s 9- ■ / Surgeon GeneraPs Office tsecûcn , . mm '3. Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Boston Library Consortium Member Libraries http://www.archive.org/details/rpertoiregn56bres RÉPERTOIRE GENERAL D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, ET DE CLINIQUE CHIRURGICALE. IMPRIMERIE DE E. DUVERGER, RUE DE VERNEUIL, N° 4. wm GÉNÉRAL D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, ET DE CLINIQUE CHIRURGICALE OD RECUEIL DE MÉMOIRES ET DOBSERVATIONS SUR LA CHIRURGIE, ET SUR L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE DES TISSUS SAINS ET DES TISSUS MALADES. PAR UNE SOCIÉTÉ DE MÉDECINS ET DE CHIRURGIENS, ET RÉDIGÉ PAR M. G. RRESCHET. TOME CINQUIÈME. --^w . THE Pittstarg Academy of M'mm, BUU&H8 foi #/>*'/ - mide; un large érysipéle s'était développé à la nuque et au dos, dans la région des omoplates. Comme il y avait en même temps des signes d'un embarras gastrique, on prescrivit un vomitif. Ce moyen procura du soulagement; un léger purgatif huileux fut administré le 19 ; mais l'état saburral persista ; la malade, qui n'éprouvait aucune douleur, se plaignait seulement d'une grande faiblesse générale; elle négligea de se couvrir convenablement, et la température de l'atmosphère étant assez basse, l'éry- sipéle rentra le 20, par suite du refroidissement. On appliqua le 21 des vésicatoires aux mollets , mais sans succès; il y eut de la diarrhée , une soif vive, de la toux avec expectoration; le 22, même état, abattement général, céphalalgie; le 20, pâleur de la face, peau brûlante, pouls petit, fréquent, diarrhée, langue sale au centre, rouge-violacée aux bords et à la pointe, abattement général; le 2/1, pouls lent et irrégulier, abdomen souple, sans douleurs, selles involontaires, soif modérée, pu- pilles dilatées, délire, très grande faiblesse, la malade peut à peine proférer quel- ques paroles. Le 23, face livide , peau brûlante, pouls vif et régulier, respiration ac- célérée, stertoreuse , soif très vive ; la malade n'accuse aucune douleur ; le 26, mort, la malade ayant parfaite connaissance, mais ne pouvant plus parler. Autopsie. — Tête . — Arachnoïde opaque et blanchâtre sur les deux hémisphères cérébraux; substance du cerveau ferme et fortement piquetée de points rouges dans sa portion blanche; vaisseaux sanguins de la surface du cerveau fortement injectés ; point de sérosité ni d'injection extraordinaire dans les ventricules cérébraux. Thorax. — Adhérences nombreuses et récentes, entre le poumon et la plèvre cos- tale ; épanchement peu abondant de sérosité citrine dans la cavité thoracique gauche; 4 M. S. G. LUROÏH. -- MÉMOIRE poumons en très bon état, mais privés de sang; cœur flasque , contenant un peu de sang liquide et mêlé de petits caillots; point de sérosité dans le péricarde. Abdomen. — Un peu de sérosité citrine épanchée dans la cavité péritonéale; péri- toine sain dans toute son étendue, muqueuse de l'estomac injectée, et d'un rouge vif dans une portion considérable de la petite courbure; intestin grêle, sain ; mu- queuse du cœcum et du colon offrant, par sa teinte rouge foncée, les traces d'une phlogose intense, mais point d'ulcérations; foie volumineux, sain dans son tissu, ainsi que la rate ; ovaires engorgés , plus volumineux qu'à l'ordinaire et ramollis , l'utérus offrant le volume qu'il doit avoir à cette époque des couches , mais ramolli tellement qu'un léger effort pour le soulever avec la main suffit pour que les doigts traversent sa substance et pénètrent dans la cavité; la paroi antérieure surtout est le siège du ramollissement ; elle est amincie et comme atrophiée. La cavité de l'utérus renferme une matière visqueuse d'un rouge-brun, sans odeur putride ou autre; on peut racler avec un scalpel la substance de l'organe et l'enlever jusqu'au péritoine ; le col de l'utérus offre sa consistance presque normale: la couleur du tissu ramolli est un peu plus foncée qu'à l'ordinaire. On ne remarque aucune trace d'inflammation dans le voisinage de l'utérus. Dans deux cas de fièvre puerpérale que j'ai pu observer, j'ai également trouvé le ramollissement de l'utérus , surtout à la paroi antérieure ; une fois la portion ra- mollie était en même temps amincie ; il y avait d'ailleurs des traces non équivoques de phlogose du péritoine. Je trouverais facilement aussi des cas analogues rapportés par les auteurs qui ont écrit sur la fièvre puerpérale. Tels sont plusieurs de ceux que le docteur Lippich a joints à sa Dissertation *■ et quelques-uns de ceux que le pro- fesseur Naumann rapporte dans un Mémoire sur la fièvre puerpérale qui a régné à l'hôpital de la Charité de Berlin, en 18262. Dans le troisième degré du ramollissement la désorganisation va jusqu'à la liquéfac- tion, à la réduction de l'organe malade en une pulpe inorganique, en un véritable putrilage ; ordinairement l'altération qui parvient jusqu'à ce degré n'est que partielle; la vie ne résisterait pas assez long-temps pour que la totalité de l'organe fût envahie , à moins que le mal ne suive une marche très chronique ou bien qu'il soit consécu- tif à une induration squirreuse. J'ai observé un cas de cette nature où l'utérus était complètement dissous en un putrilage extrêmement infect, par suite d'une ulcération cancéreuse; mais je n'ai point à m'occuper ici de ce mode de ramollissement consécutif ou secondaire à une induration. (1) Obsenatademetritide septica, in-8°, Vindob, 1823. (2) Siebold, Journal fur Geburtshulfc, J827, 1" cahier. SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. 5 Très souvent le ramollissement n'est pas borné à l'utérus seul; et de même que le ramollissement de l'estomac s'accompagne quelquefois de celui de la rate , et celui du cœur de celui du foie , de même les ovaires et les trompes de Fallope sont sou- vent ramollis en même temps que l'utérus. La substance ramollie de ce dernierpeut être infiltrée de sérosité ou de pus , ou contenir de petits foyers purulens ; des traces de phlogose existent quelquefois autour des points ramollis, et un épanchement séreux plus ou moins abondant peut se reucontrer dans la cavité péritonéale. Il n'est pas, en général, de maladie qui ne puisse se compliquer avec le ramollissement de l'utérus. Le tissu ramolli conserve tantôt sa couleur naturelle, tantôt sa teinte est altérée , plus pâle ou plus foncée ; mais dans ces cas c'est toujours quelque chose de sale et de livide qui en fait le fond. L'odeur n'offre quelquefois rien de particulier ; comme on a pu le voir plus haut ; mais le plus souvent une très mauvaise odeur s'exhale de la cavité de l'utérus ramolli. Les parois ramollies de l'utérus peuvent être en même temps amincies et comme atrophiées. La même chose a lieu, comme l'on sait, dans le ramollissement de quel- ques autres organes , tels que les muscles, le cœur, l'estomac. On serait donc pres- que autorisé à qualifier à'atropkique ce mode de ramollissement. On trouve assez fréquemment aussi un épaississement des parois ramollies de l'utérus, qui offrent alors une texture spongieuse. Cet épaississement est un si«ne qu'un état inflammatoire a précédé ou accompagné le ramollissement. La véritable gangrène est aussi accompagnée d'une augmentation d'épaisseur des parois de l'u- térus. Les symptômes auxquels le ramollissement de l'utérus peut donner lieu sont très vagues et 1res peu connus , surtout ceux de la période d'invasion. Cette affection peut rester tout-à-fait latente, ou bien elle est compliquée d'une autre maladie quel- conque et masquée par cette dernière. Un sentiment de gêne, de pesanteur dans le petit bassin: une douleur sourde dans l'hypogastre, augmentant par lapression ; des hémorrhagies utérines, des anomalies dans le flux des lochies, si la malade est dans la période des couches; des exacerbations fébriles, peuvent s'y rapporter : on observe aussi un abattement considérable des forces morales et physiques, et les mères ont quelquefois le pressentiment d'une fin prochaine, quoique rien, en apparence, ne semble justifier une semblable idée. Si une disposition au ramollissement existe dans l'utérus pendant la durée de la grossesse, le travail de l'enfantement sera lent et lan- guissant; il y aura des contractions rares , faibles, anomales; les eaux de l'amnios seront troubles , fétides , corrompues ; l'enfant sera mal nourri ou déjà mort ; l'ar- rière-faix flasque , ramolli et approchant de la décomposition putride; il y aura faci- 6 M. G. S. LUROTH. — MÉMOIRE leinent des hémorrhagies avec atonie de l'utérus, et tous les autres accidens plus ou inoins graves qui peuvent survenir dans des cas semblables. Il n'y a pas de doute que la rupture de l'utérus ne soit souvent occasionnée ou du moins favorisée par un ramollissement avec ou sans amincissement de ses parois. Il ne serait pas difficile de trouver les preuves de cette assertion dans les nombreuses observations publiées sur la rupture de l'utérus , dans les ouvrages et les recueils périodiques consacrés à l'art des accouchemens. Voyez, par exemple , la Dissertation de J. Jacquerez ( De partu quodam naturali laborioso propter gangrœnam in utero prœexistentem et rupturam 3 in-l\° ; Argentor. , 1775); et de plus, le cas remarquable rapporté par le professeur Henné , de Kœnigsberg, dans Rust (Magazin fiir die gesammte Heilkunde, tom. XXIII , 2e cahier. ) Au l'esté, on observe des accidens analogues à la rupture de l'utérus dans plu- sieurs autres organes; par exemple le cœur, le foie, la rate, l'estomac, qui, une fois ramollis, se rompent par l'effet d'une légère violence mécanique. La marche du ramollissement est tantôt aiguë et tantôt chronique. Son dévelop- pement est souveut préparé de longue main, et à une période chronique, dans laquelle il n'y avait qu'une disposition morbide , succède une période aiguë, où la désorganisation fait de rapides progrès. C'est ce qui a surtout lieu dans le mode de ramollissement qui sera décrit plus bas sous le nom de putrescence de l'utérus. La durée du ramollissement varie infiniment suivant les cas. L'utérus peut être ramolli jusqu'à un certain point sans que la vie générale en souffre beaucoup , sur- tout si l'altération n'est que partielle ; la maladie peut alors se prolonger considé- rablement, tandis que d'autres fois, où sa marche est plus aiguë , elle n'aura qu'une durée de peu de jours. Je manque de renseignemens certains relativement à sa fréquence ; je crois seule- ment pouvoir établir qu'en général le ramollissement de l'utérus n'est pas une affec- tion rare. La cause prochaine de cette maladie n'est pas toujours la même. Je pense que le ramollissement est tantôt primitif et tantôt secondaire , consécutif aune autre affec- tion de l'utérus. Dans le premier cas, il tient à une anomalie de l'action nutritive dans l'organe malade; la vitalité de ce dernier est diminuée d'une manière directe , c'est- à-dire sans surexcitation ou irritation préalable. Lorsque les conditions en vertu desquelles la vie se soutient ont en partie ces^é , il en résulte un commencement de désorganisation qui constitue le ramollissement. L'état d'atrophie qui accompagne ordinairement ce mode d'altération et l'absence de tout signe d'irritation locale et de surexcitation générale, me semblent justifier pleinement les idées qui viennent d'être exposées. Je conviens cependant que les cas de cette espèce sont moins fréquens que ceux où le ramollissement n'est qu'un SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. g état consécutif , produit en tout ou en partie par un travail phlegmasique, aigu ou chronique. Vetter , dans ses Aphorismes sur l'anatomie pathologique 1 , a déjà fait remarquer que le propre de l'inflammation de l'utérus , ainsi que de celle du cerveau, est de faire passer l'organe malade au ramollissement. A une métrite aiguë on voit quelquefois succéder un état de ramollissement qu'on qualifierait difficilement de gangrène ; mais le plus souvent l'intensité et la durée de l'inflammation ne se montrent nulle- ment en raison directe de l'étendue et de la profondeur de l'altération consécutive , et dès lors il est permis d'admettre encore un autre élément dans la production de cette dernière. Cet élémentne résiderait-il pas dans la disposition septique ou putride des humeurs, notamment du sang? Les effets de cette disposition ne se manifestent nulle part plus tôt que dans les organes génitaux de la femme , dans l'état de gros- sesse ou dans la période puerpérale. Plusieurs observations que j'ai pu recueillir à l'hospice de la Maternité de Paris , et beaucoup d'autres qu'on trouve rapportées par les auteurs , me semblent venir à l'appui de cette opinion, qui fut aussi celle de beaucoup de médecins plus anciens ; mais la question très épineuse dont il s'agit m'entraînerait trop loin si je voulais l'examiner sous toutes ses faces ; j'avoue d'ail- leurs que je n'oserais y répondre d'une manière absolument affirmative, et je l'aban- donne, pour établir simplement pour l'utérus ce que d'autres ont déjà fait pour les organes dans lesquels le ramollissement a fait l'objet de recherches spéciales , savoir qu'il est des ramollissemens dans lesquels l'inflammation n'est pour rien, et qu'il en est d'autres dans lesquels elle existe comme cause principale ou auxiliaire , ou enfin comme phénomène concomitant, comme complication. Le ramollissement de l'utérus est-il susceptible de se terminer par résolution? Cette terminaison me paraît admissible lorsque l'altération n'est encore qu'à son pre- mier degré ; mais non lorsqu'elle est déjà plus avancée. H y a aussi des observations desquelles on peut conclure que les portions ramollies de l'utérus peuvent être éliminées par l'effet d'une suppuration , ou bien elles se détachent du vivant comme les tissus désorganisées dans le ramollissement scorbutique des gencives et des autres parties de la bouche ; mais le tissu de l'utérus , une fois détruit, ne se régénère plus comme dans les ramollissemens scorbutiques. Si les portions ramollies sont trop profondément situées pour être rejetées au dehors , ou si la totalité de l'organe est affectée, on ne peut guère s'attendre qu'à une issue funeste. Le pronostic est en général grave , mais plus ou moins, suivant le degré d'exten^ sion et d'intensité du mal. Il l'est d'autant plus, que le ramollissement de l'utérus est le plus ordinairement compliqué d'une altération analogue dans d'autres organes, (1) Aphorisme®, ùber die patltologisclie Anatornie; Vienne, i8o3. 8 M. S. G. LUROTH. - MÉMOIRE signe d'une disposition morbide ou cachexie générale. Aussi , dans îe plus grand nombre des cas , on le voit se terminer par la mort. Son étiologie est encore fort obscure. L'état de grossesse et la période des couches en sont les causes occasionnelles ; car le ramollissement ne s'observe guère dans l'état de vacuité de l'utérus. C'est en général à l'époque où il remplit ses principales fonctions que cet organe est le plus sujet à devenir malade. Le ramollissement peut se développer déjà durant la grossesse , comme on le voit dans un cas rapporté dans Rust, Magazin filr die gesammte Heilkunde 3 tome XVIII , page 54o , et dans la Dissertation de J acquérez, déjà citée plus haut; mais plus sou- vent il n'existe pendant cette période qu'une prédisposition, et l'altération ne se manifeste qu'après l'accouchement. Quant aux causes prédisposantes et excitantes , il faut ranger dans leur nombre un mauvais régime alimentaire, une atmosphère corrompue, des maladies organiques graves, notamment la phthisie pulmonaire, des cachexies générales qui se sont déve- loppées primitivement ou qui tiennent à désaffections locales ; les affections morales débilitantes , en général tout ce qui peut directement ou indirectement affaiblir l'ac- tion vitale, et spécialement celle de l'utérus. La prédisposition une fois produite, la grossesse et l'accouchement, des lésions mécaniques exercées sur l'utérus, tout ce qui peut provoquer une inflammation de cet organe, ou bien le jeter dans un collapsus subit , peut aussi amener le ramollissement. Il a déjà été question des causes prochaines de cette altération. De l'obscurité et du vague qui régnent sur les causes et les symptômes , il résulte déjà que le diagnostic ne peut être que très difficile. Dans le plus grand nombre des cas, le mal n'est reconnu qu'après la mort. Le défaut de tout signe pathognomo- nique rationnel ne laisse d'autre ressource au médecin, que l'exploration obstétricale, et celle-ci ne sera utile que lorsque la maladie aura son siège au col de l'utérus. Les symptômes énumérés plus haut pourront tout au plus faire soupçonner l'existence ou l'imminence du ramollissement. L'utérus n'offrira que peu de résis- tance à la pression exercée par la main sur l'hypogastre ; en explorant dans ces cas on trouvera le col de l'utérus mou , flasque , ouvert, frais au toucher ; si un état in- flammatoire a précédé le ramollissement , le vagin et le col utérin auront été pen- dant quelque temps le siège d'une chaleur acre et brûlante , avec rénitence et tuméfaction. Un bon spéculum uteri pourrait peut-être servir quelquefois à rendre le diagnostic plus certain , si le sentiment de la pudeur chez la femme n'empêchait la plupart du temps l'usage de ce moyen. Le diagnostic différentiel du ramollissement inflammatoire et atrophique s'établit sui- te présence de signes de phlogose dans lepremier cas, et sur leur absence dans le second. SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. 9 Pour distinguer sur le cadavre le ramollissement de la gangrène proprement dite , il faut avoir égard aux signes commémoratifs de la maladie : la gangrène est la suite d'une vive inflammation qui manque dans le ramollissement : la première est carac- térisée par une odeur spécifique ; le ramollissement atropbique peut exister sans odeur, ou bien celle-ci dépend d'une couche de matières putrides qui tapissent la surface interne de l'utérus : les tissus gangrenés offrent encore une certaine réni- tence qui n'existe pas dans le ramollissement; un cercle inflammatoire entoure ordinairement les portions gangrenées, et ce cercle manque le plus souvent dans le ramollissement. Dans la gangrène les parois de l'utérus sont plus épaisses, plus spongieuses ; le contraire alieu dans le ramollissement atrophique, où il n'y a aucune trace d'un travail inflammatoire. Le peu de connaissances que nous possédons sur le ramollissement de l'utérus, et surtout la difficulté de son diagnostic , doivent déjà faire penser que son traite- ment ne peut pas encore reposer sur des bases solides , c'est-à-dire sur l'expérience. Aussi je ne hasarderai point d'entrer à cet égard dans des spécialités. Les indica- tions rationnelles sont de combattre et d'écarter, autant que possible, les causes reconnues du mal, et ensuite de s'opposer aux progrès de ce dernier. Les moyens à employer doivent varier suivant sa différente nature. S'il y a un état inflammatoire, les antiphlogistiques directs, et surtout les révulsifs extérieurs, pourront être utiles; mais en ayant recours à ces moyens, le médecin doit toujours se rappeler que l'in- flammation qu'il veut combattre n'est point franche , et qu'elle a une grande ten- dance à produire promptement une profonde désorganisation dans la partie malade, pour peu que l'action de l'organisme soit assez affaiblie. Cette considération le ren- dra circonspect, surtout dans la prescription de la saignée. Lorsque le ramollissement a déjà succédé à l'inflammation, il est trop tard pour employer les moyens anti- phlogistiques ; il n'y a plus alors de moyensvraiment curatifs, et il faut que la nature se suffise à elle-même si la guérison doit être obtenue. Le traitement devient dès lors purement symptomatique; l'abattement général des forces commande l'emploi des stimulans et des toniques, la prescription d'un régime analeptique , et la désor- ganisation dans l'utérus, exigent l'administration de topiques convenables, parmi lesquels les injections stimulantes ou toniques occupent le premier rang. Puisque le mal une fois développé est à peu près sans remède, le médecin doit s'attacher à le reconnaître dans le principe , et prescrire un traitement prophylactique qui , s'il est bien dirigé , pourra prévenir les progrès ultérieurs de la maladie. Mais la plus grande difficulté qu'il trouvera sera toujours l'obscurité du diagnostic. Je vais joindre maintenant à cette esquisse du ramollissement de l'utérus, consi- déré en général, le tableau de l'affection que le professeur Boër et son école ont nommé putrescence de l'utérus, et que d'autres ont appelée aussi gangrène spontanée 5. o io M. S. G. LUROTH. — MEMOIRE de cet organe. Elle fut décrite pour la première fois par le professeur Boër , dans ses Mémoires et Observations concernant l'art des accouchemens1. Le nom de putrescence, introduit par Boër, ne soutiendrait peut-être pas l'é- preuve d'une critique rigoureuse ; mais il est si généralement employé, du moins par les médecins allemands, qui seuls, à peu près, ont eu égard aux observations de Boër, que je me trouve suffisamment autorisé à m'en servir à mon tour dans ce tra- vail. En effet, on rencontre très fréquemment le nom de putrescence de l'utérus dans les écrits et les observations des médecins et des accoucheurs allemands; mais on s'aperçoit facilement que les idées sur cette maladie ne sont encore rien moins que fixées , et que c'est souvent à tort qu'on a cru l'avoir observée. Cela tient sans doute à la description incomplète et peu précise que Boër en a donnée, tout en répétant à plusieurs reprises qu'il a été le premier à la faire con- naître. Depuis la publication de son ouvrage , la littérature médicale allemande a été enrichie de plusieurs mémoires et dissertations qui ont pour sujet la putrescence de l'utérus. On trouve aussi un assez grand nombre d'observations où les auteurs croient avoir aperçu les traces de cette affection. Les dissertations ex professo dont j'ai connaissance, sont : i° Celle du docteur Zimmermann2, dans laquelle on trouve rapportée une obser- vation de putrescence; 2° celle du docteur Locher3, dans laquelle on trouve deux observations que le professeur de Siebold rapporte aussi dans ses comptes rendus sur la clinique d'accouchemens de Berlin [Journal fur Geburtsludfe , 1819). Enfin une dissertation sur le même sujet a été présentée à l'Université de Jéna par le doc- teur Kaiser4, mais ce travail ne m'est pas autrement connu5. Le professeur Jœrg, de Leipzig, parle de la putrescence de l'utérus dans deux de ses ouvrages6: dans le premier il ne fait que répéter à peu près ce que Boër avait déjà dit; mais dans le second il développe davantage sa manière de voir. Les pro- fesseurs Schmitt, de Vienne , et Busch, de Marbourg, ont aussi tout récemment exposé leur opinion au sujet de la maladie qui nous occupe: le premier, dans une note imprimée dans le journal intitulé: Heidelberger klinische Annalen , tom. II, 1er cah. , 1826; et le second, dans un mémoire sur la fièvre puerpérale , inséré dans (1) Abhandlangenu.Erfalirungen geburtshùlfli- mais que je ne connais que par l'analyse suc- chen Inhalts ; Vienne, 179$, t. III. Édit. latine: cincte qui en est donnée dans un journal, est Naturalis medicinœ obstetricice librl septem; in-8", celle du docteur Gust. Fried. Schmidt:Z)e pu- Vienne, 1812. trescenlia uteri. Gœtting, 1825, in-8". (2) De puirescentia uteri; Lips., )8i5, in-4°. (6) Handbuch der Krintheiten des menschlichen (3) De putrescentia uteri, in-8% Berol., 1819. Weibes; Leipz., 1809, § 316-028. Schriften zur (4) Dissert, de sphacelo uteri gravidi, observa- BefœrderungderKenntnissdesJVeibesundKindes, tionibus illustr., in-4°, Jense, 1810. tom. II; Leipz., 1818. (5) Une quatrième dissertation inaugurale, SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. 1 1 un autre journal, intitulé : Gemeinsame deutsche Zeitschrift fur Geburtskunde , t. II, 1" cah. , 1827. A ces citations il faut encore joindre celles des ouvrages de Schniidt- miïller1, Wenzel2 ; des Manuels d'anatomie pathologique de Caspari, Voigtel, Otto, etc., et de plusieurs des ouvrages généraux sur les maladies des femmes, qui ont paru en Allemagne dans ces derniers temps. C'est après avoir consulté la plupart de ces différens travaux, que je vais essayer de donner une idée de la putrescence de l'utérus. Suivant Boër, celle-ci est une maladie particulière à l'utérus dans l'état de gros- sesse et dans la période des couches. Son siège primitif est le col de l'utérus , du- quel elle se propage aux parties plus profondes par le moyen de la membrane ca- duque. Après le col , elle attaque de préférence la surface interne de l'utérus , quelle intéresse jusqu'à la profondeur de quelques lignes. On trouve l'utérus plus volumi- neux qu'il ne devait l'être , vu l'époque des couches ; ses parois sont épaissies, d'une structure spongieuse. Leur surface externe est tantôt d'un blanc sale uniforme , tantôt parsemée de taches livides, plombées, ou d'arborisations vasculaires, de taches rou- ges, signes d'une phlogose de la portion du péritoine qui tapisse le fond de l'utérus. Le tissu de cet organe est ramolli , friable entre les doigts , quelquefois de l'appa- rence d'un fruit pourri, d'une teinte tantôt pâle, tantôt foncée, livide, noirâtre- La surface interne, plus ramollie encore que tout le reste et quelquefois ulcérée, est recouverte d'une couche de matières visqueuses , altérées , putrides , noires , brunâtres ou grisâtres , exhalant une odeur très infecte : on enlève facilement cette couche en grattant avec le scalpel. Elle provient, comme on sait, des restes de l 'arrière-faix, mêlés au produit de la sécrétion lochiale et passant ainsi à la décom- position putride. Quelques observateurs, sans doute peu exercés à l'ouverture des cadavres , ont pris cette couche de matières pour un signe de putrescence , quoique l'utérus fût sain dans son tissu : il est clair que ceux-ci n'avaient pas une idée juste de la maladie. En général, le tissu de l'utérus se trouve altéré jusqu'à 2,5, l\ et 6 lignes de pro- fondeur ; à l'endroit de l'insertion du placenta l'altération est ordinairement plus profonde que sur le reste de la surface interne. Boër a quelquefois trouvé à cet endroit des flocons condensés du placenta, tellement adhérens à la paroi utérine, qu'on ne pouvait les en détacher sans déchirement. Mais c'est le col de l'utérus qui est toujours le plus profondément affecté ; on trouve quelquefois les lèvres de l'orifice externe détruites en entier ; le vagin cependant reste le plus souvent sans altération, tandis que les ovaires et les trompes utérines sont fréquemment le siège d'une désor- (1) Handbucli der mcdizinischen Geburishidfe; (2) DieKrankheitendesUterus,in-fo\.; Mayen- Francfort-sur-le-Mein, 180g. ce, 1816, pag. 44- sa M. S. G. LUROTH. — MÉMOIRE ganisation analogue à celle de l'utérus ou d'une autre altération quelconque. Le péri- toine est quelquefois phlogosé , et contient un épanchement séreux entremêlé de flocons fibrineux. Diverses autres altérations peuvent aussi se présenter en même temps dans les viscères de l'abdomen et du thorax. Les symptômes auxquels la putrescence de l'utérus peut donner lieu sont , comme ceux du ramollissement , vagues et peu significatifs. Il ne sera cependant pas superflu de les énumérer tels que les auteurs les indiquent. Un collapsus général des forces physiques et morales , qui va en croissant avec les progrès de la grossesse , est souvent celui qu'on remarque avant tous les autres. Les traits de la face s'altèrent peu à peu, et expriment souvent une grande résignation; la peau pâlit et devient jaunâtre ; une cachexie générale semble se développer. Le fœtus meurt quelquefois avant terme ; et, suivantBoër, la putrescence peut devenir une cause d'avortement. L'accouchement offre les anomalies déjà signalées pour le ramollissement en général. Après l'enfantement, les mères se portent, en apparence , assez bien pendant quelque temps; mais une fièvre continue, rémittente ne tarde pas à se déclarer : les exacerba- tions de cette fièvre se manifestent à des intervalles indéterminés , par une chaleur suivie de sueurs qui ne soulagent pas et finissent par devenir froides et gluantes. H y a souvent des vomissemens verdâtres et d'autres signes d'un état gastrique saburral , des selles nombreuses, jaunes, brunâtres, très fétides, quelquefois avec des flocons blancs et tenaces. Chez deux malades qu'observa Boër, il y eut de la constipation , malgré les lavemens et les autres moyens laxatifs qu'on mit en usage. La sécrétion du lait n'est ordinairement troublée que vers la fin de la maladie. Boër a vu les mamelles rester turgescentes jusqu'au dernier soupir, et contenir, même après la mort, plus de lait que pendant la vie. Les lochies ne sont pas toujours autant altérées qu'on devrait le supposer, vu la gravité du mal ; le plus souvent elles sont diminuées dans leur quantité ; mais on les a aussi vu remplacées par un écoulement ichoreux, fétide, acre jusqu'au point de corroder les métaux et de teindre en un jaune brunâtre , presque indélébile , le doigt explorateur. Dans ces circonstances il y avait assez souvent, aux extrémités supé- rieures et inférieures, des taches rouges pourprées, qui disparaissaient et reparais- saient alternativement. On voit aussi parfois des éruptions miliaires qui paraissent le matin et deviennent cristallines le soir. Ces phénomènes caractérisent alors l'une des formes les plus graves de la fièvre puerpérale, dont l'affection de l'utérus fait sou- vent le fond. La région hypogastrique est le siège d'une douleur sourde, obtuse, profonde, qui est augmentée par la pression, mais qui peut aussi manquer tout-à-fait. En explo- rant l'abdomen , on remarque que l'utérus est très volumineux, relativement à l'épo- que des couches, mais moins rénitent sous la main qui le presse. Au toucher par SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. ,3 le vagin on trouve le col utérin non douloureux, flasque, mou, frais, et, suivant l'expression très caractéristique de Boër, comme le bout du museau d'un chien. Souvent une chaleur acre et brûlante, mais passagère , un état d'éréthisme, a pré- existé. La putrescence de l'utérus peut s'accompagner de tout le cortège des symp- tômes d'une fièvre maligne ou putride; mais elle reste quelquefois aussi tout-à-fait latente ; et la malade succombe promptemenl dans un accès de convulsions, ce que Boër dit avoir vu plus d'une fois. On observe en général que les malades parlent peu et lentement. Avec le progrès du mal la parole se perd, la respiration s'embarrasse , l'écoulement des urines et les déjections alvines deviennent involontaires, et la scène se termine par la mort. Ce sont là de ces fièvres adynamiques qui, sans être essentielles, sont encore moins des gastro-entérites ! La putrescence ne prend pas toujours la marche qui vient d'être indiquée. Boër a vu des femmes vaquer à leurs affaires pendant toute la durée de leur grossesse , n'éprouver rien d'inquiétant pendant toute cette période , accoucher naturellement et sans difficulté, et succomber dans les premiers jours des couches, après avoir été affectées subitement d'une grande faiblesse et d'une fièvre sans symptômes locaux qui eussent pu avertir de l'imminence du danger; l'abdomen restait mol et indolent, le pouls naturel , la langue nette et la tête libre : à l'autopsie on trouvait la putres- cence de l'utérus. La durée de celle-ci est, dans quelques cas, très courte, et Boër l'a vue se terminer par la mort en peu d'heures , même après un enfantement normal : Je plus souvent «lie tue du deuxième au cinquième jour des couches. Lorsque sa marche est moins aiguë, elle peut se prolonger jusqu'au vingtième jour, et peut-être au-delà; mais la plupart des malades périssent avant le onzième jour. La putrescence de l'utérus est une affection plus rare qu'on ne devrait le croire en considérant les observations assez nombreuses dans lesquelles les auteurs ont cru l'avoir observée. Quoique peu commune en général , cette maladie est cependant plus fréquente dans les grandes maisons d'accouchemens que dans les maisons pri- vées et dans les hospices organisés sur une plus petite échelle. On la rencontre sur- tout dans ces épidémies si meurtrières de fièvres puerpérales qui exercent trop fré- quemment leurs ravages dans les maisons de la première espèce. Celle de Vienne semble surtout en être le théâtre de prédilection. D'après Boër, la putrescence est plus fréquente en automne et en hiver que dans les autres saisons. La nature de cette affection est encore un sujet de controverse entre les médecins- accoucheurs. Ce n'est autre chose qu'une gangrène inflammatoire, suivant les uns; ■c'est une mortification spontanée du tissu de l'utérus suivant les autres. L'une et l'autre de ces opinions me paraissent erronées à force d'être trop exclusives. Suivant Boër, 14 M. S. G. LUROTH. — MÉMOIRE il n'y a rien d'inflammatoire dans la putrescence de l'utérus ; quand même une légère phlogose existe au commencement, elle est très fugace et d'un mauvais caractère, et la malade, non plus que le médecin, ne s'aperçoivent guère de son existence. Sui- vant le même auteur , la putrescence est comparable au sphacèle des scorbutiques et à la gangrène produite par le décubitus dans les fièvres graves , et en général à la mortification produite par des agens septiques; car dans tous ces cas les parties se désorganisent plutôt par l'effet d'une influence extérieure ou d'une cause interne la- tente , que par suite d'une phlogose franche et intense, à laquelle succéderait une véritable gangrène inflammatoire. Suivant le professeur Jœrg , la putrescence n'est jamais la suite d'une inflammation de l'utérus, même lorsqu'elle se développe après un accouchement difficile , pendant lequel l'utérus a éprouvé de graves lésions mécaniques. Cette manière de voir n'a pas trouvé et ne trouvera jamais beaucoup de défenseurs. Zimmermann , Wenzel , Schmitt et beaucoup d'autres sont d'accord avec Boër et 3œra sur le point que la putrescence de l'utérus est ou peut être une affection non inflammatoire. Le docteur I'feufer, de Bamberg , et quelques autres, n'y voient qu'une °-an°rène qui succède à une inflammation de l'utérus. Sans vouloir trancher la question d'une manière absolue , je pense qu'une inflammation précède ou accom- pagne le plus souvent la putrescence de l'utérus; mais je doute qu'elle en soit tou- jours la cause. Très fréquemment l'intensité de la phlogose n'est nullement en rap- port avec l'étendue et la profondeur de l'altération organique. Celle-ci paraît alors être le produit d'une ou de plusieurs causes différentes, avec lesquelles l'inflamma- tion peut se compliquer pour hâter ainsi le développement et les progrès de la ma- ladie. • Wenzel , dans son ouvrage déjà cité , a établi trois espèces de désorganisation gan- greneuse de l'utérus , savoir : i° celle qui est le résultat d'une inflammation manifeste et violente, inflammation que le même auteur regarde d'ailleurs comme fort rare ; 2° celle qui succède à une inflammation moins vive ou latente ; 3° celle qui survient sans inflammation , et qu'on peut assimiler à la putrescence de l'utérus de Boër. La cause prochaine de cette affection réside , suivant lui , dans un collapsus des vais- seaux de l'utérus : cette hypothèse a aussi été admise (/. c. ) par le professeur Busch, suivant lequel la putrescence n'est d'ailleurs qu'une issue ou une forme de la fièvre puerpérale, modifiée sous le rapport du siège , de la marche et de la terminaison. L'opinion de Boër , que la putrescence de l'utérus dépend de la décomposition de la membrane caduque, a déjà été réfutée par Jœrg, Wenzel, etc. ; elle est à peu près généralement abandonnée. Le professeur Schmitt regarde comme cause prochaine de la putrescence la cessation des conditions desquelles dépend la vie partielle de l'utérus. Cette cessation a lieu le SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. i5 plus souvent à l'aide d'une inflammation qu'on pourra nommer veineuse, asthénique, septique, etc. ; mais cette inflammation pourra aussi manquer, et l'utérus n'en ap- prochera pas moins, comme dans le premier cas, de la décomposition putride. La putréfaction ne s'y manifeste pas complètement , tant que la vie générale subsiste encore ; l'altération ne va que jusqu'au ramollissement , et voilà pourquoi je crois pouvoir considérer la putrescence comme un mode de ramollissement de l'utérus. Je l'assimilerai volontiers , comme l'a fait le docteur Klaatsch1, à la désorganisa- tion des parties de la bouche , qu'on trouve décrite dans les auteurs sous le nom de cancer aquosus ou de noma , et qu'on regarde souvent , mais à tort , comme une af- fection scorbutique. Fothergill et Borsieri ont aussi décrit une angine gangreneuse maligne , dans laquelle les parties malades se ramollissent d'une manière analogue à celle qu'il faut admettre dans la putrescence de l'utérus. On pourrait encore citer comme des affections analogues, le ramollissement gélatineux de l'estomac (gastro- malacie ) des enfans et la pourriture d'hôpital. Le pronostic de cette maladie ne saurait être que très grave, d'autant plus qu'elle ne se manifeste que par des signes très obscurs et que sa marche est imminemment insidieuse. Les complications de la putrescence et tout ce qui est fâcheux dans d'au- tres maladies , rend aussi dans celle-ci le pronostic plus grave qu'il ne l'est déjà. Les causes prédisposantes de la putrescence ont déjà été en grande partie indiquées à l'article du ramollissement. Les affections morales dépressives, et surtout de lon°-s chagrins, sont au premier rang parmi ces causes. Les auteurs y ajoutent de plus: des accouchemens antérieurs difficiles , des métrorrhagies , la distension excessive de l'utérus , soit par une trop grande quantité de liquide amniotique , soit par la présence des jumeaux , soit par le trop grand volume d'un seul fœtus ; une maJndie grave d'un autre organe , telle que la phthisie pulmonaire , etc. Les causes occasion- nelles sont toujours la grossesse et l'accouchement. On n'est pas d'accord sur le point de savoir si la putrescence peut se développer pendant la durée de la grossesse; cependant Boër, et avec lui la plupart des auteurs se sont prononcé pour l'affirmative, et leur opinion est appuyée d'observations qui ne laissent plus de doute à cet égard. Seulement la putrescence ne parviendra pas à un haut degré d'intensité tant que le fœtus sera vivant; car on concevrait difficilement comment il continuerait à végéter dans un utérus presque désorganisé, et comment cet utérus parviendrait à se contracter pendant le travail de l'enfante- ment. La mère succombe ordinairement avant le terme de la grossesse , si l'altéra- tion fait de grands progrès. Cependant l'utérus peut déjà être altéré jusqu'à un cer- tain point dans son segment inférieur, tandis que le fond, où le placenta se trouve ,(i) Hufeland's Journal der praktiscken Heilkumte, 182.5, 1" et a' cah. t6 M. S. G. LUROTH. — MÉMOIRE ordinairement implanté, est encore sain , et alors le fœtus peut vivre et se déve^- lopper, quoique l'utérus qui le contient soit en partie malade. La cause déterminante de la putrescence de l'utérus est-elle un principe conta- gieux d'une nature spéciale, comme le pense le professeur Schmitt, de Vienne? Avant d'admettre cette opinion , il faudrait avoir la preuve qu'il existe un principe contagieux pour la fièvre puerpérale ; mais l'existence de ce dernier étant déjà plus qu'hypothétique , celui qu'on voudrait assigner à la putrescence l'est à bien plus forte raison encore. Le diagnostic de la putrescence sur la femme vivante est si difficile et si obscur , que Boër avoue ne connaître pour elle aucun signe pathognomonique , si ce n'est celui de n'en pas offrir à l'observateur. Aucun des symptômes énumérés plus haut n'est constant ; le meilleur moyen pour reconnaître le mal , est encore une explora- tion exacte du bas-ventre, et surtout le toucher par le vagin. L'état dans lequel ces parties se trouvent a déjà été indiqué plus haut ; mais trop souvent, malgré tous les soins, le médecin ne verra son diagnostic s'éclaircir qu'après la mort de la femme. Quant aux rapports de la putrescence avec le ramollissement, il me semble qu'elle rentre fort bien dans ce dernier ; elle en offre les différens degrés , une marche ana- logue, des causes et des effets qui sont à peu près les mêmes; mais j'ai cru qu'il était convenable de parler séparément de la putrescence, parce que cette affection a été observée et décrite par beaucoup de médecins comme une maladie particulière de l'utérus. La thérapeutique de cette affection ne saurait guère être plus avancée que son his- toire nosologique. Suivant Boër, on ne peut la guérir qu'en remédiant au mal pri- mitif, ce qui est très difficile, et le plus souvent même impossible. Les moyens généraux ou internes n'ont jamais eu de succès entre les mains de cet accoucheur. Une légère rémission des symptômes était le seul effet qu'on en obtenait dans les cas les plus favorables. Boër les abandonna et ne se servit plus que de moyens topiques, qu'il portait dans la cavité de l'utérus. Parmi ces topiques il vante, comme le plus avantageux , un liniment ou un onguent suppuratif, dont il a néanmoins négligé de faire connaître la composition. Des plumasseaux de charpie , enduits de cet onguent, étaient introduits dans la cavité utérine par le moyen d'un porte-plumasseau de son invention. Boër cite plusieurs femmes gravement affectées qu'il dit avoir guéries par ce traitement , tandis que toutes les autres sont mortes. L'application du Uniment était suivie , après vingt-quatre ou quarante-huit heures , de la séparation et de l'éli- mination des portions désorganisées de l'utérus , qui s'en allaient en flocons plus ou moins considérables. Il faut seulement regretter que Boër n'ait pas fait connaître son moyen, que d'autres ont voulu imiter, mais sans succès, et qu'il a fini par SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTERUS. i7 abandonner lui-même. On a recommandé aussi des injections stimulantes amères astringentes et antiseptiques, quoique Boër ne leur accorde pas une grande con- fiance. L'acide pyroligneux que Jaeger , Klaatsch et d'autres ont employé avec succès contre les affections que j'ai citées plus haut comme offrant de l'analogie avec la putrescence de l'utérus, pourrait peut-être aussi servir contre celle-ci : on pourrait également essayer des injections aiguisées avec une solution d'un des chlorures dés- infectans , dont l'utilité est reconnue dans les ulcères de mauvaise nature et dans les affections qui offrent un caractère de putridité. Il est naturel que les injections soient pratiquées suivant les règles , et que le liquide injecté reste suffisamment en contact avec la partie malade, pour qu'il puisse produire un effet favorable. La quantité de liquide à injecter doit varier suivant la capacité de l'utérus. Aux injec- tions on peut j-oindre des frictions et des fomentations aromatiques , sèches et hu- mides sur l'abdomen. Les moyens internes, rejetés par Boër, sont néanmoins recommandés par le professeur Jœrg , qui croit en avoir observé des effets favorables: il faut choisir de préférence ceux qui exercent une action plus directe sur l'utérus , tels que le castoréum , la sabine, la cannelle , les huiles empyreumatiques , le cam- phre , la valériane avec le quinquina, la cascarille, le calamusaromaticus. Un régime restaurant, des alimens légers, des boissons vineuses, acidulés et édulcorées, la limonade sulfurique, phosphorique , une atmosphère non corrompue, et l'éloigne- ment de tout ce qui peut provoquer une affection morale, triste et affligeante, telles sont les règles à suivre que prescrit l'hygiène. Lorsqu'il existe un état inflammatoire, il convient naturellement de le combattre : une émission sanguine, locale ou générale, peut quelquefois calmer les accidens; mais il ne faut pas perdre de vue qu'elle n'aura jamais qu'un effet palliatif, et en général l'expérience prouve qu'il ne faut employer ce moyen qu'avec beaucoup de précaution. Les révulsifs rubéfians et vésicans sont mieux indiqués , et peuvent pro- duire de forts bons effets si on les emploie à temps. Les purgatifs ne sont pas indi- qués, et Boër fait avec raison la remarque qu'ils affaiblissent trop les malades. Une bonne méthode thérapeutique reste encore à établir pour la maladie dont nous nous occupons. Je n'oserais entreprendre cette tâche, qui ne peut être que celle d'un praticien consommé. RÉSUMÉ. i* Par ramollissement on entend, en anatomie pathologique, la diminution de la cohésion des tissus organiques. 2° Cette altération a été observée , à peu d'exceptions près , dans tous les organes et dans tous les tissus. 5. 3 ,8 M. S. G. LUROTH.— MEMOIRE 5° Le ramollissement de l'utérus n'a guère lieu que dans l'état de grossesse et dans la période puerpérale. 4° On peut en distinguer trois principaux degrés : le premier, où l'organe est seu- lement très flasque, relâché , mou et souvent aussi infiltré de sérosité , mais sans que sa structure soit notablement altérée ; le second , où l'utérus est très friable et sa structure altérée au point que son tissu n'offre plus que de faibles traces d'organisa- tion ; et le troisième, où il y a liquéfaction , réduction en une pulpe inorganique. 5° Lorsque les parois ramollies de l'utérus sont en même temps amincies, le ra- mollissement peut recevoir le nom d'atrophique. 6° Les symptômes auxquels le ramollissement peut donner lieu sont vagues et in- certains : il faut de nouvelles observations pour les mieux apprécier. 7° Le ramollissement de l'utérus , et déjà la disposition à cette altération , peuvent devenir causes d'un enfantement difficile ou anormal. 8° La rupture de l'utérus peut, être favorisée par un état de ramollissement, sur- tout lorsque les parois sont en même temps amincies et atrophiées. 9° Dans la plupart des cas, le ramollissement est produit ou favorisé par une in- flammation de l'utérus ; il est plus rarement une altération primitive dépendant de la diminution de la vitalité et d'une anomalie dans l'action nutritive de l'organe malade. 10° La phlegmasie qui précède le ramollissement n'est point franche ; elle entraîne une tendance à une prompte désorganisation : elle est de la nature de celles que les auteurs ont nommées asthéniques, veineuses, putrides ou septiques. î i° Le ramollissement est une altération distincte de la gangrène; il se rapproche de celle-ci lorsqu'il succède à une phlegmasie ; mais il en diffère totalement lorsqu'il est atrophique. 1 2° La putrescence peut être regardée comme un mode de ramollissement de l'utérus. i5° Elle a pour siège principal et primitif le col de l'utérus, d'où elle s'étend à la surface interne jusqu'à une certaine profondeur. i4° La couche de matières altérées et putrides qu'on trouve dans la cavité utérine ne suffit pas pour constituer la putrescence, si le tissu de l'utérus est resté sans alté- ration. 1 5° Les symptômes de la putrescence sont si vagues , et sa marche peut être si insi- dieuse, qu'elle trompe le praticien même le plus exercé. i6° Une phlegmasie de la nature de celles déjà désignées (io°), est le plus souvent la cause principale ou auxiliaire de la putrescence ; mais celle-ci peut aussi se déve- lopper sans signes préalables d'inflammation. .17° La putrescence n'est jamais plus fréquente que dans les fièvres puerpérales SUR LE RAMOLLISSEMENT DE L'UTÉRUS. 19 graves et épidémiques, dont elle constitue alors une des issues les plus dangereuses. i8°La terminaison par résolution est rare dans la putrescence, comme dans le ramollissement en général. On a quelquefois observé celle par suppuration , suivie de l'élimination des portions désorganisées. 190 Les causes du ramollissement, ainsi que de la putrescence, sont encore ob- scures. C'est une pure hypothèse que d'admettre pour la putrescence un principe contagieux particulier. 2 0° Le diagnostic de ces affections est fort difficile; l'examen du bas-ventre et l'ex- ploration par le vagin, joints à la considération des symptômes , peuvent cependant donner quelques lumières. 21° Le pronostic est toujours grave , et l'issue le plus souvent mortelle. 2 2° La thérapeutique n'a guère de moyens curatifs à opposer au ramollissement et à la putrescence , si on s'en rapporte aux résultats des expériences faites jusqu'à ce jour. Si le diagnostic offrait moins de difficultés , il faudrait conseiller de préférence un bon traitement prophylactique. ESSAI SUR LA GENERATION, PEÉCÉDÉ DE CONSIDÉRATIONS PHYSIOLOGIQUES SUR LA VIE ET SUR L'ORGANISATION DES ANIMAUX: PAR M. G. GIROU1, DE BUZAREINGUES. CORRESPONDAIT DE l'aCADEMIE ROYALE DES SCIENCES, DU CONSEIL ROYAL ET DE LA SOCIETE ROYALE ET CENTRALE D'AGRICULTURE , etc. Si lus petits, lors- qu'ils n'ont pas été pondus à une même époque , à cause de l'évaporation de la partie humide. On doit donc les mesurer , et la plus exacte des mesures est celle qu'on ob- tient par le déplacement de l'eau dont, pour plus de commodité, le poids peut re- présenter le volume du corps qui l'a déplacée. Cependant, en 1826, j'ai pesé les œufs mêmes, après avoir séparé, à vue d'œil, les plus gros des plus petits, et les poids obtenus ont confirmé mes jugemens sur les rapports de volume. En 1827, j'ai procédé de la manière suivante : après avoir formé les couvées par approximation , en réunissant ensemble les œufs qui me paraissaient les plus gros, et ensuite les plus petits , j'ai plongé à la fois tous les œufs d'une même couvée dans un vase vide. L'eau qui par le fait de cette immersion a passé dans le second vase a été pesée exactement , et son poids a représenté le volume total de la couvée. En divisant ce poids par le nombre des œufs, j'ai obtenu une représentation moyenne du volume de chaque œuf. Afin d'éviter toute confusion, j'ai fait à l'encre des mar- ques spéciales sur toutes les couvées. J'ai marqué les poulets au moment de l'éclo- sion , en leur coupant un des ongles de l'une ou de l'autre patte , cette manière de les différencier est très simple ; mais il faut avoir soin de rafraîchir la marque tous les quinze jours; car l'ongle coupé repousse et finit par n'être plus différent des autres. C'est pour avoir négligé cette précaution sur les petits de certaines couvées que j'avais réunis sous la conduite d'une même poule, qu'il m'a été impossible de les reconnaître, et que j'ai été privé du résultat d'une partie de mes peines. J'ai ouvert l'abdomen des poulets qui ont péri; afin d'en reconnaître le sexe, lorsqu'ils n'en avaient encore donné aucune marque extérieure, j'ai tenu de tout des notes très exactes dont voici le résumé. SUR LA GÉNÉRATION. 53 EXPÉRIENCES DE 1826. Domaine de la Goudalie. 3o OEufs de poule, de forme sphérique et du poids moyen de 54 grammes, 33, ont donné i5m i5f 60 OEufs idem, de forme allongée et du même poids que les précé- dens , ont donné 3o. ..... 3o 8 OEufs de forme sphérique, et du poids de 47 grammes, 56, ont donné n 1 Domaine de Buzareingues. 60 OEufs de dinde, du poids moyen de 69 grammes, 5oprovenant de femelles âgées d'un an, et petites, ont donné Ao 20 OEUFS DE POULE. DATES COUVAISONS. 6 Juin 21 Mai. i4 Mai. 28 Mars. 6 Juin. 21 Mai. 6 Juin. 14 Mai. 6 Juin. NOMBRE DES PRODUITS l6 22 l6 I." 6 20 5 *7 POIDS MOYEN de l'eau déplacée par chaque œuf. 40 s-, 76 41 , i5 43 44 45 46 46 47 53 , 68 , 64 , 44 , 52 , 88 , 04 NOMBRE r*-"u«r» .: ~ MALES. FEMELLES. 9 7 "4 8 9 7 6 7 5 1 10 10 1 4 8 9 4 6 OBSERVATIONS. Eclos le 1 1 juin avant midi. Eclos le 4 juin. Eclos le 11 juin après midi. Eclos le 5 juin. Domaine de henné. i3 Mai. 22 Avril. 49 » 5o, 93 Les poules de ce domaine sont plusfortes que celles de Buzareinffues. Dans ce dernier domaine une troisième couvée , dont les œufs étaient, à vue d'œil, plus gros que ceux de la première, et plus petits que ceux de la seconde, a donné 6 mâles et 3 femelles; et une quatrième couvée, dont les œufs provenaient d'une 54 M. C GIROU. — ESSAI jeune poule huppée , choyée par la maîtresse de la maison , et par conséquent bien nourrie , a donné 5 mâles et 7 femelles. Le total de ces diverses naissances s'élève à 1 83 mâles et i52 femelles. Si de nouvelles et de nombreuses expériences confirment ces résultats , comme le volume des œufs est en rapport avec celui des oiseaux, il deviendra constant : 1 ■ que dans une même basse-cour , et sous une même race de volaille , les plus fortes fe- melles procréent un plus grand nombre relatif de femelles que les plus petites ; 2° qu'il n'y a pas de rapport certain entre le sexe du poulet et la forme de l'œuf; 3° que l'éclosion des œufs les plus petits est plus hâtive que celle des œufs les plus gros; 4° (lae chez les gallinacées la prédominance du sexe masculin est plus grande que chez les mammifères. Les poules vieilles font des œufs gros ; et si les oiseaux obéissent aux mêmes lois de reproduction que les mammifères, ces œufs doivent donner autant de mâles que les plus petits; or on remarquera que la prédominance des mâles fournis par les œufs petits est plus grande que celle des femelles fournies par les œufs gros. On a pu re- marquer encore , que les très jeunes femelles qui n'ont pas acquis un développe- ment précoce , donnent un grand nombre relatif de mâles. Il est donc probable que les mêmes lois de reproduction sont communes aux mammifères et aux oiseaux. L'expérience comparative des œufs ronds et des œufs longs, a été faite pannes ordres, mais non pas sous mes yeux ; et quoique je n'en suspecte pas les résultats, je ne puis les garantir. Quelques faits semblent prouver que, selon l'opinion com- îuune des ménagères , il n'est pas réellement indifférent de mettre couver les œufs sous toutes les phases de la lune , et que l'éclosion est d'autant plus heureuse qu'elle est plus voisine de la pleine lune. Toutes les couvaisons du domaine de Buzarein- fut appelé près d'un enfant qui, à la suite d'une contusion au périnée n'avait pu être sondé, et souffrait depuis soixante- douze heures d'une ischurie avec accidens graves, qui nécessitèrent la ponction hypogastrique. Deux semaines de séjour de la canule permirent d'employer tous les moyens propres à calmer l'inflammation du périnée, de tarir les foyers purulens qui se formèrent, et de remettre le canal dans son état naturel; on retira la canule , et peu après il se manifesta du gonflement à l'hypogastre ; le ventre se tendit; on fut assez heureux pour obtenir la résolution de cette inflammation , et par suite sa guérison. Il y a environ un an je fus appelé auprès d'un malade affecté d'ischurie complète; les tentatives que je fis pour le sonder, ainsi que les efforts d'un autre chirurgien devenant inutiles, je me décidai à pratiquer la ponction sus-pubienne. Pendant un mois que j'employai à dilater le canal, il ne survint aucun accident; mais peu de temps après que la canule eût été retirée, de la tuméfaction se montra, à l'endroit de la ponction un véritable abcès sous-cutané se forma; le pus trouva une issue par la petite plaie, suite delà ponction, et la guérison ne fut retardée que de peu de jours. Chez ce malade, le développement de l'inflammation locale a dépendu de ce que, après avoir retiré la canule, la petite plaie des tégumens s'est promptement fermée, tandis que celle de la vessie restant ouverte, de l'urine s'est engagée dans le trajet fistuleux, et ne trouvant point d'issue, a pu rompre quelques mailles du tissu cel- 96 M. BELMAS. - MÉMOIRE lulaire, et, par son séjour, devenir la cause d'un abcès. Pour éviter ce genre de complication et pour que l'oblitération du trajet fistuleux se fasse d'une manière régulière, voici le moyen que je me propose de mettre en pratique: i° porter, par la canule jusque dans la vessie, une mèche composée de plusieurs fils séparés; 2° retirer la canule en maintenant fixe, à l'aide d'un petit mandrin, le séton intro- duit; 3° enlever isolément chaque fil à des intervalles de temps plus ou moins rap- prochés. J'espère en agissant ainsi, que si de l'urine tend à remonter par l'hypo- gastre, elle trouvera dans le séton un conducteur qui favorisera sa sortie ; de plus, la diminution successive de ce séton forcera le trajet fistuleux à se rétrécir régulière- ment. De ce que nous avons fixé notre attention sur les petits accidens inflammatoires qui pouvaient être la suite du séjour de la canule d'argent placée après la ponction sus-pubienne, il ne faut pas croire que celles pratiquées par le rectum ou le périnée soient exemptes de cet inconvénient et doivent l'emporter. Sans revenir sur les faits antécédens, sachons que Home, après avoir pratiqué la ponction recto -vésicale à un individu qui par suite d'un rétrécissement de l'urètre était affecté d'ischurie , fut obligé, deux jours après, de retirer la canule pour faire cesser de vives douleurs causées par des excoriations de la muqueuse du rectum; les efforts pour dilater le canal restant infructueux, les urines continuèrent à couler par la fistule recto-vésicale. L'on conçoit dès lors combien les douleurs, suite du passage de l'urine sur les ex- coriations, durent rendre pénible la position du malade. J'ai encore présent à la mémoire un cas dans lequel une ponction recto-vésicale fut suivie de l'inflammation de l'intestin et d'une diarrhée tellement opiniâtre, qu'elle fit succomber le malade. Les partisans de la ponction recto-vésicale ont. fait ressortir, autant que possible , l'avantage de voir s'écouler l'urine par l'anus, alors même que la canule est retirée. Cela est vrai, et le seul fait qui précède le prouverait, si déjà beaucoup d'autres ne l'avaient attesté ; mais est-on toujours le maître d'arrêter à volonté l'écoulement de l'urine par la fistule recto-vésicale? Peut-on être certain, dans tous les cas, d'entre- tenir la route artificielle? Enfin en admettant que ce soit un avantage, est-il exclu- sivement attaché à la ponction recto-vésicale? Un fait déjà rapporté répond à la première question, et prouve que la fistule qui résulte de la perforation de l'intes- tin et de la vessie peut, malgré les efforts du chirurgien, persister et devenir incu- rable, alors même que le cours de l'urine est rétabli. Quant à la solution des deux autres points proposés, elle se trouvera dans l'observation suivante, qui montre qu'après une ponction recto-vésicale la fistule s'est oblitérée, tandis qu'à la suite d'une ponction sus-pubienne, la canule étant sortie, l'urine a continué de s'écouler par l'ouverture faite à l'hypogastre. SUR LA PONCTION DE LA VESSIE. 97 Le 25 juillet i8a5, M. Béclard , chirurgien en chef de l'hôpital de Strasbourg amputa une verge à trois lignes environ du pubis; les artères liées, on rechercha en vain l'extrémité du canal de l'urètre. On abandonna pendant plusieurs heures le malade -, espérant que l'issue prochaine de l'urine par le canal en ferait reconnaître l'orifice externe. Durant la nuit, le malade éprouva un besoin extrême d'uriner, ac- compagné de fortes douleurs. Enfin , après plusieurs tentatives inutiles, soit pour calmer les accidens, soit pour retrouver le bout de l'urètre, on pratiqua la ponction par le rectum. L'écoulement de l'urine eut lieu très facilement par la canule et se continua pendant deux jours. Au bout de ce temps, la canule abandonna la vessie, l'écoulement de l'urine cessa, et on fut bientôt forcé d'en venir à la ponction hypo- gastrique, et de laisser à demeure la canule du trocar. Au bout de huit jours, la canule se déplace ; pendant soixante et douze heures l'urine continue son cours par la fistule de l'hypogastre , puis elle est retenue de nouveau. M. Béclard fait une incision de quel- ques lignes entre les muscles bulbo-caverneux, ouvre le canal de l'urètre, veut inuti- lement introduire une sonde, et se voit forcé de répéter la ponction par le rectum. Du pus mêlé à de l'urine s'écoule; pendant six semaines la canule reste en place, mais elle finit par tant gêner le malade , qu'on prend le parti de la retirer. L'urine dès lors recommence à s'écouler par la fistule sus-pubienne. Au bout de quinze jours, on la voit enfin suinter à la surface de la plaie presque cicatrisée, et ce n'est pas sans élonnement que l'opérateur reconnaît que le canal de l'urètre reprend ses fonctions deux mois après l'amputation de la verge. Bientôt la fistule hypogastrique se ferme; mais celle du périnée laisse suinter de l'urine. On met en usage les moyens propres à parera cet inconvénient; tout annonce une guérison complète, lorsqu'une variole confluente se déclare et fait succomber le malade au bout de dix jours. A l'ouverture du cadavre, on trouve dans le cerveau, dans les poumons, les intestins, des traces d'inflammation. La vessie , petite et racornie, est adhérente à la paroi abdominale; sa surface interne, surtout vers son bas-fond, présente un grand nombre de végé- tations très développées, noirâtres, d'un aspect gangreneux. Les vésicules séminales sont très affaissées; le canal de l'urètre, d'une couleur noire, est percé d'une ouver- ture correspondante à la fistule du périnée. Si les apologistes de la ponction recto-vésicale avaient été les maîtres en retirant la canule de régulariser l'écoulement de l'urine par la fistule , ils n'auraient point autant cherché à s'assurer de la possibilité de renouveler impunément l'opération sur le même sujet. Quelques tentatives ont été couronnées de succès; ne pouvant citer tous les exemples, la franchise veut que nous rapportions au moins le plus remar- quable 1. (1) Rust's Magasin, vol. XXIII, cah. 2, 1826. 5- i3 9S M. JBELMAS. — MÉMOIRE SUR LA PONCTION DE LA VESSIE. Dans le mois de mai 1825 , il fut reçu à la Charité de Berlin un journalier âgé de trente-cinq ans ; il avait souffert vingt et une fois de rétention d'urine, et dix-huit fois il avait fallu faire la ponction de la vessie par le rectum. Affecté de nouveau d'ischurie , on fut obligé de recourir encore à cette opération, que peu de temps après on ré- péta pour la dernière fois ; par suite du dérangement de la canule, les urines re- prirent leur cours par les voies naturelles, et le malade ne conserva aucune incom- modité, malgré les vingt ponctions qui avaient été faites parle rectum. Cette observation pourra paraître curieuse , mais elle ne décidera jamais un chi- rurgien à établir d'une manière générale qu'il vaut mieux répéter un grand nombre de fois une ponction, qui n'est pas exempte de danger, que de fixer à l'hypo- gastre une canule de gomme élastique , dont la présence ne gêne en rien les niou- vemens du malade, et que l'on peut changer à volonté. J'insiste surtout sur ce dernier avantage ; beaucoup de praticiens avaient déjà songé à remplacer la canule d'argent par un bout de sonde de gomme élastique ; mais, privés d'un bon conducteur, ils la laissaient trop long-temps à demeure, et pouvaient craindre qu'elle s'altérât dans la vessie et se rompît, ou qu'il se formât des incrustations qui rendissent|'son extraction douloureuse, difficile , même impossible comme cela aurait fort bien pu arriver dans un cas tiré de la pratique de Kluyskens: forcé de faire la ponction sus-pubienne à un homme affecté d'ischurie par suite de rétrécissement de l'urètre, Kluyskens, aussitôt l'évacuation de l'urine, substitua une canule de gomme élastique à celle d'argent; il la laissa à demeure pendant quarante-huit jours, et ne la relira que quand, par l'usage des sondes , le canal eut recouvré son calibre naturel. On pourrait encore ajouter, en faveur de la ponction sus-pubienne, la possibilité de faire passer une sonde de l'hypogastre à travers le col de la vessie jusque dans l'urètre : mais il existe très peu de faits sur ce genre de cathétérisme ; et je pense que les chirurgiens qui l'ont pratiqué avec succès auraient tout aussi bien réussi par la méthode ordinaire. Pour terminer ce qui est relatif aux avantages et aux inconvéniens de la ponction sus-pubienne, que répondre à ceux qui rejettent cette opération, par la crainte d'une gêne dans le cours des urines, lorsque des adhérences auront lieu entre la vessie et les parois de l'abdomen? Rien; sinon que leur opinion n'est basée sur aucun fait connu, et quelle ne serait pas même admissible s'il s'agissait du haut appareil. De tout ce qui a été dit dans ce mémoire , il résulte cette conséquence : 1° que la ponction peut être nécessaire dans un grand nombre de cas ; 20 que celle pra- tiquée par l'hypogastre est la plus généralement applicable chez l'homme, et chez la femme , pour laquelle on a proposé de vider la vessie par le vagin. Comme le manuel et les inconvéniens de cette dernière opération sont les mêmes que ceux de la ponction recto-vésicale , nous nous dispenserons d'en donner la description. DESCRIPTION MATRICES BILOCULAIRES ET BICORNES DU MUSÉE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE STRASBOURG, PAR ERN. ALEX. LAUTH, DOCTEUR EN MEDECINE. Parmi le nombre considérable de pièces rares et curieuses qui se trouvent réunies dans le musée de la Faculté de médecine de Strasbourg, les vices de conformation de la matrice peuvent, sans contredit, être placés au premier rang; il y a en effet peu de collections qui en contiennent une série aussi variée et aussi instructive. Ce- pendant , comme il serait trop long de les énumérer toutes, nous nous bornerons à décrire les matrices biloculaires et bicornes qui y sont déposées. Lors de la publi- cation du premier catalogue du musée, il s'y trouvait deux matrices biloculaires et une matrice bicorne; depuis, nous avons été assez heureux pour rencontrer dans nos dissections deux autres matrices bicornes , en sorte que le nombre total des matrices bicornes et biioculaires se trouve être de cinq. Quoique trois de ces cas soient déjà décrits et dessinés par Grauel, par May, et par Eisenmann,il ne sera pas inutile peut-être de joindre leur description à celle des deux cas nouveaux, parce que différant tous les uns des autres par quelques particularités, ils font voir le passage d'une variété dans une autre. Notre but n'étant pas d'écrire un traité complet sur les utérus biloculaires et bicornes, nous pensons que cette cir- constance nous servira d'excuse de nous être dispensés de citer d'autres auteurs que ceux qui se sont spécialement occupés des matrices que nous décrivons. Pour l'intelligence des mots, nous observons , avant de passer à la description des diverses matrices, que nous entendons par matrices biloculaires , celles qui ne diffé- rant guère à l'extérieur des matrices normales , ont leur cavité plus ou moins com- plètement séparée en deux loges par une cloison placée sur la ligne médiane ; tandis que nous appelons matrices bicornes celles qui , outre cette cloison intérieure , pré- sentent encore à l'extérieur leur fond divisé par une scissure plus ou moins profonde. ioo M. E. A. LAUTH. — DESCRIPTION 1° Matrice biloculaire1. — Au volume près, qui excède l'état normal, cette matrice n'offre à l'extérieur rien de particulier; aussi n'est-ce que le hasard qui fit recon- naître la disposition anormale de sa cavité. Celle-ci est divisée en deux loges par une cloison mitoyenne qui occupe tout le corps de l'utérus , et peu s'en fallut que le col lui-même fût divisé en grande partie, car il existe le long de sa paroi postérieure une crête ou caroncule allongée, qui se continue du bord libre de la cloison jusqu'à quelques lignes de l'orifice externe. Une crête semblable, mais un peu plus saillante, s'étend le long de la paroi antérieure, depuis le bord libre de la cloison jusque vers l'orifice du col de l'utérus; c'est cette dernière qui, ayant été divisée dans son mi- lieu par la section pratiquée dans l'utérus pour en voir la cavité , forme les deux ca- roncules latérales décrites par Grauel , et qu'Eisenmann dit à tort ne plus exister, car on les voit encore aujourd'hui. Les parois de l'utérus sont épaissies, surtout vers le fond de l'organe; le col est arrondi et tuméfié; les ovaires sont agrandis et endurcis; les trompes utérines normales; le vagin et les parties externes de la gé- nération n'offrent rien de particulier. 2° Vulve , vagin et matrice , séparés en deux moitiés par une cloison longitudinale 2. — Nous rangeons cette pièce parmi les matrices biloculaires; cependant elle fait évidemment le passage des biloculaires aux bicornes. En effet, on y remarque déjà vers le fond une légère dépression, premier indice de la séparation en cornes; cette dépression se continuant sur la ligne médiane, forme un sillon aplati tout le long de la face antérieure et postérieure de l'utérus et du vagin; le premier aspect fait donc naître l'idée de l'existence de deux utérus et de deux vagins placés l'un à côté de l'autre, et réunis là où ils se touchent. Quoique la masse totale de cet utérus excède de beaucoup celle d'un utérus à l'état normal, chaque moitié, prise séparé- ment, offre moins de masse qu'un utérus ordinaire. Des incisions pratiquées de chaque côté de la ligne médiane déprimée , font reconnaître que l'utérus ainsi que le vagin sont réellement parcourus dans toute leur longueur par une cloison qui les partage en deux moitiés exactement semblables. Le col de l'utérus qui surpasse le corps de cet organe en longueur, en est séparé par un léger rétrécissement; il s'ouvre dans chaque vagin, en y formant une proéminence conique et arrondie, qui présente une ouverture transversale ; la lèvre antérieure du col est plus longue que la posté- rieure. Toutes les parties que nous avons décrites jusqu'à présent sont exactement dou- (i) Ome pièce est déposée au Musée sous le PI. I. fig. i . - La figure d'Eisenmann est plu* n'&o.Voy. PI. I,fig.i.— Conf. Grauel,de super- exacte quant à la forme en général: celle de fœtatione, in Halleri diss. collect., f . V, p. 559; Grauel représente mieux les détails. ob'sijv, fig. i.— Eisenmann, Tabulas anatomicœ (2) Musée, n° 968= — Voy. PI. I, fi". 2. — uteridupl., observ.rar. sistens. Argent., i752. ConLEisenmann,l.c, PI. I, fig. 2; P1.II,IIÏ,IV. DES MATRICES BILOCULAIRES ET BICORNES. ,01 l)les; mais viennent maintenant les trompes de Fallope, dont il n'y a qu'une pour chaque loge utérine; les trompes elles-mêmes sont bien développées, elles commu- niquent librement avec la cavité de l'organe, et leur pavillon est garni de nom- breuses franges. Les ovaires de nouveau se rapprochent de la duplicité ; leur volume en général est en excès , leur forme très allongée ; dans le milieu de leur longueur ils semblent di- visés en deux corps par un léger rétrécissement circulaire ; un seul cordon sperma- tique de chaque côté se rend à l'ovaire et à la matrice. Les parties externes de la génération ne sont pas moins curieuses ; nous avons déjà vu que le vagin est parcouru dans toute sa longueur par une cloison moyenne; cette cloison a le double de l'épaisseur des parois du vagin , en sorte qu'on la dirait formée par l'adossement de deux vagins qui seraient unis par du tissu cellulaire là où ils se touchent ; chacune de ces loges du vagin est en partie fermée en avant par un hymen en forme de croissant, à concavité supérieure , en sorte que la moitié inférieure de la lumière elliptique de chaque vagin , est fermée par cette membrane, et que l'ou- verture réellement subsistante , permet à peine l'introduction du petit doi°t. L'in- térieur du vagin est rendu inégal par un grand nombre de rides transversales. Les autres parties externes de la génération sont simples; le clitoris recouvert de son prépuce , se trouve sur la ligne médiane ; les petites lèvres s'en continuent de chaque côté, pour embrasser par une ligne ovalaire les deux ouvertures vaginales, qui se trouvent dans la moitié inférieure et plus large de l'ovale ; la moitié supérieure de cet ovale , bornée en haut par le clitoris et en bas par les ouvertures vaginales , repré- sente un espace triangulaire formé en partie aux dépens de la portion supérieure de la cloison vaginale. Au milieu de cet espace se trouve l'orifice de l'urètre. La fosse naviculaire est bien exprimée au-dessous des deux ouvertures vaginales. D'après cette description , on conçoit comment Eisenmann a pu admettre que dans ce cas il existe réellement deux matrices et deux vagins ; la ligne de dépression qui sépare les deux loges , la présence des deux hymens, l'épaisseur double de la cloison moyenne, l'existence de deux cols distincts et bien formés qui proéminent dans le vagin , le volume des deux ovaires, qu'un rétrécissement semble diviser en deux comme pour exprimer leur duplicité, sont autant de faits en faveur de cette opi- nion, qui contrebalanceraient peut-être les argumens contraires tirés de l'existence d'une seule trompe, d'un seul ligament large et d'un seul ligament rond pour cha- que loge utérine. Pour ce qui regarde notre opinion particulière , l'examen compa- ratif des matrices que nous possédons aujourd'hui , ne nous permet pas de nous ran- ger de l'opinion d'Eisenmann, qu'il serait peut-être difficile de ne pas partager en n'examinant que l'utérus que nous décrivons dans ce moment. Nous reviendrons d'ailleurs sur le mode de formation des matrices biloculaires. 102 M. E. A. LAUTH.— DESCRIPTION Quoi qu'il en soit, on ne pourra pas se refuser d'admettre, avec Eisenmann, la pos- sibilité de la superfétation dans ce cas-là. chaque moitié de l'organe de la génération étant totalement séparée de l'autre , et chacune étant pourvue de toutes les parties essentielles et accessoires au parfait accomplissement de l'acte de la génération , au- quel la jeune fille de dix-neuf ans, qui fait le sujet de cette observation, ne paraît pas s'être livrée , vu l'existence intacte des deux hymens et la petitesse des ouver- tures qui conduisent dans les vagins. 5° Matrice bicorne , cloison incomplète dans le vagin l. — Cette pièce a été trouvée sur le cadavre d'une fille de vingt-quatre à vingt-cinq ans. Les cornes de l'utérus sont largement distantes l'une de l'autre par un angle droit ; elles sont fort épaisses; la droite un peu plus grande que la gauche ; ces deux cornes se réunissent là où commencerait le col, dont l'extrémité inférieure forme un gros bourrelet dans le va- gin ; ce col est percé de deux ouvertures conduisant chacune dans sa corne uté- rine correspondante. La cloison qui divise en deux loges les cornes et le col , est très épaisse en haut et devient mince tout près des orifices externes, qu'elle sépare sur le bourrelet. L'orifice droit est placé plus bas que le gauche. Un ovaire et une trompe normale correspondent à chaque corne de l'utérus. Le vagin participe en partie de cette disposition de l'utérus, en ce que sa partie moyenne est de même séparée par une cloison , mais qui ne s'étend que dans l'espace de deux travers de doigt, en sorte que les extrémités inférieure et supérieure du vagin se trouvent sim- ples , tandis que l'espace intermédiaire est divisé par la cloison. Dans le vagin on remarque de nombreux replis transversaux, et en avant, des caroncules myrtiformes bien exprimées. Les parties génitales externes sont à l'état normal. La séparation , qui dans l'observation précédente était portée au maximum , en ce que l'on pouvait même y considérer chaque moitié comme constituant un organe à part, diminue déjà dans ce cas, car, quoique la totalité de l'utérus soit divisée par une cloison , les deux orifices n'y sont plus placés que sur un même bourrelet , agrandi à la vérité, et dans le vagin il n'existe plus qu'une trace de la séparation en deux loges, dans sa portion moyenne. 4° Matrice bicorne , col oblitère 2. — J'ai trouvé cette matrice pendant l'hiver de 1826 à 1826, dans le cadavre d'une vieille femme, morte dans une salle de pension- naires à l'hôpital civil , et sur laquelle je n'ai pas pu me procurer de renseignemens. La matrice se rapproche beaucoup plus de l'état normal que celle que nous venons de décrire; la séparation en cornes est toujours bien prononcée; l'angle de division est obtus; la corne droite est beaucoup plus développée que la gauche; la cloison (1) Musée, n° 969. — Voy. PI. II, fig. 1. — xxv, pag. ig5, seq. , PL I, fîg. 4 et 5. Conf. Grauel, loc. cit., pag. 558, observation 1, (2) Musée, n° 969 a. — Voy. pi. II, fig. a, fig. 1. — May, Comiri. liter. Nor. , i^'ôô, hebd. DES MATRICES BILOCULAIRES ET BICORNES. io3 qui sépare les cornes est assez épaisse dans toute sa longueur, mais surtout vers le fond; elle se termine à 6 lignes de l'extrémité du col qui, par conséquent, est uniloculaire. Une membrane en oblitère l'orifice externe, qui n'est indiqué que par une légère dépression, là où il devrait exister. Les ovaires et les trompes sont bien conformées; ces dernières communiquent librement avec la cavité des cornes; le vagin , lisse dans sa partie supérieure , est rugueux vers son entrée. 5° Matrice bicorne , semi-membraneuse ; ovaires rudimentaires 1. — Quelques élèves qui travaillaient l'hiver dernier à l'amphithéâtre qui est confié à ma direction, vinrent m'avertir que la femme qu'ils disséquaient n'avait pas de matrice. Ayant examiné les parties, j'ai trouvé que cet organe existait réellement, mais que sa configuration différait entièrement de l'état normal. La matrice est aplatie d'avant en arrière dans toute sa longueur; son corps petit et triangulaire se continue presque insensiblement par ses deux angles supérieurs dans les trompes de Fallope , tandis que l'angle inférieur se continue avec le col, qui surpasse le corps au moins trois fois en longueur. La longueur totale de la matrice est de trois pouces une ligne; la largeur du col vers son milieu, de quatre lignes et demie, et vers la partie infé- rieure, de dix lignes trois quarts. J'ai eu peut-être tort de comprendre cette ma- trice parmi les matrices bicornes, parce qu'on n'y remarque pas d'angle rentrant vers son fond; mais j'ai cru pouvoir justifier ma dénomination par la continuation insensible des angles de la matrice dans les trompes de Fallope, et mon opinion à cet égard a été renforcée par l'analogie tirée des animaux. Ce n'est pas sous ce seul point de vue que cette matrice est comparable aux matrices d'animaux, elle s'en rapproche aussi sous le rapport de la structure; elle est molle, mince, presque membraneuse, en un mot on lui trouve à peine le tissu propre de la matrice dans la femme. Le col ne fait point saillie dans le vagin, mais il tapisse pour ainsi dire la partie supérieure de son fond, en sorte qu'au lieu d'y former une proéminence plus ou moins conique , son extrémité est plutôt concave. L'orifice externe du col a à peine une ligne en travers; il a la forme d'un croissant à concavité supérieure. Le vagin est ample, lisse, presque tout uui, à parois extrêmement minces; quelques caroncules myrtiformes sont visibles à son entrée. L'hymen n'existe plus; à sa place se trouve une légère saillie qui entoure le vagin dans une partie de sa circonférence. Le clitoris est très développé ainsi que les corps caverneux. Voulant examiner l'état des ovaires, je fus long-temps aies chercher; à la fin ayant suivi les cordons spermatiques , j'ai vu qu'ils se rendent en partie vers la matrice et en partie vers un petit paquet de tissu cellulaire, qui offrait un tant soit peu plus de résistance que le reste des ligamens larges; néanmoins je puis assurer que (1) Musée, 11-969*. —Voy. pi. III, fig. 1. !06 M. E. A. LAUTH. — DESCRIPTION cette portion de tissu cellulaire n'offre dans sa structure absolument rien qui puisse faire naître l'idée d'un ovaire, elle n'en est que le rudiment. Les trompes m'ont paru être dans un état normal, et je me suis assuré qu'elles communiquent avec la cavité de la matrice. Les formes de cette femme étaient masculines, la peau brune; le système mus- culaire très développé se dessinait bien à travers la peau; la glande mammaire1 manquait absolument, le mamelon et l'auréole étaient petits et conformés comme dans l'homme. Le bassin 2 se rapprochait d'un bassin d'homme, surtout par l'angle sous- pubien qui n'avait que 63 '- ', tandis qu'un bassin de femme bien conformé doit en avoir 90 a io5. Le détroit supérieur, plus large d'avant en arrière qu'en travers, était ovalaire ou pyriforme, l'extrémité la plus étroite dirigée en avant. Voici quelques dimensions du corps et du bassin. pieds, pouc. lig. Longueur totale du corps 5 1 2 Du sommet de la tête au pubis 2 6 » D'une épine antérieure et supérieure de l'iléon à l'autre, pris en dehors » 9 7 Plus grand écartement des crêtes iliaques » 10 1 0 Plus grande largeur du sacrum » 4 » Partie supérieure et antérieure du sacrum à son extrémité inférieure. » 4 3 Diamètre transverse du détroit supérieur, pris vers le sommet de l'échancrure ischiatique » 4 3 Diamètre transverse pris là où les cavités cotyloïdes proéminent dans le petit bassin » 3 9 Diamètre antéro-postérieur, pris de l'union de la première à la seconde vertèbre sacrée, ce point étant le plus proéminent » 4 3 De la symphyse sacro-iliaque droite à la cavité cotyloïde gauche. . . » 4 5 De la symphyse sacro-iliaque gauche à la cavité cotyloïde droite. ... » 4 3 D'une épine de l'ischion à l'autre » 5 8 D'une tubérosité de l'ischion à l'autre, pris en dedans, vers îa partie antérieure » 3 l\ j De la pointe du sacrum à la partie supérieure de la symphyse du pubis. » 4 7 , De la pointe du sacrum à la tubérosité ischiatique gauche » 2 7 De la pointe du sacrum à la tubérosité ischiatique droite 2 16 » (1) Musée, n° 969 c. d'entre elles avaient été prises sur le bassin frais (2) Musée, n" 186 a. — Voy. pi. III, fig. 2. et correspondaient encore avec celles nouvelle- Les dimensions du bassin sont prises sur le bas- ment prises. Le coccyx a été perdu. sin macéré, mais exactement réuni; quelques-unes DES MATRICES BILOCULAIRES ET BICORNES. io5 D'après ce que nous venons de rapporter, nous croyons pouvoir établir, que les aberrations dans la forme et la structure des organes que nous avons passés en revue doivent en grande partie être attribuées au défaut de développement des ovaires. Ces organes, si jamais ils ont existé, nous paraissent être restés slationnaires depuis les premiers mois de la vie intra-utérine, et comme c'est en grande partie par eux que la femme est ce qu'elle est , il ne faut pas s'étonner si d'autres parties essen- tielles au sexe, mais subordonnées à la régularisation des ovaires , sont restées sta- tionnantes depuis cette époque reculée de l'existence du nouvel être , en disconti- nuant à prendre de l'accroissement, ou bien en augmentant simplement de volume, sans parcourir les différentes évolutions de formes qu'ils doivent successivement prendre jusqu'à leur parfait développement. C'est ainsi que par suite du manque de développement des ovaires, les glandes mammaires sont restées dans le néant; l'utérus au contraire a encore en grand la forme qu'il avait dans l'embryon de quel- ques mois; il a augmenté en masse, mais son type n'a pas changé, et par défaut de la vie dont devaient l'animer les ovaires, il n'a pas même pu acquérir cette consis- tance et cette texture qui distingue l'utérus de la femme de celui de la plupart des animaux. Des réflexions semblables peuvent s'appliquer au bassin, qui, par faute du développement des ovaires, n'a pas pu se revêtir des caractères distinctifs du bassin de femme ; l'influence de ces organes régulateurs se fait encore remarquer dans tout l'ensemble du corps, où le système musculaire, si peu énergique dans la femme, a acquis un développement qu'il n'a ordinairement que dans l'homme. L'examen d'organes génitaux si peu développés que ceux que nous venons de 'dé- crire, devait bien faire pressentir que les fonctions sexuelles n'ont pas pu s'exercer convenablement; aussi les renseignemens que nous avons pu nous procurer vien- nent-ils à l'appui de cette opinion. La femme qui fait le sujet de cette observation, non mariée, est morte à l'hôpital civil, à l'âge de 55 ans; elle n'avait jamais été réglée , et quoiqu'elle ne se fût sentie aucune propension aux plaisirs de l'amour, elle s'était cependant livrée pendant sa jeunesse aux embrassemens d'un amant; mais elle n'éprouva pas de jouissance pendant le coït, qui au surplus était resté infécond. Cette observation nous fait encore voir que le plaisir qu'éprouve la femme pendant le coït n'a certainement pas son siège principal dans le clitoris , qui était parfaitement développé dans ce sujet; nous inclinerions plutôt à lui assigner, avec plusieurs auteurs, soit l'ovaire, soit le col de l'utérus. RÉFLEXIONS. Les vices de conformation des organes ont été considérés par les principaux au- teurs qui ont écrit sur ce sujet, comme dépendans les uns d'un développement en 5. 14 io6 M. E. A. LAUTH.— DESCRIPTION plus, et les autres d'un défaut de développement. Appliquant cette doctrine au sujet spécial qui nous occupe , nous croyons pouvoir ranger dans la première classe les utérus décrits dans les n08 1 et 2 , à raison des cloisons plus ou moins complètes qui s'y sont développées. Cette manière de voirest, il est vrai, en contradiction avec celle de beaucoup d'anatomistes du plus grand mérite , qui considèrent ces cloisons plutôt comme le résultat d'un défaut de développement, en les assimilant aux fentes qui quelquefois divisent les parties sur la ligne médiane ; mais d'abord il nous a semblé que la seule analogie qu'il y ait entre une fente et une cloison , c'est que l'une et l'autre sont des moyens de séparation, mais avec cette différence, que la continuité des deux moitiés n'est interrompue que par la fente , qui seule établit une division, et non par la cloison, qui ne produit qu'une séparation. On nous objectera peut- être, que tout comme une fente est le moyen naturel de division d'un corps, une cloison est celui d'une cavité; mais en examinant la structure du corps, nous ne pouvons pas nous arrêter à l'idée d'une cavité, celle-ci n'étant rien par elle-même : l'organe, c'est la paroi de la cavité; or une cloison, c'est une paroi de plus, qui ne peut donc dépendre que d'un excès de développement et non d'un défaut. Toute cette discussion n'avancerait guère notre connaissance sur le point en question, si nous nous bornions à la soutenir par le raisonnement; en effet, si les cloisons qui nous occupent sont dues à un excès de développement, il faut encore pouvoir nommer la partie qui le subit. Or on sait que vers le milieu de la gestation, la paroi interne de la matrice et du vagin de l'embryon est parcourue dans toute sa longueur, en avant et en arrière, par une ligne saillante placée sur la ligne médiane; ces lignes, devenues de plus en plus saillantes, venant à se toucher, ont contracté ensemble des adhérences, et ont de cette manière effectué la cloison. Cette manière de voir nous semble surtout fondée d'après l'examen des matrices biloculaires , dans lesquelles on ne peut pas invoquer une séparation comme dans les matrices bicornes, et en particulier la matrice décrite sous le n° 1 nous paraît parfaitement prouver ce que nous venons d'avancer; la ligne saillante s'est développée dans la paroi anté- rieure et postérieure , mais ce n'est que dans le corps de l'organe que l'union s'est faite ; le col au contraire est uniloculaire , parce que les caroncules que nous avons décrites, quoique bien saillantes, ne se sont pas réunies. Pour ce qui regarde les matrices bicornes , dans lesquelles une cloison se con- tinue de l'angle de réunion des cornes , comme cela se voit dans les matrices nos 3 et 4, leur mode de formation est plus compliqué, car d'abord la cloison dépend d'un excès de développement, tandis que la division en cornes paraît prouver un défaut d'évolution; ces matrices ont conservé par leur division le type fœtal, leur corps ne s'est accru qu'en masse ; quant à sa forme , il est resté sur un degré inférieur de son échelle de développement. L'utérus n° 5 nous paraît surtout présenter un intérêt. DES MATRICES BILOCULAIRES ET BICORNES. 107 majeur, en ce que la bride qui sépare Je milieu du vagin ne peut guère s'expliquer par l'idée d'une fente, d'une division; car ces divisions, d'après l'idée des auteurs qui les admettent, commencent vers le fond de l'organe et s'étendent de là plus ou moins loiu vers l'extrémité ; mais en raisonnant dans cette hypothèse, comment se serait-il donc fait que l'utérus fût divisé dans toute sa longueur, que la partie su- périeure du vagin restât simple, et que la partie moyenne de ce canal fût de nou- veau divisée? Là, il nous paraît bien évident que la cloison vaginale s'est faite par adhérence, et si tel est le mode de formation dans ce cas, pourquoi ne pas l'ad- mettre dans les autres? Dans les vices de conformation par défaut de développement, ce défaut est absolu ou relatif. Nous trouvons des exemples du premier dans notre cinquième observa- tion, où il n'y a de l'ovaire que le rudiment, c'est-à-dire un peu de tissu cellulaire qui semble à la vérité indiquer la place que devait occuper cet organe, mais qui n'en a réellement ni la forme, ni la structure; en sorte que l'on peut dire, à bon droit, que l'ovaire n'existe pas. Les glandes mammaires sont dans le même cas; on trouve sous l'auréole un peu de tissu cellulaire soyeux et sans graisse, mais pas un seul grain glanduleux. Le manque de développement relatif est celui où l'organe peut se développer ré- gulièrement, en subissant pendant quelque temps les divers changemens de forme que la nature lui a assignés aux diverses époques de l'existence de l'individu ; mais tôt ou tard l'influence de la force formatrice sur l'organe venant à diminuer, ou même à cesser, celui-ci reste stationnaire, en conservant la forme qu'il avait quand il a discontinué de poursuivre son évolution normale. Cependant l'organe continue le plus souvent à prendre de l'accroissement, tout en conservant sa forme fœtale. On peut donc en conclure que son développement dépend de deux forces bien distinctes, dont l'une tend simplement à déterminer son accroissement, son augmentation de volume, tandis que l'autre, régulatrice de la première, tend à imprimer à l'organe croissant la série de formes qu'il doit subir jusqu'à l'époque de son parfait dévelop- pement. Envisagés sous ce point de vue , beaucoup de vices de conformation ces- sent de paraître extraordinaires, et il nous semblera moins étonnant alors de leur voir simuler des formes déjà existantes dans les êtres placés plus bas que l'homme dans l'échelle des êtres organisés, attendu que les divers organes de l'embryon lui- même offrent à l'œil de l'investigateur une série de formes semblables aux organes correspondans dans les animaux successivement plus parfaits, à mesure que l'homme futur approche davantage de l'époque de son entier développement physique. Telle est donc l'admirable unité que suit la nature , que les aberrations les plus paradoxales en apparence sont régies par les mêmes lois qui président à la formation des orga- nismes les plus parfaits! ioS M. E. A. LAUTH.— DESCRIPTION En appliquant les données générales que nous venons d'énoncer au sujet spécial qui nous occupe, nous voyons que dans l'embryon1 l'utérus est bicorne, que son col est très long comparé au corps de l'organe, et que les parois sont proportionnelle- ment très minces. Ces caractères sont aussi ceux de l'utérus d'une femme de cin- quante-trois ans, que nous avons décrit dans notre cinquième observation. Là, l'utérus a conservé les propriétés fœtales dans leur plus grande pureté ; la force d'é- volution n'a pas exercé son influence sur son développement; il ne s'y est fait qu'un simple accroissement; l'organe nous paraît donc encore aujourd'hui comme une matrice d'embryon examinée à la loupe. Les matrices décrites sous les n°s 3 et 4 sont beaucoup plus avancées dans leur évo- lution , tant par rapport à la proportion entre le col et le corps de l'organe , que re- lativement à son tissu. Mais aussi, dans ces cas-là, l'utérus n'avait-il pas à lutter contre l'obstacle invincible que portait, à son développement, un ovaire réduit à l'état de simple rudiment. Le caractère prédominant dans ces deux cas-là, c'est la bicornéitè, la scission sur la ligne médiane, disposition normale dans l'embryon, et qui est de- venue persistante dans l'adulte , par suite des causes que nous avons énumérées. (1) Voy. pi. III, fig. 5, une matrice d'un soit encore plus tranché avant cette époque. On embryon de 4 mois \. On y voit encore parfaite- peut de même s'assurer de la longueur propor- ment la disposition bicorne, quoique ce caractère tionnelle du col. EXPLICATION DES PLANCHES. - PLANCHE I. dans la pièce conservée au Musée, nous avons cru devoir la représenter en partie comme on la Fig. i. Matrice biloculaire ouverte par la face voit sur la 2e planche d'Eisenmann, pour mieux antérieure. rendre raison de sa disposition primitive. a. Fond de la matrice. a. Fond de l'utérus. b. Surfaces des sections quiy ont été pratiquées b. Col, qui en est séparé par un léger rétrécisse- pour l'ouvrir. ment; cette partie du col est encore recouverte c. Cloison. par le péritoine. d. Crête postérieure. c. Portion du col qui n'est plus tapissée par le e. Crête antérieure, décrite par Grauel sous le péritoine. nom de caroncules latérales. d. Portion du col qui proémine dans le vagin. f. Vagin ouvert. e. Vagin gauche intact. g. Ligamens larges. f. Vagin droit ouvert. h. Trompes. g. Cloison moyenne. i. Ovaires. k. Ovaires allongés, ayant un rétrécissement Fig. 2. Vulve, vagin et matrice, séparés eu dans leur milieu, deux moitiés par une cloison longitudinale. Quoi- i. Cordons spermatiques. que toutes les cavités de l'organe soient ouvertes k. Trompes. DES MATRICES BILOCTILAIRES ET BICORNES. t. Ligamens larges. m. Ligamens ronds, n. Clitoris. o. Nymphes. p. Ouverture de l'urètre. q. Orifices vaginaux, r. Hymen. s. Cloison moyenne située entre les deux lo- ges vaginales. t. Fosse naviculaire. PLANCHE II. ' Fig. 1. Utérus bicorne, cloison incomplète dans le vagin. a. Corne droite fermée. b. Corne gauche ouverte. c. Bourrelet commun, proéminant dans le va- gin avec les deux ouvertures, une pour chaque loge utérine. d. Cloison qui se trouve à la portion moyenne du vagin. e. Portion supérieure du vagin , simple. f. Portion inférieure du vagin. g. Ovaire. k. Trompes. Fie 2. Matrice bicorne, ouverte par sa face postérieure, ainsi que le vagin ; col oblitéré. a. Corne droite. b, Corne gauche. 109 c. Cloison moyenne. d. Endroit déprimé où devrait se trouver l'ori- fice du col. e. Canal de l'urètre où l'on a introduit une soie. f. Ovaires. g. Trompes avec des soies introduites. PLANCHE III. Fig. 1. Matrice bicorne , semi-membraneuse; ovaires rudimentaires. a. Corps de l'utérus. b. Col. c. Vagin. d. Clitoris. e. Orifice du vagin. f. Ovaires rudimentaires. g. Cordons spermatiques. h. Trompes. Fig. 2. Bassin du même sujet. On voit que l'angle sacro- vertébral est moins proéminent que ne l'est celui qui est formé par l'union de la irc ver- tèbre sacrée à la 2e. L'angle sous-pubien paraît plus grand ici qu'il n'est réellement, parce qu'on voit les pubis en raccourci. Les diamètres sont pris de moitié. Fig. 5. Parties génitales d'un embryon de qua- tre mois et demi. On voit combien les ovaires sont alors développés. L'utérus est encore bicorne à cette époque. Le col est très long en propor- tion du corps. Le clitoris très proéminent. MEMOIRE LA DEPRESSION LATERALE DES PAROIS DE LA POITRINE, PAR M. LE BARON DDPUTTREN, de l'académie des sciences, premier chirurgien du roi et de l'hôtel-dietj de paris, professeur a la faculté de médecine, etc., etc. J'ai fait connaître dans un des précédens n0' de ce Répertoire, une espèce de déplacement du fémur, qui est congénitale et dont je n'ai trouvé avant, ni depuis cette publication, d'exemple dans aucun auteur1. Je vais faire connaître aujourd'hui une déformation de la poitrine, encore plus commune et plus importante que ce dé- placement; en effet il ne se passe guère de mois que je ne rencontre plusieurs exemples de cette déformation, et comme elle porte sur les parois d'une cavité qui renferme deux des appareils d'organes dont les fonctions sont les plus nécessaires à la vie , elle doit avoir des résultats tout autrement graves que ceux du déplacement congénital de la tête des fémurs , lequel ne peut avoir d'effet que sur la marche,. Cette diffor- mité consiste dans une dépression plus ou moins grande des côtés de la poitrine , dans une saillie proportionnelle du sternum, du ventre en avant, et de la colonne vertébrale en arrière. Quelques auteurs out parlé de Gette déformation, les uns à l'occasion des maladies (1) J'ai été étonné, en relisant le mémoire con- core, c'est que cet enfant a une sœur affectée de sacré à faire connaître cette espèce de luxation, la même maladie et qui, comme lui, ne l'a que de ne pas retrouver l'indication d'un fait impor- d'un côté, et comme lui, du côté droit, tant; c'est que la luxation congénitale du fémur, Je profite de l'occasion qui s'est présentée qui, dans le plus grand nombre des cas, existe de faire cette note, pour faire remarquer que des deux côtés à la fois, n'a lieu chez quelques depuis la publication du mémoire sur la luxation individus que d'un côté seulement. Sur les vingt congénitale du fémur, j'ai vu cinq ou six nou- cas de cette maladie que j'ai observé , la luxation veaux exemples de ce vice de conformation , j'en n'existait que d'un côté seulement sur deux ou ai vu un avec M. le docteur Louyer-Villermay, trois individus. J'ai en ce moment sous les yeux, dont le sens exquis avait deviné l'origine du mal, un jeune enfant à l'occasion duquel je relis ce et qui s'était opposé à des applications de moxas mémoire, et qui n'a de luxation que d'un seul qui eussent été aussi douloureuses qu'inutiles, côté; et, ce qui rend ce cas plus intéressant en- SUR LA DÉPRESSION LATÉRALE DES PAROIS DE LA POITRINE. 1 1 1 des enfans , les autres à l'occasion du rachitisme : tels sont Van-Swieten , J.-L. Petit, Levacher , etc. ; mais il suffit de lire le peu qu'ils en ont dit pour se convaincre qu'ils n'ont donné qu'une idée très incomplète de la cause, des effets, et surtout des moyens curatifs de cette déformatiou. Cette disposition anormale de la poitrine s'observe surtout chez les enfans issus de personnes lymphatiques, scrofuleuses ou rachitiques, habitant les lieux bas, hu- mides et froids ; chez les enfans mal vêtus, nourris d'alimens froids, peu substantiels, farineux, privés de vin, etc. Chez les enfans affectés de ce vice de conformation, le sternum fait en avant une saillie en carène, la colonne vertébrale se relève en dos d'âne et les côtes ne sont pas seulement aplaties, elles sont encore enfoncées vers la poitrine, à peu près comme si, à l'époque où elles étaient molles., flexibles et susceptibles de prendre toutes les formes et toutes les courbures , elles avaient été comprimées d'un côté vers l'autre , ainsi qu'on le fait lorsqu'on veut étouffer des pigeons en passant les doigts sous leurs ailes et en comprimant les côtés du thorax. Celte déformation est portée si loin chez quelques enfans, qu'on peut embrasser les deux côtés de la poitrine avec les doigts de la même main. Les rapports ordinaires des diamètres de cette cavité sont alors tellement changés, que ceux qui s'étendent d'un côté à l'autre perdent un quart, un tiers, et quelquefois la moitié de leur étendue , tandis que les diamètres antéro- postérieurs et les diamètres verticaux s'accroissent d'autant; il semble qu'en ôtant à la poitrine et aux poumons leurs dimensions dans un sens , la nature ait voulu compenser ce défaut en agrandissant la poitrine dans un autre sens. Il s'en faut cependant qu'il y ait compensation entière , tant sous le rapport de la capacité de la poitrine, que sous le rapport de l'action des organes; en effet, soit que la poitrine ne gagne pas dans certains sens ce qu'elle perd dans d'autres, ou que les organes de la respiration et ceux de la circulation mis dans des conditions de situation et de rapports différens de celles que prescrit la nature, ne puissent plus exercer leurs fonctions comme dans l'état normal , cette déformation produit constamment une oppression très grande, une brièveté habituelle de la respira- tion et de la voix, un état d'anxiété et d'angoisse inexprimables; chez le nouveau- né, il y a difficulté très grande dans la succion du mamelon ; menace de suffocation , lorsque celui-ci est gardé quelque temps dans la bouche; nécessité de le quitter avec de grands cris, au bout de quelques instans ; plus tard, la parole est brève, entrecoupée et comme saccadée. Ces symptômes augmentent toutes les fois que les malades prennent un peu d'exercice, qu'ils montent ou descendent un escalier, qu'ils veulent parler avec action et chaleur, à peu près comme des individus qui seraient affectés de maladies au cœur. Le désordre des mouvemens de cet organe, les irrégularités du pouls qui se ralentit et se précipite tour à tour, pourraient 112 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE faire croire à une maladie du cœur, si l'observation attentive des phénomènes n'ap- prenait que ces désordres et ces irrégularités sont en rapport avec les mouveniens de la respiration seulement, et qu'ils sont un des effets de la gêne qu'elle éprouve. Pendant le sommeil , la respiration gênée par défaut de conformation de la poitrine et par le gonflement des amygdales, se fait toujours la bouche ouverte et avec grand bruit. Ce sommeil lui-même est fréquemment agité par des rêves pénibles qui sont presque toujours relatifs à l'état de la respiration , et il est fréquemment interrompu par des cris et par des réveils en sursaut. Les symptômes , ci-dessus et notamment la difficulté de la respiration et de la circulation, peuvent être portés au point d'empêcher le développement de fonctions vitales et de causer la mort dès les premiers momens de la vie. Lorsque ces diffi- cultés ne causent pas la mort immédiatement, elles peuvent la causer plus tard en empêchant l'allaitement, ou même en altérant la nutrition et empêchant le déve- loppement dès forces; et alors que ces difficultés ne causent la mort ni primiti- vement ni consécutivement, elles retiennent les enfans qui en sont affectés dans un état de maigreur, de faiblesse et d'incapacité d'agir, qui les prive de la majeure partie de leurs facultés. Une chose remarquable est que ce vice de conformation est presque constamment accompagné d'un gonflement considérable aux amygdales, gonflement dont la liaison avec la dépression de la poitrine tient à une cause qui nous est encore inconnue. On sent tout ce que ce gonflement doit ajouter à la difficulté que les malades éprouvent à respirer, par le fait de la dépression latérale des parois de la poitrine. Ce gonfle- ment est si grand, chez quelques individus, que j'ai été obligé de faire la résection de ces "landes, opération qui , sans faire cesser la difficulté de respirer, a néanmoins soulagé constamment les malades. Le catarrhe pulmonaire n'est pas une complication moins fréquente de la dépres- sion des parois de la poitrine que le gonflement des amygdales. Or, le catarrhe con- stitue toujours une complication grave de cette déformation , surtout quand les amygdales sont tuméfiées. Il existe alors une triple cause d'oppression : la déformation des parois de la poitrine , la tuméfaction des amygdales et le catarrhe pulmonaire. Mais de toutes les maladies qui peuvent se joindre à cette déformation, il n'en est pas de plus dangereuse que la coqueluche. Aucune maladie ne m'a jamais présenté de spectacle plus douloureux que celui d'un malheureux enfant qui avait les parois de la poitrine déprimées sur les côtés, les amygdales volumineuses, et une coqueluche des plus intenses. Il éprouvait à chaque crise de toux une oppression telle , qu'il sem- •• blait devoir succomber immédiatement. Il succomba en effet dans un de ces accès. Qui ne voit , dès lors, de quelle importance il est d'attaquer ces complications par les moyens les plus énergiques, si l'on veut éloigner le danger de mort? SUR LA DÉPRESSION LATÉRALE DES PAROIS DE LA POITRINE. 1 1 3 Je viens de dire que le gonflement des amygdales compliquait souvent la dépression des parois de la poitrine, et que j'avais été plusieurs fois obligé de pratiquer leur re- section sur des enfans à la mamelle. Convient-il donc d'attaquer cette cause de ma- ladie ou d'attendre? J'ai autant, et plus qu'un autre peut-être , éprouvé les difficultés de cette résection , à une époque de la vie où la raison ne saurait maîtriser les efforts de l'instinct, qui s'oppose atout ce qui produit de la douleur, et qui cherche à se dé- barrasser de tout ce qui cause seulement de la gêne. Aussi n'a-t-il fallu rien moins que le danger imminent qui menaçait la vie, pour me déterminer à agir dans ces cas. Ce danger est tel, que j'ai vu des enfans affectés tout à la fois de dépression des parois de la poitrine et de gonflement aux amygdales, tomber après des efforts inouis, mais inutiles , pour respirer, après les angoisses les plus cruelles, dans un état convulsif des plus alarmans , ou dans un état de suffocation porté jusqu'à l'asphyxie; état dont ils ne reviennent que pour retomber au bout de quelques instans dans le même danger. Il faut donc agir, sous peine de voir ces malheureux enfans perdre la vie, au milieu des plus affreux tourmens , par le besoin uni à l'impossibilité de respirer. Une invention aussi simple qu'elle est ingénieuse et utile semble devoir rendre dé- sormais plus prompte, plus facile, moins douloureuse, et surtout beaucoup moins dangereuse, l'extirpation des amygdales. Je veux parler du spéculum imaginé par un de mes disciples les plus chers et les plus instruits , M. le docteur F. Lemaître. A l'aide de cet instrument, aussi précieux pour le diagnostic des maladies de la bouche que pour les opérations qu'elles réclament, on pourra tenir la bouche ouverte, la langue abaissée, immobile, et pratiquer avec une entière sécurité l'extirpation des amygdales. Il suffira, pour rendre cet instrument plus avantageux dans la pratique des opérations, de 1 echancrer vers les commissures des lèvres, et de le réduire, dans cet endroit, à la moindre largeur possible. L'ouverture du corps de plusieurs enfans morts soit de ce seul vice de conformation, soit de toute autre cause ajoutée à cet état, a fait reconnaître, à M. Breschet, un retard dans le développement du squelette , les os du crâne encore séparés à une époque oi\ ces pièces osseuses auraient dû être unies, la persistance des épiphyses,un gonflement des extrémités des os longs, des torsions variées de leurs corps, peu de consistance dans leur tissu; sous ce rapport on pouvait les comparer à des os ramollis par leur immersion, pendant quelque temps, dans de l'acide nitrique affaibli. Ces os se lais- saient parfois plus facilement couper que rompre. Le système veineux général était assez développé, et le tissu celluleux des os était d'un rouge foncé, et comme vas- culaire veineux. La dentition était en retard, les dents de la première ou de la seconde dentition altérées, la couronne érodée, en partie détruite et rayée sur leur face antérieure. 5. ,5 i,4 M. LE BARON DUPUYTREN.