature rocheuse et la dureté variable des terrains, où Ja rivière a creusé son lit, l'ont obligée à se replier en mulliples sinuosités; on dirait les contorsions d'un ver coupé. Sur une partie de son parcours, le Mbomou fait 150 kilomètres d'oscilla- tons autour de sa direction générale, qui n'en a que 77. Comme le montrent les profils du sol (fig. 3 et 4), la crête qui sépare les deux bassins du Congo et du Nil est extrémement peu marquée.Elle n’est cons- tiluée que par un plateau à peine plus élevé que les autres et tout aussi DA Pa horizontal . On conçoit que, sur ces surfa- ces planes, le partage des eaux se fasse avec une certaine indécision et qu'elles pa- raissent comme hésiter entre les deux directions. Pour beaucoup même de ces ruisselets, le sens de l'écoulement n'est pas constant; sous le moindre prétexte, quelques mottes de terre, une poignée d'herbes, ils reportent d'un bassin à l’autre leur modeste tribut; c'est une demi-slagnation, un Fig. 11. Hauteurs Debut MR MAMAN TR NUE RE CSM CN IN D Ir Fig. 12. — Régime des eaux du Soué, — hauteurs ..….. débits. écoulement alternant, moitié marais, moilié ruis- seau. Les cours d'eau qui descendent des plateaux dans la direction du Nil, tout en conservant la plupart des caractères généraux décrits plus haut, offrent quelques particularités qui tiennent à la nature sablonneuse des couches superficielles sur lesquelles ils coulent. Les dépressions, occupées par les ruisseaux de faible débit, à cause de la nature meuble du sable où elles sont creusées, sont peu profondes et lrès évasées. La fillration des eaux de pluie à travers la mince couche superficielle, où elles sont maintenues par l'imperméabilité de la couche sous-jacente entretient sur les pentes latérales un état cons tant d'imbibilion, qui réalise ainsi un marais in cliné. Dans le fond de la dépression, l'épaisseur de vase se fait de plus en plus considérable, sous une eau fangeuse à peine courante; le marais de 1 vient fondrière. | Les rivières de plus grand débit reprennent, dun côlé du Nil comme du côté du Congo, la même section rectangulaire de trois à cinq mètres dem hauteur, dont la surface correspond à la masse des eaux pluviales déversée par les plateaux pendant le Khamsin. L'origine des cours d’eau africains, le défaut de réservoirs souterrains comme régulateurs de leu débit, l'absence de végétalion sur les lieux élevés. entrainent falalement des écarts considérables dan le régime ve 02 Hautes caux trouvera ici (fig.11) unes coupe du F o — Coupe du Soué au confluent du Yobo (Echelle des hauteurs double de celle des longueurs.) Souéàl’em- bouchure qui donne une idée exacle de la conformation de toutes les rivières de la contrée, Mbomou, Woula, Ngwa-ngwa, Sarangou, Biri, ete. J'y joins (fig.12)les courbes de son niveau et de son débit moyens pendant l'intervalle d'une année. On y verra que le débit varie entre 10 et 400 mètres cubes par seconde, écart énorme, pour un point aussi élevé de son cours. Pour des bassins de médiocre étendue, la loi de ces oscillations est évidente et facile à dégager : elle correspond nettement, quoique avee un léger retard, à l'allernative des saisons. Mais, pour ceux qui embrassent des latitudes très différentes, la loi est plus complexe. Les tribu- taires ne sont soumis aux crues qu'à tour de rôle, au fur et à mesure du déplacement de la saison des pluies le long du méridien. Le Congo, dont l'immense bassin enjambe largement sur les deux, hémisphères, est soumis, dans ses crues, à des ondulalions correspondant aux contributions successives des bassins secondaires du Nord et du Sud. Il serait intéressant, au point de vue de la cli= malologie et de l'hydrographie africaines, que les Etats riverains du grand fleuve s'entendissent pour instiluer un service d'observations marégraphiques en des points judicieusement répartis du Congo et de ses affuents. | Dans son ensemble, la ligne de partage d'eaux est dirigée du S.E. au N.0., courant en diagonale des sources du Mbomou à celles du Borou et du D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 567 Bahr-el-Arab. Le cours du Mbomou dans le Sud, et, “dans le Nord, celui du groupe Bahr-el-Homr et Bahr-el-Arab, prolongé par le Bahr-el-Ghazal etune Partie du Bahr-el-Djebel, sont sensiblement paral- “èles et dirigés en sens contraire, le premier de L'Est à l'Ouest, le second de l'Ouest à l'Est. Les affluents du Mbomou ont une disposition rayonnée, encore plus frappante, si l'on y joint le Ouellé er le et son affluent le Ngwa-ngwa ?, le Chinko, le Mbari, “6 Koto se redressent peu à peu pour venir COnver- er soit directement, soit par leurs prolongements, u point de jonction du Ouellé et du Mbomou. “ Du côté du Nil, les rivières suivent parallèlement une pente commune inclinée vers le Nord et quiles “conduit dans l'immense dépression transversale ont les marais du Ghazal occupent une bonne artie. C'est le cas du Babr-el-Djebel lui-même, du ouong, du Rôl, du Roua, de l'Iba ‘, du Soué *, du “Pongo, du Kourou et du Biri. Nous avons suivi les eaux depuis le moment où, recueillies par les plateaux, elles ont glissé à leur rface, s'y creusant un lit de plus en plus profond, is s'épandant sur leurs déclivités dans deux di- rections opposées, Nil ou Congo. Nous voici main- Bahr-el-Ghazal forme la partie centrale; de autre, la cuvette équatoriale du Congo. Ce sont Les k errains d'épandage des apports des deux bassins : Mbroduils de la dissociation des roches superficielles assifs de gneiss des H/hias, cendres délavées de incendie annuel, humus, résidus de la décom- 1 Ou plus exactement Bekou. «= improprement appelé par Junker Ouarra, nom qui n'est “pas entendu des indigènes. # Improprement appelé par Junker Go2ng04. - * Jha est le nom zandé de cette rivière; le nom dinka est impossible à traduire eu orthographe francaise. La trans- cription du D' Schweinfurth, Tondj, n'est que grossièrement approchée. Si l'on veut bien preudre l'y pour une consonne analogue au j allemand, la vraie appellation s'écrirait Tü4y, “qu'il ne faut par conséquent pas prononcer Tüti, les deux “dernières lettres formant une seule articulation, une sorte “de consonne double mouillée. … Soué est le nom zandé de cette rivière. Dans son cours férieur, on l'appelle Dyour, du nom d'une population riveraine. Le passage des mots indigènes d'une langue euro- “héenne à une autre donne souvent lieu à des méprises. Ainsi le nom d'une rivière, judicieusement écrit Waou par le Dr Schweinfurth avec un w anglais, a été transformé par lauteur de la traduction francaise en celui totalement défi- üré de Vahou. Ces questions n'intéressent par le géogra- “phe : un nom n'est pour lui qu'une étiquette. Il n'en est pas “de même des voyageurs, auxquels ces travestissements occasionnent souvent des ennuis. … Cet incendie est allumé par la main des indigènes, lors- que les herbes sont sèches, après la saison des- pluies. À “celte époque, de grands espaces sont réservés par les vil- ges voisins: à un signal, le feu est mis sur plusieurs points à la fois; les chasseurs se portent en embuscade au Dans ces dépressions, les eaux sont maintenues à un niveau relativement élevé par les seuils ro- cheux des rapides eL des calaractes, par les étran- glements du fleuve situés en aval. Il en résulte un certain état de stagnation, très marqué dans le Babr-el-Ghazal, où viennent converger des cours d'eau d'importance médiocre comparativement à la superficie du bassin, moins accentué au contraire dans le Congo, à cause du débit considérable du fleuve principal et de ses affluents. Il faut remar- quer également que, tandis que les tributaires du Ghazal s’y rendent directement, descendant des? plateaux en ligne droite et sans arrêt, ceux qui se dirigent vers la cuvette équatoriale, à un niveau sensiblement égal au précédent, n’y parviennent qu'après être descendus de degré en degré et avoir décrit, par le Mbomou et l'Oubanghi, de longs cir- cuits parallèles au bord des plateaux qu'ils vien- nent de quitter ; durant ce long parcours, les eaux ont pu déjà se décharger d'une bonne partie des matériaux qu'elles tenaient en suspension. Ces diverses raisons comparalives expliquent sans doule pourquoi le bassin du Bahr-el-Ghazal est un marais pestilentiel, presque sans courant, obstrué de bancs d'herbes; tandis que la cuvette du Congo n’est qu'une expansion lacustre, maréca- geuse en quelques points de la rive droile, mais riche en formations alluviales, dans la région où la confluence de l'Oubanghi, de la Likouala-aux-Her- bes, de la Sanga, de la Likouala-Mosaka, de l'Alima forme un véritablé delta intérieur, Il ne m'appar- tient point de parler de l’autre expansion du Congo, siluée au nord de l'Equateur, bien plus longue et plus large que la première; les îles innombrables dont elle est parsemée doivent être dues à une for- mation analogue de la part du cours supérieur du grand fleuve et de ses affluents. Ces cuveltes intérieures tendent à se vider au fur et à mesure que les barrières naturelles, qui maintiennent le niveau des eaux, s'usent sous l'ef- fort prodigieux du courant. Quand on voit les ra- pides du Congo, en aval du Stanley-Pool, leurs re- mous vertigineux, les hautes gerbes liquides qu'ils projettent, les amoncellements d'énormes rochers roulés accumulés sur la rive (fig. 13), l'incessant gon- flement et resserrement du fleuve, qui forme comme des allernances rapides d'une sorte de flux et reflux, on se rend compte de la formidable puis- sance dynamique développée par ces eaux bondis- santes et tourbillonnantes, en présence des résis- lances relativement faibles opposées par les roches 7 côté opposé et abattent au passage le gibier affolé par les flammes. Ce premier incendie ne suffit généralement pas pour incinérer complètement les herbes ; les feuilles et les balles seules y brülent; il faut un second incendie pour consumer les chaumes et couvrir la Lerre de cendres. 268 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE feuilletées, les conglomérats, les associations hété- rogènes el peu compactes qui en composent la ma- jeure partie. C’est ainsi que, au cours des âges, le Congo est venu successivement à ‘bout de ses bar- rières primitives. Il fut une époque lointaine où il ne s'était pas encore frayé à travers les plateaux batéké l'étroit et profond ! couloir actuel; il se déversait alors tumultueusement de l’autre côté, dans ce vaste cirque qui circonserit maintenant le Stanley-Pool. En amont de ce couloir, sur le pour- tour de la cuvette équatoriale et notamment sur la rive gauche, moins basse que la rive droite, il a une sorte de falaise, qui marque une ancienne rive. Entre le pied de cet escarpementet le bord dé l’eau règne une plaine basse, en pente très douce, soulevée en plusieurs légères ondulations parallès les au fleuve. Disons, en passant, que ces ondul& tions sont très communes sur le bord de tous les. cours d’eau. Elles sont produites par les courants et contre-courants qui se forment dans les eaux d'idondation, au voisinage et par l’action du cou ran( principal. A l’époque actuelle, par suite de baisse séculaire du niveau général des eaux, ce bourrelets riverains émergent, même dans leg Fig. 13. — Amas de rochers sur le Congo, aux rapides de Kintamo (près de Brazzaville). laissé des traces de ses niveaux successifs, comme des échelons superposés, pratiqués dans la berge accore. Il est évident, en effet, que l'usure des seuils d'aval ne s'est pas opérée avec régularité, mais que, en raison de causes mulliples, nolam- ment du défaut d'homogénéité des roches, elle s'est effectuée avec des vitesses variables et a, pour ainsi dire, subi des à-coups à marche séculaire: de là la formation de ces gradins. En quelques endroits, on trouve, à une distance plus ou moins grande du fleuve, un escarpement, ! J'ignore si l'on a tenté de faire des sondages en cet en- droit. Il paraitrait, d'après M. A. Dolisie, le regretté gouver- neur du Congo français, qu'une expérience de ce genre, pratiquée un peu au-dessous de Brazzaville et de la pointe de Kalina, aurait donné 75 brasses sans trouver le fond. Avait-on tenu compte de l'influence du courant très fort en cet endroit ? crues, tandis que les terrains situés en arrière couverts par les eaux débordées, ou n'offrant vers la rivière aucune issue pour les eaux de pluie, s8« transforment en marécages. Par exemple, c'est Cm qui fait que, sur l'Oubanghi, le bord immédiat den la rivière est l'endroit le plus propre à l'établisse nent des villages. Peut-être, malgré leur extrème lenteur, les effets de l'usure des seuils rocheux du Nil et du Congo ne sont-ils pas négligeables, même pour les époques historiques. Sur des surfaces aussi plates, une faible variation dans le niveau des eaux suffll pour À. pays ‘. Cela expliquerait peut-être pourquoi les ! Comparer avec ce que Stanley rapporte, d'après les MIS sionnaires, sur l'abaissement considérable du niveau du Victoria-Nyanza (Dans les Ténèbres de l'Afrique, t. il). Le éographes de l'Antiquité, dressant leurs cartes laprès les relations des caravanes venues du sud, aient cru à une mer el avaient donné au con- inent africain une forme tronquée dans le sud. eut-être aussi avaient-ils été trompés par une exagération de langage analogue à celle qui à fait donner, par les indigènes arabisants, aux cours eau du haut bassin du Nil le nom de Babr, la er. Gette baisse lente des eaux n'a pas pour seul “effet de diminuer la surface des bassins de l'Afrique Bentrale. Elle influe encore de proche en proche ur l'hydrographie des contrées plus élevées et des plateaux, et cela de deux manières : — d'abord, le “niveau général baisse sur les pays d'en haut simul- tanément avec celui des pays d'en bas; — puis, aux «points où existent des seuils rocheux, la différence de niveau s'accroit entre les deux biefs d'amont et . d'aval; l'énergie destructive du courant augmente moins, après les pluies, n'y fait qu'un séjour de tilité du sol qu'elle entraine sans cesse l'humus en formation. cheresse tue. La limite de l'ÆZ«lis quineensis est gurée par une ligne qui partirait de l'embou- chure du Kèrè pour passer dans les environs du “mont Koungou, pour s'infléchir vers l’ouest. Ainsi, la succession des pays compris entre la représentent les phases successives qu'ont pu et dû arcourir les vastes étendues stériles de l'Afrique septentrionale : la haute forêt, le taillis, le buis- Son, le steppe, le sable. L'impression de cette évo- lution graduelle est très nette pour le voyageur qui S'avance du Sud au Nord. Outre les modifications dans la nature du sol, dont j'ai parlé plus haut, on voit les grandes essences disparaitre, la végélalion Sélioler; voici des légumineuses chétives et con- tournées, arbres à gommes et à résines, dominées par quelques tamarins, des Terminalia macroplera, dont les feuilles gaufrées simulent de loin les recul rapide des cataractes du Niagara est un exemple bien plus grandiose de la puissance destructive des eaux en mou- vement. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901 D' CUREAU — NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE plus en plus passager; elle y prend des allures 209 feuilles de chêre; des Bassia, qui produisent le beurre végétal; des Xigelia aux longs fruits cylin- driques ; et le singulier Euphorbe candélabre, dont les branches semblent des boudins articulés. Plus loin apparaissent les plantes grasses, aloès et cactus. La faune se modifie parallèlement à la flore. Le milan, le vautour, l'hyène, le lion, les nuages de saulerelles annoncent un nouveau climat. Je ne sais rien de plus lugubre que l'aspect de Dem Ziber, lorsque j'y suis allé, en 1897, peu après l'établissement du poste’ par M. Liotard. Sur le versant, complètement dénudé, d'un plateau, se dresse un seul vieil arbre parmi les ruines épar- pillées de monuments en briques. Ici, sur la droite, deux pans de mur, l’un percé de deux grandes fenêtres, sont tout ce qui reste de la maison de Lupton..C'est là que, au moment de l’arrivée des hordes du Mahdi, le malheureux gouverneur, aban- donné de ses troupes, s'assit au devant de sa porte et attendit avec une sérénité antique la eapti- vité, dont il ne devait être délivré que par la mort. A soixante ou soixante-dix pas de là, en descen- dant, on trouve les restes mieux conservés de la maison de Ziber-el-Fahal, puis de son fils Soliman. Des chambres y sont encore intactes, ainsi qu'une sorte de véranda ou d’atrium, qui occupe un coin du bâtiment et dont la voûte maconnée est sou- tenue, dans l'angle, par un pilier. en bois. Les autres constructions sont méconnuaissables : ce sont des pans de mur, des monceaux de briques, des bouts de solives fourchues, à demi-carbonisées, qui servent de perchoirs à de tristes vautours, des débris de fortifications percées de meurtrières, des portes monumentales écroulées. Quelques citernes fournissaient l’eau, sauf au plus fort de la saison sèche. Maintenant elles sont comblées de terre, de fragments de maçonnerie, d'ossements d'hommes et d'animaux. Derrière la maison de Ziber, trois ou quatre papayers étriqués et prodigieusement hauts attestent d'anciens essais de culture, d'ailleurs restés infructueux. Vers le Nord, le regard s'étend sur la vallée de l'Oudjoukou, maigre ruisseau, desséché pendant une partie de l’année. Au delà, par-dessus la vallée du Biri, on voit se dérouler d'immenses steppes à peine ondulés, sous un ciel élincelant, chargé de brumes lumineuses. Là se dressent, à 20 kilomètres de la moudiria ?, et presque directement au Nord, les deux collines graniliques de Deleb, au milieu d'une forêt de Zorassus. Que ce mot de « forèt » ne 1 Maintenant évacué, depuis le traité franco-anglais de 1899. 2 Résidence du moudir ou préfet turc. Nom encore donné par les indigènes à cette localité concurremment avec celui de Dem Ziber. 12* 570 fasse pas croire de ma paært à une contradiction avec ce que j'ai dit plus haut de la végétation dans cette triste contrée. Rien de moins réjouissant que ces palmiers sans grâce, sans fraicheur et sans ombre. Leur haut tronc dénudé!, le long duquel pendent, comme des haillons, les feuilles dessé- chées ; leur couronnement de larges éventails, qui rendent,au moindre vent, un bruissement de lames métalliques froissées, leur donnent je ne sais quoi de raide, de sec, d'artificiel, d’étranger à la nalure végétale. La girafe fait son apparition et il ne faut pas pousser bien loin vers le nord pour rencontrer aussi l’autruche, fille du désert. La nuit, s'élève le lugubre concert des hurlements d2s fauves de toute espèce: le chacal, l'hyène tachetée, le lion d’Abyssinie. Actuellement, toute cette région est à peu près complètement inhabitée. La chasse à l’esclave, les exactions des fonctionnaires égyptiens, les hor- reurs de l'invasion mahdiste, les razzia des petils sultans zandés ont anéanti presque entièrement les anciennes populations ou les ont poussées à se fusionner avec des tribus voisines. Toute la por- tion de pays qui s'étend au nord d'une ligne courbe passant par Rabet, Mbima et les monts Ndour n’est guère qu'une vaste solitude. Tout au plus y sub- siste-t-il encore quelques être misérables, Krèychs pour la plupart, meuant, sous des huttes d'herbes et de branchages, une vie d'alertes perpétuelles, sans cesse traqués par les chefs zandés. On peut circuler pendant bien des jours dans cette contrée sans voir autre chose que des passées d'éléphants, des fou- lées de buffles et d'antilopes, ou des sentiers de singes * : sol ingrat, terre désolée, pays sans habi- tants, sans ressources, souvent sans eau, voué par la fatalité des phénomènes géologiques à une stéri- lité sans retour. Comment la province du Bahr-el-Ghazal a-t-elle pu être décrite par quelques anciens voyageurs sous de riantes couleurs, qui ont suscité tant de con- voitises en Europe? La raison en est sans doute que ces voyageurs n'y élaient parvenus qu'après un long cheminement à travers les déserts de la Nubie, les bancs d'herbes du Mogren-el-Bohour et les marais infects de la Gazelle. Les steppes qu'ils avaient rencontrés ensuite, entrecoupés de quel- ques fraiches « galeries » et de vallées buisson- neuses, leur étaient apparus comme une terre promise. ! D'après des mesures que j'ai faites de ces arbres sur pied, ils atteignent de 18 à 20 mêtres jusqu'à la naissance des feuilles. * Les gros singes, cynocéphales et hamadryas, qui sont surtout marcheurs, suivent en effet des routes régulières sur les plateaux et dessinent ainsi des passées d'où l'herbe a disparu et qui, sauf une moindre largeur, sont parfaite- ment analogues aux sentiers indigènes. D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE Nous, au contraire, quittant la grasse région fluviale et la forêt équatoriale, nous avons éprouvé le contrasle dans un sens tout opposé. La triste « végétation et les villages misérables des hauts pla- teaux n'ont pu que nous faire regretter la nature exubérante et les vigoureuses populations de l'Ou- banghi et du Congo. J'ai conservé très vive dans mon souvenir l'impression de soulagement et de bien-être, que j'ai éprouvée, après un séjour de: près de trois ans sur les plateaux nyam-nyams, en revovant le pays nzakara. Je ralentissais la mar che, j'abrégeais les élapes pour séjourner plus” longtemps dans de plantureux villages, prolon- ger mes campements sous de beaux arbres, dev vrais arbres, auprès d’une eau courante. Je m'ar- rêtais pour admirer le désordre d’une végéta- tion touffue : arbres gigantesques, lianes enchevé- trées, maniocs superbes, énormes régimes de bananes ; le papayer reprend des proportions nor- males ; d'immenses figuiers couvrent le sol d'une ombre épaisse; l’{/rostigma offre son écorce aux" ouvriers batteurs pour la confection des pagnes. C'est le retour à la fertilité, à l'abondance, à la. vie intense et riche. III Dans l'Afrique tropicale, les saisons sèche et pluvieuse se partagent l'année à peu près par moitié. Celte distinction n’est pourtant pas tout à fait rigoureuse, car il survient quelques petites ondées en saison sèche, ce qu'on appelle au Gabon la pluie des mangues; et, réciproquement, la sai- son des pluies se signale souvent par quelques jours de rémission. Dans la saison pluvieuse, les pluies ne sont pas continues ; elles surviennent par violents orages, généralement entre quatre et six heures du soir. Une épaisse masse de nuages noirs apparaît vers le nord-est; elle envahit rapidement le ciel: à peine” a-t-elle atteint le zénith que le vent s'élève et se met tout à coup à souffler en bourrasque. Aussitôt la foudre entre en scène; éclairs el tonnerre se succèdent sans relàche. Enfin une pluie diluvienne commence à tomber en nappes compaetes et fait taire peu à peu le fracas de la foudre. Avec le gros" de l’orage, le tonnerre s'enfuit vers l'horizon; lan pluie devient moins torrenlielle, mais persiste. encore quelques heures, parfois toute la nuit. AU matin, un soleil éclatant fait évanouir les dernières nuées et fait lever du sol trempé des brumes chaudes et épaisses. On sail combien la courbe barométrique est régulière sous les tropiques. J'ai souvent recher- ché, tant avec un enregistreur qu'au Fortin, lin- fluence que pouvait exercer sur elle l'approche de D: CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 571 - ces orages; je n'ai jamais trouvé la moindre … inflexion dans la continuité du tracé. … Tels sont les caractères les plus généraux de la É climatologie de l'Afrique tropicale. Elle subit ce- Li pendant quelques légères modifications et affecte des allures spéciales, suivant qu'on la considère dans la région fluviale où dans la région des plateaux. Dans la région fluviale, le ciel est constamment couvert pendant la saison sèche; la vapeur d'eau ne cesse pas d'être en très forte proportion dans - l'atmosphère. La pluie parait toujours à l’état de - menace sans jamais tomber. L'horizon est consi- dérablement rétréci par les brumes; à Brazzaville, - chacun sait que la disparition de la rive gauche du Stanley-Pool est un indice certain du début de la saison sèche. Pendant la saison des pluies, la courbe de la tension de la vapeur d’eau procède par bonds successifs. Elle s'élève d'une manière continue - pendant plusieurs jours; puis survient une con- - densation brusque sous forme de tornade. L'atmo- “sphère devient d'une extrême limpidité; les loin- fains sont nets, clairs, et se délachent avec vigueur. - Bientôt la chaleur solaire aura de nouveau saturé l'air de vapeur d’eau, et la même suite de phéno- mènes se reproduira. La tempéralure, régularisée par l'énorme masse d'eau en suspension dans l'atmosphère, n'atteint jamais des valeurs extrêmes. À Brazzaville, elle - oscille entre + 20° et + 30°. Son plus faible mini- mum est aux environs de + 13°, un jour ou deux par an, dans la saison sèche, à 6 heures du malin. Sur les plateaux et sur le versant du Nil, la sai- son sèche justifie réellement son nom, et d'une _ manière excessive. La tension de la vapeur d'eau approche de zéro pendant le jour; elle se relève à peine pendant la nuit, et seulement dans les ter- rains bas. Les bois craquent: le papier devient raide et se froisse bruyamment comme du par- chemin. L’atmosphère se charge d’un mélange de poussières lénues soulevées par le vent de nord- est, et de fumée, provenant de l'incendie des herbes, qui, sous l'irradialion du soleil, prend un éclat et une luminosité excessifs. On éprouve . une impression pénible de cuisson au pourtour des . narines et des paupières. La température subit de grands écarts entre 6 heures du matin et 1 heure de l'après-midi, maxima et minima qui peuvent alteindre + 6° et + 40° (à l'ombre). On reconnait là, une fois de plus, un des caractères particuliers des contrées désertiques. En saison des pluies, l'intervalle diminue entre les températures extrêmes; il ne s'étend plus que de +21° à +295. L'humidité atmosphérique prend un régime analogue à celui de la région fluviale; c'est-à-dire qu'il procède par oscillations diurnes, d'amplitude croissante pendant plusieurs jours consécutifs, et suivies d’une dépression brusque à l’occasion d’un orage. Dans une même journée, la proportion de vapeur d'eau se porte de 15 à 90 °/,. Contrairement à ce qui arrive dans la région fluviale, la nébulosité ne cesse d’être très forte; les orages ne purifient jamais le ciel. Un phénomène fécond en surprises est la soudaineté avec laquelle s'opère la condensalion des vapeurs, à la tombée de la nuit; quelques minutes suffisent pour que l'humidité, avec l’abaissement de tempé- rature qui suit le coucher du soleil, passe brusque- ment de l'état gazeux à l’état vésiculaire, puis se rassemble en amas floconneux, et enfin en nuages épais. Dans celte région des plateaux, les phénomènes hydrographiques et les phénomènes météorologi- ques sont intimement liés et exercent les uns sur les autres une réaclion réciproque. L'aridité du sol accroît la sécheresse de l'atmosphère; celle-ci se prête d'autant moins au développement d'une végé- tation qui rendrait au sol une féconde humidité. Surviennent ensuite les pluies torrentielles du Khamsin, qui charrient l’humus vers les cuvettes inférieures, dénudent la roche et préparent un ter- rain sans cesse plus aride. Cette progression est parfaitement mise en lumière par la comparaison des états hygrométriques de l’air, en saison sèche, dans la région fluviale et dans la région des pla- teaux. L'humidité, même en l'absence des pluies, ne cesse d’être très considérable dans la première, au contact des forêts et des larges étendues d’eau. Dans la seconde, au contraire, l'effet de la saison pluvieuse cesse de se faire sentir avec les dernières: ondées, et Lout de suile le climat passe de l’ex- trême humidité à l'extrême sécheresse. Ainsi se ferme un cycle de phénomènes enchai- nés, dont le terme ultime sera, dans un avenir lointain, l’empiètement des grands déserts du Nord jusqu'aux premières pentes du versant du Congo. Dans un second article, nous étudierons les peu- plades qui habitent les régions dont nous avons cherché à donner un aperçu géographique. D' Çureau, Chargé de Missions. 512 SUR LES CONCEPTIONS DE HAUY, DE MALLARD ET DE M. WALLERANT EN CRISTALLOGRAPHIE I. — REMARQUES AU SUJET D'UN RÉCENT ARTICLE DE M. DE LAPPARENT Tous les cristallographes auront lu avec intérêt l'exposé magistral que M. À. de Lapparent a donné dans la /evue' des doctrines cristallographiques francaises telles que les ont établies les immortels travaux d'Haüy, de Delafosse, de Bravais, de Mal- lard. Ces doctrines, dans lesquelles l'hypothèse a si peu de part qu'on chercherait en vain par où elles s’écartent des déductions logiques purement tirées de l'expérience, qui n’ajoutent aux faits qu'un lien solide et jamais en défaut, qui enfin sont com- patibles avec toutes les hypothèses imaginables sur la constitution de la matière, ne tarderont sans doute pas à s'imposer aux esprits en Allemagne et ailleurs, comme elles l’ont fait depuis longtemps en France. Et il était bon qu'une parole autorisée comme celle de M. de Lapparent vint rappeler aux trop nombreux savants étrangers qui, parfois sys- tématiquement, ignorent ce qui se fait chez nous, que même annexées et germanisées comme elles le seront sans doute bientôt, comme elles le sont déjà en partie, ces doctrines, ainsi que tant d’autres, sont françaises. Toutefois, il me paraît nécessaire qu'un élève de Mallard présente ici quelques observations sur cer- tains passages de l’article en question qui tendent à présenter sous un jour peu conforme à la réalité les idées du Maitre ou les modifications qu'on a tenté d'y introduire après lui. Des observations ana- logues, bien que moins graves, s'imposent en ce qui concerne Haüy. Mon intention n'est pas de chicaner en détail M. de Lapparent sur certaines phrases où il établit, au préjudice d'Haüy, une distinction peu justifiée entre la conception du milieu cristallin, telle que l’a reprise Delafosse et telle que, dès l’abord, elle s'était présentée à l’idée du fondateur de la Cristal- lographie. Delafosse, il est vrai, a cru nécessaire de montrer que la notion de particules inlégrantes 1 De Lapparent : L'évolution des doctrines cristallogra- phiques, dans la Revue générale des Sciences du 15 mai 1901, t. XII, p. 399 et suiv. GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE contiguës, de milieu cristallin plein, telle qu'on l’attribuait à tort à Haüy, n'était pas nécessaire. Mais ce qu'il importe de rappeler, c'est que jamais cette notion n'a été celle d'Haïüy. La maille de Dela- fosse et de Bravais, bien qu'établie par un raison- nement plus général, bien que basée sur toutes les propriétés internes des cristaux, au lieu de n’être tirée que du seul clivage, ne diffère nullement de la molécule intégrante d'Haüy, comme on le répète trop souvent. Veut-on la preuve que la grossière notion de molécule intégrante, telle qu'on nous la présente, n'était nullement dans la pensée d'Haüy? « Dans l'exposé que nous faisons de certains phé- nomènes naturels, dit-il dans son Traité de Cris- tallographie, nous employons les mots de contact immédiat entre les molécules des corps; nous re- gardons les surfaces de ces corps comme des plans continus, parce que nous sommes portés à juger des choses prises en elles-mêmes, d’après la ma- nière dont elles s'offrent à nos observations. Mais lorsque nous réfléchissons sur la transparence des corps, nous concevons que les rayons de lumière doivent traverser suivant toutes les directions les corps qui jouissent de cette propriété, sans être arrêtés dans leur trajet, d’où il faut conclure que les molécules des corps, arrangées pour ainsi dire en quinconce, laissent entre elles des intervalles incomparablement plus considérables que leurs diamètres”. » On peut penser ce qu'on voudra du raisonnement, mais on ne saurait vraiment faire honneur à Delafosse, qui a assez d'autres mérites, d'avoir imaginé, en espacant les « molécules », un perfectionnement de la « molécule intégrante ». On voit assez qu'Haüy distinguait nettement entre le quinconce géométrique (réseau de molécules inté= grantes ou de mailles, peu importent les mots) et la molécule matérielle quelconque dont ce réseau détermine la position. J'ai tort de dire : peu im- portent les mots, car il apparaît trop clairement par cet exemple que l’on tend à leur attribuer plus d'importance qu'aux faits et aux idées. Haüy a employé assezimproprement le mot de «molécule » pour désigner un espace géométrique, une forme; et, bien qu'il ait, on le voit, expliqué fort elaire ment que sa « molécule intégrante » élait autre chose que la « molécule » matérielle, on ne lui LI 210 apte fur 4 ta FE ES PSN OE REEESES ! Traité de Cristallographie, 1822, t. I, p. 241. GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 513 pardonnera pas de n’avoir pas trouvé, pour désigner exactement la même chose, les mols certainement meilleurs, mais indifférents au fond, de « maille » et de « réseau ». Loin de moi la pensée de diminuer par là l'importance de l'œuvre de Delafosse et sur- tout de celle de Bravais; mais ce n'est pas en ima- ginant le réseau qu'ils ont rendu service à la Cristallographie, car Haüy se faisait du réseau exactement la même idée qu'eux; c'est en en dé- montrant mieux l'existence, en en étudiant les modes possibles et surtout en tirant de cette notion des conclusions qui avaient échappé à Haüy, no- tamment au poini de vue de l'hémiédrie. Je n'insisterai pas sur la notion singulière de « moindre action » et de « résistance vis-à-vis du dehors » où M. de Lapparent voit une explication des groupements par pseudo-symétrie. Ce serait suivre l'auteur dans le domaine lilléraire, et l'on ne se sent pas le courage de souiller de prosaïques réfutalions d'aussi poétiques images. Rien ne doit . cependant paraître plus singulier aux élèves de Mallard que de voir attribuer, comme semble le faire M. de Lapparent, à cet espril si merveilleuse- ment clair et logique une interprétation nébuleuse des faits qui élait bien loin de sa pensée et qu'en tout cas il n'a exposée ni dans ses écrits ni dans ses lecons. C'est précisément en détruisant cette vieille notion vague d’ «augmentation de symétrie », ou plutôt en la transformant en une notion précise . toute différente, celle de la continuation ‘du réseau, que Mallard est sorti de l’ornière et a lancé la théorie des groupements dans la véritable voie. Le Maitre serait bien étonné sans doute de l'explication de la macle de l’Aragonite, que M. de Lapparent croit reproduire selon sa doctrine. IT Ce qui me parait plus grave, car il s’agit, non du passé et de notions généralement classées et com- prises en France, mais du présent et de l'avenir, c’est ce que dit M. de Lapparent au sujet de la voie _ soi-disant nouvelle où est entrée la Cristallogra- phie par les travaux purement géométriques de MM. Sohnke, Schænfliess, elc., et surtout par les applications qu'a faites plus récemment de ces tra- vaux M. Wallerant. M. de Lapparent montre, d'ail- leurs, avee beaucoup de raison, qu'en somme une géométrie compliquée n'ajoute rien au réseau de Bravais; qu'elle ne sert qu'à obseurcir la notion fondamentale de système cristallin et d'hémiédrie pour la remplacer par celle de types de symétrie épars dépourvus de signification physique. Mais _ enfin cette géométrie, si elle n’est en réalité d'aucun usage pour le cristallographe imbu des idées fran- caises, n’est pas en elle-mème dépourvue d'intérêt. Elle constitue l’une des manières d'envisager la question et il est toujours bon de retourner les questions de toutes les manières. Ce qui est, par contre, extrêmement singulier, c’est que des cris- tallographes nourris dans les idées françaises, repoussant avec raison comme une complication inutile tout cet attirail de théorèmes, n’en gardent qu'une seule chose : un mot,qui,séparé de ces théo- rèmes, se trouve comme étranger et perdu dans la belle ordonnance logique du système de Mallard, où il n'a que faire et où il n'introduit que désordre et confusion. Je veux parler du domaine fonda- mental ou plutôt de la « particule fondamentale » de M. Wallerant, que M. de Lapparent adopte après lui. Je suis loin de vouloir diminuer les mérites de ce savant. Endormie depuis la mort de Mallard, trop satisfaite peut-être du merveilleux édifice dont il paraissait avoir presque achevé la construc- tion, la Cristallographie française semblait perdre de sa vitalité et dévier trop exclusivement vers les applications pétrographiques, lorsque les belles recherches de M. Wallerant sur le quartz, sur la fluorine, ses considérations sur la pseudo-symétrie et sur les groupements cristallins sont venues mon- trer que tout n'étail pas dit et remettre ces sujels à l’ordre du jour. Mais, si la question est posée à nouveau, si notamment on comprend mieux que par le passé combien est encore imparfaite la théorie des macles par hémitropie,le moment est-il venu de chanter victoire et de célébrer, comme le fait M. de Lapparent, l'acquisition non de mots nouveaux, mais de otions nouvelles? Je ne le crois pas. M. Wallerant, dans ses éludes sur les anomalies optiques, présente explicitement comme nouvelle celle idée que la mériédrie peut-être poussée au delà de celle qui conduit à un groupe de symétrie d'ordre immédiatement inférieur à celui du réseau. Pour prendre un exemple, la Boracite, dit-il, n'est pas « pseudo-cubique et orthorhombique » comme le disait Mallard, mais a bien réellement un réseau cubique; elle est « cubique et mérièdre », ne gar- dant des éléments de symétrie du cube que ceux du système terbinaire. mais conservant un réseau exactement cubique. Il y a, d’après M. Wallerant, une distinction bien nette à établir entre ce cas et celui de la Leucite, par exemple, qui n'est que pseudo-cubique. Cela est juste, encore que la dis- tinction ne soit pas si nette en pratique. Mais il n'y a là rien que Mallard n'ait enseigné. S'il ne l'a peut-être pas exprimé par le mot même de « mériédrie » dans ses ouvrages, c'est cependant l'idée que tous ses élèves se sont faite du phé- nomène d'après ses lecons. Et n'est-ce pas encore s’altacher à un mot que de présenter comme une D74 nouveauté la nolion que la ‘Boracite est cubique et mérièdre, quand on lit dans Mallard ceci : « La Boracile... se trouve dans la Nature en petits cris- taux parfaitement cubiques. Le réseau de cette substance a donc bien la symétrie cubique; cepen- dant la substance jouit d'une double réfraction énergique, et l'observation montre que la symétrie optique est seulement terbinaire. La double réfrac- tion est donc due uniquement à la molécule, dont la symétrie doit êlre certainement rhombique. L'édifice cristallin, composé de l’ensemble du réseau et de la molécule, a ainsi seulement Ja symétrie rhombique... Il nous suffit ici de cons- later qu'une substance peut être énergiquement biréfringente avec un réseau rigoureusement cubique” ». Il n'est pas exagéré de dire que M. Wallerant n'a pas ajouté sur ce point un iota à ce que Mallard avait conçu, écrit et enseigné, et que M. de Lapparent se fait une étrange illusion quand il dit, au sujet de la mériédrie, que M. Wal- lerant croit avoir imaginé de pousser plus loin que Mallard : « Cette conception une fois admise, ce qu'on appelait autrefois les anomalies optiques va maintenant apparaître sous un jour tout différent. » En réalité tout reste en l’état, et parfaitement salis- faisant d’ailleurs; il n’y a pas trace de conception nouvelle, mais un mot qui n’est même pas nouveau dans ce sens et que Mallard, qui par malheur a été enlevé à la science avant la publication de son volume sur les groupements, employait dans ses leçons et dans sa conversation, en l’appliquant aux cas même qu'a pris pour exemples M. Wallerant *. La citation précédente suffit, je pense, à montrer que l’idée est celle de Mallard, sans la moindre modificalion. Elle montre aussi avec évidence que M. de Lapparent attribue à M. Wallerant une autre idée de Mallard, discutée et démontrée par lui tout au long dans son 7railé de Cristallographie, quand il dit : « Ce qui est certain, c’est que, d'après l'explicalion que M. Wallerant a donnée de ce qu'on appelait les anomalies optiques, l'allure optique d'un cristal est déterminée non par son réseau, mais par sa particule. » III J'en viens maintenant, pour ne relever que les points les plus importants, à ce que M. de Lap- parent présente comme le summum des perfection- nements apportés par M. Wallerant aux doctrines ! MarranD, Cristallographie, L. 2, p. 496. ? Dans son cours, pour bien faire comprendre la mériédrie, Mallard donnait pour exemple une particule anorthique se placant aux nœuds d'un réseau cubique. On est étonné de voir M. de Lapparent déclarer (p. 410) que cette idée n'était venue à personne avant M. Wallerant, alors qu'elle est absolument familière aux nombreux élèves de Mallard. ! mental lui-même GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE de ses prédécesseurs. Je veux dire la théorie des macles et l'idée de pseudo-symétrie appliquée à la « particule complexe » et à la « particule fonda- mentale ». Ici, nous nous perdons dans un chaos de mots sous lesquels il est souvent difficile de découvrir des idées, mais parmi lesquels les contradictions sautent aux yeux. La « particule complexe » c'est la « molécule cristallographique » de Mallard qui, quoiqu’en pense M. de Lapparent, n'a jamais été pour lui, ni même pour ses prédécesseurs (sauf peut être Haüy), identique à la molécule chimique, mais composée d’un certain nombre de molécules chimiques. C'est tout simplement l'élément, quel qu'il soit, qui se répète identique à lui-même et identiquement placé aux nœuds du réseau de parallélipipèdes. Son existence physique réelle n'est pas plus contestable que celle de la matière même. C'est la matière dont la molécule intégrante d'Haüy est la forme. On ne lui ajoute rien, qu'un nom nouveau. On ne peut, comme le fait M. de Lapparent, « taxer de conceplion fautive, celle qui consiste à attribuer la même orientation » à toutes les molécules, car c’est leur définition même d'être équidistantes et identiquement orientées. Elles peuvent, comme Mallard l’a spécifié, contenir des molécules chimiques ou des groupes identiques de molécules chimiques diversement orientés, mais, par définition même, ces groupes ne sont pas la molécule cristallographique. Jamais Mallard n'a enseigné que chaque maille du réseau fût occupée par une seule molécule chimique. Mais voici que les géomètres, préoccupés de donner à leurs théories toute la généralilé possible, ont imaginé avec raison que le « domaine com- plexe », qui a souvent une symétrie, peut être considéré comme composé de plusieurs « domaines fondamentaux » dépourvus de symétrie, qui cons- tiltuent, au point de vue mathémalique, l'élément ultime au delà duquel il n’y a pas lieu de pousser la dissection du milieu symétrique, et dont, par le jeu des axes, plans et centres de symétrie, on peut tirer l'édifice complet. Ce domaine, qui nest qu'une conceplion géométrique, M. Wallerant le transporte dans la réalité physique en le remplis- sant par une « particule fondamentale », qui na d'autre définilion que celle du domaine fonda- : c'est une fraction de la particule complexe qui ne possède aucun élément desymétrie commun avec celle-ci. Rien ne démontre que cette particule fondamentale ait une existence réelle, qu'ainsi définie elle existe comme une entité dis- tincte dans l'acte de la cristallisation. Nous savons bien que très probablement la « particule com plexe » se compose de plusieurs molécules ou groupes de molécules chimiques; mais, de quel GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISFALLOGRAPHIE D) 21 droit, s'il est question de réalités physiques et non _ plus de Géométrie, supposer que ces éléments soient dépourvus de symétrie? En arrivera-t-on, si la molécule chimique dernière a, elle-même, des “éléments de symétrie qui se retrouvent dans le . cristal, ce qui doit être fréquent, à la décomposer “ en particules fondamentales? Et si, au contraire, … comme le dit M. de Lapparent, « chacune des par- …icules fondamentales est très vraisemblablement un agrégat de molécules chimiques », ces molécules … chimiques se sont-elles donc groupées sans acqué- rir d'éléments de symétrie? Ou n'ont-elles acquis, sans qu'on puisse certes nous expliquer pourquoi, que des éléments de symétrie qui ne se retrouveront pas dans la particule complexe, alors qu'on veut, avec raison sans doute, faire jouer aux éléments - de symétrie des particules un rôle dominant dans la détermination de la symétrie de leurs grou- pements? Il est possible assurément que beaucoup de molécules chimiques n'aient aucun élément de symétrie, ou qu'élant symétriques elles forment en se groupant des ensembles qui n'aient plus les mêmes éléments de symétrie el en aient acquis d'autres. Mais déclarer qu'il existe toujours une « particule fondamentale » dépourvue de tout élément de symétrie de la molécule cristallogra- phique, et, qui pis est, que celte particule se com- pose de beaucoup de molécules chimiques, c'est - supprimer le lien qui existe certainement, el que l'on aperçoit déjà dans beaucoup de cas, entre la symétrie chimique de la molécule et celle géomé- trique du cristal; c'est se condamner, s'il est reconnu qu'un axe ou un plan de symétrie de la molécule chimique existe dans le cristal complet, à subdiviser la molécule chimique. Le géomètre a le droit de le faire, non le physicien, La « particule fondamentale » n’a pas de réalité physique; c'est une simple subdivision géométrique de la « par- . ticule complexe », qui, elle, est quelque chose de concret, de tangible, étant la substance même de la maille du réseau, et révélant sa symétrie par celle de l'édifice cristallin tout entier. Ce n'est pas à dire que l’on doive renoncer à rien savoir sur les particules constitutives de la molécule cristallographique. Mais est-ce ajouter quoi que ce soit à la notion, déjà bien ancienne, de la complexité de cette molécule que de déclarer . arbitrairement que la division doit êlre poussée . jusqu'à la disparition de la symétrie ? de prétendre - traiter cette « particule » comme une unité maté- rielle pouvant passer à l’état solide, attirer d'autres particules semblables, et déterminer ainsi des particules complexes, des réseaux, des grou- “1 pements de réseaux? Et si, abandonnant cette … définition géométriquement précise qui risque d'en él 44 faire un jour une fraction d'atome, on admet que la « particule fondamentale » puisse avoir avec la « particule complexe » des éléments de symétrie communs, qu'est-elle de plus qu'une de ces sub- divisions quelconques de la molécule cristallo- graphique dont tout le monde admet l’existence, mais sur lesquelles nous ne savons rien? IV La notion arbitraire et injustifiée de « particule fondamentale » n’a pas élé imaginée uniquement pour concrétiser le « domaine fondamental » par- faitement rationnel des géomètres. M. Wallerant y voit un moyen de rendre la molécule cristalline plus souple à l'hypothèse, principalement pour l'explication des macles. A vrai dire, on ne voit pas, dans tout ce que dit M. Wallerant, en quoi il est nécessaire pour cela de préciser que la « particule fondamentale » est dépourvue de tout élément de symétrie de la « particule complexe ». N'importe quel groupement de molécules chimiques, ayant avec la particule complexe autant d'éléments com- muns qu'on le voudra, ferait aussi bien l'affaire, etle mot nouveau n'a pas engendré a ce point de vue de zotion nouvelle. Ce qui est nouveau, et vrai- ment étrange, c’est l'application à la « particule complexe » et à la « particule fondamentale », c'est-à-dire en somme à la molécule cristalline et à ses conslituants quelconques, de la notion d’axes et de plans de pseudo-symétrie déterminant les groupements. - Dans un réseau de parallélépipèdes, un axe ou un plan de pseudo-symétrie sont quelque chose de parfaitement défini en direction parce qu'on spé- cifie toujours implicitement qu'un axe de pseudo- symétrie est une rangée et un plan de pseudo-symé- trie un plan réticulaire. Et cette spécification que, je crois bien, Mallard ne s’est pas même donné la peine de faire, tant elle est évidemment nécessaire, est justifiée par l'expérience, qui nous montre les axes de macle coïncidant avec des rangées et les plans de macle avec des plans rétigalaires. Dans les cas, à vrai dire douteux, où cela n'a pas lieu, la notion d'éléments de pseudo-symétrie cesse d’être applicable, car ces éléments cessent d'être quelque chose de défini. On voit bien, quand il ne s’agit plus de réseaux, qu’un polyèdre quelconque peut avoir une symétrie approchée, autour d'un axe par exemple. Mais cet axe n’est pas défini, sa direction n'est qu'approximalivement déterminée. Voici un cube ; déformons-le légèrement de façon qu'une de ses directions de faces ne soit plus exactement per- pendiculaire sur les autres. L'axe quaternaire pri- milivement normal à cette face n'existera plus; si la déformation est faible, il y aura un axe quater- 576 GEORGES FRIEDEL — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE naire limite. Mais où serä cet axe? Sera-ce la nor- | lins ont pu se développer, grâce à la quasi-identité male à la face, ou la parallèle aux deux autres, ou toute autre droite voisine ? Voici la seule réponse de M. Wallerant : « Ce qu'il importe de remarquer à propos de ces éléments limites, c'est que, dans sa position symétrique relativement à ces éléments, la particule coïncide plus exactement avec sa posi- tion primitive que dans toute autre position voi- sine *. Et voici celle de M. de Lapparent : « D'une facon générale, on peut, avec M. Wallerant, définir un élément ou organe de symétrie limile par cette condition que, traité comme un organe réel passant par le centre de gravité de la particule, il amène celle-ci dans une situation telle que sa superposi- tion à la Ssiluation initiale détermine une partie commune plus grande que pour n'importe quelle autre position ». Si M. Wallerant reste dans le vague, M. de Lapparent précise d’une manière absolument arbitraire et que ne justifient aucun fait d'observation quelconque, ni même les besoins d'aucun raisonnement. Dans un triangle qui n'est qu'à peu près isocèle, quel est l'axe de pseudo- symétrie? Est-ce la médiane, la bissectrice, la hau- teur? M. de Lapparent répondrail, je crois, que c'est la bissectrice. Mais pourquoi ? En réalité, il est impossible, à moins de tomber ainsi dans l'arbitraire, de définir d'une manière pré- cise les éléments de pseudo-symélrie d’un polyèdre. Et alors, que dire de la distinction, essentielle selon M. Wallerant”, et sur laquelle il base toute sa classification des groupements, entre les deux cas où : 1° les éléments en question font entre eux exactement les angles des éléments de symétrie d’un polyèdre, et 2° les éléments limites ne font qu’à peu près ces mêmes angles, par exemple les axes pairs ne sont pas exactement perpendiculaires sur les plans de symétrie. La distinetion est juste, elle existe, elle a été dès longtemps ‘signalée ; seu- lement elle n’a aucun sens si on l’applique aux élé- ments de symétrie de la particule, qui est un polyèdre quelconque, dont les éléments de pseudo- symétrie ne sont pas plus définissables en direction que ne l’est en position l'équaleur d’un œuf. Elle ne signifie quelque chose que si l'on parle des élé- ments de symétrie d'un réseau, rangéesiet plans réticulaires. Imbu des idées de Mallard; je com- prends bien que les macles de l'Albite et du Péri- cline révèlent l'existence dans le réseau des felds- : paths d'un plan de symétrie limite et d'un axe binaire limite qui ne sont pas exactement perpen- diculaires entre eux. Je vois bien que, dans les deux cas, en partant d'un plan réticulaire commun ou d’une rangée commune, les deux individus cristal- 1 Wazzerant : Groupement cristallins. Bibliothèque Sciez- ; lia, 1899, p. 15. | 3 Loc. cit.) pp. 16. 31, etc. de leurs réseaux dans ces positions, comme s'ils ne formaient qu'un seul cristal. J'ajoute volontiers : gräce à la quasi-identité des positions de leurs molécules, car j'admets tant qu'on voudra, comme encore le faisait Mallard, que ces éléments de pseudo-symétrie ne sont pas sortis de rien, que si. le réseau les possède c'est que la molécule a quelque chose du semblable en elle. Mais je demande : em quoi a-t-on avancé la théorie des macles en repor- tant du réseau que l'on voit, que l’on mesure, sur la particule que l'on ignore, la notion précise de pseudo-symétrie, qui, de cette façon, devient quel- que chose de vague et d'indéfinissable ? On y gagne simplement d’obscurcir la notion de continuation des réseaux, qui, il importe de le rappeler, est la seule base légitime de la théorie des groupements par pseudo-symétrie. V Je n'insisterai pas davantage sur les principes, bien qu'il y ait beaucoup d’autres choses à dire. Les résullats sont ce qu'on devait attendre. Partout où la doctrine de Mallard suffit, le raisonnement de M. Wallerant, infiniment moins clair, n'est qu'une traduction de celui de Mallard en un langage plus vague. Pour la Staurotide, pour les Feldspaths, le réseau est pseudo-cubique et cela suffit à expliquer toutes les macles ; M. Wallerant croit pousser plus loin l'analyse du phénomène en disant : Si le réseaw a des éléments de pseudo-symétrie, cela tient à ce que la « particule complexe » a ces mêmes élé=… ments, et c'est elle ét non le réseau qui détermine … les macles. Où est l'avantage ? Connaïit-on la parti- cule autrement que par le réseau, en tenant compte, s'il y a lieu, de la mériédrie? Quant aux cas où la théorie de Mallard est en dé- faut, c'est-à-dire quant aux hémitropies proprement dites, la théorie de M. Wallerant n'en explique pas une seule. Car on ne saurait qualifier d'explication l'affirmalion sans preuve, chaque fois que l’on ren- contre un plan de macle, que c'est un plan de” pseudo-symétrie de la « particule complexe » ou de la « particule fondamentale », plan qui ne se révèle que de cetle seule manière, ce qui interdit toute vérification. M. Wallerant voit bien que sa théorie, pour recevoir un commencement de juslification, exigerait que l'on lrouvät partout, où du moins dans beaucoup de erislaux {puisqu'on s'est réservé comme échappatoire les éléments spéciaux à la par= ticule fondamentale), tout l'ensemble des éléments de groupement disposés comme dans les Feldspaths ou la Staurotide suivant les positions approchées des éléments de symétrie d'un polyèdre. C'est ce qui n'a pas lieu en général. Il faut cependant que la £ particule Sy “ue et voici jusqu'où peut aller sa Souplesse ! dans la Ealcite, où les éléments de “nacle sont précisément disposés comme les élé- ents de symétrie d'un cube déformé, ce cube, qui “est le rhomboëdre primitif bien connu, est tel que lune de ses faces, au sommet ternaire, 'arète non adjacente, un angle de 109°8"! fait avec Si une déformation de 19° conserve la pseudo-symétrie, si Ja face du rhomboèdre équiaxe b! peut être consi- lérée comme sensiblement perpendiculaire à celle lu primitif, si on la considère comme une légère déformation du dodécaèdre rhomboïdal, c'est qu'alors les mots de pseudo-symétrie et de symé- trie limite ont perdu non seulement tout sens pré- Cis, mais même toute signification physique aussi “vague que l'on voudra. Considérer ce plan comme “un plan de pseudo-symétlrie, c'est vraiment user inconsciemment d'un trompe-l'œil. Mallard aussi à dit que le réseau de la Calcite était pseudo-cubique, Ce qu'il a eu soin d'ailleurs de justifier par d'autres considérations que celles tirées de la forme ou des macles de ce minéral, mais ce n'est pas du primitif de la Calcite qu'il a jamais songé à faire un pseudo-cube. . L'exemple de la Calcite, pris entre cent autres, ëéstun des plus typiques. Les plans de macle de 2 minéral sont incompatibles avec aucun sys- “ième de symétrie ou de pseudo-symétrie possible dans un polyèdre. Et le fait qu'ils sont cepen- dant placés, par rapport au rhomboëdre pri- Mitif, comme le seraient les éléments de symé- trie d'un cube {rès déformé par rapport à ce cube, montre avec évidence que ce n’est pas en qualité “d'éléments de pseudo-symétrie du réseau ni de la “particule complexe qu'ils fonctionnent comme plans de macle, mais bien simplement comme étant, ainsi que les plans de symétrie du cube, les plans réticulaires dont le réseau est le plus serré, en un mot comme plans réticulaires «importants » selon la notion de Bravais et de Mallard. Assurément ous les plans réliculaires «importants » ne sont pas toujours des plans de macle, et la théorie de Mallard sur les macles par hémitropie est insuf- fisante en ce qu'elle ne dit pas pourquoi les uns le sont et les autres pas. Parfaite en ce qui concerne les groupements par pseudo-symétrie, elle laisse “presque tout à faire pour les autres. En laissant “de côté la subslitution de la « particule » au réseau, qui n'ajoute rien à ce qu'on savait, M. Wallerant ne s'écarte au fond de l’idée de Mallard qu'en ffirmant que /outes les macles sont dues à la seudo-symétrie, alors que Mallard, isolant ses os par hémitropie, ne tentait même pas d'en 4 Loc. cit., pp. 55 et 56. a A. DE LAPPARENT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE 511 donner une explication complète. L'exemple de la Calcite montre assez à quel point il avait raison. En réalité, la question reste exactement au point où il l'a laissée. IL ne parait guère douteux qu'un seul principe doive permettre de réunir dans une même théorie tous les groupements; mais si l’on ne peut encore qu'entrevoir dans quelle direction il faut chercher ce principe, on peut affirmer cepen- dant que ce n'est pas dans celle qu'a indiquée M. Wallerant. On reste convaincu, à la lecture de ses œuvres, que cet observateur sagace, tout suggestif et plein d'idées, ne persistera pas longtemps, en ce qui concerne la théorie, cette voie sans issue, et reprendra la saine tradition de logique, de rigueur et de limpidité dont M. de Lapparent fait à bon droit la caractéristique de l'École française. ce théoricien malgré dans Georges Friedel, Ingénieur au Corps des Mines, Professeur à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. II. — RÉPONSE DE M. DE LAPPARENT M. de Lapparent, à qui la direction avait commu- niqué en épreuves larticle de M. Friedel, xous à adressé la réponse suivante : Monsieur le Directeur, En vous remerciant de votre obligeante commu nicalion, je viens vous demander la permission de répondre, en quelques mots seulement, à l'inté- ressant article de M. Georges Friedel. Il me paraît que ce serait abuser de l'hospitalité de la Revue, comme de la patience de ses lecteurs si l'on cherchait à prolonger une controverse sur un sujet aussi spécial que celui de la Cristallo- graphie. D'ailleurs, la plus grande partie des observations de M. Friedel passe par-dessus ma tête pour atteindre les doctrines de M. Wallerant, en face de qui mon savant contradicteur se pose comme un adversaire résolu. Or, M. Wallerant me paraît bien armé pour se défendre, et je n’entre- prendrai pas de plaider ici sa cause, au lendemain même du jour où, dans le Zullelin de la Société de Minéralogie, l'auteur des Groupements cristallins vient de publier un nouveau et remarquable travail répondant, ce me semble, à plus d'une objection de M. Friedel. Quant au reproche, adressé à M. Wallerant, de n'avoir introduit que des mots nouveaux, et non des idées nouvelles, je crois savoir que plus d’un éminent minéralogiste sera surpris de la sévérité d’un tel jugement. En ce qui me concerne, je ne veux dire qu'un mot, à propos du dédain suprême avec lequel M. Friedel traite ce qu'il appelle la « notion singu- 518 D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS lière de moindre action ÿ. Je suis, je le reconnais, de ceux qui voient ce principe à la base de toutes les opéralions de la Nature. J’y suis même en bonne compagnie, si je me reporte à la récente et magis- trale étude que M. H. Poincaré a consacrée aux théories physiques, et où il établit que le critérium d'une bonne théorie est la netteté avec laquelle elle met en évidence les deux principes de la moindre action et de la conservation de l’énergie*. Contestera-l-on que la matière cristallisée repré- sente l'ordonnance la plus parfaile et, par cela même, la plus stable, dont les particules des corps soient susceptibles, ni que le maximum de stabilité corresponde au maximum de symétrie? Dès lors, en invoquant ces principes, je ne crois pas avoir prêté le moins du monde au ridicule, ni abandonné le terrain scientifique pour pénétrer dans le « do- maine littéraire » et celui des « poéliques images ». Ou alors, il faudrait trailer de poète celui qui È prend plaisir à remarquer que les deux lois expé- rimentales, de la réflexion et de la réfraction des rayons lumineux sont telles qu'on pouvait les pré= voir à priori en vertu du principe de la moindre action. Je terminerai en me félicitant d'avoir pu, grâce à l'obligeance de la Revue, attirer sur la cause de lan Cristallographie une attention que cette spécialité n'est pas accoutumée à rencontrer. Quelle que doive être l'issue du débat engagé, on y recueillera du moins, je pense, cette impression, que la science des Haüy et des Bravais compte toujours dans notre pays des adeptes d'une rare distine- tion. A. de Lapparent, Membre de l'Institut, Professeur à l'Institut Catholique de Paris: AIS 5. LES IDÉES ACTUELLES SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS On sait qu’on désigne sous le nom de blastoderme, dans le développement des Métazoaires, l’ensemble des blastomères ou cellules de segmentation engen- drées par l'œuf fécondé. À moins qu'il n'enveloppe dès l'origine une masse centrale de vitellus nutri- tif dont la présence modifie les phénomènes, ce germe éprouve des changements qui consistent dans l'écartement de ses cellules et la formation, en son milieu, d'une petite cavité, dite cavité de segmenta- tion. Sous sa forme typique, le germe constitue alors une blastula, et le blastoderme représente une couche unique dont les éléments vont subir des phénomènes de mulliplication, qui aboutissent en définitive à la constitution de deux couches ou feuillets germinalifs primordiaux emboîtés lun dans l'autre, dont l’un (ectoderme primitif) limite le corps de l'organisme vers l'extérieur, l'autre (endoderme primitif) la cavité digestive, primilive ou archentéron. Cette forme embryonnaire, consli- tuée par deux feuillets germinaltifs, est: désignée sous le nom de yastrula. Des deux feuillets primordiaux dérivent les feuil- lets définilifs par séparation d'un troisième, le mé- soderme ou feuillet moyen: celui-ci constitue un complexe cellulaire issu tantôt de l'ectoderme, 4 Voyez H. Pomncané : Les relations entre la Physique expérimentale et la Physique mathématique (Rapport pré- senté au Congrès international de Physique), dans la /evue générale des Sciences du 15 novembre 1900, t. XI, p. 1163 et suivantes. tantôt de l’endoderme primitif, tantôt d'une zone indifférente des deux, tantôt de cellules parti- culières pouvant provenir elles-mêmes de di- verses cellules des premiers stades de la segmen- lation. L'ectoderme et lFendoderme définitifs ne sont, en Somme, que la persistance de l’ectoderme et de l’endoderme primitifs, qui se continuent res- pectivement en eux soit dans leur totalité, soit par- liellement. Aussi ces deux feuillets définitifs gar- dent-ils, aux yeux des embryologistes, la même valeur que les feuillets primordiaux. La raison d'être des feuillets, leur valeur morpho- logique ont préoccupé depuis longtemps les embryo= logistes, et deux théories, ou mieux, deux sortes de théories ontéléproposées pour expliquer leur ori- gine:les uns (His, Gütte) en attribuent la formation à des causes purement mécaniques; les autres depuis les travaux de Hæckel, voient dans le déve" loppement des feuillets la répétition ontogénétique d'une phase ancestrale. C’est la célèbre {héorie des la Gastreæa, élablie par Hæckel, reprise et modifiées par Melschnikoff, Ray Lankester, les frères Hert= wig. On en connaitle principe. La gastrula paraît se rencontrer, sous une forme plus ou moins carac= térisée, dans loutes les grandes sections du règne animal, et constituer un stade commun à tous les Métazoaires. Ge stade ne serait que la réapparilion, dans l'ontogénie, d'une forme ancestrale : la (ras= tra, dont les Cælentérés adultes, constilués par deux couches séparées par une lame anhiste, repro- RÉ LE US D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 579 duisent encore actueilement le type. Cette ingé- nieuse interprétation est fondée d'une part sur cette idée que l’ontogénie n'est autre chose que la réca- “pitulation de la phylogénie, et d'autre part sur l'exis- “tence générale de l’ectoderme et de l'endoderme, considérés comme respectivement homologues chez ous les animaux, c'est-à-dire doués de propriétés spécifiques qui se transmettraient aux éléments des tissus et des organes dérivés de chacun d'eux, organes naturellement bien déterminés. Quant au euillet moyen, il n’y a pas lieu d'en tenir compte: est un complexe secondaire, d'origine variable, u'il est impossible d'homologuer dans les divers roupes. Cette théorie phylogénétique a eu le plus grand uccès auprès de la majorité des zoologistes, très isposés à admettre les deux principes de la réca- pitulation ontogénétique et de l'homologie des euillets germinatifs, principes en apparence bien émontrés par de nombreux faits. Or, il s'en faut e beaucoup qu'on tienne aujourd'hui ces deux ases pour aussi inébranlables qu'elles le parais- aient à l'origine. Je ne veux pas m'occuper ici de la doctrine de la récapitulation ontogénétique : elle a subi des criliques sérieuses dans ces der- nières années (Oppel, Keïibel), et ne parait pas pou- voir être maintenue en tant que loi fondamentale iogénétique ; mais le sens général en subsiste Loujours, à savoir que l’ontogénie, sans êlre une récapitulation exacte de la phylogénie, présente parfois des stades correspondant à des élats adultes d'êtres plus inférieurs. Le principe de l'homologie des feuillets, la « théorie des feuillets germinatifs » (Keimblätterlehre), suivant l'expres- sion courante, mérite à lui seul une élude appro- Un point important à fixer tout d'abord, c'est de savoir ce qu'il faut entendre exactement par feuillet germinalif. La notion du feuillet parait très claire à première vue; elle est cependant moins simple à établir nettement, lorsqu'on veut donner une définition précise. Pour définir les feuillets germinalifs, on peut se placer soit au point de vue morphologique, soit au point de vue physiologique, c'est-à-dire qu'on peut les définir soit comme des “couches de l'organisme caractérisées par une cer- | taine situation, ou bien, au contraire, comme des ‘is cellulaires, ébauches de certains organes, . destinés à remplir certaines fonclions. Braem s'est _ montré, dans ces derniers temps, un défenseur . convaincu du point de vue purement physiologique ou mieux organologique. Il déclare que « le con- _ cept du feuillet germinalif n'est nullement mor- _ phologique, mais physiologique. Les feuillets sont des formateurs d'organes. Le feuillet germinatif existe avant d'être morphologiquement reconnais- sable, indépendamment de tous les processus morphologiques. Une couche est un endoderme, non parce qu'elle est le feuillet interne d’une gas- trula, mais parce qu'elle présente les caractères physioïogiques du feuillet intestinal, soit qu'elle les possède déjà, soit qu'elle les acquière dans le cours du développement ultérieur. » Ce concept physiologique, incompalible avec la théorie morphologique des feuillets, soulève de trop sérieuses objections pour pouvoir être acceplé. Par exemple, en s’en tenant à la définition de Braew, les portions terminales, antérieure et pos- térieure, du tube digestif, devraient être stricte- ment qualifiées d'endoderme, alors qu'elles font manifestement partie d'un autre syslème que l'in- testin moyen. L'auteur cherche à se tirer de cette difficulté en- disant que ces régions ectodermiques servent seulement au passage des aliments, et n'ont rien à voir avec la digeslion proprement dite, ar- gument spécieux, car, en fait, l'intestin antérieur joue un rôle dans la digestion (glandes salivaires), et l'intestin postérieur peut avoir également un rôle physiologique important dans l'absorption. Au surplus, on sait que, dans quelques cas, les cellules de l’ectoderme contribuent à l’alimentation de l'embryon (cellules de l'épiderme du manteau chez les larves d'Anodonte, des houppes choriales des Mammifères); il faudrait alors les qualifier d'éléments endoderimiques (Faussek). Enfin, comme le remarque Samassa, ce qu'on arrive à distinguer en se conformant à la définilion de Braem, ce n'est plus un feuillet germinatif, c’est un organe pri- milif. La notion du feuillet ne peut donc être éla- blie sur une base exclusivement physiologique el organogénique ; là où cela semble possible, on ar- rive seulement à exprimer des analogies physiolo- giques, sans valeur au point de vue de la morpho- logie comparée. Les embryologisles n'admettent donc en général que le concept morphologique el les définitions dans lesquelles le rôle organogé- nique du feuillet n'inlervient pas. Telle est la défi- nilion proposée par O0. Herlwig, réservant le nom de feuillet germinalif à « toute couche de cellules embryonnaires disposées à la façon d'un épithé- lium et servant à délimiter soit la surface, soit une grande cavilé du corps », ou celle, moins étroite, de V. Faussek, interprétant « comme feuillets ger- minalifs, dans tous les cas lypiques, les divers complexes cellulaires qui se différencient dans l'embryon après ou même déjà pendant la segmen- tation. » C'est aux feuillets ainsi compris dans un sens morphologique, que les auteurs ont attribué une homologie complète dans les différents groupes du 580 D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS règne animal, une spécificité organogénique et histologique absolue. On avait vu maintes fois le feuillet externe (feuillet sensitif) produire le revé- tement externe du corps, le système nerveux cen- tral, les extrémités antérieure et postérieure du tube digestif, le feuillet interne (f. végélatif) donner l'intestin moyen et ses annexes (foie, etc.) : on n'imaginait pas qu'une autre filiation fût possible. Pour la plupart des embryologistes, chez tous les Métazoaires, tous les organés identiques, histologi- quement et physiologiquement, devaient toujours provenir exclusivement de couches germinatives de même siluation. Mais de nombreuses observa- lions sont venues contredire les idées reçues, et faire naître des doutes de plus en plus forts sur la réalité de la spécificité et de l'homologie des feuil- lets germinatifs. C'est l'exposé de quelques-uns de ces faits et l'examen de ces doutes que nous nous sommes proposé. On peut les grouper en deux catégories, suivant qu'ils sont tirés de l'étude du développement embryonnaire même, ou de l'étude de la régénération et du bourgeonnement. IT Les faits embryologiques contraires à la notion de l'homologie et de la spécificité sont nombreux, et ilest impossible de les énumérer tous. Gütle, Kowa- levsky et Marion, Kôlliker, les frères Hertwig eux- mêmes ont apporté des preuves irrécusables que chaque feuillet, considéré dans l’ensemble du règne animal, est capable de donner naissance à plusieurs tissus, peut-être à tous. Les frères Hertwig recon- naissent que « les feuillets germinalifs ne sont ni des unités organologiques, ni des unités histologi- ques »; mais ils refusent cependant d'en tirer un argument contre leur homologie. L’ectoderme et l'endoderme peuvent bien former des organes variés; à leurs yeux, ilsn'en restent pas moins res- pectivement homologues dans le règne animal, en tant qu'ils offrent partout les mêmes rapports de situation et qu'ils représentent les deux couches fondamentales de la gastrula, — argument faible, puisque l'homologie organogénique prouverait seule que ces couches ne doivent pas leur disposi- tion à de simples conditions mécaniques. Les observations plus récentes ont montré des différences très remarquables dans le mode de for- mation des mêmes organes dans des groupes voi- sins d'une même subdivision du règne animal. On connait des faits de substitution d’un feuillet à un autre dans le développement du tube digestif chez les Arthropodes et les Mollusques, où, dans certains cas, on à constaté la dégénérescence totale des élé- ments endodermiques chargés d’assimiler une énorme quantité de réserves vitellines, et usés de bonne heure par leur fonction digestive. Ainsi, chez les Insectes ptérygotes, l'endoderme disparait sans former aucun organe de l'adulte : l'intestin moyen“ À se constitue aux dépens d’ébauches ectodermiques (Graber, Korotneff, Heymons, Lécaillon, Pratt)M Chez les Céphalopodes, l'endoderme se détruit de même (Bobretzky, Vialleton, Faussek) et le méso= derme donne naissance à sa place aux organes formés par lui chez les autres Mollusques (intestin moyen, foie). Récemment, Conte a observé égale ment la dégénérescence lotale du feuillet interne chez des Nématodes, et la formation de l'intestin moyen par le mésoderme issu du feuillet externes IIT L'étude de la régénération et de la reproduction asexuée par bourgeonnement a fourni les argu= ments les plus forts contre la doctrine de-la spéci-= ; ficité. Acceptant la théorie des feuillets germinatifs dans toute son intégrité, on admettait autrefois que les phénomènes de régénération et de bourgeonne- ment devaient se conformer à ses indications. I paraissait impossible que le même organe püt se développer aux dépens de dérivés de deux feuillets différents chez deux formes d’une même espèce polymorphe, ou chez un même individu dans un cas de régénération. Les premières observations contraires semblèrent douteuses, car elles ébran- laient les bases mêmes de la théorie des feuillets, comme le remarquaient avec justesse Van Beneden etJulin. Or, les recherches poursuivies dans ces der-m nières années ont montré que si le plus souvent les organes se régénèrent, ou bien se constituent dans le bourgeon, aux dépens de dérivés du même feuillet germinatif que celui qui leur donne naïis- sance chez l'embryon, ce n'est pas cependant une règle absolue, et l’on peut voir un organe d'origine embryonnaire ectodermique, par exemple, sen former dans la régénération ou le bourgeonnement, grâce à la prolifération d’un dérivé endodermique: C'est ce qu'on appelle l’hétéromorphose d'origine (Bergh, Labbé’), où mieux l'héféroblastie (Sa=m lensky). Comme exemples de régénération hétéroblas-s tique, on pourrait citer les observations de F. Wa= gner etde Rievelsur la régénération du tube digestif de certains Turbellariés et Annélides, si la valeur de ces résultats n'avait élé considérablement di- minuée par des rectifications de F. Wagner lui- même. Mais Haase à fait connaître que, dans la régénéralion de l'extrémité antérieure des Tuhifex, le pharynx se reconstitue aux dépens de l'épithé- À ! Lanné : L'hétéromorphose en Zoologie, Revue générale des Sciences, t. VIII, 1897. D: SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS 581 est ectodermique dans le développement embryon- aire. M. von Bock a vu également, chez le Chæ- “ogaster diaphanus, les intestins antérieur et posté- rieur se régénérer aux dépens de l’endoderme, à “l'exception d'une petite région tout à fait terminale Correspondant respectivement à la bouche et à lanus. D'après les observations de Michel, la régé- nération caudale chez les Annélides se fait par un bourgeon épidermique exclusivement ectoder- mique,aux dépens duquel se différencient des tissus qui, chez l'embryon, proviennent respectivement des divers feuillets germinalifs. Il semble que dans la génération l'organisme jouisse de la plus grande liberté dans le choix des matériaux nécessaires, et se règle sur desraisons physiologiques ou purement mécaniques. La nature, suivant l'expression de M. Von Bock, ne se laisse pas enfermer dans le Schéma que lui impose l'application stricte de la héorie des feuillets. Certaines observations de reproduction asexuée sont encore plus nettes et plus indiscutables. On tenait autrefois pour absolument nécessaire que, dans ce mode de reproduclion, des éléments issus de deux feuillets germinatifs fondamentaux pris- Sent part à la formation du bourgeon. Mais les observations directes n'ont pas toujours confirmé cette manière de voir, et, s’il en est ainsi dans cer- Lains cas, dans d'autres on à vu des organes cor- respondants et indubitablement homologues se former de façons diverses et aux dépens de feuillets germinatifs différents, non seulement dans des groupes voisins, mais encore dans la même espèce (Seeliger, Salensky). Par exemple, chez les Cœlen- térés, l'ectoderme et l’'endoderme de l'individu- mère entrent ordinairement dans la conslilution du bourgeon, mais Chun à rencontré une exception intéressante à cette règle chez deux espèces de Mar- gélides où les bourgeons se développent sur le ma- nubrium exclusivement par prolifération de cellules ectodermiques : la présence de la lamelle de sou- tien assure à l'observation une netteté exceplion- nelle, et il est indéniable que le nouvel endoderme de la jeune Méduse se différencie aux dépens d’élé- ments purementectodermiques.Chezles Bryozoaires ectoproctes, des trois feuillets qu'on trouve dans l'embryon, l'ectoderme est le seul qui se perpétue à travers la colonie, le seul qui soit représenté dans les individus nés par bourgeonnement, c'est-à-dire tous les individus de Ja colonie sauf le premier, né d'un œuf. L'étud: du bourgeonnement des Ascidies -composées fournit également des faits défavorables à la théorie de la spécificité des feuillets. Ainsi, pour ne citer que des lravaux récents, Hjort a mon- «tré que tous les organes importants de l'animal nouveau peuvent se développer aux dépens d'élé- . ments de l'animal-mère qui peuvent être exelusive- ment lantôt d'origine ectodermique (Botryllus), tantôt d’origine endodermique (Polyclinum), quelle que soit l’origine ecto-ou endodermique de ces organes chez l'embryon. Ces faits ont été confirmés par Caullery. Les deux feuillets primordiaux peu- vent donc se substituer l’un l'autre dans le bour- geonnement. LV On le voit, les observations contraires à la théorie de la spécificité, et par conséquent à l'homologie des feuillets, sont assez nombreuses et convain- cantes pour nous permettre de croire avec Salensky que la valeur future des cellules embryonnaires dépend de leur situation, c'est-à-dire en somme de conditions mécaniques. Cependant, la foi des parti- sans de celte théorie ne se laisse pas si facilement ébranler. Les explicalions les plus spécieuses ont été imaginées pour diminuer l'importance des faits acquis. À propos du processus, plusieurs fois observé, de la formation du système nerveux aux dépens de l’endoderme dans les bourgeonnements des Tuniciers, Ritter objecte que l’ectoderme de ces animaux est différencié à un très haut degré, n'ayant pour ainsi dire plus qu'une seule fonction, la production de la cellulose : par suite il n'est plus capable de fournir des différenciations nouvelles, il n'est plus un feuillet sensilif, et l’endoderme prend sa place. Mais comment expliquera-t-on alors que, dans d'aulrescas, c'estprécisément l’ectoderme qui fournit tous les éléments du bourgeon ? Pour des cas semblables, Rabaud déclare que « l’ectoderme, tissu primordial d’où sont nés tous les autres, reprend son indifférence initiale », ce qui ne souffre aucune difliculté puisque, « surtout chez les êtres inférieurs, il n’est pas un tissu étroi- tement différencié, qu'il est le feuillet originel ». Cela revient à dire, en somme, qu'il a les propriétés du feuillet blastodermique unique de la blastula, c’est-à-dire qu'il n'a aucune propriété spécifique. Caullery, à propos du bourgeonnement des Ascidies composées, el Calvet, au sujet des Bryo- zoaires, estiment qu'il y a lieu d'établir une distinc- tion entre le développement embryonnaire et le développement par bourgeonnement ou régénéra- tion. Le bourgeonnement n'est qu'une reconstitu- tion partielle d'un individu : c’est une sorte de régé- nération. Le bourgeonnement et la régénération, phéno- imènes intimement liés, s'effectuent suivant des processus post-embryonnaires acquis, et offrant le « caractère partiel d'une régénération », tandis que le développement par œuf est « un phénomène total ». « Le bourgeon porte au plus haut point l'empreinte d’une épigenèse, c’est-à-dire d'une 582 D' SAINT-REMY — LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES FEUILLETS GERMINATIFS évolution dépendant avant tout des conditions envi- ronnantes. Sa morphologie doit être fondée sur cette considération, etne peut ni fortifier ni affaiblir la théorie des feuillets » (Caullery). Cette distinc- tion est très admissible, mais elle n’enlève rien à l'importance de ce fait que des éléments issus d'un feuillet peuvent se substituer à ceux d’un autre. Pour Hjort, si le bourgeon d'une Ascidie compo- sée peut se former aux dépens d’un seul feuillet ger- minatif, c'est que ce feuillet n’en est pas au sens habituel du mot, et représente, comme les éléments de la blastula, «un matériel cellulaire indifférent qui doit se transmettre de génération en généra- tion ». Une telle interprétation n’est pas pour forti- fier la notion de la spécificité. L. S. Schull{ze a repris et perfectionné cette théo- rie, destinée à détruire l'effet des arguments tirés de la régénération et du bourgeonnement. D'après lui, la différence du lieu d'origine des cellules- mères d'un organe dans l'embryologie d'une part, dans le bourgeonnement ou la régénération d’au- tre part, n'a aucune importance au point de vue de la théorie de l'homologie des feuillets germinatifs et de la détermination de l'homologie des organes : il suffit d'admettre l'existence d’un matériel spécial de cellules destinées à proliférer dans les proces- sus de régénération et de bourgeonnement. Dès lors, les premiers phénomènes embryogéniques n'ont rien de commun avec les phénomènes de la reproduction asexuée ou ceux de la régénération ; on distinguera les couches formées dans ces cas sous des noms nouveaux : ecto-,endo-, mésolemme, tout à fait différents des ecto-, endo-, mésoderme ou feuillets germinatifs. Seulement, il reste à prouver par des observations directes l'existence de ce matériel de reproduction asexuée et de régé- nération, et, s'il existe, sa présence dans les divers feuillets suffit à leur enlever toute spécificité. Au surplus, comme le remarque Michel, s'il ne faut sans doute pas exagérer le rapprochement des développements embryonnaire et régénératif, et vouloir pousser le parallèle de la formation de l'embryon et du bourgeon jusqu'à une identité complète, on doit cependant reconnaître que « la spécificité absolue des feuillets conduit à des résul- tats absurdes. » .… « Tout processus’ dépendant uniquement de conditions internes, nées de l'état antérieur, autrement dit de l'hérédité, et de condi- tions externes, si les conditions se retrouvent less mèmes, le même processus se produit : en dehors de là, il n'y a que mots et systèmes. » En somme, il y a une sorte de spécificité apparente acquise, ou, comme le dit Houssay : « une spécificité de fait, capable, en raison de sa longue durée, d'imprimer des traces suffisantes pour ne pouvoir, en certains cas, être détruites ». Mais, sans chercher à dénier toute valeur morphologique à des formations aussi générales que les feuillets, il est permis de leur refuser l'importance considérable qu’on leur attri-« buait autrefois, et de se ranger à l'opinion ancienne» de His, Gütte, Külliker, sur leur valeur morpholo- gique secondaire. Il n'existe entre eux aucune diffé- rence histologique ou physiologique profonde ; ils ne possèdent aucune spécificité réelle, mais seule- ment une spécilicilé apparente, résultant de ce que le plus souvent chacun d'eux se trouve placé dans des conditions qui se répètent. Si, dans la plupart des cas, ils évoluent chacun suivant des processus particuliers, et ne donnent ordinairement naissance qu'à des complexes organiques bien déterminés, cela doit dépendre de conditions méea- niques du développement, et non de propriétés vitales intimes de leurs cellules (Faussek). Nous conclurons, avec Heymons, qu'on ne peut voir en eux des documents pour une théorie phylogéné- tique”. D° Saint-Remy, Professeur adjoint à l'Université de Nancy. ‘Il n'est pas possible de donner ici la bibliographie assez étendue de ce sujet, pour laquelle je suis redevable de pré- cieux renseignements à mes amis A. Prenant et L. Cuénot; on la trouvera indiquée en grande partie dans les Mémoires suivants : V. Faussek : Untersuch. ueber d. Entw. d. Cephalopoden. Mitth. Zool. St. Neapel, x1v, 1900. R. Hevwoxs : Die Embryonalentw. d. Dermapteren u. Orthopt. Jena, 1895. A. Micure : Rech. sur la régénér. ch. les Annélides. Bull. M seientif. France et Belq., xxx1, 1899. Er. Ramauo : La régénér.et la cicatris. dans leurs rapports avec le dével. embryonn. Arch.gén. de Médecine, 1900. SaLexskY : Heteroblastie, Proc. 4 th. Intern. Congr. Zool. Cambridge, 1898. L. S. ScuuLrze : Die Regener. d. Ganglions von Ciona intestinalis L. Jen. Zschr. €. Naturwiss., xxxu1, 1899. O. Seeuier : Natur u. allgem. Auffassung d. Knospen- AE SLT fortpfl. Metazoen. Verhandl. d. deutsch. zool. Geselisch., 6 Jahresvers. Bonn, 1896, . vrage peut se résumer en quelques mots : élémentaires de BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 583 2 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Anuario del Observatorio astronomico äe Santiago de Chile, publicado por A. Obrecht, Director del Observatorio. Tomes 1 e£ I. — 2 vol. in-8 de 254 et 184 pages avec planches. Imprenta Cervantes, San- tiago de Chile, 1900. L'éminent directeur de l'Observatoire de Santiago (Chili), M. A. Obrecht, vient de commencer la publica- tion des travaux qui y ont été exécutés par lui ou sous sa direction. Les deux premiers volumes de l'Annuaire de l'Observatoire renferment des Mémoires importants : de M. Obrecht, sur la Théorie de la précession luni- solaire; de M. Taulis, sur la détermination des coordon- nées géographiques de la lunette méridienne de l'Ecole navale; de MM. Obrecht et Krahnass, sur la détermina- tion de la gravité à Santiago (g—9%,7953) ; de M.Obrecht, sur la détermination du mouvement du pôle terrestre au moyen de la photographie; de M. J. Taulis, sur les coordonnées géographiques et les éléments magnétiques de la ville de San Felipe. Notes et formules de l'Ingénieur, du Constructeur- mécanicien, du Métallurgiste et de l’Electricien, ubliées par un Comité d'Ingénieurs, sous la Direc- tion de MM. Cu. Vicreux, Répétiteur à l'Ecole Cen- trale, et Cu. Mizanpre (12 édition). — 4 vol. in 12 . de 1500 pages avec 1130 figures (Prix, cartonné : 42 fr.). E. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, 1901. Le but poursuivi par les auteurs de cet excellent ou- mettre sous une forme très condensée tous les renseignements dont peut avoir à faire usage un technicien quelconque dans l'établissement du projet d’une machine ; donner au lecteur le moyen de se faire rapidement une idée de la construction ou de l'usage d’une machine ou d'un organe mécanique, et des propriétés des matériaux employés dans toutes les branches de l’industrie. Les chapitres de l'ouvrage donnent successivement des formules de Mathématiques pures et appliquées, avec les tables numériques correspondantes, des notions Mécanique rationnelle, des indica- tions sur le frottement et À résistance des matériaux, puis des renseignements sur l’'Hydraulique, la Chaleur, avec des applications à la tuyauterie, à l'écoulement des gaz, aux chaudières, à la navigalion, et, spéciali- sant encore, aux fabrications telles que celles du pa- pier, du sucre, de la bière. Viennent ensuite quatre parties distinctes, consacrées à la Métallurgie, à la Traction, à la Balistique et à l'Electricité. Eafin, un vocabulaire trilingue termine l'ouvrage. Ici pourrait s'arrêter notre tâche; car, devant une douzième édition, les éloges peuvent paraitre superflus, et les critiques réfutées d'avance par la sanction donnée par les lecteurs. Mais ce serait peut-être res- treindre trop notre devoir vis-à-vis de nos lecteurs. L'énorme profusion des renseignements précis, donnés sous une forme aussi réduite que possible, ti- rera toujours d'embarras ceux qui auront à faire usage des Notes et formules de l'Ingénieur, qui ne devraient faire défaut dans la bibliothèque d'aucun technicien et d'aucun homme de science. Mais, en y regardant de très près, on entrevoit la possibilité de faire mieux encore, de critiquer plus complètement les sources, de sacrifier une fois pour toutes des données numériques, bonnes autrefois, mais qui ne correspondent plus à l’état actuel des sciences techniques, tels, par exemple, les tableaux de Matthiessen, revisés par les recherches récentes en Electricité, ou certaines données concer- nant les poids et mesures. Puis, l'impression générale qui se dégage, lorsqu'on revoit dans son ensemble Ja table des matières, est que, si l’on trouve tout dans l'ouvrage, bien des renseignements sont loin de l'en- droit où l’on aurait cru devoir les chercher. Pourquoi, par exemple, les sondages, les forages, la géologie, les poids et mesures sont-ils rattachés à la traction ? Pour- quoi les unités ne sont-elles données qu'à propos de l'Electricité? C’est, assurément, dans cette science qu'elles ont atteint tout d'abord leur plus parfait déve- loppement, mais elles se sont heureusement répandues tout à l'entour. Pourquoi eucore la densité de la tourbe ou de la terre végétale est-elle donnée à la suite de la Métallurgie? Pourquoi enlin la résistance des maté- riaux est-elle scindée en deux parties, l’une rattachée à la Mécanique, l'autre à la Métallurgie ? Ces quelques bizarreries donnent un peu l'impres- sion d’un ouvrage dû à une collaboration assurément très compétente, mais dont le travail n'a pas subi une refonte suffisante, et pour lequel, si le souci du détail a êté grand, celui de l'homogénéité a été moindre. La table alphabétique complète rend, pour la prati- que, ce pelit défaut négligeable. Si les auteurs pensent, comme nous, qu'il est réel, pour l'harmonie de l'en- semble, ils pourront, par quelques transpositions, le faire disparaitre dans la treizième édition. Cu. Eb. GUILLAUME, Physicien au Bureau interaational des Poids et Mesures. 2° Sciences physiques Grimaux (Ed.). — Chimie organique (8° édition). — 4 vol. in-12 de 462 pages, avec fiqures dans le texte. (Prix :5 fr. 50.) — Chimie inorganique (8° édition). — 1 vol. in-12 de 533 pages, avec liqures dans le texte. (Prix : 5 fr. 50.) Felix Alcan. Paris, 1901. Cet admirable petit livre, dont la librairie Alcan nous donne aujourd'hui la 8° édition, a été revisé et mis au point par l'auteur peu de jours avant sa mort. Ce n'est pas seulement aux étudiants en Médecine, pour qui l'ouvrage fut d’abord écrit, qu'il a rendu et rendra encore des services. Quiconque désire s'initier aux choses de la Chimie et prendre une vue nette et précise dés lois générales et des méthodes de cette science, a le devoir de lire ces deux volumes, véritable chef-d'œu- . vre de haute pédagogie scientifique. Ed. Grimaux possédait au plus haut degré le don de la clarté : il exposait, de façon à être compris de tous, la Science la plus élevée, et lui gagnait ainsi des adep- tes. Ses lecons à l'Ecole Polytechnique, à la Faculté de Médecine, sont reslées célèbres dans le monde des Ecoles, et doivent à bon droit être citées comme un modèle d'enseignement chimique. Il ne servirait de rien d'analyser celles qu'il a professées à l'Ecole de Médecine, les faits qu'il y décrit étant de ceux que connaissent tous les hommes du métier. Ce qu'il faut louer dans cette œuvre, c’est, avant tout, le talent de l'écrivain, qui a su s'imposer en chaque chapitre de ne pas tout dire, et est arrivé à choisir de la facon la plus habile les faits qu'il fallait mettre en lumière et l'ordre suivant lequel il convenait d’en parler pour donner au lecteur une idée exacle du système positif de la Science. : En feuilletant ce dernier ouvrage du regretté savant, on ne peut s'empêcher de haïr davantage les manœu- yres infâmes qui ont troublé les deux dernières années de sa vie, et, sans aucun doute, hâté sa fin. Louis Oxivier. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Park (James), Professeur à la Société Géologique de Londres. — The Cyanide process of Gold extrac- tion.—1 vol. de127pages avec gravures. (Prix : 6 sh.) Ch. Grillin and C°, éditeurs. Londres, 1904. L'auteur avait publié la première édition de cet ouvrage en Nouvelle-Zélande, mais il l’a considérable- ment amplifiée, en y adjoignant les derniers perfec- tionnements survenus dans cette industrie si progres- sive. Depuis quelques années, l'adaptation des méthodes scientifiques au traitement des minerais a rendu la métallurgie de plus en plus dépendante des connais- sances chimiques, et cela surtout pour les procédés de cyanuration appliqués à l'extraction de l'or, car il s'y présente souvent des cas fort perplexes provenant des causes les plus simples. La description du procédé Mac Arthur Forrest, sa théorie et son application pratique, les différents moyens d'extraire l'or de ses solutions, tels sont les principaux traits de ce petit ouvrage très documenté, à la fin duquel un appendice fournit des détails inédits sur les nouvelles méthodes de cyanura- tion suivies actuellement en Nouvelle-Zélande avec un plein succès. EuiLe DEMENGE, Ingén'eur-métallurgiste. Helot (Jules), Vice-Président de la Chambre de Com- merce de Cambrai. — Le Sucre de Betteraves en France, de 1800 à 1900. — 1 vol. in-# de 220 pages et dessins (Prix : 15 fr.). Imprimerie F. et P. Deli- gne. Cambrai, 1901. La fabrication du sucre de betteraves est née en France, au début même du siècle, La belle découverte, purement théorique, de Margraaf, avait été, à la fin du xviie siècle, de la part d'Achard, chimiste prussien, l’objet d'une exploitation industrielle en Silésie; mais Achard, malgré les prodigalités du roi Frédéric-Guil- laume IE, malgré l'ingéniosité des procédés employés, ne put réussir. C'est le 6 messidor an VIII (4800), que Deyeux, membre de l’Institut, fit connaître en France les procédés d’Achard, et montra qu'ils pouvaient four- nir le sucre de betteraves au même prix que le sucre de cannes. On abandonna cette direction imprimée par Deyeux pour suivre une chimère, l'extraction du sucre de raisins, et ce n’est qu’au moment du blocus conti- nental, que de nouveaux efforts furent faits, et que Deyeux, Crespel, Drapiez réussirent, chacun de leur côté, et la même année (1810), à fabriquer du sucre de betteraves en pains. De cette époque datent les encou- ragements de l’empereur Napoléon [°', qui, admirable- ment secondé par Chaptal et par de Montalivei, sut don- ner l'essor à cette industrie nouvelle. Aujourd’hui, après cent ans de travail, la production du sucre de betteraves s'élève en France à 800.000 tonnes. Le moment était donc admirablement choisi pour faire une étude rétrospective de cette grande et belle industrie, et personne mieux que M. Hélot, l'un des fabricants de sucre les plus instruits et les plus achar- nés au travail, n'était désigné pour en faire le pané- gyrique, à la cérémonie de son Centenaire. La question de la fabrication du sucre n'est pas une question isolée, au milieu de celles qui intéressent l’agriculture et l’industrie francaise; et, quand on se propose de l’étudier; il faut prendre à la fois en con- sidération la culture de la betterave, les perfectionne- ments des procédés, les modifications dans l'outillage, l'étabiissement de l'impôt qui frappe le sucre, et la concurrence qu'exerce le sucre de betteraves vis-à-vis des sucres coloniaux de cannes. Ce sont ces considérations que M. Hélot s’est, avec beaucoup d'habileté, attaché à faire ressortir dans le très bel ouvrage qu'il a publié au moment de l'Exposition universelle. La betterave, ou la bette de 4810, qui ren- fermait 4 à 5 °/, de sucre, est devenue, par les pro- cédés modernes de sélection, auxquels le uom de Vilmorin est immortellement attaché, la betterave riche à 15 et 20 0/4. L'avenir est peut-être même plus intéressant encore à considérer; de grands efforts sont faits, en particulier par M. Hélot lui-même, pour repro- duire non plus par graines, mais par boutures, les betteraves de race riche. Les procédés de défécation à l'acide, puis à la chaux, ont lait place aux procédés de Possou et Périer. L'outillage s’est complètement trans- formé; les râpes et les presses ont été délogées par les appareils de diffusion; les chaudières à air libre par les chaudières à vide : combien il esi intéressant de suivre ces progrès sur les plans que M. Hélot a su re- trouver, et qui nous montrent l'installation de sucreries modèles depuis 1835 jusqu'à nos jours. Enfin, l'étude de la législation des sucres ne doit pas être négligée; elle est le reflet de la situation relative des deux indus- tries concurrentes de la canne et de la betterave; elle elle est également le reflet de la prospérité de l’une et de l’autre. Napoléon 1°" donnait des licences aux fabri- cants de sucre, et faisait distribuer des secours. Au- jourd'hui, l'Etat n'hésite pas à prélever sur chäque sac de sucre un impôt de 60 francs. C’est la législation de 1884, si habilement défeudue par M. Méline, qui a fait la prospérité de la sucrerie de 1900. Le meilleur éloge que l'on puisse faire des docu- ments réunis par M. Hélot dans son livre, se trouve dans ce fait qu’un amateur, on pourrait dire un con- naisseur, peu scrupuleux, a eu la hardiesse de profiter du désordre qui a présidé à l'installation de l'Exposi- tion, pour voler les pièces originales que M. Hélot avait cru devoir annexer à l'exposition de son ouvrage. L. Lixper, Professeur à l'Institut National Agronomique. 3° Sciences naturelles Charpentier (H.), Ingénieur civil des Mines. — Géologie et Minéralogie appliquées.— 1 ro/. in-120 de 64% pages avec 115 figures (Bibliothèque du Con- ducteur de Travaux publics. Prix cartonne : 8 fr.). V* Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901. Les cent cinquante premières pages du livre sont consacrées à une sorte de résumé des connaissances générales sur la Géologie et les roches nécessaires à l'ingénieur. L'intérêt propre du livre est de décrire, pour chacun des métaux usuels, des principaux maté- riaux de construction et des corps variés qui inté- ressent l'ingénieur, les minerais, les gites el les pro- cédés d'extraction. A ce point de vue, le livre de M. Charpentier peut être cité comme un modèle d’au- tant plus précieux que Les nombreux faits qu'il ren- ferme n'avaient guère été rassemblés jusqu'à présent dans des manuels réellement utiles au praticien. Les miniers y trouveront des descriptions d'une précision extrême, accompagnées d'une foule de coupes et de croquis relatifs aux gisements, et d'indications abon- dantes sur la production annuelle des diverses mines. Au sujet de chaque minéral étudié, est citée la biblio- graphie utile qui le concerne. RSS Belzung (Er.), Professeur au Lycée Charlemagne, Docteur ès Sciences. — Anatomie et Physiologie vé- gétales. — 1 vol. 1n-8° de 1.320 pages avec 1.700 gra- vures dans le texte. (Prix: 20 fr.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 4801. Les modifications survenues depuis quelques années dans la clientèle de nos Facultés des Sciences ont dé- terminé l'éclosion d’un certain nombre d'ouvrages destinés à familiariser nos jeunes étudiants avec les principes généraux de la science des plantes. Aucun d'eux n'a l'importance et la portée de celui que nous devons à l'expérience pédagogique et à la science de M. Belzung. Nulle part, sauf dans les traités destinés aux études supérieures, on ne saurait trouver un pareil luxe de détails minutieux el circonstanciés; nulle part, la méthode d'exposition n'est plus précise: C'est un travail de longue haleine auquel l'auteur a consacré des années, par lequel il espère étendre à diverses catégories d'étudiants le bénéfice d'un ensei= gnement qui fait honneur à nos grands lycées. » : Il s'est proposé de donner des principales questions - d'Anatomie et de Physiologie végétales un exposé con- forme à l'état de la Science. Il y a réussi pour la plu- part d’entre elles, et plusieurs chapitres peuvent être cités comme des modèles de mise au point aussi exacte que possible. Ce volume n'est pourtant pas un Traité, dans la pensée de l’auteur. Il ÿ voit un livre d'étude, dans lequel le lecteur soit à même de trouver un fonds de connaissances qui lui permette d'aborder avec fruit les ouvrages plus complets et surtout les travaux spéciaux; par malheur, en ce qui concerne cette partie du pro- gramme, M. Belzung ne donne aucune indication bibliographique. Comment le lecteur atteindra-t-il les ouvrages plus complels et les travaux spéciaux? Rien ne lui permet de les découvrir, si ce n'est, parfois, un nom d'auteur accompagnant une figure. Comme livre d'initiation, comme livre d'étude, quelque chose man- que donc à celui de M. Belzung que tout étudiant doit réclamer, c’est la base même de la critique. Comme Traité, l'absence complète de renseignements biblio- graphiques met le Lecteur dans l'impossibilité de re- constituer l'historique des questions, même les plus fondamentales. On fait trop aisément fi de l'histoire des idées depuis quelques années; on se débarrasse du souci de la recherche des sources en la déclarant inu- tile et l’ou attribue, sans sourciller, des découvertes accomplies depuis de longues années, à des contem- porains qui n'y sont pour rien. Certains noms doivent être cités parce qu'ils marquent des dates importantes qu'il n'est pas permis d'ignorer, sans la connaissance desquelles les rapports de la Science et de ses diverses parties demeurent insaisissables. A une époque où l’activité scientifique est aussi grande, tout ouvrage de ce genre, sans bibliographie, reste un Manuel, Celui-ci est un excellent Manuel, au- quel il faudrait ajouter pourtant des tables détaillées des matières pour que chacun y puisse trouver ce dont il a besoin. Tout y est réparti avec un ordre parfait; l'ouvrage y est divisé en dix parties, subdivisées en seclions, en chapitres et paragraphes dout l'importance relative est signalée par des différences typographiques ; mais celte classification, expression d'un dogmatisme savant, pous- sant l'analyse jusque dans les plus menus détails, éloigne constamment l'esprit des notions synthétiques et concrètes. La forme et la structure des organes sont étudiées en dehors des fonctions dont ils sont le siège. La physiologie externe est séparée de la physiologie interne; ces distinctions, tout à fait arbitraires, dérou- tent le chercheur. On apprend à connaître la structure de la plante, des tissus qui la composent, des membres qui la forment, sa croissance, sa mulliplication, la di- gestion, l'absorption et la circulation des aliments avant d'aborder l'étude des phénomènes dont dépend l'assimilation de l'aliment par la cellule verte. On ne sait pas encore ce qu'est la cellulose qu’on connait en détail la structure de la membrane ; on ne connait pas la feuille, mais on a épuisé l'étude des stomates. On est en présence d'un Manuel complet de Chimie biolo- gique sans qu'on sache ce qu'est le tissu où s’opèrent toutes les transformations. C’est se priver à plaisir des moyens de relever l'intérêt de son sujet; il n’est pas possible d'établir les relations de cause à effet. A peine peut-on les indiquer en se mettant en contradiction avec le principe de la division admise. Chaque chapitre, chaque paragraphe doit être consi- déré en lui-même, comme un article de dictionnaire très soigneusement rédigé, trop indépendant de ses voisins. C'est pourquoi, malgré toute l’érudition qu'il a apportée à ce travail, M. Belzung ne nous parait pas avoir atteint le but qu'il se proposait. Il destine son livre aux étudiants des Universités et des grandes écoles et il n’en a pas fait un livre d'enseignement supérieur. Il ne faut pas perdre de vue la différence profonde qui devra exister entre le lycéen et l'étudiant, aussi REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX En) longtemps que l’enseignement secondaire des Sciences naturelles conservera le caractère encyclopédique et scolastique qu'on lui a donné. Les jeunes gens qui quittent les bancs du lycée ont tout appris, mais ils ne savent rien par eux-mêmes; ils n'ont aucune certitude. Poussez-les; ils répondent invariablement : C’est ce qu’on nous a dit: Magister dixit. Cette mé- thode peut-elle être appliquée dans les Universités? — Ce serait le pire des maux. Les maîtres de l’enseigne- ment supérieur doivent considérer les jeunes étudiants comme n'ayant aucune notion personnelle des objets qu'étudient les sciences biologiques. La critique ne s'adresse pas seulement à l’œuvre de M. Belzung, mais à tous les ouvrages destinés à ceux qui abordent, en Krance, les études supérieures de sciences biologiques. Elles sont traitées, en général, comme des sciences abstraites ayant la Nature pour objet. L'étude de la Nature est bien le thème développé ; mais il semble que la Nature soit hors d'atteinte, qu'on ne puisse la voir. Les auteurs parlent des objets qui les entourent comme ils parleraient des étoiles, comme si eux-mêmes ne les connaissaient pas. Ils citent indit- féremment comme exemples les espèces les plus vul- gaires et celles qu'on ne voit jamais. Ils Ggurent avec soin des détails anatomiques qui n'en laissent pas moins dans le monde des abstractions les plantes les plus répandues auxquelles ils sont empruntés. La plante est le substratum de phénomènes connus dans tous leurs détails, mais le substratum est quel- conque, comme le ballon ou le creuset où s'accomplit une réaction chimique. Si cette méthode n’a pas étouffé les aptitudes natives et latentes pour l'observation, s'il reste encore chez le jeune homme quelque attrait naturel pour la Nature, assez fort pour déterminer le choix d'une carrière, médicale, agricole ou autre, notre devoir est d'éprou- ver ces aptitudes au plus vite, de les développer si elles sont réelles et de diriger ailleurs les jeunes hommes lorsqu'elles ne sont pas confirmées. Il s’agit beaucoup moins pour nous de bourrer l’es- prit et la mémoire de la masse des faits acquis à la Science que de former l'esprit à l'observation person- nelle. Que le jeune étudiant soit mis, dès le premier jour, en face de la Nature pour l’interroger lui-même, qu'on lui mette entre les mains les moyens de contrô- ler les faits sur lesquels le maître s'appuie et d'en faire la preuve, et, s’il est capable de penser, on verra bien vite se développer chez lui la curiosité de l'obser- vation personnelle, l'esprit de contrôle et de critique. Le devoir de former des intelligences à l'observation personnelle préoccupe tous ceux des maitres de l'en- seignement supérieur qui vivent en contact constant avec leurs élèves. Il n’est pas besoin, pour y réussir, de tout enseiguer; il faut et il suffit que, suivant le but qu'il poursuit, l'étudiant puisse se (aire une opinion personnelle sur la majorité des faits qu'on lui enseigne. Dans l’enseignement des sciences biologiques, l’ensei- gnement de l’amphithéâtre doit être subordonné; il est la synthèse et le complément de l'enseignement des laboratoires. Le laboratoire, c'est l'observation de la nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut pas l'oublier, la Nature ne se laisse pas emprisonner et contraindre; bon gré mal gré, il faut y revenir ou mieux commencer par elle et lui demander tout ce qu'elle peut donner directement. On ne peut être natu- raliste, si on ne sait pas observer la Nature: aucun des ouvrages destinés à nos jeunes étudiants ne les attire vers elle. Il fallait bien enfin signaler ce défaut. L'œuvre, pleine d'érudilion, de M. Belzung, nous en a fourni l’oc- casion. Si, comme nous l'espérons, il en donne bientôt une nouvelle édition, il en fera, sans peine, une œuvre très utile en mettant entre les mains de ses collègues de l’enseignement secondaire un résumé aussi complet que précis de nos convaissances sur l'anatomie et la physiologie des plantes. C. FLAHAULT, Professeur de Botanique à l'Université de Montpellier. 12** 586 Be Ribaucourt (Edouard), Préparateur à la Fa- culté des Sciences de Paris. — Etude sur l’anato- mie comparée des Lombricides (7hèse pour le doc- torat de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 bro- chure de 120 pages, avec 54 figures dans le texte et 8 planches hors texte. Bulletin scientifique de la France el de la Belgique, 3, rue d'Ulm, Paris, 1901. M. de Ribaucourt est déjà connu par ses travaux antérieurs sur les Vers de terre, et la thèse qu'il sou- tint, en 1896, devant l'Université de Berne, sur la Faune des Lombricides de la Suisse, lui avait marqué une place à part parmi les spécialistes. Sa thèse de Paris (1900) débute par une étude sur la faune des Lombricides des environs de Paris. Cette faune n'est pas riche en espèces variées. On y trouve seulement vingt-quatre types principaux, dout trois entièrement nouveaux et cinq constatés pour Ja pre- mière fois dans cette région. Jusqu'à ce jour, les auteurs ont eu tendance à étendre à toute la famille des Lombricides les résultats par- tiels, spéciaux, auxquels ils étaient arrivés par l'étude d'une seule espèce, L'étude anatomique et histologique démontre l'inex- actitude de celte méthode. Outre les stries connues de la cuticule, il existe, chez plusieurs espèces, de grandes lignes transparentes, visibles à un faible grossissement et formant cadre aux petites stries, qui ne sont, elles, apparentes qu'à un très fort grossissement. A la partie inférieure de la cuticule adhère une couche très mince de matière amorphe, limitée aux petites stries et dans lesquelles elle se trouve moulée. Il est à remarquer que le grou- pement des fibrilles musculaires longitudinales varie suivant les espèces. Quant au muscle buccal, il peut, soit ne former qu'une seule masse (Lumbricus), soit en constituer plusieurs dans autant de segments (A//urus). Si l’on fait l'étude comparée des dissépiments, de l’æsophage, des fibres longitudinales du jabot, on voit qu'ils peuvent varier considérablement, non seule- ment suivant les genres, mais encore suivant les espèces. Il en est de même de l'anatomie comparée des glandes calcifères de Morren. L'auteur, qui en a déjà lait la description dansune Communication à l'Académie des Sciences (19 juin 1899), étudie plus à fond cette question, et appuie de nombreux dessins son étude. Il décrit ensuite l'anatomie du gésier et mentionne la striation des fibrilles qui forment les bandelettes mus- culaires de cette partie du tube digestif. Parlant du typhlosolis, il fait remarquer que cet organe peut être constitué par une simple lame ou être compliqué par la présence d'un feuillet multilobé. Entre ces deux dispositions, s'observe une série de types de passage. Quant au plasma sanguin, il se sépare, après fixation, en deux masses distinctes, une jaune et une brune, dans lesquelles sont disséminées des vacuoles non colorables. À mentionner de nom- breuses cellules amiboïdes, avec ou sans noyaux. M. de Ribaucourt a trouvé, dans le vaisseau dorsal, de véritables valvules correspondant à la segmentation externe (Lumbricus festivus). Ces valvules ne sont pas visibles chez tous les Lombricides. Nous appellerons tout spécialement l'attention sur le fait suivant, mentionné par l’auteur dans sa thèse, et qui nous paraît présenter un intérêt biologique consi- dérable : Il existe chez certaines espèces, au sortir des pavillons vibratiles, de véritables épididymes, semblables à celles que l’on observe chez les Hirudinées. Le travail se termine par une étude sur les chlora- gogènes et les éléments figurés (lymphocytes) du li- quide lymphatique (liquide périviscéral, plasmatique, d'autres auteurs), qui æarient de forme, de structure, uon seulement chez des espèces différentes, mais chez une même espèce. Pour l’auteur, les spermatophores se forment sur l’anneau qui les porte et non pas dans les spermathè- ques, comme on l’a cru jusqu'à présent. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX M. de Ribaucourt met en doute, aussi, le processus. de fécondation admis jusqu'à ce jour chez les Lombri- cides. Parlant des parasites, il cite le fait curieux d'une- mue de la cuticule des Nématodes enkystés à la partie caudale et celui d'Enchytræides carnivores tuant d'avord les Lombrics pour les absorber ensuite. On peut voir, par cette rapide analyse, que les Lom- bricides présentent entre eux de notables différencia- tions anatomiques. La thèse de M. de Ribaucourt, très consciencieuse, fait honneur à l’auteur, qui a su mettre en relief des faits nouveaux, particulièrement intéressants au point de vue biologique. Marius PERRIN. 4° Sciences médicales Dubois (Raphaël), Professeur à l'Université de Lyon et Couvreur (Edmond), Chefdes Travaux pratiques de Physiologie à la Faculté des Sciences de Lyon. — Leçons de Physiologie expérimentale. ! vo/ 1n-80: de 388 pages, avec 303 gravures. (Prix, cartonné : 14 fr.) Carré et Naud, éditeurs. Paris, 1901. Comme son titre l'indique, ce livre n’est pas un traité de Physiologie, mais bien une série de leçons faites dans le laboratoire, sous la forme de démonstra- tions pratiques. Dans ce travail, les auteurs se sont surtout préoccu- pés de décrire minutieusement les principes de l'expé- rimentation physiologique; on sait de quels progrès énormes la Physiolouie est redevable à cette méthode d'investigation, et l'on n'ignore pas davantage les idées otisinales qu'elle peut suggérer à ceux qui l’emploient, tout en développant chez eux l'esprit eri- tique dans une large mesure. Mas, pour aborder l'expérience sur l'animal vivant, il est un certain nombre de principes qu'il faut con- naïtre parfaitement, et, pour chaque vivisection, il est un manuel opératoire auquel il faut s'astreindre rigoureu- sement alin de mener à bien les recherches entreprises. Ce sont ces notions indispensables qui, groupées en trente et une leçous, font l'objet du livre de MM. Dubois et Couvreur. Après avoir décrit les principes de la méthode gra- phique et des appareils enresistreurs, les auteurs traitent de la contention des animaux en général et de leur insensibilisation. Deux lecons sont consacrées aux généralités sur les opérations, à l'asepsie et à l’antisep- SIER « Alors même que le sujet serait destiné à être sacri- fié après l'expérience, disent les auteurs, le vivisecteur doit appliquer aussi rigoureusement que le chirurgien les règles de l’antisepsie et de l’asepsie. « C’est une mauvaise discipline que d’avoir deux manières d'opérer, car certains détails de la méthode anti-infectieuse seront fatalement négligés quand on voudra l'appliquer exceptionnellement pour conserver des animaux vivisectés. » Puis, viennent les expériences relatives aux propriétés générales des nerfs, des centres nerveux et des muscles, et celles qui ont trait à la respiration et à la circula- tion. Les différentes manipulations classiques de Chi- mie physiologique forment enfin la substance de huit leçons. Le tout est écrit dans un style à la fois simple et: précis et dont l'intelligence est rendue très facile par la présence de nombreuses figures, la plupart schématiques, qui illustrent l'ouvrage. Les auteurs destinent spécialement leur livre aux étudiants des Facultés des Sciences, préparant le Certi- ficat d'études supérieures de Physiologie générale. Disons, pour conclure, qu'il intéressera un bien plus grand nombre de lecteurs, et que tous, biologistes, médecins, chirurgiens, vétérinaires, trouveront dans ces Lecons de précieuses notions et d'utiles renseigne- ments. JULES LESAGE, Chef des Travaux de Physiologie à l'École vétérinaire d'Alfort. re die sé. st nt de à ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 28 Mai 1901. M. le Secrélaire perpéluel annonce. Je décès de M. Marès, Correspondant de la Section d'Economie ‘rurale. 19 SGIENCES MATHÉMATIQUES. —M. Bouquet de la Grye décrit les travaux et les calculs qui ont été faits pour obtenir la parallaxe du Soleil, d'après les observations du passage de Vénus sur le Soleil, enregistrées par les Missions françaises en 1882. Par la méthode des con- tacts, on obtient la valeur 8",80 à un centième de se- -conde d'arc près. — MM. Rambaud et Sy présentent leurs observations de la comète 1901 à faite à l'équato- rial coudé de l'Observatoire d'Alger. — M.C. Duprat a observé une comète à la Guadeloupe, le 9 mai, vers ‘sept heures du soir; c’est la comète 1901 a. — M. A. de la Baume-Pluvinel a photographié le spectre de la couronne solaire, à Elche, pendant l'éclipse du 28 mai 1900, au moyen de trois spectroscopes différents, l'un à fente, les deux autres à prisme-objectif. Les résultats montrent que le minimum d'activité solaire s'est fait sentir sur les phénomènes de la couronne et de la chromosphère, qui ont présenté fort peu d'intensité pendant l'éclipse. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — MM. Ch. Fabry et A. Pérot -ont déterminé la longueur d'onde de quelques raies du fer par comparaison avec les radiations du cadmium mesurées en valeurs absolues par M. Michelson. — M. Ed. van Aubel à déterminé la densité de l’al'iage Al Sb, qui est de 4,2176; cette valeur s'écarte beaucoup de la densité théorique 5,2246. On en déduit qu'il se produit une énorme augmentation de volume dans la formation de cet alliage d'aluminium et d'antimoine, — M. V. Crémieu présente une balance très sensible pouvant servir de galvanomètre, d'électrodynamomètre -et d'électromètre absolu (voir la description détaillée dans le compte rendu de la séance du 7 juin de la Société de Physique, p. 589). — M. Jouniaux à étu- dié la réduction du chlorure d'argent par l'hydrogène ‘el la réaction inverse, en tubes scellés. Ces deux réactions ont une limite distincte au-dessous de 500°, ‘qui devient commune aux deux systèmes au-dessus de 600°. La proportion d'HCI formé ou restant croit avec la température. L'application de la théorie thermody- namique à ces phénomènes conduit à des résultats en accord remarquable avec l'expérience. — M. M. Ber- thelot pense que, dans les équilibres ci-dessus, on doit attribuer un rôle à l'hydrure d'argent et à la for- mation d'états allotropiques de l'argent. — M. A. Maïlhe a fait réagir l’oxyde mercurique sur les solutions aqueuses de quelques sels métalliques. Avec le chlo- rure de zinc, il se précipite un oxychlorure ZnCF, 3Zn0,3H°0 ; avec le bromure, on obtient un sel double HgBr°,Zn0,8H°0 ; avec l’azotate, il se forme (AzO‘)°Hg, Zn0,H°0. Avec le cuivre, on obtient les mêmes compo- sés, avec un nombre différent de H°0. Avec le chlorure de nickel, il se forme HgCl?,NiCl,7Ni0,10H°0.— MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens ont hydrogéné, par le nickel réduit, un certain nombre de carbures aromati- ques. Avec le benzène et ses homologues, on obtient toujours le cyclohexane correspondant; le styrolène donne l'éthylcyclohexane. Les terpènes quadrivalents donnent un hydrocarbure C!°H'*. Le naphtalène et l’a- cénaphtène fournissent un tétrahydrure. Séance du 3 Juin 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. L. Raffy détermine les surfaces algébriques qui sont à la fois des surfaces ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 87 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER de Joachimsthal et des surfaces de Weingarten, — M. P. Duhem démontre que les fluides parfaits ne peuvent propager que des ondes exclusivement longitudinales ou exclusivement transversales, et cela sans supposer que les actions sont newtoniennes et sans faire aucune restriction relative à la loi de compressibilité ou à la relation supplémentaire. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Marey a observé par la chronophotographie les changements de direction et de vitesse d'un courant d'air qui rencontre des corps de forme diverse. Le courant d'air renferme des filets de fumée et chemine dans un tube en verre où l'on immerge des corps divers; on photographie ces filets par des éclairs magnésieus. Les filets, qui marchent parallèlement, s’élargissent à l'approche d'un corps, puis s'écartent à droite et à gauche, s’écoulent sur les bords en se resserrant, puis continuentleur chemin sans se mélanger, en laissant derrière le corps un vaste espace où l'air est immobile et où se font les remous. — M. H.S. Hele-Shaw a lait des expériences analogues sur la trajectoire des veines liquides et leurs déforma- tions par des obstacles. Des veines liquides colorées s'écoulent dans un tube contenant des obstacles et sont photographiées. L'auteur a constaté que les courants dérivés des veines liquides ont une forme qui concorde absolument avec celle des lignes de force magnétique de l’obstacle placé dans ua champ magnétique. — M. H. Becquerel à reconnu, par une nouvelle méthode, que les rayons non déviables du radium, émis au travers du verre, ainsi que les moins déviés, traversent l’alu- minium comme si celui-ci n'existait pas et provoquent à peine des rayons secondaires. Les rayons déviables, partiellement absorbés, traversent l'aluminium sans que la trajectoire soit modifiée; les rayons partiellement absorbés provoquent sur les deux faces de l'écran d’alu- minium des rayons secondaires intenses. — M. Albert Turpain a fait des observations de résonance électrique dans l'air raréfié. Les mesures de longueur d'onde ont montré que la demi-longueur d'onde des oscillations qui excileut un résonateur donné est très sensiblement égale à la longueur du résonateur. La perturbation micro- métrique observée au cours des mesures faites dans l'air doit donc être rapportée à la présence de l'air. — M. René Paillot a constaté que la force électromotrice d'aimantation du fer doux augmente avec la tempé- rature, et d'autant plus que le champ est plus intense: La force électromotrice d'aimantation du bismuth dimi- nue quand la température s'élève. — M J. Semenow a observé que l'ionisation de l'air par les rayons de Rüntgen n'est pas la cause unique de la décharge des conducteurs chargés et que le verre se polarise sous l'action des rayons X. 11 faudrait attribuer la décharge à ce que les corps chargés d'électricité et soumis à l'action des rayons X deviennent des foyers d'émission électrique. — M. J. Jaubert donne quelques rensei- gnements sur l'orage qui à éclaté sur Paris dans l’après- midi du 29 mai. Dans la rue Linné, on a recueilli 80 millimètres d'eau; c’est le nombre le plus élevé qui ait été authentiquement observé à Paris. — M. G. Car- taud a observé, à la surface des métaux coulés en plaques minces sur une plaque de verre inclinée, un réseau continu de cellules délimitées par des contours polygonaux en creux. L'aspect de ces cellules ranpelle à beaucoup d’égards celui des tourbillons ‘cellulaires observés par M. Bénard dans les nappes liquides. — M. L. Guillet a préparé des alliages d'aluminium et de molybdène en réduisant l'acide molybdique par un excès plus ou moins grand d'aluminium. Suivant les proportions employées, on obtient : 1° des cristaux 588 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES lamellaires, de compositron Al‘Mo; 2° des cristaux filiformes, de formule AlMo; 3° descristaux en rognons, de composition Al°Mo. — M. O. Boudouard a étudié la fusibilité des alliages d'aluminium et de magnésium (voir page 591). -— M. M. Berthelot à analysé un certain nombre de fragments métalliques trouvés dans les tombeaux des x1°, xu° et xiu° dynasties en Egypte. Ce sont des alliages d’or et d'argent. — M. M. Berthelot a observé, dans la neulralisation de l'acide phospho- rique par la chaux, que la quantité de trois équivalents ne représente pas le terme de saturation. Il paraît se former un phosphate quadribasique, qui a d’ailleurs été observé dans la Nature par Gmelin. Il en est de même pour la soude, qui continue à dégager un peu de chaleur au delà de la proportion PO‘H* +3 NaOH, et aussi pour la baryte. — M. J. Cavalier indique les conditions précises dans lesquelles il faut se placer pour utiliser les alcalino-terreux au titrage de l'acide phosphorique libre. — M. F. Parmentier a constaté la présence d’alumine dans l’eau de deux sources de Vichy : Puits Chomel, 0,0117 grammes; Grande-Grille, 0,0075 grammes par litre. Cette alumine s’est pré- cipitée par perte d'acide carbonique et par infiltralion d'eaux chargées de chaux provenant de bétonnages récents. — M. F. Bodroux a fait réagir le bromure d’isobutylène sur le benzène en présence de chlorure d'aluminium. Il se forme d’abord le phényl-1-dimé- thyl-2-éthane phényle, qui, se détruisant partiellement sous l'influence de AICI, donne naissance à l'isobutvl- benzène que l’on recueille. — M. G. Favrel a constaté que les éthers alcoylmaloniques réagissent sur les chlorures diazoïques pour donner les éthers des acides phénylhydrazone-4-pyruviques. — MM. P. Freundler et L. Bunel ont reconnu que la décomposition des dérivés bisulfitiques des aldéhydes par les azotites alcalins fournit des rendements au moins égaux à ceux que l'on obtient en employant les carbonates. La réaction est analogue à celle d'un azotite sur un pyrosulfite; on a pu caractériser la présence d'acide nitrilosulfonique. — M. A. Verneuil a reliré des produits de l’action de l'acide sulfurique sur le charbon de bois, outre l'acide mellique, l'acide benzène-pentacarbonique, dont les cristaux orthorhombiques, séchés à l'air, possèdent la formule C‘H(CO?H ),5H°0. On obtient encore 2°/, d'acide pyromellique C6H#(CO*H)',2H°0. — M. P. Bourcet à recherché l’origine de l’iode de l'organisme. Il provient des aliments; la plupart des espèces végétales le con- tiennent en proportions appréciables, et il existe aussi dans les tissus des animaux. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Becquerel ct P. Curie ont constaté que les rayons du radium agissent énergiquement sur la peau, à la facon des rayons X. Un tube de verre contenant du chlorure de baryum radifère, placé dans une petite boîte renfermée dans une poche de gilet pendant quelques heures, à produit sur la peau, au bout d’une dizaine de jours, une inflammation, qui s’est transformée en plaie suppurée n'ayant guéri qu'au bout de cinquante jours. — M. P. Vuillemin a observé à Nancy un cas de trichosporie (piedra nostras). Cette affection, caractérisé par le para- sitisme d’un champignon sur les poils de la moustache, a cédé rapidement à l'emploi de lavages fréquents avec une solution de sublimé. — M. P. Bonnier cite un cer- tain nombre de faits montrant que, contrairement aux idées de M. Marage, ni les otolithes, ni la conductibilité acoustique n’ont de rapport direct avec l'audition. — M. Ed. Branly a obtenu des phénomènes analogues à ceux de l’électrolyse des tissus animaux en électroly- sant des liquides visqueux, soit par la méthode mo- nopolaire, soit par la méthode bipolaire. — M. Louis Léger décrit une nouvelle grégarine, l'Aggregata cœælomica, parasite des Pinnothères des Moules. Les kystes ne se rencontrent que dans la cavité générale de l'hôte; les sporozoïtes se forment directement dans leur intérieur, sans qu'il apparaisse de sporo- cystes. — M. P. Vignon présente quelques observa- tions sur les cils des Cténophores et les insertions ciliaires en général. — M. Bounhiol a étudié la respira- tion des Annélides sur le Spirographis Spallanzanii. Cet animal possède une respiration mixte, à la fois cutanée et branchiale, la respiration cutanée étant géné- ralement plus active que l’autre. — M. L. Bordas dé- crit la glande défensive ou odorante des Blattes mâles ; elle secrète un liquide volatil, à odeur forte, nettement alcalin : la sécrétion est continue: elle s'accélère en cas de danger, quand l'animal est poursuivi ou saisi. — M. Col a constalé que l'écorce des Fusains renferme dans sa région libérienne des cellules lactifères spé- ciales, qui n'ont pas été signalées chez ces plantes, et qui sont remplies d’une substance élastique possédant de nombreux caractères communs avec le caoutchouc et surtout la gutta-percha. — M. Marcel Dubard a ohservé que les rejets chez les végétaux ligneux tendent à prendre des caractères de plantes herbacées : crois- sance rapide, entre-nœuds allongés, stipules dévelop- pées et persistant longtemps, bourgeons dissociés, dif- férenciation moindre des tissus, production peu abon- dante de liber par rapport au bois. — M. F. Kôvessi à reconnu que la forme d’un arbre ainsi que l’emplace- ment de ses branches florifères sont, en majeure partie, déterminées par des conditions relatives à l'aoute- ment. Le degré d'aoutement des branches et, par suite, le nombre des fleurs et des fruits de l’année suivante est plus grand quand la quantité d’eau que reçoit la plante est moins considérable. — M. G. Jac- quemin à constaté qu'on peut faire évoluer facile- ment en moût acide à une température supérieure à 25° des levures basses de fermentation, Ces levures aiusi acclimatées font fermenter des moûts de bras- serie non réfrigérés et donnent une bière qui pos- sède toutes les qualités des bières fermentées à basse température. — M. A. de Lapparent signale quelques faits curieux de capture de cours d’eau dans la chaîne des Andes, dus à l'érosion régressive, par laquelle des rivières autrefois tributaires de l'Atlantique ont entamé la crête andine, et coulent maintenant vers le Paci- fique. — M. Ad. Carnot a examiné des échantillons de tellurures d'or et d'argent rappottés de Kalsoorlie (Australie occidentale). Il à reconnu les espèces miné- rales suivantes : 1° la sy/vanite, bitellurure d’or et d'ar- gent (Au, Ag) Te?, à texture cristalline ; 2° la calavérite, analogue au précédent, mais moins cristalline et con- teuant moins d’Ag; 3° la coolqardite, sesquitellurure d'or, d'argent et de mercure (Au, Ag, HgTe*; 4° Ja kalgoorlite (Au, Ag, Hg)Te. Louis BBUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 21 Mai 1901. M. Hervieux présente un rapport sur un travail du D' Moreau relatif à une épidémie de Lorse-pox observée à Lusignun. Cette épidémie a frappé 170 juments au haras et à contagionné 22 personnes qui les soignaient; il n'ya pas eu de mortalité. — M. J. Chatin présente un rapport sur un mémoire de M. E. Bureau relatif aux Strychnos africains et aux plantes servant à empoisonner les armes en Afrique. Les Strychnos, employés en Amérique et dans l'Archipel indien, ne sont pas utilisés par les indigènes africains. Ceux-ci emploient, pour empoisonner leurs armes, le suc de certaines Apocynées (Carissa, Strophantus) et d'une Euphorbiacée, le Croton lobatus. M. J.-V. Laborde insiste sur l'importance de l'étude des plantes exo- tiques pouvant fournir des poisons ou des médicaments et signale d'autres recherches faites sur ces sujets. — M. A. Robin fait un rapport sur un mémoire de M. Gaube intitulé : La reminéralisation appliquée au traitement des rhumatisants chroniques. — M. E. Besnier présente le rapport de la Commission nommée, sur la demande du Ministre de l'Intérieur, pour examiner le projet de création d'un sanatorium privé pour ,lépreux dans la commune de Rouceux près de Neufchäleau (Vosges), dors SA Fr ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 589 projet qui a soulevé de vives protestalions dans cette localité. La Commission estime que, placé dans une région où il y a encore des lépreux, un sanatorium privé pour lépreux peut avoir une réelle utilité. Con- venablement situé et isolé, solidement réglementé dans sa constitution par l'autorité sanitaire et soumis par elle à une surveillance intérieure et extérieure perma- nente et effective, un tel sanatorium paraît, dans l’état actuel, ne devoir êlre l’origine d'aucun inconvénient pour la santé publique. Séance du 28 Mai 1901. L'Académie procède à l'élection de trois Correspon- pondants étrangers dans la Division de Chirurgie. MM. Aug. Reverdin (de Genève), Ceccherelli (de Parme) et Neugebauer (de Varsovie) sont élus. M. H. Huchard indique un nouveau symptôme des anévrismes de l'aorte, surtout de l'aorte thoracique descendante et de l'aorte abdominale; ce sont des dou- leurs névralgiques, rebelles aux médications habituelles, qui augmentent d'intensité dans certaines positions du corps. En présence de ces accidents douloureux, on doit se douter de la probabilité d'un anévrisme, et cher- cher à vérifier le diagnostic par la radioscopie. — M. Barette lit une observation de déciduome malin. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 11 Maï 1901. M. H. Coupin a constaté que les composés du nickel et du cobalt ont une toxicité très voisine, en même temps que très élevée, pour les végétaux supérieurs. — M. Tuffier a fait un essai d'injection épidurale de de cocaïne par voie sacrée, suivant la technique de M. Cathelin. Le résultat analgésique a été absolument nul. -- M. P.-A. Zachariadès a étudié les crêtes et les caunelures des cellules conjonctives. Les cannelures sont le résultat d’une perte de substance; les crêtes sont les parties de protoplasma qui se trouvent entre les cannelures, et qui ont conservé leur épaisseur primitive. — M. F. Charlier à constaté, dans le rein du cheval, la présence d’un ferment très actif, du genre émulsine, capable de dédoubler en peu de temps de grandes quantités de phlorizine. — MM. La- griffe et Maurel : Réponse à M. Lefèvre au sujet de la détermination des plus basses températures compa- tibles avec la vie. — MM. Wertheimer et Laguesse décrivent de nouvelles expériences montrant l'indé- pendance du grain de zymogène et du ferment dias- tasique dans le pancréas. — M. F. Cathelin à essayé de produire l’anesthésie générale chez le chien par injection de chloral dans l’espace épidural par la voie sacrée. Le chien s'est endormi profondément, mais le lendemain il à été retrouvé mort sans qu'on puisse en dire la cause; les essais sont continués. — M. C. França résente de nouvelles recherches sur l'action du sérum eucotoxique sur les lésions du névraxe dans la rage. Il semble que la mort de l'animal rabique est due à un excès de défense de l'organisme, et que l'emploi judi- cieux du sérum leucotoxique peut apporter quelque bénéfice à l'animal. — MM. N. Vaschide et L. Marchand communiquent des recherches qui montrent, une fois de plus, la prédominance de la perception et de la syn- thèse mentale dans la genèse des émotions. — M. D. Olmer a étudié le pigment des cellules nerveuses. Il distingue d’une part une fine poussière jauvätre qui encombre un grand nombre de cellules, et qui est un pigment de dégénérescence, d'autre part un pigment jaune verdàtre dont la signification est à trouver. — M. Ch. Dopter a produit des névrites expérimen- tales par injections de sérums toxiques au niveau du sciatique du cobaye; l'acétone produit aussi des lésions de dégénérescence wallérienne très caractérisées. — M. H. Coupin a étudié la toxicité de divers métaux pour les végétaux supérieurs, et a reconnu qu'ils se pla- cent dans l’ordre décroissant suivant: Ag, Hg, Au, Pt, Pd. Séance du 18 Mai 1901. M. J.Choquet montre qu'on pent stériliser parfaite- ment les dents cariées en joignant au nettoyage méca- nique le lavage à l'alcool et un pansement à l'alcool absolu et à l'hydronaphtol. — M. E. de Cyon recom- mande l'ingénieux appareil de M. Camus pour main- tenir la circulation artificielle dans un cœur isolé, mais prélère l'emploi d'un manomètre à l'enregistrement par un tambour à levier. — M. H. Moreigne confirme, par ses recherches, que le taux de l’urée et le taux de l’azote total urinaire restent constants chez les adultes normaux soumis à un régime alimentaire invariable. — M. H. Moreigne a constaté que, dans la cure de rai- sins, l’action du jus de raisins sur l'organisme produit : une action évacuante sur l'intestin, une action diuré- tique, une diminution du degré d’acidité urinaire et de l'acide urique, une action d'épargne des matières azotées, une hypersécrétion biliaire et une diminution des oxydations. — M. R. Lœwy a employé les greffes péritonéales dans la réparation des plaies des organes abdominaux. — M. J. Baylac a déterminé la compo- sition des liquides d'æœdème; elle est en moyenne la sui- vante : densité, 1,007; NaCI, 6 gr. 51 ; albumine, 3 gr. 56; urée, 2 gr. 219; P*05, 0 gr. 40. Les propriétés toxiques, le point cryoscopique et la tension superficielle sont à peu près contants. — M. G. Weiss démontre, par des expériences sur le crapaud, la grenouille, la tortue, la généralité de la loi d’excitation des nerfs qu'il a don- née. — MM. M. Caullery et F. Mesnil décrivent le cycle évolutif des Orihonectides. Il comprend deux termes distincts : les plasmodes, les formes ciliées sexuelles ; il y a alternance de générations. — M. Et. Rabaud a observé un cas d'adhérence amniotique chez un embryon de poulet cyclocéphalien parvenu à la fin du quatrième jour de l'incubation. — M. Lai- gnel-Lavastine indique un procédé de numération, après centrifugation, des éléments cellulaires du li- quide céphalorachidien. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 7 Juin 1901. M. V. Crémieu présente un galvanomètre électro- dynamomètre-électromètre absolu. Cet appareil repose sur le même principe que celui décrit par M. Lipp- mann dans la séance du 17 mai (voir page 551); c'est une modification de la balance électromagnétique de A. C. Becquerel'. Entre les deux branches CC d’une ne Schéma du galvanomètre-électrodynamomètre- électromètre absolu de M. Crémieu, vu de protil. — CC, chappe de laiton; B, tiges portant le fil de cocon {f'{!f; aa, plaquette d'aluminium ; M, miroir. chappe de laiton (fig. 1), on a fixé, sur deux tiges BF, un lil de cocon //'/'F qui supporte une plaquette d'alu- minium # 4. Sur cette plaquette se trouve un tube d'aluminium TVT (fig. 2), portant un écrou mobile E, et (ixé perpendiculairement au plan des brins du fil de cocon. Ce dispositif constitue un fléau de balance sans couteau ; il est d'une très grande légèreté (0,8 grammes). L'écrou E permet d’en régler la sensibilité et le miroir M d’en suivre les déplacements sur une échelle verticale. Aux extrémités TT on a suspendu verticalement, par des fils de cocon, deux aimants cylindriques NS, de ! Voyez la description de cet appareil dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, t. XXII, p. 338, 1850. 590 ACADÉMIES ET SOCIÉTES SAVANTES 6 millimètres de longueur et 2? millimètres de diamètre: ils peuvent se déplacer dans l'axe des bobines BB, de 6 millimètres de longueur, et dont le noyau, en cuivre rouge, présente une ouverture cylindrique de # milli- mètres de diamètre. Ces bobines portent chacune 30.000 tours de fil, présentant une résistance de 5.000 ohms par bobine. On règle l'appareil de facon que le pôle inférieur des aimants soit un peu au-dessus du centre des bobines. L'appareil est susceptible d'une sensibilité considérable. Pour une période d’oscillation de 8 secondes, il donne à 1 mètre de distance uue déviation de 12 mm. pour un courant de 10* ampères, circulant dans les bobines, ce qui correspond à une sensibilité de 3,7 X 108 (Kohlrausch). L'appareil, par suite de ses dispositions, est à la fois très amorti et parfaitement astatique. Si l’on remplace les aimants NS par des bobines de mêmes dimensions, auxquelles le fl de suspension peut facilement amener le courant, on à, sans autre changement, un électrodynamomètre sensible. Enfin, en remplacant l’un des aimants par un plateau circulaire placé dans un anneau de garde au-dessus d’un plateau fixe, et disposant l'autre aimant en N'S' de façon que l’action électromagnétique soit répulsive, on réalise les conditions de l'électromètre Fig, 2. — Schéma de l'appareil de la figure 1 vu de face. — TVT, tube d'alumivium; :E, écrou mobile; M, miroir; B,B, électro-aimants; NS, N'3/, aimants. absolu de lord Kelvin. On étalonne l'appareil à l'aide de poids marqués placés sur le plateau, qu'on équi- libre avec des courants d'intensité connue envoyés dans la bobine. — M. H. Pellat présente une expé- rience dont le résultat paraît paradoxal au premier abord, mais qui s'explique très facilement par les oscil- lations électriques. Deux condensateurs de capacité très inégale (une batterie de six grandes jarres et une petite bouteille de Leyde, par exemple), ont leurs armatures respectivement en communication par un inverseur qui permet d'alterner les communications. Celui-ci est monté sur colonnes d'ébonite de facon à pouvoir opérer avec des potentiels élevés. Toutes les armatures des condensateurs, ou trois d’entre elles, au moins, sont isolées. Deux tiges de décharges sont placées près du petit condensateur et permettent à l’étincelle d’éclater quand la différence de potentiel des armatures devient suffisante. Si l’on vient à charger lës condensateurs de facon à leur donner la moitié seulement de la charge nécessaire à la production de l'étincelle, ou même un peu moins, et qu'on vienne ensuile à intervertir les communications des armatures en faisant jouer l’inverseur, l’étincelle éclate entre les tiges de décharges. Or, on peut remarquer que, si l'étincelle n'éclatait pas, après l'inversion et l’état d'équilibre atteint, la différence du potentiel des arma- tures aurait diminué, puisque l'inversion fait commu- niquer l’armature positive de l’un des condensateurs avec l'armature négative de l’autre et vice versa. Mal- gré cela, la différence de potentiel des armatures du petit condensateur à plus que doublé à un certain mo- ment, par suite des oscillations électriques, puisque l'étincelle éclate. La théorie classique des oscillations électriques rend compte parfaitement de toutes les particularités du phénomene. Les calculs sont plus compliqués que dan: la décharge d’un condensateur, mais n'offrent pas de difficultés. On trouve ainsi pour la différence de potentiel maximum V,, pendant l’oscil- lation, en appelant V, la différence du potentiel avant l'inversion et G et « les capacités du grand et du petit condensateur, la relation très simple : 3C — ce C+Hc Sur les deux fils parallèles qui réunissent les armatures, il ya uu nœud, c'est-à-dire qu'entre deux points parti- culiers se faisant face la différence de potentiel reste constante pendant l’oscillation, ses variations étant de sens inverse au même moment de part et d'autre du nœud. On a pour la position de celui-ci : nee IN CEE: 1 Vu = Vo (2 Le rapport des coefficients de self-induction L! et L étant sensiblement le même que celui des distances au petit condensateur, on voit que, si les capacités sont égales, le nœud est au milieu, mais qu'il est plus près du grand condensateur si les capacités sont inégales. La relation (1) montre que la différence de potentiel maximum eotre les armatures du petit condensateur tend vers trois fois la différence de potentiel initiale, quand le rapport des deux capacités tend vers zéro. M. Pellat a vérifié expérimentalement l'exactitude de la relation (1). Les différences de potentiel étaient me- surées par un électromètre de MM. Bichat et Blonilot; on déterminait la différence de potentiel nécessaire pour avoir la décharge sans inversion, puis la plus petite des différences qui amenaient l'explosion après inversion. Les tiges de décharges étaient placées aussi près que possible des armatures du petit condensateur, de facon à avoir sensiolement l'explosion correspon- dant à la différence de potentiel de celui-ci. Il a trouvé Cr Vo des expériences, tandis que la relation (1) donnait, d’après la connaissance des capacités, le nombre 2,8. La concordance paraîtra très satisfaisante, si l'on songe aux irrégularités des expériences où l’on mesure une différence de potentiel explosive. La connaissance de ce phénomène n’est pas sans intérêt pratique, car on voit que l'inversion des communications peut amener la rupture de l’isolant du petit condensateur, ou pro- duire des différences de potentiel dangereuses. En outre, cette expérience, facile à répéter dans un Cours, est très propre à montrer la profonde différence qui existe entre les effets de l'électricité au repos et cenx de l'électricité en mouvement. — M. Daniel Berthelot présente quelques réflexions sur une propriété des gaz monoatomiques. Glausius a conclu de considérations cinétiques que le rapport des chaleurs spécifiques d’un gaz parfait est égal à 1,67. Cette conclusion ne parut pas d'abord conforme à l'expérience ; mais on a expli- qué le désaccord en remarquant que la théorie de Clau- sius assimilait les molécules à des points matériels et négligeait l'énergie correspondant aux mouvements des atomes dans la molécule, ce qui n’est permis que pour les gaz à molécules monoatomiques. Et, en effet, pour la vapeur de mercure, qui est dans ce cas, d’après les chimistes, l'expérience donne exactement le rap- port de Clausius. MM. Rayleigh et Ramsay, ayant retrouvé ce même rapport pour l'argon, en ont conelu qu'il est monoatomique. D'autre part, en s'appuyant également sur des hypothèses cinéliques, M. Van der Waals à établi pour l'ensemble de l’état fluide l’équa- tion (p+a:v*)(v—b)=RT. Cette formule, tout en représentant bien les faits au point de vue qualitatif, ainsi pour le rapport le nombre 2,4 comme moyenne et ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 591 n'offre avec eux qu'un accord quantitatif imparfait. Ainsi l'équation indique que l'expression RT,:p4v,, qui - représente le rapport du volume théorique du fluide à son volume réel au point critique, est égale à 2,67. Voici les valeurs trouvées pour quelques corps : Octane Heptane Ether Pentane Benzène 3,86 3,89 3,81 3,16 2,15 CH# Co: A7? O2 3,67 3,61 3,93 3,49 On voit que ce rapport décroit en général avec le nombre des atomes de la molécule. Il était donc par- ticulièrement intéressant de chercher la valeur quil a pour les gaz monoaltomiques. Il n'eu est qu'un dont les coustantes sont assez bien déterminées pour essayer la vérification, c'est l'argon. D’après les dernières me- sures de MM. Ramsay et Travers, pe — 52 alm. 8, T. — 155°,6 abs. et la densité liquide d—1,212 à 87° obs. En appliquant la formule de M. Mathias, on en tire : d = 0,434; on trouve alors : (RT. : p.ve) — 2,62, valeur qui s’écarte beaucoup de celle de tous les gaz polyato- miques, mais qui est très voisine de celle qu'indique la formule de Van der Waals. Il semble donc que cette formule figure exactement la compressibilité isotherme d’un gaz monoatomique, et que, conformément au point de vue auquel M. Van der Waals a été amené par d'autres considérations et qu'il a développé tout ré- cemment dans un Mémoire important, les modifica- tions à y introduire dans le cas des gaz polyatomiques doivent être cherchées dans l'influence du nombre et des mouvements des atomes de la molécule sur la grandeur du covolume b. A la suite d'une remarque de M. Wyrouboff, M. D. Berthelot observe qu'il existe un grand nombre de propriétés physiques et chimiques pour lesquelles l'écart entre le premier et le second terme d'une série de composés homologues surpasse de beaucoup les écarts qu'on rencontre entre les termes suivants. Le point essentiel à noter dans l'exemple actuel est la concordance entre le calcul et l’observa- tion pour le premier terme de la série. M. Corzu fait remarquer l'allure asymptotique des nombres inscrits par M. Berthelot, et s'appliquant à des molécules de plus en plus complexes. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 2% Mai 1901. MM. Ch. Moureu et H. Desmots, en faisant réagir le trioxyméthylène (CH°0)' sur les carbures acétylé- niques sodés en suspension dans l’éther anhydre, et traitant par l’eau le produit de la réaction, ont obtenu des alcools primaires acétyléniques R-C—C-CH?0H, avec des rendements de 30 °/,. L'alcool amylpro- piolique GCH%-(CH*)-C—C-CH°0H distille à 98° sous 13 mm., et son éther acétique à 114° sous 16 mm.; l'alcool phénylpropiolique C°H5-C—C-CH°0H distille à 139° sous 16 mm. et son éther acétique à 146° sous 16 mm. Dans la réaction productrice d'alcool amyl- propiolique, il se forme en même temps un composé qui distlle à 178° sous 16 mm. et qui parait être l'alcool di-amylpropiolique C'‘H*O, résultant de l’éli- minalion d'une molécule d’eau entre deux molécules d'alcool amylpropiolique. Les auteurs ont commencé l'étude de l’action des autres aldéhydes sur les car- bures acétyléniques sodés. Le produit de condensation de l’aldéhyde benzoïque avec l’æœnanthylidène distille à 180-182° sous 21 mm. — M. Paul Sabatier, dans les recherches qu'il poursuit depuis longtemps avec M. Senderens, a trouvé que le nickel récemment réduit permet de réaliser très facilement à température basse la fixation de l'hydrogène sur diverses subs- tances, et particulièrement sur les carbures incom- plets. On obtient ainsi très commodément, à partir du benzène et de ses homologues, la synthèse directe du cyclohexane pur et de ses divers homologues. Le cin- . namène fournit dans ces conditions l’éthylcyclohexane : en présence du cuivre, il donne seulement l'éthyl- benzène pur. La distinction eutre les lerpènes tétrava- lents et divalents est absolument justifiée par l'hydro- génation le limonène, le sylvestrène, le lerpinène fixent H* en donnant le même produit que ie cymène. Le pinène, le camphène ne fixent que H°, en formant des carbures C'°H!* oxydables, mais inattaqués à froid par le mélange sulfonitrique. Le naphlalène et l’acé- uaphtène ne tixent que H'. — M. Ad. Jouve signale un échantillon de chaux cristallisée qu'il a oblenu dans un four électrique. Cette chaux diffère des échantillons eristallisés décrits par MM. Meunier et Levallais, puis par M. Moissan, par sa densité plus faible /2,5 au lieu de 3,29 et 3,32) et par sa forme en aiguilles prisma- tiques au lieu de cubes. — M. Brenans a envoyé une note sur quelques dérivés sodés des phénols. — M. Boudouard expose les résullats qu'il a obtenus en étudiant la fusibilité des alliages d'aluminium et de magnésium: La mesure des températures s'effectuait au moyen du couple thermo-électrique de M. Le Cha- telier, placé dans un petit lube de verre pour le pro- téger contre l’action destructrice des métaux fondus. Si l’on construit une courhe en portant en abscisses les proportions en poids d'aluminium et en ordonnées les températures, on remarque que la courbe présente deux maxima (4559 et 462), lesquels mettent en évi- dence l'existence de deux combinaisons définies d'alu- minium et de magnésium : AIM£* et AlMg. SOCIETE DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 10 Mar 1901. M. Chree étudie l'application des solides élastiques à la métrologie. La conception ordinaire d'un solide est celle d'un corps dont la forme et le volume sont va- riables seulement avec la température. Les variations élastiques des dimensions sont nécessairement faibles dans beaucoup de corps de petit volume, et sont sou- vent négligeables, même dans des travaux exacts. Le but du mémoire de l’auteur est de donner quelques exemples de l'influence de l'élasticité sur les mesures physiques. La plupart des résultats se déduisent d'un mémoire précédent, dans lequel M. Chree a obtenu des expressions pour les tensions moyennes et pour la variation du volume total d'un solide élastique homo- gène quelconque soumis à un système donné de forces dans sa masse et à sa surface. La formule est d’abord appliquée au cas d’un cylindre circulaire droit; on voit qu'on peut éliminer l'action de la gravité en prenant pour longueur et volume la moyenne des résultats obteuus quand le cylindre est suspendu par un fil et quand il repose par sa base sur une surface plane. L'auteur considère ensuite l'effet de la pression d'un milieu ambiant de densité constante sur la forme et le volume d'un solide isotrope, et il étend la théorie au cas d’un solide ælotropique dans un milieu de densité variable. Si un kilogramme-étalon de platine-iridium est suspendu au lieu d’être supporté par sa base, l’al- tération du volume doit être de 66 X 10—8 cc.,et s'il est transporté de l’air à la pression atmosphérique dans le vide, l’altération doit être de 24 X 10 — cc. M. Chree étudie alors le changement de volume de la matière des parois d'un vase contenant un liquide, et il montre que la variation est indépendante de l'épaisseur des parois, la dilatation moyenne par unité de volume étant inversément proportionnelle au volume total. Théoriquement, un vase dont la surface intérieure est un cône, formé d’un solide quelconque, le vertex vers le bas, possède la propriété que le volume du corps de ses parois n'est pas affecté par la pression dù liquide qu'il contient, quel qu'il soit. En général, on ne peut pas déterminer l'effet de la pression du liquide sur la capacité interne du vase qui le contient; mais, si les parois sont des cylindres cireulaires droits coaxiaux, dont l'axe commun est vertical, la solution devient possible. L'augmentation de volume par unité de volume à l'intérieur d’un tube à parois minces est en raison directe de la densité du liquide, de la hauteur du niveau et du rayon du tube et en raison inverse cle l'épaisseur des parois. Ainsi, un tube de verre de 12,7 centimèlires de hauteur, de 10 millimètres de dia- mètre interne et de 1,5 millimètre d'épaisseur, contient 0,11 gramme de mercure de plus que s’il était non- élastique. La solution est enccre possible dans le cas d'une enveloppe sphérique et l’auteur étudie également ce cas. M. Chree considère ensuite l'application de la théorie de l’élasticité aux élalons de longueur, et il s'occupe particulièrement des cinq cas suivants : le yard étalon, le prototype international du mètre à sec- tion X, un étalon de travail appartenantau Bureauinter- national, et deux barreaux de déviation employés dans des magnétomètres. Les formes de ces règles sont éta- blies en partie en vue de faciliter l'égalisation de la température le long de la barre. Les étalons les plus modernes ne sont pas supportés sur toute leur surface inférieure, mais sur deux rouleaux symétriques ou sur trois pointes. Une solution exacte du problème élastique constitué par un barreau lourd supporté par des pointes on des cylindres, n'a pasencoreélé obtenue; mais la solution de Bernoulli-Euler est très suflisante, excepté près des supports. Lorsqu'on emploie des étalons de longueur, c'est seulement la projection ho- rizontale de la surface graduée qui est intéressante, et il est prouvé qu'à moins d'opérer sur de très longues règles, la différence entre la corde et l'arc est très pe- tite. La différence augmente lorsque les supports sont déplacés de leurs positions les plus favorables jusque vers les extrémités du barreau. Le yard étalon, à ce point de vue, n’est pas comparable aux étalons plus modernes. L'auteur traite ensuite les courbures et les longueurs des barreaux, chargés ou non, et montre que, par une disposition appropriée des supports, les variations de longueur entre deux points dues à la flexion peuvent être rendues assez faibles pour devenir négliseables pratiquement. Dans le prototype du mètre à section X, les divisions se trouvent sur la surface neutre, et leur distance n’est pas affectée par la tension du barreau. Dans le cas des barreaux de déviation du magnétomètre, il est bon de rapprocher autant que possible l'aimant du barreau. L'augmentation du poids de l’aimant ou de l'équipage, ou la diminution de la distance entre les deux points de support par réduction du cercle gradué produisent des erreurs dues à la flexion. A la suite de diverses observations, M. Chree répond que des expériences ont été faites sur la flexion des barreaux et que les résultats concordent bien avec ceux de la théorie. La formule de correction de pression obtenue pour le thermomètre est analogue à celle cou- ramment employée. —MM. J. Rose-Innes et S. Young communiquent leurs recherches sur les propriétés thermiques de l'isopentane comparées à celles du pen- tane normal. La quantité R T — p v à un volume et une température quelconques est appelée écart de la loi te Boyle à ce point; les auteurs trouvent qu'il y a un rap- port constant entre les écarts à la loi de Boyle de l'iso- pentane et du pentane normal aux mêmes volumes et températures. Pour vérifier la loi, on détermine la va- leur probable du rapport, et au moyen de ce dernier on calcule un grand nombre de valeurs de p v pour l'isopentane, d’après les résultats obtenus pour le pen- tane normal. Ces valeurs calculées tombent sur la même courbe que les valeurs observées, et concordent avec elles à 4 °/, près. Les auteurs sont confirmés dans leurs conclusions précédentes que la différence de pression entre deux substances isomères aux mêmes température et volume renferme la même puissance de la densité que la première déviation à la loi de Boyle, c'est-à-dire la deuxième puissance. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 2 Mar 1901. MM. W. H. PerkinelJ.F. Thorpe ont éludié quel- ques dérivés du bicyclopentane. Par digestion avec la ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES potasse de l'acide triméthylcétobicyclopentanedicar- boxylique : % C{CO?H.C (CH) COH CH°C£ | | NCH=——C0 on obtient un acide fondant à 237%, dont l'anhydride se transforme par distillation dans l’anhydride d'un acide isomérique, fondant à 1810. Ces deux accides sont des lactones de l'acide triméthylhydroxybutanetricar- boxylique : C(CO*H).CH (CH) COH CBC NO NCUPEN CH?2—CO l'anneau du bicyclopentane s'étant complètement rom- pu pendant leur formation. Une rupture analogue à lieu dans l'hydrolyse du diméthyldicarboxytriméthylè- nemalonate d'éthyle : C(CO2C2H°).CH (CO?CHS}* cmecZ || es ‘ N CH.CO2CH5 qui donne deux acides isomères fondant à 187° et 158°, et qui sont les lactones de l'acide diméthylhydroxybu- tanetricarboxylique : C(CO®H).CH2.COH (cm 207 No PSN CH?—CO Ces acides, chauffés, perdent CO* et sont convertis dans les lactones correspondantes de l'acide diméthylhydro- xybulanedicarboxylique. Au cours de leurs recherches les auteurs out encore préparé des dérivés de l’ac. 6f- diméthylglutarique. — MM. T. E. Thorpe et C. Sim- monds ont étudié l'emploi du plomb dans les couvertes des poteries. L'emploi d'oxydes et de carbonates basi- ques de plomb, tel qu'il est encore pratiqué souvent en Angleterre, offre un grand danger pour les ouvriers à cause de la solubilité de ces composés dans les acides de l'organisme. Sur le conlinent, ils ont été générale ment remplacés par des silicates ou des borosilicales de plomb ou des silicates complexes de plomb et d'au- tres métaux, dont le plomb est presque insoluble. Toutefois, en examinant certains silicates proposés pour l'emploi en poterie, les auteurs ont constaté que la majeure partie du plomb était soluble dans HCI ou le suc gastrique, tandis que d’autres spécimens élaient très résistants. A quoi tient celte différence de solubi- lité ? Les auteurs ont constaté qu’elle dépend de l’exis- tence d’un certain rapport entre les bases et les acides. Si le rapport du nombre de molécules acides au nombre de molécules basiques tombe entre certaines limites, tout le plomb est pratiquement insoluble, quelle que soit sa proportion dans le silicate (jusqu'à 50 ou 55 °/0). En réponse à diverses remarques, M. C. Simmonds annonce qu'on employait toujours dans les expériences un excès d'acide, afin d'éviter la formation d'oxychlorure inso- luble, et de pouvoir neutraliser les bases qui accompa= gnent le plomb. Les spécimens ont été expérimentés à à l'état de division dans lequel on les emploie; quel- ques-uns seulement ont été pulvérisés. L'emploi d'au- tres solvants donne des résultats analogues à ceux obtenus avec HCIL. — MM. M. O. Forster et W. Ro- bertson ont préparé le 2 : 6-dibromo-4-nitrosophé- nol par l’action de l'hypobromite de potassium sur le p-nitrosophénol dissous dans la potasse. — M. W., P. Wynne a préparé les dérivés chlorés du toluène par la méthode de Seelig. es nt ne 19: ANNÉE N° 43 45 JUILLET 1901 Revue générale des Sciences pures et appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris, — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. De lutilisation des gaz de hauts -four- neaux. — En octobre 1899, M. Lencauchez a été chargé par les Aciéries de Micheville d'étudier et d’ériger une installation d'épuration de gaz de haul-fourneau, pouvant alimenter un ou deux moteurs Otto de 300 che- vaux. Cette installation, qui a été construite dans la pre- mière moitié de l’année 1900, consiste : 1° en un con- denseur atmosphérique composé d'une série de tuyaux verticaux (jeux d'orgue) dans lesquels le gaz passe en se refroidissant et peut se débarrasser de ses grosses poussières; 2° de ce condenseur, le gaz est aspiré et refoulé par un ventilateur-exhausteur, marchant à grande vitesse, pour donner au gaz la pression néces- saire pour passer à travers des épurateurs et contre- balancer la pression d'un gazomètre régulateur. Deux appareils semblables ont été prévus, l’un de rechange; ils sont munis de portes de nettoyage; 3° le gaz, refoulé par l’exhansteur, passe à travers des épurateurs agissant comme filtres, et 4° il est finalement réglé par un petit gazomètre. Des scrubbers ou laveurs avaient été prévus; mais, en raison des asserlions de Seraing à cette époque (fin 1899), qu'aucune épuration n'élait nécessaire, on en différa la construction. Les premiers essais furent faits à Micheville en octo- bre 1900, et il fut reconnu que, malgré la grande résis- tance des filtres épurateurs, une trop grande quantité de poussière arrivait aux cylindres du moteur, jusqu'à en arrêter la marche. M. Lencauchez avait appris à cette époque qu'à Duddelange, pour pouvoir maintenir le ventilateur servant d'extracteur en état de fonctionner et pour s'opposer à son encombrement par les pous- sières, on y introduisait de l'eau de temps en temps sans autrement y attacher d'importance. Cet encom- brement ne se faisait guère sentir à Micheville, le ventilateur ayant été établi en conséquence. Il vint à l'esprit de M. Lencauchez que le ventilateur- exhausteur avec une grande quantité d'éau pourrait constituer un bon épurateur, et il pensa qu'il était utile d'introduire de chaque côté des ventilateurs et au centre un fort jet d'eau et que cette introduction serait un bon moyen d'épuration. Métallurgie REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. En février dernier, les essais furent faits, et on constata que le ventilateur-épurateur pouvait être con- sidéré comme le. meilleur épurateur. Le moteur de 300 chevaux marche tous les jours depuis fin février, et il semble qu'un nettoyage du moteur ne sera né- cessaire qu'après une très longue période de marche continue. Des résultats semblables ont été obtenus à Differ- dange; mais il faut noter qu'au début, dans cet établis- sement, aucune épuration n'avait été prévue et, en conséquence, qu'il n'existait pas de gazomètre ni de ventilateur-extracteur. Les moteurs aspiraient le gaz dans des réservoirs à régulateur hydraulique. On peut donc dire que la question de l'épuration des gaz de hauts-fourneaux est aujourd’hui résolue. Nous constatons avec plaisir que c'est la France qui a eu la priorité de cette solution. $ 2. — Chimie industrielle La stérilisation et le transport des moûts. — La rapidité avec laquelle le moût de raisin entre en fermentation est certainement un obstacle quand on veut apporter cerlains perfectionnements aux procédés classiques de vinification, et on pourrait espérer réaliser d'importants progrès si la conservation et le transport du moût étaient choses possibles et pratiques. Nous verrons plus loin quels seraient ces progrès. Disons d'abord comment le problème de la conservation et du transport du moût vient d’être résolu par M. Kuhn. Stérilisation du moût. — La stérilisation s'opère dans l'appareil Kuhu, dit « Girator ». C'est un grand cylindre horizontal, à l’intérieur duquel est disposé un faisceau tubulaire. Le cylindre est argenté intérieure- ment et le faisceau tubulaire extérieurement ; de cette facon, le moût introduit dans le cylindre ne se trouve en contact qu'avec de l'argent; la capacité intérieure varie entre 15 et 23 hectolitres dans les appareils qui fonctionnent actuellement. Le moût, aussitôt après son extraction, est introduit dans l'appareil, que l’on remplit complètement. On sou- met d'abord le liquide à l’action du vide pour extraire l'air en solution dans le moût et éviter que celui-ci ne prenne, pendant la chauffe, le goût de cuit. Le cylindre ep 13 594 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE élant fermé etcomplètement rempli de moût privé d'air, on fait arriver de l’eau chaude dans le faisceau tubu- laire. Cette eau chaude, produite par un générateur, étant maintenue sous pression, peut être portée jusqu'à 1109, température qu'il est nécessaire d'atteindre pour opérer la stérilisation complète. Sous l'influence de la chaleur, le moût contenu dans le cylindre se dilate et produit une certaine pression. On maintient celle-ci à 3 kilogs par centimètre carré en laissant échapper une petite quantité de moût. Le moût est chauffé à 110°, sous cette pression de 3 kilogs, pendant 15 minutes. Pendant ce temps, le Girator est animé d'un mouvement de rotation qui assure l’égalisation de la température dans toutes les parties de l'appareil. Quand la stérilisation est terminée, on fait arriver de l'eau froide dans le faisceau tubu- laire pour ramener le moût à la température ordinaire. Transvasement aseptique du noût. — Il s’agit maintenant de transvaser ce mouût stérile dans robinet d, la vapeur est envoyée dans la rampe supé- rieure et dans les fûts. Enfin, par le robinet e, la vapeur est distribuée dans la rampe inférieure et dans le tuyau flexible reliant l'appareil stérilisateur à la rampe. La purge de vapeur se fait par des robinets placés à l'extrémité des rampes inférieure et supé- rieure. Des manomètres, fixés sur chacune de ces rampes, indiquent la pression de la vapeur pendant la stérilisation. Lorsqu'on juge que la stérilisation est complète, on ferme graduellement l’arrivée de la vapeur, et on ouvre progressivement les robinets d'arrivée de l'air filtré, a et b. Les robinets de purge et de vapeur étant fermés, l'appareil, après refroidissement, se trouve rempli d'air filtré et stérile. Pour transvaser le moût stérile dans les fûts stériles, Fig. 1. — Dispositif adopté pour le transva- sement aseptique du moût stérilisé, — N, stérilisateur «Girator », système Kuhn, contenant le moût stérilisé ; G, H, 1, fûts de bois destinés à recevoir le moût stérile; E, rampe supérieure ; J, rampe inférieure ; D, arrivée de l'air sous pression; À, B, C, filtres à air ; F, conduite d'air filtré; M, ar- rivée de vapeur ; L, robinet d'air; K, robi- net de vidange du moût; a, b, c, d'et e, robinets; g, g, g, glaces servant à sur- veiller le remplissage des fûts. des récipients permettant de le conserver et de le transporter. M. Kuhn a choisi des fûts ordinaires en bois assez épais; le dispositif qu'il a adopté est repré- senté dans les figures 1 et 2. Les fûts G, H, I portent sur chaque fond une tubulure munie d'un tube d'étain; l'un de ces tubes est relié à une rampe inférieure J, l’autre à une rampe supé- rieure E. Les füts sont donc placés debout, comme on peut le voir sur la figure 1. La rampe inférieure est en communication avec le robinet de vidange K du stéri- lisateur N. On commence par stériliser les fûts et l'ensemble de la canalisalion au moyen de la vapeur sous pression produite par un générateur et arrivant par le tuyau M. La vapeur estenvoyée simultanément dans les rampes, les fûts et les tuyaux où doit passer soit le moùût sté- rile, soit l'air qui est stérilisé par sa filtration à travers les filtres À, Bet C. Par le robinet €, la vapeur passe dans la conduite d'air qui relie les fûts à air avec le robinet L, par lequel se fera la rentrée d'air dans l'appareil stérili- sateur au moment de la vidange de celui-ci. Par le on ouvre les robinets L et K, on ferme les robinets e et d, et on envoie par le tuyau F de l'air filtré, sous une pression légère. On ouvre doucement le robinet de purge de la rampe supérieure E, de manière à ce que l'air contenu dans les fûts puisse s'échauffer au fur et à mesure qu'il est remplacé par le moût. On s'aperçoit que les fûts sont pleins, lorsque le liquide apparaît dans les glaces g, placées entre le tube d’étain et la rampe supérieure; on ferme alors le tube d'étain en l'aplatissant fortement au moyen d'une pince. Lorsque tous les fûts sont remplis, on ferme le ro- binet de l'appareil stérilisateur K, et l'arrivée d'air., Enfin, on ferme les tubes d'étain reliant les fûts à la rarnpe inférieure. Conservation et transport du moût en füts. — On obtient, en opérant comme nous venons de l'indiquer, des fûts absolument clos, remplis de moût stérile et portant sur chaque fond un lube d'étain fermé par aplatissement, On a constaté que ces fûts, gardés sur place, étaient susceptibles d’une assez longue conser- vation. De plus, ces fûts peuvent être sans aucun 1n= CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 595 convénient expédiés à d'assez grandes distanres. J'ai recu deux envois comprenant chacun deux fûts. Le premier, expédié en petite vitesse de Lunel à Paris, est parti le 19 avril 1900 et est arrivé le 30 avril. La seconde quinzaine d'avril avait été très chaude; — néanmoins, le moût n’a pas souffert; un füt a été ouvert tout de suite; l’autre füt n'a été ouvert que huit jours après et tous deux étaient en bon état et n'avaient pas « fermenté. | ; À: Un second envoi, parti le 6 décembre 1900, est arrivé 1 à destination le 18 décembre. Les deux fûts étaient aussi en excellent état; je les ai conservés, et ne les ai ouverts, pour les mettre en fermentation, qu’en avril 1901. Ils étaient restés parfaitement stériles, et leur gout était excellent. Le problème de la conservation et du transport du moût de raisin peut donc être considéré comme résolu. Reste à voir maintenant si la solution de ce problème peut devenir l'origine de progrès im- portants en vinification. Tout d'a- bord, avant de préciser - les progrès possibles, on voit que, si la conservalion du moût peut être obtenue à un prix peu élevé, — et cela est pos- sible, — le vi- nificateur se trouve en pré- sence d'une situation nou- - velle, car, au lieu d'être obligé de con- vertir ses ._moûts en vins aussitôtaprès qu'il vient de . dre à son gré, et devenir le maître des conditions “dans lesquelles il pourra opérer ses fermentations. » Au point de vue pratique, il nous semble que la «possibilité de conserver et de transporter les moûts peut faire entrer dans une voie nouvelle l'amélioration des vins par l'emploi des levures sélectionnées. Les deux facteurs qui interviennent dans la vinification sont le moût et la levure. Jusqu'ici, on s’est efforcé de répandre l'emploi des levures sélectionnées, mais celles-ci âgissent dans un milieu bien différent de leur - milieu originel. Au lieu de porter la levure auprès du … moût, il serait plus rationnel de porter le moùût auprès de la levure que l'on veut faire agir sur lui, et de … laisser travailler cette dernière dans les conditions de milieu où elle paraît se plaire. C'est ainsi, par exemple, que si l’on expédie en … Champagne des moûts stériles préparés dans l'Hérault (on choisit des moûts ayant une teneur en sucre et —_ une acidité voisines de celles des moûts champenois), et que l'on ensemence ces moûts avec des levures de . Champagne, ou des lies fraîches de bon vin de Cham- … pague, on obtient des vins se rapprochant beaucoup «plus, comme odeur et comme saveur, des vins de Cham- _ pagne, que si l’on fait l’ensemencement dans le Midi avec la levure sélectionnée, vront le moût stérile. A gauche, on aperçoit une partie du générateur de vapeur du moteur servant à envoyer l'air sous pression dans le filtre, dont on ne voit que la partie supérieure, Il serait, sans aucun doute, possible d'obtenir ainsi des vins de bonne qualité. En dehors de leur emploi en vinification, les moûts stériles pourraient être l’objet d'un commerce interna- tional, puisqu'en Suisse, en Allemagne, en Angle- terre, etc., on consomme beaucoup de vins sans alcool, qui ne sont autre chose que des moûts conservés soit par la chaleur, soit par l'acide sulfureux ou d'autres anti- septiques. X. Rocques, Ingénieur-chimiste, Ancien chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris, $ 3. — Botanique La culture de la Morille. — En 1897, au cours d'un article sur la culture du champignon de couche, publié dans cette Revue!, je fis allusion à des recherches que je poursuivais alors dans le but de réaliser la cul- tureartificiel- le de la Mo- rille, en par- tant de la spore. Les expé- riences en question ayant abouti, ilne sera peut- être pas sans intérêt d'’ex- poser briève- ment la mé- thode suivie. La culture d'un champi- gnon supé- rieur, on le conçoit, com- porte d’autres exigences que celle des Mu- cédinées que l’on est habi- tué à manier dans les labo- ratoires, Les mycéliumsde les préparer, Fig. 2. — Stérilisation et transvasement aseptique du moüt.— On voit au centre l'ap- ces espèces il peut atten- pareil de stérilisation Kuhn, monté sur roues. À droite sont placés les fûts qui rece- doivent végé- ter pendant une période fort longue afin d'accu- muler les matériaux de réserve destinés à faire les frais d’une fructification volumineuse ; ils doivent aussi avoir à leur disposition un terrain sans cesse renou- velé, car ils ne végètent pas sur place, mais s’avancent au contraire d'une manière continue, sans jamais reve- nir sur le terrain parcouru. Afin de satisfaire à ces conditions, j'adoptai comme vases de culture des tubes de verre d'environ un mètre de longueur et 25 à 30 millimètres de diamètre. Ces tubes étaient bourrés d’un substratum composé de matières végétales réduites presque à l’état d'humus, telles que du bois pourri, du terreau de feuilles mortes, etc. L'addition d’un grand nombre de subs- tances nutritives a été essayée en vue d'améliorer ce milieu naturel, sans aucun résultat positif. Après stérilisation préalable, l'ensemencement se faisait, à l’une des extrémités du tube, au moyen de spores recueillies avec pureté. f La germination est très rapide et, déjà au bout de vingt-quatre heures, on peut apercevoir, au point où les spores ont été déposées, un fin duvet blanc; c’est la 1 Voyez Cu. Répin : La culture du champignon de couche, dans la Revue du 15 septembre 1897, t. VILI, p. 705 et suiv. 596 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE première apparition du mycélium, qui bientôt pénètre dans le terreau sous forme de filaments ramifiés, par- court le tube dans toute sa longueur et atteint en quel- ques semaines l'extrémité opposée. On sectionne alors cette extrémité et on l’abouche avec l'orifice. d'un second tube préparé comme le premier. Si l'opération a pu être effectuée à l'abri des moisissures, le mycé- lium passe sans difficulté dans le second tube et s’y propage; si, au contraire, la culture a été contaminée, elle peut être considérée comme perdue, car, à celte période, le simple voisinage des moisissures suffil à tuer le jeune mycélium de la Morille. C’est pour éviter autant que possible leur invasion qu'il importe de choisir comme terrain des débris végétaux en voie de décom- position déjà très avancée, c’est-à-dire dontles matières fermentescibles ont complètement disparu. Au bout de plusieurs mois de végétation, lesfilaments du mycélium paraissent plus volumineux, plus nourris; parfois même, on remarque de véritables cordons résultant de la soudure de plusieurs filaments paral- lèles; en d’autres points, cette tendance des filaments à.se rapprocher, pour constituer des structures plus denses, se manifeste par la formation d’amas feutrés rappelant le tomentum qui, chez une famille très voisine de la Morille, les Pezizes, constitue la première ébauche du réceptacle. C'est là l'indice irrécusable que les cullures sont en bonne voie, et que la forme que nous propageons est bien celle qui doit aboutir à Ja production des asco- spores, c'est-à-dire de la Morille. Je ne parlerai donc que pour mémoire d'une autre forme, stérile celle-là, que l’on obtient en cultivant le mycélium non plus au sein d’un substratum poreux, mais en surface dans une atmosphère humide. C'est une forme Botryts, caractérisée par de très longs filaments droits et grêles, bientôt transformés en chapelets de conidies; cette forme se fixe et ne semble plus susceptible de faire retour à la forme fertile dont nous allons continuer à suivre l’évolution. On constate bientôt que le mycélium a acquis avec l’âge la propriété de résister victorieusement à la con- currence des moisissures; au lieu d'être tué par elles, il refoule maintenant celles qui ont pu s’introduire dans les tubes de culture. Dès ce moment, autant pour simplifier la besogne que pour me rapprocher davan- tage des conditions naturelles, j'abandonnai les cul- tures en tubes stérilisés, et j'instituai à la campagne des cultures « en pleine terre ». La méthode, à l’imi- tation de ce qui se pratique pour le champignon de couche, consistait essentiellement à préparer des couches de terreau de composition variable, enfouies dans des tranchées, et à y insérer de place en place des mises de mycélium adulte provenant de mes tubes. Plusieurs printemps passèrent sans qu'aucune Mo- rille fit son apparition sur les couches, bien que la prise et la propagation du mycélium eussent été cons- tatées. Pour la première fois, en mai 1900, je trouvai une demi-douzaine de Morilles disséminées sur le sol d'une cave, autour d'un emplacement où avaient sé- journé, en 1892, des cultures établies dans des pots à fleurs. Cette année-ci (mai 1901), le succès s’est con- firmé d'une manière non douteuse. Autour d’une couche composée de feuilles mortes et alcalinisées assez forte- ment avec du carbonate de soude, datant de 1896, on a récolté une dizaine de Morilles, et plusieurs autres encore sur une tranchée dans laquelle avait été déposé, à la même époque, un compost de marc de pommes. Cela fait donc trois cultures différentes ayant déjà donné, à l'heure actvelle, un résultat positif. Il est donc acquis que la Morille est un champignon saprophyte, que son mycélium n’a nullement besoin de vivre en symbiose avec les racines de certains ar- bres, comme le veut une opinion très répandue (dans les expériences en question, toutes les précautions avaient été prises pour ne laisser subsister aucun doute à cet égard) et que sa culture artificielle n’est pas très difficile à réaliser sous certaines conditions. Il est vrai que celte culture serait bien lente, puisque dans un cas il s'est écoulé huit ans et dans l'autre cinq ans entre l’ensemencement et la récolte. Mais certains faits, connus des mycolosistes, derécoltes extraordinairement. abondantes de Morilles sur des substratums particuliers, notamment certaines pâles de bois pour la fabricatiom du papier, permettent de croire qu'il serait possible de: reproduire régulièrement ces conditions exceptionnelles parfois rencontrées dans la Nature et de créer ainsi une méthode intensive de culture de la Morille qui au- rait certainement un intérêt économique. D' Ch. Repin, Attaché à l'Institut Pasteur. $ 4. — Géographie et Colonisation La Pénétration dans la Côte d'Ivoire. — À la Côte d'Ivoire, comme partout en Afrique, après l'occu- pation du littoral, a commencé l'œuvre de pénétra- tion. Tout d'abord, les explorateurs ont parcouru le pays : Binger et Treich-Laplène dans le pays de Kong et le bassin du Comoë; Marchand, les administrateurs Nebout et Pobeguin, M. Eysseric dans le bassin du Ban- dama; l'administrateur Thomann dans celui de la Sassandra ; le capitaine Blondiaux dans le Nord-Ouest de la Colonie; l'administrateur Hostains et le lieutenant d'Olonne dans le bassin du Cavally; enfin la Mission du chemin de fer, dirigée par le Commandant du Génie Houdaille, dans la région intermédiaire entre le Comoë et le Bandama. Je passe sous silence nombre de tra- vaux de détail qui permettent de coordonner, de cou- trôler ou d'étendre les itinéraires des voyageurs que je viens de nommer. Puis est venue l'action politique, que l’on peut consi- dérer comme complète dans ses grandes lignes pour la partie Nord et pour la moilié orientale de la colonie. L'action militaire engagée contre Samory nous à amenés à fonder les postes de Touba, Odienné, Tom- bougou, Seguela, Nouantogloin, Haut-Bandama, Bouaké Dabakala, Kong et Bouna dans le Nord de la Côte d'Ivoire. La pénétration pacifique, commencée en 1894 sous l'impulsion de M. Binger, premier gouverneur de la colonie et continuée sous ses successeurs, MM. Mout- tet et Roberdeau, nous a amenés à occuper successi- vement les postes de Bettié, Zaranou, Attrakrou, Nia- bley, Manzano, Assikasso et Bondoukou dans le bassin du Comoë ou le long de la frontière Est, ceux de Tias- salé, Toumodi et Kodiokofi dans le bassin du Bandama. Le mouvement est à peine ébauché dans la partie Ouest de la colonie. L'année 1899 avait vu l'établissement des postes de Grabo, de Taté et d'Olodio dans le bas Cavally. En 1900, l'administrateur Thomann a été chargé de fonder un poste à Boutoubré, à une centaine de kilo mètres de la côte, sur le cours de la Sassandra. On remarquera que ces diverses lignes de pénétration suivent toutes les vallées des cours d’eau qui arrosent la colonie; ce n'est pas que les rivières de la Côte d'Ivoire soient d'une navigation facile, mais leur orientation générale Nord-Sud en fait en quelque sorte des fils conducteurs pour qui, du littoral, veut s'élever vers l'intérieur. ‘ Livingstone, il y a longtemps déjà, comparait l'Afri-" que à une auge dontles rebords, formés par une série de montagnes ou de plissements parallèles aux côtes, isolaient de la mer tout le centre du continent. Les fleuves africains les plus importants, le Nil, le Niger, le Congo, le Zambèze, n'arrivent à la mer qu'après s'être frayé une route pénible au prix d'une série de rapides ou de calaractes à travers l'obstacle géologique qui leur barrait le chemin. Leur navigabilité se trouve donc interrompue à une distance plus ou moins faible de leur embouchure. Cette configuration du continent africain, après avoir, pendant de longues années, entravé les reconnaissances des explorateurs, est aujourd'hui l'une des grosses difficultés que rencon- trént les nations européennes pour la mise en valeur CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Ce de) | des vastes territoires qu'elles se sont attribués en Afri- . que pendant le dernier quart du xix° siècle. 1 Bien qu'appartenant tous au bassin côtier du golfe —. de Guinée, les fleuves de la Côte d'Ivoire ne font point exception à cette règle générale et ils ne se jettent dans l'Atlantique qu'après avoir franchi, par de nom- breux rapides, les gradins montagneux et boisés qui, du littoral, accèdent aux plateaux de la boucle du Niger, où les plus importants de ces cours d'eau pren- nent leurs sources. On rencontre, en allant de l'Est à l'Ouest : le Tanoë dont le cours inférieur sépare notre colonie de la Côte d'Or anglaise. Il est navigable, mais pour les pirogues seulement, jusqu'à Nougouä, point à partir duquel il coule entièrement en territoire anglais. La rivière Bia, qui se Jette dans la lagune Aby, cesse d'être navigable pour les pirogues aussi bien que pour les vapeurs à Aboisso, à une cinquantaine de kilomètres «de la mer. Le Comoë, l'un des trois cours d’eau les plus consi- dérables de la colonie, a son embouchure à Grand-Bas- sam ; il cesse d’étre navigable pour les vapeurs à Alépé, à seulement 40 kilomètres du littoral; 50 kilomètres plus haut, à Malamalosso, des chutes de plusieurs mètres arrêtent la marche des pirogues. Les chutes de Mala- -malosso tournées par voie terrestre, le Comoë redevient navigable pour les pirogues qui pourraient, au prix de sérieuses difficultés, causées par les nombreux rapides obstruant le cours du fleuve (il y en a 17 entre Bettié “et Attakrou), remonter jusqu'à Nabaé, par environ 8°30 de latitude nord. Le Comoë prend ses sources bien plus haut encore, dans le Kenedougou, entre le 10° et le 11° degrés de latitude. Les rivières Mé et Agneby, qui se jettent dans les lagunes Potou et Ebrié, sont beaucoup moins impor- tantes et prennent leurs ssurces dans le voisinage du 7e degré de latitude nord. Leur cours inférieur serait pendant quelques kilomètres accessible aux vapeurs s'il était débarrassé des nombreux troncs d'arbres qui l'obstruent. Le bassin du Bandama, bien que les sources de ce fleuve soient un peu moins septentrionales que celles du Comoë, paraît, par l'importance et le nombre des affluents, le plus étendu des bassins fluviaux de la Côte d'Ivoire. Malgré son débit pendant l'hivernage, ce fleuve, qui a son embouchure près de Lahou, n'est navi- gable pour les vapeurs que jusqu'à Thiassalé, à 90 kilo- mètres de la mer et pendant les plus hautes eaux seu- lement, c’est-à-dire pendant trois ou quatre semaines; encore les rapides de Broubrou, à une trentaine de kilomètres en aval de Thiassalé forment-ils toujours un obstacle peu commode. Pendant le reste de l’année, la navigation par vapeurs s'arrête soit à Broubrou, soit à Ahuakrou, à une quarantaine de kilomètres seulement du littoral. Ses deux branches les plus considérables, Bandama Rouge et Bandama Blanc, ainsi que le Nzi, son affluent le plus important, sont encore trop peu connus pour qu'on puisse apprécier exactement davs quelle mesure leurs nombreux rapides forment obstacle à la -navigation des pirogues. Le Daguiré et le Bonico, qui arrivent à la côte auprès de Fresco, sont sars importance. La Sassandra, dont le cours supérieur a été reconnu par le capitaine Blon- diaux sous le nom de Ferédougouba, est le troisième des grands fleuves de la Côte d'Ivoire. Elle cesse d’être navigable pour les vapeurs à quelques kilomètres de -son embouchure, et on ne l’a encore remontée en pirogues, au prix de sérieuses difficultés, que jusqu'à pes poudou, un peu au-dessous du 7° degré de latitude nord. La rivière de San Pedro, beaucoup moins importante que la Sassandra, est, comme celle-ci, coupée par de nombreux rapides presque jusqu'au littoral. Les rivières de Wappou et de Tabou, moins importantes À encore, deviendraient accessibles pour de petites em- barcations sur un parcours de quelques kilomètres si on débarrassait leur cours inférieur des nombreux troncs d'arbres tombés qui l’obstruent. Sur le Cavally, qui forme la limite ouest de la colonie, le point terminus de la navigation à vapeur est Niamé, à 38 milles géographiques de l'embouchure; on n'est pas remonté beaucoup plus haut en pirogues. Il s’agit, bien entendu, dans toute l'énumération qui précède, de petits vapeurs de rivière calant au plus un mètre ou un mètre cinquante de tirant d'eau. Je me suis attaché à déterminer, aussi exactement que possible, pour toutes ces rivières le point où cesse la navigation à vapeur, car l'expérience me semble avoir démontré que, dans les rivières à rapides, la navi- gation par pirogues ne saurait suflire à un mouvement commercial de quelque importance. Les difficultés de la navigation sur ces rivières ont, en effet, pour conséquence première d'exiger des mari- niers une connaissance du cours d'eau, de ses récifs et de ses crues qui monopolise la batellerie au profit des seuls riverains. Ceux-ci augmentent leurs exigences pro- portionnellement aux demandes, leur nombre n'ayant pas varié, alors que celui des traficants et des marchan- dises à transporter augmentait, si bien que le temps arrive vite où la rareté et la cherté des transports par pirogues créent un obstacle presque insurmontable au plus grand développement du commerce dans la région. Le fait vient de se produire à la Côte d'Ivoire daus le bassin du Comoë. Il y a quatre ans encore, les pistes suivies par les caravanes commerciales venant de l'inté- rieur s'arrètaient toutes à Bettié ou à Malamalosso sur le fleuve, qu’elles utilisaient ensuite pour se rendre à Alépé ou à Grand-Bassam. Mais, depuis, la quantité de caoutchouc exporté est passée de 141.997 kilogrammes en 1896 à 633.435 kilogrammes en 1899, chiffre qui a été encore dépassé en 1900. La presque totalité de cet excé- dent provient des cercles de l’'Indénié etde Bondoukou ou des régions voisines qui empruntent les routes de l'Indénié pour leurs relations avec lelittoral. Devant cette surproduction, la batellerie sur le Comoë est devenue insuffisante et l'Administration fait, en ce moment, ouvrir le long de la rive gauche du fleuve une piste pour permettre aux caravanes d'accéder à Alépé, point ter- minus de la navigation à vapeur. Il ressort de ce rapide exposé que la question des moyens de transport et des voies de communications économiques se pose à la Côle d'Ivoire avec la même urgence que dans nos autres possessions de l'Afrique Occidentale. Si la solution est moins prochaine qu'au Sénégal, à la Guinée Francaise et au Dahomey, où les chemins de fer sont déjà en construction, elle ne sau- rait être infiniment retardée. La Mission Houdaille a déjà étudié le tracé de 200 kilomètres de voie ferrée; tout un plan de campagne; comprenant un complément d'étude et des travaux préparatoires, a été établi pour l'année 1901. En attendant la mise en train de la grosse entreprise qu'est toujours la construction d’un chemin de fer dans l'Afrique intertropicale, l'Administration locale s'est préoccupée de l'amélioration des pistes suivies par les caravanes indigènes. Elle en a tracé, élargi et amé- nagé plus de 1.200 kilomètres dans les cercles d’Assinie, de l'Indénié, de Bondoukou, du Baoulé et de Kong. Enfin, elle a presque achevé la construction de la ligne télégraphique qui doit la relier au réseau du Sou- dan et du Sénégal. Le fil parti de Grand Bassam et des- servant les postes d'Alépé, de Bettié, de Zaranou, de Niabley, d'Assikasso et de Bondoukou, était arrivé le 4 août 1900 à Dabakala, à 150 kilomètres seulement de Kong, point qu'avait atteint deux mois plus tôt le fil soudanais. M. Clozel, Gouverneur de la Côte d'Ivoire. 598 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE NOTES SUR L’AFRIQUE ÉQUATORIALE DEUXIÈME PARTIE : ETHNOGRAPHIE: Rien de plus embrouillé que l’ethnographie afri- caine : la mulliplicité des peuplades de toutes races, leur confusion, l'absence de traditions ou de mo- numents de leur histoire, le peu de temps depuis lequel nous avons commencé à les connaître, ren- dent fort difficiles, sinon impossibles, l'établisse- ment de leurs parentés et la poursuite des pistes de leurs migrations. Tout s’efface vite sur cette sau- vage terre d'Afrique. La féconde Nature a bientôt fait disparaitre les morts et détruit la trace de leurs pas ou les vestiges de leurs travaux. Nous allons cependant essayer de donner une idée générale des principales peuplades qui habi- tent l'Afrique équatoriale, de leurs caractères phy- siques et de leurs coutumes, de leurs mœurs et de leurs langues, en nous basant sur les observations que nous avons ‘pu recueillir pendant un séjour de plusieurs années dans ces régions. I Les races africaines obéissent à la loi commune : elles se modifient par une évolution plus ou moins lente, que l'intervention européenne tend à brus- quer aux dépens de l'existence même de plusieurs d’entre elles. Pourtant, soit par soumission à une tradition obscure, soit par la protection de rem- parts géographiques, soit à cause de leurs qualités prolifiques, de leur énergie vitale et de leurs vertus guerrières, qui leur rendent superflue ou hostile toute immixlion étrangère, quelques-unes parais- sent avoir conservé un type assez homogène : c'est ce qui est arrivé, par exemple, pour les Pahouins, les Ballali et les Bobanghi. Ces cas sont rares. La plupart des peuplades offrent des types assez méêlés. En tête des circon- stances qui ont contribué à modifier les caractères ethniques primitifs, il faut placer l’infusion du sang étranger par la voie de l'esclavage. Notons que les Pahouins, qui viennent d’être cités pour avoir con- servé la purelé du type, ne pratiquent pas le trafic de l'homme : le prisonnier fait à la guerre n’est point réduit en esclavage; on le mange; il n'ya même pas de mot dans leur langue pour signilier « esclave ». ! Voir la première partie de cet article dans la Revue du 30 juin, t. XII, p. 558. Cette partie était consacrée à l'examen des conditions orographiques, hydrographiques et climatériques des régions africaines équatoriales, Chez tous les autres, au contraire, la traite de l'homme est très prospère (fig. 1); pour la région du Congo, ce sont les Bayandzi qui en sont les grands pourvoyeurs. D'ailleurs, sauf cas spéciaux et exceptions, l'esclavage n'y est pas si terrible qu'on l’a dit et ne justifie qu’en partie les alarmes de nos philanthropes : j'entends l'esclavage chez les noirs mêmes; car l'esclavage tel que l'avaient institué autrefois les Européens ou tel que ceux- ci l'exercent encore assez couramment, déguisé sous les noms les plus divers, est infiniment plus impitoyable et plus cruel. L'esclave du nègre est un peu le client de l'Anti- quité, à cela près qu'il peut être vendu; mais il fait en quelque sorte partie de la famille et jouit de cerlaines prérogatives. J'ai connu un nommé Mou- loulou, qui tirait son nom de sa tribu d’origine. Vendu chez les Bobanghi comme esclave, il était devenu possesseur d'une grosse fortune en ivoire, avait acheté lui-même des esclaves et s'était libéré. Un beau jour, il avait perdu au jeu toutes ses ri- chesses; il était en train de recommencer une nou- velle fortune. C'est un fait remarquable que l'es- clave puisse posséder en propre des biens et des esclaves, en dehors de la propriété de son maitre. Sur quelle loi peut reposer un droit en apparence si paradoxal? Quelle en est la sanction? Si cou- tume il y a, je ne répondrais pas qu'elle soit tou- jours respectée. Il est évident qu'elle n'a d'autre fondement que l'intelligence, l'habileté et la force de caractère de l'individu, mais il n'en est pas moins vrai aussi qu'elle repose sur une conception particulière de la servitude chez les races nègres. Il suffit que des exemples analogues au précédent ne soient pas rares et que, même chez des tribus aussi aristocratiques que les sultanats zandés, des esclaves aient pu s'élever au rang de chefs. Une autre anecdote montrera certaines particu- larités curieuses de l'esclavage en Afrique. Un esclave des Batéké, ayant été malmené par son maître, un chef de Kimpila nommé Malié, vint se réfugier au poste de Brazzaville. Il portait le cos- tume, la coiffure en couronne et les balafres carac- téristiques de la tribu. L'administrateur consenlit volontiers à lui donner asile ; il lui suffisait de se présenter le lendemain matin à l'appel et de prendre sa part de travail avec nos autres engagés. Mais notre homme ne l'entendait pus de cette ma- nière; il répliqua avec indignation : « Pourquoi viendrais-je travailler ici, alors que je ne fais rien Le | D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE 299 au village? » et il s'en retourna chez son maitre. Je ne voudrais pourtant pas laisser croire que tout est rose dans la condition de l’esclave. Son exis- tence est assez précaire, surtout s'il est faible et chétif; il est exposé aux mauvais iraitements, à Quoi qu'il en soit de la condition des esclaves, ils laissent néanmoins leur empreinte sur la race où ils sont transplantés, soit par le concubinage des femmes captives avec leurs maîtres, soit par le mariage des esclaves entre eux, ainsi que par leur Fig. 1. — Esclaves à la fourche chez les Zandés, menés par des bazingers. être revendu, à être étranglé à la mort du chef, pour continuer à le servir dans l’autre monde. Il faut lui rendre cette justice qu'il accepte la bonne et la mauvaise fortune avec le plus entier fata- lisme. Ce n’est pas lui rendre service que d'essayer de le tirer de son état; souvent il s’y refuse, même avec la perspective d'être gardé pour la marmite, comme cela arrive dans le moyen Oubanghi. élablissement et celui de leurs enfants dans la tribu, où leur famille finit par prendre droit de naturalisation. Dans ces condilions,\la race fne saurait manquer de perdre la pureté de son type primitif. Mais elle n’en conserve pas moins son indépendance et son intégrité au point de vue poli- tique. L'esclave devient l'enfant adoptif et le ci- toyen de sa nouvelle patrie; il en épouse les que- 600 relles et redoute l'étranger. Son intérêt bien entendu lui commande sa conduite : il n’a rien à gagner au change et court le risque de troquer une existence médiocre, mais assurée, contre les hasards d’une nouvelle et incertaine condition. Telle est, dans ses grandes lignes, au Congo, l'influence de l'esclavage dans le mélange des races. Les Nzakaras sont trop anthropophages pour que les esclaves aient chance de jouer chez eux un rôle de quelque importance. Leur race n'en est pas pour cela plus homogène; elle est composée d'éléments disparates, venus on ne sait d'où, puis réunis et confondus sans doute par la seule raison de solidarité. Et c'est vraisemblable- ment cette raison de solidarité et le besoin ins- tinctif de relier plus intimement un tout si peu cohérent par soi-même, qui a poussé les Nzakaras à s'ériger en royaume, grotesque parodie d’un État constitué. Dans les sultanats zandés, où peut-on dire qu'il existe encore des individus de race pure ? Peut-être chez Mbia, tout à fait dans l'Est. Partout autre part, la population actuelle est le résultat des croi- sements répétés de la race zandé conquérante el des nombreuses races autochtones. Deux des sul- tans tiennent même à ne pas être de race zandé.La plupart de leurs enfants sont nés de femmes es- claves, dont les chefs possèdent toujours un assor- liment raisonnable. Quant aux conquis, Biris, Karès, Krèychs, Basiri, Pambias, Barès, Digas (ces derniers n'étant autre que des zandés asservis), ils sont en voie de disparaitre, à brève échéance, par la privation de leurs femmes enlevées par les chefs et par suite des misères et des corvées de toute nature. Le mélange des races rencontre un gros obstacle dans la crainte qu'éprouvent les indigènes à s'éloi- gner de la tribu. Si certaines peuplades commer- çantes, comme les Bobanghi et les populations riveraines du haut cours de l'Oubanghi, se risquent à des voyages fort loin de leur patrie, c'est que de larges cours d’eau offrent à leur expérience de navigateurs une route commode, et à leur sécu- rité un refuge contre les tribus moins versées dans l’art du pagayage; de plus, leur liberté et leur vie ont pour garantie les besoins et les intérêts com- merciaux des gens-qu'ils vont visiter. Il n’en va pas de même sur les cours d'eau de médiocre importance ou sur la plupart des routes de terre. Chacune des peuplades échelonnées le long de la rivière ou de la route établit des droits sur les transactions commerciales qui s'opèrent à travers son territoire el ne tolère, sous aucun pré- texte, les relations directes entre ses voisins d’amont et d’aval; elle impose son intermédiaire, moyen- nant un prélèvement, qui, répété de proche en ! D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE proche, épuise promptement le stock de marchan- dises. ! Ce fut là une des raisons des lentes migrations des peuplades nègres vers la mer (fig. 2), tant que le commerce européen n'eut pas encore pénétré dans l'intérieur de l'Afrique. On se poussait insensible- ment versla source de tant de richesses: les étoffes, les fusils, la poudre, les liqueurs fortes. Pour cer- taines tribus prolifiques, comme celle des Pahouins, l'accroissement rapide de la population accélère ce mouvement vers la mer, l'extension ayant plus de chance de se faire avec la moindre résistance du côté des peuplades déjà amollies par la vie plus facile, les excès et les vices que leur communique le contact des Européens. Au siècle dernier, les Loangos étaient une race fière et courageuse et. constituaient un royaume puissant ‘; maintenant, ils sont läches, voleurs et paresseux, excellents pour la cuisine, la couture et les travaux de fem- mes; cent ans de domination européenne et d’al- cool ont suffi pour les amener à une décadence complète et à leur prochaine extinction. Les Mpongwés ont presque entièrement disparu; à l'heure actuelle, il en reste à peine au Gabon deux ou trois représentants de race pure. Même sort est arrivé aux Bengas, aux Kombés, aux Bou- lous. Tout cela a disparu sous l'inondation pa- houine, dont les premiers flots commencent à apparaitre sur l'horizon du Kouilou. Ainsi voilà deux causes de migration, le mirage des richesses et la pléthore de population. L’inté- rêt prend d’autres formes que celle du commerce : chez les Musulmans du Soudan, qui menacent les fronlières septentrionales de notre colonie, c'est le prosélytisme religieux, ou plutôt l'appât des terres plus grasses et plus fertiles de la région flu- viale, riches d'une luxuriante végétation et d’hom- mes vigoureux propres à l'esclavage. Chez les Nzakaras, c'est affaire de cuisine; leur goût du gibier humain les entraine tous les ans à des guerres contre leurs voisins, les Boubous. Les morts sont consommés sur place par les deux par- tis; les prisonniers sont emmenés comme réserve alimentaire par chacun des belligérants et abattus au fur et à mesure des besoins. Dans les sultanats zandés, c’est désir d'étendre le territoire ou chasse aux esclaves : Rafaï guette les Nzakaras; les autres sultans, contenus les uns par les autres, n'ont d'autre porte ouverte que celle du Nord. La conséquence de ces divers mouvements est que, en certains points, règnent des zones de com- pression de tribus, sans lien commun de parenté, accumulées les unes contre les autres par une 1 L. pe Granppré : Voyage à la Côte occidentale d'Afrique, fait dans les années 1186 et 1187. Paris, an IX. 1801. ae" D = er D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE GOL _ poussée d'ensemble. Ainsi, nous voyons s'écraser gas L ê | 4 FA « sur la côte et s'y éteindre les Bômoudi, une frac- Lion des Bosyéba, les Kombés; les Mabéa, les Ben- gas, les Boulous, les Mpongwés et, plus au Sud, les six tribus sœurs des Mpongwés, toutes refou- lées par l'innombrable invasion des Pahouins‘. Vers la côte du Loango, sur une profondeur de 400 kilomètres, se pressent sept peuplades, qui n'ont rien de commun entre elles, ni caractères physiques, ni coutumes, ni langues : Bavili (ou En avancant vers l'intérieur, la compression diminue. Déjà les Batéké (Atyo) sont fort à l'aise sur leurs plateaux, d'où ils se sont écoulés vers le Stanley-Pool (qu'ils appellent Mbankoua) pour pré- lever leur dime sur le commerce fluvial. De l’autre côté du couloir, le groupe de popu- lations que les gens du bas Congo comprennent sous la dénomination générale de Bayandzi, cou- vre une immense surface de pays avec leurs ra- mifications, Bolobo, Bonga, Bafourou, Bobanghi, pe “ \ 3 __—_— FSC Y \ \rare. LarigouassiS\ \ Zimtes des grands s plateaux. . Limite du palmzer * aæ futile. Les flèches indiquent Le sens des nugrations: Grave par F'Borremans, 5 rue Hautefeuille. _Loangos)?, Bayombé, Bakamba, Basoundi, Bakongo, Ballali, Batéké (ou Atyo)°. 1 La dénomination de Pahouins ou plutôt Mpangwen (mot à peu près intraduisible autrement dans notre ortho- graphe) est d'origine gabonaise. Les Pahouius s'appellent eux-mêmes Fang (les deux dernières consonnes sourdes et - nasales) et non Fan et encore moins Man, comme on écrit quelquefois; car, dans ce dernier cas, le pluriel ne pourrait être Befang, qui est la forme régulière. Les Pahouins appel- lent les Mpongwés Beyoukh (le kh guttural comme le ch dans l'allemand nach, doch). ? C'est une erreur d'attribuer aux Loangos et Cabindas, ainsi qu'à leur langue, le nom de fiotè. Ce mot veut dire simplement noir (adjectif de couleur)-ou nègre, eln'a dés lors aucune signification, appliqué à une tribu en particu- lier. D'ailleurs, les indigènes protestent eux-mêmes contre cette dénomination. * Le préfixe Ba est le signe du pluriel; il remplace le pré- fixe du singulier Mou, qui devient selon les cas Moun ou M (comme dans Mvili). Bobanghi est le pluriel de Mobanghi ; Bangala de Mongala. Fig. 2. — Carte des populations de l'Afrique équatoriale et de leurs migrations. Bangala, auxquelles on pourrait rattacher, mal- gré de notables divergences, des types de tran- sition qui occupent la moyenne Sanga et le bas Oubanghi. Au-dessus de Banghi, nouvelle zone de compres- sion, composée de plusieurs couches de popula- tions échelonnées les unes derrière les autres et refoulées vers le Sud par la lente invasion des Musulmans du Soudan. C'est d'abord, tout à fait au bord de l'Oubanghi, une étroite bande de peu- plades assez disparates, Sabangas, Ouadas, Ban- - ziris et Bourakas, Sangos et Yakomas. En arrière, s'étend de l'Est à l'Ouest un formidable front de bataille, déployé entre la Sanga et le Chinko, et qui est composé d’une chaine de tribus de même race et presque de même langue, les Ndérés, les Langouassis, les Ngapous, les Boubous et les 602 D' CUREAU — NOTES SUR L'AFRIQUE ÉQUATORIALE Gabons*. En arrière entore vient une masse com- | Dar-Four, Ce quadruple plan se pousse de proche pacte de fétichistes exposés, directement aux entre- | en proche et vient s'écraser sur les bords de prises et aux razzia des Musulmans de F'Ada- | l'Oubanghi; car, de l’autre côté de ce rempart, Fig. 3. — Village de Bonga (Basse Sanga). maoua, du Bornou, du Baghirmi, du Ouadaï, du | sont d'autres tribus qui en défendent le passage. TRE PE LC rot ne es En résumé, si nous faisons le dénombrement de ! Presque tous les noms de l'Oubanghi ont été défigurés . % A TE par les Européens; je crois devoir néanmoins conserver toutes les populations échelonnées le iong de l'iti l'orthographe usuelle, pour éviter toute confusion. néraire de la figure 1 de notre premier article, ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES l'image a! L' de la fente, et la largeur du miroir, a le coefficient d'absorption total des rayons dans leur trajet à travers le projecteur et l'oscillographe ; s la surface éclairée du miroir ; 1 l'éclat intrinsèque du cratère de l'arc; 8 le coefficient de diffusion du verre dépoli (qu'on peut remplacer par l'unité, si l'on veut regarder directement les images aériennes à l’aide d'un oculaire micrométrique); a' le coefficient d'absorption de la lentille cylin- drique. On conçoit combien est précieux ce moyen, qui 621 mais un déplacement vertical par vis de rappel, comme on le verra à propos des réglages optiques des appareils. Des miroirs très petits, comme ceux dont on a donné plus haut les dimensions, suffisent pour donner un éclairement satisfaisant avec une lampe à arc; mais il ne faut pas exagérer leur étroitesse si l’on veut éviter les effets de la diffraction, qui rend les images beaucoup moins nettes, quand l’on descend au-dessous de 0,5 de largeur. Le dispositif qu'on vient de décrire permet la Fig. 16. — Vue intérieure du même appareil « Kodak » double, — O, aimant à lames, portant à sa partie supérieure les deux oscillographes jumeaux; D, chambre noire à soufflet: J, lentille cylindrique ; m, miroir oscillant du synchro- noscope; M, disque obturateur monté sur l'arbre et tournant devant l'objectif; X, objectif à lentille cylindrique fixé dans la paroi de la caisse et muni d’un diaphragme à trois fentes éclairant respectivement les miroirs des deux équipages mobiles et le miroir de repère. permet d'augmenter l'éclat, non par la dimension du miroir mobile, mais par celle d’une simple fente fixe; il résout complètement la question de l'éclairement des oscillographes, quelque petite que soit leur partie vibrante. En outre, il suffit que les miroirs de plusieurs équipages voisins employés simultanément soient placés sur une même hori- zontale, pour que leurs images, fournies par la lentille C à génératrices horizontales, soient égale- ment toutes sur une même horizontale, alors même que ces miroirs ne seraient pas bien verticaux. Pour tirer partie de cette dernière propriété, j'ai donné aux boîtes à huile des oscillographes à fer doux non seulement un mouvement d'orientation, vision permanente des courbes sur l'écran avec une très grande fixité, grâce à la puissance et à l’'amor- tissement du couple du moteur synchrone; on peut les suivre avec un crayon sur le verre dépoli. Le secteur tournant sert encore à un autre usage, très utile pour la vérification de la fréquence et de l'amortissement des oscillations propres des oscillo- graphes, comme on l’expliquera plus loin (p. 627). Pour l'étude des phénomènes non périodiques, le moteur synchrone du synchronoscope doit être remplacé par un simple moteur à courant continu en conservant la commande par came dans le cas ordinaire ; pour les phénomènes très rapides, on peut supprimer la came et placer le miroir sur 622 22 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES l'arbre même du moteur. On peut également, à l’aide d’un châssis enregistreur à déroulement de pellicules photographiques récemment imaginé, in- scrire un grand nombre de périodes consécutives, ce qui est ulile pour l'étude de certains phéno- mènes. VI. —— Caisses « KODAK » POUR L'EMPLOI DES OSCILLOGRAPIIES. Pour éviter toutes les complications d'un montage lors de chaque expérience, et rendre l'appareil por- tatif, tous les organes en sont réunis et fixés invariablement dans une solide caisse en bois de 070 à 080 de longueur (fig. 15 et 16). Cette caisse, à laquelle on donne le nom de « Kodak », par analogie avec les appa- reils photogra- phiques de ns Eastman, for- me chambre noire. À l'une de ses extré- mités est placé l'oscillographe, F à l’autre le syn- chronoscope (c’est-à-dire l'ensemble du miroir oscil- lant, de la len- tille et du mo- tance focale. (Ce changement s’oblient très simple- ment en inclinant la lentille autour de sa généra- trice moyenne.) Comme source de lumière, on emploie le plus simplement une lampe à incandescence placée au foyer de la lentille de projection, ou une flamme d’acétylène. Dans ces conditions, on peut photo- graphier avec quelques secondes de pose des courbes moyennes, en employant des lampes à in- candescence spéciales très poussées. Il convient de remarquer qu’en éclairant l'oscil- lographe à fer doux par incandescence, on na plus besoin d'aucun courant continu, condition extrêmement importante pour relever des courbes sur les sec- teurs ou dans les usines à courants alternatifs. La superposilion de plusieurs courbes est sans inconvé- nient sérieux dans ces appli- cations. Pour les pro- jections etpour les photogra- phies instanta- nées, on em- ploie l'arc élec- trique; un mo- dèle de lampe à arc à main, teur synchro- Fig. 18. étudié dans ce ne) et au-des- Fig. 1lret 18: — Schémas de la marche des rayons lumineux dans l'oscillogra- butpar l'auteur é phe « Kodak », soit pour le tracé et la photographie des courbes (fig. 11), soit P : sus, dans la pa- pour leur projection dans un cours (fig. 18). — S, source de lumière (arc élec- € construit par roi, l'objectif de projection cylindrique, avec diaphrag- me percé d'une ou plusieurs fentes verlica- les deslinées à éclairer le ou les équipages mobiles et le miroir de repère. La figure 17 indique schématiquement la marche des rayons lumineux dans cet appareil. De petites portes latérales permettent de régler l’oscillographe, et de mettre en marche le moteur. En outre, la caisse porle un couvercle amovible qui permet de découvrir tout l'appareil. C'est sur ce couvercle qu'est fixé le châssis qui reçoit l'écran en verre dépoli pour voir el tracer les courbes; cet écran peut être remplacé par un châssis photogra- phique. Un soufflet de chambre noire est ajouté quand on le juge nécessaire, pour changer la dis- trique); X, objectif ou condenseur, à lentille cylindrique horizontale; F, dia- phragme percé de fentes verticales éclairant chaque petit miroir »; N, miroir plan ä'un équipage mobile; O, petite lentille plan-convexe de la boite à huile; 1, lentille cylindrique horizontale pour la concentration des rayons réfléchis ; m, miroir oscillant à axe horizontal (perpendiculaire au tableau) commandé par un levier g; ab, arbre moteur; C, came calée sur cet arbre et agissant sur l'extrémité du levier g, et calculée de facon à ce que le déplacement du point lumineux f sur l'écran P soit proportionnel au temps; M, disque calé sur l'arbre ab, et échancré de façon à n’obturer les rayons que pendant le retour du point /; J, miroir qui remplace la chambre noire pour les projec- tions; l', lentille cylindrique à long foyer ; E, écran de projection. M. Vassia, s’ac- croche contre la paroi de la caisse dans une position inva- riabhle, etse ma- nœuvre très fa- cilement. Pour les photographies posées, qui suffisent pour l'étude des phénomènes alternatifs réguliers”, on se contente de remplacer le verre dépoli par une glace sensible, et de découvrir l'objectif du projec- teur, pendant un temps qui varie d'une seconde pour l'éclairage par arc, à une demi-minule pour l'éclairage par incandescence. Pour faire la photographie instantanée, par l'arc, de phénomènes très changeants tels que l'arc RE NT IRC PEUR UT ARIANE ARR en De — ‘ Il ne se produit de flottement des courbes que si les machines génératrices des courants alternatifs étudiés sont commandées par des moteurs à vitesse très irrésulière. 12603 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 623 électrique, on adapte à l'objectif un obturateur | oscillographes s’emploient, si on veut, directement instantané à déclenchement électrique imaginé dans ce but; ce déclenchement est produit par un électro-aimant, qui recoit un courant dérivé aux bornes des charbons du projecteur, par un cireuit que ferment successivement un bouton pressé par l'opérateur et deux balais frottant sur un secteur métallique isolé, calé sur l'arbre tournant du mo- teur synchrone: l'angle de calage de ce secteur est déterminé par tâtonnement, de façon que l'ob- jectif se découvre un peu avant que l'image soit projetée sur la glace par le miroir oscillant. Enfin, pour faciliter l'emploi de l'appareil, on ajoute un pelit tableau de distribution, dans un placard latéral, qui s'ouvre en dehors. Ce tableau contient : ampère-mètre, voltmètre, interrupteurs, fusibles et bornes d'attache des conducteurs : de . sorte qu'il n’y à jamais aucun montage de fils à faire. Dans le même but, les rhéostats ou shunts, nécessaires avec les oscillographes employés comme voltmètre ou commeampère-mètre, peuvent être eux-mêmes installés à poste fixe dans la boîte. L'ensemble est, ainsi, portatif et indéréglable. Un appareil ordinaire se transforme en appareil à projections en recevant les rayons provenant du synchronoscope, non pas sur un châssis, mais sur un miroir à 45°, qu'on adapte au-dessus de l'appa- reil au lieu du couvercle et qui renvoie les faisceaux lumineux horizontalement sur un écran blanc de 1 mèlre carré environ, placé à 3 ou 4 mètres de distance (fig. 18). En même temps, on remplace la lentille du synchronoscope par une autre de plus long foyer, et les équipages mobiles par d'autres formés de bandes plus larges et portant des miroirs de 1 millimètre de largeur. On accroit ainsi l'éclairement des points lumi- neux et l'amplitude des déziations au détriment de la fréquence, qui s'abaisse à 4 ou 5.000, valeur très suffisante pour les démonstrations publiques. Tous ces changements se font presque instantanément. Les oscillographes bifilaires peuvent être trans- formés de même, en quelques minutes, grâce à la facilité qu'on a de remplacer leurs chevalets inté- rieurs par d'autres portant des bifilaires plus larges. Celle qualité précieuse d'interchangeabilité de ces appareils permet d’avoir tout prèts, dans un écrin, des équipages de fréquence ou de sensibilité variées ou des rechanges en cas d'accident: les seules parties délicates des appareils peuvent être ainsi réparées aisément et à loisir, ou plus simple- ment envoyées par la poste au constructeur qui les retourne remises en élat de fonctionnement. Ainsi se trouve écartée toute difficulté d'emploi pour les opérateurs les moins expérimentés. Moyennant quelques précautions spéciales, les sur les réseaux à haute tension. À cet effet, on blinde les parois de la caisse avoisinant l'oscillo- graphe proprement dit de plaques d'ébonite qui l'isolent complètement, et l’on amène les conduc- teurs par des tubes d'ébonite; en outre, on s'arrange de facon à donner une borne commune au volt- graphe et à l’ampèregraphe, de façon qu'il ne s'établisse entre eux que de très faibles différences de potentiel; les rhéostats sont placés en dehors de la caisse. Ce disposilif présente des avantages évi- dents. VII. — COMPARAISON ET CHOIX ENTRE LES DIVERS TYPES. L'oscillographe à fer doux est, grâce à sa cons truction robuste, l'instrument normal qu'il convient d'employer dans les usages industriels. Les perfec- tionnements récents ont permis de lui donner des qualités exceptionnelles de précision et de sensi- bilité qu'on n'avait pu obtenir jusqu'ici. Il n'exige que peu de précautions et peut être mis entre des mains peu exercées. Dans les laboratoires aussi, il peut être employé avantageusement dans toutes les recherches où l'on n'a pas à analyser de courants inférieurs au 1/10 d'ampère et où l'on ne craint pas, dansles cir- cuits de voltmètre, la présence d'un peu de self- induction provenant des bobines de l’oscillographe. Celle-ci peut tre d'ailleurs compensée presque complètement, comme on le verra ci-dessous, par l'addition d'un condensateur decapacité appropriée. Cet oscillographe présente l'avantage d'une fré- quence d'oscillation propre extrèmementélevée, qui assure l'inscription exacte de phénomènes élec- triques oscillatoires atteignant jusqu à 4.000 oscil- lations par seconde, et qui, pour les courants alter- nalifs ordinaires, dispense de tout réglage précis de l'amortissement. Le type bifilaire présente de plus grandes sensi- bilités, tout en réalisant des fréquences de plus de 10.000 périodes complètes par seconde. Il convient aux recherches de laboratoire, pour lesquelles on désire éviter toule self-induction ou étudier des courants d'intensité inférieure à 1/10 d'ampère. Mais ilexige un électro-aimant puissant, quirend l'appareil beaucoup moins portatif que le précé- dent. Il est aussi plus délicat de construction et d'emploi; on a à craindre de brûler le bifilaire par un court-circuil. Il doit ètre enfin entretenu à une température constante, malgré l'échauffement des bandes produit par le courant, sous peine de voir varier le coefficient d’élasticité des bandes, et par suite la constante de l'appareil. L'oscillographe bifilaire doit donc être réservé "4 | 624 ANDRÉ BLONDEL -— L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES aux travaux de laboratoire spéciaux dont on vient de parler, et aux opérateurs exercés, En outre, il ne peut être employé que si l'on a du courant conlinu à sa disposition. Comme on l’a dit, dans chacune des deux caté- sories précédentes, les oscillographes sont cons- truits à volonté : simples, doubles ou triples. Les oscillographes simples, ne comprenant qu'un seul équipage mobile, peuvent cependant enregistrer à volonté un courant ou une force électromotrice ; il suffit de munir les oscillographes à fer doux de deux paires de bobines interchangeables, les unes à fil fin, les autres à gros fil. Quant à l'oscillographe bifilaire, toujours à fil fin, il joue le rôle de volt- mètre ou d’ampèremètre, suivant qu'on le monte en série avec une grande résistance ou en dériva- l'instrument à celle du courant alternatif étudié: Par exemple, avec la fréquence 25.000, on peut étudier avec une précision de 1 °/, ainsi définie des courants alternatifs de 250 périodes, sauf la correc- tion de la self-induction, dont on va parler. La self-induction de l'instrument L est prali- quement négligeable avec les oscillographes bifi- laires et avec les oscillographes à fer doux à gros il, jouant le rôle d’ampères-mètres; elle n'entre en ligne de compte que dans les oscillographes-volt- mètres à fer doux. Or, ilest facile de voir qu'elle équivaut alors à un simple accroissement d'amor- üssement. En effet, l'équalion du galvanomètre- voltgraphe peut s'écrire sensiblement (au deuxième ordre près) : art à 0 G tion sur une faible résistance. Le type simple, suf- KT + (a TR mn) ne RM 1 = fisant pour des études 1 d'ateliers, doit être LR (ER fe ben ———— K, À, C conservant les remplacé par le type | + mêmes significations double quand on veut . pos El 2 que plus haut, et U, R inscrire à la fois, et | : | | et R’ désignant respec- non successivement, la à EE É 1 0,5 0,25 tivementla tension aux tension et le courant Ampères. bornes, la résistance pour en mesurer le Pig. 19. du voltgraphe et la décalage; c'est le cas te résistance supplémen- ordinaire de la pra- Lo taire du circuit en série tique. | : | avec lui. On peut donc Les oscillographes | 4 [ toujours compenser triples trouvent enfin à à 5 E ae 62 pratiquement la self- leur application spé- Ampères induction en réduisant ciale dans les recher- Fig. 20. l'amortissement, ou in- ches de laboratoire, Fig. 19 et 20. — Influence de la variation du champ directeur versemen! se servir de quand on veut inscrire à la fois le courant con- sommé, la tension aux bornes et une autre variable corrélative, telle que la force électromo- trice produisant le courant, ou les variations d'un courant soumis à des réactions, etc. VIII. — LimiTE D'EMPLOI DES OSCILLOGRAPHES. Les oscillographes sont plus simples que toutes les autres méthodes et se prêtent à une inscription facile des courbes avec une précision bien plus grande. Leur emploi n’est limilé que par la rapi- dité des variations du courant. Il ne faut guère dépasser des fréquences supérieures au 1/30 de leur fréquence propre. Leur exactitude dépend de l’inertie, de l'amortissement et de la self-induc- tion. En ce qui concerne les deux premiers fac- teurs, il suffit de savoir qu'avec l'amortissement critique, la précision, dans le cas usuel le plus défavorable (inscription de rectangles), est sen- siblement égale au rapport de la période de (champ produit par un clectro-aimant) sur la précision des oscillographes, déterminée par l'inscription d'une courbe d'éta- blissement etde rupture d'un courant constant. — Les excita- tions sont indiquées en ampères; la figure 19 se rapporte à un amortissement trop faible (huile de vaseline), et la figure 20 à un amortissemen trep fort (huile de ricin). cette self-induction pour aider à l’amor- tissement s'il est insuf- fisant". Il existe, du reste, un autre procédé très simple | pour compenser la self-induction et même l’amor- tissement; il suffit de shunter la résistance morte R' par un condensateur réglable, dont nous appel- lerons € la capacité. On démontre, en effet, que l’on à alors, encore au deuxième ordre près, sen- siblement : a?6 : CL C Rs + [a+ - en] +0 ou. On peut donc toujours annuler les deux derniers termes de la parenthèse, ou même la parenthèse tout entière, par un choix expérimental convenable de la capacité. Il va sans dire qu'il faut, pour que celle-ci soit bien définie, employer de préférence 1 J'ai indiqué d’ailleurs antérieurement (Lumière Electri- que, 1894) comment on peut toujours d'une courbe, faussée par l'amortissement, l'inertie ou la self-induction, déduire la courbe rigoureuse à l'aide d'une correction par points peu compliquée. ANDRÉ BLONDEL -- L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES ( 19 ot à des condensateurs à mica ou à huile de ricin. | étudier. La courbe exacte doit être formée d'une — Mais, en fait, l'amortissement et la self-induction, | série de rectangles parfaits. On peut encore sim- 3 dans leurs limites ordinaires, laissentune précision | plifier l'essai en étudiant simplement la courbe …. suffisante pour que l'arlifice du condensateur soit | d'établissement d'un courant continu périodi- inutile, dans la pratique courante, la capacité pro- | quement interrompu (la courbe de rupture ne peut pre des bobines étant suffisante. être employée, parce que la rupture est plus ou { | ———— | A A£nO 1 | AE = e Fee à | | À | | | | | Ftero | | B | V Fig. 23, 24, 25 Fig. 21, 28 A Î Fr on Re D | | | FLD Zéro _/p Fig. 29. Fig. 30. Fig. 21 à 30, — Courbes de rupture et d'établissement du courant appliquées à la vérification de la précision des oscillo- graphes. Fig: 21 et 22. — Oscillographe à bande, réglé à 12.000 périodes, sous 110 volls, amortissement par l'huile de cèdre, rigou- * reusement apériodique à 169 (fig. 21), et un peu plus faible (fig. 22) sous l'influence d'une température plus élevée. Mig. 23, 24, 25. — Le même oscillographe, amorti à l'excès par l'huile de ricin. — A et B, angles d'établissement, puis de rupture arrondis par l'effet d'amortissement exagéré; C, angle d'établissement rectifié par l'addition d'une faible cépacité en dérivation sur la résistance ajoutée en série avec l'oscillographe; D, le même angle déformé par exagéra- tion de la capacité additionnelle. Fig. 26, 21, 28. — Le même oscillogranhe, avec amortissement un peu trop faible produit par l'huile de vaseline. — AetB, angles d'établissement et de rupture laissant apparaître les oscillations propres insuffisamment amorties; C, angle d'établissement rectifié par addition d'une self-luductance en série ; D, le même augle arrondi par l'addition d'une sell-inductance exagérée. Fig. 29 et 30. — Le même oscillographe, amortli à l'huile de ricin, sous 6 volts seulement. — L'insuffisance de la résistance eu circuit laisse apparaître en A et B un coude très arrondi à l'établissement et à la rupture par suite d'un excès d'amortissement et de la self-inductance propre de l'appareil, qui devient sensible (comparer à la figure 23); en C, l'angle d'établissement est rectifié par addition de capacité en dérivation. A | Le IX. — VÉRIFICATIONS EXPÉRIMENTAL ES DES CONDITIONS 3 DE PRÉCISION DES OSCILLOGRAPHES. cette vérification se fait, pour l’oscillographe-volt- € mètre, en faisant passer le courant qu'on y envoie moins altérée par l'étincelle et d’autres effets); _ Ilexiste un moyen simple de vérifier les condi- | par le secteur tournant calé sur l'arbre du moteur. tions de précision d'un oscillographe; il suffit de | Les figures 19 à 30, qui montrent des résultats lui faire inscrire une courbe de courants continus | variés ainsi obtenus, font aisément comprendre __inversés périodiquement avec une fréquence com- | cette méthode, en même temps qu'elles confirment ..parable à celle des courants alternatifs qu'on veut | les indications théoriques qui précèdent. ; REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. 13° 626 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE Les figures 419 et 20 montrent l'influence de la | fréquence propre et de l'amortissement (elles ont élé relevées sur l’oscillographe de 1897); 21, 22 montrent ce qu'on réalise avec un oscillographe bien réglé; 23, 24, 25 montrent les effets d'un amorlissement exagéré; 26, 27, 28 celui d'un amortissement trop faible; ces diverses courbes font ressortir, en outre, les effets de compensation de la capacité ou de la self-induction. Les figures 29 et 30, qui se rapportent au casle plus défavorable (faible voltage, excès d'amor- tissement), sont les seules où la self-inductance de l'appareil lui-même se fasse sentir, lorsqu'on le branche directement sur un réseau à 6 volts seu- lement sans ajouter aucune résistance en série avec celle des bobines, qui n’est que de 28 ohms en série; la constante de temps de l'instrument est alors notable, et lamortissement l’exagère encore‘; l’addition d’une capacilé aux bornes ne suffit pas à compenser cet excès. Mais toutes les fois qu'il s’agit d'un phénomène continu, on n'aura qu'à employer, en outre, un amortissement systé- matiquement plus faible, au lieu de l'amortissement exagéré, pour ramener le coude d’élablissement à la forme sensiblement rectangulaire. Il est remarquable que l'appareil puisse être employé industriellement jusqu'à d'aussi bas vol- tages; dans les études de laboratoire, au-dessous de vingt-cinq volts, on préférera l'oscillographe bifilaire dont la constante de temps est toujours négligeable. Dans un second article, nous indiquerons les applications des oscillographes à l'étude des ares électriques. André Blondel, Professeur d'Électricité appliquée à l'Ecole des Ponts et Chaussées. LES ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET LA PHILOSOPHIE NATURELLE Il arrive souvent que des phénomènes d'ordres différents, de natures concrèles bien distinctes, présentent, au point de vue des relations des élé- ments qui les caractérisent el des lois mathémati- ques qui les régissent, des ressemblances frap- pantes. Des éléments, ayant des significations concrètes tout à fait distinctes dans deux phéno- mènés distincls, jouent souvent des rôles sembla- bles, et cette ressemblance des rôles conduit d'une manière naturelle à une ressemblance des relations. Les analogies mathématiques qui en résultent entre de tels phénomènes sont souvent si complètes que tout résultat obtenu dans l'étude d’un de ces phé- nomènes peut être immédiatement transporté, avec sa traduction spéciale, dans le second, en substituant aux conceplions particulières, rencon- trées dans la théorie du premier phénomène, leurs conceptions correspondantes dans le second. La Nature semble, diraient les anciens philosophes, construire un grand nombre de ses œuvres d’après un même plan primilil, caché sous des apparences extérieures différentes d’un phénomène à l'autre. Des phénomènes divers peuvent conduire aux mé- mes équations, diraient simplement les analystes. On a signalé depuis longlemps de nombreuses analogies de cette espèce. Pour ne rappeler que * M. Farmer a eu l'excellente idée d'utiliser cette courbe d'établissement pour en déduire la valeur de la self-induc- tance. les plus connues et les plus complètes, citons l’ana- logie mathémalique bien connue entre les phéno- mènes d'équilibre électrique, ceux de la propaga- tion des radialions dans un milieu homogène, et celui du mouvement permanent d’un liquide incompressible et sans froltement; l’analogie entre la propagation de l'électricité dans l’état permanent et la propagation de la chaleur entre deux surfaces à températures conslantes dans un milieu conduc- teur; entre la propagation de la chaleur et celle de l'électricité dans le régime variable; entre certains phénomènes de l'Électrostatique et du Magnétisme ; entre le mouvement oscillant des pendules, celui des liquides et la décharge des condensateurs; entre les phénomènes d'équilibre élastique, la distribution de la température à l'intérieur d'un corps solide et celle du potentiel; entre la théorie des tourbillons et celle de certains phénomènes électrodynamiques; entre la théorie de la pression osmolique et celle de la pression des gaz; entre les conséquences du principe de la conservation de l'électricité et celles du principe de Carnot dans les phénomènes thermiques, elc. Les modèles d'illustralion mécanique des phé- nomènes physiques, tant recherchés par les phy- siciens anglais, fournissent aussi des exemples remarquables d’analogies mathémaliques. L'idée fondamentale de ces illustrations consiste, comme on sait, en ceci: Étant donné un phénomène ®, Dh à nt MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 627 - créer un modèle mécanique pour le fonctionnement duquel vaudront les mêmes lois mathématiques “que pour le phénomène ®. Entre les phénomènes “auxquels donne lieu le fonctionnement d'un tel . modèle et les lois du phénomène ®, subsistera “alors une analogie de l'espèce dont il est ici ques- 4 tion. Tels sont, par exemple, les modèles mécani- ques par lesquels Maxwell se représentait les phé- “nomènes de l'induction électrique ou la polarisation “des diélectriques : les nombreux modèles par “lesquels iord Kelvin a représenté divers phénomè- “nes d'Optique ; le modèle imaginé par M. Garbasso pour représenter la décharge des condensateurs, ætc., etc. … Enfin, on rencontre dans les diverses sciences une foule de phénomènes distincts, présentant entre eux, dans certaines particularités, des res- “emblances plus ou moins parfaites, que l’on ne peut pas préciser aussi bien que dans le cas des phénomènes mécaniques ou physiques, et qui donnent lieu à des métaphores plus ou moins heu- reuses. On compare tel ou tel phénomène au torrent dont la force destructrice grandit avec les obstacles qu'on lui oppose, ou bien à la marée avec son flux et son reflux, etc. Dans différentes sciences, on rencontre des phénomènes ayant des allures de certains phénomènes mécaniques ou physiques. On compare, par exemple, tel ou tel phénomène au mouvement pendulaire amorti, présentant une série oscillations autour d'un état stable, les écarts des oscillations étant de plus en plus restreints, et ainsi de suite. On connaît bien les services que les analogies mathémaliques ont rendus aux diverses parties de la Physique mathématique. Auguste Comte avait bien prévu le rôle qu'elles seraient appelées à jouer dans le développement de cette branche de Ja Science. Ohm, Lamé, Chasles, lord Kelvin, Helm- ætc. C'est par les considérations d'analogies entre les problèmes électrique et thermique que Ohm a “édifié sa belle théorie de la propagation de l'élec- “tricité, en y transportant le mode de raisonnement par lequel Fourier avait déjà édifié la théorie de la propagation de la chaleur. Maxwell s’en est très - fréquemment servi dans ses recherches; c’est ainsi qu'en comparant les phénomènes électromagnéti- ques à une certaine espèce de mouvement tourbil- Honnaire des liquides, il a trouvé les équations fon- damentales de l'Electromagnétisme auxquelles son nom est demeuré attaché. L’analogie des lois des gaz parfaits avec celles de la pression osmotique a également été un guide pour les physiciens qui ont établi la théorie de la pression osmotique. Les mo- dèles mécaniques ont souvent servi comme guide indiquant la direction à suivre pour les investiga- tions plus rigoureuses. Il y aurait un livre intéressant à écrire sur les services que les considérations d’analogies ont rendus à la Science. Elles ont aujourd'hui une haute valeur scientifique, et rendent toujours de réels et très grands services. Certains résultats se présen- tent d’une façon plus naturelle dans un ordre d'idées que dans un autre; c'est surtout par cette raison que les analogies, si incomplètes qu'elles puissent être, ont toujours le grand mérite de suggérer des recherches dans cerlaines directions, d'engager à essayer de préférence tel raisonnement ou de tenter telle expérience. Mais je voudrais ici insister sur un genre de services d’un ordre plus général et plus élevé, que pourraient rendre les analogies mathématiques convenablement interprétées. Envisageons un cas simple d’analogies existant entre des phénomènes divers qui peuvent n'avoir aucun rapport concret : considérons les phénomènes qui suivent la « loi logarithmique » : Y= YocËr, où x et y sont les variables du phénomène, y, et Æ des constantes. Cette loi, ainsi que les conséquences qui s'en déduisent, régit, comme l’on sait, une foule de phénomènes de natures concrètes très diverses, dont voici des exemples : 1° Affaiblissement de l'intensité de la lumière passant à travers un milieu absorbant; 2° Refroidissement d’un corps solide par échange de chaleur avec le milieu qui l’ertoure ; 3° Déperdition de l'électricité des liquides électrisés, sous l'influence de l’évaporation; 4° Distribution des températures le long d'une tige métallique chauffée en un point; J 5° Décroissement de la pression barométrique quand on s'élève dans l’atmosphère ; 6° Variation de la quantité d'un corps pur qui se transforme progressivement sous l'action d'un agent physique ou d'un ferment; 7° Augmentation d'une somme d'argent prêlée à intérêts composés, etc. Le tableau T met en évidence les éléments qui jouent les rôles analogues dans ces divers phéno- mènes. Il est facile de se rendre compte de la raison intime par laquelle s'impose l’analogie entre ces phénomènes si variés. Un capital placé à intérêts composés s'accroilt à chaque époque d’un intérêt proportionnel à la valeur du capilal lui-même à cetle époque. La température d’un corps qui se refroidit diminue à chaque instant de manière que 628 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE celte diminution varie en raison directe de la tem- pérature elle-même. La pression barométrique varie demanière quesa diminution, correspondantàl’aug- mentalion d'une hauteur donnée, soit proportion- nelle à la pression à cette hauteur. Et d’une manière sénérale : dans les divers phénomènes énumérés précédemment, l'élément particulier, dont la modi- fication graduelle définit le phénomène, varie à chaque instant en raison directe de sa valeur à cet instant. Autrement dit : le phénomène consiste dans la variation progressive et continue d’un élément en raison directe de la grandeur de l’élément lui- même. Zelest le schéma commun auquel peuvent sé ramener lous les phénomènes en question; tel est le squelette qui sert de support à tous les organes, quelle que soit leur nature concrète. Il conduit directement à l'équation différentielle de Tagceau |. — Analogie des éléments dans les phénomènes variés, PHÉNOMÈNE VARIABLE æ FRE VARIABLE 7 Intensité lumineuse. Température. Charge électrique. Température. 40. . . .|Épaisseur de la couche. TER GNOME Temps. MS Temps. 40. . . .| Distance au point chauffé. USER Hauteur. Core Temps. Pression barométrique. Quautité du corps primitif. OR RS Temps. Capital. tous ces phénomènes et à toutes les conséquences dans lesquelles consiste leur analogie mutuelle. De même, les phénomènes de la propagation de l'électricité de la chaleur, etc., se ramènent au schéma général suivant : un état se propage de proche en proche, progressivement et continuelle- ment; l’état d'un point n'a d'influence sensible que sur les points très voisins; cette influence pro- vient de la tendance de cet état de passer des points où son intensité est plus grande aux points où elle est plus faible ; enfin, cette influence varie en raison directe avec la grandeur de la différence de ces intensités. D'une manière générale, précisons les faits et les propriétés caractéristiques dans lesquels réside la raison intime de l'analogie des divers phéno- mènes considérés; dégageons-en ce qui est commun et général à ces phénomènes, ce qui définit les rôles des éléments correspondants et la manière dont ces rôles sont combinés entre eux; donnons à tout ceci la forme la plus simple et la plus générale possible en ayant soin de ne pas franchir les limiles de l’analogie, au delà des- quelles le problème devient indéterminé. Le schéma auquel se réduiront les phénomènes aura l'aspect suivant : à la place des phénomènes mécaniques, physiques, chimiques, etc.…..,apparaîtrontles lois de variation d'un certain nombre de variables carac- téristiques, en fonclion de certaines variables indé- pendantes: à la place des causes réelles (forces mécaniques, électriques, magnétiques, chimiques) ou des résistances, on verra apparaitre des causes fictives, définies uniquement par leurs aclivités et les lois de leur variation en fonction des variables indépendantes; les liaisons seront remplacées par des relalions fixes, données à l'avance, entre les variables caractéristiques, elc. Ce schéma n'est au fond que celui auquel on à affaire dans la mise en équation d'un problème mécanique ou physique quelconque. Il importe de le tirer non pas d'un phénomène particulier, mais! d’un groupe de phénomènes divers analogues entre eux : 11 s'en dégage alors l'image de Paction des causes de natures concrètes variées, agissant dans des circonstances diflérentes, mais douées d'une certaine espèce d'activité commune à tous les cas qu'une telle analogie embrasse. Un tel schéma équivaudra à un modèle mécani- que illustrant une foule de phénomènes divers. Le nombre de tels modèles ira en augmentant lorsque, avec le progrès de la Science, on connaîtra des analogies mathématiques de plus en plus nom- breuses. Et, lorsque leur nombre sera suffisamment grand, ces schémas amèneront probablement à la formation d'une nouvelle branche de la Philosophie nalurelle, destinée à s'édifier progressivement et indéfiniment, dont l'objet sera l'étude des rela-: tions mathématiques générales entre les causes et leurs effets, débarrassées de toutes les particula- rités qui les rattachent spécialement à telle ou telle espèce particulière de phénomènes. II Pour mieux préciser ce qu'il faut entendre par là, arrêtons-nous à un schéma particulier d'une telle espèce, mais possédant les trails essentiels de | tous les schémas que nous avons en vue. Reportons nous d'abord à la conception la plus générale de la cause, dans le sens physique du mot : envisageons-la par son côté dynamique, par son activité. Gelle-ci consiste en une certaine /en- dance, qui se manifeste dans les phénomènes comme force mécanique, comme pouvoir moteur, capacité modificatrice, capacité perturbatrice, ete. Etant donné l’ensemble de circonstances au milieu» desquelles une cause agit, la tendance de cette cause sera définie : 4° par son objet direct; 2° pars sa direction et son sens (en adoptant pour ces termes leur sens mécanique généralisé); 3° par son intensité, qui peut être constante ou variable. { Le MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE 629 Les tendances ont les caractères essentiels des “éléments mesurables, au moins dans le sens mathé- matique du mot : on peut les concevoir plus fortes ou plus faibles, les comparer si elles ont les mêmes “objets directs et les mêmes directions; leurs varia- tions d'intensilé sont aussi faciles à concevoir que “celles des forces mécaniques; plusieurs tendances “peuvent se gêner mutuellement, s’équilibrer, “ajouter pour augmenter l'effet, etc... Dans les Sciences physiques, on les mesure pratiquement ; n Biologie, on compare entre elles les actions des “divers agents et des conditions du milieu sur un être ou une cellule; on peut préciser les tendances de diverses espèces de bacilles pour un objet direct donné, étudier les lois quantitatives de leur action simultanée, etc. Dans d’autres sciences, on parle de tendances prépondérantes, collectives, résultantes, etc. On peut connaître ou non la gran- deur de l'intensité d'une tendance dans un cas donné, mais cette grandeur est bien déterminée dans tous les cas. Ceci étant, soit un phénomène dont les variables Caractéristiques : (1) dépendent collectivement d'une seule variable indépendante /. Le phénomène sera déterminé lorsqu'on connaitra les lois : de — alt), d'après lesquelles les « varient en fonction de £, et ces lois (2) caractérisent les tendances des causes actives du phénomène. Chacune des équations (2) définit un phénomène Simple, consistant dans la variation d’une seule variable caractéristique. Supposons, pour trailer n Cas simple, qu'on puisse réaliser ou concevoir la séparation effective de ces phénomènes, de sorte que le phénomène complexe considéré puisse se décomposer en » phénomènes simples. Nous dirons qu'une cause C (ou un ensemble donné de causes) est la cause directe et exclusive du phénomène simple (2), si, la variable indépendante / variant d’une ma- nière quelconque, x cesse de varier lorsque la cause “Cdisparaitsubitement; qu'elle recommence à varier au moment où cette cause apparaît de nouveau et que, de plus, lorsque la cause reste identique à Ë elle même, la varialion de + est à chaque instant | proportionnelle à celle de f. La variable à sera alors l'objet direct de la cause C et la grandeur de V de : ; 1 -la dérivée — à un instant donné mesurera l’inten- ; de sité du phénomène. Ainsi, dans les mouvements, objet direct des forces motrices sera la vitesse du mouvement; dans le phénomène de refroidis- sement, l'objet direct de la tendance du corps à | égaliser sa température avec celle du milieu ambiant sera la vitesse de refroidissement, etc. Ces éléments si simples et si généraux consti- tuent un schéma de l'espèce que nous avons en vue, et qui se prète déjà aux spéculations de l’Ana- lyse mathématique. Ainsi l'effet direct total de la cause C, corres- pondant à la variation {—1, de la variable indé- pendante, sera mesuré par la différence 4 —, w et «, étant les grandeurs de x correspondant aux valeurs respeclives {et {,; l'effet direct élémentaire sera donc dx. Et, en adoptant le principe bien intui- tif d'après lequel l'effet direct élémentaire d'une cause serait proportionnel à l'intensité de la cause elle-même et à l'intervalle dt de la variable indépen- dante, on aura l'équation fondamentale : où X désigne l'intensité de la tendance, par laquelle se traduit l'activité de la cause, au moment où la variable indépendante a la valeur {; K représente un coeflicient jouant un rôle analogue à celui de la masse. On attribuera à X le signe + ou — suivant que la cause tend à faire augmenter ou diminuer la variable «. L'équation (1) généralise l'équation fondamentale : do de la Dynamique d'un point, et l'expression — K TT généralise celle de la force d'inertie. Si le phénomène élait l'effet résultant d'un en- semble de causes directes d'intensités X,, X,. x, on aurait : du ( K7 = EXi ayec la convention précédente pour les signes des X:. Les tendances figurant dans ces équations peu- vent être définies : 1° Directement, par les lois de leur variation pen- dant la durée du phénomène. Ainsi, dans les pro- blèmes de Dynamique, ce sont les forces actives: dans les phénomènes de la Cinétique chimique, la tendance aclive est proportionnelle aux quantités des corps actifs; la tendance destructive d'un groupe de bacilles de même espèce est proportion- nelle à leur nombre, etc., ete. ; 2 Par les lois o(/,4)—0 que suivrait le phéno- mène, effet direct de la cause considérée: si cette cause agissait seule, la tendance serait proportion- nelle à la dérivée « étant tiré de 9 —0. (2 Si les causes ne varient pas d'intensité, le phé- 630 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE nomène sera régi par des lois linéaires. Si elles sont variabies, la recherche de ces lois se ramène à l'intégration des équations différentielles ordi- paires. Dans le cas d’un phénomène complexe, con- sislant dans la simultanéité de 7 phénomènes simples, le problème se ramène à l'intégration d'un système d'équations simultanées. Les équations (1) et (2) conduisent à des concep- tions el à des principes embrassant comme cas particuliers ceux de la Dynamique. Ainsi, l'équation (2) exprime qu'il y a à chaque instant équilibre entre l’inertie du phénomène et les tendances actives. La vitesse du mouvement étant généralisée par la variable «, etle temps par la variable indépen- dante {, la conception du chemin parcouru sera généralisée par la grandeur : (3) q= 0 ‘adt lo qui représenterait l'exfension du phénomène (x, /). Le travail élémentaire de la cause directe X, cor- respondant à l'extension élémentaire 4, serait : (4 dR = Xdg; l'énergie du phénomène simple (x, {) serait : (5) = 2 Ka 19! = Une combinaison facile de (1), (3), (4), (5) conduit à l'équation : (6) U—U,=R, exprimant que l'accroissement de l'énergie du phénomène équivaut au travail de la cause directe qui l'a produit, et il serait facile d'étendre le théo- rème aux cas où le phénomène dépend d'un nombre quelconque de causes directes. L'intégrale t A Xdt lo représenterait l'impulsion de la cause X relative à la variation {— /, de la variable indépendante, par analogie avec l'intégrale correspondante de la Dynamique. De l'équation (1), on tire : Ra) RE lo ce qui montre que l'effet direct total de la cause X, pendant que { varie de {, à {, est proportionnel à l'impulsion de cette cause. Ces principes s'étendraient aussi aux cas des phénomènes complexes, quel que soit le nombre de phénomènes simples dont ils sont composé. Ils s'étendraient aussi aux cas de plusieurs variables indépendantes, et on pourrait même, dans certaines conditions, donner aux équations fondamentales une forme analogue à celle des équations de La-" grange, etc. De plus, ces principes schématisent une foule de lois particulières, qu'on en déduirait" en attribuant, aux conceptions abstraites qui en font l'objet, diverses significations concrètes. Ils s'appliquent directement à la recherche des lois des phénomènes, dans lesquels on connaît la nature dynamique des causes actives directes, et ces lois restent les mêmes, quelle que soit la nature con- crèle de ces causes et du phénomène lui-même. On en tire, par exemple, bien facilement, les consé- quences suivantes : Lorsqu'un ensemble de causes tend constamment à renforcer ou à affaiblir un phénomène simple, qui en est l’effet direct, et que cette tendance varie en raison directe de l'effet direct total des causes, l'intensité du phénomène varie toujours dans un même sens, en croissant ou en décroissant; l’ex- pression : où « est la variable caractéristique, { la variable indépendante, a et » des constantes convenable- ment choisies, conservera une valeur invariable pendant toute la durée du phénomène, et cette va- leur sera positive ou négalive suivant que la cause est renforçante ou affaiblissante; l'effet total aug- mente indéfiniment, ou bien tend vers une limite finie, suivant le sens de la cause. Ce théorème embrasse toutes les analogies entre les phénomènes divers qui suivent la loi logarith= mique, par exemple entre ceux dans lesquels les: causes, en produisant leur effet, s'affaiblissent, em. se dépensant en raison directe de l'effet produit. Comme conséquence immédiate des principes précédents, mentionnons aussi le théorème sui- vant : Considérons un phénomène simple, effet direct d’un ensemble de causes, dont quelques-unes ont des tendances constantes en intensité et sens; d'autres consistent en une sorte de résistance va= riant en raison directe de la grandeur absolue de: l'effet direct total ; enfin, certaines se comportent aussi comme résistances, mais varient en raison di- recte de l'extension du phénomène. Celui-ci sera continu ou oseéillant, suivant le cas, et son étude se ramène à l'intégration d'une équation linéaire du. second ordre. Si les racines de l'équation caracté-\ rislique du second degré, relative à cette équatio linéaire, sont réelles, l'intensité du phénomène," ainsi que l'effet direct total, seront des fonctions continues de {, ne pouvant présenter qu'un seul maximum ou minimum, à partir duquel elles va=" rient constamment dans un même sens. Si ces ra= cines sont imaginaires, ce seront des fonctions oscillantes de { : le phénomène présentera une sé- MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE rie d’oscillations d'amplitudes plus ou moins rapi- dement amorties; son état s'approchera et s'éloi- gnera tour à tour d'un certain état stable, et s'en éloignera de moins en moins jusqu'au moment où ses oscillations deviendront insensibles, l’état du phénomène se confondant désormais avec cet état- limite. Ce théorème, avec ses conséquences, embrasse une foule de problèmes analogues à celui de la décharge entrelenue des condensateurs, oscilla- tions du cadre mobile d’un galvanomètre lors du passage du courant, etc. Considérons enfin un phénomène simple, résul- tant de l'action de deux groupes de causes directes, les unes étant invariables en sens et en intensité, et les autres tendant à détruire l’action des pre- mières, cette tendance destructive variant en raison directe de l'effet direct total, mais agissant avec un certain relard constant 2, de manière que, pour la valeur actuelle de #, elle soit proportionnelle à l'effet Lolal résultant, tel qu'il a été au moment où la variable { avait la valeur { — h. La théorie du phénomène se ramène à une certaine équation linéaire aux différences mêélées ; l'effet total résul- tant ou bien décroitra constamment en tendant vers un état-limite, ou bien présentera une série d’oscillations amorlies autour de cet état, en ten- dant à se confondre avec lui, etc. IT L'exemple simple que nous avons traité précé- demment donne des indications sur la possibilité de faire un schéma général des actions des causes, correspondant à la Dynamique des forces, mais qui ne demeurerait plus attaché à l’une ou l’autre espèce concrète de phénomènes. On entrevoit de même la possibilité de faire un schéma général de l'équilibre des causes, correspondant à la Slatique des forces. R L'ensemble de schémas pareils, quand on en pos- sédera un certain nombre, sera vraisemblablement appelé à constituer une branche spéciale de la Phi- losophie naturelle, une espèce de Mécanique géné- rale de phénomènes divers, n'ulilisant qu'un pelit nombre de notions très générales. Cette Mécanique aurait tout d’abord le réel avantage de relier entre elles et de ramener à une même base bien des théo- ries wayant aucun rapport mutuel. Elle donnerait la clef des analogies mathématiques aujourd'hui connues, et en fournirait une foule d'autres. Les analogies, d'autre part, contribueraient à l'édifi- cation de cetle branche de la Science en lui offrant des problèmes d’un intérêt réel, et en lui fournis- sant des applications concrètes. C'est même, comme nous l'avons dit, dans la recherche et l'analyse des 631 analogies que consisterait la méthode inductive de cetle édification, Mais y a-t-il des chances pour qu'une telle théo- rie, quand elle sera faite, conduise à quelque chose de nouveau ? Permettra-t-elle de prévoir des faits, de suggérer des explications de faits inexpliqués, de conduire à des expériences à tenter, à des recherches à entreprendre ? Voici quelques exemples contenant des réponses à de telles questions, et mettant en évidence le genre de services qu'on pourrait attendre de cette” théorie. La notion de symétrie peut ètre généralisée de diverses manières, et les relations entre la symétrie des causes et celle de leurs effets formeraient un chapitre important de la théorie qui nous occupe. L'extension, par exemple, de la nolion et de la théo- rie de symétrie des corps cristallisés aux divers phénomènes physiques de natures concrètes variées, telle qu'elle a été faite par M. P. Curie et M. Voigt, montre déjà l'efficacité de cette espèce de généra- lisation en ce qui concerne la prévision de la pos- sibililé des phénomènes ou de leur impossibilité. Ainsi, pour que cerlain phénomène soit possible, il faut que le système où il se manifeste présente une certaine dissymétrie, caractéristique pour ce phénomène : le phénomène est impossible si une telle dissymétrie n'existe pas. D'autre part, deux phénomènes de même dissymétrie ont entre eux des liens particuliers. Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets pro- duits. Lorsque cerlains effets révèlent une certaine dissymétrie, celle-ci doit se retrouver dans les causes qui lui ont donné naissance. M. P. Curie à montré ? le parli qu'on peut tirer des considéra- tions de celte espèce pour se rendre compte de la possibililé ou de l'impossibilité d'un grand nombre de phénomènes électriques, magnétiques, ther- miques, etc. Un autre genre de services que pourra rendre la théorie en question, consisterait dans la possibilité, qu'elle fournirait dans certains cas, de préciser des hypothèses sur la nature dynamique des causes donnant naissance à un phénomène dont on con- naît les lois mathématiques ou l'allure géométrique, et de provoquer des recherches ayant pour but de préciser la nature concrète de telles causes. Considérons, pour fixer les idées, un phénomène consistant dans les oscillations d'un de ses élé- ments caractéristiques autour d’un certain état défini, duquel il s'approche et s'éloigne ‘alternati- vement par une série d'oscillations de plus en plus 1 P. Curie, Journal de Physique, 3° série, t. IT, 1894, p. 393-417. 632 MICHEL PETROVITCH — ANALOGIES MATHÉMATIQUES ET PHILOSOPHIE NATURELLE faibles. On rencontre de telsphénomènes dans toutes les sciences, et l'on exprime ce caractère oscilla- toire de manières variées, propres à la branche de science à laquelle appartient le phénomène. Nous avons indiqué précédemment quelques manières dont peuvent prendre naissance de tels phéno- mènes. Ainsi, ils peuvent résuller, en particulier, de l’action retardée d'une cause, variable, détruisant l'action d’une autre cause, invariable. L'explication, que M. Sagnac a donnée récemment”, de certains phénomènes photochimiques, rentrerait dans ce type d'explications. L'expérience a montré, pour l'action photochimique de la lumière, que, si le temps d'illumination de la couche sensible va en augmentant, l'image se développe en noir de plus en plus intense jusqu'à une certaine valeur; cette valeur une fois atteinte, l'intensité du noir va en diminuant jusqu'à un certain minimum ; celui-ci est suivi d'un second maximum, puis vient un second minimum, et ainsi de suite. M. Janssen en a compté trois, mais la rapidité avec laquelle les oscillations du phénomène s'amortissent semble seule avoir empêché d'en compter un plus grand nombre. D’après le théorème précédent, l'une des explications de ce caractère oscillant consisterait en ce qu'on le considère comme effet de deux causes directes : l’une active, invariable en sens et en intensité; l’autre destructive, variant en raison directe de l'effet résultant, relatif à une époque antérieure. D'après l'hypothèse par laquelle M. Sagnac essaie d'expliquer le phénomène, la première cause serait la tendance directe et invariable de la lumière à modifier le sel d'argent de la couche sensible ; la seconde serait due à une réaction de la couche sen- sible, qui produirait, avec un certain retard, une modification inverse de la couche sensible. Si l'on imagine, de plus, que la réaction, pro- duite en un point P de la couche sensible, puisse rayonner dans un petit cercle concentrique à P, la même explication conviendrait aussi aux maxima et minima d'impression, qui se peignent aux limites des pénombres sur les plaques photogra- phiques frappées par les rayons lumineux ou par les rayons X, et aussi sur la rétine frappée par les rayons lumineux. Elle conviendrait encore à une foule de phénomènes variés présentant une carac- tère oscillant *, 1 Sacxac : L'Optique des rayons de Rüntgen, p. 29-35. Paris, Gauthier-Villars, 1900. 2 G. SAGNAC, loc. cit. Les phénomènes oscillatoires peuvent d’ailleurs prendre naissance suivant d'autres mécanismes; chacun d'eux fournirait une hypothèse admissible pour expliquer le mécanisme de leur production. Une étude plus approfondie des particularités du phénomène, où notre théorie n'aura plus rien à faire, décidera quel est celui qui doit êlre définiti- vement admis. D'une manière générale, certaines particularités de l'allure générale d'un phénomène peuvent s’ex- pliquer par certains mécanismes communs à une foule de phénomènes divers, et de tels mécanismes seront fournis par les schémas généraux faisant l'objet de la théorie qui nous occupe. Un tel mode d'explication pourra d'ailleurs représenter la vérité elle-même, ou être seulement admissible au point de vue purement analytique : c'est à l'étude expé- rimentale de décider lequel parmi eux sera le vrai. On cherchera, par exemple, à mettre en évidence telle ou telle action destructive, prévue par des théorèmes généraux, à découvrir sa nature con- crèle, les conditions qui lui font prendre naissance; ou bien on cherchera à démontrer l'existence des résistances, variant suivant les lois prévues par ces théorèmes, ete. Ces recherches seraient expérimen- tales, mais ce sera la théorie générale qui en aura suggéré l'idée, qui les aura provoquées et qui aura bien le ,droit à une certaine part de mérite si ces recherches aboutissent à quelque chose d'intéres- sant. Ces exemples donnent une idée de la manière dont une telle théorie générale pourrait s'appliquer directement à des problèmes concrets. Celte théo- rie ne serait pas dénuée d’un certain intérêt philo- sophique par la généralité et le petit nombre de notions fondamentales qu'elle ferait intervenir. Tout cela justifierait bien la peine qu'on se donnerait à l'édifier, et à cet égard il y a lieu d'insister sur l’idée suivante qui se dégage de cet exposé : Ce sera probablement par le groupement de phénomènes divers suivant les analogies mathématiques qui existent entre eux, et par l'étude des schémas géné- raux lirés de chaque groupe ainsi obtenu, que pren- dra naissance cette branche de la Philosophie natu- relle, consistant dans l'étude des relations géné- rales entre les causes et leurs effets. Michel Petrovitch, Professeur de Mathématiques à la Faculté des Sciences de Belgrade. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 633 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Sencier (G.), Zngenieur des Arts et Manufactures,.et Delasalle (A.), /ngénieur, ancien élève de l'Ecole de Physique et de Chimie. — Les Automobiles Electriques. — 1 vol. 1n-8° de 400 pages, orné de 192 gravures, avec prélace de Cu. JEANTAUD. (Prix : 45 fr.) V'e Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901. Où en est la locomotion électrique? C’est la question que se posent bien des gens, qui, après avoir cru à son application générale et immédiate en voyant dessociétés comme la Compagnie générale des Voitures à Paris monter de grandes usines électriques et mettre de nom- breux fiacres en circulation, n'ont pas compris pourquoi, un beau jour, ces fiacres sont restés sous remise et ces usines se sont fermées. La vérité est, comme le dit dans sa préface M. Jean- taud, un maître en la matière, que « la voiture élec- trique est actuellement parfaite; que le moteur, à haut rendement, est presque sans usure; que le combinateur permet de faire varier les vitesses et la puissance du moteur dans des limites très étendues ; que les véhicules eux-mêmes, si critiqués dans leur forme dès leur appa- rilion, sont confortables. » Mais l'accumulateur qui fournit à la voiture l'énergie dont elle a besoin, qui, depuis 1881, époque à laquelle Faure l’a créé, avec ses six ampères-heure au kilogramme de plaques, avait jusqu'en 1898 gagné annuellement un demi ampère- heure, est depuis trois ans resté lamentlablement sta- tionvaire, et on n'a pas trouvé le moyen de faire de lui autre chose que cet organe lourd, cher d'achat et d’en- tretien, qui peut bien être employé pour la traction de luxe, mais ne peut devenir la base d’une exploitation commerciale quelconque. Qu'en revanche on trouve le moyen de remplacer le plomb par un métal moins coûteux et plus léger; que les renseignements sur le nouvel accumulateur d'Edi- son, au fer, au nickel et à la potasse caustique, soient confirmés et que les progrès s'affirment dans cette voie nouvelle ; ou, mieux encore, qu’on découvre cet appa- reil produisant directement de l'électricité et pouvant, sous un poids d’une centaine de kilogrammes, donner économiquement un courant de 3.000 watts, à la réali- sation duquel M. Jeantaud croirait volontiers, et la question change absolument de face. La voiture élec- trique voit commencer immédiatement pour elle l’ave- nir grandiose qui lui est certainement réservé, et dont l'ouverture seule reste indéterminée. Voilà pourquoi, loin de se désintéresser de la voiture électrique, il faut la suivre dans ses moindres détails. Et nous devons savoir gré à MM. Sencier et Delasalle de nous en avoir fort savamment et fort clairement expli- qué le mécanisme. Cette double tâche n’était pas aisée, car, si la voilure est simple d'aspect, de construction et de commande, les principes sur lesquels elle repose ne manquent pas de complexité. Et c’est toute une grande partie de la science électrique qu'elle met à contribution. Ce côté théorique est parfaitement tiré au clair, si bien que les personnes que n'intéresse pas la chose au- tomobile, mais qui désirent se familiariser avec la grosse question des accumulateurs et des dynamos, feront leur profit de l'ouvrage. Le côté automobile y est traité fort complètement et fort actuellement. Nous faisons allusion à la question, bien à l’ordre du jour, des voitures pétroléo-électriques. L'idée n'est pas nouvelle d'associer le pétrole et l’élec- icité dans la propulsion d'un automobile. Déjà, en 1899, on a pu voir à l'Exposition des Tuileries la voi- ture Pieper, dont nous avons entretenu nos lecteurs #. Depuis cette époque, la question n'avait pas progressé. Elle vient d’être reprise par les constructeurs des voi- tures de courses, qui, désespérant de pouvoir dépasser beaucoup, avec les systèmes actuels, les moyennes dès à présent réalisées (85 kilomètres à l'heure par la voi- ture Mors que pilotait M. Fournier dans la course Paris- Bordeaux), à cause de la fatigue que la transmission de l'effort moteur fait subir aux pneus des deux roues motrices, vont essayer de rendre motrices les quatre roues par l'adjonction à chacune d'un moteur électrique, alimenté par la génératrice qu'actionnera le moteur à pétrole. ï Ils sont en train de monter sur roues de véritables usines électriques, qui ne constitueront jamais que des véhicules d'exception. Mais de leurs efforts sortiront probablement quelques innovations dont profiteront les voitures pétroléo-électriques de tourisme, celles-là véri- tablement intéressantes. GÉRARD LAVERGNE, Ingénieur civil des Mines, 2° Sciences physiques Nietzki, Professeur à l'Université de Bäle. — Chimie des Matières colorantes organiques. Tra- duction de MM. Cnarzes VaucuEr, CamiLce Favre el AxrRen Guyot, Maïtre de Conférences de Teinture et Impression à la Faculté des Sciences de Nancy. Avec préfaces de MM. C. Frigoez et E. NŒLcniNG. — 1 vol. in-8° de 447 pages (Prix : 10 fr.). Carré et Naud, éditeurs. Paris, 1901. Tous ceux qui s'occupent de matières colorantes connaissent de longue date le Traité, si elair et si parfait dans sa concision, que M. Nietzki a fait paraître en 1889, comme tirage à part de son article sur les matières colorantes dans le Dictionnaire de Ladenbourg. Ce Traité en esl à sa quatrième édition à l'heure actuelle, et la traduction faite sur la troisième édition n'ayant pu, par suite de circonstances spécia- les, être publiée à l'heure voulue, M. A. Guyot l’a revisée et complétée sur la quatrième édition allemande. Cette œuvre est donc au courant de toutes les découvertes essentielles qui ont été faites dans le domaine si varié et si étendu des colorants artificiels. ; Après une introduction, où l’auteur fait une esquisse rapide de l’évolution de cette chimie spéciale dans le cours de la seconde moitié du siècle finissant, M. Nietzki parcourt rapidement chacune des onze classes de colorants, tout en insistant sur les faits fondamen- taux, sur les nolions de c/romophore en particulier, qui donnent à chacun de ces groupes son allure parti- culière. Un dernier chapitre est consacré aux colorants de constitution inconnue. Ce volume contient, en somme, tous les faits essen- tiels concernant les principaux types de colorants et rendra service non seulement aux lechniciens, mais encore aux hommes de science et aux débutants qui désirent s'initier à cette classe si intéressante de com- posés organiques. À. HALLER, Membre de l'Institut, Professeur de Chimié organique à la Sorbonne. 1 GérarD LAVERGNE : La deuxième Exposition internatio- nale d'Automobiles,.dans la Æevue géncrale des Sciences du 30 août 1899, t. X, n° 16, p. 61%. 634 Charabot (Eugène), Professeur à l’Institut commer- cial. — Genèse des composés terpéniques dans les Végétaux (Thèse de la Faculté des Sciences). — 4 broch. in-8° de 88 pages. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. M. Eugène Charabot, un jeune chimiste qui, depuis plusieurs années, publie sur les essences destravaux re- marqués, à soutenu récemment sa thèse de doctorat ès sciences physiques, intitulée : «Genèse des composéster- péniques dans les végétaux ». Sans aborder le problème purement biologique de la genèse histologique des essences, qui a été magistrale- ment traité par M. Guignard, M. Charabot s'est surtout proposé de suivre les variations de composition d’une essence donnée aux diverses époques de végétation de la plante mère. Les essences ne sont pas, en effet, des produits uni- ques, mais bien des mélanges de plusieurs principes immédiats. À l’aide d’ingénieuses méthodes analytiques, M. Charabot a pu déterminer les proportions de ces prin- cipes à plusieurs stades de la vie de la plante; ila égale- ment comparé, pour une même plante, l'essence fournie par les feuilles à celle que donnent les fleurs. Il arrive assez souvent que certains principes consti- tuants d'une même essence n’ont entre eux aucun rap- port chimique (par exemple, la fénone et l'anéthol de l'essence de fenouil); mais, dans la majorité des cas, ces principes peuvent être dérivés les uns des autres par des réactions régulières d'hydratation ou d’oxydation. C'est aux essences de ce genre que s’est adressé M. Cha- rabot, dans l'espoir d'expliquer les modifications de leur composition par les propriétés des divers tissus végétaux. Il à choisi cinq exemples : l'essence de bergamotte, celles de lavande francaise, de menthe poivrée, d’absinthe et de pélargonium species. Les deux premières sont formées de linalol partiel- lement éthérilié par l'acide acétique et d'un mélange de limonène et de dipentène, identique au produit obtenu par déshydratation du linalol. Elles contiennent aussi une certaine quantité d'acides gras libres. L'essence de bergamotte préparée avec des fruits mûrs contient moins d'acides libres et une plus forte propor- tion d’éthers que l'essence de fruits verts; elle est aussi moins riche en linalol total et plus riche en terpènes. L'essence de lavande s'enrichit en éther jusqu'au moment du complet épanouissement dé la fleur et s'ap- pauvrit ensuite. l'essence de pélargonium subit une modification analogue. L'essence de menthe contient du menthol, éthérifié en partie, et son produit normal d’oxydation, la men- thone, qui devient de plus en plus abondante, au fur et à mesure que la plante se développe et fleurit. Cette acé- tone se rencontre surtout dans les fleurs, organes d'oxy- dation très active : l'essence de feuilles en contient au contraire fort peu. L’essence d’absinthe est formée d'un alcool, le thuyol, de ses éthers et de l’acétone correspondant, la thuyone. Elle se comporte différemment des précédentes : on trouve, en effet, que, pendant la période de végétation active, la proportion de thuyone a diminué. Le travail de M. Charabot constitue une tentative neuve et originale dont il y a lieu de lui être reconnais- sant. 1l ne nous a pas montré par quelles réactions chi- miques les essences prennent naissance dans les cel- lules des plantes, mais nous lui devons de savoir quelles modilications elles y subissent une fois formées. L. BouveauLr, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Nancy, Chargé du Cours de Chimie organique. Jacquemin (Paul). — Guide historique et pratique de l'Opticien. — 1 vol. in-8° de 99 pages de la Petite Encyclopédie scientifique et industrielle. Prix : 1 fr. 50). Æ. Bernard et Cie, éditeurs. Paris, quai des Grands-Auqustins, 1901. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Lagatu (H.), Professeur de Chimie à l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. — La Fumure inten- sive et économique de la Vigne. — { vol. iu-8° de 100 pages. (Prix : 2 fr. 50). Bureaux du Progrès agri- cole. Montpellier, 1901. M. Lagatu à publié tout dernièrement un volume sur l'Analyse des terres et son utilisation agricole. Dans cet ouvrage, qui nous a vivement intéressé, l’auteur dit, avec raison, que l'analyse du sol suggère les modifica- tions susceptibles d'améliorer l’état actuel de la terre arable. Parmi ces améliorations possibles, il en est qui consistent précisément à ajouter au sol, sous une forme appropriée, les éléments dont la quantité paraît insuffi- sante et, en outre, à établir, entre tous les aliments, les proportions relatives qui permettent à chacun de jouer son rôle. L'analyse du sol conduit ainsi logiquement à l'étude de ce que l’on appelle la fumure. L’engrais n’est, en effet, que la matière alimentaire utile au végétal cultivé et qui manque au sol. Le travail de M. Lagatu sur la Fumure de la vigne est, en réalité, le complément de son précédent ouvrage. Comme l'indique clairement le titre choisi par l’auteur, il s’agit uniquement de la vigne et surtout des vignobles méridionaux. M. Lagalu part du principe suivant : « Pour chaque vignoble, en tenant compte de toutes les conditions du milieu cultural, il y a une fumure plus économique que toute autre, c'est-à-dire utilisant, avec un bénéfice plus grand et plus sûr, l’argeut dont on dispose pour fumer le vignoble. » L'auteur passe en revue les diverses catégories de terrains dont la fumure doit varier avec la composition et la nature physique du sol. C’est ainsi qu'il distingue : 1° La fumure des terres franches calcaires ; 20 La fumure des terres fortes calcaires ; 30 La fumure des terres légères calcaires; 4° Les terres non calcaires ; 5° Les terres un peu calcaires; 6° Les terres trop calcaires ; 1 Les vignes de coteau. Les vignes de qualité ; 8° La succession des fumures. La question du fumier. M. Lagatu s'appuie constamment sur les résultats fournis par l'expérience, résultats qu'il commente avec discernement et une connaissance approfondie du sujet qu'il traite. Nous sommes persuadé que nos viticulteurs feront bien de lire cet excellent travail qui fait le plus grand honneur à l’auteur et à l'Ecole de Montpellier où M. Lagatu professe la Chimie agricole. D. ZorLa, Professeur d'Economie rurale à l'Ecole Nationale d'Agriculture de Grignon. Bouin (M.), ?réparateur à la Faculté des Sciences de Nancy. — Histogenèse de la glande génitale femelle chez Rana temporaria L. (J'hèse de la Fa- culté des Sciences de Nancy). — 1 br. in-8 de 182 pages avecplanches. Imprimerie Vaillant-Carmanne, Liége, 1901. Il n'existait en France, il y a quelques années, que deux formes possibles de thèse de doctorat ès sciences en Zoologie : le travail de faune et le mémoire d'ana- tomie zoologique. Celui-ci, pour avoir droit à tous les éloges, devait à son tour satisfaire à l’une ou à l’autre de ces deux conditions : ou bien parcourir, d'un train d'enfer, tout un groupe de la série zoologique, en s'ar- rèlant au plus grand nombre possible de types, ce qui ne laissait pour chacun d'eux que quelques instants d'arrêt; ou bien décrire, sinon exactement et minutieu- sement, du moins complètement, la morphologie d'un type (anatomie, histologie, embryologie\ avec un cha= pitre spécial pour le système nerveux et une figure dans un coin représentant les zoospermes de l'animal. RP PP EN PRE CES SU ER ER RR E ET BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX Des dissertations telles que celle de M. Bouin n'auraient pas passé pour des travaux de Zoologie; histologie ou embryologie, ce sont là les deux seules rubriques sous lesquelles on aurait songé à les désigner. Le Mémoire de M. Bouin représente dignement une forme relativement récente de thèse zoologique, sans doute plus propre que toute autre à faire avancer la solution des grands problèmes que la Zoologie se pro- pose. La limitation du sujet traité fait le mérite même du travail. Une seule espèce est étudiée : la /?ana tempora- ria; mais la valeur d’un travail zoologique ne se mesure pas au nombre des espèces observées. Un seul organe, la glande génitale femelle, est examiné; mais un tra- vail, pour être anatomique, n’a pas besoin de s'occuper à la fois du testicule et du poumon. L'histogenèse seule dé cet organe a fourni la matière d'un important Mémoire. Elencore, du développement de la glande génitale femelle, les deux premières périodes seules ont-elles été passées en revue; mais l'embryo- logie étant une histoire, on sait (oujours où l’on s’arrète et à partir de quel moment l'étude devra être reprise. M. Bouin a parcouru deux périodes seulement de cette histoire : celle qui s'étend de la toute première appa- rition de l'ébauche génitale jusqu'à la différenciation des ovules primordiaux (stade de l'ébauche génitale primordiale); celle qui débute avec la différenciation des ovules primordiaux et qui prend fin au moment où se différencient les premiers ovocyles (stade de la glande sexuelle primitive), Trois chapitres principaux composent ce Mémoire : le premier, pour l’ébauche génitale primordiale; le second, pour la glande sexuelle . primitive; le troisième, pour les phénomènes (ovogenèse proprement dite) qui marquent le passage de la glande sexuelle primitive (2° période) à la glande sexuelle jeune (3° période). Bon nombre de faits intéressants et nouveaux sont sigualés dans cette étude. C'est d’abord l'apparition de l’'ébauche génitale pri- mordiale sous forme d’une masse cellulaire impaire et médiane, tandis qu'on croyait auparavant, faute d’avoir étudié des stades suffisamment jeunes, à la parité de l'ébauche génitale. Les grandes cellules sexuelles pri- mordiales et les petites cellules germinatives qui com- posent cette ébauche proviennent des cellules périto- néales de la zone génitale, aussi bien que de cellules mésenchymateuses transformées par autodifférencia- tion ; elles ne dérivent nullement des éléments du rein céphalique ou du corps de Wolff. La diversité d'origine des cellules génitales va à l'encontre de la doctrine de la spécificité cellulaire. Elle tend aussi à remplacer la notion purement morphologique de l'organe génital, par celle, bien plus physiologique, de la zone ou région génitale, pouvant être composée d'éléments de nature différente, mais pareillement influencés et par suite évoluant dans le même sens. Les grandes cellules sexuelles, au cours de leur évolution, accumulent d’a- bord, assimilent ensuite du matériel deutoplasmique (plaquettes vitellines); après quoi, on peut ls appeler ovules primordiaux. La phase d'activité glandulaire par laquelle elles passent alors est homologue à la phase d'accroissement qui précède les divisions réduc- trices des cellules sexuelles; elle mérite donc le nom de période préparatoire aux divisions équationnelles des œufs primordiaux. Pendant cette phase, il n'y à aucun signe d'activité proliférative de ces cellules, ce qui permet d'opposer la forme reproductrice de l’acti- vité cellulaire à la forme sécrétrice. Dans la période de la glande sexuelle primitive, les ovules primordiaux augmentent d'abord, puis dimi- nuent de nombre. La diminution est due à l'expulsion d’un grand nombre de ces éléments, à une véritable ponte d'ovules primordiaux, comparable à celle des ovocytes adultes. La glande sexuelle s'édifie pendant ce temps par la formation du stroma conjonctif et des cordons médullaires fournis par du tissu mésenchy- mateux périwolffien immigré dans l’ébauche génitale. 635 A ce moment, le sexe peut êlre déjà déterminé par plusieurs caractères histologiques différentiels. A propos des corps adipeux, l'auteur confirme leur genèse aux dépens de la partie antérieure de l’ébauche génitale primordiale, partie se distioguant du reste par l'absence d'ovules primordiaux. Il émet, au sujet de leur signification, l'ingénieuse hypothèse qu'il pourrait s'agir d'organes représentant dans leur ensemble les cellules interstitielles des glandes géuitales des Verté- brés supérieurs, ici séparées de la partie sexuelle. Quant à l'ovogenèse proprement dite, c'est-à-dire à la transition de la deuxième période à la troisième, l'auteur établit que les nids d'ovogonies naissent aux dépens des ovules primordiaux, que, dans ces nids, un certain nombre d'ovogonies dégénèrent et disparaissent, sans se transformer, comme on l'a admis, en cellules de la granulosa. L'épithélium folliculaire se forme aux dépens de l'enveloppe épithéliale du follicule primordial, issu lui-même des petites cellules germinatives. Ce lroi- sième chapitre contient une description de faits cytolo- giques dans le détail desquels je ne puis entrer, et sur lesquels l’auteur se propose de revenir ultérieurement. On voit, par ce trop rapide aperçu, que les faits inté- ressants ne manquent pas à ce travail, et que l’auteur en a su tirer tout le parti théorique qu'ils comportaient. Ce Mémoire fait honneur à la fois à son auteur et à l'Université d'où il sort. Tout en étant exclusivement embryologique et cytologique, il demeure une très bonne thèse de Zoologie. A. PRENANT, ; Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. 4° Sciences médicales Vallery-Radot (René). — La Vie de Pasteur. — 1 vol. in-8° de 692 pages, avec un portrait. (Prix : 1 {r. 50). Hachette et Cie, éditeurs, 1901. Si, comme le dit Carlyle, l'histoire universelle est, essentiellement, l'histoire des grands hommes qui ont travaillé ici-bas, « toutes les choses que nous voyons accomplies étant le résultat matériel extérieur, la réalisation pratique et l'incarnation des pensées qui habitèrent dans les grands hommes envoyés en ce monde », le xix° siècle finissant n'aura pas légué au siècle qui commence un plus noble et plus profond livre d'histoire que cette Vie de Pasteur, ni un plus glorieux exposé de ses titres à la reconnaissance de tous les siècles. Il y montrera, en effet, en face des grands hommes d'action dont on ne peut décider encore, après cent années, s'ils ont fait à leur patrie plus de mal que de bien ou plus de bien que de mal, dont on peut être assuré toutefois que le bien mème, c’est au détriment du reste de l'humanité qu'ils le firent à leurs frères les plus proches, — ily montrera, dis-je, l'image d'un homme en qui se résument, sans louches mélanges, toutes les grandeurs intellectuelles et toutes les grandeurs morales de son temps; dont on peut confronter sans crainte la vie avec l’œuvre, et dont la bienfaisance, égale au génie, après avoir été l'honneur et l'inestimable fortune de son pays, s'étend et ne cessera plus de s'étendre au genre humain tout entier. Ce livre, nul n'était plus désigné pour l'écrire, d'une main plus pieuse et plus sûre, que M. René Vallery- Radot. Dès 1883, il avait, sous les yeux de son illustre beau-père, composé l'ouvrage intitulé : Histoire d'un Savant par un Ignorant, un chef-d'œuvre de vulgarisa- tion, devenu populaire. Dix ans plus tard, il publiait le compte rendu officiel des inoubliables fêtes du Jubilé. Et, jusqu'au dernier jour, il n’a cessé d'être le témoin de la vie du Maitre, lui vouant toute la sienne avec un oubli de soi-même que j'ose à peine rappeler, tant est sincère et délicate la modestie avec laquelle il se plait à s'effacer dans le rayonnement d'une telle gloire. Mais l'ouvrage qu'il y aura consacré, sans s'y nommer une seule fois, n’en sera pas moins pour lui un titre de gloire personnelle. C'est par cet ouvrage, écrit dans la langue la plus pure, la plus classique, la mieux assurée 636 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX contre les variations de la mode littéraire, que la pos- térité apprendra à connaître Pasteur; et cette biographie ne sera pas plus séparable de son œuvre scientifique que la Vie de Blaise Pascal par M°° Périer, sa sœur, ne l'est de toute édition des Provinciales et des Pensées. L'auteur y mène de front le récit des événements intimes et celui des découvertes. De ces découvertes, je ne saurais parler avec assez de compétence. Pour- tant, cette incompétence même ne m'autorise-t-elle pas à dire combien, dans le livre de Vallery-Radot, elles apparaissent, füt-ce aux profanes, dans leur clarté entière el leur merveilleux enchainement ? Un jour, à l'Ecole Normale, comme le jeune Pasteur éludiait la Cristallographie avec l’un des maîtres de conférences, M. Delafosse, élève d'Haüy, une note du minéralogiste allemand Mitscherlich, récemment com- muniquée à l'Académie des Sciences, lui tombe sous les yeux. Ce savant y affirmait à la fois l'identité molé- culaire absolue et cependant la dissemblance du carac- tère optique entre deux combinaisons : le paratartrate et le tartrate de soude et d’ammoniaque. De cette note, que, cinquante ans plus tard, Pasteur pouvait encore réciter dans son texte, toute sa vie scientifique devait sortir. Entre les deux conclusions de Mitscherlich, la contradiction lui apparaît, flagrante. S'il les fallait admettre, toutes ses croyances en seraient troublées, renversées. Cette difficulté s'enfonce dans son esprit avec la ténacité d'une idée fixe, — et, quatre ans plus tard, en 1848, la difliculté est résolue pas sa décompo- sition de l'acide paratartrique en acide tartrique droit et acide tartrique gauche, qui fait exalter de joie le vieux Biot et qui produit dans tout le monde savant une émotion considérable. Est-ce un simple chapitre ajouté à la Chimie ceristal- lographique? Non, c'est l'apparition d'une grande loi, aux conséquences infinies, que Pasteur, le premier, formule en ses études sur la dissymétrie moléculaire. Il y touche le mur infranchissable qui sépare la Nature morte, c'est-à-dire les espèces minérales et les produits artificiels, tous à image superposable, non dissymétri- ques, sans influence sur la lumière polarisée, — et les produits des végétaux et des animaux, tous doués de cette dissymétrie qui se traduit au dehors par le pouvoir de déviation du plan de polarisation. Et de ce point de départ se déduiront, avec la plus surprenante logique, toutes les recherches de Pasteur. D'abord, la Chimie et la Physique cristallographiques l'ont conduit à la Chimie de la Nature vivante. Puis, il voit la dissymétrie moléculaire intervenir dans un phénomène physiologique, lorsque l'opposition dans les propriétés des deux acides tartriques droit et gauche lui apparaît dans toute son évidence, au moment où interviennent des conditions de vie et de nourriture d'un être organisé tel que la graine de cette petite moisissure verdàtre, le Penierlium glaucum. Et le voilà amené à l'étude des infiniment petits de la vie, au renversement des théories de Liebig et de Berzelius sur la fermentation, à la preuve que ce phénomène est toujours sous la dépendance d'un être microscopique et vivant. Désormais, pour employer une éloquente parole de M. Gaston Paris dans son éloge de Pasteur à l'Aca- démie française, «un nouveau règne de la Nature » est trouvé, « celui des êtres invisibles et partout présents, animaux et surtout végétaux, qui tissent et défont sans relâche la grande trame de la vie plané- taire ». Car les « microbes », pour employer le mot vul- gaire, Pasteur nous les fera voir présidant à toùs les phénomènes de la vie et de lamort. Il terrassera, par des expériences décisives, les partisans de la génération spontanée, et découvrira les corpuscules de la pébrine des vers à soie. Les études sur les ferments du lait, du vinaigre, de la bière, du vin, le couduiront, par un fil magique, aux grandes découvertes de Biologie médi- cale, à ces fermentations morbides et d’origine micro- bienne que sont le charbon, la septicémie, le choléra des poules, Eufin, l'étude des maladies virulentes l'amè- | À nera à ce qui marquera l'apogée de son génie : la théorie et la pratique de l'atténualion des virus, aux conséquences incalculables, dont le traitement de la rage n'aura été que le prélude. Tel est le plan de la carrière scientifique de Pasteur, dont M. René Vallery-Radot nous développe la splen- dide ordonnance. Mais il fait plus et mieux : il nous apprend à connaître l’homme ainsi qu'il l’a connu, et il nous amène à penser, sans avoir eu besoin de nous le dire, que c’est des hautes vertus de l’homme que le génie du savant est sorti, que la vie morale a été pour lui — sil'onme permet cette image —comme leferment de la vie intellectuelle. De cette vie morale, l’auteur va chercher les racines profondes en cette femme enthou- siaste et tendre que fut sa mère, et en ce père, vieux soldat de Napoléon, travailleur infatigable, presque sans culture, mais avide de savoir, et qui donne à son fils cette règle de vie : « Regarder en haut, apprendre au delà, s'élever toujours. » A elle il devra son imagi- nation ardente, à lui sa patience obstinée dans l'obser- vation. M. Vallery-Radot nous conduira ensuite au Col- lège d’Arbois, au Collège royal de Besancon, à l'Ecole Normale, et de là, d'étape en étape, jusqu'à cette sorte d'apothéose que décerna au grand homme la reconnais- sance du monde civilisé. Tour à tour nous aurons vu, à côté du Savant et du Maitre, le fils, l'ami, l'époux, le père, l’aieul admirables, le citoyen et le patriote dont l’âme saigne aux désastres de la patrie. Si aucune des plus hautes émotions du cœur ne lui fut inconnue, pas une seule des nobles curiosités de l'esprit ne lui fut non plus étrangère. À treize ans il peignait des portraits remar- quables, qui annoncaient un artiste; et deux ou trois ans avant sa mort. l'une des rares fois que j’eus l’hon- neur de le rencontrer et d'échanger avec lui quelques paroles, ce fut un dimanche, au Musée du Louvre, où il conduisait ses enfants et sa petite-fille, devant des chefs-d'œuvre. A Ja littérature, il faisait une place à part : il la regardait « comme la directrice des idées générales ». Jeune homme, quand il quittait une heure le laboratoire, c'était pour suivre, à la Sorbonne, les cours d'Hippolyte Rigaud ou de Saint-Marc Girardin; il ne perdit pas une seule des leçons de Sainte-Beuve, et il savait par cœur les Méditations de Lamartine. Vieillard, il avait gardé toute cette ferveur d'admira- tion pour les écrivains, les orateurs et les poètes : et sa place ne parut pas moins marquée à l’Académie française qu'à l'Académie des Sciences et à l'Académie de Médecine. En un mot, dans le plus magnifique équi- libre de toutes les facultés, il avait réalisé en lui l'homme intégral. Que dire de son action de parle monde ? L'Acriculturé et l'Industrie lui doivent de telles sources de richesses que Huxley pouvait écrire : « Les découvertes de M. Pasteur suffiraient, à elles seules, pour couvrir la rancon de guerre de cinq milliards payés à l'Allemagne par la France. » Et le savant anglais eût pu ajouter que, en écartant le fléau de la septicémie et de la fièvre puerpérale, en ouvrant à la Médecine, par ses études sur les maladies contagieuses et l’atténuation des virus, le champ presque illimité de la prophylaxie, il avait sauvé et prolongé beaucoup plus d’existences que n’en avait pu détruire la guerre. Cette Vie de Pasteur, où M. Vallery-Radot a con- centré tant de purs exemples, tant de hautes pensées, tant de principes d'action et tant de motifs d'espérance dans l'avenir de la race humaine, me semble l’un de ces ouvrages essentiels qu'aucun homme cultivé n’a le droit de ne point connaitre. S'y plonger, pendant les {rois où quatre jours que demande sa lecture, c'est faire une de ces retraites spirituelles, si réconfortantes et si fécondes, que la complexité et l'agitation de la vie contemporaine ont rendues à la fois plus difficiles et plus nécessaires que jamais. Et l'on n'en sortira point sans avoir associé à une immense gratitude pour le héros du livre, celle que l'on doit à l'écrivain et au filial disciple qui lui a élevé ce monument. AUGUSTE DOoRCHAIN. RE EE SES te es à on Éd ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 637 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS CS? sur une amine primaire. — MM. L. Maquenne et Séance du 10 Juin 1901. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler recherche s'il existe un domaine de convergence de la série de Bernoulli. Il montre que cette série possède une étoile de convergence, mais qui diffère essentielle ment du cercle de convergence de la série de Taylor. — M. E, Vallier communique ses recherches sur les intégrales eulériennes incomplètes de deuxième espèce et sur les intégrales définies de ces fonctions elles- mêmes. — M. E. Phragmen démontre que le domaine de convergence de l'intégrale infinie : 1 F (ax) ea da 0 possède toujours l’une des deux propriétés qui, d'après la définition de M. Mittag-Leffler, caractérisent une étoile. — M. J. Boussinesq met en équation les phé- nomènes de convection calorifique dans les fluides et en tire quelques considérations sur le pouvoir refroi- dissant de ces derniers. — M. Rabut signale deux cas où, malgré la transformation inévitable du diagramme qui se produit dans l'enregistrement d'un mouvement oscillatoire, on peut en déduire avec une rigoureuse exactitude certaines quantités utiles parce que celles-ci sont des invariants de la transformation considérée. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Ponsot démontre que les lois de Gay-Lussac relatives aux combinaisons chi- miques effectuées à l’état gazeux sont seulement ap- prochées, quelle que soit la grandeur de la pression. Le volume d'un composé gazeux dissociable est plus petit que le volume du mélange de ses composants séparés par la dissociation. — M. D. Negreano a cons- taté que, si l’on réunit directement l’un des pôles de l'excitateur d’une machine Wimshurst à un bout d’un fil métallique tendu, isolé et contenu dans un tube, l'autre pôle de la machine étant au sol, le fil métal- lique effectue des vibrations transversales. — M. Ch. Pollak a poursuivi ses recherches sur l'emploi de plaques d'aluminium plongées dans un électrolyte comme redresseurs de courants; il est arrivé à pré- parer des plaques pour 200 volts, avec un rendement de 75 à 80 °/,. Il est bon que la température ne s'élève pas au-dessus de 40°. — M. G. Léon indique le prin- cipe d'un grisoumètre basé sur la différence de résis- tance électrique de deux fils de platine chauffés vers 14000 par le même courant et placés l'un dans le grisou, l’autre dans l'air pur. L'appareil se prête au dosage de tous les gaz combustibles. — M. F. Gornes- siat communique le résumé des observations météoro- logiques qu'il à faites à Quito, depuis le moment ou il a pris la direction de l'Observatoire. — M. H. Pélabon a étudié expérimentalement l’action de l'hydrogène sur le sulfure de mercure et la réaction inverse du gaz sulfhydrique sur le mercure, conduisant à un système de quatre corps volatils. Les résultats concordent assez bien avec les valeurs déduites des lois de la mécanique chimique. — M. Recoura, en faisant réagir l’hydrate de cuivre sur les sulfates métalliques, a observé qu'il se combine avec la même quantité de tous les sulfates éludiés, le sulfate de nickel excepté, pour donner des composés 3CuO(MO,S0*), correspondant au sulfate 3Cu0(CuO,S0®) qui se produit dans les mêmes condi- tions, — M. M. Delépine a préparé les éthers imidodi- thio-carboniques RAz—C(SR'} en faisant réagir les iodures alcooliques sur les thiosulfocarbonates SC (AzHR)SAzH'R, provenant eux-mêmes de l'action de G. Bertrand ont déterminé la constitution des deux tétrites actives qu'ils ont préparées isolément. Ce sont les deux antipodes optiques de l’érythrite. L'une, qui dérive du xylose, est la Zérythrite, l'autre est la d-6ry- thrite. — M. M. Berthelot a éludié le titrage, à l’aide de divers colorants, des acides et alcalis à fonctions complexes; ses recherches ont porté sur : le glycocolle ou acide amidoacétique, la leucine ou acide amido- caproique, les trois acides amidobenzoïques, l'acide aspartique, l'acide urique, l'acide hippurique et la tau- rine. — M. H. Guillemard a employé l'acide silico- tungstique comme réactif des alcaloïdes de l'urine. Il a constaté que le brightique élimine moins d'azote alca- loïdique par le rein’ que l’homme bien portant; le régime lacté provoque au début une débäcle d'azote alcaloïdique. — M. E. Fleurent présente un appareil, nommé gliadimètre, destiné à déterminer la valeur boulangère des farines de blé d’après la variation de densité que fait subir à une liqueur alcoolique conve- nable la dissolution de la gliadine des farines. 39 SCIENCES NATURELLES. — M, R. Cambier a constaté que le bacille typhique possède la propriété de tra- verser une bougie de porcelaine suffisamment poreuse; on peut ainsi le séparer des eaux et des selles. — M. Marage, en réponse à une note de M. P. Bonnier, précise ses recherches expérimentales sur les otolithes de la grenouille; il se borne à signaler les faits observés sans tenter d'explications théoriques préma- turées. — M. C. Viguier a poursuivi ses observations sur la parthénogénèse des Oursins et confirme ses pré- cédentes observations. Il montre que le risque d'une fécondation intra-ovarique doit être écarté, et que celui de fécondation par des spermatozoïdes apportés par l'eau des expériences est insuflisant pour expliquer tous les développements qui se produisent. — M. A. Billet a observé, .dans le cycle évolutif de l’hémato- zoaire du paludisme, un stade grégariniforme. Il se rencontre dans le cours de la multiplication par voie endogène ou asexute, entre le stade du début et le stade final. — M. Louis Léger a étudié la morpho- logie des éléments sexuels chez les Grégarines Stylo- rhynchides. — M. de Lamothe a reconnu que les sys- tèmes de terrasses de l’'Isser, de la Moselle, du Rhin à Bâle et du Rhône à Valence sont entièrement compa- rables et même superposables. Cette formation doit être attribuée, dans ces quatre bassins, à une succes- sion de mouvements eustatiques alternativement posi- tifs et négatifs, mais dont la résultante a été négalive. — MM. L. Duparc et F. Pearce ont étudié les gabbros à olivine en relation avec la koswite du Kosswinsky- Kamen (Oural). Le feldspath y est rare. La roche pré- sente généralement des phénomènes dynamiques in- tenses. — MM. C. Girard et F. Bordas ont analysé des travertins provenant des bassins de quelques sources de Vichy. Ils contiennent les mêmes éléments que les eaux, mais en proportions différentes. Les matières ainsi perdues par les eaux expliquent pourquoi les eaux en bouteille ont souvent une action moins efficace qu'à la source même. Louis BRruNEt. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 25 Mai 1901. M. A. Mossé a reconnu que, dans le diabète, la diminution de la glycosurie et l'amélioration consé- cutive à l'alimentation par les pommes de terre ne provient pas d’une transformation insuffisante de la 638 matière hydrocarbonée de celles-ci dans le tube digestif. Elle paraît dépendre : 1° de ce que les pommes de terre introduisent dans l'organisme une plus grande quantité d'eau; 2 de ce que les matières hydrocar- bonées de ces tubercules sont beaucoup mieux uti- lisées qu'on ne le croyait. — M. H. Coupin a constaté que les composés du fer ont, pour les végétaux supé- rieurs, une toxicité très différente suivant leur compo- sition ; les composés du plomb et de l'uranium ont une toxicité moyenne. — M. Bruandet a ligaturé l'utérus sravide du cobaye à diverses époques de la grossesse ; au premier tiers, le fœtus se résorbe ; au second tiers, il se momilie; au troisième tiers, il se macère. — M. Y. Manouélian a étudié la structure de la circon- volution de l’hippocampe. — M. N. Vaschide a observé l'influence des crises hystériques sur l'olfaction. Avant les crises, il y à une légère hyperesthésie, qui disparaît pour revenir à l'état uormal, avant même que la crise soit complètement fixée. — M. A. Sicard rappelle qu'il a, le premier, publié des expériences d’injections extra- durales par la voie sacro-coccygienne. — M. H. Coupin montre que le protoplasma à l’état de vie ralentie résiste toujours plus à l’action nocive des agents chi- miques que le protoplasma à l'état de vie active. — MM. G. Carrière et Leclereq ont obtenu des résultats très satisfaisants dans le traitement de la chorée de Sydenharm par l’antipyrine à dose suffisante. — M. Bro- card a obtenu l’analgésie par la méthode des injections épidurales de Sicard dans certaines affections d'ordre médical : sciatiques, zona, douleurs fulgurantes, lum- bago: Il insiste sur quelques particularités anatomiques et physiologiques de la méthode. — M. J.-V. Laborde montre que, pour produire avantageusement l'analgésie locale par la cocaïne, il faut injecter directement la substance sur les éléments vasculaires des circulations locales, de facon à déterminer l’analgésie dans un champ opératoire plus ou moins limité, en évitant les effets généraux consécutifs à l'absorption intra-vascu- laire et les dangers qui s’y attachent. — M. Hallion conteste le mécanisme de l'anesthésie cocaïnique (par action vaso-constrictive) adopté par M. Laborde. — M. Ad. Javal à constaté que, pendant la dénutrition, l'absorption de NaCl joue vis-à-vis des albuminoïdes un rôle de préservation et empêche l'excès de leur désassimilation. — M. Jacobson est parvenu à réaliser une septicémie expérimentale chez le lapin et la souris par l'inoculation du coccobacille de Pfeiffer. — M. G. Milian a constaté que le sang de la fin d'une hémorragie a une coagulabilité plus grande et plus parfaite que le sang du début de l’hémorragie ; il s'agit d’une action locale, due à l'accumulation de substance coagulante. — MM. Th. Tuffier et G. Milian montrent que l’obten- tion d'un liquide rouge vif dans une ponction lombaire permet d'affirmer l'existence d'une abondante hémor- ragie méningée. — MM. A. Pitres et J. Abadie signalent des faits qui prouvent que les effets de l’analgésie cocaïnique sont principalement dus à l'im- prégnation des racines postérieures, irrégulièrement et inégalement atteintes par l'injection poussée à des niveaux et profondeurs variables. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 21 Juin 1904. M. E. Carvallo développe une théorie de la dispersion des couleurs, exposée vers 1860 par de Sénarmont, et reprise par M. Ricour au Congrès de 1900. L'hypothèse est la périodicité de l'éther identique à celle du réseau moléculaire ; la méthode est celle des différences finies; le résultat est une formule à deux constantes seule- ment, très semblable à celle de Baden-Powell, savoir : }, longueur d'onde dans le vide, n, indice de réfraction, ; eu A) x sinh=—=Xx ji, : À l b,k,con-tantes É période moléculaire). ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES M. Ricour a obtenu une vérification assez satisfaisante de cette formule avec les déterminations de M. Mascart sur le quartz, de la raie A (À — 76044) à la raie P (À 336%), En adoptant pour la période moléculaire - — 25%0,233, il trouve pour À sin = un nombre assez constant dont le logarithme varie seulement de 2,0845 à 2,0847. M. Carvallo étend la comparaison de la formule à ses déterminations sur l’'infrarouge et à celles de M. Sarazin sur l'ultraviolet (À = 217184 à 202"), Il trouve une variation tout à fait inadmissible de la prétendue constante, savoir 2,0802 à 2,0850. M. Carvallo montre ensuite que l'écart n'est certaine- ment pas dû à un choix défectueux des constantes par l’artifice suivant : il construit la courbe qui a pour ù l coordonnées log ; devrait être superposable à la courbe type dont les et log n. D'après la formule (1), elle . X coordonnées sont log sin x et log ER et cela par deux translations suivant les deux axes. Ces translations, égales à log Æ et log = constantes 2 et Æ. Tandis que la courbe type est con- cave vers le haut dans toute son étendue, la courbe du quartz est concave vers le bas pour les grandes lon- gueurs d'onde. La superposition est donc impossible et la théorie doit être rejetée. Les deux courbes sont pro- jetées devant la Société, à l’aide de deux clichés, dont l’un est fixe et l’autre mobile pour montrer la tentative infructueuse de superposition. — M. J. de Rey- Païlhade présente quelques considérafions sur la décimalisation du quart de cercle. On emploie actuelle- ment deux systèmes de notation des grandeurs angu- laires : 1° Celui des degrés, minutes et secondes d’are, datant des Chaldéens, en usage dans la marine, avec le nœud où mille qui correspond à la minute d'arc de méridien terrestre; 2° Celui de la division du quart de cercle en 100 grades, suivi depuis plus d'un demi- siècle par le Service géographique de l'Armée française. Le centigrade-are correspond au kilomètre au niveau moyen des mers. Le second système étant plus avanta- geux que celui des degrés, M. de Rey-Pailhade propose d'inscrire dans les deux systèmes les valeurs angulaires, par exemple : feraient connaître les deux 1901795 (916,346) Par ce procédé très simple, le Bulletin de la Société française de Physique fera connaître et apprécier les avantages du système décimal et préparera insensi- blement les esprits à la réforme proposée parles auteurs du système métrique. M. H. Pellat dit qu'on emploie déjà les dixièmes et centièmes de degré pour simplifier les calculs ; il est encore plus rationnel d'employer les grades. Mais s’il est tout à fait partisan de la décima- lisation des angles, il tient à faire toutes ses réserves au sujet de la décimalisation du temps. M. Deslan- dres dit que ces deux questions sont connexes en Astro- nomie, de sorte qu'il faudrait faire les deux réformes en même temps. M. Pellat répond à cela que si l’on touche à la seconde, on doit modifier les unités du système C. G. S. quelques années seulement après qu'une loi a sanctionné en France l'usage des unités pratiques dérivées de ce système. M. de Rey-Pail- hade tient, pour faciliter le succès des deux réformes, à ne faire d'abord que celle des unités angulaires. IL n'est pas de l'avis de M. Deslandres en ce qui concerne la connexion des deux réformes : ce n'est pas le temps, ce sont les angles qui jouent le rôle le plus important en marine ; c'est ce qu'a montré le comman- dant Guyou en faisant construire des « tropomètres », appareils qui déterminent la position du Soleil sans faire intervenir le temps. M. Deslandres rappelle qu'il a proposé, il y a quelques années, de conserver l'heure, unité à laquelle trop de personnes sont accou- tumées, et de la diviser décimalement; la circonférence t ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 639 serait divisée en 240 parties, de sorte que, par exemple, on aurait l'heure d’un lieu sur la carte à la seule ins- pection du lieu. La modification du système C. G. S. ne serait contre cette réforme que l'argument des seuls physiciens et ingénieurs, c'est-à-dire d'une minorité. M. Lauriol fait remarquer que l'emploi pratique simul- tané de l'heure et de la seconde introduit à chaque iustant les facteurs 60 et 3.600, dont il serait commode de se débarrasser. Ce serait encore un avantage de la réforme proposée par M. Deslandres. M. de Rey- Pailhade ajoute que la centième partie du jour serait voisine de notre quart d'heure, de même que le centième de grade du méridien terrestre vaut un - kilomètre. M. Deslandres dit que le Congrès récent des d ( } } à Académies s’est déjà occupé de la question et que l'on doit s'attendre à ce qu'un Congrès international la résolve. — M. G. Sagnac présente des expériences avec le biprisme et les glaces argentées de Jamin. 1. Nouvelles franges d'interférence dues ‘à la lumière rélléchie par un biprisme de Fresnel. Une fente éclai- - rante envoie la lumière sur la face en biseau d'un biprisme de Fresnel dont les arêtes sont parallèles à la fente. Au lieu d’un seul système de franges que don- nerait le biprisme par transmission, on en voit, dans la lumière réfléchie, deux et même trois (quand les deux - premiers sont assez voisins pourinterférer). Ces trois sys- tèmes de frauges sont projetés devant la Société à l’aide d'un biprisme dont la face plane a été argentée pour augmenter l'intensité des faisceaux interférents, qui sont tous les trois réfléchis par cette face, savoir : le - faisceau entré par la face verre d’une moitié P'du biprisme et ressorti par la même face, le faisceau réfléchi de même par l’autre moitié P* du biprisme; entin le faisceau entré par la face verre de P! et ressorti » par la face verre de P* après s'être réfléchi sur la face plane argentée, IL. Réglage, en lumière blanche, du _rélractomètre interférentiel à glaces épaisses argen- tées de Jamin. Le réglage géométrique, par superposi- tion des deux images de la source lumineuse, nécessite des tàätonnements fort longs. On trouve, au contraire, très vite les franges en lumière blanche en observant d'abord les franges en lumière jaune du sodium et fai- sant monter ou descendre les franges dans le champ de 1 visée pour reconnaitre leurs maxima et minima de visi- - bilité dus à la constitution de la raie D. Si la source de lumière jaune est la flamme très chaude et très chargée en sel marin d'un brûleur, il ÿ a un maximum de netteté des franges beaucoup plus net que le précé- dent et que le suivant. On dépasse nettement le maxi- mum par le mouvement de la vis V convenable qu'on - ramène ensuite un peu en arrière pour regagner le “ temps perdu de cette vis. On remplace la lumière du sodium par la lumière blanche. 11 suffit alors de tour- ner la vis V dans le même sens que la dernière fois pour voir apparaître presque aussitôt les franges colo- - rées. IL. Zxpérience pour montrer, sans aucun réglage, - des franges de méme espèce que celles des qlaces épaisses argentées de Jamin. Ces franges se voient en appliquant deux glaces de Jamin G et G' (fig. 1) l’une contre l’autre par leurs faces verre, de manière qu’elles se débordent mutuelleinent en AB et A'B! sur une fraction de. leur longueur (un tiers par exemple). Il suffit de regarder par réflexion dans la face A'B' la lumière entrant par AB, qui vient d’un fond blanc uniforme. Ces franges sont projetées devant la Société. Dans celte expérience, comme celle de Jamin, on voit plusieurs images. La plus avantageuse est celle qui est fournie par les rayons réfléchis une fois sur l’argenture d'une glace et deux fois sur l’argenture de l’autre. On doit inciiner convenablement les glaces sur la lumière incidente. En les pressant plus ou moins l’une contre l'autre, on fait varier les positions des franges. On peut enlever l’une des deux glaces, puis l'appliquer de nou- veau contre l’autre ; les franges reparaissent as{anta- nément. A propos de la communication Il de M. G. Sagnac, M. C. Raveau signale l'importance pré- _ pondérante exercée par les défauts des glaces de Jamin quand ces glaces s'approchent d'être parallèles ; de là des déplacements de la région de localisation des franges et une complication dans l'étude de leur visi- bilité. Il montre pourquoi le réglage géométrique des glaces par superposition des deux images de la source lumineuse n'est pas vraiment rigoureux : on choisit, en effet, l'incidence pour laquelle 1l y a maximum d'écart des deux rayons interférents; les deux images d’un point peuvent alors rester superposées très longtemps lorsqu'on fait tourner un des deux miroirs autour d’un axe vertical, mais il est impossible de saisir la coïnci- dence exacte. M. Raveau montre, en outre, que le sys- tème de franges obtenues dans l'expérience IIL de M. G. Sagnac peut être observé avec le réfractomètre de Jamin (glaces non au contact), en interceplant entre les miroirs certains des rayons qui forment l’image très brillante immédiatement voisine de la première ; par le même procédé, on peut avoir encore dans la même image successivement deux autres systèmes de franges dont l’un est produit par des rayons qui se sont deux fois réfléchis sur l'argenture de chaque glace et dont l’écartement est double de celui des rayons ordi- nairement considérés. M. R. Salvador Bloch, à pro- pos de la communication II de M. Sagnac, indique Fig. 1. — Production, sans réglage, de franges colorées 2e les glaces de damin. — G et G', glaces de Jamin argentées sur les faces CD et C!D', et accolées par leurs faces verre en BA'; Sa..R, et Sa...R,, deux rayons interférents. qu'on peut encore. régler commodément les franges de Jamin en lumière blanche par l'emploi d'un spectros- éope; il suffit d'enlever l’oculaire de la lunette du réfractomètre Jamin et de placer la fente du spectros- cope derrière l'objectif de cette lunette dans la place où doivent se former les franges. On fait varier l’ordre de l'interférence jusqu'à ce que les cannelures de Fizeau et Foucault qui traversent le spectre se rédui- sent à une ou deux; les franges colorées sont à ce moment sur la fente du spectroscope; on remplace alors celui-ci par l’oculaire de la lunette si l’on veut observer les franges colorées. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 16 Mai 1901. M. H.-J.-H. Fenton et M'e A. Gostling décrivent la préparation et les propriétés du bromométhylfur- fural : CH : C.CH°Br Do P.F. —60 / | ln : C.COH et de quelques-uns de ses dérivés, — MM. W.-J. Pope et A.-W. Harvey, en traitant l’iodure de benzylphényl- allylméthylammonium extérieurement compensé de Wedekind par le d-camphorsulfonate d'argent, ont ob- tenu le d-camphorsulfonate de d-benzylphénylallyImé- thylammonium, dont le pouvoir rotatoire moléculaire est égal à +218°1, ce qui donne pour la base d-benzyl- phénylallyIméthylammonium [M], — +-166°k. Le résidu de la préparation, traité par KI, fournit du iodure de LbenzylphénylallyIméthylammonium, au moyen duquel on prépare le /-camphorsulfonate, qui possède une rotalion moléculaire égale à — 21006, ce qui donne 640 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pour la base gauche [M}, —— 159. Les iodures des | ture azotée et inorganique au delà d'une certaine bases droite et gauche sont solubles dans le chloro- forme, mais leur pouvoir rolatoire s'évanouit par inver- sion au bout d'un certain temps, ou si l’on élève la température. Les auteurs ont également préparé le nitrate et l'iodomercurate de la base droite, qui pré- sentent tous deux le pouvoir rotatoire. Ces composés se distinguent de ceux qui renferment un carbone asymétrique en ce que ce sont des électrolytes, qui doivent probablement être décomposés en solution aqueuse en donnant un ion optiquement actif dont la valence libre est attachée à l’atome asymétrique, sans qu'il se produise cependant d'inversion. M. Arms- trong fait remarquer que l'obtention de dérivés de l'azote optiquement actifs permet de trancher définiti- vement la question de la valence de l'azote dans les composés de l’ammonium. Ces composés ne sont pas des composés moléculaires, comme le croyait Kékulé, mais l'azote s'y trouve à l’état pentavalent. Par contre, il n'y a pas de doute que cette valence supérieure prise par l'azote dans les composés de l’ammonium (comme celle du soufre dans les composés du sulfonium), n'ait des caractères différents de la valence inférieure ou ordi- naire de ces éléments. M. Forster pense que la dif- férence numérique entre les constantes de rotation de dAdB et /AIB disparaitrait si /A/B était séparé d'abord par l'addition de /-camphorsulfonate, ou peut-être mieux de /-bromocamphorsulfonate. M. W.-J. Pope répond que le nouveau principe qu'il a cherché à mettre en lumière, c'est-à-dire que pendant le changement de valence d’un atome les directions des valences peuvent aussi changer, est applicable quand un atome de soufre bi ou tétravalent devient tétra ou hexavalent, ou quand un atome d'azote pentavalent devient heptava- lent; mais il n’est pas nécessairement applicable au cas où un atome d'azote trivalent devient pentavalent, car les deux nouveaux groupes peuvent se relier à l'azote dans une direction perpendiculaire au plan con- tenant les trois premiers groupes. — MM. R.-H. Pic- kard et W. Carter ont constaté que les hydroxyoxa- mides RAzH.CO.COAZHOH et leurs dérivés aromatiques réagissent comme les acides hydroxamiques en don- nant quantitativement des biurets substitués, des car- bonyl-dicarbamides et des allophanates. — MM. F.-D. Chattaway et K.-J.-P. Orton attirent l'attention sur la grande ressemblance qui existe entre les deux chlo- rodibromoanilines symétriques (4 :2 :6 et2:#4:6), de même qu'entre leurs dérivés acélylés. Par contre, les acétylchloroamino dérivés possèdent des points de fusion assez différents, et permettent de distinguer l’un des isomères de l’autre. Les auteurs ont préparé un grand nombre de dérivés de ces corps. — Les mêmes auteurs ont constaté que la tribromoaniline (1 : 2 : 4 : 6) réagit en solution chloroformique sur l’acétylchloroa- mino-2 : 4: dichloroacétanilide pour donner, avec dé- gagement de brome, un dérivé azoïque et la 4-chloro- 2 : 6-dibromoaniline. Avec les chlorobromoanilines symétriques, le dégagement de brome est plus fort quand il y a un atome de Br en para par rapport à AzH°; on obtient ainsi la 2 : 4-dichloro-6-bromoaniline de la 2-chloro-4: dibromoaniline. — MM. W. N. Hart- ley, J. J. Dobbie et A. Lauder ont constaté que l'acide cyanurique et ses dérivés, non plus que l'acide isocyanurique et ses dérivés, ne présentent de spectre d'absorption. Ils en déduisent que la formule de cons- titution généralement adoptée pour l'acide cyanurique (chaine d'atomes de carbone et d'azote, alternativement doublement et simplement liés) n’est peut-être pas exacte, car la pyridine et la diméthylpyrazine, qui pos- sèdent une constitution analogue, montrent de fortes bandes d'absorption. — M. A. L. Stern, poursuivant ses recherches sur la nutrition de la levure, arrive aux résultats suivants : 1° Toute augmentation de nourri- limite n'accroît pas la quantité d'azote assimilée par la levure ou le poids de celle-ci; 2 Toute augmentation du sucre est accompagnée d’un accroissement du poids de l'azote assimilé et du poids de la levure, et cela jus- qu'aux plus grandes concentrations qui puissent être complètement fermentées; 3° Entre 12° et 25°, le poids d'azote assimilé et celui de la levure ne varient presque pas. A température plus haute, ils diminuent; 4 L'ac- croissement de la levure est, pendant une partie de la fermentalion, proportionnel à la quantité de sucre fer- menté; il se poursuit aussi longtemps qu'il reste du sucre non fermenté. L'auteur conelut qu'il y a une dif- férence essentielle entre les fonctions des aliments azotés et inorganiques d'une part, et celles du sucre d'autre part : les premiers fournissent seulement des matériaux, tandis que le second fournit des matériaux et de l'énergie. — M. H. G. Madan a conslaté que la pipérine cristallisée, chauffée à 135°, se solidifie par refroidissement en une substance résineuse transpa- rente, quiest une modification allotropique colloïdale. Mais celle-ci n’est pas permanente, car elle retourne spontanément au bout de quelques mois à la forme cristalloïde. Mais, si la pipérine a été chauffée pendant une heure à 180, le produit colloïde résultant est plus stable, car il n'a pas varié au bout de deux ans et demi. La pipérine colloide a une réfraction élevée (un —1,68#) et une dispersion remarquable (bry — pry = 0,142). — MM. R. H. Pickard et A. Neville ont préparé les car- bamides et les carbamates du furane à partir de l'acide pyromucylhydroxamique par la méthode de Thiele et Pickard. Ce sont des huiles incristallisables. L'acide pyromucylbydroxamique, C*H°O. COAZHOH, obtenu en hydrolysant le pyromucate d’éthyle avec l’hydroxy- lamine, fond à 124, — M. R. D. Abell a condensé l’éthylphénylcétone avec la benzaldéhyde en présence d'éthylate de sodium et a obtenu : 1° le 1 : 3-diphényl-2- méthyltriméthylèneglycol (F. 98-99); 20 la benzalpro- piophénone; 3° le 1 : 3-diméthyl-1 : 3-dibenzoyl-2 phé- uylpropane (F. 162°-1630). Le glycol, oxydé par l'acide chromique et traité par l'hydrate d'hydrazine, donne le 3:5-diphényl-4-méthylpyrazol (F. 2220-2230). La ben- zalpropiophéuone, traitée par l'éthylphénylcétone, four- nit un mélange du composé 3° et d'un isomère (F. 1210- 1220). Ce dernier, chauffé avec l'ammoniaque alcoo- lique, donne un composé qui est la triphényldiméthyl- pyridine ou dihydropyridine. — M. R. C. Farmer propose une nouvelle méthode pour la détermination de la dissociation hydrolyiique, basée sur la distribu- tion de l'acide ou de la base libre entre deux solvants. Une solution aqueuse du sel est agitée avec une quan- tité connue de benzène ou d'un autre dissolvant qui extrait seulement l’un des composants. De la quantité extraite, on peut calculer le degré d'hydrolyse du sel, en ayant eu soin de déterminer auparavant le coeffi- cient de partage de la substance entre les deux sol- vants. Les résultats obtenus dans plusieurs cas concor- dent bien avec la loi de dilution d'Arrhénius. — MM. S. A. Tucker et H. R. Moody décrivent la prépa- ration et les propriétés de quatre nouveaux borures Zr°Bo‘, Cr Bo, TuBo* et Mo‘Bo*. Ces composés sont obtenus en soumettant un mélange inlime des consti- tuants à l’action de la température produite par un courant de 200 à 275 ampères et 60 à 75 volts. — M. R. E. Doran a poursuivi ses recherches sur l’action du thiocyanate de plomb sur les chlorocarbonates et a préparé une série de carboxyméthyl- et de carboxya- mylthiocarbimides avec de nombreux dérivés. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, l { CP PU EN PPS SPP QUE D PRET PE. OX, RS. élues Re ES ec ie RS Pie Ce à nd ES RS to es À 2 5 A Sr N° 14 30 JUILLET 1901 Revue générale De SP ]encC pures el appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Élection d'un savant français à l'Acadé- mie Royale des Lincei. — Une des plus célèbres Académies étrangères, l'Académie Royale des Lincei de Rome, vient de décerner à M. Emile Picard, mem- bre de l’Académie des Sciences de Paris, un éclatant hommage. Désireuse de témoigner de la très haute estime en laquelle elle tient l'œuvre mathématique de notre éminent collaborateur, elle a voulu le compter au nombre de ses Associés étrangers. Nous rappellerons que deux autres Académies italiennes, celles de Turin et de Bologne, ont déjà conféré à M. E. Picard la même distinction. $ 2. — Météorologie La Météorologie au sommet de la Tour de 300 mètres. — La Tour de 300 mètres est un obser- vatoire météorologique incomparable, dont le caractère ne tient pas à son altitude absolue, laquelle est seule- ment de 334 mètres; ce caractère dépend essentielle- ment de la hauteur, au-dessus du sol, de la couche d'air considérée, qui permet d'écarter les perturba- tions dues au voisinage immédiat de la surface. Déjà, à cette faible hauteur de 300 mètres, les phéno- mènes de vent et de température sont absolument différents de ceux qui se passent au niveau du sol, dont la température propre et le relief communiquent aux couches voisines des variations tout à fait spéciales. A cette hauteur, l'amplitude des variations de tem- pérature ou d'état hygrométrique est bien moindre que près du sol; les vents sont plus réguliers et plus forts, et, en somme, ce n’est que dans les stations de montagnes élevées que l’on retrouve des résultats ani- logues à ceux que fournit la Tour de 300 mètres. . Aussi, dès l’origine de la construction, en 1889, il a été installé, par les soins et sous la direction de M: E. Mascart, membre de l'Institut et directeur du Bureau Central Météorologique de France, un service de Météorologie extrêmement important. Les instruments de mesure sont disposés sur la petite plate-forme de 1,60 de diamètre qui termine la Tour, à 300 mètres du sol; à l’aide d’un câble, ils REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. transmettent électriquement leurs indications à des appareils enregistreurs situés au rez-de-chaussée du Bureau Central Météorologique, qui est voisin. Toutes les observations sont relevées heure par heure : pour le vent, en vitesse et en direction, pour la température, pour la pression atmosphérique, pour l'état hygrométrique, etc.; elles sont inscrites sur les resistres du Bureau central, et leur résumé figure dans le Bulletin publié journellement. Ces observations sont centralisées par M. Alfred Angot, météorologiste titulaire du Bureau central, qui en a analysé les résultats comparativement aux obser- vations faites dans le local du Bureau central; ils font l'objet de Mémoires insérés dans les Annales du Bureau. Tous ceux que ces questions intéressent devront les consulter ; ils renferment tous les documents détaillés et leur discussion scientifique. Un premier Mémoire concerne les résultats de 1889; cinq autres, ceux des années 1890, 1891, 1892, 1893 et 1894. Enfin, un Mé- moire général récapitule les observations de ces cinq années, sauf celles relatives au vent, qui font l’objet. d'un Mémoire spécial, allant jusqu’en 1895. Un deuxième Mémoire récapitulatif, allant jusqu'en 1899, a été publié duns le courant de 1900. Cet ensemble constitue le résultat d'un effort et d'une énorme quantité de (ra- vail; il fait grand honneur à son auteur, mais on y retrouve cependant le défaut inhérent aux vieilles méthodes : l'amour exagéré des moyennes, avec les- quelles on perd trop souvent les chutes et inégalités les plus importantes, relatives aux instabilités les plus intéressantes de l'atmosphère. La nomenclature des instruments et le résumé des observations et des résultats sont empruntés à ces divers Mémoires. Les observations de pression atmosphérique ont été faites régulièrement au Bureau météorologique, à l’al- tiltude de 33,40, dans une pièce du rez-de-chaussée, et sur la Tour Eiffel, à l'altitude de 312,90, dans une des pièces qui sont au-dessus de la troisième plate- forme. La différence d'altitude des deux instruments est de 279%,5, et leur distance horizontale d'environ 480 mètres. On a employé dans les deux stations des baromètres enregistreurs Richard à mercure, multipliant par 2 les varialions de Ja pression; la 14 642 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE marche de ces enregistreurs est contrôlée par les sbservations directes, faites trois fois par jour au Bureau central, et quatre ou cinq fois par semaine, quelquefois même plus en été, à la Tour Eiffel, avec deux baromètres à mercure à large cuvette, comparés directement l'un à l’autre. Toutes les observations sont réduites à zéro et corrigées de l'erreur instrumentale ; les hauteurs réduites au niveau de la mer sont, de plus, ramenées à la gravité normale, c’est-à-dire expri- mées en colonnes de mercure dont la densité est éva- luée au niveau de la mer et à la latitude de 450. Une série d'observations de la température a été faite au Bureau central, dans la cour, à l'altitude de 312,6 et 42,60 du sol, dans ur abri en fer à double toit, analogue à celui qui est en usage dans toutes les sta- tions françaises. À la Tour Eiffel, les thermomètres sont placés à l'altitude de 335",3 au-dessus de la mer, et à 301,8 du sol, sous un abri à double toit, accroché, du côté nord, en dehors de la balustrade de la plate- forme du paratonnerre. L'abri, comme celui de la ter- rasse du Bureau central, est entièrement ouvert au nord et par dessous. Il est fermé à l’est, au sud et à l’ouest, par deux séries de persiennes inclinées en sens inverse et distantes intérieurement de 5 centimètres environ. Le vent étant beaucoup plus fort à cette hau- teur que près du sol, les petites causes d'erreur intro- duites par l'abri deviennent négligeables, et les obser- vations de température peuvent être considérées comme faites dans d'excellentes conditions. Sous cet abri sont placés un psychromètre, un thermomètre à maxima, un thermomètre à minima, un thermomètre etun hygromètre enregistreurs Richard; on y a ajouté un thermomètre transmetteur électrique, de l'invention de MM. Richard frères, qui donne au Bureau central météorologique la marche continue de la température au sommet de la Tour Eiffel. En plus de ces instru- ments, on à installé à la Tour deux autres séries de thermomètres à lecture directe et enregistreurs, l’une à la plate-forme intermédiaire (230,2 au-dessus de la mer, 196%,7 au-dessus du sol); l’autre à la deuxième plate-forme (156%,6 au-dessus de la mer, et 123,1 au- dessus du sol). L'humidité est enregistrée au sommet de la Tour Eiffel, depuis le 10 juillet 1889, au moyen d’un hygro- mètre à cheveu de MM. Richard frères, installé à côté des thermomètres, à 301,8 au-dessus du niveau du sol. Cet instrument est contrôlé par les observations directes effectuées au psychromètre aussi souvent que cela est possible. Pour tout ce qui a trait à l'étude de la pluie et de l’évaporation, les chiffres des observations recueillies à la Tour de 300 mètres n'ont aucune signification réelle. Le vent est tellement fort au sommet que, dans la plu- part des cas, les gouttes de pluie sont animées d'un mouvement horizontal et ne tombent pas dans le plu- viomètre ; il est arrivé fréquemment que, pendant des averses importantes, non seulement le pluviomètre n'indiquait rien, mais que le sol de la plate-forme du sommet n’était pas mouillé,et recevait à peine quelques gouttes, tandis que les objets verticaux ruisselaient ’eau. Pour obtenir, dans ces conditions, des nombres qui aient quelque signification, il faudrait changer com- plètement le mode ordinaire d'observation de la pluie, et la recueillir dans un pluviomètre dont l’entonnoir, au lieu d’être horizontal, pourrait s’incliner et se placer normalement au vent. Les anémomètres employés au Bureau central météo- rologique et à la Tour Eiffel sont identiques; ce sont des anémomètres imaginés par MM. Richard frères; ils se composent d'un moulinet formé de six ailettes en alu- minium, inclinées à 45°, et rivées sur des bras très légers en acier : leurs dimensions sont calculées pour que le moulinet fasse exactement un tour pour 1 mètre de vent; leur marche est, du reste, vérifiée sur un ma- nège et, s’il y a lieu, on établit pour chaque appareil une table de correction. Comme le moulinet tourne dans un plan vertical et doit toujours se présenter nor- “sol. malement au vent, il est monté à l'extrémité d’une pièce horizontale formant girouette et tournant autour d'un axe vertical, qui est placé très près du plan de rotation des ailettes afin de diminuer autant que possible la distance que le moulinet doit parcourir pour s'orien- ter. L'orientation est assurée par une queue rivée à l’autre extrémité de la girouette et formée de deux plaques de tôle à angle aigu. Le moulinet complet ne pèse que 150 grammes; il offre à l'air une surface de 6 décimètres carrés environ. Cet instrument est d'une sensibilité remarquable et peut mesurer des vitesses qui ne dépassent pas 0,1 à Ow,2 par seconde; il se met instantanément à tourner dès que le vent commence à souffler, et s'arrête aussitôt que le vent cesse, tandis que le moulinet de Robinson, à cause de sa grande masse et de sa faible surface utile, prend un certain temps pour acquérir sa vitesse et, une fois lancé, continue à tourner longtemps après que le vent a cessé. Les moulinets de ce genre, installés au Bureau central et à la Tour Eiffel, transmettent leurs indications sur des cinémographes Richard frères, qui indiquent à la fois la vitesse du vent à chaque instant en mètres par seconde, et le temps pendant lequel le vent a par- couru une distance de 8 kilomètres. L’anémomètre de la Tour Eiffel est installé à 305 mètres au-dessus du Au Bureau central, l'anémomètre Richard est installé à l’angle nord-ouest de la tourelle, à 20,9 du sol. L'appareil récepteur est dans la pièce qui est immédiatement au-dessous de la terrasse. À l’anémo- cinémographe de MM. Richard frères, employé au som- met de la Tour Eiffel depuis l’origine des observations, on a ajouté, en octobre 1890, un autre cinémographe à indications instantanées. La direction du vent est enregistrée d'une manière continue, au Bureau central, au moyen d’une girouette ordinaire, à deux ailes, très mobile, placée à l'angle nord-est de la tourelle; l'axe de cette girouelte com- mande directement un cylindre vertical sur lequel est enroulée une feuille de papier; une plume, mue par un mouvement d'horlogerie, descend en vingt-quatre heures suivant une génératrice du cylindre et marque ainsi à chaque instant la direction du vent. La circonférence, qui correspond à une rotation com- plète du vent, a sur le papier 457 millimètresde longueur et la plume descend exactement d’un centimètre par heure. A la Tour Eiffel, la girouette se compose de deux roues montées sur un même axe horizontal et dont l'ensemble peut se mouvoir autour d’un axe vertical ; quand les roues ne sont pas orientées exactement dans la direction du vent, elles se mettent à tourner, ce qui change en même temps leur orientation. Cette dispo- sition a l'avantage, tout en conservant une grande sen- sibilité à l'appareil, de diminuer les oscillations brusques que présentent fréquemment les girouettes. Au moyen d'un système de transmission électrique spécial, à trois fils seulement, tous les mouvements de la girouette se reproduisent à distance sur un cylindre vertical identique. à celui de la girouette enregistrante du Bureau météorologique. Les contacts sont établis Re { de facon que la transmission s'effectue par TS de circonférence, c’est-à-dire qu'il suffit que la direc- 5 il = ; tion du vent change de DE de circonférence, ou de 23045", pour que le cylindre récepteur, placé à une grande distance, tourne dans le sens convenable de la même quantité; cet intervalle est tellement petit que la courbe reproduit exactement l'apparence. des courbes obtenues par transmission mécanique directe. Le dépouillement des courbes, obtenues tant au Bureau central qu'à la Tour Eiffel, a été fait de la même manière, en relevant à chaque heure la direction du vent; cette direction est notée en chiffres de 0 à 32, 0 correspon- dantà N.,2 à N.-N.-E., 8 à E., 16 à S., 24 à O., et ainsi de suite. La direction du vent est donc appréciée à trs. men es és fre 0 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE moins de = de circonférence, c’est-à-dire environ à 5° près, ce qui a paru suffisant. On a supprimé la direc- tion du vent et noté calme toutes les fois que la vitesse du vent, au moment de l'observation, était inférieure à 0,5 au Bureau météorologique, et à 1 mètre à la Tour Eiffel, car, en dessous de ces limites, on n'est plus sûr que les girouettes obéissent au vent et s'orientent exac- tement. — En dehors de la girouette et des anémomètres, on a installé au sommet de la Tour Eiffel, en juillet 4889, un moulinet destiné à l'étude de la composante verticale — du vent. Cet instrument se compose de quatre ailettes planes, inclinées à 45° et mobiles autour d'un axe “vertical. Par sa construction même, ce moulinet reste “immobile dans un courant d'air horizontal, tourne dans un sens quand le vent a une composante verticale ascen- “dante, et dans l’autre sens quand le vent a une com- …posante verticale descendante. Toutefois, l'observation de cet instrument présente de grandes difficultés : il peut tourner, même dans un courant parfaitement ment la même aux deux extrémités du diamètre du —… moulinet; et il suffit pour cela du plus petit obstacle. rl Résumé des observations. — Ce qui frappe tout d'abord dans l'observation du vent au sommet de la Hour Eiffel, c'est la force tout à fait imprévue qu'il pos- sède déjà à 300 mètres de hauteur; sa vitesse moyenne est de 7%,05 par seconde, soit plus de 25 kilomètres à l'heure. Pendant la même période, un instrument iden- tique à celui de la Tour Eiffel, placé sur la tourelle du — Bureau Central Météorologique, à 21 mètresau-dessus du sol et à une distance horizontale d'environ 500 mètres de la Tour, indiquait seulement une vitesse moyenne de 22,24, c'est-à-dire un peu moins du tiers de ce qu'on …_observait au sommet de la Tour. On savait bien que la vitesse du vent augmente avec la hauteur puisque, près du sol, les mouvements de l’air sont gênés et retardés par “le frottement contre toutes les aspérités, collines, mai- sons, arbres, etc., mais on n’admettait pas jusqu'iciune «loi de variation aussi rapide. Ce fait a une très grande importance pour les études relatives à la navigation “aérienne; il importe, en effét, de savoir pendant com- “bien de temps,en moyenne, la vitesse du vent reste en “dessous de telle ou telle valeur contre laquelle peut “lutter avantageusement la machine du ballon diri- … geable. Or, pendant la période qui va de 1889 à 1900, la De du vent à 300 mètres a été pendant 59 pour 100 du temps supérieure à 8 mètres par seconde, et pen- 21 pour 100 supérieure à 10 mètres. … Les observations anénométriques de la Tour Eiffel ont “mis en évidence un autre fait encore plus imprévu “que la grandeur de la vitesse du vent : c’est la manière dont cette vitesse varie régulièrement dans le cours . de la journée. — Au Bureau météorologique, comme du reste dans _ toutes les stations basses, la vitesse est le plus faible vers le lever du Soleil (1,6 à 5 heures du matin) et le plus forte au milieu du jour {4,1 à 4 heure du soir). “Ala Tour Eiffel, au contraire, la plus petite vitesse (52,4) s'observe entre 9 et 10 heures du matin, et la plus “grande se produit au milieu de la nuit(8",8 à 11 heures du soir), C'est presque exactement ce qui se passe au “sommet des montagnes, comme au Puy de Dôme et au Pic du Midi, où la vitesse du vent est maximum pen- dant la nuit et mininum au milieu du jour, suivant ainsi une marche inverse de celle des régions basses. - Cette inversion est encore plus nettement mise en évi- dence si l’on forme le rapport des vitesses du vent à la Tour Eiffel et au Bureau météorologique. Ce rapport est le plus grand el égal à 5 entre 2 et 4 heures du matin; le plus petit est égal à 2 entre 10 heures du matin et 3 heures du soir; sa variation diurne présente “exactement la forme caractéristique de celle de la xilesse du vent sur les montagnes. C'est certainement la première fois que l'on signale une variation sem- blable à une hauteur aussi faible dans l'atmosphère. horizontal, si la vitesse du vent n'est pas rigoureuse- 643 Au point de vue de la vitesse du vent, considérée soit dans sa grandeur absolue, soit dans sa variation diurne, la Tour Eiffel se rapproche donc beaucoup plus des stations de montagnes que des stations ordinaires. Ilen est encore de même pour la température. En admet- tant, comme d'ordinaire, une décroissance de 1° pour 180 mètres d’altitude, le thermomètre devrait être constamment plus bas de 10,6 au sommet de Ja Tour qu'au niveau du sol. Or, dans tous les mois sans exception, au moment du maximum diurne, la température au sommet de la Tour est plus basse qu'au pied; la différence est même beaucoup plus grande que la valeur théorique 1°,6 que nous avons indiquée; les journées sont donc relative- ment froides au sommet. Par contre, les nuits sont très chaudes : non seulement la différence entre le som- met et la base n'atteint pas 19,6, mais c'est le sommet qui est le plus chaud en valeur absolue. Au sommet de la Tour, les journées sont donc relativement fraîches et les nuits chaudes; l'amplitude de la variation diurne Fa la température est beaucoup moindre que près du sol. La cause principale de ces différences est la faiblesse des pouvoirs absorbant et émissif de l'air, qui s'échauffe très peu, directement, pendant le jour et se refroidit aussi très peu pendant la nuit : la variation diurne de la température, à une certaine hauteur dans l'air libre, doit donc être petite; elle devient plus grande dans les couches inférieures de l'atmosphère, auxquelles se communiquent par contact les variations de tempéra- ture considérables que subit le sol. Dans les 200 ou 300 premiers mètres d'air à partir du sol, la décrois- sance de la température est ainsi très rapide le jour et très lente la nuit, et même il fait normalement plus chaud à une certaine hauteur que près du sol, la nuit durant, quand le temps est calme et beau. Ces consi- dérations sont vérifiées de la manière la plus complète par les observations de la Tour; dans les nuits calmes et claires, en particulier, la température y est fré- quemment de 5° à 6° plus haute au sommet qu'à la base. Des différences analogues ont été observées fréquem- ment dans les observatoires de montagnes; mais elles y sont beaucoup moins marquées. C’est que, dans ces stations, la masse de la montagne exerce encore une influence considérable, tandis qu'à la Tour Eiffel, on est réellement dans l'air libre. C’est ainsi que l’amplitude de la variation diurne de la température à la Tour Eiffel, à 336 mètres au-dessus du niveau de la mer, est presque égale et même plutôt inférieure à celle que l’on observe au sommet du Puy de Dôme, à 1.470 mètres. La marche annuelle de la température au sommet de la Tour suit les mêmes lois que la variation diurne; la température moyenne est plus basse que la tempéra- ture normale pendant la saison chaude, et plus élevée, au contraire, pendant la saison froide. En dehors de ces causes régulières, des causes acci- dentelles peuvent produire des différences de tempéra- ture encore plus remarquables entre le haut et le bas de la Tour Eiffel. Au moment des changements de temps, la modifica- tion se manifeste parfois complètement à 300 mètres de hauteur, plusieurs heures et même plusieurs jours avant de se produire près du sol; et voilà bien, comme nous le disions tout à l'heure, les instabilités ou cou- pures caractéristiques qu'il faudrait se garder de perdre dans les moyennes. Les observations de température, aussi bien que celles de la vitesse du vent, montrent ainsi, d'une manière tout à fait imprévue, à quel point les condi- tions météorologiques, à 300 mètres seulement de hau- teur, peuvent différer de celles que j’on observe près du sol. Malgré son altitude relativement faible, la station météorologique de la Tour Eiffel est donc des plus intéressantes ; c'est la première qui nous donne réelle- ment des observations faites dans l’air libre, en dehors 644 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de l'influence du sol, et il est probable qu'elle réserve encore aux météorologistes plus d'une surprise et plus d’un enseignement. $ 3. — Chimie La distribution des prix à l’Institut de Chi- mie appliquée. — Le 13 juillet a eu lieu, sous la pré- sidence de M. Darboux, doyen de la Faculté des Sciences, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, à l'annexe de la Faculté des Sciences, 3 rue Michelet, la distribution des médailles, des prix, des diplômes et des certificats décernés annuellement aux élèves de l’Ins- titut de Chimie appliquée. Cet enseignement intéresse au plus haut point l'Industrie nationale, qui y trouve, chaque année, un recrutement de jeunes chimustes bien préparés aux recherches de laboratoire, véritables col- laborateurs de nos grands industriels de la région parisienne ei de celle du Nord de la Frauce. M.H. Moissan, directeur de l'Institut de Chimie appli- quée, a d’abord retracé les progrès accomplis pendant l’année écoulée ; il a pu féliciter les étudiants de leur zèle intelligent et l'Université de Paris de ses libéralités et de son dévouement envers nos laboratoires. Le direc- teur a eu le regret de constater que les bâtiments sont en très mauvais état. Il rappelle que les élèves ont été obligés parfois de chausser des sabots lorsque, par une pluie d'orage, l’inondation a gagné les laboratoires. Et cependant, la Chimie appliquée est appelée à rendre de grands services au pays. Il est indigne de Paris de constater que l’un de ses enseignements les plus importants est insuffisamment armé pour soutenir la concurrence étrangère ; sous prétexte qu'en France, le le provisoire seul peut durer, nous ne pouvons pour- tant admettre que l’on abandonne un enseignement aussi utile. Plusieurs fois, le sol s’est affaisé dans les laboratoires de la rue Michelet et les conduites d'eau et de gaz menacent ruine. Et, comme conclusion, M. Moissan remarque qu'une reconstruction s'impose. M. Expert-Besancon a pris ensuite la parole et à insisté, avec beaucoup d'opportunité et de tact, sur les qualités morales du chimiste, qui, par son honnêteté, comme par son talent, aide à la fondation de ces grandes maisons industrielles, où l'honneur de bien faire passe au-dessus du souci des bénéfices à réaliser. M. Darboux a terminé la série des discours par une spirituelle allocution fort applaudie. Il suit avec le plus grand intérêt le développement de l’Institut de Chimie appliquée et il est heureux du travail et des progrès des élèves. Il leur souhaite de bonnes vacances et il leur remet ensuite les diplômes de chimiste de la Faculté. Nous rappelons que l’Institut de Chimie appliquée reprendra ses cours le 1°° novembre et que les élèves qui désirent suivre son enseignement passeront l'examen d'entrée dans la seconde quinzaine d'octobre. La production électrothermique du ferro- silicium. — À la suite de la note que nous avons consacrée à la production du ferrosilicium dans notre numéro du 30 juin (p. 555), M. Keller nous écrit que la Compagnie électrothermique Keller, Leleux et Cie fabri- que actuellement en France, d’une facon courante, des alliages variés de fer et de silicium, et particulièrement des ferrosiliciums à haute teneur (50 à 86 4). A ce propos, M. Keller nous fait remarquer que l'usine de Meran (Tyrol) ne fabrique pas des ferrosili- ciums à 83 °/, de silicium (p. 556, 10° ligne), mais des ferrosiliciums à 21,5 °/, de silicium avec un rendement de 83 °/, en silicium. L'usine de la Compagnie électro- thermique est la seule qui produise industriellement, eu grande masse, les ferrosiliciums à 80 °/, de silicium. Condensation de Ia phényl-éthyleétone avec la benzaldéhyde. — L'acétophénone peut se condenser avec la benzaldéhyde de (rois manières différentes : 1° Une molécule d'acétophénone avec une molécule de benzaldéhyde donne la benzalacétophénone ! : CSHS — COCHE + C'H°CHO = H°0 + C'H°CO.CH — CHCSH. 2° Deux molécules d’acétophénone avec une molé- cule de benzaldéhyde donnent la benzaldiacétophénone ou 2-phényl-1 : 3-dibenzoylpropane * : C‘H:.CO.CH® CSH°.COCH* | + CHO.CSHS = H°0 + CH.C°H: C°H5.COCH® | C‘H°.CO.. CH? 3° Enfin trois molécules d’acétophénone avec deux molécules de benzaldéhyde donnent deux stéréoiso- mères de la dibenzaltriacétophénone ou 2-4-diphényl- 1-3-5-tribenzoylpropane : CSH5.CO.CH* C‘H°.CO.CH? | CH — C°HS + CHO.C°H* C‘H5.CO.CH* = 2H°0 + C‘HS.CO — CH +- CHO.CSH° CH — C'H° CSH5.CO.CH* CSH°.CO.CH° Les cétones de la forme R.CO.CH?R', par exemple la phényléthylcétone C°H5.CO.CH?CH®, ne donnent pas la troisième forme de cette condensation. La formation des composés précédents peut s'expli- quer de la facon suivante, d’après M. R. D. Abell: : 1° Une molécule d’acétophénone se condense avec» une molécule de benzaldéhyde pour former la benzala- cétophénone. 29 La benzalacétophénone s’additionne avec une molécule d’acétophénone : C‘H5.CO.CH || CH— CH CHeCO.CH. 0 CSH.CO.CH? | CH — C°H | CSHS. CO — CH? 3° La formation du troisième composé s'explique de même. Dans la première et la seconde de ces réactions, le groupe —CO.CH®— est présent dans l’acétophénone, tandis que, dans la {roisième, il n'existe pas dans la dicétone-1-5. Si, maintenant, la phényléthylcétone prend la place de l’acétophénone, cette substance contient aussi le groupe —C0—CH°— et l'on doit s'attendre à obtenir les réactions (1) et (2), mais pas la troisième, parce que la dicétone-1-5 (2-phényl-1-3-diméthyl-1-3-diben- zoylpropane) ne contient pas ce groupe. Les expériences instituées par M. Abell confirment pleinement cette manière de voir. Le cellose, un nouveau sucre tiré de la cellulose. — On sait que l’amidon, chauffé avec un acide étendu, finit par se transformer intégralement en glucose. Ce phénomène, étudié avec soins, a permis de concevoir l’amidon comme un anhydride particulier du glucose dans lequel 5, 6,.. n molécules de ce sucre se seraient soudées les unes aux autres en perdant suc- cessivement 4, 5,.. n-1 molécules d'eau. La cellulose se comporte de la même manière; mais, comme elle est plus résistante, on suppose qu'avec une constitution analogue elle possède un degré de conden- sation plus élevé, autrement dit que le nombre de mo- lécules de glucose y est plus grand que dans l’amidon. Bert exIiV;, CLAISEN : ! CLAISEN et CLAPARÈDE : 2464; Ber., t. XX, 655. = Kosraneckt et Rosssacn : Ber., t: XXIX p. 1492. % R.-D. ABELL : J. of the Chem. Soc., t. LXXIX, p. 928. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE MM. H. Skraup et J. Konig viennent de montrer, dans un travail très intéressant, qu'il existe entre l’amidon et la cellulose une différence plus profonde. En saponifiant par la potasse le produit qui résulte de l’action de l’anhydride acétique sur la cellulose, ils ont préparé un nouveau sucre, le cellose, ayant pour formule .C'*H#0'!, dédoublable, par fixation d’eau, en deux molécules de glucose. Ce nouveau sucre, convenablement purifié, est une poudre cristalline, soluble dans environ 8 fois sou poids …. (l'eau froide, très soluble dans l’eau chaude, presque … insoluble au contraire dans l'alcool absolu. Sa saveur est très faible et il ne fermente qu'avec difficulté. Il … réduit énergiquement la liqueur de Febhling, est doué de la multirotation et tourne finalement le plan de la — lumière polarisée de 3307. —_ D'après ces propriétés, il ne saurait être confondu avec le maltose, qu'on obtient en faisant réagir la dias- tase sur l'amidon. Comme, d’autre part, il possède la même formule, il faut bien admettre que la cellulose et l'amidon diffèrent autrement que par leur degré de condensation moléculaire, que la facon dont les molé- … cules de glucose y sont associées entre aussi en ligne ï de compte. C’est là une donnée entièrement nouvelle dont l'intérêt ne saurait échapper, même au point de vue de la Physiologie végétale. ”. 2 $ 4. — Zoologie ï Le lait utérin chez quelques Poissons. — — Chez divers Elasmobranches, on sait que les œufs. au - lieu d'être pondus au dehors, se développent dans l'utérus de la mère; quand l'embryon a consommé son … vitellus, le sac vitellin, très vasculaire, s'applique contre … la paroi utérine, également très vasculaire, et forme un placenta vitellin (Muotelus, Carcharias). N peut y avoir — mieux encore, comme le décrit Alcook ‘ pour cinq … espèces des genres Trygon, Pteroplatea et Myliobatis : — l'embryon vit d'abord sur l’'abondant vitellus de l'œuf, | et, quand celui-ci est absorbé, le sac vitellin s’atrophie au lieu de former un placenta; il ne se développe pas de membranes enveloppantes, de sorte que le fœtus se C trouve entièrement à nu dans la cavité utérine. Les « parois de cette cavité, d'autre part, sont reconvertes … de nombreuses villosités sécrétrices, renfermant un " abondant réseau sanguin, dans les mailles duquel … s'enfoncent des follicules tubulaires. Ces follicules, très “nombreux, sécrètent un liquide gras et visqueux, quel- … quefois d'apparence crémeuse, ayant un goùtdoucereux, - qui contient beaucoup de noyaux et de corpuscules en suspension; ce liquide est coagulable par la chaleur, et C contient de l'albumine et de la graisse, mais pas de — sucre. Le lait utérin est peut-être absorbé directement par k Le fœtus ; quelquefois, des faisceaux de villosités passent … à travers ses évents jusque dans le pharynx; en tout cas, on à trouvé à plusieurs reprises le lait utérin non modi- — fié dans l'intestin spiral du fœtus, ce qui ne permet pas de douter que ce liquide est bien absorbé par le jeune . Sélacien. u $ 5. — Géographie et Colonisation La Mission Lenfant. — On sait que l’arrange- ment franco-anglais pour la délimitation des territoires du Niger, signé à Paris, le 14 juin 1898, avait prévu la cession à bail à la France, pour trente années au moins, de deux enclaves sur le Niger, l’une à l'embouchure, l'autre en amont, entre Léaba et le confluent de la :rivière Moûssa. On avait eu par là en vue d'éviter que la navigation du Niger, libre en vertu de l'Acte général de Berlin de 1885, ne subisse plus désormais d’entraves. Ce fut une Commission mixte, dirigée par le commandant Zoological Gleanings from the R. I. M. Survey Ship Investigator, Scientific memoirs by medical officers of the army India, part XII, 1901, p. 35. (=?) rs © Toutée et le commandant anglais Lugard, qui détermina l'emplacement de ces enclaves, l’une sur la branche Forcados, l’autre devant Badjibo, où, en 1895, M. Toutée avait déjà, aussi sur la rive droite, élevé le fort d'Aren- berg. La Mission à la tête de laquelle a été placé M. le capitaine d'artillerie coloniale Lenfant, a été précisément chargée de prendre possession de ces deux enclaves et, en même temps, de transporter par la voie du fleuve le ravitaillement de Say et du troisième Territoire militaire de l'Afrique Occidentale, quiest commandé parle colonel Péroz et qui comprend la région de Zinder, du Niger au lac Tchad. Il peut être intéressant de signaler les données que la Mission a rapportées sur la navigabilité du Niger. Le capitaine Lenfant est parti du Havre sur le Conseil le 29 janvier 4901; il était accompagné des lieutenants de Peyronnet et Anthoine, de trois sous-ofliciers euro- péens et de trente-six laptots. Sa flottille se composait de quinze chalands en bois et de cinq chalands en acier. Elle portait dix mille caisses de vivres et deux mille caisses d'outillage. Le 21 février, la Mission arriva à Forcados-River. Les rives sont vaseuses, couvertes de palétuviers, et l’enclave est le seul coin de terre et de sable de la région. Le débarquement de huit mille caisses s'effectua sans encombre, et le capitaine Lenfant, laissant dans l’enclave un sous-officier chargé de l’organiser, se mit de suite en route pour Badjibo-Arenberg, la seconde enclave, avec l’aide du remorqueur à vapeur Liberty qu'il avait pu Jouer, gràce à l’obligeance des autorités anglaises. La montée fut difficile, la crue ayant été très faible cette année dans le bas fleuve. Cependant, la Mission parvint le 43 mars à Lokodja et le 25 à Géba. Elle fut bientôt après à Badjibo, et le capitaine Lenfant, ayant organisé la seconde enclave comme il l'avait fait pour la première, en repartit au commencement d'avril afin de franchir les rapides au moment le plus favorable, avec soixante tonnes de marchandises réparties en mille neuf cents caisses. Nos compatriotes allaient main- tenant aborder la région dangereuse des rapides; il fallut au capitaine Lenfant et à ses collaborateurs une remarquable habileté et d'énergiques efforts pour triom- pher des difficultés qu'ils rencontrèrent. | Le 8 avril, les rapides d'Ourou furent franchis; le 10, ceux de K'patashi; le 22, ceux de Gurafiri et de Boussa. A la date du 27, le convoi avait remonté deux chutes, cinq grands rapides, vingt petits rapides et de nom- breuses cascades. Au cours de cette dangereuse navi- gation, aucun homme n'avait été sérieusement blessé, aucun chaland n'avait été brisé. La mission arriva le 7 mai à Gaya, le premier poste français, et le 25 mai à Say. Le capitaine Lenfant remonta ensuite jusqu'à : Sorbo Haoussa, le port du troisième Territoire el y dé- barqua cinquante-quatre tonnes de matériel destinées à la colonne Péroz; puis il redescendit à Say, où il arriva le 8 juin. La descente ayant été rendue plus difficile par la baisse des eaux du fleuve, le capitaine Lenfant décida de demeurer à Say jusqu’à la crue du milieu de juillet, pour remonter à cette époque vers Ansonjo. La Mission avait donc accompli avec le succès le plus complet sa pénible et périlleuse tâche. Si, en raison de la saison tardive et de la baisse des eaux, l'opéra- tion avait été difficile et dangereuse, la Mission avait pu conclure néanmoins que le ravitaillement par le fleuve pouvait être facile et pratique à l’époque des hautes eaux. Ainsi se trouve démontrée la possibilité pour nous d’user de la voie du bas Niger, malgré les rapides qui gènent une partie de son cours, comme de la route actuellement la plus courte et la plus économi- que quipuissenous mettre en communication avec Say. Mais s’il en est ainsi, pour le moment au moins, il ne faut pas perdre de vue que, dans quelques années, nous devons avoir une voie entièrement française de péné- tration sur le fleuve : c’est le chemin de fer qui doit relier Porto-Novo au Niger à travers le Dahomey et son hinterland. Gustave Regelsperger 646 . L’'ALCOOLISME AU XIX° La question de l'alcoolisme est devenue d’une telle importance qu'elle a aujourd'hui conquis la première place parmi les préoccupations des socio- logues. De nombreux travaux, publiés aussi bien en France qu'à l’Étranger, ont démontré les déplo- rables résultats de l’intoxication éthylique au point D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX* SIÈCLE DANS LEURE SIÈCLE inquiétants, et de nature à émouvoir les esprits les plus optimistes. I, — DÉVELOPPEMENT DE LA CONSOMMATION ALCOOLIQUE. La statistique officielle donne à l'Eure le second de vue social. rang parmi les départements normands classés Dans le même ordre d'idées, nous avons cherché | selon l'importance de leur consommation alcoo- Hect. d'— a = = & = à = 2 & = — = + = & RO EL ar AU Se cu tate SOU Me 2 LUN = EL ENOUINE DR ME F 56.000 L Rert| | ! [_ 2f I L CT | TE EEE) Ï [ en | 4 54. 000 TT ETNOITIE latest SE aecierutestet Î { ] JE ET Il CT [] [ete] Î | | ] fase es) 52.000 + +— IC 4 | | | a 50.000! T ni le 1 af ra te} | [1 1 7. Ë #8.000! TE ain taiat Don l | GE | + 48.000! 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Après avoir examiné le développement de la consommation alcoolique, nous en montrerons les conséquences économiques et sociales. Notre travail est, avant tout, une œuvre de statistique, et les tableaux graphiques résument de longues colonnes de chiffres. Les résultats obtenus sont extrèmement lique, le premier étant attribué à la Seine-Inférieure. Si l'on considère que ce dernier contient une énorme population flottante (marins des ports, étrangers, baigneurs des villes d’eau), qui boit beaucoup et augmente le chiffre de l'alcool absorbé sans que l'habitant en prenne sa part; si l’on consi- dère également que, l'Eure étant un pays essentiel- lement rural, les bouilleurs de cru y sont infini- ment plus nombreux, on peut admettre que l'Eure est probablement le département normand qui absorbe le plus d’eau-de-vie. Le développement de l'alcoolisme dans l'Eure D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L’'EURE AU XIX° SIÈCLE 647 pendant le x1x° siècle a été prodigieux. Afin de s'en rendre compte dans son ensemble, nous avons tracé le graphique ci-contre, qui indique, pour chaque année, de 1827 à 1898, l'effectif de la population et le total d'hectolitres d'alcool consommé (fig. 1). En examinant la courbe de l'alcool, on voit que, tout en étant d’une façon générale ascensionnelle, elle présente d'assez grandes irrégularités. La mar- che de la consommation éthylique de l'Eure peut - donc être divisée en plusieurs périodes. De 1827 à 1841 : Période d'augmentation progres- sive. Le chiffre des hectolitres d'alcool monte peu . à peu: DEPTEn SRTAROR RELREER Ear R 8.652 MÉOCNE RS EN ERET ERTee 9.202 TER. 0e em ee PORT POS 10.819 LOTS SAR RNRRLE NE ESS 11.001 LBUE L'ÉPORR A NEERRREREE AE 12.285 AR M A us tue à 14.181 RÉSPUTA DRRÉOORRREAOE 15.338 A D em ae à 16.033 JET 48 per Role PLEASE 17.351 De 1848 à 1857: Période de diminution, présen- tant deux grands minima : La faible consommation de cette époque a peut- être un certain rapport avec la Révolution de Février et les troubles politiques ou sociaux qui la suivirent. Notons aussi que la loi restrictive des cabarets date de 1851. IL est curieux de rap- procher cette diminution du même fait constaté pour le Finistère dans un précédent travail". De 1858 à 1871: Période stationnaire. La con- sommation, qui s'était élevée en 1858 à 20.000 hec- tolitres environ, oscille pendant quinze ans autour de ce chiffre. De 1872 à 1898 : Période d'augmentation exces- . sive et brusque, surtout à partir de 1879. La courbe fait un véritable saut. LOTS NA ANAL NE US vas 24.541 hectolitres. TERMS PARENTS 21.863 — AS SOMPE PAINTAE EN. 30.071 — RP CERTES 44.385 — LES te de OT OT 46.755 — LEURS TO TR LCD 56.652 — Aquoiattribuercet énorme accroissementsurvenu en quelques années ? Deux événements importants méritent d'attirer notre attention à ce sujet: Le 14 décembre 1875, l'Assemblée nationale réta- blissait le privilège des bouilleurs de cru. Le 17 juillet 1880 était promulguée la loi autori- sant l'ouverture de tout débit de boissons après une simple déclaration. - # D' Raouz Leroy : L'alcoolisme dans le Finistère au xixe siècle, dans les Annales d'Hygiène publique et de Médecine légale, février 1900. À notre avis, le principal facteur de l’accroisse- ment éthylique survenu dans l'Eure depuis 1873 doit être attribué aux bouilleurs de cru. Au fur et à mesure que la production du cidre s'élève, leur nombre augmente, passant de 16.250 en 1887 à 23.133 en 1895, et l’eau-de-vie devient de plus en plus abondante. Le graphique 2 fait parfaitement ressortir la vérité de ce que nous avançons. Quant à la loi sur les débits, elle semble avoir exercé une influence moins néfaste. La consom- mation éthylique a doublé, il est vrai, depuis 1880; mais ce fait n'est peut-être pas imputable aux cabarets, car le chiffre en était déjà si élevé qu'il est resté à peu près stationnaire. En recherchant la quantité d'eau de-vie-absorbée par tête et par année, on arrive au même résultat que celui donné par le graphique de l'alcool: De 1825 à 1845 : augmentation progressive de 2! à 41,08. dimioution de 41,08 à 31,43. période stationnaire. augmentation prodigieuse et très rapide de 71,45 à 16 litres. De 1845 à 1855 : De 1855 à 1870 : De 1875 à 1890 : Les chiffres de notre statistique portent sur l'alcool ramené à 100°, ainsi que le fait l'Adminis- tration des Contributions indirectes. L'eau-de-vie, telle qu'elle est bue, marque environ 50°, de sorte que les 16 litres de 1898 représentent en réalité 32 litres d'eau-de-vie par tête, pendant le cours de l'année. Étant donné qu'un litre contient 40 petits verres, nous arrivons au (total de 1.280 petits verres. Déduction faite des jeunes enfants, des femmes et des gens sobres, l'alcool n'est guère consommé que par 1/3 des habitants; on voit donc que le buveur du département de l'Eure absorbe annuel- lement 96 litres d’eau-de-vie commerciale, repré- sentant la valeur de 3.800 petits verres. : Si ce nombre paraît incroyable, et si l’on doute de nos renseignements, il nous est possible de citer le nom d'un petit village de 300 habitants où les débitants vendent 1.000 litres d’eau-de-vie par mois. IT. — DÉBITS DE BOISSON. L'énorme développement alcoolique a été accom- pagné d’une multiplication des débits. Les cafés et les cabarets sont des établissements indispensables dans notre société moderne. Ils offrent des lieux de réunion et de rendez-vous d'affaires très licites à beaucoup de personnes qui n'en ont pas d'autres. Malheureusement, ils servent aussi trop souvent à la satisfaction d'un goût funeste. L'expérience a montré que la consomma- tion éthylique n'est pas toujours en rapport avec le nombre des cafés. En Suisse, par exemple, le 648 D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE Conseil fédéral a remarqué que le montant d'hecto- litres absorbés était précisément plus fort dans les cantons qui avaient le moins de cafés. Toutefois, leur abondance est une tentation pour quantité de gens, recrutés en général dans la partie la moins éclairée de la population. Au cabaret, l’homme oublie le travail et l’ordre; il y trouve la misère. Que reste-t-il pour la vie, quand le tiers ou la moitié du salaire passe en boisson ? Dans le département de l'Eure, les débits pullu- lent; il n’y a pas d'agglomération, si petite soit- elle, qui ne compte queiques cabarets. Leur chiffre semble même avoir atteint toute limite possible, car il descend un peu depuis 1882, certainement en raison de la dépopulation (fig. 1). Voici quelle en a été la progression depuis 1827. Eure. 1827. . . . 2.565 soit 1 débit pour 164 habitants. 1899-2092 — 14t — ASH EE 109 857 = 107 — 1860. . » . 3.679 — 108 — 1810: 1... 3.138 — 91 — 1880. 0014.709 — 71 — l'890 "0004798 — 70 — 1898. :. . . 4.699 — 70 — Irance (non compris Paris). ENS 0 4065 ba to 1 débit pour 109 habitants. DS US pre ee — 10% — IRD EL MATE — 9% — HE A oO AE AT M En 20 — 94 — Le chiffre de 70 habitants pour un débit est inouï, si l’on considère que l'Eure est un pays agri- cole, récoltant beaucoup de pommes, où le nombre des bouilleurs de cru est considérable. En ne comp- tant que la population adulte, on arrive au chiffre de 23 personnes pour entretenir un cabaretier. Si nous en croyons un Curieux passage que nous avons rencontré dans la collection du Musée des Familles, il y a nombre d'années que la profession d’aubergiste est lucrative en Normandie : « Quand on n'est pas herbager en Normandie, il faut être aubergiste. La cuisine est en permanence. On ne vide les verres que pour remplir les brocs. Si l’on vend des bœufs, c'est au cabaret; si l'on achèle des bœufs, c'est au cabaret. Le cabaret est la Bourse. Si l’on se rencontre, c'est pour entrer au cabaret; si l'on parl, on entre au cabaret; si l’on arrive, on s'embrasse au cabaret: si l'on pleure, on se console au cabaret. Le cabaret consomme ce que l'herbage produit. On ne saurait parler sans boire. Comme en Belgique on offre une choppe de bière à son voisin, en Normandie on offre une tasse de café au passant... Le café aide aux lran- sactions; mais il est loujours accompagné des de- moiselles du Calvados. Honni soit qui mal y pense Il ne s'agil ici ni de Paphos, ni de Cythère : les demoiselles du Calvados sont des petits verres très grands qui contiennent à peu près la valeur de deux à trois verres à liqueur... En Normandie, les estomacs sont doublés de zinc et les gosiers à l'épreuve du feu. A la fin d’un repas, l'usage veut que les convives prennent le café, le pousse-café, la poussette, la rincette et la surrincette. On parle ici des gens sobres. Les autres ne comptent pas” ». Il est instructif d'examiner quelle a élé l’in- fluence de la législation sur le nombre des débits. De 1852 à 1880, les cabarets ont été sous le régime de la loi du 29 décembre 1851, exigeant pour l’ou- verture la permission préalable de l'autorité admi- nistrative. La figure À nous apprend que, à partir de 1851, le chiffre de débits descend peu à peu jus- qu'à 1858 et tombe de 4.058 à 3.318. Il remonte ensuite progressivement, l'Administration s'étant probablement montrée plus tolérante. La loi du 17 juillet 1880, qui subsiste encore, abroge cette disposition et permet l'ouverture de tout café après simple déclaration. Le montant des débils a augmenté de 230 pendant l’année quia suivi la promulgation de cetle loi, de 10 seulement l'année suivante. Il a diminué légèrement depuis 1882, mais moins rapidement que le nombre des habitants, de sorte que, toute proportion gardée, le total des cabarets reste de plus en plus scandaleux. III. — L'ALCOOL ET LE CIDRE. « Le Parisien s'imagine encore que les Normands boivent du cidre...! Ils boivent de l’eau-de-vie, et dans des proportions effrayantes », dit M. le D'Bru- non. Cette spirituelle boutade ne doit pas être prise à la lettre : le cidre est toujours la boisson habi- tuelle des Normands. La production du cidre augmente d'année en année depuis le commencement du siècle. Jusqu'en 1865, la consommation de cette boisson dans l'Eure a varié entre 460.000 et 240.000 hectolitres. Elle s’est considérablement développée depuis cette époque, pour atteindre, dans les années de bonne récolte, un chiffre colossal. Ces années privilégiées sont : ASTSEE TAN ATERNE 121.000 hectolitres. 1877 501.000 — ASC EEE 0 672.000 — 1893 NN E Vos 967.000 — CPP EME MER ARE D 1.525.000 — ABOBLE LAS A MAUINTARE 954.000 — Celte quantité énorme d'hectolitres sera cerlai- nement dépassée cette année, en raison de l’abon- dance exceplionnelle des pommes en41900. Quelle corrélation existe-t-il entre la consomma-. tion du cidre et celle de l'alcool? Les avis sont pro- ! Auépée Acuarp : Voyage en France. Normandie, dans le Musee des Familles, 1852. ET PRES DS RÉ 0H 0 00 N : in ss nu r' a CN ‘+ D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE fondément divisés sur ce point. Certains écono- mistes soutiennent que les années de cidre sont des années de faible consommation éthylique et que le cultivateur ne s'adresse aux spiritueux que pour compenser l'alcool, qui fait défaut dans la boisson, - Jors de la disette des pommes. Nos recherches prou- vent le contraire, et la figure 2, mettant en parallèle la consommation du cidre et de l'eau-de-vie, l'in- _ dique très nettement. Les faits sont là, irréfutables, pour montrer qu'on n'a jamais absorbé autant d'alcool dans l'Eure, que du jour où le cidre est devenu très abondant. = œ [a] [al 649 tout illusoire et qui disparaît au fur et à mesure que la provision s'épuise. 1901 est également une année exceptionnelle. On a distillé des quantités énormes de cidre et les cultivateurs ont fait provi- sion de calvados. Nous sommes persuadé que l'alcoolisme va sévir avec uue nouvelle intensité; l'avenir dira si nos prévisions sont justes. IV. — L'ALCOOL ET LE VIN. Le cidre n’est pas l'unique boisson des Nor- mands; le vin joue également un cerlain rôle dans Hect. |_] de cidre 980.000 Ï : |_|9#0. 000 . 000 .000 . 000 . 000 . 000 - 000 Quand la récolte des pommes est faible, le pro- priétaire commence par fabriquer sa provision de cidre, et vend le surplus un bon prix; il n'a pas intérêt à distiller. Si, au contraire, les fruits abon- dent, les tonneaux sont vite pleins, la méventearrive, et l'alambic transforme la boisson en eau-de-vie. Telle est la facon dont les choses se passent à la campagne. Les bonnes années de pommes rem- plissent les caves d'alcool. Nous connaissons des personnes qui ont encore en réserve des stocks considérables de calvados provenant de la grande récolte de 1893. C'est à celte accumulation d’eau-de-vie dans le pays qu'est due la baisse de l'alcool constalée par les Contributions indirectes depuis 1894, baisse 1+0. 000 ORFEMAUS 50 Fig. 2. — Consommation de l'alcool, du vin et du cidre dans-l'Eure, depuis 1N27. l'alimentation, et a élé, de tout temps, connu et apprécié. C'est une boisson de luxe, qui ne laisse pas d'être commune dans les bonnes maisons. La consommalion du vin n’a fait que croitre dans l'Eure depuis de longues années, sauf pendant la période 1843-1845, correspondant aux ravages des vignobles français par l’oïdium : 1830. . . . 33.430 hectol. soit 710 par habitant. 1850. . . . 47.664 — 11,4 — 1860. . .". 59.947 — 14,5 — ASTD ED ES) — 15,8 — 1880. . . . 60.020 — 16,4 — 1890. . .. .» 72:588 — 20,8 — 1895... .. 922258 — 27,0 — IL est intéressant de rechercher s’il existe quelque connexion entre le vin et l'alcool. 650 D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE La figure 2 nous apprend que leur consomma- tion semble le plus souvent augmenter ou diminuer parallèlement : années 1875, 1882, 1886, 1891, 1895. D'après l'étude de nos documents, on voit que la progression de la consommation a porté à la fois sur l'alcool, le cidre et le vin. Ce fait est imputable au développement de la richesse publique. Partout les terres sont mieux labourées, mieux engraissées les Jachères ont disparu. Les procédés agricoles ont été perfectionnés. Même progrès du côté de l'in- dustrie : des usines se sont installées sur les cours d’eau, apportant la prospérité dans les vallées. Ce favorable changement, survenu depuis moins de cinquante ans, a transformé les conditions de l'existence. Les salaires des journaliers, les gages des domestiques, valets de ferme, charretiers, ont bénéficié dans ce pays d’une hausse plus marquée que dans les autres provinces de la France. Il en est résulté une amélioration considérable du bien- être général. On vit mieux qu'autrefois ; d'où l’ac- croissement des différentes boissons. Malheureuse- ment, le Normand n'a pas su profiter en sage des bienfaits de la civilisation. L'alcool qui déprave et qui lue a eu ses préférences. Nous allons examiner quelles en ont été les suites au point de vue social (population, criminalité, suicides, aliénation, ete.). V. — L'ALCOOL ET LA POPULATION. La Normandie est une des contrées de la France où la dépopulation se fait le plus vivement sentir. Ilne s’agit pas seulement d’un ralentissement dans l'augmentation normale des habitants, mais d’une diminution très appréciable par la baisse du total des naissances, à laquelle se joint, dans certaines régions, l'accroissement sensible du chiffre de la mortalité. La Manche, le Calvados, l'Orne et l'Eure ont aujourd'hui une population bien inférieure à celle constatée en 1801. La Seine-Inférieure doit son meilleur rang à l'immigration dans les deux grands centres, Rouen et Le Havre, ainsi qu'à la natalité encore forte de ses marins. Cette situation dépend avant tout d’un état d’es- prit profondément inquiétant : on est résolu à ne plus avoir d'enfants, ou du moins à en limiter le nombre, et cela dans un pur profit égoïste. Chacun veut jouir le plus possible de l'existence sans aug- menter ses charges; chacun ne veut mettre au monde que des hommes aisés, heureux ou, tout au moins, supposés tels. Ce sont les moins pauvres qui se livrent à ce calcul, alors que l'intérêt général exige des familles nombreuses chez les riches, afin de pouvoir compter sur cette bonne moyenne de capacités et de qualités qui fait la valeur d'un peuple. Une telle manière d'envisager la vie hu- maine finira par tuer dans son germe toute énergie créatrice. Le Normand meurt de sa richesse. Étrange objectif, que celui qui fait sortir la stérilité et le néant de l’opulence elle-même ! Le département de l'Eure comptait en 18A 425.780 habitants; le recensement de 1896 n’en accusait plus que 340.652; soit, en cinquante-cinq ans, une diminution de 85.000 — 1.500 par année. Celle-ci serait même encore beaucoup plus con- sidérable, si elle n'était un peu compensée par la venue d'éléments étrangers. Les domestiques, les ouvriers ruraux, les petits métayers d’origine bre- tonne sont très nombreux, et on peut prévoir l’époque où les Normands de race deviendront l'exception. Cette décroissance du nombre des habitants offre ce caractère particulier d’être absolument constante, régulière, paraissant en cela obéir à une règle fixe. Le mal remonte loin; avant de diminuer, la population étaitrestée sensiblement stationnaire pendant de longues années et celte période de statu quo avait été précédée au xvin° siècle par un ralentissement d'augmentation, que des esprits éclairés n’hésitaient pas, non plus, à rattacher à la continence volontaire *. C'est là, assurément, le facteur primordial; mais est-ce le seul? La question est assez importante pour retenir quelque temps l'attention. Le graphique 3, qui met sous les yeux du lecteur la natalité et la mortalité dans l'Eure, depuis 1828, parle avec assez d’éloquence pour nous dispenser de longs commentaires. En examinant le rapport du chiffre des naissan- ces et des décès à celui de la population, nous arrivons aux résultats suivants : 1° Le total des naissances a diminué: 1831-1840. . . . . 20 naissances pour 1.000 hab 1851-1860. . . . . 19 — — ASTASABSO ER 19 — — 1891-1898. . . . . 18 — — 2° Inversement, le total des décès à augmenté : ASSIEASED EEE . 22 décès pour 1.000 hab. ASDIEASE EEE EE 23. — — ASSET 23 — — APS RÉ E ec re 26 — — Ainsi, la dépopulation du département de l'Eure n'est pas seulement imputable au faible dévelop- pement de la natalité, mais encore à l’augmenta- tion de la mortalité. Alors que, sous l'influence de l'hygiène et des progrès de la science, la mortalité générale de la France diminuait dans de notables proportions et passait de 25 pour 1.000 habitants en 1820, à 23 en 1890, celle de l'Eure suivait une progression inverse. | 1 Lire, à ce sujet, le Mémoire de M. Louis Passy, à l'Aca- démie des Sciences morales, 1863. sant 6e, À. 7° da ét "5 D: RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 6: Cette pénible constatation n'est pas faite pour surprendre le médecin qui connait l'influence désastreuse des excès alcooliques sur l’économie. L'abus prolongé des spiritueux détermine dans tous les appareils de l'organisme une série de - troubles fonctionnels, prélude d'accidents d'un ordre beaucoup plus grave, constitués par des lésions irrémédiables. L'estomäc commence par présenter des troubles dyspeptiques, aboutissant le plus souvent à la gastrite alcoolique simple et, dans certains cas, à la gastrite alcoolique ulcé- | De plus, l’intoxication éthylique prédispose singulièrement à la tuberculose, et tous les prati- ciens savent que les maladies infectieuses (pneu- monie, érysipèle, fièvre typhoïde, etc.) offrent, chez les ivrognes, des formes particulièrement gra- ves et souvent mortelles. Diverses Compagnies anglaises d'assurance sur la vie ont-démontré irréfutablement que les person- nes qui s'abstiennent absolument de toute boisson spiritueuse vivent plus longtemps, et offrent moins de jours de maladies que les autres. & 8 3 & & æ a & Décès LA © a o s Éebaeeepee) T È = PA. 800 CEE DE . 600 dt ES pa | ISO BBRE ES 5} Deere l | 11. +00 Lo Den 1. 200 ÉÉRRÉPLER EEE IT EEE mi + _ Een 11.000 ———— 4 LE PR PER EE | | | ! [10.800 Total SELS ii: | | aus des EEE Lie fra) [T1 LT] ne en 10. 600 naiss D - ! 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Le foie, à la suite des congestions à répétitions _ provoquées par les boissons fermentées (Claude . Bernard), finit par devenir cirrholique ou graisseux. Le cœur et les reins subissent également la dégéné- rescence graisseuse. Les artères s’infiltrent de sels calcaires, se sclérosent et cèdent ensuite à la pres- sion sanguine, produisant alors des anévrismes, des hémorragies cérébrales, etc. Cazalis a dit que l’homme avait l’âge de ses artères ; l’alcoolique, même adolescent, est donc, qu'on nous passe l'expression, un jeune vieillard. 1 Leuper : Des ulcères de l'estomac à la suite des boissons alcooliques, Congrès médic.-chirurg. de Rouen, 1863. . DORREMANS Fig. 3. — Natalité et mortalité dans le département de l'Eure, depuis 1825. Voici quelques chiffres empruntés au D' Drys- dale * : Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie « Le Sceptre», de 1884 à 1889. NOMBRE NOMBRE des morts des morts calculées effectives 10 Section générale. . . . 569 434 76,27 Section des abstinents. 249 183 51,42 [2 Donc, 18,85 °/, de cas de mort en moins dans la section des abstinents que dans la section générale. 1 DryspaLe : The comparative Death-rate of total Abstai- ners and moderate Drinkers, London, 1890. 652 D' RAOUL LEROY — L’ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE Mortalité des assurés sur la vie de la Compagnie dépopulation du département de l'Eure est, sans Eee Eee on EU Mu doute, fort complexe, et il n’entre pas dans notre rôle de l’examiner sous toutes ses faces. Disons NOMBRE NOMBRE s é' de morts de morts seulement que deux des causes principales sont calculées effectives Cy as 4 Ê ge à Ë = — == l'abaissement de la natalité et l'augmentation dela SECHE nt ste 2) mortalité. Si la première semble au-dessus de notre Section des abstinents. 2.418 1.70% 10 Donc, 29 °/, de cas de mort de moins chez les abstinents. Morbidité hebdomadaire (1866 à 1881) chez chacun des assurés des sociétés de secours mutuels. M. V. EXP. RURAL TOWNS and city Distr. (non abstinents) M.EXPERIENCE Rural Districts (non abstinents) SONS OF TEMPER. (abstinents) FORESTERS (non abstinents) 1,40 semaines 26,20 semaines 24,68semaines 27,66semaines Ces considérations expliquent clairement pour- quoi l'Eure, pays sain et riche, a une mortalité considérable. D'après nos observations person- nelles et celles de nos confrères amis, la tubercu- lose fait des ravages de plus en plus marqués; les affections de l'estomac sont si générales (entre autres la dyspepsie flatulente et l’ulcère rond), que tous les médecins normands en ont été frappés: les affeclions hépatiques se voient couramment, et le nombre des artérioscléreux augmente de jour en jour. Un autre raison de l'accroissement des décès ré- side dans la grande mortalité des enfants par suite de l'alcoolisme infantile. Les troubles nerveux du bas âge sont extrêmement fréquents, et il n’est pas rare de voir les nourrissons présenter des convul- sions par le fait de l’intempérance de la nourrice. Nous en connaisons deux exemples remarquables, et M. le professeur Brouardel, doyen de la Faculté de Médecine de Paris, nous cilait récemment le cas d'un de ses élèves, établi dans la région, qui avait dû proscrire l'allaitement maternel dans une partie de sa clientèle en raison de l'ivrognerie invétérée des mamans. De plus, les fils de buveurs sont en général malingres, chélifs, prédisposés à toutes les maladies. « Les alcooliques, dit M. Coste, transmettent leur infirmité constitutionnelle à leurs enfants. Ceux-ci naissent frappés au coin de la débilité physique ou de la débilité mentale. Tantôt ils meurent en bas âge ; tantôt ils sont scrofuleux, rachitiques; tantôt ils deviennent phtisiques à la puberté. Ces dénouements sont bien cruels; mais le châtiment de l'intempérance des parents est en- core plus terrible, quand les enfants sont idiots ou faibles d'esprit; plus terrible encore, quand les enfants, intelligents à certains égards, sont vicieux, sans moralité, criminels : toutes conséquences d'un déséquilibre nalif qui a son origine dans l'état constilutionnel des ascendants. » La question, si grosse de conséquences, de la atteinte et nécessite un changement radical dans l'état d'esprit des habitants, la seconde n'est pas inaccessible à nos moyens. Il était utile de montrer l'importance du mal alcoolique dans la genèse de tant d’affections mortelles. Les règles de l'hygiène (la première est la tempérance) sont destinées à étendre la durée de la vie. Espérer que le Normand, devenu sobre, saura mieux conserver sa sanlé dans l'intérêt de sa race n'a rien qui soit au-dessus des chances probables. VI. — L'ALCOOL ET LA CRIMINALITÉ. IL suffit de lire les faits divers des journaux pour se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme dans la criminalité. La conscience et le sens moral s’obseurcissent vite chez le buveur; grossier, cynique, paresseux, il devient indélicat, mal- honnête, se laisse aller à tous ses mauvais pen- chants et arrive, tôt ou tard, à avoir affaire avec la justice. L'alcoolisé est susceptible, ombrageux, souvent agressif et batailleur; ses colères vio- lentes, non motivées, le poussent à l'homicide. Que de crimes épouvantables ne sont que le résultat de l'excitation éthylique ! Déjà Dumesnil citait ces mots qu'avait prononcés un échevin de Rouen en 1349 : « De vingt bandits ou routiers, messires, dix-neuf se sont formés au cabaret ». Le mal est encore décuplé par lal- coolisme héréditaire. Chez les enfants d'ivrognes, la tare originelle se révèle non seulement par des anomalies physiques ou mentales, mais encore par des monstruosités dans la sphère morale. Le cri- minel-né se rencontre le plus souvent dans les familles adonnées à l’intempérance. Les prisons sont peuplées de malheureux êtres tolalement avilis par celte dégradante pas- sion. M. Marambat, greffier de Sainte-Pélagie, à étudié l’action de l'alcool sur 2.950 prisonniers parisiens. Il a trouvé, comme alcooliques, 88 °/ condamnés pour coups et blessures, 79 °}, pour attentats aux mœurs, 78 °/, pour vagabondage, 10 °/, pour vols, 57 °/, pour incendies et 53 °/, pour homicides. Une constatalion inverse et plus intéressante encore à été faite en Irlande vers 1810. Un capucin, le Père Mathew, mena à cette époque dans le pays une vive campagne antialcoolique. Sous l'influence de ses prédications, le nombre des buveurs baïissa considérablement : 237 débits de boissons dispa- D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE rurent, une des prisons de Dublin fut fermée; le nombre des détenus tomba de 3.200 à 1.600, et, au : lieu de 59 exécutions capitales, il n'y en eut plus qu'une seule. Puisque l'influence du développement alcoolique sur la criminalité est telle, on ne saurait s'élonner que la Seine-Inférieure et l'Eure arrivent en tête des départements qui fournissent le plus de crimes. D'après les documents publiés par le Ministère de la Justice pour la période 1878-1887", au point de vue de la criminalité générale (Cour d'assises et tribunaux correctionnels réunis), le département de l'Eure occupait le 8° rang, avec 742 accusés ou - prévenus par 100.000 habitants, la moyenne an- - nuelle de la France étant de 517. Les sept départements pour lesquels on relève des chiffres plus élevés sont : Bouches-du-Rhône. 1.015 Corse . 982 Seine . AD RE 961 Alpes-Maritimes . 909 Seine-Iuférieure . . . 834 HÉTAUI TEE Cure 815 Seine-et-Oise. . 151 Eure. . . 742 Si l'on considère que l'Eure ne compte pas une seule grande ville, a peu de centres industriels de quelque importance et un nombre d'étrangers infime, on doit reconnaitre qu'un tel chiffre est énorme et qu'il n'existe pas en France de popu- lation rurale présentant un état moral aussi mau- vais”. En recherchant les causes qui contribuent à un pareil résultat, on voit que les principales sont la violence et l'immoralilé. L'Eure vient, en effet, au 5° rang des départe- ments classés d'après le nombre des accusés pour assassinats, meurtres, coups et blessures : Corse . TC né 9322 Haute-Savoie. . . . . 170 Alpes-Maritimes: : « : . . . . 154 Pas-de-Calais. . . . . . . 146 ATOS EUE 0 OEM EE MATE TEE 137 et au 6° rang relativement aux viols, attentats aux mœurs et adultères : Seine. NES QT ER 34 Bouches-du-Rhône Ce EE 20 BIDESMALIMES RE CL RON. 25 Marne . ASP 2% Selné-InférTienre. en: ras sie dilat 25 TOR SEE PNR RO APRES Le DER 22 Ces chiffres remontent à quinze ans. La Commis- sion extra-parlementaire, instituée au Ministère des 1 Compte rendu de l'administralion de la justice crimi- minelle pendant l'année 1887, Imprimerie nationale, 1889. ? La Corse doit sa grande criminalité à une cause toute spéciale, dérivant des mœurs du pays. | Finances en vue d'élaborer la question du mono- pole de l'alcool (1896), a publié une statistique plus récente, comprenant les années 1891, 1892 et 1893. Celle-ci montre que l'Eure arrive actuellement à dépasser, comme criminalité, les départements urbains. Voici quelques indications à ce sujet : Classement des départements suivant la proportion par 1.000 habitants du nombre des individus annuellement condamnés par les Cours d'assises : COS MAS PACS 0,36 Alpes-Maritimes . 0,23 Calvados . . 0,22 Eure . . DCE. 0,19 Bouches-du-Rhône 0,19 Seine. 0,18 Var. 0,16 oire MA u.r 0,15 Ille et-Vilaine . J 0,14 Moyenne générale. . 0,09 Classement des départements suivant la proportion par 1.000 habitants du nombre des individus annuellement condamnés par les tribunaux correctionnels : Corse and retanener.s das Mie QUES Euro ea 10,88 Seine-Inférieure . 10,81 Hérault . 10,4% Calvados. 5 CN 10,2% Seine-AEOISP. LA ee note ee a00 Alpes-Maritimes "C0. 1955 Bouches-du-Rhône. . . .=., . . "9,46 SORA ER EM TR NT R 9,44 Moyennelgéneérale sn. RES 55 L'Eure tend à prendre la première place; il l'oc- cupe même pour les délits jugés par les tribunaux correctionnels, en faisant abstraction de la Corse. Lorsqu'on examine dans son ensemble la crimi- nalité dans l'Eure depuis soixante-quinze ans, la première chose à remarquer est que le total des accusés jugés par la Cour d'assises était beaucoup plus considérable autrefois qu'aujourd'hui. Il ne faut pas en conclure que les crimes ont diminué de fréquence. Depuis nombre d'années, en effet, l'instruction écarte les circonstances aggravantes afin d'assurer, par la juridiction correctionnelle, une répression plus prompte et de ne pas surchar- ger les Cours d’assises d’affaires ne présentant pas un réel caractère de gravité. Si nous voulons juger sûrement l’état moral du pays, il importe, d’une part, de réunir les prévenus aux accusés et, d'autre part, d'étendre l'examen à une période suffisamment longue pour faire dispa- raître les exceptions pouvant se produire dans le cours d'une année. En suivant ces indications, nous obtenons les résultats suivants : 1841-1850. 1861-1810. 1881-1890. 4,6 accusés ou prévenus pour 1.000 hab. 4,2 88 f —. 19 Ainsi, la criminalité dans l'Eure a doublé depuis trente ans, en même lemps que la consommation 65% annuelle d'eau-de-vie passait de 5 litres à 45 litres par habitant. Si l'alcool n’est pas la cause unique de ce mal sans cesse grandissant, il faut avouer qu'il y contribue pour une bonne part, car ce sont surtout les crimes violents, les attentats aux mœurs et les incendies, dont le chiffre s’accroit de jour en jour. NII. — L'ALCOOL ET LES SUICIDES. Dans un remarquable ouvrage ‘, M. Durkeim dit, à propos de l’action alcoolique sur la marche des D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE sité dans la Seine et dans les départements voisins; elle est déjà moins sombre en Normandie et n’at- teint pas le Nord. La première se développe vers l'Ouest et va jusqu'au littoral de l'Océan; la se- conde a une orientation inverse. Elle est très vite arrêtée dans la direction de l'Ouest par une limite qu'elle ne franchit pas; elle ne dépasse pas l'Eure et l'Eure-et-Loir, tandis qu'elle tend fortement vers l'Est. » Il résulte des observations de M. Durkeim que les cartes de la consommation alcoolique et des suicides : « Au premier abord, un rapport étroit | suicides sont sensiblement comparables, à quel- , , = = =“ =\ EX À En = = _ = A EX es: $$$ aber. 5 Sete Te TETE nant Ï anal nn CET + mu Er $ 000 : =} | Li | | ! | : | seen [EE 53 00 BE EP A 2 A AE En Rue, = BERSLcBEecneEsSnEUE ce 51 000 EE EE sean on LI #9 000 - Ï rt al ] [ff [| | É Î | CT x [yen] I #71 000 | BA mE) T ns RE fs JE ln EE EN ELLE ES 000 + + + 1 J 1 | | ARE Î CE ne + Et 4} Î mi Î #3. 000 1 l cs RSI EE Il #1. 000 CARE nEn l C man CT PRE 180 Ï Il De Rens Dr DE AMEN 7 jesiae) Î ET EEE I 37. 000 pe FER fe {mn Im a of | Fi | | 35. 000 160 Ï [ie LI Î CEE (ami RE en } 150 Pop EE u mn Hi ERPRRERE - FT 33. 000 k20 ER ep PO CÉCECEEECECENN CET 000 | (al I I ne EE 6 AE ie em BRUREE EN Hi 9.000 130 cn 1 IC HER 7 Ÿ BAUER RER WADE) LT l LITE TAPANT BHeREr 7.000 ie EE ei SATA Hi E L Fate CETTE, 000 110 1 Benne) LT HER Een Ï pce! RE - |} [| : 1: Bar —— 100 ++ f TRI 1 + À ! (En 2 E: 3.000 wi! lesfate emo) | | ET | a rit 1. 000. 90 Il nn mn pl Ï AE Sant TA LG EI jen ] TT EBSSReLASAnRRE = 19. 000 80 A IE Lo al | | Diane mpmessje/seeet 000 70 ? LT ! Ï ie LE PE ta [auto : DÉCÉRECERE EEE EEE EuLosrenEeme | IT l15.000 So Er A [1 9 La âl ne LEE 13.000 A D NS fé : D | Ï PEER CL = | En. 000 ‘| ] Ts Ï Î 30 CE D HE El EE LITTLE CET Le. 000 nfinenen Fig. 4 — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et des suicides dans l'Eure, depuis 1830. paraît exister entre la quantité d'alcool consommé et la tendance au suicide, au moins pour ce qui concerne notre pays. En effet, c'est dans les dépar- tements septentrionaux qu’on boit le plus d’alcool, et c’est aussi sur cette même région que le suicide sévit avec le plus de violence. « Mais d’abord, les deux taches n'ont pas du tout, sur les cartes, la même configuration. L'une a son maximum de relief en Normandie et dans le Nord, etelle se dégrade à mesure qu'elle descend vers Paris; c'est celle de la consommation alcoo- lique. L'autre, au contraire, a sa plus grande inten- 1 Eurce Dunkerm : Le Suicide (Bibliothèque de Philosophie contemporaine), 1897. Î FE. BorrREMANS Sa ques départements près. Le fait qu'elles ne le sont pas absolument ne prouve qu'une chose : l'alcoo- lisme n’est pas tout et le suicide dépend de plu- sieurs facteurs, comme le montre l'influence des races, de la richesse publique, des centres ur- bains, ete. | Si la Bretagne fournit peu de morts volontaires, malgré son intoxication éthylique considérable, ne peut-on pas attribuer ce résultat à la pauvreté du pays, à sa grande nuptialité ou bien à la prépon- dérance des idées religieuses? Si la carte des sui- cides a son maximum dans la Seine et les départe- ments voisins, ne serait-ce pas gràce à la présence de Paris? En étudiant la carte des suicides des départe- D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX°‘ SIÈCLE 65 ments par arrondissements, on voit que, dans l'Eure, l'arrondissement de Pont-Audemer est le plus envahi par le fléau. Or, cette région est celle où le mal alcoolique atteint son maximum d'intensité. Pour nous, nous considérons l'alcoolisme comme le facteur le plus important des suicides et nous ne craignons pas d'être démenti par nos confrères aliénistes en disant que les suicides des alcoo- liques sont d'une extrême fréquence, soit qu'ef- frayés par une hallucination terrifiante, ils croient échapper au danger en se jetant à l’eau ou en se précipitant d’une fenêtre, soit qu'ils se tuent à la suite de délires mélancoliques ou d'idées de persé- cution, si communes chez ces malades !. De plus, les habitudes d'ivrognerie agissent d'une facon très puissante sur l'énergie morale qu'elles amoin- drissent. L'homme qui boit, déprimé peu à peu par le poison, diminué dans sa volonté, s’exagère les difficultés de l'existence, se croit incapable de les surmonter et préfère en finir avec la vie. Le département de l'Eure donne la preuve écla- tante de l'influence de l’intempérance sur le déve- loppement du suicide. La progression des suicides y est parallèle à la progression de la consomma- lion alcoolique (fig. 4). Pour bien se rendre compte de la gravité du mal, il est bon de chercher le rapport des suicides avec la population, et de le comparer à la moyenne de la France : PROPORTION ANNUELLE sur 100.000 habitants PÉRIODES QUINQUENNALES Eure France Ho CU RES SRE 9 8 RE TITRE SERRE 9 d 1446-1850.../.1: .1.7 12 10 1892-1855 121. -, - | D IQÉOAS 12 10,50 42856-18600 2. . ts ÀE 16 il ADAM Ne nette 18 12 ABDE=LSTDE Tr. NE Me 20 13 ASTASLET ON PME re : 24 15 AISÉE RNA 16 17 ARS EE PE ENS 32 20 ARSGASIDENS Ur EC. 40 21 RES EICE SSSR . 