— MÉMOIRE Les poumons étaient déprimés vers la colonne rachidienne, ils offraient vers le point correspondant à la dépression du thorax une dépression analogue, et en ar- rière ils portaient l'empreinte des côtes de telle façon qu'ils étaient sillonnés par ces os, et que des lignes en relief répondaient aux espaces intercostaux. Ce vice de conformation et les. complications qui l'accompagnent si souvent méri- tent donc toute l'attention des praticiens à cause de ses dangers, et à cause des in- commodités qu'il produit. ïl faut avoir recours dans ces cas , comme dans toutes les déformations des os , qui tiennent à un ramollissement produit par un vice scrofuleux ou rachitique, à un régime fortifiant et à l'usage de boissons amères, mais avec une modération très grande qui préserve la gêne de la respiration et le trouble de la circulation , qu'un, régime et des remèdes trop fortifians, ou donnés sans mesure , pourraient augmenter et même rendre dangereux. Il faut joindre à ces remèdes généraux , des remèdes locaux. De tous ceux que j'ai mis en usage, je n'en connais pas de plus efficaces que les exercices propres à fortifier les muscles qui s'étendent des bras et des épaules à la poitrine, et surtout que des pressions fréquemment exer- cées d'avant en arrière sur le sternum. Les exercices que je conseille ont pour but , et pour résultat de soulever les parois de la poitrine, de les écarter, de les porter en dehors, et de les ramener enfin à leur conformation naturelle. Il n'est pas d'exercice plus propre à atteindre ce but, que celui qui oblige les personnes affectées du vice de conformation dont il s'agit, à soulever, pendant plusieurs heures par jour , à l'aide des mains et des bras, un poids suspendu à une corde passant à travers deux poulies, une de sus- pension, l'autre de renvoi; l'extrémité de la corde destinée à être saisie doit être attachée au milieu d'un levier que saisissent les deux mains , l'autre extrémité doit soutenir un poids proportionné à la force de l'individu qu'on veut exercer. Cet in- dividu placé debout , élevé même sur la pointe des pieds pour atteindre le levier placé à l'extrémité de la corde , doit le saisir avec les deux mains , et employant l'effort des muscles des avant-bras, des bras, du col et de la poitrine pour fléchir tout à la fois la tête, la poitrine et le corps et les incliner vers le sol, il doit faire élever le poids suspendu à l'autre extrémité de la corde , et employer alternative- ment les muscles fléchisseurs à relever le poids, et les muscles extenseurs à redresser le c orps. S'il est vrai , comme on n'en saurait douter, qu'il existât entre les os et les muscles des rapports de conformation et d'action tels que les derniers tendent toujours à agir sur les premiers, de manière à les ramener à une forme première et constante, il est certain que l'exercice que nous venons de décrire, en dirigeant les efforts des muscles sur les os de la poitrine , doit ramener peu à peu les parois de cette cavité à des formes meilleures. SUR LA DÉPRESSION LATÉRALE DES PAROIS DE LA POITRINE. i'i5 A ce premier moyen il faut joindre la pratique de pressions exercées sur la poitrine, d'avant en arrière. L'union de ces deux moyens avec le régime et le trai- tement, a suffi pour guérir des vices de conformation qui avaient été faussement jugés incurables. La pression exercée d'avant en arrière sur la poitrine à l'aide d'une machine qui prendrait un appui sur le dos et qui, parle moyen d'un ressort, d'une vis de pression ou bien autrement, tendrait à aplatir ou bien à enfoncer le sternum, aurait l'in- convénient de toutes les compressions mécaniques constantes ; elle causerait des douleurs insupportables, elle fatiguerait. la peau, l'enflammerait et déterminerait des abcès ou bien des escarres. La pression que je conseille n'a aucun de ces inconvéniens ; elle consiste, après avoir fait placer l'enfant de profil, à appuyer soit la main, ou le genou sur son dos, ou bien encore à appuyer cette partie contre un "mur, à placer la paume de l'autre main sur le point le plus saillant du ster- num ,* et à presser et à pousser la partie antérieure de la poitrine vers la partie postérieure, par des mouvemens alternatifs qui, au bout de quelques jours d'épreuve, parviennent à s'accorder tellement avec les mouvemens de la respiration, que les petits malades et ceux qui les pressent s'entendent bien vite à exercer le mouvement de pression pendant le temps de l'expiration , et à le suspendre pour permettre à la poitrine de se développer au moment de l'inspiration. Pendant ces mouvemens, on entend un bruit semblable à celui que fait l'air qui entre dans un soufflet , et qui en sort alternativement. J'ai plusieurs fois observé, avec une curiosité attentive, les effets immédiats de cet exercice; ces effets sont un aplatissement de la carène représentée par le sternum, une courbure plus ou moins forte des côtes en dehors, le retour mo- mentané de la poitrine à des formes plus naturelles, une respiration beaucoup plus forte et beaucoup plus complète qu'elle ne l'est ordinairement, et, lorsque la pression est levée , le retour subit des parties à leur état ordinaire , retour accom- pagné d'une grande inspiration. Ces pressions doivent être répétées dix fois, cent fois par jour si cela est pos- sible, et continuées chaque fois pendant plusieurs minutes : leur efficacité est d'autant plus grande , qu'elles sont plus souvent répétées et plus long - temps continuées. Le soin de les pratiquer ne doit pas être confié à tout le monde indifféremment. On ne saurait trouver que dans le cœur d'une mère la persévérance nécessaire pour réussir; avec cet aide, il n'est guère de vice de conformation de l'espèce de celui que nous venons de décrire, auquel on ne puisse remédier, et j'ai vu des enfans qui en étaient affectés au plus haut degré, devenir, par la suite, des personnes ro- bustes et bien constituées. Tel a été le résultat de ces soins dans le cas suivant, ii 6 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE pris au hasard parmi un grand nombre d'autres , où le succès n'a pas été moins complet. PREMIÈRE OBSERVATION. Un enfant du sexe féminin, issu d'une mère rachitique et d'un père scrofuleux, vint au monde avec une grande difficulté de respirer et une difficulté plus grande encore de saisir et surtout de garder le mamelon du sein de sa nourrice. Ses cris , les besoins qu'elle manifestait de prendre des alimens et l'impossibilité où elle était d'y satisfaire me firent appeler, et j'observai une oppression constante accompagnée de fréquence et souvent de trouble dans les mouvemens de la respiration et dans ceux du cœur. L'enfant criait et s'agitait continuellement, ses besoins se manifes- taient par une succion continuelle , par la tendance et les efforts qu'elle faisait pour saisir tout ce qui était à la portée de sa bouche. Si on lui présentait le sein elle le saisissait avec avidité, exécutait avec précipitation quelques mouvemens de succion, faisait arriver le lait en telle abondance, qu'il était rendu par la bouche, et bientôt elle quittait le sein en faisant des cris perçans et en s'agitant douloureusement, jusqu'à ce que le besoin se fît sentir de nouveau; elle cherchait et reprenait alors le sein , jusqu'à ce que le renouvellement des accidens l'obligeassent à le quitter de nouveau,  tous ces symptômes se joignaient une grande dépression des côtés de la poi- trine, une saillie proportionnelle du sternum et du ventre en avant, et de la colonne vertébrale en arrière. Il n'existait aucun embarras dans les narines, aucun vice de conformation à la langue : les mamelons de la nourrice étaient bien conformés, le lait coulait avec facilité par l'effet de la pression et de la succion la plus légère. La difficulté que l'enfant éprouvait à garder les mamelles tenait donc, ainsi que l'oppression, la fréquence et le trouble des mouvemens de la respiration et de la circulation, au vice de conformation observé dans les parois de la poitrine. On ne pouvait y remédier instantanément; mais il fallait faire vivre l'enfant, et pour cela il fallait le nourrir; on y réussit en tenant nettoyée et libre l'entrée des narines , en écartant de cette entrée le sein et tout ce qui aurait pu gêner le passage de l'air, en lui donnant le mamelon et en le lui retirant alternativement, de manière à laisser à la respiration le temps de se rétablir, et surtout en substituant par degré à la lactation, qui oblige les enfansàne respirer que par les narines autant de temps qu'ils ont le mamelon dans la bouche , des alimens portés dans cette cavité à l'aide d'une cuiller, ce qui ne l'empêche pas ou ne l'empêche que pour un temps très court de respirer à la fois par le nez et par la bouche. A l'aide de ces soins, l'en- fant atteignit trois ans, il se fortifia même; mais le vice de conformation persistait et entretenait une difficulté de respirer qui se manifestait par la brièveté et la fré- SUR LA DÉPRESSION LATÉRALE DES PAROIS DE LA POITRINE. i 17 quence des mouveinens de la respiration , par un état habituel d'oppression qui aug- mentait au moindre exercice, parles efforts que faisaient alors tous les muscles inspirateurs, l'interruption du sommeil, les rêves pénibles, des cris et des réveils en sursaut, la coloration habituelle de la face en rouge-violet, coloration d'autant plus grande que l'oppression était plus marquée. A cette époque, le bruit que faisait l'air en passant à travers la gorge, pendant la nuit surtout, ayant appelé l'attention sur ce point, les amygdales furent examinées et trouvées tellement volumineuses, quelles laissaient à peine libre la moitié de l'isthme du gosier. Y avait-il maladie organique aux poumons ou bien au cœur? La première idée fut repoussée , la seconde fut soutenue par quelques médecins. Le plus grand nombre se rangea à l'idée que tous les phénomènesrelatéséta'ent produits par le vicedeconformationdesparoisdelapoitrine.Ce vice ayant augmenté sensiblement depuis quelque temps, on convint d'unir au régime tonique, en usage depuis long- temps, un traitement anti-scrofuleux; mais l'accroissement de l'oppression et de l'a- gitation obligèrentbientôtàinterrompre ce dernier. Ilfut repris, abandonné et repris- un grand nombre de fois pour les mêmes raisons, jusqu'au moment où la certitude acquise de ses inconvéniens y fit renoncer pour toujours. Je proposai alors des pressions répétées sur la poitrine d'avant en arrière, suivant la méthode décrite plus haut. L'enfant, âgé pour lors de trois à quatre ans, eut d'abord peine à s'y faire; il s'y accoutuma pourtant; et bientôt encouragés par les bons effets de cette pratique, les parens de l'enfant et leurs amis s'en occupèrent avec un tel zèle, que ces pressions furent répétées jusqu'à cent fois par jour, et qu'en sortant des mains de l'un , l'enfant passait aux mains de l'autre pour être soumis de nouveau à ces pressions. Cette constance ne tarda pas à avoir les plus heureux résultats. En effet en moins de six mois la saillie du sternum s'affaissa, le dos se redressa, la dépres-' sion latérale de la poitrine cessa presque entièrement, le ventre perdit de son volume, la respiration s'exécuta avec plus de lenteur, plus de facilité et plus de régularité; les exercices devinrent beaucoup plus faciles, le volume des amygdales diminua ainsi que le bruit que faisait l'air en passant à travers la gorge pendant la nuit. Six à sept ans se passèrent de la sorte pendant lesquels la jeune personne grandit et se fortifia singulièrement. Cependant elle n'avait encore ni la poitrine parfaite- ment conformée , ni l'échiné parfaitement droite , ni la respiration parfaitement libre; la poitrine était ronde et cylindroîde ; la colonne vertébrale était encore un peu saillante , et la respiration se troublait au bout de quelque temps d'un exercice fatigant. Je conseillai alors l'exercice qui consiste à faire mouvoir, à l'aide des mem- bres supérieurs, un poids suspendu à une corde passant à travers deux poulies. 1 18 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE Cet exercice fut fait pendant deux ans avec la même exactitude que les pressions avaient été exercées sur le sternum. Deux ou trois heures y furent employées chaque jour, les bons effets ne tardèrent pas à se manifester; les muscles des membres supérieurs se fortifièrent, ceux qui viennent delà poitrine, le grand pec- toral, le grand dorsal, etc., etc., prirent surtout un grand développement; la poi- trine, dont les côtes étaient continuellement soulevées par ces muscles, prit un çrand développement en largeur; l'épine, dont les muscles n'étaient pas moins exercés par les mouvemens continuels de flexion et d'extension du tronc , se re- dressa parfaitement et prit ses courbures naturelles; la respiration devint large, profonde et d'une lenteur ordinaire ; enfin cette jeune personne est devenue une des plus grandes , des mieux faites de son sexe, et il serait impossible en la voyant, de soupçonner seulement de quel vice de conformation son enfance a été affectée. DEUXIEME OBSERVATION. Pottier (Michel) , âgé de six ans, demeurant rue Saint- Victor, n° 88. Il y a trois mois que cet enfant se plaint de gêne dans la respiration. Ces plaintes redoublant ces jours derniers, ses parens ont été naturellement portés à lui examiner le thorax, et ils furent surpris de voir que la poitrine n'était pas conformée comme celle des autres enfans. Ils vinrent consulter M. Dupuytren, le 6 mars 1821. Le thorax était dans l'état suivant : supérieurement il était assez bien conformé , mais au bas le ster- num se portait en avant et entraînait les côtes inférieures dans cette direction, les côtes ainsi redressées .donnaient à la poitrine une forme aplatie latéralement , qui la faisait ressembler à la poitrine d'un dindon ou à la carène d'un vaisseau. En ap- puyant une main sur le sternum , et une autre sur le dos, on rendait à la poitrine sa conformation naturelle; aussi M. Dupuytren conseilla-t-il ces pressions pour guérir l'enfant de ce vice de conformation 1. TROISIÈME OBSERVATION. Petit (Cécile) , âgée de deux ans, venue au monde au huitième mois de la gros- sesse, fut mise en nourrice où elle souffrit beaucoup. Il y a quinze jours que sa mère l'en retira et la présenta à la consultation publique de l'Hôtel-Dieu, le 10 janvier 1821, elle était dans l'état suivant : Tête volumineuse , bien conformée , face très maigre , exprimant la douleur et donnant l'idée de la vieillesse , yeux enfoncés et fixes , pupilles dilatées , conjonc- tives sèches et bleuâtres, pommettes saillantes. Appareil respiratoire. Nez aplati , narines dirigées en avant , ailes du nez éprou- (1) Recueillie par M. Piedagnel. SUR LA DÉPRESSION LATÉRALE DES PAROIS DE LA POITRINE. ng vant des mouvemens latéraux à chaque mouvement d'inspiration et d'expiration , respiration courte, bruyante et un peu précipitée; poitrine plus large transver- salement que d'avant en arrière , plus évasée en bas qu'en haut ; le sternum est saillant, les côtes sont aplaties et enfoncées du côté de la poitrine; la colonne ver- tébrale est relevée en dos d'âne. Le ventre est volumineux, il a bien cinq fois plus d'étendue que la poitrine. Les membres sont tellement maigres que les articulations ont trois fois le volume des parties charnues. Amygdales gonflées; l'enfant dort la bouche ouverte et avec bruit. QUATRIÈME OBSERVATION. Secourieux (Augustin) , âgé de treize mois, demeurant rue de la Mortellerie , n° 56. Cet enfant, qui est venu au monde au septième mois de la grossesse, était, à sa naissance, petit et faible. 11 fut mis en nourrice dans la Bourgogne, et il en revint il y a deux jours. Son état de langueur engagea sa mère à l'amener à la consulta- tion de M. Dupuytren, le 6 mai 1822. Il était dans l'état suivant : Système osseux. — Tête assez volumineuse , allongée d'avant en arrière. Poitrine aplatie latéralement, surtout à sa partie supérieure; l'inférieure est évasée et comme renversée en dehors; le sternum est saillant; les 5e, 6e, n° et 8e côtes du côté droit étaient enfoncées à leur partie antérieure et formaient une cavité qui avait à son centre près d'un pouce de profondeur. La partie postérieure de la poitrine, rétrécie en haut, était dilatée à sa partie inférieure. Extrémités supérieures. — La clavicule gauche formait une saillie considérable en avant; son extrémité interne est très volumineuse; la droite était seulement volu- mineuse à son extrémité sternale. Les articulations des coudes, des poignets, sont volumineux. Les membres inférieurs sont arqués en dehors; les genoux sont très volumineux et les jambes sont, pour employer une expression triviale, en manche de veste. Du reste, l'état général du petit malade est mauvais; la respiration est bruyante, difficile ; les amygdales gonflées; la peau est jaune et sèche ; il a des diarrhées, peu d'appétit et point de sommeil. CLINIQUE CHIRURGICALE DE L'HOTEL-DIEU, PAR M. G. BUESCHET, CHIBUBGIEW OBDINAIBE DE CET HOPITA De la ranule ou grenouillette. § 1. Il est une espèce de tumeur située sous la langue et formée par la rétention d'un liquide; elle a été nommée, on ne sait trop pourquoi, ranule ou grenouillette. Quelques médecins pensent que ce nom peut venir de ce que cette maladie donne à la bouche et à la région supérieure du cou des personnes qui en sont affectées la forme des mêmes parties chez les batraciens1; d'autres font dériver ce terme de la figure de la tumeur2; ce qui ne paraît guère admissible. Certains auteurs croient pouvoir trouver l'origine de cette dénomination dans l'altération qu'éprouve la voix, et dans la ressemblance des sons que produit le malade avec le coassement des animaux dont la maladie porte le nom. Quoi qu'il en soit, cette tumeur résulte, d'après l'opinion la plus générale, de l'accumulation de la salive dans les conduits excréteurs des glandes sous-maxillaires, et quelquefois dans celui des glandes sous-linguales ; mais ce dernier cas est, dit-on, beaucoup plus rare. Les canaux excréteurs de ces glandes salivaires paraissent être les seuls qui puissent présenter cette dilatation de leurs parois et cette rétention de la salive. Le canal excréteur de la glande parotide est formé de tissus trop denses et trop résistans pour donner lieu à une semblable tumeur. 11 est donc admis que la dilatation appartient exclusivement aux conduits excréteurs des glandes sous- maxillaires et sous-linguales, tandis que les fistules surviennent de préférence au (i) Les anciens nommaient la grenouillette „ nic similis sit partibus posterioribus ranse. » earpaxo;, et c'est ainsi qu'Actuarius la désigne. Quelques auteurs pensent que c'est avec la tête Method. med., liv. 2, c. 10, pag. 186. Art. med. ,je ja grenouille que la tumeur à été comparée. princip. , 1. 11. Enfin on a dit que cette dénomination venait de (a) Lazare Rivière {Prax.med. , 1. 5. Deaffect. la ressemblance de la maladie avec la tuméfaction tinguœ, cap. 2, f.a4i) assure que ce mot vient du qu'on observe sous la mâchoire des batraciens ce que la maladie ressemble aux parties posté- pendant l'acte de la déglutition de l'air pour la rieures du corps de la grenouille. respiration. « Ideo dici ranulam nostrum affectum, cum DE L'HOTEL-DIEU. 121 canal parotidien. La raison de cette différence se trouve dans la structure de ces canaux et dans leur mode de résistance. § 2. Des chirurgiens modernes parlent de tumeurs semblables à la grenouillette , et formées par l'accumulation de la salive dans le canal parotidien et dans ses radicules; mais ces personnes nous paraissent avoir écrit plutôt d'après la présomption de la possibilité de la chose, que d'après l'observation et l'existence bien constatée du fait1. § 3. Les anciens connaissaient le canal excréteur de la glande sous-maxillaire, et c'est à tort qu'on attribue la gloire de cette découverte à Wharton , dont l'ouvrage fut publié en i656. Bérenger de Carpi, qui écrivait en i52i , avait parlé de ce conduit d'une manière claire et précise, et, si nous voulons remonter beaucoup plus haut dans l'histoire de nos connaissances anatomiques , nous voyons que Galien , Oribase, Rhazès, Avicenne, Averrhoës, n'ignoraient point l'existence du canal excréteur dont nous parlons. Pourquoi donc Wharton ose-t-il affirmer que la découverte de cette partie lui est propre? Ces paroles démontrent que , dans les sciences comme ailleurs , il faut souvent , pour être cru et loué par la multitude , avoir moins de mé- rite et de vérité que de hardiesse et d'assurance2. § 4- -Le siège et la nature de la ranule qui paraissent être aujourd'hui mieux connus , ont long-temps été ignorés. On croit qu'Hippocrate a voulu désigner la grenouillette lorsqu'il parle de l'hypoglosse. C'est , suivant le père de la médecine, une tumeur qui se développe sous la langue, en gêne les mouvemens , et rend la déglutition difficile. Celse regardait cette affection comme un abcès d'une espèce particulière8. Actuarius 4 ne paraît pas avoir mieux connu cette maladie, puisqu'il prétend l'avoir guérie en ouvrant la veine ; ce qui fait dire à Camper qu'il a pris cette tu- meur pour la dilatation de ce vaisseau5. Ambroise Paré , si judicieux et si bon observateur , a cependant commis la même méprise que Celse. Devons-nous accuser Jérôme Fabrice d'Aquapendente d'avoir placé la grenouillette parmi les tumeurs enkystées, et de l'avoir comparée au méli- (1) Précis élémentaire des maladies réputées chi- dit, quod ferè consistit in tunicû, doloresque ma- rargicales, etc. gnos movet. A. Cornelii Celsi, lib. 7, cap. 4> (2) En parlant de ce canal, Wharton s'exprime sect. 1. $5, p. 4°6- Parisiis, 1772. en ces termes : <■ Vas huic parti proprium, anato- (4) Linguam verô torquent affectus, quorum « micis hactenùs incognitum fuit. Verùm haud alter in infernâ ejus parte, et prœcipuè pueris <• difficulter in conspectum proferas, si praemo- erumpit, rana (vel ut grœci fixTptc%o; ) , dic- « nitus advertas illud, ortum ducere è crassiore tus, etc. Actuarii med. , sive de Method. , med. , « et posteriore ejus glandulœ parte, rectâqueten- lib. 11, cap. 10. Art. med. princip. , éd. Henr. « dere mentum versus. » Adenographia, sivegtan- Steph. dut. totius corporis descript. Auth. Th. Whartono. (5) Mémoires de la Société royale de médecine, Cap. 24, p. 118. Noviomagi, 1664. années 1784 — 1785, p. 72. (3) Sub linguâquoque interdùmaliquid absce- 5, 16 Isa M. G. BRESCHET. — CLINIQUE CHIRURGICALE céris1? L. Heister serait encore plus coupable , puisque , de son temps', Wliarton2 avait publié son Adènograplûe3 el que Jean Munnicks3 croyait avoir démontré que la grenouillette dépendait de l'accumulation de la salive dans les canaux qui viennent s'ouvrir sous la langue. § 5. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il n'existe aucune démonstration anatomique sur le siège de la grenouillette ; et comme aucun auteur ne dit avoir reconnu par la dissection le tissu affecté par cette maladie, il reste encore à désirer que l'anatomie pathologique vienne éclairer de son flambeau cette partie de l'histoire de la ranule. C'est pourquoi nous n'affirmons rien sur son siège jusqu'à ce que le scalpel ait dé- monli'é que la maladie réside réellement dans les canaux excréteurs des glandes sa- livaires sous-maxillaires ou qu'elle consiste simplement dans un kyste formé par une membrane analogue aux tissus séreux et contenant une humeur aqueuse. § 6. Suivant quelques auteurs , la grenouillette affecte particulièrement les enfans, et quelquefois ils apportent cette maladie en venant au monde, ainsi qu'on le voit dans les observations publiées dans les Commentaires de Leîpsick et dans l'ouvrage de Vogel. Mais n'a-t-on pas confondu dans ces circonstances la grenouillette pro- prement dite avec des kystes séreux sub-linguaux quelquefois très volumineux et descendant jusque sur le sternum. J'ai ouvert cinq fois de ces prétendues ranules , et j'ai reconnu sur le cadavre d'enfans nouveau -nés que j'avais affaire à de simples kystes séreux étrangers à la thyroïde ou à des tumeurs du même genre, développées dans le tissu de ce corps glanduliforme. Camper a observé , sur une très jeune fille , deux grosses tumeurs de ce genre ; il a aussi vu la grenouillette sur l'un et l'autre côtés du Glet de la langue , chez des femmes et chez plusieurs hommes; mais il dit ne l'avoir jamais rencontre'e sur des enfans. § 7. L'épaississement de la salive et l'atonie des canaux excréteurs des glandes sous- maxillaires et sous-linguales, ont été considérés, par quelques auteurs, comme for- mant l'essence de la maladie. Munnicks et Lafaye ont été de ce sentiment ; mais n'ont-ils pas pris l'effet pour la cause? Camper n'ose pas dire si la maladie réside dans l'altération de la salive , ou dans les propriétés vitales des canaux excréteurs des glandes. Je serais assez porté à croire que l'épaississement de la salive est le résultat du séjour de cette humeur dans les conduits qu'elle doit parcourir, et que l'obstruc- (1) Vicli aliquando adeô ingentem, ut omnes lea veluti materia exit. De chir. opérât. , pag. 25. fermé oris actiones labefactârit, sub génère ab- (3) \Yharton (Thomas) a écrit son livre en 1656. scessuum reponitCelsus. Ergo materia in tunicâ, Vid. Haller. Biblloth. anatom. , 1. 1, p. 464- Ëloy. seu folliculo continetur, et cùm mollis fit tumor, Dictionn. de méd. , t. iv. admelliceridisnaturamaccedit, quoprœcisomel- (5) Praxeos chiru.rg. , lib. 10, cap. 26. DE L'HOTEL-DIEU. 123 tion ou l'oblitération de ces canaux donne lieu à la rétention du fluide, d'où résulte la tumeur. § S. L'occlusion de l'orifice du canal extérieur de la glande sous-uiaxillairepeut être la conséquence d'une inflammation de la membrane muqueuse sublinguale, ou du tissu même de la langue. Des apbtbes, des ulcérations vers l'ouverture du canal ont pu amener son oblitération. Dans la section du filet de la langue on intéresse quel- quefois les canaux excréteurs qui s'ouvrent sur les côtés de ce repli membraneux , et leur oblitération peut résulter de la cicatrisation de la petite plaie. Des concré- tions calcaires, ou de petits calculs formés dans ces canaux, ont pu , par leur déve- loppement, s'opposer à l'issue de la salive, d'où s'ensuivent l'accumulation de ce liquide excrémento-récrémentitiel et la dilatation du canal chargé de le verser dans la bouche. § g. Quoique le plus communément la ranule ne contienne qu'une salive plus ou moins épaisse et altérée , ou une humeur analogue à la salive, on a aussi trouvé dans le kyste un liquide puriforme ou purulent, et assez souvent des concrétions ou des cal- culs. Hippocrate fait mention de petites pierres situées sous la langue. On trouve dans les Épliémérides des curieux de La nature 3 dans les Commentaires de Leipsick, et dans les Transactions philosophiques, des exemples de ces concrétions qui avaient la grosseur d'un pois ou d'une fève. Blegny a vu un de ces calculs dont le volume égalait celui d'une amande. Foreslus en a observé deux qui avaient au moins la grosseur d'une noisette. J.-L. Petit en a retiré un qui ressemblait à une olive, et Liautaud, chirurgien d'Arles, en a extrait dont la forme et la grosseur étaient com- parables à un œuf de pigeon. Lafaye , dans ses Notes sur Dionis, rapporte qu'un chirurgien trouva, dans une grenouillette , au moins huit onces de matière lithique ; et Louis nous dit que Leclerc retira environ une livre de substance sablonneuse, que contenait une tumeur du même genre, dont une religieuse des Annonciades était affectée. § 10. Les signes de la grenouillette sont assez clairs pour qu'un esprit attentif et observateur reconnaisse de suite la maladie. C'est une tumeur molle , blanchâtre, ré- gulièrement arrondie ou oblongue , située sous la langue, offrant de la fluctuation, sans douleur, rougeur ou autres phénomènes d'inflammation, cédant un peu sous le doigt, et revenant bien vite à sa première figure lorsque la pression vient à cesser ; d'abord à peine sensible , puis prenant peu à peu de l'accroissement. Communément son volume n'excède pas celui d'une noix ou d'un œuf de pigeon, et, dans quel- ques cas, on l'a vue acquérir celui d'un œuf de poule. Je me rappelle avoir observé, il y a quelques années, un homme qui portait, sous le menton, une tumeur qui s'étendait sur toute la partie antérieure du cou, et parvenait jusque sur le sternum. Cet individu, chez lequel l'articulation des sons était presque entièrement impossible, is4 M. G. BRESCHET. — CLINIQUE CHIRURGICALE s'est présenté et a séjourné dans plusieurs hôpitaux de la capitale. Des chirurgiens ont regardé sa tumeur comme une grenouillette , mais je n'ai pas des souvenirs assez certains de cette maladie pour pouvoir en déterminer affirmativement la nature. Cependant son volume considérable , bien présent à ma mémoire , et qui forçait le malade à placer un mouchoir sous sa tumeur pour la soutenir, me porte à penser que c'était un kyste rempli d'un liquide séreux, plutôt qu'une véritable grenouil- lette. Car il ne paraît guère possible, même à l'imagination la plus complaisante, d'accorder au canal excréteur des glandes sous-maxillaires la faculté de se prêter à un tel degré de dilatation. Quoi qu'il en soit, la tumeur, en acquérant plus de volume , refoule la langue en arrière, déplace ou déracine les dents, altère la voix, gêne ou empêche l'articula- tion des sons, s'oppose à la succion chez les enfans et à la mastication ou la déglu- tition chez les autres personnes. Elle déprime et écarte toutes les parties avec les- quelles elle se trouve en rapport; enfin cette tumeur finit par devenir apparente au dehors , et par se prononcer sous la mâchoire et à la partie antérieure et supérieure du cou. § 11. La cause et la nature de la maladie étant bien connues, il devrait paraître facile d'arriver à sa guérison , et cependant l'histoire de l'art nous démontre que ce but n'est que très rarement et très difficilement atteint. Les méthodes curatives peuvent se diviser en palliatives et en radicales. Dans les premières , on se borne à soulager momentanément le malade , en ouvrant la tumeur, et donnant issue au liquide ; dans les autres, indépendamment de ce premier avantage, on cherche à s'opposer au retour de la maladie. § 12. La ponction de la tumeur dans la partie située dans la bouche est le moyen le plus généralement mis en usage: un bistouri à lame étroite, une lancette ou un trois-quarts sont les instrumens employés à cette opération. Si l'humeur est limpide , peu visqueuse ou consistante , s'il n'existe point de concrétions, cette espèce de para- centhèse pourra procurer l'évacuation du liquide contenu dans la tumeur, et donner au malade un soulagement de courte durée ; car, peu après l'opération , l'ouverture se ferme, la salive s'accumule de nouveau et la tumeur reparaît. J.-L. Petit rapporte une observation où la ponction avec le trois-quarts fut réitérée dix fois, sans que, par cette méthode, on pût parvenir à faire disparaître la maladie. § 1 3. L'incision ou la ponction peut se faire sur le point de la tumeur qui proémine dans la bouche, ou vers la partie antérieure et supérieure du cou. Ce dernier lieu a été regardé comme très mauvais, et beaucoup de praticiens ont pensé que la tu- meur ouverte au dehors pouvait être suivie d'une fistule intarissable. L'observation empruntée à Muys a été citée maintes et maintes fois pour démontrer le vice de ce mode d'opérer. Cependant, le fait communiqué par Leclerc à l'Académie royale de DE L'HOTEL-DIEU. ia5 chirurgie , semble prouver que les craintes d'une fistule salivaire à l'extérieur ne sont pas toujours fondées , et peuvent même être regardées comme chimériques. Le- clerc, chirurgien à Saint-Vinox, fit la ponction sous le menton, et agrandit l'ou- verture avec le bistouri : beaucoup de liquide et de matière sablonneuse sortirent par l'ouverture , et des pansemens méthodiques achevèrent la guérison en peu de temps. Ce qu'on peut objecter à Leclerc, c'est que peut-être il avait à traiter plutôt un kyste rempli de sérosité, qu'une véritable grenouillette; car la ponction ne pou- vait guérir que temporairement, et la maladie aurait dû revenir si elle avait eu son siège dans le conduit excréteur d'une glande salivaire. Le résultat qu'on doit chercher à obtenir n'est pas seulement de vider la tumeur après l'avoir ouverte, mais encore d'empêcher une nouvelle accumulation de liquide, et pour cela il faut conserver l'ouverture béante. Ce but désirable est plus souvent atteint par l'emploi du cautère actuel que par tout autre moyen; cependant cette méthode n'est pas infaillible , ainsi que l'expérience l'a démontré à Sabatier et à plu- sieurs autres chirurgiens célèbres. Il est, en effet, étonnant qu'une ouverture pratiquée sur une poche distendue par un liquide qui y arrive sans cesse, ne suffise point , et que l'écoulement conti- nuel de ce liquide ne s'oppose pas à l'occlusion de cette ouverture. Ce fait semblerait prouver que , dans la formation et l'entretien des fistules , il y a quelque chose de plus que l'écoulement d'un liquide , puisque la plaie simple ou avec perte de substance et le flux continuel de la salive ne peuvent pas produire une fistule du canal de Wharton, fistule par laquelle la grenouillette serait détruite, ou bien le retour de la tumeur après que l'ouverture en a été faite indique l'existence d'un kyste séreux plutôt que celle d'une ranule formée par la dilatation des canaux excréteurs d'une glande salivaire. § i4- Sabatier, et avant lui le célèbre Louis, ont obtenu la cure de quelques tu- meurs du genre de celles dont nous traitons, en plaçant dans l'ouverture avec perte de substance faite aux parois du sac, des mèches, des tentes de charpie , des portions de bougie ou de fil de plomb, qu'on retirait chaque jour pour permettre l'écoule- ment du liquide qui s'était accumulé dans la poche. Sabatier propose de remplacer le fil de plomb par une canule qu'on laisserait jusqu'à ce que les bords de l'ouver- ture soient devenus calleux. Ces procédés ont été suivis par plusieurs praticiens, qui oiyt vu que tantôt la canule ne pouvait pas tenir, ou gênait les mouvemens de la langue, la mastication et l'articulation des sons, et que tantôt elle s'oblitérait, et demandait à être déplacée; enfin, que constamment la maladie reparaissait peu de temps après qu'on avait retiré la canule ou les fils de plomb. Tout ce que nous venons de dire sur la ponction , soit qu'on se borne simplement à elle, soit qu'après l'avoir faite , on place temporairement des canules, des mèches, 126 M. G. BRESCHET. — CLINIQUE CHIRURGICALE des fils de plomb , etc. , démontre que ces moyens ne peuvent appartenir qu'à une cure palliative, et qu'ils sont conséquemment insuffisans. Le même jugement doit être porté sur l'incision; car l'étendue et la direction données à l'ouverture ne peu- vent rien faire dans cette circonstance, et l'on sait qu'une plaie grande ou petite guérit de la même manière, et souvent sans présenter de différence pour le temps que la ci- catrisation met à s'opérer. § i5. L'excision d'une partie desi parois de la tumeur a été proposée et exécutée ; mais, dans beaucoup de cas, elle n'a fait que différer la récidive de la tumeur, sans s'op- poser efficacement à son retour. Ici la perte de substance rendait la cicatrisation plus lente, mais elle devait arriver comme dans la simple incision. Cette excision doit être faite lorsque la tumeur est d'un volume considérable , et que ses parois sont épaisses, fermes et résistantes. La lésion de nerfs ou de vaisseaux importans n'est point à re- douter, car les astringens suffisent presque toujours pour arrêter la légère effusion de sang qui survient. Il n'en est pas de même de l'extirpation; on y a songé, sans cependant oser la tenter : la crainte d'intéresser des nerfs ou des vaisseaux saDguins essentiels a arrêté les bommes de l'art. Qu'aurait-on obtenu par elle? Si l'on ne faisait qu'enlever la tumeur, c'était entreprendre une opération délicate et difficile, sans être sûr d'empêcher la maladie de reparaître, puisque la glande pouvait toujours verser de la salive par les canaux placés dans sa propre substance, et dont la réunion constitue le conduit de Wharton. Il faudrait donc, dans cette extirpation, comprendre la glande elle-même. Je ne sache pas qu'elle ait été faite, et je pense que raisonna- blement on ne doit point songer à une semblable opération. § 16. L'injection d'un liquide irritant dans la poche dont on aurait fait sortir la sa- live pourrait-elle, par l'inflammation et l'adhérence des parois de ce kyste, procurer la guérison? Ce serait rendre inutiles les fonctions de la glande ; le liquide qu'elle continuerait à sécréter, ne trouvant plus d'issue , ne pourrait-il pas distendre les ra- mifications des conduits excréteurs logés dans les interstices des lobules composant sa substance? une tuméfaction qui surviendrait ne pourrait-elle pas être suivie de vives douleurs, d'inflammation , de suppuration, de fistule au dehors: enfin l'inflammation excitée par le liquide irritant injecté dans la poche, ne pourrait-elle pas s'étendre à la langue, au larynx et aux autres parties voisines? Ce sont autant de questions qu'on peut faire, et auxquelles le silence de l'expérience nous empêche de pouvoir répon- dre. Si la maladie a réellement son siège dans les canaux extérieurs des glandes sa- livaires, la cure par l'injection l'est pas rationnelle et ne peut pas être proposée; mais si la ranule n'est qu'une tumeur enkystée, contenant un liquide séreux ou al- bumineux , l'injection peut être faite et avoir des résultats avantageux. Pourquoi l'ouverture faite à la tumeur ne reste-t-elle pas fistuleuse, si un canal excréteur est véritablement le sièse de la maladie? DE L'HOTEL-DIEU. 12y § in; Le cathétérisme des canaux excréteurs des glandes sous-maxillaires est diffi- cile , et comme la grenouillette tient moins au resserrement de ces conduits qu'à leur oblitération par des corps étrangers renfermés dans la tumeur, ou par l'effet d'une inflammation, je crois qu'on peut considérer l'emploi de petites sondes ou de bougies comme inutile. § 1 8. Il n'en est pas de même de la cautérisation : son usage remonte aux premiers temps de la médecine dogmatique. En parlant de l'hypoglosse, Hippocrate recom- mande de placer sur la tumeur une éponge imbibée d'un liquide chaud et émollient; lorsque le pus existe, il fait une incision à la tumeur, et quelquefois il attend que cette ouverture se fasse spontanément, puis il cautérise avec le feu. Celse se conten- tait d'ouvrir la tumeur, si elle était petite : mais, dans le cas contraire, il portait l'instrument plus profondément; puis, saisissant de chaque côté les lèvres de la plaie, il isolait le kyste de toutes parts, et l'enlevait, en ayant grand soin de ne léser aucun vaisseau1. Fabrice d'Aquapendente, qui a presque toujours pris Celse pour guide. et auquel on peut reprocher bien souvent une imitation trop scrupuleuse, n'a ce- pendant emprunté de lui que l'incision. Nous avons démontré que ce moyen ne procurait au malade qu'une courte trêve; on a encore accusé l'incision de faire jaillir la salive en parlant, inconvénient qu'on a sans doute exagéré, et pour l'éviter on a proposé d'inciser les tumeurs sur les côtés. Marc-Aurèle Séverin2 recommande et emploie le feu dans le traitement de la gre- nouillette. Tulpius veut aussi qu'on ait recours au cautère actuel, mais seulement lorsque la tumeur est dure, et que ses parois sont fort épaisses ; car si la matière est liquide, ce qu'on reconnaît par le toucher, il ne veut point qu'on songe à l'ustion : alors, suivant lui, on doit se contenter de faire une légère excision3. Ambroise Paré donne le même conseil, et dit qu'on doit ouvrir la tumeur avec un fer rouge4. § 19. L'emploi des acides pour détruire une partie des parois de la tumeur, et pour donner une issue continuelle au liquide contenu dans le kyste, a été présenté comme préférable au cautère actuel, à l'incision et à l'extirpation ; mais on doit être arrêté par la crainte de ne pouvoir pas limiter l'action du caustique, d'étendre trop loin ^a désorganisation , et de détruire le canal de Wharton lui-même. Camper dit avoir réussi en ouvrant largement la tumeur, et en la touchant avec la pierre infernale : (î)Quodsiexiguumest, incidi semel satisest: exustione cogitare; sedexcide duntaxat summam simajus,summacutisusqueadtunicamexcidenda ipsius tunicam. Observ. medicor. Lib. 1, cap. 52 est, deinde utriusque orœhamulis excipiendœ, et pag. 10';. tunica undique circumdata liberanda est; uiagnâ (4) Or pour seureraent parfaire la curation, il diligentiâ per omnem curationem habita, ne qua faut faire ouverture de ladite apostème auecques major vena incidatur. Lib. 7, c. 4>sect. i5, p. 406. cautère actuel, plustostqu'auecques lancette : au- (2) De effic. med. , p. 254. trement le plus souvent réitérée, voire par plu- (3) At verô, si mollis, ac sequax sit ranulae ma- sieurs et diuerses fois. Des tumeurs en particulier, teria, (quod facile attactu dignoscitur), noli de liv. 8, c. 5. p. 291. 128 M. G. BRESCHET.— CLINIQUE CHIRURGICALE il avoue qu'il a été souvent obligé de faire à plusieurs reprises cette cautérisation. § 20. Les indications curatives que présente la ranule, qui consistent à faire cesser les incommodités et les accidens produits par le développement de la tumeur, en pratiquant une issue au liquide qu'elle contient, en s'opposant à l'occlusion de cette ouverture pour empêcher le retour de la maladie, ont été connues de la plupart des praticiens qui ont écrit sur cette matière; mais aucun n'a touché au but, en em- ployant un moyen simple dans son exécution et sûr dans son effet. Toutes les mé- thodes usitées, et dont j'ai fait l'histoire , sont plus ou moins défectueuses , soit par leurs difficultés , par la frayeur ou la douleur qu'elles causent aux malades , soit surtout parce qu'elles ne produisent qu'une cure momentanée, et que la maladie reparaît après un certain laps de temps, l'ouverture pratiquée sur la tumeur par une simple incision, par l'excision ou la cautérisation, se cicatrisant toujours. D'ailleurs ne sait-on pas quelle tendance extrême ont à se fermer, les ouvertures artificielles pra- tiquées pour rétablir les fonctions d'un canal tapissé par une membrane muqueuse? On ne peut excepter de cette disposition générale des ouvertures accidentelles, que celles des anus contre nature , lesquelles persistent avec tant d'opiniâtreté , soit qu'elles surviennent à la suite d'une gangrène de l'anse intestinale formant hernie, soit qu'elles aient été pratiquées par l'art. S 2 1 . Rossius 1 prétend que le renouvellement de la tumeur résulte de la faute com- mise en ne faisant qu'une simple ouverture. Mais nous avons dit qu'une longue incision se fermerait comme une petite : une légère division est sans doute insuffisante, et comme telle , Rossius ^a raison de la blâmer ; cependant si cette petite plaie ne se cicatrisait point, elle conduirait la maladie à la guérison, et par conséquent elle serait exempte de blâme. C'est le moyen de s'opposer à celte oblitération qu'il fallait trouver; c'est ce que M. le professeur Dupuytren a découvert, qu'il a employé avec succès, et que je vais faire connaître. § 22. Ce chirurgien célèbre pensa que le moyen le plus sûr d'obtenir la guérison ra- dicale de la grenouillette , serait de maintenir constamment l'ouverture faite à la tu- meur, à l'aide d'un corps étranger introduit et laissé à demeure dans le kyste; par conséquent, d'agir ici comme il agit avec tant de succès depuis vingt ans, contre la (i) P. Malth. Rossius, Observ. chirurg. , p. i45. non définit. Horum autem errorem primum dicit Voy. aussi C. Stalpart Van der AViel, Observ. nimis angustam incisionern, dùm illud tantùm rarlor, med. anat. chirurg. centur. î, obs. 20, agunt chirurgi, ut incluso humori satis idoneum p. 87 et 91. prœparenttransitum, cùmilla requiratur magna, (a) Duosvulgôerroresinhujusmalisanatione et 6ecundum totius tumoris longitudinem fa- à chirurgis committi indicat, queis fiât, ut sœpius cienda sit. Alterum vocat omissionem remedio- ulceratiopostapertum tumoremremaneat, undè rum meuobranam consumentium. Voy. C. Stalp. iterum (quoniam difficulter tollitur) accrescere Van der "Wiel. hoc. cit. DE L'HOTEL-DIEU. l2g fistule lacrymale. Pour parvenir à ce but, il fit faire un petit instrument en argent, composé d'un cylindre creux par lequel devait s'écouler la salive. Ce cylindre avait quatre lignes dans sa longueur, et deux environ dans sa largeur. Il était terminé à chacune de ses extrémités par une petite plaque ovoïde, légèrement concave sur la face libre , et convexe sur la face adhérente au cylindre , et regardant celle de l'autre extrémité: l'une de ces petites plaques devant se trouver placée dans l'inté- rieur de la poche, et l'autre correspondre au dehors, c'est-à-dire dans la cavité de la bouche. Pour donner une idée de ce petit instrument , nous le comparerons à ces boutons à deux têtes retenues ensemble par une tige intermédiaire, dont les gens de la campagne se servent encore pour attacher quelques parties de leurs vêtemens. M. Dupuytren employa pour la première fois cet instrument sur un jeune mi- litaire qui portait sous la langue, depuis plusieurs mois, une petite tumeur qui s'était accrue lentement, sans douleur, mais qui gênait beaucoup les mouvemens de cet organe et la déglutition. Désirant être débarrassé de cette maladie, il entra à l'Hô- tel-Dieu. On voyait sur un côté du frein de la langue une tumeur oblongue , demi-opaque , affectant la direction du canal de Wharton , et qu'on reconnut dépendre de la dila- tation du conduit excréteur de la glande sous-maxillaire. § a3. M. Dupuytren pratiqua l'opération de la manière suivante: une ouverture fut faite à la petite poche , avec des ciseaux courbés sur le plat ; il s'en écoula une liqueur limpide , inodore , visqueuse et filante. Avec des pinces à disséquer , l'opérateur saisit l'instrument et l'introduisit dans la cavité de la tumeur par l'ouverture qui y était pratiquée , de manière à ce qu'une des plaques fût libre dans la bouche. Dès ce moment, la tumeur diminua de volume , s'affaissa de plus en plus, et quinze jours après l'opération, le malade, parfaitement guéri, sortit de l'hôpital. Il pouvait par- ler, manger, et, en un mot , faire exécuter à la langue tous les mouvemens possibles, sans éprouver aucune gêne. § 24. Cependant M. Dupuytren ayant reconnu que cet instrument offrait de légères imperfections, il y porta quelques changemens. 11 vit que le canal du cylindre était inutile, parce que la salive peut passer tout aussi bien entre les lèvres de l'ouverture pratiquée et la circonférence du cylindre; de plus, les alimens s'amassant dans le canal du cylindre , l'obstruent et finissent par l'oblitérer. La petite plaque située à l'extérieur était trop large, son bord relevé excitait la face inférieure de la langue, qui portait continuellement dessus. Ces raisons firent subir à l'instrument les mo- difications suivantes: le bord des plaques fut recourbé en sens contraire, de manière à ce que leur concavité se regardât; on diminua leur largeur, et de rondes qu'elles étaient on les rendit elliptiques; enfin on diminua également la grosseur ainsi que 5. >7 i3o M. G. BRESCHET. — CLINIQUE CHIRURGICALE 1 étendue du cylindre , ce qui porta ses dimensions à trois lignes de longueur sur une ou une et demie de grosseur. Cet instrument peut être fait en argent, en or ou en platine , et ce dernier métal paraît être le plus convenable , parce qu'il se laisse moins facilement attaquer et altérer par les fluides animaux. M. Dupuytren a ébtenu avec ce petit instrument confectionné de la sorte , un succès constant. On doit concevoir que si la tumeur était très volumineuse, si ses parois se trouvaient fort épaisses, il conviendrait, avant d'appliquer l'instrument, d'ouvrir largement la poche, quelquefois même d'en exciser une portion, et de ne mettre l'instrument que lorsque les parties seraient revenues sur elles-mêmes, et que la plaie, presque entièrement cicatrisée, n'offrirait plus qu'un petit orifice pour laisser passer l'instrument qui doit s'opposer à son entière occlusion. § 25. Cette méthode facile et ingénieuse ne ressemble en rien à toutes celles qui ont ete proposées ; nous n'en exceptons ni les mèches, ni les se tons, ni les bougies ou les canules ; car par tous ces moyens dont l'usage était difficile , embarrassant, quelque- fois même insupportable, on ne cherchait qu'à opérer une fistule, et l'expérience démontrait qu'aussitôt que les corps étrangers étaient retirés, le pertuis fistuleux s oblitérait, et la maladie récidivait. Ce moyen de M. Dupuytren est très simple, et c est ce qui ajoute encore à son mérite, puisqu'il atteint le but qu'on se propose, et que jusqu'ici on avait constamment manqué. PREMIÈRE OBSERVATION. § 26. Le nommé Duchâteau (Bruno), âgé de 24 ans, ex-tambour de la garde impé- riale , d'une petite stature , d'un tempérament bilieux , portait sous la langue , depuis trois ans, une petite tumeur. Elle s'était accrue lentement sans aucune espèce de dou- leur, seulement elle gênait beaucoup les mouvemens de la langue. Désirant en être dé- barrassé, il entra à l'Hôtel-Dieu, le 1 4 octobre 1807. On voyait sur les parties latérales du frein de la langue une petite tumeur oblongue, demi-opaque, affectant la direction du canal de Wharton , et paraissant produite par la dilatation du conduit excréteur de la glande sous-maxillaire. Diflerens moyens avaient été employés pour guérir cette maladie , mais ils étaient plus ou moins défectueux et ne l'avaient fait disparaître que momentanément. Quel- ques praticiens avaient incisé la tumeur pour évacuer le liquide qui s'y trouvait ren- fermé ; d'autres avaient pratiqué l'excision. Enfin, après avoir excisé la petite poche, on avait cautérisé les bordsde l'ouverture. Mais la maladie revenait aprèsun temps plus ou moins long, parce que l'ouverture qu'on avait faite à la tumeur, soit en pratiquant une simple incision, soit en faisant une perte de substance, se réunissait toujours. D'ailleurs, ne sait-on pas quelle tendance extrême ont à se fermer les ouvertures DE L'HOTEL-DIEU. ,3, artificielles qu'on pratique pour rétablir les fonctions d'un canal tapissé par une membrane muqueuse. M.JDupuytren pensa que le moyen le plus sûr d'obtenir la guérison radicale de cette maladie serait de maintenir l'ouverture faite à la tumeur, au moyen d'un corps étranger introduit et laissé à demeure dans la petite poche, par conséquent d'agir comme dans la fistule lacrymale. Pour parvenir à ce but, il fit faire un petit instrument en argent , composé d'un petit cylindre , présentant un canal par lequel devait s'écouler la salive. Ce cylindre ayant quatre lignes de longueur et deux lignes environ dans son diamètre transversal , terminé à chacune de ses extrémités par une petite plaque ovale, légèrement concave à l'une de ses faces, et la convexité de l'autre face regardant la convexité de la plaque opposée. L'une de ces petites plaques devait se trouver placée dans l'intérieur de la tumeur et l'autre libre dans la bouche. On pratiqua l'opération de la manière suivante : Une ouverture fut faite à la petite poche, au moyen de ciseaux courbes sur le plat. Il s'écoula une liqueur limpide, inodore, épaisse et filante; puis, avec des pinces à disséquer, M. Dupuytren saisit le petit instrument et l'introduisit dans l'intérieur de la tumeur par l'ouverture qui y était pratiquée , de manière à ce qu'une des plaques fût libre dans la bouche. Dès ce moment, la petite tumeur s'affaissa ; en peu de jours, l'incision qui y avait été pratiquée se cicatrisa sur le cylindre de l'instrument. Le malade sortit de l'hôpital quinze jours après l'opération; il pou- vait manger, parler, faire exécuter tous les mouvemens possibles à la langue, sans éprouver aucune gêne. DEUXIÈME OBSERVATION. § 27. Vincent Tellier, âgé de 24 ans, vint à l'Hôtel-Dieu le 27 octobre 1820, portant, depuis plusieurs années, sur la partie gauche du filet de la langue, une tumeur ovoïde dont le grand diamètre était étendu d'avant en arrière entre la partie latérale gauche de la langue et la face interne de l'os maxillaire inférieur; son volume était celui d'un petit œuf de poule; cette tumeur rendait difficile la prononciation , la mastication et la respiration. Le 27 octobre, il fut opéré de la manière suivante : M. Dupuytren saisit la tumeur avec des pinces, la souleva, et formant un pli, 1 incisa avec des ciseaux courbés sur le plat. Aussitôt il s'écoula en abondance un liquide muqueux, filant et incolore, les parois de la tumeur s'affaissèrent; par l'ouver- ture, on introduisit une des extrémités de l'instrument, composé de deux petites pla- ques elliptiques de cinq à six lignes , écartées de deux lignes et unies entre elles par une tige. Dans cet instrument, la tige était creuse et son canal ne tarda pas à être oblitéré par les alimens qui s'y introduisirent. i32 M, G. BRESCHET.— CLINIQUE CHIRURGICALE Le malade revint à la consultation de l'hôpital , le 8 novembre , onze jours après son opération: la salive passait facilement entre l'instrument et les bords de la plaie; cet instrument ne gênait ni la prononciation, ni la mastication, et le malade n'avait pas la consciencede sa présence. Quelques mois plus tard , Tellier revint à l'Hôtel - Dieu consulter M. Dupuytren pour un embarras gastrique, l'instrument, ne s'était pas dérangé et la tumeur n'avait pas reparu 1. TROISIÈME OBSERVATION. § 28. La nommée Pic, âgée de 43 ans, d'une bonne constitution, vint à la consul- tation de l'Hôtel-Dieu, le 5 juillet 1814, dans l'état suivant : Une tumeur molle, de la grosseur d'un petit œuf de poule, existait de chaque côté de la bouche et sur les côtés du filet. La voix était altérée , la respiration et la déglutition difficiles, le toucher faisait reconnaître que ces deux tumeurs ne com- muniquaient pas ensemble. Il y avait trois mois que, sans cause connue , ces tumeurs existaient; un médecin les ouvrit trois fois , trois fois un liquide visqueux, transparent s'écoula, mais trois fois aussi les deux tumeurs se reformèrent. M. Dupuytren opéra le côté droit en introduisant son instrument ; et voulant avoir un point de compa- raison , il se contenta d'inciser largement la tumeur du côté gauche. Bientôt après elle se reforma, et M. Dupuytren l'ayant opérée comme l'autre, eut la satisfaction de voir sa malade guérir parfaitement. Elle est revenue depuis à l'Hôtel-Dieu ; la guérison ne s'est pas démentie2. QUATRIÈME OBSERVATION. § 29. Devaux (Jean-Henry) , âgé de 4o ans, jardinier, demeurant à Passy, éprouvait depuis dix jours un peu de douleur dans la bouche , sous la partie inférieure gauche de la langue ; bientôt il s'aperçut qu'une petite tumeur se développait dans cette partie; elle fit des progrès rapides, et lorsque ce malade se présenta à la consultation, le 28 mars 182 1 , il était dans l'état suivant : Tumeur, grosse comme une petite noix, placée sur le côté gauche de la paroi inférieure de la bouche, au-dessous de la langue, s'étendant à droite, et séparée dans cet endroit par le filet. Plus grosse antérieurement que postérieurement , molle, fluctuante , d'un rouge violet, demi-transparente, sans douleur, mais gênant beaucoup les mouvemens delà langue, donnant un timbre tout particulier à la voix; (1) Observation recueillie par M. Marx. (2) Ibid. DE L'HOTEL-DIEU. ,33 le malade dit que, lorsqu'il parlait, cette tumeur vibrait et lui occasionnait un bour- donnement qui setendait à presque toute la tête ; du reste , la santé générale était fort bonne. Ayant accepté l'opération que M. Dupuytren lui proposa, elle fut pratiquée de la manière suivante : La tête fixée par un aide , la commissure gauche de la bouche tirée en bas, la langue portée au dehors de la bouche et à droite, la tumeur, dans cette position, devint plus saillante ; elle fut incisée à son sommet ; une grande quantité de liquide transparent, filant, s'écoula, la canule fut alors introduite, mais l'incision ayant été faite un peu trop grande , elle sortit de la plaie ; de nouvelles tentatives l'y repla- cèrent , mais elle sortit de nouveau ; M. Dupuytren chargea alors l'élève interne de la replacer; il ne fut pas plus heureux, et pendant qu'il essayait cette introduction, on ne sait pour quelle cause, le malade perdit connaissance. Bientôt il reprit l'usage de ses sens , mais il resta quatre heures sans pouvoir parler. La canule ne fut donc pas placée; le malade revint le lendemain; déjà la plaie était presque fermée ; on l'ouvrit avec un stylet et on introduisit facilement la. canule qui, cette fois, ne sortit pas ; on l'assujétit à l'aide d'un tampon de charpie, maintenu en place par le rapprochement des mâchoires 1. CINQUIÈME OBSERVATION. § 5o. Jean-Georges Vilcoq, âgé de 49 ans, ouvrier en coton, sentait, depuis deux mois , un peu de gêne sous la moitié gauche de la langue , il y vit une petite tumeur allongée d'arrière en avant, et qui, depuis cette époque, s'accrut peu à peu. Le 21 octobre 1821 , il vint à la consultation publique de l'Hôtel -Dieu. Il était dans l'état suivant : Sous le côté gauche de la langue existe, à côté du frein de cet organe, une tumeur ovoïde, ayant son grand diamètre dirigé d'arrière en avant, et un peu de dehors en dedans. Le diamètre a quinze lignes d'étendue, tandis que le plus petit, presque transversal, n'a que six lignes. La tumeur est molle, fluctuante, sans changement de couleur à la membrane muqueuse buccale, sans chaleur, sans douleur même à la pression. Elle soulève le côté gauche de la langue, et la repousse vers le pharynx; de là résulte une gêne assez grande pour la parole, la mastication, et même pour la déglutition. Le 22 octobre, M. Dupuytren armé d'un bistouri à lame étroite, fit à la tumeur, à un pouce de la pointe de la langue , très près de l'endroit où la membrane mu- (i) Observation recueillie par M. Piedagnel. i34 M. G. BRESCHET.— CLINIQUE CHIRURGICALE queuse de la bouche se replie sur la face inférieure de cet organe , une incision longue de deux lignes ; saisissant ensuite avec des pinces à ligature le petit instrument que nous avons décrit , il introduisit obliquement dans la cavité de la tumeur une des plaques qui le compose, le redressa, et laissa l'autre plaque à l'extérieur. Un liquide clair, visqueux, fdant, qui ne s'était échappé qu'en partie au moment de l'incision, continua à s'écouler. La tumeur se vida tout-à-fait. Le 24 octobre Vilcoq revint à la consultation; il était fort bien, l'instrument ne s'était pas dérangé , autour de lui s'échappait le liquide : le malade n'éprouvait au- cune gêne. Le 18 novembre , l'instrument était tombé la veille, et déjà la tumeur avait reparu. M. Dupuytren, en comprimant la tumeur, en fait sortir une grande quantité de fluide limpide , incolore et visqueux comme la première fois. Il essaya ensuite de réin- troduire l'instrument, mais les lèvres épaissies de l'incision qu'il avait pratiquée ne purent s'introduire dans la rainure trop étroite qui sépare les deux plaques. On fit fabriquer un nouvel instrument sur le modèle du premier, mais dont les plaques étaient plus séparées (2 lignes). Le 20 novembre, le nouvel instrument fut introduit de la même manière que le premier, mais avec plus de facilité. Le malade se trouvait très bien de cette seconde introduction, lorsque le i5 janvier 1819, de la gêne se fit sentir aux environs de la plaie. Bientôt une petite tumeur parut située immédiatement à la partie postérieure de la plaque qui faisait saillie dans* la bouche. Cette tumeur offrit tous les caractères de la première, et acquit en dix jours le volume d'une noisette. Le 23 janvier , Vilcoq vint trouver M. Dupuytren qui, après avoir examiné cette nouvelle tumeur, reconnut qu'elle était indépendante de la première, et déclara que cette grenouillette secondaire était multiloculaire. Il fit aussitôt à la poche une petite incision par laquelle s'écoule une assez grande quantité de liquide visqueux sans odeur ni saveur marquées , l'écoulement de ce liquide fut suivi de l'affaissement de la tumeur et de la disparition de toute gêne dans les mouvemens de la langue. § 5 1 . L'inflammation des tissus sous-linguaux et sous-maxillaires, peut donner lieu à l'apparition et aux développemens de tumeurs dont l'apparence extérieure peut être celle de la grenouillette, mais l'inflammation en s'emparant des canaux excréteurs des glandes sublinguales et maxillaires, peut aussi déterminer la formation de la ranule. Dans ces cas l'apparition de la tumeur est prompte, son développe- ment rapide, la tension, la douleur ainsi que la rougeur des parties ne permet- tent pas de confondre ce cas avec celui d'une simple grenouillette. Ici la rétention de la salive n'est qu'un effet de l'état phlegmasique, et, la cause enlevée, l'effet devra DE L'HOTEL-DIEU. ,35 naturellement cesser. C'est donc à l'inflammation qu'il faut s'attacher. Les saignées locales, soit par la lancette, comme le faisaient les anciens, soit par les sangsues, comme le font les modernes, devront précéder l'opération chirurgicale. La grenouil- lette est comparable alors à certaines rétentions d'urine déterminées par l'inflam- mation de la vessie ou de ses annexes. L'évacuation du liquide n'est qu'un moyen auxiliaire, et c'est aux antiphlogistiques généraux et locaux qu'il faut recourir. C'est par l'histoire d'une grenouillette de ce genre que je terminerai ces considérations pratiques, en faisant remarquer que pour le praticien expérimenté il n'est pas de méthode ni d'agent exclusifs. La nature du cas le dirige, ses moyens sont subordon- nés à la circonstance, et c'est à son exigence et aux indications qu'elle présente que le médecin éclairé se distingue de l'aveugle empyrique. SIXIEME OBSERVATION. § 52. Engrot (Marie), âgée de 21 ans^ bien constituée, entra à l'Hôtel-Dieu , le 20 mai 1821. Cette femme, mal réglée, portait sous la mâchoire inférieure du côté droit, une tumeur dure , formée par la glande sous-maxillaire. Depuis six ans que cet engorgement avait paru , il avait pris Je volume d'un œuf de poule. La tumeur était douloureuse au toucher, et la plus légère pression déterminait dans la bouche le jet d'un liquide mêlé de pus et de salive. D'un autre côté, depuis trois semaines, il s'était formé sous la langue une autre tumeur, due à l'accumulation de la salive dans le conduit de Wharton. Cette tumeur connue sous le nom de grenouillette, paraissait sensiblement divisée en deux parties égales par le frein de la langue; elle était dure, résistante; la parole était gênée et présentait cette altération particu- lière qui a fait donner à la maladie le nom qu'elle porte : la respiration et la déglu- tition étaient difficiles. Le lendemain, M. Dupuylren ayant examiné le mal, jugea qu'il était de nature inflammatoire; la douleur, la rougeur, la résistance du conduit dilaté, furent les raisons sur lesquelles il fonda son diagnostic. Il crut dès lors devoir s'écarter de sa méthode , et au lieu de songer à l'emploi du double bouton , il fit appliquer des sangsues, des émolliens, et recourut aux dérivatifs. Ces moyens furent suivis d'un prompt succès; au bout de vingt-quatre heures, il y eut une amélioration marquée, et le sixième jour la malade quitta l'hôpital n'ayant plus de douleurs, plus de tu- meur dans la bouche , et la voix était revenue à son état naturel. ERRATUM. Tome IV . Mémoire sur une variété de Pied-Bot , par M. Holtz. — lisez , STOLTZ, /ifrimte damùnTue, Tenue o. n iv m ry^ihh mm REPERTOIRE GENERAL D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, ET DE CLINIQUE CHIRURGICALE. IMPRIMERIE DE E. DUVERGER, RUE DE VERNEUIL, N° 4< ]BltôiBMN)t^ GÉNÉRAL DANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES, ET DE CLINIQUE CHIRURGICALE, ou RECUEIL DE MÉMOIRES ET DOBSERVATIONS SUR LA CHIRURGIE, ET SUR l'aNATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE DES TISSUS SAINS ET DES TISSUS MALADES. PAR UNE SOCIÉTÉ DE MÉDECINS ET DE CHIRURGIENS. ET RÉDIGÉ PAR M. G. BRESCIIET TOME CINQUIÈME. IIe PARTIE. iPHÎBII©0 SOISTE FILS AINE, LIBRAIRE, RUE DE SORBONNE, N 12. BAILLIÈRE, LIBRAIRE, RUE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE, N° 14. 1828. OBSERVATION ANÉVRISME DE L'ARTÈRE POPLITÉE, PAR M. EHRMANN, PBOFESSBCB d'anATOHIB ET DE CLINIQUE CHIBUBGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE STBASBOUBG. Michel Kieffer, âgé de quarante-trois ans, père de trois enfans, boulanger à Lauterbourg, entra à la Clinique externe de la Faculté de médecine, le s/j-inars 1827, atteint d'un anévrisme à l'artère poplitéedu côté droit. Ce malade, d'une constitution robuste, d'un tempérament sanguin-lymphatique, d'une grande activité unie à une humeur patiente et égale, n'avait jamais fait de maladie grave, mais avait eu, à l'âge de neuf ans, un abcès au cou , dont il porte encore la cicatrice. Il avait été traité, il y a deux ans, pour une affection de poitrine avec toux et crachats muqueux, par- fois sanguinolens, contre laquelle on avait employé l'onguent stibié. L'anévrisme de l'artère poplitée, que cet homme portait à la jambe droite, s'était manifesté à peu près neuf mois avant son arrivée à Strasbourg, et avait augmenté peu à peu de volume. Interrogé sur les causes de ce mal, il n'en pouvait indiquer aucune, si ce n'est qu'ayant été assujéti aux rudes travaux de sa profession, et qu'étant gaucher, sa jambe droite, fortement étendue, avait supporté tout le poids du corps et soutenu de grands et fréquens efforts pendant de longues années, lors- qu'il faisait sa fournée. • L'été précédent, la tumeur anévrisfnale avait diminué de volume par l'emploi d'un bandage compressif et de bains réitérés que lui avait conseillés son médecin. Le ma- lade avait même recouvré la faculté de marcher librement; mais depuis le mois de février dernier, la tumeur avait pris un nouvel accroissement. Lorsque cet homme arriva à l'hôpital, son anévrisme présentait à la vue un volume bien plus considérable qu'un gros œuf de poule ; mesuré , il offrait une circonfé- rence de six pouces. Tout le creux du jarret en était rempli, et la paume de la main suffisait à peine pour l'embrasser en entier. Les mouvemens de dilatation étaient 5. 18 i*38 M. EHRMANN. — OBSERVATION isochrones à ceux du pouls, et l'expansion se faisait d'une manière uniforme dans toute l'étendue du sac. En comprimant l'artère crurale , la tumeur disparaissait com- plètement sous la main, mais pour se reproduire promptement, et par un retour impétueux de la colonne de sang, dès que l'on cessait de faire cette compression. Voici les accidens que cet anévrisme fit très souvent éprouver au malade. Son pied droit se refroidissait, et tout le membre inférieur était saisi de spasme le long du trajet du nerf sciatique ; en même temps il ressentait des douleurs vers la tumeur anévrismale , et se trouvait pris de secousses spasmodiques par tout le corps, au point que son lit en vacillait. Ces symptômes étaient suivis de chaleur, de moiteur et de repos. Toutefois l'ensemble des fonctions organiques indiquait un état de santé parfaite chez cet homme , hormis l'affection locale. On s'en tint le jour de son entrée à la Clinique, à un simple bandage contentif et aux compresses trempées dans de l'oxycrat. Le jour suivant, 25 mars, on fit une saignée de huit onces; on lui en avait déjà fait une très large quinze jours auparavant. Le 28, bain prolongé et application du tourniquetde M. Dupuytren sur l'artère cru- rale ; le soir de ce jour, le malade avait eu de légères lipothymies pour lesquelles on lui donna un peu de vin sucré. Le membre malade commença à transpirer aussitôt après l'application du tourniquet. Le 29, on essaya, comme traitement préparatoire, les fomentations de Schmucker, en plaçant un mélange de sel de nitre et d'ammoniac dans un sachet que l'on humectait peu à peu, afin de produire un froid plus per- manent. Le 3o , nouvelle saignée. Le 2 avril , les fomentations froides et la com- pression par le tourniquet, avaient produit un effet inespéré. La tumeur avait considérablement diminué. Les battemens étaient devenus obscurs et n'augmen- taient pas de force , non plus que la tumeur de volume , lorsqu'on enlevait le tour- niquet. Un succès aussi inattendu fit insister sur les moyens employés jusqu'à ce jour ; on remplaça les fomentations froides par l'application de la glace. Le 4» Ie malade ressentit à la suite de cette application un vif sentiment de froid, et des douleurs qui s'étendaient jusque vers le pied. Le 10, la tumeur avait diminué de deux lignes à peu près en longueur, et de trois à quatre en largeur; le 1 5, elle avait paru plus molle et plus étendue , les battemens étaient redevenus plus sensibles ; on avait négligé d'appliquer de la glace. Le 20 , la tumeur avait diminué de nouveau et repris plus de dureté. Les battemens étaient plus sourds; mais pour peu que la glace ne fût pas appliquée pendant quelques heures, l'état de la tumeur cessait d'être aussi satisfaisant. Le 22, tumeur petite et contractée ; douleurs rhumatismales dans la jambe malade, ressenties déjà précédemment, et plus tard encore subséquemment à l'opération. Le 23, ces douleurs avaient disparu. Il y a eu durant la nuit un senti- SUR UN ANÉVRISME D-E L'ARTÈRE POPLITÉE. i39 ment de froid plus vif que de coutume , et la glace ne se fondait pas aussi vite ; co- liques. L'état de l'anévrisme était stationnaire depuis quelque temps , et la guérison, sans l'opération, paraissait ne pouvoir plus être attendue, lorsque le malade la demanda lui-même avec instance dans les premiers jours de mai. Dès lors on ne songea plus qu'à l'y préparer. Le 4 mai, on lui fit une saignée d'une livre, avant laquelle il avait ressenti des chaleurs fugaces et des vertiges. Le 5, bain; le 8, nouvelle saignée; le Qj bain. Le i i mai 1827, à 8 heures du matin, l'opération fut exécutée en présence de MM. les professeurs Cailliot et Flamant, de M. Marchai, chirurgien en chef à l'Hô- pital civil, et d'autres médecins et chirurgiens distingués de la ville, ainsi que d'un grand nombre d'élèves. On coucha le malade sur une table recouverte d'un mate- las , et l'opérateur se plaça du côté du membre malade, entre deux aides, et en ayant un troisième en face de lui. L'aide placé à la gauche fut chargé de la compression de l'artère crurale; celui de droite de transmettre les instrumens. Alors M. Ehrmann, la main gauche placée sur le trajet du vaisseau, à quatre travers de doigt au-dessous de l'arcade crurale, et tendant la peau au moyen du pouce et du doigt indicateur, fit une incision longue de quatre pouces et demi avec un bistouri convexe, en suivant la direction du bord interne du muscle couturier. Ce muscle parut aussitôt à décou- vert après cette première incision; on fendit, au moyen d'un bistouri droit et d'une sonde cannelée, le tissu cellulaire et la gaine aponévrotique, afin de découvrir l'ar- tère. L'aide placé vis-à-vis de l'opérateur écartait de son côté l'une des lèvres de la plaie, et étanchait sans cesse le sang avec une éponge trempée dans de l'eau froide tou- jours renouvelée. Une fois l'artère découverte, l'aide qui faisait la compression cessa un moment de comprimer, afin de laisser arriver la colonne de sang et pour bien s'assurer qu'on était parvenu au vaisseau cherché. L'opérateur s'assura en effet des battemens, après avoir pris la précaution de remettre ce vaisseau à l'abri du contact de l'air, car tant qu'il y était exposé les pulsations n'étaient nullement évidentes; alors il passa une sonde cannelée et recourbée entre l'artère et sa gaine , dans une direc- tion oblique, de bas en haut et de dedans en dehors, dénudant ainsi l'artère dans l'espace d'une à deux lignes , puis garnissant la sonde d'un fil et la retirant par où elle avait pénétré , la ligature se trouva placée par un procédé fort simple. Cette li- gature consistait en un fil tressé et de la grosseur d'une chanterelle à peu près. M. Ehrmann tenant alors l'anse de fil d'une main, et appuyant un doigt de l'autre sur l'artère , comprimait et relâchait alternativement, tandis que parmi les assistans plu- sieurs s'assurèrent , en plaçant la main sur le creux du jarret du malade, que les bat- temens se supprimaient ainsi tout-à-fait dans la tumeur anévrismale. Cela fait, on lia au moyen d'un double nœud, et deux aides assurèrent avoir entendu le bruit résul- i4o M. EHRMANN. — OBSERVATION tant de la section des tuniques internes du vaisseau. L'extrémité libre de la ligature fut placée dans l'angle supérieur de la plaie , dont on approcha exactement les lèvres. Pour les maintenir, et dans le dessein d'obtenir la réunion par première intention, on appliqua quatre bandelettes agglutinatives ; une cinquième fixa l'une des extré- mités du fil , l'autre ayant été coupée tout près de l'endroit de la ligature même ; on recouvrit le tout avec de la charpie, et l'on entoura la cuisse de compresses con- tentives. Toute l'opération, qui dura à peu près dix minutes, fut exécutée avec le plus grand calme, et se passa sans aucun accident. Le malade n'avait fait entendre que de sourds gémissemens; mais il parut souffrir beaucoup au moment où l'on serra la liga- ture. Il raconta ensuite que la compression qu'exerçait l'aide lui avait été plus dou- loureuse que l'incision elle-même. A son dire, le plus grand mal avait été un sai- sissement dont il n'avait pu se défendre, malgré sa volonté ferme et son rare courage ; il avait été profondément ébranlé ; mais à la concentration de tout son être moral succéda un impérieux besoin de s'épancher envers ceux qui l'entouraient ou qui •e touchaient de plus près. Ce besoin fut d'abord un mouvement de reconnais- sance. Affaibli déjà avant l'opération , et surtout depuis la dernière saignée , il fut ensuite pendant quelque temps d'une susceptibilité extrême pour toute impression , ou , comme l'on dit, son système nerveux avait acquis une singulière mobilité. Pendant tout le jour, chaque fois que l'on approchait du membre opéré pour renouveler les sachets de sable chaud dont on le tenait entouré, le malade était malgré lui saisi d'ef- froi. Dans la nuit qui suivit le jour de l'opération, il ne put goûter le sommeil que pendant quelques instans, et à peine était-il endormi qu'il se réveillait en sursaut, plein d'effroi encore de ce qui s'était passé dans la journée. Du reste, le malade fut pen- dant le jour, pâle , défait; il avait les mains froides, le pouls affaissé et nerveux. Le bouillon et le peu de vin qu'il prit à plusieurs reprises , le réconfortèrent chaque fois ; la limonade tartarisée qu'on lui avait donnée lui causa une sensation désagréable de froid dans le bas-ventre, de manière qu'il n'en but que fort peu. Quant aux accidens locaux, le malade avait par intervalles une sensation de brû- lure le long de la plaie ; mais ce dont il se plaignait davantage, c'était d'une douleur à l'endroit où l'on avait exercé la compression de l'artère , comme si cette compression eût été continuée. Une fois ou deux il éprouva aussi une pulsation douloureuse à l'en- droit de la ligature, semblable tout-à-fait à ce qu'il avait ressenti lors de l'opération même. A suivre en outre les sensations de pulsation ou de chaleur qu'il éprouvait, tantôt en un point, tantôt en un autre, on eût cru reconnaître le travail circula- toire qui se faisait dans celte extrémité. La jambe malade, entourée à la vérité de sachets chauds , ne fut pas un instant au-dessous de la température de l'autre et bientôt elle s'éleva au-dessus et fut dans un état de moiteur continuelle. SUR UN ANÉVRISME DE L'ARTÈRE POPLITÉE. ,4, Le 12 au matin, aucun symptôme encore de réaction fébrile; pouls assez naturel, quoique dur ; chaleur normale , peau sèche. La nuit du 12 au 1 3 futmoins heureuse. A huit heures et demie du soir, frisson de peu de durée, suivi de sommeil; à dix heures le malade fut saisi de commotions spasmo- diques , semblables à celles qu'il avait éprouvées le jour de l'opération même. Gé- missemens et éructations. Ces secousses se renouvelèrent avec plus de force après un second sommeil de deux heures. Il semblait au malade que le mouvement spas- modique partait de la cuisse opérée pour monter vers la poitrine. Le pouls était ir- régulier et toujours dur. Une cuillerée d'une potion composée d'esprit de nitre dulcifié, d'eau de fleur d'oranger et de menthe, ramena le calme, et vers le matin, après un léger sommeil, il y eut une sueur assez abondante par laquelle le malade se sentit soulagé. Le calme moral était aussi revenu. Un pouls régulier, plein, et qui avait perdu sa dureté, dénotait, avec la sueur, la cessation du spasme général sous lequel le malade avait gémi. La journée du 1 3 et la nuit du 1 5 au 1 4 furent bonnes. Il dormit davantage et d'un sommeil plus calme. Légère transpiration toute la nuit; point de chaleur, point de fréquence dans le pouls, point de soif. La nuit du 1 4 au 1 5 fut moins tranquille que la précédente; léger retour des secousses spasmodiques , sans frisson toutefois, ni chaleur, ni soif. Le i5 au matin, calme, pouls naturel, mais transpiration moins sensible ; vers le soir il sentit , comme la veille , quelque travail dans la plaie , accom- pagné de malaise général. Le 16, malaise du soir plus prononcé encore; gargouillement dans le bas-ventre. Le malade n'avait pas eu de selles depuis le 10, veille de l'opération. Après l'admi- nistration de deux lavemens, suivie d'une évacuation copieuse, le calme renaît ainsi que le besoin de nourriture. On soutint le malade au moyen de bouillons, de soupes, de café et de pruneaux. Les jours suivans il se trouva fort bien. Les nuits étaient calmes et le sommeil soutenu. Il n'y avait plus aucune agitation fébrile, et l'appétit devint tou- jours plus prononcé; dans le voisinage de la plaie, il n'y eut plus que quelques légers picotemens et de la démangeaison. Le 2 1 , dixième jour de l'opération , on leva l'appareil pour la première fois, et l'on trouva la cicatrice entièrement formée, excepté vers le point d'où sortait la ligature, où il y avait un peu de suppuration. La tumeur anévrismale était bien réduite , dure , et n'avait plus offert de battemens depuis l'opération. Le 25, il y avait un peu de vertiges, quelques crachemens de sang vermeil , et le pouls était accéléré. On fit une saignée de huit onces. De temps à autre on exerçait de légères tractions sur la ligature. Le 29, elles avaient causé un peu de douleur au malade. Le 2 juin, vingt-deuxième jour depuis l'opération, la ligature parut céder et fut, !4a M. EHRMANN. — OBSERVATION en effet, extraite presque aussitôt sans aucune douleur pour le malade. L'anneau de la ligature avait à peu près une ligne de diamètre. On avait remarqué depuis deux jours un peu de dureté autour de la partie supé- rieure de l'incision , due au pus qui avait fusé ; on entretint l'ouverture provenant de la chute du fil, au moyen d'un bourdonnet de charpie, et on appliqua un cataplasme émollient. Le i/(.juin, cicatrisation complète. Depuis ce jour , le malade prit quelques bains, se remit à marcher, ce qu'il put faire sans béquilles dès le troisième jour de sa sortie du lit , malgré une légère roideur de l'articulation du genou. Il partit pour retourner dans sa famille le ig. La tumeur anévrismale était devenue dure et com- pacte , et offrait une circonférence de deux pouces trois quarts , la jambe étant dans ^'extension , tandis qu'elle élait de moins de deux pouces lorsque cette extrémité était à demi fléchie. Cette observation, recueillie et rédigée par l'un de nos meilleurs élèves, ne me laisse que très peu de choses à ajouter. Quoique l'histoire de la maladie et de l'opé- ration en question ne présente rien d'extraordinaire, c'est par sa simplicité même , et par l'absence de tout symptôme alarmant consécutif, qu'elle m'a semblé mériter la publicité. Comme le malade était un homme fort raisonnable et très docile , j'ai pensé devoir essayer d'abord une méthode de guérison plus douce que l'opération; et elle consista dans l'emploi simultané et continu des applications réfrigérantes sur la tumeur anévrismale, et la compression de l'artère au-dessus du sac, dans la vue de pro- voquer la coagulation du sang dans ce dernier. Mais malgré la position avantageuse dans laquelle se trouvait notre malade et les soins assidus qu'on lui prodiguait , le succès que nous obtînmes d'abord ne s'est point maintenu, et la maladie restant stationnaire. nous fit justement soupçonner que nos efforts en ce genre seraient désormais su- perflus1. Je me décidai donc à l'opération, et je l'exécutai sans le moindre accident. Je fus seulement arrêté un moment, lorsqu'après avoir ouvert la gaîne de l'artère, je ne distinguai aucune pulsation du vaisseau; il m'a fallu, pour m'assurer de la présence de l'artère, la laisser se cacher sous la lèvre externe de la plaie, en appliquant sur son trajet la pulpe des doigts de la main gauche; alors seulement je la découvris de nouveau et fis pénétrer la sonde derrière elle. La sonde cannelée dont je me suis servi a la moitié des dimensions de celle dont on fait usage ordinairement , elle est en argent flexible, et j'ai fait pratiquer à son extrémité, terminée en cul-de-sac, une ouverture (1) Au reste, ces procédés pouvaient servir, circulation collatérale devait s'établir peu à peu et servaient en effet, de traitement préparatoire et de plus en plus par la compression du troue favorable au succès de l'opération, puisque la principal, SUR UN ANÉVRISME DE L'ARTÈRE P0PL1TÉE. 143 (une œillère) propre à recevoir le fil ; je lui ai donné une courbure convenable et me suis très bien trouvé de son emploi. Cet instrument m'a dispensé d'avoir recours au stylet pour placer le fil derrière l'artère. Je ne mets aucune importance à cette légère modification du procédé opératoire ; il en a été simplifié toutefois, et je laisse aux praticiens le soin de juger sa valeur. L'absence de tout accident consécutif a singulièrement contribué au prompt réta- blissement de l'opéré ; rien n'est venu troubler sa convalescence ; une petite saignée a promptement calmé l'irritation du système circulatoire; une cicatrice linéaire presque imperceptible est la seule trace de la ligature de l'artère crurale. Aujour- d'hui, 1er décembre 1827, six mois après l'opération, l'individu jouit toujours de la meilleure santé , se livre à des exercices pénibles ; la tumeur anévrismale , très dure, continue à diminuer de volume: ainsi tout nous promet une guérison solide et radicale. OBSERVATION DE HERNIE ÉTRANGLÉE, PRÉSENTANT UNE PARTICULARITÉ REMARQUABLE, PAR M. EHRMANN, PROFESSEUR d'aNATOMIE ET DE CLINIQUE CHIRURGICALE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE STRASBOURG. Louis Burckel, journalier, âgé de quarante-sept ans, d'une constitution robuste, entra à la Clinique externe de la Faculté, le 1" mai 1827, pour se faire traiter d'un panaris qu'il portait au pouce de la main droite. L'inflammation avait gagné jusqu'à la partie inférieure de l'avant-bras et avait occasionné au malade quelques mouve- mens de fièvre. Après quinze jours d'un traitement rationnel , le panaris touchait à sa guérison, lorsque tout à coup et sans cause connue , le malade fut pris de violentes coliques , qu'il rapportait surtout à la région ombilicale ; le ventre se ballonna , devint sensible , et il y eut constipation. On administra une potion antispasmodique , ainsi qu'un lavement légèrement laxatif. Des vomissemens bilieux vinrent bientôt se join- dre à l'état de souffrances de cet homme et commandèrent un examen plus sérieux. L'idée de l'existence d'une hernie étranglée devait nécessairement se présenter à l'esprit, quoique l'individu, depuis son séjour à l'hospice, n'eût jamais fait mention d'aucune incommodité hormis son panaris. En effet, on trouva dans la région in- guinale gauche une tumeur dure, allongée, suivant la direction du canal inguinal, non douloureuse au toucher; en la pétrissant on crut sentir des matières fécales accumulées, endurcies. Je soupçonnai un étranglement par engouement, mais la constriction n'était point opérée par l'anneau inguinal externe, car celui-ci permet- tait l'introduction de deux doigts ; on sentait distinctement la portion de la tu- meur herniaire qui était placée derrière lui. On essaya le taxis; on plongea le malade dans un bain tiède, dans lequel on répéta la même opération ; on donna des lavemens irritans et une potion minorative ; cette dernière fut vomie aussitôt. Des frictions sur Se bas-ventre, avec de l'huile de jusquiame , furent faites, et l'on y appliqua un ca- taplasme émollient. Ces remèdes n'apaisèrent les douleurs-coliques que pour quelques instans, et la tumeur herniaire ne céda à aucune tentative de réduction. Une rétention d'urine s'était même jointe à ces aècidens et nécessita le cathétérisme. Le ventre devint DE HERNIE ÉTRANGLÉE. 1 45 toujours de plus en plus sensible; les vomissemens se renouvelèrent constamment, et de bilieux qu'ils étaient dans le principe, amenèrent des portions de matière stercorale ; le pouls devint petit, accéléré, et l'état général du malade ne permit plus qu'un fâcheux pronostic. Trois jours s'étaient écoulés en tentatives infructueuses, tant pour la réduc- tion de la tumeur herniaire que pour calmer les accidens toujours croissans de l'étran- glement. Rien ne fut négligé ; mais les symptômes alarraans allèrent toujours en au- gmentant. Que fallait-il faire? l'opération. Mais il restait du doute sur le siège précis de l'étranglement. L'anneau inguinal externe était libre, la tumeur herniaire affectait la direction du canal, et l'on ne put s'assurer si elle se prolongeait bien avant dans la cavité abdominale. Cependant, comme lahernie étaitassez circonscrite à l'extérieur, et qu'on ne pouvait nullement, en la comprimant même fortement, la faire plonger dans le bassin, je soupçonnai que l'étranglement existait à l'ouverture interne du canal in- guinal , et dans cette supposition je ne craignis point d'y porter l'instrument tranchant. Je me décidai donc à l'opération, après avoir pris l'avis de quelques-uns de mes hono- rables collègues. Une incision de trois pouces de long , faite sur le trajet de la tumeur, mît à découvert l'aponévrose du grand oblique, à partir d'un pouce à peu près au-dessus de l'anneau. Cette aponévrose elle-même ayant été incisée , je n'eus plus qu'à enlever couche par couche du tissu cellulaire, pour arriver au sac herniaire formé par le péritoine. Deux artérioles cutanées ayant donné , on fit aussitôt la ligature. Je pro- cédai ensuite, selon les régies de l'art, à l'ouverture du sac herniaire; il s'en écoula une certaine quantité de sérosité roussâtre , et l'anse d'intestin étranglée nous ap- parut avec une couleur livide, bleuâtre, phlogosée dans toute son étendue. Je portai mon doigt dans le fond de la plaie à son angle supérieur, et je rencontrai aussitôt le rétrécissement supposé de l'ouverture interne du canal inguinal : je le fis reconnaître et toucher par mes aides ; il fut tel qu'il eût été impossible d'espérer de faire rentrer jamais l'anse intestinale étalée devant nos yeux. Je me déterminai donc à débrider et me servis, à cet effet, du bistouri concave et boutonné de A. Cooper. Mon doigt indica- teur de la main gauche placé sur l'intestin et arrivé jusqu'au lieu de l'étranglement, servit de guide à l'instrument. Aussitôt que j'eus incisé en haut et en dehors, mon doigt put plonger dans la cavité abdominale, et l'anse d'intestin se laissa réduire très facilement. Je nettoyai alors la plaie, j'approchai les tissus, et réunis les lèvres de la division au moyen de bandelettes agglutinatives. Des gâteaux de charpie , des com- presses carrées et un bandage inguinal, composèrent l'appareil du pansement. L'opé- ration dura dix minutes. Deux heures après, on administra au malade un lavement légèrement laxatif en même temps qu'on lui fit prendre quelques cuillerées d'une potion calmante composée d'un gros d'esprit de nitre dulcifié , de trois onces d'eau de fleurs de tilleul , et d'une once de sirop d'écorce d'oranges. Les vomissemens avaient cessé, les douleurs abdominales diminuèrent, et le malade jouit de quelques momens 5. ,9 i46 M. EHRMANN. — OBSERVATION DE HERNIE ÉTRANGLÉE. de repos. A trois heures de l'après-midi, cependant il n'y avait pas eu d'évacuations alvines; les lavemens, qu'on avait renouvelés et rendus irritans , ne les provoquè- rent point. Le ventre se ballonna, distendu par les gaz des intestins, quoiqu 'in- sensible. Je fis prendre au malade une once d'huile de ricin à l'intérieur, aucun effet ne s'ensuivit. Ce ne fut que vers les dix heures du soir que le malade fut tourmenté par des flatuosités qui, après avoir parcouru tout le canal intestinal , s'arrêtèrent à l'anus sans pouvoir s'échapper; alors on appliqua un suppositoire de savon , après avoir toutefois administré encore un lavement purgatif. Dès lors l'évacuation alvine com- mença à se faire, et le malade resta, pour ainsi dire, toute la nuit sur le bassin et rendit, jusqu'à cinq heures du matin , une quantité immense de matières fécales. Il en fut très soulagé, le ventre s'affaissa, le calme fut entièrement rétabli; les jours suivans le malade ressentit encore de temps à autre quelques légères coliques , qui furent combattues par des lavemens et de doux purgatifs. Du reste, point de fièvre et retour du ventre à l'état normal. Le 28 juin , huitième jour depuis l'opération , je levai l'appareil pour la première fois ; je trouvai les deux tiers de la plaie entièrement cicatrisés, le reste fournit un pus louable assez abondant; les ligatures étaient tom- bées. On pansa avec de la charpie sèche , et des bourgeons charnus s'élevant de la surface de la plaie annoncèrent une prochaine cicatrisation ; elle fut en effet com- plète le 9 juillet. A cette époque, le malade eut des accès de fièvre intermittente quotidienne sans com- plication ; quelques doses de sulfate de quinine, administrées avant leur retour, en firent justice, et le malade sortit totalement guéri le 1 g juillet 1827, après avoir pris la précaution de porter un bandage herniaire élastique. METHODES DE TRAITEMENT PROPOSEES POl'R GUÉRIR LA FISTULE URINAIRE VÉSICO -VAGINALE PAR LE PROFESSEUR N.SGELE, DE HEIDELBERG. INTRODUCTION. La fistule vésico-vaginale a été long-temps rangée, par les plus grands maîtres de l'art, au nombre des maladies incurables. On se contentait presque toujours de proposer différens moyens et instrumens pour diminuer les incommodités qui en sont inséparables. Les méthodes curatives proposées étaient en partie insuffisantes et en partie inapplicables; on peut l'expliquer d'un côté, mais on s'étonne de l'autre lorsqu'on voit Boyle, Ettmuller, et surtout Fred. Hoffmann, mettre une grande confiance dans l'amulette de Cingarus, vantée par Henri de Heer. Cepen- dant les fistules vésico-vaginales constituent une maladie cruelle et qui n'est point rare. C'est ce qu'ont déjà reconnu Ettmuller *■', Fréd. Hoffmann2, Antoine Petit, Slevogt 3, Hilscber 4, Dickson 5, J.-L. Petit 6, etc. Ces raisons ont pu suffisamment engager M. Naegele à faire les essais dont son mémoire contient les résultats. La sonde flexible proposée par Dickson 7 pour obtenir la guérison des fistules urinaires vésico-vaginales ne peut, tout au plus, être utile que lorsqu'il n'y a qu'une très pe- tite perte de substance. Le cylindre de liège , recouvert d'une couche de gomme élastique ou de cire, que proposait Desault pour obtenir le rapprochement des lèvres de la plaie ne réussit pas dans la plupart des cas, et si on obtient à son aide une guérison complète, ce n'est qu'au bout de six mois ou même d'une année de son emploi. (1) Colleg. pract. , p. II, lib. iv, sect. 8, cap. (4) Diss. de incontinentia urinae ex partu. i5. ■ (5) Med. observations and inquiries, vol. 3. (2) De incontinentia urinae ex partu difliciii; (6) Traité des maladies chirurgicales, tom. 3, Halae, 1724- chap. 11, g 3. Paris, 1783. (3) Disputât, de incontinentia urinae. (7) Med. obs. and inquiries, vol. 6. 48 m. NjEGEle.— méthodes de traitement Henri van Roonhuysen fut, à ce qu'il paraît, le premier qui conseilla dans ces cas l'opération de la suture, et qui a décrit sa méthode opératoire *■; mais il n'est pas certain qu'il l'ait mise à exécution. Le conseil que donne Roonhuysen de réunir les bords rafraîchis de la plaie par la suture entortillée , au moyen d'aiguilles faites avec des tuyaux de plumes de cygne, ne paraît guère exécutable. La manière de percer les bords de la plaie et de procéder à l'opération n'est pas indiquée par Roonhuysen , pas plus que par J. Fatio, qui prétend avoir deux fois exécuté l'o- pération avec succès 2. Des tuyaux de plumes sont évidemment une matière trop flexible pour servir efficacement dans des cas de cette nature. Christophe Vœlter a proposé, lorsque le col de la vessie est déchiré, de réunir les lèvres de la plaie par quelques anses de suture, qu'on appliquerait avec des aiguilles courbes et aiguës, et avec un fil de soie ciré3. Vœlter a exécuté une fois son procédé opératoire sur une femme, mais sans succès; et cela ne doit pas étonner, car il est à peu près impossible de percer les lèvres de la plaie avec une simple aiguille qu'on tient entre les doigts, vu que la plaie est située trop profondé- ment dans le vagin. Il n'y aurait d'exception que pour le cas où l'on entreprendrait l'opération peu de jours après l'accouchement, époque à laquelle le vagin est encore assez vaste pour permettre une entrée facile à la main de l'opérateur. Toutefois la proposition de Vœlter n'est applicable qu'aux fistules qui existent près l'orifice externe de l'urètre; les expressions de cet auteur prouvent d'ailleurs qu'il n'entendait désigner que le canal de l'urètre , lorsqu'il parlait du col de la vessie. PROCÉDÉS OPÉRATOIRES DE M. NjEGELE. La malade sur laquelle l'opération de la fistule vesico-vaginale doit être prati- quée , est placée de travers sur un lit ou sur une table , à peu près comme pour l'opération de la taille; seulement il n'est pas nécessaire de fixer les extrémités avec des liens. L'opérateur introduit alors dans la vessie une sonde d'argent, qu'il maintient ensuite avec la main gauche. L'index (ou deux doigts) de la main droite est introduit dans le vagin , pour reconnaître l'étendue et la forme de l'ouverture fistuleuse ainsi que l'état de ses bords. Si le mal est ancien , et que les bords de la fistule soient renflés en bourrelet calleux, il faut les rafraîchir avant de procéder à la (1) Heelkonstige Aanmerkkingen betreffende (œuv. posth. ) Baie 1752; in-4°, pag. 282. de Gebreekken der Vrouwen. Amsterd. i665. (3) Neuerœffnete Hebammenschule, etc. T. 5, (2) Helvctisch-Vernunftige Wehemutter, etc. ch. 8, p. 5o6 Sluttgardt, 1722. POUR GUiiRIR LA FISTULE URINAIRE VÉSICO-VAGINALE. 149 réunion ; pour cela M. Nœgele se sert , outre les ciseaux , d'un bistouri caché par- ticulier. i° Le bord postérieur ou l'angle supérieur de la fistule est incisé à l'aide de ciseaux bien tranchans et à pointe, qu'on a introduits sur l'index, en suivant la direction de l'axe du bassin. 2° L'opérateur fixe ensuite au doigt index de la maia droite, au moyen de l'an- neau n° 4 (pi- Ij ûg- 1) j le bistouri caché, de manière cependant que le bout du doigt dépasse un peu l'extrémité de la gouttière qui cache le tranchant de la lame du bistouri ; l'anneau n° 5 reçoit l'index de la main gauche , et le bistouri est ainsi introduit de la même manière que les ciseaux. Lorsque le bout du doigt parvient à la partie déjà scarifiée des bords de la fistule , l'opérateur le retire un peu de de- vant la pointe du bistouri; il retire tout-à-fait la gouttière par le petit bouton n° 9 , et rafraîchit avec la lame trancbante mise à nu , les bords latéraux et l'angle, ou le bord antérieur de l'ouverture. Pour retirer l'instrument , on use des mômes précautions que pour l'introduire. Pour mettre en contact les bords rafraîchis de la fistule et pour en obtenir la réunion , M. Naegele propose les moyens suivans : I. Réunion des bords de la fistule sans suture, par la pince unissante. ( pi. I, fig, 2.) Les bords fistuleux ayant été convenablement scarifiés, on introduit, sous l'in- dex de l'une des deux mains, la pince ouverte autant que le permet la largeur du vagin [voyez pi. II, fig. il\) ; lorsque les deux branches de la pince (pi. I, fig. 2. AA ) se trouvent dans une même direction avec les bords de la fistule , on fixe avec l'autre main, la pince dans cette position ; on retire avec précaution le doigt d'entre les deux branches de la pince, qu'on applique avec quelque force contre la sonde introduite dans l'urètre , et qui doit y rester à demeure : cela fait , on ferme les deux branches par le moyen du pas de vis en forme d'arc ; mais il faut bien se garder de serrer avec trop de force , si l'on ne veut pas faire tomber en gangrène les parties comprimées. La pince doit être peu à peu serrée au moyen du pas de vis , jusqu'à ce que la malade ressente dans la plaie une légère pression douloureuse , et que l'opérateur se soit assuré, par un léger mouvement donné à la pince , que celle-ci est bien ap- pliquée. Il faut enfin placer la malade dans une position commode, et soutenir uni- formément la pince appliquée ; on peut surtout se convaincre que celle-ci l'est convenablement, si la malade se plaint, au bout d'une demi-heure, de douleurs ou d'une pression violente dans la partie malade. Il faut , dans ce cas , diminuer un peu la compression exercée par la pince, et en général visiter fréquemment la ma- iSo M. N^GELE.— MÉTHODES DE TRAITEMENT lade. M. Nœgele pense qu'il est bon d'introduire un peu de charpie dans le vagin, autour des mors de la pince. Cet instrument a été retiré du vagin avec succès, au bout de quatre jours et demi ; mais, sous ce rapport, tout dépend de la disposition individuelle de la malade. Pour retirer la pince , on en fixe de nouveau , par le moyen des ressorts, les deux manches (pi. I, fig. v il\) aux branches de l'instrument, et par le moyen du pas de vis (fia-, n. C) , on l'ouvre autant que possible, on le tourne un peu vers l'un ou l'autre côté ensuite avec l'index de la main du même côté , on cherche à arriver dans le va- crin au-dessus des mors de la même branche, et en même temps la pince est retournée de l'autre côté , en sorte que le doigt vienne se loger au milieu des deux branches; dès lors la pince peut être retirée de la même manière qu'elle a été introduite. II. Réunion des bords fîstuleux par des points de suture placés au moyen d'une aiguille, (pi. II, fig. i3.) Après avoir convenablement rafraîchi les bords de la fistule, on se sert des aiguilles (pi. I, fig. 7 et 8) de la manière suivante : Trois ou quatre fils réunis en un petit ruban d'une aune de long environ, sont introduits par l'un des bouts dans le chas de l'aiguille (fig. 8. 3.) pratiqué dans la courbure de la pointe (2) ; le bout enfilé, long de 9 lignes , est ensuite logé et fixé dans la gouttière de l'aiguille ; la fig. 8 représente le petit ruban enfilé. Cela fait, l'une des aiguilles enfilées est introduite dans le vagin sur le doigt index de la main opposée au côté sur lequel on veut percer d'abord les lèvres de la plaie ; l'index de l'autre main, placé dans l'anneau (pi. I, fig. 7. 1.) sert à diriger l'instru- ment jusqu'à ce que la pointe soit arrivée a l'endroit où il doit pénétrer les chairs {voyez pi. II, fig. 12). On cherche alors à dégager le doigt de dessous la pointe de l'aiguille , afin de parvenir entre les lèvres de la plaie ; l'on passe l'une de ces lèvres contre la pointe de l'aiguille pour favoriser l'entrée de celle-ci, qui est mise en mouvement par le doigt placé dans l'anneau. La lèvre de la plaie doit toujours être pressée en arrière, le long de la face inférieure et concave de l'aiguille , vers son manche , autant qu'il est nécessaire pour percer l'autre lèvre de la plaie. Ceci étant fait, le doigt introduit dans l'anneau de l'aiguille , ramène cette dernière dans sa première direction ; l'in- dex de l'autre main vient se placer, entre les deux bords de la fistule, à la surface externe de la lèvre qui est encore à percer, et la presse contre l'instrument comme dans le premier cas. Lorque les deux lèvres de la plaie sont percées, l'index reste exactement appli- pliqué contre la surface externe des lèvres; l'opérateur retire son doigt de l'anneau POUR GUÉRIR LA FISTULE URINAIRE VÉSICO-VAGINALE. i5i du manche , et confie celui-ci à un aide , pendantqu'il introduit avec la main devenue libre, une pincette aiguë et un peu aplatie , en prenant pour conducteur le doigt en- core appliqué contre la plaie. Lorsque l'extrémité pointue de la pincette estarrivéeau petit ruban de fil (pi. I, fig. 8. 5.) , on l'ouvre et on cherche à parvenir avec l'une de ses pointes entre la face concave de l'aiguille et le petit ruban ; on serre la pin- cette (fig. 8. i. 2.), et on retire, àson aide , le ruban de fil hors du vagin, en s'ai- dant du doigt appliqué contre la plaie. L'aiguille est ensuite extraite avec précau- tion ; les deux extrémités de l'anse de la suture (pi. II, fig. io.) sont réunies et entortillées jusqu'à ce que la malade se plaigne d'une légère douleur ou d'un senti- ment de pression dans la région de la plaie. On examine alors avec l'index les lèvres réunies de la plaie, et on fixe les extrémités des anses, parle moyen de bandelettes agglutinatives , sur le mont de Vénus ou à côté ; on tamponne le vagin avec de la charpie , et l'on met la malade dans une position convenable. Si plus d'un point de suture était nécessaire pour obtenir la réunion, il ne fau- drait pas entortiller les deux extrémités de la première anse avant d'avoir placé les autres points de suture, sans quoi on éprouverait trop de difficulté dans cette opé- ration ; car l'opérateur ne pourrait plus placer son doigt index entre les deux lèvres de la plaie, et il lui faudrait percer les deux lèvres à la fois, ce qui est très difficile, et peut-être même impossible. Il est naturel dans ces cas de commencer toujours par le point le plus supérieur ou le plus postérieur, et de placer les autres ensuite , en procédant d'arrière en avant ; les bouts de chaque anse appliquée seront main- tenus préalablement avec des emplâtres agglutinatifs, pour empêcher qu'elles soient retirées mal à propos pendant qu'on applique les anses suivantes. III. Réunion par le moyen de la pince et de la suture en même temps. Les lèvres de la plaie ayant été percées de la manière qui vient d'être indiquée, les deux bouts de l'anse, qui dépassent les grandes lèvres, sont tirés par les trous (pi. I, fig. 2. 1. 1.) , savoir : le bout du côté droit par le trou de la branche gauche de la pince, et l'anse gauche par celui de la branche droite; l'index est placé entre les mors de la pince (suivant la manière déjà indiquée). On fait alors attirer légè- rement les bouts de l'anse, par un aide, et, sur l'index, l'on introduit la pince sur l'anse tendue par la traction jusqu'aux bords percés de la plaie ; on retire du vagin le doigt placé entre les mors de la pince; on fait attirer les anses par l'aide; on fixe la pince en la pressant contre les lèvres de la plaie et contre la sonde placée dans l'urètre , et on ferme les branches par le moyen du pas de vis. Lorsque la pince est convenablement fermée , les deux bouts de l'anse de suture sont passés par les anneaux (fig. 3. g.) et fixés par un nœud; on ôte les manches. i5a M. NtEGELE. — MÉTHODES DE TRAITEMENT ou tamponne le vagin avec de la charpie , et on place la malade dans une position convenable. Pour retirer la pince il faut remettre les manches , retirer les bouts de l'anse des anneaux, ouvrir les branches et les retirer. La pince étant retirée avec précaution, l'opérateur porte dans le vagin des ciseaux pointus, jusqu'au point de suture, dont il coupe l'un des bouts; après avoir retiré les ciseaux, il retire aussi le reste de l'anse , soutenu par le doigt qui était resté dans le vagin. IV. Réunion par la suture entortillée. Les méthodes opératoires qui viennent d'être décrites ont été employées avec succès par M. Naegele. Les difficultés de l'exécution, qui paraissent plus grandes qu'elles ne le sont en réalité, sont beaucoup diminuées par quelques exercices qu'on fait sur le cadavre. La méthode suivante paraîtra peut-être plus facile que les autres. Pour la pratiquer on se sert d'une pince à auneau, courbée suivant la direction de l'axe du bassin , et portant une aiguille en croissant , fixée par le moyen d'un crochet (pi. I, fig. A. B. C.) ; on exécute l'opération comme celle décrite dans le § II , avec la différence seulement qu'il n'y a point d'anse de fil dans les chairs après que les bords de la plaie ont été percés (pi. II, fig. 16.). Pour laisser l'aiguille on ouvre le crochet, ce qui fait que la pince s'écarte à son tour d'elle-même, et laisse l'aiguille fixée dans les lèvres de la plaie , après quoi l'opérateur retire la pince. Le même procédé est suivi si l'on veut placer plusieurs aiguilles ; l'entortillement du fil se fait comme dans l'opération du bec -de -lièvre. L'opérateur se sert d'un petit ruban de fil, long d'une aune et demie à deux aunes; l'un des bouts est tenu par un aide, l'anse est introduite dans le vagin , au moyen de deux doigts, jusqu'à l'aiguille la plus éloignée ; on cherche alors à entortiller le fil comme dans l'opéra- tion déjà indiquée : pour enlever 1 appareil on procède encore de même , avec la seule différence que pour retirer l'aiguille on la saisit avec la pince à anneau. Pen- dant l'extraction de l'aiguille, il faut soutenir convenablement, avec l'index de l'autre main , la cicatrice récemment formée. Pour empêcher que les pointes des aiguilles ne piquent les parties voisines , on introduit avec précaution, dans le vagin, de longs bourdonnets de charpie qui le remplissent, et on recommande à la malade un repos absolu. Les aiguilles doivent être d'argent ou d'acier bien doré. En dernier lieu , M. Nœgele fait mention d'une méthode dans laquelle les lèvres de la plaie sont percées de la surface interne de la vessie, vers le vagin ; mais qui ;o'a été essayée , comme la précédente , que sur le cadavre. L'instrument qu'on y POUR GUÉRIR LA FISTULE URINAIRE VESICO-VAGINALE. i55 emploie est une sonde de Laforêt , un peu modifiée : la canule de cette sonde est un peu plus fortement courbée à sa partie antérieure qu'une sonde de femme or- dinaire. A l'extrémité antérieure ou supérieure du ressort se trouve, au lieu du petit bouton, une pointe un peu recourbée en bas, et semblable à celle d'un bis- touri étroit et concave; derrière la pointe est pratiqué un chas. A l'extrémité pos- térieure ou inférieure de la tige se trouve , à la place d'un petit bouton aplati , un anneau qui doit recevoir le pouce. L'aiguille élastique , après avoir été enfilée , est portée dans la canule , assez pro- fondément pour que sa pointe corresponde à l'ouverture antérieure de la canule. L'instrument est alors introduit dans le canal de l'urètre, de la même manière que le cathéter ; on le tourne de manière que son bec soit dirigé en bas ou vers la paroi postérieure de la vessie. Avec l'index introduit dans le vagin ( ou bien ce doigt et le médius en même temps) , on fixe l'endroit où la pointe de l'aiguille doit traver- ser les bords de la plaie. Cela fait, et l'instrument ayant passé, on saisit à la sur- face externe de l'aiguille le bout de l'anse enfilée , on l'attire au dehors , et on le fixe ; pour percer maintenant l'autre bord fistuleux , on retire l'aiguille dans la canule pour lui donner la première position qu'elle avait lors de l'introduction de l'instrument; on porte la canule sur le bord fistuleux opposé; on la fixe comme la première avec l'index introduit dans le vagin; on perce la lèvre, et on attire au dehors l'autre bout de l'anse de fil , à la même surface de l'aiguille. Après l'extrac- tion de l'aiguille , on retire aussi la canule , et l'on introduit à sa place une sonde ordinaire. Cette méthode d'appliquer les anses de fil est évidemment fort simple , et peut servir dans les fistules , tant longitudinales que transversales. M. INœgele a trouvé dans ses essais, que l'aiguille pénétre facilement un peu plus en arrière qu'on ne le voudrait ; c'est pourquoi il faut fixer la canule un peu au- devant du point où l'on veut percer. Lorsque le mal a été d'une longue durée , la vessie se rétrécit et sa capacité di- minue; l'urine ne peut plus s'y rassembler en grande quantité, et la force contractile de l'organe est moindre par suite de sa longue inactivité. Pour remédier à ces inconvéniens (ce qu'on fait en empêchant l'écoulement des urines, en pratiquant des injections dans la vessie , etc.), et pour pratiquer des injections propres à rendre à la vessie sa force contractile, M. Naegele s'est servi avec avantage de la sonde représentée pi. I, fig. 10.. Cette sonde a moins de longueur que les sondes ordinaires; elle est moins grosse à son extrémité antérieure ou supérieure , mais plus à son extrémité postérieure ; pourvue d'un robinet et susceptible, par sa forme, d'être introduite dans un urètre large ou étroit, suivant les circonstances. A l'aide de cet instrument, on peut in- jecter des liquides dans la vessie, les y retenir au moyen du robinet, et empêcher 5. 