46 22 Que dire devant cette constatation ? Le total des suicides s'accroît chaque année dans des propor- tions effrayantes : il a doublé en cinquante ans, et dépasse aujourd'hui le double de la moyenne de la France. Cette marche ascendante a suivi pas à pas celle de l'alcool; elle s’est surtout accentuée à par- tir de 1877, suivant en cela le bond énorme de la : courbe éthylique. Le département de l'Eure, si pauvre en vies humaines, perd chaque année 150 à 200 êtres enlevés par le suicide. Il y a là un fac- teur de dépopulation qui ne doit pas être oublié. * La Gazette des Tribunaux du 13 avril 1865 cite un exemple remarquable de suicide par suite d’alcoolisme dans une même famille. Les quatre frères Dufay étaient tous adonnés à l'ivrognerie la plus effrénée. L'ainé s'est jeté à © VIII. — L'ALCOOL ET LE SERVICE MILITAIRE. L'abus des boissons spiritueuses exerce une action désastreuse sur la constitution humaine. Il arrête le développement de l'organisme, et diminue la vigueur corporelle. Nos lois militaires ordonnant chaque année, en vue du contingent, l'examen phy- sique de tous les jeunes gens, il était utile de savoir s'il se dégageait quelque rapport constant entre le nombre des cas d’exemption et la marche de la consommation alcoolique. M. le sénateur Claude (des Vosges) relate ce fait que les départements de Meurthe-et-Moselle et des Vosges, renommés pour la validité de leurs recrues, ont accusé un chiffre de réformes considérable du jour où ces contrées, jadis sobres, se sont livrées à l'intempé- rance. M. Guillemet remarque, de son côté, que le département de la Seine-Inférieure, où il y avait, en 1873, 405 exemptés pour 6.604 inscrits, soit 6 °/,, comptait, en 1893, 1.680 exemptés pour 6.796 ins- crils, soit 27 °/,. Dans l'Eure, on n'observe pas la même progres- sion. Le tolal des cas de réforme est singulièrement variable d'année en année, et la chose se comprend facilement si l'on considère que les Commissions se montrent plus ou moins sévères selon les ins- tructions du Ministre el les appréciations indivi- duelles des médecins militaires. Afin de se rendre compte plus exactement de la valeur physique de chaque classe, il est préférable de négliger le nombre des jeunes gens ajournés, réformés ou placés dans l’armée auxiliaire, pour s'occuper uniquement du chiffre des hommes recon- nus propres au service. On s'approche mieux ainsi de la vérité. Le résultat obtenu indique que le pourcentage des hommes bons à être incorporés est moins élevé aujourd'hui qu'il y a vingt-cinq ans. RERO RE) OS ET 70 LL PE 73 °/o ASSOSTSSAR EN RER Le Te. 71 L885-A8SI PRE NU Ue 12 LCTBICEE MONS y CESSE Te 69 1895-1899. AVENANT US 64 Cette diminution, surtout appréciable pour les cinq dernières années, donne la preuve de la dé- chéance imputable à l'alcoolisme des procréateurs. IX. — L'ALCOOL ET L'ALIÉNATION. L’aliénation mentale a suivi, au xIx° siècle, un mouvement ascensionnel inquiétant. Les asiles sont partout encombrés, de nouveaux éfablisse- ments s'ouvrent aussitôt complets, et les départe- l'eau, le second s'est pendu, le troisième s'est coupé la gorge, et le quatrième s’est jeté d'une fenêtre. ments voient leurs budgets obérés par ces charges. Une des causes de l'augmentation du nombre des fous hospitalisés réside dans. la plus grande facilité | de l'internement. Le législateur a voulu, dans un | but de sécurité publique, retirer de la société les aliénés qu'on laissait autrefois en liberté, afin de les guérir ou tout au moins les metlre dans l'im- possibilité de nuire. Des efforts inouïs ont été faits dans ce sens, et ce n’est pas un des moindres litres du xix° siècle à la reconnaissance des générations futures. D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE Une autre raison, attristante celle-là, est l’ac- L'intoxication ne se contente pas de frapper le buveur dans sa personne; elle le poursuit encore | dans ses enfants, pendant la suite des générations. Les idiots, les imbéciles, les hystériques, les épilep- tiques, les dégénérés se retrouvent en grande partie parmi les descendants d’alcooliques. Déjà Hippo- crate avait remarqué que les enfants conçus pen- dant l'ivresse étaient menacés des troubles phy- siques et psychiques les plus graves. Darwin admet » que les enfants héritent jusqu’à la troisième géné- \ ration des maladies engendrées par l'ivrognerie. Morel, Marcé, Roesch, Friedrich, etc., arrivent aux DEEE eue 3 à 8 EDS ie a 8 2... RHIN NE d'Acos bo | 5 ë É ë SOS 2 ë à ë 8 ë £ > à 56.000! E T TT Eu I T T I 64. 000 Lu | ET [ l ses te et — nets Tu 82. 000 . BE in D l I -!- 1 EN : En BA HE RH tt tente L à LE TT Blain ete ral Fate DE [TT 640 #6 000 [TI sus D ji sun IE [| Le ja en) —- _ ds FE _. mi : ET Î 60 - Î 5 #2. 000 Ti ] D Eu : T Ï Ê IE | a l I 520 40. 000 Il Ï Et E Ï IT IT [CT a el | (en 480 38. 000 | | 440 36. 000 RE nu #00 34. 000 [1 32. 000 F6A 30. 000 Ti EEE 320 28.000 ue Fe . 24 26.000 un e 5 24. 000 ne CEE" 200 M 180 22. 000 e | 1120 20. 000 80 18. 000! EEE ERO 16.000 ! | 1+. 000 [as 12. 000 In 10. 000 sennu 8.000 75 À DFRÉMANS 50. Fig. 5. — Marche de la consommation de l'alcool, de la population et de l'aliénation mentale dans l'Eure, depuis 1827. croissement des aliénés par suite des progrès de l'alcoolisme. Tous les travaux contemporains ont montré l'étroite corrélation existant entre le déve- loppement de la consommation éthylique d'une contrée et la marche de la folie. L'alcool agit sur l'économie à la facon des toxiques qui imprègnent l'organisme tout entier, et y créent un état patho- logique général. Il n’est pas, toutefois, de système organique plus fréquemment atteint que le système nerveux,et plus spécialement le cerveau. La cellule cérébrale présente une susceptibilité particulière vis-à-vis du poison alcoolique, surtout chez les prédisposés : l'ivresse n'est-elle pas une courte folie ? L'homme qui se livre chaque jour à l'intem- pérance arrive Lôt ou tard, selon son degré d’éner- gie physique, au délire ou à la démence. mêmes conclusions. Plus près de nous, M. le D° Legrain s'est livré, à ce sujet, à une série de recherches fort instructives. Il a étudié 215 familles, de buveurs, et en a observé la descendance jusqu'à" la troisième génération. Le nombre d'individus nés de ces familles a été, pour les trois générations, de 814, sur lesquels 174 ont succombé prématurément. Sur les 640 restants, une centaine seulement ont joui d'un état physique et mental satisfaisant ; les. autres ont donné lieu aux constatations suivantes 2 élaient atteints de perversion morale, avaient eu des convulsions infantiles, ont présenté de l'hystérie ou de l'épilepsie, étaient des aliénés. 62 173 131 145 Étant donné celte influence de l'alcoolisme sur la folie, il n’est pas étonnant que le département, D° RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX° SIÈCLE 657 de l'Eure présente un accroissement continu des cas d’aliénation. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur la figure 5, où nous avons mis en parallèle l'alcool, la population, le total des ma- lades et le chiffre des admissions annuelles, On y voit que la courbe de l'aliénation suit une marche ’ ascensionnelle, absolument régulière dans son en- “semble, tandis que celle de la population baisse . progressivement. Ces documents nous permettent de nous rendre - compte du rapport du nombre des fous à celui des habitants : mu 1841-1850. 40 aliénés en traitement par 100.000 hab. 1851-1860. 63 en Le 1861-1870. 110 — — m… 1571-1880. 142 — _ …._ 1551-1890. 180 = = m… 1591-1898. 199 —— — A 4 …_ Au point de vue du chiffre des admissions an- f nuelles, la proportion est celle-ci :° D 1851-1860. . . . . 1% admissions par 100.000 hab. 1861-1870. . . . . * 23 — = 1871-1880... 31 — 1881-1890. . . . . 32 — — ASOIS 1898 0e 39 — = L'augmentation du nombre des aliénés est due, “sans aucun doule, à l'alcoolisme. La statistique montre, en effet, que le chiffre des vésanies pro- QU dites a plutôt tendance à diminuer, tandis pue celui des alcooliques et des dégénérés de “toute nalure se multiplie dans des proportions effrayantes. La physionomie de l'Asile d'Évreux a complètement changé depuis vingt- ne ans. Les agités, les grands délirants ont pour la plupart “disparu, remplacés par des débiles. La moyenne de l'intelligence des malades qui entrent chaque “année diminue de plus en plus. Nous avions fait “également la même remarque dans notre étude sur | l'Asile de Quimper. …— D'où vient donc ce changement, celte accen- | fuation de la dégénérescence, alors qu'en internant les aliénés, en les empêchant de faire souche, on faisait la meilleure prophylaxie de l'aliénation ? Les travaux de Morel, de notre maitre M. le D° Magnan, et de nombre de ses élèves, nous l'ap- prennent avec surabondance de preuves. La raison de cette dégénérescence, c'est le fléau élhylique, qui, en intoxiquant les procréaleurs, multiplie le nombre de familles tarées, et abàätardit la race. Les renseignements que nous sommes à même de recueillir sur les antécédents héréditaires nous confirment chaque jour dans cette opinion. Sou- vent le malade compte un aliéné dans ses ascen- dants; plus souvent encore, peut-être, ses parents se livrent à des excès de boisson. L'hérédo-alcoo- lique a, pour ainsi dire, le délire en puissance. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, Son père a pu absorber de grandes quantités de boisson avant de succomber: lui, au contraire, né avec le goût des liqueurs fortes, délire à la moindre infraction aux règles de l'hygiène. C'est avec raison qu'on à pu dire que l'alcool était la pierre de touche du dégénéré; son intoxication se traduit par un véritable accès d’aliénalion, et cet accès n'est pas le délire alcoolique (il n’a pas le lemps d'y arriver), c'est une des formes complexes sous lesquelles se révèle le délire des prédisposés. Le rapport si documenté de M. le sénateur Claude, des Vosges, donne, pour la proportion d'alcoolisés traités à l’Asile départemental de l'Eure, les chiffres de 28 °/, des admissions annuelles chez les hommes, et de 7 °/, chez les femmes, et cela pour la période 1871-1885. Depuis 1885, le nombre des admissions alcoo- liques oscille autour de 30 °/, pour les hommes, et 8 °/, pour les femmes. Beaucoup de ces malades sont internés à la suite d'un examen médico-légal qui les a reconnus irresponsables de l'acte criminel commis par eux. Nous comprenons dans ce chiffre de 30 °/, les alcooliques purs et les dégénérés alcoolisés, ceux-ci étant beaucoup plus nombreux que ceux-là. Quant à la question si intéressante du rapport de la paralysie générale et de l'alcoolisme, peut-être pas inutile de noter ce fail que le nombre des paralytiques généraux est reslé à peu près stationnaire depuis l'ouverture de l’Asile, et qu'il n'a nullement suivi la progression de la consom- mation alcoolique. En 1899, sur 108 aliénés de l'Eure entrés pour la première fois, il existait 11 paralytiques généraux, soit près de 10 °/,. En 1895, ce rapport était de 12 pour 120, soit 10 °/,. Les chiffres des années précédentes donnent sensiblement la même pro- portion. il n'est X. — CONSÉQUENCES FINANCIÈRES. « Si vous avez l'illusion que nous ävons épuisé la liste de nos misères, hälez-vous de la perdre.Tout se tient dans une société, les intérêts comme les citoyens, et nous serions trop heureux si, après avoir payé à la folie, au crime et à la décrépilude d'aussi lourdes dimes, nous avions au moins la consolation de sauver le numéraire. Croyez-vous que ce soit impunément pour les deniers publics que nous tenons enfermés des milliers d’aliénés alcooliques ou fils d’alcooliques, que nous gardons sous clef les milliers de malfaiteurs que nous devons à l'alcool, que nous hospitalisons les infirmes, les épileptiques et les idiots ? Croyez-vous que le chômage du lundi de paresse, que le repos forcé dû à la maladie n’ont pas de répereussion du côté de la bourse des con- 14° 658 D' RAOUL LEROY — L'ALCOOLISME DANS L'EURE AU XIX:° SIÈCLE 1 tribuables? Quand les bras chôment, l'estomac ne chôme pas; il faut nourrir les affamés sans pain, il faut réchauffer les petits qui grelottent quand le père se tue au cabaret. Où l’Assistance publique puise-t-elle ses ressources? Qui fera le décompte de l'argent gàché pour la seule satisfaction d'impul- sions maladives, de passions grossières, de jouis- sances malsaines ou de préjugés néfastes? Il serait temps de dire bien haut où va l'argent‘. » (Legrain.) M.Rochard” a essayé d'évaluer, pour l’année 1881, les dépenses occasionnées en France par l'alcool. Il estime le prix de l'eau-de-vie consommée à 90 mil- lions, le coût des journées de travail perdues à 960 millions, les frais de traitement pour maladie à 10 millions, les frais d’internement des aliénés à 3 millions, les frais de répression pour les crimes à 9 millions, etle coût des suicides el des morts acci- dentelles à 5 millions. C'est un total de 1 milliard 138 millions, et cette somme colossale est considé- rablement dépassée aujourd’hui, puisque limpôt sur les spiritueux à produit à lui seul 256 millions en 1894. Si le même travail était fait pour le département de l'Eure, on serait probablement effrayé du résul- tat. Sans traiter à fond cette question, nous pou- vons tout au moins donner quelques renseigne- ments. Le budget départemental est de plus en plus obéré chaque année par les dépenses d’assistance publique. Depuis cinquante ans, les frais occa- sionnés par le traitement des aliénés indigents ont triplé, alors que la construction d’un asile aurait dû, l'installation une fois payée, diminuer les charges des contribuables. En 1850, la somme con- sacrée à ce service était de 86.000 francs, y compris la contribution des communes et des familles; en 1860, elle s'élevait à 134.000. Voici la progres- sion depuis l'ouverture de l’Asile d'Évreux : AGIT et als e chere ee HIO2 0UDMITANCSS LORS eee DDDESE ES ABB ANNE UE ER MA Tone 251.000 — A SOON LD We ee 259.000 — RON PC le EME 267.000 — Le service des enfants assistés, comprenant les enfants trouvés et ceux moralement abandonnés, a nécessité la même progression de dépenses, pro- gression portant principalement sur ces derniers. La loi du 24 juillet 1889 a voulu retirer aux parents indignes les malheureux enfants qui, livrés à eux- mêmes et poussés au vice par les mauvais exemples, élaient voués, falalement, à l'ignorance, au vaga- ! Cité par M. Guinceuer, dans le Rapport sur le monopole de la rectification de l'alcool, Journal officiel, 1897. Annexe n° 2.212. ? Rocuarp : L'alcool, son rôle dans les sociétés modernes, dans la Aevue des Deux Mondes, 15 avril 1886, bondage, au vol, à la prostitution, etc. Cette loi, essentiellement humanitaire et de préservation so- ciale, est appelée à retirer de l’armée du crime, pour en faire des travailleurs et des honnêtes gens, quantité d'infortunés qui auraient été corrompus | par l'influence du milieu. Ce sont les tribunaux qui prononcent la déchéance paternelle, et confient les droits de garde et de tutelle des enfants à l'Assis= M tance publique. Il faut lire les considérants des jugements pour se rendre compte du rôle immense de l'alcoolisme dans l'indignité des parents. Partout ou presque partout c’est la même histoire lamentable : «le père ou la mère se livrent à l’ivrognerie la plus effrérée, et sont d’une inconduite notoire ». De 1850 à 4899, les tribunaux du département de l'Eure ont rendu 283 jugements de déchéance paternelle, sur lesquels 226 ont eu pour cause pri- mordiale l’intempérance scandaleuse des parents. Étant donné les mœurs du pays, on ne saurait s'étonner que le nombre des pupilles de l’Assis- tance s’accroisse chaque année. Il était de 186 en 1890, il s'approche de 700 en 1899, et ce n’est pas se montrer grand pro- phète que de prévoir une constante augmentation. On se plaint journellement du poids des impôts, chacun répète à l’envi qu'on ne travaille plus « que“ pour le Gouvernement », que le Minotaure dévore tout, que le percepteur encaisse le fruit de tous les labeurs. Que dirait le contribuable si on venait lui è prouver que cet argent des impôts directs, versé \ avec tant d’amertume, est moins considérable que celui donné volontairement à l'État pour Re : ses habitudes malsaines et ses vices? La chose est facile à faire, tout au moins pour l'habitant du département de l'Eure. Il suffit de relever, pour chaque année, le produit des impôts directs et celui des contributions indirectes concernant seulement les boissons et le tabac. On y trouvera un rappro- chement intéressant. CONTRIBUTIONS INDIRECTES Années Impôts directs Boissons Tabac Total 1819. . . .« 9.826.000 2.567.000 1.916.000 4.483.000 LESAP EEE 9 405.000 2.921.000 1.949.000 4.870.000 blocs 9.516.000 5.474.000 4.305.000 9.780.000) 1890... . 9 820.000 5.897.000 4.108.000 9.905.000 189%. , . . 8.878.000 6.260.000 #4.022.000 10.282.000 1895... . . 9.036.000 5.143.000 3.924.000 9.067.000 1898. « « « 9.163.000 6.199.000 4.005.000 10.204.000: Ainsi, depuis 1895, les habitants de l'Eure paient plus en contributions indirectes (alcool et tabac seu= lement) qu'en impôts directs, et, pour l’année 1898, la différence est d'un million. Le rendement des boissons est passé de 2.500.000 francs en 1879, à 6.200.000 en 1898, Cette progression mérite d'autant plus d'être signalée que nous sommes ici dans un pays contenanb ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 639 25.000 bouilleurs de cru, et où, par conséquent, la plus grande partie de l'eau-de-vie consommée échappe au fisc. XI. — ConcLusIoNs. Queile conclusion tirer de cette étude? L'’alcoo- lisme est un mal qui anéantit les forces vives d'une - nation. Il tue l'individu et, avant de le tuer, le déprave et l’avilit. En accroissant par la voie héré- ditaire la foule des faibles d'esprit, des criminels et des aliénés, le poison contribue, pour une large part, à la déchéance de la race. Perte du capital humain par la multiplication des morts prématu- … _rées, perte du capital intellectuel par l’accentuation « de la dégénérescence, tel est le bilan de ce fléau. « L'alcool, a dit Gladstone, fait de nos jours plus de ravages que les trois maux historiques : la famine, la peste et la guerre. Plus que la famine et … la peste, il décime; plus que la guerre, il tue ; — il « fait plus, il déshonore. » Un peuple n'est puissant - que par le nombre et la vigueur physique ou morale de ses enfants. L'alcoolisme nous pousse donc peu à peu vers la décadence, par la soustraction incessante de forces sociales. Entre toutes les régions de la France, la Nor: mandie est menacée de ce péril. Sa populalion dimi- nue tandis que monte le flot des criminels et des fous. Cette contrée, au climat tempéré, à la terre fertile, voit chaque année un grand nombre de ses enfants emportés par la maladie du suicide, mala- die dont ils ne soupconnent pas la cause. Après bien d’autres, nous venons signaler le danger dans ce pays qui nous est cher à plus d’un titre. La saine raison du Normand saura terrasser ce fléau, d’au- tant plus à craindre qu'il semble inaperçu. Elle le retiendra sur la pente qui l’entraine. Nous sommes ici en présence d'un fonds si fécond de volonté forte, de calcul patient et de ressources matérielles. qu'on peut espérer de cette riche province unintel- ligent et courageux effort de relèvement". D' Raoul Leroy, Médecin-adjoint de l'Asile des Aliénés d'Evreux. | L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES ; DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS DES OSCILLOGRAPHES " A L'ÉTUDE DE L'ARC ÉLECTRIQUE Les applications des oscillographes sont dès “maintenant presque indéfinies, tant dans le Labo- f ratoire que dans l'Industrie, pour l'étude de tous “les phénomènes des courants alternatifs ou va- riables, de rapidité modérée. L'auteur a publié déjà plusieurs travaux de ce genre, et, à l'Étranger, di- «vers physiciens! ont également employé les oscil- … lographes avec succès. “ Comme exemple particulièrement intéressant de ces applications, je reproduirai ici d’abord quelques courbes relatives à un phénomène plus complexe “qu'il ne le parait, celui de l’arc électrique à cou- rants alternatifs; j'avais fait connaitre déjà les principales propriétés de cet arc dans de précé- dents mémoires?, et l'oscillographe m a donné des vérifications très satisfaisantes. Cet appareil a per- mis de relever en quelques jours des courbes qu'il m'avait fallu jadis plusieurs mois pour obte- > 1 Il convient de citer en particulier MM. Hotchkiss et Millis, Mac Kittrick, Duddell et Marchant. ? La Eumière électrique, 19 décembre 1891 et G sep- tembre 4893, complétée, au sujet du décalage, dans l'Z1- dustrie électrique, 1895, p. 329. nir moins parfaitement à l'aide de la méthode du : contactinstantané (dont l'invention remonte à M.Jou- bert). Je signalerai ensuite les curieux effets relatifs à l'arc entre métaux et charbons, encore peu connu. Enfin je compléterai cette série d'exemples par une autre étude, encore inédite, sur l’are pulsatoire etles conséquences qui s’en déduisent pour la théorie de la stabilité de l’arc continu. I. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE CHARBONS. Les photolypes ci-joints (fig. 1 à 49), qui consti- tuent la première publication d'oscillographie double qui ait été faite ?, donnent les courbes de 4 La place forcément restreinte dont nous disposions ne nous à pas permis d'aborder quelques questions acces- soires; les personnes que le sujet intéresse les trouveront exposées dans le Bulletin de la Société libre de l'Eure. ? Ces relevés photographiques ont été exécutés il y a deux ans, sous ma direction, par mes assistants d'alors, MM. Dobkévitch, Tchernosvitoff, Duris et Farmer, à qui je tiens à exprimer ici tous mes remerciements pour leur habile et dévoué concours. (Travail exécuté au Laboratoire central d'EÉlectricité.) 660 ANDRÉ BLONDEL l'intensité du courant dans l’are entre charbons et de la différence de potentiel entre les pointes des crayons dans leurs phases relatives. Ces courbes sont rapportées à un même axe des temps, lracé par l'appareil. Le courant était fourni par le réseau du Secteur de la Rive gauche, qui jouait le rôle d'une source allernalive à 110 volts efficaces et à 42 périodes par seconde, de résistance et de self-inductance Fig. Fig. 1. Courbe du Secteur de la Rive gauche. — Fig. 2 à U, différences de potentiel entre pointes; I, intensités. Le table: négligeables. La figure { montre la force électro- motrice de ce secteur (inscrite à une échelle plus réduite que les courbes suivantes), et le courant obtenu sur un circuit inductif sans arc (le décalage est sensiblement de un quart de période). On met- tait en dérivation sur ce réseau une lampe à arc à main, à charbons très courts (pour diminuer leur résistance), en série soit avec une résislance morte, soit avec une bobine de self-induction, suffisante pour réduire, dans les deux cas, l'intensité du cou- rant à une valeur voisine de 10 ampères. Les Fig. y L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES lijures 1 à 19 sont une reproduction héliogra- phique directe des courbes ainsi oblenues. Les lettres E, U, 1, ajoutées au burin -sur les clichés, désignent respeciivement les courbes de force élec- tromotrice, de différence de potentiel entre pointes et d'intensité de courant. On doit les lire de gauche à droite (sauf la figure 19 où le sens a été inversé), l'axe horizontal étant celui des temps croissants dans cette direction. Courbes de l'arc alternatif entre charbons. — E, f. 6. m; iu | iudique les caractéristiques de chacune de ces courbes. Le tableau I (page 662) résume les condilions de production de l’are : ualure des crayons, diamètre, écart des pointes, voltage entre pointes et inten- sité de courant relevés à l'aide d'appareils de mesure Calorifiques !. ‘ Les chiffres de force électromotrice, tension, intensité, ont été relevés à l'aide des appareils susdits, et non déduits des courbes. Les échelles de celles-ci ont varié suivaut les expériences, d'après le groupement des bobines des oscillo- graphes. Les arcs 15* et 16* ont été produits entre, des charbons ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES G61 Ces expériences, ainsi condensées sous une forme succincle, permettent aisément d'établir les pro- priétés principales suivantes : Le phénomène de l'arc alternatif peut être extré- différent suivant et donne lieu à une infinie variélé de courbes (dont celles qui sont reproduiles ici sont seulement des mement les circonstances, échantillons caractéristiques). Mais, en définitive, les facteurs essentiels sont la 2a{ure des charhons (homogènes, ou à mèche) et la nature di circuit qui les contient (inducltif, ou non induelif). Fig. 16. Fig. 10 à 18. — Courbes d2 l'arc alternatif entre charbons (suite). Fig. 17. deux types très différents de courbes caractéris- tiques des figures 2 et 6 respectivement, lesquelles S'interprètent aisément, comme je l'ai montré, par | les phénomènes de vaporisation et d’arrachement disruplif du carbone. Ce dernier effet est néces- saire pour rallumer l'arc à chaque changement de signe, et se traduil par un bec de la courbe de ten- sion U, sauf pour les arcs très courts (fig. 5); il ya aussi assez souvent, à la fin de chaque alternance, surtout lorsque l'arc est sifflant ou ronflant (fig. 2 et 6), un second bec, qui disparait dans les arcs plus 18 Fig. — Les lettres ont la même signification que précédemment. Le tableau I indique les caractéristiques de chacune de ces courbes. En ce qui concerne les charbons, les seuls qui donnent lieu à un phénomène parfaitement défini, que nous appellerons l'arc normal, sont les char- bons homogènes purs, contenant très peu de sels minéraux (fig. 2 à 7 inclus); les charbons à mèche ne donnent qu'un phénomène modifié ou bâtard. 1° Charbons homogènes. Pour les charbons homogènes, l'influence de la nature du circuit est des plus nettes; en effet, suivant que le circuit est non inductif ou fortement induclif, on obtient les de nature différente, pour faire apparaître une dissymétrie marquée entre les deux alternances d'une période. silencieux, ou quand on diminue l'écart des char- J, bons (fig. 4 et 5), ou enfin quand on ajoute une àme légèrement saline (fig. 3). La grande différence | | entre les circuits non inductifs et les circuits inductifs, c'est que, dans les seconds, le retard du courant sur la force électromotrice, produit par l'effet ordinaire de la self-induction, permet à la tension de reprendre très rapidement, après chaque changement de signe, une valeur suffisante pour rallumer l’arc en sens inverse ; fandis que, dans les circuits non induclifs, et surtout si l’are siffle, la ! Lumière électrique (loc. cit.). 662 différence de potentiel aux bornes suit, pendant l'extinction, la courbe arrondie de la force électro- | 19. — Courbe de l'arc Fig. alternatif criardentre char- bons homogènes durs en circuit uon inductife motrice de la source sur une certaine longueur, comme le montre par exemple la figure 19*. 2 Charbons à äme. — L'addition d’une âme ou mèche, formée de poudre de charbon mé- langée à des silicates ou substances analogues, change complètement les conditions de fonc- tionnement, par la pro- duction dans l'arc de va- peurs salines conduc- trices, qui entretiennent une conduclibilité arti- ficielle. Celle-ci tend à ‘ramener toutes les courbes à la forme simplement sinusoïdale, ou arrondie (fig. 13, 14, 17), comme si l'arc n’était qu'une résistance morte; les charbons ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES tionnement, leurs courbes se rapprochent davan- tage soit de la sinusoïde (fig. 8, 13, 14, 17), soit au contraire des formes de l’arc normal (fig. 3, 9, 10 MAP M6) La différence entre les formes de courant des circuits inductifs ou non induclifs reste assez caractéristique. On voit qu'on peut assez bien classer, d’après le simple son, les ares alternatifs en deux types, caractérisés par des formes de courbes différentes : l'arc silencieux, qui donne des courbes analogues à celle de la force éleciromotrice d'alimentation, et se comporte à peu près comme une simple résis- tance, qu'il y ait ou non addition de self-induction en dehors de l'arc dans le circuit; l’are sifflant où criard, caractérisé par des courbes de tension ai- guës, avec où sans zéros prolongés de l'intensité, suivant qu'il y a ou non self-induction dans le circuit. L'annulation prolongée du courant ne se produit que sous des écarts très faibles, exceptionnelle- ment 2? ou 3 millimètres si l'arc jaillit sur les côtés; avec les écarts plus longs, il y a autour des char- TaBceau Ï. — Arcs à courants alternatifs entre deux charbons. à = ORCE TENSIOX | INTEN- ; PSE pe a Éntretes eine è , NUMÉROS a électro- | pointes du NATURE OBSERVATIONS NATURE DES CHARBONS en de l'arc à des courant ° % des figures Fo] _ motrice crayons en du circuit sur le bruit de l'arc millim. | millim. | en volts | en volts | ampères DITS UE des Homogènes. 10 LAS 32,2 24,2 | Non inductif. Ronflant. 3. . « . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,4 443,25! 50 18,5 — Silencieux. 4, . . . . .| Homogènes durs. 10 0,6 113 24,2 24 — Sifflant. ÉLIRE = 10 0,5 113 20 3 — — mette — 10 DA5 112 35 26 Inductif. Ronflant. TOC CEE — 10 1 115 21 9,4 — Sifflant. 8. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 4 116 38 9,2 | Non inductif. Criard. 129: .|A mèche, moyen voltage. 10 9 115 3 8,8 — Légèrement ronflant. | 10. . . . . .| À mèche, haut voltage. 10 10,5 115 39 8,2 Inductif. Silencieux. 11. . . . . . |A mèche, moyen voltage. 10 13 113,5 34,0 1) — Ronflant. 12, — 10 3 115 38 10,2 — Criard. 13. è A mèche, bas voltage. 10 ET 116,5 3225 8,9 — Ronflant., 14. k — 10 A 116,5 26,5 9 Non inductif. — [45* . . . . .| A mèche, haut voltage, et | homogène tendre. 10 2,4 11225 36,25 8,9 — Légèrement criard. | 46* .|A mèche, bas voltage, et homogène dur. 10 4,7 112,5 40 13 Inductif. Silencieux. OS A mèche, haut voltage 10 6,5 113 13 8,1 | Non inductif. — 18. - — 10 13,3 114,5 53 16 — Ronflant, 19. Homogènes durs. 10 2,1 113 36 8,9 — Criard. à mèche n'ont donc que peu d'intérêt pour le phy- sicien. Du reste, suivant qu'ils contiennent plus ou moins de matières salines?, ou même que la mèche s’est plus ou moins vidée en cours de fonc- Le sifflement de l'arc produit par excès de densité de courant peut faire réapparaître quelquefois le trait hori- zontal dans un arc sur circuit inductif; mais c'est un cas assez rare pour qu'on puisse regarder ce zéro prolongé comme spécial au circuit non inductif, ? Cette dernière circonstance rend souvent illusoire la clas- sification des charbons en «haut, bas et moyen voltage ». bons une colonne de gaz chauds qui offre un pas- sage conducteur continu, a fortiori s’il y a dans le charbon une mèche qui produit une atmosphère saline. Le rapport de la puissance vraie consommée dans l'arc (mesurée au wattmètre) à la puissance apparente (produit des volts par les ampères aux bornes de la lampe, déduction faite de sa bobine régulatrice) porte, comme on le sait, le nom de facteur de puissance. On peut en étudier directe- cé = * ir nf. mis de tué unes ét. cm mc à on | =. ; + ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 663 ment la valeur sur les courbes en calculant le rapport : Ordonnée moyenne volts X Ordonnée moyenne ampères. Produit moyen des ordonnées volts et ampères de mème abscisse. Ce rapport, toujours voisin de l’unité pour les courbes arrondies de l'arc silencieux, s’abaisse au-dessous de 0,70 pour les ares sifflants sur circuit non inductif, par l'effet de l'annulation pro- longée du courant pendant que les ordonnées de la tension atteignent leur maximum ; l’inductance des circuits inductifs réduit cette durée du zéro et améliore par conséquent le facteur de puissance. Ainsi s'explique, comme je l’ai montré il y a dix ans !, le fait que l'addition d’un arc sur un circuit de ces courbes‘, un électricien canadien fort dis- tingué, M. Duddell, a présenté avec M. Marchant, à l'Institut anglais des Ingénieurs électriciens, un travail analogue, contenant un nombre de courbes encore plus considérable, obtenues avec un oscillo- graphe bifilaire et confirmant complètement mes déduclions antérieures * II. — L'ARC ALTERNATIF ENTRE MÉTAUX ET CHARBONS M. Sahulka” et M. von Lang‘ ont montré, res- pectivement pour le fer et pour l'aluminium, qu'un are produit entre une électrode de métal et une électrode de charbon, par une force électromotrice … alternatif semble produire un décalage du courant. ! alternative, semble être le siège d’un courant con- Tagceau Il. — Arcs à courants alternatifs entre charbon et métal, =— NATURE DES ÉLECTRODES PER TENSION NUMÉROS ERA NATURE Tr ; CARACTÈRE DU SON du courant NATURE PE D'ARC des figures PR. Charbon Métal des électrodes en millimètres aux bornes en volts. en ampères du circuit alternatif qui accompagne le phé- k Il nomène Cuivre. Homogène. Homogène. A âme. Homogène. A âme. Aluminium. Fer. [-r] Mort. Induetif. Mixte. Inductif. Légèrement criard. | Criard. | Silencieux. Criard. Silencieux, Criard. Criard, période de trouble. Criard. Légèrement bruyant Criard. ETS CID Mixte. Inductif. 12 1 © Court. Long. — Court. Mixte. Long. Inductif. — Mort. En réalité, l'arc ne présente pas, même dans ce cas, de décalage notable, et c'est même là une preuve indirecte intéressante qu'il n'existe pas dans l'arc électrique de force contre-électromotrice de polarisation (comme l'avait cru Edlund) au sens ordinaire de ce mot?. _ La résistance au passage apparait en même temps que la vaporisation et représente le travail effectué dans celle-ci, mais elle se complique, au moment de l'allumage del’are, de la résistance du diélectrique, que l'échauffement rend peu à peu conducteur. D'autres courbes, publiées dans mon ancien Mémoire cité plus haut, ont permis de mettre en évidence les variations de la résistance de l'arc proprement dit, c'est-à-dire de la colonne gazeuse. Quelque temps après la première publication 1 Soc. française de Physique, 1°" avril 1892; Lumière Elec- trique, 16 avril 1892, p. 136. # J'ai donné plus récemment une preuve directe de la même proposition. Voir Journal de Physique, 1896. linu (dénomination d’ailleurs fort impropre) dans le sens métal-charbon. La cause de cette apparence, déjà signalée par MM. Jamin et Manœuvrierÿ, a été élucidée en partie par MM. Eichberg et Kallir°. L'oscillographe m'a permis d'étudier plus complè- tement les conditions de production et la nature de cette dissymétrie” par le tracé exact des courbes périodiques, qui sont extrêmement variables et ne peuvent être saisies pour ainsi dire qu'au vol. Toutes les expériences ont été faites encore à l'aide du courant du Secteur de la Rive gauche, dont la tension, représentée à une échelle plus réduite par la courbe de la figure 20, était de 112 à 415 volts * Comptes rendus, 12 décembre 1898. ? Institute of Electrical Engineers, février 1899, Ces auteurs ont traité également la question de l'arc entre métaux, dont je vais parler. # Sitzungsber. der Kaïiserl. Akad. der Wissenschaften, Vienne, t. CIII, p. 925, 1894. 4 Wied. Ann., t. LXIII, n° 13, p. 191, 1897. 5 Comptes rendus, t. XCV, p. 1615, 1892. 5 Sitzunsgber. der K. Akad., Vienne; 31 mars 1898. 7 Comptes rendus, 20 mars 1899. ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES efficaces ; le tableau If indique pour chacune d'elles la nature des électrodes et du circuit, ainsi que les régimes observés à l’aide d'appareils de mesure calorifiques. Sur toutes les courbes, le Lemps est mesuré de gauche à droile; les alternances supérieures cor- respondent au sens du courant métal-charbon, sauf sur les courbes des figures 21,93, 25, 29 et 30, où c'est l'inverse qui a lieu. Ces tracés et les observations accessoires faites Fig. 20. tout dans le cas des longs ares. C'est pourquoi les charbons à mèche ont été employés de préférence, suivant l'exemple de MM. Eichberg et Kallir; ces crayons, d'après une remarque faite précédemment sur les arcs entre charbons, doivent donner dans les courbes de tension des becs moins pronontés, pour l’are charbon-métlal, que les charbons homo- gènes. De même, le cuivre étant le mélai qui se prête le mieux à l’obtention de phénomènes variés, a été Fig. 26. Fig. 28. Fig. 20 à 28. — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et charbon. — Le tableau II indique les caractéristiques de chacune de ces courbes, au cours des mesures conduisent aux conclusions suivantes : Tous les métaux employés comme électrode en présence d’une autre électrode en charbon donnent lieu aux mêmes phénomènes et ne présentent de différences qu'au point de vue quantitatif. Les effets que l’on va décrire se produisent aussi bien, que l’électrode en charbon soit homogène ou munie d'une âme contenant des silicates ; mais la présence de cette dernière facilite l'observation en donnant des régimes plus stables et plus persistants, sur- employé de préférence et constitue le sujet des plus nombreuses figures dans celte série. Toute électrode de métal, associée à une élec- trode de charbon, sur un circuit à courants alter- natifs, donne lieu à deux types d’arcs différents, qu'on peut appeler l'arc court et l'arc long. 1° L’arc court est celui qu'on réalise sous de fai- bles écarts des électrodes ; il peut être entretenu avec une stabilité d'autant plus satisfaisante que l'écart entre électrodes est plus court; il ne faut pas, en général, dépasser 1 millimètre avec un ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE 665 DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES charbon à mèche; les tensions efficaces correspon- dantes sont inférieures à 25 volts pour le cuivre-et l'aluminium (fig. 24 et 29), et peuvent atteindre jusqu'à 30 volts pour le fer {fig. 31). L'inlensité du courant peut être abaissée au- dessous de 10 ampères pour le cuivre (fig. 25 et 26), tandis que, pour le fer, on ne peut marcher facilement avec moins de 30 ampères (fig. 31). Les courbes périodiques sont analogues à celles des ares entre charbons, avec cependant une dissy- métrie plus ou moins accusée entre les alternances succéssives. Cette dissymétrie, faible sur cireuit l'arc long au vol, pour ainsi dire. Avec l'alumi- nium, cest pire encore, parce l'électrode s'oxyde, se recouvre lrès vite d'une couche d’alu- que mine qui amène promptement l'extinction; il faut ensuite nettoyer le métal avant de pouvoir rallumer l'arc. Avec le fer, on peut, au contraire, maïntenir longtemps le régime de l’are long, à la condition de disposer d'un vollage assez élevé (par exemple aux environs de 80 volts), et de faire passer un courant de 25 à 30 ampères. Le zinc se prête mal aux essais | parce qu'il entre trop facilement en fusion. Tous ces arcs ne se produisent bien qu'avec des Fig. 32 2, Fig. : Fig, 29 à 34 — Courbes de l'arc alternatif entre métaux et ck chacune de 99 9: induclif avec le cuivre et l'aluminium (fig. 22, 2: 25, 29), est plus prononcée dans les mêmes condi- tions pour le zinc et le fer (fig. 31). La nature du cireuit modifie la forme des courbes , exactement comme pour les ares entre charbons. Les figures 21 et 22 montrent, par exemple, la différence entre les deux cas typiques d'un are sur circuit non inductif et d'un arc sur cireuit induelif. 2 L'arc long se produit plus ou moins nette- ment dès qu'on augmente l'écart. Il est caractérisé par un son vibraloire criard. Il est assez difficile à maintenir d'une façon stable, car il y une sorte de flottement de régime entre l'arc long et l’are court. Avec le cuivre, il faut un courant d'intensité efti- cace de 14 à 15 ampères; mais les arcs tendent à Fig. 33. "+ fa 30. Fig. 31. SN Fig 1arbon (suite ces courbes. — Le tableau IT indique les caractéristiques de électrodes d'au moins 3 à 4 millimètres de diamètre, qu'on doit laisser d'abord se porter à l’incandes- cence par un contact prolongé avec l’électrode en charbon; il se forme alors à la pointe une goutte- lelte fondue d'où part l'arc dans le sens métal- charbon. Cette précaution est surtout nécessaire pour le fer. Ce qui caractérise l'arc long, c'est la suppression d'une alternance sur deux, l'arc ne s'allumant plus dans le sens charbon-métal. Il en résulte pour les courbes périodiques des formes caractéristiques qui diffè- oc Je très curieuses (fig. 26, 27, 28, 30, 32, rent peu d’un métal à l’autre. Dans le cas d’un circuit non inductif, le courant s'établit dans le sens métal-charbon à partir du bec revenir à l'arc court ou à s'éteindre; il faut saisir d'allumage de la tension; il s’annule quand celle-ci 666 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES s'abaisse au-dessous de la valeur normale. Le pas- sage du courant reste ensuite interrompu pendant une demi-période (fig. 34). Pendant celle-ci, il peut subsister un léger courant, dû sans doute à une conduction par les gaz chauds; mais, dans bien des cas, ce léger courant disparaît rigoureusement. Au moment de l'extinction, la courbe de la tension aux bornes rattrappe la courbe de la force électro- motrice du réseau, qui a déjà changé de signe,et la suit ensuite, jusqu'au moment où le rallumage se produit dans le même sens que précédemment. Si l'on alimente l’arc long en circuit inductif (fig. 27, 28, 30, 32, 33), l'apparence des courbes reste la même, avec cette seule différence que la durée d'extinction est augmentée d'autant plus que le circuit est plus inductif; par exemple, l'alternance charbon-métal (comprise entre deux zéros de la tension) se réduit, sur les figures 27 et 30, à 0,27 de la période. On peut, je crois, expliquer assez facilement ces phénomènes de l'arc alternatif entre métaux de la manière suivante. D'abord il est très naturel que le courant soit plus intense dans le sens métal- charbon que dans le sens inverse, à cause de la moindre force électromotrice nécessaire pour la volatilisation du métal que pour la volatilisation du charbon. Mais il semble qu'il y ait contradiction entre cette propriété et la difficulté du rallumage de l'arc (après extinction très courte) dans ce même sens. Cette contradiction disparaît si l’on admet que le rallumage se produit par une étincelle dis- ruptive dirigée du pôle négatif vers le positif : il semble bien qu'il en est ainsi, car, en regardant l'arc au miroir tournant, on voit la lueur qui indi- que l'allumage partir d’abord du pôle négatif, puis se renforcer sur le pôle positif. On conçoit, dans ces conditions, que cette étincelle d'allumage jaillisse bien plus aisément de la surface du charbon main- tenue incandescente par la mauvaise conductibilité de ce corps, que de la surface de l’électrode néga- tive dont la conductibilité très grande abaisse rapi- dement la température pendant la durée de l’ex- tinction. On comprend, en outre, que l'arc reste bilatéral lant que l'écart est très faible, car l’élec- trode métallique est alors maintenue chaude par le voisinage de l’électrode en charbon. Enfin, lorsque l'écart est suffisant pour que l'arc devienne unilatéral, dans le sens charbon-métal, l'ensemble de ces courants interrompus, mais tou- jours de même sens, produit naturellement sur un galvanomètre une déviation de sens constant, comme dans un courant continu et correspondant à la moyenne des intensités variables. Mais on ne saurait en lirer aucun parti pour redresser le courant alternalif, car il manque une alter- nance sur deux, et ces courants interrompus si longtemps ne sembleraient susceptibles d'autre application, que la charge des accumulateurs si l’on pouvait donner quelque stabilité à ce régime. L'accroissement de l'alternance métal-charbon aux dépens de l’autre peut s'expliquer lui-même aisément par le retard qu'imprime la self-induc- tion au courant dès qu'il s’est établi, et qu'elle ne saurait produire dans le cas où le courant est nul. Il résulte de cette influence de la self-induction un autre effet intéressant et imprévu, que l’on cons- tate sur les arcs instables. Au moment où se fait le changement du régime d’are court, peu bruyant, au régime d'arc long, accompagné d'un son criard, et bien que l’une des alternances soit supprimée, on voit l’'ampèremètre calorique accuser un brusque accroissement de l'intensité moyenne efficace (\/ © moy.) du cou- rant, qui, pour le cuivre, passe, par exemple, de 9 ampères à 20 ampères. Cette augmentation, qui n’a pas lieu sur circuit non inductif, provient tout simplement de ce que la prolongation des alternances métal-charbon per- met au courant de continuer à croître plus long- temps, de sorte que l’aire de la courbe des carrés des intensités pendant cette alternance est plus grande que la somme des aires correspondant aux deux alternances de l'arc court. III. — L'ARC PULSATOIRE ET LA STABILITÉ DE L'ARC A COURANT CONTINU. Une question fort intéressante, que soulève l'étude de l'arc électrique à courants continus, est celle de la stabilité du régime, c’est-à-dire du maintien d’une intensité de courant constante, sous un écart donné entre charbons. On a depuis longtemps remarqué que, si l’on maintient deux crayons de charbon à une distance invariable après avoir éta- bli l'arc entre eux, au moyen d'une batterie d'aceu- mulateurs à potentiel constant, cet arc s'éteint bien- tôt si l’on n'a soin d’ajouter en série dans le circuit une résistance assez importante, à laquelle on a donné le nom de résistance de slabilité\. Le rôle de cette résistance ést cependant en général fort mal compris, car on l’attribue à la nécessité de favoriser le réglage du mécanisme de la lampe, tandis qu'il s’agit d'un véritable phénomène phy- sique. L'auteur a donné, pour la première fois croit-il, la véritable explication de ce phénomène, il y a quelques années, en montrant que si, une fois ‘ Dans ces derniers temps, on a pu supprimer la résis- tance de stabilité, dans les circuits de lampes à arc mon- tées par deux ou par trois, au moyen d'un artifice de cons- truction qui permet de prévenir l'extinction par rapproche- ment rapide des charbons. L'extinction d'un are sur potentiel constant est, en effet, un phénomène non pas instantané, mais relativement assez lent. »4 ès El ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES 6 le régime permanent élabli, on fait varier très rapidement l'intensité du courant dans le circuit par un moyen extérieur queiconque, tout en main- tenant en même temps invariable la position des charbons, la tension aux bornes reste sensible- -ment constante, indépendamment de l'intensité variable du courant'.On peut exprimer ce fait d'ex- périence sous forme graphique en disant que la « caractéristique instantanée des régimes d'un are -à écart constant est sensiblement une horizontale “aux environs du régime préalablement établi ». IL ne faut pas confondre du reste cette caractéristique “instantanée avec les caractéristiques des régimes permanents à écarts constants, si bien étudiées par M=° Ayrton ?, lesquelles sont obtenues en laissant aux charbons le temps de se tailler différemment suivant les différentes intensités de courant, par un fonctionnement préalable d'au moins une heure : “ ces caractéristiques présentent des courbures bien plus prononcées que nos caractéristiques inslanta- nées, obtenues autour d'un régime donné, sans laisser aux charbons le temps de changer leur taille. TagLeau III, — Arcs à courants qui décroit linéairement quand le courant I aug- mente, ainsi que le montre la figure 35 ; la ligne représentative de la tension U est une droite incli- F.e.m de la source Æ pûintes des_charbons | {l à [ La | | À : àl à l 1 à | | (l (| 0 I ls Zutensite du courart Fig. 35. — Théorie de la stabilité de l'arc. née au-dessous de l'horizontale suivant un angle « ayant r comme tangente angulaire, et qui coupe la caractéristique instantanée de l'arc en un point M pulsatoires entre deux charbons. FORCK élect.-motrice en volts du courant continu < DIAMÈTRE NUMÉROS NATURE en des figures des charbons millimètres » 2 homogènes. .|{ à âme, { homog. 2 homogènes. 1 à âme, 1 homos. FORCE élect.-motrice efficace du courant alternatif superposé brusquement INTENSITÉ du courant continu en ampères avant la super- position NATURE OBSERVATIONS du circuit sur le bruit de l'arc Éteint. Sifflant. Résist.morte Silencieux. Légèrement sifflant. Silencieux. DAS 19 1 1 1 NN 19 19 Sifflant. Silencieux. Cr Ge = Légèrement sifflant. SEE + © © OO D NN 19 19 SES = La caractéristique instantanée étant voisine d’une ligne droite, on en conclut immédiafement qu'une alimentation à potentiel constant ne peut donner un régime stable, parce que n'importe quelle inten- sité de courant est compatible avec la tension qui permet de réaliser le régime normal : l'arc doit donc finir par s’éteindre. Au contraire, si l'on ajoute un rhéostat r en série, la force électro-motrice cons- tante E du réseau ou de la source ne laisse dispo- nible aux extrémités des charbons qu'une tension : U=E—71I ! Cf. La Lumière électrique, 26 décembre 1891, p. 621. ? The Electrician, janvier-avril 1895. correspondant à l'intensité normale de régime I, (on peut faire varier cette intensité de régime I, en modifiant E ou r). On voit que, si l’inclinaison de la ligne d'alimentation est suffisante, toute augmen- tation ou diminution accidentelle de l'intensité du courant fera apparaître une différence à h entre la tension aux bornes et celle qu’exige l'arc, dans le sens voulu pour ramener l'intensité à sa valeur primitive : par conséquent le régime de l'arc sera stable. Le même résultat serait d’ailleurs atteint, avec une alimentation à potentiel constant, si l'on pouvait donner à l’are une caractéristique d’alimen- tation montante. Il y a donc intérêt à étudier, au point de vue du 668 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURAN ÉLECTRIQUES VARIABLES signe, l'inclinaison des caractéristiques inslan- | tanées. Or, quand on étudie expérimentalement divers charbons, on conslate que la caractéris- tique instantanée n'est pas toujours horizontale, haut ou vers le bas, c’est-à-dire qu'on peut avoir, suivant la nature mais peut être inclinée vers le des charbons du = ZE} || di < MM. Frith et Rogers', qui ont les premiers constaté cette inversion de signe, en ont conclu à tort, et sans être cependant démentis, que « la ré- sistance d'un arc pouvait devenir négative », parce du u qu'ils ont cra pouvoir admettre — — -; en réa- BTE AI à nombre de spires variable) d’un transformateur dont on peut relier le primaire, au moment qu'on veut, à une source de courants alternatifs (dans le cas acluel, le Secteur électrique de la Rive gauche). On pouvait ainsi régler le fonctionnement sur cou- rant continu simple, en régime normal, puis lancer brusquement dans le même circuit, et sans en changer aucunement la résistance, une force élec- tro-motrice allernalive, dont l'effet se superpose à celui la électromotrice continue. On réglait l'amplitude de cette force électro-motrice allernalive de façon qu'elle restät loujours infé- de force ricure à la force électromotrice continue, et que le courant résultant fût un courant pulsaloire, tou- jours de même sens, et non un courant a//ernalif. Fig. 39. Fig. 10. Fig. 41. Fig. 36 à 41. — Courbes de l'arc pulsatoire. — Le tableau IIT indique les caractéristiques de chacune de ces courbes. Les lignes de repère sont en réalité horizontales. lité, ces rapports ne peuvent être égaux puisque r | n’est pas constant. Nous définirons ici plus correctement le quo- tient = comme un coefficient de stabilité de l'arc, | (4 représenté par le coefficient angulaire de la caracte- ristique instantanée autour du point-régime. Ces explications étant données, je vais exposer l'application intéressante de l'oscillographeà l'étude de ce coefficient de stabilité. J'ai réalisé, encore avec le concours de M. Dobke:- vitch, le dispositif suivant : L’are était alimenté par une batterie d’accumulateurs, et monté en série avec une résislance de stabilité et le circuit secondaire ‘ On the resistance of the electric arc. /nstitution of Elec- trical Engineers, 1895 - L La mise en circuit du primaire du transformateur se faisait à l’aide d’un simple interrupteur, qui pou- vait en même temps lancer le courant d’une pile locale dans l'oblurateur l'oscillo- graphe double inscrivant le courant ef la tension instantané de aux bornes de l'arc. Au moment de la fermeture, il s'établit des régimes troublés très complexes; pour obtenir un régime permanent, nous avons dû, pour certaines épreuves, laisser un intervalle entre la fermeture du circuit et l'ouverture de l'oblura- teur inslantané. Nous avons opéré comparativement avec des charbons à mèche et des charbons homogènes, sous et différentes amplitudes de force électro-motrice supplémentaire. Les figures 36 à 50 représentent quelques-uns des différents voltages d'alimentation résullats caractéristiques obtenus, et les régimes ANDRÉ BLOA\DEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES t69 correspondants sont résumés dans le tableau IT. 4. Influence de l'amplitude de la force électromo- trice alternative introduite. — La figure 36 montre tout d'abord un exemple des forces électromotrices pulsatoiresemployées: celle-ciestlarésultante d'une force électromotrice secondaire de 22 volts, obtenue Fig. 48. Fig:/49. Fig. 42 à 50, — Courbes de l'arc pulsaloire (suite a priori, que, suivant que l'amplitude de la force électromotrice alternative ajoutée est plus ou moins grande, la tension aux bornes peut ou non s'abais- ser au-dessous de la valeur nécessaire à l'entretien de l'arc. Dans le premier cas, on a des zéros plus ou fig. 38, 39, 40, A, ÿ), tandis que dans le second cas le cou- moins prolongés du courant Fig. 50. . — Le tableau IT indique les caractéristiques de ces courbes. Les lignes de repère sont en réalité horizontales. par lransformalion du courant du Secteur de la Rive gauche, avec la force électromolrice continue d'une batterie de 40 volts. Comme l'indique le tableau IL, ces forces électro- motrices ont reçu d’autres valeurs variées. La force électromotrice continue a été portée jusqu'à 72 volts pour les ares longs. On voit immédialement, comme cela est évident | rant reste toujours notable (fig. 45, 47, 48, 49, 50). 2. Influence dela phase au moment de l'introduction de la force électro-motrice. — Les courbes 37 à 42 ont été obtenues après une ou deux secondes, c’est- à-dire une fois un régime permanent élabli, tandis que les autres ont élé prises au moment même de l'introduction, Ces courbes, qui ne sont que des 670 ANDRÉ BLONDEL — L'INSCRIPTION DIRECTE DES COURANTS ÉLECTRIQUES VARIABLES « exemples fort restreints, font ressortir déjà l’ex- trème variété des résultats qu’on peut obtenir, et qui varient non seulement avec la phase au mo- ment de l'introduction, mais encore avec le temps pendant la période variable. Elles ne constituent que la première ébauche d’une étude plus complète que l’auteur se propose de poursuivre en enregis- tant toute la durée du régime variable. Ces régimes variables peuvent seuls rendre compte de certaines courbes anormales, comme celles de la fig. 4%, où l'on voit l'arc s’éteindre (1 — 0) bien que la ten- sion aux bornes aille en croissant à ce moment, et dépasse la valeur qui suffit à l'entretenir après le réallumage. Les effets sont encore plus complexes avec les circuils inductifs, dont on ne s'occupera pas ici. 3. Influence de la nature des charbons.— Lorsque la varialion périodique de la force électromotrice est assez importante pour annuler périodiquement le courant, les courbes obtenues présentent la plus grande analogie avec celles de l’are à courants alternatifs ordinaires. Leur tracé est continu ou tremblé, suivant que l'arc est silencieux ou sifflant, phénomène qui se produit de préférence avec les charbons homogènes (fig. 37, 39, 43, 47). Les figures 38 et 39 sont tout à fait analogues à celles des ares alternatifs entre charbons homo- gènes : pendant la durée du passage du courant, la tension présente un palier limité par deux becs brusques ; dans certains cas, si, par exemple, les points de jaillissement de l'arc se déplacent sur le cratère, on peut constater deux paliers différents de hauteur (fig. 38), voire même trois paliers (fig. 48). Bien que ces formes caractérisent ordinairement les charbons homogènes, elles peuvent naturelle- mentserencontrer aussi avec des charbons à mèche, lorsque celle-ci est momentanément vidée (fig. 42). L'effet de la mèche des charbons à âme en fonc- tionnement normal est caractérisé, comme avec les courants simplement alternatifs, par l’arrondisse- ment des courbes et la faible durée des zéros du courant, comme le montrent par exemple les figures 40, 41, 49. En outre, la tension aux bornes, au lieu de paliers, présente des pentes notables proportionnelles à celles de la courbe du courant. Les formes des courbes sont autres lorsque la force életromotrice alternative ajoutée est très faible (par exemple avec les forces électromotrices de 4,4 volts des figures 47 à 49), mais elles pré- sentent les mêmes signes distinctifs : constance approximative de la tension aux bornes, ou faible variation de sens contraire à celle du courant, s’il s'agit de charbons homogènes (fig. 47 et 48), et, au contraire, variations de même sens que celles du courants'il s'agit de crayons à mèche (fig. 49 et 50). Cette distinction est naturellement moins nette“ avec les arcs longs obtenus sous 72 volts, par suite de la flamme considérable qui les entoure et forme une atmosphère conductrice entre électrodes, pou- vant jouer un rôle analogue à celui de l’atmo- sphère due à l'âme (fig. 43 et 45) ; mais c’est là un cas spécial, qu'on ne rencontre guère dans la pra- tique usuelle, c’est-à-dire pour des ares à courant continu ordinaires, dont la tension est comprise entre 30 et 50 volts. Ë Nous sommes donc en droit de conclure que le: coefficient de stabilité des arcs à courant continu ordinaires, défini plus haut par le rapport = est très faible, négatif avec les charbons homogènes, et posilif avec les charbons à âme. Cela explique en partie que ces derniers ont besoin d’une moindre résistance de stabilité additionnelle, et confirme également les résultats de Frith et Rogers rappelés. plus haut, indépendamment de leurs conclusions « que nous avons rejetées comme incorrectes. 4. Arc sifflant. — Dans ce qui précède, nous avons: parlé à diverses reprises d’arcs sifflants, et des courbes correspondantes, en prenant seulement le sifflement comme un moyen indirect de reconnaitre: la nature de l'arc. Quant au caractère propre du sifflement, il ressort immédiatement des tracés os- cillographiques, notamment de celui de la figure 37; on voit que le régime est soumis à des variations rapides, présentant un caractère plus ou moins périodique, de fréquence très élevée, qui produit le son que l’on entend. M. Duddell a étudié, derniè- rement, plus complètement ces variations en les enregistrant à une plus grande échelle, et en à déduit des conséquences fort ingénieuses !. Quant à la cause qui les produit, elle a été expliquée d’une façon remarquable par M Ayrton?:ilya sifflement toutes les fois que l'oxygène de l'air pé- nètre dans le cratère de l'arc; il semble s'établir à ce moment une lutte entre la colonne gazeuse et l'air ambiant sous l'influence de la rotation rapide de l’are, et il en résulte des variations oscillantes et rapides de la résistance de passage à la surface du cratère. IV. — ConcLuSIoNs. J'espère que ces exemples auront montré suffi samment lintérêt que présente l'emploi des oscil- lographes pour les études de laboratoire; ils sont 1 W. Duopecz : Rapid variations in current through the direct current are, Znstitution of Electrical Engineers, 25 dé= cembre 1900. 3 Mme Ayrron : The hissing of the electric arc, /nstitution of Electrical Engineers, 23 mars 1899. | î é U L 3 FRED. WALLERANT -— SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE tout aussi utiles pour les études industrielles, telles que le relevé des courbes des alternateurs et de leurs harmoniques”, pour l’élude des formes de courant dans les recherches d'Électrophysio- logie. Il est intéressant de constater, en terminant, que celte méthode et toutes celles qui ont été rappelées au début de mon premier article sont d’origine française ; notre pays semble s'être fait ainsi une 671 spécialité de développer l'outillage scientifique des- tiné à l'étude des courants variables, et tout per- met d'espérer que les appareils décrits ci-dessus susciteront de nombreux travaux d'application; le champ large et facile ouvert aux recherches a de quoi tenter, je crois, les physiciens. André Blondel, Professeur d'Électricité appliquée à l'Ecole des Ponts-et-Chaussées. SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE Monsieur le Directeur, Un récent numéro de votre journal* renferme un article bien fait pour m'étonner. Je n'aurais jamais pensé que la Cristallographie püt sou- lever de pareilles tempêtes. Je ne puis, d’ailleurs, que m'en féliciter, et je suis heureux de remercier M. Friedel, qui me fournit l’occasion de défendre ici les théories que j'ai publiées dans d’autres revues. Je me suis bien mal exprimé pour qu'un esprit aussi avisé m'ait si peu compris, et soit amené à me prêter des opinions qui n'ont jamais été les miennes. Tout d’abord, votre correspondant me reproche de m'être attribué des notions que Mallard a pro- fessées dans son cours, à l'École des Mines, et qu'il aurait publiées si la mort ne l'avait empêché de faire paraître le troisième volume de son 7railé de Cristallographie. Cela est fort possible, mais M. Friedel m'accordera bien des circonstances atténuantes : je n'ai jamais assisté au cours de Mallard, et il m'est impossible de savoir ce qui S'y passait. Je ferai seulement remarquer que le se- cond volume du Traité de Mallard a paru en 1884, etque, lors de sa mort, en 1894, c'est-à-dire dix ans après, Mallard n'avait pas encore commencé la rédaction de son troisième volume : il est donc fort probable que ses idées n'étaient pas encore » fixées sur ces questions délicates. Si l’on s’en tient à ce qui a été publié, la situation est très nette : Mallard à donné une théorie des anomalies op- . tiques, et j'ai établi que cette théorie était inutile. Les anomalies résultent d'une restriction non jus- tifiée, apportée par les anciens auteurs à la théo- rie générale, et il suffit, comme je l'ai montré, de supprimer cette restriction pour les faire dis- paraitre. L'auteur se livre ensuite, sur la particule fonda- mentale, à une dissertation un peu confuse, qui 4 Voir : BLonoer, Dosxevireu, Duris, FARMER, et TCHERNOS- virorr : Application des oscillographes à l'étude des alter- nateurs, Congrès international des Electriciens, Paris, 1900, ? Voyez la Revue du 30 juin, t. XI, p. 572. laisse difficilement deviner sa pensée. Pour m'en tenir au point principal, la particule fondamentale ne serait, d'après lui, qu'une: vue de l'esprit pour le moins inutile. Et cependant, l'individualité et l'indépendance relative des particules fondamen- tales sont nettement mises en évidence par les phé- nomènes du polymorphisme et des groupements par actions mécaniques. Comment expliquer les changements de symétrie observés dans un corps cristallisé, si l’on ne reconnait pas aux particules fondamentales une indépendance suffisante pour se grouper de différentes façons? Voici le sulfate de potasse, qui, vers 600°, passe de la forme orthorhom- bique à la forme hexagonale; une très faible varia- tion de température suffit pour faire passer le cristal de la première forme à la seconde, et inver- sement : à cette température, les particules fonda- mentales doivent donc jouir d'une grande mobilité. M. Friedel me répondra qu'il est inutile de faire intervenir ces particules fondamentales, que les particules orthorhombiques se groupent pour don- ner naissance aux particules hexagonales: mais c'est reculer pour mieux sauter. Un examen un peu attentif lui montrera, en effet, que, s il en était ainsi, les éléments de symétrie de la particule. orthorhombique n'interviendraient en rien dans la symétrie de la particule hexagonale, autrement dit, que la particule orthorhombique se comporterail comme une particule fondamentale. Cette théorie, dont le principe seul a été posé par M. Mallard, n'est qu'un cas particulier de la mienne; elle ne permet pas de donner une solution complète du problème du polymorphisme, ni au point de vue géométrique, ni au point de vue physique; elle ne permet pas d'établir les rapports existant entre les différentes formes d'un même corps, quand ces rapports existent bien entendu, puisque, de l'avis des hommes les plus compétents sur ces matières, il est des cas échappant à toute théorie, dans l’état actuel de la science. Il est plaisant de constater, en passant, que, si les arguments de M. Friedel portaient, ils toucheraient 672 FRED. WALLERANT — SUR CERTAINES CONCEPTIONS EN CRISTALLOGRAPHIE aussi bien la théorie de Mallard que la mienne. Mais l'examen des macles obtenues mécanique- ment nous fournit une démonstration concluante de l'indépendance et de l’individualité des parti- cules fondamentales, Comment, en effet, en dehors de cette indépendance, expliquer la formation des macles de la Calcite par un simple mouve- ment de translation? Comment un tel mou- vement pourrait-il transformer une particule complexe en une autre, symétrique de la première, si les particules fondamentales ne pouvaient modifier leurs positions relatives ? L’argument tiré de la considération de la Boracite, dont les macles se produisent sans déformation du réseau, et par un faible dérangement des particules fonda- mentales, est non moins concluant. La notion de particule fondamentale est donc indispensable pour établir d’une façon simple et rationnelle les théories de l’isomorphisme, du polymorphisme et des groupements cristallins; il faudra l'introduire, dès le début, dans l'exposé des doctrines cristal- lographiques, si l'on veut qu'elles retrouvent leur netteté et leur rigueur primitives. Dans la troisième partie de son article, M. Friedel combat la théorie que j'ai proposée pour expliquer les groupements critallins; mais toute son argu- mentation repose sur une confusion. Il ne s'aper- çoit pas que la symétrie approchée et la symétrie limite sont deux notions absolument distinctes et qu'un élément limite n'est pas forcément un élé- ment approché. Toul ce qu'il dit sur les éléments approchés est parfaitement juste, mais n'a aucun: rapport avec la question. L'élément limite d'un polyèdre est défini par celte propriété, que le volume commun à ce po- lyèdre et à son symétrique par rapport à cet élément est un maximum, c'est-à-dire plus grand que pour tout autre élément voisin; un plan est un plan limile, quand le voiume commun au polyèdre et à son symétrique, par rapport à ce plan, est plus grand que pour tout autre plan voisin. Très souvent l'élément limite est un élément approché, c'est-à- dire qu'il y à presque coïncidence entre le polyèdre et son symétrique; mais c'est là une condition qui n'est ni suffisante, ni nécessaire, el elle peut n'être pas réalisée. Quand une particule cubique se dé- forme, cerlains de ses éléments de symétrie devien- nent approchés, d'autres deviennent limites, plus ou moins approchés, d’autres perdent toute propriété, et cela quel que soit le degré de la déformation. L'orientation symétrique de la particule com- plexe par rapport à l’un de ses éléments limites, correspond, dans la cristallisation, à un.maximuin relatif de stabilité, l'orientation parallèle corres- pondant à un maximum absolu. Gelte orientalion symétrique est donc celle que la particule com- plexe doit choisir de préférence, quand, par suite de causes extérieures, elle ne peut s'orienter paral- lèlementauxautres:plusl'élémentlimite sera appro- ché, plus la macle aura chance de se produire. Quoi qu’en dise M. Friedel, cette théorie si simple s'applique aussi bien aux groupements présentant un plan de symétrie qu'à ceux constitués par plu- sieurs cristaux symétriquement orientés autour d'un axe. Est-ce que les macles des Feldspaths ne sont pas considérées par tous les auteurs comme des macles dites par hémitropie ? Est-ce que, par hasard, M. Friedel considérerait les groupements de l'Aragonite comme se produisant autour d'un axe? Ce serait singulièrement déformer les faits pour les adapter à une théorie. Mais, ce qui est plus surprenant, c’est de voir M. Friedel me reprocher de faire appel aux pro- priétés de la particule complexe pour expliquer les groupements sous prétexte qu'on l’'ignore. M. Frie- del oublie-t-il que le but de la Cristallographie est précisément d'expliquer les propriétés des cristaux en partant de l'élément constituant? Que connaïit-il de plus de cet élément quand il s'appuie sur ses propriétés de symétrie pour expliquer la symétrie des corps cristallisés ? Comment! pour toutes les propriétés physiques des cristaux, on sera en droit de faire intervenir la particule complexe, et il yaura une exception, une seule, relative aux groupements cristallins? €ela n'est pas sérieux. Il est évident, pour tout esprit sensé, que la symétrie des édifices cristallins et celle de leurs groupements ont même cause première : c'est dans la symétrie de l'élé- ment constituant que nous trouvons l'explication de la symétrie cristalline, c’est elle également qui doit nous fournir l'explication de la symétrie des groupements; je crois donc avoir eu raison de dire que les éléments de symétrie réelle de la particule complexe se retrouvent dans l'édifice cristallin, et ses éléments limites dans les groupements. En résumé, M. Friedel a obéi, en écrivant son article, à un sentiment très honorable, mais mal compris : son admiration pour son ancien maitre. C'est fort mal honorer la mémoire de Mallard que de considérer ses théories comme intangibles et de refuser à quiconque le droit de s'occuper de Cristallographie. Dans ses conceptions, Mallard est toujours parti de cas particuliers pour remonter vers le cas général, mais, selon les phénomènes, les questions qu’il étudiait, il a suivi des voies dif- férentes; aussi son œuvre manque-t-elle de cette unité qu'il lui aurait certainement donnée sil avait vécu assez longlemps pour la reprendre dans son ensemble. Ce que Mallard n’a pu faire, faute de temps, je l'ai tenté, et j'ai la conviction d'avoir Fred. Wallerant, Maître de Conférences à l'École Normale Supérieure. réussi, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 673 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES $ 1° Sciences mathématiques Muller (F.).— Vocabulaire mathématique français- allemandet allemand-français, contenantles termes techniques employés dans les Mathématiques pures et appliquées. Tome I. — 1 vol. in-8 de xn-132 pages. B.-G. Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. On raconte que l’illustre mathématicien anglais Syl- vester, fier d'avoir donné une désinence à un grand nombre de formes algébriques, se décerna un jour le titre d'Adam des Mathématiques, par allusion à notre premier ancêtre, qui aurait attribué leur nom à toutes les créatures de la Terre. L'exemple de Sylvester a été suivi par beaucoup de ses successeurs, qui ont introduit chaque jour de nouveaux termes dans la nomenclature mathématique. Si quelques expressions n'ont eu qu'une existence éphémère, on ne peut se dissimuler que, dans la dernière moitié du siècle qui vient de finir, le vocabulaire des Mathématiques pures et appliquées s’est considérablement enrichi, et on peut envisager le moment où les savants des divers pays ne se comprendront plus qu'à grand'peine. C'est dans le but de jeter quelque clarté dans ce chaos, et de faciliter la lecture des mémoires rédigés en français et en allemand, que M. Müller nous offre aujour- d’hui le premier volume deson Vocabulaire mathémati- que. Cet ouvrage est le fruit d’une très longue collabora- tion à la rédaction du recueil bien connu Jahrbuch für die Fortschritte der Mathematik. Depuis sa fondation, M. Müller a rassemblé toutes les expressions techniques (mathématiques, physiques et astronomiques) qu'il y a rencontrées; il les a disposées par ordre alphabétique, puis classées systématiquement, en les accompagnant de l'indication de la source et d’autres notices piblio- graphiques et historiques. Le nombre de termes alle- mands qu'il a actuellement recueillis s'élève à plus de 10.000. L'auteur a, parallèlement, recherché, dans la littérature étrangère, les expressions correspondantes françaises, anglaises et italiennes. Ses recherches his- toriques sur la terminologie mathématique des Grecs - et des Romains sont venues encore enrichir celte pré- - cieuse collection, qui formera la base d'un grand dic- - tionnaire mathématique. C'est de ces matériaux que … M. Müller a tiré le vocabulaire en deux langues quil - publie aujourd’hui. » Ce vocabulaire ne renferme pas seulement les voca- . bles simples avec leur traduction, mais aussi toutes les - expressions composées, avec l'expression étrangère qui - leur correspond. Le mot principal figure le premier et est suivi de tous les qualificatifs qui peuvent l'accom- - pagner. On se fera une idée de la richesse de la nomen- clature mathématique quand on saura que l’auteur a trouvé, en francais, 119 expressions composées com- mençant avec le mot angle, 89 avec le mot axe, 130 avec le mot cercle, 242 avec le mot surface, 363 avec le mot courbe, etc. Comme on le voit, ce vocabulaire rendra les plus grands services aux savants francais pour la lecture oula traduction des mémoires allemands de Mathématiques, et vice versa, questions qui ne laissaient pas jusqu'à présent d'offrir souvent de sérieuses difficultés. En applaudissant au beau résultat obtenu par les patientes recherches de M. Müller, nous nous permettrons de signaler et d'encourager les efforts tentés dans le même sens par quelques mathématiciens français, en parti- culier M. J. Boyer et M. H. Brocard, qui travaillent aussi, depuis plusieurs années, à la préparation de diction- nüires mathématiques. L. B ET-INDEX 2° Sciences physiques Da Silva Basto (Alvaro José), Professeur à l'Uni- versité de Coïmbre. — Liçoes de Estereochimica (2° édition). — 4 vol. in-8 de xvi-136 pages, avec 50 figures dans le texte. (Prix : 5 fr.) França Amado, éditeur. Coïmbre, 1901. Nous signalons à nos lecteurs ce petit livre portugais, pour attirer l'attention sur ce fait curieux du mouve- ment actuel de diffusion de la Stéréochimie. C’est, en effet, un mouvement qui continue à se propager, alors que l'ébranlement central qui lui a donné naissance voit plutôt son intensité diminuer. Il est bien certain qu'en France on abuse moins qu'autrefois des notations stéréochimiques compliquées, cerlaines de ces figures devenant plus difficiles à lire que l'exposé même des faits qu'elles ont mission de représenter. Malgré l'abus de ce système un peu compliqué de notalion, on doit cependant reconhaitre les services qu'il a déjà rendus et peut rendre encore; c'est à ce point de vue qu'il est surtout intéressant de constater la part que lui accordent certains pays étrangers dans l'enseignement de la Chimie. Lefèvre (Léon), Directeur de lax Revue générale des Matières colorantes et des Industries qui s'y ratta- chent ». — Les Produits chimiques et les Matières colorantes, le Blanchiment, la Teinture et l’Im- pression des fibres textiles. — 1 vo/. de 144 pages avec 1 plan, 23 dessins, #4 photogravures, 19 échan- tillons. (Prix : 5 fr.) Au Bureau de la « Revue », 23, Chaussée d'Antin, Paris, 1901. M. Lefèvre a eu l'heureuse idée de réunir, en une élégante brochure, l’ensemble des documents recueillis sur les différentes industries énumérées plus haut, et qui ont été représentées à l'Exposition de 4900. Après avoir émis quelques réflexions générales sur le but et l'utilité des expositions universelles, réflexions aux- quelles il a ajouté quelques critiques très judicieuses, l’auteur passe en revue, et examine en même temps, la situation de l’industrie chimique dans chacun des principaux pays dont la production mérite d’être prise en considération. Ces revues sont émaillées de statis-- tiques très suggestives qui font voir, dans une cer- taine mesure, l’état de prospérité plus ou moins avancée dans lequel se trouvent, pour chaque groupe de pro- duits, les pays mis en parallèle. [ A cet exposé général fait suite un chapitre de M. Tas- silly sur la préparation électrolytique des produits chimiques employés dans la teinture et l'impression. M. Lefèvre aborde ensuite la question des colorants minéraux et organiques, ainsi que celle des extraits tinctoriaux, fait ressortir les découvertes et améliora- tions introduites dans la fabrication de ces produits, tant en France qu'à l'Etranger, insiste, en passant, sur l’organisation scientifique et matérielle qui caractérise quelques-uns des Etablissements les plus prospères, et termine par une comparaison du commerce des pro- duits chimiques de la France et de l'Allemagne. Une troisième partie est consacrée au blanchiment, à la teinture et à l'impression. Elle comprend d'abord la description des nouvelles machines en usage dans ces industries, puis un chapitre sur la teinture sur fils et tissus de M. Emile Blondel, et, enfin, un autre chapitre sur l'impression des tissus dans les principaux pays de l'Europe. Une quatrième et dernière partie comprend lé mercérisage du coton et les nouveaux textiles artifi- 674 ciels brillants (soies artificielles). Les figures très bien réussies, les échantillons choisis avec goût ajoutent à l'attrait de l'exposé, qui est fait dans une langue claire, concise et sans redites. Tous ceux qui s'intéressent à ces industries si impor- tantes, qui sont sans cesse inspirées et fécondées par la Science, pourront se rendre un compte exact des progrès considérables qu'elles ont réalisés dans le cours des dix dernières années. A. HALLER, Membre de l'Institut, Professeur de Chimie organique à la Sorbonne Lévy (Lucien), Professeur à l'Ecole nationale des Industries agricoles de Douai. — Microbes et Dis- tillerie. — 1 vol. in-8° de 323 pages avec figures. (Prix : 10 fr.), G. Carré et Naud, éditeurs, Paris, 1901. Il y a quelque dix ans, un distillateur agricole disait à un chimiste qui lui faisait des observations sur la pureté des moûts en fermentation : « Vous ne m'ap- prendrez pas à faire de l'alcool; voilà trente ans que j'en fais! » Ce distillateur, qui doit avoir aujourd’hui quarante ans de pratique, serait bien étonné, en lisant le livre de M. Lévy, de l'énorme quantité de choses qu'il faut apprendre quand on veut faire de l'alcool. C'est le microbe qui produit l'alcool; c'est le microbe également qui l'empêche de se former, à moins qu'il ne le détruise au fur et à mesure de sa formation. Les différents microbes, les bons et les mauvais, les saccharomyces, les amylomyces, les mucor, comme les moisissures, les bactéries acétiques, les ferments de l’amer, les amylobactes, etc., sont étudiés par M. Lévy dans leurs origines, dans leur développement, dans leur composition chimique, dans l’action qu'exercent vis-à- vis d'eux les différents antiseptiques. Mais le distillateur est un metteur en œuvre; il faut qu'il admette les bons, et repousse les mauvais; c'est là qu'interviennent les pratiques industrielles, et que se trouve justifiée la seconde partie du titre de l’ou- vrage. Il faut sélectionner la levure, la cultiver à l’état pur ; il faut la faire intervenir dans la préparation des levains ou pieds de cuves, il faut ensemencer les cuves par le procédé dit de coupage, etc., toutes questions . traitées avec méthode par M. Lévy. Le praticien dont je parlais au début se retrouverait dans la seconde partie de l’ouvrage, mais il reconnaïtrait certainement qu'il n'aurait jamais su formuler aussi bien les opéra- tions qu'il pratique, et, s’il est honnête, qu'il a appris beaucoup de choses du théoricien et de l'homme de science. L. LiNper, Professeur à l'Institut National Agronomique, 3° Sciences naturelles Clautriau (feu G.), Assistant à l'Institut Botanique de l'Université de Bruxelles, — Nature et significa- tion des Alcaloïdes végétaux. — { vol. in-8° de 114 pages, H. Lamertin, éditeur, Bruxelles, 4901. Ce Mémoire posthume est le dernier qui soit dû au jeune et distingué botaniste que la mort est venue fau- cher en plein talent, et quand la Science était en droit d'espérer encore de lui de fructueuses observations. L'intérêt de ce travail était assez grand pour qu'il ne füt pas laissé dans l'oubli ; aussi la Société des Sciences médicales de Bruxelles en a-t-elle assuré la publication, en même temps que celle d’une notice biographique rédigée par son maitre et ami Erréra ‘. Après avoir passé en revue les travaux publiés jusqu’à ce jour relativement à la nature et au rôle des alca- loïdes dans les végétaux, l’auteur rend compte de ses propres expériences, qui portent spécialement sur les Collea et les Thea. Gonstatant que les réactifs micro- chimiques des alcaloïdes ne donnent que de mauvais 1 L. Ennéra : G. Clautriau. Esquisse biographique. Ann. Soc. Sc. méd, et nat. de Bruxelles, t. IX, fase. 2-3, 1900. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX résultats avec la caféine, il montre que l’analyse chi- mique peut seule donner des renseignements précis pour la recherche de cette substance. Appliquant ces données, il trouve que, chez les Cafés et les Thés, la plus forte proportion d’alcaloïdes se rencontre dans les parties très jeunes et en voie de développement; cepen- dant, une différence se manifeste entre les deux genres au point de vue des fruits : tandis que, chez le Café, il n'y a pas d’alcaloïde dans le péricarpeet qu'il en existe en quantité notable dans la graine, chez le Thé, le pé- ricarpe, seul, renferme de la caféine. Voulant ensuite élucider la signification des alcaloïdes, Clautriaù entreprend une série d’expériences sur la ger- mination ou les annélations à la lumière et à l'obscurité. Il constate ainsi que, contrairement à l'opinion d'Heckel, l’alcaloïde ne disparaît pas au cours de la germination et n'est pas utilisé directement par la jeune plantule. Cela ne veut pas dire qu'il ne soit jamais réassimilé : ce phénomène est même fréquent chez les plantes her- bacées annuelles vers la fin de leur végétation, mais on peut remarquer expérimentalement que jamais cette disparition n’est accompagnée d'une augmentation des albuminoïdes, tandis qu’au contraire toute diminution des matières protéiques entraîne une accumulation d'alcaloïdes. Ces dernières substances seraient donc des déchets de l’activité cellulaire. Quant au rôle qu'elles jouent dans le végétal, l’auteur, se basant sur leur localisation dans l’épiderme de cer- taines plantes, dans l'écorce, dans les jeunes feuilles, dans les tissus de réserve, admet qu’elles constituent un moyen de protection vis-à-vis des animaux. Il pense que leur production doit être un fait beaucoup plus général qu'on ne suppose, mais que l'accumulation qu'on observe n’est en quelque sorte qu'une résultante de la formation et de la destruction simultanée de ces déchets de nutrition azotée, résultante qui devient tan- cible lorsque la destruction n'est pas suffisamment rapide ou n'a pas lieu. Lux Docteur ès sciences, Chef de Travaux à l'Ecole de Pharmacie de Paris. Boule (Marcellin), Docteur ès sciences ; Glangeaud (Ph.), Maitre de Conférences à l'Université de Cler- mont; Rouchon (G.), Archiviste du Puy-de-Dôme; Vernière (A., Ancien président de l'Académie de Clermont. — Le Puy-de-Dôme et Vichy, guide du touriste, du naturaliste et de larchéologue. — 4 vol. in-16 de 378 pages, avec 108 figures et 3 cartes. (Prix cartonné : 4 fr. 50) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1901. La collection des Guides publiés sous la direction de M. Marcellin Boule vient de s’augmenter d’un nouveau volume sur le Puy-de-Dôme et Vichy. Le but poursuivi dans ces Guides est connu : à la sèche énumération de curiosités de tout ordre rencontrées au hasard des iti- néraires, M. Boule s'est proposé de substituer des des- criptions raisonnées des régions naturelles de la France. Pénétré de cette idée que le paysage que le touriste va admirer n'est qu'une conséquence des phénomènes géologiques qui ont affecté un région, c’est autour de sa description géologique qu'il a groupé les notions orogra- phiques et hydrographiques. L'ensemble de la première partie du Guide embrasse les caractères physiques, la faune et la flore, l'anthropologie, l'archéologie, l’histoire, l'homme actuel. La seconde partie, consacrée aux itiné- raires, est conçue sur le plan des Guides classiques, mais le touriste y verra à chaque instant rappelée la liaison de la topographie avec les phénomènes géologiques et la nature du sol, et le naturaliste y trouvera d’intéressants renseignements sur les gisements de minéraux, les sta- tions de plantes intéressantes. La valeur de ces Guides ainsi compris dépasse celle d'un ouvrage pour le grand public; ils deviennent de véritables monographies régionales où le géographe, le naturaliste, l'historien, l'archéologue, l'économiste, qui voudront se faire une idée aussi exacte que rapide du BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 675 pays décrit, trouveront condensés de multiples rensei- gnements jusqu'alors épars dans de nombreuses publi- cations. A. BiGoT, Protesseur à l'Université de Caen. … Deniker. (J.). — Les Races et les Peuples de la Terre. Eléments d’Anthropologie et d’Ethno- graphie. — 14 vol. 1u-18 de vu-692 pages. (Prix : 12 fr. 50). Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901. Le titre du livre de M. Deniker en indique très exac- tement l'objet. Tout son ouvrage, en effet, est dominé par la distinction très justifiée qu'il établit entre la race, …_ «unité somatologique », et le peuple, « groupe ethni- que », constitué d'ordinaire par le mélange ou la com- … binaison de plusieurs races. La notion de race a une valeur zoologique, beaucoup plutôt qu'historique ou . ethnographique. Des groupes ethniques, constitués par des individus de même race, présentent souvent les différences les plus nettes au point de vue de leurs «mœurs, de leurs coutumes, de leur structure sociale, de leur civilisation matérielle, de leurs croyances, tandis qu'il y a fréquemment, au contraire, une res- semblance, qui peut aller jusqu'à une identité complète, - entre les institutions familiales, les rites religieux, les procédés de culture de populations qu'éloignent l’une de l'autre leurs caractères somatiques. . Avec grande raison, M. Deniker range au nombre des . caractères ethniques la langue que parle une popula- tion; elle est fort indépendante de la race ou des races auxquelles elle appartient, et c'est une méthode dange- . reuse et qui peut induire en de singulières illusions que de conclure de la communauté de langue à l'unité d’ori- » gine. On a dû renoncer à la notion de race celtique, qui - ne répondait à rien, et peut être se verra-t-on obligé bientôt de renoncer également à la notion de race aryenne. Il est vraisemblable queles Aryens, ce sont les populations qui, à une époque très ancienne, et anté- - rieurement aux grandes migrations historiques, par- laient déjà une langue aryenne. Il y a eu des peuples arvens qui ont imposé, dans les temps où nous permet- - tent d'atteindre nos documents, leur domination à des peuples anaryens et les ont marqués de l'empreinte de leur civilisation : il ne semble pas qu'il y ait eu de race aryenne. Et, d’ailleurs, comme le fait très justement remarquer M. Deniker, il n'existe que fort peu d'individus de race - pure. Les « unités somatologiques » sont des « types » théoriques », formés d’un ensemble de caractères phy- - siques combinés d’une certaine façon. « On peut dégager l'existence de ces unités par l'analyse minutieuse des caractères physiques d'un grand nombre d'individus pris au hasard dans un groupe ethnique donné » ; mais, de ces espèces ainsi constituées, on n'a pas le type sous la main. Chez les divers sujets, les formes sont altérées par les mélanges et les métissages, et cha- cun d'eux n'offre que deux ou trois des traits caracté- ristiques de la race. Et cette complexité des types est » d'autant plus grande que l'on a affaire à des popula- . tions plus civilisées. Ce n’est guère que chez des peu- plades au plus bas degré de civilisation, et qui vivent - dans un entier isolement, que l'on a chance de ren- … contrer quelque homogénéité de race. Il est, du reste, à remarquer que l'homme, qui n'est pas soumis, comme … Jes animaux domestiques, à la sélection artificielle, et que les conditions où il vit soustraient en partie à l’action de la sélection naturelle, ne peut être assimilé que sous certaines réserves aux autres animaux, en ce qui con- - cerne les lois de formation des espèces, des variétés et …— des races. M. Deniker estime que nulle limite précise … n'existe entre l'espèce et la race, et il considère que la querelle entre monogénistes et polygénistesn'a pas - une primordiale importance; il ne croit pas, d’ailleurs, — que la question qui les divise soit, à l'heure présente, …._ susceptible d'une solution scientifique. Le livre de M. Deniker se divise en deux parties: l'une générale, l'autre spéciale. Dans la première “ (pp. 14-332), après avoir exposé les caractères différen- LS S NET De tiels entre l'homme et les singes, il passe en revue les différentes caractéristiques des diverses races humaines au point de vue morphologique, physiologique, psycho- logique et pathologique et présente un court tableau de l'évolution linguistique et de l'évolution sociale, où il insiste plus encore sur les traits communs aux divers groupes ethniques que sur les particularités de leur structure et de leur développement. Dans la seconde (pp. 333-658), il esquisse une clas- sification d'ensemble des races et des peuples et étudie successivement les peuples des cinq parties du monde et les races qui entrent dans leur composition. M. Deniker a groupé sur les variations de la taille dans l'espèce humaine, d’après la race, l'ensemble le plus complet de documents qu'on ait réuni jusqu'ici. Il résulte nettement de ses recherches qu'en dépit des variations individuelles, la taille est l’un des caractères les plus constants dans un groupe ethnique donné et surtout dans une race : l'influence du milieu, si mar- quée qu'elle soit, ne vient qu'au second rang et laisse, d’ailleurs, reparaître celle de la race dès que les condi- tions se modifient quelque peu. M. Deniker attribüe aux particularités de structure des cheveux une importance prépondérante pour la distinction et la classification des races, mais il montre qu'à ne tenir compte que de ce seul ordre de caractères, comme de tout autre d'ailleurs, on sépareraitdes unités somatologiques que rapprochent leurs affinités natu- relles et on réunirait en un même groupe des variétés que l’ensemble de leurs caractères éloigne les unes des autres. Un autre caractère de haute valeur et dont la constance semble singulière, c’est la coloration de la peau, des yeux et des cheveux : elle est, du reste, en corrélation avec la structure et la morphologie de la chevelure. L'auteur semble attribuer à ces traits extérieurs, et aux diverses particularités de la structure de la face chez le vivant, autant d'importance qu'aux caractères craniologiques. Ces caractères, d'ailleurs, il les à exposés avec une remarquable clarté, et tout le chapitre qu'il à consacré aux mensurations craniennes est à lire avec grande attention. Il semble, au reste, que la forme du crâne, dont la valeur est considérable au point de vue morphologique. n'ait pas de signification nette au point de vue physiologique et qu’elle ne tienne sous sa dépendance ni la puissance intellectuelle des individus ou des races, ni la qualité de leur intelligence. Il n'apparaît pas que, même au point de vue mor- phologique, la signification de l'indice céphalique prime celle de l'indice nasal, auquel M. Deniker attache une valeur toute particulière. La capacité cranienne elle- même et le poids du cer- veau, qui sont sous la dépendance, en une large mesure, du poids et de la laille de l'individu, ne donnent que des indications très grossières sursa puissance mentale. M. Deniker, qui est au courant des récents travaux en matière de linguistique, a dit un sage adieu à la théorie qui fait à toute langue une obligation de passer par les trois étapes du monosyllabisme, de l’agglutina- tion et de la flexion. Il a présenté un très lucide résumé de l'histoire des premières ébauches de l'écriture. L'esquisse qu'il a tentée des formes primitives de la religion est, dans ses traits essentiels, exacte; peut- être, cependant, a-t-il donné au culte des morts une plus large place que celle qui lui appartient légitime ment dans l’ensemble des phénomènes religieux, et a-t-il établi, entre les croyances spiritiques et le féti- chisme, un lien plus constant et plus étroit que ne le révèle l'analyse des faits. Il aurait fallu montrer que les croyances relatives aux diverses catégories d'êtres supérieurs sont, dans la plupart des cas, non pas successives, mais simultanées: le culte des animaux, des arbres ou du soleil ne dérive pas du culte des morts ; ils se sont parallèlement développés. On pour- rait aussi reprocher à l’auteur de n'avoir pas assez nettement indiqué que l'essentiel, dans (oute religion, c’est le rite. Ce qui est secondaire et subordonné, ce 676 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX sont les mythes, les légendes, les dogmes, toute la thé- ologie en un mot. Mais il le faut louer d'avoir mis en lumière l'indépendance originelle de la morale sociale et de la morale religieuse, l'indifférence primitive des dieux à la conduite des hommes les uns envers les autres. On trouvera (p. 263 et suiv.), d'intéressantes indications, peut-être un peu trop rapides, sur la nu- méralion, la géométrie, la chronologie, la cartogra- phie etla médecine des non civilisés. M. Deniker, avec raison, rejette l'hypothèse hasardée de la promis- cuité primitive : il accepte, peut-être sans la sou- mettre à une suffisante critique, la théorie de Mac Lennan, de Morgan et de Fison et Howitt sur le ma- riage collectif (group-marriage), dont il ne distingue pas assez nettement la famille polyandrique; il semble confondre la famille maternelle avec le régi- me matriarcal, qui en est une forme très exception- nelle, et ne donne pas d'explication très claire de l'hor- reur qu'inspire l'inceste aux non civilisés; il ne cite pas à ce propos le mémoire capital sur la question, celui de Durckheim (Année sociologique, t. 1); il semble par- fois ne pas discerner aussi précisément qu'il faudrait la différence de nature qui existe entre la famille et le clan, qu'il parait parfois se représenter comme une agrégation de familles. Sur les formes diverses du ma- riage, les rites en usage lors de la naissance, l’éduca- üon de l’énfant, l'initiation, le traitement que recoivent les vieillards, les coutumes du deuil, ses indications, très sommaires, sont dans l’ensemble exactes. Il con- vient de signaler l’intéressante esquisse qu'a donnée l’auteur (p. 289-902) de l’organisation économique des sociétés primitives, mais on ne saurait admettre que c’est l'établissement du régime féodal qui a détruit en Occident la propriété collective. Sur la question du Totemisme, M. Deniker semble n'avoir pas utilisé les plus récents travaux (Jevons : Az introduction to the History of Religion; E. B. Tylor : Journal of Anthrop. Inst. 4898; G. G. Frazer : lortnightly Review, avril et mai 1899). Ce qui concerne le gouvernement et le rôle des chefs est très sommairement exposé ; il est à peine fait allusion à leurs fonctions religieuses. Du tabou, qui tient une si grande place dans l’organisation des sociétés non civilisées, il n’est dit qu'un mot en pas- sant. M.Deniker se méprend à notre sens en lui attri- buant en Mélanésie une signification purement civile et économique; nous croyons avoir établi (Bibliothèque de l'Ecole des Hautes-Eludes, Sciences religieuses, t. VIT) son caractère religieux. Sur les sociétés secrètes, l’auteur a donné les détails essentiels. Toute la partie de ce chapitre relative à la civilisation matérielle (armes, monnaie, véhicules, etc. est fort intéressante; l’auteur a su faire tenir en ces quelques pages un très grand nombre de faits clairement classés. Dans le chapitre vur, M. Deviker passe rapidement en revue les diverses classifications que l’on a proposées des races humaines et expose le système de classifica- tion auquel il s’est lui-même arrêté. Il distingue vingt- neuf races, qu'il groupe sous six chefs distincts : A) Cheveux crépus, nez large — Races : Bochimane, Négrito, Nègre, Mélanésienne; B) Cheveux frisés ou ondulés — Races Ethiopienne, Australienne, Dravi- dienne, Assyroïde ; C) Cheveux ondulés, bruns ou noirs ; yeux foncés — Races : Indo-Afghane, Arabe, Berbère, Européenne littorale, Ibéro-insulaire, Européenne occi- dentale, Adriatique; D) Cheveux ondulés ou droits, blonds; yeux clairs — Races: Européenne Nordique, Européenne orientale; E) Cheveux droits ou ondulés, noirs, yeux foncés — Races: Aino, Polynésienne, Indo- nesienne, Sud-Américaine ; F) Cheveux droits — Races: Nord-Américaine, Centraméricaine, Patagone, Esqui- mau, Lapone, Ougrienne, Turque, Mongole. Il a représenté les affinités des races en un tableau où sont distribuées les vingt-neuf races, qu'il a constituées en dix-sept groupes, dont sept seulement (Américain- Océanien, Négroïde, Nord-Africain, Eurasien, Melano- chroïde (Européen), Xanthochroïde (Européen) com- prennent plus d’une race. La disposition du tableau met en évidence, par exemple, les relations qui unissent les Dravidiens aux Indonésiens et aux Australiens, les Assy- roïdes aux Adriatiques et aux Indo-Afghans; les Indo- Afghans aux Ethiopiens et aux Arabes, les Esquimaux, aux Mongols et aux Nord-Américains à la fois. C'est sur de tout autres principes que s’est fondé M. Deniker pour la classification des groupes ethni- ques ; ila pris pour base les affinités linguistiques et sociologiques et surtout le groupement au point de vue géographique. _ Le chapitre consacré aux races et aux peuples de l'Europe est extrêmement remarquable : c'est peut-être le meilleur du livre, c’est à coup sùr le plus neuf et sans doute le plus utile. Après un exposé très plein, en sa brièveté, de ce que nous savons de l’anthropologie, et de l'archéologie préhistoriques de l’Europe (il laisse en suspens la réalité de l'existence de l’homme tertiaire), où il à mis à profit les beaux et classiques travaux de MM. de Mortillet et Salomon Reinach, l’auteur présente un court résumé des polémiques qu'a soulevées, entre ethnographes et linguistes, la question aryenne. Pour M. Deniker, il n’y a pas de race aryenne, et c’est perdre son temps que d’en chercher le point d’origine en Asie ou en Scandinavie :il y à une famille de langues aryennes, dont le berceau se trouve sans doute dans le Sud-Est de l'Europe,etpeut-être une civilisation aryenne, fort semblable d’ailleurs probablement à celle des au- tres populations de l’âge néolithique. Il en vient alors à l'étude des races actuelles. Si l'on ne tient pas compte des Allophyles d’origine asiatique, turque où mongole, la population de l’Europe est cons- tituée par les combinaisons de deux races blondes: la Nordique et l'Orientale,et de quatre races brunes: Ibéro- insulaire, Cévenole ou Occidentale, Littorale et Adria- tique. Il faut renoncer à donner une valeur anthropo- logique aux expressions de races latines ou de races Semen leur signification est exclusivement linguis- tique ou sociologique. La race germanique a une exis- tence un peu moins conventionnelle, mais il s’en faut que tous les germanophones soient de race Nordique ou sub-Nordique.— Les paragraphes qui se rapportent, en ce chapitre, à l’ethnographie de la France et de l'Italie et aux Finnois sont tout particulièrement intéressants. Dans le chapitre relatif aux races et peuples de l'Asie, nous signalerons spécialement les pages qui traitent de l'archéologie prémstorique et celles qui ont trait à l'ethnographie de la Sibérie et de l’Indo-Chine. Nous aurions aimé qu'une étude plus approfondie nous ait été donnée des races de la Chine,de l'Inde et de la Perse. La race sémitique semble bien avoir une réalité anthro- pologique et n'être pas seulement une entité linguisti- que, mais il s'en faut que tous les peuples de langue sémitique y puissent trouver place et il paraît bien que bon nombre des Juifs appartiennent à la race assyroïde. Dans le chapitre relatif aux peuples et races de l’Afri- que, il nous semble que tout ce qui se rapporte aux Baotous a été traité bien sommairement, mais il faut noter la conception très plausible et très suggeslive de M. Deniker qui en fait des métis de Nègres, de Ne- gritos, de Boschimans-Hottentots et d'Ethiopiens. Il n'y a qu'à louer, par contre, les pages très intéressantes et très neuves consacrées aux populations rouges de la région équatoriale : Sandé, Massaï, etc., et aux popu- lations nigritiennes, dont cependant, il n'a indiqué que d’une facon bien générale les traits caractéristiques au point de vue dela civilisation et de l'organisation sociale. L'ethnographie de l'Australie est, elle aussi, fort som- mairement traitée, mais il faut reconnaître que bon nombre des questions essentielles qu'elle soulève avaient été traitées dans les chapitres qui se rapportent aux ca- ractères sociologiques des diverses races. M. Deniker a montré, en se fondant sur les travaux de Ling Roth, qu'il fallait séparer des Australiens les Tasmaniens, aujourd'hui éteints, et les rattacher à la race mélané- sienne. Il a jeté un peu de lumière sur l’ethnographie sicompliquée de la Malaisie et a fait voir clairement qu'il BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX n'existait pas les affinités que l'on avait cru entre les Polynésiens et les Indonésiens, que tous leurs caractères rapprochent des Malais; ce sont peut-être les Proto- Malais, et les Malais actuels ne seraient alors que des mélis, produits des croisements des Indonésiens avec “des Chinois,des Papous, des Négritos, des Hindous, etc. «Il nous semble que M. Deniker se méprend en énumé- rant, parmi les caractères spécifiques des Papous, l’em- ploi du ull-roarer; il se retrouve chez les autres Mélanésiens, au témoignage de Codrington. + Ileüt été nécessaire de donner des détails plus pré- cis sur les Micronésiens, qui diffèrent à plusieurs égards des autres Polynésiens, en particulier au point de vue de la structure familiale et de l’organisation sociale. —_ Le chapitre consacré à l'Amérique est fort bon. Il renferme une bonne étude sur les mound-builders; on est un peu surpris que M. Deniker n'y mentionne pas je beau livre de Cyrus Thomas : Zntroduction to the «study of North american Archæology. Peut-être esti- « mera-t-on qu'il vaudrait mieux séparer plus complè- à tement les Esquimaux des autres races américaines, . … dont ils diffèrent à la fois somatiquement et ethnique- ment. M. Deniker reconnait l'existence d'une race palé-américaine, à laquelle il rattache les Indiens des Andes. Les paragraphes qu'il a consacrés à l’ethno- * graphie de Amérique centrale, du bassin de l’Ama- - zone et du Brésil rendront à tous les ethnographes les : meilleurs services. Il a décrit avec une extrême clarté les migrations en sens opposé des Arrawaks et des + Caraïbes. Il aurait pu, mettant plus largement à profit | les travaux de von den Sleinen, donner de plus amples - détails sur les tribus du centre du Brésil, dont les mœurs jettent une si précieuse lumière sur diverses questions de sociologie. …. L'auteur a rendu un éminent service en écrivant son « livre. Nous ne voudrions pas que nos criliques de détail puissent donner le change sur nolre pensée; c'est un ouvrage excellent que celui de M. Deniker, - un livre méthodique et clair, amplement et sûrement L documenté, L. MaRILLIER, Maître de Conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes. 4 Sciences médicales - Rothschild (D: Henri de). — Bibliographia lactaria. - Bibliographie générale des Travaux parus sur le lait —. et l'allaitement jusqu'en 1899, avec une préface de } M. E. Duczaux, Membre de l’Institut, Directeur de … l'Institut Pasteur.— 1 vol. in-8° jésus de 600 pages. (Prix : 20 fr.) O. Doin, éditeur. Paris, 1901. | M. Henri de Rothschild est très honorablement connu dans la littérature médicale par ses publications sur ï l'alimentation des nourrissons. Au cours de ses recher- ches, il a été amené à consulter ce qui avait déjà été écrit sur ces questions. Il a trouvé intéressant et utile . d'établir une bibliographie générale des ouvrages ayant traité du lait et de l'allaitement. C’est ainsi qu'est né le volume qu'il nous présente aujourd'hui. Ce volume in-8°, de près de 600 pages, ne contient que des indications bibliographiques. Celles-ci sont exactement au nombre de 8.375. Ainsi, sur cette ques- . tion limitée d'hygiène alimentaire de l'enfance, il a 616 publié 8.375 mémoires, ouvrages, traités ou livres. Je n'ai pas compté le nombre d'auteurs qui ont concouru à l'édification de cette véritable bibliothèque : leurs noms, disposés par ordre alphabétique, n'occupent pas moins de 68 pages. En publiant ce volume, M. de Rothschild a voulu être utile à tous ceux qui s'intéressent à la question du lait. Certes, l'utilité d'une telle publication ne saurait être niée, et ce n'est pourtant pas ce côté du livre qui nous à frappé quand nous l'avons parcouru. Ce qui . nous à semblé vraiment curieux, c’est de voir que les questions que nous abordons aujourd'hui avec toutes les ressources de la science moderne (analyse chimi- que, microscopie, bactériologie) — sans les résoudre le Te, plus sonvent— se posaient déjà dans l'esprit des savants d'il y a quatre cents ans, ; En 1538, Acorombonus publie à Nuremberg un livre intitulé : « Tractatus utilissimus de natura et usu lactis », et en 1653 nous trouvons l'ouvrage de Ortlob « De lacte humano ». Je ne dirai pas qu’à cette époque on connaissait déjà les méfaits du lait de vache; mais, en fout cas, on y pensait déjà, puisqu'en 1666 pa- raîit le travail de Bourdelin sur «l'examen du lait de vache, d'âänesse et de chèvre », et qu'en 1790 Bouillon-Lagrange publie une « Lettre contenant ‘des expériences sur le lait de femme et le lait de vache. » A ces époques lointaines, on observait comme au- jourd'hui, souvent mal, quelquefois bien. Si Borri- chius voit bien dans son « Observation sur une femme dont le lait était amer par l'usage qu’elle avait fait de l'absinthe » — cette observation date de 1766, — on ne peuten dire autant de l’auteur qui, en 1707, publieun Mémoire sous le titre suivant : « Le lait des Européennes qui vont à Batavia est si salé, qu'elles ne peuvent nourrir leurs enfants. Il n'en est pas de même du lait des négresses ». Tout comme aujourd'hui la composition du lait inté- ressait les savants et, comme nous, ils essayaient de l’analyser. Nardius fait paraître à Florence, en 1634, un livre intitulé : « Lactis physica analysis », et en 1756, Vullyamoz, dans sa dissertation inaugurale, s'occupe du dosage des sels du lait : « De sale lactis essentiali »! Quant au rôle du lait dans le traitement des maladies, il est connu depuis des siècles. Voici, en 1670, l'ouvrage de Greisel sur les effets mirifiques du régime lacie dans l'arthrite : « Tractatus medicus de cura lactis in arthritide, in quoi indigata natura lactis et arthritidis tandem rationibus, etc., etc. »; voici encore, en 1678, le livre de Bayle : « De utilitate lactis ad tabidos refi- ciendos et de immediato corporis alimento. » Il n’y a pas dix ans que nous connaissons le koumis et le kephir, et pourtant, dès 1811, Clarke faisait paraître un ouvrage intitulé : « Of the koumiss of the Calmucks and of the ardent spirit which they distill from milk. » C’est ainsi qu'à travers des siècles on voit revenir les mêmes ques- tions et celles-ci être prises et reprises avec de nou- veaux moyens d'investigations, avec d'autres idées préconcues, avec de nouvelles méthodes. « Quand on voit, écrit M. Duclaux dans la préface qu'il a consacrée au livre de M. de Rothschild, l'énorme bibliographie établie par M. le D° H. de Rothschild, à propos de l'étude du lait, et que l'on songe, comme on peut le faire en consultant les derniers ouvrages qu'elle mentionne, combien nous sommes encore peu avancés sur cette question, on se sent saisi d’une sorte de mé- lancolie devant l’immensité des efforts et la pauvreté - du résultat; des centaines de savants, des milliers d'années d'études, pour aboutir à deux ou trois cents pages de vérités! Et encore, toutes ces vérités, pouvons- nous en répondre? » Telle est la philosophie qui se dégage des 8.375 indi- cations bibliographiques réunies par M. H. de Rothschild dans son superbe volume. Dr R. ROMME, Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris. De Langenhagen (Maurice) — L’Entéro-colite muco-membraneuse. Enquête sur certains points controversés de son histoire. — (Æx/rait de la Presse Médicale du 11 mai 1901). G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1901. Dans ce Mémoire, M. de Langenhagen produit et discute une statistique personnelle de six cents cas d’entéro-colite muco-membraneuse. Ce travail, très complet, fait honneur à son auteur et élucide lâ plupart des problèmes qui se posaient dans l’histoire de cette affection. Girod (D° Paul). — Comment on se défend contre les Vers intestinaux. — 1 hroch. 1n-8° de 71 pages, avec planches. (Prix : 1 fr.) L’Edition médicale fran- çaise, Paris, 1901. 678 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 17 Juin 1901. M. Maupas est élu Correspondant pour la Section d'Anatomie et Zoologie. 1. SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan donne la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a découvertes à l'Observatoire de Paris (équatorial de la Tour de l'Ouest). — M. M. Hamy a constaté que deux épreuves photo- graphiques de la Lune, prises à des époques correspon- dant à une même phase et à des librations très diffé- rentes, regardées stéréoscopiquement, fournissent des données sur le relief de notre satellite. Il montre que la stéréoscopie peut s'appliquer à d’autres problèmes astronomiques. — M. Rabut donne les équations et les propriétés fondamentales des figures auto-polaires réciproques dans le plan et dans l’espace. Les lignes planes auto-polaires sont définies par une relation symétrique entre l’abscisse (ou l’ordonnée) et la sous- tangente. — M. A. Hurwitz communique un théorème général sur les séries de Fourier, dont il tire d'intéres- santes applications. — M. Mesnager étudie l'application de la théorie de l’élasticité au calcul des pièces rectan- gulaires fléchies. 2. SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Rothé a constaté, au moyen de l’électromètre capillaire de Lippmann, que la force électromotrice du compensateur correspondant au maximum de tension superficielle augmente avec la concentration. Les hauteurs de mercure soutenues, soit au maximum, soit quand les deux mercures sont en communication, diminuent quand la concentration augmente. Ces résultats peuvent être prévus par la théorie des ions. — MM. Ph.-A. Guye et A. Baud ont mesuré les constantes capillaires de quelques liquides organiques, en vue de fixer leur degré de polymérisa- tion. Le phénétol, l'anisol, l'acétate d’éthyle, le nitro- benzène, le benzonitrile paraissent normaux. Le méla- crésol n'est pas polymérisé entre 9° et 55°, mais le devient partiellement entre 100° et 150°; c'est le pre- mier exemple de ce genre. — M. Eug. Demarçay a obtenu, par fractionnement de l’azotate magnésien, une petite quantité d’un nouvel élément, intermédiaire entre le gadolinium et le samarium, et caractérisé par de fortes raies violettes et ultra-violettes. Il le nomme europium, avec le symbole Eu — 151 (environ). — M. M. Berthelot a constaté qu'à froid, la précipitation totale de l'argent, sous forme de phosphate, dans Ja réaction du phosphate bisodique sur l’azotate d'argent, a lieu seulement lorsque les deux sels ont réagi à mo- lécules égales, les deux tiers de l'acide phosphorique demeurant dissous sous forme de sels mono et biba- SU La précipitation totale de l'acide phosphorique sous la forme de phosphate argentique a lieu seulement lorsque l’on a employé trois molécules d'azotate d'ar- gent pour une molécule de phosphate bisodique, avec addition finale de soude en dose équivalente à la neu- tralisation appréciée par la phtaléine. — M. V. Thomas a observé que le brome en excès réagit sur le chlorure thalleux pour donner le chlorobromure TCEBrs. En présence de solvants susceptibles de se combiner aux halogènes, il se forme TIBr°. Par voie sèche, on obtient des produits d'addilion normaux du chlorure thalleux. En présence d'un excès de brome, c’est le chlorobro- mure TICIBr qui prend naissance. — M. R. Chavas- telon a constaté que l’action de l'acétylène sur une solution saturée et neutre de chlorure cuivreux dans le chlorure de potassium conduit à des résultats iden- tiques au cas d’une solution acide précédemment décrit. Dans le cas d’une solution neutre, et quelle que soit la vitesse du courant gazeux, une agitation active est nécessaire. — M. Dimitry Balachowsky indique une méthode de séparation électrolytique du cobalt et du nickel. On opère en solution acétique, en présence de sulfocyanate d'ammonium, d’urée et d'am- moniaque; en employant un courant d’un volt avec 0,8 ampère, le nickel seul se précipite à la cathode. — M. A. Trillat a étudié l’action de contact d’une spirale de platine chauffée sur les alcools secondaires et ter- liaires ; il se forme soit des cétones seules, soit des cétones et de la formaldéhyde. La chaleur dégagée par la réaction est suffisante GONE maintenir la spirale de platine incandescente. — M. A. Haller, en faisant réa- gir l'épichlorhydrine sur les éthers benzoylacétiques sodés, a obtenu une cétolactone : C°H5.C0.CH — CO | 0 CH? — > CH.CH®CI qui est la2-benzoyl-4-valérolactone-5-chlorée. Ce corps, sous l’action d'une lessive alcaline, donne naissance à un cétoneglycol, qui est le 4-benzoyl-1 : 2-butanediol; il peut aussi se dédoubler en acide benzoïque et en acide- glycol. — MM. G. Bertrand et R. Sazerac indiquent un moyen chimique de différencier les deux principaux ferments du vinaigre : le Mycoderma aceti et la bacté- rie du sorbose ou Bacterium xylinum Brown. Tandis que la bactérie du sorbose oxyde rapidement la glycé- rine et la transforme en dioxyacétone, le mycoderme du vinaigre attaque à peine cette substance. — M. P. Miquela employé la levure de bière pour déce- ler les communications des nappes d’eau entre elles. La levure ne perd pas sensiblement de sa vitalité après de longs parcours souterrains, et, si l’on recueille l’eau qui la contient dans un bouillon de peptone sucré, il se déclare bientôt une énergique fermentation alcoolique. — M. M. Nicloux a reconnu que le gaz oxyüe de car- bone se rencontre à Paris dans! le sang des nouveau- nés. Sa quantité est, en moyenne, de 0,11 centimètres cubes pour 100 centimètres cubes de sang. 3. SCIENCES NATURELLÈS. ont reconnu que les lécithines de l'œuf de poule aug- mentent l'appétit des animaux qui les recoivent par voie sous-cutanée ou par voie stomacale. Il en résulte, conformément aux recherches de Danilewsky, un accroissement rapide du poids des animaux. L’urée, l'azote urinaire total, le coefficient d'utilisation azotée se trouvent augmentés; on observe simultanément une diminution de l'acide phosphorique éliminé par les urines. — M.'L. Lapicque a déterminé le temps de réac- tion des Negritos des iles Andaman. Ceux-ci mettent, en moyenne, à répondre 4/100 de seconde de plus que de Européens cultivés. Mais les expériences faites sur la classe des travailleurs manuels à Paris donnent un chiffre du mème ordre que celui des Negritos. Il ne semble donc pas que la race ait une influence sur le temps de réaction ; ce seraient plutôt les conditions biologiqués. — M. Mendelssohn a étudié les effets pro- duits par le passage des courants électrotoniques extra polaires dans les nerfs sans myéline. — M. S. Leduc, en déposant symétriquement sur une couche de géla- tine des gouttes de liquide précipitant au contact, à obtenu des figures géométriques qui reproduisent les formes des cellules des tissus vivants. — M. L. Beille a distingué chez les Disciflores, d’après le mode de développement et la disposition de l'androcée, trois séries principales isostémone, diplostémone, polystémone; % les Disci- 1° les Æuphorbiacées, à androcée. DR PNA ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 679 fores obdiplostémones (Rutacées, Diosmées, etc.); 30 les Disciflores eudiplostémones (Méliacées, Coria- riées, etc.). Séance du 24 Juin 1901. M. Ed. van Beneden est élu correspondant pour la Section d'Anatomie et de Géologie. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Deslandres communique une troisième série d'observations de la nouvelle étoile de Persée. Le 17 avril, la nouvelle étoile présentait très probablement la raie caractéris- tique des nébuleuses, — M. Dumont envoie un exposé détaillé des principales propriétés des surfaces du troisième ordre traitées par les méthodes de la Géomé- trie projective. — M. D.-Th. Ægorov étudie le problème suivant : Trouver toutes les surfaces qui admettent un réseau conjugué invariable dans une déformation con- tinue. — M. L.-E. Dickson poursuit ses recherches sur la théorie des groupes linéaires dans un domaine arbitraire de rationnalité. — M. S. Zaremba commu- nique quelques considérations sur l'intégration de l'équation Aw— p?w — 0. 29 ScrENCES PHYSIQUES. — M. J. Violle a observé, au cours d’un orage, un éclair en boule, le 9 juin, près de Gevrey-Chambertin (Côte-d'Or), — M. A. Ponsot, poursuivant ses recherches sur les actions chimiques . dans les systèmes dissous ou gazeux, montre que la formation réelle ou virtuelle du système qui tend à exister seul à une dilution infinie et qui décroit quand on enlève du dissolvant, diminue la tension de vapeur de ce dissolvant; celle du système antagoniste accroit cette tension de vapeur. — MM. Ph.-A. Guye et - A. Baud ont déterminé les constantes capillaires de - la valéroxime, de la méthyléthylcétoxime, des phényl, méthyl, éthyl et isopropyluréthanes. Tous ces corps sont polymérisés à l’état liquide; chez les uréthanes - aliphatiques, le dérivé méthylé est moins polymérisé que le dérivé éthylé, et celui-ci que le dérivé propylé. — M. A. Besson, à la suite de la confirmation de - l'existence du sous-oxyde de phosphore P‘O par Mi- chaelis, a repris l'étude de son oxyde phosphoreux P°0, dont l'existence avait 6t6 mise en doute. En dis- - solvant HBr à froid dans du chlorure de phosphoryle, - puis en faisant passer un courant de PH, on obtient un volumineux dépôt jaune orangé, qui, purifié, cor- - respond bien à la composition P°0. — M. Jouniaux a étudié l’action des radiations solaires sur le chlorure - d'argent en présence d'une atmosphère limitée d'hydro- gène. Après une exposition au soleil suffisamment - prolongée, et avec une quantité convenable de chlo- rure d'argent, tout l'hydrogène est transformé en HCI. — M. M. Berthelot à étudié les réactions de deux bases mises simultanément en présence de l'acide phosphorique, l’une formant un phosphate soluble (soude), l’autre formant ua phosphate insoluble (chaux ou baryte). Dans les trois cas examinés, la proportion de PO'‘H* précipité est double de celle qui correspon- drait à la chaux ou à la baryte supposées changées en phosphates tribasiques. Il y a donc séparation, sous forme insoluble, d'une fraction de soude considérable. — M. Paul Sabatier rappelle, à la suite de la commu- nication de M. Recoura, qu'il a obtenu, il y a déjà longtemps, des sels basiques mixtes par action d’un oxyde ou d’un hydrate métallique sur les solutions des sels des autres métaux. — M. A. Maïlhe a pour- suivi l'étude de l’action de l’oxyde mercurique sur les solutions aqueuses de sels métalliques. Avec les azo- tates de manganèse et de cadmium, on obtient des sels du type (Az0*)*Hg, RO, 3H°0. Avec les sels ferreux, il y a réduction de l'acide mercurique en sel mercu- reux ou en mercure et oxydation du sel ferreux en sel ferrique. — M. G. André rappelle qu'il a aussi obtenu, il y a quelques années, des oxychlorures basiques ren- fermant plusieurs oxydes métalliques. — M. F. Par- mentier rappelle qu'il a indiqué, en 1892, un procédé d'embouteillage des eaux minérales qui assure la con- servation parfaite de leur composition et de leurs pro- | | | | | | priétés thérapeutiques. — M. M. Berthelot pense que les corps obtenus par M. Chavastelon dans l’action de l'acétylène sur le chlorure cuivreux peuvent être con- sidérés comme des dérivés d’un chlorure double de cuprosacétyle monosubstitué (C*H°Cu)Cl.CuCI ou tri- substitué (C*Cu*)Cl.CuCI. — M. A. Colson montre que la réaction du chlorhydrate de pipéridine sur le chlo- rhydrate d'ammoniaque sec en présence du gaz ammoniac est réversible et limitée par la tension du gaz. — MM. L. Maquenne et G. Bertrand ont préparé l’érythrite racémique inactive par compensation en mélangeant des poids égaux des deux érythrites actives. Le corps obtenu est ideutique à celui trouvé autrefois par M. Griner; il fond à + 72°, — M. M. Descude a fait réagir le chlorure d’acétyle sur le trioxyméthylène en présence de chlorure de zinc et a obtenu l'acéto- chlorhydrine de méthylène CH°.CO0.CH:CI. Avec le chlorure de benzoyle, on obtient un corps (C'H'0:}, isomère de l’acide benzoïque. — MM. L. Bouveault et A. Bongert, en soumettant à l’action de l'acide nitrique fumant les deux butyrylacétylacétates de méthyle, ont obtenu le même éther méthylique C°H°Az?0"; la nitration de l'acétylacétate fournit également le même produit. Les groupes acidylés sont donc indifférents à la réaction et se retrouvent à la fin à l’état d'acides. MM. A. Haller et A. Guyot, en diazotant l’hexaméthyl- triamidotriphénylméthane orthoamidé en milieu chlor- hydrique, ont obtenu une leucobase qui, par oxydation, donve un colorant bleu ne présentant aucune particu- larité. Mais, si la diazotation a lieu en milieu sulfurique concentré, on obtient un dérivé fluorénique, l'hexamé- thyltriamidophénylfluorène. C’est la leucobase d'un nouveau colorant, le bleu de fluorène, soluble dans l'alcool et dans l’eau. — M. G. Massol a étudié la valeur acidimétrique de l’acide parasulfanilique C‘H*AzH?.SO'H. — MM. J. Minguin et E. Grégoire de Bollemont ont étudié les propriétés de quelques composés racémiques de la série du camphre. Ils ont généralement une forme cristalline différente de celle des composés actifs. Un mélange d’actif et de racémique à formes cristallines différentes possède un point de fusion commençant inférieur au point de fusion de celui des deux corps qui fond le plus bas. Un mélange d’actif et de racémique affectant la même forme cristalline a un point de fusion commencant un peu plus élevé que le point de fusion de celui des deux corps qui fond le plus bas. La densité du racémique est plus grande que celle de ses consti- tuants. — M. A. de Schulten a effectué la synthèse de la boronatrocalcite (ulexite) en ajoutant une solution de chlorure de calcium à une solution de borax en excès saturée à froid. Les cristaux obtenus possè- dent bien la composition Na°0,2Ca0,5B°0*,16H°0. — M. G. André a étudié l’évolution du soufre et du phos- phore dans la plante pendant la germination. Le soufre total augmente progressivement pendant la germination. Le phosphore des phosphates préexistants augmente aussi pendant la germination, tandis que le phosphore total reste stationnaire et n'augmente que lorsque l'azote lui-même s'accroît. 39 SCIENCES NATURELLES. — MM. L.-R. Régnier et G. Didsbury ont pratiqué l’anesthésie locale en chi- rurgie dentaire à l’aide des courants de haute fréquence et de haute intensité. Les incisives et les canines sont les dents les plus faciles à anesthésier; les molaires et les racines découronnées le sont moins. L'électrisation ne provoque aucune réaction fâcheuse. — M. R. Demer- liac a employé le résonnateur Oudin pour actionner les tubes à vide. Les rayons X produits par ce moyen pos- sèdent la propriété de ne pas donner d’érythèmes. — MM. Stassano et P. Bourcet ont constaté que l’iode contenu dans le sang normal existe exclusivement dans les leucocytes. — MM. A. Chauveau et J. Tissot pré- sentent un outillage simple pour rendre inoffensifs le séjour et le travail de l'homme dans les atmosphères irréspirables contaminées par des gaz délétères. Leur appareil nasal à séparation du courant d’air expiré et du courant d'air inspiré permet de prendre ce dernier 680 à une grande distance du sujet au moyen d'un tube. Les sujets munis de cet appareil peuvent séjourner et agir sans danger au milieu d'une atmosphère quel- conque. Le système se prête à toutes les opérations de sauvetage qu'on peut avoir à réaliser dans les locaux envahis par les gaz délétères. — M. L. Bordas a étudié l'appareil digestif des Dytiscides, —M. H. Coupin a cons- taté que les végétaux supérieurs jouissent d’une sensi- bilité merveilleuse à l’action utile des sels de potassium et permettent d'apprécier la mesure de ceux-ci, même quand ils sont en proportion infime. — M. Ed. Heckel a étudié la constitution de la graine de Hernandia; les cotylédons y sont partagés en lobules plus ou moins nombreux par des cloisons membraneuses d’origine spermodermique, ce qui rapproche ces graines de celles de Riavensara, Louis Brune. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 4 Juin 1901. L'Académie adopte, après discussion, les conclusions du Rapport de M. E. Besnier sur la création d’un sana- torium privé pour lépreux dans les Voges (voir p. 589). — M. Chantemesse donne lecture d'un mémoire sur le diagnostic des eaux qui transmettent la fièvre typhoïde. — M. Mouchet (de Sens) lit une observation de kystes dermoïdes d’un volume extraordinaire situés dans la ré- gion sacro-coccygienne chez un enfant nouveau-né ; l’ablation de la masse kystique, six jours après la nais- sance, fut suivie de guérison. — M. Chavasse donne lecture d’un travail sur un cas de kyste dermoïde à contenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche. Séance du 11 Juin 1901. M. Chantemesse est élu membre titulaire dans la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police médicale. — M. Heurteaux (de Nantes) est élu Associé national. M. Chauvel présente le rapport sur la concours du Prix Meynot en 1901. — M. P. Budin fait un rapport sur un mémoire de MM. M. Balestre et Gilletta de Saint-Joseph, relatif à la mortalité de la première enfance dans la population urbaine de la France de 1892 à 1897. Celle-ci est considérable; les décès, pour 1.000 enfants de 0 à 1 an, sont dus aux causes suivantes; 385 à la gastro-entérite, 147 aux maladies des voies res- piratoires, 171 à la débilité congénitale, 25 à la tuber- culose, 50 aux maladies contagieuses et 222 aux autres causes réunies. Des mesures bien comprises, surtout en ce qui concerne la nourriture de l'enfant, pourraient enrayer fortement cette mortalité. — M. J.-V. Laborde fait un tableau des ravages causés par la consommation de l’absinthe et des essences toxiques similaires, et, en se basant sur l'amendement suivant voté par le Parlement : « Le Gouvernement interdira, par décrets, la fabrication et la vente de toute essence reconnue dan- gereuse et déclarée comme telle par l’Académie de Médecine », il propose à l’Académie : 1° De prendre sans tarder l'initiative de l'indication des liqueurs, apéritifs et boissons contenant les essences les plus dangereuses pour la santé publique, à l'effet d'en interdire la fabri- cation, la circulation, la publication et la vente; 2° De charger de cette étude et de cette indication la Com- mission de l’Alcoolisme; 3° De communiquer, sous forme de vœux, aux Pouvoirs publics et au Parlement, la délibération adoptée et prise par l'Académie à ce sujet, après avoir entendu le rapport de la Commission. Séance du 18 Juin 1901. M. le Président annonce le décès de M. Bleicher, Correspondant national. — MM. Tichomirow. (de Moscou) et Schaër (de Strasbourg) sont élus Corres- pondants étrangers dans la Division de Pharmacie. MM. Lancereaux et Paulesco ont administré la lécithine dans deux cas de diabète pancréatique, à la phase du dépérissement, et ont vu les malades aug- 2e Ds | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES menter rapidement de poids en même temps que leur état général s'améliorait. Ils ont employé la lécithine dans plusieurs autres affections s’accompagnant de dénutrition et ont obtenu de bons résultats, — M. Wlaeff lit un mémoire sur la sérothérapie du cœur. — MM. Jacquet et Portes communiquent un travail sur la viciation hémo-urinaire dans la pelade. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 4° Juin 1901. M. Ch. Féré a démontré que les odeurs, qu'elles soient agréables ou désagréables, ne produisent qu'une excitation passagère, et qu'en somme elles diminuent la capacité de travail d'autant plus qu’elles ont provo- qué une excitation plus grande. — M. A. Laveran à examiné des Culicides recueillis à Djibouti et à la Nou- velle-Calédonie. Les premiers sont des Anopheles, tan- dis que les seconds sont des Culex. Ces résultats con- cordent avec le fait que le paludisme est très grave à Djibouti, tandis qu'il est inconnu en Nouvelle-Calédo- nie. — M. H. Coupin a reconnu que les composés mi- néraux ayant un pouvoir antiseptique élevé sont, en mème temps, à de rares exceptions près (aluns), des poisons violents pour les végétaux supérieurs. — M. B. Lansac a observé un cas d’angine de Vincent dont l'a- nalogie clinique avec la diphtérie était telle que seul l'examen bactériologique a permis d'en faire le dia- gnostic précis, — M. A. Chipault montre que la ra- chicocaïnisation sous-arachnoïdienne est contre-indi- quée dans la chirurgie nerveuse ; par contre, il a ob- tenu d’assez bons résultats avec les injections épidurales dans une certaine position. — M. C. Simionesco à trouvé que les calculs biliaires sont proportionnelle- ment plus fréquents chez l'homme que chez les ani- maux. — M. Onimus rappelle qu'il a le premier indi- qué une méthode pour la photographie des mouve- ments du cœur. — M. Touche communique un nouveau cas aui tendrait à faire admettre que la mémoire topo- graphique a son siège dans le lobule fusiforme, — M. Sabrazès indique un procédé simple pour recon- naître le sang leucémique et les précautions à prendre pour le dosage colorimétrique de l’hémoglobine dans la leucémie. — M.G. Milian établit que la peau a une in- fluence très grande sur la coagulabilité du sang, pro- bablement parce qu'elle renferme une substance coa- gulante. — MM. Calugareanu et V. Henri ont constaté qu'il n'existe pas de différence appréciable entre la vi- tesse de diffusion dans les solutions gélifiées et dans l'eau pour les corps anorganiques de structure molé- culaire simple; au contraire, pour certaines matières colorantes complexes, la diffusion est bien plus lente dans les solutions gélifiées que dans l’eau. — M. H. Gilardoni a étudié les conditions mécaniques de la systole ventriculaire et l'influence de ces conditions sur la forme de la secousse musculaire. Puis il a fait tra- vailler, dans les mêmes conditions, un gastrocnémien de grenouille pour comparer au myocarde ce type classique du muscle. Pour cela, il a d'abord employé un myographe à poids variable perfectionné, qu'il a rem- placé ensuite, à cause de son inertie considérable, par un myographe à ressort de torsion. — MM. F. Arloing et F. de Gebhardt ont obtenu, par réaction de l’orga- nisme de la chèvre en présence du bacille de Koch vi- rulent introduit dans le tissu conjonctif, un sérum antituberculineux, pourvu d’un pouvoir chimiotaxique , positif très développé ; pourtant il est inefficace à pro- téger contre l'inoculation du bacille de Koch. — M. Oni- mus conseille, pour la destruction des larves de mous- tiques, le pétrole, et, pour la destruction des insectes ailés, le pyrèthre, en poudre ou en teinture. — M. A. Frouin a reconnu que la variation du pouvoir digestif du suc gastrique dépend surtout de l'acidité du liquide. Les substances alimentaires qui, ingérées dans l'intes- tin, produisent une sécrétion abondante, augmentent aussi le pouvoir digestif du suc gastrique. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 681 . Séance du 8 Juin 1901. M. Ch. Féré a étudié l'influeuce de la théobromine sur le travail. Dans un cas, elle a non seulement sup- «primé les effets de la fatigue, mais elle a donné une “plus-value de travail de 69,21 °/,. Toutefois, si Le travail ce prolonge, il se produit une moins-value sur la nor- male etune fatigue beaucoup plus intense, — M. F. Ca- thelin fait l'historique de la méthode des injections …cpidurales par le canal sacré et donne quelques indica- “tions nouvelles sur la technique. Il pense qu'on pourra injecter avec avantage par cette voie tous les médica- ments solubles et facilement assimilables, de préférence aux voies rectale, buccale et sous cutanée. — M.C. Phi- “salix à reconnu que les jeunes chiens qui ont recu à Ru reprises des inoculations de cultures atté- -nuées du bacille spécifique de la maladie du chien résistent aussi bien à la contagion naturelle qu'à l'in- fection expérimentale, — M. Max Egger signale des phénomènes vaso-paralytiques du plexus brachial droit qui l'ont conduit à de nouvelles idées sur Ja topogra- phie radiculaire et périphérique des vaso-moteurs de “l'extrémité supérieure de l'homme, — M. G. Weiss démontre que sa formule de l'excitation électrique est normalement applicable a l’homme; il donne l'expli “cation de la réaction de dégénérescence avec inversion de la formule chez les malades. — M. F. Dévé a réussi “à reproduire expérimentalement chez le lapin l'échino- —coccose embolique du poumon. — M. Salomon a vu, dans un cas d'hémorragie cérébrale avec inondation ventriculaire, la ponction lombaire donner un liquide très chargé de globules sanguins; cette teinte rouge n'est donc pas absolument caractéristique de l'hémor- ragie méningée. — M. M. Nicloux signale la présence d'oxyde de carbone dans le sang du nouveau-né à Paris. M. J. Jolly a reconnu que l'aspect diffus, homogène, du noyau d’un certain nombre de leucocytes, en par- …ticulier dans le sang normal et pathologique de l'homme, n'est qu'une altération artificielle tenant à une fixation imparfaite. — MM. C1. Regaud et A. Policard pensenl que l’épithélium ovarique, du moins chez la chienne, ‘possède une fonction glandulaire et que les tubes cor- ticaux de l'ovaire sont des diverticules glandulaires de l'épithélium ovarique. — M. CI. Regaud communique le résultat de ses recherches sur les cellules glandu- laires de l'épididyme du rat. — MM. Galavielle et Aoust ont constaté que la bile rabique n’a aucune pro- priété spécifique; la bile normale agit tout aussi bien que la bile rabique. Les deux ont une certaine action neutralisante à l’égard du virus fixe: elles ne paraissent pas avoir d'action préventive. — MM. Ch. Achard et Lœper ont reconnu que la cryoscopie comparée du sérum sanguin et des épanchements pathologiques ne saurait fournir au clinicien des indices suffisamment précis sur la tendance des liquides à s’accroître ou à se —résorber. La cryoscopie ne paraît pas non plus pouvoir fournir des renseignements utiles sur la cause patho- gène des épanchements. Toutefois, le pus septique se “congèle toujours plus bas que le pus tuberculeux. — 4 MM. E. Cassaet et G. Saux ont trouvé que le suc de viande, obtenu par macération, est peu toxique en ‘injections intra-veineuses. La substance toxique qu'il - renferme serait plutôt de nature comateuse.—M. F. Ar- …loing montre que la propriété chimiotaxique positive d'un sérum immunisant (en l'espèce le sérum antichar- .bonneux) peut disparaître par l’adjonction d'une subs- tance chimique douée, au contraire, d'un pouvoir chi- miotaxique négatif. À Séance du 15 Juin 1901. M. Ch. Féré a étudié l'influence du café sur le tra- vail. C'est par sa saveur que la caféine provoque l’exci- tation la plus considérable; mais, au bout d’un certain temps, il y a abaissement du travail et accélération de la fatigue. — M. Ch. Julliard a constaté que le pouvoir hématolytique des épanchements traumatiques des séreuses des articulations et de la bourse prérotulienne est en raison inversz du temps qui sépare le moment de l'examen du début des phénomènes morbides. — M. Max Egger a observé que le retard de la perception douloureuse et thermique, si fréquent dans le tabès, n'est pas rare non plus dans les affections de la subs- tance grise. — M. Ch. Richet montre que la détermi- nation de la toxicité du sérum musculaire en injections intra-veineuses est très difficile, car certaines condi- tions la modifient considérablement. Ainsi cette toxi- cité peut varier du simple au quintuple, suivant qu'elle est mesurée en hiver ou en été. Ces différences peuvent tenir à ce que les extraits musculaires contiennent des quantités d’eau et d’albuminoïdes variables avec la tem- pérature d'extraction. — MM. P. Ravaut et P. Aubourg ont constaté que le liquide céphalo-rachidien extrait par ponction après la rachicocaïnisation est trouble et sort sous forte tension. Il contient des polynucléaires abondants, dont la quantité va en diminuant chaque jour. — M. L. Lapicque a déterminé le temps de réac- tion suivant les races ou les conditions sociales (voir p. 678). — M. O. Josué a reconnu que le chloroforme est un excellent fixateur pour les préparations de sang. — M. A. Poulain a constaté que les ganglions lympha- tiques du mésentère renferment et secrètent une lipase très active agissant sur les graisses et facilitant proba- blement leur absorption. — MM. Sabrazès et Mathis ont pratiqué la cryoscopie des expectorations de diverses maladies, — MM. Ch. Achard et M. Lœper ont déter- miné les variations comparatives de la composition du sang et des sérosités. Elles se font toujours suivant un même cycle d'augmentation ou de décroissance ; mais la durée de ce cycle n'est pas la même pour les vais- seaux et pour les tissus. — MM. A. Desgrez et A. Zaky ont étudié l'influence de la lécithine de l'œuf sur les échanges nutritifs (voir p. 678). — M. J. Lefèvre pense que le problème de la détermination de la température interne minima compatible avec la vie est subordonné à l'étude topographique du refroidissement jusqu'à la mort. — M. F. Marceau pense que les cellules de Pur- kinje sont des formations spéciales, ayant la même origine que les cellules cardiaques, avec lesquelles elles s'anastomosent d'ailleurs, mais qui se différencient de bonne heure, peut être en vue de l'accomplissement d'une fonction encore à trouver. — MM. Gilbert, Lere- boullet et Herscher ont trouvé que la cholémie est très fréquente, mais qu'on retrouve toujours sa cause, soit dans une maladie chronique du foie ou des voies biliaires {ictère acholurique simple), soit dans une viciation tem- poraire des fonctions hépatiques au cours des maladies aiguës. — MM. H. de Rothschild et L. Netter ont reconnu ‘qu'il est inutile de donner au nourrisson des doses trop élevées de lait, mais qu'il faut, au contraire, établir, par l'examen des échanges nutritifs, la dose quo- tidienne minima qui convient à un nouveau-né sans nuire à sa croissance. — M. A. Chipault indique les recherches anatomiques sur le canal sacré qui l'ont conduit à proposer ses méthodes d'injections rachi- diennes. Il propose en même temps l'huile comme véhicule dans les cocaïnisations épidurales. — M. V. Griffon a constaté que, pour stériliser les crachats tuberculeux par l’aniodol, il faut employer une solution forte (à 1 v/,) et assurer un contact d'au moins vingt- quatre heures. — M. A. Rémy présente un appareil, nommé diploscope, qu'il à imaginé à l’occasion d’une expertise médico-légale sur un homme qui prétendait ne pas voir d'un œil, mais qui peut également servir pour le diagnostic et la correction de certaines affec- tions de l'œil, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 44 Juin 1901. La séance est entièrement consacrée à la discussion d'un projet de modification aux statuts et règlements de la Société. 682 Séance du 28 Juin 1901. M. R. Fosse a étudié l’anhydride du binaphtylène- glycol, auquel Rousseau a assigné la formule : CHH6—C | 1 o. CH — C/ Cet anhydride ne possède pas la formule C#*H'®#0, mais C#H#0; c’est le dinaphtoxanthène : CAHe En effet, le corps de Rousseau et le dinaphtoxan- thène cristallisent du benzène en aiguilles incolores groupées, fondant à 201°, et fournissent les mêmes nombres à l'analyse. Pour mieux identifier ces deux corps, M. Fosse à préparé une combinaison picrique du dinaphtoxanthène fondant à 2739, cristalisant en aiguilles rouges à reflets verts. Gette combinaison répond à la formule : CS (AzO®}' CH. JO + 20H : Noos OH L'anhydride de Rousseau donne un picrate identique, fondant également à 273°. — M. R. Fosse a préparé les dérivés monobromés et chlorés du dinaphtoxanthène. Le monobromodinaphtoxanthène : est un corps cristallisé en prismes rouges à reflets verts, fondant de 218 à 220°. Il se combine à HBr, à PtCl', aux chlorure et bromure mercuriques. Il pos- sède la curieuse propriété de régénérer le dinaph- toxanthène lorsqu'on le traite par l'alcool chaud et de transformer ce dernier en aldéhyde. Cette propriété est de tous points comparable à l’action de l'alcool sur les sels diazoïques; on ne l'avait pas encore signalée comme appartenant aussi à des corps sans azote, L'équation de cette réaction est la suivante : 10776 C10Y19 Co Ka IN 200 — Û 2H40 } 2 0 C'HO = HBr+ CH'O- CH D Br—CH Nous” Le bromodinaphtoxanthène, traité par AzH° en solu- tion alcoolique ou aqueuse, donne une amine secon- daire : cime CH 0 VA N cons AI 10p16 SAM ENE 1 0 f ete qui se présente en cristaux brillants, fondant vers 230°. Cette amine, traitée par HBr, donne du bromure d'am- monium et régénère le monobromodinaphtoxanthène. Quand on emploie HCI, on obtient : CHS AzH4CI et CI—CH< ÿO Nous fondant vers 150° et identique au corps obtenu directe- ment en traitant par Cl le dinaphtoxanthène, Ce corps, par l'alcool, régénère le dinaphtoxanthène. Il se com- bine à PCI“, HgCE. — M. Engel montre que le carbo- nate de soude ne précipite pas, en agissant sur les sels de magnésie, d'hydrocarbonate avec formation corré- lative de bicarbonate de magnésie restant en solution à la faveur de l'acide carbonique, comme l'indiquent tous les ouvrages de Chimie. C’est un carbonate neutre qui se précipite, entraînant une certaine dose de car- bonate de soude et passant rapidement à l’état cristal- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES lisé par addition de quelques cristaux tout formés.— En faisant réagir les éthers formiques sur les carbureS acétyléniques sodés en suspension dans l’éther anhydre, et décomposant ensuite par l’eau les produits de la réaction, MM. Ch. Moureu et R. Delange ont ob- tenu des aldéhydes acétyléniques R-C—C-CHO. L’al= déhyde amylpropiolique C*H‘#-C=—C-CHO distille à 899 sous 26 centimètres (D,—0,89). L'aldéhyde phénylpro= piolique C°H°-C—C-CHO distille à 127-1289 sous 28 cen= timètres (D,—1,0791;. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES Sir Lauder Brunton et Herbert Rhodes : Sur la présence d’un enzyme glycolytique dans le muscle. — Claude Bernard, ainsi que Ludwig et Ge- nerich, ont découvert que le sang qui sort d'un musele contracté contient moins de sucre que le sang artériel qui y était entré. Cette destruction du sucre, pendant le passage du sang à travers le muscle, est sans nul doute due en grande partie à l’action du sang lui-même sur le sucre, mais il est naturel de penser qu’elle peut être due à l’action de quelque ferment glycolytique contenu dans le muscle même. | Un de nous (Brunton), en 1873, a essayé d'isoler ce ferment ou enzyme. Cet essai n’a réussi qu’en partie. La méthode employée a été celle de von Wittich. Un muscle frais a été broyé, puis entièrement mélangé à de la glycérine, et le mélange a été soumis au repos pendant plusieurs jours. L’extrait glycériné fut alors filtré. Quand une partie de cet extrait a été mélangée à une solution de glucose, et s’est reposée pendant quel ques heures à la température du corps, on a observé une diminution sensible dans la quantité du glucose; comme contrôle, on à traité un échantillon de glucose de même facon avec une quantité égale de glycérine pure, et il ne s’est présenté aucune diminution. Las présence d'une substance glycolytique fut ainsi elaire= ment démontrée. Un essai a été fait pour isoler un enzyme glycolytique de l'extrait glycériné en diluant la glycérine et en la mélangeant avec de l'alcool. On obtient un précipité blanc de peu d'importance, mais ce précipité ne montre que peu ou pas de pouvoir glycolytique. De nombreuses expériences ayant échoué pour isoler le ferment, elles ne furent pas publiées, et le résultat fut indiqué brièvement dans une note au bas de la page d’un mémoire sur le diabète dans le British medical Journal du 21 février 1874. A cette époque, un de nous (Brunton) donna de las viande crue aux diabétiques, dans l'espoir de fournir suffisamment de ferment glycolytique pour permettre au sucre d’être utilisé dans le corps même, et essaya aussi de leur administrer de l'extrait glycériné de mus= cle. Le succès qui a accompagné ces essais n’a pas été cependant suffisant pour encourager l'emploi constant de ces moyens de traitement, et l'essai d'isolement du ferment glycolytique a été abandonné pendant un grandi nombre d'années. + Le succès de Buchner, en séparant un ferment alcoo= lique de la levure au moyen d’une forte pression, à donné l'espoir d’un succès possible dans la séparation d’un ferment glycolytique du muscle par des moyens» semblables, et, grâce à l’amabilité de MM. Allen ek Hanbury, qui nous ont permis d'employer leur presse hydraulique à une pression de 5 tonnes par pouce carré (0,025), il nous a été possible de reprendre la re= cherche. Voici la méthode adoptée : L'os et la graisse superflue furent retirés des muscles d'un mouton fraîchement tué. Le muscle fut alors haché menu dans une machine à saucisse stérilisée, et broyé dans un mortier avec du sable argenté. Le sable argenté avait été auparavant netloyé au moyen de l'acide chlorhy= drique et lavé avec de l’eau jusqu'à ce que tout l'acide hydrochlorique eut disparu. La masse fut alors mise dans un sac en canevas et placé sous la presse hydrau= lique. Le jus fut recu dans des bouteilles propres et + ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES L bouchées; la quantité produite après chaque pression fut recueillie dans des bouteilles différentes. Voici la quantité de jus extraite d’un gigot de mouton: 1.750 grammes de viande ont donné approximative- ment: à 0,1 tonne de pression par pouce carré (0,025), 450 c.c. de jus; à 1,2 tonne, 350 c.c.; et à 2,5 lonnes 25 c.c. —… Voici la méthode d'expérience : 5 c.c. de jus de muscle ont été placés dans un flacon et bouillis pen- dant une minute; 5 c.c. dans un autre flacon restèrent sans être bouillis. Dans chaque flacon on a ajouté 50 c.c. de solution de sucre diabétique à 4 °/, et 5 c.c, de solution d'acide lactique à 1 °/, avec un fragment on thymol (environ 25 grammes). Les deux vases ont été soumis pendant vingt-quatre ou quarante- huit heures à une incubation à 37% C. Lorsque l’incu- bation a été terminée, on a estimé le sucre dans chacun des flacons par titration avec une solution de Fehling, près avoir précipité l’albumine en faisant bouillir, ft en neutralisant si c'était nécessaire, Six expériences nt été faites avec des résultats concordants; nous ne onnons que le résultat d’une comme modèle. Voici la quantité de sucre déduite de la réduction du “liquide de Fehling : È 1% exemple A (jus bouilli) : quarante-huit heures d'in- cubation ; 0,57 pour cent de dextrose. 2° exemple B (jus non bouihi) : quarante-huit heures “d'incubation; 0,2 pour cent de dextrose. La destruction du sucre dans le flacon contenant du sucre non bouilli parait être presque sûrement due à “quelque enzyme glycolytique, puisque le contenu du flacon est resté tout à fait clair au moment de l’expé- rience. Plus tard, cependant, le contenu du flacon non ouilli devint trouble, et après quatre jours on a obtenu ne culture définie de champignons. Nous avons ensuite essayé de rendre le jus de mus- ele stérile en le filtrant dans un filtre Pasteur-Cham- berland. La solution de sucre a été stérilisée par ébulli- tion ; tous les flacons et les autres vases employés dans …ces expériences ont été chauffés dans un autoclave. Le us de muscle, après filtration, était complètement sté- ue comme cela a été démontré par le fait qu'il a été ardé, dans une bouteille bouchée avec de la laine sté- | “rilisée, pendant un grand nombre de semaines sans “que quelque croissance bactérienne se manifestat. — Le pouvoir glycolytique de ce jus de muscle stérilisé a été prouvé de la facon suivante : On a placé 5 c.c. de jus stérilisé dans chacun des deux flacons. Dans un des deux, le jus a été bouilli de facon à détruire tout le ferment glycolytique qu’il pou- wait contenir. On a alors mis dans chaque flacon “30 c.c. d’une solution stérile de sucre diabétique à 20/,.Ils furent soumis à l’incubation pendant quarante- huit heures. » La quantité de sucre dans chaque flacon a été alors “constatée par titration avec une solution de Fehling de lä même facon qu'auparavant, et le résultat obtenu a été de 1,5 °/, de sucre diabétique dans le flacon con- tenant du jus de viande bouilli et seulement de 0,75 °/, “dans le flacon contenant du jus non bouilli. — Une action glycolytique très certaine a été ainsi “prouvée par cette expérience, laquelle a été répétée pecis fois avec des résultats identiques. Un certain nom- bre d'expériences ont été faites pour isoler un enzyme par dialyse à travers des membranes faites en peau de Saucisse ou en parchemin. Dans la première série, une action glycolyhque dis- tincte a été observée; mais elle a été probablement due à l’action bactérienne parce que le milieu devint trouble ; dans une série suivante, faite avec des précau- tions aseptiques, aucun pouvoir glycolytique n'a été observé dans le dialysat, quoiqu'un précipté floculent soit résulté de l'addition de l'alcool absolu. Un essai a été fait dans d’autres séries d'expériences pour isoler le ferment glycolytique du muscle même, par précipita- tion. Cet essai n'a pas été couronné de succès. Du jus frais fut mélangé avec quatre fois son volume d'alcool 683 absolu; le précipité a été recueilli, séché et pulvérisé. Il fut alors extrait avec de la glycérine, mais cet extrait avait peu ou point de pouvoir glycolytique. Il a donné un précipité floculent blanc avec de l'alcool absolu, qui était soluble dans une solution saline, mais qui cependant n'avait aucune action glycolytique. L'action du jus de muscle a alors été prouvée sur de l'urine neutre d'un diabétique et sur une solution neutre de dextrose commercial. Voici les résultats : Le flacon C contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique ; Le flacon D contenait 2 c.c. de jus de muscle non bouilli et 10 c.c. d'urine neutre de diabétique. Après cinquante heures d'incubation à 37 centi- grades, C contenait 1,25 /, de dextrose et D, 0,75 0/4. Le flacon E contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli, 10 c.c. d'urine neutre de diabétique et 1 c.c. d’une solution d'acide lactique à 1 °/4. Le flacon F contenait 2 c.c. de jus de muscle non bouilli, urine et acide lactique comme dans le flacon E. Encore après incubatijon E contenait 2,5 °/, de dextrose, et F contenait 0,5 °/, de dextrose. Le flacon G contenait 2 c.c. de jus de muscle bouilli, 10 c.c. d'une solution neutre à 0,5 °/, de dextrose commercial. Le flacon H contenait 2 c.c. de jus de muscle non bouilli, le reste comme dans le flacon G. Après incuba- tion : G contenait 0,37 °/, de dextrose; H n'a pas donné de réduction avec une solution de Fehling. Nous pensons que les expériences que nous avons décrites prouvent que le muscle contient certainement un enzyme glycolytique, quoiqu'il soit d'une nature si délicate que nous avons été incapables de l'isoler sans détruire son pouvoir. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 31 Mai 1901. M. A. W. Ashton déduit de ses expériences des formules pour les courants de charge et de décharge d'un condensateur à diélectrique de caoutchouc. Les courants sont des fonctions exponentielles du temps. Les courbes pour des différences de potentiel variées montrent que les propriétés isolantes du caoutchouc sont augmentées par l'application des forces électro- motrices rapidement variables. — M. Ashton commu- nique d’autres expériences sur l’électrisation des dié- lectriques par des moyens mécaniques: Une feuille de caoutchouc de Para est placée dans un condensateur dont les plaques sont reliées à un électromètre à qua- drants. On fait ensuite tomber un poids de deux livres sur le condensateur d’une hauteur de trois pouces. L'électromètre recoit deux impulsions de signe con- traire,se suivant rapidement. Le caoutchouc est ensuite étiré, et une différence de potentiel de sept volts se montre entre les plaques, la supérieure étant néga- tive. Le condensateur et l’électromètre sont alors déchargés, la feuille renversée et l'expérience répétée. Le même effet se reproduit, la plaque supérieure élant toujours négative. Il semble donc que la polari- sation d'un diélectrique étant ainsi produite par l’éner- gie mécanique, une partie de l'énergie mécanique employée à la manipulation du caoutchouc reste dans le diélectrique comme énergie électrique. — MM. Fle- ming et Ashton présentent un modèle imitant la facon de se comporter des diélectriques. Celle-ci, en ce qui concerne la charge résiduelle, est analogue à celle d'un fil soumis à une tension mécanique. Mais un sim- ple fil tordu ne peut pas imiter tous les effets diélec- triques ; c'est cette raison qui a conduit les auteurs à construire un modèle plus complet. Six pistons, séparés par des ressorts, sont placés à l’intérieur d’un cylindre vertical. Le piston inférieur ferme hermétiquement le cylindre; le second est plus lâche; le troisième possède un petit trou, le suivant un plus grand, et ainsi jus- qu'au piston supérieur qui a juste assez de métal pour 684 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES “À arrêter le ressort sans vibration après avoir été com- primé. Le cylindre est rempli d'huile de machine et de vaseline, Au piston supérieur est fixée une tige au moyen de laquelle on exerce des pressions sur les pistons pendant un temps quelconque; c’est le char- gement du condensateur, Le mouvement de la tige après l'enlèvement des poids représente la décharge. Celle-ci est enregistrée graphiquement par un tambour tournant, et les courbes obtenues sont tout-à-fait analogues à celles des condensateurs avec diélectriques. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 6 Juin 1901. MM. W. J. Sell et F. W. Dootson ont examiné une substance CI = CA 3 dl À ce ce AL JE AZQUN CE NET Nr Az CL "CL qui s’obtient par l’action du chlore sur le chlorhydrate de pyridine. Elle cristallise inaltérée du chloroforme et de l’acétone, mais se décompose si le solvant contient un groupe hydroxyle. Elle réagit avec l'acide benzoïque suivant l'équation : CHCI{Az? + COHSCOSH = CSH°COCI + C!HCI'AzO* + HCI. MM. R. Meldola et J.-V. Eyre ont préparé, par l’action d’un nitrite sur la dinitroanisidine en solution acétique, un composé diazoïque cristallisé de formule : Az : AZ cHe.0/ N qui est un diazoxide. Une preuve de cette constitution, c'est la transformation facile de ce composé en nitro- méthylrésorcinol (C‘H*. AzO?, OH. OCH* — 1 :2: 4). Le diazoxide est très stable vis-à-vis des acides minéraux; il ne se décompose que par ébullition avec HI en don- nant l’iodonitrorésorcinol. La dinitroanisidine qui sert à le préparer doit posséder la constitution : OCH* Ai Az0° 2 AzO? Elle donne, par réduction avec Sn et HCI, un triami- noanisol, qui doit avoir deux groupes amino en posi- tion ortho, car il fournit, par condensation avec la phé- nanthrènequinone, une azine : Az. C. CH CIO.AzH2.CHE£ | || | - N Az. 0. C'Ht M. G.-S. Newth indique une méthode de laboratoire pour la production de l'éthylène. On chauffe dans un ballon de l'acide phosphorique sirupeux jusque vers 2209 et on y laisse tomber de l'alcool éthylique goutte à goutte. Il se dégage de l'éthylène presque pur. — MM. W.-A.-H. Naylor et C.-S. Dyer décrivent la méthode d'extraction et de purification de l’oroxyline, substance cristalline jaune retirée de l'Oroxylum Indi- cum. Elle est décomposée par les alcalis en aldéhyde ou acide benzoïque, et donne un dérivé triacétylé et un dérivé dibromé. La formule est C‘H#06, — MM, A. Lapworth et W.-H. Lenton montrent que, lorsque l'acide bromocamphorénique se convertit en «- mono bromocampholide, l'oxygène lactonique s'attache au noyau dans la position à par rapport au groupe carboxyle et non dans la position y comme on l'avait d’abord cru. Il en résulte que la seule formule possible pour l’acide camphonique est : CHE — CH: CO®H.C(CH°){ Nco. NC (cH:}.cH2/ L'acide bromocamphorénique et l'acide camphononi- que ont donc les formules : CH? CH: CO®H.C (CH?) NC (CH), CHE CHE— CH? 1% C(CH#},CO NE Br CO*H.C (CH) — M. W-H. Sodeau conteste l'hypothèse d’après la- quelle la décomposition du chlorate de potasse serait activée par l’adjonction d’une poudre chimiquement inerte (comme l’est l'ébullition de l’eau). L'addition de 1°/, de sulfate de baryum augmente la décomposition de 16°/, seulement, et ce fait est facilement explicablew par la formation d’un peu de chlorate de baryum par” double décomposition. — M. J.-E. Mackenzie, en fai- sant réagir le propylate et l’isobutylate de soude sur le chlorure de benzophénone, a obtenu le dipropoxy- et le diisobutoxydiphénylméthane. L'action du méthy- late et de l’éthylate de soude sur le chlorure de benzal fournit le diméthoxy- et le diéthoxybenzylidène. Le phénate de soude donne avec le premier chlorure le 4: 4!'-dihydroxytétraphénylméthane. — M. A. Ri-« chardson décrit un chalumeau construit pour utiliser la combustion de l'huile de kérosène à la production d'une flamme capable de fondre le verre. L'huile dem kérosène présente sur les autres huiles l'avantage de ne pas charbonner. — MM. W. Ramsay et H.-S.# Hatfield, en traitant le borure de magnésium par HCLN concentré dans le vide, ont obtenu un gaz qui, par re- froidissement, dépose des cristaux blancs. Par chauf-M fage, les cristaux se liquéfient, puis se gazéifient en fournissant un gaz à odeur forte, qui brûle avec une flamme verte brillante. Sa densité est de 19,36. L'étin-M celle électrique le décompose avec dépôt de bore, et le volume augmente dans le rapport de 2 à 3. Les analy- ses montrent que le gaz se compose en majeure partie d'un corps B°H*. Dans le traitement du borure de ma- gnésium par HCI, on obtient en outre un mélange d'hy-m drogène et d’un gaz qui ne condense qu'à la tempéra-M ture de l’air liquide ; il paraît répondre à la formule BH*. Le gaz B°H° semble lui-même être un mélange de deux composés, l’un relativement stable, l'autre très instable, décomposable par la potasse ou l'acide sul- furique. Les auteurs considèrent que les hydrures dem bore théoriquement possibles sont les suivants : BIS H°B—BH? H°B—BH—BH° Saturés. IB— BH EH?B — B — BH Non saturés, BH BH /X Cyclo saturé. /X Cyclo non saturé. HB— BI B—=B Ils pensent que le composé stable B°H° est le com= posé cyclique. Le résidu du traitement du borure de magnésium par HCI dégage à chaud des torrents de gaz, principalement de l'hydrogène ; il renferme sans doute des hydrures de bore solides, que les auteurs. n'ont pu isoler. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. _n D. 12° ANNÉE N° 45 15 AOÛT 1901 Revue générale Be AEIenC pures el appliquées 2 -e- £ DirEcTEUR : 6 LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Nécrologie Morts récentes. — Nos lecteurs ont su la mort, toute récente, de deux sommités de la science contem- poraine, Henri de Lacaze-Duthiers, l'éminent zoologiste “qui à institué chez nous les études expérimentales de Zoologie marine, et l’illustre physicien et mathémati- cien d'Edimbourg P.-J. Tait, à qui la Philosophie natu- “relle de notre temps doit une partie de ses plus impor- - tants progrès. La ARevue consacrera prochainement à la vie et à «l'œuvre de chacun de ces deux regrettés savants une “notice détaillée. $ 2. — Météorologie L: Anciens journaux météorologiques. — M. J. “Vincent, météorologiste à l'Observatoire royal de « Belgique, nous apprend dans l'Annuaire de cet Obser- vatoire pour 1901, que le directeur du Service météoro- logique possède deux journaux météorologiques manu- «scrits, dont le principal intérêt réside dans l'ancienneté. # L'un a été tenu à Tiney, depuis l’année 1779 jusqu'à l'année 1810, l’autre est un peu plus récent et a pour “auteur M. J.-L. Hauregard, qui habitait à La Roi. Les auteurs de ces cahiers y ont inscrit le temps de chaque jour, pendant plusieurs années, mais en se bornant à des indications générales. C’est l'aspect du ciel, beau, nuageux, couvert; ce sont les pluies, les chutes de neige, les orages, les tempêtes; ce sont les gelées, les froids rigoureux, les fortes chaleurs; c'est enfin la direction du vent, cet élément météorologique dont la relation avec les météores est si attachante. Les Annales de l'Observatoire royal de Belgique annoncent la prochaine reproduction, sous la forme la . plus commode pour les recherches, des renseignements fournis par ces deux documents. On ne saurait trop insister sur le grand prix qu'il faut attacher à de telles observations : elles permettent, en effet, de reconstituer, dans ses grandes lignes, l'histoire des variations atmosphériques. Sans être forcément aussi complets que les registres des obser- Yatoires, ces documents peuvent suppléer, jusqu'à un certain point, à l'absence de ces établissements aux REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. époques anciennes. La série des observations météorolo- giques de l'Observatoire royal de Bruxelles ne commence qu'avec l’année 1833. Or, le journal de Hauregard et celui de Tiney permettent, à part une lacune de quelques années, de remonter cinquante-quatre ans plus haut. Ces cahiers sont d’autant plus intéressants que l’un des buts essentiels de la Météorologie cousiste à re- chercher si les climats subissent des altérations : il faut, pour cela, de longues séries d'observations et l’in- stitution d'établissements permanents, où le travail quotidien des observateurs se perpétuera indéfiniment ; mais cette institution est si récente, qu'il ne faut rien négliger pour augmenter le peu de connaissances posi- tives que nous possédons jusqu'ici sur l'histoire de l'atmosphère. C'est donc rendre service à la Science que de mettre au jour les vieux cahiers où sont patiem- ment consignés ef sauvés de l'oubli les fugitifs aspects du temps. $ 3. — Génie civil Le chemin de fer électrique sous-fluvial de Liverpool à Birkenhead. — On sait qu'un chel min de fer avec locomotive à vapeur, passant en tunne- sous la Mersey, relie depuis longtemps la ville de Liverpool à sa voisine Birkenhead. Cette ligne est extrêmement fréquentée : les ingé- nieurs et le personnel des constructions maritimes de Birkenhead, les riches négociants de Liverpool qui ont leurs bureaux en ce port et leur villas dans la cité voi- sine, y circulent continuellement. Le samedi surtout, les trains s'y succèdent sans interruption, chargés d’une multitude de familles qui fuient la suie de Liverpool et ne rêvent que tennis, foot-ball, bicyclette ou yachting. Cette clientèle s’est plainte maintes fois de la fumée qui, pendant le passage sous la Mersey,emplit le tunnel et en rend l'air irrespirable. Attentive à ses doléances, la Compagnie exploitante vient de décider de substituer à la traction par la vapeur la traction électrique; elle a passé à cet effet un contrat-avec la British Westing- house Electric and Manufacturing Company, qu'elle a chargée d'opérer cette transformation. La Compagnie a calculé que le nouveau mode de traction ne lui sera pas plus onéreux que l’ancien, qui exigeait une ventilation permanente et très coûteuse du tunnel. 15 086 $ 4. — Chimie physique Sur un nouveau facteur intervenant dans la solubilitf des corps solides. —-- Des recherches récentes vieunent de montrer que la solubilité, consi- dérée en tant que constante physique des corps, n’est pas seulement fonction d'une variable, la température, mais encore dépend aussi de la dimension des particules solides qui sont en équilibre avec la solution saturée. — Cette relation, quoique prévue théoriquement par Gibbs, n'avait pas, jusqu'ici, élé soumise à une vérification ex- périmentale quantitative. Celle-ci découle des recher- ches suivantes, dont le point de départ se trouve dans une discussion entre MM. Ostwald et Cohen au sujet de la non-identité des deux modifications rouge et jaune de l'oxyde de mercure. Se basant sur la force électro- motrice (0, 685 millivolts à 25°) de la pile Hg — oxyde rouge — potasse — oxyde jaune — Hg, M. Cohen‘ con- cluait à une véritable isomérie entre les deux oxydes. M. Ostwald ?, au contraire, étudiant acidimétriquement la réaction limitée : Hg0 +2KBr 22 KOH + HgBr° montra qu'en effet l'équilibre se déplacait d'environ % quand on passait de l'un des oxydes à l’autre, mais qu'il suffisait de pulvériser suffisamment l’'oxyde rouge pour obtenir avec lui la même valeur qu'avec la modi- fication jaune. Il ne s'agissait là, à son avis, que d'une différence dans la solubilité, différence due au degré de division plus ou moins grand de l’oxyde em- ployé. M. Ostwald montra, en outre, que ce fait n’était pas isolé et que certains sels (oxalate de chaux, azotate de baryte, chlorure mercurique, chlorure de plomb) offraient des différences allant jusqu’à 3 % dans leurs solubilités, suivant leur pulvérisation plus ou moins par- faite. D'un travail récent de M. G.-A. Hulett* sur le même sujet, travail aboutissant aux mêmes conclusions que les recherches précédentes, nous extrayons ce qui suit: L'étude de la condurtibilité électrique de solutions de gypse plus ou moins finement pulvérisé montre que la solubilité varie avec le diamètre moyen des particules solides. Cette influence de la grosseur des grains ne se manifeste d’ailleurs qu'à partir d’une certaine valeur (environ 2 4 —0,0002 cms). Jusqu'à ce point, la solu- bilité est constante et la solution saturée à 25° contient 2 gr. 084 SO“ Ca par litre. Puis, le degré de finesse aug- mentant, la solubilité croît jusqu'à un maximum atteint pour un diamètre moyen de 0,3 y} et correspondant à 2 gr. 475 de sel anhydre par litre. Cette différence représente 15,7 % de la valeur maxime de la solubilité. On voit ainsi combien ces varia- tions peuvent être importantes; pour d’autres corps, tels que SO* Ba, elles sont même, d'après M. Hulett, encore beaucoup plus considérables. L'explication théorique de ces faits est très simple et peut se résumer ainsi. Considérons un corps volatil, comme le soufre, sublimé sur une paroi de verre à une température telle que les gouttelettes obtenues restent liquides; noussavons que peu à peu les pluspetites dispa- raissent tandis que les plus grosses augmentent. Celles-ci ont donc une tension de vapeur plus faible que celles- là. Appliquons maintenant cette conclusion au cas d’une solution d'un corps quelconque, en équilibre avec un excès de ce corps solide plus ou moins finement pulvé- risé. La tension de dissolution sera plus élevée pour les particules les plus fines, et l'équilibre s'établira d'abord par rapport à celles-ci. Mais comme on ne peut réaliser une poudre dont les grains soient rigoureusement sem- blables, les plus gros augmenteront aux dépens des plus petits, la solubilité diminuera graduellement pour ntteindre plus ou moins vite sa valeur normale corres- pondant à ce que M. G.-A. Hulett nomme une solution 1 Zoitsch. f. phys. Chem., t. XXXIV, p. 69, 1900. 2 Jbid., t. XXXIV, p. 495, 1900. 3 Jbid,, t. XXXVII, p. 385, 18 juin 1900. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE normalement saturée. Ce sera, par exemple, le cas d'une solution de gypse en équilibre avec un excès de sel Ces curieux resultats montrent done que dans la dé- terminalion de la solubilité intervient un facteur nou- veau, qui est le temps nécessaire pour, partant d’une solution quelconque, arriver à cette solution normale- ment saturée, qui seule permet de définir la solubilité d'un corps en tant que constante physique. Ce temps pouvant être relativement considérable, il y a lieu de reviser, surtout pour les corps peu solubles, les solubi- lités déterminées jusqu'ici. Ch. Marie. solide dont les grains auraient au moins 2 p. $ 5. — Chimie industrielle À Un grand perfectionnement dans la fabri- eation du gaz d'éclairage. — Approximativement « 100 kilos de houille grasse, qui contiennent environ 85 kilos de carbone total, dont 13 à 21 kilos de carbone volatil, et 5 à 6 kilos d'hydrogène, ne produisent que 15 à 18 kilos de gaz renfermant 8 à 10 kilos de carbone et 3 kilos environ d'hydrogène. En rapprochant ces quel- ques chiffres, on se rend compte que même les éléments volatils (carbone et hydrogène), que la houille contient, ne sont pas utilisés d'une mauière complète, et on pré- voit les nombreux progrès que doit réaliser encore l’in- dustrie du gaz. Le Professeur Lewes vient de montrer, par des expé- riences très décisives, comment on peut améliorer le rendement lors de la distillation de la houille dans la cornue. On sait qu'il se produit alors un certain nom- bre d'hydrocarbures, qui restent plus ou moins exposés à l’action de la chaleur rayonnante engendrée par les parois supérieures de la cornue. Ces hydrocarbures se. décomposent partiellement en formant une grande quan- tité de goudron et de charbon de cornue, ce qui, par conséquent, diminue notablement le pouvoir éclairant du gaz. De plus, cette décomposition est d'autant plus intense que les gaz restent plus longtemps soumis au régime qui la détermine : ceux qui se dégagent aux points les plus éloignés de la colonne montante et qui sont, par suile, animés d'une vilesse d'échappement beaucoup plus faible, donnent lieu à une décomposition plus grande. Le remède est d'empêcher cette décomposition de se produire, et, pour cela, il faut accélérer la vitesse d'échap-" pement des gaz qui se dégagent et entraîner rapidement les hydrocarbures hors de la coruue. Pour y arriver, M. Lewes a recours au gaz à l'eau, produit de préférence par un générateur du type Dellwik-Fleischer (dont nous avons déjà eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs). Ce gaz à l’eau se compose en effet à peu près exclusivement d'un mélange d'hydrogène et d'oxyde de carbone. Il a le grand avantage de ne pouvoir être lui-même décom= posé à son tour par la chaleur intense à laquelle il est soumis; il est, de plus, éminemment combustible, et le . pouvoir éclairant qui lui manque lui est précisément fourni par les hydrocarbures qu'il entraine au grand profit de l’ensemble de la fabrication. On injecte done le gaz à l'eau dans la cornue, en l'y introduisant au moyen d'une conduite qui pénètre dans la colonne mon tante elle-même et vient s'appliquer contre la voûte de la cornue, de manière à ne pas gêner l'opération du chargemert du charbon ou de l'extraction du coke. A une certaine distance de la tête de cornue, cette con= duite est munie d'ouvertures latérales espacées d'environ 15 centimètres, el son extrémité reste ouverte. La proportion de gaz à l'eau envoyé dans la cornue est généralement de 25 à 30 % du gaz fabriqué, mais elle peut aller dans certains cas, avec du charbon riche en cannels, jusqu'à 50 %. On produit ordinairement dans les usines à gaz 300 mètres cubes de gaz par tonne de charbon. Avec le secours du gaz à l'eau Dellwik= Fleischer, il sera possible maintenant d'obtenir de 370 mètres cubes à 400 mètres cubes de gaz par tonne de charbon, tout en donnant au gaz un pouvoir éclai= rant d’une intensité non seulement égale, mais aug: ne D GR me En nd Bo em de de 7 CHRONIQUE ET mentée d'environ une bougie, sans que ces avantages nécessitent une augmentation de dépense de plus de un centime par mètre cube. Extraction des cyanures dans les usines “à gaz. — On sait qu'entre autres impuretés, le gaz «d'éclairage contient de l'hydrogène sulfuré, de l’ammo- … niaque et de l'acide cyanhydrique. Le lavage par l’eau “ de cet acide avec l’ammoniaque du gaz ne permet pas … de l'en extraire sous forme de cyanure d’ammonium … facilement soluble, car l'acide carbonique, toujours en excès dans le gaz, décompose immédiatement le cya- nure d'ammonium formé en carbonate et en acide …— cyanhydrique. Ceci explique pourquoi les eaux ammo- —…niacales des usines à gaz ne contiennent pas de cyanure — d'ammonium. La faible quantité de ryanure que ces _ eaux retiennent se trouve sous forme de sulfo-cya- —nure d'ammonium, tune certaine partie du cyanogène passe dans les épurateurs, où il se produit la réaction suivante : le cyanogène s’unit à l’oxydule de fer de la —… masse épurante, à la pelite quantité d'ammoniaque encore présente, et aux combinaisons sulfurées, pour — former des ferro-cyanures et des sulfo-cyanures inso- 1 lubles qui, peu à peu, s'accumulent dans les épurateurs. “Le plus, tout le cyanogène n'est pas encore retenu de … cette façon et une certaine partie très appréciable reste — dans le gaz livré à la consoromation. — Jusqu'en 1880, la masse épurante était, pour lesusines … à gaz, un déchet sans valeur. La question a bien changé de face depuis la découverte des nombreuses mines d'or et l'application à peu près générale, depuis cette “époque, du cyanure de potassium comme procédé Riextraction. Aujourd'hui, les usines à gaz tirent un ; grand profit de la masse épurante de leurs épurateurs. Il n'en est pas moins vrai qu'un tel procédé d’ex- traction descyanures laisse beaucoup à désirer. D'abord, mil ne retient pas la totalité du cyanogène; ensuite, il empêche le fer de la masse épurante d'être entièrement disponible pour servir à la récupération de l'hydro- “sène sulfuré : il contrecarre par conséquent le but “ même de l’épurateur. Le procédé indiqué par M. le Dr Bueb et appliqué à «usine à gaz de Dessau présente de grands avantages “et mérite à ce titre d'être signalé, puisqu'il élimine la _ totalité du cyanogène avant l'introduction du gaz dans les épurateurs. Son principe est d'amener le gaz à sa sortie du condensateur Pelouze et Audouin dans un laveur mécanique spécial, type Standard, composé “de quatre ou cinq compartiments séparés, qu'une solu- “tion de sulfate de fer parcourt en sens inverse du cou- rant gazeux. Dans le dernier compartiment, la solution - concentrée et fraiche fournit, en présence de l'ammo- nique et de l'acide sulfhydrique, la réaction suivante : 1 FeSO* + H°S + 2AzH° — FeS + (AzH‘}S0*. $ { 1 y a donc transformation du sulfate de fer en sul- “fure de feret forwation d’une solution de sulfate d'am- …moniaque. Ces liquides parviennent alors dans le com- …partiment, précédent, et là l'ammoniaque et le cyano- “gène du gaz forment avec le sulfure de fer un sel double minsoluble de cyanure de fer et d’ammonium, tandis “que l'hydrogène sulfuré devient de nouveau libre, est “en partie entrainé par le gaz et reste en partie sous forme de sulfure d'ammonium. Cette réaction se con- tinue dans les autres compartiments jusqu'à celui d'entrée du gaz où elle se se termine. Le liquide, qui est noir foncé dans le premier com- partiment s'éclaircit progressivement et devient vert- Jaune dans le dernier. Le produit sort du laveur à cya- nures sous forme de boue liquide et contient 20 °/, “de prussiate jaune et 6 à 8 °/, d'ammoniaque. On fait bouillir cette boue pour la débarrasser de l’'ammo- niaque et on la passe au filtre-presse, ce qui donne finalement une pâte contenant environ 30 °/, de bleu et près de 44 °/, de prussiate jaune, que l'on vend telle quelle; pour 100 kilos de bleu de Prusse, il faut compter sur une dépense de 200 kilogs de sulfate de fer. CORRESPONDANCE 687 $ 6. — Agronomie L'Institut Agricole de l'Université de Nancy. — À plusieurs reprises, l'Université de Nancy a déve- loppé ses enseignements et ses laboratoires de sciences appliquées. Elle vient de compléter son Polytechnicum en s'adjoignant un Institut d'Enseignement agrono- mique supérieur, qui, d'une façon générale, préparera les étudiants à la profession d'agriculteur. Cette fondation a été approuvée par la Fédération des Associations agricoles du Nord-Est, mais elle n'a pas seulement un intérêt régional. Indépendamment des nouveaux cours scientifiques, qui vont être inau- gurés en novembre prochain, la Ville de Nancy offre, en effet, des institutions de premier ordre : [nstitut chimique, Ecole de Brasserie, Ecole natiosale des Eaux et Forêts, Office agricole et Station agronomique, Insti- tut sérothérapique, qui constituent autant de ressources appréciées pour l'enseignement et les recherches rela- tives à l'agriculture. L'enseignement agricole, qui est dès maintenant organisé, conduit à la fois à un Diplôme d'études supé- rieures agronomiques, et à divers certificats délivrés par l'Etat et par l'Université. Trois de ces certificats confèrent la licence ès sciences avec ses prérogatives. L'enseignement scientifique, très complet, comprend les cours suivants : Botanique préparatoire, Histoire naturelle des plantes eul- tivées, Pathologie végétale, Chimie végétale, Microbiologie, Zoologie préparatoire, Zootechnie générale, Entomologie agricole et Parasitologie, Alimentation rationnelle, Piscicul- ture et Aménagement des chasses, Chimie préparatoire, Chi- mie agricole, Aualyses agricoles, Industries agricoles, Géo- logie appliquée, Météorologie. Il faut y ajouter un Enseignement complémentaire spécial, qui est réparti en quatre sections, à option : 10 Ætudes fores- tières (Sylviculture, Histoire naturelle forestière, Législation forestière) ; 20 Ætudes économiques (Science sociale, His- toire des Doctrines économiques, Droit administratif, Géo- gräphie économique, Agronomie générale et coloniale); 30 Ætudes physiques (Physique préparatoire et appliquée, Mécanique appliquée, Eléments d'Electrotechnique, H ydrau- lique agricole); 4° Ætudes d'Agriculture pratique (Culture et Commerce des produits agricoles, Comptabilité, Arpentage, Génie rural, Zootechnie spéciale et Art vétérinaire). S'adressant plus particulièrement à la grande bour- geoisie rurale, cette tentative attirera à l'Université de Nancy un public nouveau qui y trouvera un enseigne. ment préparant directement aux carrières productives. Les cours commenceront le 15 octobre prochain." Dès maintenant, les inscriptions sont recues. Les pro- grammes sont publiés et envoyés sur demande adres- sée à M. le Doyen de la Faculté des Sciences. Nous fai- sons des vœux pour la réussite d’un enseignement qui pourra trouver des imitateurs dans d’autres Universités. Il est intéressant de voir nos Universités régionales pousser des racines vivaces dans le milieu spécial où chacune est appelée à vivre. S 7. — Hygiène publique La stérilisation domestique de leau d’ali- mentation. — La question de la stérilisation des eaux d'alimentation publique et privée a de tout temps préoccupé les hygiénistes. Le public lui-même, dont l'attention a été appelée sur cette question par les dif- férentes campagnes de presse entreprises depuis quelques années, s'en est ému, et le Lemps n’est plus éloigné où chacun cherchera à s'assurer la pureté de l'eau qui est nécessaire à ses besoins journaliers. Signalons aujourd'hui un nouvel appareil stérilisa- teur pour usage domestique qui semble marquer un progrès sensible dans la question de la stérilisation de l’eau. L'opinion générale des savants comme du public est que la chaleur est le seul agent capable d'assurer d’une facon complète la destruction des germes dangereux 688 qu'une eau peut renfermer. On a donc cherché de bien des côtés à la fois des appareils pouvant réaliser dans les ménages, d'une facon pratique et certaine, la stéri- lisation de l'eau par la chaleur, et c’est dans cet ordre d'idées qu'a été concu le nouveau stérilisateur dont nous allons parler. Cet appareil est dû à un ingénieur des Arts et Manufactures, M. Lepage. L'eau impure et non stérilisée remplit le réser- voir (1) (fig. 1) qu'alimente une conduite (2), branchée sur une canalisation d'eau. Le niveau de l’eau XX est maintenu constant dans ce réservoir grâce à un flot- teur. L'eau, descendant par le tuyau (3), remplit le compartiment (4), puis le petit bouilleur (5) jusqu’au niveau XX, où elle s'arrête. Si l’on approche de ce bouil- leur une source de chaleur quelconque (7), bec de gaz ou lampe à pétrole, l'eau du bouilleur entre en ébullition, etun mélange de vapeur et d’eau bouillante, montant par le tuyau (6), vient se déverser en (8), où l’eau arrive stérilisée. La différence de niveau entre XX et le sommet du tuyau (6) est calculée de facon que lVig. 1 = Schéma de l'appareil Lepage pour la stérilisation de l'eau. l’eau ne puisse le franchir que sous le coup d'une ébul lition légèrement tumultueuse, de sorte que l’eau arri- vant en (8) ait forcément passé par une température de 400. Mais, en même temps, cette différence de niveau est assez faible pour que le temps d'ébullition soit très court, quelques secondes à peine, de facon que l’eau n'ait pas le temps de perdre les gaz dissous qui lui donnent sa saveur. L'eau stérilisée s'accumule dans le compartiment (9), puis dans le siphon (11); quand le niveau s’est assez élevé pour atteindre le sommet du siphon, l’eau sort par l'extrémité (12); on la recueille dans un récipient quelconque. Il faut remarquer qu'à mesure que l’eau en ébullition s'échappe par le petit tuyau (6), elle est immédiatement remplacée dans le bouilleur, puisque le niveau XX est maintenu constant par le flotteur du premier récipient; l'opération est de ce fait très régulière et la circu- lation de l’eau dans l'appareil se fait sans brusquerie. La cloison (10) de sépazation des deux compartiments (4), (9) présente une grande perméabilité à la chaleur et facilite l'échange de température entre l'eau non stéri- lisée froide du compartiment (4) et l’eau stérilisée chaude du compartiment (9); l'eau froide s'échauffe donc petit à petiten montant vers le bouilleur, de facon, quand elle arrive, à être déjà très chaude; en revanche, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE l'eau arrivant bouillante dans le compartiment (9) perd de sa chaleur en descendant dans ce compartiment de manière à arriver complètement froide dans le si- phon (14). Les principaux avantages de l'appareil sont les sui- vants : 4° L'eau qui traverse l'appareil est stérilisée d’une facon certaine, permanente et indéfiniment, aucune fausse manœuvre de robinet n'étant à craindre puisque c’est l’ébullition seule qui force l’eau à circuler dans l'appareil. 2% L'eau conserve toutes ses qualités objectives sédui- santes, l'opération ne durant pas assez longtemps pour lui faire perdre l'oxygène et les autres gaz qu’elle con- tenait en dissolution. Elle conserve donc sa saveur et ne ressemble en rien à l’eau bouillie, Fig. 2. — Mode d'installation de l'appareil Lepage pour la stérilisation de l'eau. —R, robinet d'arrivée de l’eau ; E, entrée de l'eau dans le récipient H; GI, flotteur; D, sortie de l’eau en excès; Q M N, tuyau d'amenée de l'eau dans l'échangeur de température K; ©, arrivée de l'eau dans le stérilisateur B:; A, sortie de l’eau stérilisée pour retourner dans l'échangeur de température; O P V; tuyau de sortie, amenant l'eau dans un récipient en verre V > . S, conduite de gaz; J, lampe à gaz. 1 30 L'eau sort de l'appareil à une température très voisine de celle qu'elle avait en y entrant, ce qui per= met son utilisation immédiate. Il est même possible de faire passer de l’eau glacée dans l'appareil. Celui-ci la stérilisera en la faisant bouillir et la rendra glacée. 4° Enfin, un autre point important: le prix de l’appa= reil est peu élevé et la dépense de combustible, gaz, pétrole ou alcool est iusignifiante. On peut, en effet, l'évaluer à deux centimes par dix litres d’eau stérilisée. Nous donnons (fig. 2) le dessin d'un appareil tel qu'il est construit actuellement pour les installations de ville où l'on dispose de l’eau sous pression et du gaz d'éclairage. D'autres modèles portatifs pour la cam= pagne ou les colonies sont chauffés soit à l'alcool, soit au pétrole. E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 689 L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE Il y à quelques années, on considérait encore, dans les industries de fermentation, toute moisis- sure comme un ferment de maladie. Le rôle néfaste de ces microorganismes, surtout en brasserie et en malterie, les avait fait tenir avec juste raison comme très dangereux, et, jusqu à ces derniers temps, la Science s'était bornée à rechercher les “ moyens praliques de les combattre et de les détruire. Cependant, quelques expérimentaleurs, notamment Atkinson et MM. Gayon et Dubourg, … avaient remarqué que cerlaines espèces jouissent “: par exemple, - l'amidon et la dextrine en sucre fermentescible, et de propriétés très intéressantes et susceptibles d'un haut intérêt pralique. Plusiçurs Mucédinées, ont la facullé de transformer - de décomposer ce sucre en donnant de l'alcool et de l'acide carbonique. Une seule espèce micro- bienne semblait ainsi pouvoir remplir le double rôle du malt et de la levure dans la fabrication de l’alcoo!l de grains. Cependant, ces premiers travaux ne donnèrent lieu à aucune ulilisation industrielle véritable. Ce n'est qu'au cours de ces dernières années que la question est entrée dans une phase décisive, grâce à l'impulsion scientifique donnée à ce problème par M. le D' Calmette, le promoteur des idées nouvelles qui devaient conduire ses col- laborateurs, MM. Collette et Boidin, au résultat pratique définitif. L'application des Mucédinées au travail de la distillerie de grains a constitué le pro- cédé à l’'Amylomyces, autour duquel il a été fait tant de bruit depuis quelques années. Quelle est exactement la portée de cette découverte, et quelles sont ses conséquences praliques? C'est ce que - nous allons chercher à indiquer en exposant la série des recherches qui ont conduit au procédé Amylo, et en déterminant les bases scientifiques » sur lesquelles il repose : cetle étude est d'autant plus utile qu'elle nous fournit un exemple des bienfaits que peut donner la collaboration intime de la Science pure et de l'Industrie. On saït que les moisissures sont des végétaux microscopiques qu'on rencontre le plus souvent sur les matières en décomposition, qu'elles re- couvrent d’une masse de filaments grèles entre- lacés, en formant ce qu'on appelle le mycélium. Ce mycélium, qui est l'agent de nutrition de la plante, donne naissance, soit dans son épaisseur même, soit à l'extrémité de tubes aériens, à des organes particuliers appelés spores, qui ont pour but d'as- surer la dissémination de l'espèce et sa repro- duction. Parmi ces Mucédinées, les plus intéressantes à notre point de vue sont certainement les Mucors. Ils appartiennent à la classe de ces organismes qui peuvent mener indifféremment la vie aérobie ou anaérobie, suivant les conditions qui leur sont offertes. Pasteur nous en a donné un exemple re- marquable avec le Mucor racemosus. Cette espèce vit normalement à la surface des liquides sucrés, en donnant un mycélium qui se couvre rapidement de spores aériennes : c'est la vie aérobie du Mucor. Mais, si l’on vient à immerger complètement ce mycélium dans le liquide nutritif, le mode d’exis- tence de l'espèce change. On voit la plante se remplir de bulles de gaz carbonique, et il se forme de l'alcool. En même temps, l'aspect microscopique se modifie. Dans la vie aérnbie, on voyait de longs filaments peu cloisonnés et des spores aériennes, tandis que, dans la culture en profondeur, on trouve un mycélium très cloisonné, qui se renfle par places de manière à former des sortes de boules (conidies mycéliennes). Ces conidies se séparent bientôt du mycélium et bourgeonnent à la façon des levures. L'espèce possède done deux modes d'exis- tence : une vie aérobie, dans laquelle les propriétés comburantes sont très élevées et où tout le sucre est à peu près brûlé à Fétat d'eau ct d'acide car- bonique; et une vie anaérobie, dans laquelle la plante fonctionne comme un véritable ferment alcocliqne. Ces fails étaient d'une importance capitale à rappeler au début de l'étude sur l'Amylomyces, car nous verrons plus loin comment ces propriétés ont pu être utilisées dans la pratique. L C'est à Atkinson que nous devons les premières recherches importantes sur les fonctions sacchari- fiantes des Mucédinées. — Déjà, en 1878, Ahlburg avait découvert, dans le koji japonais, une moisis- sure particulière à laquelle il avait donné le nom d'Æurotium Orizæ, et qui semblait jouer un rôle important dans la fabrication du saké, ou bière de riz, au Japon. Ce koji, que l’on peul grossièrement considérer comme du riz recouvert par l'Æurotium Orizæ, sert comme agent de saccharification en agissant sur l’amidon du riz cuit, et en le transfor- mant en sucre fermentescible. M. Atkinson a étudié avec soin la diastase produite par celte Mutédinée, et a remarqué qu'elle saccharifiait avec énergie l'empois d'amidon. Mais, comme, dans le saké, la fermentation alcoolique est en majeure partie pro- duite par des levures, Alkinson ne reconnut pas la 690 fonction alcoolique chez l'Æurotium d'Ahlburg. Ce sont MM. Gayon et Dubourg qui ont démontré les premiers l'existence d'une Mucédinée pouvant produire à la fois la saccharification de l'amidon et de la dextrine, et la fermentation alcoolique. C’est le Mucor allernans. Ensemencé dans une solution de dextrine, on constate que ce corps diminue peu à peu, et qu'il se forme de l'alcool. Dans l'empois d'amidon, la Mucédinée forme du maltose, qui subit ensuite la fermentation alcoolique. MM. Gayon et Dubourg ont également constaté que le Mucor racemosus possède des propriétés analogues. Mais cette transformalion de la dextrine semblait lente et incomplète, et il y avait toujours une perte notable qu'on ne retrouvait ni à l’état d'alcool, ni à l'état de sucre. Cependant, ces expériences élaient assez intéressantes pour pouvoir faire pré- sager une utilisation industrielle possible. Ce n’est que cinq ans après, en 1892, que M. Cal- mette, alors directeur de l’Institut bactériologique de Saïgon, publia ses études sur la levure chinoise et sur la fabrication des alcools de riz en Extrême- Orient. C'est cet important travail qui a été le point de départ de toutes les études ultérieures qui ont conduit au procédé Amylo; aussi est-il nécessaire de nous y arrêter assez longuement. M. le D' Calmelte, frappé de voir les Chinois fabriquer de l’alcool de riz sans se servir de malt ni d'acide, pensa que la levure chinoise, dont se servaient les distillateurs indigènes, devait contenir un ferment analogue à l'Zurotium Orizæ du koji Japonais. Cette levure ghinoise, qu'on trouve dans le commerce sous la forme de petits gâteaux aplalis, est préparée, d'après M. Calmette, de la facon suivante : « On pile d’abord dans un morlier quarante-six espèces de plantes aromatiques, dont le but n'est que de parfumer ullérieurement l'alcool de riz. Le mélange est passé au tamis ; la poudre ainsi obtenue est additionnée de farine de riz, et malaxée sous une lourde roue dans une auge circulaire. La roue, passant et repassant un grand nombre de fois sur le mélange, le rend homogène. On le porte alors dans une terrine, où il est malaxé avec de l’eau jusqu'à consistance de pâte molle. On coule ensuile celte pâle en pelits pains, qu'on dispose en quin- conces sur des naltes couvertes d'une mince couche de bales de riz humectée d'eau. Les nattes sont échelonnées sur des étagères couvertes de paillas- sons dans une pièce obscure. Au bout de quarante- huit heures, à la lempérature de 30°, le dévelop- pement des germes est achevé : la pâte, restée humide, à pris une odeur de moisi et s’est couverle d'une sorte de velours blanc très fin. On l'expose au soleil jusqu'à dessiccation complète et on la met en sacs pour la vendre aux dislillateurs. E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE « C'est à l'aide de cette levure chinoise que les. indigènes préparent leurs alcools de riz. Le riz, décortiqué à l’aide de grossières meules de bois, est d'abord mélangé dans une chaudière de cuisson avec un peu plus de son poids d'eau chaude. On arrête la cuisson lorsque le grain s'écrase facile- ment entre les doigts. On l'étale alors en couches minces sur des natles pour le laisser refroidir, et on le saupoudre de levure chinoise pilée au mor- üer. Ensuite, on le répartit dans des pots en terre, de 20 litres environ de capacité, mais en ne lesrem- plissant qu’à moitié, et on les ferme avec un cou- vercle. Au bout de trois jours, la saccharification est achevée; on opère le remplissage des pots avec de l’eau du fleuve, et on les laisse découverts. La fermentation alcoolique s'établit rapidement et dure deux jours, au bout desquels on distille toute Fig. 1. — Amylomyces Rouxii; Mycelium et spores mycéliennes. x la masse à feu nu dans des alambics en tôle. Pour. traiter 100 kilos de riz, il faut environ 4 kil. 500 de levure chinoise, et les distillateurs obtiennent avec cetle quantité 60 litres environ d'eau-de-vie à 36°, soit un rendement moyen de 18 litres d'alcool pur. » M. le D' Calmetle se demanda quel était l'agent actif de cette levure chinoise. Pour cela, il procéda à l'analyse bactériologique d'un pain de levure, et il reconnut bientôt qu'à côté d’un certain nombre de levures on rencontrait sans cesse une moisissure particulière, très abondante, qui se mullipliait à l'aide d'un mycélium rameux, et envahissait rapi- dement toute la surface des milieux de culture. C'est à cette Mucédinée que M. Calmette a donné le nom d'Amylomyces Rouxïi; elle est apportée dans la levure chinoise par la bale de riz dont est incruslé le petit pain de levure. Les propriétés morphologiques de l'espèce sont les suivantes : « Au contact de l'air, le tube mycé- lien s'allonge peu et se divise bientôt en cloisons transversales, au niveau desquelles le protoplasma, \ E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE très réfringent, s'amasse pour former des conidies. Au début, ces conidies ont une forme cubique, puis elles s'arrondissent, mais ne s'isolent pas du rameau qui les a fait naître et qui se prolonge au-dessus d'elles pour former, un peu plus loin, une ou plu- sieurs aulres conidies semblables (fig. 1). « Dans les cultures profondes en moût gélatiné, partout où le mycélium échappe au contact immé- * diat de l’air, il s'accroit par bourgeonnement direct, étalant en tous sens ses ramifications tubuleuses ; mais aucune conidie n'apparait. « Noyée dans un liquide sucré, dextriné ou amy- lacé, la plante ne produit pas de cellules ovales ou sphériques en forme de levures comme le Mucor racemosus ou le Mucor allernans. Elle se déve- loppe exclusivement en mycélium rameux. » - Quant aux propriétés physiologiques de l'espèce, elles ont été fort bien décrites par M. le D' Calmette, et nous extrayons de son Mémoire les lignes sui- - vantes, qui sont du plus haut intérêt : « Sur du riz cuit à la vapeur, placé en couche mince au fond d’un ballon largement aéré, l'Amy- lomyces brûle directement presque tout le sucre qu'il forme aux dépens de l'amidon. Mais si, en agilant les ballons de culture, on maintient le mycélium dans les couches profondes du riz à mesure qu'il s'accroit, et si l'on empêche ainsi les fruclifications aériennes de se produire, la quan- lité de glucose formée en quatre jours atteint 64°/, de l'amidon. Dans le moût de bière, c'est la quan- lité d'alcool qui devient plus considérable : au bout de sept jours, on peut en obtenir jusqu'à 3,5 °/,. Ainsi, le pouvoir ferment de la moissure se trouve augmenté si on lui rend plus difficile l'accès de l'air; toutefois, il y a une limite au delà de laquelle on ne peut pas pousser la privation d'oxygène. Ce gaz est indispensable au mycélium de la plante, et il est impossible de la cultiver en tubes clos absolument privés d’air, quel que soit le subetratum nourricier qu'on lui fournisse. Donc, pour produire un effet utile, l'Amylomyces doit être cullivé dans une atmosphère confinée. Celte condi- tion est réalisée inconsciemment par les Chinois, qui placent pendant trois jours un couvercle sur les jarres, après avoir pris soin de ne remplir celles-ci qu'aux deux liers avec le riz cuit mélangé de levure pilée. » L'importance capitale deces constatations n'échap- pera à personne; dans ces quelques lignes étaient déjà indiquées les conditions industrielles dans lesquelles on devait travailler pour obtenir des résultats favorables : immersion de la plante, et aération modérée. D'ailleurs, en opérant dans ces condilions en symbiose avec des semences pures d'Amylomyces et d’une levure de pale-ale, M. Calmette put dou- | 691 bler, du premier coup, le rendement en alcool qu'obtenaient les Chinois. Tel est l'important travail qui a ouvert défini- tivement la voie à l'application industrielle des Mucédinées à la distillerie de grains. Nous allons voir maintenant comment MM. Collette et Boïdin, assistés de M. Calmette, ont pu réaliser industriel- lement, à l'usine de Seclin, les espérances que les” essais de laboratoire avaient fait concevoir. IE Mais, avant d'entrer dans cette étude, il est néces- saire de donner quelques détails sur les opérations que l’on pratique d'ordinaire dans les distilleries de grains, afin de faire mieux comprendre de quel côté on devait diriger les recherches sur l'Amy- lomyces, pour réaliser un progrès sensible, Aujourd'hui, le travail des grains se fait générale- ment de la facon suivante : Le grain, cuit sous pres- sion, est trailé dans une cuve-matière par une quan- tilé de malt suffisante pour produire une sacchari- fication de l’amidon aussi complèle que possible. Celle quantité de malt atteint 10 à 15 °/, du poids du grain employé. À cet emploi de malt correspond déjà une perte minima de 1 kil. 400 d'amidon par suite du maltage, soit un litre d'alcool par 100 kilos de grains. La saccharification par le. malt donne d’abord : d’une part, du maltose qui fermente sous l’action de la levure, et, d'autre part, de la dextrine qui n’est fermentescible que dans une proportion réduile, variable d’ailleurs avec l'espèce de levure: employée. La dextrine restante occasionnerait une perte con- sidérable de rendement. Pour réduire celte perte au minimum, on ulilise la propriété que possède la diastase du malt, de continuer à agir sur la dex- trine quand la saccharification principale est Ler- minée, et de la transformer en sucre, qui subitalors la fermentation alcoolique. Il importe donc de ne pas détruire cette diastase, qui doit produire la saccharification complémentaire. Il en résulte un inconvénient des plus graves : l'impossibilité d'opérer asepliquement et de stériliser le moût, la diastase étant détruite à 70-75°, température à laquelle résistent beaucoup d'espèces micro- biennes. Pour lutter autant que possible contre les ferments nuisibles, le dislillateur augmente l'aci- dité du moût en faisant des levains lacliques. Cette préparation des levains lactiques, très délicate, est un mal nécessaire, qui cause à l'industriel des déboires continuels ; car le succès ullérieür d'une fermentation dépend en grande partie de la qualité du levain. En outre, le sucre qui se transforme en acide lactique est perdu. Enfin l’acidificalion, avec très 692 E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE tous ses défauts, n'est même pas un moyen suffisant pour combattre l'infection par les mauvais fer- ments ; ceux-ci s’habituent à la réaction acide du milieu, prennent bientôt le dessus, et engagent avec la levure une lutte pour l’existence qui se Lra- duit par une chute importante du rendement en alcool. On comprend dès lors quel intérêt capital il y avait à opérer la saccharification au moyen d'une Mucédinée qu'on pouvait ensemencer à l'état pur dans un moût stérilisé. La Mucédinée produi- sant de la diastase, il devenait inutile de sacchari- fier totalement l’amidon. On pouvait donc réduire beaucoup la proportion de malt. En outre, le moût était stérilisable, puisque l’action complémentaire de la diastase était produite par la Mucédinée ensemencée dans le moût stérile. Donc : suppres- sion, au moins partielle, du malt, suppression des levains lacliques, possibilité d'un travail aseptique et d'un contrôle scientifique rigoureux, voilà les avantages qu'on pouvait entrevoir à priori en employant la saccharification par les Mucédinées. Telles furent les idées directrices qui guidèrent les premiers essais d'application des Mucédinées au travail des grains. Déjà, en 1894, le Japonais Takamine avait cherché à employer la diastase de moisissure comme succédané du malt. On ense- mençaitsur du son humide des spores d’Aspergillus Orizæ et, après développement de l'espèce, on ab- tenait une matière saccharifiante qu'on délayait avec de l’eau. La diastase ainsi obtenue servait pour la saccharification à la place du malt. Mais cc pro- cédé, avantageux pour les pays où l'orge fait défaut, ne réalisait pas un progrès bien sensible dans nos pays, eton ne pouvait espérer travailler d’une facon plus pure que par l’ancien procédé. C'est alors que M. Calmette, devenu directeur de l'Institut Pasteur de Lille, fit étudier dans ses laboratoires l’emploi de l'Amylomyces à la saccha- rification des matières amylacées. Les premières recherches, faites par M. Boidin, ne donnèrent pas de résultats satisfaisants. Le rendement était mau- vais ; la Mucédinée brûlait toujours du sucre à l’état d'eau et d'acide carbonique, et il restait toujours de l’amidon non transformé. MM. Boidin et Rolants cherchèrent alors à employer l’Amylomyces pour la fermentation des vinasses de distillerie. Ces vinasses contiennent de la dextrine, que la Mucédinée faisait fermenter, et on oblenait ainsi, par litre de vinasses, 6 à 10 centimètres cubes d'alcool, ce qui était large- ment suffisant pour couvrir les frais d'une nouvelle distillation. M. Boidin entreprit donc, à la distillerie de M. Col- lelte à Seclin, des essais industriels d'application de l’'Amylomyces à la fermentation des vinasses. Les premières expériences, effectuées dans des cuves de 300 hectolitres, montrèrent tout d’abord qu'il était possible pratiquement de stériliser ces grandes masses de liquide, et de les maintenir stériles dans des cuves complèlement closes, et, en outre, MM. Collette et Boidin constatèrent que le rendement en alcool était beaucoup plus élevé dans ces cuves qu'au laboratoire. En cherchant à expliquer ce dernier résultat, M. Boidin ne tarda pas à faire une remarque très importante : la combustion par la Mucédinée deve- nait inappréciable quand on faisait vivre l’Amylo- myces constamment à l’état immergé, sans qu'il püt former de fruclifications superficielles. Ces condi- tions étaient évidemment très difficiles à réaliser d'une facon parfaite dans les expériences de labora= toire, et l'essai industriel seul permit de mettre ce fait en lumière. MM. Collette et Boidin remar- quèrent, en outre, qu'en injectant de l'air stérilisé dans le moût, on accélérait considérablement le développement de l'Amylomyces, sans qu'il y ait une perle sensible par combustion directe. C'était là un résultat décisif. En faisant vivre à l'état d'immersion continue l'Amylomyces dans un moût de grains stérilisé et aéré constamment par de l'air stérile, on pouvait donc espérer transformer inté- gralement l’amidon du grain en sucre, puis en alcool, sans pertes appréciables, en supprimant l'emploi du malt ou de l'acide, et en faisant en une. seule opération la saccharification et la fermenta- tion alcoolique en milieu aseptique. Les essais de MM. Collette et Boidin furent aus- sitôt dirigés dans ce sens. Le procédé Amylo élait constitué. III Nous pouvons maintenant aborder l'étude du procédé à l’Amylomyces, tel que MM. Collette et. Boidin l'ont établi à la suite de la longue série de recherches que nous venons de décrire. Nous allons voir, en passant en revue les phases successives de la fabrication, avec quelle souplesse la pratique industrielle a su se conformer aux conditions théo- riques dictées par les études du laboratoire. 1. Cuisson du grain.— Le maïs entier estd’abord introduit dans le cuiseur avec deux fois son poids d'eau. On injecte alors de la vapeur et on fait monter la pression pendant 3 h. 1/2 jusquà 4 kilogrammes. L'amidon est ainsi complètement transformé en empois. Mais il importe que cet em- pois soil bien homogène : on doit avoir une masse exempte de fragments de grains, et bien divisée, qui subisse facilement la liquéfaction par le malt, et l'action saccharifiante de la Mucédinée. Aussi le cuiseur adopté dans un grand nombre d'usines qui E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 693 travaillent par le procédé Amylo est-il un cuiseur vertical, muni d'un puissant agitateur à paletles et de dispositifs qui permettent de cuire le grain en brassant fortement la masse. On obtient ainsi une päte tout à fait homogène. 2. Liquéfaction. — Si l'on envoyait directement à … Ja cuve de fermentation l'empois ainsi formé, dilué avec une quantité d'eau convenable, la masse ferait prise par le refroidissement, s'empäterait dans les … conduites, et la Mucédinée ne pourrait se multiplier dans un milieu aussi compact. Il est donc néces- saire de liquéfier l'amidon par une faible quantité de malt, quantité qui représente 1 à 2°/, du poids « du grain employé, tandis que dans les procédés anciens, où l’on cherchail à produire une sacchari- fication complète, on employait une proportion de 410 à 15 °/, de malt. On place donc, dans une cuve-matière, 10 à 90 kilogrammes de malt par 1.000 kilogrammes de … maïs, et on fait un lait de malt avec de l’eau froide. - L’empois, chassé directement par la pression du cuiseur, tombe dans cette cuve-matière, où il se trouve en contact avec le malt. La tempéralure ne doit jamais dépasser 70°, pour ne pas tuer la dias- tase. On laisse en contact pendant une heure à 60°- 65°, en agitant constamment. Si l’on examine, au bout de ce temps, le moût obtenu, on constate que la filtration, impossible au début, est devenue très facile : la masse est complètement fluide. Le liquide filtré donne la réaction rouge des érythrodextrines, et réduic très fortement la liqueur de Fehling. Les matières insolubles restées sur le fillre donnent la réaction violette de l’amidon. Cette opéralion cons- titue done plus qu'une liquéfaction; il y a un véri- table commencement de saccharification, qui fait passer à l'état de sucre fermentescible et de dex- trine une partie assez considérable de l’amidon présent. On obtient donc, au sortir du macérateur, un moût bien fluidifié, qui ne fait plus prise par le refroidissement et qui conlient à la fois du maltose et de la dextrine provenant de l'action du malt, et de l’amidon non transformé. 3. Stérilisation. — I faut maintenant détruire totalement les germes de ce milieu de manière à avoir un liquide parfaitement stérile dans lequel on puisse ensemencer à l’état pur la Mucédinée saccharifiante qui doit terminer la transformation de l'amidon et de la dextrine en sucre. Cette stérili- sation se fait dans un immense autoclave horizontal où le moût est chauffé pendant une demi-heure à une pression de vapeur de 1 kil. 1/2, c'est-à-dire à une température d'environ 128°. Le milieu se trouve ainsi parfaitement stérilisé, et il est alors chassé dans la cuve de fermentation. 4. Fermentation. — C'est ici que nous allons ren- contrer une réalisation industrielle surprenante des travaux de bactériologie du laboratoire. Imaginons un immense matras en tôle de 1.000 hectolitres, hermétiquement clos et stérilisable par la vapeur (fig. 2). C'est dans ce gigantesque ballon de culture que va s'effectuer la fermentation : le moût stérile va être introduit, refroidi et ensemencé avec une cul- ture pure d'Amylomyces, en suivant exactement le mode opératoire d’une expérience faite au labora- toire avec un ballon de 500 centimètres cubes. Au premier abord, on se refuse à croire que l’asepsie rigoureuse puisse être réalisée sur des masses de liquide aussi considérables. Nous allons voir, au contraire, que quelques précautions simples suf- fisent pour obtenir facilement une stérilité parfaite. La cuve, d'une hauteur totale de 6 mètres, est absolument close, de manière à éviler toute conta- mination venant de l'extérieur. À sa partie supé- rieure se trouve le tuyau d'arrivée du moût venant du stérilisateur ; à sa partie inférieure, le robinet d'évacuation du moût fermenté, Un tuyau de vapeur débouche dans le fond de la cuve, et permet l'injection de vapeur dans le moût, pour le muinte- nir en ébullition pendant toute la durée du charge- ment. Par une manœuvre très simple, on peut remplacer la vapeur par de l'air comprimé, qui $e débarrasse de tout germe en traversant un filtre à coton flambé au préalable à 465°. On peut ainsi injecter dans le moût de l'air stérile, et réaliser par conséquent une des premières conditions de la vie active de l'Amylomyces : la culture en aération continue. La cuve porte, en outre, dans son intérieur un puissant agitateur, dont l'arbre est muni d’un calfat qui rend toute infection impossible. Cet agi- lateur permettra de réaliser la culture de la Mucé- dinée en profondeur, et d'éviter les fructificalions superficielles: seconde condition nécessaire, comme. nous l'avons vu, pour avoir des rendements satis- faisants. Enfin, de la partie supérieure de la cuve part un tuyau de dégagement des gaz, air et acide carbonique, qui va s'ouvrir dans un barboteur de 4 hectolitres, rempli d’eau. Dans le dôme de la cuve, bien à la portée de la main, se trouve une petite tubulure de 5 à 7 centi- mètres de diamètre, et de quelques centimètres de hauteur. Sur celte tubulure s'engage un tuyau de caoutchouc d'environ 20 centimètres, bouché par un manchon métallique qui l'obture hermétique- ment. C’est l’orifice par lequel se fera l’ensemence- ment. Sur le côté de la cuve, à 1 mètre environ de la calotte supérieure, est placée une autre tubulure identique à la première : c'est la tubulure de prise d’échantillon du moût. Enfin un thermomètre, plongeant dans une gaine métallique qui fait corps 694 E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE avec la cuve, indique la température du liquide. Pour supprimer les infections possibles par les joints elles robinets, tous ceux-ci sont plongés dans des euvettes remplies d’eau formolée. D'ailleurs, nous verrons bientôt que, dans le travail, on laisse toujours dans la cuve un léger excès de pression, afin que les fuites, si elles se produisent, aient toujours lieu de l’intérieur vers l'extérieur, et non inversement. Toute rentrée est ainsi rendue impos- sible. l'air de la cuve. Quand la cuve est déjà assez avan- cée, on badigeonne avec du formol les deux tubu- lures, on place les deux tubes de caoutchoue, et on les obture avec les manchons métalliques fortement flambés à l’aide d'une lampe à alcool; puis, on con- tinue l'injection de la vapeur et l'admission du liquide jusqu'à ce que la cuve soit pleine de moût stérile. Des regards vitrés permettent de se rendre compte aisément de l'instant où l’on doit arrêter. Il s’agit maintenant de refroidir ce moût sans Fig. 2. — Installation de seize cuves de fermentation de 1100 hectolitres, Telle est la cuve qui fut construite par MM. Col- letle et Boidin, pour la fermentation par l'Amy- lomyces en milieu stérile. Suivons maintenant le travail du moût dans cet appareil. Le liquide stérile, venant de l'autoclave, arrive dans la cuve à l'ébullition. La vapeur, qu'on in- jecte d'une facon continue par la valve inférieure de la cuve, maintient celte ébullition pendant tout le remplissage. La vapeur produite échauffe peu à peu la tôle, se condense sur les parois de la cuve en entrainant avec elle les germes qui peuvent s'y trouver. Bientôt elle commence à sortir par tous les orifices, stérilisant les tubulures d'échantillon et d'ensemencement, et chassant complètement l'infecter d'aucun microbe étranger. On ferme l'arrivée de vapeur, qu’on remplace immédiate- ment par un fort courant d'air stérile. Cet air produit dans la cuve un excès de pression qui empêche toute rentrée de l'air extérieur impur. On remplit le barboteur d'eau, et, par le regard vitré de cet appareil, on se rend compte aisément de la rapidité du passage de l'air comprimé. Au bout d’une heure environ, on met l'agitateur en mouve- ment et on procède au refroidissement du moût. La cuve porte, à cet effet, à sa partie supérieure, une couronne d'arrosage percée de trous, par laquelle on fait ruisseler de l’eau froide sur les parois exté- rieures. L'agilateur amène constamment de nou- E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE velles couches de moût chaud au contact de la paroi froide, l'air comprimé qu'on injecte em- pêche le vide que produirait la condensation, et aère en même temps la masse. Il se produit, au contact de la nappe d’eau froide qui coule le long de la cuve, une évaporation intense qui refroidit rapidement le moût et amène en quelques heures à 38°C les 1.000 hectolitres du liquide. On à ainsi réalisé le problème d'avoir, dans une cuve stérile, un moût parfaitement stérile. Il s'agit 695 fique par le laboratoire est commencé, et, si un insuccès se produit, ce contrôle permettra toujours de reconnaitre à quoi il est dû, et à quelle phase de l'opération il s'est produit. On vérifie également au microscope la pureté de la culture d'Amylomyces qu'on va employer, et, si le résultat est favorable, on ensemence, suivant les règles de l’asepsie usitées dans le laboratoire, le ballon d'Amylo destiné à peupler les 1.000 hectolitres de la cuve. L'ensemencement effectué, on met l’agitateur en par le procédé Amylo, aux distidleries Bugnot-Colladon et maintenant d’ensemencer l'Amylomyces à l'état pur, sans introduire aucun autre microbe. C'est alors que commence la collaboralion active du laboratoire et de l'usine. On a préparé d'avance au laboratoire, sur 20 grammes de riz cuit réparti au fond d’un ballon de 1 litre environ, une culture vigoureuse d'Amylomyces. Cetle minime quantité de semence, qui ne représente à l’état sec que quelques centigrammes, va servir à ensemencer l’énorme cuve de 1.000 hectolitres. Avant de pro- céder à l'ensemencement, on fait aseptiquement une prise d’échantillon du moût de la cuve, dont on contrôlera au laboratoire la stérilité, et qui sera soumise à l'analyse chimique. Le contrôle scienti- Boulet, à Eouen. mouvement, et on aère énergiquement la masse. Grâce à cette aération et à la température très favorable de 38°C, la Mucédinée se mulliplie rapi- dement. L'agitation continue empêche la formalion du mycélium superficiel, qui brûlerail le sucre à l'état d'eau et d'acide carbonique. Au bout de vingt-quatre heures, on fait une prise d'échan- tillon, et on vérifie au microscope la pureté de la culture. On constate alors que ces vingt-quatre heures ont suffi pour que toute la masse soit envahie par les filaments mycéliens de l'Amylo. Au point de vue chimique, on remarque que la réaction à l'iode est devenue plus faible; le travail saechari- fiant de la Mucédinée a commencé, travail qui va 696 E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE remplacer celui de la diastase du malt dans la saccha- rification complémentaire, mais avec l'immense avantage de l’asepsie parfaite et d'un contrôle scientifique rigoureux. La transformation de l’amidon et de la dextrine en sucre fermentescible par la Mucédinée s'accom- pagne d'une fermentation alcoolique : l'Amylo décompose le sucre qu'il forme en alcool et acide carbonique. Mais l'expérience montre que cette fermentation, pour être complète, demande tou- jours un lemps assez long. Nous possédons dans la levure un ferment alcoolique infiniment plus actif que la Mucédinée, et, d'ailleurs, M. le D' Cal- mette n'avait-il pas constaté déjà la symbiose mucédinée-levure dans la fabrication des alcools de riz en Indo-Chine? Il est donc tout naturel que MM. Collette et Boidin aient songé à utiliser surtout les propriétés saccharifiantes de l’Amylomyces, el à confier à la levure, vivant en symbiose, le travail de la transformalion du sucre en alcool. Il y avait là en quelque sorte l'avantage évident qu'on retire en prenant un train express au lieu d’un train omnibus. Ce changement de train se fait du reste d'une façon très simple. On refroidit d’abord la cuve à 33°C, parce que la température de culture de l'Amylo est un peu élevée pour la levure, puis on ensemence, avec les mêmes précautions que pour l'Amylomyces, un ballon de 500 centimètres cubes d'une culture pure de levure en pleine fermenta- tion. C’est cette minime quantilé de semence qui va assurer, en se mullipliant, la fermentation alcoolique du liquide. Au bout de vingt-quatre heures, une nouvelle prise d'échantillon permet de constater que toute la masse est peuplée de cellules de levure ; on cesse alors l'injection d'air stérilisé, et le travail symbiotique des deux organismes Amylo-levure commence. La levure va parcourir avec une rapidité très grande la voie qui lui a été tracée par l'Amylo- myces ; celui-ci, quiaquarante-huitheures d'avance, continuera à préparer le chemin, plus lentement il est vrai, mais il ne sera rejoint cependant pär la levure qu'au moment où son travail sera enlière- ment terminé. D'ailleurs, il est facile de suivre la marche de la transformation de l'amidon, et de la fermenta- tion, {en faisant chaque jour une prise d'échan- tillon du moût depuis le moment de l’ensemen- cement de la levure. C'est, d'ailleurs, ce qu'on fait pour chaque cuve, et ce contrôle scientifique si précis permet de reconnaître sans retard les fautes commises et l'instant où elles l'ont été. Au moment de l’ensemencement de la levure, l’iode donne encore une forte réaction bleue. La réduction à la liqueur de Febhling est devenue un peu plus consi- dérable, d'abord parce qu'une partie de l'amidon passe à l’état de sucre réducteur, et surtout parce que la Mucédinée hydrolyse le maltose et le trans= forme en glucose dont le pouvoir réducteur est plus élevé. Vingt-quatre heures après l'ensemence= ment de la levure, le liquide donne à l’iode une: réaclion rouge foncé; les pailles, une réaction bleue. Si l’on examine le moût au microscope, on constate que le liquide est totalement envahi par les deux espèces microbiennes, l'Amylomyces et la levure: Le jour suivant, le liquide filtré se colore encore: légèrement en rouge par l'iode; il y a donc encore un peu d'érythrodextrines; les pailles ne donnent plus qu'une très faible réaction bleue. Le dégage-w ment d'acide carbonique se ralentit dans le barbo= teur. Enfin, trois jours après l'ensemencement de la, levure, le liquide filtré ne donne plus de réaction à l'iode; il n'y a plus de bleuissement dans les pailles, et seul l'examen microscopique permet de Fig. 3. — Mücor $-Mycelium et fructifications aérienne. retrouver des traces d’amidon. La saccharificalion est finie, la transformation intégrale du sucre est achevée, comme il est facile de s'en rendre compte « par la liqueur de Fehling; la cuve est prête à être. distillée. Tel est le mode de travail imaginé par MM. Col- lette et Boidin et désigné sous le nom de procédé Amylo, dans lequel, comme nous l'avons vu, Jai saccharification et la fermentation alcoolique se font simultanément par la symbiose des deux orga- nismes Mucédinée et levure. Depuis 1897, le procédé a subi quelques modifications qu'il est maintenant. nécessaire de décrire. Le procédé Amylo avait, à l'origine, l'inconvénient fort grave de ne convenir qu'à des moûts dilués, d'environ 1030 de densité, ce qui augmentait dans. des proportions nolables les frais généraux de la fabrication. L'Amylomyces Rouxiine possède pas, en effet, des propriétés saccharifiantes assez éner- giques pour conduire à une bonne atténuation dans des moûts concentrés. Aussi, M. Boïdin ne tarda pas à entreprendre l'étude de diverses autres Mucédi- E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE 697 nées saccharifiantes dont les propriétés pouvaient être plus actives. Pour la distillerie, la meilleure espèce élait évidemment celle qui poussait le plus loin l’atténuation, en donnant l'acidité la plus faible. -M. Boidin a isolé ainsi sur un échantillon de koji japonais, dû à l'obligeance de M. Armand, ministre plénipotentiaire de France au Japon, un Mucor “qu'il a désigné sous le nom de Mucor £ {fig. 3). Ce “Mucor se mentra supérieur à l'Amylomyees Rouxii : a saccharification était plus complète, l'acidité “moindre, le rendement plus élevé. En utilisant ce Mucor £ au lieu de l'Amylomyces, M. Boidin cons- “tala qu'on pouvait travailler en moûts concentrés, “à 18, 20 et même 25 °/, de grains. Une autre Mucé- “dinée, le Mucor J, isolée sur du riz venant du Tonkin, a donné des résultats analogues. Le procédé ne laisse donc plus rien à désirer au point de vue de la concentration. — On a également beaucoup reproché au procédé à l'Amylomyces d'être délicat et très dangereux à cause des minimes quantités de semence qu'on “emploie. Pendant toute la durée du développement “de la moisissure, c'est-à-dire pendant vingt-quatre “heures, le moût est maintenu à la température de “38°C., très favorable au développement des fer- ments de maladie. Si une faute est commise au “moment de la fermeture de la cuve ou de l’ense- -mencement, cette faute peut entrainer les consé- “quences les plus graves, le ferment de maladie “pouvant se développer plus vite encore que l'Amy- «lomyces. Aussi a-t-on cherché à éviter cet écueil en faisant des levains de Mucédinées. La cuve àlevains, “de dimensions réduites, est ensemencée avec une “culture pure de Mucédinées : s’il y a par hasard une “infection, on la stérilise et on réensemence. Dans “tous les cas, on envoie à la grande cuve un fort É levain de Mucédinée pure, ce qui permet d'ense- …mencer aussilôt la levure et de gagner ainsi du “ lemps, avec une marche plus sûre. Cependant, ilne … faudrait pas croire que cette petite complication du “procédé soit nécessaire. L'exemple d'un grand … nombre de distilleries qui travaillent sans levains, … d'après la méthode préconisée au début par … MM. Collette et Boidin, prouve qu'il est facile, avec un personnel dressé, d'arriver à une réussite par- Bite : les infections deviennent exceptionnelles et ; n'abaissent pas la moyenne des rendements. Un dernier perfectionnement du procédé a été son application aux distilleries agricoles. On pou- vait, en effet, reprocher à la méthode d’être inap- plicable sur une petite échelle à cause du matériel important qu'elle exige. La difficulté a été résolue en combinant un appareil à usages multiples, qui sert à la fois de cuiseur, de cuve-matière, de sté- rilisateur et de cuve de fermentation. Toutes les opérations se font ainsi dans un même appareil, et avec la plus grande facilité. Le procédé est donc maintenant accessible à la petite distillerie agri- cole. II Nous avons vu, par ce qui précède, que le procédé Amylo repose sur des bases scientifiques solides, et qu'il constitue un progrès réel sur les anciennes méthodes. Mais on sait que, dans l'industrie, les résultals économiques donnés par une méthode passent avant sa valeur scientifique, et on peut dire que peu de distillateurs auraient adopté le procédé Amylo, s'il n'avait eu pour avantages que ceux qui résultent d'un travail plus rationnel et d'un con- trôle scientifique rigoureux. Quels sont donc ies résultats praliques fournis par le procédé Collette et Boidin ? Nous en avons déjà signalé quelques-uns : d’a- bord, la dépense en malt est considérablement réduite, puisqu'on n'emploie que 2 °/, de malt au lieu de 45 à 25 °/,. C'est là un premier avantage, très important pour les usines qui emploient de grandes quantités de malt. La malterie étant ré- duile au minimum, il en résulte une économie sen- sible qui est encore augmentée par le fait de la suppression des levains. Le travail, si délical et si aléaloire, de la fabrication de la levure, est remplacé par le travail précis et rigou- reux du laboratoire où l'on prépare les ballons qui serviront à ensemencer les cuves. Enfin, nous avons vu que le procédé Amylo permet d'effectuer la sté- rilisation parfaite du moût et de travailler en moût stérile avec des organismes bien définis. C'est là un immense avantage, qui met le distillateur à l’abri de toutes les difficultés qui proviennent de l'invasion du moût par les ferments étrangers. Mais ce n'est pas tout, MM. Collette et Boidin garantissent, en outre, un rendement en alcool plus élevé que par toutes les autres méthodes, et la production d’un alcool de meilleure qualité. En effet, avec les maïs ordinaires, le nouveau procédé conduit à un rendement minimum de 37 à 39 litres d'alcool pur par 100 kilos de grains, au lieu de 34 litres, que donnent, comme maximum, les an- ciens procédés les plus perfectionnés. Les savants chimistes anglais H. Roscoe, H.-T. Brown et À. Mac- fadyen, qui ont soumis au contrôle le plus rigou- reux une cuve de 4.017 hectolitres à la distillerie de Seclin, ont constaté que le rendement en alcool était de 37 1. 81 par 100 kilos de grains, le rende- ment théorique maximum déduit par l'analyse du grain étant de 38 1. 76. Le rendement d'alcool donné par le procédé Amylo atteignait done, dans cette expérience, 97,5 °/, du rendement théorique. Il semble difficile de pouvoir arriver à un chiffre plus élevé. À la Société anonyme des Distilleries de main-d'œuvre, 698 E. BOULLANGER — L'EMPLOI DES MUCÉDINÉES EN DISTILLERIE Bugnot-Colladon et Boulet réunies (usine de Bapeaume-lès-Rouen), le rendement moyen indus- triel de 15 cuves Amylo a été de 38 L. 93 d'alcool par 100 kilos de grains. A la distillerie de Temes- var (Hongrie), le rendement moyen de 29 cuves Amylo s'est élevé environ à 39 litres d'alcool par 100 kilos de grains. Il est donc hors de doute que le procédé à FAmylomyces fournit des rendements en alcool supérieurs à ceux que l’on obtient par tous les autres procédés usités en distillerie. La quantilé de combustible supplémentaire nécessitée par la stérilisation des moûts s'élève, d’après un Rapport de M. le D' Delbrück, à environ 20 kilos par hectolitre d'alcool. Les frais généraux de l'installation deviennent très minimes dans les grandes cuves de 1.000 à 1.200 hectolitres, d'autant plus qu'ils se répartissent sur un nombre d’hecto- litres d'alcool considérable. L'augmentation des dépenses est donc loin de compenser le bénéfice obtenu par le rendement plus élevé, et nous pou- vons conclure que, au point de vue économique comme au point de vue scientifique, le procédé Amylo donne des résultats très satisfaisants. La qualité de l'alcool produit est également supé- rieure. La quantilé de moyens et mauvais goûts est beaucoup moindre, et ces alcools de moyens et mauvais goûts sontde meilleure qualité. De100 litres de fegmes on retire, en effet, à la rectification : ANCIEN PROCÉDÉ PROCÉDÉ AMYLO litres litres BONVEOUTE SPA CIRE 12,98 79,62 MOYEUREOUL MEME ER 20,29 13,16 Mauvais SOUL. EP RENEe 3,88 2,94 97,15 97,29 Pertes ER 2,85 2,71 En outre, MM. Brown, Roscoe et Macfadyen ont constaté que la quantité d'alcools supérieurs était moindre que celle produite par l'emploi des pro- cédés ordinaires de fermentation. M. Boidin a signalé également un autre avantage du procédé Amylo, qui n’esl pas sans importance. La fermentation des dextrines élant très complète, la filtration des drèches devient très facile. Or, on sait combien cette filtration présente de difficultés dans les procédés ordinaires. La levure forme avec la dextrine restante une masse gluante qui obstrue les filtres-presses, et on n'oblient qu'un liquide trouble, qui passe péniblement. Avec le procédé Amylo, les filaments mycéliens de la Mucédinée semblent exercer une action favorable en envelop- pant les cellules de levure, et les drèches se laissent presser sans difficulté. I] devient alors très facile d'obtenir des tour- teaux qui renferment 70 à 72 °/, d’eau et dont le traitement ultérieur va être une source nouvelle de bénéfices. Ces tourteaux renferment l'huile du grain de maïs, et un laux assez élevé de matières azolées. On les dessèche dans l'appareil Donard et Boulet, eton obtient des poudrettes qui contiennent 19 à 21°/, d'huile et 6,5 à 7 °), d'azote. Ces pou- drettes sont épuisées de leur huile dans l'appareil" Donard et Boulet, au moyen de l'éther de pétrole, eton oblient ainsi, par 100 kilos de maïs, environ: 3 kilos d'huile, et 20 kilos de drèches qui peuvent être vendues pour l'alimentation des bestiaux. Un autre sous-produit que le procédé permet seul de récupérer, c'est l'acide carbonique de fer- mentation. Des énormes cuves de 1.200 hectolilres s'échappent des torrents de gaz carbonique, qu'on peut recueillir et comprimer dans des cylindres pour le vendre à l’état liquide. C'est grâce à ces avantages multiples que le pro- cédé Amylo a permis aux distillateurs de grains de résister pendant longtemps à la crise que subit en ce moment cette industrie. Le prix de l'alcool, qui était encore, il y a quelques années, de 40 francs l’hectolilre, est maintenant descendu à 28 francs. En même temps, le prix du charbon s’est considé- rablement accru, ainsi que le prix des grains; les . mais ont été, en outre, récemment frappés d’un nouveau droit d’accise qui à rendu les conditions encore plus désastreuses. Il devenait dès lors diffi- “ cile d'avoir des résultats satisfaisants au point de vue économique, el il n'est pas surprenant d’avoir eu à constater l’arrêt d'un grand nombre de distil- leries de grains, même de celles qui travaillent par le procédé Amylo. Certaines usines qui obtenaient des rendements moyens de 38 litres à 39 litres d'alcool par 100 kilos de grains, qui extrayaient et vendaient l'huile des drèches, les drèches elles- mêmes, l’acide carbonique de fermentation, et livraient même parfois leurs alcools avec surprime, à cause de leur excellente qualité, ont dû renoncer à peu près complètement à une fabrication qui, dans ces conditions cependant exceptionnelles, ne donnait pas de bénéfices. Mais ce sont là des conditions économiques pas- sagères; et les résultats excellents obtenus dans les autres pays, notamment en Hongrie, en Es- pagne, au Tonkin, justifient pleinement la valeur de la nouvelle méthode. Elle nous reste, en outre, comme le témoignage des bienfaits que peut donner la collaboralion de la Science pure et de l'Industrie. Le procédé, comme nous l'avons vu, repose sur des bases scientifiques rigoureuses: cette inven- tion, comme d’ailleurs toutes celles qui s'appuient sur des principes solides, donnera des résultats féconds le jour où l’état économique du marché des grains et de l'alcool permettra son extension. E. Boullanger, Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille. X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 699 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE PREMIÈRE PARTIE L'industrie des conserves alimentaires est née | en France au début du xix*siècle, et Nicolas Appert en a élé le promoteur. Appert fit ses premiers essais en 1796, et il appliqua pour la première fois son procédé en 1804, dans une petite fabrique qu'il … avail créée à Massy (Seine-et-Oise). Le procédé Appert, qui est encore appliqué (ans certains cas sous sa forme primilive, consiste à renfermer dans des bouteilles ou des bocaux les — substances que l’on veut conserver, à boucher soi- “ yneusement ces vases de manière à en assurer la fermeture hermétique, à plonger ensuite les bou- teilles closes dans un bain-marie, et à les soumettre - pendant un temps plus ou moins long, suivant leur nature, à l'action de l’eau bouillante. Ce procédé fut modifié, en 1839, par Fastier, qui chassa l'air des vases pendant la cuisson en prali- quant un petit orifice dans le bouchon. On ferme ce trou avec un peu de cire à cacheter, quand le chauffage est terminé. Le procédé Appert fut rapidement adopté, et des fabriques de conserves, établies à Bordeaux, à Nantes, au Mans, en firent usage avec succès jus- qu'en 1847, époque à laquelle la plus grande partie de leur production s'’altéra. Les causes d’allération des substances animales ou végétales n'étaient encore que bien peu connues, et l'on ne savait pas qu'une température inférieure, ou, au plus, égale à 100° était insuffisante pour luer - tous les germes de putréfaction. Cependant, en 1850, un chimiste, Favre, indiqua de stériliser les con- serves dans un bain d’eau salée dont la température d'ébullition était supérieure à 100°. Vers la même . époque, Collin, de Nantes, substituait les boîtes de fer-blanc aux vases de verre, et il opérail la stérili- sation dans un bain de sel ou de chlorure de cal- ciumn bouillant à 105° et même à 110°. Mais ce procédé de chauffage présentait un grave inconvénient. A 1107, la tension de la vapeur étant déjà assez élevée (1 atm. 1/2 environ), les boîtes se déformaient, se dessoudaient, et quelques- unes même éclataient. Ce fut l'adoption de l’auto- clave qui permit d'appliquer dans la pratique la température de 110°et même de 115°, indispensable à la réussite de la stérilisation. Ce perfectionnement est, en général, attribué à Martin de Lignac, qui employa en 1854 l’autoclave pour la préparation des conserves alimentaires ; mais il faut en faire FABRICATION remonter le mérite à Chevalier-Appert, qui fit bre- veler en 1852, pour la fabrication des conserves, une chaudière à bain-marie concentré, munie d'un ma- nomètre servant à indiquer à la fois la pression et la tempéralure d’ébullition de l'eau. Ajoutons, pour être juste vis-à-vis de Martin de Lignac, que ce savant inventeur fit de nombreuses et intéres- santes recherches, qui ont rendu de grands services à l'industrie des conserves. Telle est, rapidement esquissée, l'histoire de l'in- dustrie des conserves alimentaires. En même temps que cette industrie prenail son essor, des progrès considérables, réalisés parallè- lement dans la Science, lui apportaient de pré- cieuses clartés. En 1810, Gay-Lussac, dans un Mémoire présenté à l'Institut, attribuait la conservation des substances alimentaires par le procédé Appert à l'absence de l'oxygène, celui qui se trouve renfermé dans Îles boîtes ayantété absorbé et n'existant plus que sous forme d’une nouvelle combinaison « qui n'est plus propre à exciter la fermentation ou la putréfaction ». Jusque vers 1865, on assignait à l'oxygène le rôle prépondérant dans les phénomènes de fermenta- tion. Cetle théorie, appuyée par la haute autorité de Liebig, était officiellement adoptée. Ce fut Pasteur qui, en 1862, en démontrant que la putréfaclion n'était pas due à l’air, mais aux germes que celui-ci renferme, détruisit la théorie de Liebig et fit entrer les recherches sur les fer- mentalions dans une voie nouvelle et fructueuse. Aussi nous est-il permis, associant au début de cette étude les noms de Pasteur et d’Appert, de citer ces deux Français comme étant les promoteurs des connaissances théoriques et pratiques qui forment la base de l’industrie des conserves alimentaires. Cette industrie, créée et étudiée en France, s'est depuis répandue dans tous les pays civilisés. Elle devaitnaturellementse développer dans les régions agricoles, où il y a surproduction d'aliments ani- maux ou végélaux : la malière première y està bon marché, et la préparalion des conserves devient un moyen de favoriser l’utilisation, la vente etl'expor- tation de ces produits. Il en est de même pour les contrées où la pêche est une industrie importante et où la préparation des conserves de poissons est de- venue une source de richesse. Telle a été la cause du développement de l'industrie des conserves aux 700 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES Etats-Unis, sur les côles du Canada, en Suède, en Norvège, sur les côtes du Portugal et de l'Espagne, à la Guadeloupe, etc. La France a su conserver, dans cette fabrication, une place importante : si elle a été dépassée par les Etats-Unis sous le rapport de la quantité, elle est restée la première pour la qualité, et ses conserves continuent à faire prime sur le marché étranger. I. — TECHNIQUE GÉNÉRALE. La fabrication comprend, d'une part des procé- dés généraux, applicables dans tous les cas, quelle que soit la nature de la conserve; et, d'autre part, des procédés spéciaux à chaque ordre de produits. Toutes les conserves alimentaires doivent réa- liser deux conditions essentielles : 1° Le vase dans lequel on les renferme doit être absolument étanche ; 2 Le contenu du vase, c'est-à-dire le produit alimentaire, doit être absolument stérile. Étanchéité du contenant, stérilisation du con- tenu: voilà donc les deux conditions indispensables à réaliser, pour produire des conserves. Nous sommes donc conduits à étudier successi- vement : 4° la fabrication des boîles et flacons et leurs modes de fermeture ; 2° la stérilisation. Dans la pratique, il est assez fréquent de voir ces deux parties de la fabrication séparées. Les fabri- cants de boîtes métalliques, qui préparent les boîtes de toute nature servant à l'emballage, sont outillés ou s'outillent facilement pour la fabrica- tion des boîtes de conserves alimentaires, et deviennent les fournisseurs des fabricants de con- serves. Mais lorsque ces derniers ont une pro- duction assez importante, ils ont tout avantage à réunir les deux industries, et à devenir fabricants de boîtes de conserves; c’est ce qui se produit dans la plupart des grandes installations. $1. — Etanchéité des récipients. Fabrication des boîtes ou flacons de conserves. Modes de fer- meture. Les boîtes de fer étamé sont les plus employées par les fabricants de conserves alimentaires. Les flacons de verre ne s'emploient guère que pour cerlaines conserves préparées avec des fruits ou des légumes choisis. Les conserves en flacons sont toujours plus coûteuses et sont employées, de pré- férence, pour les produits dé marque. Les avantages de la boîle de fer-blanc sont assez nombreux pour qu'on s'explique la généralisation de son emploi. D'abord, ces boîtes sont solides: il n'y à pas à craindre la casse pendant les mani- pulations et surtout pendant la stérilisation, casse qui est quelquefois assez importante quand on se sert des flacons de verre. Il faut, ensuite, mettre en ligne de compte la facilité de fermeture de la boîte métallique. La fermeture des vases de verre pré- sente, comme nous le verrons plus loin, de grandes difficultés. Enfin, il y a une différence de prix assez notable entre la boîte mélallique et le bocal de verre, et à l'avantage de la première. À côté de ces avantages, la boîte métallique pré- sente l'inconvénient de se laisser plus ou moins atlaquer par les substances qu'on y renferme; il en résulte, en pratique, deux inconvénients : le con- tenu de la boîte peut prendre une couleur anormale, provenant de la formation de composés métal- liques, de sulfures notamment; ou bien il peut prendre un goûl assez sensible de métal. On re- médie à ces inconvénients en appliquant à l’inté- rieur des boîtes un vernis destiné à empêcher le contact avec le métal. La difficulté est de trouver un vernis qui adhère à celui-ci, qui soit peu coû- teux, qui ne se dissolve pas dans les liquides avec lesquels il est en contact, qui ne se désagrège ou ne craquèle pas quand on porte la boîte à la tempéra- ture de 110° à 120°, nécessaire pour effectuer la stérilisation. Ce vernis idéal est encore à trouver; jusqu'ici on s’est borné à employer des vernis à base de gommes-résines. L'argenture a donné de mauvais résultats. La solution de ce problème pré- sente donc un grand intérêt pratique. Nous avons dit que la fabrication des boîtes mé- talliques était une industrie importante. Les ma- chines servant à faire ces boîtes sont fabriquées principalement aux États-Unis, en France et en Allemagne. La fabrication des boîtes de conserves comprend la série d'opérations suivante : 1° découpage ou estampage des fonds ; 2 découpage des corps de boîtes; 3° cintrage de ces corps; 4° préparation des agrafes des corps; 5° serrage de ces agrafes; 6° soudage des corps; 7° sertissage des fonds. Chaque opération peut être faile par une ma- chine différente; mais on peut aussi réduire le nombre des machines et faire effectuer par la même machine plusieurs opérations. On a même poussé plus loin le perfectionnement de l'outillage … et on a imaginé des machines faisant automatique- ment les boites. Nous avons décrit ici (Revue géné- rale des Sciences, 1899, p. 844) une machine amé- ricaine réalisant ces conditions. Ces machines automatiques ne présentent d'intérêt que lorsqu'on doit produire une très grande quantilé de boîtes d'un modèle unique (conserves destinées à l’armée el à la marine, par exemple). Dans les fabriques françaises, où l'on est, en général, obligé de pré- parer des boîtes de plusieurs formats différents, il vaut mieux posséder les divers outils produisant chacun un travail simple. mm smith td RS SE Sd ee te X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES Les boîtes de fer-blanc sont constituées par trois pièces : un corps cylindrique agrafé et soudé lon- gitudinalement, et deux fonds emboutis. Ces fonds Sont assemblés au corps soil par soudure, soit par sertissage. La soudure est le procédé le plus ancien, et il continue à être employé dans un grand nombre de cas; le sertissage, procédé plus récent, tend à se substituer au soudage. Nous décrirons ici quelques-uns des principaux - modes de fermeture‘. Voici d'abord deux types de boites soudées ; le premier se rencontre A REA plus particulièrement = dans les boîtes fran- caises, et le second dans les boites amé- ricaines. Dans le pre- Fig.” 1. d'une boîte — Coupe de d CONSÉTVE SOU- E ; £ FAURE mier (fig. 1),lecorpsC F Vercle de la de la boîte est légè- boite; C, corps rement élargi pour FE. te UE nee laisser pénétrer le a dure. couvercle À, quis’em- à boite à l'intérieur; È dans le second (fig. 2), le couvercle A # s’'emboîte exlérieurement. | Chacun de ces procédés assure une 4 bonne étanchéité. à MM. Besse’et Lubin ont récemment proposé un procédé de soudage mécanique. Celui- * ci présente l’avantage de réaliser une grande éco- “ nomie de main-d'œuvre. Le métal qui servira à effectuer la soudure est déposé mécaniquement en - d'avance sur la boile. Celle-ci est placée dans la “machine à souder (fig. 3), et un mouvement de 4 rotation amène le cou- 4 A vercle au-dessous du fer : à souder, qui s'y appli- Fig. 2. — Coupe que exactement. ; d'uneautresorte Dans les systèmes de .B de boïte de con- : à à serve soudée. — fermeture par serlis- À nel ee sage, les deux lames de è ? re précédente. fer-blanc à relier sont fortement serrées l’une -contre l’autre, et, pour assurer l'étanchéité, on “ interpose entre ces deux lames une substance D éemment malléable pour qu'elle remplisse tous les interstices du métal. Cette substance est, - en général, à base de caoutchouc. Elle est for- mée par un mélange de bon caoutchouc Para, de substances minérales et de fibres de chan- vre. La partie minérale était, il y a quelques années, à base d'oxyde de plomb, et cette sub- stance, associée au caoutchouc, assurait une grande 4M. Aurientis, directeur des usines Potin, a bien voulu nous donner de précieux renseignements sur cette question et nous l'en remercions bien vivement. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 701 herméticité à la fermeture. Mais un règlement d'hygiène a interdit, en France, l'emploi de com- posés plombifères pour le sertissage, et on a rem- placé l'oxyde de plomb par d’autres substances minérales, notamment par de l’oxyde de fer. Nous décrivons ici deux modes de fermeture par — Machine Besse et Lubin à souder les boïtes de conserves. — La boite à souder, munie de son couvercle, est placée dans la position indiquée à gauche; par la rotation de l'appareil, cette boîte est amenée au-dessous du fer à souder automatiquement, comme on peut le voir dans la partie droite de la figure. Fig. 3. sertissage. Dans le premier, le Jjoint est formé par un bracelet de composition caoutchoutée, de coupe rectangulaire, fixé sur le corps de la boite,'en des- sous du rebord destiné à effectuer le sertissage. Le couvercle, dont le rebord est environ deux fois plus large que celui du corps, est mis en place comme l'indique la figure 4, puis on procède à trois 15* 102 serrages successifs, qui donnent les résultats.indi- qués dans les figures 5, 6 et 7. Ces serrages successifs sont obtenus au moyen de trois séries de molettes à profils différents et appropriés aux résultats à obtenir. La boîte, animée Fig. 4. Fig. 5. X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES tion du second procédé, qui assure une bonne étlan- chéilé avec des joints à base de caoutchouc non plombifère. On a proposé de remplacer le joint de caout- chouc par un joint en étain pur. Les figures 12 à 14 Fig. 6. Fig. 7. Fig. 4 à 1.— Schémas montrant les coupes successives de la boïte, de son couvercle et du caoutchouc.— À gauche, on voit le couvercle posé sur la boîte, le caoutchouc étant placé sous le rebord du corps de la boite. Les figures 5, 6 et 1 mon- trent les résultats donnés par les 3 serrages successifs. d'un mouvement rapide de rotation, passe succes- sivement sous les trois molettes. Suivant les Fig. 8. Fig. 9. montrent la manière dont s'opère le sertissage dans ce cas. Le ruban d’étain, qui est collé sur le Fig. 10. Fig. A1. Fig. 8 à 11. — Coupe montrant les positions successives de la boïte et de son couvercle pendant le sertissage. constructeurs, ces trois serrages successifs sont obtenus sur le même appareil ou sur trois appa- reils différents. Dans le second procédé, le joint de caoutchouc, au lieu de for- pourtour du couvercle, a une épaisseur de 2/10 de millimètre. Le sertissage s'opère à l'aide d’une machine spéciale qui imprime à la boîte un mou- vement de rotalion de 800 tours environ. Deux molettes en mer un bra- LÉ ESS acier trempé, celet entou- * À profilées con- rant le haut À venablement, de la boite, Ÿ sont appli- présente l’as- quées succes- pectd'unmin- sivement sur ce ruban col- la boiteetpro- lé'au couver- duisentle ser- ANR Fig. 12. Fig. 43. Fig. L4. ses les trois ser- Fig, 12 à 14. — Coupes montrant la façon dont s'opère le sertissage au moyen d'un Les joints rages Succes- ruban d'étain. de caoutchouc sifs donnent les résultats indiqués sur les figures 9, 10 et 11. Le premier système de sertissage donnait d’ex- cellents résultats quand on se servait de joints de caoutchouc plombifères; il en a donné de mauvais quand on a substitué à ceux-ci des caoutchoucs non plombifères, et c'est ce qui a nécessité l’adop- et ceux d'é- tain ne sont pas les seuls qui puissent être uli- lisés pour le sertissage. L'amiante en poudre four- nirait, paraît-il, un joint excellent. Mais, jusqu'ici, le joint de caoutchoue est le seul dont l'emploi se soil généralisé. Le procédé de fermeture par sertissage présente a hs ti tente de de DES Se ns à Éd es de D X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 703 l'avantage d'être plus pratique que la soudure. Il n'exige pas un personnel spécial dont les exigences sont parfois un obstacle à une fabrication régulière. \ L'étanchéité s'obtient plus facilement par la soudure; cependant, le sertissage bien fait donne aussi d’excel- lents résultats. Au point de vue éco- nomique, le prix de revient des boîtes sou- dées à la main est bien plus élevé que celui des boites serlies. Le prix de revient est sensiblement le même pour les boites serties et pour celles qui sont Ber. Soudées mécanique- “Fig. 15. — l'ermelure thoud (grossie 2 fois). — ment. A, capsule de fer blanc: B, re . disque de liège; C, face du Voici, suivant MM. verre dépolie; D, flacon. Besse et Lubin, le prix de revient comparatif de 1.000 boîtes de conserves du type de la boite “cylindrique, dite « demi-pois » (le prix du fer-blanc non compris) : SENISSAC PAM Ed e-N Ci 28 fr. 40 Soudage à la main . . . . . . . 66 fr. 20 ML IMÉCANIQUE.. 6 de 2OUIT- 20 Un des inconvénients du sertissage est de ne pouvoir s’appli- quer aux conser- ves à l'huile, car ce liquide altaque et désagrège le joint de caout- chouc. Il serait intéressant de trouver un joint assurant l'étan- chéité des boites de conserves à l'huile. On à proposé un grand nom- E bre de procédés de fermeture pour les flacons de verre des- tinés aux conserves. Nous in- diquerons quatre de ces pro- cédés. Les figures 15 à 18 repré- Fig.16.— Zerme- Sentant la coupe des bocaux ture Petit (gros- i a Ù p LE ERIN munis de ces fermetures, nous 7 capsule de fer- en éviteront une longue des- - blanc; B, feuille pti À d'étain ; 4 face cription. = deverredépolie; La fermeture Berthoud (fig. D, rondelle en 13) s' loi Het hrs ») s'emploie pour les flacons … tré; E, flacon. de compotes de fruits. Le bou- + chon se compose d’une capsule … en mélal avec un disque de liège s'appliquant sur le goulot du flacon. Pour fermer, on porte le fla- con muni de sa capsule dans une machine à sertir à molette. Le flacon tourne rapidement, en même temps que la capsule est fortement appliquée au vase de verre. On sertit ensuite la capsule mélal- lique au-dessous du goulot. Cette fermeture est très bonne. Elle est recom- mandable pour la confection des conserves de fruils rouges, car il n'y a pas de contact avec le métal et, par suite, il n'y a aucune crainte de bleuissement des sirops. On peut reprocher à ce système le peu de facilité du débouchage. Dans la fermeture Petit (fig. 16), sur le col rodé du flacon vient s'appliquer une capsule de fer-blane garnie à l'intérieur d'une feuille d'étain. Une ron- delleencaout- chouc feutré assure l’étan- chéité. Pour rendre l'ou- verture facile, Fig. 17. — l'ermeture ae Borde (gross. 2? fois). Ja capsule de —A,capsuleenétain: fer porte deux B. rondelle de caout- lletacési ehouc feutré: C,bou- Mollelagesin-. chon à vis en fer- lérieurs avec blanc; D, bocal. Se 2 une partie dé- tachée per- mettant d'enlever, au moyen d'une clef, une bande métallique. La ma- chine à sertir est une machine à quatre molettes tournantes, le flacon restant fixe. En raison du contact de la matière avec l’étain, on ne peut employer cette fermeture pour les conserves de fruits rouges. La principale critique à faire à ce système, c’est qu'il est nécessaire, pour que la fermeture soit bonne, que tous les flacons soient exactement cali- brés à la verrerie. Celte uniformité est difficile à réaliser dans la pratique : aussi y a-t-il souvent des fuites au cours du serlissage ou de la stéri- lisation. La fermeture Borde, ou fermeture pneuma- tique (fig. 17), est un peu compliquée. Il faut ap- porter un assez grand soin pour la réussir. Au centre de la capsule en étain se trouve un petit tube, également en étain, qui sert à l'évacuation de l'air. Quand on juge que celle-ci est suffisante, on pince le petit tube métallique pour l’obturer. Dans ce système, il arrive que les vases de verre ne sont pas toujours bien calibrés, ce qui occasionne des fuites par suite de la mauvaise position du caoutchouc. On ne peut aussi l'employer pour les fruits rouges à cause du contact avec l’étain. Il nécessite également l'emploi d'autoclaves spéciaux. 70% X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES Enfin, la fermeture Philippe (Gg.18) donne de très bons résultats; elle est facile et rapide. Pour la sté- rilisation des flacons bouchés par ce procédé, il est nécessaire d'employer des cages à vis de pression pour maintenir les fermelures pendant l'ébulli- B : 4 Fig. 18. — JFer- VUOn. meture Philippe Nousdonnons, (grossie 2 fois). à —A,capsuleen Pour terminer, étain; Bfilécru; Jes coupes de C, bague en s 4 caoutchoucélas- deux systèmes tique; D, bague en fer-blanc; E, flacon. de fermeture de terrines (fig. 19 et 20) servant à loger les conserves de foie gras quand celles-ci sont destinées à une assezlongue conservation ou qu'el- les doivent ètre exportées. Aucun de ces procédés de fer- meture des flacons de verre n’est parfait, et il reste là un problème intéressant à résoudre. Une solution assez satisfaisante consisterait à trouver NNNNNNNNNNNNRRNNNNNNNNNENNNNR TILLL LILI 22 VLLLLLLL, SIKKKKKKK SNSNSJIQIQE ! Fig. 19. — Fermeture Philippe pour terrines de foie gras (grossie 2 fois). — À, capsule en étain; B, couvercle en poterie vernissée: C, fil écru; D, bague en fer-blanc; E, bague en caoutchouc élastique; F, terrine. un bon procédé de soudure du métal sur le verre. On pourrait alors terminer les vases de verre par un col métallique, el sur celui-ei pour- rait venir s'appliquer un couvercle soudé ou serli, d'une manière analogue à celui des boîtes de métal. $ En résumé, les desiderala de la fabrication des vases destinés à contenir les conserves alimen- taires sont, pour les vases de métal, de trouver un bon vernis intérieur, et de perfectionner le sertis- sage pour qu'il puisse se généraliser et s'appliquer aux conserves à l'huile, et, pour les vases de verre, | de trouver un bon procédé de fermeture. $S 2. — Stérilisation. Les boîtes ou les flacons de conserve étant pré- parés de manière à réaliser les conditions d'étan- chéité indispensables, il faut en stériliser le contenu. | Fig. 20. — Fermeture Weissenthauer, dit bouchage Phénix (grossie 2 fois). — A, couvercle en poterie vernissée; B, rondelle en caoutchouc feutré; C, bague en fer-blanc ; D, terrine; E, capsule en étain. Cette stérilisation s’oblient par un chauffage à une température comprise entre 100 et 120° et pendant un temps qui oscille entre quelques minutes et plusieurs heures. La température et la durée de » stérilisation varient, en effet, dans d’assez grandes limites, suivant la nalure des substances à con- server et suivant la grosseur des boites. Lorsque cela est possible, il vaut mieux adopter une tem- pérature de stérilisation assez élevée, car alors la durée de l'opération peut être réduite dans une grande proportion. La stérilisation à basse tempé- rature à l'inconvénient d'exiger un Lemps très long; elle est, par conséquent, onéreuse. De plus, elle ne permet pas, autant qu'une stérilisation à plus haute température, d'éprouver le métal des boîtes. La stérilisation à température élevée offre tou- jours plus de chance de réussite. On sait, en effet, que les spores de certains ferments peuvent sup- X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 105 porter une température élevée sans être tués; les spores du Bacillus filiformis, par exemple, ne sont tuées qu'à 120°. Les conserves que l’on veut stériliser à la tempé- -ralure de 100° seu- lement sont placées dans un bain-marie à l'air libre. Lors- qu'on stérilise à une tempéralure supé- rieure à 100”, on Be dans un au- toclave. L’autoclave Je plus communé- ment employé a la forme d'un cylindre ertical (fig. 21), dont la hauteur dé- asse peu le dia- “mètre. La ferme- “iuresefaitau moyen d'un couvercle mu- ni de charnières, quis'assujettil rapi- dement au moyen de boulons à oreil- les. Les boites “stériliser sont pla- cées dans un pa- nier métallique de “forme cylindrique ‘qui s'emboile dans ‘autoclave. Le chauffage est obtenu par la va- peur qui circule ans un serpentin à n manomètre indique la pression de la vapeur à l'intérieur de l'appareil; il porte comme gradua- en ébullilion ; on laisse penda vapeur d'eau s'échapper par un [] ñ = LL Fig. 21. — Autoclaves servant à stériliser les conserves (Usine Félix = Potin). — On voit, à gauche, un autoclave ouvert ; le panier métal- lique servant à placer les boites est en partie hissé par le palan. A droite, autoclave fermé. place au fond de l’autoclave. | 23). C'est là le caractère des présentent, au bout de peu de sous une pression de 3 à 4 atmosphères, produite par une chaudière quelconque. L'eau entre bientôt nt quelque temps la robinet placé sur le couvercle de l'auto- clave, de manière à purger complète- ment l'appareil de l'air qu'il contenait. Cette précaution est indispensable pour obtenir à la lecture du manomètre l'in- dication exacte de la température. Quand on juge l'opération termi- on arrêle le chauffage, on laisse tomber ment la pression, puis on ouvre l'au toclave et on enre- ‘tire les conserves. À la sortie l'autoclave, les boi- tes sont bombées par suite de la di- latation de leur con- tenu, mais, par re- froidissement, ce bombage disparait, et les fonds pren- nent, au contraire, une forme légère- ment concave (fig. boites réussies; les née, complète- de boîtes mauvaises, que l'on nomme hoites-fuiles, temps, un bombage plus ou moins ratures d'ébul- bonne flocheuse mauvaise accentué (fig. lition de l'eau 25). Celui-ci est sous pression d l'indice d’un dé- La stérilisa- gagement ga- tion se prati- zeux provenant que d’une ma- d'une fermen- nière très sim- Fig. 22. Fig. 93. Fig. 24. Fig. 95. tation ; la stéri- « ple. Les boites Fig. 22 à 25. — Schémas des déformations d'une boîte de conserve. RU fig. 2 lisalion à élé Dé lconserves Hontre la boite atantia stérilisation, ces roi schqmes 2 AL 6 (ONE NE insuffisante ou sont rangées qu'elle est bonne, flocheuse ou mauvaise. il s'est produit FL. ë _ dans le panier - métallique, et celui-ci, après remplissage, est - hissé au moyen d'un palan et introduit dans l'autoclave, que l'on a partiellement rempli d'eau. - On met le couvercle en place, on l'assujettit, … puis on fait arriver dans le serpentin de la vapeur A une introduction de germes vaises, il y a aussi les boîtes niconvexes; ilscèdentalternat une fuite et d’altération., En dehors des boiles nettement bonnes et mau- nommées f//ocheuses (fig. 24). Les fonds de ces boîtes ne sont ni concaves ivement l’unetl'autre 106 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES sous la pression des doigts. Les boites flocheuses sont, en général, bien stériles, et c’est, la plupart du temps, à la mauvaise qualité du métal de la boite qu'est dû cel accident; le métal manque de résis- tance ou d’élasticilé. Ces boites ne sont pas mar- chandes. Quand on constate leur présence dans une fabrication, il faut s'assurer si la cause n’en est pas une allération. Si la conserve est parfaite- ment saine el si elle est bien stérile, on peut la sté- riliser à nouveau après avoir piqué un fond, fait sorlir l'excès de liquide ou d'air et fermé le trou par une goutte de soudure. Cette opération n'est, bien entendu, légitime, qu'autant qu'on s’estassuré de la parfaite conservation du contenu de la boite. Il ne doit pas, dans une fabrication normale, y avoir plus de 1 °/, de boites-fuites. Quant aux boîtes flocheuses, il ne doit pas, en principe, y en avoir. Dans le mode de stérilisation que nous venons de décrire, on n’élimine pas l'air, comme l'a [indiqué Fastier dans la modification qu'il a fait subir au procédé Appert. L'élimination de l'air se pratique dans certains cas, par exemple pour les conserves de viandes destinées à l’armée et à la marine, pour les conserves de fruits en flacons, etc. Pour les conserves de viandes, le couvercle de la boîle porte en son centre unpelit massif d'étain de forme sphérique,'Z (fig. 26), dont lamoitié est logée dans une dépression obtenue par emboutissage, l’autre moitié faisant saillie sur le plan du couvercle. Au milieu de ce massifest ménagé un petit trou co- nique d'environ 2 millimètres de diamètre moyen. On chauffe les boites en les plongeant presque complètement dans un bain de chlorure de calcium chauffé à 120°. Le contenu des boîtes ne tarde pas à entrer en ébullition et la vapeur sort par le petit ZZ Z NS, C » Fig. 26. — Schéma du mode d'élimination de l'air des con- serves de viande. — B, massif d'étain pur percé d'une ouverture; À, cheville d'étain pur; C, capsule de fer-blanc empêchant le contenu de la conserve de venir boucher l'orifice B. orifice du couvercle. Quand on juge l'élimination suffisante, on obture cet orifice au moyen d'une petite cheville d’étain À (fig.26), qu’on enfonce au marteau; on passe ensuile un fer à souder pour fondre ensemble l'élain de la cheville et celui du petit massif fixé au couvercle. On continue ensuite la stérilisation à 120°. Pour les fruils conservés en flacon, le système Borde permet de faire l'élimination de l'air. Nous avons dit que le couvercle d'étain était muni à son centre d’un petit tube capillaire 0 d'étain (fig. 27). / Les flacons sont ' placés dans un WA III | bain-marie que l’on porte à l'é- bullition, et, [A quand on juge 22 que l’air a été éli- f) miné suffisam- TITI III NTI III ID ment, on serre fortementletube #ig- 21. — Schéma du mode d'élimi nation d'air des flacons de con capillaire pour serves de fruits. — Le schéma Robin 2 supérieur montre le petit tube opLurer, puis d'étain placé sur le couvercle et ser- on continue la vant à la sortie de l'air. Le schéma PR RE inférieur montre le même tube qui, stérilisation. lorsque l'air a été éliminé, a été Voici, à titre aplati pour faire l'obturation. d'indicalion, les conditions de température et de durée de stérili= sation de quelques-unes des principales conserves : TEMPÉRATURE de stérilisation PURÉE Légumes. \ 1150 20 min. Pois (boite de 1 litre). . :. : = - i ou 1120 30 ou 105° 60 2 1150 10 Haricots verts (boîte de 1 litre). . ou 1100 15 ou 105 30 Haricots flageolets (boite de 1 lit.) . 1150 25 Champignons (boîte de 500 CAE 2 1ampignons (boîte de 500 gr.). . en t10e 20 = pre { 41450 30 SatCetOMeles Re Ÿ ou 110 40 Fruits. Boîte ou flacon de verre. . . . . . 1000 30à45 Viandes. Boite de 1 kilo (pour assurer la con- 1150 1h.45 servation pendant un an environ). ou 412 2h. Boite de 1 kilo (pour assurer une plus longue conservation) . . . . 118-1209 A1h.45 ( 102-1050 45 Flacontdevertre mettre i ou 1080 10. On sait que, pour effectuer la stérilisation, om peut, au lieu de faire une seule chauffe à une tem- pérature assez élevée, faire plusieurs chauffes suc= cessives à des températures inférieures à celles nécessaires pour tuer les spores et suffisantes pour tuer les bactéries adultes ou en voie de développe ment; et mettre entre les chauffages des inter: X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 707 valles permettant aux spores de germer sans leur donner le temps de se reproduire. C'est le principe de la méthode de Tyndall, que M. Rosensthiel a appliqué à la préparation des con- serves alimentaires (brevel pris en 1895). Les substances à conserver sont enfermées dans des vases clos. Elles sont stérilisées dans ces vases par des chauffages répétés à des intervalles de 12 à 48 heures. Le nombre des chauffes dépend de la température à laquelle on opère, et celle-ci est adaptée à la substance qui doit être conservée. Entre 70 et 90°, trois ou quatre chauffes suffisent. A 60-709, il faut six chauffes, et à 53-607, il en faut de six à douze. La durée de la chauffe est qu'il ait d'ailleurs été appliqué à une fabrication régulière. IT. — TECHNIQUE SPÉCIALE. Nous avons étudié, dans le précédent chapitre, les conditions générales qu'il faut réaliser pour assurer la conservation en vases fermés. Nous devons dire maintenant quels sont les pro- grès qui ont été faits dans la pratique des industries de la conservation. 1. Léqumes et fruits. — Dans l’industrie des | légumes, un certain nombre d'appareils permettent —— nn Fig. 28, — Machine Navarre de une heure, comptée à partir du moment où l'in- térieur de la masse est arrivé à la température voulue. Le procédé Rosensthiel présente l'avantage de dénaturer beaucoup moins que le procédé ordi- naire les substances alimentaires. On peut repro- cher à ce dernier de cuire parfois d'une manière excessive. La stérilisation à une température infé- -rieure à celle dé la coagulation de l’albumine, appliquée aux viandes, par exemple, laisse à celles-ci un aspect bien plus voisin de celui de la viande fraiche que la stérilisaiion à 120°. Par contre, le procédé Rosensthiel a le grave inconvénient d'être fort long et d’exiger un travail très compliqué, puisqu'il faut faire de trois à douze chauffes à des intervalles déterminés. Il y a là une très grosse difficulté pratique qui risque fort d’em- pêcher ce procédé de se répandre. Je ne crois pas 0 à écosser les pois. d'obtenir un travail plus rapide et plus écono-. mique ; l'écossage mécanique des pois, par exemple, tend à remplacer, dans les installations d'une cer- taine importance, à la main. On peut aussi effectuer mécaniquement certaines opérations pour lesquelles on employait autrefois la main- d'œuvre manuelle ; le découpage des haricots verts, le dénoyautage des fruits, etc. La machine à écosser les pois, M: Navarre (fig. 28), pois à l'heure. Le prix de revient de l’écossage mécanique (y compris la force motrice) est de 5 fr. 50 à 6 francs les 1.000 kilos de pois en cosses (soit 300 kilos de pois écossés) tandis que le prix de revient de l’é- cossage à la main est de 58 à 60 francs, soit dix fois plus élevé L'écossage mécanique a non seulement l’avan- l'écossage construite par écosse environ 750 kilos de 708 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES tage d’être économique, mais aussi celui d'exiger un personnel très restreint. Une machine à écosser 750 kilos à l'heure occupe 2 hommes et 5 femmes. La machine à écosser se compose d’un tambour cylindrique formé d'amatures métalliques en petits fers à T sur lesquels se réunissent des toiles métal- liques perforées. A l’intérieur, monté sur un arbre, sont disposés trois croisillons portant à leur extré- mité des tringles en bois disposées en hélice. Les pois sont amenés dans l'intérieur du cylindre et entrainés par un mouvement de rotation assez rapide. En mème temps, et en sens inverse, tournent les tringles en bois qui, en recontrant les cosses pleines, les forcent à passer entre elles et entre les | importance, car de sa réussite dépendent l'aspect et la qualité du poisson conservé. S'il est insuffisant, la dépense d'huile peut être du double ou triple de ce qu'elle doit être normalement; de plus, le pois- son manque de fermeté, et l'huile des boîtes prend un aspect trouble et boueux. Si, au contraire, le poisson est trop chauffé au séchage, les écailles se lèvent, le poisson crève et jaunit. M. Fouché a construit, pour cette dessiccation, un séchoir méthodique à chariot dans lequel on peut effectuer le séchage avec une grande régularité. On procède ensuite à la cuisson dans l'huile. Celle-ci se faisait autrefois dans de petites bassines chauffées à feu nu. Or, pendant la cuisson, il se LS Ps Fig. 29. — Crible Navarre pour classer les pois verts selon leur grosseur. parois du cylindre perforé. Dans ce mouvement, les cosses se trouvent roulées sur elles-mêmes et s'ou- vrent, laissant libres les grains qui traversent le cylindre métallique, tandis que la cosse continue à ôtre entrainée et est chassée à une extrémité de la machine. Les grains tombent sur une toile écrue maintenue humide, qui les amène dans des augels en bois où ils sont recueillis pour être passés au crible classeur représenté par la figure 29. $ 2. — Poissons. La fabrication des conserves de sardines, dont l'importance est très grande en France, a subi aussi des perfectionnements qui permettent de réaliser, dans de meilleures conditions qu'antérieurement, le séchage et la cuisson. Cette fabrication comprend trois opérations essentielles : le séchage, la cuisson et l'ébullition. La première opération, le séchage, a une grande détache des poissons des débris d’écaille et des fragments de chair qui se réunissent au fond de la bassine et se carbonisent. Aussi l'huile prend-elle D ne À À Fig. 30. — Chaudière à dos d'âne servant à faire frire les sardines destinées à être mises en boîtes. un goût désagréable, et il faut la renouveler assez souvent. M. de Lagillardare a réalisé un perfectionnement important en imaginant la chaudière dite « à dos X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 709 d'âne ». Cette chaudière (fig. 30) est traversée dans loule sa longueur par un bâli S, à la partie supé- rieure duquel se trouve le carneau H, dans lequel circulent les gaz chauds provenant du foyer. La Chaudière AAKK est remplie d'huile. La partie supé- rieure AA, soumise directement à l’action du feu, est portée à une lempérature de 130 à 160°; on y introduit les grils remplis de sardines à cuire. La générateurs multitubulaires. Le chauffage à la vapeur évite les coups de feu; il est done plus régulier et a l'avantage de noircir beaucoup moins l'huile. Parmi les perfectionnements apportés à la fabri- cation des conserves de poissons à l'huile, signa- lons l'appareil emplisseur automatique de MM. Besse et Lubin (fig. 32). Les boites contenant le poisson Fig. 31. — Appareil Besse et Lubin pour emplir automatiquement les boïtes de conserves d'huile. partie inférieure de la chaudière KK n'est pas portée à une température supérieure à 80°; c'est dans cette partie que viennent s'accumuler les déchets, qui ne peuvent se carboniser. On a perfectionné ce procédé de cuisson en adoptant le chauffage à la vapeur. Celui-ci néces- site l'emploi de générateurs à haute pression, car, pour obtenir une température de 180°, il faut de la vapeur à 10 atmosphères. On peut oblenir cette pression d'une manière pratique par l'emploi de sontsoudées, puis placées dans la grande caisse rec- tangulaire de l'appareil dans lequel on à placé au préalable la quantité d'huile nécessaire. On ferme l'appareil, puis on y fait le vide. Comme on a eu soin de ménager dans le couvercle des boîtes un trou de 1 millimètre, le vide se fait dans celles-ci. En faisant ensuite rentrer l’air dans l'appareil, les boîtes se remplissent aussitôt par aspiration. On enlève les boîtes, qui, pour plus de commodité, ont été disposées dans un panier métallique, et on 710 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES ferme l'orifice au moyen d'une goutte de sou- dure. $ 3. — Viandes. La fabrication des conserves de viandes a été perfectionnée par M. Montupet. Voici quel est le procédé ordinairement suivi pour la fabrication des conserves de l’armée. On opère successive- ment : 4° le blanchiment ou cuisson de la viande: 2° la stérilisation en boites. On commence par préparer la viande; pourcela,onretireles morceaux de choix et les parties grasses; on enlève les tendons à la concentration définitive par évaporation dansM le vide. L'autoclave servantàlacuisson est vertical (fig. 32)» La viande est disposée sur lesplateaux perforés d'un grand panier métallique. On chauffe à 415° pendant une heure aumoyen de la vapeur. Onretire la viande cuite, ainsi que le jus qu’elle a produit. On laisse refroidir celui-ci pour le débarrasser de la graisse, puis on le concentre. L'appareil à concen- trer (fig. 33) se com- pose d'un évapora- teur R à double en- veloppe E remplie en partie d’eau, muni à la partie inférieure et les os, et on coupe la viande en mor- ceaux de 500 à 800 grammes. Le blanchiments'o- père en placant la viande dans des pa- niers en tôle perforée que l’on met dans des chaudières à dou- ble fond, chauffées par la vapeur. On met ordinairement dans ces chaudières un poids d’eau sensible- ment égal au poids de la viande à cuire d'un serpentin de va- peur S. Il est sur- monté d'une tubu- lure T, reliée au réfri- gérant F. Ce réfrigé- rant se compose d'un serpentin et d’un ré- cipient P muni d’un tube de niveau NN. Le bouillon à con- centrer est introduit dans le récipient R. On ferme celui-ei et on fait arriver la va- peur par le serpen- tin S. On porte le bouillon à l’ébulli- DL et l’on fait trois opé- tion et on continue rations successives celle-ci jusqu’à ce de cuisson dans le même bouillon; la première opération dure une heure, la | seconde une heure l un quart et la troi- sième une heure et demie. On concentre en- suite ce bouillon. On remplit les boîtes, ‘qui doivent renfermer 800 grammes de viande (celle-ci a perdu par la cuisson de 40 à 45 °/, de son poids) et 200 grammes de bouillon concentré. On stérilise les boîtes à 115-118° pendant une heure un quart au moins. M. Montupet a remplacé fort avantageusement le blanchiment à l’eau et à l'air libre par la cuisson dans la vapeur saturée et en vase clos. Ce mode de cuisson présente l'avantage de don- ner un bouillon déjà très concentré, qu'on amène | (LIT | | NW 2. — Appareil Montupet pour cuire les viandes sous pression. que la vapeur sorte d'une manière inin- terrompue par la tu- bulure E'. On ferme alors celte tubulure E', et on ouvre le robinet G d'entrée d'eau froide dans le réfrigérant. Cette eau condense la vapeur qui existe dans le récipient P et dans le ser- pentin F, et produit un vide plus ou moins grand, qui permet de concentrer le bouillon à une température inférieure à 400°. On extrait l’eau condensée dans le récipient P au moyen d’une pompe. On concentre le bouillon au tiers de son volume ; il pèse alors 5° Baumé à la température de 20°. On remplit ensuite les boites en mettant dans chacune d'elles la quantité voulue de viande et de bouillon; on soude et on stérilise. X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 711 $ 4. — Lait. La conservation du lait présente un grand inté- rêt en raison de la facilité avec laquelle s’altère cet utile aliment. Mais cette conservation est difficile à réaliser dans de bonnes conditions. En effet, quand on soumet le lait à la température de 108 à 110°, nécessaire pour assurer la stérilisation, le lait TN AT DNS CIO RKKKKKK sente presque Lojours les inconvénients que ‘nous avons signalés. Le procédé Kuhn est préférable. Il consiste à opérer la stérilisation dans un grand cylindre) à | l'intérieur duquel est disposé un faisceau tubulaire, Le faisceau tubulaire est argenté extérieurement et le cylindre intérieurement. On remplit le cy- lindre de lait, puis on fait circuler de l’eau chaude Fig. 53. — Appareil Montupet pour concentrer le bouillon dans le vide. jaunit ou brunit légèrement et il prend un goût de | dans le faisceau tubulaire. Le lait se dilate et fait cuit; il perd donc les qualités qui le rendent appé- tissant, sa belle couleur blanche etson goût naturel. On prépare dans l'industrie des laits stérilisés et des laits concentrés sucrés ou non sucrés en boîtes métalliques. Les laits stérilisés se préparent le plus générale- ment en bouteilles munies d’une fermeture hermé- tique, et la stérilisalion s'opère directement sur le lait en bouteille. Dans ces conditions, le lait pré- pression sur lui-même. On laisse s'écouler une | petite quantité de lait, de manière à obtenir une pression de 3 à 4 almosphères à une température de 108-110°. Dès que la stérilisation est obtenue, on cesse de faire arriver de l'eau chaude et on remplace celle-ci par de l'eau froide, de manière à ramener le lait le plus rapidement possible à la température ordinaire. On soutire alors aseptique- ment le lait dans des bouteilles, bidons, etc. O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE La fabrication du lait concentré se pratique sur une grande échelle en Suisse et aux États-Uunis. On en prépare aussi en Suède et en Norvège. En France, celte fabrication na pas pris encore uve grande extension, et cependant nous sommes placés à ce point de vue dans une situation très favorable. C'est la pré- paration du lait concentré additionné de sucre qui est de beaucoup la plus importante. On cherche à développer la fabrication du lait concentré non sucré, qui se rapproche beaucoup plus du lait naturel que le lait est additionné de 12 à 13 °/, de sucre. On con- centre ensuite dans de grands appareils à vide analogues aux cuiseurs de sucrerie; l'ébullilion a lieu vers 50° (fig. 34). Lan concentration est terminée quand lan densité est de 1,300. Il faut atteindre celte densité pour que le lait ait la con- sistance mielleuse exigée, et il ne faut, pas la dépasser pour éviter la cristal-. lisation du lactose. On fait refroidir, puis on met en boîtes. 100 litres de lait donnent 10 boîtes d'une lait concentré sucré, mais, livre anglaise outre que la fabrication du fe (450 grammes), lait concentré non sucré est à ce qui corres- plus difficile, ce lait ne reste pond à un rende- pas aussi homogène que le ment de 31,5 °/, lait concentré sucré, qui à en poids. une consislance visqueuse Lo AA A ELA Quelle que soit la nature Dans un pro- du lait concentré NC chain article, qu'on se propose K nous examine-… de préparer, il rons le dévelop- est nécessaire de pement pris par partir d'un lait _ HE l'industrie dont très sain, frais, = : = nous venons d’é» résistant bien à CS À ludier la Lech- la coagulation. FSorremas Se nique, Mets Aussi est-il de Fig. 34. — Appareil pour concentrer le lait dans le vide. essaierons aussi toute nécessité d'indiquer l'im- d'en faire l'essai préalable. Il faut aussi y doser le beurre, car les laits riches en beurre se pré- tent mal au travail de la concentration; dans le vas de laits riches, on écrème partiellement. Le porlance des problèmes d'Hygiène qui s'y rat- lachent. X. Rocques, Ingénieur-Chimiste; Ancien Chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. REVUE ANNUELLE D’ASTRONOMIE L'année 1900 a vu beaucoup de Congrès; il n'y a pas eu de Congrès astronomique proprement dit. Comme dédommagement, nous avons eu une ma- gnifique réunion pour la Physique, sous la prési- dence de M. Cornu. M. Ch.-Ed. Guillaume et M. Lucien Poincaré ont déjà publié les Rapports pré- sentés au Congrès : ces Rapports occupent trois volumes. MM. Guillaume et Poincaré! ont donné ici même une idée des questions qui y ont été trai- lées, en particulier de ce qui pouvait présenter un ! Cu. En. GuirLaume et L. Poixcaré : Le prochain Congrès international de Physique, dans la Revue du 30 mai 1900, t. XI, p. 669 et suiv. intérêt spécial pour l’Astronomie et la Physique générale. La Conférence astronomique internalionale de la Carte du Ciel, qui s'est tenue à Paris, à l'Observa- toire, sous la présidence de M. Læwy, a emprunté aux circonstances une importance parliculière. En dehors des mesures à prendre pour assurer le suc- cès de la Carte du Ciel, le grand problème de la détermination de la distance de la Terre au Soleil ou, comme on dit, de la parallaxe solaire, au moyen des observations d'Eros, a sollicité l'attention de la Conférence. M. Lœwy a cerlainement beaucoup TE 0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE contribué, par son activité scientifique, à la réus- site d'une belle entreprise astronomique, sur laquelle nous reviendrons tout à l'heure. Je voudrais faire remarquer, en passant, à pro- pos de la Carte du Ciel, fruit de l'initiative de l'amiral Mouchez, combien l’idée de coopération a fait de progrès parmi les astronomes depuis une quinzaine d'années. A l'origine, les meilleurs esprits concevaient quelques doutes sur la réalisa- “tion du projet de l'amiral ; aujourd'hui, nous voyons avec quel empressement se produit le concert “ désiré. La science est dès lors en mesure d'attaquer _ des problèmes qu'on aurait jadis qualifiés de chi- -mériques. C'est ainsi que M. J.-C. Kapteyn, de Gro- “ningue, dont le nom fait autorité, juge possible “ d'aborder aujourd'hui la détermination des paral- $ laxes des 800.000 étoiles inférieures à la dixième “ grandeur, avec une erreur probable de 0",025. Il “estime qu'une telle entreprise ne demanderait pas - plus de temps et d'efforts que la Carte du Ciel et * nous fournirait des matériaux suffisants pour l'étude des parties de l'Univers stellaire les plus voisines - de notre système. C'est aussi aux efforts réunis du « D' Kapteyn et de sir David Gill, directeur de l'Obser- vatoire du Cap de Bonne-Espérance, que nous devons ce que les astronomes appellent la Zurch- musterung photographique du Cap, catalogue des - positions approchées des étoiles du ciel austral, indispensable à tout astronome observateur de l’autre hémisphère. À peine les astronomes avaient-ils fini que les membres du Congrès de Chronométrie prenaient possession de la grande salle de l'Observatoire. Le Congrès s’est tenu du 28 juillet au 4 août, sous la » présidence de M. Caspari, l’un de nos vice-prési- - dents. Les procès-verbaux sommaires font désirer - une publication in exlenso dans un délai rappro- ché. Plusieurs des communications, une en parti- culier de M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’ensemble des propriétés des aciers-nickels susceptibles de trouver - des emplois importants en horlogerie, offrent le plus grand intérêt. Une place à part doit être faite à la treizième - Conférence de l'Association géodésique inlernatio- nalé, qui s'est tenue à Paris du 5 septembre au 6 octobre, sous la présidence de M. Faye. Il faut lire dans l'Annuaire du Bureau des Longitudes la note que lui a consacrée M. Bouquet de la Grye !. . L’Associalion, d'européenne qu’elle était d'abord, est devenue universelle ou mondiale, pour employer une nouvelle expression, par l'adhésion des États- Unis, du Mexique, du Japon et en dernier lieu de l'Angleterre. L'Association comprend aujourd'hui Lun Le 1 Voyez aussi G. Perrier : La treizième Conférence géné- rale de l'Association géodésique interoationale, dans la Revue des 15 et 30 novembre 1900, 113 21 Étals; il ne reste en dehors d'elle que la Chine, avec la Corée et le royaume de Siam, puis les Répu- bliques de l'Amérique Centrale et du Sud. Je ne puis qu'énumérer en passant quelques-unes des questions abordées au cours de séances qui ont laissé dans l'esprit de tous uu souvenir ineffaçable : la haute situation des délégués, l'élévation de leur langage empreint d'une sincère cordialité, les grands intérêls en jeu, tout cela faisait penser à ces congrès fameux où sont débaltues les destinées des empires Sir David Gill, directeur de l'Observatoire du Cap, est venu présenter un projet de mesure d'un arc de méridien parlant de l'extrémité sud de l'Afrique el aboutissant à Alexandrie. La différence en latitude est de 66°, el rien ne s'opposera ensuite au prolon- gement du réseau à travers l'Asie Mineure, pour aboutir en Russie, au 66° degré de latitude nord. IL à été parlé par M. Backlund, directeur de l'Observatoire Central Russe, d’une autre grande entreprise qui se poursuit dans les glaces du Spitz- berg, et qui met à une rude épreuve l'énergie et la persévérance des savants russes el suédois. Malgré les dangers et les difficultés de toutes sortes, le dévouement des observateurs va permettre de réa- liser la mesure d'un are de méridien d'une longueur supérieure à celle de l'arc de Laponie, dû jadis à des Savan({s français qui s'appellent Maupertuis et Clai- raut. Dans la première séance, M. Leygues, minisire de l'Instruclion publique, qui la présidait, assisté de ses collègues de la Guerre et des Travaux publics, avait, dans un éloquent discours, en sou- haitant la bienvenue aux délégués, annoncé la vo- lonté du Gouvernement français de procéder à une nouvelle étude de l'arc du Pérou, opération deman- dée depuis dix ans par l'Association. Le général Bassot, qui aura la haute direc- de cette grande opération, nous a montré com-. bien la renommée scientifique de la France était intéressée à cette nouvelle mesure de l'arc du Pérou ou de Quito, avec quelles difficultés de toutes sortes on aurait à lutter, difficultés de nature à paralyser les efforts de savants qui ne seraient pas en même temps doués de qualités exceptionnelles d'énergie et d'endurance. L'entre- prise se poursuivra par les soins du Service Géogra- phique de l'Armée, sous les auspices de l'Académie des Sciences, et, pour commencer, celui de ses membres qui possède la plus haute autorité scien- tifique, je veux dire M. H. Poincaré, a recu la mis- sion de rapporteur. Sans perdre de temps, M. Poin- caré s’est attaqué aux questions à l’ordre du jour de la haute géodésie : les perturbations de la gra- vité et les dévialions de la verticale. La Æevue a publié in extenso, dans son numéro du 15 août 714 O0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE dernier, son Rapport à l'Académie des Sciences !. Cet arc de Quito, à la mesure duquel nosofficiers vont se consacrer, sous la direction du comman- dant Bourgeois, chef de la Section géodésique ?, peut être considéré comme un chaînon d’un réseau qui, partant de l'Océan Arctique, s'étendrait jus- qu'au cap Horn, embrassant un arc de méridien de 120°. Au Nord, les ingénieurs du Coast Survey viennent d'achever de grands travaux; il y a peu de semaines élaient publiés les résultats définitifs concernant deux arcs d’une étendue inusitée : un arc de parallèle, par 39° de latitude, qui s'étend de la côte orientale de l'Atlantique jusqu’au Pacifique, avec une amplitude de 49° et un développement de plus de 4.000 kilomètres; un second arc qui raltache le golfe du Mexique au Canada. Ils laissent aux Canadiens le soin de prolonger le réseau plus au Nord. Le Mexique, de son côté, poursuit, sous la direction d’un Institut géographique, des travaux de même nature. Il serait à désirer que les gouver- nements de l'Amérique du Sud se rattachent officiel- lement à l'Associalion géodésique. Dans celte énumération rapide des grands tra- vaux géodésiques de notre époque, ne saurait être omise l’œuvre, tout récemment achevée, de l'un des vétérans de la Science, M. Oudemans : la triän- gulation de l’île de Java, poursuivie pendant de longues années, en tenant compte des exigences scientifiques de l’ordre le plus élevé. Bien des questions d'ordre plus spécial ont retenu l'attention du Congrès. Nous citerons la variation des latitudes traitée dans le Rapport de M. Albrecht, des communications de M. Cornu sur un appareil appelé par lui nadirozénithal, et de M. Ch.-Ed. Guillaume sur l’utilisation des alliages d'acier et de nickel en Géodésie, le Rapport du D' Helmert, directeur du Bureau central de l’Asso- ciation, sur l’intensilé de la pesanteur ; enfin, les questions qui se rattachent aux marées et au nivel- lement de précision ont été traitées par M. G.-H. Darwin, l'un des fils du grand naturaliste, délégué de l'Angleterre, et par M. Lallemand, qui a été chargé de faire, pour la prochaine Conférence, un exposé général des recherches concernant les opérations de nivellement. IT M. Lœwy à eu la bonne idée de profiter de la présence à Paris des astronomes réunis à l’occasion de la Carte du Ciel, pour élaborer et fixer le pro- gramme des observations d'Eros, pendant l’oppo- silion très favorable qui vient d'avoir lieu. I s'agis- ! Voir la Æevue du 15 août 1900, t. XI, p. 925 et suiv. * Voir, pour plus de détails, la Revue du 30 mars 1901, t. XII, p 249. sait d'obtenir une détermination de la parallaxe solaire d'une précision exceptionnelle, au moyen des mesures micrométriques ou photographiques de la planète, prises soit le matin et le soir dans un même observatoire, soit dans des observatoires appartenant aux deux hémisphères, à des latitudes irès différentes. Le programme comprenait, en outre, la détermination des positions d'un nombre assez considérable d'étoiles de comparaison. Pour faciliter la coopération de la trentaine d’ob- servatoires qui avaient promis leur concours, M. Lœwy à publié, au nom d'un Comité spécial, une série de circulaires, contenant soit des rensei- gnements utiles aux observateurs, soit des com-" munications provisoires de ceux-ci concernant leurs mesures. On y voit que M. Hermann Struve, à Kœnigsberg, digne héritier d'un nom illustre, par une seule mesure complète, en suivant la méthode de la parallaxe diurne, obtient la parallaxe solaire avec une incertitude moindre que 0",03. MM. Henry ont, d'autre part, fait des recherches sur la préci- sion qu'on peut attendre des mesures des épreuves photographiques : l’incertitude semble du même ordre que pour les mesures directes de M. Struve:; elle paraît devoir augmenter notablement pour les étoiles de comparaison d'éclat très faible. Le résultat final, je veux dire une détermination de la parallaxe solaire plus précise et plus sûre que celle que nous possédons aujourd'hui, ne sera, je serais disposé à le penser, que le moindre bénéfice de l'entreprise. Il résultera, sans doute, de la comparaison de tous les résullats obtenus par les différents procédés une série d'indications pré- cieuses de nature à assurer un progrès marqué des méthodes d'observation, tant visuelles que photo- graphiques. Mais la tâche de discuter loutes les observations sera fort lourde; elle nécessitera une forte dépense et exigera beaucoup de temps. M. Læwy n'a pas craint, au nom du Comité international, d'en réclamer la responsabilité. Eros nous ménageait encore des surprises : sa variation d'éclat, qui avait plus où moins frappé les observateurs dès le début, a été mise ensuite hors de doute, el ce qu'on appelle la courbe lumineuse est connu d'une manière assez approchée. Des estimations de MM. J. Guillaume, Le Cadet et Luizet. à l'Observatoire de Lyon; Montangerand et Ros- sard, à Toulouse; Deichmuller, à Bonn...., aux- quelles il faut ajouter, entre autres, une belle série due à M. Hartwig, à Bamberg, et comprenant un très long intervalle, il résulte une durée de la période voisine de 2h. 38 m. 25 s., avec une ampli- tude atteignant une grandeur. M. André, directeur de l'Observatoire de Lyon, a indiqué qu'Eros peut être regardée comme une planète double qui doit DST LT D ER LS RE sr + L 0. CALLANDREAU — REVUE ANNUELLE D'ASTRONOMIE 71 26 Ja plus grande partie de sa variation lumineuse actuelle aux éclipses réciproques de ses deux com- posantes. Cette explication a paru peu probable à quelques-uns; cependant, le savant le plus autorisé dans la matière, M. E.-C. Pickering, ne “rejette point les idées de M. André, Tout n'est pas encore élucidé dans cette question, qui touche de près, on le conçoit, à la Cosmogonie. Je puis citer cette année comme s'étant livrés, “i l'égard des petites planèles, à des recherches “statistiques intéressant la Cosmogonie, M. de “reycinet, le colonel du Ligondès et M. Jean | Mascurt. A coup sûr, la séance de l’Académie où illustre homme d'Etat exposa à ses confrères les conclusions d'une étude qui complétait les indica- “tions de-:Laplace, fut remarquée; les journaux en _parlèrent. Il paraît par là qu'un philosophe ne peut S'en tenir au terre à terre des questions de détail et des notions susceptibles d’une vérification “nathématique immédiate; il lui faut s'élever plus haut, au risque de perdre contact avec les faits expérience. Cependant, j'ai entendu M. Bertrand, lillustre secrétaire perpétuel dont nous déplorons perte, déclarer qu'il faisait bon marché de la célèbre note finale de l'Exposition du système du onde de Laplace. Les tendances actuelles, ce goût qui nous a pris pour le fait d'expérience, je dirais pour les possibilités dont le lien logique nous chappe, et, par une suite naturelle, l'espèce de dis- “erédit où est tombé ce qu'on appelait la théorie pure, tout cela paraissait à M. Bertrand le signe de dispositions fâcheuses de la part des écoles d’au- jourd'hui. Quoi qu'il en soit, les astronomes sen- ent, depuis une vingtaine d’années, s'ouvrir, gràce “àla plaque photographique et au spectroscope, une ère nouvelle pour l'astronomie sidérale. M. Ch. ndré a été très heureusement inspiré en compo- sant un traité destiné à initier le lecteur français iux plus récentes conquêtes de la science. III L'étoile de Tycho-Brahé, parue en 1572 dans Cassiopée, plus brillante que Jupiter, et visible pendant seize mois à l'œil nu; l'étoile de Képler, dans Ophinchus, en 1604, à peu près aussi brillante “que celle de Tycho et visible pendant deux ans, …. sont les manifestations les plus connues de cette - curieuse classe de corps célestes, qu'on appelle étoiles nouvelles ou Noræ. … C'est à l’occasion de la neuvième découverte de ce genre, pour T Couronne Boréale, aperçue en 1866 par l’astronome amateur Birmingham, que l’on commenca, grâce aux indications fournies par le spectroscope, entre les mains du D’ Huggins, à obtenir des renseignements précis. T Couronne, avant et après l'illumination subite qui en fit pen- dant quelques jours une étoile de deuxième gran- deur, était une des étoiles anonymes des zones d'Argelander. Son spectre, soigneusement éludié par Huggins, accusait fortement les raies brillantes de l'hydrogène, comme s’il s'agissait d’un soleil tel que le nôtre, avec, sur toute sa surface, des explosions ou protubérances d'hydrogène incan- descent. La Nova, découverte ensuite par Schmidt, à Athènes, en 1876, a une histoire analogue. Son spectre a été étudié par notre collège M. Cornu, puis par M. Vogel, de Potsdam, avec ce résultat que le spectre, qui présentait l’apparence de deux spectres superposés, l’un continu, l’autre formé de raies brillantes, se rapprocha de plus en plus, après la période du maximum, de celui des nébu- jeuses. Nous voyons par là un mode de transition entre deux classes de corps, qui paraissent d'abord irréductibles l’une à l’autre. A partir de 1893, la photographie est venue en aide à l’observation directe, et les découvertes se sont multipliées. Il est hors de doute que les Nova ne se montreraient pas trop rares si l’on pouvait suivre de près toutes les petites étoiles faibles; et ilest aisé de pressentir l'importance, à ce point de vue, de la photographie continue de l’ensemble du ciel, à intervalles aussi rapprochés que possible, telle qu’elle a été organisée, pour les deux hémi- sphères, par l’éminent directeur de l'Observatoire de Cambridge (États-Unis), M. E.-C. Pickering. Je dois entrer dans quelques détails en parlant de la dernière découverte due au D' Anderson, d'Edimbourg, qui a signalé le 21 février 1901, au commencement de la soirée, la Nova de Persée et a estimé sa grandeur de 2",7 environ. Dans une circulaire (n° 56), issue de l’'Observa- toire du Collège Harvard, M.E.-C. Pickering résume ce que les plaques du Service de photographie con- tinue du Ciel nous indiquent pour la période anté- rieure au 22 février. Il se trouve que des plaques de la région de la Nova ont été prises les 2, 6,8, 18 et 19 février. Aucune étoile de onzième grandeur n'élait visible à la place en question. Les plaques prises àla lunette Bache, de8 pouces, les 6 et 8 novembre et le 12 décembre 1887, n'in- diquent rien. Aucune trace du même objet ne se rencontre sur une plaque prise avec la lunette Bruce de 24 pouces, le 18 octobre 1894, tandis que les étoiles de 12,5 sont bien visibles. Il parait donc qu'à la date du 19 février 1901 et antérieurement, l'étoile était invisible, ou du moins plus faible que la 11° grandeur Le 21 février, sa grandeur était 27,7, d'après M. Anderson. Le 22 fé- vrier, elle était de 0",5, et, après avoir augmenté sans doute un peu d'éclat le 23, elle diminuait et 716 0. CALLANDREAU — REVUE 25 tombait le 25 février à 12,1. Son spectre, les 2 et 23 février, élait du type d'Orion, à peu près con- tinu, traversé par de fines raies sombres. Dans les vingt-quatre heures qui ont suivi, un changement extraordinaire se manifesta, de sorte que le 24 fe- vrier, le spectre ressemblait à celui des autres Nov&. Il était traversé par des bandes brillantes et sombres, et les principales raies sombres étaient accompagnées de raies brillantes du côté le moins réfrangible. Sur les huit Novæ qu’on a vues depuis quatorze ans, M. Anderson a découvert les deux plus bril- lantes, celle du Cocher, en 1892, et celle dont :] s'agit aujourd'hui; toutes les autres proviennent de l'examen, fait par M®° Fleming, des photogra- .phies du Draper Memorial. Pour la Nova de l’Aigle, en 1899, la photographie continue du ciel a aussi permis de reconstituer son passé. On n'a pu la voir sur des plaques prises le 1% novembre 1898 et auparavant, là où des 13% élaient visibles. Le 24 avril 1899, elle était de On la note sur 18 pholographies prises pendant l'été, et le 27 octobre 1899, elle était de 10%. En juillet 1900, quand on la découvrit, elle était comparable à une étoile de 12". Les raies brillantes HS, He, Hô, Hy, 4693, HB et la raie des né- buleuses 5007 se montrèrent dans le spectre pho- tographié le 3 juillet 1899. Finalement, les raies se réduisaient, le 27 octobre 1899, à Hy et à 5007, de sorte que le spectre était devenu celui d'une nébuleuse gazeuse. Il est malaisé de préciser les idées que les astro- nomes se font de ces phénomènes. Il peut y avoir — c'élait sans doute le cas pour la Nova du Cocher, — des protubérances ou explosions gigantesques sur un Corps unique, avec un caractère de persis- tance plus ou moins marqué, dont le Soleil a offert parfois des exemples; mais aussi, à en juger par les indications dues à l'emploi du principe de Doppler-Fizeau, il pourrait y avoir plus d’un corps. M. Vogel (Astronomische Nachrichten, n° 3693) assigne une vitesse d'environ 700 kilomètres par seconde à l’ensemble des raies du spectre autres que les deux H et K du calcium auxquelles corres- pondrait une vitesse beaucoup plus faible : il y aurait donc au moins deux corps; c'est aussi l'opinion de M. Deslandres dans ses premières notes des Comples rendus. M. George E. Hale, dans 7e ANNUELLE D'ASTRONOMIE le Bulletin n° 16 de l'Observatoire Yerkes, insiste sur l’analogie avec la Nova du Cocher. Les éloiles nouvelles appartenant pour les trois quarts à la Voie lactée, là où la densité stellaire est plus forte, la supposition de collisions de masses cosmiques animées de vilesses différentess est toute indiquée. Toutefois, les vitesses énormes qu'il faudrait attribuer aux corps en mouvement, comparables à un miilier de kilomètres par se conde, d'après l'intervalle des raies, paraissent excessives. Il est vrai que la variation de longueur d'onde peut résulter, d'après les expériences de Humphreys et Mühler (1896), d'une forte pression. M. Wilsing, en faisant éclater l’étincelle disruptive dans un liquide entre des électrodes métalliques ou des électrodes de charbon, a constaté ques l'aspect caractéristique des spectres des étoiles nouvelles : raies doubles, composées d'une raie brillante déplacée vers le rouge, et d'une raie noire déplacée vers le violet, peut s'expliquer pars l'influence de pressions anormales, développées. subitement dans l'atmosphère d'un corps céleste à noyau incandescent, aussi bien que par les phé-" nomènes que provoquerait le conflit de deux corps. Rien n'empêche d'ailleurs de faire intervenir les deux causes à la fois. En résumé, la Nouvelle découverte par les D' Anderson à commencé par ressembler à la Nouvelle du Cocher; peu après s'est accusé le spectre caractéristique des raies doubles. Dans la dernière période, l'éclat de la Nouvelle a diminué. lentement, non pas d'une manière continue, mais. en subissant des variations périodiques assez régulières, el son speclre, malheureusement diffi- cile à observer, a offert, comme dans plusieurs cas antérieurs, les particularités des spectres des né- buleuses, état vers lequel tendent, pourrait-on croire, les Nouvelles. 500 Avec le temps seront précisées les indications précédentes; l'étude des détails de l'univers sidéralm ne fait que de commencer !. 0. Callandreau, Membre de l'Institut. Astronome à l'Observatoire de Paris. 1 Cet article reproduit avec quelque développement une conférence de l'auteur récemment donnée à la réunion annuelle de la Société Astronomique de France. C BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques —…_Buhl (A). — Sur les équations différentielles si- _. multanées et la forme aux dérivées partielles adjointe. (Thèse de Ja Faculté des Sciences de Paris). — 1 broch. in-8°. (Naud, éditeur. Paris, 1904.) Tous les mathématiciens connaissent le théorème de “ Poisson que Jacobi a qualifié de théorème prodigieux et sans exemple. Ce théorème, qui a fait l'objet de nombreux travaux, donne une troisième intégrale d'un système spécial d'équations différentielles appelé sys- “ème canonique, dès qu'on connaît deux intégrales de te système. É — M. Buhl s'est proposé de découvrir pour un système quelconque d'équations simultanées, non canonique, un théorème général analogue à celui de Poisson. Le fait qu'il doit exister un théorème de ce genre résulte de ce qu'un système quelconque d'équations différentielles —… peut toujours, comme l’a montré M. Kænigs, être réduit «à la forme canonique. Mais celte réduction entrainant des calculs souvent très longs quand on ne veut pas, comme l'avait fait Liouville, introduire des variables parasites, il est évidemment du plus haut intérêt de posséder un théorème immédiatement applicable à “ des équations de forme quelconque. M. Bubhl est arrivé à énoncer ce théorème général sous une forme des plus simples. Etant donné un sys- … 1ème d'équations différentielles __dXn RENNES C' K, dx, dx (1) x, Xe — M. Buhl associe aux fonctions X,, X,, .…., X, d'autres fonctions Y,, Y,, …, Y, dites adjointes, qui possèdent “la propriété suivante : Si F est une intégrale du sys- …tèrnce (1), l'expression | Cr . dF UE + Y, +... Yn ACLE dXu k “ # en est une autre; inversement à tout système (4) qu'on sait intégrer, correspondent une infinité d'autres Sys- “ièmes admettant X,, X,, .…, Xn pour fonctions ad- jointes. M. Buhl, après avoir établi les propositions fonda- - mentales, en discute l'application et en indique des exemples. Il fait voir sommairement comment cette —…._ étude se rattache à la théorie des groupes de Lie et … réseve le développement de cette idée pour un autre _ Mémoire. - Letravail de M. Bubl fait faire un progrès à lathéorie des équations différentielles ordinaires : il constitue … un pas en avant dans un domaine exploré par Poisson, _ par Jacobi, par Joseph Bertrand, par Sophus Lie; il … paraît appelé à rendre des services dans l'intégration des équations de la Mécanique céleste. M. Buhl a communiqué son théorème à l'Académie des Sciences en février 1901 ; il est juste d'ajouter que le même théorème se trouve dans un intéressant tra- vail de M. de Donder, qui a été publié peu après la Note de M. Buhl, dans les Rendi Conti del Circolo Mathematico di Palermo, en 1901. P. APPELL, Membre de l'Institut. D'a iesten ([.). — Annuaire astronomique de l’Ob- servatoire royal de Belgique, pour 1901. — 1 vol. in-16 de 246 pages, avec planches et un Supplément formant À vol. in-16 de 200 pages avce planches. (Prix : 3 fr.) Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901, HEVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Holzmüller (G.), Directeur de l'Ecole royale de Mé- canique de Hagen. — Die Ingenieur-Mathematik in elementarer Behandlung T. Il : Das Potential und seine Anwendung. — 1 vol. in-8° de 440 pages avec figures. (Prix : 7 fr. 50.) B. G. Teubner, édi- teur, Leipzig, 1901. Ce livre, qui répond bien à son but, est divisé en 16 chapitres : I. La loi d'attraction newlonienne. — II. La courbe se l : ; de la gravitation y — — et la notion de potentiel. — IT. Attraction d'une couche sphérique homogène, d'ure sphère pleine et d’une sphère creuse. — IV. Les tubes de force les plus simples, et les surfaces de niveau; di- vision cellulaire de l'espace et ses applications phy- siques. — V. Les problèmes relatifs à plusieurs points. — VI. Les équations de Laplace et de Poisson et leur signification physique. — VIT. La méthode des images ; de la symétrie et de l’inversion dans l'espace. — VII. Distributions superficielles et distributions en volume, centrées. — IX. Etude indépendante des problèmes à deux dimensions, et du potentiel logarithmique. — X. Les problèmes plans relatifs à plusieurs points ou à des lignes. — XI. Considérations physiques sur le courant galvanique et son potentiel. — XIT. Magnétisme. — XIII. Actions électromagnétiques et électrodynamiques des courants galvaniques, — XIV. Analogies hydrodynami- ques : a. Généralités ; ». Mouvements tourbillonnaires ; e. Marche des eaux souterraines d’après le professeur Forchheimer. — XV. Compléments sur la gravitation etl'électrostatique. Ellipsoïdes.— XVI. Unités et dimen- sions. Ce que la table des matières n'indique pas suffisam- ment, c'est le nombre et la variété des problèmes traités, et la valeur instructive qu'ils tirent de la sim- plicité des méthodes et de l'emploi systématique de figures (au nombre de 240) construites à l'échelle avec soin. À cet égard, les chapitres 1x, x sont particulière- ment riches. MARCEL BRILLOUIN, Professeur de Physique générale et mathématique au Collège de France. 2° Sciences physiques Franche (Ch.). — Manuel pratique du fabricant de vinaigre (Préface de M. Tricrar, Directeur du Ser- - vice d'analyses et de Chimie appliquée à l'Institut Pasteur). — 4 vol. in-8° de 281 pages avec 29 fiqures dans le texte. (Prix : 4 fr. 50.) Bernard Tignol, édi- teur. Paris, 1901. L'industrie du vinaigre est, parmi les industries ali- mentaires, une de celles dont les bases scientifiques sont les mieux établies. Depuis que Pasteur en a posé les fondements, l'étude chimique et bivlogique du phé- nomène de l’acétification a été faite avec soin. M. Franche s’est efforcé de les résumer clairement dans la première partie de son livre; je souhaite que tous les vinaigriers la lisent, car leur ignorance des notions scientifiques est souvent la cause de leurs insuc- cès de fabrication. Après avoir exposé ces notions scientifiques géné- rales, l’auteur aborde la fabrication du vinaigre. C'est naturellement la partie la plus développée du Jivre, les procédés et les appareils servant à l’acétification étant nombreux. Il ne s’agit d’ailleurs ici que de la prépara- tion du vinaigre par l’acétification du vin ou des liquides alcooliques au moyen des ferinents acéliques. L'acéti- fication obtenue chimiquement, au moyen de la mousse de platine, par exemple, n'est pas du domaine pratique 15#* 718 et la iabrication de l'acide acétique par la distillation du bois est une industrie différente, dans la description de laquelle M. Franche n'est pas entré. Si nombreux que soient les appareils servant à acéti- fier le vin, on peut les classer de la manière suivante : en premier lieu la méthode dite « d'Orléans » dans laquelle l’acétification est obtenue en fûts, les bactéries agissant seulement à la surface du liquide contenu dans ceux-ci. Ce procédé a l'inconvénient d’être lent, d'exiger une assez grande main-d'œuvre; il est par conséquent, assez coûteux. On ne peut produire que 40 litres de vinaigre par fût et par mois, et le prix de revient de l'opération est de 2 fr. 50 à 3 fr. 50 par hec- tolitre. Par contre le vinaigre obtenu par cette acéti- fication lente a un bouquet agréable et recherché. Cela explique pourquoi, actuellement encore, le vinaigre pur vin est fabriqué presque complètement par le procédé d'Orléans. Les procédés dits « rapides » n'ont, en effet, été adoptés dans l'industrie que pour produire des vi- naigres d'alcool. Le procédé d'Orléans, tel qu'on l'appli- que, ne permet pas d'acétifier les dilutions d'alcool contenant moins de 25 °/, de vin. Si l’on descend au- dessous de cetle proportion, il faut ajouter des phos- phates et des albuminoïdes pour que les bactéries acé- tiques trouvent dans le liquide des aliments en quan- tité suffisante, Il faut dire aussi que le vin ne se prête pas à l’acé- tification par les procédés rapides à cause des dépôts de tartre et de colorants qui encrassent rapidement les copeaux ou les corps servant à opérer la division du liquide. Le procédé d'Orléans a reçu de M. Claudon des per- fectionnements importants, et cet inventeur a construit un appareil rationnel d’acétification à grande surface, en se basant sur les conclusions des travaux de Pas- teur. On peut abaisser ainsi à 0 fr. 80 le prix de l’acé- tification par hectolitre. A côté du procédé d'Orléans, caractérisé par sa len- teur, mais par la qualité du vinaigre qu'il permet d'obtenir, il faut classer les procédés dits « rapides ». Ceux-ci se distinguent par l'accroissement considé- rable de la surface acétifiante et le caractère de conti- nuité de l'opération. On connait le principe de l'appareil allemand, ou essighilder. C'est un grand cylindre de bois rempli de copeaux, dans lequel le liquide alcoolique à acétifier arrive à la partie supérieure pendant que l'air arrive à la partie inférieure. Les avantages du procédé allemand sont incontes- tables; cependant, l'appareil tel qu'il a été conçu dans sa forme primitive présente des inconvénients dont le principal est un excès de circulation d’air, qui donne lieu à une évaporation excessive, et, par conséquent, à des pertes. Knapp a fait une étude très soignée des conditions de fonctionnement de l’essigbilder et il a indiqué les con- ditions dans lesquelles il faut se placer pour éviter les inconvénients du procédé. L'appareil qu'il a conçu, ainsi que l'appareil Barbe, qui est utilisé dans plusieurs fabriques francaises, réalisent un grand progrès dans la fabrication du vinaigre d'alcool. A côté des appareils du type allemand, il faut placer les appareils du type dit « hollandais ». L'acétification y est également obtenue sur une grande surface de copeaux, mais ceux-ci au lieu d'être placés dans un appareil fixe, garnissent des tonneaux qui sont animés d'un mouvement de rotation. Le procédé Agobet, dit procédé d'Orléans rapide, est basé sur ce principe et permet d'obtenir en dix jours l’acétification complète du liquide, alcoolique traité. Enfin, nous signalerons les appareils à plateaux qui sont des appareils continus, mais dont l'usage ne paraît pas s'être répandu dans l'industrie. Après avoir ainsi traité d'une manière très complète la partie industrielle, M. Franche étudie le vinaigre au point de vue chimique et fait la critique des méthodes BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX d'analyse employées dans les laboratoires officiels, Sa principale critique porte sur le rapport que l’on admet entre la teneur en acide acétique et la teneur en extrait sec. Ce rapport varie suivant la nature des vins qui ont servi à la préparation de l'acide acétique. En réalité, il faut tenir compte. des divers éléments du vinaigre : tartre, acides fixes, cendres, etc., pour tirer des conclusions de l’analyse. X. Rocques. Ingénieur-chimiste, Ancien chimiste pETeTE du Laboratoire municipal de Paris, Pozzi-Escot (M.-E.). — Les Diastases et leurs applications. — 1 vol. in-8° de 218 pages de l'Ency- clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro= ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier-Villars et Masson, éditeurs. Paris, 4901. Ce nouveau venu de la très intéressante et très utile collection scientilique de M. Léauté s'adresse, comme le dit son auteur dans la préface, non pas aux biolo- gistes, mais aux ingénieurs et aux chimistes. A ce titre, il ne traite ni des sérums, ni des venins, passe sous silence une foule de ferments solubles dont l'intérêt est exclusivement scientifique, mais étudie en détail les diastases qu'on pourrait appeler industrielles. Une série de chapitres sont consacrés à l’amylase, au rôle de cette substance dans la Brasserie et la Distillerie, au malt et à la maltase, aux mucors et amylomyces, à la sucrase et à ses applications, à la zymase de Buchner, etc. Les oxydases, dont le rôle apparaît tous les jours plus important, font aussi l'objet d'un chapitre spécial. Toutes ces études sont précédées d’un exposé général dans lequel se trouvent succinctement et clairement exposées les principales notions relatives à la sécrétion, à la classification, à la préparation, à la composition, aux caractères et au mode d'action des diastases. Plu- sieurs chapitres s’occupent même de la zymogenèse, du dosage des diastases, enfin des interprétations nou- velles qu’on a proposées des actions diastasiques. Fortement inspiré de certains ouvrages sur les mêmes sujets, particulièrement du beau Traité de Micro- biologie de Duclaux, à la lecture duquel il prépare, ce petit livre résume assez bien ce qu'il est essentiel de connaître des ferments solubles. Il rendra certainement service à beaucoup de praticiens, de ceux qui veulent s'affranchir de la routine et cherchent dans les données positives de la Science un guide vers le progrès. GABRIEL BERTRAND, Chef de service à l'Institut Pasteur. 3° Sciences naturelles Lorin (Henri), Professeur de Géographie coloniale à l'Université de Bordeaux. — L'Afrique à l'entrée du vingtièmesiècle. Lettre-préface de M, Pierre FONGIN, A vol. in-42 de xn-377 pages, avec carte, (Prix : 3 fr. 50.) A. Challamel, éditeur. Paris, 4901. L'ouvrage de M. Heori Lorin sur l'Afrique n'est ni un traité de géographie physique, ni une histoire de Ja géo- graphie, ni une étude de géographie coloniale, et cepen- dant c'est à la fois un peu tout cela. Il définit lui-même son travail, « une étude, fondée sur la Géographie, des problèmes que pose l'appropriation progressive de l'Afrique noire par les puissances européennes; c'est, si l’on veut, ajoute-t-il, un manuel des questions afri- caines au début du xx° siècle ». Des notions de géogra- phie physique et surtout de pluviométrie, de tempéra- ture et de végétation; puis, des considérations sur les indigènes; ensuite, un exposé de ce qui a été fait par les Européens, et, enfin, des problèmes qui se posent devaut eux, tel est le plan généralement suivi par l’au- teur, dans chacun de ses chapitres. IL n'est pas facile de diviser judicieusement l'Afrique. M. Lorin s'en est habilement tiré en groupant les contrées qui présentent des caractères physiques analogues. Il a ainsi partagé | les régions africaines en quatre grands groupes : plaines . — Page -vembre 1899 pendant l'expédition du colonel Wingate, - mais le calife Abdullah, son successeur. — Page 353. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX équatoriales; plateaux du centre; Soudan et Sahara; Afrique australe. Nous avons relevé quelques inexactitudes, que nous nous permettrons d'indiquer ici. Page 136. Les Matabélés ne sont pas seulement appa- rentes aux Zoulous, ce sont véritablement des Zoulous, semblables à ceux qui habitent au nord du Natal. Au commencement du xix° siècle, à l'époque du règne de Chaka, un groupe de Zoulous se détacha de la nation sous les ordres du chef Mosilikatsé et alla s'établir à Vouest du Limpopo. Les premiers voyageurs Européens qui les virent, notamment Andrew Smith en 1834-1835, “les appellent indifféremment Matabélés ou Zoulous. Page 178. L'Ounyoro et l’Ouganda n'ont jamais été « liés politiquement au Soudan Egyptien par des expé- - ditions militaires venues du Nord ». C'était bien le désir du khédive Ismail Pacha, d'étendre sa domination jusque-là, mais il ne réussit pas et ces pays restèrent indépendants jusqu'à l’arrivée des Anglais. — Page 180. Les premiers missionnaires anglais sont arrivés dans Ouganda non pas en 1875, mais en 1877. — Page 181. La British East Africa Company fut bien fondée en 1885, -mais elle ne recut sa charte et par conséquent son titre d'«imperial» qu'en 1888. — Page 217. La ville de Sennar est située sur le Nil Bleu et non sur le Nil Blanc. 223. Ce n'est pas le Mahdi qui a été tué en no- C'est non pas au xvii* siècle mais au xvin®, que des rela- tions se sont établies entre les colons du Cap et les . Cafres de l'Est, et au xix° siècle seulement entre ces colons et les Basoutos. — Page 354. Les Griquas sont -non pas des métis de colons européens et de femmes cafres et basoutos, mais de colons européens et de Hot- tentotes. — Page 355. Ce n’est pas par le Natal que les Basoutos ont commencé à avoir des rapports avec les Anglais, mais par le Nord, par la vallée du Caledon. — Page 358. La première tentative des Anglais pour s’em- parer du Cap a eu lieu non en 1780 mais en 1781. — Même page. Ce n'est pas en 1795 que les Anglais s'em- parèrent définitivement du Cap. Ils le conquirent alors une première fois, le restituèrent à la Hollande en 1803, après la signature de la paix d'Amiens, et le conquirent une seconde fois en 1806. — Même page. Les républi- ques boers furent fondées non seulement par les Boers, qui quittèrent le Natal après l’occupation anglaise de 1842, mais encore par ceux qui étaient restés entre l'Orange et le Vaal après leur départ du ,Cap, et qui n'étaient pas allés au Natal. — Page 360. Ce n'est pas en 1880 que le district diamantifère où s'élève aujour- - d'hui Kimberley a été attribué à l'Angleterre par un - arbitrage, mais en 1871. Signalons encore deux incor- reclions orthographiques : Page vin, lire d'Abbadie et non d'Abadie; page 181, lire Mackinnon et non Makin- nou. Enfin nous exprimerons le regret que M. Lorin n'ait pas cru devoir composer un index des noms géo- graphiques cités. Ces légers défauts ne doivent pas nous faire mécon- naître les nombreuses qualités de cetouvrage. L'auteur possède manifestement une érudition très étendue ; il ne se laisse pas dominer par elle, mais en demeure le maître, si bien que la lecture de l'ouvrage reste toujours agréable et facile. Comme il fallait s’y at- tendre dans un livre écrit par un professeur de géo- graphie coloniale à l'Université d'une ville essentielle- ment commercçante, ce sont les passages de géographie économique qui nous ont paru le mieux venus. Le livre de M. Lorin sera utile au public français, La bibliographie africaine est déjà positivement immense, et chaque jour elle s'accroît. Elle se compose principa- lement de récits de voyageurs, dans lesquels il y a beau- coup à prendre mais aussi beaucoup à laisser, et d'études de détail composées par des géographes ou des historiens. Il est nécessaire de synthétiser ces tra- vaux pour les présenter aux personnes qui s'intéressent aux questions d'Afrique, mais n’ont pas le loisir de lire “out ce qui se publie. Le public anglais possède des 749 livres tels que The partition of Africa par Scott Keetie, ou The colonization of Africa par Sir Harry H. Johnston, le public allemand, l'Afrika de Sievers, dont M. Hahn nous donne actuellement une nouvelle édition (rès re- maniée. Nous sommes moins bien pourvus en France, jusqu'à présent. Il faut louer M. Lorin, d’avoir, dans une certaine mesure, remédié à cette lacune de notre biblio- graphie. Ajoutons enfin que dans unelettre-préface, M. Pierre Foncin esquisse à grands traits les rapports séculaires de la France et de l'Afrique, et insiste fortement et avec raison sur la nécessité de la diffusion de la langue fran- çaise parmi les indigènes. HENRtT DEHÉRAIN, Docteur ès Lettres. De Rocequigny (Comte), Déléqué au Service agricole du Musée social. — Les Syndicats agricoles et leur œuvre. — 4 vol. in-16° de 412 pages avec une carte. (Prix : 4 tr.) A. Colin et Ci, éditeurs. Paris, 1904. La loi du 21 mars 1884, relative aux syndicats profes- sionnels, a eu pour conséquence de servir à grouper dans les campagnes les agriculteurs désireux de s’en- tendre pour étudier et défendre leurs intérêts. Le {er juillet 1884, les syndicats étaient au nombre de 5; le 31 décembre 1899, on en comptait 2.133 représentant près de 500.000 adhérents. Ce résultat est à coup sûr fort intéressant. M. de Rocquigny a fait l'histoire de ce mouvement syndical dans les campagnes, et il nous présente, dans son ouvrage, le tableau de ces progrès aussi bien que l’énumération des services qu'ils peuvent rendre au point de vue économique ou social. L'auteur a consigné beaucoup de faits utiles à connaître dans les 400 pages de son volume; on devine sans peine qu'il est très fervent admirateur des bons effets de l’associa- tion et du groupement professionnel agricole. Son zèle sincère et son optimisme convaincu ne nous paraissent pas blämables; bien au contraire. La foi soulève des montagnes et le scepticisme est stérile. Pourquoi nous priver, d'ailleurs, du plaisir d'applaudir à des efforts généreux, à des initiatives, désintéressées, à des succès féconds? Et il y à vraiment lieu de signaler les manifestations diverses de toutes les activités louables en parlant des syndicats. M. de Rocquigny a très heureusement divisé son livre en trois parties : La première a pour objet l'étude des syndicats et des groupes de syndicats appelés Unions. Ces Unions sont au nombre de dix et se partagent la France tout entière. M. de Rocquigny signale également l'existence de certains syndicats généraux qui s'occupent d'achats ou de ventes, de publications, ou même de certaines cam-. pagnes économiques. Dans une deuxième partie, l’auteur parle du fonction- nement des syndicats et des services d'ordre matériel qu’ils rendent à l'exploitation du sol. Il s'agit d'achats d'engrais industriels, d'instruments, de la vente en commun des produits agricoles, etc., etc. L'amélioration du bétail est citée comme un des objets que se proposent les syndicats par l'achat de bons reproducteurs, l'établissement de livres généalo- giques, l'achat d'aliments provenant de résidus indus- triels. Dans une troisième partie, M. de Rocquigny décrit les services économiques et sociaux du syndicat. — Parmi ces services, il faut compter les publications, con- férences, enseignement primaire; la fondation des coopératives de production et de consommation, le Crédit agricole, les Assurances, la Prévoyance, l'Assis- tance, et la Défense collective des intérêts profession- nels en toutes occasions. Dans ses conclusions, l’auteur résume les œuvres syndicales et en fait ressortir le mérite; il espère et il croit que les Syndicats « ont donné aux classes rurales une organisation qui leur manquait et les ont élevées à une conception plus haute de leurs droits et de leurs 720 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX devoirs. — Ils les ont affranchies — poursuit l’auteur — des servitudes que de longs siècles d'ignorance, de faiblesse et d'isolement faisaient peser sur eux... » Nous ne sommes pas convaincu que les syndicats aient fait tant de choses depuis seize ans. Notamment, il y aurait lieu d'étudier les associations déjà existantes avant 1884 et les raisons pour lesquelles le groupement des cultivateurs est devenu plus utile. En somme, il est inutile de discuter ici pareille question. Les syndicats rendent des services, il faut le reconnaître, et louer M. de Rocquigny de l'avoir très bien montré, D. Zozra, Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grignon. À treatise on Zoology, édité par M. E. Ray Lan- KESTER, tuembre de la Sociète lioyale de Londres, Correspondant de l'Institut, Directeur des Départe- ments d'Histoire naturelle au British Museum. — 3° partie: The Echinoderma, par MM. P. A. Ba- ther, Assistant au Département géologique du British Museum, J. W. Gregory, Professeur de Géologie à l'Université de Melbourne et E.S. Goo- drich, Démonstrateur d'Anatomie à l'Université d'Oxford. — 1 vol. 1n-8° de 344 pages avec figures. Prix 15 fr. 65.) Adam et Charles Black, éditeurs, Soho Square, Londres, 1901. Cet important Traité de Zoologie est caractérisé sur- tout par sa méthode rigoureusement taxonomique, c'est-à-dire que les faits principaux de la morphologie animale y sont exposés eu suivant l’ordre naturel de la classification. À en juger par le volume qu vieut de paraître, l'ouvrage ne sera pas seulement un livre d'élude pour le serious student auquel 1l s'adresse, mais encore el surtout un répertoire condensé de l'état des connaissances zoologiques au début du xx° siècle. Souhaitons que les dix volumes dont il doit se com- poser se succèdent assez rapidement pour que les pre- miers n'aient pas sensiblement vieilli avaut l'achève- ment des derniers, et pour que l'ouvrage puisse conserver dans son ensemble toute l'homogénéité dési- rable, à une époque où la science évolue sans cesse et où les théories, en particulier, vieillissent vite. Le premier volume dans l’ordre d'apparition, mais qui est en réalité le troisième de l'ouvrage, est consacré aux Echinodermes, et ceux-ci sont divisés en deux grands groupes : 1° Les Eleuthérozoaires, qui embras- sent la presque totalité des formes actuelles, Oursins, Astéries, et Holothuries. Les trois chapitres qui leur sont consacrés sont trailés par J. W. Gregory et E. S. Goodrich. 2 Les Pelmatozoaires. Ce sont les Echinodermes fixés, qui ont eu leur plus riche épa- nouissement pendant les temps primaires, et qui ne sont plus représentés dans nos mers actuelles que par quelques genres de Crinoïides. Leur histoire a été contiée à la plume autorisée de P. A. Bather, et les deux tiers environ du volume leur sont consacrés; c'est la pre- mière fois, je crois, qu'un Traité de zoologie générale lait une place aussi importante à des types fossiles. Elle est parfaitement justiliée, du reste, non seulement par le nombre et la variéte de leurs formes (quatre- vingt-quatorze familles et plus d'un millier de genres sont caractérisés où enumérés dans les quatre chapitres qui les concernent), mais surtout par le fail que les Echino- dermes sont aujourd’hui de toutes les grandes divisions du regne animal la plus complètement isolée, saus aucune de ces formes de passage que moutrent les aulres groupes, el que seule l'étude atteutive des iormes eteinces peut Jeter quelque jour sur les affinités, sur l'origine et sur l'évolution du type Echinoderme lui-même. Partant de l'idée, assez contestable d’ailleurs, que l'évolution larvaire doit reproduire les traits essentiels de l’histoire généalogique des organismes, les z0olo- gistes ont créé, en synthétisant les caractères communs ue toutes les larves d'Echinodermes, un ancêtre hypo- thétique, la Dipleurula, qui devait ètre un animal hbre à symétrie bilatérale, de forme allongée, avec un grand lobe préoral, un cœlome divisé en deux paires de vési=" cules dont l'antérieure débouchait au dehors par une paire d’orilices (hydropores), et portait en arrière deux prolongements en culs-de-sac, les deux hydrocæles droit et gauche; dans l'épaisseur du tégument étaient éparses des particules calcaires, Sans insister, peut être sans croire beaucoup à la réalité objective d’un organisme ainsi constitué, les auteurs du Traité regar- dent néanmoins ces différents caractères comme pri- nutils, et ils eu partent pour suivre, au milieu du dédale des formes éteintes, les modifications successives de la symétrie et la marche des différenciations qui ont abouti à la diversité des formes actuelles. | En premier lieu, l'Echinoderme primitif, libre jus- qu'alors, s’est fixé par le sommet du lobe préoral, et un peu sur le côté droit. Comme conséquence de cette lixation, la bouche s'est déplacée et s’est portée jusqu'à l'extrémité opposée devenue l'extrémité supérieure, en entrainant avec elle les organes voisins dans un mou- vement de torsion assez comparable à celu: des Gasté- ropodes, au cours duquel j'hydrocæle droit a disparu. En même temps, les spicules calcaires se multipliaient et s'agrégeaient eu plaques irrégulières. C’est le stade Pentactiæa, qui se retrouve au cours du développement de l’Autedon, et c'est sous cette forme qu'apparait l'Échinoderme le plus primitif connu, l'Aristocystis bohemicus, de l'Ordovicien de Bohème; c'est un petit corps pyriforme, fixé au sol par une de ses extrémités, couvert de cent cinquante ou deux cents plaques irrégu- lièrement polygonales, dépourvu de tous appendices, bras ou tentacules, sans trace encore de symétrie radiaire. Tous les Amphoridés sont construits sur cer plan. Dans leur descendance immédiate, apparaissent w d'abord trois, puis, par bifurcation des deux laté- raux, cinq sillons superliciels, probablement cilliés, rayonnant autour de la bouche, avec différenciation eu régularisation des plaques de test sur leur trajet, avec souvent des ramilications secondaires des sillons se prolongeant sur des « brachioles » saillantes, articulées, plus ou moins allongées, c’est la première ébauche de la symétrie radiaire, conséquence de la vie fixée (Rhombi- feres, Aporites, Diploporites). Cette symétrie pentamère s’accentue chez les Blastoides, par la régularisation des sillons et le groupement délini des plaques du test en deltoides, basales, radiales. Et, enfin, de véritables « bras », développés au sommet des plaques radiales, parcourus par les troncs nerveux, les canaux ambula- craires, Les cordons génitaux, se forment chez les Cri- noides comme ditférenciation ultime du type pelma- Lozoaire. Mais, dès le début des temps primaires, il s'était détaché de la souche commune un autre rameau dont l'évolution a été bien différente; c’est lui qui a abouti aux Eleuthérozoaires actuels. Les Edrioastéridés au début ont encore des Amphoridés primitifs le corps sacciforme, dépourvu d’appendices et fixé par un point indeterminé de sa surface. Mais les cinq sillons ambu- lacraires qui rayonnent autour de la bouche sont couverts chacun d'une double rangée de plaques exothécales, et entre elles font saillie au dehors des podia où tubes ambulacraires, divertuicules des canaux aquifères sous-jacents, qui sont complètement étran- gers au type précédent. U'est la première apparition du type d'ambulacres caractéristique des Echinodermes actuels à vie libre, qui tirent ainsi tous leur origine des anciens Pelmatozoaires sédentaires. Un Edrioastéride typique (Stromatocystis, Édrioaster), vu par sa face orale, ressemble entièrement à une Astérie dont les bras ne se seraient pas encore prolongés au delà du. disque. On peut mème ajouter que c’est l'acquisition de ces appendices ambulacraires souples etcontractiles, dont l'extrémité a pu se différencier en ventouse pour la locomotion, qui a permis le retour à la vie vagabonde, à la libre recherche de la nourriture, et l’épanouisse- ment du type éleuthérozoaire en formes de plus en plus c BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 124 multipliées, alors que le type pelmatozoaire sédentaire et immobilisé était de ce fait relativement frappé de _ caducité. — Les Astérides sont probablement le dernier groupe issu directement de formes fixées : l'Asterina montre, “en effet, dans son développement embryonnaire, une Janv pentactæa fixée par le lobe préoral et se recour- ‘bant ensuite sur la face ventrale pour amener la bouche “en bas, avant d'assumer de nouveau la vie libre et de développer ses cinq bras. Les Holothurides ont dù se “détacher de la souche commune à un stade plus pré- coce, avant le complet développement du système sque- Jettique et avant l'achèvement de la symétrie pentamère, car l'organe génital est encore unique, et, d’ailleurs, les deux rangées ambulacraires latérales du trivium se développent plus tardivement que les trois autres. uant aux Echinides, ils se sont probablement détachés peu près en même temps et de la même manière que les Holothuries, car la Paléontologie enseigne que les remiers Oursins (Bothriocidaris, Echinocystis) avaient un corps flexible, à paroi musculaire, et couvert d'un revêtement uniforme de plaques irrégulières, parmi lesquelles les cinq doubles rangées de plaques ambula- craires ne se distinguaient des autres que par la pré- sence des pores pour le passage des podia. …— Mais il est à noter que toutes ces différenciations se sont produites rapidement, car tous les principaux types d'Echinodermes sont déjà représentés dès le Silurien inférieur. . On trouvera, dans le chapitre consacré aux généra- lités sur les Echinodermes (chap. vu), l'exposé des particularités anatomiques des formes actuelles qui ont été longtemps regardées comme énigmatiques, mais qui s'éclairent à la double lumière de l'Embryo- génie et de la Paléontologie, et qui s'interprètent aisé- ment par la théorie de l’évolution dont je viens de résu- mer les grandes lignes et les principaux arguments. G. Pruvor. Directeur du Laboratoire de Banyuls. 4° Sciences médicales Jacquet (L.), Médecin des Hôpitaux. — Alcool. Ma- ladie. Mort. (apport sur l'alcoolisme dans les hôpi- taux parisiens, lu à la Sociélé médicale des Hopi- taux). — Bull. de la Soc. méd. des Hüp., Paris, - décembre 1900. Le D' Jacquet dénonce le péril alcoolique dans toute sa gravité. Il en étudie les causes et les modaïités, en détermine les conséquences pathologiques directes et indirectes et préconise les premières réformes que l'on doit accomplir pour combattre le fléau. » La lutte contre l'alcoolisme, dit-il, est le premier devoir social de ce temps. C'est une question de vie ou de mort pour la population francaise, stationnaire, et la plus alcoolisée du globe. : Comme exemple particulier de ce grand péril social, “le D' Jacquet résume les observations faites sur 4.74% malades répartis en 23 services de différents hôpitaux, “et représentant au point de vue morbide l'ensemble de la population parisienne. Ont été considérés comme - alcooliques, seuls les malades présentant des stigmates ou avouant absorber chaque jour au moins un litre et demi de vin et deux petits verres ou apéritifs, $ Les femmes, qui représentent près d’un tiers du total - général, comptent 10 v/, d’alcooliques ou alcoolisées. —…. Cette proportion est très inférieure à la réalité, car les _ femmes nient toujours s'alcooliser, et, d'autre part, les … stigmates sont inconstants. L’alcoolisation féminine, fai- — ble jusqu'à ces dernières années, progresse rapidement. | Les 4.744 malades se répartissent en 3.416 consul- “lants et 1.328 hospitalisés; 23°/, des premiers et 47 °/, des seconds sont alcoolisés ou alcooliques; l'écart de ces deux pourcentages est significatif. _ Sous quelles formes se fait l’intoxication? La con- sommation du vin et celle même de l’eau-de-vie et du rhum tendent à s'accroîlre suivant une progression - moins rapide que celle des boissons à essences, apéri- tifs, amers et quinquinas, mensongèrement proclamés hygiéniques. Mais l'absinthe les distance tous; elle de- vient par excellence la boisson nationale; elle s'infiltre dans la bourgeoisie et ruisselle dans la classe ouvrière. La qualité, le degré de pureté de ces breuvages est de mince importance: la quantité des impuretés est trop faible pour être très nocive. L'alcoolisme est ques- tion de quantité bien plus que de qualité. Et toutes les mesures législatives visant uniquement la rectification sont d'avance frappées d’absolue insuffisance. Quelle est l'expression pathologique de l'alcoolisme ? Sur les 30 °/, de ces malades intoxiqués, 5 °/, sont frappés d'affections spéciales, ou peu s’en faut, à l'alcool: gastrites, affections du foie, paralysies, etc., les autres sont atteints de maladies banales, qui trouvent en eux un terrain facilement attaquable et destructible; leur morbidité totale est fortement accrue, surtout sous la forme tuberculeuse : 88 à 90 °/, des phtisiques sont, en ellet, alcooliques. Les statistiques anglaises citées par le D' Jacquet font ressortir la plus grande morbidité des alcooliques et la résistance des sujets sobres. Les manouvriers et les cabaretiers subissent une mortalité plus de deux fois supérieure à la moyenne; celte mortalité est due, pour près des deux tiers, à l’alcoolisme ou à ses complica- tions, et pour le resté, à la phtisie. A Paris, où la consommation d'alcool a quintuplé en vingt ans, le maximum de mortalité s'observe, comme à Londres, parmi les professions intempérantes, et la phtisie y exerce de grands ravages. Pourtant, la mor- talité parisienne est en diminution; mais, si son taux s’abaisse pour un certain nombre de maladies infec- tieuses, il s'accroît fortement pour quelques maladies, qui, comme la cirrhose du foie et les népbrites, relèvent plus particulièrement de l'alcool. La phtisie à subi un recul, mais des plus modestes, et bien moins accentué que dans le reste de l'Europe. Enfin, la nalalité décroît, tandis qu'elle reste forte dans les autres pays. La suralcoolisatioe se répercute sur le budget de l’As- sistance publique. Tandis que de 1878 à 1896 la popu- lation parisienne augmentait de 23 °/,, les dépen-es du service de santé s'accroissaient de 57 °/,, et le chiffre des secours à domicile doublait, ou peu s’en faut, d’où une élévation de budget de 1# millions 1/2. Quant aux asiles d'aliénés, leur clientèle s'élevait de 450.000 à 700.000 malades. Les médecins, il faut l'avouer, sont un peu respon- sables de cette poussée alcoolisatrice. Exagérant la vertu thérapeutique de l'alcool, ils ont prodigué les pré- parations alcoolisées, nocives et très onéreuses et prescrit à outrance Le vin de Champagne, dont la con- sommalion progresse rapidement. Cette alcoolisation médicamenteuse encourageant l’alcoolisation univer- selle, devait facilement entrainer une alcoolisation administrative: les infirmiers recoivent une allocation quotidienne de rhum, faible, mais bien inutile. ‘ Le danger est done multiple et pressant. Les conseils individuels sont vains; il faut organiser une action collective. L'alcoolisation médicamenteuse due aux mé- décins disparaîtra par leur effort : plus de potions alcoolisées, ni de vins médicamenteux. Une simple décision directoriale supprimera l’alcoolisat‘on admi- nistrative, un lieu convenable de réunion offert aux infirmiers pour y passer les heures de loisir, les atti- reràa hors du cabaret. Le grand alcoolisme politico-social est plus difficile À combattre, même sur le seul terrain hospitalier. Il faut, avec insistance, répéter aux ouvriers que l'alcool ne donne pas de forces, mais seulement surexcite, et est, en réalité, un poison. L'auteur propose de distri- buer à chaque sortant de l'hôpital un mémento suceinet des dangers dont l'alcool, sous ses différentes [ormes, menace aussi bien l'individu que sa descendance. Une Commission permanente de l'alcoolisme, veillant à l'exécution des rélormes adoplées, en préparant de nouvelles, assurerait la continuité et la progression de l'effort antialcoolique. F, TRÉMOLIÈRES. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 1°" Juillet 1901. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com- munique la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a dé- couvertes à l'Observatoire de Paris. — MM. Doué et Rivet ont observé en mer, entre Tahiti et Panama, la comète de mai 4901. — M. A. Seligmann-Lui donne l'interprétation mécanique suivante du second prin- cipe de la Thermodynamique : Soit un système en mouvement permanent. Si l’état d'équilibre vient à ces- ser par suite d'une modification infiniment petite, le système tendra à prendre un état d'équilibre nouveau. Ce déplacement se fera dans le sens des forces agis- santes, qui produiront un travail positif, de sorte que l'énergie cinétique du système ira toujours croissant. 20 ScrENCES PHYSIQUES. — MM. J. de Kowalski et J. de Modzelewski ont calculé les indices de réfraction : des mélanges de liquides par la loi des mélanges, et out obtenu des résultats concordant avec l'expérience. Pour les constantes diélectriques, on trouve au con- traire des anomalies qui s'expliquent en admettant que c'est l'absorption dans l’infra-rouge qui change dans ces mélangesd'une manière irrégulière. — M. F. Lar- roque a reco nu que les ondes hertziennes émises par certains masnfs orageux étaient susceptibles de par- venir par propagation successive à des distances énor- mes en suivant la moyenne et la haute atmosphère. — M. M. Berthelot a constaté que le rapport entre une molécule d'acide phosphorique combinée et le nombre d'équivalents des bases alcalino-terreuses qui concou- rent à saturer cette molécule dans les phosphates pré- cipités, varie depuis 2 jusqu à 4 équivalents, suivant la nature et les proportions relatives des corps mis en présence, acides et bases libres ou combinées, chlorures alcalino-terreux, etc, Ces variations sont d’ailleurs fonction du temps écoulé depuis le commencement des réactions. — MM. A. Astruc et J. Tarbouriech ont re- connu que la saturation de l'acide arsénique et de l'acide phosphorique par les bases alcalines ne présente pas de différences sensibles ; au contraire, elle diffère sur plusieurs points avec les bases alcalino-terreuses; en particulier, le sel trimétallique obtenu à froid et en liqueur étendue par l'acide arsénique, en présence des alcalis et d’un excès de chlorures alcalino-terreux, se transforme en dimétallique dès qu'on sature l'excès de base par un acide titré, ce qui n’a pas lieu pour l'acide phosphorique.— M. H. Moissan indique la préparation et les propriétés de la fonte de niobium (p. 726). — — M. A. Helbronner, en faisant réagir un éther de l'aldéhyde G-oxy-«-naphtoïque sur le camphre sodé, a obtenu l’éthoxynaphtalcamphre : = CH — C'°HS — OC°H* œuu£ Ÿ SN CO Par réduction, il fixe deux H à la double liaison. — MM. A. Seyewetz et G. Blane ont obtenu, en mélan- geant le tétrazotolylsulfite de soude avec l’éthylnaphty- lamine-$, une combinaison non colorante qui, après avoir été isolée, est susceptible de donner, sous l'action de la lumière, la même matière colorante que le mé- lange prolongé des réac'ifs. — M. G. Martine a cons- taté que le menthol sodé se comporte comme le bornéol sodé vis-à-vis de l’aldéhyde benzoïque, et qu'il donne de la benzylidènementhone. La réaction se passe néan- moins en partie suivant l'équation donnée par Claissen. DE L'ÉTRANGER La benzylidènementhone peut aussi être obtenue en traitant la menthone sodée par l’aldéhyde benzoïque. M. Fr. March, en faisant agir la bromacétophénone sur l'acétylacétone sodée, a obtenu une tricétone (CH3.CO0)?CH.CH?.CO.C'H"; c’est le diacétylbenzoylmé- thane. 11 est décomposé par la soude en acétophénona-" célone eten acide acétique.— M. F. Leteur, en faisant passer un courant de H°S dans une solution chlorhy- drique d'acétylacétone, a obtenu un corps cristallisé, fondant à 162°-1630,5, de formule (C'H*S?}?. — M. H. Hérissey a constaté l'influence, nettement favorable, qu'exerce le fluorure de sodium dans la digestion, par la séminase, des hydrates de carbone des albumens « cornés; en qualité d'antiseptique, il empêche, en outre, l'invasion des microorganismes. — M. H. Causse indi- que une nouvelle réaction caractéristique des eaux pures. Lorsqu'on y verse une solution sulfureuse et incolore de violet cristallisé, la couleur primitive réap- paraît, surtout si l'on chauffe à 35-400, Avec les eaux souillées ou contenant de l’oxysulfo-carbonate de fer, la M coloration ne réapparaît ni à chaud, ni à froid, 30 SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Charrin et G. Delamare ont observé des tares cellulaires précises et identiques chez des ascendants et des descendants. Toutefois, on ne peut conclure forcément à l'inter- vention de l'hérédité cellulaire, car il se peut que, chez la mère et l'enfant, les mêmes groupes cellulaires aient été soumis à l’action altérante des mêmes agents mor- bifiques. — M. M. Nicloux a constaté, par des expé- riences sur le cobaye et le chien, que l’oxyde de carbone respiré par la mère passe du sang de la mère dans celui du fœtus. Il n'y a pas simple diffusion, mais dissociation, au niveau du placenta, de l'hémoglobine oxycarbonée contenue dans le sang maternel.—MM. De- noyès, Martre et Rouvière ont constaté que les courants de haute fréquence agissent sur la sécrétion: urinaire en produisant une augmentation du volume d'urine, de l’urée, de l’acide urique, de l'azote total, du rapport azoturique, des phosphates, des sulfates et des chlorures éliminés en vingt-quatre heures. — M.P. Vignon pense qu'en dehors des cas où la présence du granule appelé centrosome coexiste avec une différen- ciation caractéristique d'un état d'équilibre déterminé, les centrosomes, organes obligatoirement dynamiques, se comporteraient comme des substances inertes. — M. G. Chauveaud a étudié le développement de la racine des Cryptogames vasculaires. La séparation tardive de l'écorce et de la stèle se traduit par la superposition radiale de leurs cellules (Fougères, Salviniacées), tandis que la séparation hâtive se traduit par l'alternance de leurs cellules (Equisétacées). — M. R. Bouilhac a observé que le saccharose, le maltose et l’amidon sont susceptibles de remplacer le glucose pour cultiver le Nostoc punctiforme mal éclairé. Avec le lactose, on n'obtient qu'une très faible végétation. — M. H. Devaux a constaté la fixation, par la paroi cellulaire des jeunes plantes, des métaux suivants : K, Li, Na, Ca, Sr, Ba, Fe, Ni, Co, Cd, Cu, Pb, Ag. La proportion de métal fixé est toujours faible pour tous les métaux; par contre, l'énergie de fixation est assez grande, car elle se produit encore dans des solutions très diluées. — MM. F. Pearce et L. Dupare ont rencontré, dans un gabbro à olivine de l’Oural, des feldspaths basiques du groupe de l’anorthite mäclés selon la macle du péri- cline; la macle de l’albite est rare. — M. G. B. M. Flamand annonce la découverte, dans le Sahara ocei- dental (Gourara, Archipel touatien), de fossiles, tels que la Calceola sandalina, qui caractérisent nettement la présence du Dévonien moyen dans ces régions. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 123 Séance du 8 Juillet 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. + M. G. Bigourdan com- munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a découvertes à l'Observaloire de Paris. — M. H. Morize envoie les observations de la comète Hall (1901 à) qu'il a faites à l'Observatoire de Rio de Janeiro. — “M. J. Guillaume communique ses observations du “Soleil faites à l'Observatoire de Lyon pendant le premier mrimestre de 1901. Les taches ont diminué tant en — nombre qu'en étendue, Les facules ont aussi diminué. M. Demartres démontre le théorème suivant : Pour “qu'une surface soit de révolution, il faut et il suffit “qu'elle soit divisée en carrés par deux familles de “lignes dont les courbures soient dans un rapport constant; toute surface de révolution admet une infi- nité de pareils systèmes; les courbes qui les composent *sout des loxodromies. L'alysséide est caractérisée par le fait que, dans chaque réseau, chacune des deux courbes géodésiques, séparément, reste conslante. — 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. Ch. Pollak fait remar- —_quer qu'on ne peul praliquement mettre en série des … voltamètres disjoncteurs de courant à lame d'alumi- “ nium, à moins de mettre en dérivation sur ces volta- … mètres des résistances convenablement choisies pour leur donner le même débit.-— M. V. Auger, en fondant “l'azotate de manganèse avec l'acide phosphorique, a obtenu un pyrophosphate Mn“P°0*!,14H°0. Par l’action À de l'acide phosphorique sur le bioxyde de manganèse, il a obtenu du métaphosphate manganique MnP*0?, — M. L. Henry rappelle, à propos du récent mémoire de M. Descudé, qu'il a fait réagir le chlorure d'acétyle sur le méthanal polymérisé et a obtenu le chloroacé- tate de méthylène. Avec le chlorure de benzoyle, en présence de ZnCl, on obtient le chlorohbenzoate de ….néthylène. — MM. L. Bouveault el A. Bongert ont _ fait réagir les amines substituées sur le produit de ni- - tation e l'éther acétylacétique. Avec la diéthylamine, on obtient le sel de diéthylamine d’un acide CTHAz*0#, — Avec la diméthylamine, on obtient le sel de diméthyla- nine d’un acide C‘H7A7°05 et d'autre part, de l'alcool “et du diméthyluréthane. — MM. Ch. Moureu et R. Delange, en faisant réagirles éthers formiques RH.C:0 sur les carbures acétyléniques sodés R.C:CNa, ont réalisé la synthèse des aldéhydes acétyléniques …R.C:C.CHO. Ceux-ci, sous l'influence des solutions alcalines bouillantes, régénèrent le carbure acélylé- & nique et donnent des formiates alcalins. — MM. A. “Haller et J. Minguin ont reconnu que l'acide non saturé COOH.C8H'#.CH:CH.CSHS qui prend naissance “quand on traite le benzylidènecamphre à chaud par HBr, ou le benzylcamphre bromé par de la potasse ou de l'’ammoniaque alcoolique, fixe une molécule d'HBr : pour fournir l'acide phénylbromohomocampholique : COOH.C#H'#CH2CHBrC°H5. L'action du brome sur le … benzylcamphre droit donne deux benzylcamphres bro- — més stéréoisomères (I) différant du benzyleamphre # bromé (Il) : À CBr.CH®.C°H5 CH.CHBr. CA \ cpu | CH | | Nco Nco @) (11) “ — M. R. Fosse décrit les propriétés des dérivés du . dinaphtoxanthène (p. 682). — M. A. Astruc a éludié * l'action des alcaloïdes végétaux sur quelques réactifs indicateurs. Ils agissent d’une façon différente, non seulement suivant le groupe auquel ils appartiennent, mais encore suivant le pouvoir dissociant du liquide dans lequel ils sont dissous. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. d’Arsonval rappelle que les cellules microbiennes ne sont pas tuées par un séjour prolongé dans l'air liquide. Cette résistance à la congélation peut s'expliquer par le fait de l'énorme pression osmotique qui existe dans ces petites cellules, pression qui abaisse considérablement le point de con- gélation de l’eau. Si l’on abaisse la tension osmotique des cellules de levure de bière en les plongeant dans des solutions hypertoniques, elles ne résistent plus à un abaissement de température. — M. P. Bonnier ré- pond à la note de M. Marage sur la conductibilité acous- tique et l'audition. — MM. N. Vaschide et C1. Vurpas ont terminé l'examen histologique du système nerveux de leur anencéphale. La disparition complète du fais- ceau pyramidal, malgré l'intégrité relative du faisceau sensitif, semble prouver qu'il peut y avoir des mouve- ments spontanés ou associés en l'absence totale du faisceau pyramidal. Une intégrité à peu près parfaite du système musculaire a coexisté avec la dégénérescence des cellules nerveuses sur toute la hauteur du névraxe. — M. Ch. Lepierre a constaté que presque tous les microbes, pathogènes ou non, poussent parfaitement dans les liquides où l'azote est exclusivement fourni par les glucoprotéines &«. — M. H. Stassano établit que les leucocytes ont une part prépondérante dans l'élimination de toutes les substances introduites dans l'organisme. — M. J. Beauverie montre que la forme du Botrytis cinerea faisant le passage de la forme coni- dienne normale à la forme stérile dite toile, peut ser- vir à immuniser les plantes contre les atteintes de celles-ci. — M. F. Parmentier a examiné l'eau de la source intermittente de Vesse, près de Vichy. Comme minéralisation et teneur en bicarbonate de soude, cette source peut rivaliser avec ses voisines. Elle est com- plètement stérile et se conserve remarquablement bien, Louis BRUNET, ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 25 Juin 1901. M. Troisier est élu membre titulaire dans la Section de Pathologie médicale. — M, Galtier (de Lyon) est élu Associé national. — MM. Livon {de Marseille) et Motais (d'Angers) sont élus Correspondants nationaux dans Ja Division de Médecine. M. J.-V. Laborde présente un nouvel appareil audi- phone portatif construit avec le concours de M. F. Dus- saud. — M. M. de Fleury lit un mémoire sur quelques graphiques de la pression sanguine et de l’état des forces chez les neurasthéniques. Séance du 2 Juillet 1901. M. Bureau est élu membre titulaire dans la Section de Thérapeutique et d'Histoire naturelle médicale. M. François-Franck présente un rapport sur les travaux présentés au Concours pour le Prix de l'Aca- démie. — M. H. Rendu lit un rapport sur un mémoire de M. Martin du Magny intitulé : Accidents pul- . monaires conséculifs aux lésions du nez, de ses cavités accessoires, de l'oreille et de la région rétropharyngée. L'auteur montre que des congestions pulmonaires et des broncho-pneumonies sont fréquemment le résultat de la propagation directe d'une inflammation naso- pharyngée. La cause initiale de ces phegmasies bron- chopulmonaires est un écoulement purulent qui prend sa source dans le nez, les sinus frontaux ou maxil- laires, l'oreille et le pharynx. L’ensemencement direct de cet écoulement crée la maladie pulmonaire, — M. A. Gautier lit la première partie d'un mémoire sur la médicatiou par l’arsenic latent. — MM. Jullien et Justin de Lisle présentent un mémoire intitulé Recherches bactériologiques sur la syphilis. Séance du 9 Juillet 1901. MM. Istrati (de Bucarest) et Ladenburg (de Breslau) sont élus Correspondants étrangers. ; M. François-Franck présente un rapport sur les mémoires déposés pour le Prix Louis. — M. Richelot lit le Rapport sur le Prix Daudet. — M. A. Gautier termine la lecture de son mémoire sur la médication par l’asenic latent. En voici les conclusions : Les pré- parations cacodyliques rendent de remarquables ser- vices dans les affections les plus diverses, et particu- lièrement dans les maladies consomptives, la tuber- 1 19 = , ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES culose pulmonaire au premier et au second degrés, les tuberculoses osseuses et viscérales, le diabète, les neurasthénies avec dépérissement général et affaiblis- sement des fonctions, les troubles de la vision, l'intoxi- cation palustre, la grippe, les anémies graves, l'asthme, la chorée, les longues convalescences, les blessures avec perte de substances, les fractures, les suites de grossesses répétées, les vomissements incoercibles, le myxædème, les maladies de la peau, etc. Elles ont donné des résultats variables ou douteux dans la ma- Jadie de Parkinson, les dégénérescences qui accompa- gnent les troubles psychiques et le cancer. La méthode de choix pour l'administration de ces préparations est la voie hypodermique. Elles peuvent être employées durant des années consécutives sans provoquer aucun désordre de la nutrition, aucune congestion du côté du foie, des reins, du tube intestinal, des centres nerveux, de la peau. Elles agissent en excitant la reproduction des cellules, multipliant les hématies, rajennissant les tissus et conférant à l’économie une extraordinaire résistance aux déchéances de cause morbide. — M. V. Babes et Mlle H. Densusianu ont observé divers cas de néphrites pyramidales hématoyènes dans des infec- tions aiguës. Les lésions papillaires étaient analogues à celles observées par M. Levaditi dans des empoisonne- ments pardes poisons chimiques — M.P. Budin montre l'importance que présente l'exploration de la cavité uté- rine dans le traitement de l'infection puerpérale. Si, de la fièvre survenant chez une femme récemment accouchée, l'on constate dans l'utérus la présence de caillots fétides ou non, les enlever et laver la cavité de l’organe peut suflire. Si la muqueuse de la matrice est atteinte, surtout au niveau de la caduque inter-utéro-placen- taire, il faut sans hésitation procéder au curage digital et à l'écouvillonnage; lorsqu'on intervient vite, la gué- rison est habituellement très rapide. Si l'infection dure depuis quelques jours lorsqu'on pratique le nettoyage, la guérison est plus lente, car il y a eu pénétration des germes ou des toxines dans l'économie. Si l’infec- tion dure depuis longtemps, ou si elle est très grave, la mort peut survenir. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 22 Juin 1904. M. Ch. Féré a étudié l'influence des excitations visuelles sur la fatizue dans le travail. L’excitalion à une des doses les plus favorables, si l'on considère les effets primitifs, donne encore un déficit de plus d'un tiers relalivement au travail exécuté sans excilant. — M. A. Giard, à propos de l'invasion des Charentes par les Acridiens, rappelle qu'il a montré que la multipli- cation exagérée de ces Insectes coïncide avec les années de minimum des taches solaires. En se basant sur ce fait, on devrait détruire à l'avance les œufs de ces animaux. — MM. F. Widal et L. Le Sourd ont constaté que la réaction de fixation de Bordet est aussi neite sur les bacilles tués par la chaleur que sur les bacilles vivants. — MM. J. Ville et J. Moiïitessier ont reconnu que l'urine ne renferme pas de chlore à l’état de composés chloro-organiques. — M. F. Arloing montre que les différences dans la rapidité de la coagu- lation du sang peuvent recevoir des interprétations variées, et que la rétraclilité du caillot n’est pas tou- jours en raison inverse de la coagulation. — M. F. Tour- neux à étudié le revêtement endothélial des tendons de la queue des Rongeurs. Chaque cellule tendineuse superficielle se compose : 1° d'un corps protoplasmique s'étalant à la surface du tendon et s'anastomosant avec les expansions des éléments voisins; 2 d'une lame superficielle individualisée et pouvant être délimitée par les imprégnations au nitrate d'argent. — MM. A. Laveran et KF. Mesnil ont constaté que le Trypano- some de la Grenouille verte présente toutes les particu- larités que Wasielewsky et Senn regardent comme caractéristiques du genre Âerpetomonas. Dans ces conditions, ce genre doit disparaître et le nom géné- rique Zrypanosoma servira seul à désigner tous les Flagellés parasites du sang des Vertébrés, du moins tous ceux connus jusqu ici. — MM. Legros et Lecène ont trouvé, dans un cas de gangrène gazeuse aiguë mortelle, un bacille particulier, non encore décrit; qu'ils nomment hacille septique aérobie. — MM. Ch: Richet et J.-Ch. Roux ont traité la méningite tuber- culeuse expérimentale par la zomothérapie. La morta= lité est tombée de 100 % chez les animaux témoins, à" 75 % chez les animaux nourris avec de la viande crue. — M. G. Weiss énonce la loi suivante : Si deux ondes inverses l’une de l’autre sont assez courtes et se succèdent assez rapidement pour que l'ensemble des opérations tombe dans la période latente, au moment où l'on arrive au seuil de l'excitation, l’une seule des deux ondes est active; l’autre peut être supprimée sans rien changer au résultat. — MM. Barjon et Cade ont cherché la formule cytologique des pleurésies par infarctus chez les cardiaques. La formule diffère de celle de l'hydrothorax : 1° par la richesse du liquide en éléments figurés; 2 par l'abondance des polynucléaires. — M.J. Rehns a constaté que l'absorption des toxines, agglutinines, etc., injectées au niveau des voies respi- ratoires, est aussi rapide qu'après introduction sous- cutanée. — M. J. Païillard présente un appareil ayant pour but d'injecter directement le liquide contenu dans une ampoule quelconque. — M. Rappin a observé que l’urée empêche le développement des cultures de tuberculose en houillon. — M. Cololian a observé que la sensibilité des poissons de mer et des poissons d’eau douce aux différents poisons est la même. — M. Cha- vigny indique quelques troubles sensitifs qui carac- térisent les traumatismes articulaires, les hydarthroses en particulier. Séance du 29 Juin 1901. M. Ch. Féré a étudié l'influence du haschich sur le travail. A l'excitation du début succède une dépression qui ne fait que s'accentuer, de sorte que le travail total est inférieur au travail normal. — MM. Benoit et Roussel ont constaté que le cobaye est un animal réactif excellent pour la vaccination jennérienne; Pin- fection provoquée prut être transportée sur la génisse. … — M. R. Dubois a isolé des organes photogènes de la pholade dactyle, par son procédé de dissociation plasti- daire (dialyse chloroformique), une substance qui donne de la lumière par oxydation. — M. Milian pense que les expériences de M. F. Arloing n'infirment pas sa théorie sur l'influence de la peau dans la coagulation du sang, car M. Arloing a étudié des hémorragies abon- dantes. — MM. Tuffier et Milian ont reconnu que le liquide de l'hémarthrose est incoagulable. — MM. N. Vaschide et L. Marchand ont ohservé un cas d’anes- thésie gustative des deux tiers antérieurs de la surlace supérieure de la langue avec hypoesthésie tactile causées par une lésion de la corde du tympan. — M. Mauclaire a essayé les injections iodoformées par la voie épidu= rale pour traiter cerlaines formes de mal de Pott. Ces injections n'ont eu aucun mauvais résullat et pourront être employées utilement comme adjuvant à l'immobi- lisation. — MM. Ch. Achard el A. Clerc ont observé un abaissement léger du pouvoir amylolytique du sérum sanguin chez les diabétiques, et un abaissement très marqué dans les cachexies, présageant la mort à bref délai. La pilocarpine, à dose hypertoxique, exalte mani- festement l'activité de l’amylase sanguine. — M. M. Ni- cloux a constaté le passage de l’oxyde de carbone de la mère au fœtus (p. 722). — M. E. Weil pense que les organes hématopoiétiques réagissent dans la cyanose pour produire l'hyperglobulie; mais leur participation n'est ni uniforme, ni constante. — MM. E. Cassaet et G. Saux ont trouvé aue la toxicité du suc gastrique est à peu près deux fois plus élevée que celle de la macé- ration de viande préparée dans des conditions identi- ques. — MM. G. Rosenthal et G.-A. Weïill établissent qu'il est possible d'utiliser l'injection intra-trachéale et l'absorption pulmonaire dans le traitement des maladies aiguës et chroniques, surtout dans les affections des voies respiratoires. Ils indiquent la technique qu'ils ont usitée dans ces injections. — M. J.-F. Ferrier a éludié par la radiographie l'élargissement du pied pendant la marche. Son rôle est probablement d'accroître l’élasti- cité du pied, il ne doit pas être contrarié par la forme . des chaussures. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE à Séance du 5 Juillet 1901. M. L. Benoist avait élabli, dans ses recherches antérieures, que l'absorption des rayons X ne dépend pas uniquement de la masse des corps qu'ils traversent, suais aussi de la nature de ces corps et de La qualité des “rayons X employés. Pour étudier complètement l’in- “ilueuce de ces divers facteurs, il a principalement “employé la méthode de l'écran fluorescent convena- “plement perfectionnée. L'étude a porté sur la plus “srande partie des corps simples et sur un nombre con- Denis ve de leurs composés. Chaque corps a été carac- “iérisé par la masse qui, réparhe sur un centimètre _cairé de base, produit sur les rayons X employés une nsorption d'ordre déterminé. C'est ce qui constitue l'équivalent de transparence de ce corps vis-à-vis d’un étalon de transparence convenablement choisi. On “reconnait ainsi que l'équivalent de transparence d'un “corps, pour un inème élalon et une même espèce de “rayons X, a une valeur constante indépendante des “changements d'état physique, des groupements molécu- “aires ou atomiques quelconques que ce corps peut pré- Door, mais fonction uuiquewuent du poids atomique de ce corps ou des corps simples qui le composent. En por- ci les poids atomiques en abscisses et les équivalents de transparence en ordonnées, on oblient la courbe …d'isotranspar2nce des corps simples pour la qualité de rayons X considérés. En moditiant cette qualité, en “changeant l'épaisseur élalon, en interposant des écrans, Rec on obtient un faisceau de courbes qui donnent … les lois générales de trausparence de la matière pour les rayons À. La principale peut se résumer ainsi : L'opa- cité spécilique de la matière pour les rayons X est une pr'opriélé additive et essentiellement atomique. Cette “opacité, dans le cas des corps Simples, est une fonction “termine et généralement croissante de leur poids , atomique. Ces courbes donnent aussi les lois du radio- «chroisme, c'est-à-dire de l'absorption sélective exercée par la matière sur les rayons X. Ce radiochroisme aug- unente, en général, avec le poids atomique, en présen- tant toutefois, dans le cas de rayons assez mous, un minimum remarquable dans la région de l'argent. D'autres applications de ces courbes et de ces lois sont : 1° La définition précise de chaque qualité de rayons X ; 2° La classilication des rayons X, des rayons secon- daires, des rayons de l'uranium et du radium, etc. ; 3° La caractérisation précise des tubes radiogènes et de leurs différents états (on peut construire des échelles : de teintes, ou chronometres, formées par des couples de corps de radiochroisme tres différent) ; 4 Le pertec- tionnement des tubes radiogènes, en permettant d'uti- liser le rapport qu'elles signalent entre le pouvoir absor- bant d'une substance, pour une qualité donnée de rayons X, et le pouvoir émissil de ce corps pour cetle mème qua- lité, lorsqu'il sert d’anticathode ; 5° La détermination ou la vérilicatiou des poids atomiques des corps simples par uue méthode plus générale et plus précise que celle de Dulong et Petit, avec un contrôle précieux fourni par le radiochroisme (c'est ainsi que M. L. Benoist a pu .… démontrer que ie poids atomique de l'indium doit être 113,4 et non 75,6); 6° Enfin, une méthode générale d'analyse des composés et des mélanges, méthode pouvant dès à présent donner une précision qui dépasse Souvent l’ordre du millième. Au sujet de la Communi- cation de M. L. Benoist, M. P. Villard rapproche les anomalies de trausparence aux rayons X observées par M: Benoist pour les métaux voisins de l'argent et les anomalies analogues que M. Villard a observées lui- 4 08 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 195 même en étudiant l'intensité de l'émission des rayons X par une anticathode formée de divers métaux juxta- posés, étudiée pendant son fonctionnement en faisant l'image de cette anticathode sur une plaque radiogra- phique au moyen d'une chambre noire de Pora. M. G. Sagnac rappelle que des anomalies du même genre ont été déjà signalées par lui pour l’activité et le degré de translormation des rayons secondaires émis dans le vide (ou dans l’air à une distance suffisamment petite) par des métaux divers. C’est ainsi que le fer et. le nickel, toutes choses égales d’ailleurs, émettent des rayons secondaires plus actifs que ceux du ziuc et surtout que ceux du cuivre, bien que l’ordre des poids atomiques décroissants soit précisément d'ordre inverse. — M. A. Champigny : loyers conjugués des pinceaux lumineux obliques à une surface sphérique réfringente. Formule de Thomas Young. Applications. Soient P et Q les distances d'un point lumineux A et de son con- Jugué B, comptées à partir de la surface réfringente sur les rayons incident et réfracté. On sait que, x désignant l'indice de réfraction el R le rayon de la suriace sphérique réfringente, on a, dans le cas des rayons centraux : Depuis longtemps, Thomas Young a établi, par des considérations géométriques, une formule qui résout le problème dans le cas où l'on considère un pinceau lumiueux tombant sur la surface réfringente sous une incidence quelconque 7. Si r est l'angle de réfraction, cette formule est : Rcosi+P_, Rcosr+Q cos r P cos i Q° M. A. Champigny insiste sur l'importance de cette formule, dont il expose une démonstration très simple : il considère le triangle AMN dont le sommet est le point lumineux A, et dont la base est définie par la largeur du pinceau lumineux à sa rencontre avec la suriace sphérique réfringente. La relation des sinus donne daus ce triangle : sas Cosi di—do en appelant 0 l'angle sous lequel la longueur P — AM est vue du centre O de la surface réfriugente. On a ainsi : (R cos À + P)do = Pdi, Le triangle BMN donne de même : (R cos r + Q)do = Qdr d’où l’on déduit la formule de Thomas Young en divi- sant membre à membre ces deux relations et rempla- di cos r cant — par sa valeur ÿ dr cos 1 La formule de Young permet, pour un pinceau d'ouverture quelconque, de donner, point par point, la surface conjuguée qui est le lieu de tous les pinceaux étroits de sominet commun A. On peut ainsi aborder la question des aberrations sphériques et faire d'une manière systématique la théorie des objectifs de mi- croscope et des ovjectifs photographiques qui sont grand-angulaires. M. A. Cornu rappelle qu'il a fait con- naître en 1863, dans les Vouvelles Annales de Mathé- matiques, une construclion géométrique qui permet de trouver très simplement le point B correspondant au point lumineux A, pour chaque pinceau incident. — Au nom de M. Damien, M. G. Sagnac présente un appareil, construit par M. Pellin, qui permet de produire les phénomènes d’interférence dus à la biréfringence crculaire, analogues aux phénomènes dus à la birélringence rectiligne, déjà présentés à la Sociélé de Physique dans la séance du 15 Mars 1901. M. Pellin projette devant la Société les anciennes 726 expériences, pnis les nouvelles. Dans les secondes, on fait intervenir la biréfringence circulaire en rempla- cant les cuvettes de quartz de Biot par des cuvette de quartz dont la face plane, au lieu d'être parallèle à l'axe, est perpendiculaire à l'axe du quartz. Les franges de soustraction, analogues aux franges des prismes de Sénarmont, sont produites en projetant l’image de deux telles cuvettes formées de quartz de signes contraires, superposées avec leurs centres distincts et placées entre deux nicols croisés. Les anneaux d'addition s'obtien- nent de même avec deux cuvettes formées de quartz de même signe; seulement, à cause de la faiblesse de la biréfringence circulaire comparée à la biréfringence rectiligne, les cuvettes doivent être ici très profondes. Elles ont été taillées par M. Pellin en hémisphères de 18 millimètres de rayon. Pour empêcher les rayons d'être fortement déviés aux bords de la cuvette ou réfléchis totalement, un hémisphère de verre, d'indice voisin de l'indice ordinaire du quartz, a été collé au baume de Canada dans la cuvette de quartz; chaque quartz à ainsi l'apparence d'un cylindre transparent. L'épaisseur (32,5) du quartz au centre de la cuvette a été compensée par une lame de quartz perpendiculaire à l'axe de même épaisseur et de signe opposé collée sur la face plane de la cuvette. Un tel système, placé entre deux nicols à l’extigction et projeté, présente des anneaux à centre noir produits par la biréfringence circulaire, comme les anneaux classiques de la cuvette de Biot sont produits par la biréfringence rectiligne. Ce sont les franges primaires des nouvelles expériences de M. Damien, lesquelles produisent, quand il y a deux systèmes de cuvettes superposés, les franges secon- daires d’addition ou de soustraction, SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 28 Juin 1901 (suite). M. H. Moissan expose des recherches sur la fonte de niobium. L'emploi du four électrique lui a permis d'obtenir avec facilité, à partir de la niobite naturelle, une fonte mixte de niobiumet de tantale, de laquelle, en appliquant la méthode de Marignac, on peut séparer le niobium et le tantale sous forme de composés oxygénés. L'acide niobique, qui est irréductible par le charbon à la plus haute température de nos fourneaux ordinaires et à celle du chalumeau à gaz oxygène, peut être ré- duit au four électrique et donner une fonte très dure, ne contenant qu'une petite quantité de carbone com- biné. Cette fonte, qui reste solide à la température de fusion du platine, qui est à peu près inattaquable par les acides, qui n’exerce pas d'action au rouge sur la vapeur d’eau, qui brüle dans l'oxygène avec facilité en produisant un acide stable, possède en même temps des propriétés réductrices très curieuses. Cet ensemble de réactions éloigne le niobium des métaux et rap- procne ce corps simple du bore et du silicium. — M. V. Thomas, continuant ses recherches sur les chlo- robromures de thallium, a pu isoler les aiguilles orangées qui se produisent par l’action du Br sur le chlorure thalleux en présence de l’eau. Ges aiguilles correspondent à la formule TClBr. Sous l'influence d’une chaleur ménagée, elles deviennent d’un rouge intense et se décomposent ensuite lorsqu'on les chauffe à température élévée. Un chlorobromure TICIBr? + aq. s'obtient très facilement en grandes aiguilles inco- lores, en ajoutant du brome à une solution aqueuse renfermant TICI en suspension. On obtient ainsi une huile qui, lorsqu'on cherche à la concentrer, perd très facilement des halogènes, mais qui se prend immé- diatement en masse lorsqu'on la refroidit à — 18° dans un mélange de glace et de sel. Les aiguilles sont stables à température ordinaire, mais se décomposent très rapidement lorsqu'on les chauffe même légèrement. Séance du 12 Juillet 1901. M. Wyrouboff dépose un travail de MM. Sabanejeff et Rosin sur les isonitriles et les nitriles cycliques. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES M. Béhal présente un travail de M. Maïlhe sur l’action de l’oxyde mercurique sur les solutions aqueuses des sels métalliques (p. 679). — M. P. Freundler signale quelques propriétés du phénylcarbazinate de phényl- hydrazine C6H5. AzH.AzH.COOH.CSHSAzH.AzH, décrit autrefois par M. Fischer. Les propriétés de ce corps. permettent de l'appliquer soit à la préparation de certaines hydrazones à point de fusion bas, soit à la régénération des résidus de phénylhydrazine, soit à la séparation de cette dernière base d'autres bases aro= matiques. — M. V. Auger a étudié la solution violette aqueuse produite par dissolution dans l’eau de là masse violette obtenue en chauffant à 220° du ses- quioxyde de manganèse dans l’acide phosphorique. I en à isolé un sel bien cristallisé dont la formule est: Mn'P°0*,14H°0.— MM. Moureu et Delange ont observés que les alcalis en solution aqueuse attaquent les aldé= hydes acétyléniques R—C=—C—CHO, avec production: d'acide formique et de carbure acétylénique. Dans le cas de l’aldéhyde amylpropiolique CFH'C=C—CHO, il se forme en outre de la méthylamylcétone CH“ — CO—CH* et de l'acide caproïque C°H‘—CO°H; ces. faits sont faciles à expliquer si l’on admet la formation préalable et transitoire de l’aldéhyde C5H!! — CO — CH°— CHO, qui peut se dédoubler dans deux sens différents. — M. Leidié communique en son nom et en celui de M. Quennessen une note relative à um procédé de dosage du platine et de l’iridium dans la mine de platine. Ce procédé est une application d'une méthode générale précédemment indiquée par l’un des auteurs. — M. Léger a analysé les corps dont ii a signalé autrefois la formation dans l’action de Na*°0? sur les aloïnes et leurs dérivés chlorés [ Bull. Soc: chim. (3), t. XXV,p 99]. La barbaloïne donne un corps C#H805, l'isobarbaloïne un isomère de ce corps. L’homo: natalnine donne au contraire un dérivé de formule CiSH#05. La chlorobarbaloïne donne C{6H°Cl'05 et la chlori-obarbaloïne un dérivé chloré isomère. Les corps C'#H505 seraient des trioxanthraquinones nouvelles, tandis que CSHSCI“O* seraient les dérivés tétrachlorés de leurs produits méthylés. Le corps C‘H‘05 repré= senterait l’éther méthylique d'une méthyltrioxanthra= quinone. Se basant sur les résultats obtenus par ses devanciers et par lui-même, M. Léger pense pouvoir représenter la barbaloïne par la formule C#H*0*, qui peut s’écrire : OH H CCG HO YEN cu 14 | | ON—CK 2H — 0 — CH — CHOH —CHOH — COH 4 k Co É eee CH* ce qui en ferait un produit de condensation avec perte de H°0 d’une dihydrométhyltrioxanthraquinone avec l'éther méthylique d’un pentanetétrolal. Cette formule rend compte de la plupart des faits observés jusqu'ici: Cependant, ces faits étant assez peu nombreux, M. Lé- ger ne donne cette formule qu'avec réserve, se pro- posant d'en véritier l'exactitude. Il fait remarquer que la chlorocétylbarbatoïne, corps parfaitement cristal= lisé, qui, avec cette formule, correspond à un poids moléculaire M—724, donne à la cryoscopie dans le benzène M—713. En outre, la barbaloïne, chauffée à sec dans un tube, dégage des vapeurs qui donnent la réaction du furfurol (coloration rouge) avec le papier imprégné d’acétate d’aniline. — M. Blondel, par l'action ménagée de la chaleur ou des réducteurs sur le sulfate platinique, a obtenu un composé cristallisé contenant du sesquioxyde de platine et de l'acide sulfurique, dans lequel les éléments sont dissimulés, comme le sont ceux des acides chromiques complexes décrits par M. Recoura. Ce nouvel acide complexe forme avec. les bases des combinaisons bien cristallisées, » ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 727 SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES pe SCIENCES PHYSIQUES. _ H. A. Wilson : Sur la conductivité électrique de l'air et des vapeurs salines. — Les expériences décri- fes dans ce mémoire ont été entreprises dans le but d'obtenir des informations sur la variation de la con- ductivité de l'air et des vapeurs salines avec un chan- “sement de température et sur le courant maximum “qu'une quantité déterminée de sel sous forme de vapeur “peut conduire. Ces expériences sont la continuation “des deux séries de recherches sur le même sujet “publiées en 1899. — Quelques observations sur la variation de la conduc- “ivité avec la température à différentes hauteurs dans “ja flamme ont été données dans le mémoire sur la … conductivité électrique et la luminosité des flammes ». Elles montrent une augmentation rapide de conduc- “tivité avec l'élévation de température. ù Voici la méthode employée dans les expériences décrites dans ce mémoire : On a fait passer un courant air, contenant en suspension, sous forme de goutte- dettes, une petite quantité de solution saline, à travers “un tube de platine chauffé dans un fourneau à gaz ; ce “iube constituait l'une des électrodes, l’autre élant fixée “Suivant son axe. La température du tube a élé mesurée ‘au moyen d'un thermo-couple platine et platine- “rhodium ; la quantité de sel passant à travers le tube a “été estimée en recueillant les gouttelettes sur un tam- …pon de laine de verre. » L'énergie nécessaire pour produire l'ionisation peut “être calculée d’après la variation de température de la “conductivité, celle-ci comparée à l'énergie nécessaire “pour ioniser des corps en solution. — Depuis la publication des recherches mentionnées “ci-dessus, plusieurs mémoires du D' E. Marx sur la “conductivité des vapeurs salines dans les flammes ont “paru. La première partie de ce mémoire-ci contient “une discussion de quelques conclusions du docteur “Marx, lesquelles portaient sur mon travail précédent. # La fin du mémoire est divisée comme suit : —…. 1° Description de l'appareil employé. —…. 20 Variation du courant avec la f. e. m. L 3° Variation du courant à travers l'air avec la tem- … pérature. 4° Variation du courant à travers des vapeurs salines “avec la température. … ;° Sommaire des résultats. La relation entre le courant et la f. e. m. dans l'air dépend beaucoup de la direction du courant. Quand lélectrode extérieure est négative, le courant atteint une valeur de saturation avec une f. e. m. d'environ 200 volts; mais, quand le tube extérieur est positif, elle augmente rapidement avec le courant, même avec une f. e. m. de 800 volts, de façon qu'une f.e. m. plus grande est nécessaire pour produire la saturation si la saturation peut être produite. Avec des vapeurs salines, la soie entre le courantetlaf.e.m.n'a pas été beaucoup affectée par le renversement du courant. Le courant était toujours plus grand quand le tube extérieur était négatif, lé contraire étant le cas avec de l’air seul. A basse température, le courant a atteint une valeur de “saturation, mais au-dessus de 1000° on a découvert “qu'elle augmentait davantage presque proportionnel- _ lement à la f. e. m. Il est possible de représenter approximativement la - variation du courant à f. e. m. constante avec la tem- … péralure, pour l'air, par une formule du type C—A6" üans laquelle C est le courant, © la température abso- lue, et À et » des constantes. La constante n dépend de la f. e. m. employée. Avec 240 volts, elle a été de 17, et avec 40 volts, de 13. Cepen- dant le courant ne commence pas tout d’un coup quand on élève la température, mais augmente toujours régu-" lièrement avec la température, si bien que la plus - basse température à laquelle le courant peut être décelé dépend entièrement de la sensibilité du galvanomètre. L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule- gramme d'air a été estimée en supposant que la frac- tion de gaz dissociée en ions est proportionnelle au courant pour de pelites f. e. m. L'énergie en question peut être obtenue au moyen de la formule th-rmo-dynamique ordinaire donnant la variation de la dissociation avec la température. Le résultat pour l’air est de 60.000 calories entre 1.000 et 1.300° €. Cette quantité d'énergie est du même ordre de grandeur que l'énergie mise en liberté quand les ions H et OH se combinent pour former de l'eau en solution. La relation entre le courant et la température pour des vapeurs salines est assez compliquée. Avec KI, en employant une f. e. m. de 800 volts, le courant a les valeurs suivantes (1—10—* ampère) : Température . 5009 600 700° Sono 9000 4.0000 BEA AN EN EE NORE TON AS A OP EMA TE D 4.0 Température . . . . 1.141000 11500 1.2000 1.3000 CORANTIENS ES SNS 3.5 3.6 1.0 1.0 En employant une f. e. m. de 100 volts, les valeurs suivantes du courant ont été obtenues (1—10-* ampère): Température . . . . . 3000 4009 500° 60ûo 7000 sûûo Courant. . 0.2 198054 DA AUD Ur Température 900 1.000 41.100 1.200 1.300 Courant. . 5.5 5.3 6.8 8.2 92 Ainsi le courant a un maximum près de 900° C, et il s'élève très rapidement près de 1.150°. Des résultats semblables ont été obtenus avec d'autres sels. L'énergie nécessaire pour ioniser une molécule- gramme de K I à environ 300° C a élé estimée à 15.000 calories de la même facon que pour l'air. Le courant maximum transporté par la vapeur saline (à 1.300° avec 800 volts) est presque égal à celui néces- saire pour électrolyser la même quantité de sel en solution. Ce fait peut être considéré comme une preuve en faveur de l’hypothése que les ions sont de même nature dans les deux cas. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 1% Juin 1901. M. Lehfeldt rappelle que M. Jahn a publié récem- ment des mesures des f. e. m. des piles de concentra- tion, d’où il a cherché à conclure que la loi de dilution est applicable aux solutions concentrées. L'auteur montre que cette conclusion repose sur un cercle vi- cieux, car la loi d'Ostwald est comprise dans la for- mule employée par M. Jahn pour calculer les degrés de concentration. Les formules de Nernst et d’Arrhe- nius ne donnent pas de résultats concordants ; la pre- mière est bonne pour calculer les concentrations, la seconde pour calculer les pressions osmotiques. — M. J.-H. Jeans cherche à obtenir une réponse aux deux questions suivantes : 4° Quelles conclusions peut- on tirer, quant au mécanisme de l'émission de la ra- diation, de l'examen des formules de l'Optique physi- que ? 2° Est-il possible, à l’aide de ces conclusions, de bâtir une conception de la matière qui explique suffi- samment les divers phénomènes optiques ? Il développe ensuite une théorie très intéressante, basée sur les propriétés moléculaires et atomiques de la matière, et au moyen de laquelle il explique plusieurs phénomènes optiques, notamment ceux de la spectroscopie, — M. S.-P. Thompson présente quelques échantillons de verres d'Iéna avec des graphiques donnant l'indice de réfraction, la dispersion entre les lignes C et F et l’in- verse du pouvoir dispersif de chacun. L'auteur pro- pose pour cette dernière quantité le symbole vet la qualification de réfraction achromatique du. verre. L'introduction du baryum dans un verre augmente la déviation, mais n’influe pas sur la dispersion. Il est done possible de faire du crown à indice de réfraction \ plus élevé que le flint, et de construire ainsi une len- 728 tille achromatique donnant un champ plan. Générale- ment, les objectifs achromatiques sont construits exac- tement achromatiques pour les rayons rouges et vio- lets; on peut obtenir un meilleur effet en les faisant approximativement achromatiques sur toute l'étendue du spectre. On y arrive en compensant l'irrationnalilé d'un verre par un autre, et en construisant une paire achromatique au moyen des deux. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Juin 1901. MM. P. Gordan et L. Limpach ont substitué par des groupes méthyles l'hydrogène benzénique des formyl- et acétylanilides et ont obtenu 38 composés différents. Ceux-ci peuvent être classés suivant le nombre 9 de groupes subslituants ou suivant leur position relative. La moyenne D des points de fusion d’une série d'iso- mères peut se déduire de p; l’un des points de fusion est identique à cette valeur moyenne, et les autres en diffèrent en plus ou en moins de quantités égales. — M. S. Ruhemann a condensé les éthers des acides chlo- rofumarique et phénylpropiolique avec le thymol et le carvacrol. L'action du thymol sur le chlorofumarate d'éthyle donne le thymoxyfumarate. d’éthyle; l'acide correspondant se condense, sous l’action de l'acide sulfurique concentré, en acide 5-méthyl-8-propyl-1 : 4- benzopyrone-2-carboxylique : CSH7 NN C.coH Il CH NAN CH* CO Le carvacrol donne le carvacroxyfumarate d’éthyle et l'acide 5-propyl-8-méthyl-1 : 4-benzopyrone-2-carbo- xylique. — M. C. O'Sullivan a étudié les constituants de la gomme adragante. La partie insoluble dans les acides et alcalis froids est de nature cellulosique. Les acides gummiques sont lévogyres; ce sont des acides polyarabinane-trigalactane-geddiques; le principal pos- sède la formule 4#C!°H104,3C'2H201°,C#H?°02°,H°0. Les granules sont apparemment des granules d'amidon. La matière azotée n'a pu êlre encore complètement puri- fiée. La bassorine, sous l’action d'un excès d'alcalis, se dédouble en deux acides, les acides «& et $-adragantane- xylane-bassoriques. L'acide « possède la formule C#H%020,H20 ; il donne des sels de Ba, Ca et Ag. Digéré avec de l'acide sulfurique vers 989, il se dédouble en adraganthose, un pentose lévogyre, et en acide xy/ane- bassorique C*H?*017., Ce dernier donne aussi des sels métalliques et se dédouble en xy/ose et acide hasso- rique CH%0%, L'acide £ possède la même formule que l'acide «et donne les mêmes produits de dédouble- ment. — MM. T. Purdie et J. C. Irvine, en alkylant les tartrates de méthyle, d’éthyle et de propyle par l'oxyde d'argent et l’iodure de méthyle, ont obtenu les diméthoxysuccinates aclifs correspondants, dont ils ont déterminé le pouvoir rotatoire. — MM. T. Purdie et W. Barbour ont comparé la rotation des diméthoxy- succinates avec celle des tartrates correspondants dans divers dissolvants; en général, la rotation des premiers est moins influencée par les solvants que celle des derniers. Des déterminations des poids moléculaires des éthers par la cryoscopie dans divers liquides, les au- teurs concluent que l'agrégation des molécules dissy- métriques n’est pas un facteur prédominant dans l'in- fluence des solvants sur la rotation. — MM. W. A. Bone et D. S. Jerdan ont constaté que le carbone et l'hydro- gène se combinent à 1200° en formant un hydrocarbure saturé qui est du méthane; il s'établit un équilibre défini entre l'hydrocarbure, l'hydrogène et la vapeur de carbone. Le passage de l'arc entre charbons dans une atmosphère d'hydrogène produit aussi, à côté de l'acétylène, du méthane et de l'éthane ; l’état d’équi- libre est caractérisé par les proportions suivantes : ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES H,90-91 °/, C2H2,8-9 0/,; CH,1,25; C2H5,0,25. — MM. E. Divers et M. Ogawa ont isolé l’imidosulfite d'ammo- nium des produits de décomposition de l’amidosulfitem C'est un corps cristallisé, qui se décompose à 1500 en laissant du soufre, du sulfate et de l’amidosulfate d'am-« monium. Bouilli avec HCI, il donne du soufre, SO? el l'acide amidosulfurique (S et SO? représentant sans doute le thiosulfate décomposé) : ! 2 AzZH(SO®AzH#} + H°0 = 2 AzH?SOSAZHS + S?0*(AzH*}. L 4 MM. E. Divers et T. Haga ont préparé le nitrilosul=« fate de soude en faisant passer un courant de SO? dans a solution la plus concentrée possible de nitrite et de carbonate de sodium, dans le rapport de deux molécules du premier pour trois du second, jusqu'à ce que le nou=« veau sel commence à cristalliser. Il forme des prismes contenant 5H°0 et très instables. — MM. W. A. Bones et D. S. Jerdan ont étudié la décomposition des hydro= carbures à haute température. Ceux-ci étaient placés dans un tube de porcelaine vide, primitivement chauffé à 11509, et pourvu d’un manchon pour empêcher les gaz du fourneau d'y diffuser. L'acétylène est rapide-m ment décomposé à 1150°; après cinq minutes, il n'en reste plus que des traces. Il se forme d’abord du mé- hane, qui se décompose ensuite lentement en ses éléments ; les produits finaux sont l'hydrogène, les méthane et un dépôt de carbone. Le méthane se ré- sout en ses éléments à 1150° plus rapidement qu'on ne le suppose. Comme avec l’acétylène, il ne se forme pas d'hydrocarbures non saturés. Au bout de (rente mi- nutes, il ne reste que 6,6 °/, de méthane. — M. H. J.H. Fenton, en traitant la cellulose par HCI sec et en éli- minant les dérivés du méthylfurfural qui se produisent, a obtenu un résidu brun sombre, d'où l’on extrait, par digestion avec de l'eau chaude, du dextrose, Cär AC IEr CI sible par son osazone. Avec le papier-filtre suédois, on obtient de même du chlorométhylfurfural et du dex-M {rose, en proportions moléculaires égales. Ces failsm présentent un grand intérêt si on les rapproche de las découverte récente du cellose C'2H?0‘# par Skraup et Künigdansles produits d'hydrolyse dela cellulose. Si l'on admet que ce cellose contient à la fois des résidus de cétohexose et d’aldohexose, l’action de HCI peut être représentée par les équations : Ct2H2010 EL HCI=— CSHSOECI + CH 08 + 2H°0 C'2[2081 HCI— C'HO2CI + CSH#09 + 3H°0 — M. M. O. Forster a préparé le 1-benzoxy-2-benzoyl- camphène (1) par l'action du chlorure de benzoyle sur le camphre sodé. Par hydrolyse de ce composé avec la potasse, on oblient le 1-hydroxy-2-benzoylcamphène, CACOCLHE / G-CO.C*A° cc Il CERTA Il NC.0.C0.C'H° C.OH (1) (1) Il cristallise en octaèdres et donne des sels de soude, de cuivre et de fer. L'«-benzoylcamphre : .CO. C‘A° AU Co.c'f Nco est obtenu en faisant bouillir une solution de son iso- mère dans l'acide formique. Par fusion, la forme céto- nique se convertit dans l'isomère énolique. — M. J. N. Collie a constaté que, si de l’anhydride carbonique à la pression de 5 millimètres est soumis, dans un tube à vide, à l'action de l'étincelle électrique, 63 °/, sont déjà décomposés, au bout de dix minutes, en oxyde de car- bone et oxygène. En 15 secondes, la décomposition est déjà de 48 °/,; et, sous une pression de 1 millimètre, elle est de 65 v/, en dix secondes. Mais, si les électrodes de platine rougissent, la recombinaison se produit. a Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris, — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. Led 12° ANNÉE NOMG 30 AOÛT 1901 Revue générale Mes Sciences DIRECTEUR : in pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. EE — ee CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 4 $S 1. — Nécrologie « Mort du Professeur et Explorateur Nor- “denskiôld. — Alors que le numéro de la Æevue était Sous presse, nous avons reçu de Stockholm la nouvelle “de la mort du baron de Nordenskjôld, Une Notice sera “prochainement consacrée ici même à la vie et à œuvre de l’illustre savant. —… Entrainé par ses études de Minéralogie à explorer “l'Océan Arctique, Nordenskjôld s'était pris de passion pour les choses de la navigation, spécialement dans “les régions polaires; applaudissant à toutes les ten- “atives faites pour propager le goût des voyages par “mer, il portait le plus grand intérêt aux croisières de “là Revue générale des Sciences et avait bien voulu “nous promettre son concours pour organiser, à desti- “nation des terres du Nord, un voyage où fussent conviés, “en même temps que les savants voués à l'étude de la Physique du globe et à la Biologie marine, toutes les ersonnes désireuses de s'initier à leurs recherches et e goûter les splendeurs du monde boréal. — La /ievue labandonnera pas ce projet, LS $ 2. — Astronomie x À — La formation des petites planètes. — Au “temps de Laplace, quelques astéroïdes, seuls, étaient “connus et constituaient pour ainsi dire une singularité mans le système solaire; aussi bien leurs masses sont msi petites qu'il n'yavait pas lieu d’y attacher autrement “d'importance, et Laplace n'eut à s’en préoccuper, après ‘coup, qu'à l'état d'instabilité temporaire dans la forma- “tion successive des planètes. L'hypothèse si élégante de Laplace sur l'origine du système solaire devait préoccu- per bien des savants, et la cosmogonie doit d'importants travaux à Kirkwood, G. Darwin, Trowbridge, Roche, etc.; Cependant, dans ces dernières années, M. Faye crut devoir soumettre le système de Laplace à certaines critiques, pour lui faire supporter de profondes modi- fications; mais, d'autre part, M. Wolf s'est efforcé, dans un ouvrage très précieux sur ces questions, de montrer qu'il n’y avait là aucune objection irréfutable : en fait, ven effet, les hypothèses de Laplace peuvent être con- servées dans leurs grandes lignes, elles sont très REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. simples, et figurent mondes. Malheureusement, la Cosmogonie n’estenseignéenulie part en France : on peut même dire plus, elle est à peine effleurée, comme sujet accessoire de recherches; elle n’est pas bien vue, pour ainsi dire, et cela pour des raisons fort regrettables et qu'il serait trop long d'expo- ser ici. Quoi qu'il en soit, on peut considérer aujourd'hui les petites planètes comme constituant la pierre de touche et le nœud de toute hypothèse sur la formation de notre système; leur nombre s’est considérablement accru, leurs orbites offrent des différences caractéris- tiques, comme pour servir de lien intermédiaire entre les grosses planètes et les comètes, et leur situation même, près de Jupiter, est rendue critique, tant au point de vue de leur formation qu'à celui de l'étude analytique des perturbations. Cependant Kirkwood allait bientôt signaler des lacunes dans l'anneau des pelites planètes, vers les régions de commensurabilité avec le moyen mouvement de Jupiter, et l’on peut concevoir que les molécules abandonnées dans le voisinage des lacunes, si leurs orbites sont assez excentriques, aient disparu par le fait de leur absorption dans l'atmosphère de la nébuleuse solalre en voie de condensation. L'étude théorique des lacunes n’est pas sans soulever les plus grandes difficultés au point de vue de la stabilité des trajectoires, et M. Callandreau fut conduit à rechercher si la formation des planètes, toutes choses égales d'ailleurs, n’a pas été, sinon impossible, du moins relativement plus difficile dans la région de commensurabilité, et à examiuer quel put être l'effet de Jupiter sur un système de molécules représentant les matériaux constitutifs des astéroïdes, molécules abandonnées par la nébuleuse, dans des orbites à très peu près circulaires, surtout vers les points de la nébuleuse en conjonction avec Jupiter, où des marées considérables doivent se produire. Ces lacunes, à vrai dire, diminuent de jour en jour; les découvertes récentes font connaître des planètes de plus en plus petites, qui se rapprochent des régions cri- tiques, montrant, par leur faible masse elle-même, qu'il y avait là une instabilité dans la condensation nébulaire. En tout vas, le phénomène des marées dans 16 très clairement la genèse des 130 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE la nébuleuse a été pressenti par Kirkwood, et personne aujourd'hui ne parait douter de l'influence de Jupiter sur cet anneau d'astéroïdes, et pour sa formation, et, par les perturbations, pour avoir singulièrement com- pliqué sa contexture présente. M. J. Mascart a étudié avec soin, au point de vue sta- tistique, les données si complexes de cet anneau, en reprenant aussi l'étude détaillée des lacunes; enfin, en rapportant les orbites au plan même de l'orbite de Jupiter, il s’est efforcé de voir si les singularités, coïn- cidences, moyennes, ne devenaient pas plus frappantes : il n'en est résulté, à notre connaissance, qu'une série d'observations générales, saus loi formelle. M. R. du Ligondès s'est appliqué aux mêmes études, insistant sur les coups de hache qui correspondaient aux lacunes, pour mettre encore en évidence l'influence de Jupiter : les comètes, alors, seraient des résidus de matière, premiers matériaux absorbés par Jupiter. M. de Freycinet vient d'attirer à nouveau l'attention sur ces problèmes, en y consacrant deux longues Notes à l’Académie; au reste il ignore, ou veut ignorer, les immenses efforts suscités par ces questions, et cherche à confirmer la théorie de Laplace, bien qu'il semble révoquer en doute l'influence de Jupiter sur la généra- tion des planètes télescopiques et sur les alternances de leur répartition autour du Soleil. Le grand intervalle de 350 millions de kilomètres où se rencontrent les asté- roides permettrait presque, déjà, d'écarter l'hypothèse de leur formation par la rupture d’un ou de piusieurs anneaux, d'autant plus qu'aux distances mêmes où il paraît y avoir un peu de condensation, la densité de la matière semble encore bien trop faible pour avoir cons- titué un anneau continu. De plus, on voit diflicilement — surtout en négligeant tellement Jupiter — comment un anneau circulaire à peu près plat permetira une telle dispersion d’inclinaisons et d’excentricités. Si la génération des petites planètes provenait de la rupture d'anneaux issus de l'atmosphère solaire, les groupe- ments de fortes excentricités seraient parmi les plus voisines de la planète troublante, et c’est à peu près le contraire que l’on observe. D'ailleurs, M: de Freycinet reporte tout à l'équateur solaire actuel : c’est là un plan qui a bien varié depuis l'origine, et les inclinaisons présentes des astéroïdes n'auront qu'une valeur relative. Enfin il considère tantôt trois subdivisions, tantôt cinq, tantôt huit anneaux : pourquoi ? Si l’on néglige les relations de commensu- rabilité, le nombre des anneaux est absolument arbi- traire; mais alors, pourquoi prendre toujours comme limites de ces anneaux — sans aucune raison — les zones mêmes de cesrelations de commensurabilité ? On voit qu'il reste bien des difficultés, bien des aléas, malgré les coïncidences extraordinaires que trouve l'auteur entre une théorie approchée et les moyennes, et, puisque les pages des Comptes Rendus lui sont si lar- sement ouvertes, il serait à souhaiter qu'il. y donnât ses calculs plus détaillés encore, avec les changements d’orbites qui pourraient être fort utiles à d’autres. En tout cas, M. de Freycinet à pensé mettre en évidence la relation entre les grandes inclinaisons et les fortes excentricités, bien souvent utilisée depuis Tisserand, et qui parait inhérente à toutes les hypothèses cosmo- goniques imaginées jusqu'ici. $ 3. — Géologie L'origine des nitrates dans les cavernes. — M. E.