20 i54 M. NiEGELE. — MÉTHODES DE TRAITEMENT , etc. l'écoulement involontaire de l'urine. Pour prévenir tout écoulement qui pourrait se faire à côté de la canule , il est bon de recouvrir d'un anneau de cuir la face postérieure du bourrelet servant de gouttière (fig. 10. B.). EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE I. Fig. 1. Le bistouri caché, servant à rafraî- chir les bords de la fistule. Fig. a. La pince unissante. Fig. 3. La même pince vue de profil. Fig. 4. L'extrémité postérieure du ressort , fixée à la partie postérieure de la portion arquée du manche. Fig. 5. Le manche de la pince unissante. Fig. 6. Coupe des cuillers de la pince, d'a- près leur courbure avec la charnière et les mors. Fig. 7. L'aiguille un peu courbée dans le sens de l'axe du bassin. Fig. 8. L'aiguille en direction droite. Fig. 9. La courbure de l'aiguille dans sa coupe verticale. Fig. 10. La sonde. Fig. 11. Le robinet. Fig. A. La pince à anneau avec l'aiguille et le crochet, vue de profil. Fig. B. La même pince vue de face et un peu obliquement, pour faire ressortir son épaisseur: le mode de jonction de ses branches et la manière dont l'aiguille est fixée. Fig. C. L'aiguille offrant une entaille oblique en arrière, à l'endroit où elle doit être saisie par la pince. Fig. D. Les deux branches ou lames de la pince. PLANCHE IL Préparations faites sur le cadavre. Fig. 12. Représente le mode d'introduction de l'aiguille dans le vagin sur l'index de la main droite. Fig. i3. Les bords de la plaie percés par l'ai- guille dans le vagin ouvert. Fig. 14. L'introduction de la pince unissante sous le doigt index dans le vagin. Fig. i5. La pince unissante appliquée. Fig. 16. L'ouverture fistuleu se fermée par le moyen de la suture entortillée.. MEMOIRE LES FISTULES URINAIRES VAGINALES PAR M. FR. JOS. DEYBER, DOCTEL'B EN MÉDEClrtB, ANCIEN AIDE DE CLINIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE STRASBOURG. La fistule urinaire vaginale est une maladie qui paraît avoir été déjà connue d'Hippocrate : on la trouve également mentionnée dans l'ouvrage d'Arétée de Cap- padoce. Elle peut être unique ou multiple; dans la grande majorité des cas, l'orifice interne du trajet fistuleux aboutit à la vessie ; la fistule urétro-vaginale simple est rare. Le professeur Schmitt en rapporte un exemple1. Le plus souvent le mal a son siège au col de la vessie. L'ouverture fistuleuse est presque toujours irrégulièrement arrondie ; lorsqu'elle est allongée, son plus grand diamètre est ordinairement transversal par rapport à l'axe du corps. Les dimensions de l'ouverture varient beaucoup. Barnes rapporte un cas où la fistule était si petite , qu'on ne pouvait en découvrir le siège, malgré tous les soins, et cependant l'urine suintait dans le vagin2. Cho- part, J.-L. Petit, Guthrie, le professeur Schmitt, ont vu des fistules assez larges pour admettre un et même deux doigts dans leur trajet; et J.-L. Petit, Chopart et Barnes citent même des cas où toute la partie postérieure de la vessie et la partie antérieure du vagin étaient détruites. Les bords de ces fistules sont presque toujours mobiles et irréguliers ; ils va- rient de consistance et d'épaisseur; il est rare qu'ils ne deviennent pas calleux avec le temps. Comme causes prédisposantes à ces fistules, on peut considérer l'étroitesse , les (i) Siebold. Journal lùr Geburtshlilfe, t. VII, a'cah. (2) Med. chirurg. Transactions, vol. VI, p. 582. i56 M. F.-J. DEYBER.— MÉMOIRE vices de conformation du bassin , et tout ce qui peut concourir à rendre le travail de la parturition long , difficile ou même impossible sans le secours de l'art. J.-L. Petit a vu deux fois la fistule vésico-vaginale par vice de conformation congéniale K Des corps vulnérans qui pénètrent accidentellement dans le vagin , peuvent léser la ves- sie et donner lieu à une fistule; la même chose peut avoir lieu par l'effet des in- strumens tranchans qu'on emploie dans la cystotomie par le vagin , comme on peut s'en convaincre par les faits rapportés dans le dictionnaire de James , et par M. Goze dans son mémoire sur la lithotomie vaginale , inséré dans le Journal universel des sciences médicales, 1819. Desault, J.-L. Petit, Richter, comptent aussi la taille va- gino-vésicale au nombre des causes d'incontinence d'urine. M. Boyer est de la même opinion, et M. Richerand rejette tout-à-fait cette opération , à moins que la cloison ne soit déjà perforée par l'érosion qu'avait occasionnée le calcul. La ponction de la vessie par le rectum peut donner lieu à une fistule recto-vé- sicale ; on conçoit donc qu'une fistule vésico-vaginale pourrait aussi être le résultat de la ponction pratiquée par le vagin. Des pessaires , dont la présence dans le vagin cause des érosions, peuvent égale- ment donner lieu à des fistules. Ces effets sont dus quelquefois au volume trop gros_de ces corps étrangers, à la dureté de leurs bords , ou à leur forme irrégulière , comme ceux dont Sam. Coopercite des exemples2; ou bien à la négligence avec la- quelle on les laisse séjourner sans en prendre aucun soin. Les pessaires mous et po- reux, comme ceux de liège, recouverts de cire, dont on fait un si fréquent usage, sont surtout dans ce cas. Cependant les pessaires préparés avec des matériaux plus durs ne dispensent pas, pour cela, de les nettoyer ou de les renouveler fréquem- ment. C'est ce que prouvent les deux cas rapportés par M. Dupuytren 3, et dont le second a été rapporté en détail par M. Breschet , dans le Dictionnaire des sciences médicales , tome VII, page 4&- D'autres pièces d'appareil , telles que des morceaux d'épongés , des tentes de charpie , des tampons, des canules, des spéculum uteri mal dirigés, peuvent encore ouvrir la vessie , soit en l'ulcérant, soit en la déchirant. La perforation de la cloison vésico-vaginale peut aussi dépendre de causes qui ont agi de la vessie vers le vagin. C'est ainsi que des sondes mal fixées dans l'urètre ont déchiré la vessie. Des calculs urinaires qui ont souvent pour noyau des corps étrangers introduits dans la vessie, peuvent ulcérer la cloison vésico-vaginale, et tous les auteurs qui ont (1) Traité des mal. chir., t. III. Paris, 1774. (3) Bulletin de la faculté de médecine de (2) Diction, de chirurgie, traduit de l'anglais. Paris. Paris, 1826. SUR LES FISTULES URINAIRES VAGINALES ,57 traité cette matière, les regardent comme une des principales causes des fistules. Paul d'Egine et Avicenne ont déjà professé cette manière de voir. Les calculs de la vessie peuvent encore devenir causes de fistules d'une autre manière, savoir: par les obstacles qu'ils opposent à la sortie de l'enfant pendant l'accouchement; ils agissent alors en déchirant, et, d'après le témoignage d'Osian- der , ces cas ne sont pas rares. Cet auteur rapporte que Stein a eu occasion de faire l'opération de la taille sur une femme enceinte , et de prévenir , par une incision simple, des accidens que des déchirures inégales, avec contusion des parties, au- raient pu entraîner. Mais de toutes les causes des fistules urinaiir.es vaginales , les plus fréquentes sont les accouchemens laborieux de toute espèce ; c'est ce qui est démontré par l'expé- rience journalière. Quelquefois aussi ces fistules-dépendent de l'impéritie des ac- coucheurs et de leurs manœuvres imprudentes. Beaucoup de sages-femmes ont la mauvaise habitude d'introduire leurs poings et autres moyens dilatateurs dans le va°in. Fabrice de Hilden et M. Murât rapportent des cas où le vagin et la vessie ont été déchirés de cette manière. Cet accident peut encore être produit par le mauvais usage que l'accoucheur fait des crochets, des perce-crânes et autres instrumens employés pour extraire le fœtus mort. Mais ces cas sont rares, par la raison surtout que l'usage des instrumens en question l'est aussi. Les angles et les aspérités des os, dans les accouchemens où l'on a brisé les os du crâne , sont aussi regardés comme des causes de déchirures et de crevasses qu'ils produisent sur les parois du vagin. Les forceps et les leviers ont quelquefois aussi déterminé la perforation de la vessie, quand il y avait un enclavement, et que la tête était restée long-temps en- gagée dans le détroit supérieur. Les parois de la vessie, surtout son col, sont vio- lemment comprimées et comme écrasées; elles se désorganisent, et une fistule en est le résultat. Il est des cas tellement malheureux, que les mains les plus exercées ne sauraient prévenir ces accidens. Souvent l'accoucheur est appelé trop tard , et la gangrène s'-est emparée des parties lésées avant qu'il ait pu agir. La longueur du travail, bien plus que l'action des instrumens , produit les fistules : celles-ci se forment assez sou* vent après des parturitions longues, mais qui ne s'en sont pas moins terminées sans les secours de l'art. Les escarres gangreneuses qui sont le résultat de la compression long-temps con- tinuée des parties souffrantes, tombent quelquefois immédiatement; d'autres fois seulement au bout de quelques jours. i5S M. F.-J. DEYBER. — MÉMOIRE Plusieurs accoucheurs, comme Jœrg1, Carus2 , Osiander3, attribuent en grande partie les désordres qui surviennent à la vessie , à la plénitude de ce viscère , pen- dant que la tête reste au passage. Un certain degré de subinflammation ou de gonflement œdémateux, qui survient dans les derniers jours de la gestation, donne lieu à une rétention d'urine, qui est suivie d'incontinence lorsque la fistule est venue à se former. Aussi Levret a-t-il conseillé de sonder les femmes lorsqu'elles n'urinent pas; et si on ne peut le faire pendant le travail, d'y procéder immédiatement après l'accouchement. Ce conseil est d'autant plus sage que les liquides excrémentitiels retenus dans leurs réservoirs qu'ils distendent, suffisent pour faire naître des fistules. La disten- sion de la vessie et l'acrimonie de l'urine peut déterminer l'inflammation et la gan- grène dans quelques points de cet organe. Des chancres vénériens qui ont donné lieu à des fistules vésico-vaginales sont cités par Hunter, dans son ouvrage sur les maladies vénériennes; par Ploucquet, dans sa Bibliothèque14, et par M. Breschet , dans le Dictionnaire de médecine, tome IX , page i4"- Enfin, une dernière cause des fistules dont il s'agit, c'est l'affection cancéreuse de la matrice, qui s'étend aux parties voisines et y détermine l'ulcération et la perfo- ration. Une rétention d'urine précède ordinairement, dans ces cas, le flux involontaire. De quelque cause que naisse une fistule urinaire, elle se manifeste par des symp- tômes constans. Le plus remarquable de tous est le passage de l'urine par une route étrangère ; tous les autres en dépendent, et ne diffèrent que par le siège du mal et les changemens qui s'opèrent dans sa marche. L'écoulement de l'urine peut se faire en totalité par l'ouverture fistuleuse, ou seu- lement en partie; il peut être continuel ou n'exister que par intervalle ; enfin, il peut aller en augmentant, ou diminuer par degrés. Ainsi, tant que le corps de la vessie n'est pas intéressé, l'urine ne paraît à l'orifice interne de la fistule que dans certains momens; si la crevasse existe au canal de l'urètre, l'urine ne se trouve en contact avec elle qu'au moment où la femme lâche l'urine; mais alors, aussitôt que ce liquide a franchi le sphincter, il s'en écoule quelques gouttes dans le vagin, et le reste se dirige par la voie naturelle. Lorsque le siège de la maladie est au col de la vessie , la femme peut retenir l'urine un certain temps , quelquefois une et même deux heures , passé ce temps elle (1) Rrankheiten des Weibes. Leipz. 1821. (5) Handbuch der Entbindungskunst , v. III, (2) Lehrbuch der Gynaekologie, vol. II, pag. § 75. 55g. -"(4) Voyez les mots Vesica, Ulcus , etc. SUR LES FISTULES UR1N AIRES VAGINALES. ,59 n'en est plus maîtresse. M. le professeur Flamant m'a communiqué une observation dans laquelle ce phénomène a été remarqué. Mais lorsque le corps même du réservoir de l'urine est percé, alors ce liquide, par son poids, tend continuellement à se porter vers l'ouverture et à s'échapper dans le va 1 1 c „, • 1 r ' r D. La clef pour mouvoir la roue, dont M. Ehrmann s'est servi pour faire la suture t, „ D . ... . M D„ „ r Fie 2. Porte-aiguille de lu. Koux. qui fait l'objet de ma première observation. 1-, n t.- 11 11 4 J r C,D ™=Mï,a.iuu. piG> g. Pince a anneau plus longue que celle Fig. 1. Le spéculum de M. Ehrmann. des trousses ordinaires. A. L'instrument fermé. FlG" 4- Bistouri boutonné de M. Roux, dont B. Le même dilaté. M. Ehrmann s'est servi pour scarifier les bord? C. Le même, vu dans sa circonférence. de l'ouverture fistuleuse. 1. 2. 3. Les plaques en losange. FlG- 5- E F G. Aiguilles courbes de différen- 4. Les charnières. tes formes et dimensions. 5. La lame crénelée (espèce de ressort circu- FlGl 6- Représente l'état des fils lorsqu'ils laire, dont un tiers de la longueur est en cré- sont tombés, la dimension de leurs anses, et fait maillère. ) y0''' comment elles étaient engagées l'une dans 6. La roue à cric. ' autre- 7. et 8. Bascule et ressort d'arrêt. PLANCHE II. 9. Plaque qui sert de manche, et sur laquelle Fig. 1. Sonde érigne de M. Lallemand, de sont vissées les deux pièces précédentes. Montpellier. SUR LES FISTULES URINAIRES VAGINALES. A. Mécanisme de l'instrument , vu en dedans. M. Le même, vu de côté. 1/9 B. La sonde, vue à l'extérieur et en repos. 1. La tige porte-caustique. C. La sonde en action avec ses crochets fixés, 2. La tige porte-gaine. dans les chairs. 5. Articulation en bascule des deux tiges au 1. Tige d'acier, munie à l'une de ses extrémi- moyen d'une goupille ou d'un clou rivé. tés de crochets (2) et d'une vis (5), pour avancer ou reculer. 4- Ouvertures pratiquées à la partie inférieure de la sonde, pour laisser sortir les crochets. 5. Plaque d'argent, fixée à un ressort à bou- din (6), pour refouler l'urètre. 7. Plumasseau de charpie dont on recouvre la plaque. 8. Petit bout de fil ou tout autre moyen ser- vant à enrayer ou modérer l'action du ressort. 9. Pavillon de la sonde. 10. Portions de la cloison vésico-vaginale. 1 1. Petit anneau fixé à la paroi supérieure de la sonde, servant à soutenir la tige qui porte les crochets. 12. Une marque avec bandelette de papier 4. Ouverture pratiquée à la gaîne par laquelle le caustique doit sortir. 5. Petit morceau de nitrate d'argent, fixé à angle droit au bout de la tige qui le supporte. 6. Petit ressort qui retient le caustique caché si on ne le comprime pas. Fig. 4- Bistouri boutonné de M. Flamant. A. La lame de l'instrument; elle est plus étroite que celle dont M. Flamant se sert communé- ment. B. La tige qui règne le long du dos de la lame et qui supporte le bouton. C. Petit écrou servant à fixer la tige. Fig. 5. S peculumvaginœ proposé par l'auteur. Fig. 6. Sonde à dard aiguillé, du même. A. La sonde, dans laquelle on voit le dard mouillé pour indiquer l'endroit de la sonde qui engagé et armé de son fil. doit correspondre à l'entrée de l'urètre. Fig. 2. Porte-caustique de M. Lallemand. A. Vu de face. B. De profil. Fig. 3. Porte-caustique de M. Flamant. K. L'instrument vu obliquement. B. Petite plaque adaptée à la sonde pour mieux la tenir. C. Ressorti boudin, devant empêcher le dard de sortir de la sonde avant qu'on ne le presse : ce ressort est peut-être superflu. NOUVELLES OBSERVATIONS SUR QUELQUES PARTIES DE L'ENCÉPHALE DU FÉTUS HUMAIN, PAR GIRGENSOHN, MEDECIN DU CERCLE DE WOLMAR EN LIVON1F. Il ine semble que les données des anatoniistes sur les formes et la détermination de quelques parties de l'encéphale du fétus laissent encore beaucoup de choses à dé- sirer, surtout en ce qui concerne le cervelet, les tubercules quadrijumeaux et le voile médullaire postérieur de Reil [lame médullaire de Meckel; description du cer- velet). J'ai été à même de sentir toute l'étendue de cette lacune en disséquant der- nièrement un très jeune fétus dont voici l'observation : Une femme de soldat fit une fausse couche le neuvième jour d'une fièvre aiguë dont les principaux symptômes avaient été des maux de tête, brisement des membres, douleurs dans le dos, lassitudes, chaleur, assoupissement et délire. L'avortement pa- rut être la crise de cette fièvre, car aussitôt après la malade entra en convalescence. Au dire de la femme , elle n'était qu'au deuxième mois de sa grossesse , ses règles ayant cessé de paraître seulement un seul mois. Mais le volume et la conformation du fétus indiquaient l'âge de trois mois. On voyait à sa tête des sugillations bleu foncé. Il fut conservé dans l 'esprit-de-vin depuis le îôdécembre 1822 jusqu'au i3mai 1827, que je le disséquai. Les tégumens généraux de la tête furent détachés du sinciput et ramenés vers le front, la face, les oreilles et la nuque. L'ossification n'était établie nulle part; les os plats du crâne étaient encore membraneux pour la plupart ; ils étaient partout tellement adhérens à la dure-mère qu'on ne les en pouvait pas séparer, et l'en- céphale était si étroitement embrassé par cette membrane qu'il fut intéressé, en ou- vrant la cavité du crâne , en beaucoup d'endroits , malgré les plus grandes précautions ; en sorte que les parois médullaires des ventricules latéraux étant excessivementminces, ces ventricules se montrèrent ouverts en même temps. La dure-mère était appliquée d'une manière beaucoup plus lâche sur la moelle allongée et le cordon rachidien, qui purent être mis à découvert sans éprouver aucune lésion. Toutes les vertèbres étaient SUR QUELQUES PARTIES DE L'ENCEPHALE DU FÉTUS HUMAIN. 181 cartilagineuses, les arcs surmontant la moelle spinale se montraient fermés pour la plupart. La longueur totale de l'embryon était de deux pouces et demi , et semblait être du sexe masculin , car la fente (rima) manquait au-dessous du pénis , mais il n'y avait au- cune trace de scrotum. Le cordon ombilical était fortement contracté au bord. Les membres étaient distincts, maigres et grêles. Le sacrum était recourbé en avant, et les os du coccix, extrêmement petits, y étaient attachés sous la forme d'une queue recourbée en avant et visible à l'extérieur. Le cordon racbidien descendait jusqu'au coccix et remplissait tout le canal ra- chidien sous forme d'un cylindre nerveux solide, non encore divisé en queue de cheval. Il ne se terminait pas par une pointe bifurquée [Voyez Meckel dans ses Ar- chives, vol. I , pag. 78), mais par une pointe simple et mousse. Ce cordon était, proportionnellement à l'encéphale, d'une épaisseur considérable, mais en revan- che les nerfs en étaient très fins. Je l'ai représenté [Voyez pi. P% fig. 1) dans sa gran- deur et revêtu de la pie-mère. Cette membrane forme sur le renflement inférieur des replis en forme de losanges, dont la plus grande diagonale était située trans- versalement. Au renflement supérieur ou brachial on remarquait un enfoncement longitudinal, sur les côtés duquel il existait un repli un peu rehaussé. Je distinguai à la moelle ver- tébrale six régions, que je pus reconnaître aussi dans ce cas et que j'ai marquées des n0> 1, 2, 3, 4» 5, 6. Le n" 1 tla terminaison de la moelle spinale; n° 2 , le renfle- ment lombaire , dans lequel je n'ai pas pu découvrir de fissure analogue au sinus rlwmboidalis des oiseaux ; n°5, est le rétrécissement entre le renflement lombaire et le renflement brachial. Ici se montrait déjà le sillon longitudinal qui existe à la face dorsale de la moelle épinière; n°4, le renflement brachial où l'onvoit le mieux le raphé longitudinal (a) ayant deux rebords sur ses côtés (b) ; c'est dans cette région que les nerfs avaient le plus d'épaisseur, et les ganglions le plus de grosseur ; n° 5 , le rétrécissement entre le renflement brachial et la moelle allongée, ou la partie cervi- cale ; celle-ci est très courte quand on la compare avec la moelle spinale de l'adulte, de sorte que la quatrième et la sixième régions de la moelle épinière sont, à cette période de la vie, très rapprochées l'une de l'autre. Cette différence peut dépendre ou de ce que la moelle allongée arrive plus bas chez le fétus et s'étend plus haut chez les adultes, ou de ce que la moitié inférieure de la moelle rachidienne est située plus haut chez le fétus et plus bas chez l'adulte , ou enfin de ce que cette région s'allonge d'elle-même , et s'accroît avec les vertèbres cervicales. J'ai des raisons de croire à ce que la cause principale de cette différence gît dans la pre- mière circonstance; la seconde ne peut pas être admise; la troisième est réelle, sans doute, mais n'est certainement pas l'unique: n°6, est la moelle allongée dont le 182 M. GIRGENSOHN.— NOUVELLES OBSERVATIONS volume, la largeur et letendue sont très remarquables quand on la compare à celle de l'homme adulte. L'atlas était situé en travers sur le milieu de cette région; il était plus fort; plus grand, plus large et d'une ossification plus avancée que toutes les autres vertèbres; on ne peut méconnaître que jusqu'alors il les surpassait en volume. On en peut conclure que par la suite il s'accroît bien plus lentement et finit par rester tout-à-fait en arrière des autres vertèbres, car il devient, avec les progrès de l'âge, de plus en plus faible, et cesse quelquefois même de paraître un os indépendant. Il semble, d'après cela être, à proprement parler, une vertèbre pour la moelle alongée des premiers temps de la vie fétalej et perdre ensuite sa destination primitive à mesure que la moelle allongée est subordonnée à l'encéphale. La moelle allongée se renfle encore dans l'anneau de l'atlas des deux côtés, et forme des émi- nences considérables qui se terminent chacune en avant, par un pédoncule médul- laire divergent (6*), qui est le corps restiforme. A l'endroit où ces pédoncules médullaires s'écartent, se trouve au milieu un trou ( fig. 2, 5, a) qui est l'entrée du canal de la moelle vertébrale. La terminaison du calamus scriptorius et une con- tinuation du quatrième ventricule , sont situés entre les corps restiformes. Ce trou n'est nullement une continuation du raphé longitudinal postérieur («), car il existe entre ce raphé , à l'endroit où elle se termine sur la moelle allongée, et le trou lui- même, une lame médullaire encore assez épaisse qui sépare le trou et le raphé. Le trou se continuait dans l'intérieur de la moelle spinale, comme canal de cet organe, jusqu'au-delà de la quatrième région, vers le renflement brachial. Je n'ai pas pu suivre ce canal plus loin; en ouvrant la moelle épinière avec précaution, dans sa troisième, sa seconde et sa première régions, il n'y avait point de cavité, seulement la substance grise était au milieu plus facile à séparer que vers la surface extérieure. Cette circonstance indiquait assez que s'il n'existait pas de canal alors, il a dû en exister à une période antérieure. Au-dessus du quatrième ventricule, marqué A, dans la fig. 1, on voyait une mem- brane médullaire s'étendre en formant une voûte , dont les bords étaient fixés ou plutôt appliqués, en arrière et vers les côtés, sur les pédoncules de la moelle allongée, en avant sur le grand corps B , car ces bords pouvaient être enlevés de dessus ces parties sans effort et sans qu'ils se déchirassent. Cette voûte est désignée par la lettre a, sur la fig. 1 ; mais ici il n'en est resté que la moitié antérieure; la postérieure, qui s'unit aux pédoncules de la moelle allongée, était tellement délicate qu'elle se déchira. Lorsque je voulus également enlever la moitié antérieure a, je trouvai que cette lame médullaire était beaucoup plus épaisse , et formée de fibres médullaires transversales, qui se repliaient en dehors autour des pédoncules de la moelle al- longée. Il me paraît vraisemblable que c'est à la partie inférieure de ces fibres mé- dullaires que commence le pont de Varoli;mais je ne J'ai pas pu reconnaître sur cet SUR QUELQUES PARTIES DE L'ENCÉPHALE DU FÉTUS HUxMAIN. 1 83 embryon, parce que j'avais enlevé trop vite la lame médullaire, et avant d'avoir aperçu la face inférieure ou antérieure de la moelle allongée. Mais cette opinion a pour elle la position du pont et le rapport dans lequel il se trouve avec le quatrième ventricule. Toute la lame médullaire ressemble au tegmen ventriculi quarti des rep- tiles. Sa partie postérieure ressemble à l'épithélium d'autres organes cérébraux . l'antérieure à une commissure du cerveau. Elle me paraît être le voile médullaire postérieur de Reil ; je ne pense pas que ce soit le représentant du cervelet entier; celui-ci me paraît être le corps qui est désigné par B dans les trois premières figures. Ce corps présente ici en quelque sorte la forme d'un cône creusé à sa partie anté- rieure , qui , avec sa voûte concave , s'étend sur la moitié antérieure du quatrième ventricule, s'applique avec sa base membraniforme contre le tegmen postérieur du quatrième ventricule [a, fig. 1), et s'intercale par son extrémité antérieure, forte- ment effilée entre les deux hémisphères du cerveau. La base se renfle des deux côtés et forme deux pédoncules considérables (fig. 2 et 5, b) , qui ne sont qu'une conti- nuation des deux pédoncules de la moelle allongée (fig. 1, b*), qui forment iei un angle supérieurement. La terminaison est une pointe latérale, et la convexité plus grande au milieu indique le commencement de séparation en une -partie centrale et en lobes latéraux, de même que l'on remarque déjà à la surface externe la forma- tion des circonvolutions. La pointe antérieure et supérieure (fig. \,c, fi°\ 2, f) est pourvue d'un ligament sur lequel il se trouve , à l'endroit marqué p, dans la figure 4 , une lame médullaire allongée, le rudiment du conarium; celui-ci com- munique faiblement avec les rebords qui se dirigent sur le bord interne des couches optiques (fig. 4, k], t, /)• D'après des anatomistes célèbres (Fr. Meckel, dans ses Archives, vol. I, 1, § 5-j, pi. II , fig. 21, 26. — Fr. Tiedemann, Ànalomie et His- toire du développement de l'Encéphale, p. 3i, pi. II, fig. 3, g, h, fig. 4, e, h, p. 101, u5, etc.), le développement du cervelet est loin d'être, à cette période, aussi avancé que dans le cas présent. Suivant ces auteurs , le cervelet de semblables embryons ne consiste qu'en un petit nombre de plis transversaux, et n'égale pas même le volume des tubercules quadrijumeaux ; le voile médullaire postérieur ne peut être reconnu, d'après Tiedemann ( loc. cit., p. 108) qu'à l'âge de sept mois : mais la forme de cet organe (B) et sa connexion avec les corps restiformes me semble démontrer, sans aucun doute , que c'était réellement le cervelet , et je ferai voir plus loin que les tubercules quadrijumeaux existaient aussi dans cet encéphale (fig. 3, t, t). Il est fort digne de remarque que cette forme du cervelet se rap- porte , à beaucoup d'égards , à celui des oiseaux , savoir : par les pointes qui se ter- minent des deux côtés en flocons ( flocculus), par la voûte qu'il forme au- dessus du quatrième ventricule ; par la pointe antérieure qui s'enfonce entre les hé- misphères du cerveau et qui est pourvue d'un ligament riche en vaisseaux. On 184 M. GIRGENSOHN. — NOUVELLES OBSERVATIONS trouve dans cet encéphale les rudimens des lobes latéraux , de l'appendice vermi- forme et des flocons ; et je ne sais de quel droit on pourrait déclarer que cet organe constitue les tubercules quadrijumeaux , ce qu'il faudrait pourtant démontrer si on se prononçait pour cette admission. J'ai trouvé, en outre , que la face antérieure concave ou inférieure de ce corps (B) , qui recouvre en haut la continuation du quatrième ventricule, désignée par h dans la figure 3, était garnie à son milieu d'une lame médullaire verticale (fig. 3, g), et que cette lame médullaire parta- geait en deux parties égales l'espace antérieur du quatrième ventricule , en ce qu'elle s'appuyait inférieurement sur un sillon venant des tubercules et se dirigeant en avant. Je considère comme tubercules quadrijumeaux de cet encéphale les deux éminences désignées par ii dans les figures 2, 3 et l\. Le plancher du quatrième ventricule, depuis la pointe du calamus scriptorius (fig. 2 et 3, a), devient plus large en avant ; il est exactement dans son milieu partagé en deux moitiés par un sillon transversal ( fig. 2 , d, d). Ce sillon marque la limite postérieure des tubercules quadrijumeaux. Je trouve fort digne de remarque la disposition des deux éminences convexes i i qui s'élèvent immédiatement au-delà du sillon d, d; je ne puis croire que ces éminences soient ce que sont, dans l'encéphale des adultes, les éminences grises situées sur le plancher du quatrième ventricule , car celles-ci sont de beau- coup plus faibles et plus plates. Je me figure, au contraire, ainsi la métamorphose de ces organisations : long-temps déjà ( on ne sait pas l'époque juste ) avant la nais- sance , l'encéphale de l'homme se développe à un tel point que la formation de la moelle allongée doit proportionnellement rester en arrière, et avec l'encéphale s'ac- croissent et augmentent toutes les parties du système nerveux qui sont destinées aux organes des sens. Les hémisphères, les tubercules quadrijumeaux, les couches op- tiques s'accroissent , se portent en avant , tandis que le cervelet , parce que les autres parties ne lui laissent pas d'autre place , se dirige en arrière et est obligé de s'appli- quer sur le quatrième ventricule, de telle façon que le bord e, fig. 2, vient à être placé sur la moelle encore au-delà de la division des pédoncules médullaires. Par suite de cela le voile médullaire postérieur (fig. 1, a) est transformé en teg- men inferius cerebelli , tandis qu'auparavant il n'en était qu'un appendice ; en même temps l'espace du plancher du quatrième ventricule , qui est désigné, fig. 2 , par d,d, a, s'allonge considérablement en devenant proportionnellement plus étroit. A mesure que le développement se fait, et que l'organe de l'ouïe se forme, on voit paraître insensiblement sur cet espace d, d, a, par l'irradiation des extrémités centrales du nerf auditif, les bandelettes transversales et enfin les éminences grises, dont il n'existe pas encore de traces dans l'embryon. De même les tubercules qua- drijumeaux, qui sontici situés sous le cervelet et ne constituent qu'une paire d'érni- nences, se portent en avant, jusqu'à ce qu'ils soient enfin placés devant le cervelet et com- SUR QUELQUES PARTIES DE L'ENCÉPHALE DU FÉTUS HUMAIN. i85 posés de deux paires. lisse distinguent alors davantage descouchesopliques , avec les- quelles ils semblent encore faire un tout clans cet encéphale. Ces formes de l'encé- phale d'un fétus de trois mois sont représentées dans la figure 4 ; i, i sont les tuber- cules quadrijumeaux ; /. / les couches optiques; k les bandelettes qui se dirigent le long du bord supérieur et interne des couches optiques; et en p on voit l'ouverture du troisième ventricule entre les couches optiques, qui est en même temps le point où se trouve le conarium. On voit sur la couche optique gauche en m la continuation du pédoncule du cerveau, comme il est embrassé parl'éminence striée n , et rayonne ensuite en formant le corps cannelé (Stabkranz, Reil),o, o. J'ai découvert ici les éminences striées exactement comme elles ont été figurées par Tiedemann (loc. cit.. pi. II, fi g. 5, i); il y avait aussi dans le ventricule latéral qui était fort large un plexus choroïde très développé. Je ferai remarquer, en outre, que ma première figure représente le cervelet tout-à-fait à vue d'oiseau, que dans la seconde on le voit davantage par sa face postérieure, et que sur la troisième, la convexité postérieure du cervelet est enlevée ; c'est pourquoi on aperçoit en b, b le passage des pédoncules médullaires de la moelle allongée dans les pédoncules postérieurs du cervelet ; dans la quatrième figure enfin, le cervelet est enlevé tout-à-fait, et on ne voit plus que les lames médullaires qui s'étendent en avant par-dessus les couches optiques, et qui, par les progrès du développement lorsque Je cervelet se retire en arrière, re- couvrent aussi les tubercules quadrijumeaux. [Voy. pi. P°, n° 2.) 5. 24 NOTICE NOUVEAU MOYEN D'APPLIQUER L'EXTENSION CONTINUELLE AU TRAITEMENT DES FRACTURES DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES, PAR M. JOSSE i CHIRURGIEN EN CHEF DE l/fIOTEL-DIEU d'aMIENS, PROFESSEUR DK PATHOLOGIE EXTEENE A l'ÉCOLE SECONDAIRE DE MÉDECINE DE LA MÊME VILLE, CORRESPONDANT DE l'aCADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE, etc. On a beaucoup écrit sur les fractures des membres inférieurs : on a inventé beau- coup de machines pour tâcher d'obtenir une guérison sans difformité , et, j'ose le dire en commençant , on n'est point encore arrivé à la perfection. Des noms célèbres , des autorités dans la science chirugicale, ont payé leur tribut d'efforts dans cette lutte, qui avait le bien pour objet : mais leurs méthodes, plus ou moins ingénieuses ou plusou moins compliquées, laissent quelque chose à désirer. Les uns se sont appliqués trop exclusivement à multiplier les forces de contention ; les autres trop confians dans les avantages de la position, en ont exagéré les bienfaits. Une méthode qui réunirait, en les modifiant, les avantages de ces deux extrêmes, serait à coup sûr la meilleure. La position, sans doute , dans les fractures des extrémités inférieures, est la chose la plus importante : mais comme les besoins du malade la font varier à chaque instant, il faut qu'elle soit telle, que les mouvemens imprimés ne viennent pas déranger la situa- tion respective desfragmens; et il est impossible de l'obtenir par les moyens jusqu'ici conseillés. L'immobilité est donc indispensable pour la consolidation des fractures : mais cette immobilité ne peut être le résultat de fortes pièces contentives, qui, en pressant sur les parties vivantes et sur les muscles, excitent la contraction de ces derniers, qu'aucune mécanique ne saurait empêcher, à moins de les paralyser absolument. On a aussi, je crois, fait trop d'attention à l'action rétroactive des muscles, et de là est venu l'abus de chercher des forces excessives en opposition. Il y a en eflet une grande différence entre maintenir une partie , ou tirer sur une partie. Dans le premier cas, la nature se laisse conduire, et dans le second elle se révolte : et tant que l'on établira une lutte entre les muscles d'un membre fracturé et son appareil, NOTICE SUR L'APPLICATION DE L'EXTENSION CONTINUELLE. 187 ce dernier sera toujours vaincu et le membre raccourci. La pratique vient confirmer cette proposition. Un appareil qui donnera une position naturelle à la partie, et qui la maintiendra toujours dans l'immobilité, sans exciter les puissances musculaires, sera donc le meil- leur, et approchera le plus de la perfection : je crois l'avoir trouvé. Mais avant de faire la description de mon appareil , qu'il me soit permis de me li- vrer à quelques considérations générales sur le traitement des fractures. Un précepte consacré par les maîtres de l'art, et généralement répandu, prescrit au chirurgien de faire la réduction et la coaptation d'une fracture le plus tôt possi- ble, et d'appliquer un appareil. Cette méthode suivie dans tous les cas n'est pas sans inconvénient, et ma pratique journalière et publique a prouvé l'avantage de la déro- gation à cette maxime. Examinons, en effet, ce qui se passe dans les tissus qui viennent d'être froissés par des fragmens osseux. Il y a des fibres musculaires déchirées, des vaisseaux , des nerfs rompus ,enun mot, il y a une véritable plaie intérieure; le malade a éprouvé deladou- leur au moment de l'accident; mais il ne souffre plus, tant qu'on laisse les fragmens en repos. Pour faire la réduction et la coaptation , il faut nécessairement agir sur des parties irritées, et qui, se contractant spasmodiquement, opposent une grande résis- tance. La force que l'on emploie, égale au moins à celte résistance, rend l'extension et la contre-extension très douloureuses, augmente singulièrement le désordre des tis- sus, et ajoute bien plus à la lésion primitive, que la présence de fragmens auxquels la partie s'est , pour ainsi dire , déjà habituée : et la preuve, c'est que dans ce cas il y a très peu de douleur dans l'immobilité. Je pense donc que les énormes gonflemens de tissus, et les accidens consécutifs que l'on remarque à la suite des fractures du fémur, par exemple, seraient moins fré- quens, si l'on ne se pressait pas trop de faire une réduction complète et définitive, et d'appliquer un appareil qui ne tarde pas à devenir trop serré, quelque précaution que l'on prenne. La méthode, en quelque sorte opposée, que je suis à l'Hôtel-Dieu d'Amiens a, pour ainsi dire, banni de ma pratique toute espèce d'accidens après les fractures. Cette méthode consiste à placer, avec le plus de ménagement possible, le membre fracturé dans sa direction ordinaire, sans chercher du tout à affronter les pièces os- seuses ; cela fait, je pose un appareil contentif, mais très peu serré : c'est le ban- dage de Sculiet , ou celui à dix-huit chefs, seulement pour maintenir les parties et éviter les déplacemens, qui pourraient résulter des soubresauts auxquels le malade est exposé les premiers jours, pendant le sommeil. Je fixe ensuite le membre à l'at- telle à extension continuelle, en ménageant les tractions, dans l'intention de rame- ner insensiblement le membre à sa longueur naturelle. Deux ou trois jours suffisent, ,88 M. JOSSE. — NOTICE dans les cas les plus graves, pour obtenir une réduction et une coaptation parfaites. Le malade alors supporte sans souffrir son appareil, que l'on a serré graduellement, et il se voit exempt des longues infirmités qui résultent de la roideur et du gonfle- ment des articulations inférieures. Je me conduis de même pour les fractures obliques de la jambe, et , par ma méthode et mon appareil, j'évite les excoriations du talon et l'atrophie de l'endroit où presse le bandage , compression qui souvent empêche le travail du cal , et s'oppose à la consolidation des parties. En un mot, je mets dans le traitement des fractures le plus de simplicité possible , et j'épargne beaucoup de douleurs aux malades. Il est bien entendu que je ne parle pas des fractures compliquées qui nécessitent, comme on sait, des soins particuliers. Cependant, traitées au moyen de mon lit et conformément aux idées émises plus haut, elles offriront moins de difficultés, et leur issue sera plus heureuse. Mais arrivons à mon appareil : il se compose d'un matelas ordinaire, d'un matelas piqué, qui pourrait être unique à la rigueur, d'un fond sanglé mobile, et d'une at- telle à extension continuelle. Le matelaspiqué est en forme de coin : la grosse extré- mité à laquelle je donne trois ou quatre pouces d'épaisseur de plus qu'à l'autre , répond aux pieds du lit. Ces différentes pièces adaptées à un lit très simple , comme on pourra le voir dans le dessin, composent le lit dont je me sers habituellement à l'Hôtel-Dieu , pour les fractures des extrémités inférieures. Ce lit a bien quelque ressemblance avec celui de M. Daujon; mais il est simple , commode , à la portée de tout le monde , exempt de toute complication , se ma- nœuvrant avec une grande facilité , et le malade , une fois dessus , y reste jusqu'à parfaite guérison. Les pièces qui le composent ne pouvant être salies par les ex- crétions du malade , toute la manœuvre se borne à soulever le fond sanglé , portant le malade et son appareil , soit pour lui présenter le bassin , soit pour le rafraîchir par un courant d'air. Voici du reste, avec quelques détails, comment j'emploie cet appareil. Les matelas disposés ainsi que le fond sanglé, je recouvre d'un drap les sangles, excepté celles qui répondent aux fesses du malade , et qui sont garnies de boucles: j'ajoute un traversin et mon lit est garni; il est, à cause de la plus grande épaisseur d'un bout du matelas, un peu incliné vers la tête. Le malade étant posé dessus, je place, le plus exactement possible, le membre fracturé dans sa direction natu- relle ; j'opère la réduction comme il a été dit plus haut , et j'applique un bandage légèrement contentif. La cuisse ( car c'est de la fracture du fémur qu'il s'agit dans cette description) étant ainsi disposée, entourée de son bandage et maintenue par des aides, j'enveloppe la jambe près l'articulation du pied, avec un morceau SUR L'APPLICATION DE L'EXTENSION CONTINUELLE. 189 de toile, en forme de cravate, dans laquelle je passe en dedans et en dehors une anse de passement, ensuite j'applique mon attelle à extension continuelle. Cette attelle est armée de deux traverses, l'une supérieure, dirigée en dehors, l'autre inférieure, dirigée en dedans. La traverse supérieure est au niveau du bassin, et fixée par un lien au cadre du fond sanglé : la traverse inférieure présente deux échancrures pour retenir les liens, et dépasse les pieds de quelques pouces. Un, et quelquefois deux bandages de corps, tiennent le tronc et le bassin unis à l'attelle à extension continuelle : chez les enfans qui s'agitent ordinairement beau- coup , il est bon de maintenir les épaules au moyen de deux petites courroies que l'on attache aussi au cadre du fond sanglé. Tout étant ainsi disposé, on fixe la traverse supérieure de l'attelle au cadre du fond sanglé; on passe les liens de passement qui descendent le long de la jambe inférieurement, dans les échancrures de la traverse inférieure, on tire légèrement et graduellement sur le membre ou sur ces mêmes liens , et l'attelle maintenue par la traverse supérieure ne pouvant céder, l'extension du membre a lieu et se maintient. On fixe les liens à la traverse inférieure et l'appareil est appliqué. Il est inutile de dire qu'il faut veiller pendant la durée du traitement, au maintien de l'action respective de chaque partie de l'appareil. On peut voir, d'après ce que nous venons de dire, que le lit ainsi que l'appareil sont de la plus grande simplicité; en effet on ne peut pas y mettre moins de pièces: on confectionne d'ailleurs en peu de temps un ou deux matelas et un fond sanglé. Ce dernier cependant doit être fait avec quelque soin; les bras sont résistans, car il faut que les sangles soient extrêmement tendues, ce qui ne blesse en rien le malade, vu que le matelas piqué entre dans le cadre et s'y adapte parfaitement. Quant aux sangles qui doivent porter des boucles, on choisit celles qui répondent parfaitement à l'anus du malade. II est bon de faire remarquer ici, que quand il s'agit d'une personne du sexe féminin, il est nécessaire, pour ne pas salir les sangles, de diriger les urines dans le bassin qui doit se trouver sur le matelas piqué, au moyen d'une main de fer-blanc, revêtue d'un linge que l'on place verticalement entre les cuisses de la malade, chaque fois que le besoin d'évacuer se fait sentir. Tout cet appareil, me dira-t-on, n'a rien de neuf, j'en conviens; mais une chose, selon moi, qui n'a pas d'antécédent, c'est la forme de l'attelle à extension conti- nuelle, le parti que j'en ai tiré. Car par les traverses dont je l'ai armée, et la position un peu déclive du côté du tronc, que je donne à mon malade, ainsi que par la fixité du pied et du bassin, je me sers plus du poids du corps pour faire la contre-extension, que de l'attelle elle-même qui ne fait que maintenir en haut le tronc et en bas les pieds. De cette manière la traction graduée et constante a lieu dans le sens de la direction des fragmens, et assure toujours leurs rapports, sans que les parties molles soient blessées. Ainsi, ma méthode de traitement tire ses avan- igo M. JOSSE. — NOTICE tages autant de la position que de l'extension, et réunit encore l'immobilité, puis- que le malade voyage , pour ainsi dire , avec son appareil. L'extension que le membre éprouve en quelque sorte de lui-même, dirigée selon l'axe de l'os, est tellement douce et modérée, que les parties s'y habituent sans peine, et que le membre, pendant tout le traitement, a constamment toute sa longueur qu'il finit par con- server. Aussi, depuis que je me sers de ce lit, les malades atteints de fractures du col du fémur, ou de tout autre endroit que ce soit de cet os, guérissent-ils sans raccourcissement , chose qui paraissait impossible à obtenir, quand l'os était fracturé près de l'articulation coxo-fémorale. Je n'ai pas besoin, pour démontrer la supériorité de mon appareil, d'énumérer toutes les douleurs et les incommodités dont le malade est assailli , pendant le cours de sa guérison, par le lit et la méthode ordinaires. Une circonstance, je crois, qui em- pêche les excoriations par ma manière de traiter, c'est la surface plane sur laquelle repose le tronc du malade, dont le dos adhère, pour ainsi dire, au fond sanglé. Je ne passerai pas non plus sous silence la propreté dont jouit le malade pendant la durée du traitement, à cause de la facilité que l'on a de lui mettre le bassin en soulevant le fond sanglé, et l'avantage qu'offrent les boucles portées par les sangles vis-à-vis l'anus, pour pouvoir laver et nettoyer les parties toutes les fois que le besoin s'en présente. La ventilation aussi à laquelle le malade est soumis pendant le temps que le fond sanglé est placé sur les chevilles , ne contribue pas peu non plus à garantir la région du sacrum des escarres que j'ai vu survenir souvent dans d'autres temps. La crainte que l'on aurait sur les congestions sanguines du cerveau, chez les vieillards surtout, par la position que je donne à mes malades, est chimérique. J'en ai vu rester ainsi plusieurs mois pour des cas de fractures tout particuliers , sans en être nullement incommodés. J'ai aussi appliqué avec beaucoup de succès, mon appareil à des malades atteints de fractures du col du fémur. Je le préfère à la méthode de M. Dupuytren. Je pro- fiterai de cette circonstance néanmoins, pour dire que j'ai employé l'appareil aussi simple qu'ingénieux de ce célèbre praticien avec une réussite complète ; mais la raison qui me l'a fait abandonner, était la difficulté de faire conserver l'immobilité aux ma- lades. J'avais cependant remarqué qu'en mettant les deux jarrets sur le rouleau, on s'opposait davantage à la rotation du bassin; mais je n'ai jamais pu empêcher l'œdème des pieds et de la jambe, résultat de la compression exercée par le rouleau. Enfin pour résumer, je présente aux praticiens un appareil et un lit à fractures, qui réunit à la position recherchée par M. Dupuytren , comme la première condition d'un appareil, et à la traction selon l'axe de l'os, indiquée par M. Boyer, l'avantage de l'immobilité, que j'ai fait résulter de ces deux moyens combinés. SUR L'APPLICATION DE L'EXTENSION CONTINUELLE. IQ1 Le lit de M. Daujon a été simplifié par moi, et rendu plus commode ; je devais surtout, dans ma position, m'attacher à construire un lit qui ne nécessitât point de grands talens de confection de la part des ouvriers; car professant pour beaucoup de jeunes gens qui se destinent à être officiers de santé, un lit, tant soit peu com- pliqué , ne se serait jamais répandu dans nos campagnes, qui ne peuvent pas pro- fiter du luxe des inventions. Je crois avoir réussi; car quelque indigent que l'on suppose un individu, il lui sera toujours possible d'adapter à son lit un ou deux matelas bourrés de foin, s'il le faut, et un grossier fond sanglé. En outre, l'ouvrier le moins intelligent parviendra toujours à confectionner l'ensemble de l'appareil. Enfin , pour la manœuvre , comme c'est une simple civière que le fond sanglé , on trouvera toujours deux personnes pour soulever le malade. Maintenant il ne me reste plus qu'à réclamer beaucoup d'indulgence pour ce faible croquis, fait dans des intentions d'bumanité. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. i. Malade couché sur le fond sanglé, ayant enveloppée dans un appareil contentif ordinaire, la cuisse dans un appareil à extension conti- /. Bande enveloppant lâchement le bas de la nuelle. jambe, et propre à retenir l'attelle à extension AAAA. Fond sanglé. continuelle. BB. Sangles à boucles. J. Lien en forme de cravate, destiné à rece- CC. Attelle à extension continuelle. voir l'anse, des courroies de passement KKKK, DDD. Traverse supérieure de l'attelle, Ion- qui s'attachent à la traverse inférieure, gue de manière à pouvoir être assujétie par un L. Lien propre à assujétir la traverse infé- lien M , au cadre du fond sanglé, et non pas aux rieure au cadre du fond sanglé sangles elles-mêmes, comme il est indiqué sur M. Lien qui doit fixer la traverse supérieure le dessin. au cadre du fond sanglé. EEE. Traverse inférieure, qui doit reposer Fig. 2. Pied vu en dedans avec les liens à ex- sur le cadre du fond sanglé. tension, disposés à être attachés à la traverse in- FFFF. Bandages de corps. férieure. GG. Courroie propre à maintenir les banda- Fig. 5. Pied vu en dehors avec les liens à ex- ges du corps. tension , disposés à être attachés à la traverse E E. Sangles à boucles. inférieure. FF. Poignée pour manœuvrer le fond sanglé. Fig. 4- Ensemble du lit; garniture de matelas; GGGG. Épaulemens destinés à faciliter la fond sanglé levé et assujéti au moment où le manœuvre du fond sanglé, et empêcher les se- malade a besoin du bassin, cousses. AAAA. Matelas ordinaire. H. Coussin. BBBB. Matelas piqué, moins large et moins 1 1 III. Bois de lit ordinaire avec des montans long que le précédent, fait de manière qu'il puisse percés de trous d'espace en espace , pour y fixer entrer dans le cadre du fond sanglé, le fond sanglé, selon la nature des besoins du CCCC. Fond sanglé soutenu par des che- malade. villes DD. IIH. Bandages unissant à l'attelle la cuisse NOUVELLE METHODE POUR EXTRAIRE LA PIERRE DE LA VESSIE PAR L'HYPOGASTRE. PAR A. VERNIERE. DOCTEUR EN MEDECINE. La lithotomie hypogastrique expose ceux qui s'y soumettent à deux genres d'ac- cidens extrêmement graves : la lésion du péritoine et les infiltrations urineuses dans le tissu cellulaire lâche qui entoure la vessie. Le premier de ces accidens produit une péritonite constamment mortelle ; il est rare que les vastes abcès urineux et les déla- bremens énormes qui accompagnent le second, ne fassent pas succomber les malades. De tels accidens sont assez fréquens pour que les chirurgiens de notre temps aient à peu près abandonné la taille hypogastrique, ou du moins l'aient réservée pour quelque cas où toute autre méthode serait impraticable. Cependant combien d'avantages n'offre pas la taille par-dessus le pubis. Dans cette opération, on n'a point à redouter la lésion de gros vaisseaux et l'hémorrhagie qui en est la conséquence; la vessie est attaquée par sa partie la moins irritable, loin de son col, des canaux spermatiques et urinaires. On arrive à sa cavité par une voie très courte et qu'on peut agrandir selon le volume du calcul , etc. La taille hypogastrique aurait donc sur toutes les autres méthodes de lithotomie d'incontestables avantages, si l'on pouvait mettre le péritoine à l'abri d'une lésion dangereuse et si l'on parvenait à prévenir les épanchemens qui, à la suite de l'opé- ration, menacent de se faire dans la cavité péritonéale et dans le tissu cellulaire si perméable dont la vessie se trouve environnée. -Si. dans l'étendue de quelques pouces, au-dessus du pubis, la vessie était adhé- rente à la ligne blanche , peu d'opérations seraient moins dangereuses et plus faciles que la taille hypogastrique. Mais cette disposition si désirable ne peut-elle pas être obtenue par les efforts de l'art, en appliquant l'une contre l'autre, et en maintenant dans un contact prolongé, au moyen de deux puissances contraires, la paroi anté- rieure de la vessie et la partie correspondante de la paroi abdominale? Nul doute, si les choses étaient disposées comme nous venons de le supposer, qu'une inflam- mation adhésive ne vînt réunir les parties, unir les lames du tissu cellulaire, POUR EXTRAIRE LA PIERRE DE LA VESSIE PAR LTTÏPOGASTRE. ig3 et créer ainsi la circonstance anatomique nécessaire au succès de l'opération. Il ne reste donc plus qu'à chercher par quel moyen nous pourrons établir cette utile adhérence. Avant que le frère Côme eût fait subir quelque perfectionnement à la taille sus- pubienne, la vessie, pour faciliter l'opération, devait être préalablement distendue par un liquide, afin que par ce moyen elle pût faire saillie au-dessus du pubis. Cette manière d'agir offrait plusieurs inconvéniens: i° Il était difficile de mesurer avec exactitude le degré de force employée à dis- tendre la vessie; 2° Il n'était pas toujours aisé à cause de la forme globuleuse de cet organe, de reconnaître sa présence au-dessus du pubis ; 5° Le liquide qui s'échappait lors de l'ouverture du réservoir de l'urine obscur- cissait l'opération, et la vessie se contractant rentrait sous le pubis, où l'on ne pouvait que difficilement l'atteindre; 4" L'injection en dilatant la poche urinaire dans tous les sens, consommait à pure perte à augmenter ses dimensions en largeur et en profondeur, une grande partie de son extensibilité; ainsi une très petite portion de la vessie s'élevait à peine au- dessus du pubis. Pour obtenir le résultat qu'on se proposait par les injections, on se servira avec bien plus d'avantage du cathéter ordinaire. Après l'avoir fait pénétrer dans la vessie, son bec étant porté derrière la symphise du pubis, on le fera remonter vers la ligne blanche, jusqu'à ce qu'il ait atteint l'intervalle qui sépare les muscles droits et py- ramidaux; alors pour peu qu'on appuie sur les parois abdominales, il sera toujours facile de sentir sa présence. Si l'on veut connaître jusqu'à quel degré la vessie est extensible, on continue de pousser la sonde dans le même sens, sans cesser d'appuyer son bec dans l'espace inter-musculaire, jusqu'à ce qu'on éprouve un certain degré de résistance. Le point où la sonde est ordinairement arrêtée sur le cadavre est situé à deux pouces et demi ou trois pouces au-dessus du pubis; chez quelques sujets on peut la porter à une hau- teur beaucoup plus considérable. Si, pour mieux suivre des yeux le trajet de l'instrument, on détache les parois abdominales par une incision demi-circulaire, qui de l'os des îles passe à quelques pouces au-dessus de l'ombilic, on voit la vessie, poussée par l'extrémité de la sonde, glisser entre le péritoine et les muscles de l'abdomen dans le tissu cellulaire qui les sépare. De cette manière de procéder, résultent donc plusieurs avantages importans. î. La main, en poussant la sonde, mesure très bien le degré de résistance de la vessie. 5. 25 ig4 M. A. VERMÈRE.— NOUVELLE MÉTHODE 2. Il est impossible de ne pas reconnaître la préseuce du cathéter au-dessus du pubis. 3. La vessie solidement fixée sur le sommet de la sonde ne peut plus se dérober à l'opérateur. 4. Son extensibilité n'étant employée que dans un sen s, la vessie peut être portée très haut sans éprouver de tiraillemens douloureux. Ainsi, l'extensibilité de la vessie, lorsqu'elle est convenablement ménagée, est plus que suffisante pour permettre d'établir une adhérence assez étendue , pour qu'une incision pratiquée dans son milieu livre aisément passage à un calcul d'un volume considérable. L'instrument à l'aide duquel on maintient en contact la paroi de la vessie appli- quée à la face postérieure de la ligne blanche se compose de plusieurs parties mo- biles les unes sur les autres; l'une d'elles fixée à charnière sur l'extrémité d'une tige droite, peut être courbée à angle droit sur celte même tige, au moyen d'une vis de rappel placée au-devant de cette dernière et parallèle avec elle; une autre pièce, en bois, large de 9 lignes et percée d'un trou pour recevoir la tige principale de l'instrument, peut être abattue au moyen d'une vis de pression sur la pièce mobile dont nous avons précédemment parlé, et qui fait suite à la tige sur laquelle elle se fléchit. C'est entre ces deux pièces que se trouvent comprimées la vessie et la ligne blanche, et c'est de cette pression que doit résulter leur mutuelle adhérence (voy. la planche VI, n° 1".) Après avoir fait pénétrer la sonde à dard dans le réservoir de l'urine, préalable- ment vidé, on porte le bec de l'instrument en haut au-dessus du pubis; ensuite le dirigeant vers l'ombilic, on mesure avec attention le degré d'extensibilité de la vessie. Ramenant après cela l'instrument derrière le pubis, on le fait remonter encore jusqu'à 6 ou 8 lignes au-dessus de la symphise , sur la ligne médiane, on cherche à lui faire faire une saillie sensible. Dans cet état, la sonde est confiée à un aide qui doit la maintenir solidement. L'opérateur incise ensuite les tégumens abdominaux dans l'étendue d'un pouce environ sur le bec de la sonde , dont il lui est aisé de sentir la présence, et par une dissection attentive, il amincit graduel- lement l'épaisseur de la ligne blanche, jusqu'à ce que le dard de la sonde puisse la traverser avec facilité. Lorsque le dard est parvenu au dehors, le chirurgien le. saisit, et avec la pointe d'un bistouri guidé par sa cannelure, il fait à la vessie et à la ligne blanche une incision suffisante pour admettre, au moyen d'un léger effort, l'ex- trémité olivaire qui termine l'instrument compresseur, lequel, fixé sur la tige qui sup- porte le dard de la sonde, est ramené avec elle dans l'intérieur delà vessie, jusqu'au- dessus de son articulation. Le bec de la sonde dont on a fait rentrer le dard est ensuite glissé de bas en haut, de manière à appliquer les parois vésicales sur la ligne blan- POUR EXTRAIRE LA PIERRE DE LA VESSIE PAR L'HYPOGASTRE. i95 che, dans l'étendue sur laquelle doit agir le compresseur. Un aide l'assujétit dans cette nouvelle position; alors, au moyen de la vis de rappel, la pièce mobile du compresseur est relevée, la planchette, munie de son coussinet, est descendue sur les tégumeus qu'elle presse avec une certaine force. Jusqu'à quel point la compression doit-elle être portée? combien de temps sera* t-il nécessaire de continuer son action? C'est un problème dont l'observation cli- nique peut seule nous donner la solution. Nous nous proposons d'éclaircir ce point important de l'opération par des expériences sur les animaux. L'adhésion enfin obtenue, nous pourrons , guidés par la cannelure que porte la mâchoire inférieure de l'instrument, opérer au milieu de l'accollement, sans crainte dépasser la limite de l'adhérence, et parvenir ainsi jusqu'au calcul, sans entrer dans le bassin et sans risquer d'intéresser le péritoine. Dans la planche qui accompagne ce mémoire , ou peut voir que nous avons ajouté à la tige principale de notre instrument un tube d'argent faisant corps avec elle. L'urine sera évacuée par son canal toutes les fois que le chirurgien le ju- gera nécessaire. Par ce moyen , on ne sera plus dans l'obligation de pratiquer sou- vent le cathétérisme, ou d'irriter la vessie par le contact permanent d'une sonde de gomme élastique. Nous n'aurons pas non plus la crainte de voir l'urine s'é- pancher entre la plaie et l'instrument dans le tissu cellulaire qui se trouve entre la vessie et le plan musculaire de la paroi abdominale ; d'ailleurs l'ouverture du tube offrant dans ce même point une issue facile au liquide , il n'y a plus au- cune raison pour qu'il fasse effort pour s'infiltrer dans les tissus que l'instrument tient étroitement serrés. Si les épanchemens urinaires sont sipeu communs dans la ponction par l'hypogastre, bien que la canule du trocar puisse jouer librement dans un espace considérable qui n'est occupé que par du tissu cellulaire lâche, cet accident deviendra bien plus difficile dans des tissus comprimés, et que la distension qu'ils éprouvent tend encore à appliquer avec plus de force contre la tige de notre instrument. Le procédé opératoire que nous venons de faire connaître ne s'appliquera point à tous les sujets avec un égal avantage ; aussi n'avons-nous pas la prétention d'en faire une méthode générale. Cependant nous pensons qu'on devrait y avoir recours sur tous les sujets dont la vessie n'est pas trop irritable pour se prêter à un léger tiraillement: chez les enfans, par exemple, dont la vessie surmonte le pubis dans une si grande étendue, la taille par adhérence nous paraît devoir être préférée à toutes les méthodes connues. Elle devra être exclusivement employée chez les sujets dont la vessie, par l'effet d'une maladie de sa base ou de son col , a pris un excès de dimension. Lorsqu'elle contient un calcul volumineux, il ne faudra pas craindre qu'une plaie enflammée 196 M. A. VERNIÈRE.— NOUVELLE MÉTHODE, etc. à cause du peu d'élasticité de son bord ne puisse lui livrer passage, car alors on aurait recours aux instrumens lithotriteurs qui, au travers de cette large ouverture, pourront agir commodément et le réduire en poudre. C'est un grand avantage de notre opération, qu'on puisse l'achever ou la suspendre à volonté, et qu'on puisse faire agir en quelque sorte l'instrument à la manière de ces corps qui, en traversant lentement les tissus, ne les affectent que faiblement. Elle permet encore, si l'état du malade l'exige, d'en séparer les différens temps par de longs intervalles , et pourvu qu'on maintienne les lèvres de la plaie écartées , au moyen de dilatateurs, d'ajourner l'extraction du calcul à une époque plus favorable. Ne devrait-on pas craindre que la vessie , en quelque sorte accrochée au-dessus du pubis, ne rompît les adhérences qui l'y retiennent? Cela est peu vraisemblable ; rien ne la sollicite à se contracter, la présence de la canule adossée au compresseur ne dispense-t-elle pas de sonder, et ne met-elle pas à l'abri du mouvement spasmodique qui pourrait être le résultat de son contact sur le col ou sur ses parois? D'un autre côté, on sait qu'un pareil accident n'arrive jamais dans les adhérences analogues qui unissent les intestins à la peau dans les hernies opérées. L'inflammation des fibres musculaires de la vessie enchaîne-t-elle leur contractilité? nous le pensons, sans oser l'assurer. Il est très probable que dans la fistule vésico-pubienne , qui est la conséquence de notre opération , les choses se passeraient absolument de la même manière. Sous l'influence d'un tiraillement permanent auquel seraient soumis les tissus nouveaux d'adhérence et les parois de la fistule, ils s'étendraient en rétrécissant son canal, et formeraient, comme dans les anus artificiels, deux entonnoirs en rap- port par le sommet, lequel, en s'eflilant tous les jours davantage, finirait par s'oblitérer entièrement; le cours de l'urine, favorisé d'ailleurs par la déclivité de l'urètre, pren- drait bientôt sa route naturelle, et la cure serait complète. EXPLICATION DE LA PLANCHE VI, N° i. La figure 1" représente le compresseur, dis- mées les parois de la vessie et la ligne blanche, posé comme il doit l'être, au moment de l'opé- La fig. 2 montre la pièce D fléchie à angle droit ration. sur son support B, au moyen de la tige A, mue A. Tige droite qui fléchit la pièce D sur la tige par la vis de rappel G. B , au moyen de la vis de rappel G. La fig. 3 fait voir la pièce D, par son bord C. Tube d'argent percé en N, de deux ouver- droit, lequel est creusé de la cannelure qui sert tures latérales, pour donner passage à l'urine; de guide à la pointe du bistouri qui doit inciser O, ouverture supérieure du tube; H, bouchon les parties comprimées au milieu de leur adhé- qui ferme cette ouverture. rence. F. Vis de pression qui fait descendre la plan- La fig. 4 représente une coupe horizontale de chette E sur la pièce D. C'est entre ces deux la tige commune , formée par les trois pièces parties de l'instrument que se trouvent compri- ABC. OBSERVATIONS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU, PAR M. DANCE, AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MEDECINE DE PARIS. Quelques auteurs ont parlé dans ces derniers temps de l'hypertrophie du cerveau , comme maladie primitive de cet organe; mais en existe -t- il des exemples bien constatés? Le cerveau environné de tout côté par une boîte osseuse résistante, est -il susceptible d'un accroissement morbide de nutrition, comme plusieurs autres viscères? Quels sont les caractères anatomiques de cette lésion? Quels sont enfin les symptômes dont elle est accompagnée? Telles sont les questions qui se pré- sentent à résoudre et qui portent à penser que l'hypertrophie du cerveau a été admise plutôt comme possible que comme démontrée. Par ce mot d'hypertrophie, nous ne voulons pas désigner l'augmentation de volume qui est le résultat d'une inflammation du cerveau, d'une congestion sanguine ou séreuse dans sa substance, ou d'un épanchement dans ses cavités; l'afflux et la stase des liquides augmentent alors en effet la masse apparente de ce viscère, mais ces liquides ne sont point incorporés et identifiés avec sa substance , comme il arrive dans l'hypertrophie vé- ritable, qui consiste essentiellement dans l'accroissement contre nature, soit en nombre, soit en volume, des molécules constituantes propres à chaque organe. Or, le cerveau est vraiment susceptible d'éprouver cette aberration de nutrition, et par suite d'acquérir un volume disproportionné avec la capacité de l'enceinte osseuse dans laquelle il est renfermé. Les observations que nous allons rapporter nous paraissent suffisantes pour démontrer la réalité de cette maladie, mais elles sont trop peu nombreuses pour que nous puissions en donner une histoire com- plète, elles serviront de pierres d'attentes qui pourront être mises en œuvre à mesure que de nouveaux faits se présenteront; nous nous contenterons d'en déduire les réflexions et conséquences qui s'y rattachent immédiatement. 198 M. DANCE ~ OBSERVATIONS PREMIÈRE OBSERVATION. Lespinats, âgé de vingt-six ans , lapidaire, père de trois enfans, fut reçu à l'Hôtel- Dieu le 11 mars 1826; Habitude extérieure. — Taille et embonpoint ordinaires, teint clair, plutôt pâle que coloré, cheveux noirs, muscles peu dessinés; intelligence assez développée, conformation régulière. Commémoratifs. —Lespinats est marié depuis quatre ans; il a servi dans la marine depuis l'âge de douze ans jusqu'à dix-huit. A quatorze ans, étant à Flessingue, il reçut , à un abordage , un coup de hache sur le sommet de la tête. Il ne perdit point connaissance sur le moment, mais quelques jours après il fut pris de délire et resta sept mois malade des suites de cet accident (on ne sent actuellement sur le sin- ciput aucune impression, aucune cicatrice extérieures qui indiquent une altération ancienne des os ou des tégumens du crâne). Depuis cette époque, et seulement dans les grands froids, Lespinats éprouve de la douleur à la tête : il porte habituel- lement un bonnet fourré pour se prémunir contre le froid et diminuer cette dou- leur. Il y a six ans, ce malade s'est rendu à l'hôpital Saint-Louis pour se faire trai- ter d'un prurigo. On lui fit prendre beaucoup de bains ; il en sortit entièrement guéri. I! y a quatre ans, il est allé à l'hôpital de la Charité pour ce qu'il appelle une enflure à laface qui, probablement, dépendait d'un érisypéle; ii a resté 14 jours dans cette maison et en est sorti bien guéri : du reste Lespinats affirme positivement n'avoir ja- mais eu de maladies vénériennes ; et aucune affection chronique de la peau , telle que des dartres. Depuis un an il est sujet à de fréquens épistaxis qui se reproduisent deux à trois fois dans le courant de la semaine. L'écoulement du sang a été tellement abon- dant il y a quatre mois , qu'on a été obligé de l'arrêter par des applications de glace sur la tête ; depuis cette époque, les épistaxis sont plus rares et moins abondans, sans que pourtant les douleurs de tête aient augmenté , le malade peut se livrer à ses occupations habituelles : il a bon appétit et jouit d'une santé assez bonne, interrom- pue seulement, dans les saisons froides, par la douleur de tête dont nous avons parlé. Enfin, il y a trois semaines, Lespinats fut pris de maux de tête d'abord suppor- tables, mais bientôt accompagnés de battemens incommodes, de bourdonnemens d'oreille; il perd l'appétit; quelques vomissemens bilieux surviennent : il continue avec peine son travail pendant une quinzaine de jours. Depuis cinq jours, le mal de tête a redoublé; il s'y est joint une insomnie con- tinuelle et fatigante. Cinq sangsues sont appliquées en ville derrière chaque oreille; douze paquets de calomel sont administrés; nous n'en connaissons point la dose. Symptômes. — Haleine mercurielle, ulcérations superficielles à fond blanchâtre, POUR SERVIR A. L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU. ig9 situées sur les gencives de la mâchoire inférieure , et dépendantes probablement de l'usage du calomel ; forte céphalalgie frontale sans élévation de la température de la peau, sans coloration contre nature, de la face; pouls petit et lent, anxiété et plaintes continuelles relatives à la douleur de tête ; langue humide et naturelle . constipation. (Tisane d'orge, pédiluve, lavemens et diète.) Le 12 au soir, paroxysme violent; le malade accuse un mal de tête oppressif. Il change continuellement de position en criant: ah! la tête; il se plaint de froid aux extrémités , ses paupières sont resserrées comme pour éviter la lumière , son pouls est petit, lent et un peu inégal; la peau conserve sa température ordinaire, la face ne paraît ni plus chaude ni plus colorée que dans l'état naturel. ( Sinapismes aux pieds. ) Le i5, pressante douleur de tête qui revient par redoublemens violens, dans l'intervalle desquels ce mal est supportable, mais ne cesse pas entièrement; sensa- tion d'une rivière qui coule dans l'intérieur du crâne avec bourdonnemens d'oreille, resserrement des paupières, fraîcheur de la peau, petitesse, lenteur et légères iné- galités dans le pouls ; langue large , humide, haleine moins fétide , ulcérations en voie de guérison. (Pédiluve sinapisé, lavemens purgatifs, diète. ) Pendant la journée, deux ou trois paroxysmes semblables se reproduisent avec la même violence. Le soir, le pouls était tellement lent qu'on comptait à peine 45 à 5o pulsations par minute. Le 14, pendant toute la nuit, gémissemens et insomnie complète; même len- teur du pouls, froncement des paupières et de toute la partie supérieure de la face; à 9 heures du matin, nous sommes encore témoins d'un paroxysme semblable à ceux de la veille; le malade se tournait sans cesse et ne savait quelle position prendre. Tantôt il se dressait sur son lit, tantôt îl appuyait le front contre l'oreiller, et semblait plus calme, lorsqu'une pression forte agissait sur sa tête; il poussait des cris de douleur, se croyait voué à une mort certaine; ses joues étaient un peu plus colorées que la veille, mais la température delà peau n'était point changée, et le pouls conservait la même lenteur. (Bain tiède avec allusions froides sur la tête, infusion de fleurs de tilleul et de feuilles d'oranger, pédiluve sinapisé, diète. ) Le malade se trouve d'abord soulagé après les affusions froides ; mais de retour dans son lit, les douleurs augmentent. Le 18, sommeil léger, rémission dans la violence des douleurs de tête, même lenteur du pouls. (Compresses froides sur la tête, pédiluve, lavement, même tisane.) Les jours suivans , les paroxysmes semblent diminuer d'intensité. Le malade jouit de quelques instans de repos, et se plaint moins vivement. Mais le 20 au soir nous le trouvons dans un paroxysme aussi violent que les jours précédens, son pouls était aoo M. DANCE.— OBSERVATIONS faible et ne battait que 5o fois par minute ; cet état a duré pendant toute la nuit. Le 21 au matin, souffrances intolérables dans l'intérieur de la tête, que le malade enfonce dans ses oreillers en se roulant dans son lit ; il ne peut supporter la lumière , les pupilles sont resserrées , le pouls est toujours lent, la température delà peau n'est l'indice d'aucune excitation fébrile. On propose de nouveau un bain avec affusion froide sur la tête , le bain précé- dent ayant été suivi de quelque soulagement. A trois heures après midi , le malade se rend de son pied au bain , il y reste trois quarts-d'heure, une seule affusion froide est faite sur la tête. A l'issue du bain , il se sent défaillir, tombe entre les bras des personnes qui le conduisaient , et succombe dans moins d'un quart-d'heure. Le chirurgien de garde appelé précipitamment au secours de ce malheureux , l'a trouvé expirant et agité de quelques mouvemens convulsifs; les pupilles étaient largement dilatées. Ouverture du cadavre le 20 (/±\ heures après lamort). Cadavre de cinq pieds deux pouces, roideur cadavérique très forte, malgré le long espace de temps qui s'était écoulé depuis la mort. Le crâne a été scié circulairement afin d'éviter toute lésion des parties qu'il ren- ferme ; après avoir ruginé exactement toute la surface de cette enveloppe osseuse, nous n'avons trouvé aucune trace de fracture ; d'ailleurs la conformation exté- rieure de la tête ne présentait rien de particulier quant à sa forme et à ses dimen- sions. La dure-mère était appliquée sur la substance cérébrale , et semblait tendue outre mesure par le gonflement des parties subjacentes, sa couleur était généra- lement violacée, les sinus qu'elle renferme contenaient très peu de sang; les bords de l'incision faite à cette membrane se sont écartés et ont permis à la sub- stance cérébrale de fairejiernie au travers. Toutes les circonvolutions du cerveau, principalement à la partie supérieure , avaient pour ainsi dire doublé de volume , elles étaient aplaties et tellement tassées les unes contre les autres, qu'on avait peine à distinguer les intervalles qui les séparent habituellement; de telle sorte que la convexité deshémisphèresreprésentait unesurface uniforme sur laquelle on ne voyait ni saillie ni dépression. L'arachnoïde et la pie-mère intimement collées entre elles et aux circonvolutions, semblaient amincies par leur rapprochement immédiat; ces deux membranes n'étaient point injectées, et l'on ne pouvait les détacher sans les rompre. Toute la substance cérébrale ressemblait à du blanc d'œuf durci par la coction. son poids et sa densité étaient considérables, elle ne s'affaissait point et ré- sistait sous la pression. Soumise à une traction modérée , elle s'allongeait sans se rompre et revenait ensuite sur elle-même, à la manière d'un corps élastique; on n'y apercevait aucune trace de vaisseaux, aucune ponctuation ou coloration rouge ; tout au contraire la substance corticale paraissait plus pâle et la substance médullaire plus POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU, aoi blanche que dans letat naturel. Les ventricules cérébraux ne contenaient pas un atome de sérosité. Leurs cavités semblaient rétrécies de moitié par le rapprochement de leurs parois. Enfin le cerveau et le cervelet étant enlevés, il ne s'est pas trouvé une seule goutte de liquide dans les fosses crâniennes , toute la surface de l'arachnoïde était aussi sèche que du parchemin. La protubérance annulaire participait un peu à l'état du cerveau , mais le cervelet et la moelle épinière n'ont rien présenté de particulier dans leur volume , leur con- sistance et leur coloration. Les autres organes étaient dans un état parfait d'intégrité. Cette maladie est bien distincte de toute autre affection cérébrale décrite jusqu'à présent et mérite assurément le nom d'hypertrophie du cerveau, si l'on a égard aux caractères fondamentaux de la lésion. Augmentation de volume, de poids et de con- sistance sans désorganisation apparente , tels sont en effet les caractères qu'on assigne généralement à l'hypertrophie; or nous retrouvons tous ces caractères dans l'obser- vation précédente. Le cerveau avait acquis un volume tel , qu'après avoir exacte- ment rempli toute la capacité du crâne, il a réagi violemment contre les parois résistantes de cette enveloppe, comme le démontrent l'aplatissement et le rappro- chement intime des circonvolutions , la coarctation des ventricules, l'amincissement des méninges, le resserrement, ou même l'occlusion d'un grand nombre de vaisseaux cérébraux, ce qui peut servir à expliquer la sécheresse de l'arachnoïde, l'absence d'in- jection ou de ponctuation rouge dans toute la masse cérébrale et la décoloration de la substance grise. Cet état de condensation joint à l'accroissement des molécules constituantes du cerveau , rend encore raison de la pesanteur spécifique considérable que présentait ce viscère. Mais quels rapprochemens peut-on établir entre cette lésion remarquable de la nutrition et les symptômes que nous avons observés? Ne semble-t-il pas, en consi- dérant l'importance des fonctions du cerveau, que l'intelligence, la motilité et la sensibilité devaient être profondément troublées? Cependant le malade n'a éprouvé aucun dérangement essentiel de ces facultés. Dirons-nous que cette lésion de la nu- trition , n'étant qu'une exagération de l'état normal , ne doit pas être assimilée , quant à ses effets, aux altérations qui sont le résultat d'un travail essentiellement morbifique? Dirons-nous encore que la compression qui résulte de l'accroissement contre nature du cerveau , agissant très lentement à la manière de certaines tumeurs qui se développent dans le crâne , doit être insensible pendant long-temps? Dirons- nous enfin que cette compression se faisant sentir également sur tous les points du cerveau, devait amener une paralysie générale presque instantanément suivie de la juort? Toutefois ces explications paraîtront peu satisfaisantes, lorsqu'on aura com- pare cette observation avec celles qui nous restent à exposer. Maison ne s'étonnera 5- 26 202 M. DANCE.— OBSERVATIONS pas de la violence des douleurs , lorsqu'on réfléchira à la gène extrême que devait éprouver la niasse cérébrale soumise, pour ainsi dire, à une sorte d'étranglement. Ne semble-t-il pas que le malade voulait diminuer la distension que le cerveau exer- çait contre les parois du crâne , lorsqu'il cherchait du soulagement , en appuyant tortement la tête contre les oreillers? Ne semble-t-il pas encore, en voyant la lenteur et la petitesse du pouls , que l'influx nerveux nécessaire au jeu de la circulation était ralenti par cet état de compression? Quel compte devons-nous faire des renseignemens donnés par le malade? Le coup de hache, qu'il disait avoir reçu sur la tête à l'âge de 14 ans, n'a-t-il pas établi une prédisposition maladive dans le cerveau, quoiqu'il n'ait laissé aucune impression sur les os du crâne? Les douleurs de tête qu'il a ressenties depuis cette époque n'annon- cent-elles pas l'ancienneté de la maladie et la lenteur de ses progrès? L'enflure de la face qui la retenu pendant quinze jours à l'hôpital de la Charité n'a-t-elle pas con- couru à augmenter cette détermination vers l'encéphale ? Enfin les épistaxis auxquels il était sujet n'indiquent-ils pas un travail congestionnel Ters cette partie, et leur suppression brusque n'a-t-elle pas aggravé les accidens? L'influence de toutes ces causes nous parait très probable, et, d'après leur manière d'agir, on serait conduit à penser que le cerveau était depuis long-temps le siège d'une inflammation sourde. ou plutôt d'un état de sur-excitation propre à accélérer son mode de nutrition; car une inflammation véritable présente ordinairement d'autres caractères, et nous pen- sons que les altérations du mouvement nutritif ne sont pas absolument les mêmes que celles de 1 inflammation , quoique les unes et les autres puissent reconnaître les mêmes causes. Quoi qu'il en soit, plus une maladie est rare, plus on doit s'attacher à découvrir ses signes distinctifs; or voici ceux qui nous paraissent devoir être pris en considéra- tion en pareille circonstance : l'action directe ou indirecte et prolongée de plusieurs causes sur le cerveau . une céphalalgie revenant par paroxysmes violens , pen- dant lesquels le malade pousse des cris, des gémissemens, enfonce la tête dans les oreillers, et ne sait quelle position prendre, une insomnie cruelle et fatigante, un pouls rare, lent, petit et parfois inégal , descendant à 45, 5o pulsations à la minute, une sorte de resserrement des paupières, comme pour empêcher la lumière d'arriver jusqu'à l'œil, en même temps aucun indice de congestion vers la tête, soit dans la température de la peau, soit dans la coloration de la face. Ces symptômes ne paraissent point avoir cependant une grande valeur, plusieurs d entre eux se rencontrent dans d'autres affections cérébrales, et nous avouerons franchement qu'ils nous ont semblé indiquer un fongus de la dure-mère , ou toute autre tumeur faisant effort contre les parois du crâne ; d'ailleurs les observations POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU. aoS suivantes vont nous apprendre que des altérations identiques ne donnent pas lieu constamment aux mêmes phénomènes. DEUXIEME OBSERVATION. Un jeune homme âgé de vingt-quatre ans , d'une taille ordinaire , d'un tempéra- ment d'apparence lymphatique , à cheveux châtains-clairs, peau blanche , fut reçu à l'Hôtel-Dieu le 1 5 janvier 1820. L'aspect de sa physionomie, son regard, ses manières annonçaient quelque chose de stupide et d'idiot; il répondait lentement et par monosyllabes à toutes nos questions, et rarement ses réponses étaient justes ; il se plaignait vivement de la tête, mais ses plaintes n'étaient que passagères; il n'avait point de fièvre, son pouls nous parut même plus lent que dans l'état naturel (les pulsations n'ont point été comptées à la minute) . Il ne présentait enfin aucune altération dans l'exercice de toute autre fonction, à part celle de l'intelligence; parfois il semblait divaguer et parlait seul de choses concernant sa profession (il était cordonnier) , comme si quelqu'un eût été présent pour lui répondre ; le plus souvent je le trouvais endormi, enfoui sous ses couvertures, seveillant difficilement, et me regardant alors avec un air d'imbécillité. Une tête aussi mal organisée n'était guère propre à nous fournir des rensei^nemens importans. La mère de ce malade vint un jour à l'hôpital, et nous dit qu'il n'était pas un homme fort intelligent ; qu'il n'avait jamais donné de marques de déraison complète; qu'il n'avait jamais éprouvé d'attaques convulsives, mais qu'il se plaignait assez souvent de la tête; qu'enfin il était depuis une quinzaine de jours dans l'état que nous venons d'indiquer. On administra quelques antispasmodiques, on appliqua un vésicatoire à la nuque, et pendant quelques jours le malade parut aller mieux, La physionomie était plus ouverte , il quitta son lit , se promena dans la salle , mangea d'un bon appétit , et conversa très sensément avec ses camarades; il n'avait point de fièvre. â.u sixième jour de son entrée à l'hôpital, il fut pris tout à coup de convulsions avec roideur des membres et grincement des dents, on vint nous avertir préci- pitamment; nous nous rendîmes aussitôt près du malade; cet accès avait cessé et ne s'était pas prolongé au-delà de trois minutes: nous le trouvâmes assez calme, se plaignant seulement de brisement dans les membres. Les deux jours suivans il éprouva] cinq accès semblables, tant la nuit que le jour; ceux-ci furent précédés de vomissemensverdâtres, abondans, et durèrent aussi peu de temps que les précédens. (Vingt sangsues furent appliquées aux apophyses mastoïdes,sinapismes aux jambes.) Enfin, le neuvième jour, un dernier accès se manifesta dans la matinée: résolution générale, flaccidité et insensibilité des membres, coma profond, dilatation des 2o4 M. DANCE. — OBSERVATIONS pupilles, respiration stertoreuse, et parfois agitations convulsives des extrémités : cet état se prolongea pendant toute la journée, et se termina par la mort, à sept heures du soir. A quatre heures, nous avions visité le malade et l'avions trouvé à peu près dans la même position; la paupière droite était tombante, la, gauche était relevée , les pupilles étaient insensibles et largement dilatées; la respiration se faisait avec bruit, les membres étaient froids , les inférieurs présentaient une roideur telle qu'on avait peine à les fléchir; une salive écumeuse découlait de la bouche , enfin le pouls était insensible. L'ouverture du cadavre fut faite 24 heures après la mort; nous n'en indiquerons que les circonstances principales. Les méninges, immédiatement appliquées sur te cerveau, semblaient trop étroites pour le contenir. Toutes les circonvolutions cé- rébrales présentaient un aplatissement frès marqué , et paraissaient collées entre elles tant leur rapprochement était intime. La substance cérébrale était très ferme, très compacte 3 telle qu'on la prépare quelquefois pour les démonstrations anatomiques ; elle offrait en outre une sécheresse remarquable; la surface des incisions pratiquées dans son épaisseur ne fournissait ni sérosité, ni points rouges ; sa couleur parais- sait d'un blanc plus mat que dans l'état naturel; les ventricules et toute la grande cavité de l'arachnoïde ne contenaient point de liquide, enfin on n'y apercevait aucune autre altération. Le cervelet avait la consistance qui lui est propre. La moelle épinière n'a point été examinée. Les autres organes étaient dans l'état naturel. Nous avions mis cette observation au nombre des cas exceptionnels, et ne sa- vions, à l'époque où elle a été recueillie, à quel genre de maladie on devait rapporter les symptômes et les lésions que nous venons de décrire; nous avons même oublié de parler de l'état des méninges et de noter les dimensions des ventricules. Il est évident toutefois que les caractères anatomiques de cette ma- ladie sont entièrement semblables à ceux que nous avons indiqués dans l'observation précédente. Dans les deux cas , les mêmes expressions sont employées pour les désigner, et nous retrouvons l'aplatissement des circonvolutions, l'induration delà substance cérébrale , la sécheresse de son parenchyme , l'absence de points rouges dans son épaisseur, enfin la coloration d'un blanc plus mat de ses deux substances; et, par une contre-épreuve, le cervelet a présenté dans les deux cas encore une consistance naturelle , indice certain que l'endurcissement du cerveau n'était point un phénomène accidentel. Dans ces deux cas, c'est tout le cerveau qui était atteint d'hypertrophie, circonstance sur laquelle il est né- cessaire d'insister , car il arrive quelquefois de rencontrer des indurations par- tielles de sa substance à la suite de certaines inflammations, provoquées surtout par le développement de tumeurs accidentelles dont les progrès sont très lents; mais alors on trouve de l'injection, quelquefois du ramollissement autour des points POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU. 205 endurcis , et jamais toute la masse cérébrale n'éprouve une altération aussi homo- gène. En admettant que l'inflammation est la cause de cette altération, il faudrait aussi admettre que cette inflammation s'est emparée à la fois de tous les points du cerveau; qu'elle les a tous altérés de la même manière et au même degré, malgré les différences de leur composition anatomique: or ce n'est point ainsi que procède l'inflammation. Dans le même organe et surtout dans un organe complexe comme le cerveau , elle détermine souvent et à la fois la congestion , le ramollissement, la suppuration, l'induration. Ces considérations nous paraissent très propres à éclairer la question de savoir si les lésions que nous venons de décrire tiennent immédia- tement à l'inflammation , ou sont un résultat d'une perversion de la nutrition. Dans cette dernière opinion, on conçoit très bien comment le cerveau étant soumis à un mouvement nutritif uniforme, doit éprouver un accroissement et par suite une consistance également uniformes, si des matériaux excédans de nutrition affluent dans sa substance , effet qu'il est difficile de rapporter à un état aussi variable que l'est l'inflammation. Mais si dans ces deux cas les lésions ont été identiques, les symptômes ont présenté quelques différences assez notables qu'il est utile de signaler. Ainsi le premier malade accusait une douleur de tête continue, subissant des paroxysmes violens; le second ne s'est plaint à l'hôpital que momentanément de cette douleur. L'un paraissait jouir du libre exercice des facultés intellectuelles, l'autre avait l'air stupide : on le connaissait comme un homme de peu d'intelligence, et cet état nous paraît s'accorder davantage avec la nature de la lésion. Celui-ci a éprouvé, quelques jours avant sa mort, plusieurs accès convulsifs avec perte de connaissance, et a succombé dans le cours de l'un de ces accès; celui-là n'a été en proie à des mouvemens convulsifs qu'au moment de sa mort. Mais à côté de ces différences, nous trouvons quelques points de contact. L'un et l'autre accusaient des douleurs de tête anciennes, passagères, mais sujettes à des retours, et cette exaspération de la maladie par paroxysmes s'est fait sentir dans les derniers temps, chez l'un par des redoublemens violens dans la céphalalgie, chez l'autre par des accès convulsifs. Tous deux ont éprouvé, quelques jours avant la mort , des vomissemens bilieux, symptôme assez ordinaire dans plusieurs maladies cérébrales ; tous deux avaient une lenteur remarquable dans le pouls, et ont succombé inopiné- ment au milieu des convulsions. Nous ajouterons qu'ils étaient à peu près du même âge et doués de la même constitution ; que chez l'un la maladie a paru succéder à des causes assez manifestes, et que chez l'autre, elle s'est développée spontanément. Ce travail était terminé depuis long-temps et nous en avions donné communica- tion, l'an passé, à la Société anatomique, lorsqu'en parcourant le Journal de la Clinique (tome Ier, n° 87), nous avons trouvé un fait analogue à ceux que nous venons de rapporter: nous allons en donner l'analyse, afin qu'on puisse les comparer.. 206 M. DANCE.— OBSERVATIONS TROISIEME OBSERVATION. Unrpeintre en bâtimens, âgé de trente ans, d'une taille très élevée, d'une forte constitution , dont la raison se dérangeait de plus en plus depuis plusieurs mois , fut trouvé étendu à terre , privé de mouvement , et succomba quelques jours après son entrée à l'hôpital de la Charité. Pendant tout le temps qu'il y resta, il présenta les signes d'une lésion cérébrale profonde ; il n'avait aucune conscience de ses pa- roles et de ses actions; il répondait par monosyllabes et presque toujours d'une manière contraire au sens dans lequel on l'interrogeait. Outre le défaut absolu d'intelligence , on observait encore chez lui une insensibilité de tout le corps , à l'exception de la face, ce qu'il témoignait par des grimaces, quand on le pinçait ou qu'on le piquait dans cette partie. A l'ouverture du cadavre, les anfractuosités du cerveau étaient presque entiè- rement effacées; les ventricules étaient rétrécis à un tel point, qu'ils eussent à peine contenu un corps du volume d'une noix; le poids et la consistance de cet organe étaient considérablement augmentés, son parenchyme était sec; il n'y avait de sé- rosité dans aucun point ; les parois des ventricules se touchaient immédiatement. Les caractères anatomiques de cette lésion appartiennent encore a l'hypertrophie du cerveau. Le malade présentait depuis plusieurs mois un dérangement croissant des facultés intellectuelles, quia beaucoup de rapport avec la stupidité naturelle de celui qui fait le sujet de notre deuxième observation ; mais il n'a point éprouvé de paroxysmes ni d'accès convulsifs , comme dans les deux exemples que nous avons rapportés. Il a été atteint subitement d'une paralysie presque générale du sentiment, qui a persisté pendant plusieurs jours, paralysie qui. chez nos malades, n'est surve- nue que vers la fin et pour ainsi dire au moment de la mort; enfin il n'est point fait mention de la douleur de tête ni de la lenteur du pouls , symptômes qui étaient si saillans dans nos observations : mais nous dirons que ce malade n'a été observé que peu de jours avant sa mort, et qu'on avait obtenu très peu de renseignemens sur son compte. A ces faits , nous en joindrons un autre que nous avons recueilli der- nièrement à l'Hôtel-Dieu. QUATRIÈME OBSERVATION. Un peintre en bâtimens, âgé de trente ans, d'une constitution athlétique, fut transportera l'Hôtel-Dieu le 1 5 mars 1828, en proie à des accès épileptiformes qui se renouvelaient trois à quatre fois dans le cours de la journée. Nous ne l'observâmes que le lendemain de son entrée. Il était comme hébété, POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU. 207 parlait avec une lenteur remarquable et un embarras extrême qui semblait provenir d'un manque de mémoire, car il cbercbait ses réponses pendant long -temps, et les répétait diversement comme pour s'assurer de leur exactitude. II ne comprenait pas toutes les questions qu'on lui adressait; cependant il nous a donné des rensei- gnemens conformes en quelques points à ceux que nous avons recueillis directement auprès de sa femme. Le pouls était développé, assez fréquent, la face colorée, la peau chaude , la respiration entrecoupée de soupirs involontaires : on ne remarquait aucune déviation des commissures labiales, aucune paralysie des membres. Depuis six ans il éprouvait fréquemment des coups de sang à la tête; de temps en temps il était pi'is à'ëtourdisseme?is qui se prolongeaient pendant trois à quatre mi- nutes, alors il perdait l'usage de ses sens et ressemblait à un homme entièrement stupide. Mais depuis trois ans, ayant fait une chute d'un quatrième étage, ces étourdissemens s'étaient convertis en de véritables accès épileptiformes revenant d'abord à de longs intervalles, mais ensuite tellement rapprochés les uns des autres que, dans ces derniers temps, il les éprouvait quatre à cinq fois dans la même journée. Habituellement il avait un caractère sombre et taciturne ; il était engourdi , et se plaignait assez souvent de mal à la tête et de douleurs à l'estomac. La saignée avait toujours calmé et ralenti ses accès ; les boissons spiritueuses auxquelles il se livrait quelquefois avaient au contraire exaspéré constamment son état. Le 12 mars, trois jours avant son entrée à l'hôpital, ayant bu deux verres de punch, il fut pris la nuit suivante des convulsions les plus violentes. On fit aussitôt appeler un médecin qui prescrivit l'application de vingt sangsues à 1 epigastre , mais le malade n'en retira aucun soulagement. A l'hôpital une saignée fut pratiquée et ne sembla qu'exaspérer encore son état. Pendant la nuit du 16 au 17, trois accès survinrent pour ainsi dire coup sur coup; alors le malade poussait un cri, tout son corps se roidissait , en s'inclinant à gauche , ses yeux étaient portés convulsivement du même côté et renversés en haut; enfin, d'après le rapport des personnes qui étaient présentes, ces accès avaient beaucoup de ressemblance avec ceux de l'épilepsie. Le 17 au matin, le malade avait l'air étonné; il ne répondait à aucune ques- tion ; bientôt après il tomba dans l'état comateux. Perte générale du sentiment et du mouvement; paupières clauses, pupilles resserrées; bouche entrouverte, langue renversée en haut, dirigeant sa pointe vers la voûte palatine; respiration ronflante, sueurs abondantes, pouls tellement précipité qu'on comptait plus de i/jo pulsations par minute. Parfois, tension et roideur des membres, suivies d'un collapsus géné- ral; enfin cet état s'est terminé par la mort, à 10 heures du matin. Ouverture du cadavre le 1 8, à 9 heures du matin. La rigidité cadavérique était con- sidérable; on ne voyait sur les parois du crâne d'autres traces de lésions qu'une cicatrice tégumentaire située au côté droit du front. Les os qui forment cette cavité avaient une 208 M. DANCE. — OBSERVATIONS grande épaisseur de 4 à 5 lignes environ , leur substance diploïque était aussi solide que la substance compacte. La dure-mère était parcourue à sa face externe par des ramifications nombreuses des artères méningiennes. Ses sinus contenaient une assez °rande quantité de sang, elle emboîtait exactement toute la masse du cerveau; vue par la face interne , elle avait un aspect généralement violacé, provenant de sa trans- lucidité, car cette couleur se dessinait principalement le long du trajet des vais- seaux subjacens qui contenaient du sang. L'arachnoïde présentait un état de sécheresse vraiment remarquable ; on ne trouvait pas une goutte de sérosité dans toute sa cavité , ni dans les ventricules , ni à la base du crâne , ni à l'entrée du canal rachi- dien. La pie-mère était intimement collée à la substance cérébrale et se déchirait très facilement. Toutes les circonvolutions étaient uniformément aplaties et rap- prochées les unes des autres, de manière à ne laisser aucun intervalle entre elles. La substance cérébrale paraissait plus résistante à la traction, mais elle n'avait pas . plus de consistance sous la pression; elle n'était ni plus humide, ni plus sèche que dans l'état naturel, cependant les sections pratiquées dans son épaisseur étaient nettes, et leurs angles pouvaient être maintenus ouverts sans se briser; sa couleur n'avait éprouvé aucun changement apparent ; on y apercevait quelques points rouges provenant de vaisseaux ouverts , mais leur nombre était peu considérable. Les ventricules étaient à sec et leurs parois appliquées les unes contre les autres, sans que pourtant leurs cavités fussent sensiblement rétrécies. La protubérance annulaire et le cervelet n'ont rien présenté de particulier. Ayant renversé le cadavre de manière à placer la tête en bas, il ne s'est pas écoulé une seule goutte de liquide du canal rachidien. La moelle épinière avait une consistance naturelle ; mais au ni- veau de la seconde vertèbre lombaire, on remarquait les traces d'une ancienne fracture du corps de cette vertèbre qui était comme aplatie, et dont l'apophyse épineuse semblait avoir été absorbée, car elle ne se retrouvait plus. En ce point, la colonne vertébrale était légèrement infléchie en avant ; vers sa terminaison la moelle a paru un peu ramollie. Cette fracture date probablement de l'époque où le malade a fait la chute dont nous avons parlé. Tous les autres organes étaient dans l'état na- turel , à l'exception de l'estomac qui a ouvert un peu d'injection. Craignant de nous égarer en marchant dans une roule nouvelle, nous ne savons si l'on doit ranger cette observation dans la classe des faits précédens ; mais elle nous a paru digne d'attention en elle-même, quoique ce rapprochement ne soit pas entièrement exact. Tout en admettant que cette maladie a beaucoup de res- semblance avec l'épilepsie, affection qui est encore un problème en anatomie pa- thologique, on se demande si l'état dans lequel nous avons trouvé le cerveau et ses membranes ne rend pas compte des phénomènes que nous avons observés; si cet POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE L'HYPERTROPHIE DU CERVEAU. 209 état n'a pas quelque rapport avec celui que nous avons reconnu être propre à l'hy- pertrophie de cet organe? L'aplatissement uniforme des circonvolutions n'indique-t-il pas que la masse cérébrale avait éprouvé une turgescence considérable, un accroisse- ment disproportionné avec la capacité de ses enveloppes? Les anciens qui expliquaient la cause de beaucoup de maladies par le strictum et le laxwn, n'auraient-ils pas vu la cause des convulsions dans la sécheresse des cavités du cerveau et la trop grande rigidité de ses fibres? Il est vrai que la consistance de ce viscère s'éloignait très peu de l'état naturel, mais l'hypertrophie ne peut -elle pas présenter plusieurs degrés, suivant l'époque de sa durée? Dirons -nous au contraire que les accès épileptiques auxquels le malade était sujet depuis long-temps ont, en congestionnant le cerveau, établi un mode vicieux de nutrition dans sa substance , et que par conséquent ces accès sont plutôt la cause que l'effet des altérations que nous avons décrites? Serait-d déraisonnable de penser encore que les os du crâne, en s'ossifiant prématurément et s'épaississant outre mesure, se sont opposés au libre développement du cerveau , en rétrécissant la cavité dans laquelle il est contenu? Nous proposons toutes ces opinions sans pouvoir les résoudre, en faisant remarquer, toutefois, que la torpeur habituelle de ce malade, les céphalalgies fréquentes qu'il a éprouvées, l'état de stupidité dans lequel nous l'avons trouvé, enfin les accès convulsifs qui ont terminé ses jours, ont beaucoup de ressemblance avec les symptômes observés chez les malades atteints d'hypertrophie du cerveau. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Il résulte des observations que nous avons rapportées, 1° que le cerveau peut éprouver un accroissement vicieux de nutrition, caractérisé par l'aplatissement et le rapprochement des circonvolutions, la coarctation de ses ventricules, une con- sistance et une blancheur insolites de ces deux substances, une sécheresse remar- quable de son parenchyme et de la cavité de l'arachnoïde, la texture de ce -.iscère ne paraissant pas sensiblement altérée; 2° que cette hypertrophie a constamment été observée sur toute la masse encéphalique, à l'exclusion du cervelet ; 5° que loin d'augmenter l'énergie de l'action cérébrale, elle tend au contraire à la diminuer, la pervertir et la suspendre, à cause de la compression qui s'établit nécessairement alors dans l'intérieur du crâne; 4° que les symptômes de cette hypertrophie ayant été variables sur divers sujets, ne peuvent encore servir à poser les fondemens d'un diagnostic précis. Toutefois cette affection paraît se développer très lentement sous 1 influence de causes fort obscures: nous citerons, comme prédisposantes, l'âge adulte (tous les malades mentionnés dans nos observations avaient de vingt à trente ans), et comme causes occasionnelles des contusions sur la tête (observation pre- 5. 27 2io M. DANCE. — OBSERVATIONS, etc. mière ), des congestions fréquentes vers cette partie (observation quatrième ). Mais quoique toutes ces causes paraissent agir dans un mode phlogistique , nous pensons pour les raisons exposées ailleurs , que cette affection appartient essentiellement aux lésions de la nutrition. Elle s'annonce par des céphalalgies violentes sujettes à des exacerbations (observation première), un état obtus des facultés intellectuelles, joint à la céphalalgie (observation deuxième ), une perversion de ces mêmes fa- cultés (observation troisième), des étourdissemens fréquens accompagnés de stu- peur ( observation quatrième ) ; plus tard elle donne lieu à des accès convulsifs ré- pétés ( observ. deuxième et quatrième ) , ou bien elle produit tout à coup une perte presque générale du sentiment et du mouvement (observation troisième). Le pouls est lent, la température de la peau naturelle (observ. première et deuxième). Enfin la mort survient inopinément dans le cours d'un accès (observ. première, deuxième et quatrième). Cette analyse rapide des symptômes de l'hypertrophie du cerveau, maladie qui, comme la plupart de celles qui appartiennent à ce viscère, paraît être variable dans ses phénomènes, cette analyse, dis-je, sert plutôt à indiquer un vide dans le diag- nostic qu'à le remplir. Puissent du moins nos observations faire sentir le besoin de nouvelles recherches! ANATOMIE MICROSCOPIQUE DES FLOCONS DU CHORION DE L'OEUF HUM AIN: PAR MM. BRESGHET ET RASPAIL. Lu à la Société phiiomatique de Paris, le 27 novembre 1827 '. Il existe à notre connaissance deux figures microscopiques des filamens rameux qui, dans les premiers mois de la grossesse, recouvrent la surface du chorion; l'une (1) Dans la séance qui suivit la lecture de no- tre mémoire à la Société Phiiomatique, M. Vel- peau crut devoir réclamer la priorité du point principal de notre démonstration. L'opinion, de M. Velpeau, au sujet des fibrilles du chorion, ayant été imprimée dans le numéro du mois d'octobre 1827, des Annales des Sciences natu- relles, il nous sera facile, en la transcrivant, de fournir à nos lecteurs le moyen de juger de la valeur de la réclamation. — M. Velpeau annonce « que tous les anatomistes ont répété que le ve- « louté de la surface externe du chorion était « formé des filamens vasculaires. » Mais M. Ca- rus, et il n'est pas le seul en Allemagne , a pro- fessé, ainsi que nous allons le dire, l'opinion dont nous croyons avoir démontré l'exactitude. M. Velpeau pense « que cette proposition n'est « pas exacte, et il se fonde 1° sur ce que la vési- » cule fécondée est à peine visible, qu'on la trouve « déjà couverte de flocons, lors même que l'em- « bryon n'est pas encore reconnaissable; » mais on pourrait employer le même argument pour prouver que le cordon ombilical n'est pas vascu- laire, car jamais les anatomistes n'ont pensé qu'il existât des vaisseaux alors que dans l'œuf fécondé il n'y a pas encore de circulation. 2° « Sur ce qu'on trouve ce duvet bien avant « que les vaisseaux du cordon paraissent.» Cette raison ne nous semble pas avoir plus de force que la première, car si le cordon acquiert des vaisseaux, pourquoi ces fibrilles n'en acquer- raient-elles pas à leur tour? 3° « Sur ce que jusqu'à la sixième semaine a chaque flocon est au moins aussi volumineux « qu'un des vaisseaux ombilicaux.» Cela ne prou- verait nullement que chacune de ces fibrilles ne parvînt à contenir tôt ou tard un réseau vasculaire. 4° « Sur ce que ces villosités sont régulière- « ment éparses sur toute la périphérie de l'ovule, « tandis que le cordon n'a de rapport qu'avec un « point de cette vésicule. » Mais a-t-on jamais pensé que tous les organes vasculaires dussent avoir les mêmes points de rapport que le cordon? 5° « Enfin, sur ce que, malgré tous les efforts « d'une infinité d'observateurs habiles, personne « n'a réellement démontré qu'ils fussent creux « plutôt que solides et pleins, des canaux vascu- « laires plutôt que des filamens celluleux. » Ce point prouverait qu'on doit douter encore. On voit parle texte du mémoire de M. Velpeau, que l'auteur combattait l'opinion contraire plutôt qu'il n'en établissait une; qu'il exprimait des dou- tes, et n'apportait aucune démonstration. L'au- teur, du reste, n'a accompagné son mémoire d'au- cune figure, il n'a point disséqué ces organes au microscope ou à la loupe, en sorte qu'il n'y a , entre son mémoire et notre travail, qu'une conformité d'opinion et non une conformité de preuves. 2 1 2 MM. BRESCHET ET RASPAIL. — ANATOMIE MICROSCOPIQUE a été publiée par M. J.-Fr. Lobstein1, et l'autre par M. Carus 2. Le premier de ces deux auteurs regardait ces fibrilles comme des organes vasculaires , mais dont les vaisseaux ne marcbent point par paires 3; et, d'après lui, ils servaient, en se fixant pro- fondément dans la membrane caduque, à former conjointement avec elle le placenta11 : il ne paraît pas qu'il les ait soumis à des recherches plus détaillées. Le second de ces anatomistes micrographes soutient que ces filamens ne sauraient être des vaisseaux sanguins, puisque, dit-il, les vaisseaux sanguins ne se terminent jamais librement, mais toujours sous forme d'anses ; d'après lui , ces fibres absorbantes, avec leurs extré- mités bulbeuses libres, peuvent être comparées aux villosités intestinales, et jamais leur concours ne sert à former le placenta 3 dont il explique le développement par une idée à priori x et qui, par conséquent, ne contrebalance en rien l'hypothèse contraire. La formation du placenta sera pour nous le sujet d'un autre travail, que nous au- rons soin de baser sur l'expérience. Nous ne devons nous occuper ici que de l'ori- gine , de la structure et du développement des filamens qui hérissent, à une certaine époque , le chorion humain. Quoique l'opinion à laquelle nos résultats vont nous amener soit en définitive celle que M. Carus a adoptée, cependant il doit nous être permis d'avouer qu'à nos yeux elle a l'air de la nouveauté; car M. Carus n'a rien moins fait que de la démontrer. En effet, la raison que les vaisseaux sanguins ne peuvent se terminer librement n'attaque en aucune manière la structure vasculaire de filamens libres au sommet; et en admettant les prémisses , on est forcé de nier la conséquence , puisque des organes terminés librement au sommet peuvent contenir dans leur substance des anastomoses vasculaires, telles que les branchies des salamandres et des têtards, telles enfin que les villosités intestinales, que M. Carusn'avait pas, sansdoute, soumises à un examen microscopique, et dans le sein desquelles il est facile de découvrir un vais- seau afférent et un vaisseau déférent (pi. X, tig. 4)> comme dans les papilles des branchies (ibid. , fig. 5 ). M. Carus n'avait donc pas démontré ce qu'il avance , et ses figures sont loin de com- penser les lacunes de sa démonstration. Il nous parait probable qu'il n'a eu à obser- ver que des filamens altérés, ou par l'âge de l'organe, ou- par le scalpel, à moins qu'on ne suppose que le temps lui ait manqué pour suffire à une observation plus minu- tieuse et, par conséquent, plus détaillée. L'œuf humain sur lequel nous avons fait nos dissections microscopiques était âgé (i) Essai sur la nutrition du foetus in-4, iSo2, (5) Essai sur la nutrition du foetus, p. î î. pi. II. Gg-. 4. (4) Ibid,, p. 16. (2) J ourn. fur. Geburlshiilfe de Siebold, 1827. cah. 1, pag. j, pi. 1, fig. 3 et 4- DES FLOCONS DU CHORION DE L'OEUF HUMAIN. 2,S de six semaines; il était dans un état d'intégrité parfaite, et il avait été conservé dans l'alcool. Cette dernière circonstance, bien loin de diminuer la valeur de nos obser- vations, ne fait que leur prêter un nouveau degré d'importance, parce que l'alcool, en coagulant les liquides albumineux, est éminemment propre à déceler les vaisseaux les moins visibles, ainsi qu'il est facile de s'en faire une idée par la papille d'une branchie d'un portée, qui se trouvait conservée dans l'alcool (pi. X, fig. 5). Cepen- dant nous n'avons pas laissé que d'étudier comparativement les filamens du chorion sur des œufs récemment tirés de l'utérus ; et quoique le relief de ces organes micros- copiques, observés dans l'eau, soit moins saillant, et que leur substance soit plus diaphane, il est facile pourtant d'en reconnaître la structure, tout aussi bien que sur les organes conservés dans l'alcool. Les figures que nous publions ont été dessinées par l'un de nous au microscope de M. Selligue, à la lampe et au grossissement de cent diamètres. Les détails nombreux qu'on peut y observer n'ont point été faits d'idée, mais imités avec autant d'exacti- tude qu'on peut en apporter à ces sortes de recherches. Expliquer en détail ces figures, les comparer avec les figures de certains autres organes , ce sera, nous l'es- pérons, avoir démontré notre opinion. (PI. X, fig. i.) Cette figure représente l'insertion d'un filament rameux [a) sur la surface du chorion (/>). On voit que le point d'insertion (c) est tout-à-fait filiforme et qu'il rappelle exactement le point d'insertion du bulbe d'un poil dans le cuir chevelu. Cette circonstance et ce rapprochement s'opposent à ce qu'on admette la structure vasculaire de ces fibrilles : car lorsqu'il existe des vaisseaux dans un organe, il faut sup- poser que ces vaisseaux sont d'un calibre d'autant plus grand qu'ils se rapprochent plus de leur origine, et d'autant plus grêle qu'ils s'avancent davantage vers l'extrémité de l'organe qui en est sillonné. On doit convenir, en outre, qu'un vaisseau n'existe jamais isolé, mais qu'il faut en admettre au moins deux, qui chemin faisant jettent des anastomoses d'autant plus nombreuses qu'on est plus près de l'insertion de l'organe. C'est ainsi que la papille d'une branchie d'un protée (pi. X, fig. 5) peint aux yeux l'explication que nous venons de donner, si nos lecteurs étaient dans le cas d'en avoir besoin, ce que nous sommes loin de croire. Or, non-seulement le point d'insertion des filamens rameux du chorion est fili- forme, mais ces filamens, en se ramifiant, offrent partout le même mode d'inser- tion ; en sorte que la base d'un rameau est en général au moins quarante fois plus grêle que le sommet. La figure 6 représente une sommité ramifiée de ces filamens; on y voit que les sommités sont renflées (bbbbbb) eu bulbes, en massues, mais toujours affectant une forme arrondie, incompatible avec l'existence d'un réseau vasculaire; car tous les organes de ce dernier génie s'aplatissent plus ou moins. Ni l'eau , ni l'alcool ne 214 MM. BRESCHET ET RASPAIL. — ANATOMIE MICROSCOPIQUE peuvent y indiquer la moindre trace de réseau : une coupe transversale (a) ne dé- ment pas cette épreuve. Nous avons même pratiqué plusieurs coupes de ce genre, de manière à obtenir des tranches fort minces et assez larges , ce que la flaccidité de ces organes rend assez difficile. On en voit une, par la figure 7 (aaa) , qui montre l'origine ou la trace de l'in- sertion des rameaux (bbbb), qui offre la structure de la substance, et nul vaisseau ne peut s'y apercevoir. Il faut avouer que dans ce cas les parties (bbbbb) peuvent bien offrir plutôt les parois que la coupe transversale du tronc de ces ûlamens; mais enfin dans cette dernière, comme dans la première hypothèse, s'il existait des vaisseaux dans la substance, on devrait les y découvrir. D'un autre côté, si l'on examine attentivement l'insertion de tous les rameaux ac- cessoires (cccccc) figure 6, sur le corps d'un rameau principal, par le moyen de la lumière réfractée on s'assurera que le point d'insertion ne s'ouvre point dans le corps du rameau principal, qu'il s'implante dans son intérieur et contre ses parois par un point imperforé et à la manière des gemmes des polypes1, ce qui rend inad- missible la supposition que ces organes seraient traversés par un système circulatoire. Le mode d'insertion de ces organes devient encore plus manifeste quand on étudie de la même manière le point où naissent des embranchernens nombreux que repré- sente la figure 2. L'ombre que projèlent les divers rameaux naissans (aaaa) indique parfaitement bien une base imperforée , arrondie en bulbe et implantée (bbb) d'une manière filiforme sur la surface interne du rameau principal. On voit ces organes nouveaux, d'abord simples bulbes , pousser devant eux la sur- face qui leur a donné naissance, s'en revêtir, pour ainsi dire, comme d'une écorce qui grandit et s'allonge avec eux. Cette portion externe et corticale , surtout si l'on a soin de laisser macérer le chorion dans l'alcool, peut très bien se détacher de l'organe interne; et la fig. 8 en offre un exemple assez frappant. On voit en (aaa) la partie corticale adhérente, en (b) la même, détachée sous forme d'un lambeau, et en (c) l'organe interne qui est emboîté dans l'externe, et dont une ombre longitudinale (rf) semble indiquer, ou une cavité, ou un emboîtement encore plus interne. Or, ces emboîtemens concentriques s'opposent encore à l'admission d'un réseau vasculaire dans ces organes; surtout si on fait attention que le déchirement de la partie corticale s'opère circulairement à la manière des écorces végétales. Car, ou bien le réseau vasculaire existerait dans la substance de la partie corticale , ou bien dans l'interstice des deux emboîtemens. Dans le premier cas, le déchirement serait (1) Voir à ce sujet, tom. IV. des Mém. de la Société d'hist. nat. de Paris, le travail de l'un de nous sur l'Alcyonelle. DES FLOCONS DU CHORION DE L'OEUF HUMAIN. 21 5 plutôt irrégulier que circulaire; dans le second cas, les deux couches concentriques seraient agglutinées entre elles, et tout au plus pourraient-elles se séparer en laissant des traces filamenteuses d'une première adhérence. Il est vrai qu'en laissant dessécher sur le porte-objet un fragment de ces filamens, on y observe, après l'entière dessiccation, des anastomoses qui simulent des vaisseaux; la figure 3 en offre une image : c'est la sommité bulbiforme d'un filament desséché. Mais , premièrement , ces anastomoses sont en général irrégulières , très interrom- pues, et affectent des directions bizarres; secondement, on remarque de ces vaisseaux mensongers qui cessent brusquement ou en mourant et sans s'anastomoser; troisiè- mement , en mouillant le fragment de nouveau et le laissant dessécher encore, jamais ces prétendus vaisseaux n'affectent le même calibre et les mêmes directions; qua- trièmement enfin, il est facile de les imiter avec toutes les membranes que l'on place dans les mêmes circonstances ; et ces ramifications ne sont dues qu'à l'air emprisonné et qui tend à s'échapper, ou à l'eau tout aussi comprimée par l'affaissement du reste de la substance qui se desséche. La substance des filamens du chorion n'est donc nullement vasculaire; elle n'est donc point analogue aux branchies des animaux aquatiques; elle n'a pas une plus grande analogie avec lesvillositésdes intestins. On voit, surla figure l\ A, des villosités d'un intestin grêle d'un enfant qui venait de naître ; on y distingue fort bien des anses vasculaires dans les papilles (aa) ; et les injections, ou le séjour dans l'alcool , rendent ces anses encore plus distinctes, tandis que ni l'un ni l'autre de ces moyens ne révèlent rien de vasculaire dans les flocons du chorion. Mais ces filamens du chorion , à quel usage servent-ils ? forment-ils le placenta par leur adhérence avec la membrane caduque ? primitivement organes d'absorption , finissent- ils par devenir vasculaires? Ce sont tout autant de questions que nous examinerons de plus près, mais qu'il faut se garder de résoudre à priori. Cette der- nière méthode, véritable loterie à laquelle on jette une pensée pour laisser au hasard le soin de la couronner ou de la détruire, commence à disparaître de la science, depuis les nombreux échecs qu'elle a essuyés; et il n'est jamais entré dans notre esprit de nous en servir. Les observations que nous publions ont été faites sur des filamens bien conservés et attenant à un chorion d'un œuf de six semaines; nous les avons vérifiées sur des œufs humains d'individus d'un âge plus avancé. Nous attendrons que de nouveaux faits et de nouvelles expériences viennent ajouter de nouveaux résultats à ceux que nous offrons avec confiance à nos lecteurs. 2.6 MM. BRESCHET ET RASPAIL. — ANAT0M1E MICROSCOPIQUE, etc. EXPLICATION DE LA PLANCHE X. Fig. i. Insertion d'un filament du chorion sur la surface du chorion. Fig. 2. Origine et embranchement des di- vers rameaux d'un filament. Fig. 5. Sommité d'une fibrille, desséchée sur le porte-objet et offrant un simulacre de réseau vasculaire. Fig. 4- Villosités du canal intestinal. A. Prise sur un enfant venu à terme. B. Prise sur un foetus de trois mois. Dans les jeunes fœtus, les villosités sont si ramifiées et si touffues , qu'on les prendrait pour une espèce de meconium jaunâtre à l'œil nu. Le canal intestinal en est presque obstrué. Fig. 5. Papille d'une branchie de protée. [Pro- teus angitiims. ) Fig. 6. Extrémité ramifiée d'un filament du chorion. Fig. 7. Coupe transversale d'un gros tronc d'un filament. Fig. 8. Filament dont la partie corticale s'en- lève de la couche interne. Sur toutes ces figures, et principalement sur la figure 2 , et sur les figures 6 et 8, il est facile de voir que non -seulement les globules qu'on remarque sur le tissu ne sont pas du même dia- mètre entre eux, et que sous ce rapport, ils va- rient à l'infini; mais encore que par leuraggré- gation ils ne forment pas des fibres élémentaires ; qu'ils sont enfin isolés entre eux, et adhèrent à une membrane par elle-même lisse et non granu- lée , contre l'opinion de MM. Everard Home et Bauer, Prévost et Dumas et Milne-Edwards. Quand on examine les mêmes objets sans les avoir plongés dans l'alcool, ces globules sont moins ap- parens et moins nombreux. (Voy. leRépert. t. 4% p. 269, pourl'édit. in-8°, 1827.) Toutes les figures que nous publions ici ont été dessinées à un grossissement de 100 diamètres. ERRATA Pour le tome IVe, 1837. Pag. i5o, lig. ii, remplie d'une, lisez: rem- plie souvent d'une. Pag. i5?, lig. 1 4' détruit, lisez : décrit. Pag. 160, lig. 24, Planche II, lisez: Planche VII. Pag. 192, lig. 21, Planche VI, lis. : Planchb VII. Idem. lig, 26. Idem. SUR LES ANEVRISMES QOI COIIPUQUIHÏ LES FRACTURES ET LES PLAIES D ARMES A FEU, ET SUR LEUR TRAITEMENT PAR LA LIGATURE, PRATIQUÉE SUIVANT LA METHODE D'ANEL, PAR M. LE BARON DUPUYTREN, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, PREMIER CHIRURGIEN DU ROI ET DE l'hÔTEL-DIEU DE PARIS, PROFESSEUR A LA FACULTE DE MEDECINE, ETC., ETC.' Messieurs , C'est avec un juste sentiment de crainte que je monte à cette tribune , illustrée par des orateurs accoutumés à revêtir le savoir de tous les charmes de l'éloquence, et je dois me défier, à la fois, et du sujet dont j'ai à vous entretenir et de la manière dont je pourrai le traiter. Les merveilles brillantes de la physique et de la chimie ont, depuis long-temps, le privilège de tenir attentives les oreilles les plus délicates ; les prodiges toujours crois- sans de la mécanique parlent à tous les intérêts; les découvertes de l'astronomie et celles de la géographie flattent l'amour-propre, en même temps qu'elles reculent les bornes de la science ; la zoologie et la botanique sont toujours sûres de plaire, soit qu'elles révèlent l'existence de quelque être encore inconnu, soit qu'elles dévoilent à nos yeux les replis de l'organisation. Les phénomènes de la vie, expliqués à l'aide d'ingénieuses expériences, ont surtout le don d'intéresser, encore qu'il faille, le plus souvent, en arracher par la douleur le secret à la nature. Mais le tableau des maladies , celui des tourmens qu'elles font endurer et des dan- (1) Ce mémoire a été lu dans la séance publi- mens que la circonstance rendait indispensables. que de l'Académie royale des sciences, du 24 On le publie ici dans son entier, avril 1825; l'auteur y avait fait des retranche- 5. 28 2 1 8 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE gers qu'elles font encourir; mais le récit des moyens, souvent douloureux, par les- quels on est obligé de les combattre, comment pourraient-ils être exposés, sans exciter un sentiment pénible, devant une assemblée, avide sans doute de connaître les pro- grès des sciences, et attentive aies exciter par sesencouragemens, mais dont l'oreille, peu accoutumée à des sujets aussi sévères, doit, avant tout, être ménagée dans ses sensations. Telle est cependant, Messieurs, la tâche qui m'est imposée. Je vais donc vous entretenir d'une maladie dont les occasions sont fréquentes; qui consiste dans la réunion d'une fracture ou d'une plaie d'arme à feu, avec la dé- chirure d'une artère principale et un épanchement de sang ayant les caractères d'une tumeur anévrismale, complication qui compromet non-seulement l'existence d'un membre, mais encore la vie du malade, et qui, dans la pratique adoptée jusqu'à ce jour, n'offre d'autre ressource que l'amputation , avec tous ses risques et toutes ses suites, ou d'autre perspective que la mort. Néanmoins cette complication, toute grave qu'elle est, m'a paru susceptible d'être ramenée à un traitement plus doux, plus sûr, et par lequel sont garanties la con- servation du membre et celle de la vie. Tel est l'objet de ce Mémoire. Il existe un ordre de vaisseaux qui a son origine dans le cœur, et sa terminaison dans toutes les parties du corps. Ces vaisseaux, à parois fibreuses, épaisses et élasti- ques, reçoivent du cœur, et ils transmettent à toutes les parties vivantes, un liquide que la respiration a rendu propre à les exciter et à les nourrir. Ces vaisseaux, que chacun a déjà nommés , sont les artères ; et ce liquide , c'est le sang artériel. Dans l'état ordinaire, et autant de temps qu'un juste équilibre règne entre les ac- tions et les résistances au milieu desquelles la circulation s'accomplit, le cœur pousse le sang dans les artères avec une force suffisante pour les dilater, et mettre en jeu leur élasticité, mais incapable de causer la rupture de ces vaisseaux, et d'amener une effusion de sang qui suffirait pour entraîner, en quelques minutes, la perte de la vie. Cet équilibre vient-il à être rompu? et par quelque cause que ce soit le cœur ac- quiert-il une force d'impulsion trop grande, ou bien les artères présentent-elles, dans leur ensemble ou dans quelques-unes de leurs parties, une résistance trop faible, et réciproquement? des désordres sans nombre s'introduisent aussitôt dans la circula- tion , et, par elle, dans toute l'économie animale, dont ils amènent tôt ou tard l'a- néantissement. Ces désordres commencent-ils par le cœur, c'est-à-dire par le centre et l'agent principal de la circulation? Ils donnent lieu à une foule de maladies, qui sans doute avaient depuis long-temps été observées et classées, mais qui ne l'ont jamais été avec autant de sagacité que par Corvisart, ce grand médecin que l'Académie a dû regretter de n'avoir pas possédé tout entier et plus long-temps. SUR LES ANÉVRISMES. 219 Ces désordres commencent-ils, au contraire, par les artères? Dans le principe le mal est moins dangereux, sans doute , que lorsqu'il affecte le centre de la circulation ; mais il peut, comme dans le cas précédent, devenir la cause d'accidens mortels. Ainsi , qu'une artère , affaiblie par une cause quelconque , cède, sur un point de son étendue , à l'effort du cœur qui pousse avec trop de violence le sang vers les parties qu'il doit nourrir, il se forme bientôt une tumeur sanguine, qui grossit plus ou moins rapidement , et dont la rupture entraîne presque toujours une hémorrhagie funeste. Ou bien que, par l'effet d'une blessure, une artère soit ouverte, et que le sang artériel s'épanche autour d'elle, il en résulte encore une tumeur dont les progrès et l'ou- verture au dehors entraînent la mort aussi bien que dans le cas précédent. Ces tumeurs se nomment des anévrismes. Les causes de ces maladies sont nombreuses et variées. Je ne fatiguerai pas cette assemblée parleur énumération. Mais parmi ces causes, il en est deux qui ont à peine été remarquées parles observateurs les plus habiles; je veux parler des fractures et des coups de feu, d'où résultent les deux espèces d'anévrismes sur lesquelles j'ai le dessein de fixer un instant votre attention. On conçoit comment les esquilles d'un os brisé, comment une balle ou un autre projectile, lancé par la poudre à canon, peuvent donner lieu à un anévrisme, en alté- rant lentement, ou bien en détruisant tout à coup les parois d'une artère. Il semble même, en réfléchissant sur la multitude et sur l'infinie variété des fractures et des coups de feu, que ces sortes d'anévrismes devraient être fréquentes. Cependant les auteurs n'en contiennent presque aucun exemple, soit que ces cas ne soient pas très communs en effet, ou , ce qui est plus vraisemblable, que, sur ce point comme sur beaucoup d'autres , l'attention ait besoin d'être éveillée pour apercevoir même les choses les plus ordinaires. J'ai vainement cherché des observations sur ces deux sortes d'anévrismes dans les auteurs anciens; je n'en ai trouvé aucune. J'ai parcouru les ouvrages des auteurs du siècle dernier, et je n'en ai trouvé qu'un exemple dans le Traité des maladies des 0Sj de J.-L. Petit. Mais ce fait n'est qu'indiqué , pour ainsi dire, et le peu de cir- constances dont il est accompagné n'est pas propre à lui donner une grande valeur. Le voici: c'est J.-L. Petit qui parle. PREMIER FAIT 4. « Dans une fracture de la jambe sans plaie extérieure, j'ai vu l'artère qui passe (1) Traité des maladies des os} troisième édition, Paris, i?36, in- 12, tome II, page !\6. 220 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE « entre les deux os l ouverte par le tranchant de la fracture du tibia, qui était cassé « en flûte. Il survint une ecchymose par toute la jambe et le pied ; la partie devint t froide et brune; on la croyait gangrenée2: j'ouvris la jambe s, et ayant commencé « l'incision quatre travers de doigt au-dessus de la fracture , je la poussai quatre t travers de doigt au-dessous; je découvris l'ouverture du vaisseau; j'arrêtai l'hé- t morrhagie * sans déplacer les os; je fis du reste le pansement qui convient aux * fractures compliquées, et mon malade fut guéri dans l'espace de temps ordinaire, t Pour se rendre maître du sang, il faut absolument découvrir le vaisseau ou- « vert5, afin de le comprimer immédiatement6, de le lier s'il est besoin, ou d'y t appliquer des stypliques 7: ce sont là les trois moyens que nous avons pour arrêter • les hémorrhagies. » Depuis J.-L. Petit, tous ceux qui ontécritsur lesmaladies des os n'ont pasmanqué, 6ur la foi de cet écrivain , de mettre l'anévrisme au nombre des accidens qui peuvent compliquer les fractures; mais aucun n'en a cité d'exemple nouveau; l'observation de ce célèbre chirurgien est long -temps restée la seule de son espèce, et elle n'a pas paru aux praticiens un modèle à suivre. J'ai ouvert enfin le grand ouvrage consacré à la chirurgie , par notre collègue M. Boyer, ouvrage qui doit contenir les acquisitions que la science a faites dans ces derniers temps, et je n'y ai trouvé qu'un seul exemple de cette maladie, celui-là même que j'ai été assez heureux de fournir, il y a quinze ans, à son savoir. J'espérais, du moins, trouver dans les auteurs qui ont écrit sur les plaies d'armes à feu quelques exemples d'anévrismes produits par cette cause spéciale, mais je n'ai pas été plus heureux. Les ouvrages des anciens n'en sauraient contenir; et on en cherche vainement dans les ouvrages des modernes. On n'en trouve pas même dans les mémoires et dans les instructions que publia, tant pour l'avance- ment de la science que pour le bien du service des armées, le Nestor de la chirurgie (1) C'est sans doute de l'artère tibiale anté- (5) Dans le cas cité, il n'y avait pas d'hémor- rieure qu'il s'agit. rhagie externe , et rien n'obligeait à découvrir le (2) Existait-il ou non des pulsations dans le vaisseau lésé. Au contraire, tout devait engager voisinage de la fracture et au centre de Fépan- à respecter ce vaisseau, et à faire une ligature cheraent? sur l'artère fémorale ; mais à l'époque où J.-L. Pe- (3) Les praticiens savent combien sont dan- lit écrivait son beau Traité sur les maladies des gereuses les plaies qui mettent le foyer d'une os, l'art était peu avancé sur le traitement de» fracture, celui d'un anévrisme en contact avec anévrismes. l'air, et, par conséquent, à combien de dangers (6) Ce précepte ne saurait être adopté; il est le parti pris par J.-L. Petit pouvait exposer son d'une exécution trop difficile, et il offre trop peu malade. de garanties contre Phémorrhagie. (4) Par quel moyen ? est - ce par la ligature, (7) Les styptiques présentent encore moins de ou bien par la compression ? chances de succès que la compression. SUR LES ANÉVRISMES. 221 militaire, le savant, l'illustre Percy, dont vous pleurez encore la perte récente. Ces exemples pourtant sont loin d'être rares. Depuis 1806, il m'a été donné d'en observer jusqu'à sept; et je ne doute pas que l'allention une fois éveillée sur ce point n'en fasse découvrir bientôt un plus grand nombre. Peut-être aussi les praticiens et les auteurs n'ont pas donné plus d'attention à cette grave complication des fractures et des plaies d'armes à feu, parce qu'ils l'ont jugée au-dessus des ressources ordinaires de l'art de guérir. Tous, en effet, s'accordent à donner le conseil d'amputer les membres dans les- quels on la rencontre : c'est ainsi que j'ai vu traiter, il y a plus de quinze ans, plu- sieurs de ces maladies par un homme à qui personne n'a contesté de grands talens et une grande expérience : voici quelques-uns de ces cas. DEUXIEME FAIT. Picard (Jacques), âgé de soixante-un ans, d'un tempérament sanguin, entra à l'Hôlel-Dieu le 17 ventôse an i3. Cet homme, en conduisant sa voiture, fut renversé de manière que la roue lui passa sur les deux jambes, près des malléoles : il lui fut im possible de se relever. Porté de suite à I'Hôtel-Dieu , le chirurgien de garde reconnut une fracture de la jambe gauche sans plaie; mais l'extrême gonflement qui s'était déjà manifesté empê- cha d'appliquer un appareil ; on mit le membre en position, et on le couvrit de com- presses trempées dans une liqueur résolutive ; la jambe droite en fut aussi re- couverte. Le lendemain, la tuméfaction était plus considérable, et la peau changea de cou- leur à la jambe droite; on substitua les émolliens aux résolutifs et on les continua pendant 12 jours. Alors la fluctuation devint manifeste à la face dorsale du pied droit et à la partie inférieure de la jambe du même côté. On évacua le pus par une double incision ; la quantité en fut très considérable , et sa sortie soulagea beau- coup le malade. Pendant ce temps le gonflement de la jambe gauche faisait toujours des progrès. Le seizième jour on y sentait manifestement de la fluctuation ; la peau néanmoins n'é- tait point altérée dans sa couleur; le foyer de la jambe droite se dégorgeait, et ce membre était déjà réduit à la moilié du volume qu"il avait acquis depuis l'accident. Le 25e jour, la douleur et le gonflement de la jambe gauche étaient plus considé- rables encore. La fluctuation ne laissait point d'équivoque ; le chirurgien en chef, encouragé par le succès qu'il avait obtenu sur l'autre jambe, voulut donner issue au fluide contenu dans ce foyer. La fluctuation se faisait sentir dans toute Ja partie po- stérieure de la jambe. Il fit une incision d'un pouce à la partie moyenne du foyer; mais au lieu d'une suppuration ordinaire et louable, il n'en sortit qu'une petite quan- 222 M. LE BARON DUPUYTREN. —MEMOIRE tité de pus mêlée à une grande quantité de caillots de sang; bientôt après il s'écoula du sano- vermeil et artériel; on fit aussitôt comprimer l'artère fémorale à l'aine, et l'écoulement du sang ayant été suspendu, on décida que l'amputation serait faite, non à la jambe, mais à la cuisse, le gonflement étant déjà étendu jusqu'à l'articula- tion du genou. L'opération fut pratiquée immédiatement. La dissection du membre amputé fit découvrir une vaste poche entre les muscles jumeaux et soléaire , contenant une assez grande quantité de caillots de sang, tels qu'il en était sorti après l'incision. Au milieu du délabrement des parties molles, on découvrit l'artère tibiale postérieure et la péronière , ossifiées jusque dans leurs der- nières ramifications; une injection qui avait été faite avec assez de succès ne nous montra pas l'endroit d'où le sang avait pu partir: on présuma qu'il avait été fourni par les dernières ramifications artérielles qui avaient été déchirées. Après l'amputation, le malade fut transporté à la salle des opérations, où il demeura fort long-temps avant d'obtenir sa guériscn. Les chairs , lâches et de mau- vaise nature , furent excitées par le quinquina en poudre et des digestifs stimulans; on parvint, par ces moyens, à changer l'aspect des chairs, mais l'état de relâche- ment des parties molles de la cuisse était tel, qu'elles tombèrent par leur propre poids vers l'aine, et laissèrent le fémur à nu dans une partie de sa longueur. Ne pouvant obtenir la réunion des bords de la plaie, on eut recours à la résection du fémur qui faisait une saillie de deux pouces au-delà du niveau des chairs, et, au moyen d'un bandage roulé, on parvint à rapprocher les bords de la plaie , et à obtenir la cicatrice. Le malade, entièrement guéri, fut transféré dans une salle de méde- cine, où il se trouvait encore au commencement de 1808. Dans l'histoire qui précède, la source d'où provenait le sang n'a pu être bien déterminée, soit que l'épanchement de l'injection poussée dans les artères l'ait ca- chée, soit que la dissection du membre n'ait pas été faite d'une manière convenable, soit enfin parce que le sang avait été fourni par les extrémités des artères déchirées et comprises dans les parois du foyer de l'épanchement. Dans le cas suivant la source et la cause de l'anévrisme seront plus évidentes. TROISIEME FAIT. Caloy (Claude-Gérard), potier de terre, âgé de cinquante-cinq ans, homme d'une petite stature , d'une constitution extrêmement grêle et faible, ayant les tibia courbés en avant, et les talons fort saillans en arrière, se fracture la jambe gauche le 8 octo- bre 1806 , en tombant dans un escalier. Il est aussitôt transporté à l'Hôtel-Dieu. Au moment de l'entrée du malade dans l'hôpital le tibia paraît fracturé très obli- quement au-dessous de son tiers supérieur; des deux fragmens de cette fracture, le supérieur fait saillie en avant et soulève la peau, tandis que l'inférieur se perd SUR LES ANÉVRISMES. 223 en arrière dans lepaisseur des muscles du mollet ; le péroné offre, à la même hauteur, une fracture dont les fragmens affectent à peu près la même disposition, en s'é- loignant néanmoins du tibia. Le malade étant couché, on allonge le membre et on réduit la fracture; on a soin de la couvrir de compresses trempées dans un résolutif, et de la maintenir réduite à l'aide du bandage à dix-huit chefs, de coussins et de draps fanons accommodés à la forme particulière du membre. Le malade est pansé tous les jours et souffre peu. On n'aperçoit d'abord ni gonfle- ment, ni tumeur, nibattemens quelconques dans l'épaisseur du membre ; seulement on observe que les fragmens de la fracture ont la plus grande tendance à se porter les uns en avant, les autres en arrière , effet qu'on attribue à l'action des muscles de la partie postérieure de la jambe, favorisée par la courbure du tibia. Au bout de huit jours la douleur étant complètement dissipée et les parties voisines de la fracture paraissant dans l'état le plus naturel , on éloigne les pansemens , et le malade continue à se bien trouver. Mais vers le quinzième jour de la fracture, Caloy se plaint d'éprouver dans le mollet des douleurs qu'il attribue à la constriction de l'appareil; les liens en sont aussitôt relâchés; le malade se dit soulagé ; cependant les mêmes douleurs reparais- sent au bout de quelques jours. On visite le membre vers le trentième jour, et l'on n'aperçoit rien qui puisse rendre raison de ces douleurs ; elles augmentent néanmoins, et, quelques jours après, on reconnaît, en pansant le malade, qu'une tuméfaction, accompagnée de rénittence et d'une couleur bleuâtre , s'est manifestée à la partie moyenne de la jambe. Bientôt, en recherchant s'il n'existe pas de fluctuation, on éprouve, tant à la partie antérieure qu'à la partie postérieure de la jambe, une sorte de frémissement qui augmente et diminue alternativement, et qu'on aurait pu prendre pour le battement de l'extrémité des artères des doigts. Cependant on découvre que la tumeur diminue un peu de volume , et qu'elle perd les mouve- mens isochrones à la circulation lorsque l'on comprime l'artère poplitée , et qu'elle reprend son volume premier, sa rénittence et ses mouvemens aussitôt que l'on cesse de comprimer cette artère ; dès lors on n'a presque plus de doutes sur la nature de la tumeur, et on cherche à s'assurer de l'état des parties voisines; l'artère poplitée était saine jusque dans l'intervalle des jumeaux; ce n'est même qu'au-dessous de cet en- droit que commençait la tuméfaction de la jambe ; l'anévrisme n'avait donc pu être formé qu'aux dépens de quelqu'une des artères de la jambe; la fracture du tibia sem- bla presque entièrement solide. Dans cet état de choses, on pensa que le malade périrait infailliblement avant peu si l'on abandonnait sa maladie à elle-même; mais en prenant le parti d'agir, soit qu'on liât l'artère fémorale, ou que l'on fît l'ampu- tation du membre, la faiblesse constitutionnelle du malade laissait bien peu d'espoir de guérison. 224 M. LE BARON DUPUYTREN.— MEMOIRE * Ces faits ayant été reconnus et la fracture étant presque consolidée, le membre fut mis hors d'appareil; mais en moins de quatre heures la tuméfaction était déjà augmentée d'un sixième, et s'était prolongée tant en bas, du côté des malléoles, qu'en haut, du côté du jarret. On se décida pour lors à pratiquer sur-le-champ l'amputation du inembse à la partie inférieure de la cuisse, comme paraissant, des deux opérations indiquées, celle dont les suites devaient être le moins difficiles à supporter pour un homme dont la faiblesse était annoncée par la pâleur et l'al- longement des traits, par la maigreur générale, la petitesse du pouls et la faiblesse de la voix. Il fut donc attiré sur l'extrémité de son lit; un garrot fut placé sur la partie moyenne de l'artère fémorale ; la jambe fut soutenue par un aide, et la cuisse par un autre qui était en outre chargé de retirer et de tendre la peau de bas en haut. Dans cet instant, et pour ne rien abandonner au hasard de ce que la prudence pourrait lui enlever, on plongea un bistouri à plus de deux pouces de profondeur dans la partie antérieure de la tumeur: il en sortit d'abord du sang noir, épais, et qui sem- blait plutôt infiltré qu'épanché, et ensuite du sang rouge et vermeil. Cet essai ayant confirmé le diagnostic porté sur la maladie, une incision circulaire fut faite à la peau , au-dessus de la rotule : la peau fut ensuite disséquée à la hauteur d'un pouce environ. Les muscles furent incisés jusqu'à l'os, au niveau de la peau relevée; une seconde incision divisa, plus haut, les muscles adhérens à l'os. Les chairs furent soutenues à l'aide d'une compresse fendue, et le fémur fut scié. Le membre malade ayant été ainsi retranché, l'artère crurale, qui faisait une saillie de près d'un demi-pouce à la surface de la plaie, fut saisie et liée; plusieurs autres ar- tères, placées dans l'épaisseur des muscles, le furent également, et les fils en furent coupés très court. Enfin le garrot ayant été complètement relâché, aucun autre vaisseau ne donnant de sang, la plaie fut nettoyée et pansée. A cet effet, la peau fut rapprochée d'un côté à l'autre ; chacun des deux lambeaux résultant de ce rapprochement fut immédiatement appliqué au lambeau correspon- dant, et ils furent couverts l'un et l'autre par de la charpie qui fut elle-même soutenue par des compresses , dont les unes , appliquées sur l'un des côtés du membre , étaient ensuite ramenées sur le moignon, puis du côté opposé, et dont les autres étaient disposées circulairement pour maintenir les premières. Un bandage circulaire, mé- diocrement serré, soutint la totalité de l'appareil. Examen de la jambe amputée.. La peau ayant été enlevée, et les muscles superficiels ayant été mis à découvert, on vit çà et là quelques ecchymoses, mais sans communication avec le foyer prin- SUR LES ANÉVRISMES. 225 cipal, si ce n'est à la partie inférieure du tendon d'Achille, d'où le sang sortait avec les caractères de celui qu'on trouva plus tard dans la poche anévristnale. Cette poche avait en arrière le muscle soléaire pour parois, et, sur les côtés, les muscles de la couche profonde de la jambe. Elle formait saillie en avaut, et se portait dans ce sens à travers le ligament interosseux déchiré par les fràgmens de la fracture du péroné et du tibia. Là cette tumeur était immédiatement recouverte par les muscles jambier antéi'ieur et long extenseur des orteils. Elle était remplie de sang en caillots, lesquels avaient partout une assez grande solidité. La source de cet épanchement était dans une lésion de l'artère péronière , située au niveau de la fracture du péroné, dont les fràgmens aigus avaient déchiré ce vaisseau d'une manière fort inégale. Son calibre était entier au-dessus de la déchirure : il était entièrement effacé au-dessous de ce point. D'ailleurs la fracture du tibia était déjà solide, et elle ne présentait point de sang dans ses environs. On observa , en examinant cette fracture , une solu- tion de continuité en long de la partie supérieure du tibia. L'amputation ne causa par elle-même aucun accident: la plaie marchait même vers la guérison, lorsque, chose assez commune à la suite des grandes opérations, il survint une pneumonie à laquelle le malade succomba le 25 novembre 1806, mal- gré tous les remèdes mis en usage pour en diminuer la gravité. QUATRIÈME FAIT. Un garçon tonnelier, Antoine Dagomet, âgé de trente ans, fit, le 7 janvier 180g une chute du haut d'un escalier de cinq marches, et se fractura la jambe gauche savoir : le péroné assez près de sa malléole, et le tibia vers le milieu de sa longueur. Il entra le même jour à l'Hôtel-Dieu. Le fragment supérieur de la fracture du péroné avait percé la peau et se montrait au dehors. Il y avait peu de déplacement au tibia la jambe, naturellement grosse, était déjà fort tuméfiée. La fracture fut réduite exactement; il sortit beaucoup de sang par la petite plaie l'appareil fut appliqué méthodiquement, et on laissa libre la plaie pour l'évacuation du sang épanché1; en effet, le lendemain l'appareil s'en trouva pénétré, et cependant la jambe était plus tendue, plus tuméfiée que la veille. Une saignée fut pratiquée au bras. Chaque jour une grande quantité de caillots sortait par la plaie; bientôt la sup- puration s'établit, et vers le quinzième jour elle devint abondante et de mauvaise (1) M. Dupuytren n'avait pas encore à cette consiste à fermer exactement ces plaies pour in- époque fait adopter à l'Hôtel-Dieu la méthode, terdire à l'air tout accès dans le foyer des frac- qu'il a mise en usage peu de temps après, et qui tures. (Note des rédacteurs.) 5. 29 226 M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE nature; un abcès se forma au côté interne de la jambe, il fut ouvert, et donna issue à du pus et à des caillots de sang en décomposition. Du reste, la santé générale du malade était loin d'être satisfaisante ; chaque jour il avait de la fièvre avec des re- doublemens le soir ; son pouls était faible , sa langue sèche et rouge , ses forces étaient affaiblies. On prescrivit de la décoction de quinquina acidulée. 11 s'écoulait, chaque fois qu'on changeait l'appareil, une assez grande quantité de sang, ce qui détermina à éloigner, le plus qu'on put, les pansemens. Le malade était arrivé au soixante-quinzième jour de son accident, le cal avait déjà acquis de la soli- dité, quelques portions osseuses étaient sorties, l'état général était meilleur, lors- qu'il se fit tout à coup une hémorrhagie avec tuméfaction énorme de la jambe. Le chirurgien en chef n'eut que le temps de faire comprimer fortement l'artère fémo- rale. Il fit une longue incision qui mit à découvert toute la face externe du tibia, et il appliqua de suite une grande quantité de charpie sur le point d'où le sang jaillissait ; mais l'hémorrhagie ayant reparu, il pratiqua le lendemain matin l'amputation delà cuisse, à laquelle le malade succomba le 10 avril 1809, dix-sept jours après l'opé- ration. L'examen du membre montra l'artère tibiale antérieure percée de cinq ou six ouvertures, et les fractures du tibia et du péroné consolidées. On vient de lire trois cas d'anévrisme ou d'épanchement de sang artériel produits par des fractures, et qu'on n'a pas cru pouvoir traiter autrement que par l'amputation du membre. Cependant ces amputations, ces mutilations sans appel n'ont réussi que dans un cas sur trois : elles ne doivent donc pas être évitées seulement parce qu'elles privent de parties ou d'organes plus ou moins nécessaires à la vie ; elles doivent l'être en- core, toutes les fois que la chose est possible, à cause des dangers qu'elles font courir à ceux qui les subissent. En effet, dans les cas les plus heureux il ne périt guère moins d'un quart des personnes auxquelles on pratique l'amputation d'un membre princi- pal. Cette dernière considération, trop négligée peut-être, sera mise dans tout son jour par les tableaux des chances de succès et de non succès attachées aux grandes opérations de la chirurgie , et que je me propose de publier bientôt. L'art de guérir doit être, avant tout, l'art de conserver; et ses triomphes, quel- que beaux qu'ils puissent être d'ailleurs, ont toujours quelque chose de triste et de lugubre, lorsqu'ils n'ont pour trophées que des membres amputés et des parties mutilées. Les anévrismes eux-mêmes fournissent un bel exemple de l'utilité de ces prin- SUR LES ANÉVRISMES- 227 cipes. Peu connus autrefois, ils étaient confondus arec les tumeurs sanguines de tout genre: abandonnés à eux-mêmes, ils se terminaient, le plus souvent, par une ouverture spontanée et parla mort, qui était l'inévitable résultat de la perte du sang artériel, ou bien, on leur appliquait l'amputation, qui, tout en privant les malades d'un membre , les laissait encore exposés à de nombreuses chances de mort. La découverte de la circulation par Harvey, l'application faite par notre Ain- broise Paré , de la ligature à la suspension des hémorrhagies, donnèrent les moyens de mieux connaître, et de mieux traiter les anévrismes; et la ligature fut bientôt substituée à l'amputation des membres dans le traitement de ces maladies. Cependant, comment se fait-il que les tumeurs anévrismales de l'espèce de celles dont je parle aient été, et qu'elles soient encore regardées comme ne pouvant être guéries que par l'amputation , ce moyen extrême de la chirurgie? Serait-il donc dans la nature des choses qu'un anévrisme causé par une esquille, par une balle, fût au-dessus de l'efficacité d'une ligature bien faite? ou cette compli- cation n'a-t-elle jusqu'à ce jour inspiré aux hommes de l'art qu'un vain effroi? C'est une question qui ne peut être résolue que par des faits, et je demande à l'assemblée la permission de donner à mon opinion l'appui de quelques observa- tions choisies dans chacun des ordres de cas que mon travail embrasse. CINQUIÈME FAIT. Une femme (Marthe-Marie-Barbe), âgée de soixante-deux ans, d'une constitution sèche, mais d'une assez bonne santé, fit , en courant dans la rue, le 2 janvier 1809, un faux pas suivi d'une chute ; elle éprouva aussitôt une violente douleur, accompa- gnée de craquement au bas de la jambe gauche. La malade ne put se relever et fut portée avec peine à son domicile, où elle passa la nuit. Le lendemain , les douleurs et l'impossibilité de marcher subsistant, elle se fit transporter de grand matin à l'Hôtel-Dieu, où je reconnus, sans peine, qu'elle avait une fracture des deux os de la jambe, à l'union du tiers moyen avec le tiers infé- rieur de leur longueur. Cette fracture était oblique et accompagnée du déplacement des fragmens en avant et en arrière, de déformation du membre, de tuméfaction et de tension très fortes aux parties molles. Cette fracture n'offrait, jusque là, que des suites ordinaires et communes; mais lorsque je voulus saisir les deux extrémités du membre pour opérer la réduction de la fracture, je sentis, à sa partie postérieure, dans l'épaisseur du mollet, de très forts et de très larges mouvemens de dilatation et de resserrement. Cesmouvemens 228 M. LE BARON DUPUYTREN.— MEMOIRE étaient sensibles à la vue ainsi qu'au toucher, et ils étaient parfaitement isochrones à ceux du pouls. La compression exercée sur l'artère de la cuisse les faisait cesser. Ils reparaissaient dès que cette compression était levée. Il existait, sans aucun doute, un anévrisme causé, au moment de la chute ou pen- dant les deux transports de la malade, par quelqu'un des fragmens obliques de la fracture; et, à en juger par le siège de la tumeur, elle devait avoir été déterminée par le fragment inférieur du tibia, qu'on sentait en arrière dans l'épaisseur des chairs, et elle devait résulter de la déchirure de quelqu'une des artères de la partie posté- rieure de la jambe, de l'artère tibiale postérieure, suivant toutes les apparences. Le cas était des plus graves, soit que l'on considérât l'âge avancé de la malade, la nature ou la complication de ses maux. Elle fut pansée convenablement; et comme il n'y avait pas de péril dans la demeure, le parti à prendre fut renvoyé à la visite du soir. En attendant, je dus réfléchir mûrement sur la conduite à tenir. Abandonnerait- on le mal à lui-même? Mais il ne pouvait manquer de devenir mortel. Irait-on, à l'exemple de J.-L. Petit, faire une incision aux parties pour mettre en évidence l'artère déchirée , et lier ses deux bouts? Mais quelle incision, quelles recherches faudrait-il faire, quelles difficultés n'au- rait-on pas à vaincre pour trouver, pour saisir, pour lier l'artère divisée à travers les muscles du mollet déchirés, au milieu de parties infiltrées, pénétrées de sang, au centre d'un foyer de désordre où tout était déplacé, confondu et altéré? En supposant qu'on pût rencontrer et lier le vaisseau déchiré, n'exposerait- on pas la malade à toutes les suites qu'entraîne ordinairement l'ouverture d'un foyer, d'un épanchement sanguin, et celui d'une fracture compliquée? D'ailleurs, après avoir fait au mollet une large et profonde incision, comment satisfaire aux besoins des pansemens journaliers? La jambe resterait-elle couchée sur son côté postérieur pendant toute la durée du mal? Mais les pansemens forceraient à la soulever une ou deux fois par jour, et ces mouvemens s'opposeraient à la forma- tion du cal. Obligerait-on la malade à se tenir couchée sur le ventre pendant toute la diïrée du traitement? Mais, outre que cette position serait, insoutenable, elle aurait le grand inconvénient de placer le foyer de la suppuration bien au-dessous de l'ou- verture destinée à l'écoulement de ses produits, et de donner lieu àdegraves accidens. Ces deux partis n'offraient donc que difficultés, inconvéniens et dangers. L'amputation de la cuisse présentait, il* est vrai, un moyen plus simple et plus expéditif de sortir d'embarras; mais outre la privation douloureuse qu'elle devait imposer à la malade dans le cas où elle guérirait, on ne devait pas oublier ses dan- gers, et que plusieurs malades, affectés d'une maladie en tout semblable à celle-là, avaient succombé quelque temps auparavant aux suites de cette opération. SUR LES ANÉVRISMES. 22() La ligature de l'artère du membre , faite à grande distance du mal , me parut préférable à l'amputation. Cette ligature devait mettre un terme à l'épanchement du sang, faire cesser les battemens dans la tumeur, et permettre aux bouts de l'ar- tère déchirée de se cicatriser. Elle devait surtout dispenser de mettre en contact avec l'air, et d'exposer à une inflammation et à une suppuration dangereuses, un foyer où se trouvaient réunis des os fracturés, des artères et des parties molles dé- chirées, du sang épanché, etc. Tel était le parti que conseillait la raison; mais ce parti, pour être approuvé, avait besoin d'être sanctionné par l'expérience. Il se pouvait que, faute d'une circulation suffisante, la vie s'éteignît dans le membre, et que la gangrène détruisît nos espérances; ou bien que le sang, trop tôt ramené dans la tumeur par les vaisseaux anastomotiques, y reproduisît l'ané- vrisme; ou bien encore que le foyer du mal, irrité par les fragmens de la fracture ou par le sang épanché, que ce foyer s'enflammât, s'ouvrît au dehors, et amenât tous les accidens d'une longue suppuration. Au milieu de toutes ces raisons d'espérer et de craindre , il fut résolu qu'on ne toucherait ni à l'anévrisme ni à la fracture, et qu'on ferait, loin de leur siège commun, la ligature de l'artère fémorale à la partie moyenne de la cuisse. L'opération, ordinairement très facile et très prompte, fut, dans ce cas, plus facile et plus prompte encore que de coutume. Une première incision mit l'artère en évidence; une seconde fendit la gaine aponévrotique qui la recouvre, et la mit à nu au fond de la plaie. Un stylet aiguillé passé sous elle servit à la dégager des nerfs et des veines qui l'accompagnent, et à conduire un fil triple destiné à en faire la liga- ture. Ce fd fut serré, et dès lors les battemens cessèrent dans la tumeur. Il y avait à peine quelques secondes que l'opération était commencée , et déjà elle était achevée : un pansement simple fut appliqué à la plaie ; celui de la frac- ture fut continué. Le moment qui allait décider du sort de notre malade était arrivé; on peut jun-er si elle fut l'objet de lous nos soins et de toute notre attention. Voici ce qui fut ob- servé : la chaleur et la sensibilité ne furent pas un instant altérées dans le membre ; la circulation se continua sans interruption , et, dès le cinquième jour, on sentait et on voyait, autour du genou, les artères collatérales dont le développement avait servi à ramener le sang dans le bout inférieur de l'artère. Six jours étaient à peine écoulés que le volume de la tumeur était déjà réduit d'un tiers; ce volume continua à diminuer de jour en jour, et il disparut complète- ment par la suite. D'ailleurs, la plaie de l'opération se rétrécit chaque jour; la ligature tomba sans hérnorrhagie au bout de quinze jours, et la plaie fut cicatrisée en moins de six semaines. Quelques taches scorbutiques qui survinrent à la jambe firent craindre un instant la 23o M. LE BARON DUPUYTREN. — MÉMOIRE "an°Téne; elles cédèrent à un traitement approprié; mais une escarre véritable se forma au talon, par l'effet de la pression exercée sur cette partie par le poids du membre : cette escarre tomba, et la plaie qu'elle avait produite se cicatrisa facilement. Tandis que tout ceci se passait du côté des chairs, la nature travaillait à la con- solidation des os. Cette consolidation fut lente , soit à cause de l'obliquité de la frac- ture , soit à cause que ses fragmens étaient environnés et baignés de sang, soif, enfin parce que la ligature avait affaibli, dans ces parties, les forces de la nutrition. En effet, le cal était à peine commencé à la fin du premier mois, il n'offrait encore que peu de consistance à la fin du second mois, et il ne parut parfaitement solide qu'au bout de quatre mois. Mais à cette époque, la malade put s'essayer à marcher; bientôt elle put sortir de l'hôpital, parfaitement guérie de sa fracture et de l'anévrisme; et nous l'avons vue pendant quinze ans jouir d'une santé parfaite et du bonheur d'avoir conservé son membre , et d'être guérie en même temps de deux graves maladies. Ce fait, qui date, ainsi qu'on l'a vu, de l'an 1809, n'est pas resté stérile : un des associés régnicoles de cette académie , M. Delpech , professeur à la faculté de médecine de Montpellier, a rencontré en 181 5 un cas semblable au précédent, peut-être même un peu plus compliqué, et il l'a traité suivant la même méthode et avec le même succès , c'est-à-dire en conservant le membre affecté de fracture et d'anévrisme. SIXIEME FAIT a Le nommé Jacques Boudet, dit Galon, natif de Nantes, postillon, âgé de trente ans, d'une forte constitution , étant le 9 mai 1 8 1 5 dans un état d'ivresse, fut surpris par le sommeil au milieu d'un chemin assez fréquenté; une charrette chargée de foin étant survenue, et le conducteur se trouvant éloigné de ses chevaux, une roue écrasa la jambe gauche de Boudet. Ses cris attirèrent des curieux, qui le transpor- tèrent de suite à l'hôpital Saint-Eloi. La jambe était énormément engorgée, la peau avait une couleur marbrée ; les mouvemens imprimés à la jambe ne permirent pas de douter que les deux os ne fussent fracturés vers leur partie moyenne, et de légères recherches suffirent pour assurer que la fracture était comminulive. La tumé- faction de la jambe était accompagnée de battemens très distincts, particulièrement vers le mollet, mais sensibles daus toute la circonférence du membre , et conformes au rhythme du pouls. Les battemens cessaient ou devenaient plus obscurs, lors- qu'on comprimait l'artère fémorale, selon que la compression était plus ou moins (1) Delpech, Chirurgie clinique. Montpellier 182J, tom. I. Cette observation est donnée par extrait seulement. SUR LES ANÉVRISMES. 23i exacte. Le membre fut placé dans un appareil à fractures compliquées, et le malade mis à la diète et à une infusion de thé pour boisson. «Le lendemain le malade souffrait beaucoup, surtout par un effort de distension générale de la jambe, et par le sentiment de battemens obscurs et profonds. Il avait un peu de fièvre et de soif. La jambe étant découverte fut trouvée plus tuméfiée que la veille, mais sans aucune trace d'inflammation; elle était ecchymosée dans toute sa longueur, jusqu'au-dessus du genou. Les pulsations de la partie moyenne étaient aussi évidentes que la veille, et pouvaient toujours être supprimées par la com- pression de l'artère fémorale ; la sensibilité était obscurcie dans toute l'étendue du membre. Il fallait prendre un parti , et connaissant un exemple de succès d'une semblable conduite dans un cas analogue, on se disposa à lier l'artère fémorale à la partie supérieure de la cuisse. Le malade étant couché horizontalement, on fit une incision de deux pouces et demi , qui commençait au bord interne du muscle cou- turier, dans le lieu où commencent les rapports de ce muscle avec l'artère fémorale, et qui s'élevait en suivant la direction de ce même vaisseau. La peau, le tissu cellu- laire sous-cutané, l'aponévrose fascia-lata furent divisés, et l'artère mise à nu. Alors l'extrémité d'une sonde cannelée, flexible et recourbée, fut portée sur le côté interne de l'artère, et conduite autour du vaisseau en procédant de dedans en dehors. Un stylet d'argent, portant une ligature triple, fut glissé dans la cannelure de la sonde : la ligature se trouva de la sorte placée sous le vaisseau. Après s'être assuré que la ligature était convenablement placée, qu'elle n'embrassait que l'artère, M. Delpech fît un nœud simple aux chefs de la ligature, et le serra immédiatement sur l'ar- tère, sans aucune interposition. Le premier nœud étant arrêté par un second, les chefs furent coupés tout contre les nœuds, et les lèvres de la plaie rapprochées dans toute leur étendue, et maintenues en contact à l'aide de bandelettes arr/c/fr rt '^-hhifo/Hir 'fume ,5 Pi IX . /'//// i , !/,,.„, r. ,. .Il \ PL6.W1- c ■ t : F,, /'., / r Ty 3 ■ I ' /',,, i ' % , y «»j $ éé //■/„.• J'/'/.Y Tome r ri si n w Raspad i/fl -Inatomie microscopique t/tv Fibnllct • Voyez encore Amard, Traité analytique de la Folie. (2) honesti Des gris et des bais-bruns on estime le cœur. Spadices, glaucique ; color deterrimus albis, Le blanc, Palezan-clair languissent sans vigueur. Et gilvo. ( Traduction de Delilte.) (ViBGim, Géorgie, lib. 5, vers Si.) 6. 3 18 M. C. GIROU. — MÉMOIRE couleurs incertaines; il est ou blanc, ou gris, ou brun plus ou moins clair: celui de l'outarde est rose. § IV. Influences de la nourriture sur la couleur des poils. On assure que lorsque les moineaux ou les alouettes mangent du chenevis, leur plumage en devient plus foncé. Blumembach rapporte que les Otaïtiens recherchés , qui veulent blanchir, vivent chaque année, pendant plusieurs mois, uniquement des fruits de l'arbre à pain. Ils attribuent à cette nourriture de grandes vertus pour blanchir la peau. On ne peut disconvenir cependant que les influences de la nourriture sur les cou- leurs des poils ne soient très faibles. § V. Influences du climat sur la couleur des poils. Les poils blanchissent dans les contrées boréales: ils se teignent de couleurs plus ou moins vives, plus ou moins foncées, entre les tropiques. Le paon, si richement paré dans l'Inde, devient blanc dans le Nord; et les poils de tous les animaux éprou- vent une semblable métamorphose , en passant de la zone torride à la zone glaciale ; il en est même dont le poil, dans un même pays, blanchit pendant l'hiver, et reprend ses couleurs pendant le printemps ou l'été. Les poils à insertion très profonde sont moins prompts que les autres à perdre leur couleur, d'après l'observation qui en a été faite par Edwards sur la femelle du . chardonneret jaune, dont la tête, les ailes et la queue conservent leur couleur pen- dant l'hiver, tandis que le reste du corps devient brun. Les bengalis, les veuves, etc. , changent de couleur dans l'intervalle des deux mues qui répond à la saison des pluies. C'est entre les tropiques, c'est dans le pays de l'or, du diamant, des pierres pré- cieuses, que les plumes et les écailles se teignent de couleurs métalliques, brillent de l'éclat du rubis, de la topaze, de l'émeraude et du saphir. § VI. Rapport de la couleur des poils avec celle des objets voisins de l'animal. L'accord de la couleur des poils avec celle des objets qui environnent l'animal a été aperçu depuis long-temps. Les anciens ont supposé, pour l'expliquer, que les animaux, frappés au moment de l'accouplement de couleurs inaccoutumées, les transmettaient à leurs petits. Tout le monde connaît le moyen dont se servit Jacob pour teindre de diverses couleurs une partie du troupeau de Laban. SUR LES POILS. 19 Bernardin de Saint-Pierre a vu , dans ce phénomène , une des voies de la nature pour conserver les animaux que leur lenteur ou leur faiblesse livrerait à leurs en- nemis1. On doit lui savoir gré des faits nombreux qu'il a recueillis et qui établissent du moins le phénomène dans ses vraies circonstances. Ce sont, en effet, les animaux qui vivent constamment près des mêmes objets, soit que la lenteur de leur-mouvement les y retienne, soit que leurs appétits ou leurs habitudes les y rappellent, qui en empruntent les couleurs. Aux divers sujets que ce brillant et harmonieux coloriste a ordonnés dans son tableau, au papillon qui dispute le prix de la couleur à la fleur qui seule fixe son inconstance, j'ajouterai le colibri, qui surpasse le papillon en éclat et en légèreté, et qui se nourrit de nectar comme lui; la taupe, noire comme la terre calcaire ou ba- saltique où elle creuse ses allées obscures ; le lagopède , qui ne se distingue de la neige, qu'il ne quitte jamais, que parce qu'il la surpasse en blancheur; les oiseaux de nuit , qui empruntent le gris semé de brun de leur plumage aux rochers et aux bissus , ou aux lichens qui les tapissent; la ligée, de la jusquiame, qui se confond avec la fleur de cette plante ; le bousier, noir comme la fiente desséchée qu'il roule en pilules. Je ferai observer enfin que, semblables à l'eau des rivages, les coquilles, ainsi que le ventre des oiseaux pêcheurs, sont argentés ou nacrés; que les poils des mammi- fères qui habitent les forêts sont fauves; et que les plumes des oiseaux qui font leur nid sur la terre et sous l'herbe sont mélangées de brun et de vert. art. 9. Influences du père et de la mère sur les poils et sur le duvet de leurs produits. Chez les animaux sauvages, le mâle et la femelle de la même variété d'une même espèce tendent à reproduire un même poil, qui est celui de la mère, à laquelle les petits ressemblent quelque temps après leur naissance, lorsque le duvet a disparu ou qu'il est recouvert parles poils. Mais bientôt les influences du sexe se montrent, et le mâle se distingue de la femelle, non qu'il doive cette forme nouvelle à son père, mais aux organes de la génération qui la produisent en se développant; car, si l'on prive l'oiseau de ses testicules, l'éclat de ses plumes s'efface. Mauduit a même observé, sur les veuves, que les femelles, parvenues à l'âge où elles cessent de pondre, prennent des plumes qui se rapprochent de celles du mâle. Lorsque deux variétés d'une même espèce, ou deux espèces d'un même genre, (0 10e Etudes de la Nature , art. des contrastes. 2o M. C. GIROU. — MÉMOIRE s'unissent , leurs petits tiennent , en général , par les poils , plus du père que de la mère. Mais les femelles plus que les mâles ressemblent au père ; et les mâles plus que les femelles ressemblent à la mère. J'ai fait là-dessus beaucoup d'observations ; mais afin de ne point fatiguer le lecteur, je n'en rapporterai que quatre. Les mulets, issus de l'âne et de la jument, ont en général le poil de l'âne; mais celui de la jument se retrouve bien plus rarement sur la mule que sur le mulet. C'est avec l'intention de connaître la marche de la nature, que j'ai fait cette observation dans un voyage en Languedoc. Je rencontrai sur ma route plusieurs mulets gris ou blancs, et point de mule de l'une de ces couleurs ; il y en a cependant , mais bien moins que de mulets. J'ai allié pendant plusieurs années, des jumens au poil bai, alezan, ou noir, avec l'Eclair, étalon arabe, gris rouan. Mes poulains ont été, en général, gris, et je n'ai eu qu'une seule femelle, produit de la vieillesse de ce cheval, qui ne le fût point; tandis que quelques mâles, je dirai même plus de la moitié, ont eu le poil de leur mère- Je tiens de M. D. L***, qui a été propriétaire d'une jument sans poil , que sur quatre produits qu'il en avait obtenus, lorsqu'il m'a fourni ces renseignemens, trois femelles avaient du poil comme l'étalon leur père, et un mâle avait été sans poil comme sa mère. J'ai examiné attentivement les agneaux d'un troupeau où l'on avait mis des béliers marqués de taches noires sur le nez : ces mêmes taches se trouvaient sur beaucoup d'agnelettes et sur très peu de mâles. Les influences du père sont d'autant plus grandes qu'il est doué d'un tempérament plus prolifique, plus inflammable : ainsi, plus l'étalon est jeune, plus il est ardent; plus le degré de chaleur du climat d'où il est extrait ou dont il est originaire est supérieur à celui du climat sous lequel est née la femelle ou dont elle est originaire, plus la race à laquelle il appartient prédomine par la force musculaire, par la chaleur du sang, sur celle de la femelle; plus sont grandes aussi ses influences sur la forme, l'organisation et le poil de ses produits. Elles sont, au contraire, bien légères, lorsque c'est la femelle qui est placée dans ces mêmes circonstances par rapport au mâle , et même lorsqu'il y a homogénéité entre le mâle et la femelle, sous les rapports de l'âge, du tempérament, de la race et du lieu de l'origine. Buffon a déjà observé que l'accouplement des espèces différentes est productif, lorsque l'espèce du mâle est plus ancienne que celle de la femelle, et que, dans le cas contraire , les résultats en sont nuls. SUR LES POILS. ii L'accouplement de l'âne avec la jument réussit plus sûrement que celui du cheval avec l'ânesse ; et celui du bélier avec la chèvre ne donne aucun produit, tandis qu'on en obtient du bouc et de la brebis. L'observation a été faite, depuis long-lemps, que le croisement par des mâles nés ou issus de climats plus froids que celui de la femelle ne produisait point l'amélioration désirée, c'est-à-dire analogue aux qualités du mâle. Les Ottomans, pour se reproduire en Egypte, ont épousé des Égyptiennes, et ils ont réussi; parce que leurs enfans tenaient, dans ce climat, plus de la mère que du père. LesMamelucks, qui ont dédaigné ces alliances, n'ont pu y conserver des enfans issus de leur union avec des Mingréliennes. Lee substances hétérogènes s'attirent, se combinent fortement. Les substances homogènes, au contraire, sont sans affinité ou même se repoussent. Les accouplemens consanguins réussissent moins que les autres. J'ai vainement livré une de mes jumens à son père, étalon très prolifique; elle n'a produit que lorsque je lui ai donné un étalon d'un sang étranger. Cette incertitude du résultat des accouplemens consanguins a sans doute été une des causes pour lesquelles on a proscrit les mariages entre parens. C'est surtout sur les poils à insertion très profonde que les influences du mâle sont sensibles. Les crins sont courts chez le mulet comme ceux de l'âne ; et ils sont longs chez le bardeau comme ceux du cheval; tandis que les autres poils sont plus ras sur le mulet, où ils se rapprochent, sous ce rapport, de ceux de la jument, et plus allongés sur le bardeau où ils se rapprochent de ceux de l'ânesse. D'où il suivrait que plus l'in- sertion des poils est superficielle , plus ils tiennent de ceux de la mère par le volume , sans cesser de tenir de ceux du père parla couleur. Il est remarquable que les baudets du Poitou , velus comme des ours , produisent des mulets au poil aussi ras que celui de la jument. Le poulain naissant est couvert sur tout le corps, à l'exception du dessus de l'encolure et de la queue , d'un duvet long et grossier, dont la couleur est ordinai- rement différente de celle que doit prendre l'animal au bout de quelques mois; par cette première robe , ou par le duvet , il tient en général plus de la mère que du père< M. C. GIROU. — MÉMOIRE DEUXIÈME PARTIE. PRECIS THEORIQUE. Je considère le système nerveux comme composé de la réunion de deux arbres, ou de deux systèmes, dont l'un, que j'appelle tactile interne ou moteur externe, a pour racines le nerf pneumo-gastrique et tous les autres nerfs du tissu papillaire interne, et pour branches les nerfs excitateurs des mouvemens volontaires ; tandis que l'autre , que j'appelle tactile externe ou moteur interne s a pour racines les nerfs sensitifs externes, et pour branches le grand sympathique. Les ganglions intervertébraux sont les collets de ces arbres nerveux , qui se continuent dans les faisceaux dont l'union forme les moelles épinière et allongée. On ne trouve que le premier de ces systèmes dans le animaux invertébrés ; on les rencontre tous deux dans les vertébrés. Les systèmes nerveux sont des appareils d'excitation réciproque , à l'aide desquels les modifications sensitives, au lieu d'exciter immédiatement les contractions fibreuses, incitent des organes d'association (le cerveau, le cervelet, les tubercules quadriju- meaux, etc.) , qui excitent les fibres et les sens. Les fluides électriques sont les agens immédiats de l'excitation réciproque. J'ap- pelle incitant celui qui transmet les sensations aux organes d'association, et excitant celui qui transmet l'attention aux sens, ou la volonté aux muscles, ou qui se dirige des organes d'association vers les surfaces intérieure ou extérieure. Le même fluide devient incitant ou excitant, suivant sa direction: le positif ou vitré est incitant mo- teur et excitant, tactile ; le négatif ou résineux est incitant tactile ou excitant moteur. Le sang est l'excipient commun des deux fluides d'excitation réciproque; il reçoit le positif du gaz oxigène, et le négatif de la bile, qui l'a reçu des alimens. Dans toute contraction fibreuse et dans toute sensation, il y a dépense simultanée d'excitant et d'incitant : par conséquent l'excitation réciproque de la sensibilité s'épuise dans les mouvemens; et vice versa. Les incitaus ne passent pas d'un nerf dans un autre; chaque nerf en a sa dose propre, qui, ou s'accumule à son extrémité périphérique et y produit l'incitation du besoin, ou est neutralisée en partie vers cette extrémité, dans les sensations; et sur les muscles, dans les contractions; et qui ne se meut que dans les modifications passives. Les incitans déterminent donc lhabitude et la capacité de chaque nerf, de chaque muscle. SUR LES POILS. 2$ Les excitans, au contraire, sont communs à tous les nerfs; partant d'un centre commun, ils peuvent rayonner dans tous les sens, obéir à toutes les associations, et s'épuiser sur un point au préjudice de tous les autres. Les pertes de l'incitant sont remplacées immédiatement par le sang, et celles de l'excitant par le nerf. Comme l'incitation détermine le besoin et, ultérieurement, l'étendue des forces; plus le fluide vitré abonde dans le sang, plus l'animal a besoin de se mouvoir, et plus grande devient sa force motrice : comme aussi plus le fluide résineux est abon- dant, plus l'animal a besoin de sentir, et plus grande devient sa force sensitive. On voit déjà quelles sont les influences du poumon et du foie, de l'air et des alimens, sur les capacités ou l'étendue des facultés motrice et sensitive. Celui des deux fluides qui est en excès par les influences de la nourriture ou du climat détermine la prédo- minance de la faculté dont il est l'incitant. Les nerfs excitateurs des mouvemens volontaires se continuent dans les poils ou dans leurs analogues (les écailles , les aiguilles , les plumes , etc.). Les nerfs tactiles se continuent dans le duvet 1. La substance cornée des poils vient, ou de l'enveloppe nerveuse, appelée névri- lème j ou du tissu fibreux de la peau, ou même des muscles, suivant que l'insertion en est profonde. Celle du duvet vient de l'enveloppe extrêmement mince des nerfs sensitifs, ou du tissu cellulaire du corps muqueux. C'est à la substance cornée qu'ap- partiennent la forme, le volume, la consistance, l'élasticité, la souplesse des poils; et à la substance nerveuse qu'en appartient la couleur. Je rapporte la propriété qu'ont les corps de réfléchir une couleur plutôt qu'une autre, à l'état électrique de leur surface; ils sont blancs, si c'est le fluide vitré, et noirs, si c'est le fluide résineux, qui y domine presque exclusivement. Des divers rapports de quantité des deux fluides résultent les couleurs intermédiaires, d'autant plus voisines du blanc, qu'il y a plus de fluide vitré; d'autant plus voisines du noir , qu'il y a plus de fluide résineux. Je passe à l'application de cette théorie. Les poils ou leurs analogues étant, ainsi que le duvet, des faisceaux composés d'un plus ou moins grand nombre de filamens réunis sous des enveloppes épider- moïques, sont susceptibles d'être divisés et sous-divisés; et cette division peut être le résultat de la répulsion des molécules électriques de même nom, que l'excitation dirige vers leurs extrémités. Toutes les circonstances qui accumulent l'incitant moteur ( électrique positif ) dans le sang, ou qui concourent à l'accroissement de la force motrice (le dévelop- (1) Je déduis la continuation des nerfs, oucelle vet, de considérations physiologiques qu'il serait de leur action excitatrice, dans les poils et le du- trop long de rapporter ici. 24 M. C. GIROU. — MÉMOIRE pement du poumon, la concentration de l'air par le froide l'usage d'alimens hydro- génés ou carbonnés, la volonté de se mouvoir, quelle qu'en soit la cause), accu- mulent aussi l'excitant moteur (électrique négatif) dans les nerfs qui se rendent à l'extrémité des poils et déterminent l'allongement , la division ou la finesse de ceux-ci ( les oiseaux , les animaux coureurs , etc.). Toutes les circonstances qui accumulent l'incitant tactile (électrique négatif) dans le san°-, ou qui concourent à l'accroissement de la force sensitive (l'usage d'alimens huileux ou graisseux, le développement du foie , le repos), accumulent aussi l'exci- tant tactile (électrique positif) dans les nerfs sensitifs, et, par conséquent, à l'ex- trémité du duvet dont elles déterminent la division et l'allongement (les piscivores, les carnassiers, et surtout les pingouins et les mammifères vermiformes). Lorsque les excitans sont dirigés spécialement sur une partie, les poils ou le duvet correspondans en reçoivent les influences spéciales ( les cornes des ruminans , les crins des chevaux, les pennes des oiseaux, les plumes du col du héron et du com- battant, celles de la huppe et de la queue des oiseaux lascifs, les ongles, les dents et le duvet du ventre des oiseaux palmipèdes, chez lesquels cette partie est un théâtre, tantôt d'épuisement, tantôt de condensation, de la sensibilité tactile, suivant qu'elle repose sur un lieu plus chaud ou plus froid que celui qui entoure le reste du corps). Lorsque les excitans sont consommés dans les mouvemens ou dans les sensations, c'est au détriment des poils et du duvet, qui, en ce cas, restent courts et grêles, par défaut de nutrition et de vie (le poil des chevaux arabes et de tous les chevaux soumis à un exercice continu, le duvet de l'eider ou du gerfaut). Lorsque les excitans sont accumulés par défaut de sensations ou de mouvemens accoutumés, les poils et le duvet en reçoivent un accroissement spécial ( le poil des animaux domestiques privés d'exercice et de pansement1, tous les duvets, pen- dant l'hiver et sous les latitudes polaires, la naissance du duvet sur les ruminans, sous ces latitudes ). Entre les tropiques, 1 excitant tactile est consommé dans les sensations infiniment plus nombreuses que près des pôles, ou bien il est entraîné par la transpiration; tandis que, dans ces derniers climats, cet excitant, que rien ne dégage, se condense à la surface et y détermine la formation du duvet. Il est encore possible que dans les contrées équatoriales, l'enveloppe des nerfs tactiles n'ait point assez de consistance pour fournir à un duvet tassé ; cette opinion est rendue vraisemblable par la grande sensibilité dont jouissent les habitans de ces contrées; tandis que dans les climats froids, dont l'humidité favorise la végétation (i) L'électrisation des poils, lorsqu'on néglige tillement et leur tendance à s'entre-fuir vers leur de les étriller, de les bouchonner, de les brosser extrémité libre, la première fois qu'on les sou- ou de les peigner, devient manifeste par leur pé- met à un frottement de propreté. SUR LES POILS. 25 du tissu cellulaire, ces nerfs doivent être recouverts d'un névrilème épais, comme l'annonce la presque insensibilité des habitans des côtes occidentales de l'Amérique septentrionale, qui se coupent les chairs aux yeux de l'européen étonné, et rient de sa surprise. La surface des eaux, soumise à l'action d'un soleil ardent, est électrisée bien plus positivement que la vapeur qui passe dans l'atmosphère. Il y a donc à cette surface une cause d'attraction qui agit sur les pennes de la queue des oiseaux perchés au- dessus, et qui en détermine l'allongement: cette action est continue et très puis- sante sous la zone torride. Une cause analogue occasionne l'allongement des poils cutanés en hiver, ou sur les hautes montagnes, ou sous les zones glaciales. L'usage d'alimens acides s'oppose à ce que la bile soit résineuse, puisqu'ils sont électrisés vitreusement l. Or, ce n'est que par l'électricité résineuse que le sang veineux décompose l'air et enlève à l'oxigéne son électricité vitrée. Il est donc essentiel à l'accroissement des forces motrices que les alimens soient hydrogénés ou azotés; qu'ils soient, en un mot, électrisés résineusement, et que l'air soit condensé par le froid. Les femmes, qu'embellit la faiblesse des muscles, aiment les citrons, le vinaigre; »es hommes qui se glorifient de leur force, la soutiennent, l'animent, l'exaltent, l 'épuisent par l'usage du vin et des liqueurs spiritueuses. Les poils prennent des couleurs foncées entre les tropiques, parce que l'électricité résineuse y domine; ils blanchissent près des pôles, où l'électricité vitrée abonde 2. Les poils musculo-cutanés échappent quelquefois, ou pendant quelque temps, aux influences du climat , parce qu'ils sont plus soumis que les autresà celles du tempé- rament. Instrumens de la volonté, ils appartiennent pour ainsi dire à la vie animale et végètent sous ses influences; d'ailleurs, étant ordinairement plus gros que les poils cutanés, ils peuvent recevoir une couche plus épaisse de substance nerveuse, et leur enveloppe aussi plus épaisse, peut mieux que celle des nerfs cutanés la préserver des influences du climat. La substance nerveuse a, comme la tourmaline , de l'affinité pour les deux fluides électriques qui s'établissent sur elle dans des rapports variables de quantité; mais comme elle en est modifiée et qu'ils sont peut-être la partie la plus essentielle de ses principes nutritifs, ils- finissent par s'y établir dans les mêmes rapports d'équilibre où ils se trouvent sur les corps voisins. Cependant, comme elle est susceptible d'acquérir une capacité déterminée et transmissible par la génération pour les modifications de longue durée , et que cette (1) On fera, pour prouver que les acides sont (2) Le même corps est électrisé vitreusement, électrisés vitreusement, le raisonnement déjà fait s'il est blanc; résineusement, s'il est noir, au sujet de l'oxigéne. 6. L a6 M. C. GIROU. — MÉMOIRE capacité qui, dans celte circonstance, n'est autre chose que le degré d'affinité de la substance nerveuse pour chaque fluide électrique, devient, lorsqu'elle est le pro- duit d'une longue habitude, essentielle à la nature de l'animal; celui-ci conserve lon^-temps ses couleurs, quoique loin des objets près desquels il les a acquises. Il est évident qu'il n'y a que les animaux qui vivent long-temps et constamment près des mêmes objets, qui puissent en être modifiés dans leurs couleurs. Je ferai remarquer ici que les couleurs métalliques que les animaux prennent sous la li et M. Romane Ui , surintendant des infirmeries, je procédai à l'examen rigoureux de l'état actuel de la malade , comme avaient fait auparavant MM. Lotti et Fabbrichesi. L'exploration intérieure et extérieure du bas- sin me convainquit que celui-ci ne formait pas à l'extérieur un ovale comme à l'or- dinaire, mais qu'il offrait plutôt une disposition irrégulière ou re ni forme , pour me ser- vir de l'expression de madame Lachapelle , tandis que l'os sacrum s'avançait du côté gauche, et que l'extrémité inférieure de cet os s'étendait beaucoup plus bas que de coutume. Je reconnus, parle toucher, que le rétrécissement du bassin avait lieu surtout dans le sens du diamètre antéro-postérieur ou sacro-pubien, dont l'étendue avait à peine trois travers de doigt. Les parties molles étaient un peu enflées. Après que l'infirmière eut constaté l'état des choses, il conclut, ainsi que moi , que l'accouchement ne pouvait s'effectuer par les voies ordinaires; et comme dans cet hôpital il est d'usage, pour l'utilité et l'instruction des élèves, avant que les opéra- tions soient pratiquées , que les malades soient examinés et considérés par les pro- fesseurs attachés à l'hôpital , sous les rapports des causes des maladies, de la conve- nance des opérations, et des méthodes qu'on doit préférer, on appela en consultation les professeurs de clinique externe, ceux d'accouchement, le professeur d'institutions chirurgicales et le professeur de clinique interne. Cependant MM. les profeseurs Uccelli, Bigeschi et Betti ayant examiné la malade D'UNE OPÉRATION CÉSARIENNE. 35 et exploré l'état des parties affectées, convinrent unanimement que le vice du bas- sin ou l'étendue du diamètre sacro-pubien était d'environ deux pouces et demi , et ils furent d'avis qu'il fallait frayer une autre voie cbez cette femme , pour la délivrer des souffrances auxquelles elle était en proie , vu qu'on ne pouvait rien espérer des efforts salutaires de la nature. Le professeur d'accouchement M. Bi- geschi, considérant d'abord la convenance des opérations différentes proposées en semblables cas, démontra l'inutilité de l'application du forceps , lequel, bien qu'il eût pu vaincre l'obstacle que présentait le rétrécissement du bassin et qu'on fût par- venu par son moyen à saisir la tête du fœtus, ne pouvait facilement servir à l'extrac- tion de celle-ci , à cause du manque d'espace suffisant pour son passage à travers les détroits. Quant à l'encéphalolomie et à l'embryotomie , opérations mortelles pour le fœtus, toujours très dangereuses pour la mère, il les rejetait tout-à-fait, sur ce que l'opérateur ne pouvait limiter la force qu'il imprime à l'instrument, ni en con- naître la direction, exposant ainsi la matrice à être blessée et à souffrir plus ou moins , en conséquence de la manœuvre qu'on serait contraint de pratiquer dans son intérieur. 11 ne restait plus qu'à passer en revue la symphyséotomie et l'opéra- tion césarienne. Le même professeur, M. Bigesclù, ût observer que la symphyséo- tomie, opération préparatoire à l'accouchemeut instrumental, n'était pas applicable au cas présent, tandis que la seconde avait l'avantage sur toutes les autres, tant sous le rapport de la facilité de l'exécution, que sous celui de son influence directe sur la délivrance. MM. les professeurs Uccelli et Betti étaient du même avis. Ils examinèrent ensuite le temps où on devait pratiquer l'opération césarienne; et M. le docteur Nespoli professeur de clinique interne ayant émis l'opinion quele fœtus pou- vait être asphyxié, puisque dans le courant de la matinée jusqu'à huit heures, le cordon ombilical avait présenté des pulsations , et que la mère assurait avoir senti un mouvement obscur dans cette partie , proposa qu'on ne différât pas un instant à pratiquer l'opération projetée. Mais M. lé professeur Bigescld répondit qu'en admet- tant douze probabilités, onze étaient pour la mort, une seulement en faveur de l'asphyxie , et que le manque de pulsation du cordon pendant l'espace de cinq heu- res, et la compression soufferte par la tête du fœtus durant deux jours entiers, étaient des motifs raisonnables pour croire à la mort absolue de l'enfant. Néanmoins la seule probabilité qui existait en faveur de l'asphyxie du fœtus , le détermina à consentir à l'opératiou immédiate, et d'après le sage conseil des consultans, on était sur le point d'en venir à l'exécution , quand arrivèrent MM. les professeurs Andreini et Miclielacci, auxquels on exposa le fait dans tous ses détails, ainsi que les résultats de la consultation. A l'égard de la méthode à préférer dans l'exécution de l'opération césarienne, tous approuvèrent celle qui avait été proposée parle professeur Uccelli; c'est-à-dire l'inci- 36 M. A. TASS1NARL — HISTOIRE sion de la ligne blanche, et ils convinrent d'employer ensuite la suture enchevillée, considérant la réunion au moyen d'emplâtres agglutinatifs, du bandage unissant et de la position comme insuffisante pour tenir en contact mutuel et permanent les lèvres de la plaie, quand le météorisme viendrait à se développer. J'avais déjà préparé tout ce qui était nécessaire pour l'opération, et la malade fut transportée dans la salle des opérations et placée sur un lit solide et dur. Après l'avoir sondée , je fis un pli transversal à la peau, entre l'ombilic et le pubis, et la main armée d'un bistouri à lame convexe , sous la direction de M. le professeur Uc- celli , je pratiquai sur les tégumens une incision parallèle à la ligne blanche, que j'étendis jusqu'à un pouce de distance du pubis. Ensuite , je fis pénétrer la sonde cannelée entre les couches aponévrotiques qui composent la ligne blanche , que je coupai peu à peu, tantôt de bas en haut, et tantôt de haut en bas, jusqu'aux angles de l'incision, de la manière la plus exacte qu'il me fut possible. Le péritoine mis à découvert fut soulevé avec une érigne convenable, et coupé avec des ciseaux. Ensuite M. Andreini le déchira avec les doigts indicateurs des deux mains jusqu'aux angles de la plaie. L'utérus, qui se présenta alors, était fortement contracté. Je l'incisai à main suspendue, de son bas-fond jusqu'à son col, parallèlement à la plaie extérieure . de manière à pénétrer dans sa cavité. Puis M. le professeur Andreini , s'aperce- vant du peu de commodité que j'avais dans la position où je me trouvais, à l'aide d'un bistouri boulonné prolongea inférieurement l'incision de l'utérus d'en- viron un demi-pouce, et saisit aussitôt la partie du fœtus qui se présentait , c'est-à- dire le bras gauche, et chercha à l'attirer au dehors. Mais, s'apercevant de la difficulté qu'il éprouvait en voulant ainsi extraire le fœtus, ce dont il avait été prévenu par les autres professeurs, il renonça à son entreprise. Alors M. le professeur Michelacci fit rentrer ce bras dans l'utérus , et ayant pris le fœtus par les pieds , parvint à l'ame- ner au dehors avec la plus grande facilité. Comme la tête, engagée dans le dé- troit supérieur, n'aurait pu aisément s'en dégager, l'habile professeur Uccelli in- troduisit la main dans le vagin , et quand M. Michelacci vint à soulever le fœtus par les pieds, il repoussa la tête en haut, et en facilita beaucoup l'extraction. Il ne fut besoin pour entraîner le placenta à la suite du fœtus, que d'exercer une légère trac- tion sur le cordon ombilical, lequel, coupé et laissé ouvert pendant quelque temps, ne laissa sortir aucune goutte de sang. On employa encore d'autres moyens pour ranimer le fœtus, qu'on croyait asphyxié, mais ils furent tous vains et inutiles. Les lèvres de la plaie furent rapprochées, après avoir accordé quelques momens de répit à la malade., qui, malgré son état et ses douleurs, s'informait avec anxiété de l'état de son enfant. On pratiqua de légères frictions pour faciliter les contrac- tions utérines. Ensuite je passai cinq aiguilles, suivant les régies de l'art, pour faire D'UNE OPERATION CESARIENNE. 37 la suture emplumée. D'après le conseil de tous les opinans , je plaçai une tente ou mèche de charpie à l'angle inférieur de la plaie pour favoriser le dégorgement des matières purulentes qui devaient sortir par la suite. La plaie fut couverte d'un peu de charpie, deux plumasseaux furent mis sur ses côtés, et on appliqua le bandage unis- sant, que l'on recouvrit d'un bandage de corps. Le traitement consécutif fut confié à M. le professeur Andreini. La malade ayant été transportée dans la chambre destinée aux accouchées, et pla- cée dans un endroit convenable à l'abri de toute espèce de bruit, on lui administra une potion légèrement calmante. Dans la journée elle ne prit d'autre nourriture qu'un peu de bouillon, fit usage, pour boisson, d'une décoction de fleurs de mauve et reposa un peu. A six heures après midi un peu de sang s'était écoulé de la plaie et du vagin, et il s'était développé un peu de météorisme; et comme on redoutait qu'il ne survînt une forte fièvre, le chirurgien prescrivit une saignée de douze onces. A minuit il se déclara une fièvre assez violente avec un pouls dur et résistant, le mé- téorisme augmenta, et la plaie devint très douloureuse. On pratiqua une nouvelle saignée de sept onces. Le \l\mai, dans la matinée, le pouls était éminemment fébrile et résistant, et on fit une troisième saignée de six onces. A deux heures après midi, vomissement précédé de nausées provoquées par l'usage continuel de la décoction de mauve qui constituait toute la matière rejetée. Craignant les nuisibles conséquences de cet accident sur les parties intéressées dans l'opération, je substituai à la décoction de mauve de l'eau de fontaine à la glace. Le vomissement cessa aussitôt et la malade n'éprouva plus qu'une simple nau- sée. A sept heures, du soir, on suspendit la boisson glacée pour y substituer de l'eau de source. A onze heures, la fièvre était augmentée, le pouls était résistant , le météorisme se maintenait dans le même degré, il s'écoulait continuellement du vagin du san^ liquide, et de plus, l'ischurie était survenue. La malade fut sondée, on lui donna un lavement simple pour remédier à la constipation, et on lui fit une saignée de six onces. i5 mai. La constipation et l'ischurie continuent. La fièvre est violente. Deux lave- mens simples sont administrés. On sonde et on saigne de nouveau la malade. lômai. L'état général de la malade est fort amélioré , la fièvre médiocre, le pouls est ample et épanoui, et le bas-ventre moins météorisé. Les lochies fluent en abon- dance; cependant douleur à la partie inférieure de la plaie et à la fosse iliaque droite. Dans le cours de la nuit la malade dormit à longs intervalles, et elle urina naturellement. Chaleur halitueuse de la peau. La constipation alvine continuant, on lui fait prendre une demi-once d'huile de ricin. L'administration de ce remède fut suivie d'évacuations de matières liquides jaunâtres. 38 M. A. TASSINARI. — HISTOIRE 17 mai. La fièvre est plus violente, malgré les évacuations alvines survenues. Dou- leur vive à la plaie, à la fosse iliaque droite, et à la tête. Nouvelle saignée de six onces. Il ne s'est rien écoulé du vagin. Le météorisme du bas-ventre est augmenté. Dans le courant de la journée, ces symptômes sont sensiblement amendés. L'appa- reil a été trouvé pénétré de matières purulentes mêlées à du sang , et vers le soir un peu de sérosité purulente a commencé à s'écouler. 18 mai. Fièvre moindre. Pendant la nuit elle a eu deux évacuations alvines, pas tout-à-fait liquides. Douleur moindre à la plaie et dans la fosse iliaque, qui se faisait ressentir par intervalles. On a levé l'appareil extérieur des bandes et de la couche supérieure de la charpie qui était imbibée de sang et d'un pus fétide. !ûf( 20 mai. Pendant la nuit , sommeil interrompu. Inquiétude produite par un accès de fièvre avec frisson. Les mamelles sont devenues douloureuses et un peu tuméfiées, sans indices de sécrétion de lait. Légère douleur à la tête. Il s'écoule beaucoup de matières puriformes du vagin et de la plaie. A une heure après-midi , comme la fièvre persistait avec violence, et avec un pouls résistant, on pratiqua une saignée de trois onces. Deux lavemens simples ont provoqué plusieurs éva- cuations alvines de couleur et de consistance presque naturelles. La malade accuse de l'appétit ; on insiste sur la diète rigoureuse et sur l'usage de l'eau de source pour boisson; à minuit augmentation de la fièvre; saignée de deux onces. 21 mai. Pendant la nuit, sommeil interrompu , mais tranquille; fièvre petite, pouls mou. En présence de tous les professeurs qui avaient assisté à l'opération, et de tous les élèves, et avec M. le chirurgien traitant, je levai l'appareil qui était tout trempé de matière purulente. La plaie est réunie dans toute son étendue, à l'ex- ception de l'angle inférieur où était la tente ou mèche de charpie, et dans cet en- droit la plaie offre un bon aspect, et ses bords sont un peu tuméfiés. On panse avec des plumasseaux de charpie enduits d'onguent rosat, et un bandage ordinaire. Pendant les jours suivans , on ne changea rien au traitement local. La fièvre di- minuait par degrés ; les évacuations alvines devenaient plus régulières. On conti- nuait le même régime diététique. On voyait paraître des bourgeons charnus à l'an- gle inférieur de la plaie, et la cicatrice, qui était déjà commencée supérieurement, se consolidait progressivement. 27 mai. Le point de suture placé à la partie inférieure de la plaie tomba sponta- nément , et comme on jugeait que la cicatrice formée à la partie supérieure de la plaie était, suffisamment consolidée, on enleva le point de suture correspondant à l'ombilic. Du reste, même pansement. 28 mai. Erysipéle au pubis. Cataplasme émollient. On ôte un autre point de su- ture. Même pansement et même régime alimentaire. Vers le soir, on renouvelle le pansement. L'érysipèle était diminué. Même cataplasme. D'UNE OPÉRATION CÉSARIENNE. 39 29 et 3o mai. La malade ne paraît avoir éprouvé aucun mouvement fébrile , et le pouls est apyrétique. Lerysipèle du pubis est presque entièrement disparu. Néan- moins on a encore renouvelé le cataplasme pour le détruire tout-à-fait. La malade se trouve assez bien. 3i mai. Disparition totale de l'érysipèle. L'angle inférieur de la plaie est déterré et en partie réuni. On a enlevé tous les autres points de suture , et on a substitué les emplâtres à la charpie enduite d'onguent rosat. Même bandage. Les jours suivans, la plaie diminue par degrés d'étendue et la cicatrice acquiert plus de solidité , et sous l'influence du même traitement local , la malade se trouve en état le 7 et le 8 juin, de se lever un peu de son lit. A compter du jour où elle commença à être sans fièvre, on se relâcha sur la ri- gueur de la diète, les forces et la vigueur augmentèrent, et le 16 juin elle sortit de l'hôpital parfaitement guérie, après qu'on lui eut appliqué un bandage de corps muni d'une plaque à l'endroit qui correspondait à la cicatrice. Je viens de tracer, du mieux que je l'ai pu, l'histoire d'une opération très grave qui compromet la vie d'un individu, et souvent celle de deux, dans laquelle le chi- rurgien a la moindre part s ou s le rapport du succès, qui dépend presque tout entier de la nature et du caractère de la malade. Il n'est pas étonnant que. sans rappeler les paroles des Rousset, des Sacombe , la plupart des historiens véridiques de sem- blables faits annoncent leur issue fatale, par l'influence puissante qu'exerce sur l'opération la simple méthode de traitement général proposé et sanctionnée par la pratique des célèbres médecins Rasori, et Tommasini, et localement celle qui a été préconisée par l'illustre Angiolo Rannoni, une des lumières de cette école. Je suis convaincu par ma pratique dans cet hôpital de la vérité incontestable qu'un grand nombre d'opérations qui par elles-mêmes semblaient promettre le plus heureux succès se terminaient d'une manière funeste, par l'effet du caractère moral exces- sivement timide et découragé des malades. On doit donc des éloges à notre école, pour le choix des meilleures méthodes dans l'exécution des opérations, pour l'emploi du traitement le plus convenable, et notre malade mérite aussi des éloges pour le courage peu commun qu'elle a montré en se résignant aux chances de l'opération. Il m'appartenait de faire connaître au public une opération qui, pour !a première fois, a été exécutée sur le vivant, dans cet hôpital I. et R., autant pour rendre jus- tice au mérite de mes maîtres MM. Uccelli, Betti , Miclielacci, Bigeshi et Andreini . par le premier desquels j'ai été spécialement dirigé dans l'exécution de l'opération, que pour l'honneur des élèves de cette école qui sont instruits par ces professeurs avec tant de philantropie. 4o M. A. TASSINARI.— HISTOIRE D'UNE OPÉRATION CÉSARIENNE. ANNOTATION. (1) Nous avons ici (dans l'hôpital de Santa- Maria-Nuova de Florence) la louable coutume de faire exécuter les opérations par le premier élève interne en chirurgie, di Medicheria (de la classe de ceux qui sont chargés du pansement), c'est-à- dire par celui qui est le plus près de quitter l'hô- pital , lorsque tou tefois il en est jugé capable, après divers examens , et après l'avoir fait exercer à toutes les opérations sur le cadavre. Cependant le jeune opérateur doit toujours agir sous notre di- rection et sous notre surveillance , en sorte que s'il arrive le moindre incident anormal ou im- prévu, l'opération est aussitôt terminée par les professeurs. Pour les convenances de l'hôpital, pour l'honneur de la profession et dans l'intérêt du malade, les jeunes élèves admis dans la classe de ceux qui sont chargés des pansemens, et les professeurs eux-mêmes peuvent être presque con- sidérés comme formant une seule et unique per- sonne. Les avantages qui dérivent de ce système sont immenses. Par là on attire et on fixe davan- tage l'attention des jeunes élèves, on les oblige à s'instruire tant dans la théorie que dans la con- naissance pratique non-seulement des maladies et du traitement qui leur convient, mais encore à s'exercer dans les opérations pour ne pas s'ex- poser au déshonneur de se voir enlever l'instru- ment des mains ; ils acquièrent ainsi cette im- passibilité, cette fermeté d'ame trop nécessaire à celui qui se voue à l'exercice de cet art si salu- taire, et ils sont plus empressés et plus attentifs à ce que tout soit fait comme il convient dans le traitement des opérés. S'il y a quelqu'un qui puisse en souffrir, c'est uniquement le profes- seur de clinique qui renonce à la première part de la gloire de l'opération en faveur du jeune opérateur, et qui se charge de la majeure partie des conséquences. Un si grand sacrifice est toute- fois dû à la vraie philanthropie, à l'amour pour la jeunesse studieuse, au bien de l'humanité. Ainsi nos jeunes élèves, quand ils ont obtenu la faculté du libre exercice de la profession, ayant exécuté non-seulement toutes les opérations sur le cada- vre, mais encore un grand nombre d'entre elles sur le vivant, sont devenus tout à la fois bons théoriciens, excellens praticiens et habiles opé- rateurs. [Anno di clinica esterna deW J. e R. arcispedale de Santa- Maria. -Nuova, del professore Filippo Uccelli. ) (2) On appelle ainsi, dans l'hôpital SantaM aria nuova de Florence, un médecin-chirurgien chargé d'inspecter et de surveiller l'administration des moyens curatifs, chirurgicaux et médicaux. DES BRANCHIES ET DES VAISSEAUX BRANCHTAU DANS LES EMBRYONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, PAR M. LE PROFESSEUR CH.-ERN. BAER1. PREMIER MÉMOIRE. Je viens de recevoir une lettre de mon honorable ami M. le docteur Rathke , par laquelle il m'écrit ce qui suit: « Enfin j'ai aussi trouvé des traces de branchies chez des embryons humains, « savoir dans un embryon de six ou sept semaines, expulsé de l'utérus tout récem- « ment. Il y en a deux de chaque côté, une antérieure , plus considérable, et une « postérieure, beaucoup plus petite. Comme les fentes qui les séparent pénétrent « jusque dans le pharynx , elles sont tellement distinctes qu'il ne peut rester aucun « doute sur leur existence. » Cette communication me rappelle des recherches que j'ai faites l'hiver dernier sui- des embryons humains. Les plus petits d'entre eux ne m'offrirent point de tentes branchiales. Elles manquent également dans les embryons d'autres animaux vertébrés, dans les premiers temps de la formation , ce dont je me suis convaincu plus d'une fois sur des oiseaux, des grenouilles et des serpens. L'âge où on les voit le mieux (1) J'ai promis de donner quelquefois dans ce j'ai observé, il y a plus de dix ans , les orifice? recueil les travaux les plus importans, ou l'indi- dont parlent ces anatomistes, et sur des em- cation des découvertes faites en anatomie, en bryons de mammifères, d'oiseaux, et sur ceux physiologie et en pathologie, par les médecins de reptiles. Mes travaux étaient tous dirigés vers étrangers. En publiant ce Méinoirede M. Baer, je l'organisation primitive de l'organe auditif, je re- remplis ma promesse, et je lais connaître en gardais ces ouvertures branchiales comme étant France un des points les plus curieux de l'a- liées à la disposition de cet organe, que je consi- natomie et de la physiologie modernes. C'est à dèrais comme servant à une espèce de respira- MM. Rathke, Huschke et Baer que la science est tion qu'on ne peut refuser à l'embryon, quoique redevable de ces observations. Je dirai . non cette idée soit contraire aux opinions générale- pour appuyer la déclaration de ces savans, ils ment reçues. Je n'ai point publié mes observa- n'en ont pas besoin, ou pour réclamer l'hon- tions, mais si le temps me permet de reprendre neur d'une découverte, mais seulement pour ce travail je m'expliquerai plus tard à ce sujet, augmenter le nombre des faits : je dirai que G. Breschet. 6. 6 4 2 M. BAER. — PREMIER MÉMOIRE chez les embryons humains me paraît être celui de cinq semaines, du moins à en juger par un sujet auquel je donne cet âge , comparativement à un autre embryon dont je savais, avec certitude, qu'il avait six semaines , lequel n'offrait plus les ouver- tures branchiales et était beaucoup plus développé que celui du même âge qui a été figuré par Sœmmerring. L'embryon doDt je parle présentait trois fentes branchiales, peu reconnaissables à l'extérieur, si on ne pressait pas en arrière les parties latérales du cou; car la partie du cou, située devant la première fente, recouvrait les arcs branchiaux, sous forme d'un opercule court. (Si on peut donner ce nom, avec M. Rathke, au lobe qui, dans l'embryon des oiseaux, se trouve devant la première fente). Mais cette espèce d'opercule n'était pas arrondie ; il était aussi appliqué sur les ouvertures, au lieu de s'en écarter, comme chez les oiseaux. La fente la plus posté- rieure était beaucoup plus courte que les deux autres antérieures. Elles devinrent extrêmement distinctes après l'incision du pharynx. Cependant je ne doute pas qu'il n'y ait, chez l'homme et peut-être dans tous les vertébrés terrestres , primitivement quatre fentes branchiales; mais je pense aussi qu'elles ne se forment, ni ne disparaissent en même temps. On sait déjà par les recherches de Huschke (Isis, vol. xx, p. 4oi ), qu'il y a, dans chaque arc branchial des embryons des oiseaux, une arcade vasculaire . qui d'un tronc commun, venant du cœur, conduit à l'aorte; toutes ces arcades ne passent pas immédiatement dans le tronc de l'aorte, comme on pourrait le présumer, d'après l'exposition de M. Hus- chke, mais l'aorte se compose de deux racines, et chacune de celles-ci reçoit les arcades vasculaires de son côté. Aussi se manifeste-t-il , peu à peu, plus d'arcades vasculaires que M. Huschke n'en a vu; or, ces mêmes arcades vasculaires existent aussi dans d'autres animaux vertébrés. Déjà l'hiver dernier j'avais trouvé, dans des embryons de chien de trois jours, de chaque côté , quatre arcades vasculaires gorgées de sang , et je croyais reconnaître , en outre, de chaque côté un cinquième vaisseau, le plus postérieur, très délié, qui ne semblait charrier que du sang incolore. Comme ce vaisseau n'était pas distinct, et que je ne connus pas encore bien la succession des arcades vasculaires dans les embryons d'oiseaux, je n'osai pas représenter cette cinquième arcade sur la planche : Epistota de ovi mammalium genesi, planche dont la publication a été pendant si long-temps retardée 1. Dans d'autres recherches que j'ai faites, le printemps et l'été suivans, sur le déve- loppement du poulet, j'ai trouvé que celui-ci possédait le troisième jour quatre arcades (1) Cet ouvrage est maintenant publié et nous rolus - Ernest us a Baer, Zoolog. profess. pub. l'avons sous les yeux; son titre est: De ovi mam- ordin. Regiomontanus. Lipsiœ, sumptibus Leopoldi malium et hominis Genesi epistolam ad academiam Vossii, 1827. G. Brescfif.t. imperialcm scientiarum Pciropolitanam, dédit Ca- SUR LES BRANCHIES ET LES VAISSEAUX BRANCHIAUX. 43 vascuiaires de chaque côté, ayant une origine commune du bulbe de l'aorte, et formant l'aorte vers le dos , de telle manière que les quatre arcades de chaque côté , en se réunissant, constituaient une racine de l'aorte. Ces arcades vascuiaires naissent peu à peu les unes après les autres ; la plus antérieure se reconnaît déjà vers le milieu du second jour, bientôt une seconde se manifeste derrière la première, en même temps que celle-ci devient plus grande, et enfin apparaissent une troisième et une quatrième. La quatrième arcade est encore très faible au commencement du troisième jour. Vers cette époque se forment aussi les trois fentes entre les arcs branchiaux, et devant la première paire de ces arcs l'ouverture buccale, comme la somme de deux fentes branchiales , antérieures qui se sont réunies. Aussi cette ouverture buccale primitive n'est pas, à proprement parler, l'ouverture buccale des temps postérieurs ; ce n'est que plus tard que se développent les mâchoires et avec elles la cavité buc- cale; on peut considérer l'ouverture en question comme un orifice de la cavité pharyngienne, rapport physiologique qui l'assimile déjà aux ouvertures des bran- chies. Cependant , pour éviter la confusion , je ne rangerai pas cette fente impaire parmi les fentes branchiales. L'ouverture auriculaire, qui ne se manifeste qu'au cin- quième ou sixième jour, ne se réunit pas avec les fentes branchiales. A la fin du troisième jour, cet appareil branchial est déjà un peu changé ; les ouver- tures non-seulement sont plus grandes, mais la quatrième arcade vasculaire est plus grosse et égale presque les autres. Le quatrième jour, la première arcade vasculaire devient de plus en plus méconnaissable, et cela par deux raisons. D'un côté, le tissu cellulaire se développe davantage au premier arc branchial, et cache par conséquent l'arcade vasculaire; d'un autre côté, celle-ci se rétrécit et ne laisse plus passage, dans la seconde moitié du quatrième jour, qu'à un filet sanguin mince, peu coloré, et à la fin de ce jour on ne la reconnaît plus du tout. Cette première arcade vascu- laire a donné naissance, par son point le plus convexe, à l'artère carotide, et lorsque l'arcade s'atrophie, sa partie qui se continue avec le bulbe de l'aorte devient le tronc de l'artère carotide, qui reçoit alors son sang en arrière des arcades vascuiaires sui- vantes. La seconde arcade devient aussi plus faible , tandis que la troisième et la qua- trième arcades reçoivent la majeure partie du sang, et, derrière elles, il s'en forme une cinquième, encore petite lorsque la première est oblitérée. Pendant que cela se passe dans les arcades vascuiaires, la première fente branchiale se ferme insensi- blement; et il en paraît, en revanche, une nouvelle entre l'arc qui était primiti- vement le quatrième, et celui qui s'est formé en dernier lieu. Au commencement du cinquième jour, il y a par conséquent, de nouveau, quatre arcades vascuiaires et trois ouvertures branchiales, mais qui ne sont pas les mêmes que celles du troisième jour, puisqu'une fente branchiale et une arcade vasculaire 44 M. BAER.— PREMIER MÉMOIRE ont disparu antérieurement, tandis que de semblables parties se sont formées en arrière. La fente branchiale la plus postérieure est toujours beaucoup plus courte que celles qui la précèdent. Pendant le cinquième jour disparaît aussi l'arcade vasculaire, qui a été primitivement la seconde (ou la première du quatrième jour) , et les deux suivantes en deviennent plus fortes. Le cinquième jour il y a, par conséquent, trois arcades vasculaires de chaque côté, savoir : la troisième, la quatrième et la cinquième, en comptant celles qui ont disparu déjà. A la fin du cinquième jour, les fentes branchiales, encore existantes, commen- cent à se remplir de tissu cellulaire , et s'effacent ordinairement tout-à-fait le sixième jour, la fente la plus antérieure restant reconnaissable le plus long-temps. Elle est, à compter du quatrième jour, recouverte d'une saillie en forme de lame, que l'on peut comparer à un opercule. Quant au changement ultérieur, il dépend principalement d'une métamorphose qui se passe dans le bulbe de l'aorte. Cette partie renferme primitivement une cavité unique. A compter du cinquième jour cette cavité unique, presque sacciforme, se convertit en deux canaux se séparant peu à peu, de plus en plus, et se contournant réciproquement. Cette séparation en deux canaux paraît être déterminée par la cir^ constance que les ventricules se séparent par une cloison de plus en plus complète, et qu'il entre par conséquent dans le bulbe de l'aorte deux courans sanguins de mieux en mieux séparés. Le courant qui vient du ventricule droit arrive plutôt que l'autre aux arcades vasculaires, il pourvoit aux deux arcades les plus postérieures, et à l'ar- cade moyenne (primitivement la quatrième), du côté gauche. Le courant du ven- tricule gauche remplit, au contraire, les deux arcades antérieures (primitivemenl la troisième) et l'arcade moyenne (primitivement la quatrième) , du côté gauche. La raison pour laquelle les deux courans du sang ne remplissent que certaines arcades, dépend de la direction imprimée à ces courans, en partie par leurs rapports avec les ventricules, en partie par une rotation continue qui s'opère dans tous les points du cœur; ce qui ne peut être exposé ici sans figures et sans entrer dans de grands détails. Il me suffit de faire remarquer que les deux flux sanguins se séparent de plus en plus l'un de l'autre dans le bulbe de l'aorte, et qu'à la fin chacun d'eux acquiert une paroi vasculaire propre, qu'ils se séparent ensuite extérieurement, et sont alors les troncs très courts de l'artère pulmonaire et de l'aorte futures. Je dis de l'artère pulmonaire et de l'aorte futures, car, en ce moment, tout le sang se réunit encore dans un même vaisseau que l'on doit nommer aorte. Elle naît sous la colonne verté- brale par deux racines, comme précédemment, et chaque racine reçoit toutes les arcades vasculaires de son côté, qui ne sont pas encore oblitérées. Tant que les fentes branchiales pénétraient jusque dans la cavité pharyngienne, les arcades vasculaires étaient contenues dans les arcs branchiaux correspondans. SUR LES BRANCHIES ET LES VAISSEAUX BRANCHIAUX. 45 Mais aussitôt que ces fentes sont remplies , les arcades vasculaires abandonnent le voisinage de la cavité pharyngienne et se retirent. Par là elles se rapprochent déjà, à compter du sixième jour, de leur forme future. Joignez à cela que l'arcade la plus postérieure du côté droit disparaît peu à peu, et n'est plus reconnaissable le septième jour, attendu que le courant du sang du ventricule droit est dirigé de manière à passer devant cette arcade, pour entrer dans l'arcade la plus postérieure du côté droit, et dans l'avant-dernière du côté gauche. Comme, en outre, les deux arcades primi- tivement les plus antérieures se sont oblitérées, et que la troisième et la quatrième sont, au contraire, renforcées , le sang qui entre par ces arcades dans les racines de l'aorte, se porte par conséquent aussi en arrière vers l'origine de chaque racine de l'aorte et de là dans la carotide , qui est un prolongement de la racine de l'aorte dans le sens opposé. Ainsi une partie de la racine primitive de l'aorte devient le tronc de l'artère carotide. Il existe, par conséquent, au huitième jour trois arcades vasculaires à droite, et seulement deux à gauche. Ces cinq arcades sortent du cœur, avec deux autres petits troncs vasculaires , maintenant entièrement séparés, qui se sont formés du bulbe de l'aorte. Les arcades antérieures des deux côtés et l'arcade moyenne du côté droit pro- viennent du ventricule gauche; les deux postérieures sortent du ventricule droit. Toutes se réunissent en deux racines de l'aorte, qui sont d'un volume encore assez égal; l'extrémité antérieure de chacune de ces racines donne naissance immédiate- ment à l'artère carotide. A l'endroit où l'arcade antérieure (primitivement la troi- sième) passe dans la racine de l'aorte, on voit déjà se détacher une petite artère, formée nouvellement, qui se rend dans le membre antérieur. La tête et le membre antérieur se développant davantage et exigeant de plus en plus de sang, l'arcade an- térieure pousse la majeure partie de son sang dans les vaisseaux qui se rendent à ces parties, et insensiblement de moins en moins dans la racine aorlique de son côté. Il en résulte que l'arcade antérieure se montre de plus en plus décidément, comme le tronc bracbio-céphalique ; c'est, en un mot, un tronc innominé qui, le treizième jour, n'envoie plus qu'une faible branche communicante dans la racine de l'aorte, dont il se détache de plus en plus. Cette branche faisait primitivement partie de la racine de l'aorte. Dans les derniers temps de l'incubation, les troncs innominés sont entièrement dégagés de la racine de l'aorte. Les arcades postérieures des deux côtés envoient, par contre, des branches dans les poumons voisins. Au huitième jour, ces branches sont encore très faibles et dif- ficiles à trouver ; mais elies ne tardent pas à grossir, et, dans la dernière moitié de la période d'incubation, elles se montrent les continuations immédiates des arcades, tandis que leurs passages dans l'aorte deviennent de plus en plus faibles, et sont nommés conduits artériels (de BotaH. 