-A. Martel, analysant dans la Géographie’, un récent Mémoire d’un géologue américain, M. Hess, sur l'origine des nitrates des cavernes, nous donne à ce sujet les intéressantes indications que voici : # « L'origine des nitrates, du salpètre, si abondants dans certaines cavernes d'Amérique (Mammoth, Wyan- dot, Luray), qu'ils donnèrent lieu, pendant les guerres de 1812 et de Sécession, à une active exploitation pour RDA ES RE DR ER EE RSS ! La Géographie, n° 8, 15 août 1901. la fabrication de la poudre, était attribuée à Ja décome position des malières animales, notamment du guano de chauve-souris. Observant que les nitrates se ren contrent dans les cavernes, à de considérables distances: souterraines où n'ont point l'habitude d'aller les chéi= roptères, M. Hess est arrivé à douter que cette explis cation füt la vraie. Il s’est livré à de nombreuses € savantes analyses de terres extérieures et intérieures, avec où sans nitrates; il en a conclu que les nitrates: des cavernes ont été amenés du dehors par les eaux d'infiltration, à travers les fissures des vouütes. Exté rieurement, les eaux entraînent ces nitrates, formés par la décomposition d'amas de matières végétales intérieurement, elles les déposent dans les eaux d cavernes, en s'y incorporant et en précipitant à no veau les nitrates entraînés. « [explication de M. Heiss parait très plausible! remarquons qu'elle est, en tout, pareille à celle re connue depuis longtemps pour la formation des conc tions calciques (stalagmites et stalactites). L'eau perd nouveau ses nitrates, de même qu'elle se dépouiile d'une part, de la calcite (carbonate de chaux), d'autre part, de l'acide carbonique qu'elle contenait. Comm® l'évaporation seule peut amener ce résultat, il faut, pour la précipitation des nitrates, que deux conditions soient réalisées : absence d'eaux courantes (qui conti nueraient l'entrainement) et équilibre entre la quantité infiltrée et celle d’eau évaporée. Ces condilions, nor tons-le bien, sont nécessaires également pour la fo mation des concrétions calcaires. » $ 4. — Biologie De la double spécificité des sérums pré cipitants. — On sait‘ que, si l'on injecte à quatre ou« cinq reprises espacées de six à huit jours, à un animal a d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B, sérum de a acquiert la propriété de précipiter le sérum d'un animal d'espèce B et de cette espèce seulement Il y a là une première spécificité remarquable ayanl donné lieu à des applications pratiques importante (caractériser le sang humain par exemple). Dans un travail présenté comme thèse de doctorat en Médecine à la Faculté de Médecine de Lille, M. Van: steenberghe insiste sur une seconde spécificité des sérums précipitants; sur leur spécificité chimique pourrions-nous dire, pour la distinguer de la première spécificité indiquée par les expérimentateurs et qu conviendrait d'appeler la spécilicité zoologique. M. Nolff, et après lui quelques autres, ont établi que; dans le sérum des animaux B, la substance utile pou faire apparaitre dans le sérum de à la propriété précis pitante, est la sérumglobuline. On peut, en effet, fair apparaitre cette propriété en injectant, au lieu et place de sérum de B, des solutions de sérumglobuline, obtes nue aussi pure que possible en partant de sérums di B; tandis que cette propriété n'apparaît pas à la suilé d'injections de solutions de sérumalbumine de B. D'autre part, la substance précipitée dans le sérum de Best la sérumglobuline de ce sérum, car en ajoutant du sérum de à à une solution de sérumglobuline de B; on obtient un précipité; on n'en oblient pas en ajou tant du sérum de a à une solution de sérumalbumine de B. M. Vansteenberghe a repris cette étude, vérifié les faits fondamentaux, exposé des conclusions fermes là où ses prédécesseurs n'avaient fourni que des indica tions provisoires, La propriété précipitante apparait la suite d'injections de globuline ou de caséine, extraites du sang, du lait, de l'œuf d'un animal d'espèce diffé rente; elle n'apparaît pas à la suite d’injections d'a bumines ou de protéoses. D'une façon générale, om peut dire qu'en injectant à un animal à, à plusieurs reprises, des solutions de globuline ou de caséine em ! Voir La Revue générale des Sciences du 15 mars 1901 p. 205. : . nb Se. Pin LS > CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 131 pruntées à des liquides ou tissus organiques d'animaux d'espèce différente B, on communique au sérum de a la propriété de précipiter les solutions des substances injectées à l'animal a et celles-là seulement. On comprend qu'il sera par là possible de caractériser des substances protéiques et de les différencier, alors que les moyens dont nous disposions jusqu’à ce jour étaient insuffisants. Injectant à des lapins du sérum de bœuf, M. Vansteenberghe a obtenu du sérum de lapin capable de précipiter le sérum de bœuf, ce qui était un fait connu, capable de précipiter le lait de “ vache, ou le lactosérum de vache, ou la lactoglobuline extraite du lait de vache : la lactoglobuline est donc identique à la strumglobuline. Inversement, injectant à des lapins du lait de vache, il a obtenu des sérums de lapins capables de précipiter le lait de vache, ce qui était un fait connu, et capables de précipiter le sérum de bœuf. M. Vansteenberghe n'a pas mulliplié les exemples de semblables recherches phvsio-chimiques ; il s'est con- tenté de poser le principe de la méthode. Il sera pos- sible sans doute d'établir entre les substances protéi- ques des disuünctions plus précises qu'on ne l'a fait jusqu'ici. Il sera possible de donner de nouvelles preuves de la différence fondamentale du fibrinogène et de la fibrine, du caséogène et de la caséine, etc. M. Vansteenberghe a eu le grand mérile, dans son travail, de ne pas suivre la voie toute tracée par les expérimentateurs qui l'ont précédé; son travail méri- tait une mention spéciale, car il contient l'indication d'une méthode nouvelle permettant de caractériser les espèces chimiques de la famille protéique. $ 5. — Hygiène publique Le passage des microbes à travers les filtres. M. W. H. Horrocks, professeur-adjoint d'Hygiène, à l'Ecole de Santé militaire de Netley, vient de se livrer à une intéressante étude comparative des filtres Chamberland et Berkefeld'. Il à cherché à observer par des expériences directes si la filtration d'une culture de bacilles typhiques par les bougies Chamberland et Berkefeld est suivie de l'apparition de ce bacille dans le filtrat, et pendant quel nombre de jours il en demeure indemne. 4 Le procédé adopté est le suivant : Une bougie Ber- kefeld (n°12 du Catalogue), placée dans un cylindre de verre, fut solidement maintenue en position par une vis de serrage. Le tube métallique de décharge fut alors relié, au moyen d’un fort tuyau de caoutchouc préalablement enfilé sur un robinet, à un court tube - en verre qui traversait un bouchon de caoutchouc - enfoncé lui-même d'une manière élanche dans un flacon de Kitasato. Le col du flacon et l’orifice du cylindre de verre étaient “ houchés avec de la ouate. Tout l'appareil était ensuite placé dans le stérilisateur, et passé à la vapeur pendant une heure. On le laissait refroidir : la bougie filtrante et l'enveloppe en verre étaient soutenues dans la posi- tiou verticale par un support à burette ordinaire, et on introduisait 50 centimètres cubes de bouillon stérile dans le flacon avec toutes les précautions possibles. Le robinet étant mis en position sur le tube de caoutchouc de manière à séparer la bougie et le cylindre en verre du flacon ,on rendit étanches tous les joints de l'appareil à l’aide de cire paraftinée. On remplit alors le cylindre de bouillon, de manière à recouvrir complètement la bougie filtrante sans toucher au bouchon de ouate. On ouvrit le robinet et on laissa filtrer 10 centimètres cubes du bouillon contenu dans le cylindre de verre, de la bougie dans le flacon. La filtration s'opérait simplement en vertu de la pression atmosphérique, et la bougie 4 British Medical Journal, n° 2111, 15 juin 1901, p. 4471. fonctionnait dans des conditions qui permettaient à son influence moléculaire d'agir en plein. L'appareil fut alors placé dans un casier maintenu à la température moyenne de 25° C. Après quarante-huit heures, le bouillon du cylindre et celui du flacon étaient parfai- tement clairs, ce qui prouvait que les manipulations n'avaient en rien contaminé le liquide. On ensemenca alors le bouillon du cylindre avec une cuillerée d'une culture de B. typhique sur agar âgée de vingt-quatre heures. Le lendemain, le bouillon élait trouble dans tout le cytindre, mais celui du flacon était parfaitement clair. On ouvrit alors le robinet et on laissa filtrer 10 centimètres cubes du contenu du cylindre, qui allèrent dans le flacun. Le lendemain, le bouillon con- tinuant à être parfaitement stérile, on fit de nouveau filtrer 40 centimètres cubes comme précédemment. Le même système de filtration fut employé de jour en jour et la quantité de bouillon filtrée chaque jour fut rem- placée dans le cylindre par du bouillon stérile, la ma- nipulalion étant faite avec toutes les précautions possibles. Le bouillon du flacon de Kitasato demeura parfaitement clair pendant quatre jours; le cinquième jour, on le trouva légèrement troublé; on en retira quelques gouttes au moyen d'un fil de platine introduit dans le col du flacon, puis déposé sur une couche d’agar. La culture obtenue présentait tous les caractères du bacille typhique. M. Horrocks a exécuté neuf autres essais analogues ävec des bougies Berkefeld et a réussi à faire passer le bacille dans le filtrat à des dates diverses, mais toutes inférieures au onzième jour. Il a ensuite expérimenté des bougies Chamberlani ävec des eaux d’égout, des eaux résiduaires, des eaux de réservoir polluées, ensemencées à plusieurs reprises avec de larges doses de bacilles typhiques. Les opéra- tions ont été poussées pendant (rois semaines sans qu'on püt découvrir de bacille typhique dans le filtrat: on avait d’ailleurs soin de s'assurer que le liquide à filtrer contenait toujours une grande quantité de bacilles typhiques vivants. M. Horrocks termine son Mémoire par les conclusions suivantes : 1° Les bacilles typhiques ne sont pas capables de proliférer à travers les parois de la bougie Chamberland, et si l’on prend des soins suffisants pour empêcher le passage direct des bacilles à travers les fissures du corps filtrant ou les imperfections des joints, le filtre Chamberland doit donner uue protection complète contre la fièvre entérique d'origine hydrique; 2 Les bacilles typhiques peuvent proliférer à travers les parois de la bougie Berkefeld, probablement à cause de la dimension plus grande des pores, et la diminution des influences d’immobilisation et de dévitalisation. Le temps nécessaire pour que les bacilles typhiques tra-° versent une bougie varie de quatre à onze jours, et semble dépendre principalement de l'alimentation fournie aux organismes par le milieu dans lequel ils existent. Si l’on veut obtenir une protection complète contre la fièvre entérique d’origine hydrique, lorsqu'on emploie des filtres Berkefeld, il est nécessaire de stériliser les bougies dans l’eau bouillante tous les trois jours. $ 6. — Sciences médicales à Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de Chimie appliquée à lHygiène. — Le Cours et les manipulations du nouveau service d'Analyse etde Chimie appliquée à l'Hygiène (2° année), commen- ceront le mardi 5 novembre. Ce Cours s'adresse spécialement aux pharmaciens, médecins et chimistes industriels. ; Il peut donner lieu à un certificat. Pour les conditions, s'adresser, 26, rue Dutot (Ser- vice d'Analyse). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES Depuis quelques années, il est souvent question, dans la littérature médicale, de Blastomycètes pathogènes ; mais les médecins auraient peine à trouver, dans les ouvrages généraux qui traitent soit de Botanique, soit de Pathologie, des notions assez explicites pour leur apprendre si les Blasto- mycètes forment un groupe de parasites bien cir- conscrit par ses caraclères morphologiques, par ses propriétés biologiques, par son mode d'action sur l'organisme humain; si, d'autre part, les hlas- lomycoses se distinguent des autres groupes nosologiques par leurs caractères cliniques et analomiques. Sans vouloir prétendre que ce double problème soit, dès à présent, susceptible d’une solution défi- nitive, sans songer à faire un exposé magistral qui marque une élape parcourue de l’évolution seien- tifique, il nous a semblé opportun de grouper les données acquises, afin de permettre à chaque pra- ticien d'apprécier des cas embarrassants et d'ap- porter de nouvelles contributions à un chapitre encore obseur de la Pathologie. Et d'abord, il faut nous entendre sur la signifi- calion du mot Blastomycètes. Il ne désigne pas un groupe naturel, une famille botanique fondée sur les affinités généalogiques, une série de plantes rattachées à un genre-type comme les Tubéracées se rattachent à la truffe. Il existe bien un genre Zlastomyces, mais, quel- que étrange que cette asserlion paraisse, les Plas- tomyces ne sont pas des Blastomycètes. Ce n'est point la dernière des causes de confusion dont on a, comme à plaisir, hérissé l'étude de ce groupe. Costantin et Rolland! nomment Plastomyces des champignons filamenteux dont les éléments sporiformes terminaux, latéraux ou intercalaires peuvent s'isoler par désarticulation. L'ordre des Blastomycètes, créé antérieurement par Frank?, comprend les champignons, tels que la levure de bière, dont les éléments s’isolent par bourgeonne- ment et non par désarticulation. En vertu de la loi de priorité, il semblerait que le nom de Blasto- mycète, tel que l'entend Frank, doive seul subsis- ter. Mais, si les naturalistes s'interdisent de donner le même nom à deux genres, leur législation n'a pas prévu le cas où un genre usurpe le nom d'un ordre. Par suite de cette bizarrerie des règles de la nomenclature, le genre de Costantin et Rolland est légal. Heureusement pour la clarté de notre 1 Cosranun et RoLrann : Blastomyces, genre nouveau, dans la Soc. mycol. de France, t. 1V, 1889. 2 Frank : Drei Natur Reiche, II. sujel, il n'est pas légitime et il tombe en raison de l'insuffisance de ses caractères distinelifs, qui n'ont pas une valeur générique. Le terme de Blastomycètes s'est maintenu en Botanique et vulgarisé en Médecine avec une accep- tion voisine de celle qui l'a fait introduire par Frank, mais qui doit être élargie. D'après son élymologie (8kéorn bourgeon, uüxne champignon), il signifie champignons bourgeon- nants. A-t-il en Botanique et en Médecine un sens plus spécial, plus large ou plus restreint? Nous ne le pensons pas. Il signifie ce qu'il dit, rien de plus, rien de moins; c’est un vocable qui, malgré sa forme grecque, appartient au langage vulgaire. La définition des Blastomycètes se confond avec leur nom. Donc, par Blastomycèles nous entendons tous les champignons qui se présentent, à un moment donné, sous forme de globules bourgeonnants, quelles que soient leurs affinités, quels que soient les aspects qu'ils revêtent à d'autres moments de leur existence. Telle espèce présente toujours ce mode de végélation, par exemple la levure de, bière; telle autre la présente seulement sous cer- | laines conditions de milieu, par exemple le cham- pignon du muguet. Quand nous parlons de Blastomycètes patho- gènes, nous ninvoquons donc pas l'idée de Champignons supérieurs ou de Champignons infé- rieurs — les plus parfaits des Champignons, les Basidiomycètes, sont Blastomycèles à leurs heures; — nous n'affirmons pas l'existence ou l'absence de tel ou tel mode de reproduction; nous exprimons la même idée que si nous parlions de Champignons pathogènes bourgeonnants. Ce mot est-il utile? Sans doute; il abrège le langage, et les formes grecques n'ont jamais rebuté le médecin ni le naturaliste. Est-il bien choisi? Ce point est pius contestable ; il a une fàächeuse consonnance avec Phycomycètes, Ascomycèles, etc., et, sous cet habit de nom technique, il ferait croire aisément qu'il invoque des caractères botaniques précis, qu'il résume, lui aussi, un ensemble de propriétés d'où se dégage la certitude d'une affinité, d'une parenté. réelle, d’une filiation commune. Il suffit d’être prévenu pour éviler cette confusion. Tout ce que nous venons de dire revient à avertir le lecteur qu'en parlant de Blastomycètes, nous ne parlons pas le langage taxinomique ; nous adoptons une formule conventionnelle pour éviter une périphrase. Une autre convention permettra de circons- crire plus nettement notre sujet: nous laisserons PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 133 de côté les Champignons qui, durant l'existence parasitaire, présentent habituellement des formes filamenteuses mélangées aux globules bourgeon- nants ; tels sont : l'Zndomyces albicans du muguet, le Malassezia fufur du pityriasis versicolor. Mais nous n'affirmons nullement que les Champignons - retenus dans le cadre de cette étude soient inca- pables de donner aussi des filaments, s'ils vivent dans un milieu différent de l'organisme de l'homme - ou des animaux à sang chaud. Nous allons donc éludier, dans ce groupe empi- rique des Blastomycètes, les parasites de l'homme qui s'offrent, à l'examen médical, principalement sous forme de végétation globuleuse et bourgeon- nante. L'importance médicale des Blastomycètes fut entrevue dès le jour où l'on reconnut la nature … végétale de la levure de bière. On ne songea point, — tout d'abord, à chercher dans ce groupe les agents - spécifiques de plusieurs maladies. Pouvaitil en -être autrement il y a 60 ans, alors que le micros- -cope ne percevait aucun détail de structure dans les levures, et que l'analyse morphologique, seule - base connue des distinctions spécifiques en Bota- “nique, ne parvenait à y saisir aucun caractère “ différentiel ? On ne songeait même pas à discuter l'unité du cryplocoque du fermeut. C'est donc au cryptocoque du ferment, à celte r végétalion aquatique rappelant les algues les plus «inférieures, que Vogel", en 1842, compare le parasite … du muguet. C'est au même cryplocoque que l'on - rapporle, dans les années suivantes, des globules “ovales ou elliptiques aperçus à la surface des mu- n queuses, dans les déjections, les urines, les matières -vomies. Ces observations sont faites sur des malades k atteints d'affections diverses et surtout de ces affec- * tions à étiologie obscure: diabète, typhus, cho- _ léra, qui tentent naturellement la sagacilé des … chercheurs en quête de nouveauté. Cesconstatations . sommaires ne pouvaient ébranler le dogme intan- 4 de la spécificité morbide, et le cryptocoque du . ferment apparut, non comme un agent de maladie, … mais plulôt comme l'artisan de ces fermentations d'humeurs viciées, depuis longtemps dénoncées …_ comme l'effet et non comme la cause des maladies les plus variées. Il ne faut pas remonter à vingt ans d'ici pour voir encore diverses affections imputées à la levure de bière ou plutôt à ce groupe colleclif non défini, non analysé, que lesmédecins désignent sous le nom delevure, sans même se demanders'il neconfondent -pas sous une rubrique commune des êtres aussi 1 Vocez : (A/1g. Zeitung für Chirurgie, 1842). disparates que les ferments industriels et le parasite du muguet. Toule une série d'observations de levures dans les affections gastro-entériques échap- pentainsià la critique par l’ absence ou l'insuffisance des données botaniques. Lesthéories pathogéniques sont encore plus fantaisistes que les vagues indi- calions qui leur servent de base, soit qu'elles invoquent un empoisonnement par l'acide carboni- que produit dans l'estomac par les ferments ingérés, soit qu'elles soutiennent que la levure en excès dans la boisson passe dans le sang, dans l'urine, et peut même s'échapper par la peau en causant l'acné et le psoriasis ! Ceperdant, la conception du rôle pathogène des Blastomycètes s'est modifiée depuis que la diver- sité des levures ressort, non seulement de la forme et de la structure, mais encore des propriétés phy- siologiques et des actions variées exercées sur le milieu qui leur sert de support et d'aliment. La vogue des levures comme médicament n'a pas subi les mêmes vicissitudes que l'appréciation de leur action délétère. Dès1852, lalevure de bière est préconisée par M. Mosse dans le traitement des furoncles. D'autres la chargent d'aller détruire le sucre dans l'organisme des diabéliques, sans avoir beaucoup à se louer de ses services. Les théories thérapeutiques reflètent les théories pathogéniques. Pendant cette période primitive, la fermentation qui transforme les humeurs semblait susceptible d'être, selun les circonstances, nuisible ou salu- laire. Plus tard, s'ouvre l'ère des microbes, et aussitôt se révèle l’antagonisme des bactéries et des levures Pasteur dénonce les bactéries comme les pires ennemis des ferments industriels. Tandis que les brasseurs cherchent à éliminer des cuves les mi- crobes, ferments de maladie, Heer! (188$) songe à susciter aux bactéries pathogènes la concurrence de la levure en l'introduisant, soit dans l'intestin des typhoïsants, soit dans la gorge des diphlé- riques. Boinet et Ræser” la préconisent dans la diar- rhée de Cochinchine et dans le muguet. Les auteurs récents la recommandent dans la leucorrhée vagi- nale, la vaginite blennorragique, la constipation”, la pneumonie", la bronchopneumonie, les furoncles, les orgelels, etc. On ne sait trop si la levure est utile en faisant concurrence aux microbes. On pourrait invoquer en faveur de cette interprélation les expériences 1 Herr : (Deutsche medie. Zeitung, n° 68, 185$), d'après Boinet et Rœæser. ’ 2 Boner et Rorser : Action de la levure de bière. (Bull. gén. de Thérapeutique, CXIX, 30 sept. 1890). 3 Braxcuer : La levure de bière dans le traitement des entérites (ONE se méd., Paris, 1900). # ManIE : Traitement de la pneumonie par la levure de bière (Soc. méd. des Hôpitaux, 18 mai 1900). de Boinet et Rœser (1890) sur l'atténuation des virus charbonneux ou typhoïde inoculés avec la levure, celles de d’Arsonval et Charrin! (1893) sur la concurrence vitale entre le bacille pyocyanique et la levure de bière. Faisans ? (1900) considère la levure comme un agent de désinfection gastro- entérique dans la grippe et la fièvre typhoïde. Las- sar”* (1899), à propos de la leucorrhée vaginale, croit à un parasitisme subslitutif. Il se pourrait aussi bien que l’action fût imputable aux produits de la fermentation, car Murer‘ ne la constate qu’en pré- sence du sucre. Hallion * (1899) pense que la levure atténue la toxine diphtérique en entretenant l'aci- dilé du milieu; Nobécourt” est du même avis. Peut- être enfin n’agit-elle ni comme parasile, ni comme ferment, ni comme être vivant, mais comme uu vulgaire laxatif; Ross ?(1900) trouve la levure stéri- lisée plus efficace contre la constipation que la levure avalée vivante. La levure de bière, plus ou moins pure, plus ou moins exactement déterminée, est le seul Blasto- mycète essayé en Thérapeutique, si nous exceptons quelques essais de sérothérapie dont nous discu- terons les résultats après avoir examiné la nature des affections auxquelles on à voulu opposer ce remède. En somme, les Blastomycètes n'offrent guère à la Thérapeutique qu'un remède empirique, préconisé depuis une cinquantaine d’années avec des alternatives de vogue et d'oubli, et dont le mode d'action est trop mal défini pour éclairer la biologie des parasites de ce groupe. Au contraire, le rôle pathogène de ces champi- gnons devient très envahissant : ils sont observés dans des affections banales, telles que les troubles digestifs, les angines', les endométrites, les olites moyennes, les dermatoses; de nouveau, ils sont accusés de causer les maladies occultes comme le typhus et la rage. Enfin, toute 11 gamme des néo- plasies, depuis les simples kystes, les tuméfactions ! D'Arsonvaz et Carr : Le bacille pyocyanique et la Levure de bière (C. R. de la Soc. de Biol., t. XUV, 1893). = Farsas : De l'emploi de la levure de bière comme agent de désinfection gastro-intestinale (Soc. médic. des Hôpitaux, 25 mai 1900. — Semaine médicale, t. XX, 1900). % Lassar : La levure de bière contre la furonculose des diabétiques (Zbid., 15 février 1899). # Muxer : Valeur de la Levure de bière dans le traitement de la vaginite blennorragique (Thèse Méd.; Paris, 1899). * Hazcion : Action de la Levure de bière et des acides qu'elle sécrète sur la toxine diphtérique ( Volume jubilaire de la Soc. de Biologie, 1899), 5 Nosécourr : Action in vitro des Levures sur les microbes et leurs toxines (C. R. Soc. de Biologie, 28 juillet 1900). — Le sort et le rôle des Levures introduites dans le tube digestif (Semaine médicale, 9 janvier 1901). ? Ross : La Levure de bière contre la constipation habi- tuelle (Semaine médicale, t. XX, 1900). # De Sreckuix : Recherches cliniques et expérimentales sur le rôle des Levures trouvées dans les angines suspectes de diphtérie (Archives de Méd. expér. et d'Anat. pathol., t. X, 1898). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES inflammatoires jusqu'aux tumeurs malignes, dont l'étiologie reste un des points les plus controversés de la médecine contemporaine, devrait, s'il faut em croire quelques auteurs, rentrer dans le cadre des blastomycoses. Les Blastomycèles n'auraient plus, dans ces ma- ladies diverses, le rôle accessoire et uniforme attri- bué jadis au cryptocoque du ferment : ce seraient des agents spécifiques au même titre que le bacille diphtérique ou, tout au moins, que les Actinomy- cètes. En un mot, les Blastomycètes tendraient à prendre en Pathologie une importance analogue à celle des bactéries. Les praticiens ont peine à accepter des assertions aussi imprévues. On s'étonne que des parasitesrela- tivement volumineux aient élé si longtemps mé- connus, alors qu'on appliquait des méthodes suffi- santes pour déceler des êtres plus petits et plus délicats. Cependant, on considérera que la délica- tesse de la technique est moins essentielle dans ce genre de recherches que son appropriation exacte « au but poursuivi. Dans les cancers, par exemple, on a éherché des bactéries ou des protozoaires. Or, les réactifs qui fixent les lissus pathologiques et les parasites animaux dont la consistance approche de celle des cellules humaines, de même que les caus- tiques qui sacrifient les éléments anatomiques pour faire ressortir les microbes de consistance plus ferme, laissent transparentes les membranes végé- tales et déforment le protoplasme, au point de rendre une levure méconnaissable. On a tout fait pour voir autre chose que des Blastomycètes, et tous les progrès de la technique tendent à dissi- muler davantage ces champignons, au cas où il s’en trouverait dans les tissus malades. Nous n'avons donc pas lieu d'être surpris de la découverte de Blastomycètes dans des affections où les parasites ont été longtemps recherchés sans succès. Ce n’est pas à dire que tous les résultats annoncés dans cette voie nouvelle de recherches offrent un égal degré de certitude, une semblable garantie d'authenticité. Il faut faire la part de l'engouement et des conclusions prématurées, basées sur des analogies plus que sur des faits complètement clairs. Mais, sans généraliser hâtivement, sans ac- cepter sans contrôle des théories plus retentissantes que solides, le médecin doit tenir compte des faits v positifs établissant l’action pathogène de certains Blastomycètes. RS LE PPT IT SA Mn dm L'existence de Blastomycètes dans l'organisme vivant, dans les tissuset les produits pathologiques, est démontrée par un grand nombre d'observations. À leur forme de globules sphériques, ovales ou i | .| K: PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÊTES PATHOGÈNES 1 FÈ O6 elliptiques, à leur structure de cellules à membrane | bien distincte, à noyau fixant les malières colo- autes appropriées, à la présence de bourgeons | plus ou moins volumineux, adhérents par un point étroit à la cellule-mère, on reconnait sans peine Jes éléments de Blaslomycètes : dans les matières | (Demme), les écoulements vaginaux et uté- s(Colpe”, Bossi, Rossi-Doria?), le mucus retiré de la Pompe d'Eustacne (Maggiora et Gradenigo*). Ils sont d'observation courante dans la salive et les “crachats. Ils ont été conslatés dans diverses affec- tions cutanées, telles que l'eczéma séborrhéique isenberg ‘), l'acné chéloïdienne (Secchi°), le pso- ouvrant les ie nm Gilchrist et a ARE la conjonctivite M Homatonse azza, dans le rhinosclérome; Attiolo et Simoni, ans les amygdales hypertrophiées. Ils se sont montrés avec un aspect non moins typique dans des poches kystiques sous-cutanées (Saccharomy- btenu par incision d'une tuméfaction d'aspect hlegmoneux ($S. granulatus de Vuillemin et Le- grain), dans des nodules inflammatoires chro- niques (Cryplococcus hominis de Busse), dans le farcin d'Afrique (Cr. farciminosus de Rivolta). Les Blastomycètes sont parfois accumulés sans mélange en masses visibles à l'œil nu. Ainsi, forment de vastes enduits d'aspect crémeux à la face des muqueuses buccale et pharyngienne. “Les médecins sont portés à englober toutes les stomatiles et angines crémeuses sous le nom de muguet et à les imputer à l'Xndomyces albicans. Cependant, Troisier et Achalme” ont démontré, par 4 COLPE : enitalkanal (Archiv für Gynäkologie, t. XL VII, 1894) Rossi-Donra : La teoria blastomicetica del cancro (71 ale infettante (Zbid., t. III, 1896). % MAGGrorA e Graven160 : Bakteriologische Beobachtungen über den Iuhalt der Eustachischen "Trompete bei chro- nischen katarrhalischen Mittelohreutzündung. (Centr. f. 4 EISENBERG : 5 SEcOnt : Bakteriologische Diagnostik, 1891. Ueber die nt ua Le LIÉE serre Dermatologie, t. XXV. 1397). “— RivOLTA : Parassiti vegetali, 1873. Rivoura e Micgcroxe : (Giorn. di Anat. e Fisiol. degl. L 1883). 2 =: Giccurisr and Rovaz Srokes : The presence of an oidium inthe tissues of a case of pseudolupus vulgaris (Zbid., 1), " Journal of exp. Med., t. III, 1898). A case of pseudolupus vulgaris caused by a blastomyces 8 Hcava : Vyzman microorganismu pri variole (Prag., 887 et Centr.{. Bakt., t. I, 1887). Trorsier et Acnatye : Sur une angine parasitaire causée par une levure, et cliniquement semblable au muguet (Arch. “4 Méd. expér., t. V, 1893). asis (Rivolla®). Nous en avons vu dans des croûtes | . | ils Hefezellen als Krankheitserreger im weiblichen | Policlino, t. 1, 1894). — I blastomiceti nel sarcoma puerpe- | une étude très complète, l'existence d’un vrai Sac- charomyces dans une angine cliniquement sem- blable au muguet. Le diagnostic différentiel a son importance, car le Blastomycète de Troisier et Achalme, que nous appellerons Saccharomyces Anginæ (fig.1),ne possède pas, comme les Hypho- Fig: 1. — Saccharomyces Anginæ. Globules bourgednnants et asques (d'après Troisier et Achalme). mycètes auxquels se rattache l’Ændomyces albicans, de filaments capables de s'insinuer, par Île fait même de leur végétalion, jusque dans la profondeur des tissus. Ce diagnostic est d’ailleurs délicat, car le champignon du muguet donne surtout, à la sur- Fig. 2. — A. Blastomycète simulant le muguet buccal; a, chlamydospore ; B, Endomyces albicans du muguet buccal” au même grossissement. face des enduits, des globules bourgeonnants en proporlion assez considérable pour masquer les fila- ments si l'examen n'est pas suffisamment appro- fondi. Les difficultés de ce diagnostic s'applani- ront dès que l'altention des praticiens sera éveillée. Le S. anginæ ne se distingue pas seulement de lÆ. albicans par le caractère négatif de l'absence 7136 PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES de filaments; ses globules sont deux fois plus gros; les asques et les spores obtenus dans les cul- forme toute différente. Divers auteurs n'ont vu que des globules dans de prétendus muguets. De mon côté, j'ai rencontré, dans un cas diagnostiqué comme muguet buccal, un Blasto- mycète différant à la fois de l’Z. albicans et du S.anginæ (fig. 2); le sujet est loin d'être épuisé. Des Blastomycètes disséminés dans des liquides en moindre quantité attirent l'attention par leur couleur. Maintes fois on a signalé des levures roses dans la bouche, le pharynx, la trompe d'Eustache, la séborrhée ; le S. granulatus, que j'ai observé avec Legrain”, donnaitune teinte spéciale au liquide séro-sanguinolent issu de l'incision des {umeurs inflammatoires. La recherche des Blastomycètes dans l’intérieur des tissus malades ne donne pas, en général, de résultats aussi évidents que l'examen des sécrétions ou des enduits. Les éléments rapportés par les auteurs aux Blastomycètes ne présentent plus las- pect classique des levures. Dans les ganglions lymphatiques d'un bœuf atteint de carcinome du foie avec généralisation à tout le système lymphatique, Sanfelice? découvrit, en 1895, des globules qu'il rattache aux Blastomy- cèles sous le nom de Saccharomyces lithogènes. Cette observalion fut le pivot d’une théorie nouvelle sur l'étiologie du cancer, théorie insuffisamment ctayée jusqu'alors par des données anatomiques et expérimentales. Mais les globules en question étaient revêtus d'une capsule calciliée, ou même encastrés dans des masses pierreuses de grande étendue, au sein desquelles la struclure d'une cel- lule végétale élait singulièrement masquée. Des capsules douées d’un éclat vitreux revètent les élé- ments du Plastomyces vitro simile degenerans, sigoalé par Roncali dans une série de tumeurs malignes de l'homme. tures sont d'une 1 VuiLLeN et LEGRAIN : Sur un cas de saccharomycose humaine (Archives de Parasitologie, t. HI, 1900). ? Saxreu1ce : Ueber eine für Thiere pathogene Sprosspilzart {Centr. f. Bakt., XNII, 1895). — Ueber die pathogene Wir- suug der Sprosspilze, Zbid.).— Ueber einen neueu pathoge- uen Blastomyceten welcher innerhatb der Gewebe unter Bildung kalkartig aussehender, Massen degenerirt (Centr. f. Bakt., XVIU, 1895). — Ein weiterer Beitrag…. (Centr. f. Bakt., XXIV, 1998). — Ueber die pathogene Wirkung der Blastomyceten I-V Abhandlungen (Zeitschr. f. Hyg., XXI- XXIX, 1896-1898). — Ueber die Immunität gegen Blastomy- ceten (Centr. f. Bakl., XX, 1896). — Note à la Société i. r. des médecins de Vienne, 16n0v. 1906(Sem. médie.,t. XX,1900). 3 RoncaLr : Die Blastomyceten in den Adeno-Carcinomen der Ovariums (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895). — Die Blas- tomyceten in den Sarkomen (/bid.). — Di un nuovo blasto- miceto isolato da un epitelioma... (Centr. f. Bakt., t. X\, 1896). — Klinische Beobachtungen und histologische und inikrobiotische Untersuchungen über einen Fall von pri- ‘mären Adenocarcinom (Centr. f. Bakt., t. XXIV, 1898). — Sopra uu caso di epitelioma delle mammella del maschio. (Supplem, al Policlinico, 13 octobre 1900). Les globules observés dans les lissus ne s'écartent pas seulement de la description classique des levures par les caractères de leur enveloppe ; le des granulations noires, réfringentes, qui gran dissent et deviennent libres par éclatement de | membrane. Dans le pus des chevaux japonais atteints d'une lymphangite épizootique analogue au farcin d'Afrique, Tokishige? trouve des Blasto mycètes contenant un pelit noyau cocciforme, for tement réfringent, animé d'actifs mouvements, eb de petits corps semblables, libres entre les cellules; isolés ou unis en diplocoques. D'après Bra*, les para sites globuleux des tumeurs malignes présentent, à un cerlain stade, un contenu sporulé et sont ensuite réduits à leur membrane d'enveloppe irré gulièrement gaufrée. Inutile d'ajouter que Bra croit trouver aussi des périthèces entiers, analogues à ceux des MVeclria, dans l'intérieur des tumeurs malignes. De telles interprélalions ne soutiennenk pas l'examen‘. Dans du tissu frais de carcinome“ Rosenthal et Léopold observent des granulation mobiles, contenues dans les cellules ou s'en échap= pant activement. Toutes ces formations observées dans les cellules parasites sont mal définies. Rien ne permet de leur assigner la valeur d'un organe spécial qui manquez rait aux levures ordinaires. Effectivement, l'histo= logie des Blastomycètes n'a pas été étudiée avec la même précision sur les éléments enfouis dans les tissus malades que sur les abondantes végétations des cultures ; la fine structure du protoplasme el du noyau de la cellule de levure n'a pas été recher=« chée dans les inelusions des tumeurs. Notre igro= 1 Conseczr uud Frisco : Pathogene Blastomyceten bei Menschen. (C. f. Bakt., t. XVII, 1895). 2 TokisuiGe : Ueber pathogene Blastomyceten (Centr. 1: Bakt., XIX, 1896). 3 Bra : D'un champignon parasite du cancer (C. R. Soc: Biol., 1898). — Le champignon parasite du cancer (Presse médie., 23 févr. 1899). — Culture de Vectria, parasite des chancres des arbres. Analogies de ces cultures avec celles du champignon parasite du cancer humain (C. R. Acad: Se., 10 juillet 1899). — Le cancer et son parasite (Paris; 1900). 4 Voruceix : Cancer et tumeurs végétales (Bulletin des séances de la Soc. des Sciences de Nancy, 15 février 1900} ® RosexruaLe : Ueber Zellen mit Eigenbewegung des Inhalts, beim Carcinom des Menschen und über die sog. Zelleins= cblüsse auf Grund von Untersuchungen an lebensfrischen! Material (Archiv. f. Gynäkologie, t. LI, 1896). ü Lroporp : Untersuchungen zur Æliologie des Carcinoms. und über die pathogenen Blastomyceten (Archiv für Gynà kologie, t. LXI, 1900). se PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 137 rance lient à des difficultés techniques: il faut éga- lement faire la part des erreurs d'interprétation émanant de savants moins versés dans les connais- sances bolaniques que dans les connaissances pathologiques. Rien ne prouve, par exemple, que les diplocoques de Tokishige et de Bra corres- pondent aux granulalions observées dans l'inté- rieur des globules levuriformes. Nous admettrons difficilement que les corpuscules de Léopold soient comparables aux zoospores par leur motilité, quand l'auteur nous déclare que le mouvement persiste dans les cellules plongées dans l'acide chlorhydrique et même dans des fragments de tissu enrobés depuis trois jours dans la paraffine. Des organismes si délicats n'auraient pas survécu à Fig. 3. — Saccharomyces tlumefaciens. Formes parasilaires munies de grosses capsules gélifiées (Curtis). l’action préalable des liquides fixateurs el déshy- dratants. : On peut négliger, comme insuffisamment établies, les données concernant les formations endogènes Spéciales à l’état parasitaire des Blastomycètes. Il est, au contraire, parfaitement établi que les globules provenant des tissus possèdent souvent une capsule volumineuse d'aspect pierreux ou vitreux, qui n'est point habituelle chez les levures. Mais l'expérience a prouvé que des globules encap- sulés, provenant des Lissus, donnent des Blasto- mycètes typiques. Ainsi Sanfelice, Roncali obtien- nent des cultures caractéristiques en placant dans des milieux putritifs des fragments de tumeurs contenant, d’après le premier, le Saccharomyces lithogenes ; d'après le second, le Zlastomyces vitro simile degenerans. Restait à prouver que les cul- tures provenaient bien des corps calcifiés ou vitreux et non de germes masqués dans la masse néopla- sique. Les Blastomycètes, débarrassés par repi- quages successifs des impuretés que la semence d'origine aurait pu entrainer, ont élé inoculés à des cobayes. Dans les expériences de Roncali comme dans celles de Sanfelice, les animaux présentèrent des globules encastrés dans une gangue piérreuse ou vitreuse au milieu de nodules inflammatoires. Les masses pierreuses provenant du rein d'un cobaye inoculé, placées dans de l’eau stérilisée, se décalcifient progressivement dans une période de vingt- quatre à quarante-huitheures ; il ne reste plus, autour de la membrane fine et réfringente de la cellule levuriforme, © K : qu'une capsule hyaline. Une © F) NA) semblable capsule hyaline @) s'est montrée autour des cel- : Fig. 4. — Cryptocoe- lules contenues dans les tissus, € cus Hominis (Vieille à la suite de l’inoculation de culture, sur jus de ÿ : pruneaux d'après levures banales pratiquée par Busse). Sanfelice et Nesczadimenko #. La démonstralion est complète : les enveloppes pierreuses, débarrassées de la substance incrus- tante, prennent le caractère de capsules hyalines. Des globules encapsulés engendrent des globules à membrane mince, et réciproquemeni. Par consé- quent, les capsules qui, par leur développement extrême, ont frappé les anatomistes, peuvent fort bien appartenir à des Blastomycèles. Nous dirons plus : elles représentent un organe normal des Blastomycèles. Chez le Saccharomyces tumefaciens, dont la capsule atteint un prodigieux développement dansle produit pathologique, Curtis? l'a retrouvée sans peine dans les cultures (fig. 3); Fig. 5. — Saccharomyces granulatus. — a, b, aspect de la surface : granules isolés ou confluents en réseau; €, forme allongée : d, chlamydospores ; e, asques. chez le Cryplococcus Hominis, Busse* l'a reconnue dans les milieux artificiels (fig. 4), dès que son 1 NESCZADIMENKO : Zur Pathogenese der Blastomyceten (Centr. f. Bakl., t. XXV, 1899). ? Curns : Contribution à l'étude de la saccharomycose humaine (Ann. de l'Institut Pasteur, t. X, 1896). — A propos des parasites du cancer (Presse méd., 11 mars 1899). 3 (. Busse : Ueber parasitäre Zelleinschlüsse und ihre 138 PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES altention eut été éveillée par les observations de Curtis; chez le Saccharomyces granulatus, elle forme un revétement orné d'élégantes saillies ponc- tiformes ou soudées en réseau (fig. 5). D'une façon plus générale, la membrane des Blastomycètes se compose de deux couches, dont l'externe, géné- ralement réduite à une mince pellicule, s'épaissit et se différencie sous diverses influences. Cette sorte de cuticule, prenant un développement inso- lite dans les tissus malades, devient la capsule. Ce développement exagéré est considéré à tort comme un signe de dégénérescence; les globules du S. tumefaciens se multiplient abondamment, malgré la capsule géante qui les protège. Il résulte assu- rément de l’action du milieu hospitalier sur le para- site; mais chaque espèce réagit à sa manière contre la provocation des tissus auxquels elle dispute le terrain ; suivant ses tendances propres, elle donnera des capsules minces ou épaisses, hya- lines, cornées ou pierreuses. Les capsules repré- sentent, en un mot, une adaplation parasitaire de la couche superficielle de la membrane des Blas- Ltomycètes. Il est donc démontré que les Blastomycètes sont capables de vivre dans l'intimité des tissus et s'adaptent à ce milieu exceptionnel, en prenant des caractères aberrants, qui les feraient mécon- naître par des observateurs non prévenus. Partant de cette donnée exacte, divers observa- teurs rapportent sans hésiter aux Blastomycètes les corps avides de couleur qu'ils observent dans les tumeurs et qui répondent à peu près, par leur forme et leurs dimensions, aux cellules de levures. Roncali, Binaghi', Aievoli”, s'engagent hardiment dans cette voie et concluent de leurs observations que les Blastomycètes existent constamment dans les tumeurs malignes. Les partisans de la théorie trouvent des arguments jusque dans les observa- tions destinées à démontrer l'intervention des Protozoaires. Albarran *, Banti*, Gilchrist avaient antérieurement mentionné des phénomènes de bourgeonnement peu conformes au mode d’évolu- tion des animaux. Züchtung (C.f. Bakt., 1. XVI, 1894). — Ueber Saccharomy- kosis hominis (Virchow's Archiv, t. CXL, 1895, et t. CXLIX, 1896). — Die Helen als Krankheitserreger (Berlin, 1891). 1 BiaGur : Ueber das Yorkommen von Blastomyceten in den Epitheliomen und ïbre parasitäre Bedeutung (Z. f. Hygiene, XXIII, 1896). ? AxevoLr : Osservazioni preliminari sulla presenze di blas- tomiceti nei neoplasini (77 Policlinico, I, 1895). — Nuova contribuzione aïlo studio dei blastomiceti nei neoplasmi {Riforma medica, nov. 1895). — Ricerche sui Blastomiceti nei neoplasmi (Centralblatt für Bakter., XX, 1896), 3 Acparnax : Sur les tumeurs épithéliales contenant des psorospermies (C. R. Soc. de Biologie, 1889). # Banrr : | parassili nella malattia mammaria del Paget (Lo Sperimentale, t. XLVII, 1894). 5 Giccuristr : À case of blastomicetic’ dermatitis in (J. Hopkins Hospital Reports, t. 1., 1896). man Les corps fuchsinophiles, décrits d’abord par Cazia” comme les produits d'une dégénérescence hyaline des cellules cancéreuses, avaient été, peu après, considérés par Russell * comme des cellules parasites. L'auteur anglais n’était pas éloigné de les rapporter aux Blastomycètes ; mais il songeait … d'autant moins à en faire les agents spécifiques du cancer, qu'il en avait retrouvé d’analogues dans des lésions syphilitiques ou tuberculeuses. D'ailleurs, les travaux de Soudakewitch?, Foa‘, Ruffer et Walker” Metchnikoff®, ete., avaient mis les Sporozoaires à la mode et les corps avides de fuchsine tombaient dans l'oubli, quand les découvertes de Sanfelice attirèrent de nouveau l'attention sur ces productions mal définies. Cependant personne n’a constaté en eux la structure d'une cellule de champignon. Pianese ? combat énergiquement leur assimilation aux Blastomycètes, tant par des raisons hislolo- giques que par des preuves expérimentales. Il à constaté l'apparition de corps de Russell dans les Fig. 6. — Corps de Russel se produisant à la suite d'une injection de sublimé (d'après Pianese). tissus dégénérés sous l'influence d'’injections asep- tiques de sublimé (fig. 6). Les données histologiques sont, en somme, insuf- fisantes pour démontrer que les inclusions des tissus cancéreux soient des Blastomycètes. Quand les descriptions son! assez vagues pour justifier l'hésitation entre un Blastomycète et un Protozoaire, oumême un produit d'altération d'un tissu humain, il nous paraît sage de conclure, en bonne logique, qu'elles sont insuffisantes pour appuyer l'une ou l’autre des théories en présence. { Cain : Contribution à l'étude des dégénérescences cellulaires (Journal de l'Anal. et de la Physiol., t. XXVNI, 1900). ? RusseLL : An adress on à charakteristic organism © cancer (British medical Journal, 1890). # SounakewIrsCu : Recherches sur le parasitisme intracel- lulaire etintranucléaire chez l'homme (Ann. Institut Pasteur, 1891.) + Foa : Sui parassiti e sulla istologia patol. del cancro Arch. per le scienze mediche, t. XVIII, 1593). 5 Rorrer and WALKER : On some parasitic proftozoa found in cancerous tumours {Journal of Pathology and Bacter., 1892). Rurrer and Primuer : Further researches on some para- sitic protozoa found in cancerous tumours (/bid., 1893). S MercuxiKkorr : Carcinomes et coccidies (Revue géncrale des Sciences, t. 111, 1892). 7 Pranese : Su i corpi fuxinofili di Russell (Archives de Parasitologie, t. 1, 1898). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES Des preuves physiologiques ont été invoquées à l'appui des renseignements imparfails de l'histo- logie. Léopold a pu obtenir la fermentation alcoo- lique en présence des tissus cancéreux; mais ce n'est là encore qu'une indication, non une preuve. Si les Blastomycètes comptent dans leurs rangs les agents les plus importants des fermentations indus- trielles, ils n'ont pas le monopole de cette fonction. III Pour prouver la nature végétale d'un corpuscule contenu dans un tissu, le procédé le plus sûr est de constater qu'il végète. Cette observation est pupossible, tant que l'élément en litige est enfoui dans l’ organisme ; elle n’est pas pratiquement réa- Misable dans les tissus eux-mêmes. Léopold a bien “attaqué de front la difficulté, en conservant pen- “dant plusieurs mois des fragments de tumeurs sous Je microscope plongeant dans une éluve maintenue à la température du corps ; mais les conclusions “qu'iltire de ces expériences sur la croissance et les “mouvements des Blastomycètes dans les tissus “nourriciers soulèvent de sérieuses objections. “ Ilest donc nécessaire d'isoler les éléments soup- “connés d'être des Blastomycèles parasiles et de les “cultiver. Les cultures en terrains variés ont en “outre l'avantage de mettre en jeu la plasticité d'or- “ganismes très sensibles aux influences de milieu, artant de multiplier les manifestalions de l'acti- vité, de varier les caractères morphologiques et de - faciliter les distinctions spécifiques. On a isolé et cultivé sans peine les Blastomycètles “agglomérés en grandes masses dans des enduits * superficiels (Troisier et Achalme), dans des poches kystiques (Curtis) et ceux qui flottent librement dans les sécrétions, le pus et autres produits patho- - logiques. Le semis des issus et notamment des - néoplasmes donne des résultats moins constants et moins certains. Tandis que Léopold réussit du pre- « mier coup des cultures dans la gélatine ou le bouil- * lon nutritif ordinaires, Bra, et à sa suite Chevalier” | insistent sur la nécessité d'acclimater d’abord les 4 Blastomycèles des cancers dans un milieu spécial . ayant pour base le bouillon de mamelle. Corselli et . Frisco n'obtiennent un résultat pOSitie avec un Sar- come des ganglions mésentériques qu'en faisant les premiers ensemencements sur fucus, surtout neutre ou alcalin, Roncali se trouve mieux de l'emploi des liquides acides et sucrés usités journellement dans l'étude des levures. Après maints essais infructueux, Plimmer * réussit à isoler un Cryplo- 1 Cnevauier : Sur un champignon parasite dans les affections cancéreuses. (C. A. Acad. Se., 23 et 12 juin 1898). — Le cancer, maladie parasitaire. (Thèse Méd., Paris, 1899). 2 Priumer : Note préliminaire sur cerlains organismes 139 coceus d'un carcinome en ensemençant en culture anaérobie une infusion de tissu cancéreux addi- tionnée de substances nutritives. Wlaiev' se procure aussi des cultures de Blastomycètes en semant des tissus Bonome? réussit dans 7 sur 23. Malgré les résultats encourageants obtenus dans le carcinome du bœuf, Sanfelice ne présente qu'avec une extrème réserve les premiers résulials de ses tentatives d'isolement des parasites des tumeurs humaines. Le petit nombre des colonies obtenues laisse subsister des craintes de contami- nation par les germes de l'air. Effectivement le nombre des Blastomyceètes qui ont germé n'est pas en rapport avec la multitude des globules observés dans les tumeurs considérés agents pathogènes ; ces globules restent donc stériles, au moins pour la plupart, dans les milieux de cul- ture où ils sont introduits expérimentalement Cela ne prouve pas qu'ils aient cessé de vivre et perdu la propriété de se multiplier dans les ‘issus eux-mêmes. Sans doute, beaucoup de parasites périssent dans l'organisme et finissent par être vic- times des altérations qu'ils ont provoquées autour d'eux; la dégénérescence frappe à la fois les tissus malades et les agents pathogènes. Mais, comme le remarque Sanfelice, les Blastomycètes pliés aux conditions nouvelles qui leur sont imposées par leurs connexions avec les cellules de l'organisme humain, ont pris de nouvelles habitudes biolo- giques et ne savent plus faire usage de la liberté qui leur est brusquement rendue. L'insuccès des cullures ne nous donne pas une preuve suffisante de l'absence de Blastomycètes vivants dans les organes lésés; mais il nous prive d'une preuve importante de leur existence. Par suite de leur viabilité affaiblie dans les con- ditions expérimentales, les Blastomycètes patho- gènes sont aisément supplantés dans les cultures par des cultures banales qui y trouvent les condi- tions les plus favorables à leur extension. Aussi les résultats positifs des cultures doivent-ils être sou- mis à une critique rigoureuse. Il ne faut pas iden- tifier hâtivement un Blastomycète obtenu en cul- ture avec les éléments observés dans les tissus semés. Dans bien des cas, la comparaison de la forme cultivée avec la forme reconnue dans les produits pathologiques est suffisamment convaincante. Plus souvent, les éléments des cultures diffèrent des glo- Cancéreux ; cas el comme isolés du cancer et leurs effets pathogéniques sur les animaux (Pevue gén. des Sciences, t. X, 1899). — On the aetiology of cancer (The Practitioner, t. LXII, 1899). 1 Wrarev : Sérothérapie des tumeurs malignes (Mémoire présenté à l'Acard. de Médecine, 20 nov. 19007. 2 BoxouE : Sull’ importanza dei blastomiceti nei tumori (Auti del R. Istituto Veneto, t. IX, 1898). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES bules intra-organiques. Quelques espèces perdent même, dans les milieux artificiels, le caractère de Blastomycèles qui, par définition, repose sur la végélation bourgeonnante. Ainsi le Cryptococcus degenerans s'allonge en filaments, contrairement au (Cr. lithogenes qui lui ressemble beaucoup, dans l'organisme, par la dégénérescence pierreuse de ses capsules. Roncali insiste sur cette différence et en conclut que son parasite est intermédiaire entre les Blastomycètes et les Oïdiées. Il faudrait même aller plus loin et considérer le Cr. degene- rans comme un Hyphomycète réduit, par adapta- tion parasilaire, à l'état de globules bourgeonnants, si les formations mycéliennes prennent réellement le dessus dans des conditions plus favorables de nutrition. Tokishige établit une distinelion analo- gue entre le Cryptococcus de la lymphangite épi- zootique du Japon et le Saccharomyces du farein d'Afrique. GilchristetR.Stokescomparent au Cham- pignon du muguet les cultures filamenteuses d'un Blastomycète isolé d'un cas de pseudolupus. Hek- toen * oblient un Hyphomycète semblable à un Spo- rotrichum en cultivant des Blastomycèles extraits du pus d'abcès sous-cutanés. G. Memmo* avait ob- servé dans la moelle épinière d’un enfant mort de rage, et chez des lapins inoculés avec le virus rabi- que, des formes semblables aux Blastomycètes signalés par Sanfelice dans les tumeurs. Les eul- tures ensemencées avec la substance cérébrale de l'enfant lui donnèrent un Champignon intermé- diaire entre les Saccharomyces et les Oidium, c'est- à-dire un mélange de globules bourgeonnants et de filaments cloisonnés ou continus. Calmette*, ayant observé des levures dans la salive de malades atieints de typhus, vit se développer à leurs dépens des filaments spirilliformes dont la nature est peu claire. Û Tous ces Champignons, inoculés aux animaux, ont reproduit dans l'organisme les formes de Blas- tomycèles exclusivement. Par conséquent, l'appa- rilion de filaments ne prouve pas la contamination des cultures par des germes extérieurs distincts des Blastomycètes observés dans l'organisme. Les asques ou sporanges caractéristiques du genre Saccharomyces se forment dans des condi- tions de milieu assez strictement déterminées. Ils se montrent pour chaque espèce dans d'étroites limites de tempéralure (Hansen) et de préférence quand les levures en voie d'active évolution sont brusque- ment sevrées, quand on les transporte, par exemple, © HEKkTOEN : Un nouveau Champignon pathogène (Centr. f. Bakt., t, XXVII, 1900). * MEwwo : Britrüge zur Ætiologie der Rabies (Centr. 1. Bakt., t. XX, 1896). * CaLuerTE : De la présence d’un microorganisme dans le sang, les crachats et les urines des malades atteints de typhus exanthématique (Ann. de Microgr., févr. 1893). sur des blocs de plâtre (Engel), du papier buvar (Wasserzug), ou quand les globules anciens son écartés de la gélatine nutrilive par les nouvelles couches qui les soulèvent (Swan). Ces conditions ne se réalisent guère dans l'organisme. À part le Saccharomyces farciminosus, où les cellules endo= gènes (à paroi mince d'ailleurs) se montrent par- fois dans le pus (fig. 7), d'après Fermi et Aruch!, les ascospores n’ont jamais été observées à l’examert direct des tissus ou des produits pathologiques. Leur existence dans les cultures a élé signalée par Achalme et Troisier chez le S. anginæ, par Busse chez le S. fumefaciens de Curtis. Des cellules* endogènes à paroi mince, répondant à la descrip= tion de Fermi et Aruch, ont été obtenues chez le S. granulatus transporté sur des blocs de plâtre. Mais ces organes reproducteurs font défaut dans* la plupart des milieux de cultures comme dans l'organisme. La formation decapsules danslestissus de chlamydospores dans les cultures, manifestent également la réaction du Cham- pignon contre des influences de se ; a CS) 6 milieu restreintes et n'infirment É) 0 en rien Ja communauté d'origine 6 des globules observés dans le 0 O0: corps et des végétalions déve- ps 8 2) @ loppées in vitro. Les diagnoses botaniques ba- sées sur l'étude des cultures con- viennent donc pour la plupart aux Blastomycètes préexislant dans les tissus ou les produits semés. Elles ont permis de dresser une liste déjà longue des Blastomycètes parasites de l'homme. Le genre Saccharomyces, fondé sur la présence des asques, comprend les espèces cilées plus haut, S. Anginæ, tumelaciens, larciminosus, granulatus. On a cité d’autres Saccharomyces parasites : S. 2 lipsoidens dans ia trompe d'Euslache, S. Cerevi-. si dans le mucus ulérin, sans toutefois fournir la preuve de l'existence des asques, qui justifierait cette détermination. Les levures roses signalées fréquemment dans les produits pathologiques se rattachent sans doute en parle au S. Fresenii. La forme des globules roses isolés par Stéphen Artault” des cavernes pulmonaires sous le nom de Cryplo=-. coccus cavicola répond assez bien à la diagnose de cette espèce ; mais la preuve de cette assimilation fait défaut, et d'ailleurs il ne semble pas que le pa- rasite ait végélé dans l'organisme en quantité suf- fisante pour nuire. Fig. 7. — Crypto- coccus {farcimi- nosus dans Je pus (d’après Fer- mi et Aruch). 1 Kenur und Anucu : Ueber eine neue pathogene Hefeart und über die Natur des soz. Cryplococcus farciminosus Rivoliæ (Centr. f. Bakt., t. XVII, 1895). ? Srernex Auraurr : Flore et faune des cavernes pulmo- näires (Archives de Parasilologie, 1, 1899). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 1 LS — Les autres Blastomyeètes parasiles, à défaut d'organesreproducteurscaractérisliques d'un genre définitivement fixé, rentrent dans le genre pro- visoire Cryplococcus. Nous ne saurions étendre, avec Sanfelice, la dénomination de Saccharomyces à tous les ferments alcooliques. En attendant la dé- couverte de caractères qui les rattachent à divers é os £ SES æ) ra K ® \ DZ Fig. 8. — Cryptococcus Tokishigei donnant des filiments — en culture sur gélose (d'après Tokishige). — x, globules typiques ; b, e, globules conteuant des granulations ; 4, —… granulations libres, supposées issues des globules : e, f, À transformation des globules en filaments. genres d'Hyphomycètes, nous laissons aux (Cryp- “lococceus les espèces qui donnent des filaments dans “les cultures : Cr. degenerans, Tokishigei (fig. 8), “Gilchristi, ainsi que les espèces fort douteuses “signalées par Hektoen dans les abcès sous-culanés, par Memmo dans les centres nerveux des rabiques, par Calmette dans le typhus. | Les espèces constamment globuleuses se dislin- …puent par des caractères dont la valeur spécifique “est inégale, souvent incerlaine; par le mode de nec dans les tissus : Cr. lithogenes ; | “par leur coloration rose : Cr. glulinis, rouge “framboise: Cr. ruber, noire: Cr. niger de Maf- “fucci et Sirleo', Cryplococcus de Corselli risco. La distinction des levures incolores repose principalement sur leur origine. Peut-être pourra- -on invoquer la préférence du Cryplococcus de Plimmer pour les milieux privés d'air, les grandes imensions du Cr. psoriasis, la sphéricité du Cryp- et ères considérés comme spécifiques par les bota- _nistes font jusqu'ici défaut pour distinguer le “Cr. hominis de Busse, le Cr. granulomatogenes du poumon du porc et divers Blastomycètes isolés des tumeurs humaines par Sanfelice, Léopold, Wlaïev, ccm, le Gr. albus, de Hlava, le Cryplococcus trouvé par Gotti et Brazzola* dans un polype nasal . de la jument, etc. 1 Marrucer und Sirzeo : Beobachtungen und Versuche über einen pathogenen Blastomyceten (Centr. f. allq. … Pathol. u. Anat., t. VI,-1895 et t. VII, 1896). — Ueber die Blastomyceten als Infektionserreger bei bôsartigen Tumoren (Zeitschr. f. Hyq., XXVII, 1898). ? Gorrr e Brazzora : Sopra un caso di blastomicosi “nasale in una cavalla (%/emorie d, R. Acc. d, Scienze di … Bologna, t. VI, 1891). x Lococcus que j'ai vu dansl'ecthyma; mais des carac- | IV Les procédés combinés de l'Anatomie patholo- gique et des cultures ont établi la coexistencr entre une série de lésions et une série de Champi- gnons parasites appartenant au groupe des Blaslo- mycèles. Le résultat est fort intéressant pour le bolaniste, en lui montrant que le terrain vivant convient à ces divers Champignons. Mais le méde- cin ne saurait s'en coulenter; il lui importe de sa- voir s'il existe entre le parasite et la lésion un rap- port de cause à effet. Est-ce l’altération préalable du terrain organique qui détermine la fixation et la mulliplication des Blastomycètes? Est-ce au con- traire le parasite qui cause la lésion ou du moins contribue à la produire ? Dans des circonstances spéciales, bienrestreintes, on a vu le Blastomycète à l'œuvre dans l'organisme. Son aclion mécanique est appréciable, quand le Saccharomyces Anginæ forme des plaques cré- meuses envahissant le pharynx, quand le S. /ume. faciens dissèque les tissus en séparant la peau des muscles par l'extension de sa masse. L'action chimique a été mesurée par l'analyse des sécrétions produites par les Champignons dans les cultures. Mais quand il s'agit de démontrer la toxicité d'un produit, il ne suffit plus de l'analyser, il faut constater son aclion sur un organisme com- parable à celui de l'homme. Les catarrhes gastro-entériques observés par Fig. 9. — Cryptococcus ruber. Culture dans du bourllon. — a, chlamydospore. Demme chez des enfants en bas âge ayant ingéré le Cryptococcus ruber (fig. 9, 10 et 11) avec du lait eru ou mal cuit sont d'origine toxique. Nous en avons la preuve dans l'expérience de Casagrandi”, 1 Casacrawot : Il Saccharomyces ruber (Ann. d'Ig. sper., t. VII et VIII, 1898). qui donna la diarrhée à une petite fille en lui faisant boire du lait dans lequel le Cr. ruber avait été cultivé, par stérilisation fractionnée. Les chiens et les lapins avaient fourni au préalable le même résultat. Si le Cr. ruber est cultivé dans puis tué Fig. 10. — Cryptococcus ruber dans le sang du cœur d'un lapin inoculé depuis cinq mois. — g, globule rouge. le bouillon, on l'ingère impunément en grande quantité, à la seule condition d’exclure le lait de l'alimentation. Ce Blastomycète n’élabore donc de principes toxiques qu'en se nourrissant de lait; le poison est un produit de la transformation du lait par le Champignon. Cet exemple nous fait loucher du doigt la diffi- culté que soulève l'appréciation de la production toxique d'un Blastomycète. Les sécrétions d’un pa- rasite varient avec son alimentation ; les sorties sont réglées par les entrées. Dans les expériences de Demme * et de Casagrandi, nous avons pu suivre dans le tube digestif la substance aux dépens de laquelle le Blastomycète élabore le poison in vitro. Mais, dans la plupart des lésions à Blastomycètes, nous ignorons si le parasite rencontre à l'intérieur du corps humain des aliments comparables à ceux de nos milieux artificiels. Qui sait si les produits de la nutrilion parasilaire sont les mêmes que les produits de culture? Les premiers peuvent être inoflensifs, quand les seconds sont toxiques, et réciproquement. On atténue cette difficulté en introduisant dans le péritoine des sacs de collodion contenant des cultures ; le parasitisme est alors réduit aux échanges chimiques entre le Champignon et l’or- ganisme hospitalier. Par ce procédé, Legrain obtient chez le lapin, avec le Saccharomyces granulatus, un amaigrissement extrêmement considérable en huit ! Dewme : Saccharomyces ruber (Volume du jubilé d'Hé- noch, 1889, — Ann. de Microgr., 1889, et Anpali d'Ig. sper., t. VII, 1897). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATIHOGÈNES | à dix jours. C'est encore avec un fort amaigrisses ment que périssait un lapin, cinq jours après avoit recu dans les veines une vieille culture du mémt parasite en bouillon. Un homme atteint de tumeurs de la mächoire contenant le même Blastomycète avait perdu 6 kilogrammes de son poids en un mois On observe donc, dans ce cas, une cerlaine con cordance entre les symptômes de la maladie spon fanée el ceux del'intoxication expérimentale. Mais le syndrome clinique est autrement com* plexe que l’ensemble de phénomènes reconstitué par la synthèse des actions mécaniques et des ac tions chimiques séparées par l'analyse. Pour être fixé sur le rôle étiologique d’un Blastomycète, ul faudrait reproduire expérimentalement la maladie spontanée, en faisant agir le parasite et en sépa rant de son action celle des agents accessoires qui la renforcent, la complètent, la modifient ou s’as socient à elle. Aucune tentative de ee genre n'a été faite pour les Blastomycètes observés par Hlava dans la va riole, par Rivolla, Eisenberg et d'autres dans diverses affections cutanées, les exanthèmes, les otites, le rhinosclérome, l'hypertrophie des amyg dales. Dans d’autres cas, l'inoculation est restée sans effet. Dans une autre série d'expériences, la lésion Fig. 11. — Cryptococeus ruber dans le pus d'un lapin. a, cellules vivantes; b, enveloppes vides; c, blastomy- cètes englobés par les leucocytes. provoquée diffère totalement de la maladie d'ori gine. Lalevure trouvée par Calmette dans le typhus. est inoffensive pour le lapin, quand elle est dépo= sée sur les muqueuses nasale, pharyngienne, vagi= nale; les phagocytles en ontraison en quatre jours: PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 743 Les crachats et les cultures de Blastomycètes qui en proviennent, inoculés dans la trachée du lapin, provoquent une fièvre de 40 à 42° C., jamais d'exan- thème ; l'animal guérit sans traitement au boul d'une quinzaine de jours. Les résuliats positifs les plus nets ont élé obte- nus avec des Blastomycètes provenant de simples affections inflammatoires. Nous avons déjà vu le Zryplococcus ruber reproduire l'entérite. Une evure, isolée par Colpe des écoulements d'une - femme alteinte d'endométrile catarrhale, fut cul- tivée et injeclée dans le vagin d'une lapine ; l’ani- maleut pendant quinze jours un écoulement séreux contenant le parasite. Les causes d'irriltation les plus banales eussent produit un effet analogue. Du moment qu'un Blas- tomycète peut s'étendre à la surface d'une mu- queuse délicate, il est tout naturel qu'il en provoque linflammation. L'expérimentation a même paru superflue à Troisier et Achalme lorsqu'ils ont pris sur le fait la levure de l’angine crémeuse. Le Blastomycète comparé par Hektoen à un Spo- rotrichun d'après les caractères des cultures a reproduit des abcès sous-cutanés chez le chien, le cobaye, la souris et le rat; il prend donc place dans la catégorie des pyogènes. La lésion initiale est encore reproduite chez le porc par le Cr. granulomalogenes de Sanfelice ; les granulomes provoqués ont exactement la struc- ture histologique du granulome qui a fourni le parasite. Les poches à levures dont Curtis isola le $S. {ume- laciens ont élé reproduites avec leurs caractères de pseudo-tumeurs lobulées, contenantdes colonies géantes de Blastomycètes, chez les rats et les sou- ris inoculés sous la peau avec des cultures pures. Dans les cas précédents, il s'agit d'affections locales, et la lésion reproduite est d’un type assez simple, pour ne pas dire banal, On a cherché à reproduire aussi des maladies nellement spécifi- ques. Memmo donne aux animaux une maladie mortelle, qui lui parait être la rage du type paraly- tique, en leur inoculant, soit sous la dure-mère. soit sous la peau, soit dans le péritoine, des cultures de Blastomycètes provenant des centres nerveux des animaux morts de rage. Les accidents éclatent après une longue période d’incubation, dont la durée est de six à huit jours chez le lapin, onze à vingt jours chez le cobaye, trente à soixante jours chez le chien.Chez ce dernier, la maladie, une fois déclarée, se juge en sept à huit jours. L'animal est maigri, hargneux, agressif; il a parfois la manie de mordre ; il refuse la nourriture; il a l’écume à la bouche, la mâchoire pendante; la paralysie envahit tout le corps. La maladie a pu être transmise en série aux chiens, non aux lapins, par inoculalion sous-cuta- née d'une émulsion de substance cérébrale des chiens qui ont succombé avec les symptômes qui viennent d'être décrits. Les expériences de Memmo méritent d'être répé- tées et variées; elles sont d'un haut intérêt, mais encore trop restreintes pour permettre de classer définitivement la rage parmi les blastomycoses. Dès que l’on sort des simples abcès, des kystes ou des granulomes, les tuméfactions expérimen- tales sont difficiles à identifier avec les lésions spontanées. Le Cryptocoecus Gilchristin'a pas re- produit le pseudo-lupus; il a provoqué des abcès sous la peau du cheval, une masse purulente dans la plèvre du chien; les inoculations à la souris et au cobaye n'ont pas donné de résultat. Les cultures la® see e229 2 206 LOST OECS Fig. 12. — Cryplococcus Hominis logé dans la paroi d'un abcès du tibia humain (d'après Busse). des (r yplococeus du farcin d'Afrique ou du Japon, le plus souvent inoffensives, ont donné tout au plus des nodules locaux tendant à suppurer. Le S. gra- nulatus, injecté sous la peau des lapirs, provoque des nodules inflammatoires, qui finissent par s'abcéder et se résorber; son action est purement infectieuse à la suite d'inoculalion intraveineuse. Avec le jetage d'une jument alteinte de polypes nasaux, Gotti et Brazzola obtiennent un tissu de granulations. Les difficultés redoublent lorsqu'on aborde le chapitre des tumeurs malignes. D'abord, le dia- gnostic est discuté, soit pour la maladie d’origine, soit pour la maladie provoquée. Sanfelice veut trouver un sarcome généralisé dans l'affection décrite par Busse comme une inflammation para- sitaire chronique. Le Cryptococcus hominis (Gg.12 et 13), extrait de cette affection, n'a provoqué chez les animaux que des phénomènes inflammatoires 1 ES = et, dans les cas les plus favorables, chez le chien, une tumeur composée d’un tissu de granulalions mou, vasculaire, œdémateux avec de grands et de petits espaces infiltrés de graisse. La lésion expé- rimentale ne présente donc pas la malignité soup- connée par Sanfelice aux tumeurs d'origine; elle est même au-dessous des prévisions de Busse. Sanfelice n'a rien obtenu avec le Cr. lithogenes provenant d'un bœuf cancéreux. Il ne se loue pas davantage des résultats, très inconstants d’ailleurs, obtenus par l'inoculation aux chiens, soit des émul- sions de tumeurs de l'homme et des animaux, soit des cultures qui en provenaient. Maffucci et Sirleo avaient obtenu le Cr. niger en semant les issus d’un cobaye atteint de tumeur myxomaleuse du poumon avec ganglions tuméfiés. Ils n'ont pas inoculé des cultures pures, mais des fragments de poumon malade, et ont obtenu, chez le cobaye, une tumeur locale qui s’ulcéra et s’ac- compagna d'un gon- flement des ganglions axillaires. Leur con- clusion est qu’un Blastomycèle peut produire des néopla- sies de nature chro- nique, dont les pro- duits cellulaires ont la propriélé d’émi- vers les gan- grer do ne une cellule géante : abeès du €t que le parasite tibia humain (d'après Busse). émigre avec les élé- ments de la néopla- sie. Ils restent néanmoins convaincus que les pro- cessus déterminés jusqu'ici (1898) par les Blasto- mycèles ne représentent nullement une forme de néoplasie équivalente à la formation anatomique du cancer et du sarcome. Jusqu'ici, disent-ils, les Blastomycètes ont causé, chez l’homme et les ani- maux, de la septicémie, de la suppuration, et des néoplasies inflammatoires chroniques à la façon de la granulie. Corselli et Frisco, les premiers, déclarent qu'ils ont reproduit des néoplasies de nature maligne et mortelle avec un Blastomycèle provenant d'une maladie semblable, et'ils concluent que la parfaite analogie dans le siège, la structure et la marche de ces altéralions provoquées chez l'animal et des lésions spontanées de l'homme, démontrent la spé- cificité de leur action pathogène dans les deux cas. Malgré la netteté de ces asserlions, on hésite à porter le diagnostic de cancer dans le cas de Corselli et Frisco. Leur malade présentait une sorte de sarcome des ganglions mésentériques avec ascile chyleuse:; les animaux inoculés n'ont jamais offert PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCGËTES PATHOGÈNES l'exsudat laiteux qui donnait une allure si parli- culière à la maladie humaine. La démonstration que les auteurs croient avoir fournie pour ce cas particulier n’est donc pas complète: en tout cas, — ils le reconnaissent eux-mêmes, — elle n'est pas valable pour les tumeurs malignes en général. Le Cryptococcus degenerans (fig. 14), extrait par Roncali des adénocarcinomes, des épithéliomes et des sarcomes, a provoqué, chez les cobayes et les chiens, une réaction néoplasique et non inflam- matoire; mais la mort rapide des animaux inoculés n'a pas permis le développement de tumeurs com- parables aux lésions d’origine. [TN on ia LC 8 Pa 1) > Ê Le a D KO " L SD 05e tn ? Fig. 14. — Coupe d'une tumeur adhérente au côlon humain et renfermant du Cryptococcus degenerans (d'après Roncali). Les résullats énoncés par Bra à la suite de l’ino- culation de champignons isolés du cancer sont beaucoup plus saisissants. Il observe toute une gamme allant de l’inflammation aiguë ou chronique et de la sclérose jusqu'au fibro-sarcome et au sar- come inclusivement. Seulement, il n’est pas facile de se faire, d'après les descriptions de l’auteur, une idée exacte de ce que sont, au point de vue bota- nique, les champignons isolés des tumeurs mali- gnes. Bra a observé, soit dans l'organisme malade, soit dans les cultures, des formes bourgeonnantes colorées ou incolores, des éléments cocciformes, des filaments chargés de conidies allongées, des périthèces analogues à ceux des Nectria qui sont des Ascomycètes d'un type très élevé. Il décrit en outre, comme endospores, des grains rouge rubis sem vi ne Lost MN PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 745 blables à des microcoques et des inclusions plus volumineuses, rondes ou allongées, contenues dans les globules levuriformes. Rapportant toutes ces formes à une même espèce, l’auteur conclut avec “une inconteslable logique que le champignon du cancer n'est pas un Blastomycète. Mais, si le rai- sonnement est juste, les observations qui lui ser- vent de base sont tout à fait insuffisantes. …. Bra à bien voulu, à deux reprises différentes, nous fournir des échantillons vivants de son para- Sile. Les cultures, multipliées pendant dix-huit “mois dans notre laboratoire, ont donné constam- ment un Blastomycète répondant à la diagnose du “Cryptococcus ruber. Dans une note toute récente", ra objecte que la coloration n'est pas constante ; mnais cette remarque n'infirme pas notre détermi- “nalion ; chez tous les champignons chromogènes, la f formation du pigment peut être entravée ou abolie “par une nutrilion défectueuse. Nous concluons “donc que Bra a obtenu, des tissus cancéreux, un lastomycète, le Cr. ruber; mais il n'est pas suf- “isamment élabli qu'il ail toujours opéré avec la -même espèce de champignon. L'incertitude du point de départ retentit sur la rigueur des résultats expérimentaux. Ces résultats, Er ailleurs, sont loin de confirmer les prévisions de _ Bra sur la spécificité de l’action parasitaire : il “obtient, en effet, des dermatites, des glossites, des “ulcères de l'estomac, des cirrhoses hypertrophi- pures des infections aiguës ou subaiguës, des ca- “chexies sans lésions mycosiques. Les lumeurs “ provoquées sont le plus souvent des poches kysti- ques remplies de champignons; tantôt elles se résorbent, tantôt leur paroi s'épeissit progressive- ent de manière à combler la cavité; parfois les chiens ont offert des noyaux indurés dans _ viscères. Chevalier répète les expériences de Bra et arrive “aux mêmes résultats. Le Cr. ruber avait déjà été inoculé par Demme et par Casagrandi; le premier le considère comme inoffensif, le second oblient des nodules à contenu puriforme, en tout identiques à ceux que produisent - d'autres Blastomycètes. — MlkKovatcheva' a inoculé le Cr. ruber donné par Bra comme champignon extrait du cancer. Les « cobayes périrent en quelques jours. Chez les lapins, - l'injection n'eut d'autre conséquence immédiate - qu'un amaigrissement passager, parfois accompa- _gné de l’évolution d'une poche à contenu puriforme “au point d'inoculatiom. Les suites éloignées sont L | ! Bra : Sur les formations endogènes du Champignon isolé des tumeurs cancéreuses (C. R. Acad. Sc., 10 décembre 190 0). ©? K. Kovarcueva : Nancy, 1900). Blastomycètes et tumeurs (Thèse Méd., REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. plus intéressantes. Après une période d'incubation de plusieurs mois, durant laquelle les animaux gardaient toutes les apparences de la santé, la courbe des pesées présente une nouvelle chute qui signale le début de l’évolution de tumeurs viscé- rales. De ces diverses expériences on ne saurait con- clure que le Cr. ruber ou les champignons de Bra, quels qu'ils soient, aient une action spécifique dans la production du cancer. La lenteur de l’évolution des tumeurs malignes ne, permet guère d'apprécier les productions épi- théliales observées par Plimmer chez les cobayes morts de treize à vingt jours après l’inoculalion de son Cryplococcus. D'après la description et les fi- gures, il est très douteux, disent Petersen el Exner', que ces nodules aient le caractère de vraies lu- meurs; nous ne trouvons rien qui ne puisse êlre rapporté avec autant de raison à des modificalions inflammatoires. En lout cas, — et Plimmer lui- même l'avoue, — il ne s'agit pas de carcinome. inoculés avec les Blastomycètes de D'après Les rats Wlaïev ont péri d'infection généralisée. Lucas-Championnière chez ces animaux ne sauraient êtres assimilées à de véritables tumeurs cancéreuses. Leopold vient de publier le résultat positif d'une inoculation de Blastomycèles provenant d'un carci- nome de l'ovaire dans les testicules d'un rat. L'ani- mal périt au bout de cent quatre-vingt-quinze jours; il présentait une quantité de nodules sur tous les sur le péritoine pariélal, les néoplasies observées organes de l'abdomen, dans les ganglions lymphaliques rétro-péritonéaux, avec ascile des nodules du péritoine donna, six jours après le semis, une cul- ture blanchâtre de Blastomycèles à la surface de la gélatine restée parfaitement claire. Ce résultat est d'autant plus intéressant, que Leopold croit trouver des Blastomycètes sembla- bles dans les lissus cancéreux conservés sous le microscope chauffé et dans les tumeurs expéri- mentales obtenues deux fois à la suite du transport de ussu carcinomateux frais de l'homme dans la cavi é abdominale des rats. Cependant, avant d'en apprécier la portée, il est juste d'opposer à cette unique donnée positive les nombreux échecs du même expérimentateur. Les premiers essais de culture des tissus cancéreux sont tous infructueux. Dans les deux dernières années, Leopold réussit quatre fois sur vingt à obtenir des cultures de champignons. Dans ces cas heureux, les filaments mycéliens l'emportent au début sur hémorragique. Un 1 Perensex und Exwer : Ueber Hefepilze und Geschwulst- bildung (Beiträge zur Klin. Chir., t. XXV, 1899). ? Lucas-CHAMPIONNIÈRE Rapport sur un Mémoire de Wlaïev (Acad, de Méd., Paris, 20 novembre 1900). 16* 746 les Blastomycètes et ne sont éliminés que par des repiquages successifs. Si les formes filamenteuses représentent une impureté, il n'est pas prouvé que les formes globuleuses proviennent davantage de la tumeur. Quelque incertitude plane done encore sur l’origine cancéreuse de ces quatre séries de cultures de Blastomycètes. Une seule de ces cul- tures a été inoculée à cinq rats, dont un seul a donné le résultat cherché. Encore les tumeurs expérimentales du rat offraient-elles la structure d'un sarcome à cellules géantes, d’une tumeur con- jonctive et non d’un carcinome comme la tumeur humaine dont la semence paraissait provenir. L'inoculation des cultures de Blastomycètes pro- venant des lésions humaines n’a donné, en somme, que des résultats incertains, discutables, quand on à leur demandé de reproduire chez l’animal des maladies spécifiques d’un type bien net. Les conclusions de Memmo sur la rage expérimentale demandent confirmation; celles de Roncali, de Cor- selli et Frisco, de Bra, de Plimmer, de Leopold sur les tumeurs malignes ne reposent pas sur des preuves péremptoires. La lymphangite farcinoïde n'a pas été reproduite avec les Blastomycètes de Fermi et Aruch, de Tokishige, ni ie pseudolupus avec celui de Gilchrist. L'action expérimentale des Blastomycètes d’ori- gine humaine consiste en intoxications, en inflam- mations des muqueuses, abcès, poches kystiques, granulomes et autres néoplasies inflammatoires, subaiguës ou chroniques. Ces diverses lésions pro- voquées n’ont pas de caractères franchement spéci- fiques et ne cadrent pas avec les lésions spontanées qui ont fourni les cultures. Les Blastomycètes pro- venant des malades se sont donc montrés patho- gènes; mais l'expérience ne résoud pas le pro- blème de l’étiologie des lésions dont ils ont été isolés. C'est que l'expérience ne réalise pas toutes les conditions de l'infection naturelle. D'abord, elle ne réussit qu'en faisant pénétrer simultanément des quantités de germes sans rapport avee celles qui entrent spontanément dans le corps humain; elle introduit le parasite par des voies artificielles; elle choisit arbitrairement ses sujets. Or, chaque espèce animale réagit à sa manière aux provoca- lions d'un même parasite et, pour chaque espèce, la prédisposition individuelle varie dans des limites aussi larges qu'inconnues. La constance des lésions provoquées par un parasite est loin de prouver la spécificité de son action pathogène. L'organisme prédisposé est tou- jours sur la défensive et la lutte qu'ilengage contre Fennemi hérédilaire n’est point exempte de péri- pélies et de chances de succès. Les ravages causés par un parasite d'occasion, les manifestations PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES banales de l'irritabilité des tissus en imposent trop souvent pour la reproduclion d'un type morbide défini, que l’expérimentateur recherche avec des idées trop préconçues pour garder une rigoureuse impartialité. Ce sont là des vices inhérents à la méthode d’expérimentation sur l'animal appliquée à la solution des problèmes de pathologie humaine. V Le rôle étiologique des Blastomycètes dans la production de diverses maladies, et notamment des tumeurs, n'étant pas suffisamment élucidé par l'observation des lésions qui les fournissent et par l’inoculation des cullures qui en proviennent, il nous reste à chercher un complément d’information dans des observations et des expériences qui, sans aborder de front le problème, en éclairent diverses faces par voie d'analogie. On a inoculé aux animaux des Blastomycètes ne provenant pas des malades. Diverses levures indus- trielles se montrent inoffensives. Falk*', Boinet et Roeser, Gilkinet? n’enregistrent que des insuccès. Raum *, comme Neumayer‘, ne détermine chez le lapin qu'une fièvre éphémère en injectant les levures dans les veines. C’est seulement en forçant la dose au point d'amener une distension et une obstruction mécanique des capillaires du poumon, qu'il provoque la dyspnée, le refroidissement, le collapsus et la mort. L'aclion est purement trau- malique. M'e Rabinowitsch a essayé cinquante espèces de levures, dont 43 n’ont pas causé d'accidents, à moins d'être injectées en masses énormes. Les sept espèces pathogènes, dont nous pourrions encore retrancher les deux formes mélangées à des filaments, inoculées sous la peau des souris, ame- naient la mort en quelques jours. Le résultat était moins constant chez le lapin après inoculation sous-cutanée ou intra-veineuse. Les levures se mul- tipliaient dans les organes ; on les retrouvait dans le sang et dans les viscères (reins, rate, foie), entre les cellules, plus rarement dans leur intérieur. Jamais les organes ne furent le siège de déforma- tions ou de tumeurs. ‘% De Gaetanoÿ nomme Saccharomyces septicus 1 Fark : Ueber die Eiowirkung von Verdauungssäften auf Fermente Archiv. f. Physiol., 1882. 2 Gizxiner : Arch. de Med. expér., t. VII, 1897. 8 Rauu : Zur Morphologie und Biologie der Sprosspilze (Zeïtschr. f. Hyg., t. X, 189). 4 Neumayer : Untersuchungen über die Wirkungen der verschiedene Hefearten (Zeïtschr. {. Hygqg.,t. XII, 1891). 5 L. RABINOWITSCU Untersuchungen über pathogene Hefearten (Zeitschr. f. Hyq.,t. XXI, 1896). © Dr Gagrano : Di un blastomicete patogeno, dotato di rapido potere setticemico per le cavie (La Riforma med.; n° 200, 1897). D PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES une levure qui donne aux Cobayes une péritonite fibrineuse et une septicémie rapidement mortelle. Raum obtint une fois, avec la levure de bière, une tumeur remplie d’une masse caséeuse. Dans cette expérience, l'émulsion qu'il voulait introduire dans la veine auriculaire avait fusé, par accident, dans le tissu conjonctif ambiant. Noisette* oblient des lésions viscérales analogues aux affections pro- voquées par le champignon du muguet, en inoculant - des cultures de levure de bière; mais il ressort des - descriptions, que l’auteur avait employé des cham- pignons filamenteux mélangés comme impuretés au « Saccharomyces Cerevisiæ dans les levures com- merciales. Des nodules à contenu puriforme ont été obser- vés sous la peau ou dans le péritoine, par Casa- grandi et Buscalioni*, à la suite de l’inoculation du … S. gultulatus, hôte inoffensif du tube digestif des . rongeurs. Avec deux espèces de levures rondes et une - espèce ovale, toutes trois indélerminées, Nesezadi- menko obtient aussi, chez le rat et le cobaye, des abcès sous-cutanés et des nodosités périlonéales riches en Blastomycètes. … Sanfelice se loue particulièrement de l'emploi d'une levure trouvée dans des jus de fruits sucrés, nommée par lui Saccharomyces neoformans. Nous la désignerons sous le nom de Cryplococcus neo- formans, puisqu'elle est inconnue sous la forme sporifère caractéristique du genre Saccharomyces. Un chien et une chienne inoculés dans les lesti- cules et dans les mamelles présentèrent des tumeurs dans les glandes en question, avec repro- ductions métastatiques dans les ganglions lympha- tiques. La mort arriva au bout de cinq mois pour le chien, de six mois pour la chienne. Le diagnos- tic d’adéno-carcinome fut posé par les maitres de la chirurgie de Rome et confirmé par l'anatomie pathologique. Une banale levure des jus sucrés a donc causé une maladie qui, dans l'état actuel de la science, ne peut êlre distinguée d’un cancer typique. Sup- posons qu'elle pénètre dans l'organisme humain et y suscite les mêmes désordres que chez le chien, le médecin se défendra difficilement de l'idée que le Cr. neoformans soit agent du cancer. Cependant, le (/r. neolormans provoque d’habi- tude des réactions moins remarquables. Divers expérimentaleurs, notamment Petersen et Exner, n'obtiennent, dans les cas les plus favorables, qu'un envahissement des organes par les cellules de levure, avec une faible réaction des tissus. 1 Noiserte : Recherches sur le Champignon du muguet (Thèse méd., Paris, 1898). ? CasaGranNDpt e BusCALIONT : Il Saccharomyces guttulatus (Ann. d'Ig. sper., t. VII et VIIL, 1898). ] = Sanfelice lui-même n'a rien obtenu de plus chez le cobaye. Chez le chien, il n'a obtenu de tumeurs qu'après une série de passages destinés à accou- tumer le Cryplococcus à vivre dans l'organisme de cet animal. Ce résultat, considéré par Sanfelice comme très favorable à sa théorie, n'est-il pas plutôt de nature à la compromettre? 1l est peu probable que les globules observés dans les cancers appartiennent au même Cr. neoformans. Sanfelice lui-même fait de ce dernier une espèce distincte de son Cr. litho- genes. On serait ainsi amené à supposer quil n'existe pas un Blastomycète, agent de cancer, mais que des espèces de ce groupe, en nombre illimité, seraient susceptibles d'intervenir dans la produc- tion du cancer, du moins dans certaines conditions. La première de ces conditions, d'après Sanfelice, c'est que les parasites n'aient pas perdu, par une longue adaplation au milieu spécial réalisé par les tissus d'un malade, la capacilé de se développer dans un nouvel organisme. Ainsi s'expliquerait l'échec des expériences tendant à reproduire le cancer avec les parasites isolés de lésions invété- rées. Sanfelice attend de meilleurs résultats de la méthode indirecte, consistant à prendre un Blaslo- mycèle sauvage el à faire en quelque sorte son édu- cation en lui imposant des passages successifs à travers l'organisme d’un animal prédisposé, jusqu'à ce qu'il ait acquis le degré voulu de virulence. Une autre série d'expériences est destinée à rechercher si les propriélés des Blastomycètes sont capables d'expliquer la production des cancers. Pour cela, on a étudié séparément leur action chi- mique et l'action mécanique des corpuscules qui leur ressemblent. Sanfelice fait, sous la peau des cobayes, des injections quotidiennes de bouillons de culture de Cr. neolormans filtrés sur bougie Chamberland ; il n’en obtient d'autre effet qu'une élévation passa- gère de la température à la suite des premières injections. L’injection des produits solubles est donc inoffensive. D'après Bra, les produits filtrés du champignon qu'il a isolé du cancer ne sont pas inoffensifs comme ceux du Cr. neoformans. Is déterminent des phé- nomènes vaso-constricteurs, une accélération des mouvements respiratoires et cardiaques, le rétré- cissement pupillaire, l'opisthotonos, des contrac- tures, des secousses dans les membres postérieurs et la mort brusque, probablement par arrêt de la respiration dû à l’action prédominante du poison sur les centres nerveux. Ces effets, il est vrai, ont été obtenus par l'injection intraveineuse de doses massives de 15 à 20 grammes par kilo de poids de l'animal et même de 30 à 35 grammes si le liquide a été chauffé; d'autre part, des phénomènes iden- 7148 PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES tiques ont suivi l'inoculation des cultures fillrées de champignons quelconques, comme on en trouve sur les arbres chancreux. Chevalier avait noté l'amaigrissement notable des cobayes auxquels il avait injecté les produits de culture ou les substances extraites du même cham- pignon. M'° Kovatcheva a cherché à préciser les conditions de ces variations de poids. Elle se ser- vait pour ses injections des produits préparés par le D' Bra et considérés par cet auteur comme un sérum anticancéreux. L'injection du sérum est immédiatement suivie d'une chute dans la courbe 2? Décembre Janvier x 1° Février 5 Avril 5 . BORREMANS SC Fig. 15. — Courbes bimensuelles du poids de deux lapins inoculés avec 2 ce. de bouillon de culture de Cryptococeus ruber, avec où sans injection préventive de sérum de Bra. — X lujection de sérum (6 grammes). © Inoculation des cultures (Expérience de M!1e Kovatcheva). des pesées, même chez les lapins traités en pleine période de croissance. La même chute se manifeste à la suite de l'inoculation des cultures vivantes. Est- elle due alors à la toxicité des produits solubles ou aux troubles plus complexes liés à la nutrition du parasile? L'expérience suivante parle clairement en faveur de la première hypothèse (fig. 15). Deux lapins de la même portée sont inoculés simultanément avec des cultures de Cr. ruber ;Vun d'eux, injecté préventivement avec le sérum de Bra, venait de perdre 170 grammes; l’autre présentait, au moment de l’opéralion, une courbe ascendante de croissance, Dans la semaine qui suit l'injection de culture, le premier diminue seulement de > grammes; le témoin, non trailé préventivement, perd 180 grammes. La chute totale a done été identique dans les deux cas; l’immunitlé apparente du lapin traité au sérum tient à ce qu'il avait payé d'avance son tribut à l'action toxique des produits parasilaires. L'action toxique du Cr. ruber se manifeste dans les expériences de Mi!° Kovalcheva comme celle du S. granulatus dans celles de Legrain. Mais l’amai- grissement qui la révèle est passager ; la courbe se relève bien vite. Quand les tumeurs chroniques se mettent à évoluer après plusieurs mois de santé apparente, le poids diminue de nouveau; mais celte chute secondaire na pas de rapport avec l'amaigrissement passager du début; elle est la. même chez les lapins qui ont reçu d’abord le sérum de Bra et chez ceux qui ont été inoculés immédiate- ment avec les cultures de Cr. ruber. L'expérience n'a donc pas réussi à prouver que les Blastomycètes interviennent dans la production des tumeurs par l’aclion isolée de leurs produits toxiques. Quant aux symptômes d'intoxication, ils sont d'ordre trop banal pour être invoqués en faveur d'une évolution cancéreuse. En dehors de leur végétation el de leur nutrition, les Blastomycètes représentent une poudre impal- pable dont les particules sont disséminées dans les tissus. On appréciera assez exactement leur aetion mécanique par l'effet des particules solides de même dimension, mais de nature différente. Le Plasmodiophora Brassicæ est un Myxomycète qui cause, sur la racine du chou, des tumeurs connues sous le nom de hernie; après une phase d'activilé pendant laquelle il ressemble à une amibe, il se résoud en une masse de spores rondes, semblables aux cellules des Blastomycètes, mais n'offrant pas, comme elles, de phénomènes d’accrois- sement et de multiplication. Podwyssotzki! trans- porte sous la peau ou dans le péritoine de divers. animaux de tout pelits morceaux de tissu de chou rempli de spores de Plasmodiophora. Déjà au bout de quinze à dix-huit jours, les lapins et les cobayes présentaient des tumeurs grosses comme une noix. La tumeur résulte d'une forte hypertrophie et d'une prolifération des cellules fixes du tissu conjonctif et principalement de l'endothélium des espaces cireumvasaux, si bien qu'on pourrait, dit l'auteur, parler avec raison d'un périthéliome ou d’un gra- nulome parasitaire. Comme la spore ne croit ni ne bourgeonne, son action est comparable à l'irrita- lion de contact déterminée par les levures en dehors de leur végétation envahissante. Des tumeurs analogues se forment autour des œufs d'Helminthes. Rappelons, par exemple, l'obser- ! Ponwyssorzki : Myxomyceten, resp. Plasmodiophora Brassicæ, als Erreger der Geschwülste bei Tieren (Centr, f. Bakt., t. XXVII, 1900). LL SUR PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES 749 vation de Dujardin !, qui vit, dans la rate hyperitro- phiée d’une musaraigne, des fubereules blanc jau- nâtre d’un aspect crétacé remplis d'œufs de Calo- dium; celle de Davaine”, qui décrit, dans la cavité branchiale d'un aigle-bar (Scisna aquila), une tumeur lobulée, plus volumineuse qu'un œuf de poule et formée par un lacis inextricable de tubes de tissu cellulaire qui contenaient des amas ou des trainées d'œufs operculés. Rappelons encore, parmi les lésions si variées produites par les œufs de la douve de Bilharz (Schistosomum hæmatohium), les ganglions mésentériques hypertrophiés, les lésions pulmonaires simulant une tuberculose miliaire, les polypes et les tumeurs richement vascularisées, faisant saillie sur la muqueuse de l'inteslin, de la vessie ou du vagin. Au dire d'Albarran et Bernard”, la réaction provoquée par ces œufs amène parfois la constilution d'un véritable épithélioma. Ces actions mécaniques sont indépendantes de la croissance des parasites au sein des tissus et même de leur nature animale ou végétale. Des particules inertes aussi fines causeront le même genre de désordres. Nous en trouvons la preuve dans un cas récemment publié par W. Dubreuilh et A. Vénot*. Un enfant de onze ans s'était introduit sous la peau de l’index un petit éclat de coquille d'huitre. Deux mois plus tard, l’écaille est expulsée spontanément par un abcès bientôt cicatrisé. Cependant, un empà- tement persiste ’et grandit, sans occasionner de trouble local ou général. Au bout de six mois, on énuclée un néoplasme de la grosseur et de la forme d’une amande, ayant la consistance d'un myxosarcome. Le néoplasme est formé d'un tissu conjonclif jeune, divisé en lobes linégaux et irré- guliers par des travées de tissu fibreux ; il est farci _d’abcès microscopiques, contenant chacun un tout petit fragment de coquille d'huitre. Il s'agissait donc d'une lumeur offrant clinique- ment l'aspect du sarcome, mais causée, en réalité, par des corps étrangers multiples et de volume très faible comparable à celui des Blastomyceètes. Dans ces expériences et ces observations, des spores non germées de Myxomycètes, des œufsnon éclos d'Helminthes, des parcelles inertes de coquille d'huitre ont provoqué l'apparition de tumeurs sem- blables aux granulomes, aux sarcomes, aux épi- 2 DusarDiN : Histoire naturelle des Helminthes (Paris, 1845). ? Davanxe : Note sur une tumeur singulière contenant une quantité prodigieuse d'œufs d'Helminthes, observée chez un Poisson vulgairement appelé Aigle-bar ‘Sciæna aquila). — (GC. R. Soc. Biol. 2 S., t. I, 1854). % AzparRan et BerNarD : Sur un cas de tumeur épithéliale due à la Bilharzia hæmatobia (Arch. de Méd. expérim., IX, 1897). * DugreurLn et Véxor : Tumeur d'aspect sarcomateux causée par des corps étrangers multiples (Ann. de Dermat. et Syph., oct. 1900). théliomas. Les cellules de Blastomycètes, qui sont des particules solides de même dimension, ne peuvent-elles pas provoquer des tumeurs cancéri- formes par simple action de contact? L'analogie est assez frappante pour appuyer celte hypothèse, d'autant plus que nous ne connaissons pas, parmi les produits solubles des Blastomycèles, de subs- tance dont l'injection soit suivie de processus néo- plasique. Cependant, d'autres expériences révèlent chez les Blastomycèles un pouvoir pathogène plus complexe qui les mel au rang des agents infectieux. Ainsi, d'après Bra, des lapins soumis préalablement à l'inoculation sous-culanée de doses infinitésimales et croissantes de cultures de son champignon, résistent à l'inoculalion inlra-veineuse de doses massives. Il parait se faire là une sorte de vaccina- tion. D'après Sanfelice, une culture de Cr. neoformans délayée dans l'eau et chauffée pendant 20 à 30 mi- nutes à 60°C. perd beaucoup de sa virulence. Des cobayes inoculés préventivement avec ces Blasto- mycètes atténués par la chaleur résistent à une inoculalion de culture ordinaire. On ne s’expliquerait pas une accoutumance ana- logue à une action purement mécanique. Mais il faut noter que l'expérience de Sanfelice concerne les cobayes, qui ne sont pas sujets à des tumeurs comparables à celles des chiens. On pourrait donc soulenir que la toxicité seule a été modifiée et que les animaux, moins affaiblis pour l'action loxique, ont opposé une résistance plus efficace à l'action mécanique des levures inoculées. Les cultures alténuées par la chaleur sont restées sars effet quand elles ont été inoculées, non plus préventi- vement, mais après les cultures virulentes. On à eu recours enfin à une sorte de confronta- tion entre les Blastomycètes et leurs victimes sup- posées, en étudiant l'influence des cultures vivantes, de leurs produits, des sérums modifiés par eux sur la marche des cancers. Dans des tumeurs de l’homme qui n'offraient à la biopsie aucune apparence de cellules végétales, Bonome introduit en masse des cultures de Blasto- mycèles isolés d’autres cancers humains. La tumeur se ramollit bientôt par dégénérescence de ses élé- ments. Les parasites injectés ne se multiplient pas abondamment; pourtant, on peutles extraire vivants pendant plusieurs mois. Cetle expérience montre que des Blastomycètes peuvent vivre dans les tissus des lumeurs sans participer à leur formation. La facon dont ils en ont modifié la structure n'éveille pas l'idée d'une aclion spécifique. D’autres auteurs ont obtenu des résullats analogues de l'injection de levure de bière ou de bactéries dans les tissus can- céreux. Un érysipèle inlercurrent modifie d'une 150 facon plus avantageuse certaines tumeurs malignes, par exemple un lymphosarcome du cou dans une observation de Nieden ‘. Les produits de culture des Blastomycètes connus sous le nom de sérum de Bra exercent parfois une modificalion avantageuse sur la santé des cancé- reux; mais la spécificité de cette aclion n’est pas démontrée. Les cures obtenues par ce moyen ne sont pas assez radicales pour révéler, selon le vieil adage, la nature des maladies. La sérothérapie proprement dite n'avait pas réussi à Sanfelice dans ses essais d'immunisation des ani- maux à l'égard du Cr. neoformans. Les cobayes supportent impunément l'injection des produits solubles de ce parasite; mais ce (raitement pré- ventif n'atténue pas la marche de l'infection pro- duite par une inoculalion conséculive de culture vivante. Des cobayes qui ont reçu dans l'abdomen 8, 10 ou 15 centimètres cubes du sang des animaux ainsi traités périssent lous d'infection diffuse, si on leur injecte ensuite une culture pure. Le sérum des chiens qui s'étaient montrés réfractaires à l'inoculation des cultures virulentes n'a pas non plus conféré d'immunité aux cobayes. Les tentatives de Wlaïev ont fourni des résultats plus encourageants. Le sérum des oiseaux de basse- cour qui avaient reçu des cultures de Blastomy- cêtes isolés du cancer à préservé les rats de la maladie consécutive à l’inoculalion des mêmes parasites, tandis que les témoins périssaient. Ce sérum, efficace contre une blastomycose expéri- mentale, d’ailleurs inoffensif, pouvait être injecté à l’homme. Wlaïev a cherché à démontrer son efficacilé dans le traitement du cancer. Cette effi- cacilé est réelle, d’après les appréciations de plu- sieurs chirurgiens éminents, tels que Lucas-Cham- pionnière, Berger”, Le Dentu*; ce dernier lui reconnait même une influence plus constante sur les tumeurs épithéliales qu'aux autres modes de traitements médicaux. Pourtant l'amélioration n’est pas définitive et le sérum de Wlaïev, pas plus que les cultures vivantes ou les produits directs des Blastomycètes, n'a pas encore à son actif une gué- rison où même un acheminement vers la guérison d'une tumeur maligne. VI Des faits que nous venons d'exposer, fil nous semble que les conclusions suivantes se dégagent: Plusieurs espèces de Blaslomycètes sont aptes à 1 Nine : Emploi du sérum cancéreux.. (Semaine médi- cale, 12 août 1896). * BerGer : Observations à propos du sérum Jde Wlaïev (Acad. de Méd., 20 nov. 1900). *Le Denru : De la sérothérapie des tumeurs malignes (Acad. de Méd., Paris, 21 novembre 1900). PAUL VUILLEMIN — LES BLASTOMYCÈTES PATHOGÈNES vivre en parasiles dans le corps humain. Leur pré" sence s'accompagne d’allérations histologiques: mais ces lésions répondent aux types les plus variés, et il n'est pas toujours possible de dire si elles résultent de l’action parasitaire ou si ce n'est pas plutôt l’allération préalable des tissus qui à préparé les voies à l'invasion des champignons. Les Blastomycètes signalés dans le typhus, la variole sont sans rapport avec la genèse de ces maladies. Plusieurs espèces ont un rôle évident ou suffi- samment démontré dans des affections inflamma- loires des muqueuses, telles que vaginites, endo- métrites, entérites, stomalites, angines, amygda- hites, otites moyennes, tandis que, dans d’autres cas » analogues, on n’a pas exclu la possibilité d'une simple coïncidence ou d'une intervention secon- daire et accessoire. Pénétrant dans l'intimité du corps, les Blasto- mycètes sont capables de produire des abcès, de vastes kystes parasitaires, des nodules inflamma- toires, des granulomes. | Le rôle des Blastomycètes, comme agents des lymphangites épizootiques connues sous les noms de farcin d'Afrique, de farcin japonais, est très probable. Les arguments invoqués par Memmo en faveur de l'intervention des Blastomycètes dans la rage sont loin d’être négligeables; mais le dernier mot … n'est pas dit sur celte question, qui a déjà recu tant de solutions contradictoires. C'est surtout au sujet de l’origine des tumeurs malignes que les Blastomycètes ont exercé la saga- cité des chercheurs depuis quelques années. Il existe bien certainement des tumeurs à levures; c'est même à elles que l'usage tend à assigner plus spécialement le nom de saccharomycoses ou mieux blastomycoses, bien que ce terme s'applique avec. autant de justesse aux affeclions précédentes. Les tumeurs à levures, spontanées ou provo- quées expérimentalement, sont l'œuvre d'espèces variées et non d'un agent spécifique à part. Les mêmes espèces, selon leur mode de pénétralion, selon l'animal choisi comme sujet d'expérience el selon diverses circonstances accessoires, peuvent se montrer inoffensives ou produire de simples phénomènes d'obstruction ou d'intoxication sans lésions anatomiques. Les tumeurs à levures sont des inflammalions parasilaires chroniques, dont les analogies avec la tuberculose et l'actinomycose. ont élé soulignées par Busse. Les tissus néoplasiques produits par la réaction inflammatoire autour des cellules parasites, isolées ou agglomérées en amas, rappellent parfois la charpente des sarcomes et des carcinomes; des foyers nouveaux s'organisent autour des levures » X. ROCQUES. — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 151 emportées par voie sanguine ou lymphatique. Mais, daas ces colonies nouvelles, non plus que dans les lésions principales, on n’a pas démontré la pré- sence des cellules spécifiques qui constituent le caractère objectif des tumeurs malignes. Il existe donc une catégorie de tumeurs levures longtemps méconnue. Leur diagnostic est parfois facile, pourvu que l'attention des méde- -cins soient éveillée sur elles. Dans d’autres cas, il est délicat, comme le montrent les discussions sou- levées par la remarquable observation de Busse. Les cancers eux-mêmes sont-ils des blastomy- “coses. ou bien seront-ils un jour démembrés en plusieurs familles dont l’une se rattachera aux blas- … tomycoses? è Il serait prémaluré de trancher ces questions. “ On a trouvé des Blastomycètes dans des cancers, “ mais leur constance n'est pas cerlaine. On a re- produit avec des Blastomycètes, comme d'ailleurs “avec des corpuscules de nature différente, des - affections rappelant le cancer, mais dont l'identité … avec celte maladie est contestable. - On a modifié les tumeurs malignes par l'em- « ploi des Blastomycètes et de leurs produits; mais à + L'ÉTAT ACTUEL la spécificité de cette action n’est pas démontrée. Bonome, frappé de l'abondance des Blasto- mycètes dans les jeunes nodules métastatiques et dans la carcinose miliaire diffuse, a suggéré l'idée que les Blastomycètes ne sont peut-être pas les producteurs du cancer, mais les agents de la diffu- sion de l4 maladie. On ne s'explique pas aisément comment un champignon globuleux pourrait servir de porte-virus, à moins qu'il ne s'agisse d'un virus soluble susceptible de l'imprégner et d'émigrer avec lui. Behla' a déjà émis l'hypothèse que l'agent du cancer pourrait êlre un virus soluble analogue à celui que Beijerinck* a découvert dans une ma- ladie du tabac; mais nous ne possédons aucun fait à l'appui de cette hypothèse, en sorte que les rap- ports des Blastomycètes avec le cancer sont encore problématiques *. Il reste donc beaucoup à faire pour connaitre l'importance des Blasltomycètes pathogènes. Les résultats acquis suffisent à montrer que leur étude ne saurait être négligée du médecir Paul Vuillemin, Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. ET LES BESOINS DE L’INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES EN FRANCE … |. — DÉVELOPPEMENT DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES “ La produclion des conserves en France est très ÿ importante. Il est assez difficile, en l'abseuce de - stalistiques officielles, de la caiffrer avec quelque « précision; néanmoins, nous croyons qu'on peut “l'évaluer à 120 millions de boites par an. Dans î cette quantité, c'est la production des conserves « de sardines, avec Nantes pour centre, qui occupe - la place la plus importante. La production y est d'environ 80 millions de boites par an. Bordeaux - vient ensuite, avec une production d'environ dix “ millions de boîtes. Dans la région bordelaise, la - fabrication des conserves a pris un grand dévelop- pement, surtout la fabrication des conserves de légumes. Les conserves de cette région sont, en général, faites avec un très grand soin, et elles sont fort appréciées. La région parisienne viendrait ensuite, avec une production qu'on peut évaluer à 8 millions de boiles: légumes, fruits, champi- gnons, elc. La région du Mans est aussi très im- 1 Voir la {re partie de cetle étude dans la Revue du 45 août 1901, t. XII, pages 699 et suiv. DEUXIÈME PARTIE : PRODUCTION, HYGIÈNE: portante pour ses conserves de légumes (environ > millions de boiles). Parmi les autres régions productrices, citons la région méridionale pour les tomates et les fruits, la région du Périgord pour les truffes, la région de l'Est, dans laquelle ! BeurA : Die geographisch statistische Method als Hülfs- factor der Krebsforschung (Z. f. Hygiene, t. XXXII, 1899). — Ueber neue Forschungswege der Krebsaetiologe (C. f. Bakt., XX VII, 1900). ? BererNGk : De l'existence d'un principe contagieux vivant fluide, agent de la nielle des feuilles de Tabac (Arch. néerl., 2e s., t. Ill, 1899). 3 Voir encore sur cette question : Mox6our : Des produits solubles du Champignon parasite du cancer humain et du Nectria ditissima.… (Soc. de Méd. et de Chir. de Bordeaux, 5 janvier 1900.— Journ. de Med. de Bordeaux, 25 février 1900. — Bull, médical, 18 juillet 1900. MoreurGo : Farbbare Kérper in den Krebszellen (Centr. f. Bakt., XVI, 1896.) Osservazioni ed esperimenti intorno ad un blastomiceto patogeno con inclusione dette steno nelle cellule dei tessuti patologici (71 Policlinico, t. 11, 1895). Kanaxe : Versuch einer Theorie des Carcinoms auf bio- logischer Grundlage (Centr. f. all. Pathol. und pathol. Anat., t. VI, 1895). — Notiz, betreffend das Vorkommen von Blastomyceten in Carcinomen und Sarkomen (Centr. f. Bakt., t. XVIII, 1895). Kororxerr : Untersuchungen über den Parasitismus des Carcinoms (Beriin, 1893). 752 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES on produit des conserves de viande, de foie, etc. Voici quelle serait chez nous, suivant le recen- sement de 1896, la statistique de l'industrie des Conserves : PRE NOMBRE lola . de personnes ë te occupées tablissements Fabriques de salaisons, de con- — — serves de viandes, d'extraits de viande etc M AE 350 29 Fabriques de conserves de pois- sons, fromages, etc. . Bpe 1.200 128 Fabrication de conserves de lé- gumes, fruits secs, etc. . 3.500 87 5.050 25% Il s'agit sans doute ici du personnel permanent : les industries de conserves sont des industries sai- sonnières, qui occupent, à l'époque d'activité, un personnel féminin considérable (fig. 4). Les pays dans lesquels nous exportons des con- serves sont principalement : l'Angleterre, les États- Unis, l'Amérique du Sud. Notre exportation de conserves s'est beaucoup amoindrie depuis les traités protectionnistes de 1892. Auparavant, la France avait presque le mo- nopole de cette industrie, et elle écoulait ses produits dans toute l'Europe et en Amérique. Depuis, ces différents pays, l'Amérique notamment, ont frappé de droits importants nos conserves, de sorte que celles-ci sont devenues un article de luxe. L'Espagne, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie se sont mises à fabriquer des conserves, et nolre exportation s’en est trouvée atteinte. En Allemagne, à Brunswick, dans des terrains sablonneux, on a cultivé avec succès les asperges, dont l’exportalion a pris en Angleterre une assez grande importance; la Belgique fait des conserves, et le prix de la main-d'œuvre y est peu élevé. Ces pays, dont nous élions autrefois les seuls fournisseurs, exportent des conserves en Angleterre. Maintenant, on nous demande surtout les qualités supérieures; pour les qualités ordinaires, on se contente des produits allemands, italiens, ete., quisont à meilleurmarché. Chaque pays, appliquant les procédés de fabrication aux produits de son sol et de son élevage, est devenu un concurrent, de consommateur qu'il élait autrefois. La production américaine est notamment une de celles dont l'accroissement rapide a lieu de nous occuper plus spécialement. La production annuelle de conserves en boites aux États-Unis peut être évaluée à environ 700 mil- lions de boîtes, qui se répartissent ainsi : Viandes . 200.000.000 de boîtes. Saumon . 140.000: 000 — MO ÉTES AMENER ON 150.000 ,000 — Corn pack ‘mais doux). 102.000.000 — POTS EPP. me 40.000.060 — ETUIS RTE TE 85.000.000 — SOUPES M FANS. 5.000.000 — 2.000.000 de boites. La production des viandes ‘en boites est con-" centrée au nord-est, dans l'Illinois, le Missouri, Wisconsin, Nébraska, et les grands centres de cette fabrication sont Cincinnati et Saint-Paul. L'industrie des conserves de poissons se trouve sur les côtes de l'Atlantique et du Pacifique. Sur l'Atlantique, le long des côtes du Maine, ontété installées trente quatre fabriques de conserves de sardines, à Port land, Eastport, Lubec et Brunswick Plus au sud, dans le Maryland, Baltimore est le grand centre des conserves d'huîtres; on y compte quatre-vingts établissements faisant en même temps … les légumes et les fruils en boîtes. La Virginie, avec Morfolk, produit également des conserves d'huitres. Sur le Pacifique, les États producteurs sont l'Orégon, le Washington et la Californie pour” la conserve du saumon, qui y est très importante. \ Astoria et Portland, dans l'Orégon, Seattle, Ana- dortes et Tocama, dans le Washington, et San Francisco, dans la Californie, sont les centres prin- cipaux. Les conserves de légumes se font prin- cipalement dans le Maryland, à Baltimore, dans l'État de New-York, l'Ohio, l'Indiana, l'Illinois, le Maine, le New-Jersey et la Californie. Les conserves de tomates se font principalement dans les États de Maryland, New-Jersey, Delaware, New-York, Ohio, Iowa et Virginie. Les conserves de mais doux dans les États du Maine, Maryland, New- York, Iowa et Ohio. Les conserves de fruits en boites se font principalement dans la région cali- fornienne. On en produit aussi à Baltimore (Ma- ryland), à Syracuse et Rochester (État de New-York), dans le New-Jersey, Delaware, Pensylvanie, Ohio, Indiana et Michigan. Toutes ces industries sont en grand progrès; le Gouvernement les favorise par le larif de douane qui leur assure une protection sérieuse en frappant les produils similaires étran- gers. Aussi, non seulement la consommation inté- rieure de conserves américaines augmente-t-elle. mais, aussi, la concurrence que peut faire l'industrie américaine devient-elle de plus en plus grande. Les extraits de viande sont protégés par un droit de douane de 1 fr. 75 par livre de 453 grammes et les légumes en boîtes par un droit de 40 °/, ; les fruits en boîtes paient 0 fr. 10 par livre et 35 °/, de la valeur; les poissons en boites entrent avec un droit de 30 °/,; les sardines, suivant la grosseur des boîtes, paient 0 fr. 42 à O fr. 50 la boîte; seules, les conserves de homards entrent en franchise. Les saumons en boîles paient 95 °/,; enfin, les fruits secs, pommes et prunes, 0 fr. 10 par livre. Dans le Nord de l'Amérique, le Canada produit environ 13 millions de boîtes de homards et six millions de boites de tomates. Le marché principal est Halifax. Les Etats-Unis produisent également une grande X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES 353 quanlité de conserves de lait concentré; on en fabri- que notamment New-York, Whitefield (New-Hamspshire), Richmond (Vermont) et Highland (Illinois). La fabrication des conserves à pris une grande extension aux Etats-Unis, non seulement parce que celte industrie y a rencontré abondamment les malières premières, mais aussi parce que les Amé- ricains, de même que les Anglais, sont grands con- à San-Francisco, la morue et du hareng, pour une valeur de 2.500.000 francs. L'importation des Etats-Unis à été, la même année, de 5.500.000 francs de conserves de sardines, venant principalement de France, et de 3.500.000 franes de homards. L'exportation des Etats-Unis en conserves de fruits en boites a été de 8.000.000 de francs en 1897-1898. Si l'Amérique est pour la France une concur- 1 Fig. 1. — Vue de l'une des cours de l'usine K. Potin, au moment de la labrication des conserves. sommateurs de conserves. Chez eux la cuisine joue un rôle moins important que chez nous. L'industrie des conserves américaines développe aussi ses exportations, comme le montrent les chiffres suivants : L'exportation des conserves de viandes en boites s'est élevée, dans l’année douanière 1897-1898, à 37.000.000 de livres américaines (la livre : 453 gr.), valant environ 16.000.000 de francs. La même année, les Etats-Unis ont exporté 27.200.000 livres de saumon en boite, valant 12.500.000 francs, d’autres poissons en boîtes pour une valeur de 500.000 francs et 12.500.000 livres de poissons séchés ou fumés, principalement de ! rente très redoutable, l'Europe aussi doit allirer notre attention. Nous avons dit que, depuis une dizaine d'années, l'industrie des conserves alimen- taires s'y était beaucoup développée. Sur les côtes de l'Espagne et du Portugal, on fabrique beaucoup de conserves de sardines à l'huile. En Espagne, on trouve, sur les côtes des provinces maritimes de Vigo et de Villagarcia, 162 usines qui préparent principalement des conserves de sardines à l'huile et des sardines pressées et salées. Leur pro- duction a élé, en 1898, d'environ 5.000.000 de kilos de conserves de sardines à l'huile. Ces sardines se sont vendues en moyenne 20 peselas par caisses me y 194 X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES de 100 boîtes dites « quarts » ; l'exportation en a été de 2.283.000 kilos. A Bilbao et Santander, 10 usines préparent aussi des conserves de sardines. A la Corogne, on en produit une quantité impor- tante. On en prépare aussi à Higarita, à l'embou- chure de la Guadiana. À Tavira, près de Cadix, on prépare des conser- ves de thons et de sardines. On fabrique aussi en Espagne es conserves de légumes et de fruits, à Lerida, Saragosse, Tudela, Ponferrada, Madrid, Seville, etc. Dans les îles Baléares, on prépare des conserves de fruits et de tomates. Sur les côtes de Portugal, la fabrication de con- serves de sardines est importante. À Espinho, arrondissement industriel de Porto, une usine de conserves occupant 4 à 500 ouvriers produit de 2.000.000 à 2.500.000 boîtes de conserves. Dans l'arrondissement industriel de Lisbonne, on compte 36 usines occupant 2.109 ouvriers. On trouve des usines de conserves à Lisbonne, Setubal. On en trouve aussi à l’Algarve, Faro, Lagos, Olhäo, Villaréal. En Italie, la fabrication de conserves est assez importante. On prépare beaucoup de conserves de tomates dans toute l'Ilalie; mais surlout dans la région de Naples, des conserves de fruits, de légumes. Sur la côte ouest, entre Civita-Vecchia et Gênes, on prépare des conserves de sardines, de thons et d’anchois. À Palerme, en Sicile, on prépare des conserves de thons. En Autriche, la fabrication des conserves est encouragée par le Gouvernement. L’Administralion de la Guerre donne aux fabriques de conserves des commandes de boites de conserves de viande pour une somme équivalente à l'intérêt du capital engagé dans les fabriques. On a obtenu, de celte manière, une organisation telle qu'elle permettrait de faire en temps de guerre 450.000 boites de conserves par jour. On fabrique surtout, en Autriche, des conserves de viande, et, sur la côte de l'Istrie et de la Dalmalie, des conserves de sardines. Les principaux centres de fabrication sont : Vienne, où l'on fabrique notamment dans une grande usine, 200.000 boites de conserves de viande par jour, Buda-Pesth, Isola (Istrie), Grado, Rovigno, Fasana, Kædling. À Botzen, dans le Tyrol, deux grandes fabriques font les conserves de fruits et les confitures. On sait que Vienne est aussi le grand marché des foies gras. En Suisse, c'est la fabrication du lait condensé qui occupe la première place dans la fabrication des conserves. On trouve des fabriques de lait con- densé à Cham, Vevey, Gruyère, Yverdon, Em- menthal. La production aurait atteint, en 4897, 68.000.000 de boîtes, et on pourrai! l’évaluer ac- tuellement à 70.000.000. L'exportation annuelles (moyenne de 1892 à 1898) est de 184.850 quintaux métriques, représentant une valeur de 18 millions de francs. Signalons aussi une importante usine à Saxon (Valais), préparant des conserves de légumes, fruils et viandes. En Allemagne, on prépare des conserves de viande à Brunswik, Gottingue, Eisenberg i. Th., Apoldo, Hambourg, Lubeck, Strasbourg ; des con- serves de poissons à Barth, Stralsund, Greiferwald et Lubeck; des conserves de fruits et légumes (pois, asperges, haricots, etc.) à Brunsvick, Metz et Schlitigheim (Alsace), Magdebourg, Hanovre et Lubeck. L'industrie des conserves en Alsace-Lorraine s'est beaucoup développée et a bénéficié des traités de 1892. La Belgique compte plusieurs usines importantes où l'on fabrique très bien les conserves de légumes et de fruits. En Hollande, on trouve aussi des fabriques de conserves. . Le Danemark exporte beaucoup de beurre con- servé en boîtes. On fabrique aussi à Copenhague des tonneaux de hêtre pour loger le beurre destiné à être exporté. On fabrique aussi des conserves diverses; une maison importante existe à Copenhague; il yen a aussi une à Faaborg. En Angleterre, on fabrique des conserves de viandes. À Londres, d'importantes maisons pré- parent des conserves de pâtes de viande; les An- glais sont très amateurs de ces conserves fortement épicées. En Suède, on rencontre des fabriques de con- serves. À Gothembourg, dans une usine importante, on met des morues en boites; à Karlshamn, on prépare des conserves de harengs marinés. En Norvège, il y a d'importantes fabriques de conserves, principalement des conserves de pois- sons, notamment à Stavanger et à Kristiansund. On en trouve aussi à Bredvold, Balstad, Grimsæ, Bodæ, Trondjem, Brandæsund. Une importante fabrique de lait concentré non sucré à aussi été établie à Christiania. En Russie, l'industrie des conserves à pris une certaine extension. On prépare des conserves de fruits à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kertch; des conserves de poissons, à Odessa, Amour, Balaklava, Nicolaev, Revel (sardines d'Esthonie). Une école de conserves de poissons a élé créée à Tobolsk. RE Le fe LA T8 X. ROCQUES —— L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES tete 199 En dehors de l'Europe etdes Etats-Unis, il existe - des fabriques de conserves alimentaires. Nous cite- -rons principalement la fabrication des conserves “d'ananas. La Guadeloupe étaitautrefois le lieu de pro- “duction principal de celte conserve, et celte colonie en fabriquait annuellement de 600 à 800.000 boites. Mais, depuis 1890 environ, la culture de l'ananas et sa mise en conserve ont pris une grande importance à Singapore, et l'ananas de Singapore fait une concurrence considérable à celui de la Guadeloupe. Actuellement, la Guadeloupe ne produit plus guère “que 200 à 250.000 boites d'ananas, tandis qu'à Sin- gapore on en produit de 5 à 6.000.000 de boîtes. Comme qualité, l'ananas de la Guadeloupe a con- servé sa supériorilé. On voit que l'industrie des conserves est très répandue ; la France continue à être à la tête de celte industrie, sinon comme quantité, puisqu'à ce point de vue elle est dépassée par les Etats-Unis, out au moins comme qualité de ses produits et comme soin avec lequel ils sont préparés. Notre pays ne peut donc espérer lutter pour la grande production à bon marché: sa supériorité est dans la qualité de ses produits. Il faut done que les industriels francais conservent cette supériorité et améliorent sans cesse leur fabrication. IT. — LES CONSERVES ALIMENTAIRES AU POINT DE VUE DE L'IYGIÈNE On a souvent porté, au nom de l'Hygiène, des accusations contre les conserves alimentaires. Les conserves de viandes deslinées aux troupes de la Guerre et de la Marine ont été surlout fréquemment incriminées. Si l’on compare cependant le nombre considérable de ralions de conserves consommées par les troupes ! avec le nombre relativement très restreint d'accidents observés, on voit que les con- serves ne peuvent pas, 4 priori, êlre considérées comme un aliment qu'on doit metlre en suspicion, D'autant plus qu'il faut observer que les accidents constatés sont souvent peu graves, qu'ils se bor- nent à des tranchées ou à des vomissements, et que ces indisposilions disparaissent promptement. Les cas mortels sont d'une très grande rareté. Les conserves de poissons donnent lieu aussi quelquefois à des accidents : on les observe surtout ‘avec les conserves de homard, de saumon et les « conserves de sardines à l'huile. 4 Il ne parait pas y avoir d'accidents causés avec É' s A - les conserves de légumes, ou du moins ces accidents sont-ils d'une rareté très grande. E Les inconvénients que peuvent présenter, au … point de vue de l'Hygiène, les conserves alimen- £ laires peuvent avoir deux causes : 1 Les troupes consomment annuellement 3.000.000 de boites renfermant chacune 5 rations. PTE TS RL 4° La nature de la boîte ou du récipient servant à les contenir ; 2% La nature du contenu, c'est-à-dire de la con- serve elie-même. Examinons successivement les conditions que doivent remplir la boîte et son contenu pour que la conserve se présente dans les meilleures condilions hygiéniques possibles. $ 1. — Boîtes. La boîte ou le récipient servant à emmagasiner les conserves doit réaliser les conditions suivantes: 4° La fermeture doit être parfaite pour prévenir toute cause d’altération venant de l'extérieur; 2 Les parois intérieures de la boile et toutes les parties de la boite pouvant se trouver en contact avec les substances à conserver doivent être abso- lument dépourvues de substances nuisibles pouvant s'introduire dans le contenu de la boite. Pour ce qui est du premier point, la fermeture parfaite, les fabricants sont obligés de la réaliser sous peine de voir leurs conserves s'altérer. Nous avons vu que cette fermeture hermétique pouvait s'obtenir soit par soudure, soit par sertissage et que ces procédés, lorsqu'ils étaient bien appliqués, donnaient tous deux de bons résultats. Au point de vue des conditions que doivent rem- plir les parties de la boite en contact avec le con- tenu de celle-ci, il y a lieu de considéder : 4° la sur- face intérieure de la boite; 2° les joints (soudure ou sertissage). Pour les boîtes de fer-blane, l'étamage doit être fait à l’étain fin‘. On doit, suivant Grimaux”, enlten- dre par étain fin à employer pour les bainsd'étamage ou de rétamage, celui qui contient au moins 97 [0 d'étain dosé à l’état d'acide métastannique, et qui renferme moins de 0,5 °/, de plomb et moins de 0,01°/, d'arsenic. Suivant M. Pouchet*, on a observé en Russie des accidents provenant de la présence - de l'arsenic dans l’étain employé à l'étamage d'us- tensiles de cuisine. Lorsqu'on emploie pour l'étamage des boites de conserves de l'élain renfermant du plomb, on re- trouve dans le contenu des boîtes une quantité de plomb qui peut être assez importante. Cest ainsi que Schutzenberger et Boutmy, qui ont examiné 16 boites de conserves de viandes de la marine, ont obtenu les résultats suivants : Le métal employé pour l’étamage renfermait de 5,93 à 20,13 °/ de plomb (12°/, en moyenne), et la viande en contact avec l'étamage renfermait de 8 à 143 milligrammes de plomb par 100 grammes de viande. 1 Ordonnance de police du 31 décembre 1890. 2 Comité Consultatif d'Hygiène, 27 janvier 1890. 3 Comité Consultatif d'Hygiène, 1890. 756 D'autre part, MM. A. Gautier et Pouchet ! ont trouvé les résultats suivants en analysant des boiîles de conserves de poissons à l'huile dans lesquelles on avait pratiqué des soudures intérieures avec de l'étain plombifère : PLOMB PAR KILO =, de poisson d'huile Sardines. 33 milligr. 68 milligr. — PRE ES RE DRE PE MEL NREES 3 — Maquereaux Re PO RE ILES Thon 30° — = AM Le MO sex NS SA 0e 223 0 — 170 — Sardines (vieille boite). . . . . +: 43 — 168 — Au sujet de l’étamage, nous ajouterons que, pour produire des fers-blanes d’un prix peu élevé, on réduit la couche d’étain le plus possible, et on arrive à avoir une couche si mince de métal pro- tecteur du fer, que ce dernier peut être atlaqué par les liquides contenus dans la conserve. M. Doremus a examiné des boîtes de conserves de poissons qui étaient dans ce cas; elles étaient gonflées et avaient l'apparence extérieure de conserves, avariées. Cependant, en ouvrant ces conserves, on constalait que les poissons étaient fermes, de bonne couleur, sans goût ni odeur désagréable et que leur contenu était stérile ; mais l'examen chimique indiqua la présence de fer et d’étain. À l'intérieur, on constatait une corrosion étendue des côtés et du fond de la boîte, tandis que le couvercle, qui était revêln d’un étain différent, était inlact. Le gaz qui gonflait ces boîtes contenait 80 °/, d'hydrogène. Le gonflement était dû à la mauvaise qualité du métal des boîtes, et surtout à un étamage insuffi- sant. On a cherché à parer aux inconvénients que présente le contact des conserves avec un métal quelconque en enduisant l’intérieur des boiles mé- talliques d’un vernis protecteur. Malheureusement, jusqu'ici on n’a découvert aucun vernis susceptible de résister parfaitement à une stérilisation de 110-115° et à l’action des matières contenues dans les boites. Il y a là, comme nousl'avons déjà dit, un problème intéressant à résoudre. Les divers modes de fermeture des boites ont donné lieu aussi à des réglementations. Comme il entre généralement une notable pro- portion de plomb dans les alliages servant à faire les soudures, il était prescrit® de pratiquer les soudures uniquement à l'extérieur des boîles. Cette circulaire a soulevé de nombreuses protestations de la part des fabricants de conserves de sardines, qui ont déclaré qu'il leur fallait de toute nécessité ‘ Comité Consultalif d'Hygiène, 1er octobre 1888. * Arrêté ministériel du 4 mars 1879. X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES pratiquer des soudures à l’intérieur des boîtes. Lam question, soumise à plusieurs reprises au Comité Consultalif d'Hygiène, a été réglée dans les cireu laires ministérielles des 31 mai 1880 et 12 août 1889 permettant l'usage de soudures intérieures, à la condition qu'elles soient pratiquées à l’étain fin. La soudure, lorsqu'elle est pratiquée à l'extérieu avec de l’étain plombifère, ne présente aucun incon« vénient quand elle ne pénètre pas; mais il n’en est pas toujours ainsi dans la pratique, et il pénètren quelquefois dans les boites de conserves des goultes de soudure plombifère qui peuvent conta=« miner le contenu de la conserve. | Lorsque, au lieu de pratiquer la soudure, on pra= tique le sertissage, on emploie des caoutchoucs« renfermant des oxydes mélalliques. Ces caout= choucs étaient autrefois addilionnés d'une forlem proportion d'oxyde de plomb (30 à 40 °/,); mais, à la suite de protestations du syndicat des ferblan=s tiers soudeurs, le Comité Consultatif d'Hygiène a, dans sa séance du 21 mai 1894, adopté les conclu sions d’un rapport du D’ Dubrisay tendant à inter, dire l'emploi de tous les procédés de sertissage quim comportent l'emploi de substances plombifères. A: la suite de cette interdiction, on a adopté divers oxydes, mais on a éprouvé des mécomptes, car les” autres oxydes qu'on a employés n’ont pas l'étans, chéilé que procurait le minium ou la litharge Les premières tentatives faites dans le but de sup=« primer les caoutchoucs plombifères ont été très onéreuses pour les fabricants; on a, cependant, réussi à employer des caoutchoucs non plombifères,« mais à la condition de changer la disposition du mode de fermeture et de poser le joint de caoult=M chouc sur le couverele, etnon sur la boite. (Voir la première parlie de cette étude.) rm > $ 2. — Contenu des boîtes. Le contenu des boîtes doit, pour répondre aux desiderata de l'hygiène, satisfaire aux conditions suivantes : | 1° Les substances à conserver doivent être, au moment de la fabrication, en parfait état de conser- vation ; 2° Les opérations de préparation doivent s’effec- tuer avec la rapidité désirable et les précautions indispensables; 4 3° Toute boite mal réussie, reconnaissable par le bombage, doit être rejetée et ne doit jamais donner lieu à l'opération dite de la représervation à 4 Enfin, la stérilisation doit être parfaite pour assurer la destruction de tous les germes. M. le D' Vaillard, qui a fait une étude très com- plète des conserves de viandes destinées à l’armée, à cherché si les conserves renfermaient des subs- tonces toxiques, ou si elles pouvaient renfermer X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES (1 —] ) des microbes vivants capables de provoquer une infection intestinale. M. Vaillard ne pense pas que le fait du vieillis- “étment des conserves puisse être cause de la for- Une conserve 9% Une viande saine à l’origine peut devenir loxique au cours de la fabrication, lorsque, par suite 5, basilles. Dans cette classe de conserves, M. le D' Vaillard signale principalement les conserves ées, dont le fond avait bombé, et que l'on a voulu réutiliser. Pour exécuter cette opération, on fait un ces conserves représervées sont dans des condi- tions hygiéniques mauvaises, car si les microbes ont élé tués, les produits de leurs sécrétions restent dans la conserve; . 3 Dans une conserve insuffisamment stérilisée, les germes peuvent persister vivants el se déve- lopper par la suite. Si les anaérobies ont été tués, il peut rester des aérobies qui ne peuvent se déve- lopper en l'absence d'oxygène libre; lorsqu'on ouvre la boite pour la consommalion, les aéro- bies peuvent se développer librement et rendre le éontenu de la boîte malsain. Les conserves à l'usage de l’armée paraissent contenir, dans certains cas, des substances Loxiques. Des expériences de Pouchet paraissent tout au moins le démontrer. Ce savant a injecté à des co- bayes des extraits de conserves, et quelques-uns de ces extraits ont déterminé la mort en quelques heures. Des extraits, préparés d'une manière iden- dique avec des viandes fraiches et saines, ne don- “nent jamais, dans les mêmes conditions, desexlraits … toxiques. Les conserves alimentaires de l'armée ne “renferment pas seulement, dans certains cas, des produits toxiques; elles contiennent aussi des mi- - crobes, et le D' Vaillard a pu, en aérant aseptique- - ment des conserves paraissant saines, y détermi- ner le développement de microbes aérobies qui n'avaient pas été lués. Il a pu ainsi constater que 10 et même 80 °/, des boites qu'il a examinées, contenaient des germes revivifiables. Il semblerait donc que fréquemment les conserves sont impar- faitement slérilisées ; la cause en serait due à l'in- suffisance du degré et du temps de chauffe. Le D' Vaillard a constaté qu'en soumettant des conserves à 120° dans des autoclaves employés par l'industrie, c'est seulement après une heure trente environ que le centre de la boite alteint 116°. La conclusion à tirer de ces faits, c'est que les conserves de viandes, pour être parfaitement salu- bres, doivent être fabriquées dans les conditions que nous avons indiquées plus haut, et, surtout, ne pas être soumises à la pralique vicieuse de la repré- servalion. Ajoutons que c’est avec juste raison que l’on recommande de consommer les conserves dès que les boites ont été ouvertes; les inconvénients que présentent les conserves se manifestent, en effet, la plupart du temps quand cn ne consomme les conserves que quelque temps après l'ouverture des boites. Le même fait se produit avec les conserves de poissons. Si nous passons maintenant aux conserves de légumes, nous constatons qu'il y à une grande dif- férence dans les accidents observés. Tout d'abord, il parait difficile d'employer pour préparer les con- serves alimentaires des légumes gâlés, en raison de l'aspect défectueux de ceux-ci. Ja stérilisation des produits végétaux s'obtient avec beaucoup plus de facilité que celle des substances animales. Quand il se développe une altéralion ayant pour résultat de faire bomber la boite, cette altération est due au développement de ferments acidifiants, et l'on con- naît très peu de cas d'accidents provoqués par de telles conserves. Nous devons dire un mot de la pratique du reverdissage qui est appliquée aux légumes verts. Cette pratique, qui a été adoplée en raison des exi- gences de cerlains consommateurs et des demandes de l'exportation, a pour but de rendre leur belle teinte verle aux légumes qui ont été décolorés pendant les diverses opérations de cuisson et de stérilisation. Ce résultat s'oblient par l'addition d’une petite quantité de sulfate de cuivre (45 à 50 grammes de sulfate de cuivre par bassine conte- nant 70 à 75 kilos de pois, ou 50 à 55 kilos de hari- cots verts). L'emploi des sels de cuivre était interdit depuis 1860’. A la suite d'un rapport de M. Grimaux au Comité Consultatif d'Hygiène, celte interdiclion a été levée”. 1 Ordonnance du 20 décembre 1860. 2 Ordonnance du 18 avril 1889 758 $ 3. — Date de la fabrication. Pour terminer l'étude des conserves alimentai- res au point de vue de l'Hygiène, il nous reste à parler d’une proposition de loi de M. Muteau, député de la Côte-d'Or, soumise en ce moment au Parlement, loi tendant à obliger les fabricants de conserves alimentaires à mentionner d’une facon apparente la date de fabrication. M. Muleau espère éviter ainsi les inconvénients qui peuvent résulter de l'usage des conserves alimentaires avariées. Cetle question avait été déjà discutée au Congrès international d'Hygiène tenu à Paris en 1900, et le Congrès avait émis un vœu dans le même sens. Une réglementation analogue est déjà en usage er Autriche, où les boîtes de conserves portent la date de la fabrication; mais je ne crois pas que cette mesure puisse être appliquée d'une manière géné- rale à tous les produits alimentaires commerciaux ; elle doit être restreinte aux conserves de viandes destinées aux troupes. En France, les industriels ont l'habitude de faire estamper sur les boites de conserves des lettres ou des signes leur permettant de reconnaître la date de fabrication. Mais ces indications conservent un caractère secret et ne renseignent pas le consom- mateur. Le résullatique l’on veut oblenir est, au contraire, defrendre apparente au public l'époque de fabrication d’une boite de conserve quelconque. Si l’on‘veut que le consommateur connaisse la date de fabrication d'une conserve qu'on lui offre, c'est qu'en [admet que cette conserve est sujette à s'altérer avec le temps. Il doit donc y avoir une rela- tion entre l’âge d'une conserve et son état d’alté- ration, et il doit y avoir ainsi une période de temps au bout de laquelle la conserve n’est plus saine. La vérilé est que ce n'est pas le temps qui est le fac- teur le plus important de l’altération : c'est l'état de stérilisation de la conserve. Une conserve est bien ou mal stérilisée. Si elle est bien stérilisée, X. ROCQUES — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DES CONSERVES ALIMENTAIRES | toute action microbienne cesse : il ne peut plus se 1 produire que des actions d'ordre physique ou chi= | mique. Peut-il se former sous ces seules actions des composés loxiques? Cela parait bien peu vrai= semblable. M. le D'° Vaillard, parlant des conserves de viandes, dit que la Chimie, aidée de l’expérimen= tation sur l’animal, a été impuissante à constater l'existence de produits toxiques dans des conserves datant de plus de dix ans et restées inaltérées; d'autre part, des millions de conserves dont lan fabrication remonte à cinq et six ans sont consom=" mées journellement dans l'armée sans déterminer d'accidents. Il ajoute qu’une conserve bien faite à l’origine ne subit aucun changement appréciable au cours du temps et demeure inoffensive. Ce qui est vrai pour les conserves de viandes, - l’est plus encore pourles conserves de légumes. J'ai eu l'occasion d'examiner un assez grand nombre de ces conserves datant de six à douze ans: elles» étaient parfaitement stériles, ne présentaient pas trace d’altération et ont élé consommées sans qu'il en soit résulté le moindre inconvénient. 4 Je crois que si l’on voulait exercer un contrôle efficace sur la valeur hygiénique des conserves * alimentaires, il faudrait faire porter ce contrôle sur ' l'état de stérilisation. Une conserve bien stérile peut être sans inconvénient consommée au bout. d'un temps très long, alors qu'une conserve mal. stérilisée est susceptible au bout d’un temps res- treint de déterminer des accidents. On ne saurait trop engager les industriels à s’as= surer que les conserves qu'ils préparent sont bien stérilisées. Le bombage des boîtes, qui est un signe d’altération, n’est pas le seul, et des conserves peu-" vent sans se bomber ne pas être complètement sté= rilisées. x st gt * Le Xavier Rocques, Ingénieur Chimisle, Ancien Chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris : Eh ef LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX’ SIÈCLE Le but de la Revue est de faire connaître, à mesure qu'iis se produisent, les progrès dans chaque branche des études positives, de synthétiser les résultats obtenus, et d'en dégager l’enseignement ; enfin, indiquer, en des articles d'avant-garde, les idées nouvelles qui dirigent les chercheurs, le sens dans lequel semblent devoir s'orienter le plus utilement linvestigation expérimentale ou les essais application. Sciences « pures » et « Applications » des Sciences ont également droit à l'hospitalité de la Revue. Mais faut-il classer les Sciences économiques parnni celles dont ses lecteurs ne sauraient se désintéresser? Nous nous sommes posé la question. Et nous avons cru pouvoir la trancher affirma- livement, — sous certaines conditions, cependant. La science économique groupe les faits relatifs à la vie particulière des nations et à la vie générale du monde civilisé; elle étudie ensuite ces faits, s'eflorce d'en discerner lenchaïnement et la Subordination, puis d'en déduire des lois générales. Il y a done, dans les travaux des économistes, une artie positive, indépendante de toute appréciation personnelle, et une partie, plus subjective, qui orcément donne prise à la controverse : une partie où s'exerce l'observation, et une partie réservée à Ja discussion. Demander à la Revue d'accueillir des articles économiques de discussion serait dentraïner dans une voie qui n’est pas la sienne; mais il semble bien qu'elle demeure fidèle à son programme général et à sa ligne de conduite, en publiant, de temps en temps, certaines études portant Sur des faits précis, el présentant des conclusions d'intérét national. Tel nous parait être le double caractère du travail qu'on va lire. Quelle a été, pendant le XTX* siècle, et quelle est aujourd'hui la puissance d'expansion commerciale de la France? De celte question, nul ne Saurait se désintéresser; elle doit préoccuper Thomme cultivé, le savant, plus encore que le citoyen moins éclairé, car le commerce extérieur est, de nos jours, le grand facteur de la puissance d'un peuple. Au XV£ et au X VIF siècle, le missionnaire était le pionnier des nations colonisatrices : on querroyait alors pour des idées. Actuellement, le marchand est le porte-drapeau de sa patrie, et Ton se bat pour conquérir des marchés nouveaux. 11 importe done de savoir quelles sont nos chances de succès dans la lutte qui emplira le XX° siècle. Pour élucider le problème, le mieux est de s'en tenir aux méthodes scientifiques de lobser- wation. Le simple examen des faits, accompagné d'une explication précise, dira mieux que les plus ingénieuses dissertations ou les plus éloquents discours des hommes politiques, comment $est développé notre commerce pendant le XTX® siècle et pourquoi la situation de l'heure présente apparait Comme grave. L. O. Il n’est peut-être pas sans intérêt de résumer | commerciales; Richelieu et Colbert avaient, de leur lhistoire commerciale de la France pendant le | côté, perfectionné ce service; mais le « Bureau de xIx° siècle, et d'examiner ensuite si quelque lecon | la Balance du Commerce » n’en était pas moins tout tile ne se dégage pas de l'observation des faits. | à fait insuffisant. L'Assemblée nationale de 1792, Nous allons donc essayer d'établir : quelles ont été | voulant remédier au mal, ordonna la formation les causes des variations de notre commerce exlé- | d’un « Bureau central d'Administralion du Com- rieur; quel à été le rang de notre pays au point de | merce », dont la mission serait de réunir tous les vue de l'importance des échanges internationaux; | mouvements commerciaux. Le « Bureau de la Ba- quelle est enfin notre situation comparée à la fin | lance du Commerce » devint celui des « Archives du de l’année 1900. Commerce », et la Douane fut chargée de recueillir I les renseignements. Le Règlement du 17 janvier 1792 organisa le service. Et bientôt paraissait le Pour le premier quart de ce siècle, les documents | premier tableau semestriel du commerce de la précis n'abondent pas. Sully avait bien organisé, | France. Mais, au milieu des troubles de tous genres vers 1602, un « Cabinet de politique et de finance » | qui secouaient le pays, l'entreprise ne put être # chargé” de réunir les éléments des statistiques | poursuivie, et on attendil en vain le deuxième ta- bleau. Ce n’est qu'en 1818 que furent inaugurée 1 GEonGEs PaLraix : Les Douanes françaises. les publications annuelles de l'Administration de 760 Douanes, faisant foi en la matière; et la première publication décennale comprend les chiffres de la période 1827-1830. Notons, cependant, que les statistiques de celte époque sont loin d'offrir loutes les garanties néces- saires d'exaclitude. D'une part, l'organisation du service central laissait à désirer, et ce n’est guère qu'en 1851, sur la demande de M. Thiers, ministre du Commerce, que les documents furent enfin col- lationnés, détaillés et publiés rationnellement. D'autre part, l'évaluation des valeurs était faite d’étrange facon. De 1818 à 1826, le tableau d’éva- luation fut dressé par l'Administration des Douanes d'après les renseignements recueillis auprès du commerce et de l'industrie. Mais, à cette dernière date, on décida de dresser un tableau définitif des évaluations, après consultation d’une commission spéciale de commercants et de manufacturiers; et l'ordonnance du 29 mars 1827 stipula que les va- leurs moyennes ainsi fixées, dites « valeurs offi-. cielles », serviraient désormais de base permanente à la stalistique. Et il en fut ainsi jusqu'en 1847, année où une réorganisation du service amena la constitution d’une « Commission permanente des valeurs » de Douane, définitivement établie le 13 décembre 1848. Depuis 1848, nous possédons des statistiques consciencieuses et précises. Il est aisé de compren- dre que les publications afférentes à la période 1826-1841 n'offrent pas les mêmes garanties d’exac- titude. Par suite de l’applicalion du tableau des « valeurs officielles », la Douane ne tenait aucun compte des variations des prix des marchandises. IL est vrai qu'à cetle époque les osallations du marché international n'étaient ni aussi brusques, ni aussi amples que de nos jours; mais elles avaient une certaine importance, cependant; en les négligeant, on faussait sensiblement les conclu- sions que chacun pouvait tirer de la lecture des documents publiés. Il est done bien entendu que les chiffres dont nous userons doivent être tenus : pour de simples évaluations, s'ils sont antérieurs à 1818; pour des documents d'une précision insuffisante, s'ils sont antérieurs à 1848; et qu'ils n'auront toute leur force probante qu'aulant qu'ils auront été puisés dans les tableaux dressés pendant la seconde moi- tié du siècle. La «Commission permanente des va- leurs de Douane » fournit, en effet, chaque année, des évaluations concordant avec les prix actuels du marché, et la statistique offre, dès lors, une base solide d'appréciation. Cette observation faite — et elle était nécessaire, — voyons quels ont été les mouvements de notre commerce extérieur, depuis la Révolulion jusqu'à la fin du xix° siècle. MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE IT Quand survint la Révolution de 1789, nous étions régis par les lois du Système mercantile, organisé par Colbert, c'est-à-dire par le système protection= niste, dont la formule peut-êlre résumée ainsi: assurer aux produits nationaux, agricoles et manu- facturés, le marché intérieur du pays, en arrêtant à la frontière douanière, par des droits élevés, par- fois même par des prohibitions, les produits étran- gers concurrents. L'œuvre libérale de Turgot n'avait produit d'effels que sur le marché inté- rieur, et elle n'avait d’ailleurs pas élé durable. L'Economie politique n'était pas encore née, et les Physiocrates — Quesnay, Gournay, Mercier de la Rivière, l'abbé Beaudeau, Dupont de Nemours — avaient à peine frayé la voie, dans laquelle l'Ecos= sais Adam Smith et le Français Jean-Bapliste Say entraineront plus tard les nations civilisées. La Révocation de l'Édit de Nantes avait eu, entre autres résullats, celui de répandre dans toute l'Eu- rope le Système mercantile, car chacune des nations auxquelles les Protestants émigrés étaient venus « apporter des industries nouvelles avait tenu à protéger ces entreprises naissantes en fermant son territoire aux produits rivaux. L'Europe du nord-ouest, la seule importante au point de vue de la production et des échanges, était hérissée de barrières douanières que les commer- cants franchissaient avec de grandes difficultés. En 1789, notre commerce extérieur général — la statistique n'élait pas assez précise pour que nous | puissions faire la part du commerce spécial — élait M évalué à 4.078 millions, dont 441 millions à l'im- porlation, et 637 millions à l'exportation. En 1799, il arrive à 1.732 millions, grâce à l’œu- vre de la Constiluante, à laquelle nous devons la suppression, en 1791, des douanes intérieures, et l'adoption d'un tarif douanier libéral. Mais les luttes de la Convention contre l'Angleterre brisent. net l'effort du commerce, et, en 1799, — sous le Direcloire, — nous sommes au chiffre global de 590 millions de francs, y compris le commerce avec les colonies. Le Consulat succède au Directoire, et l'Empire au Consulat. La lutte s'engage bientôt entre l'An gleterre et Napoléon, et le Blocus continental rend impossible toute entreprise commerciale régulière et de longue haleine. Notre commerce extérieur est gravement atteint : après être monté de 790 mil= lions en 1802, à 933 millions en 1806, il retombe à 769 millions en 1807 et à 621 millions en 1809. Mais il serait puéril de demander aux chiffres de celte période des indications sur les causes écono- miques des mouvements de nos échanges internas Lionaux : un duel à mort est engagé entre Napoléon met l'Angleterre, et l'Empereur fait la guerre avec ses douaniers comme avec ses soldats. Il faut donc attendre la Restauration pour que le parché international, affranchi des servitudes errières, se remetle en équilibre, et fonctionne normalement. En 1815, notre commerce extérieur oscille au- tour du chiffre de 500 millions de francs. Déjà, les idées libérales ont fait quelques progrès et le gou- “vernement des Bourbons ne parait pas hostile à l'établissement d'un régime douanier, protection misie sans doule, mais sans prohibitions ni taxes “excessives. Mais ces tendances ne purent prévaloir, par suile des nécessités politiques. Les Chambres la Reslaura- ion, élues au # 000 MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE 761 alors la doctrine proleclionniste; et elle ne com- mença guère qu'en 1836. Mais la prospérilé indus- trielle s'affirmait lous les jours. D'autre part, la campagne de « l'Anli-corn-law-league », acti- vement menée en Angleterre par Cobden et la Ligue de Manchester, avait sa répercussion en France, où, sous l'impulsion de Bastiat, Horace- Emile Say, Michel Chevalier, ete., se fondait, à Bordeaux, « l'Association pour la liberté des échanges », le 10 février 1846. Aussi voyons-nous apparaitre, le 31 mars 1847, le projet douanier, relalivement libéral, de M. Cunin-Gridaine, mi- nistre du Commerce. Mais l'opposition protection- niste fut si ardente, que la discussion s'éternisa : elle durait en- core, quand s'é- régime censitai- re, étaient peu- croula le trône de Louis-Philippe. plées de genlils- { 5 3.500 Pendant celle hommes, pour : période, nos lesquels « labou- rage et pälurage échanges s'é- aient sensible- 3 000 étaient les deux ment accrus : -mamelles de la rance » : ils te- En 1829, notre commerce exté- naient en médio- rieur avait élé cre estime et les 2.000 de 988 millions; industriels et les en 1836, il attei- commercants. Parmi les pro- 1 500 gnait 1.193 mil- lions ; en 1847, ducteurs, les il arriva à 1.676 igriculteurs ont été de tout temps 1.000 millions (fig. 1). La France pre- es plus détermi- nés proteclion- nistes. La politique commerciale de ja Restauration lorienla done peu à peu, et de plus en plus, vers la protection bien caractérisée, souvent même vers la prohibilion. Aussi, bien que la paix régnût en Europe, et que les entreprises commerciales fussent assurées d'une sécurité absolue, nos échanges n’augmentèrent que bien lentement : en 829, ils se chiffrent, au commerce spécial, le seul dont nous nous occuperons désormais, par 988 mil- lions (fig. 1). > La monarchie de Juillet parut, tout d'abord, ‘vouloir revenir à des taxes douanières plus modé- rées : elle avait, en effet, à satisfaire une clientèle olilique composée plutôt de financiers, de com- -meérçants et d’industriels, que d'agriculteurs; aux gneurs: « terriens » avaient succédé les repré- sentants de la haute bourgeoisie. Cependant, évolution fut lente, très lenté, tant était puissante 1827 o m e œ œ — = 1840 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, Fig. 1. — Commerce extérieur de la France de 1827 à 1860. (Commerce spécial en millions de francs, numéraire non compris.) Période du régime de protection caractérisée. | nait rang, de ra 8 plus en plus, parmi les Puis- sances indus- trielles. Et l'éta- blissement dé notre grand réseau ferré allait contribuer, gran- dement, au développement des entreprises com- merciales. Arrivé au pouvoir avec la Révolution de 1848, le Socialisme entreprit de supprimer la concurrence internationale, et l'Assemblée nationale revint à une protection exagérée, même aux prohibitions. Mais la réaction ne fut pas. plus durable que la Révolution. Et quand Napoléon II eut rétabli l'Empire, la marche vers la liberté reprit immé- diatement. un) + œ 1850 III Napoléon, dans sa jeunesse, avait passé de longues années en Angleterre. Il avait assisté aux principaux actes de la Ligue de Manchesler, et avait été conquis par les ardents apôtres du libre- 16** 162 MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE échange. Il comptait appuyer son action politique non plus sur la noblesse — qu'il humilia volon- tiers, surtout au début de son règne, — ni même sur la haute bourgeoisie, mais bien sur le peuple. La population des campagnes tenait toujours à la protection douanière; le peuple des villes, le plus ardent des bataillons politiques, avait encore besoin d’une longue éducation économique pour en arriver à comprendre que toute mesure sus- ceptible d'étendre notre commerce extérieur vivifiait par cela même l'industrie, et augmentait le bien être de la classe ouvrière. Aussi Napoléon HI se montra-t-il très prudent dans la préparation de l'évolution économique qu'il jugeait indispensable. La période de 1850 à 1859 vit apparaître une série de décrets, réalisant, petit à petit, ce qu'une-loi n'eût pu réaliser en bloc, sans émouvoir profon- dément le pays. L'Exposition de Londres de 1851, celle de Paris de 1855, prouvèrent que nous étions armés suffisamment pour la lutte internationale. Notre commerce montait, d'ailleurs, très rapi- dement et d'une façon ininterrompue (fig. 1): En 1852 millions En 1855. En 1860. Cette augmentation était due, surtout, au déve- loppement de l'industrie, et à l'importation des matières premières. Le moment était venu de chercher la formule qui donnerait satisfaction aux libre-échangistes, sans atteindre directement les protectionnistes. Michel Chevalier trouva cette formule : il préconisa les Traités de Commerce. Un traité de commerce n'est pas, nécessairement, un acte delibre-échange; il peut être, tout aussi bien, un acte de proteclion. Mais, qu'il soit à tendances protectionnistes, ou à tendances libre-échangistes, il comporte toujours des tarifs modérés, car la libre: discussion entre deux Puissances ayant des intérêts rivaux aboutit fatalement à un compromis et exclut toute exagé- ration, En fait, les Traités de commerce inaugurés en 1860 n'ont été, vraiment, des actes de libre- échange que parce qu'ils mettaient fin à une longue période de protection plus ou moins accentuée, En les appréciant en eux-mêmes, on aperçoit qu'ils procèdent d'une théorie libre-échangiste, ou pro- tectionniste modérée : il est permis d'adopter l’une ou l’autre hypothèse, sans méconnaïître les fails. Leur grand avantage fut de codifier les taxes des produits échangés par les principales nations européennes, pour une période assez longue : de dix années d’abord, puis de plusieurs fois dix années, par renouvellements suecessifs, et de per- mettre ainsi aux grandes entreprises industrielles et commerciales d'établir leurs travaux sür des bases stables. Michel Chevalier fut l'organisateur du système. Il convertit à ses convictions Napoléon IIL en« France, Cobden et Gladsitone en Angleterre. Lam retentissante « Lettre-Programme », publiée au Moniteur du 5 janvier 1860, était signée Napoléon mais elle traduisait nettement les idées de Michel d Chevalier : l'empereur approuvait l'œuvre de l'éco- nomiste, la prenait à son compte et allait la réaliser: Quel fut le programme sommaire de cette évo-. lution économique, qui donna au commerce de la France une si vive impulsion ? Il tient en quelques formules : 1° Développer la production agricole nationale : à en multipliant les capitaux par l'expansion des institutions de crédit; en facilitant la circulation des marchandises par l'exéculion de grands travaux publics, nolamment par l'extension de notre réseau ferré; 2 Développer la production industrielle : en laissant entrer en franchise, ou à des faxes très modérées,les matières premières utiles aux usines; en stimulant l’action du capilal par la création dem nombreuses banques; 3° Favoriser enfin l'échange international des produits agricoles ou manufacturés : en supprimant les prohibitions; en donnant au commerce, par l'institution de traités à longs termes, conclus avec les principales nations civilisées, la stabilité indis= pensable aux entreprises de longue haleine. Comment fut réalisée chaque partie de ce pro-M gramme? Nous ne le rappellerons pas ici, car ce serait élargir considérablement le cadre de cette étude. Il nous suffira de dire que de la théorie on passa à la pratique, et que l'ère des Traités de commerce fut ouverte le 23 janvier 1860, par law signature du traité de commerce franco-anglais. Ce traité fut suivi de conventions analogues avec toutes les grandes nations commerçantes. Et les traités de commerce ont été la base de notre orien- tation commerciale jusqu'à la réforme du 11 jan- vier 1892. Ë Quels furent les résultats immédiats de l'appli- cation du système des Traités de commerce ? Une prospérilé générale indéniable, qui dura jusqu'à la fatale guerre franco-allemande de 1870-1871; une activité industrielle si intense que, dès 1868, la surproduction mettait en crise le marché indus- triel; une activilé agricole que les hommes de la campagne vantent encore, et d'autant plus qu'ils ne savent pas toujours reconnaitre que les temps sont changés. Quant à notre commerce extérieur (fig. 1 et 2), il augmenta toujours, grâce au développement des échanges avec les nations bénéficiant d’un traité : En 1860, il atteint 4.174 millions. En 1868, il se chiffre par 6.094 millions. + Er Me EEE md ner hndr 2 La surproduction industrielle n'’eût-elle pas amené une réaction sensible? La question reste en _ suspens, car la guerre franco-allemande vint mettre “üun lerme à la prospérité matérielle de la période ppériale et modifier la situation commerciale de Europe. Somme toute, l'expérience avait donné d'heureux résultats. Et nous n'avions aucune - Cependant, un traité de commerce avait disparu : celui qui régissait nos rapports avec le Zollverein allemand. Il était remplacé par l’article 14 du traité MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX:° SIÈCLE 163 IA" Jusqu'en 1870, nous n'avions connu qu'une na- tion concurrente sur le marché international, et cette nation était l'Angleterre. Par suite du déve- loppement général des voies de communication, de l'augmentation du tonnage des navires, — cause im- médiate de l'abaissement du prix du fret, — enfin du remplacement progressif des navires à voiles par les navires à vapeur, à marche de plus en plus rapide, le marché internalional va désormais être la proie du plus hardi, du plus souple, du plus habile, et nous allons y voir paraitre les nations jeunes, pleines de sève : l'Allemagne, née en 1871, Main par les et les Etats- plénipotentiai- & 5° Unis,unifiésune es français el + t ne fois encore — allemands. Cet 8 000 nn et mn s'il est permis article 11 stipa- —— —+ = de se servir de lait que l'Alle- 7500 LE + cette expression 1 . . . | agne jouirait, | Je +1 — par la guerre l'égard de la 7.000 | ja EI EN LL Le) de Sécession. nel E de la 1m: JOUR. | | Let pi L'entrée en lause de la na- 6.500 | | [| | || | ligne de ces na- lon la plus favo- EN! | || tions devait lisée; c'est-à- & 000 | || avoir pour con- dire que les con- L el | séquence un re- 3 4 + L ++ : - : | > cessions doua- tour au sysième DA 5- 000 TE À ES EE | F = + + — NT. nières par nous El de la protection. faitesaux divers DRE LS | | |] k Une nation ne pays commer- [A ET À ao ? peut paraitre : s [en | LIEN en .. | | | ÿ ants seraient, Dal | = avantageuse- ] + # [e] = | Je. = LE En 5 le plano, faites Ex l | ment, en effet, $ - [+ , ussi à l'Alle- S = D ÉONE LE Fo > à surlemarchéin- 8 2 5 & & a 8 ® ; Toute- es o e & e è © © ternational, que So l'art: Fig. 2. — Commerce extérieur de la France de 1861 à 1892. (Commerce Spécial AY ST , IS; l'article ne en millions de francs, numéraire non compris.) — Période de libre-échange lorsqu elle P20 ait applica- qu'autant ue les concessions auraient été faites à l’Angle- erre, la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, l’Au- triche et la Russie. D'autre part, l'Allemagne accep- ait une clause de réciprocité. Cette convention commerciale avait ceci de par- ourparlers : inscrite dans un traité de paix, elle > pouvait être modifiée que par un acte de guerre. On a beaucoup discuté sur la portée économique l'article 11 du traité de Francfort. En réalité, effets ont été peu sensibles sur les mouve- ents de notre commerce extérieur. C'est ail- leurs qu'il faut chercher les causes non pas de modéré et de traités de commerce à longs termes. duit beaucoup et à bas prix: elle ne produit à bas prix que quand elle dispose d'un puissant outillage industriel; or, pour assurer le développement de son outillage industriel, elle doit, tout d’abord, réserver aux usines nationales son marché intérieur; et, pour arriver à ce but, elle est obligée de fermer ses frontières aux pro- duits étrangers rivaux. Toute nation jeune est done, forcément, proteclionniste. Elle n'évolue vers le libre-échange que quand sa production se transforme en surproduclion. Si plusieurs nations ferment leurs frontières, les autres sont tenues de suivre leur exemple, sous peine de se trouver en état d'infériorité. L’Angleterre seule fait exception à la règle : reine de la mer, maitresse des transports mariti- mes internationaux, peu agricole, essentiellement industrielle, elle ne peut maintenir sa suprématie que par le libre-échange. Mais les autres na- MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE lions ne sauraient échapper à la règle commune. L'expérience l'a prouvé avec une entière nettelé. Quand la France eut pansé ses blessures, elle se préoccupa de réorganiser ses douanes. La majorité parlementaire, élue sur un programme de paix, comprenait surtout de gros propriétaires fonciers. C'est dire qu'elle était plutôt protectionniste. D'au- tre part, la France avait besoin d’argent pour reconstituer sa puissance militaire, et réparer les désastres de la guerre. Il fallait créer de nouveaux impôts. Les douanes devaient être appelées à fournir leur contingent de subsides. Quelques mesures protectionnistes élaient done imposées par les circonstances. Mais, sauf le traité de commerce franco-allemand, tous les autres subsistaient. Et les industriels et les commerçants se souvenaient des années prospères vécues sous le régime des traités. Le législateur dut tenir compte des deux élé- ments de la situation, et, s'ilrevint à la protection, ce fut très lentement, partiellement, et avec tous les ménagements désirables. Après des débats sou- vent orageux, les trailés de commerce venus à expiration furent renouvelés, à peu près dans les mêmes conditions que précédemment. La démis- sion du maréchal de Mac-Mahon, en 1876, en lais- sant le champ libre à l’action des progressistes, donna un regain de vitalité aux théories libre- échangistes. D'ailleurs, notre commerce se déve- loppait sans cesse, et du chiffre de 6.440 millions en 4871, il s'élevait en 1879 à 7.826 millions, et, en 4880 à 8.501 millions (fig. 2). Cependant, l'idée protectionniste allait bientôt prédominer, par suile de l'entrée en scène de l'Allemagne. Le prince de Bismarck s'occupait alors d'organiser l'action commerciale de l'Allemagne, comme il avait organisé sa puissance mililaire : en 4879, il surélève les barrières douanières. Les Etats-Unis avaient, de même, fermé leur territoire, de 1874 à 14879, par le vote de taxes de plus en plus élevées : ils devaient en arriver, en 1890, avec les larifs Mac-Kinley, à des taxes parfois prohibitives. La Russie, désireuse de devenir une puissance industrielle, agissait de même. Elait-il possible que les autres nations, arrêtées dans leur expansion par ces barrières, pussent ouvrir leurs frontières aux produits de concurrents sussi peu libéraux ? Il fallut bien songer à se dé- feadre et à traiter les produits étrangers avec une certaine sévérité. La France, en 1881, entra dans la voie de la protection de ses produits agricoles, assez timide- ment d’ailleurs. Et, une fois encore, de 1881 à 1886, elle renouvela les traités de commerce venant à échéance. Mais le mouvement proteclionniste, qui entrainait f le monde civilisé, se faisait sentir de jour en jour plus vivement dans notre pays. L'idée républicaine s'imposant de plus en plus äla Nation,les populations rurales, essentiellement protectionnistes, venaient à leur tour prendre rang dans la majorité gouver nementale. Dès lors, le mot « liberté », tout en con= servant sa signification en malière politique, n pouvait plus avoir la même emprise sur les foules au point de vue économique. La France redevink protectionniste, ouvertement, et une campagne, à laquelle M. Méline a attaché son nom, s'organisa pour amener une revision de nos tarifs douaniers: Michel Chevalier avait fait passer la France, insen= siblement, de la protection au libre-échange mo= déré ; M. Méline allait diriger le mouvement qui substituera au libre-échange la protection mo= dérée. La situalion de notre commerce extérieur n fournissait, d’ailleurs, aucune indication précise M il demeurait à peu près stationnaire. Nous avons enregistré, pour 1880, le chiffre de 8.501 millions en 1886, nous notons 7.457 millions, et, en 1890 8.021 millions (fig. 2). Les traités de commerce, généralement conclus pour dix ans, allaient de nouveau arriver à termes Il fallait les renouveler, ou les dénoncer. Un grandk débat s'ouvrit dans toutes les assemblées, politique ou techniques, du pays. Et, de celte vaste enquêèlen est née la loi du 11 janvier 4892, qui est encor notre charte commerciale. | Voici l'idée maîtresse de cette réforme : 1° Protection efficace pour les produits agricoles ss % Protection efficace pour les produits manufac= turés ; ] 3° Taxes modérées sur les matières premières étrangères nécessaires à nos usines ; ñ 4° Et quand ces matières premières font concur= rence à la production nationale similaire, un jeu. de primes met le produit national en mesure de subir cette concurrence. > Le principe des primes a surtout trouvé son. application dans la question des soies. Nous pros duisons des cocons, 1 à 9 millions de kilogrammes. par an. Cette culture fait vivre une partie 4 populations de la vallée du Rhône, des Corbières, aux Cévennes etaux Alpes, et de Valence à Marseille Mais notre production ne suffit pas à alimente les usines de la région lyonnaise. Nous avons don laissé les soies d'Italie entrer assez facilemenk mais les sériciculteurs et les filateurs français 0 obtenu des primes qui suflisent à les maintenir gain. Une grosse question avait été soulevée, qu mettait en jeu le principe même des traités di commerce : on leur reprochait de nous lier oi longtemps, alors que la situation économique gés : | | nn DO EE buse. tt) ès MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE A … nérale évoluait sans cesse; on les accusait, en oulre, Es Es 8 2 5 & e 2 o o e È e 8 e e e o Fig. 3. — Commerce extérieur de la France de 1893 à — 1900. (Commerce spécial en millions de francs, numtraire non compris.) — Période de protection modérée, avec traités de commerce à courts termes. Les chiffres de 1900 ue sont que provisoires. par la Constitution, maitre de passer des traités de commerce suivant sa volonté. Mais, en pratique, on Jui a indiqué les limites en decà et au delà desquelles il ne saurait agir sans trahir la volonté nationale. Ces bornes ont élé posées par le nouveau tarif, qui offre la particularité d’être un tarif double, comportant un tarif général et un tarif minimum. 2e tarif général est un tarif de protection large. Le tarif minimum est un larif de protection stricte. Le Président de la République ne peut, dans une Convention commerciale, descendre au-dessous du larif minimum sans mettre en jeu, indirectement du moins, sa responsabilité, et sans méconnailre la volonté du Parlement. 765 général : cela veut dire qu'ils ne peuvent être conventionnalisés. Quelques autres sont portés au tarif minimum avec la mention : Exempts; cela veut dire qu'on peut, par convention, les laisser entrer en franchise. En pratique, les traités de commerce ont survécu. Mais les négociateurs se bornent à accorder à la nation contractante le barème du tarif minimum, en totalité ou en partie. La clause de la nation la plus favorisée a été maintenue : mais elle ne peut plus produire de surprises, grâce au tarif minimum. Et les conventions n’ont plus, comme jadis, nous l'avons vu, une durée définie. C’est sur ces bases que nous avons traité, depuis 5000 - 5.800! ous | #.000 52 -— À ER | oi? à 3.500 Va 2 3.000 2.500 2.000 1 500 1 000 IL 1900) = A | 500 a Oo ao o o a Le] + [el ao [°2] æ œ œ@ œo œ EE ES e es = É Fig. 4. — Commerce extérieur de la France. Importations ét exportations de 1830 à 1890. (Commerce Spécial, en millions de francs.) le 30 janvier 1892, avec loutes les Puissances com- commerciales du monde civilisé. L'accord ne s’est fait qu'en 1895 avec la Suisse et qu'en 1899 avec l'Italie. Mais, à l'heure actuelle, deux Puissances seulement n'ont pas, avec nous, de traité de com- merce librement consenti : l'Allemagne, qui con- serve le bénéfice de l’article 11 du Traité de Francfort, et le Portugal. Pourquoi cette indifférence de la part du Por- tugal? Elle s'explique par ce fait que cette nation est sous la dépendance économique de l'Angleterre. Nous n'avons, d’ailleurs, pas de raisons sérieuses pour lui faire des avances. Nous avons à régler avec elle trop de questions financières délicates pour ne pas attendre une manifestation sincère de sa bonne volonté. 766 MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX° SIÈCLE Y Qu'est devenu nolre commerce extérieur sous le régime inauguré en 1892? IL a baissé d'abord (fig. 3) : de 8.190 millions en 1890, il est tombé à 6.928 millions en 1894, pour remonter ensuite à 8.671 millions en 1899, et se fixer autour de 8 mil- liards et demi en 1900. Les chiffres de 1900 et de 1880 sont sensiblement égaux. Et, en réalité, depuis vingt ans, notre commerce extérieur est plutôt slationnaire. Nous ne saurions tenir ces chiffres pour satisfaisants. Si nous examinons les importations de notre pays, de 1830 — année où notre commerce extérieur a pris son essor tel n’est pas le cas. Nos exportations ne se dévelop= pent qu'avec une extrême lenteur. Et c'est le mar ché national qui absorbe surtout les produits des usines. Il y a donc, dans l'intérieur du pays, un roulement actif de capitaux. Mais la richesse na= tionale ne s'accroit pas comme elle le ferait si nous développions notre clientèle étrangère. 1 La caractéristique de notre commerce extérieur, pour la période de 1870 à 1900, pendant laquellen l'activité du marché mondial a été si remarquable, est que nous progressons très lentement, tandis que: d’autres nations témoignent d’une véritable force d'expansion : nous marckhons, tandis que l’A:lema= gne et les États- Pain WE Fpha” É $ 13 —— È — jusqu'en 1900 | À Unis courent. (fig. 4), nous | REA L Celte constata- constatons:qu'a ,, | | Î tion est inquié-. près avoir grandi | la &] Hp tante. . parallèlement ee e Les progrès in-. aux exporta- dustriels de l'A tions, de 1850 à lemagne ont été considérables 1870, principale- ment pendant la pendant ces période des Trai- tés de commerce, vingt-cinq der-, elles ont ensuite nières années. Grâce à l’activité augmenté brus- de ses usines, la quement jus- qu'en 1880, pour nation germani-. que à pu, tout se rapprocher d'abord, alimen- ensuite du chiffre des exportations. ter son marché intérieur; puis, Sinous exami- nons ensuite les exportations, nous constatons qu’elles ont aug- menté, d'une ma- nière continue, lentement de 1830 à 1850, rapide- ment de 4850 à 1870, lentement de 1870 à 1900. Que nos importations aient beaucoup augmenté pendant la seconde moitié de ce siècle, principale- ment pendant le dernier quart, c’est un fait dont il n’y à pas lieu de se réjouir outre mesure : la France, en effet, est, de toute l’Europe, le pays qui devrait le moins importer, car il est à la fois — el c'est pour cela qu'il est riche — gros producteur agricole et gros producteur industriel. Pour les denrées de première nécessité, nous pouvons, en nous-mêmes. En important des denrées élrangères, nous nous ap- année normale, nous suffire à pauvrissons d'autant. Que mous importions, de plus en plus, des matières premières nécessaires à l'industrie, rien de mieux : à condition, toutefois, que nos exporlalions de produits manufacturés Fig. 5. — Commerce extérieur de la France, comparé à celui des grandes nations commerçantes aütres que la Grande-Bretagne. (Commerce spécial, en milliards de francs.) F. BonpEmans 5e. elle s’est présen- tée sur le marché international, et y à conquis une place telle, qu'elle s’est po- sée en rivale de la nalion anglaise. Dès 1885 (fig. 5), le commerce extérieur de l’Alle- magne égalait le nôtre ; en 1890, il avait une avance de plus d'un milliard; en 1900, il nous distance den près de quatre milliards et demi. Un autre concurrent est apparu, tout aussi redou— table, sur le marché du monde : ce sont les États= Unis. Il ya vingt-cinq ans, les États-Unis n’impor= taient guère, en Europe, que des denrées agricoles, et leur commerce extérieur était de tout deuxième ordre. En 1891, se manifeste une activité indus= trielle intense. Le marché intérieur de l'Union absorbe, tout d'abord, le supplément de production. Puis les produits américains apparaissent sur tous les mars chés du monde. Classé au quatrième rang, en 1890 après celui de l'Angleterre, de l'Allemagne et de lan [e] [©] [ol] = Es 1 A —_ MARCEL BICHON — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA FRANCE AU XIX* SIÈCLE { 1 er] Der -# France, le commerce extérieur des États-Unis nous “enlève la troisième place en 1891 (fig. 6), et il grandit si rapidement, qu'il semble devoir bientôt disputer le deuxième rang au commerce allemand. “Jusqu'en 1870, il n'y avait que deux grandes nations commerçantes : l'Angleterre et la France, et elles se partageaient le marché du monde. - Aujourd'hui, la clientèle mondiale a quatre four- sseurs de premier ordre : Angleterre, Allemagne, tats-Unis, France, — et il ne faut pas dédaigner la Belgique et la Hollande, dont les progrès économi- ques méritent de retenir l'attention. Et si l'on tient compte de l’activité industrielle qui se manifeste en Russie et au Japon, il faut bien reconnaitre que la lutte pour la conquête des marchés de consommation va devenir sévère. C'est une des raisons qui ont poussé les grandes nations euro- CES I ï Il ( Il à . : Û ê IV " ë ÿ Ÿ $ à ê S ce $ È ù ù n 1900 à AD 18 __ 1 Fig. 6. — Commerce extérieur de Ja France comparé à celui des grandes FE Aalions commerçantes. (Commerce spé- bi cial, en milliards de francs.) — Les statistiques commerciales britanniques ne donnent que les chiffres du com- merce général. IL IV II Ê è : è ÿy 1890 — S péennes à développer leur puissance coloniale. Mais, s'il est vrai que le marché de consommation se soit accru par les conquêtes coloniales, sa puissance bsorption ne sera pas comparable, de longtemps, a puissauce de production des grandes nations européennes. Déjà, l'Allemagne semble en état de urproduction, et un tassement général se produit Sur son marché. L'activité industrielle de l'Angle- lerre se ralentit et les progrès récents du commerce britannique ne sont qu'apparents : c'est à l'élévation “dés prix de la houille et des matières premières nécessaires aux industries métallurgiques, qu'est lue l'élévation du chiffre du commerce de la Grande- elagne pendant ces deux dernières années. La puissance d'absorption de la clientèle exté- rieure n’augmentant pas aussi vite que la produc- tion, l'Angleterre, l'Allemagne, les États-Unis et la France vont en être réduits à lutter entre eux, pour se maintenir sur les marchés d'exportation. La victoire reviendra au plus actif, et au mieux oulillé. Nous ne sommes certainement pas en état d'infériorité, au point de vue des éléments de la production. Mais nous lémoignons, au point de vue de la diffusion des produits, d'une atonie qui peut compromettre notre avenir. Nous ne saurions compter sur le développement de notre marché intérieur pour assurer des débou- chés nouveaux à notre production, car la population francaise n'augmente plus. Tandis que la natalité procure, tous les trois ans, à l'Allemagne, une popu- lation égale à celle que lui valut l'annexion de l’AI- sace-Lorraine, c’est à peine, chez nous, si les nais- sances sont aussi nombreuses que les décès. Au commencement du siècle, nous étions sinon la na- tion la plus nombreuse, du moins la plus importante des nalions civilisées et définitivement unifiées. Aujourd'hui, avec nos 38 millions et demi d'habi- tants, nous sommes loin de la Russie, qui en compte 106 millions sur son territoire européen ; de l'Allemagne, dont la population dépasse 55 mil- lions; de l'Autriche-Hongrie, qui recensera bientôt 45 à 46 millions de citoyens. Nous avons perdu, récemment, le quatrième rang, que le Royaume- Uni nous enlève avec 40 millions d'habitants. Et le jour approche où l'Italie sera aussi peuplée que notre pays. Nous devons donc nous lancer, résolu- ment, dans l'exploitation du marché extérieur, du marché mondial, le nôtre ne pouvant suffire à notre activité industrielle. En étudiant attentivement les résultats obtenus par un siècle d'efforts, nous constatons qu'à la pé- riode très active, celle de 1850-1870, a succédé une période d’atonie. Le fait est inquiétant, car il nous est particulier. Le tableau suivant en témoigne : Commerce extérieur des principales nations (en chiffres ronds). PAYS 1880 1900 GAIN milliards milliards milliards Angleterre. 17 22 4/2 5 1/2 Allemagne . 8 12 1/2 4 1/2 États Unis ne T 11 1/2 41/2 Hollande . 3 1/2 sl 30472 Belgique . 3 4 17/2 AE Russie . 2/2 5 1/2 3 France . . 8 1/2 8 1/2 (l Dans l'état présent du monde économique, qui n'avance pas recule. Ne laissons donc pas le champ libre aux Puissances rivales. Si une amélioration ne se produit pas, et tout de suile, nous n'aurons plus de chances sérieuses de reconquérir le terrain Marcel Bichon, Sous-directeur de l'École Supérieure de Commerce de Montpellier perdu. 768 BiBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss- Weber Denkmals. — Grundlagen der Geometrie, von D' David Hirgerr, O-Professor an der Universität Gittingen. — Grundlagen der Elektrodynamik, von D' Emile Wrecuert, A-0-Pro'essor au der Uni- versität Güttingen. — 1 voi. iu-4° de 204 pages avec figures dans le texte, (Prix : 6 mk.) B.-G. leubner, éditeur. Leipzig, 1901. Ces deux essais ont été publiés à l’occasion du jubilé de Gauss. Le premier, consacré aux principes fondamentaux de la Géométrie, que M. Hilbert a plus profondément étu- diés que personne, a été récemment traduit en francais‘. C'est une œuvre digne de l'illustre géomètre auquel elle est dédiée. En voici les principaux chapitres. Introduction. — I. Les cinq groupes d’axiomes : 1. Axiomes d'association; 2. Axiomes de distribution; 3. Axiomes des parallèles; 4. Axiomes de congruence ; ». Axiome de continuité (ou d'Archimède) |axiome complémentaire, axiome d'intégrité]. — II. La non-con- tradiction et l'indépendance des axiomes. — IIT. Théo- rie des proportions. — IV. Théorie des aires planes. — V. Le théorème de Desargues. — VI. Le théorème de Pascai. — VII. Les constructions géométriques repo- sant sur les axiomes 1... 5. — Conclusion. Le second essai, dû à M. Wiechert, est un des expo- sés les plus nets et les plus concis des principes de l'Electrodynamique moderne. Il est divisé en quatre parties : I. Introduclion mathématique. — II. Principaux faits d'expérience. — II. Théorie de l'Electrodynamique sans avoir égard à la constitution moléculaire de la matière (Maxwell, von Helmholtz, Heaviside et Hertz); extension de la théorie de Maxwell aux milieux en mouvement, d'après Hertz. — IV. Théorie de l'Electrodynamique en ayant égard à la coustitution moléculaire de la matière (Lorentz, Wiechert). Dans ce chapitre, l'auteur rappelle qu'it a lui-même proposé dès 1897 (janvier) de faire jouer, dans la con- ductibilité des métaux, un rôle important aux ions, dont l'étude des décharges dans les gaz a montré la réalité. A vrai dire, pas plus que Riecke et Drude, qui ont cherché à préciser ces notions, il n'a montré l’origine de la résistance ohmique. Au moment même où les expériences de M. Crémieu rendent très douteuse la production d'un champ magné- tique par convection, il est intéressant de voir quelles difficultés d'interprétation comportent ces expériences dans toutes les théories, car toutes donnent le champ magnétique dû à la convection comme conséquence de la propagation des oscillations hertziennes, et même, plus simplement, de l'unité de la force électrique. L'ouvrage de M. Wiechert, par sa forme condensée et l'absence de digressions, fournit une excellente base de discussion. MARCEL BRILLOUIN, Professeur de Physique générale et mathématique au Collège de France. Gaget (Maurice). — La Navigation sous-marine. — 1 vol. in-18 de 472 pages, avec figures dans le texte. (Prix : 10 fr.) Ch. Béranger, éditeur. Paris, 1901. Le livre de M. Maurice Gaget est une initiation à la navigation sous-marine. Il aborde la question sous toutes ses faces. On y trouve l’histoire des sous-marins, leur théorie et la description des sous-marins modernes ‘ Annales de l'École Normale, 3e strie, t. XVII. ET INDEX avec toutes les données peu connues souvent des hommes du métier eux-mêmes parce qu'elles résultent fréquemment d'indiscrétions publiées dans des jour- naux. Aujourd'hui que le grand coup porté par l'Angle- terre en se lançant après la France et l'Amérique dans celte voie, a plus que jamais appelé l'attention sur les sous-marins, cet ouvrage est arrivé à son heure. L'au- teur à, d'ailleurs, élargi le champ de son livre au delà des limites de la navigation sous-marine : le plaidoyer qu'il fait pour les torpilies Howell, dont cette Revue à déjà parlé avec éloge, la deuxième partie, qui contient l'exposé le plus clair qui ait été fait des idées de l'amiral Aube et de son Ecole, vaudraient une étude à elles seules; cette dernière est particulièrement inté- ressante parce qu'elle met en lumière l’idée fausse que l’on se fait, en général, de la suppression des lettres de course par le Traité de Paris, en l’appliquant non seu- lement à la guerre faite sur mer par les particuliers, mais à la guerre de course faite par l'Etat, que le Traité de Paris n'a nullement visée. Bref, c'est un livre sur les : conclusions duquel les opinions peuvent différer, mais qui mérite d'être lu et médité. 2° Sciences physiques Garrigou (D'EF.). — Le Vin concentré comparé avec les moûts et les raisins concentrés. — 1 r0/. in-18 de 193 pages (Prix : 2 fr. 50). Société d'Editions scientifiques. Paris, 1901. L'idée de concentrer le vin parait à priori assez peu pratique, quand on songe à la complexité de sa composilion et à la facilité avec laquelle on altère son goût délicat lorsqu'on le soumet à des manipulations qui ont quelque chose d'un peu brutal. 1] paraitrait beaucoup plus rationnel de concentrer le moùt pour augmenter sa richesse saccharine et, par suite, Ja ri- chesse alcoolique du vin qu'il produira. Mais, dans cette voie, on est limité, car le fonctionnement des levures s'arrête quand on atteint une certaine teneur alcooli- que. M. Garrigou est d'avis qu'il vaut mieux chercher à concentrer le moût que le vin; d'abord, parce qu'on peut pousser la concentration de ce dernier beaucoup plus loin, et, ensuite, parce qu’on peut opérer en tout temps sur du vin, alors que la concentration du moût doit être faite dès la vendange, ce qui exige un matériel coûteux, utilisé pendant un mois au plus. Pour opérer la concentration partielle du vin, on peut employer deux procédés ; la congélation, qui per- met d'éliminer de l’eau sous lorme de glace, et la con- centration dans le vide. Disons tout de suite que le premier procédé, qui est d'un emploi assez ancien, est encore utilisé en Bour- gogne. Il est excellent pour concentrer dans une faible \ mesure, pour porter à 12°, par exemple, du vin de 10e. Dans ces conditions, la glace que l'on extrait du vin est de l'eau presque pure. Mais, si l’on. voulait pousser beaucoup plus loin la concentration, on obtiendrait de la glace qui retiendrait une forte proportion de vin, et la perte serait importante. Pour obtenir une concentration plus grande, à moitié par exemple, il faut concentrer dans le vide. C'est le mode opératoire que M. Garrigou a adopté. Le procédé est assez complexe: on distille le vin dans le vide: on obtient, d'une part, un liquide distillé con- tenant l'alcool, les substances volatiles et une partie de l'eau du vin, et, d'autre part, un résidu renfermant les » matières fixes. On rectifie l'alcool, de manière à éliminer la plus grande partie de son eau, et on ajoute cet alcool BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 169 concentré au résidu contenant les matières fixes du vin. Ce mélange est le vin concentré, auquel il suffit d’a- jouter l’eau enlevée pour reproduire le vin primitif. “._ Onpeutainsiamener le vin à la moitié de son volume. Si l'on veut pousser plus loin la concentration, ramener j À # le vin au quart de son volume, par exemple, M. Garri- gou conseille de ne pas ajouter au résidu aqueux con- tenant les principes extraclifs la totalité de l'alcool “ extrait du vin, mais d'en ajouter un quart seulement. nr (jn conserve à part les trois quart restants d'alcool pour - jes ajouter en même temps que l’eau. lors de la recons- “hitulion du vin primitif. Si l’on ajoutait la tolalité de l'alcool, on précipiterait une notable proportion des … substances extratives du vin, et celles-ci ne se redissou- - draient qu'imparfaitement ensuile. M. Garrigou décrit les appareils qu'il propose pour opérer la concentration. Ces appareils ne paraissent pas pratiques pour une opération industrielle, et nul doute que des modifications y seraient. apportées si la concentration du vin devenait une industrie nouvelle. Ce qu'il faut surtout retenir des observations de M. Gar- . rigou, c'est que l’on doit écarter le cuivre, le plomb, » J'étain et l’antimoine dans la construction des appareils de distillation, tout au moins pour les parties en con- tact avec le vin, car ce liquide attaque ces métaux d'une facon très appréciable. M. Garrigou préconise la distillation dans des vases de verre ou d'aluminium. - L'argent pourrait également être utilisé, et M. Garrigou n’écarte son emploi que pour des raisons d'économie. - Les avantages que présenterait le vin concentré peu- vent se résumer aiusi: facilité de transport et conser- . vation assurée. Ce sont certes là deux résullats fort importants, et de nature à contrebalancer les incon- vénients du procédé; car il y a des inconvénients : d’abord, la difficulté de l'opération, qui est assez ‘élicate et complexe; ensuite, la qualité du vin, qui subit une . certaine dépréciation ; celle-ci n'est peut-être pas con- sidérable, mais le vin concentré n’a pas les qualités de fraicheur du vin naturel. Un inconvénieut d'un autre ordre, auquel se sont heurtés et auquel se heurteront probablement encore ceux qui entreprendront la concentration du vin, est le régime fiscal. Sans doute, M. Garrigou envisage la con- centration comme une opéralion parfaitement licite et honnête, dans laquelle la Régie n'est point lésée; mais la Régie, de son côté, flaire la fraude et trouve l'opéra- tion op favorable aux fraudeurs. Je ne doute d’ailleurs pas que, si la concentration entrait dans la pratique, une entente s'établirait et que la Régie exercerait un con- trôle qui lui garantirait ses droits. De sorte que, en définitive, c’est surtout la difficulté de l'opération, telle que la concoit M. Garrigou, qui me piraîl être la pierre d'achoppement de son procédé. À ce point de vue, je préférerais un appareil continu, tel qu: celui qu'ont inraginé MM. Schribaux et Baudoin, pour opérer la co icentration. Ce; observations ne retirent nullement le mérite du travail de M. Garrigou, qui a le premier appelé l'atten- lion sur l'intérêt que présente la concentration du vin. Je ne doute pas qu'un tel procédé pourrait rendre des ser- vices dans certains cas. C'est peut-être dans son appli- Ca'ion que l'on trouvera une solution du trouble écono- nomique dans lequel est plongée la viticulture méri- dionale, car la concentration appliquée aux petits vins de plaine du Midi pourra en faciliter la conservation, d'abord, le transport ensuile, el pallier dans une cer- taine mesure les inconvénients actuels de celte surpro- duction de petits vins. X. ROCQUE», Ingénieur-Chimiste, Aucien Chimiste principal du Laboratoire municipal de Paris. Lancaster (A.), Directeur du Service météorolo- gique de Belgique, Membre de l'Académie royale des Sciences. — Annuaire météorologique de l’Ob- servatoire royal de Belgique pour 1901. — 1 vol. in-16 de 516 pages, avec planches. (Prix : 3 fr.) Hayez, imprimeur. Bruxelles, 1901. 3° Sciences naturelles Haug (F.). — Les Géosynclinaux et les Aires con- tinentales. Contribution à l'étude des transgres- sions et des régressions marines. — Extrait du Bull. Soc. géol. de France. 3° série, t. XX VIII, p. 617-711, 3 cartes, 1901. M. Haug a publié récemment un important travail, très documenté, qui intéresse à la fois géologues et géographes, et dans lequel il s’est ‘surtout eflorcé 1e rechercher les causes de la répartition des terres el des mers aux diverses époques géologiques. Suess, qui avait déjà essayé de déterminer les lois qui président aux déplaczments des rivages, avait recours, pour expliquer ces déplacements, à des mouvements propres de la masse océanique. Il ne croyait pas que les o-cillations des continents pussent expliquer les submersions et les émersions réitérées de la terre ferme. M. Haug s'élève avec force contre ces conclusions. 11 établit d'abord le rôle joué par les dépressions connues sous le nom de géo-yneclinaux, qui n'ont pas cessé, depuis le commencement des temps géologiques, d'être les portions mobiles de l'écorce terrestre, com- prises entre des, masses continentales toujours stables et qui sont au nombre de cinq : continents nord-atlan- tique, sino-sibérien, africano-brésilien, australo-indo- malgache et pacifique. Grâce à la grande érudition de l'auteur, les limites et les conditions d'existence de ces continents sont déterminées avec som lant au point de vue géologique qu'au point de vue des êtres qui les ont habités (animaux et végétaux). Les continents actuels résultent du morcellement, parfois très récent, de ces anciennes masses conli- nentales. - L'auteur déduit de ces données générales : d'abord, que les principales transgressions sout toujours cousé- cutives d'une phase de plissement, puisque les dépla- cements des lignes de rivage sont en relalion étroite avec les mouvements du sol. Il en arrive à formuler la loi suivante : « Toutes les fois qu'un terme déterminé de la série sédimentaire se présente en transgression sur les aires continentales, le même terme est en régression dans les géosynclinaux, et réciproquement. » Ce qui revient à dire que les transgressions sur les aires continentales sont compensées par les régressions dans les géosyn- clinaux el vice versa. Cette conclusion, inconciliable avec toutes les hypo- thèses cosmiques ou telluriques qui supposent des mou- vements propres de la nappe océanique, s'accorde bien, au contraire, avec l'hypothèse d'oscillations de la terre ferme, qui seraient dues, pense l’auteur, à des mou- vements épeirogéniques (inouvements verticaux) des aires continentales. Ce sont là des idées nouvelles fort intéressantes, car elles sont basées sur un ensemble de faits; aussi ne peuvent-elles être que fructueuses en résultats. Pa. GLANGEAUD, Maitre de Conférences à l'Université de Clermont-Ferrand. Clautriau (feu Georges), Assistant à l'Insti ut Bota- nique de l'Université de Bruxelles. — La digestion dans les Urnes de Nepenthes. — 1 rochure in-5° de 54 pages. (Wxtrait des Mémoires. de l'Académie roy. de Belgique.) Hayez, éditeur. Bruxelles, 1901. La digestion des substances albuminoïdes dans les urnes de Nepenthes a fait l'objet d'un grand nombre de travaux; mais, jusqu'ici, on avait constaté seulement la présence d'une zymase dans le liquide qui emplit les urnes, et on avait reconnu que ce ferment protéoly- tique se rapprochait de la pepsine, sans cependant en préciser la nature. d D'autre part, les recherches effectuées par les divers expérimentateurs avaient été poursuivies sur des Nepen- thes cultivés en serre dans nos pays, aussi les obser- 1 1 © BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX vations de Clautriau présentent-elles d'autant plus d'in- térêt qu'elles ont été faites 1n situ sur des plantes vivant en épiphytes dans les forêts de Java où l'auteur a pu séjourner pendant un certain temps. Certaines expériences ont porté sur les urnes de Ne- penthes melamphora, dans lesquelles Clautriau ajoutait, au moyen d'une pipette stérilisée, une quantité assez minime d’albumine rendue incoagulable par le sulfate de fer et stérilisée également. D'autres ont été conduites in vitro avec le liquide des urnes. L'auteur a pu ainsi constater qu'il existe bien chez les Nepenthes une zymase peptonifiante agissant en milieu acide et transformant les albumines en peptones vraies; mais cette substance, de même que l'acide qui l'accompagne dans le produit de sécrélion des urnes, ne prend naissance que sous l'influence d’une excitation préalable. Il semble, d’ailleurs, que la pep- tonilication complète des albuminoïdes ne soit pas nécessaire pour leur absorption. L'assimilation des pep- tones est extrêmement rapide, et c’est probablement la cause de l'absence presque constante des Bactéries ou des Champignons dans le liquide de l’urne; mais, Si les matières organiques (débris d'insectes) sont trop abondantes, une putréfaction se manifeste, sans aucun inconvénient, d’ailleurs, pour la plante. Dans ces conditions, il paraît admissible que les urues apportent au végétal un appoint notable à la quan- tité d'azote qu'il peut tirer normalement du sol. L:Lurz, Docteur ès sciences, Chef de Travaux à l'École de Pharmacie de Paris. Jumelle (Henri), Professeur adjoint à la Faculté des Sciences et Chargé de cours à la Chambre de Com- merce de Marseille. — Les cultures coloniales : I. Plantes alimentaires. II. Plantes industrielles. 2 vol. in-8° 425 pages, et 360 pages, avec figures. (Prix : 4 franes le vol.) J.-B. Baillière et fils, 19, rue Hautefeuille. Paris, 1904. En même temps que l'attention est attirée vers les ressources agricoles de nos colonies, la nécessité s’im- pose de développer l’enseignement colonial au point de vue spécial de l'exploitation du sol. C’est une tâche où l’Université de Marseille a déjà rendu de grands services. Son Institut colonial, de fondation peu ancienne, a déjà un passé qui l'honore grandement; son avenir s'annonce comme très brillaut, grâce au zele de ses dévoués collaborateurs. Il suffit de rappeler les nom- breuses publications qui sont sorties de ses laboratoires ; elles arrivent au bon moment et font œuvre d'utilité pratique. C'est le cas, notamment, du nouveau livre de M. Ju- melle, qui vient apporter à la Botanique coloniale un heureux appoint. L'auteur a voulu résumer, pour les planteurs de nos colonies et les élèves de nos Ecoles coloniales ou de Commerce, les diverses méthodes appliquées à la culture des plantes utiles dans les diffé- rentes régions intertropicales. Avec les ressources du Musée Colonial de Marseille et les renseignements qu'y envoient ses nombreux cor- respondants, avec l'autorité que donnent des travaux antérieurs si appréciés, le livre de M. Jumelle devait avoir un caractère vraiment scientifique. Dans le premier volume l’auteur passe successivement en revue les plantes féculentes et les céréales, les plantes potagères, les fruits, les plantes saccharifères, les épices et les aromates, les caféiques. Le second volume comprend les plantes textiles ou oléagineuses, les plantes à caoutchouc ou à gutta, les plantes à par- fum et à vernis, les plantes tinctoriales, tannantes, médicinales, narcotiques, fourragères. On appréciera beaucoup la comparaison des méthodes de culture et des rendements oblenus, qui intéresse tant la partie commerciale de la question. Les rensei- gnements si précis fournis par le texte permettront de tracer quelques cartes de la répartition géographique «les principales cultures coloniales, ce genre d'illustra- tion étant en général apprécié de nos élèves, futurs com- merçants ou colons. Les migrations successives des plantes cultivées sont parfaitement indiquées, mais M. Jumelle a eu surtout pour but d'exposer la pratique culturale. Tel qu'il nous est présenté, son ouvrage s2 recommande tout particulièrement pour les bibliothè- ques des Ecoles de Commerce et pour tous ceux qu'in- téressent les productions tropicales. C'est une précieuse contribution à la connaissance de l'Agriculture des pays chauds. EDmoxD GAIN, Professeur à l'Ecole Supérieure de Commerce, Maître de Conférences à l'Université de Nancy. Müntz (A.), Membre de l'Institut, Directeur des Labo- ratoires à l'Institut National Agronomique, et Rous- seaux (Eug.), /ngénieur-Agronome, Préparateur de Chimie à l'Institut Nationa! Agronomique. — Etude sur la valeur agricole des terres de Madagascar. — 1 vol. in-8° de 216 pages, avec une carte. Impri- merie Nationale. Paris, 1901. Quand, au prix de sacrifices considérables, une na- tion est parvenue à acquérir une nouvelle colonie, il importe, si elle veut tenir son rang parmi les contrées voisines, qu'elle ne s'endorme pas dans l'inaction, et qu'elle recherche tout de suite les meilleurs moyens de mettre en valeur le nouveau pays. C'est le cas qui s’est présenté pour Madagascar. Aussi le gouverneur de l'île, M. le général Galliéni, pensant avec raison que la plupart des pays exotiques valent surtout par leurs productions agricoles, a-t-il demandé à M. Müntz, et à son disciple, M. Rousseaux, de vouloir bien examiner les terres des principales parties de la colonie. C'est à ce travail considérable et ingral, mais nécessaire, que se sont attachés l’'éminent agronome et son collaborateur, dans l'étude très intéressante et très documentée qu'ils ont publiée dans le Bulletin du Ministère de l'Agriculture. On y trouve les résultats de cinq cents analyses environ de terres provenant des districts les plus divers de Madagascar, ainsi que les conclusions particulières et générales qui en découlent. Nous pouvons maintenant, grâce à cette étude, nous faire une juste idée des ressources agricoles que nous devons attendre de notre colonie de l'océan Indien. Les recherches de MM. Müntz et Rousseaux nous montrent que les sols de cette île, qui avaient été si- gnalés par certains voyageurs comme possédant une grande valeur agricole, sont, pour la plupart, peu riches en principes fertilisants, n’offrent que peu de ressour- ces à la grande culture et sont difficiles à exploiter. A l'exception des fonds de vallée, la région centrale se présente dans de trop mauvaises conditions pour être mise en valeur, et ne pourra vraisemblablement jamais devenir un pays de production intensive; .la région Ouest est meilleure, formée de terres plus riches, per- méables et d'un travail facile, pouvant être avaula- geusement exploitées. Le littoral Est, quoique assez pauvre, renferme cepen- dant des terres cultivées qui paraissent un peu fertiles; le climat chaud et humide contribue à y favoriser la végétation. Enfin, le Sud de l'ile possède des terrains d'une certaine richesse et d'un travail facile. En résumé, il ne faut pas regarder toute l'ile de Madagascar comme un pays de grand avenir agricole; mais, cependant, beaucoup de points, même dans les régions déshéritées, méritent d'attirer l'attention des colons. Les terres pauvres, qui manquent simultané- ment des principaux éléments de fertilité, ne peuvent être améliorées d’une façon économique par des en- grais ou des amendements nécessitant des tranports coûteux, et l’exploitalion de ces sols serait onéreuse et aléatoire. Par contre, on peut les utiliser, soit comme pays d'élevage dans les endroits où poussent des herbes propres à la nourriture du bétail, soit comme pays fo- resliers, là où se trouvent des forêts dont il importe d'empêcher l'incendie par les indigènes. Le colon devra donc choisir les points privilégiés sous le rapport de la nature des terres et du régime des BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 771 + eaux et y concentrer ses efforts. La partie restreinte de l'ile qui sera ainsi exploitée pourra donner des résul- tats importants, et assurer à la colonie une certaine prospérité agricole. L'étude de MM. Müntz et Rousseaux, “en établissant ces divers points, permettra aux colons dé ne pas s'engager dans de fausses spéculations et les empêchera de voir leurs espérances déçues; c'est là un véritable service rendu à la fois à notre pays et à sa nou- elle colonie. A. HÉgErr. 4 Sciences médicales …Hédon (E.), Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecine de Montpellier. — Physiologie nor- male et pathologique du Pancréas. — 4 vol. in-8° de 192 pages de l'Encyclopédie scientifique des Aïde- Mémoire. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1901. On connaît les beaux travaux de M. Hédon sur le pancréas. Ses expériences comptenc parmi les plus importantes de celles qui nous ont fait connaitre le - rôle du pancréas comme glande à sécrétion interne. D'autre part, tous ceux qui ont lu son Traité de Phy- siologie en ont pu apprécier les qualités didactiques, la clarté et l’élégante concision. - Nul n'était donc mieux qualifié que le professeur . Hédon pour nous donner une bonne monographie de la glande pancréatique. M. Hédon a étudié cet organe au triple point de . ue anatomique, physiclogique et pathologique. Natu- rellement, la partie physiologique est la plus impor- tante. Très au courant des travaux les plus récents, l'au- teur a su, en évitant les détails trop minutieux, nous donner un aperçu clair et concis de tous les faits domi- . nateurs et des résultats les plus récemment acquis. La technique expérimentale occupe une place assez imporlante dans ce petit livre, et à juste titre, car c’est bien à propos du pancréas qu'on peut dire : tant vaut la technique, tant valent les résultats, puisqu'il suffit qu'uu minime fragment d’organe soit conservé pour que les troubles consécutifs à l'ablation complète n'apparaissent pas. Et ce que je dis au point de vue de la sécrétion interne s'applique entièrement à la sécrétion externe. N'est-ce pas à une technique aussi judicieuse qu'ir- . réprochable que Pawlow etses élèves doivent en partie les beaux résultats de leurs recherches sur la diges- tion ? . Mais quelque nombreuses que soient les expériences sur la sécrétion interne du pancréas, quelque riche que soit la littérature physiologique sur ce sujet, il faut bien reconnaître que nous ne sommes pas encore {out . près de connaître le mécanisme des troubles graves de la nutrition quisuccèdent à l’ablation totale de cette glande. - Après nous avoir brièvement exposé les diverses - théories qui ont été proposées (auto-intoxication ; fer- ment glycolytique de Lépine ; théorie de Chauveau et Kaufmann; et, enfin, l'opinion plus récente de M. Lé- - pine, sur l’action adjuvante qu'exerce la sécrétion - interne vis-à-vis de la glycolyse des tissus), M. Hédon réserve sou opinion, très sagement à notre avis. - L'enquête n'est pas encore close et nous conclurons avec M. Hédon qu'il est impossible encore, dans l'état actuel de la Science, de donner une explication formelle de cette question, dont la solution serait pourtant d'un immense intérêt en Physiologie aussi bien qu'en Patho- logie. J.-E. ABELOUS, Professeur à la Faculté de Médecine de Toulouse. 4 Puiade (D' P.). — La Cure pratique de la Tubercu- ulose. — / vol. in-8° de 374 pages. (Prix : 3 fr. 50). G: Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1901. 5° Sciences diverses Lefèvre (André). — La Grèce antique. Entretiens sur les Origines et les Croyances. — 1 vo/. in-18 de 463 pages. (Prix : 6 fr.) Schleicher, éditeur. Paris, 1900. Le sous-titre de ce livre en indique très exactement la nature et le contenu. M. André Lefèvre a réuni en un volume les lecons qu'il a professées à l'Ecole d'An- - thropologie sur la civilisation homérique et l'histoire des religions helléniques. De nombreuses traductions de fragments d'Homère et d'Hésiode y sont insérées, écrites en cette langue souple et colorée que s'entend Si bien à manier M. Lefèvre. Pas plus que dans ses autres ouvrages, il n'a su — ou voulu peut-être — se défendre ici contre la tendance qui l’entraine à trans- former en une sorte de réquisitoire contre les idées et les croyances qu’il ne partage pas, des recherches historiques qui devraient, à notre sens, conserver un caractère d'entier désintéressement et de parfaite objectivité. Il enlève peut-être ainsi à ces livres de haute vulgarisation quelque peu de l'autorité qu'ils pourraient légitimement revendiquer. Il ne semble pas, d’ailleurs, qu'il ait eu à cœur de se tenir très au cou- rant des travaux qui, au cours de ces dernières années, ent un peu renouvelé l'aspect de la mythologie hellé- nique, dont on ne fait plus seulement un chapitre de la mythologie indo-européenne, mais qu'on étudie davantage en elle-même et par une méthode moins étroitement philologique, en donnant à l'examen des rites, des coutumes et des institutions une importance beaucoup plus grande dans l'interprétation des mythes cosmiques et des légendes divines. L'absence d’index et, pour la plupart des faits cités, de références précises enlève au livre de M. Lefèvre une partie de son utilité, et c'est grand dommage, car nul ouvrage n’est plus propre à faire sentir la prestigieuse beauté et la magie séductrice et naïve des antiques cosmogonies de l'Hellade. Nous ne saurions présenter ici la critique détaillée d'un livre dont la matière ne rentre pas strictement dans le cadre de la Æevue, à moins que l’on ne veuille considérer les spéculations d'Hésiode sur la genèse et l'évolution de l'Univers, comme un chapitre d'une sorte de préhistoire des sciences; il nous suffira d’en indiquer sommairement le contenu. Les deux premiers chapitres sont consacrés à une brève description des premières populations qui se sont succédé et mêlées sur le sol de la Grèce, à un rapide inventaire des croyances animistes, des cultes zoolatriques et lithola- triques, de la religion du feu, du foyer et de la famille, et du culte, le plus ancien peut-être de tous, des arbres et de la forêt. Il esquisse ensuite à grands traits les principaux linéaments de ce qu'il appelle la mytho- logie pré-hellénique, de cette religion pré-homérique que les découvertes archéologiques nous permettent, en quelque mesure, de reconstituer, et s'attache à déterminer quelle a été la part des peuples d’Asie-Mi- neure, des Thraces, des Phéniciens dans la genèse de Ja religion grecque. L'histoire littéraire des poèmes homé- riques, l'étude des personnages divins et des légendes héroïques et divines qui y figurent, le tableau de la vie grecque à ce stade de l'évolution de la société hellénique remplissent les chapitres suivants. M. Lefévre parle ensuite des mœurs et des idées au temps d'Hésiode, de sa cosmogonie el de sa théogonie. La légende et le culte d'Heraklès et de Dionysos, le mythe de Dèmeéter, les mystères éleusiniens et la théologie orphique font l'objet des derniers chapitres du livre, que termine un bref exposé de l'expansion de Ja civilisation hellénique et de la décadence de la Grèce. : L. MARILLIER, Maître de Conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes 772 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES À DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER . L = D RE NE la pyridine, a obtenu la pyridylmonoxydichloroquinone. ACADEMIE DES SCIENCES DE PARIS i Séance du 15 Juillet 4901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. Coulon indique deux transformations que l'on peut faire subir à la for- ule de Green pour les équations aux dérivées par- tielles du second ordre linéaires et à un nombre quel- conque de variables indépendantes, ainsi que les applications qui peuvent en être failes pour étendre la méthode d'intégration de Riemann dans le cas des caractéristiques réelles. — MM.Eug. et Fr. Cosserat cherchent la solution des équations de l’élasticité dans le cas où les valeurs des inconnues à la frontière sont données. — M. L. Décombe étudie le mouvement du pendule en milieu résistant. Lorsque la résistance du milieu est une fonction paire de la vitesse, il est facile de démontrer l'isochronisme des oscillations pour une loi de résistance absolument quelconque. Lorsque c'est une fonction impaire, les vitesses du pendule à des instants équidistants de ceux pour lesquels la vitesse est maxima suivent les termes d’une progression géo- métrique décroissante. — M. G. Kœnigs présente un Joint qui permet non seulement de transmettre inté- gralement la rotation d'un arbre à l’autre, mais encore de faire varier continument et indépendamment l'angle que ces arbres forment entre eux. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Cornu indique le prin; cipe d'une nouvelle méthode pour la détermination des trois paramètres optiques principaux d’un cristal, en srandeur et en direction, au moyen du réfractomètre, — M. J. Macé de Lépinay a constaté que, dans la pro- duction des franges de Herschell, il se forme, au voisi- nage de la réflexion totale et avant cette dernière, tout à la fois un retard de phase par réflexion sur Ja pre- mière et une avance de phase par réflexion sur la seconde des surfaces limitant la lame mince. Il en résulte que la véritable limite de la réflexion totale serait à 3,1 de la limite apparente. — MM. A. Pérot el Ch. Fabry ont comparé directement 33 raies du spectre solaire à la radiation verte du cadmium, fournie par un tube de M. Michelson: ils donnent le rapport de la longueur d'onde indiquée par Rowland avec celle qu'ils ont trouvée. Ce rapport varie de 1,0000286 à 1,0000381. — MM. B. Brunhes et P. David rappellent que l'argile cuite prend une aimantation dirigée dans le sens dn champ magnétique terrestre à l'instant dela cuisson. Or, ils-ont trouvé, dans la région volcanique du Puy-de-Dôme, des couches d'argile de Ja fin du Plio- cène cuites sur place par un fleuve de lave ayant coulé dessus. Ces couches présentent une aimantation de direction bien définie et différente de la direction actuelle du champ terrestre; on a ainsi un moyen pour retrouver la direction du champ terrestre aux époques reculées. — M. E. Esclangon a observé à Floirac (uironde), le 5 juiliet à 8 h. #4, un gros bolide chemi- naut à raison de plus de 10 kilomètres à l'heure. — M. de Forcrand à reconnu l'existence de quatre hy- drales de potassium, KOH +-0,5H°0, KOH-H°0, KOH+2H?0, qui se forment avec les dégagements de chaleur suivants : KOH + 0,5 H?0 — 12 cal. 60 KOH, 0,5 H°0 + 0,5H°0 — 6 cal. 30 KOH, H£O + H°0 — 3 cal. 04 — M. P. Brenans a préparé quelques éthers-oxydes el éthers-sels du diiodophénol et du triiodophénol. — M. H. Imbert en faisant réagir le chloranile sur Avec la picoline-B, on obtient un dérivé analogue. Avec le bromanile, il se produit le composé dibromé corres- pondant. — M. A. Bongert, en faisant réagir l'hydrazine sur le butyrylacétylacétate de méthyle dans des condi- tions variées, a obtenu dans un cas le propylméthyl- pyrazolcarhonate de méthyle, dans l’autre la propyl- pyrazolone. Avec l'iodure de méthyle, on obtient le méthylbutyrylacétate de méthyle, qui se combine avec la phénylhydrazine en donnant la propylméthylpyra- zolone. — M. Chavanne a étudié les propriétés de l'acide isopyromucique et de ses sels métalliques. — M. L. Ferrand, en traitant l’orthoxylène par le chlore eu présence d'iode, a obtenu les trois dérivés chlorés possibles dont il poursuit l'étude. — MM. R. Lépine et Boulud ont constaté, dans le sang de gros chiens nour- ris exclusivement de viande, la présence de sucre réducteur lévogyre (lévulose), celle de pentoses, de maltose el quelquefois de saccharose. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. A. Chauveau el Tissot ont observé qu'un chien, pourvu de leur appa- reil respiratoire, peut séjourner pendant une heure sans être indisposé dans un milieu contenant beaucoup d'acide sulfhydrique. La peau e‘ les muqueuses exté- rieures ne constituent donc pas une voie d'introduction active pour l'hydrogène sulfuré. — MM. Denoyes, Martre et Rouvière ont étudié l'action des courants de haute fréquence sur la sécrétion urinaire. Ils ont constaté : 1° une augmentation de la quantité de subs- tance toxique éliminée dans les vingt-quatre heures et par kilo de poids vif; 2° une diminution du nombre de molécules élaborées moyennes nécessaires pour tuer { kilo d'animal. — MM. A. Charrin et Guillemonat ont observé, au cours de la grossesse, une série de modifications humorales, en particulier un abaissement de l'alcalinité de certains plamas et une hyperacidilé de quelques autres. Ces changements, en favorisant la solubilisation des éléments minéraux, en particulier le fer, peuvent expliquer la genèse des anémies perni- cieuses de la grossesse. — MM. Apostoli et Laquer- rière ont conslalé que les courants galvaniques cons- tants peuvent détruire les microbes, ou atténuer leur vitalité et Jeur virulence proportionnellement à l'inten- sité de leur application. — MM. Cornil et G. Petit décrivent les lésions de la cirrhose atrophique du foie dans la distomatose des Bovidés. — M. C. Viguier indique les précautions à prendre daus l'étude de la parthénogenèse des Oursins. — MM. A. Laveran et F. Mesnil concluent, d'une étude comparative, que les Trypanosoma et les Trichomouas-sont construits sur le même type, mais que les 7richomonas, au point de vue des appareils de relation, sont heaucoup plus compliqués que les Trypanosomes. Il est probable que, chez tous les Flagellés, les flagelles aboutissent à un système centrosomique ; quant à la membrane ondu- lante, quand elle existe, elle apparait comme une sorte de flagelle rattaché au corps sur une partie de sa longueur ; ses relations avec le centrosome sont celles d'un flagelle ordinaire. — M. P. Lesage a reconnu que la germination des spores des Penicillium glaucum dépend moins de la quantité absolue de vapeur d’eau que de l’état hygrométrique de l'air. La limite infé- rieure de cet état hygrométrique est 0,82. — M: Ph. Glangeaud à observé la formation de nappes de glace, en été, sous les coulées de laves des volcans d'Auver- gue. Cette formation paraît être due à l’évaporation énergique de l'eau souterraine à travers la lave poreuse, évaporation qui produit un fort refroidis- sement. À ACADÉMIES ET SOCIÈTÉS SAVANTES mr Séance du 22 Juillet 1901. M. le Président annonce le décès de M. H.de Lacaze- Duthiers, membre de la Section de Zoologie. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Bigourdan com- “ munique la suite de la liste des nébuleuses nouvelles qu'il a découverte à l'Observatoire de Paris. — M. L. Autonne indique les propriétés principales de l'her- + mitien et de l'hermitienne. — MM. Eug. et Fr. Cosse- “rat poursuivent leur étude de l'application des fonc- tions potentielles à la théorie de l'élasticité, — M. E. - Vallier continue ses études sur la loi des pressions dans les bouches à feu, et montre le moyen d'obtenir “une approximation supérieure à celle qu'il a donnée . précédemment. 20 Sciences PuysiQues. — M. E. Bouty recherche l'in- fluence de la paroi sur le passage de l'électricité à tra- vers les gaz. L'étude des perturbations amenées par la - paroi établit que le phénomène critique est en lui- même lout à fait indépendant de la matière isolante - qui emprisonne le gaz. Celle-ci n'agit qu'indirectement, en modifiant d'une manière plus ou moins irrégulière le champ qui règne au sein de la masse gazeuse. — M.G. Meslin indique comment il a pu obtenir par la photographie de franges rigoureusement achromatiques des réseaux dont la période est arbitraire. — M. H. Becquerel a observé le rayonnement de l'uranium aux très basses températures; il a constaté une diminution de la charge d'un électroscope par l'air ionisé par les rayons uraniques. Ce phénomène ne parait pas altri- buable à une diminution de la radioactivité de l'ura- nium quand ce mélal est refroidi, mais plutôt à l'absorption des rayons très absorbables, actils dans l'ionisation, par la couche d'air froid très dense qui avoisine le métal refroidi. — M. J. Semenow conclut, d'une étude sur les rayons X, que ceux-ci représentent l:s directions de transmission, par l'intermédiaire de l'éther, des vibrations électriques. Ces vibrations se communiquent à tous les corps qu'elles rencontrent . sur leur passage. Lorsque ces corps sont charsés d'élec- tricité et quils sont protégés contre la décharge par convection, ils perdeut leur charye par rayounement,. — M. Athanasiadis adresse une note relalive à un instrument servant à mesurer l'intensité du courant électrique; c'est une modification de l'aréomètre élec- trique. — M. Jean Sterba à préparé l'oxyde de cérium pur par la méthode de MM. Wyrouboff et Verneuil, en la rendant plus rapide par l'emploi de lélectrolyse comme agent d'oxydation. L’oxyde de cérium parfaite - ment pur peut être coloré d’une facon très sensible; mais, par l'élimination de l'azote, il devient blanc de - neige. L'action de l'hydrogène sur l'oxyde de cérium donne une réduction incomplète avec formation de Ce?0%, — M. de Forcrand a fait l'étude thermique des - hydrates de soude solides; il a constaté l'existence des hydrates 3NaOH ÆH°0, NaOH + H°0 et NaOH + 71H20. Comme pour la potasse, les premières portions d'eau fixées sur NaOH dégagent moins de chaleur que les suivantes. — M. A. Mailhe à fait réagir les hydrates de cuivre sur quelques chlorures et bromures; il a obtenu les sels mixtes suivants : HgCEË, 3Cu0, H°0 ; ZnCl'Br°), 3Cu0, 4H°0; MnCEË, 2Cu0, 6H°0; CoCP, 3Cu0, 4H°0; NiCI?, 2Cu0, 6H°0 ; etc. — M. Jouniaux a étudié l’ac- tion de l'argent sur l'acide bromhydrique, et a obtenu des résultats parallèles à ceux qu'on observe dans l’ac- tion de Ag sur HCI. — M. C. Marie, en faisant réagir à chaud l'acétone sur l'acide hypophosphoreux, a ob- tenu un mélange de trois acides : C‘H'O'P (= PO*H* —+ 2C*H‘0), monobasique ; C*H°O*P (= PO*H* —Æ C'H'O), monobasique, fort; C*H°0*P (— PO*H'E CSH°O), biba- sique. — M. H. Imbert poursuit l'étude de l’action des bases pyridiques sur les benzoquinones tétrahalogé- nées. — M. R. Fosse montre que les éthers bromhy- drique et chlorhydrique qu'on fait dériver du pré- tendu binaphtylèneglycol de Rousseau, sont en réalité les dérivés monobromé et monochloré du dinaph- toxanthène. — M. F. Bidet a étudié la réaction entre. le giz ammoniac et les chlorhydrates de monoéthyl- amine et de diéthylamine.— M. André Kling a constalé qu'à de légères différences d'activité près la bactérie du sorbose et le Mycoderma aceti d'Orléans agissent de la même manière sur le propylglycol racémique, oxydant la fonclion alcool secondaire de l'isomère gauche et le transformant en acétol. — M.M. Berthelot à déterminé l'acidité de quelques sécrétions animales : suc gastrique, salive, urine. — M. H. Mouton a-réussi à extraire, d'une espèce d'Amibes très abondante dans la terre de jar- diu, une diatase qui doit servir, chez l'animal vivant, à la digestion intracellulaire des bactéries dont il à fait sa nourriture ; elle se rapproche des ferments protéo- lytiques qui agissent en milieu alcalin, tels que la trypsine. — M. Balland à déterminé le rendement des farines en pain. Il y à d'autant plus d'eau dans le pain que la croûte est en moindre proportion; le rendement des farines en pain est donc étroitement lié au déve- loppement que prend Ja croûte au four. 3 SCIENCES NATURELLES. — M. J. Tarchanoff donne le résumé d'une série d'expériences concernant l'iu- fluence de différentes conditions sur l’activité lumineuse des bacilles phosphorescents de la mer Baltique. — M. G. Weiss a constaté que, si une onde électrique, portée sur un nerf ou un muscle, est juste suffisante pour donner la réponse minima, une autre onde moins efficace, de sens inverse, n’ajoute rien, ni ne retranche rien à l’effet obtenu, qu'elle précède la première onde ou qu'elle la suive. — M. E. Drake del Castillo à élu- dié quelques espèces végétales nouvelles de Madagascar, les A/luaudia et Didierea. Au point de vue anatomique, elles ont de grandes analogies; on y observe, dans la moelle et dans l'écorce, des vaisseanx remplis d'une matière colorante d'un rouge brun, et paraissant rem plir les fonctions de laclicifères. — M. A. Guilliermond a observé la sporulation des Schizosacchiromycètes. Chez le Schiz. octosporus, il existe une vérilable conju- gaison qui précède la formation de l'asque, lequel provient de deux cellules sœurs qui s'unissent et fu- sionnent leur noyau. Le Schiz. Pombe présente des phénomènes analogues. — M. F. Garrigou propose d'employer comme engrais les 3.600.000 hectolitres de vinasses et les 10.000.000 d'hectolitres de vins perdus par maladie qu’on jette en moyenne chaque année en France. Il suffirait de les abandonner à l’évaporation dans des fosses ou sur des aires planes et de répandre sur les terrains le concentré qui renferme des quanli- tés appréciables de substances minérales et organiques. Louis BruNEr. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 16 Juillet 1901. M. H. Hallopeau présente un Rapport sur un travail de M. Dezautière, intitulé : Une épidémie de pelaie. Il résume, à cette occasion, tous les arguments qu'on à invoqués en faveur de la transmissibililé de la pelade et les objections qu'on à opposées à cette manière de voir. Il conclut que la pelade ne se transmet que dans certaines conditions, dont la principale parait être un contact intime entre la plaque contaminée ou ses pro- duits de desquamation et les régions pilaires de l'in- dividu infecté. En dehors de ces contacts intimes, la transmission ne se fait pas. — M. A. Pinard fait un Rapport sur la question de la prophylaxie des oph'al- mies ou conjonctivites des nouveau-nés. Il n'y à pas une ophtalmie, mais des ophtalmies purulentes des nouveau-nés, toutes d’origine infectieuse et de nature contasieuse; causées le plus souvent par le gonocoque, elles peuvent naitre sous l'influence d'autres agents microbiens. L'emploi des différentes méthodes d'anti- sepsie, visant à obtenir l'asepsie de l'appareil génital maternel avant l'accouchement, et de l'appareil oculaire de l'enfant au moment de la naissance et dans les trois semaines qui la suivent, a fait diminuer le nombre des ophlalmies purulentes des nouveau-nés dans des pro- porlions considérables, quel que soit l'agent médica- 774 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES menteux employé (jus de citron, acide citrique, per- manganate de potasse, alcool, etc.). — M. Du Castel présente le Rapport sur le Prix Buisson en 1901. — MM. Lancereaux et Paulesco communiquent de nou- veaux cas montrant que les injections de sérum gélatiné constituent à l'heure actuelle la seule méthode de trai- tement inoffensive et capable d'amener la guérison des anévrismes vrais de l'aorte, non justiciables d’un trai- tement chirurgical. — M. Roustan lit un travail inti- titulé : Epidémie de grippe à forme abdominale observée à Cannes et dans ses environs. Séance du 23 Juillet 1901. M. Chauvel présente un Rapport sur un {ravail de M. Chavasse relalif à un cas de kyste dermoiïde à con- tenu huileux de l'angle interne de l'orbite gauche. Le contenu du kyste était composé de #1 °/, d'oléine et 56 */, de palmétine. La paroi kystique offrait la struc- ture de la paroi normale. — M. F. Raymond fait un Rapport sur un Mémoire de M. Boinet relatant trois cas d'hémichorée préparalytique. L'un d'eux montre les relations de l'hémichorée avec l'hémiathétose, un autre les relations de l'hémichorée et de la démence paraly- tique. — M. H. de Brun a constaté que l'existence de vibrations abdominales chez un sujet qui parle indique l'apparition d'un épanchement liquide dans la cavité péritonéale. — M. Ant. Poncet signale trois observa- tions nouvelles d'accidents articulaires d’origine tuber- culeuse. Il propose de grouper ces affections sous le nom de rhumatisme tuberculeux ou pseudo-rhuma- tisme d'origine bacillaire. — M. R. Blanchard à étu- dié les lésions du foie déterminées chez et chez l'homme par la présence des Douves. Elles provoquent l'obstruction des canaux biliaires et l'arrêt de la bile. — M. Galipre lit une note sur l'hérédité des stigmates dystrophiques maxillo-dentaires. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 5 Juillet 1901 (suite). M. A. Cotton a poursuivi les expériences sur l'obten- tion de réseaux par la photographie de franges d'inter- férences dont il a déjà entretenu la Société le 16 Avril. Les réseaux qu'il présente aujourd'hui ont été obtenus en photographiant des ondes stationnaires, c'est-à-dire en faisant interférer une onde directe et une onde réfléchie, comme dans les expériences de Wiener et de Lippmann. I. Lorsqu'un faisceau parallèle et mono- chromatique se réfléchit sur un miroir plan, la partie commune à ce faisceau et au faisceau réfléchi est tra- versée par des surfaces d’interférences fixes, qui for- ment une série de plans équidistants parallèles au miroir. Si, à l'exemple de Wiener, on dispose une couche sensible très mince, dont la surface plane est oblique par rapport au miroir, on photographie sur cette surface une série de franges rectilignes et équi- distantes, d'autant plus serrées que l’angle de la surface sensible et du miroir est plus grand. Or, on peut aug- menter cet angle et photographier un grand nombre de franges serrées si l’on prend certaines précautions que la théorie indique sans difficulté; cette théorie est la même que dans le cas général de l’interférence de deux faisceaux paralléles. La radiation monochromatique est toujours fournie par la raie indigo de l'arc au mercure. La lumière de cet arc, filtrée par des absorbants con- venables, éclaire la fente d’un collimateur: cette fente doit être d'autant plus étroite et plus courte que l'on veut photographier des franges plus éloignées du mi- roir. La surface argentée de ce miroir a été disposée d'avance, par aulocollimation, normalement au fais- ceau : c’est, en effet, l'orientation qui fournit les ondes slationnaires d'ordre donné les plus nettes pour une ouverture donnée de la fente du collimateur, Ces ondes sont alors distantes de 5) On dispose alors la glace sur laquelle doivent se fixer les franges : la le bœuf surface sensibilisée repose à l’une de ses extrémités sur le miroir et en est séparée à l’autre extrémité par une cale de verre dont l'épaisseur varie suivant le nombre de franges que l’on veut photographier. II. Le procédé photographique employé dérive du daguer- réotype. Une couche d'argent très mince (couleur bleu clair par transmission) est déposée sur la glace; on la traite par les vapeurs d'iode et de brome jusqu'à ce qu'il se soit formé, à la surface de l'argent devenu plus mince encore, une couche d'épaisseur convenable d'iodure et de bromure d'argent. Après la pose, la plaque est révélée à la vapeur de mercure qui se dépose en buée très fine aux endroits où la lumière a agi. Dans le cas actuel, ce développement fait appa- raitre un réseau, sans qu'il soit nécessaire de plonger dans un liquide la plaque, qu'il n’est pas nécessaire de fixer. IT. M. Cotton présente à la Société un de ces réseaux dont la surface rayée a environ 5 centimètres de largeur. Comme il y a environ 90 traits au milli- mètre, le réseau porte en tout plus de 4.000 traits. La cale employée avait près d’un millimètre d'épaisseur. Les spectres, surtout nets par réflexion, sont assez purs pour qu'on puisse dédoubler la raie jaune du mercure. Cependant, les glaces utilisées étaient simple- ment des glaces du commerce, et l'on ne peut espérer obtenir le [pouvoir séparateur théorique qu'avec des glaces travaillées spécialement et contrôlées au préala- ble. Une propriété géométrique curieuse de ces réseaux se justifie sans peine : Considérons une onde plane qui occupe par rapport au réseau la place du miroir qui a servi à l'obtenir : le réseau pour cette onde, et pour la radiation qui avait servi, est au minimum de déviation, c'est-à-dire que, fonctionnant sous cette incidence comme réseau par réflexion, il renvoie dans la direc- tion des rayons incidents les rayons de cette couleur particulière. Cette propriété est indépendante de l'angle des plans : on pourrait donc, pour obtenir le réseau, utiliser une surface formée de plusieurs mor- ceaux accolés (ou même une surface courbe, pourvu que les ondes soient planes à la sortie). La photographie une fois faite, toute la surface de ce réseau en mo- saïque cenverrait dans la direction du faisceau paral- lèle incident, arrivant sous cette incidence privilégiée, la radiation qui a servi à fixer les franges. Les spectres diffractés du premier ordre ont beaucoup plus d'éclat que les autres, ce qui tient à la continuité du tracé (voir la communication du 16 avril). L'épaisseur de la couche du sel. d'argent n'est pas indifférente à ce point de vue : on lui a donné une épaisseur telle que la lame mince qu'elle forme sur le reste d'argent non attaqué ne réfléchisse pas sensiblement la radiation bleue ser- vant à faire la photographie. Dans ces conditions, les réflexions successives n'interviennent plus, et en outre la plaque est plus sensible. Avec une autre épaisseur donnée à la couche, on pourrait favoriser, au con- traire, les réflexions successives, changer la distribu- tion de la lumière dans les franges, et donner au réseau obtenu des propriétés qui se rapprocheraient davan- tage de celles des réseaux à traits discontinus. IV. Un daguerréotype, fait sur un support d'argent mince, fonctionne comme un négatif par transparence et peut servir à obtenir des copies, sur papier par exemple. Dans le cas des réseaux, il était tout naturel d'employer pour ces copies le procédé de la gélatine bichromatée, suivant la technique de M. Izarn. Il fournit, en effet, sans difficulté, des copies qui donnent, par transmis- sion surtout, des spectres plus brillants que ceux fournis par l'original, ce qu'il est facile de com- prendre. Ce procédé à la gélatine bichromatée, si com- mode pour les copies, ne s'est pas montré assez sen- sible pour qu'on pût l'utiliser pour fixer directement les franges très serrées conslituant le réseau, en appli- quant le procédé décrit par M. Izarn (C. 24. 1894). Ce procédé est très commode quand on dispose d’un faisceau intense, comme cela est possible lorsqu'on me veut pas un très grand nombre de franges. V. M. Cotton présente encore à la Société un objectif à diffraction obtenu encore par phofographie. C’est M. Cornu qui a “ indiqué le premier que la photographie des franges d'interférence pouvait servir à faire des réseaux. M. Cornu avait prévu et vérifié qu'en photographiant des franges suivant les lois des anneaux de Newton, on obtenait facilement un réseau ayant les propriétés focales des écrans de Fresnel et des réseaux de Soret. “1 était intéressant de vérifier que les ondes station- naires fournissent ici encore un moyen d’oblenir ce résultat sans objectif. Il a suffi, en effet, de remplacer Je miroir plan postérieur par un miroir sphérique. Celui-ci, préparé en argentant la surface convexe d’une Jentille, avait près de 0,50 de rayon de courbure. Le “réseau obtenu par ce procédé, qui a encore une sur- face rayée de 5 centimètres de diamètre, montre des “anneaux visibles à l'œil nu au centre du champ, et qui vont en se resserrant régulièrement jusqu'au bord, où il y en à environ 200 au millimètre. On fixe ainsi d’un seul coup plus de 2.000 franges circulaires : c’est beau- coup plus que dans les appareils analogues antérieu- rement construits, et que Soret, Wood, etc., avaient obtenus en photographiant des dessins. Aussi les foyers “obtenus par transmission ou par réflexion sont-ils très distincts. Ici encore, les copies à la gélatine bichro- matée donnent des images spectrales plus brillantes . que l'original. VI. M. Cotton termine en faisant remar- -quer que les conditions expérimentales dans lesquelles il s'est placé (expérience I) sont exactement celles que lon suppose quand on fait la {héorie des expériences de Wiener et de Lippmann. Or, il est intéressant de noter que ces conditions n'étaient pas exactement remplies dans ces expériences mêmes, telles qu'elles ont été faites. Wiener en particulier, pour obtenir les clichés qui ont servi à ses mesures, n'utilisait pas un faisceau parallèle et monochromatique, mais bien un faisceau convergent. M. Cotton reviendra sur ce point lorsqu'il aura pu faire des expériences avec les couches sensibles transparentes comme en préparait M. Wiener, et avec l’émulsion sans grain que M. Lippmann emploie pour la photographie des couleurs. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES E.-W. Mott et W.-D. Haïlliburton : La chimie de la dégénération nerveuse. — Nous avons démontré auparavant que, dans la maladie de la paralysie géné- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ES | — vail, et avons découvert que ce caractère n’est pas par- ticulier à la maladie ci-dessus mentionnée; mais que, dans plusieurs autres maladies nerveuses dégénératives (sclérose combinée, sclérose disséminée, névrite alcoo- lique, béri-béri), on trouve aussi de la choline dans le sang. Nous avons fait surtout deux essais pour découvrir la choline : 1° un essai chimique, c’est-à-dire l'obtention de cristaux ocfaédriques caractéristiques du sel double de platine obtenu de l'extrait alcoolique du sang; 2 un essai physiologique, c'est-à-dire l’abaissement de la pression sanguine (en partie d’origine cardiaque, en partie dû à la dilatation des vaisseaux périphériques) que produit une solution saline du résidu de l'extrait alcoolique; cette chute est abolie, ou même remplacée par une élévation de la pression artérielle, si l'animal a été atropinisé. Il est possible que ces essais aient une valeur diagnostique pour la distinction entre les ma ladies organiques et fonctionnelles du système nerveux. On peut obtenir facilement l'essai chimique avec 10 cen- timètres cubes de sang. Un effet semblable a été produit artificiellement sur les chats par la division des deux nerfs sciatiques, eLil a été le plus marqué parmi les animaux chez lesquels le processus dégénératif est à son plus haut point, comme on le prouve histologiquement par la réaction de Marchi. On a également fait une analyse chimique des nerfs eux-mêmes. On a pris une série de 48 chats, on a divisé les deux nerfs sciatiques et tué les animaux postérieurement, à des intervalles variant de 1 à 106 jours. Les nerfs sont restés normaux tant qu'ils ont été irritables, c'est-à-dire jusqu'à trois jours après l'opération. A partir de ce moment, on a remarqué une augmentation progressive dans le pourcentage d’eau et une diminution progressive dans le pourcentage de phos- phore, jusqu'à dégénérescence complète. Quand la régénération a lieu, les nerfs reviennent approximati- vement à leur condition chimique première. L’explica- tion chimique de la réaction de Marchi paraît être le remplacement de la graisse phosphorée par de la graisse non phosphorée. Quand la réaction de Marchi disparait dans le dernier état de dégénérescence, la graisse non phosphorée a été absorbée. Cette absorption a lieu plutôt dans les nerfs de la périphérie que dans les nerfs du système nerveux central. Ceci confirme les observations précédentes faites par TABLEAU I. — Résumé des expériences sur la dégénération des nerfs. NERFS SCIATIQUES DES CHATS JOURS après la sec- Phosphore dans les solides tion À Solides 100 —106 ÉTAT DU SANG résence de traces minimes de choline. MR Dee Plus grande abondance de ? Perte de l'irritabilité; commencement de choline. Choline moindre. Disparition presque totale } Absorption de la graisse presque complète; de choline. \ \ ( Choline abondante. ( | ÉTAT DES NERFS Nerfs irritables et sains histologiquement. dégénérescence. Dégénérescence bien montrée par la réac- tion de Marchi. La réaction de Marchi est toujours visible, mais l'absorption de la graisse dégénérée a commencé. retour des fonctions: nerfs régénérés. - rale des aliénés, la dégénération marquée qui a lieu _ dans le cerveau est accompagnée par le passage des . produits de dégénération dansle liquide cérébro-spinal. Parmi ceux-ci, on découvre le plus rapidement le 4 nucléo-protéide et la choline. La choline se trouve éga- lement dans le sang. Nous avons continué notre tra- lun de nous (Mott) sur le cordon spinal, dans lequel la dégénérescence unilatérale du faisceau pyramidai par des lésions cérébrales a produit une augmentation d’eau et une diminution de phosphore dans le côté dégénéré du cordon qui se colore par la réaction de Marchi. Le Mémoire entier est illustré par des dessins repré- 776 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sentant les effets, sur la pression artérielle, de la choline séparée du sang dans les cas de muladies nerveuses ci-dessus mentionnées, et du sang des chats sur les- quels on à opéré, On donne aussi des tableaux des analyses des nerfs, des dessins et des photo-micrographies des spécimens histologiques des nerfs. Le tableau 1 (page 775) représente le résumé des résul- tats principaux des expériences faites sur les animaux. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 28 Juin 1901. M. S.-A.-F. White a recherché si l'action de la lumière sur une résistance de séléuium peut être imitée par l'emploi des oscillations électriques à haute fré- queuce. Il a trouvé que ces oscillations augmentent tou- Jours la résistance du sélénium. L'effet du champ sur une pièce à haute résistance peut êlre renversé par l'exposition à la lumière ou par un réchauffement et un refroidissement successifs. Pour le tellurium, un champ de haute fréquence diminue temporairement la résistance, comme le ferait une élévation de tempé- rature. Un chauffage et uu refroidissement répétés d'un morceau de tellure augmentent sa résistance. Il semble probable que tous les effets sont dus à un échauffe- ment causé par de pelites étincelles jaillissant dans la masse. L'augmentation de résistance par le chauffage et le refroidissement répétés est peut-être due à la for- mation de tellurures avec le métal des électrodes. L'effet négatif de température considérable que présente le tellure le fera utilement employer à la recherche des radiations calorifiques. — MM.E.-C.-C. Baly et H.-W. Syers ont obtenu ie spectre du cyanogène en forcant le gaz pur à traverser un tube à vide et en observant de l'extrémité du tube. Cela est nécessaire à cause du dépôt brun de paracyanogène qui se forme et rend impossible l'observation à la manière ordinaire. Le spectre obtenu diffère du spectre de flamme et consiste en une série de cannelures équidistantes à travers le rouge et le jaune, — rappelant un peu celles du spectre de baudes positif de l'azote. Ces expériences prouvent que : dv le spectre de Swan n’est pas produit par un composé de carbone ne contenant pas d'oxygène; 2e le spectre de Swan est celui de l’oxyde de carbone, car il se change dans celui de l’anhydride carbonique par admission d'oxygène ou décharge électrique intense. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Juin 1901 (suite). MM, M. O. Forster et W. Robertson ont reconnu que l'huile qui se produit dans la transformation du 1 : {-bromonilrocamphane en son anhydride est du bromo-p-cymène (CH: : Br : C'H78 — 1 : 2: 4). De même, dans la préparation de l’anhydride du 1 : 1-chloro- nitrocamphane, il se forme accessoirement du chloro- p-cymène. — M. G. Martin expose une théorie de la combinaison chimique. L'action chimique wa lieu d'elle-même que lorsque le degré de variation de la tension de l’éther produit par une molécule à l'appro- che et au recul des molécules voisines est tel qu'il coincide avec le degré de vibration interne d’un atome ou d'une molécule. — MM. T. E. Thorpe et J. Holmes ont trouvé, dans l'extrait des feuilles de tabac par l'éther de pétrole, deux paraffines, l'hentriacontane, C*H5!, et l’heptacosane, C*’H°°. Les auteurs pensent que la substance blanche satinée trouvée par Kissling dans le tabac de Kentucky, ainsi que la substance analogue trou- vée par lui dans la fumée de tabac, sont un mélange de ces deux hydrocarbures. — M. H. E. Burgess a retiré deux nouvelles substances de l'huile de citron; l'une, soluble dans le métabisullite de soude, est un aldéhyde, donnant par oxydation un acide huileux ; Faure, solu- ble dans l’acétone, est cristallisable et fond à 1459. Elle est oxydée en acide oxalique et anhydride carbonique. — M. À. W. Crossley à obtenu, par condensation de l'isobutylidénacétone avec le malonate d'éthyle, le 2 : 6- dicéto-4-isopropylhexaméthylène-3-carboxylate d'éthile, qui est transformé par la potasse en 2:6-dicéto-#- isopropylhexaméthylène : D /CH ECO CH°CH< Ncx— Il est hydrolysé à son tour par la baryte en acide B-iso- propyl-y-acétylbutyrique. — MM. J. T. Hewitt el J. N. Tervet ont bromé les trois toluène-azophénols en solution acétique glaciale et ont obtenu dans les trois cas les toluène-azodibromophénols. — MM. F.R. Japo et À. J. Michie ont reconnu que, dans la réduction de l'x-y-dibenzoylpropane par le sodium, il se produit un mélange de 1:2-diphényl-1 : 2-dihydroxycyclopentane Neo CH°, co el de a:-diphényl-x:-dihydroxypentane. Dans la réduc- tion du dibenzoyldiphénylbutadiène par AL, il se forme du 2:3:5-triphénylfurfurane et de l'acétophénone. — MM. F. R. Japp et N. Meldrum ont trouvé que. souss l'influence de la potasse, le benzyle se condense avec les homologues de l’acétone pour donner des homo- louues de l'anhydracétone-benzyle (diphényleyelopen- ténolone) : LT EE C‘H5.C CH Na CSHS.C(OIT).CH2/ Les auteurs ont préparé plusieurs de ces dérivés. Ils sont réduits par HE en diphényleyelopentéaones (1), qui se réduisent à leur Lour en dérivés du diphényley- clopentane (I). C‘H5.C CH? co C5. C. CH®/ C‘H5.CH.CH? Sc. CU. CIL. CH? (D (1) MM. F.R. Japp ei W. Maitland, en chauffant le &-naphtol avec le chlorhydrate de phénylhydrazine; ont obtenu le phényl-$ naphtylcarbazol : CSH: N À Re Goes L'a-naphlol donne une réaction analogue. — MM. H. M. Dawson et J. Mac Crae ont constaté que si l’on ajoute de l’ammoniaque à des solutions aqueuses de sels ulca- lino-terreux, les ions calcium sont ceux qui forment le plus facilement. quoique à un faible degré, des ions complexes avec l’ammoniaque, tandis que les ions barvuum les forment le plus difficilement. D'autre part, le sulfate de cuivre fixe plus d'ammoniaque à basse qu'à haute température. — M. G. H. Morris a conslalé que, si des granules d’amidon non gélatinisés sont soumis à l’action combinée de la diastase du malt et de la levure, une quantité trois fois plus grande est décomposée que par l'extrait de malt seul. Il n'y a pas d'augmentalion du pouvoir de la diastase en présence de la levure, si le pouvoir fermentatif de cette dernière a été supprimé par le chloroforme. — M. C. A. Bell décrit une pipette à mercure simple et pratique pour les opérations de calibrage. — M. F. S. Kipping a préparé la $-méthylhydrindone par l'action du chlo- rure d'aluminium sur le chlorure de l'acide «-méthyl- hydrocinnamique. Elle donne une oxime qui, par réduction, fouruit l’x-amido-8-méthylhydrindène : ‘He CH'CHS om/CE -CHCH®) | N CH(AZH?) Ce corps conténant deux atomes de carbone asymé- triques doit théoriquement exister sous quatre formes optiques différentes, et donner avec les acides optique ment inactifs deux séries de sels. Il fournit, en ellet, avec HC]I deux chlorhydrates, séparables par eristallisa- tion fractionnée, et qui sont probablement les sels des deux bases extérieurement compensées. Le Directeur-Gérant : Louis OLivier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. | Be. DIRECTEUR : N°17 15 SEPTEMBRE 1901 Revue générale es SCrenc pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $S 1. — Nécrologie de perdre l'un des esprits les plus originaux parmi ceux qui ont le mieux contribué aux progrès des Sciences physiques et de la Philosophie naturelle : le Professeur ait, qui, par suite de l'affaiblissement de sa santé, avait dù, il y a quelques mois, abandonner la chaire de d'Université d'Edimbourg qu'il avait occupée sans inter- ruption durant une quarantaine d'années, et autour de laquelle plus de 10.000 élèves étaient venus, pendant ce emps, entendre ses lecons solides et brillantes, s’est éteint doucement le 4 juillet dernier. L'histoire de sa vie est des plus simples : Il naquit à Dalkeith, le 28 avril 4831; il fit de brillantes études à Dalkeith d’abord, à Edimbourg et à Cambridge ensuite; ses succès scolaires et ses triomphes dans les exercices physiques nesont pas oubliés à l'Université de Cambridge. 11 fut nommé professeur au Collège royal de Belfast en 1854, et il obtint em 1860 la chaire de Physique d'Edimbourg, contre un compétiteur qui était déjà l'un de ses meilleurs camarades de jeunesse et qui devint son plus intime ami, l'illustre Clerk Maxwell: il a d'ailleurs consacré à la vie et à l'œuvre de son ami une notice émue et pleine d'apercus scientifiques remar- quables. … Une telle amitié exerca sur la vie intellectuelle de Tait la plus profonde et la plus heureuse influence, et l’on peut penser que, pareillement, Maxwell, dont le génie, plus profond peut-être que celui de son ami, se serait sans doute développé même dans l'isolement, a cepen- dant, lui aussi, beaucoup gagné dans le commerce d’un esprit aussi original et aussi hardi que celui de Tait. Aussi bien, la correspondance échangée entre ces deux « srands physiciens est pieusement conservée; elle sera “intégralement publiée quelque jour et elle nous four- nira certainement de précieux renseignements. Au début de sa carrière, Tait rencontra aussi deux + hommes qui furent ses collègues à Belfast, et dont on etrouye aisément l'influence dans quelques-uns de ses rafaux. D'une part, il se lia avec le physicien et chi- iste Andrews; ils collaborèrent, dès 1856, à des recherches sur l'ozone; Andrews lui donna le goût de “expérience claire et précise et l’initia à ses admirables REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, Le Professeur Taït. — Le monde savant vient | CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE découvertes relatives à la continuité des états liquide et gazeux. Tait s'intéressa d’ailleurs toujours d’une facon spéciale à ces questions si importantes, et c'est ainsi qu'il suivait avec le plus grand soin les travaux de notre compatriote M. Amagat, pour qui il professait une estime toute particulière. Le mathématicien Ha- milton, l'inventeur de la théorie des quaternions, fut, d'autre part, celui des professeurs de Belfast qui séduisit le plus l'esprit de Tait par son originalité; il fut très frappé par l'élégance et la commodité des symboles imaginés par son collègue: il se considéra comme le champion de la nouvelle théorie et fit, dans ses travaux personnels, grand usage des quaternions; il a publié, en 1867,un Jrailé des Quaternions, qui a rendu d'in- contestables services. Peut-être doit-on estimer, avec de bons esprits, que Tait attribuait une importance exagérée à un mode de représentation que son intelli- gence parfois un peu paradoxale voulait rattacher à des idées philosophiques et à des principes contestables, mais l’on ne saurait nier qu'à un moment où la notion de grandeur dirigée prenait, en divers chapitres de la Physique, une importance capitale, les nouveaux pro- cédés pouvaient servir à simplifier considérablement les calculs. L'œuvre qui contribua le plus à rendre le nom de Tait véritablement célèbre est, sans aucun doute, le traité de Philosophie naturelle qu'il publia en 1867, en collaboration avec Thomson (Lord Kelvin). Cet ouvrage, qui a eu de nombreuses éditions, et qui a été traduit dans toutes les langues, est devenu rapidement populaire en Angleterre sous le nom humoristique de Traité de T'et T’'; son influence fut immense sur le développement et la transformation de la Physique ma- thématique. Pour la première fois, les idées qui résul- taient des travaux de Joule, d'Helmholtz, de Rankine et de Thomson lui-même étaient exposées d'une façon générale ; la notion d'énergie et le principe de la con- servation de l'énergie apparaissaient avec toutes leurs conséquences et retentissaient profondément dans les divers chapitres de la Physique et de la Mécanique. Il est difficile de déterminer la part personnelle qui revient à chacun des deux collaborateurs dans cette œuvre désormais classique, mais la reconnaissance de tous les savants est à jamais acquise à tous les deux. 17 1178 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE On ne saurait songer à parler ici de tous les Mé- moires publiés par Tait; son activité scientifique fut considérable; il fut un mathématicien distingué, et il a publié des travaux relatifs aux Mathématiques pures, comme ses recherches relatives au « Théorème de Green» (1870), aux « Surfaces isothermes orthogonales » 1870), à la « Géométrie de position » (1880); à la Méca- nique, comme son mémoire « Sur la rotation d'un corps rigide autour d'un point fixe » (1868), qui est un véri- table modèle de simplicité et d'élégance; il fut aussi un expérimeutateur habile, et il a exécuté des recherches miuutieuses el adroites, comme ses expériences bien connues sur la conductibilité thermique et électrique, sur la compressibilité des gaz et des liquides, les den- sités des vapeurs saturantes, etc...; mais son goût par- ticulier le portait surtout vers les éludes de Physique mathématique, et son Traité de Dynamique, ses mé- moires sur les tourbillons, sur la surface d'onde, sur la théorie cinétique des gaz prouvent les heureux résultats que sait obtenir l’étroite alliance des mathé- matiques et des connaissances expérimentales exactes. On ne doit pas non plus oublier quelques articles remarquables de vulgarisation; il excellait dans ce genre où tant de savants anglais furent des maitres; ses notices sur les propriétés de la matière, sur la lumière, sur la chaleur (1884), sur les récents progrès de la Physique (1876), sont dignes de figurer parmi les chefs-d'œuvre du genre. L'œuvre de Tait ne périra pas; le physicien d'Edim- bourg sera toujours compté au nombre de ces mer- veilleux ouvriers qui ont construit le plus bel édifice scientifique que nous à laissé la seconde moitié du xIx° siècle : la théorie de l'énergie, et son nom sera cité dans l'avenir, à côté de celui de son illustre colla- borateur, Lord Kelvin, dont la verte vieillesse nous promet d’ailleurs encore tant de fruits magnifiques. Lucien Poincaré, Recteur de l'Académie de Chambéry. Adolf Erik Nordenskiôld. — Le doyen des explorateurs des régions polaires, le baron Adolf Erik Nordenskiôld, intendant des Collections minéralogiques du Musée d'Histoire naturelle de Stockholm, associé étranger de l'Institut de France, est mort le 42 août 1901. Il était né à Helsingfors le 18 novembre 1832. Son père, Nils Gustave Nordenskiüld, fut un minéralogiste distingué, passionné pour sa science, n'hésitant pas à accomplir de longs voyages pour augmenter ses collec- tions, et dont l'exemple et les conseils eurent une influence marquée sur la direction de la vie de son fils. Nordenskiüld étudiait l'Histoire naturelle, principa- lement la Minéralogie et la Géologie, à l'Université d'Helsingfors; déjà il avait acquis une certaine habileté dans la classification des minéraux et paraissait un suc- cesseur désigné à son père, quand, en 1855, ses opi- nions libérales, opinions auxquelles, d’ailleurs, il resta fidèle toute sa vie, le firent regarder comme suspect par les autorités russes. Il vit aisément qu'il lui serait im- possible de faire sa carrière en Finlande, si bien qu'en 1858 la place de professeur et d'intendant du Musée minéralogique de Stockholm lui ayant été offerte, il l'accepta. Il vécut désormais en Suède, nonobstant quelques retours passagers en Finlande. Malgré ces prémisses, la notoriété, puis la célébrité devaient arriver à Nordenskiôld, non par la Minéra- logie, mais par l’exploration. En cette même année 1858, il entreprit la première de ses croisières dans les régions arctiques, qu'il devait couronner en 1878-79 par la découverte du passage du Nord-Est, si obstinément el si infructueusement cherché par les marins des siècles passés. Il s'intéressa d’abord très longtemps à l'archipel du Spitzherg. Il y était allé en 1858; il y retourna en 1860-61, en 1864, en 1868 et en 1872-73. Grâce à ces voyages successifs, méthodiquement conduits, Nordens- kiôld réussit à opérer un relevé complet de ces terres, profondément échancrées par les fjords. La plus haute latitude qu'il atteignit fut celle de 81042, en 4868: Comme il avait toujours soin d'emmener avec lui un ou plusieurs naturalistes, il contribua beaucoup à accroître les connaissances relatives à la faune et à la flore des contrées polaires. Généralement, la campagne se développait pendant l'été et l'automne. Cependant, en 1872-73, Nordenskiold hiverna et ce fut en traineau qu'il gagna la partie nord-est du Spitzherg. Entre ces voyages, s’en était intercalé, en 1870, un autre“ au Groenland, en vue d'étudier l'usage que l’on pour- rait faire des chiens comme animaux de trait pendant la future expédition au Spitzhberg. Mais Nordenskiüld était l'un de ces fortunés qui éclairent tout ce qu'ils touchent : il était parti pour le Groenland dans le rôle utile, mais modeste, d'un acquéreur de chiens; ül en revint avec une quantité d'observations nouvelles sur l’/ulandsis, ce glacier sans fin qui couvre tout le pays. ts A partir de 1875, l'Océan glacial sibérien devint l'objet particulier de son attention. Sur un navire à voile, le Prüven, il atteignit l'embouchure de l'Iénissei, et l'année suivante, 1876, il refit le même voyage à bord du vapeur l'Ymer. Or, ces deux expéditions pré- sentent un grand intérêt, non seulement parce que la découverte des îles Sibiriakov et une connaissance exacte de l'estuaire de l'Iénissei en résultèrent, mais encore parce qu’elle constituent le prélude de la grande croisière accomplie en-1878-79. C'est, en effet, à ce moment que se présenta à l'esprit de Nordenskiüld l'hypothèse dont le célèbre voyage démontra la justesse, et qui peut se formuler ainsi : A la fin de l'été, les masses d'eau des puissants fleuves sibériens, Obi, [énissei, Khatanga, Olenek, Lena, Kolyma, échauffées par la chaleur estivale, doivent, à mesure qu'elles se déversent dans l'Océan Arctique, fondre les masses de glace sur leur passage et ménager ainsi, le long de la côte septentrionale de l'Asie, un chenal de mer libre, par où un navire parti du cap Nord doit vraisemblablement pouvoir atteindre le dé- troit de Behring. Cette hypothèse reposait d'une part sur les propres, observations faites par Nordenskiüld dans la mer de Kara pendant les étés 1875 et 1876, et d’une autre sur une critique très fine des rares renseignements extraits des relations des voyageurs, notamment Minin, Prout- chichev, Laptev, Tcheliouskine, qui, de 1734 à 1743, sen hasardèrent, soit en bateau, soit en traîneau, dans les” parages les plus septentrionaux de la Sibérie. Le plan d'expédition, dont aujourd'hui encore la lecture procure un vif plaisir intellectuel, tant lesw arguments y sont logiquement déduits, convainquit, ceux à qui il s'adressait. Non seulement les Mécènes ordinaires de Nordenskiüld, Oskar Dickson, Alexandre Sibiriakov, dont la libéraïté avait défrayé ses précé- dents voyages, mirent de nouveaux et larges crédits à sa disposilion, mais le roi Oscar voulut contribuer per= sonnellement à l'expédition. De son côté, le Gouverne=M meut suédois consentit à payer les frais d'armement d'un navire spécialement aménagé et de la solde dem l'équipage pendant la campagne. 3 : Le 4 juillet 1878, la Véga, capitaine Palander, l'an cien chef de l'expédition suédoise de 1872-73 au Spitzhberg, montée par tout un état-major scientifique dirigé par Nordenskiüld, quitte Gæteborg. Comme elle est accompagnée de deux vapeurs, la Léua el le Fraser, et d'un voilier, l'Zxpress, c’est toute une escadrille qui, Je 1er août 1878, pénètre dans la mer de Kara par le. détroit d'Yougor. Le 6 août, Port-Dickson est atteint à l'embouchure de l'Iénissei, point auquel le Fraser et l'Express se séparèrent de leurs compagnons pour pénétrer dans le grand fleuve sibérien. Le 14 août, la Véqga et la Léna arrivent, après avoir traversé d'épais. brouillards, à l'ile Taymyr, et le 19 devant l'extrémité septentrionale de l'Asie, le cap Tcheliouskine. On re= connut qu'il était situé par 77 36 49" lat. N. et pan 1309 17! 12" long. E. Greenwich, et qu'il se composait bien de deux pointes séparées par un golfe; ainsi était CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE démontrée l'exactitude, souvent mise en doute, des “assertions du vieux voyageur russe, qui, en mai 1742, “avait, dans son traineau, atteint le cap qui porte son nom. Le 27 août, la Léna et la Véga atteignirent, non sans que les glaces ne leur eussent opposé quelques difficultés, l'embouchure de la Léna, où elles se sépa- èrent, la première pénétrant dans le fleuve, la Véga continuant sa route vers l'archipel de la Nouvelle- Sibérie et les îles des Ours. Tout allait bien, et faisait présager pour octobre une heureuse arrivée au Japon, quand, à la fin de septembre, la Véga se trouva, contre “oute attente, emprisonnée dans les glaces à une petite distance du détroit de Bebring. Le 27 septembre 1878, elle naviguait à l'ouest du cap Serdze-Kamen; elle avait aversé de la glace nouvellement formée, mais nulle part assez forte pour s'opposer à sa marche; le soir, à ord, on croyait déjà atteindre l'Océan Pacifique. Mais, e 28, la Véga se trouva enfermée dans des glaces flottantes, soudées entre elles par de la glace nouvelle. ordenskiôld, sachant que des baleiniers avaient maintes fois navigué dans ces parages jusqu’à la mi- octobre, ne s'alarma pas, tout d'abord, de ce contre- temps. Mais les jours se passèrent sans amener de changement, si bien que l'expédition dut se résigner à un hivernage, qui ne prit fin que le 18 juillet 1879, et dura par conséquent 294 jours. Ainsi Nordenskiüld venait d'accomplir ce que les marins des peuples du nord, Hollandais, Anglais, “Russes avait vainement tenté : le passage de l'Océan Atlantique à l'Océan Pacifique par l'Océan Sibérien. Ce “Srand résultat n'était pas le seul de l'expédition sué- doise de 1878-79. La topographie de la côte sibérienne “était précisée en plusieurs points, et particulièrement “depuis Port-Dickson jusqu'à la baie de la Khatenga; a profondeur de l'Océan Glacial était relevée, grâce à de nombreux sondages; l’un des membres de l’expé- dilion, Almquist, avait composé un Mémoire sur la flore des algues de la mer Glaciale et sur la végétation “des côtes s2ptentrionales de la Sibérie; l'ethnographie ‘des Tchoutches, les habitants de cette extrème pointe nord-est de l'Asie, avait été étudiée. Nordenskiüld espérait même que son exploration aurail des résultats économiques, Dans un Mémoire “« Sur la possibilité de la navigation commerciale dans ‘la mer Glaciale de Sibérie », qu'il composa pendant lhivernage de la Véga, il disait : « IL n'existe pas de difficultés pour l’utilisation, comme route commerciale, ‘de la voie par mer entre l'Obi-lénissei et l'Europe. Selon toute probabilité, la route par mer entre l'Iénissei let la Léna, et entre la Léna et l'Europe, peut être éca- lement utilisée comme route de commerce, mais l'aller et le retour entre la Léna et l'Europe ne pourront se faire dans le courant du même été ». Après sou retour de cette mémorable expédition de 878-719, Nordenskiôld ne resta pas inactif et satisfait “de sa gloire. En 1883, il entreprit un nouveau voyage au “Grænland. Il supposa, d’après certains indices, qu'au delà de la ceinture blanche qu'on voit entourer le pays, il devait y avoir à l'intérieur une région sans glaces. Les observations lui donnèrent tort. Il s'avanca person- mellement à 118 kilomètres de la côte occidentale, il envoya deux Lapons à 225 kilomètres encore plus loin : partout la calotte de glace recouvrait le sol. … Ce voyage de 1883 fut le dernier de Nordenskiôld. - Vers 1890, il faillit diriger une expédition antarctique, “dont les frais auraient été faits en commun par Oscar Dickson et les colonies australiennes ; mais le pro- jet échoua. Dans les dernières années de sa vie, —Nordenskiold s'intéressa surtout aux anciens voyages, _ ou deux ouvrages sur l'histoire de la Géogra- _ phie. À Nordenskiôld eut la bonne fortune de posséder à la fois les qualités de l'homme d'action et celles du savant. . En même temps qu'il voyait les problèmes à résoudre, ilétait doué de la force physique nécessaire pour sup- - porter les pénibles campagnes des mers arctiques. … Aussi, a-t-il étendu considérablement nos connais- (1 y sances sur la partie du globe qui, pour être la moins apte à la vie des hommes, n’en est pas moins aussi digne que toute autre de l'intérêt des savants : il restera l’un des grands noms de l'exploration arctique. Henri Dehérain, Docteur ès Lettres, Sous-bibliothécaire de l'Institut. $ 2. — Astronomie Systèmes cométaires résultant de la désa- grégation de comètes. — M. H. Krentz, astro- nome à l'observatoire de Kiel, vient de découvrir qu'un certain nombre de comètes appartiennent certainement à un corps unique qui se serait ultérieurement divisé. Les savants calculs de M. Krentz ont principalement porté sur les comètes de 1668, 1843 I, décembre 1872, 18801, 1882 II, 1887 I, et d’autres encore, dont les orbites se coupent en un point si.rapproché du Soleil qu'il touche presque la couronne solaire elle-même. La comète de 1882 s’est également fractionnée d'une ma- nière analogue en quatre nouveaux astres périodiques, dont les orbites elliptiques sont parcourues respective- ment en 670, 770, 880 et 960 années. 1] existerait donc, suivant M. H.Krentz, des systèmes cométaires qui résulteraient de la segmentation de co- mètes primitives, s'éparpillant de plus en plus le long de leurs orbites, et finissant probablement même par se désagréger complètement : c'est ce qui dut arriver pour la comète 1889 V, qui était accompagnée de quatre astres secondaires. Les satellites de celte comète s'étaient probablement détachés du noyau principal quand celui-ci, lors du passage de 1886, avait presque frôlé la surface de Jupiter. De plus, au retour de 1896, les compagnons avaient disparu : peut-être avaient-ils été capturés dans leur course ; il est aussi fort possible qu'ils se soient résolus en essaims d'étoiles filantes, comme l'ont déjà fait de nombreuses comètes. A nos yeux, cet important travail aurait encore une autre conséquence très élevée : il devient de plus en plus improbable, en général, que l’origine des comètes soit extérieure à notre système — contrairement à l'opinion trop fréquemment admise encore. $ 3. — Chimie industrielle Programme des prix de la Société Indus- trielle de Mulhouse pour 1402. — la Société industrielle de Malhouse vient de publier le programme des prix à décerner en 1902. Parmi les nombreux sujets que sont appelés à traiter les concurrents, nous relevons les suivants : : Théorie de la fabrication des rouges à l’alizarine. — Synthèse de la cochenille. — Carmin de cochenille. — Matière colorante du coton. — Composition des noirs d’aniline. — Transformation du coton en oxycellulose. — Action du chlore sur la laine. — Constitution des matières colorantes. — Noir d’aniline solide. — Noir soluble et solide. — Bleu pour l’azurage des laines. — Fixation des couleurs d'aniline. — Golorants immédiats. — Impression de poudres métalliques. — Blanchiment et coloration des diverses espèces de coton. — Blan- chiment et coloration des diverses espèces de laine. — Blanchiment et coloration des diverses espèces de soie. — Blanchiment à l’eau oxygénée. — Indicateur totalisateur du travail des machines à vapeur. — Moteurs à gaz de graude puissance. — Force motrice nécessaire à la filature du coton, de la laine, etc. — Ventilation et humidification des salles et ateliers. — Propagation des méthodes de culture intensive: — Sta- tistique de la population ouvrière. — Variation du prix de la main-d'œuvre depuis un siècle. — Carte des établissements industriels du Haut-Rhin. Les Mémoires, dessins, pièces justificalives et échan- tillons devront parvenir à la Société avant le 15 fé- vrier 1902. 780 $ 4. — Géologie L'Association géologique de Londres en Auvergne. — L'Association Géologique de Londres a fail, cette année, une excursion de quinze jours dans notre pays. Elle à étudié la région volcanique si inté- ressante et si variée de la France centrale : successi- vement la chaine des Puys et le massif du Mont Dore, sous la direction de M. Glangeaud, la Limagne, sous celle de M. Girond, le grand volcan du Cantal, sous celle de M. Boule. Partout, les savants anglais, au nombre d'une qua- rantaine, parmi lesquels il faut compter le président de l'Association, M.Whitaker, etM. Armstrong, de la Société Royale de Londres, des professeurs, des ingénieurs, etc, . ont recu l’accueille plus empressé et le plus chaleureux. Ils ont emporté de l'Auvergne géologique, pittoresque et thermale, un souvenir qui ne s’effacera pas. $ 5. — Sciences médicales 1: Congrès égyptien de Médecine. — Ce Congrès, qui a obtenu le haut patronage du khédive et l'appui officiel du Gouvernement égyptien, se tiendra au Caire du 40 au 14 décembre 1902. Les travaux du Congrès porteront surtout sur les affections particulières à l'Egypte, telles que la bilhar- ‘a, l’'ankylostome, la fièvre bilieuse, les abcès du foie, te., etc. Les questions relatives aux épidémies qui, depuis quelques années, visitent régulièrement l'Egypte, les mesures prophylactiques à prescrire, les quaran- taines à observer, seront également à l’ordre du jour. L'utilité incontestable de cette œuvre ne peut man- quer d'attirer sur elle l'attention des médecins d'Eu- rope, qui sont d'ailleurs conviés par leurs Confrères d'Egypte à assister aux réunions du Congrès. $ 6. — Géographie et Colonisation Les limites du Gulf Stream dans l'Océan Aretique. — Le prince Galitzine a publié dernière- ment, sur cette question, dans le Bulletin de l'Acade- mie des Sciences de Saint-Pétershourg, une étude fort intéressante el très documentée. M. le D'° Laloy donne de ce travail, dans /a Géographie du 15 août 1901, la substantielle analyse suivante : « Dans l'Océan Arctique, le Gulf Stream se distingue nettement des eaux qui l'entourent par sa couleur plus bleue, sa salinité plus forte et sa température en géné- ral plus élevée. Les vents régnants peuvent imprimer de grandes modifications à son parcours. D’après Pet- terson, il subirait même des variations dans son inten- sité, qui paraissent êlre en rapport avec certaines conditions climatologiques et notamment avec l'exis- tence de vents chauds ou froids en Europe septen- trionale. « Après avoir doublé le cap Nord, le Gulf Stream se dirige, à travers l'Océan Arctique, vers les côtes de la Nouvelle-Zemble. La limite septentrionale de la bande qu'il forme n’est pas encore déterminée d’une facon précise; quant à sa limite méridionale, elle se dirige vers l’est-sud-est, parallèlement à la côte mourmane, qu'elle suit à une distance de 50 à 60 milles. Vers le 40° long. E., et par 69°30!-70° de lat. N., cette limite méridionale du Gulf Stream se dirige franchement à l’est, passe près de l'ile Kolgouyev et vient toucher la Nouvelle-Zemble à hauteur de la Terre des Oies (Gousi- naia Zemlia). Suivant les années, la distance du courant à la côte mourmane est plus ou moins grande. Les CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE vents du sud peuvent la rejeter à 100 milles vers le nord, tandis que, dans d’autres circonstances, le Gult Stream est tout près de la côte; d’après certains au-h teurs, il peut même pénétrer dans les baies mourma- nes. En tout cas, certaines années, on le rencontre presque à la sortie du havre Iekaterinski. « D'après Jdanko, dans les années froides, la limite méridionale du courant se trouve à 100 milles au nord du cap Kanine et ne se dirige pas plus loin vers l’est. Le prince Galitzine l’a, au contraire, trouvée, en 1896, par 69030" de lat., au niveau du cap Kanine. Quant à sa limite nord, elle était bien marquée, par 48 long. E., dépassant légèrement le 71° de lat. N. — Par le tra- vers du cap Kanine, la largeur du Gulf Stream était de 120 milles; d’après Middendorf, elle peut atteindre en ce point 240 milles. « Au niveau de l'ile Kolgouyev, à l'endroit où le Gulf Stream change de direction pour atteindre la Terre des Oies, ilenvoie, vers l’est, un petit rameau qui se perd, en se mélangeant aux eaux douces venues de la Petchora. Cependant, on peut rencontrer, jusqu'à hauteur dé l'île Vaigaich, des courants d’eau plus salée, qui pro- viennent visiblement du Gulf Stream. Quant à la bran- che principale, qui longe les côtes ouest de la Nouvelle- Zemble, les opinions sont assez partagées à son égard. D'après les uns, elle baignerait immédiatement le rivage, tandis que, d’après les autres, elle s’en écarte- M rait de 50 à 60 milles. Il est hors de doute que, dans certaines années, le courant pénètre dans la baie de Moller et contribue à adoucir le climat de la partie occi- dentale de la Nouvelle-Zemble; mais, en général, il s’en tient assez écarté. On a tout lieu de penser qu'il vient du détroit de Kara des courants froids qui ont pour effet de refouler le Gulf Stream à l’ouest. En effet, la température et la salinité très variables montrent M qu'il y a mélange d'eaux de provenance diverse. On observe, d’ailleurs, un fait analogue près du cap Kanine, où les variations de la température de l’eau atteignent 3 degrés. « L'existence de rameaux détachés du Gulf Stream dans le voisinage du cap Kanine et du cap Sacré (Svia- toi Nos) est encore controversée. Dans certaines an- nées, un rameau contourne le premier de ces promon- toires, mais se perd bientôt sans pénétrer dans la mer Blanche. L'existence d'un courant détaché dans le voi- sinage du Sviatoi Nos est également très vraisemblable; il se pourrait même que le courant du Kanine ne soit que le prolongement de celui qui passe le long du cap Sacré. Mais il est impossible de savoir, pour le mo- ment, si une branche du Gulf Stream contourne la pé- ninsule de Kola à partir du cap Sacré et pénètre dans la mer Blanche, en suivant la côte de Ter. En 1896, rien de pareil n'existait; mais, en 189% et 1895, il y avait le long de toute cette côte, presque jusqu'au cap Orlovski, de l'eau très salée; ce qui porte à croire que M l’eau du Gulf Stream peut effectivement pénétrer dans . la mer Blanche, non pas, comme le croyait Middendorf, en suivant sa côte orientale, mais bien le long de sa rive occidentale. a « Nous avons vu que le Gulf Stream se distingue des eaux environnantes par sa couleur, sa température et. sa salinité. Celle-ci est soumise à des variations assez . rapides qui dépendent de diverses circonstances, eb notamment du vent. Mais, en même temps que Îles mouvements de l'air, lorsqu'ils sont prolongés, refou- lent les eaux du Gulf Stream dans une direction donnée, on voit se déplacer l’isotherme de 0°, ce qui prouve que, même en ce point de son parcours, le grand cous rant chaud a encore une influence appréciable sur le climat des régions avoisinantes. » 4 L L JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANC L'ÉTAT Es V4 à DE L’INDUSTRIE DU …. La France est la mieux partagée des nations au point de vue de l'industrie marbrière : sous ce rap- “port, elle n'a guère que l'Italie pour rivale. Encore, la majeure partie des marbres de la Péninsule sont-ils travaillés sur notre territoire. Celle silua- lion privilégiée, notre pays la doit à la beauté et à l'abondance des variétés marmoréennes des Pyré- nées, et aux nombreux débouchés que l'exportation lui assure. Pourtant, les gens du métier se plaignent de la décadence actuelle de leur industrie, et “cependant, dans ce commencemént de siècle, le luxe de l'habitation s'accroissant, une ère de pros- périté devrait s'ouvrir pour eux. Cet état de choses tient sans doute un peu à la mode : on délaisse au- jourd'hui les décorations trop chères, pour des matériaux moins artistiques, mais plus écono- miques. Peut-être aussi, et nous nous poserons la question, faut-il souhaiter que le législateur inter- vienne au sujet de certains desiderata formulés par les marbriers parisiens. I. — PRINCIPAUX GISEMENTS. Le mot de marbre n'a aucun sens scientifique. - On désigne communément sous ce nom des masses minérales cristallisées, dures et susceptibles de recevoir un beau poli. C'est exclusivement de ces matériaux que nous nous occuperons ici. Dans l’industrie marbrière, telle qu'elle est prati- quée en France, on ne considère comme #marbre proprement dit que des calcaires cristallisés. Les uns sont saccharoïdes ou grenus, tandis que les autres sont lamellaires et spathiques. Leurs nom- breuses variétés sont disséminées un peu partout à la surface de la Terre. Les veines et la coloration des échantillons proviennent de l'infiltration de matières bitumineuses et ferrugineuses, ou tiennent à la pré- sence de quelques coquilles fossiles désagrégées. Pour qu’un gisement soil exploitable commercia- lement, il faut qu'on y trouve la pierre en couches assez importantes, que sa lexlure soit homogène, compacle ou cristalline. Le praticien ne s'inquiète - pas, du reste, du mode de formation de la masse ni du terrain avoisinant. Les caicaires secondaires el . tertiaires lui conviennent aussi bien que ceux des - errains archéens. De plus, la substance extraite 1 doit réunir plusieurs qualités : être dure et suscep- _Lible d'un beau poli, posséder des couleurs vives - ou offrir une gamme de teintes agréables à l'œil. En général, les marbresles plus estimés et les bé 181 ACTUEL MARBRE EN FRANCE plus beaux se rencontrent dans les roches sédimen- laires les plus anciennes. Donc, la connaissance géologique d'une carrière fournira des indications utiles sur sa composition et sa valeur. Quant à la classification même des marbres, il est à remarquer que, dans le commerce, on ne con- nait guère d'autre groupement que celui des lieux de production. Ainsi, on range dans la même caté- gorie tous les marbres d'Italie. Or, quelques-uns appartiennent à des genres très divers. Dufrénoy, dans son ?raité de Minéralogie (1847), distingua les marbres par la couleur prédominante de chacun d'eux. Plus récemment, M. Tournier a proposé une classification plus rationnelle, que mous indiquerons ici. Il divise d'abord les marbres en deux groupes : 4° les marbres simples, et 2° les marbres composés, subdivisés à leur tour en sections et variétés. Le tableau suivant résume son travail : A. — MARBRES SIMPLES. 1. Les marbres blancs; 2. Le bleu Turquin; 3. Le rouge Languedoc; 4. Le jaune de Sienne et le jaune de l'Aude; 5. Le noir antique. G B. — MARBRES COMPOSÉS : 1. Composés ordinaires. 1. Le campan; 2. La griotte dite d'Italie et de Caunes; 3. Le vert antique; 4. Le vert d'Egypte et de Gènes. II. Lumachelles! : . Le lumachelle d'Italie ; La brocatelle d'Espagne ; Le drap mortuaire; . Le petit granité; . Le lumachelle de Narbonne. Brèches®? et poudinques : 1. La brèche violette; 2, La brèche africaine; 3. La brèche jaune; ñ b) TES D = III. . La brèche des Pyrénées ; . La brèche tarentaise, Enfin, la marbrerie française travaille également les porphyres rouges et verts, certains albâtres aux couleurs chatoyantes et plusieurs espèces de granit. Examinons à présent les principaux gisements, non seulement de France, mais de l'Étranger, car, si quelques marbres ordinaires se débilent sur place, 1 Lumachelle vient de Jumaca (limacon). Ces marbres sont ainsi dénommés parce que les calcaires qui les forment sont pétris de coquilles dont la couleur diffère souvent de la pâte qui les englobe. ? Les brèches sont constituées par des fragments angu- leux ou ronds de grosseur variable et réunis par un ciment calcaire dont la teinte est différente de celle des grains, 182 JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE presque tous les marbres riches du monde entier sont mis en œuvre à Paris. La région des Pyrénées nous retiendra tout d'a- bord. Les marbres blancs de Saint-Béat (Haute- Garonne), connus déjà du temps des Romains et remis en exploitalion au commencement de notre siècle, possèdent une tendreté et une contexlure à gros grains brillants qui les rendent très estimés des statuaires. On en rencontre de même nature dans l'arrondissement de Bagnères-de-Bigorre. Mais, les marbres de couleur sont de beaucoup les plus nombreux dans ces départements. Le Saint- Fig. 1. — Carrière de marbre à Hon-Hergis (Nord), appartenant à M. Blondeau. Anne d'Arudy (Basses-P yrénées) offre assez de res- semblance avec les marbres de la vallée de Biesme (Belgique). Il est à fond grisätre veiné de blanc. Ses variélés dites « grand dessin », « rubané » et « granilé » s'emploient beaucoup sur place, car ailleurs on lui préfère son similaire belge. Le noir d'Izeste ou des Pyrénées, gris, semé de taches blanches, se trouve dans le même canton. Le luma- chelle, l'aspin et le turquin de Lourdes s’utilisent surtout dans la région. Le sarrancolin d’Arreau (Hautes-Pyrénées) produit un joli effet décoratif, dont on peut juger par l'examen du chambranle de l'Opéra-Comique de Paris. A Saint-Laurent et à Mau- léon-Barousse, signalons la brèche de Bize, d’un cail- loutage très serré et très brillant, noyé dans une pâle jaune d'or, la brèche Portor formée de galets noirs et gris réunis ensemble par un ciment silico-cal- caire. La griotte de Sost ressemble beaucoup à celle de Caunes (Aude), dite « griotte d'Italie ». D'un magnifique rouge brun semé de points blancs, c'est un des marbres pyrénéens les pius demandés. Les campans verts, mélangés de rouge, servent principalement dans la grande décoration. Le rouge antique, qu'on tire de Caunes, trouve des appli- calions dans la marbrerie artistique. Quant aux gisements de l'Ariège et de l'Hérault, on commence. seulement à les exploiter. Les marbres de Hon-Hergis (Nord), noir uni et semés d'amandes blanches, s'emploient pour les . cheminées ordinaires (fig. 1). Dans le Jura, aux environs de Molinges, on extrait deux variétés assez recherchées : le jaune Lamar- tine, à fond jaune parsemé de petites veines fines rosées, et la brocatelle violette. Les autres marbres de France sont moins esti- més, sauf toutefois le vert Maurin qu’on trouve près de Prunières, la brèche Galiffet ou Alep qui vient. d'Aix en Provence, le Jaspé ou Rosé du Var que fournissent les carrières des environs de Pour- cieux. Enfin, le Sarrancolin ou rosé de l’ouest et le marbre Bois-Jourdan, qui proviennent des carrières de Sablé (Sarthe), et les marbres dits « de Boulo- gne », qui arrivent de Marquise (Pas-de-Calais), sont des produits communs. JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 183 # “envoient des marbres translucides connus sous le | Kléber, la brèche de Numidie est seule importée en “nom d'onyx. La province d'Oran nous approvi- | France, mais le rosé et le jaune de Numidie servent — Nos colonies de l'Algérie et de la Tunisie nous | sifs à cause de sa transparence. Des marbres de Fig. 2. — Sciage dans la roche, dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Appartenant à M. Faggioni) L #4 - sionne d'onvx de l'Isser, dont une des variétés les | en Amérique pour la grande décoralion. Les diffé- — plus recherchées est l'onyx cachemire. Les carrières | rentes variétés de marbres de Guelma (le Saint- …sises près de Nemours (Oran) nous fournissent | Augustin, le Sutulle, le Boisé romain et le Kalama), … l'onyx ambré, qui s'emploie surtout en travaux mas- | rosés d'un veinage très fin, sont utilisées dans 784 la marbrerie artistique'. Quant aux carrières de Chemtou (Tunisie), exploitées déjà du temps des Romains, elles semblent avoir donné plus de mé- comptes que de bénéfices à leurs propriétaires. Mais un grand nombre de marbres venant du dehors sont ouvrés en France; disons donc quelques mots des variétés étrangères les plus connues sur le marché parisien. En Europe, la Belgique nous approvisionne en JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE de cheminées dans le sud-ouest de notre pays. Mais c'est surtout à l'Italie que nous achetons le plus de marbres. Carrare arrive en première ligne (fig. 2 et3). Voici les principaux genres qu'il nous fournit : « le blanc clair pour les travaux courants, le blanc pour slaluaire, de Seravezza (gisements très im- porlants), le Paonazzo à fond ivoire avec veinage « violet foncé, le Paonazzetto à fond blanc avec vei- nage brèché noir, la brèche violette à grandes vei- Fig. 3. — Vue de la scie héliçoïdale en action dans la carrière de marbre de « Cava Torrione », à Carrare (Italie). rouge de Flandre, rouge royal et rouge rance, qu'on rencontre aux environs de Romedenne, en vrai Sainte-Anne, qui vient de Biesme, en noir fin, que produisent les carrières de Golzimes, près de Namur, et de Denée, près de Dinant. La Suisse nous fournit du Cipolin vert et rose, qu’on trouve à Saxou, aux environs de Lucerne. Le noir de Saint-Triphon est également très employé pour la confection des foyers ! Ces derniers renseignements nous ont été obliseamment communiqués par M. Heurley, négociant en marbres à Paris, nes violettes et cailloutée blanc, la fleur de pêcher, le véritable bleu Turquin uni à fond bleu, et le bleu fleuri, marbre à fond bleu clair avec veines violelles foncées. Près de la Spezzia, gisent le Portor à fond noir avec veinage d'or et le Levanto. Sienne donne un beau marbre jaune, Vérone un joli marbre rouge, et Gênes une variété verte à points rouges, dénommée commercialement « vert d'Égypte ». La Grèce possède le vert antique de la Thessalie, dont le fond vert à cailloux blanc verdàtre produit un joli effet dans certaines décorations artistiques. } 1 JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 185 L'Espagne nous envoie sa brocatelle, marbre jaune | L’onyx vert dit « du Brésil » vient des environs de or tiré des environs de Tortosa, au sud de Barcelone. | San Luis (République Argentine). On l'embarque -L'« agate maures- à Buenos-Aires, et “que » de Malaga il est aujourd'hui s'emploie dans la à la mode pour la tabletterie, et le petitemarbrerie.On marbre Teba à fond l'utilise par exem- rosé orange pour ple pour la confec- les dessus de toi- tion des füts de lettes etles lavabos. lampes. Quant à Dans les contrées l'onyx blanc du Ve- du Nord, la France nezuela, c'est une sapprovisionne, raretécommerciale. pour l'imitation des meublesanciens, du II. — EXPLOITATION rosé de Norvège à fond blanc, veines rose très clair, lais- sant voir la cristal- lisation, et du vert de Suède veiné d'une belle couleur oncée. Comme au- res marbres euro- péens, on peut en- ore citer le vert d'Irlande et la ser- pentine d'Écosse. Ce dernier, à fond brun parsemé de points rouges, sert DES CARRIÈRES. Les anciens pro- cédés d'exploitation des carrières de marbre élaient pri- mitifs, lents,el d'un prix de revient éle- vé. Mais aujour- d'hui, gràce à l'in- vention de la scie héliçoidale (fig. 5) par un ingénieur belge, M. Paulin Gay, on débite les blocs d'une manière plus expédilive et . 2 Fig. 4 — Perforatrice. — À, tube cylindrique en tôle d'acier; B, À : seignes de bouli- allonge du tube servant de couteau: C, axe; D, manchon fixant plus économique. À l’allonge sur l'arbre vertical; G, poulie à gorge; 1, châssis suppor- à 2 | a POP tant les poulies et la chaine; P, poulie de renvoi; R, fil hélicoïdal; Cet appareil APCORS exposé à l'air et à V, cabestan; W, chaîne de descente, pose d'une corde a pluie, il a le pré- - sans fin obtenue par eux avantage de conserver très longtemps son poli. | la torsion en hélice de trois fils d'acier. D'un côté, . L'Amérique du Nord nous expédie le marbre dit | elle s'enroule sur une poulie fixe calée sur l'arbre C Fig. 5. — Installation du fil héliçoïdal dans une carrière. — X, fil hélicoïdal; À, poulie fixe; B, schéma du moteur; C, chariot tendeur; D, E, débiteuse ou instrument de sciage proprement dit; M, bloc de marbre à attaquer. « Tonkin », granité vert, aussi tendre que le marbre | du moteur et, d'autre part, sur la poulie folle d’un blanc. Depuis quelque temps, on exploite les | chariot tendeur posé lui-même sur les rails d'un “marpres fossilifères d'Orizava, près de Vera-Cruz | plan incliné et chargé de poids destinés à équili- (Mexique), qui présentent des dessins très variés. | brer l'effort de traction. On installe la débiteuse 786 (ou instrument de‘sciage proprement dit) à l'endroit voulu du circuit. Cette dernière comprend quatre poulies maintenues et guidées entre des colonnes dont l'écartement varie avec la longueur de la masse de marbre à découper. Le déplacement des poulies inférieures s'obtient au moyen d'un mécanisme in- génieux. Les chariots qui les supportent sont fixés par des coulisses aux extrémités de vis verticales dont les écrous se trouvent au sommet des châssis. Un levier à deux branches articulées, mû par l'arbre de la poulie supérieure, commande chacune de ces vis et, à chaque révolution, un corbeau agencé sur JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE la continuité du sciage, assure la grande rapidité du travail. Done, le fil découpe la roche sur tous les points de la carrière, et il divise la pierre pour en faciliter le transport ultérieur. Actuellement, pour pratiquer les puits nécessaires à l'installation du fil hélicoïdal, on emploie une per- foratrice (fig. 4). Essenliellement, celle-ci est for- mée d'un tube en tôle A, d'une hauteur et d’un diamètre variables. À sa partie inférieure se trouve rivée une allonge en fer B, beaucoup plus épaisse, qui lui sert de couteau. Un manchon D le fixe sur un arbre vertical à section carrée, qui lui commu- Fig. 6. — Descente d'un bloc de marbre de la carrière d'extraction au lieu de gerbage. la branche inférieure du levier attaque une roue dentée dont le mouvement se transmet, à l’aide d'engrenages, à la vis de suspension de la poulie mobile. Comme la vitesse de translalion de la scie est d'autant plus rapide que la branche du levier est plus courte, l'ouvrier doit régler celle-ci selon le degré de durelé du marbre. En outre de ces mouvements de translation et de descente, la cordelette est animée d'un mouvement giratoire qui a pour but de dégager continuellement le fond de l’entaille de la boue produite par le sciage. Un sablier déposé au-dessus de la masse fournit le sable humidifié, qui est rapi- dement véhiculé le long du trait en même temps que sur tous les points de la périphérie du brin engagé dans la pierre. Cette combinaison, jointe à nique un mouvement de rotation tout en lui lais- sant la faculté de descendre en vertu de son propre poids. La transmission télédynamique communi- quant à l'axe du cylindre sa giration par l’inter- médiaire d'une poulie à gorge G, peut changer de direction au fur et à mesure des déplacements de l'appareil. D'autre part, le sable et l'eau projetés sur le pourtour du couteau accélèrent l'usure de la roche. De temps à autre, les matières broyées s'accumulent entre le tube et les parois du marbre, et enrayent la marche de la perforatrice; aussi l’ouvrier doit-il relever ce tube à l’aide d'une chaine W s'enroulant sur un cabestan V rivé au chässis. Cette simple manœuvre suffit pour net- toyer l'entaille de la boue qui l'obstruait, et qui aurait fini par provoquer la ruplure de l'outil. cts LE cu Ar JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 187 Pour extraire, en pleine roche, un quartier de marbre de la dimension désirée, on creuse, au moyen de la perforatrice, aux quatre coins de son périmètre, des puits que l'on approfondit jusqu'à ce que l'on atteigne le premier dessous séparant la masse des assises inférieures. On descend en- suite et on fixe dans ces cavités les supports verti- caux de la débiteuse. En deux traits de scies . parallèles et espacés de 0%,60, on relie deux de ces “puits par une tranchée à parois verlicales, et l'on dégage ainsi le massif sur tout son pourtour. Alors, Fig. 7. — Gerbage des blocs de au moyen de coins et de leviers, on détache au- dessous la masse ainsi isolée, puis on l'amène sur le chantier où on la façonne en morceaux plus aisé- ment maniables. Parfois, l'opération du gerbage des blocs sur les lieux d'extraction n'est pas chose aisée (fig. 6 et 7). Les avantages de cette méthode sont mulliples. Facilement transportable, la perforatrice ne broie qu'une faible partie de la surface du roc, et con- somme peu de force motrice. De plus, par trois forages successifs disposés en triangle, elle creuse un puits où les supports de la débiteuse peuvent se mouvoir en tous sens. Les déplacements de la perforatrice et de la débiteuse ont lieu sans l'intermédiaire d’une poulie de renvoi, la cordelette prenant la direction et l'inclinaison voulues, sans qu'on ait besoin de modifier la transmission. Pour cela, il suffit de monter sur une double rotule chacune des poulies du poteau distribuleur placé au sommet de la carrière. D'autre part, la poulie à rotules se meut dans un plan horizontal et peut s'incliner à volonté sur l'horizon par la rotation du plateau sur lequel s'opère sa translation. Enfin, la scie héliçoïdale possède deux qualités essentielles en l'espèce : la marbre à proximité de la carrière. résistance nécessaire pour entamer les marbres les plus durs, et une incroyable rapidité d'action, due à la vilesse et à la continuité de son mou- vement. IIT. — TRAVAIL DU MARBRE. D'ordinaire, les marbres se scient en passe, c'est- à-dire qu'ils se débitent dans le sens où on les a trouvés dans la carrière. Mais, dans quelques cas, cependant, on est forcé de les scier à contre-passe. Quoi qu'il en soit, l'opération est exéculée au moyen du chässis à scier ordinaire ou à descente automa- tique (fig. 8 et 9). La commande de ce dernier appareil, le seul 188 que nous décrirons, se compose d'un arbre à ma- nivelle mû par une poulie A. L’entablement sup- portant les paliers est boulonné sur un massif en pierre, en maconnerie ou en béton, B. En C se trouve un débrayage. Le chässis proprement dit est un cadre en fer et fonte, formé de deux lon- gerons rigides D, dont la section doit être calculée suivant le nombre de lames à la tension desquelles ils doivent résister. Deux fortes traverses en fer plat forment la tête de châssis, et réunissent à chaque extrémité ces longerons. Un créneau, dans lequel on place les tirants-tendeurs, est ménagé entre ces traverses ; une lame va d'un tirant à l'autre, et la tension se fait au moyen d’une clé. JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE mécanique ou instrument distributeur d'eau et de sable, dont les systèmes sont très nombreux. D'or- dinaire, le mouvement de commande sert pour deux chàssis, l'arbre portant une manivelle à cha- que extrémité. Quelquefois, le sciage s'effectue sur wagon, pour obtenir plus de célérité. Nous passerons rapidement sur les autres outils employés pour travailler le marbre : débiteuses, sciotteuses, machines à moulurer, tourner, creuser et raboter. Cela nous entrainerait hors des limites de cette étude, Ajoutons seulement que les pièces cylindriques (socles, colonnes, vases, ete.) s'ébau- chent au ciseau et se terminent au tour. Quant à la scie diamantée, elle est encore en usage, malgré les Un châssis comprend un nombre de lames va- riant de 50 à 150, selon l'épaisseur des tranches à obtenir. Bien entendu, chacune d'elles peut se rap- procher ou s’écarter à volonté. En outre, le châssis porte un attelage en fonte E, et quatre charnières de suspension. La bielle F reliant le chàssis à la commande est formée d'une pièce en sapin, munie à une extrémité d'une lête de bielle ordinaire avec coussinet en bronze s'adaplant à la broche de la manivelle, et à l'autre bout d’une chape dont la vis permet de régler la longueur de la bielle au fur et NES ESS Fig. 8. — Chässis à scier avec descente et remonte automatique (Système Decamps). — À, poulie; B, massif supportant le moteur; C, débrayage; D, longeron; E, pièce d'attelage; F, bielle reliant le châssis à la commande; G, traverses de guide en acier; H, colonnes du chässis; K, engrenages de descente; L, tambour d’'enroulement des chaines: M, chaïnes. à mesure de la descente du chässis. Les quatre tiges sur lesquelles se fait le balancement du cadre sont pourvues à leur extrémité de ferrures en bronze s'arliculant, d'une part, avec les charnières de suspension, et de l’autre côté avec les broches en acier des traverses de guide G. Ces deux dernières sont elles-mêmes suspendues à des chaines. Quant aux qualre colonnes H, elles servent à guider le chàssis dans son mouvement alternatif, et les tra- verses dans leur ascension et leur descente, au moyen de coulisseaux. Les rouages K actionnent les tambours d’enrou- lement L des chaines par l'intermédiaire d'engre- nages ou de vis. Ces lambours, en déroulant les chaînes M, laissent descendre le chàssis au fur et à mesure du sciage. On règle à volonté cette des- cente, suivant la dureté du marbre et le nombre de lames. Enfin, entre les colonnes se place l’arrosage frais d'établissement élevés qu’elle nécessite, et surtout l'inconvénient qu'elle à de « brûler » le marbre, comme disent les gens du métier. Il faut entendre, par ce terme, qu'elle produit des arra- chements au cours du sciage. La rapidité constitue son unique avantage. La dernière opération que subit le marbre dé- grossi est le polissage. Celui-ci exige cinq manipu- lations successives : 1° l'égrisage, destiné à adoucir les aspérilés, et qui s'exécute en frollant la pièce avec un morceau de grès mouillé; 2 le rabat ou con- tinuation du frottement; mais, cette fois, avec des morceaux de faïence sans émail n'ayant subi qu'une cuisson; 3° à la suite de ce premier poli, le houchage des cavités du imarbre avec du mastie de couleur appropriée. La substance qui sert à cet effet se com- pose, en général, d'un mélange de cire jaune, de ré- sine et de poix blanche, additionné d’un peu de sou- JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE 7189 fre et de plâtre lamisé très fin, auquel on donne la consistance d'une pâte épaisse. La coloralion s’ob- tient en ajoutant du noir de fumée et de la potée rouge, en proportion convenable, jusqu'à ce que l’on ait obtenu la nuance désirée. Parfois aussi, on intro- duit des fragments concassés de l'échantillon, s'il s'agil de marbres verts et jaunes. La gomme-laque permet également de donner du corps et du bril- lant; 4° l’adouri ou frottement à la pierre ponce avec addition d'eau, mais sans aucun ingrédient des machines à dresser et à polir. Enfin, pour aller plus vite en besogne, certains marbriers mettent de l’alun dans l’eau. Cette pratique doit être con- damnée, car si ce mordant, qui pénètre dans les pores du marbre, lui donne beaucoup plus rapi- dement le brillant voulu, celui-ci se ternit très vite à l'humidité. La fraude se reconnaît d'ailleurs aisément : il suffit de mettre une goutte d’eau sur la surface du marbre soupçonné. Si le polisseur s’est servi d'alun, la pierre absorbant le liquide, une Fig. 9. — Châssis à scier ordinaire de la marbrerie Heurley, à Paris. (Photographie montrant la disposition des lames pendant le sciage d'un bloc.) solide ni mordant; 5° enfin, le piqué. Pour ce der- | tache blanchâtre apparaîtra après essuyage. Là s’ar- nier travail, on mêle du plomb en limaille avee de la boue d'émeri provenant du polissage des glaces, et l’on frotte la pièce avec un tampon de linge fin bien serré et imprégné de cette composition. Pour les ouvrages destinés à être exposés au dehors, on s’en tient là. Mais si l’on désire un brillant plus parfait, on procède au Zustré. On lave bien les surfaces, on les laisse se ressuyer, ét on prend un tampon de linge humidifié légèrement et imprégné d'un peu de potée d'élain. Après avoir frolté pendant quelques instants, on passe des chiffons secs avec légèreté. On utilise également rête, à proprement parler, l’industrie du marbre, dont nous examinons plus loin les divers emplois. IV. — STATISTIQUE ET CONSIDÉRATIONS ÉCONOMIQUES. En France, les scieries de marbres sont, autant que possible, installées non loin des lieux d’extrac- tion, à proximité de nos frontières, parce que les matériaux bruts ne paient pas de droits de douane, alors que, sciés, ils acquittent des taxes élevées. D'autre part, le sciage faisant perdre de 1/6 à 1/3 à la masse, les frais de transport à 190 JACQUES BOYER — L'ÉTAT ACTUEL DE L'INDUSTRIE DU MARBRE EN FRANCE Paris seraient inutilement majorés du poids des déchets. À proximité de l'Italie et de la Suisse, les scieries s’échelonnent : aux environs de Gre- noble (Isère), du Sault-Brénaz et de Glandieu (Ain), de Molinges et de Saint-Amour (Jura). Pour les marbres de Belgique, les usines sont établies près de Jeumont, Guissignies, Bellignies, Cousolre et Maubeuge. Quant à ceux d'Espagne, on les scie et on les ouvre à Paris. Enfin, quelques scieries fonc- tionnent à Marseille et à Toulouse. La plus grande partie des plaques débitées en ces diverses localités sont dirigées sur Paris, qui est le grand centre de la marbrerie manufacturée. Les usages du marbre sont nombreux : Dans le bâtiment, on l’emploie aussi bien pour les cheminéesriches que pour les cheminées ordinaires, pour certains carrelages, pour des revêtements d’es- calier, pour des colonnes, des soubassements, etc. Dans l'ameublement, on l'utilise pour les toilettes, dessus de tables, buffets, dressoirs, guéridons et lavabos. Les sculpteurs se servent principalement des marbres de Carrare. Les marbres transparents, connus commercia- lement sous le nom d'onyx, s’allient aux bronzes pour faire des socles, des vases, des pendules et des colonnettes pour lampes. Dans les boucheries, boulangeries, charcuteries et autres bouliques d'alimentation, les comploirs et les enseignes sont généralement en marbre. Tels sont les plus importants débouchés des diffé- rentes variétés marmoréennes. La question du transport joue un rôle restreint dans le négoce des marbres précieux, celte matière étant d'un prix assez élevé pour supporter aisément le voyage, par voie ferrée, du port de débarquement à Paris. Ainsi, les marbres d'Algérie, de Tunisie, d'Espagne et de Thessalie arrivent presque tous par Marseille. De là, ils empruntent le réseau P.-L.-M. pour atteindre la Capitale; quelques-uns viennent pär le Havre; puis, par batellerie fluviale, jusqu'à Paris; mais c'est là l'exception. Les onyx du Mexi- que et de la République Argentine débarquent à Saint-Nazaire ou à Anvers. Les produits de la Suède et de la Norvège passent également par le port d'Anvers, et ceux de l'Angleterre par Dunkerque. Les marbres riches ne se travaillent guère qu'en France; seuls; les marbres ordinaires étrangers s'ouvrent sur place; toutefois, en Chine et au Japon, on exécute assez bien la petite marbrerie. D'après les dernières statistiques du Service des Mines, on a extrait en France, pendant l’année 1898, un total de 47.025 mètres cubes ou 124.161 tonnes de marbres. L'Algérie, durant la même période, en a fourni 304 mêtres cubes ou 985 tonnes. Les négociants français vendent leurs produits fabriqués un peu partout; ils exportent même le marbre brut dans l'Amérique du Nord, l'Angleterre, la Suisse, l'Allemagne, l'Autriche, la Russie, la Hollande et le Danemark. Les chiffres d'exportation et d'importation fournis par le Ministère du Com- merce, pour 1898, sont les suivants : EXPORTATION en tonnes IMPORTATION en tonnes 28% 58 Marbres blancs us AELE statuaires PUDES 2: moulurés. 9 49 Autres marbres de toute es- DÉCE ESA NEC EE 46.569 6.814 Les centres de vente sont, par ordre d'impor- tance : Carrare, Paris, Londres, Anvers et Bruxelles. Comme nous l’avons écrit au commencement de cette étude, les négociants en marbre se plaignent de la situation qui leur est faite. D'abord, dans l'in- dustrie du bâtiment, ils ont le désavantage d'arriver après les autres corps de métier, le marbre n'étant « employé que pour la décoration. À ce moment de la construction, l'architecte a souvent dépensé dans le gros œuvre le devis fourni, les imprévus ont majoré ses estimations. Il doit donc réaliser des économies sur les travaux restant à exécuter; c'est ainsi que, partout où cela sera possible, il rempla-" cera le marbre par le stuc, ou autres procédés " décoralifs. L'imprévoyance de l'homme de l’art retombera sur le marbrier! D'autre part, en ce qui concerne l'octroi, l'industrie marbrière parisienne ne semble pas favorisée. En effet, le marbre, qu'il soit brut, scié ou ouvré, paie 30 francs d'entrée par mètre cube (2.700 kilos). D'après ce Larif, une che- minée toute sculptée acquittera des droits moins élevés, pour entrer dans la Capitale, que la matière première nécessaire à l’exécuter, puisque son poids sera diminué des déchels de la fabrication. Le résullat fâcheux de cette anomalie administrative est que l'octroi parisien favorise la province et l'étranger au détriment du négociant en marbres de la Capitale, qui ne peut plus, par suile, lutter à armes égales avec ses concurrents du dehors. Le remède parait cependant des plus simples. Il suffirait que le tarif, pour le marbre brut, fût moins élevé que pour le marbre ouvré. C'est là une réforme qui s'impose. En outre, les gens du métier adressent aux Compagnies de transport le reproche suivant : Les chemins de fer, dans le but d'augmen- ter leur trafic dans divers centres, ont accordé des conditions spéciales très avantageuses à certaines localités. Nous n’en citerons qu'un exemple, typique, il est vrai : un lavabo, avec dessus en marbre, expédié d'Autun à Paris, paie des frais de transport moins élevés que s’il est envoyé de Paris à Autun! Il y a là, nous semble-t-il, un abus, qu'il appar- tiendrait au Ministre des Travaux Publics de faire cesser. Jacques Boyer. 1 nn Sarthe Sub 17" Te. w FPVEN AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 191 LES MATÉRIAUX DE L’'HISTOLOGIE COMPARÉE , INSTRUCTIONS POUR LES EXPLORATEURS (CONFÉRENCES DU MUSÉUM) & Messieurs, Une comparaison familière, mieux que de lon- % gues considérations théoriques, vous fera com- prendre sans peine le but de l'Histologie comparée. Le corps d'un animal peut être assimilé à une “maison. L'anatomiste en étudie la disposition, lagencement des diverses pièces, les ouvertures, les moyens de communication; l'histologiste,au con- traire, se préoccupe de la nature intime des maté- riaux de construction, des rapports que ces derniers affectent les uns vis-à-vis des autres, des moyens d'union des diverses parties constiluantes, etc. - Nécessairement, à des fins aussi différentes cor- respondent des techniques distinctes et, en dehors de quelques instruments de dissection, aucun des procédés que je vous indiquerai dans cette Confé- rence ne pourrait convenir pour les études d'Ana- tomie proprement dite. Pour ces dernières, il importe d'obtenir, sinon -des animaux complets, tout au moins des organes entiers, présentant encore leurs rapports naturels : un membre avec ses muscles, ses vaisseaux et ses nerfs; une cage thoracique avec son cœur, ses pou- mons, ses plèvres et son péricarde; un tube digestif, maintenu en place dans la cavité cœlo- mique par les divers replis péritonéaux, elc. Les exigences de l'Histologie comparée sont sin- J gulièrement plus faciles à satisfaire ; pour ce genre d'études, les pièces volumineuses, les organes sont, non seulement inutiles, mais inutilisables ; il n'est besoin que de morceaux d'organes, de frag- ments de vaisseaux ou de nerfs, de lambeaux de tissus; mais ceux-ci doivent être prélevés avec des soins spéciaux, dont l'exposé fera précisément l'objet de la présente conférence. L — MATÉRIEL. Tout d'abord, je dois vous donner des indications sur le matériel nécessaire à la récolte des pièces - destinées aux études d'Histologie comparée. - Je n'insisle pas sur les instruments de dissec- . tion, car ceux-ci sont exactement les mêmes que pour les recherches d'Anatoômie comparée; ils vous serviront donc à deux fins, et ce sont, vous ne * ! Conférence faite pour les voyageurs, explorateurs, méde- cins de marine et administrateurs coloniaux, au Laboratoire d'Anatomie comparée, dirigé par M. le Prof. Henri Filhol, au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. l'ignorez pas, quelques scalpels, une pince à dissé- quer, une ou deux scies, un marteau et un ciseau. Le choix des récipients (tous en verre) dont vous devrez vous munir mérite attention; je vous recommanderai, de préférence aux tubes à fond plat d’un usage courant dans les laboratoires, mais vraiment trop fragiles, des flacons à parois résis- tantes, munis de bouchons de liège de la meilleure qualité possible et d’une faible contenance : n’ou- bliez pas que les morceaux volumineux sont impro- pres à toute étude, et qu'une faible quantité de tissu suffit pour les études microscopiques; par conséquent, choisissez un assez grand nombre de flacons d'une contenance de vingt grammes environ et quelques-uns de dimensions plus considérables, 125 et 250 grammes. Je ne crains pas de le répéler, ce qui importe, c'est la conservation parfaite des pièces, et non pas la quantité; et, pour dissiper loutes les inquiétudes que vous pourriez avoir sur la petilesse des frag- ments que je vous conseillerai de prélever, je vous rappellerai que les appareils à couper dont on se sert dans les laboratoires pour étudier les tissus permettent de débiter un morceau de 1 millimètre d'épaisseur en trois cents tranches. Par conséquent, ne vous embarrassez pas de récipients inutilement : un nombre relativement peu élevé suffira, si les sujets d'étude sont bien choisis et convenablement traités, pour des recherches étendues. Vous ajouterez enfin, à ces récipients, quelques flacons à l'émeri (125 gr.), destinés à la conserva- tion des fixateurs, une éprouvette graduée, quel- ques Lubes de verre, du fil de Bretagne, du papier . blanc fort, des crayons Conté et un peu de tar- latane. Comme vous le verrez bientôt, les études héma- tologiques exigent l'emploi de plaques de verre, coupées suivant des dimensions conventionnelles ; ces lames se vendent chez lous les fournisseurs d'instruments microscopiques; vous vous en procu- rerez plusieurs centaines de la qualité la plus ordi- naire et une douzaine à bords soigneusement rodés. La question des réactifs à recommander à un voyageur est parliculièrement épineuse, non pas par pénurie, mais, au contraire, par trop grande richesse. La technique histologique est actuelle- ment fort compliquée, et le nombre des fixateurs, en particulier, est considérable. Or, cette abondance, qui, pour l’homme de labo- ratoire, constitue une condition des plus favorables, 792 pourrait devenir un obstacle pour l'explorateur. En voyage, les manipulations compliquées sont inexécutables, et je connais trop l'impérieuse né- cessité, pour le voyageur, de simplifier toute chose le plus possible, pour songer à vous donner un apercu, même sommaire, des méthodes de fixation actuellement usitées; mon but est beaucoup plus modeste; je me suis simplement proposé de vous indiquer un très petit nombre de réactifs qui, choisis entre beaucoup d’autres, vous permettront de rapporter des matériaux histologiques dans des conditions salisfaisantes pour l'étude. Nous examinerons plus tard la préparation de ces solutions ; pour le moment, je vous énumérerai simplement les produits que vous devez emporter pour confectionner ces solutions sur le terrain même de vos explorations : 1° Alcool à 100° (placer dans le récipient, pour éviter l'hydratation, une certaine quantité de ba- ryle calcinée) ; 20 Alcool à 90°; 3° Bichlorure de mercure ; 4 Acide picrique ; 5° Acide acétique cristallisable ; 6° Bichromate de potasse pulvérisé ; 7° Chlorure de platine ; 8° Acide osmique ; 9° Formaldéhyde à 40°. Vous le voyez, le matériel qui vous est nécessaire n'est pas trop compliqué, et, comme ilne faut que de petites quantités de chacun des produits, je pense que les exigences de l'Histologie ne vous paraîtront pas exagérées; en lout cas, je me suis efforcé de simplifier le plus possible, et de vous indiquer les moyens nécessaires, strictement nécessaires, pour l’accomplissement de la tâche que vous voulez bien vous imposer. II. — Cox DES MATÉRIAUX. Une nouvelle question se pose immédiatement à l'esprit : Quels animaux, quels organes choisir ? Malheureusement, je ne puis pas vous donner une règle formelle qui vous permette de reconnai- tre, à première vue, les matériaux fructueux, et d'établir deux catégories tranchées d'objets : l’une sans intérêt pour l'histologiste, l'autre devant né- cessairement fournir des résultats. Les faits bio- logiques ne se plient pas aisément à de telles exi- gences de catalogage. Mais, à défaul d’une no- menclature ou d’un critérium formel, je puis vous donner des indications générales sur les faits qui devront décider votre choix. Tout d'abord, ai-je besoin de le dire, la beauté d'un animal (si même on peut parler de beauté dans le langage scientifique) ne devra, en aucune AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE façon, influencer vos décisions, car il ne parait pas que les muscles du plus beau des Tigres doivent présenter plus d'intérèt pour l’histologiste que ceux du plus vulgaire Chat. D'autres considérations devront déterminer votre choix dans la récolte des matériaux : ce sont les conditions spéciales de vie des animaux, leur place dans la série des êtres, leurs affinités zoologiques, la singularité (au sens étymologique du mot) et lacom- plexité des appareils anatomiques. Quelques exem- ples, d’ailleurs, suffiront à préciser ces indications. 1° Comme vous le savez, le milieu exerce une. influence indéniable sur les animaux; or, il est d'un grand intérêt pour l’histologiste d'étudier les variations qui relèvent d'une telle cause; aussi, le sang des animaux vivant aux allitudes élevées, les sinus des poissons des grands fonds, les tissus dé- pigmentés des êtres cavernicoles, elc., ont-ils une grande valeur à nos yeux. 2° Les animaux qui occupent une place isolée dans l'échelle zoologique, ceux qui sont les der- niers survivants de groupes, autrefois puissants, mais actuellement en voie de disparition, tels les Aptéryx, les Monotrèmes, les Spirules, les Nau- tiles, etc..., pourront être l’objet d’investigations fructueuses, car ils n’ont pas leurs analogues à proximité des laboratoires et, par conséquent, n’ont pas pu, pour le plus grand nombre tout au moins, être étudiés par les histologistes. 3 Il en est de même des appareils anatomiques. qui semblent être l'apanage de quelques animaux seulement, d'un seul genre ou même d'une seule espèce, ou encore des organes qui présentent une complexité exceptionnelle : yeux pinéaux de Sau- riens (/Jatteria), glandes venimeuses de Reptiles, Batraciens, Poissons et Insectes, glandes salivaires d'Edentés, glandes odorantes de Mouffette, organes photogènes, organes électriques, etc. Ces quelques exemples suffiront pour vous mon- trer combien vaste est le champ de vos recherches et quel profit les histologistes pourront tirer de l'étude des formes animales qui font défaut au voisinage des laboratoires. k Si quelques-uns d'entre vous conservaient en- core des doutes à ce sujet, il leur suffirait, pour se convaincre de l'importance qu'il convient d’atta- cher aux recherches de cette nature, de se reporter au beau travail que le professeur A. von Kælliker vient de consacrer à l'étude de la moelle allongée et des tubercules quadrijumeaux de l'Ornitho- rynque et de l'Echidné : ils se rendraient compte alors de la valeur des enseignements que l’illustre maitre de Wurzbourg a réussi à dégager del’examen M histologique de deux cerveaux de Monotrèmes!, M 1 En l'absence d'un catalogue impossible à établir, nousindi- AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE 193 _——.— III. — T£écuNiIQuE. Le lraitement des malériaux destinés aux études “histologiques exige des soins minutieux ainsi que “des manipulations longues et compliquées; ces dernières sont exposées, avec détail, dans de nom- breux Traités, parmi lesquels, celui de Bolles Lee et Henneguy, que je vous présente’, jouit d'une légitime autorilé; d'après la grosseur de ce vo- lume, vous concevez aisément qu'un nombre d'heures considérable me seraient nécessaires pour ous mettre au courant de celte technique, qui, ailleurs, ne pourrait qu'être un embarras pour vous. Le but que je poursuis-dans cette Conférence, e vous l'ai déjà dit, est tout autre et je veux, sup- imant radicalement tout ce qui n'est pas es- Sentiel, retenir uniquement les procédés qu'il est indispensable que vous sachiez meltre en œuvre sur les lieux mêmes de vos investigalions. Je supprime donc lout ce qui à trait à l'inclu- sion, à la confection et à la coloration des coupes pour ne vous parler que de la seule opération (la fixation) que vous aurez à effectuer vous-mêmes; et encore, pour celle-ci, je ne vous entretiendrai que d'un nombre minime de méthodes, choisies entre des centaines d'autres et se recommandant à votre choix tant par la simplicité d'emploi que par l'excellence des résultats. Ces réaclifs ne s'appliquent pas indistinctement à toutes les catégories de tissus, et tel mélange fixateur, qui fournira d'excellentes préparations -pour le système nerveux, ne donnera que des résul- Lats médiocres où même mauvais pour l'étude des glandes ; d'autre part, les éléments figurés du sang exigent une technique spéciale; aussi, devons-nous envisager les lraitements qui conviennent aux di- verses espèces tissulaires, et, comme il s'agit ici de queslions purement pratiques, vous m'excuse- rez d’avoir recours à une classificalion artificielle, sans base scientifique, mais qui aura au moins l'avantage de la commodité. . Nous examinerons successivement les méthodes de fixation applicables : 1° Au sang; 2 au système nerveux; autres Lissus *. ÿ° aux Œuons ici quelques-unes des pièces que le Laboratoire serait - particulièrement désireux d'obtenir : Organes venimeux de Reptiles, Batraciens, Poissons, Arachnides et Insectes. Pla- . centas d'Anthropoïdes, Lémuriens et Sélaciens. Appendices - d'Anthropoïdes. Glandes salivaires d'Edentés. Poumons de Dipneustes. Foies et Poumons multilobés. Yeux pinéaux. Cer- - veaux et moelles de Célacés, Eléphants, Marsupiaux, Ratites, gros Ophidiens, très grands Poissons osseux et cartilagi- = neux. Organes lumineux. Organes électriques. Sang des ani- . Maux non représentés en Europe, etc. —._ 4 Le conférencier met sous les yeux de ses auditeurs un - exemplaire de cet important ouvrage. ? Dans cette Conférence, je me bornerai simplement, j'in- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Pour chaque réactif, la technique varie; néan- moins, certaines règles sont applicables dans tous les cas : les lissus, destinés à être étudiés au mi- croscope, doivent être recueillis sur l’animal vivant ou immédialement après sa mort, et même, pour le sang, le prélèvement doit être effectué sur l’ani- mal vivant. Si les dimensions’ des organes ou des animaux sont trop volumineuses, il faut débiter ceux-ci en fragments de grosseur convenable au moyen d'une lame bien aiguisée, en évitant toute compression et toute malaxalion ; enfin, les pièces ainsi recueillies sont directement plongées dans le mélange fixateur, sans lavage ni autre traitement préalable. $S 1. — Sang. La récolte et la conservation des éléments figurés du sang sont relativement simples. Le matériel nécessaire est très réduit, et la préparation des lames exige un simple tour de main, qui s'acquiert rapidement. Chez l'Homme, chez les Singes, dont les doigts sont dénudés, voici une des meilleures façons de procéder * : L'extrémité (face) d’un des doigts est soigneu- sement lavée sur l'étendue d'une pièce de un frane avec du savon, puis avec de l'alcool ou un mélange, à parties égales, d'alcool à 100° et d’éther. On laisse sécher et on pratique une légère inei- sion dans la pulpe du doigt, soit au moyen d’une lancette spéciale, soit au moyen d'une pointe de bis- touri ou de tout autre instrument piquant. Dès qu'une gouttelette de sang est formée, on se hàâle de la recueillir sur une lame de verre, en amenant cette dernière au contact; immédiatement après, on étale la petite gouttelelte ainsi déposée à la surface de la lame au ou du bord rodé d'une autre lame, qu'on promène à la surface de la pre- mière. Les deux porte-objets sont orientés de telle façon qu'ils forment entre eux un angle de 45°, Pour la réussite de celte opération, il importe d'aller vite pour éviler l'évaporation du sang, et de ne pus sur la lame qu'une très minime quan- tité de sang; autrement, le bord rodé ne permet pas d' EL suffisamment les divers éléments. Dans la plupart des cas, il vous suffira d’étiqueter les lames ainsi obtenues, et de les rapporter telles quelles, soit emballées dans des boîtes à rainures, siste sur ce poiut, à indiquer quelques-unes des méthodes de fixation qui me paraissent permettre aux voyageurs de rapporter, dans des conditions satisfaisantes, des matériaux destinés aux études histologiques. J'ai dû supprimer, en raison de leur complication, les méthodes très précises (or, argent, etc.), qui sont inutilisables dans le cas présent. 1 Voyez ce qui a trait à cette question à propos de chacun des réactifs examinés ici. 2 Le sang doit toujours être récolté sur des animaux vi- vants, 17* 794 AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE soit empaquetées dans du papier avec des cales | logistes ont, jusqu'à présent, limité leurs inves- intermédiaires, afin d'éviter tout frottement.Mais, dans les pays humides, il sera prudent de chauffer les lames, au moyen d’une source de chaleur quel- conque, pendant une ou deux minutes, à 60° en- viron, Tous les animaux ne présentent pas des dispo- sitions anatomiques aussi favorables que l'Homme et le Singe; mais il vous sera facile de vous tirer d'affaire dans tous les cas. Chez les Mammifères poilus, vous devrez d'abord raser les poils, s'il n'existe pas de régions glabres; celles-ci mérite- raient alors votre préférence : le nez, les oreilles sont souvent dans ce cas. Chez les Oiseaux, vous choisirez de préférence le pli correspondant à l’arliculation huméro-cubi- tale, où existent de nombreuses veines superti- cielles. Si quelque condition spéciale (taille, par exemple) contre-indiquait un tel choix, vous pourriez toujours puiser le sang directement dans le cœur": c’est, d’ailleurs, cette voie que vous adopterez pour le plus grand nombre des Reptiles, des Batraciens et des Poissons. J'altirerai votre attention sur les résultats que pourraient fournir des matériaux ainsi récoltés : en effet, ces lames, dont la préparation est, en somme, aisée, permettent d’éludier simultanément l'histo- logie proprement dite du sang, et son histoire pa- rasitologique; or, vous n’ignorez pas quel intérêt puissant est attaché en ce moment à l'étude des hématozoaires, pour laquelle ce procédé fournit des renseignements très salisfaisants. Enfin, chez les animaux venimeux ou à sérum toxique, il conviendrait de faire des prélèvements de sang. Pour cela, il vous suffirait d’aspirer, dans une pipette? de bactériologiste, préalablement stéri- lisée, quelques centimètres cubes du sang du cœur ou d'un gros vaisseau; naturellement, cette opéra- lion devrait être effectuée sous le couvert d'une asepsie soigneuse, d'ailleurs facile à réaliser au moyen d’une tige métallique portée au rouge, et utilisée comme cautère. Le sang serait rapporté dans les pipettes, scellées à la lampe, séance tenante ?. $ 2. — Système nerveux. En l'état actuel des connaissances, FHistologie comparée du système nerveux constitue un domaine de recherches extrêmement étendu, et on peut légitimement fonder de sérieuses espérances sur les études dirigées dans cette voie. Les neuro- 1 Il va de soi que, dans ce cas, tout lavage est inutile. * Un simple tube de verre étiré aux deux extrémités, muni ou non d'un tampon d'ouate, suffirait à la rigueur. * Ce procédé est applicable également aux produits de sécrétion; voyez plus loin, ligations à un nombre peu étendu d'espèces zoologiques; aussi, peut-on croire qu'il y aurait un sérieux profit à examiner histologiquement les systèmes nerveux de la plupart des groupes qui ne sont pas représentés dans la faune européenne ; l'étude des types primitifs ou aberrants (Marsu- piaux, Monotrèmes, Dipneustes, etc.) semble devoir être particulièrement fructueuse. Pour les études névrologiques comparées, c'est le névraxe qui doit surtout attirer votre attention; il ne semble pas, en effet, que le prélèvement des nerfs soit utile, mais je me garderai bien de toule affirmation à cet égard, En tout cas, voici ce qu'il conviendra de faire dans la plupart des circonstances : S'il s’agit d'un animal de la taille d'un lapin, vous mettrez à nu le cerveau et la moelle; ensuite, au moyen d'une lame mince bien affilée, vous débite- rez l'encéphale en une série de coupes frontales de 1 centimètre d'épaisseur, et vous inciserez la moelle de centimètre en centimètre, en réser- vant, toutefois, une petite portion de tissu afin que les divers tronçons restent unis les uns aux autres. Sur les surfaces de section, vous prélèverez avec le même couteau de minimes parcelles mesurant au maximum 5 millimètres de largeur et 3 à 4 milli- mètres d'épaisseur; vous plongerez ces dernières dans dix fois leur volume d'alcool marquant au moins 98°; elles y séjourneront jusqu'au retour. Les fragments principaux seront plongés (et rapportés) dans vingt fois leur volume d'une solu- tion aqueuse de formaldéhyde à 10 °/,. Ces procédés sont applicables aux plus grands animaux; mais il est évident qu'on ne peu: songer à rapporter le névraxe entier d’un gros Cétacé, d’un grand Squale, d’un long Ophidien, etc... : dans ce cas, on se résignera à ne prélever que le cerveau, le bulbe et les renflements médullaires cervicaux et lombaires. En revanche, pour les êtres de la taille de la sou- ris, il suffira d'extraire le névraxe et de le fixer in loto, Enfin, je vous rappellerai que la fixation par la formaldéhyde est également applicable aux yeux et à la plupart des organes sensoriels; mais, pour assurer la pénétration du liquide à l'intérieur du globe oculaire, il faut pratiquer une incision équa- toriale. $ 3. — Tissus en général. J'ai déjà eu l’occasion d'insister sur la richesse de la technique histologique moderne et sur la nécessité de faire un choix parmi ses innombrables méthodes. Après mûre réflexion, je crois que vous Fouvez AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE “vous borner aux trois réactifs suivants : ce sont des agents fixateurs très suffisants, et, en outre, ils ont l'avantage de répondre à la plupart des exi- à -gences. Ces réactifs sont : 1° La solution aqueuse saturée de bichlorure de - mercure; … Je liquide de Bouin; 3° Le liquide de Lindsay. …. Mais, avant de vous indiquer la préparation et “le mode d'emploi de ces réactifs, je dois atlirer “votre attention sur toute une série de précautions “qu'il importe d'observer si l'on veut obtenir de bonnes fixations. Tout d’abord, les tissus destinés aux recherches histologiques doivent élre prélevés sur des ani- maux vivants ou qui viennent de mourir, et plon- gés sans retard dans les mélanges fixateurs. En second lieu, j'insisterai sur un point capi- tal, presque toujours négligé d’ailleurs. La plupart du temps, on entasse des fragments volumineux dans un flacon de petite dimension, et on remplit les interstices avec le mélange fixateur : au lieu d'une fixalion, c'est-à-dire d’une coagulation rapide du protoplasma, on n'obtient pas d'autre résultat, en procédant ainsi, qu'une macératior fâcheuse des “éléments tissulaires, qui deviennent, de cette facon, impropres à toute étude histologique. Pour obtenir une bonne fixation, il est indispen- sable de plonger de très petits fragments dans une “quantité considérable de réactif. Je vous indiquerai, à propos de chacun des trois réactifs précités, les dimensions maxima des fragments; mais je dois, auparavant, vous donner quelques renseignements sur le prélèvement des pièces. Lorsque le volume d'un organe ne dépasse pas le maximum correspondant à un réactif donné, il faudra simplement inciser les tissus avec un scalpel bien aiguisé, en évitant soigneusement toute com- pression, et plonger immédiatement la pièce dans le mélange fixateur. Dans le cas contraire, vous vous bornerez à rap- porter des fragments d'organes, prélevés, je ne crains pas de le répéter, avec une lame LUE affilée, “en évilant toute malaxation. Pour chacun des organes que vous jugerez bon ‘de récolter, vous devrez toujours pratiquer sinon trois, au moins deux fixations. “ Vous prélèverez, tout d'abord, des fragments relativement volumineux, qui permettront d'obtenir “des vues d'ensemble : ceux-ci seront fixés par le sublimé. Ensuite, vous détacherez avec votre “scalpel de minimes fragments, destinés aux recherches plus délicates; vous plongerez ces der- “miers dans une certaine quantité de liquide de - Bouin et de liquide de Lindsay. 1° Bichlorure de mercure. Solution aqueuse saturée de bichlorure de mercure. Ajouter, au moment de s'en servir, à 0/0 d'acide acétique glacial. Les fragments destinés à être fixés par celte solu- tion seront prélevés avec un couteau bien affilé et mesurerontau maximum 15 millimètres de largeur sur 3 à 4 d'épaisseur; ils seront plongés immédia- tement après l'ablation dans vingt fois leur volume de liquide et y séjourneront jusqu'à blanchisse- ment (ce changement se produit en un laps de temps variant de deux à six heures). Au sortir de la solution bichlorurée, les pièces seront directement transportées dans l'alcool à 70°, où on les conservera, sans aucune autre manipula- tion, jusqu'au retour. Naturellement, dans le cas d'organes ou d'ani- maux, dont les dimensions seraient inférieures aux maxima sus-indiqués, la pièce pourrait être fixée in loto, sauf le cas où une enveloppe résistante (chitine, tissu conjonctif, elc.) s'opposerait à la pé- nétration du liquide, ou la retarderait simplement; il serait alors indispensable de pratiquer une inci- sion‘, 2 Liquide de Bouin. RormaldéRyude, EME MR NE A ae Solution aqueuse saturée d’ acide picrique ‘Acide acétique cristallisable. 10 volumes, 30 N. B. — La solution s'altère au bout de quelques sémaines. Les pièces devront mesurer au maximum 10 mil- limètres de largeur sur 3 d'épaisseur. Elles seront plongées dans vingt fois leur volume de liquide et y séjourneront de six à douze heures. Au sortir du mélange de Bouin, elles seront plon- gées dans l'alcool à 70°, où on les conservera jus- qu'au retour. 3° Liquide de Lindsay. Solution aqueuse de bichromate de potasse ADD 0 au ee ee Solution aqueuse de chlorure de platine à 1/0 ds Solution aqueuse ® d'acide osmique * à 2 °/,. Acide acétique cristallisable # , , . . . . . 70 volumes. Ce mélange fournit des résultats remarquables, mais à la condition que les pièces n'aient que des dimensions extrêmement faibles : à millimètres 1 Cette précaution est particulièrement indiquée pour les yeux, dont les tuniques résistantes empêchent la pénétra- tion rapide des fixateurs. ? Toutes ces solutions doivent être faites dans l'eau distil- lée, ou, à défaut, dans de l’eau de pluie très propre. 3 L'acide oswique se veud dans des tubes en verre scellés à la lampe, par 1/2 et 1 gramme (7 francs le gramme envi- ron); ce corps dégage des vapeurs, dont l'inhalation (en rai- son des propriétés fixatrices) est dangereuse. 4 On peut remplacer l'acide acétique par une égale quan- tité d'acide formique. 796 de largeur, sur 1 ou 2 d'épaisseur au maximum. Les lissus sont plongés dans dix fois leur volume de Lindsay pendant six à douze heures; puis, ils sont lavés à l’eau courante (dans un nouet en tar- latane) pendant le même laps de temps, et enfin plongés dans l'alcool à 70°, où ils seront conservés jusqu'au retour. Je vous propose ces trois méthodes, parce que leur combinaison, ainsi que je vous l'ai déjà indi- qué, répond à la plupart des besoins (Tableau I). D'autre part, il est tout à fait illusoire de se fier aveuglément aux images fournies par une méthode unique; en effet, el c'est là une notion fondamen- tale, tous les réactifs, même les meilleurs, modi- tient, plus ou moins, la structure du protoplasma ; il est, par conséquent, indispensable de contrôler Tagceau I. — Schéma AUGUSTE PETTIT — LES MATÉRIAUX DE L'HISTOLOGIE COMPARÉE L En terminant, vous me permettrez d'insister, encore une fois, sur l'intérêt que présenteraient des matériaux récoltés dans les conditions que je viens : de vous indiquer. Le champ d'investigation de l'Histologie a tou- jours été extrèmement restreint et c'est pres- que invariablement aux mêmes animaux qu'on s'est adressé pour chercher la solulion des problèmes les plus importants de l’Analomie générale. L'étude des innombrables formes animales qui peuplent le Globe est cependant pleine d'enseignements, et les trop rares travaux d'Histologie comparée, publiés actuellement, ont mis en évidence l'impérieuse né- cessité de s'écarter de l'étroit sentier servilement suivi jusqu'à ce jour par les médecins et les natu- ralistes, pour lesquels l'hôpitaletl’abaltoirsemblent des manipulations. TISSUS FIXATION NOMBRE DE VOLUMES de liquide fixateur pour un volume de tissu. DIMENSIONS DES PIÈCES exprimées en millimètres — . Épaisseur Largeur (Recueillir sur un porte-objet une goutte de sang; étaler, Tissus nerveux et organes sen-\ SORIEIS NE Ra NT LR LUE AICODI A bSOLEE sécher, chauffer légèrement. Solution de formaldéhyde . .| celle de l'organe entier ù Solution de bichlorure . Tissus*en général . . - : . ‘Liquide de Bouin . . - | Liquide de Lindsay . 10 Rapporter les préparations de s seusoriels dans les liquides fixateurs; æ dans des boîtes en bois ou métalliques à l'abri de l'humidité ; les tissus nerveux et les organes les autres tissus dans dix fois leur volume d'alcool à 70°. les résultats obtenus avec une solution fixatrice par l'emploi d'autres mélanges de composilion et d’ac- lion différentes. Cette simple remarque suffit pour réndre indiscutable la nécessité des méthodes con- vergentes. Lors, donc, que vous vous .proposerez de rappor- ter des matériaux histologiques, pour chaque sujet d'étude, vous ferez, en premier lieu, des fixations au sublimé de pièces assez volumineuses; ces der- uières seront précieuses pour l'obtention des coupes d'ensemble ; puis, pour l'étude appro- fondie des éléments, vous prélèverez de petits et de minuscules fragments que vous plongerez dans les liquides de Bouin et de Lindsay. Et, comme il faut toujours prévoir les innombrables difficultés qui surgissent presque toujours en voyage, àlarigueur, dans les cas de nécessité, vous pourrez vous borner à l'emploi des deux réactifs dont l'emploi est le plus simple : la solution bichlorurée, et le liquide de Bouin !. 1 L'étiquetage des pièces destinées aux études histologiques peut être réalisé à peu de frais ; il suffit de plonger avec les résumer l’ensemble de la création. Les types zoolo- giques qui n'ont pas d'analogues à proximité de nos laboratoires, ceux qui représentent des formes aberrantes ou primitives, constituent des matériaux incomparablement fructueux. Vous seuls, Mes- sieurs, êtes en mesure de recueillir de tels sujets d'étude, et c'est précisément pour vous engager dans cette voie inexplorée, que mon cher et émi- nent Maître, le Professeur H. Filhol, m'a chargé de faire devant vous cette Conférence; malgré l’aridité du sujet, vous avez bien voulu m'écouter avec une attention et une bienveillance dont je vous suis sincèrement reconnaissant. Auguste Pettit, Docteur ès Sciences et en Médecine, Attaché à la Chaire d'Anatomie comparéé M du Muséum. pièces, à même le liquide, un morceau de papier fort sur lequel sont écrites au crayon Conté les indications relatives à l'organe et à l'animal. Dans le cas où des objets d'origines diverses devraient être réunis dans le même récipient, il. suffirait d'envelopper chaque lot, avec l'étiquette correspon= dante, dans un nouet de tarlatane ; ce procédé rend des ser- vices dans le cas où l'on désire rassembler, dans un ou deux bocaux, toutes les collections faites au cours d'un voyage €t traitées suivant une même méthode. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 197 REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE I. — GÉNÉRALITÉS. 1. Bibliographie. — Parmi les publicalions nou- velles, nous signalerons : Deux traités de technique physiologique : Dugois et Couvreur : Leçons de Physiologie expé- .rimentale, Paris, 1900; et W.-T. Porter: An intro- … ductory to Physislogy, Cambridge, Mass, 1901 ; La première partie du Tome V du Lictionnaire de Physiologie de Cu. Ricuer; Le volume I du grand Traité de Physique biolo- -giqie, publié sous la direction de MM. d'ARSONVAL, CHaAuUvEAU, GARIEL, MAREY et WEIss; Le volume II du grand Zexthook of Physiology, publié, sous la direclion de E.-A. SCuAFER, par une . réunion de physiologistes anglais ; Deux monographies allemandes, consacrées, l’une à la chimie des matières albuminoïdes, l’autre à l'étude des ferments : Orro Counneim : Die Chemie der Eiweisskôrper, _Braunschweiz, 1900 ; OrPPenueIner : Die Fermente und ihre Wirkun- gen, Leipzig; 1900. 350 pages; La traduction française (HÉpox) de la Physiologie générale de VERWORN, Paris, 1900, 664 pages ; Enfin : Un volume de Aicerche di Fisiologia e Scienze alfini, dédié au professeur Lucranr, Roma, 1900; et les £ssais de Philosophie et d'Histoire de la Bio- logie d'E. GLey, Paris, 1900. 2. Commission internationale de Contrôle des instruments enregistreurs et d'Unilicalion des mé- thodes en Physiologie. — Lors de la quatrième ses- sion du Congrès international de Physiologie réuni à Cambridge en août 1898, M. Marey a insisté sur la confusion qui s’est introduite par l'emploi de la -méthode graphique en Physiologie, el sur la néces- sité qui s'impose d'établir une entente parmi les physiologistes pour faire donner à leurs instru- ments enregistreurs des indications fidèles et pour rendre comparables entre elles les courbes oble- nues. « La méthode graphique, disait-il, semblait devoir constituer entre les physiologistes une sorte de langue universelle éminemment favorable aux progrès de notre science. Elle devait exprimer les phénomènes d'une manière simple et toujours uni- forme, afin d'en rendre la comparaison facile. « Or, il est arrivé que les différents auteurs ne s'étant pas concerlés pour le choix d'une échelle commune servant à évaluer les durées et les inten- sités des phénomènes, les divers tracés physiolo- giques sont difficilement comparables entre eux. « Bien plus, la construction de certains instru- ments n'étant soumise à aucun contrôle, il s'ensuit que plusieurs d’entre eux donnent des courbes défectueuses. « La Science s'encombre ainsi de travaux non seulement inutiles, mais nuisibles, car ils soulèvent des discussions stériles et mettent parfois en doute les faits acquis. « Il appartiendrait à une Commission internatio- nale d'établir une échelle commune pour l'expres- sion graphique des phénomènes physiologiques, de faire construire des types aussi parfails que pos- sible pour les instruments usuels, tels que mano- mètres, myographes, sphygmographes, ete.; enfin d'établir une sorte de Zureau de contrôle des ins- truments existants, afin d'en évaluer le plus ou moins de précision. « Pour d’autres sciences, des commissions ana- logues ont réalisé d'immenses progrès. En entrant dans la mème voie, la Physiologie se mettra au niveau des sciences les plus précises! ». La proposition de M. Marey fut adoplée à l'unani- mité le 26 août 1898, dans une séance plénière du Congrès de Cambridge. Voici le texte des résolu- lions votées : « 4. Il est créé une Commission internationale pour l'étude des moyens de rendre comparables entre eux les divers inscripteurs physiologiques et d'une facon générale d'uniformiser les méthodes employées en Physiologie. «2. Cette Commission estformée deMM.Bowdilch, Foster, von Frey, Hürthle, Kronecker, Marey, Mis- lawsky, Mosso et Weiss. « 3. Chacun des commisstuires dans le pays qu'il représente recueillera les avis de ses collègues et ceux des physiciens les plus compétents. Il se tien- dra en relations avec M. Marey. « 4. Enfin, tous les commissaires se réuniront en septembre 1900, à la Station physiologique de Paris, où seront centralisés et discutés les résultats obtenus. » La Commission ainsi constituée nomma M. Ma- rey président, M. Kronecker vice-président et M. Weiss secrétaire. L'un des vœux de la Commission était de voir créer pour ses travaux un élablissement central où l'on, pût soumettre à un contrôle rigoureux les 1 Leonaro Hire : An ace. of the pruc. of the fourth intern. physiolog. Congress held at Cambridge, Aug. 23-26, 1898, Journ. of Physiol., t. XXII, suppl., p. 6. 798 divers instruments usilés en Physiologie et déter- miner pour chacun d'eux son degré de précision et les limites dans lesquelles on peut considérer ses indications comme exactes. Le rôle d’un tel établis- sement serait tout à fait analogue à celui du Pavil- lon de Breteuil pour la Commission internationale du Métre, où à celui du PAysikalische-technisehe Reichsanstall de Charlottenburg et à d'autres créa- tions similaires faites en différents pays. L'Etat français, comprenant l'utilité d'un sem- blable bureau de contrôle pour les instruments de Physiologie, à fait les frais d'un laboratoire qui pourra se développer suivant les besoins ultérieurs. La construction des nouveaux bâtiments, à la Sta- tion physiologique, sur un terrain concédé par la Ville de Paris, fut poussée activement, de sorte ‘que la Commission put s'y installer lors de ses réunions de septembre 1900 et d'avril 4901. Déjà, quelque temps avant la première de ces réunions, une série d'appareils enregistreurs avaient élé envoyés de divers pays dans le nouveau bâtiment de la Station physiologique. La Commis- sion a été frappée de la remarquable exécution de certains appareils enregistreurs; elle a constaté le nombre et la variété des organes employés pour explorer, transmettre et inscrire divers phéno- mènes physiologiques ; et elle a pensé que de lon- gues études techniques devaient s'ajouter encore à celles qui ont élé déjà faites. Pour ce complément de recherches, elle a nommé des sous-commissions permanentes chargées de les poursuivre, soit à la Station physiologique, soit dans d’autres labora- toires. Les résultats de ces études seront soumis au Congrès international de Physiologie dans ses réunions triennales. Entre temps s'était conslituée, comme l’on sait, une Association internationale des Académies, ayant pour but « de préparer ou de promouvoir des travaux scientifiques d'intérêt général, qui seront proposés par une des Académies qui en font partie, et, d'une manière générale, de faciliter les rapports scientifiques entre les pays » (Art. 3 des statuts). Présentée par l’Académie des Sciences de Paris à l'Association des Académies, la Commission inter- ualionale de Contrôle des appareils enregistreurs et d'Unilicalion des méthodes en Physiologie y fut favorablement accueillie et placée sous le haut patronage de cette Association. Il fut décidé que les différentes Académies faisant partie de l’Asso- ciation seraient invilées à se faire représenter au sein de la Commission internationale. C'est ainsi que trois nouveaux membres ont été adjoints à la Commission : MM. Chauveau et Cornu, par l'Aca- démie des Sciences de Paris et M. Léon Fredericq par l'Académie Royale de Belgique. F e LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Les premières recherches de la Commission lui ont permis de formuler certains principes généraux dont l'admission par les physiologistes remédierait M déjà en grande partie aux désaccords constatés dans l'emploi des appareils enregistreurs. Ces principes seront soumis, sous forme de vœux, au Congrès de Physiologie qui se tiendra à Turin du 17 au 21 sep- tembre de cette année. IT. — Sac. 1. Constitution des globules rouges. — Le sang se compose, comme l’on sait, d'une partie liquide, incolore ou peu colorée, le plasma, dans laquelle nagent les éléments figurés, dont les plus impor- tants sont les globules rouges. Ces globules doi- vent leur coloration à l'hémoglobine dont ils sont imprégnés. Pourquoi cette hémoglobine ne diffuse-t-elle pas dans le plasma, dans lequel elle est extrèmement soluble? Il n’y a pas longtemps encore, les physiologistes étaient à peu près una- nimes pour donner de ce fait une explication chimique et pour admettre que l'hémoglobine est retenue dans le stroma globulaire par une affi- nité chimique spéciale. Les agents tels que l’eau distillée, l’éther, les sels biliaires etc., qui dissol- vent l’hémoglobine et la font passer en solution, étaient censés libérer cette substance en décom- posant la combinaison qu’elle forme avec le stroma.. Ce sont principalement les recherches de Ham- burger, sur l’action exercée par les solutions salines isotoniques sur les globules rouges, qui ont été le point de départ d’une conception nou- velle de la constitulion de ces éléments *. Hamburger a montré que l’action dissolvante ou altérante que les solutions salines très diluées, ou l’eau distillée, exercent sur les globules rouges, dépend bien plus des propriétés osmotiques, c'est- à-dire purement physiques de ces solutions, que de la nalure chimique des corps dissous. Si certaines solutions ratatinent les globules, si d’au- tres les font gonfler, si d’autres enfin les dissol- vent, cela dépend uniquement de la valeur de la tension osmolique de ces solutions. Le globule sanguin se comporte comme s'il était formé d'une enveloppe semi-perméable (c'est-à-dire se laissant traverser par l'eau, mais non par les sels) et d'un contenu liquide tenant l'hémoglobine en solution. Les solutions isotoniques ne changent rien à son volume; les solutions hypertoniques lui enlèvent de l'eau et le ratatinent par conséquent; les solu- tions modérément hypotoniques lui cédent au contraire de l’eau et le font gonfler jusqu'à établis- 4 Voir Revue générale des Sciences, t. IV, 1893, p. 35. 1 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 199 sement de l'équilibre osmotique avec la solution. “ Si le gonflement dépasse la limite d'extensibilité de l'enveloppe du globule, celle-ci crève ou tout au moins est altérée et la solution d'hémoglobine se répand à l'extérieur. La dissolution du globule pour chaque espèce de sang se fait, en effet, à un degré de pression osmo- lique ou de dilution moléculaire tout à fait typique et indépendant de la nature chimique du sel dissous. Un des côtés faibles de cette théorie, c'est qu'au point de vue histologique, le globule rouge ne paraît pas du tout formé par un liquide coloré, renfermé dansune vésicule à paroisemi-perméable. On peut, il est vrai, se tirer d'affaire en admettant que le liquide rouge est contenu dans une multi- tude de vacuoles, entre les mailles d’un réticulum de stroma à surface semi-perméable. Un travail récent de Meltzer ! me paraît confirmer la nouvelle théorie. Mellzer a constaté que l'agi- tation mécanique des globules, surtout si elle a lieu au contact de corps durs, anguleux, les rédui- sait en menus fragments et finalement en une - espèce de poussière ténue. Or, cette division pure- ment mécanique du globule a toujours pour effet de faire passer l'hémoglobine eu solution. On sait l'importance considérable qu'ont prise en + Physiologie les notions d'isotonie, de concentra- tion moléculaire, etc., notions basées, comme on le sait, sur les nouvelles conceptions concernant la nature des solutions. » Les nombreux travaux exécutés dans cette direction pendant ces dernières années ont été analysés récemment dans cette Revue par M. Nolf. Je puis done me dispenser d'y revenir ici et renvoyer aux deux articles très documentés : La pression osmotique en Physiologie : Première partie : Sang et Lymphe; Deuxième partie : Absorption intestinale et Sécrétions glandulaires, publiés dans la Revue”, 9, Sang des Singes anthropomorphes. — On sait - que le sérum du sang d'un animal jouit de pro- - priétés globulicides vis-à-vis des hématies appar- tenant à une autre espèce animale. . Le sérum du sang de chien, de porc, de mouton, . de cheval, de lapin, etce., dissout les globules rouges du sang de l'homme; et, réciproquement, le . sérum du sang de l'homme détruit les globules du sang de chien, de mouton, de lapin, ele. Cette propriété globulicide du sérum explique les accidents graves qui surviennent, quand on pra- - tique, chez l'homme ou chez l'animal, la trans- 1 Johns Hopkins Hospital Reports, t. IX, 135. ? Revue générale des Sciences du 30 mai 1901, p. 459 et du 15 juin, p. 535. fusion au moyen de sang appartenant à une autre espèce, d'où l'impossibilité d'utiliser le sang des animaux comme matériel de transfusion chez l'homme dans un but thérapeutique. Les globules du sang étranger sont décolorés : l'hémoglobine passe en solution dans le sang et peul être éliminée par les urines, les stromas globulaires s’agglutinent et peuvent venir obstruer les vaisseaux ou consti- tuer le point de départ de coagulations intravas- culaires. Il n'y a d'exception à cette règle que si l'on s'adresse à des espèces animales très voisines; le sang du lièvre n'exerce pas d'action nuisible sur celui du lapin et réciproquement. De même, le sang de rat n'altère pas celui de souris. On peut de même mélanger le sang ou pratiquer impuné- ment la tranfusion de l'âne au cheval, du chien au renard ou au loup, du chat au jaguar. L'examen de l’action réciproque qu'exerce le sang de deux espèces animales constitue donc un élément permettant de délerminer les affinités zoologiques des deux animaux. Hans Friedenthal * a appliqué cette méthode au sang de différentes espèces de singes sur lequel il a fait agir du sang humain. Il a constaté que le sang de l’homme atta- quait les globules sanguins d’un grand nombre de singes appartenant aux groupes des Zému- riens, des Platyrhiniens et des Catarrhiniens. Parmi ces derniers, le sang de Macacus se mon- tra dans certains cas réfractaire à l’action des- tructive du sérum sanguin emprunté à cerlaines personnes. Seul, le sang des singes anthropomorphes : Gibbon, Orang-outang, Chimpanzé, peut êlre mé- langé avec le sang humain, sans qu'il se produise la moindre altération des globules. La transfusion du sang humain au Chimpanzé put être faite sans aucune suite fâcheuse. Le sang de Chimpanzé se comporte ici comme le ferait du sang de nègre. L'examen des propriélés du sang vient donc con- firmer ce que nous savions sur l'étroite parenté zoologique de l'homme et des singes anthropo- morphes, parenté altestée par les données anato- miques et embryologiques. Les affinités sont si grandes que Selenka avait proposé de séparer les singes anthropomorphes des Catarrhiniens et d'en former un groupe de Primates comprenant éga- lement l'espèce humaine. 3. Vaccination au moyen de sang étranger. — Les propriétés globulicides dont il vient d'être question s'exercent vis-à-vis de toute espèce de sang étranger : elles n'ont rien de spécifique. Elles sont dues à la présence, dans le plasma sanguin, de 1 Arch. {. Physiol., 1900, p. 494. 800 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE substances (les alexines), qu'un chauffage à 56° suffit à détruire. Mais il est possible de provoquer artificiellement, dans le sang d'un animal À, l'apparition de pro- priétés globulicides ou destructives spécifiques, c’est-à-dire ne s'exercant que vis-à-vis du sang d'une autre espèce déterminée B, etque le chauffage à 56° ne supprimera plus. Ces propriétés dépendent de la formation, dans le séram de A, de Corps nouveaux (an{icorps), corps qu'il ne faut pasconfon- dre avec les a/exines. On arrive à ce résultat en praliquant chez l'animal de l'espèce À un certain nombre d'injections de petites quantités de sang de l'espèce B. Un exemple coneret fera mieux comprendre ce dont il s'agit. Dans les conditions ordinaires, le sérum de lapin (animal A) n’a qu'une action globulicide modérée sur le sang de la poule (animal B), action qu'un chauffage à 56° supprime d'ailleurs. Mais, si l’on injecte à l'animal A (lapin), pendant plusieurs jours de suite, quelques centimètres cubes de sang de poule (animal B), le sérum du lapin acquiert une série de propriétés nouvelles destructives vis-à-vis du sang de poule. Ce sérum attaque et dissout éner- giquement les globules du sang de poule; il les agglutine, c'est-à-dire qu'il provoque l'adhérence des stromas globulaires les uns aux autres; enfin il amène la formation d'un précipité albuminoïde dans le sérum de sang de poule, alors que, dans les conditions ordinaires, le mélange des sérums de lapin et de poule reste parfaitement liquide. Ces faits, découverts par Bordet (Ann. Instil. Pasteur, 1899), ont été confirmés par d'autres expé- rimentateurs : Ehrlich et Morgenroth, v. Dungern, Landsteiner, Nolf. Nolf” a repris ces expériences et a réussi à dé- montrer que les trois propriétés nouvelles, pré- cipitante, agglutinarte et hémolytique (globulicide), qui apparaissent dans le sérum du lapin sous l’in- fluence d'injection de sang de poule, sont provo- quées chacune par l’action d'un élément différent appartenant au sang de poule. On peut faire apparai- tre isolément la propriété précipitante dans le sérum de lapin, en lui injectant simplement du sérum de poule, les globules du sang de poule ne prenant aucune part au phénomène. De plus, dans le sérum de l'animal À, c'est la globuline (c'est-à-dire la partie des albuminoïdes précipitable par le sulfate de magnésium) qui constitue l'élément actif, dont l'injection chez l'animal B fait apparaître la pro- priélé précipilante. Le précipité que le sérum de l'animal À vacciné au sang de B fait apparaitre dans le sérum de B, est lui-même, d’ailleurs, de la globuline. Quant aux propriétés glohulicides et ? Annales de l'Institut Pasteur, 1900, p. 297. agglutinantes, elles apparaissent dans le sang du lapin après injection de globules du sang de poule, et non après injection de sérum de poule. Ici aussi on peut pousser l'analyse plus loin. En résumé, chaque substance (albuminoïde ?) empruntée au sang de B el injectée à A, provoque chez A la formation d'un corps nouveau, qui jouit d’une action spécifique altérante, s'exercant préci- sément sur la même substance du sang de B. Il y a là une série de faits rappelant la formation des antitoxines, sous l'influence des injections vac- cinantes de toxines, ou celle des antienzymes après injection d’enzymes, faits qui occupent une place si importante en Bactériologie. Dans le même ordre d'idées, Uhlenhut‘' et Schütze ont constaté que, si l'on injecte du lait de vache à un animal, son sérum acquiert la propriété de précipiter seulement les albuminoïdes du lait de vache. La précipitation se produit encore avec quelques goultes de sérum dilué au 1/100.000. Aucune autre réaclion chimique des albuminoïdes n'a une pareille sensibilité. Si, au lieu de lait de vache, oninjecle du lait de femme, on observe la même aclion spécifique s'exercant vis-à-vis de l’al- bumine du lait de femme. Leclairché et Vallée constatent que le sérum de lapin auquel on a injecté de l'urine humaine albu- mineuse acquiert la propriété spécifique de préci- piler exclusivement cette albumine, à tel point qu'il peut lui servir de réactif. Chaque substance albuminoïde injeclée au lapin développe ainsi la propriété, dans le sérum de lapin, de précipiter celte substance, à l'exclusion de toules les autres. Uhlenhut * d’une part, Wasserman et Schütze * de l'autre, ont proposé d'uliliser ces propriétés spéei- fiques pour le diagnostic des taches de sang en Médecine légale. Le sérum d’un lapin auquel on a injecté au préalable du sang humain, peut ullé- rieurement servir de réactif vis-à-vis du sang hu- main qu'il précipite à l'exclusion de tous les autres. Nous serions enfin dotés d'un moyen pratique et infaillible de reconnaitre si une lache de sang est d'origine humaine ou si c'est une vulgaire tache de sang d'animal. On sait l'importance capitale de ce problème en Médecine légale. 4. Coagulation du sang. — À la liste déjà assez longue des substances dont l'injection supprime la coagulation du sang, il faut, d'après L. Camus et P. Lequeux, ajouter l'extrait aqueux de ver de terre * qui jouit, comme l'exlrait de sangsue, de ! Deutsche med. Wochens., 1900, p. 734. ? Deuts. med. Wochens., 11 janv. 1901, p. 82. * Berlin klin. Wochens., 18 fév. 1904. ‘ C. R, Soc. Biol., 1900, p. 690. TRE re RQ É EL Gags per. De me 2 Sms ' LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE S01 propriétés anticoagulantes énergiques. Comme pour la peplone, il est nécessaire que l’on injecte extrait de ver de terre dans le torrent circulatoire “le l'animal vivant. La substance n'agit qu'in vivo. Ajoutée à du sang liré du vaisseau, elle est sans action ; l'extrait de sangsue au contraire agit in “itro comme 12 ViVO. 5. Présence de Tiode dans le sang normal. «E. Gley et P. Bourcet ‘ constatent, au moyen de Ja inéthode de Rabourdin-Nicloux, modifiée par Bourcet, la présence constante de l’iode (1/80 à 1/9 de milligramme par litre de sang) dans le plasma Sanguin. L'iode parait combiné à l'albumine ou à Ja nucléine. - Armand Gautier a pareillement constaté la pré- sence normale de petites quantités d'arsenie dans différents tissus de l’homme et des animaux : glande thyroïde, thymus, mamelles, peau, 05°. G. Quantité totale de sang. — On admet générale- “ment que le corps de l'homme et des mammifères contient une quantité de sang qui correspond envi- on au treizième du poids du corps, de sorte qu'un homme de 70 kilos aurait un peu plus de 5 kilos “de sang. Ces 5 kilos de sang contiendraient environ 100 grammes d'hémoglobine, représentant un peu lus de deux grammes de fer. Toutes ces valeurs seraient trop fortes d'après *J. Haldane et J. Lorrain Smith *. Gréhant et Quinquand avaientautrefois déterminé a quantité de sang lotale chez le chien, par la mé- thode de l’oxyde de carbone : respiration dans un mélange titré d'oxyde de carbone et d'air, et dosage de l'oxxde de carbone fixé dans le sang. Les phy- siologistes anglais ont modifié le procédé d'une façon ingénieuse pour l'appliquer à l'homme. . 14 analyses, faites sur 11 sujets différents, ont donné comme rapport entre le poids du sang et le — avec poids total, des chiffres variant de si à 16 90 1 Rae une moyenne de Tr? valeur très inférieure, comme On voit, à la valeur cl 1 13" 1. Hémocyanine. — Chez un grand nombre d'In- vertébrés, notamment les Mollusques Céphalopo- - des (poulpe, seiche) et Gastéropodes (escargot) et “les Crustacés (langouste, homard, écrevisse), la fonction respiratoire du sang paraît remplie par ACCRA TC CXXN: p. 1121. # ? À. Gaurier : L'existence normale et le rôle de l’Arsenic + les Animaux, dans la Revue générale des Sciences du 15 mars 1901, p. 207 et suiv. a * Journ. of Physiol., t. XXV, 1900, p. 331. une matière colorante bleue, cuprifère, l'hémocya- nine, dont l'histoire physiologique et chimique serait calquée sur celle de l'hémoglobine. L'hémo- cyanine incolore se combine dans l'organe respi- ratoire du Crustacé, du Mollusque, avec l'oxygène pour former une combinaison bleue, instable, l'oxy- hémocyanine. Cette combinaison, transportée dans le torrent de la circulation, s’y dissocie en hémo- cyanine réduite et en oxygène qui sert à la respi- ration des tissus. Le cuivre joue dans le sang de ces animaux le même rôle que le fer de notre sang. Ces fails avaient été mis en doute par Kruckenberg et, plus récemment, par Heim !. Heim avait nié l'existence du cuivre dans le sang des Crustacés décapodes et insisté avec raison sur les causes mulliples d'intro- duction accidentelle -du cuivre, qui avaient pu induire en erreur plusieurs chimistes. La théorie de l'hémocyanine cuprique, si intéressante au point de vue de la Physiologie générale, demandait donc une revision. C'est travail qu'a entrepris Ch. Dhéré ?. Il a constaté la présence du cuivre en quantité notable (maximum : 23,5 milligrammes de cuivre pour 100 centimètres cubes de sang chez le poulpe; minimum : 4 milligrammes pour 100 eenti- mètres cubes de sang chez l'écrevisse) dans le sang des Mollusques et des Crustacés. Il a constaté aussi que la capacité respiraloire de ce sang (mesurée par la quantité maximum d'oxygène absorbable) est supérieure à celle de l'eau et.en rapport avec sa teneur en cuivre. Phisalix ?, Guénot et Couvreur * ont constalé des faits analogues en ce qui concerne le sang de l’es- cargot. L'hémocyanine se trouve ainsi réintrégrée dans la catégorie des protéides métallifères, jouant dans la respiration des Invertébrés le même rôle que l'hémoglobine des animaux supérieurs (et de quelques Invertébrés). ce JIT. — CIRCULATION. 4. L'intersystole du cœur. — Chauveau* a repris. dans ces dernières années, l’élude du mécanisme de la pulsation cardiaque chez le cheval, en partie au moyen d'appareils nouveaux. J'ai mentionné, dans ma Revue de l’année der- nière, ses inscripteurs à transmission électrique permetlant de déterminer exactement les moments tant d’occlusion que d'ouverture des valvules 1 Etude sur le sang des Crustacés décapodes. Thèse. Pa- ris, 1892. C. R. Soc. Biol., 1900, p. 458. C. R. Soc. Biol., 1900, p. 729. C. R. Soc. Biol., 1900, p. 395. Physiol. et Path. gén., 1900, p.125. a æ 2 802 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE artérielles, ainsi que des valvules auriculo-ventri- culaires. Chauveau a utilisé également un procédé d'enre- gistrement des déplacements du plancher aortique. Un résultat très important de ces nouvelles re- cherches, c’est la distinction, dans le cycle d’une pulsation cardiaque, d’une période intersystolique, s'intercalant entre la fin de la systole auriculaire et le début de la systole ventriculaire qui lui fait suite. Chauveau a constaté, sur tous les graphiques recueillis chez le cheval, que la chute de la courbe qui marque la fin de la systole auriculaire est tou- jours séparée de l'ascension initiale de la courbe de systole ventriculaire par un intervalle très appréciable. On constate, pendant cet intervalle, une pulsalion brève pouvant se traduire à l’exté- rieur, dans le tracé du choc du cœur, par une ondu- lation positive, se marquant également à l'intérieur par un accroissement brusque de la pression intra-ventriculaire (ondulation positive du tracé de pression ventriculaire). Cette pulsation positive serait due à une contraclion active des muscles papillaires, dont l'entrée en jeu précéderait done la contraction des parois ventriculaires proprement dites. L'intersystole est caractérisée également par un soulèvement fugitif du plancher formé, à l'orifice aortique, par les valvules sigmoïdes abaissées, avec où sans oscillations concomitantes de la pres- sion intra-aortique. 2. Vaso-moteurs du cerveau. — La tunique musculaire des vaisseaux, spécialement des vais- seaux artériels, est innervée, comme.on le sait, par deux catégories de nerfs vaso-moteurs : les vaso-constricleurs, qui président au resserrement des vaisseaux ; les vaso-dilatateurs, qui provoquent leur relâchement. L'état des vaisseaux dans chaque territoire vas- culaire est, à chaque instant, la résultante du conflit local d'innervation entre les vaso-constricteurs et les vaso-dilalateurs. Un certain nombre de physiologistes admettent que les‘vaisseaux des centres nerveux font excep- tion à la règle et ne reçoivent pas de nerfs vaso- moteurs. Les dilatations ou constrictions que l'on observe si souvent sur les vaisseaux cérébraux à la suite de la section ou de l'excitation de tel ou tel nerf périphérique, seraient dues non à une intervention directe de nerfs affectés à l’innerva- tion des vaisseaux cérébraux, mais ne seraient que le retentissement passif de changements provoqués activement dans d’autres départements vasculaires. C'est ainsi que la constriction des vaisseaux céré- braux qui se montre lorsqu'on provoque la dilata- tion d’autres territoires, notamment de celui de la peau, serait un effet purement mécanique de la diminution de pression. Cohnstein ! a abordé le problème du côté anato= mique. L'examen histologique le plus minulieux des vaisseaux des centres nerveux, exécuté au moyen de méthodes variées, ne lui a permis, dans aucun cas, de conclure à la présence d'éléments nerveux. 3. Mécanismes régulateurs de la pression san- quine. — La valeur moyenne de la pression arté-m rielle présente, en général, une remarquable constance. | Les causes qui, à première vue, semblent de nature à amener une altération complète de cette valeur moyenne, telles qu'une saignée ou une {rans- fusion abondante, ne la modifient en général que d'une façon tout à fait passagère. C'est qu'il existe dans l'organisme une série de mécanismes régula- teurs qui entrent en jeu pour contrebalancer les influences perturbatrices. L'un de ces mécanismes est constitué par l'appareil nerveux modérateur du cœur. Chaque fois que la pression tend à baisser, le cœur précipite ses battements et rétablit par un supplément de travail actif l'équilibre de pression. Toute hausse de pression provoque, au contraire, une diminution de l’activité du cœur, un ralentis- sement de ses battements, d'où également retour à la pression primitive. Le centre nerveux qui inter- vient ici est situé dans la moelle allongée et exerce son action modératrice sur le cœur par des fibres nerveuses qui suivent le trajet du nerf preumogastrique. L’excitalion de ces fibres ou du centre de la moelle allongée ralentit les battements du cœur; la suppression ou la paralysie soit de ces fibres, soit du centre de la moelle allongée émancipe le cœur de cette action frénatrice, d'où une accélération des pulsations du cœur, On admettait généralement, avec Bernstein, un mécanisme assez simple pour cette autorégulation de la pression artérielle : toute augmentation de pression artérielle agit localement au niveau de la moelle allongée pour comprimer les cellules du centre modérateur, d’où excitation de ce centre, renforcement de l’action frénatrice, ralentissement « du cœur et tendance à la chute de pression. Par contre, toute diminution de pression artérielle amène une diminution de l'excitation tonique du centre modérateur de la moelle allongée, d'où, diminution de l’action frénatrice, c'est-à-dire accé- lération des pulsations cardiaques et relèvement de la pression sanguine. Les recherches récentes de E. de Cyon‘surl'hypo-. 1 Arch. 1. mixr. An.,t. LV, p. 516. # Arch. £. d. ges. Physiol., 1900, t. LXXX, p. 267. LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 803 simple, L'hypophyse du cerveau est, comme on le sait, un organe peu volumineux, faisant saillie à la “base du cerveau, dans le voisinage de l'origine elle turcique du cràne. Cet organe avait été rangé avec le thymus, les capsules surrénales, le corps thyroïde, etc., dans écatégorie hybride des glandes vasculaires. On a plaisamment de cette catégorie d'organes qu'ils mavaient qu'un seul point commun, c'était l'insuf- fisance de nos connaissances au sujet de leurs onctions. De Cyon fait jouer un rôle mécanique important à l'hypophyse dans la régulalion par oie nerveuse des altéralions de la pression san- guine artérielle. Les moindres changements de pression dans la cavité cranienne (dus en général à des changements de pression artérielle) influen- éraient directement l'hypophyse ; celle-ci réagirait ën met{ant en action l'appareil modérateur contenu ns la moelle allongée et, par son intermédiaire, agirait sur la pression sanguine en modifiant le “nombre et la force des battements du cœur. Il y durait un chainon de plus dans le mécanisme qui lecommode à chaque instant le nombre des batte- ments du cœur aux besoins de la pression artérielle. Outre ce rôle de régulation mécanique, de Cyon dttribue encore à l'hypophyse un rôle chimique “de suppléance vis-à-vis du corps thyroïde. -Schäfer et Swale Vincent’ ont constaté de leur “COlé que les extraits du Lissu de l'hypophyse con- tiennent deux substances dont l'injection intra- Veineuse modifie la pression sanguine. L'une de s substances, insoluble dans l'alcool et dans Déther, produit une hausse durable de la pression sanguine chez l'animal auquel on l’injecte; l’autre, qui se dissout dans l'alcool et l’éther, produit, au Contraire, une baisse passagère de la pression san- IV. — RESPIRATION. “1. Apnée. — On a donné le nom d'apnée à l’état dans lequel se trouve un animal vivant qui sus- nd momentanément sa respiration, par suite de bsence du besoin de respirer. il est facile à l'homme de se meltre en état apuée. Il suffit d'exécuter un certain nombre de ouvements respiraloires extrêmement profonds, e manière à exagérer la ventilation pulmonaire : ant de sauter à l’eau, les plongeurs de profession ht recours instinctivement à cette manœuvre, qui ur permet ensuite de supporter plus longtemps à l’état d'apnée, on pratiquera sur lui, au moyen d’un soufflet approprié, la respiration artificielle, en ayant soin d’exagérer les insufflations. Au bout de quelques instants, l'animal sera à l'état d'apnée, c'est-à-dire qu'il ne se remettra pas immédiatement à respirer si l'on cesse la respiration artificielle. L'apnée s'explique très bien dans la théorie de Rosenthal, en vertu de laquelle le stimulus qui, dans les conditions ordinaires, entretient l'activité des centres nerveux respiraloires de la moelle allongée, est constitué par un certain degré de vénosité (déficit d'oxygène, excès de CO°) du sang qui baigne la moelle allongée. La respiration arti- ficielle produit une surartlérialisation de ce sang : le stimulus physiologique des centres respiratoires faisant ainsi défaut, ceux-ci suspendent leur action et l'animal cesse momentanément de respirer. Cette théorie de l'apnée n’a pas été admise sans contestalion. Un certain nombre de physiologistes refusent d'admettre que l'apnée soit due aux chan- gements chimiques qui se passent dans le sang. Pour eux, la cessation des mouvements respira- toires qui suit la ventilation pulmonaire exagérée est un effet d'inhibition réflexe, ayant son point de départ dans les phénomènes mécaniques dont le poumon est le siège, lors de la respiration artifi- cielle. Hering et Breuer ont, en effet, montré que toute insufflation pulmonaire, toute distension mé- canique des alvéoles, provoquait, par voie réflexe, l'excitation des fibres d'arrêt du pneumogastrique, excitation qui coupe tout mouvement d'inspiration et place l'animal dans la position d'expiration. L'expérience suivante me parait trancher la ques- tion de l'apnée en faveur de ia théorie chimique”. Sur deux chiens, À et B, convenablement anes- thésiés et préparés de manière à ce que leur sang soit rendu incoagulable (par une injection préalable de propeplone), j'élablis la circulation céphalique croisée, c'est-à-dire qu'après avoir lié les artères vértébrales, j'élablis au moyen des carotides un échange de sang. Le bout central d'une carotide de A est relié, au moyen de eanules et d’un tube de caoutéhouc, avee le bout céphalique de la carotide de B, et réciproquement. La tête de B, y compris ses centres respiratoires, ne reçoit que du sang qui vient du tronc de A, et réciproquement. Dans ces conditions, je produis l’apnée chez B, en pratiquant la respiration artificielle chez À. L'influence ner- veuse se trouve exclue dans cette expérience, où le seul lien physiologique entre ces deux animaux esl constitué par le sang de la circulation croisée. C'est donc le sang qui vient du tronc de À dans la tête de B qui y produit l’apnée, et l'expérience résout la question en faveur de la théorie chimique. 1 Arch. de Biol., 1901. 804 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE Mais une seconde question se pose alors. La ven- tilation pulmonaire pratiquée sur le chien A enri- chit son sang en oxygène et l’appauvrit en acide carbonique. Quelle importance faut-il attribuer à chacun de ces facteurs dans la production de l'apnée? L'expérience a montré qu'il s'agit avant tout de la diminution de CO?, dont la teneur absolue, ainsi que la tension, tombent pendant l’apnée à la moitié de leur valeur, tandis que l'oxygène ne subit que des varialions insignifiantes. 2. Réiablissement de la respiration dans les cas d'asphyxie et de mort apparente. — Le procédé le plus efficace pour ramener à la vie un noyé, une personne en état de mort apparente, a été décou- vert, comme on le sait, par Laborde. Il consiste à exercer sur la langue des tractions dont le rythme imite celui des mouvements respiratoires normaux. L'excitation des nerfs sensibles de la base de la langue se transmet aux centres respiratoires et finit par réveiller ceux-ci de leur torpeur, quand celle-ci n’est pas irrévocable. Laborde a fait construire des appareils grâce auxquels son pro- cédé des traclions rythmées de la langue fonctionne automatiquement pendant plusieurs heures. Dans plusieurs cas, le rappel à la vie de noyés ou d'animaux asphyxiés dans un but expérimental a été obtenu après l'énorme durée de trois heures de mort apparente. Laborde admet que c'est là l'extrême limite et que, si, au bout de trois à quatre heures, à plus forte raison de cinq heures de trac- ions prolongées, les mouvements respiratoires ne se sont pas rélablis, la mort peut être tenue pour réelle el irrévocable. Nous avons là un signe certain et nouveau de la mort, et qui résout d'une façon positive une question importante d'hygiène ”. Puisque j'en suis à m'occuper de la distinction de la mort réelle et de la mort apparente, je deman- derai la permission de citer un travail récent de Waller qui a trait au même sujet. D'après Waller”, la matière encore vivante se distingue de la malière morte en ce qu'elle répond à une excitation électrique en produisant elle- même un courant de même sens. Ce procédé peut servir à étudier l'ordre dans lequel les fonctions vitales s’éleignent successivement dans les difré- rents organes au moment de la mort. 3. Air atmosphérique. — Tout semblait avoir élé dit sur la composition chimique de l'air atmo- sphérique, lorsque, il y a quelques années, la découverte retentissante de l’argon a été le point 1 Le signe automatique de la mort réelle. Paris, 1900, et C. R. Soc. Biol., 1900; n°21, 74,427: 2 C. R. Ac: Sc., t. CXXXI, p: 482. de départ d'une série de travaux sur notre atmo= sphère. Si l'année dernière n'a pas ajouté un élés ment à la liste des nouveaux corps simples de l'air, elle a cependant enrichi nos connaissances de plusieurs données importantes dues principalemen aux recherches d’Armand Gautier*. 2/10.000 de son volume d'hydrogène libre. Il cons tient également des traces d'hydrocarbure, notams ment de méthane. L'air des villes, celui des bois est beaucoup plus riche en hydrocarbures. Celui dt la mer contient de l'hydrogène (0 ce. 2 par litre mais pas d'hydrocarbure, . L'auteur a trouvé, dans 100 litres d'air puisé dans les rues de Paris : % H, 19 ce. 5; CH‘, 12 cc. 1; gaz très carburés® L ec. 7; oxyde de carbone, ete., 0 ce. 2. V. — NUTRITION. DIGESTION. ABSORPTION. SÉCRÉTIONS. 1. Rôle des microbes dans la nutrition. — Pasteur avait émis l’idée que les bactéries jouent un r6l8 important dans la digestion des animaux supés| rieurs, et que la vie deviendrait impossible si nous supprimions tous les microorganismes dé notre lube digestif. J'ai signalé ici, dans ma Revue de l’an passé”, les expériences de Nultal et Thierfel= der d'une part, celles de Schottelius de l'autre entreprises dans le but de soumettre l’idée de Pas teur à la crilique expérimentale. Nuttal et Thier: felder étaient parvenus à extraire aseptiquement un jeune cochon d'Inde de l'utérus maternel, età le maintenir en vie, au moyen d'aliments exemptSl de bactéries. 4 Schottelius*, expérimentant sur de jeunes pous sins au sortir de l'œuf, avait constaté, au contraires l’action nuisible, mortelle, d'une nourriture stéri | lisée. Kijanisin‘, non content d'affirmer l'influence délétère de la stérilisation de l'eau et des aliments consommés par ses sujets d'expériences, va plus loin encore, et affirme l'utilité, la nécessité même des bactéries qui se trouvent dans l'air que nous), respirons. Ces microbes, introduits dans notre corps agiraient comme stimulant de nos leucocytes eb, 4 À. Gautier, C. R. Ac. Sc.,t. CXXX, p. 167; t.1CXXM p- 13, 86 et 535. Voyez aussi : Les gaz combustibles de l'ai dans la Revue générale des Sciences du 15 septembre 1900) t. XI, p. 998 et 999. 2 Voyez la ltevue générale des Sciences du 30 juillet 1900 t. XI, p. 897. 3 Archiv 1. Hygiene, t. XXXIV, 210. 4 Arch. Biol., t. XVI, p. 663. 3 LEON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE a" inciteraient ces derniers à produire en quantité suffisante les ferments oxydants indispensables à notre vie. Ces ferments ont pour rôle de transfor- mer en anhydride carbonique et en urée les pro- duits de la désassimilation. 5 L'auteur en voit la preuve dans les alléralions que l’on oblige à ne respirer que de l'air stérilisé. Jes animaux dépérissent, victimes d'un empoison- nement chronique dû à une accumulalion de pro- “duits intermédiaires de la nutrilion (leucomaïnes), dont l'excès se constate directement dans les Cependant, l'exemple des mammifères, des oi- seaux, des poissons des régions polaires, don! l'or- ganisme, et spécialement le tube digestif, est géné- alement vierge de tout microbe, et qui respirent hn air exempt de microbes, nous montre que les Inimaux supérieurs se tirent parfaitement d'affaire Sans l’aide des infiniments petits. L'air stérile des “hautes montagnes, celui des régions arctiques passent d’ailleurs pour extrêmement sains. 2. Absorption de la graisse. — Le rôle du suc pancréatique dans la digestion de la graisse a été découvert, comme on le sait, par Claude Bernard. “Chez le lapin, le canal de Wirsung, qui déverse le Suc pancréatique dans l'intestin, débouche à ( “sur la digestion des graisses, et de conslater par “exemple que l'absorption de ces dernières ne com- mence qu'à partir du point où les matières alimen- ‘taires ont subi le contact du suc pancréalique. C'esl “seulement à parlir de ce niveau que les chylifères présentent l'injection laiteuse caractéristique de l'absorption de la graisse. Claude Bernard déter- mina la substance à laquelle le suc pancréalique doit son action digestive vis-à-vis des graisses. Il montra que ce suc contient un ferment saponifiant (nommé depuis lipase, stéapsine), qui jouit de la propriété de dédoubler les graisses en glycérine et acides gras. Ces derniers peuvent ultérieurement Se transformer en sayons alcalins au contact de l'al- cali du suc pancréalique ou de la bile. — Or,il suffit d'une petite quantité de savon alcalin “pour transformer en peu de temps une masse con- sidérable d'huile ou de graisse fusible en une “émulsion durable. Comme c'est sous forme d’émul- Sion que la graisse apparaît dans les chylifères au moment de son absorption, il semblait assez ra- tionnel d'admettre que les globulins de graisse, émulsionnée dans l'intestin par celle action des savons dus au ferment saponifiant, étaient directe- 4 absorbés à travers le revêtement épithélial M de la nutrition qui se montrent chez les animaux 805 de l'intestin. Dans cette théorie, une pelite partie seulement de la graisse était censée dédoublée par le ferment saponifiant. Cette saponification avait pour conséquence d’émulsionner le reste de la graisse, et c’est sous forme de goultelettes de graisse émulsionnée que la plus grande partie de cette substance devait être absorbée à la surface de l'intestin. La plus petite portion, transformée en glycérine et savon, élait seule absorbée sous forme réellement soluble et après transformalion chi- mique !. Pflüger s'est récemment avec énergie contre cette doctrine pour ainsi dire classique. Il a affirmé que la totalité de la graisse alimentañe absorbée l'était sous forme soluble : g/ycérine et acides gras Ou savons, et avait par conséquent subi intégralement la décomposition hydrolytique sous l'influence de l’action du ferment saponifiant. Voici les arguments mis en avant par Pflüger pour combattre l'idée de l'absorption directe de la graisse non saponifiée. D'abord, si l'on examine au microscope les cellules vivantes de l'épithélium intestinal pendant la digestion de la graisse, on constate que leur portion basilaire, celle qui est directement en contact avec le contenu intestinal, est absolument claire, transparente et ne contient pas le moindre globulin de graisse (contesté par Exner, von Basch, etc.). La graisse n'apparait sous forme de globulins que plus loin, dans les portions plus profondément situées de la cellule. L'aspect des cellules correspond tout à fait à l'idée que la graisse traverse le plateau canaliculé de la cellule sous forme dissoute, invisible, pour se précipiter plus loin sous forme insoluble et apparente. Quantà l'utilité de l’émulsion de la graisse, Pflüger la voit dans ce fait que le ferment saponifiant, étant dissous dans l’eau, doit agir difficilement sur les graisses qu'il ne mouille pas. L'émulsion provoquée par l’action du sue pancréatique et de la bile à pour effet d'augmenter la surface d'attaque de la graisse et de permettre un contact plus élendu avec le ferment saponifiant. Les acides gras peu solubles mis en liberté par le ferment saponifiant décomposent les carbonates du suc pancréatique et du suc intestinal, mais sur- tout décomposentles glycocholates et taurocholates de la bile, pour former des savons, corps solubles dans l’eau et directement absorbables. D'ailleurs l'acide taurocholique, résultant de la décomposition des taurocholates par les acides gras, contribue à dissoudre ces derniers, comme le savait déjà Strecker (1848). Ce dernier fait a été confirmé par Marcet et récemment par Moore et Brockwood. élevé 4 Arch. f. d..g. Physiol.,t-"LXXX, p. 114, 4900,,Zbid,, t. LXXXI, p. 311, 1900 ; t. LXXXII, p. 403, 381,1900;t. LXXXV, p. 1, 1901. 806 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE n Si l'on objecte que la saponification ou la solubi- lisation de toute la graisse de l'alimentation re- présente un énorme travail chimique, on peut ré- pondre que Ja possibilité de l'exécution d’un tel travail de saponificalion a été établie par les expé- riences d'Otto Frank’, de I. Munk, etc. Frank fait ingérer à un chien une grande quantité d’éthers éthyliques des acides gras et retrouve dans le chyle une émulsion laiteuse de graisse ordinaire, c’est-à- dire d'éthers glycériques, sans traces d’éthers éthy- liques. Ici, les éthers éthyliques ont évidemment été sa- ponifiés en entier et la glycérine a pris la place de l'alcool éthylique. De même, le palmitate de cétyle (blanc de baleine) est transformé en palmitate de glycérile — après saponification complète — lors de son absorption par les chylifères. On sait depuis longtemps” que l'ingestion de savons alcalins ou d'acides gras fait apparaître de la graisse neutre dans les chylifères et a la même valeur nutritive que la graisse elle-même. Iei aussi, les savons alcalins, les acides gras ont dû être absorbés sous forme soluble et ce n'est qu'arrivés dans le protoplasme de l’épithélium intestinal qu'ils ont régénéré de la graisse neutre en se combinant à la glycérine. Il est établi que cette synthèse de la graisse au moyen de glycérine et d'acides gras peut être réalisée in vitro par le revêtement épithélial de l'intestin enlevé à un animal vivant”. Enfin, la théorie de Pflüger a l'avantage de com- prendre dans une même formule la digestion des trois grandes catégories d'aliments; les féculents, lès graisses et les albuminoïdes. Dans les trois cas, la digestion serait une fermentalion qui hydrate- rait les matières alimentaires insolubles et les transformerait en produits solubles. Naturellement, les objeclions n’ont pas manqué de se produire. Presque en même temps que Pflüger, L. Hofbauer”* cherchait à résoudre la ques- tion de l'absorption directe de la graisse en nour- rissant des chiens avec de la graisse colorée au moyen de matières colorantes insolubles dansl'eau : rouge d'alcanna, rouge laque À, etc. Si la graisse est saponifiée avant d'être absorbée, disait Hof- bauer, la matière colorante, le rouge d'alcanna, insoluble dans l’eau, sera précipitée au sein du contenu intestinal et ne passera pas dans les villo- sités intestinales. Celles-ci ne contiendront que de la graisse incolore. Au contraire, si la graisse émulsionnée et colorée 1 Zeit. {. Biol., t, XXXVI, p. 568. * Radziejewsky et Kühne, 1868, Perewoznikoff, 1876, Will, 1876, Munk, 1879, etc. # C.-A. Ewald, 1883, H.-J. Hamburger, 1900. * Arch. f. d.g. Physiol., t. LXXXI, p. 263, 1900. 5 Jbid., t.LXXXIV, p. 619, 1891. | J. Munk pour établir la possibilité de l'absorption de par l'alcanna est absorbable en nature, sans sapo nification préalable, alors on doit rencontrer, dans les villosités intestinales et dans les chylifères, des globulins de graisse colorée. Or, en sacrifiant l'animal, on constatait la présence dans le chyle de graisse fortement colorée. Hof bauer en concluait la possibilité de l'absorption directe de la graisse simplement émulsionnée, sans saponificalion préalable. Pflüger a mis en doute l'exactitude des prémisses posées par Hofbauer. Il a montré que, si le rouge” d'alcanna est insoluble dans l’eau, celte matière colorante se dissout au contraire plus ou moins bien dans les solutions analogues à celles qui cons- tituent la bouillie intestinale et qui contiennent de“ la glycérine, des acides gras, des savons et des acides biliaires, etc., et que la matière colorante avait donc pu pénétrer à l’état dissous, tout comme la graisse, à travers le revêtement épithélial de l'in- testin. V. Henriques et C. Hausen! ont constaté, comme Pflüger, la solubilité du rouge d'alcanna et d’autres malières colorantes analogues dans les solutions de savons alcalins et l'impossibilité de trancher la question de l'absorption directe des graisses par le procédé de Hofbauer. Ils ont repris l'expérience en incorporant à la graisse alimentaire de la paraffine fusible, subs- tance lout à fait insoluble dans l’eau. Ils avaient constaté que le mélange à parties égales de graisse de porc et de paraffine donne une émulsion typique - au contact des solutions de carbonate de soude, à condition que l’on ajoute une petite quantité d'acide” gras. Dans ce cas, chaque globulin de l'émulsion est” formé de parties égales de paraffine et de graisse. Si les globulins sont absorbés comme tels sans sa- ponification préalable, on devra retrouver la paraf- fiue dans le chyle, tandis qu'il y aura un déficit de … paraffine dans les excréments, Or, les auteurs constatent au contraire l'absorption presque com- plète de la graisse seule el l'élimination complète de la paraffine par les excréments, Il y a donc eu ici, par le fait de l'absorption, une séparation de la paraffine et de la graisse, ce qui n'aurait pas eu lieu si les gouttelettes avaient pénétré comme telles à travers le plateau canaliculé des cellules épithéliales M de l'intestin. Cetle question de l'absorption de la graisse a donné lieu à un débat assez acerbe entre Pflüger d'une part et J. Munk de l’autre ?. Un des principaux arguments mis en avant par l la graisse sans saponification préalable, était tiré ! Centralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 313, 1900. ? Centralbl, f, Physiol. h LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 807 du fait que les animaux privés de pancréas | présente des valeurs en apparence paradoxales, ne “peuvent encore absorber des quantités considéra- _bles de graisse, quand cette dernière leur est offerte “sous forme d'émulsion (lait). On peut répondre avec Pflüger que l'exemple des animaux dépan- éréalisés ne prouve rien, puisqu'on sait que la “oraisse peut être saponifiée en quantité notable ans l'intervention du suc pancréatique, notamment “dans l'estomac. « Hédon n'a-t-il pas constaté la présence de sa- 3. Graisse et féculents. — On donne le nom de quotient respiratoire au rapport entre le volume de CO° exhalé par la respiration et le volume de CO En Voxygène consommé : ce rapport TE est générale- > ment inférieur à l'unité, c'est-à-dire que tout , ane consommé par l'organisme ne reparait pas sous forme de C0 dans l'air expiré. Une partie de cet oxygène est employée à réaliser d'autres oxydations que celle du carbone, à pro- duire de l’eau par exemple. La valeur du quotient respiratoire varie néces- Sairement suivant la nature du combustible brûlé dans notre corps. Avec une alimentation exclusive- ent composée de féculents, le quotient respira- 3 “toire — PE 0? lunité. En effet, les substances hydrocarbonées (fécule nC°H"0*, glycose C'H°0", etc.) contiennent par elles-mêmes assez d'oxygène pour transformer tout leur hydrogène en H°0. Il suffit de leur four- nir l'oxygène nécessaire à la combustion du C en CO°. De même, quand on brûle de la fécule à l'air, le volume de l'oxygène consommé 0° est exacte- ment égal au volume de CO° produit. Le quotient 2 TX devient = 1, ou lend à se rapprocher de de combustion — égal à 1. Les graisses (stéarine GH'"05, palmitineC5H%05, oléine CTH"*05, etc.) contiennent peu d'oxygène et beaucoup d'hydrogène; aussi leur quolient de combustion (ou de respiration) est-il notablement inférieur à l'unité (Q. R. — 0,70). + Dansla combustion de l'albumine, le quolientres- iratoire est également notablement inférieur à ‘unité. La valeur du quotient respiratoire varie en géné- ral avec la nature de l'alimentation et nous montre “que les phénomènes d'oxydation qui se déroulent dans notre corps atteignent principalement le com- bustible alimentaire introduit en dernier lieu par le tube digestif. Mais, dans certains eas, le quotient respiratoire comme on pourrait l'appeler, est cadrant pas avec le quotient de combustion des aliments. Ces anomalies trouvent leur explication si l’on réfléchit que, dans certaines circonstances, par exemple dans les phénomènes de croissance ou de simple engraissement du sujet, une partie des aliments n’est pas destinée à -être brûlée et peut subir des transformations chimiques autres que la simple combustion, Hanriot a étudié, il y a quelques années (1893), un cas de ce genre. Il a constaté que le quotient respiratoire pouvait dépasser l'unilé chez l'homme sain à la suile d’ingestion d'une quantité notable d’hydrocarbonés (glycose). Le glycose n'est pas brûlé, mais se dédouble en fournissant d’une part CO?, et d'autre part de la graisse qui se dépose dans les Lissus. Un exemple d’une transformation inverse, celle de la graisse de l'organisme en glycogène, a été étudié récemment par Bouchard et Desgrez!. Pour se transformer en glycogène, la graisse doit absorber des quantités notables d'oxygène, qui ne reparaitront pas sous forme de CO? dans l'air de l'expiration. Le quotient respiratoire acquerra une valeur extrêmement basse; de plus, l'organisme pourra momentanément augmenter de poids par suite de cette fixation d'oxygène dans les tissus. Cette augmentation temporaire de poids a été notée par ces expérimentateurs dans (toute une série d'expériences faites tant chez l'homme que chez l'animal. On sait que, dans les conditions ordinaires, si l'on place un animal vivant sur un plateau de balance, on constate une diminution continue de poids provenant de la combustion organique. Si le sujet a été soumis à une abstinence plus ou moins complète pendant plusieurs jours, et si on lui donne alors un repas très riche en graisse, l'assi- milalion de cette graisse pourra s'accompagner d'une augmentation temporaire de poids, due à la formation de glycogène aux dépens de la graisse, avec fixation d'oxygène atmosphérique. Ce glycogène se dépose exclusivement dans les muscles, d’après les expériences de Bouchard et Desgrez. Le foie n'aurait aucune part au phénomène, 4. Digestion. — Je n'analyserai pas ici les tra- vaux récents de Pawlow et de ses élèves sur les sucs digestifs. Ces travaux ont été passés en revue par M. Arthus dans la Revue du 15 juillet 1899. La Revue est revenue sur le même sujet dans le numéro du 30 janvier 1900, p. 60. 