46 M. BAER. — PREMIER MÉMOIRE Ces conduits sont très inégaux; celui du côté droit est plus court que celui du côté <*auche, qui est l'unique reste de la racine de l'aorte de ce côté, et beaucoup plus étroit que la racine de l'aorte du côté droit. A droite on voit, en effet, l'arcade moyenne se renforcer et devenir le commen- cement de l'aorte descendante, qui reçoit les autres communications seulement comme des parties subordonnées. L'oiseau étant sorti de l'œuf et ayant respiré quelque temps, tout le sang du ven- tricule droit Hue dans le poumon. Les conduits artériels s'oblitèrent et il y a deux circulations séparées , l'une se faisant du cœur droit à travers le poumon dans le cœur waucbe l'autre du cœur gauche à travers le reste du corps dans le cœur droit. C'est ainsi que la circulation, simple d'abord, se divise insensiblement en une circulation double ; et il est facile maintenant de se faire une idée générale de toutes ces mé- tamorphoses. Cinq paires d'arcades vasculaires sortent peu à peu d'avant en arrière du bulbe de l'aorte. Jamais ces cinq arcades ne sont en activité à la fois. Entre ces cinq arcades vas- culaires il se forme quatre ouvertures branchiales , mais qui n'existent pas non plus si- multanément ; devant elles se trouve une ouverture buccale ou pharyngienne (je préfère nommer ainsi l'ouverture buccale dans les premiers temps, attendu que c'est, en effet, le passage futur de la cavité buccale à la cavité pharyngienne). Ces fentes ou ouvertures branchiales limitent quatre arcs branchiaux, la dernière arcade vas- culaire n'étant pas séparée du reste du corps. Le plus antérieur de ces arcs bran- chiaux est primitivement fort semblable aux autres, raison pour laquelle je n'ai pas hésité à lui donner le même nom; il se développe aussitôt après la disparition de son arcade vasculaire, beaucoup plus fortement, et se convertit en mâchoire inférieure, par l'effet d'un dépôt abondant de matières nouvelles, et par les cartilages et les os qui s'y forment plus tard. — De ces cinq paires d'arcades vasculaires , la première de cha- que côté et la cinquième du côté gauchers' effacent bientôt. La troisième arcade de chaque côté devient le tronc brachio-céphalique ou innommé.; la quatrième arcade du côté droit devient le tronc de l'aorte descendante; la cinquième du côté droit et la quatrième du côté gauche;, se convertissent en artères pulmonaires. Le tronc commun , très court, des deux artères pulmonaires , ainsi que le tronc, aussi court , de l'aorte proprement dite . se forment par la transformation de la cavité unique du bulbe aortique en deux canaux distincts. Ce qui me fait croire que le système vasculaire des mammifères subit une méta- morphose semblable, c'est que les quatre arcades vasculaires que j'ai observées dans des embryons de chiens, avaient la plus grande ressemblance avec les quatre arcades vasculaires de l'embryon d'oiseaux dans la première moitié du quatrième jour; la première arcade, par exemple, offrait la même courbure qu'elle affecte dans l'oiseau, avant sa disparition, et qu'il semblait déjà y avoir la disposition pour une cinquième SUR LES BRANCHIES ET LES VAISSEAUX BRANCHIAUX. 47 arcade. Mais il faut qu'il y ait une différence dans cette métamorphose, puisqu'elle ne produit pas les mêmes résultats ; car, dans le chien , l'aorte descend sur le côté gauche, il n'y a qu'un conduit artériel, et celui-ci ne mène pas dans la partie descendante, mais dans la partie ascendante de l'aorte. Mais les recherches me man- quent pour pouvoir déterminer en quoi consiste cette différence. Quand on compare le système vasculaire des sauriens et des ophidiens adultes avec celui des oiseaux, on trouve d'abord que l'aorte naît par deux racines, absolument telle qu'elle se montre dans l'oiseau avant qu'il soit éclos. Nous voyons ici une organisation, passagère dans les oiseaux, persister chez les sauriens et les ophidiens pendant toute la durée de leur vie; je fus, par conséquent, agréablement surpris de trouver, chez des embryons de lézards, cinq arcades vasculaires en activité à la fois. de sorte que même les vaisseaux branchiaux offrent simultanément des rapports qui . chez les oiseaux , ne se montrent que successivement. On observe cet état dans les embryons du lézard gris commun (lacerta agilis) , avant la ponte de l'œuf. Tous les lézards et serpens, ovipares, ne pondent les œufs que lorsque l'allantoïde de l'em- bryon est déjà assez avancée pour pouvoir se charger de la fonction respiratoire. La respiration de ces embryons de lézards . quand on les place sous le microscope , dure pendant des heures entières: il n'est donc pas difficile de se convaincre de l'existence de toutes ces arcades vasculaires. Je n'ai pas pu me procurer des serpens de cette période, mais d'une période un peu antérieure; j'ai observé, chez eux, quatre arcades vasculaires de chaque côté; or, comme la moitié antérieure des embryons de serpens ressemble, à s'y méprendre, à celle des embryons de lézards plus jeunes, et que la distribution des vaisseaux est plus tard la même , je ne doute pas un instant de l'iden- tité de la métamorphose vasculaire dans ces deux sortes de reptiles. On pourrait conclure de ces données que tous les embryons de vertébrés, qui ne se développent pas dans l'eau , ont cinq paires d'arcades vasculaires , lesquelles se manifestent simultanément dans les espèces inférieures, et successivement dans les espèces élevées. Il s'agit de voir maintenant si les vertébrés aquatiques n'ont pas le même nombre d'arcades vasculaires. Chez les larves des batraciens nous ne connaissons, à la vérité, que quatre paires d'arcades vasculaires, qui persistent beau- coup plus long-temps que chez les animaux supérieurs. Mais il faudrait s'assurer si. à une époque antérieure, il ne se trouve pas une cinquième arcade, en avant, sous la mâchoire , qui se développe. Chez les larves de grenouilles, il est difficile de reconnaître ces arcades vasculaires, dans les premiers temps, à cause de la couleur foncée des têtards, et malheureusement je n'ai presque pas pu me procurer cette année de larves de salamandres assez jeunes. — Le mode de développement des arcs branchiaux et des ouvertures qui les séparent est, dans l'essentiel, le même que celui qui est indiqué dans les oiseaux et les mammifères ; seulement l'espace compris 48 M. BAER. — PREMIER MÉMOIRE SUR LES BRANCHIES, etc. entre l'ouverture branchiale la plus antérieure, et l'ouverture buccale, est plus grand dès le principe. Les poissons osseux ont, comme on sait, quatre arcades vasculaires qui existent pendant toute la durée de la vie dans des branchies permanentes. La disposition n'est cependant pas la même , puisque leur arc branchial le plus postérieur est séparé du reste du corps par une fente; mais cette fente est souvent très petite, ce qui rend la différence un peu moins grande. Il serait curieux de rechercher si ces animaux ont, à l'état de fétus, encore une autre arcade vasculaire , outre les vaisseaux branchiaux permanens ; et si cette arcade se trouve derrière les branchies les plus postérieures , ou devant l'arc branchial le plus antérieur, comme il est présumable par analogie avec les animaux terrestres. M. de Blainville soutenait autrefois que tout le sang des poissons ne passait pas par Jes vaisseaux branchiaux, mais qu'une partie était distribuée à la tête sans avoir traversé les branchies. 11 a rétracté plus tard cette assertion. Si cette donnée était exacte, on pourrait reconnaître dans ce vaisseau, se rendant à la tête, le reste d'une des arcades branchiales les plus antérieures. On voit, en effet, chez Yesturgeon , un rapport semblable qui est persistant; mais cette artère céphalique ne vient pas im- médiatement du tronc artériel, elle sort de chaque côté de l'artère branchiale la plus antérieure. Dans les plagiostdmes enfin, on voit cinq vaisseaux branchiaux persistans, de chaque côté, et il serait fort possible que ce fussent les mêmes arcades vasculaires, que nous avons aussi trouvées dans d'autres vertébrés, et que , chez les plagiostdmes, aucune de ces arcades vasculaires ne disparût. La circonstance que, dans ces pois- sons, la première arcade vasculaire se rend aussi à des branchies, ne milite pas contre cette comparaison , puisque nous savons par le mode de développement des em- brvons des mammifères, des oiseaux et des reptiles supérieurs, que les arcades vasculaires existent les premières, et que la formation des ouvertures branchiales leur succède et est vraisemblablement déterminée par elles. L'histoire du développement des batraciens démontre d'une manière irrécusable que la formation des branchies est un perfectionnement de l'organisation des arcs branchiaux et des arcades vascu- laires. Si donc toutes les cinq arcades vasculaires sont persistantes chez les plagios- tômes, il ne doit pas être étonnant que la plus antérieure donne lieu également à un développement de branchies. Peut-être même le peu de développement de lamâchoire inférieure, chez Yesturgeon et les plagiostdmes proprement dits (lesraies et les st/nales) , est ea rapport avec la persistance de l'arcade vasculaire la plus antérieure. Les cyclostômes offrent un nombre plus considérable encore de vaisseaux bran- chiaux persistans. Mais ces animaux diffèrent des autres vertébrés à tel point, qu'on pourrait presque leur attribuer un type propre , ou du moins une déviation très con- sidérable du tvpe des animaux vertébrés proprement dits. DES BRANCHIES ET DES VAISSEAUX BRANCHIAU DANS LES EMBRYONS DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, PAR M. LE PROFESSEUR CH.-ERN. BAER. SECOND MÉMOIRE. Dans mon premier Mémoire j'ai admis seulement, par analogie, l'existence de cinq paires d'arcades vasculaires, entre le cœur et l'aorte, dans les mammifères, aujourd'hui je suis à même de l'établir d'après des observations positives. J'ai examiné d'abord cinq embryons de chiens, qui étaient un peu plus âgés que celai qui est figuré dans mon Epistola de ovi mammalium et hominis genesi, fig. 7. L'allantoïde s'était déjà considérablement portée en avant, l'intestin était fermé, il n'y restait plus qu'une ouverture en l'orme de fente ; l'occlusion de la cavité abdo- minale était avancée presque au même degré , mais le cordon ombilical ne s'était pas encore développé. Ces embryons pouvaient être comparés, sous le rapport de leur développement , avec des embryons de poulet, âgés de quatre jours. Dans tous, les quatre fentes branchiales étaient encore ouvertes, telles qu'elles avaient été vues par M. le docteur Rathke, lorsqu'il publia, pour la première fois, son intéressante dé- couverte. La fente la plus antérieure ne descendait pas aussi bas que les postérieures. Ces quatre ouvertures branchiales, jointes à l'ouverture buccale, limitent, de la même manière que dans les lézards, cinq arcs branchiaux, qui étaient inégaux entre eux. Les deux arcs les plus antérieurs faisaient une saillie très considérable à la face la- térale du corps. Les trois postérieurs étaient beaucoup moins prononcés. On remar- quait très distinctement, dans le premier, le passage à la mâchoire inférieure, et dans le second on voyait l'opercule s'allonger et saillir en dehors. Il y avait dans chacun des trois arcs branchiaux postérieurs une forte arcade vasculaire, qui était gorgée de sang. La plus postérieure de ces arcades vasculaires donnait , du moins au cote droit, une branche collatérale qui se plongeait dans la face latérale du corps. J'ai vu 6. 7 5o M. BAER.— SECOND MÉMOIRE avec surprise qu'il y avait, en outre, dans chaque arcade vasculaire, près de son bord interne et concave, un autre vaisseau délié, mais dont je n'ai pas bien pu saisir les rapports. Aucun embryon, soit de cette classe , soit de toute autre classe, ne m'avait encore rien offert de semblable. Dans les deux arcs branchiaux antérieurs , qui étaient très renforcés et saillans , on ne reconnaissait plus les arcades vasculaires. Peu de temps après j'ouvris une lapine , chez laquelle je trouvai des œufs depuis le volume d'un pois jusqu'à celui d'une muscade; il arrive souvent que les œufs de ces animaux ont un volume très inégal. Les embryons de ces œufs n'étaient pas aussi différens, mais pourtant assez pour présenter divers degrés de l'évolution. Tous avaient quatre ouvertures branchiales et cinq arcs branchiaux. Dans les petits em- bryons je remarquai , au premier coup d'œil , que les arcs antérieurs étaient parcourus par un vaisseau et ressemblaient assez aux arcs postérieurs. Dans les autres embryons, plus développés, les deux premières branchies étaient beaucoup plus saillantes, comme dans les embryons de chiens, et on n'y reconnaissait plus les vaisseaux ex- térieurement. Mais lorsque je fendis l'appareil branchial de dedans en dehors, je vis très distinctement les arcades vasculaires des arcs branchiaux cheminer le long de leur bord interne, qui est tourné vers la cavité pharyngienne. Je conclus de ces observations que, tandis que les deux arcs branchiaux les plus antérieurs se transfor- ment, l'un en mâchoire inférieure, l'autre en opercule, l'accroissement de substance est plus considérable à leur bord externe qu'à l'interne ; d'où il résulte que les arcades vasculaires deviennent invisibles à l'extérieur , beaucoup plus tôt qu'elles ne dispa- raissent réellement. Les vaisseaux des arcs postérieurs étaient très reconnaissables dans tous ces embryons; ils offraient le même aspect que dans les lézards. Dans les embryons qui étaient le moins avancés , les arcades vasculaires les plus postérieures étaient très étroites. Il existe par conséquent aussi , dans les mammifères , cinq paires d'arcades vas- culaires, qui unissent le cœur à l'aorte. Les plus jeunes de ces embryons de lapin, mais plus encore l'embryon de chien, qui est représenté fig. 7 de YEpistola de ovi rriammalium gcnesi, nous font voir que ces arcades vasculaires se développent d'avant en arrière , absolument comme dans le poulet. Les anatomistes trouveront peut-être étrange que les vaisseaux branchiaux, et surtout les ouvertures branchiales, existent plus simultanément dans les mammifères que dans les oiseaux. Ce fait, de la certitude duquel mes observations ne me permet- tent pas de douter, dépend, sans doute, des particularités qui distinguent la classe des oiseaux dans la série des êtres. Lés oiseaux sont, parmi les animaux vertébrés, ce que sont les insectes parmi les invertébrés; car de même que les différentes parties qui constituent le corps des insectes ne se développent pas simultanément , mais à des périodes successives; de même cela a lieu, chez les oiseaux, mais à un SUR LES BRANCHIES ET LES VAISSEAUX BRANCHIAUX. 5i ' degré moindre; en effet, les différens changemens que subit leur extérieur aux di- verses époques de leur vie ne sont autre chose qu'une manifestation ultérieure de la périodicité du développement qui régne déjà dans l'œuf , et qui se manifeste, entre autres , dans la formation et la disparition de l'appareil branchial. En ce qui concerne l'appareil branchial, passager, des vertébrés terrestres, je dois, avant de terminer, expliquer pourquoi j'indique un plus grand nombre d'ares et de vaisseaux branchiaux que les autres observateurs. La circonstance que l'ouverture branchiale, la plus antérieure, se raccourcit de bonne heure, et que sa partie supé- rieure persistepluslong-teinps que l'inférieure, paraît avoir été cause que M. Huschke a pris cette ouverture pour l'orifice du conduit auditif. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'orifice externe du conduit auditif ne peut rien avoir de commun avec l'appareil branchial, puisque l'oreille n'appartient pas à la moitié inférieure du corps des ani- maux vertébrés, mais à la supérieure (la moitié supérieure est située au-dessus du rachis, l'inférieure au-dessous) , tandis que l'appareil branchial fait réellement partie de la moitié inférieure. La trompe gutturale seule est un prolongement de la moitié supérieure du corps, qui s'avance dans la moitié inférieure, et l'ouverture de cette trompe dans la cavité pharyngienne a , en effet , d'autant plus de ressemblance avec l'orifice interne de chaque cavité branchiale, que l'embryon . dans lequel on l'examine, est moins avancé en âge. OBSERVATIONS SUR LA SAIGNÉE GÉNÉRALE ET LOCALE, COMME MOYENS THÉRAPEUTIQUES DANS LES EMPOISONNEMENS, PAR M. A. VERNïÈRE, DOCTEUR EN MEDECINE. (Mémoire lu à la Société Philomatique le 16 août 182S.) Les expériences que je vais avoir l'honneur de soumettre à la société philomatique me furent suggérées par la mort du sieur Drake , qui périt l'an dernier victime de la morsure d'un des serpens à sonnette qu'il exposait à la curiosité du public. On se souvient que tous les moyens empiriques et rationnels furent mis en usage avec beaucoup de promptitude et d'énergie par des médecins habiles, sans qu'il ait été possible d'arrêter un moment les funestes effets du poison. Drake succomba à la vio- lence du mal sous les yeux de ses médecins, tristes et impuissans spectateurs de sa mort. Quel secours pouvait-on attendre de l'application de la ligature autour du membre et de la ventouse sur la partie empoisonnée. La ligature et la ventouse satisfont à peine à la moitié la moins importante du problème qu'on doit se proposer en pareille circonstance. Le plus difficile reste encore à faire , je veux dire l'extraction du venin. Il est évident que la ligature ne saurait atteindre ce but; je prouverai par des expériences que la ventouse est également impuissante pour arriver à ce résultat, sans lequel on n'a fait que prolonger inutilement l'agonie du malade. Le point réellement im- portant en pareille circonstance, c'est d'enlever le poison de la partie dans laquelle il a pénétré , et c'est le besoin bien senti d'y parvenir à tout prix , qui a fait proposer à tous ceux qui ont compris la théorie des empoisonnemens de cautériser, de brûler, d'amputer profondément la plaie sur laquelle le venin a été déposé. Cette opération sans doute est sanglante, cruelle, mais elle est pleinement justifiée par l'imminence du danger. Cependant ne serait-il pas possible de sauver les jours du SUR LA SAIGNÉE GENERALE ET LOCALE. 53 malade par des moyens plus doux? C'est ce que vont démontrer, je l'espère, les expériences que j'ai faites. PREMIERE EXPERIENCE. Sur une plaie pratiquée à la patle d'un jeune chien, j'appliquai trois grains d'ex- trait alcoolique de noix vomique , préparé chez M. Pelletier. Aussitôt après je plaçai une ligature au-dessus de l'articulation huméro-cuhitale du membre empoisonné, j'injectai ensuite lentement, parla veine jugulaire, autant d'eau tiède que l'animal put en supporter sans beaucoup souffrir. J'enlevai la ligature , l'animal resta fort paisible pendant une demi-heure; passé ce temps, la ligature fut remise en place et serrée de manière à interrompre la circulation veineuse seulement, comme dans une saignée ordinaire ; j'ouvris ensuite la veine principale du membre immédiatement au-dessous de la ligature, et je recueillis le sang qui en provenait dans une capsule de verre. Après avoir lavé bien soigneusement la plaie empoisonnée et fait couler encore un peu de sang, la ligature fut enlevée et l'animal rendu à la liberté. Peu affecté de l'opération assez longue qu'il venait de subir, il n'a manifesté aucun des signes qui caractérisent l'empoisonnement par la noix vomique. Une large saignée à la veine jugulaire, en détruisant la pléthore, n'a fait naître aucun accident. Huit jours après l'expérience l'animal se portait assez bien ; je le fis servir à de nouvelles recher- ches. Cependant le sang provenant de la première saignée, celui que j'avais recueilli dans une capsule de verre, après avoir été rendu liquide en le filtrant au travers d'un linge, fut injecté, mêlé avec une égale portion d'eau tiède, dans la veine ju- gulaire d'un autre chien. Un tétanos général suivit cette injection, et l'animal suc- comba presque aussitôt. La science doit à M. Magendie de nous avoir fait connaître par des expériences positives l'influence qu'exerce l'état de plénitude des vaisseaux sur l'absorption. On sait que ce physiologiste habile put dans les belles expériences qu'il rapporte dans son Mémoire sur l'absorption , faire varier le phénomène selon ses désirs , l'augmenter par des saignées, le diminuer et même le faire cesser tout-à-fait par une abondante infusion d'eau tiède dans les veines. Cette influence de l'état de pléthore des vais- seaux sur l'absorption étant bien connue, elle nous donnera un moyen bien simple et fort peu douloureux d'extraire le poison des tissus qui s'en trouvent imprégnés. Il est facile de comprendre en effet, que lorsqu'il y aura pléthore générale, si l'on vient à ouvrir une des veines voisines du lieu empoisonné , le sang qui coule par la veine ouverte pourra seul s'imprégner du venin, car cette veine et ses afïluens sont les seuls vaisseaux capables d'absorber, parce qu'ayant un dégorgement facile , seuls ils ne sont point en état de pléthore , état qui, d'après l'expérience, est incom- 54 M. A. VERMÈRE.— OBSERVATIONS patible avec l'absorption. Si de plus une ligature vient, comme on l'a vu dans l'ex- périence précédente, empêcher le retour du sang veineux, le courant sanguin ayant lieu uniquement de l'artère à l'ouverture de la veine , le poison introduit dans les vaisseaux est forcé de suivre le cours du sang veineux qui l'entraîue au dehors. L'absorption, si funeste dans toute autre circonstance, devient ici un moyen de salut; elle va dans la profondeur des tissus recueillir les molécules de la substance vénéneuse, pour les déposer dans la veine qui doit les éliminer. Telle est l'explication facile à l'aide de laquelle nous pouvons nous rendre un compte très satisfaisant du résultat que nous venons d'obtenir sur le chien dont nous avons tracé l'histoire. Cette expérience était décisive et le moyen thérapeuti- que d'une efficacité évidente et complète , mais il entraînait avec lui un inconvénient grave dans la pratique: l'infusion d'une quantité considérable d'eau dans les veines est une opération à laquelle se décideraient difficilement bien peu de malades , el que presque aucun médecin ne voudrait pratiquer, effrayés qu'ils sont tous du danger un peu chimérique d'introduire avec l'eau une bulle d'air dans les veines. Mais heureusement cette opération si redoutée n'est qu'une complication inutile , et j'aurais bien pu m'en apercevoir si j'avais été moins préoccupé des expériences de M. Magendie ; et de fait, si la pléthore générale est un obstacle à l'absorption, il doit nécessairement en être de même de la pléthore locale pour la partie qu'elle occupe ; or rien n'est plus aisé que de produire une pléthore partielle au moyeu d'une ligature sur un membre, et ensuite en ouvrant une des principales veines au-dessus d'elle, de faire couler au dehors le sang chargé du poison absorbé , l'expérience con- firme pleinement ce que fait pressentir un raisonnement si simple. DEUXIÈME EXPÉRIENCE. Trois grains d'extrait alcoolique de noix vomique sont appliqués sur une plaie faite à la joue droite d'un chien de petite taille. Après huit minutes, pendant les- quelles je tenais les veines jugulaires modérément comprimées avec les deux pouces, celle du côté empoisonné mise à nu, est ouverte d'un coup de lancette, le sang coule abondamment, et l'animal remis sur ses pattes n'éprouve plus qu'un peu de faiblesse : le lendemain de l'expérience il était tout-à-fait remis. TROISIÈME EXPÉRIENCE. Trois grains du même extrait sont étendus sur une large plaie faite à l'abdomen d'un chien de petite taille. La plaie ne saigne pas, je note cette circonstance: on applique sur elle une large ventouse à pompe, et l'on maintient soigneusement SUR LA SAIGNÉE GÉNÉRALE ET LOCALE. 55 le vide pendant six minutes; la ventouse enlevée , on lave promptement la plaie , avec la plus grande attention de ne pas y laisser de poison. L'animal détaché est saisi quelcpjes instans après de violentes convulsions, et il ne tarde pas à suc- comber. L'application de la ventouse s'est montrée ici d'un faible secours, bien que dans . un assez grand nombre de circonstances elle paraisse douée d'une efficacité assez remarquable. A quoi peut tenir une pareille différence dans son action? II sera facile de nous en rendre compte si nous voulons nous reporter à ce que nous avons vu précédemment , et si , abandonnant des explications qui ont eu un moment de faveur dans la science, nous ne cherchons à voir dans la ventouse qu'un moyen d'arrêter la circulation capillaire dans une partie , et de déterminer ainsi une pléthore locale. La ventouse enlevée, la circulation se rétablit, l'engorgement se dissipe et l'absorp- tion recommence. Telle est l'action constante de la ventouse , toutes les fois que des vaisseaux ouverts ne permettent pas au sang empoisonné d'être versé au dehors . comme dans l'expérience une et deux, à mesure qu'il est absorbé. Le mode d'action de la ventouse étant bien connu, il nous sera facile de la rendre efficace ou inutile en l'appliquant tour à tour sur une plaie saignante ou sur une plaie qui ne saigne pas. Telle est l'utilité de l'écoulement du sang dans une plaie empoisonnée qu'il peut à lui seul, pour peu qu'il soit abondant, prévenir tous les accidens toxiques, et ce fait si important pour la pratique, n'avait pas échappé à la sagacité de Redi ; on lit à ce propos, à la vingt-neuvième page de l'édition d'Amsterdam, de ses obser- vations sur les vipères , les paroles suivantes : Hinc crgo equidem colligo quantum pos- sit Juvare illos , qui à viperis sint demorsi , scari /Icare juxtà prœceptum antiquorum locwn commorsum, ad evocandum sanguinem, aut applicare cucurbitulam , aut admo- vere unam vel duas hirudines bene pur gâtas, aut cxsurgendum prœbere homini vulnus. La ligature n'étant qu'un moyen d'emprisonner le sang infecté dans une partie, et de prévenir son passage dans le système circulatoire général, il résulte de là que ce moyen ne saurait avoir qu'une utilité momentanée, à moins que la ligature en cau- sant l'engorgement des tissus ne détermine l'écoulement par quelque vaisseau ouvert dans la plaie, d'une quantité de sang, et ne serve ainsi d'émonctoire au poison. QUATRIÈME EXPÉRIENCE. Trois grains d'extrait alcoolique de noix vomique sont enfoncés sous la peau qui recouvre la face dorsale de la patte droite d'un jeune chien, le même membre est aussitôt entouré d'une ligature fortement serrée. Après cinq minutes d'application, le poison est enlevé avec beaucoup de soin. La plaie bien nettoyée, on ôte la liga- ture; l'animal rendu à la liberté se promène d'abord très paisiblement, mais bientôt 56 M. A. VERMERE.— OBSERVATIONS il est saisi de convulsions tétaniques d'une violence extrême. Je pratique à l'instant une lar<*e saignée à la veine jugulaire. Le sang coule avec abondance ; au bout d'une demi-minute les convulsions cessent, et l'animal remis sur ses pattes reprend ses promenades comme auparavant, seulement de temps en temps il fait entendre quel- ques inspirations râlantes qui ne tardent pas à disparaître. La ligature serrée dont j'avais entouré le membre de l'animal, en supprimant à la fois les circulations artérielle et veineuse, avait empêché la pléthore de se produire, aussi le tissu cellulaire s'était-il imprégné de poison, et quelque soin qu'on eût mis à bien laver la plaie , la quantité d'extrait imbibée dans les tissus s'est trouvée suffisante pour déterminer, lorsque la ligature a été enlevée , un tétanos des plus violens. De cette expérience découlent des conséquences thérapeutiques de la plus grande importance. Elle démontre en premier lieu l'inutilité d'une ligature même fortement serrée, lorsqu'on ne fait pas couler au dehors le sang empoisonné qu'elle tient emprisonné dans le membre qu'elle embrasse. Elle démontre encore , et c'est là un fait d'un tout autre intérêt en toxicologie . qu'alors même que le poison a pénétré fort avant dans le torrent de la circulation , le mal n'est pas au-dessus des ressources de l'art, et qu'il est possible, au moyen de larges et abondantes saignées générales, d'atteindre la substance vénéneuse et de la chasser de l'économie. On conçoit en effet, et l'expérience le prouve, que si la sai- gnée est pratiquée de bonne heure, lorsque le poison est encore contenu dans les orosses veines, le poumon on le cœur, on conçoit, dis-je, que si l'on ouvre au sang des voies larges et faciles par l'incision de grosses reines, il passe de préférence par le chemin où il trouve moins de résistance, et que partant la quantité destinée aux autres organes soit diminuée dans la proportion de celui qui passera en plus par les veines ouvertes. On conçoit même que si l'ouverture des veines offre une assez libre issue pour que la quantité de sang poussée par chaque contraction du ventricule aauche sorte à la fois par la saignée , tout le sang infecté que renfermaient les grosses veines , les poumons et le cœur, et même les grosses artères dans lesquelles il peut rétrograder, soit porté hors de l'organisme, sans que la masse générale du sang ait subi une diminution bien grande. Ce raisonnement ne saurait être une vaine hypo- thèse; ce n'est qu'ainsi qu'il est possible de se rendre raison de la cessation subite de tous les accidens par l'effet de la saignée de la veine jugulaire dans un empoison- nement qui. tel que celui de la quatrième expérience, avait débuté avec une aussi effrayante énergie. La quantité de poison qui reste encore dans les artères en se mêlant à la masse du sang s'y trouve tellement étendue , que sans doute elle n'a plus assez de force pour produire des accidens prononcés. Quoi qu'il en soit, le fait de ia guérison de l'empoisonnement par la saignée faite dans les circonstances conve- SUR LA SAIGNÉE GÉNÉRALE ET LOCALE. 57 nables et avec les précautions nécessaires est incontestable, ii importe beaucoup moins que son explication offre quelque difficulté 1. Lorsque le poison est également réparti dans toute la masse du sang, doit -on attendre un grand succès de l'emploi des évacuations sanguines? Dans cette circon- stance qui ne peut avoir lieu qu'alors que le poison absorbé est au-dessous de la dose mortelle, on peut hardiment répondre qu'elle sera moins efficace ; mais on conçoit quelle puisse être utile encore en soustrayant une certaine quantité de sang, elle diminue en même temps la dose du poison , les accidens devront par conséquent être diminués dans la même proportion. En un mot, on peut compter que la saignée générale soulagera tous les malades, et pourra sauver ceux chez lesquels la dose absorbée ne dépasse pas d'une quantité trop considérable la dose justement né- cessaire pour produire la mort, si elle est pratiquée avant que les organes sur lesquels doit agir le poison aient reçu une atteinte incurable. La saignée générale, large et plantureuse, n'est pas salutaire seulement comme moyen d'éliminer le poison absorbé , elle est utile encore pour prévenir l'inflamma- tion qui pourrait être la suite de son action sur l'organe qui se montre plus spécia- lement affecté, ou sur les parties sur lesquelles il a été déposé, s'il est en même temps une substance acre, irritante ou corrosive. Lorsque la quantité du poison absorbé sera fort considérable , quand on n'aura plus l'espérance fondée de l'abaisser au moyen d'abondantes saignées au-dessous de la dose mortelle, ou, lorsqu'après la S9ignée le malade n'éprouvera pas assez de sou- lagement pour qu'on doive espérer pour ses jours, si même la progression des symp- tômes toujours de plus en plus effrayans ne laissait entrevoir, ni dans les ressources de la nature, ni dans les secours de la thérapeutique aucun moyen de salut, j'oserais pour ces cas désespérés proposer la transfusion du sang, et bien que je n'en aie pas fait l'expérience , l'efficacité remarquable de la transfusion et son innocuité récem- ment constatées dans des cas d'hémorrhagie utérine où les malades presque éteintes ont été rappelées à la vie, me donnent le droit de compter beaucoup, dans les empoi-r sonnemens, sur l'utilité d'un moyen si rationnel. (1) Il n'est pas si malaisé qu'il pourrait le pa- est d'une extrême simplicité et donne des résul- raître au premier aspect, de déterminer d'une tais suffisamment rigoureux: il consiste à placer manière aproximative la quantité relative de dans le sang provenant de chaque partie du sys- poison que renferme chaque partie du système tème vasculaire d'un animal mort empoisonné circulatoire. On le peut sans avoir recours aux une petite sangsue bien vive, et d'observer les analyses chimiques quantitatives, opérations Ion- effets toxiques plus ou moins énergiques qu'il gués, difficiles, et souvent infidèles, surtout lors- produit sur elle; par là j'arrive à connaître assez qu'on traite des matières animales ou végétales, bien la quantité de poison qu'il renferme, et je si promptes à se décomposer ou à se transformer puis aisément, en multipliant les expériencess les unes dans les autres. Le moyen dont je me sers suivre les progrès de l'infection du sang. 6. S 58 M. A. VERNIÈRE. — OBSERVATIONS Un grand nombre de faits tendent à prouver aujourd'hui que le sang est le véhicule nécessaire de tous les poisons, des expériences que je ne tarderai pas à faire con- naître, démontreront peut-être que les substances vénéneuses ne peuvent parcourir qu'un bien faible trajet dans les tissus qu'elles pénètrent, sans passer dans les vais- seaux où les entraîne une force particulière. Ce n'est qu'après que les molécules vénéneuses charriées par le sang ont été portées sur l'organe qui se montre plus par- ticulièrement sensible à leur contact, que les symptômes de l'empoisonnement com- mencent à se manifester. Cette assertion ne saurait être contestée, du moins pour l'extrait de noix vomique, et bien que la strichnine n'ait été chimiquement trouvée ni dans le sang ni dans la moelle épinière. Les effets toxiques du sang dans la première expérience prouvent son existence dans ce liquide d'une manière aussi sûre que pourrait le faire le réactif chimique le moins infidèle. L'inactivité du poison chez le chien sur la plaie duquel il fut appliqué lorsqu 'aucune ligature n'entravait les communications nerveuses , prouve que son action ne se propage pas par la voie des nerfs. Enfin je me suis assuré sur les grenouilles que quel que fût le chemin par lequel le poison arrivait à la moelle épinière, les effets étaient toujours les mêmes, pourvu qu'il pût atteindre cet organe. Lorsqu'on applique sur une partie très circon- scrite de la moelle épinière d'une grenouille une petite quantité d'extrait de noix vomique, il détermine localement les phénomènes qui le caractérisent, et l'on est averti du retour du poison que l'absorption a fait passer dans les veines par les con- vulsions générales, dans lesquelles se perdent les convulsions partielles qu'il avait développées d'abord. Or si tout poison , et je n'entends pas donner ce nom aux substances corrosives qui n'agissent qu'en désorganisant les tissus, si tout poison est transporté par le sang, et s'il va plus spécialement attaquer un organe dans l'économie, de ces deux faits doit découler toute la thérapeutique des empoisonnemens. On devra premièrement s'attacher à tarir la source qui infecte le sang, c'est-à- dire à enlever le poison des surfaces sur lesquelles il est absorbé, ou l'y neutraliser si l'on possède des moyens chimiques, prompts et inoffensifs. C'est là le but que se sont proposé les toxicologistes de tous les temps, et c'est dans celte direction qu'ont été faits tous les travaux vraiment utiles. Mais personne à ma connaissance n'a cherché à poursuivre la substance vénéneuse dans les veines, personne, encore moins, n'a songea l'atteindre lorsqu'elle a pénétré les parties les plus profondes de la circulation, et, en ouvrant au liquide infecte une large voie de dérivation, de soustraire ainsi à son contact l'organe sur lequel il aurait porté ses effets délétères. Ici se rattache une question d'un intérêt puissant, et dont nos expériences peuvent SUR LA SAIGNÉE GÉNÉRALE ET LOCALE. 5p donner la solution, je veux dire celle des virus, si ces agens inconnus ne sont que des poisons comme les autres substances vénéneuses, ainsi que le pensent aujourd'hui la plupart des médecins, n'avons-nous pas lieu d'espérer qu'en les arrêtant en quel- que sorte au passage au moyen de saignées locales d'abord, et générales ensuite, nous pourrions préserver de leur atteinte funeste l'organe sur lequel ils se dirigent. Si au contraire la saignée, mise en œuvre dans les circonstances les plus favorables et avec toutes les précautions qu'il exige restait inefficace , ne faudrait-il pas en con- clure qu'on devrait chercher ailleurs que dans leur analogie avec les poisons, une explication de la manière d'agir des virus, et dans des procédés thérapeutiques dif- férons, un moyen de salut. Quel que fût le résultat de l'expérience, il en resterait une connaissance acquise, et nous saurions du moins si les virus et les poisons ap- partiennent ou n'appartiennent pas au même ordre de phénomènes. RECHERCHES SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE, PAR J. L. M. POISEUILLE, POCTEUR EN MÉDECINE, EX-ÉLEVE DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE. PREMIERE PARTIE. La force du cœur a-t-elle été considérée, par Borelli, Keill, Haies, etc., sous un seul et unique point de vue? ou bien, loin de rechercher la même chose, ces auteurs, tout en étudiant la force du cœur, n'ont-ils pas voulu déterminer, l'un, la somme des forces que la puissance mouvante dépense dans chaque contraction du cœur; l'autre, l'effort dynamique de cet organe; un troisième, son effort hydrosta- tique, etc. Pour résoudre cette question, qui nous a paru offrir quelque intérêt, à cause de l'identité que supposent, d'après Haller1, les auteurs modernes, dans l'étude qui a été faite de l'action du cœur, nous n'avons qu'à passer en revue les travaux qui se rapportent à ce sujet. Dans l'exposition que nous allons donner, nous n'examinerons pas la valeur des moyens que les uns et les autres ont employés ; un pareil travail nous éloignerait de la solution pure et simple de la question que nous nous sommes posée ; cependant , tout en nous renfermant dans les bornes du sujet , nous ne pourrons taire quelques réflexions critiques, dont le but sera d'éclairer l'intelligence des procédés employés, ou bien de faire connaître, à la première vue, toute leur nullité. Nous commencerons par Borelli. Borelli , dans la première partie de son ouvrage De motu anîmalium 3 traite de l'action des muscles externes; dans la seconde partie, de la force des muscles in- ternes, et par conséquent de celle du cœur; comme il se fonde, pour déterminer (1) Élém. pbys., vol. I, p. 446 etsuiv. RECHERCHES SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 61 cette force , sur un certain nombre de propositions prises dans la première partie , occupons-nous d'abord de ces propositions, tout-à-fait nécessaires à l'intelligence de la question. Pour évaluer la force des muscles , supposons , par exemple , qu'il s'agisse des muscles biceps et brachial antérieur réunis K Le membre supérieur étant dans une position horizontale, l'avant-bras est alors maintenu par l'action de ces deux muscles; il applique à l'extrémité des doigts de la main un poids qu'il augmenle successive- ment, jusqu'à ce que l'avant-bras ne puisse plus être soulevé; ce poids est de 26 livres; ensuite il prend le poids de l'avant-bras, et ayant égard à son centre de gravité, il remplace ce poids par 2 livres appliquées au même point que les 26 livres, de sorte que les deux muscles font équilibre à un poids de 28 livres , abstraction faite du bras du levier; il mesure la distance du point où sont appliquées les 28 livres au point fixe du levier, point qui se trouve au centre de la poulie que présente l'extrémité inférieure de l'humérus; il détermine le rayon de cette poulie, et le regarde é<*al au moins à la vingtième partie de cette distance; les forces agissant, l'une, suivant la direction des muscles, l'autre, à l'extrémité de la main, se faisant équilibre, elles sont en raison inverse de leurs distances au point fixe du levier ; il trouve par là la puissance des muscles biceps et brachial antérieur égale au poids de 56o livres, c'est- à-dire que ces deux muscles, en se contractant, feraient équilibre à un poids de 56o livres, appliqué à l'une de leurs extrémités et dans une direction qui serait la prolongation de celle de ces muscles. Il détermine 2 d'une manière analogue la force des muscles masseters et tempo- raux, et trouve qu'elle équivaut au poids de 5oo livres. Il suit une marche semblable pour la plupart des muscles externes , ayant égard toutefois à l'insertion oblique des fibres musculaires sur les tendons, ou à la forme rayonnée qu'elles peuvent présenter. Ainsi, les muscles fessiers feraient équilibre à un poids de 2621 livres3 en se contractant; le deltoïde à un poids de 770 livres4, ou de i54o livres en remarquant qu'il fait un égal effort sur l'os auquel est fixée son extrémité supérieure. Dans ce que nous venons de rapporter on voit une très belle application de la Statique à la puissance des muscles volontaires; maisBorelli ne s'en lient pas là dans la détermination de l'effort musculaire; nous poursuivons : Il suppose que la fibre musculaire5 en se contractant, de droite qu'elle était avant la contraction , se trouve alors composée d'une suite d'anneaux, qu'il assimile à des rhombes, de sorte que chaque fibre d'un muscle contracté aura la forme que pré- (1) De motu am.ma.lium. La Haye, \^[\b, in-4°, (3) Part. I, cap. i5, prop. 85. Part. I, cap. 8, prop. 22. (4) Id., cap. i5, prop. 84. (2) Part. I, cap. j5, prop. 87. (5) Id., cap. 17, prop. 11 3, 114, 116. 62 M. POISEUILLE.— RECHERCHES sente la figure 1. Il ne peut concevoir le rapprochement des deux extrémités d'un muscle lorsqu'il se contracte, sans le supposer ainsi composé de fibriles formées d'une suite de vésicules ou pores unis entre eux à la manière d'une chaîne. Ces vésicules, auxquelles il donne gratuitement la forme rhomboïdale , se remplissant lors de la contraction, rendent nécessaire le raccourcissement du muscle. Sans rappeler ici les belles expériences faites dans ces derniers temps sur la con- traction musculaire, par MM. Prévost et Dumas, ni l'expérience de Barzoletti, qui renverse à elle seule l'hypothèse de Borelli, nous continuons: Puisque la fibre musculaire dans l'état de contraction n'est autre chose qu'une chaîne formée de rhombes; déterminer les forces qu'il faut appliquer aux extrémités de chaque diagonale transversale FG,HI, etc. (fig. 1), pour qu'en agissant ces forces raccourcissent la chaîne, et par suite fassent équilibre à un certain poids R, suspendu à l'une des extrémités; l'autre, M, étant supposée liée à un point fixe, c'est rechercher la force entière qu'exerce la nature pour enfler toutes les porosités d'une fibre musculaire; et, par conséquent, en ayant égard au nombre de ces fi- briles qui entrent dans un muscle , c'est , suivant Borelli , déterminer la force totale de ce muscle. Dans une suite de théorèmes 1, il recherche le rapport qui existe entre le poids R et la somme de toutes les forces appliquées aux extrémités de chaque diagonale transversale des rhombes qui composent la fibrile ; il démontre que le poids R res- tant le même , si le nombre des rhombes devient double , triple , quadruple , etc. , la somme des forces dilatant transversalement tes rhombes deviendra elle-même double, triple, quadruple, etc. Enfin, supposant un faisceau de fibrilles AB C D (fig. 2), et soutenant le poids S, il regarde comme égale à S la réunion des forces dilatant les rhombes de la première série C D ; de sorte que , pour obtenir la force totale du faisceau , ou la somme de toutes les forces qui dilatent tous les lozanges de ce faisceau , il répète S autant de fois qu'il y a de rhombes dans la hau- teur AD. Voyons, en appliquant ces principes aux muscles dont il a déjà déterminé la force statique, à quelle évaluation il est conduit. Un des élémens de la question est de savoir combien il y a de rhombes contenus dans une longueur donnée d'une fibre; or, après avoir reconnu2 qu'il y a au moins cinquante de ces rhombes ou machinules dans la largeur d'un travers de doigt , il n'en suppose que vingt, afin de rester toujours au-dessous de la force qu'il veut déterminer. Reconnaissons donc avec lui vingt rhombes dans la largeur d'un travers de doigt : cela posé, prenons, par exemple, le muscle deltoïde3, dont la force (1) Part. I, prop. 92-1 12. (3) Part. I, prop. 124. (2) Id., cap. i-,prop. 1 15. SUR LA FORGE DU COEUR AORTIQUE. 65 statique a été évaluée à i54o livres; il mesure la longueur des fibres, et la trouve, toute compensation faite , égale à l'étendue de deux travers de doigt : il y aura donc quarante rhombes ou machinulcs dans chaque fibre de ce muscle, et comme la pre- mière série soutient un poids de 1 54o livres , d'après ce que nous venons de dire , ce poids répété quarante fois nous donnera 61600 livres, qui représenteront l'effort de la nature pour enfler les vésicules dudit muscle. En procédant de la même manière pour les muscles fessiers1, il trouve que leur force motrice est égale à 3^5420 livres. Enfin, d'après les mêmes données, les muscles masseters et temporaux2 auraient une force motrice égale à 6000 livres, et, par suite, on aurait 5ooo livres pour celles des deux muscles temporal et masseter. Maintenant , dans l'impossibilité où il est d'appliquer au muscle du cœur les mêmes principes de statique auxquels peuvent se prêter les muscles externes, il admet que deux muscles de même masse doivent avoir la même force; or, par ex- périence , il a trouvé 3 que le cœur a le même volume que les deux muscles temporal et masseter; il reconnaît alors4 que la force que la nature emploie à enfler les fibres charnues du cœur dans ses contractions est égale à 0000 livres. Il compare ensuite5 cette force motrice du cœur, évaluée à 5ooo livres, à la ré- sistance que présente le sang dans le système artériel , et trouve cette résistance soixante fois plus grande ; mais comme le cœur par son action surmonte cette ré- sistance, il faut donc qu'il ait une force soixante fois plus grande que 5ooo livres, c'est-à-dire 180000 livres 6. Tel est le travail de Borelli sur la force du cœur. Nous n'examinerons pas les théorèmes d'hydrodynamique par lesquels il recon- naît que la résistance du sang dans le système artériel est soixante fois plus grande que 5ooo livres; nous ne parlerons pas de cette identité de force supposée entre le cœur et les muscles temporal et masseter réunis , non plus que de tant d'autres as- sertions plus ou moins vagues qu'on rencontre dans le cours de l'ouvrage ; nous nous bornerons à dire que, s'il est permis de chercher à ramener l'évaluation des forces de l'économie à des calculs mathématiques, c'est un tort inexcusable que de recourir à des moyens pareils de recherche et d'examen , lorsque la question même s'y refuse, et qu'on ne peut réellement la résoudre qu'à l'aide d'hypothèses et de combi- naisons tout-à-fait hasardées. Quoi qu'il en soit , concluons en disant que Borelli a déterminé , dans son tra- vail sur la force du cœur, la force qu'exerce, suivant lui, la nature pour enfler les (1) Part. I, prop. ia5. (4) Part. II, prop. 67. (2) Part. II, cap., 5, prop. 67. (5) Id., prop. 70, 71, 7a. (3) Id., cap. 5, prop. 66. (6) Id., prop. 73. 6/+ M. P0ISEU1LLE. — RECHERCHES fibres musculaires de cet organe lors de sa contraction. Voyons si Keill s'est proposé le même objet. Keill1, pour déterminer la force du cœur, cherche d'abord la vitesse possible2 qu'a le sang au sortir de l'aorte ; pour atteindre ce but , il compare les quantités de san°- données, pendant le même temps, par l'artère et la veine crurale d'un chien, ces deux vaisseaux ayant été coupés transversalement à leur direction; ces quan- tités de sang sont dans le rapport de 7 -f- \ à 5; faisant ensuite remarquer que tout le sang qui passe dans l'artère crurale passe aussi dans la veine de même nom , il con- clut que la vitesse du sang dans l'artère, sans empêchement, est à la vitesse du sang dans la veine (ou ce qui est la même chose dans l'artère, mais en la supposant intacte) comme 7 + vest à 3. Il a, d'ailleurs, déterminé 3 la vitesse du sang retardé, comme il le dit, par la résistance que présente celui déjà contenu dans le système artériel, et a trouvé que le sang parcourait i56 pieds en une minute. En s'autorisant de l'expérience précé- dente , qui indique que la vitesse du sang sans empêchement est à la vitesse avec empêchement, comme 7 + | est à 5 ; il reconnaît que le sang parcourrait, au sortir du cœur, dans l'aorte, 5o,o pieds en une minute, et, par conséquent, 6 pieds et demi en une seconde : telle est la vitesse possible qu'il assigne au sang à l'origine de l'aorte. Nous ne nous étendrons pas sur l'incertitude que présente cette évaluation ; il nous suffira de faire remarquer que Keill suppose que deux onces de sang sont lancées par le cœur à chaque contraction , que le temps de la systole est exactement la moitié du temps de la diastole, que la vitesse du sang dans le chien est la même que celle du sang dans l'homme, que la vitesse du sang dans la crurale est la même que celle du sang dans l'aorte. Ayant ainsi déterminé la vitesse possible avec laquelle le sang serait projeté par le ventricule gauche dans l'aorte , il invoque un théorème de Newton, d'après lequel on sait que la force qui meut un liquide, sa vitesse étant donnée, est égale au poids d'un cylindre de même liquide, dont la base serait l'orifice par lequel coule le liquide , et dont la hauteur serait le double de la hauteur verticale d'où doit tomber ce liquide pour acquérir la vitesse donnée. 11 cherche donc, au moyen des formules connues de la chute des graves, la ligne verticale que doit parcourir un corps pour acquérir cette vitesse de 6 pieds et demi par seconde, et trouve cette hauteur égale (1) Tentamlnamedico-physica, tentamenT),^. 5o. tance que présente le sang déjà contenu dans le Londres, 1718. système artériel. (2) C'est-a-dire la vitesse qu'aurait le sang (5) Tenlam. med.-phys.de vetocitate sanguinis. lancé par le cœur, abstraction faite de la résis- SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 65 à 0,704 pied; cette hauteur doublée donne 1,408 pieds, ou bien 17,76 doigts, hau- teur du cylindre : l'orifice de l'aorte ou sa base est 0,4187 pouces carrés, sa solidité est donc 7,456 1 1 2 pouces cubes de sang, dont le poids est de 5 onces. Keill conclut donc que la force du cœur est égale au poids de 5 onces. Revenons sur cette évaluation, et voyons si elle ne donnerait pas la force dyna- mique du cœur, laquelle aurait été méconnue par Keill lui-même. Supposons à cet effet un vase rempli d'un liquide de même densité que le sang, et qu'il soit pratiqué en un point de ses parois une ouverture dont l'étendue soit exactement la même que celle de l'orifice de l'aorte ; si le sang dans l'aorte se meut avec une vitesse égale à 6 pieds et demi par seconde , comme la hauteur due à cette vitesse est de 8 pouces 6 lignes environ; si nous faisons la hauteur du niveau égale à 8 pouces 6 lignes, le fluide coulant par l'orifice pratiqué aux parois du vase aura la même vitesse que le sang dans l'aorte, de sorte que nous pourrons très bien remplacer, quant à l'effet de la force, le cœur considéré comme puissance motrice par notre vase, en supposant toutefois que le niveau soit constant. Or, chaque molécule fluide, arrivée à l'orifice, a acquis une vitesse telle qu'elle parcourrait, dans le même temps employé à la chute de 8 pouces 6 lignes, c'est- à-dire un cinquième de seconde environ, un espace double de 8 pouces 6 lignes ou 17 pouces1. Ainsi, si, à l'aide d'un tube recourbé, le liquide sortant par l'ouverture pratiquée au vase s'élevait verticalement , il atteindrait la hauteur de S pouces 6 li- gnes, hauteur du niveau, et pendant un cinquième de seconde; et le poids de la quantité de ce liquide, passant par l'orifice pendant le même temps, serait celui d'un cylindre de même liquide qui aurait pour base cet orifice, et pour hauteur 17 pouces, c'est-à-dire un poids de 5 onces. Ainsi, la force du cœur serait donc capable d'élever à la hauteur de 8 pouces 6 lignes , et pendant un cinquième de se- conde 3 une quantité de sang dont le poids serait égal à 5 onces. Cette force, que Keill a évaluée à 5 onces, représente donc l'effet dynamique du cœur et rien autre chose. Nous venons d'interpréter la force du cœur donnée par Keill , en supposant exacts les élémens dont il a fait usage. Nous reviendrons bientôt sur ce résultat, après avoir parlé de l'effort statique du cœur dont s'est occupé Haies. Quant à la trajectoire donnée par le jet de sang d'une artère piquée, et d'après laquelle Keill détermine d'une autre manière la vitesse possible du sang au sortir du cœur, nous n'en parlons que pour témoigner tous nos regrets de voir que des moyens aussi ingénieux soient appliqués à des données aussi incertaines. Il serait superQu de faire remarquer que l'évaluation de la force du cœur, suivant (1) Physique de Pelletan. p. 426. 6. Q 06 M. POISEUILLE. — RECHERCHES Keill, devait nécessairement seloigner beaucoup des calculs de Borelli, puisqu'il est démontré que l'un et l'autre ont considéré la question d'une manière tout-à- fait différente. Haies i, physicien anglais, s'est occupé non de l'effet dynamique, mais bien de la force statique du cœur. Il prend 2 un tube de verre long de 9 à 12 pieds, et l'in- troduit soit dans l'artère crurale, soit dans la carotide d'un animal, après avoir recourbé son extrémité inférieure , afin de lui conserver une position verticale. En vertu du principe de l'égalité de pression, la hauteur à laquelle s'élève le sang dans le tube donnera nécessairement la pression à laquelle est soumis un point quelcon- que du cœur, et par conséquent l'effort statique du cœur. Haies répète cette expérience sur différens animaux, et trouve les résultats suivans : Hauteur de la colonne de sang3. Artère crurale d'une jument" . 3 pieds 3 pouces. Id. d'un cheval 6 9 8 Carotide d'un chien 6 de 52 livres. 6 8 Id. id. de 24 2 8 Id. id. de 18 .■ 4 8 Id. id. de 12 5 5 Id. id. de 52 ......... 7 11 11 suppose ensuite que pour l'homme, la hauteur du sang dans le tube doit être probablement de 7 pieds 6 pouces; et, partant de cette hypothèse, il cherche la surface interne du cœur gauche; il l'évalue à i5 pouces carrés; ensuite, multipliant cette aire par 7 pieds 6 pouces, il trouve que le cœur est pressé par le poids de i35o pouces cubes de sang, quand il commence à se contracter; cette quantité de sang correspond à 5 1 ,5 livres. Telle est la force du cœur évaluée par Haies ; elle n'est autre chose que la somme des forces qui pressent chaque point de la surface du cœur. Ainsi, si l'on voulait avoir la pression opérée sur un pouce carré de cette surface, on multiplierait ce pouce carré par 7 pieds 6 pouces, hauteur de la colonne de sang dans le tube. Remarquons seulement que 5i ,5 livres ne représentent nullement l'effort statique du cœur, mais que cet effort serait égal au poids d'un cylindre de sang qui aurait pour hauteur 7 pieds 6 pouces, et pour base, non pas la surface interne du cœur aortique, mais bien l'aire que présenterait une coupe du cœur faite de la base au (1) Hémostatique de Haies. Genève, trad. par elles présentent chez Haies d'aussi grandes varia- Sauvages, tions. (2) Id., p. 1 et suiv. (4) Hémastatique, première expérience, p. 1. (5) Nous verrons bientôt que ces hauteurs de- (5) Id., deuxième expérience. vaient peu différer l'une de l'autre , et pourquoi (6) Id., p. 55. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 67 sommet. Cette aire, suivant Haies, étant le quart de la surface interne, on obtien- drait alors pour l'effort statique du cœur 12,87 livres. Si maintenant nous examinons les diverses hauteurs des colonnes de san» données o parle tube de Haies, appliqué à différens animaux, nous les trouverons toutes erronées. Effectivement , on sait que le sang passant des vaisseaux d'un animal vi- vant dans des tubes inertes, se coagule presque aussitôt. Le tube dont il se servait avait £ de pouce de diamètre ; des caillots se moulaient donc dans son intérieur, et par suite l'ascension du sang devait être modifiée ; car telle est la plasticité du sang des animaux, et particulièrement du chien, que si l'on coupe la carotide primitive d'un chien, un caillot ne tarde pas à se former, et l'animal est soustrait à une hé- morrhagie mortelle 1. Nous avons vu nous-mêmes ce singulier phénomène sur des chiens dont nous avions coupé les deux artères carotides et les deux axillaires. Ensuite Haies ne tient aucun compte de l'influence des mouvemens respiratoires sur la hauteur de la colonne de sang dans le tube; et nous verrons dans la deuxième partie de notre travail , combien l'inspiration et l'expiration la modifient. Dire par analogie que la colonne de sang doit s'élever à la hauteur de 7 pieds 6 pouces chez l'homme , sans alléguer aucune autre raison , c'est se prévaloir, comme expérimentateur, d'une autorité à laquelle nous sommes loin de nous rendre. Quelque imparfait que soit le moyen employé par Haies, rendons-lui cette justice de reconnaître qu'il s'est, plus que tout autre, éloigné de recherches purement spé- culatives; quoique d'un autre côté, la force dynamique de Keill ne fût pas à rejeter du domaine de la physiologie , si elle était exacte. Daniel Bernouilli, dans une thèse inaugurale soutenue par son élève Passavant2, se fondant sur les expériences de Haies, suppose 3 que le cœur effectuant chacune de ses contractions en une seconde, lance à la hauteur de 8 pieds une quantité de sang égale à une once et demie; cela posé, les battemens du pouls se répéteraient 4ooo fois dans une heure, et par suite le cœur élèverait dans le même temps, soit 6000 onces de sang, ou 375 livres à la hauteur de 8 pieds, soit 3ooo livres à la hauteur d'un pied *; Dans cette évaluation, il est essentiel de tenir compte du temps pendant lequel ces 375 livres sont élevées par le cœur, et de la hauteur qu'elles atteignent; car, au premier abord, on serait tenté de croire cette estimation de la force dynamique bien supérieure à celle e Keill, lorsqu'au contraire elle est inférieure. En effet, si 5 onces , suivant Keill sont élevées , en \ de seconde , à la hauteur de 8 pouces 6 lignes, on a 25 onces élevées à la hauteur de 8 pouces 6 lignes dans une seconde , par suite (1) Leçons orales de M. Magendie. (3) Bâles 1^48, de vi cordis , Passavant, § 5. (2) Billes i;48 , De vi cordis, Passavant. (4) Id. § 6. 68 M. POISEUILLE. — RECHERCHES 2 onces 1 gros environ élevés à la hauteur de 8 pieds dans le même temps. La force dynamique de Keill est donc plus grande que celle trouvée par Bernouilli. Bernouilli ayant pris pourpoint de départ les expériences de Haies, qui sont, ainsi que nous l'avons reconnu, erronées, nous ne nous arrêterons pas davantage sur cet auteur. Boissier de Sauvages l invoque ce principe de mécanique en vertu duquel on peut, sans connaître la structure d'une machine, trouver quelle est la force néces- saire pour lui faire produire l'effort dynamique qu'elle présente. Ainsi, étant donné le poids élevé dans un certain temps à une certaine hauteur par le cœur, la force dé- pensée par la puissance mouvante est au poids connu comme 27 est à 4 (Bélidor, architecture hydraulique). Cela posé, adoptant l'effort dynamique déterminé par Bernouilli, il trouve que la force que dépense la puissance motrice pour contracter le ventricule gauche du cœur est de 7 1 onces élevées à chaque pulsation à la hau- teur d'un pied. Nous ne parlerons pas de Jurin, de Morgand, de Robertson, de Morland, de Tabor 2. attendu que les uns ne se sont occupés que de la vitesse du sang dans l'aorte, les autres sont partis dans leur évaluation de données aussi peu certaines que Keill ; Tabor a pensé devoir faire entrer en ligne de compte la force capable de rompre les valvules sigmoides, etc. Ce qui précède établit d'une manière incontestable que la force du cœur n'a pas été étudiée par les auteurs sous un seul point de vue ; l'un a considéré d'une manière toute spéciale ce que dépensait la puissance mouvante, c'est Borelli; d'autres, Keill, Bernouilli, Sauvages, ont déterminé la force dynamique; Haies s'est occupé de son effort statique. De là ces différences, ces disproportions énormes dans les résultats obtenus par chacun d'eux, mais que nous sommes loin toutefois de regarder comme suffisantes pour exclure tout calcul mathématique dans l'éva- luation de la force du cœur ; puisqu'en supposant rigoureusement exacts les prin- cipes de chaque auteur, la diversité de leurs estimations n'eût pas été moins grande. Telle est notre réponse à la question que nous nous étions posée. Passons main- tenant à l'exposition de notre travail sur le même objet. (1) Hémastatique de Haies, trad. p. 3oo et (2) Haller, Elementa physiol., vol. I, pag. 452 Soi. et 455. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 69 DEUXIÈME PARTIE. Le cours du sang est tellement soumis à l'action du cœur, que de nouvelles re- cherches sur la force de cet organe nous ont paru dignes de tout l'intérêt des physiologistes. On dira que l'âge 3 le sexe , le tempérament, i ' idiosyncrasie , l'état de veille, de sommeil, d'exercice, de repos , de santé , de maladies, les passions , modifient plus ou moins la force du cœur. INous reconnaissons l'influence de ces agens modi- ficateurs; mais leur existence proscrit-elle tout travail qui aurait pour but de dé- terminer les limites de cette force? Nous ne le pensons pas. Et d'abord, sous quel rapport devons-nous considérer la force du cœur? La force statique nous a paru la moins spéculative et la plus susceptible d'applications phy- siologiqueSi Dans cet état de choses, nous nous sommes demandé quelle est la force avec laquelle le cœur pousse le sang dans l'aorte; et cette force, pour l'obtenir, nous n'avions qu'à chercher la hauteur à laquelle montait dans un tube vertical appliqué à l'aorte, le sang ou tout autre liquide dont la densité nous serait connue. En multipliant cette hauteur par l'aire de l'aorte à sa naissance, nous avions le volume d'un liquide dont le poids nous donnait alors la force possible avec laquelle le sang se meut dans l'aorte, et par suite, l'action du cœur gauche dans la circulation artérielle. Nous décrirons bientôt ce tube, tout spécial à nos recherches, et qui devait seul assurer l'exactitude de nos observations. En adoptant les idées reçues sur la circulation artérielle, nous nous disions: Le cœur aortique lançant avec une certaine force, à chaque contraction, une ondée de sang dans le système artériel déjà plein, toute cette force n'est pas employée au même moment à la progression du sang dans les artères; car, à chaque systole du cœur les artères se dilatent, leurs courbures tendent à se redresser 4, et ces phé- nomènes ne s'opèrent qu'aux dépens de la force du cœur: or, ces causes d'affai- blissement, auxquelles plusieurs auteurs ont pensé devoir ajouter le frottement du sang contre les parois artérielles, sont d'autant plus prononcées qu'on s'éloigne davantage du cœur. D'après ces considérations, il paraissait donc évident que notre tube, appliqué en des points du système artériel différemment éloignés du cœur, devait donner des hauteurs d'autant moins grandes qu'on s'éloignerait plus de cet organe. Ainsi , pour avoir exactement la force du cœur, il nous fallait appliquer le (1) Physiologie de IUcherand et autres modernes. 7o M. PQISEIILLE. — RECHERCHES tube, non-seulement à l'aorte, mais encore précisément à sa sortie du cœur, c'est- à-dire à l'aorte ascendante. Mais, comme il était impossible de faire une semblable expérience sans que la mort de l'animal s'ensuivît, il nous restait à appliquer notre tube le plus près possible du cœur, sur la carotide primitive, par exemple, à lier les artères axillaires le plus près possible du tronc , la carotide du côté opposé , l'aorte abdominale au-dessus du tronc opistogastrique , et à observer la hauteur donnée par le tube; ensuite, ayant cherché l'accroissement de la hauteur due à la soustraction d'une portion d'artère dont la capacité nous était connue, on aurait pu obtenir, en mesurant les capacités des artères comprises entre le cœur et les ligatures, la différence-en plus dont il fallait, augmenter la hauteur observée dans le tube primitivement appliqué à la carotide, et par là, la hauteur obtenue aurait été celle donnée par le tube appliqué à l'aorte ascendante elle-même : telle était la marche que nous nous proposions de suivre. Mais, dès les premières expériences, voulant vérifier si les opinions, émises àpriori, étaient vraies, nous avons remar- qué, à notre grand étonnement, que deux tubes étant appliqués simultanément à deux artères et à des distances différentes du cœur, donnaient des hauteurs qui étaient parfaitement égales , au lieu d'être différentes comme nous l'avions présumé : de là une grande simplification dans le travail , puisqu'en appliquant l'instrument sur une artère quelconque nous obtenions les résultats que nous aurions eus en le pla- çant sur l'aorte ascendante. Donnons la description de l'instrument que nous avons imaginé pour mesurer l'action du cœur; nous nous occuperons ensuite et des expériences qui constatent le fait que nous venons d'énoncer, et des conséquences que nous en avons déduites. Soit un tube de verre (fig. 3), présentant une branche horizontale AB, une branche verticale descendante B C , et une troisième branche ascendante DE, courbé de manière à offrir en B un quart de cercle, et en CD un demi-cercle : supposons que l'on mette du mercure dans la partie GCDH; le tube étant dans une position verticale, les niveaux G et H du mercure seront à la même hauteur dans les deux branches. Si le sang s'introduit dans la partie AB G par l'orifice A , abouché à une artère, il pressera sur la surface G du mercure; le métal sera déprimé dans la branche BC de G en K, par exemple , lorsqu'il s'élèvera dans la branche DE en I. Il est évident, d'après les lois de l'hydrostatique , que la force totale avec laquelle le sang se meut dans l'artère, sera mesurée par le poids d'un cylindre de mercure , dont, la base est un cercle qui a pour diamètre celui de l'artère, et dont la hauteur est la différence 1K. des deux niveaux du mercure, déduction faite, bien entendu, de la hauteur de la petite colonne de mercure qui peut faire équilibre à la colonne sanguine BK. Le sang doit donc s'introduire dans la partie ABG de notre tube : or, s'il se coa- gulait, on ne pourrait nullement observer la hauteur de la colonne de mercure, non SUR LA FORCE DU COEUR AORT1QUE. 7i plus que les modifications que cette colonne éprouve, ainsi que nous le verrons bientôt. La première chose à faire avant d'aller plus loin, était donc de trouver un corps liquide qui, introduit dans la partie AEG, et recevant le sang au sortir de l'artère, pût transmettre sur la surface G du mercure la force dont est animé le sang dans l'artère, et cela en empêchant sa coagulation ou plutôt en conservant sa liquidité. Nous le répétons, toute observation faite avec ce tube sans la présence d'un tel corps était entachée d'inexactitude. Or, nous savions que la potasse, la soude, empêchent la coagulation du san» en dissolvant le caillot fibrineux qui tend à se former; nous avons donc été conduits à faire des expériences sur cet objet; et nous avons vu qu'à la vérité une éprouvette d'un décimètre de longueur et d'un centimètre de diamètre dans laquelle on avait mis environ le quart de potasse liquide concentrée, et au milieu de laquelle on avait fait arriver un jet de sang donné par une artère; nous avons vu, disons-nous, qu'au bout de quatre ou cinq minutes le sang n'était point coagulé, mais était transformé en un liquide brun très épais, très visqueux, et très adhérent aux parois de l'éprou- vette. La viscosité augmentait avec le temps, de telle sorte qu'au bout d'une heure environ, en renversant l'éprouvette, le sang présentait autant de solidité qu'il en avait offert au bout de deux minutes et demie, introduit dans une éprouvette qui ne contenait point de potasse liquide. Cette viscosité croissante du sang mêlé à la potasse s'opposait donc au succès de l'expérience; en outre, si la colonne de mercure changeait à chaque instant de hauteur, une portion du mélange de potasse et de sang contenu dans la partie ABG entrait dans le torrent de la circulation, ce qui pouvait empoisonner l'animal, et cette considération seule nous empêcha de faire sur la soude les mêmes essais que sur la potasse. Je cherchai à rendre le sang moins eoagulable en injectant quelques pintes d'eau dans les veines jugulaires, et le résultat ne fut autre que de retarder de trois minutes la coagulation: ce moyen n'atteignait donc pas plus le but que je me proposais. Je pris alors du sous-carbonate de soude, et j'en remplis le quart de la capacité de l'éprouvette, dans laquelle je fis arriver un jet de sang artériel; le sang, au lieu de devenir brun comme dans le cas de la potasse liquide, conserva sa couleur écar- late ainsi que toute sa liquidité pendant deux heures entières, après lesquelles nous vidâmes l'éprouvette en la renversant. D'ailleurs le sous-carbonate de soude liquide, introduit dans la circulation, n'a pas le même inconvénient que la potasse et la soude. A tous ces titres le sous - carbonate de soude était donc le corps que nous cherchions. Le tube chargé de mercure , ainsi que nous l'avons vu , je remplis de sous-car- 72 M. POISEUILLE. — RECHERCHES bonate de soude dissout dans l'eau la partie ABC: (dans toutes mes expériences, le liquide était saturé de ce sel). Un tube de cuivre (fig. 4), par sa concavité CD, reçoit l'extrémité A de la branche horizontale du tube de verre , et y est fixé avec de la cire d'Espagne. Ce petit tube présente à son autre extrémité un pas de vis qui est apte à recevoir un second tube de cuivre (fig. 5), dont l'extrémité GHprésente une cavité en forme d'écrou; l'autre extrémité Kl, libre et destinée à s'introduire dans l'artère, porte un arrêt LM. Comme nous avions à expérimenter sur des artères de différens calibres, nous eûmes sept tubes semblables et qui ne différaient entre eux que par le diamètre de l'extrémité libre Kl, laquelle présentait dans les uns et les autres depuis un millimètre jusqu'à sept millimètres de diamètre. Tel est notre instrument. Pour le mettre en communication avec le sang on découvre l'artère , on passe au-dessous d'elle un fil ciré, on la comprime avec les doigts, on fait avec la lancette une incision longitudinale au-delà du point comprimé; les deux bords de cette inci- sion, saisis chacun avec une pince, sont éloignés l'un de l'autre de manière à rendre l'ouverture à peu près circulaire; alors on introduit le tube dans l'artère, et au-dessus de l'arrêt on fait une ligature; immédiatement après on cesse de comprimer, et le sang, passant de l'artère dans le tube, se mêle au sous-carbonate de soude et trans- met, par l'intermédiaire de ce corps, la force qui le pousse à la colonne de mer- cure GC; on est alors témoin des phénomènes que nous décrirons bientôt. Ajoutons ici que la colonne de mercure variant par les diverses inclinaisons que peut prendre l'instrument , il est important de le tenir pendant tout le temps de l'observation dans une position verticale. C'est dans ce but que nous avons adapté à notre appareil un fil à plomb. A partir des points H et G niveau du mercure dans les deux branches, se trouvent deux échelles dont les divisions sont des millimè- tres; le zéro de chacune se trouve en H et G. Maintenant soit adapté l'appareil à l'artère carotide d'un chien, la distance BG qui mesure la hauteur du sous-carbonate de soude au-dessus du niveau du mercure doit être déterminée. Supposons, pour plus de simplicité, que les parties GKC et H II du tube soient exactement de même' diamètre, en sorte qu'en observant sur une seule et même échelle LM la hauteur HI, à laquelle s'est élevé le mercure, on reconnaîtra qu'il s'est abaissé au-dessous du point G de la même quantité HI. Ainsi , pour avoir la hauteur du mercure due à la force du sang, nous n'aurons qu'à doubler la hauteur HI, et retrancher de ce résultat la pression du mélange de sang et de sous - carbonate de soude , due à la colonne BCK = BG-j-GK = BG fHI. Soit donc BG = 25 millimètres, soit HI=io5 millimètres; supposons en outre, comme nous l'avons trouvé, qu'une colonne de mélange de sous-carbonate de soude SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 75 et de sang, de 10 millimétrés de hauteur, fasse équilibre aune hauteur d'un milli- métré de mercure : nous aurons pour la pression demandée 25 + io5 100 io5 + io5 = 210 = 210 — j3 = 197 mill. 10 10 et pour une hauteur HT égale à 85 mill., par exemple, la pression que nous aurions serait : s5 + S5 110 85+85 = 170 = 170 — 11 = i5q mill. 10 10 En cherchant la moyenne de ces deux pressions , nous aurions ; ■97 + 159^556 8 maL 2 2 Nous aurions pu arriver à l'expression de cette moyenne par la disposition sui- vante : Point le plus haut Point le plus bas. 1er mélanpc de s.-carb. 2e mtlanpe de s. carb. et de sang. et de sang. 10S + io5 85 + S5 25 + io5 25 + 85 Somme 38o mill. Somme 240 mill. 2 380 Pression moyenne 10 38o — 24 356 „ .„ 3 = 1 = = 178 mill. 2 22 Si on avait à prendre une autre moyenne , non entre deux pressions , mais entre deux pressions moyennes elles-mêmes, et dont les hauteurs HI fussent les nombres io5,85; 110,82, on l'obtiendrait alors évidemment de la manière sui- vante : Point le plu .haut Point le plus bas. 105 + io5 85 + 85 110 + 110 82 + 82 2l5 + 2l5 167 + 167 764 mill. 4S2 Moyenne 10 764-48,2 7'5>8 o , .,, . = 178,95 mill. X 2 2X2 4 Pour obtenir une moyenne entre trois pressions moyennes, dont les hauteurs res- pectives seraient 1 o5, 85 ; j 10,82; 96,84, on aurait encore: 74 M. POISEUILLE. — RECHERCHES Point le plu ! haut. Point le pli isbas. io5 + io5 S5 + 85 1 10 + 110 82 + 82 96 + 96 84 + 84 25l + 25l remU "mi :lanpc. Second mélange', 25 + 105 25 + 85 25 + 1 10 25 + 82 25 + 96 25 4- 84 yS + 25 1 Moyenne • io52,S 175,46 mill. On voit finalement que la pression moyenne entre quatre pressions moyennes elles- mêmes s'obtiendrait en divisant la différence qui existe entre la somme des deux premières colonnes et le dixième de la somme des deux dernières qui correspondent aux mélanges, par 2 X4î et par 2 X 5, par 2 X 6, etc. , selon qu'il s'agit de la moyenne entre 5 ou 6, etc. , moyennes elles-mêmes. On.nous pardonnera ces détails de calcul en faveur de la clarté qu'ils vont répandre sur ce qui va suivre. L'instrument est appliqué, disions-nous, à l'artère carotide primitive d'un chien. Aussitôt que le sang de l'artère s'introduit dans la branche horizontale AB., il fait effort sur le mercure en se mêlant au sous-carbonate de soude ; et dans l'intervalle de moins d'une seconde , le mercure, en s'élevant dans la branche HE, atteint la hau- teur de io5 millimètres, pour redescendre aussitôt après à 85 millimètres, remonter aussitôt pour redescendre encore. Il s'établit ainsi une suite d'oscillations en vertu desquelles le mercure monte et descend alternativement; et lorsque les mouvemens respiratoires ont lieu régulièrement, que l'animal ne fait aucun effort, les ascensions et descentes de la colonne de mercure semblent osciller de la même quantité au- dessus et au-dessous d'un même point du tube qui, dans le cas dont il s'agil , cor- respond à 95 millimètres. Lorsque les mouvemens respiratoires sont plus forts, l'élévation de la colonne et son abaissement s'éloignent alors beaucoup plus de ce point. C'est ainsi que le mercure s'élevait à 1 1 5 millimètres pour descendre immé- diatement après à y5 millimètres. Cette sorte de régularité dans les ascensions et descentes de la colonne de mercure n'existent pas toujours, ainsi qu'on le voit lorsque, dans de violens efforts de l'animal , à de grandes inspirations succèdent des expirations saccadées, et vice versa; il y a alors pendant tout ce temps, dans la colonne de mercure, une sorte de tourmente qui porterait la plus grande indéter- mination dans l'évaluation de la hauteur cherchée , si on ne l'observait qu'à cette époque ; mais l'animal cessant d'être fortement ému , et les mouvemens respira- toires devenant ordinaires, la colonne offre la, régularité dont nous avons parlé pré- cédemment. ,» Nous devons faire observer que cette hauteur de 95 millimètres que nous venons SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 75 d'indiquer n'est pas toujours la même. C'est ainsi que, dans l'expérience que nous rapportons , nous avons remarqué quatre fois de suite alternativement les hau- teurs 96 et 84 ; la colonne s'élevait et s'abaissait de la même quantité à partir du point marqué par 90 , plus bas que le précédent de 5 millimètres , de sorte que la force qui meut le sang dans les artères, et par suite celle du cœur, varierait d'un instant à l'autre pour revenir à son premier état, et ainsi de suite. Après les nouvelles recherches de M. Magendie1, touchant l'influence des mou- vemens respiratoires sur le cours du sang dans les artères, il est inutile de dire que l'abaissement du mercure correspond à l'inspiration , son élévation à l'expiration. Ce sera donc en prenant la moyenne entre le« deux colonnes de mercure qu'on obtiendra véritablement celle due à la force du cœur. De ce qui précède nous concluons, que la hauteur du mercure dans le tube doit s'obtenir en prenant la moyenne de deux hauteurs consécutives; et si nous remar- quons qu'indépendamment des modifications introduites dans la hauteur de la colonne par les mouvemens respiratoires, cette hauteur varie d'un instant à l'autre de quelques millimètres, nous verrons alors que pour avoir la hauteur correspondante à un cer- tain nombre d'observations consécutives , il faudra déterminer la pression moyenne entre les pressions moyennes correspondantes aux hauteurs trouvées. Appliquons cette marche aux hauteurs que nous a données l'instrument dans notre expé- rience , et rappelons - nous ce que nous avons dit précédemment sur la ma- nière simple d'obtenir la hauteur moyenne entre des hauteurs moyennes elles- mêmes. Hauteur du mélange Hauteur du mélange corresp. aux expirations. corresp. aux inspirations. 25 + lo5 25 + 85 25 + 1.0 25+82 25 +96 25 + 84 25 + 96 25 + 84 25 +96 25 + 84 25 + 110 25 + 80 25 + 110 25 + 80 25 + io5 25 + 85 Hauteur Hauteur dans l'expiration. dans l'inspiration. io5 + io5 85 + 85 110 + 110 82 + 82 96 + 96 S4 + 84 96 + 96 84 + 84 96 + 96 84 + 84 110 + 110 80 + 80 110 + 110 80 + 80 io5 + io5 85 + 85 828 + 828 664 + 664 Soimiir 2t,R, i 200 -f 828 200 + 664 Somme 1892 „ . , , . 2984-189,2 2794,8 Pression moyenne égale a = — =174,07 mal. 2X8 16 Après avoir décrit l'instrument dans sa forme et dans l'application que nous vou- lions en faire , disons un mot , avant d'entrer dans l'exposition du fait énoncé page 1 1 , de tout le parti qu'en pourrait tirer la science. (1) Journal de Physiologie, 1. 1. Voir sur le même sujet un Mémoire de AI. Bourdon, 1820. 6 M. POISEUILLE. — RECHERCHES Déterminer avec la dernière évidence les modifications qu'introduisent les mou- vemens respiratoires dans la circulation artérielle et même veineuse: Déterminer les modifications de la force qui meut le sang dans les artères, soit à raison de IVe, soit qu'on rende artificiellement le sang plus aqueux, soit qu'on en diminue la masse, soit qu'à l'aide de ligatures on isole de l'action du cœur une portion de système artériel * , soit qu'on fasse entrer dans le torrent de la circulation des substances particulières, telles que le camphre, l'assa-fœtida, desalcoholiques, etc. , soit que par des moyens quelconques, on éveille chez un animal des émotions plus ou moins vives, etc. Nous nous proposons, dans un mémoire subséquent, de résoudre quelques-unes de ces questions , qui intéressent au plus haut point la pathologie interne et externe ; et comme nos recherches seront essentiellement fondées sur les applications diverses de notre instrument, nous croyons devoir l'appeler kèmodynamomktre , dénomination en rapport avec ses usages. Il nous reste maintenant à établir qu'une molécule de sang est mue avec une force é°-ale , quelle que soit la place qu'elle occupe dans le système artériel : la chose sera prouvée, quand on saura que deux hérnodynamomètres placés sur deux artères différemment éloignées du cœur présentent des pressions exactement les mêmes. i° Le sujet de cette expérience est un chien. On met à découvert les artères carotide primitive et humérale gauches, et on place, ainsi que nous l'avons dit, un hémodynamoraétre sur chacune de ces artères. Il faut avoir soin d'observer au même instant la colonne de mercure dans l'un et l'autre de ces instrumens ; cette circonstance est de la plus haute importance pour l'identité que nous voulons établir. Qu'il me soit permis ici d'adresser tous mes remercieinens à M. d'Espine, mon ami, dont le zèle assidu m'a puissamment secondé dans cette partie de mes expériences. Il est inutile d'ajouter que les branches horizontales des deux hémodynamomètres sont à égale distance de l'horizon. La distance B G dans l'un et l'autre hémodynamoraétre était de 1 70 millimètres. (1) Dans sept expériences nous avons lié l'aorte dans toutes, la pression indiquée par la hauteur abdominale au-dessus du tronc opistrogastrique; du mercure a presque doublé. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. PRESS. A LA CAROTIDE DE 5,20 MILL. DE D1AM. Le point où est appliqué l'appareil est distant du cœur de 20S mill. HACTEUHS des mélanges correspondons 80+ 80 90 + go iOI+ 101 110+ 110 io5+ io5 110+ 110 io5+ io5 100+ 100 85+ 85 g5+ 95 85+ 85 1066 + 1066 Somme 45 Press, moy ùu. 110+ 110 100+ 100 109+ 109 u5+ n5 n5+ n5 n5+ 1 15 1 10+ 1 10 n5+ n5 io5+ ip5 100+ 100 110+ 110 mill. mill. 170+ 80 170+ go 170+ 101 170+ 110 170+ io5 170+ 110 170+ io5 ico+ 100 170+ 85 170+ g5 170+ 85 1870 + 1066 170 + 170 + 170 + 170 + 170 + 170 + 170 + 170+ 1 1 5 170+ io5 170+ 100 170+ 110 1S70 + 1204 \o mill. Somme 6010 mill. 454o — 601 3939 PRESS. A L HUMERALE DE 0 MILL. DE DIAMETRE. ( Le point où est applique l'appareil est distant du cœur de 303 respondans îill. 85+ 85 90+ 90 100+ 100 110+ 110 108+ 108 110+ 110 io5+ io5 io5+ io5 90+ 90 95+ 95 90+ 90 10SS+10SS mill. miU. 105+ 105 100+ 100 110+ 110 n5+ i,5 112+ 112 n5+ n5 . 10+ 110 1 10+ 110 100+ 100 100+ 100 io5+ io5 1S2 + 11S2 Somme 454o mill. uill. mill. 70+ 85 70+ go 70+ 100 70+ 110 70+ 108 70+ 110 70+ io5 70+ io5 70+ 90 70+ 95 70+ 90 1S70 + 10S8 170+105* 170 + 100 170 + 110 170+115 170 + 112 170+iia 170+110 170 + 110* 170 + 100* 170 + 100 170 + 105* 870 + 1182 Somme 6010 mill. 454o — 601 3g 3g = i7g,o4 mill. Toutes les observations marquées de ce signe* ont été prises au moment où les mouvemens respiratoires étaient plus grands que dans l'état normal. Par l'identité que présentent ces résultats, on voit qu'une molécule de sano- dans l'artère carotide d'un diamètre de 5,20 millimètres, cette molécule distante du cœur de 208 millimètres, se meut avec la même force qu'une molécule de sano- dans l'artère numérale, présentant un diamètre de 3 millimètres, distante du cœur de 3o3 millimètres. 2° Je répétai cette expérience sur un autre chien; les artères numérale et carotide donnèrent la même hauteur de mercure. 3° On laisse en place, dans l'expérience n° 1, l'hémodynamomètre de l'humérale ; on découvre l'artère iliaque primitive gauche ; on y applique l'hémodynamomètre de la carotide, et les résultats que nous venons d'obtenir pour la carotide et l'humérale se vérifient pour l'humérale et l'iliaque primitive, qui avait 5 millimètres de diamètre et distante du cœur de 808 millimètres. 78 M. POISEUILLE. - RECHERCHES 4° Ici nous opérons sur la carolide et la crurale. PRESSION A LA CAROTIDE Dt ( Lo lieu où cet appliqué l'appareil 4 MILLIM. DE DIAMÈTRE. •st distant du cœur de 180 mill.) PRESSION A LA CUl'RALE DE 3,5 MILL. DE DIAMETRE. ( Le lieu où esl applique l'appareil est distant du cœur de 515 mill.) HAUTEURS de la colonne de mercure HAUTEURS des mélanges co rrespondans HAUTEURS de la colonne de mercure HAUTEURS des mélanges correspondans dons dons l'Aspiration. l'in^anon. l'oipiration. dans l'oxpiTtion. l'inspiration. l'aspiration. mill. mill. 4a + 4a . 4i,5+ 4i,5 4o + io 4o + 4« 4» + 4» 4i + 4' mill. mill. 66 + 66 66,5 + 66,5 67 + 67 66 + 66 66 + 66 65 + 65 mill. mill. 55+ 42 55+ 4', 5 53+ 4o 55+ 4o 55+ 42 33+ 4i 33+ 66 35+ 66,5 35+ 67 53+ 66 33+ 66 53+ 65 mill. mill. 45 + 45 44 + 44 45 + 45 44,5 + 44,5 45 + 45 44 + 44 mill. mill. 65 + 63 64 + 64 62 + 62 61,5 + 61,5 65 + 63 62+62 mill. mill. 55+ 45 55+ 44 35+ 45 35+ 44,5 55+ 45 55+ 44 mill. mill. 55+ 65 55+ 64 55+ 62 35+ 6t,5 55+ 65 33+ 62 a4C 5 + a46,5 596,5 + 096,5 198+ 246,5 198 + 596,5 267,5+267,5 375,5+375,5, 198+267,5 198+ 575,5 Somme 12S6 mill. 1286—10 Somme te 5,9 1182,1 59 mill. = 98,50 mill. Somme 12S6 mil). Sommé io5g mill. „ . 12S6 — io5,q 1182,1 .„,,„ 2 X6 12 2X6 13 Les pressions données par la carotide et la crurale sont donc les mêmes. 5° La même expérience fut répétée en présence de M. Cruveilhier, qui voulut bien lui-même vérifier, sur l'hémodynaniomètre de la canotide , les hauteurs qu'annonçait mon ami le docteur Blandin, chargé de suivre les hauteurs que présentait l'autre instru- ment placé à la crurale. 6° L'identité des pressions des artères carotide et crurale fut de nouveau constatée en présence de M. Magendie, qui voulut bien, à cet effet, mettre à notre disposition son laboratoire. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. Examinons s'il en est de même de la carotide et de l'aorte. 79 PRESSION A Là CAROTIDI DE 4 MILL. DE DIAM. PRESSION A L'AORTE DE 9 MILLIM. DE DIAMÈTRE. j Lieu de a carotide dislan 1 du cœur de 180 mill. ) HAUTBORS (Lieu HACT1 e l'aorte distant DBS du eœur de 5,o nill. ) HATJTBDBS HACT EUBS de la colonne de mercure dans des mélanges correspondans de la colonne dans de mercure des mélanges -orrespondans i à à rëMoiralion. l'etpirahon. l'inspiration. lejp.ration. l'inspiration. Peipiralion. l.nsp.ranon. l'expiration. mil). mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. a 46+ 46 47 + 47 53+ 46 55+ 47 46+ 46 47+ 47 55+ 46 33+ 47 b 42+ 4^ 4g + 49 33+ 42 55+ 49 42+ 42 4g+ 49 55+ 42 35+ 49 c 4o+ ào 52+ 52 33+ 40 53+ 52 4i+ 41 5i+ 5i 5j+ 41 53+ 5i d 45+ 45 48+ 48 33+ 45 55+ 48 45+ 45 48+ 48 35+ 45 35+ 48 e 47 + 4-7 4g + 4g 35+ k- 33+ 4q 46+ 46 5o+ 5o 55+ 46 33+ 5o f ^7+ 37 55+ 55 33+ 57 35+ 55 38+ 5S 54+ 54 55+ 38 33+ 54 ff 45+ 45 48+ 48 33+ 45 33+ 48 45+ 45 48+ 48 33+ 45 35+ 48 A 46+ 46 47+ 47 35+ 46 33+ 47 45+ 45 48+ 48 33+ 45 33+ 48 348 + 348 3g5 + 3g5 264+348 264 + 395 548+548 395 + 395 Somme i486 mill. 264+348 264 + 595 Somme i^ 86 mill. Somme 1271 mill. Somme 1 271 mill. '4 86 — 127,1 i358,g l4S0— ia7,l i358,9 ~~ 16 = rress. moy. — 2X8 = . -= 84,87 mill. 16 ' Press, moy. — 2 X 8 S4,87 mill. 8° Cette même expérience fut faite sur un autre chien, et on obtint les mêmes ré- sultats. 90 La carotide et la rénale, sur un autre animal, ne donnèrent pas de pressions différentes. So M. POISEUILLE. — RECHERCHES i o° Sur un autre chien , nous avons pris l'axillaire et la crurale. PRESS. A L'AXILLAIRE DE 4>5 MILL. DE DIAM. PRESSION A LA CRURALE DE 4 MILL. DE DIAM. (Le lie u où est appliqué l'appareil e t distant 1 u cœi r de 125 mill. ) [Leli u où est appliqué l'appareil est distant du cœu r de 51.8 n iill.) HAUTEURS HAUTEURS HAUTEURS. HAUTEURS de la colonne de mercure des mêla nges< or,..po.d.D. del i colonne de mercure des mélanges orrespon dans ~ dans dans a à dans dans à à l'inspirât <"•■ 1 ettpiralmn. l'inspira ion. pirahon. 1 expiration. 1 insp.ranon. lexp.rat mill. mill. mill. mill. mill. mill mill. mill. mill. mill. mill. mill. 11II. + 35 4o + 4o 25 + 55 25+ 4° 36 + 56 59 + 5g 25 + 36 25 + 3q + ùl 44 + U 25 + 3i 25+ 44 52 + 52 43 + 43 25 + 52 23 + 43 5n + 3o 45 + 45 25 + 3o 25+ 45 33 + 55 4'2 + 42 25 + 33 25 + 42 35 + 55 45 + 45 25 + 35 25+ 45 67 + 57 41 + 41 25 + 57 25 + 4i 5n + 3o 55 + 55 25 + 5o a5 + 55 ■>9 + 39 46 + 46 25 + 39 25 + 46 + 5i 54 + 54 25 + 3i 25+ 54 40 + 4« 45 + 45 25 + 4° 25 + 45 33 + 33 48 + 4S 25 + 53 25+ 48 38 + 38 45 + 43 25 + 38 25 + 43 Sa + 32 47 + 4- 25 + 52 25+ 47 "7 + 37 42 + 42 25 + 37 25 + 42 3i + 3i 44 + 44 25 + 5i 25+ 44 ai + 52 43 + 43 25 + 32 25 + 43 35 + 35 45 + 45 25 + 35 25+ 45 ôH + 3S 42 + 42 25 + 38 25 + 4= 5/j + M 43 + 45 25 + 34 25+ 45 3b + 36 4i + 4i 25 + 56 25 + 4i 55 + 35 46 + 46 25 + 55 25+ 46 »7 + 37 44 + 44 25 + 57 25 + ''i 5q2 S + amfi 592 554 + 554 3oo + 392 5oo + 554 435 S + 455 5n + 5n 3qo + 455 Somme 1 3oo + 5n 546 mill. ne 1S92 mill. Somme 1 546 mill. omme 1892 mill. 1802 — i5A,6 173-, 4 72, 3q mill. Près 1892 — i54,6 1737/1 Près . rnov- 72,39 min. 2 X 12 24 2 X 12 24 N. B. Les expériences 4% 7% 10° sont citées plutôt pour établir l'identité de force que pour servir à estimer la grandeur , attendu que, dans la préparation des artères, les animaux avaient perdu une quantité notable de sang. 1 1" Jusqu'à présent, les expériences rapportées n'ont été faites que sur des chiens : terminons en décrivant, dans tous ses détails , une expérience faite sur un cheval, laquelle nous confirmera dans ces résultats et nous préparera à des réflexions que nous soumettrons bientôt au lecteur. Kous avons pris l'artère carotide qui offrait 10 millimètres de diamètre, et le point où fut placé l'hémodynamométre était distant du cœur de 976 millimètres, environ 3 pieds. L'artère que nous avons considérée concurremment avec la carotide n'était pas une artère principale d'un membre ou de l'abdomen , comme dans les expériences précédentes , mais une artère dont la grosseur était vingt-cinq fois plus petite que la carotide ; c était un rameau musculaire de la cuisse , lequel naissant de la crurale se perdait, après un trajet de i5o millimètres, dans les muscles de la partie interne du genou. Cette artère avait 2 millimètres de diamètre, et était distante du cœur SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. Si de 1710 millimètres, environ 5 pieds 5 pouces : certes, la différence énorme qui se fait remarquer entre ces deux artères, et sous le rapport du volume, et sous le rapport de la distance au cœur, devrait nécessairement en apporter dans les pressions indiquées par l'hémodj'namométre , dans le cas où ces pressions seraient différentes: nous allons voir, comme précédemment, que ces pressions sont tout-à-fait les mêmes. ! PRESSION A LA CAROTIDE DE 10 MILL. DE DIAM. PRESS. ATI RAMEAU DE LA CRU. DE 2 MIL. DE DIAM. ' ( Le lieu où est appliqué l'appareil est distant du cœu EUES M.) ( Le lieu où est appliqué l'appareil est distant du cœu rde 1710 mill. ) HAUTEURS H ALI £ ADTEOBS HAUTEURS de la colonne de mercure des mélanges correspondans de la colonne de mercure des mélanges t orresponuans '""" i^T^ dans à dans dans à à l'inspiration. l'c5pira,ion. l'inspiration. l'oip.rat. l'inspirai on. l'espiralion. Inspiration. 1 expiration. mill. mill. mill. mill. mill. mil!. mill. mil! mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. mill. a o+o 1S0+ 1S0 240+ 0 240 + 180 87 + S? 9J + 9Û 240+ s7 24o+ gS* b 85+85 95+ g5 240+ 85 240 + q5 S5 + 85 95 + 95 240+ 85 24o+ 95 c 85+85 92+ 92 240+ 85 =4o + q2 85 + 85 92 + 92 240+ 85 240+ 92 d 60+60 120+ 120 240+ 60 240 + 120 86 + 86 yi + 94 240+ 86 240+ 94 *| e 35+35 l45+ l45 240+ 35 24o + i4^ 88 + 88 92 + 92 240+ 88 24o+ 92*1 f 5 + 5 i75 + 175 240+ 5 24o + i75 87 + 87 9J + 93 240+ 87 ?4o+ 95*| g 0+0 l8o+ l80 240+ 0 24o + 180 86 + 86 94 + 9't 240+ S6 24o+ g4 * h 60+60 120+ 120 240+ 60 240 + 120 86 + 86 94 + 94 a4o+ 86 24o+ 94*1 i 85 + 85 95+ 95 240+ 85 240 + 95 85 + 85 95 + 95 240+ 85 240+ g5 4i5 +4i5 1202 + 1202 2i6o+4i5 2l6o + 202 775 + 775 S42 +842 2160 + 775 2160 + 842 Somme 3254 mill. Somme 1937 mi 1. Somme 3254 mill. Somme 5937 mill. 3234 — 5o,3,- 2640,3 3234 — 5g3,7 264o,3 i46,68 mill. Press, moy. = = 2 X 9 >« 46,68 n îill. Press, m °5' 2X9 lS Les observations marquées de ce sig le * ont été prises au ijilieu d'efforts respiratoires plus ou moins violens. -1 De l'identité de ces résultats et des précédens , nous pouvons conclure irrévoca- blement que la force avec laquelle une molécule de sang se meut, soit dans la carotide, soit dans l'aorte, etc. , est tout-à-fait égale à celle qui meut une molécule dans le plus petit rameau artériel1: ou, en d'autres termes, qu'une molécule de sang se meut avec la même force dans tout le trajet du système artériel; ce qu à priori 3 avec tous les physiologistes, nous étions loin de penser2. (1) Bichat, Anatomie générale , limites de l'cw- même dans tout le trajet du système artériel, tion du cœur , nie cette égalité de forces dans les nous n'entendons pas rejeter les modifications troncs, les branches et les ramusçules; mais, qu'elle doit éprouver en certains points de ce malgré tout le respect qu'impose l'opinion d'un système, qui présentent une disposition spéciale , aussi grand physiologiste, nous nous voyons comme les arcades anastomotiques des artères du forcés d'être d'un sentiment contraire. mésentère, le cercle artériel deWillis, etc. (2) Quand nous disons que cette force est la 6. 11 82 M. POISEUILLE. — RECHERCHES Essayons maintenant de faire connaître par quel mécanisme cette force est la même , soit au commencement du système artériel, soit en un point quelconque de son trajet, nous pourrions dire presque à sa terminaison. Lorsque le cœur se contracte, une ondée de sang est poussée dans le système artériel, déjà plein de sang; les phénomènes qui suivent immédiatement la pro- jection de cette ondée sont, la dilatation des artères 3 une sorte de locomotion de tout le système artériel, par laquelle les courbures tendent à se redresser. Ces phé- nomènes ne peuvent avoir lieu qu'aux dépens de la force avec laquelle l'ondée est lancée par le cœur; mais à peine le système artériel s'est-il dilaté, à peine ses cour- bures ont -elles cédé à l'action du cœur, qu'en vertu de l'élasticité des parois arté- rielles, toutes les artères;, revenant sur elles-mêmes, rendent à la force du sang tout ce qu'elle venait de perdre, et par suite la force avec laquelle l'ondée de sang est lancée du cœur, conserve la même intensité jusqu'aux dernières ramifications artérielles , ainsi que nos expériences l'ont constaté. Nous nous bornons pour le moment à cette interprétation du fait que nous avons établi, elle est simple et naturelle; mais, nous l'avouons, elle est loin d'être sa- tisfaisante. Les idées que nous avons jusqu'à présent à ce sujet exigent une inves- tigation plus sévère , nous ne les jugeons pas assez mûres pour les émettre en ctr moment. Revenons maintenant sur les expériences que nous avons rapportées précédemment, et examinons d'abord l'influence des mouvemens respiratoires sur le cours du sang artériel; voyons ensuite si cette influence est la même, et pour les grosses artères, et pour les petites placées à une certaine distance du cœur. Les expériences n° 1 , n°4, n°7, n°io, n° iî, nous démontrent que la hauteur de la colonne de mercure est moindre dans l'inspiration , et , au contraire , est plus grande dans l'expiration : ainsi, nous devons conclure que, dans l'inspiration, la force avec laquelle le sang se meut dans les artères est diminuée, tandis qu'elle est augmentée. dans l'expiration. Ce dernier fait, établi par Haller, Lamure et Lorry, a été confirmé par M. Magendie. Si , dans les expériences que nous venons de citer, nous comparons la différence des hauteurs données dans l'inspiration et l'expiration, sur des points du système artériel différemment éloignés da cœur, nous voyons que lorsque les inspirations et expirations se font dans l'état ordinaire , la même différence des hauteurs existe pour les deux points du système artériel , comme l'indiquent les observa- tions b , djf3 g, h, de l'expérience n° 1 ; celles a, d3 g , de l'expérience n°7; celles b , et i ', de l'expérience n° 1 1 ; ainsi , dans cette dernière expérience , l'observation b nous montre que les hauteurs sont 95 et 85 , et pour l'artère carotide , et pour le ra- meau de la crurale. SUR LA FORCE DU COEUR AORT1QUE. 85 ?*ous remarquerons en outre, en nous renfermant dans l'expérience n° 1 1, que lorsque de violens efforts respiratoires ont lieu, les différences de hauteurs dues à l'inspiration et à l'expiration présentées par le rameau de la crurale, sont à la vérité un peu plus grandes que dans le cas où les monvemens respiratoires ont lieu dans l'état normal, mais ces hauteurs n'offrent pas les énormes différences que présentent les hauteurs données dans les mêmes circonstances par l'hémodynamomètre placé sur la carotide. Ainsi, d'après les observations a, d, e, f, g, les hauteurs dans les profondes inspirations sont, o, 60, 35, 5, o; tandis que, dans les expirations qui ont suivi chacune de ces inspirations, on a obtenu respectivement les hau- teurs 180, 120, i45, 175, i5o. lesquelles diffèrent beaucoup des précédentes don- nées dans les inspirations. De ces dernières remarques, nous concluons que l'influence des mouvemens respiratoires sur le cours du sang artériel est augmentée dans les grosses comme dans les petites artères, lorsque de violens efforts respiratoires succèdent à des res- pirations ordinaires; mais que cette influence, spécialement pour les grosses artères, est telle que, dans les inspirations, la force qui meut le sang est très près d'être nulle, si elle ne l'est pas; et qu'en revanche, dans les expirations correspondantes cette force devient presque deux fois aussi grande que dans l'état normal. Je ne sache pas que les auteurs, en traitant de la modification qu'introduit la respiration dans le cours du sang artériel, aient tenu compte des modifications dues à l'inspi- ration, lesquelles peuvent être telles que le mouvement du sang soit nul; ni de cette différence d'influence qui a lieu et dans les grosses et dans les petites artères ; différence qu'il eût été difficile de prévoir, le système artériel formant un tout con- tinu, le liquide qui y est contenu étant mû par une force qu'il emprunte primiti- vement d'un seul organe, le cœur. Si ces développemens ne dépassaient pas déjà les bornes que nous nous étions prescrites, nous rappellerions que c'est en effet dans les efforts de toux, dans les exclamations de la colère, etc., etc., que l'aorte, que les tumeurs anévrismales se rompent, que surviennent les hémorrhagies nasale, cérébrale, etc., etc.; nous par- lerions surtout du soin qu'il faut avoir quand on explore le pouls, de bien s'assurer si la respiration se fait régulièrement; car si à de certains intervalles, par suite d'é- motions vives, le malade fait une profonde inspiration, une pulsation pourra se faire attendre, être nulle, d'où l'on conclura à tort que le pouls est irrégulier ou même intermittent : on peut sur soi-même s'assurer de la vérité de ces as- sertions. !Nous pourrions expliquer comment il arrive que dans les amputations des mem- bres supérieurs le jet de sang, sortant avec violence des artères, se trouve quel- quefois tout à coup suspendu; tandis que pour les membres inférieurs le jet, beau- 84 M. POISSEUILLE. — RECHERCHES coup moins fort, est continu et saccadé ; même remarque pour les amputations des mamelles et des orteils1. Reprenons maintenant notre force du cœur. Puisque la pression donnée par l'hémodynamométre est la même lorsqu'on agit, soit sur un rameau, soit sur l'aorte elle-même, il est. clairement démontré qu'il suffit d'une seule expérience faite sur une artère d'un animal, pour constater exactement la force d'impulsion du cœur. Les animaux que nous avons pris, sont le chien et le cheval. Rapportons les les résultats de nos expériences; nous verrons si, par les conséquences qu'on peut en tirer, il nous est permis de déterminer par analogie la force avec laquelle se meut le sang dans le système artériel de l'homme. Nous tenons seulement compte dans le résumé que nous donnons, du poids du chien, du poids du cœur, et de la pression indiquée par l'hémodynamométre. NOMS POIDS POIDS PRESSIONS DES ANIMAUX. de l'animal. DU C OE U R. OBTENUES. i° Chien. . 1" mars. livres. liv. onc. gros. 6 5 millimètres. 148,88 2° Chien. . i5 mars. » » 3 7 i47,36 3° Chien. . 16 mars. » » 3 7 l4l,45 4° Chien. . 19 mars. 34 » 4 6 157,59 5° Chien. . 23 mars. 42 » 4 1 145,75 6° Chien. . 8 avril. 28 S 3 6 l66,60 70 Jument. . 14 avril. » 6 12 » 146,68 8° Cheval . 14 avril. » 4 6 » 147,00 9° Chien. . 25 avril. 86 » 7 3 '79>°4 10° Cheval . 28 avril. » 5 » » i57,25 1 1° Cheval . 1" mai. >» 5 6 » i54,33 12° Jument. . 1" mai. » .. 3 6 » 182,05 i3° Chien. . 17 mai. '9 » 2 6 141,40 14° Chien. . 18 mai. 4i » 6 6 171,14 Dans la pression donnée par l'hémodynamométre, nous n'avons pas fait entrer en considération, soit la pression atmosphérique, soit la température aux différentes époques des expériences, circonstances qui, à la vérité, peuvent influencer la hau- (1) Physiologie de Richerand. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 85 teur de la colonne de mercure, mais nulles, pour ainsi dire, eu égard au but que nous voulions atteindre. En examinant avec quelque attention ce tableau, on est surpris de trouver qu'un cœur de 5 onces 7 gros (n° 2) donne une pression égale, à quelques millimètres près, à celle que donnent des cœurs de 4 onces 1 gros, de 6 livres 12 onces, ou de 4 livres 6 onces; on n'est pas moins étonné de voir qu'un cœur (n° g) de 7 onces 2 gros donne une pression supérieure à celles de cœurs de 5 livres , de 5 livres 6 onces, de 4 livres 6 onces, de 6 livres 12 onces. Les pressions obtenues ne sont donc nullement en rapport avec les poids des cœurs ; de là ne pourrions-nous pas conclure que les variations qu'on observe dans les pres- sions (variations qui s'étendent seulement depuis i4o millimètres jusqu'à 180 mil- limètres), tiennent à des circonstances iudividuelles, telles que l'âge , le sexe , l'état de santé et de maladie, etc., etc. ; toutes circonstances que nous n'avons pas été à même d'apprécier. Cela posé, ne sommes-nous pas en droit de tirer comme con- séquence générale, toutes choses égales d'ailleurs, que la pression donnée par une artère d'un animal de 5oo à 4<>0 kilogr. , d'un cheval par exemple , serait la même que celle donnée par une artère d'un animal beaucoup plus petit, d'un chien de 10 ki- logrammes, par exemple. Ainsi, si l'on prend deux artères de même calibre, l'une dans le chien, l'autre dans le cheval, malgré la différence énorme dans le poids de ces deux animaux, les forces totales qui meuvent le sang dans chacune de ces deux artères seront par- faitement égales. Maintenant, si, considérant à l'état adulte l'homme, le chien, le cheval, nous prenons dans chacun d'eux une artère de même calibre, comme ces artères ont la même grosseur elles seront destinées, généralement parlant, à nourrir une même masse de parties. Eh bien ! il n'y a aucune raison de penser, toutes choses égales d'ailleurs, que la force qui meut le sang dans l'une de ces artères soit différente de celle qui meut le sang dans les autres. Nous regarderons donc ces forces comme identiques. Si en outre nous remarquons que les variations de pression obtenues dans le chien sont les mêmes que celles que présente le cheval, d'après les considérations précédentes et d'après ce que nous savons des variations de force que présente le pouls exploré dans un certain nombre d'hommes sains , de même âge , de même stature, de même tempérament, etc. , nous pouvons appliquera l'homme les varia- tions de pression que nous avons rencontrées dans le chien et le cheval. Alors les pressions données par l'homme varieraient de même, à quelques millimètres près, de i4o millimètres à 180 millimètres. Nous pensons même, vu les idiosyncrasies 36 M. POISEUILLE. — RECHERCHES du pouls, que les observations prises directement sur l'homme ne nous donneraient pas une évaluation plus précise, plus rigoureuse. Maintenant nous dirons : Puisqu'une molécule de sang, prise en un point quelconque du système artériel de l'homme est mue avec une force capable de faire équilibre à une colonne de mercure d'une hauteur connue , pour obtenir la force qui correspond à une artère d'un calibre donné , nous n'aurons qu'à prendre son diamètre ; et le poids du cylindre de mercure, dont la base serait le cercle donné par ce diamètre, et la hauteur celle de la colonne de mercure obtenue, sera la force statique totale avec laquelle le sang se meut dans cette artère; c'est-à-dire que si l'on y plaçait un dia- phragme maintenu du côté opposé au cours du sang par une force égale à ce poids, le san,T cesserait de se mouvoir dans l'artère. , Nous pouvons donc établir ce théorème général , que la force totale statique qui. meut le sang dans une artère, est exactement en raison directe de l'aire que présente le cercle de celte artère, ou en raison directe du carré de son diamètre , quel que soit le lieu quelle occupe. Comme application de ces principes cherchons, par exemple, la force avec la- quelle le cœur pousse le sang dans l'aorte de l'homme et dans d'autres artères , la radiale par exemple. Dans un homme de vingt-neuf ans , nous avons trouvé le diamètre de l'aorte au niveau des valvules sigmoïdes égal à 54 millimètres, sous la pression de 160 milli- mètres de mercure, nous avons obtenu pour l'aire du cercle de l'aorte 908, 2857 millimètres carrés qui, multipliés par 160 millimètres (hauteur que nous prenons entre i4o millimètres et 180 millimétrés), nous donnent i45525,72 millimètres cubes de mercure, dont le poids égal à 1971,77936 gram. - 1,971779, kilogr., ou 4 livres 5 gros 4-5 gr-> évaluation de la force totale statique du sang dans l'aorte, au moment où le cœur se contracte. Dans un homme de quarante-six ans l'aorte, sous une pression de i4o millimètres de mercure, nous donna 55 millimètres de diamètre. En prenant la pression, non de 160 millimètres, comme dans le cas précédent, mais de i4o millimètres seule- ment, on obtient 1,828288 kilogr., ou 5 livres 1 1 onces 6 gros 4 grains, pour la force du sang dans l'aorte, au moment de la contraction du cœur. Dans la jument, qui fait le sujet de la douzième expérience, on trouverait que la force avec laquelle le cœur lance le sang dans l'aorte est égale à 5,24656 kilogr., ou 10 livres 10 onces 7 gros 61 gr. L'artère radiale, sous une pression de 160 millimètres de mercure, a un dia- mètre égal à 5 millimètres. On obtient 1 5,55 grammes, ou bien 4 gros pour la force statique avec laquelle le sang se meut dans cette artère. SUR LA FORCE DU COEUR AORTIQUE. 