1 Arch. Physiol. et Path., 1900, p. 237. 808 LÉON FREDERICQ -— REVUE 5. Sueur.— Ardin-Delteil! a constaté que la sueur humaine constitue un liquide dont la concentration moléculaire est toujours notamment inférieure à celle de la lymphe ou du plasma sanguin. Le moyen le plus convenable pour apprécier le degré de con- centration moléculaire consisté, comme l'on sait, à délerminer la température à laquelle le liquide se congèle : l'abaissement du point de congélation est proportionnel au nombre de molécules dissoutes (les ions dissociés comptant chacun comme une molécule entière, et agissant d'ailleurs comme tels dans les phénomènes osmotiques). Le point de con- gélation moyen de la sueur est de — 0°,237 (sang — 0°,45). Maximum — 0°,46, minimum —0°,08. Le même expérimentateur * a cherché, en colla- boralion avec Mairel, à résoudre la queslion con- troversée de la toxicité de la sueur. La sueur humaine, recueillie asepliquement sur des indi- vidus dont la peau a été préalablement bien net- toyée, peut être injectée dans les veines du lapin en quantité considérable (116 à 361 centimètres cubes par lapin), sans produire d'accidents graves. La sueur peut cependant tuer le lapin si elle est fort diluée : elle Lue alors par osmonocivilé. 6. Variations diurnes de la quantité de graisse. — On connaît la remarquable périodicité diurne que montrent la plupart des fonctions physiolo- giques. La valeur des échanges respiratoires, le taux de la température interne, le nombre des pulsations et des respiralions, etc., présentent un minimum nocturne et un maximum diurne, et parcourent pendant les vingt-quatre heures un cycle de phases tout à fait typiques. M. J. Gaule? a signalé un fait tout à fait surprenant qui se rapporte au même ordre d'idées. Les grenouilles présentent, en avant des organes génitaux, des amas de graisse à sur- face élégamment festonnée. Ces corps adipeux seraient, d'après Gaule, sujets à d'énormes varia- tions diurnes de leur volume. Ils disparaîtraient presque complètement la nuit pour se reformer le jour suivant. L'apparition et la disparition des corps adipeux se poursuivraient ainsi journellement chez la grenouille, même pendant la période de torpeur hivernale. La lumière parait êlre le fac- teur prépondérant qui provoque l'apparition de la graisse dans le corps adipeux, tandis que le séjour dans l'obscurité la fait disparaître. Fait extrème- ment curieux, ce n’est pas par l'intermédiaire de l'œil que la lumière agit, car le changement de volume du corps adipeux se produit encore après extirpation des yeux ou section des nerfs optiques. 1 C, R., CXXXIT, p. 844, 1900. ? C. R. Soc. Biol. 1900. * Contralbl. f. Physiol., t. XIV, p. 25: ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE C'est donc probablement par l'intermédiaire de la peau que la lumière provoque l’émigration journa= lière de la graisse du corps adipeux. 5 Il VI. — SYSTÈME NERVEUX. 1. Théorie du neurone. — On considérait au trefois le tissu nerveux comme constitué par deux espèces d'éléments anatomiques : les cel= lules et les fibres nerveuses. Dans la compa- raison classique, qui assimile le système nerveux d'un animal supérieur au réseau tlélégraphiques d'un grand pays, les cellules nerveuses représen- taient les différents bureaux télégraphiques et les nerfs étaient les fils électriques reliant les diffé- rents bureaux ou cellules entre elles ou avec las périphérie du corps. Comme on Je sait, cette con= ception du système nerveux est généralement abandonnée aujourd'hui. On n'oppose plus les fibres ou fibrilles nerveuses aux cellules nerveuses : on sait que les fibres et fibrilles nerveuses consti- tuent les prolongements naturels des cellules ner- veuses. Fibres ou fibrilles nerveuses et corps cellulaire ne sont que les parties de l'élément unique du système nerveux que Waldeyer a baptisé du nom: de neurone. Le neurone dérive d’une cellule embryonnaire: transformée, de manière à présenter des prolonge ments plus ou moins longs, plus ou moins ramifiéss et arborisés (contesté par Apathy). C'est par leurs» prolongements juxtaposés, articulés les uns avec les autres, que les différents neurones communi- quent les uns avec les autres et que l'influx ner veux passe d'un neurone à l'autre. Si nous vou=" lons reprendre la comparaison énoncée tanlôt, nous» dirons que l'unité nerveuse c'est le bureau télé" graphique (la cellule) avec un certain nombre de bouts de fils télégraphiques (prolongements, fibres nerveuses) attachés par une extrémilé au bureau, e se terminant librement par l'autre. Ces extrémités" libres se rattacheront par juxtaposition ou autre= ment aux bouts libres des fils télégraphique émanant des bureaux voisins. Malgré les attaques dont la théorie du neurone & été l'objet dans ces dernières années, on peut dire que la conception du neurone comme individualité formée d'un corps cellulaire et de prolongement est sortie triomphante du débat. Quelle importance faut-il attacher au corps cellu= laire dans le fonctionnement du système nerveux? Faut-il le dépouiller de sa dignilé de bureau télé= graphique central et faire, au contraire, jouer le rôle iniportant, dans les actes nerveux centraux, aux articulations plus ou moins arborisées par lesquelles: les neurones communiquent entre eux? Dans cell LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE 809 "| —— ———_ —— —"—"— —"—"—"—"—"’— " ”—/7— —"—"— —— 4 “théorie, le corps cellulaire ne jouerait qu'un rôle econdaire, trophique, il n'interviendrait pas dans “les actes nerveux proprement dits. Les fibrilles erveuses des différents prolongements d'un même autres et l'influx nerveux pourrait passer de l’un à l'autre, sans que le corps de la cellule y prenne une part active. Bethe a cherché à étayer ces vues théoriques par des expériences directes *, exécutées sur le système nerveux relativement simple des Crustacés. Chez le Carcinus, l'Astacus, etc., les cellules nerveuses motrices de la chaine gavglionnaire ventrale (ana- Jogue, au point de vue de la production des mou- vements réflexes, à la moelle épinière des Vertébrés) ont leur corps cellulaire en dehors du ganglion, dans lequel ne plongent que leurs prolongements avec ses ramificalions dendritiques. La structure de ces cellules rappelle celle des cellules des gan- glions spinaux des Verlébrés, c'est-à-dire que ces cellules sont en apparence unipoiaires, leur prolon- gement unique se ramifiant à une petite dislance du corps cellulaire par une division en T en deux prolongements : l'un constituant la fibre nerveuse motrice périphérique, l'autre le prolongement formant le tronc des dendrites. Bethe réussit, dans plusieurs expériences, à enlever tous les’ corps cellulaires moteurs d'un ganglion, tout en laissant intacts les prolongements en T. La suppression des corps cellulaires n'em- pêcha pas les mouvements réflexes de se produire encore pendant un certain temps. La condition sine qua non de la production du réflexe, c’est donc, dit Bethe, la continuité entre la fibre nerveuse “et les prolongements dendritiques, et nullement la conservation de l'intégrité de la cellule nerveuse. Le corps cellulaire proprement dit ne serait donc pas intercalé, pour Bethe, dans le trajet parcouru par l’influx nerveux. - L'expérience de Bethe a déjà donné lieu à de vives controverses : on a fait observer notamment que Bethe n'avait enlevé que le noyau et une partie du protoplasme cellulaire, et que son expérience prouvait seulement que les fonctions des cel- -lules nerveuses pouvaient encore s'exécuter en l'absence du noyau et d’une partie du protoplasme. Cela n'a rien d'étonnant, fait observer Verworn, si l'on considère ce qui se passe dans d’autres cellules - dont le protoplasme peut également continuer à fonctionner après l'enlèvement du noyau. La question de l'amiboïsme et de la plasticité . des prolongements des cellules nerveuses est tou- jours à l'ordre du jour. Elle a donné lieu, dans ces … derniers temps, à une série de publications inté- 4 Biol. Centralbl.,t. XVIL, p. 843. ressantes, sorties de l'Institut Solvay de Bruxelles et dont une partie a déjà été analysée ici (recher- ches de Héger, Demoor, Stefanowska, etc.). Je n'ai pas non plus à revenir sur les théories de Rabl-Rückhard, Lépine, Mathias Duval, etc., qui avaient la prétention de donner une explication rationnelle des phénomènes de sommeil, d'anes- thésie, d'inhibition, de mémoire, d'éducation, etc., en partant de la notion de l'amiboïsme des neu- rones cérébraux. Ces théories sont, jusqu à présent, restées au stade purement hypothélique. 2. Cocainisation de la moelle épmière. — La cocaïne jouit, comme on le sail, de la propriélé de paralyser les éléments nerveux avec lesquels on la met en contact. Getle propriété est utilisée de- puis plusieurs années par les oculistes pour obtenir l'anesthésie locale de la cornée, par les chirurgiens pour obtenir celle de la peau, ete. Les physiolo- gisles y ont eu souvent recours : ainsi, Aducco avait cherché à résoudre la question controversée de la localisation des centres respiratoires dans la moelle allongée, en badigeonnant la surface du bulbe au moyen d'une solulion de cocaine : la cocaïne, pénétrant peu à peu dans la profondeur, provoquait un ralentissement, puis un arrêt com- plet des mouvements respiratoires. Les résultals de l'expérience sont ici d'accord avec la théorie classique, qui place dans le bulbe le primum n0- vens des mouvements respiratoires. En 1899, Sicard a obtenu l’anesthésie de l’arrière-train chez le chien par une injection de cocaïne dans le canal verté- bral. La méthode a élé reprise par les chirurgiens Bier, Tuffier, etc., et a déjà été appliquée chez l'homme un grand nombre de fois. La solution de chlorhydrale de cocaïne (stérilisée par un chauffage à ++ 60°) est injectée, au moyen d'une seringue à canule piquante, dans le liquide cérébro-spinal qui entoure la queue de cheval. dans la région lombaire. On enfonce la pointe de la canule au niveau d’une ligne qui joint les épines iliaques supérieures, de manière à pénétrer entre la 4%et la 5° vertèbre lombaire, à travers la peau, les muscles, les ligaments et la dure-mère jusque dans le liquide cérébro-spinal. Il se produit presque immédiatement une anes- thésie complète des membres inférieurs, du bassin et d'une partie des organes abdominaux, sans que le fonctionnement de l'encéphale ni de là partie supérieure de la moelle soit compromis, et avec conservation (au moins parlielle) de la motilité, même dans la région anesthésiée. Tuffier, et Hal- lion! ont montré que la cocaïne porte son action pour ainsi dire exclusivement sur les racines RARE 1 (AT nn ARE AE AE TER EU EUR 1 C, R. Soc. Biol, t. 1900, p. 1855, 810 LÉON FREDERICQ — REVUE ANNUELLE DE PHYSIOLOGIE rachidiennes. Les racines sensibles sont beaucoup plus fortement atteintes que les racines motrices. On sait que ce procédé de cocaïnisalion a été employé avec succès comme anesthésique dans un grand nombre de cas d'opérations chirurgicales, de névralgies rebelles, d’accouchements difficiles ou même physiologiques, ete. . Les médecins discutent les avantages et les inconvénients de cette nouvelle méthode, compa- rativement à l’anesthésie chloroformique. 3. Organes des sens des chauves-souris. — R. Rollinat et E. Trouessart ! ont repris les an- ciennes expériences de Spallanzani sur la faculté que présentent les chauves-souris de se mouvoir avec rapidité dans l'obscurité la plus complète, tout en évitant les obstacles variés placés sur leur route dans un but d'expérience. La faculté qui avertit la chauve-souris de l’ap- proche d’un obstacle n’est pas localisée dans tel ou tel organe des sens ; elle résulle du concours des sensalions fournies par plusieurs de ces organes, surtout par ceux de l’ouïe et du toucher (mem- brane alaire, expansions nasales, pavillon de l'oreille). 4. Canaux semi-circulaires. — De Cyon?s'occupe depuis de longues années des fonctions des canaux semi-circulaires. Ses recherches l'ont conduit à considérer ces canaux comme les organes péri- phériques du sens de l’espace : « Ils servent chez les animaux à l'orientation dans l’espace, et chez l'homme, en outre, à la formation de la notion d'un espace à trois dimensions sur lequel nous transportons nos impressions visuelles et tactiles et autres* ». Les trois paires de canaux semi-circulaires, dit de Cyon, situés dans les trois plans de l’espace, nous permettent de nous orienter dans les trois direc- tions : donc, les animaux qui ne possèdent que deux paires de canaux semi-circulaires ne devraient se mouvoir que dans deux directions de l’espace; ceux à une paire, que dans une seule direction. Les expériences faites sur les lamproies, qui se trouvent dans le premier de ces cas, avaient pleine- ment confirmé cette prévision. 1 C. R, Soc. Biol., 1900, p. 604. Arch. {. d, g. Physiol., t. LXXIX, p. 211, 1900. Livre jubil. Soc. Biol., p. 54%, M. Rawitz' a découvert que les souris japonaises, de la variété dite dansante, ne possèdent qu'une seule paire de canaux semi-circulaires en parfai état de fonctionnement, celle des verticaux supé= Les deux autres paires ne se trouvent qu’ l'état rudimentaire. Ces souris sont douées d'un mobilité extrême. Elles sont constamment en mou! vement, avancent en zigzag et exécutent avec grâce une danse tournante qui rappelle la valse. De Cyon a étudié le mécanisme du mouvement de ces animaux ne possédant qu'une seule paire de canaux semi-circulaires, et a trouvé que les résul= tats de cette étude cadraient parfaitement avec sa théorie. Il les formule de la facon suivante : dl « # Les souris japonaises ne sont aptes à se mou= voir que dans uue seule direction, à droite ou & gauche; quand elles persistent dans un de ces mouvements, elles tournent en cercle (mouvement de manège). Il leur est impossible de marcher droit (en avant ou en arrière) ou de se mouvoir dans le sens vertical. Ces souris ne connaissent qu'un es- pace à une dimension. « 29 La danse à laquelle elle s’adonnent avec pas= sion et constamment, en dehors de leurs repas et de leur sommeil, n'est pas un mouvement forcé: Les souris peuvent l’interrompre et le reprendre à volonté. Cette danse est une valse à plusieurs figures, dont plusieurs s'exécutent avec une rapis dité vertigineuse. 3° L'aveuglement subit des souris japonaises provoque chez elles, immédiatement et avec une rare violence, tous les phénomènes de Flourens, qui suivent la destruction simullanée des six canaux semi-circulaires. « 4° La rapidité extrême avec laquelle les souris exécutent pendant des heures des mouvements de rotation sur place autour d’un axe vertical (plus de trois mouvements à la seconde) ne provoque chez elles aucun vertige: et cela en conformité avec ma théorie que le vertige visuel est dû à un désaccord entre l’espace idéal (subjectif) provenant du laby= rinthe, et l’espace visuel (objectif). Les sourds= muets, auxquels manquent les canaux semi-circu= laires, ne connaissent pas non plus le vertige. visuel ». r'ieurs. Léon Fredericq, Professeur de Physiologie à l'Université de Liège. 1 Arch. f, Physiol., 1899. 1° Sciences mathématiques Laussedat (Colonel A.), Iembre de l'Institut, Direc- teur honoraire du Conservatoire des Arts et Métiers. — Recherches sur les instruments, les méthodes “et le dessin topographiques. Tome 11, Première partie : Iconométrie et Métrophotographie.— 1 vol. in-8° de 198 pages, avec 51 figures et 15 planches. (Prix: 10 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. Après avoir indiqué les origines de l’/conométrie, l'ancien Directeur du Conservatoire des Arts et Métiers passe en revue les premières tentatives faites pour utiliser la photographie dans les reconnaissances topo- graphiques et géologiques. Ces essais remontent à 1843. Effectivement, durant le siège de Sébastopol, des pho- tographes français et anglais cherchèrent à prendre des vues des travaux de défense des Russes. Deux ans plus tard, le colonel Langlois se rendit sur les lieux pour “composer un panorama militaire, puis, après une visite aux positions occupées par les armées, il leva des plans à l’aide d'appareils photographiques. En 1858, un ancien officier du génie, Aimé Civiale, appliqua l'invention de Daguerre à l'étude de la constitution physique et géolo- #ique des Pyrénées et des Alpes. A la même époque, Nadar photographia, du haut de la nacelle du ballon captif de Godard, l'Arc-de-Triomphe, à Paris. C'étaient là d'intéressants débuts, mais il fallait dé- montrer les propriétés et les avantages des images sur tableau plan, faire appel aux principes généraux de la perspective pour tirer des procédés métrophotographi- “ques tout ce qu'ils semblent susceptibles de donner. L'auteur de cet ouvrage y contribua plus que quicon- que. Il substitua d'abord, pour les opérations faites à terre, aux dessins à vue toujours plus ou moins incor- rects, des images rigoureusement géométriques, tracées ‘au moyen de la chambre claire sur ua tableau plan vertical et dans une position parfaitement déterminée par rapport au point de vue. Enfin, en 1859, il réalisa la première chambre noire topographique, qui lui permit d'obtenir des vues photographiées représentant des perspectives géométriques du terrain ayant le centre de l'objectif pour point de vue. Dès lors, la métropho- tographie entra dans le domaine de la pratique. L'usage suggéra de multiples modifications aux plotothéodo- lites imaginés pour répondre aux desiderata formulés, et les instruments primitifs sont devenus aujourd'hui d'une grande simplicité et d'une précision remarquable. Le colonel Laussedat décrit dans les dernières pages de ce fascicule (dont l'intérêt fait vivement désirer la suite) les dispositions générales adoptées par les constructeurs et les circonstances dans lesquelles on peut avoir à opérer. Jacques Boyer. Engel (Friedrich). — Sophus Lie. — 1 broch. in-8° de A pages. Teubner, éditeur. Leipzig, 41901. - Nos lecteurs mathématiciens liront avec plaisir cette plaquette consacrée à l’un des plus grands mathémati- ciens du siècle qui vient de s'achever, l'illustre analyste Sophus Lie. Ils y trouveront, en même temps qu'une ‘courte biographie, la bibliographie complète de ses importants travaux. Rollet (P.), Professeur à l'Ecole nationale d'Arts et … Métiers d'Aix, et Foubert(E.), Professeur à l'Ecole . primaire supérieure de Lille. — Cours d’Algèbre, poùr les Ecoles primaires supérieures et profession- nelles, et pour la préparation aux Arts et Métiers. — 4 vol. in-12 de 400 pages. (Prix, cartonné : 3 fr.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ANALYSES 811 BIBLIOGRAPHIE ET INDEX 2° Sciences physiques Larmor (Joseph), Membre de la Société Royale de Londres, Fellow du Collège Saint-John à Cambrigde. Aëther and Matter. À development of the Dy- namical Relations of the Aether to Material Sys- tems on the basis of the Atomic constitution of Matter.— 1 vol. in-8 de 365 pages. (Prix: 12 fr.50.) University Press. Cambridge, 1901. Le titre complet de l'ouvrage de M. Larmor est le suivant : « Ether et Matière, développement des -rela- tions dynamiques de l'éther et des systèmes matériels, fondé sur la constitution atomique de la matière, contenant une discussion de l'influence du mouvement de la Terre sur les phénomènes optiques. » Pendant longtemps, c'est seulement à propos de questions d'Optique pure que les physiciens étaient conduits à examiner les relations entre l'éther et la matière ordinaire. En particulier, l'étude de ces rela- tions s'est imposée quand on a cherché à expliquer l'aberration de la lumière et les résultats des recher- ches expérimentales sur des sujets connexes. Une par- tie importante de l'ouvrage de M. Larmor, comme l'in- dique le titre lui-même, se rapporte à ce sujet. Mais les idées actuelles sur l'électricité et la lumière ont permis de rattacher à l'étude des relations de l'éther et de la matière, non seulement les phénomènes électro-optiques, mais des phénomènes purement élec- triques. L'ouvrage de M. Larmor est, en réalité, un essai de théorie générale où il étudie, non seulement l'op- tique des milieux en repos ou en mouvement, mais un nombre considérable de faits ou de théories se ratta- chant à d'autres branches de la Science. L'hypothèse fondamentale est celle de la constitution « atomique » de la matière : il faudrait dire plutôt « corpusculaire »; car les corpuscules matériels, char- gés d'électricité, lés électrons, sont distincts, comme on sait, des atomes des chimistes, qui sont des édifices plus complexes. Dans les Mémoires antérieurs de M. Larmor (Philos. Transactions, 1894 à 1897), cette notion des électrons avait été introduite d'une façon secondaire et pouvait mème passer inaperçue : cette fois, M. Larmor en fait une notion fondamentale et la fait intervenir à propos de tous les sujets qu'il aborde. A ce titre, l' « Essai » de M. Larmor vient prendre sa place à côté des travaux de M. Lorentz, dont l'importance a surtout été reconnue le jour où Zeeman en a fait la brillante application que l’on sait. Il doit aussi être rapproché des travaux de Wien, Riecke, Drude, J.-J. Thom- son, etc.., auxquels M. Brillouin a consacré, cette année, ses lecons au Collège de France. Dans l'introduction qui précède son ouvrage, M.Lar- mor à indiqué brièvement la marche qu'il suit, La pre- mière section contient une revue historique rapide des recherches sur l’aberration de la lumière et les sujets qui s'y rattachent, puis un exposé général, au point de vue cinématique, de la propagation des ondes et des rayons dans un milieu en mouvement. Dans la deuxième section, après avoir déduitles équa- tions de Maxwell, pour l’éther libre, de l'application du principe de la moindre action, M. Larmor introduit la considération des électrons et l'applique à la théorie d'un certain nombre de questions d'Electrodynamique et d'Optique, Puis, il examine l'influence du mouvement de la matière : l'hypothèse fondamentale est que l’éther reste en repos, malgré le mouvement de la matière qui le traverse, et que ses propriétés ne sont modifiées que par le mouvement des particules électrisées que la ma- tière entraine. Il explique ainsi l’aberration et les au- 812 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tres résultats d'expériences, en ne tenant compte d’a- bord que des termes du premier ordre. Sur ces points, l’auteur est d'accord avec Lorentz, au moins pour les idées fondamentales. Dans la troisième section se trouve une discussion plus approfondie de l'influence du mouvement de la matière sur l'éther, L'’atome matériel est supposé uni- quement formé d'électrons positifs ou négatifs en mouvement, et les forces interatomiques sont, pour la plus grande part au moins, supposées d'origine élec- trique. Les atomes ainsi constilués forment des sys- tèmes indépendants dont les positions relatives ne sont pas altérées par le mouvement. Ces hypothèses per- mettent d'établir, entre les configurations d’an système en repos et en mouvement, des relations qui permet- tent de tenir compte de termes de l’ordre du carré de l’aberration, et de rendre compte aïnsi des expériences de Michelson et Morley. Dans la quatrième section, M. Larmor s'occupe des phénomènes de polarisation rotatoire ordinaire et ma- gnétique, et montre que le mouvement de la Terre ne doit pas les affecter, conformément aux expériences de M. Mascart et contrairement aux résullats théori- ques de M. Lorentz. La cinquième section est consacrée à l'émission des radiations. M. Larmor cherche à expliquer pourquoi l'émission, produite par les mouvements oscillatoires des électrons, n'apparaît que lorsque les molécules sont violemment agitées, et examine, ici encore, l'influence du mouvement de la source. Enfin, il étudie les ques- tions relatives au rôle du spectroscope, à la constitu- tion de la lumière blanche et des rayons de Rôntgen, à la régularité du mouvement lumineux. L'ouvrage proprement dit est suivi d'un appendice d'une centaine de pages. Voici les titres des chapitres : Principes de Ja théorie de la polarité électrique et ma- gnétique; Sur le but d’une explication mécanique et sur l’idée de force; Sur l'électrolyse et les courants de con- duction ; Développement historique de la théorie ato- mique et de la théorie de l'éther; Modes de représen- tation de l’activité de l’éther; Influence du magnétisme sur la radiation. Le deuxième chapitre s'adresse à tous ceux qui s'in- téressent aux principes généraux de la Mécanique; le quatrième est formé de citations empruntées à divers auteurs, de Fermat à Lord Kelvin. ASC: Œchsner de Coninck. — La Chimie de l'Ura- nium. — À hroch. in-8 de 24 pages. Firmin et Mon- tane, éditeurs. Montpellier, 1901. Au moment où les rayons uraniques attirent si légi- timement l'attention même du grand public et conti- nuent d'exercer la sagacité des physiciens, on sera particulièrement reconnaissant à M. OEchsner de Co- ninck de nous offrir aujourd'hui une bibliographie complète des travaux consacrés à la chimie de l'Ura- nium. Son opuscule contient, d’ailleurs, plus que des indi- cations bibliographiques, l'auteur y ayant joint de très précises indications sur les résullats des principaux Mémoires qu'il a énumérés. 3° Sciences naturelles Van den Broeck (Ernest). — Le dossier hydrolo- gique du régime aquifère en terrains calcaires et le rôle de la Géologie dans les recherches et études des travaux d'eaux alimentaires. — 1 ro- chure iu-8°, de 178 pages avec 12 figures. Extrait du Bull. Soc. Belge Géol., Pal. et Hydr., £. XI, fase. 10, avril 1901. Dans cette brochure, l'auteur a réuni des documents relatifs au mode de pénétration et de circulation de l'eau dans les terrains calcaires. Si les géologues sont sufli- samment édiliés, surtout depuis les études de M. Mar- tel, sur le régime des eaux souterraines dans les ré- gions calcaires, il n’était pas inutile de grouper pour les | techniciens les multiples arguments qui démontren une situation toute différente de celle des terrains perméables. M. Van den Broeck, qui a exercé une très heureuse influence sur le rôle de la Géologie dans l'étude préliminaire des projets d'adduclion d'eau, a réelle-« | ment constitué dans ce travail un dossier hydrologique des terrains calcaires. Les géologues y trouveront groupées d'intéressantes indications el les ingénieurs pourront ÿ puiser des renseignements d’une grande utilité pratique. A. Bicor, { Professeur à l'Université de Caen. Forel (F.-A.) et Sarasin (Ed.). — Les Oscillations | des Lacs. — 1 brochure in-8° de 15 pages avee figures. Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 14901. Sarasin (Ed.). — Les Oscillations du Lac des Quatre-Cantons. 1 hrochure in-8° de 12 pages, avec 3 planches. Eggimann et Ci, éditeurs. Ge= nève, 4901. On sait que toute masse d’eau est, par sa nature même, essentiellement mobile et réagit avec la plus grande sensibilité aux moindres impulsions qui lui viennent du dehors. Il en est ainsi de l'eau d'un lac! qui, même sous l'apparence du plus grand calme, est, toujours en mouvement et présente continuellement des dénivellations plus ou moins marquées. . Ces mouvements sont de deux sortes : les uns, rapides et superficiels, les vagues, facilement visibles pour tous; les autres, lents, profonds, affectant toute la masse de l’eau. Ces derniers sont depuis longtemps connus à Genève sous le nom de seiches. C'est à l'étude de ces mouvements dans les divers lacs de la Suisse que se sont employés MM. Forel et Sarasin, et c'est le résultat de leurs patientes obser- vations qu'ils ont consigné dans les deux brochures ci-dessus. à Disons en terminant que, pour M. Forel, les seiches seraient « un mouvement de balancement de part et d'autre d'un axe médian ». Marius PERRIN. L'Année biologique, publiée sous la direction de Y. Delage. 4° année, 1898. — 1 vol. in-8 de 847 pages. (Prix : 48 fr.) Schleicher frères, édi- teurs. Paris, 1901. Au premier volume de l'Année biologique, publié en 1897 par M. Delage avec la collaboration d'un comité de rédacteurs, et présenté aux lecteurs de cette Revue par le D' H. Beauregard *, sont venus s'ajouter succes- sivement les volumes de 1898, de 1899 el de 1900. Ainsi s’est constituée une œuvre considérable, dont on ne saurait méconvaitre la valeur et l'utilité. Le volume que voici n'est pas moins important que les précédents. Il se rapporte aux travaux parus en M 1898. Suivant la méthode adoptée dès l'origine, tout chapitre comprend, outre un index bibliographique et de nombreuses analyses, un apercu des progrès réa- lisés dans l’année. Ces résumés, très clairs, mettent en « lumière les Mémoires les plus importants et constituent, par leur ensemble, une esquisse rapide du mouvement de la Biologie générale. Pour donner une idée de l'intérêt de ce quatrième volume, nous nous bornerons à mentionner les princi-" paux chapitres qui ont été l'objet d'analyses impor- tantes. Le chapitre 1 est un résumé très complet de nos connaissances nouvellement acquises sur la cellule; toutes les recherches récentes de Gylologie, notamment celles qui sont relatives au centrosome, sont analysées en détail. Le chapitre 11 concerne les produits sexuels et la fécondation ; la question de la spermatogénèse y est particulièrement étudiée. Dans les chapitres sui- vants, les travaux sur la parthénogénèse, la reproduc= tion asexuelle, l'ontogénèse, la tératogénèse, la régéné- ration et la greffe, le sexe, la corrélation, la mort et le 1 Rev. gén. des Se., t. IX, p. 299. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 813, plasma germinatif sont successivement passés en revue. chapitre xiv est consacré à la morphologie et — rtout — à la physiologie générales. Les chapitres Suivants sont relatifs à l'hérédité, à la variation, à l'ori- ne des espèces, à la distribution géographique des res; ils sont tous richement documentés. Le cha- tre xix, le plus important de l'ouvrage, est divisé en ux parties, dont l’une contient un exposé des tra- ux publiés en 1898 sur la structure et les fonctions de la cellule nerveuse, des centres nerveux et des organes des sens; la seconde partie, relative aux pro- ssus psychiques, ne présente pas moins d'intérêt ur le philosophe que pour le physiologiste et le mé- ecin. La table analytique qui termine le volume contribue rendre les recherches faciles et rapides, malgré l’abon- dance des matériaux accumulés. Comme on le voit, ce volume ne diffère pas d’une acou sensible des précédents. Ceux-ci, pourtant, conte- ient, annexés à certains chapitres, de véritables articles originaux destinés à mettre au point quelques- unes des grandes questions à l’ordre du jour. On pour- regretter la disparition de ces excellentes revues nérales si, en raison du développement considérable l'ouvrage, il n'avait été préférable de les sacrifier que de diminuer le nombre ou l'étendue des analyses. On des grands avantages que présente cette publica- ion et qu'on espère retrouver dans les prochains umes, est, en effet, de fournir au lecteur des ana- es assez détaillées pour le dispenser, dans bien des tas, de recourir aux originaux : ce ne sont pas de simples indications bibliographiques, ce sont des résu- més complets donnant, outre les conclusions des Mé- moires, un exposé des faits nouveaux ou des théories qu'ils renferment. On remarquera l'espace réservé au système nerveux ët aux fonctions mentales, qui font l'objet d'un cha- bitre spécial de 248 pages, tandis que les autres sys- lèmes et fonctions (sauf la reproduction) sont confondus dans le chapitre de morphologie et physiologie géné- rales, et l'on se demandera peut-être pourquoi, parmi les recherches descriptives relatives à la structure des rsanes, celles qui concernent les organes nerveux sont seules analysées en détail. Mais il faut tenir compte du but que s'est proposé le fondateur de l'Année biolo- gique : « Trier les seuls Mémoires où il est question des phénomènes généraux de la Biologie et ceux surtout ù l'on cherche à fournir l'explication, à donner la use des faits décrits ». Ce programme oblige à re- ousser les investigations purement descriptives et, Pautre part, à accueillir, en ce qui concerne la vie sychique, toutes les tentatives d'explication ‘des actes intellectuels par la constitution des organes quien sont e siège ou les agents. Tel qu'il est, cet euvrage est conforme au plan déve- Joppé par M. Delage dans la préface du premier volume, Tous les grands problèmes de la Biologie qui ont été discutés dans l'année, tous les faits qui présentent un intérêt général, y sont successivement exposés, à l’'ex- clusion des recherches spéciales et des monogra- phies. ) - Les faits de détail et de morphologie pure ne rentrent pas dans le cadre de cette publication, largement ou- erte aux recherches expérimentales et aux considéra- tions théoriques qui tendent à l'explication des phéno- mènes vilaux. Inspiré par ces idées, qui caractérisent la direction uvelle des études biologiques, ce recueil, unique en Rrance, — et même à l'étranger, — rendra d’inappré- &iables services à tout biologiste soucieux de se tenir au courant des progrès de la Science. L'impatience avec aquelle l'apparition de chaque volume est attendue est l'indice de l'incontestable utilité de cette publica- tion et de l'estime dans laquelle on la tient. D' P. Vicier, Préparateur-adjoint d'Histologie à la Faculté de Médecine de Paris. Catois (Eugène), Professeur à l'Université de Caen. — Recherches sur l'Histologie et l'Anatomie mi- croscopique de l'Encéphale chez les Poissons (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8 de 168 pages, avec 10 planches hors texte. L. Daniel, imprimeur. Lille, 4901. La thèse présentée par M. Catois est une étude très travaillée sur l’encéphale des Poissons, envisagé aux points de vue histologique et anatomo-microscopique. Indépendamment de l'historique et de la technique, le travail comprend deux parties principales, l’une histo- logique, l'autre anatomo-microscopique, d'ailleurs iné- galement développées. La partie analomo-microscopique, qui ne se prête pas à une analyse à cause de son caractère purement descriptif, l'emporte de beaucoup sur l’autre. Elle est illustrée par plusieurs planches représentant dans leur ensemble les ganglions et les trajets fibreux du Télen- céphale, du Diencéphale et du Mésencéphale chez les Téléostéens et les Sélaciens; un paragraphe spécial est consacré à l'étude du Mésencéphale et à la difficile question du cervelet des Poissons. Cette description anatomo-microscopique offre une valeur documentaire considérable. La parlie histologique du fravail a recu des déve- loppements moindres. Les résultats rapportés par l'au- teur dans cette partie ont trait d'une part à la forme et aux rapports, d'autre part à la structure des élé- ments nerveux et autres de l’encéphale. Sur le premier point, et spécialement sur la forme des cellules nerveuses, il est à noter qu'en général la différenciation de l'axone est moins accusée et que les dendrites sont moins abondamment ramifiés chez les Poissons que chez les Vertébrés supérieurs; les cellules psychiques ou cellules pyramidales de l'écorce céré- brale, par exemple, ne présentent pas chez les Séla- ciens la forme différenciée si caractéristique qu'elles offrent ailleurs, et ne sont représentées que par des éléments indifféremment multipolaires. Quant aux rapports des éléments nerveux entre eux, ils ne sont pas étudiés, par la raison bien simple que l'auteur ne soupçonne pas qu'ils puissent être autre- ment que conformes à la théorie du neurone, tant est grande sans doute la confiance qu'il a dans cette théorie et dans les méthodes d'investigation sur les- quelles elle repose. Il n'y a pas de doute, en effet, que ces méthodes ne montreront jamais que des faits nou- veaux venant toujours à l'appui de la théorie, puisque celle-ci est née de faits analogues dus aux mêmes méthodes. Pour pouvoir aujourd'hui décerner le titre de « recherches historiques » au chapitre histologique d'un travail consacré comme celui-ci à l'étude du sys- tème nerveux, la première condition est qu'il y ait véritablement recherche, c’est-à-dire que, par l'emploi des méthodes très diverses déjà en usage, et au besoin de méthodes nouvelles et originales, on se propose d'éprouver l'exactitude des faits déjà produits et la valeur des théories en cours, et qu'on ne s'affranchisse pas du devoir obligatoire d'examiner comparativement et de critiquer. C’est faute de pratiquer cet examen critique, en matière de système nerveux, et c’est pour accepter les yeux fermés une théorie dogmatiquement établie, que l’histologie risquera fort de rester « im- puissante à donner la solution du problème » (du pro- blème physiologique du système nerveux), et que, suivant la prédiction même de Ramon y Cajal {cité par l’auteur), « l'achèvement complet de l'édifice de la névrologie nécessitera encore un labeur de plusieurs siècles ». Tout ceci, bien entendu, ne s'adresse pas spécialement à ce travail, mais en général à tous ceux qui, conçus dans le même esprit, s'inspirent d'un dogmatisme trop facile et par cela même dangereux, et sont néanmoins des travaux le plus souvent fort estimés. = Quant au chapitre consacré à la structure des élé- ments nerveux, il est moins important que le précé- 814 dent; il renferme des documents intéressants relative- ment aux fibres nerveuses et aux cellules de soutien, mais il est extrêmement réduit pour ce qui est de la cytologie des cellules nerveuses. En somme, si, dans la partie histologique, ce travail n’est pas devenu une véritable contribution à l’histo- logie du système nerveux, en s’élevant au-dessus de la description pure, et surtout en s’affranchissant de toute idée préconçue sur les rapports des éléments nerveux, du moins est-il, par sa partie anatomo-mi- croscopique, qui est {rès riche en faits et qui précise sur beaucoup de points la texture de l’encéphale des Poissons, un excellent Mémoire descriptif, d’une valeur anatomique et zoologique considérable, et dont les résultats très précis prouvent l’habileté du technicien et la sagacité de l'observateur. - A. PRENANT, Professeur à l'Université de Nancy. 4° Sciences médicales Hartmann (Henri), Professeur agrégé à la Faculté de Médecine. — Chirurgie gastro-intestinale. — 1 vol. in-8° de 154 pages avec figures. (Prix:8 fr.) G. Stein- heil, éditeur. Paris, 1901. H. Hartmann est avec Chaput, Doyen, Quénu, Terrier, Tuffier, un des chirurgiens parisiens qui se sont le plus occupés des questions de chirurgie gastrique et de chi- rurgie intestinaie. Il a déjà publié sur ce sujet de beaux ouvrages : un livre avec Terrier sur la Chirurgie de l'estomac, un autre avec Quénu sur la Chirurgie du rectum. Dans son nouveau livre, il complète, et surtout il condense ses travaux antérieurs. L'ouvrage se divise en six lecons essentiellement pra- tiques; l’auteur ne noie pas son lecteur dans les ren- seisnements bibliographiques etles aperçus historiques; en historique, il ne donne que les points essentiels; avant tout et surtout il expose la manière de faire, il décrit les procédés qui lui ont paru les meilleurs. La description de chaque opération est suivie de l'étude de ses résultats et de la discussion de ses indications. On voit dans tout le livre le souci de la précision dans les détails opératoires, de la netteté dans les indications thérapeutiques. La première lecon est consacrée à l'anatomie de l'estomac, à l'examen clinique d'un estomac, à la techni- que générale des anastomoses entre deux organes creux. Dans ce chapitre, on trouve le résumé des travaux de Cunéo sur les lymphatiques de l'estomac, travaux indis- pensables à connaître pour tout opérateur qui s'occupe de chirurgie gastrique. La deuxième lecon traite d’une des plus importantes opérations sur l'estomac, de la gastro-entérostomie. L'auteur trace brièvement l'historique de cette opéra- tion: il décrit surtout la gastro-entérostomie postérieure de von Hacker, qu'il considère comme le procédé de choix. La troisième lecon est celle qui nous a le plus intéressé; elle contient une excellente étude des diverses variétés de gastrorectomies. Hartmann fixe les conditions indis- pensables pour obtenir, dans les opérations de ce genre, une guérison complète et durable; il décrit le procédé qu'il emploie dans les résections stomacales. Dans la quatrième lecon sont exposées diverses opé- rations qui sont, pour la plupart, d’un intérêt secon- daire. 11 n’est pas certain que la dilatation du pylore, la pyloroplastie, la gastrorraphie, la gastropexie soient des opérations destinées à rester dans la pratique chirur- gicale; il était difficile néanmoins de les passer sous silence. Le traitement des lésions traumatiques de l'intestin, les divers procédés d'entérectomie, l'entéro-anastomose, l'excision de l'intestin forment le sujet de la cinquième leçon. La sixième’lecon renferme la description de l’entéro- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX tomie de Nélaton, de la typhlotomie, de la colostomie iliaque et de la colostomie lombaire. La septième lecon est réservée à la question de l’abla* tion des cancers du rectum ; après avoir cité les prin= cipaux procédés, Hartmann considère comme la voie la meilleure pour enlever un cancer du rectum l’ancienne voie périnéale, modifiée et améliorée. Il décrit manuel opératoire de l'ablation périnéale du rectum. L'auteur termine son ouvrage par une sorte d'adden: dum consacré à la gastrostomie, et par l'exposé de sx statistique personnelle des opérations praliquées Sur l'estomac pendant les années 1898, 1899, 1900. De cette statistique, il résulte, pour l’auteur, quedë& succès dépend en grande partie de la précocité de ins tervention ; savoir poser à temps l'indication thés rapeutique est, pour lui, un point d'une importante capitale. k Le livre de H. Hartmann est, avant tout, un livre d'en seignément; dans l’avant-propos, l’auteur met en reli l'idée directrice qu'il voudrait inculquer aux jeune chirurgiens ; c’est que : comme la chirurgie des me bres, la chirurgie des viscères doit étre régie pan l'anatomie de la région sur laquelle on opère. Ces temp derniers, deux des prosecteurs de l'Ecole nous ont donné à ce point de vue des travaux extrèmeme utiles : Fredet s’est consacré à l'étude des vaisseaux de l'utérus ; Cunéo, à l'étude des lymphatiques de les» tomac; souhaitons que cet exemple soit suivi. Un bom anatomiste n’est pas nécessairement un bon chir gien, mais l'Anatomie est une des plus utiles servant de la Chirurgie. , Le livre de H. Hartmann est bien édité, bien illustré On y trouve les magnifiques dessins de Leuba cons& crés aux lymphatiques de l'estomac, quelques figures plus ou moins schématiques de Devy, et, en très gran nombre, les planches très claires de Warine; les dessi de Warine manquent un peu de souplesse; mais à témoignent d'une grande conscience et d’un très rée talent. Pour illustrer un livre de technique chirurgi cale, l'illustration par la photographie est défectueuse: Le dessin est aussi fidèle et infiniment plus clair. P. DEsrosses. 5° Sciences diverses Finot (Jean). — La Philosophie de la Longévité.= 4 vol. in-8° de 332 pages. (Prix : 5 fr.). Schleiche freres, éditeurs. Paris, 1901. Sous ce titre, M. Jean Finot, directeur de La Revue (ancienne revue des Revues), vient de faire paraître un ouvrage de forme un peu romantique, mélange de faits et d'hypothèses sur le problème de la Mort. 4 Sans doute, beaucoup, parmi les idées qu'émet l'auteur, ne sont guère susceptibles, au moins actuel ment, d'être scientifiquement démontrées; mais ] questions qu'il agite et que s'est de tout temps posé l'Humanité, semblent, à l'heure présente, comme res mises à l’ordre du jour à la suile des beaux travaux d'un illustre collaborateur de la Æevue générale des Sciences, M. Metchnikoff, sur ce qu'on pourrait appe ler l'éloignement progressif de la vieillesse. ä M. Finot passe en revue, dans son livre, des sujets bien divers, dont plusieurs sont toutau moins tangen! à la science positive, et, par la facon même dont il} expose, parait, en vérité, les rajeunir. , Après avoir indiqué les faits qui tendent à prouver que la vie humaine ne cesse d'augmenter, il se po l'éternel problème de la guérison de la vicillesser considère tour à tour les différentes conceptions l'esprit humain s'est failes de la pérennité de la viee de la survivance de la personnalité. Si son livre ne convainc pas toujours le lecteur, ila du moins, le mérite de linciler à penser. Ajoutons quul est écrit d'un style alerte et avec une clarté qui ren dent attrayantes des spéculations, d'un caractère ordi nairement fort aride. MP ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 29 Juillet 1901. A9 SCIENCES MATAÉMATIQUES. — M. Ch. André a pour- suivi ses recherches sur la variation lumineuse de la planète Eros. Depuis le 29 mars, les minima successifs d'ordre pair et-impair se produisent à des intervalles de temps sensiblement égaux. — M. A. Demoulin mon- tre que la principale difficulté du problème de la recher- che des surfaces susceptibles d'une déformation con- linue avec conservation d'un système conjugué consiste dans l'intégration d'une équation aux dérivées partielles qui, dans le cas général, est du quatrième ordre, et, dans les cas particuliers, du troisième ou du deuxième ordre. — M. H. Dulac étudie les intégrales analytiques des équations différentielles du premier ordre et de degré quelconque dans le voisinage de certaines valeurs singulières. — MM. Eug. et Fr. Cosserat poursuivent l'étude de la déformation infiniment petite d'un corps “élastique soumis à des forces données. — MM. C. Ché- neveau et G.Cartaud ont photographié les ondes pro- duites, sous l'influence de vibrations, à la surface des liquides contenus dans des cuvettes de formes variées. Les figures ne sont pas sensiblement influencées par la pature et l'inclinaison des parois. — M. J. Boussinesdq, recherchant le pouvoir refroidissant d'un courant liquide ou gazeux, montre que le flux F, émis par l'unité d’aire du corps chauffé immergé dans le courant, est proportionnel à l'excès moyen 4 de température du “corps et à la racine carrée du produit de la conducti- _bilité K du courant par la capacité calorifique C de son - unité de volume et par sa vitesse v. 20 SGIENCES PHYSIQUES. — MM. P. Curie et A. De- bierne indiquent divers procédés pour communiquer les propriétés radio-actives à l’eau distillée ; mais cette radio-activité disparait au bout de quelques jours en vase ouvert où fermé. Les dissolutions de sels de radium pérdent également peu à peu leur activité à l'air libre, mais ils la recouvrent ensuite en tubes scellés. — M. H. Stassano apporte des faits nouyeaux à l'appui de l'hypothèse de De la Rive, qui attribue à l'évaporation équatoriale l'origine de l'électricité des aurores polaires. - — M. L. Décombe explique la continuité des spectres dus aux solides et aux liquides incandescents, formés pourtant de molécules finies, par la considération des phénomènes qui se passeraient dans la couche superfi- cielle. Son interprétation conduit à une nouvelle éva- luation de l'intervalle moléculaire moyen, qui concorde avec celles obtenues par d’autres méthodes. — M. G. Gouy à étudié l’action électrocapillaire des molécules -non dissociées en ions. Les courbes électrocapillaires pis corps organiques sont très variées; le sens de l'effet du corps organique est toujours une dépression ou È diminution de 2, surtout marquée vers le milieu de la courbe; elle tend à s’annuler en s’approchant des . extrémités. — MM. Massol et Maldès ont constaté que - les dissolutions obtenues avec un mélange de sulfate de cuivre et de sulfate de soude (les deux sels étant en - excès) présentent une composition invariable aux tem- » pératures peu élevées, ainsi que l'avait observé Rudorf'; mais, dès que la température est suffisante pour que la modification sulfate de soude anhydre puisse prendre . naissance, la composition de la dissolution varie avec - les proportions relatives des deux sels mis en présence. - —M.C. Matignon a déterminé les principales constantes pebysiques du chlorure de néodyme; il a signalé un nouvel hydrate NdCI.H*0 et donné une méthode de _ préparation simple par le chlorure de néodyme anhy- 815 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER dre; enfin, il a démontré que le néndyme est trivalent dans son chlorure. — M. L. Guillet a isolé, dans la réduction de l'acide molybdique par l'aluminium, cinq combinaisons correspondant aux formules Al Mo, AlMo, AlMo, AÏMo, AlMo* et, enfin, un composé très riche en molybdène qui semble correspondre à AlMo*®. — M. Jean Sterba, par des essais de cristallisations de l'oxyde de cérium à différentes températures, a toujours obtenu ce corps en cubes ou cubo-octaèdres, isotropes, incolores et transparents, mais dont la densité variait suivant la température de cristallisation. — M. C. Cha- brié a extrait le cæsium du pollux en attaquant une partie de ce minéral par 100 parties d'acide fluorhydri- que, puis en transformant les fluorures en carbonates. L'auteur à préparé divers sels de cæsium : sulfites, hyposulfite et hyposulfate. — M. M. Delage poursuit l'étude des acides pyrogallolmono- et disulfoniques ; il a préparé leurs sels de sodium, potassium et ammonium el indiqué les conditions de leur dosage alcalimétrique. — M. Marcel Guerbet, en faisant réagir l'alcool éthy- lique sur l'éthylate de baryte à 230°-240°, a obtenu une petite quantité d'alcool butylique normal; la réaction est lente el ne donne que de faibles rendements. — MM. E. Bourquelot et H. Hérissey ont reconnu qu'il y à production, durant la germination des graines de Phœænix canariensis, d’un ferment soluble capable d'hydrolyser les mannanes de l'albumen avec formation de maunose; ce ferment pévètre dans l'albumen et imprègne au moins les portions de cet albumen qui touchent au cotylédon; le mannose formé est utilisé au fur et à mesure de sa formation. 39 ScIENGES NATURELLES. — MM. N. Vaschide et Cl. Vurpas ont observé que leur monstre anencéphalien possédait deux rétines normalement constituées, mal- gré l'absence de cerveau. — M. E. Hédon a constaté que les globules rouges ayant fixé une quantité appré- ciable d'un acide ou d'un sel acide deviennent impéné- trables à la solanine ; inversement, les globules ayant fixé un peu d’alcali subissent plus rapidement l'hémo- lyse par la solanine que les globules normaux... — M. G. Carrière a étudié l'influence de la lécithine sur les échanges nutritifs. Ce corps à produit chez des en- fants une notable augmentation de poids, une élévation de la taille et une augmentation du nombre des hé- malies. — M. Louis Mangin a reconnu que la forma- tion des thylles gommeuses a lieu, dans les tiges végé- tant normalement, toutes les fois qu'une dépression se produit pendant un certain temps dans l'atmosphère de la tige. Elles doivent se produire dans les cultures en sol mal aéré. — M. J. Ray a réalisé des cultures arti- ficielles de plusieurs parasites végétaux (charbons, rouilles) et obtenu des formes atténuées d'un certain nombre d'entre eux. — M. P. Thomas a étudié la nutri- tion azotée de la levure en employant un milieu mi- néral sucré auquel il ajoutait des poids connus de substances azoltées parfaitement pures. La concentra- tion de 20 °/, de sucre parait être la plus favorable pour une bonne assimilation de l'azote, que celui-ci soit présenté sous forme d'urée ou de bicarbonate d'ammoniaque. Séance du 5 Août 1901. 49 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Ch. André a observé que l'amplitude de la variation lumineuse d'Eros, d'abord de deux grandeurs, a diminué depuis le 20 février d’une facon à peu près continue. Le 23 avril, on n'a plus cons- talé de variation. — M. P. Appell montre que le théo- rême communiqué récemment par M. Buhl et dont il a déduit comme cas particulier le célèbre théorème de 816 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES "a Poisson, peut être considéré à son tour comme une conséquence du théorème de Poisson. — MM. Eug. et Fr. Cosserat étudient la déformation infiniment pe- tite d’une enveloppe sphérique élastique. — M. E. Val- lier indique les méthodes de calcul du coefficient de lenteur dans les formules relalives à la pression dans les bouches à feu. — M. Gravaris a trouvé qu'il existe, entre l'angle & caractéristique de la déformation des métaux et le coefficient newtonien de restitution €, 9 3 AMEN : une relation de la forme e — = Cette relation se vérifie pour le fer, le cuivre, le zinc, le verre. — M. G. Kænigs présente une étude critique sur la théorie gé- nérale des mécanismes. Il examine la classification de Monge, qui se base sur le mouvement produit, et celle de Willis, qui fait intervenir la nature des liaisons mises en jeu. 20 Screxces PHysiques. — M. K.-R. Johnson rappelle qu'il a publié dans les Annalen der Physik des expé- riences semblables à celles de MM. Broca et Turchini sur la décharge disruptive dans les électrolytes, et qu'il en à aussi tiré la conclusion que l’électrolyte se com- porte à peu près comme un diélectrique. — M. G. de Metz a constaté que le corps humain se charge tout comme un conducteur métallique; sa capacité élec- trique reste constante quand le voltage varie de 100 à 1.000 volts; elle varie avec les circonstances et la pose; elle est en moyenne de 0,00011 de microfarad. — M.F. Beaulard a mesuré la différence de potentiel aux bornes d'un micromètre, entre les boules duquel éclate une étincelle ayant le caractère oscillatoire. Cette va- leur, calculée par la formule de l’électromètre, diffère de celle qui correspond à la même distance explosive sur les tables de MM. Bichat et Blondlot d’une quantité variable, passant par un maximum. Ce résultat s'ex- plique par l'amortissement plus-ou moins rapide de l'excitateur mis en jeu. — M. Ch. Nordmann à étudié la transmission des ondes hertziennes à travers des so- lutions d’acide sulfurique, de NaCI, de KCI etde Mg SO*. Pour ces liquides, les épaisseurs maxima que peuvent traverser les ondes employées, c’est-à-dire les trans- parences pour ces ondes, varient dans le même sens que les résistances, mais croissent moins vile que celles-ci. — M. A. Ponsot montre qu'en général si, dans un dissolvant qui ne prend pas part à fa réaction chimique, la substitution d’un corps À à un corps B dans le composé BC se produit avec dégagement de chaleur, la tension de vapeur du dissolvant est plus élevée quand il renferme une masse donnée de AC que quand il renferme une masse équivalente de BC. — MM. P. Sabatier et J.-B. Senderens ont réalisé la réduction du nitrobenzène et de ses homologues en aniline et bases correspondantes par l'hydrogène en présence de cuivre ou de nickel très divisé : CSHS.A20? + 6H — CSHS.AzII° + 2H°0. La même réaction a lieu avec le gaz à l’eau: C5H5AZ0° + 200 + H°— CSH5, AZI + 2C0?. Vu le bas prix de revient de ce dernier corps, cetle réaction pourrait devenir industrielle. — M. N.-A.Bar- bieri décrit une méthode d'analyse immédiate du tissu nerveux. Elle lui a permis d'en retirer de la chlolesté- rine, de la cérébcine, de l'homocérébrine, de la kéra- tine, une globuline-x et une globuline-$, et d'autres substances non encore identifiées. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Yves Delage pense que la maturation cytoplasmique est peul-être due à la diffusion, dans le cytoplasme, du suc nucléaire qui peut, selon sa constitution, modifier la teneur de celui-ci en eau et en sels ou lui apporter des ferments spécifiques. Le moment où le suc nucléaire diffuse dans le cytoplasme est un stade critique où la sensibi- lité de l'œuf aux agents est maximum. — M. G. M. Stanoiéviteh présente un photomètre physiologique basé sur ce principe qu'une quantité d'énergie lumi- neuse minimum etconstanteestnécessaire pour produire l'impression lumineuse sur la rétine de l'observateur. Un diaphragme iris, dont on peut faire varier l’ouver- ture au moyen d'un tambour divisé, est ouvert peu à peu jusqu’à ce qu'on percoive ce minimum. — M. Collot a déterminé des échantillons de Goniatites rapportés du Sahara (chemin de Figuig à Igli). Cette découverte ramènerait à un âge un peu plus récent que celui admis par M. Ficheur les couches carbonifères du Sahara oranais, ou bien elle montrerait qu'il y a plu= sieurs niveaux. Séance du 12 Août 1901. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Mittag-Leffler indique un critère pour reconnaître les points singu= liers de la branche uniforme d’une fonctron monogène. — MM. Eug. et Fr. Cosserat étudient la déformation infiniment petite d'un ellipsoide élastique soumis à des efforts donnés sur la frontière. — M. G. Gravaris a vé- rifié expérimentalement, pour le verre, l'acier, le cui vre et le plomb, la relation qu'il a trouvée entre l’angle caractéristique de la déformation des métaux et Ie cœflicient de restitution de leur élasticité. 20 Sciences puysiques. — M. G. M. Stanoiévitch rappelle que les perturbations de l'état moléculaire d'un nuage à grêle, produites par une ou plusieurs ondulations, peuvent empêcher la formation de Ian grêle. Pour produire ces vibrations, il préconise l'em= ploi de cerfs-volants ou de ballons captifs, pouvant” monter à des hauteurs variables, et porteurs de fortes: sonneries ou sirènes. — M. G. Vaillant a vérifié cxpé-" rimentalement que : 1° Dans des solutions complète- ment dissociées, ne contenant qu'un ion coloré, la coloration est indépendante de la nature de l’autre ion; 2 Si, au contraire, l'ionisation est incomplète, la colo- ration varie avec la concentration et la nature de l'ion. non coloré. — M. de Forcrand a établi la formule : 2e M = 30, dans laquelle z et s indiquent les chaleurs de liquéfac- M tion etet de solidification de l'unité de poids d'un corps, M son poids moléculaire et T sa température absolue d'ébullition. Il s'en sert pour calculer le poids molécu- laire de divers corps au point d'ébullition. — M. M. Descudé, en faisant réagir l’anhydride benzoïque ou le chlorure de benzoyle sur le trioxyméthylène en pré-" sence de chlorure de zinc, a obtenu du dibenzoate de méthylène (C°H5, COO ŸCH®, cristallisant en prismes eli- norhombiques incolores, fondant à 99°. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 30 Juillet 1901. M. le Président annonce le décès de M, Moncorvo, M correspondant étranger, et de M. de Lacaze-Duthiers, membre libre de l'Académie. M. R. Blanchard présente, au nom de la Commis- sion du paludisme, un Rapport sur les moustiques de Paris et leurs méfaits. Ceux-ci peuvent propager le paludisme, les maladies filariennes, la fièvre jaune et … peut-être la lèpre. IL importe donc, dans les maisons envahies par les moustiques, de faire usage des mous- tiquaires pour se protéger pendant la nuit; il est utile également, pour chasser les moustiques, de répandre dansles chambres des vapeurs de formol. Pour atténuer les effets de la piqûre, il est avantageux d'employer la teinture d'iode en badigeonnage. Pour se débarrasser des moustiques, il importe avant tout de faire dispa= raître les eaux stagnantes, en les remplaçant par de l'eau courante; pour détruire les larves de moustiques dans l'eau, on se servira avec avantage d'huile de pétrole qui s'étalera à la surface de l’eau. — M. Kelsch … présente une étude sur les cardiopathies latentes et la mort subile dans l'armée. Il signale la fréquence des ME affections idiopathiques du cœur et des gros vaisseaux “chez les soldats, leur évolution silencieuse et leur réveil “brusque, leur révélation soudaine dans une catastrophe “finale provoquée par l'effort professionnel, tel que le pas de gymnastique, le saut d'obstacles, l'exercice, la manœuvre, la marche, etc., effort qui vient surprendre inopinément le cœur et réclame de lui un déploiement d'énérgie incompatible avec sa déchéance. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 6 Juillet 1900. M. Ch. Féré a constaté que les excilalions du goût augmentent la capacité de travail au début lorsqu'elles font courtes; quand elles sont prolongées, elles pro- duisent une dépression immédiate. Dans tous les cas, elles précipitent la fatigue et diminuent le travail total. L'opium en petite quantité produit d'abord une aus- Mentation; en quantité plus grande, il cause dès le début une dépression du travail. Dans tous les cas, le travail total est au-dessous de la normale. — M. E. Mau- rel a reconnu que le danger de la cocaine réside dans sa pénélration dans les veines, autres que celles du système porte, à un litre suffisant pour tuer le leuco- cyte, ou du moins pour lui donner la forme sphérique. La mort accidentelle par la cocaïne est due aux leuco- Cytes rendus sphériques el rigides qui, arrêtés par les “capillaires du poumon, remplissent le rôle de véritables embolies. — MM. Jean Camus et P.Pagniezontobservé “de grandes variations dans le pouvoir hémolysant de différents sérums, sans que celles-ci paraissent liées à telle ou telle affection. D'autre part, ils croient àfla pré- sence, dans le sérum, d’une substance protectrice, existant à côté de l’alexine et capable de s'opposer dans “une certaine mesure à son action. — MM. L. Camus et “E. Gley rappellent leurs recherches analogues sur le sérum d'anguille, qui les avaient conduit à des résultats contradictoires. — MM. J. Camus el P. Pagriez croient avoir décelé dans le sérum des phtisiques l'existence d'une sensibilisatrice. — M. Widal a fait une ohserva- tion analogue. — MM. F. et J. P. Tourneux ont observé que la durée de l'incubation des œufs de perruche ondulée est, en moyenne, de dix-huit à vingt jours. L'intervalle qui sépare deux pontes successives peut varier de sept à quarante-neuf jours. — MM. H. Roger et E. Weil ont reconnu que les animaux inoculés avec le pus variolique résistent fréquemment lorsqu'ils sont bien nourris. D'autre part, le sang des animaux, ino- culés n’est virulent que pendant un temps très court. — MM. Léri et Du Pasquier ont comparé la valeur des injections de cocaïne sous-arachnoïdiennes et épidu- rales dans le traitement de la sciatique. Les premières, qui présentent des inconvénients, ne doivent ètre em- ployées qu'après échec des secondes, qui sont sans dan- ger. — M. E. Couvreur pense que l'accélération dans e refroidissement, constatée par M. de Tarchanoff après section des pneumogastriques au cou, est due simplement aux troubles respiratoires très marqués qui suivent immédiatement la double section. — MM. Doyon et Morel ont constaté, chez le lapin, que, sous l'influence d'un séjour de vingt et un jours dans l'air comprimé, le nombre des globules a diminué de plus d'un tiers. Cette modification à disparu lorsque la pression est redevenue normale. — M. L. Lauroy à “mis en évidence l’ergastoplasme dans les cellules des glandes Jabiale supérieure et sous-linguales des cou- “euvres Zamenis viridiflavus et Tropidonotus viperi- nus soumises pendant dix minutes à l’action de la pilo- carpine. — M. Laignel-Lavastine a observé que le “liquide céphalo-rachidien des paralyliques généraux ‘paraît stérile à toutes les périodes de la maladie. — M: G. Carrière a étudié la méthode de séro-diagnostic de la tuberculose. Elle est d'une pratique difficile, mais «elle est très sensible et a une grande valeur ajoutée ‘aux autres éléments de diagnostic. — M. L. Bard à reconnu que l'hémoglobine du sang épanché et héma- ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES tolysé dans le liquide céphalo-rachidien y subit une transformation pigmentaire spéciale qui précède sa résorption définitive et qui permet de constater pen- dant un certain temps l'existence d’un épanchement antérieur. Séance du 13 Juillet 1901. M. Ch. Féré a observé que les excilations auditives produisent une suractivité du travail, surtout si elles sont variées; mais la répétition d'une note monotone fait bientôt disparaître l'effet exaltant primitif et pro- duit une diminution de travail, De même, à la suite d'une excitation cutanée prolongée, l'augmentation initiale fait place à une dépression du travail. — M. Ch. Féré à constaté que l'injection préalable de doses faibles d'une solution d'antipyrine dans l’albu- men de l'œuf a une action excitante sur le développe- ment de l'embryon de poulet, tandis que l'injection de doses fortes .a un effet nuisible. — MM. B. Auché et L. Vaillant ont étudié les altérations du sang pro- duites par les morsures de serpents venimeux; elles consistent principalement dans une hématolyse des globules rouges et une augmentation des globules blancs. — MM. Albarran el Cathelin ont vu l'inconti- nence d'urine disparaitre plus ou moins complètement à la suite d'injections épidurales de cocaine. — MM. E. Wertheimer el L. Lepage ont observé que de très fortes doses d’atropine ne suppriment pas, chez le chien, les réflexes sécrétoires du pancréas et qu'elles ne paraissent même pas les atlénuer. — MM. E. Bar- dier et H. Frenkel ont constaté qu'une excitation légère du rein par le nitrate d'argent, incapable de provoquer une véritable néphrite, exagère l'activité glandulaire. Une cautérisation plus profonde produit une petite diminution de la quantité d'urine excrétée. L'injection d'acide chromique dans le rein produit une néphrite intermédiaire entre la simple irritation de la surface et la néphrite épithéliale. — MM. R. Oppenheim et M. Lœper ont étudié les lésions des capsules surré- nales dans quelques maladies infectieuses aiguës. Elles consistent en altérations du protoplasma des cellules, thromboses des veines capsulaires, nodules infec- tieux, elc. — M. E. Retterer à reconnu que la fonction principale du ganglion lymphatique est de produire des hématies et du plasma. Les leucocytes qui s'y déve- loppent ne sont que des restes cellulaires qui finissent également par se convertir, dans le courant lympha- tique ou sanguin, en éléments hémoglobiques. — MM. Ch. Féré el Aug. Pettit ont éludié la structure des téralomes expérimentaux et ont trouvé certaines ressemblances avec les néoplasmes spontanés. — M. A. Lesage a isolé, dans seize cas de gastro-entérite du nourrisson terminés par la mort, un cocco-bacille possédant les caractères du genre Pasteurella. — MM. A. Charrin el G. Delamare ont étudié les pro- priétés du placenta dans le but de rechercher si cet organe possède une activité propre capable de modifier ou d'arrêter certains produits; leurs éxpériences ne : sont que préliminaires. — M. Ch. Lapierre à employé les glucoprotéines comme milieux de culture chimi- quement définis pour l’élude des microbes. L'étude comparée du coli-bacille et du bacille typhique lui a permis d'établir cinq types de transition définis entre ces deux formes, mais il n’y a pas passage au bacille d'Eberth. Les cinq types sont des variétés de l'espèce coli, à laquelle il est possible de les faire revenir. — M. F. Arloing à étudié un sérum antituberculineux qui exalte la virulence du bacille de Koch, ou bien favorise l'infection de l'organisme par l'agent tubercu- leux. — MM. E. Cassaet et G. Saux ont reconnu que les produits acides de la digestion artificielle des viandes sont les mêmes que ceux des hyperchlorhy- driques; leur principale propriété est une action tétani- sante. — MM. V. Henri et Larguier des Bancels ont étudié l’action de l'acide chlorhydrique sur le saecha- rose et sur l'acétate de méthyle; les deux ‘réactions se produisent avec la même vitesse séparément et 818 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES simultanément. Elles sont donc purement catalytiques. — M. A. Poulain a reconnu qu'à l’état normal le pou- voir lipasique est sensiblement le même dans les gan- glions périphériques et dans les ganglions du mésen- tère. Dans les infections intestinales, l'activité lipasique des ganglions mésentériques diminue beaucoup par rapport à celle des ganglions périphériques; le con- traire se produit dans les infections cutanéo-mu- queuses. — M. C. Simionesco a employé avec succès le cacodylate de soude dans diverses affections. Le traitement cacodylique prolongé n'a pas produit de phénomènes d'intoxication, — MM. Grossard et Pégot ont constaté l'existence d'un centre psychique d’auto- audition. — M. Tribondeau a observé 14 cas d’éléphan- tiasis des membres supérieures avec engorgement du ganglion sus-épitrochléen. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES : SCIENCES NATURELLES. R. Kennedy : Sur la restauration des mouve- ments coordonnés après le croisement des nerfs, avec changement de la fonction des centres corti- caux cérébraux. — Dans le membre antérieur du chien, le centre nerveux des muscles fléchisseurs peut être croisé avec celui des muscles extenseurs avec ce résultat, malgré le changement de l'innervation, de rendre à l'animal, comme auparavant, le pouvoir d'exécuter des mouvements volontaires et coordonnés de ses membres. Le fait de croiser les nerfs n’ajoute rien matérielle- ment au temps qui serait nécessaire pour recouvrer le fonctionnement du membre si les mêmes nerfs avaient été seulement divisés et réunis par suture avec toute l'exactitude possible. Le résultat du croisement du centre nerveux des groupes de muscles antagonistes est que les centres nerveux qui innervaient le premier groupe autrefois, servent maintenant à l’autre groupe; et ce changement s'étend jusqu'aux centres cérébraux corticaux dont la position est changée, mais qui conservent leur irrita- bilité. sx Les centres cérébraux corticaux dont la position a été interchangée par le croisement peuvent émettre, en réponse à la volonté, des impulsions qui amènent dans les nouvelles terminaisons périphériques des mouve- ments parfaitement coordonnés, ; , Chez l’homme, le nerf facial peut être détaché du centre facial et attaché au nerf spinal accessoire; de cette facon les nerfs faciaux sont innervés par le centre spinal accessoire, en permettant ainsi le rétablisse- ment partiel des mouvements coordonnés de la face à la fois volontaires et réflexes. Dans le cas de la réunion d’un nerf divisé, il n’est pas nécessaire de supposer que la régénération a res- tauré les anciens trajets des impulsions nerveuses, car si de nouveaux trajets sont formés par la coadap- tation imparfaite des extrémités du nerf divisé, en modifiant les connexions des cellules du nerf central avec les extrémités périphériques, l'organisme à le pouvoir de compenser cette altération. : Dans le cas de paralysie d'un muscle ou d’un groupe de muscles, si le nerf qui commande le ou les muscles affectés est greffé à un nerf efférent voisin qui com- mande des muscles sains, il est probable que le groupe de muscles affectés, s’il n'est pas complètement détruit par un processus dégénératil, reprendra sa fonction normale. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 20 Juin 1904 (suite). MM. H.-E. Armstrong et T.-M. Lowry pensent que l'acide camphorsulfonique de Reychler est probable- ment un acide «, le groupe sulfo occupant la même position que l'atome de brome dans l'x-bromocamphre. Quand le sulfochloro- ou le sulfobromocamphre es traité par l'’ammoniaque diluée, la réaction est normale et il se produit seulement l'«-sulfonamide, fondant 2230; quand l’ammoniaque est concentrée, la réactio est violente et il se forme l’«-sulfonamide isomère, fon: dant à 1320. C’est une substance labile, qui est aisémen convertie dans l’x-sulfonamide stable par le brome o les acides. Les auteurs ont préparé beaucoup de dérivés sulfonés et halogénés du camphre. L’«-bromocampbhre a-sulfonamide, bouillie avec l’anhydride acétique, se convertit en un anhydride qui paraît répondre à [à formule : C.Br — S0? CH O | C——Az — M. A.-T. Larter a répété les expériences d'Arms= trong et Rennie sur la nitration du dinitrothymol eta toujours obtenu le trinitrométacrésol et non le trini= trothymol comme prétend l'avoir obtenu Maldotti. La nitration de l’éther éthylique du dinitrothymol donne également l'éther éthylique du trinitrométacrésol. = M. A. C. Hill a observé que l'hydrolyse des solutions diluées d’amidon par la diastase du taka aboutit à un transformation complèle en glucose. Une solution co tenant 35 °/, de glucose et 6 °/, d'hydrate de maltose, traitée par la diastase du taka renfermant de la mal= tase, s'hydrolyse jusqu'à renfermer 39 °/, de glucose et 2 0/, d'hydrate de maltose. Par contre, une solution renfermant 60 °/, de glucose, traitée de la même facon, contient, au bout d'un certain temps, 58 °/, de glucose et 2 0/, d'hydrate de maltose; il y a donc eu unes action inverse du ferment; si l’on dilue la solution, l'hydrolyse reprend de nouveau. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Communications récentes. 1° SCIENCES MATHEMATIQUES. — MM. H. G. et E. F. van de Sande Bakhuizen font connaitre et expliquent les dépêches se rapportant aux résultats de l'expédition néerlandaise destinée à l'observation de l'éclipse solaire totale du 18 mai 1901 à Karong Sago, près de Païnan, sur la côte occidentale de l’île de Sumatra. Malheureu-« sement, pendant l'observation, la plus grande partie du ciel a été couverte de nuages (alto-cumuli). C'est ainsi que les observations avec le grand spectrographe n'ont pas permis de déduire des résultats relatifs au mou=. vement de la couronne. Au contraire, les observa- tions avec le petit spectrographe ont livré des images du spectre entier de la couronne et du phénomène connu sous le nom de « flash », etc. — M. W. Kap- teyn : Sur des cas particuliers de l'équation différen= tielle de Monge. Autrefois (Rev. gén. des Se., t. XI, p. 658), l'auteur s’est occupé du cas s + At + p —=0; maintenant il étudie le cas r—Xt+1—0, en suppo= sant en premier lieu que À et # sont des fonctions des pet q, et en second lieu que X et y ne dépendent que de x, y, z: Ensuite M. Kapteyn s'occupe d’une intégrale définie où entrent des fonctions de Bessel. U démontre la relation: : r(m—ne) f° CO 10 Se Su ESA TE (1 t P} où In(/), In(t) sont des fonctions de Bessel de première / espèce et des ordres différents m, »n, et le cas particu- lier : Ee dt_, 2n f° in (+=. — M. J. Cardinaal présente, au nom de M. K. Bes : Détermination analytique du neuvième point dinter- section de deux cubiques planes menées par huit points donnés. L'auteur exprime les coordonnées du neuvième. point à l'aide de déterminants contenant les coordon- nées des huit points donnés. Il remarque que le hui- tième point d'intersection de trois quadriques menées ar sept points donnés de l’espace se détermine d’une amère analogue. — M. H. G. van de Sande Bak- ayzen présente encore : 1° « Korte handleïding, enz. » Pelit aperçu des observations simples à faire pendant éclipse totale du Soleil le 18 mai 1901), et 2° la thèse de b J.-W.-J.-A. Stein, S. J., intitulée : Beobachtungen ur Bestimmung der Breitenvariation in Leiden nach er Horrebow-Methode angestellf von Juni 1899 bis ani 1900 (Observations pour la détermination de la ariation de la latitude de Leyde, d’après la méthode le Horrebow, faites de juin 1899 à juin 1900). 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. H. Kamerlingh Onnes : Représentation de l'équation critique des qaz et des luides par des séries. Les calculs de l’auteur sont en ation avec les résultats des expériences de M. Amagat nales de Ch. et de Phys., série 6, t. XXIX, 1893). Quoiqu'il ait recherché le développement de l'équation ritique p — f (v,T) en série infinie double convergente Suivant la densité moléculaire = et la température ab- solue T, il a dû se restreindre à une représentation Dar un polynôme ne contenant qu'un nombre fini de ermes, pas même convergent pour toutes les densités. our chaque isotherme, il a dù déterminer les coefli- ents des termes de ce polynôme, etc. En partant de à forme : B Ch YD E F PÉEPA HEE AE ENTRE LL l obtient des résultats assez sensiblement d'accord avec les expériences de M. Amagat en représentant une elconque des fonctions B, C, D, E, F, en #{ par des expressions de la forme : Mit + Me + My | My ELU CÉ M. Onnes présente ensuite, au nom de M. J.-C. Schalk- wyk: {sothermes de précision. Suite d'une commu- ication précédente (Rev. gén, des Se., t. XII, p. 151). IL. Précision de la mesure de la pression à l’aide du manomètre à air libre de Kamerlingh Onnes. IT. Man- feau d’eau d'une température ordinaire constante. IV. La calibrage des tubes piézométriques. V. L'iso- therme de l'hydrogène à 20° au-dessous de 60 atmo- sphères. — M. H.-A. Lorentz présente, au nom de M. EF. Schuh : Ondes lumineuses planes dans un milieu diélectrique homogène, électriquement et magnétique- ent anisotrope. Déduction de l'équation connue de la surface de l'onde, tant en coordonnées tangentielles a'en coordonnées ordinaires. Etude des propriétés de cette surface. — M. J.-D. van der Waals présente, au iom de Ph. Kohnstamm et de B.-M. van Dalfsen : Pensions de vapeur de mélanges d'éther et de chloro- forme, D'après les résultats déposés par les auteurs en ne table et un diagramme, la relation simple 4 — d,a, de Galitzine-Berthelot semble assez impro- ble. — M. H.-W. Bakhuis Roozeboom présente, au m de A. Smits et de L.-K. Wolff : Sur la r'étrogra- tion de l'ionisation de solutions de NaOH, Na,CO, et NaHCO, par l'addition de NaCI. En 1900, M. Starke uvait qu'en ajoutant 1 centimètre cube d’une solu- ion de NaOH de 0,15 °/, à 25 centimètres cubes d’une olution de NaCI de 15 °/, où à 25 centimètres cubes eau distillée, on obtient des solutions de réaction caline différente, la réaction de la solution de NaCI nt la plus forte. Il répétait ses épreuves en substi- ant des solutions de Na,CO, et de NallCO, à celle de l; le résultat restait le même. Il parvint ainsi à ette conclusion que, contrairement à la théorie, la ion alcaline d'une solution de NaOH, au lieu de minuer, s'accroît sensiblement par l'addition d’un sel à n homologue. MM. Smits et Wolff trouvent entre autres e cette contradiction disparaît quand on se sert d’eau re ne contenant pas des traces d'acide carbonique. — Roozeboom s'occupe ensuite des Amalgames de dmium en faisant connaître les résultats d’une étude ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 819 cadmium et le mercure se mélangent dans toutes les proportions. En refroidissant ces mélanges, on engendre des cristaux correspondant aux lignes AG et CB du diagramme (fig. 1), dont la première joint le point de fusion À (— 40°) du mercure au point G (1880) et la seconde ce point C au point de fusion B (321°) du cad- mium. Ces deux lignes forment en C un point saillant au lieu de s'y toucher. Elles ont été déterminées par la méthode ther- mique el par la mé- F thode dilatométri- que ; elles font con- naître, pour une proportion quel- conque des deux substances, la tem- pérature où la con- gélation commen- ce. Car aucun des amalgames liquides ne congèle à une température déter- minée. Ainsi, [au contraire, les lignes AE, ED, DB font connaître la tem- pérature où la fu- sion commence. Les lignes AE, DB limi- tent les deux séries possibles de cris- Fig. 1. — Diagramme des points de faux de mélange. A solidification des amalgames de cadmiurn. la température de 188°, elles se joi- gnent à peu près en laissant entre elles un petit hiatus situé entre 75 et 77°/, de cadmium. La question, très importante, si les limites des deux espèces de cristaux du mélange subissent des variations pour des tempéra- tures plus basses, a été étudiée par la méthode élec- trique. A cette fin, on mesurait la force électromotrice d'alliages de concentration différente dans une solution de sulfate de cadmium avec un pôle réversible de mercure comme pôle positif, à des températures de 25° à 75°. Les lignes du diagramme (fig. 2) indi- quent la force électro- motrice; les parties ab, cd, ef correspondent aux parties homonymes de £ la même horizontale de ; 25° dans la figure 1. La d partie horizontale be à une grande signification en rapport avec les élé- S ments Weston (voir /tev. NS gén. des Sciences, t. XI, p. 1252, l'étude de M.E. Cohen, et surtout t. XIT, p. 348, celle de M. C.-H. Wind). On en déduit qu'on obtient un élé- ment de force électro- Hÿ motrice constante en choisissant comme pour- centage de l’amalgame qui sert comme pôle né- gatif celui qui correspond à un point quelconque de droite be. De plus, toutes les irrégularités observées dans ces éléments s'expliquent d’une manière assez simple par la remarque que, si l'on prend un amal- game d'une composition correspondant à un point tout près de « (b), un refroidissement (échauffement) qui donne à la partie horizontale be une translation vers b (e) fait correspondre cette même composition à un point qui ne fait plus partie de cette partie hotizontale be, etc, — Enfin, M. Roozeboom présente Ja thèse de Concentration Cd Fig. 2. — Forces électromo- trices d’amalgames de cad- mium dans une solution de sulfate de cadmium. 520 M. H.-C. Bijl : « De Cadmiumamalgamen en hun elec- tromotorisch gedrag » (Les amalgames de cadmium et leur conduite électromotrice), et la thèse de M. E. van de Stadt Kzn : « Barnsteenzuuranhydride en phtaal- zuuranhydride in hun gedrag tegenover water » (Les anhydrides des acides succinique et phtalique et leur conduite vis-à-vis l’eau). — M. H. Behrens : liecher- ches microchimiques sur les métaux du groupe des cérites. Etude des succinates des métaux du groupe des cérites. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente au nom de M. G. van der Sleen : Sur l'acide «-oxyhutyrique (acide vinylglycolique) et ses transformations. L'étude de l'acide vinylglycolique ‘CH, : CH.CH (OH) (COOH), com- mencée en 1885 par M. Lobry de Bruyn lui-même, a élé reprise en 1898 par M. van der Sleen, lorsque l'on eut réussi à préparer cette substance en quantité assez im- portante, par exemple d'environ 600 grammes par jour. — M. Lobry de Bruyn présente encore, au nom de M. C. Prey Jz., une étude : « Sur la synthèse de l'acide éry- thrique », CH,OH.CHOH.CEOH.COOH, et, au nom de M. P.-K. Lulofs, la thèse : « Reactiesnelheid by aro- matische [halogeennitroderivaten » (Vitesse de réaction des dérivées nitriques aromatiques halogènés). — M. A.-N.-P. Franchimont : Une nouvelle classe de nitramines ». En 4895, M. van Breukelenveen a préparé l'uréo-éthanol (Hev. gén. des Se., t. VI, p. 198), dans l'espoir d'en déduire un nitramine-alcool; mais cette tentative n'a pas réussi, la combinaison de l'uréo- éthanol avec Az0,H développant à la température ordi- naire immédiatement A20, et CO,. Donc, M. Franchi- mont a essayé, avec l’aide de M. Lublin, la préparation d'un nitramine-alcool d'une toute autre manière, et cette fois-ci il a réussi. Sa méthode s'explique assez simplement à l’aide des deux équations : CHE. Az — CO CHE. AZH (4) | ME CHU OH LIRE CO CH2.OH OCH CH —0 CHE. A7 — Az0° _ CH?.AzH:-A70* CE INS SRE ERD EE CH2.0 — CO CH2.OH La substance du premier membre de l'équation (4) fut déduite de l’amine-éthanol. En l’échauffant, elle se dé- compose, même in vacuo, comme l'indique cette équa- tion, en méthyle-alcool et l'olide de l'acide oxéthyla- mine-formique. En ajoutant cet olide à l'acide nitrique réel, on obtient le dérivé mononitrique qui figure dans le premier membre de l’équation (2). En le faisant bouillir avec de l'eau, on fait naître, d’après l'équa- tion (2), de [l'acide carbonique et le nitramine-éthanol dissout dans l’eau, qu'on obtient après vaporisalion de l'eau sous forme d’un fluide sirupeux. L'auteur en a pré- paré un sel de mercure cristallisé en aiguilles minces, un sel d'argent cristallisé en plaques à éclat de nacre, etc. — Ensuite M. Franchimont présente, au nom de M'° E. van Aken : L'oxydation des substances organiques 420- tées et la détermination de leur carbone et de leur azote suivant la voie humide. Critique scientiique et expérimentale des méthodes de Mill et Varrentrapp, de Kjeldahl, de Budde et Schou et spécialement de M. P. Fritsch (Liehig's Annalen, t. CXCIV, p. 7, 1897). 3. SCIENCES NATURELLES. — M. M. W. Beyerinck : Suite des recherches sur les bactéries oligonitro- philes (voir Rev. gén. des Se., t. XII, p. 392). Dans celte seconde partie, l’auteur s'occupe des espèces qui se développent sous l'influence de la lumière en des fluides nutritifs ne contenant que des traces de substances azotées, c'est-à-dire des espèces dont la nutrition en carbone se fait à l’aide du carbone de l'atmosphère. Ensuite M. Beyerinck s'occupe de : Bac- téries lumineuses comme réactif dans les recherches sur la fonction de la chlorophylle. Des algues marines enfermées dans une quantité d'eau salée contenant des bactéries lumineuses, n'émettant pas de lumière par suite d'une admission insatisfaisante de l'air, for- ment un réactif très précieux pour reconnaître la sé- crétion de l'oxygène dans la lumière et le rapport de + CO! ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cette sécrétion avec la couleur de :a lumière. L'auteur se sert d’une boîte en verre, rémplie d'une gélatine de culture à 3°/, de NaCI, contenant une grande quantité de bactéries lumineuses (Photobacter phosphorescens), et donc lumineuse sous une admission satisfaisante d'oxygène, portant dans son milieu une bande large d'une espèce d'algue ({/1va) introduite avant la congé lation de la gélatine. Dans l'obscurité, la gélatine ces sait bientôt de dégager de la lumière, les parois e verre empêchant l'entrée de l'air. Exposée à la lumière; la décomposition de l'acide carbonique par l'Ulva pro cure l'oxygène nécessaire pour que les bactéries rede viennent lumineuses, ce qui fait naître une tache de lumière qu’on peut faire disparaître et reparaître plus sieurs fois. Si l’on s'imagine cette boîte placée dans une chambre obscure, munie d'une coulisse qui permet de l'exposer par partie à des rayons de différentes cou leurs, on à une idée de l'instrument de l’auteur. De cette manière, il trouve que la lumière rouge seule favorise la décomposition de l'acide carbonique ; cam c'est seuleinent en admettant cette lumière que les bactéries recommencent à devenir lumineuses. De plus, l’auteur démontre que des feuilles de plantes de terres enfermées en gélatine contenant des bactéries lumis neuses, ne sécrètent qu'une petite quantité d'oxygène, quand on les éclaire après qu'on les a déprivées de l'air; ainsi il vérifie le résultat de M. Stabl (Botanische« Zeitung, 1894, p. 117 ét 1897, p. 71), que la respiration se fait à travers les stomates. — M. J. W. Moll : Appa- reil pour l'ajustage à distance du microscope de pro= Jjection. Description d’un mécanisme inventé par le directeur du Laboratoire botanique à l'Université de Groningue, à l’aide duquel le démonstrateur peut ajus= ter le microscope de projection, de manière que cer= taines parties de l’image grossie cinq mille fois et plus se montrent aussi distinctement que possible, sans qu'il soit nécessaire qu'il quitte la chaire, éloignée de 6 mètres des appareils à projection. — M. Th. Place présente au nom de M. J. W. Langelaan: Sur le tonus des muscles (suite) (voir Rev. gén. des Se., t. XI$ p. 1355). L'auteur démontre que la relation /= Ap— Bplogp, déduite d'expériences prises avec des gre nouilles, est vérifiée de même dans le cas de chats dont on a coupé la moelle épinière. Ensuite, M. Place présente au nom de M. Al. Kleyn : Æxamen bactério= logique d'exeréments humains. le partie : 4° L'hommem adulte sain sécrète dans les fèces un nombre de bacté- ries beaucoup plus grand qu’on ne le croyait jusqu'à présent (en vingt-quatre heures, environ 8.800 mil= liards, constituant 1,3 °/, de la substance solide des fèces); 2° la majeure partie de ces bactéries sont mortes (environ 99 °/,); 3° ordinairement, on observe dans les fèces des actions anti-bactérielles qui font diminuer en dehors du corps humain à 37° le nombre des microbes vivants et leur multiplication. — Rapport de MM. C. A: Pekelharing et Th. Place sur une communication de M. C. Nicolai intitulée : Un nouveau muscle de l'œil (Musculus papillæ nervi optici). Ce travail, démon- trant l'existence d'un muscle annulaire autour du nerf optique au point où ce nerf perce la paroi de l'œil, paraitra dans les Mémoires de l’Académie . M. C. A. J. A. Oudemans offre pour ces Mémoires : Enumeratio systematica Fungorum in Ranunculacea run, Berberidacearum, Nymphæacearum, Papavera cearum et Fumariacearum Europæarum organis di versis hucusque observatorum. — M. B. J. Stokwis présente au nom de M. E. Cohen : Voordrachten ovei physische Scheikunde voor geneeskundigen (Leçons de Chimie physique pour les étudiants en médecine). M. F. A. F.C. Went présente la thèse de M. S. L.Schou ten : Reinkulturen uit een onder het mikroskoop geï- soleerde cel (Cultures déduites d'une cellule unique; isolée sous le microscope). P.-H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLrvier. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 12° ANNÉE N° 18 30 SEPTEMBRE 1901 Revue générale DIRECTEUR : Des SCiences pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. ;: A L'OCCASION DE L'INAUGURATION C'est le 29 septembre, sous la présidence de M. Liard, directeur de l'Enseignement supérieur, À que la ville d’Arbois à inauguré solennellement la statue de Pasteur. Ce monument, dû au ciseau du seulpteur Daillon, s'élève sur la place de la Petite- Foule. La stalue, qui a figuré au dernier Salon, est Bon bronze et représente le grand homme assis dans l'attitude pensive qu'il avait souvent. Des discours ont élé prononcés, le jour de l'inauguration, par M. Cailletet, au nom de l'Aca- démie des Sciences, par M. Chamberland, repré- sentant l'Institut Pasteur, et par M. Boutroux, : professeur à la Faculté de Besancon, ancien pré- parateur de Pasteur. Le 2 Dans la petite cilé franc-comtoise, aux environs ‘agrestes, serpentés par une jolie rivière, la Cui- sance, s'écoulèrent l'enfance et la première jeu- nesse de celui qui devait être une des grandes - gloires du dix-neuvième siècle. …—_ Vers 185, le père de Pasteur, tanneur de son … état, vint se fixer à Arbois, dans une tannerie | qu'il avait louée et dont il fut plus tard propriétaire. Il avait combattu sous Napoléon, et sur la poitrine de l'humble travailleur brillait la croix de chevalier de la Légion d'honneur. Le jeune Louis, qui devint ensuile le grand Pasteur, était alors tout enfant. Il fréquenta d'abord l’école primaire, puis le collège ] | REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. PASTEUR A ARBOIS DE SA STATUE (29 SEPTEMBRE 1901) d'Arbois. Le rêve de son père était de le voir un jour professeur de ce même collège. Pendant ses premières années d'élude, aucun succès ne distin- gua le jeune écolier, ni ne fit pressentir son génie. Vers l'âge de treize ans, il ne manifestait encore qu'un goût prononcé pour le dessin; il maniait avec grâce le crayon et le fusain, et avait même fait un essai de pastel, un portrait témoignant d'une main très sûre et d'un vif sentiment de la réalité. Ce portrait, pieusement conservé dans la demeure familiale, représente sa mère, un matin qu'elle se rendait au marché, coiffée de son bonnet blanc, les épaules serrées dans un châle écossais bleu et vert. L'heure de l'étude passée, il était des premiers à aller s'ébatitre joyeusement dans la campagne. Les écoliers en vacance couraient dans les bois, ou organisaient des parties de pêche sur les bords la Cuisance. Souvent aussi, l’on se réunissait dans la cour de la tannerie, située derrière la facade de la maison, où s'ali- gnaient sept fosses pour la préparation des peaux, Là, Louis Pasteur et ses petits camarades s’amu- saient à utiliser les déchets d'écorce, à placer les débris de tan dans des rondelles de fer, et à fabri- quer, d’un mouvement de talon brusque et tour- nant, des séries de mottes destinées au chauffage. Le principal du collège d'Arbois, M. Romanet, fut le premier à deviner, dans l’écolier studieux et altentif, le génie qui devait un jour illustrer notre époque. Il parla d'avenir et de la grande École 18 de 822 normale à ce jeune élève qui l’écoutait les yeux brillants, le cœur rempli du feu de l'enthousiasme. Après bien des hésitations, son père consentit au départ de Louis pour Paris. Quitlant pour la pre- mière fois les siens, qu'il aimait tendrement, il partit vers les derniers jours d’octobre 1838 avec son ami Jules Vercel, qui venait préparer son bac- calauréat. Son séjour dans la capitale fut de courte durée. Malgré les efforts de sa volonté et son amour pour le travail, la nostalgie l’accabla. Il disait à Vercel : « Si je respirais seulement l'odeur de la tannerie, je sens que je serais guéri ». Sa famille, avertie par lui, s’alarma de ce mal moral qui prenait des proportions si intenses. Un matin, au milieu de novembre, Joseph Pasteur, ne pouvant endurer l’inquiélude, arriva à Paris sans être attendu, et le père et le fils retour- nèrent ensemble à Arbois. Durant les quelques mois qu'il passa auprès de sa famille, il revint à son passe-lemps favori, et reprit ses crayons, qu'il avait abandonnés depuis dix-huit mois. Des portraits au pastel, la plupart d’une touche gra- cieuse et fine, fixèrent les traits des amis qui fré- quentaient la maison du tanneur. À la fin de 1839, Pasteur achevait sa rhétorique ; il fut alors résolu qu'il se rendrait à Besançon pour suivre au lycée la classe de philosophie; il comp- tait dans cette ville finir ses études et préparer ses examens de l'École normale, point de mire de ses rèves et de ses aspirations. Son père se rendait à Besançon les jours de grand marché pour y vendre les cuirs de sa lannerie. Ces visites rendaient la séparation moins amère. En 1840, reçu bachelier ès lettres, il fut nommé maitre supplémentaire au lycée de Besancon. Deux ans après, il partit pour Paris pour se pré- _ parer au concours de l'École normale. Des lettres fréquentes à ses parents el à ses sœurs rappro- chaient la distance qui le séparait de son cher Arbois. Bien que l'éloignement du pays où vivait sa famille lui fût toujours aussi douloureux, son énergie, son enthousiasme pour l'étude l’aidèrent à surmonter cette épreuve que son attachement pour les siens rendait si pénible. IT À partir de celte époque, Pasteur cessa d’habiter Arbois; mais il resta fidèle à ce lieu rempli de souvenirs qu'il aimait: jusqu'à la fin de sa vie, il garda le culte voué à ce joli coin de terre où ses parents avaient vécu, où lui et ses sœurs avaient grandi. Chaque été il revenait à Arbois, dans l’ancien logis paternel, qu'il avait religieusement conservé. A mesure que sa famille s'était accrue, la vieille 2 D' ADRIEN LOIR — PASTEUR A ARBOIS de sa famille. De douloureux événements Îe rappelèrent à maintes reprises en Franche-Comté, le frappant dans ses plus chères affections. Sa mère mourut à Arbois peu de temps avant le mariage de Pasteur. Quelques années après, sa fille aînée, étant en vacances auprès de son grand père, élait brusquement enlevéé par une fièvre typhoïde. Cette mort fut suivie de près par celle dem Joseph Pasteur. k! Il perdit deux autres de ses filles, l’une à Cham béry, l’autre à Paris. Ce fut lui qui reconduisit 3" Arbois leur dépouille mortelle. On vivait simplement dans celte maison, que; durant les vacances, M. et M": Pasteur ouvraient à leur famille et à quelques amis intimes. 4 Dès huit heures, le savant se rendait dans son cabinet, conligu au laboratoire aménagé dans l'ha=M bitation, et travaillait jusqu'à midi. Dans le labo ratoire, Pasteur s'adonnait surtout à des expériences pour arriver à faire bénéficier ses compatriotes de ses recherches sur la vinification. Il passait, pour" les paysans franc-comlois du voisinage, pour une sorte de médecin des vins. Souvent on frappait à sa porte, lui apportant des bouteilles de ce célèbre vin jaune d’Arbois dont un fût menacait de s'altérer Consciencieusement, Pasteur analysait le vin eb faisait le nécessaire pour arrêter la maladie. Dans les caves d’Arbois peut-être en trouverail-on encore» des bouteilles chauffées par Pasteur lui-même. Il faisait aussi des recherches sur le charbon et le choléra des poules et surveillait la fabrication du vaccin du rouget des porcs. Il aimait à avoir ainsi dans ce laboratoire d'Arbois des travaux à suivre de près, mais il faisait surtout des projets d'expé- riences pour le retour à Paris. Du reste, il dirigeait de loin comme s'il eût été présent les grandes re- cherches du laboratoire de Ÿ Ecole normale. L'étude de la rage, qui a occupé une si longue période de“ sa vie, n'a subi aucune interruption durant ces mois de villégiature. Tenu au courant par ses pré- parateurs, il enregistrait chaque jour le résultat des expériences dans ces gros cahiers noirs dont parle Jules Claretie dans ses chroniques du Temps: Malgré son absence, grâce à cette comptabilité. scrupuleuse, il suivait pas à pas le développement de ses travaux. L'heure du déjeuner réunissail à table la fa-l mille. Les repas étaient égayés par les saillies spirituelles de son fils Jean-Baptiste, par la bonho= mie remplie d'humour de son ancien camarade” Bertin, qui devenait, ainsi que sa fille, l'hôte des Pasteur pendant la durée des vacances. Pasteur se laissait aller volontiers au courant de gaieté des” CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Conwives : Bertin surtout avait le don d’exciter sou- ent son hilarité, et il riait de son bon rire de franc- gomtois en écoutant les amusants à-propos de son _mieil ami. — Après le déjeuner l'on se rendait dans le minus- ule jardin, longé par la rivière, qui avait remplacé cour de la tannerie d'antan. Pasteur retournait ensuite dans son cabinet, où éitéré leur appel. On partait généralement vers atre heures; on allait d'habitude sur la route Dans son livre : Ja Vie de Pasteur, M. Vallery- Radot, son gendre, dit que cette petite excursion avait été aussi la promenade favorite du père du grand savant. Vers le second kilomètre, Pasteur possédait une vigne de quelques arpents : c'était but de la promenade, C’est dans cette vigne que furent faites, en réponse aux écrits posthumes de raisin. - Arbois fut la première étape du voyage expéri- 823 mental qu'il poursuivit jusqu’à la mer de Glace au moment de ses études sur la génération spontanée. À peu de distance de la tannerie paternelle, il mit ses premiers ballons de verre en contact avec l'air extérieur. Quoique n'étant pas sa ville natale, Arbois a toujours été son pays de prédilection et le théâtre de ses joies et de ses douleurs. Cette brève histoire de Pasteur à Arbois montre les liens qui atta- chaient le grand savant au petit pays jurassien. Il y allait encore pendant les dernières années de sa vie, toujours entouré de la tendresse de sa dévouée compagne et de ses enfants et de l'affection filiale de son gendre, M. Vallery-Radot. Ce brillant écrivain, digne historiographe du grand homme auquel il a consacré sa vie, nous a donné le plus complet document qui existe sur Pasteur. En lisant ces pages, où se trouvent retracées pieusement toutes les époques de sa vie, on revit non seulement l'histoire de ses découvertes, mais aussi la vie intime de l’illustre savant. C’est à juste titre que le docteur Roux à dit du grand maitre les paroles que Vallery-Radot à mis en tête de son beau livre : « L'œuvre de Pasteur est admirable: elle montre son génie, mais il faut avoir vécu dans son intimité pour connaître toute la bonté de son cœur ». D' Adrien Loir, Ancien préparateur de M. Pasteur. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie La constitution physique du Soleil, La Zevue a récemment publié une longue étude sur les Eclipses ét la constitution physique du Soleil !. - Nous voulons aujourd'hui revenir sur ce sujet à pro- pos d'un mémoire important dont l'auteur est M. Kr. Birkeland, professeur à l'Université de Christiania. Dans ses Recherches sur les taches du Soleil et leur origine, M. Birkeland ne se montre pas satisfait par les nombreuses hypothèses émises jusqu'à ce jour sur lintérieur du globe solaire. L'intérieur du Soleil renferme évidemment de vio- lents foyers thermodynamiques qui se manifestent de temps à autre au dehors, à travers la photosphère : les taches et les facules du Soleil doivent figurer au nombre de ces indices. Il est donc rationnel de rechercher les moyens de constater, à l'aide d'observations faites sur les taches et les facules, s’il existe une certaine persis- tance dans ces foyers, supposés cachés à l'intérieur du oleil, s'ils donnent lieu à des éruptions à retour pério- dique et si, dans la suite des temps, les différents v foyers forment entre eux une configuration de quelque invariabilité. … ! Voir : J. Mascanr : Les Eclipses et la constitution phy- sique du Soleil, dans la Revue des 15 et 30 mars 1901, €. XII, p.213, à 222 et 270 à 282. M. Birkeland examine d'abord le cas très simple où, à l'intérieur du Soleil, tournerait un noyau contenant un ensemble, à configuration fixe, de centres éruptifs distincts, bien séparés les uns des autres, et trahissant de temps à autre leur position instantanée en donnant lieu à des taches, au-dessus d'eux, sur la surface de la photosphère. Mais, en réalité, lorsqu'on veut procéder à une recherche sur la persistance des foyers qui pour- raient exister ainsi à l'intérieur du Soleil et servir de centre à des cataclysmes thermodynamiques, il con- vient de ne pas s'imaginer que de tels foyers existent, soit de facon distincte, soit séparés les uns des autres: on doit, au contraire, imaginer qu'il existe un système extrêmement compliqué de cratères et de fissures, en- chevètrés les uns dans les autres. En outre, on ne peut pas admettre comme évident que chaque volcan trahit sa position momentanée par des taches faisant leur apparition juste au-dessus du cratère considéré : car, si l'on veut bien considérer que les masses dont se composent les taches doivent tra- verser la photosphère, il est manifeste que les courants dominant dans celle-ci doivent, jusqu'à un certain point, influer sur la position qu'aura finalement la tache à l'instant de son apparition. Tout ce que l'on peut donc supposer, c’est que les taches apparaîtront au voisinage des points de la surface solaire qui sont situés au-dessus de centres éruptifs internes. Pour ces motifs, il faut renoncer à l'idée que l'on pourra obtenir la coïncidence parfaite des taches au 824 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE dessus des foyers auxquels elles doivent leur origine : mais, cependant, il était intéressant, et c'est ce qu'a fait M. Birkeland, de rechercher s'il existe une répartition nettement accusée des taches, subsistant d’une facon gé- nérale,invariable d'une année à l’autre, pour des dizaines ou peut-être même pour des centaines d'années. M. Birkeland, en se basant sur plus de 2.000 observa- tions de taches solaires empruntées, soit aux Greenwich Observations, soit à Carrington (Observations of Solar spots), soit à De la Rue, Stewart, etc.., est conduit à cette hypothèse qu'il y aurait dans l'intérieur du Soleil un noÿau, ayant une stabilité relativement considérable, et possédant une période unique de rotation de 25 jours, 149 : ce noyau contiendrait les centres d’érup- tion qui, pendant de longues années consécutives, occasionnent des éruptions périodiques et trahies par des taches à la surface du Soleil. Un tel résultat une fois admis, il reste impossible de défendre l'hypothèse suivant laquelle l'intérieur du Soleil serait gazeux, du moins au sens qu'on attache d'ordinaire à la notion de cet état d’agrégation. En effet, nous ignorons à priori quel est l'état des corps qui doit être le plus stable aux températures en question, et sous des pressions énormes longtemps prolongées. Espérons que M. Birkeland trouvera des éléments pour la solution de ce dernier problème dans les curieuses expériences que poursuit M. Tammann, sur les changements subis par la viscosité des corps lorsqu'on les soumet à des pressions considérables !. Quoi qu'il en soit, cette hypothèse de M. Birkeland, tendant à supposer le noyau du Soleil d'une rigidité effective au moins comparable à celle de l'acier, est des plus intéressantes, et il est à souhaiter qne les recher- ches du savant professeur de Christiania, tant sur la constitution physique du Soleil que sur l'influence des planètes sur les taches solaires, le conduisent à un ré- sultat encore plus certain. Les travaux de M. Birkeland sont une nouvelle preuve que la Physique et l'Astrono- mie sont déjà arrivées au degré de développement où les sciences, après s'être d'abord séparées, se rejoi- gnent et permettent des synthèses générales : en outre, il devient de plus en plus évident que l’astronome mo- derne ne peul manquer d'instruction générale, notam- ment sur la Physique, et qu'il est grand temps pour lui d'abandonner les errements de ses anciens. $ 2. — Météorologie La foudre en boule. — Une récente observation de foudre globulaire, communiquée par M. J. Violle à l'Académie des Sciences de Paris, vient de nouveau d'attirer l'attention du monde savant sur cet étrange phénomène, qui touche à la fois à la Météorologie et à la Physique : la foudre en boule. Devant de pareils faits, il n’est guère possible de se soustraire à l'idée qu'il existe une espèce de matière subtile, susceptible de s'unir temporairement avec la matière ordinaire : c'est cette matière fulgurante qui jouirait de la propriété d’entrainer dans sa course des sphères incandescentes composées de gaz ramassés dans l'atmosphère; c'est elle qui donnerait, à ces effrayants mobiles, des mouvements désordonnés, en quelque sorte volontaires. Qu'est-ce, en réalité, que cette matière fulqurante, dont Arago parle à chaque instant dans sa célèbre Notice sur le Tonnerre? Nous ne nous chargerons, pas plus qu'il ne le fait lui-même, de la définir. Mais, bien que nous ne puissions rattacher encore ces faits extraordinaires à l'ensemble de nos idées scientifiques, bien que nous ignorions la nature de Ja substance fulgurante, que nous connaissions à peine les phénomènes dont elle est, sinon l'agent, du moins la matière première, il nous serait vain, désormais, de —_——————————_———_————_——_—____ -—— ——_]——]"— "— 1 G. Tammanx : Uber die Grenzen des festen Zustandes, I-IV, dans les Wied, Ann, et Ann. der Physik}; 1897-1900. ne pas tenir compte des cent cinquante cas de foudres globulaires authentiques réunis par le D' Sestier, dans son savant ouvrage, et des nombreuses observations plus récentes de ce phénomène. Le 18 août 1777, à 9 heures du soir, on vit un globe de feu de 2 à 3 pieds de diamètre frapper le paraton= nerre de l'Observatoire de Padoue; le même phénos mène fut observé au village de Villers-la-Garenne, le 18 août 1792; le 24 décembre 1821, une troisième boule. de feu atteignait le paratonnerre d'une maison de Grabon. Nous voyons, dans les Annales de Poggendorf, que, ik y a une cinquantaine d'années, un autre éclair en boule apparut près de la ville de Cœthen, dans le duché d'Anhalt : cette fois, du moins, il y avait un grands nombre de personnes qui, toutes, virent la sphère merveilleuse couverte d'une teinte d'un vert clair: M. Colon, ancien vice-président de la Société géolo= gique de France, vit une boule descendre lentement du ciel sur la terre en suivant l'écorce d’un peuplier : elle n’exigea pas moins de cinq à six minutes pour aller du“ sommet jusqu'à la base, comme si elle avait à vaincre la résistance de l'air; mais elle choqua le sol, rapide comme l'éclair, rebondit et disparut sans avoir éclaté, En 1823, dans un orage observé par le Professeur Schübler, au-dessus de la forêt Noire, on apercut deux globes lumineux remorqués par deux langues de flammes. L'amiral Duperrey raconte qu'il assista, dans les îles de la Sonde, au spectacle effrayant d'un nuage sphérique qui lançait dans toutes les directions des éclairs et des tonnerres. Du globe de feu qui fil inva= sion dans l’église de Stralsund sortirent plusieurs gre- nades qui se brisèrent avec un fracas énorme. Le globe fulminant de Beaujon fit autant de dégâts, autant de bruit qu'une machine infernale qui aurait éclaté dans la rue : il lanca une douzaine de foudres en zigzag, qui frappèrent de tous côtés les objets environnants? l'une d'entre elles troua un mur, comme l’eut fait un boulet de canon. Un autre éclair perça le mur d'une grange à Effels pour tuer deux vaches et une jument: qui s'y trouvaient attachées. Un globe fulminant, ayant, éclaté à Everdon au milieu d'une grange remplie de moissonneurs, en blessa ou foudroya plusieurs : on trouva un grand nombre de brûlures lenticulaires à la surface du corps des victimes. ! < Nous pourrions aisément multiplier les exemples; mais arrivons enfin à l'observation de M. Violle : « … Tout à coup, écrit-il, je vis une boule de feu paraissant tomber du ciel, à la facon d'une pierre. Peu après, la région considérée fut encore illuminée à plu- sieurs reprises par des éclairs en effluves, sous forme de décharges diffuses localisées en un espace res= treint. » M. Violle ne croit pas possible d'attribuer à une erreur d'optique le phénomène qu'il a vu et qui a été vu, en même temps, de facon identique, par une personne placée à côté de lui et à laquelle le phéno= mène arracha une exclamation immédiate. Quelques mots maintenant de la dimension du ton- nerre en boule. Le volume de ces sphères brillantes n'est jamais bien considérable : sur quarante et une observations qui évaluent approximativement les di- mensions du météore, on n’eu trouve qu’une seule dans. laquelle il ait dépassé un mètre; le plus souvent on le compare au globe apparent de la lune, quelquefois même à une bille d'enfant. Presque toujours ces boules fulminantes se déplacent aussi lentement que celle qui visita les rues de Milan: des curieux purent marcher derrière elle pendant trois. ou quatre minutes avant qu'elle n'allât échouer sur la croix d'un clocher. Quelquefois, par exemple, les obsers valeurs qui ont vu passer ces curieux méléores purent s'imaginer qu'ils étaient entraînés par un léger courant d'air, tant leurs allures semblent nonchalantes. Ce sont là des faits bien curieux qui nous montrent, une fois de plus, que notre connaissance de la Nature est encore fort imparfaite, et que l'étude du monde qui nous entoure nous réserve encore bien des surprises: $S 3. — Art de l’Ingénieur La destruction des ordures et la produce- ‘ion de l'énergie électrique.— La question de la “Combustion des ordures des villes et de la production, au moyen de la chaleur dégagée, de vapeur et d'énergie mécanique ou électrique est une de celles qui intéres- Sent le plus, actuellement, les ingénieurs. Un éminent échnicien anglais, M. J.-S. Highfield, vient de com- muniquer au Congrès des Associations électriques Municipales, à Glasgow, le résultat de ses expériences en la matière, en qualité de directeur d'une station “d'énergie électrique à St-Helens, où la plus grande Mhartie de la vapeur est produite par la chaleur de Dmbostion des ordures ménagères. Voici quelques- | unes des remarques les plus intéressantes faites par M. Highfield : | -I1 est absolument certain que dans la plupart des milles, dans toutes, sauf dans les villes côtières, il n'ya À pas de meilleur moyen pour se débarrasser des ordures Mménasères, que celui de l’incinération, et le but prin- cipal de tout destructeur doit être de brûler les ordu- . es d’une facon parfaitement hygiénique. Dans les villes ayant 100.000 habitants ou plus, il sera générale- ment plus économique d’avoir deux emplacements, et dans les très grandes villes plus de deux, car le prix Supplémentaire du transport dépasse l'économie réa- lisée en brülant toutes les ordures dans un grand destructeur central. A St-Helens, il y a deux destruc- meurs; le prix de transport par tonne au n° 1, est de 3 fr. 15, et au n° 2 de 3 fr. 15 aussi; si toutes les or- dures étaient transportées au n° 1, le prix moyen par tonne serait de 3 fr. 65. . Si l’on considère la question de l'emplacement, là où deux ou un plus grand nombre de destructeurs sont nécessaires et où il n'existe pas déjà de station cen- trale, il est préférable de placer le plus grand destruc- teur sur un emplacement qui soit aussi convenable =} de facon que le transport ue soit pas trop cher depuis les districts où les ordures fournissent le meilleur com- bustible. Si une station centrale existe déjà, et si emplacement est suffisamment grand, et dans une position suffisamment favorable au point de vue du transport, alors naturellement ce sera l'emplacement pour le destructeur des ordures. » Si l’on n'y adjoint pas de chaudières, un bon des- tructeur doit réaliser les conditions suivantes: 1° tirage forcé ; 2° disposition convenable des carneaux doubles; 3 chargement rapide des matières; 4° chambres de dépôt ou installations pour empêcher la poussière d'entrer dans la cheminée; 5° dispositions pour enlever rapidement et à bon marché le mächefer. Si, au moyen de l'incinération des ordures ména- gères, on désire obtenir une grande quantité de vapeur, est nécessaire de fournir : 1° Une chaudière à haute pression en relation avec haque four; il doit y en avoir au moins deux, dont une de rechange; . 2 Chaque fourneau doit avoir deux divisions ou cel- lules, dontune doit toujours être allumée, pendant que l'autre est nettoyée ou chargée; . 3° Des carneaux dérivés de façon que toute chaleur , … 4° Des dispositions pour empêcher l'air froid d'entrer dans la chaudière pendant le chargement ou le net- toyage; 5e Des carneaux en double pour permettre aux four- “neaux d'être employés coutinuellement de semaine en semaine, une série de carneaux étant refroidie pour le nettoyage périodique. . Généralement, quand un destructeur est adjoint à une station d'énergie électrique, on à en réserve une grille - séparée pour pouvoir brûler du charbon sous la chau- - dière. Cela est seulement nécessaire quand, pour une raison quelconque, on désire chauffer les chaudières pour la station centrale, et de choisir cet emplacement: CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 825 sans ordures ménagères, avec du charbon seulement, ou quand les ordures sont d’une qualité excessivement variable. L'auteur n’a encore jamais employé de charbon pour aider les feux du destructeur, mais quelquefois les ordures ménagères ont été de mauvaise qualité et il a été nécessaire d'aider le destructeur avec de la vapeur d’autres chaudières. 11 a trouvé bon de mélanger du mächefer et des cendres aux ordures ménagères quand elles consistent principalement en poisson et en papier ; par ce moyen ces matières brülent d'une meilleure facon; on obtient plus de vapeur et aussi on se débar- rasse d'une grande quantité de produits d'une facon économique. Un des facteurs les plus importants de la production de la vapeur consiste dans la rapidité de chargement et de nettoyage des fourneaux. Le carneau ci-dessus men- tionné doit être en double ou disposé de facon que les fourneaux n'aient jamais besoin d'être arrêtés; les dis- positifs du tirage forcé devraient être aussi en double. La vapeur doit être produite sans interruption pen- dantenviron 16heures, et, si possible, pendant 24 heures chaque jour. Il n’est désirable en aucune facon de faire marcher le destructeur de façon à suivre les variations d'un circuit de lumière; si un circuit de lumière doit être alimenté, et si la charge du jour est petite, l'em- ploi du destructeur doit être limité à la fourniture d'une faible part de la chafge. Dans le cas d’une ins- tallation à courant direct, une grande batterie d’accu- mulateurs est le complément le plus utile; elle permet d'améliorer le facteur de charge et par conséquent l’utilisation de la vapeur, Le meilleur moyen d'installer le destructeur dans un cas semblable est d'établir une chaudière beaucoup trop grande pour que le destructeur puisse vaporiser seul toute sa capacité. Quand la charge la plus forte se produit, on peut brûler du charbon dans le second fourneau pour produire la quantité lotale de vapeur nécessaire. Si cependant la vapeur est employée en rapport avec une station de traction, ou une station qui fournit à la fois de l'énergie pour l'éclairage et la traction, alors la vapeur du destructeur peut avoir un meilleur emploi. L'installation dont l’auteur est chargé, à Saint-Helens, consiste en deux fourneaux de Beaman et Dea, chacun partagé en deux cellules, chaque fourneau servant à donner de la vapeur, à sa capacité entière, à une chaudière Babcock de 1.470 pieds carrés de surface de chauffe. Le tirage forcé est fourni par un ventilateur de 18 chevaux, la pression moyenne dans les cendriers fermés étant de 3 pouces. L'installation de la station centrale consiste en cinq générateurs de vapeur d'un rendement total de 1.000 kilowatts. En plusdela vapeur des chaudières du destructeur, de la vapeur est fournie par une batterie de % chaudières Lancashire de 30 X 8 pieds. La distribution de la vapeur est arrangée de facon à ce que deux moteurs d'une capacité de 125 kw. puissent être commandés par le destructeur indépen- damment des autres chaudières; d'autre part, les chaudières du destructeur et les chaudières du Lan- cashire peuvent fournir toute la vapeur en parallèle; dans chaque cireuit de machine, un wattmètre-heure enregistreur est disposé pour mesurer le rendement du générateur. D'habitude, l'énergie nécessaire pen- dant la journée est fournie par les destructeurs seule- ment,commandant un ou deux moteurs de 125 kilowalts ; plus tard, quand on a besoin d’une plus grande quan- tüité de force, on met parallèlement les deux séries de chaudières en travail. Le travail pendant cette année a été quelque peu en- {avé par suite de la nouvelle installation; un grand nombre de changements et de reconstructions ont été faits, ce qui a empêché d'obtenir le rendement maxi- mum du travail. On a trouvé que la valeur calorifique du combustible était bien supérieure en été qu'en hiver. Les’ordures 826 varient quelque peu de qualité d'un jour à l’autre. Voici les chiffres relatant le (ravail du 31 mars 1900 au 31 mars 1901 pour un destructeur d'ordures à deux chaudières : TOTAL pour l'année MOYENNE par semaine Poids d'ordures brülées . . 9.778 tonnes. 188 tonnes. Energie électriqueemployée pour conduire le ventila- teur etles autres moteurs. 70.000 unités. Unités produites par la va- 1.346 unités. DÉC E- ODEUUURRRE 1.019 — Dépenses de chauffage. . . 18.750 francs. 360 fr. 60. Frais de réparations . . . 2.150 — 41 fr. 35. ErAIS MOT AUX EME REEE E RA UNION 404 fr. 95. Poids du màächefer produit. 3.900 tonnes. 75 tonnes. Valeur du mortier vendu . 5.538 fr. 05. 106 fr. 45. Valeur des unités électri- ques produites, à 0 fr. 30 PARU ER AR 25 0 fran ess 216"fr. 35. Moyenne par tonne d'ordures brülées. Unités produites. . . . 9 IS UDITÉS: Unités employés pour les travaux . HS TI Prix de la combustion (comprenant les salaires, latlumieretetlamonce) PRET 2e SD: Prix des réparations (salaires et matériel). ONfT AS Poseto al dede COCHON EE RERO 0! Prix pour enlever le mäcbeler qui n'est pas SUÉRAMERNEMINID YÉMEN CR DDC UNIT ROIS Prix total pour détruire les ordures et pour enlever une partie du mâächefer. . . . . . . 3 fr. 18. Par les chiffres ci-dessus, on voit que l'économie netle due à l'emploi du destructeur en combinaison avec une station électrique, est de 11.250 francs, moins 1.250 francs pour réparations de chaudière, et. moins 2.250 francs, représentant l'intérêt et l'amortissement d'une somme de 37.500 francs (prix supplémentaire pour les chaudières faisant marcher les broyeurs de mortier, le ventilateur, etc.). Il reste un bénéfice de 7.750 francs, ou #1 °/, des frais totaux. Le prix pour incinérer les ordures et enlever le mà- chefer est donc réduit de 3 fr. 15 par tonne à 2 fr. 40 par tonne. 11 faut remarquer qu'en plus de la vapeur fournie pour les travaux électriques, le destructeur en fournit aussi pour faire marcher deux broyeurs à mortier et un treuil à vapeur. $ 4. — Chimie Nouvelles recherches sur l'affaiblissement des clichés photographiques. — Il y a quelques années, MM. Lumière et Seyewelz' ont montré que le persulfate d’ammoniaque jouit de propriétés précieuses permettant de l’'employer à l’affaiblissement des clichés photographiques. A la suite de ces recherches, diverses substances douées de propriétés oxydantes ont été pro- posées comme affaiblisseurs, agissant davantage sur les parties très opaques du cliché que sur les portions de moindre intensité, et permettant ainsi d'affaiblir les clichés manquant de pose et trop développés sans atténuer l'importance des détails des parties les plus transparentes. Citons, parmi ces substances : l'eau oxygénée®, le per- manganate de potassium addilionné d'acide sulfurique, et même le bichromate de potassium additionné d'acide sulfurique. MM. Lumière et Seyewetz ont examiné comparative- ment ces divers composés et ont mis en lumière quelques particularités intéressantes du persulfate d'ammoniaque : 1° Le persulfate d'ammoniaque agit plus rapidement lorsque le cliché soumis à son action est humide que lorsqu'il est sec; 1 Bulletin de la Société fr, de Photographie, 1898. ? ANDRESEN : l’hotographische Correspondenz, 1898. % Namras, Bull. della Societa Lotografica italiana, 1899. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 2° L'action affaiblissante du persulfate d'ammoniaque ne se manifeste qu'au bout d'un temps relativemen long, après l'immersion dans le bain; mais, dès que celte action à commencé, elle se continue régulière ment, tandis qu'avec tous les autres affaiblisseurs même dans le cas du permanganate de potassium addi tionné d'acide sulfurique, l’action affaiblissante com” mence presque immédiatement après l'immersion du cliché dans la solution: 3° Les clichés affaiblis au persulfate d’ammoniaque doivent être plongés dans une solution susceptible de détruire l'excès de persulfate d'ammoniaque qui mouille le cliché (solution de sulfite ou de bisulfite alcalin), sinon l’action affaiblissante s'exerce encore quelque temps après que le cliché a été retiré du bains même sous l'eau de lavage. Cette précaution n’est pas nécessaire avec les autres affaiblisseurs, car l’action cesse dès qu'on les retire de la solution pour les laver; | 4° Quelle que soit la concentration de la solution de persulfate, le résultat final est constant au point de vue du rapport des intensités entre les parties opaques et les parties transparentes; seule la rapidité de l'action: varie et se trouve d'autant plus diminuée que la solu= tion est plus étendue. Il n'en est pas de même des autres affaiblisseurs qui donnent des résultats différents: suivant qu'ils agissent en solution étendue ou con centrée ; o° Le voile produit par surexposition ou par un déve- loppement trop prolongé n'est pas sensiblement atténué par l'action du persulfate d’ammoniaque, tandis qu'il peut être détruit par tous les autres affaiblisseurs. » Ces différences essentielles, qui paraissent exister entre le mode d'action du persulfate d'ammoniaque et celui des autres substances affaiblissantes, ont con= duit MM. Lumière et Seyewelz à rechercher un moyen» de mettre en évidence d’une facon précise les résultats fournis par les divers affaiblisseurs. Dans ce but, ils ont impressionné une plaque sensible de facon à produire sur celle-ci une série de bandes verticales continues correspondant à des temps de pose croissants, en prenant la précaution de commencer pan un temps de pose extrêmement faible. Ils ont ains obtenu, d’une extrémitè à l’autre de la plaque, une échelle d’intensités variées dont le premier terme est très faible et le dernier très intense. En divisant ensuite cette plaque, dans un sens perpendiculaire aux bandes: formant l'échelle, en autant de parties qu'il y avait d'affaiblisseurs à comparer, on peut en affaiblissant chacune d'elles de facon à ramener l'impression la plus opaque à être la même sur toutes les bandes, juger facilement ainsi par comparaison que est celui des affaiblisseurs qui attaque le moins les parties les plus transparentes des bandes. Dans ces conditions ont été expérimentés les affai= blisseurs suivants : 1° A l’eau oxygénée; 2° Au pers sulfate d'ammoniaque; 3° Au permanganate de potas sium et à l'acide sulfurique (formule Namias); 4 Au sulfate cérique ; 5° Au ferricyanure de potassium et à l'hyposullite de soude; 6° Au bichromate de potassium» et à l'acide sulfurique. Les résultats obtenus montrent que le persulfate d'ammoniaque est bien le seul des affaiblisseurs préco= nisés jusqu'ici, qui, pratiquement, permette d’atténue l'intensité des parties opaques des clichés sans détruire les faibles impressions. MM. Lumière et Seyewetz ont; en outre, observé que les résultats obtenus avec le pe sulfate d'ammoniaque peuvent varier suivant la naturë du révélateur ayant servi à développer le cliché soumis à l’action de cet affaiblisseur. Ainsi l’action spéciale du persulfate d'ammoniaques qui est très marquée lorsque le cliché a été développé au diamidophénol, ou avec la plupart des révélateurs; se trouve non seulement atténuée, mais complètement inversée lorsque le développement a lieu avec le paras midophénol. Dans ce cas, le cliché affaibli au persulfaté d'ammoniaque conserve beaucoup moins de détails CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 827 “dans les parties les plus transparentes que s'il a été _ soumis à l'action des autres affaiblisseurs. Le développateur au paramidophénol paraît être le Seul présentant vis-à-vis de l'emploi du persulfate d'ammoniaque cette curieuse anomalie ; tous les autres svélateurs expérimentés se comportent, à cet égard, comme le diamidophénel. C'est dans le cas de photo- “ypes développés avec le dernier révélateur que l'on peut retirer les plus grands avantages de l'emploi du Les Expéditions antarctiques anglaise et allemande. — On peut certainement attendre d'im- rtants résultats scientifiques des deux grandes expé- ions, l’une anglaise, l'autre allemande, qui sont par- ties, dans le courant du mois d'août dernier, pour les régions polaires antarctiques. Non seulement elles sont Orsanisées de longue date et avec un très grand soin; Mais, comme il doit être procédé par l'une et l’autre à diverses études et notamment aux observations magné- liques et météorologiques d’après un programme élaboré en commun par les savants des deux pays, cette enquête méthodiquement poursuivie dans les régions les plus néridionales de l'hémisphère sud ne peut manquer d'être d'un grand profit pour la science. L'Expédition anglaise, qui a pu être organisée grâce surtout aux efforts de Sir Clements Markham, président de la Société royale de Géographie de Londres, à pris a mer le 6 août, et le navire qui la porte, la Discovery, rte de baleinière, réunit toutes les conditions de cons- fruction désirables pour résister aux plus forts assauts des glaces. Il a été construit à Dundee sur les plans de & Discovery, dont il a pris le nom, l’un des bâtiments de Sir John Nares dans son expédition arctique de 1872- 1873, et il passe pour présenter une force de résistance supérieure à celle du Fram, de Nansen. Long de 55 mè- tres sur 10%, 10 de large, le navire de l'Expédition anglaise déplace 1.570 tonnes. Sa machine à vapeur est forte de 50 chevaux; sa mâture et sa voilure sont disposées de lle sorte qu'il pourra profiter du moindre soufile de ent. Le navire est en chêne et sa résistance aux pres- sions du dehors est assurée par des revêtements exlé- ieurs et par un système de poutres géminées, unissant diverses parties de sa carcasse. Les laboratoires sont installés des deux côtés du pout supérieur, et l'obser- atoire magnétique est isolé soigneusement de toute influence perturbatrice extérieure, Des canots destinés ux explorations polaires sont suspendus aux flancs du vire ; il emporte aussi ce qui est nécessaire pour armer ballon captif qui, sur la banquise, servira d’observa- La Discovery est commandée par le capitaine Scott, de la Marine royale, avec le lieutenant Armitage comme écond, et c'est de lui que dépend l'état-major scienti- que civil. Les travaux savants devaient être d’abord dirigés par le D' Gregory, professeur de Géologie à Université de Melbourne; il a été remplacé par D George Murray, Directeur du département botanique au British Museum, qui n'accompagnera pas ses collè- gues au delà de Melbourne. Avec l'équipage, le navire compte à son bord quarante-huit personnes. “L'Expédition allemande, dont le promoteur est le G. Neumayer, est en préparation depuis plusieurs nées et a été également organisée avec le soin le plus nutieux. Le navire qui la porte a recu le nom d’un es plus célèbres mathématiciens ailemands : c’est le auss. Ce navire, qui est par le gréement un trois-mâts oélette, mesure 50%, 40 de longueur sur 40%, 50 dans sa plus grande largeur. Un modèle du Gauss à figuré à Exposition de 1900. A babord se trouve un pavillon aux parois épaisses, où sont logées la tabie et les cartes pour les travaux nagnétiques ; de même que sur la Discovery, le fer est anni de toute cette partie du navire. Une grue en fer .£ 40 . lassif est, à l'autre extrémité, destinée à lancer et à Î Î retirer les filets que le vaisseau laisse trainer au fond de la mer. Dans le salon des officiers et des savants, sont rangés les divers instruments devant servir aux observations météorologiques et autres, et notamment les thermomètres pour mesurer la température au fond de la mer. Dans l’entrepont, se trouve tout le matériel nécessaire pour gonfler sept fois le petit ballon qu'em- porte avec lui le navire, ainsi que de nombreux cerfs- volants qui feront connaitre la direction du vent. Le chef de l’'Expédition est le Professeur Erich von: Drysalski, le savant explorateur des glaciers du Groen- land ; c'est l'Empereur lui-même qui lui en a confié la conduite. Il se chargera spécialement des travaux océa- nographiques et géodésiques, et il est accompagné de plusieurs autres savants; mais, ce qui est remarquable dans l’organisation de cette Expédition, c’est qu'il a la haute main sur le capitaine du navire lui-même. Le Professeur von Drygalski a le droit de disposer entiè- rement du vaisseau et de tous ses moyens d'action, ainsi que de tout son personnel; ce droit n'estlimité que dans le cas de péri! du navire ou de la vie de l'équipage. On pense généralement que ce mode d'organisation, qui n’a pas été admis pour l'Expédition anglaise, est le seul rationnel pour une importante mission scientifique. L'équipage comprend, en y joignant les officiers, vingt- huit hommes. Afin de régler et de coordonner les travaux des deux Expéditions, anglaise et allemande, les Comités antarc- tiques des deux pays ont divisé de concert les régions polaires antarctiques en quatre quadrants, en prenant comme méridien initial celui de Greenwich : 1° Qua- drant Victoria, du 90° de long. E. au 1809; 2° Quadrant de Ross, du 180° au 90° de long. O.; 3° Quadrant de Wedell, du 90 de long. O. à 0°; 4 Quadrant d'Enderby, du 0° au 90° de long. E. Chacun de ces quadrants corres- pondra à un cadre spécial d'activité scientitique. L'Expédition de la Discovery a pour mission l'explo- ration des deux premiers quadrants, Victoria et Ross. Du Cap, le navire se dirigera sur Melbourne, puis sur le port de Lyttelton, dans la Nouvelle-Zélande; et, si tout se passe selon les prévisions, il sera dès la fin de l'année dans les régions ylacées. Pendant l'été 1901-1902, l'Expédition cherchera à reconnaitre l'extension de la terre Victoria vers l'est, et elle passera, s’il est possible, l'hiver 1902 sur la côte ouest de cette masse continen- tale. Pendant cette période, des reconnaissances seront faites en traîneau vers le sud et vers la région volcanique du mont Erebus. La Discovery est équipée pour un voyage de trois années, c'est-à-dire pour deux hiver- nages dans les glaces du pôle sud. Dans le courant de 1902, un autre navire partira d'Angleterre pour ravi- tailler les explorateurs. Le Gauss abordera la région opposée à celle que doit explorer l'Expédition anglaise, c'est-à-dire le côté atlantique et indien du pôle sud, en prenant les îles Kerguelen comme base d'opération. Une station y sera installée à Three Island Harbour, pour exécuter des observations météorologiques et magnétiques, en même temps que d’autres seront faites aussi d’après le même programme dans certaines autres stations, notamment dans celle que la République Argentine doit installer dans l'ile des Etats, grâce à l'intervention du D' Moreno. Des îles Kerguelen, qu'elle laissera dans le courant de décembre 1901, l'Expédition fera route, d’abord vers l'est, jusqu'au 90° de Jong. E. de Gr., puis dans le sud. Le Professeur von Drygalski fera ensuile tous ses efforts pour atteindre les terres antarctiques et pour s'appro- cher, autant que possible, du pôle sud. Il cherchera à reconnaître les relations qui pourraient exister entre la terre Victoria et les terres de Kemp et d'Enderby. Il a le projet d'établir une station scientifique sur l’une des terres antarctiques, où les savants de l'Expédition se livreraient à des recherches pendant une année. Le vaisseau restera en exploration au plus tard jusqu’en juin 1904. Si, à cette date, on n'avait pas recu de ses nouvelles, une autre Expédition serait envoyée à sa recherche. Gustave Regelsperger. E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION LES GLANDES DE LA CIRCULATION L'étude des glandes vasculaires —corps thyroïdes, capsules surrénales et hypophyse — occupe actuel- lementune des premières places, sinon la première, parmi lesrecherches des physiologistes. Depuis une vingtaine d'années, ces organes, considérés jus- qu'alors comme inaccessibles à une expérimenta- tion méthodique, ont fait l'objet des éludes expé- rimentales les plus variées, tant chimiques que pathologiques. La voie avail élé ouverte aux tra- vaux de laboratoire par de nombreuses observa- tions cliniques sur les maladies des glandes vascu- laires et sur les graves perturbations qu’elles pro- voquent dans l’économie générale des organismes atteints. La symptomatologie de ces affections, admirablement décrile par cerlains cliniciens, avait sinon révélé le rôle physiologique de ces glandes, du moins indiqué la route où l'expéri- mentation devait d'abord s'engager pour le décou- vrir. Ainsi s'explique la ‘endance des premiers expé- rimentaleurs à reproduire artificiellement, chez des animaux, diverses lésions de ces organes, afin d'en observer les suites de plus près et dans des conditions variées. L'ablation totale ou par- tielle des glandes vasculaires, telle fut donc, au dé- but, la méthode prédominante, presque exclusive, à laquelle recoururent, dans leurs innombrables recherches, physiologistes et pathologistes. Mais, pour être les plus anciens de la Physiologie, ces procédés d’expérimentation ne laissent pas d'offrir de graves inconvénients. Les résultats obtenus de la sorte n'autorisent que des conclusions exces- sivement restreintes et leur interprétation présente souvent des difficultés insurmontables. D'ailleurs, la méthode de l’extirpation ne peul être appliquée avec fruit que quand il s'agit d'organes facilement accessibles à l'opérateur, et surtout quand il est possible à celui-ci de les enlever soit en partie, soit en totalité sans porter atteinte aux organes voisins. Or, parmi les glandes vasculaires, seuls les corps thyroïdes et les parathyroïdes répondent à peu près à ces conditions. Pour ce qui est des capsules surrénales et de l’hypophyse, la méthode de l’extirpation ne saurait leur être appliquée sans produire des lésions et perturbations graves dans des appareils voisins, dont le fonctionnement est souvent plus important que celui de ces glandes elles-mêmes. Aussi, quelque nombreuses et intéressantes que soient les observations recueillies par les recherches RÉGULATRICES ET DE LA NUTRITION expérimentales sur ces organes, elles n'ont pas réussi à nous fournir des données certaines eb préeises, susceptibles de nous en dévoiler le rôles physiologique. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler le nombre incalculable d’hypothèses émises sur ce rôle, hypothèses contradictoires, dont. aucune ne donnait satisfaction aux exigences des physiologistes. C'est surtout la thérapeutique des maladies de ces organes qui a profité des recherches effectuées; encore est-elle restée trop souvent toute empirique. Le concours que les investigations des chimistes ont pu prêter aux cliniciens devait également rester très limité, lant que le fonction= nement physiologique des glandes vasculaires" n'aurait pas été suffisamment éclairci. } Cette étude ne pouvait être entreprise utilement que par des physiologistes, à l’aide des méthodes précises que leur science emploie avec tant des succès dans la déterminalion des fonctions d’autres: organes. Pour les glandes vasculaires, notamment, il fallait recourir aux procédés d'expérimentationn directe qui ont donné des résultats si brillants à Claude Bernard, Ludwig et autres dans leurs clas- siques recherches sur la glande sous-maxillaire. La physiologie de ces organes serait encore à présent lettre close pour la Science si l'on.s’était contentés de les extirper pour en déterminer les fonctions C'est en observant directement le jeu normal d'un organe qu’on en saisit le mieux le mécanisme. C'est en modifiant à volonté les conditions de ce fone= tionnement qu'on arrive peu à peu à élablir tous les détails d'un mécanisme d'ordinaire très com= plexe. | Aussi, quand, il y à cinq ans, j'abordai l'étude des glandes thyroïdes, c’est à celte méthode d'ex= périmentation direcle que j'eus exclusivement recours. C'est à elle en première ligne que je dois les résultats précis et incontestables qui m'onts permis de fixer les traits principaux de la desti= nation physiologique de ces corps *. Je débulai dans mes recherches par une élude analomo-physiologique des nerfs des glandes ! Mes expériences sur les glandes thyroïdes, l'hypophyse» et les capsules surrénales sont exposées en détail dans les. nombreuses études publiées dans l'Archiv von PfAügers vol. LXX, LXXI, LXXII, LXXIII, LXXIV, LXXVII, LXXXIMeR LXXXIII, et dans un volume : Beiträge zur Physiologie E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION 829 thyroïdes, et cela chez trois animaux choisis de “préférence pour mes expériences : le cheval, le chien et le lapin. En établissant l’origine, la dis- - tribution et le fonctionnement des nerfs vaso- moteurs des corps thyroïdes, je pus constater | “influence tout à fait hors pair qu'ils sont à même d'exercer aussi bien sur la circulation dans ces glandes elles-mêmes que sur la pression sanguine mdes artères voisines. 4 Leur action peut, en effet, accélérer considéra- blement la circulation du sang dans les glandes, /a mquadrupler méme, el diminuer d’une manière très “sensible la pression sanguine dans les deux caro- tides. Pour ces expériences, j'appliquai directement “aux artères et aux veines des thyroïdes la mélhode de mensuration de la pression sanguine et de la Vitesse de la circulation. Pendant que celle-ci S'accroissait dans les vaisseaux de la glande sous l'excitation des nerfs thyroïdiens, je pus aussi observer de visu les changements de volume des “aisseaux lymphatiques, notamment leur gonfle- ment considérable. Comme les substances colloïdes “des thyroïdes quittaient la glande par ces derniers “vaisseaux (Langendorff, Hürthle et autres), ce gon- flement indiquait que l'excitation de certains nerfs “thyroïdiens augmentait l'écoulement et très proba- blement la production même de ces substances. Certains nerfs du cœur, notamment les nerfs dépresseurs et les nerfs pneumogastriques, exer- “cent de leur côté un effet analogue sur la circulation “sanguine dans les thyroïdes : les premiers nerfs — “pur une action réflexe sur les vaisseaux de la “glande ; les pneumogastriques — grâce à l’aug- “mentation de la force des pulsations cardiaques et au ralentissement de leur rythme. La grande puissance des nerfs vaso-moteurs des | thyroïdes et les limites très larges dans lesquelles elles peuvent, grâce aussi à leur extrême vascula- ilé ", varier la masse du sang qui les traverse, oivent forcément exercer une influence notable ur la circulation intracranienne. La quantité du Sang qui pénètre par les carotides dans le cerveau doit être déterminée en grande partie par l'état de a circulation dans les vaisseaux thyroïdiens ; ces erniers forment, pour ainsi dire, des écluses de défense à l'entrée même des carotides dans la boîte “cranienne. — Ce rôle purement mécanique des corps thyroï- diens, les médecins l'avaient depuis longtemps “soupçonné en observant les augmentations pério- 4 + der Schilddrüse, etc., Bonn, 1898. Une partie de mes re- cherches est résumée dans les Comptes Rendus de l'Aca- démie des Sciences, années 1897 et 1898, et dans les “Archives de Physiologie, n° 3, juillet 1898, etc. … 4! D'après les calculs de Sommeri ing, le diamètre des vais- ‘seaux des thyroïdes représente huit fois celui des artères _ cérébrales. —_ REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. " diques de ces glandes pendant la menstruation et la grossesse, comme aussi certains rapports entre ces augmentations et les congestions cérébrales. Mes recherches n’ont faitqu'indiquer le mécanisme nerveux à l’aide duquel les thyroïdes peuvent rem- plir cette fonction régulatrice de la circulation cra- nienne. Parmi les nombreuses substances extraites par les chimistes de ces glandes et représentées comme déterminant leur destinalion chimique, je choisis pour mes expériences l'iodothyrine de Baumann, dont l’aclion sur les oxydations du corps avait déjà été très neltement démontrée par plusieurs recherches antérieures. Cette concordant avec l'effet thérapeutique des glandes thyroïdes, employées dans leur intégrité ou par extraits aqueux, indiquait déjà clairement que l'iodothyrine devait être classée parmi les principes actifs de la glande. Sa richesse en iode, dont l'efficacité dans le trailement de certains goitres était connue depuis longtemps, parlait en faveur de la même conclu- sion. Une étude expérimentale sur les propriétés physiologiques de l'iodothyrine s'imposait donc. Les résultats que j'oblins vinrent confirmer le grand rôle que la substance de Baumann joue dans le fonctionnement des glandes thyroïdes. Je pus, en effel, constater que l'iodothyrine exerce sur le système nerveux cardiaque et vaso-moteur une action considérable et très constante : elle aug- mente et entretient l’activité et l'excitabilité des nerfs pneumogastriques, dépresseurs et vaso-dila- lateurs, landis que, par contre, elle diminue celles des nerfs accéléraleurs et vaso-constricteurs. La vérilable portée de cette action m'apparut surtout quand de nombreuses expériences, faites sur des animaux atteints d'affections strumeuses!, meurent révélé que les dégénérescences et les atrophies des corps thyroiïdes aflaiblissent très notablement l'ac- tivilé des nerfs pneumogastriques et dépresseurs, tandis contraire elles exallent à un haut degré celle des accélérateurs et des vaso-constric- teurs. L’eflel général des aflections strumeuses très avancées est done entièrement opposé à celui que produit l'introduction de l'iodothyrine dans la cir- culation. Ce fut là, sur la destination physiologique de cette substance, un trait de lumière permettant enfin d'élucider la véritable nature du processus qui s’accomplit dans les thyroïdes. Je dirigeai done mes nouvelles recherches dans la voie indiquée. Bientôt je pus me convaincre que l’iodothyrine est en mesure de rétablir l’excitabilité des pneumogas- triques et des dépresseurs, même dans les cas où action qu'au 1 Mes recherches furent exécutées dans le Laboratoire de Physiologie de Berne; or, dans cette ville, comme dans beaucoup d'autres villes suisses, la plupart des animaux sont atteints de goitres. { 18* 830 E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION celle-ci a été complètement éteinte par la mise hors fonetion des glandes thyroïdes. C'est après cette constatation que je me mis à étudier les effets de l'ablation des corps thyroïdes sur le système ner- veux cardiaque. Ici encore, les résultats de mes expériences furent on ne peut plus concluants. Les premiers jours, après la thyroïdectomie, le fonc- tüonnement normal des nerfs cardiaques et vaso-mo- teurs est complètement bouleversé. Le mot anarchie est le seul qui rende exactement l’état anormal dans lequel se trouvaient les nerfs dont la tâche consiste à régulariser les fonctions des organes de la circulation. Cet état dure plus ou moins long- temps ; il cède ensuite la place à une série de mo- difications plus fixes dont j'ai pu constater la per- sistance huit et dix mois après l'opération. Ces phé- nomènes consistent en une exagéralion de l'action des nerfs accélérateurs et vaso-constricteurs, jointe à une diminution considérable de l'activité des nerfs modérateurs et régulateurs du cœur et des vaisseaux. Get état correspond donc entièrement à celui observé dans la plupart des animaux goitreux, et— comme chez ces derniers — l'introduclion de l'iodothyrine fut à même de rétablir l'équilibre troublé et de rendre aux nerfs modérateurs et vaso- dilatateurs leur excitabilité diminuée ou abolie. Fait très important à relever : les modifications que les affections strumeuses ou la thyroïdectomie amènent dans le système nerveux cardiaque et vaso-moteur s’élendent aussi bien aux centres cérébro-spinaux de ces nerfs qu'à leurs centres périphériques situés dans les ganglions du grand sympathique et du cœur lui-même. Bien plus, il n'est pas jusqu'aux troncs nerveux qui ne soient souvent atteints dans le même sens. Or, l'iodo- thyrine exerce aussi son action bienfaisante sur tous les centres du même système nerveux. Ainsi, par exemple, elle provoque une notable augmen- tation de la force des battements du cœur en même temps que leur ralentissement, même après la section préalable des deux pneumogastriques. La grande importance physiologique de liodo- thyrine ainsi établie, il devenait nécessaire de déterminer quelle part dans son action revient à l’iode qu’elle contient. Le D' Barbèra voulut bien, à ma demande, exécuter des recherches expéri- mentales sur l’action de l’iode pur et de l'iodure de sodium sur les mêmes systèmes nerveux, tant chez les animaux pourvus de glandes normales et stru- meuses que chez les sujets thyroïdectomés. Le résultat capital de ces expériences fut que l’action de l'iode était dans tous les cas opposée à celle de l'iodothyrine. L'iode agissait sur les nerfs du cou et des vaisseaux dans le même sens que la thyroiï- dectomie ou les affections strumeuses. L'iode et l’iodothyrine étaient donc, au peint de vue de leur aclion sur le système nerveux, des antagonistes Bien plus, l'iodothyrine pouvait agir commen antidole de l'iode, et plusieurs fois je réussis à neutraliser les effets paralysants de 7 gramme d'iode par une injection intraveineuse de 2 cen= timètres cubes d'iodothyrine, ne contenant que 1 milligr. 8 d’iode. Etant donné cet anlagonisme entre l’iodothyrine et l'iode dans leur action sur les pneumogastriques; il était d'un très grand intérêt de rechercherm comment ces deux substances se comporteraient vis-à-vis de l’atropine et de la muscarine qui exer= cent, comme l'on sait, une action contraire sur les mêmes nerfs cardiaques. La puissance de l'iodo- thyrine irait-elle jusqu’à rétablir l'excitabilité des preumogastriques paralysés par l’atropine ? L'iodes de son côté, pourrait-il inhiber la forte et souvent mortelle excitation des pneumogastriques pro voquée par la muscarine? De nombreuses expé= riences donnèrent des réponses affirmatives aux deux questions: l'iodothyrine est un énergique antidote de l’atropine, comme l’iode est un antidoté de la muscarine. Indépendammeut du haut intérêt qu’ils présentent pour la pharmacologie", ces faits, faciles à observer, précisent encore davantage lem rôle important de l'iodothyrine dans le fonction- nement de la glande thyroïde : en dehors de sim faculté d'accélérer les échanges organiques et d'augmenter la production de l’urée, l'iodothyrines | est, en effet, destinée à entretenir le bon fonction-m nement des nerfs modérateurs du cœur et des vaso= dilatateurs et à les défendre contre des agents: toxiques et nuisibles. En résumé, l’expérimentation directe sur les glandes thyroïdes a mis en lumière des fonctions bien déterminées de ces organes: une fonction mécanique, toute locale en apparence, consistant à 1 régulariser la circulation du sang dans la boites cranienne, et la fonction chimique plus générale que je viens de préciser. Quels sont les rapports entre ces deux fonctions des corps thyroïdes et cette se- conde propriété de l’'iodothyrine, déjà connue avants mes recherches, d'augmenter notablement les échan- ges organiques? Je reviendrai sur celte question d'une portée générale à la fin de mon exposé, parce qu'elle se pose également et presque dans les mêmes termes à propos du fonctionnement des autres glandes vasculaires. Auparavant, je veux résumer les résultats dem mes recherches ultérieures, instituées surtout pour mieux approfondir la nature et les fonctions des, corps thyroïdes. en DEN OMOPEN MP AP CES SERRE 1, Jusqu'à présent l’atropine avait été considérée comme un poison absolu pour les pneumogastriques et cette. substance pouvait seule inhiber les elfets mortels de La muscarine. E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION IT C'est l’antagonisme physiologique entre l'iode et “l'iodothyrine qui, selon moi, constitue le nœud du problème chimique à résoudre dans l'étude des fonctions des glandes thyroïdes. Parmi les nom- “ breux travaux des chimisles, ceux qui se ratta- 3 chaient de plus près aux recherches de Baumann sur l'iodothyrine devaient donc être les plus inté- “ressants pour le physiologiste. C'est par là que les études d'un élève de Baumann, le D' Oswald, se “recommandaient tout particulièrement à mon atten- » Lion. — Prenant pour point du départ de ses recherches l'assertion de Baumann que l'iodothyrine existe “dans les thyroïdes unie à un corps albuminoïde, Oswald s'attache à isoler ce corps el à en étudier les propriélés chimiques et physiologiques. Il réussit à dégager dans la thyroïde deux substances albuminoïdes dont l’une contenait de l’iode et élait ibre de phosphore, tandis que l’autre, au contraire, élait libre d'iode et contenait du phosphore. Con- formément à leurs propriétés chimiques, Oswald dénomma la première thyroïglobuline et ‘désigna la seconde comme nucléo-protéide. Les deux subs- tances se trouvent dans la masse colloïde de la glande, qui ne serait qu'un mélange de ces deux —…_ Corps. … C'estla thyroïglobuline qui nous intéresse le plus, puisque c'est elle qui contient l'iode sous forme Blicdothyrine. Ainsi que l'avaient montré quelques —… expériences d'Oswald, la thyroïglobuline exerce sur les oxydations dans l'organisme les mêmes … effets que la substance de Baumann ou la glande . thyroïde ingérée intégralement. Il était donc du plus haut intérêt d’éprouver son action sur les appareils nerveux qui régularisent la circulation du sang. Les études expérimentales faites dans cette direction par Oswald et moi, et . dont une partie a paru dans l'Archiv von Pflüger (vol. LXXXIIT), confirmèrent de tous points nos prévisions. Voici quelles furent les conclusions de nos premières recherches : a) La thyroïglobuline doit être considérée comme - la substance albuminoïde qui contient l'iodothyrine ; D) l'antagonisme entre l’action physiologique de . l'iodothyrine sur les nerfs du cœur et des vaisseaux et celle de l'iode se rapporte aussi à l’iode que les thyroïdes peuvent contenir sous une autre forme - que l’iodothyrine. C’est-à-dire qu'aucun autre pro- duit de ces glandes, füt-il même iodé, ne possède les propriétés physiologiques de l'iodothyrine. Quelques faits observés au cours de nos recher- ches méritent encore d'être signalés, parce qu'ils soulignent la grande portée de l'iodothyrine dans le fonctionnement des thyroïdes. La thyroïglo- , + TS buline des veaux de Zurich‘ ne contient diode sous aucune forme : aussi est-elle dépourvue de toute action sur le système nerveux cardiaque. Par contre, la même substance, recueillie par Oswald sur des veaux envoyés de Paris, renferme, en moyenne, jusqu’à 0,56 °/, d'iode. L'autre fait est encore plus significatif : la thy- roïglobuline extraite par Oswald de glandes thy- roïdes normales d'hommes contient 0,34 °/, d'iode; celle d’un habitant de Zurich ne donne que 0,19 °}, et celle d'un goitre basedowien que 0,07 °/, ?. La thyroïglobuline provenant des glandes strumeuses d'un habitant de Zurich que je viens d’expérimenter est restée sans effet sur les nerfs du cœur et des vaisseaux. Dans les chapitres consacrés à la synthèse des fonctions des glandes thyroïdes j'ai groupé de nombreux faits relatifs à l'étiologie et à la théra- peutlique des goitres, faits qui tous trouvent aisé- ment leur explication dans le trouble des fonctions chimique et mécanique, lelles que je viens de les exposer. Je ne puis que renvoyer le lecteur à ces chapitres ”, III Une lacune avait été signalée dans ma théorie de la fonction physique où mécanique des thyroïdes : j'avais bien démontré, m'objectait-on, l'existence dans ces glandes de mécanismes nerveux suscep- tibles d'influencer les quantités de sang qui pénè- trent par les carotides dans la boîte cranienne, mais il restait à établir, par quelque preuve directe, que lesdits mécanismes remplissent eflectivement ce rôle d’écluses. Le fait est que la présence d’un autre rouage est encore indispensable pour que l'ingénieux outillage nerveux et vasculaire des glandes thyroïdes soit à même d'exercer son action protectrice du cerveau. Il faut, en outre, que ce dernier, se trouvant en danger, puisse 2voquer à temps le secours de cet outillage et le mettre anto- maliquement en jeu. « Démontrer expérimentalement la justesse de celte déduction, écrivais-je en 1898, c'était asseoir ma théorie sur des bases inébranlables, les preuves déductives jointes à celles qu'on à obtenues par la méthode d'induction donnant toujours le plus haut degré de certitude qu'on puisse atteindre dans les Sciences naturelles ». C'est à l'hypophyse que je m'adressai pour découvrir le rouage en question, les recherches antérieures de Rogowitz, Slieda, Gley et autres £ Et probablement de la plupart des veaux suisses. 2 M. Gley a également constaté la diminution de l'iode dans la maladie de Baseaow. $ Chapitres vi et vin des Beiträge zur Physiologie der Schilddrüse. 832 E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION ayant déjà altiré mon atlention sur les relations physiologiques entre cet organe et les glandes thy- roïdes : située dans la partie la plus abritée du crâne, entourée de grands sinus veineux et abondamment pourvue elle-même de vaisseaux sanguins, enfer- mée en outre dans une cavité à parois rigides, l'hypophyse paraissait, en vertu de ces conditions anatomiques, éminemment apte à ressentir toutes les variations de la pression intracranienne. Elle se prêtait donc parfaitement au rôle d’un avertisseur automatique destiné à mettre en mouvement le mécanisme protecteur des glandes thyroïdes. C'est encore à l'expérimentation directe que j'eus recours pour déterminer les fonctions de l'hypophyse. La méthode de l’extirpation était ici contre-indiquée. Les inévitables lésions des parties cérébrales voisines auraient rendu impossible toute interprétation précise des résullats obtenus. Au contraire, avecl'expérimentation directe sur l'hypo- physe, ces lésions pouvaient être aisément évitées. Mes procédés opératoires les réduisirent, le plus souvent, à une simple incision de la muqueuse du palais de la bouche (chez le chien) ou à une section du pharynx {chez le lapin) et à une ouverture de 2-% millimètres à la base du crâne chez les deux. L'hypophyse ainsi mise à nu, une simple pression mécanique exercée sur elle-même ou sur les parois de sa cavité suffisait pour la mettre en fonction. Une légère excitation électrique (de la force de 3-5 volts) réussissait à activer notablement le fonc- tionnement de l'hypophyse et permettait d'observer en détail le mécanisme par lequel elle parvient à régler la pression intracranienne. Voici les principales indicalions que m'ont don- nées, sur le rôle physiologique de l'hypophyse cérébrale, les recherches de plusieurs années : 1° L'hypophyse préserve le cerveau des dange- reux afflux de sang et le protège contre les con- séquences des pressions trop fortes dans la boite cranienne ; 2 Elle régularise, en outre, les échanges orga- niques du Corps. La première de ces fonctions, l'hypophyse la remplit par deux voies : 4) Toule augmentation de pression dans la cavité provoque un renforcement et un ralentissement notables des pulsations car- diaques ainsi qu'une légère élévation de la pression sanguine. Par suite de ces changements, la vitesse de la circulation veineuse, surtout dans les corps thyroïdes, s'accroit d'une manière considérable, les sinus veineux se vident avec facilité et la pression intracranienne baisse, C'est là la voie mécanique; b) De plus, l'hypophyse produit deux substances dont l'action simultanée entrelient constamment les centres nerveux cardiaques et vaso-moteurs dans un état d’excitalion tonique extrêmement favorable à l'écoulement du sang des veines intracraniennes. Les deux voies — la mécanique et la chinrique — agissent donc dansle même sens el principalement par l'intermédiaire des centres pneumogastriques. Le tonus de ces nerfs est dü en grande partie à l'hypophyse. C'est par l’action des mêmes subs- tances que Fhypophyse intervient dans les échanges organiques : elle provoque une notable augmenta- tion de ces échanges et, conséquemment, une diminution dans le poids du corps. La principale substance active de l'hypophyse, à laquelle j'ai donné le nom d’hypophysine, agit donc en général dans le même sens que l'iodothy- « rine, mais avec beaucoup plus d'énergie. Ainsi, par exemple, non seulement elle peut inhiber plus complètement l’action paralysante de l’atropine sur le cœur, mais son introduclion préalable est à même d'empêcher cette action de se manifester. Comme l'indiquent les nombreux graphiques repro- duils dans mes Mémoires, les substances actives de l'hypophyse peuvent aussi augmenter la force des battements du cœur dans une mesure beaucoup plus considérable que ne le fait l’iodothyrine. En outre, celte augmentation persiste plusieurs heures après l'introduction de la substance. Howell, Li- von, Cleghorn et d’autres ont, indépendamment de moi, constaté les mêmes phénomènes. Quant à l'action des extraits de l’hypophyse ou de l’hypophyse entière sur les oxydations, j'avais pu reconnaitre, par des observalions faites sur les malades, qu’elle est aussi d’une efficacité supérieure à celle de l’iodothyrine. Ainsi, quoique se trouvant en quantité bien moindre, les substances actives de l'hypophyse peuvent remplir en grande partie la fonction chi- mique de l'iodothyrine, lorsque celle-ci fait défaut par suite de la thyroïdeelomie. Pour ce qui est du rôle de l'hypophyse en tant qu'auto-régulateur mécanique de la pression intracranienne, elle est à même également de l'accomplir, mais en partie seulement, chez les animaux thyroïdectomés, grâce à son action sur la vitesse de la circulation dans le système veineux du corps entier. Parmi lesrésultats, souvent contradictoires, obte- nus en procédant par l’extirpation ‘! de l'hypophyse, \ il en est pourtant plusieurs qui apparaissent avec plus de régularité, grâce à l'exécution plus soi- gneuse de l'opération. Ce sont, en premier lieu, l'accélération des battements du cœur et le ralen-« tissement des mouvements respiratoires qui, selon ‘ Une discussion détaillée des expériences exécutées à l'aide de cette méthode est sur le point de paraître dans l'Archiv von Pflüger, vol. LXXXVI. Dans la même étude, la plupart des symptômes de l'acromégalie et d’autres affections de l'hypophyse sont aisément expliqués à l'aide de ma théo- rie de son fonctionnement. + sa * D me SP RS MORE E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION … Caselli, se manifestent constamment après l'opéra- lion et persistent pendant huit ou dix jours. Une — dépression psychique, suivie d'un état comateux, — apparait également aussitôt après l’extirpation de 4 e l'hypophyse et dure jusqu'à la mort de l'animal. Les désordres moteurs, allant jusqu'aux convul- “sions cloniques, et les variations du poids de l’ani- mal sont égalementles conséquences très fréquentes “de l'opération, mais elles se manifestent sous di- verses formes. Le plus souvent, le poids augmente “malgré les troubles digestifs et la dépression de l'animal opéré. Le premier symptôme observé par Caselli con- firme d'une manière éclalante ma thèse, que l’ex- “citation lonique des pneumogastriques est due en “grande partie au fonctionnement normal de l'hy- pophyse. La dépression psychique et le coma sont les résultats inévitables de l'augmentation de la pression intracranienne, par suile de la mise hors fonction de l'appareil qui en est le régulateur auto- matique . Les troubles moteurs ont la même origine que les convulsions épileptiformes que j'ai souvent observées après une excitation prolongée de l'hy- - pophyse : une anémie des centres cérébraux provo- quée par cette excitation. Enfin, l'augmentation de poids de l'animal à la suite de l’ablation de l'hypo- | - physe s'explique aisément par l'absence des subs- tances actives de cette glande qui favorisent les - oxydations dans l'organisme. Ma théorie des fonctions de l’hypophyse, basée sur les résultats de l’expérimentation directe, se - rouve donc pleinement d'accord avec les prinei- paux faits observés par les pathologistes qui avaient le plus habilement opéré des extirpations de l'hypophyse. La thèse que ces pathologistes avaient soutenue pour expliquer les fonctions de l'hypophyse, notam- ment que cet organe était destiné à détruire des toxines accumulées dans l'organisme, n'a donc plus aucune raison d'être. La lâche de désintoxiquer le sang incombe, en premier lieu, au foie; l'élimination des produits nocifs des désassimilations organiques, aux reins et aux glandes sudorifiques. Le concours qu'une glande aussi minuscule que l'hypophyse pourrait prêter à ces organes serait vraiment d'une impor- . lance dérisoire. IV En somme, la méthode de l’expérimentation di- - recte m'a permis d'élucider les fonctions principales 4 4 Aussi, ai-je pu observer chez des acromégaliens une — amélioration notable d'une dépression psychique analogue —… par un traitement avec l'hypophyse en poudre. Voir LancE- REAUX : Bull. de l'Acad. de Méd., 22 Novembre 1898. 833 des deux glandes vasculaires, les corps thyroïdes et l'hypophyse,ei de préciser le véritable caractère des imporlants rapports physiologiques qui existent entre ces glandes. Grâce à la nature de ces rapports, ces glandes peuvent se suppléer en cas d’ablation de Zune d'elles, au moins jusqu'à un certain point. Ces abla- tions n'en produisent pas moins de graves pertur- bations dans le fonctionnement des centres nerveux qui président à la régularisation de la circulalion sanguine. Mais ces désordres ne doivent nullement amener la mort immédiate, comme le pensent à tort plusieurs expérimentateurs, comme par exemple Lo Monaco et van Rynberk. Ce n’est que l'examen direct de ce fonctionnement qui permet de constater, aus- silôt après l'opération, la gravité de ces désordres, et ce n’est qu'après un laps de temps plus ou moins long qu'apparaissent les symptômes morbides qui font périr les animaux opérés. Seule l’ablation des capsules surrénales s'est Jus- qu'à présent toujours montrée mortelle dans un délai très court. Mais, étant données les lésions concomitantes, les causes intimes de cette mort ne sont pas encore entièrement élucidées. Par leur situation anatomique, les capsules se prêtent, d’ail- leurs, très difficilement à l’'expérimentation directe. Aussi me suis-je borné, dans mes études sur ces organes, à préciser davantage l’action de leurs pro- duits chimiques sur les nerfs cardiaques et vaso- moteurs. Les recherches antérieures faites par M. Oliver et Schäfer, par Cybulski et Szymonowicz, par Langlois, Gottlieb et autres n'avaient fourni que des indications peu concordantes sur la nature de cette action. Des expériences avec l'introduction d'extraits des glandes surrénales tantôt dans la cir- culation isolée du cer veau, tantôt dans celle du reste du corps, ainsi que l'étude de l’excitabililé des nerfs cardiaques et vaso-moleurs pendant ces intro- ductions, ont permis d'établir que les substances actives des capsules surrénales augmentent nota- blement l’activité physiologique des centres des nerfs vaso-constricteurs et des accélérateurs. Elles . agissent dans un sens opposé sur les vaso-dilalateurs et les nerfs modérateurs du cœur. Par conséquent, ces substances sont des antagonistes de l'iodothyrine et de l'hypophysine. Loin de nuire au bon fonctionnement des nerfs régulateurs de la circulation, cet antagonisme en est uné condition indispensable. L'appareil cireu- latoire n'est pas, en effet, un simple appareil hy- draulique fonctionnant dans des conditions im- muables. La cireulation du sang doit se modifier sans cesse pour s'adapter aux multiples besoins de chaque organe, Tantôt c'est le cerveau, tantôt c’est l'estomac ou le système des muscles volontaires, qui exige un afflux de sang plus considérable afin 534 de pouvoir äccomplir sa tâche fonctionnelle. La quantité de sang dont dispose l'organisme est loin, en effet, de suflire à un fonctionnement simultané de tous les organes du corps. L'appareil de la cir- culalion doit également s'adapter aux innombrables modifications qu'exercent constamment sur le corps les influences extérieures, Lelles que les variations de la température, de la pression barométrique, de l'humidité de l'air ambiant, etc. Les conditions de la circulation varient aussi avec l’état de repos ou de travail, avec l'attitude du corps (couché ou debout); elles sont différentes la nuit et le jour, Tantôt, c'est une accélération des battements du cœur, avec une diminution ou une augmentation de la pression sanguine, qui répond le mieux au besoin momentané de l'organisme; — tantôt, tout l’op- posé. La somme des périodes d'activité du cœur dans un temps donné reste, il est vrai, la même, quelle que soit la rapidité des pulsations cardiaques. Mais celte loi de la constance du travail du cœur dans certaines limites délerminées, que j'ai établie en 1866, ne reçoit son exécution que gräce à l'antago- nisme entre les diverses fonctions des nerfs du cœur et des vaisseaux. Pour que le cœur puisse varier son rythme selon les besoins momentanés de l'organisme, sans que la somme de son travail utile soit diminuée, l'intervention de nombreux appareils régulateurs (nerfs accélérateurs, nerfs modérateurs, dépresseurs el vaso-moteurs du cœur) est indispensable. La quantité de sang dont dispose l'organisme entier est également presque constante. Mais, pour que chaque organe puisse disposer, à un moment donné, de la quantilé de sang qui lui est nécessaire, le jeu automatique des nerfs vaso-constricteurs el vaso-dilatateurs affectés au service de cet organe doit intervenir d'une manière diverse. C'est donc sur l'harmonie entre toutes les in- fluences antagonistes et modératrices des nerfs que repose le fonctionnement normal et régulier du cœur et du reste de l'appareil circulatoire. Les glandes qui, par leurs sécrétions et produits divers, maintiennent les nerfs antagonistes en bon état de fonctionnement, remplissent par conséquent un rôle physiologique d’une portée vitale. Il est évi- dent que, suivant qu'une quantité plus ou moins forte de telle ou telle de ces substances actives arriverait dans la circulation, la prépondérance appartiendrait tantôt à certains nerfs, tantôt à cer- tains autres. /] doit donc exister normalement entre ces quantités un rapport harmonique qui ne saurait être troublé longtemps sans provoquer des acci- dents pathologiques plus ou moins graves. Ce sont ces perturbalions qu'on observe en premier lieu après l’ablation de la thyroïde ou de l'hypophyse. E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION Ainsi, j'ai pu constater queles battements irréguliers du cœur qu'on désigne sous le nom de pulsus bige- minus Où {rigeminus sont aisément provoqués par M des introductions artificielles des produits de l’une ou de l’autre glande, ces pulsations élant dues à une disharmonie anormale entre les nerfs modé- rateurs et les nerfs accélérateurs du cœur, Des * introductions semblables produisent également des M oscillations toutes particulières de la pression san- guine, connues sous le nom d'’oscillations de Traube. Les oscillalions spontanées de cette pression dé- pendent d’une rupture de l'équilibre entre les inner- vations toniques des vaso-constricteurs et des vaso-dilatateurs. ILest donc extrêmement probable que, normalement, cet équilibre est maintenu par les actions antagonistes des diverses substances actives des glandes vasculaires”. V Les glandes dont les fonctions viennent d'être exposées ici sont-elles les seules qui soient chargées de régulariser la circulation? Certainement non. Les glandes parathyroïdes de Gley, les glandes carotides et les pelites glandes du même genre, disséminées, selon Stilling, sur le parcours du grand sympathique, ont une destination analogue. Pour les parathyroïdes, les recherches de Gley avaient déjà établi le concours qu'elles fournissent aux corps thyroïdes. Les résultats obtenus par Luzena, Gatla, Caselli et autres, en procédant par la méthode de l’exlirpation, n'admettent, il est vrai, que des interprélations très vagues ; il n’en ressort pas moins de leurs expériences que le rôle de ces glandules est encore assez important. La glande coccygée de Luschka, qui, par sa struc- ture et sa situation anatomique, présente tant d'analogies avec l'hypophyse, serait particulière- ment intéressante à étudier. Elle paraît être des- tinée à régulariser la circulation dans le petit bassin. D'autres problèmes concernant ces organes res- tent encore à résoudre : l'action des glandes yas- culaires sur les oxydations organiques s'exerce- t-elle par l'intermédiaire des nerfs qui régularisent la circulation du sang ou dépend-elle d’une action directe sur les nerfs trophiques? Il est hautement probable que ces oxydations sont réglées à la fois par les nerfs vaso-moteurs et par les nerfs tro- phiques. Une partie considérable de ces derniers, M sinon la totalité, se trouve dans le pneumogas- trique et dans le grand sympathique. Le rôle du premier de ces nerfs à l'égard des glandes diges- 4 Le professeur Livon (de Marseille) est arrivé par ses propres recherches à une explication analogue des oscilla= tions périodiques de la pression sanguine. 4 ù lun j; E. DE CYON — LES GLANDES RÉGULATRICES DE LA CIRCULATION “tives (estomac et pancréas) vient encore d'être “établi dernièrement d'une manière éclatante par les études de Pawlow et de ses élèves. On connaît depuis longtemps son action sur les organes de la respiration, sur le foie, etc. Or, est-il possible admettre que les substances actives de la thyroïde et de lhypophyse, dont l'effet est si puissant sur les centres périphériques el cérébraux de ces nerfs, se rendent dans le cœur et les vaisseaux, laissant en dehors de leur action celles qui se distribuent dans les poumons, le foie et les glandes digestives ? ien n'autorise une conclusion aussi paradoxale. u contraire, les effeis connus de ces substances ctives sur les échanges organiques s'explique- raient très aisément dans l'hypothèse que l'iodothy- rine, l'hypophysine et l’épinéphrine exercent les effets que nous venons de constater sur la totalité des systèmes pneumogastrique et sympathique. C'est en ramenant le plus grand nombre de phé- nomènes biologiques aux mêmes causes. iniliales que le naturaliste parvient à découvrir les lois qui les régissent. Est-il besoin de dire que les chimistes se four- voient complètement lorsque, négligeant l’interven- tion du système nerveux, ils prétendent expliquer l'action des substances en question par d'hypothé- tiques combinaisons chimiques ? Procéder de la sorte, c'est méconnaitre entièrement l'essence même des phénomènes physiologiques dont on cherche l'interprétation. Comment doit-on désignerles glandes vasculaires, à présent que le mystère qui couvrait leur destina- tion physiologique vient d'être en grande partie dissipé ? Brown-Sequard, qui aimait beaucoup les mots à effets, les a désignées autrefois sous le nom de « glandes à sécrétion interne ». Cette dénomina- tion n'était ni neuve ni exacte; mais, comme elle n'avait aucun sens et n’expliquait rien, elle devint rapidement populaire, chacun pouvant lui faire signifier ce qu'il voulait. La désignation em- agissent exclusivement sur les fibres nerveuses qui | 835 ployée par Gley : « glandes protectrices de l'orga- nisme contre lui-même » vaut déjà mieux. Mais l'élargissement de nos connaissances sur les fonc- tions de ces glandes nous permet aujourd'hui de préciser bien davantage. Je propose de les dési- gner comme les glandes régulatrices de la cir- culation et de la nutrition (Schutzdrüsen für die Regulirung der Blutlaufs und der Ernährung). Cela répond exactement à leur destination physiolo- gique, telle qu'elle ressort avec évidence des der- nières recherches. Antérieurement, j'avais désigné les substances actives que ces glandes produisent comme les poi- sons physiologiques du cœur et des vaisseaux". Le développement ultérieur des recherches sur les sécrétions des autres glandes permettra très pro- bablement d'étendre davantage leur rôle et de les désigner comme les poisons physiologiques du système nerveux. Le mot « poison » a été choisi avant tout pour marquer l'analogie de leur action avec celle des poisons du cœur les plus connus, comme l'atropine, la nicotine, la muscarine, le chlorol, dont ces pro- duits sont les antagonistes victorieux. Il fallait aussi, en les désignant comme poisons physiolo- giques, bien indiquer qu'il s’agit de substances tout opposées aux « toxines ». Ces dernières, produils accidentels des désassimilations organiques ou des sécrétions microbiennes, sont des substances pathogènes qui doivent être éliminées du corps. L'iodothyrine, l'hypophysine, l'épinéphrine de Abel (ou la suprarénine de Furth) sont, au con- traire, des substances physiologiques produites par des glandes ad hoc; leur présence est indispen- sable au bon fonctionnement du système nerveux qui domine la circulation du sang et la nutrition. E. de Cyon. PERRET { Voir mon étude sous ce titre dans l'Archiv von PAüger, vol. LXXIII, LXXIV et LXXVII, ainsi que le chapitre L de mon article « l'Innervation du cœur », dans le Diction- naire de Physiologie de Ch. Richet, vol. I. 836 L'ÉTAT ACTUEL ET LES BESOINS DE LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES ET DES PATURAGES EN FRANCE I. — IMPORTANCE CULTURALE ET ÉCONOMIQUE. Les prairies naturelles ou polyphytes, c'est-à- dire constituées par le mélange d'un grand nombre d'espèces végétales, surtout de Graminées et de Légumineuses, forment, après les céréales, les cul- tures les plus importantes de la France; car, s’il est vrai que les diverses céréales occupent une étendue totale d'environ 15.000.000 d'hectares, les prairies naturelles et herbages viennent immédiatement après, avec une superficie de près de 6.300.000 hec- tares ‘: Cette étendue comprend : les prairies nalu- relles proprement dites, ou prairies de fauche, consacrées à la production du foin et du regain, prairies qui, à elles seules, dépassent 4.400.000 hec- tares, et les herbages où pälurages qui forment le reste. Toutefois, cette distinction n’est pas absolue, car il arrive, dans bon nombre de cas, qu'une sur- face enherbée est à la fois fauchée et pâturée, soit dans le courant d'une année, soit pendant la période qu’elle occupe le sol. Les causes qui militent en faveur de l’accroisse- ment de la surface des prairies artificielles sont les mêmes pour ce qui à trait aux prairies naturelles; nous n'insislerons donc pas sur ce point. Non seulement l'herbe verte et le foin servent à la nourriture des bestiaux, dont le nombre va toujours en augmentant dans la plupart des exploi- tations rurales, mais encore c’est l'agriculture qui doit fournir le foin nécessaire à l'armée, à la cava- lerie des Omnibus, des Petites-Voitures et autres entreprises de transport dans les grandes villes; la p'oduction du foin est donc des plus impérieuses, car elle intéresse au plus haut point le commerce, l'industrie et la défense nationale. $ 1. — Rôle économique. à Les prairies naturelles, les prés, comme on les appelle quelquefois, constituent un excellent sys- tème de cullure, et cela à bien des points de vue. Tout d'abord, elles ne demandent que très peu de main-d'œuvre, ce qui est à prendre en sérieuse considération, à une époque où le manque de bras ! L'étendue consacrée aux prairies artificielles n'atteint que 3.000.000 d'hectares. Voir : L'Etat actuel et les besoins de la culture du trèfle, de la luzerne et du sainfoin en France, dans la Revue générale des Sciences du 45 août 1898, t. IX, n° 15, A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE se fait de plus en plus sentir; de plus, elles per- mettent l'entretien d'un nombreux bétail, source de # à . . ° à ‘ bénéfices indiscutable, puisque la consommation de la viande va toujours en augmentant; il en résulte aussi une production abondante de fumier. Or, on sait que, malgré l'accroissement dûment constalé en ces dernières années dans l'emploi des engrais chimiques, le fumier de ferme n'en reste pas moins l’engrais type par excellence, la base de toute fertilisation rationnelle et économique, les engrais artificiels ou commerciaux n'étant que complémentaires dans un système de culture bien compris. On peut donc dire, sans éxagération aucune, que la prairie est l'appui de tout progrès agricole, puisque avec les bestiaux on fait de l'argent et qu'avec le fumier en abondance il n'y a pas de mauvaises terreslabourables. D'ailleurs, il est avéré que les systèmes de culture les plus productifs sont précisément ceux qui font aux prairies la plus large part. C'est ainsi que l'ile de Jersey, dont la cullure est si riche, n’a que un sixième de son étendue consacrée aux céréales, tandis que le reste est en prairies. $ 2. — Rôle améliorateur. Contrairement aux autres cullures, qui sont plus ou moins épuisantes, les prairies naturelles, tout comme les prairies artificielles et presque autant que celles-ci, améliorent le sol qui les porte. En effet, on sait que la formation de l'azote nitrique (nitrification) est due à une fermentation; or, le ferment nitrique est aérobie. Il en résulte que, dans une terre labourée, perméable par conséquent, la nitrification est très intense et les plantes ne peuvent pas toujours absorber les nitrates au fur et à mesure de leur formation; il en résulle une perte, du fait de l'entrainement par les eaux de drainage, perte qui n'existe pas dans un sol en prairie où la nitrification est beaucoup moins active. D'autre part, les plantes de la familie des Légumineuses sont toujours plus ou moins abon- dantes dans une prairie polyphyte, et on sait que, non seulement ces plantes n'absorbent pas l'azote du sol, mais qu'elles captent l'azote libre de l’atmo- sphère par un phénomène biologique des plus intéressants, que nous n'avons pas à décrire. Il semble donc, comme le fait observer notre émi- nent maitre M. P.-P. Dehérain', qu'il y ait deux causes agissant en sens inverse : la nitrification, 5 cause de perle qui s'exerce surtout sur les sols —… riches, tandis que la fixation microbienne de l'azote …nyintervient pas, cette fixalion entrant en jeu au L- dans les sols pauvres ; on concoit toutefois - que, même lorsque cette fixation d'azote intervient -dans des sols labourés chaque année, elle soit con- trebalancée par la nitrification et que la teneur en azote ne subisse plus de grands changements, tan- dis qu'au contraire, si l’on retarde la nitrification - en supprimant les labours, les actions microbiennes dominent et la terre s'enrichit en azote. - «Quand, il y a quelques années, dit M. Dehérain, nous ignorions que l'azote de l'air intervient effica- - cement dans la végétation, nous pouvions craindre que l’impossibililé où nous sommes encore d’en- . gager directement l'azote de l'air en combinaison n'amenàt, après l'épuisement des gisements connus de nitrates, un appauvrissement considérable de nos terres-cullivées; et il est certain que cet épui- sement du nitrate du Pérou causera un grand préjudice, sans toutefois amener nos terres à la sté- ki A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 837 riblement aux récoltes qui suivent le défriche- ment. » ; $ 3. — Etendue cultivée. La surface consacrée aux prairies el aux pätu- rages est en voie d'accroissement marqué, ainsi que le montrent les chiffres du tableau 1, que nous empruntons aux statistiques officielles. TABLEAU I, — Accroissement de la culture des prairies naturelles et des herbages depuis 1840. PRODUCTION PRODUIT ANNÉES cultivée herbacte moyen en tonnes | ÉTENDUE | | par hectare | en hectares | | ————— | ———— ————————— | ———— 1810 (86 départ.) .| 4.198.197 | 10.520.203 2.640 1862 (S9 — ) 5.021.246 | 16.009.500 3.381 1882 (86 — ) 5.946.260 | 18.528.519 3.527 86 — }).| 6.230.671 | 16.003.057* 2.832 | 1892 Déjà, il y avait en France, en 1700, d’après Vau- ban, 4.267.000 hectares de prairies, el soixante ans, plus tard, Mirabeau évaluait à 5.000.000 d'hec- tares l'étendue prairiale de notre pays. TABLEAU IL. — Répartition des prairies et pâturages en catégories. CATÉGORIES —————— Prairies naturelles irriguées : 19 Naturellement par les eaux de rivières . . . . 20. A l'aide de canaux d'irrigation ou de travaux spéciaux . NET ere Prairies uaturelles non irriguées . RENDEMENT moyen par hectare en quintaux en quintaux PRODUCTION totale SUPERFICIE VALEUR TOTALE en hectares en francs ———————— 198 38.024.828 37.343.837 52.484.658 181 S51 Totaux et moyennes . 836 127.853.323 Herbages pälurés de plaines . de côteaux alpestres . 562 827 219 3.385.396 Totaux et moyennes . 608 35.562.643 Totaux généraux et moyennes générales 213.444 163.415.966 .980.25 rilité, en effel, nous savons aujourd'hui qu'une terre maintenue en prairies s'enrichit d'azote, et nous avons dès lors entre les mains une méthode qui nous permettra toujours d'augmenter le stock . d'azote combiné que renferment nos terres, méthode qu'il ne faut au reste employer qu'avec précaution, car, Si la création des prairies temporaires de Gra- minées laisse le sol enrichi en azote, la culture de ces prairies défrichées est très difficile, à cause … des insectes qui y pullulent et souvent nuisent ter- 4 L SeP:-P- page 503. LA DEuÉRAIN : Trailé de Chimie agricole, 1898, La statistique officielle, d'accord en cela avec la pratique courante, divise les prairies de fauche en deux grands groupes : 1° Les prairies irriguées ; 2° les prairies non irri- guées. Les herbages ou pâturages sont divisés, à leur tour, en trois séries : ! Dans cette dernière colonne se trouvent aussi les prai- ries artificielles et le trèfle incarnat. ? La différence en moins constatée pour l’année 1892 ne doit pas être considérée comme un recul; elle tieut unique- ment à ce que la récolte en foin de cette année à été infé- | fieure, environ d'un quart, à celle d'une année moyenne. 838 1° Les herbäges de plaines; 2° ceux de coteaux; 3° les pâturages alpestres ou de montagnes. Les résultats de l'enquête décennale de 1892 donnent, pour ces diverses surfaces enherbées, la répartilion consignée dans le tableau If. Par les chiffres qu'il présente, on voit que la valeur totale des produits fournis par les prairies naturelles et les pâturages en France dépasse le chiffre formidable de un milliard deux cents mil- lions de francs. A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE AAN IG SIL METIER RRRIE NE: MANCHE CALVADOS r : RXANNOOS Il ORN TANISTÉRE 2 Diapason des Teintes Moins de 20.000 hect de 20000 à 50.000 de 50.000 à 70.000 NU de 70.000 à 90.000 — de 90.000 à 100,000 plus de 100.000 YR NÉS CDR 4 LÉ NN D LA NE x o Qre KR N 2 17 hectares par cent habitants: 93,20 hectares par cent cultivateurs; L'hect. O1 par 1.000 kilos de poids vif des ani- maux. Les prairies naturelles se rencontrent dans tous les départements, car partout on fait du foin; mais c'estsurtout dans ceux du Centre et de l'Ouest que les superficies consacrées à ces cultures sont les plus vastes. En 1898, on comptait six départe- ments dans lesquels l'étendue réservée aux prai- “ LE, LA COLE CLAAL LL LL Grave’ par F:_Borrenans 5 rue Hautefenille - Paris Fig. 1. — Répartition des prairies naturelles en France par départements. Si l’on ajoute, aux totaux ci-dessus indiqués, le total des prés temporaires, c'est-à-dire des prairies à base de Graminées, dont la durée est limitée et ne-dépasse guère plus de quatre ans, on trouve que les prairies naturelles, prés et herbages, occu- pent en France comme superficie : 12,53 °/, du territoire de la France ; 12,92 °/, de la superficie totale du territoire agricole ; 20, 39 °/, de la superficie des terres labourables et prés. Relativement à la population, ils représentent : ë | ries de fauche dépassait 100.000 hectares. C'est ce que montre la carte de la figure 1. Le département qui tient la tête est celui du Puy- de-Dôme, avec 154.500 hectares de prairies nalu- rellesé. Ceux qui cultivent le moins de prairies natu- relles sont, indépendamment du département de ‘ Le département du Puy-de-Dôme comprend une super- ficie totale de 795.051 hectares, dont 410.630 hectares de terres labourables. En 1862, on y comptait 83.167 hectares de prairies et, en 1882, 92.013 hectares, sur lesquels il n'y . en avait que 29.388 non irrigués. _ Ja Seine (avec 430 heclares), les départements qui … suivent : - Somme : 8.034 hectares; Seine-et-Oise : “hectares; Corse : 5.310 hectares. + Dans aucun département, on ne constate l'ab- sence totale des prairies de fauche. Par contre, dix départements sont complètement privés de päturages, car on ne peut comprendre sous ce terme les landes ou pâtis fournissant quel- ques maigres herbes aux moutons ou aux chèvres. 6.550 A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 839 rencontre surtout les prairies naturelles non irri- guées, dont le rendement est toujours moindre. Ce sont, ainsi que nous l’avons vu, les départe- ments voisins de la mer, ou situés dans lesrégions montagneuses de l'Est et du Centre,qui occupent les plus grandes surfaces en päturages (fig. 2). Les herbages de plaines les plus productifs sont ceux du Calvados, puis viennent ceux de l'Orne et de la Manche, Les herbages de coteaux dominent surtout dans Diapason des Teintes Pas ou presque pas d'herbages Moins de 2.000 hectares de 2.000 à 9.000 de 9. 000 à 20.000 lame de 20.000 à 50.000 EANDESS de 50.000 à 70.000 Plus de 70.000 — t4 ARONNE, 1 ff] GE/! i es nl RAT SUISSE NS N Savoie. NN K Es di 7 2 0 RSS que À en > RPRSSSE HERAULT NN VA PA DT pi PRRSSES Ar à ZALPESZAALPES, LAPS ali Re Le | AUDE \ MEDITERRANÉE * Fig. 2.— Répartition des herbages en France par départements. Le département qui tient la tête pour les pâtu- rages est celui du Calvados, avec 96.500 hec- tares. Pour en revenir aux prairies de fauche, les dé- partements les mieux dotés pour les prairies irri- _ guées naturellement par les crues de rivières sont . ceux de Saône-et-Loire et de la Vendée. Pour les prairies arrosées à l’aide de canaux ou de travaux spéciaux, il faut citer les Vosges et quelques dé- partements du plateau central, notamment la Haute-Vienne, le Cantal et le Puy-de-Dôme. C’est dans l'Ouest, le Sud-Ouest et le Nord qu’on le Calvados et dans la Lozère. Enfin, c'est dans la Savoie et les Hautes-Alpes que les pâturages al- pestres ou de monlagnes occupent les plus grandes surfaces. II. — CRÉATION ET ENTRETIEN DES PRAIRIES. Nous n'avons pas l'intention de développer ici la technologie de la culture prairiale, mais nous vou- drions présenter quelques critiques au sujet de la manière dont ces cultures sont créées et entretenues, afin de faire ressortir ce fait, indéniable à notre A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE avis, que, si lès surfaces enherbées étaient mieux soignées, leur puissance productive serait considé- rablement accrue et leur durée beaucoup plus longue. $ 1. — Climat et situation. Ces deux facteurs, qui influent beaucoup sur la productivité des surfaces enherbées, sont détermi- nés par l'élévation au-dessus du niveau de la mer. ainsi que par la latitude et l'exposition de la con- lrée. C'est pourquoi les agronomes sont générale- ment d'accord pour diviser les prairies de fauche en prairies hautes, prairies moyennes, prairies basses et prairies marécageuses, qui se définissent d’ailleurs elles-mêmes. Toutefois, comme le fait observer M. V.-F. Dun- kelberg”, « on trouve la végétation de l'herbe aussi riche sur l'Himalaya, à une hauteur de 5.400 mètres au-dessus du niveau de la mer, qu'à 2.400 mètres dans les Andes de Quito, à 1.200 mètres en Suisse, comme aussi dans les plaines de Hollande, au bord de la mer du Nord. La riche croissance de l'herbe est liée à un certain degré de chaleur et surtout à une certaine quantité d'humidité de l'air et du sol, ou à tous deux simultanément ». D'ailleurs, les prés irrigués des vallées sont ceux qui, avec un traitement convenable, garantissent le plus grand rapport. $ 2. — Sol et engrais. L'influence du terrain sur lequel est établie la prairie est double; il faut la considérer eu égard à ses propriétés physiques, qui influent beaucoup sur le degré d'humidité ou de fraicheur; puis, au point de vue des propriétés chimiques et de la plus grande abondance, ainsi que de la proportion rela- tive des principes fertilisants qui s’y trouvent; ceux-ci ayant une action marquée tant sur la na- ture des plantes que sur leurs qualités nutritives et la durée de la prairie. La profondeur du sol doit aussi être prise en considération. En effet, la plupart des plantes qui forment l'enga- zonnement ont des racines peu profondes. D'après les recherches de M. Joulie, on peut admettre, d'une facon générale, que, pour cent parties en poids de radicelles contenues dans la couche super- ficielle de 10 centimètres, la couche immédiate- ment sous-jacente de même épaisseur n’en ren- ferme que dix parties: dans la troisième couche, la quantité de radicelles est insignifiante. Sur prairies nouvellement établies, les racines pénètrent un peu plus profondément, mais le dé- veloppement de la végélation leur rendant l'accès de l'air moins facile, les force à se reporter vers la ! V.-F. DuxkecserG: De la création des prairies irriquées, pot: surface. L'air est indispensable aux racines non moins qu'à la graine, à la tige et aux feuilles. En général donc, on se gardera d'utiliser, pour prairies, les terrains qui possèdent dans le sous- sol les plus fortes réserves d'éléments nutritifs. En effet, les Graminées ne peuvent en retirer les mêmes avantages que les plantes des terres arables. Les sols de fertilité moyenne et sains sont moins appropriés, attendu qu'il est aisé d’incorporer les“ engrais nécessaires à la couche superficielle, dans laquelle les Graminées se développent. Tant au point de vue physique qu'au point de vue chimique, on doit accorder la plus sérieuse altention à la nature géologique du sol, qui donne de très utiles indications. Quoiqu'on rencontre des prairies dans tous les étages géologiques, c'est en général sur les assises jurassiques qu'on trouve les plus productives, car ces terrains renferment la chaux et l'acide phos- phorique en quantité suffisante, éléments absolu- ment indispensables aux plantes des prairies. En outre, on y trouve le plus souvent, surtout dans le lias, de petils cours d’eau à débit lrès irrégulier, et des sources qui ont traversé les calcaires et qui viennent sourdre aux affleurements des couches marneuses. Ceci nous conduit tout naturellement à dire un mot de la fertilisation des prairies. On a longtemps prétendu que les surfaces enher- bées pouvaient se suffire à elles-mêmes, qu'elles « devaient toujours fournir et ne jamais rien rece- voir ». Or, quoique d'une manière générale on soit quelque peu revenu de cette erreur, il n’en est pas moins vrai que, dans certaines régions de la France, on se refuse encore à fertiliser les prai- ries et les pâturages. La fumure des prairies ne doit pas être quel- conque. Etant posé ce principe qu'une bonne prai- rie doit reposer sur un sol suffisamment calcaire, la proportion des Légumineuses, dans ce cas, sera suffisante et celles-ci, puisant la totalité de leur azote-dans l'atmosphère, l'apport de ce dernier élé- ment, pour subvenir .aux besoins des Graminées, pourra être assez restreint. Il n’en est pas de même pour l'acide phosphorique el la potasse, qui augmentent à la fois la végétation des plantes des deux familles, quoique ayant une action plus éner- gique sur les Légumineuses. Aiïnsi que le fait observer M. F. Berthault *, avec la chaux et l'azote assimilable, on régularise sur- tout Ja flore. La première profite exclusivement aux Légumi- neuses; l'azote favorise les Graminées. 1 K, BerruAurr : Les Prairies, t. 1: p. 196. Prairies de fauche, : | A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE SAL Cela ressort neltement de l'analyse botanique des prairies effectuée par MM. Lawes et Gilbert. Tous les engrais ont restreint la proportion des plantes diverses ; mais, tandis que les engrais mi- Tagcrau III. — Influence des engrais sur la flore , des prairies. PARCELLE à engrais mi-| . ARCELLE TEMOIN ES # PLANTES avec engrais néraux et à | sans engrais AN E À 4 6 MINETAUX engrais azotés , # e | Graminées . 67,43 0Jo 61,03 °)o 95,91 0, | Légumineuses . . 8.20 23,06 0,01 | Plantes diverses . 24,31 15,91 4,08 | néraux développaient énormément les Légumineu- ses, l'engrais azoté donnait aux Graminées une prépondérance excessive (tableau HT) * L'acide phosphorique exerce un rôle prépondé- *rant dans les prairies, à la condition toutefois que le sol en contienne plus que les plantes n'en exi- gent. En Bretagne, par exemple, l'emploi des en- grais phosphatés a eu pour conséquence de faire produire à des régions jadis déshéritées des fourrages plus nutritifs, ce qui permet d'y entre- tenir aujourd’hui des animaux de plus grande taille, dont le cadre s’est en quelque sorte élargi à mesure que la richesse des fourrages en acide F phosphorique allait en augmentant. “ Les engrais phosphatés, notamment les scories À Thomas, font surtout merveille dans les prairies . humides et tourbeuses, lors qu'elles ont été préa- lablement assainies. C'est ainsi que M. Ayraud a suivi la transforma- tion imprimée à la flore par le phosphatage dans ÿ Taureau IV. — Modification de la flore des prairies basses sous l'influence du phosphatage. PRÉ PRÉ NATURE DES PLANTES ; e phosphaté sans engrais Bonnes graminées . . de Graminées des pins basses. Légumineuses . . . . SL Plantes indifférentes . . . . . Plantes nuisibles. . . 5,05 0/0 91 9,96 19 = 10 19 © O0 C3 —1 UE & IN = GORE 1 12 —…._ des prairies basses; il est arrivé aux constatations L: que résume le tableau IV. M. Bourgne, professeur départemental d'Agricul- # 4 Les engrais phosphatés doivent être incorporés en au- tomne et on peut en répandre une forte dose pour plusieurs années, surtout quand on s'adresse aux phosphates miné- …_ raux naturels ou aux scories de déphosphoration. v La potasse peut être employée moitié à l'automne, moitié … au printemps. Pour les engrais à azote assimilable, il faut _ toujours choisir le printemps. 4 t ture de l'Eure, cile également un cas remarquable où l'emploi des phosphales et des sels de potasse semble avoir en quelque sorte créé des Légumi- neuses dans une prairie où elles élaient fort rares. Le rendement y a passé, d'une année à l’autre, de 1.427 kilos à 2.040 kilos à l'hectare. D'autre part, dans le courant d'une seule année, M. Muntz a vu des prairies médiocres transformées en prés excellents, à rendement triplé, sous l'in- fluence des engrais phosphalés * Lorsqu'on ne fait pas usage des engrais chi- miques, la meilleure fumure pour les prairies et herbages consiste dans l'emploi des composts. $ 3.— Influence des engrais sur la valeur nutritive des produits. Pendant longtemps aussi on a cru que la compo- silion chimique des plantes des prairies était sen- siblement constante pour une même espèce. Celte supposition était gratuite. M. Joulie a montré qu'il y avait des différences dans la composition d’une même plante arrivée à une mème période de végé- lation suivant la nature du sol. Il a démontré également que cette composilion chimique, essen- liellement variable, avait une influence considéra- ble sur le développement des plantes, et que, pour les prairies qui étaient plus particulièrement l'ob- jet des travaux de ce chimiste, le développement maximum de chaque espèce végétale correspondait à la présence dans le sol d’une quantité minimum des éléments minéraux constitulifs de la plante, quantité moins variable naturellement avec chaque espèce. Cette constatation élait d'autant plus pré- cieuse à établir qu'une fois les conditions les meil- leures de développement de chaque végétal l'analyse du sol qui doit le produire donne à l'agriculteur le moyen d'obtenir des ren- dements maxima dans les conditions physiques de sol et de climat dans lesquelles il opère. M. L. Vassillière a déduit de cette importante découverte cette autre conséquence, qu'il faut do- rénavant avoir recours à la composition chimique d'un foin et non seulement à la composition bota-" nique, pour en estimer la valeur nutritive. A ce point de vue, il nous parait inléressant de donner ici la composition moyenne comparée des Légumineuses et des Graminées des prairies (Ta- bleau V). Ces chiffres suffisent pour bien montrer que les connues, 1 L'usage des scories de déphosphoration sur les prés se généralise de plus en plus, parce que ces engrais, contenant de l'acide phosphorique assez assimilable, renferment en outre de 35 à 45 % de chaux; elles ont donc une action dou- ble. De nombreuses observations ont démontré que l'emploi des scories permet d'augmenter le rendement d’un quart et d'en obtenir un foin d'une valeur nutritive double ou triple de celui qu'elles produisent ordinairement. A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE Légumineuses exigent des sols plus fertiles que les Graminées, seulement pour donner des pro- duits rémunérateurs, mais encore pour végéler dans de bonnes conditions. La conclusion de ce qui précède, c'est que, par l'emploi judicieux des engrais, l’agriculteur peut en quelque sorte conduire les prairies à sa guise et cela économiquement. Les engrais phosphatés, potassiques et calcaires font développer les Légu- mineuses. Les engrais azotés favorisent la végé- tation des Graminées. Les rendements paient la dépense lorsqu'elle est faite dans de sages propor- tions, et, à défaut de la constatation du poids du fourrage obtenu, l'examen de la flore, le change- ment de couleur de l'herbe dansles prairies pauvres, non Tagzezau V. — Composition chimique comparée des Légumineuses et des Graminées. DANS 100 KILOS DE FOURRAGE SEG SUBSTANCES EE Graminées Légumineuses ————— — 12,39 4,68 3:66 4,95 1.39 18,14 1,34 2.21 15,31 AzoteR nd Acide phosphorique. : Acide sulfur aus è Chaux . Magnésie. Potasse. Soude . . Oxyde de fer . Silice. le séjour prolongé du bétail, viennent démontrer au cultivateur qu'il n'a perdu ni son temps ni son argent. Cr $ 4. — Création des prairies. On a beaucoup discuté sur l’opportunité de la création des prairies. Les uns prétendaient qu'il valait mieux laisser le terrain s’engazonner seul, tandis que les autres préconisaient le semis direct. Or, parmi ces derniers, quelques-uns utilisent les balayures de fenil ou /eur de foin; d’autres préfè- rent le mélange rationnellement effectué de graines fourragères choisies avec discernement. La cou- tume encore très répandue d’ensemencer en fleur de foin ne constitue pas un progrès sur l’engazon- nement naturel primitif, quoique beaucoup d' agri- culteurs prétendent, on ne sait trop pourquoi, « qu'il faut rendre au sol la semence qu'il a pro- duite lui-même ». Il résulte d'expériences très nombreuses que le rendement de la fleur de foin est de moitié infé- rieur à celui d’un mélange de graines fourragères ; en outre, et pourvu que la prairie soit fertilisée, on empêche l'introduction des plantes nuisibles ou inutiles, qui se produit déjà suffisamment dans les conditions normales. Sans entrer ici dans la pratique même de la création des prairies, nous dirons que les mélanges doivent être composés d’après certains principes. Ceux-ci ont été succinctement indiqués par M. C. Denaiffe 1° Les Légumineuses ne doivent y entrer, en gé- néral, que pour un tiers (33 °/,), si l'on veut que la culture soit dans les meilleures conditions de rapport et de durée; 2 La proportion du Ray-Grass d'Italie ne doit pas être de plus de 20 °/,, parce que, dans les” deux premières années, il étouffe souvent les es-« pèces qui se développent plus lentement et que, par là, lorsqu'il a disparu lui-même, il se prod des oe dans l’herbage; 3° Pour la même raison, il ne faut pas que le Ray-Grass anglais dépasse 15 °/,, quoiqu'il soit de plus longue durée que le précédent; 4 Il faut mettre à la fois des herbes hautes, moyennes et basses; ° Les espèces les plus durables, telles que le dactyle, la fétuque et le paturin des prés, doivent y participer dans des proportions convenables. Ces prescriptions, toutefois, s'appliquent surtout à aux prairies temporaires, d'une durée de trois à six ans. Nous ne pouvons donner ici d'exemples de mé- langes, ceux-ci variant beaucoup avec la nature du sol, son état de fraicheur, la pureté des graines, leur pouvoir germinatif, etc.; enfin, les mélanges pour prairies de fauche ne sont pas les mêmes que pour les päturages, car, pour ces derniers, il faut surtout donner la préférence aux herbes qui re- poussent bien sous la dent du bétail. Voici néanmoins, pour fixer les idées sur ce point, et à titre de simple indication, un mélange indiqué par M. G. Heuzé pour créer une prairie permanente sur un terrain argilo-calcaire bien fumé ? : A. Ray-grass 10 0) 5k000 A. Vulpin des prés. . . . . 10 » 2,500 B. Paturin ‘des prés 10 » 2,000 A Fétuquesduretten "000€ 8 » 2,500 AÉMETOMENTILÉENN NIET 8 » 8,000 AABrÔMEMESADTÉSEE Er 8 » .000 A. Houque lainease . . . . SE) 1,000 A. Avoine jaunâtre . . . . 0e 1,500 ASPDAC VIe CRT EEE Se) 2,000 B'AHJéole des ERÉ Re 5 » 0,500 B. Canche flexueuse . . . . CR 1,600 BARTÉHENIOIÉ TER ERA EE 6 » 1,200 B'S81nt0ID - 600 7,500 B. Trèfle hybride PE 6 » 1,200 B:uTréfle“blanc- 40 #7: 4 » 1,000 2 C. DENAIFFE : fourragères et les créations de prairies. ? Le semis doit être fait en deux fois. On répand d'abord le mélange comprenant les grosses semences indiquées p ar la lettre À, qu'on enterre par un hersage très léger; ensuite Renseignements succincts sur les plantes ER RL. = x v “0[ PU090$ UN BI} UO JUOP SIG 40 SOSSOIS SOURIS SOI OUFISOP A ‘O[AWOSUO SogWoOS 019 qjuoatop Inb sopanor jo soymod sourer8 so auBISOp Y o4jj0] PJ ‘nvoqe] 09 sue; *al0u0n ne SUDEES (ouyndny obrapan) = Sa1L ‘uor0289a-sn0s anod uog ‘£}| ‘SPUOJOI ‘219p0N ‘Jorquu Soi, ‘JOCH Ÿ e MoN QUTITONTT L 0Z er eq cG £ ‘u01}8]289A-SN08 (-suadou wnio/uir) ez ey anod aSURQUI U9 uo1Q JU2TAUON) ‘GI "STEIT “oTqie JU SQIL ‘JOUN V F9 99 9 "ousIq opel 08 ST AT SL 96 CA *Sai81odtue7 no *Saprux (runpuqhiy wnuoliuir) = euoney op sontead anod Jju2/89x4 ‘Ff| -Nu no SIBIA ‘u9Â0N ‘Joqnu sou], | ‘JIPAUJ-1T00 (] Y ° tt * : apuqlu ojaig 08 1 £ 7 IL 96 un N [es] (‘asuayoid wnryo/iuy) a ns xne Sp 97s1s91 ON :07 ‘SpPANO Z9SSY ‘JAOT4 ‘JURHNu SQIL | ‘JIPAVI-T9 \ ° * * * ‘sad sap opel 08 0G 7 Ra 06 86 = *S99N81IIT AUONEF 2p SANTE | = xne omudoiddy ‘uresar op dnoo (1019079 Duaay) =) -nu9g ‘UOSIRIOF E[ JUBAB JOHONB,f ‘6| ‘SJUAIEHIPU ‘9AO]T "JHUINN ‘JOPH { RER TRAUG TON 91 06 0V8E£ 9 = ! £ OL 9 < S ù ; = 2 ske | \ . Ex SU9D4T DONJSA I) ‘soveanqed 1n0d uoq SL ‘8| ‘SAS IIpUI uog JUUNN JIPa83-1t00 { * said sop onbnjoy ST 8 e£ 08 06 # 8 RE£ 8 Fa *soon#rit 9 soneiodue) sarrread (‘unomnyr Wn107T) ee inod HUE RUE quatuaddo(aa9c ‘L|'S21tuoy ‘SIBIJ| ‘9AOT9 SAIT, *JYNJNN ‘JORU SAT { ° * * aI[PJIP SSUAS-ÂY te 09 0TRE 0L ef Z ‘sanbituiyo sieIS09 XNE a]qIsu9s ee ‘aJlA ossnodoy ‘oouue owÿixnop (‘auuauad wn1707) A4 € WNUIXEY ‘Soratead Jo sosein}pq ‘9| ‘SIUIF OUT ‘9AOT ‘Jyuqou Soul | ‘JUPE SQL {I * * * SIU[OUB SSPIS-AEY cz 09 0e GL 6 Fe ‘saSvinqed xne nod (CSuyDiau Do) A ‘agoney ep soneid xne ormdorddy ‘| ‘syoeduo) "oIqie “Jouqnu Sa, ‘JOeH { °°? unwwuo9 uHnJEq 08 0€ geir 09 cg | ra ‘sut SI01} 9p snjd jueanp sariead = mod 39 soinyed anod juorauon ‘oiq ‘SpinoT (oypaawo)6 syfonq) L 5) “OI Lou ‘quoaprdet essnoday ‘#|Sutour no sntq ‘JAOTT ‘Japau SuTOIN JO Y ° : : guuoyoçod 2[4j98q 0€ Gy CERre OL (JE Ex *Sonbruiqo seu Xne 9[qIsuas e| Saug, ‘Juotuepidez essnodox ‘saquou *Sa|1)49} *SUB % Nn0 € (-sisuaynad snunoadoyy) a -Rudad sariteid xne atdoadde Soul, ‘gl‘Spanor ‘site| Soide 919pON | ‘prraquu sai | ‘JUVU SAIT { ° * * sad sep uidinA 6 0€ g Bz 0€ 06 XNBIQUIU SIPISUO XNE , < j2 JPORIUOUIUE 9J0ZU,] E 2[{ISU9S *SJU949} ‘SUB # (‘sisuagnaud noq) PA = Soi, ‘soseanjed anod quemonbiug ‘z|-jipur enbsoiq|no € seade uog|-jqmnusuton| ‘Jeu SaL { : + * *saud sep unnyeq SI ca ot Re 09 08 L “anbuy à 2 | -IU 9J0ZP] € o[qisuas ‘saxmeiod em -U9) Soriteld so] no of$rury a | = anod onb soanged so anod surowu XnauotmI| no bi QUO0pP JUATAUOI : SaQUUE sa1amoid SJU8/SISU09 (‘asuagnud wnayyq) ; BE So[ S970994 Sainerlom $s2] uuO ‘p|XNEUN SET ‘gAo1lT NTANN ‘JP Y ° : : * saad sap alor 06 (ra 8 8& EN cG ê SOttX so so °/0 ‘fo 4 ‘ ———© — —————————————————_— — Jueutur = “« a a9odso -193 CLEAUP 1 = sourd ,d00emes SASAEININNANU ANA En CL CEA : J0ANOU CODEN | El = : EN TT QUE SE SANTMNE -oj9oq] | ue uou L SHLIMVINDILUVA 14 SNOILVAMASHO -oadde xnenuu sp] NANAONEN JLID09AW 4 v[ op sop 40 op sgud nod y opos MAHIVA op Jouos -sod oure1 u] LES À 181904 un Duel SNIVHUTL HAISSOUI SYIANINVHNO SAG SHON saiod HLINVAd LG tn ININTONANASNET HNOI ‘sesein]ed 29 seriieid sep sojuerd seedrourid sep SOOU9FIX9 ]9 SeJeMdOIT — AVATAY J, A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE Le tableau VI résume toutes les indications pra- tiques sur ce point, tout au moins en ce qui con- cerne les principales plantes des prairies. $ 5. — Entretien. Indépendamment de la fumure, il est essentiel, dans les prairies et päturages, d'enlever les mau- vaises plantes au fur et à mesure qu'elles se mon- trent; c'est le plus sûr moyen d'en prolonger la durée. En outre, plus la prairie vieillit, plus il se forme d'humus; c'est un motif pour recourir au hersage. Grâce à lui, l'air pénétrant dans le sol provoquera la décomposition de l'humus. D'ailleurs, les avan- tages du hersage se traduisent dans l'expérience suivante effectuée par Anderegg : NON FUMÉE FUMÉE Non hersé . 3717 kilos. 833 kilos. Hersés ANS APN TIR 1.563 — Le chaulaye permet aussi de combattre l'influence nuisible de l'excès d'humus‘. Une pratique trop souvent négligée dans l’entre- tien des surfaces enherbées et dont l'oubli contribue beaucoup à en abréger la durée, c’est la destruction des herbes nuisibles au fur et à mesure qu'elles se montrent. Parmi ces mauvaises plantes qui élimi- nent peu à peu les bonnes, il faut citer les Plan- tains (Plantago), le Rhinanthe crête de coq (Rhi- nanthus erista yalli), les Chardons (Carduus) etsur- tout le Colchique etles mousses. Le colchique (Co1- chicum autumnale) est en outre vénéneux. Il se montre surlout dans les prairies fraiches. Quand il est peu abondant (et il ne faut pas attendre qu'il se multiplie), on peut couper les feuilles rez-terre deux années de-suite; la plante finit par périr. Des her- sages pendant deux années successives, à l’époque de la floraison, déterminent aussi la pourriture des bulbes. La mousse (J/uscedo) prend rapidement la place des bonnes plantes dans les prairies mal entretenues et insuffisamment fumées. On en débarrasse plus ou moins complètement le terrain en travaillant vigoureusement sa surface au moyen d'ure herse à dents serrées et bien épointées, avant l'hiver et préférablement au printemps, quand le sol est frais; on les recueille au rateau, on les fait sécher et on les brûle. On peut aussi arroser les places envahies avec du purin tenant en dissolution 5 °/, en poids de suifate de fer, et quelques on procède à l'épandage des petites semences désignées par la lettre B. Ce deuxième semis doit être suivi par un roulage. 4 La chaux ne doit, ou plutôt ne devrait pas être incor- porée directement; on la mélangera à de la terre, sous forme de compost. Ce compost sera réparti avec la herse à chai- nons. Daus le nord de la France, on utilise aussi très avan- tageusement dans ce but les écumes de défécation ou boues de sucrerie. semaines après on engazonne de nouveau les places ainsi traitées. Les Taupes (Ta/pa), quoique rendant des services en détruisant les vers blancs, sont parfois nuisibles; en effet, l'abondance des laupinières contrarie non- seulement les opérations du fanage, mais souvent elle empêche l'herbe de pousser sur des étendues parfois considérables; aussi ne saurait-on trop recommander, dès le printemps, d'exécuter l'étau- pinage, c'est-à-dire le nivellement des monticules de terre. La même observation s'applique aux fourmilières. Si la prairie a été pâturée après la première ou la seconde coupe, il faut avoir soin de répandre les. déjeclions des animaux et de couper les touftes d'herbes laissées par ces derniers. L'irrigalion prend également place parmi les soins d'entretien. Naturellement, plus l'eau sera chargée de matières organiques et meilleure elle sera. Toutefois, l'eau ne doit jamais être stagnante : le sol deviendrait acide. Ainsi que le fait remarquer M. P. de Vuyst', l'eau peut couler depuis l'époque de l'enlèvement du regain jusqu'aux premières gelées; comme la végétation est alors à l’élat la- tent, l'irrigation peut durer longtemps; en effet, l'on a surtout en vue l'enrichissement du sol en principes nutritifs. Après l'hiver, on irrigue quand l'eau a une température supérieure à celle de l'air ambiant, c'est-à-dire au premier printemps. Après . l'hiver, les arrosages doivent se faire par inter- valles, car la plante qui se développe doit avoir de l'air, aussi bien pour la racine que pour la tige. III. — UTILISATION DE LA PRODUCTION HERBACÉE. L'herbe verte, le foin et le regain ne sont pas toujours récoltés et utilisés d'une manière bien ra- tionnelle. Dans beaucoup de régions, sous l'in- fluence de l’empirisme et de la tradition séculaire, on ne fait pas assez l'application des dernières dé- couvertes de la Science à cette partie de l'Économie rurale. Tout d'abord, c'est par le pâturage qu'une sur- face enherbée donne le plus grand rendement, car alors les jeunes pousses sont ulilisées au fur et à mesure qu'elles apparaissent; or, ainsi que nous allons le démontrer, c'est dans l'herbe jeune que se trouve la plus grande quantité d'éléments nutri- LISE 4 P. DE VuysrT : spéciales, p. 254. ? Les cultivateurs semblent se préoccuper surtout de l'abondance de la récolte et ne pas tenir suffisamment compte des qualités nutritives qu'elle peut offrir, et cela tant au point de vue de la fertilisation qu'au point de vue de la récolte. Manuel pratique et raisonné des cultures à { A. LARBALÉTRIER — LA CULTURE DES PRAIRIES NATURELLES EN FRANCE 845 $ 1. — Fauchage et fenaison. —…_ D'une manière générale, les prairies naturelles sont fauchées trop tardivement. Il y a à cela deux onne un foin de moins belle couleur, moins aro- “cile; en outre, le fauchage tardif est préjudiciable “au regain, car, en différant la coupe, on retarde Dans une série d'analyses faites sur le foin de la grande prairie de Caen, M. Is. Pierre a trouvé, par kilo de fourrage vert! : MATIÈRE SÈCHE EAU Coupe du 18 Juin . 231 gr. 163 gr. — 2 Juillet 281 — 7119 — — Ler Août :. 350 — 650 — Les proportions d'azote contenues dans chaque kilo de ces mêmes foins considérés soit à l'état vert, soit à l’état fané, à 20 0/, d'humidité, soit complètement privés d'eau, ont été trouvées les suivantes : FOIN CRE nn Re. à 20°/, d'hu- complète- vert midité ment sec Coupe du 18 Juin , . 3gr. 4 A{gr.6 14 gr. 5 — 2 Juillet . 3gr.7 A1 gr. 13 gr. 8 — 1er Août. . 4 gr. 5 10 gr. 3 12 gr. Comme fourrage vert, le foin s’est enrichi pris en masse, parce qu'il est de moins en moins aqueux ; “mais comme fourrage complètement privé d'hu- midité ou amené, par le fanage, à contenir, dans les trois cas, la même proportion d'humidité, il S'appauvrissait à mesure que son développement vançait. L'importance qu'il y a de faucher le foin de bonne heure découle encore des analyses suivantes, beaucoup plus complètes, exécutées par Warington: HYDRATES JOUR ÉLÉMENTS MATIÈRES de carbone d fauchage azotés grasses solubles CELLULOSE CENDRES # : OA VA [0 CA ‘lo A4 Mai. . 17,65 3,19 40,86 22,97 15,53 9 Juin. . 11,16 2,14 43,21 34,88 7,95 25 Juin. , 8,46 2,71 42340 38/15 7,34 Il se produit des changements importants pen- dant la fenaison : le foin perd beaucoup de ses principes nutritifs en temps de pluie. Le fanage . “doit donc se faire avec beaucoup de soin et, si pos- hi ” … «Is, Pierre: Études comparées sur la culture des céréales, “des plantes fourragères et des plantes industrielles. REVUE GÉNÉRIT. DES SCIENCES, 1901. atique et plus dur, d'une mastication plus diffi- | sible, par un temps sec et une chaleur modérée, afin d'obtenir du foin sec et vert. S 2. — Rendements. En France, la proportion des prairies à faible rendement l'emporte malheureusement de beau- coup encore sur celles à rendements élevés. La récolte moyenne par hectare donne, pour les prés submersibles, un rendement moyen de 35 quintaux 69 par hectare; pour les prairies non irriguées, 31 quintaux 25 seulement. Les prairies basses donnent souvent des rende- ments élevés, surtout dans les années sèches. mais le foin ainsi obtenu est généralement de mauvaise qualité. Les prairies moyennes, non arrosées, donnent, suivant leur nature, des rendements qui oscillent entre 4.000 et 5.000 kilos. Enfin, les bonnes prairies, à deux, trois, et même qualre coupes, fournissent de 6.000 à 10.000 kilos de foin par hectare. On peut admettre, eu égard à leur productivité, cinq groupes bien distincts de prairies naturelles !. Nous les résumerons dans le tableau ci-dessous. Tagceau VII — Rendement des prairies. RE ——————————————.——"————— ——"#î{ NATURE DES PRAIRIES PRODUCTION DE FOIN 6.000 à 10,000 kilos. 1.000 à 5.500 kilos et un pâturage. 3.000 à 4,000 kilos et un päturage. 2.000 à 2.800 kilos. 1.800 à 1.500 kilos et au-dessous. A plus de deux coupes (irriguées). A deux coupes arrosées , , . . non arrosées . À 1 coupe. . Les départements qui consacrent la plus grande étendue aux prairies ne sont pas ceux qui ob- tiennent la production moyenne par hectare la plus élevée. En 1898, les plus forts rendements ont été obte- uus dans les départements qui suivent : VAR HFCTARE fn CRE Ds cou NEC 65 quintaux. Côtes-du-Nord . . 65 _ Manche. , . 65 — Vaueluse. . . . . 6% quint. 60. Seine-et-Oise. . . . . . 62 quint. #1. Drôme 60 quintaux. Pour les herbages, durant la même année, c'est dans les départements qui suivent que les rende- ments ont été les plus élevés : PAR HECTARE * Mayenne Cie I ER: 55 quintaux. A A EU a MO ICE LE 49 quint. 6€. Nord ENTRE NE nc 45 quintaux. Manche. '. 1.1.1" 0u2. . 44 _ LH bd XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGTE 3. — Foin et regain. Malgré l'accroissement des cultures prairiales en France, nous ne produisons pas assez de fourrage pour notre consommation. Bien peu d'agriculteurs produiront du foin et du regain pour les grandes villes, qui sont cependant de grands consomma- teurs; aussi les importations viennent-elles combler le déficit. C'est ainsi que, tous les ans, l'étranger formé de feuilles et de tiges moins élevées, qui ne rer quelquefois, ou bien on le fauche vers la fin de septembre. Le cultivateur a tout intérêt à récolter soigneusement le regain, qui convient {très bien aux bovidés et particulièrement aux veaux. Le chevaux, en sont, en général, moins friands". k Le fanage du regain est souvent difficile à cause des mauvais temps, si communs à celte époque de Tagzeau VIII — Composition comparée du foin et du regain. MATIÈRES EE SÈCHES Re RE Subs- tances orga- niques DÉSIGNATION par 100 kilos Foin de pré naturel, re qualité. . 2e : 3e Regain de pré naturel. . TS Cendres| Brutes PROTÉIQUES MATIÈRES SUBSTANCES GRASSES HYDRATES DE CARBONE ALIMEN-|, TAIRE par sh 100 kilos!}. RO ER Diges- Diges- tibles tibles nous envoie de 12.000.000 à 19.000.000 de kilos de fourrages, représentant une valeur de 1.900.000 à 11.000.000 de francs. C’est surtout la Belgique, l'Allemagne et l'Italie qui y pourvoient. Les prairies donnent souvent deux et même trois ou quatre coupes par an, suivant leur fertilité. La dernière coupe, ou regain, est plus riche que le foin de première coupe; c'est ce qui résulte de l'examen du tableau VII. Le regain diffère aussi du foin en ce qu'il est DE LE ) Le 5° Congrès international de Zoologie s'est tenu à Berlin, du 42 au 16 août, sous la présidence de M. le Professeur Mübius, directeur du Musée Zoologique de cette ville. Inauguré en 1889 à Paris, ce Congrès international à tenu successi- vement ses assises à Moscou, à Leyde et à Cam- bridge. Son succès est allé sans cesse en grandis- sant et l’on peut dire que, cette fois, il a dépassé toute prévision : en effet, le nombre des membres inscrits a été supérieur à 600, dont 500 au moins étaient présents. di Un tel résullat démontre mieux que tout dis- cours à quel point était nécessaire le Congrès fondé, voilà onze ans, par A. Milne-Edwards et M. R. Blanchard; il prouve également le soin apporté à l’organisation du Congrès de Berlin par le Comité local, en particulier par M. Matschie, conservateur des Mammifères, qui remplissait avec l’année; aussi, dans certaines contrées, le rentre- t-on à demi desséché pour le mélanger avec de lan paille de blé ou d'avoine, qui absorbe l’eau sura- bondante. \ Quoique le regain soit plus nutritif que le foin, de première coupe, il est cependant moins re- cherché dans le commerce; cela tient à ce qu'il est. moins long, et qu'il plaît moins à l'œil. Albert Larbalétrier, Professeur à l'Ecole d'Agriculture de Grand-Jouan CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE zèle et talent les délicates fonctions de Secrétaire général. : Tous les zoologistes allemands étaient présents, à de très rares exceptions près : non seulement les Universités étaient représentées par leurs profes- seurs, leurs privat-docenten, leurs assistants ; mais les grands Musées, comme ceux de Hambourg, de. Stuttgard, de Brunswick, de Magdebourg, etc.," avaient aussi délégué leurs directeurs. De l’Etran=\ ger étaient venus un grand nombre de savants = d'Angleterre, MM. Hartert, Hoyle, lord Rothschild, Comme le fait remarquer M. Joulie, le plus souvent, lan relation nutritive et la valeur alimentaire s'élèvent de coupe en coupe, et souvent dans de très larges proportions, de telle sorte que la valeur alimentaire de la dernière coupe est. quelquefois double de celle de la première, Aussi, les culti- vateurs bien avisés se gardent-ils bien de porter au marché leurs regains, qu'ils utilisent dans la ferme ou font manger sur place par les animaux. f D XXX — LE ÿ* CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE 84 Sclater, Scharff, M. et M! R. B. Sharpe; d'Au- triche, MM. Babor, L. von Graf Mrazek D. L. S. Schenk (Vienne) et Siedlecki (Cra- . covie); de Heu le D' Pelseneer; des Etats- à “Unis, MM. Stejneger et C. W. Stiles; de Hollande, # MM. van Bemmelen, Hoek, Horst, Hubrecht, M. et Mu Max Weber; de Hongrie, MM. Apathy et Hor- vath; d'Italie, MM. Al. Brian, Emery, —Livini; du Japon, MM. lIjima, Matsumura et Osawa: de Roumanie, MM. Antipa et Cosmovici; de Russie, MM. Salensky, Scheviakoff et Zograf:; de Serbie, M. Yovanovitch; de Suède, M. Aurivillius; de “Suisse, MM. Blanc, Field, A. Forel et Th. Studer. La France était représentée par cinquante-cinq “personnes el comptait de nombreuses délégations. (Graz), Grassi MM. Th. Barrois, R. Blanchard, Yves Delage, A. Giard, J. de Guerne, Ch. Janet, L. Joubin, :C. Schlumberger et L. Vaillant; cette délégation “était présidée par M. Edmond Perrier, directeur du Muséum. Le Ministère de l'Agriculture était représenté par M. le Professeur Railliet, d'Alfort. Signalons aussi MM. A. Certes (Paris), G. Darboux (Lyon), J. Guiart, Hérouard, Pizon, Pruvôt (Gre- noble) et Racovitza (Banyuls). M. le comte von Ballestrem, président du Reich- stag, avait mis gracieusement le magnifique palais “ du Reichstag à la disposition du Congrès La grande salle des séances servait aux réunions gé- | “ nérales; les vastes salles de Commissions élaient - utilisées pour les séances de sections. Le restau- “ rant, le bureau de poste, la salle de lecture et “ toutes les autres dépendances étaient libéralement ÿ ouverts aux congressistes, qui ont trouvé là l’orga- Buisation la plus parfaite et l'hospitalité la plus ) gracieuse. Il nous est difficile d'entrer dans le détail des È travaux accomplis par le Congrès; nous ne signa- lerons donc que les faits essentiels. I Le Congrès de Moscou, en 1892, avait créé un Comité permanent dont le siège fut fixé à Paris, en considération de ce que le premier Congrès avait eu lieu en France : A. Milne-Edwards et M. R. Blanchard furent désignés respectivement à comme Président et comme Secrétaire général de - ce Comité. Le même Congrès de Moscou fonda # deux prix, grâce à des sommes considérables, que “ l’empereur Alexandre III et S. A. I. le Tsarévitch “ (actuellement S. M. l’empereur Nicolas Il) lui - avaient accordées. Une Commission internationale - fut également constituée, à l'effet de décerner ces 4 prix, avec A. Milne-Edwards comme Président et M. R. Blanchard comme Secrétaire général Le 4? “w ES & 4 el | Le Ministère de l'Instruction publique avait envoyé |: montrant les parts qui, décès de M. A. Milne-Edwards, survenu depuis le Congrès de Cambridge, avait done désorganisé les deux Comités dont nous venons de parler. Ceux-ci, usant de leur initialive, avaient appelé provisoire- ment à la présidence M. Edmond Perrier, le nouveau directeur du Muséum de Paris. Cette dé- signation provisoire fut soumise à l'approbation du Congrès de Berlin, qui la ratifia par un vote unanime. Le prix de S. M. l'Empereur Alexandre III est décerné alternativement par le Congrès de Zoologie et par le Congrès d'Anthropologie et d’Ethnographie préhistoriques. Cette année, il appartenait à ce dernier Congrès d'en disposer; dans trois ans, ce sera le tour du Congrès de Zoo- logie. © Le prix de S. M. l'empereur Nicolas II appartient en propre au Congrès de Zoologie, qui le décerne à chacune de ses sessions. La Commission interna- tionale des prix avait mis au concours la question suivante : Déterminer l'influence de la lumière sur le développement de la couleur chez les Lépidop- tères. Sur le rapport de M. R. Blanchard, le prix a été décerné à M. le D° J. Th. Oudemans, d'Amster- dam. L'auteur présente à l'appui de sa thèse un ensemble remarquable de faits bien observés, dé- dans la production de la couleur des ailes, reviennent respectivement à l'hérédité, au mimétisme et aux diverses influences actuelles. Le prochain Congrès, qui doit se réunir dans trois ans à Berne, sous la présidence de M. le Professeur Studer, aura donc à décerner deux prix : nous en ferons connaitre le programme dès qu'il nous aura élé communiqué par la Commission internationale. D'après le règlement, les zoologistes du monde entier peuvent prendre part au concours, à l’excep- lion de ceux du pays où doit se tenir le prochain Congrès. Son Altesse Impériale le prince héritier avait bien voulu accepter le patronage du Congrès, qu'il avait l'intention d'ouvrir en personne. La mort de sa. grand'mère l’Impératrice Frédéric l'empécha de meltre ce projet à exécution. M. le Président Mô- bius ayant proposé d'adresser au Kronprinz, à l'Em- pereur et à la famille impériale un télégramme de condoléances, M. Edmond Perrier, désigné à cet effet par les membres étrangers du Congrès, prit la parole pour appuyer chaleureusement cette motion, Son intervention, formulée en excellents termes, a produit la meilleure impression. La séance d’inauguration, malgré le deuil na- tional, s'est ouverte en grande pompe, en présence de deux ministres, du recteur, du bourgmestre et d'une nombreuse délégation du Magistrat (admi- nistration municipale) de la ville de Berlin. Après 818 XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE les discours d'usage, parmi lesquels celui de M. Per- rier, au nom de la délégation francaise, le Profes- seur Grassi, de Rome, fit une conférence sur le paludisme et sa propagation par les Insectes. On sait quelle part considérable revient au savant ita- lien dans les récentes découvertes dont il devait entretenir ses auditeurs; aussi son discours a-t-il eu le plus grand succès, d'autant plus qu'il s’ex- prime en allemand de la facen la plus correcte. Parmi les autres conférences failes en séance générale, nous signalerons tout spécialement celle de M. le Professeur Yves Delage, de la Sorbonne, sur les théories modernes de la fécondation". Nos lecteurs connaissent les ingénieuses expériences de notre savant compatriote sur la mérogonie; leur, exposé vivant et lucide a valu au conférencier d'unanimes applaudissements. Il en a été de même pour M. A. Forel, qui a décrit de charmante facon la vie psychique des Fourmis”; pour M. Bütschli, qui a lu un long mémoire doctrinal sur la question du vitalisme et du mécanisme; pour M. Branco, qui a _traité de l'Homme fossile, du Pithecanthropus et de a descendance des races humaines, Nous devons encore une mention spéciale à la communication faite, en séance générale, par le Professeur S. L. Schenk, de Vienne, sur la pro- création volontaire des sexes. On connait sa doc- trine, qui a fait quelque bruit, voilà deux ans : elle consiste essentiellement à produire la dénutrition de la femme par un régime approprié, dès le début de la grossesse, ou mieux, quelque temps avant la conception; une femme dont le poids diminue pro- gressivement et dont l'urine renferme une quantité déterminée d'albumine, grâce au régime spécial, produirait sûrement des mâles. Telle est, dans ses grandes lignes, la théorie du savant viennois. Il a su l’exposer avec éloquence, avec une verve toute méridionale, et, malgré les sérieuses objections qui lui ont été présentées, son succès a été considé- rable. D'ailleurs, succès mondain plutôt que scien- tifique, car, pour cette séance, le nombre des toi- lettes claires avait singulièrement augmenté dans la salle. Il faut croire que l'éternel féminin est partout le même et que les questions quelque peu croustillantes ont autant d’attrait pour les jolies Berlinoises que pour nos gracieuses Parisiennes. Les Sections ont entendu de nombreuses com- munications. Mentionnons, entre autrés, celle de M. Pizon, du lycée Janson-de-Sailly, sur la forma- tion et l'accroissement des colonies de Botryllides (Tuniciersde petite taille), et surtout celle de M, Ijima _sur les Eponges japonaises de la famille des Hexac- ! La Revue publiera in extenso cette conférence dans son prochain numéro. 2 La Revue publiera également cette étude dans up de ses prochains numéros. tinellides. Le savant de Tokio avait apporté une nl admirable collection de ces Eponges : les formes les plus diverses s’y trouvaient représentées par dess exemplaires d'une taille considérable et d'une con-m servalion parfaite. Il a fait présent de cette splen« dide collection à l'Institut Zoologique du Professeur F. E. Schulze:; elle en sera sans aucun doutele joyau le plus précieux. j IT Le résultat le plus important du Congrès de Berlin est l'entente définitive des zoologisles au sujet de la nomenclature. À Paris en 1889, et à Moscou en- 1892, M. R. Blanchard avait présenté deux longs et substantiels Rapports, lraitant de celte impor-« tante question. Faute de temps, on n'avait pu les discuter qu'en partie. Le Congrès de Leyde en 1893 avait nommé une Commission internationale, àm l'effet d'étudier les questions encore pendantes. Gette« Commission se réunit à Baden-Baden en 1896, puis à Cambridge en 1898: elle s’adjoignit alors un cer- tain nombre de membres nouveaux et résolut dem saisir le Congrès de Berlin d'un dernier Rapport, ne portant d'ailleurs que sur un petit nombre de points encore litigieux. Sous la présidence de M. R. Blanchard, la Sec tion de nomenclature a fait de bonne besogne. Après de longues et vives discussions, auxquelles ont pris part, entre autres, MM. le comte von Ber- lepsch, J. V, Carus, von Martens, F. E. Schulze Stejneger et C. W. Stiles, elle a pu aboutir à une entente complète et présenter au Congrès un en semble de décisions qu'il a ralifiées à l'unanimité. La rédaction du code définitif des règles de la nc- menclature à été confiée à une Commission de trois membres, composée de MM. ??. Blanchard pour la langue française, #, von Maehrenthal pour l'alle= mand et €, W, Stiles pour l'anglais. Cette Commis- sion publiera prochainement le texte officiel des règles de nomenclature adoptées par les Congrès internationaux de Zoologie. L'élaboration de ces règles a été longue, mais il est juste de reconnaitre que rien n'était plus indécis ni plus arbitraire, et qu'il était très important de donner à cette question, une fois souleyée, une solution définitive, pour autant qu'il peut y avais quelque chose de définitif dans la science, donk l'essence est de toujours progresser. I] nous plai de rappeler ici que ce résultat capital est l'œuvre de l'un de nos compatriotes, M. le Professeur R. Blan: chard. ro ge III La dernière séance générale de clôture a eu lie le 16 août, sous la présidence de M. R. Blanchard SE. M. le D' Studt, ministre de l’Instruction publi=« XXX — LE 5° CONGRÈS INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE “que, y assistait. Après les conférences de MM. Büts- _chli et Branco, et après l'expédition de diverses “ilaires administratives, le président, dans un long “discours en langue allemande, accueilli par les applaudissements de l'assemblée, a résumé les tra- vaux du Congrès et exprimé les remerciements des qu'à se louer de la courtoisie discrète et des préve- mances loujours en éveil de leurs collègues alle- mands. . Un Congrès ne va pas sans excursions, réceptions zoologique. : Citons tout d’abord la charmante excursion sur e Wannsee, organisée à la hâte à la place d'une visite à Potsdam, les châteaux impériaux de celte localité étant interdits au publie en raison des obsè- ques de l’Impératrice Frédéric qui devaient y être célébrées le lendemain. Mentionnons encore le déjeuner du 14 août au “Jardin Zoologique, admirable établissement que M. le D' Heck dirige avec un talent digne des plus - grands éloges. Ce jour-là, le Congrès tout entier «(plus de 500 personnes) était attendu par 150 lan- daus. C'était vraiment un coup d'œil extraordinaire “que celui de toutes ces voitures, défilant sous un gai soleil par la Siegesallee et le Thiergarten et décri- -vant les cireuits les plus capricieux, afin de montrer aux Congressistes les monuments ou les sites les plus remarquables. Le hasard, qui fait bien les choses, voulut que l'escorte renconträt plusieurs fois l'Empereur. … Le Magistrat de Berlin a offert un diner d'au moins 500 couverts dans les salons du Rathhaus ou « Rothhaus », comme disent plaisamment les Ber- et autres fêtes ; il est juste que nous disions un mot | de celles qui ont eu lieu pendant el après le Congrès linois, à cause de la construction en briques rouges de leur Hôtel de Ville. L'Oberbürgermeister, M. Kirschner, a souhaité la bienvenue au Congrès dans une chaleureuse improvisation; divers orateurs lui ont répondu, notamment M. Edmond Perrier au nom des savants français ; le succès a été pour M. Ijima, qui a ter- miné son discours allemand par des vivals poussés en langue japonaise. Signalons encore, pour être complet, le grand banquet qui eut lieu, le 15 août, au Jardin Zoolo- gique. Tel est l’ensemble imposant des fêtes et récep- tions qui furent offertes aux Congressistes. Le Comité d'organisation avait préparé encore d’autres attrac- tions, que le deuil national ne permit pas de réali- ser: Le Congrès était à peine clos qu'on prenait le train pour Hambourg, où était préparée une bril- lante réception, de la part de la Municipalité. Avec sa bonne grâce coutumière, M. le D'Kraepelin a fait les honneurs du magnifique Musée zoologique. La principale attraction a été, sans contredit, la visite du port de Hambourg : c'estun spectacle saisissant que celui de ce port immense, où affluent des navi- res de tous les points du globe et. où s'accomplit unmouvementcommercial chaque jour grandissant. Une excursion finale a eu lieu à l'ile d'Helgoland, où le D' Heincke dirige une importante station de Biologie marine. Depuis le peu d'années qu'il appar- tient à l'Allemagne, l'ilot d'Helgoland est devenu, non seulement un centre scientifique important, mais aussi une slalion balnéare de plus en plus fréquentée. La visite de cette terre isolée, aux falaises abruptes où nichent les Oiseaux des mers du Nord, est vraiment intéressante : par ses cou- tumes, la population n’est pas sans analogie avec celle de l'ile de Marken, dans le Zuiderzée. ZXX. 850 BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 4° Sciences mathématiques Russell (Bertrand-A.-W.). — Essai sur les Fonde- ments de la Géométrie.(1raduit par M. ALBERT CADE- Nat et annoté par l'auteur et par M. Louis Coururar). — 1 vol. in-$8° de 274 pages, aveë figures. (Prix :9 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. Ayaut à rendre compte, pour les lecteurs de cette Revue, de cet important ouvrage, je me bornerai à dire succinctement ce qu'on y trouve, sans m'engager bien avant dans ies polémiques que le livre a soule- vées dès son apparition. Sans parler déjà de l'excellente exécution matérielle, habituelle à tout ce qui sort de l'imprimerie Gauthier- Villars, on doit signaler que la publication est très soi- gnée. En elfet, le corps de l'ouvrage est accompagné : 1° de deux préfaces par l’auteur, l’une de l'édition fran- caise, l’autre de l'édition anglaise; 2° d'un lexique phi- losophique par M. Couturat; 3° de notes mathéma- tiques par l’auteur; 4° d'une table détaillée et systé- matique des matières, véritable répertoire. Le tout conslitue un ensemble de 274 pages. Quoique fortement teinté de Mathémaliques, le livre est un livre de Philosophie. Il est très analogue, par suite, aux études récentes de M. Hannequin sur l'hypo- thèse des atomes ou de M. Couturat sur l'infini. Les mathématiciens purs y trouveront, à côté des considé- rations qui leur sont familières, les apercus dont, à tort ou à raison, ils s’abstiennent habituellement. Abordant le vaste domaine de recherches qu'on nomme Géométrie non euclidienne ou Métagéométrie (comme on dit Métaphysique par rapport à la Physique), M. Russell rappelle d’abord, avec critique appropriée, ce qui a déjà été publié d'important. Puis il développe ce quil pense lui-même sur la matière. Il y a donc uve partie historique et critique et une partie dogma- tique. Dans le développement historique de la Métagéomé- trie, M. Russell distingue trois périodes : I. (Les précurseurs : l'italien Saccheri de 1733 et l'allemand Lambert de 1786; puisles fondateurs : Gauss, Lobatchevski, Jean Bolyai). Le but poursuivi est de montrer qu on peut édifier, en se privant du postulatum d'Euclide, une géométrie logiquement cohérente. IT. (Riemann, Helmholtz, Lie,...). Le principal objet de recherches est la discussion du principe de libre mobilité (« le déplacement des figures est possible sans déformation »); la méthode principale est l'emploi des coordonnées; l’espace est envisagé comme une multi- plicité, c’est-à-dire comme lieu d'un point défini par des coordonuées — nombres. La notion principale intro- duite est la courbure des espaces. IT. (Surtout MM. Klein et Poincaré) C'est l'époque (actuelle) de la Géométrie projective. On ramène tout à des intersections de droites et au rapport anharmoni- que, ce dernier défini par la méthode de Staudt, c'est-à- dire sans aucune intervention de la distance. Chemin faisant sont examinées les opinions de quel- ques savants ou philosophes. Signalons l'excellente cri- tique des théories de Lotze, qui sont encore aujour- d'hui l'arsenal où se munissent d'arguments les derniers euclidiens intransigeants. Voici maintenant ce que M. Russell pense lui-même sur tous ces problèmes : I. La Géométrie projective est entièrement a priori et repose sur des axiomes dont voici les essentiels : 1° On peut discerner dans l'espace des parties élémen- taires ou « points », qui, tout en étant qualitativement BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX t tous pareils, sont cependant discernables comme exté-" rieurs les uns aux autres. 2 L'espace a un nombre fini et entier de dimensions. IT. La Géométrie métrique s'obtient en introduisant dans la Géométrie projective l'idée de mouvement et trois axiomes nouveaux : 1° Le principe de la libre mobilité; 2° celui (empirique) des {rois dimensions de notre espace ; 3° la notion de la distance de deux points. IT. Le chapitre 1v est purement métaphysique. On y examine la question suivante : Quel rapport une notion purement logique de l’espace (telle que celle qui pré- cède) peut-elle avoir avec notre espace ambiant, objet de la perception? Cette question n'est qu'un cas parti- ticulier du problème, probablement à jamais insoluble, de l'intelligibilité de l'Univers. Je n'insiste pas sur ce: chapitre 1v. Le livre est intéressant et suggestif, parce que M. Rus- sell remue beaucoup d'idées et a beaucoup réfléchi sur les matières qu'il traite. Mais enfin, commé personne au monde ne peut avoir aujourd'hui la prétention de résoudre complètement les problèmes posés, il n’y à rien d'étonnant à ce que de nombreuses réserves soient à faire aux théories de l’auteur. Je ne veux pas m'engager bien avant dans la polémi-. que, mais quon me permette de signaler deux de ces réserves. D'abord, est-ilbien sûr que la démonstration du para- graphe 37 (Deux points, et non quatre, ont une relation « mutuelle, leur distance, indépendante des autres points) soit péremptoire? La distance ne peut-elle pas, sans faire l’objet d'un axiome distinct, être réductible à la . Géométrie projective? M. Russell dit que, sans la dis- tance de deux points, on ne pourrait plus distinguer les différents points d'une droite. Mais on les distingue déjà par l’axiome primordial, la discernabilité des points exté- rieurs les uns aux autres. L’axiome de la distance serait surabondant, comme réductible à d'autres axiomes. En second lieu, on ne trouve (du moins je n'ai pas trouvé) aucune allusion à un fait algébrique, découvert il y a quelques années, lequel est passablement décon- certant. Voici ce que c'est : En Géométrie analytique, il est impossible d'établir une différence de nature entre figures à nombre diffé- rent de dimensions. Prenons l'exemple le plus simple de cette particularité. Soit, dans un plan, un point m, X— Xi (L), AE où X et Y sont des fonctions réelles, continues, unilor- mes-de la variable réelle £. Faisons varier t, c'est-à-dire attribuons-lui une suite infinie de valeurs. Si X et Y sont les fonctions usuelles de l’analvse, le lieu du point 1 est une courbe C, figure à une dimension. Mais on peut choisir X et Y de facon que les points de C rem- plissent toute une région du plan, par exemple tout l'intérieur d'un reclangle. On obtient ainsi la même figure à deux dimensions que si l’on avait fait varier séparément x et y. Cela est d'accord avec la théorie des ensembles de Cantor, où l’on apprend qu'il n’est ni plus ni moins général d'envisager : soit une suite infinie de nombres, soit plusieurs pareilles suites. Il semblerait donc qu'on peut reproduire tous les points, à » coordonnées indépendantes, d’un espace à n dimensions, en faisant varier un paramètre unique. Notre univers serait intrinsèquement à une dimension. C'est précisément ce que l’auteur (paragraphes 135 et suivants) soulient impossible. Nous n'’attachons pas d'importance dogmatique abso-= “lue aux observations ci-dessus, mais on souhaiterait qu'à propos, par exemple, de l’axiome des dimensions, x. Russell expliquât ce qu'il pense des doutes et diffi- ultés qui viennent d'être énumérés. LÉON AUTONNE, Ingénieur des Ponts et Chaussées, L, 2° Sciences physiques londel (A.), /ngénieur des Ponts et Chaussées, Pro- fesseur d'Electricité à l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées. — Moteurs synchrones à courants - alternatifs. — 1 vol. in-8° de 244 pages, de l'Ency- elopédie scientifique des Aide-Memorre. (Prix : broché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.). Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. Quel spectacle touchant et admirable nous donne M. Blondel, qu'un mal implacable condamne à l’im- mobilité et qui, non seulement se lient au courant des progrès accomplis dans tous les domaines de l’Electri- ité, mais dirige ces progrès sur plusieurs points et publie avec une fécondité inlassable des travaux mar- ques à la fois aux coins de l’érudition et de l’origina- EM Sa nouvelle production touche à un sujet difficile, qu'il affectioune spécialement, et à l'avancement duquel il a beaucoup contribué. En M. Potier, M. Maurice Le- blanc et en lui, les machines à courants alternatifs ont trouvé des analystes délicats, rompus aux difficultés du calcul, qui par des moyens différents nous ont montré le jeu complexe de ces appareils si simples en apparence. Avec les alternomoteurs on ne se contente pas, comme avec les moteurs à vapeur ou à eau, de considérer les résultats dans leur ensemble et de faire abstraction du mécanisme intime des phénomènes, dont une investigation approfondie montrerait dans tous les cas la complication. L'étude des alternomoteurs con- duit à appliquer aux courants alternatifs les propriétés générales des mouvements ondulatoires, telles que celles utilisées dans la synchronisation des pendules ou dans la propagation des ondes lumineuses. Ainsi l'Electrotechnique, bien plus que les autres arts de l'ingénieur, est amenée à côtoyer les recherches de la Physique pure, et à apporter la rigueur de cette der- nière dans ses développements. Malheureusement, les matériaux qu’elle emploie sont sujet à des imperfections qui ne permettent pas d'ap- pliquer les résultats des calculs basés sur l’hypothèse de matières idéales. De même que la vapeur ne pré- sente pas, au point de vue de l'analyse, la simplicité d'un gaz parfait, le fer ne possède pas une perméabi- lité magnétique invariable. De là des complications devant lesquelles le calculateur le plus habile recule. De là aussi, pour les constructeurs, la nécessité d’em- ployer dans les projets de machines électriques des formules empiriques déduites de la comparaison des moteurs existants. La considération de machines théoriques, plus ou moins simpliliées dans leur essence, n'en est pas moins utile pour l'analyse qualitative des phénomènes com- plexes auxquels donne lieu le jeu des appareils réels. Le chapitre 1 de l’ouvrage que nous examinons pré- sente une description générale et un exposé au point de vue physique des alternomoteurs synchrones. Vien- nent ensuite les théories classiques de Hopkinson, de Blakesley et de Steinmetz. Cette dernière, basée sur l'emploi des imaginaires, suggère l'observation typique suivante : « Cette méthode donne lieu à des calculs plus simples que celle de Hopkinson; mais, au fond, elle ne constitue qu'un artifice d'écriture de la méthode graphique et remplace des raisonnements détaillés par des opérations algébriques effectuées mécaniquement sans profit pour l'intelligence des phénomènes phy- siques. » Le chapitre n est une exposition très complète de la méthode de l’épure bipolaire que l’auteur a imaginée pour simplifier l'étude des alternateurs et dont il a tiré BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 851 { les résultatsles plus heureux. Entre autres applications intéressantes, il faut lire l'étude économique de la com- pensation dans les réseaux par les alternomoteurs, en considérant le capital engagé et les frais annuels. C'est là un problème technique traité de main de maître. Le chapitre ur comporte quelques compléments théo- riques, en vue de tenir comple, dans une certaine mesure, de l'imperfection des matériaux employés dans les machines, el de la complexité des courbes de force électromotrice réellement observées. Il y a, dans ces lignes, des remarques d’un intérêt sérieux sur l'effet défavorable des termes harmoniques qui s'ajoutent à l'onde fondamentale. Le chapitre 1v est consacré à la mise en marche et aux oscillations des moteurs synchrones. Ce dernier phénomène est analysé avec altention et sera étudié avec profit par ceux qui ont charge des alternateurs. Enfin, les chapitres v et vi sont attribués respective- vement aux essais des mofeurs synchrones, et à quel- ques appareils qui peuvent se rattacher à ces derniers. Le livre de M. Blondel, pour modeste qu'il soit dans son format, sera accueilli avec le plus vif intérêt par les électriciens de plus en plus nombreux qui s'occu- pent des courants alternatifs. Il faut souhaiter que l'auteur ne tarde pas trop à nous donner la suite qui sera consacrée aux moteurs asynchrones et, souhai- tons-le, aux commutatrices. - Eric GERARD, Directeur de l'Institut Monteñore. Walker (J.), Professeur de Chimie à University College (Dundee), — Introduction to Physical Che- mistry.— 1 vol. in-8° de 336 pages avec fig. (Prix : 42 fr. 50.) Macmillan et Cie, éditeurs. Londres, 1901. « Au cours de dix années d'expérience dans l’ensei- gnement de la Chimie physique, j'ai remarqué — nous di! l'auteur dans sa Préface — que la majorité des étu- diants retirent peu de profit réel de la lecture des grands traités qu'ils ont à leur disposition, et cela parce qu'ils ne sont pas capables d'établir une relation entre les connaissances chimiques communes qu'ils possèdent et les nouvelles notions placées devant eux. Ils gardent soigneusement à part leur chimie de tous les jours et leur chimie physique et, au lieu de retirer quelque secours de cette dernière discipline pour la compréhension de leur travail systématique ou pra- tique, ils sont comme encombrés d'un fardeau nouveau et inulilisable. » L'auteur a cherché, dans le présent volume, à remé- dier à cet état de choses en choisissant certains cha- pitres de Chimie physique et en traitant à fond les sujets qu'ils contiennent, avec une considération cons- tante de leurs applications pratiques. Les vingt-sept chapitres du livre passent successivement en revue: les - unités et élalons de mesure, la théorie atomique et les poids atomiques, les équations chimiques, les lois des gaz simples, les chaleurs spécifiques, la loi périodique, la solubilité, la fusion et la solidification, la vaporisa- tion et la condensation, la théorie cinétique et l’équa- . tion de Van der Waals, la loi des phases, les variations thermochimiques, la variation des propriétés physiques dans les séries homologues, les relations des propriétés physiques avec la composition et la constitution, les propriétés des substances dissoutes, la pression osmo- tique et les lois des gaz dans les solutions diluées, les méthodes de détermination des poids moléculaires, la complexité moléculaire, les électrolytes, l'électrolyse et la dissociation électrolytique, les équilibres chimiques, la force relative des acides et des bases, et les principes thermodynamiques. Comme on le voit, cet ouvrage n'est pas un traité complet ou systématique de Chimie physique. Mais l’auteur pense que l'étudiant qui l'aura lu et médité soigneusement sera alors en mesure de profiter des traités plus vastes d’Ostwald, de Nerust et de Van’t Hoff, D'autre part, comme M. Walker estime qu'il est bon pour les étudiants de se familiariser de bonne heure | avec les mémoires originaux, il a donné, à la fin de BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX chaque chapitre, une liste des travaux sur le sujet con- sidéré les plus accessibles aux commencants. IE, 3° Sciences naturelles Houdaiïlle (F.), Professeur de Physique et Météorolo- gie à l'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. — Les Orages à grêle et le Tir des canons. — vol, in-8° de 24% pages, avec 63 figures dans le texte. (Prix : 3 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. La lutte contre les orages à grêle à l'aide du tir des canons est une question à l” ordre e du jour. Si les phy- siciens ne sont pas d'accord pour encourager les agri- culteurs, il semble que ceux-ci, cependant, se laissent, par l'expérience, convaincre de l'efficacité du tir. En France, cette année, les divers concours agricoles régionaux présentaient des expositions de matériel pour ce tir spécial. Mais on sait que c’est en Autriche et en Italie que les essais ont été les plus nombreux. Un congrès s’est réuni à Padoue, en 1900, un autre va se tenir à Lyon, pour étudier les résultats obtenus. En Belgique, dans la région des serres pour la culture de la vigne sous verre, à Hoeylaert, par exemple, on pré- fère déjà le tir des canons, qui coûte cinq fois moins que la prime aux compagnies d'assurances. Dans son livre, M. Houdaille, après avoir tracé l'his- torique du sujet, décrit le matériel de tir et l organisa- lion des stations de ir. Il donne les statuts des diverses associations dont quelques-unes existent déjà en Saône- et-Loire. On lui saura gré aussi d'avoir écrit un inté- ressant chapitre scientifique, en passant en revue les “diverses théories qui ont été émises pour expliquer la ormation de la grêle. Enfin, nous mentionnerons la parlie statistique relative à la répartition et à la fré- quence des orages à grêle. M. Houdaille avait élé chargé, par le Ministère de l'Agriculture, d’une mission en Italie pour l'étude des tirs contre la grèle. Il était donc spécialement qualifié pour nous présenter cet exposé très documenté, qui fait suile à son intéressant Rapport publié antérieure- ment. D'après lui, les faits observés donnent à Ja pra- tique des tirs la meilleure espérance de succès pour l'avenir. Eomonp Gain, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. D'Arsonval, Professeur au Collège de France, Membre de l'Institut et de l'Acadénne de Médecine ; Chauveau, Professeur au Muséum d'Histoire na- turelle, Membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine; Gariel, Zngénieur en chef des Ponts et Chaussées, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membr e de l'Académie de Médecine; Marey, Professeur au Collège de France, Membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine, Directeurs. — G. Weiss, /ugénieur des Ponts et Chaussées, Prolesseur agrége à la Faculté de Médecine de Paris, Secrétaire de la rédaction. — Traité de Phy- sique biologique. — 1 volume in-8°, de 1150 pages avec 91 fiqures. (Prix : 25 fr.) Masson et Ci, édi- teurs. Paris, 1901. Ce premier volume d'un ouvrage qui doit paraître en troistomes, s'impose à l'attention de toutes les personnes qui s'inté ressent aux Sciences biologiques. Ce qui carac- térise cet ouvrage et le distingue de tous ceux qui l'ont précédé, c’est son adaptation spéciale à la Biologie et sa forme encyclopédique. Le lecteur n'y retrouvera pas l’enchainement habituel des chapitres des traités Éctnes de Physique, mais la réunion d'une série d'articles, le plus souvent indépendants les uns des autres, où sont exposées, d’une facon très complète et, en général, par un auteur très compétent, des questions de Physique biologique. Quelques-uns de ces chapitres ont l'importance de véritables petits traités. La Phy- ‘sique pure n'occupe que peu de place et n’a recu de développement que pour permettre au biologiste de suivre l'exposition des questions qui l'intéressent. Dans un chapitre préliminaire, M. Weiss traile des” erreurs dans les mesures; il rappelle les causes d’er=« reurs auxquellesle physiologiste est le plusfréquemments exposé, il montre l'importance que présente la détermina= tion de la limite de ces erreurs. Dans un autre chapitre, le même auteur expose les principes généraux de Mé= canique dans ce qu'ils ont de plus indispensable au bios logiste ; il rappelle les principales notions de Cinémas tique, ‘de Statique et de Dynamique; de nombreux exemples et de nombreuses figures faciliteront la lecs= ture de cet article aux personnes les moins familiarisées avec les formules mathématiques. M. Gariel, dans um court chapitre sur les propriétés des solides, définit les états des corps, et ce qu'il faut entendre par cohésion, adhésion et dureté; il traite ensuite, avec. quelques détails, de la résistance des matériaux, de l’élasticité, de la traction, de la compression, de la flexion, de la torsion, il äonne l'application de l'élasticité aux appa= reils de Physiologie; enfin, dans un chapitre spécial, il montre l'application des notions précédentes à l'archi- tecture des os, surtout en ce qui concerne leur réaction à la compression, L'article suivant de M. Weiss, sur l'architecture du muscle, continue cette étude : on y trouve décrites la disposition qu'affectent les fibres des différents muscles, l'adaptation structurale des muscles aux mouvements qu'ils produisent. Un excellent article du même auteur, sur la méthode graphique en Phy- siologie, interrompt ici l'étude commencée du muscle; nous Ja retrouvons dans AU suivant, encore du même auteur, intitulé de la contraction musculaire. M Après les myographes classiques, sont étudiées la se- cousse musculaire et les conditions physiques qui las modifient. Les variations de l’élasticité musculaire dans la contraction sont présentées, d’après les travaux de Marey et ceux, plus récents et très précis, de Chauveau. Dans un importaut article de plus de 90 pages, le D' P. Richer expose, avec uu très grand nombre dem dessins, les questions de Statique et de Dynamique humaine ; il montre que si les muscles sont soumis sur le vivant aux influences de leurs aponévroses d’en- veloppe, on peut cependant en faire très utilement l'étude aux travers des téguments; il discute l'inter-m vention de différents groupes musculaires exlenseurs M et fléchisseurs dans Ja production d'un seul mouve- ment. Il passe en revue, pour chaque seswment du corps, les attitudes compatibles avec la station verti-" cale droite symétrique, avec la station verticale asymé-" trique ; cette étude de statique se trouve complétée par quelques considérations sur la station à genoux, la station assise et la pathologie de Ja station. La locomo- tion, qui est la partie principale de cet article, est étu- diée par les méthodes graphiques et chrono phiques; les plus larges emprunts sont faits aux travaux de Marey. Les tracés des appuis sont obtenus avec la chaussure explorairice; ces tracés sont étudiés dans les différentes allures de la marche, dans l'ascen- sion et la descente d'un escalier. Le pas et ses modifi- cations sont aussi étudiés par la méthode des em- preintes et à l’aide des tracés de l’odographe de la. Station physiologique. Le fonctionnement des muscles des différents segments du corps est envisagé pour chaque temps de la marche. De nombreux dessins, exé- cultés par l’auteur, d'après des photographies de A. Londe, accompagnent cette étude et: aussi celle sur les mouvements à reculon, la marche avec fardeau, sur la marche en poussant et en tirant, sur la marche ascendante ou descendante. Quelques considérations sur la marche en flexion, sur la marche sportive, et une étude sur le saut terminent cet article. Un article de M. Marey, sur la locomotion animale, fait suite à cette étude de la locomotion chez l'homme, et résume les belles recherches de l'illustre physiolo=\ giste sur le mouvement. Dans la partie sur la locomo= tion des animaux terrestres est étudiée spécialement la marche du cheval, par la méthode graphique et par méthode chronophotographique ; avec le schema de Le Hello est faite l'analyse et la synthèse du mouve- “ment. De même est étudiée par la chronophotogra- . phie, la locomotion des Reptiles, des Insectes, des Mol- “lusques. C'est encore la chronophotographie qui a permis à l'auteur d'étudier la locomotion aquatique, le role des ondes du corps de l’anguille dans les mouve- “ments de progression, la flexion de la queue des pois- sons qui détermine la propulsion, le mouvement des mageoires. Avec la chronophotographie on suit encore les mouvements des Comatules, mouvements dus à la “résistance inégale que rencontrent leurs bras couverts de villosités, puis les mouvements de l’ombrelle de la Méduse et les mouvements des membres de la Tortue qui nage. Les mouvements dans l'air sont étudiés suc- cessivement chez les Insectes et chez les Oiseaux. L'aile (lé l'insecte se compose d'uve partie rigide, la nervure, et d'une partie flexible, la membrane; la résistance de Pair sur cet organe engendre des flexions alternatives qui déterminent la progression. De rapides mouvements “'oscillation imprimés à une aile artificielle reprodui- “sent le mouvement de l'aile de l’insecte; un point “hrillant du bord de cette aile décrit une lemniscate, comme le fait l'aile de l'insecte en liberté; on peut, de plus, constater, avec la flamme d'une bougie, que l'air » est aspiré d'un côté et repoussé de l’autre. Un-appareil du mème auteur, l'insecte artificiel, démontre l'influence de la vitesse et de la direction du mouvement des ailes “sur le déplacement de l'insecte. Sur un cylindre enre- peser. couvert de noir de fumée, on peut obtenir inscription directe du nombre des battements de - l'aile, mais ce n'est que par la chronophotographie que - l'on peut apprécier les changements de forme de l'aile. Dans la partie relalive au vol des Oiseaux, l’auteur montre comment il a pu inscrire directement le mou- vement des ailes et en obtenir l'indication par la chro- nophotographie; il résume sur ce sujet ses principaux travaux, longuement exposés dans son volume sur le vol des oiseaux. Enfin, l’auteur explique le mécanisme - de vol glissé, et donne la démonstration et l'existence du vol à voile, que l'on n’a pu, jusqu'à présent, étu- » Jdier par la chronophotographie. - Un court résumé, par M. Weiss, des principes d'Hy- — drostatique et d'Hydrodynamique sert d'introduction à l'étude du cœur et de la circulation. La cardiographie et la physiologie du cœur est un - article soigneusement écrit, avec de nombreuses indi- cations bibliographiques, comme sont les articles de - M. le Professeur Wertheiner. Les variations de Ja pres- … sion à l'intérieur des cavilés cardiaques sont longue- ment éludices, d'après les tracés de Chauveau, Marey, - Fredericq, Hurthle: également bien étudiés, sont les tracés des bruits du cœur obtenus avec le microphone de Hurthle et les tracés obtenus avec le cardiographe - placé sur la poitrine. De l’ensemble de ces tracés et de ceux recueillis avec les appareils intracardiaques ou . intravasculaires, un résullat important se dégage : il est possible de préciser sur la courbe d'un bon car- . diogramme les différentes parties du fonctionnement cardiaque. Les données nécessaires au calcul du tra- vail du cœur sont facilement obtenues expérimentale- ment, mais les chiffres des auteurs sur le débit du - cœur sont assez variables. Les appareils de Kronecker, de Marey, de Dreser, permettent de faire cette mesure . du travail du cœur. ; Avec précision, M. Meyer expose, en cinquante pages, la question de la circulation. Les vaisseaux ont des propriétés physiques et vilales qui modifient le cours du sang; les premières sont seules étudiées ici. Après . avoir décrit les appareils en usage pour l'étude de … l'élasticité et de la pression artérielle, l'auteur explique avec de très beaux fracés les caractères graphiques des courbes de pression : oscillations du cœur, oscilla- « tions mécaniques de la respiration, oscillations respi- ratoires d'origine nerveuse (courbes de Traube-Héring), . oscillations vaso-motrices spontanées (courbes de Sig- . mund Mayer). Les caractères du pouls et son inscrip- tion avec les sphygmographes de Marey, de Dudgeon, … de Von Frey sont particulièrement étudiés; le rap- Æ BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 853 prochement des tracés sphygmographiques et des car- diogrammes permet d'apprécier les rapports du pouls et de la pulsation cardiaque. La circulalion veineuse est due à divers facteurs : l’action du cœur, l'aspiration thoracique, la présence des valvules. De très beaux tracés de pression veineuse montrent l'influence de Ja circulation périphérique sur cette pression. La pléthysmographie, qui a donné de remarquables résultats entre les mains de François Franck et Hallion, est décrile par ce dernier auteur. Les nombreux appa- reils sont classés en quatre catégories : 4° les appareils à récipient contenant de l’eau; 2° les appareils à réci- pient contenant de l'air; 3° les appareils à inscription directe; 4° les appareils à paroi élastique; dans cette dernière catégorie se range le pléthysmographe de Hal- lion : c’est un instrument qui est simple dans sa cons- truction, facile à manipuler, et qui donne les meilleurs résultats. L'auteur donne ensuite la technique à suivre dans l'exploration de chaque organe. Les deux articles suivants de M. Imbert intéresseront surtout les biologistes qui s'occupent des phévomènes moléculaires; l'un de ces articles traite de la capil- larité et de la tension superficielle; l’autre est relatif à la solubilité des solides et à l'imbibition. Faisant suite à cette étude, un très important article de M. Dastre sur l'osmose mérite toute l'attention. Ce travail, de plus de 200 pages, forme un véritable traité sur la question. L'exposition est claire et méthodique, la mise au point du sujet est irréprochable. La courte analyse que nous donnons ici ne rendra que très impar- faitement compte de cet arlicle qui est, à l’henre actuelle, la meilleure et la plus complète publication sur ce sujet, Très logiquement cette étude a élé divisée en plusieurs parties; trois seulement de ces parlies ont trouvé place dans ce volume, ce sont : 1? l'osmose; 20 Ja tonométrie; 3° la cryoscopie; les deux autres par- ties, qui ont trait : l'une à la conductibilité électrique, l’autre aux applications biologiques, auraient offert un caractère d'ensemble très intéressant pour }a question, si la division de l'ouvrage n’en avait obligé le rejet dans un autre tome. Les sommaires détaillés, avec de nom- breux numéros d'ordre, facilitent beaucoup la lecture et les recherches. Un premier chapitre, sur l'étude expérimentale des phénomènes osmoliques, fait con- naître l'évolution de la question en même temps qu'il prépare à une étude théorique complète en montrant toutes les influences qui peuvent modifierle phénomène. Les membranes osmotiques, cloisons naturelles et cloi- sons arlificielles, sont l'objet d’une étude détaillée qui periuet de comprendre les hypothèses émises sur le rôle de la membrane dans l’osmose, et qui, au point de vue pratique, renseigne sur un point important de la cons- truction des osmomètres et sur-leurs qualités. Avec l'osmomètre artificiel de Pfeffer, on constate les in- fluences de la concentration et de la température; avec l'osmomètre naturel, la cellule végétale, de Vries, on arrive aux mêmes constatations, et on élablit la loi des concentrations moléculaires et la loi des coeffi-. cients isotoniques moyens. Le deuxième chapitre donne la coordination des résultats obtenus; on y trouve bien exposée la théorie de Van t'Hoff, et sa conséquence principale qui est la forme définitive des lois de l'os- mose. La formule de ces lois, ses formes variées et les caleuis auxquels elle donne lieu, ont reçu un dévelop- pement qui pourra servir dans les applications cou- rantes de la Biologie. Enfin, un paragraphe sur les substances électrolytes, où estexposée l'hypothèse d’Ar- rhénius, termine cette étude de l’osmose,que complètent . deux tableaux résumant les données osmotiques expé- rimentales. Pratiquement, la mesure directe de la pres- sion osmotique estune opération difficile; il est en géné- ral plus aisé de déduire la pression osmotique de la mesure de grandeurs qui sont aussi fonction du nombre de molécules. L'auteur se trouve ainsi amené à exposer la tonométrie et la cryoscopie, qui permettent de faire la détermination indirecte de la pression osmotique. Encore méthodiquement et avec un développement bien 854 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ménagé sont exposés les (ravaux qui ont conduit aux lois générales. La mise en équation de ces lois est accom- pagnée de calculs élémentaires très développés qui faciliteront l'emploi des formules les plus usuelles. La question des gaz est traitée avec grande compé- tence par M. Tissot; trois chapitres sont consacrés à cette étude : l’un est relatif aux propriétés des gaz, l’autre aux analyses de gaz, et le troisième aux £az du sang. Dans ces deux derniers chapitres on trouvera longuement exposées, parmi les techniques les meil- leures, les méthodes et l'instrumentation du Professeur Chauveau, qui sont, comme chacun sait, d'une préci- sion remarquable. M. Tissot a encore écrit un chapitre sur les phénomènes physiques de la respiration; on y remarquera surtout la partie relative à la mesure des quotients, coefficients et du débit respiratoires; la méthode de Chauveau et l’instrumentation de Chauveau et Tissot y sont décrites en détail. Un article de M. Weiss sert d'introduction à la partie de l'ouvrage qui traite de la chaleur; dans cet article sont condensés en quelques pages les notions et prin- cipes généraux de Physique relatifs à la chaleur. Plu- sieurs articles sont encore traités par M. Gariel; dans l’un, sur la thermométrie, il décrit les thermomètres usuels, leurs usages et les calculs de correction; dans un autre, il aborde la question du travail fourni par les animaux et du rendement des moteurs animés. En pas- sant, il relève l'incorrection de langage commise en qualifiant de travail statique l'énergie dépensée pen- dant la contraction statique; puis, il apprécie la valeur du travail pour les différents muscles et dans des con- ditions variées. Il donne l'évaluation et la quantité de travail que peuvent fournir l'homme et le cheval dans certaines formes de travail; enfin, par le calcul, il montre que le travail ne peut emprunter son énergie à la chaleur; la transformation de la chaleur en travail n'a pas lieu dans l'organisme. Sous le titre température, M. Langlois donne les principaux résultats d'observations de température chez les animaux poikilothermes et chez les animaux homéo- thermes. La température de l'homme est étudiée dans ses variations par rapport au temps et aux organes, dans les multiples conditions d'âge, de sexe, de race, de climat et d'activité musculaire. Brièvementestensuite exposé le mécanisme de la régulation thermique, ainsi que l'influence de la température sur les fonctions organiques; enfin, un certain nombre d'indications sur les limites des températures compatibles avec la vie terminent cet article bien documenté. La calorimétrie est traitée par M. Sigalas, qui la divise en trois parties : la première, la calorimétrie physique, qui a pour objet la mesure des quantités de chaleur dégagées ou absorbées par les corps lorsqu'ils sont le siège de variations de température ou de chan- “ements d'état; la seconde, la calorimétrie chimique, qui mesure les quantités de chaleur dégagées ou absorbées dans les réactions chimiques; la troisième, la calori- métrie biologique, qui mesure les quantités de chaleur dégagées ou absorbées par les êtres vivants; cette der- nière partie a été surtout développée par l'auteur qui passe en revue successivement les principaux appareils dont il fait la critique : appareils à corps calorimétrique solide, appareils à corps calorimétrique liquide et appa- reils à corps calorimétrique gazeux; à la fin de cette étude, l’auteur donne les méthodes suivies pour l'étalon- nage des calorimètres. Dans un autre chapitre, M. Siga- las fait la description des étuves, fours et régulateurs en usage dans les laboratoires. La chaleur animale est un article important de plus de cent pages écrit par M. Laulanié. L'auteur développe la question des sources de la chaleur animale; il expose les théories du Professeur Chauveau, et donne les prin- cipaux résultats expérimentaux sur la chaleur produite, en tenant compte soit des aliments dépensés, soit Je l'oxygène consommé. Il fait l'étude de la thermogénèse et de ses variations chez les animaux; puis, après avoir rappelé la fixité relative de la température centrale, l’auteur se trouve amené à parler, dans la lutte contre le froid, de la régulation de la température, de l'in- fluence des réflexes vaso-constricteurs, du frisson ther- mique, de l’exagération des combustions ; dans la lutte contre la chaleur, du rôle des réflexes vaso-dilateurs, sudoripare, respiratoire, de la polypnée thermique. L'auteur étudie ensuite l’action de la chaleur et du froid sur les êtres et les tissus vivants, l'influence du système nerveux sur la calorification; puis, les troubles qui peuvent survenir dans la régulation thermique. Beaucoup de personnes trouveront sans doute que cet important article serait mieux à sa place dans un granu traité de Physiologie que dans un ouvrage de Physique biologique. L'influence de la pression sur la vie est un article de MM. Regnard et Portier, où sont étudiées toutes les modifications que les variations de la pression font subir aux organismes et aux tissus vivants. Action de la pres- sion de l’eau et action de la pression des gaz, influence de l'air comprimé et de l'air raréfié, mal des mon- tagnes en particulier sont analysés très en détail. Une place importante a été judicieusement donnée dans ce travail aux expériences de P. Bert et aux ingénieux dispositifs expérimentaux de P. Regnard. Le chapitre suivant : de l'influence des agents atmo- sphériques sur les éléments cellulaires, est un article à allure très générale, comme sait en écrire M. Charrin, et où l’on trouvera des considérations intéressantes. Les parties les plus différentes de la Physique ont été envisagées dans cet article; le lecteur en est d’ailleurs prévenu dès l’abord par la coupure suivante faite au milieu du titre : — Température (chaleur, froid); lu- mière ; état hygrométrique (sécheresse, humidité) ; élec- tricité, ozone, pesanteur, mouvement, pression, oxygène. Pour le plus grand avantage de l'étude de la Physio- logie végétale, trois chapitres de Physique écrits par M. Mangin ont élé rapprochés, bien qu'ayant rapport à des parties différentes de la Physique. Dans le premier sont étudiées les actions hygrométriques sur les végé- taux; dans le deuxième, l'influence de la chaleur sur les végétaux, et dans le troisième les achons méca- niques sur les végétaux. Ces trois chapitres, qui sont méthodiquement exposés, sont suivis d'indicationsbiblio- graphiques précises. En résumé, cet ouvrage, dans son ensemble, répond bien à son titre, et son succès est assuré non seulement par le patronage des savants, MM. d'Arsonval, Chauveau, Gariel, Marey, qui en ont la direction, mais encore par l'ensemble des travaux que ces auteurs ont fourni à cette publication, et par la part importante que plu- sieurs d’entre eux ont déjà prise dans Ja rédaction des articles. Enfin, il n'échappera à personne que si cette œuvre est menée à bien, le zèle, l'activité et la science du secrétaire de la rédaction, M. Weiss, y sont pour beaucoup. L. Caxus. 4° Sciences médicales Vaullegeard (A). — Étude expérimentale et critique sur l’action des Helminthes : I. Cestodes et Nématodes. (Æxérait du Bulletin de la Société Linnéenne de Normandie). — 1 hroch. in-8 de 64 pages. E. Lanier, imprimeur. Caen, 1901. Les idées relatives à l'action pathogène des Hel- minthes intestinaux se sont singulièrement modifiées en ces derniers temps. C'est ainsi qu'un certain nombre d'auteurs l’attribuent à des substances foxiques éla- borées par ces parasites. Tel est le cas de M. le D: Vaul- legeard. I] a donc étudié les substances actives conte- nues dans diverses espèces de Vers, et a pu isoler deux produits toxiques, dont l’un agit sur les centres ner- veux, tandis que l’autre agit sur les muscles. L'étude critique des principaux symptômes observés dans les maladies vermineuses par les différents auteurs lui permet du reste de montrer que bon nombre de ces symptômes sont analogues à ceux que provoque l'injec- tion des substances toxiques. M. le D' Vaullegeard r % ee: rejette donc les autres théories admises en Helmintho- logie pour s'en tenir exclusivement à la théorie de l'action chimique. Celle-ci n’est pas niable, en effet, et tous les parasi- tologues s’y sont ralliés depuis les importantes obser- vations de Miram, Cobbold, Bastian, Vignardou, von Livstow et Railliet. Les résultats de Vaullegeard sont “du reste à peu près identiques à ceux obtenus anté- mieurement par Chanson, Mingazzini et Cafiero, chez JPAscaride; par Lussana, Arslan, Crisafulli et Tomaselli chez l'Ankylostome, et enfin plus récemment par Mes- ineo chez les Ténias de l'Homme. Le travail de Vaulle- “eard vient donc confirmer ce que les parasitologues Connaissaient déjà sur l’action toxique des Helminthes. Le reproche que je lui ferai, c’est tout d'abord de ‘être pas suffisamment éclectique, et de faire jouer ux toxines sécrétées par les Helminthes un rôle un eu trop prépondérant, alors qu'il ne tient aucun mpte des autres mécanismes qui peuvent intervenir, tel que celui de l’inoculalion, sous la muqueuse intes- tinale par exemple, de Bactéries pathogènes pouvant, Iles aussi, sécréter des toxines. De plus, en ce qui con- erne l'Ankylostome, il admet que l’anémie serait le résultat des multiples saigoées produites par le para- site. Or, on sait, à l'heure actuelle, avec quelle rapidité se réparent les pertes de sang chez les Vertébrés supé- rieurs, et tous les auteurs modernes sont portés à admettre que l’uncinariose ou anémie des mineurs serait bien piutôt une aulo-intoxication produite par les substances toxiques secrétées par le parasite. Enfin je ferai remarquer à M. Vaullegeard que les toxines sérrétées par les Helminthes ne sont pas toujours aussi dangereuses qu'il le pense et peuvent même jouer un rôle bienfaisant, puisque MM. Picou et Ramond pré- tendent que l'extrait de Ténia possède une action bac- téricide des plus nettes vis-à-vis de certaines Bactéries pathogènes, ce qui expliquerait pourquoi les porteurs de Ténias sont rarement atteints de diarrhée infec- tieuse, et en particulier de fièvre typhoïde, et ce qui semblerait donner raison aux Abyssins qui ne se con- sidèrent comme bien porlants que lorsqu'ils possèdent un ou plusieurs Ténias. Dr J. Gurarr, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 5° Sciences diverses Aupetit (Albert). — Essai sur la Théorie générale de la Monnaie. — { vol. in-8° de 297 pages.(Prix : 10 fr.) Guillaumin et Ci, éditeurs. Paris, 190, L'Economie politique est née, au xvin® siècle, des travaux des Physiocrates et de l'œuvre, plus précise, d'Adam Smith. Mais cette science ne s’est vraiment constituée qu'au xix° siècle. L'œuvre des économistes est aujourd'hui considérable. Et, malgré le scepticisme de la foule, elle s'est affirmée si sérieuse, si pratique, que force a été aux détenteurs de l’action publique de prendre en considération la science nouvelle et d’en respecter les enseignements. On a longtemps reproché aux économistes de se li- vrer à une « gymnastique intellectuelle » et de formuler des lois à ce point vagues que leur application dans la vie pratique était impossible. Le reproche n'était pas fondé. Mais on comprend qu'il ait été formulé. Rien n’est plus délicat, en effet, que l'étude des pro- . blèmes économiques. D'une part, l’économiste ne peut appuyer une formule théorique d'expériences qui en démontreraient l'exactitude rigoureuse. Sans doute, les expériences ne font pas absolument défaut : faut-il citer le système de Law, la loi du Maximum, l'aventure - des assignats, et vingt autres? Mais elles sont de telle nature, elles s'étendent sur un si long espace de temps, qu'elles échappent au contrôle des esprits superficiels et ne s'imposent pas à la raison du grand public, inca- pable d’en saisir toute la portée. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 855 D'autre part, il est impossible de ne pas tenir compte, en cette matière, d'un facteur particulièrement mobile : l'intervention de l'homme. A vrai dire, cette action de l'homme n'est pas à ce point prédominante qu'elle puisse fausser le jeu d’une loi économique; mais elle suffit à le troubler, et à cacher, aux yeux de l'observa- teur inattentif, les conséquences du principe. Il à donc fallu du temps, beaucoup de temps, et de patientes recherches, pour que la science économique prit définitivement corps. Aujourd'hui, elle repose sur des bases solides. La somme des observations est suffi- sante pour que la théorie puisse s'affirmer avec toute la précision voulue. De tait, deux groupes de savants ont concouru à ob- tenir ce précieux résultat : les statisticiens, dont les travaux sont imposants, ont fourni un ensemble de renseignements où les théoriciens ont puisé selon leurs besoins; d'autre part, les théoriciens ont, de plus en plus, condensé leurs formules et ils en sont arrivés à les exprimer avec toute la rigueur d'un calcul mathé- matique. Désormais, toute œuvre économique doctrinale est, à la fois, rationnelle et expérimentale; de portée univer- selle dans sa partie rationnelle, d'application particulière dans sa partie expérimentale. Et l'Economie politique a le droit de revendiquer le nom de Science. Ce double caractère est mettement affirmé dans l'Essai sur la Théorie générale de la Monnaie, que vient de faire paraitre M. Albert Aupetit. Vaste serait la bibliothèque qui pourrait contenir tout ce qui a été écrit sur la monnaie. Cependant, M. Aupetit n'a pas hésité à reprendre le sujet. Il l’a traité d’une manière personnelle : avec la rigidité d'un problème mathéma- thique et avec la sobriété qui convenait à une thèse de doctorat ès sciences économiques. L'auteur a divisé son ouvrage en deux parties. La première est purement rationnelle. Le rôle de la mon- naie y est étudié à un triple point de vue : fonction de numéraire, fonction de circulation, fonction d'épargne. Cette moitié de l'ouvrage est purement scientifique et les abstractions y sont enfermées dans des formules mathématiques. La seconde partie a, nettement, le caractère expéri- mental : les phénomènes monétaires y sont notés et décrits avec précision, et une statistique détaillée, accompagnée de graphiques, établit la concordance de la théorie et des faits. Nous sommes peu accoutumés, en France, à des ouvrages économiques rédigés avec toute la rigueur d'un traité de Mathématiques. Cournot, qui inaugura cette « économie pure », n'a pas connu la popularité. Mais les économistes d'Angleterre, d'Allemagne, d'Au- triche, de Suède, d'Italie, de Suisse, des Etats-Unis ont suivi la voie tracée par notre compatriote, et leurs travaux ont beaucoup contribué à établir que la science économique était, en partie, une science « exacte ». L'ouvrage de M: Aupetit n'est évidemment pas destiné au grand publie, mais il aura sa place dans la biblio- . thèque des savants : il sera utile, parce qu'il résume Ja théorie générale de la monnaie et la rend plus précise; utile aussi, parce qu'il contient des renseignements statistiques précieux. C’est un travail consciencieux et sévère, qui prouve, une fois encore, que les questions économiques sont des problèmes scientifiques, suscep- tibles d’être résolus par la méthode mathématique, bien que les faits dont elles traitent nous apparaissent, à première vue, comme confus et rebelles à l'analyse précise. Et cette étude mérite d’être signalée à l’atten- tion des hommes que les progrès des Sciences pures ne laissent pas indifférents, Marcez BICHON, Sous-directeur de l'Ecole Supérieure de Commerce de Montpellier. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 19 Août 1901. M. le Président annonce le décès de l'amiral de Jonquières, membre libre de l’Académie, et de M. A. E. Nordenskiôld, associé étranger. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. F, Siacci donne la solution d'un problème de d'Alembert. — MM. Eug. Lt Fr. Cosserat signalent un point crilique particulier ‘le la solution des équations de l’élasticité dans le cas où les efforts sur la frontière sont donnés. — M. G. Kæœnigs poursuit son étude critique sur les principes zénéraux des mécanismes. Reuleaux, dans sa théorie, s’est affranchi du préjugé de la classification, mais il eut dù aussi s'affranchir de cet autre qui consiste à ne voir dans un mécanisme qu'un moyen de translormer ou de produire un mouvement, 29 SCIENCES PEYSIQUES. — M. Ch. Eug. Guye indique une méthode permettant de calculer la valeur absolue du potentiel dans un réseau de conducteurs parfaite- ment isolés présentant de la capacité. — MM. E. Cha- rabot et A. Hébert ont reconnu que l'éthérificalion dans les plantes se produit par l'action directe des acides sur les alcools; elle se trouve favorisée par un agent particulier, jouant le rôle de déshydratant. Cet arent ne serait autre qu'une diastase, dont l’action déshydratante s'exerce en milieu chlorophyllien. 3° SCIENCES NATURELLES. M. F. Bouffé considère que le psoriasis est une trophonévrose ayant son siège dans les centres nerveux et notamment dans le grand sympathique; il présente une grande analogie d’origine avec la neurasthénie, Dans le psoriasis, il y a diminu- tion de l’activité nerveuse et École Le traile- ment de choix consiste dans les injections d’orchitine. — M. C. Flammarion a étudié l'influence des lumières colorées sur la production des sexes. Des œufs de vers à soie, placés sous des verres de couleur foncée, ont donné une plus grande proportion de mâles; à ‘l'air libre, et sous le verre incolore, lés proportions des deux sexes sont les mêmes. — M. A. Thévenin a étudié les dépôts littoraux et les mouvements du sol pendant les temps secondaires dans le bas Quercy et fe Rouergue occidental. — M. André Berthelot fait connaître que l'origine de la source de la Loue, qui jaillit à 12 kilo- mètres de Pontarlier, vient d’être élucidée à la suite de l'incendie de l'usine d’absinthe Pernod. De grandes quantités d’absinthe ayant coulé dans le Doubs, on re- marqua, deux jours après, que les eawx de la source de la Loue avaieut une odeur et un goût d'absinthe très accusés. La Loue ne serait done qu'un bras souterrain du Doubs. — M. M. Berthelot a analysé deux échan- tillons de cette eau et y a constaté la présence d’es- sence d’anis. Séance du 26 Août 1901. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen annonce la découverte d’un nouveau radiant des Perséides, au- dessus de la constellation de Cassiopée, dans celle des Lézards. — M. E. Sarrau signale quelques particula- rités de l'application du principe de l'énergie aux phé- nomènes électrodynamiques et électromagnétiques. — M. A. Petot éludie le mode de fonctionnement des freins dans les automobiles 29 Sciences PHYSIQUES. — M. O. M. Corbino conclut, de la discussion de quelques phénomènes d'Optique, que deux radiations se trouvant en deux points diffé- rents du spectre continu produit par la lumière bian- che sont complètement indépendantes, et qu'on ne ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER peul, en conséquence, les considérer comme deux composantes sinusoidales d'une seule vibration com- plexe. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. Louis Léger a cons- taté que, chez les Stylorhynchides, la conjugaison n'est pas isogame, les gamètes étant aussi protondément dif- lérenciés que chez les animaux supérieurs. En outre, ce qui est remarquable, c'est qu'ici le spermatozoide très gros RORE avec lui la grande partie de la réserve nutritive, tandis que l'œuf, beaucoup plus petit, n'en renferme qu'une quantité beaucoup moindre. — M. A. Giard critique les expériences de M. Flammarion rela- tives à l'influence des couleurs sur la détermination du sexe chez les Lépidoptères et pense qu'on n’en peut tirer aucune conclusion. — M. G. Delacroix signale une nouvelle maladie de la pomme de terre, qui sévit depuis peu en France; elle est due à une bactérie, qui paraît être le Bacillus Solanacearum d’'E. EF. Smith. Le seul traitement qu'on puisse indiquer jusqu'ici est l'emploi d'un assolement au moins triennal. — M. P. Carles signale l'envahissement des cours d’eau du dé partement de l'Hérault par le Jussiæa grandiflora (Michaux). L'introduction de cette plante paraît proye- nir du lavage des laines d'Amérique; elle fructilie abondamment et se répand par des graines. Séance du 2 Septembre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — MM. Rambaud et Sy présentent leurs observations de la comète d'Encke, faites à l'Observatoire d'Alger. —M. G. Humbert montr 6 que la représentation géométrique, sur une surface de Kummer, de la transformation quadratique des fonc- tions abéliennes fournit, pour les trois équations mo- dulaires de la transformation, une expression remar- quablement simple. — M. G. Tzitzeica étudie la déformation continue des surfaces qui admettent un réseau conjugué invariant. — M. G. Kæœnigs esquisse une théorie géuérale des mécanismes; il y introduit une considération nouvelle, celle des déplacements dis- sociatifs, c'est-à-dire qui provoquent la rupture de l’état des liaisons. — M. R. Liouville montre qu'il est possible de réduire à un problème unique toutes les questions d'équilibre concernant un corps, de forme primitive donnée, quelles que soient les forces qui le liennent en équilibre après déformation; il ne s'agit que de calculer les effets, sur ce même corps, d'un seul système de forces, choisi d’une facon convenable et d’ailleurs entièrement connu. — M. E. Sarrau étudie l'application des équations de Lagrange aux phéno- mènes électrodynamiques et électromagnétiques. Les résultats s'accordent avec le principe de l'énergie; mais, pour cela, il semble nécessaire d'admettre que l'énergie interne d’un système de courants et d’aimauts est pure- ment cinétique, sans partie potentielle, et d'attribuer par suite le caractère de forces d'inertie aux actions mutuelles du système. — M. Ch. Frémont à reconnu que la limite élastique du cisaillement d’un acier permet d'avoir, avec une certaine approximation, la limite élastique à la traction de cet acier, car le rapport entre la limite élastique et la résistance maximum de rupture d'un acier paraît être le mème pour le cisail- lement et pour la traction. 20 SCIENCES NATURELLES. — MM. L. Léger et O. Du- boseq communiquent leurs observations sur trois grands groupes de Polycystidées, Dactylophor ides, Clepsidrinides; elles montrent LE l'évolution typique de ces Grégarines ne comporte, à aucun moment, de stade intracellulaire, En ce point, elles diffèrent notablement des Monocystidées intesli- Actinocéphalides,, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 857 nales, dont les stades jeunes se passent à l'intérieur des cellules épithéliales. — M. Arm. Billard a observé la scissiparité chez plusieurs espèces d'Hydroïdes : Obelia flabellata Mincks, O. geniculata Lin., Leptoscy hus tenuis Allman, Campanularia anqu'ata. La se parité de ces espèces assure leur multiplication rapide dans les conditions où elles se trouvent placées. — MM. J.-D. Catta el A. Maige signalent l'apparition du tot blanc (Charrinia diplodiella) en Algérie; la ma- — jadie a été enrayée après un énergique traitement à la DR LS SR Li œ é ÿ EE bouillie bordelaise. — M. A. Jurie cite un cas de dé- …(erminisme sexuel, produit par la greffe mixte de deux plants de vigne. L'influence de la sève élaborée du greffon a amené sur le rejet une inflorescence à fleurs en partie hermaphrodites, Séance du 9 Septembre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES, — M. F. Sy communique ses observations de Ja planète G Q, faites à l'Observa- … toire d'Alger. — M. W. Stekloff poursuit ses recher- ches sur l'existence des fonctions fondamentales. — M. Th. de Donder montre l'importance des invariants intégraux relatifs du premier ordre. ; 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. F. de Montessus de Ballore démontre l'impossibilité de représenter par des courbes isosphygmiques, ou d'égale fréquence de séismes, la répartition de l'instabilité dans une région sismique donnée. Il y faut un procédé discortiuu, comme le phénomène lui-même. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. A. Billet a constaté la coïncidence de l'apparition des premiers cas de palu- disme dans la région de Constantine avec celle des premiers moustiques Anopheles de l’année. — M. A. Menegaux a étudié.la biologie d’un parasite de l’orme, la Galeruca xanthomelaena, qui s'est développé abon- damment depuis quelques années. Pour sa destruc- tion, on obtiendrait de bons résultats en offrant aux larves, sous les Ormes, un lit de mousse ou de foin, où elles pourraient se réfugier pour se chrysalider et qu'on incinérerait ensuite; ou bien en détruisant les adultes en les faisant tomber des branches, le matin au lever du soleil, et en les recueillant sur des toiles étendues. Lou's BRUNET, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 20 Juillet 4901. M. Ch. Féré a constaté que le travail digestif diminue J'activité du travail manuel. — M. A. Laveran propose un essai de classification des Hématozoaires endoglo- bulaires ou Haemocytozoa. I les divise en trois genres : Hacemamoeba, Piroplasma et Haemogregarina. — M. H. Mouton a extrait, d'une espèce d'Amibes très abon- dante dans la terre de jardin, une diatase qui doit servir, chez l'animal vivant, à la digestion intracellu- laire des bactéries dont il fait sa nourriture. — M. Fer- rier a examiné le liquide céphalo-rachidien dans une forte leucémie et n’y a trouvé que quelques rares glo- bules rouges et un nombre moindre de leucocytes. — M. E. Sacquépée a observé que les troubles de l'équi- libre leucocytaire persistent longtemps et survivent de beaucoup à la maladie causale. — MM. N. Vaschide et C1. Vurpas ont reconnu que la vilesse des réactions n'est pas toujours proportionnelle au sens et à la nature de ces réactions, mais dépend aussi de la vie mentale des sujets. — M. A. Poncet résume ses travaux sur l’actinomycose humaine. — M. P. Bergouignan a obtenu un succès complet dans le traitement des crises vésicales du tabes par la méthode des injections épidu- rales de cocaïne de Cathelin. — MM. Portier et Bierry ont étudié l'influence de l'alimentation sur les sécré- tions diastasiques, L'alimentation prolongée d'un canard avec du lactose et du son provoque la sécrétion de lac- tase dans l'intestin grêle ; on a noté la présence de glu- cosazone. — M. Doyon à observé, chez une chienne, l'existence d’anastomoses entre le système porte et le système des veines caves par l'intermédiaire de l'épi- | ploon. — M. R. Loewy a utilisé une anse d'intestin grêle en guise d'uretère. — MM. J. Hulot et K. Ra- mond ont constaté qu'après une hémorragie, si le sang séjourne dans les tissus, l'anémie qui suit revêt un caractère particulier d'intensité. Séance du 27 Juillet 1901. M. Ch. Lesieur a reconnu que certains bacilles, dits pseudo-diphtériques, sont capables de déterminer chez le cobaye des paralysies mortelles, analogues à celles que produit le véritable bacille de Lüffler. — Le même auteur a constaté que ces mêmes bacilles pseudo-diph- tériques non virulents ne se comportent pas autrement, au point de vue de l’agglutinabilité, que les bacilles de Lôüffler vis-à-vis du sérum spécifique. — MM. H. Claude et A. Zaky ont observé que l'emploi de la lécithine n'entrave pas directement l’évolution de la tuberculose, inais modifie heureusement la nutrition du sujet tuber- culisé ; il augmente de poids et l'élimination du phos- phore diminue. — M. Ch. Féré, M'° M. Francillon et M. Ed. Papin ont constalé que les excitations qui paraissent défatiguer pour un moment provoquent uu abaissement rapide de la pression artérielle, qui trahit une menace pour l'organisme. — MM. Aug. Pettit el J. Girard ont reconnu que la muscarine et l'éther provoquent, chez le chien, le lapin et le cosaye, une hypersécrétion dans les cellules de revèlement des plexus des ventricules latéraux. — MM. D. Courtade et J.-F. Guyon ont trouvé que la tonicité des muscles vésicaux, qui règle la capacité physiologique de la vessie normale, semble, dans certaines conditions, absolument indépendante du centre médullaire. M. D. Anglade présente des préparations de bacille de Koch trouvés dans les selles des tuberculeux. — M. A. Zaky a constaté que l'ingestion de la lécithine pro- voque chez l'homme : 4° une augmentation de l'azote Lo- tal, de l’urée et du coefficient d'utilisation azotée ; 2° une diminution de l'acide phosphorique; 3° généralement une diminution de l'acide urique. — M.E. Wertheimer a noté l'existence, chez l'homme, d'une importante anastomose des pneumogastriques, qui, derrière l’æso- phage, unit la partie supérieure du nerf gauche à la partie inférieure du nerf droit. — M. P. Mégnin signale un cas extraordinaire de parasitisme du T'enebrio mo- litor sur les jambes des poules immobilisées par l’in- cubation. — M. G. Loisel a constaté, à la suite d’une néphrectomie chez un chien, une production anormale de graisse dans les canalicules du testicule. Le jeûne, d'autre part, arrête complètement la spermatogenèse ; l'épithélium des canalicules séminifères est en voie de régression. — M. E. Maurel a observé une immunité relative du lapin à la strophantine donnée par la voie gastrique. — M. L. Mangin a entrepris l'étude des tissus lignifiés. Pour les colorer, il a fait usage soit de malières colorantes, soit de certaines substances aro= matiques (beuzidine, dianisidine, etc.), qui réagissent sur la substance ligneuse et la teignent d’une manière spéciale. — M. Bierry a observé que le sang ou le. sérum de chiens auxquels on a lié une artère rénale devient au bout d’un certain temps néphrotoxique pour des chiens neufs. L'injection de sang ou de sérum nor- mal n’a jamais donné lieu qu'à une albuminurie légère. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 26 Juillet 4901. M. R. Fosse a étudié quelques dérivés du prétendu binaphtylèneglycol, L'éther bromhydrique esl repré- senté par Rousseau comme possédant la formule : CH°—C—Br | I + HBr + 3H°0: CH6— C— OH convenablement purifié et séché dans le vide à 400, sa formule est : 858 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cop ? ; NT 3r — CH DE : ? G CPR k c'est le monobromodinaphtoxanthène, précédemment décrit et obtenu par M. Fosse par l’action de Br sur COS * hre/ NN CH< À AS De même l'éther chlorhydrique de Rousseau, purifié et séché à 100° dans le vide, n’est autre chose que le monochlorodinaphtoxanthène. Rousseau pensait que ces deux éthers, traités par l'alcool chaud, perdaient simplement de l'hydracide et régénéraient l'anhydride du glycol d'après l'équation : CH — C— CI CH — C (1) | Le =Ha) I 0. CH — C—OH C!H5— C M. Fosse a montré que l'anhydride de Rousseau n’est autre que le dinaphtoxanthène, que l’éther chlor- hydrique ou bromhydrique du glycol ne sont autres que le monochloro où bromodinaphtoxanthène, que l'alcool sur les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène régénère le dinaphtoxanthène, en se transformant en aldhéhyde avec dégagement d'hydracide, de sorte que l'équation (1) doit être remplacée par (2) : cine Cl—CH£ NO + CH°O—HCI-+ CH:0 (2) Niro” 7 CAC 2 O0 1 CH Ncugs/ Ÿ L'amine C'0H5— C— AzH° | CH — COH que Rousseau avait obtenue par AzH* sur la bromhy- drine du glycol n'est autre que la bis-dinaphtoxan- thène-amine : CH CHS 0€ ÿcH AH CHA; C2HS Ncips/ que M. Fosse a déjà décrite et obtenue par AzH° sur L'action d'HCI et HBr sur l’amine ne donne pas, comme l'avait cru Rousseau, les sels correspondants, mais les chloro ou bromodinaphtoxanthène avec formation de AzH*Cl ou AzH‘Br. Le produit de l’action d'HCI surl'amine, traité par PICI', ne donne pas un chloroplatinate de base, mais un chlorure double de platine et de dinaphtoxan- thène : C!°HS PtClU+2CICHS No. Nçuns” Les dérivés halogénés du dinaphtoxanthène, traités par les alcalis en solution alcoolique, remplacent leur halogène par OH en donnant l'alcool correspondant, le dinaphtoxanthydrol C2HS CHOH£ 0, Nciops/ fusible à 144, très soluble dans l'éther froid, d'où il cristallise en aiguilles. HCI et HBr le transforment en chloro et bromodinaphtoxanthène. Cet alcool perd faci- lement H°0 en donnant l'éther oxyde, l’oxyde de bis- dinaphtoxanthène, qui fond avec décomposition vers 2500 : Ciopre CH 0ÉLAdHE DEC GUIoI Nous” Nous” — M. Ch. Moureu présente une note de M. G&. Oddo sur 1 les anhydrides sulfurique et disulfurique. — M. G. Ber- trand présente une note de M. Kling sur l'oxydation du propylelycol par les ferments oxydants.— MM.Junge- fleisch et Léger ont envoyé deux mémoires sur l'hy- drocinchonine et sur la cinchonine. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. J. Dewar : Le point d'ébullition de l'hydrogène M liquide, déterminé par les thermomètres à hydro-… gène et à hélium. — Dans un précédent mémoire, l’auteur a indiqué que le thermomètre à résistance de platine donne pour le point d’ébullition de l'hydrogène — 238°,4 C. ou 349,6 absolus. Comme cette valeur dépend d'une loi empirique reliant la température et la résistance, qui peut se modifier à des températures. aussi basses, et comme elle a été, en tout cas, obtenue par une large extrapolation, il était nécessaire de la vérifier au moyen de thermomètres à gaz. Les gaz utilisés comme substances thermométriques ont été l'hydrogène, l'oxygène, l'hélium et l'anhydride car- bonique, Si l’on prend comme les plus probables les valeurs moyennes dounées par les expériences, le point d'ébul- lition de l'oxygène est de — 182°,5 et celui de l'hydro- gène de — 252°,5 C. ou 200,5 absolus. La température trouvée pour le point d’ébullition de l'oxygène concorde avec les résultats moyens de Wroblewski, Olszewski et d’autres. Dans un prochain mémoire, l'auteur envisagera la température de l'hydrogène solide. T. J. Baker : La thermochimie des alliages de cuivre et de zinc. — Les chaleurs de formation d'un grand nombre d’alliages de cuivre et de zinc ontété déterminées par la mesure de la différence des cha- leurs de dissolution, dans des solvants appropriés, de chaque alliage et d’un poids égal d’un mélange con- tenant les métaux dans la même proportion. Les solvants suivants ont été employés : 1° une solution aqueuse de chlore, 2° un mélange de solutions de chlorure d'ammonium et de chlorure ferrique; 3° un mélange de solutions de chlorure d'ammonium et de chlorure cuprique. ; Le premier solvant n'a pas donné de résultats satis- faisants, tout en montrant que la chaleur de disso- lution d'un alliage est sensiblement moindre que celle du mélange correspondant. Les solvants 2° et 3° sont - très appropriés ; les réactions qui se passent sont de simples réductions et il n’y a pas de dégagement ga- zeux. Deux séries d'expériences faites sur 21 alliages ont donné des résultats très concordants. Une chaleur de formation maximum bien définie a été trouvée pour l’alliage contenant 32 °/, de cuivre, c'est-à-dire corres- pondant à Cu Zn°; elle s'élève à 52,5 cal. par gramme d'alliage ou 10.143 cal. par molécule-gramme, Il y a quelques indices d’un sous-maximum pour l’alliage Cu/n. RU: A partir de ces deux points, il y a une diminution de la chaleur de formation, soit pour les alliages contenant moins de 32 °/, de cuivre, soit pour ceux en contenant plus de 50 °/,. } Les résultats, en général, confirment l'existence de composés intermétalliques, et les valeurs obtenues s'accordent avec celles qu'exige le calcul des dimensions moléculaires du cuivre et du zinc par Lord Kelvin. C.-T.-R. Wilson : Sur l'ionisation de l'air atmo- sphérique. — Dans une note préliminaire, l'auteur à montré qu'un corps chargé d'électricité et suspendu dans une cage contenant de l'air sans poussières perd sa charge par perte à travers l'air. M. Geitel était arrivé à la mème conclusion dans un mémoire publié peu san RÉ an ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 8959 “avant. La perte fut attribuée par les deux savants à la production continue d'ions à travers le volume de ts l'air. Dans le présent mémoire, M. Wilson donne la des- mm cription de son appareil et des nouveaux résultats qu’il a obtenus. L'air, dans la plupart des expériences, était contenu dans un vase de verre, recouvert intérieu- rement d'une couche d'argent suffisamment mince pour permettre de lire, au moyen d'un microscope, la position d'une feuille d'or située à l’intérieur. Cette feuille d’or “élait attachée à une étroite tige de laiton, fixée au moyen d'un bain de soufre à un barreau de cuivre tra- versant l’ouverture du vase. La tige de laiton et la feuille d'or formaient le système dont on observait la chute de potentiel; la capacité était donc très faible. Pour éviter tout danger de perte par le support isolant, le barreau de cuivre était maintenu à un potentiel constant au moyen d’un condensateur en plaques de zinc enrobées dans du soufre. Par un contact très court, le potentiel initial du système dont on observait la décharge lente était rendu égal à celui de son support. La vitesse de décharge dans l'air à la pression atmo- sphérique correspond à la production d'environ 20 ions de chaque signe par centimètre cube et par seconde; l'ionisation est à peu près proportionnelle à la pression. Des expériences faites avec un appareil portatif ont montré que l’ionisation dans un vase clos est la même quand on opère dans un tunnel souterrain qu'à la surface de la terre. Elle ne parait donc pas due à l’ac- tion de radiations ionisantes traversant notre atmo- sphère. F. Gowland Hopkins et S.-W. Coles : Sur la réaction d'Adamkiewicz et la chimie de l’acide glyoxylique. — En 1874, Adamkiewicz signalait une nouvelle réaction des substances protéides, qui porte aujourd'hui son nom : elle consiste dans la production . d'une couleur violette quand on ajoute de l'acide sul- furique concentré à la solution d'un protéide dans l'acide acétique glacial. Cette réaction ayant donné des résultats assez variables dans la main de divers expéri- mentateurs, les auteurs ont repris l'étude de son mé- canisme et sont arrivés aux conelusions suivantes : La réaction des protéides, décrite par Adamkiewiez, n’est pas une réaction du furfurol, mais dépend de la présence de petites quantités d'une impureté dans l'acide acétique employé. Quelques échantillons d'acide acétique ne donnent pas cette réaction, et tous peuvent être privés du pouvoir chromogène par la distillation. La substance essentielle de la réaction est l'acide glyoxylique. De petites quantités d'acide glyoxylique sont pro- duites pendant l'oxydation de l'acide acétique au moyen du peroxyde d'hydrogène en présence de fer ferreux. . Dans les conditions ordinaires, une partie de l'acide glyoxylique se scinde en donnant de la formaldéhyde. De l'acide glyoxylique se forme lentement quand l'acide acétique est abandonné à l'air, et plus rapide- ment en présence de fer ferreux et sous l'influence de la lumière solaire directe. La plupart des échantillons d'acide acétique contiennent de petites quantités d’acide glyoxylique. Une solution aqueuse d’acide glyoxylique (qui peut être préparée facilement en réduisant l'acide oxalique par l’amalgame de sodium) constitue un admirable réactif pour les protéides quand on l’emploie à la place d'acide acétique dans les conditions ordinaires de la réaction d'Adamkiewicz. SCIENCES NATURELLES, - B. Moore et W. H. Parker : Sur les fonctions E de la bile comme solvant. Voici les conclusions des recherches expérimentales des auteurs : _ 1° La bile a une double fonction comme dissolvant : À Physikalische Zeitschrift, t. AI, n° 8, 4116-19. a) elle agit comme dissolvant pour la lécithine et la cholestérine, et, de plus, elle aide à l'extraction de ces corps, autrement insolubles, des cellules du foie, et à leur marche vers l'intestin ; b) elle agit comme dis- solvant dans l'intestin pour les acides gras en liberté et les savons, donnant aux premiers leur entière solu- bilité et augmentant beaucoup la solubilité des der- niers, 3 20 Ces propriétés dissolvantes de la bile sont princi- palement dues aux sels qu'elle contient; mais, quant aux acides gras et aux savons, la quantité dissoute est beaucoup augmentée par la présence simultanée de la lécithine. 3° Ces actions dissolvantes des sels biliaires expli- quent l'utilité de leur réabsorption et de leur circulation à travers le foie, de facon à ce qu'ils servent à plusieurs reprises comme agent dissolvant. Dans l'absorption, les sels biliaires transportent les savons des acides gras dans la cellule columnaire; dans le foie, ils sont absorbés par les cellules du foie, transportent avec eux la lécithine et la cholestérine sécrétées, et passent dans les canalicules biliaires tenant ces substances en disso- lution ; par la bile, la lécithine et la cholestérine sont portées en dissolution dans l'intestin ; et dans l'intestin les savons et les acides gras sont dissous, et sont ren- dus capables par les sels biliaires d'être absorbés par les cellules columnaires, tandis que la lécithine et Ja cholestérine qui sont incapables d'absorption sont pré- cipitées à mesure que les sels biliaires sont absorbés. 40 La lécithine possède une grande solubilité dans la bile et la cholestérine une fable solubilité. La faible solubilité de la cholestérine explique le fait que les calculs biliaires sont composés presque entièrement de cette substance. 5° Les savons de sodium ne possèdent qu'une faible solubilité dans l’eau, le palmitate et le stéarate étant pratiquement insolubles ; mais la solubilité est aug- mentée par la présence des sels biliaires, et spéciale- ment en présence de lécithine ; de plus, le caractère de la solution est différent dans les deux cas; la solution biliaire est moins colloïdale. 6° Même dans la bile ou dans la solution de sels biliaires, les savons calcaires et magnésiens ont une faible solubilité; mais, des deux, les savons magnésiens sont les plus solubles. 1° Ces résultats jettent quelque lumière sur les fonc- tions relatives du suc paneréatique et de la bile dans la digestion et l'absorption des graisses. L'enzyme du suc pancréatique divise les graisses neutres, mettant des acides gras en liberté, qui sont convertis en savons par l'alcali, tandis que la bile donne la solubilité aux acides gras et aux savons ainsi produits. Maintenant il est bien connu que le pouvoir d'absorber les graisses est affai- bli, mais non complètement détruit par l'absence de l'une ou de l’autre secrétion et qu'il est perdu quand les deux secrétions manquent. Ces faits peuvent proba- blement être mieux expliqués comme suit : a) En l'absence du ferment pancréatique, puisque la bile n’a - pas d'action sur les graisses neutres, et que celles-ci sont insolubles, ne peut être absorbée que la portion qui est libre dans la graisse lorsqu'elle est ingérée, où qui est mise en liberté dans l'estomac, ou par l'action bactérielle dans l'intestin. Puisque l’action bactérielle est minimum dans l'intestin grêle, la plus grande par- tie de la graisse n’est pas mise en liberté avant d'avoir atteint le gros intestin, où les sels biliaires ont tous été réabsorbés et ne peuvent alors l'aider à se dissoudre. Par conséquent, en l'absence de la secrétion pancréa- tique un grand pourcentage de graisse apparait comme acides gras dans les fèces; b) En l'absence de la bile, quoique la graisse soit décomposée dès l'entrée dans l'intestin et convertie en acides gras et en savons, l’ab- sorption est lente parce que l’action dissolvante de la bile fait défaut et alors une fraction seulement est absorbée, et le reste passe principalement comme acides gras pour être rejeté dans les fèces. Quant à la fois la secrétion pancréatique et la bile sont absentes, 860 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES premièrement une petite quantité seulement est dé- composée dans l'intestin grêle, et deuxièmement il n'y a rien pour donner la solubilité à cette faible portion ; il en résulte que l’absorption est presque nulle. S. Monckfon Copeman : Le micro-organisme de la maladie du chien et la production d’un vacein contre la maladie. — La maladie des chiens est une maladie si fatale, et particulièrement aux chiens de bonne race, qu'on à depuis longtemps recherché une méthode prophylactique, Voici les résultats des recherches bactériologiques de l'auteur sur cette maladie, recherches exécutées en continuation de celles commencées dans son labora- toire à l'hôpital de Saint-Thomas il y a environ dix ans par feu Everett Millais. Le micro-organisme spécifique de la maladie est un petit cocco-bacille, qui se teint par les couleurs d’ani- line ordinaires, mais qui est décoloré par la méthode de Gramm. Il croît facilement à la surface de l’agar à la température du corps; quand les colonies indivi- duelles sont isolées par la méthode de culture en pla- ques, elles ont une apparence grisâtre, reluisante,* à demi transparente à la lumière réfléchie et une teinte brun ciair à la lumière transmise, La forme générale est circulaire, mais accidentellement, et particulière- ment dans les cultures originelles, les bords sont un peu irréguliers. Le microbe croit bien aussi dans un bouillon de bœuf, occasionnant d’abord un trouble général. Plus tard, un dépôt se forme au fond du tube, et le liquide surnageant devient plus clair. Daus les préparations provenant des bouillons de culture, on trouve souvent les bacilles unis ensemble, formant quelquefois des chaines d’une longueur consi- dérable. Le bacille peut croître, bien que lentement, sur du sérum de sang solidifié, et aussi dans du lait, qui, lui, ne se coagule pas, Il se développe difficilement sur une pomme de terre; mais, de temps à aulre, après quelques jours d'incubation, on apercoit une bande d'apparence humide d’une couleur chamois pâle. Si l'on ensemence de la gélatine, la croissance s'opère lentement à la température de la chambre, et après quelque temps le milieu tend à se liquéfier, On peut continuer la croissance sur l’agar, semaine après semaine, pendant bon nombre de générations; mais, après une douzaine de déplacements, les carac- tères morphologiques et biologiques du bacille ont changé quelque peu. L'auteur donnera postérieurement un compte rendu de ces variations et de l’histologie pathologique de la maladie. De la même manière, les propriétés pathogéniques du micro-organisme semblent devenir graduellement plus faibles, mais il peut regagner sa virulence à l'aide d'inoculations répétées sur le cobaye. Si l'on injecte, sous la peau de l'abdomen d’un chien pesant 7 kilos, { ce, d'un bouillon de culture vieux de sept jours, tiré à son tour d'une sous-cullure d'agar, cette injection produit une attaque de la maladie, qui se termine fatalement environ une semaine après l'in- jection. Chez un grand nombre d'autres chiens sur lesquels M. Millais et l'auteur ont fait des expériences, celles-ci se sont terminées par une crise non mortelle après l'inoculation dans la membrane iuqueuse nasale. Le principal caractère de la maladie produite expé- rimentalement est la diminution progressive du poids que l’on constate chez l'animal pendant toute la durée de la crise. Parmi les autres symptômes de la maladie, bien connus des éleveurs de chiens, ceux qui sont les plus apparents sont le résultat de l’inflammation plus ou moins grande des différentes surfaces muqueuses. Après examen post-mortem, l'auteur s'est aperçu que la voie respiratoire entière était particulièrement affectée, les poumons montrant une consolidation preumonique dans presque toute leur étendue. La tra- chée est apte à être congestionnée, et à contenir une quantité de mucosités, tandis que les yeux et le nez sont bouchés par uue matière purulente où muco-puru- lente. Si l'on fait des cultures sur plaques d'agar de l’exsudation des poumons, du mucus de là trachée ou de la sécrétion nasale, le bacille spécifique peut être isolé dans les deux premiers cas en cultures presque pures. Après avoir examiné des animaux morts de la maladie des chiens, provenant de l'inoculation expérimentale, ou contractée de la manière ordinaire, l'auteur na jamais réussi à obtenir des cultures du sang retiré avec des précautions aseptiques du cœur, du foie, de la vésicule biliaire, des reins et de la rate. Il n’a pu examiner des animaux inoculés à des périodes intermédiaires de la maladie offrant une certuine gra- vilé, ce qui lui aurait peut-être permis d'isoler lé bacille dans l’un ou l’autre cas. Dans un cas où les vaisseaux sanguins du cerveau étaient très congestionnés, l'inocu- lation d’un tube d’agar avec une grande spatule de platine pleine de fluide cérébro-spiual, bien étendu sur la surface de l’agar, eut comme résultat l'apparition d'une demi-douzaine de colonies isolées d’une culture pure du bacille de la maladie. Si l’on chauffe un bouilllon de culture du bacille à 60° C., pendant une demi-heure, et que l’on y ajoute subséquemment une petite quantité d'acide carbolique comme préservatif, on obtient un vaccin qui agit d’une facon semblable à ceux préparés par Hafïkine et Wright comme préventifs de la peste et de la fièvre eutérique. Le vaccin peut être étalonné de la manière indiquée par Wright dans ses travaux sur la fièvre entérique, La dose doit varier sensiblement suivant la taille du chien, mais M. Copeman a trouvé dans trois cas différents que l'injection de 2 centimètres cubes de la culture stérilisée du bacille suffit pour protéger de petits fox-terriers pesant environ 1 kil. 500 contre l'attaque de la maladie, tandis qu'un chien non pro- tégé du même lot contracta la maladie à la suite de l'introduction d'un chien malade. L'auteur à trouvé aussi que les cobayes peuvent être protégés de celle manière contre les effets d’une dose de culture vivante qui serait généralement fatale en quarante-huit heures, A. Ransome et A.-G.-R. Foulerton : De l'in- fluence de l’ozone sur la vitalité de quelques bacté- ries pathogènes ou autres. — [es expériences des auteurs montrent qu'à l’état sec l'ozone n'a pas d'uc- tion appréciable sur la vitalité des diverses bactéries employées ; ces résultats s'accordent avec ceux de Sonn- tag et Ohlmüller. Une exposition prolongée à l'action de l'ozone n'a pas non plus diminué la virulence du bacille de la tuberculose dans le pus. L'ozone aurait à peine une légère influence sur la virulence des Z, mal- lei et anthracis. D'autre part, les auteurs confirment les conclusions d'Ohlmüller quant aux propriétés bactéricides de l’ozone passant à travers un liquide contenant des bactéries en suspension. Une comparaison de l'inactivité de l'ozone comme désinfectant à l'état sec avec son action en présence d’eau suggère une ressemblance superficielle avec d’autres gaz, comme le chlore et l'anhydride sulfureux. L'action purificatrice que l'ozone parait avoir dans l'économie de la Nature est due à l'oxydation chimique directe de la matière organique putrescible ; elle n’em- pèche pas l'action des bactéries, qui, d’ailleurs, tra- vaillent dans le même sens. Le Directeur-Gérant : Louis OLIvreR. Paris, — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 42° ANNÉE Nor4:9 15 OCTOBRE 1901 : des DIRECTEUR : | Revue générale NCICnCeSs pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22; rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux q 3 publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1 $S 1. — Art de l'Ingénieur ; L'emploi de laluminium comme conduc- “teur pour l’électricité. — Le prix élevé que, par une combinaison de causes naturelles et artificielles, “Je cuivre à atleint dans ces dernières années a ra- “mené l'attention sur l'emploi de l'aluminium comme “succédané du cuivre dans la transmission de l'élec- Lricité. À Pour comparer le cuivre avec l'aluminium au point le vue du prix de revient, il faut tenir compte de leur mdlensité et de leur conductibilité différentes, Si l'on prend le cours moyen de ces deux métaux, dans nos “pays, on arrive à celte conclusion que, pour une égale Capacilé de conduction, une ligne en aluminium coù- “ierait 1.000 francs, alors que la même ligne en cuivre “coûlerait seulement 798 francs L'aluminium est donc chez nous le plus cher des deux métaux. Mais il s'est trouvé qu'en Amérique on a vendu, de- puis quelques années, des quantités considérables d'aluminium à des prix très bas, ce qui a ramené le 1325 1.000 P°" une égale capacité de conduction; ce fait explique a facilité avec laquelle les ingénieurs électriciens du Nouveau-Monde ont adopté le métal blanc comme conducteur. Il faut dire qu'aujourd'hui et jusqu’à ce qu'il soit tombé à un prix beaucoup plus bas relativement au cuivre il n’est pas encore question d'employer l’alu- minium pour des conducteurs couverts; mais il jouit déjà d'une grande vogue pour les lignes aériennes. Voici les caractéristiques de quelques-unes des lignes “de transmission en aluminium pur déjà installées au delà de l’Allantique. …_ Aux chutes du Niagara, il y a deux lignes de trans- mission en aluminium. Ces deux lignes sont courtes et “sont notées comme donnant un travail satisfaisant. … La Hartiord Electric Light and Power Company une ligne en aluminiuin entre sa station centrale à “Tariffville et Hartford, à une distance de 17 kilom. 700. “Le diamètre du câble employé est de 0,0187 et il pèse environ 422,5 kg par kilomètre. La ligne de transmission en aluminium de la Sno- _qualmie Falls Power Company a été fréquemment upport entre le cuivre et l'aluminium à 2 REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. décrite dans la presse technique. Elle va entre les chu- tes et les deux villes de Tacoma et Seattle. Sa longueur totale est de 54 kilom. 716. L'aluminium employé a été allié avec 1 ‘/, % de cuivre, et l'augmentation de la ténacité obtenue par cet alliage a permis d'employer avec sûreté des câbles de 362,500 à 45,600. La Blue Lakes Power Company a une ligne en alu- minium, en usage entre sa maison centrale à Blue Lakes et Sockton, à une distance de 57 kilom. 934. La ligne d'origine a été remplacée par une autre d’une plus grande capacité de conduction, et 446 tonnes de métal ont été employées pour la nouvelle ligne. A 4 fr. 45 par livre (453 gr. 54), cela représente une dépense totale de 1.510.000 francs (ou 41.925 fr. par mille) pour le métal seulement. Un des plus intéressants systèmes de transmission de force aux Etats-Unis dans lesquels l'aluminium soit employé, est celui de la Telluride Power Company. Cette Compagnie produit un courant à Provo, dans l'Utah, et le distribue, sur un circuit de 128 kilom. 75, aux mines de Mercur et de Tintic. Voici quelques autres Compagnies américaines dans lesquelles l'aluminium est employé ou est sur le point de l'être à la place du cuivre : jo North Yuba Power Company, 101 kilom. 385; 20 The Municipal Supply Company, 28 kilom. 967; 3° The Big Cotton Wood Power Company ; 4% The Standard Electrie Company. Cette dernière a été invitée à établir un projet pour alimenter San Fran- cisco d'une station génératrice située dans les mon- tagnes de la Sierra Nevada, à une distance de 2#1 kilo- mètres 395 mètres. Le succès de ce projet dépend de la possibilité d'employer et de maintenir la tension proposée de 60.000 volts. On a décidé d'employer des câbles en alu- minium pour le trajet, et les devis ont été préparés. Dans la plupart de ces installations, la difficulté de souder l'aluminium a été surmontée par l’emploi de joints mécaniques. Le joint à manche Mac Intyre a été généralement adopté. \ L'examen des principales installations où l'aluminium est employé comme conducteur montre les progrès considérables qui ont été faits. Si ce métal présente des conditions de durée suffisantes, et si son prix de re- 19 862 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE vient continue à diminuer, il peut devenir un rival im- portant du cuivre dans ce nouveau champ d'emploi. $ 2. — Physiologie Recherches sur la coagulation du sang et les sérums anticoagulants. — Dans un travail publié sous ce:titre, dans les Annales de l'Institut Pasteur, par MM. Jules Bordet et Octave Gengou, on trouve des faits dignes d'être signalés, se rapportant : les uns à la question physiologico-chimique de. la coa- gulation du sang; les autres à la question physiologique de la production d’antidiastases par un organisme dans lequel on à injecté des diastases. Freund a montré, il y a quatorze on quinze ans, que le sang des Mammifères coagule très lentement, quand il est recu dans un vase dont les parois ont été enduites de vaseline, le passage du sang de l'artère dans ce vase se faisant par un tube vaseliné intérieurement. MM. Bor- det et Gengou obtiennent les mêmes résultats en rece- vant le sang dans un vase paraffiné. A cet effet, on a fait fondre la paraffine, puis on l’a fait couler sur la paroi du vase de facon à l’enduire complètement; on refroidit ensuite brusquement le vase en le plongeant dans l’eau froide. La paraffine préseute un avantage sur la vaseline; on peut, en effet, centriluger les tubes peraffinés, sans délacher la paraffine de la paroi, tandis que la vaseline s'en détache presque toujours, pendant la centrifugation. On peut des lors obteuir, dans les tubes paraffinés, une séparation (par centrifugation) des globules et du plasma, qu'on ne saurait obtenir en tubes vaselinés (en effet, le sang venant au contact du verre, il se produit une coagulation rapide.) Le plasma, ainsi séparé en tube paraffiné, peut être enlevé au moyen d’une pipette paraffinée et introduit dans un tube paraffiné. Il s’y conserve liquide pendant un temps généralement long, qui peut atteindre vingt- quatre et même trente heures; — mais il coagule en quelques minutes, si on le verse dans un vase quelcon- que non paraffiné, ou si on y plonge un corps quelcon- que non paraffiné, par exemple, une baguelte de verre non paraflinée. Deux hypothèses sont possibles, pour interpréter ces faits : ou bi :n le plasma en tubes paraffinés ne contient pas de filrin‘erment, agent de la transformation du fibrinogène ea fibrine; les éléments figurés du sang, les leucocytes, générateurs du fibrinferment, n'au- raient pas élé soumis aux impressions qui, au contact des parois non paraflinées, leur font sécréter ou excré- ter le fibrinferment (le liquide ne mouille pas les parois paralfinées); — ou bien le contact d'une paroi non paraffinée est une condition nécessaire de l’un des phénomènes qui se passent dans la transformation du fibrinogène en fibrine. La première hypothèse ne saurait être acceptée, car l'examen microscooique du plasma centrifugé en tubes paraffinés n'y révèle la présence d'aucun élément figuré. Ce plasma coagulant au contact des parois non paraf- finées, il faut done admettre qu'il contenait du fibrin- ferment. C'est là une conclusion qui peut surprendre les physiologistes, accoutumés à considérer le phéno- mène de la coagulation du sang comme un phénomène purement el uniquement chimique; il est vraisembla- ble, comme le disent MM. J. Bordet et 0. Gengou, qu'un phénomène purement physique joue un rôle important dans la coagulation. Dans la seconde partie de leur important travail, MM. J. Bordet et O. Gengou montrent que le fibrinfer- ment, produit dans le sang des divers Mammifères, tout en étant capable de transformer en fibrine un fibrino- gène quelconque, extrait du sang d’un animal quelcon- que, ou un plasma non spontanément coagulable, que ce fibrinfermentprésente pourtant des dissemblances, selon qu'il provient du sang de telle ou telle espèce animale. On peut, en effet, en injectant, dans l'organisme d’un animal d'espèce À, du sérum d’un animal d'espèce B, à plu- sieurs reprises, et à quelques jours d'intervalle, obtenir un sérum de A contenant une substance antagoniste du fibriuferment de B. Des cobayes recoivent à cet effet trois injections, pratiquées à buit jours d'intervalle, de 5 c. c. de sérum de lapin; on saigne ces cobayess douze jours environ après la dernière injection, et ot laisse leur sang coaguler, de facon à en extraire, ving quatre heures plus lard, le sérum. À On sait que le sang d'oiseau, extrait en évilant tout contact avec les bords de la'plaie, fournit par ceutrifu= galion un plasma pur non spontanément coagulable, mais coagulable par addition de sang défibriné ou de sérum quelconque. Un tel plasma d'oiseau coasule par addition de sérum ou de sang délibriné de lapin. On sait, d'autre part, qu'un sérum ou un sang défi- briné quelconque perd la propriété de faire coaguler les liqueurs fibrinogénées, quand il a été chauffé pen- dant trois quarts d'heure à 580,5. Le chauffage, à cette température, détruit le fibrinferment. Ceci posé : ajoutons à du plasma d'oiseau un mé= lange formé de 1 partie de sérum de lapin frais et de 54 à 6 parties de sérum de cobayes préparé comme nous l’avons indiqué ci-dessus (nous dirons sérum de cobaye actif), préalablement chauffé à 582,5 pendant trois quarts d'heure; nous constatons que le mélange ne coagule pas. Le sang de cobaye actif chauffé, qui ne contient plus de fibrinferment, renferme done une substance antagoniste du fibriuferment du lapin. Si, au plasma d'oiseau, on ajoute un mélange, dans les mêmes, proportions, de sérum de lapin et de sérum de cobaye actif, non chauffé, la coagulation se produit. C’est donc que la substance antagoniste pour le fibrinferment du lapin n'est pas anlagonisie pour le fibrinferment du cobaye. Ce sont là des faits inléressants qu'il convient d'en- registrer avec soin, en attendant l’époque où il sera possible de donner de ces faits et de nombreux autres semblables une interprétation commune. $ 3. — Sciences médicales Le Congrès britannique de la Tuberculose,“ tenu à Londres du 22 au 26 juillet 1901. — Il faut avoir le courage de le dire : les travaux du dernier Congrès international contre la Tuberculose ont présenté un intérét très médiocre. La cause en est facile à comprendre. Depuis quatre où cinq ans que la tuber- culose est à l'ordre du jour, la question commence à être épuisée. Tout ce qui concerne l'étiologie, la pa= thowénie, la prophylaxie et la symptomatologie est aujourd'hui bien connu, et, si certains points de détail peuvent encore faire l’objet d'une élude expérimentale ou clinique ou statistique, il n'y a certainement plus de matière pour remplir d'une facon. intéressante les séances d'un Congrès auquel prennent part plusieurs centaines de médecins. ; Aussi bien, quand à tête reposée on relit les com= municatious, on leur trouve quelque chose de déjà vu, de déjà connu. Souvent même; c'est la reproduction d'une communication déjà faite à Paris, à Berlin, à Naples, où se sont réunis les congrès précédents. Seul M. Aoch a trouvé le moyen de faire une com= munication sensationnelle. M. Koch est le grand mailne” de la Bactériologie moderne. A ce titre, nous avons le devoir de faire connaitre à nos lecteurs la nouvelleu découverte de ce savant, d'autant qu'elle.est en contra diction formelle avec tout ce que nous savons sur le point qu'il a abordé : les rapports entre la tuberculose humaine et la tuberculose animale. Jusqu'à aujourd’hui on a considéré ces deux formes de tuberculose comme identiques et produites par les même bacille. M. Koch s'inscrit en faux contre cetles identité. Pour lui, la tuberculose bovine diffère totale= ment de la tuberculose humaine, si bien que les bacilless tuberculeux de provenance humaine, injectés à des animaux de l'espèce bovine, seraient incapables de pro:n voquer chez eux des lésions tuberculeuses. A l'appui de cette assertion, M. Koch a cité les expériences suivantes: NDS ET RS, 2 ee “Un lot de jeunes veaux, éprouvés par la tuberculine pouvant êlre ainsi reégardés comme indemnes de la tuberculose, fut infecté suivant différents procédés par + es cultures pures de bacilles tuberculeux provenant étuberculose humaine. Quelques-uns recurent direc- ment des crachats de phtisiques. Dans quelques cas, bacille tuberculeux ou le crachat étaient injectés ous la peau; dans d’autres cas, dans la cavité péri- pnéale; dans d’autres enfin, dans la veine jugulaire. Six animaux furent alimentés avec des crachats tuber- ux presque quotidiennement pendant sept où huit js, quatre inhalèrent de grandes quantités de bacilles suspension dans l'eau qu'on pulvérisait dans l'air. un de ces animaux ne présenta le moindre symptôme orbide et tous augmentèrent de poids. Six où huit nois après le début de l'expérience, ils furent sacrifiés. ans les organes, on ne trouva pas trace de tuberculose. t seulement aux points où avaieut été faites les échions que l’on rencontra de petits foyers de sup- uration renfermant quelques bacilles tuberculeux. Gest exactement ce que l'on lrouve, quand on injecte corps de bacilles morts sous la peau des animaux actaires. Ainsi les animaux réagissaient contre le ille humain vivant comme s'ils avaient recu des icilles morts. Ils étaient absolument réfractaires. e résultat a élé tout à fait différent quand la même érience fut faite sur des veaux non tuberculéux avec bacilles provenaut d’un animal atteint de tubercu- bovine. Après une période d'incubation d’une aine environ, les plus graves lésions tuberculeuses e produisaient dans les organes de tous les animaux ectés. L'infection tuberculeuse suivait sa marche atale : quelques-uns des animaux ont succombé au out de un ou deux mois, d'autres furent sacrifiés au out de trois mois. Dans les deux cas, on trouvait, à topsie, une inliltralion tuberculeuse très étendue au int où avait élé faite l'injection, ainsi que dans les joumons, la rate, ele. En résumé, le bétail se montrait aussi sensible au acille de la tuberculose bovine qu'il était réfractaire au cille de la tuberculose humaine. Les expériences ana- œues faites sur des chèvres et des porcs ont donné résullats ideuliques. Aussi M. Koch se croil-il auto- soutenir que la tuberculose humaine diffère de la Dberculose bovine et ne peut être transmise au bétail. Sul en est ainsi, on doit done se demander si la berculose bovine est transmissible à l’homme. M. Koch se que non, et voici les faits qu'il a cités à l'appui son opinion : On sait, dit-il, que le lait et le beurre consommés ans les grandes vitles contiennent une grande quan- té, de bacilles vivants. La plupart des habitants des iles consomment donc chaque jour des bacilles de la erculose bovine, vivants et virulents, et réalisent si uve véritable expérience. Or, d'après M. Koch, les de tuberculose primitive de l'intestin sont exces- ement rares. Pour sa part, il n’a observé que deux de ce genre. A l'hôpital de la Charité, à Berlin, n'aurait constaté dans cinq ans que 10 cas de berculose primitive de l'intestin. De même, Biedert, ur 3.10% autopsies d'enfants tuberculeux, n'a observé [ue 46 cas d’entérite tuberculeuse primitive. 11 y a même plus : ces cas de tuberculose primitive de l'in- èstin pourraient, d'après M. Koch, tenir à la pénétration écidentelle, dans l'intestin, des bacilles Cuberculeux iumains. Et M. Koch eu conclut que la transmissibilité le la tuberculose bovine à l'homme n'existe probable- ment pas et que par conséquent il n’y a pas lieu de rendre des mesures particulières contre la propagation ë la tuberculose par le lait ou la chair des animaux luberculeux. | s faits, comme nous l'avons dit, sont en contradiction complète avec tout ce que nous savons sur les rapports tre la tuberculose bovine et la tuberculose humaine. Koch a-t-il raison ou tort? Il est certain que la rande autorité de M. Koch fera remettre cette question étude et que nous ne tarderons pas à être rensei- CHRONIQUE ET CORRE *PONDANCE 863 gnés sur ‘ce point. En attendant, il nous semble inté- ressant de reproduire ici la réponse de M. Nocard. M. \ocarda commencé par citer les expériences déjà anciennes de M. Chauveau. Des veaux, au nombre de quatre, ont été infectés, soil par la voie digestive, soit par l'injection intra-veineuse, avec des produits tuberculeux empruntés à l’homme. Ces quatre ani- meux, sacrifiés après un laps de temps variable, allant jusqu'à cinquante-neuf jours, ont, à l'autopsie, pré- senté des lésions tuberculeuses très importantes, pro- cédant manifestement de l'infection expérimentale. Du reste, des expériences analogues ont élé faites un peu partout et ont souvent donné le même résultat. Quant à la transmissibilité de la tuberculose bovine à l'homme, M. Nocard a signalé un certain nombre de faits positifs qui valent les-faits négatifs et les considé- ralions théoriques de M. Koch. Parmi ces faits, il en est qui ont trait à des vétéri- naires qui se sont blessés en faisant l’autopsie des vaches tuberculeuses : les'uns ont guéri grâce à une intervention chirurgicale hälive et radicale ; les autres, moins heureux, ont fini par succomber à l'évolution progressive de l'infection tuberculeuse. D'un autre côté, il existe des faits nombreux et authentiques d'infection tuberculeuse par l'usage alimentaire du lait provenant de vaches atteintes de mamwmite tuberculeuse, lesquels faits ont parfois la valeur d'une véritable expérience. M. Nocard à enfin cité l'observation fort curieuse concernant l'extension de la tuberculose en Angleterre. On sait notamment, depuis les travaux de Thorn-Thorn, qu'en Angleterre la mortalité générale par tuberculose a, depuis cinquante ans, diminué de 45 °/,, laudis que la mortalité par tuberculose abdominale chez les enfants a, pendant ce temps, augmenté de 27 °/,. L'explication de ce phénomène réside dans l'absence, en Angleterre, de touté surveillance des laileries, de loule mesure in- terdisant l'usage du lait provenant de vaches {ubercu- leuses. « En attendant de nouveaux faits, M. Nocard continue donc: de croire à la transmissibilité de Ja tuberculose bovine à l'honrme. Üne autre communication, ayant dans une certaine mesure le mérite de l'originalité, et qu'il nous semble intécessant de citer ici, est celle de MM. Cornil et Chantemesse sur l'influence de la viande crue sur l'évolution de la tuberculose expérimentale. Nos lecteurs connaissent celle question d’après le travail publié dans notre Revue par M. Richet. MM. Cor- nil et Chantemesse ont voulu étudier comparativement l'influence de la viande cuite et de la viande crue sur des chiens rendus tuberculeux. Les conditions de l’ex- périence étant les mêmes pour les deux groupes de chiens; ils ont constaté que les chiens nourris à satiété avec de la viande cuile ont sutrombhé dans un espace de temps variant entre quatre semaines el trois mois. A l'autopsie, les animaux présentaient des lésions de tuberculose généralisée avec nodules caséeux plus ou moins volumineux; le foie était frappé de dégénérés- cence graisseuse avancée. Les animaux nourris avec de la viande crue ont sur- vécu. Quand on les sacrifiait au moment où les chiens nourris avec de la‘viande cuite succombaieut, on trou- vait, chez eux aussi, des lésions tuberculeuses, mais celle-ci étatent moins nombreuses et moins étendues. En outre, les animaux avaient conservé un certain degré d'embonpoint. Chez un chien qui n’a été sacrifié qu'au bout d’un au, on a trouvé, à côté des lésions tubercu- leuses, une néphrite chronique que MM. Cornil et Chan- temesse n'hésitent pas à attribuer à l'usage prolongé de la viande crue. De ces expériences, MM. Cornil et Chantemesse concluent que l'utilité du régime de la viande crue dans le traitement de la tuberculose ne ‘réside pas dans un phénomène de suralimentation pur et simple, mais qu'il repose sur une qualité parti- culière, antituberculeuse, de l'aliment. Telles sont les deux communications qu'il hous à semblé intéressant d'analyser ici. 864 LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION CONFÉRENCE FAITE Mesdames et Messieurs, Après avoir accepté, à la demande des organisa- teurs de ce Congrès, d'exposer en séance générale les théories de la fécondation, j'ai éprouvé, je dois l'avouer, un réel embarras. La question est si vaste etsi compliquée, l'auditoire est composé d'éléments si variés, qu'il apparait fort difficile de trailer dignement le sujet sans être obscur ou ennuyeux pour personne. Deux idées s'offrent tout d'abord à l'esprit. La première est de se placer au point de vue de la vulgarisation, en présentant le tableau d'en- semble de nos connaissances et la marche de leur développement. Mais c'est presque une injure : on vulgarise pour le vulgaire et non pour des savants. La seconde est de faire un exposé critique appro- fondi, en laissant de côté ce qui peut être supposé connu et s’attachant à ce qui est litigieux, compa- rant les cas particuliers et les opinions indivi- duelles, s’efforcant de rendre justice à tous et de montrer la place de chacun dans le conflit général des opinions. Cela serait intéressant peut-être, mais c'est un sujet de Mémoire écrit et non de confé- rence. Ce menu détail n’intéresse que les spécia- listes ; il serait fastidieux pour les autres et, d’ail- leurs, exigerait un temps beaucoup plus long que celui qui m'est accordé. Finalement, j'airejelé ces deux manières de faire pour me rabatltre sur une troisième, et j'ai adopté le plan que voici : Rappeler l'opinion classique, celle que nous enseignons à nos élèves, sans tenir comple des innombrables variantes particulières aux divers auteurs, et cela en peu de mots, uni- quement pour servir de base à la discussion; puis, diseuter la valeur des explications qu'elle propose, scruter la significalion vraie des phénomènes, exa- miner si l'on ne s'est pas quelquefois laissé absor- ber par la contemplalion de ce qui est le plus apparent, en négligeant peut-être ce qui est le plus essentiel ; chercher, enfin, de quel côté doivent porter nos eflorts pour produire le maxi- num d'effet utile. La question ainsi comprise doit être examinée à lrois points de vue : phylogénétique, histologique et physico-chimique. L'ordre dans lequel, je viens de les énumérer est, à mon sens, celui de leur importance croissante : aussi est-ce celui que je suivräi dans mon exposilion, YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION AU CONGRES (SESSION DE BERLIN INTERNATIONAL DE ZOOLOGIE AOÛT 1901) I. — LA FÉCONDATION AU POINT DE VUE PUYLOGÉNÉTIQUE. Il serait fort intéressant, à coup sûr, de savoir comment s’est développée la fécondation dans l'évolution générale des fonctions organiques“ Toutes les questions phylogénétiques sont d'un haut intérêt. Mais cela ne veut pas dire qu'il faille s’absorber dans leur étude et négliger pour elle lam solution de problèmes non moins importants el plus accessibles. Le propre des études phylogéné liques est que les conclusions qu'elles proposent sont invérifiables et, par là, se placent près de limite où s'arrête la science vraie. Reconstituer un@ phylogénèse, c'est réunir par un lien les débris uniformes; s'il suffisait, comme dans les sciences mathématiques, qu'une conclusion fût logique pour être vraie, nous serions autorisés à attribuer une valeur objective à nos essais de reconstitution® Mais, en examinant comment les choses se passeni dans les cas où l'observation nous fournil des documents positifs, nous ne tardons pas à nous convaincre que l'espoir est chimérique de reconss tituer par la pensée les lignées phylogénétiques disparues. Dans la formation des organismes règnê en mailre l'imprévu, l'impossible à prévoir, et je dirai presque qu'un tableau phylogénétique a d'au tant moins de chances de représenter la vérité quil est plus rationnel et plus séduisant. Une conférence entièrement consacrée à ce sujel suffirait à peine à en montrer les nombreux exemples. J'en citerai ici un seul. fl Reportons-nous en 1860 et supposons un 20018 giste ou un paléontologiste, ayant (sauf sur le point spécial qu'on va deviner) toutes les idées et Loutes les connaissances que nous avons aujourd'hui auquel on eût demandé d'imaginer une forme de passage entre le Reptile et l'Oiseau. Il eût répondu en altribuant à cette forme des caractères intem médiaires à celles des deux groupes qu’elle devail relier; en ce qui concerne spécialement la queue il eût décrit celle-ci comme fort raccourcie eb cous | verte de productions mixtes tenant à la fois de l'écaille et de la plume. Et, s'il eût attribué à cet être une longue queue de Replile garnie de vraies } plumes d'Oiseau, on lui eût ri au nez. L'année suivante, on découvraitl'Archæopteryx. De pareils exemples doivent nous rendre circons- “ects el nous faire comprendre qu'en cherchant à reconstituer la phylogénèse, nous obéissons au besoin légitime de concevoir comment les choses auraient pu se passer, sans chances sérieuses de “découvrir comment elles se sont passées en réalité. — Ces réserves faites, je reconnais qu'on à décou- vert, entre la fécondation et la reproduction, agame les principaux termes : 4 L'être se reproduit au moyen de spores asexuces, simples cellules de l'organisme donnant tion a lieu par conjugaison : » x) Les gamètes sont d'abord identiques entre eux : la conjugaison est donc isogame; et jusqu'ici il n'y a pas encore de sexualité, puisqu'il n'y à pas de différences sexuelles ; b) Puis, les différences sexuelles s'établissent : de des gamètes devient gros, lourd, moins mobile, chargé de réserves, tandis que l'autre reste petit, “pauvre en réserves, très mobile : c'est la conjugai- son anisogame, avec laquelle apparaît la sexualité. Cette sexualité n’est d'abord qu'indécise, en ce “sens que la conjugaison est /acullative avant d’être nécessaire; elle n’est aussi d'abord que relative, en ce sens que certains gamèles peuvent, dans la onjugaison, jouer indifféremment le rôle d'élément mâle ou celui d’élément femelle, de même que cerlains corps chimiques sont électro-positifs dans une combinaison, électro-négatifs dans une autre. C’estainsi que, chez la Pandorina, il y a des spores “de trois tailles : petites, moyennes et grosses; les … pelites peuvent se conjuguer aussi bien entre elles “ (isogamie) qu'avec les moyennes ou les grosses (anisogamie); et les moyennes, en se conjugant avec les petites, jouent le rôle de femelle, en se . conjugant avec les grosses celui de mäle ; … 3’ Le dernierstade est celui de la différenciation - complète des gamètes en produits sexuels, avec les caractères si tranchés qu'ils présentent dans les ! œufs etles spermatozoïdes des animaux. £ Ainsi se présentent quatre stades bien nets d'évo- lution progressive : (s Reproduction agame. Facultative, puis nécessaire, avec différenciation relative, puis absolue. Hi Conjugaison isogame . FA … Conjugaison anisogame. . l YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 865 Avec différenciation complète des produits sexuels. Fécondation. Au point de vue des phénomènes intimes, on peut distinguer plusieurs stades d’'évolulion : { Cytoplasmique (Plastogamie de Hartog, chez les Myxomy- cètes). Nucléaire (Caryogamie de Mau- pas, chez les Infusoires). A la fois cytogamique et nu- cléaire. Conjugaison partielle Conjugaison totale, . . . Et la fécondation peut, à ce double point de vue, êlre définie : une conjugaison totale, mais surtout nucléaire, de gamèêtes complètement diflérenciés, l'un en œuf gros, immobile, chargé de réserves; l'autre en spermalozoïde, petit, très mobile, sans réserves. Mais, même en admettant que la série d’intermé- diaires ainsi étabiie soit réelle, il s’en faudrait de beaucoup que le problème phylogénétique de la fécondation fût élucidé, car il resterait à montrer comment, sous quelles influences, se sont produites ces différenciations progressives, et cela soulève les plus graves question de la Biologie générale. Il est relativement aisé de montrer l'avantage qui résulte pour l'embryon de posséder de grosses réserves, ce qui explique l'œuf; et la nécessité pour l’un des gamèles au moins de conserver une mobilité parfaite, ce quiexplique le spermatozoïde. Mais, nous ne sommes plus au temps où il suffisait de prouver qu'un caractère est avantageux pour croire qu'on avait expliqué son apparition. Weis- mann, en montrant les graves objections qui s'élè- vent contre l'hérédité des caractères acquis, Pfeffer, en dévoilant les difficultés de la majoration des caractères, alors qu'ils sont trop peu accusés pour donner prise à la sélection, ont fait justice de celte facile philosophie. La phylogénèse de la fécondation, qui semble, au premier abord, si simple, reste donc pleine d'obscurités. Particulièrement obscure est la ques- tion de l'introduction de la réduction chromatique dans la fécondation. Aussi conclurai-je ce rapide exposé en émettant l'avis qu'il y a mieux à faire que de chercher à résoudre ces questions, peut-être insolubles, et que, pour le moment au moins, il est préférable de s'attaquer à l'étude des problèmes histologiques et physico-chimiques qui se ral- tachent à la fécondation. II. — LES PHÉNOMÈNES HISTOLOGIQUES DE LA FÉCONDATION, Le point de vue histologique est, de beaucoup, celui qui a le plus attiré l'attention, celui qui a pro- voqué le plus de travaux, celui où la question de - fait est la mieux connue. Et cependant, nous allons 806 YVES DELAGE —- LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION voir que, de ce côlé aussi, bien des choses sont admises, qui sont loin d'être démontrées. Rappelons d'abord, sommairement, l'opinion classique, en laissant de côté, à dessein, les cas particuliers et les opinions individuelles. Une première question domine le problème : c'est celle de la maturation des produils sexuels. Commençons par l'œuf. Les cellules germinales, mères des éléments sexuels, se présentent sous l'aspect d'éléments non différenciés, très semblables aux blastomères de la segmentation. Chez quelques animaux, on les voit effectivement s'individualiser dès la formation des feuillets; mais, même lorsqu'il n'en est pas ainsi, leur ressemblance avec les blastomères est telle qu'on est autorisé à admettre qu'ils des- cendent directement de l'œuf, sous une forme plus ou moins voilée : ils ont gardé des caractères embryonnaires, tandis que tout se différenciait autour d'eux. Lorsque la glande sexuelle commence à entrer en activité, ces cellules germinales se mulli- plient rapidement et, pendant loute cette période, s’accroissent moins par nutrition qu'elles ne dimi- nuent par la division, en sorte que leur volume s'amoindrit progressivement : on les désigne sous le nom d’ovoygonies. Quand elles ont fini de se multiplier, elles manifestent un mode d'activité inverse, se metlent à grossir énormément et de- viennent ce qu'on appelait autrefois l'ovule, ce qu'on appelle aujourd'hui l'ovocyte de premier ordre, et qui est caractérisé par son volume consi- dérable, par l'abondance des réserves dans le cyto- plasme et par son noyau, la vésicule germinalive, très gros, avec un ou plusieurs nucléoles ou /aches germinalives el une membrane nucléaire très évi- dente. Après un temps variable, l'ovocyle de premier ordre se divise coup sur coup deux fois, sans phase de repos intermédiaire et d'une manière très iné- gale, expulsant chaque fois la moitié de son noyau avec une quantité négligeable de cytoplasme. Les parties expulsées sont les globules polaires, et ce qui reste après leur expulsion est l'œuf mür, qui a conservé tout le cytoplasme et toutes les réserves de l’ovule, mais qui n'a plus qu'un noyau très réduit, d’où le nom de divisions réductrices donné aux deux divisions successives qui lui donnent naissance. Pour le spermatozoïde, c'est la même chose, à quelques différences près : 1° l'accroissement des dernières spermaloyonies en spermatocytes de pre- mier ordre-est moins considérable et ne comporte pas d’accumulalion de réserves; 2° les divisions maturatives sont égales et donnent naissance à quatre éléments également actifs; 3° enfin, le pro- duit de la deuxième division n'est pas le sperma tozoïde achevé : c'est la spérmatide, qui n'es encore qu'une cellule ordinaire et doit se trans former en spermalozoide avec sa queue, flagellum locomoteur formé essentiellement par le cytos plasme, et sa tête comprenant le noyau, le centro some et une quantilé de cytoplasme très minimes Mais la spermatide se transforme en spermatozoïde par simple réarrangement de ses parties, sans st diviser ni rien rejeter. ‘11 Ces divisions maturatives si singulières Se montrent chez tous les êtres qui ont une fécondas tion, avec une généralité tout à fait remarquable Aussi les considère-t-on, avec loute apparence de raison, comme jouant dans la fécondation un rôle capital, et l’on a énormément travaillé et discuté pour élablir ce rôle. L'opinion courante est qu'elles ont pour but dé produire une triple réduction de la chromatine numérique, quantilative et qualitative, et que ces trois réductions, également nécessaires, sont la raison d'être des divisions qui les produisent. Examinons-les successivement. 1. liéduction numérique. — Dans le noyau au repos, la chromaline est disséminée en granula tions disposées sur les filaments du réseau achro= malique; mais, à chaque division nucléaire, ces granulations se groupent en un long filament con tinu, qui se coupe en un certain nombre de seg= ments appelés chromosomes. On a remarqué que, sauf cerlaines exceptions, les chromosomes étaient en même nombre dans toutes les cellules du corps de chaque espèce ani- male ou végétale. Aussi a-t-on élé conduit à pen- ser que ce nombre devait rester fixe, et implici-= tement on semble croire qu'il ne saurait varier, sans entrainer des conséquences graves. Or, s'il n'y avait pas une division réductrice spéciale, non, seulement il varierait, mais il doublerait à chaque génération. Si l'œuf et le spermatozoïde appor- taient chacun 7 chromosomes, il y en aurait 22 dans l'œuf fécondé; chaque cellule de l'organisme engendré en aurait aussi 22: à la génération sui- vante, elles en auraient 4n, à la suivante 8», et ainsi de suite. . La réduction numérique a, dit-on, pour rôle de remédier à cet inconvénient, et cela de la manière suivante : Dans les gonies, comme dans les cellules ordi- naires de l'organisme, à chaque division, chaque chromosome se fend en long, le nombre » devient ., 21 2n, et chaque cellule fille en reçoit — — », en sorte que le nombre n’est pas modifié. On a cru d’abord que, dans la deuxième division YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION maturative, la division longitudinale était sup- “primée, et qu'une moilié des chromosomes allait à chaque cellule fille, en sorte que l'œuf mûr, comme Je deuxième globule polaire, en recevait seule- ‘à 11 ment 5 —. Mais, en y regardant de près, on a vu que les f , . 3 “choses sont moins simples. On trouve dans l'ovo- “cyte de premier ordre le nombre des chromosomes 2 ., .n : 1 “déjà réduit à 5. Mais ces ; Chromosomes sont qua- A druples, formant chacun un complexe de 4 chro- mosomes, dit groupe quaterne. Chaque division . 11 malturalive respecte le nombre - de ces groupes, 9 = . 2 — n mais les décompose tous, la première en - groupes 5° D. n L « binaires, la seconde en 5 chromosomes simples. + La constitulion de ces groupes quaternes, qui est la clef de la réduction numérique, est encore en- - tourée de grandes obscurités. Mais ce qu'il y a de * certain, c’est que le but est atteint : chaque élément 1 : ; : : sexuel a = chromosomes simples, et l'œuf fécondé mari j en a2 —», en sorte que le nombre fixe est con- Riservé. Y a-t-il là, comme on le croit, une explication suffisante de l'existence des divisions maturatives ? Je ne le crois pas. … Je ne le crois pas, d'abord, parce que la néces- » sité d'un nombre fixe de chromosomes n'a rien - d'impérieux; ensuite, parce que ce nombre n'a pas besoin d’une opération spéciale pour se maintenir. + D'abord, si le nombre » était modifié, rien ne . prouve que quoi que ce soit d’essenliel serait mo- . difié dans l’animal. Ona maintes fois trouvé, à titre d'anomalies, un - nombre de chromosomes différent de celui qui . devrait exister. D'autre part, Guignard a donné des exemples de chromosomes réduits dans des cel- . lules somatiques chez certaines plantes. Von Wini- | warter a montré que, chez le lapin, les cellules sexuelles réduites ayant 12 chromosomes, les cel- lules somatiques devraient en avoir 24. Or, elles en out un nombre variable et fort différent, allant de 36 à 80, et en moyenne égal à 42. Et le lapin ne s'en porte pas plus mal!Il en est de même pour les variétés hivalens et univalens d'Ascaris mega- locephala et pour les deux variétés d'Arlemia dé- crites par Brauer, l'une à &4, l'autre à 168 chro- mosomes. D'autre part, j'ai montré, dans des recherches antérieures, que les embryons mérogoniques de Strongylocentrotus, provenant de fragments anu- we] ©? Zi HR ï : : 1 cléés d'œufs fécondés possédant en lout = — 9 chro- mosomes exclusivement paternels, avaient cepen- dant dans leurs cellules 18 chromosomes. Boveri, dont cette conclusion ébranle la théorie de la permanence et de l'individualité de ces élé- ments, a élevé des objeclions contre sa valeur et émis l'idée que je pouvais avoir eu affaire à des individus anormaux. J'ai déjà répondu, ailleurs, à cette objection, et j'ajouterai ici que J'ai compté les chromosomes dans lrois cas où j'avais fécondé les deux moitiés, l’une nucléée, l’autre anueléée, d'un même œuf, avec le même sperme, dans la même goutte d'eau, et que, dans ces trois cas, les chromosomes, comptés dans plusieurs cellules de chaque embryon, se sont trouvés au nombre de 18, aussi bien dans ceux provenant de la méro- gonie que dans les normaux. Mais voici une expérience nouvelle, plus démons- trative encore, que j'ai faite il v a quelques semaines au Laboratoire de Roscoff. À l'aide de procédés analogues à ceux de Locb, j'ai fait développer parthénogénétiquement des œufs de Strongylocentrotus et j'ai compté les chro- mosomes dans les embryons et les larves. Or, partout j'en ai trouvé 18. Pas une seule cellule ne m'en à montré 9 seulement. Et ici, comme les em- bryons s'obliennent par centaines, c'est sur des centaines que j'ai vérifié le fait. Ainsi donc, quand un œuf a reçu seulement = chromosomes, que ceux-ci soient exclusivement = paternels (mérogonie), ou exclusivement maternels (parthénogénèse expérimentale), on retrouve tou- jours » chromosomes chez l'embryon. Cela montre : que les chromosomes ne sont pas, comme le croient Rabl et Boveri, des individualités permanentes; que leur nombre est une propriété cellulaire; qu'il se rétablit par autorégulation quand il a élé modilié; et que, par conséquent, il m'est pas besoin d'une opération spéciale pour le maintenir. La prétendue nécessité d’une réduction numé-. rique ne fournit point une explication suffisante de l'existence des divisions maturalives. 2. Réduction quantitative. — On admet qu'il existe, parallèlement à la réduction numérique, une réduclion quantitative qui serait également de moitié. Voici comment on raisonne. Une gonie, au moment de sa naissance, à une masse de chromatine m. Pendant la période de repos qui précède une division nouvelle, cette masse s’accroit et devient 2m, et chaque cellule fille Me Ne NON en recoit la moilié, soit le CI sorte que la quantité ne varie pas. Il en est ainsi jusqu'au cyte YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FECONDATION de premier ordre, lequel, sortant d’une période de repos au moment où il se divise, attribue de même » à chacune de ses cellules filles. Mais celles-ci, les cytes de deuxième ordre, se divisant sans période de repos préalable, sans avoir eu le temps de porter » à 2m, lèguent à l'œuf ou à la - mm s spermatide seulement -- de chromatine. Mais toutes ces évaluations sont arbitraires et ne reposent sur rien de précis. La quantité de chro- matine que possède une cellule est sujelte à des variations qui peuvent être considérables, suivant la consommation qu'elle en fait dans ses opérations cataboliques et suivant la quantilé qu'elle en recoit par la nutrition. Les différences individuelles doi- vent être notables entre les glandes sexuelles des divers individus, sous le rapport de la quantité de chromaline contenue dans les éléments germinaux, en sorte quil est incompréhensible quil faille toujours réduire cetle quantité de moilié pour obtenir le taux convenable. Kulagin (en 1898) a montré que les œufs d'insectes soumis à un jeûne prolongé n'émettent plus qu'un globule polaire. Mais il faut un jeûne d'une durée déterminée, pour obtenir ce résultat. Un insecte qui a jeûné pas tout à fait assez longtemps pour qu'un de ses globules polaires soit supprimé a évidem- ment dans ses cellules germinales moins de chro- matine que celui qui à recu une alimentation abon- dante. En émettant ses deux globules, le premier laisse dans ses œufs mûrs une quantité de chro- matine cerlainement moindre que le second. Ilest donc impossible de dire que l'œuf mûr doit con- tenir une quantité de chromatine fixe, toujours égale à elle-même et toujours égale à la moitié de ce que conlient l’ovocyte de premier ordre à l'état normal. Puisque des variations élendues dans la quantité de chromatine sont compatibles avec la fécondation et le développement, il n'est pas admissible qu'une opération spéciale soit nécessaire pour réduire cette quantilé toujours exactement de moilié. On a des raisons de croire qu'une diminution de la quantité de chromatine est nécessaire à l'œuf vierge pour la fécondation ; mais on n’en a aucune d'admettre qu'il en soit de même pour le sperma- tozoïde ou pour l'œuf fécondé. Cependant, la réduc- tion quantitative est la mème pour les éléments sexuels des deux sexes. D'autre part, il ne semble pas que la quantité absolue de chromatine soit le point important dans la physiologie de la cellule : ce qui entre en jeu, c'est plutôt la quantité relative, le rapport entre la quantité de chromatine et celle de cytoplasme. L'énergie pouvant résulter de l’abondance de la chromatine (en raison de sa teneur en phosphore) dépend de la masse de cytoplasme dans laquelle elle se dépense. Or, si l’on envisage non plus m, mais le rapport, In . . = A 7” tout ce que l’on a admis relativement à la réduc tion quantitative devient inexact. Premièrement, le rapport est indépendant de l'existence ou de l'absence d’une période de repos précédant la division. S'il y a une période de repos, devient 2e chaque cellule fille recoit : C [ei S'il n'y a pas de période de repos, chaque cellule fille recoit : Par contre, le rapport dépend de la nature égale ou inégale de la division. Pour le spermatozoïdes où les divisions maturatives sont égales, le rapport In x : — reste le même que dansle cyte de premier ordre, c et ces divisions maluratives ne produisent aucune réduction relalive. Pour l'œuf, au contraire, ces divisions sont très inégales; les globules polaires ne. recoivent qu'une quantité négligeable de cylo- 1/4m m : plasme, en sorte que le rapport = devient Chez l'œuf mur, la réduction relative est non de moitié, mais des (rois quarts. D'autre part, le rapport © dépend dela nutrilion, car, dans la période de repos précédant la division, … m et « peuvent s'accroitre inégalement. Or, c'est précisément ce qui a lieu, pour l'œuf en particulier. Dans la multiplication des ovogonies, le. m ; : d rapport 7e augmente progressivement. Mais quand vient l’accroissement de l’ovocyte de premier ordre, il diminue considérablement, car le noyau s'accroît M beaucoup moins que le cyloplasme, et, en outre, son accroissement est dù, pour la plus grande partie, au suc nucléaire; en sorte que la réduction délinitive, sans pouvoir être évaluée exactement, est certaine- ment, par rapport aux dernières ovogonies, très supérieure aux 3/4, égale peut-être aux 9/10. Chez le mâle, au contraire, non seulement les … divisions réductrices ne font pas fléchir la masse relative de chromatine, puisqu'elles sont égales, mais, dans l'accroissement du spermatocyte de pre- mier ordre, le cytoplasme se développe beaucoup moins que dans l'œuf; et surtout, dans la transfor- YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION mation de la spermalide en spermatozoïde, la presque totalité du cytoplasme passe dans la queue, et il n’en reste que très peu dans la tête, qui seule sera utilisée dans la fécondation; en sorte que, “finalement, pour le spermatozoide, il n'y a point réduction quantitative relative, mais au contraire “augmentation chromalique ou, si l'on veut, réduc- —… Lion cyloplasmique. —._ Ensomme,laréduction quantitative relative étant … a seule importante au point de vue fonctionnel, cette réduction manquant chez le spermatozoïde et se produisant chez l'œuf, en parlie indépendamment . des divisions maturatives, en parlie parsuite d'une particularité de ces divisions spéciale à l'œuf et manquant chez le spermatozoïde, on ne peut admettre que ces divisions maturatives, envisagées » dans leur ensemble, soient suflisamment expliquées par la nécessité de la réduction quantitative. Û 3. Réduction qualitative. — La notion d'uncréduc- tion qualitative tire son origine de ce fait que les globules polaires, qui sont pour l'œuf un des pro- duits des divisions maturatives, ne sontpas utilisés dans le développement de l'embryon, d'où le nom de corpuscules de rebut qui leur a été donné. Diverses explications de l’utililé de cette réduc- tion ont été proposées, mais aucune n’est pleine- ment satisfaisante. Voici les principales : a) Elle a pour but d'enlever à l'œuf la chroma- line d'origine paternelle, au spermatozoïde celle d'origine maternelle pour développer en eux leur polarité sexuelle propre. De graves objections se dressent contre celle conception. D'abord, elle ne repose sur aucune observation positive. On a vu parfois leschromosomes paternels et maternels rester distincts dans l'œuf fécondé, mais on n'a jamais pu les dislinguer dans l'œuf de la généralion suivante. En outre, Weismann a fait remarquer que l'élimination des chromosomes du sexe opposé se concilie mal avec le fait que chaque conjoint peut transmettre au produit les caractères hérédilaires particuliers de la lignée ancestrale du sexe opposé. Enfin, Francotte à vu, chez une Pla- naire, un globule polaire, particulièrement gros, être fécondé tout comme un œuf normal. b) Elle a pour but d'éliminer des substances inhi- bitrices de la fécondalion et du développement. L'observation ci-dessus de Francotte va à l’en- contre de cette idée. Chez les Conjuguées, la réduc- lion ne s'opère qu'après la conjugaison, pendant la division du zygote. Enfin et surtout, chez le mâle, les quatre produits de la réduction sont également fonctionnels. c) Elle a pour but d'éliminer une partie des plasmas ancestraux pour élargir la gamme des variations individuelles (Weismann). 869 Il serait trop long de discuter ici cette question. Je l'ai fait ailleurs et me contenterai de faire remar- quer que cette opinion est entièrement hypothé- tique. Ainsi, rien ne démontre la nécessité où méme l'utilité d'une réduction qualitative. La réalité de son existence semble appuyée sur une observation histologique. Voici le fait : Tandis que dans toutes les autres divisions indi- rectes, quelles qu’elles soient, les chromosomes des cellulestilles proviennent deladivision longitudinale de ceux de la cellule mère, dans une des divisions maturatives, ils proviennent de leur division lrans- versale. Or, il semble, au premier abord, naturel de penser que la division longitudinale est une pré- caution spéciale prise pour éviler loute différence qualilative entre les deux moiliés, et que, par con- séquent, la division transversale comporte une dif- férence de cetle nature. Chez quelques animaux, cependant, celle divi- sion transversale semble manquer (Ascaris, divers Vertébrés). Aussi s’est-on donné beaucoup de mal pour la retrouver chez eux. Sabachnikov (en 1897), chez l'Ascaris, Montgommery (en 1901) chez les Vertébrés, y sont à peu près arrivés. Ce dernier a montré que les deux moiliés du chromosome, dans l'une des divisions longitudinales, ne sont pas les deux parts d'un même chromosome, mais repré- sentent deux chromosomes dislinels, momentané- ment rapprochés dans une sorte de copulation. Ainsi, les divisions maturatives auraient pour but de produire une réduction qualitative, et ce qu'il y à de tout à fait spécial dans ces divisions, c'est- à-dire l'intervention d'une division transversale, serait en rapport avec cette réduction qualitative et destiné à la produire. Je ferai remarquer d'abord que toute cette con- ceplion repose sur l’idée que la constitution des chromosomes varie dans le sens de la longueur et ne varie pas dans le sens de l'épaisseur. Or, c'est ‘là une pure hypothèse, qui n'a d'autre fondement qu'une grossière assimilation des chromosomes avec des objets de toute autre nature, comme une canne, une épée, un porle-plume, ou encore une branche d'arbre ou le corps d'une anguille. Tout fin quil est, par rapport à nous, le chro- mosome peut fort bien présenter des différences de structure dans le sens de l'épaisseur. Même s'il est formé d'une simple file de mierosomes, il peut en être de même; car ces microsomes, si pelits par rapport à nous, sont sans doule, par rapport aux particules élémentaires qui les constiluent, des microcosmes, où des différences de structure très notables peuvent trouver place. Inversement, au- cune constatation positive ne permet d'affirmer que les microsomes soient qualilalivement différents 810 YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION les uns des autres, ni que le filament chromatique présente dans sa longueur des différences essen- tielles de constitution. Rien done ne nous autorise à dire que le chro- mosome est homogène en épaisseur, ni hétérogène en longueur. Je dirai même que, selon toute pro- babilité, c'est le contraire qui est vrai. Et j'en don- nerai deux raisons : ä) Quand le filament chromatique se fend en long, ses deux moiliés commencent à s'écarter l’une de l’autre, avant qu'aucun filament achroma- tique capable (si lantest qu’ils le soient jamais) de les tirer se soit formé et fixé sur eux. Ce qui les écarte ne peut donc être qu'une force répulsive ; et une force de ce genre ne peut se développer entre eux que s'ils présentent une différence de quelque nature. Les deux moitiés d’un tout homo- gène ne sauraient se repousser. D) Dans l’évolulion ontogénétique, toutes les di- visions indirectes sans exceplion se font avec divi- sion longiludinale des chromosomes, et cependant elles marchent de pair avec la différenciation pro- gressive des éléments. L'idée que cette différencia- tion serait due tout entière à la place des cellules dans le complexe embryonnaire (0. Herlwig) n'est pas admissible : l'effet est hors de proportion avec la cause, surtout pour les cellules très voisines que l’on voit subir des différenciations opposées. L'ob- servalion embryogénique démontre que les deux cellules filles d’une mème cellule mère peuvent recevoir à leur naissance des aptitudes évolutives différentes, malgré la division longitudinale des chromosomes. Rien donc n'empêche qu'il en soit de même pour les divisions maturatives. Il résulte de là que, s’il existe vraiment une ré- duction qualitative, elle n'est point liée à la division transversale des chromosomes qui se présente dans les divisions maluratives ; et que, par conséquent, ce qu'il y a de spécial, de caractéristique chez celles-ci n'est pas expliqué par la nécessité d’une réduction qualitative. Ainsi, ni la réduction numérique, ni la réduction quantitative, ni la réduction qualitative ne rendent compte suffisamment des divisions maturatives et de ce qu'elles présentent de particulier. Et cependant, leur nécessité est absolue. Jamais on n'a vu un ovocyte de premier ordre accepter la fécondalion el se développer. Jamais on n'a vu de spermatide féconder un œuf mûr. Mais la cause de cette nécessité nous échappe encore. Elle réside peut-être dans des phénomènes physico- chimiques, connexes des phénomènes morpholo- giques de la réduction chromatique, mais indépen- dants de ceux-ci !. ! Ivanzov (en 1897) a émis l'idée que l'œuf non mür, muni 4. La fécondation. — Avant d'aborder l'examen de l'interprétalion des phénomènes que comporte la fécondalion, il importe de préciser une distinction que j'ai établie dès mon premier travail sur la mérogonie et qui me parait avoir une imporlance capitale. * La fécondation a un double but : 1° mellre l'œuf mûr en état de se développer et de former un être nouveau, c'est-à-dire déterminer l’'embryogénèse; 2° donner à cet être nouveau deux parents (au lieu d'un seul, comme dans la reproduction agame ou la parthénogénèse), c'est-à-dire introduire dans son évolution l’amphimixie, avec les avantages d'une double lignée ancestrale. Embryogénèse et amphimixie sont deux choses qu'il faut absolument distinguer, si l’on veut acqué- rir des idées justes sur la fécondation et le déve- loppement. Dans la fécondation normale, les deux buts sont atteints à la fois, et l’on ne voit pas, au premier coup d’æil, ce qui, dans les phénomènes qui la constituent, appartient au déterminisme de l'em- bryogénèse et à celui de l'amphimixie. La tête du spermatozoïde contenant le noyau avec un peu de cytoplasme, et le segment intermé-" diaire, formé principalemant du spermocentre et d'un peu de cinoplasme actif, entrent dans i'œuf formé d'un -cytoplasme riche en réserves, conle- « nant le noyau réduit avec un ovocentre et un cinoplasme sinon atrophié, du moins en état d'inhi- bition fonctionnelle. Les aovaux se fusionnent; le spermocentre et le cinoplasme ambiant, unis peut- être au cinoplasme engourdi de l'œuf, forment l'ap- pareil de division de l'œuf fécondé. Qu'est-ce qui, dans tout cela, est nécessaire à l'embryogénèse ? Qu'est-ce qui est relatif à l'am- phimixie? Pour le déterminer, il faut séparer les deux phé- nomènes. IL est à priori impossible d'obtenir une ampbi- mixie sans embryogénèse!; mais on peut obtenir une embryogénèse sans amphimixie ou avec une amphimixie réduite. On y arrive, d'une part, au moyen de la parthé- d'un noyau puissant, digérerait les spermatozoïdes, et qu'il réduisait son noyau pour se meltre hors d'état de les digérer et pour se reudre apte à subir la fécondation. Les observa-, tions de spermatozoïdes pénétrant dans l'œuf non mûr et y attendant la maturation pour jouer leur rôle vont à l’en- contre de cette idée, et son inexactitude est démontrée par le fait que les fragments anucléés d'œufs non mürs sont inaptes à la mérogonie. 1 Lœb a cependant suggéré l'idée de faire pénétrer le spermatozoïide dans l'œuf d'un animal appartenant à une espèce trop éloignée pour que la fécondation soit possible, et de faire développer cet œuf par les procédés de la par- thénogénèse expérimentale. Mais rien ne dit que l'expérience réussirait et que le spermatozoïde ne resterait pas duns le cytoplasme comme un corps étranger inerte. YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 811 » nogénèse expérimentale, de Vautre au moyen de la mérogonie. . Ces deux modes d'investigation von! nous mon- “rer que les phénomènes morphologiques de la fécondation, en parliculier la copulalion nucléaire, Sont relatifs essentiellement à l’amphimixie et que l’'embryogénèse dépend de phénomènes physico- - chimiques concomitants, encore peu étudiés. Cela nous amène à la troisième et dernière partie de cette étude, celle qui est relative à l'examen de la fécondation au point de vue physico-chimique. ILI. — LES PHÉNOMÈNES PHYSICO-CHIMIQUES DE LA FÉCONDATION. C'est, avons-nous dit, à la mérogonie et à la par- thénogénèse expérimentale que nous devons le moyen de séparer ce qui, dans la fécondation, ap- partient à l'embryogénèse etce qui estrelatif à l'am- phimixie. 1. Mérogonie. — Je passerai rapidement sur la mérogonie, el, des conclusions développées dans mon Mémoire, reliendrai seulement ceci : c'est que la copulation nucléaire n'est pas nécessaire à lem- bryogénèse, puisqu'ici nous obtenons un embryon sans intervention d'un noyau femelle. Elle nous montre aussi que ce qui peut rester dans l'œuf de l’ovocentre et du cinoplasme qui l'entoure n'est pas nécessaire non plus. Mais elle ne nous dit pas si l'union du cytoplasme ovulaire avec le noyau et le spermocentre mäles ne suffit pas à déter- miner un cerlain degré d'amphimixie, les expé- riences de Boveri n'élant pas suffisamment dé- monstralives à cet égard. 2. Partheénogénèse expérimentale. — La parthé- nogénèse expérimentale a ici un intérêt tout spécial, parce qu'elle nous montre une embryogénèse sans trace d'amphimixie. Lorsqu'on la compare à la fécondation normale chez la même espèce animale, on voit que : Fécondation — embryogénèse + amphimixie, Parthénogénèse — embryogénèse; et l’on est autorisé à penser que l'embryogénèse est, sinon identique, du moins très semblable dans l'un et l’autre processus, en sorte que le délermi- nisme de la parthénogénèse expérimentale éclaire celui de l'embryogénèse dans la fécondation. Examinons donc le déterminisme de la parthé- xogénèse expérimentale. Avant Loeb, on avait fait déjà quelques essais _ dans ce sens, mais on sait que c'est lui surtout qui a contribué à la faire connaître. Son procédé est bien connu : il place des œufs murs et vierges dans des solutions de sels alcalins KCI, NaCI, MgCP, puis les reporte dans l’eau de mer, où ils se développent sans avoir été fécondés. Ainsi que cela arrive souvent, ces expériences n'ont pas donné d'emblée leur résultat définitif et leur auteur a plusieurs fois varié dans ses inter- prétations. a) Au début, il à cru à une action exclusive des ions mélalliques, etémis l'idée que c'était en appor- tant ces ions à l'œuf que le spermatozoïde déter- minait l'embryogénèse. L’essence de la fécondation, nous dirons, nous, celle de l'embryogénése, eût été : l'apport à l'œuf d'ions particuliers auxquels Je spermalozoide sert de véhicule. Diverses objections ont été élevées par d’autres et par moi-même contre celte interprélation, à laquelle le coup de gràce a été donné par mon fils ct moi lorsque nous avons moniré que, /andis que MgCE détermine la parthénogénèse chez loursin, la proportion de Mg est moindre d'environ 4°}, dans le sperme que dans les œufs de cet animal. D) Mais, dès avant que ce résultat eût été publié, Lœb avait modifié sa manière de voir et admis, conformément aux idées de Bataillon, que les solu- tions salines agissent, non par la spécificité de leurs ions métalliques, mais par leur pression osmolique, en soustrayant de l’eau à l'œuf. On peut dès lors se demander si, dans la fécondalion normale, le déterminisme de l'embryogénèse ne réside pas dans une souslraclion d'eau opérée sur l'œuf par le spermatozoïde. L'analyse des phénomènes semble confirmer cette vue. Le pronucléus màle, à son entrée dans l'œuf, est considérablement plus petit que le pro- nucléus femelle, puisqu'il n’est autre chose que la tête du spermatozoïde. Mais, pendant son court voyage à travers le cyloplasme, il se gonfle consi- dérablement et devient égal au pronueléus femelle. Pour cela, il se charge d'eau qu'il emprunte au cytoplasma ambiant; il déshydrate done celui-ci, toutcomme ferait une solution hypertonique. li est donc possible que ce soit là un facteur important et même suffisant du déterminisme de l'embryogé- nèse conséculive à la fécondation. Réciproquement, il semble que l’eau du cyto- plasme soit indispensable au pronucléus mäle pour son évolution dans l'œuf et que le cytoplasme se charge d'eau spécialement pour ce but. J'ai fait à Roscoff, il y a quelques semaines, une série d'expériences, encore inédites, qui sont très suggestives à cet égard”. On se rappelle peut-être que j'ai fait connaitre, dans un travail récent, l'existence d'une maturation 1 Elles seront publiées dans le prochain numéro des Ar- chives de Zoologie expérimentale. 812 YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION cytoplasmique. J'ai montré qu'un fragment anueléé d'ovocyte de premier ordre, mis en présence du sperme, est absolument rebelle à l'embryogénèse, tandis qu'un fragment anucléé d'œuf mûr se prêle aisément à la mérogonie. Dans ces nouvelles expé- riences, j'ai serré de plus près la question et montré ceci : Chez Asterias glacialis, quel que soit le degré de maturité générale de la glande sexuelle, jamais l'œuf n'est mûr dans l'ovaire. Il y reste indéfini- ment à l'état d'ovocyte de premier ordre, muni de sa vésicule germinalive. Placé dans l’eau de mer, il y entre aussilôt en maturalion et, en une heure ou deux, émet ses deux globules. Quand on suit le phénomène, on voit la vésicule germinalrice d'abord intacte, lurgide, bien sphérique, à mem- brane parfaitement lendue. Puis, au bout de quelques minutes, on la voit s’affaisser peu à peu, perdre sa lurgescence, se froisser; sa membrane, si évidente, s'estompe et bientôt disparait; souvent, des traînées claires divergentes montrent que le suc nucléaire se répand dans le cytoplasme dès que la barrière qui le maintenait, la membrane nu- cléaire, a élé forcée. ER bien, tant que la vésicule est turgide, tant que le suc nucléaire ne s'est pas répandu dans le cyto- plasme, la fécondation des fragments anueléés est absolument impossible; dès que la vésicule a pris l'aspect froissé et les bords estompés, indices de la diffusion du suc nucléaire dans le cytoplasme, la fécondation mérogonique se fait avec la plus grande facilité. Et pourtant, à ce moment, non seu- lement il n'y a pas trace de globule polaire, mais rien n'est accompli encore des phénomènes qui caractérisent la réduction chromalique. De là nous pouvons conclure : 1° Que la réduction chromatique de l'œuf n'est pas nécessaire à l'embryogénèse et n'est utile qu'à l'amphimixie ; 2 Que la pénétration du suc nucléaire dans le cytoplasme est nécessaire, peut-être pour empé- cher l'œuf de se développer parlhénogénétique- ment, sürement pour fournir au pronucléus mäle l'eau nécessaire à son évolution dans l'œuf; 3° Que Ja délinition différentielle des produits sexuels doit étre complétée de la facon suivante : spermalozoide petit, mobile, sans réserves, PAUVRE EN EAU; œuf gros, immobile, riche en réserves, RICHE EN EAU ; 4° Que, dans la fécondation normale, au nombre des causes délerminantes de Tembryogénèse, on peut compter la soustraction d'eau au cytoplasme par le pronucléus mile, qui l'absorbe, s'en imbibe, déshydrate le cytoplasme et, par là, communique à l'œuf l'aptitude à se segmenter. Je ferai remarquer cependant que nous ne sa- vons pas la composition du suc nucléaire et que, outre l’eau, il peut fournir au cytoplasme des subs- tances diverses : sels, ions mélalliques, gaz dis- sous, ferments spécifiques, ele., ete. Les dernières expériences de Lœb, celles qui ont porté sur le Chætopterus, ont montré que la soustraction d'eau n'était pas le facteur unique de la parthénogénèse expérimentale. Il a pu, en effet, obtenir celle-ci avec des solutions de KCI hypoto- niques par rapport à l’eau de mer; et il en revient à l’idée d'une action spécifique des sels, mais com- prise autrement qu'au début : ce serait une action catalytique, accélératrice du développement. L'œuf aurait une tendance naturelle au développement parthénogénétique; mais, dans les conditions nor- males, son évolution serait si lente qu'il mourrait avant d'avoir pu entrer en développement; en accélérant le processus, les calalyseurs lui per- mettraient d'atteindre avant de mourir un stade assez avancé pour qu'il puisse continuer ensuite à évoluer par ses propres forces. Mes récentes expériences sur l’Asferias confir- ment la notion d'une action spécifique des solu- tions salines et montrent que cette action est beau- coup plus considérable qu'on ne croyait. On sait le rôle singulier que Bertrand a assigné au manganèse comme vecteur de l'oxygène dans les ferments oxydants. Guidé par certaines induc- tions théoriques fondées sur ce rôle du manganèse, j'ai essayé dans la parthénogénèse le chlorure de ce métal, et J'ai reconnu que AnCP à une action spécilique très supérieure à celle des sels alcalins, et qu'il détermine le développement dans des con- ditions où ces derniers se montrent inaclifs. J'ai trouvé aussi qu'un simple agent physique, la chaleur, peut déterminer la parthénogénèse, à la condition qu'on l’applique d’une manière particu- lière, en immergeant les œufs brusquement dans l'eau de mer entre 30 et 35°. J'ai reconnu que les actions des différents agents s'ajoutent en général (chaleur, action spécifique des sels, hypertonicilé, acidification très légère par HCI°,“etc.): Enfin, j'ai constaté que tous ces agents ont, chez l'Asterias, une efficacité toute particulière quand on les applique au moment précis où la mérogonie devient possible, à ce stade où le suc nucléaire se répand dans le cyloplasme, véritable stade crilique, où l'œuf se montre particulièrement sensible aux influences capables de déterminer son évolution. Il résulte de là que, outre la pression osmotique, des agents variés sont capables de déterminer la parthénogénèse, et je comprends leur action d’une autre manière que Lœæb. Pour moi, l'œuf vierge est dans un état d'équilibre instable. Sans aide, et dans | Fi | i | | | YVES DELAGE — LES THÉORIES DE LA FÉCONDATION 813 les conditions normales, il est incapable de se dé- velopper; mais il lui manque peu de chose pour qu'il puisse entrer en évolution, et ce quelque chose n'a rien de spécifique. Les excitants les plus variés peuvent le lui fournir : il suffit, pour qu'il se déve- loppe, de rendre plus excitant le milieu où il vit. Il répond aux excitalions appropriées, quelle que soit leur nature, en faisant ce qu'il sait faire, se seg- menter; comme la rétine répond aux excitations qu'elle recoit, mécaniques, physiques ou chimi- ques, en donnant ce qu'elle sait donner, la sensation . Jumineuse. On peut aussi le rendre lui-même plus excitable, en substituant à son noyau et à son appareil ovocentrique inertes un appareil nucléaire et spermocentrique plus excitable : c'est ce qu'on fait dans la mérogonie. De tous ces moyens de déterminer l'embryo- génèse dans la parthénogénèse expérimentale, quel est celui qu'emploie le spermatozoïde dans la fécondalion normale ? Nous sommes encore hors d'état de le dire d’une manière précise, mais nous possédons déjà quel- ques indications. Nous savons, de par les expériences de mérogonie, que le noyau mixte de l'œuf fécondé et son appareil centrique sont plus excitables que les organes similaires de l'œuf vierge; les expériences que j'ai faites avec mon fils montrent qu'un apport d'ions de magnésium par le spermatozoïde ne peut être mis en cause; nous venons de voir que la soustraclion d'eau au cytoplasme par le pronueléus mäle très pauvre en eau est capable de jouer un rôle important ; enfin, ilest possible qu'intervienne l'apport par le spermatozoïde de ferments spéci- fiques, comme les expériences de Pieri (en 1899) et ceiles plus précises de Winckler (en 1900) semblent l'indiquer. C'est vers la solution de ce problème que doivent tendre nos recherches relatives à la fécondation. IV. — ConNcLuUSsIONS. Nous pouvons résumer en quelques proposilions les conclusions principales de cetle étude. 1° Une série assez complète de transitions relie la fécondation à la reproduction agame ; mais cela ne nous permet pas d'affirmer que la phylogénèse de la fécondation s’est opérée suivant celle série. On ne sait rien de posilif sur l'introduction de la réduction chromalique dans le cycle de la fécon- dation. 2° Les divisions maturatives des éléments sexuels doivent avoir une raison d’être importante et générale ; mais cette raison n’est pas tout entière contenue dans la réduction chromatique : la réduc- tion numérique n'a pas besoin, pour s'opérer, d'une opération spéciale ; la réduction quantitative relative, la seule à considérer, n'a pas lieu pour le spermalozoïde (où elle est remplacée par une opéra- tion inverse); elle a lieu pour l'œuf, mais indépen- damment des phénomènes chromatiques des divisions maturatives ; la réduclion qualilalive n'a pas lieu pour le spermatozoïde, elle n'est pas démontrée pour l'œuf, et rien n'indique, si elle avait lieu, qu'elle dépendrait de la division trans- versale, qui constitue le caractère le plus saillant des divisions réductrices. IL doit donc y avoir, der- rière les phénomèmes morphologiques de la réduc- tion chromatique, des phénomènes physico-chi- miques qui restent à étudier. 3° Concurremment à la maturation nucléaire, il existe une maturation cyloplasmique, qui paraît consister dans la diffusion du suc nucléaire dans le cytoplasme à la suite de la destruclion de la membrane de la vésicule germinative. Cette hydra- tation semble avoir pour effet : a) d’empêcher l'œuf de se développer parthénogénétiquement; b) de per- meltre la fécondation en fournissant au pronu- cléus mâle l'eau dont il a besoin. Réciproquement, le pronucléus mâle, en s'imbibant de l’eau du cylo- plasme, déshydrate celui-ci et le place dans Ja condition requise pour le développement ultérieur. 41] ya lieu d'ajouter à la caractéristique différen- tielle des éléments sexuels la richesse en eau pour l'œuf, la pauvreté en eau pour le spermatozoïde, et à la caractéristique de la fécondation le déplacement d'une cerlaine quantité d'eau qui, venant de la vésicule germinative, dont elle constitue le suc nucléaire, diffuse dans le cytoplasme auquel le pronucléus mâle l'emprunte pour s'hydrater, en même Lemps qu'il déshydrate le cytoplasme. 5° Il convient de distinguer dans la fécondation normale deux opérations absolument différentes et séparables : l’embryogénèse ou formation embryon, et l’amphimixie ou participation de deux parents a la formation de cet embryon. 6° Le déterminisme de l'embryogénèse et celui de l'amphimixie sont essentiellement différents. C'est à cette dernière, presque exclusivement, qu'appartiennent les phénomèmes morphologiques qui ont surtout fixé l'attention. 1° La mérogonie et la parthénogénèse expérimen- tale démontrent que la copulation nucléaire et les phénomènes morphologiques qui l'accompagnent ne sont point nécessaires à l'embryogénèse. Les facteurs de cette dernière ne sont point spécifiques. Elle peut être déterminée par des excitants de nature très variée, physiques, chimiques et biologi- ques. Il reste à déterminer lesquels, parmi les nombreux exeitants possibles, interviennent effec- livement dans la fécondation normale : un apport d'ions métalliques par le spermatozoïde semble peu d'un 814 GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE probable, l'intervention d'une série d'hydralations et de déshydralalions par un déplacement d’eau est à peu près démontrée, celle d'un apport de fer- d'être recherchée avec ments spécifiques mérite Soin. Telles sont, Mesdames el Messieurs, les quelques idées que j'ai cru devoir vous soumettre dans cet entretien. La brièveté du (temps qui m'étail accordé ne m'a pas toujours permis de prendre toutes les précau- nécessaires quand on présente, comrne je l'ai fait, des conceplions passablement révolutionnaires, de faire les réserves et les res- trictions qui eussent convenu. Je n’ignore point les grosses objeclions que l’on peut faire à cerlaines de mes théories. Ce n’est pas ici le lieu de les dis- cuter. tions oratoires Même si je ne suis point parvenu à vous con- vaincre que tous les opinions développées ici sont justes, je serai cependant salisfait si j'ai pu atlireru votre atlenlion sur quelques points trop négligés, jeter dans votre esprit quelques doutes touchant la valeur de certaines explications trop facilement acceptées, provoquer des expériences pour con- trôler mes vues; mais surtout si j'ai réussi, car c'était là principalement le but de ce plaidoyer, à vous convaincre que l'on consacre trop de temps à l'observation €es phénomènes morphologiques, et que l’on ferait faire de plus grands progrès à nos connaissances biologiques, si l'on se préoccupait davantage de rechercher les condilions physico- chimiques des phénomènes biologiques, car c'est en elles qui résident eurs causes actuelles. Yves Delage, Professeur à la Faculté des Sciences de Paris. LA FRANCE Pour s'exercer utilement, l'action coloniale de la France ne devrait pas s’éparpiller sur toute la sur- face du globe. Et c'est là, cependant, une tendance fâächeuse de notre époque, dont les conséquences peuvent nous être funestes. Noire domaine colonial, aujourd'hui quinze fois grand comme la France continentale, est disséminé un peu partout dans le monde.Tel qu'il est,ilexcède déjà, pour le présent au moins, nos facullés coloni- satrices; et, cependant, nous révons encore d’an- nexions nouvelles! Cela tient à ce que nous n'avons pas l'habitude d'examiner la question colonialé dans son ensemble, nous contentant de considérer sépa- rément chaque colonie en particulier. Tout nous y porte, d’ailleurs. D'abord, l'émiel- tement de notre adminisl coloniale en plusieurs ministères : Intérieur pour lAlgérie, rattachée à la France; Affaires étrangères pour la Tunisie, pays de protectorat; et Colonies pour les autres; sans parler des questions spéciales traitées encore par d’autres ministères : Guerre, Marine, Travaux publics, Agriculture, etc. Ensuite, la pénurie d'hommes connaissant toutes les colo- et la difficulté d’embrasser un aussi vaste champ. Aussi, en résulle-l-il un manque absolu d'unité de vues; aucune tradilion n'est suivie, pas le moindre esprit de suile ne nous dirige. Partout on peut voir des institutions précaires, modifiées au jour le jour, au caprice des tiraillements de l'opinion publique locale ou de la politique inté- rieure de la Métropole. ‘ation nies EN AFRIQUE L'étude de l’ensemble de notre France extérieure, comprenant toules nos possessions d'outre-mer, — car il serait puéril d'objecler que l'Algérie et la Tunisie ne sont pas des colonies el ce serait vraiment jouer sur les mots, — ne tente, à la vérité, personne, el chacun prélère se consacrer à une colonie ou, tout au plus, à un groupe de colonies, comme c'est le cas au Pavillon de Flore. Qui le ferait avec autorité et efficacité, d'ailleurs? Le ministre des Colonies? Mais nous avons dit que l'Algérie et la Tunisie lui échappaient totale- ment. Le président du Conseil? Nous savons tous que les absorbanles préoccupations de la polilique intérieure ne lui en laissent pas le loisir, et l’on peut en dire autant du Président de la République et du Conseil des ministres. En réalité, il n y a aucune centralisation, aucune direction. A la tête de chaque colonie, sont placés de hauts fonctionnaires, Gouverneurs ou Résidents, animés du plus grand désir de bien faire et qui, sachant la Métropole fort insoucieuse à l'égard de ses possessions coloniales, s'efforcent d'altirer son attention et de gagner ses sympathies au profit dela colonie qu'ils administrent. D'une facon générale, il leur est plutôt désagréable de s'abstraire de cette préoccupation, fort légitime d’ailleurs, pour essayer de déterminer dans quelle mesure il conviendrait d'envisager l'importance relative de leur colonie. Certains croiraient mème, en le faisant, sortir de leur rôle où manquer à leur devoir. Aussi, assistons-nous à des revirements M con- tinuels dans les sentiments de popularité dont GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 875 & f É jouissent successivement nos diverses possessions, En la popularité que leurs Gouverneurs ont su “acquérir. Les uns ont alteint ce but par leur “ascendant personnel, par la sympathie qu'ils avaient inspirer à tous, tel le général Gallieni; les autres, par leur facilité à fermer les yeux sur beaucoup de choses et à prendre des initia- lives. hardies, tel M. de Lanessan; d'autres, enfin, par le grand crédit politique dont ils jouis- Sent au Parlement, tel M. Doumer. Tous ont con- tibué, à leur facon, au développement et à la mais, il faut bien le dire, trop souvent au détriment d'autres possessions momentanément placées en des mains plus faibles ou moins habiles. Ainsi, notre France extérieure, nôtre France coloniale, marche à l'aventure, un peu par la vitesse acquise et au hasard des circonstances, beaucoup par les impulsions diverses qu'elle reçoit. Mais pas une ligne directrice ne gouverne ses “destinées. C'est ce qui explique, sans la justifier, la défaveur dont souffre actuellement notre Afrique francaise, alors que ses rivales, Madagascar et l'Indo-Chine, sont relativement si populaires. Et, cependant, comparativement à nosautres colo- mies, dispersées sur le globe et, quelquefois, comme “perdues au delà des océans, isolées de la Métropole télégraphiquement et militairement, que d'avan- tages ne nous offre-t-elle pas? Elle forme un tout, un ensemble complet, depuis les dernières conventions avec l'Alle- magne et l'Angleterre. Et lorsque le Maroc, — qui, tôtou tard, par la force des choses, tombera entre nos mains Comme un fruit mûr, — viendra s'ajouter à la Tunisie et à l'Algérie, ce sera, avec nos autres colonies africaines, presque le tiers d'un continent que la Destinée aura placé sous notre domination. > M'avancé-je trop en considérant la question du Maroc si facilement résolue à notre avantage? Je ne le crois pas, si nous savons nous maintenir à notre rang de grande Puissance et si nous savons profiler des fautes ou des faiblesses de nos rivaux d'outre-Manche. Certes, au lendemain de .Ladys- mith, au moment des événements d'Insallah, l'occasion s'offrait belle pour nous et, peut-être, “avons-nous eu tort de la laisser passer. D'autant “plus qu'avec quelques concessions habilement faites aux Allemands en Chine, nous aurions faci- lement obtenu leur acquiescement. Mais il ne “faut désespérer de rien el une occasion nouvelle peut se présenter demain. Appliquons-nous, en attendant, par une sage politique musulmane en Algérie el en Tunisie, à nous concilier les esprits des gens du Maroc. Déjà, la classe bourgeoise de ce pays est lasse de l’anarchie qui y règne. L'exemple de la Tunisie, heureuse et prospère, peut les décider à nous accepter presque comme des libérateurs. Au sud du Maroc, s'étend le pays des Maures, où la pénétration européenne a élé presque nulle jusqu'à nos jours. On se souvient des difficultés rencontrées récemment par la Mission du Malin, confiée à la direction de M. Blanchet. Mais, quoique ces pays paraissent n’offrir.que bien peu de res- sources, il serait néanmoins utile de les étudier plus complètement, surtout au point de vue géolo- gique, et de ne pas laisser inachevée lœuvre commencée par Blanchet. Puis, viennent nos possessions du Sénégal, Fouta-Djallon, Guinée francaise, Côte d'Ivoire et Pahomey, le Soudan et, enfin le Congo, qui sy rattache par le Chari et le lac Tchad. Toutes ces possessions constituent un immense domaine, presque d'un seu] lenant, comportant bien quelques enclaves, colonies portugaises, an- glaises et allemandes, mais formant néanmoins un véritable empire dont la possession n'est certes pas à dédaigner. Dans un précédent article’, j'ai brièvement exposé la situation favorisée quinousélait faite en Extrème- Orient par la possession de l’Indo-Chine française. Mais, combien celte colonie n'est-elle pas éloignée de la mère patrie; combien, en cas de conflit euro- péen, ne s'en trouverait-elle pas isolée ! Et, qu'on n'oublie pas que la perle des grands empires à toujours eu pour cause leur dispersion etleur manque d'homogénéité. D'autre part, jamais le Francais ne s'acclimatera véritablement dans celle presqu'ile indo-chinoise, jamais il n'y fera souche. D'ailleurs, la place est prise : le pays est très peuplé, les Jaunes sont là chez eux, dans leur élément, très différents de nous, il est vrai, mais non pas nos inférieurs au sens propre du mot. Ils se façconneront très vile à notre contact, et je vois en eux des concurrents redoutables pour nous : dans l'avenir. En Afrique, au contraire, je vois des Noirs en- core attardés au dernier échelon de la hiérarchie humaine, d'une domination facile et qui, de long- ‘temps, ne songeront à réclamer impérieusement leur émancipation. Je vois, non point des civilisa- tions différentes de la nôtre comme en Extrème- Orient, mais pas de civilisation du tout; je vois la possibilité de communiquer rapidement avec la France; je vois un premier essaimage des Francais ; ROSE LE SES CURRENT TON PRE Pa 1 Genvais-CounreLcemont : La Rénovation de l'Asie. A l'occasion d'un livre récent, dans la Æevue générale des Sciences du 15 décembre 1900, t. XI, n° 23, p. 1272 et suiv. 810 en Algérie et en Tunisie, précédant un deuxième essaimage vers les régions tropicales et équalo- riales. Je vois, enfin, une grande diversilé de celi- mats dans cet immense domaine qui s'échelonne, en suivant les mêmes méridiens, sur plus de 50 de- grés de latitude, du nord au sud, cordition excel- lente pour les échanges et le trafic d'un pays à l’autre. Nous avons peut-être trop de colonies, cela peut se disculer, mais ne nous restàt-il un jour que celle-là, que cette Afrique française, dont nous méconnaissons trop l'importance, nous ne serions pas encore à plaindre. Est-ce à dire que nous devrions abandonner ou même simplement négliger nos autres possessions pour favoriser celles d'Afrique? Non point, mais je pense qu'il conviendrait de les considérer comme très précieuses... pour l'avenir. Je pense, d'ailleurs, que nous négligeons beau- coup trop toutes nos colonies en général. Telle cette Nouvelle-Calédonie dont d'autres, plus entre- prenants ou plus avisés que nous, auraient certai- nement tiré un meilleur parli. Nous y possédons les plus importants gisements de nickel du monde et, au lieu de donner l'exemple de l'emploi de ce mélal pour la monnaie divisionnaire, nous serons les derniers de l'Europe à l'adopter. Singulière aberration ! Nous négligeons beaucoup trop également la Tunisie, où la colonisalion marche à tout petits pas, et nos colonies du Pacifique, Tahiti et ses sœurs, au point de les abandonner presque. On pourrait croire que nous avons totalement oublié nos vieilles colonies, la Réunion et les Antilles, et nous ne faisons rien pour la Guyane. L'Indo-Chine et Madagascar jouissent seules d’une certaine popularité, grâce à l’activité de leurs gouverneurs, et nous nous en OCCUpons un peu... mais si peu, en dehors, j'entends, des grands tra- vaux publics, fruits de l'initiative gouvernementale. Mais, hélas, à côté de cela, nous prêtons sans compter nos milliards à nos voisins. Voici les chiffres que je prends dans le beau livre du P. Pio- let, La France hors de France, dans lequel il plaide la même cause avec une chaleur et une autorité très remarquables. Nous avons prêlé : A la Russie . : 7 milliards. ANA DUTUIE. en. UE 3 — A l’Autriche-Hongrie. 2 milliards 500 millions. A l'Espagne et Cuba . 3 — 600 -- A l'Italie. Il — 600 — A l'Angleterre . LISE | _ A diverses Mines d'or,ete. 2 — 600 _— Total. . . . . . 21 nulliards 300 millions. Nous venons de souscrire pour une large part à l'emprunt allemand, et la Russie prépare un nouvel GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE emprunt auquel nous ne manquerons pas d'appor- ter encore notre écot. Et dire que nous nous montrons si parcimonieux quand il s’agit de mettre en valeur notre propre domaine, notre domaine colonial, que la dixième partie de ces sommes que nous avons placées à l'élranger suffirait à mettre en valeur rapidement et fructueusement. L'exemple des Anglais aux Indes devrait nous servir de lecon de choses, cependant : Ils n'ont -pas craint d'y dépenser à milliards en travaux pu- blics, chemins de fer, routes et hydraulique agri- cole; mais, outre qu'ils en retirent un inlérêl annuel de 500 millions, ils bénéficient de l'immense trafic que ces travaux ont développé et qui fait vivre une flotte de dix mille vapeurs portant leur pavillon !. li faut sortir de notre léthargie. Il faut nous dé- cider à nous occuper activement de nos colonies ou les abandonner. IT En Afrique, particulièrement, il faudrait éludier avec le plus grand soin le rôle que nous devons jouer, nous documenter sur la valeur de chaque province, sur leurs richesses révélées ou laten‘es. Il fut un temps où l'opinion publique, en France, n'étant pas encore sollicitée par l'Indo-Chine et par Madagascar, portait toute son altention sur l’Afri- que. L'idée d'un chemin de fer transsaharien, qui devait nous ouvrir les portes du Soudan, élait alors très répandue. Lors du départ de la Mission Flatiers, l'Algérie tout entière, par la voie de ses Conseils généraux, de sa dépulation et de ses assemblées locales, la presse métropolitaine, tout le monde, enfin, parlait du transsaharien, avec plus ou moins de faveur; mais la question intéressait. Aujourd'hui que le Soudan est à nous, que Tom- bouctou et le Tchad sont définilivement entre nos mains, que nous avons accès au Congo par le Ghari, que toutes nos possessions africaines sont recon- nues, délimitées, nous paraissons nous désinté- resser de cette mème queslion. Il est nécessaire de réagir et, après avoir, incon- sidérément peut-être, parlé de cette entreprise comme d'une chose nécessaire et même indispen- sable, il conviendrait de ne pas subitement l’aban- donner, uniquement parce que nous pensons à autre chose. Après la conquête de la Tunisie, qui contribuait à nous rendre maîtres d'une importante partie de l'Afrique septentrionale, l'utilité de la relier à nos possessions de l'Afrique centrale et de la Côte ocei- 1 Discours de lord Dufferin à Calcutta. à GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE -dentale parut tout à fait évidente. A partir de 1889, “Cette idée a été poursuivie avec le plus grard esprit de suite, une ténacité el une opiniàtrelé à mjoute épreuve, par quelques grands esprits et “quelques grands cœurs que rien ne rebuta et qui, en s'intéressant si passionnément au développe- ment de notre influence en Afrique, lémoignèrent l'une grande clairvoyance de nos intérêts les plus ssentiels. Depuis longtemps la question avait été l’objet ravaux publics de M. de Freycinet avail retenu le projet très remarquable de l'ingénieur Duponchel; a Mission Choisy, puis les Missions Flatters, en travaillé dans le même but. On peut dire üe, depuis 1889, et tout particulièrement sur l’ini- tiative du Comité de l'Afrique francaise, les efforts les plus persévérants n'ont cessé d'être tentés. La figure qui se détache avec le plus de relief dans la pléiade des explorateurs qui se vouèrent à cette œuvre de pénétration dans le continent noir st, sans contredit, celle de Foureau, et son nom est entré dans l’histoire, car, à lui revient le double mérite du long effort et du succès. Mais combien d’autres épopées à martyrologe ! En 1889, l'explorateur Crampel, qui s’'élait déjà distingué au Congo sous les ordres de M. de Brazza, forma le projet de se rendre du Congo en Algérie “par le lac Tchad, c'est-à-dire de traverser dans 1 son étendue, du sud au nord, notre domaine africain. Parti du Congo en mars 1890, il était tué dans des circonstances mystérieuses vers la fin d'avril, sans avoir atteint seulement le lac Tchad, tant étaient grandes les difficultés à vaincre. Le 5 août de la mêmé année, une convention signée entre la France et l'Angleterre étendail vers le sud, à travers le Sahara, l’arrière-pays de nos possessions méditerranéennes jusqu à une frontière placée entre Say, sur le Niger, et Barroua, sur le lac Tchad, de l'ouest à l'est. L'accès du lac nous était donc assuré diplomatiquement, mais avec quels territoires et dans quelles limites, voilà ce qu'il s'agissait d'établir par des reconnaissances et des prises de possession effectives. A celte lâche, se ouèrent d'abord les Missions Mizon et Monteil. - La première atteignit l'Adamaoua par le Niger et le Benoué, mais revint par la Sangha et le Congo, ans s'être approchée du lac Tchad. Plus heureux, Monteil, après avoir traversé la boucle du Niger, puis franchi le fleuve à Say, le 25 août 1891, parvint à Kouta, presque sur les bords du lac Tchad, le 9 avril 1892. Il en repartit Je 25 août pour remonter vers le nord en suivant les rives du lac ei rentra en France par le Sahara et la Tripolitaine, merveilleux tour de force qui n'a REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, études très sérieuses. La Commission des grands ‘ signaler, et quel long 871 Jamais été égalé, car il traversa de bout en bout ce Sahara tantredouté, dans un très modeste équipage et sans autre compagnon européen que l'héroïque Badaire. Mais les contrées entre le Niger et le Tchad res- taient à explorer plus en détail. À celle œuvre, s'attachèrent les Missions Dybowsky (1890-1891) et Maistre (1892-1893). Les résultats géographiques en furent très intéressants; mais il fallait obtenir, en outre, des résultats politiques. D'aulant plus que l'Allemagne, désireuse d'assurer, elle aussi, l'accès du lac Tchad à sa colonie du Cameroun, envoyait dans la région des agents lrès actifs. Les efforts simultanés de ces agents et des nôtres ren- daient la situation si confuse qu'un accord fut jugé nécessaire. Une délimitation fut faite, qui précisa la frontière demeurée provisoire depuis le 2% dé- cembre 1885 (Convention du 15 mars 1894). . La frontière tracée par cet accord se prolongeail jusqu'au sud du Tchad, où elle était formée alors par le cours même du Chari, jusqu’au 10° degré de latitude. Pour la politique francaise dans le Centre afri- cain, cette convention avait deux sortes de consé- quences : tout d'abord, en prolongeant jusqu'au Tchad l’arrière-pays du Cameroun, elle nous obli- geait à renoncer à l'espérance que nous avions conçue de réunir un jour, par les territoires silués à l’est du lac, nos possessions de l'Afrique du nord et notre colonie du Congo; elle nous par contre, toute liberté d'action au sud du Tchad, dans les territoires situés à l’est du Chari et sur le Chari lui-même. Malheureusement, elle nous écartait d'une facon définitive du Bornou, qui devenait ainsi l'apanage de l'Angleterre et de l'Allemagne. Il faut évidem- ment le regretter, car ce royaume jouit d'une excel- lente réputalion. Les Arabes se plaisent à le repré- senter comme la meilleure contrée des environs du Tchad, les gens du Bornou sont très connus du monde musulman et notamment à la Mecque, où leurs « Metouafs » (représentants) sont très estimés. Dès le onzième siècle de notre le Bornou comptait des lettrés et des philosophes célèbres. La population de ce royaume ne serait pas, parait-il, d'origine nègre, mais arabe. La voie fluviale du Chari était donc, désormais, notre voie d'accès du Congo au lac Tchad, et M. Gen- til, administrateur colonial, ancien officier de ma- rine, offrit, aussitôt après la signature de la conven- tion franco-allemande, d'essayer de l'utiliser tout en travaillant à développer notre influence dans la assurait, ère, région. En 1895, le Gouvernement lui confia donc, sur sa demande, la mission de transporter un, bateau démontable du bassin du Congo au lac Tchad. Le 19° 818 GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE montage el le lancement du Léon-Blot furent effec- tués par ses soins à Brazzaville, et il lui fit remon- ter le Congo, l'Oubanghi et la Tomi jusqu'à Kré- bedjé sur un parcours de 1.200 kilomètres. Démonté, puis transporté par voie dé terre, à travers la forêt et la brousse, pendant 300 kilomètres, le Zéon-PBlot fut remonté et de nouveau lancé sur la Nana. Il redescendit alors ce cours d’eau, affluent du Gri- bingui, puis le Gribingui lui-même, et enfin le Chari jusqu'au lac Tchad, où il parvenait le 1* no- vembre 1897. En dehors de cet admirable résultat, M. Gentil avait en outre accompliune œuvre politique considé- rable. Il avait, au nom de la France, conclu un traité de protectorat avec le sultan de Baguirmi el installé un Résident dans la nouvelle capitale de cet État : Massénya. Il avait recueilli de nombreux rensei- gnements sur la situation du bassin du Chari etsur les forces de Rabah, ancien esclave devenu poten- lat, qui s'était taillé un vérilable empire sur les bords du Tchad. lei se place chronologiquement la malheureuse épopée de Marchand, dont je ne parlerai que pour mémoire, puisque celte œuvre de longue haleine, entreprise un peu aventurément el sans but très défini, menée sagement! mais très lentement par un chef habile, eut à subir les pires vicissitudes du fait de l’extrème et déplorable versatilité de notre politique et de l'instabilité gouvernementale, si funeste à notre pays. La direction de cette cam- pagne passa de mains en mains et reçut des impul- sions très diverses. Elle n'eut pour résultat, malgré son éclatant succès matériel, que le douloureux et retentissant échec de Fachoda. Notre pavillon s'était glorieusement promené, nous comptions un héros nalional et populaire de plus, mais notre prestige en sortait singulièrement amoindri. Les conventions franco-anglaises qui suivirent (14 juin 1898 et 21 mars 1899) tracèrent les limites de nos possessions du Centre africain, vis-à-vis de l'Angleterre tout au moins. Depuis Barroua, les rives du Tchad, au nord, nord-est, est et sud-est, élaient reconnues fran- vaises. Le Cameroun allemand commence à l'em- bouchure (rive droile) du Chari; puis vient la pos- session anglaise du Niger jusqu'à Barroua. Pour se prémunir contre toute éventualité du côté de l'Allemagne et aussi de l'Empire ottoman qui, à la rigueur, pouvait demander la continuation de l’arrière-pays de la Tripolitaine jusqu'au Tehad, il importait de rendre plus effectives notre prise de possession et notre occupation des bassins du Chari et du lac Tehad. Ce fut l'œuvre à jamais mémorable de Gentil. En février 1899, le Gouvernement prépara l'ac- tion combinée de trois Missions : l’une partant du | Niger (Voulet-Chanoine); la deuxième, partie de l'Algérie (Foureau-Lamy); la troisième (Missions Gentil), avec laquelle les deux premières devaient opérer leur jonction en convergeant vers le lac Tchad. De douloureux et sanglants épisodes m'em- pêchent de m'étendre sur la marche de la première de ces Missions. Je me bornerai à dire que ses survivants purent rejoindre la Mission Foureau- Lamy et grossir le nombre des braves qui eurent ‘raison de Rabah. Quant à la Mission saharienne (Foureau-Lamy), 4 je dois lui consacrer une mention tout à fait spé- ciale. Son chef, M. Foureau, poursuivait depuis vingt ans sa marche en avant, à la conquête du Sahara. Propriétaire des domaines de l'Oued-Rihr, au sud de Biskra, il avait converti en ferliles oasis des solitudes mortes et, grâce à la sonde arté- sienne, les palmeraies de daltiers avaient remplacé le désert stérile. C’est de son oasis qu'il partait tous les ans, patiemment, obstinément, s’avançant : chaque année un peu plus au sud. Faiblementw soutenu, il ne disposait jamais que de moyens insuffisants; mais son expérience saharienne n'en grandissait pas moins, et quand, en 1898, un concours de circonstances favorables lui donna les moyens de s'organiser comme il convenait, il était tout à fail préparé et en forme, Tout d’abord, un legs généreux assez imporlant (140.000 francs), au lieu des infimes crédits qu'il réunissait d'habitude, échut à son entreprise. Le ministère de la Guerre y ajouta une escorte, des vivres, des munitions et un concours très utile pour le recrutement des cha- meaux. Tout fut préparé dans le plus grand secret et, le 23 octobre 1898, la Mission partait de Ouargla. Après deux ans d'efforts, de lultes et de souf- | frances, le Sahara élait vaincu. Foureau rentrait en France, ayant traversé l'Afrique centrale de l’Algé= rie au Congo, non plus en héros isolé comme les: René Caillé, les Duveyrier ou les Monteil, mais avec une troupe admirablement outillée, pourvue d’um matériel scientifique complet et qui rapportait des observations précises et nombreuses. Gloire donc à Foureau et à ses vaillants compa- gnons, sans excepter son malheureux camarade, le commandant Lamy, chef de son escorte militaire,. qui, lui, n’est pas revenu, tombé au champ d'hon- neur, au combat de Kossouri, le 22 avril 1900, sous les balles des partisans de Rabah. La contribution de la Mission saharienne à l'étude géologique des régions traversées est pré= cieuse. Malheureusement, elle n’est pas très favo= rable et, à ce propos, il faut savoir gré à M. Foureau de sa franchise et de son désintéressement. Après vingt années de labeur consacrées au succès d'une idée, il n'hésite pas à nous dire la GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE 879 Vérité toute crue, sans céder à la crainte d’amoin- “rir son œuvre en en diminuant volontairement les _ résultats pratiques. C'est un rare exemple de cou- rage stoïque et c'est le fait d'un homme qui veut oir autre chose que son intérêt personnel. Il nous dit : le problème n'est pas résolu, nous —ommes insuffisamment documentés, soyons pru- dents. Certes, il ne doute pas quil y ait un intérêt olilique à réunir par une voie ferrée nos posses- sions de l'Afrique centrale à l'Algérie, si proche de a France et si forte. Il est d'avis qu'à moins d'im- ossibilité absolue, rigoureusement démontrée, il e faut pas renoncer totalement à ce projet; mais 1 conseille de poursuivre nos investigations et nos ludes préliminaires, afin d'essayer de marcher à oup sûr. Combien je préfère ces sages avis à lardeur de ceux qui, comme M. Paul Leroy-Beau- ieu, dans son article de la Æevue des Deux ondes du 1° Juillet 1899, jettent feu el flammes et voudraient nous voir nous lancer lèle baissée dans celle entreprise. Certes, je reconnais volontiers avec lui que le grand instrument de défense, comme le grand instrument de civilisation et de commerce, est la voie ferrée. J'ajouterai même que nos possessions du Soudan central sont peut-être très favorables au développement des cullures riches, car, en matière “d'agriculture tropicale, quelle que soit la qualité “de la terre, du moment où l’on dispose d'une “main-d'œuvre abondante et à bon marché, on peut obtenir d'excellents résultats par les amendements, “les procédés de culture scientifiques, elc. Nous en avons d'admirables exemples à Java, en Birmanie et aux Indes. Mais, néanmoins, toutes ces questions demandent être étudiées très attentivement avant de rien entreprendre. Il faudrait done, à mon avis, orga- niser de nouvelles Missions d’études. En première ligne, une Mission géologique, qui nous dirait si, bui ou non, nous pouvons compter sur des richesses inières quelconques, nous renseignerait sur l'importance des gisements de nitrate, etc. D'autres recueilleraient des renseignements pré- cis el certains sur les questions agricoles et com- également lieu de se préoccuper de là question “d'exploitation. Ne conviendrait-il pas de recher- chauffage au pétrole ou à l'alcool, toutes choses de nature à modifier considérablement les données économiques du problème ? Mais le point essentiel, la donnée capitale est. avant tout, de savoir si l'on peut espérer quelque adjuvant de trafic, sur le parcours saharien, de richesses minières encore inconnues. Là est cer- tainement le nœud de la question, et, celte éven- tualité écartée, on prendrait définitivement un parti et l’on déciderait s'il faut continuer quand même et se lancer dans cette entreprise considé- rable, si importante pour le développement de notre action en Afrique et, par contre-coup, dans le monde entier. En effet, notre puissance militaire s’en trouverait si considérablement accrue, tant par les contingents noirs que nous pourrions y recruter que par la solidité de l’organisation que cela nous donnerait, que l'on ne peut, sans y bien réfléchir au préalable, abandonner radicalement cette idée pour la classer au rang des utopies irréalisables. III Pendant que les trois Missions du Centre africain opéraient si brillamment et avec tant de succès, une aclion fort intéressante portait également notre domination dans l'Extrème Sud Oranais, jusqu'à Insalah. Depuis plus de douze années, bien que ne dis- posant que de ressources presque dérisoires, un géologue de l’École supérieure des Sciences d'Alger, M. Flamand, poursuivait modestement ses études de géologie saharienne dans le Sud oranais. Sa persévérance avait fini par triompher de l’indiffé- rence ordinaire et il avait réussi à intéresser à son œuvre M. Jules Cambon, alors gouverneur général de l'Algérie. Flamand s'appuyait, dans ses pérégrinations, sur les grands chefs indigènes du Sud et, grâce à eux, il était sur le point de pénétrer pacifiquement à Insalah, lorsque M. Cambon quitta l'Algérie. Son successeur, M. Lépine, commit quelques impru- dences dans sa politique à l'égard de ces grands chefs et toute pénétration au Touat fut momenta- nément impossible. Ce n'est que sous l'administration de M. Lafer- | rière, qui lui succéda, que M. Flamand putreprendre sa marche, pourvu, celle fois, d'uneescorte militaire, très suffisante pour le protéger contre une surprise des bandes pillardes, mais tout à fait insuffisante pour une action militaire quelconque. Les instruc- tions qu'il emportait élaient, d’ailleurs, absolument précises el sa Mission devait être toute pacifique. Le hasard en décida autrement et une attaque des gens d'Insalah, fort heureusement et presque 830 miraculeusement repoussée par nos troupes, amena la conquête de l’oasis, conquête que des renforts arrivés ensuite ont affirmée et considérablement étendue. C'est là une nouvelle étape franchie, un nouveau bras tendu vers le Centre africain, une nouvelle base d’opéralions. D'autre part, la réunion, sur les bords du lac Tehad, des trois Missions de l'Afrique centrale nous à permis d'en finir, une fois pour toutes, avec Rabah. Ses troupes, déjà vaincues une première fois par Gentil et le capitaine Robillot au combat de Kouno, le 29 octobre 1899, furent définitivement écrasées, et Rabah lui-même décapité au combat de Kossouri. Il importait donc, en présence de tous ces événe- ments, de parachever notre victoire de Kossouri et de débarrasser à jamais les rives du Tchad et du Chari de ces pirates qui, depuis plusieurs années, ravageaient le pays, portant partout la dévastalion et la mort. Il semble que Gentil, victorieux, mais presque sans hommes et sans ressources, eût dû être rapi- dement secouru, comme il le demandait. C’est un peu le contraire qui fut fait, telle est l'indifférence qui règne au sujet des choses d'Afrique. Dans une lettre datée de Gribinghi, le 21 novembre 1899, Gentil, en rendant compte du combat de Kouno, demandait des renforts et terminait en ces ter- mes : « Quand les moyens manquent, on peut toujours mourir. C'est ce qu'ont fait Crampel, Bretonnet et bien d'autres. Ils ont puisé leurs forces dans l'idée du devoir qui les a poussés jusqu'au bout. C'est par devoir que je parle comme je fais. Si nous nous devons au Pays, corps et âme, lui, se doit à nous. Les moyens dont nous disposons actuellement sont insuffisants. C’est à vous et au Parlement de décider si on nous les fournira. Quant à nous, il ne nous reste qu'à attendre ». Cette lettre est parvenue au ministre des Colonies GERVAIS-COURTELLEMONT — LA FRANCE EN AFRIQUE le 23 avril 1900 et les renforts demandés si instam-m ment ne sont partis qu'au mois d'octobre! Il est vrai que le Ministère, en plein feu d'inau- guration de l'Exposition, redoutant le moindre choc avec le Parlement, n'osa pas lui demander des crédits pour le Chari. Il altendit les vacances pour les demander, à titre extraordinaire , au Conseil d'État, qui les lui accorda.. en octobre; le décret les mettant à la disposition du Ministre fut signé le 6 octobre, et la régularisation de l'opération, demandée au Parlement, fut accordée à la rentrée. Tout a bien fini, fort heureusement. Après cinq années d'efforts persévérants, M. Gentil à pu achever la conquête du Chari, et l’on ne peut que 4 rendre hommage à son énergie et à sa ténacité admirables, qui n’ont d'égales que son désintéres-M sement et sa modestie. Ilestaujourd'huideretouren Franceet ses explica=" tions verbales trouveront peut-être plus d'écho ques ses lettres. Espérons qu'il arrivera à secouerl'inertie gouvernementale et qu'une ère nouvelle s'ouvrira pour l'Afrique francaise ; que des Missions d’études vont être envoyées pour nous permettre de déter-, miner sciemment le rôle à jouer par la France dans ces contrées, que je veux espérer assez riches pour justifier l'effort immense que nous avons fourni depuis quelques années. Les hommes de cœur et de bonne volonté ne manquent pas pour cela. Il suffira de vouloir les employer.S'ils’agitde géologie saharienne,n'avons- nous pas Flamand, géologue et saharien, qui ne demande qu'à continuer son œuvre momentanément" interrompue par les coups de fusils, à Insalah? S'il s'agit d'étudier les ressources agricoles ou com- merciales, les hommes compétents désireux de se distinguer ne manquent pas non plus. Qu'on se mette donc énergiquement et courageusement à l’œuvre. Gervais-Courtellemont. D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 881 REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 4 ÎI. — QUESTIONS GÉNÉRALES. $ 1. — Sérothérapie du cancer. — Depuis les recherches de Richet et Héricourt, qui “considéraient comme sérum anticancéreux le “sérum d'animaux auxquels ils avaient injecté le produit du broiement d'une tumeur fraichement “enlevée, le silence s'était fait sur la sérothérapie du cancer. Ce sérum exerçcait certainement une action favorable, mais n'amenait jamais la guéri- son; son action était banale et comparable, comme le montrèrent les expériences d'Arloing et Cour- -mont, à celle des injections de sérum d'animaux non inoculés, qui donnaientdes résullats identiques. On ne pouvait parler de sérothérapie du cancer. La question vient d'être reprise cetle année par - de Wlaëff, qui, pensant que les tumeurs malignes - sont le résultat de l’action de blastomycètes, se sert d'un sérum obtenu par des inoculations à des + oiseaux, pigeons, poules, oies, animaux réfractaires aux blastomycètes. A en croire les premières communications faites, on aurait possédé un sérum anlicancéreux. En réalité, il ne s'agissait encore que d'améliorations temporaires comparables à celles qu'on obtient par l'injection hypodermique où intra-musculaire de bromhydrate ou de chlorhydrate de quinine, mé- thode conseillée par Jaboulay, puis par Launois, et - dont nous avons pu constater les bons effets dans certains cas. $ 2. — Le cytodiagnostic en Chirurgie. Le cytodiagnoslic est un moyen de diagnostic qui consiste à reconnaitre la qualilé des éléments cellulaires contenus dans un liquide et à en tirer des conclusions au point de vue de la nature de - la maladie. Il repose sur cette notion que les sé- + reuses réagissent différemment suivant la nature de l'agent irritant. Etudié surtou au point de vue de la différencia- tion des pleurésies par Widal et Ravaut, le cyto- diagnostic peut être utile dans certains cas chi- . rurgicaux. Dans l’hémothorax, existence de leucocytes po- lynucléaires après le vingt-quatrième jour ou leur présence en nombre plus considérable que le total des lymphocytes et des mononucléaires, seraient L'indice d'une infection de l'épanchement (Tuffier et Milan). Les Aydarthroses tuberculeuses sont à lympho- cyles {Achard et Loeper). Les Avydrocèles diffèrent suivant leur nature : dans l’hydrocèle symptomatique d'une vaginalite blennorragique, on trouve des polynucléaires ; dans l’hydrocèle tuberculeuse, des lymphocytes; dans l'hydrocèle dite idiopathique, de rares éléments cellulaires se présentant avec l'aspect de grandes cellules endothéliales, isolées ou en placards. Ces quelques faits suffisent, croyons-nous, à montrer qu'il y a là un champ de recherches qui permettront peut-être, dans l'avenir, d’utiliser,avec grands avantages, en Chirurgie, le cylodiagnostie. $ 3. — L'hémodiagnostic en Chirurgie. Une série de travaux publiés cette année en Amérique par Th. Dunham, H. Stuart, Maclean, H. Cushing, Da Costa et Kalleyer, Cabot, Blake et Hubbard, rapprochés de l'étude d’une série de cas examinés dans notre service par J. Silhol, mon- trent ce qu'on peut lirer de l'hémodiagnostic. Trois recherches doivent être faites sur la goutte de sang que l'on veut examiner. Il faut : 1° Mesu- rer la quantité d'hémoglobine ; 2° Faire une numé- ralion des globules rouges et blancs; 3° Faire des préparations sèches pour distinguer les variétés de leucocytes et aussi les changements de forme des hématies. Ces constatations nous ont permis, à Silhol et à moi, de faire, dans des cas difficiles, le diagnostic dillérentiel du cancer et de l'ulcère de l'estomac. Nous croyons qu'on est autorisé à dire qu'un ma- lade atteint d'affection gastrique à un néoplasme quand il présente le type suivant : Diminution considérable de l'hémoglobine, ré- duite à moins de la moitié; Diminution notable du nombre des hématies. Leu- cocytose marquée, au moins 15 à 20.000. Si les mononucléaires sont dans une proportion élevée, c'est une raison de plus, car celle proportion indi- querait la participation ganglionnaire ; À Globules rouges inégaux, présentant une pro- portion élevée des formes extrêmes, petiles et grosses, déformés, si bien que, dans un champ mi- eroscopique, ils sont extrêmement dissemblables. Dans les suppuralions, l'examen du sang nous a, de même, paru donner des résultats constants. Sauf les suppurations tuberculeuses, elles s'accom- pagnent toutes de leucocytose polynucléaire. II. — ANESTHÉSIE. S {. — Injections sous-arachnoïdiennes. Les nombreux travaux, parus au cours, de l'an- née qui vient de s'écouler, sur la rachicocainisation, 882 nous obligent à revenir sur cetle question que nous avons déjà abordée dans notre Revue l'an dernier. Violemment atlaquée par quelques chi- rurgiens, la rachicocaïnisation a été défendue avec vigueur par d'autres, qui ont peut-être nui quelque peu à la cause qu'ils soutenaient, parce qu'au dé- but ils ont cherché trop systématiquement à laisser dans l'ombre les inconvénients de cette méthode d'anesthésie. Aux cas de morts de Dumont, Goïlaw, Henne- berg, Jonnesco, Julliard, Keen, Tuffier, relatés par Reclus à l'Académie de Médecine, on peut ajouter ceux de Bousquet, de Rouff, communiqués au cours de la discussion qui eut lieu cette année à la Société de Chirurgie, si bien qu'il semble dès au- jourd’hui que la mortalité consécutive à ce mode d’anesthésie soit au moins aussi grande que celle qui suit les inhalalions chloroformiques. Quant aux accidents moindres que nous avions, il ya un an, signalés d’après nos propres observations et que les propagateurs de larachicocaïnisation avaient passés sous silence (affaiblissement, pâleur de la face, accélération du pouls, élévation de la tempé- rature, vertiges, céphalée, vomissements, quelque- fois même raideur de la nuque), ils sont aujour- d'hui reconnus par tous les chirurgiens; chez quelques malades, à ces symptômes se sont même ajoutés des tremblements généralisés, une rachial- gie intense, une perte des réflexes patellaires, en un motdes symptômes de méningite légère. Ces faits ont été scientifiquement étudiés par deux élèves de Widal, Ravaut et Aubourg, qui, pour diminuer l'intensité de la céphalée, ont pratiqué, quelques heures après l'opération, une nouvelle ponction lombaire, espérant ainsi débarrasser le malade d'une certaine quantité de cocaïne libre dans le liquide céphalo-rachidien (ce qu'ont dé- montré les examens chimiques) et peut-être aussi diminuer la tension du liquide, qui pouvait être augmentée. Leurs recherches ont montré que la tension céphalo-rachidienne était considérablement aug- mentée dans les cas de céphalée intense, qu'elle l'était peu lors de céphalée très légère. De plus, l'examen du liquide a établi que l'injection était toujours suivie d’un certain degré d'inflammation, caractérisée par une très légère réaction polynu- cléaire dans les cas sans accidents, par la présence d'un véritable culot de pus et même par la forma- tion d'un coagulum fibrineux lors de céphalée intense. Il semble que la cocaïne agisse comme une toxine sur l'enveloppe arachnoïdo-pie-mérienne. L'innocuilé absolue de ces injections sous-arach- noïdiennes de cocaïne reste donc encore à démon- trer, el sur ce point nous ne sommes pas plus D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE avancés que l'an dernier. Aussi Bier, l'inventeur de laméthode, conclut-il, au dernier Congrès allemand de Chirurgie, que nous ne possédons pas encore une méthode susceptible d'être recommandée aux praliciens. $ 2. — Injections épidurales. A côté de l'injection sous-arachnoïdienne de cocaïne, faite dans le but de déterminer une anes- thésie suffisante pour permettre la pratique des opérations chirurgicales, nous devons parler de la” méthode des injections épidurales, pratiquées par” la voie sacro-coccygienne. Inulilisables pour l'anal- gésie chirurgicale, ces injections épidurales sup=" priment la douleur dans certaines affections médi- cales : sciatique, lombago, zona, etc. Pour les pratiquer, il suffit d'enfoncer une aiguille de 4 à 4 centimèlres, obliquement en haut et en avant, entre les Lubercules sacrés inférieurs, à un travers. de doigt de l'origine du pli interfessier. Le liquide diffuse dans l’espace épidural jusqu'au niveau de la région dorsale et mème de la cervicale, agissant w soit directement sur les troncs nerveux, soit en provoquant des phénomènes de vaso-constriction. III. — CHIRURGIE DE LA SURDITÉ. Depuis quelques années, on a beaucoup parlé du traitement chirurgical de la surdité. Partant de ce . principe que, si l'oreille interne est saine, la surdité provient d’un obstacle à la propagation des sons siégeant dans l'appareil transmelteur (caisse du tympan, osselets, etc.), on a successivement per- foré le tÿmpan rigide et épaissi, réséqué le tympan, le marteau et l’enclume, sectionné des adhérences de la caisse, fait l'évidement pétro-mastoïdien. On a obtenu quelques succès; mais, le plus sou- vent, le malade est resté aussi sourd après qu'avant l'opération, sinon plus, quelquefois même atteint secondairement d'une paralysie faciale, due à une intervention malencontreuse sur le rocher, ou d'une suppuration de la caisse, conséquence de l'infec- tion déterminée par l'opération. Aussi, au dernier Congrès international d'Otolo- gie, les orateurs qui prirent part à la discussion, tout en admettant que le traitement chirurgical peut avoir de bons résultats lorsqu'il s'agit de mo- ditications scléreuses consécutives à une olite moyenne suppurée ou lorsqu'on se trouve en pré- sence d’un calarrhe à forme hypertrophique, ont-ils conclu à son inutilité dans le traitement de l’otite » scléreuse primitive. Dans celte dernière cause, la plus habituelle, de la surdité, la sclérose est irrémé- M diable parce qu'elle porte sur le labyrinthe, c’est- à-dire sur l’organe percepteur. L'otologiste qui veut, en pareil cas, faire une opération sur l'oreille D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE moyenne, agit, comme on l'a dit, sans plus de mé- thode que l’oculiste qui enlèverait une cataracte chez un tabétique atteint d’atrophie papillaire. Le résultat est nécessairement nul dans les deux cas. ' IV. — PONCTION LOMBAIRE ET FRACTURE DU CRANE. =. Tuffer et Milian ont appelé l'attention sur un “nouvel élément de diagnostic des fractures du ne. : la coloration rouge du liquide céphalo-rachi- dien, retiré par ponction lombaire. Ils ont rap- porté plusieurs cas dans lesquels, les signes eli- niques élant insuffisants, la ponction lombaire ramena un liquide franchement hémorragique, et l’autopsie montra une fracture du crâne. Inversement, dans un cas douteux, le liquideétait clair et le malade guérit. De ces faits, Tuffier et Milian ont tiré les conclu- sions suivantes : 1° la présence du sang dans le - liquide céphalo-rachidien « suffit pour faire ad- - mettre le diagnostic de fracture du crâne »; 2° la elarté du liquide écarte tout de suite toute idée de fracture. Malheureusement, ce signe n'a pas la valeur que veulent lui donner ces auteurs : un liquide, hémorragique le premier jour, peut cesser de l'être lequatrième, comme le montre un fait de Ricard, et, de plus, la teinte hémorragique peut exister à la suite d’une hémorragie cérébrale en l'absence de . toute fracture. V. — SYSTÈME VASCULAIRE. $ 1. — Traitement des anévrismes du tronc brachio-céphalique. ._ Les cas d’anévrismes du tronc brachio-cépha- lique traités chirurgicalement sont encore peu nombreux. L'extirpation, la ligature au-dessous du sac ne sont guère praticables, et, le plus souvent, on à dû se borner à la ligature au-dessus du sac, par la méthode de Brasdor. 11 semble, d'après . les observations réunies dans un Mémoire récent de Grenet et Piquand, que la ligature simultanée de la carotide et de la sous-clavière est indiquée à moins d'oblitération de la carotide gauche, qui doit faire craindre des troubles cérébraux, ou de dilatation et d'insuffisance aortiques, qui rendent l'opération dangereuse. L'efficacité de cette double ligature diminue en raison de l'ancienneté des lésions, à cause de la dilatation des collalérales qui suppléent l'artère principale. Lorsque cette double ligature a échoué, on peut essayer les injections sous - culanées de sérum gélatiné, que Lancereaux a préconisées dans le traitement des anévrismes dits médicaux. Cette méthode repose sur cette idée, qu’en ipjectant sous 883 la peau du sérum gélatiné (gélatine, 5 grammes; solution de NaCI à 7°/,,, 200 centimètres cubes), on fait passer dans le sang une substance coa- gulante qui favorise le dépôt de caillots dans le sac anévrismal. C’est là une hypothèse les faits publiés nous semblent actuellement insuffisants pour établir l’action coagulante de ces injections, et des recherches expérimentales seraient néces- saires pour élucider cette question d'une manière définitive. $ 2. — Traitement des plaies du cœur. De toutes les plaies, celles du cœur semblent les plus difficiles à traiter à cause des mouvements constants auxquels cet organe est soumis, mouve- ments dont la cessation est incompatible avec la vie. Malgré les difficultés que semble à première vue présenter cette suture, les chirurgiens l'ont déjà pratiquée un certain nombre de fois, et, dans un Mémoire récent, MM. Terrier et Raymond ont pu en réunir 11 observations, avec 3 guérisons ets morts. Pour aborder le cœur, il est nécessaire de faire une brèche au thorax, d'y tailler un volet, que l’on a fait à base supérieure (Roberts), à base interne s'arrêtant au bord gauche du sternum (Roiter) ou comprenant une partie du sternum et s'arrélant à son bord droit (Marion), à base inférieure gau- che (Giordano), etc. Le procédé le plus rapide et le plus simple semble celui de Fontan, grand volet à charnière verticale et externe, se rabattant en dehors, obtenu en seclionnant au bistouri les car- tilages des 4°, 5° et 6° côtes, à bords passant en haut par le troisième espace, en bas par le sixième, à base obtenue par la section à la cisaille des deux côtes supérieure et inférieure 4° et 6°, et par la fracture de la côle intermédiaire. Le cœur mis à nu, on a suturé la plaie à la soie ou au catgut. Il semble que, pour placer les fils, la diastole soit le moment le plus favorable. La suture cardiaque faite, on termine l'opéra- tion par la suture du péricarde, et par celle de la, plèvre dans le cas où il existe, comme cela est fré- quent, une lésion simultanée de cetle dernière séreuse, VI. — TUBE DIGESTIF. $ 1. — Traitement chirurgical des perforations de l'intestin au cours de la fièvre typhoïde. Le traitement chirurgical des perforations de l’inteslin au cours de la fièvre typhoïde, déjà étu- dié par Dieulafoy, Lereboullet, Monod et Vanverts, Finney, Keen, a fail l'objet, cette année, d'un impor- tant travail d'Harvey Cushing et d'une discussion à la Société de Chirurgie. En 1898, Keen réunissait 83 cas avec 19,3 °/, de guérisons; en 1899, il 584 D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE publiait 75 nouveaux cas avec 21 guérisons, soit 28 ‘/,. Cushing publie la série intégrale des cas observés dans le service d'Osler au Johns Hopkins Hospital et arrive avec 411 cas ayant donné 5 guéri- sons, soil 45,4 °/,. La proportion des guérisons va donc sans cesse en augmentant.C'est à faire précoce- ment le diagnostic qu'on doit maintenant s'attacher. Les douleurs abdominales, la rigidité du ventre, la cessation de la respiration diaphragmatique, la chute de la température, une poussée de leucocy- tose temporaire sont autant de signes qui, par leur réunion, font soupconner la perforation de l'in- testin. $ 2. — Exclusion de l'intestin. Peu pratiquée en France jusqu'à ces derniers temps, l'exclusion de l'intestin a fait, au cours de celte année, l’objet de Mémoires importants de Terrier et Gosset, de Delore et Patel; nous-même avons éludié cetle question dans nos lecons sur la chirurgie gastro-intestinale, et la Société de Chirurgie en a fait le sujet d’une de ses discussions. Quelques auteurs rangent dans l'exclusion l’en- téro-anastomose simple; il nous semble que cette dénomination doit être réservée aux cas où une portion du canal intestinal est réellement exclue par suite d'une interruplion chirurgicale de sa continuité. Cette exclusion peut êlre unilatérale, lorsque l’anse exclue n'est oblitérée qu'à une de ses extrémités; elle esb bilatérale, lorsque l'occlu- sion porle sur les deux bouts. Dans ce dernier cas, l'exclusion bilatérale peut êlre ouverte ou fermée, suivant qu'il existe ou non sur elle une fistule, soit spontanée, soit créée par le chirurgien. L'exelusion bilatérale fermée ou exelusion totale, préconisée autrefois par Baracz et Obalinski, sem- ble aujourd'hui délaissée. C’est donc à l'exclusion bilatérale fistuleuse ou à l'exclusion unilatérale qu'il faut avoir recours. Ainsi comprise, l'exclusion peut être d’une réelle ulilité, en particulier dans la cure des fistules pyostercorales, lorsqu'une opéra- tion plus radicale, telle que la résection de l'in- testin, semble impossible par suite de l'extension des lésions. ; D'après les recherches de Delore et Patel, il y aurait des différences à établir entre les fistules suivant leur siège. Lorsqu'elles se trouvent sur le gros intestin, l'exclusion unilatérale suffirait ; au contraire, lorsqu'elles occupent l'intestin grêle, il faudrait praliquer l'exclusion bilatérale, les ma- tières s'accumulant dans le segment inférieur et la fistule persistant lorsqu'on s’est borné à pratiquer une exclusion unilatérale. $ 3. — Appendicite. Si l’on en croyait M. Metchnikoff, l'appendicite serait, dans un grand nombre de cas, la consé- quence de la présence d'ascarides dans l'intestin. Ces parasites agiraient de deux manières diffé rentes: par influence directe, mécanique ou chi mique, sur l’appendice; par l'intermédiaire de mi crobes qu'ils introduisent dans la muqueuse. De là, la nécessité de pratiquer, dans tous les cas suspects d'appendicite, l'examen helminthologique des ma- tières fécales pour voir s'il y existe des œufs d’as- carides ou de tricocéphales, de manière à inslituer mmédiatement le traitement vermifuge s'il y a lieu. La plus grande fréquence actuelle de l'appendi-, cite serait due à ce qu'on donne beaucoup moins fréquemment qu'autrefois des vermifuges aux en- fants, et à ce que l’on fait une consommation plus grande des légumes et des fruits crus, que l'on, trouve maintenant en toutes saisons et qui pous- sent souvent dans des terrains maraichers que l'on arrose (comme dans les environs de Paris) avec . des eaux d'épandage. Cette théorie demande à être confirmée, d'au- tant que, d'après les constatalions d'un médecin militaire, Matignon, l’appendicite est exceplion- nelle à Pékin, où Chinois et Européens sont cons- tamment atteints d'helminthiase. NII. — TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'ASCITE. Fréquemment on voit des malades atteints de cirrhose hépatique succomber à une ascite à répé- tition, due à ce que les ramuscules de la veine porte sont oblitérés dans le foie par le processus scelé- reux qui les enserre. Il était donc permis d'es- pérer qu'en dérivant le sang de la veine porte, on arriverait à guérir sinon la cirrhose, lout au moins l’'épanchement qui en résulle. C'est une idée qu'avait eue, dès 1889, Talma (d'Utrecht), qui, fxant le grand épiploon à la paroi abdominale anté- rieure, espérait ainsi créer une circulation complé- mentaire entre les branches épiploïques de la veine porte et les branches d'origine de la veine cave inférieure. Peu pratiquée, celte déviation chirurgicale du sang de la veine porte a fait cette année l’objet de nombreux travaux, tant en France qu'à l'Étran- ger; elle a été en particulier discutée à la So- ciélé de Médecine et de Chirurgie de Bordeaux. L'opération n'est malheureusement pas toujours réalisable, par suite de l'existence d’altérations pathologiques de l'épiploon; de plus, elle est grave, les hépatiques chez lesquels on la pratique résistant mal au moindre shock chirurgical. C'est donc une opération qu'on ne doit faire qu'excep- tionnellement, dans les cas où la persistance et l'abondance de l'ascite menacent d'entrainer la. mort à bref délai. À | D' HENRI HARTMANN — REVUE ANNUELLE DE CHIRURGIE 882 VIII. — GYNÉCOLOGIE. $ 1. — L’hystérectomie dans l'infection puerpérale. —. Une discussion de la Société de Chirurgie a, cette -année,rappelé l’attentionsur l'hystérectomiecomme moyen de traitement de l'infection puerpérale, et 3 un certain nombre d'orateurs se sont déclarés par- isans de ce mode de traitement. Si, théoriquement, lopération est indiquée dans les cas de lésions “ infectieuses profondes du muscle utérin, pratique- ment il est actuellement difficile de poser l'indica- tionopéraloire, car nous ne savons pas diagnostiquer “ces lésions. Enlever l'utérus de toutes les femmes atteintes de fièvre puerpérale, c'est faire un grand nombre d'opérations inutiles, car les unes auraient guéri spontanément ou à la suite d'interventions bénignes (lavages intra-utérins, curettage), des autres auraient succombé parce que l'infection » avait dépassé le muscle utérin. C’est donc à perfec- - Lionner nos moyens de diagnostic que nous devons 4 4 . nous attacher; c'est seulement quand nous saurons * cliniquement établir des distinctions entre les cas, ‘que nous pourrons opérer rationnellement et être - uliles aux malades qui se confieront à nos soins. $ 2. — Fibromes et grossesse. Une importante discussion de la Société d'Obsté- - (rique et de Gynécologie nous montre qu'il n'y à pas accord entre les chirurgiens et les accoucheurs + au sujet: de la conduile à tenir en présence des » {ibromes compliquant la grossesse. Tandis que les chirurgiens semblent assez dis- | posés à intervenir, les accoucheurs sont, au con- - traire, parlisans de l’abstention. Dans les cas où apparaissent, du faitdel'utérusfibromateuxgravide, sx - des accidents immédiats graves, meltant en danger ‘la vie de la mère, que l’on soit à une époque rap- prochée ou éloignée de la viabilité de l'enfant, peu importe, il faut opérer immédiatement. Sur ce point, tout le monde est d'accord. La discussion porle sur les cas douteux. Tandis que les chirurgiens Schwartz, Richelot, ete., sem- blent assez portés vers l'intervention, les accou- cheurs, Varnier en tête, s'appuyant sur l'évolution, habituellement heureuse pour la mère, de la gros- sesse compliquée de fibromes, estiment que le doute doit profiter à l'enfant, c'est-à-dire à l’expectation. C'est une opinion que vient appuyer de sa grande autorité Pinard, en apportant la statistique des femmes qui se sont présentées à la clinique Baude- locque. Sur 84 femmes atteintes de grossesse com- pliquée de fibromes, il y eut30 interventions : Apen- dant la grossesse, 26 pendant le travail; 81 femmes guérirent, 3 succombèrent; Gà enfants sorlirent vivants; résultats qui, on le voit, plaident en fa- veur de l’expectation. La réalité est, croyons-nous, moins belle, et nombre de femmes sont aïteintes par suite de leurs fibromes. Celles-ci ne vont pas dans les cliniques d'accouchement; elles entrent, pour les accidents qu'elles présentent, dans les ser- vices de Chirurgie. C’est peut-être parce qu'ils observent dans des milieux différents, les uns voyant surtout les femmes chez lesquelles la gros- sesse est le point principal, le fibrome l'accident secondaire des grossesses compliquées de fibromes; les autres, parce qu'ils sont consultés pour des acci- dents fibromateux au cours desquels une grossesse a néanmoins commencé, qu'accoucheurs et chirur- giens soutiennent ainsi théoriquement des opinions différentes, alors que, croyons-nous, en présence d'un cas déterminé, ils suivraient une ligne de conduite identique. D' Henri Hartmann, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine, Chirurgien de l'Hôpital Lariboisière. 886 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Il vient, pour déterminer y, Serret (J.-A.) — Lehrbuch der Differential und (2) PR Integralrechnung. Zweiler Band: Integralrech- GET AA 0 nung. — | vol. in-8° de 428 pages, avec 55 figures dans le texte. Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. Le Traité de Calcul différentiel et intégral de Serret continue, à juste titre, à être en faveur dans les pays de langue allemande. La première édition allemande, publiée par A. Harnack, qui y a joint de nombreuses annotalions, a été épuisée en une dizaine d'années. A la deuxième édition du tome 1 (/1{ferentialrechnung), parue il y à quatre ans, vient s'ajouter le tome Il, consacré au Calcul intégral; le troisième volume, inti- tulé Dillerentialgleichungen paraîtra sous peu. Les tomes IL et IT de l'édition allemande correspondent au tome IT de l'ouvrage francais, qui ne comprend que deux volumes, La publication de l'édition allemande est dirigée par M. le professeur Bohlmann, de Gœættingue. Bien que, dans ses grandes lignes, cette édition corresponde à l'ouvrage primitif, il a été introduit quelques modifi- cations destinées à donner plus d'unité aux diverses parties et à rendre l'ouvrage d'une consultation encore plus facile. D'autre part, les annotations dues à Har- nack ont été fondues avec le texte, qui a été entière- ment revu. Cet ouvrage classique est bien connu de tous ceux qui s'occupent de Calcul infinitésimal, aussi croyons- nous pouvoir nous dispenser d'une analyse détaillée des matières qui y sont contenues. Nous nous borne- rons à faire l’'énumération des huit chapitres que com- prend ce volume : (Prix : 10 fr.) 1. La notion d’intégrale. — 2. Intégration de fonc- tions connues; fonctions ralionnelles, algébriques, elliptiques et transcendantes. — 3. Théorie de l'inté- grale définie. — 4. Théorie de l'intégrale eulérienne; la fonction gamma. — 5. Quadrature et rectification de courbes. — 6. Cubature, quadrature de surfaces courbes; intégrales multiples. — 7. Fonctions de plu- sieurs variables réelles; différentielle et intégrale, — 8. Fonctions d'une variable complexe. Vient ensuite, en Appendice, la remarquable étude de Harnack, intitulée : Propriétés fondamentales de la série de Fourier et de l'intégrale de Fourier. L'ouvrage se termine par une table analytique des matières par ordre alphabétique. FER, Professeur adjoint à l'Université de Genève: Davidoglou (Antoine). — Sur l'équation des vibra- tions transversales des verges élastiques. { Z'hèse pour le Doctorat de la F'aculté des Sciences de Paris.) — Une brochure in-4° de M pages. Gautier- Villars, éditeur. Paris, 1904. Considérons une verge élastique dont on néglige les dimensions transversales pour l’assimiler à une courbe géométrique W=—/{x), où W et x sont l’ordonnée et l’abscisse. La verge est encastrée aux deux points a et h de l'axe des x et vibre dans le plan. W dépend, à chaque instant, de x et du temps £. La physique apprend que l’on à : (1) a:W aW ax Cherchons à satisfaire à (1) par un mouvement pen- dulaire à amplitude variable y : W=—y(x)cos (Vr. M. Davidoglou fait, par la méthode des approxima- tions successives due à M, Picard, et en restant dans le réel, une étude approfondie des intégrales Y{x, R) de (2), telles que la courbe y — Y touche l'axe des x aux points a et b, comme la nature de la question de physique“ l’exige. On met en lumière certaines valeurs remar- quables du paramètre r el on construit, pour Y, un développement asymptotique, c’est-à-dire valable pour r très grand. Dans cette excellente thèse, M. Davidoglou a montré qu'il savait manier à son aise des théories abstrailes et difficiles. LÉON AUTONNE, Ingénieur des Ponts et Chaussées, 2° Sciences physiques Hemsalech (Gustave). — Recherches expérimen- tales sur les spectres d’étincelles. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris.) — 1 vol. gr. 1n-8°v de 139 pages avec 33 liqures. A. Hermann, éditeur. Paris, 1901. ; L'intéressante thèse que nous devons à M. Hemsalech comprend deux parties. La première est consacrée à la 4 constitution matérielle de l’étincelle électrique et spé- cialement de l’étincelle osciilanteétudiée par la pho- tographie sur pellicules tournantes animées d'une « grande vitesse. C’est la continuation de recherches antérieures où l’auteur y collaborait avec M. Arthur Schuster ‘, de Manchester, et d'où il résulte + que la décharge initiale donne le spectre du gaz, et que les oscillations qui apparaissent dans l’auréole donnent le spectre du métal. Dans cette thèse, M. Hemsalech s’est M attaché surtout à faire ressortir les différences d'effet, sur l’étincelle, de self-inductions variées, sans noyau ou avec noyau métallique (fer ou cuivre), et des cou- rants de Foucault. Le noyau agit uniquement par sa surface; l'effet maximum est obtenu avec un tube « miuce; les oscillations sont supprimées par le magné- \ tisme du fer, ou très diminuées en nombre par les cou- » rants de Foucault lorsqu'on fait agir le cuivre. Dans le « cas du fer, ces deux causes s'ajoutent l'une à l’autre. M Pour obtenir des étincelles bien oscillantes et formées uniquement de fragments vaporisés des électrodes, on devra donc éviter toujours les bobines de self-induction à noyaux métalliques, comme le primaire d’une bobine de Rhumkorff. Ce travail est précédé d'une courte introduction histo- rique. Qu'il nous soit permis d'y regretter l'omission des travaux d'Adolphe Perrot? qui, le premier, a effectué la séparation entre l’auréole et le trait de feu par des dérivations ou par un courant d'air, et de J.-M. Séguin qui, étudiant au spectroscope la composition de l’au- réole et du trait de feu, et promenant la fente verticale de l'appareil sur toute la longueur d’une étincelle hori- zontale, a distingué pour la première fois les raies ! Scnusrer et Hemsazecn : On the conslitution of the electric spark. Philos. Trans., vol. CXCIIT, 1899. ? Sur la nature de l'étincelle d'induction de l'appareil Rhumkorff. Thèse de Doctorat, Paris, 1861, et Comptes Bendus, t. XLIX, p. 351. L “ Analogies de l'étincelle d'induction avec les autres décharges électriques. Ann. de Chim. et de Phys., 3° série, t. LXIX, 1863. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 887 appelées depuis « longues » ou « courtes ». Ces Mé- moires sont généralement peu connus; aussi M. Hem- salech ne nous en veudra pas de profiter de l’occasion “pour rappeler ici les deux noms de Perrot et de Séguin. — La seconde et principale partie de la thèse est la plus neuve et la plus importante au point de vue des applica- Br à l'analyse spectrale. Elle est consacrée à l'étude “des spectres de l'air et de quatorze corps simples que j'auteur classe en deux groupes : le premier comprend seulement Fe, Ni, Mn dont les raies sont presque toutes lus ou moins renforcées en augmentant la self-indu- ion ; le second est formé des dix autres corps simples expérimentés : Cd, Zn, Co, Mg, Al, Sb, Sn, Bi, Pb, Cu, g, qui donnent des raies fortes, mais relativement moins nombreuses, moins neétles, et presque toutes [us ou moins affaiblies par la self-induction. . Les résultats d'ensemble de tout le travail peuvent tre résumés d'une manière générale ainsi qu'il suit : L'étincelle ordinaire est formée de trois parties : la décharge iniliale, ou trait de feu donnant principale- ment les raies de l'air, puis quelques oscillations très rapides produisant les raies métalliques, dites de haute tempéralure ou « enhanced lines » de N.-Lockyer, et tiques dites de basse température. L'étincelle oscillante, au contraire, obtenue par l'in- tercalation d'une self-induction dans le circuit de décharge du condensateur, est composée presque uni- quement de l’auréole, et ne contient plus que des raies des métaux. Les raies de haute température ou raies courtes de l'étincelle ordinaire s'affaiblissent jusqu'à disparaître et les raies de basse température devien- ment plus vives. Avec une faible self-induction, les raies “de l'air ont disparu; quant à celles des métaux, l’action de la self-induction les répartit en trois classes NT lignes diminuant rapidement d'intensité pour dis- - paraître avec l'augmentation de la self : raies de l'air, … doublets verts de Cd et de Zn, lignes 424,5 et 438,7 de - Pb; 2° lignes s'affaiblissant lentement et d'une manière “ continue par l'accroissement de la self ‘, tel le triplet MS du vert qui correspond au groupe b de Frauen- “ hofer; 3° lignes qui, après avoir diminué et atteint un “minimum, augmentent cousidérablement d'éclat jusqu'à pu maximum, pour diminuer de nouveau : principales raies Fe et Co, etc. M. Hemsalech ayant circonscrit son étude à la por- tion du spectre photographiable avec des systèmes opti- ques de verre sur des plaques d'usage courant isochro- matiques où non, le champ embrassé est compris entre À 590 et À 350. La dispersion, obtenue par l'emploi soit de deux prismes ordinaires en flint, soit d’un ou deux prismes composés de Rutherford, avec des objectifs à long foyer (0,80 et 1,05), était assez forte pour four- nir des spectrogrammes d'une lecture aisée, permettant de suivre facilement à l'œil nu les variations spectrales successives de vingt-deux épreuves obtenues l’une au- dessus de l’autre sur un même cliché, déplacé vertica- lement dans le plan focal. Les mesures de longueurs d'onde étaient faites sur une machine à diviser et trans- formées avec des courbes à grande échelle. Les self- .inductions de grandeurs variables étaient obtenues par l'intercalation de couches successives de fils enroulés en deux bobines de longueurs différentes (0,20 et . 0%,50), et dont l’ordre de grandeur en totalité pouvait s'élever approximativement, d'après l’auteur, Jusqu'à 0,06 henry. Tout en regrettant que le temps ne lui ait pas permis la mesure des coefficients de self-induction . employés, nous noterons les détails donnés sur la con- struction de ces bobines, et qui permettront d'en con- . Struire facilement de semblables. Toute la partie expé- rimentale de ce Mémoire est décrite avec la plus grande précision. L'installation et le réglage des appareils spec- . trographiques sont donnés avec beaucoup de soins et de - clarté, et forment ainsi une instruction pratique sur la t 4 La plupart font partie des séries de MM. Kayser et 4 Runge. ES Re SE nfin l’auréole elle-même, qui fournit les raies métal- photographie spectrale, intéressante à lire pour tous ceux qui s'intéressent à la spectroscopie. Le meilleur éloge à faire de l’important Mémoire de M. Hemsalech est de montrer qu'il a été suivi et conli- nué. 1] a, en effet, suscité en Allemagne la thèse de M. Berndt', qui s'est spécialement attaché à faire la comparaison entre la self-induction et celle d'une résis- tance équivalente, sur les spectres d'étincelle. Il à donné raison à M. Hemsalech contre M. Hagberssel*, en montrant que, tandis que la self-induction augmente la durée de la décharge et fait disparaitre un grand nombre de raies, rendant celles qui subsistent plus étroites, ces effets ne sont pas produits par leur résis- tance équivalente, celles-ci n'apportant aucun retard à Ja décharge. M. Berndt a mesuré et calculé avec exac- titude les constantes physiques (self-inductions, résis- tances, capacité) des dispositifs mis en jeu, mais n’a malheureusement pas dépassé des self dix fois infé- rieures à celles de M. Hemsalech. D'autre part, son tra- vail, effectué avec une faible dispersion, mais avec uu spectrographe de quartz, complète celui de M. Hemsa- lech, en s'étendant jusqu'à À 200. Non seulement la thèse de M. Hemsalech a fait pro- gresser nos connaissances sur la nature de l'élincelle électrique, mais elle a aussi fourni un procédé nouveau qui permettra, dans bien des cas, d'éliminer le spectre de l’air et de simplifier les spectres, souvent si compli- qués, qui se rencontrent dans la pratique de l'analyse spectrale. A. DE GRAMONT. Dugast (J.), Directeur de la Station agronomique d'Alger. — Les Vins d'Algérie. — 1 vol. in-8 de 140 pages. (Prix : 2 fr.) Giralt, imprimeur. Alger- Mustapha, 1901. M. Dugast a écrit cette notice à l'occasion de l'Expo- sion de 1900; il a voulu montrer quelle était l'impor- tance et rechercher quel était l'avenir du vignoble algérien. M. Dugast signale les progrès que la vinification a faits en Algérie; ces progrès sont très grands, et il était d’ailleurs indispensable que l'Algérie les réalisàt, car la réputation de quelques-uns de ses vins commencait à être compromise. Je suis tout à fait de l'avis de M. Dugast quand il dit que c'est en produisant des vins solides et bien constilués que les colons pourront avantageusement lutter. Quel est, en effet, l'objectif principal de l'Algérie? C’est d'exporter ses vins en France. Or, nous produisons dans le Midi une grande quantité de pelits vins. Il nous faut donc acheter de préférence des vins riches. L'Algérie peut produire ces vins alcooliques, corsés, riches en couleur que le commerce va actuellement chercher en Espagne, en Italie, etc. L'objectif de l'Algérie doit donc être de se substituer complètement à l’étrangér dans l'importation en France de ce genre de vins. Tout cela est parfaitement juste, et cela l'était beau- coup plus au moment où M. Dugast a écrit sa notice. Depuis, en effet, la situation économique de l'industrie viticole, et surtout de l’industrie vilicole algérienne, à : considérablement changé. Deux faits nouveaux se sont produits, qui ont amené ce changement : l'importance de la vendange de 1900 et la modification de la loi des boissons; la viticulture traverse une crise économioue dont la durée est difficile à prévoir; la surproduction de la vendange de 1900 peut se reproduire fréquem- ment, étant donnée l'importance du vignoble reconstitué, eton ne prévoit pas que la loi sur les boissons, qui à favorisé la consommation des petits vins du Midi, puisse recevoir une modification avantageuse pour l'Algérie. Le vignoble algérien est donc, en ce moment, dans une situation économique critique. Il faut, pour en sor- tir, qu'il produise d’abord des vins pouvant prendre 1 Ueber den Einfluss von Selbstinduction auf die durch den luductionsfunken erzeugten Metallspectra im ultra- violett. Inaugural-dissertation. Halle A. S. //ofbuchdruckerei vou Kœwmmerer, 1901. £ ? Journal de Physique, Ie série, t. IX, p. 153, 1900 888 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX chez nous la place des vins étrangers. Il faudrait aussi que l'Algérie s’orientàt vers la production des vins de liqueurs, des raisins secs, des moûts concentrés, etc.; en un mot, qu'elle mit à profit les ressources de son climat pour utiliser plus avantageusement tous les rai- sins qu'elle produit et qu'elle se borne actuellement à transformer en vin ordinaire. X. ROCQUES, Ingénieur-Chimiste, Ancien Chimiste principal du Laboratoire de Paris. 3° Sciences naturelles Chalon (J.), Professeur à l'Université nouvelle de : Bruxelles. — Notes de Botanique expérimentale, 2me édition. — 1 vol. in-8°, de 339 pages, avec T planches (Prix : 7 fr. 50.) Librairie scientifique de Ad. Wesmael-Charhier. Namur, 1901. « Celui qui aura épuisé les Notes pourra déjà se dire fort, plus que s'il avait lu dix gros bouquins... sans toucher une plante. Il sera mûr pour des travaux personnels, ilaura en mains l'outil précieux, la méthode el il pourra espérer d'ajouter à son tour des chapitres nouveaux à la science. » Qu'est-ce donc que ces Votes de Botanique expérimentale dont l’auteur attend de si heureux résultats? Disons-le tout de suite : le livre ne répond pas à son titre. On y chercherait en vain des expériences personnelles sur divers sujets de Botanique. L'expérimentation, au sens des physiologistes, n'y tient pas la première place. La confection d'un herbier, l’assemblage des collections, les préparations micros- copiques sont, pour M. Chalon, des moyens de traiter expérimentalement les questions botaniques. La description des organes, la simple énumération des plantes qui en offreut de bons exemples, prennent place sous le titre de physiologie. « Voir pour savoir, telle est l'idée simple de ce livre, où il ne faut pas chercher un cours de Botanique, mais un guide d'initiative et d'observation. » Laissons donc de côté la Botanique expérimentale, pour parcourir cette inté- ressante série de leçons de choses botaniques. L'étudiant y trouvera un guide précieux pour utiliser les matériaux les plus vulgaires, développer le sens et l'esprit d'observation, du moins s'il est assez favorisé pour recourir souvent aux lumières d'un maitre aussi sagace que l’auteur du livre, si sa bibliothèque est garnie d'une dizaine au moins de « gros bouquins » énumérés dès la première page, et s'il est à portée d'une bibliothèque publique possédant les périodiques aux- quels les Notes font de nombreux renvois. Les Notes seront, croyons-nous, d'un maniement plus commode et d’un profit plus net pour ceux qui ont déjà reçu l'initiation verbale dans un laboratoire ou dans des excursions botaniques. Les maitres eux- mêmes y trouveront une foule de renseignements. C'est, en effet, un livre de renseignements sur les moyens de se procurer les matériaux d'étude, soit dans la Nature, soit dans le commerce ou par voie d'échange. C’est un répertoire d'adresses, d'indications bibliographiques, de recettes, de procédés concernant à peu près tous les chapitres de la Botanique, donnés au reste un peu au hasard, sans proportion bien pondérée entre les diverses parties. Mais il serait injuste d’en faire un reproche à un ouvrage si modeste dans son titre. Comme forme, ce sont bien des Notes. D'ailleurs, nous nous y retrouverons sans peine. Après un chapitre de technique générale, dans lequel l'auteur s'étend surtout sur les procédés simples, économiques, à la portée de tous, nous abordons la technique spéciale avec la cellule. L'étude de la mem- brane y tient une place prépondérante ; l'épaissis- sement de la paroi cellulaire ne comprend pas moins de vingt paragraphes énumérés à la table des malières. Les protoplasmes et le noyau sont traités au contraire brièvement. Les chapitres suivants sont consacrés à la racine, à la tige, à la feuille, à la multiplication par fragments, à la reproduction sexuée. Dans chacun d'eux, l'organographie, l'anatomie, la physiologie sont envisagés successivement. Les rapports dés plantes avec le milieu inerte ow vivant font encore l'objet de quelques pages à la fin volume. Les Cryptogames ont fourni un cerlain nombre d'exemples dans les chapitres précédents, notamment au sujet de la cellule, de la fécondation, de la germi nation. Néanmoivs, un chapitre spécial est consacré à la technique des Cryptogames. M. Chalon ne l'a pas traité avec le même luxe de détails que le reste du livre, sans doute parce qu'il considère cette étude: comme moins abordable pour le débutant privé d'ex= olications verbales. Pour l'étude des Bactéries, des aboraloires spéciaux sont nécessaires ; pour les. Lichens, « il faut absolument demander à un spécialiste les trois où quatre espèces dont nous avons besoin »; pour les Mousses, « si un bryologue complaisant consent à communiquer les premiers spécimens, la tâche sera simplifiée ». Pour les Algues, les Champignons, les exemples sont classés dans l’ordre alphabétique ; ainsis le Bolet se trouve en compagnie des Aspergilles et de la Carie ; les Mucor, les Phycomyces, les Rhizopus sont décrits à des pages différentes, et, à défaut d'ordre logique, une simple coquille d'imprimerie (comme Mycomycètes pour Myxomycètes) doit jeter le bota- niste novice dans un sérieux embarras. Le développement des diverses questions est donc inégal. Cette disproportion s'explique par l'esprit qui se dégage de tout le livre. Le botaniste inexpérimenté qui l'aura pris pour guide comprendra qu'il est des sujets délicats au-dessus de sa portée. Avant d'aborder la technique difficile de la cytologie et de la cryploga- mie, il y trouvera le moyen de multiplier, de varier les observations faciles, simples, infaillibles. Voir beaucoup pour apprendre à voir, observer sûrement pour devenir observateur, c'est assurément une meilleure gymnas- tique intellectuelle que d'aborder d'emblée des pro- blèmes complexes dans lesquels l'imagination et l'au= torité viennent trop complaisamment au secours des l'expérience en défaut. Il n'est pas mauvais qu'un mi: crographe commence par bien voir les formes et les ornements de la membrane cellulaire avant de deviner les stades de la mitose, qu'un physiologiste s'exerce d'abord à des expériences simples. Toutes celles dont nous trouvons le détail dans le livre de M. Chalon sont faciles à répéter sans outillage dispendieux et encom-= brant. L'illustration comprend cinq planches montrant Iles applications de la photographie à la reproduction ico= nographique des plantes, depuis un Chêne géant réduit plus de 100 fois, jusqu'à un fragment de Diatomée am- plifié 10.000 fois. Une cinquantaine de figures dans le texte représentent des instruments et des appareils faciles à construire. Les procédés graphiques employés pour ces figures sont expliqués à la fin du livre. j M. Chalon n'a rien négligé, on le voit, pour faire des Notes un livre pratique, un répertoire qui a sa place sur la table du laboratoire. Tous ceux qui veulent faire de l’histoire naturelle en observant la Nature y trouve- ront un guide; ils y rencontreront les indications que nul étudiant n'est censé ignorer, mais que les trois quarts de nos licenciés ne connaitront jamais, s'ils s'en tiennent à la préparation classique des grades universis laires. Les Notes de Botanique de M. Chalon sont donc le complément nécessaire des traités didactiques. Nous souhaitons que la troisième édition ne tarde pas à cor= riger quelques lapsus, tels que les vaisseaux aëriens et la triple coloration de l'Amylobacter, à combler quelques lacunes, et, sans en faire un livre banal, à accuser les grandes lignes, à donner aux diverses par= ties la proportion et l'harmonie qui n'ont jamais déparé une œuvre scientifique. PauL VUILLEMIN, Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. “ne s’agit pas d'un BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 839 Houssay (Frédéric), Maitre de Conférences à l'Ecole Normale Supérieure. — La Forme et la Vie. Essai de la Méthode mécanique en Zoologie.— 1 vol. 11-8° de 924 pages, avec 782 fiqures dans le texte. (Prix: broché, 40 fr.; relié, k5 fr.) Schleicher frères, édi- teurs. Paris, 1901. Dès la préface de ce livre, le lecteur est prévenu qu'il rajeunissement de Traités de Zoologie ordinaires, mais d'une œuvre entièrement originale RÉ É * dont le modèle n'existait pas encore, et qui rompt bsolument avec les procédés d’exposilion suivis jus- qu'ici. Une telle œuvre, venant d’un homme qui occupe en …Loologieune importante situation officielle, mérite d'être “examinée avec grand soin; elle n’est pas, à coup sùr, d’un penseur ordinaire. Après avoir rappelé qu'une Grenouille a changé de forme, en fonction du temps, depuis l'œuf jusquà l'adulte, que le Cheval actuel a été précédé par une ‘série de formes continues, fonction du temps, M. Hous- say concoit l’histoire de la forme animale comme celle d'un mouvement, comme une Mécanique, et, consé- »quent avec cette idée, il divise son ouvrage en Statique (corps au repos en équilibre), en Cinématique (mouve- -ment du corps indépendamment des causes qui le pro- - duisent), et en Dynamique (mouvement produit par des causes données. La Statique comprend l'étude sommaire des embran- chements, caractérisés, comme ceux de Cuvier, par la disposition du système nerveux : Vertébrés, Mollus- ques, Articulés, Echinodermes, Gastréades (= Plathel- minthes + Cœlentérés) et Protozoaires ; puis vient l'étude succincte de la cellule au repos et des tissus : en somme, la Slatique comprend l'Anatomie et l'Histo- losie. La Cinématique débute par un chapitre intitulé « La continuité dans la forme », qui montre que les embran- chements et les classes sont reliés entre eux par des types intermédiaires, Amphioxus,Tuniciers (reliant les Vertébrés aux Mollusques), Balanoglossus, Cephalo- diseus, Rhabdopleura, Brachiopodes, Géphyriens, Péri- pates (reliant les Vers annelés et les Arthropodes), ete. ; - vient ensuite un résumé de l'Embryologie, comprenant - la description des principales formes larvaires et des . processus morphogéniques, plissements et métabolies, le développement métamérique, la formation et la cor- respondance des extrémités céphaliques, etc. Puis, symétriquement à la cellule au repos en Statique, l'étude de la division cellulaire, ensuite l'histogénèse et la différenciation, la phagocytose, la fécondation, la régénération, et enfin les théories sur l’isotropie de l'œuf et la spécificité des feuillets, En somme, la Ciné- matique est un mélange d'Embryologie, de Cytologie et d’un certain nombre de chapitres de Biologie géné- rale. La Dynamique comprend divers chapitres de Biologie ou de Zoologie générale : dynamique de la cellule et de la fécondation, action des milieux, dimorphisme sexuel et déterminisme du sexe, déterminisme des métabolies, - adaptation, mimétisme, parasilisme, fixation, etc.; en somme, l'étude des déterminismes. Chacun de ces trois livres est terminé par une revue des théories générales suggérées par les faits techni- ques exposés au point de vue statique, cinématique ou dynamique : dans le premier, la théorie de l'unité de plan de composilion et le principe des connexions de Geoffroy Saint-Hilaire (en somme, la Morphologie), puis les théories microméristes sur la constitution de la matière vivaute (Weismann):; dans le deuxième, la loi de concordance des stades embryologiques et des séries d'adultes; dans le troisième, le lamarckisme, que M. Houssay adopte dans toute sa plénitude, le darwi- nisme et l'origine de la matière vivante. Cette sorte de table des matières que je viens de dresser suffit à montrer l'incontestable nouveauté de l'arrangement; cette joriginalité se poursuit dans la rédaction des chapitres techniques ou théoriques; l'auteur use avec une visible prédilechon du langage philosophique ou mathématique, en général assez étranger aux biologistes; par exemple : « [étude complète des qualités des vivants revient donc à dé- terminer par des mesures possibles une fonction FE (y, ©, 0) — 0, c'est-à-dire à construire une surface » (p- 256). « L'Embryologie poursuit la solution de la formule générale suivante : À HR rr (p. 261 û p—"1 « L'évolution normale est proportionnelle aux carrés des temps » (p. 908). — « Réaumur, Fabre, etc., ont donné, à propos des phénomènes de la Nature, d'inté- ressantes et copieuses descriptions, sans s'inquiéter de réduire la qualité à la quantité et sans rien mesurer; mais, justement pour cela, leur œuvre est toute litté- raire et point scientifique (p. 2#) ». Ces citations suffisent à montrer que l'écriture de M. Houssay n’est pas banale; mais elle reste le plus souvent claire et même attachaute, malgré son appa- reil métaphysique. à Critique. — Depuis les origines de la Zoologie, on s’est certainement peu préoccupé de lui reconnaitre des points de vue statique, cinématique ou dynamique, ce qui ne parait pas du reste lui avoir fait de tort; les savants se sont bornés à décrire ce qu'ils voyaient, ce qu'ils observaient de manière plus ou moins expéri- mentale (Anatomie, Histologie, Physiologie et Embryo- logie), en groupant et en sériant autant que possible les faits de facon à aider la mémoire (Morphologie et Zon- logie générale); puis, avec les progrès de la connais- sance, ils se sont attachés à la recherche, infiniment plus difficile, des déterminismes. Ces trois étapes de la Science, découverte et descrip- tion, groupement, explication, doivent forcément se succéder d'une facon chronologique pour un même objet, ce qui est, du resle, une évidence de sens com- mun; il à fallu d'abord trouver la cellule, puis les phénomènes de la vie cellulaire (ÿ compris la division), avant de tenter la recherche des déterminismes de ces phénomènes et de la constitution de la cellule. Que M. Houssay veuille donner à ces trois étapes les noms de Statique, Cinématique et Dynamique, il est per- mis de trouver que la nouveauté est beaucoup plus dans les termes que dans la méthode; qu'à toute force, il veuille faire rentrer telles observations dans la Sta- tique (étude des Vertébrés, Mollusques, etc.), et telles autres dans la Cinématique (étude de l'Amphioxus et des Tuniciers, pour montrer la continuité entre les grandes coupures de la Statique), alors que les unes et les autres sont tout simplement des descriptions d'ob- jets tels qu'ils apparaissent à nos sens, je n'y puis voir que la préoccupation paradoxale de ne pas « faire défi- ler le règne animal embranchement par embranche- ment, comme desrégiments dont on se borne à changer l'uniforme ». M. Houssay dit quelque part que les ouvrages de Zoologie sont toujours disposés sur un plan uniforme, rappelant celui des Suites à Buflon où de l'Anatomie comparée de Cuvier; mais, je trouve, au contraire, qu'ils sontextrèmement disparates, suivant l'objet qu'ils se proposent : la Zoologie de Claus ou de E. Perrier, celle de Delage, l'Analomie comparée de Roule, de Lang, les Traités d'Hertwis, sans parler des livres plus spécialisés d'Histologie, d'Embryologie, de Biologie gé- nérale, sont aussi différents que possible. M. Houssay a écrit, à son tour, un Traité encore différent de ceux- là, dont l’arrangement est basé sur une certaine idée théorique; reste à voir, pour juger du mérite de cet arrangement, si les matières se présentent daus un ordre logique et pratique, allant du simple au complexe, du facile à comprendre au plus compliqué, des faits aux théories qui les groupent et les expliquent. Je ne puis pas convenir qu'il en soit ainsi : étudier la 890 structure de la cellule en Statique, puis les phénomènes de la division beaucoup plus loin eu Cinématique, puis enfin donner les tentatives d'explication de la mitose et des phénomènes cellulaires beaucoup plus loin, en Dynamique, je n'y vois pas d'avantages notables et je trouve une foule d'inconvénients à scinder ainsi tout ce qui a rapport à un même objet. Il paraît singulier d'étudier la genèse des formes et des tissus avant de connaitre la division cellulaire, alors que celle-ci est facteur de celle-là; il me paraît illogique de passer en revue (1° livre : Statique) les formes et Ja structure des animaux et leur division en groupes depuis les Verté- brés jusque et y compris les Protozoaires, alors que le lecteur est censé ignorer encore ce que sont une cel- lule et un tissu. La fonction des organes est indiquée dans la Statique ; comment se fait-il que la phagocytose soit réléguée dans la Cinématique? N'est-ce pas une fonction de cellule, au même titre que la sécrétion de diastases ou la différenciation de neuro-fibrilles ? Avec la meilleure volonté du monde, je n'arrive pas à comprendre pourquoi M. Houssay restaure à peu près, en Statique, les cinq embranchements de Cuvier, Vertébrés, Mollusques, Articulés, Echinodermes et Gas- tréades; ce n’est pas la peine d’avoir travaillé pendant trois quarts de siècle pour en revenir à quelque chose® qui est sûrement incomplet et inexact. Même observa- tion pour la division en classes des embranchements : les Mollusques comprennent autre chose que les Cépha- lopodes, les Acéphales et les Gastropodes; pourquoi les Amphineures et les Scaphopodes sont-ils passés sous silence en Statique? Les zoologistes accepteront difficilement la division des Protozoaires en Monères, Amibes, Rhizopodes, Ciliés (renfermant les Flagellés) et Sporozoaires; on sait bien que presque sûrement il n'y à pas de Monères, et que les Amibes sont insépa- rables des autres Rhizopodes. La recherche de l'origi- nalité, très estimable en soi, ne peut cependant pas aller jusqu'à modifier sans bonnes raisons ce qui est admis dans la Science. Quelques négligences de rédaction ou des Zapsus calami, bien excusables du reste dans un livre aussi volumineux, ne laissent pas d’être regrettables, notam- ment au sujet du cou des Oiseaux (p. 69), du polypier des Madréporaires (p. 450), de la glande venimeuse des Scolopendres (p. 104). D'une facon générale, si ce livre n'avait pas, avant tout, un caractère théorique et transcendant, il y au- rait peut-être lieu de regretter que l’auteur se soit peu préoccupé de mettre les faits au courant de la science actuelle. Pour résumer cette longue analyse, je dirai que le livre de M. Houssay ne me semble pas fait pour des étudiants, si avancés qu'ils puissent être; c’est plutôt une Zoologie transcendante, qui ne pourra être goûtée que par des professionnels, et qui, pour cette raison, aurait pu être considérablementallégée danslapartie des- criptive. Geux qui sont enclins aux spéculations méta- physiques y trouveront de quoi se satisfaire amplement ; les positivistes, qui apprécient surtout les faits et les expériences et n'acceptent les belles théories qu'avec un grain de scepticisme, ne seront pas fâchés non plus de lire un livre si opposé à leurs tendances, Les uns et les autres en retireront d’ailleurs profit; si je n'ai pas ménagé les critiques, je dois dire que j'ai lu avec grand plaisir la plupart des chapitres isolés de Mor- phologie ou de théories générales : signification des formes larväires, tête et céphalisation, mort et immor- talité, métamérie, etc.; on y rencontre des aperçus iutéressants, souvent paradoxaux, comme cette com- paraison de la fécondation d'un œuf mérogonique avec une greffe (p. 607). En somme, si cet essai de la mé- thode mécanique en Zoologie me parait prématuré et peu pratique, on doit néanmoins savoir gré à M. Houssay d'avoir tenté du nouveau, quel que soit le sort de sa tentative. L. Cuénor, Professeur à l'Université de Nancy. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 4 Sciences médicales Jeanselme (E.), Médecin des Hôpitaux de Paris. = Etude sur la Lèpre dans la péninsule Indo-Chi- noise et dans le Yunnan. — { rochure in-8° de 90 pages, avec gravures dans le texte. Carré et Naud éditeurs. Paris, 1901. On a beaucoup écrit, ces temps-ci, sur la lèpre. Le livre de M. Jeanselme présente ceci de particulier et d'intéressant que c'estune étude faile sur place. Chargé par le Ministre de l'Instruction publique et par le Minis= tre des Colonies de rechercher les moyens propres à combattre la lèpre dans les colonies francaises de l'Extrème-Orient, il a d’abord visité les divers foyers d'endémie lépreuse qui existent dans l'Indo-Chine française et dans le Yunnan; puis, il a étudié l'aména- gement des léproseries établies dans les colonies anglaises de la Birmanie et du Gouvernement des Détroits. Il à ainsi recueilli des faits fort intéressants, qui forment la base de son étude documentée eb cons= ciencieuse. La lutte contre la lèpre présente-t-elle vraiment un intérêt pratique? Les faits que cite M. Jeanselme ne laissent aucun doute à ce sujet. On est tout surpris d'apprendre, par exemple, que le nombre des lépreux disséminés dans nos possessions indo-chinoises est de 12.000 à 15.000. On comprend alors que toutes ces existences improductives, qui sont à la charge de la colonie, représentent, au point de vue économique, un énorme déchet, et que cette endémie lépreuse ait pour résullat d'accroitre la pénurie de la main-d'œuvre indi- « gène el d’écarter les colons européens de notre do- maine d'outre-mer. Il est, en effet, démontré aujourd'hui que le colan contracte fort bien la lèpre et que celle-ei tend à s'infiltrer dans la population blanche. Il ne saurait, du reste, en être autrement; car, dans nos colo= nies, les précautions les plus élémentaires, pour se pré- munir contre la contagion, sont négligées. Voici, parmi les faits que cite M. Jeanselme, quelques-uns qui sont particulièrement probants à cet égard. Nombre de lépreux à Saigon font le métier de coolies; ils gagnent leur vie à décharger sur le port les bagages des voyageurs ou les légumes arrivant de Chine; d'autres errent en ville, mendiant aux alen- tours de la ville. A Hanoï, dans une grande boucherie européenne, le garcon indigène qui débite la viande est lépreux. Le gardien indigène du dispensaire du Haïphong, où sont enfermées les prostituées atteintes de maladies vénériennes, est un lépreux. Dans les prisons de Saigon, de Pnom-Penh, de Vinh, de Luang-Prabang, des lépreux vivent au milien des détenus sains. Pour combattre l'extension du fléau, M. Jeanselme demande qu'à l'exemple des colonies anglaises, on in- terdise aux lépreux avérés l'exercice de certaines pro- fessions telles que celles de boulanger, de boucher, de blanchisseur, de barbier, de domestique, d’intir- mier, etc., etc. Ces mesures élémentaires devront être. complétées par une surveillance étroite de l'immigra- tion jaune, par la construction de léproseries ter- restres et insulaires où seraient internés et isolés les lépreux, par la surveillance des foires, marchés.et tous autres lieux de rassemblement. Pour ce qui est des détails de l’organisation de cette défense si légitime, nous ne pouvons que renvoyer nos lecteurs au livre si intéressant de M. Jeanselme. Dr R. Roue, Préparateur à la Faculté de Médecine de Paris. Meunier (D'), Médecin en chef de l Hôtel-Dieu de Pou- toise, et Plieque (D' A.-F.), Médecin en chef du Sanatorium d'Angicourt. — Le Traitement hygié- nique des tuberculeux dans l’ancienne médecine (Extrait du Bulletin médical). — Une broch. 1n-8° de 22 pages, Librairie du Bulletin médical. Paris, 1901. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 891 ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 16 Septembre 1901. » 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. G. Poisson donne ine solution générale du problème de la voûte élastique Supportant uue charge hydrostatique; la méthode em- ployée est fondée sur la considération des filets élé- menlaires obtenus en décomposant la section droite de la voûte par une série de courbes orthopiéziques infiniment rapprochées. 20 Scexces PHysIQuEs. — M. A. Cornu expose la démonstration des formules qu'il a données précé- demment pour la détermination complète, en grandeur et en direction, des paramètres optiques d'un cristal. __ M. E. Mercadier a expérimenté, sur le circuit de Paris à Bordeaux, l'emploi simultané de la télégraphie multiplex à courants ondulatoires et de la télégraphie ordinaire à courants continus; on obtient ainsi une transmission excessivement rapide, — M. J, Mascart a observé le 9 septembre à Bréval trois larges rayons lumineux divergents émergeant d'un point situé à 180° du Soleil. — M. de Forerand a appliqué sa règle à l'hydrate de chloral et trouvé que ce corps, à la tem- » pérature de l’ébullition, donne une vapeur contenant à Ja fois de l'eau, du chloral et un peu (#4 à 5 °/,) d'hy- … rate de chloral non dissocié. … 39 Sciences NATURELLES. — MM. L. Duparc et F. À Pearce ont étudié la dunnile du Koswiosky-Kamen … (Oural); elle présente de nombreux filons en voie de serpentinisation.—MM.L.CapitanetH.Breuilsignalent l'existence de figurations d'animaux, gravées sur les parois d’une grotte sise aux Combarelles, commune de Tayac (Dordogne). Ces figurations remontent à l'époque où vivaient, en France, le mammouthet le renne ; elles sont donc paléolithiques et très vraisemblablement magdaléniennes. Séance du 23 Septembre 1901. 40 Sciences MaruémarIQuEs. — M. G. Kœnigs étudie les systèmes binaires et les couples d'éléments cinéma- tiques. 20 SCIENCES NATURELLES. — MM. H. Claude et A. Zaky ont constaté que la lécithine, grâce à son action en quelque sorte spécifique sur l'élimination des phos- phates par les urines, à son influence remarquable sur les échanges nutritifs, peut ètre considérée comme un adjuvant précieux des diverses méthodes de traitement de la tuberculose. — MM. G. Gastine et V. Vermorel, à la suite des ravages causés par la Pyrale dans les vignobles du Beaujolais, ont cherché à détruire ces papillons nocturnes au moyen de pièges lumineux, alimentés par le gaz acétylène, et entourés d'un bassin rempli d'eau recouverte d'huile qui tue les insectes qui s'y jettent. Ce moyen a été de tous le plus efficace et il ne représente qu'une dépense de 6 fr. 40 par hectare pour trois semaines. — M, A. Astruc à constaté que : 4 L'acidité de la tige d'une plante diminue à mesure que l’on s'éloigne du sommet ; 2 L'acidité des feuilles, supérieure à celle de la tige, est en raison inverse de l'âue ; 3° Dans une même feuille, le maximum d’acidité se trouve vers la zone de croissance ; 4° L'acidité de la fleur décroit depuis l'état de bouton jusqu'à complet épanouissement. — MM. L. Capitan et H. Breuil décrivent une série de véritables peintures à fresque qu'ils ont observées dans la grotte de Font-de-Gaume (Dordogne); elles sont très vraisemblablement de l'époque magdalénienne. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 1° Octobre 1901. M. le Vice-président annonce le décès de M. A. Leo Roy de Méricourt, membre de l’Académie. M. G. Pouchet résume des expériences qui démon- trent : 1° que l'action toxique de l’antimoine, ainsi que sa localisation, ne commencent à se montrer qu'à une dose élevée relativement aux doses correspondantes d'arsenic ; 2° que la localisation de l’antimoine est très différente de celle de l'arsenic ; 3° que, dans les mélanges d’arsenic et d'antimoine, ce dernier, loin de diminuer le pouvoir toxique de l’arsenic, paraît au contraire le soutenir et mème l’accroître. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. J.-W. Walker: L'application de la théorie cinétique des gaz aux propriétés électriques, ma- gnétiques et optiques des gaz diatomiques. — L'au- teur a cherché à appliquer la méthode de la théorie cinétique des gaz de Botzmann-Maxwell aux propriétés électriques, magnétiques et optiques des gaz. Pour sim- plifier, il a supposé la molécule comme formée de deux atomes; les résultats s'appliquent donc aux gaz comme l'oxygène et l'hydrogène. La plupart des résultats indiquent, d’ailleurs, ce qui doit se passer qualitative- ment pour les autres molécules. Un des atomes est supposé chargé positivement et l'autre négativement, et la force qui agit entre les deux atomes est considérée comme la force électrostatique ordinaire. Les molécules peuvent être classées en trois types : 1° Celles dans lesquelles les atomes tournent en contact; 2 celles dans lesquelles les deux atomes suivent des orbites elliptiques autour de leur centre de gravité, mais non en contact; 3° celles dans lesquelles les deux atomes suivent une orbite hyperholique pendant le court instant où ils s'influencent d'une facon appréciable. La première partie du mémoire est consacrée au calcul des proportions relatives de ces trois sortes de molécules ; quoiqu'une solution complète n'ait pas été obtenue, les résultats sout importants et préparent la voie à des recherches plus complètes. L'auteur montre ensuite qu'un tel système doit présenter des propriétés magnétiques et il calcule le coefficient de susceptibilité magnétique. Les formules: obtenues concordent avec les expériences du profes- seur Quincke sur le sujet. Le système possède aussi des propriétés électriques, et l’auteur calcule la cons- tante diélectrique. La formule diffère essentiellement de celles des autres théories, en particulier de celle de Boltzmann, surtout en ce qui concerne l'influence de la température. La théorie concorde bien avec les résultats obtenus par M. K. Baedecker dans ses expé- riences sur l'effet de température. La conductibilité est également calculée d’après le nombre d’atomes libres présents. | Les propriétés optiques sont enfin considérées, el l’auteur calcule la réfraction produite par les atomes libres et les molécules. Les atomes libres accélèrent la vitesse avec laquelle les ondes sont transmises; quant aux molécules, leur influence optique dépend de w, w étant la vitesse angulaire de rotation de deux atomes autour de leur centre de gravité commun. La disper- 892 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES sion dépend essentiellement de la loi de distribution des vitesses. L'auteur calcule aussi le degré de rotation du plan de polarisation dans un champ magnétique, et il mon- tre que le signe de rotation dépend de l'atome qui a la plus grande masse; si les masses sont égales, il n’y a pas de rotation. Les formules obtenues sont appliquées au cas de , 3 , . e e l'oxygène dans le but d'obtenir les valeurs de — et —;, œ 111 11) 1 a e étant la charge et m, et m, les masses des deux atomes; les valeurs d'u et aussi de 2 r,, la somme des rayons des deux atomes, sont également calculées. La e . A valeur de — concorde numériquement avec celle dé- 11 duite de considérations électrolytiques, tandis que la e valeur de concorde avec celle déduite de la cousi- 1, dération de l'effet Zeeman, A.-E. Tutton : Etude cristallographique com- parée des séléniates doubles de la série R°Mg(SeO!};, GH°0. — Ce mémoire sur les séléniates doubles magné- siens, dans lesquels R représente le potassium, le rubidium ou le césium, conduit aux mêmes conclu- sions que le mémoire précédent de l’auteur sur les séléniates doubles zinciques. On observe une progres- sion uniforme, dans les propriétés morphologiques et physiques, avec l'augmentation des poids atomiques des trois métaux alcalins présents; les constantes du sel de rubidium sont généralement intermédiaires entre celles des sels de césium et de potassium. Le groupe magnésien présente un intérêt particulier en ce que la diminution progressive de la double réfraction, d'après la loi qui a été établie pour les séries des sulfates et séléniates doubles, conduit, dans le cas du séléniate de magnésium et de césium, à un tel rapprochement des trois indices de réfraction que les cristaux de ce sel présentent des phénomènes optiques exceptionnels : dispersion des axes optiques dans les plans des axes croisés à la température ordi- naire, la figure à un axe étant produite pour la lon- gueur d'onde 466 dans le bleu; formation de la figure uniaxiale pour chaque longueur d'onde lorsque la tem- pérature est élevée, l'obtention de l’uniaxialité pour Ja lumière rouge du lithium ayant lieu à 94°. Comme Ja vie propre du sel finit à 100°, à cause de la présence d’eau de cristallisation, cette substance simule des pro- priélés unaxiales à toute température entre ses limites d'existence tout en conservant les caractères généraux de la symétrie monoclinique. A ce point de vue, elle ressemble au sulfate correspondant, mais elle présente une plus grande dispersion. Il est intéressant de constater que les propriétés optiques du séléniate double de magnésium et de césium peuvent être prévues étant données les constantes du sel de potassium et les lois de progression établies pour les sulfates doubles et les séléniates doubles du groupe du zinc. 20 SCIENCES NATURELLES. A. Gamgee : Sur la facon dont se comportent, dans le champ magnétique, l'oxyhémoglobine, l’hé- moglobine oxycarbonée, la méthémoglobine et cer- tains de leurs dérivés, et sur l’électrolyse des com- posés de l’hémoglobine. —— Les recherches de l’auteur peuvent se résumer comme suit : La matière colorante du sang, l’oxyhémoglobine, ainsi que l'hémoglobine oxycarbonée et la méthémo- globine sont des corps tout à fait diamagnétiques. Les dérivés contenant du fer, l'hématine et l'acéthé- mine, sont des corps fortement magnétiques. Les dil- férences, au point de vue magnétique, entre la matière colorante du sang d'une part, l’acéthémine et l'héma- tine d'autre part, montrent la profonde transformation qui a lieu dans la molécule d'hémoglobine quand elle est décomposée en présence d'oxygène. L'étude préliminaire de l’électrolyse de l'oxyhémo- globine et l’hémoglobine oxycarbonée semble montrer que, dans la matière colorante du sang, le groupe con- tenant le fer (duquel ses propriétés physiologiques dépendent) est (ou est renfermé dans) un radical élec tro-négatif; d'après les analogies, le fer, dans ce com- plexe, posséderait des propriétés diamagnétiques et non magnétiques. ( M. C. Potter: Sur la maladie bactérienne du navet (Zrassica napus). — Ge mémoire donne les ré- sultats d’une étude sur la cause d’une maladie spéciale de la tête du navet. La maladie est visible sur les plantes en train de pousser dans les champs; quelques racines ont été trouvées toutes pourries; la partie dété- riorée est blanche et possède une odeur particulière et » désagréable. La recherche microscopique la plus minu- tieuse n’a pas réussi à faire découvrir quelque trace d'hyphes de champignons supérieurs dans la masse attaquée, mais seulement une quantité considérable de bactéries. Les tissus sont complètement désorganisés, les cellules séparées les unes des autres le long de la lamelle moyenne; les parois des cellules sont molles, gonflées et faiblement striées; le protoplasma aussi a perdu sa couleur primitive et est devenu brun et con- tracté. La maladie peut être rapidement communiquée à des racines saines qui sont dans la période de crois- sance en faisant simplement une légère incision et en inoculant la racine à la partie atteinte. ; Après de longues séries de cultures, une bactérie à été isolée et des cultures pures obtenues à partir d’uu seul individu, lesquelles produisirent tous les symp- tômes du « rot blanc» lorsqu'il a été semé sur des morceaux stériles de navets vivants. Cette bactérie li- quélie rapidement la gélatine; c’est un bâtonnet court, mobile, avec une seule flagelle polaire, et, si on l’adopte la classification de Migula, il a été décrit sous le nom de Pseudomonas destructans. Quand il pousse dans le tissu d'une plante vivante ou dans des solutions nutri- tives, il secrète une cytase; celle-ci a été isolée par la méthode bien connue de la précipitation par l'alcool, et il a été prouvé qu'elle était la cause de la dissolution des cellules, de l'amollissement et du gonflement des parois des cellules de l'hôte. L'apparence du tissu malade n’a pas pu être entière- ment expliquée par l’action de la cytase. On a décou- vert que le jus bouilli et filtré d'un navet qui s’est pourri sous l'influence d'une culture pure de ?. destruc- tans avait un puissant effet toxique sur la cellule d’une plante vivante. Ce toxique est de l’acide oxalique. Une réaction a probablement lieu entre le pectate de cal- cium de la lamelle moyenne et l'acide oxalique produit par la bactérie, le pectate de calcium neutralisant l’acide oxalique et permettant ainsi la croissance con- tinuelle de la bactérie. L'action de cette bactérie sur les tissus de plante vi- vante est semblable à celle de quelque champignon parasite ; dans les deux cas, l'organisme envahi produit de l'acide oxalique qui agit comme un toxique du protoplasma et, décomposant le pectate de calcium, produit la dissolution des cellules ; il y aussi la secré- tion d'une cytase, qui a une action destructive sur la paroi de la cellule et la substance iatercellulaire. La question du parasitisme de la bactérie a donc la même importance que celle des champignons, et on peut éta- blir une homologie complète entre tes deux sujets. De nombreuses observations dans les champs permettent d'affirmer que le P. destructans est toujours introduit dans une partie blessée par l'intermédiaire des limaces et des larves. Le Directeur-Gérant : Louis OLiviEr. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, N° 20 30 OCTOBRE 1901 DIRECTEUR : Revue générale Des SCienc pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $ 1. — Métrologie La troisième Conférence internationale “du Mètre. — Les délégués des Etats signataires de Ma Convention du Mètre viennent de se réunir à Paris pour là troisième fois, afin de prendre connaissance du MRapport préparé par le Comité international des Poids pet Mesures concernant les travaux exécutés depuis six ans dans le Bureau dont il a la haute surveillance, et e discuter en même temps le programme futur des echerches et les mesures propres à assurer la propa- ation du système métrique. » La Conférence a tenu quatre séances, dont l'une au inistère des Affaires étrangères sous la présidence de . Delcassé, et les trois autres au Pavillon de Breteuil, MSiège du Bureau international. M. Millerand, ministre lu Commerce, a tenu à présider lui-même l’une des ances, et à témoigner, dans un beau discours, l'inté- ët que le Gouvernement de la République prend à euvre commune et au développement de la belle ins- fitution créée il y a vingt-cinq ans par une entente de Ja plupart des Etats civilisés ; les autres séances ont été présidées par M. Bouquet de la Grye, vice-président de PAcadémie des Sciences, remplacant M. Fouqué, à qui, conformément aux dispositions de la Convention du Mètre, cette fonction revenait, et qu'une indisposition Mienait momentanément éloigné de Paris. n Dans le Rapport présenté à la Conférence par M: Færster, président du Comité international, l'émi- nent directeur de l'Observatoire de Berlin a décrit ommairement les recherches faites pour établir, par des procédés dérivant de ceux de M. Michelson, des échelles micrométriques dont les valeurs sont déter- Mminées avec une précision inconnue jusqu'ici, sans “qu'il soit nécessaire d'avoir recours à l'opération très “longue et fastidieuse de l’étalonnage d’une règle; il a parlé aussi de la construction et de l'étude, entreprise par le Bureau, d'étalons du décimètre d'une grande per- “iéclion, dont un grand nombre d'exemplaires ont été répandus dans les observatoires etles laboratoires, et qui mendront de très grands services dans les mesures de précision; il a décrit enfin les longues et patientes re- ‘herches exécutées en vue de déterminer l'importante ustante naturelle qui définit le rapport entre le kilo- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE gramme et la masse du décimètre cube d’eau, et les expériences qui ont conduit à la découverte des pro- priétés si curieuses et si importantes des aciers au nickel. Ces divers travaux ont été développés dans des communications faites par le très distingué directeur du Bureau international, M. J.-R. Benoit, et par ses collaborateurs dévoués, MM. P. Chappuis et Ch.-Ed. Guillaume. Il résulte en particulier de ces communications que la masse du décimètre cube d’eau est presque certai- nement comprise entre 999,940 et 990,975 granimes, limites beaucoup plus serrées que celles entre lesquelles oscillent les résultats des travaux anciens. Cependant, l'écart paraît encore un peu trop considérable, eu égard à la perfection des méthodes employées, et la Confé- rence a appuyé le projet du Comité de faire poursuivre les recherches afin de resserrer si possible encore ces limites. La Conférence a été appelée aussi à se prononcersur une définition rationnelle du litre, volume de 1 kilo d’eau pure, à son maximum de densité et sous la pres- sion atmosphérique normale, et celle du kilo, unité de masse, représentée par la masse du kilo international. Une résolution au sujet de ces définitions était dési- rable, alña de donner, aux législateurs, une base pré- cise pour une terminologie encore mal fixée des poids et mesures. Au sujet des législations, d'importants progrès ont été enregistrés depuis la dernière réunion de la Confé- rence, qui eut lieu en 1895. Parmi les vingt et un Etats qui contribuent actuellement à l'entretien du Bureau international, dix, dans lesquels le système métrique est obligatoire, ont sanctionné par des lois ou des décrets les étalons internationaux, qui sont aussi reconnus dans trois Etats où le système n’est pas obligatoire; dans les autres, ces étalons sont entrés dans l'usage sans qu'on ait jugé nécessaire jusqu'ici de leur donner une existence légale; mais cette recon- vaissance d’un état de fait ne saurait tarder beaucoup à se produire. Depuis six ans aussi, le système métrique à beaucoup progressé dans les pays qui, comme le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande ou les Etats-Unis d'Amérique, ne l'avaient que toléré ou autorisé. En 29 894 Angleterré, en particulier, il est légal depuis 1897, et admis à égalité avec le système britannique. En Russie, il est facultatif dans les mêmes conditions, et en Dane- mark, l'adoption en a été proposée dans une loi au su- jet de laquelle les deux Chambres ne sont point encore arrivées à se mettre d'accord. Le système métrique est aujourd'hui d’un usage gé- néral dans la Science; et, dans toutes ses applications aux mesures de laboratoires, le progrès qui reste à accomplir est fort peu de chose. En revanche, d’autres systèmes sont encore couramment employés par l'in- dustrie, notamment dans les pays anglo-saxons, et c’est dans cette direction que la propagande en faveur du système métrique aura à s'exercer avec le plus d'efficacité. Sur ces sujets très actuels, la Conférence a écouté avec beaucoup d'intérêt les communications de M. Simon, au nom du bureau du Congrès des textiles, qui a adopté, l'an dernier, un numérotage des filés basé sur les unités métriques, et une autre communication de M. Sauvage, au nôm de la Société d'encouragement pour l'Industrie nationale, sur la question des filetages et du système international des pas de vis adopté par le Congrès de Zurich. Dans une autre direction, le commandant Guyou, membre de l’Institut, a relaté les résultats très remar- quables obtenus à bord de cinq bâtiments de l'Etat dans la détermination du point en mer à l’aide de tro- pomètres, c'est-à-dire de chronomètres à division déci- male. Il ne s’agit point ici, bien entendu, de la décima- lisation de l'heure civile, mais seulement de la division décimale des angles et du temps, qui permet d'exécuter des calculs très rapides des positions et d'éviter de nombreuses erreurs. Le budget primitif du Bureau international était de 100.000 francs par an; puis il avait été réduit d'un quart, et, après une période d'essai de douze années, la Conférence, après avoir constaté que celte réduction ne pourrait être maintenue qu'au détriment du déve- loppement normal du Bureau, a décidé de recomman- der aux Gouvernements le retour à l’ancien budget. M. Millerand, dans la séance qu'il a présidée, s’est déclaré nettemeut favorable à cette augmentation. Une caisse de retraites a aussi été instituée pour le person- nel du Bureau. Enfin, il a été décidé que l’on pousserait activement les publications qu'un surcroît de travail avait obligé à ralentir depuis quelques années et qu'on continuerait la vérification périodique des étalons nationaux, qui seule peut assurer l'identité indéfinie des unités mé- triques dans le monde entier. $ 2. — Physique Une nouvelle relation entre les raies spec- trales. — Dans les spectres, déjà nombreux, où l'on a pu grouper tout ou partie des raies en séries obéis- sant, avec une grande approximation, à la loi de Bal- mer ou à celle de Rydberg, la parenté des raies d’une même série s'accuse, en particulier, par un caractère découvert successivement par Hartley, Rydberg et Ju- lius : ces raies ne sont pas simples; elles sont tout à la fois des doublets et des triplets et, si l'on appelle n, n! les nombres d'ondes (c'est-à-dire le nombre de longueurs d'onde contenues dans un centimètre) des composantes d'un doublet, la différence v—=n'—n est une constante pour tous les doublets d’une même série; de même, les nombres d'ondes de la deuxième et de la troisième raie d’un triplet s’obtiennent, en ajou- tant, au nombre d'ondes de la première, des quantités v, , qui ont la même valeur pour toule la série. Y a-t-il une relation entre ces constantes spectrosco- piques des éléments et les autres nombres qu'ont déterminés des procédés d'étude différents? M. Rydberg a cherché à relier les constantes v, v,, », aux poids atomiques des métaux; il est arrivé à ce résultat que le quotient de v, par le carré du poids atomique est fonction périodique de ce poids atomique. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE SO Ne M. William Sutherland, de l'Université de Melbourne, vient de découvrir, entre les éléments d'une même famille, des relations numériques extrêmement sim ples, qui constituent un des pas importants qu'on a faits dans l'étude de la constitution des spectres, de puis la publication de la formule de Balmer, mais qui faisant en quelque sorte un tout des éléments d'un même groupe, orientent les recherches dans une tout autre direction. à La relation générale est la suivante: les quantités v, ,, , sont des fonctions de la forme æp—f, où est un nombre entier, « et 6 des constantes qui ontfla même valeur pour un groupe d'éléments. Ainsi, en faisant p successivement égal à 1, 3, 12, 28, et en pre* nant «—19,6, $——?2, on calcule pour les métaux alcas lins les valeurs de v: Na K Rb Cs VE SUITE 56,8 233,2 546,8 Les valeurs observées sont : 17,2 56,8 Dans la série Zn, Cd, Hg on trouve, pour v,, en fais sant 8— 0, et en prenant les valeurs 1, 3, 12 de p: Vi NAS MS NE 1.1:9,2 4.636,8 à côté de 386,4 1.159,4 4.633,3. M. Sutherland a calculé les « et $ pour les groupes: suivants : Viet re M D Ca Sr Ba LOST Te Du Cu Ag Au VERRE Ga In TI Ici, il y a une petite ombre au tableau; pour le corps inscrits dans l’avant-dernière colonne, la con cordance cesse d'être aussi bonne. - Les valeurs 1, 3, 12, 28, qu'on a données à p, sonb celles que prend l'expression : 6) RE 1—52+ 52 quand on y fait successivement » —0, 1, 2, 3. Il est impossible de conserver cette expression quand On» passe à d’autres quantités v; on à alors: (famille de Zn) EEE DEAR f he 1,3, 12,24. ; 3, 12, 26: Ve vsr(famille deMe)e. CRE y (certains doublets de Ca, Sr, Ba) Il peraît bien difficile, malgré la légère différence de ces quatre séries de facteurs, de considérer comme un: pur hasard l'existence de relations numériques à coeffi= cients entiers entre les valeurs de v, v,, v., relatives aux éléments d'une même famille. Le Mémoire où M. Sutherland à fait connaître ce résultat contient beaucoup d'autres considérations intéressantes, destis nées à étayer l'idée que tous les spectres doivent leur naissance à des vibrations tournantes d'électrons, déris vant d’une même oscillation fondamentale; mais c@ travail demanderait une étude approfondie et il nous a paru préférable d'isoler et de mettre en relief le résultats le mieux établi et le plus inattendu. , $ 3. — Botanique L'enseignement de la Botanique dans les Universités. — Notre très distingué collaborateur M. Vuillemin rend compte, dans une autre partie de la Revue d'un intéressant et très origininal Traité de Biologie végétale, dù à M. Pavillard. Nous voudrions prendre occasion de la publication de ce livre pour appeler l'attention des professeurs sur une question de pédagogie scientifique que M. Ch. Flahault a spé SE ————— ———— 4 Voir plus loin, page 932 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE cialement traitée dans la préface qu'ila donnée à cet ouvrage. —…._ L'éminent professeur de Montpellier est, on le sait, “particulièrement qualifié pour apprécier les méthodes en vigueur dans l'enseignement des Sciences natu- relles, et nous devons être attentifs au cri d'alarme “qu'il profère au sujet des tares fondamentales, des “Jacunes et des dangers d'une pédagogie surannée, où tant de place estencore laissée à une routine irréfléchie “et incohérente. ds … M. Flahault rappelle d'abord les conditions actuelles me l'enseignement des Sciences naturelles, en particu-® lier de la Botanique, dans nos établissements universi- aires. Conformément à l’évolution de nos convuaissan- ces, la théorie cellulaire y joue un rôle prépondérant; “elle est la base fondamentale de tout le système, le point de départ de toutes les déductions; elle s'impose, comme inévitable, à l'esprit des maîtres et des élèves. Ouvrez n'importe quel ouvrage élémentaire : il débute invariablement par la notion de la cellule, par l'analyse abstraite de sa constitution, de ses attributs, de sa systématique. Cette méthode est loin d'être à l'abri de tout reproche. « A partir du jour où il est établi que la cellule est l'élément fondamental de tout organisme vivant, écrit M. Flahault, il semble que tout livre destiné à l’ensei- + gnement de la Botanique doive nécessairement com- mencer par l'analyse détaillée de la cellule. Cette manière à ses avantages; nous nous garderions d'y trouver à redire, lorsqu'il s'agit d’un enseignement préparé par la connaissance générale des objets de la Nature. Mais l'enfant échappe à peine à cette obses- sion : on daigne encore lui dire ce qu'est une plante, à quoi servent ses diverses parties; c'est une concession à son jeune âge; le temps des lecons de choses passé, on n'y revient plus. L'enfant est au lycée; il va subir - une longue réclusion pour apprendre à faire bon usage de la liberté. Il ne verra plus la Nature qu'en rêve, ou pendant de courtes envolées. Ses maitres, obéissant à … des exigences étrangères à la Science, n'ont pas le pou- … voir de la lui montrer, de lui en faire apprécier la £ sublime harmonie. La discipline le veut ainsi. - «La parole du maitre doublée de manuels, ce sont les - seuls moyens par lesquels les jeunes gens de nos gran- ki des villes, sans contact avec la Nature, apprendront à la connaître. On à pourtant la prétention de ne pas la leur laisser ignorer. Pour y réussir, on l'analyse jusque dans les détails les plus minulieux; on en dissèque tous les éléments constitutifs. On étudie les fonctions indé- » pendamment les unes des autres et, parfois, pour plus de simplicité, en dehors des organes qui les accomplis- sent. L'horizon est de plus en plus borné. La Botani- que, ainsi traitée, devient une science abstraite qui a la Nature pour objet. L'étude de la Nature est bien le thème développé; mais il semble que cette Nature soit … hors d'atteinte; on parle des objets qui nous entourent - comme on parlerait des étoiles. On ne les décrit pas; on ne les montre pas, et les détails minutieux qu'on en fait connaître n'en laissent pas moins l'objet le plus vulgaire dans le monde des abstractions. On met beau- coup de logique à catégoriser les faits; chaque chapi- tre est un compartiment bien clos, on entrevoit à peine - ses rapports avec les compartiments voisins. Au milieu de cet ordre parfait, nous ne voyons plus vivre la plante; nous n'avons plus l'idée du fonctionnement harmonique de toutes ses parties. Elle est le substratum de ses phénomènes déterminés avec précision, mais ce substratum est quelconque, comme le ballon oule creu- set où s’accomplit une réaction chimique. » Une telle méthode apparaîtra, sans doute, comme le . résultat de notre régime de centralisation absolue, où toute tendance individuelle est paralysée par l’unifor- … mité des programmes, tout écart d'indépendance bridé - par la contrainte des obligations administratives, régime - dont l'idéal semble être le fonctionnement automatique Re mécanismes immuables, de rouages parfaitement réglés, mais dont toute âme serait absente. | ) 895 L'abus des classements artificiels, des procédés géométriques et des vues a priori, la multitude des noms de genre et d'espèce, et des termes techniques, suffisent amplement pour slupéfier les jeunes gens, en sollicitant l'intervention exclusive de la mémoire, pour bannir de leur esprit, comme de celui des maitres, toute tentative d'effort intellectuel, pour étouffer chez eux toute aptitude à l’investigation personnelle. . La conquête rapide d'un grade plus ou moins auréolé, palladium indispensable à l'entrée de toute carrière libérale, est, pour le plus grand nombre, le but suprème d'une scolarité laborieuse, qui dicte, à l'exa- men, les réponses stéréotypées, incomprises ou rete- nues à l’aide de futiles procédés mnémoniques. Qui ne voit au bout d’un pareil régime l'effacement complet de la personnalité, le recul, peut-être l'atro- phie d’une intelligence, comprimée dans son essor par des procédés niveleurs et tortionnaires ? L'enfant modelé par la contrainte, faconné d’avauce à tous les renoncements, hésite, et sent sa raison faiblir à la plus légère contradiction. Son esprit, habitué aux affirma- tions sommaires, aux jugements ex cathedra, recule devant tout essai de critique, s’abstient de tout initia- tive soit pour découvrir, soit même pour comprendre, « Les jeunes gens qui nous viennent, écrit encore M. Flahault, ont tout appris; mais ils ne savent rien par eux-mêmes. Ils n’ont aucune certitude. Pour peu qu'on les pousse, ils s’abritent derrière l'autorité de leur professeur : Magister dixit ; « cest ce quon ma dit ». d On a parlé de la faillite de la Science; c'était une bêtise; mais ne semble-t-il pas que nous marchions, tète baissée, vers la faillite de notre éducation scienti- fique ? ; Bien lourde est !a charge des professeurs de l’ensei- snement secondaire, obligés de se tirer d'affaire dans un cadre aussi restreint, en accommodant leur rôle d'éducateurs aux exigences du mécanisme adminis- tratif. Autrement grave serait la responsabilité des maîtres de l’enseignement supérieur, si, ne s'avisant pas des devoirs qu'impose leur situation privilégiée, — l'entière liberté dout ils jouissent, — ils ne s’efforçaient d'orienter leur enseignement dans le sens du progrès intellectuel et moral de leurs disciples. Leur rôle est nettement tracé : « Si toutes les aptitudes natives et latentes de l’en- fant pour l'observation n'ont pas été étouffées, s'il reste encore chez le jeune homme quelque désir d'aller vers elle assez fort pour déterminer le choix d'une carrière scientifique, agricole, médicale ou autre, notre devoir est d'éprouver ces aptitudes au plus vite et de donner une autre direction aux jeunes hommes lors- qu'elles ne sont pas confirmées. ? k « Nous avons le devoir de faire l'éducation de la pensée par l'observation. Les sciences physiques el naturelles en fournissent d'excellents moyens. Il s'agit beaucoup moins pour nous de bourrer l'esprit et la mémoire de la masse des faits acquis à la science que de former l'esprit à l'observation personnelle. Que le jeune étudiant soit mis, dès le premier jour, en face de la Nature pour l'interroger lui-même; quon lui mette entre les mains les moyens de contrôler les faits sur lesquels le maître s'appuie el d'en faire la preuve et, s'il est capable de penser, on verra bien vite se déve- lopper chez lui la curiosité de l'observation personnelle, l'esprit de contrôle et de critique. Ce devoir de former des intellisences et de les dégager des procédés scolas- tiques préoccupe les maîtres de l'enseignement supé- rieur qui vivent en contact constant avec leurs élèves. Il n’est pas besoin, pour y réussir, de tout enseigner. I] faut et il suffit que, suivant le but qu'il vise, l'étudiant puisse se faire, sur la majorité des faits qu'on lui enseigne, une opinion qui lui soit propre.» ; Fortifier le jugement, développer et affermir | intelli- sence, exercer l'esprit par l'observation des phéno= mènes de la Nature, par la recherche personnelle des causes et des relations, cela vaut mieux, sans doute, 896 que dérouler l’entendement et décourager les vocations par les vains artifices d’une nomenclature outrancière, par les compilations indigestes, l'analyse sèche et minu- tieuse des moindres détails, l'étalage puéril des réac- tifs, flacons et appareils. Mettre les jeunes gens en présence du monde organisé, les intéresser aux formes dominantes, aux aspects caractéristiques, les initier aux manifestations essentielles de la vie des végétaux et des animaux, tel nous apparaît le régime rationnel de l'enseignement des sciences naturelles dans les Universités. Méthode bien simple, en vérité; et, pour- tant, que de lacunes, de négligences ou de défaillances dans l'application! Nombreux sont les étudiants qui arrivent à la licence sans avoir jamais vu d’autres plantes que celles qui végètent dans le sol artificiel des jardins botaniques. Nous pourrions citer telle Faculté où l'on n'herborise jamais! Est-elle réellement propre à élever l'esprit, à « l'ou- vrir au sentiment de l'harmonie universelle des êtres vivants », celte dogmatique froide et prétentieuse qui se flatie d'éclairer un point obscur de la philosophie naturelle, en ramenant la suggestive évolution des Fougères à la succession de deux tronçons de longueur inégale ! Que dire encore ? Le mal est grave, mais il n'est pas irréparable. De toute part, en effet, surgissent déjà d'heureux symptômes. Depuis quelques années, un souffle puissant, régénérateur, a passé, emportant au loin les antiques formules, les procédés rouliniers, encombrant héritage du passé. En Physique appliquée, en Chimie industrielle, dans toutes les formes de l'Art, des progrès admirables ont été réalisés. Sous l'impulsion des conquêtes prodigieuses du savoir humain, de l'étonnante éclosion d'idées qui est sortie de ces conquêtes, grâce enfin à l'influence d’un sens critique toujours plus raffiné, l’enseignement scienti- fique en France a commencé à sortir de sa torpeur; un malaise indéfinissable s’est emparé de tous les esprits ; les meilleurs ont eu comme l'intuition d'avoir fait jusqu'ici fausse roule. A l’œuvre donc, et qu'on réforme, puisqu'il en est temps encore ! C'est d’abord l'organisation du travail qu'il importe d'adapter à son rôle, en restituant à l'éducation indivi- duelle, à l’investigation personnelle, la prépondérance usurpée par la forme doctrinaire de l’enseignement magistral : « Lorsqu'il s'agit de l'enseignement supérieur des sciences biologiques, les cours professés à l’amphi- théâtre doivent être subordonnés: ils doivent être le complément de l’enseignement des laboratoires, en relier les diverses parties, en établir l'enchainement, en tirer les conclusions. L’enseiynement des labora- toires régularise et complète ce que l'observation directe de la Nature a, nécessairement, de fortuit et de fragmentaire. Le laboratoire, c’est l'observation de la Nature endiguée, régularisée, dirigée; mais, il ne faut pas l'oublier, quoi qu'on fasse, la Nature ne se laisse pas emprisonner et contraindre. Bon gré, mal gré, il faut y revenir, ou mieux commencer par elle, et lui demander tout ce qu’elle peut donner directement. « N'est-ce pas là, d’ailleurs, que tend l'effort entier de notre peuple ? Pouvons-nous demeurer étrangers à ce mouvement qui partout, hors de France, pousse les maitres de la Science à délaisser les facilités de leurs laboratoires pour se mettre en rapport plus intime avec la Nature par l'observation directe des faits, par la recherche des rapports de l'être avec le milieu qui lentoure ? De quelles découvertes insoupconnées ne sommes-nous pas redevables à ces vaillants champions de la vérité qui, des pôles à l'équateur, des forèts tropicales aux neiges éternelles, forcent la Nature à leur livrer ses secrets : Haberlandt, Kerner, Fritz Müller, Schimper, Treub, Warming, et tant d'autres. En voulant que les botanistes.... sachent observer la Nature, nous suivons la voie où s'engage la Science. On ne devient pas natucaliste par d’autres moyens. » En second lieu, c'est la forme mème de l'enscigne- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE ment qu'il faut mettre à la hauteur des progrès généraux de l’esprit humain et de l’évolution de la pensée scien- tifique. Depuis un demi-siècle, des notions nouvelles se sont fait jour; des idées anciennes, naguère domi- nantes, ont décliné; quelques-unes ont été totalement abandonnées; d’autres les ont remplacées, déjà entre- vues dans le passé, ou nées d'hier, et dont l'essor fut aussi rapide que brillant. Chacune doit trouver sa place dans un enseignement rationnel, fondé sur l’interpréta= tion légitime des formes et des phénomènes. S'adres: sant à des jeunes gens, dont la culture intellectuelle offre pour garants les diplômes déjà conquis, l'ensei= gnement supérieur doit dépouiller toute la raideur d'ane dogmatique impérieuse, sans s’abaisser au terre à terre de la leçon de choses; faire appel au sens cris tique, à l'esprit d'analyse, sans rien concéder à la curiosité mesquine et frivole. Aux conceptions sim plistes, peut-être erronées, de l'unité du Règne végétal, de l'indépendance des deux domaines, morphologique et physiologique, il doit substituer un enchaivement méthodique, un développement harmonique des progrès de l’organisation, de la différenciation des fonctions, des rapports de l’être avec le milieu. C'est les yeux fivés sur le monde qui nous entoure, que l'étudiant doit être initié à l'épanouissement gra duel de la vie des plantes et des formes végétales: L'humble plasmode des Myxomycètes, le grumeau pro= toplasmique lui fournira l’occasion d'analyser les pro: priétés vitales fondamentales, manifestations obscures, mais universelles, de la vie de toute matière vivante. La théorie cellulaire, déchue de son rang usurpé de souveraine, sera remise à sa place dans le cortège méthodiquement ordonné des progrès morphologiques: La grande loi de la division du travail, introduite. dans les sciences biologiques par la sagacité d'un H: Milne-Edwards, ressortira comme le trait d'union né= cessaire des deux domaines, anatomique et physio- logique, comme le mécanisme créateur, le principes dominateur de toutes les conquêtes réalisées dans l'ordre du progrès morphologique, comme le guide infaillible à l’aide duquel nous pouvons gravir, d'échelon: en échelon, tous les degrés de l'orgauisation, depuis" les êtres les plus élémentaires jusqu'au sommet de las série végétale. Enfin, la concurrence vitale, la lutte pour l'existence, conception géniale d’un poète, devenue réalité vivante par l'effort continu de plusieurs générations de pen= seurs, répandra sur tout le domaine de la philosophie naturelle la clarté lumineuse de ses explications, élu- cidant tous les problèmes, répondant à toutes less questions légitimes, s'appliquant à tous les processus de l'évolution individuelle, à tous les mécanismes de l'adaptation, à lous les facteurs multiples de la survi=. vance spécifique et de l'extension territoriale. À Quel tableau impressionnant pourrait dresser un. botaniste, connaissant et aimant la Nature, et bornant ses désirs à la faire connaître el aimer par d'autres M Affranchi de la tutelle de l'anatomiste, qui dissèque, el. du collectionneur, qui dessèche, il n'aurait d'autre. ambition que de montrer la plante, mais la plante vivante, en place, dans la plénitude de ses fonctions, dans l’infinie diversité de ses manifestations vitales, dans ses rapports multiples avec Je temps, le milieu eb les autres plantes ; tâche grandiose, mais non surhu- maine, dont s'acquittent, avec un succès aujourd hui notoire, les éminents directeurs de l'Institut Botanique de Montpellier. ; En signalant ici à nos lecteurs les remarques que l'un d'eux vient d'émettre incidemment, dans lan préface d’un Traité didactique, au sujet des procédés. ordinaires d'enseignement, nous ne devons pas omettre d'indiquer combien fécondes se sont montrées les méthodes qu'il préconise. Il s'agit là, en effet, non de vues à priori et qu'il resterait à soumettre au contrôle de l'expérience, mais de tout un système d'éducation scientifique soigneusement appliqué et qui, à l'heure actuelle, a fait ses preuves. Louis Olivier. CT T Se VONT © L sd E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 897 LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE Le goitre exophlalmique, cette curieuse maladie que caractérisent trois grands symptômes, l’hyper- trophie de la glande thyroïde ou goitre, la projec- “tion du globe oculaire ou exophtalmie et l’accélé- ration persistante des battements du cœur, très bien connue cliniquement dans loutes ses particularités - et dans son évolution, est encore inexpliquée. Et, sans contredit, c'est une des questions médicales les - plus discutées de’ ce temps que la question de sa pathogénie. Il me semble cependant que, grâce à plusieurs travaux publiés dans ces dernières années, il n'est pas impossible présentement de délimiter le champ des hypothèses. sf LE En premier lieu, la remarque s'impose de l'aban- don définitif des anciennes théories. Aucun mé- decin sans doute ne considère plus maintenant le goitre exophtalmique comme une maladie du cœur ou comme une névrose pure et simple. ner re, D. ii ds | SF M ET, Po EPS Il Il faut aussi abandonner la théorie plus récente de la suractivité fonctionnelle de la glande thy- roïde ou, pour employer un néologisme usilé, de « l'hyperthyroïdation ». Depuis que cette hypothèse a élé mise au jour, on a fait observer que les injections d'extrait thyroïdien ou « l'alimentation thyroïdienne » n'ont, en définitive, jamais donné lieu au syndrome décrit par Basedow et par Graves. Il n’eùt pas été difficile cependant, au cas où cette conception eût été exacte, de l'appuyer solidement sur des vérifications expérimentales. En fait, per- sonne n'a réussi, même en administrant pendant longtemps à des animaux des extraits thyroïdiens, à réaliser la maladie. C’est déjà ce que constatait Brissaud, en 1895, dans son Æapport sur le corps thyroide et la maladie de Basedow, au VI° Congrès des aliénistes et neurologistes français : « Chez le chien, disait-il, l'ingeslion de lobes thyroïdiens en quantité considérable ne provoque ni la tachy- cardie, ni l'exophtalmie, ni le goitre. Quant aux accidents qui, chez l'homme, résultent de la médi- calion thyroïdienne intempestive ou excessive, ils n'ont aucun rapport, en quoi que ce soit, avec la maladie de Basedow. » Dans ce même Congrès, je montrais moi-même que la plupart des symptômes du goitre exophtalmique, sinon tous, pourraient aussi bien s'expliquer par une diminution que par une exagération de la fonction thyroïdienne. « L'idée de la diminution de la ‘sécrétion thyroï- dienne comme cause de cette maladie, disais-je, peut être défendue par des raisons aussi valables que l’idée de l’exagération de cette sécrétion. » Un peu après, Walter Edmunds écrivait à son tour ‘ : « Le contraste entre la maladie de Graves et le myxædème n'exisie bien que pour le myxædème chronique ; dans le myxædème aigu, tel qu'on le voit chez les chiens, et quelquefois chez les singes, il y a des tremblements et des attaques de dyspnée qui ressemblent à ceux de la maladie de Graves. » Le seul argument qui pourrait encore être in- voqué en faveur de l'hyperthyroïdation, c’est celui que l'on a liré des bons effets de la thyroïdectomie dans le goilre exophtalmique. Les stalistiques de ce traitement chirurgical qui ont été produites à la LXXI Réunion des Naluralistes et Médecins alle- mands (Münich, 17-22 septembre 1899) donnent près de 70 °/, d'améliorations (Rehn, Reinbach, Kümmel). Mais Allen Starr, dans un autre travail de statistique, publié en 1896 dans les Afedical News, rapporte que, sur 190 opérés (thyroïdec- tomie partielle), il y eut 33 morts immédiales; et, à ces désastres de la méthode, il faut ajouter les sim- ples échecs et les cas d'amélioration passagère suivie de récidive. Enfin et surtout, il importe de se rap- peler que l'on a plusieurs fois obtenu la guérison du goitre exopüulalmique non seulement par des traitements. médieaux dont il inutile de parler ici, mais aussi par la résection du sympalhique cervical là un que j'examinerai tout à l'heure) ou bien par l'alimentation thyroïdienne. Les observations con- cernant cette dernière méthode, lrès génantes pour les partisans de l’«hyperthyroïdalion », ne peuvent êlre mises en doute. J'ai été moi-même appelé très divers, esl (c'est point occasionnellement, il y a plusieurs années, à faire appliquer ce traitement dans un cas grave de. goilre exophtalmique et j'en ai constaté le succès; j'ai vu la tumeur thyroïdienne diminuer de volume, les tremblements disparaitre, le cœur se ralentir un peu et les forces revenir peu à peu. Ainsi donc la thérapeulique du goitre exophtalmique n'est pas simple et une. Le vieil aphorisme : Naturanm mor- borum ostendunt curationes, ne s'applique pas au traitement chirurgical de cette maladie; car il n'a de valeur que s'il est absolu. Une médication ne peul avoir de signification pathogénique qu'à la 1 Wauren Eouunos : Observations and experiments on the pathology of Graves's disease. Transactions of pathol. Soc. of London, 1895 et Journal of Pathol. and Bacteriol., January 1896. 898 = condition de réussir dans lous les cas. La théorie de « l'hyperthvroïdation » se trouve donc dépos- sédée de sa preuve la plus solide en apparence. III Pendart que la théorie de « l'hyperthyroïdation » essayait de se maintenir, une autre conceplion se faisait jour, amenant un nouveau traitement du goitre exophtalmique, dont le résultat à son tour apparaissait comme constituant la preuve la plus sûre à l'appui de celte conception. On voulut voir la cause de la maladie dans une excitation per- manente du sympathique cervical. Cette idée avait déjà élé émise par Trousseau. Elle fut implicite- ment reprise par Jaboulay (de Lyon) pour justifier son traitement du goitre exophtalmique par la section du sympathique cervical. Elle a été exposée avec une grande clarté par Ch. Abadie ‘. IL est très vrai que l’on peut, en supposant une excitation permanente des filets nerveux vaso- dilatateurs de la glande thyroïde et de la tête, expliquer la dilatation des artères de la tête et du cou, la projection du globe oculaire, le gonflement de la thyroïde ; d'autre part, la tachycardie et la dilatation de la pupille tiendraient à l'excitation des nerfs accélérateurs du cœur et des nerfs dilatateurs de la pupille, qui ont une commune origine dans la moelle et qui suivent les mêmes voies que les vaso-dilatateurs de la tête. Dans celie conception cependant, ni les tremble- ments, ni les convulsions épileptiformes, ni les crises de dyspnée, ni la polyurie, ni la diarrhée, ni la boulimie, ni l'anémie, ni la faiblesse, ni la cachexie, que présentent si souvent les malades dont il s’agit, ne se trouvent expliqués. Je n'insis- terai pourtant pas sur ce point, car une remarque plus importante est tout de suite à présenter. De quoi dépend cette excitation permanente de celte partie du système sympathique? On ne nous le dit pas. Ce phénomène ne s'explique pourtant point par lui-même ; il a donc besoin à son tour d’une raison causale. C'est qu'il en est de cette théorie comme de toutes les théories pathogéniques dites nerveuses; elles ne se suffisent pas. Une lésion nerveuse, un trouble nerveux fonctionnel peuvent bien rendre compte de toute une série de désordres, mais ils doivent avoir eux-mêmes une cause qu'il faut délerminer. La conception dont il est question ne pourrait donc, à supposer qu'on l'admit sans réserves, constituer qu'une élape dans la voie des explications. ‘ Aganie : Pathogénie et traitement du goitre exophtal- mique. Presse médicale, 3 mars 1897, p. 93. E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE IV A la même époque à peu près où se produisait . celle théorie, nos connaissances sur la physiologie de l'appareil thyroïdien subissaient une évolution. Jusqu'en 1891, les physiologistes ne connurent « que la glande thyroïde proprement dite. Mes recherches, publiées à la fin de cette année et en 1892-93 *, élablirent le rôle important des petites glandules annexées à cette glande, ou glandules parathyroïdes. Cetle donnée fut confirmée par plusieurs expérimentateurs. Entre temps, A. Nico- las (de Nancy)? et Kohn (de Prague)* montrèrent que les glandules sont au nombre, non pas de deux, comme je l'avais cru d'abord, mais de quatre. L'existence de ces deux paires de glan- dules fut constatée sur des animaux de diverses espèces. Il devenait alors indispensable de chercher quels seraient les effets de l'extirpation simultanée de toutes les parathyroïdes. J'avais dit précédem- ment (Arch. de Physiol., 1892) que l’extirpation des glandules externes ne détermine aucun accident ; mais il se pouvait que la suppression de celles-ci et des deux glandules internes en même temps provoquàt des troubles. Les premiers, Vassale et Generali realisèrent cette expérience “; les chiens et les chats opérés présenlèrent les accidents habituels de la thyroïdeclomie, suivis de mort rapide. Rouxeau (de Nantes) et moi-même, indépendamment l'un de l'autre, nous fimes voir que l’on peut observer le même fait sur le lapin‘, et je le vérifiai sur le chien ‘. Moussu’ confirma à son tour les résultats des recherches de Vassale, De ces données nouvelles plusieurs expérimenta- teurs tirèrent très vile la conclusion que la glande et les glandules ont des fonctions absolu- ment distinctes. Il n’est pas inutile de remarquer combien cette conclusion était prématurée. Je possède deux cas de survie, chez le chien, après exlirpation de toutes les glandules, un seul lobe de la thyroïde élant conservé. J'ai observé, d'autre part, sur deux autres animaux, à la suite de la même opé- ralion, le développement lent d'accidents qui se sont aggravés après l’ablation d'un lobe restant de la thyroïde et ont alors amené la mort. J'ai vu un fait du même genre chez le chat. Un autre chien, après la parathyroïdectomie, n'a présenté que des * C. R. de la Soc. de Biol. et Archiv. de Physiol. * Bull. de la Soc. des Sc. de Nancy, V, p. 13,3 mai 1893. * Archiv {. mikrosk. Anat., XLIV, p. 366, 1895. * VASSALE et GENERALI : Av. di palol. nerv. e mertale, 1896, 1, p. 95 et 249. * Rouxeau : Comptes rendus de la Soc. de Biol., 9 janvier 1897, p. 17. — E. Grey : Zbid., p. 18 et Bull. du Muséum d'Hist. nalur., 4897, n° 1, p. 23. ® E. GLey : Joc. cit. * G. Moussu : Soc. de Biol., 16 janvier 1897, p. 44. ax fi E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE 899 troubles nutritifs qui ont mis un mois à évoluer jusqu'à l'issue fatale. Sur le lapin, enfin, j'ai vu plusieurs fois l'extirpation des glandules externes “(celle de la glande ayant été faite préalablement _ depuis un certain temps) n'être suivie que de troubles nutritifs chroniques entrainant la mort “en un mois environ. Walter Edmunds a également M des cas de survie (4 sur 9) chez les chiens “parathyroïdectomisés ‘. Et il considère cette opé- ration, contrairement à Vassale et Generali, à oussu, à Lusena, comme moins grave que la hyroïdectomie complète (ablalion de l'appareil hyroïdien tout entier, glande et glandules). Telle serait aussi mon opinion. L'idée d'une distinction absolue entre ces deux parties du même appareil est donc déjà battue en brèche par ces expériences. D'autres faits, d'un autre ordre, la contredisent encore. Ainsi, Walter Edmunds à montré que la suppression des para- thyroïdes entraine des modifications histologiques dans la glande. Je reviendrai plus loin sur ce point. Vassale et Generali ont eux-mêmes trouvé que, chez les chiens qui succombent à la paralhy- roïdectomie, les vaisseaux lymphatiques de la thy- « roïde ne contiennent plus de substance colloïde. G. Lusena, vérifiant cette observation, a vu que, dans les cellules de la thyroïde des chiens en tétanie, après la parathyroïdectomie, on ne trouve plus de granules colloïdes*. Cette sécrétion est donc strictement dépendante de la présence des glandules parathyroïdes. Or, le rôle physiologique de la sécrétion colloïde paraît indiscutable. D'au- tres expériences du même auteur, il résulte que la médication parathyroïdienne agit aussi bien sur les accidents consécutifs à l'extirpation de la thy- roiïide que sur ceux qui suivent l'extirpation des parathyroïdes. — Autre chose maintenant. Je rap- pellerai que j'ai trouvé * autant et plus d'iode dans les glandules que dans la glande chez le chien et chez le lapin, et que Lafayette Mendel ‘ a récem- ment confirmé ce fait intéressant. Or, nous savons . que l’iode est nécessaire à l'action de la sécrétion thyroïdienne. — D'autre part, ver Eecke ‘, dans des . expériences très bien conduites sur le lapin, a éta- bli que les échanges nutritifs subissent des modi- fications de même sens après la thyroïdectomie totale ou partielle (réduite à l'ablation de la thy- roïde proprement dite). - Pour toutes ces raisons, il me semble que l'idée que j'ai émise dès 1897 °, à savoir qu'il se pourrait Lé À 1 J. of Pathc]. and Bacteriol., may 1899. …. © G. LusenA : F'üisio-patologia dell apparecchio tiro-para- - tiroideo, Firenze, 1899. # Comptes rendus de l'Acad. des Se., 2 août 1897. # American J. of Physiol., 1, p. 283, 1900. n ÿ Arch. intern. de Pharmacodynamie, IV, p. 81, 1898. ÿ E. Gzey : Rapport sur la physiologie pathologique du fort bien qu'il y eût entre la thyroïde et les para- thyroïdes une véritable association fonctionnelle, devient de plus en plus plausible. WalterJEdmunds a été amené, de son côté, à conclure de ses recher- ches (loc. cit., mai 1899, p. 71) que ces deux sortes de glandes ne sont pas indépendantes, puisque l'extirpation des lobes thyroïdiens amène des modifications de structure dans les parathyroïdes et que l’extirpation de celles-ci provoque de même des altérations dans la thyroïde. Je noterai encore volontiers ici que Cunningham (de New-York) a trouvé dans une parathyroïde de chien, à la fois les deux tissus, thyroïdien et parathyroïdien, et que Walter Edmunds à eu aussi l'occasion de faire la même constatation (loc. cit., p. 71). Ainsi, on peut démontrer physiologiquement qu'il n'y a pas indé- pendance entre la glande et les glandules, Voyons maintenant si de toutes ces recherches sur les glandules parathyroïdes ne sont pas sorties des conséquences pathologiques. Il me semble que deux théories en sont plus ou moins directement issues, relatives à la pathogénie du goitre exo- phtalmique. 1°. — Les expériences de Vassale et celles de Moussu avaient conduit leurs auteurs à cette con- clusion que la thyroïde et les parathyroïdes cons- tituent deux organes différents. La suppression du premier de ces organes n'amènerait que des troubles trophiques (plus ou moins analogues au myxædème de l'homme), et celle du second déter- minerait des accidents convulsifs et la mort. D. A. Welsh” peut être rangé aussi parmi les promo- teurs de cette théorie. Moussu, poursuivant celte voie el appliquant cette idée à la pathologie, émit l'hypothèse que le goitre exophtalmique relè- verait d'une « insuffisance parathyroïdienne » ?. « On ne peut s'empêcher, dit-il, d'établir un rap- prochement entre celte symptomatologie (celle de l'insuffisance parathyroïdienne) et celle de la mala- die de Basedow » (0e. cit., p. 71). Mais comment cet auteur a-t-il pu concevoir que les symptômes : de la maladie de Basedow résultent de la perte ou de la diminution de la fonction parathyroïdienne, alors que les effets essentiels de l’extirpation des parathyroïdes ne sont nullement identiques à ces symptômes ? La suppression des parathyroïdes ne réalise pas plus la maladie que l'administration myxædème (12° Congrès intern. de Méd.. Moscou, 1891). Voy. aussi du même auteur : Les relations actuelles entre la physiologie et la pathologie de la glande thyroïde, Physio- logie pathologique du myxœdème (Revue gén. des Se. 15 janvier 1898) et : Glande thyroïde et glandules para- thyroïdes (Presse médicale, 12 janvier 1898). 1! J, of Anal. and phys., XXXII, p. 292-307 et 380-402, 1898. ? Moussu : Recherches sur les fonctions thyroïdienne et parathyroïdienne (Thèse, Paris, 1897). 900 exagérée d'extrait thyroïdien *. On a, d’ailleurs, vu plus haut qu'il y a des cas où la parathyroïdecto- mie n'est suivie d'aucun accident d'aucune sorte. Un peu plus tard, sans doute, Moussu a essayé d'appuyer celte hypothèse sur les résultats du trai- tement du goitre exophtalmique par l’administra- tion de glandules parathyroïdes ; mais il n'a publié qu'une seule observation, dans laquelle, sous l’in- fluence de ce traitement, ilse produisit une amélio- ration de la maladie *. D'un autre côté, je sais bien que Easterbrook et Hutchison ‘ ont vu que l'ali- mentation parathyroïdienne est sans utilité dans le myxædème. Mais, pour asseoir une théorie patho- génique sur des observations du genre de celle que Moussu a publiée, il faudrait en avoir au moins un certain nombre. D'ailleurs, le fait, s'il se vérifiait, serait passible d’une autre explication. On pourrait penser que l'introduction de glandes parathyroïdes dans un organisme dans lequel la fonction thyroïdienne esttroublée, apporte au corps thyroïde lui-même, incontestablement altéré dans la maladie de Graves, quelque chose qui iui man- quait et qui rétablit son fonctionnement normal. De fait, comme je l'ai déjà dit plus haut, Lusena, qui a récemment beaucoup étudié leseffets de laparathy- roïdectomie, déclare que « l’organothérapie para- thyroïdienne modifie avantageusement d'une façon certaine aussi bien le syndrome thyréoprive que le syndrome parathyréoprive » (loc. cil., p. 402). Et c'estici lelieu derappelerles observations de Walter Edmunds * qui montrent qu'après l’extirpation-des parathyroïdes la glande thyroïde est profondément altérée. — Quant aux observations de Easterbrook et Hutchison, n'est-il pas possible de les expliquer par la supposilion légitime que l'alimentalion parathyroïdienne peut demeurer sans effet dans le myxædème parce que la glande thyroïde est grave- ment malade et que la substance ainsi administrée ne trouve plus ou plus assez de tissu sain sur lequel agir. 20, — [1 faut donc enarriverà une conceplionnou- velle, qui me paraît reposer sur un ensemble de preuves expérimentales, histo-physiologiques et chimiques. Considérons d'abord les preuves d'ordre hislo- physiologique. Ce sont les faits si bien observés par Walter Edmunds. Cet expérimentateur a mon- tré, d’une part, qu'il se produit chez le chien, après l'extirpation des parathyroïdes, si l'animal survit 4 La question de savoir si on ne la reproduirait pas par l'administration en excès d'extrait parathyroïdien seul ne ‘est pas encore posée. Rien, en tout cas, n'indique présen- tement que cet extrait aurait cette propriété. ? Moussu : Soc. de Biol., 25 mars 1899, p. 2#2. # Cités par Wacter Enxunps : J. of Pathol. and Bacteriol., mai 1899, p. 71. # J. of Pathol. and Bacteriol., January 1896. E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE quelques jours, une hypertrophie de la glande thyroïde (développement de vaisseaux et de tissi" embryonnaire) et que la substance colloïde dispas rait des vésicules, si l'animal survit plus longtemps! cetle dernière constatation a été faite aussi pat Vassale et par Lusena, comme je l'ai déjà noté plus haut; d'autre part, Walter Edmunds a observé dans des cas de goitre exophtalmique, des lésions analogues, le développement dans la glande d'u tissu ressemblant à celui des parathyroïdes ‘. L’ims portance de ce dernier fait n’a pas besoin d'êtré relevée. De son côté, J. Renaut(de Lyon)* a vu qué la thyroïde, dans le goitre exophtalmique, ne con tient plus de substance colloïde. Or, nous savon que la sécrélion colloïde de la thyroïde contient la substance active formée dans cet organe. IL est clair que, dans l'ordre d'idées dont il est main- tenant question, il nous faudrait une étude soignée de la structure des glandules parathyroïdes, dan un cerlain nombre de cas de goilre exophtalmique: Que la glande thyroïde elle-même soit altérée dans cette maladie, c'est encore ce qui résulte fait, d'ordre chimique, que nous avonsobservé l'un et l'autre, A. Oswald (de Zurich) et moi, la diminu- tion de l’iode de la glande. Il est bien établi aujour- d'hui, et récemment encore il a été bien prouvé par les expériences de E. de Cyon et Oswald *, que la ‘substance active de la sécrétion thyroïdienne est un proléide iodé. Le fait de la diminution de l’iode dans la maladie de Graves offre donc un réel inté rêt. Oswald a trouvé, dans un cas, O0 gr. 00394 d'iode °/, de glande fraîche; et, dans un autre cas, je n'ai trouvé * que 0 gr. 00201 °/,. La moyenne entre ces deux chiffres est de 0 gr. 00295 ou, pour sim- plifier, de 0 gr. 003. Or, on peut admettre, d'après les. nombreux dosages d’iode faits dans des thy= roïdes humaines, qu'il y a en moyenne de 0 gr. 05 à. 0 gr. 03 d'iode °/, de glande normale, à l’élat frais. On pourrait done dire qu'il y a environ dix fois moins d’iode dans le goilre exophtalmique que dans la glande normale. Ce n'est là évidemment qu'une indication approximative ; il est à désirer que les résultats d’autres dosages viennents'ajouter à celui d'Oswald et au mien. Si, conformément à l'opinion que j'ai émise il y ! En présence de certains des faits constatés par Walter Edmunds, on peut se demander si le goitre exophtalmique ne consisterait pas primitivement en une hypertrophie, ave@ altérations, des parathyroïdes. ? VIe Congrès des aliénistes el des neurologistes français, Bordeaux, 1885. % Archiv f. die gesammte Physiol., LXXXIIT, p. 4199, 1901. Voy. aussi la toute récente étude de E. pe Cow. Les glandes régulatrices de la circulation et de la nutrition (Rev. générale des Se., XII, p. 828, 30 septembre 1901). * À, Oswazp : Zur Kenntniss des Thyreoglobulins (Zeits: f. physiol. Chemie, XXX, p: 121-144, 1901). 5 E. Gex : Présence de l'iode dans le goitre exophtal- mique (Comptes rendus de la Soc. de Biol., 20 avril 1901). E. GLEY — LA PATHOGÉNIE DU GOITRE EXOPHTALMIQUE a plusieurs années, les parathyroïdes et la thyroïde sont des glandes fonctionnellement associées et - que, par exemple, la formation de la substance protéique iodée ne puisse se faire sans la participa- “ Lion des parathyroïdes, on comprend que, dès que — celles-ci sont altérées, cette formalion diminue. —. Nous voici alors amenés peu à peu à cette con- »- ceplion que le goitre exophtalmique est lié à une altération de l'appareil thyroïdien, intéressant d'abord les parathyroïdes, dont le fonelionnement normal est troublé. S'il en est ainsi, il conviendrait de chercher d'abord quelle est l’action physiologique des extraits de parathyroïdes normales et malades (provenant de goitre exophtalmique) comparalive- ment à celle des extraits des thyroïdes correspon- — dantes. Ce travail s'impose d'autant plus que nous 1 connaissons déjà bien, depuis les expériences d'Oli- “ ver et Schäfer! et celles de l’un de mes anciens clèves, Haskovec (de Prague)?, les effets cardio- ; vasculaires des injections intra-veineuses d'extrait * lhyroïdien normal. Haskovec, en particulier, à prouvé que cet extrait possède une action excitante ‘sur le système sympathique et possède aussi une action dépressive directe sur le cœur. La question devra être examinée maintenant de savoir si celle aclion appartient à l'extrait de thyroïde propre- ment dite ou à l'extrait parathyroïdien ou à l'un et à l’autre ; car les recherches n'ont été pratiquées jusqu'à préseat qu'avec des extraits pour lesquels cetle Séparalion n'avait pas été faite, avec des extraits provenant de tout l’appareil thyroïdien. Dans un récent lravail *, Haskovec, s'appuyant sur cette donnée que, dans tout goitre exophtalmique, la glande thyroïde est malade, arrive à la conclu- sion que le mécanisme de quelques-uns des symp- tômes de celte affeclion dépend de l'excès dans l'organisme de substances toxiques qui ont une action élective sur le système sympathique. Il nous est permis, d'ailleurs, aujourd’hui de concevoir que ces substances, aussi bien que des poisons végé- taux, puissent agir de préférence sur une parlie localisée du syslème nerveux et, par exemple, sur 2-01 Physiol., XVIII, p. 211, 1895. ? Wiener medic. Blalter, 1895, n° 41. 3 Wiener medic. Wochens., 1900. 901 toute cette région de la moelle d’où proviennent les nerfs accélérateurs du cœur, vaso-dilatateurs de la tête el du cou et irido-dilatateurs. Pourrait-on aller plus loin? Ces substances toxiques résultent-elles d’une suraclivité fonction- nelle des glandules parathyroïdes en voie d'altéra- lion? ou sont-elles produites dans l'organisme, où elles s'accumuleraient parce que les glandules malades et la thyroïde, secondairement altérée, ne peuvent plus les neutraliser? Il faut reconnaitre que les faits que nous possédons actuellement ne permettent pas de trancher cette importante ques- tion. Mais la voie dans laquelle il serait utile main- tenant de chercher ne parait-elle pas s'ouvrir? Ne devons-nous pas entreprendre de déterminer exac- tement les troubles fonctionnels des glandules parathyroïdes et les relalions entre ces troubles et le système nerveux sympathique ? V Cette conclusion de l'étude critique qui vient d'être faite, quelque réservée qu'elle soit, montre néanmoins, je crois, les progrès réalisés dans ces dernières années sur cette question de la patho- génie du goitre exophtalmique. On en jugera mieux encore peut-être, si l'on me permet de rappeler la conelusion, beaucoup plus modeste, à laquelle me conduisait une semblable étude critique, il y a six ans ‘. Voici, en effet, comment je Lerminais ce actuellement travail: « Nous ne dire qu'une chose, c'est qu'il y a beaucoup de cas de pouvons maladie de Basedow, sinon tous, dans lesquels on saisit une relation, et sans doute une relation de cause à effet, entre des altéralions de la glande thyroïde et celte maladie. Il faut savoir, pour le moment, s’en tenir à ce point. » Ne semble-t-il pas que nous avons maintenant dépassé ce point?” E. Gley, Professeur agrégé de Physiologie à la Faculté de Médecine de Paris, Assistant au Muséum. 1 E. Gcey : Sur le fonctionnement de la glande thyroïde et la maladie de Basedow. V/e Congrès des Médecins alié- nistes et neurologistes français, Bordeaux, 1895. ? Communication faite à la 69° réunion de l'Association médicale britannique, 30 juillet-2 août 1901, à Cheltenham. 902 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS PREMIÈRE PARTIE : LIQUÉFACTION I y a des corps que les progrès de la Science font passer, en peu d'années, de l’état de curiosités scientifiques au rang de matières industrielles; de ce nombre sont les gaz liquéliés. On appelle ainsi les liquides qui ont, à la température moyenne de nos climats (15°), une tension de vapeur supé- rieure à la pression atmosphérique. Interprétée à Ja lumière de la loi approchée de Pawlewski, d'après laquelle la différence entre la température critique et la température d'ébullition normale serait sen- siblement constante et voisine de 165° à 170°, la conception des gaz liquéfiés devient celle des corps dont la température critique centigrade est infé- rieure à — 180° ou à + 185°. D'après le tableau des constantes critiques des corps, un assez grand nombre de substances satisfont à la condition précédente; pratiquement, il n'y en à qu'un très petit nombre qui appar- tiennent à l'industrie; ce sont, rangés dans l’ordre ascendant de leurs points d’ébullition normale ou de leurs températures criliques : l'air atmosphé- rique, le protoxyde d'azote, l'acide carbonique, l’acétylène, l’'ammoniac, le chlore, le chlorure de méthyle, l'acide sulfureux et le chlorure d’éthyle. C'est dans cet ordre que nous étudierons ces gaz dans ce qui suit. Nous considérerons successivement la prépara- tion industrielle des gaz liquéfiés, leur conser- vation, les applicalions tant physiques que chi- miques auxquelles ils ont donné naissance et, dans la mesure du possible, leur importance économique, ainsi que les circonstances qui favo- risent où paralysent le développement en France de l’industrie de la liquéfaction. Ï. — PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS. Celle opération comprend ordinairement deux phases distinctes : la préparation chimique du gaz et sa liquéfaction ultérieure; pour l'air, que nous étudierons en premier lieu, le problème de la liquéfaction seul se pose. $S 1. — Air liquide. Tous les dispositifs employés actuellement pour l'obtention de l'air liquide, et dont quelques-uns sont connus des lecteurs de la /?evue, sont cons- truits d’après le principe suivant : ou détend l'air comprimé sans vilcsse sensible, le refroidissement étant produit uniquement par l'effet Joule-Thomson, et on accumule le froid produit par les détentes sue- cessives, en se servant de l'air détendu et refroidi pour abaisser, au moyen d'un appareil à contre- courant, la température de l'air comprimé qui va se détendre. Dans ces conditions, la température de l'air et de l’ensemble de l'appareil s'abaisse cons- lamment jusqu'au point de liquéfaction de l'air. Je décrirai d’abord les appareils à liquéfaction de l’air qui ont figuré à l'Exposilion Universelle de 1900, c’est-à-dire ceux de Linde et de Tripler. 1. Appareil Linde.— La figure 2 montre une vue. d'ensemble de la machine de l'Exposition, tandis que la figure 1 en donne un plan schématique assez détaillé *. L'air extérieur arrive par la droite de l'appareil où il est aspiré, dans la proportion de 19 mètres cubes à l'heure, par le premier piston d'un com- presseur À à trois cylindres, chargé de gouttelettes d'eau *, puis amené à une pression de 7 kilos par centimètre carré”. Au moyen d'un serpentin, plongé dans un bain d'eau et qui le ramène sensiblement à sa température initiale, l'air arrive dans un deuxième cylindre de section plus petite, débitant 2%%9 à l'heure, et où sa pression passe de 7 à 50 kilos; il arrive enfin dans un troisième cylindre beaucoup plus petit, et faisant passer en une heure 4%5,9 d'air de la pression de 50 à celle de 200 kilos. L'air ainsi comprimé, refroidi par un serpenlin, passe dans un séparaleur d'eau B où il laisse la majeure parlie de l’eau qu'il a entrainée et où un manomètre métallique donne sa pression. Un robi- net de purge, placé à la partie inférieure de B, permet d'évacuer l'eau de temps en temps. De B, l'air comprimé passe dans un tube C, où il se dessè- che complètement sur du chlorure de calcium L'’absolue dessiccation de l'air est une condition ! Due, comme la figure 2, à la gracieuseté de M. A. Des- vignes, représentant à Paris de la Compagnie des Machines Linde. ? La chaleur développée par la compression est en grande partie absorbée par la vaporisation de l'eau liquide entrai- née. C'est là un procédé aussi simple qu'efficace, pour em- pêcher l'échauffement exagéré de l'air pendant sa compres- sion. # Dans le langage des ingénieurs, les pressions données en kilos par centimètre carré, expriment l'excès de la pres- sion réelle sur l'atmosphère. \ E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 903 "|| || —(€—(————————Z—Z — indispensable à remplir pour le bon fonctionnement | traire de l'air sec, dans un tube large, concentrique de l'appareil Linde. Sans quoi, la vapeur d’eau, | à celui de l'air et extérieur à lui, où elles s'éva- venant à se solidifier, obstruerait les serpentins, et | porent sous l'aspiration de la pompe L. Le froid. a marche de l'appareil serait absolument arrêtée. | produit par l'évaporation de l’ammoniaque liquide u sortir du dessiccateur C, l'air passe dans un | refroidit l'air énergiquement, et celui-ci arrive, par rigérant D appelé réfrigérant à air; le tube | un conduit soigneusement protégé contre la chaleur roit qui l'amène est, à cet effet, entouré d'un | extérieure, dans le tube central de l'échangeur à be concentrique plus large où circule, en sens | contre-courant F. Arrivé au premier robinet de Gntraire, l'air froid qui a échappé à la liquéfaction | réglage G, l'air franchit une soupape, subit une ét auquel une première récupération en F n'a pas | chute de pression qui le ramène à 50 atmosphères, enlevé la totalité de sa puissance réfrigérante. | et se refroidit à — 130° environ; la plus grande Cet air, ramené sensiblement à la température | partie de l'air ainsi refroidi revient sur ses pas et ordinaire, retourne au compresseur À sous la | circule de nouveau autour du tube central, mais pression de 50 kilos, et atteint celui-ci dans la | en sens contraire, en refroidissant l'air qui arrive = Fig. 1. — Schéma de la machine Linde pour Ja liquéfaction de l'air. — A, compresseur à trois cylindres, aspirant l'air extérieur et le refoulant dans la machine; B, séparateur d'eau ; C, tube à chlorure de calcium ; D, réfrigéraut à air; E, réfrigérant à ammoniaque avec son compresseur L et son condenseur M; F, échangeur à contre-courant; G, premier robinet de réglage ; H, second robinet de réglage ; I, collecteur de l'air liquide; K, robinet de soutirage. valeur, c'est-à-dire entre le deuxième et le troisième | en D, puis en A. cylindre. Une partie seulement de l'air qui a franchi la “ Le réfrigérant à air D est suivi d'un réfrigérant | première soupape franchit le second robinet de ammoniaque E, actionné par une petite machine | réglage M, puis une seconde soupape, subit une frigorifique indépendante, à ammoniaque, du sys- | deuxième détente et un nouveau refroidissement; tème Linde. Les vapeurs d'ammoniaque liquéfiées | la pression est alors voisine de la pression atmo- dans le compresseur L, après avoir traversé le | sphérique. Dans ces conditions, l'air liquéfié Serpentin condenseur M où elles se refroidissent | s’amasse dans le collecteur T, tandis que l'air non dans un bain d’eau, s'en vont passer, en sens con- | liquéfié s'échappe par la partie supérieure de la È cavité commandée par la seconde soupape, et passe dans un /roisième serpentin F concentrique et exlérieur aux deux autres, pour former chemise de vapeur, et protéger contre le réchauffement le deuxième serpentin F, avant de retourner dans Fatmosphère, à une température encore assez basse. On recueille au dehors l'air liquide dans des vases appropriés, en manœuvrant le robinet de s "D + : La réfrigération en D pourrait n'être pas suffisante, surtout dans le cas des machines de faible puissance dont Jauto-refroidissement initial est très lent; il est donc éco- nomique d'avoir un réfrigérant indépendant avant l'entrée de l'air dans l'appareil à contre-courant. Dans les machines “à faible débit, ei surtout lorsqu'on ne dispose que d'une “orce motrice insuffisante, le refroidissement en E se fait “au moyen d'un mélange réfrigérant ordinaire, glace et sel région où la pression a sensiblement la même | en F; de là, l'air passe, comme nous l'avons vu, marin, ou glace et chlorure de calcium. | E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS soulirae K. Tous les organes de cette machine sont en cuivre. Le volume d'air envoyé par heure dans l'échan- geur F par le troisième cylindre À, est aone, ramené à la pression atmosphérique, 1,9 X50—95 mètres cubes. Sur ces 95 mètres cubes, il y en à 19 qui quittent la machine en traversant les deux ré- gleurs G et H; un tiers passe à l'état liquide’, et deux tiers échappent à la liquéfaction, et retournent à l'atmosphère comme on vient de le voir. Les 95 —19— 76 mètres cubes qui restent sont faut comprimer à 200 kilos pour remplacer l'air qui s'échappe de la machine, ce qui exige théoris quement 3%,8": soit un travail théorique tolal de” 7%,8. En réalité, le compresseur de l'Exposition absorbe 12 chevaux, ce qui donne un rendement mécanique de 64 °/,. Î Il convient d'ajouter à la force ci-dessus les 3 chevaux absorbés par la machine à ammoniaques qui produit le refroidissement préliminaire gràcé auquel la machine produit8 litres à l'heure, alors que, sans ce refroidissement, elle ne donnerai Fig. 2. — Installation de la machine Linde pour la liquélaction de l'air à l'Exposition Universelle de 1900. ceux qui retournent au troisième compresseur À après avoir traversé le premier régleur, c'est-à dire à la pression de 50 kilos par centimètre carré. On voit donc qu'il y a dans la machine Linde deux circuits : le premier, ou circuit de refroidis- sement, exige par heure la compression de 50 à 200 kilos d’un volume initial d'air de 76 mèlres cubes [à la pression atmosphérique), par suite 4 chevaux”; le second, ou circuit d'alimentation, puise dans l’air, par heure, 19 mètres cubes qu'il ! Ce qui représente environ $ litres d'airliquide à l'heure, production normale de la machine. * On a, en elïet : " .P1 16X 10332 200 76 X 10332X 2,3 D PVE LE TE 3600 * 50 15. X 3600 log.i—4chev. que à litres; le rendement définitif est donc de E — 01,533 d'air liquide par cheval et par heure. 2. Appareil Tripler. — L'air aspiré dans l'ats mosphère est d'abord saturé de vapeur par un las vage à l’eau; après quoi, il subit trois compressionss successives en A, B, C (fig. 3), qui l'amènent à 5 atm. 3, puis à 27 atm. 7, puis enfin à 170 atmos- phères?: après chacune des deux premières com=" ! On », en effet : pr 19%x<10332 à 19X410332+<23 3 : = LU Le ———— 200 —3 3 Pa 13% 3600 3600 108200 —3;8ch 2 Les pressions successives sont respectivement de SU, 115 et 2.500 pounds par pouce carré; or, l'atmosphère cors respond sensiblement à 15 pounds par pouce carré. A. SIE= 5 pv£ E. MATHIAS — LA PRÉPARATION pressions, l'air est refroidi en D par un courant d'eau, et ramené à sa tempéralure initiale d’en- viron 13°. ‘ Après la troisième compression, il est amené en E “à une lempéralure voisine de — 17°,8, et dépouillé par congélation de sa vapeur d'eau, très probable- “ment au moyen d'une solution aqueuse de chlorure “le calcium refroidie par l'air qui revient des liqué- “facteurs à la pression atmosphérique sans avoir “épuisé complètement son pouvoir de réfrigération. —._ Comprimé à 170 atmosphères, il se purifie d'abord “dans un séparateur F qui lui enlève les poussières et huile qu'il entraine. Il arrive enfin dans les liqué- acteurs, qui sont au nombre de deux et dont le pre- ier H n'est au- tre qu'un échan- qeur de tempé- rature, formé … vraisemblable- - ment de tubes de . cuivre concentri- ques verlicaux dans lesquels l'air comprimé …_ quiarrive est re- _ froidi par l'air _ froidquiaéchap- . pé à la liquéfac- tion, et qui che- _ mine en sens contraire. La neige provenant F Borremans So Fig. 3. — Schéma de la machine Tripler pour la liquc- INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 905 | disseur et alimentaire tout à la fois. Pour faciliter la comparaison, Supposons que dans l'appareil Tri- pler l’air soit comprimé à 151 atmosphères ; comme il se détend jusqu'à la pression atmosphérique, on voit que la chute de pression est la même que dans la machine Linde, où l'air tombe de 200 kilos à 50 kilos par centimètre carré!. Par conséquent, pour une même quantité d'air circulant dans les deux appareils (95 mètres cubes à l'heure, par exemple), et en supposant que l'échangeur Tripler soil aussi bien isolé que celui de la machine Linde, la quantité d’air liquéfiée sera la même, soit 5 litres à l'heure, ce qui est la production de la machine Linde de l'Exposition fonctionnant sans refroidisse- ment préalable. La machine Tri- pler fonction- nant sans retour d'une partie de l'air au compres- seur, il faudra, par heure, com- primer 95 mètres cubes de 1 à 151 atmosphères, ce qui exige théo- riquement 18,2 chev.?, alors que lamachine Linde ne demande que 7 chev. 8, soil 2,3 fois moins. laction de l'air. — ABC, compresseur; D, réfrigé- J Ù " de la congéla- rant à eau; E, second réfrigérant; F, séparateur; K La machine à G, G, tubes où s'emmagasine tion de la vapeur : - d’eau tombe . alors au bas de - l'appareil, tandis que l’airdesséché etrefroidi main- lenant à — 73°,3 passe en lraversant une soupape - dans la partie centrale du second liquéfacteur I où il se délend jusqu'à la pression atmosphérique, et se liquéfie si la tempéralure s'est abaissée à —191°% L'air qui à échappé à la liquéfaction s'échappe par la partie supérieure, et revient sur . ses pas en refroidissant, dans un serpentin à con- - tre-courant, l'air comprimé qui arrive : cet air, déjà un peu réchauffé, passe à son tour dans le premier liquéfacteur, etc. Après un quart d'heure de fonc- tionnement de l'appareil Tripler, on commence à recueillir du liquide". Si l’on compare cet appareil à celui de Linde, on voit qu'il n’y a ici qu'un seul circuit, qui est refroi- » Enr : /ce and Réfrigeration, octobre 1900, pp. 117-120, à qui j'ai emprunté divers renseignements sur la machine Tri- pler. - - : Le liquéfacteur Tripler, probablement perfectionné, vient . d'être décrit dans Z. f. comp. und A. Gase, t. IV, p. 151. l'air comprimé ; H, échangeur de température; I. liquéfacteur ; J, ro- binet qui commande la soupape de détente; K,robiuet de soutirage de l'air. Tripler de l’Ex- position produi- sait environ 10 | litres d'air liquide à l'heure, et absorbait à peu près »o chevaux, soit un rendement de 0!,182 par heure | et par cheval, tandis que la machine Linde sans réfrigérant indépendant donne 5 litres pour 12 che- vaux, soit O!,M7 par cheval et par heure; le rap- port des deux rendements pratiques est sensible- ment le même que celui des travaux théoriques de compression. 3. Autres appareils à liquéfaction de l'air. — Les lecteurs de la Æevue en connaissent deux qui re- montent à l’année 1896: le premier est celui du Professeur J. Dewar *, dans lequel l'air, avant de se ! À la condition de confondre l'atmosphère pression de 1 kil., 033 par centimètre carré, avec la pression de 1 kilo- | gramme. ? On a, en effet : 95 X 10332 95>x<103325C2,3 pren XX ET Ant ARCS Pa 15 X 3600 15 X 3600 % Revue géncrale des Sciences, t. VII, p. 1896. ASE 27%; 15 mars 906 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS détendre, subit un double refroidissement, d’abord Il faut faire en sorte que p, — p, soit le plus grandi, par l'acide carbonique solide à 79, puis par l'acide carbonique liquide détendu soit à la pres- sion atmosphérique, soit à une pression plus faible. Avec de l'air comprimé d'abord à 200 atmosphères, on liquéfie environ 5 °/, de l'air employé, le liquide commençant à couler après 6 minutes de fonction- nement. Le second est celui du D' Hampson, décrit par le Professeur Tilden”, qui liquéfie 6,6 °/, de l'air détendu, la liquéfaction mettant environ 15, mi- nutes à se produire. La compression iniliale de l'air à 120 atmosphères exige une force d'environ 3 chevaux et demi. Dans les appareils de Dewar et de Hampson, la phase préalable de compression de l'air est abso- lument séparée de la liquéfaction proprement dite; ces appareils peu encombrants, très commodes, sont exclusivement des liquéfacteurs qui paraissent très bien convenir, surtout le dernier, à la prépa- ration de l'air liquide dans les laboratoires de Phy- sique ou de Chimie. Dans ces conditions, c'esl-à- dire toutes les fois que la préparation de l'air li- quide a pour but de répondre à un besoin qui ne se fait sentir que de tempsen temps, on est trop heu- reux de sacrifier l'économie à la commodité. Lesappareils analogues à l'appareil Linde n’ont,en effet, d'intérêt réel que s’il s'agit d’une préparation vraiment industrielle de l'air liquide, c'est-à-dire d'une préparation en grand, qui, pour être éco- nomique, doit être nécessairement continue. L'appareil du D' Hampson est à peu près exclusi- vement répandu en Angleterre; rappelons que c’est grâce à lui que l’usine Brin de Londres a pu fournir au professeur W. Ramsay l'air liquide qui, par une distillation fractionnée bien conduite, l'a amené à la mémorable découverte des gaz néon, erypton et xénon, lesquels accompagnent l'argon, l'oxygène, l'azote et l'acide carbonique dans l'air. Remarques sur la liquéfaction de Pair. — Tous ces appareils sont, comme celui de Tripler, dans un notable état d’infériorité économique vis- à-vis de l'appareil Linde, parce que s'ils accumulent comme lui le froid produit par la détente, avec ou sans travail extérieur, ils n’obéissent pas, comme l'appareil Linde, à la condition essentielle qui ex- prime que le travail de compression isotherme du gaz sera minimum. Pour une chute de pression p,— p., le travail de compression isotherme de l'u- nité de masse de gaz, repassant de la pression p, à la pression p,, est donné par : 1 Revue générale des Sciences, t. VII, p. 329, 15 avril 1896. possible et à le plus petit possible. C'est ce qu'ont bien compris MM. Ostergreen eb Bürger, qui, à des détails près de constructions sont, dans leur récente machine à liquéfaction de | l'air, revenus purement et simplement aux idées ue de la machine de Linde et à à l'emploi de deux cycles, un cycle de refroidissement et un cycle d'alimentation : seulement, le cycle de re= froidissement fonctionne entre des pressions, environ moitié moindres que celles qu'utilisent les machines Linde à grand débil!. Ce « nou veau » procédé est exploité à New-York par la « General Liquid Air and Refrigerating C° », don l'installation serait capable de produire de 6 7.000 litres d'air liquide en 24 heures; la plu grande machine Linde existantil y a quelques moi produisait seulement 50 kilos d'air liquide à l heure, soit environ 1.100 litres par jour, avec une 100 inférieure à 100 chevaux. Plus s’accroitront les di= mensions et la puissance des machines à liquéfier l'air et plus le rendement en sera économique. Il est tout à fait possible que l’on arrive à un rende= ment de 4 kilo d'air liquide par heure et par che= val. Il suffit, pour le montrer, de calculer le travail théorique nécessaire pour liquéfier 4 kilo d'air par heure sous la pression atmosphérique. Prenons 1 kilo d’air à + 20° et amenons-le à l'éta liquide à son point d’ébullilion normal — 4194°; ül faudra pour cela abaisser d’abord sa température à — 191°, puis le liquéfier sous la pression de l'at- mosphère et dès lors fournir un travail qui est l’é= quivalent de sa chaleur de vaporisation. L'abaisse=\ ment de + 20° à —191° correspond, vu la cOnS= tance de la chaleur spécifique de l'air 0,2374, à une absorption d'environ 50 calories par kilo d'air”. Mais le travail qu'il faut dépenser pour absorber ces" 50 calories ne leur est nullement proportionnel. IL faut, en effet, imaginer que le kilo d'air à 20° est, comprimé isothermiquement à une pression p telle que, par détente sans vitesse sensible, la tempéra-. ture s’abaisse de 214°, la pression finale étant la. pression atmosphérique. On a, en simplifiant un peu les calculs : 2110 — 0026 (p—1), d'où p — 813 atmosphères, d'où 10332 Spy S 81 = 5 X 2,3 X log. 813— 53125 kilogrammêtres: { La machine de MM. Ostergreen et Bürger fonctionne entre les pressions de 4.250 livres par pouce carré (83atm.), et de 300 livres par pouce carré (20 atm.); la pression maxima est donc exactement moitié de celle de la machine Tripler. ? Nous nous exprimons ici dans le système du kilo- gramméètre. 2 + Le E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS On voit que le travail isotherme de la compres- 53.125 425 Il faut maintenant enlever à l'air sa chaleur de vaporisation. Or, la chaleur de vaporisation sion équivaut à — 125 calories. - proprement dite est donnée par la loi de Trouton on ue, LA hp Cut, tee nt n M2 T — 21, où M est le poids moléculaire, et T la + température absolue d'ébullilion normale. L'air liquide étant un mélange d'oxygène de poids molé- culaire 32 et d'azote de poids moléculaire 28, on peut admettre M —29. On alors: À ZE —59:cal. 4, Soit À—60 calories en nombres ronds. Le travail total, nécessaire àlaliquéfaction 907 l'autre à M. Raoul Pictet actuellement en passe de devenir citoyen des États-Unis. L'idée de M. Tripler est d’actionner sa machine à liquéfier l'air par un moteur à air liquide de son invention; d’après lui, lorsque le moteur a con- sommé 13 litres et demi (3 gallons) d'air liquide, le liquéfacteur de son appareil a recueilli 31 litres et demi (7 gallons), d’où un bénéfice net de 18 litres (4 gallons, d'air liquide n'ayant rien coûté. Mouve- ment perpétuel ! allez-vous dire ; non, répond l'in- venteur, l'énergie qui fait fonctionner le moteur à air liquide est prise à l'air extérieur, donc en défi- nitive au soleil, source de loute énergie terrestre ; le principe de la conservation de l'énergie est respecté. La réponse est spécieuse. L'idée de M. Pictet consiste à remarquer que si de l'air à la pression atmo- de l'air sous la pression atmo- sphérique, cor- respond donc à 495 +60 —185 calories, ce qui à l'heure don- nes 185X425 ; TE X3600 — 0 ch. 3. Théorique- SSS Ÿ RS ment, on pour- rait donc obte- nir par cheval et par heure 3 kilos d'air li- quide, tandis que le meilleur rendement actuel est six fois moindre’, D'après le Professeur Linde, le prix de revient du kilo d’air liquide dans les ma- chines débitant 1.000 kilos par jour est inférieur à 0 fr. 125, prix qui ne peut que diminuer pour des installations plus grandes, et qu'augmenter pour des installations de moindre importance. Les raisonnements qui précèdent montrent qu'il y a place encore pour bien des perfectionnements de détail, susceptibles d'améliorer le rendement de la fabrication de l'air liquide ; il y a place aussi pour les utopies et les espérances déraisonnables, s'il faut en croire les nouvelles récentes qui nous arrivent de l’autre côté de l'Atlantique. Sans pré- tendre aucunement les ranger dans cette dernière catégorie, nous croyons utile de signaler aux lec- teurs de la Æevue deux projets de perfectionnement FE Bopyeuans £&. de la liquéfaction de l'air dus, l’un à M. Tripler,. 4 Line : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenieure, t. XLIV. Fig. 4. — Schéma du dispositif de M. Raoul Pictel pour la liquéfaction de l'air. R, pompe; CG, serpentin plongeant dans l'air liquide: A, B, robinets. sphérique est refroidi à —191° par de l'air li- quide, sa liqué- faction peut se faire sans dé- pense notable de force. Sup- posons donc un serpentin C (fig. 4) relié d'une part à une pompe à main R, de l’au- tre à un tube deux fois re- courbé et fermé au besoin par un robinet B; le serpentin plonge dans de l'air liquide obtenu par un procédé quel- conque. Si l’on ouvre le premier robinet et si l’on pompe, l'air gazeux contenu dans le serpentin va se liquélier, en abandonnant sa chaleur de vapori- sation, soit 60 calories par gramme, à l'air liquide qui baigne le serpentin. Conclusion: cet air va. bouillir, et il va se vaporiser aulant d'air liquide extérieur qu'il s'en liquéfie dans le serpentin ; on peut même penser que, grâce à la chaleur qui arrive de toute part à l'air liquide extérieur, la quantité qui s'en évapore dans un temps donné est plus grande que celle qui se liquéfie à l’intérieur du serpentin. C'est là, parait-il, une simple appa- rence ; l'air extérieur bout bien, mais il s’évapore avec plus de lenteur que l'air intérieur ne se liquélie, de sorte que si l’on a soin de faire débou- cher l'orifice de sortie de l'air qui vient d’être liquéfié dans le bain liquide qui entoure le serpen- in, le bain liquide non seulement ne diminue pas, mais augmente indéfiniment pendant que la pompe 908 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS En ————— "| |] — |" — — " — —.(—(.(—î——.—.——.————— fonctionne‘! La méthode précédente, appliquée sur une grande échelle, permettrait, grâce à des dispo- sitions extrêmement ingénieuses, de séparer l'air en ses composants, d'obtenir à part, à l’état solide ou liquide, l'acide carbonique de l'air, etc*. £2. — Gaz liquéfiés autres que l’air. 1. Protoxyde d'azote liquide. — Ce corps est préparé en minime quantité, car il n'a d'application courante que comme anesthésique”. Il servait autrefois dans ce but aux dentistes, qui en em- ployaient d'assez notables quantités, mais l'emploi en a été longtemps interdit à la suite d'accidents mortels ; il est de nouveau permis. Ce produit n'est guère préparé en France que par M. Duflos, phar- macien à Paris, qui s'en est fait une spécialité. Pour le préparer, on prend de l’azotate d'ammo- niaque très pur et bien cristallisé, et on le chauffe dans un grand ballon où l’on a mis, pour faciliter le dégagement gazeux, du sable de rivière débar- rassé de ses matières organiques et de ses carbo- ! nates par un lavage à l'acide chlorhydrique. Le gaz, après traitement par le sulfate ferreux*, est envoyé de la pompe de liquéfaction, par un rac- cord de volume très petit, dans la bouteille de fer où il est livré au commerce; chaque bouteille con- lient 850 grammes de liquide pouvant fournir 450 litres de gaz. La pompe qui sert à liquéfier ce gaz est une pompe de Natterer horizontale, qui n'offre rien de particulier. Parmi les usines étrangères qui préparent le pro- toxyde d'azote liquide, on peut citer la « Sauerstoff Fabrik, de Berlin. » 1 ]f the coiled tube is so bent that its mouth discharge into the bulb, the liquid air, it will be found, can be produ- ced in volumes which not only compensate for the loss due to evaporation, to radiation and to the solidification of car- bone dioxyde, but a remainder will be left which can be reserved for further use. (Scientilic American, 31 mars 1900, 201) È 2 Scientific American, 31 mars 1900, p. 202. — Les idées de M. Raoul Pictet sur la liquéfaction et la distillation frac- tionnée de l'air atmosphérique ont été l’objet d'un échange d'explications entre la « Gesellschaft für Linde’s Eismaschi- nen » el M. Raoul Pictet sans-qu'une partie ait convaincu l’autre. Voir Zeitsch. fur comprimirlie und flüssige Gase, 4e année, pp. 65-71, août 1900. # ]l en aura une autre sous peu, car M. A. Desvignes a bien voulu me confier que le Professeur Linde étudie en ce moment une machine frigorifique à protoxyde d'azote liquide, qui parait donner de bons résultats. L'intérêt de cette machine serait de donner une réfrigération intermé- diaire entre celle de la machine à air liquide et celle de la machine à ammoniaque. 4 Le sulfate ferreux enlève la plus grande partie du bioxyde d'azote, mais l'absorption est limitée par la tension de dis- sociation du composé formé par le bioxyde et le corps absorbant: il reste donc un peu de Az0 ; si on veut réduire ce corps par la limaille de zinc humide, la réduction va trop loin et donne du protoxyde d'azote mêlé d'azote dont on ne peut pas le débarrasser. 5 R. Bennanp et P. Grogss : Les produits chimiques à l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du D' Quesneville. Janvier 1901, p. 14. 2, Acide carbonique liquide. — Ce corps fera l'objet d'un article spécial. 3. Acétylène liquide. — Le gaz s’oblient, comme l'on sait, au moyen de la décomposition du car- bure de calcium par l’eau. Le gaz desséché peul être liquéfié à la tempéralure ordinaire, et livré au commerce dans des bouteilles d'acier. Pendant les années 1895 et 1896, l'Institut Pictet de Paris à ainsi fabriqué et expédié un peu partout, par che- mins de fer, plus de mille kilos d'acétylène liquide”. Depuis l'explosion terrible survenue à cet établis- sement el au laboratoire Isaac de Berlin, il a été établi que l'acétylène liquide est d’une manipula- tion redoutable, surtout dans sa phase de liqué- faction. Comme le pouvoir explosif de l’acétylène … liquide n'existe plus à la température de — 80°, on a proposé de le liquéfier à cette température, l'emploi du liquide à la température ordinaire paraissant sans danger pourvu que le robinet qui commande la bouteille d'acier où le fluide est rassemblé ne grippe pas. Quoi qu'il en soit, et malgré l’optimisme des personnes qui, comme le D° Altschul, croient encore à l'avenir de l’acétylène liquide, sa préparation industrielle a été totale- ment abandonnée en France et en Allemagne. Pour ce qui concerne les recherches faites sur le pouvoir explosif de l'acétylène gazeux ou liquide, elles sont connues des lecteurs de la Æevue générale des Sciences”. 4. Gaz ammoniac liquéfié. — L'étude de ce gaz liquéfié a été faite récemment dans cette Æevue par M. Truchot, dont la compétence est bien connue*. À son savant article je me permettrai seulement d'ajouter les renseignements suivants : Jusqu'en 1896, la France était tributaire de l'Allemagne pour l’'ammoniac liquéfié, et tout particulièrement de la fabrique Kunheim et C°, de Berlin, et du « Verkaufs- syndicat der Kaliwerke », de Stassfurt; mais, depuis celte époque, M. Bardot a installé à Paris, 274, rue Lecourbe, une fabrique d’ammoniac anhydre, liquéfié au moyen d'appareils Linde, qui alimente presque tous les possesseurs de machines à ammo- niac de notre pays. La consommation annuelle d'ammoniac anhydre en France est d'au moins 10.000 kilos ; celle de l'Allemagne n’est pas moindre. de 150 à 200.000 kilos, le produit y valant actuelle= ment 125 francs les 100 kilogs. 5. Chlore liquide. — Le chlore préparé en vue de la liquéfaction doit être aussi pur que possible; 1Z. für comp. und Aüssige Gase, t. 1, p. 14, avril 1899. * Marcez Guicuann : Le pouvoir explosif de l'acétylène, Revue générale des Sciences, t. VII, p. 847, 1896. 3 L, Trucnor : Etat actuel de l'industrie de l’'ammoniaique ; E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 909 le meilleur procédé de préparation parait être l'électrolyse d'une dissolution aqueuse de sel marin. | Dans ces condilions, le chlore se porte à l’anode et “je sodium à la cathode, mais il ÿ a action secon- _daire du sodium sur l’eau, formalion de soude auslique, et dégagement d'hydrogène à la cathode. M. Culten‘ emploie une anode et une cathode en charbon. La soude caustique, plus lourde que la - liqueur salée qui lui a donné naissance, tombe au Bond du réservoir dans lequel se fait l'électrolyse, et passe de là dans des réservoirs à canaux où elle S'accumule. Quant au chlore produit à l'anode, il est aspiré par une pompe, accumulé dans une conduite centrale, et envoyé de là dans un dispo- Sitif spécial où il est desséché au moyen du chlo- rure de calcium ; une pompe réfractaire aux acides ‘envoie ensuite dans une chambre où il s’accumule et se liquéfie. La petite quantité d'air et de gaz “étrangers que le chlore peut avoir entrainés s'accu- ule au-dessus du chlore liquide où ils sont peu solubles, et la pression de liquéfaction, qui ne serait que de 4 à 5 atmosphères à la température “ordinaire pour le chlore pur, va constamment en augmentant. Lorsque le réservoir à chlore liquide est presque rempli, une soupape placée à la partie … supérieure se soulève, et les gaz étrangers s'échap- _ pent, en même temps qu'un peu de chlore; le - liquide restant est à peu près complètement purgé des impuretés qu'il renfermait. 4 La liquéfaction du chlore est obtenue par une pompe à piston liquide (fig. 5) formé d'acide sulfu- rique concentré, lequel est sans action sur le chlore. La pompe est constituée par un tube cylindrique en forme: d'U, en fonte doublée intérieurement de plomb. Dans les deux branches, il y a de l'acide sulfurique ; dans celle de gauche en cd, l'acide est surmonté par du pétrole dans lequel se déplace le piston plongeur 4 d'une pompe aspirante et fou- lante. Lorsque le piston à monte, la soupape d'aspi- ration / s'ouvre et le chlore gazeux est aspiré par le tuyau 2; quand le piston descend, le pétrole refoule l'acide sulfurique qui oblige le chlore à soulever la soupape de refoulement X et à se liqué- fier dans l’espace 31. On supprime tout espace nui- sible en maintenant de l'acide sulfurique dans l'espace qui sépare les deux soupapes au moyen d'un petit conduit réglable à l’aide du robinet p qui, au moment de l'aspiration, fait arriver un peu d'acide sulfurique, en même temps que la sou- pape / laisse passer du gaz. L'espace y représente n bain-marie au moyen duquel on porte l'acide caustique, de l'ammoniaque liquéfiée et des sels ammonia- “caux, Æevue générale des Sciences,t. VIIT, p. 743, 1897. 4 Revue de Chimie Industrielle, t. WI, p. 182, 1892. 2 Jauserr : Dictionnaire de Würlz, 2e supplément, 39° fas- icule, p. 643. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, sulfurique à une température comprise entre 50 et 80°, pour laquelle le coefficient de solubililé du chlore dans ce corps est nulle. Le tube o est mis en communicalion avec une bonbonne à chlore D par l'intermédiaire d'un ser- pentin entouré d'eau froide; la bonbonne porte deux robinets, dont l'un sert à la sortie de l’air. Lorque celui-ci est expulsé, on ferme le robinet correspondant, en laissant l’autre ouvert, et la bon- bonne se remplit; l'indicateur de niveau » et le manomètre qui surmontie #1 permettent de suivre la marche de l'opération. Le chlore liquide est emmagasiné dans des réei- pients en acier éliré qui peuvent contenir 50 kilos. En l'absence de l'humidité, le chlore liquide n'atlaque pas à froid ni le fer nilecuivre. Sa densité Î À CT ILLLZZ CLLLLILZIZ 7177 RES ZZZ | 2 SSSS = = RQ Fig. 5. — Pompe à liquélier le chlore. — a, piston plon- OF PaT acide sulfurique formant piston liquide ; f, soupape d'aspiration; h, tuyau d'arrivée du chlore; g, bain-marie pour chauffer l'ac ide sulfurique; X, soupape de refoulement; m, chambre de liquéfaction; n, niveau; 0, tube de communication avec la bonbonne à chlore D. moyenne est de 1,4; un kilogramme de ce corps représente 300 litres de chlore, et correspond à 3 kilos de chlorure de chaux. Le chlore liquéfié donne donc le transport le plus économique du chlore ; ce transport se fait d'ailleurs sans aucune espèce de danger. Certaines usines emploient pour le contenir des bouteilles en tôle d'acier doublées de plomb ou d'ébonite, mais cela parait inutile si le chlore est parfaitement desséché. Pour l'usage des labora- toires, le commerce de demi-gros le transvase dans des bouteilles plus petites. C'est à la « Badische Anilin und Sodafabrik » que le chlore liquide dut son apparition dans l'industrie chimique en 1892; il rend depuis les plus grands services dans les laboratoires de Chimie où il a permis de supprimer totalement la préparation si 20* 910 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION . INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS ennuyeuse du chlore. Son prix actuel en Allemagne oscille entre 75 et 87,50 fr. les 100 kilogs; ce prix ne peut que continuer à baisser. Il est regrettable de constater qu'on ne fabrique pas en France de chlore liquide, tandis qu'on peut citer en Allemagne au moins quatre usines qui fabriquent annuellement 250 tonnes de ce produit, destiné à remplacer l’eau de Javel et le chlorure de chaux ; ce sont : la « Badische Anilin und Sodafa- brik », de Ludwigshafen, —la « Chemische Fabrik Rhenania », d'Aix-la-Chapelle, — la fabrique « Ku- nheim et Ci », de Berlin; enfin, les usines de Griesheim, de Bitterfeld et de Rheinfelden de la Compagnie « Chemische Fabrik Griesheim Elek- tron » fabriquent actuellement, par le procédé Griesheim, le chlore liquide”. La dépendance où nous sommes vis-à-vis de l'Allemagne en ce qui concerne le chlore liquide — alors qu'il y a en France de puissantes et floris- santes usines où se préparentdu chlorure de chaux, des chlorates et de hypochlorites, — prendra bientôt fin; une nouvelle Société productrice de chlore, la « Volta Lyonnaise », a, parait-il, l'intention de liquéfier une partie du chlore qu'elle produira ”. On ne peut qu'applaudir à cette nouvelle et sou- haiter à la « Volta Lyonnaise » bienvenue et réussite, d'autant que le chlore liquide répond à une néces- sité industrielle et que l’industrie n’en produit pas assez pour satisfaire aux besoins exprimés. 6. Chlorure de méthyle. — Ce gaz liquéfié est susceptible de deux préparations industrielles. Dans le procédé Camille Vincent, le chlorure de méthyle est un sous-produit de la fabrication de la potasse avec les vinasses de betterave. La distilla- tion en vase clos des vinasses donne des produits de décomposition qui, condensés, donnent, après traitement des eaux-mères, du chlorhydrate de tri- méthylamine. La distillation de ce chlorhydrate donne de la triméthylamine libre, de l’'ammonia- que et du chlorure de méthyle. Un lavage à l'acide chlorhydrique enlève toutes les traces d’alcali, et le gaz, recueilli sous une cloche pleine d’eau, peut être ensuite desséché au moyen de l'acide sulfuri- que et liquéfié à la température ordinaire sous une pression de 3 à 4 atmosphères. Ce procédé est ex- ploité en France par trois maisons : la maison « La- barre », à Montreuil-sous-Bois (Seine), la maison « Brigonnet et Naville », de la Plaine-Saint-Denis, et la maison « Cerckel », rue Bergère, à Paris. 1 R. Bennarp et P. GLorss : Les produits chimiques à l'Exposition Universelle de Paris, Moniteur Scientifique du Dr Quesneville. Janvier 1901, p.9. 2 Léon Guiccer : Etat actuel de l'industrie des produits inorganiques en France, Moniteur Scientifique du Dr Ques- neville, 4 série, t. XV, p. 85, février 1901. Le second procédé industriel est dû à M. P. Mon | net : il date de 1875. Il consiste à chauffer sous. pression l'acide chlorhydrique du commerce avec | molécules égales d’alcool méthylique ; on obtient la réaction suivante : CHS.0H + HCI = CH*CI + H°0. Le même inventeur a trouvé que l'acide bromé hydrique et l'acide iohydrique en solution aqueuse: chauffés sous pression avec l'alcool méthylique à Ja température de 120°, donnent également du chlorure et de l’iodure de méthyle. Le brevet Monnet est ap pliqué aux « Usines du Rhône », à Lyon. On livre ordinairement le chlorure de méthyle dans des vases en cuivre. 7. Anhydride sulfureux liquide.— La « Compagnie industrielle des procédés Raoul Pictet pour la pro duction du froid et de la glace » est la seule en Eu rope, et sans doute dans le monde entier, qui obtienne l’anhydride sulfureux liquide chimique ment pur comme produit de première fabrication Cette fabrication repose sur le procédé de Melsens; c'est-à-dire sur la réduction de l’acide sulfurique concentré par le soufre ; le dessin schématique ci= contre (fig. 6), dû à la bienveillance de M. Mendès, montre les diverses phases de cette fabrication Dans une cornue en fonte a d'une capacité de 1.500 à 2.000 litres, on introduit environ 500 kilos de soufre en canons redistillé et, en plusieurs fois, au fur et à mesure des besoins de la fabrication, qui dure environ trente heures, 2.500 kilos d'acide sulfurique à 66° Baumé absolument pur et sans. traces d'arsenie. La cornue, placée dans un four à double retour de flammes, est recouverte d'un, dôme, également en fonte, muni d’un hrise-mousse en platine ; deux tubes de sürelé placés sur ce dôme et remplis à hauteur convenable d'acide sul- furique permettent de surveiller la pression inté- rieure du mélange chauffé, et d'introduire dans la cornue, au cours de la fabrication, les quantités d'acide sulfurique nécessaires. Le mélange est chauffé à l’ébullition ; le gaz sul= fureux produit est dirigé dans une série de grands dépotoirs piombés b, b, munis de chicanes en plomb et constamment refroidis par une circulation d'eau froide. L'acide sulfureux abandonne là le soufre et l'acide sulfurique non combinés, la vas peur d'eau et la majeure partie de ses impuretés: De là, le gaz passe dans un filtre à coke sulfurique c,puis dans une série de filtres ou pots laveurs d, d, munis de plateaux étagés sur lesquels sont disposés des déchets de coton blanc et de fibres d'amiante qui retiennent toutes les poussières et toutes les impuretés solides. OR NE Eee RE 1 P. Monwer : Revue de Chimie Industrielle, t, I, p.38, 1892, : Dans cet élat, le gaz sulfureux est introduit dans - une sorte de chambre froide /, munie d’un jeu d'or- . que métallique e, e, e, à l’intérieur duquel une — pompe provoque l'évaporation d'acide sulfureux … préalablement liquéfié. La chambre est maintenue par ce moyen à une température voisine de — 10°, … ce qui est suffisant pour congeler toute la série des hydrates de l'acide sulfureux. L'anhydride sul- “ fureux, ainsi épuré, se rend dans un gazomètre y dont la cloche plonge dans une cuvette annu- aire remplie d'huile, d'où il est aspiré par une | pompe aspirante et foulante 2 qui l'envoie dans un condenseur tubulaire en cuivre 1, refroidi par une double circulation d’eau froide et dans le- quel il se liquéfie. Il est dirigé de là soit dans de Réservoir : d'acide sulfurique 633] (1) (Le) S E. MATHIAS — [LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES. GAZ LIQUÉFIÉS 911 tour à coke de 20 mètres, à l’intérieur de laquelle ruisselle de l’eau froide qui le dissout. La solution d'acide sulfureux est ensuite portée à l'ébullition dans de grandes chaudières de plomb chauffées par la chaleur perdue, où elle abandonne le gaz sulfureux ; celui-ci passe d'abord dans un serpentin refroidi où il se débarrasse de l’eau entrainée, puis il se sèche sur de l'acide sulfurique, et est finale- ment liquéfié au moyen d'une pompe de compres- sion ordinaire, puis emmagasiné dans des bou- teilles en fer forgé d’une contenance de 100 kilos !. La production annuelle de l'Allemagne est d’envi- ron 2.500 tonnes; les centres d’expédilion sont les districts de Kattowitz, d'Allona, d'Essen et- de Lud wigshafen. É 4 J A FA NEEER Ê Etes f RAR NS HS ï 0 ÿ TD / > Nr F. Bi Se LE AG /\ : Er CZ ty 208) _ Fig. 6. — Préparation et liquéfaction de l'anhydride”sulfureux. — a, cornue où l’on fait réagir le soufre sur l'acide sulfu- 2 rique ; L, b, dépotoirs ea plomb; c, four à coke sulfurique ; d, d, pots laveurs ; f, chambre refroidie par l'évaporation A d'anhydride sulfureux liquide dans les tubes e, e, e; q, gazomètre ; h, pompe aspirante et foulante; i, condenseur ; k, [4 bonbonne à anhydride sulfureux liquide, » - grands réservoirs en acier, d'une contenance de … 2,500 à 3.000 litres, où iles temmagasiné, soit dans “ es bonbonnes en cuivre qui'servent à son transport. : L'anhydride sulfureux chimiquement pur de la - « Compagnie industrielle des procédés Pictet » est . fabriqué exclusivement à l'usine d'Anthy-Séchex (Haute-Savoie) jusqu'à concurrence de 4à 5.000 kilos par jour. Cette usine, non seulement alimente la - France d'anhydride sulfureux d'une façon presque - exclusive, mais encore exporte ce produit dans - toutes les parties du monde ; l'importation étran- - gère annuelle ne dépasse guère 10 à 12.000 kilos } d’anhydride liquide non rectifié venant d'Allema- - gne et plus spécialement des usines de zine d'Ober- hausen (Provinces Rhénanes). Le produit résulte de l’utilisation, obligatoire en Allemagne, des gaz . provenant du grillage des pyrites, des sulfures et _sulfoarséniures, des blendes, ele. À Oberhausen, le - gaz sulfureux provient du grillage des blendes - dans des fours spéciaux ; de là, il passe dans une LéTC MR 8. Chlorure d'éthyle. — Ce corps dont le point d’ébullilion normale est à Æ 11°, n’est en hiver qu'un liquide très volatil et ne devient un gaz liquéfié qu'en été; il s'obtient industriellement par le procédé Monnet * en chauffant sous pression l'acide chlorhydrique avec l'alcool ordinaire, à molécules égales. La réaction est donnée par l'équation : CH5.OH + HCI = CHSCI + H°0. Dans un autoclave émaillé, muni d'un manomè- tre et d’un thermomètre plongeant dans le liquide, on chauffe, pendant cinq heures, 100 kilos d'acide chlorhydrique du commerce à 33 °/, d'acide réel et 46 kilos d'alcool éthylique à 93° centésimaux. Quand la température est descendue par le refroidisse- 4 Jaueerr: Dictionnaire de Würtz, 2° supplément, 39 fas- cicule, p. 644. : 2,P. MOoNNET : 1892. Revue de Chimie industrielle, t. III, p. 38, IX E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS ment à 50 ou 60°, on ouvre un robinet placé sur le couvercle de l'autoelave et communiquant avec un récipient métallique fermé et refroidi, et le chlorure d'éthyle vient se condenser dans ce récipient. Le corps ainsi obtenu contient un peu d'acide chlor- hydrique entrainé dont on le débarrasse par dis- üllation sur de l’eau légèrement alcaline. Il est alors propre aux usages médicaux et enfermé par fractions de 10 grammes dans des ampoules de verre terminées en pointe effilée et fermées à la lampe. II. — CONSERVATION DES GAZ LIQUÉFIES. La question des vases dans lesquels on doit re- cueillir et conserver les gaz liquéfiés jusqu’au mo- ment de s'en servir est, évidemment, une question capitale, tant au point de vue économique qu'au point de vue de la sécurité. Les gaz liquéliés qui sont passés en revue dans cette étude se partagent, à ce double point de vue, en deux groupes bien nets : l'air liquide, et les autres corps. $ 1. — Coxservation de l’air liquide. La conservation de ce corps s'effectue dans des vases ouverts ou pratiquement ouverts, où l'excès de pression sur l'atmosphère est toujours excessi- ment faible !; la question de sécurité ne se pose donc pas, et la question économique consistant à ralentir l'évaporation, seule, subsiste. Quel rôle, en effet, peut espérer un corps dont on ne pourrait empêcher l'entière vaporisation ? D'un tel corps, assez éphémère pour ne servir à rien, pourrait-on dire que sa préparalion revient à bon marché ? Ces deux questions, dont les réponses s'imposent, montrent bien que l'importance industrielle de l'air liquide dépend presque exclusivement de sa con- servation dans des vases pratiquement imperméa- bles à la chaleur, et très peu de l'abaissement de son prix de revient actuel. Le problème de la conservation de petites quan- tités d'air liquide est résolu en fait par l'emploi de vases de verre à doubles parois argentées, entre lesquelles on a fait le vide (solution de d'Arsonval, perfectionnée par James Dewar). Un litre d'air liquide, dans de pareils flacons, peut mettre qua- torze jours à se vaporiser. Ces vases affectent or- dinairement les formes ci-contre (fig. 7). La forme primitive À est réservée aux pelites capacités allant jusqu'à 600 centimètres cubes, par exemple; la forme B devient assez malaisée à construire dès que l'on atteint des contenances de plusieurslitres ; : Si on laissait la pression s'élever, au moyen de vases hermétiquement clos, la température de l'air liquide s'élè- verait en même temps et l'on n'aurait bientôt plus que de l'air gazeux comprimé. dès que l'axe du vase cesse d'être rigoureusement vertical; jusqu’à 4 litres, la solidité est satisfais sante. La forme C est construite par Richard Mül ler-Uri de Brunswick, d'après Weinhold, le réser= voir intérieur pouvant être, au besoin, muni d'une graduation. ] Dans les grandes fabriques d'air liquide, on em- ploie des vases métalliques ordinaires, d'une conte= nance de 50 lib'es, recouverts de feutre ou de laine de mouton; mais de lels vases laissent évaporer deux litres de liquide en une heure !, de sorte que le contenu du vase est évaporé en un jour ! La «General Liquid Air and Refrigerating C° » em- ploie, soit de petils réservoirs en pâte de bois, soib Fig. 1. — l'ormes diverses de récipients pour la conservation de petites quantités d'air liquide. des réservoirs métalliques à double enveloppe très ingénieusement disposés. La sortie du liquide se fait au moyen d’un tube plongeant jusqu'au fond, le remplissage se faisant, au contraire, par une ou- verture plus large. La paroi iuléricure du vase porte à sa partie supérieure une soupape de sûreté qui s'ouvre dès que la pression de l'air dépasse de 0 kil. 4 environ celle de l'atmosphère; l'air froid passe entre les deux enveloppes métalliques, for= mant ainsi chemise de vapeur avant de s'échapper à la partie inférieure de l'enveloppe extérieure. Celle-ci est protégée contre le réchauffement exté= rieur par une enveloppe isolante, et le tout esb contenu dans un panier d'osier. S 2. — Conservation des autres gaz liquéfiés. Les gaz liquéfiés autres que l'air, pouvant être amenés à la température ordinaire sans cesse d'être liquides, peuvent et doivent êlre conservés 1 Lanoe : Zeitschrift des Vereines deutscher Ingenicure t. XLIV. 6 dans des enveloppes hermétiquement closes. Les “deux questions de la zature de l'enveloppe et de la résistance à lui donner seront traitées plus loin, … à propos du transport des gaz liquéfiés où elles in- Mérviennent comme touchant à la sécurité publique, met où elles sont régies, très sagement d'ailleurs, «par des règlements officiels. La question de l'étan- …chéité des robinets est liée intimement à celles qui précèdent, car la résistance du réservoir devient “illusoire si le robinet fuit. Enfin, au point de vue de l'emploi des gaz liquéfiés, il peut être désirable, K à un moment donné, d'avoir exclusivement soit du liquide, soit du gaz, et, dans ce dernier cas, d’avoir du gaz à une pression convenable, variable à vo- lonté, résultat que l’on obtient au moyen d'un de- tendeur. - Les robinets des récipients à gaz liquéfiés sont n invariablement des robinets à pointeau. Ce sontdes ! vis à pas très serré, terminées par une extrémité l conique d'environ 60°, très dure, très bien travaillée à Fig. 8. — Bonbonne pour la conservation de l'anhydride sulfureux. — A, calotte en cuivre; B, orifice de sortie: C, pointeau. - et qui s'applique exactement sur l'ouverture légè- - rement évasée d'un conduit très étroit ayant même - axe que la vis. Si les surfaces qui doivent s’appli- quer l’une contre l’autre, et qui sont de révolution, . sont parfaites, la faible résistance que l’on éprouve en faisant tournér la vis dans son écrou, dans le sens dextrorsum, s'accroît subitement quand l’ex- trémité du pointeau rencontre l'orifice à obturer. . Ilest alors inutile de forcer! et il suffit de donner une légère impulsion tangentielle à la vis pour par- faire le contact; le pointeau est alors serré à hloe, et la fermeture est absolue, quelque grande que soit la pression. Pour ouvrir le robinet, il suffit de donner d'abord à la vis une légère impulsion tangentlielle dans le sens sinistrorsum, pour vaincre l'adhérence des surfaces en contact, el continuer à dévisser légèrement le pointeau. 4 Si les surfaces qui doivent s'appliquer l'une contre l'autre sont mal travaillées, le pointeau n'obture pas avec un serrage modéré et le robinet fuit. Si l'on serre à outrance, on déforme de plus en plus les surfaces et l’on finit par avoir une fuite plus grande qu'avec un serrage modéré. E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 913 L'orifice de sortie du gaz liquéfié est toujours perpendiculaire à l’axe du pointeau; aussi, pour empêcher le gaz de sortir dans la direction du pointeau, faut-il que la tête de celui-ci, cylindrique et lisse, soit serrée dans une boite à cuir d'où émerge l'extrémité carrée que l'on manœuvre de l'extérieur au moyen d'une clef de forme variée. La forme des récipients à gaz liquéfiés et la dis- posilion du robinet varient évidemment avec la nature du corps et avec le constructeur. La descrip- tion des bonbonnes employées pour l’anhydride sulfureux liquide, par la Société Piclet, donnera en particulier l'exemple d’une disposition permettant d'obtenir à volonté le gaz ou le liquide. Ces bon- bonnes, dont la forme et les dispositions sont protégées par des mar- ques de fabrique, sont en cuivre rouge et éta- mées intérieurement à l'étain fin. Elles se com- posent d'un corps eylin- drique soudé et brasé à deux calottes également en cuivre, dont l'une | supporte le robinet, du lype à pointeau. L'ori- | fice de sortie se prolonge à l’intérieur de la bon- | bonne par un tube re- | | courbé qui, selon que la bonbonne est placée sur | le dos ou sur le ventre, Thu permet d'obtenir à vo- Fig. 9, — Bouteille à chlo- lonté l’anhydride sulfu- rure de méthyle. — À, clé Nr LR s ; en forme de disque per- reux liquide ou gazeux, mettant de manœuvrer la comme le montre la tête carrée du pointeau; B, écrou à oreilles permet- figure 8. tant de fixer l'appareil à Le chlorure de mé- projection de liquide sur L ES l'orifice de sortie du gaz thyle est ordinairement liquéfié; C, poignée du srmé d: EEE pointeau commandant la renfermé dans des vases projection du liquide; D, en bronze construits par corps de la bouteille (en . Mondollot, et qui offrent onze); P, orifice de pro- cette particularité de pré- thyle. senter un second poin- eau latéral qui se meut au moyen d’une molette fixe et qui se raccorde à la bouteille au moyen d'un écrou à oreilles muni intérieurement d'un cuir. Au moyen de cet écrou et du second poin- teau, on peut produire un jet de chlorure de mé- thyle liquide et le diriger à volonté, tout en modé- rant ou activant son intensité (fig. 9). Il est inutile évidemment de décrire ici tous les perfectionnements de détail apportés à certains ré- cipients, et dont quelques-uns, comme celui de M. Fournier, par exemple, ont des soupapes de 914 PH, GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL sûreté fonctionnant automaliquement dès que la pression intérieure dépasse une valeur fixée à l'avance, et nous terminerons la question de la Fig. 10. — Détendeur ou réducteur de pression. — À, arrivée du gaz liquéfié; B, pièce métallique portée par le levier BOC; C, ressort, DE, membrane de caoutchouc; F, disque métallique commandé par le ressort G; V, vis de réglage; R, robinet d'échappement: M, manomètre. conservation des gaz liquéfiés, en décrivant le dé- tendeur ou réducteur de pression (fig. 10). Celui-ci consisté essentiellement en une boîte métallique dans laquelle le gaz liquéfié arrive en A, sous la pression de sa vapeur saturée à la température de l'expérience. Le conduit d'arrivée, terminé en biseau, est obturé hermétiquement par une ron- delle d'ébonite encastrée dans une pièce métal- lique B placée à l'extrémité d’un levier BOC; celui-ci est mobile autour de l'axe O perpendicu- laire au plan de la figure et commarsdé par un très fort ressort C. La chambre d'arrivée du gaz est limitée par une paroi de caoutchouc DE, qui presse contre un disque métallique F commandé par un fort ressort G. La tension de ce ressort, de laquelle dépend le fonctionnement du réducteur de pres- sion, est commandée du dehors par une vis de ré- glage V. Si les choses sont disposées de telle sorte que le disque F presse sur le ressort C, l'orifice du conduit À est ouvert, et le gaz pénètre dans la chambre ADE et s’y détend ; si la pression du gaz est trop forte, elle repousse la paroi de caoutchouc DE, et le disque F cesse de presser sur le ressort C; dès lors, l’arrivée du gaz est suspendue. Si la pression du gaz est trop faible, le ressort G presse sur C, et l'orifice de À est ouvert. Donc, le gaz s'écoule par le robinet R sous une pression sensi- blement fixe indiquée par le manomètre métallique M, et que l’on règle à volonté au moyen d'une clef agissant sur une vis V à tête carrée. Dans un second article, nous examinerons les principales applicalions des gaz liquéfiés et les conditions de leur transport. E. Mathias, Professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Toulouse. LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL Le VII: Congrès géologique international a été particulièrement brillant, au milieu des autres Congrès qui ont tenu leurs séances dans ce palais de la place de l’Alma, si peu somptueux, et qui a été, cependant, ainsi que l’a dit M. Millerand, l'âme de l'Exposition. Plus de mille géologues. dont plus de la moitié étaient étrangers, s'étaient fait inscrire. Parmi eux figuraient tous les grands noms de la science géo- logique. Près de cinq cents ont pris une part effec- live aux séances qui ont eu lieu à Paris et aux excursions organisées à travers toutes les régions françaises. Ainsi, notre pays a été parcouru et étu- dié par les savants du monde entier, qui ont pu apprécier, à travers son pittoresque, toutes les richesses minérales de son sol et les nombreux problèmes scientifiques qu'il soulève. Le Compte rendu de ce Congrès vient de paraître, moins d'un an après les séances de Paris, sous la forme de deux gros volumes de plus de 1.300 pages. Je désirerais en présenter ici les résultats, le plus sommairement possible. Mais il convient de louer, tout d’abord, le Comité d'organisation qui à eu la lourde tâche de prépa- rer le livret-guide des excursions, d'organiser les séances et de mener si rapidement l'impression du compte rendu, et cela malgré les deuils si cruels qui ont frappé l’éminent el si sympathique prési- dent du Congrès M. Albert Gaudry, dont le dévoue- ment a élé absolu, et le secrétaire général M. Ch. Barrois, dont le zèle et l'activité n'ont pas cessé un instant de se manifester. Ils ont été secondés dans leur tâche par les vice- présidents, MM. Michel Lévy et Marcel Bertrand, “par les secrétaires et les autres membres du Comité d'organisation. à L'œuvre du Comité, qui est celle de tous les géo- “ogues francais, a été telle qu'il est permis d'espé- rer que le VII° Congrès géologique sera fécond en résultats. Je ne saurais passer sous silence üne innovation, qui a une portée et une significalion sur lesquelles articipation au Congrès des Sociétés industrielles “ét minières françaises, au nombre de plus de cin- ‘quante, et de la générosité avec laquelle elles ont exclusivement dans le domaine de la théorie, et Jindustrie minière, qui sait profiter de toutes les recherches et de Loules les découvertes géologiques. Qu'on me permette d'ajouter encore un mot. Depuis trente ans, la Géologie, science relativement jeune, à fait des progrès remarquables. Ainsi que le disait sir Archibald Geikie, « elle est entrée dans une période où l’on doit attendre les plus grands avantages de méthodes d'investigation plus pré- cises et de la convergence des efforts individuels, librement associés, sous une même règle et vers un même but ». Ses applications multiples : à la “ Géographie, rénovée en grande partie, grâce à elle, “à l'Industrie minière, à l'Hydrologie, à l’'Agricul- _ ture, ete., montrent que cette science, à l’évolution de laquelle ont pris part tant de noms français, devient de plus en plus féconde, par les idées philo- sophiques qu'elle fait naîlre et développe, el par les résultats pratiques, dont le nombre va en crois- sant d’une facon remarquable, qui en découlent. Le Compte rendu de la VIII session du Congrès géologique international est divisé en sept parties. La première parlie comprend la liste des mem- bres du Congrès; la deuxième fait connaitre les travaux préparatoires de la VII session; la troi- sième est consacrée aux procès-verbaux des séances générales, des séances des sections et des séances des commissions. La quatrième présente les rap- ports des Commissions et les communications rela- tives aux œuvres colleclives des Congrès. La cin- quième a élé réservée aux Mémoires présentés dans les séances. La sixième renferme un résumé très succinet des excursions. La septième est occu- pée par le lexique pétrographique. Il a été rendu compte, ici même, par M. Barrois du livret-guide des excursions’. Ce sont donc les troisième, quatrième, cinquième et seplième par- Hies qui constituent, à proprement parler, l'œuvre 1 Voyez cette analyse dans la Revue générale des Sciences du 15 juillet 1900, t. XI, p. 857. PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 915 du Congrès. Je désirerais les analyser, avec le regret de ne pouvoir parler, faute de place, de tra- vaux fort intéressants, mais sur lesquels je revier- drai ailleurs. I, — RÉGIONS NOUVELLEMENT EXPLORÉES. C'est l'Afrique qui a fait l'objet des plus nom- breuses études de la part des géologues anglais et français. Si l'on tient compte des travaux de M. Mo- lengraff sur le Transvaal, publiés très récemment dans le Pulletin de la Société géologique de France, de ceux de divers géologues et d’explorateurs sur la colonie du Cap, le Congo, etc., et de ceux dont nous allons parler sur l'Egypte, Madagascar, l'Al- gérie et le Sahara, on peut se faire une idée d’'en- semble assez précise du continent africain, au point de vue géologique. Les Découvertes géologiques récentes de M. Hugh J. L. Beadnell dans la vallée du Nil et le désert Libyen Yont amené à modifier les idées (émises par Zittel) que l'on se faisait sur les rapports du Crétacé supérieur et du Tertiaire inférieur. Le savant paléontologiste de Munich pensait que, dans le désert Libyen, il n’y avait pas de ligne de démarcation tranchée entre l'Éocène et le Crétacé, ni discordance de stratilication, ni intercalalion de dépôts d'eau douce, ni interruption dans la sédi- mentalion : en un mot, qu'il existait un lien étroit entre les deux formations. Or, M. Beadnell a observé, dans plusieurs points du désert Libyen (régions d'Abou Roach et de l’oasis de Beharieh), qu'il existe une discordance très nette entre les deux séries de dépôts. Il y a plus : le Grétacé avait été exondé, plissé, faillé et arasé en partie avant le dépôt de l'Éocène. Ainsi, à mesure que les recherches se poursui- vent dans les diverses régions du globe, on arrive à cette conclusion que, s'il y a eu des périodes pen- dant lesquelles les mouvements du sol ont été par- ticulièrement intenses et généraux, il y a eu aussi des mouvements à toutes les époques géologiques, dont l'importance et l'extension géographiques ont été très limitées. Le rôle joué par la température et les phéno- mènes éoliens (sables poussés par le vent, etc.) sur la topographie font l'objet de remarques intéres- santes, qui sont à rapprocher de celles faites dans d'autres régions africaines, el aussi en Chine, par von Richthofen. En outre, M. Beadnell arrive aux importantes conclusions suivantes : « La vallée du Nil s'est vraisemblablement for- mée lors du Pliocène inférieur. ‘ « La direction générale nord-est de cette vallée, MG PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL E. en Egypte, les hautes falaises qui la bordent, l'ab- sence de vrais dépôts fluviatiles attribuables au Nil à un niveau notablement au-dessus du fleuve, l’absence presque complète de collines ou de lam- beaux détachés du plateau dans la vallée, l'exis- tence de grandes failles de bordure le long de la presque tolalité de la vallée, font considérer cette gorge, non comme une vallée d’érosion ordinaire, mais comme le résultat de failles, de rifts, d’impor- tantes fractures et de flexures. « Ces dislocations sont probablement dues aux grands mouvements orogéniques qui ont déter- miné les principaux traits de la géographie phy- sique de l'Afrique nord-est et d'une partie de l'Asie, tels que la vallée du Jourdain, la mer Morte, l'isthme de Suez, la mer Rouge, les lacs Rudolf, Tanganiyka, Baringo, ete. » Au commencement du Pléistocène, la vallée fut occupée par une série de lacs. A la fin de la même période, « un fleuve, le Pater Nilus, commença sa carrière en creusant un chenal à travers les dé- pôts antérieurs de la vallée, déposant couche par couche le limon du Nil, et formant ainsi la longue bande de terrain cultivableet habitable sans laquelle l'Egypte fertile que nous connaissons n'existerail pas. » Les Notes sur la géologie du désert oriental de l'Egypte, par MM. 7. Barron et W.F. Hume, vien- nentajouter beaucoup à nos connaissances sur cette partie de l'Afrique et complètent le travail précé- dent et les suivants. Il faut retenir surtout de ce Mémoire la partie qui a trait aux plages soulevées et aux récifs coralliens. Les mouvements pléistocènes qui se sont fait sentir dans cette région et sur les bords de la mer Rouge sont indiqués par cinq séries de récifs co- ralliens, qui s’étagent du niveau actuel de la mer à l'altitude de 170 mètres et sont d'autant plus éloignés de la mer qu'ils sont plus anciens. Ces mouvements du sol, qui ont relevé les récifs coralliens au Pléistocène, sont les mêmes que ceux qui ont produit la chaîne du Gebel Esch, parallèle au golfe de Suez, et ont donné naissance à la der- nière parlie de la vallée du Nil. Dans son étude sur la Géologie du Sinaï oriental, Hume insiste également, avec raison, sur la forma- tion de récifs coralliens dans celte région, en voie de soulèvement, les plus anciens étant les plus élevés (200 mètres d'altitude). Il établil aussi qu'en géné- ral la formation d'un récif corallien est indépen- dante de la nature de son soubassement. Un autre point sur lequel il faut attirer l’atten- tion est la modification progressive des appareils récifaux, quand ils sont émergés. 11 y à d'abord une disparition continue des squelettes, du test ou à | & d | des coquilles, disparilion due en grande partie à 1 l'instabilité de l'aragonite constituant les parties dures de certains de ces organismes. Puis, dans un récif plus âgé, il se produit une altération chimiques plus avancée, décelée par le passage du calcaire à la dolomie, par enrichissement en magnésie. Cette dernière question a fait, dans ces dernières années, l’objet de nombreuses discussions. Un autre (ravail de Hume sur les Æifts valleys de TEst du Sinaï fournit, avec la Géologie du Sinaï oriental, des données précieuses sur les rapports: de la Géologie et de la Géographie physique et sur les effondrements linéaires qui ont donné à cette contrée sa physionomie si particulière. « La struc-= Lure spéciale du Sinaï est due à des dykes de roches éruptlives, de couleur variable, parallèles les uns aux autres, continus sur un grand nombre de kilo= mètres, et déterminant la direction de beaucoup de chainons montagneux. Ce sont surtout des felsites sphérulitiques, des diabases, des dolérites, qui constituent ces dykes. On n’a pas trouvé de basalte. » Dans une étude synthétique des plus intéres- santes, M. Poule fail connaitre la Géologie et la Pa- léontologie de Madagascar dans l'état actuel de nos Connaissances. L'esquisse de la carte géologique qui accompa- gne cette étude permet de mieux saisir la constitu- tion de la grande ile africaine, sur laquelle plusieurs géologues anglais et français, notamment MM. Ba- ron et Newton, Grandidier, Boule, Douvillé, Sta nislas Meunier, Lacroix, Haug, etc., ont publié récemment d'assez nombreuses notes. Voici un résumé du travail de M. Boule. Madagascar se divise en deux régions différentes : 1° une région centrale et orientale, comprenant la chaîne de montagnes qui forme l'ossature de l'ile, constituée par des roches cristallines (granites, gneiss, schistes, etc.); 2° une région occidentale de. plateaux et de plaines, formée de terrains sédimen- taires. Une troisième calégorie de terrains, com- posés de roches volcaniques, se rencontre en des points variés de l'ile. Les terrains primaires sont inconnus jusqu ici à Madagascar. Les terrains secondaires (Trias, Juras- sique et Crétacé) sont, au contraire, très développés et forment presque entièrement la bande sédimen= laire. Le Trias, mal déterminé au point de vue paléon= tologique, présente cependant de grandes anas logies avec le Trias de la colonie du Cap (Xaroa lormation) et la Gondwana formation de l'Inde, € qui permet de supposer que Madagascar aurait faib partie, à l’époque triasique, du continent relianb l'Inde à l'Afrique du Sud. Le Jurassique et le Cré PH. GLANGEAUD — LE VIII® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 917 tacé, très fossilifères, offrent des affinités, surtout avec les formes de l'Europe pour le Jurassique, et » celles de l'Inde pour le Crétacé. La découverte de sédiments crétacés sur la côte “orientale de l'ile conduit M. Boule à admettre, “contrairement à l'opinion reçue, que, dès cette ; époque, peut-être même au Jurassique, Madagascar “ était déjà une ile et n'était plus reliée à l'Inde par “un continent. Il faut signaler encore d'assez nom- “breux restes de Dinosauriens dans les couches … secondaires des terrains éocènes en relrail vers la - côte occidentale, et les combreux ossements si inléressants recueillis par MM. A. et.G. Grandi- dier, qui représentent forme récemment éteinte. une … M. Boule « fait jouer aux failles un grand rôle dans l'explication de l'orographie et de la tectonique de l'île. C’est à leur faveur, et probablement à des époques diverses, que des volcans se seraient éla- blis un peu partout, le long des cassures, en don- nant des lrachyles, des andésiles, des phonoliles et surtout des basalles ». La communication de M. Douvillé, sur le Juras- sique de Madagascar, complète, sur certains points, le travail précédent. L'auteur montre la grande richesse en fossiles de ces terrains et « l'analogie qu ils présentent avec ceux des colonies allemandes de l'Afrique orientale, qui se prolongent par le pays des Somalis dans l'Abyssinie. Il y a également beaucoup d'affinilés avec la province de Cutch et les couches à plantes de l'Inde ». Signalons encore ici la troisième édition de la Carte géologique de l'Algérie au 1/800.000, pré- sentée par M. Ficheur, et la communication sur la Géologie des hauts piateaux et des régions saha- riennes, par M. Flamand. Les travaux que nous venons d'analyser briève- ment, venant s'ajouter à ceux qui ont récemment paru sur la Géologie africaine, prouvent les grands progrès de la Géologie dans cette partie du monde. On sait l'importance considérable présentée par l1 Géologie de la Palagonie, en raison des curieuses formes de Vertébrés qui ont élé trouvées dans cette région par MM. Gervais, Ameghino, Burmeister, Moreno, elc., et les controverses passionnées aux- quelles ces découvertes ont donné lieu. La discus- sion ne semble pas près d'être close, à en juger par un nouveau travail de M. Ameghino, que je viens de recevoir. J'ai rendu comple, en son temps', des belles découvertes des frères Ameghino, et exposé som- mairement l’élal de la question, en faisant remar- * Pn. GLANGEAUD : Les Manimifères crélacés de la Patagoni Revue générale des Sciences, 28 février 1898. quer que les documents paléontologiques marins recueillis n'étaient pas suffisants pour dater les couches d'une façon précise. Depuis quatre ans, des missions ont élé orga- nisées pour l'étude géologique el paléontologique de la Patagonie : d'une part, par M. Moreno el ses éléves; d'autre part, par MM. Ameghino et aussi par M. Hätcher. M. Scott, qui présente le résumé des recherches de ce dernier, fixe ainsi la série des couches : Gault. Renfermant des ammonites qui montrent . une complète ressemblance avec la faune synchro- nique du sud de l'Afrique. ({ruaranien de M. Ame- ghino.) Magellanien. Terrain d'âge éocène ou oligocène. Nombreux restes de Vertébrés. (Couches à Pyro- therium de M. Ameghino, qui les range dans le Crélacé supérieur.) Palagonien. Formation miocène étendue superficiellement, d'origine marine, dont les fos- siles (plus de 200 espèces d'Invertébrés) offrent une étroite parenté avec le Miocène d'Australie et de la Nouvelle-Zélande. M. Ameghino rapporte cetle faune à l'Éocène inférieur. très Miocène d'eau douce ou terrestre, très fossilifère, avec Mammifères. La faune se relie davantage à celle de l'Australie qu'à celle de l'Amérique du Nord, et présente une diffé- rence profonde et radicale avec les faunes euro- péennes. La formation santacruzienne, si impor- tante en raison de sa richesse en Mammifères, est considérée par M. Ameghino comme éocène supé- rieur. Il convient de dire, avec M. Depéret, qui a fait à ce sujet de judicieuses remarques, que, si M. Ame- ghino avait trop vieilli ces couches, MM. Scott et Hatcher les ont singulièrement rajeunies, car il existe de telles affinités paléontologiques entre les Palæotherium européens et les Prothérothéridés palagoniens, qu'il est permis de croire à l'äge oli- gocène probable des couches de Santa-Cruz. C'est également l'opinion de Ziltel. On peut conclure en disant qu'il est nécessaire de reprendre, d'une façon rationnelle, une grande partie de la géologie et de la paléontologie palagoniennes. Je menlionnerai encore, au sujet des régions. nouvellement explorées, la présentalion de Ja Carte géologique du Portugal, par MM. Delgado et Chofät, le travail de M. Douvillé sur les Zxplora- tions géologiques de M. de Morgan en Perse, celui de M. Zeiller, sur la Ælore fossile du Tonkin, et un excellent exposé de l’Ælat actuel des recherches sur les volcans de l'Italie centrale, par M. Sabatini, el spécialement de ceux du Lalium, dont j'ai publié une élude ail'eurs. Couches de Santa-Cruz. 918 Il. — OROGRAPHIE ET STRATIGRAPHIE PALÉONTOLOGIQUES. Dans ces dernières années, les recherches sur la topographie du fond des océans se sont multipliées et ont conduit parfois à des résultats fort inat- tendus. M. Edward Hull, qui s'est fait une spécialité de cette étude, a rendu compte, à plusieurs reprises, dans des Revues scientifiques étrangères, de ses explorations. J'ai eu l’occasion de parler ici même’, assez longuement, des faits si intéressants signalés par ce géologue et des conclusions qu'il en tirait, relativement aux causes de l'époque glaciaire. Depuis celte époque, M. Hull à fait de nouveaux sondages sur les côtes de l'ouest de l'Europe et des îles Britanniques, qui lui ont permis de schéma- liser, de la facon suivante, la figure topographique des régions sous-marines voisines du Continent. I] existe d'abord une terrasse doucement inclinée de la côte vers le large, désignée sous le nom de plate-forme continentale, à la suite de laquelle vient une pente rapide où un escarpement, correspon- dant à la fin de la plate-forme et dont les fonds atteignent rapidement 500 à 600 mètres. Ce qu'il y a de particulièrement remarquable, c'est l'existence des vallées sous-marines, ayant fréquemment tous les caractères des canons du Colorado et des Causses, qui ne font souvent que prolonger les vallées actuelles et s'étendent à tra- vers la plate-forme continentale, parfois jusqu'à plus de 100 kilomètres au large, jusqu'aux grandes profondeurs abyssales. Des observations analogues ont élé faites le long des côtes orientales de l'Amérique du Nord et des iles occidentales de l'Inde et ont conduit à des résultals analogues. Hull conclut de ces données, à la suite d’autres géologues, que ces vallées se sont creusées à la fin du Pliocène, et il pense qu'il y eut, à cette époque, un soulèvement du sol quiaffecta toutes les régions orientales du bassin de l'Atlantique. La plate-forme fut alors en partie arasée et les rivières creusèrent leurs vallées à travers cette plate-forme jusqu’à la base de l’escarpement qui la limitait vers l'Océan. Après une longue période de repos, marquée par celte érosion, eut lieu un nouveau mouvement d'affaissement qui amèna l’invasion de la mer et la submersion de la plate-forme et des vallées qui la sillonnaient. Ces conclusions, très originales, mais encore bien hypothéliques, permettent à Hull de croire que ? Pu. GLanGeauD : Les vues nouvelles sur les Causes de l'époque glaciaire. Revue générale des Sciences, 15 jan- vier 1899, PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL l’'exhaussement du sol européen et nord-américain a dù être une cause suffisante pour l'établissement de la période glaciaire post-pliocène. Les recherches de M. W. Hudleston sur la Bor- dure de la parlie septentrionale du bassin de l Atlan- lique semblent appuyer cette interprétation ; ce dernier géologue indique, en outre, que le nord de l'Atlantique, la mer de Norvège et l'Océan Polaire septentrional apparliennent à une seule et même dépression géosynclinale, très étendue, et seulement interrompue, par places, par des épanchements volcaniques. M. Oshorn, l'éminent paléontologiste américain, publie, avec le concours de paléontologistes fran- çcais et étrangers, la (troisième édition de son Tableau des horizons de Mammifères tertiaires en Europe et en Amérique, en faisant remarquer que, pour comprendre l'évolution des Vertébrés, on doit tenir grand compte de l’orographie, de la nature du sol, de la végélation dans laquelle ont vécu ces êtres et aussi des migralions auxquelles ils ont pu être soumis. Le problème paléontologique se rat- tache ainsi à la Géologie, à la Zoogéographie, à la Zoologie et devient alors un problème biologique. A l'heure actuelle, on peut considérer comme bien près d'être établie l'exactitude des corréla- tions entre les divisions de l'Éocène, en Europe et en Amérique, tandis que celles del'Oligocène, du Mio- cène, du Pliocène et du Pléistocène ne doivent être envisagées que comme provisoires. Quoi qu'il en soit, on a suffisamment d'éléments aujourd'hui pour conclure, avec M. Gaudry, que la marche de l'évo- | lution a été la même en Amérique et en Europe. Les travaux de MM. Dollfus, Guébhard, Bleicher, Stanilas Meunier, Martel, Raulin, Fabre, Van den Broeck, etc., seront certainement développés par ces auteurs dans des Revues françaises. Je n'en parle pas pour cette unique raison. III. — PÉTROGRAPUIE. Les pélrographes ont pris une large part au Congrès de Géologie de 1900. La présence des représentants les plus autorisés de cette science, les discussions parfois passionnées qui eurent lieu dans les réunions préparatoires et durant le Con- grès pour arriver à une entente sur un certain. nombre de questions louchant aux principes fon- damentaux de celle science, montrent son impor- lance croissante. Tous les congrès émettent des vœux, souvent platoniques, car ils ne lient pas les savants, qui conservent loute leur liberlé d'action. Et parfois, les dissidents ont plus tard raison contre ceux ;. qui avaient voulu enfermer la science dans d'étroites limites, et qui croyaient d’ailleurs, par là, de très bonne foi, la faire avancer plus vite. M. Becke, l’éminent professeur de Vienne, estime que la Pétrographie est encore dans la “période d'accumulation des faits et que le temps “n'est pas encore venu où l’on puisse les systéma- “liser avec fruit. Une nomenclature rationnelle, Systématique des roches devrait être basée sur bujoutes les relations des roches (rôle géologique, “composition minéralogique et chimique, struclure). Moute préférence pour l’un de ces points de vue, préférence inévitable dans la période de transition que traverse actuellement la Pétrographie, dispa- raitra certainement plus tard. Les classifications, même provisoires, ont cepen- dant du bon, car elles permettent de grouper les choses apparentées les unes aux autres, de mieux Saisir les relations qui les unissent et de simplifier la nomenclalure. Les travaux des Commissions de Pétrographie ont porté surtout sur la nomenclature des roches. tetenons seulement, parmi les vœux votés, les sui- ants, qui sont les plus importants : 4% Vœu : Les noms d'auteur devront toujours être indiqués, à la suite des noms de roches, “comme cela est d'usage en Zoologie et en Bota- 2% Vœu : Il y a lieu de nommer une Commission internationale, chargée de publier les noms nou- “veaux des roches, avec leur description aussi pré- “au besoin, avec un dessin reproduisant leur struc- ture. 3° Vœu : Il est avant lout désirable de régulariser la nomenclature des roches éruptives où le manque d'unité est particulièrement sensible. Ces trois vœux ont été adoptés à l'unanimité. Il n'en a pas été de même du quatrième, ainsi conçu : % Vœu : La caractéristique des grands groupes, par exemple des familles, doit se baser sur la composition minéralogique appuyée sur la compo- sition chimique et la structure. Ce vœu, qui a été voté à une assez forte majorité, “est un succès pour l'Ecole française, représentée par deux de ses fondateurs, MM. Fouqué et Michel - Lévy, qui accorde une importance prépondérante à la composition minéralogique sur la composition - chimique, tandis que l'autre École fait l'inverse. La section de Minéralogie et de Pétrographie a “également voté la publication d’un Journal inter- national de Pétrographie, qui renfermerait des ré- sumés et des travaux extrêmement courts. Nous ne pouvons examiner que quelques-uns des Mémoires de DLERES qui ont été pré- 2 PH. GLANGEAUD — LE VIII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 919 M. Joly, professeur de Géologie el Minéralogie à Dublin, a fait une série d'expériences destinées à déterminer l'ordre de formation des silicates dans les roches. Ces expériences lui ont montré, que les points de fusion, un peu inférieurs à ceux qui sont actuellement admis, sont en complète harmonie avec la théorie de Rosenbuch, suivant laquelle l’ordre de consolidation des silicates est fonclion du degré de basicité. Les anomalies dans l’ordre de formation de ces minéraux, le phénomène d'accroissement intratel- lurique qu'ils présentent, et qui ont fait l’objet de nombreux travaux de MM. Fouqué et Michel Lévy, s'expliquent, d'après M. Joly, par la variation de stabilité des silicates soumis à une chaleur pro- longée. Les expériences de ce géologue auront leurs applications dans les recherches de tempéra- ture des laves solidifiées el dans la fusion des en- claves. ; L'étude de M. Weinschenk, le Dynamo- métamorphisme et la piézocristallisalion, est fort intéressante, bien qu'un peu obscure etassez hypo- thétique. L'auteur ne tient guère comple, ou si peu, des travaux des pétrographes et des géologues français, qui ont cependant fait avancer beaucoup l'état de la question, et des géologues anglais, qui ont émis des idées se rapprochant des siennes par certains côtés. M. Weinschenk ne parait pas avoir résolu toutes les difficultés sur la question de l’origine des schistes cristallins et du terrain primitif. Pour ce géologue, il y aurait, pour les Alpes, par exemple, un rapport très net entre les plissements montagneux et l'apparition des masses graniti- ques. « Par la pression exercée pendant les plisse- ments, le magma fluide s'est élevé de la profon- deuret s’est injecté entre les couches des différents horizons géologiques, tandis que des mouvements et des dislocations colossales accompagnaient le phénomène de l'intrusion. La tension n’étail pas supprimée par l'injection du magma liquide, et ce magma s’est consolidé sous la pression des monta- gnes qui se plissaient encore. » M. Weinschenk dé- signe sous le nom général de piézocristallisation « l’ensemble des phénomènes qui se sont passés pendant la consolidation du granite central des Alpes » ; il croit que tous les fails constatés s'ex- pliquent si l'on admet que la solidification du gra- nite s'est faite sous une grande pression. « La consolidation de la roche a commencé la séparation des éléments noirs (biotite et horn- blende). Le mica s'est d'abord formé dans la masse liquide. À ce moment, les pressions orogéniques ont agi sur la zone périphérique du magma, orien- Lapt ce minéral normalement à la pression.’Au sein de la masse visqueuse, cette faculté d'orientation a sur avec 920 élé remplacée par une tension intérieure dirigée dans tous les sens. » Ainsi s'expliquerait, pour le pro- fesseur de l'Université de Munich, la zone périphé- rique schisteuse qui passe à un noyau granili- que. « Quand il s'est formé de grands cristaux de feldspath, les pailletles de mica se sont disposées autour de lui, ont empêché sa croissance et l'ont contraint à prendre une forme œæillée. À un état plus avancé de la cristallisation, le magma était transformé en un squelette solide dont les espaces interstiliels étaient remplis par le résidu liquide. Les efforts orogéniques ont amené aussi l'écrase- ment de ce squelette cristallin ; les feldspaths se sont froissés, les micas se sont tordus. Dans les parties où commencait la cristallisation du der- nier élément, le quartz, celui-ci a élé influencé dans son développement par ces pressions énormes. La trituration des éléments composants ne serait pas toujours due à l'influence de pressions posté- rieures à leur consolidalion. « Pendant ce temps, les minéralisaleurs à haute température se sont infiltrés dans les sédiments, déjà fortement plissés et disloqués etont commencé leur réaction métamorphique sous l'influence de la pression élevée. Celle action diffère du métamor- phisme de contact normal par la tendance de la roche à prendre le plus petit volume possible : les roches de contact piézométamorphiques contien- nent toujours, de deux minéraux dimorphes, celui qui a la plus grande densité. » J'ai tenu à donner presque in extenso les princi- pales conclusions de l’auteur, afin qu’elles parais- sent plus compréhensibles. En résumé, pour M. Weinschenk, trois agents seraient intervenus dans la formation des schistes cristallins : 1° Le magma fondu, consolidé sous l'influence de la pression, aurait permis l'alignement des élé- ments cristallisés ; 2° mais les mouvements oro- géniques auraient troublé cette régularité; 3° enfin, les minéralisateurs seraient inlervenus avec plus ou moins de force. Suivant le rôle variable considérable de ces trois facteurs, et la nature du magma, on avait des ro- ches schisteuses de nalure différente. M. W. Salomon propose un Æssai de nomen- clalare des roches de contact et M. Saccoune Clas- silication générale des roches. Dans un important Mémoire relatif aux Æoches accompagnant les lherzolites et les ophites des Pyrénées, et qu'il nomme ariégites et hornblendites, M. Lacroix éludie la structure, la composition chimique et minéralogique de ces nou- velles roches et les relations qui les unissent aux ophites et aux lherzolites. Il conclut qu'elles sont élroitement apparentées et constiluent des varia- basiques PH. GLANGEAUD — LE VII CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL tions d’un même magma profond. Des expériences de laboratoire ont permis également à l’auteur de montrer que ces mêmes roches, fondues el recris tallisées, reproduisent des roches microlitiques offrant la composition des basaltes. Ces derniers" pourraient done êlre considérés comme la forme d'épanchement des premières, qui sont des roches de profondeur à structure holocristalline et pres- que loujours grenue. Le Congrès a décidé l'impression, dans les Comples rendus, du Lexique pétrographique de M. Lœwinson-Lessing, qui rendra les plus grands services aux pétrographes. Ce Lexique, qui est plutôt une seconde édition" qu'une simple traduction de l'œuvre de l’éminent pétrographe russe, n’a pas moins de 300 pages, et il a été modifié avec le concours d'un grand nombre” de pétrographes européens et américains. Dans ve travail, presque tous les termes utilisés par les pétrographes du monde sont indiqués, avee leur signification, et le nom de l’auteur qui les a employés la première fois. M. Barrois, qui a revu ce Lexique avec grand soin, à fait suivre éga= lement, conformément aux vœux du Congrès, le nom des roches du nom de l’auteur et de la date, d'émission. IV. — GÉOLOGIE DU CARBONE. La géologie du carbone s’est enrichie d’impor- tantes contributions dues à MM. Eug. Bertrand, Grand'Eury, Lemière, Renault et Weinschenk. Disons d’abord quelques mots de la Mote de M. Weinschenk sur la formation du graphite. Une opinion assez répandue veut que les gisements de graphite soient d'anciennes veines de houille, an- térieures aux premières couches fossilifères et mo difiées par métamorphisme. À la suite de l'étude minutieuse d'un assez grand nombre de gisements de graphite (Ceylan, Bavière, Cumberland), M.Weins- chenk établit qu'on ne trouve jamais de termes de passage entre le charbon et le graphite. Tous les gisements étudiés par l’auteur lui font conclure que le carbone des gisements graphitiques a été amenés par des émanations volcaniques, ou que, provenant de substances organiques, il a été remis en mouve- ment sous l'influence d'actions volcaniques. Il a fréquemment, en effet, une allure filonienne, est en relation avec des roches intrusives, et les roches. imprégnées de graphite sont, en outre, remplies de minéraux d’allération. « Ce seraient des fumerolles, principalement. composées d'anhydride carbonique, de carbonyles et de cyanures métalliques, qui auraient déposé, d'une part le graphite, d'autre part les oxydes de f ; PH. GLANGEAUD — LE VIli® CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL 92L lilane et de manganèse qui l'accompagnent, tout en - décomposant la roche encaissanle. » 11 faut rapprocher cette opinion de celle d’'Armand “Gautier sur l’origine des carbures d'hydrogène et “de l'acide carbonique, qui est assez analogue à “celle du professeur de l'Université de Munich. 4 à K MM. Renault et Eug. Bertrand, qui ontattaché leur _ nom à tant de travaux intéressants relatifs à l'ori- ê à f 4 L'4 Lun és LEUR nr Lots à. ss, “| ; DS RS LL SO 4 L gine des charbons fossiles, ont donné au Congrès de Géologie deux Mémoires qui se complètent l’un l'autre et permettent d’avoir une idée générale sur la genèse des produils carbonés. M. Æug. Bertrand présente de celte façon le résumé de ses recherches sur les deux types de combustibles que l'industrie nomme bogheads et schistes bilumineux. Les premiers sont formés - par des algues gélosiques, comparables aux fleurs » d’eau, enfouies dans une gelée brune. L'accumula- tion d'algues s’est faite rapidement, en une saison, . et la fossilisation a eu lieu en présence du bitume. . Les schistes bitumineux sont des accumulations de gelée brune, faites dans les mêmes condilions que celle des bogheads, mais les corps figurés n’y in- terviennent que pour une part insignifiante. L'addition d'algues en fait des bôgheads, l’addi- dilion de spores en fait un charbon de spores, l'addition de coprolites peut en faire un charbon animal. M. Renault, dans son travail sur le Ale de quel- ques baclériacées fossiles au point de vue géolo- gique, fait ressortir le rôle important que les infini- ment pelits ont joué dans la formation de quel- ques-unes des couches du globe où on les rencontre en abondance * : 1° En déterminant, sous forme de zooglées, issues de la décomposition des plantes, la forma- tion de roches oolitiques siliceuses à structure radiée ; 2° En pratiquant la décomposition partielle des végélaux dans des marais ou en eau profonde. Dans le premier cas, ils ont contribué à la forma- tion des tourbes, des lignites et des charbons li- gnitoïdes. Dans le second, ce sont des bogheads, des houilles, des cannels el des anthracites qui se sont formés. Dans tous les cas, il y a eu perte d'oxygène et d'hydrogène en plus grande propor- tion que de carbone, sous forme d'hydrogène pro- tocarboné et d’acide carbonique ; 3° La nature des végélaux paraît avoir eu une certaine influence sur la qualité des combustibles produits. ! Voyez aussi à ce sujet B. Rexaczr : Les bactéries fos- Siles et leur œuvre géologique, dans la ffevue générale des Sciences du 15 octobre 1896, t. VII, p. 804 à 813. à] a) Les Logheads ont été formés par l'accumula- tion d’'alques d'eau douce; D) Les cannels, par une sorle de séiection porlant sur des fruclilications de eryptoqames et d'alques d'eau douce. c) Les houilles résultent de l'assemblage de tous les organes des plantes, bois, écorce, feuilles, fruclilications variées, elce.; leur composition dé- pend de l’allération plus ou moins profonde que la fermentation microbienne leur a fait subir. Dans son Mémoire sur la 7ransformation des vé- gélaux en combustibles fossiles, M. Lemitre, ingé- nieur, fail à son tour de curieux rapprochements en essayant d'établir qu’ « il y a une analogie com- plète entre la fermentation houillère et la fermen- tation alcoolique ». Les travaux MM. Renault trand semblent bien appuyer M. Lemière, qui « assimile les formations de la houille à la fabrication de l'alcool, en retrouvant dans la première opération, accomplie parles forces nalurelles, les mêmes phases de macération, de vie microbienne aérobie et anaérobie, les mêmes dé- gagements de gaz et finalement un enrichissement des matières premières en carbone, phénomènes que l’on reproduit lous les jours dans l'industrie. L'alcool réduit aux pulpes et drèches est un produit comparable à la houille ». Relenons, parmi les conclusions de M. Lemière, qui sont des plus intéressantes, mais dont cer- taines recevront vraisemblablement des modifiea- tions, les considérations suivantes : « Les facteurs principaux de la transformation des végétaux en combustibles fossiles sont : les ferments solubles, les ferments vivants et les anti- sepliques. Les deux premiers sont des agents de trans'ormation, le troisième est un agent de conser- vation ; les ferments solubles ne sont peut-être pas indispensables pour obtenir un certain degré de carbonisation : exemple, la tourbe; mais, quand ils existent, ils développent beaucoup la macération, c'est-à-dire la formation de la matière fondamen- tale pulpeuse. « Les ferments vivants sont les agents de la fermentalion, et par suite de la carbonisation; enfin, les antisepliques sont indispensables pour limiter la transformation en gaz et sauver de la destruction complète une partie de l'accumulation végétale. « Dans le cas le plus général, celui des houilles, le processus de la formation des combustibles miné- raux est diastasique et microbien, c’est-à-dire que l’action des diastases correspond à la macéralion et que l'action proprement dite des microbes cor- respond à la fermentation. » et les Ber- de de Eug. théories € 22 2 PH. GLANGEAUD — LE VII: CONGRÈS GÉOLOGIQUE INTERNATIONAL M. Grand Eury, qui a soutenu l'opinion que l’on sait sur l’origine de la houille, essaye encore de trouver des arguments pour combattre la théorie de M. Fayol, si généralement admise, en étudiant les tiges enracinées des terrains houillers, qui, pour l’auteur, « ont vécu là où on les trouve, et ont le plus contribué à former la houille ». Le savant ingénieur admet cependant que ces tiges sont irré- gulièrement distribuées et à toute profondeur, et que «le bassin s’est creusé pendant sa formation par des mouvements d’affaissement lents et brusques ». M. Grand'Eury, qui a publié des travaux remar- quables sur la flore houillère, semble oublier que s’il y a eu affaissement, produit généralement par l'enfoncement progressif des synclinaux ou des cu- veltes déterminant les dépressions houillères, il y a eu aussi élévation correspondante, par plissement, des parties continentales, parfois trèsmontagneuses, quientouraient ces dernières. N'est-il donc pas logique d'admettre la formation de torrents descendant de ces régions élevées, cou- vertes de forêts, et charriant les végétaux dans les parties basses? Je regrette de ne pouvoir parler, faute de place, des travaux sur les rolcans, les glaciers, les grottes et cavernes,ceux sur la Géologie appliquée, et sur- tout ceux sur l’Aydrologie. On doit retenir, toutefois, que la Géologie tend de plus en plus à devenir pratique et à prêter son con- cours à de nombreuses recherches minières, d’eau potable, d’eau minérale, ete. V. — TRAVAUX INTERNATIONAUX DU CONGRÈS. Divers projets d'ordre collectif ont été adoptés par le Congrès. Sir Arch. Geikie a demandé qu'il y eût une coopération internationale dans les investigations géologiques, pour soumettre les faits observés à des mesures précises et pour les contrôler. A ce sujet, M. Albert Gaudry disait: «Ce projet, qui exige une action continue, me semble fécond. Notre Congrès,comme certains couvents au Moyen-Age, de= viendrait une institution permanente, poursuivant, s’il le faut, pendant un siècle, les œuvres qu'uné courte vie humaine ne peut accomplir. » M. Chamber lain, le distingué géologue américain, ne demande pas moins qu'on revienne à l'étude et à la discussion des principes fondamentaux qui doivent servir de base à la classification géolo- gique. Tous ceux qui se sont occupés de Paléontologie savent les difficultés qu'on éprouve souvent à dé- terminer une espèce ou à recourir aux travaux Spé-M î ciaux ou généraux, dans lesquels les premières dia- gnoses ont été faites. Pour faire disparaitre ce facheux inconvénient, M. (Æhlert proposa au Con- grès la fondation d'une publication destinée à rééditer les types des fossiles décrits et ligurés antérieurement à une époque déterminée. Je n'ai pas besoin de faire ressortir l'intérêt considérable d'une telle œuvre, qui avait déjà été indiquée par M. Kilian. Aussi son exécution fut-elle adoptée à l'unanimité, Pour terminer cet exposé, que je regretle si som- maire, disons, avec l'éminent président du Con- grès, M. Albert Gaudry, que « outre les jouis- sances d'amitié internationale, les Congrès de Géologie antérieurs à celui de 1900 ont déjà apporté de nombreux avantages scientifiques, établi bien des accords et préparé la solution de hautes questions ». Celui de Paris, qui a eu tant de succès, contribuera pour une large part, nous l’espérons, à développer ces résultats. Ph. Glangeaud, Maître de Conférences à l'Université de Clermont-Ferrand ES ss panne “her PAT he D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 92€ REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE I. — CYTOoDIAGNOSTIC. —… Regarder une cellule sous un microscope, en dé- rire les caractères normaux et les attributs patho- logiques, étudier sur elle l'effet des divers réactifs et interpréter les phénomènes observés, ces actes, dont les applications sont variables à l'infini, con- F stiluent une branche spéciale de la Science qu'on appelle (ytoscopie. En Médecine, l'acception de ce — mot est devenue beaucoup plus restreinte ; et, pra- à tiquement, on ne l'applique guère aujourd'hui qu'à … l'étude des cellules en suspension dans un liquide “— humoral quelconque : sang, Iymphe, urine, pus, … exsudats divers, épanchements pleurétiques, péri- tonéaux, articulaires, etc. La facilité avec laquelle on peut aujourd’hui puiser 2 sans danger, par la ponction lombaire, le liquide à céphalo-rachidien a étendu la cytoscopie à l'étude : de cette humeur sur le vivant. + De l'examen des cellules contenues dans ces di- » vers liquides, on tire des conclusions qui, dans - certains cas (et ceux-ci deviendront sans cesse plus - nombreux), sont utiles pour établir ou confirmer un diagnostic. De là vient le mot ceytodiagnostie, dont la valeur est analogué à celle du mot sérodia- gnostic, qu'avait imaginé M. Widal et que nous - avons expliqué dans une précédente Revue. Ce sont les résultats acquis jusqu à ce jour que nous allons résumer. Rappelons que c'est surtout la théorie de Metchnikoff, la phagocytlose, c'est-à- dire la réaction des globules blancs sur les divers , agents infeclieux ou simplement sur les corps — étrangers à l'organisme, les périodes de coloration - découvertes par Ebrlich et le procédé technique de la centrifugation, qui ont permis à la cytoscopie et “ au cytodiagnoslic de prendre leur importance ac- ' tuelle parmi les méthodes d'investigation clinique. - Les multiples travaux de tous ordres qu'elles ont ; suggérés ont abouti à l'application et à la généra- | lisation du procédé. “ 1. — Sang. — Sans revenirsur la composition du . sang et les diverses modifications que peuvent subir les globules rouges, nous ne parlerons que - des globules blancs, leucocytes, parce que ceux-ci - ont une propriété caractéristique de migration qui les fait retrouver à divers états dans les autres . liquides de l'économie. “ Ces leucocytesontune grande variabilité d'aspect. - On en a fait une véritable classification. Elle amè- - nera sans doute à la connaissance des causes qui « président à ces variations. Le principal élément de 2 ‘Ai différenciation des globules blancs réside dans les caractères du noyau. Les uns ont un novau sphéroïdal, unique, de forme assez régulière. Pour cela, on les a appelés mononucléaires. Les autres ont une masse nucléaire irrégulière, fragmentée : la cellule parait avoir plusieurs noyaux, être polynucléaire. Le leucocyte mononucléaire a un protoplasma assez homogène dans lequel se détache bien le noyau, isolé, unique, souvent sphéroïdal ou cylin- drique et plus ou moins contourné en U. Mais on a établi entre ces mononucléaires des différences qui portent surtout sur leur volume. On en distingue des grands,des moyenset des petits. La proportion des grands et des petits est différente suivant les conditions. Les leucocytes polynucléaires, outre la multipli- cité des noyaux, ont un caractère commun, qui les différencie déjà nettement des précédents : ils ont un protoplasma grenu, formé de granulalions de vo- lume variable. Les uns ont des granulations très fines et presque égales; les autres ont des granula- tions inégales et volumineuses. Ces derniers sont appelés polynucléaires et éosinophiles, parce que leurs granulations prennent et fixent avec une affi- nité spéciale certaines substances colorantes (é0- sine). C'est, du reste, sur ces propriétés colorantes des granulations leucocytaires qu'est fondée la division universellement adoptée d'Ebrlich, et qui comporte les quatre variélés suivantes : 4° Les leucocytes polynucléaires neutrophiles, dont le protoplasma est granuleux avec un noyau irrégulier, fragmenté, polymorphe. De plus, ce pro- toplasma contient des granulations neutrophiles, ainsi appelées parce qu'elles présentent une réac- tion spéciale. Colorées avec le réactif triacide d’Erhlich, composé de vert de méthyle, d'orangé et - de fuchsine acide, elles prennent une teinte vio- lette. Or. le réactif dittriacide est en réalité neutre, d'où la dénomination de neutrophiles appliquée à ces granulations, qu'on nomme aussi granulations e. 2 Les leucocytes polynucléaires éosinophiles. L'aspect général de la cellule est le même que dans la variété précédente; mais, colorées avec le même réactif triacide d’Ehrlich, certaines granulations protoplasmiques prennent une teinte rouge très nette. Elles fixent avec intensité la couleur acide; d’où leur nom d’acidophiles ou éosinophiles. Cette granulation éosinophile, généralement plus grosse que la précédente, est dite aussi granulation «. 3° Des leucocytes à protoplasma vasculaire, à 924 D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE noyau irrégulier, multilobé, nommé mastzellen d'Ebrlich. Elles ne contiennent pas de granula- tions « ou s, mais des granulations colorées en violet rougeàtre. x Enfin des leucocytes monucléaires à noyau sphéroïdal et à protoplasma homogène. Dominiei, dans un intéressant travail sur l’ori- gine et la valeur de ces divers éléments, a donné les proportions dans lesquelles on les trouve nor- malement. Si l'on examine les diverses humeurs qui, à l'état normal ou pathologique, occupent certaines cavités du corps, on remarque, après quelques essais, que leur richesse en leucocytes est très variable et que les leucocytes trouvés ne sont pas tous de la même espèce. C’est sur la variabilité de ces éléments qu'on s'appuie pour arriver au dia- gnostic. Examinons-les successivement. 2. Plèvres. — Widal et Ravaul ont tiré quelques conclusions pratiques de l'examen histologique de l’exsudat pleural. L'épanchement provoqué par la pleurésie simple (si souvent tuberculeuse) donne un liquide que caractérisent de pelits leucocytes mononucléaires, lymphocytes, en nombre assez considérable. Ils sont accompagnés d'une petite quantité d'hématies. La pleurésie consécutive à des lésions tubercu- leuses avancées du poumon a une autre formule cytoscopique. Le nombre des lymphocytes et des hématies est restreint, mais on y trouve des leuco- cytes polynucléaires à noyau très fragmenté et à granulations neutrophiles; en outre, quelques mononucléaires déformés et dégénérés. Les épanchements par stase, les liquides d'hydro-thorax (ceux observés chez les cardiaques par exemple) présentent de grandes cellules prove- nant du revêtement épithélial de. la plèvre, isolées ou réunies en lambeaux. Il y a relativement très peu de lymphocytes. Dans la pleurésie streptococcique, ce sont les polynucléaires neutrophiles qui dominent. Dans la pleurésie pneumococcique, outre un nombre beaucoup plus considérable qu'ailleurs de lymphocyles et d'hématies, il y a une grande abondance de polynucléaires et de grandes cellules mononucléces, qui, selon Widal et Ravaut, auraient un pouvoir phagocylaire accentué et engloberaient les polynucléaires. Le liquide de la pleurésie cancéreuse est carac- lérisé par les cellules distinctives du néoplasme. On voit donc que, d’après la seule formule cyto- scopique d’un épanchement pleural, on peut avoir une indication valable pour le diagnostic de la nature de l'affection causale. Signalons encore l'intérêt de l'étude cytologique plèvre, consécutif à un traumatisme. Tuffier et Milian ont montré qu'elle pouvait en faire prévoir la suite clinique. Les polynucléaires, si le liquidem est aseptique, disparaissent progressivement etM sont toujours en nombre beaucoup moindre que les lymphocytes et mononucléaires. S'ils prédu-m minent au contraire, c'est que la cavité pleurale est infectée et que les signes cliniques de la suppu- ralion ne tarderont pas à se manifester. 3. Périloine et autres séreuses. — Les résultals sont ici absolument comparables à ceux que nous venons de voir pour les plèvres. Le liquide séreux d'ascile (épanchement dans la cavité péritonéalem cours d'affections cardiaques, hépatiques, rénales) est pauvre en éléments figurés, tandis que le liquide de la péritonite luberculeuse contient des lymphocyles en nombre appréciable. Les liquides des kystes de l'ovaire contiennent des cellules de diverses espèces et en particulier de grosses cellules ovalaires ou rondes, remplies de vacuoles, et moins constamment des cellules eylin- driques, dont l’un des pôles porte une toufle de cils vibratiles (Tuffier et Milian). ; Les hydarthroses tuberculeuses ont pour carac- téristique la présence des lymphocytes (Achard et Lœæper). De même, l'hydrocèle tuberculeuse, l'hy- drocèle blennorragique, comme la plupart des infeclions aiguës, contiennent des polynucléaires. au al D RTE 4. Liquide céphalo-rachidien. — Normalement, et dans un grand nombre de maladies, le liquide céphalo-rachidien puisé sur le vivant au moyen de la ponelion lombaire est extrêmement pauvre en éléments figurés. Le nombre (rès restreint de leu- cocyles el d'hémalies qu'on y trouve parfois peut y être apporté du fait de la traversée des tissus par l'aiguille. Mais, quand il y a une cause morbide M locale, quand les méninges sont lésées, même très. superficiellement, on voit dans ce liquide des cel- lules en nombre très notable. Celles-ci varient sui- vant les cas. Widal, Sicard et Ravaut les ont éludiées spécialement dans la méningite tubereu= leuse. Dans cette affection, ils ont remarqué une prédominance accusée des lymphocytes, quelque- fois des hématies (si nombreuses en quelques cas que le liquide prend un aspect hémorragique), puis de rares polynucléaires. Chose importante, dans la méningite cérébro-spinale, ce sont au con- traire les polynucléaires qui prédominent et les lymphocytes qui sont rares.Ces auteurs en arrivent donc à conclure que la formule eytologique de las méningite tuberculeuse est la lymphocylose. . On comprend aisément la valeur de cette consla- lalion. L'absence de lymphocyles permet d’écarter D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE “le diagnostic de méningite tuberculeuse, lorsque des désordres nerveux la simulent. - Les résultats précédents ont élé confirmés par les “recherches de Griffon, qui, dans trois cas de ménin- gite aiguë de l’aduite, trouva une lymphocytose ‘1 “prédominante ; par celles de Sicard et Brécy qui, “dans la méningite cérébro-spinale, trouvèrent de très nombreux leucocyles polynucléaires. Ce pro- cédé de diagnostic est d'autant plus intéressant que souvent, ni les méthodes de coloralion, ni les cul- ures, ni même les inoculalions aux animaux ne “décèlent de microbes dans le liquide céphalo- rachidien, et que le diagnostic bactériologique direct ne peut donc être établi. . Dans diverses maladies de l'axe cérébro-spinal : paralysie générale, myélites, tabes, lésions syphi- litiques du système nerveux, on trouve surtout des lymphocytes. R. Monod, entre autres, a signalé, dans la paralysie générale, des lymphocytes, quel- ques polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles et de rares hématies. Dans le tabes, le dépôt du liquide céphalo-rachidien est formé à peu près des mêmes éléments. Dans la névrile périphérique alcoolique, les résultats sont peu précis. Ils sont négatifs, à part la présence de quelques rares mo- nonucléaires, dans le rhumatisme chronique, l’al- _ coolisme et l'hystérie. > 5. Affections chirurgicales. — Les données pré- Mintes, appliquées soil au sang, soit aux diverses humeurs, sont suffisamment assises pour que les “chirurgiens y voient un argument décisif pour ou contre l'opportunité de l'intervention qu'ils pro- jettent. Hartmann a déjà signalé ces avantages et cons- até que le diagnostic différentiel entre le cancer ét l'ulcère de l'estomac pouvait être fait, avant Jopération, par l'examen du sang. Il insiste sur ce fait que, dans le cancer, l'hyperleucocytose porte urtout sur les mononucléaires. Des abcès latents, développés au sein des pa- reuchymes, peuvent être décelés. Boinet a trouvé “chez un homme que l'on soupconnait atteint d'un abcès du foie une augmentation considérable (6 à 10 °/, environ) des leucocytes du sang : elle était fournie principalement par les polynucléaires. > Dans l'appendicite, Laignel Lavastine a signalé “une tendance spéciale à l'éosinophilie du sang. Pendant la crise aiguë, on trouve dans le sang une proportion élevée de leucocytes polynucléaires “éosinophiles. Après l'ablation de l'appendice, cette REVUE GÉNÉR: T: DES SCIENCES, 1901. Cependant il faut, pour que les enseignements de la cytoscopie soient nets en clinique, ne pas se contenter d'une seule constalation. Plusieurs exa- mens sont nécessaires. Leurs résultats doivent tou- | jours être concordants, et la disproportion des élé- ments dans le même sens flagrante. Le sang est en effet un liquide changeant, le nombre des leu- cocytes y est variable suivant le moment où on le considère. Des phénomènes physiologiques l’in- fluencent; la digestion, par exemple, augmente la leucocytose, et parfois dans des proportions très notables. Cette augmentation semble même se faire surtout au profit des polynucléaires. C'est encore une modalité du eytodiagnostie que l'épreuve dite du vésicatoire qu'ont instiluée Roger et Josué. Elle consiste à examiner les cellules con- tenues dans le liquide séreux qui s'accumule sous l'épiderme soulevé par l'application d'un vésica- toire. Ce liquide, quand la phlyctène est bien for- mée, est recueilli, centrifugé; puis le dépôt, étalé et desséché sur une lame, est coloré au triacide ou à la thionine. Dans ces conditions, on trouve des différences nettes entre les sérosilés provenant d'un sujet sain et d'un sujel malade. À l'état normal, il y a unetrès forle proportion de leucocytes polynucléaires éosi- nopbhiles. A l'état pathologique, celles-ci sont rares ou manquent. Elles reparaissent lors de la guérison. Roger et Josué expliquent ce contraste par l’action des loxines sur les organes hématopoïéliques, et surtout sur la moelle des os. Les toxines empêche- raient la moelle de fournir des polynucléaires éosi- nophiles; elle ne donnerait que des neutrophiles. L'épreuve du vésicaloire sert donc d'indice pour mesurer le degré de l'imprégnalion toxi-infectieuse de l'organisme. Les éosinophilesont ici une valeur prédominante. On trouve, en outre, dans le liquide des phlyctènes, des cellules neutrophiles, des lymphocytes et des myélocytes, qui, d'ordinaire, n'existent pas dans les exsudats:; enfin, des cellules à réaction colorée spéciale, dont la nature est indéterminée et aux- quelles les auteurs ont donné la dénomination d'attente de « cellules du vésicatoire ». Chez les tuberculeux, en général, la présence des éosinophiles indique que la lésion est peu accusée ou que le sujet résiste bien à la maladie. Dans l'érysipèle, les éosinophiles disparaissent pour reparailre à la convalescence. Roger et Josué ont fait la même constatation dans des affections très diverses, comme les oreillons, l’angine simple, le zona, la bronchopneumonie, etc. Ils insistent sur la sensibilité de cetle épreuve du vésicatoire. Son but n'est pas de renseigner sur la nature de l'affection, mais sur l’état de maladie, sur le degré 20** 926 D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE de l'infection, sur la résistance de l'organisme. Ces considérations en font un élément de pronostic important. IT. — VARIOLE. Pendant les dix-huit derniers mois, la population parisienne a été éprouvée par une épidémie de variole assez sévère et surtout prolongée. La réap- parition épidémique de cette maladie a été une cause de surprise. Les résultats acquis donnaient en effet à espérer que la variole s’éteindrait peu à peu. Les chiffres stalistiques de Roger, portant sur ces dernières années, étaient des plus salisfai- sants. L'hôpital d'Aubervilliers avait reçu 38 va- rioleux en 1896: 20, en 1897; 2, en 1898; et, de juin 1898 à décembre 1899, la variole n'avait néces- silé aucune admission. A la fin de décembre 1899, une femme y arriva avec une varioloïde légère; et, dès ce jour, le nombre des malades est progres- sif : 8 entrent en janvier; à la fin de 1900, le total en dépasse 900. Depuis lors, l'intensité de l'épidémie est en décroissance. Les causes de la prolongation de cette épidémie ont été recherchées par Roger. Il en voit les raisons dans la négligence que mettent les habitants à se faire revacciner.Onne consent généralement à subir cette minuscule opé- ration qu'une fois l'épidémie en plein développe- ment. Ce n’est malheureusement pas la raison, mais la peur qui pousse la population à prendre celte précaulion, si souvent efficace et toujours sans danger. Une revaccination posilive et récente préserve complètement de la variole ou tout au moins atténue considérablement l'affection. Une revaccination négative et récente semble même porter ses fruits ou démontrer une immunité rela- tive du sujet; car, s’il vient à prendre la variole, celle-ci est d'ordinaire bénigne. Il arrive qu'une première revaccinalion soit négative, alors qu’une seconde ou une troisième, pratiquée quelques jours plus tard, est suivie de succès. Ce fait est connu depuis longtemps ; mais Roger signale cette parti- cularité curieuse que, lors de la seconde revacci- nation, non seulement les dernières piqûres, mais les premières qui étaient restées stériles, se cou- vrent d'une vésicopustule. « Le virus déposé avait sommeillé, dit-il, et il a pu se développer quand on en à introduit une nouvelle dose. » La conclu- sion pratique de ces observations est la suivante : En dehors des épidémies, se faire revacciner tous les dix ans environ; en temps d'épidémie, se faire revacciner, bien qu’une vaccinalion antérieure de un an ou de deux ans ait élé positive. Une autre cause de la prolongation de l'épidémie, Roger la trouve dans l'isolement défectueux des malades. Un varioleux, même reclus dans un hôpi- tal, correspond avec l'extérieur au moyen delettres et dissémine ainsi l'agent de contage. On désin=« fecte bien les leltres, mais cette désinfection n'est parfaite qu'à la surface. Pour obvier à cet incon= vénient, Roger, dans son service, a conseillé à ses malades de n’employer que les cartes postales pou les correspondances banales : il n'a pu obtenir d'eux cette complaisance. L'isolement du varioleu devrait durer quarante jours. Or, combien se rési gnent à cette exclusion. La maladie, une fois à peu près guérie, avant que l'épiderme ait été débarrassé des croûtelles et des squames qui le souillent, le convalescents reprennent la vie commune : les uns retournent au bureau ou à l'atelier, les autres visi tent leurs parents ou amis; ils se servent sans scrupule des voitures publiques, et tous dissémi nent le germe morbide.A Paris surtout, les moyen de contagion sont innombrables : et, dans la plu= part des maladies infectueuses, il est presque rare que nous trouvions avec certitude le lieu et le mode de contagion. Aux pratiques de revaccination, il est done urgent d’adjoindre un isolement des malades effee üf et rigoureux. Le développement de l'épidémie parisienne à coïncidé avec la recrudescence d’une épidémie, qui sévissait discrètement à Lyon depuis le mois de juin 1899, et sur laquelle Courmont et ses internes ont fait des observalions intéressantes. À Lyon comme à Paris, la variole s'élait montrée très rar@ les années précédentes, si rare qu'on avait pu dis cuter la question de la désaffectation de l'hôpital d'isolement lyonnais. Ainsi qu'on l’observe habi tuellement, la variole a frappé de préférence les femmes, qui ne sont pas, comme les hommes, sou mises à des revaccinalions successives obligatoiress Les chiffres de Courmont sur la proportionnalité des sexes atteints suivant l’àge sont démonstralifs avant 10 ans, le nombre des garcons atteints de variole est sensiblement égal à celui des filless de 10 à 20 ans, le sexe masculin est plus frappés les obligations mililaires ou administratives n'ayant pas encore été remplies; après 20 ans, Je nombre des femmes est à peu près double de celui des hommes ; après 50 ans, l'égalité reparait. La mortalité est aussi plus élevée chez les femme La forme la plus grave de la variole, la variole hémorragique primitive, n'a frappé presque exclus sivement que des sujets non vaccinés où revaceis nés depuis plus de dix ans. Comme dans toutes les maladies infectieuses, le sang subit au cours de la variole des modifications importantes ; généralement, le nombre des hématies et leur richesse en hémoglobine diminuent et la pra portion des leucocytes augmente. Courmont &@ Montagard ont vu que cette hyperleucocytose Se faisait surtout aux dépens des lymphocytes mos D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 927 nonucléaires dans les cas simples. Si la maladie est compliquée, si des suppuralions surviennent, ce sont les polynucléaires qui apparaissent dans le Sang. En outre, le sang variolique serait caracté- risé par la présence d'hématies nucléées et de leu- ocytes mononucléaires éosinophiles et surtout neutrophiles. Ces éléments sont de provenance myélogène ; ils ont leur siège normal dans la moelle des os. Ils sont si constants dans la variole qu'ils peuvent servir à affirmer le diagnostic. Ces constatalions de Courmont et Montagard sont confirmées par E. Weill, dans un travail impor- “tant consacré au sang et aux réactions défensives de l'hématopoïèse dans l'infection variolique, que nous retrouverons plusloin. On sait que jusqu'ici l'agent causal de la variole a déjoué toutes les recherches. Aussi les nouvelles investigations de H. Roger et Weill, aboutissant à la détermination d’un parasite déjà entrevu, mais mal défini, ont-elles eu un retentissement considérable. . Examinant le pus variolique coloré au bleu de Lüffler, ils virent de petits corps arrondis, de vo- . lume variable, fixant la couleur beaucoup plus énergiquement que les noyaux cellulaires. Ces corpuscules sont libres, quelquefois englobés dans des leucocyles mononucléaires. Ils se retrouvent également dans la pustule variolique avant sa sup- puration, dans les épanchements sanguins et l’hé- maturie. Ils sont plus nombreux dans la variole hémorragique que dans la variole simple. Ils existent dans la varioloïde. . Si on inocule au lapin du pus variolique pur contenant ces corpuscules, non mélangés à d’au- tres bactéries surajoutées, comme le streptocoque ou le pneumocoque, on détermine chez l'animal une maladie mortelle, mais plus ou moins rapide suivant le lieu ou le mode d’inoculation. Elle dure de cinq à six Jours ou de deux à trois semaines. En reprenant du sang chez l'animal ainsi inoculé, on y trouve les mêmes corpuscules. De plus, cultivés dans le sang même, ils augmen- tent de nombre dans les quarante-huit heures sui- provoque chez lui une maladie encore mortelle. Dans leurs premières expériences, Roger et Weill n'avaient pas observé chez le lapin la formation de . pustules nettes et comparables à celles qui se produisent chez l’homme. Mais, dans une nou- welle série de recherches, ils obtinrent chez les animaux inoculés le développement de papules qui se dessèchent et se recouvrent de croûtelles avant de suppurer. Roger et Weill font remarquer que, chez les nouveau-nés issus de mères vario- liques, la variole ne détermine pas souvent l'érup- tion pustuleuse normale : celle-ci est remplacée vantes. Cette culture, réinoculée à un animal neuf, par une éruption papuleuse diserète. De plus, en recherchant les raisons pour lesquelles l'inocula- tion aux lapins n'est pas toujours positive, ils virent que, si le sang de l'animal inoculé donne à la cullure les corpuscules caractéristiques, l’ani- mal mourra certainement, tandis qu'il survivra si ces cultures sont négatives. Weill, dans sa thèse, a mis en relief l’action de l'agent pathogène dans la production des réactions leucocytaires constatées dans le sang. Il compare la polyleucocytose variolique à celle de la leucé- mie myélogène. Il explique la différence que l’on remarque entre les réactions cellulaires de la va- riole et celles des autres affections par ce fait que le microorganisme pathogène est lui-même très différent. Il le classe parmi les Sporozoaires. Comme Courmont, il pense que la formule héma- tologique de la variole est si caractéristique, qu’a- vant l'éruption même, on peut la distinguer des autres fièvres éruptives (scarlatine, rougeole, érv- thèmes, purpuras, etc.). Cette formule est iden- tique dans la varioloïde et même la varicelle. Ce dernier point est un argument favorable à la thèse déjà soutenue, que la varicelle n'est qu'une variété de variole. L'état du sang peut même donner des indications précieuses pour le pronostic. L'absence d'une hyperleucocytose mononucléaire et la pré- dominance de la polynucléose sont des signes de gravité de l'affection. Les altérations du sang dans la variole sont pous- sées à un degré excessif dans la forme hémorra- gique, où la terminaison fatale est presque la règle. Hayem et Bensaude en ont fait l'étude. Ils ont ob- servé une diminution des globules rouges, une augmentation considérable des leucocytes et une pauvreté extrême du réticulum fibrineux et des hématoblastes. De là, une absence de rétraction du caillot sanguin et de formation du sérum. En outre, le sang contient des noyaux libres de glo- bules rouges nucléés. Ce sont ces noyaux qui, d’après Hayem el Bensaude, auraient été pris par. Roger et Weill pour des’ parasites du sang vario- lique. (Nous avons vu plus haut que la démonstra- tiôn bactériologique de la réalité de ces parasites s’appuyait sur des arguments de grande valeur.) La forme hémorragique de la variole tiendrait à une pénétration dans le sang des loxines. Celles- ci détermineraient la formalion d’une infinité de petites concrétions granuleuses qui favorisent l’'agglutination des hématoblastes. Ces concrétions obstrueraient les petils vaisseaux, d’où la produc- tion d'infaretus minuscules et des hémorragies. La thérapeutique de la variole ne s’est accrue d'aucune ressource nouvelle. Cependant, mention- nons l'emploi judicieux qu'a fait Roger du chlorure de calcium dans les formes hémorragiques. Il à D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE mis à profit les propriétés hémostatiques de ce sel. Les résultats qu'il en a obtenus ont été satisfai- sants au point de vue de la cessation des hémor- ragies hémorragiques, entérorragies, métrorragies) tout au moins, car le chlorure de calcium ne semble pas atténuer la virulence de l'affection. Legrand, par l'application de bandelettes ou de päle de Vigo, s'oppose à la formation des cicatrices disgracieuses qui suivent la guérison des pustules. Courmont préconise avec une juste ardeur les bains. Ceux-ci doivent être pris quotidiennement, et durer quinze à vingt minutes. Pendant l'épi- démie lyonnaise, il employa les bains au sublimé ‘(30 grammes par litre). Il attribue nettement à celte balnéation la rareté des complications sup- purées observées. Contre l'ophtalmie variolique, complication assez fréquente et redoutable, il a employé avec profit les instillations répétées, plusieurs fois par jour, de bleu de méthylène à 1/500. (pustules III. — RÉGULATION DE LA COMPOSITION DU SANG. On a lu, dans les courts chapitres précédents, des allusions fréquentes aux modifications qu'apporte l'état morbide dans la constitution des diverses humeurs de l'organisme et du sang. Ce sujet solli- cite vivement l'attention des médecins. Aussi je voudrais résumer ici une des pages les plus inté- ressantes qui aient été écrites cette année sur la Pathologie générale. C'est celle où M. Achard expose le mécanisme régulateur de la composition du sang. On a toujours élé surpris qu'au milieu des échanges ‘incessants dont le sang était le siège à l’état normal, la composition de ce liquide restät pour ainsi dire fixe. Pour se rendre compte d'un équilibre aussi constant, il faut admettre l’inter- vention d'un mécanisme régulateur, dont l'exis- tence, pressentie depuis longtemps, trouve sa démonstration dans les notions nouvelles sur le rôle des cellules de l'organisme. Le sang comprend, entre autres éléments figu- rés, des hématies et des leucocytes de diverses variétés. L'état normal ne comporte que de faibles variations dans la proportion relative de ces cel- lules. De même, le sérum comprend un nombre sensiblement égal de molécules dissoutes. L'intro- duction expérimentale de substances étrangères au sang ou l'élévation artificielle du taux des subs- lances qui font partie de sa composition amènent aussitôt l'élimination de ces matières. Que le corps introduit soit gazeux, ou liquide, ou solide, le lieu et le mode d'élimination varient; mais celle-ci ne s'en fait pas moins. Inversement, si l’on enlève artificiellement au sang uné parlie de ses élé-N ments, ce que réalise une saignée, par exemple, les pertes se réparent non seulement en matières salines ou albuminoïdes, mais en cellules vivantes. Ces deux phénomènes ne se passent cependant pas” avec la même activité. L'équilibre physique se rétablit plus vite que l'équilibre chimique. Il faut, en effet, que les conditions physiques soient réor- données pour que les échanges chimiques puissent se produire normalement. La régulation étant démontrée, M. Achard en étudie le mécanisme. Les divers actes physiolo= giques : évaporation pulmonaire et cutanée, pro- cessus digestifs, élaboration moléculaire cellulaire, changent la concentration et la composition du sang. Les divers émonctoires et principalement les reins éliminent l'excès des matériaux qui s'accu- mulent dans le sang. L'expérience d'Hällion et Carrion montre qu'aprèsinjection dans lesang d'une solution hypertonique de chlorure de sodium, le rein se met à éliminer une partie du sel injecté : en même temps, pour s'opposer à la concentralion du sang, les tissus lui cèdent de l'eau. La masse du sang est ainsi augmentée et la quantité d'hémo- globine qu'il contient pour un volume déterminé diminue. ; L'élimination des matières en excès ne se fait pas indistinctement par ’tous les émonctoires. Ils ont chacununrôle défini. Iséliminent de préférence l’un une substance, l’autre une autre. Il convient de remarquer que si une voie dévient insuffisante, une autre y supplée. La voie rénale, par laquelle se fait l'élimination de l’urée, vient-elle à être obstruée, celle-ci passe par les voies digestives et même par la peau, comme le prouvent les sueurs d’urée chez. certains brightiques. Plus encore, si les émonc- toires extérieurs sont insuffisants, la dépuration se fait au sein même des lissus, dans la lymphe interstitielle, dans le proloplasma cellulaire. Ce fait ressort des expériences d’Achard et Lœper. « Si on lie les uretères d'un animal ou le pédicule vasculaire des deux reins, de manière à tarir com. plètement l'éliminalion rénale, et qu'on injecte dans les veines une certaine quantité de ferrocya- nure, ou de sulfocyanure de potassium, ou de chlo- rure de sodium ou de bleu de méthylène, on ne retrouve plus dans le sang, trois heures après l'in jection, qu'une faible partie de lasubstance injectée. Au bout de vingt-quatre heures, on n’en peut plus déceler que des traces. Pourtant, toute la substance est restée dans l'organisme. Mais le sang l'a dé- 7. “= . Se % versée presque tout entière dans l'intimité des tissus, et l’on peut s'en assurer par des dosages rigoureux praliqués sur les différents organes de l'animal. » Ce que l'expérience prouve, certaines conditions morbides le réalisent. Ainsi, dans lan 4 pneumonie, où il y à une baisse si remarquable “les chlorures urinaires, on peut, comme l'ont fait F Achard et Lœper, faire ingérer au malade des quantités nolables de chlorure de sodium sans les voir réapparaitre dans l'urine. L'élimination ne se “fait pas davantage par les fèces (Moraczewski); et cependant le sel reste dans l'organisme sans ame- “ner pour cela une concentration permanente du Sang. Il se trouve, en effet, dans les tissus des divers organes (cerveau, muscles, cœur, elc.), où “l'on peut le déceler en plus grande abondance après la mort, ou même sur le vivant dans les exsudats ou lranssudats. Celte accumulation des substances en excès dans les tissus n'est que temporaire. Peu à peu, les tissus les rejettent dans le sang ; et ces substances s'éliminent lentement par leurs voies de prédilec- tion. C'est également ce qu'on observe dans l'im- prégnalion biliaire : une jaunisse peut encore colo- rer les téguments d'une façon intense, tandis que les urines n'éliminent plus que de faibles quantités de pigments. L’emmagasinement des matières étrangères dans les tissus permet au sang de reprendre au plus tôt i ses qualités indispensables à la vie, de ne pas avoir “ une surcharge excessive et massive de matériaux à “ éliminer. Pour ne pas succomber sous le faix, il le “fragmente, l’entrepose et le transporte en détail. ” À l'état de maladie, les qualités du sang, ses pro- “ priétés physiques changent, la concentration mo- “ léculaire augmente ou diminue suivant les cas; il s'en suit que ses propriétés chimiques sont alté- “rées. Le mécanisme régulateur accomplit quand umnèéme sa fonction; mais celle-ci ne s'effectue plus M avec la même activité ou plutôt avec la même mé- thode. On comprend donc que, si une lésion orga- “ nique locale prive partiellement la dépuration uri- naire de ses émoncloires, grâce au mécanisme régulateur, la difficulté puisse être tournée, parce que des voies de suppléance ou des relais s'éta- blissent. C'est pourquoi une survie relativement longue est encore compatible avec la lésion orga- nique. IV. — PALUDISME: On s'est beaucoup occupé récemment des moyens “de combattre la malaria. Laveran, après avoir ‘découvert l'hématozoaire, cause du paludisme, “s'est attaché à rechercher l'habitat du parasite. es recherches furent simultanément poursuivies « par nombre de savants, dans toutes les contrées ù sévissaient les fièvres palustres, Les belles expériences de Ross, jadis relatées dans cette Revue même, montrèrent que la dissémination de la ma- adie pouvait se faire par l'intermédiaire des mous- iques. Depuis lors, ce mode de contamination a D' A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE 929 trouvé des preuves surabondantes. Il est aujour- d’hui admis sans conteste que, dans la plupart des cas, c’est le moustique qui, en suçant le sang du fiévreux, y puise le parasite et l'inocule à l’homme sain. Cependant, le fait n’est pas aussi simple qu’il est exprimé, et le mécanisme semble plus com- pliqué que le transport banal d'un germe d'un Sujet à un autre. Le moustique ne porte pas l'hé- matozoaire comme l'abeille porte le pollen fécon- dant d'étamine à pistil, ni même comme une mouche qui s'est posée sur un corps septique vient infecter la plaie minuscule qu'elle fait à l'homme. Il y a plus qu'un simple contact. Le moustique puise dans le sang du fiévreux l'hématozoaire, qui s’y trouve dans un état particulier, sous forme de corps sphériques et de croissants. Dans l'estomac de J'insecte, la fécondation du parasite s'opère. Il adhère alors à la paroi de l'estomac du mous- tique. Celle-ci le recouvre : il s’y enkyste. Pendant cet enkystement, le développement de l'héma- tozoaire se poursuit. Le contenu du petit kyste se subdivise en une multitude de petits corps fusi- formes (sporozoïtes). Puis, le kyste se rompt et les sporozoites passent dans la cavité générale de lin- secte, s’y répandent et pénètrent dans les glandes salivaires. C'est alors que le moustique, piquant l'homme, peut introduire dans le sang des éléments qui vont poursuivre leur évolution, former les corps sphériques, envahir les globules rouges et donner naissance aux phénomènes cliniques du paludisme. Tous les moustiques ne se prêtent pas également aux élapes successives de la vie de l'hématozoaire. Une espèce surtout, l'Anopheles claviger, en est l'hôte. Cette espèce pullule dans les pays à fièvres. A Paris, où les moustiques abondent, Blanchard à montré que l'espèce la plus commune était le Culex pipiens; et, bien qu'il fasse des réserves sur le rôle du Culex dans la transmission d’autres affections, il le met hors de cause en ce qui concerne le palu- disme. Ces connaissances élant acquises, on en a tiré au point de vue prophylactique des déductions pra- tiques, que Dopter, dans un tout récent travail, a bien développées et expliquées. II montre, en effet, comment le paludisme peut s'établir en un lieu où il n'existait pas auparavant. Il suffit qu'un palu- déen vienne y séjourner et que le pays compte les Anopheles dans sa faune. Ceux-ci sucent son sang, s'infectent et transmettent la maladie aux habitants. Aussi Dopter a-t-il groupé les moyens prophylac- tiques en deux catégories : les mesures à prendre contre le moustique, d'une part, contre l'homme même, d'autre part. Û I1 faut tout d’abord s’efforcer de détruire les moustiques. Pour y arriver, la suppression des °930 eaux stagnantes est nécessaire. C'est là que le moustique pond et éclôt. Le desséchement des mares, le drainage du sol, l'écoulement facile des eaux, la mise en culture des lieux marécageux, sont des moyens généraux depuis longtemps re- connus efficaces. Les plantations d'arbres souvent réputées comme salubres, et qui le sont effective- ment à bien des égards, ont ici des inconvénients. « L'eucalyptus notamment, dit Dopter, que l’on supposait doué de propriétés fébrifuges, offre au moustique un abri favorable pendant les chaleurs du jour.» Les conifères, pins, sapins, cèdres, sont préférables, surtout dans le voisinage des habita- tions. Si ces condilions ne peuvent être réalisées, on s'attaque au moustique en détruisant sa larve. Celle-ci vil à la surface de l'eau. En recouvrant cette surface d'une mince couche de pétrole, on la tue par asphyxie. D'après Celli et Casagrandis, la pou- dre de chrysanthèmes aurait l'avantage de ne pas allérer l’eau et de tuer les larves en un quart d'heure. L'acclimatement de certains insectes des- tructeurs de moustiques, tels qu'une espèce de libellule (Haward), rendrait aussi des services. Pour chasser les moustiques des appartements, divers moyens ont élé préconisés : combustion de poudre de fleurs de chrysanthèmes ou de racines de valé- riane, fumée de pétrole, ete. Mais ils n’ont pas, en général, un véritable pouvoir destructif. Onimus recommande l'évaporation dans les chambres d'huile de cajeput. Le meilleur moyen d'éviter les piqüres est l’em- ploi de la moustiquaire. En Italie, Celli, puis Grassi firent des expériences praliques très inté- ressantes à ce sujet. Au lieu d’avoir des mouslti- quaires individuelles, suivant la coutume, c'est toute la maison qu'ils garantissent par des toiles métalliques fines appliquées sur les fenêtres et les portes, celles-ci défendues en outre par un tam- bour treillissé. Dans des contrées extrêmement malsaines, les résullats obtenus ont été surpre- nants. D'autres expériences ont été faites en divers endroits, en Sicile, en Sardaigne, etc., avec le même succès. A défaut de moustiquaire ou d'habitation appro- priée, on peut recourir à des frictions faites sur les parties découvertes du corps avec des pom- EEE a ——— D: A. LÉTIENNE — REVUE ANNUELLE DE MÉDECINE mades aromatiques (menthol, phénol, térében-* thine, etc.). Ce procédé est très ancien. Peut-être la coutume qu'avaient les anciens et qu'ont encore certaines races de s'oindre d'huiles odorantes, l'habitude qu'ont certaines peuplades sauvages de se recouvrir le corps de couches de terres coloriées et préparées, n’ont-elles qu'un but prophylactique contre les parasites de toute espèce. Il va sans dire qu'il est imprudent de coucher en plein air, surtout sans que le corps soit com- plètement garanli. . Dans l'établissement d'une maison, on doit veiller à ce qu'il n’y ait pas de mares ou d'eaux stagnantes aux environs, disposer le rez-de- chaussée en surélévalion et éviter d’y habiter la nuit. On a constaté à maintes reprises que les moustiques étaient d'autant plus nombreux qu'on" se rapprochait du niveau du sol. Dans les mesures qu'il conseille de prendre contre l'homme, Dopter, avec Laveran, Celli, etc., fait bien voir le danger que fait courir à ses voi- sins l'individu atteint de paludisme. Qu'un mous- tique vienne à le piquer, il puise dans son sang de quoi inoculer plusieurs autres personnes saines. Aussi le moyen le plus simple est-il de guérir le paludéen. La quinine est l'agent thérapeutique le plus efficace. Mais il importe de poursuivre le traite- ment assez longtemps. Celli conseille de donner læ quinine après l'accès, au moment où les héma- tozoaires sont encore jeunes. Koch donne quoti-" diennement 4 à 2 grammes de chlorhydrate de quinine jusqu'à la disparition des accès; puis, pendant les deux mois suivants, il la fait prendre tous les huit jours, pendant deux mois consécutifs. L'isolement du paludéen a élé proposé par Celli : isolement qui est réalisé dans l'habitation au moyen d'une moustiquaire individuelle ou par le groupement de tous les paludéens dans une habitation isolée. À ces mesures prophylactiques spéciales, il faut joindre toutes les règles d'hygiène générale ordi- naires : éviter le surmenage, les privations, la fatigue, les excès, les intoxications et surtout l’al-. coolisme. D:' A. Létienne. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 931 BIBLIOGRAPHIE 1° Sciences mathématiques André (Ch.), Directeur de l'Observatoire de Lyon, Professeur d'Astronomie à l'Université de Lyon. — … Traité d’Astronomie stellaire. 27° partie : Etoiles . doubles et multiples. Amasstellaires. —-1{ vo/. in-8° de 429 pages, avec 74 figures et 3 planches. (Prix : 44 fr.) Gauthier- Villars, Imprimeur. Paris, 1901. Les groupes stellaires multiples, particulièrement les groupes formés de deux composantes, désignés sous le nom d'étoiles doubles, n'ont guère attiré l'attention des astronomes avant l'invention des instruments d'optique. es premières observations systématiques entreprises, vers la fin du xviue siècle, par Christian Mayer, en vue de la découverte de ces astres, en firent connaitre une soixantaine. Quelques années plus tard, W. Herschel, persuadé que la proximité apparente de deux étoiles est un effet de perspective, fut amené à rechercher, ‘pour la détermination de leurs parallaxes, tous les groupes de cette espèce. Cette eutreprise devait le conduire, après quarante années d'observations, à ‘une des découvertes qui illustrent le plus son nom. a discussion de toutes ses mesures lui fit voir que « beaucoup d'étoiles doubles ne le sont pas qu'en “apparence, mais doivent être considérées comme une combinaison réelle de deux étoiles intimement reliées June à l'autre par le lien de leur attraction mutuelle », L'historique du sujet, l'exposé des travaux des astro- “…nomes du xix° siècle, pour défricher le nouveau champ d investigations ouvert devant eux, tel est l’objet des premières pages du second volume du Traité d'Astro- nomie stellaire de M. André. Après avoir parlé de l'élimination des erreurs systé- matiques qui se glissent dans les mesures, erreurs dont l'influence est considérable, l'auteur développe les méthodes de calcul qui permettent de discuter les “observations d'étoiles doubles ; il apprend au lecteur à discerner, parmi ces étoiles, celles qui, liées l’une à l'autre par l'attraction, forment un système binaire, de celles qui, réunies simplement par un effet'de perspec- tive, ne sont qu'un groupe optique. M. André est ainsi conduit à parler de la détermina- tion des éléments de l'orbite d’un système binaire, recherche qui nécessite l'étude préalable de l'orbite apparente de l'étoile secondaire autour de l'étoile prin- cipale, c’est-à-dire de la projection, sur la sphère céleste, de l'orbite véritable. Cette orbite apparente est toujours une cllipse, excentrée le plus souvent, par rapport à l'étoile principale. C’est ce seul fait, bien établi par l'expérience, qui a permis d'étendre à tout l'Univers la loi de la gravitation, dont on ne pouvait, en toute rigueur, admettre la généralité, avant que la connaissance de la solution du problème célèbre, posé par J. Bertrand et résolu simultanément par Halphen et M. Barboux, n'ait donné la certitude à cet égard. Un tableau énumérant les étoiles doubles dont on connait les orbites termine cette partie du livre, dans laquelle le rare talent d'exposition de l’auteur, son éru- dition et la clarté qu'il sait mettre dans ses écrits, char- ment à chaque pas le lecteur. M. André étudie ensuite le nombre, les dimensions, les masses et distances au Soleil des systèmes binaires, beaucoup plus répandus dans le ciel que les groupes optiques, Des discussions se dégage cette conclusion que « les étoiles qui composent les systèmes binaires ne diffèrent pas beaucoup, en moyenne, ni du Soleil, ni . des étoiles simples par leurs dimensions, leurs masses et leurs densités, mais que, comme les étoiles simples, La ANALYSES ET INDEX | elles se distinguent entre elles et du Soleil par leurs éclats intrinsèques ». Suit la description de quelques binaires que l'œil, armé d’une lunette suffisamment puissante, dédouble facilement. Par la grandeur des excentricités des orbites et surtout par l'égalité ou, plus exactement, la similitude de grandeur des masses des composantes, ces systèmes se distinguent nettement du système so- laire où l’astre principal s'est formé aux dépens de la presque totalité de la nébuleuse originelle, La même différence, et ce fait est hien de nature à montrer com- bien il est difficile d'arriver à une conception juste de la formation de l'Univers, la même différence, dis-je, se retrouve dans les systèmes binaires, tels que Sirius et Procyon, dans lesquels le compagnon, dont l'éclat est considérablement moindre que celui de l’astre prin- cipal, a été découvert par des considérations théoriques, fondées sur la discussion des irrégularités de leurs mouvements propres, avant d'être vu dans les lunettes. Les composantes des étoiles doubles, dont la dis- tance angulaire est petite par rapport à 0",1, ne peu- vent être séparées, même par l'emploi des plus puis- santes lunettes actuellement en service dans les grands observatoires. Le dédoublement périodique des raies de leurs spectres, dû aux variations des vitesses relatives, dans le sens du rayon visuel, permet cependant de con- clure, comme Pickering l’a fait le premier pour {Grande Ourse et & Cocher, à l'existence d'un système double. L'usage du spectroscope ne se borne pas, d'ailleurs, à cette simple constatation. Faisant connaitre, à chaque instant, la vitesse relative du compagnon dans la direc- tion de la ligne de visée, il conduit à la détermination de l'orbite relative de l’une des étoiles autour de l’autre, et fournit des données importantes sur la valeur de la masse totale du système. On a pu ainsi acquérir la cer- titude que les masses des cinq systèmes binaires spec- troscopiques actuellement étudiés sont, comme celles des autres étoiles, tout à fait comparables à la masse du Soleil. Après avoir exposé le sujet avec l'ampleur qu'il com- porte, M. André aborde la description des phénomènes que présentent certaines étoiles variables, dites étoiles doubles photométriques à variations lumineuses dis- continues, dont la plus anciennement connue est Algol. IL développe les considérations qui ont conduit à expliquer les variations d'éclat de cet astre, en admet- tant l'existence d’un satellite obscur éclipsant périodi- quement le corps principal, hypothèse qui a été défi- nitivement confirmée par les observations spectrosco- piques de Vogel. M. André montre comment la con- naissance des variations d'éclat fournit la valeur des éléments de l'orbite du satellite. Les moyens de calcul, la discussion numérique des observations photomé- triques sont très nettement exposés dans le volume. La descriplion des caractères de quelques étoiles du type d'Algol, la détermination du diamètre de cet astre, la théorie d’une inégalité périodique dans les époques de minima d'éclat des étoiles doubles photométriques, dont la cause a été rattachée par Tisserand à l’aplatis- sement du corps principal, achèvent d'épuiser le sujet et M. André passe à l'étude des étoiles dont l'éclat change avec le temps, mais dont les variations lumi- neuses sont continues. Les observations photométriques et spectroscopiques de ces astres décèlent des carac- tères qui appartiennent aux étoiles doubles, mais l'ex- plication complète des phénomènes nécessite l’interven- tion d’autres causes encore mal connues, Aussi l'auteur insiste-t-il avec raison sur l'immense intérêt qui s'at- tache à l'observation physique de ces étoiles, dont la «932 surface est vraisemblablement, pour certaines d'entre elles, le siège de manifestations de l'énergie analogues à celles qui causent la période solaire. Avant de passer aux amas stellaire, aux nébuleuses, à leur distribution dans l'espace, M. André consacre quelques pages à la description des systèmes triples et multiples. 1l expose ensuite les particularités des amas globulaires, dont quelques-uns, les plus denses, possè- dent des variables en proportion considérable, avec des périodes obéissant à des lois bien définies. L'étude des éloiles colorées, celle des changements de coloration des systèmes binaires, puis un aperçu de la conception de Mädler, concernant la position, dans l'espace, du soleil central, autour duquel évolueraient les astres qui font partie de la Voie lactée, terminent le volume, dont les dernières pages résument les idées d'Herschel sur la genèse du monde céleste. L'importance du sujet traité dans ce livre, l’art avec lequel y sont conduites les discussions d'observations, en font un ouvrage de premier ordre à mettre entre les mains des jeunes astronomes. Faisant connaître une branche de l’Astronomie, presque complètement ignorée dans notre pays, il est appelé, croyons-nous, à exercer une notable influence sur la direction des recherches astronomiques. MAURICE Hay, Astronome-adjoint à l'Olservatoire de Paris. 2° Sciences physiques Leidié (E.), Professeur agrégé à l'Ecole Supérieure de Pharmacie de l'Université de Paris.— Palladium, Iridium, Rhodium. (Tome NI, 17e cahier, 3° fasci- cule de l'Encyclopédie chimique de Fremy). — 1 vol. in-8° de 395 pages. (Prix : 17 fr. 50.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1904. L'auteur de ce livre a publié, soit seul, soit en colla- boration avec Joly, d'importants travaux sur les métaux associés dans la mine de platine, sur les solutions qu'on peut adopter pour résoudre le difficile problème de leur séparation complète, comme aussi sur la pré- paration de leurs combinaisons, enfin sur la délermi- nation de leurs poids atomiques. Ces recherches pré- cises, longues et laborieuses, lui donnent, pour traiter ce sujet spécial, une particulière autorité. Dans les anciens trailés de Chimie, les renseigne- ments qu'on trouve sur ces métaux précieux sont presque inulilisables, car les traitements anciens n'ont réalisé qu'une séparation incomplète. Les ouvrages modernes ne donnent, pour la plupart, que des rensei- gnements sommaires sur des sujets aussi spéciaux. Une exacte monographie de ces mélaux était indis- pensable. [! n’est plus possible, en effet, d'admettre que l'étude des corps rares soit mise à part, et séparée de l'étude des éléments les plus usuels. La théorie et la pratique, comme il convient, ont à présent, et auront de plus en plus, à fusionner. Les métaux rares, les couples électriques formés par leur contact, leurs alliages, soit entre eux, soit avec les mé- taux communs, sont indispensables à connaître, même pour les applications. Les actions dites de contact, dont le mécanisme, encore mal connu, est si curieux, sont et seront de jour en jour plus fréquemment utilisées. Au point de vue théorique, la découverte et l’étude des alliages de palladium et d'hydrogène ont donné aux Ciimistes des notions d'une importance capitale. La plupart de ces métaux précieux sont capables de donner des combinaisons, très complexes, mais très définies et dont les formes cristallines sont très nettes; elles ont beaucoup étendu les connaissances chimiques. On trouvera sur tous ces points, dans l’ouvragé de M. Leidié, l'exposé des découvertes faites, en France et à l'Etranger, par tout un siecle de laborieux efforts. L’excellent ouvrage que l’auteur vient de nous donner représente véritablement l'état actuel de la science. LÉéoN PIGEON, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Dijon. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Pavillard (J.), Chargé d'un Cours complémentaire de Botanique à la Faculté des Sciences de Montpellier, — Eléments de Biologie végétale. — 1 vol. in-8# de xvi-589 pages, avec planches et figures. Société d'Editions scientifiques. Paris, 1901. En écrivant ses Æléments de Biologie vegétale, M. Pavillard s'est proposé de combler une lacune entre les manuels élémentaires où l'élève s’initie aux rudi= ments de la Science et les grands traités didactiques en usage dans le haut enseignement. Il s'adresse spéciale= ment aux candidats en Médecine qui, déjà dégrossis par l'enseignement secondaire, ont besoin, avant de franchir le seuil des écoles spéciales, d'apprendre à penser pas eux-mêmes el à raisonner sur les faits observés. Cette entreprise excitera la sympathie de tous ceux qui déplorent l'insuffisant développement de l'esprit d'observation et de l'esprit critique chez beaucoup de jeunes étudiants. Nous applaudissons à l’éloquent plais doyer que l'auteur a mis dans sa préface en faveur des exercices pratiques. Rien ne se grave mieux dans l'esprit: que les notions dégagées d'une causerie en pleins champs, sans autre ordre que celui des faits glanés au hasard de la course, Les élèves de M. Pavillard ont, à coup sûr, beaucoup de ces idées nettes dans l'ésprit, puisque leur maitre leur à appris à étudier l'Histoire naturelle en face de la Nature. Mais cette libre allure convient-elle à un cours com- plet ne laissant, dans un programme très vaste, aucune queslion sans réponse? Telle est, en effet, l’audacieuse entreprise dont ce livre est le produit. Selon l’auteur, il est urgeut de rompre avec de vieilles habitudes pédagogiques et d'adopter un plan nouveau plus conforme à l’ordre uaturel. M. Pavillard ne veut point faire l'exposé d’une science abstraite divisée en compartiments indépendants. Effectivement, les vieux cadres sont quelque peu endommagés dans son livre; nous ne trouvons plus ici la classique divisions en Botanique générale et Botanique spéciale, qui se ren- contre, plus ou moins nettement, dans la plupart des traités. Valait-il mieux décrire les plantes en particulier avant de connaître les propriétés qui les distinguent ou au contraire les propriétés avant de connaitre les plantes qui les présentent? M. Pavillard cherche à sup- primer cet irritaut problème en prenant le progrès de l’organisation pour base de la division méthodique des matières et en montrant les mécanismes fonctionnels de plus en plus différenciés dans des catégories d’orga- nismes de plus en plus complexes. Les Eléments de Biologie végétale sont partagés en: huit parties. Ces huit parties, typographiquement équi- valentes, sont, en réalité, bien inégales. Six d’entre elles ont pour titres les noms des grandes subdivisions dus règne végétal, tout comme les chapitres de la partie spéciale des traités de jadis. La première et la dernière," par contre, traitent de questions générales : celle-là est consacrée à l’organisation générale des êtres vivants; celle-ci est intitulée : « Dispersion des végétaux, Espèces, Géographie botanique ». A elles deux, elles répondent assez bien à la Botanique générale ; toutefois, leur disso- ciation n’est point une simple réminiscence de la sages-e de Salomon; elle trahit l'intérêt très différent que l’auteur porte à l'une et à l’autre. Tous les problèmes ardus touchant à la vie intime de la plante sont elfleurés dans la première partie. Leur exposé sommaire ne le cède en abstraction à aucun manuel de forme ancienne. 1l semble que l'auteur ait voulu, au début de sa course, se décharger des ques tions du programme dont l'étude se prète le moins aisés ment à ses conceptions pédagogiques. : Ces problèmes, indiqués plutôt que résolus méthodi= quement, se dresseront à maintes reprises au cours des descriptions consacrées à la série ascendante des végé= taux. Les uns seront traités à fond à l'endroit même où se présenteront les exemples les plus propices; les BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 933 autres seront présentés par fragments successifs difti- “ciles à réunir en une synthèse féconde. Beaucoup sont “abordés trop tôt ou trop tard pour répondre au but de “l'auteur et nous regretions de ne pas voir leur dévelop- . pement réuni aux généralités du début pour donner à celles-ci plus de corps, ou rejeté après la description “es plantes qui fournissent les éléments de la solution. … Ainsi, c'est à propos des Myxomycètes dépourvus de “mycélium que nous abordons la biologie générale des Champignons. C'est sur l'étude du #ucor aux gamètes “incertains et, en tout cas, sans différenciation sexuelle “connue, qu'est fondée l'étude de la reproduction sexuée. Ce faux départ jelte de la confusion sur tout ce qui touche à la sexualité. La cytologie des Champignons, à laquelle les travaux de ces dernières années ont donné “un si haut intérêt biologique, est totalement négligée; “celle des Algues manque de précision. L'auteur s'est resolu à pousser plus avant, dans le chapitre des Algues, l'examen des fonctions de la chlo- rophylle et de leurs conséquences; mais la précision de cet exposé lient aux exemples empruntés à la Pomme de terre pour son amidon, au Dablia pour son inuline, à l'Olivier pour son huile, au Chêne pour son lanin, beaucoup plus qu'aux renseignements offerts par les …_ohjets qu'on s'attendait à rencontrer dans ce chapitre. È D'autre part, il est assez plaisant que la biologie des Champignons ait pu être épuisée bien avant le chapitre … des Lichens, dans lequel est développée la notion du - parasitisme. …_ Au cours de ces six parties consacrées à la Botanique « spéciale, les notions de biologie intime ébauchées dans “ la première partie se sont progressivement complétées. - En même temps, la plante s'est peu à peu dégagée sous “ ses aspects variés, sous des formes de plus en plus concrètes. | Une huitième partie vient heureusement couronner Fœuvre. Elle est consacrée à la vie extérieure des plantes. M. Pavillard a traité ce sujet avec une prédi- lection marquée; il y fait preuve d'une expérience, d'une compétence personnelle qui font vite oublier le chemin aride qui nous à conduit vers ces sommités fleuries. Regardant les plantes par le dehors, découvrant » les relations qu'elles contractent entre elles ou avec le - milieu extérieur, dans le temps et dans l’espace, l'étu- . diant aura le sentiment de la vie végétale, si les données - complexes tirées de leurs propriétés intimes ne lui en ont pas déjà fourni la démonstration claire. - Cette partie est la plus originale, parce que l'auteur y à introduit une note artistique que nous ne sommes . pas habitués à trouver dans les manuels d'Histoire natu- relle. L'étude préalable des principaux groupes de . plantes fournit à ces généralités une base positive qui achève de les mettre en opposition avec les abstractions du début. En somme, l'étudiant, à qui ce livre est destiné, y trouvera traitées, sous une forme parfois neuve, la plu- part des questions qu'il lui importe de connaitre. Si la disposition des matières est un peu déconcertante, peu conforme peut-être à la vieille méthode qui consistait à aller du clair à l’obseur, du connu à l'inconnu, si le . livre ne peut être lu de suite que par un botaniste - depuis longtemps rompu à l'observation de la Nature et aux travaux de laboratoire, il sera toujours facile à - consulter grâce à une double table des matières très - soignée. Il fournira sans peine à l'élève des renseigne- ments sur les objets ou les phénomènes qui lui auront - été montrés au laboratoire ou dans la campagne. ; PauL VUILLEMIN, Professeur à la Faculté de Médecine de l'Université de Nancy. 4 LS nt cf ai mhee dd Nawville (A.). Doyen de la Faculté des Lettres et des _ Sciences sociales à l'Université de Genève. — Nou- velle classification des Sciences (2° édition. — { vol. in-12 de 186 pages. (Prix : 2 fr. 50.) Félix Alcan, éditeur. Paris, 1901. mi ET 7 Richet (Charles), Professeur à la Faculté de Médecine de Paris. — Dictionnaire de Physiclogie. — Tome V, fase. 1 et 2. — 2 fasc. in-8° de 320 pages chacun, avec gravures dans le texte. (Prix : le fase. 8 fr. 50 ; le vol. 25 fr.) Félix Alcan, éditeur, Paris, 1901. Ces deux fascicules continuent le beau Dictionnaire publié sous la direction de M. Charles Richet. Nous relevons, dans ces livraisons, des articles d'ane importance considérable, dont voici Les principaux : Digitale (études botanique, chimique, pharmacolo- gique, physiologique et thérapeulique), par le Profes- seur G. Pouchet; Dioptrique oculaire; Diurétiques, par M. Charles Richet; Domestication, par M. Henry de Varigny; Douleur, par M. Charles Richet; Æ£flort, par M. E. Wertheimer; Ælasticité, par M. Georges Weiss; Ælectricité ({héorie physique, phénomènes électriques en Biologie, poissons électriques, etc., appli- calions thérapeutiques), par MM. André Broca, Maurice Mendelssohn et H. Bordier; £lectrotonus, par M. Mau- rice Meudelssohn; Æmulsine, par M. H. Hérissey; Epilepsie corticale, par M. H. Lamy; Ærgométrie, par M. André Broca; £rgotine, par M. L. Guinard ; Æspace, (le sens de l’espace), par M. E. de Cyon,; Æstomac. 4° Sciences médicales Bowlby (Anthony A.), Footh (Howard H.), Wat- lace (Cuthbert), Calverley (John E.), Kilkelly. — À civilian War Hospital. — 1 vol. 1n-8 de 344 pages, avec nombreuses fiqures. (Prix : 45 fr.). John Murray, éditeur. Londres, 1901. La guerre du sud de l'Afrique, en raison de sa longue durée, en raison de l'autorité des chirurgiens attachés directement ou indirectement au corps expéditionnaire anglais, a permis de réunir de nombreuses observa- tions. Ces observations peuvent éclairer la Science sur les elfels des armes modernes; elles peuvent fournir d'utiles renseignements à tous ceux que préoccupent les questions d'assistance des blessés et des malades en temps de guerre. L'Angleterre avait envoyé dans le sud de l'Afrique, en même temps que des médecins et des chirurgiens d'ar- mée, un certain nombre de médecins civils, destinés à compléter l'œuvre de leurs confrères de l'armée. Un groupe de ces médecins civils, faisant partie de l'état-major médical du « Portland Hospital », vient de publier le résultat des observations recueillies au cours de la campagne. Le « Portland Hospital » fut le premier hôpital civil envoyé dans le sud de l'Afrique après la déclaration de guerre en octobre 1899. Il devait son nom au duc de Portland, fondateur de l’œuvre. Le « Portland Hospital» embarqua à Liverpool, le 13 dé- cembre 1899, et débarqua à Cape-Town, le 28 décembre; il commenca son œuvre à Rondebosch, près Cape-Town, le 8 janvier 1900. Le 6 avril, il évacua ses malades et fut . envoyé à Bloemfontein, où il put ouvrir à nouveau, le 17 avril 1900. Le 21 juillet, il procéda à une seconde et définitive évacuation; il partit pour l'Angleterre le 4er août, où il arriva le 18 août. Cet hôpital civil eut donc une période de mobilisa- tion de 248 jours; 65 jours furent employés aux divers déplacements, 184 jours furent consacrés aux soins hospitaliers. Le nombre des malades et blessés recueillis fut de 1.009. A cette époque, le nombre des malades et blessés de l’armée anglaise parait avoir été d'environ 15.000, — 10.000 malades et 5.000 blessés. Dans le livre que le corps médical a consacré au « Portland Hos- pital », il ne faut donc pas s'attendre à trouver une his- toire complète de la médecine et de la chirurgie au cours de la suerre Sud-Africaine. Le corps médical du « Portland Hospital » n’a étudié qu'un pelit coin du théâtre de la guerre; il a groupé cependant des renseignements fort intéressants. Primitivement, le « Portland Hospital » devait conte- nir 104 lits; mais, dans la suite, le nombre des lits fut BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX porté à 160 :130 lits pour les sous-officiers et soldats et 30 lits pour les officiers. L'état-major médical comprenait 5 médecins ou chi- rurgiens; 4 nurses élaient atlachées à l'hôpital. Le personnel proprement dit était composé de 6 sous- officiers, 24 infirmiers, 6 serviteurs. Chaque homme avait signé un contrat pour six mois de service, Durant le voyage, on procéda à la revacci- nation du personnel et à des inoculations préventives de la fièvre typhoïde. Le directeur du «Portland Hos- pital » avait eu soin de prendre parmi les sous-ordres un nombre suffisant d'hommes spécialisés dans divers métiers. Ces ouvriers, charpentiers, forgerons, furent extrêmement utiles dans l'établissement de l'hôpital et durant toute la campagne. Il y avait trois cuisiniers et plusieurs aides de cui- sine divisés en deux groupes. Une cuisine pour les ofliciers et les nurses, une cuisine pour les malades ordinaires et les sous-ordres; aux cuisines étaient an- nexés ua garde-manger, une glacière, un filtre Pas- teur-Chamberland. Au point de vue hygiénique, on construisit de nom- breuses latrines; les selles des dysentériques et des typhiques étaient brülées avec de la sciure; les linges élaient bouillis dans une chaudière spéciale ou portés à l’étuve de désinfection. Les salles de malades étaient constituées par des tentes au nombre de 24, de grandeurs différentes, ce qui permettait un isolement facile des malades. Dans les climats sud-africains, les tentes for- mèrent des salles de malades parfaites, très saines, très faciles à ventiler. D'autres tentes étaient réservées à l'état-major médical, aux nurses et au personnel. L'ensemble du matériel pour 160 lits pesait 70 tonnes et occupait 12 wagons, y compris les wagons occupés par les bêtes de trait (six mules et trois chevaux). Tout ce qui concerne un mobilier chirurgical moderne complet se trouvait réuni dans les magasins du « Port- land Hospital » : instruments, gouttières à fracture, substances médicamenteuses, antiseptiques, anesthé- siques, appareils à rayons X, etc. Une condition excellente pour la bonne organisation de l'équipement médico-chirurgical, c'est que le choix de cet équipement avait été donné non pas à une com- mission administrative incompétente, mais à l'état- major médical lui-même. Médecins et chirurgiens choi- sirent les objets et les substances que leur expérience leur faisait prévoir comme nécessaires ; on ne se char- gea d'aucune inutilité. Le chapitre médical est rédigé par H. Tooth et G. Cal- verley. Ces auteurs donnent la première place dans leur rapport à la fièvre entérique, fièvre typhoiïde. Ils en ont observé 232 cas, ayant donné 29 décès, soit une mor- talité de 12 °/,. Les traits un peu particuliers que pré- sentèrent les cas observés furent l'élévation de la tem- pérature, la fréquence de la dépression mentale, la rarelé des complications pulmonaires. On nota un nom- bre exceptionnellement grand de cas de phlébite. Dans la campagne sud-africaine, le corps médical de l'armée anglaise s'intéressa beaucoup à une question peu connue en France : la question des inoculations préventives contre la fièvre typhoide. Un très grand nombre de soldats envoyés en Afrique ont subi des inoculations au moyen de sérum de Wright. Ce sérum est préparé avec des cultures de bacilles typhiques tuées par la chaleur. L'inoculation à l'homme détermine des troubles généraux caractérisés par l'élévation de la température, de la céphalée, de la courbature. Ces inoculations antityphoiïdiques provoquent chez les sujets l'apparition de la réaction agglutinative de Widal. Chez un des médecins du «Portland Hospital», le sang examiné trois mois après l’inoculation montra une séro-réaction positive; 13 mois après, la séro- réaction ne se manifestait plus. Les auteurs considè- rent que cette réaction est jusqu'à un certain point la mesure du degré de l’immunité acquise. Tooth et Calverley donnent, en ce qui concerne le « Portland Hospital », le résultat de ces inoculations : le personnel de l'hôpital comprenait 41 personnes: 28 avaient été inoculées, 13 n'avaient pas été inocu- lées. Sur les 28 personnes inoculées, il y eut 7 cas de fièvre typhoide, terminés par guérison; sur les 13 per= sonnes non inoculées il y eut 2 cas de fièvre typhoïde graves, un terminé par la mort. A l'hôpital, sur les 232 malades atteints de fièvre typhoïde, 54 avaient été inoculés et eurent une morta- lité de 7,4 °/,; sur 178 malades qui n'avaient pas été inoculés, 25 moururent, soit une mortalité de 14 0/,. Ces chiffres, sans être absolument démonstratifs, parais- sent néanmoins en faveur de l'inoculation préventive de la fièvre typhoïde. La dysenterie donna 94 cas. Parmi ces malades, 78 avaient acquis leur maladie dans le sud de l'Afrique, et 16 avaient été autrefois dans l'Inde ou dans une autre région tropicale. 3 malades succombèrent, ce qui donne une mortalité de 3,1 0/4. Au point de vue symptomatique, parmi les particu- larilés de la dysenterie dans le sud de l'Afrique, Tooth et Calverley signalent la rareté des complications hépa- tiques. Dans les formes ordinaires de la dyseuterie tro- picale, la tendance aux inflammations secondaires du foie est au contraire extrêmement marquée. Au point de vue anatomo-pathologique, on ne trouve signalé rien de particulier. Tooth et Calverley publient dans le livre deux photographies montrant ies lésions ulcé- reuses de la muqueuse du gros intestin. 36 malades atteints de diarrhée entrèrent au « Port- land Hospital »; quelques-uns présentèrent des vomis- sements et parfois de l’élévation de température; il y avait de la tendance à la chronicité; les médecins de l'hôpital se demandèrent si diarrhée et dysenterie n'avaient pas une commune origine. Malgré la chaleur intense qui régna à certains mo- ments, le coup de soleil fut absolument exceptionnel. D'une façon générale, les affections des voies intesti- nales furent fréquentes; les autres maladies furent exceptionnelles. Le rôle du « Portland Hospital » fut surtout un rôle chirurgical; on eut àsoigner principalement les blessures par armes à feu. Les fusils dont se servaient les soldats anglais et ceux qui étaient utilisés par les Boers avaient des calibres analogues et leurs effets étaient semblables. Les troupes anglaises étaient armées soit du «Lee-Metford Mark 41», soit du « Lee-Enfield », armes du même calibre, 72,7, Le poids de la balle était de 13 gr. 93. Les Boers tiraient le plus souvent avec les Mauser de calibre 7° ; le poids de la balle était de 11 gr. 80. Les projectiles dans les deux camps étaient recouverts d’une enveloppe métal- lique, Dans quelques rencontres, les Boers se sont servis de fusils de différents systèmes, notamment du Martini-Henry dont le calibre est supérieur. Les points principaux sur lesquels les armes à feu modernes différent des armes auciennes sont l’augmen- ation de vitesse et de force de pénétration des projec- tiles, la diminution de volume des projectiles, l’adjone- tion d'un revêtement de métal dur au noyau de plomb, l'addition d’un magasin, l'emploi de la poudre sans fumée. Au point de vue militaire, ces différences se traduisent par l'augmentation dans la portée des armes et dans la rapidité du tir, d’où augmentation d'étendue de la zone dangereuse. Il ne faut pas croire que ces perfectionnements ap- portés dans la puissance destructive des fusils modernes les aient rendus beaucoup plus meurtriers que leurs devanciers, mais les effets des projectiles sont diffé- rents de ce qu'ils étaient autrefois. La douleur au moment de la blessure fut en général légère, souvent nulle : un soldat occupé à tirer en po- sition penchée sent sa pipe se casser dans la poche de son pantalon; il porte la main pour se rendre compte de ce quiarrivaitetilsort de lapochesa pipe cassée eten même temps une balle. Voyant du sang sur sa main, il BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 935 ensa qu'il devait être blessé. Or, il avait été frappé ar une balle ayant pénétré par l'épaule et traversé le poumon et l'abdomeu; le passage du projectile n'avait déterminé aucune sensalion spéciale. Les blessures de la poitrine et des poumons furent fréquentes, mais elles présentèrent en général assez peu de gravité ; il est vrai que le « Portland Hospital » ne recueillait pas les blessés directement sur le champ “de bataille, et que les blessés qui arrivaieut à Bloem- fontein un jour ou deux après leur blessure étaient ceux qui avaient survécu aux premiers accidents d’hé- morragie et de dyspnée. Il est infiniment probable, par exemple, que les soldats qui étaient frappés au niveau des pédicules pulmonaires succombaient sur ie champ de bataille même. L'hémothorax ne s'observa que dans a minorité des cas ; l'emphysème fut exceptionnel; les ccidents secondaires tels que l’'empyème furent très ares. A. Bowlby et Cuthbert Wallace attribuent aux faibles dimensions du projectile la tolérance du poumon pour les plaies par balles ; ils comparent le passage de Ja balle au passage d'un trocart explorateur. En fait, les résultats des plaies pénétrantes du thorax furent extrèémement satisfaisants et un grand nombre de blessés, au bout pue semaine ou deux, purent reprendre leur service actif. Quelle fut la gravité des plaies pénétrantes de l'ab- domen? Un certain nombre de chirurgiens de la guerre sud-africaine ont parlé de la bénignité relative des plaies pénétrantes de l'abdomen. Les chirurgiens du « Portland Hospital » croient qu'il est difficile de porter un jugement; car uve question principale est de savoir si Vintestin est blessé ou intact; or, il leur paraît certain qu'une balle peut traverser l'abdomen sans léser l’in- _testin. Quand l'intestin est lésé, la plaie pénétrante paraît fort grave. Bowlby et Wallace rapportent des faits tirés de la pratique de leurs confrères qui se trouvaient à l'avant. Theatle, par exemple, sur 10 cas, a yu 9 fois la mort survenir ; le seul cas de guérison con- cerne un homme qui guérit sans invident d’une plaie par balle Mauser ayant pénétré à 1 pouce 1/2 au-dessus et à gauche de l’ombilic, et étant sortie au niveau de la région dorsale à un niveau correspondant. Les résultats fournis par les chirurgiens varient énormément suivant que le chirurgien est à l'avant, sur la ligne de feu, ou dans un hôpital, à la base d'opérations, Watson Cheyne, lorsqu'il était à un hôpital de la base, au Cap, avait observé que la mor- talité des plaies abdominales n'était que d'environ 20°/;/; mais, aux combats de Paardeberg et de Karee Siding, il » vit que les résultats n'étaient plus aussi bons. D'une * façon générale, les plaies pénétrantes de l'abdomen paraissent graves, et, étant donné les conditions défa- vorables dans lesquelles on est obligé d'opérer, l'inter- vention chirurgicale paraît fort discutable ; la plupart du temps, le chirurgien s'abstient. La lumière des rayons X est indispensable aujour- » d'hui pour l'étude des fractures; les chirurgiens du . «Portland Hospital » étaient munis d'appareils radio- . graphiques, ils purent réunir des observations bien com- plètes concernant l'effet des projectiles sur les os;'ils donnent dans leur livre plusieurs belles reproductions de radiographies. D'une facon générale, les lésions osseuses ont [paru d'autant plus graves que la distance du tir était plus courte ; certains chirurgiens avaient émis l'idée qu'un . projectile animé d'une grande vitesse perforait l'os comme à l’emporte-pièce plutôt que de déterminer une fracture; Bowlby et Wallace ne partagent pas cette manière de voir; pour eux, uneballe animée d'une très grande vitesse en frappant un os produit pour ainsi dire . une action explosive. Cet effet explosif est extrêmement . marqué. Quand la balle a été tirée à moins de 50 mètres, > l'os est pour ainsi dire pulvérisé dans une plus ou moins 2 . grande portion de son étendue; il se forme une multi- tude de petits fragments qui vont se loger dans les par- lies molles; quand le tir est fait à grande distance, la fracture est d'autant plus étendue et d'autant plus grave qu'elle siège sur un os plus dense, plus compüct, plus résistant. Les lésions osseuses sont beaucoup plus étendues lorsqu'elles siègent sur la diaphyse que lors- qu'elles siècent sur les épiphyses. Les simples perfora- tions osseuses par balle ne sont pas fréquentes; au niveau des diaphyses, il y a toujours formation d’es- quilles, les traits de fracture suivant toujours des direc- tions très obliques, parfois presque longitudinales; les auteurs auraient vu cependant un cas ou deux de per- foration de tibia. Au niveau des épiphyses, les perfora- tions simples ont été moins rares, surtout au niveau de l'extrémité inférieure du fémur ; les perforalions de l’ex- trémité inférieure de l’humérus étaient toujours asso- ciées avec des fissures osseuses, En ce qui concerne l'angle d'arrivée du projectile sur l'os, il semble prouvé que la fracture est généralement plus grave lorsque la balle vient frapper l'os perpendiculairement à la sur- face, que dans les cas où elle l’atteint obliquement. Le choc de la balle sur un os détermine souvent une déformation du projectile ; l'enveloppe métallique peut éclater, ce qui détermine des lésions beaucoup plus grandes dans les blessures des parties molles. Aussi, les dimensions des blessures des parties molles et spécia- lement de la peau dans les cas où l'os a été atteint ont été très considérables. Si, dans quelques cas heureux, l'orifice de sortie ne présente pas de dimensions excep- tionnelles, ordinairement il est extrêmement élargi. Les blessures des articulations furent en général assez peu graves. Autrefois, la blessure par arme à feu d'une grande articulation était presque toujours suivie de mort; dans tous les cas de blessures de ce genre observés au « Portland Hospital », la guérison s’effectua sans incidents notables. Les blessures des gros vaisseaux n’ont pas paru être suivies souvent d'hémorragies mortelles. En tout cas, on vit guérir sans incident des plaies où le trajet de la balle était tel qu'il paraissait impossible que des gros vaisseaux n'eussent pas été blessés. Les auteurs citent par exemple le cas d’un cavalier frappé d'une balle Lee-Melford à courte distance; la balle entra immédiatement au-dessous du chef sternal du muscle sterno-mastoidien gauche et ressortit à un pouce au-dessous de l’épine de l'omoplate gauche; il semble difficile qu'un gros vaisseau de la base du cœur n'ait pas été atteint, et pourtant l'homme ne pré- senta aucun accident grave. On observa assez souvent des{cas d'anévrisme et d'anévrisme artérioso-veineux. Au point de vue chirurgical, les résultats obtenus au «Portland Hospital» ont été extrêmement remarquables. L'hôpital recut 303 blessés, il n'y eut que 3 décès; l’un concerne un officier frappé au poumon et à la moelle épinière; un autre concerne un homme atteint de plaie pénétrante du crâne; le troisième concerne un homme alteint de gangrène de la jambe et qui succomba à la suite de la gangrène de l’autre jambe, une semaine après l'amputation de la jambe; il y avait une embolie dans l'aorte. Tous les autres blessés guérirent presque sans suppuration, sans érysipèle, sans accidents pyé- miques. : Les interventions opératoires importantes furent très peu nombreuses et la méthode conservatrice donna des résultats parfaits. Ces faits sont encourageants. Il est réconfortan pour les chirurgiens de savoir qu'ils ont entre les mains une méthode certaine et que désormais tout blessé, dans une ambulance bien tenue, sera à peu près complètement sûr de guérir rapidement et dans d'excellentes conditions. P. DEsrosses, 936 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADEMIE DES SCIENCES DE Séance du 30 Novembre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P.-J. Suchar expose le résultat de ses recherches sur les équations différentielles linéaires du second ordre à coefficients algébriques. — M. J. Boussinesq étudie le problème de la dissipation, en tous sens, de la chaleur dans un mur épais à face rayonnante. Il emploie la méthode qui consiste à ramener le problème du refroidissement ou de l'échauffement des corps par rayonnement à celui du refroidissement ou de l'échauffement des mêmes corps par contact. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Petot montre qu'on peut trouver, dans les problèmes sur l’état variable des courants, certains résullats sans connaître les lois de variation des diverses résistances. Cetle considéralion permet d'entreprendre létude du combinateur des automobiles électriques, de la commulation dans les dynamos à courant continu. — M. de Forcrand montre qu'au moyen de sa nouvelle formule, on peut calculer la chaleur latente de vaporisation quand on connaît la chaleur de fusion et le poids moléculaire à l'ébulli- PARIS tion. Pour le phosphore (31 sr.), on trouve L'—#%.0%% cal. Pour l’arseni:, le SAÉnruu le carbone, on arrive à des valeurs approchées par un calcul analogue. — MM. Léo Vignon et F. Gérin ont constalé que : 1° la penta et l'hexanitromannite réduisent énergiquement la liqueur cupropolassique; 2° cette propriété, dans son intensité principale, n’est pas attribuable à la formation de man - nose; 3° la nitromannite, traitée par le chlorure ferreux, donne de la mannite nou réductrice; à ce point de vue, elle ue se comporte pas comme les nitrocelluloses. — M. J. Gnezda, eu traitant l’albumine par l'acide hypo- chloreux, à obtenu un corps qui parait posséder les propriétés d'une chlorisatine. — M. G. Pouchet : Sur la localisation et la dissémination de l'antimoine dans l'organisme (voir p. 891). — MM. M. Berthelot et G. André rappellent que les liquides végétaux sont géné- ralement acides, mais que la plus grande partie des acides sont généralement combinées à l’état de sels, de sorte que le litre acidimétrique des jus ne saurait donner une idée sur la quantité totale d'acide contenue dans la plante. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. E.-L. Bouvier a étudié la reproduction et le développement du Peripatopsis Blanviller. La présence d'annexes embryonnaires n'est pas, comme le pensent plusieurs zoologistes, le résultat d'une évolution qui consisterait daus la réduction yo gressive du volume de l'œuf; on ne peut, dès lors, la considérer comme un c: ractère primilif du groupe. — M. Arm. Billard à constaté que la scissiparité et la stolonisation sont des moyens actifs de multiplication chez les Hydroïdes et qu'ils se rencontrent chez un grand nombre d'espèces. Ces deux modes de mullipli- calion sont délerminés par les conditions d'habitat : les espèces scissipares vivant, sauf de rares exceptions, dans les courants ou dans les eaux profondes; les espèces à stolons se rencontrant généralement sur le littoral. — MM. Ch.-Eug. Bertrand et F. Cornaille ont étudié les pièces libéro -ligneuses élémentaires du stipe et de la fronde des Filicinées actuelles : le faisceau bipolaire et le divergeant. — M. Em. Ri- vière à étudié les dessins gravés et peints à l'époque paléolithique sur les parois de la grotte de La Mouthe (Dordogne). Ils représentent des animaux : bison, bou- quetin, renne, équidés, un oiseau, et peut- -être un mammouth. L'exploration de la grotte n’est pas ter- terminée; il reste environ encore 70 mètres à dé ‘blayer. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES Octobre 1901. 1 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. K. Bohlin indique une extention d'une formule d'Euler au calcul des moments d'inertie principaux d'un système de poinis matériels. M. G. Koenigs passe en revue les pro= priétés Bénérales des couples d'éléments cinématiques. 2 SCIENCES PHYSIQUES. — M. L.-J. Simon a constalé que l’uréthane se combine directement à l'acide pyru= vique, sans agent de condensation, pour donner l'acide. diuréthane pyruvique CH*. C(AzH.C0* C?H5CO®H, corps blanc cristallisé fondant à 1389-1399. C'est un acide assez énergique, qu'on peut tirer alcalimétriquement: Chauffé avec l’eau, il régénère ses deux constituants. — M. R. Lespieau a reconnu que le corps qu'il avait obtenu par l’action non ménagée du brome sur divers composés en €? est la dialdéhyde bromée, CHO.CHBr. CHO. C'est un corps solide, cristallisé, fondant à 1402 et donnant un dérivé potassé. Avec la phénylhydrazine, elle se condense en fournissant le 1-phényl-4-bromo- pyrazol. — MM. Léo Vignonet F. Gérin ont éludié les propriétés réducrices des dérivés nitrés des alcools mono et polyalomiques. Jusqu'aux alcools triatomiques (glycérine), elles sont nulles. L'érythrite (alcool tétraz tomique) réduit faiblement la liqueur de Fehling; la mannile et la dulcite (hexatomiques) la réduisent for- tement. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. A.-N. Vitzou a observé Séance du 7 que la substance grise de la moelle est excitable, comme celle de l'écorce cérébrale, avec les excitants artificiels, électriques et mécaniques. — M. N. Vas- chide et Ml M Pelletier ont recherché les signes physiques de lintelligence sur des élèves des deux sexes de l'école de Villejuif. Ils ont reconnu que la hauteur auriculo-bregmatique est constamment plus grande chez les sujets intelligents que chez les sujels non intelligents. Mie C. de Leslie à observé que si l'on injecte à la souris blanche male du sérum spermotoxique fourni par le cobaye, elle perd l'aptitude à la reproduction; son sperme contient toujours des spermatozoïdes vivants, mais ils ont perdu leur fonction fertilisante. Ils la recouvrent de seize à vingt jours après l'injection. — MM. C.-Eug. Bertrand et F. Cornaille poursuivent l'étude des pieces libéro- ligneuses élémentaires du stipe et de la fronde des Filicinées actuelles (divergeant fermé, pièce apolaire, masse libéro-ligneuse indéterminée). M. Marin Molliard considère que certaines plantes à fleurs doubles peuvent provenir d’une association parasitaire s'exercant aux dépens des organes souterrains de ces plantes. Séance du 14 Octobre 1901. {° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin commu- nique les éléments elliptiques de la comète 1900 €. Cet astre appartient au groupe si curieux des comètes jié- riodiques dont la capture peut être attribuée à Jupiter. — M. A. Davidoglou énonce quelques théorèmes relu- tifs aux iutégrales réelles des équations différentielles binomes. — M. P. Duhem a reconnu qu'en un fluide visqueux, qui est ou mauvais conducteur ou compres- sible, ou à la fois mauvais conducteur et compressible, on peut observer une onde d'ordre » par rapport à certains éléments du mouvement et d'ordre supérieur à n pour les autres. Aucune onde n'est possible dans un fluide visqueux, incompressible et bon conducteur. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Colson a étudié les phénomènes calorifiques qui se produisent quand on ajoute à des dissolutions plus ou moins chaudes de sel de l'eau à la même température. Il a trouvé qu'il existe ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 957 un point fixe auquel le mélange se fait sans change- | cycle évolutif des Orthonectides comprend deux ce point est indépendant du | phases : 1° le sporocyste ou phase plasmodiale para- “ment de température : faux des dissolutions diluées: Pour le sel marin, ce point est à 52°. — M. M. Berthelot, comparant les ÿ hènomènes observés dans la réaction des acides sur + Esyde d'argent ordinaire, d'une part, sur le peroxyde Larcent, d'autre parl, a constaté les résultats suivants : “ie Eu opérant à 13° avec Ag°0 ordinaire, récemment «précipité, et mis en présence des acides sulfurique, “azolique, lactique étendus, à équivalents égaux, la “combinaison chimique et la réaction thermique qui en “ résulte sont complètes au bout de peu de minutes; 2° en opérant vers 13°, avec la substance qui résulte de l’action immédiate de Ag°0 récemment précipilé sur H20: étendu, et en meltant aussitôt cette substance en “présence des acides sulfurique, azotique et lactique étendus, dans des conditions identiques aux précéden- “es, une première réaction chimique et thermique s’ac- complit également en peu de minutes. Cette réaclion est suivie de certaines autres, beauccup plus lentes; la chaleur qui en résulte est minime et son dégasement parait se poursuivre indéfiniment. Ces faits confirment l'existence de peroxyde d'argent dans le corps obtenu par l'action de H*0*. — M. L.-J. Simon, en fai- sant réagir l'urée sur l'acide pyruvique, a obtenu, dans certaines condilions, l'acide homoallantoïque ….(AzH°.CO.AzH)*C(CH°)CO®H. Celui-ci, dissous dans l'eau chaude, se déshydrate en donnant le pyvurile de Gri- … maux : SLR A DAS AzH°.CO.AzH AzH.CO AZI. CH* “ — MM. Léo Vignon et F. Gérin ont constaté que les - dérivés nitrés des alcools à chaine ouverte dont l'ato- micilé est égale ou supérieure à # manifestent des » propriétés réductrices par rapport à la liqueur cupro- potassique. Toutefois le dérivé tétranitré de la pentaé- rythrile est dénué de toute propriété réductrice. On doit done adinettre que cerlains éthers nitriques ont une constitution spéciale. — M. L. Lewin a reliré du sang des animaux empoisonnés par la phénylhydrazine une matière colorante verte, qu'il nomme hémover- - dine. Elle est soluble dans l'alcool, la paraldéhyde, l'acétone; son spectre est caractérisé par quatre bandes. …. 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. Lannelongue, Achard et Gaillard ont reconnu que mi le froid modéré, ni les variations légères de température n'ont d'influence marquée sur le développement de la tuberculose. Au - contraire, les variations thermiques brusques et con- - sidérables, quoique compatibles avec la vie des cobayes sains, ont précipité d'une facon remarquable la marche de l'infection. — M, P.-S. de Magalhaes a observé * un cas de Piedra sur une jeune dame de Rio de- * Janeiro. Il en a isolé le parasite et a observé la forma- + tion des spores, notamment à l'intérieur des filaments. . La constitution cellulaire et filamenteuse de la subs- tance hyaline qui enveloppe les spores n'avait pas encore été signalée. — M. Arm. Gautier, à propos de - la note récente de M. Molliard, rappelle qu'il existe des “ variations qui sont dues à des causes plus générales - que l'hybridation par le pollen. Il les attribue à l’ino- - culation directe, dans le protoplasme végétal, de ma- tières secrétées par des bactéries ou des parasites. Les - mêmes remarques s'appliquent aux animaux. - M. G. Bohn a étudié la vie fouisseuse de quelques animaux marins (Annélides en particulier); il mon- - Lre les modifications qu'ils ont subies et qui ont en . partie pour but d'échapper à l'action toxique des mi- lieux marins. — M. Raphaël Dubois à constaté que le Distomum margaritarum s’enkyste dans le Aytilus edulis et y provoque la formation des perles. L'année suivante, si le parasite n'est pas mort, il provoque la fonte physiologique de la perle, reprend sa vie active et se reproduit; les jeunes distomes s’enkys- . tent alors de nouveau pour former des perles. — MM. M. Caullery et F. Mesnil ont observé que le masse … diff ESS ls, on mé D dde site produisant les mäles et les femelles; 2° une phase libre, asexuée, représentée sans doule par des embryons devenant les plasmodes après pénétration dans l'hôte. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont trouvé, chez des poissons marins (Soles et Blennies) deux espèces nou- velles d'Hémogrégarines : Æ:emogregarina Simondi et H. bigemina. — MM. L. Duparc et F. Pearce ont élu- dié les roches éruptives du Tilai Kamen (Oural). Ce sont des pyroxénites et des gabbros à olivine, ayant subi des phénomènes dynamiques intenses, et traversés par des filons de clunite et de gabbro-aplites. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 8 Octobre 1901. M. Hallopeau présente un rapport sur deux {travaux de M. Bonnet {de Massiac). Dans l'un, l’auteur fait con- naître les propriétés de l’hydrate de chloral comme vésicant et ses avantages sur la cantharide, surtout pour les grands vésicatoires. Par contre, pour les petits vésicatoires employés en ophtalmologie et en dermato- logie, le chloral semble n'avoir aucun avantage sur la teinture de cantharides. Le second est relatif au traite- ment de l’ozène par les irrigations nasales au bleu de méthylène; cette méthode a donné d'excellents résultats. — M. Hervieux rend compte d’un travail du D' Gros qui propose la formation de vaccinateurs indigènes pour combattre le fléau de la variolisation en Algérie et Tunisie. Séance du 15 Octobre 1901. M. Sevestre lit le rapport sur le concours pour le prix Alvarenga. — M. Huchard lit le rapport sur le Prix Mège. — M. P. Brouardel communique le rapport sur le concours pour le prix Clarens. — M. Ehrmann présente quelques considérations sur 4 cas de palato- plastie en deux temps daus les divisions congénitales du palais. L'opéralion en deux temps, quoique exigeant. une double chloroformisation et une durée de traite- ment plus longue, présente des suites opératoires plus simples et une guérison plus certaine. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 5 Octobre 1901. MM. F. Widal et L. Le Sourd ont recherché par le procédé de fixation de Bordet l'époque d'appari- tion de la seusibilisatrice dans le sérum des typhiques. La réaction de fixation ne saurait être considérée comme un témoin de l’immunité. — M. L. Camus à reconnu que l'état de lactation n'empêche pas les chiennes d'être sensibles aux injections de lait. Elles sont sensibles aux injections de lait de vache et elles peuvent l'être aussi aux injections de leur propre lait. | — M.J.Ch. Roux a constalé que la peptone parait être un des excitants moteurs de l'estomac; dans certaines conditions, elle paraît mettre en train l'évacuation de l'estomac; toutefois, sous son influence, cette évacua- tion ne se fait pas en bloc, mais progressivement. — M. Ch. Julliard a vérifié que l'albumine en solution n'a aucune action spécifique sur les hémalies, sur les- quelles elle n’agit qu'en raison de sa tonicilé seulement. Elle n'abaisse le point de congélation d’une solution que d'une facon très restreinte et provoque le laquage du sang, même à des concentrations relativement très élevées. — M. G. Delamare a reconnu qu'on peut observer dans le‘tissu ganglionnaire sain des hématies à noyaux. — M. M. Molliard rappelle qu'on peut obte- nir expérimentalement la transformation des étamines du chanvre en carpelles, à des degrés très variables: la cause de ces variations parait résider dans l'action d'une faible intensité lumineuse, mais elle peut être plus complexe. — M. A. Slatineano a provoqué la sep- ticémie expérimentale par le bacille de Pfeiffer chez le 938 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES cobaye, le lapin et-la souris. Il est parvenu également à immuniser ces animaux contre la maladie; le sérum des immunisés jouit de propriétés préventives. Séance du 12 Octobrè 1901. M. Et. Sergent a observé queles Anopheles sont très communs dans la vailée de l'Essonne, bien que l'endé- mie palustre ait disparu de cette région. — MM. Caul- lery et F. Mesnil : Sur la phase libre du cycle évolutif | des Orthonectides (voir p. 937). — M. E. Maurel a re- connu que les doses minima mortelles de chlorhydrate d’émétine par la voie hypodermique, aux titres de 0,5 à { gramme pour 10 grammes d’eau distillée, sont de 0,15 gramme par kilogramme pour le congre, le pigeon et le lapin, et de 0,25 gramme pour la grenouille. I ré- sulte d’autres expériences que, pour le lapin et pour le chlorhydrate d'émétine aux titres employés, la dose minima mortelle est sensiblement la même pour la voie gastrique et pour la voie hypodermique, landis qu'elle est cinq fois moindre pour la voie intra-vei- neuse. — M. E. Castex, au moyen d'un nouvel appa- reil qu'il nomme réflexomètre rotulien, a mesuré la valeur normale du réflexe rotulien. Elle est, chez l'homme ou la femme adulte, de 130 grammes-centi- mètres sur une surface de choc de 1 centimètre carré. — M.Aug. Mizzoni a isolé, des eaux du vieux port de Marseille, un nouveau microbe pathogène, sous forme d'un bâtonnet droit, cylindrique, qui, par la culture, devient trapu. Ses milieux de cullure exhalent rapide- ment une odeur putride. — M. Ch. Féré signale un cas d'épilepsie réflexe provoquée par la miction et la défé- cation. — M. H. Milian montre que le cytodiagnostic peut être d’une très grande utilité pour le diagnostic et l'étude pathogénique des affections du rein. — MM. Tuf- fier et Milian ont observé, chez une femme atteinte de brûlures, une hémoglobinurie provenant de l'action hémolysante de l’uriue. — MM. P. Nobécourt et G. De- lamare ont reconnu, par l'examen cryoscopique des urines, que la grossesse, à n'importe quelle période, ne détermine aucun ralentissement de la circulation rénale. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES PHYSIQUES. J. Dewar : Le nadir de la température et les problèmes qui s’y rattachent. — 1° Les propriétés plysiques de l'hydrogène solide et liquide. Le point d’ébullition de l'hydrogène, mesuré au thermomètre à hélium, est de 20,5, et son point de fusion de 46°. La chaleur latente d’ébullition de l'hydrogène est de 200 unités et sa chaleur latente de fusion de 16 unités. Sa chaleur spécifique moyenne entre ses points de fusion et d'ébullition est de 6. L'hydrogèue obéit à la loi de Dulong et Petit et possède la plus grande chaleur spé- cifique connue. La tension superficielle de l'hydrogène à son point d'ébullition est environ le 1/5 de celle de l'air liquide dans les mêmes conditions; elle ne doit pas dépasser le 1/35 de celle de l’eau à la température ordinaire. Son indice de réfraction à l'état liquide est de 4,12; il concorde avec celui prévu par la théorie. 2° Séparation d'hydrogène libre et d'autres gaz de l'air. En liquéfiant l'air dans certaines conditions, qui empêchent les gaz les plus volatils de se dissoudre dans la partie liquéfiée, on obtient un résidu composé de : I 32,5 °/,; Az 8 °/,; hélium, neon, etc., 60°. Après élimination de l'hydrogène et de l'azote, le néon peut être solidifié par refroidissement dans l'hydrogène liquide, et il ne resteque les portions les plus volatiles. On peut obtenir un autre constituant de l’air sans re- courir à la liquéfaction de ce dernier. On aspire une grande quantité d'air à travers un tube rempli de laine de verre et immergé dans l'air liquide; si l'on réchauffe ensuite Je tube, il se dégage un gaz qui s'était condensé et qui est formé en majeure partie de xénon. 3° Thermométrie au moyen de résistances électri- ques au point d'ébullition de l'hydrogène. Sept thermo“ mètres ont été étudiés : deux en platine, un en or, en argent, en cuivre et en fer, un en alliage platine-rho= dium. Le {thermomètre d'or donne le plus bas point d fusion : 239,5 au lieu de 20°5 indiqué par le thermo mètre à héliam. Les métaux présentent une diminutio extraordinaire de leur résistance au point d’ébullitio de l'hydrogène; elle n'est plus pour le cuivre que 1/105, pour l'or que 1/30, pour le platine que 1/35 à 1/17, pour l'argent que 1/24, pour le fer que 4/8 de leur résistance dans la glace foudante. La loi reliant la résistance électrique à la température entre ces limites est inconnue, et aucun thermomètre à résis tance ne peut être employé pour obtenir des tempéra= tures exactes aux environs du point d'ébullition de l'hydrogène. 4° Expériences sur la liquéfaction de l'hélium à point d'ébullition de l'hydrogène. Les essais n'ont jus= qu'à présent donné aucun résultat; l'hélium a été re- froidi jusqu'à 9° ou 10° absolus sans apparence de liquéfaction. Il est vrai qu'à cause de sa faible réfrac- tivité, la formation de goutteleltes sera très difficile à constater. Il est probable qu'on ne pourra liquélier l'hélium, qui paraît avoir un point d'ébullition de 59 absolus, qu'en le soumettant au même processus qui à réussi pour l'hydrogène : emploi de l'hydrogène liquide bouillant sous pression réduite et récolte du liquide produit dons des tubes à vide entourés d'hydrogène liquide. 5° Phosphorescence et pyro-électricité des corps aux basses températures. Le sulfure de zine, refroidi à 21° absolus et exposé à la lumière, présente une bril=" lante phosphorescence lorsque la température remonte. Le radium conserve sa luminosité à l'obscurité dans» l'hydrogène liquide. L'action photographique persiste, quoique diminuée. Quelques cristaux placés dans l'hydrogène liquide deviennent pour un temps très lumineux, par suite des décharges électriques que le refroidissement produit entre les molécules du cristal. L’air liquide étant très isolant, ce fait montre que le potentiel électrique en- gendré par le refroidissement doit être très élevé. Quand le cristal refroidi est réchauffé, la luminosité et" les décharges électriques persistent jusqu'à la tempé- rature ordinaire. Un cristal de nitrate d'uranium est tellement chargé que, quoique sa densité soit 2,8 par” rapport à celle de l’air liquide, il ne tombe pas au fond, s’attachant au bord du vase et exigeant une force me- surable pour en être détaché. Hertha Ayrton : Le mécanisme de l'arc électri- que. — L'objet de ce mémoire est de montrer qu'en appliquant les lois ordinaires de la résistance, du réchauffement, du refroidissement et de la combus- tion de l'arc, considéré comme une rupture dans un circuit fournissant son propre conducteur par la volatili- sation de sa malière propre, on peut expliquer tous les phénomènes principaux qui se passent sans faire inter- venir l'existence d’une grande force coutre-électro- motrice, ou d’une résistance négative, ou de tout autre attribut spécial. XV. KR. Dunstan ef T. A. Henry : La nature et l’origine du poison du Lotus arabicus. — Les auteurs ont déjà donné un compte rendu préliminaire de ces recherches ! et ont montré que la propriété vénéneuse de ce fourrage égyptien est due à l’acide prussique qui se forme pendant que la plante macère dans l’eau, au moyen de l’action hydrolytique d'une enzyme, la lotase,… sur un glucoside, la lotusine, laquelle est décomposée en acide cyanhydrique, dextrose et lotoflavine, une matière colorante jaune. Les auteurs ont continué leurs recherches dans le but de fixer les propriétés et la constitution chimique de la lotoflavine et de la lotusine, et aussi d'étudier les * Voyez à ce sujet la Revue du 30 octobre 1900, p. 1156. ropriétés de la lotase en relation avec celles d'autres enzymes hydrolytiques. Lotusine. — La lotusine peut être séparée d'un ex- frait alcoolique de la plante par un procédé ingénieux qui donne un très petit rendement, environ 0,025 °/, La lotusine est un glucoside cristallin jaune, plus so- Juble dans l'alcool que dans l’eau. Quand on la chauffe, elle se décompose graduellement sans montrer aucun point fixe de fusion. Les combustions d’une substance puriliée spécialement donnent des nombres d'accord vec ceux déduits de la formule C**H**Az0#°, Dans la notice préliminaire, la formule C*H‘Az0" avait été provisoirement assignée à la lotusine, d'après l'idée qu'une seule molécule de dextrose est formée dans son hydrolyse. La formule donnée ci-dessus comme ésultat d'une analyse ultime, est confirmée par l'ob- Servation que deux molécules de dextrose sont produites par l'hydrolyse acide, laquelle est donc représentée par l'équation : CH31Az016 + 2H°20 — 2 CH!°06 + HCAz + C!H!06 Lotusine. Dextrose. Acide Lotoflavine. prussique. Quand une solution de lotusine est chauffée avec de l'acide chlorhydrique dilué, l'hydrolyse se produit de suite. Le liquide acquiert une forte odeur d'acide cyanhydrique el un précipité cristallin jaune de lotofla- vine se dépose, tandis que la solution réduit fortement Ja liqueur de Fehling. L'acide sulfurique dilué produit seulement très lentement l'hydrolyse de lotusine. Quand elle est chauffée avec des alcalis aqueux, la » lotusine est graduellement décomposée; de l’ammo- niaque se dégage et un acide se forme auquel on à donné le nom d'acide lotusinique : : C*#H#1016 E 21H20 — CH#0!8 + AzH°. À - L'acide lotusinique est un acide monobasique qui - fournit des sels cristallins jaunes. Il est rapidement . hydrolysé par des acides dilués en formant de la loto- - flavine, du dextrose et de l'acide heptogluconique - (acide dextrose-carboxylique) : CESH0 + 2H20 — CIO + CeHO® + CHAOS Acide Lotoflavine. Dextrose. Acide lotusinique. heptogluconique. à à | A l'exception de l'amygdaline, la lotusine est le seul - glucoside entièrement connu qui fournisse de l'acide | prussique comme produit de décomposition. / Lotollavine. — La lotoflavine est une matière cris- talline colorante jaune, rapidement dissoute par l'alcool 4 ou par l'acide acétique glacial chaud, et aussi par les alcalis aqueux qui forment des solutions jaune clair. - Elle est toujours présente en quelque mesure dans les plantes, spécialement dans les plantes vieilles. L'ana- lyse ultime conduit à la formule C‘*H!0°, Elle est donc isomérique avec la lutéoline, la matière colorante jaune - du Æeseda luteoja, et avec la fisétine, matière colorante | jaune du Zhus cotinus. La morine, du Morus tinctoria, . parait être l'hydroxylotoflavine. - La lotoflavine ne forme pas de composés avec les acides minéraux. Elle fournit un dérivé tétracétylé et deux éthers triméthyliques isomériques mutuellement . convertibles, qui sont capables de former une seule et » même acétyl-triméthyl-lotoflavine. Par l'action de la potasse fondue, la lotoflavine est convertie en phloro- . glucine et en acide £-résorcylique. Dextrose. — On a trouvé que le sucre qui résulte de l'hydrolyse possède toutes les propriétés du dextrose . ordinaire. … Acide eyanhydrique. — On a déterminé la quantité d'acide prussique fourni par les plantes à différentes époques de leur croissance, Des plantes mûres portant . des gousses ont fourni 0,345 °/, de cet acide, calculé sur une substance séchée à l'air, ce qui correspond à 5,23 °/, de lotusine. De plus jeunes plantes ayant des boutons donnent 0,25 ‘/,, tandis que des quantités ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 939 encore plus petites sont fournies par de très jeunes plantes, et presque rien par de vieilles plantes dont les graines sont tombées. La formation du poison paraît donc atteindre son maximum à la période des graines, et, après celle période, elle diminue rapidement. Les Arabes savent que la plante est bonne à être employée comme four- rage lorsque les graines sont tout à fait müres, mais pas avant. Nous avons découvert que c'est la lotusine qui disparait pendant que les graines mürissent. Les vieilles plantes contiennent une certaine quantité de lotase et de lotoflavine, mais peu ou point de lotusine. Lotase. — Dans ses propriétés générales, la lotase ressemble aux autres enzymes hydrolytiques, desquels cependant elle diffère à plusieurs points de vue impor- tants. Elle peut être comparée à l'émulsine, l'enzyme des amandes amères. L'émulsine cependant n'attaque la lotusine que très lentement, tandis que la lotase x seulement une faible action sur l'amygdaline, le gluco- side des amandes amères. La lotase est beaucoup plus rapidement détériorée et privée de son pouvoir hydro- lytique que l'émulsine. C'est pourquoi il est difficile de l'isoler à l'état solide. Son pouvoir disparait rapide ment, non seulement par la chaleur, mais il est aussi rapidement détruit par le contact avec l'alcool ou la glycérine. En outre de la lotase, la plante contient un enzyme amylolytique et un enzyme protéolytique. Constitution de la lotoflavine et de la lotusine. — En considérant ces réactions et spécialement la production par l’action des alcalis fondus d'un acide G-résorcy- lique et de la phloroglucine, les auteurs concluent que la lotoflavine est représentée par la formule suivante : 0 on - OR VEN ÿoH NES OH CO qui est celle d’un composé appartenant à la même classe (des phéno-y-pyrones phénylées) que ses iso- mères, la lutéoline et la fisétine. La particularité mon- trée par la lotoflavine, qui contient quatre groupes hydroxyles mais fournit seulement un éther lrimé- thylique, s'explique par le fait qu'un des groupes hydroxyles est en position ortho par rapport à un groupe carbonyle. Les réactions de la lotusine sont le mieux repré- sentées par la formule suivante : 0 .0H A ne CO CHE OA NL ou el Fe AZ V4 OH CO qui est celle d’un éther lotoflavinique de maltose- . cyanhydrine. Cette formule explique d'une facon satisfaisante l'hydrolyse partielle du glucoside par les alcalis, qui donne l'acide lotusinique et l’ammoniaque, et la dé- composition de la substance par les acides qui donnent la lotoflavine et l'acide maltose-carboxylique, lequel est immédiatement décomposé en dextrose et en acide heptogluconique. Elle rend compte aussi de lhydro- lyse de la lotusine, par les acides, en lotoflavine et maltose, qui est ensuite changé en dextrose. Pour localiser la position du groupe cyanogène dans la lotusine, on à recherché si les différentes cyanhy- drines de constitutions connues fournissent de l'acide cyanhydrique quand on les traite par l'acide chlorhy- drique dilué. On a trouvé que le nitrile mandélique, la lévulose-cyanhydrine et le pentacétyl-glucenitrile, dans lesquels le groupe cyanogène occupe une position analogue à celle qu'on lui a assignée dans la, formule suggérée pour la lotusine, sont, comme la lotusine, aisément décomposés par l'acide chlorhydrique dilué 90 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES en formant de l'acide prussique et l’aldéhyde ou Ja cétone correspondante. 20 SCIENCES NATURELLES. A. D. Waller : Essai de détermination de la vitalité des graines par une méthode électrique. — L'auteur rappelle la méthode qu'il a indiquée précédem- ment pour reconnaitre l'existence de la vie. Appelons « coup de feu » (blaze current) le signe galvanomé- trique d'un changement soudain produit localement dans la matière vivante; on appellera «coup de feu non équivoque » le courant excité de mème direction que le courant excitant; ce ne peut donc être un contre- courant de polarisation. Or, d’après l'auteur, la pré- sence d’un coup de feu non équivoque ou homodrome est une preuve positive que l’objet examiné est en vie; l'absence de cet effet est une forte présomption qu'il soit mort où plutôt non vivant. Caril peut être dans cet état paradoxal d’immobilité que l'on appelle vie latente, et qui ne présente pas de coup de feu; puisqu'il est capable de se réveiller, il n’est done pas mort. C’est pourquoi l'auteur adopte la catégorie plus générale des substances non vivantes. L'auteur formule donc la règle suivante : Si les réponses produites par des courants induits simples dans les deux sens sont de méme direction que ces courants, l'objet examiné est en vie. En pratique, parle fait que la plupart des objets exa- minés ne sont pas physiologiquement homogènes, il y a une direction favorable et une direction défavorable à la réponse; c'est pourquoi il faut essayer le courant dans les deux sens. Quand les objets sont à peu près physiologiquement homogènes, il peut y avoir réponse non équivoque dans les deux sens, mais il est rare que les deux coups de feu soient égaux et opposés. Il y a donc lieu de distinguer trois cas : 1° Les deux réponses à des excitations simples dans les deux sens sont homodromes aux courants excitants; l'objet est en vie; 2° Les deux réponses sont de même sens; l'objet est en vie; 3° Les deux réponses sont dans la direction de pola- risation ; l’objet est non-vivant. La valeur électromotrice du coup de feu excède géné- ralement de beaucoup celle d'un courant de polarisa- tion ordinaire; pour des graines vigoureuses, elle peut alteindre 0,1 volt, tandis que le courant de polarisation arie de 0,0005 à 0,001 volt. Il ne peut y avoir d'hési- lation que pour des graines très faibles qui donnent un coup de feu de l’ordre du courant de polarisalion ; mais celles-ci peuvent être pratiquement considérées comme mortes, car elles ne germeut généralement pas. La figure 1 donne la disposition d'une expérience pour la détermination de la vitalité d’une graine par la méthode électrique. Un haricot fraîchement écossé et non brisé est placé latéralement entre deux électrodes non polarisables À et B. 1° 11 donne un coup de feu dans la direction négative en réponse à une excitation induite négative. 2° La même graine, après qu'on a coupé une tranche à sa surface inférieure B, donne des coups de feu dans la direction négative en réponse à une excitation positive (coup de feu équivoque) et à une excitation négative (coup de feu non équivoque); c’est le contraire qui se produit si la tranche a été coupée à la surface supérieure A, 3° Une graine bouillie ne donne aucune réponse, mais seulement de faibles contre-cou- rants de polarisation. Par sa méthode, M. Waller a étudié la détérioration des graines avec l'âge et il l’a vérifiée par des essais comparatifs de germination. Pour les vieilles graines, la méthode à été modifiée comme suit : Les graines sè- ches sont trempées dans l'eau pendant douze heures à 259, puis posées sur de la flanelle mouillée pendant un jour; elles sont décortiquées, séparées en deux, et la radicule détachée et placée entre les deux électrodes de facon que l’apex touche l'électrode inférieure B. Le cou- rant d'excitation était négatif. D'autre part, des essais de germination ont été faits soit sur [a même graine, soit sur des graines du même lot. Le résultat général de nombreuses expériences est une correspondance générale, quoique non complète, entre la production de coups de feu et l’activité germi-M nale. L'existence d’un courant de réponse est bien un signe de vie, et sa grandeur peut en quelque sorte me- surer la vitalité. Lorsque la vitalité est grande, les deux épreuves sont toujours concordantes; ce n’est que Jorsque la vitalité est très faible qu'il y a des chances de discordance entre les deux épreuves. Les graines Josiive 2017807 Do 624 Cmpénsateur URUE EX Ojet à 3 etamirer Ævcitateur Fig. 1. — Schéma d'une expérience pour déterminer la vila- lité des graines par la méthode electrique. — L'appareil se compose : 40 d'un compensateur pour balancer tout courant accidentel dans le circuit et mesurer la f. 6. m. de réaction, 2° d'une bobine d'induction pour produire l'excitation; 30 de l'objet à examiner: 4° d'un galvano- mètre. — En haut, on voit la disposition de la graine et des électrodes À et B; les expressions « positive» et « négative » signifient que l'excitation va respectivement de B à À et de À à B. fraîches et vigoureuses offrent un fort coup de feu (0,05 volt ou plus) et germent rapidement. Des graines plus vieilles et moins vigoureuses présentent uue ré- ponse moins accusée (0,01 volt au moins) et une germi- nation moins active. Enfin, les graines très vieilles, incapables de germer même dans les conditions les plus favorables, présentent une réponse de 0,001 volt ou moins, ou nulle. ou encore un faible contre-couranf de polarisalion de 0,0005 volt en moyenne. ERRATUM P. 887, 2° colonne : 1° ligne, au lieu de comparaison entre la self- induction, lire : comparaison entre l'action de la self-induction ; 9e ligne, au lieu de Hagberssel, lire : Hasselberg." Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. À à Ë 12: ANNÉE _ DIRECTEUR : N° 21 15 NOVEMBRE 1901 Revue générale Des Sciences pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. $ 1. — Astronomie - Un changement à longue période des ta- “ches solaires. — Dans une récente séance de la Société Royale de Londres, sir William Lockyer a présenté une Note importante sur l'activité solaire “pendant la période qui s'étend de 1833 à 1900. Ce sa- “ant a principalement appelé l'attention sur la décou- “erte qu'il vient de faire, dans la manifestation des “taches solaires, d'une nouvelle variation périodique dont la durée est d'environ trente-cinq ans. —…. On sait depuis longtemps, et Rudolf Wolf, de Zurich, fut le premier à le signaler, que si la longueur d’une période de taches solaires est en moyenne de onze ans, a longueur réelle de toute période peut différer de cette valeur de plus ou moins deux ans. Un autre fait lobservation consiste en ce que les époques des maxima ne se présentent pas un nombre constant d'années après le minimum précédent : Wolf a déter- miné l'intervalle moyen comme étant égal à quatre ans et demi. — Le minimum suit le maximum dans un intervalle moyen de six ans et demi. On a remarqué, de plus, que l'intensité de chaque période, autrement dit la quantité totale de surface tachée comprise entre un minimum et le minimum suivant, n'est pas constante : Wolf croyait que ces “quantités devaient révéler une certaine périodicité, et “il supposa d'abord que la période était de 178 ans, plus tard de 55,5 — ou un cycle embrassant cinq hpériodes de onze ans. Dans son travail actuel, sir William Lockyer s’est “limité à l'intervalle de temps qui s'étend de 1833 à “1900, intervalle pendant lequel on fit des observations systématiques précises de la surface solaire ; et comme “les chiffres relatifs de Wolf s'accordent bien avec les faits d'observation de cette période, sir William Lockyer “na pas hésité à les employer. — Enfin les importants résultats magnétiques obtenus par William Ellis ont servi de contrôle à tout le travail, “pour montrer que les courbes relatives aux éléments “magnétiques sont en complète harmonie avec celles des taches solaires : toute variation déterminée des “courbes des taches doit avoir sa contre-partie dans les “courbes magnétiques. ? REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE La discussion de ces soixante-huit années d'observa- tions conduit à l’importante conclusion que: au-des- sous de la période ordinaire d'environ onze ans des taches, il existe un autre cycle de plus grande ampli- tude, environ trente-cinq ans. Ge cycle modifie non seulement le moment des maxima, relativement aux minima précédents, mais produit encore des change- ments dans toute la surface tachée, d'une période de onze ans à une autre. Du moment qu'il y a, en plus de la période undécen- nale bien connue, un autre cycle embrassant environ trente-cinq ans, indiqué par les changements dans les époques des maxima aussi bien que par les variations de surface des périodes undécennales consécutives des taches et du magnétisme, il est naturel de supposer que cette variation à longue période est l'effet d'un cycle de perturbation dans l'atmosphère solaire elle- même. Si le cycle était assez intense, il produirait une variation dans la circulation normale de l'atmosphère terrestre, et il devrait être marqué dans les phéno- mènes météorologiques. Or, nous devons précisément à Ed. Brückner un travail important sur les changements des climats : l'auteur y traite les variations de la hauteur de l'eau des mers intérieures, des lacs et des rivières; les varia- tions dans la quantité de pluie tombée, la pression barométrique et la température, dans le mouvement des glaciers, dans la fréquence d’hivers froids, dans le développement des vignes, etc. Brückner, comme résultat de toutes ses recherches, a trouvé l’exis- tence d'une variation périodique des climats sur toute la Terre dont la période moyenne est d'environ 34,8 + 0,7 ans. Brückuer était tellement convaincu des incontestables modifications climatologiques qu'il avait déduites, et tellement sûr que de telles variations ne sauraient être causées que par une influence extérieure, qu'il avait examiné les données de Wolf sur les taches solaires, afin de voir s’il n’y avait aucune trace d’un cycle sem- blable ; n’en trouvant pas, il osa affirmer qu'une varia- tion analogue à celle qu'il cherchait devait exister dans le Soleil, bien qu'elle puisse être indépendante des taches. Il finit par conclure que les variations des cli- 21 ° 942 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE mats constituent le premier symptôme d'une variation à longue période dans le Soleil, période que l’on décou- vrirait plus tard. Mises en regard de la période d'activité solaire indi- quée par sir W. Lockyer, les conclusions de Brückner sont d’un puissant intérêt, parce que, non seulement la longueur de la période, mais aussi les époques critiques de son cycle sont en parfaite harmonie avec les con- clusions de sir William Lockyer. Le professeur Ed. Richter a également trouvé un cycle de trente-cinq ans dans une recherche détaillée du mouvement des glaciers, et il attira l'attention sur ce fait que les variations étaient, en général, d'accord avec les modifications climatériques de Brückner cependant la période glaciaire était accélérée pendant les phases humides et fraîches. Charles Egeson a trouvé, lui aussi, non seulement une période séculaire de trente-trois à trente-quatre ans dans la chute de la pluie, la production des orages et la prédominance des vents d'ouest en avril pour Sydney, mais encore que les époques des maxima de ces deux derniers concordent avec celles du cycle de trente-cinq ans déduit des taches. Nous citerons encore rapidement à ce sujet les recherches de Meldrum et Poey sur la correspondance entre le maximum des cyclones et celui des taches solaires, ainsi que les indications de Kæppen sur la correspondance entre la température moyenne annuelle et la variation des taches, etc... Sans doute, pour se distinguer des prévisions aléatoires des fabricants d’almanachs, les météorologistes ont écarté dès le début d'une manière très violente l'idée de périodicité; elle a encore des adversaires acharnés et, cependant, la question entre véritablement dans une voie nouvelle, scientifique, et du plus haut intérêt pour la transmis- sion de la force à l’intérieur du système solaire. Il ne paraît donc pas douteux que, pendant la pé- riode 1833-1900, les phénomènes météorologiques, le nombre des aurores et d'orages magnétiques, montrent des variations d’une période voisine de trente-cinq ans et dont les époques cadrent bien avec celles des varia- tions des taches solaires. Comme nous entrons mainte- nant dans une phase qui tend vers un nouveau maxi- mum de taches — qui devrait correspondre comme intensité et comme époque à celui de 1870,8 — il sera intéressant d'observer si tous les phénomènes solaires, météorologiques et magnétiques vont se répéter dans le même ordre. $S 2. — Mécanique expérimentale Essai des métaux à la flexion par choc de barreaux entaillés. — Une nouvelle méthode d’es- sai des métaux, qui préoccupe vivement consommateurs et producteurs de métaux, a été exposée tout récem- ment devant la Société des Ingénieurs Civils par notre collaborateur M. Charpy‘, dont on se rappelle les beaux travaux sur la trempe des aciers. On sait que l’essai de traction, si préconisé autrefois, ne renseigne pas sufli- samment sur les propriétés mécaniques d’un métal, et qu'en particulier il n'y a pas de corrélation entre la résistance d'un métal aux efforts statiques, et sa résis- tance aux efforts dynamiques. Aussi, pour le matériel des chemins de fer, on pratique depuis longtemps l'essai au choc en vue de la réception des essieux et des ban- dages, mais cet essai se fait pour ainsi dire en grand sur quelques spécimens que l’on prélève dans un lot et qui sont sacrifiés. Lorsqu il ne s’agit pas d’une fabrica- tion en série, l'essai de choc a lieu sur des barreaux détachés de la pièce, et la rupture de ces éprouvettes, d'une section généralement carrée, est obtenue sous les chocs répétés d’un mouton tombant d’une hauteur plus ou moins élevée. Le nombre des coups sert à différencier les résistances, et on admettait jusqu'à ! Mémoire de la Socièté des Ingénieurs civils de France, Bulletin de juin 1901. ces derniers temps que deux barreaux supportant Je même nombre de coups de mouton étaient identiques: au point de vue de la fragilité. M. Charpy, reprenant les essais de MM. André Le Chatelier, Auscher, Barba Frémont et Le Blant, montre la nécessité qu'il y à modifier l'essai précédent en préparant la ruptun de la barrette par une entaille faite à l'outil. 25 ba reaux d'acier doux, de qualité courante pour lamis nés, classés par ordre de résistance croissante à a traction depuis 34 kil. 8 jusqu’à 50 kil. 4, ont supporté sans casser 15 coups d’un mouton de 18 kilos tombant d'une hauteur de 2,75, et ont été ensuite pliés à bloc sans criques notables. Ils devaient donc être après cela considérés comme non fragiles, et sensiblement équiva lents. On pratiqua sur des barreaux identiques, pri dans les mêmes barres, une entaille d’une profondeut égale à la moitié de l'épaisseur du barreau, et l’ordre primitivement établi dans le classement des éprou vettes fut totalement bouleversé. Certains métaux parmi les plus doux, furent démontrés nettement infé rieurs aux autres, et les nombres de coups de mouton varièrent de 4 à 5. Le nouvel essai dénonce donc cer tains métaux qui, recus avec les exigences des cahiers. de charges actuels, auraient pu donner lieu en service à de graves mécomptes. M. Charpy a apporté au mode d'essai sur barreaux entaillés une amélioration importante, qui va contri buer à en généraliser très rapidement l'application Les différents expérimentateurs avaient adopté jus qu'ici des entailles de formes très variées. M. Le Chate lier pratiquait un trait de scie de 1n" X 1m; M. Aus= cher obtenait au moyen d’un burin une coupure trian= ulaire équilatérale de 1 millimètre de côté; M. Barba aisait d’abord une rainure avec un outil de raboteuses et en terminait le fond au moyen d’un couteau d’acie trempé, à angle vif, enfoncé à la presse. Dans d’autres! essais, ce fond était constitué par un arrondi d’un rayon ne dépassant pas deux dixièmes de millimètre. Tous! ces types d’entailles pouvaient varier avec l’état de l'outil employé, et le service plus ou moins prolongé de cet outil. Le trait de scie a une section parfaitemenk rectangulaire et à angles vifs avec une scie neuve, mais qui s’arrondit au fur et à mesure que les dents de l'outil s'émoussent. Les burins et autres instruments tranchants ne restent pas à la longue identiques eux-mêmes, et comme le résultat de l'essai est com plètement modifié suivant que les entailles sont fonds plus ou moins arrondis, la description de l'outil adopté pour pratiquer l’entaille type ne suffit pa pour définir celle-ci dans un cahier des charges: M. Charpy a tourné la difficulté d'une facon très heu reuse. Il s'attache à donner au fond de l'entaille un rayon bien défini, et assez considérable pour que les variations inévitables dans le travail n'aient qu'une influence négligeable. Pour cela, il perce dans le bars reau, à la moitié de sa hauteur, un trou cylindrique de 2 millimètres où # millimètres de rayon, aû moyen d’une mèche hélicoïdale et d’un alésoir, estimant avec raison que les stries ont moins d'influence lorsqu'elles sont produiles par un outil travaillant perpendiculai rement à la direction de l’entaille. Celle-ci est achevée par un trait de scie entre le trou et l’une des faces d barreau. C'est là un procédé simple à définir, et per mettant de reproduire en tout temps des entailles identiques. | M. Charpy donne, en outre, la description du mouton pendulaire que, d'après les idées de M. Russel, il a faib construire aux usines de Saint-Jacques, à Montluçon“ pour l'essai au choc des barreaux entaillés. Le mouton est formé par une plaque de métal découpée en forme de c, de façon que son centre de gravité coïncide ave@ le couteau qui produit le choc. Cette pièce est suss pendue à un portique en charpente, par l'intermédiaire de tubes sans soudure disposés en triangle, et d’un axe roulant sur billes. Le barreau à essayer est maintenu au moyen de plaques et boulons sur deux supports contre un massif métallique formant chabotte. La hau- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 943 teur à laquelle le pendule remonte après avoir rompu “Je barreau est retranchée de celle à laquelle il a été “lâché de l'autre côté, et la différence obtenue, mul- “tipliée par le poids du mouton, mesure le travail k absorbé par la rupture, après qu'on a tenu compte des “pertes dues aux résistances passives et à la force vive … imprimée aux fragments du barreau, pertes très faibles met faciles à évaluer. On a donc un moyen simple et pratique de classer au moyen de chiffres les résultats “de l'essai, le degré de non-fragilité du métal ou, comme Je propose M. Charpy, sa résilience, c’est-à-dire la “résistance vive à la rupture dont est capable une tranche “infiniment mince de ce métal. Le travail de rupture ainsi défini est évalué d'autant plus exactement que la “déformation se trouve limitée à ia section de rupture. Aussi, à ce point de vue, l'essai de choc sur barreaux “entaillés, qui localise la déformation, est certainement “plus sensible que l'essai de traction ordinaire. Les industriels sauront grand gré à M. Charpy d’avoir “précisé et rendu pratique un nouveau mode d'essai qui ne fera évidemment pas disparaître des cahiers des charges les exigences sacro-saintes des essais de trac- tion, mais qui placera ces derniers essais au second rang, c'est-à-dire à leur vraie place. Emile Demenge, Ingénieur métallurgisle, $ 3. — Chimie - Synthèse complète de l'acide apocampho- … rique (Camphopyrique). — M. Komppa à montré autrefois ‘ que la condensation de l'éther oxalique avec … le ff-diméthylglutarate d'éthyle donne naissance à … un nouvel éther dicétonique, cyclique, selon l'équa- - tion : COOR H.CH.CO0R CO — CII — COOR + ÿc(cH}—2R.0H+ | Decre} 11.CH.CO0R CO — CH — COOR + COOR … Cet éther cyclique fond à 115-1169 (éther diméthyli- - que); l’éther éthylique fond à 98e. La réduction conduit aisément au dioxyacide : k j OH.CH — CH — COOH N cn GE ACL | | OH.CH — CH — COOH … Ce dioxyacide lui-même *, soumis à la réduction au moyen de l'acide iodhydrique (D — 1,7) et du phosphore - rouge, fournit un acide fusible à 203-209°, non saturé et y répondant vraisemblablement à la formule (}) ou (ID) : CH — C.COOH CH — CI — COOH Nc CH Nctcree D C< Gp | Dc(cH?) CH = C.COONH CH — CH — COON (1) (II) Comme il n'est pas réduit par l'alcool amylique et le sodium, c’est la formule (Il) qui a le plus de chances d’être exacte. Enfin, le traitement de cet acide - non saturé par l'acide bromhydrique en solution acé- … tique fournit un acide hydrobromé (II) que l'acide . acétique et la poudre de zinc convertissent en un ‘nouvel acide (IV) : BrH.C— CH — COONH # CH? — CH — COOH Dotca} Jeccr*” HEC — CH — COOH CHE — CH — COOH J (III) (IV) Celui-ci fond à 1609-1700; il ne réduit point le per- ns de potasse, el il est identique à l'acide M. : Ber. Ch. Ges., t. XXXII, p. 1421. 2 Ber., t. XXXIV, p. 2472. k 0 mésocamphopyrique de March et Gardner. Cet acide mésocamphopyrique se scinde aisément en ses deux composants, les acides cis et trans-apocamphorique (camphopyrique), identiques aux acides provenant de l'oxydation nitrique du camphène. f L'auteur en conclut, en particulier, que cette synthèse démontre l'exactitude de la formule de Bredt pour le camphène et le camphre : CHE = CH CH CH? —— CH —— CH? Coms | Liens : CHE — b CH Qu — L C0 Gus Gus Camphène. Camphre. Nous nous permettrons de faire remarquer que cette conclusion n’est pas rigoureusement exacte. En effet, si l'oxydation nitrique du camphène donne bien, entre autres produits, l'acide carboxylapocamphorique (cam- phoïque), l'oxydation manganique n’en fournit point trace et donne d’autres composés de structure fort différente, et tous les chimistes, ou du moins la grande majorité des chimistes, sont d'accord pour rejeter cette formule du camphène. ; Quant à la relation qui lie le camphre au camphène, personne pe la connaît, bien qu'il ait été émis sur ce sujet bien des hypothèses. Que la formule du camphre de Bredt soit exacte, cela est à présent extrêmement probable, presque certain ; mais le travail de M. Komppa, quoique fort intéres- sant, ne peut le prouver. $ 4. — Zoologie Notes sur des Nautiles vivants. — Sous ce titre ‘, M. Bashford Dean donne quelques détails sur les mœurs du Nautile, ce dernier représentant du groupe des Céphalopodes Tétrabranches, qui, pendant long- temps, est resté un animal rare, dont on ignorait le genre de vie. M. Dean a trouvé aux Philippines, dans le bras de mer qui s'étend entre les îles de Negros et de Cebu, des stations où les Nautiles sont capturés vivants en grande abondance; la chair est mangée, mais est peu estimée; les coquilles sont achetées surtout par des Chinois, qui les exportent pour en faire des boutons. Les pêcheurs de cette région pêchent le poisson avec des nasses en bambou, qu'ils immergent à de grandes profondeurs, de 100 à 200 mètres, peut- être mème beaucoup plus; ces nasses sont amorcées avec des poules entières, des viscères de chevreau ou des chiens et des chats; les Nautiles sont attirés par l'odeur, et entrent dans les nasses, où l’on en trouve par- fois une vingtaine. L'animal est d’un blanc opaque, avec une légère teinte ocracée sur le capuchon; il n'a pas de chromatophores comme les Dibranches; il ne vit : que peu de temps en aquarium, et reste volontiers rétracté, le capuchon s’adaptant à l'ouverture de la coquille à la manière d'un opercule. $ 5. — Physiologie Les relais des réflexes. — On sait que, dans les phénomènes désignés parles physiologistes sous le nom de phénomènes réflexes, une impression, produite à la périphérie, engendre un ioflux nerveux qui, chemi- nant dans un nerf, gagne les centres nerveux, pour s'y réfléchir et venir à la périphérie, en suivant un trajet nerveux, déterminer une réaction motrice ou sécrétoire. On sait que l'influx nerveux centripète che- mine au voisinage des centres dans les racines posté- rieures des nerfs rachidiens (neurones de ganglions spinaux), ou dans leurs équivalents bulbo-protubé- ! Notes on Living Nautilus, The American Naluralist, vol. XXXV, 1901, p. 819. 944 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE rautiels, et que l'influx nerveux centrifuge chemine, au voisinage des centres, dans les racines antérieures des nerfs rachidiens (neurones de cornes antérieures), ou dans leurs équivalents bulbo-protubérantiels. Les études récentes des anatomistes et des histologistes ont établi que les terminaisons intramédullaires des neurones de ganglions spinaux se ramifient dans la moelle, au voi- sinage des ramifications terminales des prolongements protoplasmiques des neurones des cornes antérieures, du même côté ou du côté opposé, et aux divers niveaux de la moelle. Par conséquent, on peut imaginer que l’influx nerveux passe directement du neurone de gan- glion spinal dans le neurone de corne antérieure, sans traverser d'autres neurones interposés. Toutefois, l’exis- tence, bien démontrée, de neurones anastomotiques entre les divers étages de la moelle permet de supposer que, dans certains cas tout au moins, de tels neurones interposés peuvent prendre part à la constitution de l'arc réflexe (ensemble des éléments conducteurs de l’influx nerveux dans un phénomène réflexe déterminé). Dans les Æléments de physiologie que M. Maurice Arthus vientd'écrire, nousrelevons les passagessuivants, au sujet du schéma qu’il convient d'adopter pour les phénomènes réflexes : « On a donné de ce phénomène réflexe un schéma absolument faux, qu'il faut éliminer. On a imaginé que l'arc réflexe le plus simple comprend au moins cinq éléments : un organe périphérique d'impression, une fibre nerveuse centripète, une cellule nerveuse, une fibre nerveuse centrifuge, un organe périphérique de réflexion. La cellule était dite centre réflexe, parce que c'était à son niveau que l’influx nerveux se réfléchissait, de centripète devenant centrifuge. Cette conception est inacceptable, car jamais un corps de neurone n'est en continuité à la fois avec une fibre d’une racine. posté- rieure et une fibre d'une racine antérieure; d’ailleurs, une fibre nerveuse, ne peut être considérée comme un élément anatomique distinct du corps de neurone. « Dans tout arc réflexe, il y a à considérer au moins deux neurones : un neurone de ganglion spinal et un neurone de corne antérieure. Donc, l'arc réflexe le plus simple comprend au moins quatre éléments : un organe périphérique d'impression et un organe périphérique de réflexion, réunis par une chaîne de neurones, com- prenant au moins deux neurones, mais pouvant en con- tenir plus de deux. Dans le cas d’une chaîne à deux neurones, on peut distinguer le premier neurone (ou neurone sensitif), élément des ganglions spinaux, et le second (ou dernier) neurone (ou neurone moteur), élé- ment des cornes antérieures. Dans le cas d’une chaîne à plus de deux neurones, on peut encore distinguer le premier neurone, élément des ganglions spinaux, et le deinier neurone, élément des cornes antérieures, faci- lement accessibles à l’expérimentation… « Où doit-on placer le centre réflexe, c’est-à-dire le point où se fait la réflexion de l’influx nerveux? Si les divers neurones de l'arc réflexe étaient anastomosés entre eux de facon à constituer un tout anatomique, pour ainsi dire indivisible, on pourrait conserver la vieille conception ; et, faisant abstraction des cylindres- axesextra-médullaires, considérer comme centre réflexe l’ensemble des neurones entrant en activité, Mais il a été élabli que les neurones ne sont pas en continuité de substance, mais seulement en contiguité : done, l'arc réflexe est formé d'éléments distincts ; d'autre part, on n'a pas le droit de séparer les cylindres-axes des neu- rones auxquels ils appartiennent. Ausei a-t-on pro- posé ! de placer le centre réflexe entre les deux neurones intéressés, dans la substance interposée, puisque c'est à son niveau que l’influx nerveux passe du premier neurone, centripète, dans le second neu- rone, centrifuge. Toutefois, il nous déplait de consi- dérer comme centre réflexe une région banale, un terrain vague, compris entre les éléments actifs; ce n'est pas là un centre, au sens généralement adopté 1 M. le Professeur Morat. pour ce mot. Comme on a abandonné la vieille con- ception du réflexe, il faut abandonner l'expression de centre réflexe, et lui substituer une autre expression, qui constitue une image plus exacte de la réalité : nous proposons l'expression relai du réflexe. Cette substi= tution est d'autant plus nécessaire que, dans le cas, au moins possible, d’un arc réflexe à plus de deux neu- rones, il est difficile de préciser la place du centre : sera ce entre le 1% el le 2°, entre le 2° et le 3°, entre le n« et le (2 + 1)°? Faudra-t-il donc admettre autant de centres qu'il y a d'espaces interneuroniques? Ce ne serait pas conforme au sens qu'on attribue généralement à l'expression centre. Il faut donc, à l'expression de centres réflexes, substituer l'expression de relais des réflexes. « En résumé, dans un réflexe, on peut considérer un organe d'impression et un organe de réflexion, réunis. par une chaîne de neurones; ces neurones présentant entre eux des points de communication par contiguité, non par continuité; ces points constituant ce que les histologistes appellent les articulations de neurones, ce que les physiologistes auront avantage à appeler les relais des réflexes, » 5 $ 6. — Géographie et Colonisation Le Congrès international de Sociologie coloniale. — La multiplicité des Congrès tenus à Paris pendant l'Exposition Universelle, la saison dans laquelle ont eu lieu quelques-uns d’entre eux, n’ont pas toujours permis aux intéressés de les suivre avec toute l’assiduité désirable. Cependant, ces Congrès ont parfois fourni une somme de travail considérable et réuni des documents précieux. Aussi conviendra-t-ik d'en reparler au fur et à mesure que paraïîtront leurs comptes rendus. Deux Congrès coloniaux se sont tenus en 1900 : l'un se proposait pour but l'étude des progrès matériels, l’autre avait pour objet la Sociologie coloniale. C'est de ce dernier que nous nous proposons aujourd'hui d’en- tretenir les lecteurs de la Revue. Le mot de Sociologie coloniale est un peu vague, et les études qu'il embrasse assez mal définies. S'il est. relativement facile d'apporter une méthode scientifique et de s’appuyer sur des faits précis dans l'examen des moyens propres à assurer la mise en valeur des colonies,. tels que le régime des chemins de fer, de la navigation fluviale, celui des concessions, celui de la main-d’œu-" vre, on risque davantage de s'égarer lorsqu'il s’agit de l'organisation juridique, politique et sociale à donner aux populations coloniales, par suite de l'ampleur même du problème et des préoccupations d'ordres divers qu'on apporte dans cette étude. Aussi, bon nom- bre de coloniaux, connaissant l'esprit qui anime, em France et en Angleterre notamment, certaines Sociétés dites de protection des indigènes, plus généreuses que prudentes, n’étaient-ils pas sans inquiétude et crai- gnaient-ils de voir le Congrès verser dans la phraséo= logie et l'utopie. Hàtons-nous de dire que, s’il a quel- quefois côtoyé ces écueils, il les a néanmoins suffisam= ment évités pour donner tort à ses détracteurs et pour que son œuvre ait conservé, dans l’ensemble, une. portée sérieuse et un caractère pratique. Le mérite en revient à la Commission d'organisation, à l'éminenb président du Congrès, M. Le Myre de Vilers, à sons secrétaire général, M. Paul Leseur, professeur de Légis= lation coloniale à l'Université de Paris. + Les publications du Congrès, récemment parues; occupent deux volumes ‘; le premier comprend les Rap- ports qui ont servi de base aux discussions, le compte rendu sténographique des séances, séances de sec= tions ou séances plénières ; le tome second est consas cré à la reproduction des Mémoires composés à l'occa=n 1 Exposition Universelle internationale de 1900. Congrès international de Sociologie coloniale, teou à Paris du 6 au A1 août 1901. 