87 Nous n'irons pas plus loin dans ces applications. On voit par ce petit nombre d'exemples, comment on procéderait pour avoir la force correspondante à une artère dont le diamètre serait connu. De tout ce qui précède il résulte que la force du cœur, déterminée par nous , n'est ni celle de Borelli, ni la force dynamique de Keill, ni la force statique de Haies , etc. , mais bien la force avec laquelle le cœur lance le sang dans l'aorte ou toute autre artère. Nous avons pensé que cette évaluation serait jugée préférable à celles qu'ont essayé de donner ces auteurs, à cause des conséquences et des résultats plus directs qu'elle présente. OBSERVATIONS FRACTURES ACCOMPAGNÉES DE CIRCONSTANCES REMARQUABLES, PAR MM. MOULIN et GUIBERT, DOCTEURS EN MEDECINE. PREMIERE OBSERVATION. Fractures des côtes , avec déchirure de la substance du poumon et emphysème. Guérison au bout de trois semaines. Un homme, âgé de quarante-six ans, entra à l'Hôtel-Dieu le 7 août 181 5 dans la soirée. Il avait eu la poitrine fortement pressée par le timon d'une voilure , et avait éprouvé sur-le-champ une difficulté de respirer, ainsi qu'une toux extrêmement violente. La poitrine ayant été examinée , on trouva plusieurs côtes fracturées dans leur partie postérieure. Quand on pressait le thorax d'avant en arrière , on produisait un certain bruit ou sorte de crépitation, qui provenait sans doute de ce que quelques fragrnens des côtes avaient déchiré le tissu du poumon, et que la pression faisait sortir l'air contenu dans les cellules de ce viscère, d'où il s'introduisait dans le tissu lami- neux environnant. Le malade fut saigné deux fois du bras : ce qui fut encore répété le lendemain; on lui fit prendre des boissons rafraîchissantes; on appliqua des réso- lutifs sur la partie souffrante, et un bandage de corps fut fortement serré autour de la poitrine, afin que le malade ne pût respirer que par le diaphragme. Le troisième jour, il y eut du mieux : les douleurs et la dyspnée avaient diminué d'une manière sensible; mais l'emphysème , qui occupait la partie postérieure du tronc, s'étendait jusqu'à l'épaule. On fit une nouvelle saignée qui fut réitérée le quatrième jour. Le cinquième et le sixième jours , l'amélioration se prononça davantage : la respiratiou devint plus facile , et bientôt après elle fut tout-à-fait naturelle , l'emphysème s'étant dissipé. Le malade sortit parfaitement guéri vers la fin du mois. DEUXIÈME OBSERVATION. Fracture de la rotule en travers, avec un énorme épanchemcut de sang dans la capsule synouale. r Un homme tomba sur le genou, au commencement de mai 1810 , et se fit une fracture transversale de la rotule, que l'on reconnut à l'impossibilité d'étendre la OBSERVATIONS SUR DES FRACTURES. « 89 jambe sur la cuisse, à la dépression qui se trouvait entre les fragmens, et, enfin, à la crépitation. Un bandage fut appliqué sur le genou ; mais, soit que le malade eût fait quelque imprudence, soit que le membre n'eût point été maintenu assez long- temps dans l'appareil, il se fit un assez grand écartement des fragmens, et il s'y in- terposa une couche fibro- cartilagineuse qui n'eut pas le temps de s'ossifier, parce que le malade ne garda pas le repos et le lit assez long-temps. Ayant voulu marcher, il tomba encore une fois sur le genou, la couche fibreuse interposée se rompit, et un grand épanchement de sang se forma dans la capsule articulaire. Le malade vint à l'Hôtel-Dieu pour s'y faire soigner. On plaça le membre dans un appareil conve- nable, et l'on dissipa l'épanchemenl par des saignées et des résolutifs réfrigérans. Bientôt il se forma une nouvelle couche fibreuse entre les fragmens , et celle-ci ne tarda pas, à l'aide d'un repos absolu, à acquérir la consistance osseuse. Le malade sortit parfaitement guéri le 21 juillet suivant. On lui conseilla, pour prévenir toute récidive, de porter un bandage de peau de buffle, composé d'une grande plaque, de la largeur du genou , se terminant par quatre prolongemens qui venaient se fixer derrière le jarret fortement serré, et qui se trouvaient pourvus intérieurement d'une plaque de cuir bouilli , afin d'empêcher l'articulation de trop se fléchir. TROISIÈME OBSERVATION. Fracture de l'os iliaque gauche, avec épanchement sanguin dans le petit Dassin. Un homme tomba par une fenêtre, à peu près de quarante pieds de hauteur, le 14 juillet 181 3, sur la plante du pied gauche. La commotion se transmit au moyen du fémur à l'os iliaque correspondant, qui se fractura en travers au niveau de sa partie moyenne. Le malade fut apporté à l'Hôtel-Dieu presque mourant, ayant la face livide , et les yeux tournés en haut. Il se plaignait de douleurs cruelles dans le bassin. L'examen attentif des parties fit reconnaître, en effet, une fracture transver- sale de l'os iliaque gauche, endroit vers lequel le malade portait toujours machina- lement la main; et l'on put obtenir la crépitation en remuant les fragmens en sens contraires. Cette fracture ayant été réduite, on la contint avec un bandage de corps bien serré, que l'on fixa autour du bassin. Cependant, malgré ces précautions, le malade s'affaiblit de plus en plus , la respiration devint stercoreuse , le pouls petit , vermiculaire , et la mort arriva à huit heures du soir. L'autopsie du cadavre justifia complètement le pronostic : la portion gauche du bassin fut trouvée fracturée dans sa partie moyenne , les parties molles environ- nantes fortement contuses ; et un épanchement sanguin en quantité notable, dé- terminé sans doute par la déchirure de plusieurs petites artères, se rencontra dans le petit bassin. 6. 12 go MM. MOULIN ET GU1BERT. — OBSERVATIONS QUATRIÈME OBSERVATION. ^Fracture de la quatrième vertèbre dorsale; déchirure de la moelle épinière. Mort trois semaines après l'accident. Un homme de quarante-un ans, tomba du haut d'un cerisier sur le dos, au moment où il était occupé à cueillir le fruit de cet arbre , près d'un champ de blé. 11 resta sans connaissance pendant une heure, au bout de laquelle des passans le relevèrent, et virent avec surprise qu'il ne pouvaitpas même remuer les jambes. On le transporta chez lui, et on le saigna largement du bras. Le lendemain, il fut conduit à l'Hôtel- Dieu. Là, il fut interrogé sur son état, mais l'on ne put reconnaître aucune fracture des vertèbres. Le malade disait que depuis l'épigastre jusqu'au bout des orteils il ne sentait rien, et, effectivement, toute la moitié inférieure du corps était privée de sensibilité et de motilité. Ces facultés étaient, au contraire, bien conservées dans toutes les parties situées au-dessus de l'appendice xiphoïde. La figure était celle d'un homme en bonne santé , l'abdomen distendu par des gaz ; ses parois étaient alternativement soulevées par les contractions du diaphragme qui, seul, pouvait servir à l'acte mécanique de la respiration. On sonda la vessie qui était paralysée, aussi bien que le rectum, et l'on en retira environ deux pintes d'urine. Frictions sur les parties atteintes d'immobilité avec un Uniment fortement am- moniacal. Décubitus prescrit alternativement sur le dos, et sur l'un et l'autre côté, afin que la pression ne déterminât point de gangrène dans les surfaces paralysées. Troisième jour, même état. Quatrième jour, face un peu moins calme; pouls très mou et presque ondoyant; évacuations alvines involontaires, et dont le malade ne s'aperçut qu'à leur mauvaise odeur. On continua de vider la vessie par le cathétérisme. Cinquième jour, même état, assoupissement continuel. Sixième et septième jours, point d'amélioration; urines sanguinolentes évacuées au moyen de la sonde; exco- riations aux fesses, pansées avec le diachylon gommé; frictions le long de la colonne vertébrale avec l'alcali volatil. Septième et huitième jours, abattement plus grand. Neuvième jour, mouvement fébrile dans la matinée, qui dura ti'ois heures et fut pré- cédé de frissons. Le malade n'ayant point été à la selle depuis six jours, on procura des déjections au moyen d'un lavement. Dixième, onzième et douzième jours, le malade dit éprouver des douleurs avec chaleur brûlante et élaneemensdans la région de la colonne vertébrale sur laquelle il était tombé. Le sacrum est couvert d'une large et profonde escarre. Quinzième et seizième jours, respiration gênée, toux par intervalle. Vingtième jour, agrandissement de l'escarre du sacrum; infiltration des extrémités inférieures; douleurs lancinantes entre les épaules, à l'endroit de la chute. Vingt-troisième jour, vomissement d'une bile jaune et amère; dans la matinée, dyspnée plus forte que de coutume. Étouffement dans l'après-midi, sueur froide répandue sur la face et sur les mains; anxiété, faiblesse extrême, voix éteinte; suffo- cation et mort en très peu de temps. SIR DES FRACTURES. 9! L'examen du cadavre fait le lendemain fit reconnaître une fracture de l'apophyse épineuse et d'une portion des lames de la quatrième vertèbre dorsale, à son union avec la cinquième; la partie interne du ligament intervertébral était déchirée. La portion de la colonne vertébrale située au-dessus de la fracture était portée en avant; celle qui était située au-dessous se trouvait au contraire plus saillante en arrière. A l'endroit fracturé, la moelle était considérablement amincie et paraissait réduite en un ligament; au-dessus de eet endroit elle était enflammée , la partie qui se trouvait au-dessous paraissait dans son état naturel. Cette observation est curieuse par la correspondance exacte des phénomènes observés pendant la vie de l'individu , avec les lésions que l'on rencontra après la mort; mais elle l'est peut-être plus encore par la mort subite qui vint terminer la maladie dont on vient de lire l'histoire. La promptitude de cette mort peut s'explj- quer d'une manière satisfaisante, par les progrès de la myélite qui, en s'étendant chaque jour davantage , finit par atteindre l'origine des nerfs diaphragmatiques, d'où résulta sans doute la paralysie de ces nerfs, et !a suffocation presque instantanée due à la cessation des mouvemens du diaphragme. CINQUIÈME OBSERVATION. F factures des c6tcs, du cubitus et du fémur, du cùtc gauche, compliquées de plaies à la tète. Guéiison. Un maçon, âgé de soixante ans, tomba, le 26 août 1 S 1 5, d'un échafaud élevé de vingt pieds, sur la tête et Je côté gauche du corps. Transporté bientôt après à l'hô- pital , on reconnut, sur la région pariétale du côté frappé, deux plaies assez larges, mais qui ne pénétraient point jusqu'à l'os. On constata en outre la fracture de trois côtes, caractérisée par la difficulté de la respiration et de l'expectoration, parl'emphy- sème qui s'étendait à la partie antérieure gauche de la poitrine, la mobilité et la saiilie desfragmens et surtout par la crépitation. Enfin l'examen des membres fit con- naître une fracture du cubitus à la partie inférieure de cet os, et une pareille lésion de continuité au fémur du même côté, vers sa partie moyenne. Les plaies de tête furent pansées simplement et à plat, les fractures des côtes maintenues au moyen d'un bandage de corps tellement serré, que le malade ne put respirer par le dia- phragme; la fracture du cubitus fut contenue avec l'appareil ordinaire des fractures des deux os de l'avant-bras , et celle du fémur avec le bandage de Scultet, Le 1" septembre, le malade allait aussi bien qu'on pouvait l'espérer; les os fracturés étaient maintenus immobiles, la respiration et l'expectoration s'exécutaient sans dif- ficulté. Nul autre accident ne vint interrompre la convalescence que le temps seul pouvait rendre plus solide, et le malade sortit parfaitement guéri vers la fin de janvier suivant, quatre mois après son entrée à l'hôpital. NOTE SUR LA VERITABLE ORIGINE DU NERF PROPRE AU MUSCLE TENSEUR ] DE LA MEMBRANE DU TYMPAN, OtJ MUSCLE INTERNE DU MARTEAU, On admet généralement que le muscle interne du marteau, où muscle tenseur de la' membrane du tympan, reçoit uù filet nerveux de la portion dure de la septième paire ou nerf facial; tous les anatomistes français et étrangers s'accordent à le dire, et les auteurs même qui se sont spécialement occupés de l'organe de l'ouïe, indi- quent unanimement cette disposition ; tant l'erreur, une fois sanctionnée par l'habi- tude, se conserve et se perpétue! Il suffit cependant d'examiner un peu attentive- ment ce muscle, et surtout de le disséquer sur quelques animaux, pour se convaincre qu'il en est tout autrement. Le muscle interne du marteau ne reçoit pas de filet dn nerf facial, ni de la branche anastomotique décrite par Jacobson ; mais il possède un nerf tout particulier, qui lui est fourni par un ganglion adhérent au nerf maxillaire in- férieur. On a sans doute été conduit à dire que la portion dure fournit un filet à ce muscle, parce qu'elle passe tout à côté, et que, comme il faut nécessairement un nerf à tout muscle, c'est dans le tronc nerveux le plus voisin qu'on en doit chercher l'ori- gine. D'une idée aussi simple, aussi naturelle, a dû naître une certaine prévention; et dès que l'on a été prévenu, on à pu prendre facilement des apparences pour des réalités; car en effet une simple petite bride aponévrotique , comme il y en a tant dans le canal osseux que traverse la portion dure de la septième paire de nerfs céré- braux, a pu en imposer pour un filet nerveux; on ne cherchait que cela, il fallait bien que cela fut le nerf du muscle interne du marteau, car autrement d'où ce nert viendrait-il? L'on a écrit et l'on a donné comme un fait reconnu ce qui était encore très douteux. D'autres sont venus après: leurs propres observations les ont sans doute peu satisfaits; mais là était l'autorité de leurs prédécesseurs, et il fallait bien que les choses fussent telles qu'elles avaient été décrites. DU NERF PROPRE AU MUSCLE INTERNE DU MARTEAU. 93 Une circonstance qui a encore pu contribuer à nous faire ignorer aussi long-temps l'existence de ce nerf particulier, c'est sa position qui, chez l'homme, est si difficile à découvrir, qu'il faut une longue habitude et une certaine dextérité pour ne pas le manquer. Aussi engageons-nous les personnes qui voudraient l'étudier, à le disséquer d'abord sur les animaux, et notamment sur le chien, où ce nerf est très distinct et assez facile à trouver. Voici quelle est sa disposition chez l'homme : à la partie postérieure et inférieure du trou ovale ou maxillaire inférieur, se trouve un ganglion nerveux assez gros, assez irrégulier, d'un gris rougeâtre et fortement adhérent au nerf maxillaire infé- rieur. Ce ganglion, qui a été récemment décrit avec Soin par M. F. Arnold, pro- secteur à l'université de Heidelberg, se trouve entouré de beaucoup de graisse, de tissu fibreux et de petits vaisseaux sanguins, de sorte qu'il est très difficile de bien l'isoler. De la partie postérieure et supérieure de ce ganglion, sortent deux filets ner- veux, à une ligne environ de distance l'un de l'autre; le premier de ces filets, ou le supérieur, est déjà connu : c'est celui qui concourt à former l'anastomose nerveuse de Jacobson; il ne doit pas nous occuper en ce moment. L'autre filet, ou l'inférieur, est destiné au muscle tenseur de la membrane du tympan; il n'est pas très fin; sa nature nerveuse est bien reconnaissable ; il se dirige en arrière, un peu en haut, et gagne, après un trajet de trois à quatre lignes, la surface externe et postérieure du muscle tenseur ou muscle interne du marteau. Il continue à marcher sur la surface de ce muscle, jusqu'à l'endroit où celui-ci devient tout-à-fait charnu; là il se divise en plusieurs petits filamens, qui pénètrent entre les fibres musculaires et s'y perdent. Ce nerf correspond à la partie interne de. l'artère méningée moyenne, et à la partie su- périeure dé la trompe d'Eustachi , à l'endroit où la portion osseuse de ce canal se continue avec là portion cartilagineuse ; il se trouve situé au-dessous du filet nerveux qui concourt à former l'anastomose de Jacobson, avec laquelle il est parallèle, et au-dessus de l'apophyse épineuse du sphénoïde. Pour le découvrir, on procède de la manière suivante : après avoir scié le crâne, et enlevé le cerveau ainsi que la mâchoire inférieure et l'arcade zygomatique , on fait une coupe en V, dont l'ouverture doit être tournée en haut et dont le sommet doit correspondre au trou maxillaire inférieur. La première incision sera faite depuis l'ex- trémité postérieure du rocher jusques un peu en dehors du trou maxillaire inférieur; une seconde coupe sera pratiquée depuis la paroi externe de l'orbite jusqu'au même endroit; de celte manière on emportera un triangle osseux. Après cela, il faut en- lever avec beaucoup de précaution le pont osseux qui recouvre encore le nerf maxillaire inférieur, afin de bien mettre à découvert la partie de ce nerf qui passe par le trou ovale. On détache toute la graisse qui entoure le tronc nerveux; on «irerche immédiatement sous la dure-mère, entre le nerf vidien superficiel et le 94 NOTE SUR LA VERITABLE ORIGINE muscle tenseur du marteau , ce filet anastomotique de Jacobson , qu'on voit sortir de dessous ce muscle, d'un petit canal osseux, et se rendre au ganglion dont il a déjà été question. Ce filet de l'anastomose pourra servir de guide, car c'est immé- diatement derrière lui que prend naissance le nerf du muscle interne du marteau. Nous avons observé ce nerf sur le chien, le cheval , le veau et le lapin ; il est en vénérai plus distinct dans ces animaux et plus facile à trouver que chez l'homme: dans tous il provient, concurremment avec un des anastomotiques de Jacobson , d'un renflement ganglionnaire qui est situé sous le nerf maxillaire inférieur. Dans les chiens de moyenne taille, il a près d'un pouce de long, et se trouve situé au-dessus de la trompe d'Eustachi, dont il suit la direction. Dans presque toute sa longueur, il est uni par un peu de tissu cellulaire au filet de Jacobson; parvenu au tympan, il s'en détache pour percer une lamelle osseuse très mince, qui recouvre le muscle tenseur du marteau, et pour se diviser dans ce muscle; comme ici le muscle est rond, ra- massé et tout charnu, ainsi que dans la plupart des mammifères, on voit le filet nerveux s'y distribuer d'une manière très nette et très distincte. Chez l'homme, au contraire , où ce muscle est grêle et allongé, et où il est entremêlé de fibres aponé- vrotiques, la même netteté ne se retrouve pas. Dans le cheval, ce nerf a près d'un pouce de longueur; il provient également, avec un des filets anastomotiques de Jacobson, d'un ganglion situé sous le nerf maxillaire inférieur, et se rend au muscle interne du marteau, qui est assez considé- rable; mais comme il passe à travers beaucoup de tissus fibro- cartilagineux, la dissection en devient difficile. Dans le veau et le lapin, même disposition pour l'origine, pour les rapports et pour la terminaison. Il a presque un pouce et demi de longueur sur le premier de ces deux animaux , tandis que dans le second il n'a que peu de lignes. Sans doute, si nous avions poussé nos recherches plus loin, nous aurions trouvé ce nerf dans tous les mammifères , puisque nous l'avons rencontré dans des ordres très différens appartenant à cette classe d'animaux. De tout ce qui vient d'être dit, il résulte que le nerf du muscle tenseurdu marteau tire son origine de l'appareil ganglionnaire, et non pas, comme on l'avait cru, d'un nerf appartenant au système cérébro-spinal. Le ganglion qui le fournit fait, pour ainsi dire, suite au ganglion semi-lunaire ou de Casser, dont il ne semble être qu'une extension dans certains animaux. Il reçoit un ou plusieurs filets du grand sympathique, concurremment avec le ganglion de Gasser, dans lequel se rendent la plupart des branches nerveuses du plexus carotique. Cette disposition est surtout très apparente dans les grands quadrupèdes, tels que le cheval et le bœuf, dans lesquels le nerf grand sympathique semble se terminer au ganglion sémi-lunaire de la cin- quième paire. En même temps, que de nombreux filets du plexus carotique s'ums-r DU NERF PROPRE AU MUSCLE ENTÉRINE DU MARTEAU. 95 sent avec ce ganglion, un ou plusieurs filets du même plexus vont aussi gagner le ganglion qui donne naissance au nerf du muscle interne du marteau, circonstance cpui doit placer ce ganglion dans la même catégorie que ceux du grand sympathique. En faisant des recherches sur des animaux d'une grande taille, l'on peut fort bien se convaincre de tout ce que nous disons ici. Cette disposition anatomique est tout-à-fait en rapport avec les saines idées de physiologie. Le muscle tenseur de la membrane du tympan n'est point sous l'in- fluence de la volonté ; ses contractions sont analogues à celles des muscles de la vie organique, à celles des fibres musculaires du canal digestif, de la vessie, du cœur, etc.; aussi nous dit-t-elle maintenant assez bien pourquoi les contractions de muscle ne sont pas sous l'empire de la volonté. Cela ne devait pas être , et l'anatomie est venue confirmer les jugemens a priori de la physiologie, et leur donner toute la- ngueur et toute la force d'une démonstration d'après des faits irrécusables. CLINIQUE CHIRURGICALE DE L'HOTEL-DIEU. PAR M. LE BARON DUPUYTREN. DE LA DIFFÉRENCE DANS LE DIAGNOSTIC DES LUXATIONS ET DES FRACTURES DE L'EXTRÉMITÉ SUPÉRIEURE DE L'HUMÉRUS. PAR M. MARX. Rien n'est si aisé et si fréquent, que de confondre la luxation de l'humérus avec le déplacement de la partie supérieure de cet ps, qui est le résultat d'une frac- ture. Comment ces deux lésions peuvent-elles être confondues? C'est qu'il y a quelque analogie dans leurs causes et dans leurs signes ; analogie dont il faut d'autant plus se défier, que ces maladies méconnues laissent presque toujours des difformités et une gêne plus ou moins grande dans les mouvemens. En effet, si la luxation est prise pour une fracture , on n'en fait presque jamais la réduction complète, et si la fracture est prise pour une luxation, on peut la réduire, il est vrai; mais en abandonnant les parties à elles-mêmes, le déplacement reproduit par les muscles reparaît peu de temps après. Dans tous ces cas, le malade reste plus ou moins estropié. Tout individu affecté d'une luxation ou d'une fracture de la partie supérieure de l'humérus, est tombé sur le côté du corps correspondant à la maladie; mais la position du membre au moment de la chute n'est pas la même dans les deux cas, et cette différence décide communément de l'espèce de maladie qui arrivera, et fournit les moyens de distinguer la luxation d'avec la fracture. Dans le cas où le bras écarté du corps a été porté en avant ou en dehors, pour aller à la rencontre du sol, et amortir les effets de la chute, s'il y a déplacement, c'est une luxation de la tête de l'humérus et sans fracture; au contraire , si le bras a été retenu appliqué DE L'HOTEL-DIEU. 1 97 sur les côtés de la poitrine, comme dans une chute inopinée, le malade ayant sa main dans le gousset de son pantalon, par exemple, c'est sur le moignon de l'épaule que porte le poids du corps ; et alors, s'il y a déplacement, c'est par suite d'une fracture ou d'un écrasement de la tête ou de la partie supérieure de l'humérus. Dans les deux cas, il y a douleur vive au moignon de l'épaule, et le malade croit toujours que la chute a été faite sur le siège de cette douleur. Lorsqu'elle estle produit d'une luxation, la chute a eu lieu sur la paume de la main qui en offre presque tou- jours la trace, et la crotte dont elle est souillée en est une preuve, ainsi que l'ecchy- mose ou les excoriations qu'on y voit; dans le cas, au contraire, où la douleur est produite par la fracture de l'os, il y a eu chute sur le moignon de l'épaule, ce qu'on reconnaît ordinairement à l'absence de toute empreinte sur la main, à la présence de ces traces sur les vêtemens, ou sur la peau du moignon de l'épaule, à la contusion , aux ecchymoses et aux plaies de cette partie; dans la luxation, cette douleur tient à la déchi- rure de la capsule fibreuse de l'articulation et des parties voisines, et dans la fracture, elle tient à la contusion du moignon de l'épaule et à la déchirure des parties molles par le fragment inférieur. Par suite de ces lésions, il peut y avoir, et il y a commu- nément ecchymose; mais comme elle est produite dans la luxation par la déchirure des parties internes de l'articulation, et dans la fracture par la contusion des parties ex- ternes de l'épaule, le siège de cette ecchymose est tout-à-fait différent dans ces deux cas: dans la luxation, elle est située à la partie interne ou antérieure du bras , tandis que dans la fracture, c'est sur le moignon même de l'épaule; enfin elle est plus rare dans le cas de luxation, elle est presque constante, au contraire, dans le cas de fracture. Dans ces deux maladies, l'acromion est saillant, le muscle deltoïde est aplati, l'on sent à son côté interne un vide, et dans le creux de l'aisselle une saillie; mais une analyse exacte de ces symptômes lève presque toujours les doutes qu'un examen superficiel aurait pu faire naître. En effet, dans la luxation, l'acromion est plus saillant que dans la fracture; l'aplatissement du deltoïde est plus grand dans la luxation et moindre dans la fracture, où ce muscle.paraît raccourci et comme gonflé. Dans la luxation, on sent au côté interne du muscle deltoïde un vide très grand, produit par le déplacement entier de la tête de l'os; ce vide est moindre dans la fracture ; la saillie que l'on sent au creux de l'aisselle est fortement prononcée dans la luxation , elle l'est moins dans la fracture ; dans le premier cas , la forme en est arrondie ; dans le second , elle est iné- gale : toutes ces différences tiennent à ce que le déplacement est toujours plus com- plet dans la luxation que dans la fracture. La mobilité et la crépitation sont nulles lorsqu'il y a luxation, elles sont faciles à sentir et à entendre dans le cas de fracture; en effet, l'humérus est-il luxé, on a beau imprimer des mouvemens au membre, l'os du bras offre un tout continu, qui souvent encore se meut de concert avec l'é- paule, comme s'ils ne faisaient qu'un seul et même corps. Est-il fracturé, il y a une 6. i3 gS M. MARX. — CLINIQUE CHIRURGICALE mobilité contre nature sur un point de l'extrémité supérieure de l'os; cette mobilité est ordinairement accompagnée de crépitation qui n'est jamais plus facile à recon- naître que lorsqu 'après avoir saisi l'extrémité inférieure du bras, on lui fait exécuter des mouvemensde rotation sur son axe; mais ce qui distingue surtout la luxation de la fracture, c'est que la luxation exige des efforts plus grands pour être réduite que la fracture, et qu'il suffit, après la réduction, de maintenir le bras contre la poitrine, tandis que dans la fracture un appareil est indispensable pour maintenir les fragmens en contact, empêcher les muscles de reproduire le déplacement , et obtenir une «uérison sans difformité, et partant sans difficulté dans les mouvemens. 11 arrive quelquefois, lorsque la fracture a lieu sans déplacement, qu'elle est con- fondue avec une forte contusion du moignon de l'épaule. La crépitation et la mobilité qu'on sent en imprimant des mouvemens de rotation au coude sont, les seuls moyens de lever les doutes. 11 faut cependant, dans une forte contusion de l'épaule, ne pas s'en laisser imposer par une espèce de crépitation , de craquement, qui est le résultat de l'inflammation des surfaces articulaires, et du défaut de sécrétion de la synovie. Les observations que nous allons rapporter seront, pour ainsi dire, la- démonstration vivante des préceptes énoncés par M. Dupuytren. PREMIERE OBSERVATION. Fracture de la partie supérieure de l'humérus droit. Guérison parfaite le cinquante-neuvième jour. Marie-Susanne Fillet, âgée de soixante-dix-huit ans, domestique, descendait son escalier le 4 avril 182a, lorsque le pied venant à lui manquer, elle tomba de trois marches de hauteur, de telle sorte que le côté droit du corps supporta tout le poids de la chute. Apportée sur-le-champ à l'Hôtel-Dieu , elle y fut reçue par le chirur- gien de garde, et couchée dans la salle Saint-Jean , n°4. Elle se plaignait vivement de douleurs au bras et à l'épaule: on les examina avec soin, et l'on trouva une forte con- tusion au moignon de l'épaule droite, une petite plaie à l'articulation huméro-cubitale du même côté, et une autre au pouce, près de son articulation avec le premier méta- carpien. L'acromion était saillant, le muscle deltoïde mollasse; on sentit dans l'aisselle une tumeur inégale, dure; en outre, saisissant d'une main l'extrémité inférieure de l'humérus, et en lui faisant exécuter, des mouvemens de rotation sur son axe, et appuyant l'autre main sur sa partie supérieure, on sentit et delà mobilité et de la cré- pitation. A tous ces symptômes réunis, on reconnut facilement une fracture de la par- tie supérieure de l'humérus. Le membre demi-fléchi fut placé sur un oreiller et l'e- paule recouverte de cataplasmes émolliens; une saignée au bras, de deux poêlettes, fut prescrite et pratiquée. DE L'HOTEL-DIEU. q9 Le lendemain, les douleurs étaient moins fortes, la tuméfaction moins grande. M. Dupuytren plaça un appareil ; il entoura d'abord le bras de compresses, pratiqua l'extension sur le coude, fit faire par un aide la contre-extension dans le creux de l'aisselle; trois atelles, une externe, une antérieure, et l'autre postérieure furent fixées par une bande roulée; le bras demi-fléchi fut replacé sur un oreiller. Le 9. prescpie plus de douleurs, plus de gonflement à lavant-bras ni à la main; l'appareil étant relâché, M. Dupuytren le fit resserrer. (Boissons délayantes, lave- mens émolliens, quart de portion pour nourriture.) Le i5 mai, on lève l'appareil. La fracture est consolidée; on laisse le bras demi- fléchi sur un oreiller; des ecchymoses jaunâtres existent au contour du bras vers le coude, et à la face externe et supérieure de l'avant-bras. Les jours suivans, la malade exerce des mouvemens du bras qui acquièrent bientôt toute leur étendue; les doigts reprennent plus difficilement leur liberté : quelques bains émolliens parviennent à leur rendre leur souplesse. Le 2 juin, le cinquante -neuvième jour de son entrée, Susanne Fil let sortit de l'Hôtel-Dieu parfaitement guérie; les ecchymoses avaient tout-à-fait disparu,; les mouvemens du bras et du coude avaient toute leur étendue, ceux des doigts seu- lement étaient encore un peu bornés. DEUXIÈME OBSERVATION. Fracture du col de l'humérus avec déplacement en dehors du fragment inférieur. Biel (Jean-Baptiste), cordonnier, âgé de soixante-trois ans, d'une constitution sèche et d'une petite taille, descendait, le 1" janvier 1827 , un escalier étroit, lors- que ses pieds glissèrent. Cet homme, en faisant effort pour se retenir, tomba l'épaule appuyée contre le pivot de l'escalier. On le releva. Quoiqu'il n'éprouvât point de douleurs, il ne pouvait remuer son articulation scapulo-humérale; mais comme il faisait bien mouvoir ses doigts, il pensa que son membre n'avait éprouvé aucune altération grave; aussi se conlenta-t-il d'appliquer dessus de l'eau de son. Voyant ensuite que son remède n'avait point d'efficacité, il entra à l'Hôtel-Dieu le 4 jan- yier 1827. Le bras droit était pendant contre le tronc ; plus court que le bras gauche; le malade ne pouvait le portera son front. On remarquait à l'épaule des traces de contusion ; le muscle deltoïde semblait épaissi et raccourci. Au-dessous existait une saillie inégale et osseuse, que l'on faisait disparaître en rendant au membre sa longueur naturelle. Cette saillie donnait à l'épaule un aspect tout-à-fait particulier, qui pouvait rendre embarrassant le diagnostic de la maladie. Mais en imprimant au bras un mouvement de rotation, la crépitation que l'on ressentait ne laissait aucun- doute sur la fracture ioo M. MARX.- CLINIQUE CHIRURGICALE de la partie la plus supérieure de l'humérus, quoique, comme on le remarque dans les fractures du col de cet os, on ne trouvât pas le fragment inférieur dans le creux de l'aisselle , ce qui dépendait sans doute de la disposition des surfaces frac- turées. On plaça sur le côté de la poitrine, et l'on assujétit avec une bande, le coussin en Usage dans les fractures du col de l'humérus; le bras fut ensuite abaissé, puis rapproché du coussin et maintenu par plusieurs tours de bande, passant tous sur l'articulation du coude. Parce moyen on rendit au bras sa longueur naturelle; l'épaule perdit sa difformité, le malade fut soulagé; mais la saillie du fragment in- férieur ne disparut pas entièrement. Huit jours après on renouvela l'application du bandage. Le malade éprouvant alors un sentiment incommode de chaleur et de picotte- ment dans l'aisselle, on changea de nouveau l'appareil, quinze jours après l'entrée du malade à l'hôpital , on fit usage d'un coussin un peu plus long, dont la base était moin? épaisse, en sorte que le coude se rapprochait moins du corps, et le fragment était moins porté en dehors; en effet, la saillie qu'on avait jusqu'alors re- marquée à l'épaule n'était plus sensible à la vue; et pour la reconnaître, il fallait promener la main sur le lieu de la fracture. Le malade, qui avait peu de patience, désirant être débarrassé de l'appareil, demanda qu'on le lui ôtât, assurant qu'il était appliqué depuis trente-deux jours. (Il a depuis avoué qu'il avait gardé l'appareil vingt-cinq jours seulement.) On se rendit à sa prière ; son bras fut mis en écharpe. Quatre jours après, il' fit, pendant son sommeil , quelques mouvemens, à la suite desquels le fragment inférieur parut faire de nouveau saillie. On replaça l'écharpe; on abaissa le coude et on l'assujétit avec une bande développée autour de la poitrine. Cet appareil resta huit jours appliqué : après ce temps , la fracture était consolidée. La saillie du fragment ne pouvait être reconnue que par le toucher. Le malade, commençant à exécuter des mouvemens, quarante-cinq jours après son entrée, il demanda à sortir de l'Hôtel-Dieu. TROISIÈME OBSERVATION 1. Fracture compliquée du col de l'humérus , dans laquelle le diagnostic a été difficile , à causé d'un léger déplacement de la tête de l'os. Le nommé ***, âgé de soixante-deux ans, ancien militaire, actuellement cor- donnier, fit, en marchant sur un plan incliné, une chute dans laquelle le poids du corps porta sur le membre thoracique gauche appliqué sur le côté du tronc. Ce (1) Recueillie par M. Lisfranc. DE L'HOTEL-DIEU. !0Î malade, apporté à l'Hôtel-Dieu le lendemain de son accident, était dans l'état suivant: Gonflement assez considérable autour de l'articulation scapulo-humérale raccour- cissement du muscle deltoïde, augmentation d'épaisseur et de largeur de ce muscle qui se laissait cependant un peu déprimer; saillie de l'acromion plus marquée que dans les cas ordinaires ; impossibilité de rapprocher le bras du tronc ; crépitation et mobilité des fragmens extrêmement obscurs; présence, dans le creux de l'aisselle, d'une tumeur arrondie, ressemblant beaucoup à la tête de l'humérus, espèce de saillie à la partie interne de l'épaule , sous le tendon du grand pectoral. A ces signes il est aisé de voir combien était grande la difficulté d'établir un diagnostic. Toutefois après avoir examiné les choses avec une scrupuleuse attention, M. Dupuytren se prononça pour une fracture. L'appareil décrit dans une observation précédente fut appliqué, mais deux jours s'étant écoulés, le gonflement ayant augmenté , on s'aperçut, en pansant le malade, que le muscle deltoïde était moins large, moins épais et moins raccourci qu'il l'avait paru d'abord; qu'il se laissait déprimer; qu'il y avait un vide au-dessous de l'acromion qui était assez saillant: d'ailleurs, point de mo- bilité de la part des fragmens; une tête très arrondie dans le creux de l'aisselle dut faire suspendre le jugement qu'on avait porté. On exerça quelques traxions sur le mem- bre ; un coussin qui remplissait parfaitement le creux de l'aisselle, fut assujétï comme dans la fracture de la clavicule; le bras appliqué sur ce coussin y fut fixé par plusieurs jets circulaires de bande, qui, serrés fortement, passaient de son extrémité infé- rieure autour du tronc , et agissaient de telle manière que le tiers inférieur de l'hu- mérus, couvert par la bande, était porté un peu en avant et en dedans, tandis que son extrémité supérieure était dirigée un peu en arrière et en haut et qu'elle reposait sur le coussin déjà indiqué. Cinq jours après, le gonflement diminua et disparut pres- que en totalité ; alors plus de doute sur la justesse de l'opinion qui avait été primi- tivement émise par M. le professeur Dupuytren. La crépitation se fit aisément en- tendre et sentir; et les doigts, portés dans le creux de l'aisselle, rencontrèrent le fragment inférieur qui offrait beaucoup d'inégalités, et qui paraissait composé de plusieurs pièces légèrement mobiles. On toucha aussi la tête de l'humérus, déplacée et portée un peu en avant et en dedans : on continua d'appliquer l'appareil que je viens d'indiquer ; on le renouvela d'abord tous les trois jours, et enfin tous les cinq ou six jours. Au quarantième on le leva pour ne plus le réappliquer; et à cette époque , plus de mobilité, plus de crépitation, longueur ordinaire du membre et état du mus- cle deltoïde et de l'acromion tel qu'il était avant la fracture1. (1) La crépitation se faisait remarquer à la existe une légère difformité formant une très partie interne et antérieure de l'épaule, au-des- petite saillie, sous du tendon du grand pectoral, endroit où 103 M. MARX.— CLINIQUE CHIRURGICALE QUATRIÈME OBSERVATION. * Fracture du col anatomique de l'humérus. Saillie en avant du fragment inférieur. Guérison au bout de deux mois. Fauver (Isidore), tailleur, âgé de quatorze ans, fait, de dessus une balançoire, une chute sur le côté droit, le coude étant porté au-devant du corps, et se fracture le bras. Il entre à PHôtel-Dieu le 29 juillet 1 S 1 4 î on reconnaît une fracture du col anatomique de l'humérus, oblique de haut en bas et d'avant en arrière , avec dépla- - cément considérable et saillie en avant du fragment inférieur. On appliqua le ban- dage ordinaire des fractures du col de l'humérus; c'est-à-dire qu'un coussin coni~ que ayant été placé sous l'aisselle du côté malade , on ramena le bras contre lés parois de la poitrine , et on l'y fixa au moyen d'une bande qui maintenait égale- ment lavant-bras en écharpe; mais l'on ne put remédier au déplacement. On leva cet appareil, et le bras, placé sur un oreiller, fut couché sur son côté interne; l'avant-bras étant dans la demi-flexion, et le coude se trouvant plus élevé que la partie supérieure du bras, le déplacement et la saillie du fragment inférieur per- sistèrent toujours. Alors on imagina de grossir l'oreiller à la partie moyenne, de manière à ce que le bras et l'avant-bras se trouvassent sur deux plans inclinés. Cette position parut remédier un peu au déplacement. On chercha donc à y maintenir je membre. Pour cela , on passa un cerceau sous l'oreiller, à l'endroit qui correspondait à l'articulation de l'avant-bras avec le bras , tandis qu'un ruban de fil , placé au- dessus du poignet et attaché au matelas, servait à fixer le membre. Le déplacement était alors beaucoup moins considérable; il s'en fallait cependant qu'il eût entière- ment disparu. Le malade garda cette position avec toute la patience possible pen- dant un mois; mais au bout de ce temps la fracture n'était pas consolidée; la mobi- lité était même presque aussi grande que les premiers jours. Il fallut donc continuer à maintenir le membre dans cette position : on prescrivit au malade un régime toni- que , du vin anti-scorbutique , etc. Dès ce moment , il semble que la saillie du frag- ment inférieur ait augmenté; cependant la position est la même, et, à moins que le malade ne l'ait pas aussi exactement gardée , on ne conçoit pas la raison de ce plus grand déplacement. Enfin, au bout de deux mois, cette fracture était consolidée, et le malade sortit de l'hôpital le 4 octobre 1814, ayant à la partie la plus élevée du bras une saillie de cinq à six lignes, formée par le fragment inférieur de l'humérus. CINQUIÈME OBSERVATION. Luxation de la tète de l'humérus droit, en bas. Réduction. Clouait (Jeanne-Modeste), âgée de quarante-huit ans, profession de marchande, courant dans une rue le 25 août 1825, heurta une autre personne; la violence du DE L'HOTEL-DIEU. ,05 choc l'ayant renversée, elle porta la main en avant pour éviter, ou plutôt, pour diminuer la force de la chute. Elle sentit aussitôt un craquement suivi d'une vive douleur à l'épaule du côté droit; les mouvemens du bras devinrent impossibles : elle se rendit de suite à l'Hôtel-Dieu. Elle était dans l'état suivant : le bras droit examine , et mesuré 'de Tacromion au coude, nous parut un peu plus long que le o-a-uche ; le • coude]> porté en arrière, ne put être rapproché du tronc; la main, encore salie par la* boue, ne put se porter sur la tête; l'épaule était déprimée, l'acromion sail- lant, le muscle deltoïde aplati; à son côté interne on sentait un vide, et dans fe ereux de l'aisselle une tumeur dure , arrondie , formée par la tête de l'humérus. A ces. signes, on ne pouvait méconnaître une luxation de la tête de l'humérus en bas. M. Dupuytren fit descendre Clouart à l'amphithéâtre. La malade étant assise sur une chaise, une pelotte fut placée sous l'aisselle, et fixée au moyen d'un drap plié en cravatte, dont les extrémités, passées dans unfort anneau de fer fixé au mur, furent retenues par deux aides; le milieu d'une ser- viette, pliée en cravatte, fut attachée, par une grande bande, au poignet, qu'on avait eu soin d'entourer d'une compresse enduite de cérat. Quatre aides firent l'extension pendant que M. Dupuytren se chargea de la coap- tation. Une seule tentative suffit pour faire rentrer la tête de l'humérus dans la cavité glénoïde. Pendant que M. Dupuytren dirigeait les efforts des aides, il s'occupait aussi à distraire l'attention de la malade, en lui adressant, coup sur coup, des questions auxquelles elle était obligée de répondre. Cette manière ingénieuse d'empêcher les malades de songer à ce qu'on fait, empêche aussi les muscles de se contracter, et facilite la réduction des luxations. Les signes de la réduction furent faciles à apercevoir : l'épaule reprit sa forme ronde, l'acromion n'était plus saillant; le muscle deltoïde n'était plus aplati; le creux de l'aisselle n'était plus rempli par la tête de l'humérus; le bras pouvait être rap- proché du tronc, les mouvemens en étaient libres. Une bande soutenant le coude et assujétissant le bras contre la poitrine, fut appli- quée , pour prévenir un déplacement nouveau. Le 2 septembre, sept jours après son entrée dans l'hôpital, cette malade le quitta; elle était parfaitement guérie. SIXIÈME OBSERVATION. Luxation de i'humerus en arrière, et en dehors. Spir Bailly, terrassier, âgé de quarante-sept ans, est entré à l'Hôtel-Dieu le 29 sep- tembre 1807. io4. M. MARX.— CLINIQUE CHIRURGICALE Ce même jour, en travaillant à la démolition d'un égoût, il était placé à 1 1 pieds de profondeur, lorsqu'une grande masse de terre se sépara de la partie supérieure de la fosse, tomba sur le côté gauche de ce malade, le renversa sur le côté droit, qui porta à terre, et sur la pince de fer dont il se servait. Il fut entièrement cou- vert de décombres et perdit connaissance , en sorte qu'il ne peut pas rendre compte exactement de la position où il était au moment de sa chute. On le dégagea prompte- ment , et on l'apporta aussitôt à l'Hôtel-Dieu. Il avait alors la face généralement tuméfiée et ecchymosée. Un emphysème s'y fai- sait sentir principalement vers la région temporale du côté gauche, d'où il s'étendait jusqu'à la partie supérieure de la poitrine; on ne reconnut à cette partie aucune lésion apparente, quoique le malade dît y ressentir de vives douleurs. Il n'y avait point de toux; on n'observait point de crachement de sang. Le malade avait seu- lement rendu un peu de ce liquide par le nez, par la bouche et par les oreilles, au moment de l'accident. Il n'y avait point de lésion apparente au crâne; les mem- bres, si on en excepte le bras droit, n'étaient gênés dans leurs mouvemens que par la contusion qu'ils avaient éprouvée. L'humérus droit était luxé en arrière et en dehors: ce qu'on reconnut évidemment aux signes suivans. Les mouvemens de l'articulation étaient impossibles, et le malade y ressentait de vives douleurs, même dans l'immobilité. Le coude était porté un peu en avant. Les apophyses coracoïde et acromion formaient, ainsi que la partie externe de la clavicule, une saillie très sensible; il y avait au-dessous une dépression visible, et un vide facile à reconnaître par le toucher. La tête de l'humérus formait une saillie très considérable derrière, et au-dessous de l'apophyse acromion. Elle parais- sait être située sur le bord externe de la fosse sous-épineuse, et à sa partie la plus élevée. Pour faire la réduction, à laquelle on procéda immédiatement, on laissa le ma- lade sur son lit. La contre-extension fut faite seulement par les mains d'un aide, appliquées contre la crête de l'omoplate et sous le creux de l'aisselle. L'extension fut exercée sur le poignet et sur l'avant-bras par deux aides, sans l'emploi d'aucun lac. L'opérateur agit directement sur la tête de l'humérus pour la porter en bas et ensuite en avant L'extension produite par les aides fut dirigée d'abord en bas et en dehors, et ensuite plus directement en dehors. A la deuxième tentative et sans beaucoup d'efforts, la réduction eut lieu. On entendit distinctement le bruit de la tête de l'humérus rentrant dans sa cavité. Le malade se trouva aussitôt soulagé , et dit n'éprouver aucune douleur à la poi- trine, non plus qu'au bras; ce qui pouvait résulter, en partie, de la cessation de l'état d'extension où était alors le muscle grand pectoral, produite par le replacement du bras. — On fit deux saignées. — La tuméfaction de la face et les douleurs , suites de cet accident , disparurent assez promptement par ce traitement simple. DE L'HOTEL-DIEU. io5 Le malade sortit de l'Hôtel-Dieu le 19 octobre, vingt jours après son entrée- il éprouvait encore à cette époque un peu de gêne dans les mouvemens du bras qui avait été luxé l. SEPTIÈME OBSERVATION. Luxation de l'humérus droit, en haut et en avant, consécutive à une luxation en dedans, déterminée par une chute d'un cinquième étage. Réduction et guérison complète au bout de deux mois. Hamlin (François), âgé de vingt-six ans, graveur sur cristaux, était occupé, le soir du 10 janvier 1817, à donner des secours contre un incendie; animé par le désir de se rendre utile, il marchait avec précipitation sur le toit d'une maison à cinq étages, pour gagner la cheminée où était le feu, lorsque ses pieds abandon- nant la surface qui leur servait de point d'appui, il tomba dans la cour, et rencon- tra dans sa chute un auvent en bois situé à huit pieds de terre, qu'il brisa. Relevé sans connaissance, il fut conduit à l'Hôtel-Dieu; visité par le chirurgien de garde celui-ci reconnut une luxation de l'humérus droit à des signes que j'indiquerai bientôt, et diverses contusions très fortes , dont une située au pouce de la main gauche , et telle que le gonflement des parties empêcha de juger si elle était ac- compagnée ou non de fracture. Le bras fut placé sur un oreiller, des résolutifs fu- rent appliqués sur les endroits contus, et l'on fit une saignée au bras. Le lendemain on trouva le malade dans l'état suivant : il était couché sur le dos, le bras étendu sur un oreiller, écarté du corps de manière à former avec lui un angle droit et saillant en dedans et en haut, ouvert et rentrant en dehors et en bas. La paume de la main dirigée en avant; tout le membre était dans le plus haut degré de supination ; quand on touchait le creux de l'aisselle on ne sentait pas de saillie, mais en promenant la main plus loin on rencontrait en dedans et sous les muscles pectoraux une saillie formée par la tête de l'humérus, séparée seulement de quelques lignes de la clavicule. Rapprochait-on le bras du corps, le malade étant sur son séant, on apercevait du côté de l'épaule une saillie formée par l'acromion : le muscle 'deltoïde était légère- ment aplati; ce qui tenait à ce que l'humérus était hors de la cavité glénoide de l'omoplate et près de la clavicule ; ce muscle était fortement contracté et raccourci. Faisait-on exécuter des mouvemens de totalité au membre , des douleurs vives en étaient le résultat. Au-dessous de la clavicule, on voyait une tumeur arrondie et soulevant les muscles pectoraux; le malade ne pouvait porter son bras en arrière, non plus qu'à la tête, etc. A ces signes, il fut facile de reconnaître une luxation de l'humérus en avant et en haut, consécutive à une luxation en dedans. Une nouvelle saignée fut pratiquée pour procurer un affaiblissement général qui devait faciliter la {1) Observation recueillie par M. C.-J. Pitet. 6. 14 io6 M. MARX. — CLINIQUE CHIRURGICALE réduction. Le malade fut ensuite conduit à l'amphithéâtre, et là M. Dupuytren fit observer que la réduction serait laborieuse, parce que l'on avait affaire à un su- jet fort robuste et musculeux, et que ces luxations offraient toujours beaucoup plus de difficultés que les déplacemens en bas ou en dedans. Quoi qu'il en soit, le malade placé convenablement, on parvint à réduire la luxation, non sans avoir exercé de vives tractions et détourné par des questions multipliées l'attention du malade. Le bras fut ensuite placé et maintenu demi-fléchi et appuyé sur le tronc, à l'aide d'une serviette. Des résolutifs furent appliqués sur l'épaule. Le malade n'éprouva plus que très peu de douleurs, aucun accident résultant de la chute ne se manifesta. On rechercha s'il existait une fracture au pouce de la main droite, on n'en découvrit point. Quelques soupes furent prescrites pour alimens. Les jours suivans n'offrirent rien de particulier. Vingt jours après la réduction de la luxation , on permit au malade d'exécuter des mouvemens, et ils se rétablirent très lentement. Le trentième jour, le malade s'étant plaint de difficultés très grandes à marcher, on examina le membre douloureux; on vit qu'il existait une déviation du talon en de- dans ; le malade ne s'était plaint dans les premiers jours qui suivirent sa chute, que de légères douleurs dans ces parties. M. Dupuytren pensa que ces difficultés étaient dues à un déchirement des lîgamens externes de l'articulation du pied et de la capsule fibreuse qui retient le tendon du jambier antérieur. Il est à présumer que l'appareil qu'emploie ordinairement M. Dupuytren pour les fractures du péroné , appliqué en dehors, aurait remédié à cette déviation. Cependant ce malade sortit parfaitement guéri deux mois après son accident, il conservait seulement encore quelque gêne dans la marche , et dans les mouvemens du bras. HUITIÈME OBSERVATION. Luxation en bas de l'humérus droit , produite par une chute sur la paume de la main. Réduction le troisième jour. Le nommé Renard Crépin, âgé de qUarante-huit ans,1' cordonnier à Vincennes , tomba dans la rue , étant probablement dans un état d'ivresse , car il ne put pas bien rendre compte de la manière dont il était tombé. A l'instant de la chute il ressentit, nous dit-il, une espèce de craquement accompagné d'une douleur très vive dans l'épaule du côté droit; il lui fut dès lors impossible de remuer le bras de ce côté sans éprouver de vives douleurs. Le lendemain 12 avril, il fut conduit à l'Hôtel- Dieu. Il était dans l'état suivant : l'attitude et la démarche de cet homme parais- saient gênées; l'épaule du côté droit était aplatie, la saillie du muscle deltoïde beau-* coup moins prononcée de ce côté que de l'autre. L'acromion formait une éminence qui soulevait les tégumens ; au-dessous de cette éminence on sentit un défaut de résis- DE L'HOTEL-DIEU. 10? tance, une sorte de cavité dans laquelle les doigts pouvaient s'enfoncer, en y poussant les fibres du muscle deltoïde. La direction du bras était changée, de telle sorte que le coude était écarté du corps et tourné en dehors : on ne pouvait en pressant, sur le coude, le rapprocher du tronc. La longueur de ce membre, mesurée depuis la saillie de l'apophyse acromion jusqu'au coude, était plus considérable que celle du bras opposé. Dans le creux de l'aisselle on sentit une tumeur dure, arrondie, remplissant l'espace compris entre les tendons des muscles grand pectoral, grand dorsal et grand rond. Quand on commandait au malade de porter sa main à sa tête, il ne pouvait exécuter ce mouvement, et inclinait la tête pour la porter à la rencontre de sa main. A tous ces signes, on reconnut manifestement une luxation de l'humérus en bas; la boue dont était encore empreinte la paume de la main et l'écorchure qu'on y voyait, indiquaient la manière dont la luxation s'était opérée. Dèsl'entrée du malade dans l'hôpital, on avait faitune saignée au bras. Le lende- main matin , on procéda à la réduction de la luxation de la manière suivante : le malade fut placé sur une chaise, le côté gauche du corps tourné vers un mur dans lequel est scellé un anneau de fer. On remplit le creux de l'aisselle, après l'avoir re- couvert d'un linge fin enduit de cérat, avec un coussin sphérique, qu'on maintint en place par un drap plié en cravate, dont le milieu fut appliqué sur lui , et les deux bouts passant l'un devant l'autre derrière la poitrine du malade, furent fixés dans l'anneau de fer par des aides qui les retinrent. Le poignet fut aussi entouré d'un linge fin enduit de cérat; par dessus on ramena les deux chefs d'une serviette pliée en plusieurs doubles, que l'on fixa par plusieurs tours de bande. Tout étant ainsi disposé, M. Dupuytren se plaça en avant et auprès de la partie malade, saisissant avec sa main droite, et en dessous la partie supérieure de l'hu- mérus, tandis que la gauche appuyait sur le coude dans un sens contraire : il tâcha d'occuper fortement l'attention du malade par les questions qu'il lui adressa. Pendant ce temps, les aides opérèrent l'extension sur les chefs de la serviette fixée au poignet, en tirant à eux de haut en bas, dans le sens du déplacement du bras. Le membre ayant cédé aux tractions exercées, M. Dupuytren réduisit avec facilité la luxation, en relevant avec la paume de la main droite la partie supérieure du bras, tandis que la gauche appuyait sur le coude. La réduction avait été tellement prompte et facile, que le malade, que l'on débar- rassait de ses liens, ne pouvait croire que son bras fût remis, et qu'il redoutait encore une opération. Il lui fut facile d'appliquer son coude au corps et de porter sa main à sa tête. La saillie de l'acromion, l'aplatissement du deltoïde n'existaient plus, tout était conforme à droite comme à gauche. On fixa le bras contre le corps par quelques tours de bande pour s'opposer aux mouvemens de ce membre; dès cet instant le malade ne souffrit plus. Quelques ecchymoses légères dans le creux de ioS M. MARX. — CLINIQUE CHIRURGICALE l'aisselle et à la face interne du brasse dissipèrent promptement. Le neuvième jour, le malade sortit de l'hôpital tout-à-fait guéri , et en état de reprendre son travail. NEUVIÈME OBSERVATION. Fracture du col de l'humérus, prise pour une luxation. Godefroy (Catherine), âgée de soixante ans, fut heurtée par la roue d'un ca- briolet qui la renversa. Elle tomba sur le coude gauche , qui se trouvait légèrement écarté du corps et porté en arrière. Une douleur très vive, jointe à une frayeur ex- trême, déterminèrent une syncope. Un médecin du voisinage, appelé sur les lieux, donna à la malade les premiers soins que réclamait son état. Elle se fit ensuite conduire à son domicile où elle resta volontairement , sans aucun secours , pendant deux jours. Vaincue par la douleur, et désespérée de ne pouvoir remuer son bras, Catherine se décida à se faire transporter à l'Hôtel-Dieu , où elle fut admise, et cou- chée salle Saint-Côme, n° 12. Il était déjà survenu autour de l'épaule gauche une tuméfaction assez considérable, qui jeta d'abord quelque obscurité sur le diagnostic de la maladie. La chute sur le coude écarté du corps et porté un peu en arrière, avait-elle déterminé une luxation de la tête de l'humérus en avant et en dedans, ou bien une fracture du col chirurgical de l'os? La tuméfaction, comme je l'ai dit, gênait singulièrement l'exploration de l'épaule. Quelques personnes pensèrent qu'il existait une luxation du bras' en dedans; elles se fondaient sur les données suivantes : le coude était écarté du corps, et paraissait fixé dans cette situation vicieuse, dumoins on ne pouvait le ramener en devant sans occasionner des douleurs si violentes, qu'on était obligé de cesser les tentatives avant d'avoir pu bien s'assurer qu'elles seraient tout-à-fait vaines. Ces mêmes per- sonnes croyaient, en outre, sentir assez distinctement au-dessous de la clavicule et au-devant du moignon de l'épaule une tumeur dure , arrondie , et formée par la tête de l'humérus. Tombée d'abord sur le coude, Catherine Godefroy avait ensuite heurté violemment contre le sol son épaule gauche ; du sang s'était épanché dans le tissu cellulaire qui recouvre le muscle deltoïde ; la présence de cet épanchemenl servit encore à induire en erreur sur le véritable caractère de la maladie. On déprimait, en effet, avec facilité, la peau qui recouvre le muscle deltoïde, et on ne manqua pas d'attribuer cette facilité au déplacement de la tête de l'humérus , qui avait abandonné la cavité glénoïde de l'omoplate. La malade fut saignée d'abord ( trois poêlettes) ; on couvrit ensuite les parties contuses de compresses trempées dans de l'eau blanche. Le lendemain matin, M. Dupuytren vit cette malade ; la tuméfaction était un peu diminuée , et il prononça que Godefroy avait une fracture de la tête de l'humérus. Il fit remarquer que, si le coude était écarté du corps , il n'était pas impossible de l'en rapprocher ; ce rapprochement était douloureux, mais facile. M. Dupuytren fit DE L'HOTEL-DIEU. log en outre observer que le moignon de l'épaule n'avait pas entièrement perdu sa forme sphéroïdale ; que la dépression ne commençait qu'au-dessous de ce nioi trouvait son ana- logue dans le tissu cellulaire des végétaux, et était organisé exactement de la même manière, qu'on observe bien que je n'ai pas prétendu dire que leur composition élémentaire soit la même; j'ai parlé anatomiquement et non chimiquement; j'ai voulu désigner la forme et non la composition, l'organisation enfin, et non la nature. Je prétends donc que le tissu cellulaire des animaux se développe exactement de la même manière que le tissu cellulaire des végétaux, que les vaisseaux s'y forment de même; mais quant aux parois respectives de ces organes, j'ai été toujours très loin *de les regarder comme identiques , ainsi qu'on pourra le voir plus amplement ci- après, dans l'exposé de mes expériences à ce sujet. Mais j'insiste beaucoup sur cette proposition fondamentale dans l'étude des tissus : là où l'on observe des réticulations ( fig. 4 )> il y a des interstices; là où il y a des interstices, il y a double paroi et par conséquent une agglomération de vésicules pressées les unes contre les autres et décollées sur certains points de leur surface , pour former des canaux vasculaires destinés à livrer passage à la circulation d'un liquide différent en densité du liquide que chaque vésicule recèle. Je viens de m'occuper de la structure anatomique de la graisse, je vais exposer des 6. i9 ,40 M. RASP AIL. — SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE considérations destinées à donner une idée de sa composition chimique et de ses décompositions. Les anciens classaient les huiles et les graisses d'après les différences de leur fusibilité. La chimie moderne considère chaque graisse comme une combinaison en propor- tion variable , 1° d'une graisse solide à la température ordinaire, fusible à une tempé- rature plus élevée, insoluble dans l'eau, soluble dans 6 fois j son poids d'alcool, à o "Q5 de densité et bouillant (stéarine), 2° d'une huile fluide à 4°, insoluble dans l'eau soluble dans 5i fois un quart son poids d'alcool à o, 8i6de densité et bouil- lant f oléine ) ; telles sont les différences essentielles qui existent entre ces deux sub- stances. Leur analyse élémentaire n'en offre aucune, ainsi que le montre le tableau suivant : Carbone. Hydrogène. Oxigène. Stéarine 78, 776, Oléine 79, o3o, 11, 77°' 1 1, 422j 9, 445. 9, 548. Chevreul. En effet, on trouve moins de différence entre ces nombres qu'on en remarque entre deux analyses de la même substance, faite par les chimistes les plus exacts, ainsi qu'on peut s'en convaincre par le tableau suivant : Blanc de baleine . Graisse de porc. . Carbone. Hydrogène. Oxigène- 81, i3, 6, Bérard. 75, 474' 12> 795, 11,377, l Saussure. 78, 843, I 12, 182, 8, 5o2. 2 Saussure. 79, 098, I 11, 1/J6, 6, 756. Chevreul. On peut donc conclure, sans crainte de se tromper, que non -seulement la stéarine ne diffère pas de l'oléine sous le rapport des proportions de leurs élémens, mais encore que ni l'une ni l'autre de ces deux substances ne diffèrent de la graisse elle-même dont on les obtient. On ne doit pas s'attendre que ces deux substances, une fois obtenues par la manipulation ordinaire n'offrent aucune différence sous le rapport de leurs propriétés physiques; mais j'entreprendrai d'établir que ces deux substances, ainsi obtenues, n'existaient pas dans la graisse avant la manipulation; ce que je dois faire précéder de quelques considérations générales. i° Les substances animales ou végétales dont la destination est de concourir à la formation des tissus, doivent nécessairement offrir, sous le rapport de la fluidité, des gradations successives , et qu'il ne serait nullement possible de déterminer d une (i)M.de Saussure y a trouvé, en outre, 0,296 d'azote. (2) M. de Saussure y a trouvé, en outre, 0,472 d'azote. ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i4i manière tranchée, depuis l'état d'une liquidité, pour ainsi dire aqueuse, jusqu'à un état approchant de la solidité des tissus. C'est ainsi que l'albumen varie depuis l'instant de la ponte jusqu'aux dernières périodes de l'incubation. C'est ainsi que la gomme même exsudée du végétal acquiert de jour en jour une consistance qui la rend de moins en moins soluble dans l'eau. C'est ainsi que les huiles , par l'absorption de l'oxigène de l'air ou par la perte de leurs parties aqueuses, se figent de plus en plus, effet qui doit avoir lieu avec plus de régularité encore dans les cellules du végétal vivant. On conçoit que si l'on voulait distribuer en deux classes les molécules de ces substances , sous le rapport de la fluidité , cette division serait tout aussi ar- bitraire que celle par laquelle on partagerait en deux âges égaux une série de cin- quante individus variant d'âge depuis un an jusqu'à 5o. Ainsi il est bien vrai que les molécules de graisse et d'huile sont dans les organes doués d'une fluidité toujours décroissante ; mais par cela même ces divers états cessent de se prêter à la précision des classifications, et ne doivent pas être regardés comme formant plusieurs ou seu- lement deux substances distinctes. Nous verrons bientôt comment on peut concevoir que cette fluidité diminue avec l'âge d'un organe. 2° Les molécules des huiles et des graisses sont si faciles à se désagréger et à former de nouvelles combinaisons, qu'on ne peut les soumettre à l'influence de la moindre élévation de température, sans en relirer des produits aussi nouveaux que variés. On sait, depuis l'époque de Macquer, qu'en distillant la graisse de mouton, ou le beurre, on obtient dans le récipient une huile dont la fluidité est à peu près sem- blable à celle des huiles grasses, ensuite une huile épaisse qui se fige dans le réci- pient quand elle est refroidie, qui doit être ensuite accompagnée de quelques gouttes de liqueur dont l'acidité sera toujours de plus en plus forte ; enfin une huile épaisse, une espèce de beurre qui aura une couleur rousse. On savait encore de son temps qu'en distillant une huile grasse avec le double de son poids de chaux éteinte à l'air, on peut atténuer l'épaisseur de l'huile jusqu'à lui communiquer l'as- pect d'une huile essentielle, et qu'à mesure que l'huile ténue passe dans le récipient, il reste dans la cornue une portion épaisse et lourde de la même huile. 11 serait facile de démontrer, dans tous les produits de la première observation, les analogues des produits qu'on a trouvés de nos jours dans la distillation des corps gras; ce qui nous écarterait un peu trop de notre sujet. 3° On sait encore depuis très long-temps qu'un acide concentré est capable de saponifier une huile ou une graisse, en lui soutirant une certaine quantité d'eau. Cette combinaison de l'acide et de l'huile communique à l'huile la propriété de de- venir soluble dans l'eau. Quand on fait cette expérience, il faut ne pas perdre de vue les proportions qu'on emploie; ainsi, si la quantité d'acide était en faible quantité par rapport à l'huile, il arriverait qu'une partie de l'huile serait, il est vrai, dissoute , !4a M. RASP AIL. — SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE mais que l'autre serait attaquée , et par conséquent épaissie par l'action de l'acide : il y aurait alors un magma acide. Ouand on est parvenu à dissoudre de cette manière une certaine quantité d'huile dans un acide ( sulfurique par ex. ) , l'eau ne précipite pas l'acide ; mais si on y verse de l'ammoniaque, il se forme tout à coup un précipité plus ou moins floconneux et oui provient de l'huile altérée ; je me suis assuré , au moyen du microscope , gras aue la dissolution était complète auparavant, et que le liquide ne tenait aucun flocon en suspension. J'ai déjà fait remarquer, dans d'autres publications, combien l'on se trompait lorsqu'à l'aide des lavages même les plus nombreux, on pourrait être parvenu à dé- pouiller une substance organique de l'acide dont on l'a préalablement imprégnée. Cette remarque s'applique avec plus de vérité encore aux huiles et aux graisses. Si la substance grasse s'est combinée avec une quantité d'acide trop faible pour lui communiquer la propriété de se dissoudre dans l'eau, il arrivera, lorsqu'on voudra lui enlever l'acide en l'agitant dans l'eau, qu'elle se divisera en globules d'un volume variable. L'eau s'emparera, à la vérité, des molécules d'acide qui recouvrent chaque o-lobule huileux, mais respectera nécessairement l'acide emprisonné dans le sein du "lobule même ; et on aura tort de conclure que l'huile a été entièrement dépouillée d'acide, par cela seul que l'eau du lavage n'en offrira plus de traces sensibles. J'ai placé une larme d'acide hydrochîorique dans un centimètre cube d'huile d'olive ; j'ai lavé à «rande eau, et alors que l'eau ne me semblait plus donner de traces d'aci- dité, je parvenais, à l'aide de la dissolution dans l'alcool froid, à obtenir des traces d'acidité. Au bout de trois mois d'exposition à l'air, cette huile renfermait encore de l'acide hydrochîorique. 4° Non-seulement les alcalis et les acides peuvent faire contracter des propriétés nouvelles à une substance grasse , mais encore l'alcool lui-même est capable de la modifier. Ainsi, dit Boerhaave 1, « il y a une autre méthode , moins connue, et plus « pénible, pour faire que les huiles se mêlent avec l'eau : aussi les artistes la re- « gardent-ils comme un secret; elle consiste à faire digérer dans l'alcool, assez long- « temps et suivant les régies de l'art, quelqu'une de ces huiles, qu'on appelle essen- « tielles, et à mêler ensuite intimement le tout par plusieurs distillations réitérées; « par là la principale partie de l'huile est si fort atténuée et si bien confondue avec a l'alcool, que ces deux liqueurs peuvent se mêler avec l'eau. » Il est inutile de faire observer que le même effet aurait lieu sur les huiles grasses; car enfin puisque la chaleur seule est capable d'imprimer des changemens aussi considérables aux huiles, (1) Elém. de chimie, t IV, Traité de l'eau , p. 81. ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i/,5 il est évident que l'alcool, bien loin de s'opposer à ces phénomènes, ne doit qu'en accroître l'intensité. 5° Puisque les huiles peuvent se combiner non-seulement avec les acides miné- raux, mais encore avec les acides végétaux, il est évident que l'action de la chaleur produisant la formation d'acides variés aux dépens de toute substance organique, acides que l'on peut considérer théoriquement comme carboniques et acétiques, il arrivera que la partie huileuse qui passera dans le récipient ou qui restera dans la cornue se combinant avec ces acides, semblera revêtir les caractères d'une substance acide qui tiendrait et de l'acide et de l'huile, et qui offrirait des propriétés plus nouvelles encore, si l'on saturait son acide par une base. Faisons maintenant l'application de ces cinq propositions qui doivent paraître in- contestables, à la détermination des substances nouvelles ou nouvellement dénom- mées que l'étude récente des graisses a introduites dans la science; et occupons-nous d'abord de l'oléine et de la stéarine dont toutes les graisses, même dans l'état de vie des organes qui les recèlent, ne seraient, d'après les auteurs, que des combinaisons en proportions variables. Je place dans un matras de la graisse de porc, par exemple, je la traite par sept à huit fois son poids d'alcool presque bouillant. Je décante le liquide et traite le résidu par de nouvel alcool jusqu'à ce que toute la masse soit dissoute. Chaque portion d'alcool laisse déposer par refroidissement, sous forme de petites aiguilles, la stéarine et retient l'oléine, qui , en réduisant la dissolution à j de son volume, se rassemble en une couche semblable à l'huile d'olive. J'ai dit que dans ce cas, la partie qui se dépose la première fois était, avant la ma- nipulation, identique avec la partie qui reste dissoute, et que si elle se précipite, c'est que l'alcool en dissout plus à chaud qu'à froid. Cela est si vrai, que, si au lieu d'em- ployer six à sept fois son poids d'alcool dans la première expérience , on emploie une quantité en excès de ces menstrues , on n'obtient aucun précipité par le refroidisse- ment, même alors qu'on aura concentré suffisamment le liquide. Mais il ne faut pas perdre de vue que la graisse que vous traitez ainsi , par six ou sept fois son poids d'alcool, reste appliquée contre des parois échauffées, subit l'élévation d'une haute température, et s'altère d'autant plus que vous réitérez les traitemens. Ainsi aura-t-on lieu de remarquer qu'à chaque nouveau traitement on aura des quantités et des qualités de produits différentes de celles de la première expérience. Il n'y aura donc rien d'étonnant qu'après tant de manipulations on obtienne une, et même, si l'on ne s'attache qu'à la solubilité et à la fusibilité, plusieurs substances différentes. Mais on ne sera pas plus en droit de conclure que les substances nouvelles se trouvaient combinées en proportions variables dans la graisse de l'animal vivant, qu'on serait i44 M. RASP AIL.— SECOND MEMOIRE DE PHYSIOLOGIE en droit de conclure que les acides qui se forment à l'aide de la chaleur se trouvaient dans la substance adipeuse avant la manipulation. Quand il s'agit d'obtenir les deux principes supposés de l'huile d'olive ou de toute autre huile, on se garde bien de commencer par l'alcool, on congèle l'huile et on la dépouille de sa partie non congelée , en la pressant dans du papier gris ; mais on n'obtient la stéarine pure qu'après l'avoir soumise à plusieurs reprises à l'action dis- solvante de l'alcool bouillant. Or on ne saurait nier que la congélation produit sur les substances organiques des altérations importantes. Ce genre d'action est ana- logue sous un certain rapport, à celle qu'exercent les substances avides d'eau; c'est_à-dire que la gelée opère le départ de l'eau dont toute huile est imprégnée, et tend ainsi à épaissir, à coaguler la portion essentiellement huileuse, de même que les acides concentrés et la potasse caustique coagulent les huiles, en faisant une soustraction de leurs molécules aqueuses. Si à l'action de la congélation on ajoute l'action de la chaleur et celle de l'alcool qui est tout aussi avide d'eau que les acides , on ne manquera pas de coaguler, d'épaissir, de dessécher la portion de la substance huileuse qui aura été la première attaquée, et d'obtenir ainsi la portion altérée sous forme de stéarine , et la portion devenue plus fluide par la chaleur et par sa combi- naison avec l'alcool, sous forme d'oléine. Tous ces phénomènes avaient été vus par nos anciens; mais ils s'étaient dispensés de les désigner par des noms différens, une fois qu'ils s'étaient convaincus de la va- riabilité factice des effets et de leurs causes. Ainsi au lieu d'admettre que chaque substance grasse est, dans le végétal ou l'a- nimal , un composé en proportions variables de stéarine et d'oléine, il serait tout au plus permis d'admettre que les molécules graisseuses ou huileuses passent par des dégradations successives et nuancées , depuis le plus grand état de fluidité jusqu'à l'état de tissu, qui est le terme de leur élaboration chimique. Quoique l'on convienne que les acides gras sont le produit de la manipulation chimique, et que ce mémoire soit spécialement destiné à décrire les substances telles qu'elles existent dans l'animal vivant, cependant je ne laisserai pas passer l'occasion de faire voir que la théorie sur laquelle leur existence s'appuie est en- core susceptible de graves discussions. On peut obtenir ces acides (sébacique , oléique, margarique , pkocènique , butyri- que, etc. ), ou bien par la saponification, ou bien par la distillation. Par la saponi- fication , on combine une substance grasse avec la potasse , on sature la potasse avec un acide et l'on obtient une substance grasse plus ou moins fluide , qui à l'état liquide rougit le tournesol et devient susceptible de saturer les bases. Or, par ce que nous avons déjà fait remarquer (5°, 5°), on ne se refusera pas à croire que l'acide employé en excès pour neutraliser la potasse de la substance sa- ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. 145 ponifiée, restera combiné avec la substance grasse et la saponifiera à son tour. D'un autre côté, comme la saponification par la potasse ne peut avoir lieu sans l'intermé- diaire de lacbaleur, il est évident que des acides carboniques ou acétiques se formeront à la faveur du concours de tant de causes ordinaires de semblables décompositions ; l'acide minéral ou végétal que l'on emploiera pour saturer la potasse mettra en liberté de nouveaux acides, qui se joindront à leur tour à la substance grasse isolée. Qu'au lieu de la saponification, on emploie la distillation, on aura à peu près les mêmes résultats; en sorte qu'en considérant les nouveaux acides gras comme une combinaison de matière grasse plus ou moins fluide à la température ordinaire , et d'un acide soit produit , soit ajouté , on n'aura pas besoin d'avoir recours à l'existence d'acides gras , et tout s'expliquera avec une facilité qui est bien voisine de l'évidence, si l'on veut se rappeler que la nature ne complique jamais ses causes et ses lois. La capacité de saturation de ces acides est loin de s'opposer à ce que nous venons d'établir; et, quant à l'analyse élémentaire des acides fournis par les mêmes corps gras, elle n'offre aucune différence réelle, car l'oxigéne y varie, par exemple, de 7 à 8, l'hydrogène de 1 1 à 12, et le carbone de 79 à 80. On me dira peut-être qu'il était intéressant de constater les difierences de ces produits, quoiqu'ils n'existent pas dans la nature. Je ne le nie point, mais je ferai observer que sous ce rapport les modernes sent restés bien loin des anciens; car ceux-ci avaient reconnu que si l'on distille de nouveau la partie la plus fluide de la graisse qui a passé dans le récipient, on obtiendra à chaque distillation une huile de plus en plus fluide et qui, après la sixième ou huitième distillation, sera aussi limpide que l'eau. Or, comme les caractères différentiels de toutes ces substances factices résident dans la fluidité et la solubilité dans l'alcool, il s'ensuit qu'à chaque distillation on aura une nouvelle substance terminée en ine ou un acide nouveau. Nous renvoyons à ce sujet à la chimie pratique de Macquer, tom. 2; l'on y verra combien de substances nouvelles les graisses auraient fournies à ce chimiste s'il avait voulu leur imposer un nom. La nature de ce recueil ne me permet pas de donner une plus grande étendue à ces réflexions. SANG ET CIRCULATION. Je me suis occupé, dans mon premier mémoire, des globules du sang, pour montrer ce qu'ils n'étaient pas, je vais m'en occuper aujourd'hui pour démontrer ce qu'ils sont. Si on examine, au sortir d'un vaisseau, les globules du têtard (qui ont ~ de millimètre environ, dans leur plus grand diamètre ), on les voit trembloter dans le liquide, et en passant et repassant les uns sur les autres, ils offrent un instant l'as- 146 M. RASP AIL— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE pect illusoire de myriades d'infusoires en mouvement pour retomber ensuite immo- biles sur la surface du porte-objet. Il serait inutile , je pense , de m'arrêter trop Ion "-temps sur la nature de ces mouvemens; il est évident en effet que des globules élastiques lancés avec force bors d'un canal ne doivent pas rester amortis dans le liquide. Mais ces "lobules, une fois sortis des vaisseaux, ne tardent pas à recevoir des modifications qui ont donné le change sur leur structure. On les voit s'étendre dans l'eau et bientôt après, on distingue dans leur centre, et cela d'une manière irrégulière, une vésicule qui, à son tour, finit par disparaître et se dissoudre dans l'eau. J'ai figuré ce phénomène, fig. 5. On voit un globule (a) qui commence à s'élargir (b) un autre moins avancé, (cd) des globules déjà dépouillés de leur couche la plus externe, et en (e) des globules arrondis et non elliptiques, et dans le sein desquels on ne voit aucune vésicule. Cette vésicule est inapercevable à l'instant où le ^lobule sort du vaisseau; elle ne se forme qu'après un certain séjour dans l'eau, et elle se dissout à son tour dans l'eau. Si l'eau dans laquelle on reçoit les globules n'est pas en excès, au lieu de se dis- soudre , ils se pressent , s'unissent et forment entre eux une masse continue , sus- ceptible d'être tirée en filamens. L'action de la chaleur accélère cet effet, et les coagule avec plus de force. On peut former plus vite cette vésicule centrale en versant sur les globules san- guins un acide concentré (sulfurique ou nitrique), mais alors elle se forme tantôt dans le centre , tantôt plus près d'un bord que de l'autre , ainsi qu'on le voit par la fig. 6. Enfin l'ammoniaque caustique dissout instantanément tous ces globules , et les fait disparaître aux yeux. Ces expériences réussissent sur les globules des batraciens comme sur ceux des mammifères et des oiseaux, et cependant on peut assurer que sur les globules des mammifères , la vésicule centrale ne se montre presque jamais que lorsque le globule s'applique contre le porte-objet, ce que l'on voit en (c) sur les globules, fig. 7, qui appartiennent à un fétus de vache, long de 20 centimètres. On y remarque (a) des globules de diverses formes et de diverses grosseurs, ayant environ ■— à ^ de millimètre ; ils sont vus ici à un grossissement de mille diamètres environ ; lorsqu'on approche l'objectif de la lentille, ils apparaissent (b) avec un point noir au centre, effet d'optique que nous avons expliqué dans notre premier mémoire. Or, des globules solubles entièrement dans l'eau et dans l'ammoniaque, coagulables par la chaleur et par l'action d'un acide concentré minéral, ne peuvent être que des globules d'albumine, et ne sauraient être regardés comme des globules or- ganisés. Les globules du sang n'étant que des globules albumineux, il devient facile d'ex- ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. ilçj pliquer et de démontrer par l'expérience les phénomènes qu'ils offrent à l'obser- vatenr. 1° Si chaque globule est soluble dans l'eau, il doit arriver nécessairement que les couches externes s'imbiberont d'eau avant les couches internes, et s'étendront les premières. Par conséquent, les couches externes seront plus transparentes que les couches internes, qui dès lors apparaîtront comme un noyau central ou latéral. Mais une fois que les couches externes seront dissoutes, ce prétendu noyau s'étendra à son tour et disparaîtra à son tour. On voit par là combien on a eu tort de décrire les globules comme jouissant d'un diamètre invariable. Car non-seulement ce dia- mètre varie d'individu à individu, mais même d'instant eii instant depuis la sortie des globules, en sorte que les globules qui, au commencement de l'expérience auraient semblé appartenir au sang du bœuf, appartiendraient quelques instans après nu sang de l'homme, et ensuite à celui de la tortue, etc. 2° Si les globules ne trouvant pas à se dissoudre dans l'eau, s'appliquent contre la surface du porte-objet, la substance , refoulée vers le centre, déviera les rayons lumineux d'une manière différente que ne le fera la substance des bords minces, et par conséquent plus transparens ; c'est ce qui arrivera à l'égard des globules des batraciens fig. 5. Si au contraire la substance moins compacte est refoulée vers les bords et qu'elle s'aplatisse dans le centre, on aura alors la figure 6 (c) qui représente les globules des mammifères. 5° Puisque les globules du sang sont des globules albuminenx, il est évident qu'ils seront d'autant moins nombreux que le sang renfermera en plus grande quantité les élémens qui servent de menstrue à l'albumine, eau , acide acétique et ammoniaque; il est évident encore qu'ils seront d'autant plus nombreux que la capacité de lam- inai pour le calorique sera plus grande, et qu'enfin les variations journalières dans les circonstances de la vitalité , en diminuant ou augmentant l'intensité des réactions que je viens d'indiquer, feront varier aussi le nombre relatif des globules. Or, sans parler ici des parties aqueuses et de l'ammoniaque combiné ou libre, quoique latent dans le sang, Proust a trouvé que le sang renfermait en outre de l'acide ace- tique; il est vrai que M. Thénard pense que M. Proust avait opéré sur du sang altéré 1; mais M. Thénard ignorait sans doute que Homberg et Macquer avaient déjà trouvé dans l'analyse du sang un acide libre qui correspond à l'acide acétique de Proust. L'analogie du reste est en faveur de ce dernier sentiment. Car en in 'occupant de l'analyse du suc qui circule dans l'intérieur d'un entre- nœud de chara, analyse par laquelle je crois pouvoir annoncer que le suc de ckara renferme de l'hydrochlorate de soude, un sel végétal à base de soude, de l'ammo- (i) Traité de chimie, tom. IV, p. 55 1 . ,48 M. RASPAIL,— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE niaque combiné , et enfin par incinération du phosphate et du carbonate de chaux, le premier en très grande abondance, plus de l'albumine que le suc charrie sous forme de "lobules simples, quelquefois homogènes, et de gros globes composés de ^lobules a^Momérés, ce suc , dis-je , qui , à part la matière colorante , offre presque la même composition que le sang, est tellement acide qu'il rougit instantanément et d'une manière intense le tournesol ; et cet acide est volatil , puisque la dessicca- tion l'affaiblit considérablement. Qu'on ne pense pas qu'on puisse en attribuer la présence à l'altération; c'est au sortir d'un tube frais et sain qu'il donne des signes de sa présence , et j'ai répété l'expérience sur près de cinquante tubes pris à diverses époques de l'année , et à l'instant où je venais de m'assurer au microscope que la circulation n'avait point cessé. La présence de cet acide présumé acétique m'expliqua un fait dont j'ai été sou- vent témoin, et qui trouvera plus loin son analogue. Lorsqu'on coupe avec un rasoir un tube de chara vivant dans l'eau , tout à coup on voit le liquide qui circulait lim- pide s'épaissir et se coaguler, pour être lentement rejeté au dehors sous forme d'un magma blanc et celluleux, ce qui indique que l'albumine était dans le tube dissoute par l'acide acétique, et que l'eau l'a précipitée en s'emparant de l'acide, ainsi qu'on le produit de toutes pièces dans les manipulations en grand; et comme un précipité organique est moins soluble que sa substance n'était avant la première dissolution , il s'ensuit que le magma caillebotté refuse assez long-temps de se dis- soudre une seconde fois dans l'eau qu'on ajoute en excès. Ainsi on n'a qu'à verser de l'eau dans l'acide acétique , l'acide hydrochlorique ou l'ammoniaque tenant en dissolution l'albumine pour précipiter celle-ci; et ce pré- cipité offre une analogie digne de remarque. Par exemple, lorsqu'on verse de l'acide hydrochlorique concentré sur l'albumine de l'œuf de poule dans un vase clos , l'albumine se change en un coagulum blanc à la première impression de l'acide, car deux causes lui enlèvent des molécules d'eau , i" l'élévation de température pro- duite par le mélange; 2° l'avidité de l'acide pour l'eau. Si on ajoute une nouvelle dose d'acide concentré, ou qu'on attende quelques instans, le coagulum disparaît, se dissout dans l'acide hydrochlorique qui devient alors aussi limpide qu'auparavant : au microscope on n'aperçoit rien qui indique une simple suspension. Bientôt le li- quide passe par toutes les nuances du purpurin, au bleu-clairet violet. Si ensuite on expose à l'air le mélange dans un vase à larges bords , à un atmosphère et à une température suffisantes pour activer l'évaporation, en été, par exemple, le fond du vase se couvre bientôt d'un précipité blanc et pulvérulent. Ce précipité observé au microscope ne se compose que de globules sphériques, hyalins, égaux en quelque sorte en diamètre et par la forme, enfin analogues, jusqu'à s'y méprendre, aux globules du sang, à part la matière colorante. Ces globules avaient, quand je les ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i4g observai, le plus grand nombre -„l0 de millimètre, et quelques-uns atteignaient ^. Avec une nouvelle dose d'acide , on peut et les redissoudre de nouveau et les pré- cipiter de nouveau, et produire les premiers phénomènes de coloration. L'identité de diamètre des globules albumineux précipités ne doit point constituer un cas extraordinaire ; car on peut poser en principe que toute substance organique préci- pitée par évaporation spontanée de son menstrue naturel , se subdivise en globules de même forme et de même diamètre. Ainsi, par évaporation spontanée de l'alcool ou de l'éther, on voit les résines ou les substances grasses se subdiviser en myriades de globules identiques, et qui à la faveur des mouvemens que leur imprime l'éva- poration , seraient capables de donner le change sur leur nature , et d'être pris pour des animalcules ou infusoires , ou spermatiques. Une fois que le menstrue est en- tièrement évaporé, les globules s'appliquent contre le porte-objet, s'affaissent . s'agglutinent les uns contre les autres, et alors les globules albumineux précipités de l'acide offrent cet affaissement central que nous avons déjà eu lieu d'expliquer et de représenter fîg. 7 [c) au sujet des globules du sang de veau. Appliquons maintenant toutes ces observations à l'étude du sang, sous le rapport chimique comme sous le rapport microscopique. L'albumine du sang trouve pour se dissoudre dans le liquide de la circulation , de l'eau, un acide et de l'ammoniaque, sans doute, tantôt libres tantôt combinés. Elle y est soumise à l'influence des variations internes de la température. Lorsque les parties aqueuses seront trop rapidement absorbées, ou que l'élévation de tem- pérature sera trop considérable, ou que l'acide sera saturé, l'albumine sera par con- séquent précipitée et le nombre des globules du sang augmentera. Le contraire arrivera en l'absence des premières circonstances, c'est-à-dire, que les globules diminueront en nombre, dès que leur menstrue augmentera en quantité. On pour- rait objecter, il est vrai, que dans cette supposition les globules de tous les animaux devraient affecter le même diamètre, ce qui certes est loin d'avoir lieu. Mais il faut observer aussi, que les globules précipités de leur menstrue n'affectent pas toutes les fois le même diamètre , qu'ils sont bien égaux entre eux, mais non avec ceux de l'expérience suivante ou subséquente ; ensuite que les globules de la même sub- stance précipités de l'un de ses menstrues, n'affectent pas le même diamètre que ceux qui ont été précipités d'un autre de ses menstrues. Or l'albumine du sang peut trouver dans le sang d'un animal un menstrue, ou qui n'existe pas dans le sang d'un autre ou au moins qui y existe à un état différent de concentration , de combinaison ou d'altération. Donc toutes les circonstances feront varier le diamètre des globules d'albumine précipités dans le torrent de la circulation. Qu'on ouvre maintenant un vaisseau et qu'on en laisse échapper le sang, une évaporation active aura lieu au contact de l'air, les menstrues de l'albumine dirai- i5o M. RASP AIL.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE nueront de quantité , et l'albumine dissoute se précipitera sous forme d'un coagulum d'autant plus épais, que la quantité d'eau et d'autres menstrues aura diminué. Ce coagulum sera le caillot, c'est-à-dire , l'albumine ayant emprisonné en se précipitant la matière colorante et les autres sels du sang. Si à cette évaporation spontanée on ajoute le mouvement d'une verge qui batte le sang, on activera l'évaporation , en mettant plus de molécules du liquide en contact avec l'air, et l'albumine, s'attachant à une branche de la verge, apparaîtra sous forme de fibrine, c'est-à-dire, en précipité fdamenteux, au lieu d'être floconneux et compacte. Le sérum , ou la partie liquide qui surmontera le caillot, ne différera de celui-ci que parla moindre quantité de sels et d'albumine; et l'on pourra lui enlever celle-ci en le concentrant et le sou- mettant à l'action, soit de la chaleur, soit de l'alcool, soit de toute autre substance capable de s'emparer des molécules aqueuses qui la retiennent en solution. En conséquence, les globules du sang ne sont pas des organes, ni des produits spéciaux de la circulation; à plus forte raison ne sont-ils pas doués d'un mouve- ment propre , comme quelques observateurs les en avaient crus doués , sans alléguer d'autres preuves que le roulement des globules dans le torrent de la circulation. Cette idée nous amène naturellement à étudier les causes motrices de la circulation. 2° Depuis la découverte de la circulation , on n'a cessé d'en rechercher le méca- nisme. Mais après bien des évaluations et des calculs , on a fini par reconnaître que l'application des méthodes rigoureuses du calcul, en ces sortes de matières, ne me- nait qu'à des résultats trop largement opposés les uns aux autres, pour qu'on fût en droit de les regarder comme l'expression de la loi qu'on cherchait à étudier. Le cœur, par sa oontractilité musculaire, est-il l'unique agent de l'impulsion à la- quelle obéit le sang? Les artères secondent-elles à leur tour cette impulsion, et par quel mécanisme? le système capillaire, ce lien commun des artères et des veines, cette voie de communication entre la route qui amène et la route qui ramène, ce système dis-je, est-il passif ou exerce-t-il une action quelconque sur le fluide qui circule dans ses anastomoses microscopiques? telles sont les diverses questions que l'on a vu résoudre successivement par l'affirmative et par la négative, et dans l'un et l'autre cas à l'aide des expériences. Bichat n'admettait que l'action du cœur, et niait l'effet que l'on attribuait au frotte- ment et aux sinuosités des vaisseaux sur la vitesse du sang. Il supposait une seringue dont la canule était terminée par une multitude de rameaux; le même coup de piston devait faire jaillir l'eau au même instant des rameaux inférieurs comme des rameaux supérieurs. Ce principe d'hydraulique est juste, ses adversaires ne pouvaient le nier; cependant l'observation des faits décelait dans le cours du sang une exception à la règle, et l'on trouvait que le sang n'était pas doué, sur tous les points du trajet, de sa vitesse initiale. Mais on ne faisait pas attention que ce principe fort juste . quand il ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. 101 s'agit de tuyaux rigides, ne l'est plus quand il s'agit de vaisseaux flexibles élastiques; car si au bout de la seringue on plaçait des rameaux faits avec des tuyaux membra- neux et élastiques, on trouverait alors qu'on ne doit plus négliger l'influence des résistances et des cbocs. Dans les sciences physiologiques, ce n'est pas la première fois qu'en partant de principes incontestables, on est tombé dans des erreurs ou dans des opinions singulières; parce qu'on ne fait attention qu'à une face de la com- paraison, et qu'on néglige absolument toutes les autres. Les parois des vaisseaux opposent donc des résistances au cours du sang , et leurs anses produisent des chocs; d'où vient cependant que le mercure se soutient à la même hauteur dans un tube mis en communication avec une artère, aune distance plus ou moins grande du cœur? Le système capillaire ne peut être passif: car que l'on coupe la queue d'un têtard de grenouille , on verra pendant un espace assez long le sang circuler, avancer ou reculer dans ses anastomoses. Et qu'on ne dise pas que cela vient de l'écoulement du sang par les orifices amputés de ces vaisseaux. S'il en était ainsi, cette circulation aurait lieu sur la queue d'un têtard mort avant l'opération, puisque dans l'eau le sang s'écoule alors des vaisseaux amputés. Or, le phénomène dont je parle n'a lieu que lorsque la queue appartient à un animal plein de vie et d'énergie. Du reste, un écoulement lent ne produirait jamais de tels phénomènes. Mais le système capillaire dont je parle ne présente pas la moindre apparence de contractions de systole et de diastole ; quel est donc le mécanisme par lequel le système capillaire isolé opère cette circulation? Ce mécanisme a pour cause un phé- nomène dont on n'a tenu aucun compte , quoiqu'on en ait toujours reconnu l'exis- tence. Le sang est destiné à porter la vie sur tous les points du système, à nourrir et à réparer les organes. 11 faut donc qu'une partie du torrent soit absorbée par les surfaces qu'il arrose; il faut donc que ces surfaces soutirent ces liquides nutritifs. Or, supposez un grand cercle de tuyaux pleins d'un liquide , appliquez aux parois des tuyaux, des pompes aspirantes, mais qui ne puissent aspirer que des quantités in- finiment minimes, et par ce seul mécanisme vous allez faire circuler le liquide dans les tuyaux. Je vais développer cette assertion , en empruntant les principales expé- riences à une lettre que j'ai écrite à l'Institut, il y a quelques mois, relativement à la circulation dans les chara. On peut considérer chaque entre-nœud de charagne comme un tube hyalin ta- pissé de substance verte, et fermé par les deux bouts; car j'ai déjà fait connaître qu'en faisant une ligature à deux ou trois millimètres de distance de chaque articu- lation, et en coupant ensuite de chaque côté l'espace compris entre l'articulation et la ligature , on obtient un tube dont les deux bouts se soudent quelques jours après; i52 M. RASPAIL.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE et lorsque les deux ligatures sont tombées, ce tube continue à se suffire à lui-même, car le suc qu'il renferme ne cesse pas un instant de circuler dans son sein 4i Cette circulation offre deux courans inverses et qui ne se mêlent point dans leurs points de contact. Une ligne blanche un peu oblique s'étend d'un bout à l'autre et de chaque côté du tube; cette ligne indique le point de séparation des deux cou- rans. Les globules albumineux que les deux courans charrient, servent à en indiquer la direction. Ainsi on voit ces globules se dirigeant , par exemple , de gauche à droite , une fois arrivés au bout du tube, redescendre de droite à gauche jusqu'à l'autre bout. Ce double courant avait de tout temps paru merveilleux et inexplicable aux yeux des observateurs; comment, disait-on, se fait-il que deux courans inverses auraient lieu dans le même tube, et que pourtant ils ne se mêleraient pas? Ayant jeté les yeux, un jour, sur un tube de verre rempli d'alcool et dans le fond duquel j'avais déposé une faible quantité de substance grasse, à l'instant où l'approche de la lampe venait de déterminer un mouvement sur le liquide , je m'aperçus qu'à mesure que des globules adipeux montaient vers la surface, d'autres descendaient de la surface vers le fond du tube, pour remonter encore, et cela indéfiniment. Ce tube, me représentant exactement la circulation dans les chara , commençait déjà à me l'expliquer. Dès que le calorique pénètre les molécules du liquide, celles-ci tendent à monter ; et comme elles éprouvent de la résistance , elles prennent la ré- sultante et se dirigent vers une des parois; plus elles montent, plus elles se refroi- dissent ; une fois arrivées au sommet du liquide, devenues plus pesantes, et, d'un autre côté, poussées par les molécules qui les suivent, elles redescendent parallèlement , pour venir s'échauffer, se dilater et remonter encore. On peut faire cette expérience en jetant dans l'alcool du tube un peu de poussière ou de sciure de liège : car alors la chaleur seule delà main suffit pour produire le phénomène, après quelques oscilla- tions. Si l'on voulait placer le tube horizontalement, on devrait recourber à angle droit la moitié d'un tube de verre, remplir toute la partie horizontale d'alcool, et comme le frottement contre la paroi supérieure du tube horizontal serait plus puis- sante, il serait besoin d'employer une plus grande élévation de température pour mettre en mouvement les particules visibles destinées à indiquer les mouvemens du liquide. Dans ce cas, la chaleur n'est qu'un mobile; il résulte donc de cette expérience que toutes les fois qu'on mettra en mouvement une portion quelconque d'un liquide (1) Pour faire ces sortes d'expériences, il faut surface du tube, pour enlever le carbonate de commencer par enlever l'écorce del'entre-nœud, chaux qui la recouvre et qui s'opposerait à la avec une pointe qui la divise en lanières longi- transmission des rayons lumineux destinés à faire tudinales; ensuite on ratisse avec une lame la apercevoir la circulation dans l'intérieur du tube. ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i53 contenu dans un tube fermé par les deux bouts, on produira dans l'intérieur du tube deux courans inverses et qui ne se mêleront point. Dans les chara, ce n'est point le calorique qui met le suc en mouvement, puisque le tube du chara est plongé dans l'eau ordinaire, et jouit par conséquent, sur tous les points de sa surface , de la même température. Mais des expériences nombreuses m'ont prouvé que les tubes de chara aspirent et expirent avec intensité les liquides. -Ainsi, si on abandonne sur le porte-objet un tube de chara, on verra le suc osciller et presque s'arrêter, à l'instant où l'eau extérieure sera sur le point de s'évaporer. Qu'on place aussitôt une goutte d'eau sur une partie quelconque de la surface qui se desséche, et tout à coup la portion correspondante du suc intérieur s'ébranlera* enfin l'on rétablira le cours de la circulation , en promenant la goutte d'eau sur toute la longueur du tube. Sans cette précaution, non-seulement la circulation cesserait, mais les parois du tube finiraient par s'affaisser. D'un autre côte, si l'on place , sur un point quelconque de la surface d'un tube, une goutte d'acide ou d'ammoniaque ou d'alcool, subitement la circulation est interrompue. Les parois des tubes de chara aspirent donc et expirent avec énergie. Or, cette double fonction ne peut manquer de mettre en mouvement le liquide contenu dans la capacité du tube ; il y aura donc alors circulation par deux courans inverses et continus. Pour évaluer l'énergie de cette double cause , soit un tube rempli d'eau et de poussière et fermé par un bout; qu'à l'extrémité de l'autre bout on ente deux autres tubes recourbés en sens opposé, et effilés à la lampe par les extrémités qui rentrent dans le grand tube ; si l'on met un des deux petits tubes en communication avec un réservoir d'eau, et qu'ensuite on aspire fortement par l'au- tre l'eau contenue dans le tube principal , on verra dans l'intérieur du tube principal deux courans inverses, dont l'un se dirigera de l'extrémité du tube qui communique avec le réservoir vers le fond du tube principal, et dont l'autre se dirigera du fond du tube principal vers l'extrémité effilée du tube par lequel on aspire; et là, les gros globules de poussière ne pouvant pas passer par le tube, iront rejoindre et compléter l'autre courant. On conçoit que l'effet serait encore plus analogue à la circulation dans le chara, si toute la surface du tube principal était hérissée de tubes aspirans et capillaires. * Maintenant, au lieu de supposer un tube fermé par les deux bouts, qu'on sup- pose un cercle tubulé placé sous l'influence des causes que je viens de décrire, le liquide circulera, mais on ne verra plus deux courans inverses et superposés, puis- qu'il n'y aura plus résistance à une extrémité quelconque. Or, ce cercle continu se retrouve dans le système des vaisseaux de la circulation des animaux; les parois de ces vaisseaux aspirent une partie des fluides, et par conséquent déterminent ainsi la circulation. 154 M. RASPA1L.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE Mais toute surface, qui aspire si elle est flexible, doit être, pour ainsi dire, attirée par la substance aspirée, ce qui est évident; il est donc évident qu'à la faveur seule de cette aspiration, on explique les mou ve mens de systole et de diastole du cœur et des artères. Le cœur libre sur la majeure partie de sa surface , sera aussi l'organe qui trouvera le moins de résistance dans ce mécanisme , et dont les mouvemens seront les plus marqués. Quand ses parois internes aspireront, ou si l'on veut s'im- biberont, s'assimileront le liquide , il se contractera ; quand ses parois internes expi- reront, repoussé par le liquide qu'il repousse, le cœur se dilatera. Mais comme" le jeu d'un pareil organe est considérable, ses mouvemens ajouteront encore à la vi- tesse de la circulation dans les autres systèmes des artères, qui alors, outre leur action propre d'aspiration et d'expiration, offriront en outre des mouvemens iso- chrones avec les battemens du cœur. Ajoutez à cela les mouvemens imprimés par l'aspiration aérienne des poumons, et je le pense, le mécanisme de la circulation ne présentera plus des problèmes insurmontables. Ce que nous disons ici ne tend nullement à établir que le cœur ne soit pas un organe musculaire, mais nous amène au contraire à appliquer les mêmes idées aux mouvemens des muscles que la volonté détermine et régit. Les muscles se compo- sent de petits cylindres continus d'un bout à l'autre du cylindre commun qui les emprisonne ; ces cylindres sont pleins d'un liquide gras. Mais dans aucun de nos organes , il n'est permis de supposer un liquide invariable et restant toujours le même. Supposons donc que chacun de ces cylindres expire une portion de sa sub- stance, il se contractera; supposons qu'il aspire, il se dilatera; le sens dans lequel ces contractions et ces dilatations auront lieu sera déterminé par le sens dans lequel l'aspiration et l'expiration se fera. La différence qui existera sous ce rapport entre les muscles de la volonté et les muscles de la circulation, c'est que dans les uns les nerfs détermineront ces sortes d'assimilation et d'expulsion, d'aspiration et d'expi- ration, et que dans les muscles de la circulation, ces deux fonctions n'étant plus placées sous l'influence d'une cause variable, s'opéreront en général sans intermit- tence, et pour ainsi dire automatiquement 4. (1) Je ne puis laisser passer cette occasion, plier en zig-zag, et décrire des angles dont le sans combattre une opinion que MM. Prévost et sommet aboutissait à la terminaison d'un filet Dumas ont renouvelée de quelques auteurs an- nerveux. ciens sur le mécanisme de la contraction mus- i° Il est difficile de concevoir comment des culaire. filets élastiques pourraient se prêter à décrire des Ces deux auteurs ayant placé au foyer du mi- lignes aussi bien brisées que les ont figurées les croscope une lame du tissu musculaire, et l'ayant auteurs. soumise en même temps à l'influence de la pile, 1° Les auteurs auraient dû nous apprendre à annoncent avoir vu chaque filet musculaire se distinguer les uns des autres les filets muscu- ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i55 Que tous les tissus organiques aient la propriété d'aspirer et d'expirer, et de pro- duire ainsi, d'une manière plus ou moins sensible, desmouvemens soit dans le liquide ambiant, soit dans celui que leur capacité renferme, cela n'aura sans doute plus rien d'étonnant aux yeuxdeceux de mes lecteurs qui auront lu la seconde partie de mon mémoire sur l'alcyonelle i. J'ai fait voir que dans certains animaux (les moules de rivière , par exemple, ) tous les lambeaux isolés des branchies, de l'ovaire, etc., ont la propriété d'aspirer et d'expirer à un si grand degré d'énergie, qu'ils se con- tractent sous les yeux de l'observateur, tournent sur eux-mêmes, et cela pendant laires des dernières fibrilles du système nerveux. Quant à moi, une fois que les nerfs finissent par s'approcher du calibre des cylindres élémentaires d'un muscle, je ne saurais plus distinguer ce qui estnerfde ce qui est muscle, au microscope. Ceci n'aura rien de surprenant pour les anatomistes qui auront voulu poursuivre à la simple loupe même les filets nerveux. Ils savent qu'à un cer- tain point il leur est bien difficile de se pronon- cer sur la nature du tissu qu'ils observent. Que diraient-ils, s'ils observaient au microscope, où le plus souvent l'œil seul est invoqué en témoi- gnage., et où le scalpel ne peut plus rien pour- suivre et plus rien démêler? 5° L'expérience, telle que les deux auteurs l'ont exécutée , ne prouverait nullement ce qu'ils avancent, alors même qu'ils auraient aperçu quelque chose d'analogue aux figures qu'ils ont jointes à leur description. Caria lame musculaire s'applique nécessairement par plusieurs points sur la surface du porte-objet; or, qu'on cherche à la tirailler par un des bouts, soit mécanique- ment, soit par l'action de la pile, ce tiraillement, à cause des résistances des points adhérens, sera capable d'offrir des sinuosités plus ou moins an- guleuses. 4" L'expérience est donc toute factice et ne représente nullement la nature. Aussi n'ai-je pas eu recours à ce procédé pour me former une opinion à cet égard; mais j'ai cherché à faire l'observation sur les muscles contractés par l'a- nimal lui-même; et à cet effet j'ai étudié les mouvemens du rotifère. Je sais bien que des au- teurs m'objecteront que le rotifère n'a pas de muscles, et qu'il faut le ranger parmi les animaux 6. amorphes. Je répondrai que vouloir refuser des nerfs et des muscles à des animaux qui sentent et qui se contractent, par cela seul que nous ne pou- vons pas toujours les distinguer avec les former qu'ils affectent sur des animaux supérieurs, ce serait commettre une erreur aussi absurde que le ferait un observateur qui , apercevant de loin un animal se mouvoir dans la plaine, lui refuserait des muscles parce qu'à cette distance il ne pour- rait en observer le jeu. Le muscle des quadru- pèdes réduit à sa plus simple expression, c'est-à- dire à un cylindre, n'est presque plus susceptible d'être distingué de tout autre tissu, si ce n'est à la contraction dont il peut encore offrir le phéno- mène. Or, quand on observe le rotifère, en diminuant l'intensité de la lumière, on distingue sur tout son corps des cylindres qui s'étendent longitudi- nalement de la tête à la queue; ce sont là évi- demment les muscles; car on les voit s'allonger en même temps qu'ils s'amincissent, et se rac- courcir en même temps qu'ils grossissent, toutes les fois que l'animal s'allonge ou se contracte et rentre en lui-même. Eh bien ! on n'a qu'à ne point perdre de vue ces jeux alternatifs pour s'assurer que la contraction de chaque cylindre ne se fait jamais par des brisures en zig-zag; mais seule- ment par la dilatation en largeur de sa circonfé- rence. Le cylindre alors, au lieu d'être lisse sur ses bords, s'offre comme bosselé à la manière des cylindres nerveux que l'on voit représentés sur le mémoire de la structure des nerfs, tom. 4 du répertoire,/»/. IX, fig. i, (b). (î) Tom. 4e des Mém. de la Soc. d'Hist. nat. de Paris, 1837 et 1828. 