2 vol., in-80. Paris, Rousseau, 1901. np? D CETTTTe CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE V5 ———— ——_—_—_— —…—…—…—…"…"…"…"—"—"…"…"…"…"…"—"…"—"…"…"…"…"…"…"—"—"”"—"—…"…"—"—"—"—"…"…"…"…—…—…—…——…—…..———————_—— —.—— sion du Congrès. Le thème général choisi était l'étude des devoirs que l'expansion coloniale impose aux Puissances colonisatrices, dans les colonies proprement dites, à l'égard des populations indigènes. Trois sec- tions devaient étudier respectivement la condition politique et juridique des mdigènes, leur condition matérielle et leur condition morale. Deux systèmes sont en présence en ce qui concerne Ja politique à suivre vis-à-vis des indigènes : ou bien les laisser s'administrer eux-mêmes sous la tutelle euro- péenne et n'intervenir que dans la mesure où cette intervention est reconnue absolument indispensable ; ou bien les assimiler aux habitants de la métropole en leur imposant nos idées et nos lois, et ne les laisser vivre de leur existence propre que dans la mesure où il n’est pas possible de faire autrement. C’est au pre- mier de ces systèmes, le seul raisonnable et le seul qui ait jamais réussi en fait, que s'est finalement rallié le Congrès ; c’est celui qu'ont préconisé les trois Rap- ports les plus remarquables que le Congrès ait eu à discuter, ceux de MM. Van Kol, Girault et de Saussure. M. Van Kol, membre du Parlement hollandais, avait à exposer dans quelle mesure et dans quelles conditions il y avait lieu de maintenir les organismes adminis- tratifs indigènes ; il a conclu avec beaucoup de force que la politique coloniale devait tendre au maintien de ces organismes. « Nous ne pouvons, a-t-il dit, régler l'évolution à à notre gré. Nos souhails sont impuissants, nos ordres ridicules et nuisibles. Ce n’est pas à coups de décrets qu'on change une organisation sociale, encore moins par une armée de soldats et de fonctionnaires. Gouver- ner directement ces peuplades des pays lointains et inconnus, ces indigènes dont nous ne connaissons ni les vœux ni les désirs, nous ne l’avons jamais su, nous ne le saurons jamais ». fl faut gouverner les indigènes avec et par leurs chefs. L'oubli de ce principe conduit à des mécomptes, parfois même à des catastrophes. « Citez-moi, dit M. Van Kol, un seul exemple, depuis des siècles, d’un gouvernement européen qui ait réussi, même eu apparence, à assimiler une colonie qu'il à administrée, et je suis prêt à me déclarer xaincu. Partout, au contraire, où l’on a gardé les admi- nistrations indigènes, on a réussi. » M. Arthur Girault, professeur à la Faculté de Droit de Poitiers, s'est occupé, dans un Rapport très docu- menté, de la condition des indigènes au point de vue de la législation civile et criminelle et de la distribution de la justice. « Les nations colonisatrices, a-t-il dit, doivent respecter la double organisation de la famille et de la propriété à laquelle les indigènes sont habi- tués et attachés; ce n’est jamais impunément qu'on entreprend de bouleverser cette organisation, Il faut aussi en principe maintenir les juridictions indigènes sauf en matière pénale, où le soin de rendre la jus- tice doit être confié aux autorités européennes. La séparation des autorités administrative et judiciaire, qui apparaît aux Européens comme une base essen- tielle des libertés publiques, n’est pas désirable aux colonies, et y offre, au contraire, des inconvénients de plus d'un genre; aux yeux de l'indigène, c'est une chinoiserie pure, un émiettement incompréhensible du pouvoir; il ne comprend pas que celui-là qui com- mande ne puisse pas réprimer ». Le Congrès, à une faible majorité, il est vrai, s'est refusé à suivre sur ce dernier point M. Girault; à notre avis, c'est le Congrès qui a eu tort. M. de Saussure, auteur d’un intéressant ouvrage sur la Psychologie de la colonisation française, à rédigé un Rapport très philosophique sur la condition morale des indigènes et les moyens auxquels il convient d'avoir recours pour élever leur niveau. Il a condamné la doc- trine de l'assimilation, qui pousse au prosélytisme de la langue, de la morale et des institutions. L'éducation est, pour M. de Saussure, l'art de développer et d'uti- liser les facullés héréditaires en vue des fonctions qu'elles auront à remplir dans le milieu auquel elles sont destinées. « Quel que soit le milieu social, a-t-il dit, quel que soit son degré d'évolution, au lieu de le bouleverser, au lieu de chercher à le faire entrer artifi- ciellement dans les cadres de notre civilisation, nous devons chercher à le développer, à utiliser ce qui existe et nous garder de détruire systématiquement ce que nous ne pouvons remplacer etficacement. » Le Rapport de M. de Saussure constituant, à certains égards, un réquisitoire contre la politique coloniale de la France, M. J. Chailley-Bert a très justement relevé ce qu'il contenait d'excessif à ce sujet; il a montré que la France a pu, en effet, être séduite autrefois par l'idée d'assimilation, mais qu'elle s’est ressaisie depuis lors, qu'elle n’a pas persévéré dans ses anciennes méthodes, et qu'elle marche vers une colonisation ra- tionnelle et scientifique, tenant compte du milieu et desraces, sachant, par exemple, qu'on ne peut prétendre par l’école transformer un peuple en une génération, parce que, selon un mot célèbre, l'humanité se com- pose de plus de morts que de vivants. Nous avons insisté sur ces trois Rapports de MM. Van Kol, A. Girault et de Saussure, qui nous ont paru les plus importants. Il faut y joindre un Rapport de M. le D: Georges Treille sur les moyens propres à assurer la conservation des races indigènes et à préverir leur dégénérescence physique; ici, tout le monde est d’ac- cord sur les grandes lignes, notamment sur la lutte contre l'alcoolisme, les mesures contre la lèpre et les épidémies, Il y aurait, au contraire, bien des réserves à faire sar les conclusions de M. Alexander, qui proposait d'ac- corder aux indigènes la liberté de réunion et la liberté de la presse, conclusions que n'a, d’ailleurs, pas ratifiées le Congrès, et sur celles de M. Nouet, qui a demandé la suppression de la corvée sans trop indiquer par quoi on la remplacerait. Les mémoires et communications individuelles, qui occupent le tome IT du Congrès, sont, si l'on en excepte les documents communiqués par le Gouvernement por- tugais sur la situation des indigènes de ses colonies, sans grande importance, quelques-uns même tout à fait dépourvus d'intérêt. Le Congrès à décidé qu'il serait périodique ; la Com- mission permanente qu'il a constituée devra seulement prendre garde de borner sa tâche à préparer les tra- vaux du prochain Congrès, ainsi qu'elle en a recu la mission. La véritable conclusion nous est fournie par l'un des hommes qui ont le plus fait pour notre renais- sance coloniale : « Concilier les intérêts des colons avec les intérêts matériels des indigènes, a dit M. Chailley- Bert, telle est la noble cause qui doit être le but de la politique coloniale. » Le Congrès international de Socio logie coloniale a très bien fait de s'occuper des indi- gènes : il ne devra pas oublier cependant que la colo- nisation suppose des colons. AS1B-40E La Revue d’Asie. — Nous avons plaisir à annon- cer l'apparition toute prochaine d’un recueil bimensuel consacré aux questions d'Asie. La Revue d'Asie', — c’est le titre de la nouvelle publication, — exposera, selon les indications de l'actualité, les questions écono- miques et politiques relatives aux pays asiatiques, spé cialement celles où se trouvent engagés les intérêts économiques ou politiques de notre pays. La Revue d'Asie est dirigée par M. Maurice Gandolphe, Le premier numéro, qui paraît aujourd'hui même, contient un ärticle de M. Anatole Leroy-Beaulieu sur l'Asie, des « Opinions », de M. Stéphen Pichon sur le rôle politique de Liom Shun et des notes de M. Roger Max sur les Beaux-Arts à la prochaine Exposition de Hanoi. 7 1 Rédaction et administration, 1, rue de Grammont, Paris. 946 LES CARBURES Dans la Métallurgie et la Céramique, l'industriel, depuis des milliers d'années, a utilisé de hautes températures pour obtenir des métaux, des verres et des terres cuites. Ces températures élevées étaient produites par la combustion du bois ou du charbon. Plus tard, les savants et les curieux de nouveaux phénomènes ont concentré la chaleur solaire au moyen des miroirs et des verres ardents pour réaliser quelques expériences intéressantes. Il y à deux siècles, l'importance de l’action de la chaleur dans les différentes réactions était si bien appréciée qu'elle a servi de base à la théorie du phlogistique de Sthal. Et, lorsque la Chimie s'est constituée à l’état de science, les idées de Lavoisier sur la combustion ont été le point de départ de cette profonde transformation. L'emploi du chalumeau à hydrogène el à oxy- gène permit à Robert Hare ?, en 1802, d'obtenir des températures plus élevées que celles des fours indus- triels les plus puissants et de réaliser en petit plusieurs expériences très curieuses, telles que la fusion du platine et la volatilisalion de la silice. On sait quelle heureuse application Deville et Debray firent plus tard du chalumeau à hydrogène pour l’élude de la métallurgie des métaux du platine*. Mais la plus importante des découvertes réa- lisées sur ce sujet, dans le siècle dernier, fut celle de la dissociation faite par Henri Sainte-Claire Deville *. Après un grand nombre d'études et de recherches heureusement poursuivies sur ce sujet, on comprit mieux l’action de la chaleur, et, dans un certain nombre de cas simples, on put en établir les lois. Enfin, la question du chauffage des fours ordi- naires, après de grandes discussions, à été fixée comme pralique et comme théorie par les travaux d'Ebelmen * et les belles recherches de Siemens ‘. À chacune de ces étapes correspond un ensemble z ! Cet article est la mise au point et le développement d'une conférence non publiée donnée l'an dernier au Con- grès international de Chimie. ? Rosert HARE : Memoir on the supply and application of the Blow-pipe (1802). Phil. Mag., XIV, p. 238-245, 298-306. Ann. de Chim., 1802, t. XLV, p. 113-138. % H. SainTe-CLatREe Device et DEsraY : Du platine et des métaux qui l'accompagnent. Ann. de Chim, et de Phys. (3), t. LVI, p. 385-496. % H. Sare-CLaiRE DEvILLE : De la dissociation ou décom- position spontanée des corps sous l'influence de la chaleur (1857). C. R., t. XLIII, p. 857. * EseLmex : Recherches sur la production et l'emploi des gaz combustibles dans les arts métallurgiques (1843). Ann. des Mines, t. II, p. 207-263. ° Charles-William SIEMENS : On a regencrative gas fur- nace, as applied to glass house, puddling, heating, etc. (1862). Chemical News, t. VI, p. 19-20, 33-35. H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES MÉTALLIQUES de découvertes, soit que l'étude d'un certain nombre de réactions fût poussée plus loin, soit que de nouveaux composés vinssent enrichir la Science et finalement l'Industrie. Mais le chalumeau à oxygène et à hydrogène ne permet d'atteindre qu'une température de 4.800°, Le point de fusion du platine, mesuré par M. Violle ‘, est de 1.775°. Il était utile d'étudier nos réactions chimiques au delà de cette température Déjà, différents chercheurs parmi les savants et les industriels avaient tenté d'utiliser la tempé- rature élevée de l’arc électrique, découvert il y a bientôt un siècle par Humphry Davy. Mais ces essais ne pouvaient être poursuivis avec succès avant la mise au point de la machine dynamo- électrique. La découverte de Gramme et le perfec- tionnement continu des dynamos mettaient enfin dans la main des chimistes une source puissante de courant électrique qu'il était facile de transformer en chaleur. Par une coïncidence assez curieuse, notre Science a pu, en quelques années, reculer les frontières connues de la chaleur et du froid. Après les expé- riences si importantes de M. Cailletet *, qui ont servi de point de départ à ces nouvelles études, après les recherches originales de Raoul Pictet, d'Ols- zewski, .de Wroblewski, M. Dewar° a pu obtenir l'hydrogène liquide à l’état statique et, par l’ébul- lition de ce dernier, descendre à la température la plus basse obtenue jusqu'ici, ceile de la solidifi- cation de l'hydrogène — 252°,5, c'est-à-dire 2095 au- dessus du 0 absolu. L'échelle maniable de nos tem- pératures s’est donc considérablement agrandie. Moins heureux que M. Dewar, nous n'avons pu, dans la longue série d'expériences que nous avons exécutées au moyen du four électrique, déterminer d'une facon exacte à quelle limite extrême de tem- péralure nous étions parvenu. À la suite d'expériences délicates, M. Violle ‘ a donné comme point de volatilisaiion du carbone là température de 3.500°. Mais, ainsi que nous le démontrerons plus loin, la température de l’are granditavec l’intensité du courant, et la question de la mesure de ces températures élevées exige de nouvelles recherches. Pour fixer dès lors les con- ! Vrozce : Chaleur spécifique et chaleur de fusion du pla- tine (1877). C. R., t. LXXXV, p. 543-546. ? Career : Sur la condensation des gaz réputés incoer- cibles (1877). C. R., t. LXXXV, p. 1270-1271. # Dewar : Sur la liquéfaction de l'hydrogène et de l'hélium (1898). C. R., t. CXXNI, p. 1408. “ Vioze : Sur l& température de l'arc électrique (1892). C. R.,t. CXN, p- 1278 ett. CXIX, p. 949: * H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 947 ditions de nos essais, nous avons indiqué avec soin le voltage et l'ampérage du courant et la durée de “l'expérience. Le diamètre des électrodes et la capa- “cité du four avaient été établis au préalable et restaient constants. Tout d'abord, nous avons reconnu qu'à la tem- “pérature de notre four électrique, les oxydes métal- “liques regardés jusqu'à présent comme irréduc- - tibles sont facilement décomposés. De même, des “réactions, qui étaient limitées aux plus hautes tem- Maures de nos fourneaux ordinaires, sont deve- nues totales. Un grand nombre de nos corps com- posés ont été dissociés à ces températures élevées, “ct, par contre, de nouvelles séries de combinaisons “définies et cristallisées ont été obtenues. Nous avons préparé ainsi des composés inconnus, pré- sentant une grande stabilité, tels que les carbures, les borures et les siliciures. La plupart de ces “ nouveaux composés binaires peuvent aussi être “ détruits en iout ou en partie si nous augmentons - l'intensité du courant, c'est-à-dire la température. - Quelques-uns de ces carbures nous présenteront | une gamme bien nette de dissociation. Nous retrouvons ainsi, aux environs de 3.000°, les mêmes ois générales qui régissent la décomposition des corps par la chaleur à des températures plus basses. Lorsque nous avons voulu reproduire le dia- mant’', nous avons bien vite reconeu que nos recherches devaient s'étendre et embrasser l'étude des différentes variétés de carbone”. Cette question, ainsi généralisée, comprenait un chapitre intéres- sant, qui était celui de la solubilité du carbone dans les métaux en fusion. Et, comme un certain nombre de ces métaux avaient un point de fusion très élevé, nous avons entrepris des expériences - au moyen du chalumeau à gaz oxygène et hydro- gène. Dans ces conditions, la fusion du métal en pré- sence d’un excès de charbon se produit dans une atmosphère riche en vapeur d'eau, c’est-à-dire _oxydante. D'autre part, la combustion du charbon et la vapeur de carbone fournissent un milieu réducteur. De telle sorte que, si l’on n’atteint pas une lempérature constante, il est impossible d’ob- tenir un équilibre défini entre ces différentes réactions. De plus, on n'arrive pas, dans ces conditions, à des réactions complètes, et les résultals sont varia- bles d'une expérience à l’autre. C'est pour obvier en partie à ces inconvénients que nous avons ima- giné notre four électrique. 1 Morssax : Sur la préparation du carbone sous une forte pression (1893). C. R., t. CXVI, p. 218. ? Morssan : Recherches sur les différentes variétés de carbone. Ann de Chim. et de Phys. (1896), (1), t. VII, p- 240-289; 289-306 : 466-559, Avec cet appareil, nous opérons dans une atmo- | sphère réductrice, et, si l'on utilise un courant assez intense, on obtient très rapidement une température constante, qui est celle de l’ébullition de la chaux vive. Au contraire, si l’on place la substance à étudier très près de l'arc, c'est-à-dire du conducteur gazeux de vapeur de carbone qui réunit les électrodes, la température s'élève avec l'intensité du courant. Une réaction chimique va nous le démontrer. Avec un courant de 400 ampères sous 50 volts, la réduction de l'acide titanique par le charbon fournit un oxyde de couleur bleu indigo. Avec 300 ampères et 70 volts, on obtient une masse fondue d’azoture jaune, tandis que la haute tempé- rature d’un are de 1.200 ampères sous 70 volts donne un carbure de titane exempt d'azote. Avec un courant aussi intense, l’azoture de titane ne peut plus se former; sa dissociation par la cha- leur est complète et le carbure seul peut subsister. Nous rencontrerons, en poursuivant cette élude, d'autres exemples de combinaison, puis de décom- position sous l'action d'un arc électrique de plus en plus intense. L — HisToRIQUE. Jusqu'à ces dernières années, la chimie des car- bures métalliques était très sommaire. Nous devons rappeler tout d’abord que, en 1827, Thénard' n'indique dans son Zrailé de Chimie, comme composés du carbone et des métaux, que les carbures de fer, qui, d’après lui, comprennent surtout l'acier et le graphite. En 1826, Edmond Davy avait signalé, dans la préparation du potas- sium, sans qu'on y attachàt une grande impor- tance, la formation d’un composé noir qui se détruisait en présence de l’eau, en fournissant un nouveau carbure d'hydrogène. Nous arrivons maintenant aux recherches de Hare*, Ce chimiste a chauffé, en 1839, sous l’action d'un are fourni par la pile électrique, un mélange - de sucre et de carbonate, d'oxyde ou de nitrate de calcium. Il annonça avoir obtenu un carbure de calcium, bon conducteur de l'électricité qui, frotté sur le biscuit de porcelaine, prenait l'aspect de la plombagine, et qui était inattaquable par l'acide acétique et l'acide chlorhydrique. Ces propriétés rapprochent plutôt le produit de Hare du graphite que du carbure de calcium. Il n'en à pas donné l'analyse. Beaucoup plus el Cahours* tard, Gerhardt 1 Tuénaro : Traité de chimie (1821). 2 Hare : Proceedings of the philosophical Sociely, 1839 et l'Institut, du 10 septembre 1840, n° 350, p. 310. # Gernaror et Canours : Recherches chimiques sur les "948 signalèrent la formation d'un carbure d'argent CAg, préparé sous forme d’une poudre noire amor- phe par la calcination du cuminate d’argent. En 1861, la question s'élargit au moment où M. Berthelot publie son étude magistrale de l'acé- tylène et des acétylures'. Ce savant découvre l’acétylure de cuivre ; en le décomposant par l'acide chlorhydrique, il obtient l'acétylène pur, et, en chauffant dans ce gaz un métal alcalin, il prépare? les composés métalliques carburés CHNa et C?Na’. Cette dernière expérience est loujours accompa- gnée d'une polymérisation partielle de l’acétylène, etilse produit en même temps un dépôt noir de charbon. Peu de temps, après le début des recherches de M. Berthelot, Wæœhler indiqua la première réaction chimique pouvant produire du carbure de cal- cium. En chauffant l’alliage de zinc et de cal- cium préparé par Caron, dans une brasque de charbon, il obtint une masse pulvérulente noire renfermant un excès de charbon qui, au contact de l’eau froide, dégageait un mélange de différents gaz. Parmi ceux-ci, Wæhler a caractérisé qualila- tivement l’acétylène. L'analyse complète du mélange gazeux n’a pas été faite et le carbure de calcium n’a pas été analysé. MM. Troost et Hautefeuille * ont indiqué, de leur côté, la préparation d'un carbure de manga- nèse fondu CMn*, sans étudier longuement ses propriétés et sans parler de sa décomposition par l'eau. Enfin, nous devons rappeler aussi le bel ensemble de recherches publiées sur le rôle du carbone dans les fontes et les aciers. À la suite d'un grand nombre de travaux, parmi lesquels nous tenons à citer ceux de Sir F. Abel, de Deering, de Muller, d'Osmond et Wærth(1885), d'Arnolds et Read (1894), de Mylius, Fœrster et Schweng (1896), qui est un modèle de patientes recherches et d'habileté expé- rimentale, ceux de Campbell (1896), de Juptner (1896), on est arrivé à retirer de l'acier recuit ou fondu un carbure cristallisé nettement défini, de formule CFes. II. — CARBURES MÉTALLIQUES. Tel était l'historique de la question au moment où nous avons commencé nos recherches. Tous les huiles essentielles. Ann. de Chim. et de Phys. (1840) (3), t. I, p- 16. * BenrueLor : Synthèse de l’acétylène par la combinaison directe du carbone avec l'hydrogène (1861). C. R., t. LIV, p. 640 et 1042; et Recherches sur l'acétylène (1863). Ann. de Chim. et de Phys. (3), t. LXVNII, p. 52. * BerrueLor : Sur une nouvelle classe de radicaux métal- liques composés (1866). Ann. de Chim. et de Phys. (4), t. IX, p.385. ® Tnoosr et HAUTErEUILLE : Étude calorimétrique sur les H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES chimistes, à cette époque, savaient que certains oxydes étaient irréductibles par le charbon, et il était logique de penser que, par une élévation plus grande de température, la réaction deviendrait possible, et que l’on préparerait ainsi certains métaux. Il n’en est rien cependant, et nous allons démontrer que les oxydes chauffés avec du charbon à haute température ne fournissent le plus souvent que le composé binaire du métal avec le carbone: stable à la température à laquelle on opère. Ces nouveaux composés, ces carburesmétalliques, que l’on prépare et étudie facilement au laboratoire, peuvent se diviser en deux grandes classes : La première renferme les carbures non décomposables par l’eau; ce sont les suivants : Carbureïde fer: em: TR ER CFe® —=%-Heichrome. MM IEEE C?Cr* — TES LOUE VAS SU CCr* —Hude MolyDAÈnE NRC CMo? de TU SS ENC MENT CTu — on tte VOTE AT à ACTU — de vanadium . . . . . . . CVa — JeATCOMUME CN ER RE CZr —rhrdertitanc int. en ARE . CTi La deuxième famille contient les carbures dé- composables par l'eau froide, tels que vous les voyez groupés dans ce tableau : Carbure de thIUmMN. EF ETES C°Li? —Waderpotassium M 0. C?K? — de SOU CRC C?Na° — MIE CALCIUM EU CCE MIE SILODTIUMI Se NC C?Sr JE DECYUULE- Ce C°Ba —, Cie /CÉTIUR NE ee C?Ce —de Janthane fee C?La M delpres 0 MERE EN TE CéPr —1\Wdenéodyme CCR CNd —AMPTerSAMATIUDE EME C?Ssm NV ECO EN ENS NE EN EMENUR CC» — Mid ;deéthonium te ON C?Th — 0 d'AluMINIUM 0e CAL! "de SlUCINIUIN- -- Ce CGE Hadermainsanese. MIE CMn° Aura: Ne ce CAUr° $ 1. — Carbures non décomposables par l’eau. Parmi les carbures stables en présence de l’eau, nous donnerons quelques détails sur les plus im- portants. 1. Carbure de fer. — Le carbure de fer CFe’, dont l'existence dans l'acier a été nettement établie par de nombreux savants, peut se préparer avec facilité au four électrique’. Nous avons déjà fait remarquer que, en chauffant, dans notre four élec- trique, du fer doux avec un excès de charbon de sucre, la solubilité du carbone augmente nelte- carbures, les siliciures et les borures de fer et de manga- nèse (1816). Ann. de Chim. et de Phys., (5), €. IX, p. 6. 1 Motssan : Préparation du carbure de fer par union directe du métal et du carbone (1897). C. /., t. CXXIV, p. 716-722. à Ai H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES ment avec la lempéralture, et, résultat inattendu, lorsque le creuset de charbon esl très fortement chauffé, la fonte devient visqueuse. Il est alors pos- sible de retourner le creuset, sans rien laisser écou- ler, mais quelques instants plus tard, grâce au refroidissement, la fonte ne tarde pas à reprendre £ M Lu AITRES = r toute sa fluidité. Lorsque celte fonte se refroidit lentement à l'air, elle ne renferme après l’expé- rience que du graphite et 1 °/, de carbone combiné. Il en est tout autrement si l’on refroidit avec rapi- dité cette fonte dans l’eau. On réalise facilement l'expérience à l’aide d’un creuset contenantenviron 300 grammes de fer chauffé au four électrique, en présence d’un excès de charbon de sucre, avec un courant de 1.200 ampères sous 60 volts. Après huit minutes de marche, lorsque la distillation du fer commence à se produire, on ouvre le four et le creuset est plongé dans l’eau froide. Une violente ébullition se fait aussitôt; il y a dissociation de l’eau et dégagement d'hydrogène que l’on voit brûler avec une flamme peu éclairante. Nous avons ici à envisager deux phénomènes : ou bien la résistance intérieure du culot métallique a été suffisante pour permettre à la partie encore liquide d'augmenter de pression en passant de l’état liquide à l’état solide, et, dans ce cas, ilse produit du diamant. Ou bien, la partie extérieure, qui est la première refroidie, s'est craquelée, la fonte liquide intérieure est sortie par les craquelures, il n'y a pas eu de pression et loute la masseaprès refroidissement présente une cassure nettement cristalline. Dans ce deuxième cas, le culot estpresque entièrementformé decarbureCFe, carbure très bien cristallisé que l’on sépare avec facilité en traitant la masse par un acide étendu. Les cristaux de carbure de fer sont très brillants, mais très oxydables. Ils sont lavés rapidement à l'alcool, puis à l’éther, et enfin séchés dans le vide. Leur densité est de 7,07. Ils ne sont pas attaqués par l'oxygène sec à la température ordinaire; mais, réduits en poudre, ils prennent feu dans l'air à + 150° et brûülent avec éclat dans l'oxygène à la mème température. L'acide azotique monohydraté ne les attaque pas. Chauffés en tube scellé avec de l'eau pure ou saturée de chlorure de sodium à la température de + 150°, ils ne produisent aucune décomposition. Il n’y a pas formation de carbures d'hydrogène liquides ou gazeux. Le carbure de fer est relativement stable. En résumé, cette nouvelle préparation du car- bure de fer nous a semblé assez curieuse. Lorsque l’on chauffe du fer pur et du charbon de sucre à la haute lempérature du four électrique, puis qu'on . laisse refroidir lentement le creuset, on ne trouve dans le métal qu'une très petite quantité de car- bone combiné, comme nous l'avons fait remarquer précédemment. On obtient ainsi une fonte grise solidifiable vers 1.150. Si le métal, à une tempéra- ture de 1,300° à 1.400°, est coulé dans une lingotière, il renferme, après refroidissement, du graphite et une quantité plus grande de carbone combiné : c'est la fonte blanche. Enfin, si l'on refroidit brus- quement dans l'eau le fer saturé de carbone à 3.000°, il se produit dans le métal une abondante cristallisation et l’on peut en séparer un carbure cristallisé et défini de formule CFe*, Ce carbure est identique à celui de l'acier. Tous ces faits peuvent s'expliquer simplement en admettant que le carbure de fer peut se former à une température très élevée, puis se décomposer progressivement par une diminulion de tempé- rature. On en retrouve une notable quantité dans l'acier dont le point de fusion estélevé, un peu moins dans la fonte blanche et très peu dans la fonte grise. Dans toutes nos expériences, nous n'avons envisagé que la formation .du carbure dans le métal liquide. 2. Carbures de chrome. — Adressons - nous maintenant à un autre métal, le chrome, que nous pouvons préparer en grande quantité sous forme de fonte au moyen du four électrique. Le chrome, chauffé en présence de charbon, peut donner naissance à deux carbures C'Crt et C°Cr° ("). Le premier se présente en aiguilles brillantes mordorées, qui se rencontrent souvent à la surface des lingots de fonte de chrome. Le deuxième est formé de lamelles brillantes, qui se produisent lorsque l’on chauffe le chrome en présence d'un excès de charbon. Ces deux carbures, très stables, à peu près iuattaquables par les acides, possèdent une grande dureté. Nous ne nous arrêterons pas aux propriétés de ces différents composés dont l'étude chimique a été faite par nous d’une manière aussi complète que possible, mais nous tenons surtout à établir les relations qui les relient les uns aux autres. Nous rappellerons que ces car- bures peuvent être affinés au four électrique et fournir un métal pur dont les propriélés sont toute nouvelles, car il est très malléable, il peut se limer avec facilité, prendre le poli du fer etne raye mème pas le verre. 3. Carbure de molyhdène. — Le carbure de molybdène CMo*, qui se prépare au four électrique en chauffant le molybdène avec un excès de char- bon, se présente en petits prismes allongés très brillants, attaquables par l'acide nitrique. 4. Carbure de tungstène. — Le tungstène nous a donné deux carbures métalliques. Le premier, 1 Morssan : Nouvelles recherches sur le chrome (1894) C. R, t. CXIX, p. 185-191. 950 H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES CTu nous l'avons obtenu au four électrique en maintenant le tungstène liquide en présence d'un excès de charbon‘. Le second a été préparé dans notre laporatoire par M. Williams* en faisant agir le carbone sur un mélange de fer et de tungs- tène toujours au four électrique. Dans cette der- nière préparation, on obtient des cristaux cubi- ques, et ce carbure CTu peut se former parce que l'addition du fer au tungstène abaisse le point de fusion du métal. En résumé, le composé CTu se produit à une température plus basse que le com- posé CTu”. Et lorsqu'on chauffe fortement au four électrique le carbure CTu, il donne le composé CTu* en abandonnant du carbone. >. Carbures doubles. — Nous devons rappeler aussi que M. Williams * a obtenu le premier des car- bures doubles tels que : CFe’. GMo°— CFe*. 3 CCr?, etc., etc., dont quelques-uns ont été retrouvés par MM. Carnot et Goutal dans les aciers et les ferro- chromes, auxquels ils donnent des qualités spé- ciales. Dans cette série se trouvent les carbures de va- nadium, de titane, de zirconium”, qui ont pour formule générale CM, qui sont très bien cristallisés el possèdent une stabilité remarquable. Ils se pré- parent tous les trois au four électrique par union directe des éléments et possèdent une propriété physique importante : leur grande dureté. $ 2. — Carbures décomposables par l’eau froide. Les carbures de la deuxième classe, c'est-à-dire ceux qui sont décomposables par l’eau froide, pré- sentent aussi des propriétés curieuses. 1. Carbure de Lithium. — Nous avons pu pré- parer le carbure de lithium CL par l’action du carbone sur le carbonate de lithine au four élec- triquef. Nous obtenons ainsi un corps transparent parfaitement cristallisé, à réactions énergiques : COSLi + 4 C— CLi + 3 CO. On remarque tout de suite que sa préparation au four électrique est plus délicate que celle des car- 4 Moissan : Recherches sur le tungstène (1896). C. AR. t. CXXIII, p. 13. = P. Wiccraws : Sur la préparation et les propriétés d'un nouveau carbure de tungstène (1898). C. R.,t. CXXVI, p. 1722. # P. Waccrams : Sur un carbone double de fer et de tungstène ; et Sur la préparation, les propriétés des carbures doubles de fer et de chrome, de fer et de molybdène (1898). C. R., t. CXXNII, p. AOet p. 483. 4 Carxor et GouraL : Recherches sur l'état chimique des divers éléments contenus dans les produits sidérurgiques. Carbures doubles de fer et d'autres métaux (1899). C. R., t. CXXVIII, p. 207. * Morssax : Le Four électrique (1897), p. 243, 250, 259, 5 Moissan Sur le carbure de lithium (1896). C. A. t. CXXII, p. 362. ( bures précédemment décrits. Quand on emploie une quantité de carbonate de lithine suffisante et un i arc électrique peu intense (400 volts sous 50 am- pères), la préparation est assez facile; mais pour peu que la température s'élève rapidement ou que» l'expérience soit de trop longue durée, le carbure obtenu est en partie décomposé et le rendement: devient très faible. Le carbure de lithium décompose l’eau froide en donnant du gaz acétylène pur et de l'hydrate de lithine. Un kilogramme de ce composé fournit 587 litres d’acétylène : ŒLi + 2 H°0 — CH? + 2Li0H. Ce carbure de lithium prend feu à la tempéra=m ture ordinaire dans le gaz fluor. Si l'on examine un appareil à fluor en marche, on peut voir qu'en approchant un fragment de carbure du tube des cuivre par lequel le fluor se dégage, il se produit une incandescence très vive. La même expérience peut également se repro- duire avec le chlore. Si l'on prend un tube de verre contenant une nacelle remplie de carbure de lithium à la température du laboratoire, et que l'on fasse arriver dans cet appareil un courant rapide de chlore, tout de suite le carbure est porté au rouge vif. La réaction est violente. | _ Du reste, nous tenons à faire remarquer en pas- sant que cette expérience est importante et ques par l’action du chlore sur les carbures, nous pou- vons préparer avec facilité les chlorures métalli= ques. Cette réaction est générale. 1 Nous ajouterons que le carbure de lithium, chauffé vers 300°, prend feu et brûle avec vivacité M dans l'oxygène, dans la vapeur de soufre et de. sélénium. C'est un réducteur d'une très grande énergie. 2. Carbure de potassium. — Passons maintenant à l'étude du carbure de potassium C°K°. M. Berthe= lot en a indiqué l'existence. Il l’obtenait en chauf- fant du potassium dans une cloche courbe remplie de gaz acétylène. Nous avons pu préparer le mêmes composé, en partant d’un corps cristallisé qui an pour formule C°K?.C*H° et que l’on obtient par l'ac=m tion de l’acétylène sur le potassammonium" : 3 C2H® + 2 AzH°K — C?K2CH° + 2 AzH° + CH*. L'expérience peut se faire rapidement. Dans une solution de potassammonium dans le gaz am- moniac liquéfié, l'on amène un courant de gaz acétylène pur à la température de — 40°. On voit alors la couleur bleue disparaitre et il se dépose en même temps un composé cristallin qui peul être M 1 Morssax : Action de l’acétylène sur les métaux ammo= niums (1898). €. 2, t. CXXVII, p. 911. 4 H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 951 dissocié dans le vide à la température ordinaire. Par suite de cette dissociation, il se dégage de acétylène et il reste le carbure transparent C°K°. a réaction précédente, qui se produit avec un égagement régulier d’éthylène CH”, est un curieux xemple d'hydrogénation de l'acétylène à la tem- éralure de — 40°, sans formation de produits de polymérisation. Nous ajouterons que, par l’action sur les métaux calins du gaz acétylène à froid, ou par l’action de acétylène liquéfié avec ou sans pression, nous avons obtenu les composés intermédiaires ou acé- lènes sodés et potassés à l’état de pureté C°K°,C° 12 et C°Na°,C'H°. L'existence de ces composés avait été déjà indiquée par M. Berthelot. Par élévation de température, ces corps se dis- ocient ; ils fournissent un dégagement d'acélylène èt ils laissent comme résidu les carbures C°K° et ENa’. Si l'on chauffe davantage, ces carbures sont fomplètement décomposés en carbone et en métal. Ces dernières expériences nous font comprendre alcalins au four électrique. 3. Carbure de sodium. — Le même procédé de préparation peut s'appliqueræu carbure de sodium RE lure sur un excès de gaz acétylène sec (Matignon, 1897 :). 4. Carbures alcalino-lerreux. — Nous arrivons “maintenant aux carbures alcalino-terreux ?, Nous “avons insisté précédemment sur les curieuses expé- tiences de Wæhler*. En 1892, M. Maquenne', en duisant le carbonate de baryte par le magnésium, Lobtenu, mélangé à un excès de magnésie, un car- bure de baryum impur qui, en présence de l’eau, légageait de l'acélylène ne renfermant que 3 à 2°/, d'hydrogène. En 1893, M. Travers, en faisant réagir le sodium sur un mélange de chlorure de lcium et de charbon, avait obtenu une masse grise contenant environ 16 °/, de carbure de calcium dé- omposable par l'eau. Dès le début de nos recher- ches au four électrique, en étudiant la fusion et la olatilisation de la chaux, nous avions remarqué la rmalion d'un carbure de calcium fusible à haute Qui regarde l'industrie du carbure de calcium. L : Préparation de l’acétylène par le carbure de cium (1862). Annalen der Chemie und Pharma’, CXXIV, p. 220. # MAQUENNE : Sur une nouvelle préparation de l'a ylène 3). Ann. de Chim. et de Phys. (6), t. XXVIII, p. 257-270. pourquoi nous n'avons pu obtenir les carbures température. Voici ce que nous écrivions à ce su- jet, le 12 décembre 1892, dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences : « Si la température atteint 3.000°, la matière même du four, la chaux vive, fond et coule comme de l’eau. A cette tempé- rature, le charbon réduit avec rapidité l’oxyde de calcium, et le métal se dégage en abondance; il s'unit avec facilité au charbon des électrodes, pour former un carbure de calcium, liquide au rouge, qu'il est facile de recueillir. » Dans cette Note, nous indiquions doncnettement, pour la première fois, la formation du carbure de calcium au four électrique par l’action du charbon sur l’oxyde de calcium. En 1894, nous complélions cette étude, et nous publions les propriétés de ce carbure de calcium cristallisé. Le produit ainsi préparé avaitune apparence mordorée, une couleur foncée et une densité de 2,2. Sa propriété carac- léristique élait de se décomposer complètement, en présence de l'eau froide, en produisant de l'hydrale de chaux et un dégagement tumultueux d'acétylène : C?Ca + 2 H°0 — C°H° + Ca (OH). Ce fut surtout cette réaction qui attira l'attention, et, comme le gaz acétylène possède un pouvoir éclairant très grand, cette préparation en quelques années devint rapidement industrielle’. Cependant, d'autres propriétés du carbure de calcium méritent de fixer l'attention. Dès nos premières recherches, nous avions indiqué les propriétés réductrices du carbure de calcium au moyen des expériences suivantes. Nous placons du carbure de calcium au contact d'acide chromique en fusion, et l'on voit tout de suite se produire une ivcandescence très vive el en même lemps de l'acide carbonique se dégager. Si nous projetons maintenant un petit fragment de carbure sur du chlorate de potassium en fusion, le carbure est porté au rouge et la décomposition se produit avec un grand dégagement de chaleur. Voici un autre exemple. Nous avons disposé dans un tube de verre un mélange en poudre grossière de bioxyde de plomb et de carbure de calcium. Nous chaufflons ce mélange. Aussitôt la réduction se fait avec mise en liberlé de ! Cette industrie du carbure de calcium a pris, en peu de temps, un grand développement en France. Jusqu'ici les courants intenses produits par les chutes d'eau n'avaient été utilisés que pour des électrolyses : préparation de l’alu- minium et du chlorate de potassium. La fabrication du carbure de calcium a appris aux industriels à manier la haute température fournie par l'arc électrique et les a préparés à poursuivre différentes applications de nos travaux, telles que la préparation au four électrique du chrome, du tungstène, des ferrochromes et des ferrosiliciums. Nous sommes heureux de reconnaître que nos recherches scienti- fiques ont ouvert la voie à une métallurgie nouvelle. 952 chaleur, car le tube de verre fond en quelques instants. Pour bien montrer que ces réactions peuvent ètre très énergiques, broyons dans un mortier, à la température ordinaire, un mélange de fluorure de plomb et de carbure de calcium. Dès que le pilon frotte sur les parois du mortier, la masse devient incandescente et est projetée sur la table, Nous ajouterons que celte réaction du carbure de calcium sur un grand nombre d’oxydes nous a fourni une nouvelle méthode de préparation des carbures inattaquables par l’eau’. Enfin, un autre point n'a pas tardé à fixer notre attention. Si le carbure de lithium peut se préparer au four électrique sous la forme d'un composé absolument transparent, il n’y avait pas de raison pour qu’il n’en fût pas de même pour le carbure de calcium. Voici, en effet, un autre mode de pré- paration de ce carbure, qui va nous donner un composé cristallin et transparent?. Nous avons dans un tube en U du calcium, ammonium à la température de —40° et nous condensons à sa surface un excès de gaz ammoniac. Puis, nous faisons arriver, dans ce liquide bleu, un courant d'acétylène pur et sec. On peut remarquer que très rapidement la couleur bleue disparail ; il se dépose aussitôt un corps cristallin incolore qui à pour formule : C2Ca, C?H°, 4 AzH. Ce composé, par dissociation dans le vide à la température de 100°, laisse une poudre blanche qui a pour formule C'Ca. C'est le carbure de ceal- cium pur et transparent. Ce carbure de calcium transparent peut encore être obtenu par union directe au rouge sombre du noir de fumée avec le calcium cristallisé ?. Nous avons préparé de même au four électrique le carbure de strontium (Sr et le carbure de baryum C?Ba. Ces carbures, que l’on peut obtenir cristallisés, ont des propriétés identiques à celles du carbure de calcium. Nous avons parlé précédemment de la facile décomposition par la chaleur des carbures alcalins. Le phénomène est identique, bien qu'il se pro- duise à une température plus élevée, pour les car- bures alcalino-terreux *. 1 Morssan : Nouvelle méthode de préparation des car- bures par l’action du carbure de calcium sur les oxydes (1897). C. R., t. CXXV, p.839. ? Morssan : Action de l’acétylène sur les métaux ammo- piums (1898). C. R., t. CXX VII, p. 911. 3 Moissan : Sur la couleur du carbure de calcium (1898). C. R., t. CXXVII, p. 917; et Recherches sur le calcium et ses composés (1899). Ann. de Chim. et de Phys. (1), t. XVIN, p. 289. * Morssan : Sur les conditions de formalion des carbures alcalins, des carbures alcalino-terreux et du carbure de magnésium (1898). C. R., t. CXXVI, p. 302. H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES Voici, sur ce sujet, des expériences qui nous paraissent concluantes : : 1° Lorsque nous avons préparé de petites quan: tités de carbure de calcium avec des courants € 1.200 ampères sous 60 volts, il nous est arrivé, l'expérience dure dix minutes, d'obtenir un résidu formé de graphite pulvérulent ne contenant plus, que des traces de carbure de calcium. Il n’y a pas eu volalilisation du composé, car le carbone sous forme de graphite en poudre est resté dans creuset. Il est plus vraisemblable de penser que l’on se trouve en présence d’une dissociation du carbure, le calcium distillant avec facilité et le car bone pulvérulent restant comme résidu. 2° Dans des expériences faites au moyen dt tube froid de Deville et qui avaient pour but d’étu dier la condensation de la vapeur de carbone, nous n'avons jamais obtenu de condensation de carbure de calcium. Si l’on chauffe, en effet, dans le fout électrique, du carbure de calcium fondu, on n€ retrouve sur le tube de cuivre traversé par un cour rant d’eau froide qui se trouve au milieu du fou que de la poussière de graphite, de la chaux puk vérulente et du calcium. Ce dernier, au contact d l’eau, dégage de l'hydrogène dont la pureté a été vérifiée par une analyse eudiométrique. ! 5. Carbure d'aluminium. — Le carbure d'alumis nium C'Al‘ se présente en belles lamelles hexago nales transparentes, de couleur jaune, pouvanl atteindre un centimètre de diamètre ‘. Ce nouveau carbure ne décompose pas l’eau froide brusque ment comme les carbures alcalins et alcalino: et un gaz qui est du méthane pur. Nous avons and lysé le gaz par combustion eudiométrique, nous avons pris la densité, et, de plus, nous avons ét tant d’un poids déterminé de ce carbure : C'ALS + 12 H°0 — 3 CH: + 2[Al(OH)5]. Le carbure d'aluminium, comme les précédents se prépare au four électrique par union directe deux éléments. Par un procédé analogue, M. Lez beau * a pu obtenir le carbure de glucinium, qu lui aussi décompose l’eau froide en produisant de l'hydrate de glucine et du méthane CGE + 4H°0 — CH + 2GI(0H, Les différents carbures définis et crislallisés que nous avons passés en revue jusqu'ici ne fournissent 1 Moissan : Préparation du carbure d'aluminium cristal lisé (1894). C. R., t. CXIX, p. 16. 2 Lengau : Sur le carbure de glucioium (1895). GC. Rs t. CXXI, p. 496. 4 par leur décomposilion en présence de l’eau froide, Qu'un seul carbure d'hydrogène, soit l'acétylène, Soit le méthane. Nous allons nous trouver mainte- nant en présence de réactions plus complexes. 6. Carbure de manganèse. — Le carbure de manganèse CMn*° va être obtenu avec facilité et par kilogrammes à la température du four électrique *. Be carbure décompose l’eau froide lentement, et, si lon recueille les gaz qui se produisent, on recon- nait, ainsi que nous l'avons démontré en partant d'un poids déterminé de ce composé, que la réac- ion répond à l'équation suivante : CMn* + 6 H°0 — CH‘ + H? + 3Mn(OH}. Te 9 Nous recueillons dès lors un mélange à volumes égaux d'hydrogène et de formène. 1. Carbure d'uranium. — Le métal uranium, que nous avons pu préparer en grande quantité au four électrique, et qui est devenu si cher aux physiciens, “nous a donné’, en présence d’un excès de charbon, un carbure de formule C‘Ur?, en prenant Ur — 240. Ce carbure, dont on peut aisément faire une pré- “paration, s obtient en chauffant au four électrique 500 grammes d'oxyde d'uranium et 60 grammes de charbon. … Le carbure d'uranium est difficile à fondre, et “nous devons chauffer pendant dix minutes pour “terminer la réaction. On remarquera que l'ampè- “remètre placé à côté du four indique 1.000 am- “pères, et le voltmètre 50 volts. Nous ne nous arrêterons pas aux propriétés curieuses de ce carbure d'uranium ; nous ne vou- ons, pour le moment, que parler de son action sur l’eau froide. Le carbure d'uranium crislallisé décompose lentement l’eau froide, et l'on recueille un mélange gazeux, complexe, ânélange renfer- mant, tout à la fois, de l'acétylène, de l’éthylène, du méthane et de l'hydrogène. Si maintenant, après avoir fait l'analyse de ce mélange, nous additionnons le carbone de la tota- “lité de ces différents carbures d'hydrogène, nous remarquons tout de suite qu'il nous manque envi- ron les trois quarts du carbone du carbure d’ura- nium. Eh bien! ce carbone, nous le retrouvons en épuisant par l'éther l’eau au milieu de laquelle la — décomposition s'est produite. Ce carbone qui nous “ manquait est sous forme de carbures liquides et … solides, et, si nous faisons une étude qualitative de o carbures, nous voyons qu'ils contiennent des composés salurés et non saturés. > 4 Morssax : Sur le carbure de manganèse (1896). C. Æ., te CXXIT, p. 421. . 2 Morssax : Etude du carbure d'uranium (1896). C, Z., À CXXIT, p. 214: LS 4 Le H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 953 La décomposition du carbure d'uranium par l'eau froide est donc des plus complexes. Le car- bone passe à l’état de carbures d'hydrogène gazeux, liquides et solides, et nous verrons tout à l'heure quel résultat nous pouvons en tirer au point de vue de l'étude de certaines questions géologiques. Nous ne voulons pas, dans cette rapide étude, entrer dans le détail de toutes ces expériences. Nous tenons néanmoins à rappeler qu'en utili- sant cette méthode du four électrique nous avons pu préparer un grand nombre de carbures cristal- lisés et parfaitement définis. 8. Carbure de cérium. — Le carbure de cérium C?Ce se présente en hexagones jaunes rougeûtres, et il décompose lentement l'eau froide en déga- geant un mélange d’acétylène, d'éthylène et de méthane. Il donne aussi en même temps des car- bures liquides saturés et non saturés *. 9. Carbure de lanthane. — De même, le carbure de lanthane C?La nous fournira, en présence de l’eau, de l'acétylène, de l'éthylène et du méthane, et les quantités des différents carbures d'hydro- gène ainsi obtenues seront voisines pour le lan- thane etle cérium. 10. Carbure d'yltrium. — Le carbure d'yttrium C°Y nous donnera loujours en présence de l’eau froide les trois carbures fondamentaux et de l'H. 11. Carbure de néodyme et de praséodyme. — Les deux carbures de néodyme et de praséodyme * Ce et C‘Pr dégagent, dans les mêmes condi- tions, les trois carbures fondamentaux sans hydro- gène; il en est de même pour le carbure de sama- rium* C'Sa; enfin, le carbure de thorium* C°Th nous fournit tout à la fois de l'hydrogène, de l’acé- Lylène, de l'éthylène et du méthane. Et il est à remarquer que, parmi les carbures de la famille de la cérite et de l’yttria, la production et la compo- sition des différents carbures d'hydrogène formés restent à peu près les mêmes pour des corps à pro- priétés similaires. En résumé, à la haute température du fourélec- trique, un cerlain nombre de métaux, tels que l'or, le bismuth, l'étain, ne dissolvent pas de carbone. Le cuivre liquide n’en prend qu’une très petite 1 Morssax : Préparation et propriétés du carbure de cérium (1896). C. R., t. CXXII, p. 351. 2 Morssax : Préparation et propriétés des carbures de néodyme et de praséodyme (1900). C. R., t. CXXXI, p. 595. 3% Morssan : Etude du carbure de samarium (1900). C. Z., t. CXXXI, p. 924 4 Morssax et Eraro : Sur les carbures d’yttrium et de thorium (1896). C. R., t. CXXII, p. 573. 954 quantité, suffisante déjà pour changer ses pro- priétés et modifier sa malléabilité. L'argent, à sa température d’ébullition, dissout une pelite quantité de charbon, dont il abandonne ensuite la plus grande partie, par refroidissement, sous forme de graphite. Cette fonte d'argent, obtenue à très haute tem- pérature, présente une propriété curieuse : celle d'augmenter de volume en passant de l’état liquide à l’état solide. Ce phénomène est analogue à celui que nous renconlrons avec le fer. L'argent et le fer purs diminuent de volume en passant de l’état liquide à l’état solide.Au contraire, la fonte de fer et la fonte d'argent, dans les mêmes corditions, augmentent de volume. L'aluminium possède des propriétés identiques. Les métaux du plaline, à leur température d’ébul- lition, disolvent le carbone avec facilité et l’aban- donnent sous forme de graphite avant leur solidifi- cation. Ce graphite est foisonnant'. Un grand nombre de métaux vont, au contraire, à la température du four électrique, produire des composés définis et cristallisés, les carbures mé- talliques. Nous avons pu préparer ces carbures par trois méthodes différentes : 1° Par la réduction des oxydes par un excès de charbon et par l’action directe du carbone sur les métaux à la température du four électrique ; 2° Par la réaction du carbure de calcium sur les oxydes et autres composés métalliques ; 3° Pour les métaux alcalins et alcalino-terreux, par l’action de l’acétylène sur les ammoniums cor- respondants, puis par dissociation de la combi- naison ammoniacale ainsi obtenue. IIT. — NOUVELLE THÉORIE DE LA FORMATION DES PÉTROLES. Un fait général se dégage des nombreuses re- cherches que nous avons entreprises au four élec- trique. Les composés qui se produisent à haute température sont toujours de formule très simple, et, le plus souvent, il n'existe qu’une seule combi- naison. La réaction qui nous a paru la plus curieuse dans ces recherches est la production facile de carbures d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, par l’action de l’eau froide sur certains de ces carbures métalliques. Il nous à semblé que ces études pou- vaient présenter quelque intérêt pour les géologues. Les dégagements de méthane, plus ou moins pur, qui se rencontrent dans certains terrains et qui ? Moissax : Préparation au four électrique de graphites foisonnants (1895). C. Æ., t. CXX, p. 17. H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES durent depuis des siècles, semblent bien avoir pour origine l'action de l’eau sur le carbure d’alumi: nium. Lu Une réaction du même ordre peut expliquer la formation des carbures liquides. On sait que les théories relatives à la formation des pétroles sont les suivantes : 1° production pat la décomposition de matières organiques, animales ou végétales; 2° formation des pélroles par réaction purement chimique; théorie émise pour la première fois par M. Berthelot, en 1866, et qui a fait sujet d’une intéressante publication de M. Men deleef; 3° production de pétroles par suite df phénomènes volcaniques, hypothèse indiquée par de Humboldt dès 1804. Enfin, nous devons ajouter qu'en traitant par une solution d'acide chlorhy: drique ou d'acide sulfurique des fontes et d ferro-manganèses, Cloez, en 1874, a obtenu des carbures d'hydrogène semblables à ceux que Pe louze et Cahours avaient retirés des pélroles de Pensylvanie. ; En partant de 4 kilogrammes de carbure d'ura nium, qui ont été décomposés par l'eau froide, nous avons préparé, dans une seule expérience, plus de 100 grammes de carbures liquides. | Le mélange ainsi obtenu est formé, en grande partie, de carbures éthyléniques et, en petite quan? tité, de carbures acétyléniques et de carbures saturés. Ces carbures prennent naissance en pré” sence d'une forte proportion de méthane et d'hy drogène à la pression et à la température ordinaires ce qui nous amène à penser que, quand la décom position se fera à une température plus élevée, il ne se produira que des carbures saturés analogues aux pétroles. M. Berthelot, en effet, a établi que la fixation die recte de l'hydrogène sur un carbure non saturé pouvait être produite par l'action seule de la cha® leur. L'existence de ces nouveaux carbures métalli= ques, destructibles par l’eau, peut done modifier les idées théoriques qui ont été données jusqu'ici pour expliquer la formation des pétroles. l Il est bien certain que nous devons nous mettre en garde contre des généralisations trop hàtives. Vraisemblablement, il existe des pétroles d'oris gines différentes. À Autun, par exemple, les schistes. bitumineux paraissent avoir été produits par la décomposition de matières organiques. Au contraire, dans la Limagne, l’asphalte im= prègne toutes les fissures du calcaire d’eau douce aquitanien, qui est bien pauvre en fossiles. Cet as= phalte est en relation directe avec les filons de pé-= périte (tufs basaltiques), par conséquent en rela=" lion évidente avec les éruptions volcaniques de la Limagne. H. MOISSAN — LES CARBURES MÉTALLIQUES 955 Un sondage récent, fait à Riom, à 1.200 mèires » de profondeur, a produit l'écoulement de quelques » litres de pétrole. La formation de ce carbure liquide pourrait, dans ce terrain, être attribuée à l’action - de l’eau sur les carbures métalliques. Nous avons démontré, à propos du carbure de calcium, dans quelles conditions ce composé peut se brûler et donner de l'acide carbonique. Il est vraisemblable que, dans les premières pé- riodes géologiques de la Terre, la presque totalité du carbone se trouvait sous forme de carbures mé- talliques. Lorsque l’eau est intervenue dans les réactions, les carbures mélalliques ont donné des carbures d'hydrogène, et ces derniers, par oxyda- tion, de l'acide carbonique. * On pourrait peut-être trouver un exemple de cette réaction dans les environs de Saint-Nectaire. Les granits, qui forment en cet endroit la bordure du bassin tertiaire, laissent échapper, d’une façon continue et en grande quantité, du gaz acide car- bonique. Nous estimons aussi que certains phénomènes volcaniques pourraient être attribués à l’action de l'eau sur des carbures métalliques facilement dé- composables. Tous les géologues savent que la dernière mani- festation d'un centre volcanique consiste dans des émanations carburées très variées, allant de l’as- phalte et du pétrole au terme ultime de toute oxy- dation : à l’acide carbonique. Un mouvement du sol, mettant en présence l’eau et les carbures métalliques, peut produire un dé- gagement violent de masses gazeuses. En même temps que la température s'élève, les phénomènes de polymérisation des carbures interviennent pour fournir toute une série de produits complexes. Les composés hydrogénés du carbone peuvent donc se produire tout d'abord. Les phénomènes d'oxydation apparaissent ensuite et viennent com- pliquer les réactions. En certains endroits, une fis- sure volcanique peut agir comme une puissante cheminée d'appel. On sait que la nature des gaz recueillis dans les fumerolles varie suivant que l'appareil volcanique est immergé dans l'océan, ou baigné par l'air atmosphérique. À Santorin, par exemple, M. Fouqué a recueilli de l'hydrogène libre dans les bouches volcaniques immergées, tandis qu'il n'a rencontré que de la vapeur d’eau dans les fissures aériennes. L'existence de ces carbures métalliques, si faciles à préparer aux hautes températures, et qui, vrai- semblablement, doivent se rencontrer dans les masses profondes du globe, permettrait donc d'ex- pliquer, dans quelques cas, la formation des car- bures d'hydrogène gazeux, liquides ou solides, et pourrait être la cause de certaines éruptions volcaniques. IV. — ConcLusIons. Nous ajouterons que le carbone de tous nos com- posés organiques actuels a dû se trouver originai- rement combiné aux métaux, sous forme de car- bures métalliques. Il est vraisemblable, pour nous, que ce sont ces composés qui peuvent subsister dans les astres à température élevée. Nous ajoute- rons que, pour cette même période, l'azote devait se rencontrer sous forme d'azotures métalliques, tandis que, vraisemblablement, l'hydrogène exis- tait en grande quantité à l’état de liberté, dans un milieu gazeux complexe, renfermant peu de car- bures d'hydrogène. Le four électrique semble bien réaliser les conditions de cette époque géologique reculée. Enfin, nous pouvons tirer un autre enseignement de ces recherches. Nous avons démontré avec quelle facilité la plupart de ces carbures pouvaient se for- mer en grande quantité, à la haute température du four électrique. On remarquera, en outre, que certains décom- posaient l'eau à la température ordinaire pour produire les carbures d'hydrogène fondamentaux, l'acétylène, le formène et l’éthylène, puis des car- bures liquides saturés et non saturés, des carbures solides, en un mot des produits complexes de po- lymérisation. Ces dernières réactions sont d'autant plus inté- ressantes qu'elles se font toutes à froid, et nous savons que les carbures d'hydrogène ainsi formés sont les points de départ de toute la Chimie orga- nique. | Aucune étude n'établit aussi nettement l’étroite liaison qui réunit la Chimie minérale à la Chimie organique, aucun exemple ne démontre mieux l'unité de la Science chimique. H. Moissan, de l'Institut. Professeur de Chimie à la Sorbonne. 956 M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ” LA PESTE À BORD DU ‘ SÉNÉGAL” UNE QUARANTAINE AU FRIOUL ECTURE A L'ACADÉMIE DE MÉDECINE Je crois répondre au désir de l'Académie en venant apporter à celte tribune la relation de l’épi- démie de peste qui s’est déclarée récemment à bord du Sénégal et nous a obligés, un certain nombre de nos confrères et moi, de subir une quarantaine au lazaret du Frioul. L'Académie se rappelle l'intéressante communi- cation qui lui a été faite, au mois de mars dernier, par notre collègue M. Proust, au sujet de la peste. Il nous a montré comment cette maladie, qui règne à Bombay depuis 1896, a, par le fait des communi- cations par la navigation à vapeur, disséminé des foyers dans les cinq parties du monde, et devient par là un danger redoutable pour l'Europe. Ce danger est plus grand et menace plus directement la France depuis que le fléau atteint, comme c’est actuellement le cas, des ports de la Médilerranée avec lesquels notre pays est en relations conti- nuelles. Mais M. Proust a eu grandement raison quand il a ajouté que ce danger pouvait être conjuré grâce à l'application rigoureuse des mesures sanitaires édiclées par les règlements, et qu'il y avait lieu d'espérer que la peste serait facilement éteinte sur place, dès qu'on s'opposerait à la formation de foyers (Séances du 19 et du 26 mars 1901). Mais les règlements, si bons qu'ils soient, n'ont de valeur et d'efficacité que par la manière dont ils sont appliqués. Or, une assez fâcheuse expérience, à laquelle la Presse a donné un cerlain retentis- sement, nous a mis en mesure d'apprécier comment les services sanitaires sont armés pour parer aux dangers d'une invasion de la maladie, et comment sont appliquées les mesures préservatrices pres- crites en pareil cas. Le récit des faits dont nous avons été témoins, je pourrais dire les victimes, permettra à l’Académie de se rendre compte des lacunes regrettables que j'aurai à lui signaler. Tout le monde connait ici, au moins de réputa- tion, les croisières organisées par M. Olivier, direc- teur de la Revue générale des Sciences, avec un zèle au-dessus de tout éloge, et grâce auxquelles on peut utiliser ses vacances en faisant des voyages aussi.instruclifs que récréatifs. Ceite année, le programme élait des plus at- trayants. Il comprenait Rhodes, Chypre, le Liban, la Galilée, Jérusalem, avec retour par Candie et l'ile de Malte. Aussi les adhérents furent nombreux, et plus nombreux que d'habitude. Gent soixante- quatorze passagers s'embarquaient lesamedi 14 sep- tembre, à Marseille, sur le Sénégal, paquebot des Messageries Maritimes que M. Olivier nolise habi= tuellement pour ses voyages”. Nouspartions souslesauspicesles plus favorables Un certain nombre de passagers retrouvaient sur. le Sénégal des compagnons des croisières précé- dentes. On peut dire que la société était choisie. Nous comptions parmi les membres de la croisière un ancien ministre, M. Raymond Poincaré: un membre de l'Institut, M. E. Picard; M. Diehl, pro- fesseur à la Sorbonne, directeur scientifique de la croisière ; des magistrats et des avocats distingués; le peintre Clairin; plusieurs ecclésiastiques, et, chose » intéressante dans les circonstances qui allaient se produire, dix-septmédecins : avec moi, le D'Chauf- fard et le D' Richardière, médecins des Hôpitaux; le D' Demons, professeur de Clinique chirurgicale à Bordeaux ; le D' Aubert, ancien chirurgien de l'Anti- quaille de Lyon; M. Bernheim {de Nancy) ; un méde- cin connu de La Haye, le D' de Zwaan; plusieurs confrères de Paris et de la province, auxquels leur nom etleursitualion donnaientune grande autorité. J'ajoute que, presque tous, nous étions accompagnés de nos familles, femmes et enfants. Le dimanche 15, relâche à Ajaccio et départ le soir, à 4 heures, pour l'ile de Rhodes, où nous devions débarquer le jeudi matin. Dans la matinée du lundi 16, surlendemain de notre départ, par une mer calme, alors que tous étaient tranquilles et tout à la joie d’une traversée qui s'annoncait heureuse et des salisfactions qu'on se promettait dans ce beau voyage, le D'Piotrowski, médecin du bord, vint prier le D' Chauffard de voir avec lui un homme de l'équipage qui lui donnait quelque préoccupation. C'était le second maître d'équipage, qui, depuis deux jours, élait souffrant. La veille, on lui avait trouvé des signes d'embarras gastrique et prescrit ee RE RM € 1 En fait, la Zevue générale des Sciences ne loue pas le bateau; elle entreprend la croisière avec le concours de la Compagnie de navigation pour la partie maritime du voyage. ND:ar ee Î { * ; J ñ une purgation ; mais, ce matin-là, le D° Piotrowski mGonstatait qu'il avait une fièvre assez vive et, de “dans l'aine gauche. Cet homme, qui appartenait depuis longtemps à l'équipage du Sénégal, était âgé de trente à trente- trois ans et de constitution extrêmement robuste. 11 n'était pas couché, se sentait à peine malade et demeurait jusque-là mêlé au reste de l'équipage. - Cette adénite, qui ne reconnaissait pas de cause raumatique, ni spécifique, et que le malade attri- buait aux faligues qu'il avait subies avant le départ du Sénégal, s'accompagnant d'une fièvre aussi intense, parut aussi suspecte au D’ Chauffard qu'au médecin du bord, et mon avis, qu'ils voulurent bien me demander, fut absolument conforme au leur. La chose était assez sérieuse pour que nous dési- rions d'autres lumières, et nous priàmes le D' De- ons, de Bordeaux, de s'adjoindre à nous et de faire l'examen chirurgical. Pas plus que nous, après les plus minulieuses exploralions, M. Demons ne - Le cas élait donc suspect, à supposer que ce ne fûL pas un cas de peste confirmée. Dans ces condi- tions, que fallait-il faire? Quel parti prendre au point “de vue du voyage que nous commencions ? - D'abord, pour le malade, pratiquer son isolement “immédiat et faire, si possible, une injection desérum antipesteux. Mais du sérum antipesteux, il n'y en avait pas à bord, quoique le Sénégal fit le service d'Alexandrie, port infecté, où la peste avait subi de la recrudescence à la fin d'août, et où le bateau y avait séjourné les deux jours réglementaires ! On m'avait signalé pour celle époque, à Alexan- drie, onze cas de peste, dont six morts; rien Pour la seconde question, fallait-il, en attendant la confirmation ou l'infirmation du diagnostic pré- sumé, continuer le voyage, ou,!dès ce moment, retourner en arrière? La solution de la question nous fut donnée par le Commandant et le médecin du bord, qui nous rapportèrent des faits très pro- bants ne laissant pas de doute que, ayant à bord un malade atteint d'adénite, quelle que fût sa nature, ous les ports de la Turquie nous seraient fermés. Nous nous exposions donc à une navigation pro- longée, désormais sans objet, et finalement à une quarantaine probable, dans un lazaret turc, et dans uelles conditions ! . Le plus sage était donc de regagner au plus tôt n port français pour débarquer le malade, avec la possibilité, si nos craintes n'étaient pas justifiées, de repartir de là avec patenie nette et de recom- mencer le voyage. Marseille était tout indiquée. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘: SÉNÉGAL ” 957 C'est l'avis que nous avions émis, et en cela nous étions d'accord avec le Commandant du Sénégal. Mais nous avions à compter avec nos familles et les passagers qui ne soupconnaient rien de ce qui se passait. Avant de prendre une décision aussi grave, nous crûmes devoir en référer à nos con- frères, qui, convoqués par nous, sur l'exposé des faits, furent unanimes à conclure au retour im- médiat à Marseille. IT Je dois dire, à la louange de tous les passagers du Sénégal, que ni la contrariété de voir manquer un voyage très désiré, ni, surtout, l’idée d’avoir la peste à bord, n’eurent sur leur moral l'influence fâcheuse qu'on aurait pu redouter, Tout le monde comprit qu'on se trouvait en présence d’une fatalité qu'il fallait subir, que le mieux était de sortir le plus tôt possible de ce mauvais pas sans s’exposer à de fâcheuses éventualités. Le Sénégal, qui arrivait aux iles Lipari, retourna en arrière. Le soir, une conférence intéressante, faite par M. Diehl sur les pays que nous ne devion plus voir, occupa les esprits, et le lendemain mardi 17, nous repassions au détroit de Bonifacio, d'où le Commandant du Sénégal put avertir la direc- tion des Messageries Maritimes que nous avions à bord un cas suspect de peste et que le bateau reve- nait à Marseille. Notre arrivée à Marseille, ou plutôt au Frioul, fut retardée par un brouillard épais dans la matinée du mercredi 18. Nous étions attendus par le Service sanitaire à à heures du matin; il était 11 heures quand nous arrivaämes. Vers L heure, visite du D' Jacques, chargé de la visite des passagers, de l'examen du malade, et de recueillir, pour l'examen bactériologique, du liquide bubonique. Déjà, dans les quarante-huit heures qui ont précédé, le Commandant du Sénégal avait pro- cédé à la désinfection des locaux occupés par l'équipage. Ceux-ci et les hommes eux-mêmes avaient été lavés au sublimé, leurs effets désin- fectés à l'étuve; aucune autre mesure nouvelle ne fut prescrite. En attendant le résultat des examens, les pas- sagers restaient sur le Sénégal, dans les eaux du Frioul, dans le voisinage d’un autre bateau des Messageries qui terminait sa quarantaine deux jours après, l'Ærnest-Simons. Quelques heures après, nous reçûmes la visite du D' Catelan, directeur du Service sanitaire de Marseille, accompagné du D' Gauthier, chargé du laboratoire de Bactériologie. Les premières re- cherches sur frottis avaient donné des bacilles pesteux, mais en petit nombre et mal caractérisés. cs 958 M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘: SÉNÉGAL ? Le cas, toutefois, ne paraissait pas douteux. On | demanda des rats; on en trouva quelques-uns bien vivants, qui furent emportés. Les rats avaient été recherchés dès le début; on ne trouvait pas de rats morts. Pour nous, dont l'expérience en matière de peste était nulle, c'était une circonstance à laquelle, dans ce cas douteux, mais suspect, nous atlachions quelque impor- tance. Au reste, la chose n'était pas tellement claire, même à notre arrivée au Frioul, que le D' Jacques, qui avait soigné les pestiférés du Zaos et avait déjà, comme son collègue, le D' Gauthier, contracté la peste, n'eût émis lui-même des doutes sur la nature de la maladie. C'était pourtant bien la peste. Transporté tout de suite à l'hôpital de Ratoneau, le malade recut, mais trop tardivement, les injections qui lui avaient manqué jusque-là; la fièvre et le délire se maintinrent et augmentèrent, et dans la nuit du samedi au dimanche, il succombait. Comment avait-il contracté la peste? Nous ne comprenions pas que, parti de Marseille, port indemne, après un séjour de dix-sept jours, retour d'Alexandrie, il eût pris la maladie dans ce der- nier port, l’incubation de la peste n'ayant qu'une durée de quelques jours. La question d'étiologie fut résolue le lende- main de notre débarquement au lazaret et nous eûmes la confirmation de l’origine de ce cas de peste par les rats, quand on ouvrit la soute au linge sale, où l'on trouva un certain nombre de rals morts, dont je n'ai pas le chiffre officiel. Nous sûmes aussi, par les recherches bactério- logiques, que les rats vivants, quoique en appa- rence bien portants, étaient tous infectés du bacille pesteux. La même remarque avait déjà été faite pour les rats du Laos. L'explication la plus probable dans ce cas de peste est donc celle-ci: On sait avec quelle facilité les rats pénètrent par les cordages et les amarres dans les bâtiments au mouillage. Pendant son séjour à Alexandrie, le Sénéqal est resté deux jours à quai et a pu embarquer ces agents d'infec- tion, chez lesquels la maladie a évolué pendant son retour à Marseille. C’est ainsi que des rats pes- tueux ont infeelé le bateau, auquel cependant, grâce à uñe inspection sanitaire insuffisante, on à donné une patente nette sur celte considération que le navire avait quitté Alexandrie depuis dix- sept jours, et qu'il n'avait présenté aucun cas de maladie. De là cette aventure, probablement unique dans l'histoire des quarantaines, d’un bateau partant d'un port non infecté, et obligé de faire au départ une quarantaine qu'on ne fait ordinairement qu'au retour. III Je continue notre odyssée. Nous atlendions M décision du Conseil de Santé et nous nous prép rions à débarquer au lazaret. On n'était pas pressé de nous y recevoir, car, me disait M. Catelan, il ve bien des logements, mais pas de serviteurs. Or nous arrivions 174etil yavait, pour tout ce monde 6 gens de service. Il fallait donc pourvoir à tot ce qui était nécessaire, non seulement au loges ment, mais à la nourriture et à l'entretien dur nombre tout à fait inusité de passagers, et de pass sagers de première classe. Nous devions donc rester jusqu'au samedi su le Sénégal, lorsque, le lendemain de notre arrivée jeudi 19, un nouveau cas de peste se mamifest chez un autre homme de l'équipage, qui fut immés diatement débarqué et conduit à l'hôpital de Rato» neau. Plus heureux que son camarade, il put recevoïit tout de suite les soins nécessaires et, en particulie les injections de sérum de Yersin : il guérit. Les journaux annoncçaient ces jours-ci sa convalescence et sa guérison. k Alors, la patience des passagers du Sénégal fut bout. Déjà on s'expliquait mal qu'on nous laissé un temps aussi long sur un bateau infecté sans nous soustraire au danger de la contagion et sans nous débarquer, ni qu'aucune des mesures de désinfec: lion auxquelles on s'attendait ne fût prise immés diatement, soit à l'endroit des passagers, soit pour la désinfection du Sénégallui-même. Et voilà qu'un nouveau cas de peste éclate à bord! Des instances furent faites pour obtenir un débars quement immédiat. Celui-ci ne pouvail se faire, 6 raison de l'heure tardive; il fut avancé de vingt quatre heures, et, le vendredi 20, nous quittions le Sénégal pour entrer en quarantaine au lazaret du Frioul. Je n’ai pas besoin de vous dire avec quel soulagement on abandonna le bateau infecté. Ce fut donc le vendredi 20, à midi, que no primes possession du Frioul. Depuis le mardi 4, notre retour était signalé de Bonifacio. A la porte de Marseille, qui offre toutes les ressources, près de Toulon, qui pourrait par la Marine donner tout personnel nécessaire, rien n’était prêt pour nous recevoir. Personnel insuffisant, de sorte que ce furent les hommes mêmes de l'équipage du Sénégal qui durent transporter nos bagages dans n0S chambres; pas de linge, de bougies, de savon, ni d’autres objets indispensables. En un mot, pas de service organisé. Les journaux se sont beaucoup occupés de notre triste aventure. Ce qu'ils ont dit de l’inconfort que nous avons trouvé au Frioul est vrai et dépasse tout ce qu'on pourrait supposer. M. BUCQUOY — LA PESTE À BORD DU ‘‘ SÉNÉGAL ” 959 Je n'aborde pas ce côté de la question, car heu- reusement la bonne humeur, l’entrain de nos com- - pagnons d'infortune, le talent artistique de certains d’entre eux nous ont aidés à passer sur bien des desiderata. Une fois au lazaret, nous n’entendimes plus parler “de rien. Consigne sévère limitant nos promenades —… une enceinte soigneusement fermée; un char- mant confrère, le D'° Jacques, chargé de nous sur- veiller et de nous soigner au besoin; puis, un pelo- ton de neuf gendarmes pour nous garder et nous empêcher d’enfreindre la consigne et de dépasser les limites de notre internement. Mais, par une bonne chance, la présence de M. Poincaré parmi nous et ses bons rapports avec M. Lutaud, préfet de Marseille, nous valurent des adoucissements auxquels se refusait l'Administra- tion sanitaire. Des promenades étendues dans l'ile - déserte, mais des plus pittoresques, ont bien dimi- nué les amertumes de notre quarantaine et charmé nos ennuis. Nos compagnons, nous médecins en particulier, nous nous imaginions que, sortant d'un bateau infecté, avec des bagages dont quelques-uns avaient voisiné avec les rats-morts, nous aurions à subir cerlaines épreuves de désinfection : il n'était ques- ñ tion de rien. & Le D' Jacques disait bien qu'il serait bon de se pire inoculer, mais personne pour l'imposer el _ faire valoir lés avantages de l’inoculation. Nous- À mêmes, consultés par nos amis, nous étions fort _embarrassés pour émettre un avis. Cette situation se prolongeant, le samedi, après en avoir causé avec mes confrères, j'envoyai au D' Catelan un télégramme le priant de venir ré- pondre lui-même aux questions qui nous élaient adressées et donner des instructions positives sur ce qu'il y avait à faire. Sur la question des injections préventives el préservalrices, l'avis de M. Catelan fut formel. Il fallait les faire. Elles étaient, d’ailleurs, d'après lui, sans inconvénients, et il nous affirmait que sur 7 ou 800 cas où il les avait vu praliquer, pas un seul cas de peste ne s'était manifesté. Pourquoi n’avaient-elles pas été conseillées tout d’abord ? C’est, chose incroyable, qu'on n'avait pas de sérum frais à Marseille ni au Frioul. Il en res- tait encore une certaine quantité de l'épidémie du Laos ; on en attendait de Paris depuis trois jours"! 1 La faute ne saurait, en aucune facon, être attribuée à linstitut Pasteur : « Depuis l’année 1899, d'accord avec le Ministre de l'Intérieur et le Conseil Municipal de Paris, a - déclaré M. Roux, une provision de 10.000 doses de sérum antipesteux est toujours gardée à la disposition des auto- rités. » A quoi M. Bucquoy a répondu : « Il n'en est que plus étonnant que le Service de la Santé de Marseille n'en ait pas Le soir même, on commenca les injections avec ce qui restait de sérum, et, pour donner le bon exemple, les médecins de la croisière furent les premiers àse faire inoculer. Le lendemain, diman- che, le sérum nouveau arrivait enfin, et, sur 174 que nous étions, 165 subirent l'opération. La visite du D° Catelan nous valut aussi quelques mesures de désinfection, au moins pour la forme. L'étuve était un peu redoutée. Les vêtements du D' Demons et du D° Chauffard, qui avaient été plus directement en contact avec le malade, sortirent de l'étuve du Sénégal dans un état qui les rendait immettables. La casquette du D° Demons, en par- ticulier, est restée légendaire dans la croisière. On n'exigea pas un pareil sacrifice pour les vête- ments de nos compagnes; le linge de corps seul passa à l’étuve, mais soumis à une température convenable et suffisante. Pour les autres vêtements, ils restèrent dans les malles, qu'on désinfecta fermées, avec des pulvéri- sations de sublimé. Rien à dire sur ces mesures, si ce n’est, comme vous le voyez, qu'elles ont été prises bien tardive- ment, ne donnant pas aux personnes qui les voyaient appliquer l'idée que l'Administration sanitaire les considérait eomme bien nécessaires et même bien utiles. IV Pendant ce temps-là, que devenait l'équipage du Sénégal, toujours interné à son bord depuis notre - retour au Frioul ? Il attendait !... Je vais vous communiquer la lettre que m'écri- vit, le 23 septembre, le D" Catelan, et qui vous montrera, mieux que je ne pourrais le faire, l'état moral de ces pauvres gens et les mesures prises à leur égard : Marseille, le 23 septembre 1901. MONSIEUR Et TRÈS HONORÉ CONFRÈRE, Je tiens à vous renseigner sur les mouvements qui se produisent au port du lazaret du Frioul, et sur les dispositions prises pour éteindre le foyer d’ infection du Sénégal. Comme il arrive à peu près toujours en ces circons- tances, l'équipage du Sénégal a réclamé avec une insis- tance dont la dépression morale donne la mesure — et à laquelle Commandant et Compagnie se sont asso- ciés, — a réclamé, dis-je, d'être débarqué à son tour. Vous comprenez, Sans que j'aie besoin d'appuyer, pourquoi j'ai refusé absolument de faire droit à cette F requête. Quoique les hangars de Ratoneau, sous lesquels il eût été indiqué alors de placer l'équipage, puissent être gardés par un cordon d'agents, ce sont là des précau- tions illusoires de séparation ; malgré tout ce qu'on eût pu faire, bientôt vous auriez vu ces ‘hommes passer par- dessus foutes les barrières, et aller partout où on leur eût interdit de pénétrer. une provision suffisante pour tous les besoins qu'il peut être appelé à satisfaire. » N. 0.1. D M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU ‘SÉNÉGAL ” Après en avoir longuement conféré avec le directeur et les agents de la Compagnie des Messageries Mari- times, j'ai oblenu que la Compagnie envoyät un deuxième paquebot, n'ayant pas, pendant cette der- nière année, fréquenté les ports d'Egypte, dans les eaux du port du Frioul: ce paquebot, l'Ortégal, doit ètre prêt aujourd'hui lundi à aller se ranger auprès du Sénégal. < Un médecin spécial a été envoyé sur ce dernier na- vire, pour y diriger, avec le concours du D' Piotrowski, l'exécution des mesures prescrites, et pour lesquelles des instructions écrites lui ont été remises. Après vaccination au sérum antipesteux des hommes de l'équipage, de tous les hommes, état-major com- pris, et désinfection nouvelle et minutieuse des linges, effets à usage, etc., etc., l'équipage du Sénégal passera sur l'Ortégal. Le Sénégal, qui aura, au préalable, débarqué sur cha- lands ses 100 tonnes de marchandises, sera alors soumis à une vaste et radicale opération de désinfection, qui consiste à remplir, après avoir envoyé des jets de va- peur brûlante dans toutes les capacités closes, tous les compartiments intérieurs de vapeurs d'acide sulfureux. Le paquebot, alors, restera de trente-six à quarante- huit heures, avec toutes ses ouvertures, panneaux, sa- bords, hublots, obturées avec soin, soumis à l'action des vapeurs sulfureuses. Dès que l’imprégnation sera suffisante, c'est-à-dire au bout de trente-six à quarante- | huit heures, il sera un peu incliné, de facon à être mis en travers du vent, et aéré aussi largement que pos- sible. Si les instructions sont bien suivies, et l'opération bien exécutée, ce qu'il est permis d'espérer, pas un ron- geur, pas un parasite ne pourra s'échapper. C'est la meilleure des sauvegardes, car, il n'est pas besoin dele dire, s'il y avait eu un va-et-vient incessant entre le Sénégal et les établissements de la Quaran- taine, ce qui eût été inévitable en débarquant l'équi- page dans les hangars de Raloneau, personne ne pou- vait plus répondre de rien. En vous communiquant ces renseignements, afin que vous ayez la bonté de n'en rien laisser ignorer aux touristes, vos compagnons d'infortune, j'ai surtout eu en vue de vous mettre à même d'apprécier l'emploi des mesures de défense de la santé publique, et de protec- tion pour les personnes internées, D'ailleurs, à l'heure actuelle, sans être prophète, je crois pouvoir vous affirmer que, parmi les passagers, il n’y à plus la moindre probabilité d'une atteinte quel- conque; que, de plus, il est fort probable qu'il en sera de même dans l'équipage; enfin, l’aération déterminée par les mouvements de l’atmosphère est le purifica- teur par excellence, et vous êtes servis à souhaits en ce moment. Je vous prie d'agréer, Monsieur et honoré Confrère, l'assurance de mes sentiments les plus dévoués. D' CATELAN. Ce ne fut que le mardi 24 que l’Ortégalparut dans les eaux du Frioul, et le mercredi 25, c'est-à-dire huit jours pleins après que notre retour avait été signalé, qu'eut lieu le débarquement de l'équipage du Sénégal. Fort heureusement, malgré toutes ces lenteurs, les prévisions du D' Catelan ont été jus- tifiées ; aucun cas nouveau ne s’est produit dans cet équipage déjà suffisamment éprouvé. Du côté des passagers du lazaret, tout continua à aller bien, sauf quelques accidents intestinaux dus au mauvais régime el à la mauvaise nourriture : c'est ce qu'on appelait là-bas « la Frioularde ». Plus tard, quelques-uns d’entre nous furent assez éprouvés par l'injection anlipesteuse, dont les suites rappelaient beaucoup ce que nous observons avec les injections antidiphtéritiques. Je passe sur ces détails. x Je serai bref maintenant sur les derniers jours de notre quarantaine. Malgré le bon état de santé de tous et l'accomplissement de toutes les pres” cripüions sanitaires, on tenait à nous garder dix jours pleins à partir de notre débarquement au Frioul, ce qui nous conduisait au lundi 30. Mar- seille ne se souciait pas de nous recevoir. Il nous. sembla que la mesure élait sévère; des instances furent faites pour en abréger la durée. M. Poincaré agissait auprès du préfet; de notre côté, nous récla® mions l'intervention de notre collègue, M. Proust C'est au préfet que nous dûmes notre libération: le vendredi 27, après sept jours pleins de lazaret e huit jours après le second cas de peste déclaré. On: tenait, parait-il, beaucoup à nous garder, car M. Proust, qui avait répondu en faveur de la libé= ration après sept jours, eut sa dépêche gardée dans les bureaux sanitaires; elle ne nous à jamais été communiquée, et ce fut le préfet seul qui usa de son autorité pour nous donner notre exeal. 4 Celui-ci nous fut remis avec un passeport régle= mentaire de surveillance administrative limitée à trois jours. La plupart d'entre nous passèrent à l'étranger, et, de surveillance après notre arrivée à Marseille, il ne fut jamais question. * N Telle est la relation exacle de la petite épidémie de peste à bord du Sénégal qui nous a fourni l'oc= casion d'expérimenter,par nous-mêmes, les mesures protectrices employées contre le fléau qui depuis longtemps menace l'Europe. Bien loin de moi la pensée d’incriminer le Ser= vice sanitaire dans la personne de nos confrères, dont nous nous plaisons à reconnaitre la courtoi- sie, la science et le dévouement. Au Frioul, pour là construction duquel on a dépensé des somme considérables, on manque de tout, faute d'argents Et c'est au moment où la peste est à nos portes qu'on peut invoquer une pareille excuse et qu'a raie du budget les sommes nécessaires pour l’en: tretien d'un lazaret à la porte de Marseille, plu exposée que toute autre ville à recevoir des ports de la Méditerranée des navires contaminés | La question sera, je l'espère, portée devant un autre assemblée plus compétente par M. Poincaré Ici, et devant cette Académie gardienne de la sant publique, il me reste à relever les fautes grave qui ont été commises et les lacunes observées dans. l'application des mesures sanitaires. À La première faute capitale a été de nous eme barquer sur un bateau à qui a manqué, avant le M. BUCQUOY — LA PESTE A BORD DU 4 ‘départ, une inspection sanilaire suffisante, aussi ien de la part des Messageries Maritimes que du Service de Santé lui-même. Si la cale et les soutes avaient été visitées et convenablement explorées, on aurait trouvé le corps du délit, et la patente nette n'aurait pas été délivrée.Je n'ai pas à recher- cher à qui incombent les responsabilités. Un second fait, qui nous a particulièrement émus, c'est le manque de sérum antipesteux à “bord du Sénégal, sur un navire qui fait le service des côtes de la Méditerranée et un séjour réglemen- taire de quarante-huit heures à Alexandrie, port depuis longlemps contaminé. À ses autres étapes de Port-Saïd et de Beyrouth, le Sénéqal touchait aussi à des ports qui n'avaient pas été à l’abri de la peste. Dans le cas actuel, les conséquences ont été déplorables, puisqu'il y a eu mort d'homme. Une ou plusieurs injections faites au début chez notre “malade alteint de peste bubonique, de forme en apparence bénigne, lui eussent probablement sauvé la vie, comme elles l'ont fait chez le second malade contaminé. Nous avons été aussi singulièrement étonnés quand nous apprenions que, quatre jours après - notre arrivée au Frioul, on manquait encore de sérum pour nous faire, ainsi qu'à l'équipage du Sénégal les injections préservatrices. Je ne crois …— pas que ce soit de la faute de l’Institut Pasteur’. “ Nya-t-il pas lieu aussi d'être surpris que le cas … suspect étant reconnu véritablement pesteux, on ait laissé sur le bateau infecté, pendant plusieurs jours, les passagers, et plus longtemps encore, une semaine entière, l'équipage du Sénégal déjà si éprouvé? On répond que le débarquement n'était pas possible, rien n’élant prêt pour nous recevoir et nous in- terner. C'est précisément ce que nous sommes en droit de reprocher, moins peut-être aux agents du Service sanilaire qu'à ceux qui, en refusant les crédits nécessaires, les mettent dans l'impossibilité d'accomplir leur devoir. Que dirai-je maintenant de l'installation au Frioul? Lazaret ne dit pas un lieu de délices. Mais puisqu'on a fait un grand établissement sanilaire, ne serail-il pas sage de pourvoir à son entretien et d'assurer son bon fonctionnement, et au lieu de prendre pour modèles les lazarets de certains pays répulés pour leur saleté et leur mauvaise ins- tallation, imiter les Japonais, par exemple, qui ont, parait-il, dans le lazaret de Nagazaki, pour les vic- times des quarantaines, des hôtels de premier ordre? On objectera que les grandes épidémies sont rares, et que des années se passent quelquefois sans qu'on ait à utiliser ces lazarets. Rien n'oblige - 4 Voir la note au bas de la page 959. N. D: L'R. SÉNÉGAL ” 961 à v avoir des services permanents el coûteux; mais pourquoi n'avoir pas ce que j'appellerai un plan de mobilisalion qui permette, le cas échéant, de pourvoir dans un bref délai, chose facile à la porte de villes comme Marseille, Bordeaux, Dun- kerque, aux nécessités matérielles des personnes soumises aux quarantaines. Après la récente épi- démie du Za40s, cette incurie semble incompréhen- sible et sans excuse. Quant aux mesures de désinfection, dont nous n'avons pas à discuter la valeur, et qui sont régle- mentées d’après les données de la science et de l'expérience, est-il admissible qu'elles ne soient pas appliquées immédiatement, dès le débarque- ment des passagers et des bagages qui, venant d'un bâtiment contaminé, peuvent infecter à leur tour le lazaret qui devrait leur assurer la sécurité? Ajouterai-je encore un fait-qui m'a stupéfié? La veille de notre départ du Frioul, nous avions lu dans les journaux que la peste élait à Naples. Le D' Calelan, à qui j'en parlai, me dit qu'il avait vu aussi cette nouvelle dans le journal, qu'alors il s'était empressé de télégraphier à Paris, d'où la chose lui fut confirmée, en lui disant de plus que la peste était à Naples depuis un mois, mais qu'on le tenait caché! Or, trois bateaux venant de Naples sont arrivés ce jour-là à Marseille! À quoi donc servent les agents consulaires? VI En faisant à cette tribune la relation de cette fâcheuse aventure, ne croyez pas que je veuille faire ici d'inutiles récriminations. Le hasard ayant fait qu'un certain nombre de médecins des plus autorisés, el avec eux des hommes distingués de toute carrière, fort capables d'apprécier ce qui se passait sous leurs yeux, aient pu constater par une expérience personnelle combien le Service sani- taire avait été défectueux dans l'épidémie du Sé- négal, il était de mon devoir de porter, comme ils : me l'ont demandé, ces faits à la connaissance de l'Académie. Je crois faire œuvre d'utilité publique en la saisissant de cetle question de protection sanitaire et en la priant de formuler elle-même les conclusions qui découlent des faits que je viens d'exposer. Gardienne de la santé publique, c’est à elle à réclamer de l'autorité les réformes qui s im- posent dans l'application des mesures sanitaires. Je ne terminerai pas sans remercier, au nom de mes compagnons de quarantaine, l'Académie de l'intérêt qu'elle a pris à notre infortune, et dont sa Commission permanente, par l'intermédiaire de notre collègue M. Motet, a bien voulu nous adres- ser le touchant témoignage. D' M. Bucquoy. Membre de l'Académie de Médecine. D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX RÉCENTES EXPÉRIENCES EN AMÉRIQUE ET EN ANGLETERRE Il y a quelques semaines, une croisière organisée par la Revue générale des Sciences, et composée de nombreux touristes, quiltait Marseille à desti- nation de la Palestine, à bord du paquebot le Sénégal. Le navire se trouvait à la hauteur des iles Lipari lorqu'un cas de peste fut signalé parmi les hommes de l'équipage. La croisière fut alors interrompue, et le Sénégal ramené au lazaret du Frioul, à Mar- seille, où les passagers durent subir la quarantaine de rigueur. Ce paquebot était rentré dix-sept jours aupara- vant d’un voyage aux Echelles du Levant, au cours duquel il avaittouché plusieurs ports contaminés. Rentré à Marseille, il avait bien, paraît-il, subi la désinfection prescrite par les règlements, mais cette désinfection avait été insuffisante, car l’exa- men bactériologique des rats vivants capturés dès l’arrivée des touristes au Frioul, ainsi que des nom- breux cadavres de rats trouvés dans la soute du linge sale, démontra qu'ils étaient porteurs du germe du terrible fléau. Le mode de désinfection actuellement en usage est défectueux, puisque, s'il fait périr les rats, il ne fait pas disparaitre leurs cadavres et, par con- séquent, ne détruit pas leurs parasites (puces, etc.), qui sont le principal véhicule de la peste. Le meilleur procédé à employer serait donc celui qui, permettant de s'emparer des rats vivants, ren- drait possible la destruction rapide et complète de ces rongeurs et de leurs parasites. Seul, un gaz asphyxiant serait capable de pro- duire ces effets. Si ce gaz se trouvait être, en même temps, un destructeur de microbes, son emploi serait des plus avantageux pour la désinfection, et aurait une grande importance au point de vue de l'hygiène. L'acide sulfureux pourrait rendre ce service, si, toutefois, on trouvait une source de production importante de ce gaz, dont les propriétés désinfec- tantes sont connues. Depuis longtemps, les avantages de la désinfec- tion par l'acide sulfureux ont été signalés. Des expériencés faites par Dujardin-Baumetz, Pasteur, le D' Roux, et d’autres savants, ont attiré l’atten- lion sur le pouvoir désinfectant de ce gaz. L’emploi de l'acide sulfureux est réglementaire dans l'armée; il a élé recommandé officiellement par le Comité consultatif d'Hygiène publique de France; il a été employé dans les dernières épi démies pour la désinfection des chambres de cho- lériques. Les expériences faites par Vallin, Dujardin- Baume{z, Pasteur, Sternberg, les résultats obtenus pour la désinfection des salles de casernes ou d'hôpitaux contaminés et des navires, prouvent, comme le démontrent Legouest, Ollivier, Potier, Raoul, la valeur que peut avoir ce gaz dans la pratique. Sternberg a constalé qu’il détruit les microco- ques de l’érysipèle et de la septicémie puerpérale. Vallin a stérilisé le virus du chancre mou, du far- cin, du tubercule en le soumettant à l'action de ce gaz. Il peut aussi rendre de grands services dans les petites localités et dans les campagnes. Nous ne dévons pas, fait observer Sternberg, rejeter l'acide sulfureux avant d’être en mesure de recom- mander à sa place quelque chose de meilleur pour la désinfection des appartements et des navires. M. Legouest dit que l'emploi de l'acide sul- fureux comme agent de désinfection a été fait dans l’armée. Les casernes sont désinfectées à l'acide sulfureux, et les vêtements des galeux net- toyés par ce procédé, en usage depuis longtemps dans les lazarets. Ces opérations ont été praliquées avec de la fleur de soufre, et la désinfection de toute une caserne a coûté 250 ou 300 francs. Pour désinfecter la caserne installée dans l’ancien Chà- teau des Papes à Avignon, infectée par la fièvre typhoïde, M. Czernicki a employé 30 grammes de soufre par mètre cube. Le chiffre de 20 grammes est, en général, considéré comme suffisant. M. Méhu dit qu'il a plusieurs fois procédé à la désinfection de salles d'hôpital à la suite d’épidémies de fièvre puerpérale et de fièvre typhoïde, et que la maladie n'a jamais reparu immédiatement après l'opération : dans ces salles. Des expériences faites par M. Vallin sur la literie, les châlits en fer, les vêtements et objets d'équipement, les objets enveloppés dans des matelas ou des couvertures de laine, ont montré le grand pouvoir de pénétration du gaz sul- fureux. Depuis la réoccupation des casernes, après désinfection, aucun cas d’épidémie ne s’est produit. Ce mode de désinfection avait donné de tels résul- tats qu'il fut question de désinfecter loutes les casernes à l'époque des grandes manœuvres ; ce projet n’a pu avoir de suite, pour la raison qu'on ne possède pas d'appareil permettant une applica- “tion pratique du procédé. De nombreux inventeurs ont cherché à faire des appareils producteurs de SO”; le D: Gibier, entre autres, crut avoir résolu le pro- Plème. Jusqu'à ces derniers temps, cependant, Aucun système pratique n'avait réussi à s'imposer. IT L'acide sulfureux est obtenu habituellement par Ja combustion du soufre. Trois procédés peuvent Ctre utilisés pour la désinfection par l'acide sulfu- reux; ce sont : la combustion du soufre, l'acide Sulfureux liquéfié, la combustion du sulfure de car- bone. Il est reconnu que la pénétration du gaz est considérable, quelle que soit la méthode employée pour le produire. Des papiers à réactifs, placés dans l’intérieur de matelas ou d'armoires, dans des pièces soumises à l'action de cet agent de désin- fection, ont été atteints par lui. Le procédé par la combustion ‘du soufre est le plus simple et le moins coûteux. Pasteur conseillait, afin d'éviter tout danger d'incendie, de se servir d'un fourneau en terre réfractaire placé sur une plaque de tôle, et dont les parois sont percées de petits trous, pour faciliter la combustion. On arrose la surface avec de l'alcool, que l’on enflamme ensuite pour obtenir une combustion égale sur toute la surface. —…. On peut ainsi, disait Pasteur, produire la com- “bustion complète de 20, 40 et 50 grammes de soufre “par mètre cube. L'emploi de l'acide sulfureux liquide anhydre présente les mêmes avantages. Ce gaz, liquéfié par . Raoul Pictet, de Genève, pour servir à l'in- dustrie, se vend dans des siphons analogues à eux d’eau de Seltz, et qui contiennent 750 grammes d'acide sulfureux. Il faut employer, pour la désin- feclion, un siphon par 20 mètres cubes. Ce gaz n'a qu'un inconvénient : c’est de coûter fort cher, La combustion du sulfure de carbone avait élé signalée par M. Péligot comme pouvant pro- duire une quantité importante d'acide sulfureux. M. Ckiandi a inventé une lampe pour brûler ce corps; mais ce procédé offre des difficultés dans la fection la place qu'il devrait occuper. f III - Il y à quelques années, un appareil producteur d'acide sulfureux par la combustion du soufre à été inventé, en Amérique, par M. Clayton. Dans ce D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L’ACIDE SULFUREUX 963 système, le soufre est brûlé à l'intérieur d'un cylindre constamment alimenté d'air au moyen d’un ventilateur mû par un petit moteur à vapeur ou à gaz. Ce ventilateur, relié par des conduites aux chambres à désinfecter en aspire l'air, tandis que les vapeurs d'acide sulfureux produites dans le cylindre à combustion arrivent, sous pression et par d’autres canaux, dans ces mêmes chambres. Lorsque le gaz désinfectant a suffisamment séjourné dans ces pièces, on arrête la combustion du soufre, puis, au moyen du ventilateur, on chasse l'acide sulfureux et on le remplace par de l'air sec. Cette machine, dont la destination première était de servir de pompe à incendie, a été rapidement expérimentée pour la désinfection et la destruction des animaux nuisibles. Les résultats obtenus ont été tellement concluants que l'emploi de cet appa- reil est entré maintenant dans la pratique. Ce sont les expériences faites au moyen de cet engin pen- dant ces dernières années en Amérique el en Angleterre, que nous allons relater ici. Aux États-Unis, on fumige les navires depuis plusieurs années, en introduisant, dans les cales qui renferment la marchandise, du gaz SO* au taux de 10à17°/,, et cela sans le plus léger dommage pour les bateaux. Depuis huit ans, les bateaux de la Morgan C°, qui font le service de la Havane à la Nouvelle-Orléans, subissent, tous les quinze jours, du 4% mai au 31 octobre, la désinfection par l'appareil Clayton. Le gaz sulfureux est générale- ment maintenu dans les cales pendant vingt-quatre heures, sans qu'il en résulte le plus léger inconvé- nient pour l'équipage ni les passagers. Ce système de fumigation a été employé pour empêcher l'intro- duction de la fièvre jaune. Le but a été atteint et les résultats satisfaisants qu'a donnés ce mode de désinfection font eroire que le même procédé peut ètre utilement employé contre la peste. Des expériences faites en Amérique ont prouvé que l'acide sulfureux avait une action efficace sur les balles de peaux et les balles de coton. Une balle de coton pressée hydrauliquement a été placée dans une pièce où l’on produisait 16 °/, de SO”; les résultats de l'expérience ont élé les suivants : non seulement les touffes de coton du centre de la balle dégageaient une forte odeur de gaz, mais, quand on les trempait dans l'eau fraiche, la solu- lion obtenue était suffisamment acide pour faire passer au rouge le tournesol. Malgré la compres- sion, le gaz avait donc bien pénétré dans toutes les parties de la balle. L'acide sulfureux ne sert pas seulement à détruire les germes de maladies, mais encore toute sorte de vermine (puces et autres insectes parasites, ainsi que leurs œufs), et tue les rats, ces agents redoutables de la propagation de la peste. 964 Dès le début du dégagement du gaz, les rats, cherchant à fuir les vapeurs asphyxiantes, déser- tent leurs cachettes et viennent mourir au-dessus des sacs contenant les marchandises. Il est alors aisé de s’en emparer pour les détruire. Ce moyen offre l'avantage de ne pas laisser, dans la cale des bateaux, de cadavres de rats, qui pourraient pro- voquer une nouvelle infection, s'ils étaient conla- minés par la peste. De semblables expériences ont été faites sur de nombreux paquebots. Un navire ayant eu à son bord plusieurs cas de peste fut soumis à la fumigation, qui détruisit des quantités de rats. La disparition de ces animaux fut complète. Aucun des navires désinfectés n’a subi de dommage, et les cargaisons sont demeurées intactes.Des échan- tillons de divers aliments ont élé soumis à une -atmosphère de 10 °/, sans éprouver la moindre altération. Un échantillon de thé, placé dans une cabine pendant la fumigation du navire, a été soumis à des experts sans que ceux-ci aient pu trouver de différence entre l'échantillon exposé au gaz et un échantillon, provenant du même colis, qui n'avait pas été en contact avec le désinfectant. Il en a été de même pour des échantillons de café. À la suite d'expériences faites sur l'orge, pour détruire les charancons, on a constaté aussi que, pour un même échantillon, 96 grains sur 100 non traités, et 90 sur 100 traités, avaient germé. L'orge soumise à la fumigation reste, par consé- quent, propre à malter. - Plusieurs Compagnies anglaises de navigation emploient maintenant lesdits appareils. Tout récem- ment, l'Ormuz, navire contaminé par la peste, ayant refusé de rester au Frioul (fin juillet 4901), a été, en arrivant en Angleterre, désinfecté avec succès par les appareils Clayton et a repris son service de navigation après autorisation des auto- rités sanitaires anglaises. Au début, les armateurs redoutaient de voir les bateaux et les cargaisons endommagés par l’aclion de l'acide sulfureux ; mais ces craintes ont disparu devant les résultats obtenus. Le prix de revient du gaz est tellement minime qu'il ne peut être pris en sérieuse considération. De nombreuses expériences ont aussi été faites pour montrer l'action de l'appareil en cas d'in- D' A. LOIR — LA DÉSINFECTION PAR L'ACIDE SULFUREUX cendie, et les Compagnies d'assurances acceptenk maintenant des risques sur le coton et accordent une réduction de 33 °/, sur les cargaisons des baleaux transportant du charbon inflammable, munis de l'appareil Clayton. Des barils de sucre, de bois de sapin, ete., d'en: viron huit pieds de hauteur, furent assemblés en pile dans une chambre et saturés d'huile de pétrole Un feu fut allumé et on le laissa brûler de toute son intensité pendant trois minutes et demie environ avec la porte de la chambre ouverte ; au bout de cê laps de temps, le gaz fut introduit dans la chambre et son effet sur les flammes fut immédiat, car on les vit baisser très notablement. La porte un® fois fermée, les flammes disparurent. Pendant plusieurs minutes, en plaçant l'oreille près de a porte, on entendit le craquement du bois. Du jute en feu, trempé dans du pétrole, fut de même éteint immédiatement; on obtint le même résultat pour de petites balles de coton. Des chars bons d'anthracite enflammés furent placés dans une boîte en sapin, et celle-ci recouverte, en divers endroits, par des couches de charbons bitumineux On mitces matières en combustion et on y laissa couver le feu durant vingt-quatre heures. Dès lim troduction de l'appareil dans la chambre, le feu élait étouffé et, au bout d’une heure et demie, riem n'indiquait plus que le charbon continuàt brûler. Le charbon rempli de ce gaz n'offre aucun danger de combustion spontanée et, de plus, il peut être employé immédiatement, car il n'a subi aucune altéralion. En résumé, ces expériences prouvent que nous sommes en présence d'un appareil capable de produire de grandes quantités d'acide sulfureux A un moment où l'Europe entière prend des me sures de préservalion conlre une invasion toujours possible du terrible fléau asiatique, il nous a paru utile de faire connaitre les expériences de désinfecs= tion qui ont eut lieu en Amérique pendant ces der nières années. Ces expériences ont donné des ré sultats très satisfaisants et prouvé que l’on possède dans l'acide sulfureux convenablement emplo uu agent de désinfection rapide et sûr. D' À. Loir, Directeur de l'Institut Pasteur de Tunis E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS Dans un premier article, nous avons étudié les "procédés de liquéfaction des gaz et les moyens de les conserver à l’état liquide‘. Nous allons mainte- “ nant examiner leurs principales applications et indiquer les conditions de leur transport. Les gaz liquéfiés ont une application directe, commune à tous, le chlore excepté”, c'est la pro- duction industrielle du froid. On sait le rôle im- - mense que joue l'industrie du froid dans notre civilisation, rôle qui grandit de jour en jour. C'est - donc par celte application physique qu'il convient ; de montrer d'abord l'importance de plus en plus considérable prise par les gaz liquéfiés. Leurs applications autres que les applications frigorifi- - ques varient beaucoup d'un corps à l’autre et sont - surtout des applications chimiques; elles seront étudiées en dernier lieu. I. — PRODUCTION INDUSTRIELLE DU FROID - PAR LES GAZ LIQUÉFIÉS*. Les machines frigorifiques à gaz liquéfiés consti- tuent le moyen le plus efficace et le plus écono- mique de production du froid à l'heure actuelle ; - leur supériorilé sur les machines frigorifiques à + air ou à alfinilé parait aujourd'hui incontestable. . Le fonctionnement de ces machines est aisé à com- . prendre ‘: une certaine quantité d'un gaz liquéfié * quelconque, placée dans un réfrigérant, s'évapore 4 Voyez la Revue du 30 octobre 1901. ? Uniquement à cause de son action corrosive sur les métaux et alliages usuels. # J'ai beaucoup emprunté pour cette rédaction aux magis- trales études de M. Gustave Richard : « Les machines fri- gorifiques et leurs applications à l'Exposition Universelle de 1889 », Revue lechnique de l'Exposition de 1889, 11° par- tie, Industries Chimiques, t, 1, p. 109; Bernard, Paris, et « Les machines frigorifiques », Revue de Mécanique, janvier et mai 1897, Dunod, Paris. # Leur théorie complète est au contraire malaisée à faire. Elle a été donnée, pour la première fois, par Linde en 1870, dans le Bayer Industrie und Gewerbeblatt, complétée par lui en 1871, dans le même journal, et enfin, en 1875, dans le Verhandlungen des Vereines für Gewerbefleiss Preussen. M. Ledoux a publié, dans les Annales des Mines de 1878, une théorie plus complète s'étendant à toutes les machines à froid, et donné daus des Tables les coefficients thermiques de l'acide sulfureux et de l'ammoniaque. Enfin, M. Zeuner a | publié en 1881, dans le Zivilingenieur, une théorie des ma- chines à gaz liquéfiés qui n'est autre que celle de Ledoux, mise au point à l'aide de données plus récentes, et qui con- tient en outre la théorie de la machine à acide carbonique liquide. L a Sn né id Le : e 965 LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE ET LES PRINCIPALES APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS DEUXIÈME PARTIE : APPLICATIONS ET TRANSPORT sous l'aspiration d'une pompe aspirante et fou- lante; le gaz liquéfié, pour s’évaporer rapidement, est obligé d'emprunter de la chaleur au corps qui l'entoure, c'est-à-dire au réfrigérant. Les vapeurs résullantes sont ensuite comprimées dans un /iqué- facteur où elles repassent à l'état liquide, pendant qu'un courant d’eau enlève la chaieur développée par la compression des vapeurs, et ramène le li- quide à sa température initiale. Le liquide retourne alors, par l'intermédiaire d'un robinet régleur, dans le réfrigérant où il est de nouveau aspiré, etc. La même masse de gaz parcourt done un cycle | fermé, et sert indéfiniment sans pertes si la ma- chine est parfaite. Une machine frigorifique contient donc trois organes essentiels : le compresseur, le liquéfacteur et le réfrigérant, auxquels on adjoint un organe régleur appelé le détendeur. Le compresseur peut être à simple ou à double effet. — Lorsque le compresseur est à simple effet, on le double le plus souvent, les deux cylindres étant actionnés par une même manivelle, de facon que l’un aspire pendant que l'autre refoule. Les cylindres sont alors presque loujours verticaux, et portent chacun deux soupapes coniques à ressort, l'une d'aspiration, l’autre de refoulement, à leur parlie supérieure; la boîle à éloupes se trouve, au contraire, à la partie inférieure, où elle n’est jamais au contact direct du gaz à comprimer que par les fuiles du piston. Celui-ci est pourvu de plusieurs segments, comme les pistons des machines à va- peur, et est surmonté d'une couche d'huile, sans cesse renouvelée pour éviter les émulsions, qui pénèlre en partie dans la soupape de refoulement et supprime les espaces nuisibles, tout en lubrifiant le cylindre et en augmentant l'étanchéité du piston. Lorsque le compresseur est à double effet, on le place dans le prolongement de Ja tige du piston du moteur à vapeur qui commande la machine frigori- fique, el il est actionné par elle ; il est alors le plus souvent horizontal. Dans ce cas, la boite à étoupes doit se maintenir étanche, non seulement pendant l'aspiration, mais encore pendant qu’elle supporte la pression du refoulement. Dans ce but, on dis- pose deux boites à étoupes entre lesquelles est un espace communiquant avec l'aspirateur du com- presseur. Les fuites provenant du refoulement, que la première boite à étoupes n'a pu arrêter, 966 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS sont arrêtées par la seconde qui n’a plus qu'à vaincre la pression de l'aspirateur. Les compresseurs à double effet sont, en Europe, de beaucoup préférés aux autres, à cause de leur prix moins élevé et de leur forme plus ramassée ; mais ils s'usent plus vite parce que les cylindres horizontaux s'ovalisent, ce qui exige des répara- tions onéreuses. De plus, les boîtes à étoupes étant plus compliquées absorbent plus de travail. Enfin, en cas d'obstruction des cylindres, les accidents des machines à double effet sont graves à cause de la rigidité du lien qui rattache leur piston à celui du moteur. Les compresseurs verticaux sont plus encom- brants, plus chers, mais ne s’ovalisent pas, et durent beaucoup plus longtemps que les autres; ils sont, de plus, faciles à conduire, ont des presse- étoupes aisément élanches, et, à cause de leur transmission par courroies, donnent lieu à des accidents moins redoutables. Ce type de machines domine aux États-Unis. Dans toutes les machines frigorifiques, on combat l’échauffement du compresseur dans la phase de refoulement, soit au moyen d'une enveloppe d’eau, soit plus efficacement par l'injection automatique d'une petite quantité de gaz liquéfié, laquelle fonc- tionne comme l'eau qui salure l'air dans les com- presseurs à air (Voir p. 902). Le liquéfacteur est constitué toujours par des tubes métalliques droits ou courbes (serpentins) parcourus par le gaz à liquéfier, et refroidis par une circulation d'eau. Les tubes droits ont cet avantage que, si quelques-uns s'obstruent, la machine conti- nue de fonctionner; mais leur construction néces- sile de nombreux joints, difficiles à faire, et qui sont rarement étanches sous des pressions élevées. Les serpentins réduisent au contraire au minimum le nombre des joints, mais ils doivent être mulli- ples, pour que l’obstruction de l’un d'eux n'arrête pas le fonctionnement de la machine. Le détendeur n’est, le plus souvent, qu'un robi- net de réglage disposé entre le liquélacteur et le rélrigérant, robinet que l'on commande à la main. D'autres fois, le détendeur est commandé automa- tiquement en utilisant la différence de pression qui existe entre les deux organes qu'il réunit. Le réfrigérant est l'analogue, en sens contraire, du liquélacteur. Le gaz liquéfié, refroidi par une rapide vaporisation, circule dans des tubes droits ou des serpentins baignés dans un liquide incon- gelable que des turbines agitent et forcent à circu- ler méthodiquement d'un bout à l’autre du réfri- gérant. Proposons-nous maintenant de passer en revue les principaux types de machines frigorifiques à gaz liquéfiés ; si l'on considère que l'appareil Linde dé- crit page 902 est en somme une machine frigorifique" à air liquide et qu'il n’y a pas de machines à pro= toxyde d’azole, à acétylène ou à chlore liquide, on voit que, si l'on met à part l'acide carbonique, les machines frigorifiques en question se réduisentaux" machines à ammoniac, à chlorure de méthyle el" à acide sulfureux liquides ; il y a lieu également de dire quelques mots des machines à liquides mixtes: S 1. — Machines frigorifiques à gaz ammoniac liquéfié. Au point de vue chronologique, on peut citer les machines de « Carré » (1864), de « Linde » (1875), de « Kilbourn » (1879), de « Lavergne » (1880), de « Wood » et « Richmond » (1882), de « Fixary » (1883), de « Puplett » (1884), de « Lebrun » (1887), ammoniac Linde à Jiquélié. — A, compresseur horizontal à double elfet ac- tionné directement par le moteur M; B, liquéfacteur; C, cylindre frigorifique; D, manomètre indiquant la pression dans le liquéfacteur; E, manomètre indiquant la pression dans le serpentin de détente. Fig. 4. — Machine frigorilique de de « Rouart » (1889). Les types de machines à ammo- niac créés aux Elats-Unis depuis 1889 sont extré- mement nombreux: il suffira de citer les machines « Frick », « Hercule », « Shou », « Ballantine », « Hesketh et Mariet » et celles de la « Arctic C2 », de la « Case Refrigerating C°», de la « York Manufacto- ring C», de la« Consolidated Ice Machine C° », ete. Dans ces appareils, il est impossible d'employer le laiton ou le bronze; toutes les pièces sont en fonte, en fer ou en acier. La machine « Linde » est une des meilleures ma- chines à ammoniac actuelles (fig. 1). Son compres- seur est horizontal, à double effet, accouplé au volant du moteur par une bielle et une manivelle. Le piston est à segments de fer, et s'applique sur les deux fonds du cylindre avec une rigoureuse exac- tilude, l'espace nuisible étant ainsi supprimé méca- niquement, Le presse-étoupes, d'où vient presque E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 967 “oute la valeur de cette machine, est double, avec Chambre intermédiaire remplie d'une huile miné- rale incongelable qui forme joint hydraulique, cette “chambre étant réunie à l'aspiration par un petit u yau. Dans ces conditions, la seconde garniture “ne supporte que la pression de l'aspira- on (2 kilos) et n'a pas de gaz à retenir» mais simplement de l'huile liquide‘. Cette disposition supprime tout autre graissage, car l'huile entraînée goutte à goutte par la tige dans le cylindre est finement pulvériséeet lubréfie les organes intérieurs. Le réfrigérant et le liquéfac- teur sont composés de serpentins en NN NN CRE E. AT 27 AN A SA 7 AIG /4 A NEW D \ 222224 2 = = +4 NS SREIE TZR AZ S S RS SNS Se. PA L EE 9 Kis. 2. — Compresseur de la machine de Lavergne à gaz ammoniac liquéfié.— A, soupape d'aspiration de l'ammo- niac: À, tuyau d'alimentation du bain d'huile; S, soupape du piston laissant passer, lorsque le piston descend, AzH* et une partie notable de l'huile: R, soupape de refoule- ment unique baignant dans l'huile et sans autre ressort que l'ammoniac comprimé en B; R', tube de refoulement _ aboutissant au condenseur; », anneau amortisseur des chocs par compression de l'huile entre lui et la partie - inférieure de B; /,{. purgeurs. La compression a lieu pen- dant la montée du piston, l'huile redescendant en partie entre les segments de la garniture du piston et les parois du cylindre. fer d'une seule pièce. Pour les pays tropicaux, où les pressions de refoulement peuvent atteindre 4 Dresez : Observation sur la communication de M. G. Ri- chard, relative aux machines à froid, Joe, cit.,pp. 301 à 305. — Le brevet du presse-étoupes de Linde est tombé dans le domaine public en 1890, et depuis cette époque il a été adopté par la plupart des constructeurs de machines frigo- rifiques. | | | 13 et 14 kilos, M. Linde emploie des compresseurs compound où lacompression est faite en deux temps. Il y a lieu designaler un {ype marin, destiné aux vaisseaux, lequel porte sur un seul socle le moteur à vapeur et un compresseur compound. Le socle DLOUUII/I/I0IIIIT F2 Z : D LZL À LL NN S si - — \ | À Î Fig. 3.— Soupapes de la machine frigorifique à gaz liquéfié de Wood et Richmond, contient à l'intérieur le liquéfacteur, et sur ses flancs d’un côté le condenseur à vapeur, et de l'autre une pompe à eau puisant directement à la mer. La machine « Linde » est très répandue en Allemagne et en France. Les machines de « Kilbourn » et de « Lavergne » | sont verticales, à simple effet, avec deux compres- seurs accouplés par manivelle à 180°; elles se distin- guent par des détails de construction très remarqua- bles en ce qui concerne les joints et les robinets. Dans la machine de « Lavergne », très répandue aux États-Unis, dont la figure 2 montre le compres- seur, la couche d'huile qui surmonte le piston esl très épaisse; les segments du piston n'étant pas tout à fait étanches, la majeure partie de l'huile s'écoule pendant la montée du piston entre sa gar- | niture et les parois du cylindre, le reste passant, par la soupape de refoulement, dans la circulation de graissage. Cette disposition complète l'étanchéité du piston, réduit les frottements, et dissipe la cha- leur de compression du fluide. La machine de « Wood » et « Richmond », répan- due égalementaux États-Unis, est du même type que les deux précédentes. Les soupapes d'aspiration et de refoulement (fig. 3), disposées à la partie supé- rieure des compresseurs, sont particulièrement accessibles et faciles à régler du dehors. L’échauf- fement des compresseurs est combattu par l’injec- tion automatique d’ammoniac liquide pulvérisé. Les remarquables machines « Fixary », si répan- dues en France, sont de deux sortes : horizontales et verticales. Les machines verticales dé faible puissance sont à un cylindre, les plus puissantes à deux; ces dernières machines sont caractérisées 968 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS par les précaulions prises pour éviter loute espèce | de fuite (fig. 4). En effet, les deux compres- | seurs communiquent à la par- tie inférieure par une nappe d'huile D où les pistons vien- nentbaigner. Lacouche d'huile qui surmonte les pistons sup- Dans les presse-éloupes, où circule l'huile refrois die, les garnitures en coton, chanvre ou amiante: prime tout espace nuisible ; quant aux fuites qui se pro- duisent par les garnitures des pistons, elles viennent s'ac- cumuler dans une chambre d'équilibre E, placée entre les deux cylindres et communi- quant avec les soupapes d’as- EN —— piration B par l'intermédiaire \ d'une soupape de refoulement ù S qui s'ouvre dès que la pres- N sion du gaz dépasse une cer- \ taine valeur. Quant aux boites à étoupes, Z 4 LLODOODOD) | 77 él TL TIL, 2/77/7127, TTL 2 I W, elles sont entourées d'une gaine d'huile —> = aa qu'une dérivation d'ammoniac liquide d venant du réfrigé- rant congèle en par- tie : l'huile forme EEK 4 N papes de dégagement: a, 4, gaine d'huile autour de la tige de alors autour de la tige du piston un S, soupape de refoulement; B, B, soupapes d'aspiration: C, C, sou- Joint pätleux absolu- piston: d, dérivation d'ammoniac liquide. ment imperméable et sans frottement. Ce joint se retrouve, mais beau- coup plus utilement, dans les machines horizon- tales à double Ur A * Fig. 4. — Machine frigorifique Fixary à gaz ammoniac liquéfié. — AÀ,A,compresseurs; D, nappe d'huile ; E, chambre d'équilibre ; suffit done de remplacer l'eau évaporée pour assus rer le service de la liquéfaction. Dans les pays tem= effet, à peu près (4 RAF seules construi- tes aujourd'hui, noel : dont la boite à | =, étoupes est sou- mise directe- [T} Pompe rl ns = ment à la pres- L= sion de l'ammo- niac comprimé. Dans ce cas, on au join de re at AN gueur un peu plus grande que FBoppemans Se vanlage d’être fa la course du pis- Fig. 5. — Forme primitive de la machine frigorifique Vincent à chlorure de cilement acces- + méthyle. — À, tuyau d'aspiration du chlorure de méthyle gazeux: B, refou- : : ton, de manière lement au liquéfacteur D; E, serpentin; C, tuyau amenant le nt sibles sur tous, - liquéfié au robinet de détente R du bac à glace 1: M, mouleaux; H, turbine côtés et fa que les pie agitant le bain 1: R', robinet d'isolement; ab, circulation d’eau du liqué- les À 3 de la tige qui facteur. ciles à surveil pénètrent dans le compresseur ne voient jamais l'atmosphère. Les pertes de gaz sont ainsi totalement supprimées. Liquéfacteur V 7 denseursont,sur [1 Nr ser) et à nettoyer. Il y a lieu de signaler une machine Fixary, du type marin, créée récemment. rayaient à la longue la tige du piston du compresseur ; On & remplacé ces garni tures par des bagues métalliques à pans coniques composées d'un alliage malléa ble de plomb, d'étai et d'antimoine, les quellesassurent, sans qu'on ait à les rem placer plus d’une fois tous les deux ou trois ans, l'étanchéité de la garniture et sup priment l'usure de la tige du piston.’ Dans les machines Fixary récentes, le refroidissement du gaz comprimé es obtenu, non par l'échauffement d'une circulation d’eau, mais par l’évapora- tion d'une petile par tie de l’eau qui tombe en pluie sur les tube du liquéfacteur ; il n pérés, ce sys tème économise les 8/10 de l’eau consommée pa les condenseurs. à immersion €@ réduit la force motrice pendant tique, ces con= les autres, l'a- ler, à entretenir. l Ca E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 969 Enfin, la machine anglaise de « Puplett » a un Condenseur horizontal et à double effel recevant, omme celui de lamachine « Wood » et« Richmond », üne injection d'ammoniac liquéfié; elle est carac- | Le réfrigérant se compose de serpentins de cui- vre pour les gros appareils et d'un corps tubulaire de même métal pour les petits, disposés au milieu d'une bàäche en tôle contenant un liquide incongela- ble. La figure érisée par un liquéfacteur 6 représente la forme ac- lune forme tuelle donnée spéciale. par M. Douane S2. — Machi- à la machine nes frigori- ques à chlo- rure de . méthyle. On peut ci- ter la machi- e « Vincent » 1880) (fig. 5), actuellement construitepar “ Douane ». Dans les mo- ‘dèles puis- sants,les com- presseurs - sont doubles, verticaux et à simple effet; comme dans les machines « Fixary » ils ; communi- -quent entre | eux par le bas avec un espa- ce libre sans cesse en rap- port avec l’as- piration, dont la pression est d'une atmo- sphère envi- _ron. Les boi- tes à étoupes, — | protégées d’ailleurs par une cerlaine . hauteur de glycérine, étant sollicitées à l'intérieur - el à l'extérieur par des forces égales, les fuites _ sont évitées. Dans les machines de faible puissance, il n'y a - qu'un cylindre compresseur dont le piston et les organes conducteurs sont enfermés dans une cage -en fonte entièrement close, L'arbre qui donne le . mouvement au piston lraverse la paroi de la cage en fonte par un presse-étoupes. O0 RO EE à à nt né Fig. 6. — Forme donnée par M. Douane à la machine Vincent à chlorure de méthyle liquélié, « Vincent ». $S 3. — Machi- nes frigori- fiques à acide sulfureux liquide. Parmi cel- les-ei, on peut citer les ma- chines « Ree- 1865), | « Pictet » (4875), « Mac- kay » (1888). La machine « Pietet », qui est la princi- pale, est ca- | ractérisée par un compres- seur horizon- tal à double effet actionné directement ou indirecte- ment par un moleur à va- peur (fig:9);. Le compres- | ce » seurestà dou- ble enveloppe et parcouru, ainsi que Ja tige creuse du piston, par un courant d’eau. Les presse-étoupes sont doubles, avec chambre inté- rieure et récupération des fuites par l'aspiration du compresseur, Comme dans la machine « Vincent » la pression d'aspiration est très voisine de la pression atmosphérique. Les soupapes sont silencieuses, très en évidence, très étudiées; les soupapes de refoule- ment sont munies d'amortisseurs. L'acide sulfureux liquide, étant un lubréfiant, permet de supprimer le graissage de tous les organes internes de lamachine. 970 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS Le réfrigérant (fig. 7), tout en cuivre, se compose de deux gros tubes horizontaux réunis latéralement par deux tubes demi-circulaires et verticalement par de nombreux tubes en U. L'ensemble plonge dans une dissolution de chlorure de calcium. Le presse-éloupes (fig. 8) se compose d'une boite cylindrique remplie de bagues en matière plas- tique que l’on a trempées dans de la paraffine pas trop chaude. Ces bagues, de 10 à 12 millimètres d'épaisseur, embrassent exactement la tige du piston et entrent juste dans la boite dans laquelle elles sont serrées modérément au moyen de pièces de serrage b, c, par l'intermédiaire de la bague métallique a. Les machines « R. Pictet » sont très répandues en - France et dans les pays chauds. | Fig. 8. — Presse-étoupes de la machine Pictet. — à, bagu métallique: 2, e, e, pièces de serrage; d, tige de pistons 1, bagues en matière plastique trempées dans la paraffines une certaine quantité d'acide carbonique liquide“ La question de la supériorité des machines à « liquide Pictet » sur les autres a été jugée défini tivement dans une série d'essais faite en 1890 à $S 4. — Machines frigorifiques à liquides mixtes. | C'est à MM. Tessié du Motay et Rossi qu'est due | Station d'essais de l'Asssociation polytechnique l'idée d'employer les liquides mixtes résultant de | de Munich, comparativement avec une machine l'absorption par l’éther de 50 °/, de son poids d'a- « Linde » à ammoniac ; la machine à cide sulfureux ou de 6 °/, de son poids d'ammo- « liquide Pictet » avait, en moyenne, niaque. L' un rendement de 25 °/, inférieur à celux On obtient ainsi des liquides incolores fonc- KM de la machine à ammoniac liquéfié®? tionnant comme un gaz liquéfié homogène, et (ep elle a été définitivement abandonnée. n'ayant pas la fâcheuse propriété de facile inflam- mation qui à fait abandonner les machines à éther. | $ 5.— Rendement des machines frigors fiques à gaz liquéfiés. Le rendement frigorifique est le rap= port du nombre de calories absorbées par le réfrigérant à l'équivalent calori- fique du travail correspondant indi- qué au compresseur. Si T, est la tem- pérature absolue du compresseur et D, la température absolue du réfrigérant, la valeur théorique du rendement fri- gorifique est donnée par a elle augmente lorsque la température du compresseur et la chute de tempéran ture T,—T, diminuent, ensemble ou séparément. Si on laisse de côté les machines fris gorifiques à liquides mixtes, les machines décriles précédemment produisent en moyenne de 2.500 à 2.900 calories néga= tives, ou frigories, par cheval-heure indiqué au compresseur, ce qui veub Fig. 7. — Réfrigérant de la machine frigorifique Pictet à anhydride dire qu'en une heure et pour un cheval sulfureux liquide, indiqué au compresseur, le réfrigérant peut abaisser de 10° la température de I y a aux États-Unis un très petit nombre de ces ! 250 à 290 kilos d’eau. machines en fonctionnement. Il y a lieu de citer la tentative faite par M. R. Pictet pour élever le rendement des machines à acide sulfureux liquide en mélangeant à ce corps | | | 1 C.-E. Guvxe : La Production du froid et ses récentes applis | cations, Revue générale des Sciences, 1292, t. II, p. 635. | ® Essais comparatifs de machines à froid exécutés à la | Siation d'essais de l'Association Polytechnique de Munich} E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 971 PE a distillati réalable de l’eau destinée à être II. —— APPLICATIONS DES MACHINES FRIGORIFIQUES I stillation préalabl au destinée à êtr À GAZ LIQUÉFIÉS congelée donne uné glace parfaitement stérilisée el Une des applications Îles plus impor- tantes est la fabrication de la glace; mais les applications les plus nombreuses se font soit par l'intermédiaire de l'air froid HE et sec, soit par l'intermédiaire d'une sau- mure refroidie sans cesse par la machine = et qui circule d'une façon continue autour Ë ou à l'intérieur des substances à refroidir. E S {. — Fabrication de la glace. GMA La fabrication de la glace, au moyen d'une eau préalablement stérilisée par la AAEBE ÉEEEE chaleur, est une véritable nécessité so- Il est surabondamment démontré 1 ÉÉÉÉE E E vières, des lacs ou des marais est un véri- table réceptacle à microbes, les froids les = plus intenses ne détruisant pas ces micro- à organismes. Toute glace naturelle doit | done être considérée comme suspecte, el | la prudence la plus élémentaire consiste à n'employer pour l'alimentation que de la glace artificielle faite avec une eau sté- rilisée. La congélation d'une eau aérée donne une glace opaque, légère et fondant vite: cette glace, à cause des bulles d'air qu'elle renferme et qui lui donnent son opacilé, est plus hygiénique mais moins belle que la glace transparente obtenue avec de l’eau privée d’air. Comme cette dernière fond moins vile et par suite se conserve plus longtemps, et que le goût du publie con- corde avec l'intérêt des industriels, on ne fabrique guère pour la consommation que de la glace transparente !. pis lyau men ciale. aujourd'hui que la glace naturelle prove- nant de la congélation de l'eau des ri- compresseur. la gla alion de È Le procédé le plus employé consiste à refroidir une eau pure, privée d'air, ren- fermée dans des mouleaux mobiles placés dans des bacs où circule un liquide froid incongelable (fig. 9). On peut procéder par congélalion lente, comme dans la nature, ou en agilant mécaniquement les mouleaux pour faciliter le départ de l’air dissous; ces deux pro- cédés sont aujourd'hui abandonnés comme exigeant un matériel trop encombrant ou trop compliqué. 15 Plan de piration de $ brochure de 87 pages, avec 21 planches. Imprimerie Chaix, Paris, 1891. ! Il est assez curieux de constater que les cafés font excep- tion à cette règle, en exigeant de l'industrie des carafes frappées à glace opaque; il S'agit là uniquement d'une ques- tion de visibilité, et aussi beaucoup d’une question d'habi- tude. |! de combustible augmente le prix de revient dans | très transparente; mais la dépense supplémentaire 972 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS des proportions inacceptables. On a tourné la diffi- | culté en utilisant, pour la stérilisation de l’eau, la chaleur du moteur qui actionne la machine frigo- rifique. À cet effet, M. Linde (fig. 10)chauffe la chau- dière de son moteur avec une chaudière auxiliaire qui produit de la vapeur à une température plus élevée que la première; dès lors, cette vapeur se condense dans la première chaudière tout en échauffant de celle-ci. L'eau, ainsi condensée sous pression, est amenée dans un récipient où règne la pression atmosphérique et où elle abandonne, par ébullition, l'air qu’elle contenait; elle passe ensuite dans les mouleaux après avoir, dans un échangeur de température, cédé une plus grande partie de sa chaleur à l'eau qui doit alimenter les deux chau- dières. La solution de M. Linde donne une glace absolument par- faite, mais con- duit à un appareil compliqué et coù- teux. La solution de M. de Sloppani, plusdirecte et plus économique, con- siste à utiliser la vapeur d'échappe- ment du moteur & à précédemment produisent de 25 à 29 kilos de glace à l'heure par cheval indiqué au compresseur. Mais ce sont là des machines industrielles à pro duction énorme et économique. Les machines à glace à très faible production ont, à un autre point de vue, un très grand intérêt aussi, mais un intérêt domestique et non industriel; elles permettent de faire de la glace dans les endroits isolés (châteaux, pleine campagne), où il est absolument impossible de s'en procurer, quel que soit le prix qu'on y mette. De telles machines domestiques s'imposent tout particulièrement aux colonies, où l'emploi quotidien de la glace pure est une nécessité plu encore qu'un luxe. La maison « Douane » s'est faite une spécialité de ces sortes de machines; la plus remarquable esb un appareil d’un poids total de 58 kilos (fig. 11}, dé montable en piè- ces dont la plus lourde pèse 30 ki- los et qui, mû par deux manœuvres quelconques, don- r ne,après un quark d'heure de mar- che, de 300 à 400 de la machine fri- gorifique. Cette va- peur, déjà partiel- lementcondensée, passe dans un sé- parateur formé de lames de tôle dis- posées en chica- nes où elle aban- donne l'huile Fig. 10. — J'abrication de la glace par le procédé Linde. — À, chaudière à haute pression; a, tuyau amenant la vapeur formée à se condenser dans le serpentin de la chaudière à basse pression B: /, réducteur de pression; e, tuyau conduisant la vapeur de A dans le récipient C, à la pression atmosphérique, où elle se met à bouillir et expulse par g l'air qu'elle contient: h, tube amenant l'eau distillée et privée d'air dans l'échangeur de température D, d'où la pompe H l'extrait par le tube qg pour l'envoyer par r au service des mouleaux; E, pompe aspirant l'eau froide par 7 et la refoulant dans le serpentin P où elle s'échauffe et alimente ensuite par À la chaudière A et par / la chaudière B; d, tuyau amenant la vapeur de B au moteur G qui actionne toutes.les pompes: », sortie de la vapeur qui va à un condenseur. grammes de glace, soit de 1.200 à 1.500 grammes en: une heure. Cette machine fonction= ne au moyen d'un. cycle chlorure de méthyle (fig. 5,) M Au point de vue historique, elle esb qu'elle avait en- trainée; la vapeur achève ensuite de se liquéfier dans un condenseur à surfaces où une pompe à vide force l’eau à dégager l'air qu'elle avait dissous. Elle passe de là dans les mouleaux après avoir traversé un échangeur de température où l'on ré- cupère la plus grande partie dela chaleur spécifique de l’eau pour chauffer celle qui doit alimenter la chaudière du moteur. La méthode de M. de Stop- pani, adaptée ordinairement aux machines à ammo- niac Fixary, a le très grand avantage de pouvoir être appliquée aux machines frigoriliques de tous les autres systèmes; mais elle donne une glace moins pure que le procédé Linde. Si l’on part en moyenne d’eau à + 20°, il faudra lui enlever 20 + 80 — 100 calories par kilo pour la transformer en glace; ce qui montre, d'après la page 950, que les machines frigorifiques décrites le perfectionne ment de l’ancien appareil domestique de Vin cent (fig. 12) lequel, grâce à ses formes ramas sées eb à l'introduction du compresseur dan l'enveloppe du condenseur, élait mû à bras d'homme et donnait de 2 à 3 kilos de glace l'heure. $ 2. — Production de l’air froid. On peut refroidir l'air par contact direct avec un. liquide incongelable ou utiliser directement le réfris gérant de la machine frigorifique. Dans le premier, système, on fait passer l'air à travers des surfaces mouillées par une saumure froide ou à lravers un, ruissellement (systèmes d'Osenbruck et de Linde); ou même une véritable pluie d’eau salée (systèmes, Linde et Pictet). {1 y à alors un très grand contact entre le liquide et l'air, et celui-ci se refroidit E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE 973 DES GAZ LIQUÉFIÉS pendant que l'eau salée froide et fortement hygro- “ seurs « Linde » à A métrique absorbe les gouttelelles de vapeur con- densée ; comme celles-ci ont pour noyaux les cor- puscules organiques ou inorganiques entrainés mécaniquement par l'air, il s'ensuit que celui-ci se purifie en même temps qu'il se dessèche et se refroidit. Les refroidis- surfaces mouillées se composent d’a- xes horizontaux et parallèles portant chacun une série de disques en tôle espacés de quel- ques centimètres et dont la partie inférieure plonge dans un bac qui contient le bain incon- gelable d’eau salée. Par une rotation lente, ces disques se recouvrent d'une mince couche d'eau salée et forment une série de canaux étroits et paral- lèles dans les- quels l’air, chassé par des ventilateurs # Fig. 11,— Machine Douane à bras pour hélice, se re- la fabrication domestique de la glace. froidit. Le refroidisseur « Rouart » se compose de toiles métalliques verticales sur lesquelles circule une dissolution de chlorure de magnésium. Le seul inconvénient de ce système est que le _ titre de la saumure va constamment en diminuant, en même temps que son volume augmente, par suite de l'absorption de l'humidité de l'air. Il faut avoir soin de soulirer l'excès de liquide et d'ajouter du sel, de manière à maintenir son titre constant. Le second système, dans lequel tout liquide incongelable est supprimé, conduit évidemment à des appareils plus simples; mais il à un gros défaut, c'est que l'air qui vient se refroidir au contact du serpentin du réfrigérant de la machine frigorifique abandonne en même temps, sous forme de givre, l'humidité qu'il contient. Cette couche de givre constitue un écran mauvais conducteur de la chaleur qui annihile bientôt l'action réfrigérante REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. du serpentin ; grand nombre il faut donc dégivrer celui-ci. Un de solulions de ce problème ont été proposees. Un des plus simples consiste à munir le réfri- gérant de plusieurs serpentins. indépendants el pouvant être isolés les uns des autres. Dès que l’un est givré, on l'isole, le cou- rant de gaz liquéfié inté- rieur passant dans un autre serpentin, et l’on fait fondre le givre par exemple au moyen de la chaleur empruntée à l'air extérieur; mais ce moyen est lent el peu l'intérieur du serpentin givré un courant d'air On peut aussi faire passer dans chaud, ou même de vapeur d'eau. La société « Linde » préfère utiliser le serpentin givré comme dérivation momentanée du liquéfacteur de la ma- chine ; la chaleur de vaporisation considérable dé- gagée par les vapeurs d'ammoniaque au moment de leur liquéfaction sous pression se transmet à travers l'épaisseur du serpentin de fer, et le givre fond aussitôt. M. Fixary a eu l'idée d'opérer le dégivrement du serpenlin isolé À en faisant passer d’abord sur lui l'air chaud et humide qui doit ensuite aller se refroidir sur le serpentin suivant B, refroidi, inté- F, BOFFEMANS 550 Fig. 12.— Appareil domestique Vincent pour la fabrication de la glace. — C, compresseur à simple effet; a, soupape; C!, serpentin liquéfacteur; D, robinet de détente du bac à glace G; A, indications en traits discontinus du tube par lequel les vapeurs détendues du chlorure vont du bac à glace à l'aspiration du compresseur. rieurement par l’'ammoniaque liquide détendu; dès lors, l'air fait fondre une partie du givre de A et va ensuite se dessécher sur B. Lorsque À est ainsi dégivré et que B ne fonctionne plus, on renverse, par un jeu de robinets, la circulation de l'air qui se fait alors de B sur À, tandis que l'ammoniaque passe de nouveau à l’intérieur de A. cl Toutes les solutions du second système ont le même inconvénient, c'est que l'air qui se refroidit au contact des serpentins réfrigérants et qui dépose son givre sur eux n'a pas, avec ces surfaces métal- liques, le contact intime qu'il à avec ia saumure liquide dans le premier système ; en particulier, les poussières qu'il transporte avec lui ne paraissent pas arrêlées d'une facon aussi efficace el l’on peut se demander si la solution si élégante du dégivre- ment donnée par M. Fixary n'a pas pour effet d'augmenter le nombre des germes que contient l'air. D'autre part, la nécessité, pour le machiniste qui conduit l'opération de la réfrigération de l'air, de surveiller l’état de givre ou de dégivrement des serpentins réfrigérants nécessile une surveillance qui ne peut être efficace que dans une installation de petite ou moyenne importance, comme l’est, par exemple, celle d'un navire frigorifique. La méthode de refroidissement de l'air par surfaces mouillées au moyen d'une saumure incongelable, entièrement automatique, parait, au contraire, émi- nemment applicable aux très grandes installations frisgorifiques, comme celle des abattoirs de Magde- bourg. Les considérations relatives aux avantages et aux inconvénients des deux systèmes d'obtention de l'air sec et froid sont, en quelque sorte, justifiées a posteriori par les derniers perfectionnements apportés à la méthode Fixary, laquelle est actuel- lement une combinaison heureuse des deux systè- mes primitifs. Les serpentias évaporateurs de la machine fri- gorifique plongent partiellement dans le liquide incongelable occupant le fond d'un réservoir et partiellement dans l'air à refroidir, qu'un ventila- teur fait circuler à la surface des serpentins. D'autre part, une pompe aspire le liquide incon- gelable dans le bas du réservoir et le refoule dans des tubes perforés placés au-dessus des serpentins d'où il ruisselle en pluie uniforme sur la surface de ceux-ci. Ce bain salé, refroidi par la machine fri- gorifique, empêche la formation du givre et absorbe l'humidité dans l’air à refroidir. Il ne saurait être question, pour le moment du moins, de la production de l'air froid et sec au moyen de l'air liquide; c’est une application pos- sible, désirable même, qui viendra à son heure, lorsque l'industrie de l’air liquide se sera géné- ralisée. Le grand intérêt de la production de l'air froid est dans la conservation des malières alimentaires fermentescibles par l'air froid sec’; comme appli- cation de celui-ci, on peut citer : la conservation 1 L'air froid et humide n'empêche pas la putréfaction; c’est pour cela qu'on ne peut pas conserver la viande de boucherie au moyen de la glace. E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS des viandes dans les abattoirs, leur transport par bateaux frigorifiques *, le ravitaillement des places fortes au moyen d’entrepôts frigorifiques, la con- servation du lait, la conservation des graisses destinées à la fabricalion de la margarine, la conservation des cadavres en médecine légale. L'air froëd et sec permet en outre de modérer et de conduire à volonté la marche des fermentations par levure basse {Saccharomyces cerevisiæ) dans les brasseries *, de la fermentation par les mucors dans les fromageries, de la croissance du ver à soie dans les magnaneries, de la fermentation du vin en Algérie, de la croissance en serre de certaines plantes, comme le lilas blanc, qu'il y a intérêt à obtenir très tardivement, etc. $ 3. — Applications des machines frigorifiques obtenues par circulation de saumures froides. Elles sont extrêmement nombreuses; il suffira de citer la solidification et le démoulage du chocolat, le foncage des puits et des tunnels dans les terrains aquifères par le procédé Poeltsch (1886), la décan- tation des vins de Champagne et de Saumur cham- pagaisés par congélation du dépôt, l'extraction du sel des solutions concentrées par le procédé Conrad Hirzel, la concentration par congélation des liqueurs alcooliques, des jus sucrés ou des eaux minérales (Châtel-Guyon), l'extraction des malières cireuses contenues dans les parfums naturels, la congélation et l'entretien des skating-ring, la fabrication de la nitro-glycérine, etc. III. — APPLICATIONS DES GAZ LIQUÉFIÉS AUTRES QUE LE FROID INDUSTRIEL. $S 1. — Applications de l’air liquide. A côlé des applications purement physiques pro- venant de sa très basse température (mesure de différents phénomènes physiques à la température du bain d'air liquide sous la pression de l’atmos- phère) se place l'application médicale consistant dans une projection d'air liquide sur la peau dans le cas de certaines affections chirurgicales, d'ori- gine microbienne, telles que l’abcès du pied, le lupus, l’anthrax ; à l'anesthésie provoquée par le froid succède, comme l’a constaté le D' Campbell While, de New-York, une 2yperhémie persistante qui favorise la phagocytose et amène finalement la guérison de l'affection traitée‘; les projections d’air 1 Orrvier : Revue d'Hygiène (Valeur hygiénique des viandes congelées), Revue gén. des Sciences, t. IX, p. 240. 2 Pgrrr : L'état actuel et les besoins de l'industrie de la Brasserie, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 9. 2 Corn : L'état actuel de l'industrie des vins de Cham- pagne, Revue gén. des Sciences, t. X, p. 99. 4C. Linor, dans Zeitschrift der Vereines deutscher Inge- nieure, t. XLIV. à = L« Mquide paraissent donc agir à la facon d'un ré- - vulsif. A l'emploi de l'air liquide comme force motrice %e raltache ce qui suit : On a pu voir fonctionner, à la récente Exposition d'automobiles de New-York, comme aussi à Paris vers la fin de l'Exposition Universelle, l'automobile à air liquide de M. Tripler'; il offre une très grande ressemblance avec les « autos » à pétrole, et un homme seul le conduit sans difficulté. L'air liquide, puisé au fond d’un réservoir L (fig. 13), passe d'abord dans un serpentin de dilatation 1 ou déten- deur où il se vaporise, puis dans un serpentin horizontal MN appelé radiateur, placé au-dessous de la voiture, où les vapeurs sont amenées à une température voisine de la température atmosphé- rique grâce au rapide renouvellement de l'air. L'air passe ensuite dans un égalisateur de pression E qui annule au- tant que possi- ble les varia- _ tions brusques de pression lorsque, par l'effet du robi- net F dit de ra- pide pression, Le E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 975 se prolonge sous forme de serpentin dans l'air liquide et aboutit au robinet de rapide pression F; le troisième conduit part du sommet de l'air gazeux pour aboutir, d'une part, à un manomètre métal- lique À sans cesse sous les yeux du conducteur, de l’autre à une soupape de sûreté. Un robinet de secours H permet de mettre, au besoin, ce conduit en communication avec le serpentin de dilatation ]; enfin, le quatrième tube K n’est qu'un orifice ser- vant au remplissage du réservoir. La provision d'air liquide employée est suffisante pour faire un parcours ininterrompu de 50 milles; comme la « Tripler Liquid Air Company » s'engage à fournir l'air liquide au prix de O0 fr. 75 le gallon, il s'ensuit que l'automobile fait 1 mille avec une dépense de 0 fr. 15. A côté de l'automobile Tripler, citons celui de la « Liquid Air Power and Automobile Company », de Boston (Massa- chusetts) (capi- tal — 5.000.000 de dollars !). De l'automobile, n nous dirons seulement ceci: du réservoir d'air liquide, on admetdirec- tement dans le moteur l'air qui vient du réser- “voir, sans le faire passer par » l'égalisateur de … pression. L'air “ liquide, ainsi réchauffé, donne naissance à un rent volume de gaz à la température ordinaire, “ lequel peut faire marcher un moteur du genre de “ ]a turbine de Laval. On peut faire à ce sujet toutes “ les suppositions que l’on voudra, M. Tripler n'ayant - rien livré de son moteur. “ Le serpentin de dilatation est renfermé dans un Bnindre métallique placé à côté du réservoir à air - liquide dans la caisse de la voiture, derrière le siège du conducteur. Le réservoir à air liquide est en cuivre, d'une “ contenance de 10 gallons (45 lit. 4) et à double paroi, dont l'intervalle est rempli d'air et d'une matière mauvaise conductrice de la chaleur. De la partie supérieure du réservoir partent 4 tubes. Le premier est un tuyau d'alimentation qui part du fond du cylindre intérieur et porte l'air liquide “ dans le serpentin de dilatation 1; le conduit voisin 4 D'après le Scientific American du 1‘ décembre 1900, p. 243. ÉFig. 13. — Organes de l'automobile Tripler à air liquide, — L, réservoir à air = liquide; I, serpentin de dilatation ou défendeur; MN, radiateur; E, égalisateur de pression; F, robinet de rapide pression; À, B, manomètres; C, tube con- duisant l'air comprimé au moteur; D, robinet de réglage ; H, robinet de secours; K, orifice de remplissage du réservoir L: G, J, tubes accessoires. porté par la voi- ture l'air estas- piré puis refou- lé dans des ser- pentins chauf- fés par des fils qui s’enroulent autour d'eux et qui proviennent d'une dynamo mise en mouvement par une turbine actionnée par l'air sortant des ser- pentins. Le mouvement de l'induit de la dynamo est transmis par des engrenages et des arbres aux roues de derrière de la voiture. L'emploi de poulies à rayon variable permet d'augmenter à volonté et dans une proportion considérable l'effort commu- niqué à l'engrenage de marche, ce qui est néces- saire quand on veut monter une côte ou aller sur des routes détrempées. Alors que les applications de l'air liquide comme réfrigérant restent fort circonscriles, ses applica- tions comme force motrice, donnant lieu à des machines légères sans combustible et sans flamme, peuvent se multiplier sans qu'on puisse {axer cet espoir de déraisonnable. Il est intéressant de signaler les propriétés explo- sives de l'air liquide en présence des carbures d'hydrogène liquides, et les essais pratiques aux- quels s’est livrée une commission officielle nommée par le Gouvernement autrichien. On formait des F Bcaqemans 5e. 976 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS cartouches en faisant absorber à du kieselquhr (marne siliceuse, terre d’infusoires) de l'huile mi- nérale, et on saturait le tout avec de l'air liquide; on portait ensuite les cartouches au fond de trous profonds creusés dans le roc, et on les faisait détoner à l’aide d'une capsule de fulminate de mercure. Les expériences montrèrent que le mélange d'air liquide et d'huile minérale est un explosif puissant, mais moins efficace loutefois que la dynamite, le fulmi-coton ou la gélatine explosive. Ce mélange explosif est avantageux pour les mines, parce que le transport des cartouches n’est pas dangereux et que les gaz dégagés par l'explosion ne sont pas vénéneux elirrespirables comme ceux que dégagent les explosifshabituellement employés. Les ratés eux- mêmes ne sont pas dange- reux, pour cette raison qu'au bout de 15 minutes > D | environles cartouches char- LE gées ont perdu leur pouvoir explosif, par suite de l’éva- poration de l'air liquide. Il suffit donc d'attendre ce temps pour pouvoir enle- ver sans danger une car- touche qui a raté, ce qui est toujours dangereux avec les explosifs usuels. D’au- tre part, l'efficacité d'une cartouche saturée d'air li- quide va en diminuant con- a Fig. 14 — Séparateur d'oxygène et d'azote. — À, arrivée de l'air com- primé ; NO, liquéfacteur à contre-courant; pb, écoulement de l'air li- quide; r,, robinet per- mettant d'envoyer l'air liquide dans le collec- teur; r,, robinet pour l'évacuation de l’oxy- gène liquide ; n, sortie de l'azote; 0, sortie de l'oxygène ; c, d, ro- binets. stamment depuis le mo- ment de la saturation jus- qu'à l’évaporation complète de l'air; par suite, son pou- voir explosif est inégal, in- connu à l'avance et, par conséquent, impossible à régler. La contre-partlie de cetinconvénient sérieux est que l’on n’a plus à craindre le vol du corps explosif, vu la rapidité avec laquelle se perd cette propriété. L'essai d'application qui vient d'être signalé conduit naturellement à insister sur la façon dont s'opère l’évaporation de l'air liquide”. Au moment de sa liquéfaction, l'air liquide a très sensiblement la composition de l'air atmosphérique; lorsqu'il s'évapore, il se produit une distillation fractionnée, et l'azote, beaucoup plus volatil que l'oxygène, s'échappe en quantité plus grande que celui-ci, de sorte que les vapeurs sont plus riches en azote que l'air atmosphérique, tandis que le liquide restant 1 Bay : Phil. Magazine, juin 1900. est d'autant plus riche en oxygène que l'évaporation dure depuis plus longtemps. C’est sur ce phéno- mène qu'est fondé l'appareil ci-contre (fig. 14), con- struit par le Professeur Linde pour la séparation - automatique des deux composants de l’air et qu'il faut, par la pensée, mettre à la place de l'échan- geur F dans la machine à air liquide de la figure 4 de la première partie (page 903). L'air comprimé, distribué en À à deux appareils à contre-courant N et O, se rassemble de nouveau en b, s'écoule par un serpentin placé dans le col- lecteur, et arrive enfin par le robinet », dans ce collecteur où une partie (principalement de l'oxy- gène) reste liquéfiée, tandis que l’autre partie (prin- cipalement de l'azote) retourne par le serpentin extérieur de N,et sort en ». En se liquéfiant dans le serpentin, l'air dégage sa chaleur de vaporisation, et provoque l’évaporation de l’air liquide rassemblé dans le collecteur. On règle le niveau du liquide dans le collecteur au moyen du robinet 7, qui laisse passer de l'oxygène liquide plus ou moins pur, lequel va dans le serpentin extérieur O et sort en a: après avoir refroidi l'air comprimé qui arrive. On: manœuvre les robinets cet d de façon que la tem- pérature de sortie des gaz de n et o soit inférieure de quelques degrés seulement à la température de: l'air comprimé en A. On peut obtenir ainsi en oum mètré cube de gaz à 50 °/, d'oxygène par cheval- heure; quant au gaz sortant par 2, il renferme, au. début de la vaporisation, 92 °/, d'azote et 8 d'oxygène; la proportion de ce dernier gaz aug- mente avec la durée de la vaporisation. La plus. précieuse des applications de l'air liquide parait êlre la préparation à bon marché des mélanges. d'oxygène et d’azole riches en oxygène; on a essayé, grâce à cet air suroxygéné, de simplifier certaines préparations chimiques, celle de l'acide sulfurique, par exemple; l'usine « Rhenania », en parliculier, à fait des essais très sérieux qui ne paraissent pas avoir très bien réussi. La conelusion de tout cela est que, si l’air liquide est plein de promesses pour l'avenir, il a, jusqu'ici, beaucoup moins Lenu que promis. $ 2. — Applications du chlore liquide. Indépendamment de ses applications dans les laboratoires de chimie pure, le chlore liquide est utilisé dans l’industrie du papier, dans l'extraction de l'or et dans l’industrie des produits organiques et des matières colorantes'; il sert enfin pour les. analyses métallurgiques et comme désinfectant. $3. — Applications du chlorure de méthyle. En dehors de la fabrication des produits méthy- lés, le chlorure de méthyle sert encore à l'extraction … 1 Jausert: Dict. de Wurtz, 2e suppl., 39° fasc., p. 644. v fe +. ë _ | | E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 97 des parfums ; il faut pour cela qu'il soit parfaite- ment pur et qu'il ait été traité à l’état gazeux par de l'acide sulfurique concentré, qui retient l'odeur désagréable du liquide commercial. On procède alors de la manière suivante : on remplit un vase digesteur avec les fleurs dont on veut avoir le par- fum ; on ferme l'appareil et on fait arriver du chlo- rure de méthyle pur de manière à baigner les fleurs ; après deux minutes de digestion, on fait écouler par la partie inférieure du vase le liquide qui filtre ainsi sur les fleurs, et on renouvelle le liquide plusieurs fois de façon à épuiser méthodi- quement les fleurs. Après la dernière opération, on récupère le chlorure de méthyle retenu par celles-ci, au moyen d'un courant de vapeur d'eau que l’on condense, le gaz étant recueilli dans son gazomètre, puis desséché et comprimé. Le chlorure de méthyle, chargé de parfum, est rassemblé dans an vase que l'on porte à 30° avec un courant d'eau et où on fait le vide pour vaporiser le dissolvant; le parfum reste associé à des matières grasses et cireuses qu'il suffit de traiter par l'acool pour obtenir le parfum absolument pur. Le chlorure de méthyle évaporé est de nouveau condensé et rentre dans la circulation. Cette élégante méthode, due à M. Camille Vincent, permet l'extraction des parfums trop altérables pour être obtenus par distillation et qu'on recueille ordinairement par dissolution à froid dans la graisse, comme ceux du jasmin et de la violette’. $ 4. — Applications de l'acide sulfureux liquide. L'anhydride sulfureux pur est employé dans la fabrication du sucre où il fonctionne comme un excellent agent décolorant remplaçant avantageu- sement le noir animal, et jouissant d’une action antiseptique qui prévient les allérations et les fermentations des jus sucrés et qui facilite leur cristallisation pendant la cuisson. L'acide sulfureux liquide est aussi employé pour le blanchiment des matières animales, soies, Jaines, plumes, éponges, colles, gélatines, ete., ou végétales : coton, paille, objets en osier, herbes, gomme arabique, ete. On l’emploie alors pour pré- parer les dissolutions dans l’eau bouillie, d’un titre déterminé, dans lesquelles on plonge les matières à blanchir pendant un laps de temps variant de huit à vingt heures. L'anhydride sulfureux liquide est un puissant agent de désinfection pour les locaux malsains ou contaminés, les linges d’hôpitaux, ete., et de des- truction des microbes et des insectes parasites. Il est intéressant de constater que, dans la désin- 4 CamiLLe ViNcENT, dans La Nature, 8° année 1880, ler se- mestre, p. 86. fection des appartements contaminés, l'anhydride sulfureux pur laisse intactes les dorures et les parties métalliques, tout en ayant une grande force de pénétration. Les propriétés antiseptiques de ce corps sont utilisées dans le traitement des vins pour suppri- mer la « graisse » et arrêter les fermentations anormales, pour la conservation des fruits confits et de tous les liquides fermentés. Les dessécheurs de morue s’en servent pour détruire le champignon rouge qui cause la putréfaction des morues pen dant le séchage ; il sert aux minotiers pour -détruire les charançons des greniers à blé, en médecine pour traiter la gale et certaines maladies de la peau, etc. Enfin l’anhydride sulfureux liquide est souve- rain pour l'extinction des feux de cheminée. $ 5. — Applications du chlorure d’éthyle. Ce corps sert en médecine pour l'anesthésie locale. A cet effet, on brise la pointe effilée de l'am- poule de verre qui le contient et on dirige le jet de liquide sur la partie du corps dont on veut amener l'insensibilité’. Le chlorure d'’éthyle est, en outre, employé dans l'industrie des matières colorantes artificielles et dans celle des produits pharmaceu- tiques. IV. — TRANSPORTS ET DOUANES. On peut se demander comment il se fait que l'industrie des gaz liquéfiés, si ulile à tant de points de vue, se soit développée si tard en France, alors qu'elle était florissante en Allemagne et que nous étions tributaires de ce pays pour cette sorte de produits. L'Administration française s'est cepen- dant montrée assez libérale envers notre industrie en ne frappant d'aucun droit particulier la fabri- cation et la liquéfaction des gaz. Toutefois, elle fait une différence entre les fabriques « de glace ou de réfrigération » (pour employer la nomenclature officielle) qui emploient l'anhydride sulfureux, et celles qui emploient les autres gaz liquéfiés, le gaz ammoniae y compris, les premières étant dans la deuxième catégorie (émanations nuisibles), tandis que les secondes sont en troisième catégorie. L'emploi de machines frigorifiques à anhydride sulfureux liquide dans les fabriques d'extraits de parfums, comme celles de M. Chiris à Grasse et à Moscou, démontre jusqu'à l'évidence qu'il y a lieu de revenir sur cette classification remontant au décret déjà ancien du 7 mai 1878. Mais là n'est pas la vraie cause du trop lent développement de notre industrie. L'étude des précautions excessives im- 4 L'Anhydride sulfureux liquéfié chimiquement pur, ses propriétés et ses usages industriels. Compagnie indus- trielle des procédés Pictet. 2 Monxer, dans Æevue de chimie industrielle, 1892, t. I, p. 58. 978 E. MATHIAS — LA PRÉPARATION posées pour le transport des gaz liquéfiés et la véritable rançon exigée des producteurs par les Compagnies de chemins de fer et de navigation jetteront une assez vive lumière sur les entraves apportées au développement de notre industrie par ceux-là mêmes qui auraient intérêt à la protéger et à l’encourager. Comme les questions indus- trielles sont inséparables des questions écono- miques, quelques renseignements fournis sur le fonctionnement de Ja Douane à l'égard des gaz liquéfiés ne paraîtront peut-être pas inutiles. $ 1. — Transport des gaz liquéfiés. Le transport par chemin de fer des gaz liquéfiés est soumis à un règlement publié sous forme d'Arrété en date du 42 novembre 1897, par les ministres des Travaux Publics, de la Guerre et des Finances. Si on laisse de côté: l'air liquide, quin'a pas encore, au moins en France, donné lieu à un transit, l'acide carbonique, qui sera traité à part, et le chlorure d’éthyle qui n’est pas expressément visé en tant que gaz liquéfié, on peut résumer ainsi qu'il suit les prescriptions ministérielles relatives au transport des gaz liquéfiés. Le protoxyde d'azote, l’acétylène, le chlore anhydre, le gaz ammoniac et l'anhydride sulfureux liquides doivent être renfermés dans des récipients en fer forgé ou en acier doux recuit; dans le cas de l’'anhydride sulfureux, le récipient peut être en cuivre ‘ ou en acier simplement doux. Dans le cas unique du chlorure de méthyle, il n'est rien spé- cifié sur la nature du vase, qui doit offrir, sous la responsabilité du fabricant, une résistance suffi- sante, el n'être rempli qu'aux neuf dixièmes. La question de la résistance du récipient est très net- tement explicitée pour les autres gaz liquéfiés. Avant leur mise en service, ces récipients devront être soumis, aux frais des intéressés, à une épreuve officielle constatant qu'ils supportent, sans fuites ni déformations permanentes, une pres- sion par centimètre carré égale à 150 kilos” pour le protoxyde d'azote et l'acétylène liquides, à 100 kilos pour le gaz ammoniac liquéfié, à 50 kilos pour le chlore liquide, à 30 kilos pour l’acide sul- fureux s’il s’agit de récipients en fer ou en acier, à 15 kilos pour le même corps s'il s’agit d'un réci- pient en cuivre.Cette épreuve doit être renouvelée tous les trois ans ; pour les récipients de cuivre ser- vant à l’'anhydride liquide, l'épreuve n'est impo- sée que tous les dix ans. Chaque récipient doit porter une marque offi- ‘ Cette clause (et l'épreuve décennale à 15 kilos) n'est valable que pour les (transports en France; elle n’est pas encore insérée dans la Convention internationale de Berne pour nos exportations. * En plus de la pression atmosphérique. INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS cielle, placée à un endroit bien apparent, indi- quant : la date de la dernière épreuve, le poids du récipient vide et la Charge maxima en kilos qu'il peut contenir et qui est limitée à 1 kilo de liquide pour : 11 34 de capacité dans le cas du protoxyde d'azote. A, 34 — — de l’acétylène liquide. 1, 86 — — de l’ammoniac liquide. 0, 09 = - du chlore liquide. 0, 08 — -- de SO* liquide. Quand les récipients sont chargés en vrac, ils doivent être peints en blanc et être confectionnés de facon à ne pouvoir rouler, ou pourvus d’une garniture extérieure remplissant ce but; de plus, les soupapes et robinets doivent être protégés par des chapes ou couvercles de même métal que les récipients et vissés sur eux. L'arrêté du 17 novembre 1897 range le protoxyde d'azote et l’acétylène liquéfiés dans la première catégorie, avec les explosifs de guerre, la poudre, les obus chargés, la dynamite, la mélinite (article 3); le chlore, l'ammoniaque, l'acide sulfureux liquides et le chlorure de méthyle sont dans la deuxième ca- tégorie avec les munitions de guerre, le phosphore, le sulfure de carbone, les allumettes, ete. En vertu des articles 153 et 157, tous les gaz liquéfiés sont exclus des trains de voyageurs sur les lignes ou sections de lignes où circulent des trains de mar- chandises réguliers. Il ne leur est permis de cir- culer dans les {rains mixtes que là où il n'y a pas de trains de marchandises réguliers. Une seule exception est faite pour le chlorure de méthyle, qui peut être admis au transport par grande vitesse, comme colis postal, par flacon con- tenant 300 grammes au plus de chlorure de mé- thyle, ce flacon étant isolé dans une caisse ne devant contenir aucun autre produit. L'esprit le moins prévenu ne peut qu'être frappé de l’exagération des précautions prévues pour le transport des gaz liquéfiés par l'arrêté du 12 no- vembre 1897 ; l'effet de terreur que produisent ces malheureux corps sur les personnes qui n'ont pas eu l’occasion de les manier ou de les voir de près est très curieux à constater. C'est par là que l'on peut s'expliquer leur assimilation aux explosifs les plus dangereux et aux corps les plus inflammables. Qu'il faille prendre des précautions contre eux, cela est évident; et celles qui se rapportent à la résistance des récipients qui doivent les contenir et au poids maximum de gaz liquéfié qu'un réci- pient donné doit contenir sont très sages ; mais ces précautions sont déjà très suffisantes, et l'exclusion du transport par grande vitesse ne se peut com- prendre, car il n'y a aucune assimilation possible à faire entre le danger que font courir les explosifs de guerre ou les corps inflammables comme le U , | | E. MATHIAS — LA PRÉPARATION INDUSTRIELLE DES GAZ LIQUÉFIÉS 979 phosphore et les allumettes, et le danger moral des gaz liquéfiés, l'acétylène liquide excepté. La suspi- cion jetée involontairement, mais injustement, par les ministres des Travaux Publies, de la Guerre et des Finances sur les gaz liquéfiés autres que l'acé- tylène, a eu un retentissement immédiat auprès des Compagnies de chemins de fer, ces corps élant, sur la plupart des réseaux, frappés d'une surtaxe de transport pouvant alteindre dans cerlains cas 50 °/, en sus des prix de la première série. En Alle- | magne, au contraire, SO* liquide, en raison de son trafic élevé et pour développer son industrie, est admis à voyager dans des wagons-citernes en fer, d'une capacité égale à celle d’une quarantaine de grosses bouteilles ordinaires et astreintes aux mêmes conditions de résistances qu'elles. A ceux qui douteraient encore de l'influence néfaste jouée par les Compagnies de chemins de fer à l'encontre du développement de l'industrie française des gaz liquéfiés, il suffira de la citation suivante. Comme nous l'avons rappelé plus haut: « on s'est efforcé en France d'introduire le chlore liquide dans l'industrie ; mais les efforts de la mai- son Péchiney et Ci*, de Salindres, qui exploitait le procédé de la « Badische Anilin und Sodafabrik »,ont échoué gräceaux diflicultés que les administrations de chemins de fer (le Paris-Lyon-Méditerranée en particulier) ont opposées à l'expédition du chlore; - ce mauvais vouloir des Compagnies françaises est PAPE ETS d'autant moins justifié, qu'en Allemagne le chlore circule librement, et qu'on en expédie même en Amérique‘ ». Les mêmes inconvénients se retrou- vent auprès des Compagnies francaises de naviga- tion, qui ne consentent à charger certains gaz liquéfiés, et particulièrement l'anhydride sulfureux liquide, que sur le pont et à un taux de fret majoré . le plus souvent de 50 à 100 °/,. Auprès des Compa- vit s'necatot LL obod d n . dé ittés cbr dE gnies étrangères, les difficultés sont plus grandes encore, et nombre d'elles, notamment les lignes allemandes et anglaises, refusent absolument de charger les gaz liquéfiés, ou ne les acceptent qu'en limitant le poids des colis à 40 ou 60 kilos, et à un fret dont le taux est majoré huit ou dix fois. Il est inutile d’insister, l'opinion publique devant faire justice de pareils errements. $ 2. — Douanes. Tous les gaz liquéfiés, quels qu'ils soient, figu- rent au Tarif général des Douanes sous la rubrique « Produits chimiques non dénommés », et sont soumis à leur entrée en France à un droit uniforme ad valorem de 5 °/, de la valeur totale, liquide et enveloppe; en outre, et dans le but évident de protéger notre industrie métallurgique, le récipient 1 Jaugerr, dans Dictionnaire de Würtz, 2e suppl., 39e fasc., p. 644. métallique qui renferme le gaz liquéfié importé est frappé d'un droit de 95 francs par 100 kilos. Presque toujours, l'importeteur ne déclare que la seule valeur du gaz liquéfié, laquelle est fort variable avec son degré de pureté, et peut descen- dre jusqu'à 15 ou 20 francs par 100 kilos. De plus, la Douane se contente souvent de percevoir le droit ad valorem de 5 °/, sur la valeur déclarée du gaz liquéfié, sans tenir compte des droits très élevés relatifs au récipient métallique qui le contient. Cette générosité est doublement fâcheuse, car elle paralyse notre industrie naissante, en favorisant outrageusement l'importation étrangère, d'autant que la réciprocité n'existe pas pour nous de la part de l'étranger. Quand nous exportons notre anhy- dride sulfureux pur en Autriche, par exemple, nous payons un droit de 25 francs par 100 kilos de poids brut, bonbonne comprise, ce qui, pour 100 kilos de liquide, donne un droit de douane de 35 à 40 francs, alors que l'importateur étranger paye un frane pour 400 kilos de SO* valant 20 franes les 100 kilos ! Dans la question de la défense de notre indus- trie contre l'industrie étrangère, le thermomètre de la situation, si l’on peut s'exprimer ainsi, c'est le quantum de l'importation annuelle donné par une statistique bien faite. Il est fâcheux d'avoir à constater que, dans l’état actuel des choses, cette importation ne peut êlre connue exactement pour les gaz liquéfiés; il en sera ainsi tant que l'Admi- nistration des Douanes les rangera dans la caté- gorie des « Produits chimiques non dénommés ». Cette Administration rendrait à notre industrie des gaz liquéfiés un service signalé, en explicilant dans ses Tarifs les gaz liquéfiés avec leur nom, de facon que l’on püût connaître, pour chacun d'eux, le tribut annuel que nous payons à l'étranger. V. — CONCLUSION. La conclusion de ce long travail sera très courte. Le développement normal de la science pure, c'est la science appliquée ; un des plus beaux exemples de cette évolution naturelle, c’est le développement prodigieux pris par l'industrie des gaz liquéfiés. Qu'est-ce que cette industrie, sinon ie laboratoire de Chimie et le laboratoire de Physique transportés dans l'usine? Grâce à elle, l'ingénieur est désor- mais inséparable du chimiste et du physicien, el inversement. L'industrie et la science pure ont besoin l’une de l’autre; les innombrables applica- tions des gaz liquéfiés démontrent surabondam- ment la fécondité de leur union intime. Tout ce qui gène ou relarde cette union va à l'encontre des intérêts généraux de l'humanité, et doit être con- damné ou rejeté par elle. E. Mathias, Protesseur de Physique à la Faculté des Sciences de l'Université de Toulouse, 980 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES 1° Sciences mathématiques Boehm (Karl). — Zur Integration partieller Dif- ferentialsysteme. — 1 broch. iu-8 de 55 pages. (Prix : 1,80 mk.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. Cet opuscule fournit une importante contribution à la théorie des équations aux dérivées partielles. II se rattache, quant à la méthode suivie, aux travaux fon- damentaux de Cauchy, de Sophie Kowalevsky et de M. Darboux. M. Boehm examine l'existence des inté- grales d’un système d'équations aux dérivées partielles en se bornant toutefois au problème de la détermina- tion des coefficients des séries auxquelles se ramène l'intégration. Il compare d’abord le nombre des déri- vées d’un ordre quelconque au nombre des équations qui les lient, et parvient à en déduire que les problèmes d'intégration doivent être répartis en deux grandes classes, suivant que le nombre m des équations est plus grand que le nombre des fonctions à déterminer, ou ne l'est pas. Le cas particulier 11 —1 fait l'objet d'une étude très approfondie, dans laquelle l’auteur montre que le problème de l'intégration peut toujours être résolu. Quant à la démonstration de la convergence de la série qui forme la solution du problème, elle peut être déduite des théorèmes donnés par M. Riquier; aussi l’auteur se dispense-t-il de la reproduire dans son travail. Vient ensuite le cas d'un système de m équations aux dérivées partielles à 22 fonctions inconnues et à » variables indépendantes. Cette étude, qui se rattache directement aux célèbres recherches de Sophie Kowa- levsky, apporte une simplification dans les condi- tions d’intégrabilité. C'est précisément à ce point de vue que le travail de M. Boehm mérite d'être signalé à ceux qui s'intéressent à la Théorie des équations aux dérivées partielles. Feu, Professeur à l'Université de Genève, Baclé (L.), /ngenieur civil des Mines.— Les Plaques de blindage. — 1 vol. in-4° de 236 pages, avec 200 fi- gures.(Prix :10 fr.) Veuve Ch. Dunod, éditeur. Paris, 1901. : Personne n'était mieux placé que l’auteur de ce tra- vail pour présenter sous leur vrai jour, aux yeux du public compétent, les nombreuses faces de la question si intéressante et si actuelle de la fabrication des blin- dages. M. Baclé est depuis fort longtemps attaché à la maison Marrel frères, et auparavant il faisait partie de la Ci° Châtillon et Commentry, deux des Sociétés fran- çaises qui, en même temps que les usines du Creusot, de Saint-Chamond et de Saint-Etienne, ont toujours contribué à soutenir la bonne réputation francaise vis- à-vis des firmes étrangères les plus renommées. Il a donc eu sous les yeux tous les rapports dressés à la suite des multiples expériences officielles qui ont eu lieu à Gavres, à Ochta, à Portsmouth, à Indian Head, à Meppen, etc.; souvent même il a assisté en personne à ces épreuves grandioses, et, avec l'esprit de méthode et le talent d'exposition que tout le monde reconnaît au dévoué secrétaire des nombreux congrès ou com- missions où les conditions de réception des matériaux sont agitées, il a su coordonner des milliers de résul- tats, les grouper sous une forme nullement aride pour le lecteur, et en tirer des conclusions évidemment très profilables au double point de vue métallurgique et militaire. Il est certain que la nécessité de fabriquer des pla- ques d’acier d'une masse imposante, dures à la surface ET INDEX et néanmoins résistantes au choc, a obligé nos indus- triels à perfectionner leur outillage et leurs méthodes de travail, et que tous ces progrès ont profité même aux consommateurs autres que la Marine ou la Guerre. D'un autre côté, les problèmes posés aux métallur- gistes une fois résolus, les ingénieurs des constructions” navales et les marins ont dû modifier profondément l'emménagement et la manœuvre des navires, sans comp- ter l'artillerie qui s’est trouvée dans l'obligation d'amé- liorer la puissance de ses moyens d'attaque. La question des blindages a donc été le point de départ d’une série de transformations dans un grand nombre de branches du génie industriel de la seconde partie du siècle dernier. Son étude rationnelle est par conséquent capable d'intéresser vivement le monde des ingénieurs. Après avoir dit un mot de ces formidables appareils que l’on admire dans nos forges modernes, et qui sont indispensables pour façonner les grosses plaques, après avoir rappelé les noms si connus des chercheurs aux- quels nous devons de mieux connaître les propriétés des alliages métalliques, M. Baclé examine les change- ments successifs qui se sont produits dans la matière constitutive des blindages. Après le fer puddlé ordi- naire, le métal compound, c'est-à-dire composé d'acier” soudé au fer; puis, l'acier homogène, d'abord ordi- naire, bientôt amélioré par le chrome, par le nickel, par le chrome et le nickel à la fois ; enfin, l'acier rela-" tivement doux cémenté et durci à la surface, autrement dit le métal Harvey ou le métal Krupp. Des gravures montrent les résultats au tir se rapportant à ces di- verses qualités, et en font très bien ressortir les diffé- rences essenlielles. Mais, pour traduire dans un langage toujours compa- rable les conditions très variées des expériences de toutes les nations ainsi que leurs résultats, il fallait avoir la clef des formules de perforation employées ; aussi, M. Baclé passe ces formules en revue, les discute, et montre combien elles deviennent complexes avec les. métaux actuels. Il fait ensuite la comparaison des con- ditions de recette appliquées aux divers types de blin- dages et dans les différents pays : seule, l'épreuve du tir permet d'apprécier les qualités du métal qui contri- buent à lui donner la résistance à la perforation, et il est bien regrettable à tous points de vue que cette caractéristique n'ait pas une relation plus certaine avec les autres ‘essais mécaniques, beaucoup moins coûteux, tels que ceux de traction, pliage, choc, etc. On sait, par exemple, que les conditions du tir d'épreuve sont plus rigoureuses en France qu'en Angleterre. Pour appré- cier impartialement les résultats, et en tirer des con-" clusions certaines, il était donc indispensable de con- naître et d'analyser point par point, comme l'a fait M. Baclé, toutes les divergences qui existent dans les cahiers des charges. Nous retrouvons ensuite, combinés et formant un tout, les divers articles de l’auteur, que nous avons lus avec tant d'intérêt dans le Génie civil, et qui ont trait à fous les essais officiels qui ont eu lieu depuis 1876 jusqu'à nos jours. De nombreux clichés émaillent très heureusement le texte : c'est un résumé complet, qui n'existe nulle part ailleurs, et qui montre bien à la fois les progrès réalisés et les raisons de ces pro- grès. | ‘ Après les plaques de navires, l'ouvrage de M. Baclé traite des cuirassements métalliques appliqués dans les forteresses de terre et des principaux essais qui sy rattachent. L'auteur résume ses conclusions d'une façon très. saisissante, en démontrant que, pour traverser un blin- kdage avec un projectile de 194, il faut une vitesse de perforation de 385 mètres, si la plaque est en fer puddlé ; «le 461 mètres, si elle est en acier ordinaire ; de 528 mè- F3 es, si elle est en acier spécial au chrome-nickel; de 612 mètres, si l'acier précédent est en plus cémenté. Ces quelques chiffres donnent une idée du chemin arcouru #t des améliorations apportées dans la qua- ité du métal. EuiLE DEMEXGE, Ingénieur-Métallurgiste. 2° Sciences physiques rémieu (Victor), Z1gén1eur agricole. — Recherches expérimentales sur l’électrodynamique des corps en mouvement (1hèse de la Faculté des Sciences “de Paris). — 4 vol. in-8° de 120 pages. Gauthier- Vil- lars, éditeur. Paris, 1901. Soulenu et guidé par les conseils les plus précieux, Slimulé par l'intérêt uénéral qu'ont excité ses pre- mières publications, et par le désir de répondre aux nombreuses objections qu'on lui a présentées, M. Cré- mieu à consacré quatre ans d'une activité infatigable, “servie par une grande habileté manuelle, à l'étude de questions aussi fondamentales dans la théorie de l'Electrodynamique que remplies de difficultés d'ordre “expérimental. 3 HA Quoi qu'il doive advenir des conclusions formulées “par M. Crémieu, la lecture de ce travail ne cessera jamais de présenter la plus grande utilité au physicien “qui voudra se familiariser avec les mesures de forces “extrêmement petites et le maniement des potentiels “élevés. L'auteur nous a conté, par le menu, l'histoire “des nombreux insuccès, qui ont toujours précédé la » réalisation satisfaisante de chaque dispositif, et il les a - parfaitement expliqués chaque fois. Peut-être pourrait- “on trouver qu'il n'était pas indispensable qu'il nous fit “part des conséquences fâcheuses qu'avaient eues de simples distractions; ne suffit-il pas d'avoir fait huit - jours de laboratoire et d'avoir lu un seul Mémoire de Physique pour comprendre, sans autres indications, que, “si un auteur recommande telle précaution, c’est parce “qu'il a pâti de l'avoir négligée d'abord? Enfin, si les «détails précis ont toujours leur valeur, il est vraiment “impossible de considérer comme autre chose qu'un “ ornement littéraire un peu inutile des remarques comme "celle de la page 47, où l’auteur nous parle des « diffi- - cultés qui, une fois résolues, n'apparaissent plus que . comme des enfantillages » et des insuccès dus « à mille octites choses insignifiantes, si insigniliantes qu'on . n'avait pas eu l'idée qu'elles pussent apporter de - telles perturbations ». - M. Crémieu expose d'abord comment il a tenté de mettre en évidence les forces électrostatiques qui, d'après Faraday et Maxwell, doivent prendre naissance -en tout point de l'espace où, au moyen d'un circuit métallique, on peut constater l'existence de forces élec- -{romotrices d'induction; ce sujet n'avait jusqu'ici été abordé que par M. Lodge, qui n'a fait connaitre que des résultats incertains. M. Crémieu utilisele champ variable produit par la rupture du courant dans deux bobines montées sur un même noyau de fer soigneusement tourné. Les bobines sont entourées d’un écran électro- statique et leurs joues en regard portent des armatures bien dressées, entre lesquelles est suspendue une cou- ronne d'aluminium, divisée en deux parties suivant son « diamètre. Au moyen d'un interrupteur spécial, on réa- lise périodiquement les opérations suivantes, séparées par des temps égaux : mise au sol de la couronne d’alu- minium, le courant étant rompu ; fermeture du courant; charge de la couronne; rupture du courant. L'effet cherché serait celui de la rupture du courant sur la . charge prise par la couronne. En fermant d'abord cette couronne sur un galvanomètre, on constate que la déviation maxima s'obtient avec cinq ou six interrup- tions du courant par seconde et correspond à une force électromotrice moyenne induite de 230.850 C. G.S. -électromagnétiques, ce qui donnerait, sur la circonfé- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 981 rence moyenne du disque, dont le diamètre est 91 mil- limètres, une force électrostatique de 81.10° volt-cen- timètres. La couronne d'aluminium est soutenue par un cadre de verre, suspendu à un fil de quartz et supporté par un flotteur, dont on supprime les mouvements génants en le guidant verticalement et en donnant à la partie voisine de la ligne de flottaison une forme qui assure une grande stabilité. On peut donner à la couronne une charge de 250 C. G. S. éls. sans rendre l'équilibre instable. Dans ces conditions, le couple moteur calculé exercerail, pour une rotation d'unradian, un travail de 3 ergs 10—1; la déviation attendue serait 2°38/, et cor- respondrait à un déplacement de 94 millimètres par une échelle divisée. M. Crémieu a cherché à la mettre en évidence en faisant d’abord osciller à vide la couronne d'aluminium; après avoir déterminé le zéro et le décré- ment des oscillations, il faisait fonctionner le com- mutateur ; il n'a jamais observé de changement dans le régime des oscillations; d'où il conclut qu'un corps électrisé, placé dans une région qui est le siège de variations magnéliques, n'est soumis à aucune force pondéromotrice. Une objection très spécieuse a été élevée par M. H.-A. Wilson contre l'interprétation du résultat négatif des expériences; il observe que, dans la charge de la cou- ronne d'aluminium, ilse produit un courant, soumis, de la part du champ de l’électro-aimant, à une action égale et de sigue contraire à celle que M. Crémieu cherchait à mettre en évidence; l'existence de cette première action n'étant pas douteuse, il résulterait de l'expé- rience de M. Crémieu que l'effet électrostatique existe bien réellement et compense l'effet électromagnétique. La question est de savoir si, comme le pense M. Cré- mieu, les trois pièces de fer qui réunissaient les deux extrémités du noyau de son électro-aimant ne laissaient échapper qu'une très petite partie des lignes de force magnétiques. Lorsque Rowland crut pouvoir conclure de ses expériences de Berlin qu'un courant de convection exercait son champ magnétique conformément à une hypothèse de Maxwell, M. Lippmann montra que l’exis- tence de ce champ entrainait comme conséquence celle d’un champ électrostatique connexe d’un champ magnétique variable. Le résultat négatif de l'expé- rience précédente rendait douteux celui de l'expérience de Rowland; M. Crémieu a cherché d'abord à vérifier une autre conséquence du fait annoncé par le savant américain. Si un disque chargé mis en mouvement produit un champ magnétique, on devra, en renversant le signe de la charge, produire une force électromotrice induite dans un circuit conducteur voisin. M. Crémieu a fait tourner uu disque d'aluminium, entouré d'une bobine annulaire de 13.000 tours de fil; le disque est placé entre deux couronnes de fonte, qui, reliées au sol, forment avec lui un conducteur et qui sont en mème temps prolongées par d’autres pièces de fonte qui enveloppent les bobines, de façon à renforcer nota- blement l’action électromagnétique. La charge était fournie par une batterie de 3.000 accumulateurs; la vitesse était mesurée par une méthode stroboscopique. On se servait du commutateur de facon à obtenir, s’il avait un effet, une déviation permanente, dont la valeur était déterminée à priori, au moyen d'une spire témoin traversée par un courant de conduction d'in- tensité égale à celle du courant de convection. Les déviations obtenues n'ont jamais dépassé 7 millimè- tres, au lieu de 37 millimètres, valeur calculée minima ; leur sens n'était d'ailleurs pas toujours celui qu'on aurait prévu. De nombreuses objections présentées à M. Crémieu l'ont amené à discuter son expérience: il a,d’abord prouvé que la charge communiquée au disque n'allait pas, comme le craignait M. Pellat, se coller aux lames de verre qui isolaient les couronnes de fonte; il est parvenu ensuite à supprimer ces lames de verre en re- 982 couvrant le disque d’une couche de caoutchouc, par évaporation d'une solution dans la benzine. Sur le conseil de M. H. Poincaré, le disque d'aluminium fut rem- placé par un disque d'ébonite, doré suivant trois sec- teurs isolés, pour être bien sûr que la charge était en- traînée dans le mouvement; après une observation de M. Blondlot, la face interne des couronnes de fonte fut recouverte de mica sur lequel élaient collés des sec- teurs de papier d’étain isolés, pour éviter l’entraîne- ment possible de la charge induite. Sur une autre ob- jection de M. Blondlot, on vérifia que l'effet magnétique persistait encore, lorsqu'on remplacait la spire témoin unique, traversée par un courant de conduction, par une série de spires réparties sur tout le disque de façon à produire un système aussi semblable que possible à la nappe de courant de convection utilisée. Enfin, on s'est assuré que la décharge ne devenait pas oscillante el qu'elle s’effectuait bien complètement à chaque période du commutateur. $ M. Crémieu conclut qu'un disque, tournant dans des conditions telles qu'on est sûr qu'il entraine avec lui toute charge électrique qu'on lui communique, ne donne pas, quand on fait varier cette charge, les ellets d'in- duction que donnerait un courant de conduction trans- portant des quantités d'électricité égales et soumis à des variations de même ordre. Il convient d'ajouter que M. H. Pender vient de pu- blier les résultats d'expériences basées sur le même principe, qu'il a entreprises sous la direction de Row- land et presque complètement achevées avant sa mort. M. Pender croit avoir observé l'effet que l'expérience fondamentale de Rowland permettait de prévoir et dont M. Crémieu nie l'existence. Dix-sept déterminations exécutées avec un disque plein lui out fourni pour y la valeur 3,05.101°, les chiffres extrèmes élant 2,75 et 3,24; quatre autres expériences faites avec des disques et des armatures divisés en secteurs ont donné en moyenne 2,96. 10°, Il semble difficile, dans ces conditions, de considérer la question comme définitivement résolue dans le sens de M. Crémieu. N'ayant pas constaté, par la méthode qui lui est propre, l'existence du champ magnétique dû à la con- vection électrique, M. Crémieu a répété l'expérience de Rowland. On sait qu'outre les expériences de Berlin, exécutées en 1879, le professeur de Baltimore en a fait une seconde série, en collaboration avec Hutchinson, et que Himstedt a ‘exécuté également des recherches qui lui ont donné satisfaction, après que Lecher eut tenté, sans succès, de revoir l'effet observé par Rowland. Le disque en ébonite tourne à l'intérieur d’un bâti de bronze, fermé presque complètement par des couronnes de laiton, dont les faces internes sont recouvertes de mica, sur lequel on a collé des secteurs d'étain de 60°, reliés au sol. Le système astatique, enfermé dans un tube de cuivre rouge, reste absolument insensible à la rotalion du disque, bien que la déviation, pour un cou- rantde convection voisin de 10-“ampères, eûtdù atteindre de 50 à 70 millimètres. Dans les appareils de Rowland et de Himstedt, le disque tournant n'était séparé de l’équi- page magnétique que par une lame de métal collée sur un diélectrique ; or, en supprimant l'enveloppe extérieure de laiton fixée à son bâti, M. Crémieu a observé des déviations dont le sens était toujours celui qui aurait résulté de l’action du courant de convection, quoique leur valeur crût beaucoup trop lentement avec l’inten- sité. La discussion des conditions expérimentales con- duit l’auteur à admettre que cette action est due aux portions de courant de conduction qui prennent nais- sance dans les secteurs fixes, quand les secteurs mo- biles chargés défilent devant eux. Cette explication, qui implique l'existence de courants de conduction ouverts, a été corroborée par une expérience spéciale, exécutée depuis, mais rendue malheureusement douteuse dans son interprétation par les critiques de M, H. Pender et de M. H. À. Wilson. Pour répondre à une objection de M. Potier, qui pensait que l'effet en question ne devait pas être BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX recherché en dehors d’une enveloppe conductrice, à M térieur de laquelle la perturbation due à la rotatio du disque se trouverait localisée, M. Crémieu a modi son appareil de facon à n'interposer, entre le disque tournant et l'équipage magnétique, qu'une enveloppeté papier grapbité, destinée à protéger les aimants contre les actions électrostatiques. On obtient alors des dévia tions qui, pour une certaine position des aimants,se trouvent être très sensiblement égales à celles quo avait calculées; mais ellessemblent encore être d’origin électrostalique, car elles subsistent même quand détache les petits barreaux aimantés de la lame de mit qui les supporte et elies disparaissent quand on pro tège l'équipage magnétique par une feuille d'étain Enfin, cerlaines impulsions accidentelles, d'origine certainement magnétique, semblent dues à des aigrettes qui jaillissent, au moment de l'inversion de char entre le disque et les armatures. M. Crémieu concl qu'un disque tournant, chargé d'une manière constante, ue produit pas le champ magnétique d'un courant de conduction transportant la même quantité d'électricité Cette conclusion, qui renverse l'interprétation que Rowland, Hutchinson et Himstedt donnaient de leurs expériences, n'est pas corroborée par M. E. P. Adams qui vieut tout récemment d'annoncer qu'il avait observé l'effet magnétique du mouvement de sphères chargées! d'électricité, , Souhaitons que le mouvement suscité par les re= cherches de M. Crémieu ne s’éteigne pas avant de nous avoir apporté une réponse certaine et unanime aux questions fondamentales de l'Electrodynamique des corps en mouvement. AC" 3° Sciences naturelles ; Laulanié (F.), Directeur et Professeur de Physio» logie à l'Ecole nationale vétérinaire de Toulouse. Eléments de Physiologie. 1°" et 2 fascicules® Fonctions de nutrition. — 2 vol. in-8° de 620 pages, avec 125 figures. (Prix : 18 fr.) Asselin et Houzeau éditeurs, Paris. 1901. Il est différentes manières d'exposer les éléments d'une science. Les uns se trouvent satisfaits lorsqu'ils sont parvenus à résumer clairement et exactement le plus grand nombre de faits possible dans un ordre. convenable : les autres sont en même temps préoccupés: de dégager de ces faits particuliers quelque loi © quelque théorie fondamentale qui puisse leur servi de lien. M. Laulanié est de ces derniers : dans son ouvrage, les apercus généraux et synthétiques viennent sans cesse s'ajouter à un exposé substantiel et docu- menté des résuitats expérimentaux. Ces tendances s'accusent dès les premières pages, non pas tant pa les considérations en quelque sorte obligées sur les conditions des phénomènes de la vie, que par un préambule sur l'énergie, sur ses transformations dans l'organisme et sur la nécessité d'introduire, ave M. Chauveau, dans l'équation qui exprime ces trans formations, le terme « travail physiologique », c’est-à= dire le travail intérieur des lissus vivants « envisagé en dehors de ses manifestations sensibles et utiles »n M. Laulanié ne se borne pas à énoncer ces principes” il montre aussi, à travers tout l'ouvrage, comment ils trouvent leur application. C'est aux fonctions de nutrition que les fascicules parus sont consacrés : le premier, à l'alimentation, lan digestion, l'absorption, le sang, la circulation et la res piration; le second, aux sécrétions, à la nutrition et à la chaleur animale. L'étude des aliments embrasse leur composition chi= mique, leur origine, leurs fonctions, la mesure de l'énergie potentielle qui y est contenue et qui est représ sentée par leur chaleur de combustion. Celle de: la digestion débute par des notions générales sur les fer=u ments solubles, sur les modifications qu'ils font subi aux différents principes immédiats alimentaires et Se poursuit par l'examen des digestions particulières , M BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 983 buccale, gastrique, intestinale, c’est-à-dire des phéno- nènes, tant mécaniques que chimiques, qui caractéri- ent chacune d'elles. ; … L'absorption digestive est traitée comme un cas par- ticulier d'un acte très étendu qui relève des lois de losmose et de la pression osmotique. Les propriétés physiques et la composition chimique lu sang, sa coagulation, son rôle comme milieu inté- rieur, la pression osmolique du sérum, les effets des Hhémorragies et des transfusions font l'objet de la qua- irième partie. Les phénomènes mécaniques de la circulation, les phé- pomènes mécaniques et physico-chimiques de la respira- # occupent la deuxième moitié du premier fasei- ule. Dans les chapitres relatifs aux sécrétions, par lesquels Slouvre le second fascicule, l'auteur retient, d'une part, celles qui éliminent des produits excrémentitiels, urine, bile, sueur {excrétions),et, d'autre part, celles dont les produits sont versés dans la circulation (sécrétions internes). La formation des poisons dans l'organisme et les moyens dont celui-ci dispose pour se protéger Contre les auto-intoxications trouvent leur place ici. L'étude de la nutrition proprement dite est conçue d'après un plan large et compréhensif, et s'inspire à la fois des enseignements de M. Chauveau et des recher- hes personnelles de l'auteur sur l'énergétique animale. C'est d'abord le bilan nutritif qui est dressé, suivant que la ration est suffisante, insuffisante ou surabon- dante; puis on voit comment les transformations subies par les principes immédiats tendent vers deux résultats : le Ja préparation des réserves alimentaires; 2° l'utilisa- ion de ces réserves : comment celles-ci sont dépensées “et à la rénovation de la matière vivante et à la produc- ion du travail physiologique, celui du muscle étant pris comme type, et enfin à la production de la chaleur, onsidérée comme « le dernier terme» des transforma- ons de l'énergie attachées à l’activité des tissus. … Tel est le cadre dans lequel M. Laulanié a fait tenir les fonctions de nutrition. Le tableau qu'il en présente “est traité avec le même soin dans ses diverses par- lies. Je signalerai particulièrement le chimisme respi- ratoire, la chaleur animale, domaines de la Physiologie que l’auteur à d’ailleurs contribué à enrichir, grâce à “un outillage nouveau et ingénieux. Les principales “questions, telles que la circulation, dont le texte est “illustré de nombreux graphiques originaux, telles que mes sécrétions, ont aussi recu les plus heureux dévelop- pements, dans la mesure que comporte un traité élé- mentaire. Seuls, quelques-uns des chapitres consacrés äu chimisme de la digestion, à l'absorption digestive, “au sang, auraient peut-être gagné à être un peu plus détaillés pour se trouver en harmonie avec le reste de ouvrage. Celui-ci ne s'en recommande pas moins, dans Son ensemble, par toutes les qualités que l’on peut demander à uu bon livre d'enseignement: choix éclairé et groupement méthodique des matériaux employés, mise en œuvre des acquisitions les plus récentes de la ence; enfin, l'exposé, outre qu'il est clair et précis, t fait en un langage expressif qui commande et retient l'attention. E. WERTHEIMER, Professeur de Physiologie à la Faculté de Médecine de Lille. Bourne (Gilbert-C.), Chargé du Cours d'Anatomie coni- parée à l'Université d'Oxford. — An introduction > to the study of the comparative Anatomy of - Animals. Vol. I : Animal organisation. The Pro- . tozoa and Cœlenterata. — 1 vo/. in-8° de 269 pages, avec figures. (Prix : 6 fr. 25). George Bell and Sons, éditeurs. Londres, 1901. - Il s'agit ici d’un livre élémentaire, écrit pour les jeunes étudiants qui abordent l'étude de la Zoologie; mais l’auteur estime que le caractère élémentaire d'un Ouvrage consiste seulement dans l'élimination des matières les moins es-entielles et n'exclut pas les “descriptions détaillées ni la discussion approfondie des points les plus importants; la claire intelligence des choses est à ce prix. Frappé de la difficulté qu'éprouve l'étudiant novice à s’assimilér d'emblée les questions ardues de structure et de division cellulaires, point de départ habituel de l’enseignement, il juge préférable de le mettre aux prises, d'abord avec un objet qui lui soit familier, et l'ouvrage, comme le cours professé à l’Université d'Oxford dont il est l'écho, s'ouvre par une monographie de la Grenouille commune, pré- cédée seulement d'une courte introduction sur les échanges dont la matière vivante est le siège, et sur les principes de la biologie des plantes et des animaux. L'idée est très acceptable, mais on peut se demander si, après les nombreuses monographies de Ecker, Vogt et Yung, Marshall, etc.…., le besoin d'une nouvelle étude descriptive, forcément sominaire, de la Grenouille se faisait bien réellement sentir. Le reste du volume est consacré aux Protozoaires et aux Cœlentérés. Peut-être trouvera-t-on que ces der- niers sont un peu sacrifiés; ils ne sont représentés que par deux types appartenant tous les deux aux Hydraires (Hydra et Obelia), tandis que, par exemple, six types sont étudiés pour les seuls Flagellés. L'exclusion com- plète des Spongiaires est également à regretter. Un deuxième volume, dont la publication prochaine est annoncée, sera consacré aux Métazoaires cœlomates. G. Pruvor. 4 Sciences médicales Ribard (D: Elisée). — La tuberculose est curable, avec une préface du D° Maurice LeTuLrE. — 1 vol. in-12, de 173 pages. (Prix : 2 fr.) C. Naud, éditeur. Paris, 1901. Voici un excellent petit ouvrage que nons devons signaler ici, bien qu'il n'ait pas la prétention d'apporter des faits nouveaux à la connaissance de la tuberculose. C’est, avant tout, un livre de vulgarisation, qui s'adresse au grand public, et contribuera très eflicacement à répandre dans notre population cette idée, presque neuve, et aujourd'hui scientifiquement établie, que, prise à ses débuts, la tuberculose est curable. L'auteur insiste principalement sur la tuberculose pulmonaire. Il indique en quoi elle consiste, comment on la prévient, commenton la reconnaitet comment on la guérit. Il examine successivement toutes les causes prédisposantes : l’affaiblissement de l'organisme, l'al- coolisme, la mauvaise hygiène, etc. Il apprend ensuite à la mère à « savoir regarder son enfant », examiner son état général, l’état de ses yeux, de son visage, de ses membres et de ses ongles, et appelle son attention sur les malformations congénilales susceptibles de jouer un rôle prédisposant dans la genèse de la mala- die. Il insiste ensuite sur l'importance de la pesée, de la taille, du développement de la poitrine et de la tête chez l'enfant qui se développe mal ou se trouve déjà atteint par la maladie. Les renseignements qu'il donne sur les formes de début de la tuberculose, de la tuber- culose pulmonaire (dyspepsie, diarrhée, anémie, chlo- rose, amaigrissement, essoufflements, battements de cœur, fatigue, polyadénites, névralgies variées, zona, refroidissements, altérations de la voix, rhumes, bron- chites, hémoptysie, etc.), seront, pour tous les éduca- teurs, des plus précieux. ; M. Ribard traite ensuite des devoirs du médecin à l'égard du malade et de sa famille, des mesures préven- tives et curatives qu'il doit imposer soit dans les sana- toria, soit dans la famille. : J1 faut souhaiter que ce petil livre, accessible à tous les lecteurs, se répande le plus possible dans les famil- les et les écoles. IESNOE n Comte (D' Albert). — Paralysie pseudo-bulbaire et phénomènes laryngés (Æxtrait de « La Parole », n° 4 de 1901). 1 Drochure in-8° de 16 pages. Lihraï- rie de « La Parole ». Paris, 1904. 987 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 21 Octobre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M.J. Guillaume a mesuré le diamètre de Jupiter à l'équatorial Brunner de l'Obser- vatoire de Lyon. Les valeurs obtenues sont moindres avec le plus fort grossissement qu'avec le plus faible; c'est une conséquence des lois de la diffraction dans les instruments d'optique. — M. P. Hatt étudie le pro- blème de la jonction des deux extrémités d’un réseau fermé de triangulation et indique les conditions d’une compensation satisfaisante du réseau. — M. G.-A. Miller présente quelques résultats nouveaux sur les groupes de substitution. — M. P.-J. Suchar donne la forme que doivent avoir les coefficients d’une équation différen tielle linéaire de second ordre pour qu’elle soit de deuxième ou de troisième espèce. — M. A. Demoulin étudie deux classes particulières de congruences de Ribaucour : celles qui sont formées desnormales d’une surface et celles pour lesquelles le segment focal est constant. — M. G. Kœnigs indique les propriétés des chaines cinématiques secondaires. 2° Sciences PHYSIQUES. — M. G. Wallerant commu- nique des formules, relatives aux variations de l’aiman- tation dans un cristal cubique, qui reproduisent toutes les particularités constatées expérimentalement par | M. Weiss. — M. A. Ponsot a étudié comparativement | la limite des réactions chimiques et celle du produit PV dans les gaz: a) Les deux hypothèses : 1° PV tend vers une valeur limite pour V infini; 2 il ya des réactions chimiques entières, sont incompatibles; ) Les deux hypothèses : 1° PV tend vers une valeur limite pour V infini; 2 les réactions chimiques sont toujours limi- tées, sont compatibles; c) Les deux hypothèses : 19 P— 0 pour une valeur de V très grande et les valeurs supé- rieures de V; 2° il y a des réactions chimiques entières et des réactions limitées, sont compatibles. — M. H. Im- bert a obtenu, par réduction sulfureuse des dérivés résultant de l'action des bases pyridiques sur les qui- nones tétrahalogénées, l'acide pyridyl-monochlorhydro- quinonesulfonique CÿH*Az.C'CI(SO*H)(0H)>.0H et l'acide pyridyl-moncxydichlorhydroquinone CFH*Az.C‘CE(0H. OH. Ce fait prouve que la fonction quinonique n’est pas altérée dans les premiers produits de réaction. — M. H. Fournier à oxydé divers carbures benzéniques au moyen du bioxyde de manganèse et de l’acide sulfu- rique. L'o-xylène donne 37 °/, d'aldéhyde o-toluique ; le pseudo-cumène donne 22 °/, d'aldéhyde ; le p-cymène donne très peu d’aldéhyde cuminique ; l'éthylbenzène donne de l’acétophénone et de l’aldéhyde benzoïque. — M. R. Dhommée a étudié les conditions de formation de la benzylamine par l’action de l’ammoniaque sur le chlorure de benzyle. La benzylamine se forme surtout en présence d'un grand excès d'ammoniaque; lerende- ment atteint 4%,5 °/, du chlorure de benzyle. — M. R. Fosse à étudié l’amine qui dérive du binaphty- lène glycol de Rousseau; c’est la bisdinaphtoxanthène- amine : O.(C‘H‘)?.CH.AzH.CH.(C'‘H}-0. Les hydra- cides fumants la décomposent en AzH“CIl et en mono- chloro ou bromonaphtoxanthène. — MM. L. Vignon et F. Gérin ont constaté que la d-arabite pentanitrée et la rhamnite pentanitrée réduisent énergiquement la li- queur de Fehling. Les auteurs expliquent les propriétés réductrices de ces corps et des corps analogues en admettant que l'acide nitrique éthérifie d'abord les groupes CH.OH et oxyde le groupe CH°0H terminal en CH(OH}; puis l'acide nitreux réagit sur ce dernier en donnant un groupe isonitrique CH(OH)(0Az0) qui est | et F. Perrin, en faisant réagir le trichiorure de phos* | phore sur la glycérine, ont obtenu l'acide glycéropho | D. Sulzer signalent un nouveau phénomène d'inerti | rétinienne dont ils se proposent d'étudier les applicæ | les Fougères comprenant les deux grands group évidemment réducteur. MM. A. et L. Lumiè phoreux OPH(OH)0C*H*(0H}. Il donne facilement dl glycérophosphites avec les bases, la plupart solub dans l’eau. 30 SCIENCES MM. NATURELLES. André Broca ét tions pratiques à la fatigue de la lecture. — MM. Lorte et Hugounenq ont étudié les Poissons momifiés qu se retrouvent en quantités considérables dans certaine: nécropoles égyptiennes. Ce sont des Lates niloticusälk étaient macérés dans les eaux fortement saumâtres d lacs de natron, puis entourés d’une couche de vasen chargée de substances salines. Ils sont si bien conservés qu'ils renferment encore une forte proportion de m& tières animales. — M.J. Bohn a reconnu que les trans formations histolytiques présentées par les Annélid à l'automne, et accompagnées de troubles circulato et respiratoires d'origine toxique, auraient pour con quences, soit la dissémination des œufs par une fon! pélagique (épitokie), soit simplement l'expulsion dl œufs par la rupture des téguments d'une forme rest sédentaire {exotokie matricide). — MM. C. Vaney A. Conte ont trouvé un individu d'A/hurnus mirande Blanch. dont l'ovaire était complètement infesté par unt nouvelle A/1crosporidie parasite, la Pleistophora me randellæ. N y a des kystes de deux sortes, renfermant des microspores et des macrospores. — M. L. Du camp a étudié le dévéloppement de l'embryon chez Ie Lierre (Hedera Helix). Dans la formation du cône radis culaire, le cylindre central reste étranger au suspeñ seur; celui-ci complète inférieurement l'écorce et don naissance à la coiffe; les éléments supérieurs de cette dernière sont fournis par la base de l'épiderme embryonnaire. — MM. Ch. Dépéret et G. Carrière o découvert à Robiac, près Saint-Mamert (Gard), un riche gisement de Mammifères de l'Eocène supérieur. rencontre le Lophiodon rhinocerodes Rütim. L. Isselensis Cuvier, le Paloplotherium magnum Rütim le P. lugdunense, le Pachynolophus Duval Pomel, l'An chilophus Desmaresti, etc. — M. B. Renault montre que Eusporangiées et Leptosporangiées ont eu, à l'époque houillère, des gerres hétérosporés. Séance du 28 Octobre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Hatt a appliq la méthode des moindres carrés au problème de jonction d’un réseau trigonométrique fermé. — M. 2 S. Chessin donne la soiution du problème de la toupie de Foucault (déterminer le mouvement d'un solide de révolution homogène, fixé par un point de son axe figure à la surface de la Terre, après lui avoir imprim une rotation initiale de grande vitesse autour de @ axe maintenu immobile relativement à la Terre). IMy arrive par la méthode dite des perturbations. Ë 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. G. Sagnac explique, pal un phénomène de perspective, la production de rayons lumineux divergents à 180° du Soleil, observée récem= ment par M. Mascart. — M. Maurice Leblanc a étudié la stabilité de marche des commutatrices dans divers cas (branchement sur une batterie d’accumulateurs; addition d’un survolteur à courants alternatifs). = M. de Forcrand déduit de sa formule que la chaleur tolale de combinaison Q est rigoureusement propo tionnelle à T'; leur rapport, 30, est le même pour tous les corps. Il en a calculé la limite inférieure pour un certain nombre de corps; les résultats coucordent bien ‘avec l'expérience. — M. M. Berthelot a observé que, “sous l'influence du rayonnement du radium, l'acide bdique est décomposé en iode et oxygène el l'acide mitrique en vapeur nitreuse et oxygène, réactions ana- ogues à celles qui se passent sous l'influence de la ümière solaire. Par contre, la transformation du S Ctaédrique, dissous dans CS, en S insoluble, et l’oxy- atiou de l'acide oxalique dissous par l'oxygène libre, nt pas été opérées par le radium, quoique elles le Soient par la lumière. — Le même auteur a mesuré la quantité de chaleur dégagée dans la réaction de l'oxy- éène libre sur le pyrogallate de potasse. La chaleur dégagée est considérable, et va en diminuant, pour un mème poids d'oxygène, à mesure que l'absorption aug- ente. — M. Léon Guillet, en appliquant à l’'oxyde de ivre la méthode qu'il a indiquée pour les acides jungstique et molybdique, a pu isoler les trois combi- naisons qui ont été signalées dans les études de M. Le dhätelier : Cu°Al, CuAl, AlCu, la combinaison CuAl étant obtenue mélangée avec 2 à 3 °/, d'un siliciure de Quivre et d'aluminium. — M. P. Nicolardot a constaté que, si l'on ajoute à une solution de chlorure ferrique bouillante une solution d’un sulfate, tout le fer se pré- Gipite à l’état de sulfate de fer condensé. Par ce moyen, on peut séparer le fer des autres métaux quand la solution n'est pas trop acide. — M. G. Denigès indique deux procédés de détermination qualitative et quanti- lative de traces d'antimoine en présence de fortes pro- portions d'arsenic. L’un consiste dans la précipitation “du Sb sur le platine par une lame d'étain, l’autre dans la formation d'un sel double de césium recherché par voie microchimique. — M. Em. Bourquelot a recherché, dans les végétaux, le sucre de canne à l'aide de l’in- vertine et les glucosides à l’aide de l’émulsine. Par ce moyen, il a trouvé, dans le rhizôme du Serophularta nodosa, 4 grammes de sucre de canne par kilog. et un pu d'un glucoside lévogyre. Le péricarpe du Cocos ataï et la graine d’asperge renferment le premier 25 grammes, et la seconde 15 grammes de sucre de “canne par kilog. — MM. A. et L. Lumière et H. Bar- bier ont déterminé l’alcalinité du sang, en le traitant par un excès d'acide libre et titrant cet excès par l'iode et l'iodure de potassium. Aucune méthode ne peut donner avec exactitude l’alcalinité du sang; cette der- nière se distingue toutefois par ses résultats constants. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. F. Le Dantec expose quelques-unes des considérations qui l'ont amené à oncevoir l'existence de deux états de la substance vivante chez les êtres sexués. — M. L. G. Seurat rappelle les observations de Garner, antérieures de “rente ans à celles de M. R. Dubois, sur la présence de Distomes dans les perles des Mytilus; mais il pense que les recherches récentes sur l’origine parasitaire des perles des Moules ne donnent pas la solution du “mode de formation des perles fines. — M. Willot a observé que, sous l'influence de la chaleur et de l’hu- midité, les femelles brunes mortes du Nématode de la betterave se gonflent et que le canal vulvaire s'ouvre mécaniquement et permet aux larves de sortir; dans les années de sécheresse, les larves sont retenues à l'intérieur. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont étudié le Trypanosome du Rotengle; il possède une mem- brane ondulante et un flagelle à chaque extrémité. Les auteurs le nomment 7rypanoplasme. Le Brochet et la Sole renferment aussi chacun un parasite spécial. Les auteurs n'ont pas encore pu observer les formes de division de ces Hématozoaires. — MM. Ch. Eug. Ber- rand et F. Cornaille poursuivent l'étude des chaînes libéroligneuses des Filicinées, de l'union et de la sépa- ration des pièces libéroligneuses élémentaires et de leurs conséquences. — M. M. Berthelot a examiné une lampe préhistorique, trouvée dans la grotte de la Mouthe, et formée d’une pierre creusée portant des dessins. La masse noire située dans le creux est sem- “blable au résidu de la combustion d’une matière ani- male, suif ou lard, qui aurait servi à l'éclairage. | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 985 ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 22 Octobre 1901. M. Le Dentu présente un malade ayant subi la laryngotomie totale, à la suite d'un rétrécissement syphilitique infecté du larynx; il possède un larynx artificiel, construit par M. CI. Martin (de Lyon). — Le même auteur, à propos de la récente communication de M. Ehrmann sur l'uranoplastie en deux temps, rap- pelle qu'il a obtenu de bons résultats par l'opération en un temps chez les adultes; ilest possible, cependant, que l'opération en deux temps soit préférable chez les jeuves enfants. — M. Rendu présente le rapport du concours pour le Prix Civrieux. — M. Hallopeau com- munique un rapport sur un travail du D' Butte relatif au traitement du lupus tuberculeux par le perman- ganate de potassium. Ce traitement amène rapidement la cicatrisation des ulcères lupiques, l'affaiblissement des nodules, ainsi que la disparition des saillies végé- tantes et chéloïdiennes; mais son action ne s'exerce sur les altérations profondes du derme que d'une ma- nière insuffisante pour amener la guérison complète. — M. E. Vallin lil le rapport sur le concours du Prix Vernois. — M. E. Bourquelot commuuique le rapport sur le concours du Prix Nativelle. — M. Poncet com- munique un nouveau cas qui établit, d'une facon indis- cutable, l'existence d'un rhumatisme articulaire aigu d'origine tuberculeuse, simulant le rhumatisme aigu ordinaire. — M. G. Dieulafoy apporte une observation de gomme syphilitique du lobe frontal avec attaques d'épilepsie jacksonienne ; l'épilepsie jacksonienne étant généralement d'origine rolandique, ce fait coustitue une grave atteinte à la doctrine des localisations cérébrales. — M. M. de Fleury lit un mémoire sur la théorie du sommeil. Séance du 29 Octobre 1901. M. P. Reclus présente le rapport sur le concours du Prix Godard. — M. Kelsch communique le rapport sur sur le concours du Prix Ricord. — M. Bucquoy entre- tient l’Académie des cas de peste qui se sont déclarés sur le Sénégal et de la quarantaine qui a suivi au Frioul. Cette communication est reproduite in-extenso dans ce même numéro (p. 956 et suiv.). SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE du 49 Octobre 1901. M. Ch. Féré à constaté qu'au cours de l’accumula- tion de la fatigue, la suggestibilité augmente pendant une période variable suivant l’état du sujet, puis ses effets diminuent graduellement. Quand la suggestion a produit une fois son effet, le travail sans suggestion subit une dépression considérable. — M. A. Giard rappelle que c’est J. Rostafinski (de Cracovie) qui, en 4877, a fait les premières expériences de mérogonie et indiqué le technique à suivre. — M.E. Maurel à reconnu que la chlorhydrate d'émétine, donné par la voie hypodermique et aux doses thérapeutiques, produit de la vaso-constriction et active la circulation normale; il peut même la rétablir sur les points où elle a été ralentie ou arrêtée artificiellement. — MM. E. Wer- theimer el L. Lepage ont étudié les effets antagonistes de l’atropine et de la pilocarpine sur la sécrétion pan- créatique. — M. L. Maillard expose ses idées sur l'autorégulation des pressions osmotiques de l'orga- Séance ‘ nisme par la dissociation électrique et sur le rôle biolo- gique des sels minéraux. — M. Gellé à observé que le premier temps de la déglutition a lieu en même temps qu'une inspiration plus ou moins forte; la respiration est suspendue au deuxième temps, si rapide, de l'acte d'avaler; puis une expiration immédiale s'impose. Elle se fait par le nez; mais, dans certains cas pathologiques, avec oblitération des voies nasales, elle se fait par la voie buccale avec production de bruits insolites. — MM. A. Laveran et F. Mesnil ont reconnu que le 986 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES prétendu Trypanosome de l'huître (7ryp. Balbianii Certes) est très vraisemblablement une bactérie, qui se placerait à côté des Spirilles et des Spirochètes. — M. Armand-Delille a constaté que l'introduction, au niveau des méninges rachidiennes, du poison tubercu- leux caséifiant est suivie d’une inflammation plastique de ces membranes, très analogue à celle qu'on voit survenir au Cours de certaines tuberculoses vertébrales. — M. Dominici montre qu'il y a aucune contradiction entre les deux processus évolutifs qui assurent la for- mation du polynucléaire ordinaire. — Le même auteur confirme la conception de M. Metchnikoff, concernant la parenté qui existe entre les macrophages et les cel- lules fixes du tissu conjonctif. MM. Auché et Tribondeau ont obtenu une action antiseptique puis- sante, en Thérapeutique chirurgicale, par l'association de l'eau oxygénée et du permanganate de potasse. — MM. Chemin et Tribondeau ont constaté que leschéma anatomique du plexus brachial du Gibbon, singe qui possède le bras le plus semblable au nôtre, diffère très peu des schémas du plexus brachial humain. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES W. Duddell : Sur la résistance et les forces électromotrices de l'arc électrique. — L'auteur, dans un résumé historique, montre que plusieurs de ses prédécesseurs n’ont pas réussi à mesurer la vraie résistance et la force contre-électromotrice de l'arc parce qu'ils ont fait leurs mesures après que les condi- tions de l’arc eurent été modifiées par le courant d'épreuve. Les méthodes (semblables à celle de Kohl- rausch pour la mesure de la résistance d’un électro- lyte) dans lesquelles un courant d'épreuye alternatif est superposé à un courant continu (comme celle em- ployée par Frith et Rodgers, qui trouvèrent que l'arc a quelquefois une résistance négative) ont failli parce que la fréquence du courant alternatif n'était pas assez élevée. Par des recherches préliminaires, l’auteur a été con- duit à employer la méthode suivante : Soit un appa- reil A possédant une résistance et une f. 6. m., mais pas de self-induction, ni de capacité, et traversé par un courant continu. On lui ajoute un courant d’épreuve alternatif. Si l'appareil A possède une résistance vraie et que la fréquence du courant d’épreuve soit telle que les conditions de l'appareil n'en soient pas changées, la résistance de A sera constante sur toute l'échelle de variation du courant, et sera égale à l’impédance de A pour le courant alternatif superposé. Un critérium pour la constance de la résistance de À, c'est que le facteur de puissance de A pour le courant alternatif soit égal à l'unité. Donc, pour prouver que l'arc a une vraie résis- tance et pour trouver sa valeur, il faut montrer 1° qu'il est possible de trouver une valeur de la fré- quence du courant d'épreuve pour laquelle le facteur de puissance de l'arc par rapport à ce courant soit l'unité ; 2° que le facteur de puissance reste l'unité et l'impédance constante, même si la fréquence est aug- mentée ; 3° déterminer, dans ces conditions, la valeur de l’impédance de l'arc qui est sa vraie résistance. L'appareil de l’auteur se compose d’un alternateur, d’un thermo-galvanomètre mesurant les trois voltages, et d’une résistance étalon avec laquelle on compare l'impédance de l’arc. Les mesures ont permis de cons- tater que l'arc, aux basses fréquences, possède un fac- teur de puissance négatif, ce qui indique qu’il fournit de l'énergie à l'alternateur. L'existence de cette force contre-électromotrice n'est pas en opposition avec le principe de la conservation de l'énergie, car elle pro- vient d'une transformation du courant continu fourni à l'arc. L'auteur a étudié l'influence de la variation du cou- rant direct, de la longueur de l’arc et de la nature des électrodes sur ces phénomènes. Il a reconnu que la force contre-électromotrice se compose de deux parties localisées aux ou près des contacts des électrodes avec la colonne de vapeur. La force à l’électrode positive, d'environ 17 volts, est opposée au flux du courant direct, tandis que la force à l’électrode négative, d'environ 6 volts, est dans le sens du courant direct : c'est donc une f. 6. m. directe. L'auteur considère que la plus grande partie de ces deux f. é. m. est due à des forces thermo-électriques: Ce qui tendrait à le confirmer, c'est qu'il est possible d'obtenir une différence de potentiel de 0,6 volt en chauffant inégalement deux électrodes de carbone” solides avec un chalumeau, le charbon le plus chaud étant positif par rapport au plus froid. En employant des charbons à mèche et en ajoutant des sels de potas-" sium, on a élevé cette différence de potentiel à 4,5 volt." Or, les différences de température qui existent dans l'arc sont bien plus élevées que celles que donne un chalumeau. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM X Séance du 28 Septembre 4901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. J. de Vries : Sur Le nombre des coniques reposant sur huit droites de l'espace. À l'aide du principe de la conservation du nombre, dû à M. Schubert de Hambourg, l'auteur détermine le nombre (92) des coniques en question, ainsi que l’ordre de plusieurs surfaces qui s'y rappor- tent. — M. L. Gegenbauer, de Vienne : Contribution a la théorie des restes biquadratiques. Communication en rapport avec la fonction de Môbius-Mertens, des- tinée à compléter et à simplifier des travaux analogues de MM. Schering et Max Mandl. — M.J. C. Kapteyn présente la thèse de M. W. de Sitter (Groningue), intitulée : Discussion of heliometer-observations of Jupiter’s Satellites. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. W. H. Julius : Sur Ja formation de lignes doubles dans le spectre de la chro- mosphère par la dispersion anomale de la lumière pho- tosphérique. Dans la séance du 24 février 1900 (voir Rev. génér. des Sciences, {. XI, p. 563), l'auteur a montré qu'il est possible d'interpréter un grand nombre de phénomènes solaires en admettant que la lumière nommée chromosphérique se compose essentiellement d'une partie réfractée de la lumière photosphérique, ayant subi une dispersion anomale dans les vapeurs absorbantes du Soleil. D’après cette hypothese, les longueurs d'onde des raies brillantes du spectre des protubérances, de la chromosphère, du « flash », ne peuvent pas être rigoureusement égales aux longueurs d'onde des raies d'absorption correspondantes du spectre de Fraunhofer. En effet, chaque raie brillante, qui correspond à une raie d'absorption de longueur d'onde À, se compose de deux groupes de radiations dont les longueurs d'onde, toujours voisines de X, sont un peu plus grande que À pour l’un et un peu plus petite que À pour l’autre. Dans la présente note, l'auteur se propose de préciser quelle sera, d’après sa théorie, la distribution caractéristique de la lumière dans une ligne chromosphérique, dans l'hypothèse que l'on à exclusivement affaire à des rayons anomalement dis- persés et que le spectre est fourni par la « chambre à prisme ». La courbe de dispersion du gaz absorbant à proximité d’une quelconque des raies absorbantes prend la forme indiquée par la figure 1. Les abscisses, mesurées sur XX, représentent les longueurs d'onde ; l'abscisse du point O est égale à À. Une ordonnée zéro signifie que l'indice de réfraction est égal à l’unité. Si la partie considérée du spectre ne contient pas de raie absorbante, la courbe de dispersion ne diffère qu'in- sensiblement de la droite NN° parallèle à XX'. Dans le cas contraire, où les rayons de longueur À subissent une absorption assez considérable, la courbe montre le caractère d'une hyperbole équilatère au centre O dont NN' est une des asymptotes. Dans le spectre chromo- sphérique, la lumière À fait défaut. Des rayons AHè correspondant aux points à et a! du spectre normal nous seront envoyés d’un anneau chromosphérique d'une ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES jargeur assez considérable; les rayons À + 2ù, cor- …respondant aux points b et l', prennent leur origine dans un anneau chromosphérique plus étroit, etc. A intérieur, ces anneaux sont limités par la photosphère. 240, À + 20, etc., dépendront des ordonnées de la courbe de dispersion. Comme première approximation, on peut supposer que ces largeurs sont proportionuelles aux ordonnés a, a, — a!, a!,, b, b,— b', l', de cette courbe par rapport à la droite NN'de dispersion normale. Pour chaque espèce de rayons contenue dans la lumière chromosphérique, la chambre à prisme projette une “image de la lunule chromosphérique, de manière qu'on obtient une infinité de lunules à côté l’une de autre. La distribution de la lumière dans une quel- conque de ces lunules nous fera connaître l'intensité de la lumière de cette espèce émise par les différentes parties de la lunule chromosphérique. Ordinairement, une image monochromatique montrera donc la plus grande intensité du côté convexe limité par le bord de la Lune, tandis que du côté concave la lumière S'eflacera par degrés insensibles. Mais les lunules cor- 15 AU respondant à des espèces de rayons voisines empiète- ront l’une sur l’autre, surtout s'il s'agit des deux groupes de rayons dont une raie de la chromosphère est la résultante. Donc cette superposition de deux images donnera lieu à une distribution de lumière toute diffé- rente de celle de la lumière simple, etc. Soit Z (fig. 2) une partie du bord de la Lune au moment du second ou du troisième contact d'une éclipse solaire. Représen- tons la lumière composée fournie par la colonne Zz de la chromosphère par son spectre horizontal parallèle à la droite PP'; seulement, pour faciliter l'inspection de ce que toutes les espèces de lumière contribuent à l'in- tensité totale de l’image entière, au lieu de déposer ces spectres sur la même parallèle nous représentons sur des parallèles équidistantes PP', QQ', RR'... les spectres correspondant à la lumière À, À Hô, À + 28, ete. Soit O l’image du bord de la Lune correspondant à la lumière parfaitement monochromatique d’une longueur d'onde. Les rayons À étant absorbés, la droite PP! ne montre rien. Eu QQ' nous trouvons d’abord la lumière X-, pour laquelle le bord de la Lune se projette en aet qui s'étend “tout en diminuant d'intensité jusqu'au point &, et ensuite la lumière À + à s'étendant de la même manière de a jusqu'à «!. Ainsi nous trouvons sur RR' les rayons À-25 et À + 25 recouvrant respectivement les segments bp et D! f', surSS'lesrayons À — 350 et À + 3 à recouvrant …cyetc! y, etc. Comme les segments de droite aa — ul, DB— D G,... représentent les largeurs des anneaux chromosphériques correspondant aux espèces diffé- rentes de rayons, ils sont proportionnels aux quantités va, a, — à, d',, b, b, = D', }', de la figure 1. Donc les er lieux des extrémités «, 8... et «, 8... sont des courbes dont la forme est liée intimement à celle de la courbe de dispersion. De cette manière on trouve en quoi con- tribuent toutes les ondes intermédiaires à l'intensité Mie 22: totale de l’image. Il va sans dire qu'il ne faut pas perdre de vue que l'intensité de chaque espèce de lumière diminue en procédant de gauche à droite, comme Île montre la partie supérieure de Ja figure 3. Pour obtenir enfin la distribution de la lumière dans la ligne de la chromosphère, on n'a qu'à comprimer cette figure dans le sens vertical. L'intensité résullante qu'on obtient de cette manière est représentée par la partie inférieure de la figure 3. Ce spectre montre une raie double dont les deux composantes s'ef- facent lentement de partet d'autre, de manière que l'espace intermé- diaire contient encore de la lu- mière d’une in- tensité assez con- sidérable. Ce se- rait donc une épreuve éclatante pour la vérité de l'opinion de l’au- teur, s'il se mon- trait qu'en effet toutes les raies de la chromo- sphère sont des raies doubles du caractère indi- qué. Eh bien, l'Expédition né- erlandaise a eu la chance d'ob- tenir avec la chambre à prisme les premiers photo- grammes ne laissant pas même une trace de doute par rapport à ce point. Car tuutes les raies chromosphé- riques qui s’y présentent sont des raies doubles. En premier lieu, nous devons ce résultat important à l’ob- servateur, M.Nyland, tant par la manière soigneuse dont il a préparé le projet de l'observation avec la chambre à prisme de Cooke que par la précision extraordinaire Fig. 3. 988 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES avec laquelle il a exécuté les manipulations nécessaires avant et pendant l'éclipse. Mais probablement la cir- constance, très regrettable, au reste, que le ciel était tant soit peu couvert de nuages pendant l’éclipse, a exercé à cet égard-ci une influence favorable. Car si la lumière n'eut été affaiblie considérablement, les raies chromo- sphériques se seraient montrées sur la plaque plus intenses et en plus grand nombre, et alors le redouble- ment aurait été peut-être aussi douteux que sur les clichés obtenus auparavant. Comme les raies doubles ne sont pas des objets limités distinctement, il est difficile d'en évaluer la largeur. Seulement on peut pointer les parties les plus claires des deux composantes et, à l’aide du comparateur, en déterminer la distance. Cette distance semble être inégale pour les raies doubles différentes: d'après une évaluation provisoire, elle varie entre 0,7 et 4,3 des unités d'Angstrôm. Des sys- tèmes plus larges et plus étroits se succèdent l’un l’äutre dans un ordre assez irrégulier; seulement en général la distance des deux composantes diminue à mesure qu'on s'approche du violet. Peut-être cette circonstance est-elle importante pour les théories de l'absorption. Peut-être les photogrammes obtenus par l'Expédition néerlandaise, qui se prêtent si bien à faire connaître le rôle joué par la dispersion anomale dans la formation de la lumière chromosphérique, n'ont-ils pas une (elle importance. En effet, l'auteur n'a re- marqué nulle part une particularité dans la distribu- tion de la lumière chez les raies doubles indiquant la nécessité d'attribuer une une partie de cette lumière à la radiation propre des gaz chromosphériques. Cepen- dant sans doute ces gaz émettent dela lumière ; donc on n'a qu'à se demander en quels cas et à quel degré l'in- tensité de cette lumière propre peut être comparée à celle de la lumière photosphérique réfractée anomalement. Il serait à souhaiter que les spectrogrammes obtenus par les autres expéditions fussent étudiés sous ce rap- port. — Ensuite M. W. H. Julius présente au nom de M. A. Smits: ltecherches avec le micromanomètre. Suite d'une communication antérieure (voir /tev. génér. des Sce., t. X, p. 887). L'auteur décrit d’abord quelques améliorations apportées à son micromano- mètre; ensuile il fait connaître les résultats de plusieurs séries nouvelles d'expériences. Enfin il s'occupe du désaccord entre les expériences d’après la méthode du décroissement de la tension de la vapeur et celles d'après l’abaissement du point de congélation; dans cette der- nière partie, il défend la théorie de la dissociation due à S. Arrhenius contre les attaques de M. Kahlenberg (Journal of physical Chemistry, t. NV, p. 339), — MM. S. Hoogewerff et W. A. van Dorp : Sur l'influence de la position mutuelle des groupes d'atomes, sur le cours des réactions. En 1894 et 1895, dans les dernières années de sa vie, le Professeur Victor Meyer s'est occupé dans un grand nombre d'études du retard qu'éprouve la réaction de l'alcool méthylique et de l'acide chlorhydrique dans les acides aromatiques dans lesquels on a remplacé l'hydrogène des deux places ortho par rapport au carboxyle par d'autres atomes ou d’autres radicaux. Il cherche à expliquer ce retard en supposant que ces”deux atomes nouveaux ou ces deux radicaux s'opposent à la formation du groupe de méthyle à cause de la place qu'ils occupent. D'après les expériences des auteurs, publiées dans le ecuerldes Travaux chimiques des Pays-Bas et de la Belgique, t. XVIII, p. 211, et devancés en partie par une commu- nication de MM. Klages et Allendorf et une communica- tion de MM. Klages et Lickroth, l'hypothèse de Victor Meyer que nous venons de citer exige d'être complétée. Car ces expériences démontrent que le remplacement des deux atomes d'hydrogène favorise d’autres réac- tions. — M. H.W.Bakhuis Roozeboom présente: 1°la première partie de son travail. Die heterogenen Gleich- gewichte vom Standpunkte der Phasenlehre (Les équi- libres hétérogènes du point de vue de la loi des phases), et 2 au nom deM. W. E. Ringer la thèse Over mengsels van zwavel en seleen (Sur des mélanges de soufre et de sélénium).— M. C. A. Lobry de Bruyn présente, au nom de M. G. van der Sleen, la thèse « Ueber die a-Oxy= butensäure und ihre Umlagerungen » (Sur les acides vinylglycoliques et leurs transpositions). + 39 SCIENCES NATURELLES. — M. W. Burck : Sur Je stigmates excitables de Torena Fournieri et Mimulus. lutens et sur les moyens préventifs contre la germi nation de pollen étranger sur le stigmate. Suite d'uné communication précédente (Rev. gén. des Se., t. XI p. 1252). Chez les espèces examinées, le stigmate s8 compose de deux lamelles larges, divergentes sous unk angle important dans l'état normal et se rapprochant” l’une de l’autre jusqu'à ce qu'elles se couvrent après excitation. Dans la nature, la fermeture de ces lamelles est causée par un insecte qui vient chercher du miels d'après la construction de la fleur, l’insecte ne peut pars venir jusqu'au miel sans toucher ces lamelles. Ces lamellesrestent fermées si l’insecte a déposé du pollens dans le cas contraire, elles se rouvrent bientôt. Dans les expériences de l’auteur sur la fécondation artificielle de Torena Fournieri, les lamelles du stigmate se com portaient de deux manières différentes, suivant que le pollen avait été emprunté aux deux élamines longues ou aux deux étamines courtes. Dans le premier cas, le stigmate se rouvrit après quelques minutes; dans le second cas, le stigmate restait fermé pour toujours. L'es-« pèce Mimulus Fournieri se comporte tout à fait de la mème manière. Un examen minutieux des stigmates de ces deux plantes démontre que le côté intérieur des lamelles estexcessivement irritable, de manière que les lamelles se ferment par le moindre contact. Au con traire, le côté extérieur deslamelles peut subir des Se tations assez considérables sans que les lamelles se” ferment. L'auteur suppose donc que le contact du côté intérieur est accompagné d’une perte d’eau des cellules turgescentes qui la composent, par laquelle ces couches de cellules perdent en même temps leur tension. En général, après quelques minutes la teneur en eau de ces» couches est rétablie et le stigmate se rouvre. D'après ce considérations, une autre cause doit être en jeu, si le stigmate ne se rouvre pas. L'auteur la cherche dans une action différente de l'humeur du stigmate sur le pollen,» etc. etc. —M.A.-A.-W.'Hubrecht: Sur lagastrulation et la formation du mésoblaste chez les Mammifères. L'au= teur montre et explique un onzain de planches faisant partie d’un mémoire sur l’ontogenèse de Tarsius SpeC= trum qui paraîtra dans les publications de l’Académie. — M. Th.-W. Engelmann : Sur l'influence négative= ment isotrope du nerf pneumogastrique sur le cœur. Dans le laboratoire de Donders (Utrecht), M. Nuel à découvert et étudié l'influence affaiblissante du nerf preumogastrique sur les contractions ducœur. En appli- quant sa méthode de suspension du cœur de grenouille et son pantokymographe aux contractions des oreil- lettes du cœur de grenouille, le physiologiste de Berlin” trouve qu’en qualité l'effet d'une excitation ne dépend nullement du lieu où elle est appliquée, ou à la branche principale du nerf, ou aux origines dans le cerveau, ou aux oreillettes mêmes, ou même quand l'excitation, pre nant naissance dans les entrailles, se propage au Cœur par réflexion. Très peu de Lemps après une excitation momentanée, les contractions diminuent graduelle= ment en importance et en durée ; après quelque temps, « les systoles ordinaires se rétablissent. L'intensité et lan durée de la perturbation s'accroissent avec la force de l'excitation. La durée de la période de l’affaiblissement croissant est très constante, trois à quatre secondes à peu près. Au contraire, la période régénératrice du décroissement de l’affaiblissement peut surpasser une minute même. La phase de la période du cœur aw moment d'excitation n’exerce pas d'influence sensible, etc.,etc. L'auteur fait circuler plusieurs cardiogrammes \ se rapportant à son sujet. P.-H. Scnoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 12° ANNÉE DIRECTEUR : Ne 22 30 NOVEMBRE 1901 Revue générale bS NClences pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Dimanche dernier a eu lieu, dans le grand Amphithéâtre de la Sorbonne, une belle et louchante cérémonie. On célébrait le cinquantième anniversaire des premiers travaux de M. Berthelot. Au cours de celle cérémonie, que présidait M. Loubet, président de la République, et dont un Comité, composé des savants les plus éminents de ._ Luus les pays, avait pris l'iniliative, une médaille commémoralive, gravée par Chaplain, a été offerte à notre illustre compatriote. La vaste salle du grand Amphithéâlre pouvait à peine contenir tous ceux qui avaient lenu à appor- Lér au Maitre vénéré le témoignage de leur respec- tueuse admiralion. C'est qu'en effet M. Berthelot est l’un des plus illustres savants dont s'honore notre pays. Ce n'est pas seulement la Chimie qui lui estrede- vable, mais la Philosophie naturelle tout entière. Doué d’une extraordinaire puissance de travail, curieux de lout savoir, sa vive et pénétrante intel- ligence le porta, dès l'adolescence, vers toutes les grandes questions qui intéressent le monde phy- sique et l'Humanité. Tout jeune, il montra une aplitude remarquable aux études’les plus variées et se passionna pour les sciences de la Nature, l'histoire des civilisations et la Philosophie. Au Concours général de 1846, il obtint le prix d'honneur de Philosophie. Depuis, il n'a cessé de mener de front les études générales, tout en portant son effort particulier sur sa science de prédilection : la Chimie. Dans cette science, M. Berthelot s'esl principa- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. HOMMAGE À M. MARCELLIN BERTHELOT lement adonné à la recherche des principes et des lois; il ne s'est guère occupé d'application que pour ia défense nationale; rappelons, à ce propos, que c'est en partant des principes de Thermochimie établis par M. Berthelot et des conceptions méca- niques de M. Sarrau, que M. Vieille estarrivé à sa cé- lèbre etglorieuse invention de la poudre sans fumée. Quant à la Science pure, nous n'avons pas des- sein d'énumérer ici celle longue suite de recherches triomphales qui se rapportent à la Mécanique chi- mique, à la Thermochimie, aux Equilibres chi- miques, à la synthèse des matières organiques, à la Biologie. Ces grands travaux sont aujourd'hui classiques, et l'on peut dire que les principes géné- raux qu'ils ont introduits dans le vaste domaine de la Chimie animent actuellement toute cette science. Quiconque la cullive, en quelque lieu du monde que ce soit, est tributaire des méthodes créées par M. Berthelot, des faits qu'il a découverts et des: principes dominants et directeurs qu'il a dégagés de l'expérience. Aussi la grande manifestation de dimanche der- nier n'a-t-elle pas été uniquement française. Toutes les nations savantes avaient tenu à honneur de s'y trouver représentées. De toutes les parties du monde, anciens élèves du Maître ou ses confrères, les plus hauts dignitaires de la Science, fiers de se déclarer ses disciples, sont venus exprimer à M. Berthelot leur respectueuse reconnaissance. En s'associant pleinement à cetéclatanthommage, la Zievue a la certitude de répondre au sentiment unanime de ses savants collaborateurs et de ses lecteurs. 22 990 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Distinctions scientifiques Les médailles de la Société Royale de Lon- dres. — C'est aujourd'hui, dans sa séance annuelle, que la Société Royale de Londres doit décerner les cinq grandes médailles dont elle dispose. La Médaille Copley est attribuée au Professeur 7. Wi1 lard Gibbs, membre étranger de la Société Royale, pour ses beaux travaux de Physique mathématique. L'une des Médailles royales est décernée à M. W. Z. Ayrton, pour ses recherches sur l’Electricité; l’autre à M. W. 7h. Blanford, pour ses travaux sur la distribution géographique des animaux. La Médaille Davy est attribuée à M. G. Liveing, pour ses recherches dans le domaine de la spectroscopie. Enfin, le titulaire de la Médaille Sylvester est l’un de nos compatriotes, le Professeur Æenri Poincaré, mem- bre étranger de la Société Royale, dont les grands tra- vaux mathématiques n’ont pas besoin d’être rappelés ici. Nos lecteurs trouveront, dans le présent fascicule, une magistrale étude de l'illustre savant sur une ques- tion qui passionne à l'heure actuelle le monde des phy- siciens : l’Electrodynamique des corps en mouvement. S 2. — Cristallographie La méthode chronophotographique appli- quée à l'étude de la genèse des cristaux. — L'opinion généralement admise, relativement à la cris- tallisation d'une solution, est que la séparation des cristaux est précédée de la formation d'une nouvelle phase liquide, dont plusieurs petites goutteleltes se soudent entre elles, puis se modifient pour former les cristaux. Il a paru à MM. Th-W. Richards et E.-H. Archibald que cette théorie est insuffisamment vérifite par l’ex- périence, el ils ont eu l’idée ingénieuse ! d'appliquer à l'étude de la naissance et du développement des cris- taux la méthode chronophotographique, utilisée par M. Marey pour l'analyse des phénomènes de courte durée. Leur appareil est un dispositif microphotographique ordinaire, muni d'un oblturateur rotatif qui découvre l'objectif pendant un temps égal au cinquième de la durée de sa révolution : il permet, par exemple, de prendre, en une seconde, dix épreuves, dont chacune est posée _ de seconde. Pendant cette rotation, la pel- licule photographique est régulièrement déplacée au fond de la chambre noire. L'éclairage, qui doit être très intense, d'autant plus que le grossissement est plus considérable, est produit par la lumière solaire. A signaler le procédé qui consiste à placer le liquide entre deux nicols croisés, de telle manière que, quand un cristal se forme (sauf s'il appartient au système cubique), il apparaît en clair sur fond noir; dans ce cas, on à trouvé prélérable de laisser la pellicule fixe, et de faire glisser légèrement le porte-objet, avant chaque ouverture de l’obturateur, par l'intermédiaire d’une sorte d'échappement à ancre, mis en jeu par l’obturateur lui-même. Mais il faut remarquer que ce procédé ne permet pas de décider si l'apparition des cristaux est ou non précédée de la formation de glo- bules liquides, puisque ceux-ci, isotropes, ne rétabli- ront pas la lumière éteinte par les nicols, et par consé- quent ne seront pas photographiés. Aussi, les auteurs opèrent plutôt en lumière non polarisée, et, dans la plupart de leurs photographies, les cristaux se déta- chent en sombre sur fond lumineux. 1 Phil. Mag. (6), t. 11, p. 488, Novembre 1901. Avec un microscope grossissant 580 fois, et en agran= dissant ensuite les clichés, on est parvenu à un gros sissement de 4.000 diamètres: aucune épreuve nd décelé l'existence de globules n'ayant pas la struclur® cristalline. Si bien qu'il ressort de ce travail, plus in téressant par son principe que par la certitude de sts« résultats, les conclusions suivantes : | Si, dans les solutions étudiées (solutions aqueuses de substances ayant un point de fusion très supérieur à la température des observations : BaCEÆ, AzOSNa, SO'Cu, Nal, KI..), des globules liquides se forment avant les cristaux, leur existence ne dure pas = d& seconde, ou leur diamètre n'atteint pas ——— limètre. Dès que la photographie donne une image, celle-ci révèle la structure cristalline. Le diamètre des cristaux croit d'abord très vite, puis beaucoup plus lentement, suivant une loi très voisine de D°— À! : LeMpo er nt Diamètre D" "0 2 = Qr 1 0,57 a. Ari. Il semble bien que, surtout au début de sa crois- sance, alors qu'il n'est pas encore soumis à l'influence des cristaux qui se développent dans son voisinage, chaque cristal s'accroit en restant semblable à lui- mème; et, d’après la loi précédente, son volume varie proportionnellement au temps. Encore une fois, une certaine indécision subsiste, quant au problème que s'étaient posé les auteurs, mas l'application du principe du cinématographe à la mi- crophotographie semble devoir permettre quelques progrès dans la connaissance intime de la matière et de ses transformations. Lane ve TENTE Pa À os $ 3. — Chimie industrielle Le développementet l'état actuel de lIndus- trie chimique en Suisse.— Deux faits principaux ont caractérisé l’évolution de l’industrie chimique dans le dernier quart du xix° siècle: d’abord, le développement merveilleux de la chimie organique industrielle, matiè- res colorantes, parfums etmédicaments; puis la part de jour en jour plus grande prise par l'énergie électrique, soit qu'elle fit découvrir des corps pour ainsi «lire nou- veaux comme le carbure de calcium, soit qu'elle permit dans des conditions plus avantageuses la préparation de corps déjà connus, mais de consommation considéra= ble, comme la soude et le chlore. — Ces transforma- tions ont eu pour résultat des déplacements dans les centres d'activité industrielle, et ces variations ont élé l'objet de statistiques et d’études nombreuses pour les grandes Puissances, comme la France, l'Allemagne et l'Angleterre. Dans cetarticle, nous ferons rapidement la même étude pour la Suisse, et nous verrons quelle est à l’heure actuelle la situation de l'industrie chimique dans ce pays. x 1. Grande industrie chimique. — La difficulté des communications, la pauvreté en malières premières et l'absence complète de charbon constituaient pour la Suisse un ensemble de conditions défavorables qui n'empêchèrent pas cependant vers la fin du xvrie siècle, et surtout dans le commencement du xix°, la fondation d'un certain nombre de petites usines produisant les produits chimiques les plus nécessaires. Ce furent d'a- bord les acides sulfurique, chlorhydrique, azotique, puis, en 1827, la soude brute, et en 1845 la soude cris- tallisée. — Dès 1850, la production considérable d’acide chlorhydrique fit installer la fabrication du chlorure de chaux. A l'heure actuelle, la production de ces diffé- éncore insuffisante, ainsi que le montrent les chiffres de l'importation et de l'exportation pour l'année 1900 Tableau 1). rents produits, malgré son développement continu, est | | | Meceau [. — Importation et exportation des produits | “de la grande industrie chimique en Suisse en 1900. IMPORTATIONS EXPORTATIONS ee ol dl| CR Quantités Valeur Valeur en en en en quintaux francs quintaux | francs Quantilés Carbonatedesoude D Cristallisé . . .| 9.4: 61.321 Carbonate de soude 1.219 9.629 anhydre . . . .| 99.857 |1.148.355 183 1.913 MAcide sulfurique .| 65.249 | 473.055 | 1.882 | 24.232 IL Chlorure de chaux. 415 192.240 | 42.753 |164.158 | Soude et potasse caustiques , . 21,913 839,190 1.025 | 30.724 . L'introduction en Suisse, vers 1850, des engrais arti- ficiels et leur emploi toujours croissant permirent, depuis 1862, la fondation d'usines destinées à celte pro- duction; mais, devant la concurrence des produits similaires allemands, un certain nombre de fabriques durent disparaitre, ef l'exportation (18.125 quintaux), est maintenant très faible devant l'importation (630,968 quintaux), composée surtout de superphosphates et de Scories Thomas. La distillation du bois, relativement prospère vers 4870-1880, alors que l’acétate de fer trouvait un écoule- ment facile dans la teinture, à vu depuis la produc- tion diminuer des 9/10 et, par suite, la fabrication d’acide acétique et d’acétale de soude a complètement disparu. Une conséquence de la faible production a été lim- possibilité d'installer la fabrication de la créosote, qui exige, pour être rémunératrice, de pouvoir traiter des quantités considérables de goudrons. Le sulfate de fer et les mordants de fer fabriqués baguère en grandes quantités ont vu diminuer de beau- >oup leur production depuis que le chlorure d'étain est introduit dans la teinture de la soie. Par contre, Pindustrie des sels d'étain a profité de celte transfor- mation, et actuellement le tétrachlorure d'étain est fabriqué dans un grand nombre d'usines, à Zurich, Glaris, Uetikon, etc. Le sulfate d'aluminium nécessaire aux leintureries de coton, fabriqué jadis à Uelikon, vient maintenant d’Allemayne, el le sulfate de cuivre que produisaient presque toutes les premières usines suisses n'est plus fabriqué maintenant, malgré sa consommation toujours croissante dans la viticulture. … 2. Industries électro-chimiques et électro-thermi- es. — Les événements ne paraissent pas avoir justi- tié les prédictions optimistes faites au début de ces industries. La Suisse, disait-on, devait trouver dans les nouveaux procédés une large compensation aux diffi- cultés inhérentes à sa situation et au manque de matières premières; ces difficultés devaient disparaitre devant l'extraordinaire bon marché de l'énergie four- nie par les torrents de ses montagnes, par ce que, poé- tiquement, on appelait la houille blanche. En réalité, la situation de ces industries est stationnaire depuis quel- ques années; des innombrables usines qui, par exem- ple, devaient fabriquer des millions de tonnes de carbure, quelques-unes en restèrent à la période d'essai; d’autres, tuées par l’avilissement des prix dû à une concurrence acharnée, furent obligées de cesser la fabri- cation, Actuellement, le prix du carbure est tombé de 700 francs en 1896, à 200 francs la tonne, prise à l'usine ; la majeure partie de la production annuelle, CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE de 8.000 tonnes environ, est exportée dans tous les pays du monde ; un millier de tonnes suffisent pour la consommation personnelle du pays. Quant à l'industrie de l'aluminium, représentée exclu- sivement par l'Alumintum Industrie Aktiengesellschaft, elle continue à se développer rapidement, ainsi que le montre la production, passée de 1.500 tonnes, en 1899, à 2.500 en 1900. La préparation électrothermique du phosphore, entre- prise à Chatelaine, a cessé et, à l'heure actuelle, on ne trouve plus dans le commerce de phosphore obteou par ce procédé. Parmi les industries électrolytiques, celle des chlo- rates est en pleine prospérité ; mais, pour la soude et le chlore, les résultats ne paraissent pas encore défini- üifs; on sait que l'énergie disponible dans les usines suisses représente une production possible de 3.000 à 3.500 tonnes de soude à 70°, et de 7.000 tonnes envi- ron de chlorure de chaux, mais on ignore quelle est la production réelle ; l'influence de cette nouvelle indus- trie ne s'est jusqu'à présent fat sentir que par une augmentation dans les exportations de chlorure de chaux. D'ailleurs, cette industrie rencontre en Suisse une difficulté particulière, due à l'existence d'un impôt prohibitif qui vient augmenter le prix relativement élevé du sel nécessaire à celte fabrication. 3. Matières colorantes, produits pharmaceutiques et produits divers. — La Suisse, surtout dans sa parlie allemande, a suivi l'Allemagne pour ces industries, qui sont à l'heure actuelle en pleine prospérité. Grâce à sa merveilleuse situation au point de vue des transports, Bâle est devenu le centre de cetle production. Depuis le jour où, en 1859, fut installée la première usine suisse de matières colorantes artificielles, la production a cru sans cesse, et la valeur des produits fabriqués, qui était de 7 millions en 1875, est passée à 16 millions en 1896, pour atteindre 18-millions en 1899. Un quinzième seulement de celle production ést utilisé dans le pays; le reste est exporté dans le monde entier, et principalement aux Etats-Unis. Cette prospérité a eu-pour contre-coup immédiat la disparition des extraits de bois, dont la valeur, de 1.647.000 francs en 1890, est tombée à 420.000 francs en 1899. Les laques et vernis, d'abord fournis par l'Angle- terre et la Hollande, furent peu à peu, depuis 1860, fabriqués à Berne, Bâle, Coire, etc., etc.; mais, la facilité des transactions augmentant, les produits fran- çais et allemands sont venus rendre plus dures les conditions d'existence de ces industries. Il en est de même des matières colorantes minérales, pour lesquelles les produits français, surtout dans la Suisse française, font une concurrence (très sérieuse aux produits indigènes, grâce aux tarifs douaniers très peu élevés. Quant aux produits pharmaceutiques, photogra- phiques, et aux parfums synthétiques, leur préparation se développe rapidement, et l’analogie des recherches nécessaires à la découverte de ces produits et à celle des matières colorantes, a fait qu'un certain nombre d'usines suisses ont réuni ces industries. En résumé, la Suisse doit chercher de plus en plus à restreindre ses importations de produits de la grande industrie chimique, produits de consommation consi- dérable, tels que les acides, la soude, etc., sans viser, quant à ces matières, à une exportation que les frais de transport et les droits de douane semblent lui inter- dire complètement. Cette impossibilité d'exporter n'existe plus, dès qu'il s’agit de substances chères et susceptibles de supporter des frais de transport et de douane : tels les matières colorantes, les produits phar- maceutiques, les parfums, etc. C'est d’ailleurs, nous l'avons vu, dans cette direction, que, à l'heure actuelle, l’industrie chimique suisse prend le développement le plus considérable. Les chiffres et documents qui ont servi à cette étude 992 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sont empruntés à une brochure publiée par le D' Georg Lunge et consacrée à l'histoire et au développement des industries chimiques en Suisse. C. Marie, Préparateur de Chimie appliquée à la Facullé des Sciences de Paris. S 4. — Zoologie La parthénogénèse provoquée chez les Echinodermes. — Dans une chronique précédente, nous émettions le vœu que les expériences de Loeb fussent reprises dans un de nos laboratoires maritimes, aliu de lever les critiques de M. Viguier et de nous assu- rer définitivement de la réalité d'un fait aussi curieux. C'est chose faite maintenant, et M. Delage? vient de montrer, dans un travail d'une précision et d’une clarté qui ne laissent aucune prise au doute, que la parthéno- génèse expérimentale des œufs d'Echinodermes est un fait bien réel, dont on commence à entrevoir le dé- terminisme. Chez l'Asterias glacialis, un certain nombre d'œufs sont naturellement aptes à se développer sans féconda- tion, mais leur nombre semble varier beaucoup suivant les individus ; telle Astérie donne jusqu'à 6 °/, d'œufs qui, non fécondés, se segmentent plus ou moins com- plètement; telle autre ne donne rien, pour des raisons mal connues, mais qui tiennent probablement, non pas à l'individu, mais à l’âge plus ou moins convenable des œufs. Or, c'est précisémentlorsqueles œufs d'un individu montrent une tendance au développement sans fécon- dulion que les traitements expérimentaux réussissent le mieux,etc'esttout nalurel; mais l'énorme disproportion entre le taux pour cent des réussites naturelles et celui des réussites expérimentales (de 5 à 80°/, de segmenta- tions dont un nombre variable, jusqu'à 100°/,, atteignent le stade de blastule nageante), ne laisse aucun doute quant à la réalité de l'agent mis en œuvre. M. Delage a obtenu des réussites avec les réactifs les plus variés, solutions de KCI et de NaCI mélangées à l'eau de mer (solutions hypertoniques), HCI en solution très faible (0,01 °/,), et surlout avec le chlorure de manganèse, qui a donné une fois jusqu’à 95 °/, de segmentations parthé- nogeneéliques. Chez les Asterias, il semble qu'un très grand nombre des œufs qui se dév-loppent par parthénogénèse naturelle ou provoquée n'éliminent qu'un seul globule polaire, de sorte quelesagents qui déterminent la parthénogénèse expérimentale asiraient en empêchant la formation du second globule, et en plaçant ainsi l'œuf dans la condi- lion de la parthénogénèse naturelle. Le second globule polaire joue le rôle du spermatozoïde en laissant dans l'œuf les matériaux (ovocentre, chromatine) qui lui font défaut après l'expulsion de ce globule. Enfin, M. Delage confirme ses résultats antérieurs au sujet du nombre des chromosomes*. Les noyaux soma- tiques des Strongylocentrotus et des Asterias ont nor- malement dix-huit chromosomes; or, c'est ce même nombre que l’on retrouve, soit dans l'œuf normalement fécondé, soit dans l'œuf qui s'est développé par parthé- nogénèse expérimentale, soit dans celui qui à subi la fécondation mérogonique, et, cependant, dans le pre- mier cas il renferme une chromatine mixte (9+9), dans les autres une chromatine exclusivement mater- nelle ou exclusivement paternelle. Il n’y a donc ni indi- vidualité, ni permanence des chromosomes chez ces espèces; leur nombre est l'effet d’une auto-régulation sous la dépendance du cytoplasme qui entoure le noyau. Aux géniales recherches de MM. Loeb et Delage, il ne manque plus qu'une expérience, plus importante peut-être que toutes les autres : ce serait de féconder un œuf sans noyau d'une espèce donnée, par le sper- matozoide d'une autre espèce (on sait que l'hybridation 1 Revue générale des Sciences, du 30 décembre 1900. = Etudes expérimentales sur la maturation eytoplasmique et sur la parthénogénése artificielle chez les Echinodermes. Arch. Zool. exp. (3\,t. IX, 1901, p. 285. * Voyez la Revue générale des Sciences, du 30 juillet 1900. mérogonique est possible, MM. Loeb et Delage sac cordent à le croire), et de voir quelle serait la forme dun produit. S'il ressemble uniquement au père, c'est 4 démonstration finale et précise que le noyau est l’uniqueh support de la transmission héréditaire ; s'il a quelques caractères maternels, c’est que l’hérédité est transmises par autre chose que le noyau, et toutes nos idées eb théories sur l’hérédité sont à reviser. ’ Voyages aériens des Araignées. — Il & bien connu que certaines Araignées peuvent être tram portées par le vent, gräce à un fil de soie très ténw qu'elles émettent par unelilière, et qui est entrainé p le courant d'air ascendant qui part du sol; un fil d'un mètre de long, d'après les expériences de M. Favierw peut porter un lest d'un demi-milligramme, poids d'une jeune Araignée. Depuis plusieurs années, M. Favier suit à chaque printemps la dispersion d’un grand nombre de nids de jeunes Araisnées (Epéires ou autres); en quelques heures, par un temps favorable, un millier de jeunes s’envolent du même nid, pour aller commence au loin leurs travaux et leurs chasses; l’Araignée n'est pas absolument passive, elle peut régler son ascension au départ et en cours de route; il lui suffit d’augmenten la longueur de son fil pour monter plus vite et de le pelotonner pour atterrir. Il ne serait pas impossible que certaines espèces hivernantes pussen£ accomplir, pat ce procédé, une sorte d'émigration périodique. | $ 5. — Physiologie La formation de lacide urique chez les Oiseaux. — On sait que la proportion des différents. composés azotés de l'urine des oies subit une modifi cation importante après l’ablation du foie, pendant les quelques heures de la survie. Daus l'urine de l'oie nor male, les 60 à 70 °/, de l'azote existent sous forme d'acide urique, les sels ammoniacaux n’en contenanis que 40 à 20 o/,. Dans l'urine de l’oie privée de foie l'acide urique ne contient plus que 5 °/, de l'azolem total; les sels ammoniacaux en contiennent 50 à 60 9/6 On est ainsi conduit à penser que, chez l'oie normale une importante fraction, sinon la totalité de l'acide urique urinaire, provient de +els ammoniacaux, dérivés, des substances protéiques des tissus et transformés eus acide urique par le foie (Minkowski). D Toutefois, cette conclusion est sujette à uue objec= tion : l'urine des oies vpérées contient du lactalen d'ammoniaque en abondance; l'urine des oies nor males n’en contient pas; on peut imaginer qu'à la suite de l'ablation du foie il se produit anormalement, dans l'organisme de l'oie, de l'acide lactique, et que la pré= sence de cet acide détermine la production et l'élimi= nation d'un composé anormal, comme l'introduction d'un acide non combustible dans l'organisme des Mammifères augmente la quantité des sels ammonias caux de l'urine. sd L'expérience de Minkowski devait donc être coms plétée; il convenait de démontrer directement, sur un foie d’oie extrait de l'organisme, la transformation dés sels ammoniacaux en acide urique dans le sang chargé de ces sels qu'on fait circuler dans ses vaisseaux. L'ex= périence a été récemment faite par MM. K. Kowalewski ets S. Salaskin®. Il résulte de cette expérience que le foie de l'oie peut transformer en acide urique le lactate d'ammoniaque et aussi l’arginine. LES Cette expérience prévue, dont le résultat était escompté, vient combler une lacune signalée de divers côtés. Désormais, le parallèle est parfait entre, d’unes part, le foie des Mammifères, qui transforme en uréen les sels ammoniacaux, les acides amidés et les uratess et, d'autre part, le foie des Oiseaux, qui transforme em acide urique les sels ammoniacaux, les acides amidés et l’urée. 1 = : L 1 Note sur les voyages aériens de certaines Araignées, Bull. ë Soc. Entomol. de France, n° 14, 1904, p. 249. . 2 Zeitschrift für physiologische Chemie, XXXII, p. 210. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ Ü. — Géographie et Colonisation Le chemin de fer du Yun-nan.— Le Yun-nan St depuis longtemps considéré, à juste titre, comme in prolongement naturel de l Indo-Chine vers le nord b l'une des régions où, de celte colonie, nous avons plus d'intérêt à étendre notre action écoriomique. ussi, l'idée d'un chemin de fer de pénétration du nkin vers cette partie de la Chine devait-elle néces- sairement rencontrer d'unanimes adhésions. Nous rappelons que, dès 1897, M. Guillemoto, ingé- nieur des Ponts et Chaussées, commenca des études Pour son établissement; mais la Mission fut d'abord entravée par les autorités chinoises. Il fallut, pour la reprise des travaux, que la Convention du 10 avril 1898, renouvelant sur ce point celle du 24 juin 1895, concédât à la France le droit de construire un chemin de fer jusqu'à la capitale du Yun-nan. A la fin de 1898, M: Guillemoto put achever les plans d’un tracé qui, Suivant la rive gauche du Fleuve Rouge sur 65 kilo- Mètres, emprunte ensuite un de ses aliluents, le Sin- chien-ho, pour arriver sur le plateau de Monx risé et à Yun-nan-sen. C'est alors que, d’après les projets élaborés par M. Doumer, gouverneur général de l'Indo-Chine, une loi du 25 décembre 1898 autorisa l'émission d'un em- runt de 200 millions pour la construction de chemins de fer en Indo-Chine. La ligne de Haï-phong à Lao-kay fut classée en premier rang, par ordre d'urgence, et Ja loi autorisa la construction immédiate de celle de Lao-kay à Yun-nan-sen, qui est le prolongement de la ‘première. On se souvient que la révolution chinoise entraina le départ précipité du Yun-nan de notre consul, M. Francois, et interrompit un certain temps les études préparatoires ; elles ont pu être reprises depuis, et une loi du 5 juillet 1901 à approuvé une convention, conclue par le gouverneur général de l’Indo-Chine, Pour la construction partielle et l'exploitation du che- in de fer de Haï-phong à Yun-nan-sen. La longueur totale de la ligne est de 475 kilomètres environ. Jusqu'à Lao-kay, elle: comprend trois sections : Haï-phong-Hanoï, Hanoiïi-Viétri, Viétri-Lao-kay. La pre- Mmière doit être achevée avant le 1° avril 1903 et les deux suivantes avant le 1e avril 1905. Aucune date n'est prévue pour la ligne de Lao-kay à Yun-nan-sen, mais l'infrastructure et les travaux d'art pourront être commencés, tandis que la ligne se construira dans le Tonkin. Après Lao-kay, la voie franchit le Nam-ti, sur un pont de 75 mètres, qui est l’un des ouvrages d'art les plus importants de toute la ligne; elle suit presque constamment la berge du Fleuve Rouge, jusque vers Sin-kay, au confluent du Sin-chien-ho. . Le tracé remonte le long de cet affluent du Fleuve Rouge, qui d’abord coule avec une faible pente, dans une vallée assez large ; le cours d'eau devient ensuite plus rapide, et la vallée se rétrécit à ce point, qu'aux environs de Tao-tsé, la rive gauche forme, eu certains endroits, une muraille verticale de 60 mètres de haut, d'où descen- dent en cascades de nombreux affluents. La ligne se maintient à flanc de coteau; les ouvrages d'art sont nombreux, mais de peu d'importance. C'est ensuite, entre Tou-tou-peu et Ho-kia-{chay, Jorsqu'il s'agit de franchir la coupure qui donne accès . dans le cirque de Mong-tsé, que des difficultés se pré- sentent. On a dù adopter un tracé contourné, et dans cette section, les travaux d'art sont non seulement rapprochés, mais relativement importants; cependant, -le plus long tunnel ne dépasse pas 300 mètres. On “entre à Ho-kia-tchay, dans la vallée du Si-kiang, dont paraissent être tributaires les lacs sans écoulement qui se trouvent dans le cirque de Mong-tsé. La ligne sort de ce cirque par un seuil peu élevé et 0 le cours du Lin- -gan- ho, affluent du Si- kiang, s ce dernier fleuve, qui coule aussi dans un cirque Roue. On passe par un tunnel de 900 mètres, le plus | | hi { + long de toute la ligne, du bassin du Si-kiang dans celui du Yang-tsé-kiang. La voie atteint en ce point son maximum d'altitude, qui est de 1.880 mèlres environ. A la sortie de ce tunnel, une descente en pente douce amène au bord du grand lac, long de 50 kilomètres et large de 10, à la pointe nord duquel est situé Yun- nan-sen. Aucune voie de pénétration au Yun-nan ne se pré- sente dans des conditions plus favorables que celle-ci, et les difficultés de construction de la ligne sont aussi faibles que possible. La situation des Anglais est loin d'être la même. Ils ont poussé leurs chemins de fer de Birmanie, d'une part jusqu'à Myitkyina, dans la vallée de l’'Iraouaddy, d'autre part jusqu’à Kun-long, près de la frontière de Chine, dans la direction du Yuu-nan; ils forment bien le projet de prolonger leur ligne de Kun- Jong jusqu'au cœur du Yun-nan par Tali-fou, mais ils se trouvent en présence de chaines de montagnes dont la traversée, a-t-on dit, équivaudrait à sept fois celle des Alpes. Quoi qu'il en soit, la partie qui resterait à construire par nos voisins serait tout à la fois plus difficile et plus longue que la totalité de notre ligne de Hanoï à Yun-nan-sen. Parvenus à Yuu-nan-sen, devrons-nous nous y arrè- ter ou pousser plus loin notre pénétration? Occuper Yun-nan-sen, c’est avoir le Yun-nan tout entier. Mais le Yan-nan est, comme l'a fait remarquer M. Doumer, « l'origine de toutes les hautes vallées ». Aussi est-il convaincu que le chemin de fer du Yun-nan, prolongé jusqu'à Siou-fou, sur le Yang-tsé-kiang, et de là, d’un côté à Tchouang-king, sur le mème fleuve, de l’autre à Tehing-tou, la capitale du Sé-tchouen, drainerait vers le Tonkin les produits de la Chine centrale et aurait chance de les détourner peut-être des voies anglaises de Chang-hai et de Canton. Pour le moment, il nous suffit de constater que la ligne, même limitée au Yun-nan, présente un incon- testable intérêt politique, qui est d'assurer la pro- tection de nos possessions indo-chinoises en exerçant une surveillance constante sur les provinces chinoises voisines. L'intérêt économique n'est pas moindre. Le sol du Yun-nan est riche et fertile. Sans ètre abondante comme dans les deltas du Mékong et du Fleuve Rouge, la cul- ture du riz peut y être fortement accrue. Dans les ré- gions insuffisamment irriguées, elle peut être remplacée par celle du mais. Selon l'altitude, on cultive aussi le sarrasin, l’avoine, l'orge, le Hé ou l'opium. Presque toutes les plantes de nos jardins d'Europe viennent avec facilité dans ces régions. La vigne existe un peu partout à l’état siuvage au-dessous de 1.800 mètres, et surtout vers 1.200 mètres. Par son climat, le Yun-nan constitue un véritable sanatorium pour nos compatriotes fatigués par les chaleurs torrides de la vallée. Au point de vue minier, on a é{é exactement rensei- . gné sur les ressources du Yun-nan par M. Leclère, in- génieur en chef des Mines, qui, en 1897, a effectué plus de 6.000 kilomètres à travers le haut Tonkin, le Yun- nan, le Kouei-tcheou et le Kouang-si, et a procédé à une étude géologique complète de ces régions. Sa con- clusion est que tout le pays quis'étend du Fleuve Rouge au Yang-tsé-Kiang est appelé à devenir l'un des pays miniers les plus intéressants du globe. Les principales richesses minérales du Yun-nan con- sistent dans la houille, le cuivre et l’étain. On trouve de la houille dans toute la région comprise entre le Tonkin et le Fleuve Bleu, en passant par Yun-nan-sen. Cette richesse houillère se trouve jointe à des gisements de fer situés sur les bords mêmes du Fleuve Rouge et à d'innombrables gisements de cuivre; ces derniers sont exploités depuis plus d'un millier d'années, mais il reste encore des gisements profonds qui peuvent être traités par les méthodes modernes. Les mines d'étain de la région de Mong-tsé sont exploitées activement par une population d'environ trente mille individus. Gustave Regelsperger. 994 H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU La /'evue à rendu compte des récentes expé- riences de M. Crémieu‘, qui, si elles étaient confirmées par des recherches ultérieures, boule- verseraient complètement nos idées sur l'Électro- dynamique. Pour faire comprendre à quel point les idées de Crémieu sont révolutionnaires, il est nécessaire d’abord de résumer succinetement toute l'histoire de l'Électrodynamique el de remonter aux origines, c'est-à-dire à Ampère. Je suivrai dans cette exposition un ordre logique, qui ne sera pas absolument d'accord avec l’ordre historique. I. — TuéorIE D'AMPÈRE. Quand Ampère a étudié expérimentalement les actions mutuelles des courants, il n’a opéré et il ne pouvait opérer que sur des courants fermés. Ce n’est pas qu'il niât la possibilité des courants ouverts. Si deux conducteurs sont chargés d'élec- tricité de nom contraire et si on les met en communication par un fil, il s'établit un eourant allant de l’un à l’autre et qui dure jusqu'à ce que les deux potentiels soient devenus égaux. Dans les idées qui régnaient du temps d'Ampère, c'était là un courant ouvert; on voyait bien le courant aller du premier conducteur au second, on ne le voyait pas revenir du second au premier. Ainsi, Ampère considérait comme ouverts les courants de cette nature, par exemple les courants de décharge des condensateurs ; mais il ne pouvait en faire l’objet de ses expériences, parce que la durée en est trop courte. * On peut imaginer aussi une aulre sorte de courant ouvert. Je suppose deux conducteurs, A et B, reliés par un fil AMB. De pelites masses conduc- trices en mouvement se mettent d'abord en contact avec le conducteur B, lui empruntent une charge électrique, quittent le contact de B, se mettent en mouvement en suivant le chemin BNA, et, en transportant avec elles leur charge, viennent au contact de A et lui abandonnent leur charge; qui revient ensuile en B en suivant le fil AMB. On à bien là en un sens un circuit fermé, puisque l'électricité décrit le circuit fermé BNAMB: mais les deux parties de ce courant sont très différentes : dans le fil AMB, l'électricité se déplace à travers un conducleur fixe, à la façon d'un ! Voyez à ce sujet la Revue du 15 novembre 1901, t. XII, P. J8T. BNA, l'électricité est {ransporlée par un condue teur mobile; on dit qu'elle se déplace par conveclion. Si, alors, le courant de convection est considéré comme tout à fait analogue au courant de condues lion, le circuit BNAMB est fermé ; si, au contraires le courant de convection n'est pas « un vrai cou rant », et, par exemple, n'agit pas sur les aimants il ne reste plus que le courant de conduction AMBY qui est ouvert. Par exemple, si l'on réunit par un fil les deux pôles d’une machine de Holtz, le plateau tournant chargé transporte d’un pôle à l’autre par convee tion de l'électricité, qui revient au premier pôle par conduction à travers le fil. Mais des courants de celle espèce sont très difficiles à réaliser avec une intensilé appréciables Avec les moyens dont disposait Ampère, on peut dire que c'était impossible. L En résumé, Ampère pouvait concevoir l’existences de deux espèces de courants ouverts, mais il ne« pouvait opérer ni sur les uns ni sur les autres parce qu'ils étaient trop peu intenses où parce qu'ils duraient trop peu de temps. L'expérience ne pouvait done lui montrer que l’action d'un courant fermé sur un courant fermé, ou à, la rigueur, l’action d'un courant ferm : sur une portion de courant, parce qu'en peul l'aire parcourir à un courant un circuit /ermé CON ,10-ÉM d'une partie mobile et d'une partie fixe. On jui alors étudier les déplacements de la partie mobile sous l’action d’un autre courant fermé. En revanche, Ampère n'avail aucun moyen d'étudier l’action d'un courant ouvert, soit sur um courant fermé, soit sur un autre courant ouvert. Le L ; 1. Cas des courants fermés. — Dans le cas 4 l'action mutuelle de deux courants fermés, l’expé-= rience révéla à Ampère des lois remarquablement simples. | Je rappelle rapidement ici celles qui nous seront utiles dans la suite : 1° Si l'intensité des courants est maintenue constante, et si les deux circuits, après avoir subi 1 des déplacements et des déformations quelconques, ? reviennent finalement à leurs posilions initiales, le M travail total des aclions électrodynamiques sera - nul. En d'autres termes, il y a un potentiel électro- H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 995 ynamique des deux circuits proportionnel au roduit des intensilés et dépendant de la forme et e la position relative des circuits; le travail des clions électrodynamiques est égal à la variation e ce potentiel; 2% L'action d'un solénoïde fermé est nulle; 3° L'action d'un circuit C sur un autre circuit oltaïque C! ne dépend que du « champ magné- tique » développé par ce circuit C. En chaque point de l’espace, on peut, en effet, définir en grandeur et direction une certaine force appelée force magné- tique et qui jouit des propriétés suivantes : \ … à) La force exercée par C sur un pôle magnétique est appliquée à ce pôle; elle est égale à la force magnélique multipliée par la masse magnélique du pôle; D) Une aiguille aimantée très courle tend à prendre la direction de la force magnétique, et le couple qui tend à l'y ramener est proportionnel au produit de la force magnétique, du moment magnétique de l'aiguille et du sinus de l'angle d'écart ; ce) Si le circuit C'se déplace, le travail de l'action . électrodynamique exercée par C sur C' sera égal à l'accroissement du « flux de force magnétique » qui lraverse ce circuit, 2. Action d'un courant fermé sur une portion de courant. — Supposons que le cireuit C' se compose - de deux parties, l’une fixe, l’autre mobile ; sur la figure 4, la partie fixe sera représentée, par exemple, par la ligne DBFMEAH, tandis que la partie mo- bile AB se déplacera de facon que ses deux extré- milés À et B glissent en s'appuyant sur les deux fils EAH et FBD. Si un semblable cireuit est soumis à l’action d'un courant fermé C, la par- lie mobile se déplacera comme si elle subissait l’action d'une force. Am- père admet que la force apparente à laquelle celle partie mobile AB semble ainsi soumise, représentant l’action de C sur la portion AB du courant, est la même que si AB était parcouru par un courant ouvert qui s'arrêlerait en A et en B, au lieu de l'être par un courant fermé qui, après être arrivé en B, revient en À par le chemin BFMEA à travers la partie fixe du cireuit, Cette hypothèse peut sembler assez naturelle ; néanmoins, elle ne s'impose pas, puisque nous verrons plus tard que Helmholtz l’a rejetée. Quoi qu'il en soit, elle permit à Ampère, bien qu’il n'ait Fig. 1. pu jamais réaliser un courant ouvert, dénoncer les lois de l'action d’un courant fermé sur un courant ouvert, ou même sur un élément de courant. Les lois restent simples : 1° La force qui agit sur un élément de courant est appliquée à cet élément ; elle est normale à l'élément et à la force magnétique et proportion- nelle à la composante de cette force magnétique qui est normale à l'élément; 2° L'aclion d'un solénoïde fermé sur un élément de courant reste nulle. Mais il n'y a plus de potentiel électrodynamique, c'est-à-dire que, quand un courant fermé et un courant ouvert, dont les intensités ont été main- tenues constantes, reviennent à leurs positions initiales, le travail total n’est pas nul. 3. Rolations continues.— Parmi les expériences électrodynamiques, les plus curieuses sont celles où l'on à pu réaliser des rolalions continues et qu'on appelle quelquefois expériences d’induction unipolaire. Un aimant peut tourner autour de son axe ; un courant parcourt d'abord un fil fixe, entre dans l'aimant par le pôle N par exemple, parcourt la moitié de laimant, en sort par un contact glissant et rentre dans le fil fixe. L'aimant entre alors en-rolalion continue sans pouvoir jamais atteindre une position d'équilibre. C'est l'expérience de Faraday. Comment cela est-il possible? Si l’on avait affaire à deux circuits de forme invariable, l’un fixe C; l'autre C! mobile autour d'un axe, ce dernier ne pourrait jamais prendre de rotalion continue ; eu effet, il existe un potentiel électrodynamique; il y aura donc forcément une posilion d'équilibre, ce sera celle où ce potentiel sera maximum. Les roialions continues ne sont done possibles que si le circuit C’ se compose de deux parties : l’une fixe, l'autre mobile autour d'un axe, comme cela a lieu dans l'expérience de Faraday. Encore convient-il de faire une distinction. Le passage de la partie fixe à la parlie mobile ou inversement peut se faire, soit par un contact simple (le même point de la partie mobile restant constamment en contact avec le même point de la partie fixe), soit par un contact glissant (le même point de la partie mobile venant successivement en contact avec divers points de la partie fixe). C’est seulement dans le second cas qu'il peut y avoir rolation continue. Voici ce qui arrive alors : le système tend bien à prendre une position d'équilibre; mais, quand elle va être ätleinte, le contact glissant met la partie mobile en communi- cation avec un nouveau point de la parlie fixe; elle change les conñexions, elle change donc les con- ditions d'équilibre, de sorte que, la position d’é- 996 H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU quilibre fuyant, pour ainsi dire, devant le syslème qui cherche à l’atteindre, la rotation peut se pour- suivre indéfiniment. Ampère admet que l'action du cireuit sur la par- tie mobile de C' est la même que si la partie fixe de C'n'exislait pas et si, par conséquent, le courant qui circule dans la partie mobile élait ouvert. Il conclut donc que l'aclion d'un courant fermé sur un courant ouvert, ou inversement celle d'un courant ouvert sur un courant fermé, peut donner lieu à une rolalion continue. Mais cette conclusion dépend de l'hypothèse que je viens d'énoncer et qui, ainsi que je l'ai dit plus haut, n'est pas admise par Helmholtz. On peut se rendre compte d'une autre manière des rotations continues qui doivent se produire dans la théorie d'Ampère. Envisageons l’action mutuelle d'un aimant recli- ligne et d’un élément de courant E. Cette force mutuelle sera appliquée à l'élément E el non pas sur l'axe de l'aimant; son moment par rapport à cel axe ne sera donc pus nul. Si, en particulier, l'aimant est indéfini dans un sens, de telle façon que, l'un des pôles étant très éloigné, l’action de l’aimant se réduise à celle de l’autre pôle, nous pourrons dire que la force mutuelle qui s'exerce entre un pôle magnétique et un élément de cou- rant n'est pas appliquée au pôle, mais à l'élément. Si, au lieu d'un élément isolé, nous avions affaire à un courant fermé, l'action du courant fermé se- rait la résullante des actions de ses divers élé- ments. Chacune des composantes serait appliquée à l'élément correspondant, mais la résultante serait appliquée au pôle, de sorte que son moment par rapport à l'axe de l'aimant serait nul. 4. Action mutuelle de deux courants ouverts. — En ce qui concerne l’aclion mutuelle de deux cou- rants ouverts et, en particulier, celle de deux élé- ments de courant, toute expérience fait défaut. Ampère a recours à l'hypothèse. Il suppose : 1° que l'action mutuelle de deux éléments se réduit à une force dirigée suivant la droite qui les joint; 2° que l’action de deux courants fermés est la résultante des actions mutuelles de leurs divers éléments, lesquelles sont, d'ailleurs, les mêmes que si ces élé- ments élaient isolés. Ce qui est remarquable, c'est qu'Ampère fait ces deux hypothèses sans s'en apercevoir, puisque, par une singulière illusion, il intitule son immortel ouvrage : Théorie des phénomènes électrodynami- ques, uniquement fondée sur l'expérience. Quoi qu'il en soit, ces deux hypothèses, jointes aux expériences sur les courants fermés, suffisent pour déterminer complètement la loi de l’action mutuelle de deux éléments. Mais alors, la plupart des lois simples que nous avons rencontrées dans le cas des courants fermés, ne sont plus vraies. D'abord, il n'y a pas de potentiel électrodynan mique; il n'y en avait d’ailleurs pas non plus comme nous l'avons vu, dans le cas d'un couran! fermé agissant sur un courant ouvert. | Ensuite, il n'y a plus, à proprement parler, de force magnétique. 4 Et, en etfet, nous avons donné plus haut de cette force trois définilions différentes : , 1° Par l’action subie par un pôle magnétique; 2° Par le couple directeur qui oriente l'aiguille” aimantée ; 3° Par l’action subie par un élément de courant, Or, dans le cas qui nous occupe maintenant, non seulement ces trois définitions ne concordent plus;s mais chacune d'elles est dépourvue de sens, et en effel : 1° Un pôle magnétique n'est plus simplement soumis à une force unique appliquée à ce pôle. Nous avons vu, en cfet, que la force due à l'action d'un élément de courant sur un pôle n'est pas appliquée au pôle, mais à l'élément; elle peut, d'ailleurs, être remplacée par une force appliquée au pôle et par un couple; 2° Le couple qui agit sur l'aiguille aimantée n'est plus un simple couple directeur; car son moment par rapport à l'axe de l'aiguille n’est pas nul. 11 se décompose en un couple directeur pro- prement dit et un couple supplémentaire qui tend à produire la rotation continue dont j’ai parlé plus haut; 3° Enfin, la force subie par un élément de cou- rant n’est pas normale à cet élément. En d'autres termes, l'unité de la force magné- tique a disparu. Voici en quoi consiste celte unité. Deux systèmes qui exercent la même aclion sur un pôle magné- tique, exerceront aussi la même action sur une aiguille aimantée infiniment petite, ou sur un élé- ment de courant, placés au même point de l'espace où était ce pôle. Eh bien, cela esl vrai si ces deux systèmes ne contiennent que des courants fermés; cela ne serait plus vrai, d'après Ampère, si ces systèmes contenaient des courants ouverts. Il suffil de remarquer, par exemple, que, si un pôle magnétique est placé en À et un élément en B, la direction de l'élément étant sur le prolongement de la droite AB, cet élément, qui n’exercera aucune aclion sur ce pôle, en exercera une, au contraire, soit sur une aiguille aimantée placée au point A, soil sur un élément de courant placé au point A. 5. Induction. — On sait que la découverte de H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 997 l'induction électrodynamique ne larda pas à suivre les immortels travaux d'Ampère. Tant qu'il ne s'agit que de courants fermés, il n y à aucune difficulté, et Helmholtz a même re- . marqué que le principe de la conservalion de l'éner- gie pouvait suffire pour déduire les lois de l'induc- tion des lois électrodynamiques d'Ampère. Le même principe permet encore cette déduction dans le cas des courants ouverts, quoique, bien entendu, on ne puisse soumeltre le résultat au contrôle de l'expérience, puisque l'on ne peut réali- ser de pareils courants. Si l’on veul appliquer ce mode d'analyse à la théo- rie d'Ampère sur les courants ouverts, on arrive à des résultats bien faits pour nous surprendre. D'abord, l'induction ne peut se déduire de la variation du champ magnétique d’après la formule bien connue des savants et des praticiens, et en effet, comme nous l'avons dit, il n'y a plus à pro- prement parler de champ magnétique. Mais il y a plus. Si un circuit C est soumis à l'induction d'un système voltaïque variable S; si ce système $S se déplace et se déforme d'une ma- nière quelconque, que l'intensilé des courants de ce système varie suivant une loi quelconque, mais qu'après ces variations, le syslème revienne fina- lement à sa siluation iniliale, il semble naturel de supposer que la force électromotrice moyenne in- duite dans le circuit C est nulle. Cela est vrai si le cireuit C est fermé et si le sys- tème S ne renferme que des courants fermés. Cela ne Serail plus vrai, si l’on accepte la théorie d'Am- père, dès qu'il y aurait des courants ouverts. De sorle que, non seulement l'induction ne sera plus la variation du flux de force magnétique dans aucun des sens habituels de ce mot, mais elle ne pourra pas êlre représentée par la variation de quoi que ce soil. IT. — TuéortEe DE HELMuoLrz. J'ai insisté sur les conséquences de la théorie d'Ampère et de sa façon de comprendre l'action des courants ouverts. Il est difficile de méconnailre le caractère para- doxal et artificiel des propositions auxquelles on est ainsi conduit; on est amené à penser que « ça ne doit pas être ca ». On conçoit donc que Helmholtz ait été amené à chercher autre chose. ; Helmholtzrejette l'hypothèse fondamentale d’Am- père, à savoir que l’action mutuelle de deux élé- ments de courant se ramène à une force dirigée suivant la droite qui les joint. Il admet qu'un élément de courant n'est pas sou- mis à une force unique, mais à une force et à un couple. C'est même ce qui a donné lieu à la polé- mique célèbre de Bertrand et d'Helmholtz. Helmholtz remplace l'hypothèse d'Ampère par la suivante : deux éléments de courant admettent toujours un potentiel électrodynamique, dépen- dant uniquement de leur position et de leur orien- tation, et le travail des forces qu'ils exercent l'un sur l’autre est égal à la variation de ce polentiel. Dans le cas des courants fermés, seul accessible à l'expérience, les deux théories concordent: dans tous les autres cas, elles diffèrent. D'abord, contrairement à ce que supposait Am- père, la force à laquelle semble soumise la portion mobile d'un courant fermé n'est pas la même que cette portion mobile subirait si elle était isolée et constituait un courant ouvert. Revenons à la figure 1; dans la seule expérience réalisable, la portion mobile AB n'est pas isolée, mais fait partie d'un fermé ABFMEA. Quand elle vient en A'B', le potentiel électrodyna- mique total varie pour deux raisons : 1° il subit un premier accroissement parce que le poteutiel de A'B' par rapport au circuit C n’est pas le même que celui de AB ; 2% 1l subit un second accroissement, parce qu'il faut l'augmenter des potentiels des élé- ments AA et B'B par rapport à C. C'est ce double accroissement qui représente le travail de la force à laquelle la portion AB semble soumise. circuit Si, au contraire, AB étail isolée, le potentiel ne subirait que le premier accroissement, et c'est ce premier accroissement seulement qui mesurerait le travail de la force qui agit sur AB. En second lieu, il ne peut pas y avoir de rota- tion continue sans contact glissant; et, en effet, c'est là, comme nous l’avons vu à propos des cou- rants fermés, une conséquence immédiate de l'existence d’un potentiel électrodynamique. ; Dans l'expérience de Faraday, si l’aimant est fixe et si la partie du courant extérieure à l'aimant parcourt un fil mobile, cette partie mobile pourra subir une rotation con.inue. Mais cela ne veut pas dire que si, l'on supprimail les contacts du fil avec l'aimant et qu'on fit parcourir le fil par uo courant ouvert, le fil prendrait encore un mouvement de rotalion conlinue. Je viens de dire, en effet, qu'un élément isolé ne subit pas la même action qu'un élément mobile faisant parlie d'un circuit fermé. Autre différence : L'action d'un solénoïde fermé sur un courant fermé cst nulle d'après l'expérience et d'après les deux théories; son aclion sur un courant ouvert serait nulle d'après Ampère; elle ne serait pas nulle d'après Helmholtz. D'où une conséquerce importante. Nous avons donné plus haut trois définitions de la force magné- 998 H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU tique; la troisième n'a ici aucun sens puisqu'un élément de courant n’est plus soumis à une force unique. La première n'en a pas non plus. Qu'est-ce, en effet, qu'un pôle magnétique? Cest l'extrémité d'un aimant linéaire indéfini. Cet aimant peut être remplacé par un solénoïde indéfini. Pour que la définition de la force magnétique eût un sens, il faudrait que l’action exercée par un courant ouvert sur un solénoïde indéfini ne dépendit que de la position de l'extrémité de ce solénoïde, c'est-à-dire que l'action sur un solénoïde fermé fût nulle. Or, nous venons de voir que ce n'était pas vrai. En revanche, rien n'empêche d'adopter la deuxième définition, celle qui est fondée sur la mesure du couple directeur qui tend à orienter une aiguille aimantée. Mais, si on l’adopte, ni les effets d’induction ni les effets électrodynamiques ne dépendront unique- ment de la distribution des lignes de force de ce champ magnétique. IIT. — DirFriCULTÉS SOULEVÉES PAR CES TIHÉORIES. La théorie de Helmholiz est un progrès sur celle d'Ampère; il s’en faut cependant que toutes les difficultés soient aplanies. Dans l’une comme dans l’autre, le mot de champ magnétique n’a pas de sens, ou, si on lui en donne un par une convention plus ou moins artificielle, les lois ordinaires, si familières à lous les électriciens, ne s'appliquent plus: c’est ainsi que la force électromotrice induite dans un fil n'est plus mesurée par le nombre des lignes de force rencontrées par ce fil. Et nos répugnances ne proviennent pas seule- ment de ce qu'il est difficile de renoncer à des habiludes invétérées de langage et de pensée. Il y a quelque chose de plus. Si nous ne croyons pas aux aclions à distance, il faut expliquer les phéno- mènes éleetrodynamiques par une modification du milieu. C'est précisément cette modification que l'on appelle champ magnétique, et alors les effets électrodynamiques ne devraient dépendre que de ce champ. Toutes ces difficultés proviennent de l'hypothèse des courants ouverts. On peut même présenter l'objection sous une autre forme : Peut-il exister des courants ouverts ? Cela dépend de la délinilion que l’on donne du courant. Si par courant on entend seulement cou- rant de conduelion, il est clair qu'il existe des cou- rants ouverts; nous en avons cilé des éxemples. Mais si l’on appelle courant ce qui agil sur le qalva- nomètre, tous les courants sont fermés par défi- nilion. Et, en effet, si l’on décrit un petit contour entou- rant le fil parcouru par le courant, celui-ci sera | devient le siège d’un phénomène particulier agis- égal par définition à la force magnétique mesurée« par la déviation de l'aiguille aimantée, ou plutôt à la valeur moyenne de cette force le long de ce con= tour. Donc, si l’on a une aire quelconque, la SOMME algébrique des intensités des courants qui traver= sent cette aire sera proportionnelle au travail de la force magnétique le long du contour qui limiles cetle aire. Ge sera là la définition même du cou- rant. Imaginons alors qu'il existe un courant ouvert AMB (fig. 2), et soit B une de ses extrémités. Soit CPDQ un volume quel- conque en forme de len- tille, contenant B à son intérieur. Sur la figure, j'aurai en CPD la section d'une des faces de la len- tille et en CQD la section de l’autre face. La courbe qui sert de contour commun à ces deux faces coupe le plan de la figure en C et en D. Alors, le travail de la force magnélique le long de cette courbe CD sera proportionnel à la somme des courants qui traversent la face CPD limitée par cette courbe. Il ne sera donc pas nul, puisque celte face est traversée par le courant AMB. D'autre part, ce travail sera proportionnel à la somme des courants qui traversent la face CQD limitée égale- ment par cette courbe. Il sera donc nul, puisque celle face n'est traversée par aucun courant. Il y a donc contradiction, et, si l'on définit le courant par le galvanomètre, il ne peut y avoir de courant ouvert, et il ne s’agit pas de savoir si le courant se ferme, mais comment il se lerme. On peut appliquer cela en particulier à la théorie de Helmholtz, et on voit alors que cette théorie revient en somme à admeltre que les courants de conduc- tion ouverts sont fermés par certains courants auxiliaires dont l'expression est assez simple, el qui ne sont pas sans analogie avec les courants de déplacement de Maxwell. C Fig. : IV. — Tuéorte DE MAXWELL. Telles élaient les difficullés soulevées par les {héories régnantes quand parut Maxwell, qui, d’un trait de plume, les fit Loutes disparaitre. Dans ses idées, en effet, il n'y a plus que des courants. fermés. Maxwell admet que, si, dans un diélectrique, le champ électrique vient à varier, ce diélectrique H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 999 sant sur le galvanomètre comme un courant et qu'il appelle courant de déplacement. Si alors deux conducteurs portant des charges contraires sont mis en communication par un fil, il règne dans ce fil pendant la décharge un courant de conduction ouvert; mais il se produit en même temps, dans le diélectrique ambiant, des courants - de déplacement qui ferment ce courant de con- duction. On sait que la théorie de Maxwell conduit à l'explication des phénomènes optiques, quiseraient dus à des oscillations électriques extrêmement rapides. Au bout de vingt ans, les idées de Maxwell recurent la confirmation de l'expérience. Hertz parvint à produire des systèmes d'oscillations élec- triques qui reproduisent toutes les propriétés de la lumière et n’en diffèrent que par la longueur d'onde, c’est-à-dire comme le violet diffère du rouge. Il fit en quelque sorte la synthèse de la lumière. On pourrait dire que Hertz n'a pas démontré directement l'idée fondamentale de Maxwell, l'ac- tion du courant de déplacement sur le galvano- mètre. C'est vrai dans un sens, et ce qu'il a montré directement, en somme, c'est que l'induction élec- tromagnétique ne se propage pas instantanément comme on le croyait, mais avec la vitesse de la lumière. Seulement, supposer qu'il n'y a pas de courant de déplacement et que l'induction se propage avec la vilesse de la lumière; ou bien, supposer que les courants de déplacement produisent des effets d'induction et que l'induction se propage instanta- nément, cela est la méme chose. C'est ce qu'on ne voit pas au premier abord, mais ce que l’on démontre par une analyse que je ne puis même songer à résumer ici. V. — EXPÉRIENCES DE ROWLAND. Mais, je l'ai dit plus haut, il ÿ a deux sortes de courants de conduction ouverts : Il y à d’abord les courants de décharge d’un condensateur ou d'un conducteur quelconque. I] y a aussi les cas où des charges électriques décrivent un contour fermé, en se déplaçant par conduction dans une partie du circuit et par con- vection dans l’autre partie. Pour les courants ouverts de la première sorte, la question pouvait être regardée comme résolue : ils étaient fermés par les courants de déplacement. Pour les courants ouverts de la deuxième sorte, la solution paraissait encore plus simple; si le cou- rant était fermé, ce ne pouvait être, semblait-il, cela, il suffisait d'admettre qu'un « courant de con- », c'est-à-dire un conducteur chargé en mouvement, pouvait agir sur le galvanomètre. Mais la confirmation expérimentale manquait. Il paraissait difficile, en effet, d'obtenir une intensité suffisante, même en augmentant autant que pos- sible la charge et la vitesse des conducteurs. Ce fut Rowland, un expérimentateur extrèême- ment habile, qui le premier triompha ou parut triompher de ces difficultés. Un disque recevait une forte charge électrostatique et une très grande vi- tesse de rotation. Un système magnétique astatique, placé à côté du disque, subissait des déviations. L'expérience fut faite deux fois par Rowland: une fois à Berlin, une fois à Baltimore; elle fut ensuite reprise par Himsteédt. Ces physiciens cru- rent même pouvoir annoncer qu'ils avaient pu effectuer des mesures quantitatives. En fait, depuis une vinglaine d'années, la loi de Rowland était admise sans contestation par tous les physiciens. Tout, d’ailleurs, paraissait la confirmer. L'étin- celle produit certainement un effet magnétique ; or, ne semble-t-il pas vraisemblable que la dé- charge par élincelle est due à des particules arra- chées à l’une des électrodes et transportées sur l'autre électrode avec leur charge? Le spectre même de l’étincelle, où l'on reconnait, les raies du métal de l'électrode n’en est-il pas une preuve? L'étincelle serait alors un véritable courant de convection. D'un autre côté, on admet aussi que, dans un électrolyte, l'électricité est convoyée par les ions en mouvement. Le courant dans un électrolyte serait donc aussi un courant de conveclion; or, il agil sur l'aiguille aimantée, De même pour les rayons cathodiques; Crookes attribuait ces rayons à l'effet d’une matière très subtile, chargée d'électricilé négative, et animée d'une très grande vitesse; il les regardait, en d'autres termes, comme des courants de convection. Or, ces rayons cathodiques sont déviés par l’aimant. En vertu du principe de l’action et de la réaction, ils doivent à leur tour dévier l'aiguille aimantée. Il est vrai que Hertz crut avoir démontré que les rayons cathodiques ne convoient pas d'électricité négative et qu'ils n’agissent pas sur l'aiguille ai- mantée. Mais Hertz se trompait; d'abord Perrin à pu recueillir l'électricité transportée par ces rayons et dont Hertz niait l'existence ; le savant allemand paraît avoir été trompé par des effets dus à l’action des rayons X, qui n'étaient pas encore découverts. Ensuite, et tout récemment, on à mis en évidence l’action des rayons cathodiques sur l’aiguille ai- mantée. Ainsi, Lous ces phénomènes regardés comme des veclion que par le courant de convection lui-même. Pour | courants de convection, étincelles, courants élec- 1000 H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU trolytiques, rayons cathodiques, agissent de la même manière sur le galvanomètre et conformé- ment à la loi de Rowland. VI. — TuÉORIE DE LORENTZ. On ne tarda pas à aller plus loin. D'après la théorie de Lorentz, les courants de conduction eux- mêmes seraient de véritables courants de convec- tion : l'électricité resterait indissolublement alta- chée à certaines particules matérielles appelées élec- trons, ce serait la circulalion de ces électrons à travers les corps qui produirait les courants vol- taïques, et ce qui distinguerait es conducteurs des isolants, c'est que les uns se laisseraient traverser par ces électrons, tandis que les autres arrêteraient leurs mouvements. La théorie de Lorentz est très séduisante, elle donne une explication très simple de certains phé- nomènes dont les anciennes théories, même celle de Maxwell sous sa forme primilive, ne pouvaient rendre compte d'une facon satisfaisante, par exemple, l’aberration de la lumière, l'entrainement parliel des ondes lumineuses, la polarisation ma- gnélique, l'expérience de Zeeman. Quelques objections subsistaient encore. Les phénomènes dont un système est le siège semblaient devoir dépendre de la vitesse absolue de transla- tion du centre de gravité de ce système, ce qui est contraire à l’idée que nous nous faisons de la rela- tivilé de l’espace. À la soutenance de M. Crémieu, M. Lippmann à mis cette objection sous une forme saisissante. Supposons deux conducteurs chargés, animés d'une même vilesse de translation. Ils sont en repos relatif; cependant, chacun d'eux équiva- lant à un courant de conveclion, ils doivent s’alli- rer, el on pourrait, en mesurant cetle altraclion, mesurer leur vitesse absolue. Non, répondaient les partisans de Lorentz; ce que l’on mesurerait ainsi, ce n’est pas leur vitesse absolue, mais leur vilesse relative par rapport à l'éther, de sorte que le principe de relativité estsauf. Quoi qu'il en soit de ces dernières objections, l'édifice de l'Électrodynamique semblait, au moins dans ses grandes lignes, définitivement construit; tout se présentait sous l'aspect le plus satisfaisant; les théories d'Ampère et de Helmholtz, faites pour les courants ouverts qui n'existaient plus, ne sem- blaient plus avoir qu'un intérêt purement histo- rique, et on avait à peu près oublié les complications inextricables auxquelles ces théories conduisaient. VII. — PREMIÈRES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU. C'est celte quiétude que les expériences de M. Crémieu sont venues troubler. Ce jeune physicien débuta par une expérience fort intéressante, dont je ne parlerai pas ici parce qu'elle ne se rapporte à notre sujet qu'indirectement et que cet article est déjà trop long, mais qui le mit sur la voie de ses recherches ultérieures en lui inspirant des doutes sur les résultats de Rowland. Dans les expériences de Rowland, l'appareil astatique magnétique doit être très sensible et placé tout près du disque tournant; on peut craindre dans ces condilions des perlurbations, soit éleetrosla- liques, à cause des forles charges que porte ce disque, soit mécaniques, à cause des courants d’air dus à sa rotation rapide. D'un aulre côté, si un courant de convection produit un champ magnétique, il doit produire éga- lement des effets d’induction; et, au lieu d'observer la déviation d'une aiguille astalique, on peut obser- ver les courants induits par un courant de convec- tion variable dans un cireuit voisin. Pour mesurer ces courants induits, il faudra na- turellement encore une aiguille astalique ; mais on pourra l'éloigner autant qu'on voudra du disque tournant et, par conséquent, des causes perlurba- trices. Dans ces conditions, les résultals obtenus furent négalifs. Le dispositif, toutefois, différait beaucoup de celui de Rowland, et, avant d'aller plus loin, il importait de reprendre les expériences du savant américain dans des conditions identiques ou aussi peu difé- rentes que possible. Les résultats restèrent négalifs en géuéral, mais il faut reconnaitre qu'ils furent beaucoup plus capricieux. Dans certaines séries, on conslata des déviations de l'appareil astatique. Ces déviations purent souvent être altribuées avec cer= titude à une cause perturbatrice déterminée; d'autres fois, elles restèrent sans explication salis- faisante. Si l'on considère toutefois que les résultats ont été constamment négalifs dans de nombreuses séries où le disque tournant était à découvert (au moins dans la partie voisine de l'aiguille aimantée), pourvu que cette aiguille fût mise à l'abri des per- turbations électrostatiques par un lube de cuivre formant écran; que, dans d’autres circonstances où l'on avait observé une déviation de la plaque de mica portant les aiguilles aimantées, cette déviation subsistait encore quand les aiguilles aimantées élaient enlevées, ce qui prouvait bien son origine électrostalique, on sera frappé de l'importance de ces perturbations électrostatiques et on sera porté à accorder plus de confiance à la première forme de l'expérience où ces perlurbations sontcomplète- ment écarlées. Remarquons pourtant que Rowland avait eu soin d’enfermer son aiguille aimantée dans un lube { Pr AP H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU métallique formant écran et que les résultats avaient été positifs. : Les expériences de Crémieu peuvent sembler convaincantes à ceux qui les ont vues; mais on ne peut oublier pourtant que Rowland élait un expé- » rimentaleur lout aussi habile, qu'il a montré ses résultats à plusieurs savants éminents el que ces savants ont été également convaincus. Dans ces conditions, on hésite à se prononcer et . on en vient à désirer qu'une sorte de liers arbilre tranche définitivement la queslion. Quelques per- sonnes avaientcommencé des recherches en Angle- terre, mais elles ne paraissent pas les avoir poussées jusqu'au bout. De son côté, Rowland s'était remis au travail et voulait reprendre les expériences de Crémieu et les siennes. C'est alors malheureusement que la mort est venue le surprendre. Certes, à n'importe _ quel moment la mort d'un physicien aussi éminent aurait été une perte crueile pour la Science, mais elle estpour nous aujourd’hui doublement fâcheuse. Qui pouvail mieux que lui découvrir la cause des divergences entre les résullats du savant français elles siens? Celui qui voudra les chercher mainte- nant, eût-il même l'habileté de Rowland, ne pourra connailre aussi bien que luiles détaile de son appa- reil et la facon dont il a opéré autrefois. VITT. — CRITIQUES DIVERSES. Les critiques de Crémieu ont généralement suivi une autre voie; ils n'ont pas contesté les résullals expérimentaux; ils ont cherché plutôt à montrer qu'on aurait pu les prévoir; que, loin d’être con- traires à la loi de Rowland, ils en élaient une confirmation indirecte. La plupart de ces critiques se sont trop pressés; la thèse de M. Crémieu vient seulement de pa- ruitre, el jusque-là on ne connaissait que quelques Notes succinctes insérées aux Comptes Rendus; il en résulte que beaucoup des observations qu'on avait cru pouvoir faire, ou bien ne se rapportaient pas exactement aux expériences qui avaient été réellement faites, ou bien étaient réfutées d'avance par d'autres formes de ces mêmes expériences. Quelques-unes de ces objections ont cependant plus de portée; je ne puis les discuter ici en détail, mais je voudrais, au moins, en indiquer l'esprit et faire voir d’une façon générale ce qu'on peut en - tirer. On sait que Faraday a substitué le premier aux anciennes idées classiques sur l'électricité une facon entièrement différente d'envisager les choses. Pour lui, la réalité véritable, ce n’est plus un fluide électrique circulant dans des conducteurs, mais une certaine modification du diélectrique qui 1001 cesse d’être purement inerle et devient le siège du phénomène principal. Ge qui joue le premier rôle, c'est done le « champ électrique », le « champ magnétique » et la distribution des « lignes de force ». Ces conceptions, considérées d'abord comme paradoxales, sont aujourd'hui familières à lLout le monde, aux praticiens comme aux théoriciens. C'est de Faraday que Maxwell procède directe- ment; les théories qui sont sorties de celle de Maxwell, par exemple celles de Hertz et de Lorentz, dérivent donc des idées de Faraday. Mais cela ne veut pas dire qu'il y a identité entre la pensée de Faraday et celle de Lorentz. La théorie de Lorentz est sortie de celle de Faraday, mais beaucoup d'autres en auraient pu sortir. La pensée de Faraday n'était qu'une forme encore vague et indéterminée, une sorte de pâte molle, qui pouvait se préciser de bien des ma- nières. C'est justement ce qui en à fait la fécon- dité. En ce qui concerne la question de la convection qui nous occupe maintenant, les parlisans de Faraday n'admeltront pas qu'on identifie à un courant vollaique un conducteur chargé en mou- vement; cela serait croire que l'électricité est quelque chose; cela serait, à leurs yeux, un maté- rialisme grossier. Mais ils diront qu'un champ magnétique doit se produire si les lignes de force électrique sont en mouvement. Les lignes de force, pour eux, ne sont pas, en effet, de simples entilés mathématiques; ce sont des objets réels, et c'est pourquoi ils croient s'en- tendre eux-mêmes quand ils disent que ces objets sont en repos ou en mouvement, de même que les anciens électriciens croyaient s'entendre eux- mêmes quand ils parlaient du mouvement de l'électricité, qui pour eux était une chose. Mais cela ne suffit pas; pour que celte considé- ralion puisse servir à quelque chose, il faut savoir reconnaitre si ces lignes sont en mouvement. Elles peuvent se mouvoir, soit; mais comment saurons- nous si elles se meuvent? Le problème s'est posé d'abord à propos des lignes de force magnétique, et a donné lieu à de longues polémiques. Les lignes de force émanées d'un aimant qui tourne, lournent-elles avec cet aimant ou restent-elles immobiles? Selon la réponse à cette question, il semblait, à en croire beaucoup d'auteurs, que certains phénomènes, et en parli- culier ceux de « l'induction unipolaire:», devaient être très différents. J'ai montré ailleurs qu'il n'en élait rien el que la question n'a pas de sens. En ce qui concerne les lignes de force électrique, au contraire, la question ne peut être éludée et, suivant la solution qu'on lui donnera, on arrivera 1002 H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU à des conséquences absolument différentes. Un courant vollaïque cireule dans un fil. Admettrons- nous que les lignes de force qui aboutissent à ce fil se déplacent de facon que leurs extrémités se meuvent le long de ce fil, dans le sens du courant; ou même devrons-nous admetlre deux systèmes de ligues de force, les unes positives, les autres négalives et se déplaçant en sens contraire? Il le faut bien, si nous voulons rendre compte des effets magnétiques du courant voltaïque, et si nous croyons qu'un champ magnétique ne peut être dû qu'au mouvement des lignes de force électrique. Supposons maintenant un disque chargé tour- nant; entrainera-t-il les lignes de force dans sa rotation, ou resleront-elles immobiles? Aucune de ces deux hypothèses ne peut être regardée comme en contradiction avec les idées de Faraday; et cependant, dans un cas, la loi de Rowland est vraie; dans l'autre, elle est fausse. Ce qui est gênant, c'est que chacune de ces interprélations contradictoires peut, à son tour, apparaitre comme la seule naturelle, suivant le point de vue où on se place. Faraday, Maxwell lui-même avaient beaucoup laissé dans le vague. Leurs successeurs ont cherché à préciser; quelques-uns croyaient y ètre parvenus, el deux théories complètes s'étaient édifiées, celle de Hertz et celle de Lorentz. Chacune de ces deux théories prétendait prévoir ce qui se passerait dans un cas quelconque. Elle nous prédisait, en particulier, et sans ambiguïté, ce que devaient donner les différentes expériences de Crémieu; or, ce n’est pas ce qu'elles ont donné. Donc, ou bien Crémieu s'est trompé, ce que des expériences nouvelles pourront seules nous ap- prendre, ou bien la théorie de Lorentz, comme celle de Hertz sont fausses. Mais, répond-cn, laissons Hertz et Lorentz de côlé, et revenons à Faraday. Le résultat de Crémieu est ce que la doctrine de Faraday nous permettait de prévoir. Cela, c'est possible, car cette doctrine est plastique et peut prendre bien des formes, mais à ce compte elle permettait également de prévoir le résultat contraire. Il y aurait sans doute beaucoup à tirer des écrits dont je parle. Mais à une condition: il aurait fallu que l’auteur commencât par distinguer entre les différentes interprétations possibles des vues de ‘araday, qu’il les définit avec précision, puis qu'il s'attachât à discerner celles que l'expérience de Crémieu confirme et celles qu’elle contredit. Loin de là, la plupart du temps, il se borne à constater, avec satisfaction, qu'elles ne sont pas toutes contredites. Ce qu'il n'a pas fait, il faut donc que le lecteur le fasse pour lui. À ce prix, il pourra tirer du fruit | de sa lecture; il n’en lirera aucun, au contraire, s'il conclut simplement : « Ah! oui, ce que Crémieun 2 trouvé était facile à prévoir », et s’il croit ainsi que de Hertz et de Lorentz comme les autres. | On comprend aisément la préoccupalion qui a guidé ces criliques, dont beaucoup sont Anglais. Évidemment, les publications de Crémieu ont jelé l'alarme parmi les admirateurs de Maxwell; et alors ceux-ci s'efforcent de démontrer que nous ne serons pas réduits à abandonner les conquèêles de Faraday et de Maxweli. Cela, je l'espère bien, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. k J'ai cru devoir insister sur ces observalions, parce quil serait à craindre que ces criliques, mal comprises, ne fissent regarder comme inutiles ces expériences nouvelles qui, selon moi, sont néces- saires. 1. /nlluence des écrans. — D'après ce qui pré- cède, on comprend pourquoi ces polémiques n'ont pas donné tous les fruits qu'on en aurait pu attendre. Je m'arréterai seulement sur un point. Dans une des nombreuses séries d'expériences qu'ila exécutées, M. Crémieu, qui continuait à avoir des résultats exclusivement négatifs quand l’appa- reil était enfermé dans une boîte métallique entiè- rement close, obtenait, au contraire, des déviations de l'aiguille aimantée quand il supprimait cette boite. A la vérité, ces déviations semblaient bien trop faibles pour pouvoir être attribuées à l'effet Row- land. Mais ce qui élait remarquable, c'est qu'elles disparaissaient quand on interposait un écran métallique. Cette série où se sont produits ces effels inex- pliqués, reste le point faible de l’œuvre de Cré- mieu. l'explication donnée par M. Crémieu lui- même ne tient pas debout; celles que j'ai proposées moi-même, étincelles, etc., demeurent probléma- tiques. Quoi qu'il en soit, ces anomalies ont particuliè- rement atliré l'attention de MM. Poddington el Wilson, qui ont cherché à démontrer : 1° Que l'effet Rowland doit se produire toujours en l'absence d'écran métallique, et ne disparait que par suite de l’interposilion d’un écran; 2% Que si les déviations observées par Crémieu sont plus faibles que les dévialions prévues, c'est par suite d'erreurs d'expérience; 3° Enfin que cette disparition de l'effet Rowland par l'inlerposition d'un écran est un phénomène tout naturel et prévu par la théorie. En ce qui concerne le premier point, M. Crémieu répond qu'il à fait aussi plusieurs séries d'expé- toutes les facons contradictoires de com- prendre Faraday sont confirmées en bloc, celles PS TT D TT ET tonte jme PS iences où le disque chargé tournant était entière- ment nu et sans aucune espèce d'écran métallique, et que les résullals ont été nettement négatifs. Melles sont les expériences relatées à la fin de sa thèse et celles dont je parlerai plus loin sous la rubrique : /éalisalion des courants ouverts. Mais examinons le troisième point. Pourquoi ces auteurs considèrent-ils la disparition de l'effet owland comme un phénomène prévu par la théorie? C'est parce qu'ils supposent qu'il doit se produire dans l'écran un courant de conduclion dont l'effet contre-balance exactement celui du cou- rant de convection. Mais est-ce bien cela que prévoit la théorie ? Pour moi, cette question à un sens précis; par -« la théorie », j'entends celle de Hertz ou celle de Lorentz; parce que, si la pensée de Faraday peut revêtir beaucoup d'autres formes, il n'y en a pas jusqu'ici d'autre qu'on ait développée complèle- ment et mise sur ses pieds. Que prévoit donc la théorie de Hertz? (Car, pour cette question particulière, celle de Lorentz con- duirait au même résultat.) Si nous avions un écran derrière lequel des charges posilives se déplaceraient par convection, dans un mouvement recliligne de translation, il est clair qu'elles induiraient sur l'écran des charges de nom contraire, qui se déplaceraient paral- lèlement, mais par conduction, de sorte qu'il y aurait compensation entre les deux sortes de cou- rants. . C’est ainsi que raisonnent MM. Poddington et Wilson. Mais si l'écran est circulaire et si les charges mobiles sont entraînées dans un mouvement de rolalion, voici ce qui arrive : les charges induites sur l'écran restent toujours vis-à-vis des charges mobiles el se déplacent avec elles; ce déplacement se fait par conduction; mais ici ces charges induites peuvent aller d’une position à une autre par deux . chemins, par le plus court et en faisant le tour de . la circonférence. Cela fera deux courants de con- | duction, l'un direct, l’autre inverse. Or, le calcul montre quil y a compensation entre le courant de conduction direct et le courant de conduction inverse, de sorte que le courant de convection devrait rester seul, bien loin qu'il y ait . compensation entre le courant de convection et les . courants de conduction. La théorie ne prévoit donc nullement la dispari- _ tion de l'effet Rowland par l'interposition d’un écran. Si donc les résultats de Crémieu n'étaient . pas contredits par des expériences nouvelles, ils auraient prouvé que la théorie est en défaut quand _ même ils n'auraient pas démontré la non-exis- | tence de l'effet Rowland. H. POINCARÉ — A PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 1003 2. Objection el expérience de M. Pender. — L'objection de M. Pellat, reprise par M. Peuder, est beaucoup plus sérieuse. Dans la plupart des expériences, les secteurs mobiles comme les sec- teurs fixes élaient recouverts d'une couche de diélectrique (verre, caoutchouc ou ébonite). Si l'air interposé entre ces deux couches diélectriques, l’une fixe, l’autre mobile, n’était pas suffisamment isolant, il pourrait se faire que les surfaces de contact du diélectrique et de l'air prissent par influence des charges contraires à celles des sur- faces de contact du diélectrique et du métal. Alors, le disque, en tournant, entraînerait à la fois des charges positives et négatives dont les effets se neutraliseraient. M. Crémieu dit avoir vérifié qu'il n'en élait pas ainsi, mais il a fait cette vérification sur les disques au repos, et M. Pender se demande si cela est encore vrai quand ils sont en mouvement. Les pages qui précèdent élaient déjà composées quand à paru, dans le numéro d'août du Philo- sophical Magazine, la relation d’une expérience de M. Pender, qui ne s’est pas borné à une critique purement théorique. Nous avons donc la satisfaction d'apprendre que les expériences dont je signalais la nécessité sont déjà commencées, et mieux encore, que Rowland, avant de mourir, a pu en dresser le plan et assister aux premiers essais. M. Pender a repris l'expérience de Crémieu sous sa première forme, c'est-à-dire qu'il a étudié les courants induits produits par ia variation du champ magnétique dû aux courants de convection. Seulement, il s'est servi d'un disque lournant analogue à celui qu'avait employé Rowland et non pas à ceux qu'a employés Crémieu. C'est-à-dire que ces disques n'étaient pas enfermés dans une boile en fonte ; que les parties métalliques fixes et mo-- biles n'étaient pas recouvertes d'une couche de diélectrique et n'étaient séparées que par de l'air. Il fallait, par conséquent, les éloigner l’une de l'autre, ce qui diminuait la capacité, et par consé- quent l'intensité du courant de convection produit. Dans ces conditions, les résultats ont été positifs, ce qui est contraire aux idées de Crémieu. Il faut évidemment attendre ce que M. Crémieu répondra, et aussi de nouvelles expériences an- noncées par M. Perder. IX. — LE PROBLÈME DU COURANT OUVERT. De nouvelles expériences sont encore néces- saires. M. Pender et M. Crémieu doivent les faire ect hiver, chacun de son côté. Supposons qu'à la suite de ces expériences les 100% idées de M. Crémieu viennent à {riompher; sera-ce là une solution définitive ? Non, la difficulté ne fera que commencer. Sur les ruines des anciennes théories, il faudra rebàtir. Ce que j'ai dit au début fera comprendre aisément la nature de cette difficulté. Va-t-on être obligé de revenir à l'hypothèse des courants ouverts, et dans ce cas ne va-t-on pas se trouver aux prises avec les complications inextricables des théories, aban- données, d'Ampère et de Helmholtz? Dans les expériences où l’on fait simplement tourner un disque chargé, la contradiction n'appa- rait pas encore. La répartition des charges demeure invariable, puisque chaque charge électrique, en quittant un point del'espace, y est immédiatement remplacée par une autre charge égale. Le champ électrique ne change pas; le courantde convection se ferme sur lui-même, il n’y a donc pas de courant ouvert. La difficulté commencerait, au contraire, si nous avions affaire à une petite sphère isolée et chargée, entraînée dans un mouvement de translation ou de rotation, qui serait, par exemple, attachée sur la cir- conférence d’un disque tournant, isolant et sans charge. Alors, le point de l’espace où était la sphère chargée est occupé un instant après par de la ma- tière isolante dépourvue de charge. La répartition des charges n'est plus invariable et la distribution des lignes de force change à chaque instant. Il y a dans le diélectrique ce que Maxwell appelle un courant de déplacement. Dans la conception Maxwell-Rowland, le circuit complet, qui est fermé, se compose de courants de déplacement et de courants de convection. Si maintenant nous admettons que les courants de convection sont sans action, il ne nous reste plus que des courants de déplacement ouverts. Malheureusement, il est à peu près impossible d'opérer de la sorte, pour plusieurs raisons, et sur- tout parce que la capacité d'une pareille sphère serait beaucoup trop petite. En revanche, on peut chercher à réaliser des circuits fermés, composés de courants de convec- | lion et de courants de conduction. Si les courants de convection sont regardés comme sans action, il restera alors un courant de conduction ouvert. C'est la réalisation de ces courants ouverts qui constilue, à proprement parler, le paradoxe. Et, comme c'est en allant au devant des difficultés qu'on peut espérer des résultats nouveaux, ce sont ces courants ouverts qu'il importait de réaliser. M. Crémieu a donc, sur mon conseil, fait deux tentatives dans ce sens : 1. Première tentative. Dans un premier disposilif, on fait tourner un disque doré, dont la | tenir H. POINCARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU dorure est interrompue par une série de rainures circulaires ; ces rainures, toutefois, ne règnent pas sur toute la circonférence, de sorte que toutes les parties de la dorure restent en communication entre elles et peuvent être mises au sol. ‘ La figure 3 représente ce disque, lés parties dorées étant couvertes de hachures. On voit que sur la plus grande partie du disque, il peut y avoir des courants circu- laires, mais pas de courants radiaux. Vis-à-vis de ce dis- quetournant,on place un secteur métallique fixe en communica- tion avec une batterie d'accumulateurs. Ce secteur et la dorure du disque tournant vont former les deux armatures d’un con- densateur. Le secteur fixe va se charger posili- vement, par exemple, et le disque mobile se char- gera négativement par influence. Seulement, ces charges négalives resteront toujours dans la par- tie du disque qui est vis-à-vis du secteur fixe; elles seront donc fixes dans l’espace; mais, comme le disque qui les porte est en mouvement, elles seront en mouvement relalif par rapport à ce disque. Les charges positives, étant fixes dans l’espace et fixes par rapport au conducteur qui les porte, ne produiront aucune action magnélique. Qu'ar- rive-t-il maintenant dans le disque mobile? Si les charges négalives étaient invariablement fixées au disque, elles seraient enlrainées par le mouvement de ce disque, ce qui constiluerait un courant de convection. Ge courant ne serait contre- balancé par rien si le disque était chargé, mais parfaitementisolant; ou encore s’il élail formé d’un très grand nombre de conducteurs très petits et parfaitement isolés les uns des autres. Chacun de ces pelits conducteurs conservera sa charge inva- riable et l'entrainera avec lui; seulement, quand l’un d'eux ne sera plus vis-à-vis du secteur fixe, sa capa- cité diminuera, et, puisque sa charge n’a pas changé, son potentiel augmentera. Il se produira donc des différences de potentiel entre les différents petils conducteurs. Supposons maintenant que l'isolement de ces petils conducteurs ne soit pas parfait; il se produira entre eux des courants de conduction qui tendront à diminuer la différence des potentiels, en rame- nant les charges vis-à-vis du secteur fixe. Les différences de potentiel qui pourront se main- ainsi, seront évidemment d'autant plus érandes que l'isolement sera meilleur; si nous pas- sons enfin au cas de notre disque doré, la résistance Dpposée aux courants de conduction sera très faible, de sorte que ces différences seront extrèmement betites el que la distribution s'écartera très peu de la distribution statique. « Les charges négatives sont donc soumises, d'une part, à un courant de convection qui tend à les écarter de leur position normale, vis-à-vis du sec- teur fixe, et, d'autre part, à des courants de conduc- lion qui les y ramènent sans cesse. Comment sont distribués ces courants de con- duction ? Les charges écartées de leur position nor- Male peuvent y revenir par deux chemins, par le plus court, ou en faisant le tour du disque; c'est ce que j'appellerai le courant de conduction direct et le courant inverse. - Comme le premier chemin oppose beaucoup moins de résistance que le second, il est clair que le courant direct sera plus intense que le courant inverse. Si, par exemple, le secteur fixe occupe la sixième partie de la circonférence, le courant direct sera égal aux - et le courant inverse au = du cou- rant de convection. Dans les idées de Rowland, que doit-il se passer ? Nous aurons le courant de convection dont l’inten- Sité sera par exemple 1, qui sera compensé en par- lie par le courant de conduction directdont l'inten- a 4 DA. d ë 1 silé est G’ l'intensité résultante sera &’ nous aurons donc un effet sur l'aiguille aimantée, mais cet effet sera assez faible. Dans les idées de Crémieu, au contraire, le cou- rant de convection n'agit pas; il semble qu'il doit rester seulement le courant de conduction direct égal à à el que l'effet produit doit être cinq fois plus Srand que dans les idées anciennes. Ces courants de conduction vont du bord aval après le sens de la rotation) de la porlion du lisque mobile qui est vis-à-vis du secteur fixe, au bord amont de cetle même portion; ce seraient donc des courants ouverts; de sorte qu'on aurait réalisé le courant de conduction ouvert et que Cré- Mier pouvait avoir l'espoir de vérifier ses vues par une expérience donnant un résultat positif (la dé- ialion devant être cinq fois plus grande que dans land avait déjà essayé un dispositif analogue. En » Cela est resté jusqu'ici inexpliqué. Crémieu pense REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. ARÉ — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU 100% que les courants qui ramènent les charges à leurs positions normales ne sauraient être assimilés à de véritables courants de conduction, qu'ils ne pro- duisent pas de chaleur de Joule, qu'il ne se produit pas, dans le disque, des différences de potentiel même très faibles ; qu'enfin, c’est pour cela que ces courants n'ont pas d'effet magnétique : mais je ne saurais en aucune façon adopter cette manière de voir. Cette première tentative pour obtenir des cou- rants ouverts avait donc échoué ; j’ajouterai cepen- dant que M. Crémieu a, je crois, l'intention de la reprendre en modifiantles dispositions des rainures qui inlerrompent la dorure du disque. 2. Réalisation des courants ouverts. — Ce pre- mier échec ne découragea pas M. Crémieu, qui, sur mon conseil, essaya un dispositif différent. La figure 4 représente ce dispositif schématique- œ Fig. 4. ment. Elle est construite comme on le fait habituel- lement pour les schémas destinés à faire com- prendre le fonctionnement des machines de Hollz ou de Wimshurst. Je veux dire que les disques tour- nants ou fixes sont supposés remplacés par des cy- lindres que la figure représente par leur section. La partie essentielle de l'appareil est un plateau d'ébonite tournant; sur la figure, nous supposons ce plateau remplacé par un manchon cylindrique dont la section droite est représentée couverte de hachures. Ce plateau porte d'un côté des secteurs d'étain «x, isolés les uns des autres. Un secteur fixe SS/, placé près du disque tournant, est en COmM- munication avec une source d'électricité. Vis-à-vis des deux bords de ce secteur fixe, deux balais B et B' frottent sur les secleurs d'étain x et sur le plateau d'ébonite; ces deux balais sont reliés par un fil B'MB. 222 1006 Le plateau tournant dans le sens de la flèche, le secteur SS'est, par exemple, chargé positivement; le secteur «, sur lequel frotte le balai B, va se charger négalivement par influence et sa charge négative lui viendra par le balai B et le fil B'MB. Ce secteur «, entrainé par le mouvement du disque, quittera le balai B et emportera sa charge. Au bout d'un certain temps, il viendra au con- tact du balai B'et, en mème lemps, il cessera d’être en face du secteur SS', de sorte que sa charge néga- tive cessera d'être retenue par l'influence de la charge positive de SS'. Le secteur « va donc aban- donner sa charge au balai B' et au fil B'MB. Les secteurs « compris entre B et B' seront donc chargés, les autres seront déchargés, les premiers entraineront leur charge, ce qui constituera un courant de convection ; les charges abandonnées au balai B' reviendront au balai B par le fil B'MB, de sorte que le circuit sera fermé par un courant de conduction. En réalité, M. Crémieu a reconnu que les choses ne se passent pas d’une facon aussi simple, à cause du rôle important joué par la PE de l’ébo- nite; mais nous nous contenterons de cet aperçu. L'expérience réussit parfaitement, beaucoup plus neltement que celles des séries précédentes. Il était facile de mesurer le courant de conduction B'MB au galvanomètre et de constater que le courant de convection n’agit pas sur l'aiguille aimantée ; cette aiguille est déviée, au contraire, quand le fil de retour B'MB est placé tout contre le plateau tour- nant, landis que, dans ce cas, il devrait, d’après les idées de Rowland, y avoir compensation entre l'effet du courant de convection et celui du courant de conduction. M. Crémieu admet qu'il a réalisé un courant de conduction ouvert. Pourquoi, maintenant, a-t-on réussi de celte ma- nière et avait-on échoué avec le dispositif que j'ai d’abord décrit? C'est ce que M. Crémieu ne peut expliquer. X.— ExPÉRIENCE DE M. CARvALuUO. Ainsi, le courant ouvert semble réalisé; nous sommes en face du paradoxe ; il reste à le résoudre. Nous ne pouvions croire à l'existence des cou- rants ouverts, parce que nousn'arrivions pas à Con- cevoir comment ils pourraient se comporter. Maintenant, nous en avons un, Ou nous croyons en avoir un ; nous n avons qu à regarder comment il se comporte. Va-t-il suivre les lois d'Ampère, ou bien celles de Helmholtz, ou d'autres encore ? D'après Ampère, nous l'avons vu, les courants ouverts doivent produire des rotations continues H. POINCARE — À PROPOS DES EXPÉRIENCES DE M. CRÉMIEU C'est là un critérium précieux. M. Carvalho a pro posé de soumettre un aimant, dans des conditions convenables, à l'action de ce que Crémieu croit être un courant ouvert et de voir s'il tendra à prendré une rotation continue. M. Crémieu a commencé des essais dans ce sens. J'ai cru pouvoir sans indiscré: tion dire un mot de ce projet, puisque tout le monde en parle parmi les personnes qui s'intéressent à la Physique. Peut-être les difficultés techniques ne permet tront-elles pas de faire l'expérience; mais, si ellë peut se faire, je serais étonné que l'aimant se mil à tourner; j'en serais étonné même si j'étais sûr que l'effet Rowland n'existe pas. J'ai dit plus haut, en effet, les invraisemblaho auxquelles conduit la théorie d'Ampère. Celle de Helmholtz pourrait être soumise à un cri térium analogue. On pourrait chercher si un solé noïde fermé peut subir une action de la part de ces soi-disant courants ouverts. Mais la théorie de Helmholtz, quoique plussatisfai sante que celle d'Ampère, estencore bien invraisem blable. Avec elle, je l'ai expliqué ci-dessus, il n'y pas, à proprement parler, de champ magnétiques Admetire cela, ce serait, pour le coup, renoncer àk l'idée fondamentale de Faraday, à ce qu'elle con= tient d’essentiel et non plus seulement à l’une des nombreuses formes qu'on peut lui donner. | J'aime mieux rappeler une remarque que j'a faite plus haut : on peut définir les courants par leur action sur le galvanomètre, et alors tous les: courants sont fermés par définition. Il n'y a plus dès lors qu'à rechercher comment un courant se ferme. Dans le cas qui nous occupe, nous croyions le savoir; mais, d’après M. Crémieu, ce ne seraib pas comme cela. Il faut chercher autre chose; om: le trouvera en étudiant systématiquement les dé viations de l'aiguille aimantée dans le voisinage de ces courants paradoxaux et, en particulier, près des points où cessent les courants de conduction C'est aussi ce que M. Crémieu a le projet de faire. Quels que soientles résultats de ces expériences nous aurons un champ magnétique et des courants qui seront fermés; cela est certain, puisqu'il ny là que des délinitions. Cela reste vrai dans toutes les hypothèses, aussi bien dans celles d'Ampère et de Helmholtz ques dans les autres. Seulement, voici la différence : si nous restons fidèles aux idées de Faraday, l'action | pondéromotrice subie par un élément de courant ne dépendra que de la force magnétique. Il n'e serait plus ainsi dans les vues d'Ampère ou de Helmholtz, et c'est pour cela que ces vues son paradoxales. J'arrêterai là ce trop long article, heureux si j'ai pu faire comprendre l'importance des problèmes soulevés par les recherches de M. Crémieu et la alure des questions engagées dans le débat. Va- t-on se trouver en face du paradoxe du courant ouvert; va-t-on être obligé de chercher une nou- elle explication des rayons cathodiques, des cou- F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 1007 rants éleclrolyliques, de la polarisalion magné- tique, du phénomène de Zeeman ? C’est ce que nous saurons bientôt. H. Poincaré * L Membre de l'Institut et du Bureau des Longitudes, Professeur d'Astronomie théorique et mécanique céleste à la Sorbonne, Quiconque rencontre une source s'y arrèle et admire celte eau claire et limpide qui sourd de Lerre à cet endroit. Le cadre pittoresque, quelque- fois sauvage, du lieu attire le poète, qui en chante es beautés. Le penseur, tout en se laissant aller à une douce rêverie, s'efforce d'expliquer l’origine de cette eau pure comme du cristal. Nos ancêtres donnèrent, de la formalion des sources, des théories souvent extravagantes. Ils en reportèrent longtemps l'origine à de vastes ré- servoirs, qu'ils plaçaient volontiers sous les monta- gnes d’où l’eau des sources semblait provenir. Quant à se demander par quel hasard la Nature avait pu rendre élanches les parois de si vastes éservoirs, aucun ne s'était arrêté devant celte question. Il vint un moment où l'on voulut expliquer l’ali- mentlation de ces réservoirs, et ces explications furent suivies d'hypothèses, aussi compliquées que fantaisistes, que nous n'aborderons pas pour ne pas lrop allonger notre sujet. Quelques esprits curieux, avides de savoir ce que devenaient les eaux fournies par les pluies, remar- quèrent que tous les terrains ne les ulilisent pas de la même façon. Sur cerlains sols, après les grandes pluies, il se forme des ruisseaux temporaires, qu'on n'observe pas sur d’autres. Ces eaux, dites de ruissellement, s'en vont rejoindre les thalwegs des vallées, puis les rivières et les fleuves, enfin la mer. Elles seront évaporées sous l'influence du soleil et retomberont sous forme de pluie. Le cyele de leur transforma- Lion est connu, il n'y a donc plus à s’en occuper. Mais quand les eaux de ruissellement manquent, que devient l’eau de pluie ? - L'évaporation, l'absorption par les végétaux en utilisent bien une partie; mais y a-t-il un excédent qui tende à s'enfoncer de plus en plus dans la terre? Les sources seraient toutes désignées pour expli- quer l'évacuation de ces eaux, étant donné que, chaque année, à la même époque, le niveau de la nappe souterraine reste sensiblement le même. Deux choses sont nécessaires à connaitre: la quantité d'eau qui tombe actuellement sur un ter- rain perméable à l’eau, et celle prise par les végé- 1 LES SOURCES DE LA CRAIE taux par leurs parties aériennes. L’excédent de l’eau disponible prendra le nom d'eau d'infiltration. Au moyen d'un instrument très connu et fort simple, le pluviomèlre, on-constale le volume d'eau tombé dans une année. Aux environs de Paris,un heclare reçoit par an environ 5.000 mètres cubes d’eau. Si tout arrivait aux sources, il faudrait 6 hectares pour obtenir un débit moyen de 1 litre par seconde environ pendant toute l’année, c’est- à-dire de quoi satisfaire à l'alimentation de plus de 250 Parisiens pendant plus d'un an. Mais Paris n'est pas l’un des lieux où il pleut le plus abon- damment. Dans les pays de montagne, la quantité d'eau tombée est souvent doublée. Nous savons qu'elle n’est pas toute absorbée par le sol. Dans les terrains argileux, les eaux de ruissellement entrai- nent la plus grande partie de l’eau de pluie. Les sables, les graviers, les grès, les calcaires, ete., donnent peu d’eau de ruissellement; la quantité de celle-ci, essentiellement variable, augmentera avec les grandes pluies où les averses, chaque fois que l’arrivée de l’eau sera supérieure à son ab- sorplion. Les terrains boisés, les cuvettes, en un mot, lout ce qui tend à entraver la libre circulation des eaux de ruissellement, laissent le temps à la terre de les absorber et d'en diminuer la quantité. Les études nombreuses faites sur l'évaporation de l’eau par les sols et les végétaux (celles de M. Dehérain entre autres) ont montré qu'ils étaient incapables d'utiliser une aussi grande quanlité d’eau. Il y a donc un excédent, variable suivant que les eaux de ruissellement sont plus ou moins abondantes, mais qu'on évalue en moyenne au liers des eaux tombées annuellement. Une certaine quantité de l’eau des pluies arrivera donc à la nappe souterraine qui tendra à s'écouler par les orifices spéciaux qui forment les sources. Comment se fait l’infiltration ? Dans les terrains sableux (sables, graviers, galets), l'eau trouve, à travers les innombrables interstices de ces sols, des chemins pour s'y infiltrer. Les grès et certaines craies s’imbibent d'eau sans pouvoir dépasser un certain taux d'humidité, au delà duquel toute arrivée d’eau par la partie supé- rieure est accompagnée de la mise en liberté d’une 1008 F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE égale quantité de liquide par la parlie inférieure. Certains terrains ne sont perméables que parce qu'ils sont fissurés. Les calcaires sont dans ce cas. L'eau trouve passage à travers les fissures qu'elle parvient à agrandir par érosion et dissolution. On leur donne le nom de /ithoclases quand elles sont petites, de diaclases quand elles sont grandes. Les terrains fissurés sont souvent plus perméables que Fig. 1. — Coupe schématique montrant la formation d'une source d'affleurement A. les terrains meubles comme les sables, car, en s'engouffrant, l’eau rencontre moins de frottement et acquiert plus de vitesse. L'écoulement souter- rain de l’eau est plus abondant. Suivons ces eaux d'infiltration. Elles vont s'infil- trer dans le sol jusqu’au moment où, rencontrant une couche imperméable", elles se metlront à ruis- seler à sa surface. Les eaux de la nappe souter- raine sont donc des eaux de ruissellement pro- fondes. Comme ces dernières, elles vont suivre la pente générale de la couche imperméable(fig. 1). Supposons que la couche argileuse affleure en A Cheminée [par ou sont d'eau de] tæ Fig. 2. — Coupe schématique d'une source de thalweg et, en particulier, d'une source de la craie. au niveau du sol; il y aura,en ce point, une zone émissive ou de sources dites d’affleurement. Il peut quelquefois y avoir une zone émissive sans affleurement de couche imperméable. Les 1 En terrains calcaires, il y a quelques exceptions à celte règle. Les belles recherches de M. A. Martel ont montré qu'il existait souterrainement de larges diaclases parcou- rues par de véritables rivières souterraines. Le lit de celles- ci est également formé de calcaire qu'elles n'ont encore pu entamer, A la longue, ces eaux arriveront à élargir une fissure dans leur lit, elles s'engageront plus profondément eu terre, et cela jusqu'au moment où elles pourront s'écouler sur une zone imperméable. sources de la craie, par exemple, sont formées par l'affleurement du niveau de la nappe souterrain ou niveau piézométrique avec le sol (fig. 2). Ces sources sont dites de {halweg. Nous verrons plu loin qu'elles sortent comme par une cheminées l'étude ‘ détaillée de ce genre de sources va nous retenir un cerlain temps. I. — NATURE DES SOURCES DE LA CRAIE. La craie est une roche qui s'imbibe légèrement, comme les grès. Elle forme surtout des terrains fissurés. Elle est friable, et l’eau peut l’attaquer assez facilement. En s’infiltrant, les pluies exercent sur elle une action mécanique de frottement pro- duisant l'érosion, qui élargira un certain nombre de fissures. Sous l'influence du temps, certaines lithoclases deviendront des diaclases. Les eaux circuleront de plus en plus facilement dans ces espaces, et un vérilable courant se dirigera vers les sources. Les eaux des rivières ou des ruisseaux pérennes de ces terrains produisent les mêmes effets avec plus d'intensité. Le sol devient une véritable pas- soire, ou bien il se forme une diaclase verticale, véritable cheminée capable d’engloutir d'énormes masses d’eau. Quelques-unes absorbent facilement 200 à 300 litres d'eau à la seconde. On donne à ces trous le nom d'aven, de hétoire ou de gouflre sui- vant les régions. Ce sont, dans ces conditions, des béloires d'aflouillement. De vastes galeries sont creusées souterrainement par les eaux. Elles sont encore rares, celles que l'homme a pu rencontrer et explorer à l'intérieur de la craie. Récemment, M. Le Couppey en a exploré un certain nombre dans la région de la Vanne; la figure 3 représenie la coupe et le profil d'une caverne qu'il a explorée. Celle-ci est parcourue par un courant souterrain, el, comme dans les explo- ralions si connues de M. À. Martel, on est arrêlé brusquement parune chambre sans issue où l'eau s’engouffre pour rejoindre probablement une autre galerie plus profonde. Supposons que, pour une cause quelconque, le plafond de cette galerie ne soit pas assez solide pour supporter la charge du sol silué au-dessus, d'elle. Il y aura un effondrement, qui se manifestera souvent à la surface sous la forme d’un entonnoir plus ou moins ellipsoïdal ou arrondi. Ces entons= noirs prennent le nom de fosses ou de mardelles quand ils sont situés sur un plateau. Ils formenb des béloires dits d'effondrement quand, s'étant ‘ Les courants souterrains que nous signalions à la note précédente peuvent également donner naissance à des sources quand la diaclase va rencontrer une faille qui la mettra à jour. Ces sources sont, néanmoins, assez rares. st in F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 1009 ormés dans la vallée, ils peuvent recevoir les eaux de ruissellement ou des ruisseaux. Les dimensions e ces mardelles sont très variables. Je citerai implement les deux plus grandes que je connaisse. lles se trouvent près d'Évreux, en amont de la commune de La Bonneville. Il y a la Fosse aux Terriers, dont le diamètre est de 40 mètres et la profondeur de 18, et le Champ Guérin, dont le Joureette 12% cascade 17 de haut ' [l 1 1 1 1 ! ‘ ' ! \ Jezs du ESS Cour a. É = 274 ! : — HT ï 1 ! i L [ ï Passage de 0745 de haut au-dessus de l'eau ï j 1 rapid 3 2”7%cascade t 0760 de haut Trou de 0730 de profondeur eut /, | Jourcette / 110 ie 7 U // Lou 1% cascade 2 de haut Lassage de 0735 060 de haut ! de haut au-dessus contour ellipsoïde a un grand axe d'environ 100 mètres. Sa profondeur est de 18 mètres égale- ment. Ces mardelles imposent par leurs vastes dimensions. _ Ce ne sont pas là des propriétés exclusives aux terrains crétacés. Tous les calcaires sont suscep- tibles de ces affouillements et de ces effondrements. _ Les eaux de surface, pour alteindre la nappe souterraine, suivront loutes les calégories de fis- _sures qui se présenteront à elles : les lithoclases, les diaclases, les béloires et les mardelles. L'impor- 7, Lt LL WW 7 2% rapude variera avec leurs dimensions et les facilités que l'eau trouvera pour s’écouler. Les eaux de ruissellement arrivant dans les thal- wegs rencontreront les béloires qui les absorbent. Ces eaux ne suivent pas le chemin que nous indi- querons plus loin, c'est-à-dire ne rejoignent la mer que dans des conditions exceplionnelles, comme les fontes brusques de neige. L'eau ne pouvant Point d'arrivee de l'eau Chambre d ‘absorption 1 { : [ [ 1 [ ! 13 ve rapide L ! Trou de 2*20 “cascade de profondeur 07 50 de haut Ca gre TE cascade 20 de haut Galerie 1 Chambre d'absorption Lu 1, LD WW 5 ! 1777 // D de l'eau me 1 [l 7 Seascade ! W, LH 7 2720 de haut | me cascade W É WU F o"50 de haut ! TT / EL ë 2m£e " 17 rapuie Trou de 120 27 rapide / L ÿ L, de profondeur / LL WW Fig. 3. — Puits et galcries de la Guinand (près Bœurs-en-Othe, Yonne), explorés par M. Le Couppey. -être entièrement bue par le sol, une partie arrive à trouver un lit peu perméable qui la conduit plus loin que la zone émissive, c'est-à-dire la zone des sources. La nappe soulerraine de la craie reçoit des quantités d'eau plus considérables que les sables. Les sources qui en sortent acquièrent également plus d'importance. Quand, dans les calculs, on admet que le tiers seulement des eaux de pluie arrive à la nappe, on reste bien au-dessous de la réalité. _ tance des volumes d'eau pris par chacune d'elles Nous connaissons maintenant les fissures qui 1010 F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE conduisent l’eau à la nappe. Laissons pour l'instant de côté les phénomènes de purification et suivons l'eau à travers les fissures du sol. La nappe souterraine de la craie ‘ repose sur les argiles du Gault. L'épaisseur du Crélacé étant très considérable, la craie est imbibée d'eau sur une épaisseur dépassant quelquefois 400 mètres. Pour une surface de plusieurs dizaines de kilomètres carrés, on voit le volume d'eau énorme qu'emma- gasine la craie. En ne considérant que l'ensemble, cette nappe s'écoule selon l'inclinaison générale de l’assise argileuse ; mais, en examinant les détails, on s'aper- çoit qu'il n’en est pas toujours ainsi. Nous avons déjà rapporté plus haut l'exemple de la galerie de la Guinard, parcourue par un courant souterrain. On en connait deux autres plus anciens: le courant des Boscherons (Eure), ainsi que le courant du puits de Gaudreville (Eure), creusé par M. Ferray sur l'emplacement d’une mardelle. Tous ces courants communiquent avec des sources, comme le démontrent les expériences à la fluo- rescéine. L’acide carbonique qui se dégage dans certains cas contribue à l'agrandissement de ces galeries. En Normandie, on dit qu'un puits est pouf quand il renferme beaucoup d'acide carbonique. Les puits ne sont poufs qu'à certaines époques. Le puits des Boscherons, au fond duquel on trouve le courant, est rempli d'acide carbonique au mois de juin. Le séjour au fond est rendu impossible, les bougies ne brûlant plus. Au bout de deux mois, l'aération se rélablit. Voici l'explication de ce phénomène : La craie est formée de carbonale de chaux, et par places elle doit renfermer des bicarbonates. Ceux-ci se décomposent, laissant dégager de l'acide car- bonique, qui trouve dans la galerie du courant un écoulement facile. Au moment des hautes eaux, ce gaz n'a plus un dégagement aussi facile, car le puits se remplit d'eau; il se forme, à un endroit différent plus proche du puits, des bicarbonates? qui se redécomposeront au moment où les eaux baisseront, c'est-à-dire au mois de juin et don- neront un dégagement de CO* abondant quand la pression exercée par l’eau diminuera. Au bout de quelques mois, le dégagement gazeux se régularise et n'est plus assez abondant pour empêcher la bougie de brûler. 1 La craie, prise comme un tout, est, en réalité, formée de quatre couches géologiques distinctes : Le Cénomanien, le Turouien, le Senonien el le Danien ou craie pisolithique. Les sources de l'Avre sortent du Turonien, celles de la Vanne et de la vallée du Loing et du Lunain sortent du Sénonien. * Les expériences de M. Schlæsing ont démontré que la décomposition des bicarbonates était une réaction rever- Sible, fonction de la pression de GO*. La craie, comme lout calcaire, oppose des ré- sistances très inégales à la dissolution. Le cas d courant de la Guinand, qui se termine par une” chambre où l’on voit l'eau se perdre par le fond, montre neltement que l'eau a trouvé dans une autre direction la craie la plus friable et la plus facile à entamer. Pour les diaclases plus petites, on peut faire la mème observalion. Ainsi, à cerlaines places, les puits sont alimentés par de larges fissures, l’eau se renouvelle facilement et la température de ces eaux est voisine de celle des sources siluées aux environs”. À d'autres places, les puits sont ali- mentés par des larmes, comme disent les puisa- tiers, c’est-à-dire par de très fines fissures. Ceci ne veut nullement prétendre qu'en creusant plus profondément on n’arriverait pas à une forte diaclase. Nous sommes persuadé du contraire, comme nous avons pu nous en rendre comple dans la région du Lunain. En résumé, la direclion des courants souterrains, tout en suivant approximalivement une direction dans le sens de la pente des couches des argiles de la base, dépend surtout de la résistance de la craie. Il arrivera qu'un courant prenne la direction O.-E. quand l'inclinaison de couche est nettement S.-N. La connaissance des principaux courants à une importance de tout premier ordre, car c'est surlout par eux que les sources peuvent être contaminées. La présence des mardelles, leur disposition par rapport aux sources, peuvent êlre utiles du moment qu'elles sont la manifestation superficielle des cou- rants souterrains. Mais il n'y en a pas partout. Quand le plateau est trop élevé, il est souvent impossible d'en découvrir. Les effondrements, s'il y en à, restent invisibles aux êlres humains. Un autre moyen pourrait également nous ren- seigner sur ladirection des courants : l'étude des niveaux piézométriques, faite en notant l'allitude de l’eau dans les différents puits à une époque donnée. L'eau s'écoulant ne peut que se diriger vers un point plus bas de la nappe. Si l'abaissement de la nappe est rapide, le courant le sera également. Si done on trace sur une carte des lignes reliant entre eux les puits dont le niveau de l’eau est à la même allitude, nous pourrons dire quil y a un courant là où les courbes sont le plus rapprochées. 1 En étudiant l’alcalinité des puits de la région de l'Avre et en supprimant tous ceux qui recoivent de la surface des eaux riches en calcaire et en chlore, comme les eaux de fumiers (le dosage du chlore permet de faire cette élimi- nation), on peut reconnaitre que souvent les puits dont les eaux sont peu alcalines se trouvent groupés ensemble. L'alcalinité de l'eau peut servir à apprécier approximati- vement les diaclases qui alimentent un puits, la quantité de CaO étant d'autant plus grande que les fissures sont plus petites. F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE IO{L Malheureusement, les puits n'atleignent que la partie supérieure de la nappe; les courants princi- aux peuvent être plus profonds et échapper ainsi à notre élude. IL faudrait pouvoir creuser les puits e 20 à 30 mètres dans la nappe. On serait certain d'avoir le niveau piézométrique réel, le seul inté- ressant pour la recherche des courants, car on aurait pu entamer la diaclase profonde si elle existe à l'endroit du puits. Malheureusement, au point de vue pécuniaire, ce serait une opération onéreuse. Le niveau piézométrique, tel qu'on peut le déter- miner, ne rend guère de services que si l'on examine d'allure générale des courbes. On peut alors savoir si une surface donnée concourt à l'alimentation d'une source à éludier ; mais, quant à déterminer, par ce moyen, aux environs de plusieurs sources, es parties qui alimentent une source donnée, il faut y renoncer, les puits examinés ne donnant qu'un niveau fictif, qui peut monter si l’on vient à les approfondir. Nous indiquerons plus loin comment, dans cer- {ains cas, on peut arriver à connaitre approxima- livement la direction de ces courants quand les moyens que nous venons de relaler font défaut. Qu'il suffise de retenir, pour le moment, qu'il existe souterrainement des diaclases formant quel- quefois de grandes galeries qui vont drainer les eaux el les amener aux sources. Rien ne peut, en effet, faire mieux comprendre la circulation de l'eau dans ces terrains fissurés que -la disposition d’un drainage. Dans les deux cas, le but à atteindre est identique : l'assainissement du sol, sa non-saturation par l’eau; c'est la Nature qui a agi dans l’un des cas, c’est l'homme dans l'autre. Pour des raisons économiques et techniques, l'homme dispose les drains suivant des règles don- nées, à des profondeurs uniformes. On recherche les lignes de plus grande pente pour y disposer les canaux collecteurs, la sorlie de ceux-ci pouvant être comparée à une source. La Nature a ulilisé les parties les plus faciles à entamer. Les canaux collecteurs sont souvent nom- breux, placés à des profondeurs variables, non en ligne droite, avec des solutions de continuité quand - la roche leur opposait une trop grande résistance. > Les grosses diaclases, à l'intérieur desquelles on trouve les vilesses les plus grandes, drainent les plus pelites en raison même du principe d'hydrau- lique qui veut que l'abaissement du niveau piézo- métrique soit d'autant plus grand que la vitesse du courant est plus forte. Cel abaissement de niveau “fait affluer l’eau des niveaux plus élevés. C’est, du reste, sur ce principe que reposent les trompes Les exemples des quelques galeries souterraines qu on connait dans la craie, l'assimilation du dépla- cement de la nappe à un vaste drainage donnent une idée de la circulation souterraine de ces ler- rains. Les eaux d'infiltration arrivant à la nappe, puis aux sources, ne prennent pas toutes des chemins aussi faciles. Le lemps de leur apparilion aux sources sera très variable. Trouvant de fines fis- sures, il leur faudra plus de temps qu'à travers une galerie. Les décantalions qui se produisent purifient ces eaux; mais, comme elles n’ont lieu que lente- ment, ne seront bien décantées que les eaux arrivant avec une très faible vitesse. L'importance de la connaissance des courants principaux se présente pour la première fois dans le cours de cette étude. Elle va être l’objet de nos conslantes préoccupa- tions. L'épaisseur considérable de la craie fait que le niveau piézométrique de la nappe coupe le sol en plusieurs endroits (fig. 4). Le schéma que nous Fig. 4. — Coupe schématique montrant la succession des zones émissives dans les terrains crayeux. avons tracé montre la succession de zones émis- sives plus ou moins étendues selon la configuralion du sol. C'est toujours par un phénomène d'érosion que l’eau de la diaclase s’est fait jour. Une fissure s'est agrandie verticalement et a formé une cheminée. Existe-t-il bien une diaclase alimentant les sources? Si l'on trouve des courants et des galeries dans la craie, tout porte à croire qu’il y a des dia- clases assez grandes alimentant les sources. On peut se convaincre de leur existence en visitant les travaux de captage exécutés par la Ville de Paris dans la vallée du Lunain. Sur les conseils de M. l’in- génieur des mines Janet, on a été prendre les eaux dans leur gisement naturel, comme il esf preserit de le faire quand il s’agit d'eaux minérales. Pour deux sources, on à foré jusqu'à la craie de grands puits bétonnés sur les parois et ayant l'un 4 mètres envi- ron de diamètre et 9 de profondeur, l’autre 3250 de diamètre et 11 de profondeur. On est arrivé, dans les deux cas, à rencontrer une cassure assez grande de la craie par où l’eau arrivait principalement. On l'apercoit facilement à travers la colonne d’eau claire du puits. 1012 Notre comparaison de la circulation des eaux sou- terraines à des drains et des sources à la sorlie de l’eau d’un collecteur, se trouve justifiée. Le débit des sources sera très variable, tout comme le débit des collecteurs de drainage. En période pluvieuse, l'élévation des eaux de la nappe augmentera la charge d'eau aux sources. Le débit augmente en mème temps qu'un certain approvi- sionnement d'eau s'accumule dans le sol. En été, le niveau baissera et quelquefois la source deviendra béloire si le niveau piézométrique descend au- dessous du niveau du sol. Les sources hautes, c'est-à-dire situées dans la partie amont de la zone émissive, tariront généralement les premières. Quelquefois, il n'en est cependant pas ainsi. Des sources siluées au milieu de la zone émissive tar- rissent et divisent celle-ci en deux zones différentes en été. Nous avons constaté ce phénomène dans la vallée du Betz, affluent du Loing. Le moment est venu d'apporter une démonstra- tion de la communication réelle des eaux de béloire avec les sources. II. — EXPÉRIENCES AVEC LES MATIÈRES COLORANTES. Dans l'impossibilité de suivre sous terre les divers cours d’eau qui existent, on à imaginé, depuis près de trente ans, une méthode très simple pour savoir où se rendent les eaux qui se perdent. On a coloré ces eaux au moyen de couleurs déri- vées de la houille, et, parmi celles-ci, la fluorescéine a donné les meilleurs résultats. [Il ne faut pas chercher à déterminer par ce moyen la limite extrème du périmètre d'alimen- tation des sources. Il peut y avoir des diaclases pro- fondes drainant des eaux avant séjourné assez longtemps dans la nappe. Ces eaux, plus riches en chaux et plus pures, sortent quelquefois, non dans la zone émissive voisine, mais dans une zone émis- sive inférieure. Ces diaclases ne sont pas les plus dangereuses, du moment que leurs eaux ont acquis par décantalion une purilicalion suffisante. Ce qu'il est utile de connaître, c'est la direction que prennent ces courants superficiels qui drainent les eaux de surface s’engouffrant dans les bétoires. Le périmètre qu'on déterminera ainsi formera une zone dangeteuse, indispensable à surveiller étroi- tement. Il est quelquefois nécessaire de suivre ces eaux dans une zone émissive voisine pour recher- cher les limites du périmèlre dangereux. Une expérience récente, que j'ai faite dans la vallée de Belz, affluent du Loing, avec l’aide toute dévouée et intelligente de mon collaborateur M. Guillerd, ingénieur agronome, a montré que l'eau engouf- frée dans un bétoire situé à 1 kilomètre seulement de sources réapparaissait encore à 9 kilomètres F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE de là dans une zone émissive inférieure. Bien entendu, l'intensité de la coloration allait en dimi= nuant de la partie amont vers la partie aval. La direction du courant indiquée par la fluores-= céine n'implique pas une généralisation du résultab aux diaclases voisines, la dureté de la craie étant chose essentiellement variable, comme nous l'avons vu plus haut. La fluorescéine se décèle dans les eaux très facilement, Au moyen du /uoroscope inventé par M. Trillat, on arrive à la retrouver dans des dilu- tions très faibles : un dix-milliardième environ. L'instrument employé se compose de deux tubes en cristal aussi homogène que possible et fermés à leur partie inférieure par un bouchon noirci.M Dans l’un de ces tubes, on introduit l'eau témoin exempte de fluorescéine; dans l’autre, l’eau à exa- miner. S'il y a de la fluorescéine, l’eau se projelte en bleu verdàtre tandis que l’eau témoin est bleu foncé. Toutes les fluorescéines n'ont pas le même pou- voir colorant. M. Marboutin a eu l’occasion d'exa=" miner un grand nombre d'espèces de fluorescéine pour lesquelles la sensibilité au fluoroscope était très variable. La fluorescéine en poudre est la plus mauvaise. Le fabricant est obligé, pour la mainte- nir sous cet élat, de la mélanger avec des matières” inertes comme l'amidon ou le sulfate de soude. L'introduction de la fluorescéine varie suivant les circonstances : Ou bien le bétoire est isolé. L'eau qui y arrive s'engouffre entièrement. On introduit la fluores- céine dans le trou, en plusieurs heures, de façon à colorer un grand volume d’eau. Ou bien le bétoire n'absorbe pas l’eau entièrement et se trouve noyé. Si c'est un petit ruisseau, on peut, au moyen de digues, l'isoler, et on est conduit au cas d’un bétoire » isolé. Si c'est un fleuve ou une grande rivière, il faut, comme, en 4877, M. Trinck fut obligé de le faire pour les sources d’Aach, en communicalion avec le Danube, jeter une grande quantité de matière colorante dans la rivière. S'absorbe ce qui peut être pris. L'expérience a réussi à M. Trink et plus récemment à M. Marboutin. Il est nécessaire, néan- moins, d'avoir des perles sensibles, sinon la fluo= rescéine, arrivant trop diluée, peut échapper à l'observaleur. | Dans un puils ou un béloire ne recevant pas d'eau, on verse la fluorescéine et on chasse la matière colorante dans la élevant le niveau piézométrique par l'arrivée d'eau qu'on pompe au cours d’eau le plus proche ‘, 4 nappe en 4 La conduite d’une expérience avec la fluorescéine de- mande beaucoup d'attention. Il faut procéder avec méthode et employer un personnel auxiliaire assez nombreux. La fluorescéine jetée, le but principal à observer est les nn F. DIENERT — LES SOURCES DE LA CRAIE 1013 - Nous avons adopté la règle suivante dans l'in- troduclion de la fluorescéine : 2 kilos de matière colorante pour un débit des sources de 1"° à la se- conde, quand le béloire est à 8 ou 10 kilomètres des sources. Nous augmentons celte quantité’ avec la distance et le débit. L'emploi de grandes quantités de couleur n'a de recueillir de l’eau verte à son robinet. Pour les sources non captées, il n'y à aucun inconvénient, même aux endroits où sont installés des lavoirs. Les habilants se persuadent rapidement que le linge ne se tache pas et cette couleur les diverlil très fort. Il est même ulile, quelquefois, de verser beaucoup de fluorescéine. Certaines sources, rece- Légende Jources … —__. A (nes :| Bctoires et betoires souces @ Mardelles.. _..... w | aw commencement de —— || Juin 1899 révèle des . a | LA ï Lit perm® ou erevasse’ = | cas de fièvre typhoide | Zays où d'engquete fiate — Lit imperméable Hares Blot _-"a Vallée % S\ Maurice l Mqussonvillers Tom | anne _ — —_ = Tourouvre 6 " ms de Bass; S517 de 1" Hôme _Chaumondot 2m H. Hoyer : Zur Histologie der capillaren Venen in der Milz. Anatomischer Anzeïger, t. XVII, 1900. 3 Rerrener : Développement et évolution des ganglions lymphatiques. C. R. de la Société de Biologie, 1900. 4 Wernenreion : Das Gefäisssystem der menschlichen Milz. Archives de Schulze, t. LVII, 4901. étonne attes s OT TS Cription, celle plus récente de Pansini, avaient été resque complètement oubliées. Cavalié‘ reprend ette étude et l’élargit, en s'appuyant sur l’Anato- mie et la Physiologie comparées. Au cours de l’évolution phylogénétique des fertébrés, l'innervation du diaphragme s'est éta- blie en trois étapes successives. À la première (Vertébrés inférieurs), le muscle encore rudimen- aire est uniquement sous la dépendance des nerfs intercostaux. À la seconde (Oiseaux), le diaphragme est plus développé, double même : les nerfs inter- -costaux fournissent des filets à la portion coslale, les ganglions dorsaux du sympathique aux deux diaphragmes. À la troisième étape (Mammifères), ces deux sortes de rameaux persistent, mais nous assistons, en outre, à l'apparition d’un nouveau nerf, hautement différencié et particulièrement destiné au musele en question : c'est le nerf phré- nique. Les filets intercostaux passent donc ici au second rang, mais ce sont des vestiges encore im- portants de l'état primitif, Chez l’homme, par exemple, le territoire des intercostaux est limité à la partie marginale du diaphragme: celui-ci recoit d'eux cinq à six filets de chaque côté, prove- nant des six derniers nerfs intercostaux. V. — APPAREIL DIGESTIF. $ 1. — Les cellules étoilées du foie. Dans l’intérieur des lobules hépatiques, la trame conjonclive de soutien est excessivement réduite. Par l'emploi du chlorure d'or, Von Kupffer à décrit - autrefois ce tissu comme constitué par un treillis de très fines fibres grillagées, et par des cellules étoilées que l'imprégnation détache en violet noir sur fond clair. Or, Von Kupffer lui-même”, dans de nouvelles recherches, montre que ces cellules étoi- lées du foie ne sont point des éléments conjonctifs. Elles font partie intégrante de la paroi même des capillaires sanguins. Ce sont, par conséquent, des cellules endothéliales, mais des cellules endothc- liales particulières, non aplalies, qui proéminent dans la lumière. Elles possèdent au plus haut degré le pouvoir phagocytaire, englobent et retiennent au passage les corps étrangers pulvérulents (encre de Chine injectée, hématies, microbes) et par consé- quent représentent un des éléments importants du . foie, puisque celte glande est considérée à juste titre comme une sorte de filtre que doivent traver- ser les malériaux nutrilifs absorbés dans l'intestin _ par la veine porte. Browiez® confirme les données 1 Cavauté : De l'innervation du diaphragme. Thèse, Tou- louse, 1598. 3 C: von Kurrrer : Ueber die sogenannten Sternzellen der Säuvethierleber. Archives de Schulze, t. LIV, 1899. 3 BROWICZ : laren der Leberacini; Archives de Schulze, t. LV, 1900, E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE Ueber intravasculaire Zellen in den Blutcapil- | 1029 de von Kupffer en faisant cette réserve : c'est que pour lui, les cellules proéminentes ne feraient pas partie, à proprement parler, de l’assise endothé- liale, ne contribueraient jamais à former la lamelle externe de cet endothélium. Elles représenteraient une sorte de seconde assise, interne, discontinue,. Ce n'est pas la première fois qu'on attribue aux endothéliums le pouvoir phagocytaire; mais, en un tel point et avec une telle netteté, cette constala- tion acquiert un grand intérêt. $ 2. — Les îlots de Langerhans dans le Pancréas. Plusieurs travaux viennent de paraitre, en Italie notamment, sur ces formations. On sait que ce sont des groupes de cellules, parfois volumineux, toujours assez nombreux, qui existent de façon | constante dans le pancréas des Vertébrés, cellules ordonnées en général non autour de lumières excrélrices, comme celles des acini, mais autour de vaisseaux capillaires dilatés. Gette disposition, et d'autres raisons Lirées de l'histogénie, nous les avaient fait considérer, dès 1893, comme des amas cellulaires endocrines, c'est-à-dire comme les orga- nites de la sécrétion interne récemment attribuée au pancréas par les physiologistes. Von Ebner, Renaut acceptent cette hypothèse dans leurs Traités d'Histoiogie (1899). Diamare", Massari’, W. Schulze, Tribondeau*, Gentès', Jarotsky® l'acceptent également dans leurs Mé- moires, apportent des faits nouveaux à l'appui, et plusieurs d'entre eux se servent couramment des termes ilots endocrines, tissu endocrine*. Au con- traire, quelques auteurs, Giannelli notamment, la rejettent. Giannelli s'appuie sur deux ordres de faits sur- tout. D'une part, il constate chez les Ophidiens, dans les cordons cellulaires constitutifs des îlots, de très fines lumières ou des fentes. Ce ne seraient donc pas des cordons pleins : ils pourraient sécré- ter une des parties constituantes du suc pancréa- tique. D'autre part, suivant le développement chez un Saurien (Seps Chalcides)", il a constaté que, dès { Dramare : Studii comparativi sulle isole di Langerhans del pancréas. Journal international d'Anatomie, t. XVI,1899, et Sul valore anatomico et morfologico delle isole di Lan- gerhans, Anatomischer Anzeiger, 1899. 2 Massari Sul pancreas dei Pesci. Lincei, 1898. # TRIBONDEAU : Pancréas des Ophidiens. XIII Congrès international de Médecine. Section d'Histologie, 1900. * Genrës : Les ilots de Langerhans du pancréas. Thèse, >ordeaux, 1901. 5 Jarorsky : Ueber die Veränderungen in der Grosse und im Bau der Pancreaszellen bei einigen Arten der Inanition. Archives de Virchow, t. CLVI, 1899. 5 Giacomini semble y arriver également aujourd'hui. 7 GYANNELLI Ricerche macroscopiche e microscopiche sul pancreas (Siena), 1898. Sullo sviluppo del pancreas nella Seps chalcides (Siena), 1899. — Sulla dispositione degli Accademia dei 1030 E. LAGUESSE — REVUE ANNUELLE D'ANATOMIE le début, les ilots, peu nombreux ici mais très gros, apparaissent en un point précis, à l'extrémité dis- tale de l’ébauche pancréatique dorsale, et restent cantonnés pendant toute la vie au voisinage de ce point. Il en serait à peu près de même chez les Amphibiens. Il admet donc (et Massari, Diamare sont d'accord avec lui sur ce premier point), que ce sont des formations permanentes, restant toute la vie ce qu'elles étaient chez l'emhryon. Il est amené à en conclure que les îlots représentent une portion rudimentaire de la glande, peu différen- ciée et sans grande importance fonctionnelle ac- tuelle. Il défendait encore récemment cette manière de voir’. Oppel”, bien que très éclectique d’ailleurs, soutient une opinion analogue. Diamare, après avoir étudié Téléostéens, Rep- tiles, Oiseaux et Mammifères, admet que les îlots sont des formations permanentes, mais à fonction endocrine. Ce sont de vrais corpuscules épithéliaux du pancréas (Æpithelkürperchen), à rapprocher des parathyroïdes, de la surrénale, de la pituitaire, et ayant la structure caractéristique des glandes à sécrétion interne. Chez les Sélaciens, il ne trouve pas de véritables ilots de Langerhans formés de cordons pleins ; mais les canaux excréteurs les plus fins sont bordés de cellules granuleuses qui, par leur aspect et leurs réactions, rappellent celles des ilots. Il est tenté de considérer ces canaux comme la forme primitive revêtue par le tissu endocrine dans le pancréas des Vertébrés. Un nouveau fait vient à l’appui de cette hypo- thèse. Giacomini, qui a collaboré aux premiers tra- vaux de Giannelli (4890), trouve par places chez la Lamproie, dans un organe que sa structure et ses rapports permettent de considérer comme le pan- créas, des acini tout à fait différents par leur structure des acini ordinaires. Ce sont de larges vésicules, assez analogues à celles de la thyroïde, et contenant parfois des hématies (à la facon de certains ilots des embryons Mammifères.) Giacomini considère ces vésicules comme les équi- valents des ilots de Langerhans des Vertébrés supé- rieurs. L'existence, chez les Ophidiens, de figures de transitionsnombreuses entre acini et cordonspleins, la trace des remaniements évidents de la glande par les vaisseaux, la présence d'ilots même dans de les portions provenant de l’'ébauche ventrale, nous | permettent de continuer à croire que la plupart de accumuli di Langerhans degli Anfibii..… Siena, 1899. (Acca- demia dei Fisiocriti.) 1 GranNeLcr : Verhandlungen der Anatomischen Gesells- chaft, Pavyia, 1900. * Orrec : Verdauungs-Apparat, in Ærgebnisse der Anæ- tomie, t. 1X, 1900. * Giacomini : Sul Pancreas dei Petromyzonti..… Verhand- lungen der anatomischen Gesellschaft, Pavia, 1900. ces ilots ne sont pas des formations permanentes !M L'existence de grains de sécrétion très nets, isola- bles sur le vivant, accumulés au contact du vais-W seau et non au voisinage de la lumière quand il en persiste des vestiges (Ophidiens), nous confirme dans l'idée qu'il s'agit ici d'organes à sécrétion interne. Les données de Diamare sur les Sélaciens, de Giacomini sur les Cyclostomes, s accordent assez bien avec cette hypothèse. Si elles sont con- firmées, elles nous montreront vraisemblablement la sécrélion interne s’établissant chez les Vertébrés inférieurs à l’aide des éléments dont elle peut dis- poser, c'est-à-dire aux dépens de certaines portions de l'arbre glandulaire creux; puis, peu à peu, la lumière devenue inutile diminuant, s’atrophiant (Ophidiens), enfin disparaissant complètement (Mamuifères), à mesure que s'établit plus intime le rapport avec les vaisseaux, à mesure que se fait mieux sentir ce que Renaut appelle le rôle mode- * lant de ceux-ci dans le remaniement de la glande. Mais il ne faut pas oublier que nous ne connaissons les ilots de Langerhans que depuis quelques années, et que nous avons vraisemblablement encore beaucoup à apprendre sur eux. Nous ne pouvons mieux terminer ce court exposé qu'en résumant les très intéressantes expériences de M. W. Schulze, qui sont tout en faveur du rôle endocrine des ilots. Chez une série de cobayes, cet auteur isoie, par une ligature, un pelit fragment de pancréas de facon à oblurer complètement ses canaux excréteurs tout en respectant les vaisseaux. Au bout de quelques jours, le tissu exocrine s’a- trophie, est remplacé par du tissu conjonetif, mais les ilots restent intacts et le sont encore après plus de deux mois. Schulze en conclut que ce sont des formations indépendantes du pancréas exo- crine * au point de vue fonctionnel. On sait, dit-il, gne l’extirpation lotale du pancréas produit le diabète; l'atrophie qui suit la ligature du canal excréteur ne le produit pas; done, ce sont les por- tions de la glande résistant à cette atrophie, c’est- à-dire les ilols, qui empêchent le diabète. Ce sont eux qui versent dans le sang la sécrétion interne, la sécrétion qui influe sur l’utilisation des matières sucrées. E. Laguesse, Professeur d'Histologie à la Faculté de Médecine de Lille. ! Bibliographie 1899; Société de Bio logie, 1900. = W. Scuurze : Die Bedeutung der Langerhanschen Inseln im Pancreas; Archives de Schulze, t. LVI, 1900. 3 Exocrine, c'est-à-dire à sécrétion externe; endocrine, à sécrétion interne. anatomique, BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1031 4° Sciences mathématiques chupmann (L.), Professeur à l'Université W'Aix- la-Chapelle. — Die Medial-Fernrohre (Les Lu- nettes astronomiques médiales). — 1 vol. in-8° de “ 146 pages, avec %S figures dans le texte (Prix: 4 mk. 80.) Teubner, éditeur. Leipzig, 1901. Dans cel ouvrage, l'auteur nous apporte une contri- ution importante à la solution d’un problème qui réoccupe de plus en plus le monde astronomique, roblème qui peut être résumé par les considérations uivantes : L'installation d’une grande lunette astronomique, lun grand équatorial par exemple, exige le concours de plusieurs artistes, de plusieurs talents: le fondeur de verre fournira un bioc de matière aussi grand et ussi homogène que possible, le tailleur de verre ou ‘opticien apportera tout son savoir et toute son habi- eté pour exécuter l'ohyeetif, partie essentielle de l'ins- rument. Il faut yajouter le mécanicien, chargé de la monture et de l’ajustage de toute la partie métallique, et, enfin, n'oublions pas l'ingénieur-archilecte, à qui incombe le soin de construire un bâtiment et une cou- ole mobile destinés à abriter l'instrument. Or, ces divers genres de travaux n'ont pas progressé dans la même proportion; en particulier, la construction des coupoles mobiles n’a pas pu suivre la fabrication d'ob- ectifs de plus en plus grands, avec des distances foca- es croissantes. Cela surtout à cause du prix de revient; déjà, pour les grands équatoriaux actuels, le prix de revient de la coupole est considérablement plus élevé que celui de l'objectif lui-même. Ainsi, pour le grand équatorial de trente pouces de l'Observatoire impérial russe de Poul- kowa, près Saint-Pétersbourg, les crédits absorbés pour ‘installation complète ont été de 300.000 roubles, tandis que l'objectif taillé par Alvan Clark a coûté 32.000 dol- lars. La longueur focale de cet instrument est de 14 mètres, et lorsqu'on sait que la lunette du grand équatorial de l'Observatoire du Mont-Gros, près de Nice, a 18 mètres de longueur, on peut se représenter la dépense faite pour celte œuvre par M. Bischoffsheim, et concevoir les difficultés techniques que les établisse- ments Eilfel ont eues à surmonter pour construire la coupole mobile qui abrite ce grand instrument. Il résulte de ces faits que l’utilisation d'objectifs à ouverture plus grande et à distance focale plus consi- dérable, tels que les opticiens peuvent en produire, se trouve forcément liée à la question de savoir comment diminuer les dimensions d’une lunette, sans racourcir en mème temps la longueur focale de son objectif. Dans l'instrument proposé par M. L. Schupmann, l'objectif est formé par une seule lentille de crown, et, pour corriger les aberrations de couleur et de sphé- ricité, un dispositif spécial se trouve placé dans le voisi- nage du foyer de l'objectif. Cet appareil comprenant, ‘entre autres, un prisme droità réflexion totale, un miroir concave et deux ou trois ménisques, il en résulle que la partie optique de la nouvelle lunette participe à la fois du réfracteur et du réflecteur. De là le nom de médial, donné à cet instrument. D'autre part, une autre dispo- sition, également proposée et calculée par l'auteur, consiste à arrêter le cône des rayons lumineux venant de l'objectif, au milieu ou aux deux tiers de son trajet, par un miroir concave qui ramène ainsi le foyer avec Son appareil de correction vers le centre de la lunette, près du pilier. Il en résulte donc une sorte de lunette risée, qui a pu recevoir le nom de hrachymédiale. La valeur réelle des modifications proposées par BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX l'auteur et calculées à grand renfort d'analyse et d'équations, est bien difficile à apprécier, sil est un domaine où le vieux proverbe allemand : « Probiren geht über studiren » (Essayer vaut mieux qu'étudier) soit vrai, c'est bien celui des applications de l'Optique. Ii suffirait de rappeler que les objectifs les plus grands et les plus parfaits qui existent ont été l'œuvre d'un Alvan Clark: leurs surfaces n’ont pas été calculées de toutes pièces, mais simplement laillées de manière à fournir une image parfaite sous tous les rapports. A première vue, le fait de supprimer la deuxième len- tille de l'objectif paraît une simplification importante puisqu'elle réduit de moitié le coût de l'objectif, mais elle laisse entier l'inconvénient des longues distances focales et des grandes coupoles, qui constitue, comme nous l'avons vu, la plus grosse dépense d'une installa- tion astronomique. Dans cet ordre d'idées, la lunette dite brachymédiale remplit beaucoup mieux les condi- tions du problème que nons avons à résoudre, puisque la lunette elle-même est plus courte que la distance focale de l'objectif qu'elle renferme. Rappelons aussi que Littrow, dans son dialyte construit par Plüss|, avait déjà enlevé la lentille de flint de l'objectif pour la reporter vers le milieu de la distance focale de l’objec- tif et que cette modification avait donné de bons résul- tats. Sans insister sur l'inconvénient de faire cheminer un faisceau lumineux à travers de nombreux milieux et de lui faire subir une ou même deux réflexions sur argent, il faut surtout relever le fait que, dans la con- struction préconisée par M. L. Schupmann, la lentille- objectif se trouve, en réalité, à l'extrémité d'un tube élastique, tandis que l'appareil de correction se trouve à l'extrémité opposée où au centre de l'instrument. Que devient alors le centrage exact et permanent du système optique dans toutes les positions de la lunette? Quoi qu'il en soit, les calculs et les essais de l’auteur méritent une sérieuse attention, et, si les résultats pra- tiques viennent confirmer ses prévisions, il aura droit à foute la reconnaissance du public astronomique en général. INENOExX Astronome à l'Observatoire de Genève. 2° Sciences physiques Wagner (R.). et Fischer (F.). — Traité de Chimie industrielle, 4° édition française, rédigée sur la 15° édition allemande, par le D' L. Gautier. — 2 vol. grand in-8°, avec très nombreuses figures dans le texte. Tome I. (Prix : 30 fr.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1901. L'ouvrage qui vient de paraître est une nouvelle édition d'un livre dont la réputation n’est plus à faire. IL est apprécié de tous ceux qui en ont fait usage; il est classique en Allemagne. Pour tenir un pareil livre au courant des progrès réalisés, il faut, à chaque édition nouvelle, y faire les plus larges additions. Les auteurs allemands l’ont fait avec beaucoup de soin, et le tra- ducteur, le D‘ Gautier, a ajouté à leur texte de fort utiles compléments. La présente édition diffère donc beaucoup des pré- cédentes, tant par son étendue que par sa physionomie. L'ouvrage, primitivement composé d'un volume, en comprend deux sous sa forme actuelle. Le premier volume est seul publié jusqu'ici, le second devant paraître au début de l'année prochaine. Les questions exposées dans ce premier volume sont le chauffage, l'éclairage, la métallurgie chimique, et la fabrication des produits chimiques inorganiques. On peut sisnaler comme caractéristique le développe 1032 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX ment donné partout aux méthodes électriques em- | l'hypothèse est à la base de leurs méthodes. Aussi um ployées à produire des réactions par voie sèche ou par voie humide. La préparation ou le raffinage des métaux, la décomposition des chlorures avec où sans diaphragme pour la préparation de l'élément chlore ou de l’alcali, s'y trouvent décrits dans leur état actuel. L'industrie des explosifs y est étudiée dans ses traits essentiels. L’acide sulfurique forme aussi uu important chapitre, et les procédés par contact, dont l'importance s'aflirme tous les jours davantage, y sont traités avec quelque développement. Pour donner une idée nette de l'allure rapide avec laquelle les progrès ont été réalisés, les auteurs ont eu l'heureuse idée, chaque fois qu'ils décrivent une méthode ou un brevet, de noter entre parenthèses l’année pendant laquelle ces dispositions ontété annon- cées ou mises en œuvre. Peut-être eût-il été possible même, entrant dans cette voie plus largement encore, de donner l'indication complète des sources originales où les questions sont étudiées dans le plus complet détil. L'usage de les mentionner est devenu très général, comme aussi l'usage d'indiquer, au début ou à la fin d’un chapitre, quels sont les traités modernes, français ou étrangers, que l’on peut utilement consulter si l'on veut des renseignements plus complets. Des tableaux stalistiques permettent de juger le développement de chaque industrie et les abaissements de prix que les perfectionnements successifs ont permis de réaliser. Les tableaux relatifs à l'industrie de aluminium en donnent un remarquable exemple. L'abondance des renseignements réunis dans cet ouvrage, et le soin avec lequel il a été tenu au courant des progrès modernes, le rendent tout à fait utile à ceux qui cherchent à perfectionner les méthodes, à ceux aussi qui veulent étudier les développements de la Chimie industrielle. LÉON PIGEON, Professeur adjoint à la Faculté des Sciences de Dijon. Villon (A.-M.) et Guichard (P.). — Dictionnaire de Chimie industrielle. Tome NI, fase. 26-27. (Prix : 2 fr. le fascicule.) — Bernard Tignol, éditeur. Paris, 1901. Ce fascicule comprend, notamment, les articles: Li- noléum, Magnésium, Malt, Manganèse, Mélasses, Mer- cerisage, Mercure, Molybdène, Monazites, Mordants, Mortier, Naphtaline, Nickel, Nitrates, Noirs, Opium, et le commencement de l’article Or. Molinié (Marcel). — Comment on obtient un cliché photographique. — 1 vol. in-18 de 188 pages. (Prix: 2 fr. 75.) Brunel et Ci, éditeurs. Paris, 1901. La plupart des petits Manuels de photographie n'of- frent aucune valeur soit scientifique soit technique ; aussi sommes-nous heureux de signaler ce volume, qui a le grand et rare mérite d’avoir été écrit par un homme compétent. 3° Sciences naturelles Guède (H.). — La Géologie. — 1 vol. in-8° de 724 pa- ges, avec 451 liqures dans le texte. (Prix : 8 fr. Schleicher frères, éditeurs. Paris, 4901. Ce petit livre peut être très utile en attirant, sur une science relativement jeune et trop souvent négligée, l'at- tention des hommessérieuxetinstruits. Malgré lesremar- quables progrès qu'elle a réalisés depuis quelques années, malgré l'intérêt philosophique et pratique qu'elle pré- sente pour tous les esprits tant soit peu ouverts et malgré la sagacité de sa méthode, la Géologie ne jouit pas en France, auprès du grand publie et même dans les milieux universitaires, de toute la considération qui lui est due. Il nous suffira de citer l'appréciation suivante, extraite d'un travail récent, publié dans une Revue des- tinée aux officiers de notre armée des Alpes {: « Ses docteurs les plus autorisés avouent eux-mêmes que 1 Cne Prnreau : L'épopée des Alpes, io Revue du Cercle mili- taire, ete..., de Lyon, no 2 (1er Avril 1901). profane ne peut-il que feuilleter avec discrétion Ie théories géologiques, et doit-il se borner à transcrire quelques-unes de leurs conclusions les mieux établies. Cette opinion n’est que le reflet d'une manière de vo qu'excuse seule l'ignorance complète dans laquelle on été laissés pendant longtemps, en ce qui concerne les questions géologiques, les hommes cultivés de notre temps. En reprochant à la Géologie de coordonne les faits d'observation par des hypothèses, on oublie que c'est là précisément la méthode de toutes les sciences inductives, et que la Physique et la Chimie par exemple, que d’aucuns se plaisent à opposer aux Sciences naturelles, vivent, elles aussi, sur des hypo thèses; que sont, en effet, Les notions de l'éther, de là constitution moléculaire des corps, des groupements atomiques, et tant d'autres, sinon des hypothèses relianf. rationnellement un grand nombre de faits observés”? La moindre faveur que rencontrent auprès du publi@ les sciences géologiques tire son origine du fait que ces sciences ont été, jusqu’à ces derniers temps, à peu près exclues des programmes de l’enseignement secondaire la plupart des personnes qui se montrent si méprisantes à leur égard ne savent rien de leur méthode, des résultats auxquels elles conduisent, du but qu'elles visent et de l'intérêt qu'elles présentent. Ce singulie état d'esprit paraît être trop souvent, surtout en pro vince, entretenu, il faut bien le dire, par les représen- tants plus ou moins attitrés des sciences rivales, qui verraient avec un certain déplaisir l'enseignement de la Géologie se développer aux dépens de budgets dont elles avaient jusqu’à présent la plus grande part, eb partager auprès des Pouvoirs publics des ressources et des honneurs qui leur semblaient à tout jamais réservés On comprendra dès lors.combien tous les amis de notre science applaudissent à chaque tentative faite pour faire pénétrer les notions géologiques dans les milieux éclairés, et pour intéresser ce qu'on est convenu d'appe= ler les « gens du monde » à l'histoire de notre Globe. M Le livre de M. Guède n’est destiné, dit l’auteur, ni aux savants, ni aux professeurs; il s'adresse à toutes les per sonnes instruiles; son but est de leur inspirer « le res pect et l'admiration pour une science dont l’utililé pra= tique est démontrée par de plus autorisés que lui, et qui recherche la solution du plus mystérieux problème qui soit posé à l'esprit humain ». M. Guède s'est proposé de présenter à ses lecteurs un ouvrage suffisamment débar= rassé de l'appareil documentaire et technique qui rend inaccessible ou fastidieuse à la plupart la lecture de cer- tains traités classiques, mais cependant suffisamment renseigné pour fournirune base solide à ceux qui désirent se rendre compte et s'instruire, pour montrer aussi aux « sceptiques et aux incrédules que tout n'est pas, en Géologie, du ressort de l'imagination, qu’elle est une science véritable », que sa méthode est remarquable d'ingéniosité et que son but n'est en aucune façon, comme on a voulu le faire croire, la satisfaction de quel", que manie de collectionneur bonne à faire l'objet de plaisanteries renouvelées de Toeppfer et à fouruir un aliment facile aux railleries dés gens d'esprit. | Considéré comme un résumé d'ouvrages plus com plets, notamment du Traité de M. de Lapparent, le livres de M. Guède mérite des éloges pour sa clarté et poux la facon consciencieuse avec laquelle il a été élaboré. Peut-être trouvera-t-on certains chapitres, très subs tantiels, un peu trop concis, ce qui donne à l’ensemble une certaine sécheresse et en rend la lecture difficile pour les personnes habituées à l'allure ordinaire des œuvres de vulgarisation. On regrettera aussi que le nombre des illustrations ne soit pas plus élevé. Parmi les 151 figures intercalées dans le texle, beaucoup, notamment celles qui représentent des fossiles, sont d'une très mauvaise exécution ‘, On peut aussi repro- ! Voir notamment les figures 44 (Spirifer), 77 (Trigonia navis) et 89 (Nerinea), qui ne peuvent donner qu'une idée fort imparfaite de ce qu'elles sont censées représenter. her à l’auteur des érreurs de détails (ÆHoplites |!) Misus, p. 576, etc), qui lui sont imputables, et d’autres ui ne sont que la réédition d'inexactitudes contenues dans les ouvrages dont il s’est servi. Il est à remarquer, ën outre, d’une facon générale, que la citation des sour- es n'est pas toujours faite avec discernement, et l’on Sapercoit parfois trop clairement que M. Guède n'a pas étudié lui-même le fond des questions qu'il expose. On beut le louer, en revanche, d’avoir reproduit quelques- unes des conclusions de la Paléontologie moderne, et de contribuer ainsi à détruire dans le public un certain ombre d'idées fausses citées fréquemment comme des dogmes de la science moderne. L'auteur reconnait que son livre ne contient pas d'idées originales; aussi est-il difficile de lui faire des ritiques qui ne retombent pas sur les ouvrages qu'il le plus fréquemment utilisés. On y trouve, en effet, sans peine la trace des savants dont il s’est inspiré: ainsi qu'il est dit dans la Préface, l'autorité de M. de Lapparent, dont il a pris le Traité classique pour guide, estsouvent invoquée, et l’enseignement de la Sorbonne semble également avoir eu quelque influence sur la édaction du volume. M. Guède ne pouvait en vérité ieux choisir ses Maîtres; aussi le pelit livre qu'il vient de faire paraître constitue-t-il un essai de très bonne et sérieuse vulyarisation, et trouvera-t-il sa place dans la bibliothèque de toutes les personnes soucieuses de suivre d'un peu près le mouvement scientifique actuel; il ren- “ra également des services appréciables aux prolesseurs de nos lycées, lorsque ceux-ci n'auront pas les loisirs nécessaires pour consulter des ouvrages plus complets. Enfin, il peut être recommandé, pour le début de leurs études, aux étudiants qui se destinent à suivre l’ensei- gnement de nos Facultés; ils y trouveront un premier résumé des matières qu'ils sont appelés à approfondir par la suite. W. KiLiaw, Professeur de Géologie à l'Université de Grenoble. 4° Sciences médicales ‘Gouget (A.), Médecin des Hôpitaux.— L’Insuffisance _ hépatique. — { vol. 1n-8° de l'Encyclopédie scienti- lique des Aide-Mémoire. (Prix, broché : 2 fr. 50; cartonné : 3 {r.) Masson et Cie, éditeurs. Paris, 1901. Un organe est dit insuffisant lorsqu'il n’est plus apte à remplir normalement sa tâche; cette définition, donnée par M. Gouget en tête de son ouvrage, délimite nettement son sujet et la manière dont on doit l’en- tendre actuellement. . Il ne s’agit donc pas, dans l'espèce, d'une maladie particulière, ni d’une phase ullime de désorganisation, mais bien de toute déchéance fonctionnelle, grande ou petite, de l'organe, et des causes multiples qui peu- vent l’amener. D'ailleurs, dans la conception moderne | de la Pathologie générale, lé mot d'insuffisance est . employé el entendu de même pour tous les organes, L'étude de l'insuffisance organique comporte une con- naissance approfondie de la physiologie locale, et c'est . pourquoi on peut seulementaujourd'hui esquisser, sinon . établir, le tableau de l'insuffisance du foie : cette glande n'est plus, comme autrelois, uniquement l'organe sécré- teur de la bile. Les travaux des dernières années ont montré que le foie a pour fonctions : 1° l'élaboration de la bile ; 2° l'emmagasinement de la matière glycogène _ et sa transformation en sucre, qu'il rend à l'organisme _ au fur et à mesure de ses besoins; 3° la protection de l'organisme contre les poisons du dehors et du dedans, qu'il emmagasine ou qu'il transforme pour les éliminer. Ces fonctions capitales s'’accomplissent dans la cel- lule hépatique, et de l'intégrité de cette cellule dépend le rôle physiologique normal du foie : done, étudier l'insuffisance hépatique se ramène, en dernière analyse, à étudier l'insuffisance de la cellule hépatique. Or, les causes sont innombrables qui peuvent altérer _ cette cellule; l’auteur classe les causes déterminantes en mécaniques, toxiques, parasitaires, dyscrasiques et BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1033 nerveuses. Les causes toxiques sont de beaucoup les plus fréquentes, comme le rôle physiologique du foie pouvait le faire supposer à l'avance, depuis les poisons minéraux comme le phosphore, jusqu'aux poisons orga- niques, comme l'alcool et les toxines digestives ou autres. C’est dans cette catégorie que doivent rentrer la plupart des causes dites parasitaires, car c’est par les toxines microbiennes que le plus grand nombre des infections yicie le fonctionnement de la cellule hépatique et cause ces insuffisances, parfois si brusques qu'on a pu em- ployer pour elles l'expression d'asphyxie hépatique. Nous ne pouvons suivre M. Gouget dans l'étude des symptômes qu'il a classés par systèmes d'une façon par- faitement claire et dont il fait l'interprétation eritique avec une compétence marquée. Au lieu de se perdre dans une infinité de formes cliniques, faciles à établir suivant la prédominance symptomatique, l’auteur pré- fère distinguer trois formes, d'après l'importance des manifestations : une {orme latente, reconnaissable seu- lement à l'examen de l'urine; une petite insuffisance, « petits signes de l'hépatisme » ‘de Hanot observés au cours d’une affection hépatique ou d'une maladie aiguë ou chronique, indiquant une atteinte sérieuse des cellules hépatiques; enfio, la grande insuffisance, décrite autrefois sous le nom d'ictère grave, et dont la physio- nomie a élé précisée par les travaux récents. - Le traitement sera surtout prophylactique, et l'étude des causes suffit à en établir les règles. Une fois consti- tuée, l'insuffisance hépatique peut être enrayée tant qu'il s'agit de forme latente ou petite. Pour cela, il faut dépister la cause; puis s'adresser aux grands modifica- teurs de la nutrition générale, iodures, alcalins, hygiène alimentaire, cures hydrominérales appropriées, et peut-être opothérapie. La grande insuffisance ne laisse que peu d'espoir à la thérapeutique. Le petit livre de M. Gouget se recommande par sa clarté; il ne s'encombre pas d'un luxe d'érudition inu- tile ; il constitue une suite naturelle au magistral volume de M. H. Roger sur la Physiologie du foie, publié dans la même Encyclopédie. Ray. Duranp-FARDEL, Ancien chef de Clinique à la Faculté de Médecine. 5° Sciences diverses Geoffroy-Saint-Hilaire (Etienne). — Lettres écrites d'Egypte, recueillies et publiées avec une Préface et des Notes, par le professeur E.-T. Hamy. — 1 vol. in-16 de 280 pages. (Prix : 3 fr. 50.) Hachette et Ce, éditeurs. Paris, 1901. Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, membre de la Com- mission des Sciences et des Arts que Bonaparte emmenait en Egypte à la suite de l’armée, s’'embar- qua à Toulon le 29 floréal an VI (18 mai 1793). IL revil les côtes de Provence le 27 brumaire an X (18 novem- bre 1801). Pendant ces trois ans et demi, il écrivit régulièrement à sa famille, au directeur du Muséum et aux professeurs ses collègues, à ses amis enfin, et particulièrement à Georges Cuvier, avec qui il était étroitement uni. Certaines de ces lettres, celles, en particulier, que Geoffroy envoya pendant son voyage en Haute-Egypte, sont perdues ou inaccessibles (il doit y ea avoir notamment dans les Archives de l’Amirauté anglaise). Cependant, grâce à des recherches prolon- gées dans les Archives de la famille Geoffroy-Saint- Hilaire, dans celles du Muséum, à la Bibliothèque de l'Institut et dans d’autres dépôts encore, M. Hamy en a recueilli soixante-six, qu'il vient de publier et qui constituent pour l'histoire politique de l'Expédition d'Egypte et pour l'histoire de la Commission des Sciences une source précieuse de renseignements. La lettre XIII contient un récit de la bataille d'Abou- kir donnant quelques détails ignorés jusqu'ici. On trouvera dans la lettre XV un récit de la formidable insurrection qui éclata au Caire le 30 vendémiaire an VII, coùta la vie à des officiers et même à des savants, et fit courir à Geoffroy-Saint-Hilaire lui-même un certain danger. Il vivait, en compagnie de plusieurs 1034 collègues, dans les maisons de Beys affectées par Bonaparte à l'Institut d’Egypte.: Déjà, l'insurrection arrivait jusqu à eux. Ils délibérèrent s'ils ne se reti- reraient pas sur le quartier général. « Mais la crainte de livrer au pillage la bibliothèque et les laboratoires de Chimie nous a retenus, dit Geoffroy, et déterminés à disposer nos maisons en une petite forteresse; nous nous sommes assigné des postes. » Mais, avant que les savants n'aient eu à faire usage de leurs fusils, Lannes arriva et les délivra. Geoffroy aimait déjà cet Institut d'Egypte, qui venait d'être créé; il en espérait beaucoup et il y revient souvent dans sa correspondance. Il avait fait partie de la Commission chargée d'organiser cette Société savante, qui fut fondée le 3 fructidor an VII. Dans une lettre du 6 fructidor ‘, il en décrit ainsi l’organisation : « Deux palais de Beys et deux autres maisons de riches particuliers, toutes contiguës, logeront tous les savants et artistes. Ces maisons nous fournissent peut-être plus de commodités et au moins autant de magnificence qu'on en trouve au Louvre. Un jardin immense, dont la superficie équivaut à peu près à 35 arpents de France, bien planté, avec nombre de terrasses élevées, où jamais l’eau du Nil ne parvient dans les inondations, est destiné à la Culture et à la Botanique. La salle d'assemblée est déjà garnie des plus riches meubles trouvés chez les mameloucks.» Il constitua une ména- gerie avec les animaux curieux renfermés dans les palais des Beys, dont la bataille des Pyramides avait anéanti la puissance. « Mais, ce qui fait surtout l’am- bition des membres de l’Institut, dit-il encore, c’est de vous envoyer le premier volume de nos Mémoires avant que celui de l'Institut de France ait paru. Nous travail- lons, pour y réussir, avec constance. » Aucun des membres de l'Institut national du Caire ne mit plus de zèle que Geoffroy à en rendre les séances animées et intéressantes. Dès l'ouverture, il lit un Mémoire sur l'aile de Fautrüche, et il en préparait un autre sur le Cynocéphale des anciens Egyptiens au moment où éclata l'insurrection du 30 vendémiaire. Les événements politiques entravent la régularité des travaux de l'Ins- titut; mais, sitôt qu'il peut tenir séance, Geoffroy apparait, un manuscrit à la main, et il lit, un jour, un Mémoire sur le Zichir, et, le lendemain, un autre sur le Fachhaca. I est animé d’une ardeur au travail que rien ne peut éteindre. Et si, comme ses collègues, quoique moins que ses collègues, il a des moments d'angoisse et même de désespoir, en voyant sans cesse ajourné l'instant du retour en France, il se res- saisit bien vite, grâce à sa passion pour la Science. Si Geoffroy souffrit beaucoup en Egypte, moralement et même physiquement, puisqu'il fut atteint d'une ophtalmie très grave, dont il conserva toujours des traces, il y recueillit une quantité de notions nouvelles, dont il bénéficia toute sa vie. Geoffroy apparait, dans sa correspondance, non seulement comme un savaut ardent à la recherche de la vérité, mais aussi comme un fils très affectueux et un ami attentif. Il écrit, le 23 pluviôse an IX, à son père : « À l'exception de vous revoir tous, mes bons parents, je n'ai rien ici à désirer... Qui me dédom- magera de votre privation et de celle de toute la famille ? » Il exprime son amitié à Cuvier de celte facon délicate : « J'ai beaucoup vu de monde dans mon grand voyage, mais je n'ai connu personne qui pût par les brillantes qualités du cœur et de l'esprit me faire oublier mon ancien ami. » Il s'intéresse aux travaux et à la carrière de ses collègues. Il s'inquiète de Dolomieu et déplore les 1 Pour les lettres XVII et XIX, la concordance entre les dates du calendrier révolutionnaire et celles du calendrier grégorien n'est pas exacte. Le 6 fructidor an VI correspond au jeudi 23 août 1198. — Signalons aussi une contradic- tion. L'arrêté créant l'Institut d'Egypte est donné p. vu comme ayant été promulgué le 23 fructidor an VI, et p. 70, note 4, le 3 fructidor an VI. C'est cette dernière date qui est exacte. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX . auprès du général anglais en personne; peine perdue inattendu. Hamilton, soudain effrayé de l’horrible res- « injustes vexations qu'on lui a fait éprouver ». Ets l'intérêt qu'il prend au décès de Daubenton est peus être partiellement causé par l'espoir d'hériter de so losement au Muséum, on excusera facilement, em raison des tribulations subies par Geoffroy, ce léger sentiment d'égoisme. ) Le courage constitue encore un des traits du caraë tère de Geoffroy. Dans une circonstance critique, il rendit, par son énergie, un immense service à son pays | et à la Science. Un article de la capitulation signée p le général Menou et quiabandonnait l'Egypte à l'arm anglo-turque, stipulait que les manuscrits arabes, les statues et les autres collections faites pour la République francaise seraient considérés comme propriété pus blique et mis à la disposition des généraux de l’armée combinée. La chose s'était passée entre militaires, qui considéraient ces caisses dans lesquelles les savants francais avaient emballé leurs trouvailles comme un bagage encombrant et de peu de valeur. Si le générah anglais Hutchinson avait tenu à l'insertion de cet article c'est qu'il agissait sous l'inspiration d’un certain littéra= teur, W.-R. Hamilton, alors dans son camp, qui avait jugé tout simple de récolter la moisson péniblements préparée par d’autres. Nos savants dépouillés, ayant sans succès représenté à Menou l'importance du dom mage qu'il leur causait, décident d'aller s'expliquer Hamilton vient de sa part les informer que la capi tulation doit être exécutée dans toute sa teneur. Mais alors, Geoffroy, se voyant privé, lui et ses collègues, dew ce qu'ils n'avaient acquis qu'au prix d'un labeur immense et de mille souffrances, est saisi d’une noble indignation. Il déclare que les collections seront dé truites plutôt que d'être livrées aux Anglais : «Il ne sera pas dit qu'un pareil sacrifice ait pu s'accomplir.M Nous brûlerons nous-mêmes nos richesses. C’est à la célébrité que vous visez. Eh bien! comptez sur les sou- venirs de l'Histoire : vous aurez aussi brülé une biblio- thèque d'Alexandrie, » Ces paroles produisent un effet ponsabilité qu'il encourt, reconnait la malhonnèteté de l'acte qu'il allait commettre, se fait auprès du général M Hutchinson l'avocat de la cause dont il était, il y a quel- ques heures, l'adversaire irréductible, et le convainc. Si les savants et les artistes français ont conservé et rapporté les précieux cocuments qui leur ont permis d'édifier cette œuvre grandiose qu’est la Description de l'Egypte, c'est donc à Geoffroy Saint-Hilaire que la France et la Science en sont redevables. Comme on en peut juger, l’intèrêt intrinsèque de cette correspondance est grand ; cépendant, la manière dont elle est présentée en accroît considérablement la valeur. Dans la Préface, M. Hamy nous fait suivre Geoffroy depuis le moment où il consent, sur les instances de Berthollet, à faire partie de l'Expédition, jusqu'au jour (6 pluviôse au X) où il reprend sa place à l'assemblée des professeurs du Muséum. Un appendice contient M plusieurs morceaux qui complètent très heureusement L les Lettres : un récit de Geoffroy sur la visite de Bona- parte aux Pyramides, une conversation de Bonaparte M sur « la dignité des sciences », tenuele 1°° fructidor an VII, dans les jardins de son palais du Caire, avant son départ pour la France. Enfin, pas un personnage ne figure sans être introduit par quelques mots brefs, mais précis : c’est un modèle de commentaires. On regrelte seulement l'absence d’un index alphabétique. M. Hamy a entouré les Lettres d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire d'un appareil d'érudition dont l'abondance et la sûreté n'étonneront aucun de ceux qui ont mesuré, pour en avoir maintes fois bénélicié, l'étendue de ses connaissances. C'est un plaisir de revivre, grâce à lui, dans la société des Geoffroy Saint-Hilaire, des George Cuvier, des Lacépède, des de Jussieu, dans le grand et beau monde scientifique de la fin du xvune siècle. Hexri DERÉRAIN, Docteur ès lettres, s Sous-Biblhothécaire de l'Institut. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1035 ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 4 Novembre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Obrecht présente 1: GERS de la comète 1901 à, faites à l'Obser- valoire de Santiago du Chili, et calcule les éléments de Cette comète. — M. Birkeland a recherché si les pla- nètes Mercure, Vénus et Jupiter exercent, par la gra- vitation, une influence sur la fréquence des taches solaires ; le résultat est négatif, et la cause de la période undécennale doit être recherchée dans le Soleil même. -— M. H. Poincaré étudie, au point de vue de l’aualy- sis situs, certaines variétés fermées à quatre dimen- sions qui sont formées par les points réels et imaginaires d'une surface algébrique. — M. H. Poincaré présente un Rapport sur Tes papiers laissés par Halphen. Ce sont surtout des rédactions de Mémoires qui ont été publiés ou des essais de rédaction. 11 n'y a que quelques Notes inédites susceptibles d'être publiées par des recueils … périodiques. — M. L. Raffy démontre les propositions - suivantes : Si l’une des familles d'un réseau conjugué persistant est plane, l’autre famille l’est aussi. Les seules surfaces qui présentent un réseau conjugué persistant, dont une famille est formée de courbes planes, sont les surfaces de M. Goursat. — M. G. Mo- reau détermine l'équation de la courbe adiabatique. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. V. Raulin rappelle l'hy- pothèse, qu'il a émise en 1866, d'une rotation du pôle magnétique boréal autour du pôle terrestre, sur le parallèle du 70°, qui s'effectuerait en 600 ans. L’obser- . vation de la variation de la déclinaision et de l’'inclinai- . son dans ces 35 dernières années confirme pleinement . cette hypothèse. — M. H. Hervé décrit les expériences d'aéronautique maritime récemment faites par le comte de la Vaulx avec son ballon Le Méditerrancen. Le - problème de la sécurité par l'emploi des méthodes de stabilisation dépendante, et celui de la dirigeabilité par un engin déviateur paraissent résolus. 1 reste à réaliser l'équilibre indépendant sans communication avec la surface liquide. — M. R. Blondlot communi- que une méthode propre à déceler de très petites charges électriques; on induit sur des conducteurs semblables des charges égales et de signe contraire qu'on communique plusieurs fois de suite à un con- ducteur isolé; on mesure ensuite la charge de celui-ci avec un électromètre idiostatique extrêmement sensi- ble. —- M. H. Becquerel a observé quelques réactions chimiques dues à l'influence du rayonnement du radium. Ce sont, outre la coloration des verres, déjà signalée par M. et M“ Curie, M. Berthelot, la trans- formation du phosphore blanc en phosphore rouge, la réduction du bichlorure de mercure en présence d'a- - cide oxalique. L'action prolongée du rayonnement du radium a Ôté aux graines de cresson la faculté de ger- mer. — M. H. Moissan à constaté que le chlorure d'ammonium en solution dans l’ammoniac liquéfié s'électrolyse avec facilité; mais il ne fournit que de l'hydrogène au pôle négatif et du chlore au pôle positif. Ces expériences confirment, celles de M. Ruff sur l'io- dure d'ammonium et la non-existence de l’'ammonium en présence de iammoniac liquéfié. — M. H. Moissan a observé également que le calcium-ammonium et le lithium-ammonium réagissent sur le chlorure d’ammo- nium en solution dans l’ammoniac liquéfié à — 80°; mais, dans ces conditions, il y a mise en liberté d'am- moniac et d'hydrogène, et le groupement AzH*, l’am- monium, ne peut être isolé. — M. V. Thomas, en faisant réagir le brome, en présence de l’eau, sur TI CI, DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER a obtenu un seul chlorobromure du IXT, à savoir EIBSCE. Il cristallise en aiguilles et en lamelles mé- langées, ou en lamelles seulement; les deux paraissent d'ailleurs appartenir au même système cristallin. — M. A. Clermont, en traitant un mélange d'alcool et d'acide trichloracétique par H°SO' mouohydraté, a obtenu l’éther trichloracétique. Additionné d'ammo- niaque, ce dernier, se transforme en trichloracétamide. — M. M. Delacre communique un certain nombre d'expériences sur la pinacoline, qui le conduisent à admettre que celle-ci correspond à un état d'équilibre entre les deux formules : (CH#}C.CO.CH* et (CH°)°.C — C.(CH*}°. NA 0 — MM. E. Charon et D. Zamanos ont recherché la constitution du picéol, phénol obtenu par dédoublement de la picéine, glucoside du sapin épicéa. Il est identi- que à la paraoxyacétophénone. Ils en ont préparé l’oxime, l’hydrazone et la semicarbazone. — MM. F. Bordas et de Raczkowski ont étudié les effets de la congélation sur le lait. La partie supérieure du bloc est presque exclusivement constituée par de la crème, tan- dis que le centre et la base contiennent peu de beurre et la majeure partie du lactose, de la caséine et des sels. — M. V. Génin indique une méthode de calcul du mouillage et de l'écrémage simultanés d'un lait falsifié en tenant compte du volume spécifique du beurre qui est sensiblement constant par rapport aux autres caractéristiques du lait. — MM. Lépine et Boulud étu- dient les sucres du sang, leur glycolyse et la formation d'acide glycuronique conjugué dans diverses conditions. — M. H. Lecomte a étudié la formation de la vanilline dans les fruits du vanillier pendant leur préparation : un ferment hydratant transforme la coniférine nais- sante en alcool coniférylique et en glucose; puis une oxydase transforme l'alcool coniférylique en vanilline. — MM. J. Dybowski et Ed. Landrin ont retiré des racines de l’/hoga, plante connue par ses propriétés excitantes, un alcaloïde, l'ihoganeïne, cristallisé, inso- luble dans l’eau, soluble dans l'alcool, F. 152°, de for- mule probable CH°5Az"0®. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. Bouiïlhac a observé que le Nostoc et l'Anahæna, semés ensemble en solu- üons nutritives et exposés à des radialions lumineuses trop faibles pour décomposer l'acide carbonique, sont incapables de végéter sans avoir une malière organique à leur disposition; dans ce cas, le méthylal peut être utilisé. M. L. Ducamp a étudié la formation de l’ovule et du sac embryonnaire dans les Araïiacées et les modifications dont le tégument est le siège. — M. P. Lesage a constaté que les spores de Penicillium glaucum placées sur l’eau ne germent pas quand elles sont frôlées par un courant d'air alternativement sec et saturé de vapeur d’eau, mais germent bien dans un mélange des deux. Séance du 41 Novembre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. Janssen fait savoir qu'il a recu une dépêche du Caire lui annonçant que l'observation de l'éclipse, du 11 novembre, par MM. de la Baume-Pluvinel et Pasteur, a bien réussi. — M. Ed. Maillet communique ses recherches sur les équations différentielles rationnelles. — M. A. Davidoglou donne une intégrale faisant connaitre le nombre exact de racines communes à plusieurs équations. 29 SGIENCES PHYSIQUES. — M. R. Blondlot commu- nique une série d'expériences dont le résultat est 1036 qu'il n'existe pas de déplacement électrique lors du mouvement d'une masse d'air dans un champ magné- tique. Ce résultat est contraire à la théorie de Hertz sur l’électrodynamique des corps en mouvement, mais conforme à celle de Lorentz. — M. A. Blondel indique une méthode nouvelle pour l'étude de la parole et des courants microphoniques. Elle consiste à amplifier les courants microphoniques par la résonance électrique, et à inscrire les courants amplifiés au moyen de l’oscil- lographe. — M. H. Moïssan décrit une nouvelle mé- thode de manipulation des gaz liquéfiés en tubes scellés. — Le même auteur a fait réagir à 73° l'hydrogène sul- furé liquide sur le lithium-ammonium et le calcium- ammonium; il se produit de sulfure de Li ou Ba et il se dégage de l'ammoniaque ou de l'hydrogène. L’ammo- nium n'existe donc pas en présence de l'hydrogène sul- furé liquide. — M. A. Chassy a étudié la formation de l'ozone par le passage de l’effluve électrique dans l’oxy- gène. La quantité d'ozone formée tend vers une limite qui dépend uniquement de la température et non de l'intensité du courant. — MM. A. Desgrez et V. Bal- thazard signalent quelques modifications à leur appa- reil pour la régénération de l'air confiné au moyen du bioxyde de sodium. C 3° SCIENCES NATURELLES. — MM. P.-P. Dehérain et C. Dupont étudient l’origine de l'amidon du blé. Ils montrent que ce sont les tiges du blé restées encore vertes, quand les autres parties de la plante sont déjà jaunies, qui décomposent l'acide carbonique aérien et élaborent les hydrates de carbone qui s'accumulent dans le grain, sous forme d’amidon. Cette production tar- dive d'amidon n’est abondante que si la dessiccation des tiges n’est pas prématurée; les auteurs rappel- lent qu'à Grignon, on à recueilli, en 1888, une récolte surpassant celle de 1889 de 4 q. m. par hectare et que cette notable différence était due à l'insuffisance de la production d’amidon; en 1888, année pluvieuse, on avait moissonné au milieu d’aout et le grain présentait une composition normale, tandis que le blé ayant été abattu trois semaines plus tôt pendant l'été brülant de 1889, l'amidon n'avait pas eu le temps de se produire. Louis BRuxET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 5 Novembre 1901. M. X. Delorme présente un rapport sur un mémoire du Dr Coromilas (d'Athènes) relatif au traitement des tuberculoses chirurgicales et de la tuberculose pulmo- naire par le sulfure de carbone térébenthiné. Dans les premières, l'auteur a obtenu de bons résultats qui sem- blent tenir à ce que le sulfure de carbone est un topique qui modifie d’une facon avantageuse les suppu- rations. Pour la tuberculose pulmonaire, les résultats sont moins certains; d'autre part, les injections pul- monaires de ce corps peuvent provoquer des accidents (suffocation, dyspnée). — M. Boinet communique cinq cas de rupture de la rate chez des Paludéens pendant un accès de fièvre intermittente ou un abcès pernicieux. _— M. Ed. Schaer annonce la découverte, dans l'écorce, le bois et la racine de gaïac, d’un nouveau constituant, appartenant à la classe des saponines. — M. Pitres, à propos de la récente communication de M. Dieulafoy, pense qu'elle ne constitue qu’un exemple de plus à ajouter à la longue liste des observations déjà connues dans lesquelles l’épilepsie jacksonienne à été provoquéepar une lésion siégeant en dehors de la zone motrice, mais qu’elle ne porte aucune atteinte à la doctrine des localisations cérébrales. M. Lucas-Championnière, à propos de la même question pense que, dans des cas analogues, on doit toujours intervenir par la trépana- tion; alors même qu'on ne tomberait pas exactement sur le siège de la tumeur, il se produirait une décom- pression, qui aurait les meilleures conséquences. — M. A. Proust répond aux critiques formulées par M. Bucquoy à propos du cas du Sénégal. Des instructions formelles ont été données depuis longtemps en vue de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES la destruction des rats sur les navires au point de vue de la prophylaxie de la peste. Pour les navires, seuls ceux qui transportent des émigrants sont tenus d'avoir du sérum antipesteux à bord ; mais il y avait au FrioulM une quantité suffisante de sérum pour inoculer tous les passagers. Le débarquement et la désinfection eussent dù être faits à l'ile de Pomègues, où se trouve tout la nécessaire. En ce qui concerne l’organisation du Frioul, elle ne s'est montrée insuffisante que par suite du grand nombre de passagers du Sénégal, nombre qui ne se présente pas dans les circonstances ordinaires. — M. Debove rappelle que l'Etat a encaissé, comme taxes sanitaires, de 1891 à 1900, 13.701.935 francs, tandis qu'il n’a dépensé que 5.239.075 francs. Si les installa- tions sanitaires laissent quelque chose à désirer, ce n'est pas faute d'argent. Séance du 12 Novembre 1901. M. Périer communique les résultats d’une expérience faite à la gare du Nord sur l'utilisation des crachoirs placés à la demande de la Commission de la Tubercu- lose. Il résulte des observations que la grande majorité des passants crachent à terre au lieu d'utiliser les era- choirs. — M. Magnan présente le rapport sur le Con- cours du Prix Lorquet. — M. H. Monod revient sur la question du Sénégal. L'inspection sanitaire officielle des pavires au départ est d'une exécution extrêmement “difficile. Le retard apporté au débarquement de l'équi- page provient de ce qu'on n'a pu obtenir plus tot un second bateau pour le transborder. M. L. Colin exprime le vœu que, dans des cas analogues, toutes les mesures soient prises pour assurer le débarquement immédiat du personnel, équipage et passagers, du bàti- ment infecté. SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 26 Octobre 1901. MM. Guillemonat et G. Delamare ont recherché le fer dans les ganglions mésentériques de divers animaux ; la quantité est faible; elle diminue dans l’inanition et augmente après la splénectomie. — M. Ch. Féré a cons- taté des oscillations inverses du travail des deux mains au cours de la fatigue. — M. E. Hédon à déterminé la température de coagulation du sérum de chien dialysé; à 1007, il n'est pas modifié; à 150°, il se coagule en quelques minutes. — M. J. Audrain à observé que les spermatozoidessont très fréquemment placés quatre par quatre sur les cellules de Sertoli dans les tubes sémi- nifères. — M. G. Meillière, sans nier l'influence mar- quée que peuvent avoir les produits biliaires sur la mesure de la tension superficielle des urines, pense qu'il est prudent de ne pas accorder à cette dernière une valeur diagnostique absolue. — Le même auteur indique une méthode d'extraction des acides bilaires des liquides organiques, et en particulier de l'urine. — M. G. Weiss à constaté que le régime alimentaire apporte rapidement des modifications importantes dans la structure des organes de la digestion des animaux. — M. Em. Bourquelot recherche, dans les végétaux, le sucre de canne à l’aide de l'invertine et les glucosi- des à l’aide de l’émulsine (p. 985). — MM. L. Grimbert et G. Legros proposent, comme milieu de culture pour les bacilles typhique et coli, au lieu du petit-lait tour- nesolé de Pétruschky qui n'a pas grande valeur, une solution peptonée de lactose pur parfaitement neutre et additionnée de teinture de tournesol sensibilisée. — MM. J. Camus et P. Pagniez ont constaté que l'éthéro- bacilline a une action hémolysante sur les globules rouges humains, action qui est empêchée par le sérum. — M. Touche a pratiqué l'autopsie dans un cas d’apha- sie motrice ; il existait, outre une lésion de la troisième frontale, une lésion temporale et une lésion insulaire. — M. Alezaiïs a étudié les dimensions du canal rachi- dien chez un certain nombre de Mammifères. Elles sont fonction de la mobilité de la région cousidérée et aussi du volume de la moelle. — M. A. Chipault à “pratiqué 57 cas de ponction sacro-lombaire dans une intention thérapeutique; 9 fois la ponction est restée blanche ; 25 cas ont donné un résultat nul, 14 un résul- tat palliatif et seulement symptomatique, 9 un résultat - curalif. — M. V. Balthazard a constaté que la teneur du foie en lécithine s'accroît dans les infections, intoxica- tions et aulo-intoxications. Une grande partie des léci- thines hépatiques proviendraient de la destruction des leucocytes du sang circulant, — M. J. Lefèvre démon- tre l'absence de constante calorimétrique dans les calorimètres déperditeurs; les résultats obtenus par ces appareils sont doncentachés d'erreurs graves. Pour graduer les appareils déperditeurs non rétrogradeurs, » ou pour comparer des sources caloriques à l’aide de ces appareils, il faut employer des sources constantes. Séance du 2 Novembre 1901. M. Ch. Féré a trouvé que la digitale et la spartéine, qui ont une action durable sur l’activité automatique, n'ont qu'une action éphémère sur l’activité volontaire. — Le même auteur a constaté que la vue d’un objet en mouvement détermine une excitation dont les effets - sont pondérables. L'excitation est plus marquée à la - main droite qu'à la main gauche. — MM. Emmerez de + Charmoy et P. Mégnin ont observé chez les poulets de - l'île Maurice une nouvelle maladie parasitaire conta- - gieuse; c'est une ophtalmie, provoquée par la présence - de petits vers sous la membrane nictitante. Ces vers | constituent une espèce nouvelle de Spiroptères : Spi- » roptera Emmerezii.— M. J. Brault à fait l'examen du ) sang d'un certain nombre de paludiques avérés n'ayant pas pris de quinine depuis longtemps, et il n'a pas * trouvé l'hématozoaire de Laveran chez beaucoup d’en- - tre eux. M. Laveran craint que la technique de - M. Brault ne laisse à désirer. — M. J. Brault a constaté que la diazoréaction d'Ehrlich est généralement nulle dans la malaria et très franche dans la dothiénentérie ; c'est un moyen assez précieux de diagnostic. — M. Eug. Dupuy a remarqué une corrélation des états patholo- giques de la thyroïde, de la prostate et de l'utérus. — M. G. Rosenthal conseille, pour la séparation des germes anaérobies cullivés en tubes de Zuber-Veillon, la méthode d'isolement et de lavage dans une boîte de Pétlri. — MM. Oddo et Darcourt ont étudié les troubles des réactions électriques dans la paralysie familiale périodique. — M. V. Henri a recherché la loi d'action de la sucrase; elle correspond à la formule : K=+ LE 08 a— x" où a est la concentration de la solution de sucre au début, et x la quantité intervertie dans un temps 4. — Le mème auteur a vérifié les conséquences de cette loi en faisant agir la sucrase sur un mélange de saccharose et de sucre interverti. — M. F. Arloing a reconnu que le sérum antituberculineux, introduit dans l'organisme en même temps que l’agent microbien par la voie sé- reuse, exerce une action favorisante certaine sur l’infec- tion par le bacille de Koch en culture liquide homo- gène. SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 8 Novembre 4901, M. R. Delange a obtenu le dichlorométhènedioxy- propylbenzèue en traitant le propylméthènedioxy- benzène, produit de réduction du safrol, par le per- chlorure de phosphore. Ge corps est, dans ses réactions, comparable à un chlorure d'acide; il réagit sur les alcools, les phénols, l'ammoniaque, les amines, etc. — M. Wyroubof discute la théorie de M. Posternak sur les colloïdes, et note qu'elle n’est applicable ni aux col- loïdes organiques solubles, ni aux colloïdes solubles ou insolubles d’origine minérale. Il fait voir, par l'exemple du métaoxyde de thorium et de l'acide sulfochromique, que la cause de la coagulation n’est pas la même dans REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1037 tous les cas, que ce phénomène est dù à la formation de corps insolubles très différents par leur caractère chimique, mais qui ont tous une composilion cons- tante et obéissent tous à la loi des proportions définies. — M. le D' Posternak fait remarquer, en réponse à M. Wyrouboff, que les colloïdes ne peuvent plus être définis, à l'heure actuelle, comme des corps ne passant pas à travers une membrane, vu la variabilité des phé- nomènes osmotiques suivant la nature de la membrane étudiée, comme cela nous a été révélé par les travaux de Jolly, Pfeffer, Traube, Hamburger, Hedin, etc. Il insiste ensuile sur /a relativité de la conception des colloïdes et sur la nécessité qui en découle d'introduire dans la définition des colloïdes l'indication du dissol- vant par rapport auquel les propriétés physiques d'un solide sont étudiées. Quant au rapport des matières salines aux colloïdes minéraux et spécialement aux oxydes des terres rares, M. Posternak se plaît à cons- later qu'aucune des objections nombreuses contre l'interprétation chimique des phénomènes de modifi- cation d'état des colloïdes qu'il a développées dans son mémoire, publié dans les Annales de l'Institut Pasteur, n'a trouvé de réponse satisfaisante dans la communi- cation de M. Wyrouboff. Aux faits plus anciens de M. Béchamp, de MM. Zinder et Picton, viennent se joindre ceux que M. van Bemmelen a publiés récem- ment sur l'absorption des matières salines par l'acide mélastannique, qui plaident résolument contre les idées de MM. Wyrouboff et Verneuil sur Ja polymérisation variable des oxydes condensés des terres rares et sur la facullé que ces derniers posséderaient de former de véritables sels avec les acides minéraux. — M. Mois- san expose l'étude des combinaisons du fluor et du soufre qu'il a faite en collaboration avec M. Lebeau. Il décrit l'hexafluorure de soufre, les fluorures de sulfu- ryle, de thionyle, et enfin le tétrafluorure de thionyle. Il montre avec expériences à l'appui les propriétés fondamentales de ces divers corps. — M. Béhal pré- sente une note de M. L. Lindet sur le dosage de l’amidon dans les graines des céréales, et deux de MM. Reverdin et Crerieux sur l’action de l'acide nitrique sur la toluène o.-nitro-p.-sulfamide-1.2.4 et la nitration du p.-sulfo- chlorure de toluène et sur quelques dérivés du p.-sulfo- chlorure de toluène et l'o.-nitro-p.-sulfochlorure de to- luène. — MM. Darzens et Armingeat présentent une note sur l'emploi du salicylate de sodium pour le dosage des mélanges d’alcools terpéniques et de leurs éthers. SOCIETE ROYALE DE LONDRES 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. . G. H. Darwin : La figure pyriforme d'équilibre d’une masse fluide en rotation. — L'auteur à repris quelques-uns des résultats obtenus par M. Poincaré daus son mémoire des Acta, avec des notations adaptées à l'emploi de l'analyse harmonique. Ayant trouvé les expressions générales des coefficients de stabilité, celles des sept coefficients correspondant aux harmo- niques du troisième degré, applicables aux éllipsoïdes de Jacobi, sont réduites en intégrales elliptiques. Un résultat numérique semble indiquer que, lorsque l'ellipsoide s’allonge, il devient plus stable vis-à-vis des déformations du troisième degré et d'ordres supé- rieurs, et moins stable pour les ordres inférieurs du même degré. La solution numérique de l'équation obtenue en ré- duisant à 0 le coefficient correspondant à la troisième harmonique zonale montre que l’ellipsoïde critique de Jacobi est tel que ses axes sont proportionnels à 0,65066 ; 0,81498 et 1,88583; la vitesse angulaire w et Ja densité p du liquide sont reliées par l'équation p? , . . = — 0,142. L'ellipsoide est la figure stable la plus longue des séries de Jacobi. Une figure de déformation de cet ellipsoïde crilique par la troisième harmonique zonale a été tracée par l’auteur. La figure pyriforme est plus longue que ne le supposait M. Poincaré. DD+** 1038 H. Poinearé : Sur la stabilité de l'équilibre des figures pyriformes affectées par une masse fluide en rotation. — J'ai publié autrefois, dans le Tome VIl des Acta Mathematica, un mémoire où J'étudie diverses figures d'équilibre nouvelles d'une masse fluide homo- gène en rotation. Presque toutes ces figures sont insta- bles; une d'elles cependant, qui est pyriforme, est (rès probablement stable. Mais la preuve directe de cette sta- bilité ne pourrait être obtenue que par de longs calculs. Le but du présent travail est de faciliter ces calculs, en donnant à la condition de stabilité une forme analy- tique aussi simple que possible. La question cependant reste indécise, parce que les formules analytiques n’ont as été réduites en chiffres. Il fallait d'abord obtenir une expression de l'énergie de gravitation d'une pareille figure en poussant l'approxi- mation plus loin qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. L'emploi des fonctions de Lamé peut conduire au résultat, mais on se trouve en présence d'une petite üifticulté. Le potentiel d’un ellipsoide, ou d'une couche ellipsoïdale, affecte des formes analytiques différentes selon que le point envisagé est à l’intérieur ou à l'extérieur de l’ellip- soide. Il en résulte que dans chacune des intégrales il faudrait donner à la fonction sous le signe /, tantôt une forme pour les parties de la surface pyriforme qui sont au-dessous de la surface de l’ellipsoide, tantôt une autre forme pour les parties qui sont au-dessus. Mais j'ai reconnu que cette difficulté est purement artificielle et qu'on obtiendra encore un résultat final correct en donnant à ces fonctions sous le signe /, soit foujours la première forme, soit toujours la deuxième. En opé- rant de la sorte, on commet une erreur sur chacune des intégrales, mais ces erreurs se compensent complète- ment dans la somme des intégrales. Je me suis attaché ensuite à écrire l'inégalité qui exprime la condition de stabilité, et à réduire aux inté- grales elliptiques les plus simples toutes les intégrales qui figurent dans cette inégalité. 20 SCIENCES PHYSIQUES. B. D. Steele : La mesure des vitesses ioniques en solutions aqueuses et l'existence des ions com- plexes. — La méthode de mesure des vitesses ioniques décrite par Masson à été étendue par l'auteur de telle facon que, dans la nouvelle méthode, l'emploi d'une solution de gélatine et d'indicateurs colorés n’est pas nécessaire. Une solution aqueuse du sel à mesurer est enfermée entre deux cloisons de gélatine qui contiennent les ions indicateurs en solution, l'appareil étant toujours arrangé de facon à ce que la solution la plus lourde soit placée au-dessous de la plus légère. Lors du pas- sage du courant, les ions de la solution mesurée s’éloi- gnent de la gelée, suivis à chaque extrémité par les ions indicateurs; la limite est tout à fait visible à cause de la différence de l'indice de réfraction des deux solu- tions. La rapidité du mouvement des bords est mesurée au moyen d'un cathétomètre, et le rapport des vitesses des bords donne de suite le rapport des vitesses ioniques. On a trouvé que, pour la production et le maintien d'un bon bord de réfraction, une certaine chute de po- tentiel est nécessaire pour n'importe quelle paire de solutions donnée, el cette étendue diffère beaucoup suivant les différentes limites; par exemple, la limite entre l'acétate et le chlorure de potassium est stable pour une chute de potentiel de 0,82 volts, tandis que, pour la stabilité de la limite sulfate de cadmium-sul- fate de cuivre, un voltage de 2,54 volts est au moins nécessaire. On doit chercher l'explication de ceci non dans la chute du potentiel dans la solution mesurée, à laquelle les chiffres ci-dessus se rapportent, mais plutôt dans le changement de la chute du potentiel en passant de la solution indicatrice à cette dernière; il se relie pro- bablement à la théorie des piles liquides de Nernst. On a noté certaines régularités dans l'influence de ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES différents sels sur les points de fusion des gelées et il semble que cette influence est plus ou moins d’une na= ture additive, dépendant de la nature de l’anion et du cation. Parmi les anions, l'ion SO, a le maindre et les ions I et AzO, le plus grand effet pour abaisser le point de fusion. Parmi les cations, l'ion K a une influence moindre que les ions Li ou Mg; ces relations sont encore, cependant, seulement qualitatives. Les valeurs pour le nombre de transport qui ont été obtenues montrent une remarquable concordance avec les nombres de Masson, tels qu'ils ont été mesurés dans la gélatine, pour les chlorures de potassium et de s0- dium. D'un autre côté, pour le chlorure de lithium.et le sulfate de magnésium, il n'existe aucune ressemblance. Pour tous les sels, une comparaison avec les chiffres de Hittorf montre seulementune ressemblance approxi- mative, presque aussi bonne que celle montrée par une comparaison des chiffres pour le même sel, tels qu'ils ont été mesurés par différents investigateurs par la méthode indirecte de Hittorf. De la connaissance de la résistance spécifique de la solution mesurée il est possible de calculer la chute du potentiel dans cette partie du système, et de là la vitesse moyenne absolue U — x u, où x est le coefficient de ionisation et u la vitesse ionique absolue. Une ressemblance très frappante existe entre la somme des vitesses d’anion et de cation et la somme calculée d'après les chiffres de conductibilité de Kohl- rausch. Les vitesses d’un grand nombre d'ions de dif- férents sels à des concentrations différentes ont été calculées, et la vitesse des ions hydrogène et hydroxyle . a élé aussi mesurée, avec les résultats suivants : TROUVÉ CALCULÉ 0,001435 0,00145 0,00158 0,00152 | OOU282 ) Le 00027 & 0,00280! OH dans KOH 0,5 N. NaOH 0,2 N HA70;0,2N, H — Le rapport du courant mesuré par le galvanomètre à celui calculé par la vitesse des bords de la manière indiquée par Masson, n'est égal à l'unité que pour quelques sels du type du chlorure de potassium ; pour d’autres sels, cerapporta, dans quelques cas, une valeur plus grande; dans d’autres, moindre que 1. La même irrégularité a été auparavant indiquée par Masson pour les solutions en gélaline des sulfates de magnésium et de lithium. ; Le travail a été fait pour expliquer cette déviation des conséquences de la théorie, et aussi la difficulté que Kohlrausch est incapable d'assigner aux éléments dyades une valeur quelconque pour la vitesse ionique spécifique, laquelle est la même quand elle est calculée d'après les mesures de différents sels du même métal (dans l'hypothèse, proposée tout d’abord par Hittorf, que, dans les solutions conrentrées de ces sels, l’ionisation a lieu de telle facon qu'il se forme des ions complexes en plus des ions simples); la conclusion est tirée que, dans tous les cas où quelque changement considérable dans les chiffres du nombre de transport se produit avec des changements dans la concentration, des ions complexes sont présents en plus ou moins grande quantité. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 25 Octobre 1901. M. E. P. Harrison présente les résultats de ses recherches sur les variations, avec la température, de la force électromotrice et de la résistance du nickel, du fer et du cuivre entre — 200 et Æ 1050. Les courbes de la variation des f. 6. m. des couples cuivre-nickel et cuivre-fer sont approximativement une droite et une parabole respectivement. Les différences entre ces courbes et une droite choisie dans le premier cas, une parabole dans le second, ont été dessinées graphique- ment en fonction de la température. Ces courbes de : ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1039 différences montrent que les variations maximum ont lieu, pour le cuivre-fer, à 70°, 230° et 3709; la tempé- rature d'inversion (la jonction froide étant à 0°) est de 536°, et le point neutre est à 2620C. Dans le cas du éuivre-nickel, les variations maximum ont lieu à 70° et 3F00, el il parait y avoir un léger effet d'hystérèse à ce dernier point; la température d'inversion ne se trouve pas dans les limites de l'expérience, et il n'y a pas de point neutre. La courbe de f. 6. m. pour un couple mickel-fer jusqu'à 700° à été obtenue par addition des deux courbes expérimentales précédentes; au-dessus de cette température, des observations directes ont été faites. Cette courbe est presque linéaire jusqu'à 9009; à partir de ce point, il y a diminution de la f. 6. m. Les courbes de la force thermoélectrique ont été déduites des courbes de f. 6. m. par des tangentes. Pour le ‘cuivre-fer, la plus grande partie est composée de lignes droites ; le reste est parabolique ; pour le cuivre-nickel, ce sont des morceaux de lignes droites. La variation du coefficient de Peltier pour le fer-cuivre est d'abord “parabolique, puis en ligne droite; pour le cuivre-nickel, elle est représentée par des fragments de paraboles. La résistance du nickel augmente presque parabolique- ment avec la température jusqu'à 370°, puis ensuite beaucoup moins rapidement, et presque linéairement jusqu'à 1050°. Pour le fer, la courbe de résistance para- bolique va jusqu'à 8009, et se continue linéairement jusqu'à 10500. L'auteur conclut que le changement thermo-électrique du couple nickel-cuivre coïncide approximativement avec le changement de résistance, “tandis qu'il n'existe aucune particularité thermoélec- trique pour le couple fer-cuivre, à la température du changement de résistance du fer. — M. G. W. Walker envoie un mémoire sur l’'asymétrie de l'effet Zeeman. … M. Voigt avait prévu une asymétrie du triplet normal, laquelle a été vérifiée par Zeeman, L'auteur a traité le sujet mathématiquement, et il trouve que l'asymétrie peut provenir d'un terme du second ordre dû au champ magnétique. L'asymétrie serait d’aulant plus distincte que le champ serait plus grand, ce qui est. contraire à la théorie de Voigt. En donnant des valeurs numériques aux symboles, on voit que l'effet est excessivement faible. L'auteur pense que sa théorie peut fournir l'explication de la non-résolvabilité d'une ligne. Séance du 8 Novembre 1901. M. R.-A. Lehfeldt présente un voltamètre pour courants faibles. L'instrument se compose d’un tube - capillaire d'environ 25 centimètres de longueur, com- plètement rempli de mercure, à l'exception d’une bulle de solution de nitrate mercureux, d'environ 1 centimètre - de long, placée près du milieu du tube. Pour employer l'instrument, on le met dans la position verticale, l'anode étaut au sommet; et la quantité d'électricité qui le traverse est mesurée par le changement de volume de chaque électrode. Dans une expérience d'essai, le changement de volume a été mesuré au moyen d'un micromètre ; il concordail à 0,6 % près avec la quantité déduite du courant connu. fl est nécessaire que les courants soient faibles pour éviler les complications dues à la polarisation. — M. J. Buchanan envoie une note sur un modèle, dû à MM. Fleming et Ashton, qui imite la facon dont se comportentles diélectriques. L'ac- tion de ce modèle dépend de la viscosité d'un liquide, et les diagrammes qui en dérivent montrent par leur forme que le mouvement du crayon qui les trace s'approche de ce que l’on peut appeler « le mouvement d’un fluide visqueux par diffusion ». En d'autres termes, les courbes de déplacement obtenues par le modèle, etleurs courbes de vitesse dérivées, sont de la même forme que les graphiques de certaines solutions de l'équation bien connue de Fourier : dre rdar FCO EE) " Lord Kelvin a montré que le potentiel et le courant en chaque point d'un fil de càble peuvent être exprimés par des solutions appropriées de cette équation; la diffu- sion de l'électricité dans le ou hors du diélectrique d’un condenseur peut êlre traitée de la même manière par l'emploi de solutions de cette équation. II semble donc que le mouvement du modèle et ia diffusion de l’élec- tricité dans un diélectrique soient soumis à une seule et mème loi mathématique. L'auteur suppose que les inventeurs pourraient obtenir des diagrammes d’hys- térèse par le chargement cyclique des ressorts. — M. J. Macfarlane Gray rappelle une théorie thermody- namique qu'il a soutenue il y a vingt ans et dans laquelle il suppose un éther granulaire sous forte pres- sion. Elle explique aisément les propriétés des corps. Chacun est caractérisé à l'état de vapeur par une cons- tantenumérique, déduite d'observationsexpérimentales, Celle de l'eau, d’après les dernières expériences de Lord Rayleish sur le poids de l'hydrogène, est de 25,33776. D'après l’auteur, l'eau commence à geler à 95° K., et la variation de la chaleur spécifique de l’eau aux basses températures est due à la chaleur latente de la glace; la formation de particules de glace explique aussi le changement du volume de l’eau quand elle est refroidie jusqu'à son point de congélation. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 18 Octobre 1901. M. O. Lummer présente un nouveau photomètre et pyromètre à interférences. {l'est basé sur l'emploi des franges d'interférence de Herschell à la limite de la réflexion totale, qui se produisent quand on place l’un contre l'autre, suivant leur hypothéuuse, deux prismes à angle droit et qu'on regarde dans la direction des rayons réfléchis totalement une surface lumineuse dif- fuse ou un disque mat. Comme les franges d’interfé- rences en lumière transmise sont complémentaires de celles en lumière réfléchie, elles doivent disparaître quand les deux surfaces diffuses sont de même clarté. L'emploi du photomètre comme pyromètre repose sur la relation qui existe entre l'énergie photométrique d’un corps et sa température, et qui a été établie par l'auteur, Pringsheim, Planck, Rubens, Kurlbaum, ete, —M.F.F. Martens : Sur les indices de réfraction du quartz et du spath fluor. Sur un grand spectromètre de précision avec dispositif pour la photographie spectrale. : Séance du 1 Novembre 190i. M. E. Lampe communique de nouvelles remarques sur la question de la forme la plus favorable des pointes de projectiles conforme à la théorie de Newton. Ses: recherches montrent que, daus la pratique, on peut remplacer la courbe minima de Newton par des hyper- boles choisies convenablement, sans s'écarter de la résistance mioimum de quantités appréciables. — MM. E. Aschkinass et W. Caspari présentent leurs recherches relatives à l'influence des rayons de Bec- querel sur les substances organisées. ACADÉMIE DES SCIENCES DE VIENNE Séance du 10 Octobre 1901. M. Ed. Suess est réélu président de l'Académie. M. V. Uhlig est élu membre titulaire. M. M. Berthe- lot est nommé membre d'honneur. MM. P. Forchhei- mer, E. Lecher,J.Seegen, K. von Linde, G. Retzius et Al. Kowalewski sont élus correspondants étrangers. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. von Oppolzer : Théorie de la scintillation des étoiles fixes! — M. P. R. Fischer : Démonstration du cinquième postulatum d'Euclide. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. R. Hoernes : Tremble- ments de terre et lignes de choc en Styrie. — M. W. Laska : Les tremblements de terre de Pologne (I). — M. K. Przibram : Etudes photographiques sur les décharges électriques. — M. W. Pauli et P. Rona Recherches sur les modifications d'état physique des ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES colloïdes. — MM. A. Smolka et Ed. Halla ont préparé les chlorhydrates d'xetf-naphtylbiguanide en chauffant pendant huit heures en tube fermé la dicyandiamide avec les chlorhydrates d'x et f-naphtylamine et de l’al- cool à 95 °/ Les briguanides sont mis en liberté par la soude. Ce sont des bases donnant des sels avec les acides, mais aussi avec le cuivre et le nickel. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. R. von Wettstein envoie du Brésil des renseignements sur le voyage d'études botaniques dont il a été chargé par l’Académie dans la région de Sao-Paulg. — M. F. Schaffer : Nou- velles études géologiques dans le sud-est de l'Asie Mineure. — M. R. Hoernes décrit de nouvelles Cérithes du groupe du Clava bidentatatrouvées à Oisnitz (Styrie moyenne) et fait quelques remarques sur la répartition de ce groupe dans l’Eocène, l'Oligocène et le Miocène. Séance du 47 Octobre 1901. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. E. Weiss commu- nique ses observations des Laurentides dans les nuits du 9 au 12 août. Les météores observés ont été de 55, 110 et 481; mais la plus grande partie appartenaient aux Perséides. L'auteur décrit aussi un globe de feu qui a été observé à Vienne, le 3 octobre, à 7 h. 25. 20 Scrences PHYSIQUES. — M. Zd. H. Skraup rappelle que l'identité de la cinchonifine et de la cimchotine, récemment annoncée par Jungfleisch et Léger, a déjà été prouvée par Hesse, lui et ses élèves. — Le même auteur a étudié les propriétés physiques de l’& et de la G-1-cinchonive; elles sont si différentes qu'il n'est pas possible que ces deux corps soientdes isomères optiques. — MM. Zd. H. Skraup et R. Zwerger ont isolé, des produits d’oxydation de la-i-cinchonine, un acide dioxypipéridine butyrique et un acide pipéridine-car- bouique chloré: il semblerait que l'«-1-cinchonine con- tient un noyau pipéridique. — M. Ad. Franke a préparé, par réduction du diacétonealcool, le méthyl-2- pentane-2 : 4-diol ; il est isomère avec la pinacone, qui possède bien la formule d'un tétraméthyléthylèneglycol. — MM. J. Herzig et F. Wenzel ont préparé les éthers carboniques de la phloroglucine par traitement des acides phloroglucinecarboniques substitués ou non avec le diazométhane. 30 SCIENCES NATURELLES. — M. Fr. Berwerth commu- nique ses recherches sur les échantillons recueillis au “ond de la Méditerranée orientale pendant les expédi- tions de la Pola. Les sédiments sont composés : 1° de restes organiques riches en chaux (petits Mollusques et Foraminifères); 2° de fragments d'organismes siliceux (Spongiaires et Radiolaires, plaques siliceuses d’origine organique); 3 de divers minéraux et fragments de pierres; les minéraux dérivent principalement des vieux schistes cristallins ; 4° d’un précipité, qui n’est pas exactement déterminable au microscope et qui forme la plus grande partie du limon; il se compose d’une partie calcaire (coquilles broyées) et d'une partie argi- leuse. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 28 Octobre 4901. 40 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute : Etude analytique d'une confiquration du D' C. Segre. Première partie. Il s'agit d'une configuration dans l’es- pace à quatre dimensions se composant de quinze points, de quinze droites, de quarante-cinq plans et de quinze espaces tridimensionaux. — M. J. de Vries présente, au nom de M. $. L. van Oss : Le mouvement élémentaire de l'espace FE, à quatre dimensions. L'auteur effectue d'une manière tout à fait géométrique la réduction du mouvement élémentaire de l'espace E, à deux rotations autour de deux plans, normaux l’un à l'autre, en s'ap- puyant sur la réduction connue du mouvement élé- mentaire en notre espace. — M. H. G. van de Sande Bakhuyzen présente, au nom de M. J. Stein, S. J. : Discussion de la critique de M. J. C. Kapteyn sur Ja méthode de détermination de l'Apex du mouvement so- laire donnée par Airy. L'auteur rappelle que, dans une communication à l'Académie en janvier 1901 (voir Rev. gén des Se., t. XI, p. 224), M. Kapteyn a pré- tendu que ni la méthode d’Airy, ni celle d'Argelander, ne s'appuient entièrement sur l'hypothèse que les mou- vements propres particuliers des étoiles fixes r'ont pas de prédilection pour une direction déterminée. Au con- traire, d'après M. Steyn, la méthode donnée par Airy est en accord parfait avec cette hypothèse, même quand on applique aux équations de conditions la théorie des moindres carrés. De plus, d'après M. Steyn, les condi- tions déduites de la méthode d’Airy par M. Kapteyn sont inexactes. — M. J. C. Kapteyn rélule les consi- dérations de M. Steyn en prétendant : 1° que les équa- tions déduites par M. Steyn ne prouvent rien contre ses considérations; et 2° que la critique directe de ses déductions est inexacte. 29 SCIENCES PHYSIQUES. — M. CG, A. Lobry de Bruyn pré- sente, au nom de M. N. Schoorl, la thèse « Verbin- dingen van Suikers met Urea » (Combinaisons des Sucres avec les Urées), et une communication : Sur les dérivés uréiques (carbamides) des sucres. Suite d'une communication antérieure (Æev. gén. des Se., t. XIT, p. 151). Ici M. Schoorl s'occupe des poids moléculaire et spécifique (216 et 1,480), de la chaleur de combustion (6,736 cal. par molécule-gramme) et des propriétés chi- ‘ miques de la glucose-uréide (C,H,.0,.Az.C0.A7H,). Ont été isolées la galactose-uréide, la mannose-uréide (G,H,.0,.Az.CO.AZH, + C,H,.0,) et la lactose-uréide (C,.H,.0,,.Az.C0.AZH, + 4,0). 30 NCIENCES NATURELLES. — M. J. L.C. Schroeder van der Kolk : Le commencement d'une nouvelle carte géologique des Pays-Bas. Exposé de ce qui a été fait depuis 1898. Sont en préparation les planches couvrant une bande dans la direction ouest-est formant à peu près une tangente au Zuiderzee et la partie méridio- nale d’une bande dans la direction nord-sud de De- venter à Maestricht. — M. J. W. Moll : Sur l’hydrosi- mètre. L'instrument servant à faire connaître la pres- sion de l’eau dans les plantes (Üwp— eau, dot — choc) se distingue des instruments antérieurs en ce quil permet de tenir les deux colonnes de mercure aux mêmes niveaux. Il se compose d'une bouteille de Ma- riotte fixée à un tube en forme d'U par un serpentin de caoutchouc, etc. — M. K. Martin présente : Report on the geology of the Philippine Islands, by G.F. Becker, followed by a version of « Ueber tertiäre Kossilien von den Philippinen » 1895, by K. Martin (Rapport surla. géologie des îles Philippines, suivi d’une translation de « Sur les fossiles tertiaires des Philippines »)}. — M. H. J. Hamburger présente les thèses de MM. G-: A. van Lier : Die Durchlässigkeit der rothen Blutkür- perchen für die Anionen von Natriumsalzen (La per- méabilité des corpuscules rouges du sang pour les anions de sels de soude), H. J. van der Schroef : Ueber die Permeabilität von Leukocyten und Lymphdrüsen- zellen für die Anionen der Natriumsalze (Sur la perméa= bilité des leucocytes et des cellules des glandes lympha- tiques pour les anions de sels de soude), D. G. Ubbels : Vergleichende Untersuchungen von mütterlichem Blute, fütalem Blute und Fruchtwasser (Examen comparatif du sang maternel, du sang de fœtus et du liquide d'am- nios). — M. J. W. van Bemmelen présente, au nom de M. J. F. van Bemmelen : Der Schädelbau der Mono- tremen (La structure du crâne des Monotrèmes). — M. B. J. Stokvis présente 1°: Virchow und die nieder- ländische Mediein (M. Virchow et la médecine en Hol- lande), et 2° : Der kleine Virchow (Le petit Virchow). P. H. Scnoure. N. B. — Dans la Revue générale des Sciences du 15 novembre 1901, p. 133, colonne 2, ligne 20, au lieu de : surfaces exposées au vent, traduction de wind- schief Flächen, lire : surfaces gauches. S. Le Directeur-Gérant : Louis OLIvIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette.” 4 mt tatin tpm de... 12 ANNÉE DIRECTEUR : Ne 93 15 DÉCEMBRE 1901 Revue générale Des SCienc pures el appliquées LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. ( $ 1. — Distinctions scientifiques Élection à l'Académie des Sciences de Paris. — Dans sa séance du 25 novembre, l'Académie a procédé à l'élection d’un membre dans sa Section d'Anatomie et de Zoologie, en remplacement de M. de Lacaze-Duthiers. La Section avait présenté la liste suivante de candidats : en première ligne, M. Léon Vaillant, professeur au Muséum; en seconde ligne, MM. E. Bouvier, professeur au Muséum, Y. Delage, pro- fesseur à la Sorbonne, el F. Henneguy, professeur au Collège de France; en troisième ligne, MM. R. Blan- chard, professeur à la Faculté de Médecine, F. Hous- say. maitre de conférences à l'Ecole Normale, et - E. Oustalet, professeur au Muséum. ._ Au premier tour de scrutin, le nombre des votants tant 63, M. Y. Delage a obtenu. 31 suflrages. NN Int 0e fi CS 0 M. E. Bouvier CPE | — En conséquence, M. Yves Delage a été déclaré élu. Le nouvel académicien est l’un des plus éminents - parmi les zoologistes contemporains. L'Anatomie com- . parée et l’'Embryologie lui doivent quelques-unes de | leurs plus précieuses acquisitions. Ses beaux travaux sur le système circulatoire des Crustacés, sur le déve- - loppement de la sacculine, la structure et l’évolution - des Spongiaires sont aujourd'hui classiques. Ses » recherches micrographiques expérimentales sur la fé- - condation et les premiers développements de l'œuf ont - mis au jour une série de faits de première importance, - dont devra, désormais, tenir compte toute tentative d'explication des phénomènes de reproduction et d'hérédité. - Depuis quelques années, M. Delage s’est principa- - lement occupé des conditions mécaniques de l’évolu- - tion de la celiule, des tissus et des appareils organiques chez l'individu, et, tout en prenant lui-même une part active à cet ordre de recherches, s’est appliqué à faire connaitre en France les travaux que divers naturalistes .de Suisse et d'Allemagne poursuivent dans cette direc- ‘on. Professeur remarquable, M. Delage a su grouper REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE autour de sa chaire de nombreux auditeurs, et réussi à former, dans son laboratoire, quelques élèves, dont les thèses de doctorat ontété très justement appréciées. Grâce aux ouvrages didactiques qu'il a publiés sur l'ensemble de la Zoologie et qui permettent au débu- tant d'aborder cette science selon la bonne méthode, en allant du connu à l'inconnu, en étudiant — non plus des exposés généraux, pour lui vides de sens, — mais des faits concrets pour arriver progressivement aux lois générales; grâce à l'Année biologique, qui, régu- lièrement enregistre et précise les faits nouvellement acquis dans tous les départements de la Biologie géné- rale et spécialement de la Zoologie, l'enseignement de M. Delage s'étend aujourd'hui bien au delà de la Sorbonne et des laboratoires qui dépendent de sa chaire : il porte ses fruits partout où la Zoologie est cultivée et, loin même de nos frontières, contribue puisamment au bon renom de notre science. $ 2. — Mathématiques L'étude des Mathématiques à l'Université de Genève. — Les professeurs de Mathémathiques de l'Université de Genève ont eu l'idée excellente de rédiger pour leurs élèves une Note sur la facon d'étu- dier, la marche à suivre et la peine à s'imposer pour parvenir à une connaissance intelligente des Mathéma- tiques supérieures. La question de méthode qu'ils agitent offrant un intérêt absolument général, nous pensons rendre serviceauxlecteursen résumanticileurs conseils, Faisons d'abord remarquer, avec l'un de ces Maîtres. notre savant collaborateur M. H. Fehr, que, pour suivre avec fruit les cours de Mathématiques de l'Université, il est nécessaire d’avoir compris l'Algèbre élémentaire, les éléments de Géométrie, de Trigonométrie et de Géo- métrie analytique enseignés dans les écoles secon- daires !. Au sujet de l'intelligence précise de ces parties de la Science, M. Fehr* écrit très justement : ! A ce propos, M. Febhr cite fort justement comme un chef-d'œuvre de pédagogie mathématique, les Leçons de Géométrie élémentaire de M. J. Hadamard. ? H, Feur : Les Lecons d'introduction et les Lecons de revision dans l’enseignement secondaire supérieur, Znsei- gaement mathématique, n° 5 de 1901. 23 1042 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE « Quels que soient les programmes et les manuels imposés par l'autorité scolaire, le maitre ne doit jamais oublier que toutes les branches de l’enseignement secondaire doivent contribuer à développer chez les élèves la faculté d'attention et leur donner l'habitude de travailler d'une façon rationnelle. 11 doit s’efforcer de anettre en évidence les idées fondamentales et de montrer les formes diverses sous lesquelles elles ont été appliquées. A cet effet, quelques remarques faites pen- dant le cours sont déjà d’une grande utilité. Mais il est indispensable qu'en outre le maître consacre de temps en temps une lecon à l'étude de questions générales embrassant à la fois plusieurs chapitres, étude dans laquelle il peut aborder soit le côté philosophique du sujet, soit le développement historique. « À côté de ces considérations d’un caractère philo- sophique, les lecons générales doivent contenir quelques indications quant au développement historique de la branche étudiée. L'étude de chaque branche devrait se terminer par un court aperçu historique présenté sous la forme d’une simple causerie et limité aux faits les plus importants. Les questions historiques inté- ressent toujours vivement les élèves; ils tiennent à savoir quels étaient les moyens de calcul dont se ser- vaient les Anciens, à quelle époque remonte l'usage des fractions décimales, comment les rapports trigonomé- triques se sont introduits dans les calculs, etc., etc. Le développement considérable qu'ont pris depuis une vingtaine d'années les recherches sur l'Histoire des Mathématiques, a donné lieu a de nombreuses publi- cations; il existe aujourd'hui une série de manuels d'Arithmétique, d’Algèbre, de Géométrie et de Trigono- métrie contenant un chapitre ou simplement quelques notes sur l'Histoire des Mathématiques. IL est donc facile au maître de compléter ses connaissances dans ce domaine afin d’en tirer parti dans son enseignement. « Les lecons de revision se font assez généralement dans l’enseignement secondaire; mais ce sont presque toujours des revisions dans le sens étroit du mot : répétition pure et simple des règles ou des théorèmes, travail mécanique fait uniquement en vue des examens, Pour que les leçons de revision soient d'une utilité réelle, il faut qu'elles apportent des considérations nou- velles, il faut qu'elles présentent le caractère d’une lecon générale. La préparation aux examens, puisque examens il y a, n'en sera que meilleure, et le but que poursuit l'enseignement secondaire n'en sera que mieux atteint. « Dans ces lecons générales, on se bornera à l'étude des notions fondamentales et de leurs conséquences immédiates. On attirera l'attention des élèves sur les formes, souvent très diverses en apparence, sous lesquelles une même propriété à été utilisée; on fera ressortir les liens quiexistent entre les divers chapitres ainsi que les points de contact qui rattachent la théorie étudiée à d'autres branches de la science. Il y aura lieu, en outre, de passer en revue les applications les plus importantes el d'insister sur les méthodes de résolution auxquelles on peut avoir recours. » Initiés à l'esprit des Mathématiques par un enseigne- mentainsi compris, les élèves sont en état de poursuivre à la Faculté l'étude des Mathématiques supérieures. Voici, sur la marche qu'ils ont à suivre à cet effet à l'Univer- sité de Genève, et sur la discipline qu'ils doivent s'impo- ser, les indications et conseils que leur donnent MM. C. Cailler, H. Febr et R. Gautier : « Les cours de Mathématiques pures et appliquées qui figurent dans les programmes de la Faculté se répartis- sent en cours généraux, donnés par les professeurs ordinaires, et en cours spéciaux, donnés par les pro- fesseurs ou les privat-docents. Les cours de cette se- conde catégorie sont destinés soit aux commençants, soit aux étudiants plus avancés; leur objet peut varier d’un semestre à un autre. Nous n’envisagerons ici que les cours généraux. Ce sont les suivants: A/gébre, Géométrie analytique (semestre d'hiver), Géométrie descriptive et projective (semestre d'été), Calcul diffé- rentiel et intégral, Mécanique rationnelle et Astro= omie, avec les branches qui s'y rattachent. « Nous ne conseillerions à personne de suivre à Ja fois l'ensemble de ces cours, d'autant plus que la plu- part des étudiants sont appelés à assister, en outre, à certains cours appartenant aux sciences physiques ou chimiques. Pour être faite d'une manière rationnelle, l'étude des éléments des Mathématiques supérieures doit étre répartie sur une période de deux ans. « La première année doit ètre consacrée à l'A/gèbre# et à la Géométrie?, qui constituent une première ini-" tiation aux Mathématiques supérieures. Ces deux cours figurent encore dans les programmes et règlements d'examens, sous la dénomination incorrecte de « Ma-" thématiques spéciales ». Chacun de ces cours comprend trois heures pendant toute l’année (théorie, deux heures; exercices, une heure). Seuls, les étudiants sortis en très bon rang de la Section technique du Gymnase, ou ayanl une préparation équivalente, peu- vent, éventuellement, suivre en même temps les lecons de Calcul différentiel et intégral. à « Le Calcul différentiel et intégral et la Mécanique rationnelle font l'objet de la seconde année d’études. IL est affecté à chacune de ces branches cinq heures par semaine (théorie, trois heures ; exercices, deux heures}. « Relativement à l’Asfronomie et aux branches rat- . fachées à cette science, nous faisons les remarques suivantes : « Le cours de Géographie physique, qui traite des questions générales de morphologie et d'océanogra- phie, et plus spécialement de météorologie, est un cours qu'il sera bon de suivre pendant la première année. « Une fois en possession des notions fondamentales, l'étudiant peut se livrer sans difficulté à une étude approfondie de quelques-unes des branches des Ma- thématiques supérieures. Il aura l’occasion de se fa- miliariser avec les parties plus élevées de la science en prenant part aux conférences et en suivant les cours SpECIAUX. : « Ces conférences, faites au début du semestre par le professeur, puis, à tour de rôle, par les étudiants, poursuivent un double but; ayant pour objet l'étude des principes fondamentaux de telle ou telle branche des Mathématiques supérieures, pures ou appliquées. elles fournissent aux étudiants l’occasion de s'initier aux travaux de recherches. « Dès ce moment, le travail personnel, accompa- gnant la lecture des ouvrages classiques, doit prendre la place prépondérante. A cet effet, les étudiants trou- veront, soit à la Bibliothèque mathématique de ? Uni- versité, soit à la Bibliothèque publique, la plupart des ouvrages et revues dont ils pourront avoir besoin. « À côté de ces branches, qui forment le bagage indispensable à tous ceux qui s'engagent dans le domaine des sciences mathématiques, physiques ou chimiques, l'étudiant ne doit pas perdre de vue le développement de sa culture générale. À cet effet, nous l’engageons à suivre régulièrement, dès la seconde année si possible, au moins un cours de la Faculté des Lettres et des Sciences sociales. 1 ne doit pas oublier que la culture universitaire ne comprend pas seulement l'étude approfondie destel ou tel domaine de la science, mais, de plus, des vues générales sur l’ensemble des connaissances humaines. « En première ligne, nous devons signaler la PAr- losophie et, de plus, pour ceux qui se destinent à l'enseignement, la ?édagogre. « Il nous paraît indispensable de faire suivre ces conseils relatifs au choix des cours de quelques conseils sur la méthode de travail. Le développement de l'esprit 1 Le programme d'Algèbre comprend, entre autres, les théories suivantes : Déterminants; Dérivées et lutégrales définies; Séries; Théorie générale des équations. 2 Géométrie analytique à deux et à trois dimensions; Géométrie descriptive et projective. hathématique ne peut se faire d'une facon rationnelle que si l'étudiant fait preuve de volonté, de persévérance ét d'initiative dans le travail. L’acquisition des connais- ances mathématiques exige un effort constant. Une fréquentation régulière, non seulement des cours, mais tussi des lecons d'exercices est indispensable. Les hotes prises au cours seront aussi brèves que possible; elles devront toujours être revues et développées à la maison, le jour même si possible. Pour ceux des étu- diants qui font des Mathématiques leur principal objet d'étude, ces notes devront souvent être complé- fées à l’aide des traités classiques. Dans tous les cas, il s'agit non pas d’accumuler des notes et de se livrer à an simple travail de rédaction, au point de vue du soin et de l'ordre dans le texte, mais, avant tout, d'un é#ra- wail d'assimilation. C'est à ce moment-là que l'étudiant se rendra compte s'il a compris l’enchaïnement des idées et la méthode employée dans la démonstration. S'il reste des points obscurs, il s'efforcera de les faire disparaitre, et, en cas d'insuccès, il s'adressera le len- demain, soit à un camarade, soit à son professeur, qui sera toujours heureux qu'on lui signale les passages pouvant offrir quelque difficulté. « De plus, il est indispensable qu'à la fin de chaque chapitre l'étudiant se livre à un fravail de revision, qui lui permettra de se rendre compte d'une facon précise des idées directrices auxquelles on a eu recours, et qui, étendu à un ensemble de chapitres, lui donnera une vue générale sur les questions développées et sur les liens qui peuvent exister entre elles. Ce tra- ail de revision devra être repris et développé pendant les vacances; il devra être accompagné de nombreux exercices. La résolution de quelques problèmes permet souvent, mieux que toute revision, de constater les Jacunes qui restent à combler. Les cours universitaires ne fournissent pas un exposé dogmalique de la branche traitée; d’ailleurs, le temps accordé aux diverses théories ne le permettrait pas. Ils doivent être envisagés comme un simple guide et comme un stimulant pour l'étude personnelle. Ceux qui poursuivront les études mathématiques, en fré- “quentant les conférences et les cours spéciaux, se feront peu à peu une idée générale de l’ensemble des sciences exactes; ils seront mis à même de suivre le développement de la science dans le domaine auquel ils se sont plus spécialement consacrés et, plus tard, pourront à leur tour contribuer à ses progrès. » $ 3. — Astronomie _ La carte du Ciel. — Sous les auspices de l'Acadé- mie des Sciences, vient d'être publié le compte rendu des séances de la Réunion du Comité international perma- nent pour l'exécution de la Carte photographique du Ciel. Conformément à la décision prise dans la ses- sion de 1896, la nouvelle Conférence internationale s'était tenue à Paris, en juillet 1900, pour poursuivre Vexamen des mesures destinées à assurer le succès de cette entreprise. Les résultats acquis sont déjà nombreux, présentent une valeur scientifique réelle, et, bien que ce grand tra- vail soit inachevé, il faut faire remonter le mérite d’un pareil monument scientifique à l'initiative hardie de Mouchez et à la féconde sollicitude de Tisserand, qui parvint à grouper tant de bonnes volontés et de talents. Sans doute, comme en toute réunion un peu nom- breuse, trop peut-être pour produire un travail effectif, mon s'est fort congratulé mutuellement : cependant les directeurs ou représentants des divers observatoires ont présenté des Rapports sur l'état des travaux concernant “la carte du Ciel et il est juste de reconnaître que la plu- part des adhérents fournissent un travail effectif, On dut déplorer pourtant la défection de l'Observatoire de La Plata, de celui de Rio de Janeiro sous la direction de A. Cruls, et de celui de Santiago avec M. Obrecht; mais, il est vrai, leurs collègues sesontempressésdese distribuer la besogne qui leur avait été primitivement attribuée CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE et, de plus, de nouvelles initiatives fructueuses se sont révélées avec M. Thome, directeur de l'Observatoire de Cordoba, dans la République Argentine, et M. Legrand, qui fonde un observatoire dans sa propriété, aux envi- ron de Montevideo, avec le concours précieux du Gou- vernement de l'Uruguay. Il s'est encore fait place pour une bonne coopéra- tion : certains observatoires sont remplis de bonne volonté, quoique fort pauvres; d’autres, sans être riches (!!), ont cependant des ressources plus étendues. Les derniers se sont offert à prèter leur concours, soit pour la mesure, soit au besoin pour la réduction des clichés des moins favorisés de la fortune. Puis, sont venues les questions plus techniques : choix du cata- logue fondamental auquel seront rattachées les étoiles de repère; utilité de déterminer ces étoiles par des observations méridiennes, à une époque qui ne soil pas trop éloignée de celle de la pose du cliché, etc... On pourrait s'étonner que ces questions n'aient pas été réglées dès l'origine : cela eut certes été préférable, mais il faut convenir qu'il est impossible — ou du moins fort malaisé — de régler à l'avance tout les petits détails; au reste ceux-ci sont relativement moins im- portants que ceux dont nous allons avoir à parler. Pour la détermination des yrandeurs photogra- phiques, par exemple, l'entente est loin d'être réalisée en vue de l'adoption d'un procédé uniforme : c’est là un inconvéoient, un défaut d'entente à regretter, mal- gré tous les beaux rapports où chacun est venu dévelop- per sa propre méthode. Puis, il reste encore les ques- tions relatives à la publication des catalogues photo- graphiques, les éléments qu'il serait désirable de four- nir avec des coordonnées rectilignes, etc; quelques observatoires ont déjà commencé la publication d'un catalogue photographique, ont engagé des travaux relatifs à cette publication et l’on en est encore à étu- dier les diverses dispositions typographiques qu'il est opportun de donner à ces documents. Ceci est une erreur assez importante et, pour l'homogénéité même de ce travail, on aurait dû s'entendre avant d'entamer les publications proprement dites. Sans nous arrêter à une enquête projetée sur le nombre probable des étoiles pour les différentes zones, nous devons, au moins, signaler la recherche, d’un inté- rêt général, des mesures propres à assurer la conserva- tion des clichés. M. Bouquet de la Grye signale le résul- tat satisfaisant obtenu pour les plaques photographiques du passage de Vénus, en 1882 : elles sont restées, depuis, sans modifications sensibles et les seules précautions prises pour conserver ces plaques ont consisté à les maintenir dans un endroit sec, c'est-à-dire simplement . à l'abri de l'humidité, mais non dans une atmosphère complètement desséchée par des substances capables d’absorber la vapeur d’eau, ce qui peut entrainer à se craqueler les plaques soumises à une telle action.Voici, d'ailleurs, la solution préconisée par M. L. Lumière : lavage aussi complet que possible après le fixage, alu- nage au moyen de l’alun de chrome, suivi d’un lavage abondant, dessiccation et maintien des clichés à l'abri de l'humidité. Contrairement à la pratique de certains auteurs, il faut proscrire absolument l'emploi des ver- nis dont les résines s’oxydent sous l'action de l'air, en sorte que le vernis finit par se craqueler ; il faut éviter l'application d'une couche de collodion normal sur le cliché pour ne pas avoir à compter avec un dégagement de vapeurs nitreuses, qui pourraient, à la longue, alté- rer le pyroxyle lui-même ; quant à l'emploi du formol, souvent préconisé, on peut dire que le formol a l’incon- vénient de modifier la constitution de la gélatine et d'en rendre la couche fragile et cassante. De même, naturellement, il faut éviter de conserver les clichés dans des boîtes métalliques, ou même de bois, herméti- quement closes, car si de l'air saturé d'humidité s'était trouvé une fois enfermé dans ces boîtes, on aurait à redouter ensuite les effets fâcheux d'une condensation de la vapeur d’eau sur le cliché, sous l'action d’un abaissement de la température. 104% Enfin, et cela surtout est le but important de cette réunion, une Commission spéciale fut nommée pour étudier la petite planète Eros; mais nous avons tenu le lecteur au courant, au fur et à mesure, de cette recherche particulière. Étoile à fort mouvement propre. — L'étoile 1830 Groombridge est animée d’un mouvement extré- mement rapide, qui lui permet de parcourir un degré en cinq cents ans, et, si l'on adopte le chiffre de 0,14 pour sa parallaxe, sa vitesse perpendiculaire au rayon visuel peut être estimée à 240 kilomètres par seconde. 11 paraît bien qu'un astre de l'hémisphère austral aille encore plus vite, mais toute détermination numérique est impossible, comme vitesse réelle, car sa parallaxe est malheureusement inconnue. En outre, d'après le Bulletin de Liek Observatory, on vient de tenter à Lick la détermination de la vitesse radiale de 14830 Groombridge à l'aide du spectrographe Mills : quatre photographies spectrales s'accordent pour faire estimer que cette étoile se rapproche de la Terre avec une vitesse de 25 kilomètres par seconde. La géographie de Mars. — Cette science fait des progrès de jour en jour, de sorte qu'il est bien légitime d'en dire un mot de temps à autre. Et cepen- dant, la tâche n'est pas facile! De prime abord, le mot de science risque en l'espèce de paraître bien pré- somptueux; pourtant il n’est guère exagéré. Certes, la connaissance de Mars rentre d’une manière générale daus l’Astronomie : l'astronome doit en faire des observations positionnelles, il doit chercher en- suite à les enserrer dans des formules et déployer là toutes les ressources de la Mécanique céleste. Mais la géographie: de Mars? Ici le vulgaire — le vulgaire astro- nome entendons-nous — en sait autant que le dilet- tante : il connait les canaux et a entendu dire que des pionniers laborieux les observaient sans cesse. Et, en effet, il s'est formé un groupe d’observateurs zélés qui se sont spécialisés dans l'observation de cette planète : à cet égard, la propagande de M. Flammarion ne fut pas saus entraîner un grand nombre d'amateurs, et, lui-même, avec M. Antoniadi, continue des observa- tions régulières à Juvisy. Mais voilà où commence la difficulté : cette société d'admirateurs de Mars n'a pas tardé à tout baptiser. La moindre ligne, la plus petite nébulosité, tout point brillant, toute zone noire, tout a un nom: c’est un nouveau vocabulaire assez inextricable. Cependant, il faut reconnaître que, du moins pour les adeptes, cette géographie se développe très rapidement : elle est purement descriptive, si l’on veut, mais la moindre singularité superlicielle est immédiatement notée, située, dénommée, et suivie dans ses moindres trans- formations. . Alors, comment rendre compte de toutes ces recher- ches? Sans doute nous voyons bien que, dans un observatoire officiel, à Meudon, M. Millochau poursuit de telles études; mais, d'autre part, il faudrait tout un article pour énumérer les amateurs, sür toute la surface de la Terre, qui s'intéressent à celle question. De plus, une nouvelle difficulté surgit si l'on veut ana- lyser ces travaux si spéciaux, difficulté qui naît de ce que les auteurs ont fini par acquérir un vocabulaire un peu trop conventionnel à notre avis. Mais écoutons-les plutôt en ce qui concerne les particularités de Mars à son opposition de 4901 : Hesperia, facile, paraït se continuer avec Ausonia; lac Mæris très diflicile; Euphrate très faible et difficile; la fontaine Siloé n'est pas très difficile: Deucalionis Regis très estompée ; etc., etc.; il y en aurait un volume à écrire de la sorte, et le lecteur ne serait pas trèsavancé, même sinous lui disions encore où en étaient la grande Syrte, Nerigos, le portus Sigeus, le Nilokeras, Hephæstus, l'Eunostos et Cyclops — ces quelques termes n'étant destinés qu'à donner une idée de la littérature marsienne. Mars, cette année, présentait une opposition défec- CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE . trichlorure de phosphore, puis de l’eau, les acides phé- tueuse, à une très grande distance de la Terre, et son diamètre apparent n’a pas dépassé 14,1; et, cepen= dant, les observations sont loin d’avoir été infru tueuses : on n’a pu relever aucun changement dans les détails topographiques importants de la planète; Jes canaux furent larges et souvent diffus, les lacs com posés de points noirs entourés d’une pénombre, = quelques-uns d'entre eux s'étant peut-être dédow blés. On a fait un relevé assez complet des terres qui blan chissent avec l'obliquité ; les canaux avaient l'aspect de chapelets de petites masses sombres et irrégulières Enfin, la calotte polaire boréale a paru bien centrée autour du pôle; on a suivi avec soin ses dimensions 4 fur et à mesure de la fonte des neiges et des glaces parfois encore, on a pu noter de subites augmentations dans son diamètre, d’un caractère particulier et qu'il paraît vraisemblable d'attribuer à la présence de masses nuageuses considérables. Il nous est bien difficile malheureusement de donner plus de détails tant que cette géographie restera aussi peu classée au point de vue systématique, et, maintes tenant que les efforts ont porté leurs fruits, maintenant que l’on possède un grand nombre de faits et de des criptions concordants, il serait à souhaiter qu'une entente s'établit pour débaptiser toutes les petites locas lités, et pour établir à nouveau une géographie de Mars plus simple, mieux classée, qui serait accessible aux semi-ignorants non spécialistes. À $ 4. — Chimie Action des chlorures de phosphore sur les éthers aromatiques de la glycérine. — L'éther symétrique CHE — CH — CHÉ oÙsns de ob a été obtenu pour la première fois par Rüssing! à partir de la dichlorhydrine. Un peu plus tard, Linderman® prépara les éthers phényl et p-tolylique au moyen des l'épichlorhydrine. Ces composés paraissent être les seuls représentants des éthers aromatiques de la glycé= rine qui ont été décrits jusqu'ici, et leurs propriétés. sont incomplètement connues. En particulier quand, sur l'éther diphénylique, on fait agir le pentachlorure de phosphore, on obtient, d'après M. D. R. Boyd*, le chlorure : CIE — CH — CI (LTÉE heal OCHENCINNOCHE Mais, si, au contraire, on emploie le trichlorure de phos-M phore, il se forme un dérivé phosphoré, qui, traité par l'eau, fournit à son tour un acide diphényloxyisopro= pylphosphoreux. ; Avee les éthers phényl-p-tolylique et di-p-tolylique de la glycérine, on obtient également, par laction du uyl-p-tolyl et ditolyl-oxyisopropylphosphoreux. Cette réaction est quelque peu en désaccord avec less observations de Jaroschenko * relatives aux alcools pri- maires. Les acides phosphoreux ainsi obtenus sont des corps sirupeux dont les sels sont assez instables. $ 5. — Physiologie Sur l’érepsine, diastase de l'intestin. — On sait, grâce aux recherches de Salvioli, d'Hofmeister, de - Neumeister, que les produits de la digestion des subs- lances protéiques ne pénètrent pas dans le sang sous la forme de protéoses ou de peptones. En effet, on ne peut ! Ber., 1886, t. XIX, p. 63. 2 Ber., 1891, t. XXLV, p: 2147. 5 D. KR. Bovp : Chem. Soc, t. LXXIX, p. 1221. ‘Chem. Centr., 1897, p. 333. nanifester dans le sang la présence de ces substances, nalgré la sensibilité des méthodes d'analyse que nous ossédons, même au moment du maximum d'activité e l'absorption intestinale; ce résultat négatif ne sau- t être attribué à une transformation rapide des pro- éoses et peptones du sang par un organe tel que le die, par exemple, car les protéoses et peptones direc- ent introduites dans le sang, passent en totalité En mélangeant in vitro une solution de protéoses et de peptones et du sang défibriné, et en y introduisant des fragments d'intestin de chien, Neumeister a montré que Les protéoses et peptones ne tardent pas à dispa- tre dans ce mélange. Il en concluait que ces subs- ces sont transformées par la muqueuse -intestinale en substances albuminoïdes naturelles, la muqueuse intestinale jouant vis-à-vis des peptones le même rôle d'agent de synthèse qu'elle joue déjà vis-à-vis des pro- duits de dédoublement des graisses. . Dans un intéressant travail publié dans le Zertschrift für physiologische Chemie, Otto Cohnheim arrive à des conclusions toutes différentes. Répétant l'expérience de Neumeister sur une solution de peptones peptiques, soit en présence de sang défibriné, soit en l'absence de sang détibriné, il montre que les peptones ne tardent pas à disparaître : la liqueur soumise à la température d'ébullition en présence de chlorure de sodium et d'acide acétique, et débarrassée par filtration du volu- aineux coagulum qui s'est produit (au moins dans le mélange avec du sang défibriné), ne donne plus la réaction si sensible du biuret : elle ne contient donc plus de protéoses et de peptones. Mais cette même liqueur donne avec l'acide phosphomolybdique un abondant précipité d'aspect cristallin, contenant, sous une forme chimique non déterminée par Otto Cohnheim, Ja totalité de l'azote introduit primitivement sous forme de peptone. Les protéoses et peptones sont donc trans- formées par la muqueuse intestinale non pas en subs- ances protéiques coagulables, mais en substances solu- bles dans l’eau, aon coagulables par la chaleur, préci- pitables par l'acide phosphomolybdique, n’appartenant plus au groupe des protéoses, puisqu'elles ne donnent plus la réaction du biuret,. Cette transformation n'est pas un phénomène vital Mié à la présence et à l'activité immédiate de la muqueuse intestinale vivante. En effet, une macération d'iutestin, débarrassée du tissu par filtration, détermine, dans une solution de protéoses et de peptones, les mêmes trans- formations que la muqueuse elle-même. On est ainsi onduit à admettre dans la muqueuse intestinale et dans ses macérations la présence d'une diastase. En faisant agir cette diastase purifiée (sinon pure), par des procédés qu'il est inutile de décrire ici, sur une solution de protéoses et de peptones, Otto Cohnheim a pu retirer de la liqueur des cristaux de leucine et de tyrosine, et obtenir avec cette liqueur la réaction colorée de Millon (caractéristique de la tyrosine, ou de substances contenant le noyau tyrosine dans leur molé- cule). On est ainsi conduit à se demander si les résultats que nous venons de signaler ne doivent pas être rap- portés à la présence de trypsine (transformant les albu- minoides en acides amidés) dans la muqueuse intesti- nale qui à servi à faire ces expériences; el cela, d'autant plus, que la présence de trypsine en petite quantité a été signalée dans la muqueuse intestinale cinq jours après suppression de tout écoulement de suc pancréatique. Otto Cohnheim démontre que l'agent de a transformation intestinale des protéoses et peptones m'est pas de la trypsine, mais un autre ferment soluble, qu'il appelle l’érepsine : en effet, la trypsine peptonise Ja fibrine, tandis que la diastase des macérations intes- tinales, très active vis-à-vis des protéoses et peptones, n'agit pas sur la fibrine. L'érepsine est fabriquée par la muqueuse intestinale CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE elle-même, car on la retrouve abondante dans les macérations d’anses intestinales, isolées depuis plu- sieurs Jours. L'importance de ce travail n'échappera pas aux lec- teurs, car la question de la destinée des protéoses et peptones intestinales, qui était considérée comme résolue par les travaux de Neumeister, se trouve de nouveau posée. $ 6. — Sciences médicales Mesures sanitaires à bord des navires. — M. le Professeur Bernheim, qui faisait partie de notre XIIIe croisière, si malencontreusement arrêtée par la peste, vient de faire connaître, dans la Revue Médicale de l'Est, son appréciation sur l’organisation du lazaret du Frioul. Il termine cet intéressant article en recom- mandant l'étude des mesures sanitaires que voici : « 4° Le procédé de désinfection totale des navires sera réglementé, il doit être placé sous la surveillance effec- tive ct continue d'agents compétents du Service sani- taire. Des équipes spéciales, dont feront partie des hom- mes de l'équipage, seront dressées à cette pratique et instruites de facon à la réaliser suivant les règles de la science; « 20 Chaque navire devra être inspecté minutieuse- ment dans loutes ses parlies avant son chargement et une seconde fois avant l'embarquement des passagers; « 3° Au moment de l'embarquement, chaque passager et homme de l'équipage sera soumis à une inspection médicale ; « 4° Quand un navire a été infecté par une maladie infectieuse ou contagieuse, il devra, après sa désinfec- tion, rester en observation pendant un temps à déter- miner et ne recevoir des passagers qu'après avoir été habité pendant un certain temps par les hommes de l'équipage, sans nouveau cas; « 5° Chaque navire faisant de longs voyages devra être muni d'appareils à désinfection. Le Service médical y devra avoir à sa disposition du vaccin, des sérums antipesteux, antidiphtérique, etc., en quantité suflisante. Il devra être muni d’un petit laboratoire de bactériolo- gie; le médecin du bord devra être familiarisé avec les recherches élémentaires indispensables au diagnostic; « 69 Aussitôt qu'un cas de maladie contagieuse se présente à. bord, le malade sera isolé dans une cabine prévue à cet effet; la désinfection des locaux jugés con- taminés sera faite. Des inoculations préventives seront pratiquées, s’il y a lieu, sur les passagers et les hom mes de l'équipage; « 7 S'il s'agit d’une maladie contagieuse dont le caractère exige une désinfection radicale et un isole- ment des passagers, telle que peste, choléra, typhus, fièvre jaune, etc., le navire sera dirigé sans délai vers un lazaret ; « 8° Arrivé devant le lazaret, tout le personnel, équi- page et passagers, sera immédiatement débarqué. Si les locaux du lazaret sont occupés ou insuffisants, il sera provisoirement transburdé sur un bateau ponton où il séjournera jusqu'à ce que le lazaret soit prêt à le recevoir. Les effets et colis sont laissés provisoirement sur le navire; ne seront transbordés sur le baleau pon- ton que les effets indispensables préalablement désin- fectés ; « 9° Le personnel du navire, aussitôt après son débar- quement, avant de pénétrer dans les pavillons du laza- ret, passera par un grand bâtiment à désinfection où personnel et effets seront soumis à une désinfection préalable, après laquelle seulement ils seront ‘admis à entrer dans le lazaret; « 10° Les locaux divers du lazaret seront aménagés suivant les règles de l'hygiène et du confort; ils seront toujours en état de recevoir. Ils seront périodiquement inspectés par les agents du Service sanitaire, qui s’assu- reront de son parfait aménagement. » 1046 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES LES MÉCANISMES MOLÉCULAIRES DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES L'analyse rationnelle des faits matériels, contrôlée sans cesse par le calcul et l'expérience, est la seule route, route étroite et raboteuse, il est vrai, qui mène sûrement à la vérité. L'étude du plus petit phénomène, si elle était suffisamment analytiqueet complète, nous conduirait à la connaissance des lois de l'Univers, car, dans l'édifice admirable de la Nature, tout se tient, s'équilibre et s’enchaine. Cette pensée me revient à l'esprit quand je songe au point de départ du présent travail. II a eu pour origine l'examen du pigment des vins rouges; l'étude attentive de ce pigment m’a logiquement conduit à chercher l'explication des mystérieux mécanismes qui président à l’évolution des êtres vivants. On connaît, dans le genre Vilis, une vingtaine d'espèces à fleurs hermaphrodites, originaires de l’'Ancien-Continent, et quinze environ à fleurs dioï- ques ou polygames, dites Vignes américaines. A elle seule, l'espèce Vitis vinifera fournit un nom- bre considérable de variétés ou cépages : L. Portes el Ruyssen, dans leur Traité de la Vigne”, en décri- crivent 719; ils donnent, en plus, des indications sur 200 autres cépages américains. Le savant ampé- lographe V. Pulliat, dans son exploilation de Chiroubles, avait réuni près de 2.000 variétés de vignes, Quelle est l'origine de ces innombrables races, et comment se fait-il que, dès qu'un végétal est utile ou agréable à l'homme par ses fruits, ses fleurs ou son feuillage, on voie se multiplier ses variélés comme à plaisir et presque indéfiniment, ainsi qu'il arrive pour la vigne, le pommier, le poi- rier, l’oranger, le caféier, le tabac, le rosier, les bégonia, ete.? Pour le botaniste et le zoologiste, ce qui distingue l'espèce, c’est un ensemble de caractères se répétant chez un grand nombre d'individus, et pouvant se transmettre héréditairement, sans que, de généra- tion en génération, de semis en semis, ces carac- tères communs, dits spécifiques, viennent à dispa- railre. Toutefois, parmi les individus d'une même espèce, des modificalions sensibles peuvent se pro- duire permettant de les classer en variétés ou races ; elles fontapparaître des caractères de second ordre qui se différencient des premiers par leur variabilité mème et quelquefois par leur manque de fixité. Ces modifications secondaires peuvent s’accentuer ou 1 Paris, 1886. O. Doin, éditeur. disparaitre après quelques générations ou semi successifs, et la majeure partie des individus ain$ reproduits, perdant les caractères secondaires q avaient fait distinguer les races, revient à l’un des types stables de l'espèce ou des espèces prim tives. L'espèce est done variable dans une certaine mesure, et l’on peut se demander : 1° Dans quelles conditions naissent et se pro pagent les nouvelles races ; 2° En quoi consistent les variations ainsi sur venues ; 3° Par quel mécanisme intime se produisent ces transformations de races et d’espèces ? On sait qu'on obtient généralement les races nouvelles par deux procédés: 1° En accouplant deux variétés distinctes (Métis: sage) ou deux espèces plus ou moins rapprochées (Hyhridation). On réussit généralement, chez les végélaux, en pollinisant une variélé ou une espèce par le pollen d'une autre, recueillant les graines qui en résultent, les semantet choisissant les pieds! qui ont varié dans le sens qu'on désire pour les reproduire ensuite indéfiniment par greffe ou pañ bouture ; 2 En profitant des häasards heureux qui fonb apparaitre de temps à autre des individus, où parties d'individus, différents de ceux au milieu desquels ils vivent, séparant ces sujets et les repro= duisant, par accouplements réciproques s'il s'agit des animaux, par greffe ou par bouture si l’on veut conserver des variétés végétales. ! J'analyserai plus loin les conditions qui donnent naissance à ces variations dites spontanées où de hasard, el je ferai connaître un nouveau principe de production de races, j'oserai presque dire, d'es= pèces, principe resté à peu près ignoré ou presque improductif jusqu'ici, mais dont la connaissance semble devoir mettre en nos mains les plus puis-= sants moyens d'action dont nous puissions dis= poser pour modifier les êtres vivants. Inutile de m'étendre sur la pollinisation entre races ou espèces différentes; j'essaierai seulement tout à l'heure d'analyser les effets que nous dési- gnons sous les noms de métissage el d'hybridation: Mais, si, dans cet ordre de faits, tout est enveloppé de mystère, ce mystère s'accentue encore lorsque v ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1047 la variation parait se produire comme d'emblée et spontanément. On a longtemps cru qu'elle s’expli- -quait, dans ces cas, par une sorte de relour au type ancestral, par télégonie, par les hasards d’une pollinisation venue de races ou d'espèces élran- gères ayant primitivement agi sur la fleur, l’ovule et la graine qui porte désormais en elle la raison immédiate ou lointaine de la variation du végétal - à venir. Mais on ne saurait expliquer ainsi, pour prendre un exemple, la pousse d'un rameau d’Aralia à feuilles simples se faisant tout à coup sur un pied d’Aralia à feuilles profondément heptalobées, ou l'apparition, sur un Zigustrum ovalifolium nor- mal à feuilles opposées deux à deux, de branches vigoureuses à feuilles verticillées. Or, ces faits de varialions partielles et subiles et leurs analogues sont aujourd'hui innombrables. Pour tenter de les éclairer, il est indispensable d'établir auparavant en quoi consiste essentielle- ment la modification d’où résulte l'hybride ou le mélis nouveau. Lorsqu'un végétal varie et se transforme, en partie ou en lotalité, en une race nouvelle, la taille et le port, la forme et l'abondance de feuilles, des rameaux et des racines, la couleur des fleurs, l'aspect, le goûtetle parfum des fruits, leur richesse en produils nutrilifs, leur précocité, l'hypertrophie ou l’atrophie de certains organes secondaires, la résistance de la plante au froid, à la chaleur, à la sécheresse, à l'attaque des moisissures ou des In- sectes, ele., tous ces caractères extérieurs, ou du moins quelques-uns, se modifient plus ou moins, et l’on croit généralement que la variation se résume dans l’ensemble de ces changements presque tous quantitatifs, de telle sorte qu'ilsemble qu'on pourrait expliquer les modifications observées en admettant quelanutrilion,devenue prépondérante, de telles ou telles parlies du végétal, de tels ou Lels organes, est l’origine de ces variations de formes. C'est là, du moins, ce que jepensais, ettoutlemondecomme moi, jusqu'en 1877. Mais j'ai montré, vers cette époque, en étudiant les catéchines des Acacias, et surtout de 1878 à 1886, en faisant un long et minutieux examen des malières colorantes produites par les différents cépages", et, plus tard, en examinant les alcaloïdes des tabacs, les tanins végétaux, les diverses albu- mines animales, elc., que chaque fois qu'il y a va- rialion el production d'une nouvelle race, non seu- lement les caractères extérieurs, anatomiques et histologiques, du nouvel être varient, mais encore 1 Voir : C. Rend. Acad. Sciences. t. LXXXIV, pp. 342 et 752; t. LXXXIV, p. 668 et 1507; t. LXXXVII, p. 54. — Bull. Soc. chim., {2}, t. XXVII, p. 496. — Article Vix, du Dictionnaire de Chimie de Würtz, t. II, p. 691.— Mécanisme de la variation des êtres vivants, par ARMAND GauUTier, en HouwmaGe 4 M, CnevreuL, p. 39, et suiv. F. Alcan, éditeur, Paris, 1886. que la structure et la composition même de ses plas- mas, ou du moins des produits immédiats de leur fonctionnement, varient parallèlement, aussi bien dans les cellules destinées à la reproduction que dans les cellules somatiques ou végétatives, dont les plasmas et produits spéciliques sont tous frap- pés de variation. J'ai découvert ce principe et en ai donné les preuves expérimentales, en particulier au cours de mes recherches sur les matières colorantes des vins. À celte époque, se fondant sur quelques observa- tions très incomplètes de Mülder et sur un bon Mémoire de A. Glénard, alors doyen de la Faculté des Sciences de Lyon, on croyait que la matière colorante des vins, l'œnocyanine de Mülder, l'æno- line de Glénard, constituait une seule et même substance pour tous les cépages à vins rouges, et que la variété de coloris des diverses races de raisins tenait à la quantité relative de ce pigment et aux produits accessoires qui pouvaient l'accom- pagner ou s'unir à lui, tels que les matières lanni- ques ou colorantes secondaires, le fer, etc. Glénard n'avait même pas cru devoir, dans son Mémoire !, dire quel cépage lui avait fourni la matière colo- rante des vins rouges qu'il avait éludiée sous le nom d'œnoline. Je sus plus tard par lui qu'il l'avait retirée, en 1858, du vin de Gamay que produit le cépage bourguignon de ee nom. Il lui avait trouvé, la composition CH!°0, que nous remplacerons par la formule polymère de même composition G*°H*0". Mais les recherches que je fis sur l'ænoline en 1878 m'ayantamenéàuneautrecomposition,en cherchant la raison de cette différence et approfondissant ce sujet, je finis par m'apercevoir que chaque cépag possède une matière colorante spécifique, matière qui lui est propre, et qu'on peut distinguer à la fois par ses caractères chimiques et par sa compo- silion centésimale. C’est ainsi que les cépages sui- vants me fournirent les matières colorantes dont j'inscris ici ïes formules : L'Aramon . . . CHs02 Le Carignan . GEHMOES Le Grenache . . CiH4020 Le Teinturier. . CH0% C#H#02 C#H#072 Le Petit Bouschet Le Gamay . L'analyse très attentive de chacune de ces sub- slances colorantes? permet donc de les différencier; mais leur examen un peu précis suflirait déjà pour enlever tous les doutes sur leur non-identité. Quel- 1 Anu. Chim. phys. [3], t. LIV, p. 366. 2 On remarquera que la plupart de ces formules sont divisibles par 2 et souvent par 4, ce qui simplifie beaucoup les difficultés de l'analyse. Ces substances se comportent comme des acides-phénols complexes répondant à des sortes de tanins colorés. 1048 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES ques-unes sont solubles dans l’eau pure, comme celles que donnent le Teinturier et le Petit-Bouschet; les autres, et c’est le plus grand nombre, sont insc- lubles. Les unes précipitent l'acélate de plomb en bleu indigo, tels les pigments du Carignan ou du Teinturier, elc.; d’autres en vert foncé, comme celui de l’Aramon. Les unes sont aptes, après leur préparation, à se polymériser et à devenir lente- ment insolubles dans l'alcool, comme la couleur du Carignan. Des matières colorantes satellites et différentes à chaque cas, accompagnent les prinei- pales en faible proportion; parmi elles, on en distingue même d'azotées. En un mot, tous ces pigments issus de races de vignes différentes cons- tituent des espèces chimiques définies, caractéris- tiques, diflérentes en chaque cépage”. Les mêmes faits s’observent pour les tanins for- més par les espèces de même famille végétale et quelquefois pour ceux que fournissent des plantes de même espèce, mais ron de même variété, et, ce qui pourrait surprendre encore davantage, dans un même végétal, comme le chêne, pour les tanins de telles ou telles parties de la plante. J’ai fait des remarques semblables pour les caté- chines, corps intermédiaires entre les tanins.et les pigments colorés : chaque acacia (Acacia calechu, A.farnesiana, A.arabica, elc.) produit sa catéchine spéciale, comme chaque cépage donne sa matière colorante propre. On peut généraliser encore et faire, pour les essences hydrocarbonées, pour les camphres, les alcaloïdes, etc., des observations analogues. Le Pinus maritima des Landes donne un lérébenthène C°H" déviant à gauche le plan de la lumière po- larisée ; le Pinus australis de la Caroline fournit une essence correspondante CH", de même com- position, mais qui dévie à droite. Cerlaines varié- tés de menthe poivrée présentent une curieuse modification : elles portent à l'extrémité de leurs rameaux non pas des fleurs purpurines en verti- cilles interrompus à la base et formant des épis obus, mais des grappes semblables aux sommités du basilic après que sont tombés les pélales. Cette variété de menthe poivrée, dile hasiliquée, peut même n’apparailre que sur certains rameaux d’un individu par ailleurs normal. Or, tandis que l’es- sence produile par la menthe poivrée ordinaire est lévogyre et d’une odeur agréable, celle qu'on exlrait des plantes basiliquées, ou de leurs ra- meaux, est dexlrogyre et présente une tout autre odeur (E. Charabot et Ebray). 1! La coloration est si particulièrement spécifique de chaque cépage que lorsqu'on pollinise le Aupestris avec le chasselas rose, la couleur faiblement rosée de ce dernier cépage se transmet de semis en semis jusqu'à la huitième et neuvième génération. Il faut maintenant faire un pas de plus. Re- marquons que ces matières colorantes, ces tanins, ces catéchines, ces essences, ces camphres, ces alcaloïdes, etc., sont des produits directement issus des transformations des plasmas cellulaires; et, si les principes formés dans ces cellules ont varié dans leur structure et leur compositions il faut que les plasmas dont ils sont originaires aient eux-mêmes varié sous l'action des causes; quelles qu’elles soient, qui ont déterminé la varia=M tion de la plante et l'apparition d'une race nou=« velle. Que les matériaux des plasmas vivants soient différents entre eux suivant l'espèce ou même la race, nous en avons la preuve chaque fois que nous examinons soigneusement les substances albumi- noïdes qui composent les plasmas de la cellule et de son noyau. Nous savons aujourd'hui que ces matières albuminoïdes, autrefois toutes confondues entre elles, se différencient très sensiblement dès qu’on passe d’une espèce à une autre, et, pour un même individu, presque d'un état à un autre. Les recherches sur les albumines de mêmes groupes chimiques, mais appartenant aux espèces animales les plus rapprochées, telles que le singe etl’homme, lechevaletl’âne,etc.,etsurtoutlestravaux modernes sur les antitoxines et les anticorps, sont venus démontrer cette variation à peu près indéfinie. On. a depuis longtemps remarqué qu'en passant d'un animal à l’autre, l'hémoglobine du sang diffère chaque fois, comme le démontrent ses formes cris- tallines, ses propriétés secondaires et les hématè- nes qui en dérivent (P. Cazeneuve). On sait depuis longtemps que l'albumine de l'œuf d'oiseau, injectée dans les veines d'un mammifère, est aussitôt rejelée par les reins; elle ne peut entrer directement dans la constitution des plasmas spécifiques de ces ani- maux. Si le sérum du sang de brebis est convulsi- vant pour les chiens et celui d’anguille ou de reptile si puissamment toxique pour les animaux à sang chaud, c'est que les albuminoïdes qui les compo- sent, quoiqu'à peu près identiques de composition el de propriétés générales, constituent, en réalité, des espèces chimiques différentes, impropres à s'assimiler directement par les cellules d'autres êtres et à fournir les produits spécifiques dont ces cellules ont besoin en chaque cas pour bien fone- tionner. Lors donc que, dans le végétal donton a constaté la variation, les produits qui se forment changent de composition, c'est que les plasmas dont ils dé- rivent ont eux-mêmes varié, ceux du moins dont ces produits sont directementissus. Or, la variation des plasmas cellulaires entraine celle des cellules qu'ils servent à construire. Il est, d’ailleurs, évident que, dans ces cellules qui se modifient par hybrida- EC nn. dd ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1049 tion ou pour toute autre cause, tous les principes constitutifs essentiels n'ont pas nécessairement arié, mais ceux-là ont dû êlre moléculairement transformés qui sont particuliers à la famille ou à l'espèce que l'on considère, qui servent à imprimer à leurs membres un type spécifique et qui mani- festent leur autonomie par la formation des pig- -ments, lanins, glycosides, essences, alcaloïdes, etc., propres à chacun de ces groupes botaniques na- turels. Les modifications d'où résulte la formation des races sont donc très profondes puisqu'elles attei- gnent jusqu'aux molécules constitutives des plas- mas spécifiques et noyaux celullaires ainsi que leurs dérivés ou produits immédiats. À un examen attentif, ces modifications se traduisent par la for- malion de principes conslitulifs distincts, d'es- pèces moliculaires chimiquement définies ; il n°y a aucun doute, par exemple, que deux essences, même de composition identique, l’une lévogyre, l’autre dextrogyre, ne constituent deux espèces chimiques. J'en dirai autant de deux matières colorantes, l'une soluble, l’autre insoluble, et, a fortiori, si l'une el l’autre répondent à des com- posilions et à des propriétés différentes, comme il arrive pour les pigments des divers cépages de la Vitis vinifera. Toutefois, si, comme je l'ai fait, on examine s'il existe des rapports entre les divers composés homo- nymes ainsi modifiés lorsque, l'espèce dontils sont originaires subissant des variations, il s’est produit une race nouvelle, on s'aperçoit que dans chaque groupe homo nyme entrant dans la constitution de l'être, de ses plasmas ou de ses produits (essences, pigments, matières amylacées, substances pro- téiques, elc.), la variation, tout en modifiant chaque espèce de substances dans leurs détails secondaires, leur conserve cependant à Loutesles caractères géné- raux de la famille ou groupe chimique auquel ces . substances appartiennent. Dans mes recherches sur les matières colorantes de la Vitis vinifera, par exemple, j'ai observé que lous les pigments des cépages que j'ai étudiés jouissent d’une même cons- tilution, de propriétés générales semblables, de dédoublements parallèles sous l’action des réactifs; qu'ils constiluent, en un mot, une famille chimique naturelle. Les édifices qui constituent ces produits tomplexes sont {ous bâtis sur un plan commun : autour d’un noyau trivalent viennent se greffer trois branches lalérales constituant des radicaux com- plexes dérivant de la phloroglucine et des acides protocatéchique et hydroprotocaltéchique. Ainsi défini, cet édifice, tout en conservant sa structure générale, peut varier, en chaque cépage, par intro- duelion ou substitution, dans samoléeule primitive, de radicaux secondaires différents (hydrogène, mé- LR énû 74 id id nr à déni | thyle, allyle, amidogène, etc.), radicaux qui, par leur présence ou leurs substilutions réciproques, im- priment aux pigments de chacune de ces variétés leurs caractères différentiels accessoires. Mais les molécules ainsi modifiées continuent d’appartenir toutes à la même famille chimique. C'est à peu près comme si,, dans une construction gothique ou romane, on venait adjoindre des tourelles ou des clochetons qui, sans toucher au plan général de l'édifice, le modifieraient dans ses dé- lails. Il résulte de ce qui précède que la variation d’où résulte l'apparilion d’une nouvelle race végétale atteint non seulement les parties extérieures et apparentes de la plante, maïs jusqu'aux molécules chimiques spécifiques, intégrantes, de chacune de ses cellules. Cette variation respecte, toutefois le plus souvent, la structure générale des diverses espèces chimiques conslitutives. De race à race, elles varient seulement dans leurs détails secon- daires, de sorte que, pour une même famille de composés, les pigments par exemple, les termes ainsi modifiés font tous partie d'une même famille chimique, de même que les variétés végétales dont elles proviennent appartiennent toujours à la même espèce botanique. Maintenant, dirons-nous que la race, en variant, a fait varier les espèces chimiques constitutives, ou plutôt ne conclurons-nous pas que c’est l'espèce chimique et le protoplasma cellulaire d’où elle sort, qui, en se modifiant, sous l'influence de causes à déterminer, ont fait varier la race? Cette seconde conclusion nous parait seule logique : Un êlre vivant est ce qu'il est par ses organes, et chacun d'eux, à son tour, totalise les fonctions de l’ensemble de ses cellules spécifiques. Mais celles-ci ne fonctionnent elles-mêmes qu'en raison des transformations qui se produisent dans leurs plasmas, transformations qui obéissent aux forces et lois physicochimiques présidant à l'action réciproque des molécules et à leurs associalions. Dans chacun de ces proltoplasmas, ce qui pro- duit le fonctionnement élémentaire, ce sont les réactions muluelles des moléeules albuminoïdes qui les constituent. Si celles-ci viennent à varier, elles fonctionneront autrement, c'est-à-dire que, dans ce protoplasma modifié de structure et de composition chimiques, la nutrition, l’assimilation, les réactions de toule sorte seront modifiées, et, avec le protoplasma, variera l'élément cellulaire auquel il appartient et l'organe tout entier dont cet élément est l'unité primilive. L'ensemble de ces modifications d'organes fonctionnels se totalisera exlérieurement par la variation de l'être tout entier et fera naïître le changement de race, à caractères transmissibles ou non par hérédité. 1050 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES IT On vient de voir que les variations d'espèce et de race ont pour origine les transformations des molécules spécifiques des plasmas, d'où résultent les modifications de fonctionnement de la cellule, les variations des organes el, par suite, celle de l'être tout entier. Il faut maintenant se demander quelles sont les influences qui peuvent ainsi faire varier, dans les êlres vivants, la nature des espèces chimiques entrant dans leur constitution. Examinons d'abord sous quelles influences et conditions les êtres organisés se modifient. D'après les idées de Lamark et de Darwin, les plantes et les animaux reçoivent et totalisent, pour ainsi dire, les impressions ou influences des milieux où il vivent : climat, lerrain, alimentation, aide ou concurrence vitale, etc., dont ils suivent les varia- tions. Ils prospèrent et se modifient en vertu de l'aptitude plus ou moins grande que possèdent tels ou tels de leurs organes à s'adapter aux condi- tions de ces milieux, et, grâce à la sélection na- turelle, tout être puissant et bien organisé se subs- titue peu à peu aux autres. Mais cette sélection naturelle est une conséquence de la propriété d'adaptation, et celle-ci présuppose l'aptitude de certains organes à évoluer en harmonie avec les conditions du milieu dont ces organes utilisent le mieux possible les variations, Or, si ces variations sont trop brusques, l’adaptalion n’a pas le Lemps de se produire et l'être vivant, ne trouvant plus les conditions d'existence adéquates au bon fonction- nement de ses organes, souffre et disparait; et, si ces variations sont très lentes, l'adaptation l'est aussi et les variations restent à peu près insensi- bles : témoins les espèces et même les races d’ani- maux ayant pu vivre, presque sans varier, dans les milieux les plus divers, dans les climats gelés de l'Himalaya et les sables brûlants de l'Afrique, tels que le bouquetin, la chèvre, le chien, le chat, l’homme lui-même, dont les races, depuis des mil- liers d'années, ont été à peine modifiées, ainsi qu'en témoignent les dessins qui datent de l’âge de la pierre polie et ceux des tombeaux de l’an- cienne Egypte. L'adaptation, qu'on ne saurait nier en principe, n'est donc qu'unecause très secondaire de variations. D'ailleurs, sa caractéristique essentielle est de faire passer l'animal ou la plante qui se modifie par une suite de transilions, de formes intermédiaires ; or, les faits paléontologiques aussi bien que les his- toriques, montrent qu'à l'état sauvage les variations des plantes et des animaux, lorsqu'elles ont lieu, se produisent brusquement, ou, du moins, sans laisser trace de termes transilionnels, à moins qu'on ne veuille appeler ainsi les espèces successives qu'on peut assembler en genres et familles natu- relles. Mais, entre chacune de ces espèces, le saut est loujours brusque et l'on ne trouve générale- ment pas d'intermédiaires. Dans les temps géolo- giques, avec la Période secondaire commence le vrai règne des Reptiles : eux, qui n'avaient eu que quelques très rares précurseurs à la fin de la pé- riode paléozoïque, foisonnent dès le début de lère suivante en espèces innombrables, Comment admet- tre que ces diverses espèces sont issues les unes des autres par adaptations successives et sélection et qu'elles n’ont eu cette étrange puissance de va- rialion rapide, el sans transitions, que dans cette période des temps? De même, au commencement de l’Ere tertiaire, on voit se produire presque tout à coup de nombreuses espèces de Mammifères ; jus-… que-là, ils s'étaient bornés à quelques Marsupiaux apparus vers la fin de la Période secondaire. En même temps, dans le règne végétal, les palmiers et les arbres à feuilles caduques succèdent rapide- ment aux Gymnospermes. L'homme se rencontre enfin, presque partout à la fois, à la fin du Ter- liaire ou dés le commencement du Quaternaire; et l'on en est encore a chercher le Pithécanthrope, ce fameux terme de passage entre le Singe et l'Homme. Ces faits, observés depuis bien longtemps, avaient donné lieu à l'hypothèse des créations sue- cessives, hypothèse qui me parait inadmissible, mais qui montre combien les philosophes natu- ralistes avaient été frappés de l'observation uni- verselle, dont on ne saurait méconnaitre la portée, que les types intermédiaires que suppose l’adap- tation n'apparaissent pas dans la Nature, et même que les espèces dites d® transition sont bien loin de se répartir dans l'ensemble des temps, tandis que les types nouveaux foisonnent tout à coup à la fois, ou se succèdent, au cours de certaines périodes relativement très courtes. Dans les temps historiques, comme je le disais plus haut, pas plus que dans les temps géologiques, les passages d'une espèce à l’autre par termes insensibles n'ont été observés. Cependant, d'une race à l’autre, les termes transitionnels existent quelquefois, surtout chez nos animaux domesti- ques; el de l'observalion, de quelques varialions superficieles et sélectionnées qui ne peuvent même pas permettre de suivre la filialion de race à race, on à déduit le principe de l'évolution des espèces par adaptation aux milieux. Mais les faits observés démontrent que les grandes variations dérivent, en général, non de changements continus et insen- sibles, mais de modifications monstrueuses, ani- males ou végétales, se produisant d'emblée et sans transilion. De ces produits, dits spontanés ou de hasard, sont issues, grâce à la sélection naturelle | : À La ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1051 ou artificielle, les races domestiqnes ou végélales actuelles ‘. Pour revenir aux Végétaux, les faits sont là pour démontrer que leurs transformations im- portantes ne sont généralement précédées d'au- cun indice de variation. L'Aralia ordinaire à feuilles heptalobées produit de temps à autre et tout à coup, comme spontanément, des rameaux à feuilles simples, que l’on peut propager par bou- tures. C'est un cas de dimorphisme que rien ne précède ni ne peut faire prévoir. Il en est de même d'une foule d’autres semblables : La rose à feuilles de chanvre a paru un jour sur l’un des rosiers du Luxembourg. Sur un Ziqgustrum ovalifo- lium à feuilles opposées, M. L. Henry, professeur actuel à l'École d'Horticulture de Versailles, à observé et décrit un rameau très vigoureux dont les feuilles étaient verticillées quatre à quatre. Sur un Sambucus nigra normal du Muséum de Paris, le même savant horliculteur a remarqué la fascialion d'une branche qui, reproduite par bouture, à donné des sureaux fasciés dont les fleurs avaient une corolle à 6 et 8 divisions, au lieu de 5 comme dans les fleurs normales. Sur un lilas Varin, à fleurs normalement bleu-violacé, il a observé, en 1901, une branche unique dont les fleurs étaient celles du lilas Saugé, qui sont rouge, pourpre et sur lequel à son tour Carrière a vu se développer, en 1876, une branche à fleurs entièrement blanches. On sait depuis longtemps que certains saules pré- sentent souvent des rameaux dits aberrants, à feuilles opposées et non alternes, d’où sont nées les variétés de saule ainsi conformées que l’on peut reproduire par bouture. Des observations semblables de variations d’or- ganes ont été faites sur les Animaux. Je cilerai comme exemples : larace algérienne des moutons à quatre cornes, que, depuis, l’on reproduit par géné- rations successives: celle des chiens bassets à jambes torses; celles des bœufs Niala de la Répu- blique Argentine portant un allongement mons- trueux du maxillaire inférieur, race née sur place et transmettant ses caractères particuliers à sa des- cendance. Chez les Insectes, les variations tératolo- giques des ailes, dit M. Giard, « apparaissent d'une facon brusque, en discontinuilé avec l’état normal. Si elles se maintiennent par hérédité, elles consti- tuent des variélés nouvelles, parois même des espèces ou des genres nouveaux, lorsque d’autres caractères viennent à se modifier addilionnelle- ment”. » 1 Je parle de races différant par des caractères tranchés, squelettiques ou autres, et non pas seulement par quelques caractères extérieurs tels que la longueur et la couleur des poils, la forme des feuilles, etc. = Sur un exemplaire de Pterodela pedicularia à nervation Les faits analogues, bien observés par les natu- ralisies de nos jours, sont innombrables. Ces variations se produisent toutes sans étre annoncées par des modifications préparatoires intermédiaires. On les appelle des monstruosilés lorsqu'elles sont isolées, isolées dans notre esprit en nos observa- tions ; mais, si elles se perpétuent, si la variation se conserve par semis ou copulation entre deux êlres ayant également varié, elles créent la race et, au besoin, deviennent l'origine d'une espèce nou- velle. Il nous faut montrer, maintenant, quel est dans celte création de race et d’espèce, le poids des in- fluences apportées par les milieux, l'adaptation et la sélection, et celui des causes de variations qui viennent d’autres origines. Nous avons rappelé plus haut que les influences dites lamarkiennes ou darwiniennes d'adaptation au milieu ne provoquent jamais de variations brusques. Les prétendues monstruosilés ont été expliquées par Darwin, par l'hypothèse d'un retour au type ancestral, de telle sorte que, loin d'être l’origine de races ou d'espèces nouvelles, ces monstruosilés en reduiraient le nombre en reve- nant aux types primilifs. Nous verrons tout à l'heure que telle n'est pas leur raison d’être, leur signification, ni leurs effets. En dehors de toute préoccupation d'École, l'ob- servation a montré que les varialions brusques des êtres vivants ont deux origines principales : 1° Les influences réciproques des cellules géné- ralrices ou, pour nous en tenir aux Végétaux, la pollinisalion entre races ou espèces différentes; 2° La spontanéité, du moins apparente, que je remplacerai tout de suite par le principe de la coalescence des plasmas, dont je donnerai tout à l'heure la définition et l'explication. La varialion par pollinisation entre races ou entre espèces est trop évidente et trop connue pour que je m'y arrêle longlemps. Son explication rentre d'ailleurs, comme on va le voir, dans celui des coalescences. Je rappelle seulement, ce que je. disais plus haut, que la variation de race par pollinisation se manifeste non seulement sur les parties du végétal destinées à le reproduire, l’ovule et la graine, mais aussi sur les cellules végétalives et jusque sur les matériaux spécifiques constitutifs de ces cellules. Je peux'en donner ici une démons- doublement anormale (Actes de la Société scientilique du Chili, & NV, p. 19, 1895). M. Giard ajoute : «Partant de la, certains naturalistes ont prétendu que toutes les espèces avaient une semblable origine et que l'action des facteurs primaires ou secondaires de l'évolution devaient céder la place à © tte nouvelle conception de la descendance des êtres vivants par modifications tératologiques discontinues. C'est là, pensons-nous, une interprétalion inexacte et exa- gérée de ces faits. » Je ne puis être ici de l'avis de mon très savant confrère. 1052 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES tration parliculièrement probante et qui me parait jeter une vive lumière sur la facon dont chaque générateur participe à la formation de la race nouvelle. Il existe divers cépages créés, de 1842 à 1850, grâce à une longue suite d'efforts intelligents, par M. Bouschet de Bernard, savant viticulteur de Montpellier. La variété aujourd'hui cultivée un peu partout, dans le Midi de la France, sous le nom de Pelit-Bouschet résulte du semis de graines obte- nues en faisant agir le pollen de l'Aramon sur les fleurs du Yeinlurier préalablement châtrées de leurs étamines ‘. Le Petit-Bouschet descend done par une filiation historique et régulière de deux autres cépages, très différents d’ailleurs au point de vue de leurs formes, de leur hâtivité, de l’abon- dance de leurs fruits et de leur goûtet, plus encore, de leurs matières colorantes; matières solubles dans l’eau et très abondantes dans le Teinlurier, insolubles et en faible proportion dans l'Aramon. Dans quelle mesure les plasmas générateurs, mâle et femelle, se sont-ils alliés pour former la nou- velle race? Existe-t-il des rapports qui lient la couleur du Petit-Bouschet à celle de l'Aramon et du Teinturier? S'est-il confondu avec l'un d'eux ? Ou plutôt en diffère-t-il, d'après cette loi que j'ai plus haut établie, que, pour toute race nouvelle, les principes spéciaux à la famille botanique à laquelle celle race appartient sont constitués par des espèces chimiques différentes ? La question valait la peine d'être examinée de très près. Je préparai donc et analysai avec grand soin les malières colorantes principales de trois cépages, el je trouvai que le pigment du métis, c'est-à-dire du Petit-Bouschet, était exactement l'intermédiaire, et, pour ainsi dire, la moyenne, de ceux des deux ascendants : CSESIO cf 10()20 CH 020 Pigment de l’'Aramon (paternel). . . . . Pisment du Teinturier (maternel). Pigment du Petit-Bouschet (flia] . Ce résultat est intéressant à divers points de vue. Il démontre d’abord, comme nous le disions plus haut, que la variation pollinique se fait sentir sur toutes les parties de l'être et jusque sur ses ultimes principes conslituants. Il montre surtout que les malières spécifiques importantes, et certainement aussi les substances albuminoïdes très complexes des plasmas dont elles sont régulièrement issues, sont en rapport très simple avec les substances correspondantes des deux générateurs. Le pig- ment du Petit-Bouschet est comme la somme, la moyenne arithmétique, des pigments paternel et maternel de l'Aramon et du Teinturier. Fait qui m'a été de nouveau confirmé par le fils du créateur de ce cépage. Nous n'avons pas le droit d'en conclure que toutes les qualités des ascendants se transmettenttoujours ainsi par égale part. On sait que l'influence mater- nelle introduit dans la graine, à l'état latent, l’apli= tude à reproduire le port, le facies, la rusticité, la fécondité du porte-ovule; le pollen étranger agit sur la couleur, le goût, la forme de la fleur, du fruit, de la graine. Mais celle-ci porte en elle, en vertu de l’action pollinique, un principe de varia- tion qui peut atteindre toutes les parties du végétal. Ceci découle des faits rapportés plus haut et plus encore des observations d'influence réciproque qu’exercent les unes sur les autres, dès qu'on les accouple, les cellules végétatives elles-mêmes quand elles appartiennent à des races ou à des espèces différentes, C'est ici le nœud de mon sujet. III ‘Je viens de dire que chaque cellule d'un hybride obtenu par pollinisation est constitué par des plas- mas spécifiques‘ aptes à former des produits nou- veaux témoignant quela varialion dont on n'observe directement que les marques extérieures, a réelle- ment frappé tous les malériaux spéciaux à l'espèce ainsi modifiée. Plasmas et produits portent done en eux la marque, l'impression, de l'agent féconda- teur, cause première de la varialion. Mais de même que la graine de la plante hybridée peut repro- duire directement par semis un nouveau végétal, chacun des bourgeons à feuilles de ce végétal porte aussi en Jui l'impression, quelle qu'elle soit, de l'agent fécondant qui a modifié la race primitive, puisque le rameau qui sortira de ce bourgeon pro- duira plus tard la fleur et enfin la graine qui, elle, pourra reproduire l'hybride. L'organe essentielle- ment végétatif, le bourgeon à feuilles, porte donc dans ses plasmas vivants une forme moléculaire dérivée de celle des plasmas mâle et femelle géné- rateurs de la graine dont est sorti le végétal nou- veau. Ainsi, dans ce bourgeon, la matière polli- nique primilive et la substance spécifique de l'ovule dont est sorti le végétal qui porte ce bourgeon ont laissé leur marque et, virtuellement au moins, leurs aplitudes. Partant de là, j'ai pensé que le mariage des races, qui généralement se fait par pollinisalion, pourrait résulter aussi peut-être de l’accouplement des cellules végétalives, de la coa- lescence de leurs plasmas”, et, généralisant aussitôt cetle hypothèse, il m'a semblé que chaque fois que les formes moléculaires internes, stéréochi- ! J'entends ici par ce mot plasmas toutes les parties des cellules végétales ou animales propres à fonctionner et à se reproduire, en un mot les protoplasmas de la cellule aussi bien que ceux du noyau. ? De coalescere, S'accroitre en commun. x ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1053 miques, de deux plasmas vivants, quelles qu’en soient les origines, pourraient être assez sem- blables entre elles pour admettre une liaison, une alliance, un accroissement simultané ou coales- cence, celle union devrait avoir pour conséquence la modification partielle ou totale des cellules et, avec elles, celle de l'être primitif qui en est formé. Ce mariage des plasmas que déterminent avant tout les hasards d’analogie de leur structure interne, peut se concevoir d’ailleurs à priori entre cellules d'espèces très différentes, et même entre cellules appartenant à des règnes différents, végé- tales, animales ou microbiennes, pouvant, d'autre part, posséder des aptitudes très différentes. Darwin observe, dans son célèbre ouvrage sur la Variation des Espèces, que le greffage d’un bour- geon de rameau à feuilles panachées sur une plante de même espèce, mais à feuilles de couleur uni- forme, suffit à produire quelquefois, sur d’autres branches du sujet n'ayant pas subi la greffe, des bourgeons d'où sortent des feuilles panachées et, dans mon premier Mémoire sur le Mécanisme de la variation des élres vivants, j'ajoute après avoir cité cette observation : « Jei le tissu cellulaire (le tissu végétalif) d'une race végétale, et non plus son pollen, a suffi pour hybrider au contact les tissus d'une race distincte. Nous voyons clairement, dans ce cas, les causes qui avaient produit l'hybridation.. agir notoire- ment sur un autre individu par l'intermédiaire des cellules d’un ascendant une première fois impres- sionnées ou modifiées... Ces quelques exemples nous montrent que ces varialions, et les influences plus ou moins définitives qu'elles traduisent, ont transmis à ces cellules (végétatives) l'aptitude à reproduire les modilications de race lorsque les circonstances sont favorables à celle transmis- Sion. » ‘. Or, si les cellules végétalives peuvent ainsi se modifier gràce à leur influence directe réciproque, cette coalescence des plasmas doit être une cause, un principe de variation, bien autrement puissant que le mélissage ou l’hybridation par les pollens. La pollinisalion, en effet, réussit surtout entre races de même espèce, quelquefois d'espèces dif- férentes, mais assez rapprochées, tandis que l'on sait depuis longtemps déjà (et les beaux travaux de M. Lucien Daniel sont venus donner une grande exlension à ces fails) qu'on peut réunir par greffage ou coaplation non seulement des races, mais des espèces, souvent même des genres différents, elc., qui n'auraient pu se marier par fécondation. Le. piment et la tomate, le navet et ! Hommage à M. Chevreul, p. 35 F. éditeurs, Paris, 1886. Alcan, le chou sont dans ce cas : ils peuvent s'allier par greffe et vivre ensemble. Il faut donc s'attendre à voir ce mode d'application du principe de la coa- lescence des plasmas donner naissance à des varié- tés, sinon à des espèces nouvelles. L'observation a démontré, chez les Animaux comme chez les Plantes, que, lorsqu'un être infé- rieur, d’une famille, quelquefois même d'un règne différent, vit en symbiose sur un hôte, celui-ci se modifie en modifiant à son tour son parasite. Il se fait une adaptlalion, une modification réciproque des cellules en contact direct, quelquefois même de cellules lointaines et de l'être tout entier. Ces modifications peuvent souvent se transmettre par hérédité. De ces faits, il faut rapprocher ceux de même ordre, mais d'une analyse moins compliquée, relatifs à l’action, sur les animaux, des vaccins et des microbes pathogènes dont les plasmas et diastases, en vertu d'analogies d'aptitudes et de stucture dont le détail nous échappe encore, sont aptes à modifier l'être qu'ils atteignent en alliant leurs plasmas aux siens. Or, la constitution de ces cel- lules et plasmas vaccinaux ou pathologiques est si spécifique qu'ils n'agissent que sur telle ou telle espèce, telle ou telle race animale, quelquefois sur telle ou telle partie d’un même êlre. C'est ainsi que chez l’homme seul se produisent les graves modi- fications de la syphilis, de la pellagre, de la lèpre, du myxædème, sous l'influence d'organismes ou plasmas pathologiques, donnant lieu à des modifi- cations qui peuvent se transmettre héréditaire- ment, eomme c'est le cas pour l'hérédo-syphilis chez l'homme. Je rappellerai encore l’immunité, plus ou moins prolongée, acquise aux animaux dont les mères et les ascendants avaient été plus ou moins complètement immunisés vis-à-vis de la diphtérie, du tétanos, du charbon... (Chauveau, Ebrlich, Vaillard, Wernicke, Dziergowski.) Dans beaucoup de maladies microbiennes ou parasilaires nous trouvons des êtres très inférieurs, microbes, amibes, coccidies, protozoaires, elc., alliant leurs plasmas cellulaires, ou les toxines albuminoïdes qui en dérivent immédiatement, aux cellules et plasmas des animaux. Et, dans cette alliance d'où résulte toujours une modification de l'être envahi, il semble qu'il n'y ait d'autre limite à la symbiose où coalescence de ces plasmas que la mystérieuse constitution de ces milieux vivants qui permet l'union entre deux êtres d'espèces souvent très éloignées, quelquefois même appartenant à des règnes différents. Pour en révenir aux Végétaux, dans mon second Mémoire sur le Âécanisme intime de la variation des races !, j'expliquais les varialions rapides et ! Revue scicntilique, 6 février 1897, p. 164. 1054 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES comme spontanées qui surviennent quelquefois chez les Végétaux, par l'hypothèse de l'introduction dans leur tissus, en raison de circonstances for- luites et locales, de plasmas étrangers aptes à les influencer. J’exprimais ainsi cette opinion : « Je suis porté à penser que les modifications rapides observées sur les végétaux peuvent être dues, soit à l’action de certains pollens d'espèces éloignées, soit plutôt à l’inoculation de matières destinées à la reproduction, telles que celles qui se rencontrent dans les spores et les bactéries, ma- tières qui, grâce à un hasard heureux, une piqüre, une blessure... sont mises en relation immédiale avec Le proloplasma végétal qu'elles modifient ensuile. En vertu de quelque mystérieuse analogie qui nous échappe encore entre la constilution des deux protoplasmas, ces matières destinées à la reproduction d’autres types viennent modifier l’or- ganisme récepteur, à peu près comme le virus vac- cinal, le microbe de la fièvre typhoïde, le venin de la vipère ou du cobra, modifient la constitution tout entière et le développement de celui qui les recoit, sans qu'il y ait une relation connue entre l’origine, l'espèce, la constitution de ces substances modificatrices et celle de l'être qu'elles impres- sionnent. » Ainsi directement introduite au sein des plasmas vivants, la matière modificatrice spécifique produit sur les cellules végétatives des réactions et trans- formations non plus lentes et graduelles, mais rapides, sans termes de transition, exactement comme cela se passe lorsque le plasma germinatif du pollen d’une espèce agit directement au contact sur les substances spécifiques de l’ovule d'une autre espèce et fait varier immédiatement les matériaux et l'évolution de la graine qui en sortira. Voici quelques exemples de ces changements subits appelés, bien à tort, syontanés, et dus en réalité non à des-retours ataviques, mais à l’action des êtres inférieurs sur les Végétaux : Sur un rosier à sépales glabres, un rameau à roses mousseuses apparut il y a quelques années au jardin du Luxembourg, à Paris. Or, en exami- nant cette variété, on trouve toujours sur ses pieds une certaine quantité de bedeguars à surface mous- seuse, galles produites par la piqûre et l'inocula- tion d'un Cynips qui semble bien communiquer au rosier qui le porte, comme à la galle où il enferme sa larve, la propriété de produire les singulières excroissances mousseuses qui caractérisent celle variété. Je disais plus haut que dans la menthe poivrée (Wentha piperita) la forme de l'inflorescence peut se modifier. Certains rameaux prennent la dis- posilion des sommités fleuries d’un genre voisin, le basilic (Ocymum basilicum). Ces rameaux dits ha- siliqués produisent dès lors une essence dextrogyre d'odeur particulière etnon plus l'essence de menthe, lévogyre que fournit le reste de la plante. Or, MM. Charabot et Ebray ! ont établi, en 1898, que celle varialion de la menthe poivrée est aussi due à la piqûre d’un insecte. On prend ici sur le fait la tendance au passage d’une espèce à une autre, et presque d'un genre à un autre, sur le rameau du végétal piqué par l'insecte et sur lui seul. D'après M. Marin Molliard”, les fleurs du Matri- caria inodora, lorsqu'elles sont atteintes par le Peronospora Radii, prennent l'aspect des fleurs doubles des Radiées. Beaucoup d'Ombellifères et de Crucifères, sous l’action des Hémiptères et des Aca- riens, offrent une virescence de Lous leurs organes floraux. Le même auteur vient d'observer plusieurs de ces faits de variation subite dus à la coalescence de plasmas étrangers, encore empruntés à des Cryptogames, mais dont les effets se faisaient sen- tir, non plus seulement in situ, comme dans les cas précédents, mais à distance : au milieu de nombreux pieds de Primula officinalis normaux, M. Molliard eut l'occasion d’en remarquer trois dont les fleurs étaient devenues pétaloïdes ; aucun parasite ne fut trouvé sur la partie aérienne de ces plantes, mais les radicelles de ces trois pieds, et de ces pieds seuls, étaient envahies par le mycé- lium d'une Dematiée. Une observation plus inté- ressante encore fut faite sur un pied de Scabiosa columbaria dont les étamines se changaient en pétales; M. Molliard reconnut que ses racines seules étaient envahies par de très nombreuses galles d'Aeterodera radicicola. Iei l'expérience de contrôle suivante fut faite, el elle enlève tous les doutes: des pieds normaux de Scabiosa columbaria furent repiqués sur le terrain envahi par l'Æetero- dera précédent, et ces pieds présentèrent, dès la lloraison, la monstruosité observée. M. Molliard ajoute qu'il a pu se convainere que la forme dioïque du Publicaria dyssenteriea (Gaertner) décrite par M. Giard * est aussi due à une associalion parasitaire intéressant les organes souterrains du végétal. Dans le même ordre d'idées, je pourrais encore citer les faits de tuberculisalion des bourgeons souterrains sous l'influence de l'infection des raci- nes par des champignons endogènes. Tel est, d'après M. N. Bernard’, le cas de la formalion des tubercules de pomme de terre se développant sous l'influence du Æusarium Solani, dont on 1 Bull. Soc. Chim. [3], t. XIX, p. 119. ? Recherches sur les cécidies Aorales, 1895. * Bull. scientifique de France et de Belgique, &. XX, p. 53, 1889. ‘ ? Complt. rend. Acad. Sciences, t. OXXXIT, p. 355. | } 1 : | trouve toujours les filaments et les spores dans les cellules subéreuses de la surface des tubereules sains, alors que les graines du végétal semées dans “un terrain stérilisé, mais fertile, ne reproduisent pas de pieds à tubercules. Il est permis de rap- ‘procher encore de ces faits les variations subies par les Végétaux dans leurs fonction physiologiques et leur réceptivité aux maladies, observées par M. J. Beauverie et par M. J. Ray; je veux parler de l'im- munilé acquise contre les maladies cryptogamiques après innoculations préalables de vaccins consis- tant dans la forme atténuée de Cryptogames di- vers L'envahissement du système radiculaire par les Cryplogames infestant tous les sols cultivés donne, très probablement, l'explication de la perte de résistance des vignes sauvages des forèls de l'Alsace, lesquelles, d'après les observations de M. Obertin, quoique résistant indéfiniment aux ma- ladies cryptogamiques et aux Insectes tant qu'elles restent incultes, deviennent sensibles aux attaques des parasites végétaux et animaux aussilôt qu'on les soumet à la culture. Toutes ces variations des végétaux se traduisant par des changements analomiques des organes végétatifs ou floraux, ou simplement modifications de léurs fonctions, ne sont pas toujours aptes à se conserver par semis successifs, quelquefois même par boutures; mais elles ont ces caractères com- muns, qu'elles se produisent subitement et sans transition, et qu'elles peuvent frapper un seul indi- vidu au milieu de tous les autres et même un seul rameau sur le même individu. En un mot, la produc- tion de ces variétés échappe aux règles de l’adapta- tion, de la sélection, des modifications lentes et suc- cessives. Chaque espèce de cellule conjointe, quelle qu'en soit l’origine, ayant apporté avec elle ses prig- cipes spécifiques, ses diastases, ses plasmas, elc., l'hybridalion ou plus simplement la variation naît nécessairement ef immédiatement de cette associa- tion de deux plasmas différents vivant en commun. Nous venons de parler des effets, généralement dus à d'heureux hasards, des venins, diastases et plasmas étrangers inoculés aux Végétaux et em- pruntés à des espèces souvent très éloignées, sous forme de piqûres ou au cours d'une symbiose cryptogamique et même animale. Mais les exemples les plus frappants et les plus instructifs de l'appli- cation du principe de la variation des races par coalescence de deux plamas végétatifs, empruntés à des espèces différentes, nous sont fournis par l'étude de la greffe. Ici je m'appuierai en grande partie sur les belles recherches de M. Lucien Daniel, le distingué Chargé de Cours de la Faculté 1 Jbidem, t. CXXXII, p. 107 et 307. ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1055 des Sciences de Rennes, tout en ne concevant pas comme lui cette cause de variations‘. J'ai dit plus haut comment j'avais, en 1886°, prévu et expliqué que de l'influence réciproque des cellules végétatives vivantes amenées en contact immédiat par piqûre, coaptation ou grefflage pouvaient résulter des variétés nouvelles, comme par une hybridation asexuée. En voici les preuves : Que l'on porte, comme l'a fait M. L. Daniel, un greffon d'aubergine sur un pied de tomate à fruit côtelé rouge vif, et l’on obtiendra, sur ce pied de tomate, à la fois des fruits allongés pyriformes comme ceux de l’aubergine dont ils ont la couleur, des fruits ovoïdes comme ceux du Solanum ovi- gerum et des fruits aplatis, eôtelés, rappelant bien la tomate par leur forme. C'est là une démonstra- tion très sensible de l'influence du sujet porte- greffe sur les produits sortis du greffon. Mêmes remarques si l’on greffe le piment conique sur la tomate rouge : on obtient ainsi des piments aplalis ayant tout à fait l'aspect de la tomate. Encore ici, les plamas du porte-grefle ont noloirement réagi sur ceux du greffon, résultat d'autant plus intéres- sant que le piment, qui appartient au genre Capsi- cum, n'hybride pas son pollen avec l’ovule de la tomate, qui appartient au genre Zycopersicum. Si l'on greffe l’alliaire officinale sur le chou vert, l'odeur alliacée, si caractéristique, de l’alliaire diminue beaucoup et se mélange de l'odeur de chou. Le rameau d'alliaire greffé sur chou parait d'ailleurs se développer normalement; mais, si l'on vient à semer les graines provenant de ce rameau, on remarque des différences tranchées dans l'appareil assimilaleur des descendants : les feuilles en rosettes de ces alliaires sont plus nom- breuses, plus pleines, à odeur d'ail bien plus atté- nuée que dans les plantes normales. Les racines beaucoup plus ramifiées, plus développées, épais- ses, se rapprochent surtout, de celles du chou. Ces différences s'accentuèrent après un nouveau semis ; .la seconde génération présentait l’année suivante un aspect trapu, des feuilles vertes rapprochées, des inflorescences serrées (et lâches et allongées comme à l'état normal), odeur faible d'ail et de chou qui faisait de ces alliaires greffées sur chou une variété bien distincte résultant de l’action primitive du plasma végétalif du chou porte-greffe sur le-greffon d'alliaire. très non une 1 Voir plus particuliérement : La Variation dans la greffe et l'hérédité des caractères acquis de M. Lucien Danier. Paris, Masson, éditeur, 1899.—Voir aussi S. Joux, Le Jardin, n° du 20 janvier 1899, p. 22. — D'après M. L. Daniel, les variations dues à la greffe dépendraient bien plus du rap- port entre la nutrition générale du sujet et du greffon, et de ce qu'il nomme leur capacité fonctionnelle propre, que de la nature, de la parenté, de l’analogie et aussi des difiéren- ces spécifiques des sèves ou des plasmas cellulaires. ? Hommage à M. Chevreul. Passage cité, p. 35. 1056 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES Le célèbre horticulteur de Nancy, M. Lemoine, a souvent obtenu des variétés d’abutilons et de pas- siflores à feuilles panachées, en greffant des bour- geons d'espèces à feuilles vertes sur des pieds d'espèces panachées. C'est l'inverse de l'observa- tion de Darwin citée plus haut. Nous multiplierions à volonté ces exemples de l'influence du porte-greffe sur le greffon. L’hé- rédité des variations spécifiques ainsi produites a été établie par M. Daniel, par exemple, pour la greffe du navet sur chou cabus, du chou rave sur chou cabus, de l’alliaire sur chou, etc. L'action des plasmas du porte-greffe sur le greffon est done aujourd'hui indiscutablement établie. Des remarques analogues ont été failes relative- ment à l’action réciproque du greffon sur le sujet qui le porte. J'en cilais plus haut un cas observé par Darwin, mais l'exemple le plus frappant est celui du néflier de Bronvaux, près Metz ‘. Il pro- vient d'un néflier autrefois greffé sur aubépine. Toute la partie de l'arbre sortie du greffon est bien un néflier normal; mais, un peu au-dessous de la greffe, le sujet, c'est-à-dire l'épine blanche, a donné naissance à une branche de néflier qui diffère de la partie greffée en ce qu'elle est épineuse et qu'au lieu de porter des fleurs solitaires, celles-ci, au nombre de 12 e! semblables à celles du néflier, sont réunies en corymbe comme dans l'épine blan- che. Les fruits de ce rameau sont de petites nèfles aplaties ou allongées. Dans leur ensemble, ces caractères sont donc bien intermédiaires entre ceux des deux générateurs. Les graines sont malheureusement stériles. Sur une autre branche anormale poussée sur la précédente, les feuilles sont plus grandes que celles de l’aubépine, lobées, mais à lobes moins prononcés que dans l’aubé- pine; les fleurs sont celles de l’aubépine, mais de couleur rose; les fruits, de la grosseur et de la forme de ceux de l'aubépine, sont bruns et velus comme ceux de la nèfle. M. L. Daniel? ayant greffél'/clianthus lætiforus, sorte de Petit Soleil vivace, sur le Grand Soleil (Hælianthus annuus), observa la plus remarquable influence du greffon sur le sujet. L'/Zlianthus læti- {lorus possède, à l’état naturel, une tige ligneuse couverte d'un épiderme vertsombre avec nombreux poils remplacés de bonne heure par des lenticelles étendues, d'aspect caractéristique. Son pied porte des rhizomes très développés qui se renflent en tu- bercules gorgés d'inuline. Le Grand Soleil, plante annuelle, possède une tige à moelle abondante, 1 Signalé au Congrès de la Sociélé nationale d'Horti- culture par MM. Jou. Procès-verbal de la séance du 20 mai 1898, p. 17. Voir, à ce sujet, une note de M. L. Henny sur les formes intermédiaires entre néllier et aubépine in Journ. Soc. Agriculture de France, octobre 1599. # Voir Comptes Rend., Acad. Sc., t. GXXXIV, p. 866. très peu ligneuse, un épiderme vert pâle, des poils persistants, pas de rhizomes. Les pieds d'Hælian- thus annuus, greffés d'Hælianthus lætiflorus, furent profondément modifiés : alors que les autres Grands Soleils voisins étaient morts depuis long- temps, les pieds greffés vivaient encore, fin octobre, presque aussi verts qu'à la fin de l'été. La tige avait pris l'aspect de celle de l’Æælianthus lætiflorus; elle était d'un bois fort dur et deux fois et demie aussi grosse que celle des Soleils ordinaires. Les poils élaient tombés et avaient été remplacés par les len- üicelles de l'A. Jætiflorus. Les racines étaient très développées, à chevelu inextricable. Les rhizomes à inuline n'avaient pas paru, la substance mère de celle-ci ayant élé probablement changée en bois ef fixée dans la lige. Tous ces faits, rapprochés de ceux que j'exposais plus haut sur l’action des inoculations par piqûres d'Insectes, ou par parasilisme d'Animaux inférieurs ou de Cryptogames agissant sur les Végétaux, me paraissent dériver du principe de la coalescence des plasmas, soit que les celluies végétatives restent en place, soit qu'elles puissent émigrer, comme cela se voit si souvent chez les Animaux. Mais, pour que cette symbiose ou coalescence se réalise, pour que la grefle réussisse et devienne l’origine de variélés aptes à se reproduire par boutures ou par graines, il faut que les plasmas aient des cons- titutions semblables, qu'ils soient aples à se péné- trer, que leurs molécules constitutives puissent se remplacer au besoin. Or, cette aplitude, qui résulte de leur structure intime, préexiste à leur rappro- chement. Je ne puis donc être de l'avis de M. L. Daniel quand ildit': «Pour qu'une greffe réussisse, il faut et il suffit que les protoplasmas du sujet et du greffon n'aient pas, à a suite de l'opération, leurs propriétés chimiques et physiologiques modi- fées au delà d'une limite délerminée qui annihile les propriétés essentielles de la substance vivante ». Quant à moi, je pense que, pour que l'association et les modifications mutuelles se produisent, il faut qu'il y ait similitude de structure, analogie suffisante etpréexistante entre les plasmas vivants, essentiels, des cellules végélatives des deux races ou espèces qu'on essaie de rapprocher. Je dis analogie non pas bolanique, mais tissulaire, structurale, chimi- que. Si toutes les Chicoracées se greffent entre elles, sauf les espèces qui forment de l'inuline sur celles qui n’en forment pas, c'est que celles à inu- line ont un protoplasme inverse, ou symétrique, du protoplasma de celles qui n’en produisent point; le premier est propre à faire naître des produits tournant à gauche le plan de la lumière polarisée, 1 Los variations dans la greffe, p. 132. Masson, éditeur. Paris, 1892. ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES 1057 des inulines à structure gauche; les seconds for- ment des amidons à structure inverse lournant à droile le plan de la lumière polarisée. La produc- tion de l’inuline, en place d'amidon, chez certaines Chicoracées, est la meilleure révélation de la struc- ture inverse de leurs protoplasmas. Si l’on me permet une comparaison un peu vulgaire, je dirais que, pour que deux plasmas s'allient, il faut qu'ils puissent s'emboîter; or, rien ne s'emboile plus mal que deux hélices dextrogyre et sinistrogvre. Je sais bien qu'on a reconnu que la coalescence par greffage peut réussir, dans quelques cas, entre espèces assez éloignées, pouvant même quelquefois - appartenir à des familles différentes. Exemples : le - chrysanthème (Chamomillées) et l'absinthe (Arté- misces) se greffent sur le Soleil (/élianthées); le fenouil (Sésélinées) et le panais (Peucédances) se greffent sur la carotte (Daucinées), alors que, dans la famille des Légumineuses, on ne peul parvenir à greffer entre elles les plantes appartenant à deux tribus différentes, et que dans les Chicoracées on : ne réussit pas à souder celles à inuline à celles à amidon*. Ceci paraîtrait contraire au principe de la coalescence des plasmas, et le serait, en effet, si . l'on pouvait affirmer que la classification bolanique* est fondée sur la structure intérieure des organes et plasmas, au lieu de l’êlre sur les formes exté- rieures de la fleur *. ILest possible, d’ailleurs, que ces faits négatifs tiennent quelquefois à l’activité végétalive très dif- férente du greffon et du sujet, qui ne permet pas l'union intime ou l’utilisation des matières nutri- . tives pouvant être parvenues à un degré différent d'assimilabilité daus le greffon et dans le porte- greffe. Tel me parait être le cas de la greffe, excep- _tionnellement délicate, du cognassier sur poirier. Il est certain que l’analogie des plasmas germi- natifs et végétatifs des plantes qui peuvent se fé- conder mutuellement ou s'unir par greflage est liée aux analogies des structures de la fleur et de la graine sur lesquelles est fondée la classification botanique, puisque la pollinisation et le greffage réussissent le plus souvent entre variétés d'une même espèce ou entre espèces voisines Ÿ; mais cette analogie des deux plasmas n'est pas une iden- : Des faits semblables se remarquent du reste pour l'hybri- dation pollinique; chez les Crucifères, Gaertner n'a jamais -pu obtenir de croisements entre deux espèces différentes. Chez les Solanées, on ne réussit jamais entre deux espèces appartenant à deux genres différents, alors qu'on est certain de l'analogie de la structure florale. ? Toutefois, il faut qu'il existe, en général, quelque rap- port simple, quelque analogie mystérieuse entre les carac- tères extérieurs de la fleur et la structure stéréochimique des plasmas fécondatifs et végétatifs pour que ce soit le plus souvent entre espèces voisines que s’allient les plasmas générateurs et que réussissent les greffes. _ * De même, chez les Animaux, l'analogie de structure des . plasmas est liée à la structure anatomique. En ellet, les REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. tité, et le rapport qui les unit en chaque cas peut être plus ou moins étroit : M. L. Daniel a montré qu'on peut greffer le chou sur l’alliaire, le chou sur le navet, le piment sur la tomate, et réciproque- ment; mais les fécondations du chou par l’alliaire ou le navet, de la tomate par le piment ne réussis- sent pas, pas plus que ne réussit celle du Soleil par le chrysanthème ou l’absinthe, qui se gref- fent cependant sur lui. Pour qu'il y ait coales- cence, il faut avant tout (sans que ce soit toujours une condition suffisante) que les plasmas cellu- laires puissent, en vertu de l’analogie de leurs structures, coexister, se remplacer l’un l’autre, comme les substances isomorphes, sans être iden- liques cependant entre elles, peuvent se remplacer el coexister l’une à côté de l’autre, en proportions variables, dans un même cristal. Tout semble venir appuyer cette comparaison et démontrer, en effet, que, dans la structure des nouvelles races, les molécules issues des deux gé- nérateurs s'associent d’abord sans se fusionner en une molécule mixte. Elles paraissent se juxta- poser, comme nous savons que se produit en physiologie, la soudure des diastases aux corps qu'elles modifient; en pathologie, l'union des toxines aux antitoxines, des corps aux anticorps, etc., etc. Sur le singulier rameau du néflier de Bronvaux, on voit les branches de l'espèce nèfle pousser à côlé des branches de l’épine blanche, et, sur la même branche, les caractères des deux géné- ralteurs peuvent encore se disjoindre. Dans les greffes de piment sur tomate, on peut apercevoir de semblables dissociations. Mèmes effets s’il s'agit d'hybrides par pollinisalion, comme en témoignent les fleurs panachées des deux couleurs des ascen- dants, ou la diversité des individus sortis du semis de graines issues d’un pied unique ayant reçu le: pollen d'une autre variété. Tous les degrés de mé- lange des plasmas générateurs se rencontrent géné- ralement dans les sujets issus de ces mariages etils peuvent même comporter le divorce des conjoints, espèces voisines seules peuvent allier leurs plasmas fécon- dateurs; et les plasmas végétatifs eux-mêmes, ceux du sang en particulier, ne se fusionnent que dans les espèces à struc- tures extérieures très rapprochées. C'est ainsi que, si l’on injecte à un animal du sang d'une espèce différente, ces sangs ne se fusionnent pas, et l'animal détruira ce sang étrauger ou sera détruit par lui. Le sang de l'homme détruit le sang de chien, de mouton, de lapin, de bœuf, et récipro- quement. Au contraire, de mème que s'allient leurs plas- mas générateurs, le sang de lièvre peut être injecté au lapin, celui du rat à la souris, du chien au loup et'au renard, du chat au jaguar, et réciproquement. Seuls les sangs des singes anthropomorphes, chimpanzé, orang, gibbon, peu- vent être mélangés au sang huwain, et le sang humain in- jecté au chimpauzé; maisles sangs des singes platyrrhiniens ne peuvent être injectés à l'homme sans être détruits. La structure interne de leurs plasmas diffère donc trop de celle du sang humain, comme diffèrent trop les structures externes des animaux qui les fournissent, 23% 1058 ARMAND GAUTIER — MÉCANISME DE LA VARIATION DES RACES ET DES ESPÈCES que l’on peut voir se séparer des diverses parties du” végétal ou plus souvent à la suite de semissuccessifs. La coalescence des plasmas végétalifs ou fécon- dateurs semble done être comme un accouplement où chaque espèce chimique conserve plus ou moins longtemps sa personnalité, je dirais presque sa liberté. Aussi cette coalescence ne suffit-elle pas toujours à assurer la stabilité des races nouvelles. Pour qu'elles se fixent, il faut que l'alliance soit profonde et répétée, que les deux plasmas qui se marient, se fusionnent enfin en une espèce unique. A ce phénomène définilif qui fixe désormais la race, contribuent la continuilé et la répétition des influences, l’ensemble des forces physico-chimi- ques réagissant dans la cellule, en particulier la chaleur et la lumière, qui, en général, font tendre les molécules constituantes vers des états d'équi- libre de plus en plus stables. De deux molécules plasmaliques assez rapprochées et déjà très insta- bles par elles-mêmes, comme le sont tous les com- posés albuminoïdes, dérive enfin une molécule définitive nouvelle qui vient fixer la race ou l’es- pèce en lui communiquant sa stabilité relative. Concluons : Un être vivant varie parce que les plasmas spécifiques de ses organes ont varié. Je l'ai établi au début de cet article. Ces modifications moléculaires sont généralement dues à l'action des plasmas étrangers, fécondatifs ou végélatifs, que des circonstances naturelles ou fortuites ont mis en coalescence avec les cellules de l'être que l'on considère. Cette coalescence ou accroissement en commun est la conséquence de l'analogie de fonctionnement de deux plasmas, elle-même corré- lative de l'analogie de leur structure, et celle-ci semble à son tour plus ou moins expressément en rapport avec les formes extérieures de la fleur et de la graine chez les plantes, avec la structure anatomique chez l'animal. La race nouvelle demeure variable, tant que les plasmas alliés restent coaptés ou inlimement unis sans arriver, grâce à la continuité de leur contact et à l’action des agents extérieurs : chaleur et lumière surtout, à former une molécule unique nouvelle, générale- ment plus stable que celles des deux composants. Sauf les cas où intervient la sélection artificielle, c'est donc vers un état de stabilité toujours plus grand que tendent les races et, à plus forte raison, les espèces végétales et animales. La fixité de ces dernières, démontrée par la grande difficulté qu'elles ont de passer d’une espèce à une autre, est la conséquence rationnelle de la fixité de la partie commune de l'édifice moléculaire propre aux diffé- rentes variétés de l'espèce, et de l'impossibilité qu'on éprouve le plus souvent à faire passer ces molécules spécifiques de leurs photoplasmas d’une famille chimique à une autre famille. TV En appliquant maintenant ces vues à la produe= lion de nouveaux cépages, il me semble qu'il x aurait intérêt à tenter les essais suivants : En ce qui touche aux influences dérivées des plasmas reproducteurs, essayer des fécondations par pollens de Vitis vinifera sur plants américains puis sur les races qui découleraient successive- ment de celte hybridation, de façon à produire; sinon des cépages nouveaux, directement utilisables par leurs fruits, au moins des porte-greffes modi- fiés par le pollen européen et dès lors aptes à se marier par greffage neutre et solide aux meil- leurs cépages de vinifera sans que le porte-grefte influence sensiblement le greffon en raison de la modilicalion préalable de ses plasmas. Pour ce qui est des influences réciproques du greflon et du sujet, il semble qu'un premier gref- fage, même à yrefle mixte, c'est-à-dire où la végé- tation du porte-greffe est assurée par la conserva- tion de quelques-uns de ses rameaux, ne confère au greflon qu'une partie des aptitudes du sujet, puisque nous avons vu que celui-ci est lui-même #modifié par le greffon. Mais, si un œil de greffe pris sur une branche déjà greffée sur un pied de race étrangère, et qui par conséquent est déjà modifié lui- même par la greffe qu'il a subie, est porté sur un second pied de cette même race n'ayant jamais subi de greffage, celui-ci communiquera au gref- fon déjà impressionné une nouvelle modifica- tion dans le même sens que le premier sujet; el, sices grefles successives sur pieds vierges de race pure se répètent une troisième, une quatrième fois, elc., on accumulera sur le greffon de troi- sième et quatrième portée les qualités du porte- grefle. Telles seront, si l'on a bien choisi celui-ci, la résistance au froid, à la sécheresse et aux moisissures, la hâtivité, l'abondance du fruit, etc. ; en même temps, on conférera à la race ainsi modifiée une plus grande fixité. Supposons que nous choisissions comme porle- greffe un plant américain, bien résistant au phyl- loxera, à la chlorose et aux moisissures, et pet où pas foxé. Greflé d'un de nos bons cépages fran- cais, il communiquera en quelque mesure à son greflon certaines de ses qualités secondaires, peut- être une parlie de sa résistance aux atteintes du phylloxera. Le greffage d'un bourgeon emprunté à ce rameau déjà impressionné, sur un autre pied vierge américain de même race, accentuera Sans doute encore la résistance acquise, et ainsi, de greffe en greffe jusqu'à la quatrième ou cin- quième opération. Que l'on sème alors la graine du cépage français ainsi modifié par ces grefles successives sur pieds vierges américains, il en RE ES SE ns à à. CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 1059 résullera des variélés nouvelles et l’on pourra recueillir celles où se sont accumulées à la fois les “propriétés du plant américain apte à la résistance “au phylloxéra, et qui aura le mieux conservé au fruit les qualités du plant français primilif. Mais j'entre ici dans le domaine de la pratique et je m'aperçois que je m'adresse à de savants agri- culteurs, des œnologues éminents, des profes- seurs de Viticulture, à qui je dois demander le résultat de leur expérience plutôt qu'essayer de suggérer mes idées et mes plans. En écrivant cet article, mon but à été seulement de tenter d'expliquer, d’après mes observations person- nelles et celles des autres, combien profondes sont les modifications que l’hybridation sexuelle . introduit dans la constitulion, dans la trame même du végélal, et comment le principe nou- veau de la coalescence des plasmas explique les » faits dits de variation spontanée et permet de les rapprocher des hybridations par pollens d'espèces ou de variétés différentes. Ce principe me parait donner la raison à la fois des modifications dites monstrueuses et de celles que les travaux des sa- vants modernes sur les effets de la greffe sont venus nous faire connaitre. L'étude méthodique, expérimentale, des modifications produites par les piqüres d’Insectes, la symbiose des Bactéries, des moisissures, des parasiles de toute espèce, les ino- culations de toxines ou de plasmas divers, et sur- tout les hybridations par greffe entre espèces voi- sines ou éloignées, constilue un vaste domaine plein de promesses pour l'avenir. Il me semble qu'éclai- rés par le principe de la coalescence des plasmas, qui permet de tenter et d'expliquer les alliances les plus lointaines et les plus imprévues, horticul- teurs ou viliculteurs ne seront désormais plus obli- gés, en dehors des variations obtenues par polli- nisation et semis, d'attendre de hasards plus ou moins heureux, mais toujours rares et incertains, la production de races nouvelles que, sans le prin- cipe de la coalescence, on ne savait comment expli- quer, diriger, imiter ou provoquer’. Armand Gautier, de l'Académie des Sciences, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Le magnétisme a été, depuis une vingtaine d'an- nées, l'objet de nombreux travaux ; mais, si ceux-ci ont mis en évidence beaucoup de résultats nou- veaux ebont conduit en particulier à de notables améliorations dans l'industrie électrique, il en est assez peu qui aient contribué activement à une connaissance plus intime des actions magnétiques _ et de leur mécanisme. J'ai essayé d'augmenter cette catégorie d'expériences en étudiant non pas les pro- priétés de substances magnétiques ordinaires, mais celles de substances magnétiques en formation et . soumises à la force magnétique pendant leur for- . mation même. Il élait naturel d'employer des | dépôts électrolytiques. Le sujet est loin d’être nou- veau, car, dès 1860, Beetz! constata qu'on obtient . ainsi facilement la saturation magnétique, résultat favorable à la théorie de l'aimantation de Weber : mais je ne crois pas que, depuis cette époque, ce genre d'expériences ait été repris, J’indiquerai d'abord brièvement le principe des recherches : On sail que, pour aimanter un morceau de fer, il faut le soumettre à une force magnétique ou, comme on dit habituellement, le placer dans un champ magnétique, c'est-à-dire dans un espace 4 Beerz : Pogg. Ann., t. CXI, p. 107-121 ; 1860. MAGNÉTISME, COUCHES DE PASSAGE ET ACTIONS À PETITE DISTANCE où agissent des forces magnétiques produites soit pas des aimants, soit par des courants électriques. On appelle intensité du champ la valeur de la force au point considéré. Le cas le plus favorable pour obtenir des résultats nets est celui où Le champ est uniforme, c'est-à-dire où la force y est cons- tante en grandeur et en direction. Dans mes expé-- riences, le dépôt électrolytique de fer s’opérait dans un champ magnétique uniforme, d'intensité connue, et un magnélomètre permettait de connaitre à chaque instant l’aimantation acquise par le dépôt. 1° J'ai mesuré l’aimantation des dépôts pour diffé- rentes valeurs du champ magnétique agissant pen- dant leur formation; puis, les dépôts une fois for- més, j'ai étudié l’action exercée sur leur aimantation par un champ magnétique variable, c’est-à-dire que j'ai construit leurs courbes d'hystérésis. 29 Au début de la formation de chaque dépôt se produit une perturbalion qui ne peut être attribuée qu à la cause suivante : les propriétés magnéliques d'une substance ne prennent une valeur définie qu'à une certaine distance de la surface. J'ai déter- miné l'épaisseur limite correspondante en effec- 4 Mémoire lu le 16 novembre 1901, au Congrès interna- tional de l'hybridation de la Vigne, tenu à Lyon, 1060 CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE tuant des dépôts de fer sur différents métaux, argent, cuivre, laiton, or, platine; j'ai étudié aussi des dépôts de nickel. 3° Lorsque le dépôt de fer est effectué sur une électrode d'un métal magnétique préalablement aimantée elle-même, l’aimantation de l'électrode entraine une aimanlation du dépôt de même sens que la sienne, et cette action magnétisante au con- tact est si active qu'elle l'emporte sur l’action d'un champ magnétique de sens contraire, agissant en même temps. J'ai étudié en détail cette nouvelle action magnélisante. 4° J'ai cherché comment varie cette action ma- gnétisante de l’électrode quand, au lieu d'effectuer le dépôt directement sur l’électrode aimantée, on recouvre d'abord celle-ci d’une couche très mince d'un métal non magnélique, c'est-à-dire que j'ai étudié le rayon d'activité de celte action magnéli- sante. Ce sont ces différents points que je vais examiner ; je n'entrerai pas ici dans les détails techniques ! et j'exposerai surtout les résultats, en indiquant l'in- térêt qu'ils présentent au point de vue général. I. —— ACTION DU CHAMP MAGNÉTIQUE SUR LES DÉPOTS ÉLECTROLYTIQUES. Les dépôts électrolytiques sont effectués à l'inté- rieur d'un long tube de verre vertical: les cathodes sont des tiges cylindriques disposées suivant l’axe du tube ; l’anode est une carcasse cylindrique en fils de platine, qu'on peut faire glisser le long dela paroi du tube; le champs magnétique est produit par un courant électrique circulant dans une bobine dont les spires entourent directement le tube de verre ; le magnétomètre est disposé près du tube. $ 1. — Aimantation acquise par les dépôts pendant leur formation. Supposons qu'on produise un dépôt, les condi- tions de l’électrolyse restant bien constantes, et le champ magnétique ayant aussi une valeur fixe. Sur l'échelle divisée qui recoit un rayon lumineux réfléchi par le miroir du magnétomètre, on observe un mouvement de la tache lumineuse : la déviation de cette tache à partir de sa position ini- liale mesure, à un moment quelconque, l'aimanta- tion totale du dépôt; si donc l'épaisseur de celui-ci croit proportionnellement au temps, et si l'aiman- tation acquise par chaque parcelle a une valeur constante, la courbe qui représente des déviations de la lache en fonction du temps doit être une ligne droite, et le coefficient angulaire de cette droite mesure l'intensité de l'aimantalion acquise 1‘ On pourra les trouver dans le Journal de Physique el l'Eclairage Electrique. par le dépôt dans cette expérience. C’est bien ce que donne l'expérience, sauf cependant au début de chaque dépôt : il se produit là une perturbation dont je parlerai plus loin; les courbes ont, près de l'origine, une partie légèrement courbe, mais le reste est une ligne droite, ce qui permet de mesurer l'intensité d’aimantation de chaque dépôt. En effectuant une série de dépôts de fer dans des conditions identiques, et en faisant varier seu- lement le champ magnétique dans lequel est pro- duit le dépôt, on obtient une série de valeurs de l'intensité d'aimantalion, et on peut ainsi tracer une courbe représentant l'intensité d’aimantation des dépôts en fonction du champ. C’est la courbe A de la figure 1‘; pour qu'on puisse la comparer facilement avec la courbe d'aimantation ordinaire, j'ai déterminé celle-ci pour le même fer. Pour cela, i H 10 20 30 yo 50 Fig. 1.— Jntensilé d'aimantation d'un dépôt électrolytique en fonction du champ magnétique. — À, pendant sa for- mation: B, après sa formation. j'ai effectué un dépôt dans les mêmes conditions que les précédents, mais dans un champ magné- tique aussi faible que possible, c’est-à-dire en fai- sant passer dans la bobine un courant de sens et d'intensité Lels qu'il compensàl aussi exactement que possible la composante verticale du champ terrestre ; laimantation acquise par ce dépôt est très faible : après sa formation, on peut alors l'ai- manter à la manière ordinaire, en faisant croitre le champ magnélique produit par la bobine; on oblient ainsi la courbe B. On voit que la courbe d'aimantation des dépôts monte beaucoup plus vite que la courbe ordinaire; elle n’a, d'ailleurs, pas la mème allure : elle ne présente pas de point d'in- flexion, et sa croissance est très rapide dès l’ori- 4 Dans cette figure, et dans les figures 2 et 3, les abscisses représentent les valeurs du champ en gauss (unité électro magn. C. G. S.), et les ordonnées les valeurs de l'intensité d'aimantatien en unités arbitraires. La forme de la courbe B vérifie, ce qui est bien connu, que le fer électrolytique se comporte comme un acier dur. _ Lhstitt bise dis, sé. ine ‘ ; dans chaque expérience donnant un point P - de la courbe À, le champ correspondant agit à chaque instant pendant la formation même du - dépôt; on doit donc considérer cette courbe comme donnant l’aimantation la plus grande que puisse atteindre le fer étudié sous l'action d'un champ » agissant seul. C'est, si l'on veut, une courbe nor- male d'aimantation. $ 2, — Courbes d’hystérésis des dépôts obtenus dans un champ magnétique. Un dépôt de fer ayant été formé dans un champ H,, on peut, en prenant certaines précautions sur lesquelles je n'insiste pas ici, étudier l'influence sur son aimantalion d'une variation du champ magnétique. D'abord, en ramenant le champ à 0, on constate que l’aimantation rémanente est très sensiblement égale à celle acquise par le dépôt pendant sa for- mation; cette aimantation est d’ailleurs moins sensible aux chocs que celle des aimants ordi- naires; les aimants obtenus ainsi sont donc de très bons aimants permanents; mais il est difficile d'en obtenir d’un peu épais. Les courbes des figures 2 et 3 indiquent suffi- samment l’action de cycles du champ magnétique ; on voit que l’hystérésis est très intense; on remar- quera l'allure de la branche AB, correspondant à l’action d’une augmentation du champ à partir de H,, qui n'est pas celle des courbes d’aimantation ordinaires. Un champ magnétique négatif croissant reste longtemps sans aclion sensible sur l'aiman- . Fig. 2. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique obtenu dans un champ magnétique. lalion du dépôt; pour une certaine valeur du champ, son action augmente brusquement et ren- verse bientôt cette aimantation. Lorsqu'on est ar- rivé à cette période de variation rapide et qu'on 1 C'est pourquoi, quand on cherche à obtenir un dépôt non aimanté, en compensant le champ terrestre, la compen- sation n'étant jamais parfaite, il se produit toujours une certaine aimantation dans un sens ou dans l’autre. CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 1061 fixe un moment le champ, on conslate un trainage magnétique considérable, c'est-à-dire une varia- tion rapide d’abord, puis de plus en plus lente, de l’action du dépôt sur le magnétomètre; ce lrainage a ceci d'intéressant qu'il a lieu pour des valeurs élevées du champ magnétique. Les propriétés révélées par ces courbes presque Ï — -+ i 1 | rite x BASE 30 2u 18 12 6 (o] 6. H,12 18 24 30 Fig. 3. — Courbe d'hystérésis d'un dépôt électrolytique obtenu dans un champ magnétique. rectangulaires sont bien particulières aux dépôts obtenus dans un champ magnétique notable, car les courbes d'hystérésis obtenues avec des dépôts identiques, mais préparés, comme il a été dit plus haut, dans un champ presque nul, ont une forme ordinaire, bien plus arrondie. En résumé, les caractères de l'aimantation ac- quise par les dépôts formés dans un champ magné- tique sont d'être très élevée, relativement à celle obtenue par les procédés ordinaires (évidemment, pour les valeurs du champ qui n'entrainent pas la saturation par ces procédés), el très lenace. II. — PROPRIÉTÉS MAGNÉTIQUES DE COUCHES TRÈS MINCES DE FER. J'ai dit plus haut que les courbes qui représen- tent la marche du magnétomètre en fonction du temps pendant la formation d'un dépôt de fer sont des droites, sauf près de l’origine ; elles commen- cent par une partie courbe, concave vers le haut (fig. 4, courbe C; on n’a figuré qu'une partie de la droite, pour donner plus d'importance dans la figure à la partie courbe); l'interprétation nalu- relle de ce fait est que l'intensité d’aimantation acquise par les premières couches est plus faible que l'intensité bien définie acquise par les couches qui se déposent lorsque l'épaisseur du dépôt a dé- passé une certaine valeur; la forme de la portion iniliale de la courbe, qui se raccorde sans coude brusque avec la portion rectiligne, montre que l'intensité d'aimantation croit à mesure que l'épais- seur du dépôt se rapproche d'une valeur limite, à 1062 partir de laquelle lintensité devient bien dé- finie. On pourrait penser que cette perturbation initiale ne correspond pas à une varialion des pro- priétés magnétiques, mais à un trouble dans le début de l'électrolyse ; une discussion approfondie, que je ne reproduirai pas ici, montre que cette hypothèse est inadmissible. D'ailleurs, une preuve suffisante résulte d’un fait qu'il me reste à indi- quer : la partie initiale courbe est très netle pour les champs assez faibles, de quelques gauss ; mais, si l'on effectue le dépôt dans un champ plus intense, elle est moins marquée, et, si la valeur du champ est telle que l'aimantation soit dans la région de saturalion, c’est-à-dire si celle valeur dépasse douze ou quinze gauss, la partie courbe disparait pratiquement, c’est-à-dire qu'alors les premières couches s’aimantent à saturation comme les cou- Temps Fig. 4. — Intensité d'aimantation d'un dépôt électrolytique près de l'origine, — C, fer; C', nickel. ches suivantes: la différence des propriétés ma- gnétiques n'apparait que lorsqu'on opère dans des champs pour lesquels la saturation n’est pas atteinte. Or, pour revenir à l'hypothèse faite tout à l'heure, si la partie courbe provenait d'un trouble dans l'électrolyse, il n'y aurait pas de raison pour qu'elle disparaisse pour certaines va- leurs du champ. J'ai déterminé la valeur de l'épaisseur limite à partir de laquelle commence à se former une couche de fer de propriétés magnéliques bien définies, en opérant pour des valeurs convenables du champ, et en déduisant l'épaisseur de chaque dépôt de sa masse. J'ai pris comme supports des dépôts de diffé- rents mélaux, pour rechercher l'influence possible de la nature du support. Voici les moyennes des résultats obtenus pour chacun de ces métaux, en uy (millionièmes de millimètre). Dépôts sur argent. 79 pu — CUIVLE NE NE NU — TALONS A PR TENNEE ArON = L00 AE A ES Te D ERRAE 2: L — Platine ten ONCE CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE La moyenne de toutes les déterminations est à très peu près 83 ve: eu égard aux difficultés des expériences, les nombres obtenus avec ces diffé- rents supports s'accordent suffisamment, et il semble bien qu'on puisse conclure des résultats précédents que la nature du métal pris comme support est sans influence. Les expériences du même genre relatives au nickel conduisent à des courbes dont la partie iniliale a, au contraire de celles correspondant au fer, un coefficient angulaire plus élevé que la partie rectiligne (exemple : courbe C, fig. 4); il en résulte que l'intensité d’aimantation est plus grande pour les premières couches que pour les couches sui- vantes; l'épaisseur à partir de laquelle commence à se former une couche de propriélés magnétiques définies est beaucoup plus grande que pour le fer, environ 200 uv. Des résultats précédents, que faut-il conclure, relalivement à l'épaisseur des couches de passage? Dans cette Revue’, M. Vincent a exposé el inter- prété les expériences se rapportant à ce sujet. J'y renverrai le lecteur; mais, pour indiquer nette- ment l'état de la-question, je résumerai ici les faits, dont plusieurs ont été acquis postérieure- ment au travail de M. Vincent, en les séparant de l'interprétation. Plateau” constate que la tension superficielle de membranes savonneuses reste constante quand leur épaisseur a été diminuée jus- qu'à A1A4uu (il n'a pas opéré sur des couches plus minces). MM. Reinold et Rucker * reprennent ces expériences et montrent que l'épaisseur à partir de laquelle la tension superficielle commence à varier est comprise entre 45 et 96 uw. M. Quincke cherche quelle épaisseur d’un certain corps solide il faut appliquer sur une surface de verre pour que la hauteur d'un liquide soulevée par capilla- rité le long de cette paroi (ou l'angle de raccorde- dement) prenne la valeur correspondant à ce corps intermédiaire ; il trouve celle épaisseur limite : pour le système verre-argent-eau. . . . . . . . > bäuu,2. — verre-iodure d’argent-mercure. — 59. — verre-sulfure d'argent-mercure. = ASuÿ,3 — verre-collodion-mercure. . . . 80. ' M. Vincent” trouve, comme résultat d'expériences faites avec le plus grand soin, que des lames minces d'argent ne renferment une couche intérieure de conductibilité électrique bien définie que quand leur épaisseur est supérieure à 50 mr. 1 G. Vixcenr : Revue gén. des Sciences, t. X, p, #18; 1899, 2 PLareau : Statique des liquides, t. 1, p. 204-211. 3 Reno et Rucker: Phil. Trans. Roy. Soc. London, 1881, 1883, 1886, 1893. 1 G. Quincke : Pogg. Ann., t. CXXXVII, p. 402-414; 1869. s G. Vincenr : Loc. cit. et Ann. de Ch. et de Ph., t. XIX, p. 421-516; 1900. M. Vincent déduit des résultats précédents qu'il existe deux couches de passage, une sur chaque face, ayant une existence objective, dont les épais- eurs ont une somme voisine de 50 ur, et il émet l'hypothèse‘ que celte épaisseur est la même pour tous les corps. - M. Moreau à obtenu, plus récemment, des résul- Mats qui appuient l'hypothèse précédente : il mesure l'effet Hall sur des lames d'argent de différentes épaisseurs, et trouve que la couche intérieure pour laquelle le coefficient de l'effet Hall a une valeur définie n'apparaît que quand l'épaisseur des lames dépasse 50 ey; puis, il opère sur des lames d'argent recouvertes de nickel par électrolyse, et mesure soit l'effet Hall, soit la conductibilité électrique de l’en- semble : en calculant ce qui, daus chaque mesure, doit se rapporter à l’argent, il trouve par différence . ce qui correspond au nickel; les résultats relatifs à ce métal sont les mêmes que pour l'argent, c'est-à- dire que les deux procédés conduisent à une épais- seur limite de 50 y. Enfin, parmi les expériences du même genre, on doit ranger la suivante : M. H. Weber* a cherché pour quelle épaiseur d'huile répandue sur l'eau la tension superficielle devient constante, et a trouvé 145 vu (en indiquant que cé résultat est un peu trop fort, à cause d'un détail d'expérience). Il faut remarquer qu'en s'adressant à d'autres propriélés physiques, on obtient des résultats dif- férents : ainsi, l'indice de réfraction de l’iodure d'argent garde une valeur pratiquement constante, mème à des épaisseurs très inférieures à 50 eg; si cette quantité varie avec la profondeur, sa variation est soit Lrès faible, soit localisée dans une couche d'épaisseur très petile par rapport à 50 vv; la densité semble se comporter de même”. Voici maintenant des résultats obtenus en utili- sant les propriétés optiques" : M. Mascart’ trouve que la valeur de l'incidence principale, dans la réflexion sur le verre argenté, croit d'une manière continue avec l'épaisseur d'argent, et qu'elle n'a pas alteint encore une valeur définitive pour une LS ÉTÉ RS né de cn éd 1 M. Bouass> avait déjà interprété de mème les résultats de M. Quincke (Ann. de Ch. et Ph., (5), t. XXVIIL, p. 172; 1893). M. Quincke les interprète autrement : il pense que les nombres qu'il trouve donnent le rayon d'activite moléculaire. = G. Moreau : J. de Physique, (3), X, p. #18; 1901. # H. Weser : Drude's Ann. d. Physik, t. IV, p. 106-719; 1901. 4 D'après l'auteur, ce résultat indiquerait que la valeur du . 3 5 rayon d'activité moléculaire est — , résultat qui lui semble bien s'accorder avec celui de M. Quincke. * Ces faits résultent de l'accord qui existe entre les résul- tats de mesures d'epaisseurs par différentes méthodes, où interviennent ces deux quan'ités. 5 On doit reconnaitre que l'interprétation de ces résultats - est particulièrement délicate. 1 E. Mascarr : C. R. de l'Acad. des Sciences, t. LXXNI, ! p. 866; 1873. CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 1063 épaisseur d'environ 138 u'. M. Wiener” a montré que la varialion de phase éprouvée par la [lumière dans Ja réflexion normale sur une couche d'argent devient constante dès que l'épaisseur de la couche atteint 42 us. M. Meslin', en opérant sur des lames dorées, a constaté que l'incidence principale croit d’abord avec l'épaisseur d’or, a un maximum pour 29 y, puis un minimum pour 4lux, puis augmente de nouveau; il a constaté aussi que la variation de phase dans la transmission croil d’une manière continue avec l'épaisseur d’or, celle-ci ayant varié de 6 à 9% vu, sans avoir atteint encore de valeur définitive. M. Oberbeck" s'estadressé aux forces électromo- trices entre un métal et un liquide; ilcherche pour quelle épaisseur minimum de zine, par exemple, recouvrant une lame de platine, la force électro- motrice entre la lame et une solution d’un sel de zinc où elle est plongée prend la valeur constante correspondant à une lame de zinc compact; iltrouve, pour cette épaisseur limite, des valeurs oscillant entre ? et 3 uv pour le zinc, 1 à 2 y pour le cadmium, el inférieures à 4 eg pour le cuivre. Enfin, mes propres résullats montrent que la variation des propriétés magnétiques se fait encore d'une manière différente, qui dépend de la nature du métal et de la valeur du champ magnétique. Il me semble donc que l’altribulion aux couches de passage d’une existence objective avec une épais- seur constante n'est pas suffisamment justifiée; ce qui est hors de doute, c'est que dans les couches superficielles les propriétés physiques varient, à cause des actions moléculaires; maisilne paraît pas probable que ces actions aient sur les diflérentes propriélés physiques une influence tellequ'une dis- continuité se produise toujours à la même profon- deur, quel que soit le corps, et je crois que, dans la considération des couches de passage, il faut tenir compte el de la nature du corps et de celle de la pro- priélé physique considérée. III. — ACTION MAGNÉTISANTE DE CONTACT. Dans les expériences relatées jusqu'ici, la cathode recevant le dépôt était d'un métal non magnéti- que, et l’aimantation du dépôt se faisait sous l’action d’un champ magnétique restant constant pendant toute sa formation. Supposons maintenant que la cathode, tout au moins sa surface, soit d’un métal magnétique, et préalablement aimantée, et que le champ extérieur soit, au contraire, aussi faible que ‘ M. Mascart évalue les épaisseurs en fraction de la lon- sueur d'onde de la partie la plus brillante du spectre; la plus grande épaisseur correspond à la fraction 0,23. 2 O. Wrexer : Wied. Ann., t. XXXI, p. 669; 1887. 3 G. MEsux : Ann. de Ch. et de Ph., (6), t. XX, p. 56; 1890. 4 A. Osenvecx : Wäed. Ann., t. XXXI, p. 338-359; 1881. 106% possible : l'expérience montre qu'alors les couches déposées par électrolyse prennent, sous l’action de la cathode aimantée, une aimantation de même sens que celle de la cathode, et peu inférieure, en général, à celle-ci. De plus, si, pendant la forma- tion du dépôt, on fait agir un champ, qui, agissant seul, entrainerait une aimantation de sens inverse à celle de la cathode, l’action magnétisante de la cathode l'emporte sur celle de ce champ inverse, c'est-à-dire que les couches qui se déposent s’ai- mantent dans le sens de l'aimantation de la cathode. On peut opérer ainsi avec un champ magné- tique inverse de plus en plus in- | tense : l’action de la cathode sur les premières couches En magnetometre RE "mn, de l'echelle va CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE ! | | et devient même négalive au bout d'un certain temps si le champ négatif est assez intense; dans ce dernier cas, on peut observer une action cu rieuse : ces couches à aimantation négative agis- sent à leur tour sur les couches antérieures : leur action s'ajoute à celle du champ négalif et arrive à un certain moment, si on les laisse s'accroilre, à renverser de proche en proche l’aimantation des couches antérieures; il se produit alors un trainage énergique, et bientôt s'est établie dans toute la masse une aimantation négative déterminée, dont l'intensité dépend de Ja valeur du champ. Ces résultats me. paraissentêtre une sorte de vé- rification expéri- M mentale des hy-. Ts, s déposées l’em- porte toujours sur celle du champ et cela jusqu'à ce que le champ in- pothèses de M. Ewing! sur les liaisons magnéti- ques des parli-. cules* et éclairer verse soit assez intense pour ren- verser l’aimanta- tion même de la cathode *. On peut donc dire que l’action de la cathode sur l'aimantation des couches qu'elle re- coit reste toujours . prépondérante. Ce qui précède x 1 > _ ? d se rapporte à l'ai- Fig. 5. — Intensités d'aimantation des depôts obtenus dans un champ tion d'un champ * mantation des pre- magnétique sur cathode aimantée recouverte de couches d'or de diverses sur un noyau ma. épaisseurs, — En a, dépôt direct sur cathode aimantée; en b, dépôt sur mières couches dé- posées sur la ca- thode aimantée ; si le champ négatif est considérable et qu'on continue le dépôt électrolytique, l'aimantation posilive des couches successives diminue lentement ‘ Dans ces expériences, j'utilisais comme cathodes des dépôts de fer sur laiton, obtenus dans un champ magnéti- que, comme il a été dit plus haut; nous avons vu que leur aimantalion est très stable, résiste à des valeurs considé- rables d'un champ inverse, et cède brusquement quand ce champ atte nt une certaine valeur : lorsque, dans les expé- riences actuelles, on arrive à cette région critique du champ, des phénomènes de traînage se produisent dans les couches primitives, et l'indication du magnétomètre ne permet plus de voir ce que devient l'aimantation des nouvelles couches; d'ailleurs, bientôt l'aimantation des couches primitives étant devenue négative par suite de ce traînage, son action de contact devient de même sens que celle du champ négatif. cathode non aimantée; entre deux, dépôts sur couches d'or d'épaisseurs données en millimètres. a le mécanisme de l'hystérésis ; l'in-. fluence directrice qui s'exerce dans mes expériences entre les particu- les voisines existe aussi dans un « noyau magnétique quelconque, et. cause, au moins en grande partie, le retard dans l'ac- gnétique; cette action directrice, et par suite l'hys- lérésis, se manifestent d'une façon particulière-" ment marquée quand il y a déjà une direction d'orientation générale des particules, c'est-à-dire quand le noyau est aimanté; dans mes dépôts, où l'orientation a été aussi complète que possible, l'hystérésis est aussi extrêmement intense. Les phénomènes de lrainage correspondent aux cas où ces actions cèdent de proche en proche, après. une impulsion due à une varialion du champ; dans ! J.-A, Ewixc : Revue gén. des Sciences, t. Il, p. 737, 1891; et, pour plus de détails : Magnetic Induction in LZron, London, 1894. S 2 Sans préjudice, évidemment, des liaisons moléculaires d'autre nature. les conditions ordinaires, on les constate le plus “facilement quand un champ faible agit sur un noyau primilivement non aimanté, parce que, comme il n'y à pas alors d'orientation générale, les actions directrices intérieures sont faibles, et une légère action initiale suffit pour les troubler de proche en proche. IV. — RAYON D'ACTIVITÉ DE L'ACTION MAGNÉTISANTE « DE CONTACT ». L'action magnétisante dont il vient d'être parlé . est une action moléculaire, comme celles qui inter- viennent dans les phénomènes capillaires, ou comme les actions directrices qui s'exercent dans l'accroissement des cristaux. L'occasion était favo- rable d'essayer d'obtenir des renseignements sur le rayon d'activité d’une action moléculaire déter- minée. J'ai cherché comment varie l’action de Ja cathode aimantée lorsqu'au lieu d'y déposer direc- tement les couches magnétiques on commence par recouvrir la cathode d’une couche d’un métal non magnétique. J'ai utilisé des couches d'or, de cuivre et d'argent déposées par électrolyse, et dont l'épaisseur était déduite de leur masse. Pour que les résultats fussent comparables, j'ai fait toutes les expériences dans les mêmes conditions; celles qui m'ont paru les plus favorables sont d'opposer à l'action de cathodes fortement aimantées (prépa- rées toujours de même) celle d'un faible champ (1 g, 65) de sens inverse à celui de l’aimantation de la cathode; de cette façon, en augmentant gra- duellement l'épaisseur de la couche non magnéli- que intermédiaire, l’action du champ inverse devient de plus en plus forte par rapport à celle de la cathode, et finit par l'emporter complètement. Le meilleur moyen de représenter les résullals est de construire, à partir d'une même origine, les courbes représentant pour les différentes expé- riences la déviation du magnélomètre en fonction du temps, compté à partir du commencement du dépôt. Le coefficient angulaire d’une telle courbe représente à chaque instant, comme nous l'avons déjà vu, la valeur de l’aimantation des couches déposées pendant cet instant, et l’ordonnée repré- sente l'intégrale de l’aimantalion de la couche totale déposée depuis le début de l'expérience. Je ne reproduis ici que les courbes correspondant à des couches intermédiaires d'or (fig. 5) et de cuivre (fig. 6). Dans chaque figure, la courbe a est celle obtenue en effectuant le dépôt de fer directement sur la couche aimantée, sans aucun intermédiaire; la courbe À est celle obtenue au contraire en effectuant le dépôt sur une cathode de laiton, auquel cas le dépôt s'aimante sous l’action unique du même champ négalif qui CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE 1065 s'exerce dans. toutes ces expériences. Entre ces deux courbes extrêmes s'échelonnent celles qui sont obtenues pour différentes épaisseurs de la couche d'or ou de cuivre intermédiaire, les nombres placés à côté de chaque courbe indiquant en uy (millionaièmes de millimètre) l'épaisseur correspon- dante. Les abscisses des courbes donnent le lemps en minules; l'épaisseur de fer déposée par minute était d'environ 38 ve. On voit que, pour une couche intermédiaire de 20 à 25vy, le coefficient angulaire est déjà notable- ment diminué; pour 304 l'allure est complète- |Péviatior # Fig. 6. — Intensités d'aimantation des dépôts obtenus dans un champ magnétique sur cathode aimantée recouverte de cuivre de diverses épaisseurs, — En a, dépôt direct sur cathode aimantCe; en b, dépôt sur cathode non aimantée; entre deux, dépôt sur couches de cuivre d'épaisseurs données en millimètres. ment modifiée : les premières couches de fer seulément s’aimantent dans le sens de l'aiman- tation de l’électrode; bientôt l'action du champ de sens inverse l'emporte et le coeflicient angulaire change de signe, sa valeur absolue augmentant peu à peu; pour les épaisseurs plus fortes, l'action du champ inverse l'emporte dès le début, et la courbe tend vers celle obtenue quand la cathode est entièrement formée d'un métal non magné- tique ‘. 4 On peut remarquer que la partie initiale troublée qui a servi plus haut à étudier les propriétés des premières couches n'apparait pas dans les courbes où dowine l’action magnétisante de l'électrode ; elle réapparait quand les 1066 CH. MAURAIN — MAGNÉTISME ET COUCHES DE PASSAGE Les courbes des deux faisceaux eorrespondant à l'or et au cuivre s’échelonnent à peu près de même’; lorsque les couches intermédiaires sont d'argent, on obtient encore des courbes de même allure, s'échelonnant entre à et D, mais la valeur trouvée pour l'épaisseur d'argent qui produit une certaine modification est notablement plus grande que celle d'or ou de cuivre produisant le même effet. Je ne crois pas qu'il faille conclure de ce dernier résullat que la nature de la couche inter- médiaire influe sur le mode de transmission de l’action de la cathode aimantée : les couches inter- médiaires d'argent sont plus difficiles à obtenir ré- gulières que celles d’or ou de cuivre, etla mesure de leur épaisseur comporte moins de précision. C'estle parallélisme des résultats obtenus avec l'or et le cuivre qui semble au contraire à retenir. D'ailleurs, il serait bien extraordinaire que cette couche non magnétique joue dans la transmission d'une action magnétique un rôle où intervienne autre chose que son épaisseur. L'interprétation rationnelle des résultats précé- dents est que l’action magnétisante de l’électrode se fait sentir à de faibles distances, à travers les couches intermédiaires, mais décroit très vite quand la distance augmente. On pourrait objecter qu'il est possible que ces couches si minces pré- sentent des trous, par lesquels se réaliserait le contact immédiat des nouvelles couches de fer avec la cathode aimantée; l'action de celle-ci serait de moins en moins forte parce que la sur- face des trous diminuerait, à mesure que la masse intermédiaire augmente. Je ne crois pas cette hypothèse admissible : d’abord, l'examen attentif des dépôts intermédiaires semble montrer qu'ils sont bien continus; de plus, la modification régu- lière des courbes s'expliquerait difficilement dans l'hypothèse des trous; enfin, dans plusieurs expé- riences faites en amalgamant la couche intermé- diaire, j'ai obtenu des courbes tout à fait analogues aux précédentes *. couches intermédiaires sont assez épaisses pour que cette aclion soit faible devant celle du champ magnétique. ! La grande difficulté qu'il y a à rendre les expériences exactement comparables et les difficultés expérimentales elles-mêmes, ne permettaient guère d'espérer une concor- dance plus complète. ? Il est c-pendant possible qu'il y ait, par accident, quelques trous, dont l'influence aurait peut-être une part dans la forme de la première parlie de certaines courbes Ces expériences donnent ainsi des renseigne= ments sur la variation avec la distance d’une aclion moléculaire, action un peu particulière, il est vrai; on ne possédait guère jusqu'ici à ce sujel que des renseignements indirects, obtenus en inter prétant les résultats expérimentaux que j'ai résumés plus haut à propos des couches de passage‘; je ferai ici une remarque analogue à celle que j'ai faite à propos des couches de passage : on ne doit pas parler, à mon avis, du rayon d'activité molé- culaire en général, mais d’un rayon d'action dans chaque cas; ainsi, il semble que la distance à laquelle l'attraction des molécules les unes sur les autres est sensible dépende de la nature du corps; M. Brillouin” à montré que cette distance doit être beaucoup plus grande pour les corps isotropes que pour les cristaux, et que, pour ces derniers, elle est en relation avec leur symétrie; il y a d’autres rayons d'action à considérer, par exemple celui de action des molécules sur l’éther, qui intervient dans les propriétés optiques, et celui dont il s'agit ici, relalif aux actions magnétiques ?. En somme, ces expériences ont conduit à quel- ques résultats nouveaux concernant les propriétés magnétiques, et ont permis d'explorer un peu les phénomènes relatifs aux aclions à petite distance; ces phénomènes sont encore bien peu connus; on n'aura de chances d'en trouver les lois que quand on aura rassemblé un grand nombre de faits; les recherches précédentes apportent à cette œuvre une modeste contribution. Ch. Maurain, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Rennes. correspondant à des couches intermédiaires d'or, qui pa- raissent un peu surélevées par rapport à l’ensemble. 1 Voir l’article de M. Vixcewr, dans la Revue générale des Sciences, t. X, p. #18, 1899. 2 M. Brizzoui : Ann. de Ch. et de Ph. (1), t. NI, p: 540; 1895. 3 Il serait fort intéressant de faire des expériences du genre de celles-ci sur l'accroissement des crislaux, c'est- à-dire de chercher à recouvrir un cristal de couches étran- gères assez minces pour qu'en le plongeant ensuite dans un bain nourmsseur, le cristal continue à s'accroilre dans son ensemble, puis de couches assez épaisses pour qu'elles se comportent comme un support quelconque, et sur les- quelles se formeraient de petits cristaux indépendants. Maïs, d'après les raisonnements de M. Brillouin, les premières couches devraient être beaucoup plus minces que celles réalisées ici. Quelques essais que j'ai tentés dans cette voie ne m'ont donné aucun résultat. | - | qu'ils ont de changer de forme et de se mouvoir. Tantôt, cette propriélé semble appartenir à tout l'individu; tantôt, certaines parties de cet individu se différencient et sont plus spécialement destinées à la locomotion et aux divers mouvements. Dans ce dernier cas, ces organes portent le nom de muscles; les muscles présentent dans la série . animale la plus grande variété. Cette variété est due à la grande diversité de mouvements que les muscles doivent produire : chacun a une fonction physiologique différente et, par suite, une autre structure tant au point de vue macroscopique qu'au point de vue histologique. Il est, en effet, un principe qui doit aujourd'hui dominer toute l'Ana- tomie et la Physiologie, c’est le principe de l'adap- tation fonctionnelle. Le muscle permet, d'une facon relativement facile, d'étudier la relation qui existe entre la structure d'un organe et sa fonction, et nous ferons notre possible, dans cet article, pour faire apparaître cette relation. Nous arriverons aisément à ce résullat dans quelques cas particu- liers, sans pouvoir toutefois poser de lois géné- rales, trop de points de ce champ immense restant encore inexplorés. Il importe, au début d’une étude pareille, de bien déterminer les limites du cadre dans lequel nous désirons rester. Il ne semble pas qu'il y ait lieu d’y faire rentrer tous les tissus susceptibles de changer de forme : il faudrait, pour cela, y com- prendre les globules blancs du sang, par exemple. En effet, si l'on observe au microscope un globule blanc ayant une forme sphérique au moment où l’on vient de le déposer avec une goutte de lymphe sur une lame de verre, on le voit bientôt se déformer spontanément, pousser des prolonge- ments appelés pseudopodes qui s'allongent et se rétractent et à l'aide desquels le globule se déplace. Si l’on désirait éludier de la facon la plus complète les phénomènes du mouvement dans la vie, on ne pourrait se limiter à la Zoologie; il faudrait en sortir pour pénétrer dans le domaine de la Botanique. Il existe, en effet, des plantes qui, sous l'influence d'une excitation extérieure, sont susceplibles de mouvoir certaines de leurs parties; c'est ainsi que nous voyons la Sensitive (J/imosa pudica) replier ses feuilles quand on vient à les toucher. D’autres plantes, en grand nombre, ouvrent ou ferment leur corolle à diverses heures de la D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1067 LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITION ET ARCHITECTURE DES MUSCLES + Une des conditions les plus essentielles de l'exis- ! journée. Certains Cryptogames, enfin, peuvent se tence des êlres organisés réside dans la faculté déplacer dans le milieu ambiant, soit en rampant à la surface de corps solides, soit en nageant dans l’eau; telles sont la fleur de tan et quelques algues unicellulaires. Les Protozoaires n'exécutent leurs déplacements que grâce à un mouvement pareil à celui du glo- bule blanc, et appelé mouvement amæboïde, ou à leurs cils vibratiles. Ces cils vibratiles, uniques ou multiples, parfois en très grand nombre, sont de pelits prolongements filamenteux exécutant une série d’oscillations et faisant progresser le petit êlre microscopique dans un milieu liquide, comme les mouvements des rames ou de la godille font avancer une barque à la surface de l’eau. Les cils vibratiles ne se rencontrent pas seulement chez les organismes inférieurs : on les retrouve dans toule la série animale. Mais ils ont alors un autre rôle que de permettre à une cellule de se déplacer; ils agitent le milieu ambiant, y produisent des courants et entraînent les particules solides pour les rejeter hors de certaines cavités. C'est ainsi que les bronches, pour ne citer qu'un exemple, sont tapissées par un épithélium à cils vibratiles qui orientent vers l'extérieur la marche de la moindre poussière qui s'y est introduite accidentellement. Les cils vibratiles sont les organes différenciés du mouvement les plus rudimentaires ; aussi, certains expérimentaleurs ont-ils entrepris leur étude, ainsi que celle des mouvements amœboïdes, dans le but d'éclaircir le phénomène encore si mystérieux de la contraction musculaire. Ces organismes, étant à la base de l'échelle des êtres, semblaient, par suite de leur simplicité anatomique, se présenter sous la forme la plus schématique à l'expérimentalion physiologique. Mais ces espé- rances n'ont pas été couronnées de succès; pas un progrès n’a élé fait de cette facon dans la physio- logie du muscle. Ce résullat aurait pu être prévu. Si, en effet, un organisme est idéalement simple, si aucune de ses parties n’est différenciée, c'est qu'un même substratum doit être le siège de loutes les fonclions de cet organisme. Toutes ces fonclions sont mélangées, et, quand on veut étudier l'une d'elles, on se {rouve en contradiction avec ce prin- cipe fondamental qui dit à l’expérimentateur de toujours commencer par isoler le plus possible le phénomène objet de ses recherches. Il vaut bien mieux, au contraire, s'adresser à des individus hautement différenciés, chez lesquels chaque 1068 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE fonction est neltement localisée dans un organe spécial. En particulier pour ce qui regarde l'étude du muscle, nous pouvons dire que les recherches ont toujours été d'autant plus fécondes qu’elles ont porté sur un musele plus spécialisé dans sa fonction et plus compliqué en apparence. Les mouvements amæboïdes sont généralement d'une grande lenteur ; il faut suivre un globule blanc sous le microscope pendant plusieurs minutes pour le voir changer de forme d'une façon appréciable. Les oscillations des cils vibratiles sont, au contraire, très rapides, et divers auteurs ont fait remarquer que celte rapidité des mouve- ments est loujours liée à une disposition fibrillaire des tissus. Celle conclusion s'appuie sur un grand nombre de faits, dont nous pouvons citer d'autres exemples sans sortir du groupe des Protozoaires. Quand on ramasse les feuilles qui nagent à la sur- face d’un bassin et qu'on les place dans un cristalli- soir contenant de l’eau, il suffit, au bout de quelques jours, d'examiner au microscope une goutte de cette eau pour y trouver une foule d'Infusoires. Parmi eux, on distingue facilement des Vorticelles, ressem- blant à une fleur en corolle rattachée à un support fixe par une tige portant ici lenom de style. Ce style est allongé, parfois légèrement flexueux, mais il suffira de donner un léger choc sur la lame porte- objet ou sur le pied du microscope pour voir le style se rétracter brusquement en hélice. Un moment de repos suffira pour qu'il se déroule lentement, et l’on pourra recommencer l'expérience. Un examen soigné du style de la Vorticelle permet de constater que son axe est composé d’un fais- ceau de fibrilles, et c'est à leur présence qu'il faut attribuer la rapidité du mouvement de rétraction. Il importe de remarquer que cette rapidité de mouvement est sous l'influence d’autres conditions que la structure anatomique ; ainsi, elle varie beaucoup avec la température, comme l'ont fait remarquer tous les auteurs qui se sont occupés de celle question. En plaçant les Infusoires dans de l'eau froide, tous les mouvements sont très lents ; à mesure que l'on chauffe, on les voit s’accé- lérer; ils passent par un maximum, puis dimi- nuent de nouveau et s'éteignent définitivement pour une température variable suivant les espèces. Mais, comme nous le verrons plus loin, l'influence de la chaleur sur le mouvement s'étudie d’une facon beaucoup plus simple et plus précise sur les muscles des animaux supérieurs ; nous n’insisterons donc pas davantage sur la locomotion des Protozoaires et nous passerons immédiatement aux Métazoaires. L’élude du muscle dans la série animale n'a en- core jamais été entreprise d'une facon systémalique, ni au point de vue anatomique ni au point de vue physiologique. Il n'existe que des monographies structure histologique, c'est-à-dire la facon dont. plus ou moins complèles sur les muscles de tel ow tel animal; très souvent, leur auteur a complètement négligé tout un côté de la question. Nous allons faire tous nos efforts pour réunir et classer le principaux documents épars dans la science; il subsistera malheureusement bien des lacunes. Il ne semble pas que la meilleure marche à suivre soit de prendre successivement les diverses espèces animales et de faire une étude complète de tous leurs muscles ; une pareille méthode pourrait con venir pour un dictionnaire ou un ouvrage destiné à fournir des documents, mais serait déplorable dans une étude ayant pour but de donner une vue d'ensemble sur la disposition et la fonction des muscles dans la série animale. Nous allons, en premier lieu, diviser notre sujet suivant les divers points qu'il s'agit d'étudier : 4° Nous examinerons d'abord la facon dont less muscles sont construits, indépendamment de leur les différentes fibres sont disposées les unes par rapport aux autres pour répondre le mieux possible aux besoins de la fonction de chaque muscle, sui=. vant le rôle qu'il doit jouer dans l'organisme dont il fait partie ; L 2° Nous décrirons comment varie la structure histologique du muscle dans la série animale ; 3 Nous rechercherons s'il est possible, avec les documents que nous possédons actuellement, d'éta=, blir une relation entre la fonction physiologique des divers muscles et leur structure histologique; 4 Nous verrons par quels stades passe le muscle « des Vertébrés pour atteindre le degré élevé de per- feetion qu'il possède. I. — DiSPOSITION DES FIBRES MUSCULAIRES. Tous les muscles sont composés de fibres ou de cellules plus ou moins allongées. Ces fibres sont agencées de telle sorte que leur disposition est, dans chaque cas particulier, la plus favorable pour | l'effet à obtenir. Autrement dit, dans tout muscle, les fibres sont groupées de facon à ce que ce muscle soil parfaitement adapté à sa fonction. Toute l'architecture des muscles est réglée par. les deux principes suivants : : 1° Dans un musele, la partie fibrillaire contractile est d'autant plus longue que ce musele doit se rac- coureir davantage au moment de sa contraction; 2° Dans un muscle, le nombre de fibres placées côte à côte et agissant simultanément pour ajouter leur effet de traction est d'autant plus considérable que l'effort à développer par le muscle au moment … de sa contraction est plus grand. Le premier de ces deux principes résulte deceque toute fibre musculaire se raccourcit, au moment de ; eee | simple petit problème de mécanique animale. À 1 sa contraction, d'une fraction déterminée de sa va- eur, variable bien entendu suivant la nature de la fibre musculaire. Cette fraction semble varier entre 95 °/, et 60 °/,. Supposons, pour fixer les idées, qu'une certaine espèce de fibre musculaire se rac- courcisse de 50 °/, de sa longueur au moment de sa contraction la plus énergique. Pour obtenir un déplacement de un centimètre, il faudra un muscle ayant 2 centimètres de longueur de fibre. Si nous voulons un raccourcissement de 2 centimèlres, ces fibres devront avoir 4 centimètres, et ainsi de suite. C'est ce qui est exprimé par le premier principe. Quant au deuxième principe, il n’y a pas lieu d'y insister ; il est évident que, chaque fibre ne pouvant exercer qu'une traction déterminée, il faudra d'au- tant plus de fibres que l'effort total à développer est plus considérable. De même qu'un cheval ne pouvant trainer qu'un poids déterminé, si ce poids devient deux fois, trois fois, etc., plus grand, il faudra employer deux, trois, etc., chevaux. Ces principes sont ralionnels; s'ils sont observés dans la structure des muscles, ces muscles seront aussi rationnels. Mais il pourrait arriver qu'il n'en soit pas ainsi, que, par exemple, un muscle con- tienne un nombre de fibres trop grand et pêche ainsi par excès de force, qu'il y ait prodigalité de malière, comme, pour conserver la comparaison » faite plus haut, il y aurail prodigalité en attelant | quatre chevaux à une voiture légère destinée à un culaires soient trop longues pour le mouvement à produire, c'est-à-dire, en résumé, que le muscle ne soit pas adapté à sa fonction de la façon la plus éco- nomique. Il y a donc lieu de rechercher si l'adapta- tion fonctionnelle est bien réalisée. D'après cer- tains auteurs, la disposition d’un grand nombre de muscles de l'homme et des animaux serait très dé- fectueuse: la fonction n'aurait pas sur l'organe l'influence qu'on lui attribue généralement. Le con- trôle de celte assertion a une portée plus grande qu'il ne semble au premier abord ; les conclusions que l'on pourra en tirer ne se limitent pas à un 4 J cheval. Il pourrait arriver aussi que les fibres mus- Si les fibres de tousles muscles étaient identiques entre elles, la vérification d'une bonne adaplalion fonctionnelle serait chose rela- tivement simple; maisil n'en est pas ainsi, et, pour bien faire saisir la difficulté du problème, nous allons prendre une com- paraison. Soit un fil métallique, d'acier par exem- ple, de 1 millimètre carré de section; al- longeons-le, par traction, de B en B' (fig. 1). La réaction du fil ne sera pas la même à toutes les phases de l'allongement. Au début, quand la longueur sera encore voisine de AB, la A B sl Fig: D‘ G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1069 réaction sera faible; mais, à mesure que la lon- gueur du fil augmentera, la réaction du fil ira aussi en augmentant pour prendre une certaine va- leur en B'. Si nous prenons une série de fils iden- tiques, il faudra toujours les allonger de la même quantité pour arriver à la même réaction; ais il n'en est plus de mème si les fils sont de longueur différente; dans chaque cas, l'allongement doit alors être proportionnel à la longueur du fil. Si, au lieu de prendre des fils d'acier, on prend des fils de mélaux différents, de cuivre, de fer, de pla- line, eic., les choses se compliquent encore. Pour des fils de même longueur, il faudra des allonge- ments variables pour arriver à la même réaction, et si, en même temps que la nature de la matière, on change la longueur des fils, les allongements suivent une loi compliquée résultant à la fois de l'influence des deux éléments variables. Si l'un de ces éléments nous est inconnu, il nous est impossible d'appré- cier l'effet produit par l’autre. Ainsi, si nous savons qu'un certain fil d'acier de 1 mètre de longueur exerce une traction de 2 kilos quand on l’allonge de 1 millimètre, nous saurons qu'un autre fil sem- blable au premier, mais n'ayant, par exemple, que 50 centimètres, exercera sa réaction de 2kilos pour un allongement de 0"",5, Mais, si l’on nous de- mande quelle sera la réaction d’un fil de cuivre de Own, 5 de longueur pour un allongement de One 5, nous ne pourrons pas répondre à cetle question d'après ces seules données. Il en est de mème pour les muscles. Considérons une fibre musculaire AB (fig. 2), au moment de sa contraction ; si elle est A libre, elle se raccourcira en AB": mais, s'il se trouve un obstacle en B", elle exercera sur cet obstacle une trac- tion, comme si l’on avait allongé un fil élastique AB'en AB". B' Prenons maintenant une autre fibre musculaire a), de même nature que la précédente, n'en différant que par la B longueur. Si cette fibre se contractait librement, elle prendrait la longueur ab', se raccourcissant dans le même rapport que l'avait fait AB; et, pour qu'elle exerce contre un obstacle 2" le même effort que le faisait AB contre B”, il faut que cet obstacle se trouve en un point b" de ah divisant 4) dans le même rapport que B'le faisait pour AB. Nous pouvons nous résumer en disant :Pour que plusieurs fibres musculaires exercent la même trac- tion au moment de leur raccourcissement, il faut que le déplacement du point mobile soit propor- tionnel à la longueur de la fibre. Mais cela-n'’est vrai que si les deux fibres muscu- rt (0 nc Ci — LTAMPE . laires sont de même nature. Si, au moment de 1070 leur contraclion, elles tendent à se raccourcir de fractions différentes de leur longueur, on ne peut plus prévoir quel doit être le rapport entre les dé- placements qu'elles produisent, pour une parfaite adaptation. C'est là ce qui rend si difficile la vérification exacte de l'adaptation fonctionnelle des muscles. Si toutes les fibres étaient identiques entre elles, il suffirait de prendre une série de muscles à fibres parallèles et de rechercher si toujours l'amplitude du mouvement qu'ils ont à exercer est proportion- nelle à la longueur des fibres. Mais nous savons que le coefficient de raccourcissement des divers muscles varie beaucoup, de 25°}, à 60 °/, suivant certains auteurs. Ces chiffres ont été trouvés sur les Mammifères ; en sortant de cette classe d’ani- maux, on trouverait des écarts peut-être encore plus considérables. Maintenant que nous avons exposé les difficultés de la question, nous allons suivre les étapes suc- cessives qui ont permis de montrer que le principe de la bonne adaptation fonctionnelle pouvait être admis comme une vérilé. Déjà, Borelli‘ avait remarqué ce fait que les muscles destinés à produire de grands déplacements de leurs points d'attache avaient une grande longueur de fibre musculaire. Tels sont, par exemple, le sterno-mastoïdien et sur- tout le couturier. De plus, divers auteurs : Fick, Gubler, Henke, Hueter se sont occupés de la relation qui existe entre la longueur des fibres d'un muscle et sa fonction, mais sans bien comprendre le rôlé de l'adaptation. C'est M. Marey, qui, le premier, a donné la vérilable signification de ce fait et l’a bien étudié. Il a d'abord montré, par divers exemples d'Anatomie comparée, que dans des muscles homo- logues on voit la fibre musculaire s'allonger aux dépens du tendon ou inversement, suivant que l'amplitude des mouvements provoqués par ces muscles est plus ou moins grande.Comme exemple particulièrement frappant, il cite l'ensemble des muscles formant la patte d’oie, c'est-à-dire le cou- lurier, le droit interne et le demi-tendineux. Ces muscles s'insèrent par leur extrémité supé- rieure au bassin, par leur extrémilé inférieure au tibia. Dans les flexions de la cuisse sur le bassin el de la jambe sur la cuisse, ces muscles devront se raccourcir beaucoup; aussi ont-ils une très grande longueur de fibre musculaire. Mais, en y regardant de plus près, on voit que, chez l'homme, où l'insertion inférieure se fait très près du genou, le couturier, par exemple, est muni d'un prolongement tendineux assez long. Chez les singes, on voit simultanément celle insertion se D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE faire de plus en plus bas, et, par suite de la plus grande amplitude qui en résulte pour le déplace= ment de l'extrémité inférieure du muscle, la fibre musculaire s'allonger aux dépens du tendon. Enfin, chez les quadrupèdes comme le coaïta, où celte insertion descend encore, le tendon disparait com: plètement, IL n'est pas nécessaire de sorlir de l'espèce humaine pour pouvoir faire des observations du même genre. Le mollet du nègre n'est pas pareil à celui du blanc; au lieu de se composer d’un ventre charnu très gros prolongé par un tendon d'Achille fort long, on y voit les fibres musculaires descendre très bas et former une masse de section moindre que chez le blanc. M. Marey en a conclu que les gastrocnémiens du nègre, ayant une puissance de traction moindre que chez le blanc, mais étant susceptibles de produire un grand déplacement, doivent agir sur un plus grand bras de levier, c’est- à-dire que la saillie postérieure du calcanéum, où se fixe le tendon d'Achille, doit être plus prononcée chez le nègre que chez le blanc. Ces prévisions furent pleinement vérifiées, car des mesures com- paralives montrèrent que le rapport des longueurs : du calcanéum chez le nègre et chez le blanc est de 7 à5. Si réellement la différence entre ces deux mollets tient à l'adaptation du muscle à sa fonction, en transformant le calcanéum d'un nègre ou d'un blane, cette modification doit entrainer un change- ment parallèle dans les muscles correspondants. M. Marey fit une expérience de ce genre sur le lapin. Le calcanéum de cet animal est très proémi- nent, il est analogue à celui du nègre; en en faisant une résection, on le transforma en calcanéum de blanc; puis. après avoirlaissé vivre l'animal pendant un an, on le sacrifia, et l’on compara la forme de ses gastrocnémiens du côté opéré et du côté normal. La différence fut frappante : l'expérience était abso- lument démonstlrative. Le mouvement était devenu moins ample, les fibres musculaires s'étaient rac- courcies en se transformant partiellement en ten- don. Au point de vue de l'augmentation de section, la démonstration ne fut pas probante; mais il faut - tenir compte du traumatisme par suite duquel le musele ne se trouvait pas dans des conditions de fonctionnement normal. Il serait désirable de faire l'expérience inverse, conduisant à un allongement de la fibre musculaire aux dépens du tendon; malheureusement, la greffe qu'elle nécessiterait paraît très difficile à réaliser. Ces expériences ont été reprises sur le chat par Joachimsthal !. ln réséquant un centimètre de calcanéum, il obtint le même résultat que Marey, { Boneuur : De motu animalium. Arch, {. Phys., 1896, p. 338. 1 JOAGHIMSTHAL : sito. à us on ne dd + an. LL. D: G. WEISS -— LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1071 allongement et épaississement du tendon, mais pas d'augmentation de section du muscle. Le hasard de la clinique offrit à cet expérimen- tateur un cas analogue. Une jeune fiile de 18 ans, affligée d'un pied bot congénital, avait été traitée dans son enfance par le chirurgien Julius Wolf à l'aide d’un appareil orthopédique. A l'âge où la vit * Joachimsthal, elle paraissait absolument guérie, son pied ayantla mème apparence et la même fonclion que le pied sain; seulement, ilsemblait, au premier abord, qu'elle eût une atrophie considérable de la jambe. Un examen plus approfondi fit voir qu'elle avait un calcanéum extrêmement court et que la masse - musculaire s'élait localisée au quart supérieur de la jambe où elle formait une forte saillie, le reste élant occupé par un tendon d’Achille extrèmement long. W. Roux a fait un grand nombre d'observa- tions sur l'homme pour répondre aux objections de certains auteurs qui se demandaient si, dans la comparaison faite entre divers muscles, la prédo- minence plus ou moins grande de la fibre muscu- laire sur le tendon ne tenait pas à une influence héréditaire ou à une différence dans le coefficient de raccourcissement des divers muscles, point dont nous avons signalé l'importance plus haut. Dans ses recherches, Roux compara les diverses fibres d'un même muscle, et, dès lors, ces objections per- - dirent leur valeur. En premier lieu, il fit remarquer que lorsqu'un muscle s’insère par ses deux extrémités sur des aponévroses tendineuses, les mêmes accidents se reproduisent, en sens inverse, à ses deux extrémités. C'est-à-dire que, si à l’une des insertions quelques fibres musculaires se trouvent raccourcies par suite d'un empiètement du tendon, elles rattrapent leur longueur en empiétant elles-mêmes de la même quantilé sur l'autre aponévrose tendineuse (fig. 3). Ceci se présente avec une ré- gularité telle qu'on ne peut l'attribuer au hasard: chaque fibre prend, par adaptation, la * même longueur que les fibres voisines, parce qu'elle est de même espèce, et qu'au moment de la contraction du muscle elle se rac- courcit de la même quantité. Si un muscle a plusieurs chefs, la longueur des fibres qui les composent est la même si l'amplitude du raccourcissement pour les divers chefs est la même.Au contraire, s'iln'en est pas ainsi, elle varie suivant la loi de proportionnalité que nous avons indiquée plus haut, Enfin, et ici il ne peut plus êlre question d'in- Fig. 3. fluence héréditaire, s'il se produit des anomalies. ou des muscles surnuméraires, toujours cette loi est respectée. Roux tira aussi de la pathologie fonctionnelle des preuves de l'adaptation. Il eut l’occasion de disséquer deux individus ayant une ankylose partielle de la colonne vertébrale par mal de Pott. La diminution de mobilité fut accompagnée d'un raccourcissement des fibres museulaires du transversaire épineux au profit des tendons. Ces faits sont analogues à ceux que nous avons rap- portés plus haut, et Roux put parfaitement distin- guer au microscope, dans le tendon nouvellement formé, des vestiges des anciennes fibres muscu- laires. ; Enfin, Roux se proposa de faire une statistique très étendue, portant sur la longueur de fibre d'un muscle susceplible de présenter, d'un individu à l'autre, des mouvements d'amplitude très différente. Il choisit pour cela le carré pronateur. Les fibres de ce muscle sont parallèles entre elles, et, par suite, faciles à mesurer. De plus, l'amplitude des mouvements qu'il produit est très variable d'un individu à l’autre. Il sert à faire tourner le radius autour du cubitus, et l'amplitude de cette rotation est souvent limitée par une ankylose plus ou moins prononcée du coude. En dehors de cela, elle varie suivant la profession des gens; ainsi, elle est parti- culièrement grande chez les escrimeurs. Roux mesura, sur 1 bras différents, la valeur de l'angle dont le radius pouvait tourner autour du cubitus, et compara les résullats de ces mesures à la lon- gueur de fibre du carré pronaleur correspondant. La conclusion fut absolument frappante: plus la rotation était limitée et plus on voyait la partie tendineuse du muscle empiéter sur la fibre muscu- laire. Il y avait une concordance très satisfaisante : entre les valeurs déterminées expérimentalement et les valeurs que l’on caleulait après avoir mesuré l'angle de rotation, en attribuant à tous ces mus- cles un même coefficient de raccourcissement au moment de leur contraction. Enfin, une dernière question se pose. Il existe, aussi bien dans le corps de l’homme que dans celui des animaux, des muscles dont les diverses fibres ne sont pas égales entre elles; cela arrive quand ces fibres ne sont pas parallèles, oubien quand, au inoment de leur contraction, elles ne se raccour- cissent pas toutes de la même quantilé, par suile de la disposition spéciale de leurs insertions. Il y avait lieu de se demander si, dans ce cas, nous retrouvons encore les lois de l'adaptation fonction- nelle et si, par suite, ces lois sont absolument générales. Cette vérification avait d'autant plus de valeur que, dans un même muscle, on na pas à craindre 1072 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE la variabilité du coefficient de raccourcissement d'une fibre à l'autre, et si, dans un musele de structure un peu compliquée, on retrouve la pro- portionnalité de la longueur de la fibre à la gran- deur du déplacement, on ne pourra pas l'attribuer à un pur hasard. Cette recherche peut donc être très démonstrative; voici comment je m'y suis pris pour la faire. Supposons qu'un muscle s'insère par une de ses extrémités à un os long AB (fig. 4), et par l’autre extrémité à un point GC; ce muscle aura par là même une forme triangulaire, et ses diverses fibres ne se- ront pas parallèles entre elles. Au moment où le muscle se contractera, AB étant supposé rester fixe, le point C se déplacera sur la ligne CD et viendra en C! par exemple; la fibre CD se sera raccourcie de CC’, mais la fibre BC, qui sera venue en BC’, aura subi un raccourcissement BC—BC' moindre que CC’: par conséquent, si le muscle est bien adapté, la fibre dirigée suivant BC devra avoir une longueur moindre que CD. Une démonstration géométrique très simple permet de faire voir que, si DC est la longueur de la fibre centrale, toutes les autres fibres vont en diminuant de plus en plus à mesure qu’elles s'écartent de DGet qu'on peut les limiter par un cercle décrit sur CD comme diamètre, ainsi que le représente la figure. La partie musculaire est alors représentée par la surface ombrée, la par- tie tendineuse par la surface claire. Il est évident qu'il peut se trouver en C une portion tendineuse, elle devra alors être limitée par un deuxième cercle. Enfin, surde muscle ainsi constitué, on peut dépla- cer une fibre quelconque dans sa propre direclion pourvu qu'elle reste de longueur constante, c'est- à-dire que la partie tendineuse devra augmenter d’un côté autant qu'elle diminue de l'autre; on peut alors arriver à des formes très variables de tendons terminaux. Pour rechercher si ces considér ations théoriques se vérifiaient dans la Nature, je n'ai pu trouver de muscle triangulaire, mais l'opération peut se faire sur un muscle penniforme. Dans un pareil muscle, les fibres ont, en effet, des directions variées; si on les transportait toutes parallèlement à elles- mêmes, de façon à faire coïncider’ leurs insertions inférieures en un point, on aurait un muscle trian- gulaire qui devrait suivre la loi que nous venons d'indiquer. On peut done, sur un muscle penniforme, faire des mesures de longueurs de fibre nécessaires à la vérification de la loi. Sans entrer dans le détail des opérations, je dirai que cette vérification se fait d'une facon très satisfaisante. Dans une première série de recherches, j'avais rencontré quelques exceptions; mais, depuis, j'ai reconnu qu’elles tenaient à une conception fausse de certains muscles qui ne sont penniformes qu'en apparence, et que j'ai nommés muscles pseudo-penniformes." Voici, enfin, un exemple de muscles à fibres presque parallèles entre elles, mais de longueur variable. Il s’agit du brachial antérieur. La figure 5 montre plus clairement que toute descriplion qu'au moment où l'avant-bras tourne autour du coude en se fléchissant sur le bras, les fibres antérieures su- bissent une plus grande varia- tion de longueur que les fibres postérieures. Ces fibres anlé- rieures sont aussi plus longues en valeur absolue; mais un calcul élémentaire » montre que, pour une parfaite adaptation du mus-. cle, un pelit tendon devrait empiéter de plus en plus sur les fibres musculaires à mesure que l'on se porte davantage d'avant en arrière, et il est facile de déterminer les dimensions de ce pelit tendon triangulaire. Dans ce cas encore, on trouve une vérification remarquable; les écarts entre les prévisions du calcul el les déterminations expéri- mentales rentrent dans la limite des erreurs que l'on est forcément exposé à commettre dans des mesures de ce genre. En résumé, nous pourrons conclure de cet en- semble de faits que le premier principe d'une bonne adaptalion fonctionnelle se trouve vérifié, et que, toutes choses égales d’ailleurs, la longueur d'une fibre musculaire est toujours proportionnelle à la grandeur du déplacement qu'elle doit pro-. duire. Quant au second principe, d'après lequel il faut un nombre de fibres musculaires d'autant plus grand que l'effort à développer est plus considé- rable, il est difficile de le vérifier d'une facon pré- cise. La force développée par un même muscle est, en effet, extrèmement variable, et ce n’est qu'ap- proximalivement que l'on peut consiater que ce second principe est généralement satisfait. Nous allons voir maintenant comment ces deux principes trouvent leur application dans la suce ture des divers muscles de l’économie. ; Fig. 5. II. — ARCuITECTURE DES MUSCLES. Dans la description des diverses formes que peuvent prendre les muscles dans la série animale, nous allons faire une première division. Nous con- sidérerons en premier lieu les muscles qui s'in-. sèrent sur des pièces fixes, comme le squelette des. D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1073 Vertébrés ou les coquilles des Mollusques, et qui sont destinés à mouvoir ces pièces les unes par rapport aux autres. Puis, nous passerons aux muscles destinés à changer la forme générale du corps d'un animal ou d'un de ses organes. $ 1. — Muscles prenant insertion sur des pièces fixes. Le muscle le plus simple que nous puissions imaginer se compose de fibres parallèles entre elles, et se terminant par un tendon ou s'insérant directement sur les pièces à mouvoir. Chaque fibre » agit dans la direction du déplacement qu'elle est ; destinée à produire, et ajoute son action à celle des fibres voisines. Ces muscles sont généralement » destinés aux mouvements de grande amplitude; aussi sont-ils du type long à section relativement réduite. L'exemple que l’on en cite le plus souvent est le couturier. Nous avons déjà vu que, chez l'homme, ce cou- lurier prenait son insertion inférieure sur le tibia - au moyen d’un tendon, et que l’on vovait ce tendon disparaître à mesure que l'insertion s'éloignait du genou chez les singes el les quadrupèdes. Cet exemple n'est pas unique; si nous comparons le bras d'un singe au bras d'un homme, nous voyons la même modification se produire. Chez les singes, l'insertion au cubitus et au radius des muscles flé- chisseurs du bras s'éloigne de plus en plus du coude, de sorte qu'au moment de leur contraction ces muscles, agissant plus loin de l'axe de rotation du levier, ont plus d'action sur lui, etc’est ainsi que peut s'expliquer la force considérable de ces ani- maux, malgré leur apparence parfois très grêle. Chaque fois que l'on verra se produire un grand déplacement, on retrouvera le muscle à fibres paral- lèles, que ce soit le sterno-mastoïdien de l'homme ou le muscle rétracteur des cornes de l’escargot. Bien entendu, lorsque ce mouvement devra être accompagné d'une grande force, sa section aug- mentera et pourra varier suivant les individus. C'est ce qu'il est aisé de constater, par exemple, sur le biceps de l'homme. Il arrive que l'effort à développer devienne par trop considérable; cela à lieu quand l'une des insertions du muscle est très voisine de l'articula- tion. Il faut alors le concours simultané d'un grand nombre de fibres, et, en restant dansle type de mus- cle que nous venons d'étudier, on arriverait à des masses énormes. Mais, dans ce cas, l'amplitude du mouvement est, la plupart du temps, très réduite et divers artifices permettent de réduire le volume du muscle. Considérons le masséter de l'homme. En mesu- rant la distance de ses insertions et la grandeur du mouvement à produire, on en conclut que, si les nn. dde he ne REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 4901. fibres musculaires s'étendaient d’une insertion à l'autre etavaient le même coefficient de raccourcisse- ment que les autres muscles de l’économie, la lon- gueur de ces fibres serait environ trois fois trop grande pour une bonne adaptation fonctionnelle, Chaque fibre devrait donc n'occuper que le tiers de la longueur et être prolongée par des tendons, comme l'in- dique la figure 6. Dans ces con- ditions, le muscle n'atteindrait sa puissance que grâce à des dimensions transversales très considérables. Voici à l’aide de quel artifice Fig. 6. la difficulté est éludée. Les fibres musculaires se groupent par petits ventres ayant chacun le tiers de la longueur totale du muscle. Les petits ventres, prolongés chacun par deux ten- dons, se disposent de facon à occuper des hau- teurs différentes, pour ne pas addilionner leurs épaisseurs (fig. 7). Malgré cela, bien entendu, ils ajoutent leurs efforts au moment de la contraction. Le masséter a donc, en réalité, une longueur de fibres trois fois moindre que celle qu’il semble avoir au premier abord, mais sa section utile est trois fois plus grande que sa section Fig. 1. apparente. Pour certains muscles, cette disposi- tion est poussée encore plus loin ; les ventres mus- culaires sont plus petits et plus nombreux. C'est ainsi que le muscle ischio-coccygien est composé de petits groupes de ladimension d’un grain de blé, le coccyx étant un os très peu mobile. Les exemples du dispositif que nous venons de décrire sont assez rares; on ne les trouve que lors- que l’espace à franchir entre les deux insertions est restreint. Quand le mouvement doit, au con- traire, être transmis à un organe assez éloigné de l'insertion supérieure du muscle, que ce muscle est silué dans un segment de membre et que son tendon doit franchir des articulations dans une section assez réduite, on voit ap- paraitre le muscle penniforme. Ce muscle penniforme n'est ce- pendant pas si éloigné du précé- dent qu'il semble généralement. Je vais au contraire montrer qu'il en dérive directement et peut alors affecter deux dispositions en donnant soit le muscle penni- forme vrai, soit ce que j'ai ap- P pelé le muscle pseudo-penni- Fio: 8. lorme. Considérons un ventre musculaire ab (fig. 8), pro- longé de chaque côté par deux petits Lendons ac el 23°* 107% D' G. WEISS — LE MUSCBE DANS LA SÉRIE ANIMALE bd; puis, placons de chaque côté de ce groupe une série de groupes semblables, en allongeant peu à peu le tendon supérieuret diminuant le tendon inférieur ; nous aurons institué un muscle analogue à ceux aue j'ai décrits, mais qui occupera un espace très con- sidérable pour l'effet qu'il produira, avec des inser- tions énormes mn, pq. Pour transformer l'insertion inférieure en un tendon long qui pourra passer par- dessus des articulations, il faut coller ensemble tous les petits tendons partiels, tels que b d, c'est-à-dire rapprocher de la ligne médiane tous les points ana- logues à 2. Si l’on fait la même opération pour les tendons supérieurs, de facon à faire un tendon s'insérant en € à une surface restreinte, on aura un muscle pseudo-penniforme. Si, au contraire, les petits groupes musculaires prennent leur insertion supérieure à distance de la ligne ca, sur un os parallèle à c4 ou sur des aponévroses résistantes, nous aurons le muscle penniforme vrai. Ces deux espèces de muscle se rencontrent dans le corps de l’homme et des animaux. Si on leur applique les principes d'adaptation fonctionnelle que j'ai exposés plus haut, on trouve que, dans le muscle penniforme vrai, les fibres latérales doivent être plus courtes que la fibre centrale ; dans le muscle pseudo-penni- forme, c’est la fibre centrale qui doit être légèrement plus courte que les fibres latérales. L'expérience vérifie ces prévisions, et c’est la confusion entre les muscles penniformes et pseudo-penniformes qui, pendant longtemps, ne m'avait pas permis d’expli- quer certaines anomalies que j'avais rencontrées dans la vérification du principe d'une parfaite adaptation de l’organe à la fonction. Dans un muscle penniforme, les fibres étant inclinées sur la direction du mouvement à produire, la force développée par chacune d'elles ne se transmet pas intégralement au tendon. Si l’on con- sidèré deux fibres 4h, 4'h placées à la même hau- teur dans un muscle (fig. 9), chacune de ces deux fibres exercant, par exemple, une traction de 1 gramme, il ne résultera pas de leur aclion si- 4 multanée- une force de 2 gram- € # mes dans la direction ch du PR | tendon. + La résultante est variablefsui- ue vant l'angle que ces fibres font ig entre elles. L'expérience montre que cet angle n’esl jamais su- périeur à 50° ou 60° et, dans ce cas, les 2 grammes se réduisent à 1,7 ou 1,8. Il y a donc un léger déchet, mais il est largement compensé par le nombre de fibres entrant en jeu, plus grand que si le musele était à fibres parallèles entre elles. Parfois, un muscle penniforme ne suffit pas, la force à développer devenant par trop grande; ily a alors un groupement de muscles penniformes don- nant au premier abord une structure très compli-= quée. C’est ainsi que le deltoïde de l'homme, qui agit sur un très court bras de levier et qui, dans les” mouvements d'élévation du bras, permet cependant de soulever des poids considérables, est composés d'une vingtaine de petits muscles penniformes se groupant à leur partie inférieure sur un tendon unique. Le schéma de la ; ligure 10 rend compte de la disposition des fibres les unes par rapportaux autres dans ce muscle. Bien entendu, le tendon inférieur peut être plus ou moins réduit, et l'insertion du muscle se faire même directement sur l'os; le grand fessier se trouve à peu près dans ce cas. Parfois, l'insertion d'un muscle sur un os s'étend plus ou moins : il en résulte que l’action de ce mus- cle ne se résume pas en une simple traction exer- cée en un point, comme cela se produit lorsqu'il est prolongé par un tendon, et que l'étude devient un peu plus délicate. Nous avons déjà vu que, pour le brachial anté- rieur, les diverses fibres parallèles entre elles n'avaient pas la même longueur et qu'elles étaient ramenées à leur dimension rationnelle parune partie tendineuse. Un réglage de ce genre se produit fréquemment; un des plus beaux exemples que l’on puisse en citer est celui du trapèze et du grand dorsal, où l'on voit de vastes aponévroses pro- longer la nappe musculaire jusqu’à l'épine dorsale. D'autres fois, on voit intervenir un autre artilice; les points d'insertion des diverses fibres musculaires se répartissent d’une façon assez étrange au pre- mier abord. Considérons le grand pectoral, qui prend son insertion fixe sur la clavicule, le ster- num et les côtes et son insertion mobile sur l’'humérus. Si ces fibres suivaient les trajets indi- qués sur la figure 11 et qui, au premier abord, semblent s'imposer, ou si elles s'inséraient toutes en un même point de l'humérus, on voit qu'au moment de l'élévation du bras les fibres supérieures voi- sines de ab ne subiraient pres- que aucun allongement, tandis que les fibres inférieures voisi- d nes de cd seraient considérable- Fig. 11. ment étirées. Pour les fibres supérieures, les choses pourraient s'arranger; elles s'adapteraient en prenant un tendon, mais la lon- gueur des fibres voisines de cd'est forcémentlimitée. a e b D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1075 Si, au contraire, les fibres voisines de la clavicule s'insèrent sur l'humérus en un point éloigné de l'articu- lation, et que les fibres infé- rieures s'insèrent très près de cette même articulation, comme cela est représenté sur la figure 12, l'écart entre les allongements des diverses fibres au moment de l’éléva- tion du bras va beaucoup di- hinuer, et leur parfaite régulation se fera facile- a \ ù $ 2. — Muscles destinés à changer la forme générale du corps ou d’un organe. - Nous allons maintenant examiner la disposition les muscles qui n'ont pas pour but de rapprocher n de l’autre deux points mobiles. En premier lieu, nous trouvons les sphincters, es muscles orbiculaires et semi-orbiculaires. Dans es cas, tantôt un même muscle fait le tour d'un rifice qu'il est chargé de clore en se fermant sur üi-même, tantôt il y a deux muscles semi-orbi- ulaires qui viennent s'insérer aux deux extrémités lun diamètre sur un raphé médian. Les fibres de es muscles offrent toujours la disposition la plus imple ; si on les coupait en un point, on aurait, en es ouvrant, un muscle à fibres parallèles: il n'y a lonc pas lieu d'insister sur leur structure. Je n'ai pas non plus à signaler de disposition emarquable des fibres dans les muscles comme 8 diaphragme ; mais il n'en est plus de même quand ous arrivons aux parois musculaires destinées à lore plus ou moins complètement une cavité. Parfois, nous trouvons alors des fibres muscu- aires orientées dans toutes les directions, qui ompriment également le contenu de la cavité ans tous les sens en cherchant à en réduire le olume. C'est ce qui a lieu pour la vessie. D’autres is, comme dans le tube digestif, ces fibres pren- ent des directions bien déterminées etse répartis- ent en couches. Dans ces organes de forme longée, nous trouvons alors, d’une façon à peu rès constante, une couche de fibres circulaires lestinées à faire varier le calibre de l'organe, et me couche longitudinale, agissant en sens inverse le la précédente en même temps qu'elle fait varier à longueur de divers segments de l'organe. Cette disposition se retrouve dans la paroi du corps d'un grand nombre d'animaux, par exemple de certains Vers. Chez ces animaux nous voyons les couches musculaires se modifier d’une façon très remar- quable quand l'effort à développer par elles devient plus ou moins im- = portant. Dans le cas le plus simple, une couche est composée par une simple rangée de fibres ou même de fibril - les; nous verrons plus loin la dis- tinction qu'il y a lieu de faire entre ces deux termes. Ce cas est représenté en a (fig. 13). Quand cette rangée de fibres ne suffit pas, on la voit se replier comme en . Puis, chacun des plis ainsi formés peut donner lieu à des plis secon- daires, Lerliaires, etc. De plus, il faut remarquer que ces replis, au lieu d'être formés par des fibres pa- rallèles entre elles, peuvent contenir de véritables petits muscles pennifor- mes. On conçoit alors la complica- lion que peut at- teindre la structure de la paroi muscu- laire de certains ani- maux, dont nous donnons ci-contre un échantillon (fig. 14), et l'on com- prend la force con- sidérable qui peut être développée ainsi. Nous trouvons aussi dans le cœur une disposi- tion qui mérite d'être signalée. Ici, il n’y a plus de direction générale des fibres, mais des enroule- ments très compliqués, dont la description ne semble pas avoir sa place ici et pour laquelle nous renvoyons aux traités d'Anatomie. Fig. 13. Fig. 14. — a, Coupe à travers la musculature d’un Septum de Sa- gartia parasitica perpendiculaire à l'axe longitudinal des fibrilles basales ; — b, cellule de l'épithe- lium musculaire d'une Actinie. Dans une deuxième partie, nous étudierons l'his= tologie’du musele et la contraction musculaire. D' G. Weiss, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris 1076 A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE REVUE ANNUELLE Pendant longtemps, les ouvrages de Chimie se sont bornés, dans notre pays, à reproduire, d’après les ouvrages précédents, des procédés et des idées trop anciens pour nous inslruire réellement de l'état des choses, qui varie sans cesse autour de nous. Il en est résulté que la Science écrite, au lieu de précéder le mouvement industriel, qu'elle a mission de guider, s'est trouvée souvent dépassée par ce dernier. Depuis quelques années cependant, une réaction semble se produire : des livres vrai- ment neufs ont paru, parmi lesquels il faut citer ceux de Moissan, Duclaux, Béhal, Maquenne, Lefèvre, etc., qui nous ont permis de lire, ailleurs que dans les ouvrages étrangers, les idées de nos propres auteurs. Pourquoi de si rares écrivains? demande-t-on. Parce que ceux qui sont chargés de tâches professionnelles trop longues sont obligés d'utiliser à expérimenter le temps qui leur reste. La mise au point d'un livre demande, de la part des plus instruits, un travail soustrailt au labora- toire et qui n’a pas de compensation sérieusement rémunérée. La coutume, peut-être bonne en litté- rature, d'offrir au public un grand nombre de pro- ductions, semble avoir imposé aux éditeurs l'idée, quand ils ne peuvent choisir, d'emplir quand même leurs magasins d’une quantité incroyable de livres relatifs aux sciences. Cette forme de surproduelion sans nécessité uniformise le prix du travail, qu'il soit bon ou mauvais. Il y a là une tendance fâcheuse de la librairie française, contre laquelle il serait utile de réagir dans l'intérêt de la Science. Dans un autre ordre d'idées, signalons le progrès considérable dû à l'introduction, dans les plus ré- cents laboratoires, tels que ceux de l'Institut Pas- teur, de la mécanique moderne sous la forme d'usine. Pour essayer d'avancer dans l'étude des problèmes qui se posent sans cesse, il faut main- tenant abandonner la Chimie du verre de montre et du tube à essai, d'où rien ne se tire. Ce que l’on a pu dire l’année dernière au sujet de l'Exposition dans ses rapportsavecles recherches de Chimie se continue. On se remet seulement à ces recherches lentes du laboratoire, qui exigent le calme de l'esprit et non pas le souci des cristalli- salions d'apparalt. Mais, même dans ces conditions, la Chimie, dans son ensemble, n'avance qu'à la suite de quelques dé- couvertes saillantes et slimulantes; celles-ci, après des années heureuses, se font rares en ce moment. DE CHIMIE PURE Le temps qui suit les démonstrations positives importantes devrait être consacré aux recherche susceptibles d’en engendrer d’autres, et non à fabrication surabondante de dérivés tout à fall dépourvus d'intérêt. Il semble que les travaux d Chimie facile, sans raison, sans but, soient exécuté uniquement pour conserver la pagination des jour naux techniques; ils deviennent des annexes de l'in dustrie de la librairie. En même temps, la bibliogræ phie des grandes questions naturelles estsubmer à son ordre alphabétique dans le nombre considi rable des fascicules, et une très notable partie di temps dont dispose un homme pour la recherche efficace, seule créatrice de faits, est absorbée à M poursuite de documents antérieurs. Quelques archi vistes instruits se feraient un métier enviable & allant proposer chaquesemaine dansleslaboratoire un historique impartial des questions que les savanlss traitent, ainsi qu'on propose des produits chimiques Dans l’état actuel, nul ne peut assurer que ces qu'il fait soit absolument neuf, tant on à ditd choses générales et bien observées au cours & xIx° siècle et lant les travaux présents dépenden de tout cela à un degré plus ou moins éloigné. Less incessantes redites sur les sujets en vogue ne cauw sent d'autre mal que de perdre du temps — ce EL | se compte. [ei encore, un bibliographe instruit d'unem science donnée vaudrait un professeur dans chaque centre d'étude. Un chimiste ne peut concevoir l'ambition modifier utilement la science en traitant de mille façons la molécule du thiophène. Un bibliograph® rendrait service en classant à la suite tous les faits minimes qui découlent indéfiniment de celte étude Et en aucune science ces dispositions ne seraie indifférentes, car elles se compliquent vite, et les errements anciens sont caducs malgré la persis tance des hommes à faire toujours comme autrefois Si, dans ce qui précède, il s'agit de simplifier um moyen de travail, il est évident que le livre, autm@ puissant instrument, ressentirait les bons effets d’une nouvelle orientalion. ‘1 IT Les propriétés générales des gaz ont été poussées fort loin, surtout depuis les travaux d’Amagat et dl Van der Waals, en conservant l'idée qu'ils son des atomes matériels plus ou moins lourds « volumineux. Ces idées se reporlent aujourdh sur les liquides d’abord, puis sur les solides. L liquides sont devenus accessibles à des investig A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 1057 lions de poids moléculaires précises, et dès lors on reconnu qu'ils n'avaient pas la simplicité que eur attribuent les anciennes formules chimiques. Yapeur, est un agrégat moléculaire à l’état liquide, Pt sa formule est alors au moins double (H°0)° et nême, lorsqu'elle présente le phénomène bien connu du maximum de densité ou de contraction — %, il ne semble plus que ce soit de l’eau sim- ple, mais une solution de glace dans de l’eau elle- inême complexe. Depuis les travaux de Ramsay et Shields, c'est ainsi que les recherches de poids on aires sont de plus en plus conçues, et nous sentons le retentissement que peut avoir sur les “rendements de la chimie organique la facon dont es réactions se trouvent engagées à l'origine. Nous sentons mieux l'influence des conditions, des arli- lices spéciaux et des migrations dès que nous savons que les matières engagées peuvent être mises en jeu dans des points très variables avant u après leur désagrégation physique. . La matière solide, étudiée avec plus de minutie qu'autrefois, montre que les éléments sont doués d'une individualilté bien plus accentuée qu'on ne “| avait pensé en exagérant la notion utile de famil- les naturelles. Si notre esprit élait plus pénétrant “et plus dégagé des cadres théoriques, nés le plus pouvent d'une simple affirmation ancienne, il aurait “attaché de l'importance à ce fait que les matériaux Eu groupe de la chaux ont une relation étroite avec L. actions lumineuses. Depuis longtemps, le phos- phore de Homberg, le phosphore de Canton, connus plus tard sous le nom de sulfures phosphorescents, savaient alliré, très passagèrement, l'altention. Et c'est par une voie tout à fait indépendante de ces observations que M. et M%° Curie ont séparé de ce mème groupe de la chaux une matière lumineuse : le radium. Localisé avec du baryum dans des minéraux uranifères, le radium y existe en si faible quantité qu'on estime qu'il faudrait traiter 5.000 kilos (cinq lonnes) de résidu d'urane pour obtenir 1 gramme de 1 : 5.000.000 : Il ne faudrait pas moins de 30.000 francs pour obtenir ce métal extraordi- e. il n'y a pas au budget de l'Etat de sommes affectées aux grandes surprises de la science, ainsi | qu'il en est pour la conservation des choses d’art. Pour être un idéal plus récent de la beauté, la science n'en est pas moins un idéal aussi élevé. Il est à souhaiter, si les pouvoirs publics ne peuvent augmenter leurs charges ou les distribuer d'autre façon, que les dons privés viennent en aide à ceux qui s'emploient à conserver l'éclat scientifique de otre passé. Les quelques centigrammes de sels radifères que possèdent actuellement M. et radium pur, soit M®° Curie montrent déjà que le radium a un poids atomique supérieur à 200, et un pouvoir radiant dépassant un million de fois celui de l’uranium. Le spectre établi par M. Demarcay donne toute sécurité; il est spécifique et ne laisse plus voir que quelques faibles raies du baryum. Les rayons de H. Becquerel émis par le radium n'ont paru avoir tout d'abord que des propriétés assez faibles. Maintenant que le radium à peu près pur.est connu dans la série Ca Sr Ba Ra, on lui reconnait des actions à distance qui mon- trent aux yeux l'inséparabilité de la matière et de l'énergie, leur continuilé encore indéfinissable. Un milligramme de sel de radium dans dix grammes d'eau forme une solution incolore, qui a élé scel- lée dans un ballon de verre gros comme le poing. On est tenté de croire que de toute évidence rien ne se passera. Les choses vont bien ainsi les pre- miers jours, mais peu à peu tout le verre du ballon s'illumine dans la nuit, puis une tige de verre en contact s'illumine aussi et porte la lumière à un second ballon semblable qui ne contient rien et serait toujours resté invisible. Bien des opinions ont élé émises sur l'émission permanente de ces lumières. Il n'est pas douteux pour moi que le radium ne soit un élément organisé à la façon d'un transformateur. Une goulte minime de sa malière se trouve toujours placée dans le puissant champ magnétique et calorifique du Globe et change ces forces en d'autres de nature lumineuse et même d'ordre biologique, puisque MM. H. Becquerel et Curie ont reçu des brûlures étendues pour avoir porté dans la poche extérieure de leur vêtement une boite contenant quelques centigrammes de sels radifères. N'est-ce pas là le verre ardent qui con- centre les puissances de la Nalure ? De notre lemps, plusieurs questions de Géologie se posent qui ne peuvent être résolues que par la Chimie minérale. M. Fouqué, analysant le milieu en aclivité de Santorin, a trouvé, à n'en pas douter, de l'hydrogène dans les roches éruptives de ce milieu. La certitude n’est pas la même en ce qui concerne la présence de ce gaz dans les granites primitifs. Depuis longtemps” on a fourni des analyses des gaz du granite. Elles sont complexes, sans compter l’'anhydride carbonique provenant des inelusions visibles. Plus récemment, M. A. Gautier a repris celte question et, trouvant beaucoup d'hydrogène, il s’est aperçu bientôt que ce gaz provenait, pour une large part, des métaux introduits par les appareils de pulvérisation métalliques qui s'usent. D'autre part, il est reconnu que certains granites contien- 1 W.-A. Ticoex : Chem. News, 1897. 1078 nent des inclusions bitumineuses qui, à la chauffe, doivent donner des gaz variés. Il paraît done bien peu probable que les masses granitiques contien- nent de l'hydrogène susceptible de jouer un rôle? d’être défini et localisé. La recherche des quantités minimes et l’appré- ciation de leur rôle est la plupart du temps un sujet de surprise pour nos esprits habitués à voir directement de grands amas de matière. M. W. Ackroyd a recherché une des causes permanentes de la présence du chlore dans les eaux fluviales. De nombreuses analyses combinées à des observa- tions météorologiques ont montré que le vent de mer porte le sel à de grandes distances et le dépose par tonnes sur les comtés d'Angleterre. C'est ainsi que, par sa science, l'homme peut concevoir des causes el des temps dont sa vie très courte avait négligé l'intérêt dans les siècles passés. Pasteur a laissé quelques étincelles de son génie dans l'esprit des travailleurs récents, qui cherchent par les ac- tions petites et lentes à mieux comprendre les grands phénomènes. L'océan paraît encore tenir en dissolution un grand nombre de métaux, parmi lesquels l'argent et l'or, qu'on cherche en ce moment à extraire par des moyens pratiques. Ainsi, de plus en plus, le chimiste des ballons de verre, du tableau noir et des formules se pé- nètre de l'esprit du naturaliste qui observe, en somme, la Nature telle qu'elle est faite et dont tout dépend. La Chimie minérale ne peut être isolée des autres sciences connexes. M. Moissan, qui l’a conduite plus loin que la plupart des hommes, n'a pas manqué de la lier à la Géologie dans sa décou- verte des earbures et de la formation du dia- mant. Assurément, la destruction barbare de la biblio- {hèque d'Alexandrie fut une perte humaine: mais la conservation des vieux livres ailleurs que dans les cabinets d'Histoire est un autre malheur. Les documents modernes bien contrôlés doivent seuls entrer dans les jeunes esprits, et un seul fait actuel efface pour les chercheurs les nombreux volumes que devront sérier les historiens scientifiques. À ce point de vue, tout ce qu'on a pu écrire sur le quartz ou acide silicique prend une autre appa- rence. C'étail autrefois une matière essentiellement ignée; maintenant, de plus complètes observations nous montrent le quartz bipyramidé enchevèêtré dans des gypses ou recouvrant des calcaires ré- cents qui ne peuvent supporter la chaleur. Bien plus, M. Ditte' a montré que l’anhydride sulfu- rique pouvant dériver des pyrites et le chlorure de sodium engendrent un chlorure de pyrosulluryle L'ONRSNCX AT A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE et d’or au contact de ce métal. Le produit de cettk réaction se décompose facilement en un véritablen quartz aurifère semblable à celui de la Nature Avec le temps, des solutions inappréciables silice peuvent donner à froid de gros cristaux dé quartz. Nous avons incontestablement le quart limpide et bien cristallisé dans le bassin de Paris il provient des quelques centigrammes de silice par litre reconnus dans les eaux vulgaires. Dans le groupe des terres rares, les seuls travaui qui comptent — mais ils comptent beaucoup — on! été publiés par M. E. Demarçay !, qui, écartant à masse considérable des terres demi-rares, telles que lanthane, ancien didyme, cérium et yttriums a pu se procurer quelques kilogrammes des oxydes rares parmi les rares. Sans préjuger des matériaux de la profondeur, il n'est parvenu à la surface du globe que de bien minimes quantités de ces oxydes et ils forment une série tellement homogène qu'il a fallu à l’auteur bien des années pour arriver à une séparalion. Pour ces terres les plus rares, en aucun pays il n’a été fait un effort aussi continu el fructueux que celui que nous devons à MM. De marçay et Lecocq de Boisbaudran. Toutes les sépa rations ne sont pas encore faites, et l'on ne sait encore le nombre des éléments qui sortiront de ce groupe. Nulle part en ce moment, à la suite des travaux de nos savants, on ne peut trouver commercialement des curiosités chimiques telle qu'on les expose dans quelques vitrines de Paris : sels et métaux cristallisés purs sont apparus d'u coup, en grandes masses, à l'Exposition de 1900. Les travaux récents nous démontrent l'existence de beaucoup d'éléments nouveau-venus : métaux précédemment irréductibles, série de l'argon, terres” rares nouvelles, corps radiants. Les esprits pré- venus veulent trouver une place raisonnable dans la Table de Mendeleef à ces envahisseurs gènants, mais n'y parviennent guère; je crains que plusieurs regrettent l'indiserétion trop progressive de ces découvertes qui viennent briser la charpente pro- visoire de la Table coutumière. Il n'y a pas un rapport commensurable entres l'hydrogène et l'oxygène. Si le premier est exacte ment 1.000, par convention, le second ne sera pas. 16.000. Alors s’est élevée une copieuse controverse qui a conduit la majorité à prendre le nombre 46. exact pour commune mesure dans les analyses, Il ne fallait pas une aussi grande somme de travail pour des chiffres praliques, car l'hydrogène reste toujours à la base des poids atomiques; il les dé- finit par la convention des densités de vapeur, et peu importe que, dans de rares calculs, l'oxygène soit entier et l'hydrogène fractionnaire, puisque le { C.R., t CXXX et CXXXI. A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 1079 rapport est fixe. Il y a quelque byzantinisme dans ces préoccupations que l’on rend graves. Dans la science, des théories qui semblent fon- damentales deviennent spontanément caduques. L'atomicilé n’est plus qu’une question d'empirisme pralique, souvent utile, il faut le dire. Mais au fond, sans paradoxe, tous les éléments ont toutes les - atomicités; ils font ce qu'ils peuvent dans des con- ditions déterminées ou ce qu'ils veulent pour être au mieux dans le milieu où la Nature les met. C'est ainsi que le fluor est monoatomique, car il forme H— F1], et le soufre diatomique H°=S, ou tétrato- mique S=0*, et tout cela n'est pas très stable. M. Moissan parait s'inquiéter peu de ces règles, car il a découvert récemment avec M. Lebeau un hexa- fluorure de soufre S Fl°, qui est la plus stable des « combinaisons de cette série. Le fluorure de soufre « est résistant à ce point qu'on l'eût pris il y a vingt … ans pour l'azote, dont il a les propriétés nulles à … premier examen. Pour l’enseignement surtout, une grande réforme s'impose tendant à élaguer les cer- - titudes traditionnelles. É III * MM. Perkinet Thorpe’ produisent un Mémoire de soixante pages sur les méthodes de synthèse de ce qu'ils nomment des cycles pontés. Par exemple, la formule du camphre, selon Bredt, est un héxa- - gone ponté : : < 3 1H | : # ï Il | CHE CIF CH3—C— CH À | ec < l A à ‘Ha x $ CHE re 1104 Xe Il | É # uE lu 4 : ns à "4 Ke 3 | | pr CH ; Camphre. Paracymène. Quand le pont se rompt vers le haut du schéma, on conçoit qu'il se fasse du paracymène. Le travail est des plus riches en expériences et trop spécial . pour être résumé. J'ai tenu seulement à signaler cette expression de corps pontés, afin que si elle fait fortune on la puisse trouver ici. Il faut voir . en cela plus que cette faible satisfaction. Il n'y a _ plus de formules limitées à un hexagone où un autre polygone simple. Depuis longtemps, après les formules d’alcaloïdes de Einhorn, elles ont été déerites dans la Revue. Ces formules organiques représentent plus largement la complexité des conformalions chimiques, et c'est encore bien peu. Les noms des corps obtenus par les auteurs sont fort compliqués, même pour des chimistes, etencore ddlud laits.) 1 Chem. Soc., 1901, Juin. onl-il eu un instant l’idée de les augmenter tous du préfixe ysL tiré du mot grec pont. On ne ferait pas mieux en voulant appliquer la théorie de l'excès du mal, pour démontrer que la Chimie, comme les Mathématiques, s'écrit, mais ne se parle pas en conversation. Dès qu'une matière devient utile, il suffit de lui donner un nom commode: c'est le cas de l’antipyrine. En réalité, les formules, dont s'effraient les commencants, constituent une litté- rature essentiellement polymorphe. Le même pay- sage ne sera pas peint de même par dix paysagistes également remarquables. Ces maitres tireront de la même réalité des toiles grises, violettes ou jaunes. Qu'on m'excuse pour cette image ; la Chimie n’a pas une rigidité mathématique et c’est bien la servir que de tàcher de la voir sous ses aspects infiniment variables. Malgré le nombre considérable d’exécutants qu'il y à en Allemagne, il est remarquable de voir la vogue des conceptions verbales, de l'ivresse des mots. Les dissertations de nomenclature sont suivies, et je relève encore les noms de norcarane, de bis- cyclane, de spirocyclane, de phénoxozone, etc... bons à donner une apparence de profonde science à ceux qui les répéteront à propos, avant qu'ils ne tombent dans l'oubli. En France et en Angleterre, avec moins de travailleurs, ce romantisme ou celte scholastique tendent à disparaitre et les jeunes reprennent la tradition par preuves serrées des fondateurs de la Chimie. En Chimie, quand un élément subit une action d'ordre très général comme celle de la polarisa- tion lumineuse, il y a lieu de croire que tous les éléments, s'ils peuvent former des combinaisons de même ordre, agiront de même; il s’agit de mettre, si possible, les éléments en posture de subir les” lois générales. Assurément, sans préparation, toute matière obéit à la loi fondamentale de la chute des corps. Mais si a priori tout corps simple est sus- ceptible de prendre l'orientation plus délicate de Le Bel, Van’t Hoff, il faut le mettre dans cet état d'orientation. É Parmi les plus récentes recherches en ce genre, se trouvent celles de MM. Pope et Peachey * sur le soufre. De même qu’un carbone asymétrique en- gendre la rotation, de mème le soufre saturé dis- symétriquement donne le pouvoir rotatoire; Lel est le cas du corps : 2 gs — 2 2 C'He, /CH*—CO*H\* à S£ PtCL, a “cr du type des sulfines découvertes par Cahours. Un petit nombre de lois générales, souvent ignorées 1 Chem. Soc. Joura., t. LXXVII, p, 1072. 10S0 d'ailleurs, suffisent à nous rendre les choses d'une incompréhensible complication. Les mêmes auteurs décrivent un composé qui ne doit sa rotation droite qu'à de l’étain : n(CH®, CHF, CHF, 1). Malgré l'afflux des mémoires hérissés de for- mules, — d’ailleurs toujours les mêmes, — il n'y a que peu de grandes questions à l'étude, mais celles-là sont durables au point qu'il faut s’excuser d'en reparler toujours. Les corps terpéniques ont lassé bien des cou- rages sans que la synthèse du térébenthène ou du camphre ait avancé. Il devient de plus en plus certain que, dans cette série plus qu'ailleurs, les for- mules sont mobiles. On sait qu'auprès d'une la- cure, entre deux carbones consécutifs des migra- tions isomères se peuvent produire L'’acide iodhy- drique peut agir de deux facons sur un propylène : CH?= CH — CH° + HI = CH°I — CH? — CHE où CHE — CHI — CHS TN EN D Te - Propylène. lodopropane. lodopropane II. Mais des actions physiques telles que la chaleur peuvent faire passer l’iode de la situation I au point IL. Il y a relation de voisinage immédiat et un chassé-croisé possible de H et de [. Une chose plus surprenante a été relatée dans les travaux de Blanc et de Perkin : une chaîne fermée pentagonale pourrait s ouvrir pour recevoir un radical étranger et devenir un hexagone. Pour nous borner à un schéma : sans mots, nous aurions la suite : F- R Hs LA CREME © a RAR ne te Lea DA N7/ \/ NF PentagOnC. > ]Jlexagone. L'étude du mécanisme des réactions, chose capi- lale, gagnera à ce que de semblables faits soient souvent démontrés, et cela contribuera à rendre impossible l'effort stérile de mémoire où nous con- duit une nomenclature parlée. Cette mobilité des formules qui‘tend à se faire jour explique pourquoi, pendant quelque temps, nous pensons savoir enfin les formules terpéniques, et, bientôt après, elles nous semblent bien incertaines. Par les faits particuliers les plus étroits, il convient de s'élever à des no- lions générales, puis laisser dans les livres pou- dreux les corps inutiles aux noms compliqués qui encombreront l'Histoire. Dans la série si incertaine du camphre, MM. Wagner et Brykner ‘ ont découvert un car- bure nouveau, le bornylène, qui selon eux est, plus que le camphène, apte à se convertir en camphre ou en bornéol. C'est un éthylène substitué. ! Berichte, t. XXXIII. . A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE Les formules du type de Bredt, pontées, sont : CH [0] RS AN Fe. N A ù CHE CH° CH? CH [cu-6-cn° [ens-6-cr CH° co CH? CH à £ à PA à C A 2x li 74 | CH° CHS Camphre. Bornylène. Dans le groupe des alcaloïdes, autre sujet d'im- portance, car ils sont aussi liés à la vie des végé- taux, on ne sait pour quelle raison, il semble que la mobilité soit moins grande. Les formules des poisons sont fort complexes; mais au moins, quänd on arrive à les connaitre, elles conservent une sta- bilité assez grande. IL n’est pas sans intérêt de mettre sous les yeux de lecteurs éclairés une de ces formules; cela montre avec quel degré de com- plication la chimie organique représente des corps naturels qui sont loin de passer pour très com- plexes. Selon MM. A. Pictet et B. Athanasescu, la. laudanosine est un produit de réduction du chlo- rométhylate de papavérine, et voici sa formule : CH CHE PONION CHOC RU RAUES (En een CHIO "CNCHNAZCEe CH — CH NON : 4 CI CH CH —C NS 4 N oc # a tuée ÉAHOCS Si de telles formules sont nécessaires pour mon- trer où en est l'écriture chimique de notre époque, on conçoit qu'il soit fastidieux de multiplier ces dessins quand il s'agit de corps secondaires qui ne … remuent pas les idées d'ensemble ni les intérêts techniques. Très habitué à voir le point de départ des réac- tions et le résultat, il est rare que le chimiste ait une idée de la succession parfois longue des actes accomplis. Et d’ailleurs, nombre de méthodes sont également bonnes. Nous faisons, nous, de l'acide lartrique en formant des dérivés succiniques bromés à 140° dans des vases résistants ; la Nalure le fait tranquillement à froid sans autant de fracas. Pour imiter le résultat final d'une action vivante, il semble que nous prenions à tâche de gaspiller. de la matière, de l'énergie et du temps.-Dans la. recherche des méthodes naturelles que se proposent de plus en plus les physico-chimistes et les biochi= mistes, M. G. Bertrand a observé un cas curigux 24 la cause du bleuissement des champignons, qui, bleuissent parce qu'ils contiennent une sorte d'ali- zarine rouge, le bolétol. Ge bolétol .reste rouge à. l'air, mais, addilionné d’une trace d'une. diastase, il se combine aussitôt à l'oxygène et devient,bleu. » A. ÉTARD — REVUE ANNUELLE DE CHIMIE PURE 1081 La nature de ces diastases n'est pas chimique- ment fixée ; elles meurent le plus souvent à chaud, si tant est qu'une matière chimique dissoute ait une vie à perdre, et pourtant elles sont toujours là en traces comme le deus ex machinä qui résout les transformations de la chimie cellulaire. Comme on n'est pas en élat d'écrire la formule de constitution d'une diastase ou d'une toxine avec le degré d'approximation du développement de la simple et vulgaire laudanosine ci-dessus, la chimie biolo- gique ne donne que des résullats très lents. Beau- coup de temps a été perdu à discuter sur des albu- . mines variées, acidalbumine, alcalialbumine, hé- . mialbumine albumoses el histones diverses, peptones diverses, points de coagulation divers, nucléines diverses et mixtes. Il ne faut pas cher- cher dans ces malières, si elles ne cristallisent pas, de l'homogénéité des caractères chimiques perma- nents. Elles sont biologiques. Les colorations, les diflérences d'aspect peuvent être de bons signes chimiques, mais on n'a pas encore constitué une véritable chimie avec ces malériaux. La certitude d'identité, l'analyse élémentaire et la cryoscopie sont souvent décevantes dans ces cas. Un homme qui à fait ses preuves dans l’art de reconstituer les matières de la vie, E. Fischer, a repris un peu de notre ignorance par la racine. Après Braconnot et Schutzenberger, il n'étudie pas les albuminoïdes : il tâche d’abord de les dissé- quer en bon anatomiste. Son travail sur une espèce déterminée, la caséine, est surtout l'exposé d'une méthode d'analyse de ces sirops noirs qu'on obtient après toute hydrolyse souvent mal conduite. De là, par des distillations fractionnées, l’auteur sépare une leucine, un acide glutamique C°H*A20*, un aminovalérique et un acide pyroli- dine-carbonique. Ge sont ces recherches qui nous apprendront comment les choses sont réellement faites et nous laissent espérer une explication logique des albuminoïdes pour un avenir encore lointain. Cette voie me parait la seule bonne, et je pense avoir constitué une méthode moins longue pour doser quelques-uns des principes des dérivés de l'activité du proloplasme ou protoplasmides. En tout cela, il n’est pas question, bien entendu, des albuminoïdes vivants, 22 silu, alors qu'entre eux ils peuvent se dissoudre ou se coaguler, maintenir la santé ou causer la mort par suite de leurs évo- lutions chimiques. À La dissection préalable des albuminoïdes, fut aussi étudiée par Miescher poursuivie par Kossel, et de nombreux travaux faits à leur imitation paraissent indiquer que les bases hexo- niques (argynine, lysine, etc...) nous donneront le secret des albumines. On n'a jamais les secrets de science tout entiers ; les générations futures ne se trouveront pas sans ouvrage. Si loin que se pousse, en Chimie biologique, la question des bases hexoniques, elle sera probablement toujours la chimie d’une fonclion physiologique spéciale : celle des matières à évolution rapide et passagère de la reproduction. En concevant la Chimie au service de l'anatomie comparée el des tissus, nous arri- vons à l'idée juste de la complication des études d'albuminoïdes, du temps qu'elle exigera et des surprises qu'elle nous réserve. el A. Etard, Examivateur de sortie à l'École Polytechnique, Chef des Travaux chimiques à l'Institut Pasteur. 1082 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Walras (Léon). — Eléments d'Économie politique pure ou Théorie de la richesse sociale, 4° édition. 4 vol. 1n-8° de 492 pages, avec 5 planches. (Prix : 7 fr. 50). Æ. Rouge, 24, rue Haldimand, Lausanne et F. Pichon, éditeur, 24, rue Soufflot, Paris, 1901. L'application des sciences mathématiques aux con- naissances d'ordre économique et sociologique est relativement moderne. Elle s’est cependant constituée en peu de temps, de manière à former un corps de doctrine, qui a reçu le nom de Chrématistique. Cournot paraît être l’un des premiers qui aient abordé ce sujet; puis, dans le domaine particulier des assurances, l'ac- tuariat, n6 en Angleterre, n’a pas tardé à prendre un peu partout une importance sans cesse grandissante. Cette importance était déjà sérieuse, il y a plus de vingt- cinq ans, lorsque M. Léon Walras publia pour la première fois ses travaux sur la science des richesses, dont l'ouvrage actuel est une réédition mieux coor- donnée. Il fut un chef d'Ecole et un créateur; de nom- breux disciples ont continué et développé son œuvre, et propagent la science nouvelle à laquelle il a donné le nom d'£conomie politique pure. Par là, il entend l'étude, par des moyens mathématiques, des faits économiques qui dépendent de la nature même de l’homme, mais non pas de sa volonté. C’est là une tentative qui a rencontré et qui ren- contrera des sceptiques. Les Mathématiques, dit-on souvent, ne s'appliquent pas à tout. C’est vrai; mais la méthode mathématique peut utilement s'appliquer à tout ce qui est susceptible de mesure; et elle ne con- duira jamais à des déceptions, àla conditionexpresse de ne pas lui demander ce qu’elle ne saurait donner, et de n'y voir qu'un moyen de transformation rigoureux, per- mettant de raisonner avec plus de facilité et de sûreté, une fois posées nettement les prémisses et les défini- tions initiales. Quoi qu'on en puisse penser, les écono- mistes surtout auraient tout à gagner en s'inspirant des idées de M. Walras. À une étude qui n’a descientifique que l'apparence et dans laquelle la rhétorique joue le grand rôle, ils substitueraient une doctrine logique et bien assise. Il faudrait pour cela que les économistes fussent un peu mathématiciens ; mais beaucoup le sont déjà, dans une mesure largement suffisante, et les efforts de M. Walras et de son Ecole n’y ont pas peu contribué. Dans sa forme actuelle, le livre dont il s’agit se com- pose de huit sections, dont il nous suffira de présenter ici une sorte de sommaire. De pareils sujets se prêtent mal à l'analyse, à moins de développements très con- sidérables; et rien ne saurait suppléer à la lecture. Section 1. — Définitions et principes. L'auteur déve- loppe ici les considérations d'où est sortie l'Economie politique pure. Section II. — Echange de deux marchandises entre elles sur un marché où existe la libre concurrence absolue. Sections IT, IV, V. — Echange d'un nombre quel- conque de marchandises entre elles sur un même marché; prix des services et des produits; prix des capitaux. Section VI. — Théorie mathématique de la circulation el de la monnaie, Section VII. — Lois de variation des prix dans une société progressive. Section VIT. — Modifications qui se produisent lorsque l'hypothèse de la libre concurrence absolue cesse d’être admissible. Dans tous ses développements, l'auteur s'aide alterna- tivement des ressources algébriques et graphiques. C'est à ces dernières qu'il semblait avoir donné la pré- férence dans ses travaux primitifs. Ce livre mérite même d'attirer l'attention des lecteurs qui ne croient pas à l'Economie politique, en tant que science, parce qu'ils estiment que jamais les hypothèses premières ne sont applicables dans la pratique. Il est, en effet, permis de soutenir que, dans la période de l'humanité que nous traversons, la répartition et la cir- culation des richesses n’ont d’autres causes que l’écra- sement du plus faible par le plus fort, la violence exercée par celui-ci contre celui-là; et que la concur- rence libre n'existe pas entre un homme dépouillé de tout et un autrearmé jusqu'aux dents. Mais si l’on peut espérer un ayenir meilleur, on n'y atteindra que par de patientes études, par la mise en lumière de la vérité; on y. arrivera d'autant plus vite que se seront multipliées davantage des recherches analogues à celles auxquelles M. Walras à consacré sa vie. C.-A. LAISANT. Examinateur à l'École Polytechnique. 2° Sciences physiques Busquet (R.), Professeur à l'Ecole industrielle de Lyon, Ingénieur de l'Eclarage de la Ville de Lyon. — Traité d’Electricité industrielle. — 2 vol. 11-12 de 496 et 536 pages, avec 274 et 288 figures. (Prix, cartonné : 10 fr.) J.-B. Baïllière et fils, éditeurs. Paris, 1901. Le livre de M. Busquet n’est pas, comme l'excellent petit livre de M. Janet, uue simple /ntroduction ou Exposé des principes de l'Electricité industrielle. Il veut être un Zraité véritable, présentant d'une part les éléments fondamentaux de la théorie, sans aborder les théories complètes telles que les peut donner, par exemple, avec les ressources ordinaires du calcul, le livre justement classique de M. Eric Gérard, et conte- nant d'autre part une description assez détaillée de nombreux types de dynamos, de moteurs, de lampes, de systèmes de traction, d'appareils télégraphiques et téléphoniques. Il se distingue donc des deux types d'ouvrages que nous venons de citer, et comble à cet égard une lacune. Il est appelé à rendre des services, non seulement à des élèves ingénieurs ou à des personnes qui veulent s'initier à l'électricité industrielle, mais même à tous ceux qui en connaissent les principes et les appliquent couramment, et qui trouveront là, sous un format com- mode, un nombre jamais excessif, mais suffisant, de descriptions et de données concrètes. Les théories élémentaires sont clairement et assez complètement exposées. À cet égard, il ne faut pas trop prendre à la lettre les déclarations contenues dans la préface. M. Busquet déclare qu'il ne fera pas de « Ma- thématiques transcendantes », contrairement à ses de- vanciers qui s’adressaient à des personnes « ayant des connaissances relativement élevées ». Or, nous savons trop ce que les gens du monde, et même les élèves qui viennent de terminer ieurs études secondaires, en- tendent par les «Mathématiques transcendantes ». Ces déclarations pourraient donc nous faire craindre que l'auteur ne nous donnât pas un livre sérieux. Nous voyons pourtant que, — même dans le texte en gros caractères, qu'on nous annonçait « dépouillé de for- mules et de calculs », — l'auteur donne, avec la démonstration, la formule d'Hopkinson sur le circuit magnétique, ou l'expression de Ja f. 6. m. d’une dynamo Gramme (la formule des trois N). Sans doute, il a rai- | . | | tite tte. e- BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1083 son de ne pas écrire pour les lecteurs qui trouveraient que c’est là de la « Physique mathématique ». Mais ne peut-on pas dire qu'il ne tient pas toutes les promesses de sa préface ? Il n'y a lieu que de l'en féliciter. Pourquoi aussi parler des transformations et de la conservation de l'énergie, sans donner aucune notion de la dégradation de l'énergie ? Cela aussi peut se faire sans aucun appareil mathématique, et a l'avantage de ne pas vulgariser sous une forme incomplète et fausse une idée capitale. Et l'intérêt de l'électricité industrielle peut-il être le même pour quelqu'un qui n'a pas, même vaguement, l'idée que les divers seus de transforma- tions de l'énergie ne sont pas équivalents? En ce qui concerne l'exécution matérielle, si les figures représentant des appareils sont en général bien faites, quelques-unes des figures théoriques (voir, par exemple, les fig. 49, 67 du tome I) gagneraient à être tracées et gravées d'une touche un peu plus légère. Je ne voudrais pas que ces petites critiques fissent le lecteur se méprendre sur ma pensée, qui est que le Traité de M. Busquet est un livre utile, ne faisant pas double emploi avec d'autres livres français, et destiné à rendre de sérieux services. BERNARD BRUNHES, Directeur de l'Observatoire du Puy de Dôme, à Clermont-Ferrand. Pozzi-Escot (M.-E.).— Traité d'Analyse théorique ‘ et pratique des substances minérales par les mé- thodes volumétriques et colorimétriques.— 1 vo/. in-18 de 244 pages. (Prix : 2 fr. 50), V'e Ch. Dunod, éditeur, Paris, 1901. Par leur facilité et leur rapidité d'exécution, que n'exclut pas la rigueur des résultats, les méthodes volu- métriques acquièrent chaque jour une importance plus grande aussi bien dans l'analyse industrielle que dans l'analyse scientifique. — Grâce à elles, en effet, l'indus- triel ou le commerçant peuvent être mis presque immédiatement au courant des résultats cherchés et donner ainsi, condition essentielle, une solution immé- diate à la question pendante.— Grâce à elles aussi, ont pu se résoudre les difficiles problèmes de la saturation, de la chloruration, etc., etc. Rassembler les différentes méthodes disséminées dans des ouvrages volumineux, unifier les modes opé- ratoires, variables souvent avec chaque opérateur, en un mot mettre tout chimiste en état d'employer avec rapidité et correction les méhodes volumétriques claires et rigoureuses, c'était certainement faire œuvre utile; et nous devons tout d'abord remercier très sin- cèrement M. Pozzi-Escot d’avoir bien voulu entre- prendre cette tâche et le féliciter ensuite hautement pour la facon dont il a su s'en acquitter. L'ouvrage est divisé en deux parties : La première, consacrée tout spécialement à l'étude des instruments et principes théoriques relatifs aux méthodes volumétriques, donne tous les renseigne- ments techniques indispensables et nécessaires pour aborder utilement l'étude de ces méthodes. La deuxième partie traite de l'application de ces méthodes à l'analyse des métalloïdes et métaux les plus courants. Par le choix judicieux et éclairé que l’auteur a su faire des procédés employés, cet ouvrage constitue une œuvre véritablement sincère et documentée et qui a, dès maintenant, sa place marquée dans la bibliothèque de ceux qui s'intéressent à l'Analyse chimique. C. PouLenc, Docteur ès sciences. 3° Sciences naturelles +Jadin (Fernand). — Contribution à l'étude des Simarubacées. (Thèse de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 106 pages, avec figures et une planche. Masson et Ci, éditeurs. Paris, 4901. A côté des grandes familles naturelles, dont per- sonne ne conteste l'autonomie et l'homogénéité, s’en trouvent d'autres qui, tout en présentant des caractères communs, renferment des genres dont les affinités sont à tel point douteuses qu'ils sont placés dans des groupes voisins quandils ne sont pas ballottés dans des familles très éloignées les unes des autres. Il faut dès lors chercher des faits tirés de la morphologie interne, pour grossir lè nombre des caractères pouvant fixer la place de tel ou tel genre dans la classification. Cette méthode anatomique, féconde en résultats heureux, a été appliquée à la famille des Simarubacées, dont M. Jadin a fait une étude aussi magistrale dans les vues générales, que minutieuse dans l'observation des faits. L'auteur, après avoir fait l'histoire de cette famille et examiné les vicissitudes par lesquelles elle a passé, établit ses recherches sur la classification d'Engler, qui admet 28 genres. ,. On accepte volontiers une manière de voir étayée par une étude portant sur 109 espèces d'une famille qui en comprend 138, surtout quand elle est faite comme celle de M. Jadin. Après avoir indiqué les carac- tères morphologiques, l'habitat, le nombre des espèces connues et celles sur lesquelles ont porté ses recherches, l'auteur donne avec abondance de détails fous les carac- tères anatomiques des différentes espèces. Une étude si bien conduite fait regretter d'autant plus l'absence de remarques qu'on aurait pu tirer des racines, organes qui ne figurent que rarement dans les herbiers. Enfin, en condensant les nombreux faits accumulés dans la troisième partie, M. Jadin donne un apercu général de la famille dans le deuxième chapitre de son travail. Il passe en revue les caractères tirés de la morphologie externe, et, après avoir constaté le peu de fixité que présente la formule florale, qui du reste ne peut être établie tant au point de vue des sépales et des pétales qu'à celui des étamines, il dit, après avoir parlé du gynécée : « On voit donc qu'au sujet de la soudure « et du mode d'être des carpelles et des styles, il n'ya « rien de fixe, et que l’on trouve toutes les manières « d'être dans les Simarubacées », et conclut : « Nous « voyons qu'en dehors du caractère général tiré des « ovules suspendus épitropes, il n’y a pas un seul carac- « tère constant tiré de la morphologie externe des Sima- « rubacées. L'épitropie des ovules n'existe même pas « toujours chez toutes les plantes rangées parmi les « Simarubacées, car les ovules sont apotropes dans le « genre A/varadoa ». L'auteur est alors amené à faire l'étude approfondie de la morphologie interne. Cette partie donne à l'œuvre de M. Jadin le caractère remarquable d'une laborieuse érudition, et, grâce aux données anatomiques, certains points douteux sont éclaircis. L'auteur indique fes genres pourvus de canaux sécréteurs périmédullaires ; ce sont : Simaruba, Simaba, Oldyendea, Hannoa, Eu- rycoma, Brucea, Picrasma, Picrolemma, Ailanthus, Soulamea, Picrocardia, Amaroria. Quelques genres renferment des canaux sécréteurs et des sclérites : Simaruba, Oldyendea, Hannoa, Eurycoma, Simaba. D'autres ne renferment que des sclérites: Mannia, Hyptiandra, Quassia, Castela. Enfin, un caractère très constant, mais qui se retrouve dans d’autres familles, est tivé du péricycle, qui est composé de plusieurs assises de cellules, dont les plus externes constituent, en tout ou en partie, une zone de protection; cette couche est représentée dans les nombreux schémas qui illustrent ce travail. Se basant sur ce fait que, dans l'examen des carac- tères anatomiques, les genres /rvingia, Klainedoxa et Picrodendron doivent toujours être cités à part, M.Jadin pense que, « si on les maintient dans cetfe famille, il faut les opposer à toutes les autres Simarubacées, et les considérer tout au moins comme une sous-famille ». Après une revue des genres Soulamea et Picrocardia, M. Jadin croit pouvoir identifier le Picrocardia de Radikofer au Soulamea. Le caractère tiré des feuilles simples ou composées ne peut pas entrer en ligne de compte puisqu'une même branche peut porter les deux sortes de feuilles, comme le prouve une belle planche 1084 BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX annexée au travail; d'autre part, le genre Soulamea comprend des espèces à fleurs trimères, tétramères et pentamères, et, qui plus est, il n’y a pas de caractères anatomiques différeutiels entre ces deux genres. Grâce aux caraclères analomiques spéciaux des Suriana (« poils glanduleux externes sur la tige et sur « les feuilles, écorce interne formée de cellules plus « petites que celles de l'écorce externe, pétiole avec un « faisceau ouvertetne recevant qu'un faisceau de la tige, « slomates silués sur les deux faces, tissu palissadique « bien développé sur les deux côtés de la feuille »), M. Jadin se range à l'opinion de Baillon, basée sur des caractères de morphologie externe, et pense « qu'il faut considérer la tribu des Surianées de Baillon comme une famille spéciale, ayant des affinités d’une part avec les Simarubacées, et d'autre part avec les Géraniacées ». Enfin, après avoir constaté que les amas fibreux qui sont constamment placés dans la région péricyclique chez les Simarubacées sont placés sous l'épiderme chez les Holacantha, auteur pense qu'on doit le consi- dérer comme constituant à lui seul la famille des Hola- canthacées. Néanmoins, pas plus que la morphologie externe, la morphologie interne ne peut fournir un caractère cons- tant susceptible de caractériser cette famille. Un mérite réel est d’avoir recueilli de nombreux matériaux, accumulé une masse considérable d’observa- tions nouvelles et précises, etles avoir fait concourir à caractériser les espèces botaniques, et à rectifier les opinions de certains auteurs, tout en donnant un argu- ment de plus à celles qui n'étaient pas suffisamment justifiées. Mais, si, après des travaux impartiaux et à tel point documentés, les limites des familles restent toujours fluctuantes, il faut nécessairement penser que nos connaissances des temps géologiques encore très incom- p'ètes doivent intervenir pour établir le cadre de nos classifications trop étroites et toute subjectives, afin de lui faire contenir le plan grandiose et sublime de la Création. L. LAURENT. Docteur ès Sciences, Professeur aux Cours coloniaux de la Chambre de Commerce, Préparateur de Botanique à la Faculté des Sciences de Marseille. Sanson (André), Professeur honoraire à l'Ecole nationale de Grignon et à l'Institut National Agrono- mique. — L'Espèce et la Race en Biologie géné- rale. — 1 vol. in-8° de 320 pages. (Prix : 1 fr. 50) Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1901. En dépit des flots d'encre qu'elle a fait couler et de la somme incroyable de travaux qu'elle a suscités, la grande question de l'espèce et de la race est une de celles qui sont et demeurent indéfiniment ouvertes. C'est qu'en effet elle n’est pas susceptible d’une solu- tion simple, directe, mathématique. Et pourtant, il est permis de constater que la discussion du problème, dans ses grandes lignes, s'est montrée singulièrement favorable aux doctrines transformistes, si bien qu'elle a perdu beaucoup de son intérêt primitif. Nous en sommes même arrivés à ce point que la publication des questions relatives à ce sujet nous laisse souvent une impression de monotonie quelque ‘peu décevante. Mais l'ouvrage que vient de publier M. Sanson sort franchement de cette banalité courante, et c'est pour- quoi ilretient d'emblée l'attention, comme toute œuvre qui porte une empreinte vraiment personnelle. Et bien personnelles, en effet, sont les idées de l'au- teur, qui les a défendues avec ardeur dans son ensei- nement, mais qui les développe ici avec plus d’am- pleur, et les affirme avec plus de vivacité que jamais. M. Sanson se propose essentiellement de déterminer la notion de l'espèce et celle de la race. A son avis, c'est là une question fondamentale pour les biologistes, el c'est à leur intention évidemment qu'il à entrepris la publicalion de son ouvrage. Bien des auteurs déjà se sont essayés à cette détermination, bien des efforts ont été dépensés pour donner simplement une défini- lion de l'espèce, et nous savons tous combien peu satisfaisants ont été les résultats de ces efforts. Au fond, il faut en convenir, il s'est toujours agi de décider si les espèces sont fixes, ou si elles possèdent une variabilité illimitée. Et c'est là tout simplement la base du grand problème de l'origine des espèces. Or, M. Sanson se défend à chaque page de vouloir se mêler en rien aux controverses que soulève cette question d'origine. Mais, en fait, il s'occupe surtout de rassembler tous les documents et tous les arguments qui lui paraissent plaider en faveur de la fixité des caractères spécifiques. Sans nous arrêter à ce procès de tendances, nous chercherons à montrer en quelques mots comment l’auteur entend les termes d'espèce et de race. Les deux éléments sur lesquels on a fait reposer, jusqu'à présent, la notion d'espèce sont, comme on le sait, l'un d'ordre morphologique, la ressemblance, l'autre d'ordre physiologique, la filiation, et les naturalistes se sont efforcés de les combiner dans des mesures variables, attribuant tel degré de prééminence à l’un ou à l'autre. M. Sanson dissocie, au contraire, ces deux éléments, appliquant le premier à l'espèce, et le second à la race. Il s'ensuit que les deux termes espèce et race se réfèrent, selon lui, à un même ensemble d'objets, considérés à des points de vue différents : celui d’es- pèce est simplement l'expression d'une forme définie ou d'un modèle, et celui de race implique l'idée de descendance. D'où il conclut que, « dans l’ensemble des êtres vivants, il n'y a ni plus ni moins de races que d'espèces, chacune des espèces étant le type naturel de la race qui la représente au moment actuel ». On voit, somme nous le disions, que ce sont là des vues bien personnelles. A la vérité, nous ne découvrous pas quels avantages théoriques ou pratiques offrirait la substitution de ces idéesauxidéesgénéralement admises. Mais la lecture de l'ouvrage n’en est pas moins des plus instructives. Il y a là une accumulation remar- quable de documents de la plus haute valeur, heureu- sement groupés en vue d'une argumentation toujours habile; et l'auteur les met en jeu avec une rare puis- sance de dialectique, renforcée par le sentiment qu'il nous impose de sa profonde sincérité; et surtout il sait passer les faits au crible d’une critique serrée, nous montrant combien il faut être réservé avant d'accueillir comme avérées telles données que des hommesillustres ont pourtant acceptées les yeux fermés. Aussi, quelque jugement qu'on porte sur les doc- trines de M. Sanson, le nouvel ouvrage qu'il vient de produire ne peut manquer de forcer l'attention, et certes plus d'un naturaliste en pourra tirer avantage. A. RAILLIET, Membre de l'Académie de, Médecine, Professeur d'Histoire naturelle à l'Ecole d'Alfort. Guiart (Jules). — Contribution à l'étude des Gas- téropodes Opisthobranches et en particulier des Céphalaspides (These de la Faculté des Sciences de Paris). — 1 vol. in-8° de 220 pages, avec figures er planches. Le Bigot frères, éditeurs. Lille, 1904. M. Guiart, dans sa thèse, ne s’est pas limité à l’une des questions particulières que peut offrir le groupe des Opisthobranches. Il vise à l’étudier dans son ensemble et sous tous ses aspects. Une introduction comprend d'abord un historique des travaux antérieurs, puis la synonymie de quelques espèces. Une première partie (p. 33-60) est consacrée à la Biologie (l'auteur emploie ce mot au sens que lui donnent les auteurs allemands ; Zthologie serait plus précis) de quelques types. On y trouvera réunis notamment des renseigne- ments utiles pour la recherche de ces animaux. Une seconde partie (p. 62-158) est intitulée Morphologie et subdivisée en les chapitres suivants : Extérieur el com- plexe palléal; tube digestif; système nerveux et PR PS OPEN BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 1085 organes des sens; structure des centres nerveux; organes reproducteurs. Une troisième partie enfin, dite Ontogénèse et Phylogénèse, expose quelques traits du développement de la Philine et diverses considérations sur l’origine etles relations mutuelles des Opisthobran- ches. Disons seulement de ces dernières que M. Guiart se rallie à l'opinion d’après laquelle les Opisthobranches sont des Gastéropodes ayant subi une détorsion, et qu'il n'en fait (en y juignant les Pulmonés) qu'une subdivi- sion des Monotocardes. Les titres mêmes des parties et chapitres ci-dessus énumérés iudiquent que l'auteur à touché à de très nombreuses questions particulières sur un sujet déjà Jargement fouillé avant lui, sur lequel même plusieurs travaux synthétiques de grande valeur ont déjà été publiés. Je me contenterai de citer ici celui de Pel- seneer !, auquel M. Guiart rend d’ailleurs pleine justice, et qui offre de la morphologie comparée des Opistho- branches un tableau si moderne, si ample, si clair, en même temps que si concis. À reprendre le sujet d'une manière aussi compréhensive, on ne peut guère y ajouter que des détails. Sans doute, M. Guiart apporte à divers égards un contingent notable de faits nou- veaux, mais, en l'état de nos connaissances sur les Mollusques, il eût été mieux inspiré, il me semble, de se borner à l’une des questions qui occupent seulementun chapitre dans son travail. Je choisirai, pour l'altester, son chapitre sur le système nerveux, qui présente bien des remarques intéressantes, qui l'eussent été plus encore, si elles avaient été poussées davantage. A côté de l'Actæon, dont ia chiastoneurie a été mise en évi- dence par Bouvier el Pelseneer, M. Guiart montre les restes de cet élat de la chaîne nerveuse viscérale chez la plupart des Bulléens et une partie des Aplysiens. Il y précise l'homologation des disers ganglions. Une étude plus complète, étendue à plus de types, appuyée sur l'étude histologique des centres, aurait constitué un progres notable dans la morphologie comparée du groupe tout entier. De mème,une étude précise et assez complète du développement, fût-ce d'une forme unique, aurait élayé plus solidement des comparaisons ou des interprétations avancées au sujet de divers organes. La thèse de M. Guiart n’en sera pas moins utilement consultée pour les faits anatomiques nombreux qu'elle renferme et les figures très claires qui aident à les comprendre. M. CAULLERY, Professeur de Zoologie à la Faculté des Sciences de Marseille. 4° Sciences médicales Delpeuch (Armand), Médecin de l'Hôpital Cochin. — La Goutte et le Rhumatisme. — {/n vol. in-8° de 680 pages, avec 10 planches hors texte. (Prix car- tonné : 20 fr.) G. Carré et C. Naud, éditeurs. Paris, 1900. Des circonstances indépendantes de notre volonté ne nous ont pas permis de rendre compte en temps voulu de cet intéressant travail de Delpeuch; aussi cette ana- lyse, en signalant les remarquables qualités qu'on rencontre tant dans ce travail que dans les pages con- sacrées par le même auteur à l'étude du rachitisme ou de la période prœpubère, ne pourra-t-elle qu'aviver les regrets causés par la perte de ce distingué collègue. De fait, on trouve dans ce livre un mélange d’apti- tudes et de dons, qui, à ce degré, se trouvent rarement réunis chez une seule personne. — Cette lecture révèle un esprit clinique qui manque quelque peu dans les publications de cet ordre, mème dans celles de Darem- berg, même dans l’œuvre incomparable de Littré : Delpeuch est plus médecin, tout en se montrant huma- niste éminent, historien érudit, botaniste instruit. * Recherches sur divers Opisthobranches. Mém. Cour. Ac. R. des Sciences Belgique, 1894. : C’est ainsi, qu'à ce point de vue, il nous apprend que, sous le nom d’hermodacte, de bulbe sauvage ou encore de surendjan, on a, depuis le 1ve siècle, utilisé des végétaux qui ne sont autres que le colchique; toutefois, au point de vue de la cueillette, de la conservation, de la dessiccation de ces produits, les Anciens procédaient autrement qu'on ne le fait aujourd'hui. Ces différences suffisent pour expliquer certaines variations dans les résultats enregistrés, car on conçoit sans peine que là. fraîcheur ou la vétusté, en d’autres termes l’âge d'une plante, puisse influencer, sinon la nature, du moins l'activité de ses différentes propriétés. Sans quitter le domaine de la Thérapeutique, on s'aperçoit que cette notion de matière médicale n’est pas la seule qui établisse des analogies entre les prati- ques des temps anciens et les conseils formulés à l'heure présente. Il fallait, en effet, dès l'Antiquité, prati- quer la créophagie et l’œnoposie, autrement dit la con- sommation des viandes et des vins ; on devait cultiver la philoponie, en fréquentant la palestre; on recom- mandait en somme l'exercice physique, un exercice modéré. Ajoutons, à ces conseils, l'usage des bains, le séjour dans des stations thermales sulfureuses, l'emploi du sable chaud, l'exécution des frictions, des onc- tions, la mise en jeu de l'électricité, et on sera conduit à se demander où se trouve, au point de vue des prin- cipes, la nouveauté, quand on parle de courants de haute fréquence, des applications locales de la chaleur, du gant de crins, de l'hydrothérapie, ete. La médication comprenait aussi l'ingestion des tisa- nes sudorifiques ou diurétiques; on poussait à l'éli- minalion comme on le tente de nos jours sous l'influence des idées d'aulo-intoxication; enfin les sels calcaires, la poudre d'os ne réponident-ils pas aux procédés mis en jeu pour combattre la dyscrasie acide? Toutefois, pour intéressantes que soient ces données, ces analogies, le grand, le vrai mérite de ce livre, ce qui fait de l’auteur un véritable historien de la Médecine, c’est qu'en étudiant la goutte, Delpeuch nous montre, au travers des âges, l’évolution des ilées, le plus souvent en progrès, faisant quelquefois faasse route, pour revenir au point de départ. — Aidés par de belles figures, nous pénétrons dans les écoles, chez les médecins, chez les malades; nous suivons la fortune oscillante des théories; nous voyons naître la doctrine de l’'humorisme, nous apprenons que, bien avant Baillou, gouite et rhumatisme étaient choses dis- tinctes. — Chemin faisant, on entrevoit, tout au moins, une allusion aux poisons de l’organisme, aussi bien qu'aux toxines. = L'histoire d’une maladie ne doit pas, en effet, se borner à laire connaître uniquement les notions spé- ciales au processus en vue; elle à éxalement pour but de meltre en évidence la marche uénérale des idées, des conceptions pathologiques, s'efforcant plus particulièrement de placer en lumière l'influence de ces conceptions sur la manière de comprendre le mal étudié et, par une sorte de choc en retour, le reflet de ce mal sur la philosophie médicale de l'époque. Aussi, pour mener à bien une telle entreprise, il est nécessaire de disposer des qualités les plus diverses; au liltérateur, à l’érudit, au critique, il faut adjoindre le clinicien, le technicien; s’il n’est pas indispensable d’être capable d'exécuter soi-même des recherches de laboratoire, encore est-il désirable que l'écrivain con- naisse parlaitement les méthodes expérimentales, soit apte à raccorder les notions du passé aux théories qui nous passionnent. Û La lecture du livre de Delpeuch, tout en révélant l’'éminente ulilité d'une pareille œuvre, est bien de nature à faire saisir quelle variété d'aptitudes doit pos- séder un historien de la Médecine. A. CHARRIN, Professeur remplaçant au Collège de France, Agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 1086 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 18 Novembre 1901 La Section d'Anatomie et Zoologie présente la liste suivante de candidats pour la place laissée vacante par le décès de M. de Lacaze-Duthiers. En première ligne, M. L. Vaillant; en deuxième ligne, MM. E. Bouvier, Y. Delage et F. Henneguy: en troisième ligne, MM. R. Blanchard, Houssay et Oustalet. 1° SGIENGES MATHÉMATIQUES. — M. Perrotin a observé cette année à Nice une recrudescence sensible dans la chute d'étoiles filantes des Perséides. Le maximum a eu lieu entre les 41 et 12 novembre. — M. D. Eginitis a constaté le même fait à Athènes. Le radiant de l’es- saim présente un déplacement très sensible. — M. E. Picard poursuit l'étude des périodes des inté- grales doubles dans la théorie des fonctions algébri- ques de deux variables. — MM. E. Raverot et P. Belly décrivent un loch manométrique différentiel dont le fonctionnement est fondé sur l'emploi simultané du tube de Pitot et du tube jaugeur de Darcy et Bazin. 20 Sciences PHYSIQUES. — M. H. Becquerel décrit une modification dans l'emploi du thermomètre électrique pour la détermination des températures souterraines au Muséum d'Histoire naturelle. Elle est basée sur l'ap- plication de la loi des températures successives, réa- lisée à l’aide d’une graduation mobile. — M. Compan a étudié les lois du rayonnement aux basses tempéra- tures. Celle de Dulong et Petit ne s'applique que de 0 à 2000. Celle de Stefan s ‘applique le mieux depuis la température d° ébullition de l'air liquide jusqu'à 302°; toutefois, de 150° à 300°, elle donne des vitesses un peu trop fortes. Celle de Weber ne s'applique pas aux basses températures; mais, à partir de 100°, elle prendrait l'avantage sur celle de Stéphan et représenterait mieux le phénomène. — M. H. Moissan, en faisant réagir le chlorure ou l'iodure d'ammonium en solution “dans l'ammoniac anhydre sur l’amalgame de sodium, a obtenu une masse métallique dans laquelle l’hydro- gène et l’'ammoniac se trouvent à l’état de combinaison stable à 39°. Cette masse métallique, par sa décompo- sition à la température ordinaire en présence de l’eau, augmente de trente fois son volume et dégage deux volumes de gaz ammoniac pour un d'hydrogène. — M. Fern. Meyer à reconnu qu'on peut transformer totalement une quantité d’or donnée en chlorure auri- que bien cristallisé par l’action du chlore liquide, grâce à la différence de solubilité du chlorure dans le chlore à chaud et à froid. Il existe une seule combi- naison moins chlorurée que Au CF, qui est Au CI. M. Ch. Marie a étudié l'acide dioxyisopropylhy pophoë phoreux, obtenu dans la réaction de H*PO? sur l'acé- ie Il est monobasique et donne des dérivés diacétylé et dibenzoylé; L répond done à la formule : (CH*}? C (OH). PO (OH).C (OH) (CH*}. Il est analogue à l'acide dioxybe nzylphosphinique. — M. Bongert à étudié l’ac- tion de quelques chlorures d'acides sur les sodacétyla- célates de méthyle et d’éthyle. — M. A. Trillat a appliqué la méthode d’oxydation par action de contact aux alcools non saturés de la série grasse et aroma- tique. L'alcool allylique a donné de l’acroléine ; l’isoeu- génol a été transformé partiellement en vanilline. — M. N. Floresco a trouvé qu'il existe une relation entre le foie, la peau et les poils, au point de vue de la teneur en fer et en pigments. Le foie, la peau des animaux à poils foncés contiennent presque le double de la quan- tité de ler et de pigments que ceux à poils blancs. 39 SCIENCES NATURELLES. — M. Ant. Pizon propose une théorie mécanique de la vision basée sur le rôle des granules pigmentaires. Ceux-ci emprunteraient leur énergie à la lumière, sous la forme d’un mouve- ment vibratoire qu'ils fransmettraient à leur tour aux cônes ou aux bâtonnets avec lesquels ils se trouvent en contact; l'ébraulement moléculaire ainsi reçu par les cellules visuelles n'a plus qu'à se propager le long du nerf optique jusqu'aux centres nerveux encépha- liques. — MM. Ed. Toulouse et N. Vaschide ont con- staté qu'il existe une certaine relation entre la pres- sion radiale et la pression capillaire chez les aliénés, lesquelles varient généralement dans le même sens. L'hypertension accompagne les états d’agitation; lhy- potension, les états de calme et de dépression. — M.L. Roos conclut d'une série d'observations qu'il est inexact que l'alcool, même à haute dose, s'il est ingéré sous la forme de vin, précipite l'évolution de la tuber- culose chez le cobaye, et peut-être aussi chez l'homme. — MM. Camichel et Mandoul ont étudié les colora- Rs bleue et verte de la peau de certains Vertébrés. La première est due à un pigment noir; la seconde à un pigment noir et un pigment jaune. Ces pigments ont les mêmes propriétés optiques que les milieux troubles artificiels. Ils constituent un acte de äéfense de l'orga- nisme contre les radialions nuisibles. — M. R. de Sinéty a constaté chez les Orthoptères, au cours des cinèses spermatocytiques, une double division longitu- dinale. Il a étudié également le chromosome spécial chez les Phasmes et les Locustiens. — M.S. Jourdain rappelle que les perles des Mollusques ne peuvent être formées que par le manteau. Elles sont sujettes à des maladies spontanées ou acquises, ces dernières étant produites par le contact prolongé avec la peau, dont les sécrétions acides et les matières sébacées agissent d'une manière nuisible. — M. L. Daniel compare, au point de vue anatomique, le greffage, le pincement et la décortication annulaire. — M. Jean Friedel a con- staté que l'assimilation chlorophyllienne est beaucoup plus faible en automne qu'au printemps ou en élé, sur- tout pour les feuilles. — M. P. Termier a étudié les micaschistes, les gneiss, les amphibolites et les roches vertes des schistes lustrés des Alpes occidentales. Pour lui, celles de ces roches qui ne sont pas de nature érup- tive certaine sont des sédiments originairement ana- logues aux autres, mais modifiés, plus profondément que les autres, par des roches intrusives; et alors ces dernières sont postérieures au dépôt de la plupart des schistes lustrés; elles peuvent être éogènes. Séance du 25 Novembre 1901. M. Fouqué rappelle la cérémonie qui à eu lieu à la Sorbonne à l'occasion du cinquantenaire scientifique de M. Berthelot. — M. Berthelot remercie l'Académie de la part qu'elle a prise à cette cérémonie. — L'Acadérnie procède à l'élection d'un membre dans sa Section d'Anatomie et Zoologie, en remplacement de M. de Lacaze-Duthiers. M. Ÿ. Delage est élu. — M. Gouy est ensuite élu comme Correspondant dans la Section de Physique, en remplacement de M. Raoult. — Enfin, l'Académie présente, à M. le Ministre du Commerce, la liste suivante de candidats pour la chaire vacante de Mécanique au Conservatoire des Arts et Métiers 1° M. Ed. Sauvage; 2° M. Petot. — M. le Secrétaire ce pétuel annonce le décès de M. Kowalewsky, Corres- pondant pour la Section d'Anatomie et de Zoologie. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. A. Davidoglou re- cherche le nombre de racines communes à plusieurs équations. — M. J. Armengaud indique une méthode graphique permettant d'étudier les circonstances de la | | - | l | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1087 marche d'un aérostat dirigeable par l'examen de la | projection de sa trajectoire sur le sol. 20 SCIENCES PHYSIQUES. — M. E. Mathias a déterminé la distribution régulière de la déclinaison et de l’incli- maison magnétiques en France au 1°" janvier 1896 au moyen de formules du second desré à cinq ou six termes établies pour la région de Toulouse. Les résultats con- cordent assez bien avec les observations de M. Mou- reaux. — M. A. Lafay indique une application de la chambre claire de Govi à la construction d'un compa- rateur pour règles-étalons à bout. — M. R. Blondlot à vérifié expérimentalement qu'une masse d'air qui est le siège d'un déplacement électrique ne subit aucune action de la part d'un champ magnétique. — M. G. A. Hemsalech a déterminé expérimentalement, par la méthode d'Anderson, les coefficients de self-induction des bobines qui lui ont servi dans ses expériences sur les spectres d'étincelles; les valeurs obtenues sont notablement plus petites que celles déduites du calcul. — M, E. Baud a constaté qu'il existe, outre les spi- nelles chlorés, des composés AlCIS.3NaCl et Al?CI°.3KCI, et très probablement aussi des cryolithes chlorées, ABCIS.6NaCl et APCIS.6KCI. Ces derniers corps ne repré- sentent pas les termes ultimes de la combinaison de AlCI avec les chlorures alcalins; mais, il est difficile d'établir thermiquement l'existence ét la composition exacte des composés supérieurs, parce que la chaleur dégagée par la fixation des dernières molécules devient trop faible. — M. Guntz à préparé une grande quan- tité d’amalgame de baryum et, en chauffant ce dernier vers 1000 dans un tube de porcelaine au moyen d’un fil traversé par un courant électrique, il a volatilisé le mercure et obtenu le baryum métallique pur. C'est un . corps mou, fusible au rouge sombre, volatil au rouge vif, s'oxydant fortement à l'air, décomposant l’eau et l'alcool. — MM. G. Urbain et H. Lacombe, en dissol- vant l'hydrate de glucinium dans l'acide acétique dilué, puis en traitant la masse concentrée par l'acide acé- tique cristallisable, ont obtenu des cristaux fusibles à 2830—840 et distillant sans décomposition à 330°—31° sous la pression normale. La densité de vapeur conduit au poids moléculaire 405, correspondant à un com- posé [CH*CO*]"GI0, dans lequel le glucinium est diato- mique et a le poids atomique 9. — M. V. Henri à déterminé la loi d'action de la sucrase sur le saccha- rose (voir page 1037). — M. M. Delépine à constaté que les aldéhydes et l’acétone réagissent d'une facon fort régulière vis-à-vis de l'acide sulfurique fumant. Ils fixent un certain nombre de SO* pour engendrer des acides à sels stables en milieu acide ou neutre, mais très sensibles aux alcalis qui brisent la chaine carbonée en deux tronçons. — M. A. Richard a préparé la mo- nochlor- et la mono-bromacétone en faisant passer un courant électrique à travers un mélange d'HCI ou d'HBr et d’acétone. — M. P. Carré a étudié l’éthérification de l'acide phosphoreux par la glycérine et le glycol. La limite d'éthérilication est d'autant plus élevée que la quantité de glycérine ou de glycol en présence est plus grande. On obtient les acides glycérophosphoreux (OH}2PO.CH?.CHOH.CH°OH et glycophosphoreux (OH)? PO.CH°.CH°OH, dont l’auteur a préparé les sels de ba- ryum.— M. R. Fosse a constaté que le dinaphtoxanthy- drol et le xanthydrol, traités par HBr et l'alcool bouillant, donnent de l’éthanal et régénèrent le dinaphtoxanthène et le xanthène. — MM. A. Haller et Ed. Heckel ont retiré d'une plante du genre Tabernaemontana, origi- naire du Congo où on la nomme /2o4a, un alcaloïde lévogyre, de formule provisoire C*H#%A720*, qu'ils nomment 1bogine. Les écorces des tiges contiennent, en outre, un autre produit cristallisé qui n’a pu être analysé. — M. G. Champenois a retiré, de la graine d'Aucuba japonica L., une grande proportion de sucre de canne, accompagné d’un glucoside. En outre, la graine contient, constituant son albumen corné, une galactane, une mannane et une pentane donnant, par hydrolyse, du galactose, du mannose et un pentose, qui paraît être de l’arabinose. — M. G. Bertrand a étudié la transformation de la glycérine en sucre par le tissu testiculaire, observée par M. Berthelot, et a re- connu que ce n'est ni le tissu, ni ses produits solubles qui produisent cette transformation, mais bien des microbes, apportés, selon toute vraisemblance, par le testicule lui-même. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Gaule a observé l'augmentation des globules rouges du sang qui se produit dans les ascensions en ballons. Des prépara- tions faites à de grandes hauteurs lui ont montré qu'il y a vraiment formation de globules nouveaux et que ce phénomène se produit avec une très grande rapidité. — M. Marage communique les résultats d’un traite- ment scientifique de la surdité, qui consiste en une sorte de massage fait avec les vibrations que l'oreille est destinée normalement à recevoir. — M. G- Loiïsel montre que la cellule de Sertoli est une cellule germi- native modifiée dont le rôle est de sécréter périodique- ment une substance qui exerce une action chimiotac- tique positive sur les spermatides en voie de transfor- mation. C'est sous l'influence de cette action que les spermatozoïdes acquièrent la forme spéciale adéquate à leur action. C'est elle qui détermine là disposition des spermatozoïdes en faisceaux et la direction uniforme de ces faisceaux. — M. M. Harroy a répété les expé- riences de M. I. Friedel sur l'assimilation chlorophyl- benne en dehors de la matière vivante et n'a obtenu que des résultats négatifs. — M. P. Termier a fait de nouvelles observations géologiques sur la Chaîne de Belledonne. Il semble que la région méridionale soit restée, avant comme après l’époque stéphanienne, rela- tivement tranquille. — M.E. Ray Lankester envoie un dessin colorié de l'échantillon unique d'Okapi (Okapia Johnstoni) rapporté de l'Afrique centrale par sir H. Johnston. Le crâne de ce nouveau mammifère rappelle celui des girafes. — M. A. Gaudry présente, en même temps, la restauration du squelette de l’Æelladotherium trouvé à Pikermi. dont l'Okapi paraît être le descen- dant direct. — MM. Lortet et Gaillard ont examiné plus de mille momies d'oiseaux envoyées d'Egypte. Les unes, qui sont des momies d'oiseaux de proie, renfer- ment un grand nombre d'individus; les momies d'ibis ne contiennent qu'un seul indvidu. L'ibis noir des anciens Egyptiens est l'ibis falcinelle de nos jours. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Seance du 19 Novembre 1901. M. J. V. Laborde présente un appareil nouveau, dû à M. F. Dussaud, pour l'écriture et la notation chiffrée . et médicale chez les aveugles. — M. P. Reclus com- munique le rapport sur le concours du prix Laborie. — M. E. Roux lit le rapport sur le concours du prix Audiffred. — M. Yvon présente le rapport sur le con- cours du prix Buignet. — M. J. V. Laborde examine la question de l’épilepsie jacksonienne et des localisations cérébrales, et arrive aux conclusions suivantes : 1° Si le siège et la localisation, soit organiques, soit fonc- tionnels, des phénomènes moteurs, d'ordre convulsif (convulsion ou épilepsie partielle), ou de nature para- lytique, prédominent dans la région cérébrale dite psycho-motrice, région rolandique, ils n’y sont pas exclusivement confinés dans une limite fixe et infran- chissable ; ils peuvent s'étendre aux régions antérieures (cerveau frontal) et postérieure (cerveau pariéto-occi- pital), surtout dans les conditions de lésions secon- daires ou extensives; 2° Il en résulte qu'au point de vue des déductions pratiques, notamment des applica- tions chirurgicales ou de la trépanation, la recherche de la lésion, même dans les cas où l'indication symp- tomatique semble la plus localisée, ne doit pas se borner strictement à la zone motrice ou rolandique proprement dite, mais s'étendre suffisamment au delà de cette limite, prédominante mais non exclusive. — M. G. Dieulafoy signale quatre nouveaux cas d’épi- lepsie jacksonienne d'apparence classique, où la lésion 1088 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES siégeait à la partie inférieure du lobe frontal. Pour lui, l'ancienne conception de l’épilepsie jacksonienne a perdu de sa valeur, car nous n'avons aucun moyen de distinguer les épilepsies d’origine rolandique de celles d'origine frontale. ‘Séance du 26 Novembre 1901. L'Académie procède à l'élection d'un membre dans la Section d'Hygiène publique, Médecine légale et Police médicale. M. Josias est élu. ; M. Landouzy donne lecture du Rapport général sur les épidémies en France et aux colonies en 1900. — M, Bouchard présente le rapport sur le concours du prix Portal. — M. Motet lit le rapport sur le concours du prix Herpin. — M. Raymond pense que l’épilepsie partielle peut n'avoir aucune valeur localisatrice; elle n'apporte done, en elle-même, aucun argument pour ou contre la doctrine des localisations cérébrales. Il en est de même des paralysies qui accompagnent les attaques, si elles sont post-paroxystiques. Le diagnostic ne peut être fait que le jour où se montrent des troubles men- taux. NS SOCIETE DE BIOLOGIE Séance du 9 Novembre 1901. M. J. Cluzet a vérifié sur l’homme la loi d’excitation des nerfs et des muscles établie par M. G. Weiss. — M. M. Nicloux a mesuré la quantité d'oxyde de carbone qui se trouve dans le sang des chiens à Paris et à la campagne; chez les premiers, elle est toujours plus élevée, généralement double. — Le même auteur a placé une carpe dans de l’eau renfermant un peu de sang de chien oxycarboné. Le sang de la carpe s'enrichit bientôt en oxyde de carbone. — M. R. Dubois signale des faits qui lui semblent de nature à faire admettre que le som- meil des végétaux est produit par le même mécanisme que celui des animaux, c'est-à-dire par accumulation d'acide carbonique dans les tissus (autonarcose carbo- nique). — MM. B. Auché el Le Couturier ont constaté que les injections intra-hépatiques d'acide phénique pur déterminent des lésions très intenses de nécrose cellulaire. La réparation de ces lésions consiste dans la formation d’un tissu fibreux qui infiltre de plus en plus le lobe de néervse et en amène la disparition progressive. — M. L. Meunier indique une nouvelle méthode de recherche quantitative de la pepsine dans le suc gas- trique. Dans la digestion, la pepsine parait atteindre son maximum au bout d’une heure. — M. M. Arthus propose un nouveau réactif qualitatif et quantitatif du fibrinferment: le plasma de sang de chien fluoré à 3 °/s. Ce dernier se coagule quand on lui ajoute soit du fibrin- ferment préparé par les procédés classiques, soit une liqueur contenant du fibrinferment, telle que le sérum sanguin. — MM. Dargein et Tribondeau ont trouvé, dans un cas de kyste hydatique du foie,une leucocytose nette avec éosinophilie élevée et abaissement léger du taux des polynucléaires neutrophiles. L'hémodiagnostic semble appelé &« jouer un rôle dans la recherche de la nature des tumeurs hépatiques. M. J. Jolly est élu membre titulaire de la Société. Séance du 16 Novembre 1901. M. Alezais a étudié les muscles du membre posté: rieur du Kangourou (Macropus Bennetti). Les insertions musculaires ont une tendance marquée à réduire leur étendue et les muscles à se fusionner ou à s'unir. — M. G. Loiïsel étudie la formation des spermatozoïdes chez le moineau, puis le rôle de la cellule de Sertoli dans la spermatogenèse (voir p. 1087). — M. E. Maurel a constaté que, pour le lapin comme pour l'homme, les leucocytes sont plus sensibles au chlorhydrate d'émé- tine que les hématies. Mais les hématies du lapin sont plus sensibles à cet agent que les nôtres. — M. R. Lé- pine a remarqué que l'état graisseux du foie coïncide avec l'existence d’une forte proportion de lécithine dans cet organe et de phosphore incomplètement oxydé dans l'urine. — M. H. Emery indique un procédé permel- tant de différencier le bacille typhique du colibacille dans l'eau. — M. Foveau de Courmelles a reconuu que la lumière chimique (lumière de l'arc voltaïque) à une action curative profonde sur les tuberculoses et spécialement la tuberculose pulmonaire. — M. J. Brukner a constaté que la cellule sympathique, comme toute cellule nerveuse, présente des phénomènes de réaction après la résection ou l’arrachement du cordon. Chez le chat, la chromolyse est faible lorsque la section a lieu au-dessous du ganglion supérieur, tandis qu'elle est très marquée après l’arrachement du bout supé- rieur. — MM. A. Gilbert et P. Lereboullet signalent trois cas de pleurésie ayant eu pour origine une infec- tion biliaire. La pleurésie siégeait à droite et provient, d’après eux, d'une propagation directe par voie lympha- tique. — M. P. Lereboullet a reconnu, d'après l'état du sérum et des urines, que l'ictère simple du nouveau- né est un ictère biliphéique avec cholémie évidente, mais ordinairement sans cholurie. Séance du 23 Novembre 1901. M. A. Laveran a examiné de nombreux Culicides envoyés de Hanoï. Parmi eux, se trouve une forte pro- portion d'Anopheles, qui va en diminuant dans la saison salubre, et une nouvelle espèce, Panoplites Seguini. — Le même auteur à recu d’autres Culicides provenant du Haut-Tonkin. Parmi eux se trouvent aussi de nombreux ‘ Anopheles, et en particulier une espèce nouvelle, Ano- pheles Vincenti. — M. J. Lépine a constaté la présence d'une sensibilisatrice dans l'urine de typhiques. Elle n'apparaitqu'avec laréaclion agglutinante. — M.E. Mau- rel à expérimenté l'émétine sur le congre, la grenouille, le pigeon et le lapin. Les éléments anatomiques exa- minés se sont placés dans les mêmes ordres de sensi- bilité relations de la paralysie alterne de l'acoustique avec les lésions protubérantielles. — MM. Gilbert et Herscher ont constaté que l’évolution de la tuberculose coïncide avec une diminution dela coloration du sérum sanguin; cette hyposérochromie peut avoir une certaine impor- tance diagnostique. — M. Hénocque a observé, dans une ascension en ballon, une augmentation rapide, presque immédiale, de la quantité d'oxyhémoglobiue du sang, en même temps qu'une augmentation de l’ac- tivité de la réduction. — M. J. Jolly a constaté que les corps étrangers absorbés par le protoplasma sont capables de déprimer plus ou moins profondément le noyau, de changer ainsi sa forme, et peut-être même d'être incorporés par lui en le pénétrant complètement. — M. D. Courtade à reconnu que l'augmentation d’excitabilité du nerf par les courants à haute tension ne se produit plus quand le nerf n’est pas dénudé, parce qu'il s'établit des courants dérivés passant dans les tissus et daus le nerf. — M, J. Noé a observé que la résistance du hérisson à l’inanition est maximum en hiver et minimum en été; il est probable que tous les hibernants se comportent de même. — M. L. Bruandet a étudié un certain nombre de lésions de coccidiose expérimentale. Pour lui, la coccidie est avant tout un parasite épithélial. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 15 Novembre 1901. M. Ed. Fouché fait une communication sur l'état actuel de l'éclairage par l’acétylène dissous. Dès l’année 1896, MM. Claude et Hess eurent l'idée de faire appel à la solubilité de l’acétylène dans les liquides pour ob- tenir une accumulation de ce gaz dans des récipients portatifs avec beaucoup moins de pression que n'en exige la liqué action. Ils espéraient ainsi, avec raison, diminuer les dangers que pouvait présenter le gaz liqué- fié, dont la pression à 37° est déjà de 68 atmosphères (pression critique). A cet effet, tous les liquides connus furent expérimentés et pour chacun d'eux on détermina le coefficient de solubilité correspondant. Parmi les divers corps, l'acétone fixa particulièrement l'attention et de toxicité. — M. M.-E. Gellé étudie les! eat" des inventeurs et leur parut le mieux approprié à l'emploi qu'ils avaient en vue, parce que son point d'ébullition (56°) n’est pas trop bas, et qu'il se prépare industriellement d'une facon courante. C'est avec ces données qu'a été fondée la Compagnie Française de l'Acétylène dissous (14 janvier 1897), ayant comme programme la transformation des premières idées théo- riques en un procédé véritablement pratique. — Disso- lution de l'acélylène dans l'acétone. Les études qui ont été faites tout d’abord sur les propriétés de la dissolu- tion de l’acétylène dans l’acétone ont conduit à un cer- - fain nombre de résultats intéressants. Le coefficient de - solubilité (24 à 15°) varie d’une manière importante - avec latempérature. MM. Berthelot et Vieille ont montré, entre autres, quesi la pression absolue était de 16 kil. 17 à 2°8 de température pour un récipient contenant - une quantité de liquide un peu inférieure à la moitié de son volume, cette pression devenait 33 kil. 21 pour la température de 509,5. De ces expériences, et d'autres faites ultérieurement dans le laboratoire de la Compa- gnie Française, et qui se sont trouvées parfaitement d'accord avec les précédentes, on a pu déduire que, dans les conditions usuelles de remplissage et de fonc- tionnement, la pression initiale augmentait approxima- < 1 RSR tivemenf de 30 P degré d'élévation de température. L'acétylène à l’état de dissolution dans l'acétone pré- sente un phénomène remarquable : sa densité, déter- minée par M.Claude, serait dans ces conditions 0,71 à 15°, tandis que, d'après M. Pictet, celle de lacélylène n’est que de 0,42. Si l'on rapproche cette condensation importante des phénomènes de sursaturation que la dissolution présente à un degré extrêmement élevé, on est tenté de se demander s'il s’agit bien là d'une simple dissolution, et si quelque autre action ne viendrait pas s'y joindre. Sous l'influence de la chaleur, le liquide constitué par l’acétylène ef l'acétone augmente naturel- lement de volume. Le coefficient de dilatation a été trouvé égal à 0,0015; celui de l’acétone pur est aussi 0,0015. I s'ensuit que l'acétylène dans la dissolution aurait également le même coefficient de dilatation, tandis que pour l’acétylène liquide, dans les limites or- dinaires de la température ambiante, ce coefficient est environ 0,007, soit presque cinq fois plus grand. La présence de l'eau dans l’acétone diminue le coefficient de solubilité dans des proportions plus fortes que celles qui correspondraient à la diminution de concentration de la liqueur. Aussi importe-t-il d'employer de l’acétone aussi concentré que possible (pratiquement 99) et de n'y introduire que de l’acétylène parfaitement sec, — Æxplosibilité de la dissolution. Les propriétés explo- sives de l’acétylène comprimé sont considérablement modifiées par le fait de l'incorporation du gaz à l’acé- tone. La question à été étudiée par MM. Berthelot et Vieille, qui ont démontré que jusqu’à la pression de 10 kilos la solution était parfaitement stable, mais qu'à 20 kilos on pouvait, dans certaines circonstances, faire décomposer à la fois l’acétylène libre au-dessus du liquide, le gaz en dissolution et l'acétone lui-même. Il résulte de là que cette méthode d'accumulation de l’acé- tylène, sous des pressions voisines de 10 kilos, présente un avantage considérable sur la simple compression ou la liquéfaction, puisqu'il n’y a d’explosible que la très faible quantité de gaz surmontant le liquide, laquelle ne pourrail jamais donner, en cas de décomposition, qu'une pression décuple de la pression initiale, environ 100 kilos. Les récipients en fer résistent facilement à une telle pression, tandis qu'ils sont infailliblement brisés par la décomposition de l’acétylène liquide don- nant lieu à des pressions de plusieurs milliers d’atmo- sphères. — Matières poreuses. Cependant le procédé dans ces conditions n’était pas industriellement appli- cable. La possibilité d’une décomposition interne, même sans rupture des récipients, était inadmissible. En outre, pour certaines applications, l'éclairage des chemins de fer en particulier, il y avait lieu de redouter la présence d'un liquide combustible qui, dans une collision, pour- REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1089 rait se répandre sur les décombres, s’enflammer el accroitre la gravité de l'accident. En outre, la disso- lution de l'acétylène et son dégagement pendant l'em- ploi ne se font régulièrement qu'à la condition d’agiter le liquide, ce qui est un inconvénient lorsqu'on à affaire à desrécipients volumineux et pesants. Tous ces inconvénients ont été supprimés à l’aide d’un unique artilice, consistant à remplir complètement les récipients avec une matière poreuse à grains fins, d'une résistance suffisante. Des essais multiples, faits à des pressions allant jusqu'à 35 kilos, ont montré que l’on rendait ainsi inexplosibles, non seulement le gaz libre, mais aussi la dissolution. La décomposition provoquée en un point des récipients ainsi garnis ne se propage qu'à uue dis- tance insigniliante, er produisant un surcroit de pres- sion à peine égal à la pression initiale. Le rôle de la matière poreuse dans ce cas est analogue à celui que joue la terre d’infusoires dans la dynamite. En outre, ces matières poreuses onf l'avantage de supprimer toute possibilité d'écoulement de liquide; elles facilitent Ja dissolution et suppriment les phénomènes de sursa- turation. M. Fouché présente deux échantillons de matières poreuses actuellement employées : une brique très légère (densité 0,5, porosité 0,80) qui sert pour l'acétylène dissous ; un aggloméré, formé de ciment et de braise (densité 0,3, porosité 0,80). Ce dernier est plus économique, mais n'est applicable qu'à l’acé- tylène comprimé sans acétone, ce liquide étant dé- composé peu à peu par la chaux. Des récipients ainsi préparés ont été expérimentés au Laboratoire des Pou- dres et Salpêtres et les résultats obtenus, conformes à ceux indiqués ci-dessus, ont permis à l'Administration d'autoriser l'exploitation du procédé, sous la condition, bien facile à remplir, que les tubes d’aciermisen contact avec le public seraient éprouvés à 60 atmosphères. Un nouvel aggloméré au charbon, mais ne contenant pas de chaux, est actuellement à l'étude. Beaucoup moins coûteux que la brique, il permettra, en outre, d'utiliser des récipients du genre de ceux qui servent au trans- port de l'oxygène ou de l'acide carbonique et qui coù- tent trois fois moins cher que les modèles adoptés jus- qu'à présent par la Compagnie française de l'Acétylène dissous. Ce perfectionnement, d'une importance consi- dérable, permettra au procédé de prendre tout son essor. — Appareils générateurs, récipients et brüleurs. Les récipients actuellement utilisés ont les capacités de 2 litres, 12 litres, 100 litres. La quantité de gaz qu'on peut pratiquement accumuler dans ces appareils est de cent fois leur volume pour la pression normale de 10 kilos. Le gaz qui s'échappe de la dissolution à une. pression constamment variable, Cette pression doit être régularisée par un détendeur. Les autres appareils accessoires sont la soupape de garantie à mercure, grâce à laquelle la pression ne peut jamais s'élever outre mesure dans les canalisations, et le compteur du type sec ou du type humide. L'acétylène est préparé sans pression dans un appareil à chute de carbure, évitant les rentrées d'air. Il s'accumule dans un gazo- mètre, d'où une pompe l’aspire en lui faisant traverser un épurateur et un sécheur. Le gaz comprimé est en- voyé dans des récipients de grand volume, garnis de briques et d'acétone, jouant le rôle d’accumulateurs. Les récipients à charger sont mis en communication avec ces accumulateurs ; ils recoivent ainsi de l’acéty- lène saturé de vapeur d'acétone; grâce à cet artifice, l'épuisement de l'acétone dans les tubes servant au transport du gaz est considérablement ralenti. Les ré- cipients, une fois chargés, sont transportés chez le consommateur, chez qui on les laisse jusqu'à épuise- ment. Les becs ordinaires à acétylène consommant 1 litres 5 à 8 litres par carcel, on a cherché, dans un but d'économie, à réaliser l'éclairage par l’incandes- cence, ce qui présentait des difficultés sérieuses en raison de la très grande explosibilité des mélanges d'air et d'acétylène. M. Fouché montre plusieurs modèles de becs Sirius devenus maintenant d’un usage courant, produisant de 11 à 50 carcels sous 30 centimètres de CET 1090 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES pression, avec une consommation de 2 litres 5 à3 litres au plus par carcel-heure. — Quantité de lumière accu- mulée. Les chiffres de consommation par carcel-heure indiqués ci-dessus permettent de comparer l’acétylène dissous à d'autres modes d'éclairage portatif. On trouve ainsi que { kilo de récipient en fer, pouvant contenir 33 litres d’acétylène, donne 40 à 45 bougies-heures avec des becs ordinaires, et 110 avec l’incandescence, tavdis que 4 kilo d’accumulateur électrique ne donne que 10 bougies-heures avec l'incandescence et 30 avec l'arc. Le gaz portatif, à raison de 40 litres par carcel-heure, est cinq fois moins lumineux que l’acétylène; en outre, sous la même pression, le volume accumulé est dix fois moindre que pour l’acétylène dissous; de sorte qu'en fin de compte, sous le même volume et la même pression, on emmagasine cinquante fois plus de lumière avec l'acétylène dissous qu'avec le gaz portalif. — Applications. L'application la plus indiquée de l’acétylène dissous consiste dans l'éclairage des voi- tures de chemins de fer. Elle n’a eu lieu encore en France qu'à titre d'essais; mais elle s'organise actuel- lement dans plusieurs pays étrangers. Des tramways (Funiculaire de Belleville) sont exclusivement éclairés par ce système depuis plusieurs années. L'application aux automobiles commence à se développer. Comme éclairages mobiles, il faut citer encore les chantiers, les fêtes foraines, les théâtres forains, ete. Enfin, les éclairages fixes pour maisons de campagne, ateliers, magasins, etc.,sontde plus en plus appréciés. M. Fouché montre les résultats qu'on peut obtenir en augmentant la pression du gaz dans les becs à incandescence, jus- qu'à 2 mètres et même au delà. L'éclat intrinsèque du manchon augmente considérablement, et c'est ainsi qu'au Dépôt des Phares, on a constaté que cet éclat atteignait 4 carcels par centimètre carré, tandis que le gaz d'huile et le pétrole ne permettent que d'obtenir respectivement 2,5 et 3 carcels. Il y a donc là un pro- grès important. Le plus petit bec Sirius dans les lan- ternes à projection, avec 37 carcels, dépasse la lumière oxyhydrique; ce même bec, par une injection centrale d'oxygène, arrive à fournir 60 carcels. L'incandescence d'un bâton de magnésie a pu être réalisée en diluant l'acétylène avec de la vapeur d’éther; l’incandescence obtenue, expérimentée pratiquement sur un cinémato- graphe, a été trouvée très franchement supérieure à ce qu'on peut obtenir avec le chalumeau oxyéthérique. — M. G. Claude, au sujet des belles recherches de MM. Berthelot et Vieille sur l'explosibilité de l'acétylène dissous, fait remarquer que l’atténuation probable des propriétes explosives de l’acétylène par le fait de sa dilution dans un liquide inerte, a été l'une des raisons qui l'ont conduit, avec son collaborateur M.Hess, à l’éla- boration d’un système d'emmagasinement conçu avant tout dans le but de diminuer les dangers du nouvel éclairant. Il rappelle à ce propos que la Note pré- sentée à l'Académie des Sciences, le 28 mars 1897, par M. d'Arsonval au nom des inventeurs, mentionne le fait de l’incandescence d'un filde platine immergé dans une solution d'acétylène dans l’acétone sous 2 à 3 at- mosphères. Relativement à l'observation de M. Fouché sur les phénomènes de sursaluration gazeuse qui feraient penser que l’acétylène dissous es, mieux qu'une disso- lution, M. Claude donne le résultat d'expériences per- sonnelles qui viendraient à l'appui de cette manière de voir. En étudiant la solubilité de l’acétylène dans les divers liquides organiques, l’auteur a été à même de constater cette loi remarquable : Dans les limites de précision de la méthode d’expérimentation, la solubilité dans les différents termes d'une même famille chimique de liquides organiques (alcools, éthers formiques, éthers acéliques, etc.) est directement proportionnelle au nombre de molécules contenues dans l'unité de poids du liquide essayé, c'est-à-dire inversement proportion- nelle au poids moléculaire. N n’en résulte pas qu'il y ail, dans ces dissolutions, combinaison à proprement parler, puisque le poids d’acétylène fixé à chaque molé- cule est proportionnel à la pression; mais il semble pourtant y avoir quelque chose de mieux défini que dans d’autres cas, celui, par exemple, des dissolutions d'oxygène, pour lequel la même loi n'a pu être re- trouvée. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES G. H. F. Nuttall : Le nouvel essai biologique du sang et son importance au point de vue de la classification zoologique. — Pendant l’année qui vient de s’écouler, la question des antisérums a fait l'objet de nombreuses recherches. Dans le Journal of Hygiene, j'ai décrit les méthodes de préparation et leur technique, et j'ai donné une littérature complète du sujet. Je rappelle brièvement la façon dont les antisérums sont produits : Supposons que nous désirons obtenir un anti-sérum pour le sang humain; nous injectons du sang humain dans le péritoine d’un lapin. Après environ cinq injections, données à des intervalles de trois jours au plus, le lapin est saigné jusqu’à ce que mort s'en suive et son sérum sanguin est recueilli. On trouve que le sérum de ce lapin a acquis la remar- quable propriété de produire une précipitation immé- diatement après son introduction en petite quantité dans une dissolution de sérum sanguin humaiu. Si on le laisse se reposer, la substance précipitée se dépose au fond du tube. Jai maintenant essayé plus de 230 sangs obtenus d'animaux de toutes les classes des Vertlébrés avec un antisérum pour le sang humain, et j'ai obtenu partout des résultats négatifs à la seule exception du sang des singes. D'une facon analogue, si des lapins sont traités avec le sang d’un cheval, d'un chien, d'un bœuf, d'un mouton, ete., les antisérums formés produisent des précipitations seulement dans les sus des animaux dont on avait employé le sang pour le traitement, ou à un degré moindre dans les sangs des animaux qui sont leurs proches alliés. On a saisi l'importance de cette épreuve au point de vue mécico-légal, et on pourra l’employer d’une facon certaine à la recherche des crimes. Tandis que Uhlenhuth a prouvé que des taches de sang séchées peuvent être employées pour cette épreuve, en ayant soin de les dissoudre, j'ai montré que le sang humain putréfié depuis deux mois est capable de donner une réaclion avec son antisérum homologue. J'ai, de plus, montré que le sang humain peut être découvert dans une solution où chaque sang se trouve seulement dans une quantité de 1/500 ou 1/600. Comme il a été élabli plus haut, les seuls sangs qui donnent une réaction semblable à celle du sang humain, ont été les sangs de différentes espèces de singes. Depuis que mes derviers mémoires ont paru, j'ai eu l'occasion d'essayer dix-huit sortes de sang de singes. La réaction obtenue avec du sang de singe diffère seu- lement par l'intensité de celle obtenue avec celui d’un sujet humain. Le sang de singe donne une plus faible réaction que le sang humain avec l’antisérum pour le sang humain. Acceptant la classification des Primates donnée par Flower et Lydekker, nous trouvons qu'ils ont été classés en deux groupes: les Zemuroidea (Lémuriens) et Anthropoidea (Hommes et singes). Comme cela a été établi par les auteurs nommés, l'idée que les Lémuriens appartiennent aux Primates est tout à. fait tradition- nelle ; ils pensent qu'ils devraient peut-être être groupés dans un ordre distinct. Il y a des faits pour et contre cette idée. Prenant les Anthropoidea, nous les trouvons divisés en cinq familles : Aapalidæ, Cebidæ (Singes du Nouveau Monde), Cercopithecidæ, Simiidæ (Singes de l'Ancien Monde), et Zlominidæ (Homme). D'après Darwin, les singes de l'Ancien Monde sont en quelque mesure plus étroitement reliés aux Æominidæ que ceux du Nouveau Monde. Et c’est un fait frappant, mis en lumière par les essais que j'ai faits, que les singes du Nouveau Monde donnent une réaction moins marquée avec l'antisérum pour le sang humain que | | | ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1091 les singes de l'Ancien Monde. D'un autre côté, l'épreuve a donné un résultat négatif, quand elle a été appliquée au sang de deux espèces de Lémuriens (L. xantho- mystax, L. Ruffrons). Voici les dix-huit sangs de singes essayés : Hapali- dés (Hapale pygmaæa, Midas « dipus), Cebidés (My- cetes seniceulus, Ucaria rubicunda, Cebus A SE Cercopithécidés (Macacus assamiensis, M. cynomol- qus, M. rhesus, M. ocreatus, Cercopithecus Campbelli, C. patas, C. diana, C. Lalandi, C. melogenys, C. calli- tricha, Semnopithecus entellus), Simidés (le Chim- panzé, Anthropopithecus troglodytes, et l'Orang-Outang, Simia salyrus). Tous ces sangs ont réagi avec l’antisérum pour le sang humain : les sangs des singes du Nouveau Monde peu, et les sangs des Hapalidæ le moins de tous. J'essaie en ce moment d'estimer quantitativement les différences dans le degré de réaction obtenu. Quand j'ai fait des expériences avec l'antisérum pour le sang de chien, les seuls sangs, à part celui du chien domestique, qui réagirent, re ceux CARRE Canidae (C. aureus, C. mesome Ja, C. procyonides, cerdo). D'une facon analogue , ne pour 1e sang de cheval a donné seulement une réaction avec le sang du cheval et de l'âne. Les antisérums pour le sang de bœuf et de mouton ont donné des réactions, lesquelles indiquent l'exis- tence d’une « parenté sanguine » entre certains des vrais Ruminants. Tandis que l’antisérum pour le sang de bœuf agit puissamment sur le sang d’un bœuf et d'au- tres membres de la race bovine, il produit aussi des réactions, mais à un degré moindre, avec les sangs de plusieurs espèces de la race ovine (mouton et chèvre) avec le sang de plusieurs espèces de daims, d'antilope et de gnou. L'antisérum pour le saug de mouton a donné avec le sang de chèvre une réaction presque aussi puissante qu'avec le sang de différentes espèces de mouton; et il a aussi produit des réactions moindres avec les sangs des autres Ruminantsci-dessus mention- tionnés. Les expériences précédentes, qui ont élé exécutées sur une grande échelle, indiquent avec cerli- tude que nous possédons dans cette épreuve une aide des plus précieuses pour l'étude de la classification des animaux. Je m'occupe en ce moment de produire de l'antisérum pour le sang de singe, un sujet éminem- ment pratique. Mais, comme dans le cas de l'antisérum pour le sang de bœuf, qui agit puissamment sur le sang de bœuf et faiblement sur le sang de mouton, et vice versa, nous serons capables aû moyen de l'antisérum pour le sang humain et de l’antisérum pour le sang de singe de différencier le sang de l’homme et du singe d'une facon concluante. Ce faitn'aurait guère d° applica- tion pratique dans ce pays, mais cela peut être un sujet de grande importance au point de vue médico-légal dans les pays où il y a des singes. Ainsi j'ai reçu récem- ment uue lettre de M. E.-H. Hankin, d'Agra, me disant qu'un cas s'était présenté à lui, dans lequel il appa- raissait essentiel de faire une épreuve pour déterminer si certaines taches de saug étaient faites par le sang humain ou de singe. Dans de tels cas, il serait néces- saire de préparer un antisérum pour le genre ou l'es- pèce de singes dominant dans la contrée. Plus l'antisérum obtenu est puissant, plus grande est sa sphère d'action sur les sangs des espèces voi- sines. Par exemple, un faible antisérum pour le sang humain n'a produit aucuue réaction avec le sang des Hapalidi, tandis qu'un puissant antisérum produisit une réaction et prouva ce que Je me permets d'appeler la « parenté sanguine », à défaut d'une meilleure ex- pression. En ce qui concerne l'antisérum pour le sang humain, je puis dire que je l'ai produit avec succès dans des lapins, par des injections d’exsudat pleurétique hu- main conservé dans une bouteille avec du chloroforme, pendant cinq à six mois. D'une facon analogue, du vieux sérum antidiphté- rique de cheval, conservé pendant deux ans et sept mois dans le laboratoire, au moyen de tricrésol, donna aussi un antisérum pour le sang de cheval. L'antisérum produit dans ces cas était plus faible que celui qui est produit par des injections de sérum frais. Des dissolutions de ces vieux liquides conservés ont donné les réactions caractéristiques avec leur anli- sérum homologue. J'ai aussi trouvé que les antisérums peuvent ètre conservés pendaut des mois dans du chlo- roforme, quoiqu'il n’y ait pas de doute qu'ils perdent de leur force. De l'antisérum qui avait été conservé pendant plus de sept mois dans des tubes capillaires scellés avait encore de l'efficacité, quoique moins puis- sant. Gràäce à l'amabilité de M. Frank E. Beddard, F.R.S prosecteur de la Société des Jardins zoologiques, et à de nombreux amis qui mont généreusement aidé en m'envoyant des spécimens de sangs des différentes parties du monde, j'ai peu à peu réuni ensemble un matériel considérable pour l'étude. Chaque fois qu'il a été possible, les sérums liquides m'ont été envoyés conservés dans du chloroforme. Les sérums desséchés, d'un autre côté, sont envoyés sur des feuilles de papier à filtrer pur, sur lequel les dates appropriées sont notées au crayon. Les résultats de l'investigation montrent la nécessité qu'il y a à ne pas limiter le travail aux Vertébrés seuls, et beaucoup de questions naturellement en suggèrent d’autres, dont la solution peut être obtenue au moyen d'une épreuve biologique. La supposition semble jus- tifiée que nous serons capables, par exemple, dans une date future, de déterminer les différences chimiques dans le sang des différentes races d'homme. Nous n'avons plus besoin de nous baser seulement sur les caractères morphologiques pour différencier les es- pèces. SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE DE LONDRES Séance du 22 Novembre 1901. M. W. Cassie décrit une nouvelle forme de spectros- cope à bras fixe et à transmission multiple. — Le même auteur présente ensuite un mémoire sur la mesure du module d'Young. L'appareil employé consiste en une aiguille horizontale (un barreau à grand moment d'iner- lie) supportée par une suspension bifilaire constituée par le fil dont le module de tension est à déterminer. On observe les périodes des oscillations de tangage, de roulis et bifilaires de ce système, et on obtient une expression pour le module de tension qui ne contient d'autres mesures que le poids de l'aiguille et les pério- des d'oscillation. Le dispositif nécessaire et le moyen d'éliminer les erreurs résiduelles sont décrits pour deux formes d'appareils. L'une d'elles ne demande qu’une simple moyenne de mesures statiques; on pend un petit poids à l'aiguille à des distances mesurées du cen- tre, on calcule la différence des tensions produites dans les fils et on observe avec un miroir et une échelle l'in- clinaison de l'aiguille qui en résulte. — M. P.Chappuis envoie la seconde partie de son mémoire sur la thermo- métrie des gaz. MM. Holborn et Day ont publié récem- ment, dans un travail sur le thermomètre à air, les résultats d'une nouvelle détermination de la dilatation de la porcelaine de Berlin entre 0° et 1.000°. L'auteur avait déjà attiré l'attention sur le fait qu'une |partie de la divergence trouvée entre les mesures de Callendar et Griffiths et celles de Harker et lui-même pour le point de fusion du soufre peut être attribuée à l'indécision des valeurs admises pour la dilatation de la porcelaine. L'auteur examine donc comment ces résultats sont modifiés par l'introduction de la valeur de la dilatation trouvée par MM. Holborn et Day. Le point d'ébullition‘ du soufre est abaissé de 4459, 2 à 4449, 7, résultat qui se rapproche beaucoup de celui de Callendar et Griffiths. M. Chappuis a recalculé d'autre part la différence entre l'échelle d'azote non corrigée et l'échelle théorique; la différence entre les valeurs actuelles et celles données précédemmeut est trop faible pour avoir une importance 1092 ACADÉMIES ET SOCIËÈTÉS SAVANTES pratique. M. H.-L. Callendar explique sa satisfaction de voir que l'application de la correction de MM. Holborn et Day aux résultats de M. Chappuis donne, pour le point d'ébullition du soufre, une valeur (4449, 7) si pro- che de celle (4440, 5) qu'il a donnée en 1890 avec M. Grif- fiths. La concordance est encore plus grande qu'elle ne le parait, car la différence restante de 2/10 de degré s'explique par la différence d'échelle des thermomètres à pression constante et à volume constant, d'après la théorie de Joule et Thomson. M. Chappuis n’a pas rap- pelé dans sa note les travaux de Bedford sur la dilata- lion de la porcelaine de Bayeux. Une comparaison des résultats montre que ceux de Bedford s'accordent bien avec ceux d'Holborn et Day de 200 à 600°; mais les deux diffèrent de ceux de M. Chappuis entre 0° et 80° quand on fait l’extrapolation; il est possible que la dilatation de la porcelaine entre 0° et 100° soit anomale. SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Communications reçues pendant les vacances. MM. R. Meldola et J.-V. Eyre communiquent de nouvelles recherches sur la dinitro-0-anisidine. Dans la diazotation de celle-ci par l'acide nitreux, il suffit d’une petite quantité de ce dernier pour amorcer la réaction; le groupe nitré éliminé dans la réaction continue le processus de la diazotation. — M. J. Mac Crae a pré- paré le tartrate d’éthyle et d'octyle secondaire, et ses dérivés diacétylique et dibenzoylique. La rotalion mo- léculaire est semblable à celle des tartrates diéthy- liques correspondants. Ce fait vérifie la loi de Guye d'après laquelle, lorsque la substitution a lieu en un point suffisamment éloigné du G asymétrique, la rota- tion varie peu. — M. A. Mac Kenzie à constaté que l’éthérification de l'acide 3-nitrophtalique ne suit pas Ja loi de Meyer. Il se forme les éthers acides isomères « et 8, et dans certains cas l’éther neutre. — MM. F.-G. Pope et J.-M. Hird ont préparé la 3-nitrotolyl-4-hy- drazine et un certain nombre de ses dérivés. — M. T.-A. Henry a déterminé les constituants de la résine de sandaraque, exsudée par le Callitris quadrivalvis ou le L. verrucosa. Les deux variétés sont constituées par un mélange d'acides résineux et de terpènes, sépa- rables par dietillation à la vapeur. Parmi les terpènes, on a isolé le d-pinène et un diterpène, bouillant à 265°, saturé: L'un des acides résineux a la formule C?°H*°0*, F. 1710, et ressemble à l'acide d-pimarique de Vester- berg, mais il est inactif. Réduit par HI, il donne un diterpène, C*H®; par oxydation, il fournit de l'acide acétique et probablement de l'acide trimellitique. Le second acide a vraisemblablement la formule C*°H“0° ; il est.appelé acide callitrolique; chauffé dans le vide, il se décompose en CO? et un diterpène identique à celui qui existe dans la résine, — MM. $. Ruhemann et E. Wragg ont poursuivi l'étude de l’action des phé- nols sur le chlorofumarate et le phénylpropiolate d'éthyle. Avec l’eugénol, on obtient l'eugénoxvfumarate d'éthyle, qui n'a pu être condensé en dérivé de la pyrone. Avec le #-xylénol, on obtient le m-xylénoxy- fumarate d’éthyle, dont on peut préparer la 6 : 8-dimé- thyl-1 : 4-benzopyrone, F. 800-810, et le B-m-xylénoxy- cinnamate d’éthyle, qui donne le w-xylénoxystyrène. L'acide crotonique ne peut jouer le rôle des acides fu- marique ou propiolique pour l'obtention de produits de condensation cycliques. — MM. J. Walker et J.-S. Lumsden, en faisant réagir HBr sur l'acide undécylé- nique, ont obtenu l'acide w-bromoundécylique CH°Br,. (CH?}. CO'H, F. 51°, — Les mêmes auteurs ont préparé l'acide normal-décanedicarboxylique par l’électrolyse de l'acide pimélique. — M. D.-R. Boyd a étudié l’ac- tion du tri- et du pentachlorure de phosphore sur l'éther symétrique du diphénylglycérol et certains com- posés analogues. — MM. A. Harden et S. Rowland ont étudié l’autofermentation et la liquéfaction de la levure pressée. L’élévation de la température diminue le temps nécessaire à la liquéfaction de la levure, et augmente la quantité de CO? dégagée. De l'alcool se produit en même temps, et le phénomène apparait comme une simple fermentation alcoolique du glyco- gène de la cellule. L'examen microscopique confirme ces conclusions. En présence d'oxygène, l’autofermen- tation s'accompagne de phénomènes d’oxydation; la quantité de CO? et la chaleur dégagées augmentent notablement. — MM. C.-H. Burgess et D.-L. Chapman ont examiné les corps décrits par Michaelis et Pitsch, puis Michaelis et von Arend, comme sous-oxydes de phosphore, et y ont trouvé une grande quantité d'hy- drogène. Ils considèrent ces corps comme du phosphore amorphe rouge souillé de composés hydrogénés. — MM. G.-T. Beilby et G.-G. Henderson ont étudié l'action de l’ammoniaque sur le platine, l'or, l'argent, le cuivre, le fer, le nickel et le cobalt à des tempéra- tures allant de 400° à 900°. Dans chaque cas, l’effet physique de ce traitement à été la désintégration com- plète du métal, et la décomposition d’une grande partie de AzHS en ses éléments. La cassure du métal devient spongieuse comme s'il avait été soumis au refroidisse- ment en état d’eflervescence active. Les auteurs attri- buent ces effets à la formation et à la dissociation d'azotures métalliques. — MM. G.-G. Henderson et R..-H. Corstorphine, en condensant le benzyle avec la dibenzylcétone en présence de KOH, ont obtenu la té- traphénylcyclopenténolone, F. 2089. Oxydée avec pré- caution, elle fournit de l'acide benzoïque et un com- posé C#H#%0, qui est peut-être l'isobenzyle. Réduite par HI et le phosphore rouge, elle donne le tétraphé- nyleyclopenténol, F. 1629. Ce dernier, soumis à une nouvelle réduction, fournit un mélange de deux hydro- carbures, C#H* et C*H#, qui sont le 1 : 2: 4:5 -tétra- phénylcyclopentène (f) et le 1:2:4:5-tétraphényley- clopentane (IE) : CSH5.G — G(CSH') CORP. CI. CH (CF) | CH | HE CSHS. CH. CH (cts) / CH, CH. CH (C1) (1) (IT) — M. W.-H. Hurtley a préparé les douze chlorodi- bromo- et dichlorobromobenzènes prévus par la théorie. Les composés asymétriques ont été préparés des ani- lines dihalogénées en remplaçant un groupe aminé par le chlore ou le brome, suivant la méthode de Gatter- mann, ou en éliminant le groupe aminé des anilines trihalogénées asymétriques. Les composés symétriques et vicinaux ont été obtenus des anilines trihalogénées symétriques ou vicinales en éliminant également le groupe aminé. Tous les trichlorobromobenzènes sont solides; les vicinaux cristallisent en tables rhombiques, les symétriques en longs prismes, et les asymétriques en pelits prismes courts. Tous sont très solubles dans le benzène, l’éther, le chloroforme, moins dans l'al- cool. Séance du 31 Octobre 1901. M. Armstrong fait une conférence sur le professeur Fraukland, ancien président de la Société. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. | | 7 12° ANNÉE N° 24 30 DÉCEMBRE 1901 Revue générale: Dés Sciences pures el appliquées DIRECTEUR : LOUIS OLIVIER, Docteur ès sciences. Adresser tout ce qui concerne la rédaction à M. L. OLIVIER, 22, rue du Général-Foy, Paris. — La reproduction et la traduction des œuvres et des travaux publiés dans la Revue sont complètement interdites en France et dans tous les pays étrangers, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE $ 1. — Astronomie L’étoile temporaire de Persée. — MM. Flam- marion et Autoniadi ont fait, à l'Observatoire de Juvisy, une observalion fort intéressante, qui n’a pas tardé à susciter une discussion {rès instructive : il s'agit d’une photographie de la Nova de Persée, obtenue avec la pose relativement courte de 30%, Or, au lieu de pré- senter un petit disque lumineux, entouré de rayons et d'une légère nébulosité, — comme dans le cas ordi- naire, — l'image offre un aspect sui generis, que l’on peut comparer à celui d'une lache solaire résullant d'une courle exposilion : noyau noir, entouré d’une pénombre de même largeur et très foncée, à contour net, mais irrégulier, et portant le diamètre apparent de l’astre à 2! environ. Le fait n'était pas accidentel ; il fut vérifié; puis, avec une pose de 320", la plaque mit en évidence une deuxième auréole nébuleuse, laissant voir à son travers d’autres étoiles, et portant à 6/ le dia- mètre total de l’image. Ces circonstances exceptionnelles, propres à la Nova de Persée, vont puissamment servir à l'histoire de la transformation des étoiles temporaires — et peut-être aussi des étoiles variables. La grandeur visuelle de l'étoile était alors de 6,5 et bien inférieure à sa grandeur photographique, contrai- rement à ce qui s'était précédemment présenté; de même, l’ancienne coloration orangé rougeàtre avait fait place à une teinte blanc violacé, ce qui importe vivement au point de vue de la lumière émise, c'est- à-dire des transformations physiques subies par l’astre. D'ailleurs, les observations faites à Lick ont montré que cetle nouvelle étoile nous envoie, depuis quelque temps, les radiations caractéristiques des nébuleuses planétaires, ce qui rapproche la Nova des nombreuses étoiles temporaires qui ont évolué en nébuleuses. Cependant le contour de cette nébulosité offre la même forme optique que l’image d'une étoile quel- conque; sou contour est net, son éclat sensiblement uniforme, contrairement à la luminosité dégradée et aux bords indécis d'une nébuleuse ordinaire. De plus, un choc ou une explosion auraient-ils pu procurer si rapidement un développement aussi considérable? Tout cela a conduit MM. Flammarion et Antoniadi à REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901, penser que la nébulosité n’était pas objective, mais que « l’action actinique de l'étoile temporaire de Persée sur la couche sensible était tout à fait différente de celle des autres étoiles. » Cette observation doit être rapprochée de celle qu'avait déjà faite M. Ellis, de Greenwich : cet astronome avait remarqué que l’image de la Nova de Persée était moins nette que celle des autres étoiles. Ainsi, si cetastre présente des radiations lumineuses différentes de celles des étoiles normales, peut-être d'une plus grande réfrangibilité, il faudra rechercher la cause de cette singularité dans l'objectif lui-même, non corrigé par les radiations particulières à la Nova. Les expériences furent immédiatement reprises à Heidelberg par le Dr Max Wolf, en variant les condi- tions de pose, en obturant l'objectif par une demi-lune, ce qui conduisit à une nébulosité semi-cireulaire, etc.; le phénomène fut bien vérifié et, puisque aucune autre étoile, même des plus brillantes, ne possède cette au- réole, il parait évident à l’auteur que la Nova doit rayonner une lumière particulièrement intense, une sorte de lumière d'une nature spéciale, pour laquelle l'objectif n’est pas corrigé, et pour laquelle le cercle de dispersion possède effectivement un diamètre d’en- viron 6’. Et, en effet, l'œil est surtout impressionnable par le bleu, l'indigo et le violet, et, en même temps, la plaque au bromure d'argent a son maximum de sen- sibilité pour ces radiations; de plus, les radiations ultra-violettes sont fort atténuées par l'absorption ‘: atmosphérique, de sorte que les objectils se trouvent suf- fisamment achromatisés. Mais il s’en faut, par exëmple pour l’étincelle électrique et quelques métaux, que certains objets n'émettent pas des radiations fort dif- férentes, et c'est presque toujours dans le violet que sont les radiations les plus intenses. Dans ces condi- tions, le foyer violet, ou ultra-violet, peut se trouver fort en arrière de la plaque el, y déterminer une trace circulaire; il serait alors préférable d'opérer avec un miroir, et non un objectif, encore que l'argent ait le grand défaut de devenir transparent pour les radia- tions ultra-violettes. M. Cornu préconise cette expé- rience : elle fut réalisée par Roberts, qui montre que les réflecteurs ne fournissent pas l’auréole singulière, 24 1094! CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Au reste, cette nouvelle étoile de Persée paraît net- tement se transformer en nébuleuse : Mue Fleming put établir à ce sujet d’intéressantes comparaisons. M. Deslandres est le premier qui ait observé dans son spectre la raie verte caractéristique des nébuleuses. Ainsi, l’'auréole n'est pas dépendante de l'étoile; elle correspond à une radiation ultra-violette intense, comme cela résulte bien encore des travaux de Wolf et de Gothard. Ce dernier observateur à également trou- vé, dans le spectre de la Nova, une raie ultra-violette, commune chez les nébuleuses. La question n'est pas définitivement élucidée, et, cependant, l'observation de MM. Flammarion et Anto- niadi a, du moins, prouvé que cette étoile est tout excep- tionnelle, et, puisqu'elle est en état de rapide transfor- malion, l'étude continue et soigneuse de l’astre ne sau- rait être que du plus haut intérêt pour la cosmogonie ou la constitution stellaire. À Observation des étoiles filantes. — La So- ciété Astronomique de France a entrepris, depuis long- temps, l'observation systématique des étoiles filantes et ne cesse d'accumuler des documents à cet égard; il est juste de dire que, en dehors de tous les membres actifs de la Société, l'Observatoire de Juvisy a pris une part active dans ce programme : les principaux obser- vateurs sont, dernièrement, MM. Antoniadi, Blum, Senouque, Touchet et Chrétien. Ayant relevé cette année un grand nombre d’obser- vations, il fallait déterminer les pôles des trajectoires, calcul assez long au point de vue rigoureux, mais que l'on peut réaliser d’une manière suflisante par un pro- cédé graphique; après quoi, il faut grouper ces pôles sur un ou plusieurs grands cercles dont les pôles seront précisément les radiants ou anti-radiants des météores. M. Tarry a pu signaler de la sorte un nouveau radiant dans Cassiopée; et un radiant peu actif a été relevé dans Pégase. Des observations furent faites simultanément à Juvisy et à la Croix-de-Berny; 16 % des météores observés purent être sûrement identiliés et, de cette facon, on pouvait déterminer les coordonnées, les hauteurs des points d'apparition et de disparition, ainsi que la lon- gueur des trajectoires. Les résultats sont assez intéres- sants, sans sortir cependant des données déjà connues : les hauteurs de disparilion sont inférieures aux hau- teurs d'apparition. Cependant, quelques-uns des résul- tats sont assez singuliers: un météore est apparu à 15 kilomètres de hauteur, pour disparaitre à 13 kilo- mètres, après une trajectoire très courte; cette hauteur d'apparition est très faible, beaucoup plus que d'habi- {ude el, en outre, ce météore fut véritablement très éphémère. Celui qui apparut le plus haut était à 119 ki- Jomètres, hauteur fréquente. Enfin, l'un d'eux eut une fort belle trajectoire de 84 kilomètres : il apparut à 75 kilomètres de hauteur, pour disparaître à 14 kilo- mètres, C’est là une chute considérable sur la Terre. Il n'y à qu'à souhaiter que l’on continue d'une ma- nière systématique des observations intéressantes, qui doivent être très nombreuses pour porter des fruits réels, — et en féliciter l'initiative privée. $ 2. — Physique La loi de la distribution régulière des élé- ments magnétiques en France. — Depuis plu- sieurs années, M. E. Mathias, professeur de Physique à la Faculté des Sciences de Toulouse, s'est livré à une étude détaillée de la distribution du magnétisme dans la région toulousaine, et il est arrivé, par l'examen de nombreuses observations, à l’intéressant résultat que voici : Les différences entre les éléments magnétiques (composante horizontale, déclinaison, inclinaison) d'un endroit X de la région de Toulouse et les éléments correspondants déterminés à l'Observatoire de Toulouse sont exclusivement fonction des différences de longi- tude et de latitude géographiques de l'endroit X et de l'Observatoire de Toulouse. Si l’on désigne par (A long.) et (A lat.) ces différences, la différence (X-Toulouse) sera-représentée par une relation de la forme : x(A long.) +y(A lat.), x et y élant des constantes numériques convenables. Ce résultat, déjà si important, a été généralisé encore par M. Mathias, qui a reconnu, tout au moins en ce qui concerne la composante horizontale dn magnétisme, que la formule linéaire valable pour la région toulou- saine s'applique à toute la France et permet de retrou- ver, avec des différences inférieures aux erreurs d'ob- servation, la plupart des nombres que M. Moureaux a donnés dans son « Réseau magnétiqne de la France au 1 janvier 1896 » (les anomalies exceptées, bien entendu). Pour les deux autres éléments, M. Mathias a été moins heureux, en ce sens que les formules linéaires de la région toulousaine ont dû être remplacées par des formules du second degré à cinq ou six termes, de la forme : x + y(Along.) + z(Alat.) + u(Along.} + v(Along.)(A lat.) — L(A lat.)*. Toutefois, les formules ainsi obtenues sont valables non seulement pour toute la France continentale, mais aussi pour la Corse. Déviation magnétique provoquée par les rayons €cathodiques. — Dans l'étude magistrale qu'il vient de consacrer aux proslèmes que soulèvent les expériences de M. Crémieu, rapprochées du résultat classique de Rowland, M. Poincaré‘ a fait une rapide allusion aux actions magnétiques que peuvent exercer les rayons cathodiques. Ces actions avaient été niées par Hertz, qui avait exploré, à l’aide d’une aiguille sus- pendue à uv fil, le champ maguétique au-dessus d’un tube plat, à l’intérieur duquel le courant pouvait être dirigé entre des électrodes diversement placées. IL trouva ainsi que le champ est tel qu'on peut le déduire de la position respective des électrodes, et que les rayons cathodiques rectilignes sont sans action appré- ciable. Jusqu'à ces derniers temps, et tout en admettant la théorie fondée sur l'expérience de Rowland, on avait cherché à expliquer, comme un pis-aller, le résultat négalf de Hertz par le peu d'intensité du champ pro- duit par les rayons. 5 , L'expérience vient d'être reprise par M. de Geitler, qui, pour soustraire l'aiguille à l'action compensatrice de l’afflux cathodique, c'est-à-dire du courant de retour partant des points frappés par les rayons, a eu l'heu- reuse idée de la placer à l'intérieur du flux cathodique lui-mème. Un tube de Crookes, de 60 centimètres de longueur et de # centimètres de diamètre, est muni, à chaque extrémité, d'une électrode plane, perpendicu- laire à l'axe du tube, et de deux petites électrodes sou- dées dans des tubulures latérales. L'aimant, de 11 mil- limètres de longueur, est suspendu à un tube vertical, en laiton mastiqué au tube de Crookes, supprimant les actions électrostatiques, et susceptible d’être déplacé de manière à amener l'aiguille à des distances diverses de son axe. Les expériences ont été faites en prenant comme cathode l’une des électrodes planes des extrémités, et, comme anode, soit l’autre électrode plane, soit les fils voisins de la cathode. Dans toutes les expériences pour lesquelles on avait placé l'aiguille à une faible distance de l'axe, elle éprouvait une déviation bien nette, dans le sens indiqué par la théorie de Grookes, el d'un ordre de grandeur comparable à ce qu'aurait donné un cou- rant équivalent au flux total d'électricité parcourant le tube. Lorsque, au contraire, l'aiguille était éloignée de 1 I. Porncané : À propos des expériences de M. Crémieu. Revue générale des Sciences du 30 novembre 1901, t. XI, pages 994 et suivantes. dt né CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1095 l'axe, l'effet s’atténuait de plus en plus, pour s'annuler quand elle se trouvait complètement en dehors de l'afflux cathodique. Cette expérience semble donc démontrer la réci- procité de l’acliôn du champ magnétique et des rayons cathodiques, et fait disparaître définitivement la con- tradiction que l'expérience de Hertz avait laissée en quelque sorte inexplicable. Propriétés électriques des alliages de cuivre et de cobalt. — Le nickel et le cobalt pré- sentent de si parfaites analogies chimiques qu'il est par- ticulièrement intéressant d'examiner comparativement leurs propriétés physiques, soit à l’état isolé; soit en combinaison avec d'autres métaux. On connait bien, et on utilise, depuis quelques années, les propriétés singulières des alliages de nickel et de cuivre dont la résistivité électrique passe, vers 40 % de nickel, par un maximum élevé, avec un coefficient de variation sensiblement nul. M. Reichardt vient de rechercher si les alliages de cuivre et de cobalt suivent des lois analogues. Ces alliages, d'une préparation difficile, étaient, pour la plu- part, durs et cassants, surtout dans les hautes teneurs en cobalt. Ces derniers montraient, même, à l'œil nu, des grains séparés, rouges ou gris, témoignant du peu d'homogénéité de l'alliage. Ils présentaient aussi de nombreuses fissures, eL il fut impossible de les étirer à la filière. Les alliages pauvres en cobalt étaient plus homogènes, et susceptibles, bien qu'avec beaucoup de peine, d’être mis sous la forme de fils. Partant du cuivre, la courbe de la résistivité monte d'abord très rapidement, atteignant le sextuple de l'ordonnée au départ, pour une teneur de 3 % en co- balt; puis, l'ascension se produit plus lentement, avec une inflexion vers 40 %, et une brusque montée après 80 %, le point extrême, correspondant au cobalt pur, étant atteint par une courbe descendante. Il ne faut pas oublier, toutefois, que les défauts d'homogénéité, des fissures et les piqures de l'alliage ont pu augmenter considérablement les résistivités trouvées. Le coelficient de variation baisse rapidement, pour atteindre 0,00077 à 3 % de cobalt, puis monte lente- ment jusque vers 90 %, où il est égal à 0,00167; enfin, s'élève brusquement au coefficient du cobalt. Le pouvoir thermo-électrique en connexion avec le caivre s'élève {rès rapidement pour les plus faibles traces de cobalt, et passe, vers 3 %, par un maximum égal à 32 microvolts environ par degré, c’est-à-dire de 1/5 environ au-dessous du constantan, très employé Alepuis quelques années comme l’un des éléments des couples lhermo-électriques. Comme cet alliage est beaucoup moins résistant et-plus réfractaire que le constantan, il pourrait sans doute rendre quelques ser- vices dans l'emploi des couples pour la mesuré des températures, ou pour la production du courant élec- trique. $ 3 — Métallurgie Fondation Andrew Carnegie. — M. Andrew Carnegie, l’éminent vice-président de l’/ron and Steel Institute, vient de faire don à cette Société des fonds nécessaires pour que, tous les ans, son Conseil puisse distribuer une ou plusieurs bourses en vue de perfec- tionner la métallurgie du fer et de l'acier. Les candidats sont admis sans aucune distinction soit de sexe, soit de nationalité. Ils devront être âgés de Moins de trente-cing ans; leur demande devra être adressée, sur bulletin spécial, au Secrétaire de l'Institut, avant la fin du mois de mars 1902. Le but de ces bourses est de permettre aux étudiants squi ont lerminé les études préparatoires ou qui ont fait un stage dans des élablissements industriels, de se livrer à des recherches sur la métallurgie du fer et de V'acier et sujets s’y rapportant, en vue d'aider au pro- grès de celte métallurgie et à l'application industrielle qu'il comporte. Il n’est apporté aucune restriction en ce qui concerne l'établissement où les recherches se pour- suivront : université, école ou usine, pourvu que cet établissement soit organisé et outillé de facon à per- mettre les recherches métallurgiques. La bourse sera attribuée pour une année; mais le Conseil pourra, à sa discrétion, la renouveler s'il le juge bon, au lieu d'en faire une attribution nouvelle, Le résultat des recherches sera communiqué, sous forme de Mémoire, à l’/ron and Steel Institute et sera sou- mis à l’Assemblée générale annuelle des membres. Dans le cas où le Conseil jugerait que le Mémoire est d’un mérite suffisant, la médaille d’or Andrew Carnegie sera attribuée à l’auteur. La médaille ne sera pas décernée si, dans une année quelconque, le Mémoire n’en justifie pas l'attribution. $ 4. — Chimie Altération des métaux Sous Finfluence des gaz. — MM. Beilby et Henderson, désireux, dans un but industriel, de faire passer du gaz ammoniac dans des tubes métalliques portés au rouge, furent fort gènés par la désagrégation bien connue que subit le métal, qui devient friable et fragile au point que le tube n'est plus capable de supporter son propre poids. ls furent amenés à étudier de près cette action, et, dans une communication qu'ils viennent de faire à la Sociélé Chi- mique de Londres!, ils mettent au point une théorie du phénomène, déja fort ancienne puisque Ampère en indiqua le principe, mais qui acquiert un intérêt tout spécial à celte époque où les phénomènes de catalyse et les actions de contact préoccupent un grand nombre de chimistes. Rappelons d'abord les faits : un métal, soumis à l’ac- tion d’un rapide courant de gaz ammoniac dans un tube de porcelaine vernissée chauffé à une température infé- rieure au point de fusion du métal, subit les modifica- tions suivantes : son volume s'accroît, sa texture de- vient sponsieuse, poreuse, semblable à celle d’un corps fondu dont la masse à été traversée par de nombreuses bulles de gaz. L'aspect même de la masse iudique sans ambiguité qu'elle a passé par l'état liquide, ou, au moins, par un état de semi-fluidité; en effet, au micros- cope, le métal semble formé de particules grossière- ment sphéroïdales, et des fils de métaux différents, sou- mis ensemble à l'expérience, sont retrouvés soudés. Quant au gaz ammouiac, qui supporte, cependant, sans décomposition la température de 850°, il est toujours décomposé en présence des métaux, quoique la tempé- rature varie entre 400° et S00 : le gaz sortant est à peu près formé de { volume d'azote pour 3 volumes d'hy- drogène. Malgré cette composition, il est bien certain, d'après l'aspect ci-dessus décrit, qu'il a dù se former une combinaison chimique plus fusible que le méial Jui- même, MM. Beilby et Henderson, répétant une expérience déjà faite en 1829 par Despretz?, ont pu, en effet, éta- blir que, dans des circonstances convenables, le gaz ammoniac donne avec le métal un azoture : la transfor- malion du métal en azoture n’est à peu près complète que pour le fer, qui devient l’azoture FetAz2, etencore ce composé ne se produit-il que dans des conditions assez limitées : il faut, avant tout, un très grand excès d’am- moniac, et, de plus, une température favorable, variable avec l’état d'agrégation du métal*. Cet azoture est très facilement décomposé dans un courant d'hydrogène, ce ‘ Journ. Chem. Soc., t. LXXIX, p. 1245; Nov. 1902. 2? Ann. Chim. Phys., (2),t. XLIL, p 122. 3 Despretz, qui indique aussi (/oc. cit.) la formation d'un azoture, ne se placait vraisemblablement pas dans les meil- leures conditions pour avoir une transformation complète, puisqu'il trouve que le poids du fer augmente en moyenne de 7,7 °/,, alors que MM. Beiïlby et Henderson ont trouvé 10,59 0/, et que la formule Fe*A* correspond à 11,13 0/4. Il estcurieux de rappeler que, dans ce Mémoire, Despretz se demande si l'azote et l'hydrogène ne sont pas des come posés oxygénés ! 1096 qui explique la nécessité de ïexcès d’ammoniac, Si, pour d’autres métaux que le fer (cobalt, nickel, cuivre, argent, or, platine, aluminium, laiton...), on n'a constaté qu'une formalion incomplète ou même nulle d'azoture!, il est permis de supposer qu'on a opéré hors des conditions de stabilité d’un tel composé. En tout cas, on à toujours observé la désagrégation du métal, que les auteurs, se basant sur les faits expérimentaux précédents, expliquent de Ja manière suivante : L'ammoniac attaque la surface du métal en donnant un azoture, stable à cause de la présence de gaz ammo- niac, en excès par rapport à l'hydrogène résultant de la décomposition; cet azoture, fusible, pénètre dans le métal, et l'attaque tend à se faire dans une région moins superficielle, où l'ammoniac est plus rare, et l'hydrogène plus abondant, si bien qu'à une certaine profondeur l'azoture sera décomposé aussitôt que formé. Les gaz résultant de la décomposition se déga- gent à travérs l'azoture fluide et produisent la texture bulleuse ci-dessus décrite. Sans vouloir établir un lien entre deux études net- tement différentes, on ne peut s'empêcher de songer, à propos de ces expériences et de cette théorie, aux Mémoires que M. Berthelot a publiés récemment* sur les origines de la combinaison chimique. Ce savant a constaté qu’en chauffant en tube scellé de l'argent avec de l'oxygène, on obtient une petite quantité d'oxyde d'argent, variable avec la température, mais toujours faible, tandis que le métal est remarquablement mo- difié: sa surface prend un aspect filamenteux, « lanu- gineux », qui dénote une profonde désagrégation. Pour expliquer ce phénomène, M. Berthelot fait inter- venir la formation et la décomposition ultérieure de l'oxyde d'argent; mais, de plus, rappelant que, dans l'expérience célèbre qui montre que le sulfure de car- bone se forme et se décompose dans les mêmes condi- tions de température, le carbone régénéré est du gra- phite, alors qu'on est parti du carbone amorphe, ilpense que cetaspect particulier de l'argent est celui d'unevariété allotropique de ce métal, et il appuie cette opinion sur des mesures thermochimiques. Peut-être pourrait-on étendre cette hypothèse au cas qui nous occupe, et peut-être serait-elle particulièrement facile à contrôler par l’expérience. Quoi qu'il en soit, l'importance des « équilibres mo- biles » dans l'explication des réactions croît de jour en jour. Les expériences que nous venons de rapporter s'expliquent, comme tant d’autres, par la formation, en un point, d'un produit qui se décompose en un point voisin, sous l'influence de variations locales très faibles : variations de température, dans bien des cas; variations de concentration en hydrogène, dans le cas étudié par MM. Beilby et Henderson. Ajoutons, pour terminer, que ces chimistes ont l’in- tention d'étendre leurs recherches à l’action des diffé- rents gaz sur les métaux, et espèrent étudier les ques- tions de l’occlusion des gaz par les métaux, et de la perméabilité des métaux pour les gaz. Quelques propriétés curieuses de l’anhy- dride sulfurique. — L'anhydride sulfurique est un corps relativement commun dans nos laboratoires, et cependant, bien qu'il ait fait l’objet de nombreuses recherches depuis cinquante ans, les savants sont loin d'être d'accord sur l'explication de ses propriétés. On sait que l'anhydride sulfurique existe sous deux modifications. La plus ordinaire, celle qui se trouve dans le commerce, consiste en une masse solide de petites aiguilles blanches ramiliées, à l'aspect soyeux, ressemblant à de l'amiante. L'autre est cons- tituée par de gros prismes brillants et (transparents, qui se séparent par refroidissement du liquide quel’on ? Ce qui n'empêche pas la décomposition notable de l'am- moniac, toujours en proportion beaucoup plus grande que ce qui serait nécessité par la formation de l'azoture. * Ann, Chim. Phys., (1), t. XXIL; Mars 1901. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE | obtient par la distillation de l’anhydride dans certaines conditions. Les propriétés de ces deux modificalions diffèrent considérablement. Tandis que la dernière fond déjà à la température des laboratoires (à 18° d’£près Marignac!, à 16° d’après Schultz-Sellack ?, à 14°,8 d’après R. We- ber ?), la forme amiantique ne possède pas de point de fusion propre ; par échauffement, elle passe direc- tement à l'état gazeux. R. Weber a observé que des traces d'humidité favorisent la formation de la modifi- cation fibreuse, tandis qu'en l’absence absolument com- plète d’eau il a pu conserver sans modification, depuis une dizaine d'années, dans des tubes scellés, la forme liquide à ‘la température ordinaire. Weber suppose donc que la forme amiantique est une combinaison hydratée de l’anhydride, opinion qui est couramment admise. Marignac, cependant, a constaté la transformation de la forme liquide en forme fibreuse dans des condilions où il est impossible que l'humidité intervienne, ce qui lui fait considérer l'opinion de Weber comme « repo- sant sur une pure hypothèse * ». Schultz-Sellack a comparé le phénomène à Ja trans- formation de l'acide cyanhydrique en acide cyanurique ; pour lui, la forme fibreuse est une modification poly- mère de la forme liquide. Marignac croyait äe même à \ l'existence d’une isomérie, et W. Ostwald® à celle d'une dimorphie. On voit que les opinions des chimistes diffèrent beaucoup, et qu'il y avait matière à de nou- velles recherches sur une question aussi controversée. M. R. Schenck les a entreprises récemment à l'Uni- versité de Marburg, et, en même temps qu'il a misen lumière des propriétés extrêmement curieuses de l’anhy- dride sulfurique, il a apporté, à la solution du pro- blème de sa constitution, des faits qui paraissent déci- sifs®. La forme liquide de l’anhydride sulfurique possède une propriété intéressante, déjà signalée par Buff?, puis par Schultz-Sellack : c'est la grandeur anormale de son coefficient de dilatation, égal à environ les deux tiers de celui des gaz, fait excessivement rare parmi les liquides. M. R. Schenck l'a déterminé à nouveau pour divers intervalles de température, et il a obtenu les résultats suivants : INTERVALLE COEFFICIENT de température de dilatation EM EM ENTER PENSION re 0,0023 (!) SH0 ROIS RCE ñ 0,0030 GO PANCETRD ES PAR NC EE 0,0031 180 SUD OR TEE de 0,0028 800,3 100°,0. ATOUT 0,0028 Des coefficients de cet ordre n’ont été observés que pour les gaz condensés, et aux environs du point eri- tique. Or, le poiut critique de l’anhydride sulfurique, déterminé par M. Schenck, est à 2169, c'est-à-dire à une température bien supérieure à celle des détermina- tions précédentes. Une autre caractéristique de la dilatation de l’anhy- dride sulfurique est la suivante : chez les liquides, on observe généralement un accroissement du coefficient de dilatation avec la température; or, ici ce coeflicient présente un maximum entre 35° et 78, puis il diminue jusqu'à 1009. Au-dessus de 1009, il augmente de nou- veau, et la dilatation arrive à dépasser de beaucoup celle des gaz aux environs du point critique; mais des mesures exactes n'ont pu être faites, le dilatomètre n'étant pas construit pour les hautes pressions atteintes. Une autre particularité de l'anhydride sulfurique, LINE SARA UE EPST EUR TRIO ARE ES 1 Arch. des Sc. phys. et nat., t. LIT, p. 256. 2 Poggendorffs Ann., t. CXXXIX, p. 480; Ber., t. I; ». 215. Poggendorffs Ann.,t. CUIX, p. 315. Arch. des Se. phys. et nat., t. LNIII, p. 228. Grundlinien der anorg. Chemie, p. 292 sn a > © Annalen der Chemie, t. COCXVI, p. Le Annalen der Chemie, suppl, t. LV, p. 151. CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE 1097 VU UV | | |ÎUÎVÎ V ———"—]—"”"”"———”—…—…"—”…"”"”"”"”"”"”"”"…”…"…"…"…"…"…."’."….…"….….….….-.….….- c’est qu’il présente, aux environs de 35°, des actions thermiques retardées. Les déterminalions précédentes ont été faites généralement à température descen- dante; le dilatomètre était porté d'un bain plus chaud dans un bain plus froid. A 78et à 60°, l'équilibre est vite atteint; au bout de vingt à vingt-cinq minutes, le volume ne varie plus. Mais à 35°, au bout de deux heures, la contraction n'est pas encore terminée. Evi- demment, on ne se trouve plus là en présence d'un phé- nomène purement thermique. Dans le liquide refroidi, ii se passe un phénomène chimique produisant une diminution de volume. Mais, ce qu'il y a de plus remarquable, c’est que la vitesse de cette réaction est considérablement aug- mentée par l'addition de traces d'acide sulfurique con- centré. Voici quelques chiffres, qui montrent le temps nécessaire pour oblenir une contraction donnée en l'absence et en présence de l'acide sulfurique : GRANDEUR de la contraction SANS AVEC addition d'acide sulfurique 0,035 em* en 11 minutes. 6 minutes. 0,048 cm en 23 — 9 -— 0,058 cm? en 53 = 11 — C'est là un exemple de réaction catalytique pure, comparable à la transformation du phosphore blanc en phosphore rouge à basse température sous l'influence de petites quantités d'iode. Il semble donc bien que nous sommes en présence d'une polymérisation. Pour élucider la question, M. R. Schenck a procédé à des déterminations de poids moléculaire en utilisant la méthode de Ramsay et Shields, basée sur la valeur du coefficient de température de l'énergie superficielle moléculaire. On sait que ce coefficient À a une valeur d'environ 2,12 pour les liquides à molécules simples, et quil diminue proportionnellement à la polyméri- sation. Voici la valeur de ce coefficient pour l'anby- dride sulfurique liquide : INTERVALLES de température ke HP OT ANS 008 D. Dirt eue ta te l;a0 SAT GER ROMA PAR EE GOLF EE eo LPO RCE 1,86 TAC AIS CRE ARE ES 2,30 On voit qu'aux basses températures, il existe une polymérisation appréciable ; le nombre des molécules polymères diminue avec la température, et, vers 78°, le liquide ne renferme plus que des molécules simples. Ces faits permettent à M. Schenck d'expliquer aiusi la facon dont se comporte l'anhydride sulfurique liquide. Dans ce dernier, on se trouve en présence d’un, équilibre entre des molécules simples et poly- mères, équilibre dépendant de la température. Le passage d'un état à l’autre est accompagné d'une modification de volume. Aux hautes températures, la vitesse de transformation est rapide; aux basses tem- pératures, elle devient très faible, et l'équilibre peut mettre un temps considérable à s'établir, ce qui ex- plique les actions thermiques prolongées. L'addition d'acide sulfurique augmente la vitesse de transforma- tion et permet l'établissement d'un équilibre assez rapide aux basses températures. On peut aussi considérer l'anhydride sulfurique liquide comme une solution de la forme polymère dans la forme simple. Suivant que la concentration de la pre- mière sera plus ou moins grande que sa solubilité, la substance polymère se déposera ou entrera en solution. La limite entre ces deux phénomènes est située entre 250 et 27°. M Schenck admet que la forme solide poly- mère est dentique avec la modification fibreuse ordi- naire de l'anhydride sulfurique. La forme cristallisée prismatique transparente, fondant à 149,8, est l'anhy- dride solide non polymérisé". 