21 i56 M. RASPAIL,— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE près de vingt-quatre heures de séjour dans l'eau. On voit en même temps, lorsqu'on observe une lame assez étendue de branchie, que la circulation continue dans la longueur des vaisseaux parallèles qui se dirigent du côté de la charnière vers les bords de la branchie ; et que toute la superficie externe d'un vaisseau ainsi doué de vitalité, est hérissée de cils illusoires que je crois avoir prouvé n'être que des phénomènes optiques d'expiration. La même circulation, accompagnée des mêmes phénomènes optiques, s'observe encore dans la longueur de chacun des quarante tentacules de l'alcyonelle. En conséquence , en admettant que les membranes douées de vitalité ont la propriété d'aspirer et d'expirer, les unes les substances gazeuses, les autres les substances liquides , et cela dans le but de s'assimiler ou d'élaborer les fluides que leurs vésicules contiennent; que cette .propriété varie d'intensité non-seulement dans les organes analogues de divers animaux, mais encore dans les divers tissus du même animal, on peut expliquer non-seulement le mécanisme de la circulation vasculaire , mais encore celui des organes de la locomotion ; mais cette double propriété suppose que les pores invisibles de la membrane font dans les liquides ambians une espèce de triage ; qu'elles s'assimilent certains élémens ; qu'elles en négligent, pour ainsi dire, certains autres; parmi ces derniers, il existe beau- coup de sels. Nous allons nous occuper dans le paragraphe suivant de ce que ces derniers deviennent. THÉORIE DE L'OSSIFICATION. J'avais laissé séjourner des fragmens d'épiderme d'une plante monocotylédone dans une eau aiguisée par de l'acide hydrochlorique ; je la lavai à grande eau ; je la fis inci- nérer étendue sur une lame de verre; après le refroidissement, ayant placé la lame au foyer de mon microscope, je ne trouvai presque aucun changement d'aspect: les cellules me semblaient, après l'incinération, être restées tout aussi bien dessinées qu'auparavant. Cependant il me suffit d'employer le même acide très étendu, pour dissoudre avec effervescence ce réseau, et pour m'assurer que l'incinération avait été complète. Cette expérience m'apprenait que le tissu organique jouait avant l'incinération le rôle d'un sel dont les cendres formaient la base , et la substance organique, en quel- que sorte, l'acide. L'action du feu éliminait une partie des élémens de la substance organique , et transformait, par cette soustraction , ce composé d'abord inattaquable par les acides étendus, en carbonate terreux; phénomène identique avec celui que détermine l'action du feu sur des sels cristallisables , l'oxalale de chaux par ex. etc. J'essayai par les mêmes procédés la membrane qui forme les tubes du polypier de l'alcyonelle, et je trouvai que la substance animale y était combinée exclusivement ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i57 avec le fer. Mais ces tubes dans le jeune âge du polype étaient albumineux; leur nouvelle organisation cartilagineuse provenait donc de la combinaison du fer avec l'albumine. Je vidai des tubes de chara* dépouillés de leur écorce verte, en les ex- primant plusieurs fois dans l'eau. Je les laissai séjourner près de huit jours dans une eau aiguisée d'acide hydrochlorique . pour dissoudre le carbonate de chaux qui re- couvre leur surface, en forme d'incrustation. Je les lavai ensuite jusqu'à ce que l'eau de lavage ne donnât plus aucun signe d'acidité, et je les laissai sécher. Je cherchai dès lors à en reconnaître les sels , en les incinérant auprès de la flamme d'une bou°ie ; je n'y découvris, en alcali fixe, que le carbonate de chaux, par des procédés que je ferai connaître dans un autre travail. Ayant ainsi déterminé la base , je voulus obtenir isolément la substance organique ; je plongeai quatre grains de tubes préparés, de la manière précédente, dans l'acide sulfurique concentré; nulle effervescence n'eut heu, et les tubes s'amincirent et finirent par se dissoudre presque en entier dans l'acide, qui acquit une légère couleur jaunâtre. Je saturai l'acide par de la craie, après l'avoir étendu d'eau; je filtrai, et j'obtins, par évaporation , une substance jaune comme la gomme ordinaire qu'on évapore, ayant son aspect, se redissolvant dans l'eau. Ce liquide renfermait immensément de sulfate de chaux, ainsi que les réactifs le révé- laient; et par l'élévation de température, une foule de flocons se formaient et se tenaient en suspension. En filtrant de nouveau, j'obtenais, quoiqu'en moindre quantité, la substance encore plus soluble et moins chargée de sel calcaire. En conséquence, dans le tube de chara on peut considérer que la chaux est com- binée intimement avec une substance gommeuse qui, par l'incinération, fournit l'acide du carbonate. Celte expérience explique fort bien ce que M. Braconnot a trouvé tout récemment, savoir, qu'en faisant bouillir du papier sans colle dans l'a- cide sulfurique étendu, il obtenait de la gomme; car, dans ce cas, l'élévation de température équivaut à la concentration de l'acide. J'ai choisi de préférence le tube de chara, parce que ses parois peuvent être assi- milées aux membranes, puisque, malgré leur grande épaisseur, elles n'offrent pas la moindre trace de cellules et de vaisseaux, et que, d'un autre côté, un tube de chara peut être considéré comme une grande cellule végétale. Je ne prétends pas assurer que la substance organique ne soit combinée qu'avec une seule espèce de sel pour former une membrane : car dans les tubes de l'alcyo- nelle , ainsi que dans les tubes des chara, les papiers réactifs m'indiquaient, pendant l'incinération, un dégagement d'ammoniaque, que le séjour dans un acide étendu n'avait pu éliminer; j'ai voulu seulement prouver par la base qu'il m'a été possible de découvrir, le principe de la formation des membranes, qui est : que la gomme et l'albumine se combinent avec]une base , soit fixe soit volatile, et elles deviendront tissus. ?5S M. RASP AIL.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE Mais outre la chaux à l'état de combinaison , les tubes de dura sont recouverts du carbonate de chaux à l'état d'incrustation. On peut enlever ce carbonate de chaux, soit en ratissant le tube avec le tranchant d'une lame , soit au moyen d'un acide mi- néral étendu. Dès lors les tubes, de cassans et d'osseux qu'ils étaient, deviennent Iransparens et cartilagineux. Cette circonstance nous amène naturellement à l'ossi- fication. Lorsqu'on place un os ou un fragment d'os dans l'acide hydrochlorique étendu, sa rigidité se perd peu à peu , et sa substance devient cartilagineuse; parce que l'acide dissout les phosphates et carbonates qui formaient l'incrustation. On obtient de nouvelles cendres en calcinant la substance animale devenue cartilagineuse. Ces cendres formaient donc la base du tissu. Cette analogie des os avec les tissus que j'avais déjà examinés, me porta à en étudier la structure au microscope ; et pour ne point m'exposer à l'altérer, pour la rendre transparente , en coupant des tranches au moyen d'un rasoir, je cherchai à examiner un os dans son premier état de développement ; je choisis à cet effet l'os pariétal d'un fétus humain long de 12 centimètres, fig. 8. PI. IL Cet os avait 2 cen- limétres de large. Je n'en ai dessiné qu'un fragment; mais il suffira, je pense, pour donner une idée de la structure intime de ce tissu. On y voit une foule d'anastomoses imitant si bien des vaisseaux, que si l'on n'était pas averti, on ne manquerait pas de commettre cette méprise. Ayant placé cet os au foyer de mon microscope, à mesure que j'observais son réseau, je promenais, avec une pointe de platine, de l'acide hydrochlorique sur sa surface; en même temps je voyais les bulles d'acide carbonique parcourir l'intérieur des tubes anastomosés, et les parois de ces tubes s'affaisser peu à peu les unes contre les autres, en sorte que bientôt tout le réseau disparut, et qu'au lieu de ces anas- tomoses, je n'eus plus sous les yeux qu'une membrane épaisse mais homogène. L'incrustation avait donc eu lieu sur la surface interne de ces tubes anastomosés, ainsi que me l'indiquait la marche de l'acide carbonique que la présence de l'acide hydrochlorique éliminait. Mais ces tubes incrustés étaient creux, puisque les gaz pouvaient s'y promener aussi librement ; je n'émettrai donc pas une opinion extraor- dinaire, en admettant que ce réseau était primitivement un réseau vasculaire qui s'est changé en réseau osseux par une incrustation interne que les liquides de la circulation ont déposée sur les parois des vaisseaux. Cherchons maintenant à concevoir la cause qui a déterminé le dépôt de cette in- crustation. Les cellules, soit végétales soit animales, sont des espèces de laboratoires destinés à l'élaboration des liquides qu'ils renferment, et qui doivent à leur tour se changer en tissus. Leurs parois, comme nous l'avons déjà dit, ont la faculté de taire ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. i59 une espèce de triage dos matériaux extérieurs; les sels qu'elles n'admettront point dans leur sein resteront déposés sur leur surface, par une espèce de précipitation analogue à celle que détermine l'évaporation spontanée. Ainsi , si l'on place dans l'eau distillée un tube de char a bien ratissé et devenu très lisse, sa transparence se con- servera long-temps; mais si, au contraire, on le dépose dans une eau commune . sa surface De tardera pas à se couvrir de cristaux rhomboïdes de carbonate de chaux , qui finiront par intercepter le passage de la lumière. Or, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire remarquer, un tube de chara n'est qu'une grande cellule. D'un autre côté, les cellules agglomérées par l'adhérence de leurs parois, ne peuvent livrer passage aux liquides dont la circulation est destinée à alimenter leurs surfaces, qu'en décollant une partie de leurs parois. Ces interstices ne manqueront pas de former un réseau par leur communication , et de s'arrondir en cylindre , par la force du liquide circulant entre des parois élastiques. Pi donc certains groupes de cellules ne sont pas doués de la faculté d'admettre dans leur sein certains sels terreux, ceux-ci se déposeront par incrustation sur les parois internes du réseau vasculaire, qui se présentera dans ce cas, comme un réseau osseux dont les mailles seraient bouchées par des membranes à doubles parois. Quand les premiers inters- tices seront obstrués , la circulation en déterminera de nouveaux , en se faisant jour à travers les parois décollées des cellules; une nouvelle incrustation aura lieu sur de nouveaux points , et le système osseux acquerra de la sorte une plus grande épaisseur et une plus grande consistance. Pour mettre cette idée dans un plus grand jour, je vais en faire l'application à la formation des os du crâne. Si l'on examine la structure du crâne d'un embryon humain long de 12 centi- mètres, il est facile de voir qu'il se compose de cinq cellules principales, renfer- mant chacune une lame osseuse analogue à celle dont j'ai dessiné un fragment fig. 8. Chacune des cellules est évidemment ce que plus tard on nommera la périoste ; la lame osseuse tient à la paroi interne de chacune d'elles par un point quelconque de sa surface. Ainsi , deux de ces cellules-périostes forment les deux os frontaux, deux les pariétaux, deux les temporaux, et une l'occipital , que je considère comme com- posé de deux autres dans l'interstice desquelles la moelle épinière s'est pratiquée un trajet; car dans mon système d'organisation, les vaisseaux et les ramifications nerveuses se dirigent dans les interstices des cellules; en sorte qu'un os criblé de trous qui donnent passage à des nerfs ou à des vaisseaux, tel que le sphénoïde, est composé de plusieurs cellules agglutinées. Soit donc chacun de ces os dans l'état que j'ai déjà décrit et dessiné, fig. 8 ; les vaisseaux incrustés s'obstrueront d'abord aux extrémités (bbb), et sailliront en avant par la tension qu'ils exerceront sur les membranes. Les vaisseaux de l'os voisin, en suivant le même mode de développement, se rencontreront par leurs bords avec i6o M. RASPAIL.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE les bords de l'os dont je m'occupe. Les saillies [bbb) du premier, ne trouvant point de résistance dans les intervalles (c) des saillies du second, s'y logeront; et, en continuant tous les deux d'étendre leurs bords de la sorte , ils formeront cette espèce d'engrenage qu'on nomme suture. La circulation ne s'opérant plus par les premiers, se pratiquera un nouveau réseau vasculaire dans la couche externe de la membrane, et lorsque les vaisseaux auront été de nouveau obstrués sur des points quelconques, une nouvelle circulation s'établira sur une couche membraneuse plus externe en- core que la première, et ainsi de suite, jusqu'à ce que toutes les couches qui s'em- boîtent les unes dans les autres ayant fourni à ce développement, en commençant des internes aux externes, l'os soit immédiatement recouvert du périoste. C'est ainsi qu'on peut s'expliquer comment les os du crâne des jeunes fétus plus avancés que celui que je viens de décrire offrent des stries divergentes du centre à la circon- férence. Il serait facile d'appliquer cette théorie à tous les os du squelette; mais il me paraît inutile de descendre dans des détails que l'on me dispensera de décrire, dans le cas où la théorie que je viens d'exposer trouvera des approbateurs. En résumé , en se combinant intimement avec des bases inorganiques , l'albumine dans les animaux et la gomme dans les végétaux, passent à l'état de membrane; si cette membrane s'incruste ensuite de sels calcaires, elle perdra son élasticité et de- viendra cassante et osseuse. Mais ces incrustations n'auront lieu que par le dépôt que laissera sur leurs parois le liquide qui circule dans leurs interstices, et dont elles admettent dans leur sein une partie par imbibition. Quant à l'espèce de circu- lation qui dépose l'incrustation osseuse sur la surface des vaisseaux, on aurait tort de l'attribuer exclusivement à la circulation à sang rouge ; car la conséquence im- médiate des principes que j'ai admis sur la théorie de l'organisation vésiculaire, est qu'une circulation nutritive s'opère sur toute la superficie d'une membrane, même de celles qui n'offrent pas la moindre trace de vaisseaux sanguins. Car si la circula- tion n'existait pas autour de chacune des cellules dont se compose le tissu de la membrane , il s'ensuivrait que la nutrition ne parviendrait jamais aux cellules internes, puisque celles-ci ne recevraient que le produit des excrétions des autres; du reste , l'observation directe rend évident ce que le raisonnement présente déjà comme pro- bable. En effet, soit la membrane la moins vasculaire qu'on connaisse, la membrane de l'amnios d'un fétus de porc, par exemple ; c'est, à l'œil nu , une pellicule blanche et nullement organisée; mais qu'on l'examine au grossissement de cent diamètres, fig. 9, on commencera déjà à la trouver composée de cellules accollées les unes contre les autres, et renfermant chacune dans leur sein une autre cellule. Mais au grossissement de mille diamètres fig. 10, on trouvera que chaque cellule est entourée d'un vaisseau communiquant avec les vaisseaux des cellules voisines , et formant ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE. 161 ainsi le réseau le mieux caractérisé; or, que ce soient des vaisseaux cylindriques, on l'admettra sans peine d'après ce que j'ai fait remarquer déjà au sujet des organes analogues. S'ils sont cylindriques, ils doivent être remplis d'un liquide et non pas d'air, ainsi que leur pouvoir réfringent l'indique. S'ils renferment un liquide, ce liquide, à l'état de vie, doit être aspiré par chaque cellule ; et dès lors il y aura cir- culation. Si ce liquide circulant dépose sur les parois des vaisseaux qui le renfer- ment des sels calcaires, la membrane deviendra osseuse, et cela sans le secours du sang rouge. ORGANISATION DE L'ÉPIDERME. Les figures 9 et 10 prêteront, je pense, un certain secours à la démonstration que je crois pouvoir donner ici : que l'épiderme n'est point une exsudation coagulée , un mucus durci à l'air, mais bien un tissu d'abord doué d'une vie plus active, et qui tend chaque jour à se dessécher et à s'exfolier, pour faire place à la couche de cellules qu'il recouvre et qui doivent le remplacer. Dans mon premier mémoire sur les tissus organiques, j'ai déjà publié deux figures d'épiderme prises au hasard sur les portions les plus dures de la peau extérieure. On a dû y remarquer des compartimens analogues, quoique d'une manière moins régulière, aux cellules des fig. 9 et 10 du mémoire actuel. Or, de semblables com- partimens ne peuvent avoir lieu sur du mucus desséché, ainsi qu'on peut s'en assurer en faisant dessécher le mucus ordinaire sur une lame de verre ; on le verra se fen- diller, mais jamais en affectant ni la forme d'un réseau cellulaire, ni des divisions égales en diamètre. Si l'épiderme n'était que du mucus concrète, il devrait, à tous les âges, en se con- crétant, présenter les mêmes caractères physiques. Or c'est ce qui n'arrive pas. J'ai étudié l'épiderme de fétus conservé dans l'alcool , menstrue capable de concréter le mucus tout aussi bien que la dessiccation. J'ai ensuite laissé dessécher la membrane sur le porte-objet, et je n'ai rien aperçu alors d'analogue soit à la concrétion du mucus, soit à ce qu'on observe sur des animaux adultes. J'ai représenté l'épiderme d'un fétus de brebis long de 12 centimètres (fig. 12) et conservé dans l'alcool; on le voit parsemé de globules élégamment répandus et pres- que à des distances égales autour de taches blanches disposées en quinconce, et qui indiquent déjà la place où doit naître un poil. Or, qu'on prenne du mucus, qu'on le plonge dans l'alcool, on n'observera jamais rien, je ne dis pas d'aussi régulier, mais même d'analogue. Si l'on observe l'épiderme sur les tempes de ce fétus (fig. i4), on voit que les taches blanches de la première figure ont déjà pris leur développement, et y for- i62 M. RASP AIL.— SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE ment des vésicules en forme de bouteilles composées de globules; ces vésicules sont des cellules qui s'allongeront en dehors, et qui, en acquérant de plus en plus de la consistance, deviendront des poils, véritables végétations croissant par intus-sus- ception, et non par juxta-position d'une substance concrétée. Sur l'épiderme d'un fétus humain, long de dix centimètres, on observe une structure analogue (fig. i3); et, comme on le voit sur la figure, on peut le diviser en deux couches dont la plus intérieure (à) plus épaisse, et la plus extérieure {b) plus mince, plus diaphane, et portant çà et là des vésicules globulaires. La dessiccation ne communique pas à cette dernière les réticulations qu'offre l'épiderme dans un âge plus avancé. Donc les cel- lulesde l'épiderme , d'abord si petites qu'elles sont inapercevables, grandissent avec l'âge jusqu'à former de larges compartimens ; donc ces cellules ne sont pas des ex- foliations inorganiques, puisqu'une substance inorganique affecte dans toutes les circonstances les mêmes caractères essentiels, et ne varie pas avec l'âge. Si l'on suit l'épiderme jusqu'à l'intérieur des deux ouvertures dé l'appareil destiné à l'alimentation , on ne manquera pas de voir que l'épiderme se continue dans toutes ses formes, de proche de proche , et qu'il n'existe aucune ligne de démarcation entre la surface externe du corps et la membrane qui revêt le commencement des parois internes de la bouche ou de l'anus. Or, si l'épiderme n'était qu'une couche de mucus concrète, il s'ensuivrait que, dans une cavité humide , ce mucus ne devrait rien présenter d'analogue à ce qu'il offre sur une surface en contact permanent avec l'air. Eh bien , qu'on place sur le porte-objet une goutte de salive, surtout le matin à jeun, on ne manquera pas d'y voir nager une foule de membranes affectant des dia- mètres peu différens les uns des autres, et dont les bords arrondis indiquent d'a- vance que ces corps pourraient bien être des cellules isolées. Pour s'en convaincre , on n'a qu'à enlever avec les dents une portion de l'épiderme qui tapisse la cavité buccale, et, en la plaçant au porte-objet, on découvrira qu'elle ne se compose [a. fig. 1 1) que de ces cellules agglomérées que l'on pourra mécaniquement isoler (é). Ces cellules, chez l'homme, affectent environ ~ de millimètre. Si on les fait rouler dans le liquide , on les voit souvent conserver tous leurs contours dans leur révo- lution autour de leur axe, ce qui démontre qu'elles sont vésiculeuses et non apla- ties ; car autrement on les verrait alternativement sous l'aspect (c) et sous l'aspect [d) , c'est-à-dire offrant tantôt ~à l'œil leur surface, et tantôt leur tranchant. Donc l'épi- derme est une membrane organisée, composée, comme toutes les membranes, de cellules agglutinées qui grandissent chaque jour depuis l'état d'un globule incom- mensurable, jusqu'à celui d'une cellule fortement appréciable à nos moyens d'obser- vation K (i) On remarque après la dessiccation de la ine suis assuré que ce sont des cristallisations substance observée, des cristallisations (c). Je d'hydrochlorate d'ammoniaque, non-seulement ET DE CHIMIE MICROSCOPIQUE, 160 En conséquence , l'épidémie n'est qu'une couche de cellules ; c'est une membrane qui recouvre généralement toutes les surfaces en communication avec l'extérieur; mais de même que la couche externe s'exfolie chaque jour pour faire place à la couche immédiatement placée au-dessous d'elle, de même 1'épiderme du canal di- gestif se détache chaque jour pour revêtir et envelopper le résidu du bol alimentaire élaboré, ainsi qu'on peut s'en convaincre en dépouillant les excrémens d'un animal quelconque, depuis le polype d'eau douce jusqu'à ceux de l'homme; car on trouvera que chaque portion , que chaque gros grumeau est enveloppé d'une membrane ab- solument analogue avec celle qui tapisse l'intestin. Les compartimens cellulaires n'y sont pas aussi distincts que sur 1'épiderme de la cavité buccale , à cause du genre d al- tération qu'elle a subi ; mais on y remarque très souvent des ramifications vascu- laires analogues à celles des anses papilliformes des intestins. L'épiderme du poumon doit aussi s'exfolier par l'expectoration ; celui de la vessie s'exfolie, et parvient au- dehors parle véhicule des urines; et chacune de ces exfolialions est remplacée par la membrane inférieure qui s'exfoliera à son tour. Continuons l'application de ce mécanisme de développement et de dépérissement successif. Les organes internes, c'est-à-dire ceux qui n'ont aucune communication avec l'extérieur, composés de grandes vésicules emboîtant des vésicules plus petites, et ainsi de suite, se dévelop- peront par l'allongement de leurs membranes; quand la membrane aurasuffi à son ac- croissement, elle sera distendue par une autre qui continue à croître; mais, ne pou- vant pas s'exfolier, puisqu'elles ne sont en contact avec aucun élément capable de les altérer, les internes viendront s'appliquer contre les externes et doubler leur tissu et par conséquent leur consistance; chaque membrane tendra donc à devenir plus épaisse, plus rigide , plus inerte , c'est-à-dire à vieillir; et lorsque les membranes de chaque organe du système , ainsi épaissies, ne sont plus capables d'admettre, d'as- pirer et d'élaborer les liquides destinés à former et à développer des cellules plus in- ternes, alors la circulation cesse et la vie s'éteint. parce que ce sel formé de toute pièce cristallise dissolvent sans effervescence, et que l'acide sui- de même, mais encore parce que les acides vé- furique concentré les dissout au contraire avec la gétaux, l'acide nitrique et hydrochlorique les plus vive effervescence. 164 M. RASP AIL. — SECOND MÉMOIRE DE PHYSIOLOGIE, etc. EXPLICATION DE LA PLANCHE IL Fig. i. Graisse humaine ayant séjourné quel- que temps dans l'acide nitrique qui l'a saponifiée, vue au grossissement de 100 diamètres par ré- fraction. Fie. 2. La même, vue par réflexion ; ses glo- bules atteignaient yî, ^, ^, de millimètre. Fie. 3. Graisse d'un enfant de 8 ans macérée dans l'eau; ses vésicules atteignaient ï;,^, sur 3V et jV de millimètre. Fig. 4- Graisse d'une femme de taille moyenne âgée de 3o ans , vue par réfraction et sur un mor- ceau desséché pris sur les bords du morceau de graisse; (a) cellules pleines d'huile, (b) cellules vidées et affaissées. Fig. 5. Sang de têtard à l'instant où ses glo- bules commencent à se dissoudre et à s'étendre dans l'eau; (ab) montrant une espèce de noyau à mesure que les couches externes d'albumine se dissolvent, (c, d) ayant perdu leur couche ex- terne par la dissolution, (e) noyau s'étendant à son tour. Fig. 6. Globules du sang de têtard coagulés par l'acide nitrique ; le centre, prétendu noyau , se montre tantôt sur un point tantôt sur un autre. Fig. 7. Globules du sang d'un fétus de vache long de 20 centimètres, vus à un grossissement de 1000 diamètres; (a) à l'instant de leur sortie hors du vaisseau, (b) quand on approche un peu trop l'objet de l'objectif, (c) quand ils s'appliquent par leur surface contre le porte-objet , et forment ainsi un bourrelet, par le refoulement de la sub- stance vers les bords* Ce fétus était mort. Fig. 8. Fragment externe d'un pariétal d'un fétus humain long de 12 centimètres; (a) mem- branes des cellules, (bbb) cul-de-sac obstrué par le dépôt des sels calcaires qui tapissent l'intérieur des vaisseaux osseux, (c) retrait de la membrane dans lequel viendra se loger un cul-de-sac [b) du frontal correspondant ou du temporal, etc., pour former l'engrenage qu'on nomme suture. Fig. 9. Membrane de l'amnios du porc, vue à un grossissement de 100 diamètres. Fig. 10. La même vue à un grossissement de 1000. Fig. 11. (a) Epiderme de la cavité buccale ; [b) cellules isolées, (c) cristallisations arborisées d'hydrochlorate d'ammoniaque que renferme tou- jours la salive; grossi îoo fois. Fig. 12. Epiderme d'un fétus de brebis long de to centimètres, pris sur le corps; grossi 100 fois. Fig. i5. Epiderme d'un fétus humain long de 10 centimètres; grossi 100 fois; (a) couche in- terne, {b) couche plus externe. Fig. i4> Le même , pris sur les tempes et por- tant déjà des rudimens de poils; grossi id. ETUDES AN ATOMIQUES, PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF DANS L'ESPÈCE HUMAINE ET DANS QUELQUES-UNES DES PRINCIPALES FAMILLES DES ANIMAUX VERTÉBRÉS, POUR SERVIR DE MATERIAUX A L'HISTOIRE GENERALE DE l'eMBRTON ET DU FETUS, AINSI QU'A CELIE DES MONSTRUOSITES OU DEVIATIONS ORGANIQUES, PAR G. BUESCHET, CHEVALIER DE LA LÉ G 10 N- D' H 0 NN EU R , DOCTEUR EN MÉDECINB, CHIRCRGIEN OHDINAIRE DE I.'hÔTEL-DIEO , CHEF DES TRAVAUX ANATOMIQDES DE H FACDLTB DE MEDECIN DE PARIS; PROFESSF.CR d'aNATOMIE, DE PHYSIOLOGIE ET DE PATHOLOGIE ; MEMBRE DE LA SOCIETE PH1L0MATIQUE, DE l'aCADÉMI DES COBIEDX DE LA NATDRB , DE CELLE DES SCIENCES DE TuRIN, etc. Cordate lector! nolo tibi, de generatione animalium scribenti, quicquam credas : ipsos oculos tuos mihi testes et judices appello. G. Hervei. Exercit. de gêner, animal., etc. § i. L'étude de la génération occupe depuis bien des siècles les philosophes, les naturalistes et les médecins ; cependant presque tout est resté un mystère dans l'histoire de cette fonction. En ne considérant que ses produits, nous sommes souvent arrêtés par certains organes dont la présence, l'absence ou la nature des con- nexions font notre étonnement. Notre ignorance est bien plus profonde encore , si nous voulons connaître le mode d'exercice de la génération, et surtout la fécon- dation et ses premiers résultats. § 2. Sans remonter aux phénomènes de l'acte générateur, j'ai désiré étudier la disposition des produits de la fécondation, et avant défaire des recherches d'anatomie sur l'homme et sur les animaux, j'ai cru devoir m'instruire des travaux entrepris par mes prédécesseurs, afin de pouvoir négliger ce qui était le mieux connu pour fixer plus particulièrement mon attention sur les points douteux et restés obscurs. Je ne me bornerai donc pas à dire ce que mes sens m'auront appris, je compa- rerai mes observations avec celles de mes devanciers, et tout en rapportant ce 166 M. G. BRESCHET.— ÉTUDES ANATOMIQUES, qu'ils ont vu et pensé , je discuterai leurs opinions et leurs explications. La science ne ferait que des progrès bien lents et bien difficiles, si l'on se bornait toujours à la simple observation individuelle. L'examen des travaux des autres et leur compa- raison avec ce que nous croyons avoir aperçu, doit puissamment servir pour ar- river à la vérité. Le titre que je donne à ces mémoires fera connaître que mes recherches ont été entreprises dans le seul dessein dem'instruire; et en publiant ces études, je n'ai d'autre désir que d'en faciliter de semblables à ceux qui voudront s'en occuper. § 3. Les produits de la génération se divisent en parties contenantes et acces- soires, et en parties contenues ou principales. Les premières dont la durée est temporaire et ne dépasse pas le temps de la vie utérine, se composent des mem- branes et des humeurs; les secondes sont l'embryon lui-même, dont l'apparition est plus tardive que celle des organes précédens, desquels il retire ses moyens d'exister et de croître ; il n'est viable que lorsque ses enveloppes ne sont plus né- cessaires à son existence. L'ensemble de ces diverses parties constitue l'œuf proprement dit. i° Des parties accessoires des produits de la génération. § 4- Les organes que nous considérons comme accessoires, mais qui sont cepen- dant essentiels à la formation, à la vie et au développement de l'embryon, sont produits dans l'ovaire , ou se forment après que l'ovule sorti de l'ovaire est parvenu dans les espaces où il doit croître et se revêtir de nouveaux caractères. Les membranes de l'œuf appartiennent donc primitivement ou au corps qui s'est détaché de l'ovaire et que nous nommons l'ovule , ou bien elles se forment dans les lieux que l'ovule doit parcourir ou dans lesquels il doit séjourner avant la nais- sance. Les dernières de ces membranes n'existent pas à l'arrivée de l'ovule dans les trompes et dans la cavité utérine. Elles portent le nom de membranes caduques , parce qu'on a cru leur existence temporaire et bornée aux premières périodes delà vie fétale; mais elles persistent aussi long-temps que les autres enveloppes du fétus. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. î67 PREMIER MÉMOIRE. CHAPITRE Ier. DES MEMBRANES CADUQUES OU PÉRIONES. § 5. Arétée de Cappadoce 1, dans son xie chapitre du 2' livre des Causes et des Signes des maladies chroniques, s'exprime en ternies assez clairs pour ne pas laisser de doutes sur la connaissance qu'il avait de la membrane caduque. Il parle de deux feuillets membraneux, l'un en rapport avec la membrane contiguë à l'utérus, l'autre, propre aux annexes du fétus, et tous les deux 'distincts de la tunique in- terne de la matrice. Gemincc namque membranœ tantùm stmt différentes a tu- nica 3 elc2. § 6. Arantius 3 a le premier remarqué que la substance de l'utérus en gestation n'est pas simple, mais qu'elle se compose de plusieurs feuillets, à la manière de quelques champignons qui naissent et croissent sur les arbres 4. § 7. G. Fabrice d'Aquapendente 5 s'exprime en termes si précis, qu'il ne laisse aucune incertitude sur la connaissance qu'il avait de la membrane caduque et de sa différence d'avec le placenta. Après avoir parlé de l'allantoide et du chorion, il dit qu'il existe à l'extérieur de l'œuf deux substances, l'une d'un rouge noirâtre ( 1) Aretœi Cappadocis medici insignis, de causis (4) Arantius tradidit , uteri gravidœ suhstantiam et signls acuiorum tnorbor., etc. Vid. Artis Me- simpticem non esse , sed inmultos cortices , fangorum dicae Principes, etc. Recensait, Alb.de Haller. De qiiorumdam modo, qui in arboribus nascuntur, fa- signis et causis diuturnor. Liv. 11. cap. xi. pag. cile divisibilem. 124 et 125. Et Medicœ Artis Principes, etc. On ne voit pas dans ce passage une indication Edente Henrico Stephano; liv. 11. cap.xi. p. 48 suffisante de la membrane dont je parle, et de Uteri morbis. l'on ne trouve dans Arantius rien d'assez reraar- (2) Videturautem nonnunquam duplicitas ute- quable pour mériter les éloges que lui donne ri, interius succingens tunica quantlo a contigua Noortwyk. Je partage l'opinion de Sandi- divellitur. Géminée namque meinbrana; tantum ford, qui croit que Vesale , malgré ses noin- sunt différentes a tunica, hase vero abscedit, et breuses erreurs, doit être placé avant Arantius. fluxione, etabortu,et violento paitu, quandoip- (qui fut son disciple) pour plusieurs observa- sa secundinis inhœrescit. Nam cum ipsœ vi extra- tions exactes et importantes qu'il a faites sur Pu- huntur, simul et uteri tunica extrahitur : verum térus et sur la gestation. nisi pereatmulier, revertens eadem tunica utero (5)HieronymiFabriciiab Aquapendente,Opera ad amussim connectitur , aut paulum extra pro- omnia anatoinica et philosophica , etc. , cum prœ- ininet : contegit autem feminibus mulier. fatione B. S. Albini. Editio novissima. Lugd. (3) DeHuinan. Foet. cap. 1. Batav , i;58. i68 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, comparable au parenchyme du foie ou de la rate, adhérente à l'utérus, et l'autre formant une substance charnue blanchâtre, muqueuse, qui recouvre toute la surface et enveloppe les vaisseaux, etc. 4 Dans sa seconde planche , Fabrice d'Aquapendente a distinctement représenté la membrane caduque, et l'explication de cette planche démontre que c'est bien cette membrane qu'il veut désigner 2. § 8. G. Noortwyk , qui a analysé avec soin ce que les auteurs anciens ont écrit sur l'utérus dans l'état de gestation, ne sait comment interpréter les paroles de Massa, Quid enim Massa? docet, secundinam parieti matricis alligari per ligamenta quœdam, § 5o,3. II pense que ces mots signifient que Falloppîus tantum substantiam carneam glutinis modo in exteriori chorii superficie expansam notât, qua toti utero agglutinetur. Mais Noortwyk ne donne que fort imparfaitement les expressions de Falloppe4, les- quelles ne laissent aucun doute sur la connaissance qu'il avait de la membrane ca- duque5. Et cependant Noortwyk renvoie à l'ouvrage du maître de Falloppe, àVésale, pour y trouver une explication satisfaisante de ce que Massa et Falloppe ont exprimé. / En cherchant dans Vésale , dont les ouvrages sont antérieurs à ceux de Massa et de Falloppe, Noortwyk prouve qu'il n'avait aucune idée de la membrane caduque , car tous les passages de Vésale qui ont quelque analogie avec celui de Falloppe, in- diquent clairement que l'auteur décrit le placenta, dont il compare la structure à celle de la rate 6. § g. Quelques anatomistes modernes ont cru trouver dans Spigel l'indication de l'existence de la membrane caduque; j'ai lu cet auteur avec soin, et rien ne me paraît assez clair pour croire que la membrane caduque lui fût connue. Un seul pas- (1) TJltima pars, quœ extra fœtum conspicitur, servationes anatomicœ ad Petrum Mannam, etc. est carnea substantia, quœ duplex est : Altéra Parisiis, i56a rubra, subnigra , jecoris aut lienis parenchyuiati (5) «Abutitur itaque in hominibus natura parte non dissirnilis, utero adhœrens; altéra est caro ipsius chorii, atque hinc fit quod gerninae tantum alba, pituitosa, seu mucosa, membrana obvol- adsint membranœ, exterjor, quae uterum totum vit, suffulcit et quodammodo inscrustat. Hœc sublimit, et xa'?U* ab omnibus vocatur, quamvis sunt, quae exteriùs in fœtu posita conspiciuntur. falsô aliquis in hominibus hanc àMarraueti ap- Lib. part : fœtus dissectio, seu historia partis pellarint, quœve semper in exteriori superficie, prima? ; cap. i , p. 37. et si nervea sit tota , habet expansam glutinis modo (2) Mernbranosa placentœ substantia quœdam, substantiam carneam , qua toti utero agglutinatur. cœteris membranis crassior, quae utero annecti- Hœcque carnea substantia unguibus, ac nova- tur, lacerata; ut chorion et aqua appareant. Ta- cula facillimè abradi potest, quœ nisi deradatur bulœ secundœ explanatio, p. 48. est in causa, ut membrana hœc nervea non ita (5) Uteri humani gravidi Anatome et Historia. lucida , uti est , appareat. » Observ. anat. , Authore Wilhelmo Noortwyk. Pars secunda,p. p. 124. 89. Lugduni Batav. 1743. (6) Vesalii (And.) De corporis hum. fabricâ, (4) Gabrielis Falloppii medici Mutinensis, Ob- lib. v, p. 673, etc. Basile». PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 169 sage peut , si l'on veut avoir une grande complaisance et se prêter à l'interprétation , indiquer cette membrane; mais je crois que c'est trop forcer le sens des paroles du professeur de Padoue i. § 10. Le grand G. Harvey 2, qu'on ne cite pas comme ayant connu la mem- brane caduque , l'avait cependant observée et décrite bien avant que son célèbre compatriote G. Hunter en eût fait l'histoire et donné la figure. Il décrit l'état de l'utérus de la daine peu de temps après le coit, puis il parle d'une manière très claire et très précise de la sécrétion qui se fait à la surface intérieure de cet or- gane. Aux caractères assignés à la matière sécrétée, on ne peut pas se refuser à reconnaître la membrane caduque, « Paulô pôst , dicta interioris tunicae uteri « exuberantia fatiscere, (ac si madore perfunderetur) et paulatim sidère, atque « extenuari cœpit : quinetiam nonnullis, sed raro, purulenta quaedam materia (su- « doris in modum) adhserebat; qualis in vulneribus, aut ulceribus cerni solet, cùm « concocta dicuntur, ac pus reddunt album, laeve, et aequale. Visa primùm hâc ma- « teriâ; dubitabam, num maris semen esse, an ex puriora illius parte concoctum quid « arbitrarer. Quoniam autein eam rarissime, et in paucis admodum conspicabar; et, « jam viginti diebus prseteriisset cum moribus consuetudo; materiaque ipsa non esset « lenta, viscida, aut spumosa, (quale semen deprehenditur) ; sedmagis friabilis, et « purulenta, ad flavedinem tendens apparebat; potiùs casu aliquo, vel à sudore, ex « nimio cursu ante necem defatigatis , eam contigisse judicabam : quemadmodum « in gravedine , lenuior catarrbi materia in mucum densata flavescit3. » § 1 1. On a peut-être un peu trop légèrement attribué a Ruisch l'honneur d'avoir connu et d'avoir donné le premier une bonne figure de la membrane caduque; les paroles de cet anatomiste me paraissent indiquer plutôt le chorion que la mem- brane de Hunter4. En effet, il parle de villosités, et par ce mot on croit qu'il a désigné Yépichorion; mais ne sait-on pas, et je le démontrerai par des figures, que le chorion est tomenteux et chevelu, et que le mot de faciès villosa lui convient mieux encore qu'à la membrane caduque; j'ajouterai, pour fortifier ma con- jecture , que ce n'est pas chez l'homme que Ruisch a fait son observation [portio (1) Adriani Spigelii Bruxellensis Opéra quae (2) Exercitationes de Generatione Animalium. estant omnia, ex recensionej. A.Van derLinden; Amstelodauii, i65i. Amstelodami, 1645. (3) Lib. cit. Quid iis inveniat mense octobri, Est autein chorion niembrana crassa, alba, exercitio 67, p. 292. multisvenarumetartenaruinramisinplacentam (4) N° LXI. Phiala liquore referta, in qua desinentibus in minimos surculos insignita; contineturportioinembranœ chorii ex sue, utero parte quâ fœtuui respicit interna, lubrica ac laeris ; gerente desumptâ , quae facie exteriore , villosa , qua vero uterum spectat, et placentas carneae instar tunicas villosae intestinorum. Thesaur. iv, annectitur, inaequalior. Cap. iv. De membranis p. i5, l. ni. fœtum involvcntibus; p. 4 lib. de fonnato faetu. i7© M. G. BRESCHET. — ÉTUDES AN ATOMIQUES, tnembranœ chorii ex sue). Ailleurs, en décrivant les figures d'une planche, il semble indiquer la membrane caduque, et, cependant, tout ce qu'il dit peut être attribué au chorion, et c'est en effet au chorion qu'il l'attribue 4. La seconde figure de cette même planche représente l'œuf recouvert, je crois, de sa membrane caduque, mais Ruisch ne parle pas de cette enveloppe. Il est un passage de l'ouvrage de Ruisch qui porterait beaucoup plus que les pré- cédens à penser qu'il n'ignorait pas l'existence de la membrane caduque , cepen- dant les termes ne sont pas assez clairs pour donner toute certitude à cet égard, et pour ne pas laisser l'idée qu'il n'a encore voulu désigner que le chorion2. § 1 2. Hoboken 3 ne s'exprime pas d'une manière bien positive , et l'on voit partout son incertitude sur le nombre des enveloppes du fœtus : tantôt il en admet trois, et tantôt seulement deux. S'il parle d'une troisième lame , c'est pour indiquer, ou l'al- lantoïde (membrana média ), ou deux feuillets au chorion4. Quelques passages de cet auteur font cependant présumer qu'il a entrevu la mem- brane caduque , mais sans la distinguer des propres enveloppes du fœtus5 et des fila- uiens tomenteux du chorion 6. (i) Chorii portio villosior, illam placent® Sint ne DUiE tantùin an verô, ut alii volunt; partem obducens, quae uteruui respicit, et cum TRES MEMBRANiE? Cap. n, art. m, § iv, eo connectitur. Thés, quint., tab. 1, p. 26, t. m. p. 114, ex edit. 1675. (2) Dicta portio tunicœ chorii, quae mihi villosa § xxvm. Ut adhùc dubitaremus valdequàm , autsuccosa, uteri cavitatem non solum, veruni et haesitaremus circa auctorum illorurn senten- etiam placenta? uterinae faciem , quae uterum res- tiam, de TRIBUS asserendis faetùs involucris et picit, obducit, id quod absurdum, et tanquam membranis. Imô judicium suspendendum iterùui chiinaera phumiis quidemvidebitur, attamen ve- atque iterùm dicerem, donec embryonis , inem- ritati consentaneuin esse reperient, qui debilo Dl'anis illis adhuc involuti, recenter facta exclu- modoperarteriaiii umb'ilicalera placentamad ex- si» ansarn optatain praeberet ulteriori exainini. tremumusqueceraceâ materiâ rubrâ repleverinf § xxix. Revocato tamen animo, curûque ad- narn hoc facto, tota placenta, (quae nil aliud hibitâ ulteriore, subjunxi, instemus laboris pa- nisi vasa sanguinea), summa rubedine perfun- tientes! Forte illa erit, quae nobis magnâ istâ ditur et sic in conspectum venit dicta tunica vil- parte, média obyenit, Doctoribus intellecta ter, losa aut succosa , cinereo colore praedita. Thés. *'<*? etc. Anat. v p. 10. S xxx- Bipertiebam enim membranam cho- ,(5) Nicolai Hobokeni, anatomia secundines rion, latè acceptam, etc. p. 124, ex edit. i675. humanœ. etc. Ultra jecti i6;5. (5) Dumque duplicitatis chorii vestigia sepa- (4) Membranasautemtanti'imrftt^observavi. rando persequebamur ; quam dixi mox, pla- Clwrion , et amnion, illam hac longé crassiorem, centae lirnbo undique continuait! deprehendimus p. i5.— § 8 , ex edit. 1669. Atque primo quoad membranam Retiformem, quae rugositate suâ con- membranarum numerum : dum trium apud non- spicua , immédiate uteri cavo conjungi per fœtus nullos doctores mentio fit ( C7wnï supple , Amnii confoimationem solet; secerni posse A MEDIA et Vrinariœ); in eum anxiè inquirere cogitavi , tfdà membrana valdè tenai. Cap. n, § xxxi, ex ne viderer studio errare cum multis , binarium edit. 1675, et § xxxn, § xxxm. tantummodô numerum asserentibus. §11, art.ir, (6) § xxxiv, cap. 11, p. 126. p. 5o, ex edit. 1675.... PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 171 § 10. Rouhault1 avait-il connaissance de la membrane caduque et de l'allantoïde? les idées de cet auteur sont exprimées en termes trop obscurs pour faire admettre ce qu'il dit comme positif et caractéristique. «Au-dessus du placenta et du chorion, et du côté de l'enfant, est une membrane très fine, que Needham appelle pseudallantoïdes , et Hoboken, membrane moyenne , nom que je lui ai conservé , pour ôter l'idée que l'on pourrait avoir qu'elle contien- drait l'urine du fétus, comme le fait l'allantoïde daus les animaux. Cette membrane recouvre le placenta et le chorion, et, quoique très mince, elle donne passage dans son épaisseur à tous les vaisseaux sanguins qui rampent sur la surface du placenta du côté du fétus. Cette membrane fournit des productions qui servent de gaîne, ou bien elle s'unit à toute les gaines des troncs des racines qui entrent dans le placenta ou qui en sortent. Ces gaines sont plus épaisses du côté de la membrane moyenne , et vont en diminuant d'épaisseur jusqu'aux extrémités capillaires des racines. » On peut croire que ce feuillet n'est que la partie de l'allantoïde en rapport avec le chorion. Mais comment concevoir que cette lame forme une gaîne aux vaisseaux, traverse l'épaisseur du chorion, et suive ces vaisseaux dans leur trajet pour constituer le placenta? Les paroles de Rouhault, par lesquelles on a cru qu'il désignait la membrane ca- duque, ne sont pas plus intelligibles que les précédentes. « Le placenta n'est formé que par un amas de racines capillaires des vaisseaux ombilicaux, lesquelles racines sont toutes revêtues d'une gaîne membraneuse qui leur vient de la membrane moyenne du placenta , ou qui s'y termine, comme je l'ai fait voir en présence de l'Académie , etc. > « Chaque gaîne, toute petite qu'elle soit, renferme une branche capillaire de veine et d'artère. Toutes ces racines capillaires partent de la circonférence et de l'extrémité des troncs des racines des vaisseaux ombilicaux, etc Il y a lieu de croire que toutes les extrémités capillaires des veines et des artères qui vont à la surface du pla- centa, étant revêtues de leurs gaines, passent à travers la membrane réticulaire pour aller à la matrice. Ce vaisseau ou membrane réticulaire a deux usages : le premier est de donner passage aux racines capillaires tant de la veine que des artères ombi- licales; le second est de tenir les parties du placenta unies et proches les unes des autres. Car, il faut observer que le placenta est formé de plusieurs parties qui s'écar- tent facilement quand le réseau est séparé; ce qui a fait croire que le placenta avait à sa surface qui regarde la matrice des éminences entourées de sillons. » « Les parties qui composent le placenta sont formées par les gros troncs des racines (1) Du Placenta et des membranes du Fétus, par M. Rouhault, memb. de l'acad. roy. des sciences ; année 1 7 1 5, p. 99, 6. 23 ,72 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, qui distribuent leurs branches et leurs rameaux, et forment comme des demi-globes dans le placenta. Tant que ces demi-globes sont maintenus les uns contre les autres, par le réseau ou la membrane réticulaire, la surface du placenta du côté de la matrice est égale ; mais lorsque le réseau ou la membrane réticulaire est rompu ou étendu , ces demi-globes s'écartent les uns des autres et laissent des sillons entre eux. » Cette membrane réticulaire est-elle réellement la membrane caduque? Tout porte à le croire . et ma présomption serait une certitude si Roubault eût donné une des- cription plus claire et plus précise. Cependant les expressions de cet auteur sont moins obscures dans un autre ouvrage publié neuf ans plus tard, et elles peuvent dissiper quelques doutes1. (1) « Questa membrana, che io dico reticolare, siuii fori, che per quant' aria nella placenta in- c délia qualle è coperta la superficie convessa troducasi, non puô a rneno di non restarvi inter- della placenta , fu da rnolti notoinicisti conside- tercetta , e raccchiusa , come appunto in una rata non più che une semplice membrana , di tes- vescica. E quindi, ove dalF arte vengono strap- silura densa e unita come le altre; senza badare pati cô vasi rnaggiori anche que minimi, che più che tanto alla structura di lei , che viene tra- spuntano dâ sopraddetti fori, questi e voti, ed forata da un numéro innumerabile di vasi san- aperti restando maniûstano ad evidenza la già "■ui^ni capillari, che partono délia placenta per descritta reticolare struttura. » abbarbicarsi nell' utero, e che in couseguenza si- « Fu questa in parte scoperta dalP Obokeno, mile la rendono ad una rete. E sapete, perché che nella dottissima reiterata sua Notomia délia non cadde loro sotto gli occhi, e motto meno Secondina Umana alla faciata ao3 non seppe ac- sotto la considerazione questa reticolore strut- cordai- a quella tonaca il nome di membrana: tura? Perche ingannati dallo sperimento volgare tanto sembrogli porosa , e di tessitura diversa di gonfiare la placenta col fiato, vedendo, che dall' altre, le quali come ogn' uno sa, strette e viniva quindi ad elevarsi la sudetta memhrana e dense nel loro tessuto ritrovansi. Con tutto che riteneva a foggia di vescica l'aria intrusa questopero/asciossi l'Obokeno portare dalle cor- nella placenta, non seppero darsi a credere, che rente, e scordatosi d'avéré scritto, che non me- fosse bucherata da tanti fori. Ma se colle dita ritava tal nome, glielo diede di poi alla facciata quella superficie gentilmenle compressa aves- 349 aggiugnendo soltanto , ch'ella era molto e sero mirando, che da un numéro senza numéro molto varia dell' altre membrane del corpo, es- di minutissimi pertuggi trapellano minine goc- sendo falta come appostà per questa sua super- cioline di sangue, o d'altro liquore intrusovi, ficie, e perciomediocremente grossa, porosa, ed sarebbono certamente giunti a scoprire quella anzi assai lenta , che tesa. E qui siamilecito dire, mirabilissima tessitura, cui i sopra indicati fori che affermando egli essere la sudetta membrana compongono; ed ensieme a conoscere, per quai mediocremente grossa mi fa non poco dubitare, cagione essa, tuttochè traforata , non dià passa- che nel distaccarla, ch'ei faceva dalla placenta, gio ail' aria intrusa, che la solleva. Percompren- séparasse con essaalcune porzioni di vasi a quetsa dere anche d'avantaggio questo fenomeno, non spettanti; la onde venisse a parergli più grossa; il ci volea, che dar di mano al microscopio, ed in cheaccader suole quando prendesi anoto mizzare questa rete già seccadistentamente vedutoavrebb- una seconda allor allora uscita dall' utero. Per rero un numéro grandissimo di obbliqui forellini altro spogliandola d'ogni vase, ell' à sottilis- ciascun dé quali riceve , e trasmette obliqua- sima. » inente dé vaseletti sanguigni, da cui nello stato Observazioni analomico fisiche di Pictro simone naturale restano talmente chiusi tutti que finis- Rouhault. in Torino. 1724, p- 8 et suiv. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. i;3 Haller dit que tout l'œuf est recouvert d'une membrane molle, poreuse, pres- que érticulée, pulpeuse, filamenteuse, mais à filamens très courts, friable, etc.1; qu'au troisième mois de la gestation il a trouvé cette membrane pulpeuse2, et qu'on dit qu'elle semble être placée entre l'utérus et le placenta pour interrompre tout commerce entre eux, mais qu'elle paraît bien plutôt faite pour favoriser ce com- merce 3. § j'4« C. StalpartVander Wiel a parlé15, en termes assez clairs, de la membrane ca- duque; et je ferai remarquer que personne n'a rappelé les droits de cet auteur à l'in- dication de l'existence du Périône 5. Il croit que cette membrane est produite par le chorion, dont elle est une prolongation ou continuation ; mais son erreur, à cet égard, prouve qu'il avait bien distingué ce feuillet du chorion lui-même. § 1 5. On ne trouve dans Albinus 6 que des notions fort imparfaites de la membrane caduque, et, quoiqu'il en fasse mention, il ne semble pas l'avoir bien connue. Sur une de ses planches7, représentant un œuf humain, on distingue encore une portion de la membrane caduque réfléchie et les trous dont cette tunique est criblée. Dans les points où cette enveloppe a été déchirée on aperçoit les filamens arborescens du chorion, dont beaucoup finissent par des ampoules8. Albinus avait enlevé la mem- brane caduque utérine et l'avait prise pour du sang 9. A propos de l'utérus d'une femme qui mourut peu avant le terme de sa grossesse, il dit avoir observé sur la face (1) Totum tune ovum tegitur membranâ molli, uteri faciei inaequalitatem) quamquâconcava pars porosa pêne reticulata, pulposa, filamenlosa, tegitur, quam productam a membranâ chorio, sed filis brevibus , lacerabili, laminis sibi succe- seu potius prolongationem , aut continuationem dentibus facta , hinc in uteruin leviter innata, ut illius esse puto. § l\ô, pag. 558; de nutritione nondifficulter totum ovum decedat : inde ÏDtror- fœtus. sum leviori, et evidentius porosa, oui inûxa fila (6) B. S. Albini Academicarum Annotationutn placenta;. Elem. Pbysiol. lib. xxix, t. vin, lib. i. Leidae, 1754. p. i83. (7) PI. 3,fig. 1. (2) Tertio mense banc pulposam membranam (8) PI. 3, fig. 1, c, b, vidi; eadem vero circa quartum mensem hinc (g) Mulier quod perdiderat , quum accepi, cura placenta sui satis simili, fîbrosa et filosa massa erat cruenta, condito ovo in quadam veluti connascitur. inde cum utero, p. 184. carne, adhœrenteet ad chorion , et adptacentœvasa. (5) Interponi hanc membranam placentae et Liberaviab ea partem ovi magnam, eyulsis quo- utero creditum est, et utriusque commercium que placentœ vasis, iisque puiis atque integris. interrumpere. Verum ostendetur, eam ipsam id Quodreliqui, involucruui refert, ovum folliculi commercium alere, p. 1 85. specie complectens : natura veluti fungosum. (4) C. Stalpartii VanderWiel medici Hagiensis In aliis autem multo id inveni tenuius : in alii? Observationumrariorum medic. anatomic. chi- crassus, etc. Ruischius, qui rudioribus Cguris rurgicarum centuriae posterions pars prior.,etc. adumbralum exhibuit, sanguinem dicit esse coa- Leidae, 1727. gulatum, (Thesaur. vi, n° 45, not. 2. etc). Na- (5) Denique comperi placentam a convexà, lura autem invenio simile i!Ii, quo ovum matu- uteroque obversa parte membranâ obductam rum continelur et cum utero connectitur, etc. , fuisse, sed multo minus œquali ( ob internée p. 70. i74 M. G. BRESCHET.— - ÉTUDES AN ATOMIQUES, interne de cet organe une espèce de membrane, laquelle disparut lorsqu'il voulut l'enlever1. § 16. Boelmier2 en décrivant plusieurs œufs humains avortés a indiqué la membrane caduque sous le nom de substance charnue, ou de substance fibro-spongieuse enve- loppant tout l'œuf, et au-dessous de laquelle se trouvait le chorion lanugineux , et le placenta dans un étatrudimentaire. Notre auteur ne sait à quoi rapporter cette en- veloppe extérieure, parfois très épaisse , et il est assez disposé à la considérer comme un produit morbide. ( Voy. ses fig. II, III, VII.) Si cette couche extérieure est beau- coup plus épaisse que dans l'état normal, cela résulte de l'atrophie dans laquelle existent l'embryon et ses enveloppes propres. Toutes les fois que, par une cause quelconque, l'embryon cesse de prendre du développement, ses membranes et la membrane caduque elle-même tombent bientôt dans l'hypertrophie. C'est ce que je démontrerai dans une autre partie de ces éludes. § 17. Si G. Hunter5 n'est pas le premier auteur auquel on doive la connaissance de la membrane caduque, il est le premier qui a donné une description presque complète et assez exacte de cette membrane. Il lui a imposé le nom de membrane caduque [membrana decidua) , qu'il distingue en utérine [uterind], et en réfléchie (re/lexà). Sur plusieurs figures il a représenté la disposition de cette poche membraneuse, et montré comment la caduque utérine formait la caduque réfléchie qu'il compare au feuillet du péricarde par lequel le cœur est recouvert4. Quoiqu'il ait reconnu l'existence d'une cavité ou espace entre les deux portions de cette poche membraneuse, il n'a rien dit du fluide par lequel cette cavité est remplie. G. Hunter admet une ouverture à chaque angle du sac formé par la caduque, c'est-à-dire deux en haut correspondans aux (rompes de Falloppe, etune enbas vers l'orifice vaginal de l'utérus. L'examen d'un grand nombre de membranes caduques ne m'a jamais montré l'existence de ces ouvertures. Jean Hunter 5, au génie duquel l'anatomie et la physiologie sont redevables de la découverte d'un grand nombre de faits importans, a exposé dans quelques-uns de ses travaux , ses idées sur la membrane caduque6, il prétend qu'à l'arrivée du germe féminin (1) Cujus modi quidem tunicatam speciem xxxm, fig. 1, 2, 5, 4» 5> 6j tab- xxxiv, fig- 5, inveni : sed quumdiduxi, ecce, evanuit etc. 6,7,8,9. Lib. 11, cap. y, p. 26. et uteri mulier. gravid. (4) Deciduae lamella interior in chorion reflec- tab. 11. titur, simili fere modo, quo lamella interior pe- (2) D. Carol. Aug. Madai praeside. D. Phi- ricardii reflectitur adsuperficiemexternamcordis lipp. Adolp. Boehmer spécimen sistens anatomen obtingendam. ovi humani fœcundati sed deformis, trimestri (5) Observations on certains parts of the ani- abortu elisi. Halae, 1763. mal œconomy, by John Hunter. 2e édition. (3) Anatomia uteri gravidi tabulis illustrata. London, 1792. Auctore G. Hunter. Birminghamiœ, 1774, tab. (6) On the structure ofthe placenta, p. i63. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. i7S dans l'utérus, la lymphe coagulable provenantdu sang maternel, recouvre toute laface interne de ce viscère, soitparl'effet du stimulus que détermine la conception dans l'o- vaire, soit par suite de l'expulsion du germe de l'ovaire. La première hypothèse me paraît la plus probable, car on trouve dans les gestations extra-utérines une membrane caduque tapissant l'utérus, quoique l'œuf soit resté hors de cet organe. Lorsque laca- vité de l'utérus contient l'ovule , la lymphe coagulable s'y attache , le recouvre immé- diatement et forme autour de lui une enveloppe pultacée, molle. C'est la membrane caduque , suivant lui, propre à l'espèce humaine et aux singes, car il ne l'a jamais reconnue dans les autres animaux. § 1 8. La portion de cette enveloppe par laquelle l'ovule est enveloppé et qui n'adhère pas immédiatement à l'utérus, a aussi été découverte par G. Hunter, et constitue la membrane caduque réfléchie. La formation de cette seconde membrane ressem- ble, d'après J. Hunter, à l'opération quia lieu dans l'économie animale, lorsqu'un corps étranger vivant est introduit dans une cavité; il y est aussitôt recouvert de lymphe coagulable. C'est ainsi qu'on rencontre des vers et des hydatides qui, après s'être détachés ou avoir pénétré la substance d'un organe , sont enveloppés de lym- phe concrescible ; mais dans l'utérus, la membrane est produite sans la présence d'un corps nouveau. Toute cette lymphe coagulable continue à être une partie vi- vante pourvue de vaisseaux que J. Hunter prétend avoir découverts le premier1. Les vaisseaux de l'utérus se ramifient sur cette couche membraniforme et dans les points où les vaisseaux du fétus forment le placenta; ceux de l'utérus, après avoir traversé la membrane caduque, s'ouvrent dans le tissu cellulaire du pla- centa. La membrane caduque tapissant l'utérus et recouvrant l'ovule , se trouvant distendue devient de plus en plus mince , à mesure que la matrice se développe sous l'influence du fétus; c'est surtout ce qui arrive à la membrane caduque réfléchie, car il est impossible que ce feuillet acquière des matériaux nouveaux, à moins de supposer que le fétus en ait besoin. Cette membrane est surtout manifeste dans les points où elle recouvre le chorion ; car dans ceux par lesquels elle se trouve en rap- port avec le placenta, il devient difficile de les distinguer des caillots sanguins fournis par les grandes veines qui traversent le placenta, et principalement par celles de la circonférence. Le chorion et la membrane caduque peuvent être facilement dis- tingués l'un de l'autre, car celle-ci est peu élastique. § 19. J. Hunter pense que le placenta est entièrement formé parle fétus, tandis que !a membrane caduque est une production de la mère. Il regarde la circonstance de (1) . . . . And of Laving first demonstred the decidua, by doctor Hunter), p. iG5 et l6(j. On vascularity of the spongy chorion ( called the the struct. of the placenta, etc. i76 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, la présence de la caduque entre le placenta et l'utérus, comme venant à l'appui de cette opinion sur le mode de production de ces deux organes. La membrane cadu- que peut être suivie facilement entre le placenta et l'utérus, et elle pénétre aussi entre les lobules: les vaisseaux du fétus n'y entrent jamais, et aucun d'eux, dans son trajet ne se trouve en contact avec l'utérus. Ce qui peut être encore une preuve plus convaincante de la production de la membrane caduque par l'utérus, c'est que dans les cas de grossesse extra-utérine , lorsque le fétus est situé dans l'ovaire l'abdomen ou dans la trompe de Falloppe, la cavité de l'utérus est tapissée par la membrane caduque , tandis que le placenta, formé par le fétus, se développe dans le lieu où existe ce dernier. S 20. Les vaisseaux du fétus adhèrent, suivant J. Hunter , par l'intermédiaire de la membrane caduque à une certaine portion de l'utérus lorsque l'un et l'autre sont encore peu développés; mais comme l'utérus augmente de volume dans toutes ses parties pendant la gestation, il faut supposer que les surfaces par lesquelles les adhé- rences existent augmentent aussi d'étendue, et que non-seulement les vaisseaux du fétus croissent dans tous les sens, mais encore que la membrane caduque s'accroît aussi dans toutes les directions l. S 2 1 . J- Hunter ayant eu l'occasion de disséquer le corps d'une jeune fille enceinte depuis un mois environ, et qui s'empoisonna avec de l'arsenic 2, vit, en coupant la substance de l'utérus, après avoir soigneusement injecté cet organe, qu'il présentait une disposition plus lamelleuse que dans son état de vacuité. Il semblait formé principalement par des veines dilatées , comprimées il paraissait aussi plus mou et terminé vers sa face interne par une substance pulpeuse dans laquelle pénétraient les vaisseaux utérins. Il compare cette substance à la rétine, (The pulpy substance was so thin as to resemble the retina. ) quoiqu'il la regarde comme formée par du san«- coagulé. Cette couche membraneuse était plus épaisse à la partie postérieure, vers les orifices des trompes, où elle adhérait fortement. La surface interne de l'u- térus examinée à laloupe, parut très vasculaire et parsemée d'une multitude de points blancs. L'utérus placé dans un bassin rempli d'eau bien limpide et examiné avec le plus "rand soin à l'œil nu et à la loupe, J. Hunter ne put parvenir à découvrir la présence de l'embryon s. (0 On the structure of the placenta, etc., p. ment of medicaland chirurgical knowledge, etc., vol. XI, p. 63. — London,i8oo. M The case of a young vroman -whopoisoned (5) The présence of the corpus luteum, the herselfin the firth month of her pregnancy. By émargement of the utérus, the newly formed Thomas Oa;!e, etc., to -which is added an account vascular membrane, or decidaa, lining thecavity, of the appearances after Dead, by John Hunter. and the history of the case sufficiently prove con- Communicated to the society by Everard Home, ception to hâve taken place; and the embryo Voy. Transactions of a society for tjie improve- being no where detected by an examination so PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 177 §22. Je rapprocherai les observations de J. Hunter, faites dans les dernières années du dix-huitième siècle, de celles que sir Everard Home a publiées en 1817 *-. Une domestique, âgé de vingt-un ans, mourut huit jours après avoir eu des rap- ports avec son amant. A l'ouverture du cadavre, la matrice offrit des signes de çestation; cet organe fut mis dans l'alcool, et plus tard, lorsqu'on l'ouvrit, on trouva sa face interne couverte par une exsudation de lymphe coagulable, et un petit ovule caché près du col, au milieu de longs filamens d'une lymphe coagu- lable. Plongé dans l'alcool, il gagna la partie supérieure du liquide; une portion était entièrement blanche, et une autre paraissait demi - transparente ; mais par l'action de l'alcool, il devint tout-à-fait opaque. Le museau de tanche était com- plètement fermé par une gelée très consistante , et les deux orifices , aux angles supérieurs de l'utérus par lesquels ce viscère communique avec les trompes de Falloppe, étaient béans. La petitesse de l'œuf pouvant laisser quelques doutes sur sa nature, M. E. Home l'apportaà M. Bauer, qui l'examina et le compara à un œuf d'insecte. En le mettant sous le microscope, il parvint à distinguer dans une si petite parcelle de matière animale les résultats de la conception, et pourtant aucun rudiment du système vasculaire ne paraissait encore être formé. Cet œuf indiquait déjà par deux points saillans la situation future du cœur et de l'encéphale. Suivant M. Ev. Home, si cette femme eût vécu vingt-quatre jours de plus , il est probable que pendant ce temps l'œuf se serait uni au tissu filamenteux qui l'entourait, et aurait paru séparé de l'u- térus de la même manière que l'œuf de la troisième femme qui a été représenté par G. Hunter. § 20. Examiné au microscope par M. Bauer, cet habile micrographe trouva que cet ovule consistait en une membrane qui, proportionnellement à l'extrême petitesse de l'objet, avait une épaisseur et une consistance considérables; qu'elle était très peu transparente, lisse et d'un blanc de lait, formant une espèce de sac ou de poche irrégulièrement ovalaire, n'ayant pas tout-à-fait ^0~ de pouces de longueur, et à sa partie moyenne environ ^|^ de pouce de largeur. D'un côté ce sac présentait un sil- lon ou un large repli dans toute sa longueur ; du côté opposé , au contraire , il parais- sait ouvert dans presque toute son étendue, mais cette fente n'avait pas l'apparence d'une déchirure, les bords de la membrane étant unis et roulés en dedans, ce qui simulait l'aspect d'une petite coquille du genre des volutes. Lorsque le corps fut placé sur le verre, il devint facile de déployer la membrane des deux côtés, à l'aide de la pointe d'un pinceau fin de poils de chèvre d'Angora. accurateand conductedbyananatomist so skilful (1) On tbe passage ofthe ovuin froin orariuin in minute investigation, would induce a belief to the. utérus inwomen, by sir Everard Home, thatthe fœtus had notbeen sufliciently advanced Baronet. — Read, may 1, 1817. Philosophical to take on a regular form, p. 69. transactions, etc., p. a5a, 1817, part. 2. i78 M. G. BRESCHET.— ÉTUDES ANATOMIQUES, M. Bauer trouva qu'elle contenait une autre poche plus petite, d'un peu moins de _LL de pouce de long, et pas tout-à-fait ^^ de pouce de large. Son extrémité supérieure se terminait en pointe, l'inférieure était très obtuse et comme tronquée. A sa partie moyenne elle étaitlégèrement contractée, ce qui lui donnait l'apparence d'un jeune ovaire des plantes qui contiennent deux amandes (capsules biloculaires). Cette membrane interne paraissait très mince, parfaitement unie et luisante, consistante, se laissait tirailler non-seulement avec le pinceau, mais encore avec la pointe d'une plume, et semblait être rempli d'une substance muqueuse, épaisse. Elle contenait deux corpuscules ronds, opaques, d'une couleur jaunâtre; ces cor- puscules étaient visibles à travers la membrane transparente, la soulevaient au-dessus d'eux, de telle sorte que la lumière et l'ombre les faisaient apercevoir distincte- ment. Lorsqu'on la pressait légèrement entre les deux corpuscules, on pouvait les séparer l'un de l'autre; enfin cette poche était attachée dans toute la longueur de sa face postérieure à la membrane externe 1. § 24. D'après l'observation de J. Hunter et d'après celle de sir Ev. Home , on voit que la membrane caduque existe dès le moment de la fécondation, et qu'elle reçoit l'ovule lors de son arrivée dans la cavité de l'utérus. Comment se fait-il cependant que J. Hunter n'ait pas découvert cet ovule dans un cas de grossesse,' d'un mois , tandis que Home l'a rencontré huit jours après la fécondation? Les caractères reconnus à cet ovule par l'instrument de M. Bauer, ne laissent pas de doute sur la nature du corpuscule trouvé dans la matrice au milieu de la substance pulpeuse. Comment concevoir dès lors qu'une partie de ce petit corps ne soit pas couverte par la mem- brane caduque, et qu'une partie de l'ovule ne soit pas en rapport avec cette membrane, pour être précisément celle où se développera le placenta? En admet- tant que l'ovule chasse devant lui la membrane caduque pour s'en recouvrir suc- cessivement en formant la membrane réfléchie, ou en croyant avec sir Ev. Home que l'ovule est situé, dès son origine dans l'utérus, au milieu de la lymphe plasti- que, il sera difficile de concevoir qu'un corps si petit ne soit pas de toutes parts enveloppé par la membrane caduque. Je reviendrai sur ces considérations, lorsque je ferai la description des membranes caduques. § a5. Peu satisfait de toutes les descriptions que les auteurs avaient données de l'u- térus dans l'état de grossesse, Sandifort2 crut pouvoir ajouter des faits importansaux observations déjà publiées , en donnant l'histoire de l'ouverture du corps d'une femme morte vers son sixième mois de gestation, en l'année 1776, un an après la publi- cation du grand ouvrage de Hunter s. Le placenta s'insérait à la partie antérieure (1) On the passage of the ovuin from the ova- pathologie». Lugduni Batavoruin, 1777. rium to the utérus in wotnen, p. a 58. (5) Lib. 11, cap. 1, p. 5. (2) Ed. Sandifort, observationes anatomico- PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUUES DE L'OEUF. 179 de l'utérus; en le détachant et déchirant des vaisseaux, il put voir qu'il existait à la surface extérieure du placenta un tissu filamenteux *-, séparant les membranes du fétus de la face interne de l'utérus. La superficie de cet organe était couverte de villosités et de flocons 2. Rien n'est plus clair que les paroles de Sandifort : « Le feuillet extérieur des tu- niques et du placenta, qui de toutes parts adhère à l'utérus, jadis appelé cho- rion tomenteux et spongieux , est désigné actuellement sous le nom de membrane caduque; elle est épaisse, charnue, spongieuse, facile à se laisser déchirer; son épais- seur varie , mais elle augmente d'autant plus et devient d'autant plus charnue , qu'on .se rapproche davantage de la circonférence du placenta. » Il décrit et la membrane caduque utérine et la membrane caduque réfléchie5. Cependant toute sa description paraît être faite moins d'après ses propres observations que d'après une thèse soutenue à Leyde,en 1767, par Cooper, élève de Hunter. Sandifort dit aussi, d'après Cooper 4, que la membrane caduque existe entre l'utérus et le placenta, mais que dans les der- niers temps de la grossesse elle devient celluleuse dans ces parties. Comme Hunter et tous ceux qui appartiennent à son école, il croit que cette membrane caduque manque vers l'orifice vaginal de l'utérus, et vers l'ouverture des trompes de Falloppe. {Déficit dénie/lie hœc decidua ad os tincœ 3 atque in Mis locis , ubi tubœ Falloppianœ oriuntur. ) Il pense qu'elle tire ses vaisseaux de l'utérus, et que cette membrane appartient moins à l'œuf qu'à l'utérus par lequel elle est formée et duquel on la voit se séparer à chaque grossesse. Sandifort ajoute à tous ces détails appartenant à Hunter, quelques faits déduits de ses propres recherches. Il parle d'œufs rejetés au second ou au troisième mois de la gestation, entourés d'une masse charnue, (1) Vasa tamen quœdam lacerari videbantur, obvelat. Hanc deciduaui reflexam dicit Hunter. et haec, postea etiam in exteriore placenta parte Hœc ultimis graviditatis mensibus ab altéra deci- conspicua,fdamentosamreferebantmembranam. dua neutiquam separari potest, quœdislinctionis Lib. 11, p. 10, cap. 1. ergo in prœmaturioribus abortibus decidua ex- fa) Capacitas ipsa uteri, sublato infante, exa- ternaappellatur. Hœcexterna ubique superficiem rninata , œquabilissima, glaberrinia erat, yela- externam placentœ obvelat, hœc adhœretrnatrici, mentis neinpe ovi adhuc tecta. Hœc absque diffi- ita tamen ut detrahiposset, hœc, in aqua expansa, cultate et ablinvicem, et ab utero separabantur; utramque superficiem lanugine molli, tenui, quo facto, interna matricis superficies villosa, floc- obsitam monstrat; illiusque adhœsio ad uterum cutenta quasi, erat. Lib. 11, cap. i, p. 14. vasculis absolvitur, quae sunt propagines ex ma- (3) Tenera simul etlevi vi lacerabitis ad instar trice emissœ : in initio graviditatis decidua atque sanguinis coagulati. Ab 01a placenta;, ubi omnes chorion adprime distincta sunt, sed circa fineni tunicœ arcliussibiinviceinintertextœet permixtœ plerumque ita coalescunt, ut difficillime separari apparent, in abortibus prœcocioribus distincta possint. P. 40 et 4>- lamclla detrahi potest, quœpertinet ad deciduam, (4) Dissert, de abortionibus. Lugduni Batavo- atque chorion in tota circumferentia a placenta, rum, 1767. quasi per speciem reflexionis a placenta; limbo, 6. 24 i8o M. G. BRESCHET.— ÉTUDES AMTOMIQUES, sanguinolente, inégale, fongueuse, plus larges à leur partie supérieure, plus étroits inférieurement, et percés à leur sommet d'une ouverture par laquelle on pouvait introduire de l'air et dilater cette masse. En incisant ce corps, on arrivait dans une cavité remarquable, lisse, dans laquelle on apercevait la partie inférieure de l'ovule1. Tout ce que dit ici Sandifort démontre qu'il avait bien observé les deux membranes caduques; les figures qu'il en donne sont exactes et il établit avec précision les rap- ports des deux parties de cette membrane temporaire , qui sont en raison inverse du volume de l'ovule et de la capacité de l'espace séparant les deux feuillets; il dit même que l'ovule peut être dans les premiers temps expulsé sans être enveloppé de la membrane caduque, et que celle-ci l'est ensuite. Dans un cas de ce genre, cette membrane rendue une demi-heure après l'ovule , représentait une masse charnue . inégale , en forme de sac , fermé de toutes parts , excepté en bas , où une ouverture permettait d'insuffler de l'air dans cette poche et de la distendre 2. § 26. Sandifort a aussi décrit la disposition d'un œuf humain , rendu au cinquième mois de la grossesse 3, et dans la figure qu'il en donne il indique seulement quatre membranes enveloppant l'embryon u : l'amnios, le chorion, la membrane caduque réfléchie et la membrane caduque utérine. Ces deux derniers feuillets sont contigus l'un à l'autre 5, et entre la membrane caduque réfléchie et le chorion, il dit qu'on apercevait manifestement des vaisseaux 6. D'après les œufs de différens âges, qu'il a observés, Sandifort fait très bien sentir les dispositions et les connexions des mem- branes entre elles, et surtout des deux tuniques adventives7. Il est à remarquer que si l'indication de ces dernières membranes est claire et positive, on ne trouve rien sur l'allantoîde et la vésicule ombilicale , qui puisse faire croire non-seulement que notre auteur admettait l'existence de ces organes, mais qu'il en eût une idée, quoi- qu'il paraisse avoir représenté la dernière sous le nom de Processus infundibuliformis amnii 8. (1) Pag. 45. tenui, obsita, quae decidusereflexaï contigua fue- (2) Pag. 44- Voy. aussi la pi. vi, fig. 1 et 2. rat, aequabilis , et cum hac nonduui concreta. Il donne dans la même planche, fig. 5 et 6, Deeidua reflexa cohaîrebat cum chorio, sic ta- l'image de ces masses vésiculaires qu'il regarde men , ut sat facile separari has membranae ab iu- comme une dilatation des vaisseaux du placenta; vicempossent. Inter illas manifesta conspicieban- mais que plusieurs auteursont fait voir dépendre tur vasa, quœ in separatione dilacerebantur, et le plus souvent des filamens du chorion et dont sanguinem, in lamellas hic concretum, olim ef- toutrécemment on a fait le sujet d'une prétendue fuderant. P. 92, lib. in, cap. vi. découverte nouvelle! (6) Tab. vin , fig. t\,f.f. lib. m, cap. vi, p. 92 (3) Cap. sexturn, deovo humano; lib. m, p. 91. etg5. (4) Tab. vin, fig. 4. (7) Pag. 94 et g5, lib. m, cap. vi. (5) Extrinsecus conspiciebatur deeidua exter- (8) fig. 4 et 5, h. h., pi. viii, lib. iv. na , qua parte utero adhœserat, lanugine molli , PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 1S1 Krummacher1, dont le mémoire sur les enveloppes du fétus humain parut dix-huit ans après la publication de l'ouvrage de G. Hunter, a peu ajouté à l'histoire de la mem- brane caduque. Il la distingue bien du chorion , il admet le feuillet utérin et le feuillet réfléchi, quoiqu'il avoue son embarras pour expliquer le mode de formation de cette seconde lame , et en suivant la caduque utérine formée parla membrane interne de la matrice, enfin il croit aussi qu'on ne trouve pas de membrane caduque dans le point où le placenta est en rapport avec l'utérus 2. Danz3, auquel nous devons une assez bonne histoire des produits delà génération, mais qui n'est plus, malgré les notes de Sœmmerring, à la hauteur à laquelle la science s'est élevée depuis le commencement de ce siècle , dit qu'après un coït fécondant il survient dans l'utérus une irritation analogue à l'inflammation de quelques autres surfaces organiques, telle que celle des plèvres, du larynx, etc., de laquelle résulte la sécrétion d'une lymphe plastique , dont l'épaississement produit une membrane par laquelle toute la cavité utérine est tapissée. Cette membrane est déjà visible lorsqu'on n'aperçoit encore rien de l'œuf. Cette membrane muqueuse, qui , d'après son épaisseur, a reçu de Mayer le nom de membrana caduca crassa^j est d'une structure lâche, molle, et beaucoup de vaisseaux faciles à aperce- voir la parcourent dans tous les sens. C'est à tort qu'elle a été considérée comme for- mée par le feuillet interne de la matrice qui se détacherait à chaque accouchement. Sa mollesse, sa faible adhérence à l'utérus dans le commencement de la grossesse, prouvent suffisamment la fausseté de cette opinion, et il est bien plus naturel de la comparer aux membranes produites par l'inflammation5. C'est à cette membrane que se fixe l'œuf par ses touffes floconneuses, et quandplus tard il remplit la cavité de l'u- térus, elle se confond avec ses propres membranes6; de sorte qu'elle est parfois éva- cuée intacte lors de l'accouchement, et dans cette circonstance , on la distingue de la caduque réfléchie par ses trois ouvertures destinées aux trompes de Falloppe et à l'ori- fice vaginal de la matrice7. Cette membrane, dont Hunteret Blumenbach8 ont donné (i) D. Carol. Guiliel. Krummacher, dissert. (4)Beschreib. desganzenmenschl. Kœrpers, ou slstens observât, cjuasdam anatom., circa vêla- Description du corps humain etc., vol. V, p. 273. menta ovi humani. Duisburgi, 1790. (5) Blumenbach,Physiol., g 19. (2) In ea vero parte uteri, cui placenta adhse- (6) J.-Fred. Muller, dissert, sistens génital, slt, caduca ipsa non reperitur, sed lamina tan- sexus sequioris, ovi, nutritionis fœtus atquenexu» tum ejus cellulosa. Vid. Schlegel, Sylloge oper. inter placentam et uterum brevem historiam. tninorum prœstantior. ad artem obstetriciam Jenœ, 1780, p. 21. Voy. Sylloge operum mino- spectantium etc. Vol. 1, p. 489. rum prœstantior. ad artem obstetriciam spectan- (5) Fd. G. Danz: Grundr. der Zergliederungs- tiurn, etc., edent. Schlegel , vol. I. konde d. ungeborn. Kindes , etc. , etc. ; ou Elé- (7) A. C.Reuss,obs. circàstructuramvason.m mens d'anat. du fétus pendant les différentes inplacentâ hum., etc. Tubingœ, i?73,p.53 , n" 1. phasesdela gestation. Giessen, 2 vol. 1792-1793. (8) Physiol. loc. cit., pi. iv, fig. 1, a, fig. 2. ,8a M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES , de très belles figures, a été, mais à tort, considérée par beaucoup d'auteurs, et surtout par Baudelocque, comme formée par le feuillet extérieur du chorion. La membrane caduque réfléchie est mince et délicate, facile à détruire, et moins dense que le feuillet en rapport avec la face interne de l'utérus ; rétiforme, d'un blanc foncé, percée comme un crible, et en partie transparente; elle se compose d'une infinité de vaisseaux très déliés1; c'est elle, ainsi que le feuillet utérin, qui concourent le plus, suivant Meckel2, à la formation du placenta, autour duquel elle est beaucoup plus épaisse que dans les autres points de son étendue 3. Trèsdistincte sur l'œuf d'un ou de deux mois4, elle commence à l'être moins dans le troisième mois de la gestation, lorsque l'œuf, par son volume, remplit toute la cavité de l'utérus. Alors les deux feuillets de la membrane adventive s'adossent l'un à l'autre , s'unissent plus fortement au chorion, et semblent bientôt ne faire qu'un avec lui5. Par l'effet de la pression , les deux lames de la membrane caduque s'amincissent de plus en plus, et de telle sorte que vers la fin de la grossesse on ne les distingue qu'avec peine, quoiqu'il soit toujours possible de les reconnaître6. Dans cette description, faite par Danz, on aperçoit facilement qu'il a été plutôt historien qu'observateur original. Sœmmerring n'a presque rien ajouté au texte de son auteur. M. Lobstein 7 a examiné la membrane caduque depuis le second jusqu'au dernier mois de la gestation; dans aucun cas il n'a vu les trois ouvertures dont parle G. Hun- ter8. Il pense que le placenta se forme de la membrane caduque; obligée de s'écarter et de céder sa place aux flocons de l'œuf, qui grossissent et qui s'allongent, elle se jette sur sa surface externe et se réfléchit sur lui de la même manière que le péri- toine recouvre le foie après avoir abandonné le diaphragme. Suivant le savant professeur de Strasbourg , la membrane caduque réfléchie est de courte durée , elle n'est bien visible que dans le second et le troisième mois; l'existence de vaisseaux sanguins dans cette membrane ne saurait être révoquée en doute. On peut voir ces vaisseaux sur chaque membrane sans aucune préparation et avec la plus grande fa- (1) Metzger, Physiol. in Aphorismen, p. 931. Élemens de l'art obstétrique, p. 53, note 54- (2) Traduction allemande de l'ouvrage de (5) Hunter, loc. cit., explic. tabul. 34, etc.; Baudelocque, sur l'art des accouchemens. Millier, loc. cit., p. ai. (3)Rœderer, de fœtu perfecto, §4; vid. Hal- (6) Hunter, loc. cit.; Meckel, loc. cit. 1er coll. dissertât., t. VII, p. 5i3. — "Wiisberg, de (7) Essai sur la nutrition du fétus, par J.-Fréd. structura ovi, et secundinarum humanar., p. 85. Lobstein. Strasbourg, 1802. (4) "Wiisberg, dans ses notes sur Rcederer; (8) Pag. 5, §3; p, 4, S 4° PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'ŒUF. ,83 cilité, pourvu qu'on ait soin d'examiner celte partie immédiatement après l'accou- chement, et qu'on évite de la tremper dans l'eau1. M. le professeur Oken 2, au génie duquel l'anatomie et la physiologie sont si redevables, paraît douter de l'existence de la membrane caduque dans les ani- maux, et il incline à partager à cet égard les idées de John Hunter3. L'examen d'un utérus contenant onze petits, et extrait d'une truie dont la gestation était presque à son terme naturel, ne la lui a pas démontrée d'une manière certaine. « La face interne de l'utérus, dit-il, était collée immédiatement au chorion et paraissait extrêmement douce au toucher; c'était un tissu vasculaire des plus fins, d'une teinte rouge, particulièrement vers le milieu du chorion, et qui devenait plus pâle vers les extrémités de cette membrane. Le chorion ne se laissait pas enlever tout d'un coup , mais il fallait le détacher peu à peu. Dans la ligne de séparation , Oken a trouvé sur les onze fétus, ainsi que sur d'autres fétus plus petits, un fluide blan- châtre trouble, comme une espèce de chyle, qui lubréfiait l'utérus et le chorion vers le centre duquel il était plus abondant qu'à ses extrémités. Il assure n'avoir point découvert de traces de la membrane caduque, pas plus que de celle à laquelle Osiander a imposé le nom de membrana succosa. Cependant, en examinant plus tard des fétus de la même espèce, mais appartenant à une gestation moins avancée, M. Oken a trouvé sur la face interne de l'utérus une membrane mollasse, extrê- mement délicate , laquelle se soulevait par petites pellicules et se déchirait toujours par lambeaux. Il ne sait si cette lame membraniforme est réellement la caduque, ou' si elle résulte simplement de la concrétion du liquide blanchâtre dont nous venons de parler. Quoi qu'il en soit, il paraît être convaincu que cette membrane est de peu d'importance pour le développement du fétus, et qu'elle ne peut pas être considérée comme un organe remplissant une fonction particulière dans l'orga- nisme du fétus. Il n'est pas possible, suivant M. Oken, que cette membrane soit la même que celle qu'on nomme caduque dans l'homme, et John Hunter h, suivant lui , peut bien avoir raison en disant que les animaux ne la possèdent pas puisqu'elle résulte seulement de la transsudation d'une humeur concrescible. Je suis étonné qu'un esprit aussi généralisateur que 'celui de M. Oken, auquel on doit sur le système si fécond et si philosophique des analogies organiques des faits fort curieux et desrapprochemens très piquans, n'ait pas senti qu'un organe très dé- veloppé dans une espèce ne pouvait pas manquer entièrement dans une autre espèce de (1) Lobstein, loc. cit., pag. 8, § 8. Kieser, I" cah., Bamberg et Wiirtzburg, 1806. (a)Beitra?gezur vergleichenden Zoologie, A.nat. (3) Observ. on certains parts ofthe animal œco- undPhysiol., c'est-à-dire Mémoires de zoologie, nomy. London, 1786 and second édition , 179a. d'anat. et de physiol. comp. par MM. Oken et (4) Loc. cit. i-84 M. G. BRESCHET.- ÉTUDES ANAT0M1QUES, la même classe d'animaux, et que si on ne le rencontrait pas au même degré dévolu- tion, il devait au moins en exister des vestiges. La raison alléguée par John Hunter me paraît bien peu digne de la haute sagacité de ce physiologiste justement célèbre. Je puis affirmer qu'il n'est pas un seul des mammifères où j'aie étudié la disposition de l'œuf, chez qui l'existence de la membrane caduque, ainsi que celle du fluide chvliforme dont parle M. Oken , soient restés pour moi un sujet de doute. Depuis ce premier travail , M. Oken a écrit dans l'Isis que la membrane caduque interne et la caduque réfléchie (membr. decidua et membr. reflexa Hunteri), rangées parmi les enveloppes du fétus, ne lui appartiennent pas ; d'après cet auteur elles ne sont autre chose, surtout la première, que la membrane interne de l'utérus fortement relâchée , détachée ensuite , en tout ou en partie, et par le mouvement ou par l'inflam- mation. Celle-ci s'en va avec le germe dans les avortemens, ce qui, suivant lui , peut aisément être démontré sur l'utérus d'une chienne pleine. On trouve aussi dans la membrane caduque de l'homme les trous pour les trompes et pour l'orifice vaginal de l'utérus, ce qui ne serait point si ces membranes appartenaient aux enveloppes du fétus. La membrane caduque réfléchie n'existe que chez l'homme, et résulte vrai- semblablement de la coagulation d'une humeur plastique ou d'un peu de sang des mens- trues, qui suinte de l'utérus, au commencement de la gestation , lorsque l'ovule n'en prend encore qu'une très petite quantité. C'est pour la même raison qu'il n'y a pas de membrane réfléchie sur le placenta, parce que sur ce point tout le sang de la mère est absorbé. On doit aussi avoir trouvé des traces de cette membrane sur l'œuf des singes '. Ce que je viens de rapporter, d'après Oken, est une preuve que la plus grande perspicacité , que toute la force du génie, se trouvent souvent en contradiction avec les faits, et que les jugemens à priori sont fréquemment erronés. On peut répondre à M. Oken, i° que la membrane caduque utérine n'est ni une exfoliation de la membrane interne de l'utérus, ni cette membrane interne elle-même fortement re- lâchée ; 2° qu'on ne trouve pas de trous à la membrane caduque de l'homme ; 5° que la membrane caduque réfléchie n'existe pas seulement dans l'espèce humaine, car on l'observe aussi sur l'œuf des mammifères. Tous les raisonnemens de M. Oken sont donc sans aucun fondement. M. Gardien, dans ses leçons publiques et dans ses ouvrages, a toujours décrit la membrane caduque à la manière de Hunter; seulement il dit avec M. Lobstein , qu'elle ne présente pas les trois ouvertures dont parle l'anatomiste anglais , et il com- bat l'opinion commune, d'après laquelle, avant la formation du placenta, l'œuf con- tenu dans la caduque serait adhérente la totalité de la surface intérieure de l'utérus. Pour parvenir de la trompe dans la matrice, l'ovule perce la caduque et s'insinue (î) Oken, des enveloppes du fétus, Isis, vol. XX, cah» 4 et 5, p. S^i. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'ŒUF. 1 85 dans sa cavité. Cette manière de voir paraît, suivant M. Gardien , contraire à ce qu'in- dique l'analogie. Au moment où il parvient de la trompe dans l'utérus, l'œuf pousse seulement au-devant de lui la membrane caduque et la décolle peu à peu, sans la percer ; il s'insinue entre elle et la matrice , et force cette membrane à lui fournir une enveloppe. On peut , en quelque sorte , d'après Krummacher, assimiler cette réflexion d'une partie de la caduque utérine sur l'œuf au phénomène qu'on remarque sur le bourgeon des arbres, qui pousse devant lui l'écorce, ou bien la comparer à la disposi- toin du péricarde autour du cœur, ou du péritoine sur le foie, etc. De cette manière de considérer cette membrane, on doit en conclure que la caduque réfléchie existe dès lespremiers momens où l'œuf parvient dans l'utérus; tandis que d'après Hunter, celte quatrième membrane de l'œuf se formerait seulement vers le second mois envi- ron, c'est-à-dire après l'apparition du placenta. Selon M. Gardien , la poche séreuse formée par les deux caduques existerait dès la descente du germe. Vers ce premier moment aussi, il est une portion de la matrice qui ne serait pas tapissée par la ca- duque, mais seulement par la portion du chorion qui se trouve hors de l'enveloppe formée par les membranes caduques utérine et réfléchie. M. Gardien paraît encore ici partager le sentiment de Krummacher, et croire que les deux membranes ne font que se toucher, et qu'elles adhèrent seulement vers la circonférence du placenta. 11 est rare , toujours d'après M. Gardien , qu'on trouve des traces de celte poche séreuse dans un accouchement à terme, en examinant le délivre 4. Elie Siebold dit que la membrane caduque se forme d'un fluide Iranssudé par suite d'un acte inflammatoire; mais il ne distingue pas clairement la caduque vraie de la caduque fausse, et il n'établit pas exactement les rapports des vaisseaux de la ' membrane caduque avec le placenta. Suivant lui, il se développe dans la membrane caduque des vaisseaux qui semblent s'unir à ceux de l'utérus et pénétrer cet organe, sorte de sol qui est déjà préparé avant que l'œuf soit parvenu dans la cavité utérine, et dans lequel ses flocons doivent prendre racine. Cette membrane caduque a sa plus grande épaisseur dans les premiers temps de la gestation : elle paraît alors cri- blée de petits trous, puis elle s'amincit insensiblement, et finit par disparaître tout-à- fait après le quatrième mois. E. Siebold croit qu'elle recouvre non-seulement toute la surface de l'œuf et par conséquent la face externe du placenta , mais qu'elle pénètre même la substance de l'œuf. La description de la membrane caduque donnée par Fred. -Benjamin Osiander diffère de celle de ses prédécesseurs, soit parce qu'il assigue d'autres noms aux (1) Dict. des sciences médicales, t. HT. art. Caduque. Voyez aussi son Traité théorique et pratique desaccouchemens, vol. I. 1 86 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, deux membranes caduques (par exemple il appelle la cadaque utérine ou deciduavera, membrana mucosa, et-la caduque réfléchie ou decidua reflexa , membrana crassa), et qu'il établit entre ces deux feuillets une troisième lame qu'il nomme membrana cri- brosa, soit qu'il prétende que les couches analogues à la membrane réfléchie, savoir les feuillets désignés par lui sous les noms de membrana cribrosa et de membrana cfassa, sont de véritables membranes de l'œuf, et que conséquemment l'ovule en arrivant dans l'utérus ne se place pas sous la membrane caduque vraie ( membrana decidua vera), mais dans la cavité de cette enveloppe1. Ces idées d'Osiander ont été combattues par beaucoup d'anatomistes et de phy- siologistes allemands, elles ont particulièrement été réfutées dans les derniers temps par Ch. Bojanus2 et par M. Carus 5. Dans une thèse soutenue devant la Faculté de médecine de Paris, M. Moreau4 est venu apporter à l'histoire de la membrane caduque plusieurs faits importans tirés de ses recherches et de ses observations particulières, ou des communications qui lui ont été faites par un des accoucheurs les plus experts et les plus répandus de la capitale. M. Moreau dit que la membrane caduque paraît d'autant plus déve- loppée qu'on l'examine plus près du terme de trois mois, c'est alors qu'elle offre ses caractères au plus haut degré; molle, jaunâtre, opaque, épaisse d'une lio-ne environ, rugueuse, inégale à l'extérieur, adhérente par sa face externe à l'utérus qu'elle tapisse partout, excepté à l'endroit où cet organe donne insertion au pla- centa; arrivée au bord de ce gâteau spongieux et vasculalre , elle augmente d'épaisseur, se réfléchit sur l'œuf quelle recouvre à peu près dans la moitié de son étendue. La sur- face interne de cette membrane , analogue à celle des membranes séreuses, lisse, unie, conllguè à elle-même dans une étendue d'autant moins grande qu'on l'examine à une époque plus rapprochée du moment de la conception, est le siège d'une exhalation peu abondante , qui , i humectant sans cesse, prévient une adhérence trop prompte entre sa portion utérine et celle qui recouvre l'œuf. Cette surface forme, dans les premiers mois de la grossesse, une cavité spacieuse qui diminue à mesure que l'œuf se dé- veloppe, et finit par disparaître entièrement dans le cours du sixième mois 5. Dans les œufs bien conformés, la surface interne de la membrane caduque n'offre pas (i)Voy. Epigrammata in diversas res Musei Leipzig, 1824, P- >> c'est-à-dire : Mémoires anatomici, etc., p. 14, et son Manuel d'accouché- pour servira la théorie de la gestation et de Pac- mens , 1' part, du I" vol., p. 484 et 487- couchement. (2) Premier vol. de PIsis , année 1821, (4) Essai sur la disposition de la membrane p. 268. caduque, sa formation et ses usages, par F.-J. (5) Zur Lehre von Schvvangerschaft und Ge- Moreau. Paris, 1814. burt, etc. Von Dr Cari Gust. Carus, 1' Abtheil. (5) Id. p. \t. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 18; les filamens nombreux que M. Lobstein dit y exister. M. Moreau ne les a jamais observés, si ce n'est sur des œufs entiers rendus par un avortement survenu à une époque peu avancée de la grossesse. Ces œufs, dont la cavité est quelquefois uni- que , d'autres fois divisée en plusieurs cellules par des cloisons membraneuses et diaphanes, ne contiennent ordinairement qu'une eau limpide; cependant quelque- fois M. Moreau a pu y découvrir les rudimens du cordon ombilical, mais sans aucune autre trace de fétus 1. Placée entre l'œil et la lumière, la membrane caduque paraît criblée d'une multitude de petits trous dirigés obliquement, mais elle n'offre pas les trois ouvertures décrites par Hunter 2, Si on examine l'œuf du côté opposé à celui où existe le placenta, il paraît formé de deux poches accolées l'une à l'autre: l'une d'elles est vide, c'est la cavité propre de la membrane caduque3; l'autre , remplie par le fétus et les eaux de l'amnios, constitue l'œuf proprement dit : cette poche fait saillie dans la première4. Quoique facile à déchirer, sa consistance est plus grande que celle des pseudo-membranes qui se développent accidentellement sur la surface des plèvres, du péritoine, etc. 5 §32. M. Moreau nie formellement l'existence d'une membrane muqueuse sur la face interne de l'utérus6; il explique le mode de formation de la membrane caduque réfléchie, en comparant l'œuf chassé par les contractions de la trompe, et parvenant dans l'utérus où il se glisse entre la face interne de ce viscère et la membrane cadu- que utérine qu'il refoule, au testicule lorsqu'il se porte de l'abdomen dans le scrotum en poussant le péritoine devant lui. De cette manière de concevoir la dis- position de la membrane caduque, il résulte qu'un point de l'œuf, celui qui est opposé à la surface par laquelle la première est en contact avec la membrane cadu- que utérine, ne serait pas recouverte par cette membrane; et comme l'observation démontre que toute la surface de l'œuf est pourvue d'une membrane caduque , M. Mo- reau résout cette difficulté en admettant que l'utérus se couvre secondairement d'une couche albumineuse continue à la membrane caduque , à laquelle elle ressemble sous le rapport de l'organisation : c'est cette couche que M. Lobstein décrit comme une continuation de la caduque, et que M. Bojanus appelle membrana decidua serotina. M. Moreau ne la regarde pas comme une dépendance de la caduque , parce que, suivant lui, elle ne date pas de la même époque, et que les changemens qu'elles éprouvent pendant le cours de la gestation sont différens. M. Moreau prétend que cette couche albumineuse, qui sert à unir l'utérus aux rudimens du placenta, et qui (1) Lib. cit., p. 12. (4) Decidtiareflexaobtegenschorionetamnion, (2) ld. p. 10. quœ membranœ se protendentes cavuiu deciduse (3) Cavum deciduae, velspatium membranam adimplent. G. Hunter, Iibr. cit. illarn inter et deciduam îeflexam. G. Hunter, (5) Moreau, libr. cit., p. 18, l'br- cit. (6) ld. p. 24. 6. 25 i8S M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, a été regardée par Santorini i comme une lame extérieure du chorion, ne se forme que lentement. Elle n'existe pas dans les premiers jours qui suivent la descente de l'œuf; ce n'est que sur la fin du premier mois qu'elle se développe, et dans le courant du second qu'elle devient plus épaisse que la membrane caduque. A trois mois, elle s'amincit et se laisse traverser par les artères utéro-placentales , ou par les vaisseaux qui semblent établir une communication directe entre la mère et l'enfant. Dans les quatrième et cinquième mois, cette couche prend une apparence celluleuse grisâtre, paraît s'insinuer entre les lobes du placenta et commence à faire partie constituante de ce corps. Dans le sixième mois elle devient rougeâtre, et comme infiltrée d'une sérosité sanguinolente; enfin, au septième mois, elle est changée en un véritable tissu cellulaire, recouvrant les cotylédons du placenta, à peu près comme l'arachnoïde cérébrale recouvre les circonvolutions encéphaliques. Enfin M. Moreau pense qu'au sixième mois les deux membranes caduques commencent à s'unir et à se confondre, et finissent enfin par ne former qu'une seule et même membrane, qui va toujours en s'amincissant jusqu'à l'époque de l'accouchement2. La dissertation de M. Moreau , tout en prouvant dans son auteur beaucoup de talent et de savoir, renferme, je crois, plusieurs inexactitudes que je signalerai lorsque je ferai la description générale de la membrane caduque. § 33. Suivant Rosenmùller, lorsque l'ovule parvient dans l'utérus, les parois de la cavité de cet organe sont couvertes d'une lymphe coagulable qui peu à peu est transformée en une membrane molle ressemblant à un sac fermé de toutes parts [mem- brana deci.dua ateri^). (i) Observât, analomicœ, p. 218, § xi. Lugd. ( De fœtu intra 'Fallopianam tubain raperto, p. Bat., 1709. — Il est étonnant que la membrane 220, § xvi; tabula 11, fig. 5). Quoi qu'iFen soit, caduque ait échappé à la rare sagacité de Santo- voici ce que dit Santorini du feuillet extérieur rini. Quoiqu'il fût averti par Ruisch de l'exis- du chorion, que je crois être la membrane ca- tence de celte membrane, il ne l'étudia pas avec duque : « Ceeterùm hisce uteri syphunculis non assez d'attention pour reconnaître que c'était un « sic continuo sunt tenuia placentse vascula, ut feuillet particulier et non une lame du chorion. « ex utroque unum continuatumque efficiatur ; Les choses les plus simples et les plus palpa- « verùm exteiïor seu convexa placentas faciès , blés échappent souvent aux observateurs les « cum tenui quadam membranula prœcmgatur , plus clairvoyans, et je pourrais citer plus d'un «quant, et animœdvertet accuratissimus Rtuschius, exemple de cette vérité dans l'histoire de la « quamque nos exteriorem chorii lamellam esse de- membrane caduque. Jem'étonne encore que San- « prehendimus , ita iis syphunculis jungitur, ut torini, qui donne avec détail la description « veluli per saccum, seu colum vicissim alibilis l'un cas de grossesse tubaire, et qui a fait re- «latex ille transducatur. » §xi,p. 218. présenter le fétus retenu dans la trompe et (2) Voyez la thèse citée, p. 3i. la cavité de l'utérus, n'ait pas reconnu dans ce (3) Rosenmùller, Handbuch der Anatomie , dernier organe l'existence de la membrane cadu- 2e verb. Auflage. Leipzig, 18 1 5. Voyez aussi : que, qui est aussi constante que lorsque l'em- Compendium anatomicum, etc., p. 007. Lipsia;, bryon se développe dans la cavité de l'utérus 1816. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 1 8g § 34- M. Jœrg1 considérant ia membrane caduque comme formée uniquement par les extrémités des vaisseaux de la face interne de l'utérus, veut qu'on lui donne le nom de placenta utérin [placenta uterina). Je dirai avec M. Carus que cette opi- nion est certainement erronée, surtout si l'on considère exclusivement cette mem- brane chez la femme. Sans doute, c'est parce que M. Jœrg n'a étudié la membrane caduque que sur l'œuf de quelques mammifères, et particulièrement sur celui des ruminans, qu'il s'est formé cette idée que plus tard dans un autre ouvrage2 il n'a fait que développer : il se forme selon lui dans le lieu où le placenta fœtal correspond à l'utérus, une masse résultant de la réunion des radicules vasculaires innombrables desquelles l'œuf reçoit sa nourriture; cette masse ou portion utérine du placenta est, dans quelques animaux, comparable à la membrane caduque de Hunter chez l'homme; c'est elle queÉverard3 a nommée corpus glandulosum ou subplacenta. M. Okenl'aprise dans le chie-n, et, bien à tort, pour la membrane interne de l'utérus, il a nié l'exis- tence de la membrane caduque dans les animaux, qui est réellement un produit de la gestation expulsé lors du part. Cette masse qui, suivant M. Jœrg, a mal à pro- pos pris chez l'homme le nom de membrane , est formée par la réunion d'un grand nombre d'extrémités de vaisseaux traversant la membrane vasculaireet se réunissant sur sa face interne pour constituer un corps solide composé de lymphe et de tissu cellulaire, dont la mollesse est plus grande vers la fin que vers le milieu de la ges- tation. Cette même masse varie aussi en densité suivant les diverses espèces d'a- nimaux. Dans quelques-uns, le lièvre, par exemple, elle est si dure qu'elle ne peut que difficilement être déchirée, tandis que dans l'homme elle se compose de flo- cons unis très faihlement les uns aux autres. Les vaisseaux qui s'y rendent de l'utérus sont disposés de diverses manières dans les différens animaux : dans le chien et le chat, etc. , ils sont très petits et très nombreux, tandis que dans le lièvre, le castor, etc. , leurs ramuscules sont plus volumineux, flexueux, mais moins multipliés. Ce placenta utérin est composé sur la face interne dirigée vers le chorion , de petits mamelons dans lesquels les vaisseaux sanguins provenant de l'utérus se terminent par des ramus- cules très déliés, comme cela s'observe sur la face interne de l'utérus de la jument, pour les faisceaux vasculaires, et dans les dentelures des cotylédons des ruminans. Cependant ces vaisseaux ne vont pas au-delà de ces mamelons. Le mercure injecté dans un vaisseau de l'utérus, lorsque le sous-placenta n'est pas encore séparé ou divisé par la putréfaction ou par quelque force mécanique, peut parvenir jusque dans ce dernier corps, mais non au-delà, ce qui démontre que l'utérus envoie des vaisseaux au placenta maternel, et nullement au placenta fétal. (i! Manuel d'accouchement, 2' édit. §76.-91. schwangern Zuslande, von D. Johann Chris- (2) Ueber das Gebaerorgan des Menschen tian-Gottfried Jœrg. Leipzig, 1808. und der Saengthiere ira schwangern und nicht- (5) Cosinopol. Hist. natur. 1686, p. 60. igo M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, L'épaisseur de ce placenta ute'rin n'est pas toujours la même : elle est à peine de deux lignes dans le chat, le chien; de trois lignes dans le lièvre, sans égaler celle du placenta du castor. Sa forme et son volume se règlent, Je castor excepté, d'après ceux du placenta fétal. § 55. Chez l'homme, nous n'avons sur ce placenta utérin que des idées erronées. Le nom de membrane ne lui convient pas, et il est absurde d'admettre l'existence d'une membrane caduque réfléchie (m. decidua reflexa) comme continuation de la mem- brane caduque qui se trouve entre l'utérus et le placenta fétal. La membrane ca- duque, si elle correspond, comme nous le pensons, à l'organe que nous avons indiqué dans les animaux sous le nom de placenta utérin , ne peut avoir son siège qu'à la face interne de l'utérus, et non être attachée à la face externe du chorion, car elle dépend de l'utérus, puisqu'elle est formée par les radicules vasculaires déliés et saillans de la surface libre de la tunique interne de cet organe. § 56. L'admission de la membrane caduque réfléchie, continue M. Jœrg, a contre elle, non-seulement toute l'histoire du développement de l'œuf dans la matrice, mais encore l'anatomie comparée et même celie de l'homme. En effet, on ne voit ni dans l'espèce humaine, ni dans les animaux , la transition de la membrane caduque vraie à la membrane caduque réfléchie. Le fait a seulement été argué, sans être démontré. Les suppositions et les hypothèses auxquelles on a recours pour faire concevoir l'origine de la membrane caduque réfléchie, indiquent clairement qu'on ne suit plus ici la bonne route. La véritable membrane caduque de Hunter, ou, comme nous voudrions qu'on l'ap- pelât, le placenta utérin, n'est composé au commencement de la gestation que de flocons vasculaires très courts; il acquiert dans les animaux que nous avons examinés sa plus grande épaisseur vers le milieu de la gestation, la conserve encore pendant quelque temps, et devient mou et mince vers l'époque du part1. » § 5~. On chercherait en vain des renseignemens satisfaisans dans l'ouvrage de Thomas Denmann, qui, sous tous les rapports, est bien inférieur à ce qu'on avait publié auparavant, et à ce qui a été fait dans l'intervalle de la première à la seconde édition de ce livre 2, dans lequel on ne voit qu'une seule figure relative à notre sujet 3. Cette fi- gure représente-un œuf humain de trois mois où l'on reconnaît les flocons du chorion, et çà et là des vestiges des membranes caduques, mais l'auteur ne dit rien ici sur la disposition , ni sur la nature de ces tuniques qu'il nomme les membranes de con- nexion de l'œuf, tke Connecting membrane of tke ovwn1*. (i) Jœrg. — Libr. cit. — (5) Plate VÏU. — An huinan ovum, aboutthe (a) Engravings represenling the génération of third month of pregnancy. the some animais, etc. By Thomas Denman. (4) Explication de la planche VIII London, i8:5, j'n-4". PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 19 1 § 58. Le savant professeur Chaussier1 n'admet point de membraue muqueuse sur la face interne de l'utérus; mais il pense qu'on y trouve quelquefois une couche mince, molle, qui, par sa texture, sa ténuité, en a toute l'apparence, et que l'on peut détacher comme une membrane par la dissection ou la macération , dans une étendue plus ou moins considérable. En examinant avec attention cette couche mem- braneuse elle lui a toujours paru être une simple concrétion couenneuse, accidentelle. Il se forme dans la cavité de l'utérus, comme dans le larynx et les autres organes creux, des pseudo-membranes par un mode particulier d'irritation, qui, en augmentant la sensibilité de sa surface, altère la sécrétion du fluide qui s'en exhale, et lui donne une consistance couenneuse ou plastique. — L'existence des concrétions membraniforrnes à la surface ou dans la cavité de diverses parties a été constatée par un grand nombre d'observations pratiques et par des recherches anatomiques; on en. connaît la na- ture, l'origine; on peut même, artificiellement et à volonté, en provoquer la for- mation par une irritation plus ou moins vive, ou prolongée; et ces faits sont trop bien établis pour qu'il soit besoin de les rappeler ; mais on ne s'est pas encore occupé des concrétions qui se forment dans la cavité de l'utérus, des causes particulières qui en déterminent la formation, des phénomènes qui en caractérisent l'existence, des effets qui en résultent; cependant les cas propres à bien étudier ce genre de production ne paraissent pas fort rares. On les observe principalement chez les femmes dont la menstruation est habituellement précédée et accompagnée de pe- santeur dans le bassin, de tiraillemens aux lombes et aux aînés, de douleurs ai- guës à la région de l'utérus. La concrétion couenneuse, ou fausse membrane, qui se forme alors dans la cavité de l'utérus, a plus ou moins d'épaisseur et de ténacité. » §39. Si la concrétion couenneuse, formée et modelée dans la cavité de l'utérus, a beaucoup de consistance, elle peut se détacher, être expulsée en entier, décollée de la cavité de cet organe, mais encore adhérente à son col et poussée par le sang qui s'ac- cumule à chaque époque menstruelle, s'insinuer dans l'orifice, se prolonger dans le vagin et y venir former une tumeur plus ou moins saillante, qui a l'apparence d'un polype. Chaussier a observé un cas fort remarquable de ce genre de tumeur, et il croit que les trois observations consignées dans l'ouvrage de Collomb 2, et consi- dérées comme des exemples de tumeurs résultant du décollement de la membrane interne de l'utérus, n'étaient dues aussi qu'à des pseudo-membranes formées dans la cavité utérine. (1) Lettre de Chaussier, contenant quelques de l'anglais par M0 Y" Boivin. Paris, 1818. remarques sur la structure de l'utérus. Voyez (2) OEuvres nïédico-chirurgicales de Collomb, Nouveau traité sur les hémorrhagies de l'utérus, Lyon, 1798. d'Edward Rigby et de Stewart Duntan; traduit i92 M. G. BRESCHET.