1 M. R. Schenck ne donne aucune indication, dans son En ce qui concerne l’anhydride liquide préparé par R. Weber, qui est conservé depuis de nombreuses années, et donne toujours, par refroidissement, la [orme prismatique, et non la forme fibreuse, il faut se rap- peler que, d'après l'auteur lui-même, les moindres traces de catalysateur ont été soigneusement éloignées. La vitesse de transformation de la forme simple dans la forme polymère est donc excessivement faible aux basses températures et le liquide contient fort peu de cette dernière. Il n’en est donc jamais saturé, quel que soit l'abaissement de température, et le refroidisse- ment provoque toujours la cristallisation du solvant sous la forme prismatique, dé même qu'une solution saline donne toujours de la glace pure. $ 5. — Botanique Influence nocive de traces de cuivre sur la germination des graines. — Les botanistes physiologistes ont obtenu des résultats discordants en cherchant à faire germer les graines dans l'eau distil- lée : tantôt le développement s'est fait dans l’eau dis- tillée comme dans l'eau de fontaine (contenant des sels en dissolution), tantôt le développement a été re- tardé et rapidement arrèlé, sinon totalement supprimé par l’eau distillée. M. J. Bæœhm avait conclu de ses re- cherches sur ce sujet que les graines ne germent pas dans l’eau distillée parce que celle-ci manque d'un élément, indispensable à leur développement, repré- senté, d’après 1e botaniste viennois, par les composés calciques. MM. Dehérain et Demoussy, dans une Note fort inté- ressante qu'ils viennent de publier dans les Annales Agronomiques, démontrent l'inexactitude des conclu- sions de Bæhm et donnent l'explication des divergences d'opinion des divers auteurs. En cherchant à faire germer des graines de lupia blanc ou jaune dans l’eau distillée dont ils disposaient, ils ont vu que le développement de la plantule est très rapidement arrêté, et que les racines, notamment, ne sy forment pas sensiblement, Ils distillent alors leur eau distillée dans un appareil de verre, et recueillent le premier tiers, puis le second tiers, qui passent à la distillation, puis le troisième tiers non dislillé res- tant dans la coinue. En déposant à la surface de l'eau de ces trois fraclions des graines de lupin, ils ont vu le développement se faire normalement à la surface de l'eau des deux premiers tiers, mais non à la surface de l’eau restée dans la cornue. L'arrêt de développement dans l’eau distillée primitive tient donc à la présence dans cetle eau d’une substance toxique pour la plante, et non à l'absence dans l’eau distillée d'un élément indispensable. L'analyse chimique ne permet pas de déterminer la nature de cette substance; mais, comme l'eau distillée dont disposaient MM. Dehérain el Demoussy avait été préparée au moyen d'un appareil en cuivre, ces botanistes ont recherché si l'arrèt de développement ne devait pas être rapporté à la présence de traces de cuivre dans l’eau distillée. À cet effet, ils placent pen- dant quelques jours de l’eau distillée dans des vases de verre, d'argent, de plomb et de cuivre, puis intro- duisent ces eaux dans les tubes à germination et dépo- Mémoire, sur la formule possible de l'anhydride polymérisé. M. G. Oddo, dans une Note publiée postérieurement dans la Gazzetta chimica italiana, t. XXXI, [nu], p. 158 et suiv., apporte une contribution nouvelle à ce sujet. Il a, déterminé le poids moléculaire des deux formes solides, cel'e qui cris- tallise en prismes transparents, et celle qui existe sous forme d'aiguilles soyeuses, par la méthode cryoscopique, en prenant comme dissolvant l’oxychlorure de phosphore. Pour la premiére, il a obtenu des valeurs variant entre 75,4 et 18,1, qui correspondent à la formule simple SO*, Pour la secorde, il a obtenu des valeurs variant entre 157,5 et 170,05, qui correspondent à une formule double S*0f, La forme fibreuse est donc une forme dimèére ; M. Oddo lui donne le nom d'anhydride disulfurique. 1098 CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE sent les graines de lupin à la surface. Les plantules se développent partout, excepté dans l'eau qui a été en contact avec le cuivre. MM. Dehérain et Demoussy es- timent que la quantité de cuivre contenue dans cette eau est certainement inférieure à un dix-millionième. Si l’on ajoute à cette eau cuivreuse des composés cal- ciques, si surtout on dépose du carbonate de chaux à la surface des radicules d’une petite plante en voie de développement, on annihile l'effet toxique du cuivre. Ainsi s'expliquent les résulta s de J. Bæhm : ce bota- niste, pour éviter la présence, dans son eau distillée, de traces de chaux pouvant provenir du verre des réci- pients, conservait son eau distillée dans un vase de cuivre argenté. Il convient de rapprocher les faits intéressants que nous venons de signaler des observations de Nægeli, qui a montré que les spyrogyres périssent dans l’eau où a séjourné une pièce d'or, et cela par le cuivre de l'alliage des monvaies, car les spyrogyres vivent dans une eau où a séjourné de l'or pur; et, surtout, des observations classiques de Raulin, qui à montré que l'Aspergillus niger ne se développe pas dans le liquide de Raulin contenu dans les vases d'argent. On ne saurait trop signaler ces faits, qui montrent la sensibilité infiniment grande des réactifs biologiques; surtout à une époque où tant d’études se poursuivent sur les diastases et les toxines, infiniment petits pro- duisant des actions infiniment grandes. M. A. 8 6. — Littérature scientifique A propos de l'apparition de quelques pé- riodiques nouveaux. — Il vient de se fonder suc- cessivement, dans l’espace de trois mois, trois nouveaux périodiques consacrés à la publication de travaux dans l'ordre des sciences anatomiques (Anatomie, Histolo- gie, Embryologie). Ces trois périodiques s'appellent : 4° Petrus Camper (journal anatomique hollandais); 20 The American Journal of Anatomy ; 3 Archivio italiano de Anatomia e di Embriologia. Prochainement, doit paraître un quatrième journal, celui-là polonais : les Archives polonaises de Biologie. J'ai inscrit, sur le registre déposé à la Bibliothèque uni- versitaire pour les demandes d’achats de livres, les trois périodiques nouveaux en question, et j'y joindrai bientôt le journal polonais qui va paraître, accomplis- sant ainsi un devoir universitaire, en même temps que contraint par la nécessité, qui m'oblige à ne rien ignorer de ce qui peut se faire dans l’ordre de recher- ches que je poursuis. Ces trois ou quatre publications nouvelles sont le produit d'un sentiment bien naturel de nationalisme scientifique, et par cela même très excusable. Il n’en est pas moins regrettable de constater que le sentiment nationaliste qui leur a donné nais- sance a remplacé celui qui aurait dû seul inspirer une procréation nouvelle de périodiques scientifiques, le sentiment de la parfaite adaptation du produit aux besoins généraux. N'était-ce pas assez pour les savants aux abois, obligés de faire face à tout ce qui paraît, de s'exposer à ignorer les nombreux travaux, souvent très intéressants pourtant, enterrés dans les Bulletins de telle Société d’'Osnabruck ou de Carpeniras? Et le par- ticularisme de clocher va-t-il se compliquer du patrio- tisme de drapeau? La liste des périodiques anatomi- ques, et, en général, des journaux scientifiques, doit-elle égaler un jour celle des nationalités et des sous-natio- nalités distinctes? Nous faudra-t-il, étudiant le pigment de la cellule nerveuse ou les phénomènes de la seg- mentalion de l'œuf, entasser sur notre table de travail après les avoir à grands frais alignés dans notre Bibliothèque universitaire, les trente ou quarante pé- riodiques anatomiques correspondant aux différentes nations où l’Anatomie est cultivée? Il y a, cependant, un groupement plus utile et plus rationnel des travaux scientifiques et, particulièrement, anatomiques que celui qui consiste à les répartir en catégories américaine, hollandaise, italienne, etc. Et, au lieu d'aller chercher, à grands frais et avec quelles peines, les travaux relatifs à la segmentation de l'œuf dans trente ou quarante périodiques nationaux diffé- rents, on serait heureux de les trouver tous dans un journal anatomique spécial, consacré exclusivement à l'étude de cette question particulière et, au besoin, des questions immédiatement connexes. Ce qui rend si longue et si pénible la recherche bibliographique, in- dispensable cependant à une époque où, pour faire un progrès, il faut s'être assuré qu’on est bien sur la limite du terrain déjà exploré, c’est moins la multiplicité des travaux que leur fâcheuse dissémination et l'absence de tout groupement rationnel. Il est grand temps qu'on se soucie de mettre dans les matériaux scientifiques un ordre scientifique. On voudrait voir se fonder, Gans l’ordre anatomique, des journaux spéciaux con- sacrés l’un à la cellule nerveuse, un autre aux glandes et à la sécrétion, un troisième aux phénomènes de maturation et de fécondation de l’œuf, etc., et donnant chacun, dans un recensement quinquennal, l’état de la Science pour la spécialité du journal. Il appartiendrait au Congrès international des Académies de prendre l'initiative d'une telle réforme, ou tout au moins d'émettre un vœu dans ce sens. Sans qu'il soit d’ail- leurs besoin, peut-être, d'un règlement scientifique international, plus difficile encore à faire accepter qu'à : édicter, il entrerait bientôt dans les mœurs des savants de limiter leurs recherches bibliographiques aux re- cueils spéciaux, et l’on se sentirait bien vite aulorisé moralement à négliger tout auteur dont le travail n'y figurerait pas ou n'y serait pas représenté par un ré- sumé ‘. Il existe déjà, du reste, dans le domaine bio- logique, quelques périodiques spéciaux, pas encore peut-être assez spécialisés à notre gré. Tels sont : /a Cellule, journal dont le contenu a d’ailleurs débordé hors des limites. de. son premier programme ; les Archiv für Entwicklungsmechanik, la Zeitschrift für Morphologie und Anthropologie; 1 y a le Névraxe, ete. On pouvait espérer, après l'apparition de ces jour- naux spéciaux, une prochaine et complète dénationa- lisation de la science biologique et de ses produits, et voici que la poussée subite de plusieurs journaux na- tionaux confondant, sous une couverture commune, tous les résultats, pourvu qu'ils portent l’estampille nationale, recule plus loin encore l'espoir de voir un jour se réaliser le classement purement scientifique des productions scientifiques. Malgré le bon vouloir avec lequel on doit accueillir toute nouvelle publica- tion, il est difficile, cette fois, d’être tout à fait satisfait, parce qu'ilest difficile de croire à un vérilable progrès. A. Prenant, Professeur à l'Université de Nancy. ‘ Les Jahresberichte, les Ergebnisse, l'Année biologique ne remplissent qu'imparfaitement le desideratum, puisqu'ils ne nous donnent que des analyses et ne nous livrent les résultats des auteurs que sous le bénéfice de la confiance accordée aux analyseurs. H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 1099 DU ROLE DES PRÉOCCUPATIONS INDUSTRIELLES DANS LES PROGRÉS DE LA SCIENCE PURE Dans un article précédent de cette même Revue”, j'ai étudié l'influence de l'enseignement des Sciences pures sur les progrès de l'Industrie. Je voudrais aborder aujourd'hui une question en quelque sorte inverse : celle de la répercussion des préoccupa- tions industrielles sur les progrès de la Science pure. Mon but est de combattre le sentiment, aujourd'hui très général en France, que la Science pure doit rejeter loin d'elle toute préoccupation des applications pratiques, qu'elle doit s'isoler de l'in- dustrie comme d’une promiscuité compromellante. Tout notre enseignement scientifique est orienté dans cette direction fàcheuse, tous nos corps sa- vants sont imbus du même esprit. Un exemple entre mille servira à préciser cette siluation. Il ÿ à quelques années, un certain nombre d'industriels, groupés autour de Scheurer-Kestner, firent don à la Société Chimique de Paris d’une centaine de mille francs en vue de la création d'une Section de Chi- mie appliquée. L'argent fut bien acceplé: mais, après une courte tentative, le projet de créer celle Section dut être abandonné devant la résistance des membres de la Société, que ces questions pra- tiques laissaient, pour le moins, indifférents. Il n'y a pas de pays, aujourd'hui, où cet antago- nisme entre la Science pure et la Science appliquée soil aussi profond qu'il l’est en France; maisil n’en a pas été toujours ainsi. À la fin du siècle dernier, l'Académie des Sciences de Paris marchait à la tête du mouvement industriel; elle était consultée par les particuliers et les Pouvoirs publics sur toutes les applications de la Science. Il n’y a, pour s’en convaincre, qu'à lire les innombrables Rapports industriels de Lavoisier, qui forment les trois quarts des six gros volumes consacrés à la réimpression de ses OEuvres complètes. Ce rapprochemeut entre l’industrie et la Science a été extrémement fécond; les préoccupations d'ordre pratique, en maintenant forcément l'atten- lion tournée vers l'observation des phénomènes nulurels, obligent l'homme, en quelque sorte mal- gré lui, à voir les lois du monde matériel et à ne pas laisser son esprit se concentrer exclusivement, comme il est porté à le faire, sur ses propres ima- ginations. L'étude historique du développement des sciences est, à ce point de vue, très intéressante et peut mériter quelques instants d'attention. 1H. Le Career : Revue gén. des Sciences du 15 février 1898, t. IX, p. 98 et suiv. : Dans les siècles passés, la Géométrie estnée, per- sonne ne le contestera, du besoin de lever les plans exacts des propriélés et d’autres nécessilés sem- blables. Nous voyons, en effet, jusqu'au siècle der- nier, les Éléments d'Euclide entremêlés de méthodes pour l'arpentage des terres, le tracé des fortifica- tions. De même, la Mécanique est née du besoin des hommes de se construire des machines pour le transport des fardeaux ou pour la défense des places de guerre. L'exemple d’Archimède au siège de Syracuse est un souvenir historique trop connu pour yinsister. Le développement de la Physique théorique et celui de ses applications ont suivi {a même marche parallèle. Huygens et Fresnel sont aussi connus par leurs études pratiques sur la construclion des microscopes, des télescopes, des phares, que par leurs travaux d'Optique théorique. Nous devons nos connaissances les plus précises sur les propriétés générales des gaz aux études entreprises par Regnault pour perfectionner la ma- chine à vapeur. Cet appui mutuel de la Science pure et de la Science appliquée a été plus complet encore dans le cas de l'électricité, et c’est la raison des pro- grès inouïs de celte science depuis un quart de siècle. Tous les électriciens sont à la fois savants, industriels et commerçants, et tout d'abord le plus grand d’entre eux, Lord Kelvin, dont les brevets sont exploités par une Société industrielle ayant des agences dans tous les pays. La Chimie, de mème, et peut-être d’une façon plus évidente encore, est née de préoccupations pra- tiques : son premier développement s'est entière ment fait dans les officines des pharmaciens et dans les ateliers des fondeurs en mélaux. On peut se demander pourtant si le perfectionnement des méthodes rudimentaires de l'Alchimie, si le dé- veloppement magnifique de la Chimie moderne se sont poursuivis dans les mêmes conditions que la première éclosion de cette science. C’est la ques- tion que je voudrais discuter dans ces quelques pages. Les grandes étapes du développement de là Chimie moderne sont, en laissant de côté les tra- vaux des savants vivant encore aujourd'hui :. 1° L'institution de la Chimie pondérale et la dé- couverte de ses lois, avec la connaissance de la com- position de l’air et de l’eau, toutes dues au génie de Lavoisier ; 2° La découverte des principes fondamentaux de la science de l'Énergie, par Sadi-Carnot; 1100 H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 3° Celle de la dissociation, par H. Sainte-Claire- Deville ; 4° Et, enfin, la Microbiologie, par Pasteur. Les travaux de tous ces savants ont élé l’objet d’études et de publications assez nombreuses pour que l’on puisse déterminer avec quelque précision la filiation de leurs idées et reconnaître la part qu'y ont eue les préoccupations industrielles, I. — LAVoisiEr. Les OEuvres complètes de Lavoisier sont, comme nous l'avons déjà dit, composées, pour les trois quarts, d’études industrielles. Mais y avait-il simplement, par le fait de ses obligations profes- sionnelles, coexistence dans son esprit entre les préoccupations industrielles et les préoccupations scientifiques, ou bien corrélation directe et réelle entre ses différents travaux? L'ordre dispersé adopté dans la publication de ses OEuvres rend l'étude de cette question un peu pénible. Il est possible, cependant, d'arriver à un résultat très précis. Il faut commencer par rétablir l’ordre chronologique réel des différentes études, et ce n’est pas celui de leur publication, souvent long- temps différée ; il faut s'attacher, avant tout, à la lecture des Notices industrielles, beaucoup plus instruclives, au point de vue qui nous occupe, que celle des Notices purement scientifiques. Esprit philosophique, participant au mouvement des idées générales de la fin du xvin° siècle, il s’atta- chait, dans ses travaux de science pure, à diviser et à subdiviser toutes les questions, ne traitant dans chaque Mémoire que d'un seul objet et ne l’envisageant qu'à un seul point de vue. Cette mé- thode rend la lecture de ses Mémoires parliculiè- remenl facile et attrayante; mais, par contre, elle masque la filiation réelle des idées. Dans les études industrielles, d'un caractère nécessaire- ment synthétique, il embrasse les sujets dans tout leur ensemble, les examine sous toutes leurs faces et donne libre cours aux réflexions qu'elles lui ont suggérées. C’est là que l’on voit naîlre des idées scientifiques dont l’origine serait restée inconnue, si nous ne possédions que les publications défini- tives de Lavoisier. Voici, par exemple, une de ces indications : dans une étude sur la valeur mar- chande des cendres salpêtrées, ramassées par les chiffonniers et les cendriers, on lit : « … Je n'avais d'abord pour objet, en entreprenant ce travail, que de répéter pour ma propre instruction, sur la cendre des salpêtriers de Paris, ce que MM. Mon- tet, Venet el du Coudray avaient fait sur celle de lamarise, el je ne supposais pas qu'il pût en résul- ter rien qui méritât d'attirer l'attention de l'Acadé- mie, Mais, insensiblement, m'étant trouvé conduit à des résultats très inattendus et mon travail s'étant trouvé lié avec des faits intéressants relatifs à la théorie des doubles affinités, j'ai été obligé de le diviser en deux Mémoires. » Quel est le second Mémoire annoncé ici? Il se raltache certainement aux études de Lavoisier sur les sels: mais il m'a été impossible de trouver au- cune indication correspondante dans les Mémoires purement scientifiques. [l n'en est pas moins cer- tain qu'un Mémoire semblable a élé inspiré par une étude sur la valeur des cendres ramassées par les chiffonniers. Voici un second exemple, où l'enchainement successif des idées peut être suivi plus loin. Un volume entier des OEuvres de Lavoisier est consa- cré à des Notes résumant de nombreux voyages faits à travers la France en vue de la description minéralogique du pays et de la reconnaissance de ses richesses naturelles. Parmi ces Notes, il s’en trouve une de 1764 consacrée à la description des plâtrières de Paris. L'année suivante, en 1765, parait le premier Mémoire purement scientifique : il est consacré à l'étude de la forme cristalline et à celle de la composilion chimique du gypse. Iln'y est pas question des visites d'usines de l'année précédente; mais, qui voudrait se refuser à ad- mettre une corrélation entre ces deux faits? Parmi les recherches de Lavoisier, trois des plus imporlantes concernent : La composition de l’air et les phénomènes de combustion ; La composition de l’eau et la nature du gaz in- flammable ; Les études sur la chaleur. Nous allons, sur ces trois questions capitales, chercher à suivre la genèse des idées du fondateur de la Chimie. $ 1. — Composition de l'air et combustion. L'Académie avait, en 1764, mis au concours une étude sur les meilleurs systèmes de lanternes à employer pour l'éclairage des villes. Lavoisier en- voya, en 1766, pour ce concours, un Mémoire qui obtint une mention honorable. Il se borne, dans cette première étude, à diseuter « la construction des cages de lanternes, la figure la plus avanta- geuse des réverbères, les proportions les plus con- venables des réservoirs. » 4 Mais, dès l'introduction du Mémoire, il se préoc- cupe de la question de la combustion et il annonce l'intention de l’étudier ultérieurement plus à loi- sir : « … Quant aux expériences que je m'étais propo- sées sur les huiles et les matières combustibles, j'ai été obligé d'en remettre la plus grande partie à un autre temps. L'unique objet que je me propose étant de con- courir au bien de mes concitoyens, le terme fixé par l'Académie ne sera pas, pour moi, celui de leur ètre utile ». H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 1101 Dans les publications suivantes, il n'est plus question de malières combustibles proprement dites et l’on pourrait croire que Lavoisier s’en est momentanément désinléressé. Pour s'assurer qu'il n'en est rien, il suffit de se reporter à ses Notes de laboratoire, publiées par M. Berthelot. Dans un programme d'expériences inscrit en tête d'un de ses registres, le 20 février 1772, il conclut ainsi : « .… Les opérations par lesquelles on peut arriver à fixer de l'air sont : la respiration, la végétation, dans quelques circonstances la calcination, enfin quelques combinaisons chimiques. C’est par ces expériences que j'ai cru devoir commencer, » Dès cette époque, il a une idée nette de ce que doit être la combustion. Laissant provisoirement de côté les matières organiques, huile, suif, parce que leur combustion ne donne que des produits volatils d'une élude plus difficile, il s'adresse d’abord aux corps minéraux brûlant également avec flamme, comme le phosphore, le zinc, ou se transformant seulement lentement en chaux. Dans le courant de l'année 1772, il reconnait l'augmen- lation de poids du phosphore et la diminution cor- rélative de la quantité d'air. Même observation sur la calcination des mélaux et, en particulier, sur celle de l’étain. Dès le 1° novembre 1772, il s'était assuré la propriélé de celte découverte mémorable en déposant à l’Académie un pli cacheté relatant les résullats de ses expériences. .Il semble maintenant que l'on soit bien loin des réverbères; mais, en 1777, parait, après une série de Mémoires sur la calcinalion des Mélaux et la respiration des Animaux, une dernière Note, rela- tive, celle-là, à la combustion des chandelles. C'est elle qui clôt la longue série de recherches, sur la composition de l'air et les phénomènes de combus- tion, de respiration. Ces recherches sur les chan- delles ne sont pas, aux yeux de Lavoisier, une conséquence indirecte el peu importante de ses études antérieures. Elles ont, au contraire, dans ses préoccupations une place dominante : c’est, en effet, dans ce Mémoire que, non content de résu- mer l’ensemble des résultats acquis, il trace le programme de recherches nouvelles qui vont le conduire à la découverte de la composition de l’eau et à ses recherches magistrales sür la chaleur. Cette conclusion mérite d’êlre citée : Loutes les prévisions qu'il veut soumeltre au contrôle de l'expérience vont être reconnues fausses, et c’est de la reconnaissance de cette erreur que sortira l’une de ses plus grandes découvertes : « …. Je pourrais pousser beaucoup plus loin toutes ces conséquences; mais, je suis obligé de suspendre le développement de cette théorie jusqu'à ce que j'aie prouvé, d'une part, l'existence de la matière du feu dans les fluides aériformes, et que j'aie fait voir, d'autre part, comment on peut former l'acide crayeux aéri- forme en combinant l'air inflammable avec la base de l'air éminemment respirable. » Il croit donc à ce moment que l'acide carbonique (acide crayeux) résulte de la combustion de lhy- drogène. Il croit à la matérialité de la chaleur. Ce sont encore des expériences industrielles qui vont le mettre sur le chemin de la vérité. $ 2. — Composition de l’eau. Les premières études de Lavoisier sur l'eau re- montent au voyage qu'il fit à travers la France pour en dresser la statistique minéralogique. Partout, il se préoccupe de la nature et de la qualité des eaux, tant des eaux polables que des eaux minérales, mais surtout des premières. Il en donne la raison en tête d'un Mémoire sur les eaux de la Franche- Comté, rédigé vers 1768, c'est-à-dire antérieure- ment au commencement de ses travaux scienti- fiques : « … S'il est intéressant pour la société de connaître la nature de ces eaux salutaires, dont les effets surpre- nants ont élé tant de fois célébrés dans les fastes de la médecine, il ne l’est pas moins de conuaitre celles qui sont employées tous les jours pour les besoins de la vie. C'est d'elles, en effet, que dépendent la force et la santé des citoyens, et, si les premières ont quelquefois rappelé à la vie quelques têtes précieuses à l'Etat, ces dernières, en rétablissant continuellement l’ordre et l'équilibre dans l’économie animale, en conservent tous les jours un beaucoup plus grand nombre. L'examen des eaux proprement minérales n’intéresse donc qu'une petite porlion languissante de la sociélé, tandis que l'étude des eaux ordinaires intéresse la société tout eutière, et principalement cette partie active dont les bras sont, en même temps, et la force et la richesse d'un Etat. » Quelques années plus tard, des préoccupations pratiques autres que celle de la santé humaine le ramènent encore vers l'étude de la nature des eaux ; il s'agit, celte fois, de la santé des plantes, de leur végélation. On sait que les questions agricoles l'in- téressaient vivement ; il consacrait une part impor- tante de son temps à l’amélioralion de ses pro- priétés de Fréchiné, dans le Vendômois. On admettait alors, sur la foi d'observations mal interprétées, que les plantes se développent aux dépens de l’eau. Comment l’eau peut-elle donner naissance à tous les éléments que l’on rencontre dans les végétaux, aux cendres minérales, aux ma- tières empyreumatiques combustibles, à la base de l'acide crayeux ? Dans les recherches entreprises à cette époque, c'est-à-dire vers 1171, Lavoisier arrive à démontrer que les résidus minéraux que pré- sentent toutes les eaux naturelles ne sont pas un des constituants essentiels de l'eau : on les fait dis- paraître sans modifier d'une façon appréciable Les propriétés de l'eau, en distillant celle-ci dans des vases en métal inaltérable ; c'est donc, en réalité, le 1102 H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE sol qui fournit à l’eau, et, par son intermédiaire, aux plantes, les éléments minéraux. Il ne parvient pas, à cette époque, à reconnaitre dans la composition de l’eau l'existence d’un élé- ment combustible. C’est seulement onze ans plus tard, en 1783, qu'il observe la formation d’eau pure dans la combustion de l'hydrogène. Les impuretés de son hydrogène, en lui donnant de l’acide carbo- nique, de l'acide sulfureux, l'avaient jusque-là con- firmé dans l'opinion erronée que la combustion de l'hydrogène, comme celle du soufre, du phosphore, devait donner un corps acide. Quoi qu'il en soit, il conclut de cette expérience que l'eau n'est pas un corps simple, un élément, s'altaquant ainsi à un des fondements les plus solides de l'ancienne Chimie. Celle hypothèse est très vivement com- battue : c'est à qui proposera des interprétations différentes pour conserver à l'eau son ancienne simplicité. Lavoisier multiplie les expériences : il obtient de l’eau en réduisant les oxydes métalliques par le gaz inflammable. Mais,au fond, c’est toujours la même expérience, c'est, sous une autre forme, la synthèse de l’eau. Il faudrait faire l'analyse de celte eau, montrer que l’on peut en extraire l'hydrogène, et toutes les tentatives failes restent infructueuses. Cette preuve décisive est enfin donnée dans le Mé- moire classique sur la composilion de l’eau, que Lavoisier et le Commandant du Génie Meusnier présentèrent en 1784 à l’Académie. Mais, si nous n'avions que ce Mémoire, nous serions bien embar- rassés pour établir les circonstances précises qui accompagnèrent la découverte de l'analyse de l’eau. IL n'y est fait aucune allusion aux conditions sui- vantes, que nous trouvons, au contraire, men- lionnées lout au long dans un discours de rentrée prononcé par Lavoisier dans une séance publique de l’Académie : « … Tel était l'état de nos connaissances sur la dé- composition et la recomposition de l’eau, lorsque nous nous trouvàmes insensiblement engagés, M. Meusnier et moi, à reprendre cette question sous un autre point de vue, pendant l'hiver de 1783 à 1784. La commission dont nous fûmes chargés par l'Académie, d'après l’ordre du Roi, pour le perfectionnement des machines aéro- statiques, nous conduisait nécessairement à des recher- ches sur les moyens les plus économiques de faire de l'air inflammable en grand, etil était naturel que nous nous attachassions à le tirer de l'eau, où nous avions déjà de si fortes raisons de croire qu'il existait en grande abondance. « Le fer par voie humide m'ayant donné des signes d'une action non équivoque sur l’eau, nous résolûmes, M. Meusnier et moi, de suivre celte indication. « En faisant passer de la vapeur dans un canon de fusil rouge et incandescent, l’eau s’y décompose en entier etiln’en ressort aucune partie parl’ouverture inférieure du canon; le principe oxygène de l’eau s’y combine avec le fer, et le calcine, en même temps que le prin- cipe inflammable aqueux passe dans l’état aériforme. » définitivement La nature de l’eau était ainsi établie. Il n'y avait plus que quelques pesées à faire pour avoir la composition pondérale de l’eau, et cela fut fait de suite. $ 3. — Chaleur. Après avoir étudié au point de vue purement chi- mique le phénomène de la combustion, Lavoisier n'avail pas encore résolu d’une façon complète le problème qu'il s'était posé dans sa première étude sur les réverbères, et qu'il avait délimité à l’occa- sion de ses recherches postérieures sur les chan- delles. Il n'avait encore fait aucune étude du phé- nomène calorifiqué qui accompagne la combustion. Les circonstances dans lesquelles il se mit défini- tivement à l'étude sont indiquées en tête du Mé- moire où il relate ses expériences sur l’efet comparé des différents combustibles : « … L'Administration des Finances ayant désiré, en 1779, de connaître le rapport des droits imposés sur les différents combustibles, j'ai été obligé, pour satis- faire aux différents éclaircissements qui m'étaient de- mandés, de faire quelques expériences sur les effets comparés des bois. Comme elles peuvent être de quelque utilité pour les arts, je crois devoir en rendre compte à l'Académie et les consigne dans ses Mé- moires, » Aucune recherche ne peut avoir un but plus terre à terre, plus pratique que celle-là. Les pro- cédés mis en œuvre n'ont pas un caractère plus scientifique : le pouvoir calorifique comparatif est déterminé en pesant la quantité d’eau évaporée dans une même chaudière par des poids égaux des différents combustibles. Ce Mémoire est publié en 1781 ; or, en 1780, Lavoisier et Laplace avaient commencé leurs expériences avec le calorimètre à glace. Il est bien difficile de supposer que le rap- prochement de ces deux séries de recherches théoriques et pratiques a élé purement fortuit. C'est certainement l'imperfection de la chaudière comme appareil calorimétrique qui a conduit La- voisier à la découverte d'une méthode dont la pré- cision toute scientifique n’a pas été dépassée au- jourd’aui. Vers la même époque, Lavoisier et Laplace poursuivaient ensemble leurs recherches, non moins célèbres, sur la dilatation des corps solides. Dans ce cas, ils ne dissimulent pas les préoccupa- tions praliques qui les ont sollicités; bien au con- traire, ils les développent tout au long en tête de leur Mémoire : « … La propriété qu'ont les corps d'occuper un vo- lume différent, suivant le degré de température auquel ils se sont élevés, est un obstacle qui se rencontre presque à chaque pas dans la Physique et dans la pra- tique des arts, toutes les fois du moins que l’on veut arriver à un grand degré de précision. Ces difficultés n’ont pas seulement lieu à l'égard des solides; elles sout plus grandes encore à l'égard des liquides, car ces bé. H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 1103 derniers, ne pouvant garder leur forme par eux- mêmes, et devant être contenus dans des vases ou des capacités quelconques formées de matières solides, les observations qui ont été faites jusqu'ici sur leur dilata- bilité ne présentent que des résultats mixtes, dans les- quels se compliquent, et la dilatation du vase et celle du fluide qui y est contenu. « Les machines dont nous nous servons pour me- surer le temps, et de l'exactitude desquelles dépend la perfectibilité de l’Astronomie, sont également assujet- ties à des variations qui dépendent de la dilatabilité des corps. Ces considérations, et beaucoup d'autres qu'il serait trop long de détailler, nous ont fait sentir, dès 1781, à M. Laplace et à moi, combien il serait im- portant de faire une suite d'expériences exactes sur la dilatabilité des substances qui s’emploient le plus com- munément dans les arts et la Physique, telles que le verre et les métaux. » On pourrait continuer longtemps ainsi l'histo- rique des différentes circonstances qui ont pro- voqué les recherches théoriques de Lavoisier; elles ont toujours eu pour objet explication d'un phé- nomène d'une ulililé incontestable. Les chimistes, ses contemporains ou ses succes- seurs, Berthollet, Gay-Lussac, Thénard, qui ont contribué avec lui à la fondation de la Chimie mo- derne, avaient exactement la même tournure d’es- prit pratique. Toujours préoccupés des applications utiles de la Science, ils ont laissé leur nom à des perfectionnements de l'Industrie chimique, en même temps qu'à des lois générales d'une haute portée scientifique. II. — SAvI-CARNOT. En suivant l'ordre chronologique, la première découverte, après celles de Lavoisier, qui ait été le point de départ, bien lointain il est vrai, d'une im- portante évolution dans le domaine de la Chimie, a été l’immortel ouvrage de Sadi-Carnot sur la Puissance motrice du Feu. La Thermodynamique en est découlée, et de la Thermodynamique est née la Mécanique chimique moderne, Nous ne pos- sédons pas, sur Sadi-Carnot, de documents aussi nombreux que sur Lavoisier; sa biographie même a élé à peine esquissée. Mais, il n'y a pas besoin de recherches bien longues pour être renseigné sur les préoccupations industrielles qui l'ont guidé. Il n'y a qu'à lire les trois pages par lesquelles dé- butent les Zé/lexions sur la puissance motrice du Feu et sur les machines propres à développer celte puissance : « Personne n'ignore que la chaleur peut être la cause du mouvement, qu'elle possède même une grande puissance motrice. Les machines à vapeur, aujourd'hui si répandues, en sont une preuve parlante à tous les yeux. « C'est à la chaleur que doivent être attribués les grands mouvements qui frappent nos regards sur la Terre. C’est à elle que sont dues les agitations de l’at- mosphère, l'ascension des nuages, la chute des pluies et des autres météores, les courants d’eau qui sillon- nent la surface du Globe, et dont l'homme est parvenu à employer pour son usage une faible partie, enfin les tremblements de terre; les éruptions volcaniques re- connaissent aussi pour cause la chaleur. « C'est dans cet immense réservoir que nous pou- vons puiser la force mouvante nécessaire à nos besoins. La Nature, en nous offrant de toutes parts le combus- tible, nous a donné la faculté de faire naître, en tous temps et en tous lieux, la chaleur et la puissance mo- trice qui en est la suite. Développer cette puissance, l’approprier à notre usage, tel est l’objet des machines à feu. « L'étude de ces machines est du plus haut intérêt; leur importance est immense; leur emploi s'accroît tous les jours; elles paraissent destinées à produire une grande révolution dans le monde civilisé. « Déjà, la machine à feu exploite nos mines, fait mouvoir nos navires, creuse nos ports, nos rivières, forge le fer, faconne le bois, écrase les grains, file et ourdit nos étolfes, transporte les plus pesants far- deaux, etc. Elle semble devoir un jour servir de moteur universel et obtenir la préférence sur la force des ani- maux, les chutes d'eau et les courants d'air. Elle a, sur le premier d2 ces moteurs, l'avantage de l'économie, sur les deux autres l'avantage inappréciable de pouvoir s’employer en tous temps et en tous lieax, et de ne jamais souffrir d'interruption dans son travail. » Pendant plusieurs pages encore, Sadi-Carnot continue à développer ces considérations prali- ques : il montre les services que les machines à feu ont déjà rendus à l'Angleterre, et il cherche à prévoir les services, beaucoup plus grands encore, qu'elles sont appelées à rendre à l'humanité tout entière. Et c'est de ces préoccupations inléressées qu'est sortie la plus ‘parfaite des sciences édifiées par les hommes, celle qui, par sa généralité el ses abstraclions, peut être considérée comme la science pure par excellence, modèle dont tendent à se rapprocher, sans jamais arriver à l'égaler, toutes les théories scientifiques. Celle préface utilitaire n'est pas une simple entrée en matière, dont il ne sera plus question ensuile, une concession faite aux goûts de l'époque. Après avoir édifié toute la théorie de la production de la puissance motrice aux dépens de la chaleur, Sadi-Carnot revient aux applications, qui l'intéres- sent avant tout. Les dix dernières pages de son Mémoire, qui en contient soixante en tout, sont consacrées à la discussion et à la comparaison des différents types de machines à vapeur en usage : machines à haute pression et à basse pression, machines de Woolf, à deux cylindres, machines à air, machines à alcool, elc. Et il conclut son Mé- moire par une petite dissertation sur le sens pra- tique en industrie, que bien des praticiens pour- raient méditer avec profit : « … On ne doit pas se flatter de mettre jamais à profit toute la puissance motrice des combustibles. Les tentatives que l’on ferait pour approcher de ce résultat seraient même plus nuisibles qu'utiles, si elles faisaient négliger d'autres considérations impor- tantes. L'économie du combustible n’est qu'une des. conditions à remplir par les machines à feu; dans beaucoup de circonstances, elle n’est que secondaire, 110% elle doit souvent céder le pas à la sûreté, à la solidité, à la durée de la machine, au peu de place qu'il lui faut occuper, au peu de frais de son établissement, etc. Savoir apprécier, dans chaque cas, à sa juste valeur, les considérations de convenance et d'économie qui peuvent se présenter, savoir discerner les plus impor- tantes de celles qui sont seulement accessoires, les balancer toutes convenablement entre elles, afin de parvenir, par les moyens les plus faciles, au meilleur résultat, tel doit être le principal talent de l'homme appelé à diriger, à coordouner entre eux les travaux de ses semblables, à les faire concourir vers un but utile, de quelque genre qu'il soit. » On pourra faire remarquer que les dévelop- pements de la science de l'Énergie ont suivi une tout autre voie que celle qui a conduit à sa découverte première. Cetle stience est devenue le domaine à peu près exclusif des mathématiciens ; mais, développer n’est pas créer, et, d'autre part, il n’est pas prouvé que l'intervention de Clausius n'ait pas retardé d’un demi-siècle l'épanouissement complet de la découverte de Sadi-Carnot. III. — IT. Sainte-CLAIRE-DEVILLE. Pour passer de la théorie des machines à feu à la mécanique chimique, il restait encore un grand chemin à parcourir : il fallait reconnaitre la réver- sibililé des phénomènes chimiques; c’est à M. H. Sainte-Claire-Deville qu’en revient l'honneur. Il est essentiel, au point de vue de l'historique de celte découverte, de distinguer, — ce que l’on ne fait pas habituellement, — deux stades dans le développement des idées de son auteur, de se ren- dre compte qu'il a successivement donné au même mot de dissocialion deux sens essentiellement différents. Dans une conférence faile, en 1859, devant la Société de Genève, il s'exprime ainsi : « … La force répulsive de la chaleur ne produit pas seulement des phénomènes chimiques: on la montre tantôt venant en aide à l'affinité, comme dans la com- binaison des gaz, tantôt en détruisant les effets, comme dans la décomposilion des oxydes d'or, des oxydes d'argent, du chlorure d'azote, de l’ammoniaque, elc, etc., ce qui constitue bien le phénomène de disso- cialion ». Le mot de dissocialion est ici synonyme de décomposition, et aucun des exemples cités ne rentre dans la catégorie des véritables phénomè- nes de dissociation, c’est-à-dire des réactions réversibles, suivant le sens que IH. Sainte-Claire- Deville à finalement laissé à ce mol. Il continue ensuite : « .… Mais il faut ajouter que la dissociation s'observe également dans certains corps dont les éléments désu- nis à haute température peuvent se combiner de nou- veau à une température plus basse ». I n'y a encore là rien de nouveau : on savait, par exemple, depuis Lavoisier, que la pierre à H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE plâtre perd son eau par la chaleur et que la com- binaison de l'eau avec le plâtre cuit se reproduit à la température ordinaire pendant le durcissement du mortier. Deville continue : « .…. On n'avait pas encore observé ces phénomènes. d'une facon générale, parce qu'ils ne laissent aucune trace lorsqu'on revient aux conditions de température « au milieu desquelles se termine forcément toute expé- rience tentée avec le feu et les appareils ordinaires de la Chimie. La plupart du temps, on ne peut reconnaitre la dissociation qu'en ayant recours à un appareil spécial ». C'est là, à cette époque, la seule idée nouvelle impliquée dans le mot de dissociation, la fréquence plus grande qu'on ne le supposait des phénomènes renversables, dont on connaissait cependant déjà de si nombreux exemples. C'est un acheminement, si l’on veut, vers la réversihilité, mais ce n’est pas la réversibilité. Il n’est pas encore fait mention de l’analogie complète entre le phénomène physique de vaporisalion et celui de dissocialion. Pour passer de la nolion, bien connue, des réactions renversables à celle, entièrement nouvelle, des réactions réversibles, il y avait un pas immense à franchir, un effort intellectuel considérable à fournir. Voyons dans quelles conditions cet effort a élé fourni; et, pour cela, ouvrons une parenthèse. A cette époque, vers 1860, Sainte-Claire-Deville et Debray avaient, depuis plusieurs années déjà, en- trepris leur étude capitale sur la métallurgie du platine. Dans une conférence faite, en 1861, devant la Société Chimique, Debray rend compte en ces termes des motifs qui les avaient poussés à entre- prendre ce travail : : « .… Le platine des vases, mis hors de service par une cause quelconque, ne vaut pas plus que le minerai lui-même par suite de la dépréciation que subit le métal. Elle est telle qu'un de ces vases, du prix de 80.000 francs, dans lequel on concentre chaque jour 4.000 kilogrammes d'acide sulfurique, n’est plus vendu que 50.000 ou 60.000 francs quand il est mis hors de service, ce qui arrive d'ailleurs assez souvent. « On comprendra alors les raisons qui nous ont engagés, H. Ste-Claire-Deville et moi, à chercher des méthodes de fusion du platine, ainsi que le moyen de traiter les minerais par voie sèche. Nous avons supposé que la solution d’un tel problème, en supprimant la cause de déprécialion que subit la valeur du platine, permettrait d'étendre le cercle trop restreint des appli- cations d’un métal précieux à tant de titres et beau- coup moins rare qu'on ne le croit communément, » Ce sont là des préoccupations bien industrielles, accentuées encore par de nombreuses prises de brevets. Mais quel rapport ont-elles avec la disso= ciation ? Continuons à citer l'introduction de la lecon de Debray : «… Chercher des méthodes de traitement du platine par voie sèche, c'est, en définitive, chercher le moyen de produire des hautes températures pour les appli= N | H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE 1105 quer à un but spécial; aussi me proposerai-je, dans la première partie de cette leçon, d'examiner avec vous les principes généraux qui peuvent guider les chimistes dans cette étude; je montrerai ensuite qu'ils sont par- faitement d'accord avec ce qu'indique la pratique, en faisant fonctionner devant vous les appareils que nous avons imaginés pour fondre et couler des quantités pour ainsi dire illimitées de platine. » Puis, Debray développe son calcul bien connu sur la température de la flamme du chalumeau oxhy- drique, qui assigne à cette température la valeur de 6.800°. 11 donne, en même temps, les résultats d’une série d'expériences très bien faites sur le point de fusion du platine, et le fixe aux environs de 2.000°. Debray ne parait pas s'étonner de la disproportion énorme qu'il trouve ainsi entre la température calculée pour le chalumeau oxhydri- que et celle observée pour la fusion du platine. Mais, cette contradiction avait frappé Sainte- Claire-Deville et c’est elle qui l'a conduit à la notion précise de la dissociation réversible. Se trouvant tous les jours, pendant ses expériences sur le platine, remis malgré lui en présence de la même difficullé, sa pensée était constamment ramenée sur le même fait et obligée d'en chercher l'explication. Dans ses deux lecons sur la dissocia- tion, professées en 1864 devant la Société Chimique el qui sont restées classiques, on trouve le résul- tat final de l’évolution de ses idées sur cet impor- tant sujet. Prenant comme point de départ et reproduisant le calcul de Debray, il oppose à ce résultat théorique le résultat expérimental que lui ont donné des mesures de la quantité de chaleur contenue dans le platine porté à la plus haute température que peut donner le chalumeau oxhy- drique, et il s'exprime ainsi : « .… D'après ces expériences, on peut affirmer que la température de combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène à équivalents égaux n'excède pas 2.500°. » Sans suivre les développements assez obscurs qui accompagnent cette expérience, arrivons tout de suite au résultat. H. Sainte-Claire-Deville attribue cet écart entre la température observée et a tem- pérature calculée à la dissociation de la vapeur d'eau. À celte occasion, il affirme pour la pre- mière 1ois la réversibilité et cherche même à en démontrer la nécessité par un raisonnement à priori qu'il vaut mieux passer sous silence, Voici le commencement du passage en question : « … Dans les développements qui précèdent, j'ai admis implicitement que le point fixe de la combinaison de l'hydrogène et de l'oxygène et le point fixe de la décomposition de l'eau sont identiques, comme les points fixes d'ébullition et de condensation. Il est im- possible de concevoir qu'il en soit autrement, surtout si l'on considère que la chaleur représente un mouve- ment et que le carré de la vitesse avec laquelle vibrent les molécules'en exprime l'intensité ou la valeur ther- mométrique. « L'action étant égale à la réaction dans fout pro- blème de Mécanique, on pourra ou admettre la propo- sition, ou la démontrer comme suit, » Sautons la prétendue démonstration, et arrivons à un énoncé plus précis encore de la réversibilité : « .… En somme, tous ces raisonnements se fondent sur ce que la transformation de la vapeur d’eau en un mélange d'oxygène et d'hydrogène est un véritable changement d'état correspondant à une température fixe et que cette température est la même quand on passe d'un état à un autre, dans quelque sens que se fassent les changements. » Sur celte simple affirmation, non démontrée, s'est élevée une nouvelle branche de la Chimie: c'est la métallurgie du platine qui en a élé l'occa- sion el qui a fourni au génie de H. Sainte-Claire- Deville les aliments indispensables pour manifester sa puissance, comme l'avaient fait pour Lavoisier les innombrables opérations industrielles aux- quelles ses fonctions l'obligeaient de s'intéresser. IV. — PASTEUR. On comptera certainement, au nombre des plus grandes découvertes du xiIx° siècle, dans un domaine empiétant un peu sur celui de la Chimie, la création de la Microbiologie, due aux travaux de Pasteur. Ici, l'intervention des préoccupations prati- ques est évidente, Pasteur, dans tous ses Mémoires, la proclame presque à chaque ligne. Fils d'un petit tanneur d'Arbois, il ne s'était pas désintéressé, pendant son séjour à l'Ecole Nor- male, des travaux de la maison paternelle, comme le montrent les recettes perfeclionnées sur le tan- nage des peaux qu'il engage les siens à essayer. Cependant, à sa sortie de l'Ecole Normale, Pasteur avait débuté par des travaux de Crislallographie d’un caractère purement scientifique. Ses études sur l'acide tarlrique, cerlainement très remarqua- bles, n'auraient pas suffi pourtant à faire passer son nom jusqu'à une postérité bien reculée. Mal- gré le grand retentissement qu'elles eurent au moment de leur publication, elles ont aujourd'hui un peu perdu de leur intérêt. Sa gloire incontes- table date de ses recherches visant des buts prati- ques : Fabrication du vinaigre, traitement des maladies des vins et des vers à soie, fabrication de la bière, mesures prophylactiques contre les épidémies charbonneuses, vaccination contre la rage, etc. Ces questions s'éloignent un peu du domaine de la Chimie. Il suffira de les mentionner ici el de renvoyer, pour le reste, à l'ouvrage de M. Vallery-Radot, qui donne une idée si nelte de l'enchainement scientifique des idées de Pasteur, etmontre le rôle qu'a joué dans leur développement sa préoccupation conslante de travailler à des étu- des utiles à ses concitoyens. 1106 H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE Je me contenterai de rappeler ici l’origine des recherches sur la fermentalion alcoolique. Pasteur Lerminait ses études sur l'acide tartrique, quand il fut envoyé comme professeur à la Faculté des Sciences de Lille, qui venait d’être fondée et dont il devint bientôt le doyen. Le Ministre de l'Ins- truction publique, en lui confiant ce poste, lui explique ce que l’on attend de lui: il ne s'agit pas tant de donner un enseignement scientifique très élevé à des auditeurs encore problématiques que d'attirer vers la nouvelle Faculté de nombreux auditeurs. Et, à ce sujet, on n’est pas sans quelques inquiétudes, dans un pays où les préoccupations industrielles très intenses ne laissent peut-être pas grand temps pour penser à la Science. Voici ce que le Ministre lui écrit : « … Que M. Pasteur se tienne cependant toujours en garde contre l'entrainement de son amour pour la Science, et qu'il ne perde pas de vue que l'enseigne- ment des Facultés, tout en se maintenant à la hauteur des théories scientifiques, doit néanmoins, pour pro- duire des résultats utiles et étendre son heureuse influence, s'approprier les plus nonibreuses applicalions aux besoins réels du pays auquel il s'adresse. » Fidèle à la consigne, Pasteur se met aussitôt en relation avec les industriels, il organise des visites d'usines pour ses élèves, et se met à étudier les applications de la Science avec l’ardeur qu'il avait consacrée jusque-là à la Science pure. C’est dans ces condilions qu'il fut amené à étudier la fermentation alcoolique. J'emprunte la citation suivante à M. Vallery-Radot : « … Dans l'été de 1856, un industriel de Lille, M. Bigo, dont l'usine était située rue d'Esquermes, avait éprouvé celte année-là, comme beaucoup d’autres, de grands mécomptes dans la fabrication de l'alcool de betteraves. 11 vint demander conseil au jeune doyen. La perspective de rendre service, de communiquer le résultat de ses remarques aux nombreux auditeurs qui se pressaient dans l’étroit amphithéätre de la Faculté, d'observer minutieusement les phénomènes de la fer- mentation, qui le préoccupaient à un si haut degré, fit accepter à Pasteur ces demandes d'expériences. Presque chaque jour, il faisait des stations prolongées à l’usine de la rue d'Esquermes. De retour au laboratoire, où il n'avait à sa disposition qu'un microscope d'étudiant et une étuve des plus sommaires, chauffée au coke, il examinait les globules dans le jus de fermentation, il comparait le jus de betterave filtré et non filtré, il se livrait à des hypothèses qui le stimulaient, sauf à les abandonner dès qu'un fait s’imposait... Il arrive enfin à constater au microscope que les globules étaient ronds quaud la fermentation était saine, qu'ils s’allongeaient quand l’altération commençait, et qu'ils étaient allongés tout à fait quand la fermentation devenait lactique. Cette méthode très simple nous permit, dit le fils de M. Bigo, d'éviter les ennuis de la fermentation qu'on avait fréquemment jadis. » Et cette étude industrielle a été le point de départ d’une des plus belles découvertes du siècle qui vient de finir, V. — AUTRES EXEMPLES. La même démonstration pourrait être conlinuée en s'adressant à des travaux scientifiques d’impor- tance moindre, mais qui ont cependant contribué au plein épanouissement des sciences dont nous venons d'étudier la naissance. On pourrait, par exemple, montrer le rôle qu'ont aujourd’hui les laboratoires métallurgiques dans les progrès de la Chimie. C'est d'eux que sont sorties nos connais- sances les plus précises sur les combinaisons mu- tuelles des métaux, sur les solutions solides, etleur rôle est loin d’avoir été négligeable dans les progrès de la Mécanique chimique. Pendant ce temps, un trop grand nombre de laboratoires scientifiques, fidèles observateurs de la tradition, s'arrêtent à répéter indéfiniment les mêmes expériences ou à discuter, après tous les philosophes de l'Antiquité et du Moyen-Age, sur la constitution intime de la matière. Mais il faut se borner, et je m'arrêterai là. NI. — ConcLusIoNs. Quelle conclusion doit-on tirer de cetteétude? Il en faut une, car tout effort doit avoir un but. Per- sonne cerlainement n'aurait la folle prétention de tracer un programme aux génies qui pourront en- core, dans l'avenir, bouleverser nos connaissances par quelque nouveau saut en avant; le génie ne s'organise pas. Mais il est permis de penser qu'une méthode de travail si précieuse pour les grands esprits ne serait peul-être pas mauvaise pour les esprits de plus petite envergure. N'y aurait-il pas lieu de Lirer parti de cette action bienfaisante des préoccupations pratiques pour en faire profiter notre enseignement? On dit, et cela avec beaucoup de raison, que l’enseignement scientifique fausse parfois le jugement, qu'il donne une tournure d’es- prit exactement opposée à ce que l’on appelle le sens pratique, qu'il prépare insuffisamment à la lutte pour l'existence. Si celte méthode analytique est indispensable pour la découverte des lois naturelles, elle n’est pas moins nécessaire pour leur enseignement, et personne ne voudrait renoncer au point de vue abstrait qui prédomine aujourd'hui dans l’ensei- gnement scientifique. On ne peut nier cependant que cette habitude, donnée à l'esprit par une édu- cation longtemps prolongée, de ne jamais envisager les faits que par un seul point de vue à la fois, pré- sente, en regard de ses avantages, de très sérieux inconvénients. On se laisse facilement aller à attri- buer aux phénomènes réels et complexes une sim- plicité absolument contraire à la vérité. Dans leur étude, on les envisagera par un seul côté, qui ! souvent ne sera pas le plus important, mais celui mie aout vs H. LE CHATELIER — L'INDUSTRIE ET LES PROGRÈS DE LA SCIENCE PURE sur lequel l'attention aura été le plus fortement fixée par des circonstances accidentelles. C'est ainsi que l'impression profonde laissée par l'enseignement de la Mécanique rationnelle, qui reçoit un déve- loppement exceptionnel en raison du degré de perfection auquel celte science est arrivée, con- duira trop souvent les conslructeurs à faire abstraclion des qualités des métaux qu'ils em- ploient. Ou bien encore, dans le choix d'une machine thermique, oubliant les conseils si sages donnés par Sadi-Carnot, on ne se préoccupera que du rendement théorique de la machine, en ignorant toutes les considérations si imporlantes à faire entrer en ligne de compte, qui se rapportent au frottement, à la facilité d'entrelien, ele. On pourrait atténuer dans une large mesure cette iufluence désastreuse de l’enseignemeut scienti- fique abstrait et analytique en le faisant suivre et même en l’accompagnant d’un enseignement con- cret et synthétique, c'est-à-dire en faisant l'applica- tion à quelques phénomènes réels, soit naturels, soit industriels, des notions scientifiques acquises dans la première partie de l’enseignement. 11 n’est pas question ici, bien enlendu, de réintroduire dans les traités didactiques de Chimie les préten- dues notions pratiques qui les ont trop longtemps encombrés. On intercalait à tort et à travers des recettes empiriques sur la Chimie analylique, la Métallurgie, qui déconcertaient les élèves par leur contradiction absolue avec les notions scientifiques qu'elles coudoyaient et qu'elles semblaient sur tous les points convaincre d’inexaclitude. Il ne s'agit pas d'introduire dans la mémoire quelques connaissances soil disant pratiques, mais simple- ment de faire comprendre en quoi consistent les problèmes d'ordre pratique et de laisser entrevoir la méthode qui peut être appliquée à leur étude. Le sens pralique est, en effet, cette tournure d'esprit qui, du premier coup d'œil, vous fait voir dans un phénomène donné quelles sont loutes les circonstances si variées dont il dépend et vous fait rapidement discerner celles qui aurontune influence prépondérante sur le résultat cherché. Par exemple, dans une usine, devant un four qui chauffe mal, on pensera à la fois aux causes possibles suivantes : mauvaise qualilé du charbon, conduite défectueuse au feu par le chauffeur, insuffisance du tirage due à une obstruction des passages de fumée, rentrée d'air par des fissures des maçonneries, action du vent sur la cheminée, etc. Mais, dès le premier instant, on se préoccupera de la composilion de l’at- mosphère du four, on fera tout de suite une analyse des fumées, parce que c'est, avant tout et presque exclusivement, de cette composition que dépend la température obtenue. Si, au contraire, on manque de sens pratique, on se figurera à priori que c'est 1107 une (quelconque des causes accessoires mentionnées plus haut qui est en jeu, par exemple la qualité du charbon, et, pendant des jours, des semaines, on s'entêtera à varier la nature des charbons em- ployés, sans obtenir aucun résullat. Pourquoi l’enseignement actuel ne développe- til pas cet esprit pratique, qui n'est qu'une des formes du bon sens, el comment pourrait-il le faire ? Les phénomènes nalurels sont infiniment nombreux, et, si l'on voulait les éludier directe- ment, on ne pourrait y arriver que pour une pro- portion relativement bien faible d'entre eux. Mais l'on a remarqué, et c’est là le point de départ de toutes les sciences, que les phénomènes naturels complexes ne sont que la résultante d'uné série de phénomènes élémentaires relativement peu nom- breux et d’une nalure beaucoup plus simple. En ne considérant rels, qu'un seul point de vue à la fois, el faisant abstraclion de tous les autres, on à créé une série de sciences particulières, relatives à ces différents points de vue : Chaleur, Electricité, Chimie, ete. IL suffit ensuite de combiner de loutes les façons pos- sibles les différents sciences nous donnent la connaissance pour arri- ver indirectement à la connaissance complète des phénomènes naturels, et de le faire d’une façon beaucoup plus rapide que ne l'aurait permis leur étude directe. Supposons, par exemple, que l’on choisisse le haut-fourneau : il est tout à fait inutile de détailler les profils, les dimensions, les compositions des lits de fusion et autres détails semblables. Mais on s’attachera à montrer le rôle des phénomènes chi- miques et, en particulier, celui des équilibres si curieux qui se produisent au sommet du haut-four- neau lors de la dissociation de l’oxyde de carbone, vers la partie moyenne pendant la réduction de l'oxyde de fer, et vers le bas dans les échanges qui se font entre le métal et le laitier fondu. Puis, abordant le rôle de la science de l'Énergie, on mon- trera comment la puissance motrice disponible dans le charbon est utilisée pour séparer le fer de l'oxy- gène, en discutant les causes des pertes énormes résultant soit du refroidissement par les parois, soit de l'énergie emportée par les fumées, et, à cette occa- sion, on passera en revue les procédés multiples employés pour récupérer cette dernière perte. Ce sera ensuite le tour de la mécanique des fluides, qui intervient dans la circulation de l'air par les tuyères, à travers les malières en pelits fragments qui rem- plissent le four. Il y aura à faire entrer en ligne de compte la nécessité d’avoir une enveloppe pour le four, en indiquant les complications de toute nature qu'entraine la présence des parois du four en raison de certaines de leurs propriétés physi- ainsi, dans les phénomènes natu- faits élémentaires dont ces 1108 ques. Puis, on passera en revue quelques-uns des innombrables phénomènes accidentels qui jouent un si grand rôle dans le succès de toute opération industrielle, par exemple la présence des impu- retés soufre et phosphore qui passent dans la fonte ou celle des poussières entraînées par les gaz. Ce sera ensuite le tour de l’utilisation des sous-pro- duits, par exemple celle des laitiers servant à la fabrication des pavés artificiels et du ciment, utili- sant ainsi tantôtleurs propriétés mécaniques, lantôt leus propriétés chimiques. Enfin, il est indispensa- ble de donner quelques idées sur le prix de revient, sans la considération duquel les raisons d’être de tous les dispositifs employés dans l’industrie sont incompréhensibles. Pourquoi, sans cela, quand on veut avoir du fer pur, commencer par préparer une GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE matière aussi impure que la fonte? Cela semble une absurdité. Deux ou trois exemples semblables, convenable- ment choisis, suffiraient pour montrer comment on doit mettre en œuvre les différentes sciences abstrai- tes que l'on a passé de si longues années à s’assimiler et qui semblent souvent ensuite impropres à tout usage. Cette proposition de faire accompagner l’ensei- gnement de sciences abstraites et analytiques par un enseignement concret et synthétique n'a, d’ail- leurs, rien de bien nouveau: c'est, à peu de chose près, ce que Lavoisier avait déja proposé il y a plus d'un siècle. H. Le Châtelier, Ingénieur en Chef des Mines, Prufesseur de Ghinie minérale au Collège de France. L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE On sait qu’au moment de notre prise de posses- sion du sol tunisien, nous avons pris l'engagement formel de respecter les contrats antérieurement passés entre le Bey et les Puissances étrangères. Bénéficiant de cette clause du traité de Kassar-Saïd (12 mai 1881), l'Italie a pu, pendant quinze ans, con- server el même développer toutes les institutions qu'elle avait fondées dans la Régence. En 1896, toutefois, de nouveaux actes diplomatiques passés entre les gouvernements de Rome et de Paris ont ramené à de plus justes proportions les droits de l'Italie et de la France dans la Régence, en consa- crant définilivement cerlains privilèges réclamés par la nation protectrice, à l'exclusion de toute autre Puissance. Du coup disparurent les postes ilaliennes. L'émotion ressentie par la bourgeoisie italienne de Tunisie fut très vive, mais atténuée cependant par la perspective de conserver, long- temps encore, des écoles nationales fonctionnant en dehors de l’organisation universitaire créée par la France. Tous les efforts de nos voisins tendent, depuis lors, à maintenir en élat de prospérité leurs institutions scolaires de la Régence, dernier rem- part de l'ifalianilé. Au moment même où un groupe important de la colonie italienne de Tunis vient de fonder une université populaire, il ne sera pas indifférent au public scientifique français d'avoir quelques renseignements sur la manière dont fonctionnent, parallèlement à la Direction de l'Enseignement public de la Régence, les écoles entretenues là-bas, à grands frais, par le royaume d'Italie. C'est en 1831 que M. Pompée Sulema, émigré politique livournais, venu à Tunis avec sa sœur Esther, ouvrit dans cette ville la première école italienne, où furent aussitôt inserils 15 garçons et 7 filles. Sulema réussit à mériter, en peu de temps, la confiance des familles européennes et vit accourir dans son école plus d'élèves qu'il ne pou- vait en espérer. Il se décida alors à s'associer à un Français, l'abbé Bourgade, qui prit la direction de l'établissement et put l'agrandir grâce à une subvention du roi Louis-Philippe. Le fond de l’en- seignement était l'ilalien, mais on donnait quel- ques notions de français, d'arabe et les premiers éléments du latin et du grec ‘. Cependant, lesIsraélites éprouvaient une certaine aversion à envoyer leurs fils dans une institution dirigée par un prêtre. Pour calmer leurs appréhen- sions, M. Morpurgo ouvrit, en 1840, avec le con- cours de MM. Salone et Luisada, une nouvelle école élémentaire, deslinée surtout aux Israélites. Les choses restèrent en l’état jusqu'en 1863, époque où M. Gambarotta, consul d'Italie, employa ses efforts à doter la colonie de Tunis d'une école convenable- ment installée. L'intervention de ce fonctionnaire était la conséquence de la circulaire adressée, peu de temps auparavant, par le ministre des Affaires étrangères du jeune royaume d'Ilalie à tous les consuls du Levant, pour attirer leur attention sur 4 GT Ltaliani in Tunisi, Roma, 1899. GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE D £lles servent, disait-il, à ré- -pandre une instruction pratique et réglée selon les circonstances particulières, et maintiennent dans | nos colonies l'esprit national, en empéchant les - émigran(s italiens, à mesure que les générations se * succèdent, de se détacher peu à peu de la patrie. - A peine est-il besoin d'ajouter qu'en s'ouvrant “aussi aux jeunes gens des autres nations el aux - indigènes, ces institutions sont un légitime moyen d'influence morale *.… Le ministre lerminait en assuranl qué le Gouver- nement royal était décidé à venir en aide à toutes les - entreprises privées ayant pour but de fonder des écoles. Il prescrivait, en conséquence, une vaste enquête sur les établissements d'instruction dans le Levant. Fort de l'appui de son Gouvernement, M. Gam- barolta obtint du bey Mohammed-Es-Saddok la con- cession d'un terrain à Tunis, sur lequel fut bâtie une école, inaugurée le 4 janvier 1864 en présence des notables de la colonie italienne. Elle prit le nom de Collegio italiano, et la direction en fut confiée à M. Natia, aidé de MM. Sulema, Onetto et Luisada, instituteurs italiens. Le Gouvernement italien ac- corda au nouvel élablissement une subvention annuelle. En 1870, pour compléter les études com- mencées dans les classes élémentaires de ce collège, fut fondée une École technique, d'où sont sortis de nombreux jeunes gens entreprenan(s, qui sont au- jourd'hui des industriels et des commerçants esti- més et forment une partie des notables de la colonie italienne. Enfin, en 1887, dans le but de donner à leurs enfants une instruction, soit classique, soit com- merciale, en même temps qu'une éducalion natio- nale, plusieurs pères de famille fondèrent par actions le Convilto italiano, pensionnat italien à la direction duquel fut appelé de Milan un ancien officier, M. le comte Tito Cybeo *. Cette institution devint la pépinière des écoles secondaires et recut les jeunes gens des familles italiennes les plus notables de Tunis et de l'intérieur de la Régence. IT Pour le succès de ces diverses entreprises, les Ilaliens n'ont jamais reculé devant aucun sacrifice. En 1891, quand il s’agit de créer un « Liceo », ils souscrivirent avec le même empressement toules les sommes nécessaires pour doter l'établissement du personnel et du matériel indispensables”. Trois { Bollettino del Ministero degli Aff. Est. (Anno 1863). ? Macuuez ;: L’Enseignement public en Tunisie, Tunis, 1900. % MacnuEL : Op. cit. REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. 1109 l'importance morale et politique des institutions | membres de la colonie contribuèrent, à eux seuls, pour une Somme de 50.000 lires. Des dépenses con- sidérables furent engagées pour l'adaptation des locaux et l'achat du matériel scolaire et scientifique. On fit venir d'Italie, par les soins du Ministère des Affaires Étrangères, toutun corps de professeurs. Il fallait, toutefois, compter avec les progrès de l'influence française, progrès assez rapides pour que l'essor du « Convitto » fût bientôt arrêté et que les actionnaires de cet établissement, après avoir dépensé plus de 100.000 francs en dix ans, fussent contraints, en mai 1897, de décider sa fermeture. Les membres du corps enseignantitalien de Tunisie, donnant alors un admirable exemple de dévoue- ment à la chose publique, décidèrent d'assumer, pour leur propre comple, la gestion du Convitto et de prêter gratuitement leur collaboration à son directeur. De son côté, l'Etat italien avait pris à sa charge le « Liceo-ginnasiale » et l'école « Tecnico-commer- ciale ». Il avait, en outre, considérablement déve- loppé l’enseignement primaire, qui comprend ac- tuellement six écoles élémentaires de garçons, six écoles el cours complémentairse de filles, trois cours du soir et quatre asiles. Tous ces établissements dépendent directement du Ministère des Affaires Étrangères. Le tableau 1 ci-joint en indique la répartition sur le sol tunisien avec le dénombre- ment de la population scolaire tel qu'il a élé établi par les soins des autorités consulaires‘. La comparaison des chiffres ci-dessus peut don- ner lieu à d’intéressantes remarques. A noter, tout d'abord, que le chiffre des inscrits pendant l'année scolaire 1899-1900 ne s'élève guère au-dessus de 5.000, en y comprenant 809 auditeurs inscrits aux cours du soir, soit à peine le quart de la popula- tion enfantine ilalienne, qui n'est pas moindre de 20.000. Si l’on considère que les écoles francaises ont reçu, la même année, plus de 4.000 enfants de nalionalité italienne, on est amené à constater que environ 10.000 enfants ou jeunes gens restent encore dépourvus de toute instruction. Les traités de 1896 ont bien reconnu l'existence des écoles italiennes, mais ont stipulé qu'on n’en pourrait ouvrir de nouvelles ?. Il appartient donc au gouvernement du Protectorat de donner asile dans ses élablissements à tous les jeunes Italiens qui ne peuvent trouver place dans les écoles royales. La question est d'autant plus facile à résoudre que les fils d'agriculteurs et d'ouvriers italiens viennent “ Bollettino del Ministero degli Affari esteri. Août 1900. ? On remarquera, dans le tableau de répartition des écoles, qu’en 1837-98 s'ouvraient à Tunis deux nouvelles écoles de garcons, un asile et un cours du soir, qu'en 1898-99 un cours du soir est inauguré à Sousse, un autre à Sfax et trois cours du soir complémentaires à l'école de filles de J'unis. 24* 1110 volontiers trouver des maîtres français. Il suffi- rait d'avoir un assez grand nombre d'écoles franco- européennes pour que notre enseignement primaire füt définitivement victorieux !. Il ya moins à se préoccuper des établissements italiens d'enseignement secondaire, dont la déca- dence est manifeste et qui luttent péniblement contre nos institutions similaires. Le récent décret qui oblige les avocats étrangers, exerçant en Tu- TagLeau |. — Répartition et Population des Écoles royales italiennes en Tunisie. GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE écoles enfantines et élémentaires, payante dans les écoles secondaires. Des sections payantes peuvent êlre aussi organisées dans les écoles élémentaires: L'enseignement des langues étrangères, sauf les langues arabe el française, est facultatif et payanb dans les écoles secondaires et élémentaires. Les taxes sont établies par le ministre des Affaires Étrangères, après avis du consul général de Tunis, qui a autorité sur toutes les écoles des DÉSIGNATION DES ÉCOLES 1895-1806 | 1896-1807 | 1897-1898 | 1898-1899 | 1899-1900 Ecoles secondaires. | Tunis : Liceo e ginnasio « Vittorio Emanuele IL», . . . . . 64 55 69 68 65 | — Tecnico-Commerciale « Umberto I». . . , . . . . . . . . 89 82 69 T0 61 HORS RÉ ER DR RE 153 137 138 138 126 Ecoles élémentaires de garçons. Tunis : Ecole « Principe di Napoli ». . . : +: .… D LP 871 1.053 503 510 523 — rc IGOvannaMelt PERRET » » 447 420 520 — RE QUIMDENOALN MEN REIN en EC IMC E » » 141 71 220 | — CorsorSeralel(Pcole duisoir) PER ETES CEE » » 516 533 540 IStasetecoletléementére desarcons PER EC PE 50 47 47 49 98 Sousse tEcolerélémentaire de garcons. AN 106 113 132 132 152 — COURSES CITE ER EE CE UE LE » » » 162 142 La Goulette : Ecole élémentaire de garcons... . . . . . . . . . . . 84 19 95 98 75 — CORTE SOI NN EN ES ER ET » » » 126 127 Do tal M AMAR LE 1.292 1.881 2.107 2391 | Ecoles élémentaires de filles. | Tunis : Ecole « Margherita di Savoia » . . . . . . . . . dre 845 887 700 5350 620 — Cours complémentaire craint CN NC » » » 11 102 | — _ RER CIrAMOMOIO NTM EULE AU bP ER EE » » » 19 40 | — Cours profes Sonnel EN ET » » » 50 50 TRE Ecole unriSMC0lo nue EEE APS IE RENE » » 400 420 480 La Goulette : Ecole élémentaire de filles , . . . . . . . . . . . . 149 128 136 108 125 Sfax raEcoletélementalre delle PNR CT CC 61 #7 140 189 19% | Sousse : Ecole élémentaire de filles”. +... ... . 1. 132 140 147 150 170 Total ER RE MT AU E 1841751) 1.242 1.523 1.497 1.781 Asiles (Giardini d'infanzia). ENT =. Tunis : Asile « Giuseppe Garibaldi » . . . . . : . « . . . à. . . 546 661 308 308 332 Asilet«Krancesco/Crispl » "1.000. IMMO » » 240 271 282 SOS MA SIENNE PME ES TR NS PES. V0 LUE 160 160 150 160 182 DalRomettes ASIE eee Nr eee N-Ne C 90 82 127 149 156 HE nee 2 à ‘o re ee 796 903 825 888 952 Total général... . 3.237 3.574 4.367 4.630 5.256 NUMBRE D'ÉLÈVES INSCRITS nisie, à prendre leurs grades dans les Universités françaises contribuera à nous donner une siltua- tion tout à fait prépondérante à cet égard. IT Devenues gouvernementales en 4889, et complè- tement réorganisées par les décrets de 1894°, les écoles italiennes dè Tunisie sont toutes laïques. En principe, l'instruction est gratuite dans les ‘ Revue générale des Sèiences, 15 juillet 1900. ? Bollett.del Aün. degli Aff.est., décret du 12 avril 1894. son district et sur tous les fonctionnaires exerçant dans ces écoles. Le consul doit veiller à ce que la colonie continue à s'intéresser à la prospérité des écoles et à ce que les familles y envoient leur enfants. Il approuve aussi les délibérations des. Conseils de discipline, et peut augmenter ou dimi= nuer les peines prononcées contre les élèves. C'est à lui qu'incombe le soin d’administrer les fond consacrés à chaque école, de payer les traitements et rémunérations diverses du personnel, de rece- voir les rapports trimestriels et annuels des direc= teurs, de les transmettre à l'inspecteur général en* résidence à Rome et chargé par le ministre de GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE Affaires Étrangères de visiter tous les deux ans les écoles de Tunisie. Le consul est aidé dans sa làche par la dépu- tation scolaire, sorte de Conseil consultalif de huit membres, choisis dans le corps universitaire ou Tagceau Il. — Lycée : trois classes correspondant à nos classes de lettres. NOMBRE D'HEURES PAR SEMAINE MATIÈRES ENSEIGNÉES lreclasset| 2° classe | 3° classe ] Italien. . Latin . Grec Ce à CE Histoire du Moÿen- “Age et mo- derne... St. Géographie historique : Philosophie . Mathématiques . . . Physique et Chimie . Histoire naturelle et Géogra- phie physique. . . : Langue arabe . . . . Langue française Q2 19 19 re © CS # Qt Us RO 19 = Ce 19 © 19 19 © 19 parmi les notables de la colonie. En principe, les pouvoirs de celle assemblée sont très étendus, puisqu'elle donne son avis sur le choix des ma- tières à enseigner, qu'elle a qualité pour suspendre d'office, de leurs fonctions, les maitres indignes, Tagzeau HI. — Gymnase : cinq classes correspondant à nos classes de grammaire et élémentaires. NOMBRE D'HEURES | MATIÈRES ENSEIGNÉES x {re 2e 3e 4° 5° classe | classe | classe | classe | classe Langue italienne. . . 7 6 6 6 5 IBtITEL CU. » 3 5 5 5 grecque. » » » » 4 — francaise. . 4 3 3 3 3 | Es ATAD En 0e 4 3 3 3 3 HISIOLE ER LC 2 2 2 2 2 Géographie moderne. 2 2 ?) » » ancienne. » » » 1 1 Mathématiques. s 2 2 2 2 2 Botanique et Zoologie. » » » 3 3 BICHDUTE + 0e ee 2 2 » » » qu'elle assiste aux examens et a droit d'inspection. En réalité, les « députés » forment un simple trait- d'union entre les écoles et la colonie, dont ils représentent les intérêts el dont ils expriment les vœux. Les vérilables maitres de la direction à 1 Le numérotage des classes se fait dans un ordre inverse au nôtre : la prima liceale est notre troisième, et la terza liceale notre rhétorique ; la prima ginnasiale correspond à notre huitième, et la quinta ginnasiale à notre quatrième. Voir En Sicile, ouvrage publié sous la direction de Louis Olivier. Paris, Flammarion, 1901. Atil imprimer à l'enseignement sont toujours les chefs d'établissements, assistés des professeurs. Au lycée-gymnase de Tunis, placé sous l'autorité d'un preside ou proviseur, on applique le pro- gramme que résument le tableau IT et II. Avant de passer du gymnase au lycée, les élèves subissent, comme en Italie, les épreuves de la licenza ginnasiale ; à la fin du cycle des études du lycée, ils subissent, dans l'établissement même, les épreuves de la licenza liceale, c'est-à-dire du bac- calauréat. Le jury d'examen, présidé par le provi- seur, est composé des professeurs du lycée, aux- quels peut être adjoint un membre de la députation scolaire. Le consul assisle aux examens à titre de commissaire du Gouvernement. Il doil être présen TaBceAU IV. — Ecole technique-commerciale. NOMBRE D'HEURES MATIÈRES ENSEIGNÉES {re 9" De classe | SES classe! cla Langue italienne. — francaise. METRE À — anglaise et allemande . Histoire . 7 - ‘ Géographie. . . Mathématiques. . . . Comptabilité et tenue des livres. Sciences LE et vaturelles. DESSIN ACCES Ecriture . Histoire et Géographie commer- ciale des colonies : C9 == NO 19 C9 © QE N2 ©5 NO Co C0 > N9 ND C0 C9 QE 9 V9 NO QUO 2 = NO 9 C9 + UE IN # N Notions d'Economie politique. Arithmétique commerciale . Notions commercialessur les pro- duits des trois règnes et Chimie appliquée aux pEOGUE com- merciaux . PRE NA LCA CL quand sont ouvertes les enveloppes renfermant les textes d'épreuves ‘ envoyées par le Ministère de l'Instruction publique. Le programme des matières enseignées dans l'École technique commerciale correspond à celui de nos établissements d'enseignement moderne et de nos écoles primaires supérieures (Tableau I). C'est surlout dans l’enseignement élémentair qu'on peut constater le souci du Gouvernement italien d'approprier ses programmes aux exigences locales. En effet, si les matières enseignées dans les écoles de Tunisie restent les mêmes que dans les écoles d'Italie, le nombre d'heures assigné à chaque matière est laissé à la convenance du direc- teur. Celui-ci peut régler son horaire à sa guise, de façon à réserver une partie du temps pour l'étude du français et de l'arabe. Dans les 4° et 5e classes, 1 Une composition italienne, une version latine et une version grecque. 1112 GASTON LOTH — L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT ITALIEN EN TUNISIE six heures par semaine sont ainsi consacrées à la langue francaise et deux heures à la langue arabe. Les programmes sont semblables pour les filles et pour les garçons. Pour les cours du soir organisés à Tunis, Sousse et La Goulette, il n'existe aucun programme offi- ciel. Le corps enseignant est libre du choix des méthodes à appliquer et des matières à enseigner. Cependant, les résultats obtenus ne sont pas bril- lants et les 809 audileurs inserits en 1899-1900 paraissent surtout destinés à gonfler les effectifs scolaires. Un projet de réorganisation de ces cours, publié récemment par un journal ilalien de Tunis, prévoit l'établissement d’un cours pratique de langue française. IV En raison du zèle dont ils font preuve dans l'accomplissement de leur lâche et de leur ardent patriotisme, les professeurs et maitres élémen- taires jouissent d’un grand crédit auprès de leurs concitoyens. Mais leur situation matérielle n’est pas en rapport avec leur autorité morale. Nommés au concours, pourvus des mêmes grades et sou- mis aux mêmes conditions d'avancement que leurs collègues d'Italie, les professeurs du « Liceo » ont un modeste traitement, qui varie de 2.400 à 3.000 lires ; ceux du « Ginnasio »’et del’ « École Tec- nico-Commerciale » reçoivent de 2.100 à 2.700 lires. Dans l’enseignement primaire, les traitements de début sont de 1.100 lires, et ne s'élèvent pas au-des- sus de 4.600 lires. Diverses'indemnilés de résidence et logement, variant de 400 à 1.000 lires, s’ajoutent, il est vrai, aux chiffres qui précèdent, mais, d'une facon générale, les maitres italiens ne sont pas suffisamment rémunérés pour faire face aux exi- gences de la vie coloniale. En revanche, le personnel de l’enseignement élémentaire jouit, en Tunisie, de certains privi- lèges inconnus aux instituteurs de la péninsule. Tandis que ces derniers dépendent du Conseil mu- nicipal de la commune où ils enseignent, les maïi- tres tunisiens sont directement ralltachés au Minis- tère des Affaires Étrangères et peuvent être envoyés dans toutes les écoles royales du Levant. Il en résulte que les instituteurs italiens de la Régence sont généralement supérieurs à leurs collègues d'Italie. Presque tous ont visité la Grèce, les Bal- kans, l'Asie Mineure ou l'Egypte et connaissent le monde musulman. La mémoire de Crispi restera longtemps populaire parmi eux, car c'est à ce mi- aistre qu'est due l'organisation actuelle des écoles italiennes à l'Étranger. Un grand nombre d’entre eux parlent correctement la langue francaise; tous la lisent et se plaisent dans le commerce de nos grands auteurs des trois derniers siècles. Hôtes assidus des bibliothèques de Tunis, ils recherchent volontiers la société des professeurs français, qui n'ont qu'à se louer de leur tact et de leur courtoi- sie. Ce mutuel échange de bons procédés n'em- pêche pas de lulter, de part et d'autre, avec une persévérante énergie, pour la propagation de la langue et des idées nationales. À la section tuni- sienne de « l'Alliance française », les professeurs italiens opposent une section de la « Dante Ali- ghieri ». À nos « Cantines scolaires » correspond leur « Patronato scolastico », qui a distribué, l'an dernier, aux écoliers, 63.721 portions, dont 23.712 gratuites, 9.986 semi-gratuites, les autres payantes. v Si l’enseignement secondaire italien recule de- vant les progrès de nos institutions similaires, l'enseignement primaire témoigne encore d'une vitalité surprenante. Il importe donc que nous ne négligions rien pour attirer à nous les fils d'étran- gers qui vivent sur le sol tunisien. À Tunis même, nous ne pouvons, faute de place, admeltre dans nos établissements tous les Italiens qui en font la demande. C'est une situation profondément regret- lable. L'école doit être, pour rous comme pour nos voisins, un des principaux facteurs de la colonisation. « C’est elle, disait un journaliste tunisien !, générations fulures, et les fera participer à ce patrimoine de langue, de culture intellectuelle, qui conservera l'âme italienne aux . d'idées et de sentiments qui constitue l’ifalia=\ nile. C'est dans les écoles que doit germer un idéal nouveau, plus élevé et plus pur, de grandeur et de prospérité pour notre patrie. » Méditons ces paroles et n'oublions pas que l'instituteur français a été, en Tunisie, un des meilleurs ouvriers de la première heure. Les résultats obtenus par les: Italiens dans l'enseignement élémentaire, le souci qu'ils ont de la prospérité de leurs écoles, nous indiquent bien qu’il faut résolument continuer dans" la voie suivie jusqu’à présent, en créant, partout où cela est nécessaire, de nouvelles écoles franco- européennes, qui hâteront l'absorption, l'assimila-" tion des masses étrangères par nos compatriotes de la Régence. Gaston Loth, Professeur au Lycée de Tunis. 1 L'Unione, numéro du 24 mai 1898. D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1113 LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE DEUXIÈME PARTIE : HISTOLOGIE DU MUSCLE, CONTRACTION MUSCULAIRE Dans une première parlie', nous avons étudié la disposilionetl'architecture desmuseles. Nous allons, dans la deuxième partie, envisager leur histologie et le mécanisme de la contraction musculaire. I. — HiSTOLOGIE DU MUSCLE. Dans ce qui précède, nous avons étudié les dis- positions qu'affectent les fibres musculaires dans la constilulion du muscle, quelle que soit, d'ailleurs, la structure intime de ces fibres musculaires. Nous allons, maintenant, rechercher en quoi ces fibres peuvent différer les unes des autres suivant les divers animaux el.les organes. J'ai déjà dit que je ne considérais pas les Proto- zoaires comme devant rentrer dans celte élude, car nous n'y trouvons pas d'organe différencié pouvant, à proprement parler, porter le nom de muscle, et les quelques indications que j'ai don- nées dans la première partie me paraissent suf- fisantes. Il n'a pas encore été fait de bonne classification de la fibre musculaire basée sur son histologie. Pour êlre complet, le plus simple serait donc de prendre successivement les diverses espèces ani- males, et de décrire leurs muscles; mais, en opé- rant ainsi, on serait exposé à de nombreuses répé- titions. Un animal ne possède pas, en effet, une seule espèce de fibres musculaires, mais un nombre très variable, et si certaines structures sont presque caractéristiques d’un animal délerminé, d'autres se montrent aux degrés les plus variables de l'échelle des êtres. Pendant longtemps, sous l'inspiration des idées de Bichat, on avait classé les muscles en muscles de la vie de relation, ou muscles soumis à la vo- lonté, et muscles de la vie organique ou muscles soustraits à l’aclion de la volonté. En même temps, on était presque amené à considérer les premiers comme équivalents aux muscles striés et les se- conds comme équivalents aux muscles lisses, parce que, chez l'homme et la plupart des Verté- brés, il en est généralement ainsi. Il avait, cependant, fallu mettre à part le cœur, qui est un muscle strié, mais n’est pas soumis à l’action de la volonté. Bientôt, l'inexactitude de cette classification 1 Voyez la Revue générale des Sciences du 15 décembre 1901, no 23, t. XII, p. 1067 et suiv. apparut avec trop d'évidence pour pouvoir se maintenir. L'Histologiecomparée nousapprend,eneffet, que, chezles divers animaux, les muscles ayant des fonc- tions analogues peuvent être indistinctement striés ou non. Nous voyons des classes d'animaux où tous les muscles, volonlaires ou non, sont lisses; il en est ainsi chez les Mollusques, où ce n’est que très exceptionnellement que nous voyons appa- raitre la fibre striée. Chez les Arthropodes, au contraire, c'est le muscle strié qui est la règle; le muscle lisse ne se rencontre que très rarement, et encore seulement d’une façon passagère. Même chez les Vertébrés, où l’on avait admis que la dis- tinclion ancienne pouvait se conserver, il n’en est rien; chez la tanche, le muscle de l'intestin est en partie strié, et il nous suffira d'ajouter que l'œso- phage de l’homme contient des fibres striées pour montrer que la division en muscles de la vie de relation ne peut se conserver comme base d’une classification histologique, même chez un seul animal. Un autre phénomène vient encore compliquer les choses. Eimer a montré qu'un même musele peut être tantôt strié, tantôt lisse. Nous verrons que les muscles des ailes de certains Insectes pré- sentent la striation transversale à son état de dé- veloppement le plus parfait. La mouche se trouve dans ce cas, et on oblient des préparations admi- rables en enlevant un petit fragment du muscle des ailes, sur une mouche d'été bien vivace, après fixa- tion par l'alcool au tiers. Il suffit d'en faire une dissociation, de colo- rer à l'hématoxyline et de monter au baume de Canada. En examinant avec un bon objectif la pré- paration ainsi faile, on voit sur les fibres une stria- lion transversale très nette, sur laquelle je revien- drai plus loin. Mais, le résultat n’est plus le même si l’on opère sur une mouche en état de sommeil hibernal. Les mêmes muscles n'ont plus qu'une slriation très imparfaile, qui peut même disparaitre complètement sur certaines fibres. Eimer a attribué ce fait à l'inactivité, et un de ses élèves, Vosseler, a justifié cetle hypothèse par un grand nombre d'observations. Vosseler a d’abord montré que, si la mouche d’hi- ver était transportée dans un endroit chaud, de facon à lui faire reprendre son activité, on voyait peu à peu reparaitre la striation d'été. L'expé- rience inverse fut moins concluante, les mouches n 1114 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE supportant généralement que fort mal un abais- sement de température en dehors de certaines périodes. Pillet avait aussi signalé l'absence de striations chez un Coléoptère trouvé au début du printemps, pendant les journées encore froides; mais il avait mal interprété la signification de ce fait. Vosseler fait encore remarquer que, chez certains Insectes, les ailes s’atrophient, qu'il en résulte la disparition d'une fonction, et que les muscles qui en étaient chargés perdent leur striation, comme la mouche en état d’hibernation. Enfin, Vosseler signale un fait très intéressant sur les araignées, où certains muscles perdent leur striation et la reprennent pendant différentes pé- riodes de la vie de l'animal. Ces changements se produisent au commencement et à la fin de la ponte et semblent en relation avec la variation de fonelion ou, plutôt, d'effort à développer chez la femelle dans ses diverses conditions. Entre l’état de striation parfaite de la mouche d’élé el l’état d'homogénéité absolue, il y a forcément des stades intermédiaires. Dans ce cas particulier, ces slades ne conslituent que des états passagers ; mais, dans un grand nombre d'autres, nous les retrouvons à l’état permanent et nous ne pouvons alors les faire entrer ni dans la classe des muscles lisses, ni dans celle des muscles slriés; il faut établir une catégorie intermédiaire, celle des mus- cles imparfailement striés. En dehors de l'état de striation ou de non-stria- lion des fibres musculaires, nous aurons à consi- dérer la façon dont les fibrilles élémentaires sont distribuées dans la fibre. Un autre élément atlirera aussi. notre attention, c'est le noyau. On sait, en effet, que tout Lissu vivant est conslilué par des cellules; par suite, il y a un ou plusieurs noyaux. On avait signalé des cellules sans noyaux, mais les travaux récents ont montré que c'élait là une vaine apparence, l’élément nucléaire n'étant pas tou- jours localisé en une masse et pouvant, dans cer- lains cas, affecter un caractère diffus. Dans l'histologie comparée du muscle, on ne tarda pas à reconnaître qu'il y a lieu d'établir une distinction entre les éléments musculaires ne con- tenant qu'un seul noyau et ceux qui en contiennent un nombre plus ou moins grand. Depuis que Külliker a isolé la cellule musculaire lisse, tous les histologistes s'accordent pour recon- naître que, dans le premier cas, on a affaire à des cellules possédant chacune un noyau. Dans le second cas, l'accord n'est pas aussi parfait. Certains auleurs pensent que l'élément musculaire représente une cellule dont les noyaux se sont multipliés, alors que d'autres croient que lon se lrouve en présence de la fusion de plusieurs cellules en un tout. Cette dernière opi- nion disparait peu à peu devant la première. Quelle qu'en soit l’origine, il n'en est pas moins vrai que certains éléments musculaires ont, pendant toute leur existence, l'apparence d’une cellule plus ou moins allongée et ne contenant qu'un seulnoyau, tandis que d'autres éléments prennent la forme d’une fibre et contiennent un nombre indéterminé, parfois très grand, de noyaux. C’est en se basant sur ces faits que Eimer a cherché à établir une classification complète des muscles, en faisant d'abord une grande division entre les cellules mus- culaires et les fibres musculaires, puis créant de nouvelles subdivisions suivant la strialion et sui- vant que les muscles sont ou non soumis à l’action de la volonté. On obtient, de cette façon, le tableau suivant : I. — Cellules musculaires. Non volontaires. Volontaires. ( Non volontaires. ‘ | Volontaires. Non volontaires. ; Volontaires. APATISSES RE 2. Imparfaitement striées . . 3. Striées.. Il. — J'ibres musculaires. lise Non volontaires. Volontaires. Non volontaires. Volontaires. Non volontaires. Volontaires. 2. Imparfaitement striées . . . JS Ne SEP EEE Cette classification permet évidemment d'assigner une place à un muscle quelconque; mais je ne vois pas à cela grand avantage, cette classification étant absolument arbitraire et conduisant à ce résultat que des muscles, très voisins au point de vue phy- siologique, seront dans des catégories totalement différentes, alors qu'une même subdivision con- tiendra des muscles n'ayant nullement la même fonction. Du reste, certaines classes sont complè- tement ficlives; d’autres, comme celle des cellules lisses ou celle des fibres striées volontaires, sont tellement surchargées qu'à elles seules elles absor- bent presque toule l'étendue de nos connaissances. — D'ailleurs, où mettre ces éléments signalés par Eimer lui-même, qui sont tantôt lisses, tantôt striés?. Comment reconnaitre qu'une fibre est imparfaitement striée? Nous voyons bien quand une cellule ou une fibre est parfaitement lisse; nous voyons aussi quand elle est striée, mais il me parait difficile de déterminer la limite entre une striation parfaite el une strialion imparfaite. La seule classification rationnelle devrait avoir pour base l'Embryologie, mais nos connaissances sur le développement du muscle dans la série animale sont encore trop restreinles pour que ce travail puisse se faire. : D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1115 En parcourant les divers ouvrages de Zoologie, ou les Mémoires spéciaux, on constate que si l’on peut actuellement se rendre compte de la disposition des muscles chez les divers animaux, il est, dans la plupart des cas, impossible de trouver un rensei- gnement précis sur l'histologie de ces muscles, à part quelques cas très particuliers. Je pense donc qu'actuellement, pour donner une idée du muscle dans la série animale, le mieux est de se contenter d'une répartilion en trois groupes : a) Le premier groupe comprendra les muscles lisses ; b) Dans un second groupe, je placerai les muscles qualifiés par Vosseler d'imparfaitement striés; ce) Dans le troisième groupe se trouvent les mus- cles striés, c’est-à-dire considérés comme tels par tous les anatomistes. A propos de chacun de ces groupes, je dirai dans quelle classe d'animaux on les rencontre. $ 1. — Muscles lisses. Nous rencontrons le premier organe différencié pouvant porter le nom de muscle chez l'hydre Fig. 4. — Cellule neuro-musculaire de l'hydre d'eau douce. d'eau douce. La paroi musculaire du corps de ce polype se compose d'une seule couche de fibrilles, des tenlacules 2. — Cellules épithélio-musculaires de Sagartia parasitica (d’après Hertwig). Fig. qui sont une dépendance de la couche épithéliale, et que Kleinenberg a le premier signalée. Si, après | fixation, on dissocie un fragment de celte couche, on constate que chaque cellule épithéliale se con- tinue à sa partie inférieure par des prolongements fu- siformes, qui cons- tiluent l'élément moteur du corps (fig. 1).Get ensem- ble, que pendant longtemps on a Fig. 3. — Myoblastes d'une Méduse Aurelia). appelé à tort cellule neuro-musculaire, porte main- tenant le nom plus exact de cellule épithélio-mus- Fig. 4. — Cellule musculaire d'un Nématoïde. culaire. Chez l'hydre d'eau douce, la partie proto- plasmique renfermant le noyau est extrêmement développée, la partie différenciée en élément contractile est, au con- traire, très réduile. La partie protoplas- mique peut s'allonger plus ou moins, perpen- diculairement à la di- rection de la partie mus- culaire, et donner ainsi à l’ensemble la forme T. Dans le cas dela figure 2, qui représente des cel- lules épithélio-muscu- laires des tentacules de Sagarlia parasilica, on voit, en outre, un cil vi- bratile surmonter la par- lie protoplasmique. D'autres fois, au con- traire, l'élément muscu- laire prend de plus en plus d'importance, et le protopläsma, contenant toujours le noyau, seré- duit de plus en plus.C'est ce que montrent les deux figures 3 et 4. Il reste finalementune cellule musculaire lisse Ne Fig. 5. — Deux cellules mus- culaires de l’ectoderme du plateau buccal d'Anthea cercus (d'après Herlwig). avec un amas laléral de protoplasma entourant le noyau. La cellule musculaire peut être assez courte 1116 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE comme dans les cas que nous venons de citer, ou prendre une longueur considérable, qui en fait une vérilable fibre. C'estce que nous rencontrons, par exemple, dans l'ectoderme du plateau buccal d’Anthea cereus re- présenté par la figure 5. Mais la forme la plus répandue, celle que nous trouvons à profusion chez les Vertébrés et chez les Mollusques, consiste en une cellule allongée conte- nant, vers son milieu, un noyau entouré d'un peu de proloplasma. Parfois, la substance contractile paraît alors parfaitement homo- Fig. 7. — Segment d'une libre musculaire à fibrille spiralee de Sepiola Ron- deleti (d'apr. Bellowitz). gène; mais, plus sou- vent, on distingue une Striation longitudinale, qui peut devenir ex- trèmement apparente. C'est généralement cette forme que l’on a en vue lorsqu'on parle de cellule musculaire lisse (fig. 6). Sur une coupe transversale, elle peut affecter des formes très différentes. Tantôt, la section est plus ou moins ronde ou polygonale; tantôt, elle est aplatie. Chez certains Mollusques gastéropodes, la partie proto- plasmique se prolonge beaucoup dans l'axe, et l'on a alors une sorte de fourreau contractile rem- pli de protoplasma. Si, parfois, ces cellules lisses sont assez courtes pour être faciles à observer dans toute leur longueur et pouvoir même être conte- nues tout entières dans le champ du microscope, d'autres fois, en particulier chez certains Vers, elles s'allongent beaucoup, donnant de véritables Fig.6.— Cellules musculaires lisses de l'intestin du lapin apres macération pendant vingt-quatre heures dans la- cide azotique à 20 0/0. (350 diam.) fibres, et présentent toujours alors un point de” ruplure. Ces éléments musculaires lisses présentent sou- vent des apparences qui pourraient faire croire à une striation. Il se produit, par- fois, des varialions d’é- B paisseur sur le cours de la cellule qui peuvent donner cet aspect; cela peuts'observer,parexem- ple, chez les Mollusques, | où j'ai vu des cas qui me faisaient douter de l’ab- sence de strialion. En se- cond lieu, il peut arriver À Fig.” 8. — libre LE É jamelleuse de que la striation longitu- Protula intesti- 2 Re A Eee dinale prenne, par suite ble de la fibre; d'une sorte de torsion, B,striation vraie ; re L + que cette fibre UNE disposilion spiralée : présente lors- (fig. 7). La disposition ; quon-lobserye are" : a à un fort gros- Striée obliquement que ë sissement. l'on aperçoit alors n'a 4} rien de commun avec la striation transversale dont nous parlerons 4 maintenant. i $ 2. — Muscles imparfaitement striés. Certaines cellules musculaires doivent être rangées parmi les muscles imparfai- tement: striés, si toutefois cette division est à conserver. La figure 8 représente, à deux grossissements différents, une cellule mus- culaire de Protula intestinum, où l'on voit très neltement une fine siriation presque perpendicu- laire à l'axe longitudinal. Cette striation, parfois complètement transverse,se rencontre chez d’au- Fig. 9. — Fragment de fibre musculaire chez Anthophora parietina, presque entièrement lisse. — PI, tige de sarco- plasma sur le bord extérieur de la fibre; N, réseau fibril- laire entre les fibres M; K, noyaux. (Agrand. 700.) tres Vers encore. Malgré sa régularilé et sa net- teté, elle n'a rien de commun avec la striation des muscles volontaires des Mammifères, J'ai déjà dit que l'on passait par degrés insensibles "E'PETTS D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE du muscle imparfaitement strié au muscle parfai- tement strié. Cela ressort clairement de la série des figures 9 à 13, où l’on passe peu à peu d’une striation pres- Fig. 10. — La même, chez le Dytiscus après coloration sur le vivant par le bleu de méthylène. — A, partie lisse de la fibre; B, places avec substances sombres (colorées en bleu) et claires séparées. (Agrand. 700.) que douteuse à un muscle analogue à ceux que nous regardons d'habitude comme parfaits. { { \,1) ll | js L ( ( | \A “\ \ Fig. 11. — Fragment d'une fibre musculaire en éventail de Bombyx hypnorum. — M, substance musculaire se per- dant en B daus le tissu conjonctif ; CK, noyaux sans mem- brane ; K, noyaux normaux ; Leu, leucocytes. (Agrand. 700.) Ces divers muscles se rencontrent surlout, à l'état de cellules, dans l'intes- tin de quelques Arthro- podes et, dans le cœur de beaucoup d'Insectes, à l'état de fibres dans l'intestin et dans les organes reproducteurs. Nous rappelons aussi ici que divers muscles du tronc des Araignées rentrent dans cette ca- légorie et ont une stria- tion très variable dans le temps. Fig. 12. — J'ragment de fibre musculairede Vespa vulga- ris. — K, noyaux dans la tige centrale de sarcoplas- ma. Les lignes sombres de la striation transversale sont partiellement divisées en deux. (Agrand. 460). 1117 $ 3. — Muscles parfaitement striés. Le muscle strié se présente sous les formes les plus variables. Tantôt, l'élément musculaire est une cellule; tantôt, c’est une fibre. La cellule se ren- contre dans le cœur des Vertébrés, ainsi que l'a montré Weissmann. Ce sont ces cellules qui, en se Fig. 13. — Le méme, chez Apis mellifica. — La striation transversale, très développée, ne se poursuit pas partout et disparait à la division de la fibre en 2 ou 3 branches. Z, disque intermédiaire; Q, disque principal; J, subs- tance isotrope. (Agrand. 460.) placant bout à bout, constituent les fibres du cœur. Elles ont des formes très variées el contiennent généralement un où deux noyaux. Les figures 14 et 15, représentant la cellule mus- culaire de l'homme et celle de la grenouille, donnent Fig. 11. — Cellules musculaires du myocarde de l'homme atteint de myocardite segmentaire. — À, B, C, D, E, F, G, H, cellules musculaires cardiaques de diverses formes ; g, granulations ambrées remplissant le fuseau de proto- plasma axial qui contieut le ou les noyaux. une idée des diversités de forme de ces éléments, dont il serait inutile de mulliplier les exemples. Mais c'est dans la fibre musculaire striée que nous allons trouver le plus de variété. Van Gehuch- ten, dans deux Mémoires très importants, a décrit sa façon de concevoir la fibre musculaire striée; celte conception est complètement différente de celle de l'ensemble des anatomistes; elle ne nouS 1118 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE ne TR Pa TR RS PR I CA Seed UM NE parait pas conforme à la réalité des faits, etnousne l'adopterons pas. Dans cette catégorie, au point de vue qui nous occupe en ce moment, il y a lieu d'établir une première distinction et de répartir les fibres striées en deux groupes. 1° groupe. — Type du muscle des ailes des Coléoptères. 2° groupe. — Type du muscle volontaire des Vertébrés. Cette division est né- cessaire pour l'expo- silion des faits, ainsi qu'on le verra dans la suite. Fig. 15. — Cellules museu- laires du ventricule de la grenouille, isolées après l'action de la potasse à 409/,. ?T groupe. — Si l’on prend un fragment du musele de l'aile d'un dyti- que, convenablement fixé, el qu'on en fasse des coupes lrarsver- sales, on aura au microscope une image repré- sentée par Ja figure 16. On voit une série de champs, sur la périphérie des- quels se trou- vent les noyaux et qui sont bien séparés les uns des autres. Si l’on se sert d'un grossissement plus fort, on constate que chacun de es champs contient une grande quantité de petites laches circulai- res ayant fixé la malière coloran- Le; entre elles se trouve du proto- plasma granu- leux et peu co- loré (fig. 17). Ces petites taches sont les coupes transversales de fibrilles muscu- laires. Pour voir ces fibrilles mus- culaires en long, il suffit de prendre un petit frag- ment de muscle fixé et de le dissocier aux ui- Bande claire intermédiaire Disque large M épais, opaque. Bande ou strie ds obscure. Fig. 16. — Coupe transversale d'un muscle de l'aile du Dytique. (Grand. 100.) Cloison médiane intermédiaire. Strie de Hensen. Cloison limitante. Fig. 19. — Segment musculaire d'une fibrille des muscles jaunes du Dytique à l’état de repos. Extension. (Grand. 3.500) (d'après Tourneux.) guilles ; les fibrilles se séparent facilement les unes des autres, grâce au protoplasma dans lequel elles sont noyées. Pour avoir une très belle préparation, le mieux est, après fixation, de colorer à l’hématoxylineet de monter au baume de Canada. Il faut ensuite observer avec un objectif assez puissant et de bonne qualité. On constate que chaque fibrille se compose d’une série de disques al- ternativement colorés et non colo- rés. Sur une fibrille non colorée, ces disques apparaissent moins nette- ment, alternalivement clairs et gris ; c'est pour cela qu'on les appelle disque clair et disque sombre. Sur une bonne préparation, on voit ensuite facilement que le disque clair est partagé en deux par une ligne très fine, qui porte des noms très variables, dont le plus commun, en France, est celui de disque mince. Enfin, sur les fibres bien tendues, en observant Fig. 11.— Coupe transversale d'un faisceau des muscles de l'aile du Dytique. (Grand. 600.) avec soin une . CM: hLÉE très bonne pré- Eause ; cloison dansersate (Blegah; como paralion(fig18), Meque inturedalie (Pradorieu Enpel rame) { VOL WOI LE OURS disque sombre est plus clair en sarégion moyen- nequ'àses extré- mités, par suite de ce que l’on appelle la strie intermédiaire de Hensen, du nom de l'anatomiste qui, le premier, l'a signalée. Nous donnons (fig. 19) une figure schémalique sur laquelle nous indiquons les prin- cipaux synonymes des parlies qui constituent la fibrille musculaire du dytique. Dans toute fibrille musculaire, on retrouve les détails que nous venons de décrire; mais il arrive que les choses se compliquent, le disque sombre épais et le disque mince pou- vant être accompagnés de disques accessoires. C'est, par exemple, ce que nous rencontrons dans le musele de la patte du lucane-cerf. Dans le tableau que nous donnons ci-après, nous montrons, d'après Renaut (Traité d'Histologie, p.639), quelle est alors la succession des disques que nous rencontrons en Fig. 18. Fibrille de l'aile de l'Hy- drophile. (2.000 diam.) D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1119 - allant d'un disque mince au disque mince suivant. Pour mieux permettre la comparaison, nous don- nons aussi la formule de la fibrille de l’aile du dytique, c'est-à-dire le cas le plus simple. La diffé- rence des caractères d'impression servant à ce ta- bleau a pour but de mettre en évidence l'impor- tance plus ou moins grande des parties auxquelles se rapportent les différentes indications : | 19 DISQUE MINCE; Simple. 2 Bande claire; 30 DEMI-DISQUE ÉPAIS; (Ex. : Muscle MO- / %0 Strie intermédiaire de Hensen; teur de l'aile des } 30 Dewr-nisoue frais; Insectes.) 6° Bande claire; 10 DISQUE MINCE; 19 DISQUE MINCE PRINCIPAL; 20 Bandelette claire intercalaire du disque mince; 30 Disque mince accessoire ; 4° Bande claire principale: 50 Disque épais accessoire; Complexe. 6o Bandelette claire intercalaire du disque épais; (Ex. : Muscle des / DISQUE ÉPAIS PRINCIPAL; pattes du Eucane- | 8 Bandelelte claire intercalaire | | \ SEGMENT CONTRACTILE. cerf) du disque épais; 90 Disque épais accessoire ; 109 Bande claire principale; 119 Disque mince accessoire; 122 Bandeletite claire intercalaire du disque mince; 130 DISQUE MINCE PRINCIPAL, La structure du musele de l’aile du dytique se retrouvé chez tous les Coléoptères et chez un certain nombre d'autres Insectes, mais elle n’est pas géné- rale; ainsi, le muscle de l'aile de certains papillons, de la libellule, de la sauterelle, se rapporte à notre second groupe. Ces fibrilles que nous venons d'étudier ne sont pas aussi indépendantes les unes des autres que nous l'avons pour ainsi dire admis jusqu'ici. Ran- vier a, en effet, montré sur l'hydrophile qu'il existe des anastomoses entre elles. Renaut a retrouvé le même fait chez le xylocope. C'est à cet insecte que se rapporlte la préparation représentée sur la figure 20. Ceci a fait supposer à Ranvier que ce que - nous avons considéré jusqu'ici comme l'élément le plus simple du muscle, élait décomposable en fibrilles encore plus simples. M. Tourneux m'a donsé la photographie d'une préparation qui vien- _drait à l'appui de cette manière de voir. Celte pré- paration, provenant de l'aile d'un dytique, a subi une compression sur la lamelle. Il en est résulté un écrasement de trois fibrilles, qui leur a donné une striation longitudinale des plus neltes, semblant bien correspondre à une décomposition possible en fibrilles plus simples. Malheureusement, ce hasard heureux de préparalion n’a pu être reproduit. 2 groupe. — Si nous prenons un fragment de muscle volontaire d’un Vertébré, que nous le fixions par l'alcool et que nous pratiquions une disso- ciation rapide, nous obtiendrons une préparation qui n’a plus du tout le même aspect que les précé- dentes. Nous ne voyons plus les fibrilles isolées les unes des autres, à moins d'employer des artifices de préparation spéciaux. Ces hbrilles sont réunies en ce que l’on appelle un faisceau primitif entouré d’une enveloppe, le sarcolemme, qui ne s'est pas rompue. On peut séparer ces fibrilles en fixant un frag- ment de muscle par l'acide picrique pendant 24 heures, et le maintenant ensuile deux jours dans Fig. 20. — Fibres (cylindres primitifs) du muscle moteur des ailes du xylocope. — A, cylindres primitifs sans anastomoses: e, disque épais; 2», disque mince; BC, cylindres primitifs anastomosés en Det donnanten E une autre anastomose qu'on ne peut suivre dans la prépa- raliou. l'eau distillée à 70° (Renaut). On constate alors qu'elles sont beaucoup plus fines que dans le muscle des ailes des Insectes. La figure 21 donne une idée de la dimension des dernières subdivi- sions que l’on peut obtenir chezle lapin; il est bon, pour s'en rendre compte, de la comparer à la figure 20, qui représente le muscle de l'aile du xylocope à la même échelle. Ces fibrilles élémentaires se réunissent en un premier groupement, nommé cylindre primilif de Leydig. Un certain nombre de ces cylindres réu- nis et entourés d'un sarcolemme forment le faisceau primitif ou fibre musculaire. On se rend bien compte de cette disposition sur une coupe en tra- 1120 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 99 Lie vers, comme celle représentée par la figure La Fig. 21. — Dissociation d'un muscle blanc de lapin. — ff, ff, faisceaux fibrillaires montrant nettement les disques minces et épais et la configuration des disques épais; — fe, une fibrille élémentaire dégagée et montrant aussi les disques minces. coupe des cylindres primitifs forme ce que l’on appelle les champs de Cohnheim. Fig. 22. — Coupe transversale très mince d'un musele blanc du lapin, pour montrer les champs de Cohnheim et la distribution du protoplasma au sein du faisceau primitif. — FF, faisceaux primilifs coupés en travers ; {e, travées de tissu conjonclif qui les unissent et les séparent; Cp, cylindres primitifs de Leydig, séparés par des espaces occupés par le protoplasma hyalin et incolore ; p, espaces protoplasmiques et confluente protoplasmique de figures stellaires; ep, cercles minuseules répondant à la section en travers des faisceaux fibrillaires. (400 diam.) Lcs faisceaux primitifs sont séparés les uns des autres par du tissu conjonctif, et leur réunion" forme un nouveau groupe, le faisceau secondaire. Puis, on a des faisceaux tertiaires, el ainsi de suite Jusqu'au muscle entier. Sur la coupe que nous avons représentée, on IL =. AN Fig. 23. — à, Coupe à travers deux fibres musculaires (extré- mités) de Dyticus marginalis; — b, fragment de la coupe après l'aclion d'acides dilues. Entre les crêtes primaires de sarcoplasma, on voit de petites crêtes secondaires qui limitent la coupe de fibrilles simples. n'aperçoit pas les noyaux. La position de ces noyaux varie suivant la nature du muscle auquel on à affaire. Tantôt, ils sont localisés immédia- FE MS HS Fig. 24. — Coupe de libres musculaires strices transversa- lement chez la Musca domestica. — A, faible grossis- sement; B. fort grossissement; Ms, co'onnettes museu- laires en forme de bandes (faisceaux fibrillaires); Sp, sarcuplasma (d'après Schiel'erdeker.) tement sous le sarcolemme; c'est ce qui se pro- duit dans les museles de l’homme, ou les museles blancs du lapin. Tantôt, ils sont répandus dans toute l'épaisseur du faisceau primilif, comme chez la grenouille. Tan- tôt, enfin, ils sont localisés en file dans l'axe, comme dans le muscle de la palte du dytique. Ce type de muscle se re- trouve avec quelques variantes chez tous les Vertébrés, dans la patte des Insectes, dans le mus- cle de l'aile d’un certain nom- bre d'entre eux et chez lous les aulres Arthro- podes. On trouve aussi le muscle strié dans les autres classes d'animaux. Suivant les cas, la dispo- » sition des fibrilles, des noyaux et du protoplasma dans le faisceau primitif est très variable, et, pour Fig. 25, — Coupe de libres muscu- laires de l'aile de la Libellule. D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE * 1121 LS - eu donner une idée, le mieux est de reproduire ici - quelques coupes (fig. 23 à 98). À J'ai déjà dit que l’on connaissait des striations Fig. 26. — Coupe à travers deux fibres musculaires des na- geoires d'hippocampe. — MS, faisceaux fibrillaires (colon- nettes musculaires); Sp, sarcoplasma (d'après Rollett). obliques de la fibre musculaire. Cette disposition a été décrite avec soin par von Daday chez les Ostra- codes; je n'y insiste pas davantage, car la véritable signilication de Ce n’est pas faute de travaux et de théories sur ce sujet, car aucun phénomène physiologique n'a provoqué autant de recherches, ni inspiré autant d'explications différentes. Je ne rappellerai pas les diverses théories émises : une simple énumération ne serait d'aucun intérêt, et une étude quelque peu sérieuse m'entrainerait beaucoup trop loin. Aussi, je m'en tiendrai aux faits. Nous ne possédons pas, actuellement, les docu- ments nous permettant de suivre la contraction musculaire à travers la série animale. Quelques animaux ont été étudiés d’une façon très détaillée ; ils sont rares, et des classes entières n'ont, pour ainsi dire, élé l'objet d'aucune expérimentation. MM. Jolyet et Sellier ont entrepris de combler cette lacune, et ont commencé la publication d’un recueil de graphiques appelé à rendre les plus grands services à Lous ceux qui voudront étudier la Phy- siologie compa- Cr FAI 5a Q cette strialionne De SEE à rée du muscle. me parait pas # Eu LERE UE 1h me Cependant, ; ] le >, À # RL ORESEe> F encore bien éta- / ds 3 LG, AE NET avec les maté- blie. x . sn Et | Re } riaux que nous | }-2 dE À « A ù a 52 = - 1 Me 7 ve SU À possédons déjà, PCT CONS \ À SL À 2,, nous allons pou- Ô h y ZX 1/k 7) ae É TRACTION MUS- A PE Re donner voe eu D (Es idée générale as- me sez exacte des Fig. 28. — A, couturier de la grenouille. — B, muscle blanc du lapin (grand iété = Nous avons adduvteur). — C, muscle rouge du lapin {demi-tendineux). (1.000 diam.). — proprièlés phy étudié la struc- ture du musele sans rien préjuger de ses propriétés physiologi- ques. Sous certaines influences, excilalion volontaire ou excitalion artificielle, ce muscle peut changer n, NOYAUX; M, — Ms S E —— = ue Fig. 217. — Coupe de fibres musculaires de la ligne latérale g de la carpe (d’après Külliker.) — Ms, faisceaux fibrillaires ; Sp, sarcoplasma. de forme, c'est-à-dire se contracter. Cette contrac- üon consiste en une diminution de longueur du muscle avec augmentation de la section transver- sale, sans modification appréciable du volume. Les causes et le mécanisme intime de la contrac- tion musculaire sont actuellement encore inconnus. faisceaux fibrillaires. siologiques du muscle dans la série animale. Tous les observateurs ont été frappés par la force considérable que développe un muscle au moment de la contraction. Sans doute, le recrute- ment de notre marine est trop important en Pro- vence pour que nous puissions ajouter pleine foi à ce récit des matelots qui prétendent que les grands béniliers (Tridacna gigas) peuvent, en fermantleurs valves, couper les cäbles d’une ancre; mais il n’en est pas moins vrai que ces animaux développent une force surprenante, suffisante pour mutiler une main qu'ils viendraient à pincer, Plateau raconte que, chez la Aya arenaria, il suf- fit de casser un peu la coquille au voisinage de la charnière pour la voir s'effondrer sous l'effort des muscles adducteurs. Dans un travail du même auteur, nous trouvons que le hanneton peut trainer un poids égal à quatorze fois celui de son corps, l'abeille un poids vingt-trois fois plus lourd qu'elle même.Moi-même, j'ai vu, avec M. Carvallo, un gas- trocnémien de grenouille, ne pesant que 0 gr. 9, soulever 3.500 grammes. Ces phénomènes dyna- miques du muscle contrastent étrangement avec ses autres propriétés physiques. Si nous ouvrons la pince fraiche d'un crabe, de 1122 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE facon à mettre à nu le muscle adducteur qui la | remplit presque en entier, nous devons être frappés du peu de consistance de ce muscle. Au lieu de trouver, comme il semble qu'on devrait s’y altendre, en songeant à la force énorme avec laquelle le crabe ferme sa pince, un organe difficile à extirper et à arracher, nous découvrons un tissu beaucoup plus mou que la chair des Vertébrés; c'est presque une vérilable gelée. Le même fait se présentera chez les Insectes, et nous constatons ce fait étrange que les animaux dont les muscles ont été reconnus comme les plus puissants ont la chair la plus molle. Ceci paraît au premier abord paradoxal; mais il faul songer qu'il n'y à aucun rapproche- ment à faire entre la résistance à l'allongement d'un muscle au repos et d'un muscle en contrac- lion. Si l’on isolait un muscle de crabe, on consta- terait certainement qu'à l'état d'inactivité, il s’al- longe beaucoup pour une faible traction, et il semblerait qu'il n'est capable de soutenir qu'un poids très faible, mais il n’en serait plus de même pendant la contraction. Ce fait n'a pas loujours été bien compris, et c'est en partie à cela que lient le désaccord entre les diverses expériences faites sur ce sujet. Suivant la manière dont un muscle est exeilé, on trouve des chiffres très différents pour la force-limite qu'il peut développer. Ainsi, Fick a montré, sur l'homme, que la contraction volontaire est toujours supérieure, comme effet produit, à toute excitation artificielle. Aussi, il n’est pas étonnant de voir la plupart des auteurs attribuer au muscle de l'homme une force, par centimètre carré, supérieure à celle des autres animaux, de la grenouille par exemple; c'est que, dans le premier cas, on opérait avec la contraction volontaire: dans le second, avec une contraction provoquée artificiellement. Une cause d'erreur s'in- troduit aussi dans ce genre d'expériences par suite de Ja difficulté qu'il y a à mesurer la section trans- versale des museles, d'aulant plus que, très sou- vent, les muscles sur lesquels on opère ne sont pas à fibres parallèles. Aussi, si nous possédons beaucoup de documents permettant d'apprécier plus où moins la force d’un groupe de muscles, nous sommes, d'un autre côté, fort mal renseignés sur cette force musculaire rap- portée à l'unité de section, ce qui serait vraiment important pour la comparaison des muscles dans la série animale. Pour montrer le désaccord qui existe, à ce point de vue, entre les divers auteurs, il nous suffira de dire que Weber a trouvé que le musele de l'homme pouvait exercer un effort de 1.000 grammes par centimètre carré environ. Kos- ter et d’autres ont donné des chiffres variant entre 6.000 et 8.000 grammes. De mème, pour la grenouille, Weber estime à 692 grammes la force par centimètre carré, Rosen- thal à 3:000 grammes, et moi-même avec M. Car- vallo, en appliquant la méthode de calcul de Weber, nous avons trouvé 19.000 grammes. Voici la série donnée par Plateau : Moyenne générale chez l'homme. RE EL 150. Mollusques lamellibranches. 4.545 — — — CTEN OUI EN TE EMI 2.000 — — — CRANES ES Ce A . + 1.008 — Le chiffre donné pour la grenouille me parait certainement trop faible. Je ne puis porter de juge- ment motivé pour les Mollusques lamellibranches, n'ayant pas d'expérience sur ce point; mais le chiffre donné par Plateau pour le crabe me semble bien faible, étant donné la force de ces animaux. Les arguments donnés par cet auteur pour défendre son chiffre ne me paraissent pas con- cluants. Il m'est arrivé de mettre un crayon entre les pinces d’un homard de taille moyenne; le bois fut écrasé, et cet effet ne me paraît pas compatible avec le chiffre de Plateau. Je répèle qu'il y aurait grand intérêt à ce qu'un même auteur comparät à nouveau la force absolue des muscles dans les diverses espèces animales, en employant autant que possible des procédés identiques. A côté de la force de contraction du musele, nous devons aussi considérer sa résistance à la rupture. Or, nous avons trouvé, M. Carvallo el moi, qu'un muscle de grenouille peut, en se contractant, soulever encore le poids qui va le rompre. Suppo- sons, par exemple, qu'un gastrocnémien de gre- nouille se rompe sous un poids de 4 kilo; si, au moment où l'on accroche ce poids, on excile le muscle, il peut donner de légères secousses. Il arrive même que ce soient ces secousses qui pro- voquent la rupture. Mais voici un fait qui me paraît avoir la plus grande imporlance. Prenons un muscle, un gas- trocnémien de grenouille, par exemple. Faisons-lui exercer une certaine traction sur un dynamomètre; cette traction sera de 500 grammes, je suppose. Cela fait, cherchons sous quelle charge se produit la rupture du muscle à l’état de relâchement; elle pourra être de 4.000 grammes. Si, maintenant, nous cherchions à rompre le muscle pendant sa contrac- tion, il faudrait un poids de 1.000 grammes, plus 500 grammes représentant l'effort que le muscle est capable de développer. Cette vérification peut - se faire en opérant sur le gastrocnémien symé- trique de celui qui a servi à déterminer la charge de rupture à l’état de relächement. Ceci démontre d'une façon indiscutable l'exactitude de cette pro- position, sur laquelle M. Chauveau a tant insisté, et que l’on peut formuler ainsi : « La force développée par un muscle qui se con= D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1123 tracte ne résulte pas d'une modification des pro- priélés du muscle à l’état de repos, mais est pro- duite par un phénomène nouveau, qui n'existe pas dans le muscle inactif, et dont ce muscle n’est, pour ainsi dire, que le support. » Celte manière de voir concorde aussi parfaite- ment avec les idées de Pflüger et de Fick, sur les origines de la contraction musculaire. Pour rendre plus claire la proposition que j'ai énoncée, je ferai une comparaison; mais, bien entendu, je ne veux nullement, dans l'exemple que je vais prendre, élablir même une simple analogie avec les causes de la contraction musculaire. Sui- vant les théories de Pflüger et de Fick, qu'il n’y a pas lieu de développer ici, je crois que la cause pre- mière de la contraction musculaire est un phéno- mène purement chimique; l'exemple que je cite est, au contraire, du domaine purement physique; je le prends parce qu'il me semble plus simple pour ce qui nous occupe. Pour allonger d'une certaine quantité un ressort à boudin, il faut une certaine force ; admettons que ce soit 1.000 grammes. Ce ressort à boudin nous représente le muscle reläché. Faisons passer un courant électrique dans le ressort; les diverses spires vont s'attirer les unes les autres, le ressort se contractera, et, pour l'allonger au mème point que précédemment, il faut exercer une traction de 1.000 grammes, plus ce qui est nécessaire pour vaincre l'attraction des spires due au passage du courant. Cette seconde force pourra être de 500 grammes, par exemple. Ce sont ces 500 grammes qui représentent la force développée par le ressort qui se contracte. Cette force est complètement indépendante de la rigidité du ressort, du diamètre et de la nature du fil, et, par suile, n’est nullement liée aux propriétés phy- siques de ce ressort. Elle résulte exclusivement d'un phénomène nouveau dont le ressort n'a élé que le support. On conçoit maintenant pourquoi il n'y a aucune relation entre la force énorme que peut développer un muscle et sa consistance à l'état de repos, pour- quoi aussi l'étude de la force que peuvent exercer les divers muscles dans la série animale serait un des éléments les plus importants de la physiologie comparée du musele et apporterait une contribution importante à la connaissance des origines, de la contraction musculaire. Malheureusement, cette étude n’a pas été faite d'une facon assez suivie. j Jusqu'ici, les efforts des divers expérimentateurs se sont surtout portés sur l'application de la mé- thode graphique à la contraction musculaire. Le premier myographe est dû à Helmholtz. Mal- gré de nombreuses imperfections, cet instrument permit à son illustre inventeur de découvrir les phé- nomènes les plus importants de la contraction mus- culaire. Aujourd'hui, presque chaque expérimenta- teur a son myographe; en France, c’est le modèle de Marey qui est le plus employé. Un myographe consiste essentiellement en un levier mobile autour d'un axe, dont la pointe inscrit ses déplacements sur un papier enfumé. En général, on relie l'extrémité du muscle dont on veut enregistrer les mouvements au levier myogra- phique par un fil attaché à une certaine distance de l'axe de rotation. Très près de cet axe, on fixe un autre fil supportant un poids tenseur et chargé de ramener le levier lorsque le muscle s'allonge. On a ainsi un myographe dit isotonique, ce qui veut dire que, pendant toute la durée des opérations, la ten- sion exercée sur le muscle est constante. Dans d’autres cas, le muscle exerce sa traction au voisi- nage de l'axe de rotation, le levier étant ramené par un ressort. Dans ce cas, le musele ne se raccour- cit pour ainsi dire pas; le myographe est dit iso- métrique. Parfois aussi, le levier repose sur la face latérale du muscle, dont on enregistre alors le gonflement. Quand on fait une excitation brève du muscle, soit directement, soit par l'intermédiaire du nerf, on enregistre, par un des procédés que nous venons d'indiquer, ce que l’on appelle une secousse mus- culaire, c'est-à-dire que, sur le graphique, on cons- tate que le muscle s'est raccourci en se gonflant, puis à repris sa forme primitive. En général, il n'y a pas de plateau, c'est-à-dire que le raccourcisse- ment maximum n'est pas durable. ; Je reviendrai plus loin sur la forme de cette secousse; Mais, auparavant, il y a une remarque importante à faire. Si nous provoquons la contraction musculaire en excitant le muscle par l'intermédiaire de son nerf, la secousse se produit, en même temps, en tous les points du muscle. Il en est de même si une exci- talion électrique traverse le muscle dans toute sa longueur. Mais Aeby, le premier, et beaucoup d’autres auteurs depuis lui, ont montré qu'en por- tant l'excitation en un point de l'extrémité du muscle, la contraction, d’abord localisée au point excité, se propage comme une onde tout le long du musele. Ce phénomène a été désigné sous le nom d'onde musculaire; il a été constaté sur des muscles très différents. Aeby, Marey, d'autres encore, ont mesuré sa vitesse de propagation sur le muscle de gre- nouille. Hermann a fait la même détermination chez l'homme, Romanes chez la méduse. Une expérience d'Engelmann permet de constater la marche de cette onde à l'œil nu. Il suffit, pour cela, de prendre un uretère de lapin ; cet organe se comporte comme 1124 D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE une seule fibre musculaire, mais, étant composé de cellules lisses, les mouvements s’y produisent très lentement, et il suffit de pincer une de ses extrémités pour voir une onde partir du point excité et par- courir l'uretère dans toute sa longueur. On peut aussi suivre la marche d'une onde musculaire sur un muscle d'Insecte. Il suffit, pour cela, d'arracher une patte à un hydrophile et de faire tomber sur une lame de microscope la goutte du liquide qui s'échappe de la plaie. Dans cette goutle, on dissocie délicatement un fragment de muscle pris dans le premier article de la patte; il faut, dans cette opéra- tion, froisser le moins possible les fibres muscu- laires. On met un couvre-objet et on borde à la paraffine. En examinant cette préparation, on ne tarde pas à voir des fibres admirablement striées être parcourues par l'onde. Cet onde se propage assez lentement pour être vue, mais trop rapide- ment pour que l'on puisse suivre les modificalions de striation qui l’accompagnent. Voici un tableau emprunté à L. Hermann et qui donne les vitesses de propagation de l'onde mesu- rées par divers expérimentateurs OBJECT, VITESSE AUTEUR Ilomme vivant. . . . 10-13" L. Hermann, Chien et lapin (Muscle ISOLÉ) FN rire 2-6 Bernstein et Steiner. Grenouille (muscle 150]0) ENT ee 1-1,2 Aeby, V. Bezold, En- gelmann, Place,etc. scie GRAS RO 3-5 Bernstein, Valentin, s Hermann. Tortue (muscle isolé). 0,57 Aeby. GARE LME OL EUC 1,8 Hermann. Cœur 0,1 Marchand. I ANOME ENS 0,07-0,049 Engelmann. Uretère . 0,025 Engelmann. MÉduse 3,1: uen 0,5 Romanes. Certains auteurs ont pensé que la contraction d'un muscle dans son entier résultait d'une superposi- tion d'ondes. Le phénomène de l'onde serait ainsi absolument fondamental. D'autres expérimenta- teurs croient, au contraire, que, dans la plupart des cas, il ne se présente que sur le muscle fatigué ou altéré. Laulanié, en examinant des larves de Core- thra pluvicornis, dont la cuticule transparente per- met d'examiner au microscope les muscles vivants, a conclu de ses observations que, pendant toute la période où la larve est en bon état, les muscles se contractent dans leur totalité d’un seul coup, et que l'on ne voit apparaitre d'onde se propageant d'une extrémité à l'autre qu'au moment où les mouvements se ralentissent par suite du dépérisse- ment de l'animal. J'ai essayé sur divers objets, dont le plus favorable m'a semblé être le muscle hyoglosse de la grenouille, de faire des chronopho- tographies de la fibre musculaire, pendant sa con- traction. J'ai obtenu de très bonnes épreuves avec ; des temps de pose de 1/5000 de seconde, mais Je n'ai jamais pu voir d'onde. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on provoque la contrac- tion du muscle par une excitation très brève por- tant soit sur le muscle lui-même, soit sur le nerf, on obtient ce que l’on appelle une secousse museu- laire, c'est-à-dire que le muscle se raccourcit brus- quement el reprend ensuite sa longueur primitive. Si le muscle a élé fixé à un myographe, on enre- gistre une courbe comme celle qui est représentée sur la figure 29. La branche ascendante correspond à ce que certains auteurs appel- lent la période d’acti- Fig. 29. vité croissante, la bran- che descendante à ce qu’ils appellent la période d'activité décroissante. Avant d'aller plus loin, il faut signaler ce fait très important, c'est que le muscle ne commence pas à se ‘contracter aussitôt que l'excitalion s'est pro- duile; il s'écoule un certain temps, mis en évidence pour la première fois par Helmholtz, et appelé temps perdu ou période d’excitation latente, entre le moment de l'excitation et le commencement de la réponse. Ce phénomène est absolument général dans l'organisme, quel que soit l’organe en jeu. Si la lumière tombe sur la rétine, il faut un certain temps pour que l'œil la perçoive. De même, il s’écoule un certain intervalle entre le moment où l’on fait une piqûre au doigt, et celui où a lieu la perception. Je m’abstiens de décrire les procédés qui ont été employés pour mesurer cette période latente du muscle; ces mesures sont délicates et exigent de grandes précaulions pour ne pas êlre entachées d'erreurs. Les divers auteurs qui se sont occupés de cette question ont obtenu, pour le même muscle, des résultats assez variables ; malgré cela, il ressort clai- rement de l’ensemble des résultats que nous possé- dons une loi fort simple. La période latente d'un muscle est d'autant plus grande que les mouve- ments produits par ce muscle sont plus lents. Ainsi, pour le muscle de grenouille, on admet générale- ment qu'il commence à se contracter 0"O1 après l'excitation, tandis qu'il faut, pour la même opé- ration, 0"3 au muscle de limaçon, et qu'au con- traire, chez les Insectes, la période latente devient forcément très courte puisque, chez certains d’entre eux, les coups d'ailes peuvent se succéder à un intervalle de 0003. Diverses circonstances peuvent, d’ailleurs, influer sur cette période latente ; elle varie, en effet, avec la grandeur de l'excitation, avec le poids tenseur, avec la fatigue du muscle. Mais le facteur le plus D' G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE important est la température. Si l'on passe de 20° - à 0°, on voit la période latente d'un muscle de gre- nouille devenir quatre ou cinq fois plus longue à basse température. Richet à montré que, si l’on porte sur un muscle une première excitation restant sans effet, une deuxième excitation pourra être accompagnée d'une réponse à période latente plus courte que de coutume, car elle pourra tomber à 0003 chez la grenouille. Enfin, remarquons que ce qui devrait à propre- ment parler ètre considéré comme la période latente du muscle, c'est l'intervalle qui s'écoule entrel'exci- tation et le moment où le muscle entre en activité. Or, le moment où le muscle entre en activité n’est pas celui où sa forme extérieure se modifie. Par suite de l'inertie de la matière et de l’élasticité de certaines parties constituantlemusele, il s'écoule un certain intervalle entre'ces deux phénomènes; aussi, plus on cherche à réduire ces deux causes d'erreur, plus la période latente mesurée est petite. Certains auteurs prétendent même qu'elle se réduirait à zéro si l’on pouvail la mesurer sur les éléments con- tractiles isolés du muscie. Passons maintenant à la secousse proprement dite; là encore nous lrouvons de grandes diffé- rences entre les muscles des divers animaux, et même entre les divers muscles d’un même animal. Bien entendu, je ne fais pas allusion, en ce moment, à la différence qui existe entre les muscles lisses et les muscles striés, car, depuis fort longtemps, c'est un fait reconnu que les premiers se distin- guent des seconds par la lenteur de leur secousse. En 1873, Ranvier fit une observation de la plus baute importance. Depuis fort longtemps, les ana- tomistes avaient constlalé, chez les Vertébrés, la présence de deux espèces de muscles striés, les muscles rouges et les muscles blancs, mais ils n’en avaient pas compris la signification. La distinction entre muscles rouges et muscles blancs est particu- lièrement nette chez le lapin domestique. Il est, en effet, aisé de constater que, si la plus grande partie de la chair de cet animal se distingue par sa cou- leur pâle de celle des autres animaux, il y a cepen- dant quelques muscles de couleur très foncée, par exemple le demi-membraneux ou le solaire. La même distinction peut se faire chez la poule, entre les muscles des ailes qui sont blancs, et ceux des paltes qui sont rouges. M. Ranvier a montré que cette différence analomique élait accompagnée d’une distinction fonctionnelle importante. Si, par une excitation électrique, on provoque la contrac- tion de ces divers muscles, on voit les muscles blancs donner une secousse extrêmement rapide; le muscle rouge, au contraire, se contracte lente- ment, comme s’il présentait les symptômes de la fatigue. Il est facile de prendre des tracés de ces REVUE GÉNÉRALE BES SCIENCES, 4901, deux espèces de muscles, et l'on constate que la secousse du muscle rouge est environ quatre ou cinq fois plus longue que celle du muscle blanc. Par contre, le premier a un avantage sur le second, c'est qu'il se fatigue beaucoup moins vite, de telle sorte que l’on peut dire que le muscle blanc sert à produire les mouvements rapides, le muscle rouge servant aux efforts soutenus. En 1878 parut un travail, trop longtemps ignoré, de Coutance. Déjà, R. Blanchard avait bien établi que le muscle adducteur du Pecten contenaii deux sortes de fibres, des fibres lisses et des fibres siriées, formant deux masses nettement séparées. Coutance montra que l’une de ces masses, celle qui était composée de fibres striées, produisait des mouvements beaucoup plus rapides que l’autre, dont la caractéristique élait la force et l’effort sou- tenu. Il avait résumé les conclusions de ses recher- ches dans la formule suivante: Le muscle strié ramène la valve, le muscle lisse la maintient fer- mée ». De plus, Coutance avait montré que cette différence fonctionnelle se retrouve chez un grand nombre de Mollusques acéphales, même chez ceux où il n’y a pas à faire de distinction entre un groupe de fibres striées et un groupe de fibres lisses dans le muscle adducteur des valves. Puis, Richet montra 'chez l'écrevisse, en 1879, l'adaptation remarquable à la fonction du tissu museulaire. La locomotion rapide de l’écrevisse se fait à l’aide de la queue, qui lui sert comme d’une rame; dans ce but, cetle queue est munie de mus- cles se contractant très rapidement. Les pincesne se ferment que lentement, mais avecune grande force ; aussi, le musele qui les fait mouvoir donne-t-il une secousse plus longue que le muscle de la queue ; nous retrouvons les mêmes différences qu'entre les muscles rouges et blancs; mais, ici, la fonction de chacun d'eux est très séparée et les phénomènes d'adaptation sont bien mis en évidence. Enfio, il résulta d’un travail de Cash que, même chez un animal comme la grenouille ou le crapaud, où il ne semble pas qu'il doive y avoir entre les divers muscles de différence fonctionnelle bien grande, chaque muscle a une forme de secousse déterminée, si bien qu'à la seule inspection du tracé on peut dire quel estle muscle sur lequelil a été pris. Grützner a expliqué cela en supposant, dans tous les muscles, la présence de deux espèces de fibres musculaires, les unes à contraction rapide, les autres à contraction lente. Suivant les nécessités fonctionnelles, il y aurait dans un muscle prédo- minence de l’une ou de l’autre espèce de ces fibres, et la forme de la secousse serait modifiée. Chez les Insectes, on trouve aussi des muscles à secousse rapide ou lente. Rollett a pris des tracés sur divers Coléoptères, entre autres sur 24"* 1126 l'hydrophile, le hanneton et le dytique, et ses gra- phiques nous font voir que les deux premiers de ces trois Insectes ont des muscles à secousse lente comparables aux muscles rouges du lapin, le dyti- que donnant une secousse plus brève. Ces expérien- ces ne se rapportent qu'aux muscles des paltes; malheureusement, on n’a pu encore expérimenter sur ceux des ailes, qu'il serait cependant si utile d'étudier physiologiquement comme on l’a fail ana- tomiquement. Nous avons donc vu que non seulement la rapi- dité de la secousse varie d’un animal à l’autre, sui- van{ qu'il a, d'une facon générale, des mouvements plus ou moins lents, mais encore que les divers muscles d'un même animal s'adaptent à sa fonction particulière. Il est encore bon de citer cet exemple intéressant, signalé par Me Pompilian, de la période latente du musele rétracteur des cornes de l’escar- got, très courle par rapport à celle des autres muscles du corps. Je n'ai pas encore parlé d’un facteur qui à une influence de premier ordre sur ce genre de phéno- mènes, c’est-à-dire de la température. Marey, le premier, a mis cette aclion en évidence sur le muscle de la grenouille. Plus la température est basse, et plus sont longues la période latente et la secousse elle-même. Tous les muscles de la série animale sont soumis à cette loi ; aussi, lorsque l’on fait des comparaisons de tracés, faut-il tenir grand compte de ce facteur. Si l'on ajoute que la gran leur de l'excitation etle poids tenseur modifient aussi la forme du tracé de la secousse, on comprendra combien il est difficile de mettre en parallèle les résultats de recherches des divers auteurs sur tel ou tel animal. Comment comparer les tracés de Richet sur l'écrevisse à ceux de Rolett sur les Insectes ou à ceux de Cash sur la grenouille et le crapaud? C'est pour cette raison, je le répète, que MM. Jollyet etSelliernous rendront un service considérable en publiant une série de tracés, pris dans les mêmes conditions, sur divers animaux. Lorsqu'au lieu de faire une excitation unique, on la répète périodiquement, on voit les secousses se succéder; mais, si elles se rapprochent trop les unes des autres, elles se fusionnent de plus en plus, et, pour une fréquence suffisante, on a un raccour- cissement permanent ou tétanos physiologique. Le mot de fusion des secousses n'est pas très heureux, la secousse est un phénomène tout à fait artificiel; et ce n’est pas simplement la succession d’un certain nombre de secousses qui produit le raccourcisse- ment du muscle à l’état de tétanos. Il est très aisé de se rendre compte de ce fait. Portons, soit sur un muscle, soit sur un nerf moteur, une excitation très faible; nous n'aurons sans doute aucune D' G. WE£ISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE réponse, mais faisons croître peu à peu l'excitation; il arrivera un moment où le muscle donnera une très légère secousse : nous serons à l'excitation minimale ou au seuil de l'excitation. À partir de ce moment, la hauteur de la secousse croît rapidement, pour atteindre un maximum qu'elle ne dépassera pas. Il est un muscle, le cœur, pour lequel toute excitation, ou bien est insuffisante à produire la moindre réponse, ou bien donne la secousse maxi- male; il n'y a pas d’intermédiaire. Pour les autres muscles, il n’en est pas ainsi; mais l'intervalle entre le commencement de la réponse du muscle et la secousse maximale est très resserré; il faut une graduation très précise de l'excitation pour avoir une série de secousses croissantes. Il ne faut pas se tromper sur le mot de secousse maximale : il semblerait 4 priori qu'elle doive cor- respondre au plus grand raccourcissement dont le muscle est capable ; or, il n’en est rien. Le muscle ne peut pas donner de secousse plus haute, quelle que soit la grandeur de l’excilation, mais à une con- dition, c'est que cette excitation soit unique. Si elle vient à se répéter avec une certaine pério- dicité, on constate que, pendant un temps parfois très long, chaque secousse est légèrement plus haute que la précédente, et la série forme une sorte d'escalier, d’où le nom qui lui a été donné : « die Treppe, l'escalier ». Si, maintenant, nous passons au tétanos, nous aurons un raccourcissement beaucoup plus grand encore. Cela prouve que ce ne sont pas les conditions mécaniques du musele qui s'opposent à ce que la secousse dépasse une cerlaine hauteur, mais que celte limite tient à la nature de l'excitation. On voit done que l'étude de la secousse musculaire, quoique étanttrèsimportante, ne nous renseignera jamais parfaitement sur la fonction physiologique du muscle des divers animaux. Elle y apporte toutefois une contribution considérable, car, de la longueur de la secousse, on peut prévoir la facilité plus ou moins grande avec laquelle se produira le tétanos; il faut, en effet, une répétition d'autant plus fréquente des excitations que la secousse est plus courte, et les trois phénomènes : période latente, longueur de la secousse et production du tétanos, marchent sensiblement parallèlement. Certes, l'étude de la contraction musculaire chez les divers animaux est très imporlante, mais la comparaion des résultats est extrèmement dif- ficile par suite de la différence de structure qui existe entre ces muscles. Mais nous savons que, pendant le développement des embryons, leurs organes et leurs tissus subissent une série de transformations représentant les divers stades que l'on trouve chez les animaux placés plus bas dans D: G. WEISS — LE MUSCLE DANS LA SÉRIE ANIMALE 1127 l'échelle des êtres. Pour cette raison, j'ai pensé qu'il y aurait intérêt à étudier la contraction mus- culaire chez les embryons de Mammifères. J'ai entrepris ces recherches sur le fœtus de cobaye, en collaboration avec M. Carvallo. Les recherches de Patrizzi sur le Zombyx mori ne rentrent pas dans cet ordre de faits, car le ver, la chrysalide et le papillon sont, à ce point de vue, des animaux différents. Avant nous, Soltmann avait trouvé que le muscle du nouveau-né se contracte lentement, comme celui de l'adulte lorsqu'il est fatigué. Meyer, expérimentant sur le chien, avail aussi donné des tracés extrêmement allongés de la secousse, Nous n'avons pas observé pareille chose sur le cobaye à terme, qui donne une secousse sensible- ment aussi rapide que l'animal adulte. Pour opérer avec les fœtus très jeunes, il faut opérer avec beaucoup de précautions, en plaçant la mère dans un bain d'eau salée, à 7 °/, de chlorure de sodium, à la température du corps, c'est-à-dire à 38° environ. Le fœtus doit être con- servé sous le liquide pendant toute l'opération. On constate alors que plus l'animal est jeune et plus la secousse que donne son gastrocnémien est allongée. En faisant varier la température, on voit, qu'elle agit comme sur tous les muscles. De même, la période latente augmente et le tétanos se pro- duit d'autant plus facilement que l'on refroidit da- vantage l’eau du bain. On voit qu’au point de vue physiologique il se produit une transformation continue et progressive dans le muscle; c’est par gradation lente que l’on passe du muscle le plus lent au muscle le plus ra- pide, et, à la seule inspection de la fonction d’un muscle, on peut en déduire très approximative- ment la période latente, la longueur de la secousse, la facililé avec laquelle se produit le tétanos. L'architecture des muscles est soumise à des lois connues aujourd'hui et nous avons vu que tous les muscles ont une disposition rationnelle de leurs fibres. C'est l'histologie comparée des muscles qui est la moins avancée, et l'on n’a pu encore établir aucun lien précis entre la structure de la fibre musculaire et ses propriétés fonctionnelles ; c'est sur ce point, semble-t-il, que devrait porter l'effort des chercheurs ‘. D' G. Weiss, 1 génieur des Ponts et Chaussées, Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. 1 Dans la première partie de cet article, on a donné par erreur, pour représenter la complication que peut atteindre la structure de la paroi musculaire de certains animaux, une coupe de Sagartia parasilica (fig. 14, page 1035). Cette com- plication eût dù étre figurée par une coupe de Protula protusea. 1128 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE En inaugurant ici une Revue annuelle d'Embryo- logie, nons devons dire tout d'abord en quoi consistera ce travail et comment nous avons l'in- tention de le comprendre. Dépuis longtemps déjà, la tendance des sciences morphologiques est de plus en plus tournée vers l'Embryologie : l'Anatomie descriptive, de même que l’Anatomie comparée, sont devenues tribu- taires de l'histoire du développement de l'homme et des animaux; pour beaucoup de zoologistes, la Systématique ‘apparait comme devant être une application rationnelle de l’Embryologie, et les grandes questions d'Embryologie générale, si pas- sionnantes, s'imposent tous les jours davantage à l'esprit des jeunes savants, aussi bien botanistes que zoologistes. Les revues générales d’ ee ou de Zoologie qui paraissent ici même, chaque année, se res- sentent un peu de cet esprit particulier des sciences biologiques. Venant après elles, notre premier de- voir sera donc d'éviter de faire un double emploi avec elles. | Cependant, nous ne pouvons pas oublier que l'Embryologie est une science complète, indépen- dante des autres parties de la Biologie. Son but est, en effet, nettement déterminé et, si elle a pris quelques-unes de ses méthodes à l'Histologie, ses principales lui appartiennent bien en propre. L'Embryologie ne peutplus être considérée, main- tenant, comme un simple chapitre de la Physiologie, ainsi que le comprenait l'enseignement de la Sor- bonne au siècle qui vient de finir. C’est également davantage qu'une science morphologique, comme on la trouve définie dans le célèbre Traité de Külliker. Son rôle est beaucoup plus grand, car elle doit montrer quelle est l’origine des êtres vivants, comment se constituent les organes et de quelle façon arrivent à fonctionner les organismes adultes. L'Embryologie, appelée encore Æmbryogénie ou Ontogénie, peut se diviser en Embryologie ani- male et Embryologie végétale; mais, vue dans son ensemble, elle comprend les parties’ suivantes : d’abord, la connaissance des éléments sexuels, de la fécondation et des premiers stades de dévelop- pement; ensuite, l'étude de l'embryon proprement dit, qui doit être envisagé successivement au point de vue statique et au point de vue dynamique. Dans le premier cas, nous avons l’hislogenèse, l'organo- genèse et la morphogenèse; dans le deuxième cas, nous avons l'étude des formes larvaires et des mé- tarnorphoses, la connaissance des rapports que l'embryon affecte avec le milieu dans lequel il vit, et laphysiogenèse, qui comprend l'histoire de l'évo- lution des fonctions organiques. Chacune de ces parties peut se subdiviser elle-même en étude des types normaux et en étude des (ypes anor- maux ou féralologie. Enfin, couronnant tous ces différents points de vue, se trouve l’Æmbryologie générale, qui cherche à tirer les lois du développement, et qui étudie les grands problèmes de la vie s’y rapportant : héré- dité, hybridité, télégonie, origine des sexes, etc. Par là, l'Ontogénie est reliée à l’autre science sœur, la Phylogénie, qu'on appelle encore Science de la Descendance ou de l Évolution. Tel est le vaste champ dans lequel nous aurons à glaner; champ vaste, non seulement par son étendue, mais encore par le nombre de produits qu'il fournit chaque année. Quelques-uns nous échapperont sans doute et, parmi eux, peut-être des plus importants. Aussi serions-nous très re- connaissant à tous les embryologistes de nous envoyer, au bureau de la Revue, un tirage à part de leurs Mémoires. Naturellement, nous n'avons pas l'intention de rendre compte, chaque fois, de tous les travaux de l'année qui parviendront à notre connaissance. Nous choisirons, parmi eux, ceux qui formeront un ensemble sur un sujet donné, reportant les autres à une revue ultérieure. C'est ainsi qu'il pourra nous. arriver de parler de Mémoires déjà vieux de deux ou trois ans. Si l'actualité y perd, l'intérêt même: de nos.lecteurs y trouvera son compte, nous l'es- pérons. I. — SUR LA FÉCONDATION 1. Recherches sur la Fécondation chez les Ani- maux. — En 1889, Boveri! avait montré que des. ovules privés de leur noyau, puis fécondés, s'étaient développés comme des ovules complets. Ces expé- riences furent reprises occasionnellement par Mor- gan en 1896, puis par Ziegler en 1898; elles l'ont été surlout, depuis trois ou quatre ans, par Delage, dans des conditions précises et plus démonstra- tives. Boveri et Morgan expérimentaient un peu à l’a- veuglelte, en secouant tout simplement des œufs dans un tube de verre, et Ziegler opérait sur des œufs fécondés. Delage * mérotomise directement ÿ Boverr : Merogonie (Y. DELAGE) und Ephebogenesis. (B. Rawxrz), neue Namen für eine alte Sache. Anat. Anz., 1901, t. XIX, p. 156-172. ? Decace (Y.) : Etudes sur la mérogonie. Arch. Zool. expér., 1899, t. ve p. 383-417, avec 11 fig. — Embryons sans noyau maternel. . R. Ac. Se., Paris, 10 octobre 1898 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 1129 les œufs vierges auxquels il s'adresse et peut arri- groupe subit les changements suivants : la capsule ver, ainsi, à faire agir les spermatozoïdes sur des fragments non nucléés, représentant seulement, dit-il, la 37° partie de l’ovule primitif". D'un autre côté, Boveri, Morgan et Ziegler ne s'étaient adressés qu'à des œufs d’oursin, alors que Delage expérimente sur des œufs d'Echinoder- mes (Sirongylocentrotus lividus), de Mollusques (Dentale entale) et de Vers (Lanice conchylega). Dans ces conditions, il obtient des larves avec plus de facilité, même, qu'avec des œufs entiers conservés comme témoins. Il arrive ainsi à se faire une opi- nion, un peu particulière, de la fécondation. « Le phénomène essentiel de la fécondation, conclut-il, n'est pas la fusion des noyaux spermatique et ovu- laire dans l'œuf, mais bien l'union d’un noyau sper- matique (accompagné de son spermo-centre) avec une cerlaine masse de cytoplasme ovulaire. » C'est ce phénomène essentiel que reproduiraient ses expériences, phénomène auquel il donne le nom de mérogonie où fécondation mérogonique. Cependant, si la mérotomie employée par Delage est une méthode supérieure au secouage de l'œuf, elle reste toujours soumise au même reproche de brutalité qu'on a appliqué avec raison à la méthode de Boveri. Le nouveau procédé suivi celte année par Rawilz ? est, certes, beaucoup plus rationnel, quoiqu'il ne soit pas davantage exempt de reproches comme le pense l’auteur. Pour ses expériences, Rawitz prend d’abord des espèces très éloignées l’une de l’autre, comme une Holothurie et un Oursin, de manière à éviter tout croisement possible. Ensuite, il plonge les élé- ments séminaux des espèces choisies dans une solu- tion de chlorure de magnésium et de borax addi- tionnée ou non de phosphate de chaux. Dans ces solutions, les spermatozoïdes, enlevés directement du testicule, müûrissent promptement, c'est-à-dire acquièrent leurs mouvements caracté- ristiques ; c'est ce que Rawitz appelle maturation artificielle de semence. Quant aux œufs, les uns ne changent pas, d’autres meurent, el un troisième 4 Giard vient de faire connaître à la Société de Biologie (Pour l'histoire de la Mérogonie. C. R. Soc. Biol., Paris, 49 oct. 1901) un travail de J. Rostafinski, paru en 1877: Sur Ja divisibilité de l'œuf (dividua ovi natura) et sur la fécon- dation chez les Alques. Dans ce Mémoire, non seulement le professeur de Cracovie « pose de la facon la plus nette le problème de la mérogonie », mais encore il se sert des « diverses techniques qui ont été suivies depuis, par les embryogénistes, pour sectionner l'œuf animal. » Dans la:même communication, Giard signale un travail fout nouveau de Hans Winkler (Ueber Merogonie und Be- fruchtuag, Jahrbücher f. wiss. Botanik, 1901, Bd. XXVI, ‘Heft 4), qui a fait, sans grand succès, du reste, d'autres expé- riences de mérogonie sur des végétaux. ? RawirZz (B) : Versuche über Ephebogenesis. Arch. f. Entw. mech., 1901, t. XI, p. 206-221, avec 1 pl. — Neue Ver- -ssuche über. Éphebogenesis. Arch. f. Entwickelungsmech., 4901, t. XII, p. 454-470, avec 1 pl. ovulaire se fend et rejette tout son contenu; alors l’ovule, en se contractant, expulse son noyau et devient comparable à un cytode d'Heckel. C'est sur ces cytodes d'Oursin que Rawitz fait agir de la semence d'Holothurie. Après avoir pénétré dans leur intérieur, les spermatozoïdes grossissent et prennent l'aspect d’un pronucléus; puis, ils se divi- sent et déterminent ainsi un premier élevage du cytode; d’autres élevages semblables suivent; mais, à chaque fois, la quantité de chromatine contenue dans les blastomères diminue, de sorte que les der- niers blastomères paraissent être sans noyau. Ce phénomène s'arrêle de bonne heure, après le stade morula ou blastula par exemple, puis l'œuf meurt. En résumé, dit Rawitz, ces expériences montrent que de la semence mâle apportée sur un solinerte, mais approprié, peut donner d'elle-même nais- sance à un nouvel organisme. C'est confirmer, par là même, une hypothèse que Giard à émise il y à deux ans ‘ en vue d'expliquer les résultals obtenus par Boveri, Morgan, Ziegler et Deiage. Pour Giard, on n'aurait pas affaire, dans les expériences de ces auteurs, au développement nor- mal d'un morceau d'œuf fécondé par un spermalo- zoïde. Ce serait tout simplement le développement du spermatozoïde lui-même, qui trouverait, dans le fragment d'œuf, l'énergie suffisante pour croître et se diviser; autrement dit, on aurait affaire à une sorte de parthénogenèse mâle, à une éphébogenèse (pn60, adolescent), dit Rawitz, analogue à celle qui avait élé observée, à la même époque, par Siedlecki, sur l’Adelea ovata, et, par Klebs, chez des plantes inférieures. Cette opinion, outre qu'elle fait rentrer les nou- veaux faits observés dans les lois connues de la Biologie, explique certains résultats paradoxaux obtenus par Delage. Ainsi, Delage ayant obtenu, dans ses expériences de mérogonie, plus d'em- bryons que dans ses expériences de contrôle où les œufs étaient gardés entiers, Giard pense que ces derniers n'étaient pas encore complètement mûrs; dans ces conditions, ils devaient phagocyter les spermatozoïdes qui seraient venus pour les fé- conder; au contraire, les fragments d'ovules énu- cléés, ne pouvant plus exercer cette phagocytose, auraient laissé le noyau mâle se développer à leurs dépens. . L'interprétation de (Giard permet encore de com- prendre les phénomènes observés par Héron- 4 Grarp (A.) : A propos de la parthénogenèése artificielle des œufs d'Echinodermes. C. R. Soc. Biol., Paris, 4 août 1900. — Sur le développement parthénogénétique du mi- crogamète des Métazoaires. G. R. Soc. Biol. de Paris, séance du 4 novembre 1899. — Parthénogenèse du macrogamète et du microgamète des organismes pluricellulaires. Cinquan- tenaire de la Société de Biologie, Paris, 1900, p. 654-667. 1130 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE Royer, en 1883, et par Millardet, en 1894; ces sa- vants ayant obtenu des hybrides à caractères paternels exclusifs ou au moins prédominants, il est probable, en effet, que le pronucléus mâle seul se serait développé, alors que le pronucléus femelle aurait dégénéré. Une autre hypothèse, qui rappelle le quadrille des centres de Fol, a été donnée par Le Dantec ‘ pour expliquer la mérogonie. Dans la fécondation, Le Dantec admet deux actes complètement dis- tincts : 1° une attraction entre deux karyoplasmes sexués (copulation des pronucléus) ; 2° une attrac- tion entre cytoplasmes également sexués, l'un mâle, représenté par le spermocentre (proto- plasma mâle), l’autre femelle, l’ovocentre (proto- plasma femelle), qui ne setait plus figuré dans l’ovule mür, mais y résiderait néanmoins sous forme diffuse. A l’état normal, il y aurait donc une fécondation protoplasmique en même temps qu'une fécondation nucléaire ; dans les cas de mérogonie, le premier acte subsisterait seul, et suffirait pour amener le clivage de l'œuf. Dans une noteultérieure, Delage ? revient sur ses expériences pour discuter et rejeter les interpréta- tions de Giard et de Le Dantec. Il affirme de nou- veau sa conviction que le phénomène essentiel de la fécondation est « la substitution d'un noyau mâle au noyau femelle dans le protoplasma ovu- laire ». C'est là, en définitive, donner une nouvelle forme à la conception ovulaire de Boveri, qui refu- serait à l'ovule l’excitabilité cinétique. Malheureusement, pour la conception de Boveri, au moins, Conklin * vient de montrer, d’une façon très nette, que l’ovule mür possède toujours son centrosome (à l'état figuré) et que ce dernier joue un rôle, aussi important que le spermocentre, dans le phénomène de la fécondation. Conklin reconnaît, en outre, que le quadrille des centres n'existe pas comme il l'admettait encore en 1894; «il avait été induit en erreur, dit-il, par une lobulation ou même une fragmentation de la sphère qui se pro- duit dans certains cas ». Voir également, sur ce sujet, un travail de Smallwood #, que nous n'avons pu nous procurer. Toutes ces recherches morphologiques sont cer- tainement très intéressantes ; mais, à elles seules, ! Le Danrec (F.) : Centrosome et fécondation. C. R. Ac. Se., 1899, t. CXXVIIT, p. 1341-143. — L'équivalent des deux sexes dans la fécondation: Rev. gén. des Sc. pures et appli- quées, A899, t. X, p. 854-863. ? DeraGe (Y.) : Sur l'interprétation de la fécondation mé- rogonique et sur une théorie nouvelle de la fécondation normale. Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, p. 511-527. % Conkui (E.-G.) : Centrosome and sphere in the Matura- tion, Fertilization and Cleavage of Crepidula. Anat. Anz., 1901, &. XIX, p. 280-287, avec 8 diagrammes. * Smazzwoon : The centrosome in the Maturation and lertilization of Bulla, Biological Bull., 1904, t, I, p. 4, elles ne pourront nous renseigner exactement sur la nature de la fécondation, ni sur les points si importants qui s’y rattachent. Il faudra, de toute nécessité, que l’on cherche à acquérir des idées plus exactes sur la physiologie des éléments sexuels et, en particulier, sur les transformations chimiques qui se font dans l’intérieur de l’ovule et dans les noyaux sexuels. Ces questions sont difficiles, im- possibles à résoudre de bien longtemps encore; mais il faut quand même les aborder, sans s’ef- frayer du peu de résultats que l’on obtiendra tout d’abord. C'est pour cela que nous tenons à signaler; ici, quelques essais qui sont en rapport avec ces idées. é Nous citerons d’abord une étude de Yves et Marcel Delage‘ sur les relations qui existent entre la constitution chimique des produits sexuels et celle des solutions capables de déterminer la parthéno- genèse, puis deux notes, l'une de Piéri?, l’autre de Winkler *, qui signalent la présence, dans le spermatozoïde, d’une sorte de ferment soluble, pouvant agir sur l’ovule lors de la fécondation et de la segmentation. C'est en secouant fortement, pendant un quart d'heure, des œufs d’Echinides dans un verre contenant de l’eau distillée que Piéri a obtenu un liquide sous l'influence duquel des œufs vierges se sont segmentés et ont atteint le stade morula. C'est également sur des œufs de Cælentérés (Sphærechinus granularis et Arbacia pustulosa) que Winkler a opéré. Dans une première série d'expériences, il met du sperme dans de l’eau dis- tillée, filtre au bout d'un quart d'heure et ajoute de l'eau de mer en remuant constamment; dans une seconde série, il ajoute, à de l’eau de mer, 20 °/, de sel, ce qui suffil pour tuer les spermatozoïdes. Dans les deux cas, il a vu un petit nombre d'œufs montrer des signes de segmentation, d’abord régu- lière ,pour les deux premiers clivages, ensuite irré- gulière. Ces essais sont évidemment purement empiriques et, par là même, soat sujets à des critiques assez sérieuses; mais ils ont l'avantage d'attirer l’atten- : tion des savants sur celte question. Déjà un phy- siologiste de profession, R. Dubois, a commencé des recherches plus ralionnelles sur le même sujet; dans une Note à la Société de Biologie ‘, il arrive 1 Derace (Yves et Marcel) : Sur les relations entre la constitution chimique des produits sexuels et celle des solu- tions capables de déterminer la parthénogenèse. C. R. Ac. Sc., 2% décembre 1900. 4 Prent (J.-B.) : Un nouveau ferment soluble : l’ovulase. Arch. Zool. expér., 1899, t. VII, notes p. xxIx. 3 WikLer (Hans) : Ueber die Furchuog unbefruchteter Eier unter der Einwirkuug von Extraktivstoffen, aus dem Sperma. Wachr. K. Ges. Wiss., Gottingen Maln. phys. KI., 4900, 187-193; C. R. in Zool. Centrabl., 1900, t, VII, p. 551-552. 4 Dunois (R.) : Sur la spermase et l'ovulase, C. R. Soc Biol., 3 mars 1900. G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE 1131 également à admetlre, dans le spermatozoïde, l'existence d’une zymase et, dans l'œuf, celle d’une substance, au moins, qui serait modifiable par la zymase spermalique. Cela est à rapprocher du ferment diastasique que Muller et Masuyama ont découvert dans l'œuf de poule. Malheureusement, la question vient d'être reprise tout dernièrement par Loeb? et par Gies? sur les éléments sexuels d’Arbacia et, cette fois, elle a été résolue négativement. Loeb n’a ob- tenu aucun résultat en faisant agir quelques fer- ments variés sur l'œuf vierge ; de même, pour Gies, aucun fait bien observé ne montrerait l'existence d'une substance zymogène dans le spermatozoïde. 2. Recherches sur la Fécondalion chez les Vé- gétaux. — Ces travaux nous conduiraient à parler des dernières recherches sur le clivage de l'œuf, puis des théories actuelles sur la fécondation; mais, auparavant, nous devons dire deux mots des dé- couvertes, si importantes, faites chez les végétaux, presque au même moment, par Nawaschin * et par Guignard”. Ces deux savants ont montré que les phénomènes qui se passaient lors dela fécondation, chez les Angiospermes, étaient plus complexes qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. En effet, tandis qu'un des deux noyaux mâles du boyau pollinique se fu- sionne avec l’oosphère pour former l'œuf fécondé, l'autre noyau, généralement le dernier, s’unit avec le noyau secondaire du sac embryonnaire pour former le noyau de l’albumen. L'ensemble de la fécondation se composerait donc, chez ces végétaux, de deux phénomènes distincts : l’un qui donnerait naissance à l'embryon, l’autre qui formerait les substances de réserve destinées à la nourriture de cet embryon. Depuis, d'autres recherches faites par Guignard”, 4 Mueer (J.) et Masuyaua (M.) : Ueber ein diastatisches Ferment im Hühnerei. Zeitschr. f. Biol., t. XXXIX, p. 541-559. ? Logs (J.) : Experiments on artificial parthenogenesis in Annelids (Chætopterus) and the nature of the process of fer- tilization. Amer. Journ. of. Physiol., 4901, t. IV, p. 423-459, avec à fig. $ Gres (J.William) Do Spermatozoa contain enzime having the power of causing developpement of matura ova? Amer. Journ. of Physiol., 1901, t. VI, p. 53-76. 4 Navascun (S.) : Resultate einer Revision der Befruch- luogsvorgänge bei Lilium Martagon und Fritillaria tenella. Bull. Ac. imp. Sc., Saint-Pétersbourg, 1898, t. IX, n° 4, p. 371-382. 5 GuicnarD (L.) : Sur les Anthérozoïdes et la double co- pulation sexuelle, chez les végétaux angiospermes. Æev. gén. de Bot. (Bonnier), 1899,t. XI, p. 128-135, 1 pl. 6 GuiGnanD : Sur l'appareil sexuel et la double féconda- tion chez les Tulipes. ©. R. Ac. Se., 1900, €. CXXX, p. 681-685. — L'appareil sexuel et la double fécondation dans les Tulipes. Ann. Sc. nat. (Bot.), 1900, t. XI, p. 365-387, avec 3 pl. — Nou- velles recherches sur la double fécondation chez les végé- tauxangios permes.C. A. Ac. Se.,1900,t. CXXXI, p.153-160. — La double fécondation dans le maïs. Journ.de Bot., 1901, t.XV. — La double fécondation dans le Naias major. 1d. par Ethel Thomas ‘, par Land *, par Ethel Sargant*, qui donne une bonne bibliographie de la question, et surtout les expériences de de Vries, dont nous parlerons plus loin, sont venues confirmer cette découverte et l’étendre à un grand nombre de plantes de genres ou de familles diffé- rents: Cependant, E. Strasburger‘, passant en revue et discutant toutes les recherches faites sur ce sujet, arrive à une conclusion quelque peu con- traire à celle de Nawaschin et de Guignard. Pour lui, la formation de l’endosperme ne serait pas nécessairement précédée de la fusion de deux noyaux, et, d’un autre côté, celte fusion pourrait se faire sans être nécessairement suivie de la for- mation de réserves nutritives. Ainsi, chez les Or- chidées, où, dès 1877, il aurait montré l'existence d'une double copulation de noyaux se faisant dans le sac embryonnaire, il ne se forme pas d'endo- sperme, et cette absence est due lout simplement, dit-il, à ce que l'embryon des Orchidées n'a pas besoin de substances de réserve pour se déve- lopper. D'un autre côté, Juel (cité par Guignard) a montré que, chez une plante parthénogénétique, l’Antennaria Alpina, Valbumen se forme sans qu'il y ait fusion préalable des noyaux polaires, et, pour Webber, chez le maïs, celte formation peut se faire avant la fécondation. Strasburger propose de séparer les deux ordres de phénomènes sous les noms d'imprégnation gé- néralive (union d'un des noyaux mâles avec l’oos- phère) et d'imprégnalion végétative (union du second noyau mâle avec un des noyaux polaires ou avec le noyau secondaire, ou encore fusion des deux noyaux polaires entre eux). Pour lui, le pre- mier phénomène serait de beaucoup le plus impor- tant, car il comporterait seul la transmission des propriétés héréditaires. Ces dernières conclusions sont certainement trop absolues, comme vont nous le montrer les expériences si intéressantes qui ont été faites sur l'hybridation du maïs. Il y a trois ans, en 1899, de Vries” eut l'idée 1 Taouas (Ernez N.) : Double fertilization in a Dicoty- ledon, Caltha palustris. Ann.of Bot., 1900, t. XIV, p.527-535, avec 1 pl. 2 LanD (W.-J.-G.) : Bol. Gaz., 1900, t. XXX, p. 252-260, avec 2rpl: 3 SanGanT (ErueL) : Recent Work on the Results of Fertili- zation in Angiosperms. Ann. of. Bot., 1900, t. XIV, p. 689-712. 4 STHASBURGER (Edouard) Einige Bemerkungen zur Frage nach der « Doppelten Befruchtung » bei den Angio- spermen. Bot. Zeit., 1900, t. LVIII, 2e abth., p. 293-316. 5 GuiGnarD : Loc. cil. 5 Wegser (H.-J.) : Xenia, or the immediate effect of pollen, in Maize. U. S. Departement Agrieul. (Div. Veg. Phys. und Path.), Bullet. no 22, Washington, sept. 1900, 11 pages et 4 pl. 1 Vries (Hugo de) : Sur la fécondation hybride de l’en- dosperme chez le maïs. Rev. gén. de Bot.(Bonnier), 1900, 1132 de féconder un plant de maïs sucré avec du pollen de la variété ordinaire, à amidon. Il obtint ainsi de jeunes pieds qui donnèrent des épis à grains diffé- rents : les uns, opaques, renfermant de l’amidon, les autres, translucides, renfermant du suere. De Vries remarqua, en même temps, que chaque grain, dans lequel l’'endosperme présentait les caractères du parent mâle, renfermait un embryon hybride; par contre, ceux où l'endosperme montrait les ca- ractères du parent femelle renfermaient un embryon de race pure. Ces expériences, qui donnent la démonstralion très élégante du phénomène de xénmie !, ont été reprises sur d'autres variélés de maïs et confirmées par Webber (/oc. cit.). Ce savant fait remarquer, en outre, que le second noyau mâle peut probablement entrer dans le sac embryonnaire sans s'unir avec aucun noyau polaire. Dans ce cas, il peut se diviser isolément, de même que les noyaux polaires; alors, l’'endosperme renfermerait deux sortes d'éléments : les uns à caractères paternels, les autres à carac- tères maternels. Sans traiter cette année la question de l’hybri- dité, nous rappellerons un autre travail de Webber sur les hybrides de Citrus ?. Dans les graines polyembryonnaires qui sont le résultat de l'hybri- dation, Webber a vu qu'un seul de ces embryons montrait quelques traces de parent mâle, tandis que tous les autres ressemblaient au parent fe- melle. Il pense que l'hybride vrai dérive de l’oos- phère fécondé, et tous les autres, d'embryons adventifs formés dans le nucelle. Mais quelle est l'origine de ces embryons adventifs eux-mêmes ? C'est là un point d'autant plus inléressant à re- prendre qu'il a, peut-être, quelque analogie avec la polyspermie chez les animaux *. Dangeard * répond à cette question en donnant une nouvelle interprétation des phénomènes repro- ducteurs chez les Phanérogames. Pour ce botaniste, les huit cellules du sac em- bryonnaire auraient la valeur de gamètes femelles. Deux de ces gamètes, qu'il appelle mésodes, se fusionneraient pour former le noyau secondaire. Lors de la fécondation, ce dernier s'unirait à un &. XII, p. 129-137, avec 1 pl. — Sur la fécondation hybride de l'albumen. C. R. Ac. Se., 1899, t. CXXIX, p. 973-975. 1 On sait que, sous ce nom, Focke a désigné, en 1881, l'influence exercée, par le pollen, sur les caractères héréditai- res du fruit ou de la graine, en même lemps que sur ceux de l'embryon. ? Wesser (H.-J.) : Bot. Gaz., 1900, t. XXIX, p. 141. “ La polyspermie est encore une question que nous réservons pour plus tard. Nous signalerons cependant, à ce propos, un travail de Nicolas, qui vient de démontrer sa réalité chez l'orvet (Archiv d'Anat. micr. Paris, 1900, p. 457- 589, avec 1 pl.). * DaxGearo (P.-A.) : Sur une nouvelle interprétation des phénomènes reproduteurs chez les Phanérogames. Congrès sociét. sav., Paris, 1900. C. R., p. 176. G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE gamète mâle pour former un albumen, auquel Dan- geard attribue la valeur d’un embryon monstre; des gamètes femelles restant, l'un forme l'œuf, les autres (antipodes et synergides) constituent un supplément d’aliment pour l'embryon. Celte nouvelle interprétation permet de com- prendre le développement des synergides et des antipodes sans le concours d’un noyau mäle et sans parthénogenèse. Dans les expériences de mérogonie, un morceau d'œuf anucléé uni à un gamète mäle suffit pour fournir un embryon. Si la gamète mâle peut être fécondé par du cytoplasme femelle, rien n'empêche, il semble, dit Dangeard, qu'un gamèle femelle puisse être fécondé également par un fragment de cyloplasme mäle : ainsi s'explique peut-être l'exis- tence des embryons surnuméraires dans le Mimosa Denhardi, le Lilium Martagon, V'Allium odo- rum, etc. Ce seraient des cas d’antophagie réduite, de mérogamie. IL. — SUR LE CLIVAGE DE L'OVULE ET LA PARTIHÉNOGENÈSE ARTIFICIELLE. Dans un important Mémoire paru il y a deux ans, O. Schultze * a repris cette question déjà vieille de savoir quand apparait la symétrie bilaté- rale chez l'embryon de Æana fusca. Ses conclusions sont qu'il n'y a pas de période fixe pour l'apparilion de celte symétrie : elle peut exister dans l'œuf non fécondé (bien que cela ne soit pas absolument certain); elle peut apparaitre au moment où commence la segmentation, pendant sa durée, ou, seulement, quand apparaît la ligne primilive. Le point d'entrée du spermatozoïde dans l'œuf est généralement opposé au futur blastopore. La traînée de pigment formée par le passage du spermatozoïde occupe souvent approximativement le plan de symétrie, mais des dévialions sont fré- quentes, et il n’est nullement évident qne ce plan soit déterminé par le spermalozoïde. En général, le premier sillon de segmentation coïncide avec le plan médian de l'animal futur. Cependant, ce n’est pas là une règle absolue, comme le veut Roux, et des embryons normaux peuvent provenir d'œufs dans lesquels le premier sillon de segmentalion n'avait pas correspondu au plan de symétrie. Tout ce qu'on peut dire, écrit Schultze, c'est que, dans beaucoup de cas, la segmentation consiste en £ Scnurze (0.) : Ueber das erste Auftreten der bilatera- len Symmetrie im Verlauf der Entwicklung. Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. LV, p. 171-201, avec 2 pl. et 2 fig. — Die bila- terale Symmetrie des Amphibieneies, Verhandl. der Anate Gesellsch., mai 1899, p. 23-29. Le G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE un groupement symétrique de cellules, se faisant autour du plan médian de l'organisme en dévelop- pement. Mais c’est loin d'être une loi absolue, et il est toujours impossible de déterminer, par avance, quelles seront les relations entre le plan de fécon- dation ou le plan de premier clivage et la symétrie de l'organisme futur. Dans un travail que l'on trouve à la suite du pre- mier, Schullze‘ reprend cette autre question de savoir si la liberté de l’œuf de grenouille, dans son enveloppe, est une condition essentielle du dé- veloppement. Deux méthodes peuvent être em- ployées pour cela : 4° celle de Pflüger, qui consiste à féconder l'ovule dans une simple goutte d’eau spermatisée, de manière que l'enveloppe d'albumine grossisse très peu, et à suivre le développement dans une chambre humide; 2° celle de Roux, qui place l'œuf fécondé entre deux lames de verre, soumises à une pression suffisante pour empêcher le mouve- ment libre de l'œuf à l'intérieur de ses enveloppes. Les deux méthodes ont donné à Schultze les mêmes résultats. Il a vu que l'œuf mourait promp- tement quand il ne pouvait suivre les lois de la pesanteur, dans le cours de son développement. Placez le pôle animal en bas, l'œuf peut atteindre la fin de la gastrulation, mais jamais former un sillon médullaire. Le tube nerveux ne peut donc se déve- lopper dans l'hémisphère incolore de l'œuf. À côté de cesexpériences, nous rappellerons celles de Hertwig ?, qui a éludié l'influence &e la force centrifuge sur le développement de l'œuf de gre- nouille (Æana fusca). À un certain degré (déterminé expérimentalement), cette force produit une sépa- ration plus nette entre les substances légères et lourdes de l'œuf; il en résulte que le clivage se fait seulement au pôle animal de l’ovule. De plus, dans le cours de la segmentation, l’œuf prend un carac- tère tout à fait particulier, qui conduit directement au type méroblastique. Ainsi, une portion indivise, contenant le vitellus, occupe la moilié des deux tiers de l'œuf, le reste étant formé par un blastoderme avec un blastocæle. La ressemblance est encore augmentée par la formation d’une couche spéciale de mérocytes (noyaux vitellins), au-dessous du blas- toderme. Du reste, si l'œuf est retiré en temps convenable de ces conditions parliculières, il peut reprendre le cours normal de son développement et donner un embryon parfaitement conformé. Les divers facteurs qui agissent sur le clivage 1 ScuuLrzE (0.) : Ueber die Nothwendigkeit der freien Entwicklung der Embryo. Arch. f. mikr. Anat., 1900, t. LV, p. 202-230, avec 1 pl. et 6 fig. 2 HernwiG (0.) : Beiträge zur experimentellen Morpholo- gie und Entwicklungsgeschichte. Arch. f. mikr. Anat., 1899, t. LIT, p. 415-444, avec 2 pl. 1133 de l'œuf continuent à être le sujet d’études des embryologistes. Nous citerons, d’abord, l'effet des gaz, éludié par Samassa ! : sur les œufs de gre- nouille, l'hydrogène a une influence plus délétère que l'azote; alors que ces deux gaz tuent les œufs d'Ascaris, la présence ou l'absence d'oxygène ne parait pas influencer le clivage des œufs de gre- nouille pendant les quatre premiers jours; au con- traire, pour les œufs d'Ascaris, l'oxygène pur em- pêche le développement; une pression de deux atmosphères et demie l’arrèle et tue l'œuf vers le onzième jour. Ce sont, ensuite, les observations de O. Schultze’, qui montrent qu'un froid continu de 0° ralentit beaucoup le développement de l'œuf, sans l'arrêter complètement cependant; puis celles de Bataillon”, qui modifie la marche de la segmentation en modi- fiant la pression osmotique des milieux où sont placés les œufs; celles de Häcker”, qui voit, dans l'œuf de Cyclops, les cinèses cellulaires se trans- former en amilose, sous l'influence d’une solution d'éther à 5 °/, agissant sur l'œuf pendant deux à trois heures. Nous citerons encore des essais assez curieux, qui montrent la possibilité de faire déve- lopper, en partie du moins, un ovule fécondé de poule, privé de son albumen, et transporté dans un albumen de canard. Mais, depuis quelques années, c'est surtout à l'œuf non fécondé que s'adressent les expérimen- tateurs. Nous ne pouvons guère que citer ici les travaux de Læb”, sur l'action du chlorure de magnésium, repris et confirmés encore tout récem- ment par Wilson ‘, qui s'est adressé à des œufs anucléés en même temps qu'à des œufs entiers; ceux de Morgan”, et de Giard*, sur l’action de diffé- 1 Samassa (P.) : Verh. Nat. Med. Ver. Heidelberg, 1898; t. VI, p. 1-16. 2 ScuucrZE (0.) : Ueber die Einwirkung niederer Tempe- ratur auf die Entwicklung der Frosches. Anal. Anz., 1899, t. XVI, p. 144-152. 3 BaraiLLoN (E.) : La pression osmolique et les grands problèmes de la Biologie. Archiv f. Entwickelungsmech. der Organismen, 1901, t. XI, p. 149-18%, avec 1 pl. 4 Hacker (VaL.): Mitosen im Gefolge Amitosen-ähnlicher Vorgänge. Anal. Anz., 1900, &. XVIL, p. 9-20, avec 6 fig. 5 Loge (J.) : Further experiments on artificial Partheno- genesis and the nature of the process of fertilization. Am. Journ. of Physiol., 1900, t. IV, p. 118-184. — On the artificial production of normal larvae... Ann. Journ. of Physiol., avril 1900. 8 Wicson (E.-B.) : Experimental Studies in Cytology. I. A cytological Study of Artificial Parthenogenesis in Sea- Urchin Eggs. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XII, p- 529-596, avec 7 pl. et 12 fig. 7 MorGan (T.-H.) : The action of salt-solutions on the upfertilized and fertilized Eggs of Anbacia and of other Animals. Archiv f. Entwickelungsmech., 4899, t. VII, p. 448-536. 8 Grarn (A.) : Développement des œufs d'Echinodermes sous l'influence d'actions kinétiques anormales (solutions salines et hybridation). C. ZÆ. Soc. Biol. :de: Paris, 12 mai 1900. ë 1134 rentes solutions salées; ceux de Bataillon ‘, con- firmés en partie par les recherches de M®° Rondeau- Luzeau ?, qui fait jouer un rôle très considérable à la pression osmolique, dans tous les cas où l'on traite des œufs, fécondés ou non, par des solutions équiosmotiques de sels ou de sucre. Nous citerons, enfin, les travaux de Herbst*, qui étudie le rôle des substances inorganiques néces- saires au développement des larves d’oursin, et les essais de Herneguy ‘ sur des œufs vierges de grenouilles soumis à l'action de diverses substances. Ces œufs se sont segmentés; mais, dans aucun des blastomères ainsi formés, Henneguy n’a pu trouver denoyaux.Aussi conclut-il que, danssesexpériences, « il ne s’agit que d'une fragmentation du vitellus, non accompagnée de multiplication de noyaux, et simulant une véritable segmentation. » III. — THÉORIES NOUVELLES DE LA FÉCONDATION. Ces expériences, de même que celles dont nous avons parlé plus haut, ont conduit naturellement les auteurs à rechercher quel était le rôle du sper- matozoïde dans la fécondation. A la suite de ses premières expériences, Lœb * avait conclu trop hâtivement que le spermatozoïde agissait en introduisant, dans l'œuf, cerlains ions métalliques ÿ. Devant les critiques faites à celte idée par Bataillon”, Giard, Yves et Marcel Delage #, Viguier ”, etc., et aussi à la suite de nouvelles expériences, Læœb !° a modifié depuis sa théorie. Il admet maintenant, comme Bataillon, que les solutions capables de produire le développement 4 BaraïLLON (E.) : La segmentation parthénogénétique expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. R. Acad. Sc. de Paris, 9 juillet 4900. ? Ronpeau-Luzeau (Mme) : Action des solutions isotoni- ques de chlorures et de sucre sur les œufs de Æana fusca. C. R. Soc. Biol. de Paris, 21 avril 1904. % Hergsr (C.) : Uber die zur Entwickelung der Seeigellarven nothwendigen anorganischen Stolfe, ibre Roll und ihre Ver- tretbarkeit. Arch. f. Entwickelungsmech., 1901, t. XI. * HexneGuy (F.) : Essais de parthénogenèse expérimentale sur les œufs de grenouille. C.R. Soc. Biol. Paris, 30 mars 1901 et Assoc. des Anal., Lyon, 1901, p. 24-27. # Amer. Journ. of Physiol., 1899. “ D'après Arrhenius et Ostwald, les corps dissons dans l'eau seraient{toujours décomposés en élémentshypothétiques, les ions. Si l’on fait passer un courant électrique dans une solution, une partie des ions (cathion), représentant le métal des sels et des bases ou l'hydrogène des acides, se porterait à l'électrode négative; l'autre partie, c'est-à-dire le reste de la combinaison (anion), se dégagerait à l'électrode positive. 1 BaAraILLoN (E.) La segmentation parthénogénétique expérimentale chez les Amphibiens et les Poissons. C. A. Ac. Se., Paris, 9 juillet 1900. Locle ® Vicuier : Hermaphroditisme et parthénogenèse chez les oursins. C. R. Ac. Se. de Paris, 2 juillet 1900. — La théorie de la fertilisation chimique des œufs de M. Lœb. Id., 9 juillet 4900. Lose : Artificial Parthenogenesis in Annelids (Chætop- terus). Science, August 1900. G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D’EMBRYOLOGIE de l’œuf agissent par pression osmotique en sous- trayant de l’eau de l’ovule. Il peut se faire aussi, dit-il, que la perte d’eau altère les processus chi- miques de l’œuf, de façon à donner naissance à la formation d’une subtance qui agirait catalytique- ment en accélérant le processus de la segmen- talion. Ce serait ainsi qu'agirait le spermatozoïde dans la fécondation normale; il aurait pour rôle de charrier à l'œuf des substances catalytiques !, telles par exemple que les ions de polassium, spécifiques pour l'œuf du Chætoptère. L'année dernière, Giard ?, reprenant les expé- riences de Lœb, arrivait à cette conclusion que l’excitalion de l'œuf déterminée par les solutions salines serait due principalement à l’action déshy- dralante des sels sur les plasmas ovulaires et à l'hydratation subséquente lorsque l'œuf est remis dans l’eau de mer pure. Ce sont ces idées, dont nous trouvons la première manifestation en 1894*, que Bataillon et Delage ont reprises et complétées hypothéliquement pour les étendre au rôle du sper- matozoïde dans la fécondation. Bataillon * laissant de côté, comme Lœb et Giard, la valeur propre de l'élément mâle en tant que substratum de l'hérédité et ne considérant qu'une condition physique du développement, pro- pose cette théorie : « L’œuf mûr posséderait, dit-il, un excès de pression osmotique, dû à la non-élimi- nation ou à l'élimination incomplète des globules polaires et des fluides qui les accompagnent. La fécondation interviendrait alors pour rétablir un certain équilibre, comme la déshydratation dans les expériences de parthénogenèse expérimentale; le spermatozoïde aurait donc pour rôle de restituer à l'œuf une certaine hypertonie en déshydratant son proloplasma. » C'est ce même rôle déshydratant que Delage attribue au spermatozoïde. Pour cet auteur, l'ovule serait fécondable seulement lorsque son sue nucléaire aurait diffusé dans le cytoplasme, c'est-à- dire au moment même où se prépare le rejet des globules polaires ; il y aurait donc, dit-il, une ma- turation protoplasmique. La diffusion du suc nu- 5 1 Ostwald appelle ainsi des substances accélérantes de processus chimiques qui pourraient se faire sans elles, mais : beaucoup plus lentement. ? Grarp (A.) : Sur la pseudogamie osmotique (tonogamie). C. R. Soc. Biol., Paris, 5 janv. 1901. 3 À. Grarn : L'anhydrobiose ou ralentissement des phéno- mèpes vitaux sous l'influence de la déshydratation progres- sive. Compt. rend. soc. Biol. Paris, 16 juin 1894. # BaralLLoN (E.) : Etudes expérimentales sur l'Evolution des Amphibiens. — Les degrés de maturation de l'œuf et la Morphogenèse. Arch. f. Entwickelungsmech., 1904, t. XII, p. 610-655, avec 31 fig. ü DeLace (Y.) : Sur les théories de la fécondation, Rev. aénér. des Sc. pures et appliq., 18 oct. 1901. — Sur la ma- turation cytoplasmique et sur le déterminisme de la par- thénogenèse expérimentale. C.R. Acad.Sc., 1904, t, GXXXIH, p. 346-349. G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE cléaire serait nécessaire peut-être pour empêcher l’œuf de se développer parthénogénétiquement, mais sûrement pour fournir au pronucléus mâle l'eau nécessaire à son évolution dans l'œuf. En dehors de son rôle amphimixique, qui assure à l'être nouveau les avantages d’une double lignée ancestrale, le spermatozoïde agirait donc encore comme un déterminant de l’'embryogenèse de cet être; celte action n'aurait plus rien de mystérieux, puisqu'elle serait celle d’une solution hypertonique déshy- dratant le protoplasma. En somme, ce qui ressort le mieux de toutes ces études, c'est que l’'embryogénie d'un être doit avoir pour point de départ une série d’hydratations et de déshydratationssuccessives du eytoplasme ovulaire. D'autres déterminants peuvent et doivent exister sans aucun doute, mais celui-ci est actuellement le seul à peu près démontré. Et, quant à aller jusqu'à employer, avec certains auteurs, les expressions de fertilisation chimique, d'embryons au sel, d'em- bryons au sucre, d'embryons lithiques, ete., nous pensons, avec Bataillon, que cela ne signifie pas grand'chose, car toutes les actions obtenues dans ces expériences fondamentales ne montrent vrai- ment rien de spécifique. C'est ainsi, par exemple, que des solutions sucrées ont donné à Bataillon, sur l'œuf de grenouille, la même gastrula atypique que celle obtenue par Gurwitsch avec le chlorure de lithium. Ces faits et d'autres encore, tels que les résultats contradictoires obtenus par Morgan, Delage et Wilson !,montrent qu'il ne faut pas abandonner trop vite le laboratoire pour venir s'isoler dans le cabinet de travail. « Il est dangereux, dans les sciences, de conclure trop vite », disait un ancien professeur de la Sorbonne, Gratiolet. « Quand on raisonne d'après un nombre insuffisant d'observations, il est facile, avec un peu d'esprit, d'imaginer quelque système auquel ces observations s'accordent; ce sont là jeux de finesse et de patience qui peuvent séduire l'imagination, mais qu'une saine méthode ré- prouve. » Quoi qu'il en soit, les recherches dont nous venons de rendre compte ont soulevé quelque peu le voile qui recouvre encore le phénomène de la fécondation; elles ont ouvert une voie nouvelle aux travailleurs de laboratoire aussi bien qu'aux pen- seurs, et, par ce qu'elle a donné jusqu'ici, cette voie parait devoir être excessivement féconde dans l'avenir. 1 En 1895, Morgan trouvait qu'un fragment d'œuf sans noyau, fécondé par un seul spermatozoïde, se divisait en pré- sentant seulement la moitié du nombre normal de chromo- somes. En 1898, Delage voyait, au contraire, des morceaux d'œufs anucléés présenter le nombre entier de chromosomes. Or, cette année même, Wilson trouve des faits qui concor- 1135 IV. — INDIVIDUALITÉ DES ÉLÉMENTS SEXUELS CONTI- NUANT A SE MANIFESTER PENDANT LE CLIVAGE. En 1891, Boveri émettait cette hypothèse que, dans toutes les cellules qui dérivait d’un œuf fécondé, la moitié des chromosomes conserve toujours les caractères maternels et l'autre moitié les caractères paternels. L'année suivante, Hacker’, puis Rückert*, en 1895, venaient confirmer cette vue, si originale, en montrant que les noyaux germi- natifs du Cyclops ne se fusionnent pas lors de la fécondation, et gardent même leur individualité respective pendant une période considérable du clivage de l'œuf. Quelque temps après, en 18%, Herla*, puis Zoja*, en 1895, observaient les mêmes faits jusqu'au stade 12 de la segmentation de l'œuf d'Ascaris. Enfin, cette année même, G. Con- klin vient apporter une nouvelle preuve à l’hy- pothèse de Boveri. Il voil, en effet, chez la Crepidula plana, les noyaux des blastomères montrer une cloison de séparation qui les divise en deux par- ties distinctes contenant chacune un nucléole. C’est surtout au moment de la lélophase de chaque division que celte cloison s'observe neltement; mais, dans quelques cellules, on peut la voir aussi pendant la prophase et même pendant la période de repos. Il n'est évidemment pas possible d'affirmer que ces noyaux bipartis représentent la continuation des individualités mâle et femelle distinctes l’une de l’autre. Conklin le croit cependant pour plu- sieurs raisons, dont voici les principales : Lors du premier clivage de l'œuf fécondé, les noyaux germinatifs ne fusionnent pas; ils restent nettement distincts pendant la plus grande partie de la cinèse, ou, plutôt, leur ensemble forme un noyau double dont la partie supérieure est d'ori- gine ovulaire et la partie inférieure d’origine sper- malique. Pendant les clivages suivants, et cela jusqu'au stade de 29 blastomères au moins, le faisceau central des cinèses apparaît toujours dans le sillon dent avec ceux de Morgan; les œufs vierges d'oursin qu'il soumet au chlorure de magnésium ne se divisent plus, en effet, qu'avec 18 chromosomes, au lieu de 36. 1 Hacker (V.) : Die Eibildung bei Cyclops und Canthoca- motus, Zool. Jahrb., 1892, t. V. 2 Ruckerrt (J.) : Ueber das Selbstandigbleiben der vaterlichen und mutterlichen Kernsubstanz während der ersten Entwick- lung der befruchteten Cyclops-Eien. Archiv {ür mikr. Anal. 1895, t. XIV. 8 Her La (V.) : Etudes des variations de la mitose chez l'Asca- ride negalocéphale, Archiv. Biol., 1893, t. XIIT. 4704 (R).: Sulla independanza della cromatina paterna e materna nel nucleo delle cellule embryonale., Anat. Anz., 1895, t. XI. 5 Coxxin (E.-G.): The individuality of the germ nuclei during the cleavage of the egg of Crepidula. Biolsgical Bull.; 1901, t. IT, p. 257-265, avec 16 fig. 1136 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE de séparation des doubles noyaux. Cela semble bien indiquer que les deux parlies distinctes, observées dans les noyaux doubles filles, dérivent directement des parlies correspondantes du noyau mère. Ces observalions, quelque importantes qu'elles soient, ne permettent pas encore de transformer l'hypothèse de Boveri en loi. Elles doivent attirer seulement l'attention des embryologistes pour voir si l’on peut retrouver les mêmes faits partout, dans toutes les séries des êtres vivants. C'est la même réflexion que nous ferons à propos d’une Note très détaillée de Beard! sur la continuité morpholo- gique des cellules germinatives dans le dévelop- pement embryonnaire. Nous attendrons la publication complète du Mémoire de Beard pour en parler avec détails. Disons seulement que l’auteur semble apporter ici des preuves sérieuses de la continuité du plasma serminatif (théories de Jæger, Nussbaum et Weiss- mann). Il a vu, en effet, l'œuf fécondé de Raja se diviser en pelites et en grosses cellules. Les pre- mieres se multiplient activement pour former le Corps du poisson; les secondes, d’abord inactives, sont incluses au milieu des premières et forment le lesticule ou l'ovaire: quelques-unes de ces cellules germinatives embryonnaires peuvent s'égarer et, au lieu de se réunir au complexus génital, peuvent elln se loger dans n'importe quel tissu somatique ; d'où, pour Beard, l'origine de certains kystes der- moïdes et des inclusions fœtales. V. — LES DÉRIVÉS DES FENTES BRANCHIALES. Depuis 1895, époque à laquelle Jacoby ? donna un résumé critique de cette question, un certain nombre de travaux sont venus essayer de combler les points laissés encore en litige. Si l’on considère ces travaux dans leur ensemble, nous pouvons tout d’abord, avec Maurer*, grouper les dérivés des fentes branchiales de la facon sui- vante : ES Ceux que l’on rencontre chez tous les Ver- tébrés et qui coexistent avec un appareil viscéral fonctionnant (Poissons et jeunes Batraciens); ce sont : le corps thyroïde proprement dit (lobe mé- dian), les corps post-branchiaux ou iobes latéraux du corps thyroïde et le thymus ; 2° Ceux qui se forment seulement chez les Ver- { BEARD (J.) : The morphological inui U .() : e g continuity of the germ-cells in Raja batis. Anal. Anz., 1900 €. XVIII D. 465-485. Æ tu 1) Historisch-kritische Betrachtungen über 1e Entwickelung der Ki arm-Deri 1 PR 8 der Kiemendarm-Derivate. Inaug. Diss. * Maure (F.) : Die Schilddrüse, Th 4 î Ê se, yus und andere Schlundspaltenderivate bei der Eidechse. Morph. Jahrb. 1899, t. XX VII, p. 119-172 avec 3 pl. et 4 fig. tébrés à respiration aérienne (Batraciens adultes, Sauropsidés et Mammifères). Ces dérivés appa=" raissent après la transformation du mode respira= toire et représentent des vestiges de l'appareil branchial; ce sont les glandes carotides et les corpuseules ou nodules épithéliaux, appelés encore glandules thyroïdiennes. A. Le corps thyroide des Vertébrés adultes est décrit par les auteurs comme étant un com- plexus de trois organes qui présentent chacun une origine distincte : a) un organe médian (/Ayroïde médiane ou corps thyroïde proprement dit), qui dérive d’une évagination impaire et médiane du … plancher de la bouche; b) deux organes latéraux, qui proviennent directement (#Lyroïdes latérales) ou immédiatement (corps post-branchiaux) de la quatrième fente branchiale *. à Chez les Vertébrés inférieurs et chez les Oiseaux, ces trois formations restent toujours com- plètement distinctes les unes des autres. Il en est de même chez l'Echidné, où Maurer * a vu les pre- mières fentes s'ouvrir pendant quelque temps, et, à un moindre degré, chez la musaraigne (Nicolas) et chez le campagnol (Roud). Chez les Mammifères supérieurs, la thyroïde médiane bourgeonne de plus en plus par le bas pour aller se fusionner avec les deux bourgeons latéraux qui restent toujours très petits; chez l'homme (Tourneux et Verdun‘), elle apparait chez l'embryon long de 3 millimètres, et s'isole du plancher de la bouche à partir de 6 millimètres; d’abord massive, cette formation épithéliale se transforme en un réseau de cordons pleins anasto- mosés, chez l'embryon long de 14 millimètres. Pour ces auteurs, de même que pour Simon ‘, les thy- roïdes latérales prennent part, quoique dans une faible mesure, à la formation de la thyroïde adulte. Pour d'autres embryologistes, au contraire, les thyroïdes latérales ne participeraient pas réelle- ment à la constitution définitive du corps thyroïde; elles disparaîtraient complètement, ou bien persis- leraient, sous la forme de kystes ou de vésicules épithéliales, donnant parfois l'aspect, sur les coupes, d'un canal central de la thyroïde (Nicolas*, 1 Chez les Vertébrés inférieurs, les corps post-branchiaux sont encore décrits sous le nom de corps supra-péricardi- ues. : 2 Maurer (F.) : Die Schlundspalten-Derivate von Echidna. Anat. Anz. Verhandl. der Anat. Gessellsch., 1899, t. XVI, p. 88-101 avec 10 fig. 3% Tounneux (F.) et VerouN (P.) : Sur les premiers déve- loppements de la thyroïde, du thymus et des glandules parathyroïdiennes chez l'homme. Journ, Anat. et Physiol., 1897, t. XXXIII, p. 305-325, avec 3 pl. * Simon : Thyroïde latérale et glandule thyroïdienne chez les Mammifères. Thèse de Nancy, 1896. À } # Nicoras : Recherches sur les vésicules à épithélium cilié annexées aux dérivés branchiaux, avec quelques remarques G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D EMBRYOLOGIE 1137 Kohn ‘, Soulié et Verdun ?, Verdun * et Roud”). B. Le {hymus se forme, chez les Poissons, par la fusion de 5 (Téléostéens) ou 7 (Sélaciens) nodules épithéliaux, qui dérivent, chacun, de la partie dor- sale d’une fente branchiale correspondante”. Chez les Urodèles, on retrouve encore la même origine, mais les trois dernières ébauches persistent seules pour former le thymus adulte. Chez les Anoures, Maurer, puis Bolau° ont vu que la deuxième fente seule servait à former le thymus, mais qu'on pou- vait rencontrer aussi lrois ou qualre ébauches pla- cées en ligne droile les unes à la suite des autres. Chez les lézards, on trouve ? un état intermé- diaire entre ce qui existe chez les Ichtyopsidés et les Vertébrés supérieurs. Comme chez les pre- miers, il se forme d’abord trois thymus, provenant respectivement des trois premières fentes. De ces trois thymus, l'antérieur disparait bientôt, les deux autres persislent, rappelant, ce qui existe chez les Anamniotes; mais c'est le troisième qui prend le plus grand développement, surtout du côté ven- tral,‘ce qui nous conduit directement au grand thymus ventral des Mammifères. En somme, si le thymus antérieur du lézard correspond entière- ment au thymus antérieur des Ichthyopsidés, son thymus postérieur ne correspond au thymus pos- térieur des Ichthyopsidés que dans sa portion dor- sale; sa parlie ventrale est une formation nouvelle, qui apparait chez le lézard pour la première fois, et qui va prendre son complet développement chez les Mammifères. Chez l'homme, le thymus débute sous la forme de deux tubes (canaux thymiques), qui pro- longent, directement en bas, les troisièmes poches branchiales. Ces canaux se détachent du pharynx chez un embryon long de 14 millimètres, puis leur sur les glandules parathyroïdes. 1896, p. 171-183, avec 6 fig. 1 Koun (A.): Studien uber die Schilddrüse. I]. mikr. Anal, 1897, t. XLVIII, p. 398-429, avec 1 pl. ? Souuté (A.) et Veroux (P.) : Sur les premiers développe- ments de la glande thyroïde, du thymus et des glandules satellites de la thyroïde chez le lapin et chez la taupe. Jourh. Anat. et Physiol., 1897, t. XXXIII, p. 604-633, avec pl. et 15 reconstructions. ? Verpux (P.) : Evolution de la 4° poche branchiale etdela thyroïde latérale:chez le chat. Id., 1898, t. XXXIV, p. 265-304, avec 1 pl. et 12 fig. ‘4 Roup (A.) : Contribution à l'étude de l'origine et de l'évo- lution de la thyroïde latérale et du thymus chez le campa- gnol. Bull. Soc. vaud, des Sc. nat., 1900, t. XXXVI, p. 239-300 avec 5 pl. 5 Chez la raie, Beard décrit un thymus rudimentaire qui prendrait naissance sur le spiracle. C'est ce corps que van Bemmelen avait décrit, en 1885, sous le nom de « follicule vésiculèire ventral du spiracle ». — A Thymus-Element of the SRnte in Raja. Anat, Anz., 1900, t. XVIII, p. 359-363. ® Bozau (H.): Glandula thyreoidea und g gli indula thy nus der Amphibien. Zool. Jahrb., 1899, t. XII, p. “657-740 avec 11 fig. 7 Maurer (F°): Anat. Auz. , Verhaudl. Anat. Ges., XIe Vers, 1898, €. XIV, p. 256-61. ” * 8 F, Toureux et P. VERDUN : Bibliogr. Anat, Nancy, Arch. f. Loc. cit. extrémité inférieure bourgeonne en bas et en dedans. Bientôt, les canaux thymiques se transfor- ment en cordons épilhéliaux pleins, qui se fusion- nent entre eux dans le courant du troisième mois. Enfin, chez un embryon long de 29 millimètres, on voit ces cordons fragmentés en lobes distincts par suite de la prolifération des tissus conjonctivo- vasculaires ambiants. Tous ces travaux concordent pour nous montrer que le thymus des Mammifères est une formalion ventrale nouvelle, qui provient uniquement de la troisième fente*. Pour Roud, les différences entre le thymus ven- tral des Mammifères et celui des autres Vertébrés seraient beaucoup plus grandes. D'après cet auteur, le thymus des Vertébrés inférieurs serait repré- senté, chez les Mammifères, par une double série de nodules épithéliaux dorsaux, qui proviendraient également du fond des poches branchiales. Quant au véritable thymus des Mammifères, il dériverait, non plus de l’endoderme, mais d'un diverticule ectodermique qui, en s’enfoncant, irait s'accoler à l'extrémité de la troisième poche, mais sans com- muniquer avec elle. Dans cette idée, il n'y aurait donc plus d'homologation possible entre le thymus des Mammifères 'et celui des Vertébrés inférieurs. A côté de ces travaux purement morphologiques, nous trouvons à signaler des travaux d'histogenèse qui viennent compléter heureusement l'histoire du thymus. Malheureusement, nous n'’allons plus trou- ver, là, le même accord chez les auteurs. Depuis l'époque ou Külliker montra, pour la pre- mière fois, que le thymus provenait de la prolifé- ration de l'épithélium d'une poche branchiale, deux opinions ont apparu en ce qui concerne la constitution définitive de l'organe. Dans son ensemble, le thymus adulte paraît : formé d’un réticulum conjonctif contenant des leucocyles, des vaisseaux sanguins et des corpus- cules de Hassal *. Or, pour Külliker, les leucocytes proviennent de la transformation des cellules épi- théliales; pour His et Stieda, au contraire, les leucocytes du thymus sont des éléments immigrés, venant du mésoblaste où ils se sont formés. Les recherches que le D' Beard a poursuivies depuis 1894 chez les Poissons *, sont venues con- firmer l’opinion de Külliker en même temps qu'elles ouvrent un jour nouveau sur les fonctions du thymus. l'homme proviendrait aussi de la quatrième. — Ueber das Vorkommen eines Thymussegmentes der vierten Kiemen- tasche beïm Menschen. Anat. Anz., 1900,t. XVII, p. 161-170, avec 5 fig. | 2 Bocau: Loc. cit. 8 BeanD (J.) : The Developpement and probable Function of the Thymus. Anat. Anz.; 1894, {. IX, p. 416-486; voir également : The Lancet, 1899, t. XXI, p. 11. 1138 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE - A l'époque où les leucocytes apparaissent dans le corps de l'embryon, il n'y a de formé, dit Beard, nirate, ni glande rectale, ni aucune sorte de struc- ture lymphoïde. Seul, le thymus est déjà en voie de développement et ses éléments épithéliaux se transforment en leucocytes. Celte transformation se faisant de plus en plus activement, il arrive un moment (embryons de /?aja batis longs de 28 milli- mètres et au-dessus) où les bords du thymus se brisent en certains endroits. « Alors, écrit le D' Beard, poussés par leurs instincts héréditaires, les leucocytes continuent à sortir en foule de l'or- gane où ils ont pris naissance; ils deviennent des cellules errantes, qui vont se disperser dans toutes | les parties de l'organisme embryonnaire. » Les recherches de Gulland avaient déjà montré que les premiers leucocytes apparaissent chez l'embryon, dans le voisinage du thymus; celles de Beard vont plus loin, en montrant que c’est dans le thymus lui-même, qu'il faudrait aller chercher la source originelle de tous les leucocytes de notre corps. A l'appui de ces idées, toule singulières qu'elles paraissent, nous devons signaler une Note de Nus- baum et Prymak! sur les premiers stades du thymus de Salmo fario et de Carassius vulgaris. Ces auteurs voient, dans les ébauches thymiques, un grand nombre de noyaux lymphoïdes qui pro- viendraient, disent-ils, de l’épithélium de la mu- queuse pharyngienne, dans sa région branchiale. Pour eux, comme pour Beard, il se produirait, dans les stades ultérieurs, une émigration de leucocytes du thymus dans les tissus environnants. Si nous passons maintenant aux dérivés qui n'existent que chez les Vertébrés à respiration aérienne, les glandes carotides et les glandules thyroïdiennes, nous voyons encore que les auteurs sont loin de s’accorder toujours sur les homologies de ces dérivés. C. Les glandes carotides apparaissent la pre- mière fois chez les Batraciens urodèles; chez les Anoures, on trouve souvent en plus, dans leur voi- sinage, des restes variés de branchies internes. Ces glandes se forment tantôt aux dépens de la deuxième fente, comme chez l'Echidné, tantôt aux dépens de l’origine du thymus, c’est-à-dire de la troisième fente, comme chez le lézard *. D. Les glandules thyroïdiennes sont, en général, au nombre de deux de chaque côté. Les unes: glandes parathyroïdiennes ou parathyroide, se for- ment aux dépens de la quatrième fente branchiale ou de l’ébauche latérale de la thyroïde; elles se re- 4 Nussaum (J.) and Prymak (Th). : Zur Entwickelungs- geschichte der lymphoiden Elemente der Thymus bei den Koochenfischen. Anat. Anz., 1901, t. XIX, p. 6-19 avec 4 fig. des Mittelohrraumes, des äusseren Gehürganges und des 2 Maurer : Loc. cit, trouvent, chez l’adulle, sur les côtés de la glande thyroïde. Elles apparaissent chez l'embryon hu= main long de 8 à 14 millimètres; d'abord mas- sives, on les trouve décomposées en cordons dis" tincts au stade de 24 millimètres. Les autres glandules évoluent de la même façon, chez l’homme du moins, mais elles accompagnent les canaux thymiques; ee sont les glandes thymiques où parathymus. Tout dernièrement, Hammar ‘ vient de donner le résumé d’un Mémoire sur la morphologie géné- rale des fentes branchiales chez l’homme, mémoire qui paraîtra au complet dans les Archiv für mi=. kroskopische Analomie. 4 Hammar montre que les prolongements ventraux des fentes se développent de très bonne heure = celui de la première fente est celui qui s’avance le plus loin vers la ligne médiane; les prolonge-. ments ventraux des troisième et quatrième fentes forment l'ébauche du thymus et des thyroïdes laté=" rales. Les prolongements dorsaux apparaissent l'un après l’autre, en allant d'avant en arrière : celui de la première fente, le plus long de tous, chez un embryon longde3 millimètres ;celuidelideuxième, plus court, à 5 millimètres; celui de la troisième, à. peine visible, à 8 millimètres; enfin la quatrième poche ne fournit aucun prolongement. Dans le courant du premier mois (embryon de 3 millimètres), on voit le prolongement dorsal de la première fente s'organiser pour former l'oreille moyenne.Quantaux autres prolongements dorsaux,. leur régression commence à la fin de la quatrième semaine. VI. — SUR LES MÉTAMGRPHOSES. Par un reste, peut-être, de l’ancienne idée qui faisait de la larve et de l’imago des Insectes deux » êtres distincts, on n’a pas assez montré jusqu'ici que les métamorphoses sont, dans leur ensemble, l'achèvement, momentanément retardé, de la seg- mentation initiale, achèvement auquel s'ajoutent, d'ailleurs, des phénomènes d'histolyse plus ow moins considérables. On n'avait étudié que les types extrêmes, soit à métamorphoses très com-= plètes et compliquées d'accélération embryogé- nique, soit à métamorphoses presque nulles. Il élait intéressant d'examiner des cas intermédiaires; c’est ce qu'ont fait plusieurs zoologistes dans ces. dernières années. Nous trouvons, tout d'abord, l'importantMémoire { Hamwar (J. Aug.) : Zur allgemeinen Morphologie der Schlundspalten des Menschen. Zur Entwickelungsgeschichte laukenfellesbeimMenschen. Anat Anz., 1901, t. XX, p. 134-114 G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE d'Anglas ‘ sur les métamorphoses de la guêpe et de l'abeille, dont il a déjà été parlé ici même*. Chez ces Insectes, Anglas a montré que la métamor- phose véritable, c'est-à-dire la destruction d'anciens organes, ne se produisait que pour l'intestin moyen, les tubes de Malpighi, les glandes de la soie et quelques muscles. L'hypoderme est conservé et passe de la larve à l’adulte, contrairement à ce que décrit Viallanes chez les Muscides; il en est de même pour les bourgeons des palles et des ailes, pour l'æœsophage et le rectum, pour le tissu adipeux et pour un certain nombre de muscles (extenseurs du corps, muscles intestinaux). Ces derniers or- ganes subissent toutefois une histolyse partielle. Cependant, le tissu adipeux subit des vicissitudes complexes, à cause probablement de son rôle de réserve nutritive, étudié dernièrement par Ber- lese *. Une partie de ce tissu rentre bien en régression, mais chez l'adulte, peu après l’éclosion, Anglas retrouve encore des cellules d’origine lar- vaire ou, au moins, des noyaux adipeux. Et, à propos de ces noyaux, une remarque générale s'im- pose : lorsque de gros éléments histiques larvaires subsistent chez l'adulte, ils subissent une transfor- mation (par division, bourgeonnement ou fragmen- tation) qui les ramène aux dimensions, toujours petites, des éléments imaginaux. Une des parties les plus intéressantes du Mé- moire d’Anglas est celle qui traite de l’histolyse. Jusqu'à présent, suivant les lypes étudiés, les auteurs décrivaient soit une simple régression chimique (Korotneff, Karawaiew), soit une active phagocytose (Kowalewsky, von Rees, etc.) pour expliquer l'histolyse. De même que Rengel, chez le Tenebrio, Anglas retrouve également ici les deux processus, et cela avec de nombreux intermé- diaires, qui lui font croire que ces deux modes d'histolyse ne sont pas aussi opposés qu'on le croyait. Dans l’histolyse des glandes de la soie et dans celle des tubes excréteurs, par exemple, il voit bien des leucocytes intervenir, en nombre souvent considérable, vers les organes en régres- sion, se tenir à leur voisinage ou même pénétrer à leur intérieur, mais il ne les voit jamais englober de fragments tissulaires. Ils ne phagocytent pas, et, pourtant, ils prennent une part manifeste à l'histolyse, car celle-ci s'accélère et se termine 1 AxaLas (J.) : Observations sur les métamorphoses internes de la guêpe et de l'abeille. Bullet. scient. de la France et de la Belgique, 1900, t. XXIV, p.111 avec 5 pl. — Quelques remar- ques sur les métamorphoses internes des Hyménoptères. Bullet. Soc. Entom. de France, 1904, p.104. — C. R. Soc. Biol., . Paris, 27 janv. 1900. ? Kourer : Revue annuelle de Zoologie, Revue générale des Sciences du 28 févier 1901, p. 180. # BerLESE (A): Osservazioni su fenomeni che awengono durante la ninfosi degli iuretti metabolici. Rivista di Pato- log. veg., Florence, 1899, t. VIII, p. 1-155, avec 42 fig. et 3 pl. 1139 vite à leur approche ; Anglas pense que ces leuco- cvtes excrètent un ferment qui va dissoudre les tissus en histolyse et propose le nom de /yocytose pour exprimer ce phénomène de digestion extra- cellulaire. Est-ce là le même ferment que celui qui agit dans les digestions intra-cellulaires ? Non, d’après Metchnikoff ‘. Chez les Mammifères, le ferment exlra-cellulaire proviendrait, en effet, d'après ce savant, de leucocyles dégénérés. Il en est peut-être de même chez les Insectes ; il serait toutefois imprudent de conclure des uns aux autres, car les Chitinophores ont une spécialisation cellu- laire trop différente de celle des Vertébrés. Les recherches d’Anglas arrivent à restreindre considérablement le rôle de la phagocytose dans la mélamorphose de la guêpe et de labeille. C'est également la conclusion à laquelle sont arrivés depuis, ou en même temps : Terre *, Henne- guy *, Berlese *, Vernon Kellog 5, Vaney et Conte*. Un certain nombre de ces auteurs, même, tels que Berlese, Vaney el Conte, affirment que les phénomènes d’histolyse ont lieu, dans les cas étu- diés par eux, sans qu'il y ait, à aucun moment, intervention de phagocytose. Si l'on compare ces résultats à ceux obtenus antérieurement chez d’autres animaux, voici comment on peut grouper actuellement les différents processus de la méta- morphose. On trouve d’abord, comme point de départ el phénomène essentiel de la métamorphose, une altération préalable des tissus destinés à dispa- raîitre. Cette altération résulte elle-même (Giard’, Bataillon *, Anglas, Terre) des mauvaises conditions physiologiques (asphyxie, inanilion, non-fonction- nement) dans lesquelles se trouvent placés les tissus à un moment donné de leur existence. Elle pourrait résulter aussi, d'après Metchnikoff et Perez, de sécrétions internes de l'organisme méta- 1 Mercankorr : L'état actuel de la question de l’immunité dans les maladies infectieuses. Aer. genér. des Sciences, 30 nov. 1900. 2 TERRE (L.) : Métamorphose et phagocytose. 1d. — Sur l'histolyse du corps adipeux chez l’Abeille. Zd, — Sur l'his- tolyse musculaire des Hyménoptères. Zd. janvier 1900 et Bullet. Soc Entom., 1900, n° 2, p. 23. 3 HenxeGuy (F.) : Le corps adipeux des Muscides pendant l'histolyse. C. R. Acad. Se., 1900, t. CXXXI, p. 908. 4 BerLese : Rivista di Patolog. veq., Florence, 1900-1904, t. X et XI, p. 151-444 avec 57 fig. et 8 pl. 5 Vernon L. KELLOG : Phagocytosis in the post-embryonic Development of the Diptera. American Naturalist, 1904, t. XXXV, p. 363-368 avec 2 fig. 5 Vaxey (C.) et Cowre (A.) : Sur des phénomènes d'histo- lyse et d’histogenèse accompagnant le développement des Trématodes endoparasites de Mollusques terrestres. C. R. Acad. Se., 1900, t. CXXXII, p. 1062-1064. 1 Giarn (A.) : Sur le déterminisme de la métamorphose. Id., 10 février 1900. 8 BATAILLON (L.) : 17 mars 1900. Le problème des métamorphoses. Id., 1140 bole. Pour Metchnikoff', l'allération consisterait seulement en ce que le tissu qui va entrer en his- tolyse cesserait de sécréter une substance protec- trice vis-à-vis des phagocytes. C'est également l'opinion à laquelle arrive Roule, à la suite de ses recherches sur les Phoronidiens*. Pour Perez’, la métamorphose serait une « crise de malurité géni- tale ». Au moment de leur achèvement, les glandes sexuelles déverseraient dans le liquide cavitaire des stimulines ; les leucocytes, surexcités par ces produits, iraientalors attaquer et manger les tissus larvaires, qui, eux-mêmes, auraient été influencés par d’autres produits (également hypothétiques) des glandes génitales. Cette opinion a été com- battue, depuis, avec des arguments qui paraissent irréfutables, par Bataillon ‘, par Roule et surtout par Giard”°. Quoi qu'il en soit, il faut bien remarquer que l'altération préalable des tissus n’est pas toujours, à son début du moins, accompagnée de modifica- tions structurales appréciables, par conséquent non décelables au microscope (voir Giard, loc. cit.). Dans certains cas, cette altération conduit à une nécro- biose chimique, qui suffit, à elle seule, pour amener l'histolyse des tissus. Mais, en général, elle n'est que le point de départ d'activités cellulaires spé- ciales : la Zyocytose et la phagocytose. La /yocylose se présenterait dans les cas de métamorphoses partielles ou suffisamment lentes, telles que celles des Hyménoplères. Elle pourrait être produite, d'après Anglas, non seulement par des leucocytes, mais encore par les éléments des tissus en voie de développement, sur les organes 1 Mercuxorr: Année biologique pour 1891, parue en oc- tobre 4899, p. 254-255. 2 Rouze (L.) : Considérations générales sur l'histolyse pha- gocytaire. 1d, 3 Perez (Ch.) : Sur la métamorphose des Insectes. Bullet. Soc. Entom. de France, 21 déc. 1899, p. 398-402.— Sur quel- ques points de la métamorphose des Fourmis. Zd. 21 janv. 4901, p. 22-25. — Sur l'histolyse musculaire chez les Insectes. CU. R. Soc. Biol., Paris. 6 janv. 1900. “ BaraiLLoN : La théorie des métamorphoses de M. Ch. Perez, Bull. Soc. Entom. 1900, p. 58-62. 5 Roue (L.) : Remarques sur la métamorphose de la larve Actinotroque des Phoronidiens. — 12 mai 1900. 5 Granp (A.): La métamorphose est-elle une crise de matu- rité génitale? Bullet. Soc. Entom., 1900, n° 3, p. 54. G. LOISEL — REVUE ANNUELLE D'EMBRYOLOGIE larvaires dont l'équilibre chimique serait rompu (par exemple, à la suite de l'arrêt de leur fonc- tion) ; c'est ce qui se produirait à la fin de la vie. larvaire et pendant la nymphose. Nous nous trou- verions donc ici en présence d’un phénomène général, qui se passerait au cours du développe- ment embryonnaire chaque fois qu'un organe est supprimé ou modifié, ou bien quand un élément usé est résorbé sur place. « La phagocytose, dit Giard, apparait nettement, dans la métamorphose, comme un phénomène cœnogénétique. » Très peu importante, et parfois même absente dans le cas de métamorphose par- tielle, elle n'atteindrait son maximum que là où la métamorphose serait plus complète ou plus rapide, par exemple chez les Diptères cycloraphes, chez certains Crustacés parasites, chez les larves urodè - les d’Ascidies, parlout, en somme, où le métabo- lisme est intense. Quant aux phagocytes, ils seraient d'origine diverse : leucocytaire (Batail- lon, Metchnikoff, etc.), musculaire (myophages, phagocytes myoblastiques) (Metchnikoff, Terre, etc.), ou encore proviendraient de la somatopleure de la paroi du corps larvaire (Roule). Tous ces travaux ont fait faire un grand pas au problème des métamorphoses ; ils ne l'ont pas résolu entièrement cependant. Comme nous le disions plus haut, le développement post-embryon- paire des êtres qui présentent des mélamorphoses n'est que la suite du développement embryonnaire lui-même. Ce qu'il faut expliquer, ce n'est pas pourquoi se produit la métamorphose, mais pour- quoi le développement embryonnaire s'est trouvé retardé. Ce retard étant plus ou moins considéra- ble, il existe tous les intermédiaires, suivant les types considérés, entre la transformation et la métamorphose. La cause en est, sans doute, chez les Insectescomme chez les Echinodermes, dans une adaptation transitoire de la larve à un mode de vie spécial. Chez les Batraciens et chez les Tuniciers, il en serait de même, sauf qu'ici le stade larvaire représente vérilablement un élat ancestral auquel fait suite une adaption nouvelle. G. Loisel, Docteur èssciences et en médecine, Préparateur aux Facultés des Sciences et de Médecine de Paris. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX BIBLIOGRAPHIE ANALYSES ET INDEX 1° Sciences mathématiques Fricke (D' Robert). — Kurzgefasste Vorlesungen über verschiedene Gebiete der hôheren Mathe- matik mit Berücksichtigung der Anwendungen. — 1 vol. 1u-8° de 1x-520 pages, avec 102 figures dans le texte. (Prix, broché : 1# mk.) Teubner,. éditeur. Leipzig, 1901. M. Fricke appartient à ce groupe de savants qui se sont donnés pour tâche de favoriser le plus possible l'union des Mathématiques pures et des autres Sciences. Leur influence s’est exercée surtout en Allemagne; aussi voit-on, depuis quelques années, les Universités d'outre-Rhin ouvrir leurs portes à quelques branches techniques, afin de permettre aux étudiants de prendre contact avec les applications. En composant cet ouvrage, l’auteur s’est précisément proposé de mettre en lumière cette solidarité intime qui unit les Mathématiques aux autres Sciences. Il y à pleinement réussi, grâce au choix des sujets théoriques et des applications empruntées aux domaines les plus divers. Cet ouvrage s'adresse à ceux qui, possédant le Calcul différentiel et intégral, désirent s'initier aux théories fondamentales de l'Analyse supérieure et à leurs appli- cations. Il est destiné non seulement aux étudiants, mais encore aux physiciens et aux ingénieurs qui cher- chent à compléter leurs connaissances dans le domaine des Mathématiques supérieures. Le premier chapitre (p. 1-23) est consacré à la série de Fourier. L'auteur se borne aux notions les plus importantes; il les applique au problème des cordes vibrantes et à une question de la théorie de Chaleur. Le second chapitre (p. 24-74) contient un intéressant aperçu de la théorie des fonctions sphériques et cylin- driques; où y trouve, comme application des fonctions sphériques, un problème emprunté au domaine de l'Electrostatique. Quant aux fonctions cylindriques, on sait qu'elles interviennent, entre autres, en Astronomie, dans le célèbre problème posé par Kepler et résolu par Bessel, problème qui a pour objet la détermination de J'anomalie excentrique d'une planète à l'aide de son anomalie moyenne. C’est également ce sujet qui a été choisi par l’auteur. Dans le chapitre m1 (p. 75-172) sont exposés les principes fondamentaux de la théorie des fonctions d'une variable complexe. Is embrassent les théorèmes classiques de Riemann, de Green, de Cauchy, la notion de prolongement analytique, la série de Laurent, etc., et conduisent tout naturellement à la £héorie des lonc- tions elliptiques, qui fait l’objet du chapitre suivant {p. 173-283). Dans cet espace relativement restreint se trouve exposé, avec une remarquable simplicité, l'ensemble des notions fondamentales de cette théorie, L'auteur examine successivement les fonctions de Weierstrass, les séries de Fourier, puis la théorie des fonctions elliptiques d'après Jacobi. Le chapitre se termine par une série de tables numériques. ; Les applications des fonctions elliptiques sont réunies dans un chapitre spécial (p. 284-337). Les problèmes sont empruntés à la Géométrie, la Géodésie, la Physi- que mathématique et la Mécanique. Ils ont pour objet: application aux polygones de Poncelet, d’après Jacobi; trigonométrie sphérique et fonctions elliptiques; lignes géodésiques d’une ellipsoïde de révolution; quadriques homofocales et coordonnées elliptiques; application à la théorie de la chaleur: pendule sphérique; mouve- ment d'un corps rigide autour d'un point fixe, REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. Les deux derniers chapitres se rattachent directemen t au chapitre relatif à la théorie des fonctions d'une variable complexe, dont ils forment une application à la fois importante et intéressante. Ils sont consacrés à la théorie des équations différentielles. L'un est relatif aux équations différentielles linéaires (p. 338-424), tandis que le dernier (p. 424-514) renferme les proprié- tés les plus importantes de la théorie des équations aux dérivées partielles du premier ordre et leur applica- tion en Dynamique d'après Lagrange, Hamilton el Jacobi. : Dans un second volume, M. Fricke examinera, au même point de vue, un certain nombre de théories em- pruntées à l’Algèbre et à la Géométrie. H. Fer, Professeur à l'Université de Genève. 2° Sciences physiques Plumandon (J.-R.), WMétéorologiste à l'Observatoire du Puy de Dôme. — Les Orages et la Grêle. — Un vol. in-8° de 192 pages, avec 27 figures, de l'Ency- clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix: bro- ché, 2 fr. 50; cartonné 3 fr.). Masson et Ci, éditeurs. Paris, 1901. La grêle est un des fléaux les plus redoutés par l'Agriculture. Annuellement, les pertes qu'elle occa- sionne en France varient de 40 à 134 millions de francs. En dix années, cela représente un milliard en- viron. Les départements du Rhône et du Gers, avec leurs départements voisins, sont les deux centres les plus éprouvés en France par les orages à grêle. Le dommage peut y atteindre annuellement une moyenne de 1450 à 350 francs par hectare. On voit l'intérêt qui s'attache à la connaissance de cet hydrométéore et aux tentatives qui sont faites pour diminuer ses ravages. En ce moment, la lutte contre la grêle par le tir du canon, est pratiquée avec un grand enthousiasme dans l'Europe occidentale. M. Plumandon, dans l'introduction de son livre, expose le caractère scientifique des expériences, mais fait toutes ses réserves sur l'efficacité réelle du tir, en raison surtout de la hauteur ordinairement considérable des nuages qui produisent la grêle. À cet égard, l'au- teurest beaucoup moins confiant dans le succès que M. Houdaille, dont nous avons signalé ici le livre récent, qui traite de la même question. Les 15.000 stations de tir qui opèrent dans l'Italie septentrionale accumulent des essais d'où pourront sortir des conclusions générales. Nous pensons, comme l'auteur, qu'il est tout à fait téméraire, actuellement, d'affirmer l'impossibilité absolue de l’action du canon. Instruit par vingt-cinq années d'observations au Puy de Dôme, M. Plumandon a écrit un ouvrage très per- sonnel, en se servaut surtout de l'étude monographique de cas météorologiques qui se sont présentés à lui, et qu'il figure par des cartes. Il insiste sur la production de la grêle, la répartition et la marche des orages. On aimerait peut-être trouver quelques exposés géné- raux plus synthétiques, mais la méthode employée a l'avantage de familiariser le lecteur avec l'interpré- tation des cartes du Service météorologique. Epson Gain, Maitre de Conférences à la Faculté des Sciences de Nancy. Guichard (P.), Vice-Président de la Société de Pharmacie de Paris.-- Analyse chimique et Puri- fication des eaux potables. vol. in-S° de 200 pages, avec 10 figures dans le texte, de l'Ency- — 1 OLD! 1142 clopédie scientifique des Aide-Mémoire. (Prix : bro- ché, 2 fr. 50; cartonné, 3 fr.) Gauthier- Villars, éditeur. Paris, 1901. Dans cet ouvrage, M. Guichard nous expose l'état actuel d’une question très importante, celle des eaux d'alimentation, en laissant de côté, toutefois, le côté bac- tériologique, qui est traité dans un autre volume de la même collection. Après avoir défini les caractères de l’eau potable, il décrit les méthodes d'analyse des impu- retés minérales de l’eau, méthodes qui laissent peu à désirer aujourd'hui. Puis, il passe à l'étude des matières organiques ; ici, au contraire, nous devons constater avec l’auteur que tout est encore à faire. Et cependant, cette partie de l'Hydrologie est de beaucoup la plus importante au point de vue de l’'Hygiène. Pourquoi ? Parce que, si l'analyse bactériologique permet de con- firmer le danger actuel et déclaré, l'analyse chimique convenablement outillée nous permettrait de prévoir le danger futur et latent, ce qui serait bien préférable. Il faudrait seulement, pour cela, que les chimistes, au lieu de s'attacher à caractériser les produits de désas- similation des microbes, ptomaïnes, toxines, etc., ce qui n’est, en somme, qu'un complément de l'analyse bactériologique, portassent leurs efforts sur l'étude des matières alimentaires pour les microbes et spécia- lement, cela va sans dire, pour les pathogènes aquatiles que tout le monde a présents à l'esprit. N’est-il pas évi- dent que la valeur hygiénique d’une eau est en raison inverse de son aptitude comme milieu de culture? Et ne faut-il pas admettre que, du moment qu'une eau réunit, par la composition de ses impuretés, toutes les conditions pour être contaminée, elle le sera fata- lement avec la fréquence et dans la mesure déter- minée par ces conditions ? D'ailleurs, en attendant les lumières de la Chimie, peut-être pourrait-on recourir à la voie de l’expérimentation directe: une concentration de l'eau à froid, suivie d’ensemencements méthodiques et de séjours à l'étuve, voilà la base d'une méthode d’ana- 1yse biologique éminemment simple et pratique et dont les enseignements ne seraient certes pas à dédaigner. Passons maintenant, avec M. Guichard, à l'examen des procédés d'épuration des eaux. Ces procédés, on le sait, sont de deux sortes : mécaniques (filtres) et chi- miques. M. Guichard a raison de déclarer qu'il ne faut pas les placer sur lemême plan. Pour les raisons indi- quées plus haut, il est clair que les procédés chimiques, qui sont à même de détruire non seulement les microbes, mais les matières organiques indispensables à leur existence, doivent avoir le pas sur les filtres. Et cela d'autant plus que nous possédons aujourd'hui de très bons procédés d'épuration chimique, notamment le procédé par l'ozone, qu’on s'étonne de ne pas voir entrer plus rapidement dans la pratique. Parmi les filtres, il faut établir une distinction entre les grands filtres pour l'alimentation des villes et les filtres domestiques. La faillite des premiers est une chose avérée; ces filtres ne devraient être conservés que comme adjuvants de la purification chimique. Au contraire, les filtres domes- tiques sont des appareils rationnels ; placés au robinet du consommateur, ils doivent, s'ils sont bien choisis et bien entretenus, délivrer une eau microbiologiquement pure et qui n’a plus le temps de se repeupler avant d'être bue. D'ailleurs, le filtre Chamberland a fait ses preuves; les filtres à plaques de cellulose, comme le filtre Pot- levin, sont aussi des appareils dignes de confiance. L'ouvrage de M. Guichard est complété par une qua- trième partie destinée plutôt aux ingénieurs. Ce sont des renseignements statistiques et des conseils sur l’'amenée de l'eau des villes. Il n'eût peut-être pes été superflu d'insister sur la nécessité de conserver la frai- cheur de l'eau dans les réservoirs et les conduites. On fait encore, à l'heure actuelle, des: réservoirs exposés en plein soleil, parfois même métalliques, et on ne parait pas se douter qu'emmagasiner du calorique dans l’eau, cela revient exactement au même que d'y verser du bouillon à microbes, Dr Réri, Attaché à l'Institut Pasteur. BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX 3° Sciences naturelles Pawlow (Prof. J.-P.) — Le travail des Glandes digestives. (Traduction française par MM. N. PAcHON ET J. SABRAZËS). — 1 vol. in-8° de 288 pages. (Prix : 4 fr.) Masson et Cie, éditeurs, Paris, 4901. MM. Pachon et Sabrazès ont eu l'heureuse idée de donner une traduction francaise des remarquables lecons du professeur Pawlow sur le travail des glandes digestives, publiées en russe en 1897, et traduites en. allemand en 1898. Dans un article : «Les travaux récents sur les sécrétions gastrique et pancréatique », publié dans la Revue générale des Sciences du 15 juillet 1899, j'ai résumé les principaux Mémoires de Pawlow et de ses collaborateurs, et montré comment les recherches des savants russes avaient totalement modifié nos vieilles conceptions de la digestion. C’est, en effet, une véritable révolution qui s'est accomplie dans le domaine de la digestion, dans le cours des dix dernières années. Les médecins ne doivent pas ignorer les travaux de l'Ecole de Pawlaw; ils seront heureux de pouvoir lire en français ces lecons faites par Pawlow lui-même, dans lesquelles les faits nouveaux et les doctrines qui en découlent sont exposés avec une maitrise à laquelle ne pouvait prétendre la sommaire analyse que j’en ai pré- cédemment donnée. Dans la préface écrite pour l'édition française, Pawlow se réjouit de voir ses lecons « traduites dans cette langue que, dit-il, m'apprirent jadis à connaître, — alors que je faisais mon apprentissage de physiologiste, — les sublimes et immortelles lecons de Claude Ber- nard, ce modèle classique et inimitable ». C'est avec raison que Pawlow évoque le souvenir de Claude Ber- nard, car ses expériences et ses lecons rappellent, par leur enchainement, leur méthode et leur arrangement, la manière de notre grand physiologiste. Le lecteur qui lira ces pages verra avec une merveilleuse netteté « comment se développe devant lui une idée directrice et comment elle s'affirme par des expériences solides et harmoniquement enchainées ». Cette idée directrice qui domine l'œuvre de Pawlow, c'est l'idée de la spécificité des excitations de la muqueuse digestive. « Il n’est plus douteux actuelle-" ment, dit-il, que toute la physiologie de la digestion est dominée par ce principe fondamental, à savoir que le travail de chacun des divers organes dont elle dépend est mis en jeu par des excitants spécifiques, et qu'il résulte de là des phénomènes d'adaptation d’une finesse remarquable ». Deux méthodes peuvent être suivies dans l'étude de la digestion. On peut rechercher la facon dont sont éla- borées les matières alimentaires brutes, à chaque étape du canal digestif, et c’est ainsi qu'ont procédé Brücke, Ludwig, etc.; — ou bien, on peut déterminer quelle est la quantité de réactif digestif sécrétée pour chacun des aliments en particulier, et, pour ceux-ci en totalité, quelle est la nature des divers réactifs, et à quel moment ils sont déversés dans le canal digestif : c’est la méthode adoptée par Pawlow. Avant lui, sans doute, les physiologistes avaient essayé d'aborder le problème de la digestion par cette même méthode, mais ils. s'étaient heurtés à des difficultés techniques qu'ils n'avaient pas su tourner. C’est grâce aux perfectionne- ments qu'il a apportés à la technique opératoire que Pawlow a pu aller plus loin que ses devanciers. « On dit souvent, et non sans raison, que la science pro- gresse par à-coups, et que chaque impulsion corres- pond à un progrès réalisé dans les méthodes techniques. « Chaque pas en avant de la méthode nous élève à un niveau d'où nous découvrons un horizon plus vaste et des points de vue auparavant invisibles ». : Les conditions à remplir pour pouvoir faire une étude rigoureuse de la digestion sont les suivantes : M obtenir les sucs digestifs en tout temps, sinon des faits … importants passeraient inapercus; — recueillir les sucs digestifs à l'état de pureté parfaite, sinon certaines. modifications de leur composition ne sauraient être BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX appréciées; — déterminer la quantité de ces sucs; — enlin n'opérer que sur des animaux dont le canal digestif fonctionne régulièrement et dont la santé est parfaite. Pawlow est parvenu à réaliser des opérations satisfaisant, chez le chien, à tous ces desiderala. On lira avec intérêt la description de la fistule pancréatique permanente, de l’æsophagotomie, de la fistule gas- trique, de la préparation du petit estomac fundique, et des conditions et précautions spéciales à réaliser pour que les animaux opérés puissent être conservés en état de santé parfaite. Pawlow insiste, avec grande raison, sur l'intérêt qu'il y a à substituer, pour l'étude de nom- breuses questions physiologiques, des procédés chirur- gicaux permettant la conservation de l'animal, aux pro- cédés d'interventions sanglantes dont certains savants ‘ont tort de se contenter. Tout laboratoire de Physiolo- gie devrait posséder une importante annexe chirurgi- cale, où les opérations pourraient être faites avec la précision et l’aseptie actuellement réalisées dans la Chirurgie humaine. Pawlow et ses élèyes ontétabli, avec une remarquable petteté, que le travail des glandes digestives est infini- ment complexe et infiniment élastique, tout en étant extrêmement précis et présentant un caractère très net d'adaptation à la nature et à la quantité des aliments ingérés. La quantité des sucs gastriques et pancréatiques déversés dans le tube digestif varie avec la nature des aliments; elle diffère notablement selon que l'animal a ingéré du pain, du lait, de la viande, des graisses; la qualité des sucs digestifs, c'est-à-dire leur richesse en ferments actifs, varie avec) la nature des substances ingérées. Les glandes digestives se comportent d'une manière en quelque sorte intelligente. Le suc qu’elles déversent est, au point de vue de sa quantité et de sa qualité, celui qu'exigent précisément la quantité et la nature des aliments; le liquide qu'elles sécrètent est juste celui qui est le plus apte à la transformation des aliments ingérés. Les glandes digestives adaptent pro- gressivement leur sécrétion, au point de vue qualificatif, à l'alimentation du sujet: lesucpancréatique d'un animal nourri d'amidon en abondance est au plus haut point amylolylique; celui d’un animal nourri en abondance ‘de viande est au plus haut point protéolytique, etc. C'est dans l’innervation des glandes digestives que doit être recherché leur pouvoir d'adaptation. Les nerfs sécrétoires des glandes salivaires sont connus, et ‘personne n'en conteste l'existence et la nature exclu- sivement sécréloire. Mais les nerfs sécrétoires des glandes gastriques et pancréatiques étaient mis en -doute par la majorité des physiologistes, ou tout au moins leur existence restait à démontrer; à côté de -faits en faveur de l'existence de nerfs sécrétoires, on en pouvait citer d’autres, non moins démonstratifs, en faveur de l'absence de ces nerfs. Pawlow reprend la question et, par des expériences d'une remarquable précision, il établit de facon indiscutable l'existence des nerfs sécrétoires de l'estomac et du pancréas; il montre que ces nerfs sécrétoires agissent soit à la facon de nerfs sécrétoires proprement dits, soit à Ja facon de nerfs trophiques; il signale des faits qui prou- vent que ces nerfs secrétoires et trophiques sont doublés de nerfs fréno-sécrétoires et de nerfs fréno-trophiques, ces derniers constituant des freins à côté du moteur, dont ils adoucissent le fonctionnement et suppriment les à-coups. Reprenant l'analyse et présentant la critique des recherches de ses devanciers, Pawlow montre pour- quoi leurs expériences ne pouvaient fournir de résultats salisfaisants, .et comment elles devaient être modifiées pour en donner de définitifs et d'indiscutables, L'existence de ces nerfs sécrétoires est démontrée par les effets observés à la suite de leur section et de leur excitation. Mais, quand, comment, pourquoi sont- ils mis en jeu dans le cours normal des processus phy- siologiques ? Pawlow répond à cette question : des exci- -tations spéciales, produites en un point spécial du tube ‘digestif, déterminent une réaction glandulaire limitée à une glande ou généralisée, produisant un suc en 1143 quantités et de qualités variables, selon là nature et le siège de l'excitation (principe de l’excitabilité spécifi- que de la muqueuse digestive). Et la plus grande partie des lecons de Pawlow expose l’ensemble des faits dé- montrant le bien-fondé de cette proposition. Pawlow démontre que la sécrétion gastrique normale est provoquée par deux groupes ditférents d’excita- tions, des excitations psychiques, qu'on a coutume de désigner sous le nom d'appélit, et des excitations chi- miques. Chez l'animal affamé, la vue, l'odeur d'aliments agréables fait apparaître la sécrétion du suc gastrique ; dans l'expérience du repas fictif (repas pris par un chien œsophagotomisé, les aliménts tombant au de- hors par la fistule œsophagienne, à mesure qu’ils sont ingérés), la sécrétion gastrique apparaît comme consé- quence de l'excitation gustative de la muqueuse buc- cale. Cette sécrétion, que Pawlow appelle la sécrétion psychique ou sécrétion d’appétit, présente une durée, des propriétés, un pouvoir digestif qui lui sont pro- pres, qui la caractérisent et qui se présentent avec une remarquable identité chez les divers animaux, pourvu que l'alimentation ingérée soit identique dans tous les cas qualitativement et quantitativement. Les caractères et la durée de celte sécrétion] varient, au contraire, avec la nature de l'alimentation : sa quantité et son pouvoir digestif sont maximum pour le repas de viande, ils sont moindres pour le repas de lait. Les glandes gastriques réagissent donc d'une facon cons- tante et déterminée, selon la nature de l'excitation portée sur la muqueuse buccale. Les glandes gastriques sécrètent encore sous l’in- fluence d’excitations chimiques portées sur la muqueuse gastrique elle-même ; et celte sécrétion, dite sécrétion chimique, différente, par l’ensemble de sescaracières, de la sécrétion psychique, varie,elle aussi, selon la nature et la quantité des substances excitantes: elle est surtout déterminée par les substances extractives contenues dans la viande ; elle se produit aussi, moins abondante il est vrai, sous l'influence des produits de la digestion peptique du pain et du lait. L'amidon, incapable par lui-mème de provoquer une sécrétion chimique, aug- mente considérablement l’activité peptique d'une sé- crétion chimique engendrée par une substance efficace ; les graisses diminuent le pouvoir peptique de cette sé- crétion chimique. Ici encore, on retrouve avec une netteté extrème la variété infinie des réactions, corres- pondant chacune à une excitation donnée, et la cons- tance absolue des réactions, quand les conditions expé- rimentales sont constantes. Les excitations mécaniques de l’estomac,auxquelles,. avant Pawlow, on rapportait la cause sécrétoire des glandes gastriques, sont, par contre, absolument ineffi- caces. L'estomac ne réagit, au point de vue sécrétoire, qu'à certaines excitations rigoureusement déterminées quant à leur qualité et à leur point d'action. En étudiant la sécrétion pancréatique, on retrouve des faits analogues. La sécrétion pancréatique apparaît essentiellement sous l'influence d'excitations produites sur la muqueuse duodénale par les liquides acides issus de l'estomac; de sorte que la sécrétion pancréa- tique est normalement la conséquence nécessaire de la sécrétion gastrique. Elle est produite immédiatement par l’action des acides sur le duodénum, et médiate- ment par les excitations psychiques de l'appétit et de la gustation, puisque ces dernières provoquent la pro- duction d'un suc gastrique fortement acide, L'amidon ne peut engendrer une sécrétion pancréalique, mais il augmente le pouvoir amylolytique d'une sécrétion exis- tante ; les graisses déterminent par elles-mêmes la pro- duction du suc pancréatique, et augmentent le pouvoir lipasique d’une sécrétion existante. Les résultats obtenus par Pawlow auront, comme il le dit, « pour effet de bannir l'opinion grossière et in- féconde que le canal digestif est universellement exci- table par n'importe quel agent mécanique, chimique, thermique, sans compter avec les particularités de cha- cune des tâches que la digestion doit remplir. Dans 114% BIBLIOGRAPHIE — ANALYSES ET INDEX l'état actuel des faits, ces agents, quand ils intervien- uent activement, doivent être considérés comme des conditions favorables ou empêchantes, mais non comme les acteurs normaux et déterminants du travail digestif sécrétoire. Au lieu d’une représentation fruste, d'un semblant de connaissance grossière, nous avons main- lenant l’esquisse d’un mécanisme plein d'art, qui, comme fout ce que nous connaissons dans la Nature, témoigne d’une finesse exquise et d’une adaptation in- üime des phénomènes à leur but ». Les faits établis par Pawlow ne doivent pas rester la propriété des seuls expérimentateurs; les pathologistes et les thérapeutes auront grand intérêt à les connaitre. Ces faits justifient des pratiques instinctives et empi- riques que la Médecine moderne a trop souvent et trop complètement abandonnées. C’est l'appétit ‘qui est le primum movens des sécrétions digestives; c'est par l'appétit que la sécrétion gastrique est amorcée; c'est par l'appétit que la sécrétion pancréatique est indirec- tement provoquée. Il faut donc chercher par tous les moyens possibles à conserver l'appétit intact, quand il existe; il faut chercher à le réveiller, quand :l som- meille. Ainsi sont justifiés les condiments el les amers, qui ont été avantageusement employés autrefois; ils doivent reprendre, dans la Thérapeutique, le rôle impor- tant qu'ils n'auraient jamais dû perdre. Dans un dernier chapitre, spécialement écrit pour l'édition francaise, Pawlow résume les travaux faits dans son Institut pendant les trois dernières années. Il montre comment la bile exerce une action de renforcement sur les actions diastasiques pancréatiques; il décrit dans l'intestin et dans le suc intestinal uu ferment, l’entéro- kinase, qui renforce lui aussi, de façon colossale, l'ac- tivité digestive du suc pancréatique. Il termine par des données intéressantes sur la pathologie expérimentale et sur la thérapeutique expérimentale de l'estomac. Cette trop sommaire analyse est insuffisante pour donner une idée exacte du grand nombre de faits im- portants exposés dans l'ouvrage de Pawlow; mais elle suffira, j'espère, pour engager le lecteur à lire avec tout le soin qu'il mérite ce bel ouvrage sur le travail des glandes digestives, l'un des plus importants qui aient été écrits en Physiologie dans le cours des dernières années, le plus important sans aucun doute par ses conséquences théoriques et pratiques. Maurice ARTHUS, Chef de Laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille. 4 Sciences médicales Marro (Antoine). — La Puberté chez l’homme et chez la femme. (Traduit de l'italien par le D' J.-P. Mæoici, Préface du D Mana). — À vol. in-8 de 536 pages, avec planches et 4 figures dans le texte. (Prix : 10 fr.) Schleicher frères, éditeurs. Paris, 1904. « C’est avec plaisir, écrit M. Magnan dans la préface de ce livre, que je me permets de présenter aux lecteurs français le beau travail du D' A. Marro sur la puberté, considérée dans ses rapports avec l’Anthropologie, la Psychiâtrie, la Pédadogie et la Sociologie. Le vaste champ qu'ouvrait à l’auteur sa vie professionnelle et scienti- fique, d'abord comme praticien, puis comme médecin de prisons et, enfin, comme médecin des asiles d’aliénés, expert judiciaire, directeur du laboratoire et professeur de Psychiâtrie, lui a permis de recueillir une riche moisson d'observations et d'expériences qui, ajoutées aux enquêtes particulières qu'il a faites dans différents pensionnats, donnent à son livre une valeur pratique exceptionnelle. La puberté y est étudiée sous toutes ses faces : anatomique, physiologique, pathologique, morale et sociale ; c'est le travail le plus considérable et le plus parfait qui ait été publié jusqu'ici sur cette intéressante question. » M. Marro établit d’abord ce qu'est la puberté : il nous moutre l'importance que les peuples anciens, surtoutles Grecs et les Romains, attachaient à cette période de transition où l'enfant se dépouille et se transforme pour passer le seuil de la véritable vie, la vie sociale, L'auteur étudie ensuite l'apparition de l'époque pubère dans les deux sexes, ainsi que les causes qui accélèrent le développement de la puberté : climat, température, race, constitution, conditions hygiéniques. IL soumet à une pénétrante analyse chacune des profondes trans- formations qui s’accomplissent pendant cette période évolutive de l’existence et il passe successivement en revue les modifications physiques, locales et générales, dont s'accompagne le développement des organes sexuels, l'accroissement du corps, les caractères de cet accroissement dans les deux sexes, envisagé surtout dans certains appareils, dans certains organes plus spécialement modifiés. Puis, M. Marro étudie les phénomènes qui accom- pagnent l'aptitude à la génération ; il en détermine les conditions biologiques, notamment, chez la femme, Papparition de la menstruation. Il fait ressortir son influence active sur le cerveau, l'excitation cérébrale réflexe qui en est la conséquence avec l'accroissement de l’émotivité, l'apparition d'impulsions instinctives, de sentiments et de penchants nouveaux. Il montre cette maturité sexuelle inséparable non seulement de modi- fications psychiques particulières poussant parfois à de graves excès (onanisme et ses conséquences), mais encore d'un état métabolique de l'organisme, quiréclame des viscères un surcroît de travail pour fournir les élé- ments, albumine, sels, etc., nécessaires au développe- ment général du corps et qui, par suite, diminue Ja force de résistance et favorise une plus grande morbi- dité. Un chapitre tout entier est consacré à la recherche des relations étroites qui unissent l’évolution de la puberté à celle de l'appareil génital et aux théories diverses qui ont été émises pour expliquer les phéno- mènes de la puberté. Vient ensuite l'étude de la puberté chez les dégénérés, et c'est ici que l'éminent aliéniste de Turin va mettre à notre disposition les nombreux et précieux matériaux qu'il a recueillis dans sa vie professionnelle. Chez les sujets normaux, tous les efforts de l’orga- nisme, toutes les modifications psychiques qui se pro- duisent au moment de la puberté peuvent s'accomplir sans trop grands dommages; mais il n'en est plus de même chez les prédisposés, chez les dégénérés. La pu- berté est, en quelque sorte, une pierre de touche devant les causes perturbatrices, multiples, qui peuvent inter- venir à celte période de la vie; elle est le réactif révé- lateur fréquent de la dégénérescence mentale. Toute la symptomatologie psycho-pathologique de la puberté est la reproduction fidèle des psychoses des dégé- nérés, avec les tendances obsédantes et impulsives, les alternatives d’excitalion et de dépression, leur brus- querie, leur périodicité, etc. Les arrèts de développe- ment eux-mêmes, leur intensilé sont en rapport avec le plus ou moins de surcharge héréditaire. L'hérédité rayonne sur toutes ces manifestations et les domine. Après avoir envisagé les causes de la dégénérescence et formulé de sages préceptes d'hygiène physique et morale, M. Marro est naturellement conduit à s'occuper des jeunes délinquants des prisons, si proches parfois des jeunes irresponsables de nos asiles. Ces deux caté- gories d’antisociaux sont monnaie de la même pièce, et, quand on peut établir l'équation généalogique des cas, on remonte généralement à un (ronc commun, sur lequel deux rameaux voisins ont abouti, l’un au crime, l’autre à la folie, sous l'influence parfois du même réactif sexuel et à l’occasion de la puberté. L'alcool à son tour, égale, tantôt alternativement, tantôt isolé- ment, crime et folie, et l'alcoolisme par hérédité s'éveille aussi en même temps que l'apparition de la phase pubère. « En résumé, conclut M. Magnan, cette magnifique étude de la puberté, dans laquelle abondent de curieux documents, n'intéresse pas seulement les physiolo- gistes, les psychidtres, mais les magistrats, les anthro- pologistes, et tous les médecins pourront y puiser d'utiles renseignements. » J. D. ACADÉMIES ET SOCIËTÉS SAVANTES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE ET ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS Séance du 2 Décembre 1901. 4° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. Painlevé, étu- diant les singularités essentielles des équations diffé- rentielles, montre que, moyennant une transformation algébrique, on peut toujours ramener un système d'équations différentielles algébriques réelles à un autre système réel qui ne présente plus de singularités essentielles mobiles, et cela sans changer la variable indépendante. — M. L. Raffy éludie la déformation des surfaces, et en particulier celle des quadriques, en se servant des équations aux asymptotiques. M. A. Pellet montre que la recherche des racines négatives d'une équation se ramène à la recherche des racines positives de celle qu'on oblient en changeant le signe de l’inconnve dans la première; on a ainsi une méthode permettant d'avoir loutes les racines réelles d'une équation. — M. G. Tzitzéica présente quelques remarques sur le nombre des racines communes à plu- sieurs équations. — M. E. Carvallo montre, par l'ex- périence de la roue de Barlow, que les équations de Lagrange ne sont pas toujours applicables aux phéno- mènes électrodynamiques, notamment dans le cas des conducteurs à deux ou trois dimensions. Cette expé- rience semble confirmer les deux principes fondamen- taux de Maxwell : L'énergie d’un système de courants est une énergie cinétique; les forces électrodynamiques et les forces electromotrices d’induction sont des forces d'inertie. — M. D. Eginitis communique ses observa- tions des Léonides, faites à Athènes, du 14 au 16 no- vembre. Il a constaté un déplacement assez sensible en ascension droite du radiant principal. 2° SCIENCES PHYSIQUES. — M. A. Lafay indique une application de la chambre claire de Govi à la réalisation d'un appareil vérificateur des règles et des plans. — M. H. Pellat propose d'évaluer en valeur absolue les très basses températures en se basant sur le phénomène Peltier, observé au moyen d’un couple thermo-élec- trique fer-zinc. — M. H. Bagard indique un procédé général qui donne infailliblement une décharge dis- ruptive dans les électrolytes sans avoir recours aux moyens puissants. Il faut d'abord employer des con- ducteurs à très faible surface, par exemple des fils mé- talliques. La décharge est produite par deux bouteilles de Leyde isolées, dont les armatures internes sont re- liées à une machine électrique et à un excitateur à boules, et les armatures externes aux fils métalliques plongés dans le liquide. — M. C. Tissot a étudié l’étin- celle produite par l’excitateur de Hertz par le procédé du miroir tournant. Les images des étincelles succes- sives ne sont pas rigoureusement équidistantes; le pre- mier intervalle est toujours plus considérable que les autres; il dépend de la distance explosive et augmente avec elle, — MM. P. Curie et A. Debierne ont pour- suivi l'étude de la radio-activité induite, provoquée par des sels de radium. Dans une enceinte fermée, l’acti- vité induite limite est indépendante de la pression et de la nature du gaz de l'enceinte; elle dépend seule- ment de la quantité de radium introduit à l’état de so- lution. — M. A. de Hemptinne a constaté que les substances radio-actives commencent à provoquer la luminescence des gaz à une pression plus élevée que les vibrations électriques. — M. L. Guillet a obtenu, par l’action de l’aluminium sur l'acide stannique, des culots métalliques dont il a pu isoler deux combinai- sons définies, se présentant en cristaux très nets; elles correspondent aux formules Al*Sn et AlSn. — M. H. DE L'ÉTRANGER Imbert montre que les dérivés provenant de l’action des bases pyridiques sur les quinones télrahalogénées doivent être représentés par la formule C*H°Az. C°CI0?. OH. Le noyau pyridique est donc lié par un seul car- bone au noyau quinonique, et l’oxhydryle contenu dans ces dérivés ne peut dès lors se trouver que dans ce noyau. — MM. E. Heckel et F. Schlagdenhauffen ont analysé la racine de l’Z/ondo, lierre du Gabon (Dorstenia Kleineana). L'extrait pétroléique laisse dé- poser de fines aiguilles de composition C'*H°0", à odeur de coumarine. La racine renferme encore une forte proportion de résines. — M. G. Dubat a déterminé la composition des hydrates de carbone de réserve de l’albumen des graines du Petit Houx. A l'hydrolyse on obtient : mannose 27,92 %, glucose 27,64 %, sucre in- terverti 13,61 %, pentoses 0,68 %. Les hydrates de car- bone de réserve sont donc : du saccharose, des man- nanes, des dextranes et un peu de pentosanes. — M. E. Fleurent a constaté que les blés durs contiennent au moins 2,5 % d’albumen de plus que les blés tendres ; ils sont aussi plus riches en gluten. Le gluten des biés durs renferme une proportion sensible de conglutine (jusqu'à 15 %). 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Vallot a étudié les modifications que subit l'hémoglobine du sang sous l'influence de la dépression atmosphérique dans les ascensions de montagne ou en bailon. On constate toujours une diminution de la durée de la réduction lorsqu'on s'élève. — MM. J. Tissot et Hallion ont éludié la respiration à diverses altitudes pendant une ascension en ballon. La quantité absolue d'air qui entre dans le poumou diminue considérablement lorsque l’al- titude augmente. Mais, en même temps, la proportion d'oxygène absorbé et de CO* exhalé pour cent s’ac- croit. Aussi l'intensité absolue des échanges respira- toires en une minule reste la même à toutes les alti- tudes (jusqu'à 3.500 mètres au moins). —M.N. Gréhant, après avoir fait respirer à un chien un mélange conte- vaut de l'oxyde de carbone, le place soit dans l’air pur, soit dans l'oxygène pur. Dans le second cas, on constate une disparition beaucoup plus rapide de l'oxyde de carbone dans le sang. — MM. A. Char- rin et G. Delamare, eu soumettant des générateurs à diverses intoxicalions, plus spécialement à des in- toxicalions par toxines microbiennes, ont vu se re- produire chez les descendants des anomalies de plus en plus variées, dont quelques-unes rappellent exacte- ment les désordres produits par les bacilles chez l'homme. — M. L. Bordas à constaté que les piqûres du Latrodectus 13-guttatus Rossi ou Malmignatte ne sont nullement mortelles pour l'homme et les gros animaux, comme on le croit communément; elles n'amènent qu'une légère inflammation, suivie de fortes démangeaisons. Par contre, elles produisent sur cer- tains Insectes, Mouches, Coléoptères, Orthoptères, une sorte de paralysie suivie rapidement de mort. — M. H. Joffrin a étudié deux maladies des feuilles de Chrysan- thèmes, qui aboutissent toutes deux à une flétrissure partielle ou totale, et à la chute de la feuille. L'une est de nature vermiculaire; elle est due à un Nématode du genre T'ylenchus. L'autre est de nature cryptogamique; elle est due à un champignon nouveau du genre Sep- toria, que l’auteur nomme Septoria varians. — M. Em. Laurent a reconnu que la mort des branches de pui- rier à la suite du développement des baies, des graines et des plantules de Gui à leur surface, est due à un principe toxique contenu dans la plante parasite et qui n'a pu encore être isolé. — M. E. Fournier signale la généralité des phénomènes de capture des cours d’eau 1146 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES superficiels par les cours d’eau souterrains dans les régions calcaires. Ainsi la Loue est le produit d'un double captage de rivières superficielles, le Doubs et le Drugeon. — M. P. Termier étudie les trois séries cristallophylliennes des Alpes occidentales : la série antéhouillère, la série permo-carbonifère et la série mésozoïque. Le métamorphisme de ces trois séries est vraisemblablement d'origine purement plutonienne. — M. St: Meunier signale de nouvelles expériences de striage artificiel des galets, par voie de dénudation souterraine. Séance du 9 Décembre 1901. L'Académie présente, à M. le Ministre de l'Instruction publique, la liste suivante de candidats pour la chaire de Culture vacante au Muséum : 1° M. J. Costantin; 2° M. Bois. 1° SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. H. Poincaré pré- sente quelques considérations sur les connexions des surfaces algébriques. — M. A. Demoulin établit l'exis- tence, sur l’hélicoïde minimum, d’une double infinité de réseaux conjugués persistants de première espèce. — M. Ed. Maillet démontre l'existence de deux ensem- bles distincts de nombres tous transcendants, qui ont la puissance du continu. — M. C. Flammarion com- munique les observations des Perséides qui ont été faites en août à l'Observatoire de Juvisy et à la station auxiliaire d’Antony. Les observations simultanées de quelques métléores en ces deux points ont permis de déterminer leur hauteur. L'étoile filante la plus basse est apparue à 15 kilomètres de hauteur et la plus élevée à 119. — M. H. Deslandres communique une méthode simple, basée uniquement sur des observations de temps, pour déterminer la vitesse propre des aérostats dirigeables. Appliquée aux expériences de M. Santos- Dumont, elle donne une vitesse de 72,60 à 8,10. — M. J, Armengaud communique un tracé donnant, avec une approximation de 1/20° au moins, la {rajectoire sur le sol de l’aérostat dirigeable de M. Santos-Dumont, dans l'épreuve du 19 octobre. Pour lui, la vitesse propre de l’aérostat a atteint 8m,50 à 9 mètres. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. Th. Moureaux a constaté que, si les courbes magnétiques actuelles à l'Observa- toire du Parc Saint-Maur ont pu être ramenées à une finesse relative par l'emploi d’amortisseurs, le champ terrestre y est néanmoins perturbé depuis l'établisse- ment du réseau de tramways électriques à trolley de l'Est parisien, et les troubles se manifestent non seule- ment sur la variation diurne, mais encore sur la valeur absolue des éléments magnétiques. — M. Th. Tomma- ina cominunique une nouvelle série d'observations d’orages lointains par auscullation au moyen de l'élec- troradiophone: II lui a semblé que certains éclairs sont dus à des décharges non oscillantes, car l'électroradio- phone n’en donnait aucun signe perceptible. — M. A. d’Arsonval indique quelques moyens pour la produc- tion et le maintien des basses températures. Avec la neige d'acétylène ou d'acide carbonique en solution dans l’acétone, on arrive facilement à —115°; au-dessous, il faut avoir recours à l’air liquide qu’on conserve dans des vases à double paroi plongés dans un bain de gazo- line. — M. H. Becquerel a reconnu que des produits uraniques, dont la radioactivité avait été affaiblie par des précipitations et des cristallisations, ont regagné spontanément, après dix-huit mois, leur activité pre- mière. — M. M. Berthelot à poursuivi l’élude de la décomposition de l’anhydride iodique par le rayonne- ment du radium; celle-ci n’a lieu que lorsque le radium n’est pas entouré de papier noir, c'est-à-dire dans des conditions où la phosphorescence intervient. — M. O: Boudouard à obtenu irois combinaisons définies d’alu- minium et de magnésium : Al Mg*, AI Mg, Al'Mg. La pre- mière est isolée} du culot 30 A1 — 70 Mg par attaque à \ZHACI à 10°/,, la seconde des culots 40 AI — 60 Mg et par une attaque semblable; la troisième du culot 70 AL — 30 Mg par atlaque à HCI à 10 °/4. — M. H. Gautier a préparé des alliages de strontium et de zinc en faisant agir du sodium sur un mélange de chlorure ou d'iodure de strontium et de chlorure de zinc. On obtient de la , même facon des alliages de cadmium et de strontium. — M. P. Lebeau a constaté que les fontes siliceuses renferment tout le silicium à l'élat combiné sous la forme du siliciure SiFe?. Ce composé étant très soluble dans un excès de fer donne facilement une masse homogène par refroidissement. Il ne pourra apparaitre à l’état isolé que lorsqu'il sera en proportion supérieure à celle que devra renfermer une solution saturée dans le fer, vers son point de solidification. — M. Marcel Guédras prépare rapidement l'alcool trichlorobutylique en chauffant un mélange de chloroforme et d'acétone en présence de potasse. 3° SCIENCES NATURELLES. — M. J. Mayet a réalisé la transmission du cancer de l'homme au rat blanc. De la non-identité histologique entre le produit inoculé et le néoplasme produit, il conclut que le cancer n'est pas un tissu histologiquement defini, mais un mode de réaction des éléments anatomiques divers sous leurs formes diverses, provoqué par la cause encore in- connue qui le réalise. — M. A. Mossé montre que, dans les diabètes, la pomme de terre est un aliment qui non seulement peut être permis mais uliie, suscep- tible d'être avantageusement substitué au pain, dans des proportions suffisantes pour maintenir l’équiva- lence de la ration alimentaire. — MM. J. Tissot et Hallion ont déterminé les gaz du sang à différentes altitudes dans une ascension en ballon. La quantité totale de.gaz contenue dans le sang augmente avec l'altitude, mais celle d'azote diminue.—M.J.P.Langlois a reconnu que les Reptiles à peau imperméable pré- sentent de la polypnée thermique quand leur tempé- rature atteint 39°, et que les rayons caloriques frappent directement la tête. Cette polypnée entraîne une cer- taine perte d’eau et intervient comme facteur de la régulation thermique ; la polypnée ne peut s'établir que si l’hématose est parfaite. — M. F. Houssay a étudié les variations du jabot et du gésier chez la poule en fonction du régime alimentaire. On constate une réduc- tion énorme du poids et du volume de ces organes quand on passe du régime granivore au régime carni- vore. La longueur du tube digestif et des cæcums diminue aussi. — Me M. Loyez a étudié les transfor- mations de la vésicule germinative chez les Sauriens. Les chromosomes ne disparaissent jamais complète- ment; les nucléoles prennent une grande imporlancé et peuvent êlre considérés comme les éléments essen- tiels de l’activité de la vésicule germinative pendant la période de formation du vitellus. — MM. L. Vialleton et G. Fleury ont étudié la structure des ganglions Iym- phatiques de l’oie; ils peuvent être comparés à un gan- glion de mammifère inachevé. — M.G. André a étudié la nutrition de la plantule aux dépens de ses cotylédons chez le Haricot d'Espagne germant dans un bon sol de culture. La plantule emprunte aux cotylédons une grande partie des substances minérales et la presque totalité de sa matière organique; mais ce dernier emprunt diminue rapidement dès que la fonction chlorophyllienne commence à s'exercer. — M. Em: Marchal a observé que la formation des nodosités chez le Pois est empêchée par la présence des nitrates alca+ lins, des sels de potassium et de sodium; elle est, au contraire, favorisée par les sels de calcium et de ma- gnésium. — MM. Ch. Eug. Bertrand et F. Cornaille poursuivent l'étude des propriétés des chaînes libéro- liyneuses des Filicinées (élargissement et rétrécisse: ment d'une chaîne; addition d'un divergeant). — M. G. Delacroix a constaté que l'agent de la nouxelle maladie de la pomme de terre qui sévit depuis deux ans est une bactérie, qu'il nomme Bacillus solanincola. Il en a fait des cultures et, par inoculation, a reproduit la maladie, Cette bactérie attaque également la tomate, — M. A. Lacroix a reconnu que les enclaves homœæo- gènes des andésites à haüyne forment une série pétro- graphique remarquablement continue, comprenant les roches grenues suivantes : microtinites à noséane; à { ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1147 RE mmmergtiete gabbro amphibolique pauvre en haüyne, gabbro amphi- bolique très riche en haüyne, hornblendile et pyroxé- nolite. Cette série présente une analogie frappante avec les roches grenues basiques formant le cortège habituel des syénites néphéliniques. — MM. Capitan et Breuil présentent quelques reproductions de dessins paléoli- thiques gravés sur les parois de la grotte des Comba- relles. Ces dessins représentent des Equidés, des Bovi- dés, des Rennes et des Mammouths. Louis BRUNET. ACADÉMIE DE MÉDECINE Séance du 3 Décembre 1901. M. Duguet présente ur rapport sur un mémoire du D: Roustan concernant une épidémie de grippe obser- vée à Cannes et dans ses environs. Cetle épidémie a éclaté subitement au mois d'avril et a frappé plus de 400 personnes; elle a fait 21 victimes. — MM. A. Robin, M. Binet et Dupasquier ont étudié les échanges res- piraloires aux hautes altitudes, d'après les données recueillies dans une ascension en ballon par l'un d’entre eux. En résumé, pendant l'ascension : 1° Le pouls s'est accéléré; 2° la fréquence de la respiration a augmenté proportionnellement à l'altitude; 3° la capacité respi- ratoire a diminué en raison inverse de l'altitude; 4° les proportions des gaz ont baissé pour CO* et augmenté pour l'oxygène; 5° la ventilation pulmonaire a pro- gressé; 6° les échanges gazeux se sont accrus et plus particulièrement l'oxygène absorbé par les tissus; 7° le quotient respiratoire a beaucoup baissé. — M. Ch. Fer- netrappelleles bons effets de la strychnine comme agent thérapeutique dans l'alcoolisme (delirium tremens, alcoolisme chronique, etc.) et dans l’adynamie ner- veuse, — M. A. Chipault donne lecture d’un mémoire sur la pathogénie de la contracture post-hémiplégique. — M. H. Barré lit un travail sur les germes du froment et le problème de la tuberculose. Séance du 10 Décembre 1901. M. le Président annonce le décès de M. de Nencki, correspondant étranger. : M. Porak présente le Rapport pour 1901 de la Com- mission permanente de l'Hygiène de l'enfance. — M. A. Mossé examine l'emploi de la pomme de terre dans les diabèles sucrés et les complications diabétiques. — MM. Champetier de Ribes et Baudron communiquent une observation de dystocie par kystes hydatiques pen- dant le travail. Ils ont eu recours à l'opération césarienne suivie d'hystérectomie abdominale; ils ont extrait ainsi un enfant vivant, et les suites de l'opération ont été excellentes pour la mère, SOCIÉTÉ DE BIOLOGIE Séance du 30 Novembre 1901. MM. L. Camus et E. Gley ont observé des pertes de poids considérables chez des Hérissons en état d'hiber- nation. — MM. Moreul et Rieux ont retrouvé, dans un grand nombre de cas de dysenterie, endémique ou épi- démique, le bacille déjà signalé par M. Roger. Il res- semble au bacille colicommum ; il est colorable par les couleurs d'aniline, mais ne prend pas le Gram. — MM. L.Ingelrans et M. Dehon ont constaté que: 1° l’uro- toxicité va diminuant ou reste stationnaire chez les typhoïdiques traités par les bains chauds; 2° elle augmente graduellement chez ceux traités par les bains froids; 3° elle s'accroit notablement chez les malades soumis au régime des boissons abondantes. — M. M. Arthus à trouvé que le sang ne contient pas de fibrin- ferment au moment de la prise; il y apparait peu après, mais se développe surtout dans les moments qui précè- dent la coagulation spontanée. — M. G. Delamare a observé, chez un lapin tuberculeux, une paralysie ascendante aiguë, avec lésions médullaires, névritiques et musculaires, qu'il attribue aux poisons élaborés par le bacille de Koch. — MM. Hallion et Tissot ont étudié l'influence des variations rapides d'altitude sur les phé- nomènes de la respiration à l’état de repos (voir p. 1145) et sur la quantité des gaz du sang. — M. P. Bonnier a reconnu que l'oreille ne s'accommode que lentement à une grande variation d'altitude, par exemple dans une ascension en ballon. C’est là.la source directe du malaise des hauteurs. — MM. Calugareanu et V. Henri ont étudié les variations du sang de chien pendant une ascension en ballon. Ils ont constaté une augmentation considérable du nombre des globules; la composition en eau, en azote et en fer n'a presque pas varié. — M. J. Jolly, dans les mêmes conditions, a constaté une augmentation des globules rouges avec l'altitude, et de grandes oscillations des globules blancs, le maximum correspondant toutefois à l'altitude maxima. — MM. R. Lépine et Boulud ont observé la présence d'acide gly- curonique dans le foie du chien et du cobaye post mortem. — M. F. Tissot a reconnu que les pus de nature tuberculeuse sont caractérisés par une propor- tion de mononucléaires double ou même triple de celle des pus septiques, et presque huit fois plus forte que celle des pus blennorragiques. — M. R. Blanchard communique des observations sur quelques moustiques. — M. Ch. Pérez a étudié les phénomènes de la n,"0- phose chez la Fourmi rousse. — M. J.-A. Sicard à constaté que l'existence de l'aspect sanguinolent Cu liquide céphalo-rachidien n'est pas toujours une preuve certaine de l'hémorragie du névraxe; elle peut provenir tout simplement de la piqûre d'une veine faite au cours de la ponelion. Par contre, la coloration jaunâtre ou jaune-verdâtre du liquide céphalo-rachidien est un signe de grande valeur pour reconnaitre ces hémor- ragies. — M. J. Lépine à reconnu que l'injection de mucine de limace stimule la défense de l'organisme chez les animaux tuberculeux. La mucine de limace, à l’état frais, possède également des propriétés hémolytiques remarquables, mais fugitives. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE Séance du 8 Décembre 1901. M. A. Cornu décrit une nouvelle méthode pour la détermination des trois paramètres optiques d'un cris- tal par le réfractomètre. La détermination des trois indices et des trois axes principaux d’un cristal, si im- porlante à la fois en Optique, en Minéralogie et en Pétrographie, est longue et difficile par la méthode des prismes, qui exige la taille de faces planes rigoureuse- ment orientées. Elle devient théoriquement très Simple lorsqu'on opère par réflexion totale dans un milieu suffisamment réfringent, car une seule face plane, orientée d'une manière quelconque, fournit alors toutes les données nécessaires. Mais la détermination des trois directions principales est restée jusqu'ici hérissée de calculs inabordables pour la pratique courante. M. A. Cornu, qui a fait, au réfractomètre d’Abbe, de nom- breuses observations sur divers cristaux, a été amené à faire l'étude géométrique directe de la réflexion totale sur une surface cristalline et a été conduit ainsi à des relations analytiques d’une simplicité inespérée qui facilitent considérablement la solution du problème. M. A. Cornu rappelle d'abord le principe de l'emploi du réfractomètre à réflexion totale tel que l’a indiqué en dernier lieu Soret. La face cristalline étudiée est appli- quée par l'intermédiaire d'une couche. d'un -liquide convenable sur la face plane horizontale d'un hémis- phère de verre très réfringent qui peut tourner autour d'un axe vertical. En faisant varier, à l’aide de ce mou- vement. de rotation, l'azimut du plan d'incidence au- tour de la normale à la face cristalline, on trouve quatre azimuts principaux pour lesquels l'angle de réflexion totale I estmaximum ou minimum, Les va- leurs principales extrêmes I, et L de l'angle de réfle- xion totale correspondent aux deux indices extrêmes de réfraction 2, et n. : mais il faut choisir, entre Îles angles I, et I, des deux autres azimuts, l'angle I, qui 1148 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES a ———_——————] correspond à l'indice moyen », pour pouvoir rejeter la quatrième valeur de 1 qui fournirait un indi- ce supplémentaire v dépendant de la taille de la face cristalline. De là une complication dans l’ancienne méthode. L'existence du quatrième azimut principal, correspondant à l'indice supplémentaire v, n'est plus, dans la méthode de M. A. Cornu, qu'une source de vé- rilication. M. A. Cornu expose les parties principales de son étude géométrique directe de la réflexion totale sur une surface cristallline’. Cette étude est fondée sur la construction de la surface de l'onde, qui permet d'obtenir un point de la normale en ce point en par- tant de l’ellipsoide de Fresnel dont les axes 4, b, e sont les inverses des indices principaux », n,, n-. Il rappelle d'abord les conditions auxquelles conduit la construc- tion d'Huygens pour l'existence du rayon efficace dans la réflexion totale, et la relation : (4) P'Sin TR; entre l’angle I de réflexion totale, l'inverse R de l'in- dice N du milieu extérieur, et la distance p de l'origine à la tangente à la section de l'onde par la face cristal- line. La forme de cette section de surface de l'onde se trouverait géométriquement définie comme enveloppe par sa podaire si l'on connaissait les angles I de réfle- xion totale correspondant aux divers azimuts. Mais, sans passer par l'étude de cette podaire, M. A. Cornu détermine géométriquement, en projection stéréogra- phique, les quatre rayons vecteurs de la surface de l'onde, qui sont en même temps les paramètres p cor- respondants de la podaire et correspondent, par suite, aux quatre azimuls principaux. La même projection stéréographique fait reconnaitre immédiatement les trois rayons vecteurs, de longueur maximum ou mini- mum, qui fournissent par leurs inverses les trois in- dices principaux »,, »,, 1, puis le quatrième rayon vecteur, maximum ou minimum aussi, qui correspond au quatrième azimut principal et fournit l'indice sup- plémentaire v. M. A. Cornu montre très simplement que, si «, $ et y sont les angles que fait la normale à la face cristalliue avec les trois directions principales, l'indice y satisfait à la relation : (2) V— n°x COS? 4 + n°? COS? R + n°: cos° y, qui permet à la fois de calculer v*, de distinguer sans ambiguité n, de v et d'obtenir une précieuse vérifica- tion. La projection stéréographique déjà utilisée fournit encore les trois relations qui définissent les angles «, B, y, connaissant les angles que font entre eux les trois premiers azimuts principaux A, B, C, relations qui sont du type : d k ANS EE (3) cos? a — cotg AB cotg CA, avec la relation : cos*x-cos®f+cosy—1 comme vérifi- cation. L'azimut D du plan d'incidence correspondant à l'indice supplémentaire v est déterminé à son tour par trois autres relations du type : (4) tg AD = tg BC Cette méthode de calcul rend très praticable la déter- minalion des indices priocipaux d'un cristal par l'ob- servation de la réflexion totale sur une seule face cris- talline. M. A. Cornu l'a vérifiée par de nombreuses observations au réfractomètre Abbe. Parmi les corps cristallisés étudiés par lui, l'acide tartrique présente une biréfringence assez grande pour permettre une vérification vraiment efficace. M. A. Cornu a trouvé pour valeurs des indices principaux de l'acide tartri- que : Dx — 1,49606, en NEO TR, TES A D AP EE 2 bel dr D VE ARS QURE ‘ Voir : Comptes rendus, t. CXXXIII, p. 125 (15 juillet 1901), et p. 463 (16 septembre 1901). ny= 1,53573, n:—1,60554, avec une erreur possible inférieure au dix-millième. L'angle de réfraction conique, qui n'atteint pas 2° avec l'aragonile, s'élève pour l'acide tartrique à 4°, En ter- minant sa communication. M. A. Cornu fait projeter par M. Pellin le phénomène de réfraction conique obtenu avec un cristal d'acide tartrique de 23 milli- mètres d'épaisseur, mobile autour de deux axes rectan- gulaires. Ensuite est vérifiée la polarisation si curieuse de l'anneau lumineux correspondant à cette réfraction conique à l’aide d’un analyseur biréfringent formé également d'un cristal tartrique; cet analyseur a été construit par M. I. Werlein. Une dernière expé- rience projetée devant la Société consiste à plonger un cristal non taillé d'acide tartrique du commerce dans une cuve à faces parallèles renfermant de l'essence de girofle dont l'indice 1,53 se trouve être sensiblement identique à l'indice moyen de l'acide tartriqué. Entre la lanterne de projection et la cuve est disposé un petit écran percé d'un assez grand nombre de trous qui définissent autant de pinceaux étroit de rayons et dont les images, dédoublées par le cristal, sont formées sur l'écran de projection. En tatonnant un peu, on parvient à trouver une position du cristal telle que l'une de ces nombreuses images doubles se transforme daus le petit anneau lumineux qui caractérise la réfraction conique. M. Pellat dit qu'il lui a semblé que la pro- jection de la réfraction conique ne devait être exacte- ment ni l'intérieure, ni l'extérieur M. A. Cornu dit qu'en effet ce n'est exactement ni l’une ni l'autre en projec- tion et qu'on se rapproche seulement de la réfraction conique intérieure. Mais on peut la réaliser exactement dans l'observation au microscope en pointant à travers le cristal l’image d’un petit trou; l'expérience peut se faire avec une lame de clivage de bichromate de potasse en utilisant le fait que l'axe optique est normal à la face de clivage. M. A. Cornu rappelle que le pouvoir rotatoire de l'acide tartrique ne se présente pas dans les cristaux suivant le sens des axes optiques. Il a pu vérifier le fait au cours de ses expériences. — MM. Fo- veau de Courmelles et G. Trouvé présentent de nouveaux appareils d'étude et d'utilisation des diver- ses radiations lumineuses. Pour avoir une quantité suffisante de lumière sans recourir à de grandes sour- ces d'énergie et en isoler les radiations calorifiques lumineuses ou chimiques, ils utilisent la réflexion parabolique ; ils séparent des autres les radiations à étudier et les concentrent ensuite sur des surfaces réfléchissantes : tronc de cône concentrateur où miroir concave réfléchissant une seconde fois les rayons paral- lèles qu'il recoit et les envoyant en avant sur une sorte de surface focale; on les dirige ainsi sur le milieu à étudier ou irradier : corps électrisés, champ du micros- cope.. Leurs premiers appareils, présentés à l'Institut le 24 décembre dernier par M. Lippmann, ont été modifiés et perfectionnés. Les rayons calorifiques sont lamisés à travers un disque en verre rouge, la lumière éclairante à travers un disque jaune, la lumière chimi- que à travers des lamelles de quartz. Quand la chaleur doit être supprimée, une intense circulation d'eau froide a lieu autour de l'appareil et entre les quartz, où elle doit être très limpide. Les sources d'énergie lumi- neuse peuvent être diverses et sont interchangeables : lampe à incandescence, ordinaire ou à charbon spécial, arc voltaique, acétylène, métaux... Les auteurs signa- lent les actions thérapeutiques remarquables oblenues sans brülures ni phlyctènes, à l'Hôpital Saint-Louis, avec leurs rayons ultra-violets, contre le lupus, l'épithé- lioma, les tuberculoses diverses et même pulmonaire, avec où sans compression de la région traitée, par une lampe à arc de 10 ampères irradiant 10 minutes, à 70 volts par exemple (5 ampères à 85 volts donnant parfois aussi le même résultat), aiors qu'il faut 75 à 80 ampères et des séances de 80 mivutes avec l'appareil de Finsen de Copenhague. DR ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ CHIMIQUE DE PARIS Séance du 22 Novembre 1901. MM. Bouveault et Bongert exposent les résultats qu’ils ont obtenus dans l’action de l'acide nitrique fumaut sur l'éther acétylacétique. Le produit ainsi formé est un produit de déshydratation et de polymé- risation de l’éthér nitroacétique : CO2C2H° 2 CO°C2H° 2 (i JEAN ) 210 CAz0 CH2 — 170? dont la formation a dû précéder la sienne. Les auteurs l'ont, en effet, obtenu dans l’action des acides minéraux sur l'éther nitroacélique. Les amines bisubstiluées réagissent sur ce produit de condensation en donnant de l'alcool, un uréthane bisubstitué et un sel de l'amine et d'un acide nouveau, suivant l'équation : CO®C2I15\ ? CO — AzR° | ) + 3 AZHR?— | CAz0 CEA7207H — AzHR? + AzR? — COC: HP. + CH°O Ces sels, qui ont été préparés à l’aide de la diméthy- lamine, de la diéthylamine et de la pipéridine, sont très bien cristallisés,; traités par les acides, ils fournissent les acides correspondants à la forœule : CO — AzR°? Le 4! qui sont aussi très bien cristallisés et dont la consti- tution semble être : COAZR? | AZ Cle Ils se proposent de continuer ces expériences. — M. H. Moissan entretien la société des tentatives qu'il a faites pour isoler l'ammonium (voir p. 1035 et 1086). — M. Delépine a montré antérieurement que le trioxy- méthylène et l'anhydride sulfurique s'unissent pour engendrer le sulfate de méthylène SO CH? I à cherché à étendre cette réaction aux aldéhydes é/hy- lique et propylique; elle est tout autre et conduit à des acides disulfonés : CH (SO*H} — CHO et CH°—C(S0*H} — CHO. L'acétone engendre un acide trisulfoné : CH (SO:H)2 — CO — CHE (SH). La constitution du premier acide est établie par son identité avec l'acide déjà connu ayant cette formule; celle des deux autres, par leur dédoublement par les alcalis, ce qui engendre, avec l'acide propanol-2.2- disulfonique, de l'acide formique et de l'acide éthyl- idène-disulfonique, et avec l'acide acétone-1.3.3-trisul- fonique, les acides méthionique et acétosulfonique. Ces divers acides prennent, d’ailleurs, naissance dans la réaction, à côté des produits fondamentaux. — M. R. Fosse montre que les dérivés halogénés du xanthène possèdent les mêmes propriétés que celles qu'il a déjà fait connaître pour le dinaphtoxanthène. En particulier le bromoxanthène réagit sur l'alcool comme le bromodinaphtoxanthène; il y a élimination _d'hydracide, formation de xanthène et d'éthanol suivant la réaction :. ‘ Spri £ arts Br— CH Gus >0 + HO = HBr+ CHO +. CH Gate 0: 1149 M. Fosse se réserve d'établir, par un très grand nombre d'exemples, les deux lois suivantes : 1° les dérivés monohalogénés de la série du xanthène, obtenus soit par l’action des halogènes sur les xan- thènes, soit par les hydracides sur les xanthydrols, se comportent comme des sels basiques et donnent des sels doubles avec plusieurs réactifs des alcaloïdes (sels de Pt, Hg, etc.); 2° ces mêmes corps réagissent sur l'alcool comme les sels de diazoïques : ils r-génèrent le carbure correspondant, transforment l'alcool en aldé- hyde et donnent de l'hydracide. M. Fosse se réserve de vérifier si ces lois s'appliquent à la série du pyrane et de transformer en xanthènes ou pyranes, par sa réac- tion, diverses xsanthones ou pyrones. SECTION DE NANCY Séance du 11 Décembre 1901. M. Guntz décrit l'appareil qu'il emploie pour chauffer les tubes de porcelaine au moyen d’une résistance en fil in de platine et indique les conditions dans les- quelles il faut se placer pour obtenir du baryum pur, métal qui n'avait pas encore été obtenu, par distillation de l'amalgame de baryum dans le vide. En appliquant la même méthode à l'amalgame de strontium, il a ob- tenu l'hydrure de ce métal, qu'il compte obtenir égale- ment pur dans les mêmes conditions que le baryum. Les expériences sout en voie d'exécution. — MM. P. Th. Muller et Ed. Bauer, continuant l'étude physico- chimique des dérivés isonitrosés, ont mesuré la réfrac- tion et la dispersion d’un certain nombre de ces com- posés depuis l’acétoxime jusqu'à l'acide isonitrosocya- nacétique en passant par des molécules qui renferment des radicaux de plus en plus négatifs : oxime de l'acide et de l'éther pyruvique, acide isonitrosomalonique et son éther méthylique,isocitrosométhylcétone, isoni- trosocamphre, éther isonitrosoacétylacétique, ete. Ils ont constaté que la différence entre l'expérience et la théorie, nulle pour l'acétoxime, va en croissant à me- sure que le radical qui accompagne le groupement — AzOH devient plus négatif. L'exagération atteint plus de deux unités pour la réfraction moléculaire de l'acide isonitrosocyauacétique. — M. E. Blaise fait une com- muuicalion sur la synthèse des fonctions primaires au moyen des dérivés organométalliques et en particulier de la fonction alcool primaire au moyen des dérivés organométalliques et du trioxyméthylène. SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES EI. MetchnikofF : Sur le processus du blanchis- sement des cheveux. — Quoique le fait du blanchis- sement des cheveux nous soit (très familier, son méca- nisme n'a pas encore été dévoilé. Les auteurs de travaux sur les cheveux et la dermatologie avouent leur igno- rance sur ce sujet. Ayant entrepris une étude sur le processus atrophique et spécialement sur l’atrophie sénile, mon attention a été appelée sur l’atrophie du pigment des cheveux, si fréquente chez les vieilles personnes. Des observations sur des cheveux gris, ou sur des cheveux commencant à devenir gris, m'ont montré que l’atrophie du pigment est due à l'intervention de pha- gocytes des cheveux. Ces cellules ont un seul noyau et leur aspect, très différent l’une de l’autre, est dû à de nombreuses pro- longations amæboïdes de leur protoplasma. Elles pro- viennent de la partie médullaire des cheveux et pénè- trent dans la couche corticale, où elles absorbent les granules pigmentaires qu'elles enlèvent ensuite des cheveux. Si nous examinons des cheveux dont une partie est déjà blanche et l’autre encore pigmentée, nous trou- vons une grande quantité de ces phagocytes. Ils possè- dent des prolongations très développées et pénètrent entre les cellules kératiques de la couche périphérique. Dans les cheveux tout à fait blancs, les phagocytes 1150 remplis de pigment deviennent de plus en plus rares, et généralement disparaissent complètement. Ainsi, il est incontestable que les phagocytes des che- veux absorbent le pigment granulaire de la couche corticale et le transportent autre part; le résultat est le blanchissement complet de ces cheveux. Si l’on observe la racine des cheveux commencant à devenir blancs, on trouve souvent une grande quantité de phagocytes remplis de pigment. Le blanchissement des poils de vieux chiens a lieu par le même mécanisme. Nous trouvons également ici un grand nombre de phagocytes possédant de nom- breuses prolongations et remplis de granules pigmen- taires. Le rôle joué par les phagocytes dans le blanchisse- ment des cheveux explique beaucoup de phénomènes observés il y a longtemps, mais qui n'avaient pas encore été suffisamment compris. ‘Ainsi le fait de cheveux devenant blancs en une seule nuit ou en quelques jours peut être expliqué par l'accroissement d'activité des phagocytes des cheveux, rendus capables ainsi de trans- porter le pigment dans un temps si court. Le mécanisme du blanchissement des cheveux par l'intervention des phagocytes permet de classer ce cas d’atrophie sous les lois générales d'atrophie de parties solides de l'organisme. SOCIÉTÉ ALLEMANDE DE PHYSIQUE Séance du 45 Novembre 1901. MM. E. Hagen et H. Rubens communiquent leurs recherches sur le pouvoir de réflexion des métaux pour les rayons ultra-violets. Leur méthode consiste à com- parer photométriquement un objetlumineux (fil de pla- tine incandescent) avec son image réelle de même grandeur, obtenue par un miroir concave constitué par la substance à examiner; l'observation des rayons ultra- violets se fait au moyen d’un oculaire fluorescent, Le pouvoir de réflexion de l’argent diminue rapidement au-dessous de la longueur d'onde 450 uy et passe par un minimum de#°/, pour À — 300 yy. Donc, tandis que l'argent est le meilleur métal réfléchissant pour les rayons visibles, il possède, pour les rayons ultra-violets de 250 — 350 puy, le pouvoir de réflexion le plus faible parmi tous les métaux examinés. L'or et le cuivre pré- sentent aussi un minimum du pouvoirréfléchissant dans l'ultra-violet, mais il est beaucoup moins marqué que pour l'argent. Le platine, le nickel et le fer se com- portent à peu près de même pour tous les rayons; les courbes du fer et du nickel sont remarquablement pa- rallèles, comme on l'a déjà observé dans le spectre infra-rouge. Le magnalium présente un pouvoir de réflexion remarquablement élevé, presque constant entre À— 700 et À—385 puy. Au-dessous, il diminue lentement, mais il est encore de 67 °/, pour À = 251 pu. — On sait que, dans un espace rempli de rayons sans direction prépondérante, un corps est soumis, d'après les lois de Maxwell, à une pression égale de tous les côtés. Il n’est pas impossible que cette loi se modifie pour les corps en mouvement, car à priori il doit tomber sur le côté antérieur une plus grande quantité d'énergie que sur le côté postérieur. M. M. Thiesen a entrepris de calculer, non directement d'après la théorie électromagnétique, mais d'après les lois du rayonnement, la résistance que rencontre ainsi un corps en mouvement qui se trouve en équilibre de radiation avec le milieu environnant. Celle résistance, qu'il appelle résistance de frottement, est très faible. A la surface de la Terre, elle n’atteint qu'une valeur d’'en- viron 1.000 kilos et son influence sur la durée de l’année serait une diminution de 4°*3 X 10-#Ti, Par. contre, pour les molécules d’un gaz elle pourraitatteindre, aux hautes températures, une valeur de l’ordre de la pesan- teur, ce qui conduirait à modifier la loi de Maxwell- Boltzmann sur la répartition de la vitesse des molé- cules, si les considérations précédentes sont valables pour les molécules, ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES Séance du 7 Novembre 1901. M. W. Ramsay a constaté que, si l’on ajoute H?0® à un mélange d'acide sulfurique et de permanganate de potasse, tout l'oxygène actif se dégage, tandis que, si l'on ajoute du permanganate à un mélange de H°0* et d'acide sulfurique, il ne se dégage qu'une partie de l'oxygène, car ni l'acide persullurique, ni l'acide de Caro ne sont complètement attaqués par le permanga- nate. Si l’on substitue l'acide acétique à l'acide sulfu- rique, la quantité d'oxygène dégagé correspond exacte- ment à celle de permanganate ajouté, dans l’un et dans l’autre cas. Ces faits ne confirment pas la production d'un oxyde supérieur de l'hydrogène. — M. G-W.-F. Holroyd a réduit la nitro-urée par électrolyse dans une solution aqueuse de chlorure d’ammonium et a obtenu la semicarbazide avec un rendement de 60 °/.. — M. H.-A.-D. Jowett a trouvé, parmi les produits. d'oxydation de l'isopilocarpine par le permanganate, à côté des acides acétique et pilopique, un peu d'acide: propionique et un nouvel acide C8H{0", nommé homo- pilopique. L’acide pilopique correspond bien à la for- mule CH10*; il fond à 104; il est dextrogyre. L'acide homopilopique bout à 235°-237° sous 20 millimètres; il est également dextrogyre. L'auteur à préparé de nom- breux dérivés de ces deux acides. L'acide pilopique, fondu avec KOH à haute température, fournit de l'acide butyrique normal; l'acide homopilopique, dans les mêmes conditions, donne de l'acide «-éthyltricarbal- lylique. Ces deux acides possèdent donc vraisemblable- ment les schémas suivants : C?H5.CH — CH.CO'H CO.0.CH° CHS.CH — CH.CH?.CO®H | CO.0.CH® — Le même auteur a fait la synthèse de l'acide a-éthyltricarballylique de la facon suivante : Le cyana- cétate d’éthyle sodé, condensé avec l’«-bromobutyrate d'éthyle, donne le $-éthylcyanosuccinate d’éthyle. Le dérivé sodé de ce dernier, condensé avec le bromacétate d'éthyle, fournit l'«éthyl-B-cyanotricarballylate d'éthyle. Enfin, l'hydrolyse de ce dernier livre l'acide «-éthyltri- carballylique, fondant à 1570 — M. K.-J.-P. Crton, en traitant un grand nombre d'acides gras monobasiques avec un excès de chlorure de benzoyle en présence d'am- moniaque et de soude, a obtenu les amides de ces acides en même temps que de la benzamide. En subslituant la méthylamine à l'ammoniaque, on obtient les méthyl- amides. Si les acides gras et le chlorure de benzoyle sont chauftés d'abord ensemble à 100-120° pendant trois heures avant le traitement par l'ammoniaque, le ren- dement en amide est augmenté et peut aller jusqu'à 750/,. Quand les acides possèdent des groupes hydroxyle ou amine, ceux-ci sont en même temps benzoylés. — MM. P.-F. Franklandet R.-C. Farmer ont trouvé que le peroxyde d'azote liquide est un excellent dissolvant, généralement inerte, pour les composés organiques. Seuls, les corps hydroxylés sont transformés en dérivés nitrés, et les amines diazotées. C'est un corps qui ne produit pas la dissociation électrolytique. Sa constante ébulliscopique est 13,7; quelques déterminations ont montré que les acides acétique et benzoïque dissous avaient des molécules doubles. — M. E. G. Clayton a analysé une incrustation provenant de la Galerie de pierre de la Cathédrale de Saint-Paul. Elle renferme une forte proportion de sulfate de chaux. Celui-ci pro vient certainement de l'action des pluies chargées d'acide sulfureux et sulfurique émanés par les che- minées des nombreuses usines voisines. — Le même auteur publie quatre analyses d'asbeste, dont l’une d'origine anglaise, et dont la composition ne diffère pas beaucoup de celle des autres. — M. W.-H. Perkin, en traitant le diméthylacétoacétate d'éthyle par l'acide nitrique concentré, a obtenu un produit fondant à 65° et qui semble correspondre à la formule suivante : 2 ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES 1151 O.Az : G.CO.C(CH*}°.CO°CH* O.Az : G.CO.C(CH*}°. CO®CH* Ce composé, réduit par l’étain et HCI, donne deux composés isomères incolores, C#H*0%Az*, fondant à 1540 et 173°, et un composé jaune, C#H‘05Az?, fondant à 170°. Ce dernier se dissout dans la potasse en se transformant en un acide C'®H‘*0Az?, fondant à 214°, — M. H.-O. Jones a observé, chez plusieurs com- posés azotés substitués, le déplacement du radical benzyle par le groupe méthyle; par contre, les groupes éthyle, propyle, isobutyle, allyle n’ont aucune action sur les corps benzylés. L'action particulière du méthyle est due à sa grande mobilité. ACADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM Séance du 30 Novembre 1901. 19 SCIENCES MATHÉMATIQUES. — M. P. H. Schoute : Etude analytique d'une configuration du D' C. Segre. Seconde partie. Lieu des plans coupant quatre droites données arbitrairement dans l'espace E, à quatre di- mensions. Transformation du système de coordonnées, employé par l’auteur en celui dont s’est servi M. G. Cas- telnuovo. Paraphrase sur la question : la configura- tion de Segre est-elle unique en son genre ?— M. E. F. van de Sande Bakhuyzen présente au nom de M. C. Sanders : Détermination astronomique de la longitude et de la latitude à la côte occidentale d'Afrique; 4° In- struments. Déterminations du temps. Marche du chro- nomètre ; 2° Détermination de la latitude de Chiloango à l’aide de hauteurs circumméridiennes ; 3 Corrections de la latitude de San-Salvador et d'Ambriz (voir /tev. gén. des Se. t, XI, p. 224); # Détermination provisoire de la longitude de Chiloango. 20 SciENCES PHYSIQUES. — M. P. Zeeman : Quelques observations sur le pouvoir résolvant d'un spectros- cope à échelons. Cette communication est en relation intime avec une étude récente publiée dans le Livre jubilaire de Bosscha (Areluves néerlandaises, série 2, t. VI, p. 319). La radiation verte très intense du mer- cure (À — 5460), du thallium (À 5440), du cadmium (= 5086). La meilleure série de «tests». Il semble, d’après les observations de l’auteur, qu'il soit possible de construire un spectroscope à échelons conformé- ment aux exigences théoriques. — Ensuite M. Zeeman présente au nom de M. J. W. Giltay : L'action de la bobine d'induction dans les appareils téléphoniques. Première partie. Aussitôt que Hughes publia l'invention du microphone, cet appareil bien simple attira l’atten- tion générale. Partout on l’expérimenta. On reliait le microphone à un couple d'éléments Leclanché et à un téléphone et on transmettait ainsi le son d'une montre en marche par le microphone au téléphone. Seulement aussitôt qu'on voulut mettre à profit le microphone dans la pratique téléphonique, on remarqua que, sur des fils conducteurs d'une résistance quelque peu im- portante, le son produit était trop faible. Alors Edison et en même temps Hoorweg ont indiqué un moyen simple pour surmonter cet obstacle : au lieu d'inter- caler le microphone dans le circuit, on le place avec les éléments dans le fil primaire d’une petite bobine d'induction. Les extrémités du filsecondaire sont mises en communication avec les deux extrémités du fil con- ducteur ou avec ce fil et avec le sol. En choisissant d’une manière convenable les enroulements secondaires, le courant ondulant des éléments est transformé dans un courant alternatif de potentiel beaucoup plus haut, ce qui permet de téléphoner sur des circuits d'une ré- sistance beaucoup plus considérable qu'auparavant. En exceptantles téléphones fonctionnant à des distances de quelques centaines de mètres, on ne trouve à présent plus d'appareil téléphonique sans bobine d'’induction. Les bobines dont on se sert ordinairement portent quatre couches de fil primaire, chaque couche se com- posant de 90 tours, l'épaisseur du fil étant d'ordinaire millimètre. Le fil secondaire a d'ordinaire une épais- wi { seur de n millimètre et 3.000 tours. A l’intérieur de la bobine se trouve un noyau de fer. La pratique a prouvé qu'une bobine pareille donne les meilleurs résultats dans la plupart des cas. La littérature sur le choix de la bobine est extrêmement rare, ce qui semble démon- trer qu'on n’a presque pas expérimenté sur ce sujet. Le manuel connu de MM. Preece et Stubbs contient unetable faisant connaître les résultats de quelques expériences comparatives faites par M. Abrezol. Le microphone Blake fut mis en communication avec des bobines d’induction différentes et chaque fois on {observait l'intensité et la clarté du son; seulement, à en juger par ce qu'en disent MM. Preece et Stubbs, les chiffres de cette table n’ont pas la moindre valeur; en effet, à la question où se trouve la description originale de ces expériences, M. Preece a répondu qu'il regrettait d’avoir oublié d’où lui étaient venu ces chiffres. D'ailleurs, l'évaluation du rapport de l'intensité de deux sons par l'ouie étant déjà assez critique, on ne saurait se représenter comment on doit tradaire en chiffres les différents degrés de clarté. Donc M. Giltay s’est efforcé d'examiner expéri- mentalement si un accroissement du nombre des tours primaires au-dessus du nombre ordinaire ne mène pas pas à un renforcement ou à une amélioration du son téléphonique. A cette fin 1l se servait de dix bobines différentes dont les propriétés principales peuvent être déduites du tableau I : Tagceau I. — Garactéristiques des bobines. RÉSISTANCE | RÉSISTANCE du du fil fil primaire | secondaire en ohms en ohms NOMBRE des couches de fils primaires MARQUE NOMBRE des bobines des tours QT OT 19 N9 © © Où On 2 Go D pe be Le Les bobines marquées À possèdent un noyau de fer ; celles marquées B en sont dépourvues. Pour faciliter le langage, l'auteur parle de bobine d'ordre supérieur ou inférieur à mesure que le nombre des tours pri- maires est grand ou petit. Toujours il employa le télé- phone Hunnings-Cone, dont la résistance s'élève à 3,5 ohm. Au lieu de comparer les actions des bobines différentes par l'ouie, l’auteur s’est servi de l’électro- dynamomètre de Bellati (Wied. Aun., nouvelle série, t. XXV, p. 325, 1885), dont la forme extérieure à bien changé depuis son invention. Le résultat des expé- riences, dont il nous est impossible de faire connaître les détails, est déposé dans les tableaux IL et III. Tapzeau IL — Résultats des expériences. BOBINES Intensité du courant induit, celle de la bo- bine 3 A étant prise comme unité. . »« . 1,507| 1,429] 1,114|0,818 1152. ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES TagLeAu III. — Résultats des expériences. BOBINES A Valeur du rapport +: Effet utile du fer, celui de la bobine 3 étant pris comme unité. 0,4 On voit donc que l'intensité du courant d'induction atteint bientôt une valeur maximum et que l'effet utile du noyau de fer diminue à mesure que l'ordre de la bobine augmente. — M. C.-A. Lobry de Bruyn présente au nom de M. J.-J. Blanksma : Sur l'influence de plu- sieurs atomes et groupes d'atomes sur la transformation de sulfures aromatiques en sullones. En chauffant au bain-marie du sulfure de picryle avec de l'acide nitrique de poids spécifique 1,52, on retrouve, en diluant avec de l’eau, la substance originale; au contraire le sulfure de tétranitrodiphényle (1 : 3 : 4) est transformé par un même traitement tout à fait dans la sulfone correspon- dante. La formule du sulfure de picryle contenant quatre groupes nitro en position ortho par rapport à l'atome de soufre, on peut supposer que l'atome de soufre est protégé contre l'action oxydante de l'acide nitrique par ces quatre groupes nitro, ce qui présen- terait donc un cas d'obstacle stérique. Ainsi l’auteur s’est posé les deux questions suivantes : 1° Peut-être l'atome de soufre est-il protégé déjà d’une manière satisfaisante contre l'action oxydante de l'acide nitrique par la présence de deux groupes nitro attachés en position ortho au noyau du benzène ?29 Y a-t-il d'autres atomes ou groupes d’atomes exerçant une influence pareille? Le résultat des expériences de l’auteur peut être mis dans la forme suivante : La formation de sul- fone ne se présente pas dans les cas : X x A0 Led Dao, AzO? Az0* \ où X remplace AzO® ou CAz ou CH'; au contraire, elle se présente chez AzO? AzO? AzO? A1 > Danone et dam Dscne WuwAzO: L'auteur continue ses recherches sur d’autres atomes et groupes d’atomes comme Cl, Br, COOH et aussi sur {rois groupes en position ortho. — M. H. Kamerlingh Onnes présente au nom de M.W.-H. Keesom : Contributions à la connaissance de la surface % de van der Waals (N). L'indépendance des constantes du point de plissement et de la teneur dans le cas de mélanges binaires dont une des deux substances prévaut. D'abord l’auteur dé- montre que les variations de température et pression critiques au point de plissement dues à la présence de petites quantités de la seconde substance dépendent exclusivement des deux quantités : ARLES ne Ce TER Rx FES) ce qui le ramène à unerelation trouvée,ennovembre 1897, par van der Waals même (Aev. génér. des Sc., t. IX, p- #3). Ensuite, il compare ses formules avec les résul- tats d'expériences sur des mélanges dus à Amagat et Verschaffelt, Enfin, à l’aide des états correspondants, il déduit une expression pour la variation du volume au point de plissement avec la teneur. Chemin faisant, il indique une erreur commise par M. Dieterici (Drude’s Annalen, &. V, p. 51-88, mai 1901) dans la déduction de son équation d'état. SCIENCES NATURELLES. — M. C. Winkler présente, aussi au nom de M. G. van Rynberk, une étude: Sur la fonction et la structure des atomes dermiques du torse. Des vivisections, ingénieusement inventées et parfaitement exéculées par L. Türck en 1856 sur des chiens et par Ch. S. Sherrington, de 1893 à 1900, sur des singes, forment la base de la connaissance phy- siologique actuelle de l’innervation du derme par les racines postérieures. en nous faisant connaitre la posi- tion de ces champs de racines sur le torse et les extré- mités. D'un autre côté, M. L. Bolk est parvenu, en 1897, à des résultats analogues à l’aide d'une dissection mi- nutieuse des nerfs chez l'homme et le singe. Et aussi l'expérience pathologique de lésions organiques des racines postérieures et des perturbations qui les accom- pagnent, enregistrées par MM. J. Ross, A. Starr, W. Thorburn, Kocher, H. Head, R. Wichmann, a mené à une topographie des atomes dermiques en harmonie avec les résultats de Türck, Sherrington et Bolk. Mais, quoique tous les investigateurs soient parfaitement d'accord en ce qu'ils considèrent les atomes dermiques comme des unités, ils ne nous apprennent presque rien par rapport à la constitution de ces unités et à la manière dont elles fonctionnent. Cependant, la supposition que la racine postérieure est une unité n'est pas intuitive, car elle se compose de plusieurs faisceaux (chez les ani- maux d'expériences de l’auteur de quatre à sept fais- ceaux), de manière que cette question se pose : ces fais- ceaux de racine, dont l'atome dermique forme le champ commun d'innervation, ne peuvent-ils pas faire valoir autant de droits à être considérés comme les unités essentielles? En tout cas, on désire savoir comment chaque faisceau de racines se comporte envers l’atome dermique entier, et cela d'autant plus que d'autres expériences de l'auteur exigent qu'on poursuive l’ana- lyse des atomes dermiques. De plus, le problème de savoir, si chaque faisceau de racines possède dans l'atome dermique un champ d'innervation qui lui est propre et, dans l'affirmative, si ces champs de faisceaux de racines y sont rangés Cranio-caudalement ou bien dorso-ventralement, peut être résolu par l'expérience. A l’aide de ses expériences — trop spéciales pour être décrites ici — l’auteur trouve : 1° Il faut distinguer dans l'atome dermique entre un champ noyau, de forme triangulaire, dont la base se trouve au côté dorsal et le sommet au côté ventral, et le reste, situé de part et d'autre, qu'on peutnommer champ marÿinal. Le champ noyau est le siège de sensibilité ; 2° Le champ noyau contient deux points de sensibilité maximale; 3° Chaque faisceau de racines peut faire valoir son influence sur le champ noyau tout entier. — Ensuite M. Winkler présente au nom de M. L.-L.-J. Muskens : Observations sur la physiologie et la pathologie des mouvements et des positions forcés et de déviations correspondantes de l'innervation des globes de l'œil. — M. A.-A.-W. Hu- brecht présente au nom de M. J. Th. Oudemans : Etude sur la position de repos chez les Lépidoptères. Sont nommés rapporteurs : MM. Hubrecht et P.-P.-C. Hoek. — M. J.-M. van Bemmelen présente au nom de M. J. Lorié : Description de quelques percements de sol nouveaux. HI. Percements le long du canal de Gand à Terneuzen.Sont nommés rapporteurs : MM. van Bem- melen et G. van Diesen. — Est nommé membre de la commission géologique : M. C. Lely. — MM. B.-J. Stokvis présente sa brochure : « De l’albumiuurie considérée au point de vue de l'assurance sur la vie », et au nom de M. E. Cohen : « Vorträge für Aerzte über physikalische Ghemie » (Lecons de chimie physique pour des médecins). — M. J.-D. van der Waals présente au nom de M. R.-D.-M. Verbeek « Geologische be= chryving van de Bandaeilanden » (Description géolo- gique des îles Banda). P. H. Scuoure. Le Directeur-Gérant : Louis OLIVIER. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, ruëé Cassette, TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE TOME XI DE LA REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES (DU 15 JANVIER AU 30 DÉCEMBRE 1901) I. — CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE Astronomie, Géodésie, Météorologie et Métrologie. Valeur absolue des éléments magnétiques au 1° jan- EE ESS ST RER REC E CP 112 HRRe OMC CIACODILE A EU 07 CRE AN 202 La nouvelle étoile de Persée. : … . … . . . . . . .… . . 297 Revision de l'arc de méridien de Quito. . . . . . . . 249 La variabilité de la planète Eros. . . . . . . . . ... 396 Le sidérostat et la photographie stellaire . . . . . . . 502 Eclipse du 1er satellite de Jupiter. - . . . . . . . .. 503 L'éclipse de soleil du 182ma1901% 0 2. .2:1.,0 553 LE NOR OT SP ES PERRET 553 L'éclipse du 4° satellite de Jupiter. . . . . . . . . . 553 Mañpremiereicomete de AIDES. rem 554 Variations de la température à diverses hauteurs. . . 554 La Météorologie au sommet de la Tour de 300 mètres. 641 Anciens journaux météorologique. . . . . . . . . . . 685 Daformation des petites planètes... ...10. .. 129 Système cométaire résultant de la désagrégation de ÉCOLES SN ROE TEE a RE Ta nPe Lente Mel PoNE 719 La constitution physique du Soleil. . . . . . . . . . 823 LE RG EN EE OI E 824 La troisième Conférence internationale du mètre. . . 893 Un changement à longue période des taches solaires. 941 LE, ne Co COR PER RE ART EN EE 1043 Etoile à fort mouvement propre . . . . . . . . . . . 1044 SéoptaphiedeMers EEE EC AU TS LEA 10#% létonettemppraine de Persée" nn. 1093 Observation des étoiles filantes. . . . . . . . . . . . 1094 Botanique et Agronomie. Orxvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique HORS NÉS UNIV SILES 2 MU Tee elfe Ne tete 89% Répin (Dr Ch.). — La culture de la Morille. . . . . . . 595 DAPCHIP SATA OÎE DEL EU A Me den ere ec ee Le one 113 L'Institut agricole de l’Université de Nancy. . . . . . 687 Influence nocive de traces de cuivre sur la germina- HONTE OLAINER RES eue Pen ui Meet cUebele 1097 Bibliographie scientifique. Projet de création d'un Dictionnaire technique en trois ÉTAT PP Eu ue DOTE MR ES 998 À propos de l'apparition de quelques périodiques nou- NOTE SEE En EMA ie ot O0 era re 1098 Chimie. MaRie (Ch.). — Sur un nouveau facteur intervenant dans la solubilité des corps solides. . ... . . . . . . . 686 — Le développement et l'état actuel de l'Industrie CUITE EI SUIS SÉ UE MENE NU CNE E T e Rocques (X.). — La stérilisation et le transport des MOIS ARLES eee Se ours ee eme bee 59 La grandeur moléculaire et la densité de la vapeur du OUEST TR che Le tehe seen el miens ele Ue REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, 1901. La diastase de la fermentation gallique. . . . . . ° 10.59 Synthèse de l'acide isocamphoronique . . . . . . . . 59 Conférences de l'Institut Pasteur : Les falsifications des alcools et enux=devie CM NS . 143 Composition chimique des pétroles roumains. . . . . 156 Action de l’éther méthylmalonique sodé sur l’oxyde MES NO NE ete TN EUR, CARS PL 2 OU 156 Le gaz à l'eau et ses applications. . . . . . . . . . . 203 L'analyse sdes sucres or ET M ee hr eee + 204 Méthode de séparation du glucose d'avec le mallose. . 300 La constitution de la cinchonine et de la quinine. . . 250 Formation de composés aromatiques à partir du gluta- conate d'éthyle et de ses dérivés. . . . . . . . . 351 Une réaction analogue à celle de Cannizzaro dans la SÉLIEN PTE OS Se Re Et de EE 351 Sur le phéno-o-cétoheptaméthylène et ses dérivés. . . 397 Découverte de nouveaux alcaloïdes dans le tabac. . . 556 La distribution des prix à l'Institut de Chimie appli- DÉC DA ER ct ete Vol ee 64% La production électrothermique du ferro-silicium. . . 644 Condensation de la phényl-éthylcétone avec la benzal- CORRE SD ET et EU ME ON a ae 64% Le cellose, un nouveau sucre tiréde la cellulose. . . . 644 Un grand perfectionnement dans la fabrication du gaz GENE NT SAT arch aie an er 686 Extraction des cyanures dans les usines à gaz . . . . 687 Programme des prix de la Société Industrielle de Mulhouse por As RER EP RE 119 Nouvelles recherches sur l'affaiblissement des clichés PHOtOgTAPRIQUESE RME PIC RENE 826 La méthode chronophotographique appliquée à l'étude ; detlargenese desinstaller lt Le 990 Synthèse complète de l'acide apocamphorique (campho- PYAAUP)EME RNA RAS RAT TERRE 943 Action des chlorures de phosphore sur les éthers aro- matinesmelalslveérine,. ere CO Ce CE 104% Altération des métaux sous l'influence des gaz, . . . 1095 Quelques propriétés curieuses de l’anhydride sulfu- HR SO ce NES AE OR JEU fs 1096 Congrès. A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo- ET ER RE NS RP EE ee EE RU 94% Le cinquième Congrès international des physiologistes 206 1er Congrès égyptien de Médecine . . . . . . . . . . 180 Le Congrès britannique de la tuberculose tenu à Londres dui22/au 26/juillet 190 EN ee Distinctions scientifiques. Académie des Sciences de Paris. Elections : M. Humbert M. Zeiller M. Y. Delage Académie royale des Lincei de Rome. Election d'un savant français : M. Emile Picard . . , . . . . . 25 29565 249 39% 453 502 1041 641 1154 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES La séance annuelle de l'Académie des Sciences de Paris 1 Lamédaille d’or Swammerdam.. 1.1. 153 Les médailles de la Société Royale de Londres . . . . 990 Enseignement. Lorser (Gustave). — Sur l'enseignement de l’'embryologie en France. Réponse à M. le professeur Nicolas . . 251 Nicozas (A.). — Sur l’enseignement de l’embryologie à lanvereite deNaney CSN RE 4 Ozrvier (Louis). — L'enseignement de la Botanique dans JESMODLVENENESS EN ET TE AC E 894 Conférence surilalcoolisme terre CU 398 Institut Pasteur. Cours d'Analyse et de Chimie appli- QuéeraslAyBlene ee CCI IE CEE 731 Géographie, Colonisation et Voyages. A. B. — Le Congrès international de Sociologie colo- IN RE TE M no . 944 CLozeL (M.). — La pénétration dans la Côte d'Ivoire. : 596 DEHÉRAIN (Henri. — Voyage de M. Hugues Le Roux daus l'Ethiopie occidentale. . RO 00 I. L. — La consommation du thé et du café dans QUElQUES PAYS MN RM RE EC TIR 254 REGELSPERGER (Gustave). — Les explorations du major Gibbons et du capitaine Lemaire; le haut Zambèze CRIE AU TICONTOME PET RC CS NE A AT 252 La miss IOn bentante EDEN ME CCRE 645 — Les expéditions antarctiques angl: aise et allemande 827 — Le chemin de fer du Yun-nan. . . . .: …. . . . . . 993 Fondation du prix du commandant Lamy. . . . . . . 6 Erection d'un monument à Paul Blanchet. . . . . AR URA La production du caoutchouc. . . . . . UE AUDIT Institut de Médecine coloniale. . . . . . SRE) Les limites du Gulf Stream dans l'océan Arctique. 2 AONTSD DATE RASE Te d'OS 945 VOYAGES D'ÉTUDE DE LA REVUE Croisière en Finlande: .- .: .: .: .: .: ... PETROLE CIDRE 393 =ibiyres auire CUP Er Tee Ds PUS NET Croisière en Syrie et Palestine. LS RTS REA de 504 = NDAYTES SA TE RE CNE RS PC RM LD Géologie et Paléontologie. L'origine des nitrates dans les cavernes. . . . . SAN L'Association géologique de Londres en Auvergne HS Mathématiques. Une nouvelle propriété de la sphère. Les surfaces pseudo-sphériques et la Géométrie non euclidienne 201 L'étude des Mathématiques à l'Université de Genève. . 1041 Mécanique. Guiccaume (Ch.-Ed.). — Un point d'histoire de la loco- MOFONNIETIENTE- UN EU ee CN 503 La locomotive moderne et son avenir. . . . . . . . 202 Le chemin de fer électrique sous-fluvial de Liverpool à à Birkenhedl ee RE ee Lt Ur 685 La destruction des ordures et la production de l'énergie CleCIRIQUEr Eee me Te NE A EE CN CR 825 L' FRpIS de l'aluminium comme conducteur pour l'éEleCLOCILÉELN ENS N A CUS Eodé Re TNT Ed il Mines et Métallurgie. DEMenGE (E.). — Essai des métaux à la flexion par choc delbarreaux etes PRE TS AN M Per ce 942 HozcarD (A.). — Théorie de la dureté des métaux et des ALES RAR NON CO OO D er, 455 L ’aluminothermie RÉ DS US TEE Lo DOC 3 Recherches récentes sur l'élasticité des métaux. . . . 153 Les lignes superficielles qui apparaissent dans le sciage des MÉlAUR a ne PCIe A EI ee 28 La production électrothermique du ferro-silicium.. . . 65 De l'utilisation des gaz de hauts-fourneaux . . . . . , 593 Fondation Andrew Carnegie . . . . . . . . . 4095 Nécrologie. BERGERONAJUIES) RE OR IE 57 CHATINE(ATQlPRE) ER EE RE EEE 57 Cornu (Maxime) par L-2Mancin te RENE ER 453 Hernre (Charles) MpartP APPEL ERNEST 109 HR sCH(AGQINhe) RSR RE EN ER 395 LAcAzE-Duraiers (Henri de)..." "MN LHNDSD Noroexsk1ôL (Adolf Erik), par Henri Dehérain . . . . 718 POoraAINt(P=-Ch-) "parle DA Naquez APN NE RE ES ail RAOOLT (EME) RE RE PE ET 394 R'ONDANDI (HE ANRT ERP ENS ENENrAE sis NP ON FAIT Ale Prof APETE) NE BEEN MEN TR 685 Tarm(le Prof); parlLucien Poincaré PER 111 Mort des professeurs Potain et Hermite. . . . . . . . 57 L'explorateur Serpa Pinro, par Henri Dehérain. . . . 111 Mort du professeur et explorateur Nordenskiüld . . . . 129 Physique. Janer (Paul). — La lampe à incandescence et le cou- PAR alter aiR NN ER REE ENETE 155 Nouvelle détermination de la vitesse de la lumière à Observatoire deNice EVE PS RER RE La loi de Cailletet et Mathias et la densité critique . . 5 La lampe à iocandescence et le courant alternatif. . . 5 Nouvelle méthode pour la cristallisation des solutions, en particulier des solutions de substances albumi- HÉNEUS ES AN Motel MMS CCI 155 Les expériences de Niepce de Saint-Victor et les rayons deBECQUErEl ES NE RCE 154 Le rayonnement calorifique des étoiles PSS Mer) La réflexion et la réfraction du son. . . . . . . . . . 349 Identité du spectre de l'aurore polaire et du spectre Catbodique te M EME ONE EC EC RNRNERS 349 Propriétés diélectriques des électrolytes. . . . . . . . 505 Le déplacement des bandes d'absorption dans les so- lides en fonction de la température … . . . . . . . 555 Une nouvelle relation entre les raies spectrales . . . . 894 La loi de la distribution régulière des éléments magné- tiques ’/enFrance SP TER RE TE . 1094 Déviation magnétique provoquée par les rayons ‘catho- diques es ET MNT ET MER RNA 1094 Propriutée électriques des alliages de cuivre et de CODEN EEE TT À DALEE .409ÿ Sciences médicales et Hygiène publique. Les sanatoria d'arrondissement : le futur sanatorium de Versailles: Same NET 5 Opinions des médecins sur les sanatoria populaires. . 61 La cryoscopie du sang dans la fièvre typhoide . . . 114 Influence de l'oxygène sur les convulsions strych- DIQUES 0e M NC EN SRE CAES 157 Le sanatorium de l'arrondissement de Versailles . . . 252 La préparation des produits opothérapiques. . . . . . 301 La différenciation cellulaire et les tumeurs . . . . . . 398 Les helminthes comme agents inoculateurs des bac- LÉTLES Ne PS MEN CRM MERE 456 Le stérilisation domestique de l'eau d'alimentation . . 687 Le passage des microbes à travers les filtres . . . . . 131 Institut Pasteur : Cours d'Analyse et de Chimie appliquée dlAYPIÈN ES EC CERN RON ENERRE 731 Jer Congrès égyptien de Médecine. 180 Le Congrès britannique de la tubérculose tenu à Lon- dres du22/aut267 0e AIDE ERP EEE 862 Mesures sanitaires à bord des navires .: . . . . . . . 1045 Sociétés savantes. CODIÉNEDCEISCIENUE EEE RE 64 Réception en l'honneur du professeur A. Agassiz. . . 158 Délégation pour l'adoption d'une langue auxiliaire internationales a 4 PA QE ONE 254 L'Association des PAT tOmis tes DEN RNA 353 Zoologie, Anatomie et Physiologie. Introduction de la Mante religieuse aux Etats-Unis. . 4 Nouvelles études sur la bile. . . . € Ne: CH La fécondation chimique des œufs d'Oursin. LR TON PRO 11% La ration d'entretien dans les pays chauds. . . . . . . 156 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES 1155 Hermaphrodisme et parthénogenèse chez les Néma- Le lait utérin chez quelques poissons. . . . . . . . . 645 ONCE 0 2) CNP EE DD MONET ONE 20# | De la double spécificité des sérums précipitants. . . . 730 MES RACUDISAPTÉCIDILANES PAU ee eo dous 205 | Recherches sur la coagulation du sang et les sérums DEMIADOTRLONENAE Se DIArrIEz LR UE EN 300 anticORDUIAN EEE MENTON ALT RNA 862 Comment les fleurs attirent les insectes. . . . . . . . 352 | Notes sur des Nautiles vivants... "0. , : 1. 943 Albumines du sang d'homme et du sang de singes. . . 353 | Les relais des réflexes. . . . + .… . de AR 04 943 Punsutfieunvesslycolyiique RAR 1 2000 353 | La formation de l'acide urique chez les Oiseaux. . . 992 Sur la myologie des Rongeurs. . . . . . . . . . . . 397 | Voyages aériens des Araignées. . .. . . . . . . . . 992 La théorie de Schenk sur la détermination volontaire La parthénogenèse provoquée chez les Echinodermes. 992 NT NE TERME EEE EAN RAR: CRE 505 | Sur l’érepsine, diastase de l'intestin . : : : . : . . . 104% II. — ARTICLES ORIGINAUX Astronomie, Géodésie et Météorologie, CALLANDREAU (0.). — Revue annuelle d'Astronomie. . . 712 Mascart (Jean). — Les éclipses et la constitution physique du Soleil : ire partie : Théorie des éclipses et résultats des DDSPINELDNS MENTALE MO NS CN SON PEN 2e partie : La constitution physique du Soleil et Méchipseldume28eman Ann Cut ir 7e Ne 210 Tonnixr DE QuarenGur (Ces.). — L'unification des calen- duersiGrégorienpet Julien .1. 4.00. 0 2 175 Botanique et Agronomie. LARBALÉTRIER (A.). — L'état actuel et les besoins de la culture des prairies naturelles et des pâturages en IDR UNE) MEME OR OM ac, à MR EE EM RS TEEN . 836 Lezé (R.). — La laiterie française et ses récents progrès. 82 Rocques (X.). — L'état actuel et les besoins de l’indus- trie des conserves alimentaires en France : APDAN DEAR DTIC AO EE CN Re 699 2e. partie: Production, hygiène..." 751 Trapur (Dr). — L'état actuel de la culture de l'Olivier GANT CAMERA ELU ME ET CE — Le crin de Tampico et la culture des Agave uni- viltata et heteracantha en Algérie. . . . . . . .. 233 Chimie. BouLcanGer (E.). — L'emploi des Mucédinées en distil- 4 x QUE DE TOR RON PRESSE AERE 689 Caararor (Eugène). — L'état actuel de l’industrie des 524 pantume antficiels MERE CUITE, 524 ErarD (A.). — Revue annuelle de Chimie pure . Hazcer (A,). — La fabrication de l'acide sulfurique au moyen des procédés par contact. . . . . . . GES Par — L'indigo naturel et l’indigo artificiel : ire partie : Production de l'indigo naturel . . . , 255 2° partie : Fabrication de l'indigo artificiel . . . 323 HorcarD (A). — Les principes de l'analyse électroly- AE a te RE os ONCE SEE TEE 9% Moissan (H.)..— Les carbures métalliques. . . . . . . 946 Hommage à M. Marcellin Berthelot. . . . . . . .. 989 Chirurgie, Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale. Bucouoyx (M.). — La peste à bord du Sénégal. Une qua- MON ÉAITETeUEETOUl RE SN ERREUR 956 Gaurier (Armand). — La médecine expérimentale. . . 354 GLey (E.). — La pathogénie du goitre exophtalmique. 897 Harraanx (Dr Henri). — Revue annuelle de Chirurgie. 881 Lenoy (D' Raoul). — L'alcoolisme dans l'Eure au D LPS CA RME EL Ta Cp AR EN EL 646 LérTiexne (Dr A.). — Revue annuelle de Médecine. . . 923 Loir (Dr Adrien). — Pasteur à Arbois. A l'occasion de linauguration de saïstatue MM NN 821 — La désinfection par l'acide sulfureux. . . . . . . 962 Mercanxorr (E.). — Les poisons cellulaires (cyto- CORTE S) PAT re ee Tee MERE TA Las LU Re 42e T Ricaer (Charles). — La tuberculose expérimentale. . . 302 Rome (R.). — La tuberculose en France. . . . .. . v06 VurLcemin (Paul). — Les blastomycètes pathogènes . . 732 Enseignement. L'organisation de l'Enseignement italien en Tunisie. . 1108 Géographie et Colonisation. Arcrowskt (Henryk). — L'Expédition antarctique belge. 87 Brcuox (Marcel). — Le commerce extérieur de la France AURERONSIE CIE MAN A EU AER NOT CERN RER ES 759 Cureau (Dr). — Notes sur l'Afrique équatoriale : LA DAPHC nOÉSPTADRIE SU Te 558 2epartie * EtlinôgTaphié. . 1. een 598 GkRvAIS-COURTELLEMONT. — La France en Afrique 874 Launay (L. DE). — Un projet d'empire colonial francais SOUS» DS CAVE AR SUR PET NS EN TT ee 41% Géologie, Paléontologie et Gristallographie. Boyer (Jacques). — L'état actuel de l'industrie du MerDRé En ETANCER Re Ce EN LE Direnert (F.). — Les sources de la craie. . . . . . . . 1007 Fouqué'(F.-A.). — L'Etna. . . . : . . . RE RENE ci 65 FRienez (Georges) et be LAPPARENT (A.). — Sur les con- ceptions de Hauy, de Mallard et de M. de Wallerant COS GE CEE en OS 572 GLANGEAUD (Ph.). — Le VIII Congrès géologique inter- DAUONEl RTE CD a le Lapearent (A. DE). — L'évolution des doctrines cristal- JO APRIQUES EE SEM EN EN NO 07 — (V. G. FRIEDEL). WaLLeranr (Fréd.). — Sur certaines conceptions en CriS(AlO TAPER EME ET EP Re 671 Mathématiques. Hiceerr (Dr). — Problèmes mathématiques . , . . : . 168 KoEn16S (G.). — La philosophie des Sciences, d'après MAG derFreyoinelen remis. en SES NES PERRIER (Lt). — Pascal, créateur du Calcul des probabi- lités et précurseur du Calcul intégral. . . . . . . 182 Pérrovrren (Michel). — Les analogies mathématiques ePlatphlosophiematurelle "ane ET ne 626 Tanxery (Paul). — Galilée et les principes de la Dyna- Fr) CE EN EME CT LRO - M nent 330 Mécanique appliquée et Génie civil. ANspAcx (L.). — Les discussions récentes sur la théorie destmaghines a svapeune1s tue AIN IAE 313 Lecornu (L.). — Les régulateurs en 1900 . . . .:. . 125 SAUVAGE (Ed.). — Les locomotives à la fin du xixe siécle. 412 Physiologie. Cxon (E. pe). — Les glandes régulatrices de la circula- LEA 0) OL ETES TNT Sn SNS EE ie NN DATE 829 Frenerico (Léon). — Revue annuelle de Physiologie, . 797 Gaurier (Armand). — L'existence normale et le rôle de l'ansenicichez les animaux Eee EE NE ENE 207 — Les mécanismes moléculaires de la variation des TACES MEL ILES T ESPÈCES NT ee TEEN NN 1046 41156 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES HuGouxENQ (D' L.). — La oomposition chimique du fœtus humain et de l'enfant nouveau-né Nozr (Dr P.).— La pression usmotique en Physiologie : Are partie : Sang et lymphe® "#7". 2e partie: Absorption intestinale et sécrétions glandulates PEN EC NET EEE Vascnipe (N.). — Les travaux du IVe Congrès interna- tional del PEYCHOlO Ie MEME ONE EEE — et Vurpas (CL). — La vie biologique d'un anencé- RE EE NRC Vurpas (CL.) (V. Vascuine). Physique. BLcocamanx (Rudolf). — Une nouvelle théorie de la télé- Sraphie dite sans Al PEN EC IE ROUEN Bon (André). — L'inscription directe des courants électriques variables : 1re partie : Les oscillographes actuels. . . 2e partie : Applications des oscillographes à létuderde/larcélectrique RE Boury (E.). — Les gaz envisagés comme diélectriques. BrizLouIn (Marcel). — Joseph Bertrand. Son enseigne- ment atColese deRrance. Et Le EURE GuiLLaAuME (Ch.-Ed.). — Les lois du rayonnement et la théorie des manchons à incandescence : ire partie : Les principes. . «+ ... 28, partie: Les Applications." Marnras (E.). — La préparation industrielle et les prin- cipales applications des gaz liquéfiés : MonerteralIqUé ec DONNE CNRC Ce 2e partie : Applications et transport des gaz ROUÉRES RE A EE CN RE Ne Mauraix (Ch.). — Magnétisme, couches de passage et actions à petite HfStante ne NC AE EE ET Poincaré (I1.). — A propos des expériences de M. Cré- VOTE BE Le Or datt eLo Ne a cbr) dieu TET ° SCIENCES MATHÉMATIQUES Mathématiques. ANpoyEer (H.). — Lecons sur la théorie des formes et la Géométrie analytique supérieure. . . . . . . . Boeun (K.).— Zur Integration partieller Differential- SYSTEM R US Ne ee Le de loNene Ce ele ne lents BrauNmuuL (A. von). — Vorlesungen uber Geschichte der Moiconomeirie ErStELITENE NE CO PEUT Bou (A). — Sur les équations différentielles simulta- nées et la forme aux dérivées partielles adjointe URSS PETIS) ERP ECTS Ce Exesrrom (G.). — Bibliotheca mathematica ExceL (P.). — Sophus Lie EsranAvE (E.). — Contribution à l'étude de l'équilibre élastique d'une plaque rectangulaire mince dont deux bords opposés au moins sont appuyés sur un Cadre IThESELde PATIS) 6. Le le DENON Fricke (R.). — Kurzgefasste Vorlesungen über verschie- dene Gebiete der hôheren Mathematik mit Berück- sichtigung der Anwendungen . .... .. . .. HOFEMANN (J. GC. V.). — Samrlung der Aufsgaben des Aufgaben- Repertoriums der ersten 25 Bänden der Zeitse hrift für mathematischen und naturwissen- schaftlichen Untérricht "Ne CN ee HozzmuLLer (G.).— Die Ingenieur Mathematik in elemen- tarer Behandbung. T II : Das Potential und seine Anwendung . . D ESS RS CR RE UE RE Laussepar (CIA.). Recherches sur les instruments, les méthodes et le dessin topographiques. Tome I, 1er partie : Iconométrie et métrophotographie. . . ManxsioN (Dr P.). — Elemente der Theorie der Determi- DANTEN. EL. Eh Arme te Ma R taie) 1e EL re taie ie: Ne Murer (F.). — Vocabulaire mathématique francais- alle nt et allemand-français. . . . +. À 491 236 811 381 673 Sciences diverses. Le CHATELIER. — Du rôle des RÉOCEtRAMOnE indus- trielles dans les progrès de la Science pure. . . . Zoologie et Anatomie. Cuéxor (L.). — L'évolution des théories transformistes. DELAce (Yves). — Les théories de la fécondation. . . . LAGugssE (E.). — Revue annuelle d’Anatomie Lorser (G.). — Revue annuelle d'Embryologie. . . . . PETTIT rate — Les matériaux de l'Histologie com- parée. Instructions pour les explorateurs Sainr-Remy (Dr). — Les idées actuelles sur la valeur morphologique des feuillets germinatifs. . . . . . Taourer (J.). — L'étude du plankton dans les eaux francaises CC Weiss (G.). — Le muscle dans la série animale : ire partie Disposition et architecture des MUSCIES EE NE EN TRE EE 2% partie : Histologie du muscle. Contraction MUSCOIAÏTE EN CR XXX. — Le cinquième Congrès international de Zoo- IH EME NE . Revues annuelles. CALLANDREAU (O.). — Astronomie LE DS EM c : à2 VE ETARD(A:) Chimie eee PRE RENE Freperico (Léon). — Physiologie Hartmann (Dr Henri). — Chirurgie Korarer (R) = "/Zoolopie ARE EEE LaGugssE (E.). — Anatomie te V. |: 0 SN SERRE LÉTIENNE (Dr A). Médecine" "OM CR Loisez (G.). — Embryologie — BIBLIOGRAPHIE Nerto (E.). — Vorlesungen über Algebra Roccer et Fouserr. — Cours d' Algèbre RussELL (B.-A.-W.). — Essai sur ‘les fondements de la Géométrie SERRET (J.-A.). — Lehrbuch der Differential und Inte- gralrechoung. Band II : Integralrechnung. . . . . VipaL (CL). — Pour la géométrie euclidienne . . : : - Warras (L.). — Eléments d'Economie politique pure ou Théorie de la richesse sociale Festschrift zur Feier der Enthüllung des Gauss-Weber Denkmals Grundlagen der Geometrie, von Hilbert. — Grundlagen der Elektrodynamik, von Wiechert-Ae CN RENE MERE RER Astronomie et Météorologie. Anpré (Ch.). Traité d'Astronomie stellaire. IL : Etoiles doubles et multiples. Amas stellaires. LancasTER (A.). — Annuaire météorologique de l'Obser- SAR te de Belgique pour 1901 . . . . . . . NiesTEN (L.). — Annuaire astronomique de l'Observa- ue : al de Belgique : OBrEcur ( coya Anuario del Observatorio astronomico de Se CCE ER bas Lee Scaupmanx (L.). — Die Medial-Fernrohre Bureau des Longitudes, Annuaire pour l'année 1901. . Thermodynamique, Mécanique générale et Mécanique appliquée. BacLé (L.). — Les plaques de blindage. . - . . . . . Carvazzo. — Théorie du mouvement du monocycle et dela bicyclette PCR EEE Davinogcou (A.). — Sur l'équation des vibrations trans- versales des verges élastiques (Thèse de Paris). . 1099 264 339 491 850 886 236 1082 168 931 769 711 583 1031 440 886 - TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Facss (de). — Les travaux publics du Protectorat fran- PENSE ANT SRE CRE E Forest (F.) et Noacnar (H.). — Les bateaux sous-ma- rins. Tome II : Technologie RARES LP AE GAGET (M.). — La navigation : sous-marine. . -. + .. GrarriGNy (Henry de). — Les nouveaux ascenseurs . . LAVERGNE (Gérard). — Manuel théorique et pratique de antomanlesurToute EN 0 CNE Loir (M.) et bE CaquEeray. — La Marine et le progrès. Les luttes de l'avenir par la science, par les millions. RATEAU (A.).— Traité des turbomachines. Fasc. 1 : Gé- néralités. Turbines hydrauliques et leur régulari- SD DS NE EME NE CENT 6 M ni LS SENCIER (G.) et DeLASALLE (A.). — Les automobiles élec- ÉD SUN EM En TN TE ae de Vicreux et Mizanpre. — Notes et formules de l'ingé- nieur, du constructeur - mécanicien, du métallur- pisteretrtdelélectrieiens veu. tie 2° SCIENCES PHYSIQUES Physique. Basr (Omer de). — Eléments du calcul et de la mesure destcourantsrallematifs "#1 Len BLowvEL (A.). — Moteurs synchrones à courants alter- POTERIE BUSQUET (R.). — Traité d'Electricité industrielle. CRéÉMIEU (V.). — Recherches expérimentales sur l'élec- oonanique des corps en mouvement (Thèse de Paris) GERLAND (E .) et TRAUMÜLLER (P.). — Geschichte der pay sikalischen Experimentierkunst. . . . . . GourÉ DE VILLEMONTÉE. — Résistance électrique ‘et ÉONAEL LERE en ee M ON EEE ARR CERN HemsaLecH (G.). — Recherches expérimentales sur les spectres d’étincelles (Thèse de Paris). . . . . . . Houpaicze (P.) — Les orages à grêle et le tir des CONS LE de DEL ee ce alba en is dune JacQuemIN (P.) — Guide historique et pratique de DO DECIEENN EE EE Pr CNET ET Oe Joxes (Harry C.). — The Theory of electric Dissociation and some of its ARRACEACE, AE: Die oU o RSR AE MONO Mate LEE ee ne ele ee Mozinié (M.). — Comment on obtient un cliché photo- POUDUIQUE EUR ENS. R- CCI Pcumanpon (J.-R.). — Les Orages et la Grêle . Taomson (J.-J.). — Les décharges électriques dans les (CEE BE SE nn AO ME AN TENTE Weiss (Pierre). — Lecons d'Electricité appliquée, pro- fessées en 1899-1900. Deuxième partie : le courant AUS A ER EE SR EE ER MORE Chimie. CHara8oT (E.). — Genèse des composés terpéniques dans les Végétaux (Thèse de Paris). . . . . . . . Corrins (H.-P.). — The Metallurgy of Lead and Silver. Fosse (R.). — Contribution à l'étude du 6-binaphtol. . FRranonE (Ch.). — Manuel pratique du fabricant de VID ALDÉE ae ane e lethe a lieletiot clés lente le GiLDEMEISTER (E.) et HorFmaANx (F.). — Les Huiles essen- DOS SAS CM TE Oo EE Grimaux (Ed.). — Chimie organique. — Chimie inor- HNLGEE AP ur AMC re MÉMMONEN ON Ein Col GuicuarD (P.). — Analyse chimique et purification des CADRNDOLADIES EEE RP EL EN EN EE Hiorxs (Arthur-H.). Les alliages métalliques . . . . . Hecor (J.). — Le sucre de betteraves en France, de ASDOFA MIO CNE EE ER EN UE Hucor (Ch.). — Recherches sur l'action du sodammo- nium et du potassamonium sur quelques métal- lotdes (Thèse de Paris) Me MU Lerèvre (L.). — Les produits chimiques et les matières colorantes, le blanchiment, la teinture et l'impres- sion des fibres textiles. . . . . . . . . . . . . . Lernié (E.), — Palladium, iridium, rhodium . . . . . LEROY (E.). — Recherches thermo-chimiques sur les principaux alcaloïdes de l'Opium. . MaruiEu. — Etudes sur la conservation des vins mous- CC : 1041 673 932 1157 MevrarT et Darpaxr. — Cours de marchandises . . . 491 Miner (A.). — Traité théorique et pratique d'Electro- CHIMIE NAS ENT: 285 Mouxeyrar (A.). — Nouvelle méthode générale de pré- A to des carbures d'hydrogène chlorés, bro- més et chlorobromés de la série acyclique (Thèse de NIETZKI — Chimie des matières colorantes organiques. OEcasxer DE .ConiINCK. — La chimie de l'Uranium . . . OPPENHELMER. — Die Fermente und ihre Wirkungen . . Osrwazp (W.).— Die wissenschaftlichen Grundlage der analytischen) CHEMIN EEE MEL TES Park (J.). — The Cyanide process of Gold extraction. . PouGer (J.).— Recherches sur les sulfo et les sélénio- antimonites (Thèse de Paris) , , . . . . L Pozzr-Escor (M.-E.). — Les diastases et leurs applica- LT OP LS M OR EME — Traité d'analyse théorique et pratique des substan- ces minérales par les méthodes volumétriques et colorimétniques TR NAN CES RicHaub (Albert). — Recherches physiologiques sur l'inulase et l'inuline (Thèse de Paris) Saweuc (Dr), — Précis de Chimie minérale . . . . . . SEVERIN (E.). — Produits de condensation de l'acide dichlorophtalique (Thèse de Paris) . . . . . . . . SiLva BAsrTo (A.-J. da). — Licoes de Estereochimica. . Taomas (V.). — Les phénomènes de dissolution et leurs applicaUOns 2 LS EURE PEER RENE Touseck (Dax). — Recherches sur les combinaisons des sels métalliques avec les amines aromatiques (Theseide Paris) NAN EAN EN ES MN EE VALEUR (Amand). — Contribution à l'étude thermochi- mique des quinones. Recherches sur la constitu- tion de quinhydrones. (T'hèse de Paris) . . . . . Van T' Horr (J. H.). — Lecons de Chimie physique... VILLA VECCHIA (Dr). — Annali del Laboratorio chimico centrale nelle Gaelle EME OR ME Vizon (A.-M.) et Guicuarp (P.). — Dictionnaire de Chi- TC AINAUSETICLIE PENSE CPV ete 101 Wacner et Fiscuer. — Traité de Chimie industrielle WALKER (J.). — .. Introduction to Physical Chemistry. . 3° SCIENCES NATURELLES Géographie, Géologie et Minéralogie, Paléontologie. BouLe, GLANGEAUD, ROUCHON, VERNIÈRE, DOME INVICRV TE RTE rade de ee Brozck (Van den). — Le dossier hydrologique du régime aquifère en terrains calcaires et le rôle de Ha Géo- logie dans les recherches et études des travaux — Le Puy-de- d'eaux alimentaires . . . . « . . . . . . . . . . CHaALon (P.-F.). — Recherche des eaux souterraines et . Captage des SDUTCES EPST NE. CHARPENTIER (H.). — Géologie et Minéralogie appli- COCO EEE cette RE RER RE Caen (0.). — De Paris aux mines d'or de l'Australie CEE EM RER MT CRE AA EN SE CuevaLiEer (le R. P.). — Atlas du Haut Yang-tse de I Tchang fou à P'ing Chan Hien. — Le Haut Yang- tse en 1897-1898. Voyage et description. — Nawvi- gation à vapeur sur le Haut Yang-tse. . . . . . . Cnorrar. — Aperçu de la ÉCHEES du Portugal. . . Cor» (E.-G.) et Viré (A.). — La Lozère. Causses el CONCENTRATION EEE DELGADo et CHorrar. — Carta geologica de Portugal. Forez et Sarasix. — Les oscillations des lacs . . . . GEOFFROY SaintT-HiLaiRE (E.). — Lettres écrites sur LBEvD LE ET RTE ENT Eee Gosne(Hn==atG Ole RENE HauG (F.). — Les géosynclinaux et les aires continen- LICE at ONE ANR re MO NPA EN Re 0 Lauxay (L. de), — Géologie pratique et petit Diction- naire technique des termes géologiques les plus RE CSN PO LE ES SU IUR ROSES EE Se LoriN (H.). — L'Afrique à l'entrée du xx° siècle . . Mourer (Ch.) et BruneL (Louis). — L'Année coloniale. Paquier (V.). — Recherches géologiques dans le Diois et les Baronnies orientales. . . . . . . . . . . . Procer (le R. P.) et NourrLarD (Ch. — L'empire colonial de la France : Madagascar, La Réunion, Mayotte, les Comores, Djibouti . . . . , . . . SARASIN. — Les oscillations du lac des Quatre-Can- CONS AC MEME TORRES AP RNUAMETEUSRNT PC OS * 1158 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES e LAULANIÉ (F.) — Eléments de Physiologie. 4er et 2e fas- Botaniaue et Agronomie. cicules: Fonctions de nutrition..." 982 LEMAITRE (A. — Audition colorée et phénomènes BeLzuxG (E.). — Anatomie et Physiologie végétales. . 584 connexes observés chez des écoliers. . . . . . . . 547 CHALon (1.). — Notes de Botanique expérimentale. . . S88 | Lourer (J.). — Le problème des sexes. . . . . re ES CLaurriat {feu G.). — Nature et signification des alca- MarioN (IL). — Psychologie de la femme. . . . . . . 495 IOI0ES VÉDÉLTUX RE ET NE SI 674 | Pavizarn (J.). — Éléments de Biologie végétale. . . . e — La digestion dans les urnes de Népenthes . . . . 769 | PAwLow (J.-P.). — Le travail des glandes digestives. . 1142 Coxverr (F.). — L'industrie agricole . . . . . . . . . 402 | Risaucourt (Ed. de). — Etude sur l'anatomie comparée Devaux (H.). — Recherches sur les lenticelles. . . . 4#1 des Lombricides (Thèse de Paris) . . . . . . . . 586 Ducast (J.). — Les vins d'Algérie. . . « «+ . .…... . . 887 | Ricuer (Ch.). — Dictionnaire de Physiologie. . . . . . 933 Garricou (Dr F.) — Le vin concentré comparé avec Rouvizce (E. de). — Du tissu conjonctif comme régé- les moûts et les raisins concentrés . . 168 nérateur des épithéliums (7'hèse de Paris) . . . 341 Janix (K.). — Contribution à l'étude des Simaruba- Saxsox (A.). — L'Espèce et la Race en Biologie gé- : cées (Thè SAC PETITS) ER NN Sr TP Nos TVR Ne 1083 néralé: Ju.) COMTE NER TS Re 1084 Jumeze (H.). — Les cultures coloniales. [. Plantes Souny (J.). — Le système nerveux central. Structure et alimentaires. Il. Plantes industrielles. . . . . . . 710 fonctions. Histoire critique des théories et des doc- LaGaru (H.). — La fumure inteusive et économique de mn otrines PIC et ct CR 4T ANTENNES RCI N e 63% | SrepxAn (P.). — Recherches histologiques sur la struc- LaGaru et Sicarn. — Guide pratique et élémentaire pour ture du tissu osseux des Poissons (Thèse de Paris). 493 l'analyse des terres et son utilité agricole . . 492 SUR (J.) Etudes sur Enfance RE 384 Maice (A). — Recherches biologiques sur les plantes VAULLEGEARD (A.). — Etude expérimentale et critique Tatapantesu(ThesSedé Par PR NE NU 383 sur l’action des Helminthes. I : Cestodes et Néma- Mowrizce (M!!e S.-N. de). — Notions de Botanique pour LOL ES, Goo Mer de ot fe LES 5 ot 0 o 854 l’enseignement secondaire des jeunes filles. . 383 Mixrz (A.) : anne (E.). — Etude sur la valeur agricole des terres de Madagascar . . . . . . . . 110 QuEvA (C.). — Contribution à Fee des Mono- 4° SCIENCES MÉDICALES cotylédones. I. Les Uvulariées tubéreuses . . . . 340 DA OURNE (de). — Les Syndicats agricoles et leur D - Chirurgie, Gynécologie, Ophtalmologie. MAT o ie en TS LE M NE ENT ES 119 Teonoresco (E.-C.). — Influence des différentes radia- - . 7 Fa : £ tions He sur la forme et la structure des de re CarvenLex ef RukELLr. — À 93% SN EN EU A PISE RAS j )s] ES PO LP OR uni 67 A : ri (L). — Recherches sur le coiet de l'axodaus | Hémmanr (H) — Chirurgie gasifo-imtestinèle ? «+ 44 ; NARD (V.). S 2 la fleur des Gamopétales (Thèse de Paris) . . 492 Nrurer (H.) et Lavaz (Ed.). — I. Les explosifs, les L'Ecole nationale d'Agriculture de Montpellier. Ensei- I ñ d'ex L gnement. Laboratoires. SHARE M EARENERReR Pu- RDACAGE AIS ect en HE ENCNER Len marc blications. Action extérieure . . . . . . . . . . Â44 leur effet vuluérant. — Il. Les armes blanches. Leur action et leurs effets vulnérants. — III. De Hinfcton en chirurgie d'armée. Evolution des : Ê Les ; essures derSUer TE. ee UE TRS NET 4 Zoologie, Anatomie et Physiologie de l'Homme SAINT-HILAIRE (Dr — La surdi-mutité . . . . . . . . sh et des Animaux. AzezaIs (H.). — Contribution à Ja myologie des Ron- SEUTSAheSe TER Pas) PE RE EEE ANGLAS (J.).— Observations sur les métamorphosesinter- nes de la guêpe et de l'abeille (Thèse de Paris). ARSONVAL (d’), CHauveauU, GaRiEz, Marey et WEIss. — Traité de Physique biologique ENT AE Ceci Barnier, GREGORY et GoopricH. — À treatrise on Zoo- logy. 3° pue The Echinoderma:" 110 BECHTEREW ( }. — Les voies de conduction du FM etrde la moelle RER LE Tuer BoxniEr (J.). — Contribution à l'étude des Epicarides. LESC PAIE NES Te LR A ne Mac à Bouin (M.). — Histogenèse de a glande génitale femelle chez Rana temiporaria L. (Thèse de Nancy). . Bourne (G.-C.). — An introduction to the study of the comparative Anatomy of animals. Vol. 1: Animal organisation. The Protozoa and Cælenterata. Buyor TP). — Contribution à l'étude de la faune des lacs salés ideRouMaANe Ne MN RE AE Cauveau (C.). — Le Pharynx. t. T : Anatomie et phy- siologie Carors (G.). — Recherches sur l'histologie et l'anatomie microscopique de l'encéphale chez les Poissons (Thèse de Paris). DeLace (Y.). — L'Année biologique (1898) DENIKER ( (à. — Les races et les peuples de la terre. Eléments d’ RU RRGpAORe et d’ethuographie. . . Dusors (R.) et Couvreur (E.). — Leçons de Phy siologie e xpérimentale FeniziA (C.). —' Storia della Évôluzione | Grer1o-Tos (Dr Ermanno). — Les problèmes de la Vie. Ate partie : Lü subsfancè vivante et la cytodiérèse. GLey (E.). — Essais de philosophie et d'histoire de la iologie CR PUR NE LONDRES Gurarr (JS. — Contribütion à l'étude des Gastétopodes Opisthobranches et en particulier des CHRRAIASRIRES (CRÉES Re Pants) EE RENE ITAGHET-SOUPLET (A.). animaux . Hénox (E). PANCTÉASE ER EM IT ae ee CU Houssix (F.) — La forme et la vie. Essai de la méthode mécanique.en Zoologie. 889 Médecine, Hygiène, Microbiologie médicale, Barié (Ernest). — Traité pratique des maladies du cœur etdeilaonte re M RTE RE PC EN ONE Bernueim (Dr $.). — La médication ergotée (Ergot de seigle, ergotine, ergotinine) CONTE (A.). — "Paralysie “pseudo- bulbaire et phénomènes laryngés CResrin (J.). — Comment on se défend contre les ma- ladies coloniales. Guide du voyageur et du colon. Decreucx (A.). La Goutte et le Rhumatisme. . . . . . Girop (Dr P.). — Comment on se défend contre les vers INTES RAREMENT M NE TRE GOUGET ae — L'insuffisance hépatique. . . . . . . . Jacquer (L.). — Alcool. Maladie. Mort. . . . . . . . JANSELME (E.). — Etude sur la lèpre dans la péninsule indo-chinoise et dans le Yunnan . . . . . . . . . LANGENHAGEN (de). L'entéro-colite muco-membra- neuse. Enquête sur certains points controversés de SONHISTOITE MR AR EN RP CE Manre (Dia) Date e Re Ce Marro (A.). — La Puberté chez l'homme et chez la femme 256 Ar ANNE PSP CODE PS RS ER RE Meuonter et Pricoue. — Le traitement hygiénique des tuberculeux dans l'ancienne médecine . . . . . . Moracne (G.). — La profession médicale, ses services, ses ATOS SR te DO OMR ER NE Ne Nrcoze (M.). — Eléments de microbiologie générale . Pusane (Dr P.). — La cure pratique de la tuberculose. Risarp (E.). — La tuberculose est curable. . . . . . . Rornscurco (D° H. de). — Bibliographia lactaria . d SiGaun (Dr.). — Traité clinique de la digestion et du Te gime date d'après les données de l'explora- tion externe du tube digestif. {re partie. . . . . . Vazrerv-Rapor (R.). — La vie de Pasteur. . . . . , . 5° SCIENCES DIVERSES — Essai sur la théorie générale de la AUPETIT (A.). monnaie. ; Enor (J.). — La philosophie de la longévité. . . . . . TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Lerèvre (A.). — La Grèce antique. Entretiens sur les Perrier (Ed.), PorRé (P.), Joanxis (A.) et Perrter (H.) origines et les croyances . . . . . . . . . . . 111 Nouveau Dictionnaire des Sciences et de jeurs Navize (A.). — Nouvelle classification des Sciences. 933 APHUESTONS ME UNE EE EL ee 444 É 0 » » IV. — ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE LA FRANCE # ET DE L'ÉTRANGER Le 5 : Séances des 20-27 juillet LIFRPRESSE EE ASE Académie des Sciences de Paris Le 5-12 octobre RL) De VS ES E 937 — 19 _— RE EE GE 986 Séances des 10-17-24 décembre 1900 . . . . , . . . — 2%6octobre-2 novembre — . . . . . + . . 1036 — 31 décembre 1900 -7 janvier 1904. . . . . . . — 9-16-25 — RATES Me) Eee 1088 — 44-21-28" janvier 1901, msn à | — 30 _ CS NE PE le 1147 _— 4-11 février TN ee ete EE — 18-25 — D Pres ant tas A 1 L- k TE es RP PAPIER AC Société française de Physique — 25 — — — 9-15-22 avril NE TA OIONN Séances des 21 décembre 1900-4 janvier 41901 . . . . . 52 — 2)avril6 mai ES ENTRE T — 18 janvier 1901 . # 105 = 13-20 Æ Ci — er février — 150 — 28 mai-3 juin ES OA EE — 4er/(suite)-15 — NES TUE 197 A 10 FT? FRS, Te TC — 15 — — (suite). 246 — 17-24 == A LS nella he, Len — 4er mars CRM ETES LE 292 — Ler-8S juillet En Pt een au = 15 Æ Les 344 — 15-22 = Po EME EC — 19 avril — 448 — 29 juillet-5-12 août PMP CU OE = 3 mai RS SOS © 198 — 19- sie ÉJseptembre — .," +. 1... = 17 = EE 550 —= 16-2 A RE re Re — 7 juin ER Re 589 — Jebtsrabre. -1- Léoctobre LE CE CE =) 21 == END E PA Ne ES 658 — 21228 M OCIODTE, | "0. 0-02 _ HARAS LS UE 725 — Al movembre, — 2.4 M «Der = = _— — (suite 714 = 18-25 = MES NÉ CET _ 15 novembre — ne 1088 — 2-9, décembre — en 8 Uécembres. —’ Fr Met 1147 Académie Médecine Société Chimique de Paris 2 ÿ osier e ae “a Er Et NP ls Fe Séances des ns 14 décembre .1900 PRE RES ga Er SAME IE UMR ETS 196 — 28 décembre 1900-11 janvier 1901 . . . . . 106 De 12-19 eo 5 245 — 25 janvier ODA ES SES TEE 450 — 96 février 5 mars TA EN Us >9 0 ss 5 IEVHeE Ra MT ANT an a = 12 — _ 344 st $ PHP RRRSS TES EMEA 346 — 19-26 mars-2 avril ME Er e 388 EX D ë PS a re pe 9-16-23 SE à. EXT — 22 Es se ne Ur te 1 — 30 avril 7-14 mai AE! 549 = Et NC EME PRES 501 SON LE ro Pat = Re a tes 59 ER AE me ANS 2 Æ CONTES M ice 681 — %ÿjuin29 juillet ALTER LEE 123 — ?8juin MAIEs DA M CRTC Le = ILÉPENDQUEE ELA TTRE Pot rc 2 113 TE RE D ASE 0 SE TT: — DOVEMETER MEN NANTES 1037 — 30 TN AUS € EU e S16 Ca 92 = Te 1149 — ler octobre SR A CRUE Le S91 Eu CRE PIN HE NT PO RSEUS RE ST — 8-15 — ÉTAPE E 937 —_ 29-29 — OL UE M 985 — SADMTOVEMOTE EN EM SEE TENTE 1036 Société Royale de Londres — 19-26 — ne PET RER ER Re 1087 = 2— 6 = 4 RE Er LT | Communications : 682, 127, 115, 818, 858, 891, 938, 986, 1037, 1090, 1149. Société de Biologie Séances des 24 novembre 8-15-22 décembre 1900 . . . 51 SCIE ONEe A ER CRLC Eee COLE - A2 Tan vien) MEET 149 — 19-26 janvier? février Re RARE 196 | Séances des 44 décembre) 4900. + - . . -. op) — 9-16 février PR TEL Cd PS 245 — CEE 0 LCI ES MERE 150 — 23février-2 mars NM TOR Ve 291 — 8 février EL RQ NE 247 — 9 mars DES 1 NICE 34% 22 — EC MN SL 293 — 16-23 — AS La 20 EVE 388 — 22 mars ÉD AR NOR do 389 = 30 mars- 20 avril ER TRE EN 447 — 26 avril TUE 499 — 27 avril-4 mai NE NPA US 549 10 mai RE AC OL SE, 591 — 11-18 — ES 0 ON ÉRAE 589 31 — — fre CHE TT 683 — 25 — TR ARE VS ie 637 14 juin RENE PL à 127 — Ler-15 juin NE UE A 680 — 28 — pe EN ce Ps 116 — 22-29 — EE ON 724 — 9ÿoctobre-8 novembre — : . . : . . . . 1038 — 6-13 juillet PE DE NL EE 817 — 22 — ARE EE ‘HER 1091 1160 TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES Société de Chimie de Londres Séances des Grdécemhre O0 0 55 — 13-20 — EU Vie Podle Vel 107 — 20 décembre 1900-17 janvier 1901 . .:. . . 150 — MAMTEYTIEL = EMA EEE TEE 247 —— — — HI (SUILE) NE 294 — 21 — ES eee UT 347 — | mars Er INR NE 390 — 21 — Ra PE RL dE 449 — 28 mars-18 avril ee MERE À 500 — — (suite) F0 551 2 mai PR ET EL S 592 16 - TV or 25 Le ASTON PACS 639 6 juin AL oRO NOR ONE C 684 — 20 — TA 0 br MES 128 = — — HSE) MAN 776 = — — — (suite). . . . . 818 Communications recues pendant les vacances. . . . . 1092 Séances des SAMOCTODre M ME EE DC 1092 — novembre — NN Te 1150 Société allemande de Physique. Séances des 18 octobre-1®r novembre 1901 . . . . . . 1039 — 15 — = MN nr ae 1150 Académie des Sciences de Vienne. Séances des 10-17 octobre 1901 Académie des Sciences d'Amsterdam. Séances des 29Kdécembre MOINS — — — —u(suite) RE _ 26 janvier A0 RTE — _ — (suite) ARR — 23 février en EE de © — — ne — (Suite) ICE — 30 mars TN RER __ 20 avril TO MEL 0 Communications récente MEME RER Séances des 2BNBEPLEMETEN NN EN IE = 28 MOCIoDre NET EE — 0 novembre NU TRE Académie Royale des Lincei. Séances de décembre 1900 — janvier-mars 1901 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS" A.0B., 915. Abadie (J.), 638. Abell (R.-D.), 640. Abelous (J.- L.), FUTUR Abraham, 105. A. C., 812, 982. Achard (Ch.), 52, 147, 197, 291, 389, 447, 497, 550, 681, 724, 7937. Ackroyd (W.), 551. Adhémar (R. d'), 195. Adrian, 141. Adriani (J.-N.), 152. ResmAnpone, 152. Agardh (J.), 194. Aken (Mit E. van), 820. Albarran, 8171. Alezais (H.), 286, 1088. Alezaïs (R.), 243, 1036. € Aloy Us. 288. Altermaun, 149. Amalitzky, 289. Andoyer (H ), 10%, 491. André (Ch.), 243, 288, 343, 815,431. André (G.), 50, 496, 619, 936, 1246. Angeli, 392. Angelico, 392. Anglade (D.), 857. Anglas (d.), 193. Angot (A.), 194, 195. Anspach (ENS 313 à 323. Anthony (R.), 245 Antoine (G.), 149. Aoust, 681. Apert (Dr), 64. HUE ee Appell (P.), 45, 110, 815 Arago Fél, 104. Arbuckle (W.), 151. Arcangeli, 152. Argtowski (Henryk), 51, 82 à 94, 290, 344 A deen (J.-G.), 148. Ardin-Delteil, 52. Arloing (F.), 680, 681, 124, 817, 1031. Arloing (S.), a 150. Armengaud (J , 1085, Armingeat, 1631. Armstrong (H.-E.), 150, 640, 818, 1092. Arsonval (A. d'), 123, 852, 1146. Artault (S.), 197. Arthus (M.), 1088, 1144, 1147. Aschkinass (E.), 1039. Ashton (A.-W.), 683. Aston (B. Cracroft), 56 Aston (F.-W.), 390. Astruc (A.), 722, 123, 891. Athanasiadis (J.), 113. Athias, 550. Aubel (ee van), 587. nel (P.), 681. Auché (B.), 817, 986, 1087. Audrain (I), 1036. Auerbach (B.), 546. 1146. 1 Les noms imprimés en Caractères gras sont ceux des auteurs des articles ori- ginaux. res chiffres gras reportent à ces ar- ticles Auger, 107, 723, 126. Aupetit (A.), 855. Autonne {L.), 289, 548, 113, 851, 886. Babès (A.), 246. Babes (V.), 124. Babinski (J.), 196. Backlund (D.), 194. Bagard (H.), 1145. Bailhache, 244. Baillaud, 288, 497. Baker (T.-J.), 858. Bakhuis-Roozeboom (H.-W.), 988. Bakker (G.), 199. Balachowsky (D.), 6178. Balestre (M.), 149, 680. Balland, 496, 773. Ballet (Gilbert), 61. Balthazard (V.), 246, 1036, 1037. Baly, 389, 116. Barbier (Ph.), 496. Barbieri (N.-A.), 816. Barbour (W.), 728. Bari (L. ) 246, 817. Bardier (E.), 817. Barette, 388, 589. Barié (E.), 103. Barjon (F.), 291, 724, Barré (H.), 1147 Barth (Fr.), 61 Basili, 152. Bassot, 104. Bast (O. de), 45. Bataillon (E.), 387, 497. Bather (P.-A.), 720. Baud (A.), 678, 679. Baud (E.), 147, 343, 1087. Baud (L.), 288. Baudron, 1147. Bauer (Ed.), 1149. Baume-Pluvinel (de la), 587. Bausor (H.-W.), 390. Baylac (J.), 589. Bayrac (P.), 195, 244, 445. Beaulard (F.), 816. Beauverie (J.), 148, 723. Bechterew ie v.), 286. Becker (G.- 1040. Becquerel (H.), 243, 386, 587, 588, 173, 1035, 1086, 1146. Bébal (A ae 49, 54, 106, 299, 293. Behrens (H.), 820. Beilby (G.-T.), 1092. Beille Fe 4 618. Bell (C.-A.), 716. Belly (P.). 1086. Belzung (E.), 584. Bemmelen (J.-F. van), 1040. Bemmefen (J.-M. van), 152, 248. Bénard (H.), 289. Beneden (Ed. van), 679. Benoist (L.), 195, 288, 386, 498, 725. Benoit, 724. Bensaude (R.), 196. Béranger-Féraud, 51. Berger (Paul), 149, 245, 499. Bergeron (J.), 471, 51, 57. Bergouignan (P.), 857. 107, 195, 244, Bernard (L.). 246. Bernard (R.), 196. Bernheim (S.), 193. Bertainchand (S.), 497. Berthelot (A.), 856. Berthelot (D.), 590, 591. Berthelot (M,), 50, 146, 194, 195, 290, L 381, 445, 587, 588, 637, 678, 619, 722, 1173, 856, 936, 937, 985, 1039, 1086, 1146. Bertini, 392. Bertrand (C.-E.), 936, 985, 1146. Bertrand (G.), 107, 143, 145, 247, 286, 382, 637, 618, 619, 718, 4087. Bertrand (J.), 50. Bertrand (Léon), 148. Berwerth {F.), 1040. Bes (K.), 107, 818. Besnier (E.), 588. Besson (A.),679. Beulaygue (L.), 344 Bevan (E.-J.), 241. Beyerinck (M.-W.), 392, 820. Bezançon (F.), 52. Bianchi, 152. Bichon (M.), 259 à 767, 855. Bierry, 497, 857. Biétrix (E.), 497. Bigart, a 246. Bigot (A.), 675. Bigourdan (G.), 3: pijl (H.-C.), 819, 820. Billard (A.), 857, 936. Billet (A.), 344, 857. Binet (M.), 343, 388, 1147. Birkeland, 1035. Bisserié, 291. Blaise (E.-E.), 499, 1149. Blakesley (Th.), 241. : Blanc (G.), 101, 243, 292, 492, 499, 722. ont + 714, 816, 1086, 1147. Blanksma (J.-J.), 151, 1152. Bleicher, OT Bloc (R. Salvador), 639. Bloch (E.), 445. Blochmann (Rudolf), 134 à 434. Blondel (A.), 612 à 626, 659 à 674, 726, 851, 1056. Blondlot (R.), 1035, 1087, Bodroux (F.), 147, 588. Bœckel (J.), 148. Boehm ( KT 980. Boggio, 392. Boblin (K.), 9 Bobhn (G.), La, Seat, 984. Boinet, 245, 714. Bois, 1146. Bollemont (de), 679. Bone (W.-A.), 728. PBongert (A.), 343, 446, 1149. Bonne (C.), 550. Bonnet (A.), 387, 931. Bonnier (G.), 104, 146. Bonnier (J.), 103. Bonnier (P.), 196, 588, 723, 1147. Bordas (F.), 1035. Bordas (L.), 588, 637, 680, 1145. Bordier, 386,549 Borel (E.), 289, 445. 497, 548, 678, 122, 723, 105, 106, 244, 387, 446, 619, 123, 172, 1162 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Borgman (J.), 50. Bornet, 105, 194. Borrel, 197. Bortolotti, 392. Bosc (F.), 149. Bose (R.-C.-L.), 552, Bouchard (Ch.), 1088. BOUOURrE o ), 50, 588, 591, 1146 Boufté (F.), 856. Bougault, 346, 386, 446. Bouïlhac (R.), 722, 1035. Bouin (M. ) 634. Boulé (L.), 980. Boule (M. ï 674. Boullanger (E.), 689 à 698. Boulud, 290, 172, 1035, 1147. Bounhiol, 588. Bouquet de la Grye, 105, 587. Bourcet (P.), 588, 679. Bourne (G.-C.), 983. Bourquelot(E.), Boussinesq (J.), 637, 815, 936. Boutroux (P.), 194. Bouty (E.), 33 à 40, 105, 773. Bouveault NL 50, 123, 114 Bouvier fe ES 289, 290, 307, 936, 1086. Bowlby (A.), 933. Boyd (D.-R.), 1092. Boyer Dacties) 236, 4 811. Boys (C.-V.), 247, 389. Bra (M.), 49. Branca (A.), 389, 448. Brand (J.), 3 LEA Branly (Ed. }, 58 Brauer, 386. Brault (J.), 1037. Brauner (Bohuslav), 451. Braunmühl (A. van), 236. Bredig (G.), 244, 289. Brenans (P.), 387, 591, 772 Bresson (A.), 1. Breuil (H.), 891, 1147. Bricard (R.), 445. Broca (A.), 197, 387, 445, 551. Brillouin (M.), 104, 145 à 424, 717, 768. Broca (A.), 98%. Brocard, 638. Brœæck (van der), 812. Brouardel (P.), 61, 437. Brown (H.), 56. Bruandet, 638, 1088. Brukuer (J.), 1088. Brun (H. de), 149, 447, 174. Bruvel (L.), 145. Brunet (Louis), 50 24%, 200, 344, 441, 498, 123, 113,-816, 857, 1147. Brunhes (B.), 46, 24%, 344, 550, 772. Bruni, 152. Bruno (A.), 194. Brunon, 388. Brunschvicg, 103. Brunton (Sir Lauder), 682. Buchanan Qi 1039. Büchner (E.-H.). 347. Bacquoy (M.), 9356 à 96GA, 985. Budin, 196, 680, 724 Buhl (A.), 195, 711. Bujor (P.), : Bunel . 588. Burck (W.), 988. Bureau, 388, 445, 588, 723. Burgatti, 152. Burgess, 176, 1092, Busquet (R.), 1082. Butte, 985. Cade (A:), 291, 724 Caiïlletet (L.), 496. , Callandreau (0.;, 742 à 716. Callendar {H.-L.), 247, 389, 499, 1092. Calugareanu, 447 , 680, 1147. 289, 291, 815, 985, 1036. 243, 343, 634, 679, 110, SA à 290, ), 105, 106, 148, 496, 549, 588, 637, 937, 1036, 1087, Calverley (J.), 933. Cambier (R.), 631. Camichel (Ch.), 49, 195, 244, 445, 1086. Camus (J.), 291, 817, 1036. Camus (L.), 104, 148, 191, 246, 291, 447 817, 854, 937, HAT. Capitan (L.), 389, 891, 1147 Caqueray (G. de), 99.” Cardamatis (J.-P.), 51. Carette (H.), 50. Carles (P.), 856. Carnot (A.), 107, 245, 588. Carnot (P.), 549. Carré (P.), 1087. Carrière (G.), 389, 638, 815, 817, 984. Cartaud, 292, 587, 815. Carter ( W.), 390, 640. Carvallo (E.), 544, 638, 1145. Caspari (W.), 1039. Cassaet (E.), 681, 724, 817. Cassie (W.), 1091. Castel (du) ,149, 290, 774. Castex (E.), 938. Cathelin (F.), 550, 589, 681, 817. Catois (E.), 813 Catta (J.-D.), 8 Caubet (F.), 50, Aix Caullery (M.), 1 1085. Causse (H.),50, 122. Cavalié (M.), 389, Cavalier (J.), 588. Caven (R.-M.), 248. Cazeneuve (P.), 195, 243. Chabrié (C.), Chaleix-Vivie, 389. Chalon (J.), 888. Chalon (P.-F.), 383. Champenois (G.), 1087. Champetier de Ribes, 1141. Champigny (A.), 725. Chantemesse, 680. Chapman (E.-M.), 218. Chapmain (D.-L.), 1992. Chapmaun (A.-C.), 55. Chapot-Prévost, 148, 388. Chappuis (P.), 1091. Charabot (G.), 46, 117, 524 à 534, 634, S56. Charlier (F.), 589. Charon (E.), 1035. Charpentier (A.), 243, 290, 344, 387, 496. Charpentier (H.), 584. Charpy A), 281. Charpy (G.), 142, 382. Charrin (A.), #0, 147, 196, 289, 496, 548, 12204112 807410851445: Chassevant (A.), 62, 291. Chassy (A.), 1036. Chatain (Adolphe), 57, 146, 149. Chatin (J.), 588. Chattaway (F.-D.), 150, 347, 640. Chauveau (A.-B.), 49, 104, 146, 147, 148, 446, 619,772, 832. Chauveau (C.), 494. Chauveaud (G.), 146, 722. Chauvel, 549, 680, 774. Chavanne, 712. Chavasse, 680, 774. Chavastelon (R.), 618. Chavigny, 724. Chemin, 101, 986. Chéneveau (C.), 815. Chessin (A.-S.), 984. Chevalier (A.), 445. Chevalier (le R. P.), 55. Chevallier (H.), 50 Chevrotier, 141. Chipault (A.), 680, 681, 1036, 1147. Choffardet (P.), 105. Choffat (P.), 51, 286, 387. Choquet (J.), 589. Chree, 591. Christiani, 51. Chroustchoff (P.), 446. Ciamician, 392, Clairin, 195. Claude (H.), 857,-891. 8,197, 549, 589, 937, 938, Clautriau (feu G.), 674, 769. Clavière (J.), 541. Clayton (E.-G.), 1150. Clerc (A.), 724. Clermont (A.), 1035. Clozel (M.), 597. Cluzet (J.), 52, 197, 389, 4088. Cohen Œ, ), 192, 347, 820, 1152. Cohen (J. -B.), 56, 552. Col, 588. Coles (S.-W.), 859. Colin (L.), 196, 245, 345, 1036. Collie (J.-N.), 552, 728. Collomb (A.), 388. Collot, 816. Cololian, 724. Colson (A.), 50, 244 Compan, 1086. Comte (A.), 983. Contarini, 392. Conte (A.), 496, 984. Contremoulins (G.), 446. Convert (F.), 102. Coops (G.-H.), 392. Coppet (de), 418, 548. Corbino (0.-M.), 856. Cord (E.-G.), 143. Cornaille (F.), 936, 985, 1146. Cornil, 344, 548, 7172. Cornu (A.), 292, 496, 551, 594, 725, 172; 891, 1147, 1148. Cornu (M.), 453. Coromilas, 1036. Corstorphine (R.-H.), 1092. Cosserat (E.), 712, 113, 815, 816, 856. Cosserat (F.), 112,713, 815, 816, 856. Costantin, 445, 549. Costantin (J.), 1146. Costomiris, HAT. Cotte (J:), Cottou, 551, 774. Coulon (J.), 195, 772. Coupin (H.), 290, 589, 638, 680. Courmont (J.), 10 246. Courmont (P.) Courtade (D. ‘ "386. 857, 1088. Cousin (P.), es Coutière (H.), 4 DRE ee (F.), ét Couvreur (E.), 817 + 619, 936. Craciuou (DL. 1548: Crae (J.-Mac), 151, 176, 1092. Crémieu (V.), 52, 195, 246, 497,498; 587, 589, 81. Crepieux, 1037 Crespin (J.), 145. Crompton (H.), 450. Cros (C.-F.), 247 Crosslay (A.-W.), 776. Cuénot (L.), 41, 7103, 193, 264 à 269, 341, 890. Culmann, 345. Cureau (Dr), 558 à 571,598 à G14. Curie (P.), 288, 386, 498, 588, 815, 1145. Cyon (G. de), 589, S28 à S35. Dainelli. 392. Dakin (H. D.), 552. Dalfsen (B.-M. van), S19. Damien, 346, 725. Dargeard (A.), 381. Daniel (L.), 51, 1086. Darboux (G.), 289. Darcourt, 1037. Dardant (A.), 491. Dargein, 1088. Darwin (G. -H.), 1037. Darzens, 1037. : Dastre (A), 150, 24 David (P.), 112. Davidoglou, 886, 936, 1035, 1086. Davidson, 386. Dawson (H.-M.), 56, 151, 7176. Debierne (A.), 288, 386, 815, 1145. Debove, 51, 447, 1036. 6, 448. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Décombe {L.), 496, 772, 815. Decrock (E.), 341. Dedekind, 104. Defacqz (Éd. ), 405, 147. Dehérain (H.), 112, 557, 719, 779, 1034. Dehérain (P.-P.), 289, 1036. Dehon (M. 1147. Delacre (M), 1035. Détierois. (r.), 388, 856, 1146. Delage (M.), 50, 243. 815. Delage (V, 50, 812, 816, 864 à 874, 1086. Delagenière, 291. Delamare (G.), 722 1145, 1147. Delange (R.), 107, 446, 123, 126, 1037. Delasalle (A.), 633. Delépine M. ), 105,495, 637, 1149. Delsado (J.-F-.N.), 286. Delille (A.), 986. Delorme, 4417, 549, 1036. Delpeuch (A.), 1085. Demarcay (E.), 49, 678. Demartres, 723. Demenge (E.), 142, 339, 441, 491, 584, 943, 981. Demerliac (R.), 679. Demoulin (A.), 497, 815, 984, 1146. Demoussy, 289. Denigès (G.), 985. Deniker (J.), 615. Denoyès, 122, 712. Densusianu (Mlle), 197, 724 Dépéret (Ch.), 984. Derôme (J.), 343. Desaint (L.), 497. Descours-Desacres, 244. Descudé (M.), 497, 679, S16. Desfosses (P.), 814, 935. Desgrez (A.), 107, 6178, 681, 1036. Deslandres (H.), 195, 288, 289, 638, 619, 1146. Desmots (H.), 548, 591. Devaux (H.), 344, 441, 722 Dévé (F.), 197. 389, 681. Dewar (J.), 858, 938. Dezautière, 713. Dhommée (R.), 984. Dickinson Go AS Dickson (L.-E.), 679. Didsbury (G.), 679. Dienert Ta) 41007 à 1049. Dieulafoy (G.), 245, 290, 985, 1087. Divers (E.), 500, 728. Dixon (A.-E.), 56, 390. Dobbie (J.-J), 55, 640. Doléris, 149. Dominici (H.), 549, 986, Donder (T. de), 857. Dongier (R.), 105, 292. Dootson (F.-W.), 684. Dopter (Ch.), 389, 589. Doran (R. E.), 640. Dorchain (A. ), 636. Dorp (W.-A. van), 988. Doué, 722. Douxami (H.), 289. Dowzard (E.). 552. Doyon, 811. Drake del Castillo (E.), 773 Dubard (M.), 588. Dubat (G.), 1145. Duboin (A.), 387. Dubois (R.}, 197, 243, 245, 246, 344, 586, 724, 937, 1088. Duboscq (0. ), 856. Dubreuil (L.), 243. Ducamp (L.), 984, 1035. Duclos, 51. Ducretet, 104. Duddell (W.), 986. Dugast (J.), 887. Duguet, 1147 Duhem (P.), 49, 147, 194, 2 1446, 496, 548, 587, 936. Dulac (H.), 496, 548, 815. , 817, 937, 938, 1036, 497, 499, 682, 386, 446, 449, 294; 13, 289, 343, Dumont (J.), 243, 679. Dunstan (W.-R.), 56, 500, 938. Dupaigne, 149. Duparc (L.), 445, 5 Dupasquier, 1141. Dupont (C.), 1036. Duport (H.), 105, 343. Duprat (C.), 81. Dupuy (E.), 1037. Durand-Fardel (Ray.), 61, 1033. Dussaud (F.), 123, 1087. Dybowski (J.), 1035. Dyer (C.-S.), 684. 49, 637, 122, 891, 937. E E.-A., 544. Easterfeld (Th. Hill), 56. Eginitis (D.), 49, 1086, 1145. Egger (Max), 681. Egorov (D. Th.), 146, 195, 288, 619. Ehrmann, 931. Elder (H.-M.), 241. Emery (H.), 1088. Emmerez de Charmoy, 1037. Enestrüm (G.), 440. Engel, 448, 682, 811. Engelmann (Th. W.), 988. Enriques (F.), 194. Esclangon (E.), 172. Estanave (E.), 45. Etard (A.), 134, à 440, à 4081. Everdingen jumior (E. van), 108. Everett (J.-D.), 247. Eyre (J.-V.), 684, 1092. 548, 1076 F Fabre-Domergue, 497. È ‘abry (Ch.), 587, 172. Fages (de), 190. Farabeuf, 447. Farmer (R.-C.), 640, 1150. Fauquet, 344, Ts Favrel (G. ), 105, 446, 588. Febr (H.), 339, 381, 494, 886, 980, 1141. Félizet (6. }s 389, 448. Fenizia (C.), #1. Fenton (H.-J.-H.), 247, 248, 639, 728. Féré (Ch.), 149, 388, 680, 681, 124, S17, 857, 938, 1036, 10317. Fernbach (A.), 50. Fernet (Ch.), 1141. Ferrand (L.), 112. Ferrier (J -F.), 725, 851. Finot (J.), 814. Fischer (F.), 1031. Fischer (H.), 289, 387. Fischer (P.-R.), 1039. Flahault (C.), 341, 38%, 442, 493, 585. Flamand (G.-B.-M.), 722. Flammarion (C.), 244, 856, 1146. Fleming, 683. Fleurent (E.), 631, 1145. Fleury (G.), Ee Fleury (M. de), 7 Fliche (P.), 290. Floresco (N.), 1086. Flot (Léon), 104. Flusin (G.), 104, 491. Fochier, 441. Fonzes-Diacon, 50. Forchheimer (P.), 1039. Forcrand (R. de), 147, 289, 343, 445, 112, 113, 816, 891, 936, 984. Forel (F.-A.), 498, 812. Forest (F.), 283. Forster (M.-0.), 56, 500, 552, 592, 640, 128; 116. Fosse (R.), 343, 386, 449, 497, 682, 723, 8517, 984, 1087, 1149. Foubert (E .), 811. Fouché (Ed.), 1088. Foulerton (A-G.-R)), 860. 123, 985. 1163 Fouqué ( Fouquet, Fournier (E.), 1145. Fournier (H.), 984. Fournier (L.), 245, 291, 548. Fournier [vice-amiral), 104. Foveau de Courmelles, 50, 1088, 1148. Fowler (G.-J.), 56. Franca (C.), 291, 550, 589. Franche (Ch.), 747. Franchimont (A.-N.-P.), 820. Francillon (Mie M.), 857. Hrancoïs-Franck, 723. Franke (A.), 1040. Frankland (P.-F.), 390, 1150. Fredericq (Léon), 79% à 840. Frémont (Ch.), D 292, 856. Frenkel (H.) 52, 197, 817. Freundler (P. ), 54, 548, 588, 726. Fricke | R). 1041. Friedel (J.), 196, 497, 522 à 57%, 1086. / Frouin (A.), 446, 448, 680. F.-A.), 65 à 84, 104, 1086. 0. G Gaget, (M.), 768. Gaïllard, 147, 197, 497, 937, 1087. Gain (Ed.}, 370, 852, 1141. Galavielle, 196, 681. Galezowski, 549. Gallardo !A.), 550. Galtier, 723. Gamgee (A.), 892 Gariel, 852. Garnier (Ch.), 150. Garnier (Jules), 146. Garnier (L.). 245, 291, 389. Garnier (M.), 549. Garrigou (F.), 104, 768, 773. Garsed (W.), 552. Gasnes (Dr Georges), 64 Gastine (Gr), 891. Gaube (J.), 196, 588. Rneete .), 245. A A.), 1087. Gaule (J ji 1087. Gautié, 246. Gautier (Armand), 104, 407, 146, 448, 20% à 2145, 288, 346, 354 à 358, 386, 446, 448, 123, 937, 1046 à 1059. Gautier (H.), 104, 1146. Gebhardt (F. de), 680. Gegenbauer (L.), 986. Gellé (M. E.), 52, 150, 196, 985, 1088. Géneau de Lamarlière (L.), 445. Génin (V.), 1035. Genoud, 194, 288. Genvresse (P. 243, 290. Geoffroy- Saint-Hilaire (E.), 1033. Gérard (E.), 147, 197, 851. Gérardin (Aug.), 141. Gérin (F.), 966, 937, 984. Gerland (E. Gervais - Courtellemont, S34 à ss0. Giard (A. AS 9, 124, 856, 985. Gibbs W! Gibrat, 388. Giglio-Tos, 238. Gilardoni (H.), 680. Gilbert (A.), 61, 245, 34 Gilbody (A. W.), 107. Gildmeister (E.), 46. Gilet, 549. Gilletta de Saint-Joseph, 149, 680, Giltay (J.-W.), 41151. Girard (A. Ch.), 245, 637. Girard (J.), 314, 857. Girod (P.), 671. Glangeaud (Ph.), 143, 148, 169, 712, 9AA à 922. Glazebrook (T.), 54. Gley (E.), 52, 62, 246, 89% à 904, 1147. Gnezda (J.),:936. Golosceano, 344, 4, 447, 681, 1088. | 196, 674, 443, 448, BIT, 116% TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Gonnessiat (F.), Pi Goodrich (E. ide Goodwin | W.), re Gordan (P.), 78. Gorini, 152, 392. Gostling (Mlie A.), 639. Gouget (A.), 4033. Chsidie (E.), ), 500. Gouré de Villemontée, 285. Goursat (Ed.), 289. Gouy (G.), 815, 1086. Gowland Hopkins (P.), 859. Graffigny (H. de), 339. Gramme (Z.), 146. Grammont (A. de), 52, 887. Grand-Moursel, 246. Granger (A.), 497, 499. Gravaris, 816. Gray (T.), 552. Grégoire (E.), 6179. Gregory (J.-W.), 720. Gréhant (N.) , 289, 1145 Griffon (V.), se 149, 380, 681. Grignard {À . 195, 288$, 343, 381, 449, Fe (Ed.), Si Grimbert (L.), 52, Gros, 937. Grossard, 818. Groves (C.-E.), 500. Guëède (H.), 1032. Guédras (M.), 1146. Guéniot, 149, Guerbet, 148, 247, 343, 815. Guglielmo, 392. Guiart (J.), 389, 855, 1084. Guichard (C.), 49, 106, 194, 243 Gnichard (M.), 49. Guichard (P.), 101, 1032, 1141. Guillaume (Ch. Ed.), 150, 192, 197, 231, 285, 3858 à 368, 422 à 434, 440, 497, 499, 504, 551, 583. Guillaume (J.), 49, 288, 289, 723, 984. Guillemard (H.), 631. Guillemonat, 496, 712, 1036. Guillet (L.), 497, 587, 815, 985, 1145. Guilliermond, l'A, 548, 173. Guillon (J. M), un Guinchant, 244. Guinon (Louis), 64. Guiraud, 246. Güntz (R.), 446, 1087, 1149. Gutton (C.), 288. Guye (Ch.-E.), 856. Guye (Ph.-A.), 390, 496, 545, 618, 619. Guyon, 51, 290. Guyon (J.-F.), 389, 857. Guyot, 386, 499, 679. Guyou (E.), 49, 343. 343, 389, 449, 1036. Hachet-Souplet (P.), 4 Hacks, 549. Hadamard (J.), 289. Haga (T.), 798. Hagen (E.). 1050, Hall (H.), 347. Halla (E.), 1040. Haller (A.), 159 à 16%, 243, 255 à 264, 292, 323 à 330, 7386, 499, 633, 674, 678, 679, 123, 1087. Halliburton (W.- -D.), 7175. Hallion, 52, 638, 1145, 1146, 1147. Hallopeau, PA 290, 713, 937, 985. Hamonet (J.), 194, 195, 289, 346, 386, 448. I), ( 19 Hamy (M.), 678, 932. Hanriot (M.) , BA, 147, 148, 196, 197, 290, 387, 447. Harden ds , 450, 1092, Harlay (V Harrison ( ), 1038. Harroy (M.), 1087. Hartley we: -N.), 55, 640. Hartmann (I.), SS1 à 885. Hartog (Ph.-J.), 56. ), 45€ Ÿ'o8 E.-P. ) Hartmann (H.), 342, 814. Hartog (M.), 289. Harvey (A.-W.), 639. Hatfield (H.-S.), 684. Hatt, 289, 984. Haug (E.), 193, 286, 383, 769. Hayem (G.), 196, 548. Hébert (A.), 107, 243, 290, 492, 771, 856. Heckel (Ed.), 680, 1087, 1145. Hédon {E.), 291, 344, &AT, 171, 815, 1036. Helbronner (A. \, 722. Hele-Shaw (H.-S.), 587. Helot (J.), 584 … Hemptinne (A. de), 1145. Hemsalech (G.-A.), 445, 446, 496, 886, 1087. Henderson (G. Henneguy (F. Hénocque (A.), 52, 1088. Henri (V.), 150, 196, 388, 447, 680, 817, 1037, 1087, 1147. Henriet (H.), 446. Henry (L.), 723. Henry (T.-A.), 938, 1092. Hérissey (H.), 289, 291, 722, 815. Hermite (Gh.), 57, 109, 146. Herscher, 681, 1088. Hertha Avrton, 938. Hervé (H.), 1035. Hervieux, 196, 291, Herzig (J.), 1040. Heurteaux, 680. Hewitt (J.-T.), 407, 776. Hilbert, 168 à 474, Hill (A.-C.), 390, 818. Hiorns (A.-H.), 142. Hird (J.-M.), 1092. Hobbs (J.), 550. Hvernes (R.), 1039, 1040. Hoffmann (Fr.), 46. Hoffmann (J.-C.-V.), 440. Hollard (A.), 94 à 98, 285, 340, 456. Holleman (F.), 152. Holmes (J.), 776. Holhoyd (G.-W.-F.). 1150. Holsbær (H.-B. j 151. Hoogerverff (S.), 988. Horstman mt (H.-J.), 55 Houdaille (F.), 852. Houssay (K.), 194, 889, 1086, 1146. Hubrecht (A.-A.-W.), 988. Huchard, 291, 589, 937. Hugot (Ch.), 46 Hugounenq, 984. Hugounenq (L.), 146, 44, 549. Hulot (J.), 857. Humbert (G.), 146, 249, 289, 343, 856. Hunter (A.-E.), 451. Hurtley (W.-H.), 1092. Hurwitz (A.), 243, 618. Hyndman (H.-H.-F.), 391, G.), 1092. j 441, 1086. ) 519, 588, 937. 4335 à 439, Imbert (A.), 344, 448. Imbert (H.), 7112, 984, 1145. Ingelrans (L.), 1147. Innes (W.-Rose), 107. Irvine (J.-C.), 532, 728. Istrati, 723. J Jaccoud, 548. Jacob de Cordemoy (H.), 194. Jacobson, 638. Jacquemin Ion 588. Jacquemin (P.), 634. Jacquet (L.), 63, 680, 721. Jadin (F.), 1083. Janet (Paul), 156, 246. Janssen (J.), 195, 288, 290, 548, 856, 1035. Japp (F.-R.), 776. Jaubert (G.- -F.), 105, 146, 387. Jaubert (J.), "87. Javal (A JD Jeans (J.-H.), 727. ne (E.), 197, 890. Jerdan (D.-S.), 728. Joannis (A.), 4 Job (A.), 53,1 Joffrin (H. h ne Johnson (K. 816. Jolly (J.), ce ‘loge, 1147. Jollyman (W.-H.). 294, 390. Jones (H.), 248, 339, 1150. Jonquières (de), 386, 856. Jordan (C.), 146. Josias, 1088. Josué (0O.), 684. Jouarre, 388. Jougnet, 49, 343. Jouniaux, 587, PisS 713. Jourdain (S.), 749, 244, 291, 448, 1086. Jousset de Bellesme, 194. Jouve, 247, 448, 497, 591. Jowett (H.-A.-D.), 450, 1150. Julius (W.-H.), 986. Julliard (C.), 681, 937. Jullien, 723. Jumelle (H.), 110. Jungfleisch, 51, 243, 387, 858. Jurie (A.), 857. Justin de Lisle, 723. d.), 638. 1144. K Kamerlingh Onnes (H.), 391, 819. Kantor RE 147. Kapteyn (J.-C.), 1040. Kapteyn (W.), 818. Keesom (W.-H.), 1152. Kelsch, 816, 985. Kemp (P.-H. van der), 392. Kennedy (R.), 818. Kenzie (A.-Mc), 1092. Kilian (W.), 549, 1033. Kilkelly, 933. Kipping (F.-S.), 107, 294, 347, 451, 716. Kleerekooper (Mile E.), 152 Kleyn (A.), 820. Kling (A.), 1173. Kluyver (J.-C.), 390. Kæhler (R.), 49, 180 à 489. Kœænig (E.), 446. Kœænig (R.), 241. Koœnigs (G.), 49, 368 à 373, 71, 816, 856, 891, 936, 98%. Kohnstamm (P.), 819. Korda (D.), 551. Küvessi, 290, 388, 445, 588. Kowalensky (A.), 1039. Kowalewsky, 1086. Kowalski (J. nel 122. Krause (M.), 4 b Kronecker, “AT. Kunckel d'Herculaïs (J.), 387. l Lacaze-Duthiers ({. de), 113, 816. Lacombe (H.), 1087. Lacroix (A.), 148, 196, 244, 1146. Ladenburg, 723. : Lafay (A.), 1087, 1145. Lagatu (H.), 492, 684. Lagrange (E.), 148, 196, 588. Lagrile, 246, 589. Lagnesse, 589, 1020 à 1030. Laignel- Lavastine, 539, 817. Laisant (C.-A.), 1082. Lambert (M.), 245, 291, 389. Lamey (Dom), 244. Lamothe (de), 631. Lampe (E.), 1039. Lancaster (A.), 769. Lancereaux (E.), 51, 291, 388, 548, 680, 114. l 7 : Laborde (J.-V.), 149, 196, 291, 388, 447, | 549, 588, 638, 680, 723, 1087. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 1165 L .nder (G.-D.), 450. Landerer (J.-J.), 194. Landouzy, 61, 290, 1088. Landrin (S.), 1035. Langelaan (J.-W.), 820. LAB (de), 549, 677. Langlois (J.-P.), 1146. Lannelongue, 147, 148, 243, 497, 937. Lansac (B.), 680, Lapicque (LeY, 6178, 681. .Lapierre (Ch.), 817. Lapparent (A. de), 244, 399 à 443, 527 à 525, 588. Lapworth (A.), 150, 248, 347, 552, 684. Laquerrière, 112. Larbalétrier (A.), 836 à 846. Larguier des Bancels, 817. Larmor (J.), 811. Larroche (J.), 448. Larroque (F.), 195, 24%, 387, 548, 722. Larter (A.-T.), 818. Laska (W.), 1039. Lasne (H.), 548. Lauder (A.), 55, 640. Laugier, 62. Laulanié (F.), 982. Launay (L. de), Launois (L.), 19 Laurent (Em.), 1145. Laurent (L.), 1084. Lauriol (P.), TS 639. Lauroy (L.), 8 D ARSRe ant ‘colonel A.), 811. Laval (Ed.), 4 Laveran nai ‘54, 149, 246, 389, 447, 453, 548, 550, 680, 724, 7112, 857, 931, 985, 1088. Lavergne (G.), 141, 382, 633. Lawrence (W.), 390. L. B., 613, 852. Lebeau (P.), 243, 288, 343, 449, 1146. Lebesque (H.), 496. Leblanc (M.), 984. Le Bon (G.). 291, 389. Le Cadet, 288. Lécaillon (A.), 289. Lecène, 550, 724. Le Châtelier (H.), Lecher (E.), 1039. Leclainche (E.), 196. Leclercq, 638. Lecomte, 549, 1035. Lecornu (L.), 125 à 434. Le Couturier, 1088. Le Dantec (F.), 985. Le Dentu, 51, 290, 985. Ledoux (P.), 344. Leduc (S.), 288, 387, 6178. nee (T.-H.), 151 Lees (F.-H.), 449. Lefebvre (P.), 548. Lefèvre (A.), : Lefèvre (J.), 448, 681, 1037. Lefèvre (L.), 613. Léger, 150, 243, 3817, 588, 637, 126, 856, 858 102, 444 à 422. 418,1099 à 41108. Legrand (E.), 195. Legros (G.), 52, 447, 550, 724, 1036. Lehfeldt, 121, 1039. Leidié, 126, 932. : Lelieuvre, 548. Lely (C.), 1152. Lemaitre (A.), 547. Lémeray, 104. Lemoine, 54, 549. Lemoult (P.), 447, 198, 386, 445. enton (W.-H.), 684. Leod (H.-Mac), 500. Léon (G.), 637. Lepage (L.), 817, 985. Lepierre (Ch. ), 123: Lépine (J.), 1147. Lépine (R.), 290, 772, 1035, 1088, 1147. Lereboullet (P.), 344, 447, 681, 1088. Léri, 817. Lermoyez (M.), 242. Le Roy, 51. Leroy (E), 340. Leroy (R.) 646 à 6359. Le Roy de Méricourt (A.), 891. Lesage (A.), 811. Lesage (J.), 586. Lesage (P.), 112, 1035. Lesieur (Ch.), 197, 246, 857, Leslie (Mile C. de), 936. Lesné (E.), 448. Lesne (P.), 381. Le Sourd (L.), 52, 124, 937. Lespieau, 498, 936. Leteur (F.), 722. Létienne (A.), 145 Letulle (M.), 149, 245. Leven (G.), 197, 447. Levi-Civita, 392. Lévy (L.), 6174. Lévy (Maurice), Leys (Ai.), 496. Lewin (L.), 931. Lezé (R.). S2 à 86. Liapounoff (A.), 49, 147, 387. Liégeois, 447. Lier (G.-A. van), 1040. Ligondès (R. du), 146. Limpach (L.), 728. Linde (K. von), 1039. Lindet (L.), 103, 194, 58 Linossier (6) 294, 47. Liouville (R.), 856. Lippmann (G.), Livache (Ach.), 549. 104, 105. Livon, 723. Lloyd (L.-L.), 294. L. U., 144, 383, 983. Lœæper, 52, 246, 291, 389, 447, 550, 681, 817. Lœw (P.), 441. Loewy, 244, 497, 589, 857. Loir (A.) 494, 821 à 823, 962 à 964. Loir (M.), 99. Loisel (G .), 50, 195, 246, 252, 291, 344, 494, 8571, 1087, 1088, 1128 à 1440. Lombard (A), 441, 549. Lo Monaco, 152, 392. ’ Longo, 392. Lorentz TE à 107, 295. Lorié (J.), 1152. Lorin (H. ), 718. Lortet, 194, 288, 984, 1087. Loth (G.), 191, 1408 à 4442. Louguinine (W.), 146. Louise, 446. Lourbet (J.), 495. Lovwry (T.-M.), 818. Loyez (Mile M.), 1146. Lucas-Championnière, 51, 245,290, 1036, Lucet, 549. Lugeon (M.), 105. Luizet (M.), 288, 343, 548. Lulofs (P.-K.), 392, 820. Lumière (A.), 147, 290, 984, 985. Lumière (L.), 141, 290, 984, 985. Lummer (0), 1039. Lumsden (J.-S.), 4092. Lutz (L.), 448, 674, 710. Lymann, 551. M. A., 1096. Macé de Lépinay (J.), 112. Macfarlane Gray (J. ), 1039. Machat (J.), 145. Mack (Ed.), : Mackenzie (J. E.), 684. Madan (H.-G.), 640. Magalhaes (P.-S. de), 937. Magnan, 1036. Magnus, 62. Mabheu (J.), 445. Maige (A.), 383, 857. Mailhe (A.), 587, 619, 126, 113. Maillard de ), 446, 985. Maillet (Ed.), AE, 288, 289, 445, 496, 1035, 1146. Maire (R.), 51, 387. Mairet, 52. Maitland (W.), 776. Malassez (L.), 243. Maldès, 815, Maltézos (C.), 386. Manceau (E.), 146. Mancini (E.), 152, 392. Mandoul, 1086. Mangin L. je 2e 445, 454, 815, 857. Manouélian (Y.), 245, 638. Mansion (P.), “U. Manuelli, 152, Manzetti, 392. Maquenne (L.), 46, 192, 340, 446, 449 631, 679. Marage ! (R.\, 62, 496, 637, 1087. Marboutin (F.), 196. Marceau (F.), 681. March (F.), 343, 722. Marchal (E.), 1146. Marchand (L.), 344, Marchis (L.), 343. Maréchal (G.) , 441. Marenghi, 392. Marès, 587. Marey (E.), 587, 852. Marey (J.), 41. Marie (A.), 494. Marie (Ch.), ï 686, 992, 10$6. Marillier (L.), 385, 443, 495, Marinesco (G.), 50, 389. Marion (H.), 495. Marlatic, 149. Marquis (R.), 147. Marro (A.), 1144. Martelli, 132. Martens Le 2), Martin (G ), 776. Martin (J.), 497, 552. Martin (K.), 1040. Martin (L.), 496. Martin du Magny, 723. Martine (G.), 722. Martonne (E. de), Martre, 122, 112. Mascart (E.), 146. Mascart (Jean), 243 à 222, 270 à 282, 387, 891. Massol (G.), 386, 679, 815. Masson (H.), 944, 293. Masson (O.), 552. Mathias (E.), 195, 902 à 914, 965 à 979, 1087. Mathieu (L.), 383. Mathis, 52, 681, Matignon (C.), 53, 105, 815. Matruchot (L.), 51, 245. Mauclaire, 724. ire à 41066. Maupas. 678. 246, 291, 448, 589, 817, 388,589, 124 671, 171. 196, 498. Maurain (Ch. Maurange (G.), Maurel (E. 1192, 857, 985, 1088. Mavrojannis, 496. Mayet, 50, 51, 197, 1146. Maziarski (S.), 344. Mégnin (P.), 245, 857, 1037. Meillère (G.), 216, 291, 448, Meldola (R.), 500, 684, 4092. Meldrum (N.), 176. Mellor (J.-W.), 56, 107. Ménard (V.), 342 Mendelssohn, 678. Menegaux (A.), 8517. Méray (Ch.), 445. Mercadier (E.), 891. Merklen (P.), 245, 448. Meslin (G.), 7173. Mesnager, 618. Mesnil (F.), 197, 344, 389, 549, 589, 724, 112, 937, 938, 985. Metchnikoff (El.), Metz (G. de), 816. Meunier (L.), 1088. Meunier (Stan.), 244,245, 445, 446, 1146. Meyer F.), 1086. Meyrat (P.), 491. 1036. 3 à 45, 344, 1149. 1466 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Michaux (P.), 245. Michel (P.), TS Michie (A.-J.), Miers (H.-A.), 107. 500. Milandre (Ch.), 583. Mildred Gostling, 211. Milian, 449, 196, 291, 4 124, 938. Miller (G.-A.), 445, 984. . Millosevich, 152, 392. Mills (W.-S.), 552. Minet (A.), 284. Minguin (J.), 619, 123. Minkowski (H.), 105. Miquel (P.), 618. Mittag-Léflier (G.), 386,637, 816. Mizzoni (A.), 938. Modzelewski (J. de), 122: Moir (G.), 500. Moissan (H.), 107, 243, 288, 122, 726, 946 à 955, 1035, 1036, 1037, 1086, 1149. Moitessier (J.), Le Molinié (M.), 10: Molinier, 446, 4 ue Moll (J.-W 5» ses 1040. Molliard (M.), 51, 245, 936, 937. Monckton ere (S.), 860. Moncorvo, 816. Monfet(L.), 52. Monod (Henri), 245, 1036. Monot (G.-H.), JE Montangerand (L.), 288, 289. Montessus de Balore (F. de), 851. Montille (Mile $S. N. de), 383. Moody (H.-R.), 640, Moore (B.), 859. Morache (G.),-14%. Morat (J.-P.), 550. Moreau, 588, 1035. Moreigne (H.), 589. Morel, 811. Morel-Lavallée, 549. Moreul, 1147. Morize (H.),.498, 1723. Morris (G.-H.), 116. Mossé (A.), 637, 1146, 1147. Motais, 123. Motet, 1088. Mott (F.-W.),.115. Moty, 388. Mouchet, 290, 680. Mouneyrat (A), 441. Moureaux (Lh.), 105, 1146. Moureu, 107, 387, 446, 449, 548, 591,682, 123, 126. Mourey (Ch.), 145. Moussu, 147, 196, 289. Moutard (Th.), 259. Mouton (H.), 113, 857. M. P., 814. Müller (F.), 673. Muller (P. Th.), 496, 1149 Müntz(A.), 245, 710. Muratet, 52, 104. Muskens (L.-L.-J.), 1152. Napias (H.), 549. Naville (A.), 935. Naylor (W.-A.-H.), 684. Negreano (D.), 631. Neil (Chr.-A. -C), 392 Nencki (de), 1141. Netter, 49, 52. Netter (L. \, 681. Netto (E.) 339. Neville (A.), 640. Newth (G.-S.), 684. Nicloux (M.),197, 678, 681, 122, 124, 1088. Nicolai (C. 820: Nicol: rot , 985. Nicolas (A.) Nicolas (J.), "149, 150, 297 Nicolle (M.), 385. Nietzki, 633. ;1, 549, 638, 680, 497, 499, Nigdell Axelos (E.), 197. Nimier (H.), 41. Noalhat (H.), 283. Nobécourt (P.), 52, 197, 245, 938. Nocard (Ed.), 196, 388, 550. Nodon (A.), 386. Noé, 152, 1088. Nolf (P.),, 459 à 422, 535 à 543. Nordenskiüld (A.-E.), 856. Nordmann (C.), 816. Normand (A.), 289. Noufflard (Ch.), 143. Nuttall (G.-H.-F.), 1090. [e) Oates (W.-H.), 500. Obrecht (A.), 583, 1035. Ocagne te d'), 381. Oddo | 858 1037. ane de Coninck, 50, 104, 146, 148, 812. Ogawa (M.), 728, Okell (J.), 150. - Olivier (Louis), 583, 896. Olmer (D.), 589. Onimus, 680. Onnes, 151, 452 Oppenheim (R.), 389, 817. Oppenheimer (C.), 382. Oppolzer (K. eo 1039. Orton (K.-J.-P.), 150, 341, 640, 1150. Oss (S.-L. van), 1040. Ostwald (W.), 545. O’Sullivan ( de). 128. Oudemans (J.- Oustalet, ee Ouvrard (L.), 194. Owen Jones {IL.), 55. .=C.), 294, P Pachon, 51. : Padé (H.), 386, 445. Pagniez, 391, 817, 1036. Paillard (J.), 124. Paillot R. ), 50, 548, 587. Painlevé (B.), 49, 4445: Pakes (W.-C.-C.), 294, 390, 450. Paliatseas (Ph.-G.), 55 Pampaloni, 392. - Panas, 388, 549. Panichi, 152. Papadaks | (A.), 44 Papin (E.), 851. Paquier (V. ), 148, 492: Park (J.), 584. Parker (W.-H.), 859. Parmentier (F.), 588, 119, 723. Pasquier (du), 817. Pasteur, 821. Patterson (T.-S.), 151, 390. Paulesco, 680, 774. Pauli (W.), 1039. Pavillard (J.), 932. Pavlicek, 451. Pawlow (J.-P.), 1142. Pearce (K.), 445, 631, 122, 891, 937. Péchard (E.), 290. Pégot, 818. Pélabon (H.), = 386, 637. Pellat (H.), 105, 448, 548, 551, 590, 638, 1145, 1148. Pellegrin (J.), 197. Pellet (A.), 1145. Pelletier (Me M.), 936. Pérez (Ch.), 1147. Périer, 1036. Perkin (A EC: 551. Perkin (W.-H.), 592, 1150. Perkin junior (W.-H), 56, 294, 390. Perman (E.-P.), 390. Permilleux, 150. Pérot (A.), 581, 712. Perrier (E.), 390, 44. Perrier (Lieut. ), 4 AS? à 490. .)s Peugniez, 441. 497, 820, 1152. Perrier (R.), 444. Perrin (E.), 290, 98%. Perrin (Marius), 586, 812. Perrot (F.-L.), 496. Perrotin, 146, 936, 1086. - Petit (A.),-107. Petit (G.). 172. Petit (P.), 340. Petot (A.), 856, 936, 1086. Petrovitch (M, le 626 à 632. Pettit (A.), 291, 94 à 296, 517, 857. Peyrot, 196. Phillips (H.-A.), 107. Phisalix (C.), 49, 54, 62, 497, 681. Phragmen (E.), 631. Picard (Emile), 105, 445, 1086. Pickard (R.-H.), 390, 640. Pictet (A.), 446. Pidoux (J.), 1031. Piéchaud, 388. 4 Pigeon (L.), 382, 932.. Pivard, 196, 173. Pinois, 52. Pinoy; 149, 197. Piolet (le R. P.), 143. Pitres (A.), 638, 1036. Pizon (Ant.), que 1086. Plicque (A.-F.) Rand (d. 'RY 114 Pochettino, 392. Poincaré (A,), 49, 497. Poincaré (H.), 105, 146, 243, 994 à 400%, 1035, 1038, 1146. Poincaré (L.), 247, 118. Poiré (P.), 44 Poisson (G.), Polaillon, 51. Policard (A. c) 550, 681. Pollak (Ch.), 637, 125. Poncet (A), 114, 857, 985. Ponsot 49, 197, 386, 637, 619, 816, 984. Pope (F. cs DE 1092. Pope (W.-J.), Fe En 640. Popoff, 104. Porak, 149, 1147. Portes, 680. Portier, 50, 857. Posternak, 1037. Potain (P.-Ch.) Potter (C.), NA Pottevin (H.), 50, 343. Pouchet (G:), 891, 936. Pouget (J.), 382. Poujol (G.), 448. Poulain (A.), 681, 818. Poulenc (C.), 1083. Poupinel (G.), 61. Pouret, 106, 150. Pourquier (P.), 445. Pozerski, 149, 150. Pozzi-Escot (E.), # Prenant (A.), 241, Presas (J.), 549. Prey Jz: (G.), 820. Proust (A.), 388, 447, 1039. Pruvot (G.), 121, 983. Przibram (K.), 1039. Pugnat (A.), 441 Pujade (P.), 11 Purdie (P.), 50 4. 891. , 51; 105, 110, 148, 149. 15, 4%. 718, 1083. 49%, 635, 814, 1098. 1. il 00, Q Qaarenghi (T. de), 4175 à 180. Quennessen, 126. Queva (C.), 340. Quinton (R.), 195, 244 Rabaud (Et.), 24 Rabut, 637, 618. Raczkow ski LE Raffy (L.), \, 1035. 1035, 1145. TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS Raillet, 52, 291, 549, 1684. Rambaud, 105, 587, 856. Ramond (F.), 851. Ramsay (W.), 684, 1150. Ransome (A.), 860. Raoult, 445. Rappin, 724. Rataud (E.), 197. Rateau (A.), 381... Raulin (V.), 1035. Ravaut, 52, 681. Ravaz (L.), 387. Raveau, 198, 639. Raverot (E.), 1086. Rav CT) SL EE Ray (P.-C.), 552. Ray-Lankester (E.}, 1081. Raymond (F.), 174, 1088. Reclus (Paul), 388, 985, 1087. Recoura, 631. Regaud (Cl.), 196, 291, 448, 550, 681. Regelsperger, 254, 645, 821, 993. Régnier (L.-R.), 6179. Rehns (J.), 245, 389, 724. Reinders (G.), 152. Rémy, 447, 681. Renault (B.), 194, 445, 984. Renaut, 291. Rendu (H.), 123, 985. Rengade (E.), 104, 264. Répin, 385, 596, 1142. Retterer (E.), 817. Retzius ( s) 71039. Reverdin, 1037. Reynaud Ne 243. Reynolds (J. Emerson), 500. Rey-Pailhade (de), 52, 638. Rheins, 146. - Rhodes (Herbert), 682 Ribard (E.), 983. Ribaucourt (Ed. de), 196, 586. Ribaut (H.), 447, 549. Ribière, 195, 343. Ribot, 51. Ricco (A.), 195, 392. Richard ({A.), 1087. Richardière (H.), 61 Richardson (A.), 684. Richaud (A.), 142. Riche, 51. Richelot, 723. Richer (Paul), 62 Richet (Charles), 61, 104, 302 à 314, 548, 681, 124, 933. Ricome (H.), 51 Rieux, 1141. Ringer (W.-E.), 988. Riquier, 446. Rispal, 344. Rivet, LE Rivière (E.), 936. RO LA JS 387, 446. Robertson (W.), 592, 776. Rotoe (A.), de 196, 245, 343, 388, 588, 4 Rocques (X.), 383, 595, 699 à 342 718, 351 à 258, 769, 888. Rocquigny (Ge de), 719. Rodet (A. ), 196. Rodier (E.), 49. Rodriguez, 49. Roger (Ed.), 50. Roger (H. ), 817. Rolland ! (CN 244. Rollet (P.), 811. Romburgh (P: van}, 151. Romme (R.), 677, 890. Rona (P.), 1039. Rondeau-Luzeau (Muc), 44 Roos (L.), 244, 1086. Rosati, 152. Rose-Innes (J:)5:592: Rosensthiel, 446. Rosenthal (G.), 124, 1037. Rosin, 726. Rossard (F .), 243, Rosset (G.), 449, 550. 6, 549. 63, 193, 506 à 524, 1167 Rothé (E.), 6178. Rothschild (H. de), 677, 681. Rotschy (A.), 446. Rouchon (G.), 614. Rousseaux (E.), 245, 710. Roussel, 724. Roustan, 1147. Rouvière, 122, 772. Rouville (E. de), 341. Roux (E.), 446, 449, 1087. Roux (J.-Ch.), 724, 931. Rowland qe ), 548, 1092. Rubeus (H.), 1050. Rücker (A.-W.), 55. Ruhemann (S W. , 390, 128, 1092. Russell (B. “A. -W.), 850. Ryan (H:):1552- Rynberk (van), 392, 1152. S . Sabanejelf, 726. Sabatier {P.), 148, 289, 386, 5817, 591, 619, 816. Sabine (W.-C.), 106. Sabrazès, 52, 104, 344, 441, 550, 680, 681. Sacquépée (E.), 857. Sagnac (E.), 53, 498, 639, 125, 984. Saint-Hilaire (E.), 241. Saint-Martin (L. G. de), 389. Saint-Rémy, 105, 578 à 582. Saint-Yves Ménard, 290. Salmon (J.), 245. Salomon, 651. Sambuc, 100. Sand (H.-J.-S.), 49. Sande Bakhuyzen (E.-F. van de), 818. Sande Bakhuyzen (H.-G. van de), 294, 818, 819. Sanders (C.), 1151. Sanson (A.), 1084. Sarrasin (E.), 812. Sarrau (E.), 856. Sauvage (Ed.), 472 à 482, 1086. Saux (G.), 681, 124, 817. Sazirac (R.), 678. Scalfaro, 392. Schaër, 680, 1036. Schaffer (F.), 1040. Schalkwijk (J.-C.), 451, 199, 819. Schlagdenhauffen (F.), 1145. Schlesinger (i 105. Schmit{ (Ch.), #41. Schæsing (Th.), 549. Schæsing fils (1h.), 548. Schoorl (N.), 151, 1040. Schoute (P.-H.), 108, 132, 200, 296, 348, 392, 4 32, 820, 1040, 115 si, 41152. Schouten ÉTAT 392, 820. Schreinemakers (F.-A.-H.), 392. Schræder van der Kolk (J.-L.-C.), 452, 1040. Schryver (S. Schuh (F. Schulten h de), 679. Schupmann (L.), 1031. Scott (A.), 55, 130, 500. Scrini (E.), 549. Sébert, 445. Seegen (J.), 1039. Séguier (de), 496. Seligmann-Lui, 722. Sell (W.-J.), 684. Semenow (J.), 581, 113. Sencier (G.), 633. Senderens (J.-B.), 148, 816 -B.), 449. 289, 587, 59, Senier (Alf.), 107, 150. Sergent (E.), 938. Serpa Pinto, 111. Serret (J.-A.), 586. Servant, 381. Seurat (L.-G.), 985 Severi, 152. Severin (E.-C:), Sevestre, 937. Seyewetz (A.), 122. Siacci (F.), 548, 856. Sicard, 52, 448, 4992, 550, 638, 1147. Siedlecki (M.), 148, 197. Sigaud, 193. Silva Basto (A.-J. da), 673. Simionescü (CEE 680, S1S. Simmonds (C.), 302. Simon (L.-J.), 243, 244, 289, 937. Simond (P.-L.), 246, 550, Simonin (J.), 447. Sinéty (R: de), 1086. Sitter (W. de), 986. Skraup (Zd.-H.), 1040. Slatineano (A.), 937. Sleen (G. van der), 820, 988, Smits (A.), 200, 819, 958. Smolka (A.), 1040. Sodeau (W.-H.), 56, 684. Sommelet, 293. Soret (A.), 388. Soury (J.), 41. Sprankling (C.-H.-G.), 107. Stadt Kzn (E. van de), 820. Stanvievitch ( G.-M.), 816. Stassano (H.), 119, 289, 128; 815. Sieele (B.-D.), 151, 1038. Stefani (de), 392. Stein (J.-W. “JA. , 819, 1040. Stekloff (W. 857: Stéphan (P.), os. Sterba (J.), 713. S15. Stern (A.-L.), 640, Stevenson (T.), 500. , Stiles (Ch. Wardell), 149. Stokvis (B.-J.), 392, 1040, 1152. Strasburger, 104. Struever, 392. Suarez de Mendoza, 549. Suchar (P.-J.), 936, 984, Suchard (E.), 246, 389. Suchster (A.), 54. Sudboroug (J.-J.), Suess (E.), 1039. Sully (J.), 384. Sulzer (D.), 984. Surmont (H.), 549. Suzor (R.), 447. Sy, 105, 587, 856, 857. Syers (H. W.), 116. 449, 933, 386, 550, 679, 390, 451. qi Tacchini, 152, 392. Tailleur (P.), 549. Tannery (Paul), 330 à 338. Tarbouriech (J.), 122. Tarchanoff (J. de), 149, 447, 173. Tarible, 146, 148. Tedonue, 392. Téjer (L.), 49. Teodoresco (E -C.), 341. Termier (P.), 1086, 1087, 1146. Testenoire, 148. Théohari (A.), 246. Thévenin (A.), 856. Thiesen (M.), 1050. Thomas (A.), 447. Thomas (P.), 815. Thomas (V.), 50, 146, 38 1035. Thompson (S.-P.), 247, 721. Thomson (J.-J.), 100. Thorpe (T.-E.), 716. Thoulet (J.), 41 à 44, 51 Thorpe(J.-F.), 592. Threlfall (R.), 55, 389. Tichomirow, 680. Tiffeneau, 293. Tilden (W.-A.), 500. Tissier, 343, 387, 548. Tissot (C.), 386, 1145. Tissot (K.), 1147. Tissot (J.), 679, 772 Titherley (A.-W.), , 497, 618, 126, 19%, 290. , 1145, 1146, 1147. 34 29%. 9 * 1168 Tombeck (D.), 192. Tommasina (Th.), Tooth (H.), 933. Topsent ( E. ), 147. Touane (de la), 105. Touche, 680, 1036. Toulouse (E.), 1086. Tourneux (F.), 724, 817. Tourneux (J.-P.), 817. Tournouër (A.), 146. Tourtoulis-Bey, 290, Toxopens (A.), 107. Trabut, 146 à 34, 148, 233 à Traumüller (K.), 256. Trémolières (F.), 721. 19%, 290, 1146. Tribondeau, 52, 196, 246, 818, 986, 1088. Triboulet (L.), 63. Trillat, 147, 548, 678, 1086. Troisier, 723. Trouvé (G.), 50, 446, 1148. Tsvett (M.), 141. Tucker (S.-A.), 640. Tuffier, 52, 149, 549, Turchini, 445. Turpain (A.), 587. Tutton (A.-E.), 892. Tzitzeica (G.), 497, 856, 1145. Ubbels fe -G.). 1040. Ublig (V.), 1039. Urbain (E), 141. Urbain (G.), 147, 1087. Urbain (V.), 195. V Vaillant (G.), 816. Vaillant (L.), 817, 1086. Valckenier Suringar (J.), 152, 248. Valdiguié (A.), 448. Valeur (A.), 101, 347, 387. Vallée (H.), 196, 343. Vallery-Radot (R.), 635. Vallier (E.), 637, 113, 816. Vallin (E.), 51, 441, 985. Vallot (J.). 1145. Vaney (C.), 496, Y84. Van t Hotï (J.-H.), 237 PARIS. — L. MARETHEUX, IMPRIMEUR, 589, 638, 724, TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 235. 938. Vaquez (H.), vi 111. Varnier (H.) Vaschide (N lee3 à 233, 373 à 230, 589, 638, 723, 124, 815, 851, 936, 1086. 3 Vasseur, 244. Vaullegeard (A.). 854. Verbeck (R.-D.-M.), 1152. Vermorel (V.), 891. Verneuil (A.), 588. Vernière (A.), 674. Vialleton (L.), 1146. Vidal, 52, 236, 492. Vigier (P.), 387, 813. Vignon (L.), 936, 937, 984. Vignon (P.),50, 344, 386, 588, 722 Vigreux (Ch.), 583. Viguier (C.), 637, 172. Villard (P.), 100, 725. Villari (E.), 293. Villavecchia, 285. Ville (J.), 124. Villon (A.-M.), 101, 1032. Vincent (H.), 344, 389. Violle (J.), 679. Viré (A.), 143. Vitzou (A.-N.), 936. Vries (J. de), 451, 986. Vuillemin (P.), 588, 232 à 754,888, 933. Vurpas (CIl.), 290, 344, 343 à 380, 388, 123, 815, 857. W Waals (J.-D. van der), 296, 391, 451. Wagner (Ro 1031. Wahl (A.), 50, 243, 343, 496, 491. Waleswood, 52. Walker (J.), 247, 851, 891, 1039, 1092. Wallace (C.), 933. Waller (A.-D.), 497, 549, 940. Wallerant (F.), 49, 148, 674 à 672, 984. Walras (L.), 1082. Watson, 55, 241. Weil (E.), 124, 817. Weill (G.-A.), 724. Weingarten, 392. Weiss (E. )s 1040, Weiss (G.), 344, 388, 448, 496, 549, 226, 290, 550, 589, 681, 724, 724, 713, 852, 1036, 1067 à 4075, 1143 à 1127. Weiss (P.), 104, 105, 191, 446. Went (F.-A. F.-C.), 200. Wenzel (F.), 1040. Wertheimer (E.), 245, 444%, 589, 817, 857, 983, 985. Wettstein (R. von), 1040. White (S.-A. pa Fe Whiteley (C. E.) Widal (F.), 724, ire 937. Wiechert | E.) .), 168. Wiener, 52, Willot, 985. Wilson (C. T. R.), 858. Wilson (H. A.), 721. Wilson (L. P.). 150. Wind (C. He 348. Winkler (C),1159% Wintrebert (L. ), 381. Wlaeff, 197, 388, 680. Wolff (J.), 104. Woltf ( és K.), 819. Vote ), 498, 247, 293, 500. ee (E.), ) ie. Wyone (W: -P.), 592. Wyrouboff, 106, 499, 591, 1037. x XXX, 846 à 849. # Y Young (C.), 500. Young (S.). 592. Yvon, 291, 1087. YXYXY, 100. Z peeal (P.-A.), 589. Zaky (A.), 618, 681, 857, 891. en (D. js 1033. Zaremba RÉ ), 105, 679. Zeiller (R.), 445, 496. P (P. -) 1151. Zeuner GE ), 497. Zolla (D.), 144 net 120. Zwerger (R. 1, RUE CASSETTE GE EE TE DR ETES TES APTE ES EE peir y = , LES 7 2 5 : $ RTS _ ne : = Æ PERTE EEE 22, Te SE CÉRFLIS SL LL SLT TT ee ROIS LES £ 7 CÉÉTELE ZE 22 rte PACS L F2 d, pes PT