- ÉTUDES A.NATOMIQUES, ^ 4o. C'est à cette même disposition secrétaire de la face interne de l'utérus qu'il faut, après la conception, attribuer la formation de cette membrane particulière que, d'après Hunter, on nomme caduca et reflexa, et que Chaussier désigne sous le nom d'épichorionK — En rapportant un exemple de grossesse tubaire , ce médecin2 dit que non - seulement on trouva dans la trompe dilatée cette couche couenneuse, tomenteuse, qui forme Yêpichorion ou membrane caduque de Hunter, mais qu'en même temps que l'utérus augmente de volume, que ses parois s'épaississent, s'a- mollissent et prennent une teinte plus rouge, il se forme à sa surface interne une couche couenneuse , épaisse , granulée, qui a la mollesse, l'apparence de l'épichorion et que l'on peut facilement détacher avec le manche du scalpel, etc.» S Ai. Bojanus regarde la membrane caduque comme un produit de l'utérus, et il dit qu'elle est composée de couches ou stratifications celluleuses, qu'elle a deux ouvertures correspondantes aux trompes , et qu'en bas elle plonge dans le col de l'utérus, enfin qu'en se réfléchissant sur l'œuf , elle se comporte à son égard comme le péricarde pour le cœur. Il considère toutes ces choses comme démontrées et signale une erreur fondamentale : ceux qui n'ont pas d'idée exacte de la membrane réfléchie, se refusent, de l'admettre et pensent que l'œuf, du moment où il arrive dans l'utérus, tombe dans la cavité de la membrane caduque par laquelle l'utérus est tapissé. Cette opinion est erronée suivant Bojanus, car l'œuf en descendant par la trompe n'arrive pas dans la cavité de la membrane caduque, mais se glisse au con- traire le long de la face interne de l'utérus, entre cette face et la membrane caduque qu'il détache à l'endroit où il se fixe et se développe , pousse devant lui cette mem- brane, et peu à peu, en grossissant, le fait rentrer dans sa propre cavité : par son développement, l'œuf descend de plus en plus en se recouvrant de la membrane caduque. Pendant ce temps, le placenta paraît et croît sur l'œuf à l'endroit où cet œuf se trouve rester en rapport avec la paroi de l'utérus; mais ce dernier organe, par un effet de son activité augmentée, continue à former une membrane caduque nou- velle, sur le point où l'œuf a refoulé la première couche de la membrane caduque et l'a portée en dedans. § 42- Ees vaisseaux du placenta naissant du chorion, pénétrent la couche nouvel- lement formée de la membrane caduque, couche que Bojanus appelle membrana de- cidua serotina, et; de la sorte, tout l'œuf se trouve pourvu et recouvert d'une mem- brane caduque, quoiqu'en se réfléchissant pour se porter en dedans, la caduque (1) Libr. cit., pag. 585 et 586. culte de Médecine de Paris et delà société établie (2) Observation sur une grossesse extra-uté- dans son sein, t. IV, 1814, n"_vi, p. 107. Paris. )ine, par Chaussier. Voy. Bulletins de la Fa- PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. i93 primitive ait laissé une certaine étendue de la surface de l'œuf en rapport avec l'u- térus1. M. Oken, en insérant cette description de Bojanus dans son journal, s'étonne qu'on puissejdonner une semblable explication, et il se récrie, pensant que l'opinion qu'il a émise dans ses mémoires pour servir à la zoologie et à l'anatomie comparée est bien plus exacte 2. § 43- Nous ferons remarquer plusieurs choses importantes dans cette description de Bojanus : i°le mode de réflexion delà membrane caduque sur elle-même, pour former la caduque réfléchie; cette description est semblable à celle que nous donnons et qui est déjà adoptée par plusieurs anatomistes, mais Bojanus représente un œuf déjà volumineux et conséquemment une surface étendue résultant du décollement de la membrane caduque par la situation de cet œuf entre le feuillet de cette membrane et la face interne de l'utérus. Lorsque le décollement de la caduque utérine commence à s'opérer, et que de ce décollement résulte l'origine de la ca- duque réfléchie, l'œuf est encore très petit, et tout en refoulant la membrane cadu- que il s'en recouvre en totalité; 2° si le placenta devait naître de la surface de l'œuf qui resterait à nu lors du refoulement de la membrane caduque utérine, il faudrait admettre que l'œuf se présente toujours par la même extrémité , et que c'est toujours le point de cet œuf qui correspondrait à l'insertion du cordon ombilical qui reste à découvert et privé pendant quelque temps du feuillet de la membrane caduque primitive, pour se recouvrir bientôt après d'un feuillet membraneux secondaire ou d'une formation tardive [decidua serotina), ce qui n'est guère admissible, car les insertions du placenta observées sur tous les points de la face interne de l'utérus portent à penser que l'œuf arrive dans la cavité de l'utérus, tantôt en présentant un point de sa surface et tantôt un autre, ou bien il faut admettre qu'avant de refouler la membrane caduque pour former la caduque réfléchie , il glisse souvent loin de l'orifice de la trompe et ne refoule la caduque primitive qu'après être arrivé sur ce point. Ainsi, lorsque l'insertion du placenta se fera plus ou moins près de l'orifice vaginal de l'utérus, il faudra admettre que l'œuf a glissé de l'orifice de la trompe jus- qu'à la partie la plus basse de l'utérus entre la face interne de cet organe et la mem- brane caduque, et n'a commencé à refouler cette membrane qu'après être arrivé dans cette partie basse. N'est-il pas plus naturel de croire que l'œuf, recouvert de toute part des deux feuillets de la membrane caduque, s'insère tantôt sur un point tantôt sur un autre de l'utérus, après avoir mis en contact ces deux feuillets et les avoir pénétrés ettraversésde tous les radicules placentaires. Cette disposition doit aussi faire admettre i'adhérence du placenta à l'utérus à des époques variées, suivant que l'œuf refoule (1) EinWort iïber da.s\ evhœhmsi dermembi-ana Embryo. Isis, 1821, 5e cah., p. 268. decidua und decidua reflexa zum menschlichen (2) Isis von Oken, drittes Heft, 1821. 194 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, la membrane caduque par le point diamétralement opposé à l'insertion du cordon ombilical par un point plus ou moins éloigné de cette .insertion, ou précisément vers le point correspondant à celte insertion. Dans ce dernier cas, il faut que toute la cavité de la membrane caduque ait disparu avant que la présence du placenta à l'utérus puisse s'opérer. Q 44. Enfin une autre circonstance importante pour nous dans les observationsdeBo- ianus c'est qu'ilareconnu l'existence d'unecavitéentreles deux membranes caduque.s, et cependant il ne parle pas du liquide renfermé dans cette capacité. Mais connaît-on dans l'économie animale une cavité à parois membraneuses non contiguës qui soit vide, ou dans laquelle il n'y ait pas un liquide? Les planches de Hunter démontrent aussi l'existence de cette cavité , cependant il se tait également sur la présence d'un liquide. S A5. Bojanus, dans un mémoire sur les enveloppes du fétus du chien , ne dit rien de la membrane caduque, mais'il admet deux feuillets au chorion. La première de* ces lames ne serait-elle pas l'épichorion, ou Bojanus a-t-il considéré comme deux feuillets distincts l'écartement produit dans l'épaisseur du chorion par les vaisseaux du cordon ombilical qui vont au placenta? Nous inclinerions vers cette dernière interprétation , parce qu'il termine son mémoire en disant que le chorion forme autour des autres parties l'enveloppe la plus extérieure, fermée de toutes parts et composée de deux feuillets dont l'externe plus dense, est embrassé par le placenta comme par une ceinture, et qui par le reste de sa surface est en rapport avec l'utérus. Le feuillet interne du chorion est en rapport avec l'allantoïde dans une partie de son étendue , tandis que dans les points de sa surface où l'allantoïde n'existe pas, il est en connexion avec l'amnios *-. On serait étonné qu'un homme d'un rnérite aussi élevé que Bojanus eût traité des enveloopes du fétus du chien sans parler de la membrane caduque , si dans un travail postérieur à celui que nous venons d'indiquer il n'avait pas réparé cet oubli 2. § 46- L'utérus d'une chienne pleine contient ordinairement plusieurs petits; il offre de distance en distance des resserremens séparant des masses globuleuses, lesquelles indiquent le siège des embryons. En incisant l'utérus on aperçoit sur sa face interne une membrane villeuse et rouge dans les endroits dilatés et dans les parties resserrées, mais plus épaisse, plus floconneuse dans les premiers; légèrement spongieuse, et (ij Mémoire sur les enveloppes du fétus du (2) Observations anatomiques sur un fétus de chien et sur l'allantoïde considérée dans ce même chien de vingt-quatre jours et sur ses enveloppes, animal. Voy. les mémoires de l'académie impé- Voy. Nova acta physico-medïca AcademiœCœsareœ riale des sciences de Saint-Pétersbourg, t. V, Leopoldino-Carolinœ naturœ curiosorum,tom. X , i8i5. Voy. aussi le Journal des savans, 1817, et p. 14.1 ■ l'ïsis, 1818, 10' cah. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. iq5 divisée en cellules ou aréoles qui restent béantes lorsque le fétus avec ses enve- loppes ont été enlevés de l'utérus. Ces membranes de l'embryon sont sphériques, elle présentent deux appendices aux extrémités opposées, et leur partie moyenne com- prise entre ces deux appendices, plus épaisse et plus volumineuse, correspond à la face interne de l'utérus avec laquelle elle contracte une adhérence si grande , qu'on ne peut les séparer qu'en exerçant une traction assez forte. Cette séparation obtenue, la partie moyenne se présente sous un aspect comparable à un rayon de miel. Les cellules sontplus ou moins grandes, les unes hexagones ou arrondies, les autres qua- drangulaires ou irrégulières. Elles sont formées par des parois membraneuses, molles, s'affaissant aisément, et déchirées çà et là , parce qu'elles adhéraient à la face interne de l'utérus. On voit en outre sur le reste de la surface extérieure des enveloppes, quelque chose de lamineux, semblable à la membrane caduque du fétus humain, dont les cellulosités sont moins apparentes. Quoique celte couche celluleuse manque constamment sur le fétus adulte,, il semble néanmoins qu'il convient de lui donner le nom de membrane caduque. Cette membrane celluleuse entoure donc la partie sphérique des enveloppes comme le ferait une ceinture, et qui, percée de l'un et l'autre côtés , laisse sortir les parties sous-jacentes sous la forme de deux appendices. Les cellules ou aréoles, examinées de près, offrent à leur base des trous pour communiquer avec d'autres cellules situées plus profondément, en sorte que toute la membrane caduque représente un appareil multiple de cellules, destinées sans doute à recevoir des humeurs. § 47- En incisant cette membrane caduque celluleuse, on voit au-dessous une couche blanchâtre et réticulée qui enveloppe également toute la partie sphérique mentionnée, et qui est placée entre la première membrane caduque près le chorion, et cette dernière couche se prolonge jusqu'aux bandelettes [fimbriœ ) du chorion, qui ont un aspect verdâtre (/". viridescentes); les appendices seuls en sont dépourvus. Cette deuxième membrane est molle, et son tissu est si peu solide qu'elle se détache par lambeaux, et ne peut guère être obtenue en entier. Du reste, étant épaisse et spon- gieuse, on peut lui donner le nom demembrane caduque spongieuse, decidua spongiosa. Les houpes du chorion sous-jacent sont reçues dans les pertuis de cette membrane réticulée, et cette disposition empêche de détacher cette membrane dans son entier. » § 48. U résulte donc des recherches deBojanus que la membrane caduque, accor- dée par les uns1 et refusée par les autres2 aux animaux quadrupèdes, est un des points d'anatomie les plus positifs et les moins contestables. (1) Stalpart vander Wiel, obs. rar. n. — Lob- (a) Hunter, observ. on certains parts of ani- atein, de la nutrition du fétus, § 9, etc. mal œconoiny, etc. 6. 26 ig6 M. G. BRESCHET.— ÉTUDES ANATOMIQUES, S 4q. M. Carus divise la durée de la gestation en cinq1 périodes :1a première date de l'entrée de l'œuf dans l'utérus, et finit lorsqu'un des organes formateurs des plus importans, le placenta, peut être observé distinctement; cette période va donc du commencement du premier mois jusque vers la fin du troisième. La seconde période coiTimence avec ^formation du placenta, et se termine lorsque la mère distingue les premiers mouvemens de l'enfant: elle s'étend ainsi du troisième mois jusqu'au milieu ou vers la fin du cinquième. La troisième période comprend le temps qui s'écoule depuis le moment où les mouvemens du fétus sont sensibles, jusqu'à celui où ce nou- vel être expulsé trop tôt de l'utérus pourrait à force de soins être conservé à la vie : c'est depuis le commencement du sixième mois jusqu'à la fin du septième. La qua- trième période part de l'époque où l'enfant a déjà la faculté de vivre séparé de sa mère, et de ses organes formateurs extérieurs et finit au moment d'un accouchement précoce. Enfin l'espace renfermé entre la fin du huitième mois et le terme ordinaire de l'accouchement, constitue la dernière période. — Dans les premiers temps de sa forma- tion, l'œuf humain se montre sous la forme d'une vésicule membraneuse, à peu près crosse comme un pois, remplie d'un fluide lymphatique2. A cette époque, on re- marque déjà à sa surface un tomentum ou filament'laineux pour servir à son attache à l'utérus, et particulièrement dans la partie droite du fond de cet organe. — La vésicule qui se sépare de l'ovaire, comparée à la vésicule de De Graaf par quelques personnes, et que Osiancler appelle vésicule exantkématique , est la partie fondamen- tale par laquelle le nouvel être commence à paraître dans la série animale. Qu'on se rappelle les animaux infusoires, les polypes, les vers vésiculaires qui ne représentent qu'une -cellule stomacale animée, ou bien qu'on songe au jaune de l'œuf des pois* sons, des reptiles, des oiseaux, duquel paraît et se développe l'intestin, poche mem- braneuse remplie de fluide albumineux, que nous nommons vitellus chez l'oiseau, et l'on aura l'idée de la vésicule ou petit œuf arrivant à l'utérus. ^ 5o. Cette vésicule peut être comparée à la première dilatation du canal intestinal ou à l'estomac, et cet organe doit être considéré comme le premier rudiment de l'embryon humain; elle est pourvue d'une enveloppe analogue à la coquille de l'œuf des animaux ovipares, qui reçoit ici une autre destination, et qu'on nomme chorion. Enfin, con- jointement avec le chorion, elle constitue primitivement l'œuf; mais la métamor- phose marche rapidement, et il se forme en très peu de temps, autour du chorion, dès fibres absorbantes qui ont été considérées, mais à tort, comme de véritables veines3 (i)Gynœkologie,vol. II, p. 16. Leipzig, i8ao. 1817, part. 11, p. a52. (2) Voy. G. Hunter, anat. uter. hum. gra- (3) Froriep, Manuel de l'art des accouche- vidi, fol. 54, f. 6. — Home, philos, transact. mens, p. \!$, etc. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. ,97 partant de l'embryon , ce sont simplement des fibres absorbantes claviformes des- tinées, comme les vaisseaux capillaires, à s'emparer des matières plastiques versées à la surface de l'utérus 1. § 5 1 . Pendant le premier mois l'œuf humain acquiert le volume d'une noix ou d'un petit œuf de poule; sa forme est d'abord àpeu près arrondie, et toute sa surface est garnie de filamens absorbans, nombreux, ayant d'un tiers de pouce à un demi- pouce de longueur, et pénétrant la membrane caduque (tunica decidua veraHunteri), qu'on range à tort parmi les membranes de l'œuf. Ces villosités à la surface de l'œuf ont souvent été décrites comme une membrane propre. Hunter 2 l'a nommée tunica decidua rcflexa, parce qu'il s'est figuré que l'œuf s'introduit dans la membrane caduque de l'utérus, et qu'il s'entoure en grossissant d'un prolongement du feuillet interne de cette membrane. Osiander 3 a distingué dans cette couche deux membranes, dont il nomme l'externe membrana ovi cri- ■Orosa, et l'interne membrana ovi crassa. D'autres distinguent cette couche sous le nom de chorion floconneux (chorion frondosum) d'avec le chorion proprement dil (membrana vasculosa). M. Carus regarde cette couche simplement comme des flocons du chorion, et il lui refuse et Je nom et le rang d'une membrane4. §5a. Dans des travaux publiés plus tard que son ouvrage sur la Gynécologie, M. Carus s'est étendu davantage sur l'histoire de la membrane caduque5 : suivant lui, cette membrane se forme chez la femme dans les premiers mois de la gestation, comme un tissu cellulaire muqueux, lâche, primitivement sans vaisseaux, qui, pénétrant dans le canal du col de la matrice et dans les orifices des trompes, tapisse toute la cavité de l'utérus, et dans laquelle il n'entre que quelques faisceaux de vaisseaux, comme dans les autres fausses membranes. Cette couche membraneuse (membrana decidua vera) est très distinctement déve- loppée au second et au troisième mois; elle diminue à compter du quatrième, et à sept mois elle n'est plus qu'indiquée par un léger surtout fibreux de la surface interne de l'utérus, sans qu'elle se laisse détacher comme membrane particulière, ce rqui n'a lieu du reste que pendant les six ou huit premières semaines de la gestation. (1) §670. burt,etc. Leipzig, 1824. — De l'état de la mem- (2) Anat. uteribumanigravidi, t. XXXIV, p. 7. brane caduque (membrana decidua primaria et (3) Handb. der Entbindung, etc., Manuel membrana decidua reflexa H unteri) dans l' utérus d'accouchemens, vol. II, p. 488 et 489. en gestation , de ses rapports avec les états pa- (4) Lehrbuch der Gynaekologie , etc., von thologiques, ainsi que des interstices de cette .Çarl Gust. Carus, zweiter Theil, p. 16 - 28, membrane et des membranes de l'œuf propre- ,§ 658 - 686. ment dites. (5) Zur Lebre von Schwangerschaft und Ge- ,98 M. G. BRESCHET. -ÉTUDES AN ATOMIQUES, Ç 55. La membrane caduque n'est jamais essentiellement vasculaire dans l'utérus de la femme, et l'on ne doit pas se la figurer comme une vessie fermée de toute part, elle est comme l'utérus, ouverte vers le col de cet organe ; et si la cavité de la matrice se ferme vers son orifice vaginal chez les femmes enceintes , cela n'arrive pas pour la membrane caduque , qui devient en général plus mince vers le col de l'utérus, et finit par une mucosité particulière, comme vitrée, comparable à celle dont parlent MM. Home et Bauer, dans les squales, les reptiles et le kanguroo, par laquelle tout le canal vecteur est rempli, et qui se rencontre aussi vers l'orifice vaginal de l'utérus dans les mammifères. — La cavité de cette membrane caduque serait aussi ou- verte vers les orifices des trompes , si la couche de ce tissu muqueux n'était pas plus épaisse vers le fond de l'utérus, de sorte qu'elle ne peut pas se continuer dans les trompes utérines , sans être en contact avec elle-même , et fermer en ce point et sa propre cavité et celle des trompes. «S 5/j. La membrane caduque réfléchie est la continuation de la membrane caduque qui se reploie sur l'œuf. Car l'ovule entrant dans la cavité de l'utérus après que la membrane caduque vraie est déjà formée, il faut nécessairement qu'il soit ici, d'abord, entouré par cette membrane caduque vraie, qui le retient dans la cavité utérine, alors trop vaste pour l'ovule. A mesure que celui-ci grossit , il pousse nécessairement la couche de membrane caduque étendue sur lui , la distend, et elle prend alors le nom de membrane caduque réfléchie. La distension continuant , cette couche se résoudrait en peu de temps , et se déchirerait , si elle ne continuait pas à se dévelop- per. Cela explique comment la membrane caduque réfléchie peut, jusqu'à un cer- tain point, marcher de front avec le développement de l'œuf, etc.. En effet, pen- dant le troisième et jusqu'au commencement du quatrième mois de la gestation , nous la trouvons plus épaisse que la membrane caduque vraie ; plus tard, cette cou- che justifie son nom de caduque , car elle disparaît insensiblement. Le volume de l'œuf devenant trop considérable pour que la membrane caduque réfléchie puisse continuer à se former depuis l'endroit où elle est en contact avec la membrane caduque vraie, lorsqu'elle est parvenue' à son summum de développement, elle offre une foule de petits orifices correspondans aux villosités du chorion, ce qui lui a aussi valu le nom de membrana cribrosa. Ces orifices, qui donnent à toute la mem- brane l'aspect d'un réseau, deviennent de plus en plus grands, à mesure que la dila- tation augmente, jusqu'à ce que toute la membrane , et d'abord sa partie la plus inférieure , au-dessus de l'orifice vaginal , soit résoute en une couche mince de tissu cellulaire lâche. § 55. Enfin, d'après M. Carus, la membrane caduque réfléchie n'est pas une mem- brane propre de l'œuf, et elle ne peut jamais en recevoir de vaisseaux venant de PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 199 l'embryon , elle est au contraire essentiellement sans vaisseaux, comme l'est primi- tivement la caduque vraie. Il n'y a que quelques-uns des petits vaisseaux péné- trant dans la membrane caduque vraie qui puissent quelquefois se propager jusque dans la tunique réfléchie. Selon M. Carus, le développement de cette membrane est à son maximum lorsque paraît le placenta, c'est-à-dire vers la fin du troisième mois de la gestation. Dans le principe , elle est séparée du chorion par un intervalle particulier, et ne manifeste son contact avec cette membrane que par sa structure criblée , dépendant des bouts des fibres absorbantes du chorion. Enfin , la face ex- térieure convexe de cette membrane réfléchie est tournée vers la face concave in- terne de la caduque vraie, et les deux faces de ces membranes caduques, si elles ne sont pas séparées par des fluides épanchés , sont en contact immédiat, et lâche- ment unies entre elles; union qui ressemble à celle de deux draps mouillés, à lon^s poils, pressés l'un sur l'autre et séparés ensuite. § 56. Dans un dernier travail sur l'œuf, M. Carus a de nouveau parlé de la membrane caduque1, dont il a représenté la disposition, soit du feuillet utérin, soit du feuil- let réfléchi, et les connexions avec le chorion. (Voyez notre mémoire sur le cho- rion. ) Suivant M. Carus, l'état de la face interne de la matrice dans les ruminaus est très remarquable; c'est vraisemblablement ici pour la première fois qu'il se forme une membrane caduque analogue à celle de l'homme, tandis que plus tard elle semble dévier de ce type. En effet, si dans la membrane caduque de la femme les vaisseaux sanguins ne se ramifient en quelque sorte qu'accidentellement, et s'obli- tèrent avec elle dans la seconde moitié de la gestation, il se développe au contraire dans les mammifères mentionnés des touffes de vaisseaux sanguins non -seule- ment dans cette membrane caduque vraie , mais ils y forment plus tard des organes particuliers, des placentas utérins qui sortent de la face interne de la matrice sous forme de champignons, et lorsqu'ils sont développés ils n'offrent plus de trace de la membrane caduque vraie qui les entourait précédemment. On doit désirer des recherches plus détaillées sur la membrane caduque réfléchie des 'animaux; son développement paraît cependant analogue à celui de cette membrane chez la femme, dans les animaux où il se forme des placentas. Dans ceux au contraire où il ne se forme pas de placenta ou de cotylédons sur le chorion, comme dans le cheval, l'âne, etc. la membrane caduque réfléchie ne semble pas s'oblitérer comme (1) Noch einige Worte iiber die A'erbindung krankheiten, herausgegeben von Elias von Sie- des inenschlichen Eyes mit dem Utérus. Journal bold. Frankfurt-am-Main, 1827, Siebenten Ban- fur Geburtshulfe, Frauenzimmer - und Kinder- des erstesStiick. 200 M. G. BRESCHET. — ETUDES ANATOMIQUES, chez l'homme vers la seconde moitié de la gestation , mais elle persiste plus long- temps, ce qui peut aussi avoir lieu pour la caduque vraie dans les animaux a. S 57. M. Dutrochet dont le génie investigateur a rendu de grands services aux scien- ces physiologiques, a fait de nombreuses recherches sur l'œuf des animaux vertébrés. Ses travaux indiquent partout qu'il s'est plus attaché à étudier la nature, à la suivre pas à pas qu'à connaître ce qui avait été fait dans l'antiquité ou peu de temps avant lui2. Condisciple et ami de cet ingénieux physiologiste, j'ai voulu profiter de toutes les occasions dans lesquelles nous poumons observer ensemble la disposition des membranes de l'œuf. Je lui communiquai les pièces que je possédais, nous les exa- minâmes de concert, et M. Dutrochet rassembla et rédigea les notes résultant de nos observations; c'est le propre mémoire de M. Dutrochet que je communiquai à la Société de la Faculté de Médecine, et que je publiai dans les Bulletins3 de cette société et dans le Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médicales. Désirant continuer à réaliser le projet que j'avais conçu de faire l'histoire des pro- duits de la génération, j'examinai, avec M. le docteur Velpeau, un assez grand nombre d'œufs humains qui m'appartenaient, et plusieurs qui étaient sa propriété. Nous les fîmes peindre par M. Chazal, un de nos artistes les plus habiles, et ces figures seront publiées séparément et par M. Velpeau et par moi, qui y joindrai plusieurs autres figures prises parmi celles que j'avais fait dessiner auparavant ou que j'ai fait faire de- puis nos recherches entreprises en commun. Quoique plusieurs dissections aient été faites par M. Velpeau et par moi, jios notes ont été prises séparément; chacun de nous, tout en communiquant à l'autre ses idées et ses observations, s'est réservé la faculté de les publiercomme il le jugerait convenable-jsans que l'un fût solidaire de l'autre. Si l'on irouve de l'analogie dans notre manière de voir et de concevoir les objets, il ne peut y avoir rien d'étonnant, et cette analogie dans nos idées est en faveur de nos observations, tandis que la dissidence de nos opinions démontre l'indépendance dans laquelle nous avons voulu rester. J'ai vu avec plaisir dans la publication de M. Velpeau que cette dissidence était moins grande entre nous que dans le principe, et que ce médecin avait, en beaucoup de points, adopté mon opinion. L'observation que j'en fais n'est pas pour revendiquer en ma faveur des découvertes, mais pour éviter jusqu'au (1) Zur Lehre von Schwangerschaft und Ge- t.V, p. 241. Mémoire sur les enveloppes du fétus burt, etc. Leipzig, 1824- humain, par Dutrochet, docteur en médecine, (2) Voy. vol. "VIII des Mémoires de la Société et Breschet, etc., avec cette note mise par moi médicale d'émulation, p. 768. au bas de la page. Les recherches, et les observa- (5) Bulletins de la faculté de médecine de fions anatomiques ont été faites par MM. Du- Paris, t. VI, p. 4?4, 1820, et Journal complé- trochet et Breschet , la rédaction du mémoire est .de mentaire du Dictionnaire des sciences médicales, M. Dutrochet. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. a0i soupçon de plagiat. Les premiers écrits comparés aux derniers prouveront suffisam- ment les changemens survenus dans les idées de M. Velpeau : j'en signalerai aussi plusieurs dans le cours de ces Mémoires. J'ai cru devoir entrer dans cette explication et pour M. Dutrochet et pour M. Vel- peau : le premier a pensé que j'avais eu connaissance des mémoires du second avant leur publication, et que je partageais toutes les idées de l'auteur; il est dans l'erreur à cet égard. M. Velpeau ne m'a communiqué aucun de ses manuscrits, et ce médecin a pris sous sa responsabilité particulière tout ce que contiennent ses ouvrages, de même que j'assume sur moi personnellement tout le blâme que me mériteront les erreurs que peuvent renfermer mes écrits. Il est une partie pour laquelle j'ai eu recours aux lumières et à la participation d'un jeune savant, de M. Raspail, dont on connaît la grande habileté dansles re- cherches microscopiques. Je lui dois des remercîmens pour son zèle, son obligeance, et pour sa persévérance à découvrir la vérité et à éviter toute illusion. ( Vffy. notre mémoire sur les flocons du ckorio?il. ) § 58. M. Dutrochet, en lisant dans le mémoire de M. Velpeau que plusieurs des dissections sur lesquelles ce dernier médecin appuie ce qu'il rapporte avaient été laites de concert avec moi, a pensé que je donnais mon assentiment aux assertions de M. Velpeau, et que conséquemment je renonçais formellement aux opinions con- traires qui ont été publiées précédemment sous le nom de M. Dutrochet et sous le mien 2. ( Mémoires sur les enveloppes du fétus humain , par MM. Dutrochet et Bres- chet, etc.) Je me bornerai à répéter que je suis entièrement étranger à la ré- daction et à la publication des mémoires de M. Velpeau ; qu'ayant travaillé suc- cessivement avec ces deux confrères, et ayant ensuite poursuivi pendant long-temps et seul mes premières recherches, je donne aujourd'hui ce que mon observation m'a appris , ce que je crois avoir vu et tel que je l'ai vu : je ne prétends ni aban- donner les idées de l'un , ni adopter les idées de l'autre; je n'ai désiré suivre d'autre guide que la nature et n'ai voulu parler que d'après ma propre expérience, mon seul désir étant de découvrir la vérité. Dans un premier travail présenté à l'Institut en i8i43, M. Dutrochet n'avait fait, parmi les quadrupèdes, des recherches que sur l'œuf de la brebis, et il a prétendu établir de l'analogie entre la membrane caduque du fétus des mammifères et la (1) Mémoire sur les flocons du chorion par de la société médicale d'émulation, t. IX , p. ai. MM. Breschet et Raspail. Répert. gén. d'anat., Paris, 1826. vol. III in-lf, Paris, 1828. (5) Recherches surles enveloppes du fétus, etc. (2) Nouvelles recherches sur l'œuf des ani- Voyez Mémoire de la Société médicale d'émula- maux vertébrés, par M. Dutrochet; Mémoires tion, etc., t. VIII, repartie, p. 1. 202 M. G. BRESCHET.— ÉTUDES ANAT0M1QUES, membrane de la coque des oiseaux1. Suivant lui, a les membranes fétales sont pres- que toutes des assemblages de membranes superposées. Ainsi, dans l'œuf des oiseaux, la membrane de la coque est composée de deux feuillets. L'allantoïde vasculaire qui, par son ploiement autour du corps du fétus, lui fournit ces deux enveloppes, dé- signées par M. Dulrochet sous les noms de chorion et de membrane moyenne; l'al- lantoïde est comme la vessie, dont elle est un appendice, composée de plusieurs membranes superposées. 11 n'y existe point de membranes musculaires, mais on dis- tingue une sorte d'épiderme extérieur au réseau vasculaire, et un épiderme inté- rieur qui est la continuation de la membrane muqueuse de la vessie. Ainsi la mem- brane chorion et la membrane moyenne possèdent chacune trois feuillets plus ou moins faciles à distinguer, suivant le degré de développement de ces membranes2. » S 5o. Les observations de M. Dutrochet lui auraient appris que l'allantoïde non- vasculaire des quadrupèdes répond au feuillet interne de l'allantoïde vasculaire des oiseaux. Ce n'est autre chose, suivant ce physiologiste, que l'épidémie intérieur de cette poche urinaire, qui, par l'effet du développement, s'est détaché plus ou moins du réseau vasculaire qu'il revêt. Ainsi , à proprement parler, ce n'est point une membrane fétale, mais seulement un feuillet de membrane 3. » — Pour aider à se re- connaître dans la confusion presque inintelligible de la nomenclature donnée, par les divers anatomistes, des membranes du fétus, M. Dutrochet trace le tableau des en- veloppes générales de l'œuf des oiseaux, duquel ne diffère presque point l'œuf de la plupart des quadrupèdes, et spécialement celui des carnassiers : 1° Coquille calcaire. 2" Membrane de la coque. , . / — Épiderme extérieur. 5° Chorion compose de trois m- , • , { — 1 issu vasculaire. feuillets inséparables. ^ • -, ■ * , • ,, . ! — Lpidenne intérieur en contact avec I urine. — Épiderme extérieur en contact avec l'urine. — lissu vasculaire. — Lpidernie intérieur. 5" Amnios. M. Dutrochet a reconnu, par ses dissections, mais d'après sa propre manière de considérer les enveloppes du fétus , l'existence de la membrane caduque sur l'œuf (î) Koyezla. même collection, t. VIII, 2' partie, (2) Libr. cit., p. ^62. p. 760, (5) Ibidem, p. ^62. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUUES DE L'OEUF. 2o3 des carnassiers, des plantigrades, des ruminans, des rongeurs, et sur l'œuf humain ■ ses conclusions sont que l'œuf des mammifères offre l'analogie la plus complète avec l'œuf des oiseaux. Le chorion et la membrane moyenne sont, dans l'un comme dans l'autre, des appendices de la vessie; la vésicule ombilicale est, comme le vitellus un appendice de l'intestin. La membrane caduque est l'analogue de la membrane de la coque; l'enduit muqueux découvert par M. Cuvier, et qu'il nomme membrane ca- duque, peut être considéré comme l'analogue de la coquille; il est, comme elle sécrété par la matrice. Cet enduit muqueux, sans consistance, n'existe sur l'œuf que vers le milieu de la gestation; il n'est donc point la membrane caduque de Hunter qui s'observe dès les premiers temps de l'apparition de l'œuf dans l'utérus; d'ailleurs son existence n'est point générale. M. Dutrocbet ne l'a vu à aucune époque sur T'œuf de la brebis. Quant à la membrane dont parle M. Cuvier, sous le nom de chorion il est évident, pour M. Dutrochet, que c'est la véritable membrane caduque de Hunter- membrane sans vaisseaux, blancbâtre, molle, tombant par lambeaux et criblée sur le placenta, d'une innombrable quantité de petits pores dans lesquels sont lo^és les radicules des vaisseaux1, j> § 60. M. Dutrochet attribue à l'examen exclusif de l'œuf dans l'espèce humaine, et à la difficulté de s'entendre sur la désignation des objets, dans une étude aussi diffi- cile, toutes les erreurs commises sur cette matière. Il en est résulté que souvent le même nom a été employé par divers observateurs pour désigner des enveloppes fétales très diffé- rentes les unes des autres _, et que d'une autre part, ils ont donné des noms différens à des enveloppes analogues. Si cette observation offre quelque exactitude d'une ma- nière générale, elle en présente surtout une bien grande si on l'applique en par- ticulier à certains auteurs au nombre desquels je placerai M. Dulrochet. Non-seu- lement il a donné une nouvelle classification et une nouvelle dénomination des enveloppes du fétus, mais encore il a proposé sa nouvelle nomenclature avant d'avoir fait des recherches sur un grand nombre d'animaux de classes diverses, et avant d'avoir mis la dernière main à son travail, d'où il est résulté qu'il a été obligé de ren- verser son propre édifice et de changer plusieurs fois les noms des mêmes parties 2. (1) Observations sur la structure de l'œuf d'Éinul., t. IX.) «Dans mes précédens ouvrages des mammifères, et examen de la doctrine de j'ai donné à la plus extérieure de ces coiffes le M. Cuvier sur cette matière, p. 769. nom de chorion, et à la plus intérieure le nom (2) « J'ai désigné cette poche, (poche vascu- de membrane moyenne; dorénavant je désignerai laire qui reçoit l'urine du fétus ) dans mes pré- la coiffe «xtérieure sous le nom iYexochorion, qui cédens ouvrages, sous le nom (Vallanloide, je la signifie chorion externe; et la coiffe intérieure sous désignerai dorénavant, sous le nom de poche celui d' 'endoc horion qui signifie chorion interne. » ovo-urinaire. (p. 20. — Mém. de la Soc. Méd. Lib. cit., p. 21. 6. 27 2o4 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES AMTCMIQUES, C'est en procédant de la sorte qu'on porte la confusion et l'obscurité où l'on voulait établir l'ordre et faire arriver la lumière. § 6 1 . En dehors de l'exochorion , dans les mammifères, on observe, suivant M. Du- trochet, une couche membraniforme opaque, jaunâtre, qui se détache facilement en lambeaux de peu de consistance. Cette membrane lui a paru d'abord devoir être con- sidérée comme la membrane de la coque de l'œuf des ovipares, mais bientôt après il a reconnu que cette analogie n'était point fondée; et dans ses premiers ouvrages il avait regardé cette couche membraniforme comme étant l'analogue de celle à laquelle Hunter a donné, dans l'œuf humain, le nom de membrane caduque. Cette analogie parut fondée à M. Dutrochet, car cette membrane était effectivement caduque et occupait la surface exlerne de l'œuf; cependant il sentit que ce n'était pas à cette membrane ou à son analogue, si elle existe dans l'œuf humain, que Hunter avaiL appliqué le nom de membrane caduque.C'est encore dans l'espoir d'éviter la confusion des idées, que M. Dutrochet a cru se trouver dans la nécessité d'imposer un nom particulier et nouveau à cette couche membraniforme, et il la désigne sous le nom à'Epiône. § 62. « Dans l'œuf du chien , l'épiône offre une particularité fort remarquable : elle est de couleur verte dans le voisinage des deux bords du placenta, qui entoure l'œuf comme une zone. Cette matière verte étant enlevée de dessus l'œuf, on aperçoit qu'il en existe un peu dans les mailles du tissu des deux parties latérales du placenta qu'elle recouvrait, parties latérales qui vont en s'amincissant graduellement pour se confondre avec l'exochorion. Cette observation permet de penser que la matière verte qui forme ici une portion de l'épiône serait le résultat d'une excrétion parti- culière fournie par les rives du placenta, et cela prouverait que l'épiône tout entière serait celui d'une sécrétion opérée par l'exochorion, et que par conséquent elle ne devrait pas son existence à une sécrétion opérée par l'utérus. Nous verrons plus bas ce soupçon, déjà très fondé, se changer en certitude. Ainsi l'épiône de l'œuf des mammifères n'est point l'analogue de la membrane de la coque de l'œuf des oiseaux , bien que sa position soit la même K § 63. L'exochorion et l'endochorion offrent des vaisseaux sanguins ramifiés entre deux membranes épidermoïdes. La membrane épidermoïde interne de l'exochorion et ia membrane épidermoïde externe de l'endochorion , forment ce que les zootomistes appellent l'allantoïdc. Quant hla membrane épidermoïde externe de l'exochorion, per- sonne, avant M. Cuvier, n'avait songé à en faire une enveloppe fétale à part 2. En effet, (1) Liv. cit., p. 34. (2) Dutrochet, liv. cit., p. 25. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. ao5 c'est à cette membrane épidermoïde que ce célèbre analomiste donne exclusivement le nom de c/wrion, et il la regarde comme l'analogue de la membrane de la coque de l'œuf des oiseaux. Nous avons vu plus haut, c'est M. Dutrochet qui parle, que cette dernière est, dans les ovipares, une sécrétion de l'organe éducateur, tandis que la membrane épidermoïde désignée par M. Cuvier sous le nom de chorion, chez les mammifères carnassiers, est une dépendance immédiate du fétus, de l'organisation duquel il fait partie : il n'y a donc aucune analogie à établir entre ces deux objets. » § (54- Selon la manière de voir de M. Dutrochet, le tissu vasculaire vivant, protégé en dehors et en dedans par une membrane épidermoïde, forme avec ces deux feuil- lets une seule tunique félale, qu'il désigne sous le nom à.' exochorion. La face interne de Yendochorion offre aussi une membrane épidermoïde que l'on distingue bien au poli de sa surface. La face interne de Yendochorion est en contact immédiat avec Yamnios, dans la plus grande partie de son étendue, et ne tarde pas à contracter avec lui l'adhérence la plus intime. Mais si cet endochorion est formé d'un tissu vasculaire vivant, pro- tégé en dehors et en dedans par une membrane épidermoïde, le tissu vasculaire de cette enveloppe ne serait point, d'après cette opinion , en contact immédiat avec Yamnios. § 65. M. Dutrochet s'efforce d'ajuster sa théorie à la description de Hunter des deux membranes caduques, il croit voir dans la membrane caduque utérine son exochorion, et dans la caduque réfléchie la membrane épidermoïde externe de son endochorion , feuillet qui, suivant lui, est une portion de ce que les zootomistes nomment Yal- lantoide dans les quadrupèdes. Il croit avoir découvert une preuve démonstrative de cette analogie dans un œuf humain de ma collection, que M.Velpeau a disséqué avec moi, et qui, suivant M. Dutrochet, serait le même que celui que j'aurais soumis à son examen. C'est une erreur, car tous les œufs que j'ai présentés à M. Velpeau , et que j'ai étudiés avec lui, étaient intacts, et n'avaient pas encore été ouverts et anatomisés *, — La lecture de mon mémoire prouvera à M. Dutrochet et à tous les anatomistes, qu'on ne peut établir aucune similitude entre les membranes ca- duques que j'y décris, et les enveloppes fétales appelées épiône, exochorion, endo- chorion, comme les conçoit M. Dutrochet, expressions adoptées trop prématuré- ment par quelques physiologistes du nord de l'Allemagne, mais qu'ils ont détournées de leur sens primitif, ce qui ne rendra pas les descriptions plus claires et plus intel- ligibles. (j) Dutrochet, Nouvelles Recherches sur de la Soc. Médic. d'Étnul., t. IX, p. 44 et 45. l'Œuf des animaux vertébrés, etc. Mémoires 20Q M. G. BRESCHET.— ÉTUDES AMTOMIQUES, g 66. Telle est l'analyse que j'ai pu faire des travaux de M. Dutrochet, et dans laquelle je me suis efforcé d'être exact et de rendre toutes les idées de ce physiolog- iste. On a pu voir qu'il croit que j'ai adopté l'opinion de Hunter, qu'il considère comme incompatible avec ses idées sur les enveloppes du fétus. S 67. Il serait peut être facile de démontrer que cette incompatibilité de sentimens est plus apparente que réelle, car ces deux physiologistes ont parlé de parties tout-à- fait différentes. Une pensée prédomine dans la théorie de M. Dutrochet, c'est que toutes les enveloppes fétales, l'amnios excepté, proviennent de la vessie urinaire ; et comme les parois de ce réservoir sont formées de plusieurs feuillets, il fait dériver chaque membrane fétale de l'un de ces feuillets. J'adresserai à M. Dutrochet, dont j'honore à un haut degré le caractère et les talens, plusieurs objections qui me sem- blent péremptoires. S 68- 1° Comment peut-il considérer la membrane caduque comme une dépen- dance de l'embryon, puisqu'il est bien démontré que cette membrane existe dans l'utérus avant l'arrivée de l'ovule? 2° Comment, si les observations de MM. Éverard Home et Bauer sont exactes, peut-on faire dépendre le chorion du fétus et considérer cette enveloppe comme un des feuillets de la vessie urinaire, puisque cette membrane, ainsi que l'amnios, existent avant la présence et le développement de l'embryon dans l'ovule? 3° Comment, si Yépiône est un produit de l'exochorion, expliquer la présence de ce feuillet dans les parties où ne se trouve pas encore cet exochorion , comme, par exemple, avant le point de contact de la poche ovo-urinaire, point de contact ou de conjonction qui n'appartient pas aux premières périodes de la vie de l'em- bryon? 4° Comment, si l'épiône est un produit de X exochorion, expliquer la présence de cette membrane dans l'utérus, lorsque l'ovule est encore dans les trompes, ou lors- qu'il y a une grossesse extra-utérine? 5° Enfin, si les enveloppes fétales ne sont que l'extension de la vessie urinaire , l'embryon devrait être la première partie aperçue par l'observateur, et l'on devrait pouvoir arriver jusqu'à lui, avant la conjonction des extrémités de la poche ovo-uri- naire, sans avoir à traverser aucun des feuillets membraneux de celte poche. C'est ce que les observateurs les plus attentifs et les plus exacts ne disent pas avoir vu. § 69. Je pense donc qu'en attribuant à la vessie urinaire la formation d'autres mem- branes que Xallantoïde, on produit une confusion de laquelle il n'est plus possible de sortir, et l'histoire des enveloppes fétales devient ainsi un véritable chaos. § 70. J.-F. Meckel semble décrire les membranes caduques, moins d'après sa PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 207 propre observation que d'après les auteurs1. Sans nier positivement l'existence des trois ouvertures de la caduque, il dit qu'elles existent peut-être dans Lorigine , mais que cette membrane paraît se convertir de très bonne heure en un sac parfaite- ment clos, puisqu'on ne retrouve déjà plus l'ouverture inférieure dans le cours du premier mois. Le mode de formation de la caduque réfléchie lui paraît difficile à expliquer, et , suivant cet anatomiste célèbre, il est vraisemblable que l'œuf, ou le fluide aux dé- pens duquel il se forme, pénètre dans la substance de la membrane caduque, qui est toujours très molle et très lâche, surtout dans l'origine; que les vides qui en résultent se referment ensuite, et qu'alors l'œuf se développe dans la cavité delà membrane. La caduque , malgré la précocité de son apparition , n'appartient pas à l'embryon , et elle n'est pas indispensable à son développement , puisqu'elle se forme également dans la matrice lors des grossesses extra- utérines ; le fétus étant alors privé de cette membrane se nourrit cependant et se développe. M. Meckel ne parle ni de l'organisation, ni de la cavité et du fluide remplissant cette cavité de la membrane caduque; quant à la raison qu'il donne du peu d'im- portance de la membrane caduque pour le développement du fétus parce qu'elle n'est pas indispensable, elle me paraît dénuée de solidité, car la présence de la mem- brane caduque dans l'utérus lors d'une grossesse extra -utérine ne prouve pas qu'une membrane analogue ne se développe point dans le lieu qui devient le réceptacle du germe lors de. cette eelopie, et c'est précisément ce que j'ai plusieurs fois observé. § 71. Je ne ferai qu'indiquer la dissertation de P. Béclard , parce qu'elle n'est le plus souvent qu'une version littérale de l'ouvrage de Meckel, et que l'auteur n'y a ajouté aucune observation, aucune opinion qui lui soit propre2. §72. Samuel3 dans la description et les figures qu'il donne d'un fétus de cin- quante et quelques jours4, se borne à signaler l'existence de la membrane caduque sans la décrire5, mais dans le cours de la dissertation il indique rapidement les opi- nions des auteurs les plus estimés6. § 70. M. Cuvier7 dit que, dans le chien et dans le chat, l'œuf est ovale presque comme celui des oiseaux ; que sa membrane extérieure, ou le chorion , est couverte en dehors d'une sorte de vernis aisé à détacher, que l'on a nommé membrane caduque, (1) Handbucb der menschlichen Anatomie, ceburgï, 1816. von Joh. Fried. Meckel, vierter Band, 699. — (4) Lib. cit. Descfiptio ovi humain qùinqua- Berlin, i8i5. — -Ou Manuel d'Anatomie gén. ginta sex circiter dierura aborlu clisi. descr. et path., traduit de l'allemand, par A. J. (5) Lib. cit., p. l\. L. Jourdan et G. Breschet, t. III. — Paris, i8a5. (6) Libr. cit., cap. î, membrana fungosa, (2) Embryologie, ou Essai anatomique sur le p. 11, § 1. fétus humain. — Paris, 1820. (7) M. Cuyier. — Des OEufs des quadrupé- (5) De OTorum mammalium velameniis.'Wir- des, etc. 2o8 M, G. BRESCHET.— ÉTUDES ANATOMIQUES, et qui étant probablement sécrété par la tunique interne de l'utérus, répond aussi à la coquille de l'œuf des oiseaux. S "4. Après avoir parlé du placenta, du chorion et de l'amnios, M. Maygrier dit que des auteurs ont admis plusieurs autres membranes, mais qu'il n'admet pas, faute de preuves suffisantes de leur existence. Ainsi point de membrane allantoïde, si ce n'est dans les brutes; quant à une autre qu'on nomme decidua, et que Hunter a décrite elle ne peut guère exister que dans les premiers mois de la grossesse, et particulièrement vers le bas de la matrice. Dans les derniers temps, son identifica- tion avec le chorion ne permet plus de la retrouver. Il est plus probable que ce n'est qu'une simple lame ou feuillet du chorion K S t5. L'œuf de tous les mammifères se compose, selon Seiler2, de la membrane vasculaire (chorion), de l'amnios, de la vésicule ombilicale ou tunique érythroïde , d'une membrane urinaire distincte (allantoïde) , ou au moins d'uoe partie qui fait pré- sumer l'existence d'une semblable organisation, et enfin du cordon ombilical. Les auteurs parlent, sous le nom de tunique réfléchie, d'une membrane particulière dont l'existence n'est pas démontrée. Ils ont sans doute pris pour cette membrane les houppes fines et veloutées qui sont les vestiges des ramuscules vascalaires, dont le chorion est couvert lorsque le placenta commence à se former. Cette portion du placenta que nous indiquons ici, est appelée placenta embryonique, pour la distinguer de l'autre oartie développée sur la face interne de l'utérus en gestation. Peu après la conception, il s'élève de la surface interne de l'utérus, des vaisseaux sanguins déliés qui se réunissent entre eux à la manière des vaisseaux par lesquels le placenta embryonique est formé. On donne à ce tissu tomenteux et vasculaire le nom de membrane caduque (membrana decidua, placenta uterina, pi. succenluriata, subpla- centa). On aperçoit très bien cet organe sur l'utérus des ruminans; et. même hors le temps de gestation , on distingue de petites éminences arrondies dans les points correspondans aux placentas utérins. Les extrémités vasculaires du placenta utérin et du placenta embryonique se correspondent, et sont réciproquement reçues dans les espaces que laissent entre elles ces houppes vasculaires. Sur l'utérus de la truie et de la jument, ces pinceaux vasculaires sont très peu saillans et se réunissent pour former de très petits mamelons. Chez l'homme, le placenta utérin est aussi fort mince, il possède sa plus grande épaisseur vers le cinquième ou le sixième mois de la grossesse; souvent on eu aperçoit de petites portions sur le placenta de fétus à terme, et de plus «rrandes sur des œufs expulsés vers le second ou le quatrième mois de la gestation. 'i).J. P. Maygrier, Nouv. Élém. delà science (2) Seiler, dans Pierer's anatomisch-pkyswlo- et de l'art des Accoueh. 1' édit., t. I. p. i53. gisches Realwœrterbuch à rarticle£/(OËuf),Bd. II, Paris, 1817. S. 409. Leipzig 1818. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 209 Les vaisseaux du placenta fétal et du placenta utérin n'ont aucune communication entre eux, et l'on n'a pu y découvrir d'anastomose. Les radicules vasculaires du pre- mier se trouvent à côté et entre les radicules du second et ne sont unies entre elles que par un peu de tissu cellulaire. La matière des injections ne pénétre jamais des vaisseaux de l'un dans ceux de l'autre, qu'on injecte ces liquides par les vaisseaux om- bilicaux ou par ceux de l'utérus. C'est dans les ruminans que l'union des deux pla- centas est la plus intime , et elle lest beaucoup moins lorsque les radicules vasculaires sont courtes et réunies en très petits mamelons. Le placenta et le chorion sont destinés à servir d'organe respiratoire, et sans doute aussi à apporter à l'embryon les matériaux de sa nutrition. Les radicules des artères du placenta séparent du sang de l'utérus une liqueur chyliforme qui est absorbée . sans doute , par les veines du placenta embryonique. » § 76. Tous les physiologistes, suivant M. Capuron1, ne sont d'accord ni sur le nombre, ni sur l'origine des membranes qui enveloppent l'œuf, surtout depuis que Guillaume ïïunter a fait des recherches sur ce qu'il appelle membrane caduque utérine et membrane caduque réfléchie. — L'œuf, arrivé dans la matrice, se recouvre suivant certains auteurs, de deux membranes adventives, la caduque utérine et la ca- duque ?r'/?ec/i«e. Celles-ci , analogues aux fausses membranes, résultent d'une exhalation produite à la surface interne de cet organe par l'excitation sympathique qu'il éprouve pendant l'acte de la fécondation, etc. Tout ce que rapporte M. Capuron est relatif aux opinions des auteurs, mais il ne dit rien d'après sa propre observation, et paraît n'avoir jamais vu ou cherché à voir la membrane caduque. § 77. La membrane caduque, fournie entièrement par l'utérus, sert, suivant Burns2, à unir cet organe avec les vaisseaux du chorion. Elle n'est pas une enveloppe du fétus, mais une sorte de doublure de la matrice, qui se détache après la déli- vrance. Ayant eu trois ou quatre fois l'occasion d'examiner l'état de la matrice, à un mois de gestation, Burns décrit la structure de la caduque. A une époque fort rappro- chée delà conception, et toujours avant l'entrée de l'embryon dans la matrice, le vo- lume de cet organe est augmenté, ses fibres sont plus molles et mieux sépar.ées les unes des autres, et les vaisseaux sont considérablement dilatés. Quand on l'incise, ou trouve sa cavité beaucoup plus large et plus longue, et un peu plus grande qu'à l'état de non-gestation; en outre, le fond et le corps de l'organe ont leur surface couverte d'une couche dense, qui adhère fortement à l'utérus. Si les vaisseaux utérins ont été injectés, on voit évidemment que cette membrane se compose de deux substances différentes, savoir, de vaisseaux et d'une gélatine consistante. Il arrive rarement (1) Capuron. — Cours théorique et pratique (2.) The principlesofMidwiferyby- John Burns, d'Accouthemens. 4e édil — 1828; Paris, p. 121. 5e édit. , London 1820, pag. 182. 210 M. G. BRESCHEÏ. — ÉTUDES AN ATOMIQUES, que tous les vaisseaux sont injectés d'une manière égale; c'est pourquoi il y a quel- ques points qui sont plus rouges que d'autres. Les vaisseaux ne cheminent pas à la surface de cette membrane, ils paraissent à travers et proviennent directement de la surface interne de la matrice, et pénétrent, à angles droits, dans le plan qui leur est offert- entremêlés d'un peu de substance gélatineuse, ils consistent en artères et en veines. Sur leurs extrémités est étendue une couche de matière gélatineuse , qui , dans les premiers temps, offre des fibres formant une espèce de réseau. De la sorte la membrane caduque est formée de deux couches, dont l'une , extrê- mement vasculeuse, provient directement de l'utérus; l'autre, qui, est très probable- ment un produit de ces vaisseaux, est gélatineuse. Quand on enlève la dernière , les vaisseaux primitifs, ou la couche externe, apparaissent, semblables à une efflores- cence légère qui tapisse la surface de la matrice. Dans quelques cas, la membrane caduque pénètre un peu dans les trompes de Falloppe, d'autres fois cela n'a pas lieu, et jamais le col ne contribue à former la caduque. Cette membrane est produite uniquement par le fond et par le corps de la matrice- et immédiatement au-dessus du col utérin, la caduque s'étend en travers, de manière à former une poche circonscrite dans l'intérieur de l'organe. Burns a cepen- dant plusieurs fois vu qu'il y avait en cet endroit une solution de continuité, quoique les parties eussent été ouvertes avec précaution. Ces utérus ressemblaient, pour toutes les autres circonstances, à ceux dans lesquels la caduque avait été trouvée sans ou- verture au point correspondant au col; mais il est possible, malgré cela, qu'une différence de deux ou trois jours dans la période de la gestation ait seule été cause de cette variété. La membrane caduque est toujours composée de deux couches; elle est complètement formée avant la descente de l'œuf. Lorsque l'embryon parcourt la trompe, il se trouve arrêté, en arrivant à l'utérus, par la membrane caduque qui s'étend sur l'orifice utérin de la trompe ; il serait ainsi empêché de pénétrer dans la cavité de la matrice, lors même qu'il serait entièrement libre et flottant. Par suite de l'accroissement de l'embryon et de la di- latation de ses enveloppes, cette membrane adventive est distendue et augmente de volume comme l'œuf lui-même, et cette distension ou cet accroissement va graduel- lement, jusqu'à ce qu'à la fin toute la cavité de la matrice soit remplie et que la portion chassée en avant de la couche interne de la caduque se trouve en contact avec la portion qui reste attachée à la couche externe. On trouve alors que la couche interne est tournée en bas et recouvre le chorion ; circonstances pour lesquelles elle a été nommée caduque réfléchie. Dans le cas observé par Everard Home, les trompes étaient entièrement ouvertes, c'est-à-dire que la membrane caduque ne s'étendait pas au-devant de leurs orifices, et l'œuf était situé vers le col de l'utérus. Alors l'œuf au lieu de s'accroître de haut en bas doit s'accroître en sens inverse, et PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 211 entraîner toujours avec lui une portion du feuillet réfléchi (a reflected cast) delà membrane caduque. Nous voyous d'après cela que toutes les fois que l'œuf descend, il est entouré par un surtout vasculeux (a vascular covering) fourni par l'utérus, lequel est uni, sur tous les points, avec les vaisseaux tomenteux ( shaggy vessels ) qui s'élèvent du chorion et qui constituent ce que l'on a nommé chorion spongleux.Vne partie de ces vaisseaux forme le placenta, et le reste disparaît petit à petit, laissant le chorion couvert par la caduque réfléchie. Cette oblitération commence d'abord à la partie inférieure du chorion 1. § 78. Les travaux de M.Velpeau ne remontent qu'à un petit nombre d'années, son but a été de donner une histoire plus exacte que celle qu'on avait des enve- loppes du fétus. Il ne prétend pas du reste que ses idées soient neuves, car il déclare qu'elles se trouvent répandues dans plusieurs ouvrages. Hamilton, par exemple [Ménagement of female complainct , etc. ) s'exprime ainsi : Le vrai chorion est cou- vert par le faux chorion ; ce faux chorion est double , de manière que l'un de ses feuil- lets recouvre la totalité de l'œuf ', et semble se renverser en arrière , à la circonférence du placenta , pour tapisser la face interne de l'utérus^-. Après avoir décrit un assez grand nombre d'oeufs pourvus de leur enveloppe adven- tive, et dont plusieurs ont fait le sujet de notre étude en commun, M. Velpeau parle d'une disposition que j'ai souvent remarquée et qui est fort importante, c'est que jusqu'au dernier terme de la gestation on peut trouver, reconnaître et séparer les deux membranes caduques en contact immédiat l'une avec l'autre, et sans avoir con- tracté aucune adhérence. « Elles sont tellement minces en quelques endroits, que quand ces lames sont séparées , l'une ou l'autre , et quelquefois toutes deux en même temps, se trouvent criblées de trous, ce qui fait que le plus léger mouvement les déchire, et que, même en se séchant, elles se rompent spontanément. Il faut dire encore que le feuillet épichorionest uni au chorion par de petits prolongemens cel- luleux très résistans, d'autant plus nombreux qu'on approche davantage du placenta; d'où il résulte qu'en voulant les séparer, àmoinsde ménagemens très minutieux, on déchire ou le chorion ou la lame de la caduque qui lui correspond3. » M. Velpeau expose ensuite sa manière de concevoir la membrane caduque , et ici je partage en- core sa manière de voir sur plusieurs points, car sa conviction, comme la mienne, a été l'effet de l'examen des mêmes pièces. « Après le quatrième mois, il paraît qu'il est rare qu'on puisse trouver de cavité entre les deux lames de cette membrane; mais quoiqu'elles soient contiguës, néan- (1) Burns, 1. c. duii de la conception chez l'homme, par M. Velpeau. (2) Voy. Archives générales de médecine, t. 6, (3) Liv. cit. p. l\\§. p. 407. 1824. Rechcrc/ies sur diverses parties du pro- 6. 28 312 M. G. BRESCHET. —ÉTUDES ANATOMIQUES, moins ces lames ne se collent pas et ne se confondent à aucune époque de la gros- sesse. Il faut cependant remarquer que la portion réfléchie est si mince , qu'il est fa- cile de se tromper en voulant la séparer. Cette épaisseur moindre que dans l'autre lame , n'a rien de difficile à comprendre ; en voici la raison : celle qui touche l'utérus est en contact avec un assez grand nombre de vaisseaux; elle peut croître par consé- quent et conserver son épaisseur en même temps que l'organe qu'elle tapisse; celle duchorion, au contraire, enveloppe une membrane où le sang n'arrive pas; néan- moins il faut qu'elle s'agrandisse à mesure que l'œuf grossit; comme elle ne peut que difficilement se nourrir, elle s'élargit donc en s'amincissant, et d'une manière pres- que mécanique. Je crois qu'il y a ici quelques inexactitudes, et que le raisonnement de M. Vel- peau est plus spécieux que solide; i° l'amincissement de la caduque réfléchie n'ar- rive qu'après le contact des deux feuillets de la poche adventive, et du moment de l'origine de la membrane réfléchie par l'arrivée de l'ovule dans l'utérus, jusqu'à celui du contact des deux caduques, il y a un accroissement très marqué que j'ai sou- vent observé, et qui a été signalé par plusieurs des auteurs cités dont j'ai analysé les travaux, dans l'épaisseur de la caduque réfléchie ; conséquemment les rapports avec l'utérus ou avec le chorion ne paraissent avoir aucune influence sur le degré d'épaisseur des deux caduques. 2° Est-il exact de dire que la caduque correspondant au chorion est en connexion avec une membrane où le sang n'arrive pas. Est-il donc reconnu et prouvé que le sang n'arrive pas au chorion? Et lors même que le sang n'arriverait pas à ce tissu, ne pourrait-il pas recevoir des fluides nourriciers par d'autres vaisseaux que des artères ou des veines proprement dites? A cet égard M. Velpeau n'a pas exprimé ce qu'est la caduque réfléchie avant son contact avec la caduque utérine, et de l'obser- vation vraie de l'amincissement de la première de ces membranes lorsque ses prin- cipales fonctions sont terminées, il en conclut que les choses ont dû être ainsi an- térieurement; il cherche à appuyer son raisonnement sur un point de structure du chorion fort contestable. J'ai précisément aujourd'hui sous les yeux un œuf hu- main de six à huit semaines, qui vient de m'être apporté, et sur lequel se trouvent les deux caduques bien distinctement séparées ; la caduque létale, beaucoup plus épaisse que la caduque utérine , est traversée par les filamens du chorion qui se ramifient dans sa substance pour en pomper les sucs. Ici, disons-le, M. Velpeau a été moins bon observateur que pour les autres phases des membranes caduques. M. Velpeau explique la formation de la membrane caduque en disant que l'im- prégnation détermine dans la matrice une excitation spécifique qui est bientôt suivie d'une exhalation de matière coagulable ; depuis le moment de la fécondation jusqu'à l'arrivée de l'ovule, cette substance se concrète et se transforme en une espèce d'ampoule, dont la surface externe se trouve en contact avec toute l'étendue de la PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 2,5 cavité utérine, tandis que son intérieur est rempli par un liquide clair ou légèrement rosé, filant, limpide, qui tient les deux feuillets de la caduque écartés et qui existe constamment jusqu'à la fin du second mois. Sous le rapport de la présence d'un liquide, comme sous celui de sa disposition générale, il compare la membrane ca- duque à une membrane séreuse; et cependant, ce qui semble impliquer contradic- tion, M. Velpeau considère la membrane caduque comme non organisée; car en l'examinant, dit-il, dans les deux premiers mois de son existence, on la trouve molle, souple, spongieuse, jouissant d'une espèce d'élasticité, mais ne renfermant au- cune lamelle de tissu cellulaire, aucun filament vasculaire, enfin aucun vestige d'élé- mens organiques. Elle ne peut donc être regardée que comme une simple concrétion à laquelle il impose le nom d'anhisle emprunté à la nomenclature de M. Laurent de Toulon , mais en le détournant du sens judicieux que lui a donné ce professeur. Si M. Velpeau, en assimilant le kyste formé par la caduque à une membrane sé- reuse, n'a voulu que rendre plus facile à comprendre sa disposition générale, il a eu raison; mais cette comparaison devient inexacte sous le rapport de la structure ou de la composition organique; et, d'ailleurs, comment établir une analogie entre une simple concrétion, si tant est que la membrane caduque ne soit que cela et une membrane séreuse organisée. Quant à l'existence d'une cavité entre les deux membranes caduques, j'ai déjà fait voir qu'elle a été indiquée par G. Hunter, décrite par Burns {voy. Edinburgh médical and surgical Journal, vol. II, p. 2.) et représentée par Bojanus, mais qu'ils avaient signalé cette disposition sans en soupçonner les usages. Admettant des ouvertures à cette pocbe, ils ne pouvaient croire à la présence d'un liquide dont les fonctions sont fort importantes. Dès 1816 je connaissais ce liquide, j'en avais fait l'histoire dans ma correspondance, dans mes cours, et en 1 8 1 9 j'en fis la descri ption dans une leçon publique lors du con- coiirspour la place de chef des travaux anatomiques ; enfin j'en parlai à plusieurs phy- siologistes de mes amis. C'est ainsi qu'Albers en a fait mention, il y a douze ans, dans son journal; que M. Adelon, dont on connaît l'exactitude et l'impartialité, a dit dans la première édition de sa physiologie, publiée en 1820 et en 1824, que j'avais trouvé un liquide dans la cavité de la membrane caduque. Alors M. Velpeau , ou n'avait pas encore observé ce liquide, ou ne croyait1 pas à son existence que j'avais le premier signalée aux anatomistes. J'ai cependant fait remarquer que M. Moreau , comparant la mem- brane caduque à une poche séreuse, avait dit que cette membrane libre et contiguë à elle-même était, par sa face interne le siège d'une perspiration. Mais on doit voir dans les paroles de M. Moreau qu'il n'ajoutait pas plus d'importance à cette exhalation qu'à celle qui se fait continuellement sur les membranes séreuses, puisque malgré la contiguïté des surfaces, il n'admettait pas entre elles d'accumulation de liquide. ai4 M. G. BRESCHET.— ÉTUDES AN ATOMIQUES, M.Velpeau lut alors un mémoire à l'Académie de Médecine; ce mémoire dut être consulté par M. Adelon, secrétaire de cette compagnie savante, surtout lorsque vers la niême époque, il rédigea son ouvrage de physiologie. Voici ce que dit M. Adelon sur la comparaison de la membrane caduque avec une membrane séreuse par M. Mo- reau : « L'on ne peut disconvenir que l'analogie ne la rende spécieuse : puisque l'œuf est contenu dans l'utérus, ne fallait-il pas une séreuse pour l'y attacher? Depuis dans un mémoire présenté à l'Académie royale de Médecine, M. Velpeau l'a déve- loppée et appuyée sur l'observation et la dissection d'une douzaine d'œuls humains, et M. Breschet m'a assuré avoir vu de la sérosité dans ta cavité de ta membrane , entre les feuillets appelés par Hunter, caduque propre et caduque réfléchie*-. » Sans doute si M.Velpeau eût parlé dans la première rédaction de son mémoire du liquide de la caduque, M. Adelon et M. Ollivier d'Angers2, n'eussent pas manqué de le dire en citant mes observations; ce n'est donc que beaucoup plus tard que ce médecin accoucheur aura observé ce liquide , et il est à présumer que bien qu'il sût que j'avais déjà signalé ce fait , il n'aura voulu en parler que d'après sa propre conviction. Je m'en réjouis, car ces remarques sont faites ici, bien moins dans le désir de revendiquer en ma faveur une découverte, toute incontestable qu'elle soit, que pour insister sur un fait dont je m'efforcerai bientôt de faire sentir l'utilité. L'inspection de la membrane caduque à ses différentes phases, même dès les pre- miers momens de sa formation, son examen à la loupe et au microscope et même à l'œil nu, font reconnaître manifestement une texture, une organisation véritable et la présence de vaisseaux sanguins, présence de vaisseaux qui n'est pas reconnue et démontrée dans tous nos tissus, et pourtant personne n'a élevé de doute sur leur organisation. Comment croire qu'une substance inorganique pût rester pendant tout le temps de la gestation au milieu de tissus organiques doués de vie, de chaleur, d'hu- midité , sans se ramollir, et éprouver une sorte de décomposition putride et sans être résorbée? Une matière inorganique pourrait -elle offrir assez de résistance pour contenir un liquide sans le laisser échapper; et loin de favoriser la formation et la conservation de ce liquide, une concrétion membraniforme inorganique ne devrait- elle pas s'opposer à l'exhalation de ce fluide? Enfin la théorie de la formation des fausses membranes, si belle, si féconde, qu'on doit au génie immense de J. Hunter, et que toutes les expériences physiologiques modernes n'ont fait que consolider, ne s'opposerait-elle à ce qu'on regardât la membrane caduque comme une concrétion inorganique, si par sa structure et ses fonctions cette membrane ne démontrait pas qu'elle est organisée. (1) Physiol. de l'homme, t. IV, p. i5^. (2) Diction, de Méd. en 21 vol., art. OEuf, t. XV, p. 299. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 2,5 M. Velpeau assigne pour tout usage à la membrane caduque, de circonscrire les dimensions du placenta , et de maintenir l'ovule contre un point donné de l'utérus i. Nous verrons qu'elle en a de plus importans et de plus rationnels. Dans un dernier ouvrage publié vers la fin de l'année 1828, quoiqu'il porte la date de 1829 2, M. Yelpeau considère « la membrane caduque à peu près comme il l'a fait dans ses écrits précédens. Il dit que la surface interne de cette membrane étant baignée par un liquide, quoique raboteuse, est lisse cependant et comme tapissée d'une membrane extrêmement fine. Lorsque le liquide a disparu et que la coucbe réfléchie est en contact avec le feuillet utérin, cette face revêt bientôt les caractères de la précédente. » « A l'endroit où la caduque se replie pour envelopper l'œuf, elle forme un cercle qui offre d'abord l'aspect d'un simple repli plus ou moins régulièrement arrondi mais qui se transforme ensuite peu à peu en un bord mince et tranchant, et finit par se continuer d'une manière plus ou moins évidente avec le pourtour de la masse pla- centaire. » On voit donc que M. Velpeau n'admet de membrane caduque, à aucune époque de la gestation, entre le placenta et l'utérus. Pour qu'il en soit de la sorte il faut sup- poser, et je l'ai déjà fait remarquer, que l'œuf repousse et chasse la membrane lors- qu'il arrive dans l'utérus par le point opposé à celui sur lequel se développera le placenta. S'il en était ainsi , on trouverait beaucoup plus d'uniformité et de constance dans le point d'insertion du placenta, et il n'existerait pas de membrane caduque entre ce gâteau et la surface utérine. Pourquoi les faits ne sont-ils pas ici en har- monie avec la théorie de M. Velpeau? Dira-t-il avec Bojanus que la membrane ca- duque placentaire est d'une époque postérieure [decidua serotina)} mais alors, on ne trouverait pas les deux feuillets, et il n'y aurait pas de coutinuilé entre cette membrane caduque du placenta et celle qui embrasse sa circonférence. En faisant la description générale de cette membrane nous reviendrons sur ce point important. § 79. L'œuf régulièrement formé présente, vers le quatorzième jour après la fé- condation , selon M. Pockels, un volume comparable à celui d'une muscade ou d'une petite noix. Il est plongé, avec les villosités du chorion , dans la membrane caduque, et se laisse retirer facilement de cette membrane sans qu'il faille déchirer ces vil- losités. Il n'y a point de connexion vasculaire entre ces deux membranes3. (1) Recherches sur l'Œuf humain, etc. (5) Nouveaux Mémoires pour servir à l'histoire Annales des sciences naturelles, etc., t. XII, du développement de l'embryon humain, dans octobre, 1827, p. 172. les trois premières semaines après la conception, (2) Traité élémentaire de l'art des Accouche- ' par le docteur Pockels de Brunswick. Voyez mens ou principes de tokologie et d'embryologie, l'Isis, 1825. — ■12" cahier. t, I, p. 23o. Paris, 1829. 2,6 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, § 80. Le professeur Baer1, dans un ouvrage tout récemment publié, désigne, avec Bojanus, sous le nom de membrane caduque, une masse épaisse enveloppant l'œuf à l'extérieur, et dont la structure a beaucoup d'analogie avec la membrane caduque de l'embryon humain, parce qu'elle est, comme elle, formée d'un tissu filamenteux, mou, percé de trous. Cette membrane est, à cette époque de son développement, unie à l'utérus, dont elle ne peut être séparée qu'artificiellement. Elle forme sur la matrice de grandes alvéoles qui deviennent plus étroites vers l'œuf, et dans lesquelles s'enfoncent les villosités de l'exochorion , qui est déjà devenu un véritable chorion par l'addition des vaisseaux. L'union est si intime entre le chorion et la membrane caduque, que l'on déchire le premier, quand on veut les séparer avant que les villosités se soient affaissées et al- térées par un commencement de putréfaction. Toute cette masse est parcourue par une foule de vaisseaux, et les parois des grandes cellules sont , dans leur majeure partie, formées par un réseau vasculaire. Cette grande exubérance des vaisseaux peut avoir déterminé l'adhérence; car il n'y a guère de doute que la membrane caduque ne soit primitivement une matière sécrétée2. Après avoir considéré la membrane caduque comme le produit d'une sécrétion , on est étonné de voir Baer paraître partager l'opinion d'Oken, qui regarde cette membrane comme résultant de l'exfoliation de la membrane muqueuse de l'u- térus. « La masse appelée membrane caduque par Bojanus est confondue si intime- ment avec la membrane muqueuse, que l'assertion d'Oken, par laquelle il prétend que cette membrane n'est qu'un feuillet muqueux de la face interne de l'utérus, as- sertion que les anatomistes ont trouvée si hétérodoxe, bien comprise, dès lory devient parfaitement exacte. » Quant au développement, lui-même de cette mem- brane, Baer croit que l'expression d'Oken n'est pas convenable3. § 81. Cette opinion,, déjà émise parles anciens, reproduite par Oken, soutenue, comme on vient de le voir, par Baer, a trouvé un nouveau défenseur dans M. Ras- pail; ce dernier physiologiste en a fait une théorie générale, et lui a donné un air de nouveauté et un spécieux tout particuliers, qui cependant ne peuvent me séduire, parce que cette théorie ne s'accorde nullement avec mes observations analomiques, physiologiques et pathologiques; voici les propres expressions de M. Raspail : § 82. « Les auteurs ont établi souvent , que la membrane caduque utérine se formait de toutes pièces entre le chorion et l'utérus; quelques-uns ont même admis une se- (1) Untersuchungen iïber die Gefaessverbin- (2) Liv. cit. § 26, p. 21. dung zwischen Mutter und Frucht in den Saeu- (3) Liv. cit. 3i. — IV, Vierte Form. Das Ei gethieren. Von Karl Ernest von Baer. Leipzig, des Menschen, etc. bei Leopold Voss, 1828. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'ŒUF. 217 conde caduque appartenant au chorion. Les résultats que j'ai obtenus dans un autre ordre de recherches, et un certain nombre d'observations que j'ai eu l'occasion de faire à ce sujet, en m'occupant, de concert avec M. Breschet, de la formation du placenta, enfin, le raisonnement, me portent à croire que les auteurs ont pris pour la formation d'une nouvelle membrane, les caractères qui dénotent au contraire sa défor- mation , et que la caduque, au lieu d'être une membrane postérieure à la fécondation , préexistait à cette époque sous forme d'une membrane muqueuse tapissant l'utérus. Mais l'œuf venant à s'appliquer contre la surface de l'utérus, cette tunique muqueuse acquiert une plus grande énergie d'action. Or, toute membrane muqueuse tend à se détacher et à s'exfolier avec d'autant plus de rapidité, qu'elle agit avec plus d'é- nergie. Elle meurt, pour ainsi dire, quand elle a rempli la période de ses fonctions, et elle devient une membrane inerte, qui se désagrège et s'épaissit sous l'influence de l'humidité du milieu où elle se trouve, et qui, sous l'influence de l'air, se des- sécherait et s'exfolierait par paillettes, comme la membrane externe qui recouvre le corps humain. C'est ainsi que la membrane qui tapisse les intestins se détache et enveloppe le bol alimentaire dont elle a élaboré les sucs, et sort avec les excrémens dont elle agglutine les différens grumeaux, en conservant tous les caractères d'une membrane, et même quelquefois les traces évidentes des villosités vasculaires qu'on observe sur la surface des intestins. Elle est remplacée dans ses fonctions par celle qui était immédiatement placée au-dessous d'elle, et qui aura le même sort après avoir subi les mêmes phases de la nutrition. ( Voyez à ce sujet le mémoire de M. Raspail dans le tom. VI, tra-8% 2e partie du Répertoire d'Anatomie). En un mot , appliquez sur une partie quelconque du corps d'un animal une substance suscep- tible d'opérer une vive réaction, et la membrane en contact avec cette substance se décollera plus ou moins rapidement, épaissira, et finira par désagréger ses mo- lécules. Le placenta fétal aspire les sucs des couches externes de l'utérus, comme la membrane muqueuse des intestins aspire , par ses villosités, les sucs du bol alimen- taire ; ces deux membranes deviendront en conséquence des caduques; et le cho- rion, par la même raison, aura aussi la sienne. On a disputé long-temps pour savoir si la membrane caduque a des vaisseaux ; on a pu avoir raison de part et d'autre à l'instant de l'observation; mais s'il arrive qu'elle n'en ait plus, alors qu'elle est ca- duque, il n'en est pas moins vrai qu'elle en avait primitivement, et les vaisseaux peuvent se conserver plus long-temps sur certains animaux que sur d'autres. C'est ainsi que la membrane caduque du chien et du chat offrent le système vasculaire le mieux fourni à tous les âges. » § 85. L'ouvrage le plus récent sur la physiologie, celui deBurdach1, dit que dans les (1) Die Physiologie als ErfalirangswisscnschMft. Leipzig, 1826, vol. I", 1828, vol. 20. 2l8 M. G. BRESCHEÏ. — ÉTUDES ANATOMIOUES, mammifères on a donné à la membrane du nid (N est haut) les noms de membrane maternelle de l'œuf ( Meckel ) , de membrana caduca sive decidua (Hunter) , decidua externa [ SandifôrtY, tunica externa ovi (Haller), caduca crassa (Mayer), membrana mucosa (Osiander) , épichorion (Chaussier) , sans parler des auteurs qui l'ont con- fondue avec le surtout floconneux du chorion et qui l'ont nommée chorion villosum, reticulosum3 spongiosum et filamentosum. Hunter, Oken , Samuel, etc., croient qu'elle est propre et exclusive à l'homme , tandis que Haller, Lobstein, Bojanus , Dutrocbet, Cuvier et Jœrg ont démontré son existence dans la plupart des mam- mifères. Si Emmert, après l'avoir observée sur des lapins, des cochons d'Inde, des loutres et des souris , ne l'a pas trouvée sur des chéiroptères, cela provient sans doute de ce qu'il n'a pas observé ces animaux dans les premières périodes de leur gestation. Cette membrane a, chez la femme, une ligne d'épaisseur, elle est opaque, grise, jaunâtre ou rougeâtre, molle, lâche, spongieuse, floconneuse, en partie rétiforme, et les mailles en sont obliques; macérée, elle ressemble à la couenne lardacée du san°- après une saignée. Elle a la forme de la cavité de la matrice, à la surface interne de laquelle elle est unie lâchement par sa face floconneuse, de sorte qu'on peut la détacher facilement ; sa surface interne est unie. Des vaisseaux qui peuvent être in- jectés par l'utérus parcourent son tissu; mais ils sont mous et faciles à déchirer. Au voisinage de l'orifice de la matrice , cette membrane est plus mince , plus lâche et elle est pourvue de moins de vaisseaux. Hunter l'a trouvée perforée en cet endroit sur des œufs avortés ; mais il admet lui-même qu'il n'existe pas d'ouverture dans les premiers temps de la grossesse; il parle, en outre, de deux autres ouvertures situées vers les orifices des trompes. Tous ces pertuis proviennent d'accidens, selon Burdach, car ils n'existent point ordinairement et n'ont point été vus par Bœhmer, Samuel, Lobstein, etc. Burdach a observé distinctement les orifices utérins des trom- pes bouchés par la membrane caduque. Du reste , on ne comprend pas comment de pareilles ouvertures pourraient se former, puisque les trompes pénètrent obli- quement à travers l'épaisseur des parois de l'utérus, et, par conséquent, leurs ori- fices sont couverts par la membrane muqueuse. De la sorte, la matière sécrétée ne peut pas manquer dans cet endroit. Quelquefois la membrane caduque se continue dans les trompes et dans le col de l'utérus, prolongemens qu'on a désignés fort mal à propos sous le nom de Chalazes. Ce n'est pas non plus une chose bien étonnante que de la trouver partagée en deux couches. Krummacher et Burns regardent cette séparation en deux feuillets, comme normale chez l'homme; mais ordinairement il n'y a qu'un feuillet. Selon M. Dutrochet, la couche externe se compose dans les mam- mifères, principalement dans les carnivores et les rongeurs, d'un enduit muqueux, qui n'existe que vers le milieu de la gestation et qui manque à beaucoup d'autres animaux, notamment aux ruminans. Bojanus donne à la couche externe et lâche PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 219 de l'œuf du chien le nom de déclina cellularls, à la couche interne, épaisse, molle et spongieuse le nom de decidua spo)igiosa. § 84- La membrane caduque des mammifères est évidemment analogue aux pseudo- membranes qui se forment sur les surfaces enflammées , par l'exhalation et la coagu- lation d'un fluide albumineux et fibrineux, ainsi que Hunter l'a démontré. Elle est le produit de l'activité exagérée de la matrice. Elle peut conséquemmentse former irré- gulièrement dans la stérilité et être évacuée avec les régies, ainsi que Denman etEvrat l'ont observé. Lors des grossesses extra-utérines, c'est-à-dire, lorsque l'œuf ne par- vient pas dans l'utérus elle peut cependant se former dans cet organe. On pourrait la considérer comme un produit du sang menstruel retenu pendant la gestation. Cepen- dant Baudelocque et Lallemand disent avoir vu une membrane semblable à la ca- duque se former vers le point d'insertion de l'œuf au péritoine dans des cas de grossesse extra-utérine. Ces faits sont une réfutation victorieuse de l'hypothèse par laquelle on regarde la membrane caduque comme formée par les particules les plus grossières du sperme ou par l'excitation déterminée par ce fluide. Burdach ne partage pas non plus l'opinion de Burns, qui considère la membrane caduque comme résultant des prolongemens des vaisseaux utérins qui se développent, et cela, parce que cette membrane acquiert des vaisseaux sanguins, comme il arrive à toutes les pseudo- membranes; et , d'ailleurs, elle n'est pas seulement formée par un tissu vasculaire, car Dutrochet va jusqu'à lui refuser des vaisseaux dans les mammifères, ce qui est tout-à- fait erroné. — Chez la femme, la membrane caduque se forme environ quinze jours après la fécondation, et atteint son plus haut degré de développement, au commen- cement du deuxième mois; déjà vers la sixième semaine, ses flocons deviennent plus ccrarts et plus rares; peu à peu elle s'amincit et finit par être à peine sensible. D'a- près M. Dutrochet, elle se résout en écailles, dans les ruminans, avant la formation des cotylédons ; dans les chats et les rongeurs, un peu avant le part. . § 85. La membrane caduque réfléchie, appelée membrane réfléchie du nid, par Bur- dach, (decidua reflexa, de Hunter ;membrana retiformls chorll d'Hoboken ; involucrum membranaceum d'Albinus ; membrana filamentosa de Rœderer ; c horion fungosum, spon- giosum, villosum, membrana floculenta de beaucoup d'auteurs , membrana adventiva de Blumenbach ; membrana crassa d'Osiander, se comporte à l'égard de la membrane du nid, nldamentum, qui vient d'être décrite, comme la moitié interne d'un sac séreux se comporte envers la moitié externe. Elle se continue avec elle, tapisse 1 œuf comme le péricarde recouvre le cœur, et dans le point où l'œuf se met, plus tard, en contact plus immédiat avec l'utérus par Je développement du placenta, elle se continue en se réfléchissant avec la première membrane caduque, comme la moitié interne du péricarde se continue avec la moitié externe sur les troncs vasculaires 6. 29 220 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, sortant du cœur. Il y a identité de substance dans les deux membranes, seulement la caduque réfléchie est plus mince; et les mailles de son tissu, plus apparentes, re- çoivent entre elles les flocons du chorion. Elle se forme plus tard que la première caduque, car on ne la trouve que lorsque l'œuf est dans l'utérus, et elle manque lors- que l'œuf tombe dans l'abdomen ou reste dans les trompes. Alors la membrane du nid forme un sac simple. Il est par conséquent hors de doute que , comme l'ont re- connu Burns, Bojanus, Carus, etc., que l'œuf arrivant dans la matrice s'attache sur un point de la surface externe de la membrane caduque, que ce point s'invagine ou pénètre de plus en plus dans la cavité de la membre du nid, laquelle rentre de la sorte en elle-même. Disposition que Hunter a représentée par des figures sché- matiques. Une seule circonstance semble déposer contre un pareil arrangement; c'est que le point par lequel la membrane commence à rentrer en elle-même ne se pré- sente pas comme une ouverture, ou comme un canal dans lequel l'œuf se serait avancé; partout la membrane caduque est fermée. Il faut pourtant admettre que, dans les premiers temps, il y a réellement un canal ouvert, formé par l'œuf qui s'avance, et je peux montrer cette disposition sur des préparations. Plus tard, la surface de l'utérus qui a été dénudée par l'entrée de l'œuf, sécrète une nouvelle matière albumino-fibrineuse qui ferme le canal, et cette dernière matière sécrétée, appelée decidua serotina, devient le rudiment du placenta. Burns s'est laissé entraîner, par l'observation d'oeufs d'une période avancée , à admettre que la couche externe de la caduque est percée par l'œuf et qu'elle se referme ensuite, tandis que la couche interne seule rentre en elle-même, comme il vient d'être dit. Une opinion inad- missible est celle d'Alessandrini, que la caduque réfléchie se forme d'un fluide sé- crété par les flocons du chorion. La circonstance qu'on peut y rendre visibles quelques vaisseaux en injectant ceux de l'utérus, dépose contre cette assertion. C'est vers la troisième semaine de la gestation que la membrane caduque rentre ainsi en elle-même. La portion réfléchie est très distincte pendant la sixième semaine, et elle se nourrit par les vaisseaux qui se rendent à elle vers le point de réflexion, de sorte que, d'après Carus, elle est, à l'époque du développement du placenta, vers le troisième mois de la gestation, plus épaisse que la caduque primitive, qui déjà diminue; mais ensuite, par les progrès de l'œuf et l'extension qu'elle éprouve, elle devient de plus en plus mince et transparente, et se trouve refoulée vers la caduque primitive ou externe; de telle sorte, qu'au commencement du quatrième mois elle est collée à cette dernière, comme une couche de tissu cellulaire lâche. Il faut que les anatomistes qui ont nié l'existence de la caduque en général ou celle de sa partie réfléchie, aient observé des œufs des dernières périodes, de même que les fruits des plantes labiées ont autrefois été considérées comme des graines nues PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 22 1 (gymnospermes). Nous considérons conséquemment la membrane caduque comme une sorte de nidamentum, qui, en se réfléchissant sur lui-même, reçoit l'œuf dans son intérieur, lui prête un appui solide , transmet dans les premiers temps de la gesta- tion l'influence de l'utérus sur l'œuf, permet dans le point de sa réflexion un rap- port plus libre avec l'utérus, et meurt lorsque ce rapport est parfaitement établi , par les progrès de l'accroissement de l'œuf, et par la formation du placenta. G'est pour- quoi nous la comparons au péricarpe des végétaux, ainsi qu'aux membranes du nid, aux masses nidiformes et aux nids des animaux ovipares. M. Cuvier admet que la membrane caduque est l'analogue de la coquille de l'œuf des oiseaux, parce qu'elle s'applique contre le chorion, qu'il reconnaît être l'analogue de la membrane testacée. Mais la coquille n'est pas plus que la membrane chalazifère et que la membrane vitelline, une partie essentielle et nécessaire qui doit exister sur tous les œufs. Du reste, suivant Burdach , la membrane caduque n'a d'autre ressemblance avec la co- quille que la position , mais elle en a surtout beaucoup avec les différentes formes du nidamentum. On trouve sur l'œuf du lézard une membrane testacée, sans enveloppe calcaire, et sans membrane du nid; de manière que la dernière ne peut pas être considérée comme un supplément nécessaire à la coquille, lorsque celle-ci manque. Au test solide de l'œuf de l'écrévisse il se joint encore un enduit, comparable au frai et par lequel l'œuf s'attache. Que la membrane caduque ne soit, à proprement parler, qu'un produit de l'utérus et non l'analogue du test calcaire, il faut l'admettre, puisque, sur le chien, elle entoure seulement la partie moyenne de l'œuf en contact' avec les surfaces de l'utérus, tandis qu'elle manque aux deux extrémités de l'œuf si- .luées librement dans la cavité de cet organe. De même qu'il peut se former un péri- carpe sans graine, de même il peut se former une membrane caduque sans œuf; tandis que jamais on n'a observé de coquille sans œuf. Celle-ci ne peut donc être comparée au nidamentum qui tantôt est une partie du corps maternel, tantôt sert de nourriture à l'œuf, et tantôt est fabriqué par[un mouvement instinctif de l'animal. M. Dutro- chet s'est laissé entraîner par l'idée qu'il a du chorion , et il regarde la membrane ca- duque comme l'analogue de la membrane testacée, et l'enduit muqueux de la surface de celte membrane comme l'analogue de la coquille. § 86. Après avoir exposé les idées de Burdach sur la membrane caduque, je dois faire connaître ce que ce physiologiste entend par son nidamentum, auquel il com- pare cette membrane caduque. Il parle d'abord des diverses formes de l'acte d'ense- mencement ; puis il indique les lieux généraux tels que l'eau eu la terre, les corps organisés vivans ou morts ou les lieux spéciaux, tels que des cavités, des fosses ou- vertes, des cellules ^ des nids, des enveloppes fermées consistant en masses géla- tiniformes ou endurcies, et se concrétant en manière de membranes, de tuyaux, de poches, etc., dans lesquels l'œuf est déposé à sa sortie des organes générateurs 222 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, femelles. Il range aussi dans cette catégorie l'etnbryotrophe secondaire1, surtout dans les grenouilles , où l'albumen ne se durcit et ne forme une membrane testacée que lorsque plusieurs œufs touchent les uns aux autres. Ces divers lieux de dépôt, considérés d'une manière générale, ont reçu le nom de nidamentum. Burdach com- prend aussi sous ce nom le péricarpe des végétaux et les enveloppes des œufs dont l'incubation s'opère dans l'oviductus ou dans l'utérus2. (i) M. Burdach désigne par embryotrophe pro- prement dit, la substance dont se nourrit l'em- bryon ou le germe ; c'est 1' 'endos penne de Richard ou le pèrispcrme de Jcssieu dans les végétaux, et le viteltus des animaux, h' embryotrophe secun- daria est, au contraire, l'albumen qui, chez la plupart des animaux, principalement les mol- lusques, les arachnides, les crustacés, dans plusieurs poissons, dans les reptiles et les oiseaux, s'ajoutent au vitcllus lors de son passage à travers l'oviductus. (2) On entend par Nidamentum, l'enveloppe extérieure que la mère ajoute à l'œuf, déjà revêtu d'une membrane testacée, et quelquefois même d'une coquille , pour opérer ou favoriser son in- cubation. Les formations qui rentrent dans cette ca- tégorie, se divisent en nids (cavités ouvertes parmi lesquelles il faut ranger les cellules et les alvéoles) en masse nidiforme (substance enve- loppante, homogène, comme le frai) et mem- branes du nid (membranes vésiculaires et poches à œufs); elles sont très variées, mais elles peu- vent cependant être comprises dans le même ordre. Ainsi les siliques, les baies, les drupes, les noix, les polakènes semblent, au premier as- pect, être des formations tout-à-fait hétérogènes et pourtant elles réalisent toute l'idée de fruit. Les alvéoles des abeilles, les tuyaux à œufs des teignes, les poches à œufs des hydrophiles, les masses nidiformes des papillons, diffèrent en- tièrement dans leur substance, leur conforma- tion et leur mode de création, quoiqu'ils soient tous des nids d'insectes. Et ne sait-on pas qu'entre le nid d'un pingouin et celui d'une mésange de Lithuanie , la différence est des plus grandes. C'est précisément cette immense variété de 'ormes, que Burdach et ses savans collabora- teurs reconnaissent comme caractéristique. Dans la nature organique en général, on voit la plus grande variété dans tout ce qui est ex- térieur, et par conséquent, moins essentiel, tandis que l'intérieur est partout plus égal. Il doit y avoir, d'après cette raison générale, une variété extrême dans le nidamentum, tandis qu'il y a une grande concordance dans la formation de tous les œufs et de tous les embryons. Un autre trait caractéristique, c'est que la membrane du nid renferme souvent plusieurs œufs.- — L'œuf dans sa formation vésiculeuse représente un tout fini, rigoureusement séparé de ce qui l'en»^- ronne, il indique déjà dans le germe l'indivi- dualité et l'indépendance organique. D'après celle proposition , chaque individu , quel que soit le nombre d'embryons produits simultanément, naît dans son œuf propre, ou dans l'intérieur de sa membrane testacée particulière. Il est à la vé- rité quelques exceptions; ainsi, dans les genres viscum et mangifera, il y a souvent, mais non constamment, plusieurs embryons dans une même graine, qui restent séparés même lors de la germination. Des jumeaux dans l'espèce hu- maine ont quelquefois un chorion et même un amnios commun ; mais cette disposition est tout aussi anormale que la présence de deux jaunes dans une coquille. Lors donc que plusieurs œufs à l'état normal sont entourés d'une membrane com- mune, nous pouvons la considérer comme la membrane du nid. Cependant il ne résulte pas de là que chaque nidamentum contienne plusieurs œufs, comme on le voit, par exemple, pour Uîs péricarpes. Le nidamentum n'entre pas, à proprement par- ler, dans l'organisation de l'œuf, il est la dernière production que la mère fournisse à l'œuf pour son incubation. Il faut distinguer plusieurs degrés PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 223 § 87. Il y a onze ou douze ans que dans ma correspondance avec mon ami Albers, de Brème , je parlai de mes observations sur la disposition des envelopes du fétus humain , et de l'existence d'une cavité et d'un liquide entre les deux membranes ca- relativement à l'intimité de son rapport avec l'organisme maternel. Premièrement tout le corps de la mère peut servir d'enveloppe aux œufs; ainsi dans les aphis, la mère elle-même, quand elle meurt en automne après la ponte des œufs, devient un véritable nidamenlum , car elle reste assise sur ses œufs, et son abdomen desséché, forme un test solide qui protège les œufs. Le distoma duplication meurt, tandis que le germe de reproduction se développe dans son ab- domen , qui ne lui sert plus que d'enveloppe pro- tectrice, que rompt plus tard le nouvel être lors- qu'il est parvenu à terme, c'est-à-dire, à un degré de développement convenable. Dans les volvoces et dans quelques vers vésiculaires, la mère qui couve les œufs dans son corps n'est guère autre «WÔse qu'une poche proligère vivante. L'identité entre la mère et le nidamentum est au maximum dans \e bucep/ialus polymorphusdécouvevt.])ar Baer. Cet animal a des organes générateurs filiformes , dans lesquels il se développe des germes sous forme de granules; en se séparant du corps de la mère ces organes se transforment en de simples poches proligères, c'est-à-dire, en un nidamentum dans lequel les germes deviennent déjeunes animaux. Quelquefois aussi ces parties se développent par génération équivoque dans l'abdomen d'une moule; il ne se forme alors qu'un organe générateur femelle, qui fait en même temps fonction de nidamentum, ou, en d'autres termes, la mère est ici identique à l'organe géné- rateur, comme celui-ci l'est avec la poche pro- ligère.— Dans quelques algues, ainsi que dans des vibrions, des polypes, des méduses et des salpes, l'organe générateur lui-même est de la même manière expulsé du corps de la mère et se montre comme une poche proligère, ou comme une membrane du nid, dans laquelle se développent les germes. Dans quelques annelides et mollusques il semble que le nidamentum est formé par une partie du corps maternel qui se détache. Ainsi la poche ovifèredel7«VHrfo vulgaris est formée , d'après Johnson , de la peau de la mère qui s'est séparée, et celle du limnasus stag- nalis est, suivant Stiebel, la membrane interne de l'oviductus détachée. La poche ovigère des en- tomostracés est formée par l'extrémité de l'ovi- ductus poussée au dehors et distendue en vési- cule, mais qui reste unie au corps de la mère. Elle se déchire et disparaît après l'incubation. Dans les insectes, cette série graduelle se termine par une disposition découverte par J. Millier; ici la mem- brane interne de l'ovaire se place avec les œufs, mais elle n'est pas expulsée avec eux ; les organes de la génération n'entrent plus ici dans la com- position du nidamentum, et celui-ci est formé en partie par un produit sécrétoire , en partie fa- briqué par des actes instinctifs. Il sort, en effet, du vaisseau dorsal des insectes des canaux fins et filiformes qui pénètrent dans les commen- cemens de l'ovaire , jusqu'alors considérés comme borgnes, et s'étendent comme membrane interne de ses tubes , jusqu'à leur ouverture dans l'oviductus, où ils s'ouvrent librement. Dans cet endroit , chaque canal se reploie en dehors par son extrémité libre, et forme un anneau qui reçoit des rameaux des trachées de l'ovaire. Lorsque l'œuf le plus voisin est entièrement développé, la partie du canal ovarique qui le renferme meurt, se décompose, et est emportée par l'œuf qui sort, sous la forme d'un précipité pultacé, tandis que la partie suivante du canal ovarique s'avance avec un œuf non mûr et prend la place de la première, jusqu'à ce qu'une autre lui succède, et ainsi de suite jusqu'à l'entier déve- loppement de tous les œufs. — Dans plusieurs animaux vertébrés, le nidamentum se forme, non d'une partie des organes générateurs, mais d'une partie de la peau. Dans quelques poissons, la peau de l'abdomen se dilate et sert de poche aux œufs ; dans le pipa, la peau du dos se transforme en cel- lules destinées à servir à l'incubation des œufs. A 224 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, duques; Albers était alors un des principaux rédacteurs de la gazette de Salzbourg, et il fit mention de mes recherches dans ce journal. Plus tard le professeur Heu- singer, avec lequel j'ai l'avantage d'être dans des relations scientifiques habituelles, un degré plus élevé de l'échelle animale , le ni- damentum n'est plus un organe, mais un produit sécrétoire de la mère. L'organisme maintenant son indépendance fournit, pour former l'enve- loppe de l'œuf; une partie non organisée et en- core liquide. Cet acte est seulement en rapport éloigné et en consensus avec l'acte de la généra- tion proprement dit ou la formation primitive de l'œuf, il se rapporte seulement à l'incubation. La matière du nidamentum est fournie par des mem- branes muqueuses qui sont éloignées de l'ovaire. Ce sont des organes accessoires dans les en- tozoaires, les annelides, les mollusques et les insectes; c'est l'oviductus chez les batraciens et les poissons, et la matrice elle-même dans les mammifères. On voit distinctement sur ces der- niers que le nidamentum n'appartient pas essen- tiellement à l'œuf, mais qu'il est le produit de la mère en incubation, puisque la membrane du nid se forme avant que l'œuf ne soit arrivé à l'utérus, et qu'elle se forme aussi lors même que l'œuf ne parvient pas dans la cavité de cet organe. — Le nidamentum est enfin formé par les actes com- mandés par l'instinct, alors il ne diffère pas essen- tiellement de celui qui résulte d'un acte orga- nique. Le monoculus et l'araignée-loup [wolfss- pinne) ont l'un et l'autre une poche à œufs, mais dans le premier cette poche fait partie intégrante de l'animal, tandis que dans la seconde, c'est un tissu produit par l'animal. On voit les deux formes exister dans la même classe, par exemple, dans les insectes; ainsi l'oviductus de la teigne forme naturellement une poche à œufs, tandis que l'hy- drophile fabrique laborieusement ce sac. Mais l'a- nimal agissant par instinct confectionne son nida- mentum avec des matières absolu ment étrangères, qu'il élabore plus ou moins, comme le font en général les oiseaux et la plupart des insectes j ou bien il le travaille avec le produit d'une sécré- tion particulière, comme l'abeille., l'hydrophile, les araignées et l'hirondelle de Java. — Lorsque certains oiseaux s'arrachent des plumes pour en construire leur nid, cela rappelle encore la for- mation primitive du nidamentum formé des par- ties du corps maternel. Le nidamentum opère l'incubation en prêtant protection et en fournissant une nourriture aux germes. Tantôt il sert lui-même d'aliment, comme dans l«s batraciens ; tantôt il renferme une sub- stance nutritive, comme, par exemple, la poche à œufs des sang-sues; tantôt enfin il opère la nu- trition par les parties elles-mêmes du corps de la mère, telle est la membrane du nid des mam- mifères. Le nidamentum peut être un moyen protecteur, soit en collant les œufs à un corps solide, par exemple, le frai des mollusques, soit en préservant du froid et de l'humidité, par exemple ; la masse nidiforme endurcie des in- sectes, soit enfin en retenant et conservant la chaleur nécessaire à l'incubation, comme le fait le nid des oiseaux. La durée du nidamentum est très variable : la membrane du nid des mammifères est seule- ment pour les premiers temps de l'incubation, de même que cela existe pour une partie du pé- ricarpe des végétaux, tandis que la masse nidi- forme desbatraciens sert encore, pendanlquelque temps, de domicile ou de réceptacle aux larves écloses, et beaucoup d'insectes restent dans leur nid quoiqu'ils soient larves ou nymphes. Les poches proligères des infusoires, des po- lypes, des entozoaires et des mollusques acé- phales offrent parfois de la ressemblance avec le péricarpe des végétaux et avec le nidamentum des animaux d'une organisation plus complexe. Ainsi le sac proligère du campanularia dichotoma a dix loges, ou renferme autant de capsules trans- parentes qui lui sont unies par des filamens et dont chacune contient trois germes plongés dans une substance visqueuse. Dans le planaria, il est formé d'un test corné externe, et d'une mem- brane interne pulpeuse, blanche; elle renferme PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 22S a rappelé ce qu'il avait déjà dit de mes observations dans son journal de physique organique; c'est parce qu'il a eu l'occasion d'examiner un œuf humain et de recon- naître l'exactitude de ce que j'avais avancé* qu'il en a fait le sujet d'un nouvel ar- ticle dont je vais donner l'extrait. de quatre à huit embryons libres ( Baer). Dans les sangsues, l'oviductus contient de six à quinze germes entourés d'une mucosité de consistance gélatineuse quipar la coagulation de sa couche ex- terne est transformée en un tube membraneux, blanchâtre et translucide, renfermant un liquide gélatiniforme contenant des germes. Lorsque l'in- cubation a lieu sur des plantes aquatiques, l'hu- meur qui recouvrela faceexterne persiste dans un état de mucosité visqueuse; lorsqu'au contraire l'incubation s'opère dans, la terre, l'humeur se convertit en une enveloppe rétiforme, composée de filamens cornés (Rayer). Chez les mollusques ovipares, surtout ceux qui vivent dans L'eau, une masse d'oeufs est revêtue, à l'extrémité de l'ovi- ductus, d'une humeur albuminiforme, sécrétée par les organes accessoires; cette humeur reste fluide ou se condense. Chez les volutes, par exemple, elle se transforme en une substance membraneuse consistante, dès qu'elle est en con- tact avec l'eau de la mer (Home). — Le nombre des œufs contenus dans ces espèces de nidamentum varie beaucoup. Ainsi Pfeifer trouva dans le frai du valvata cristata de quatre à huit œufs, de dix à seize dans celui du valvata obtusa, de douze à dix-huit dans celui du physa foniinalis, de trente à quarante dans le planorbis corneus,da cinquante à soixante dans le limnœus slagnalis , mille dans l'ànio piciorum et l'unio littoralis. D'après Mont- fort (Hist. des Mollusques) ,1c nidamentum du cal- mar contient quelquefois quatre-vingt mille œufs. Dans les masses de ce genre, les ceufs sont ou disséminés, comme dans le frai cylindroïde du limnœus staçnalis, ou disposés en lignes spirales comme dans l'hélix janthina, ou enfin ils sont situés dans des cellules isolées. Dans ce dernier cas les cellules sont, en outre, entourées par la masse commune, ainsi que le présente Voctopode, la volute et le murex canaliculatus. Quelquefois il y a dix à douze œufs dans une cellule tubuleuse et une trentaine de ces cellules constituent un nidamentum qui s'attache à la surface extérieure du corps de la mère (Walch dans le Naturforscher, vol. VI , p. 1 1). Les cellules isolées peuvent être libres, comme on le voit dans les seiches, ou être unies entre elles en manière de grappe, comme on le remarque par le paludina impura. — Dans beau- coup d'insectes, l'humeur particulière sécrétée par les organes accessoires forme un enduit qui se durcit à l'air, soit pour chaque œuf en parti- culier, et ils acquièrent alors une forme spéciale, tels sont, par exemple, ceux de Y hcmerobius perla , qui prennent la forme d'un champignon; soit pourplusieurs œufsàla fois,quisontalors comme placés dans un nid. Dans ce dernier cas, l'humeur dont nous parlons ou se transforme en une masse dense, semblable àdu mastic enveloppant immé- diatement les œufs et les fixant à un corps solide ; c'est ce qu'on voit pour plusieurs lépidoptères, par exemple, chez le papillon qui dispose son nidamen- tum autour d'un rameau d'arbre, et protège ainsi les œufs contre l'humidité et le froid de l'hiver ; ou elle devient un nidamentum tubuleux, comme dans plusieurs orthoptères, par exemple, dans le btatta. orienlalis, où il se forme déjà dans l'ovi- ductus un tube, que des cloisons partagent en huit cellules, dans chacune desquelles il y a deux œufs. Le nidamentum du grillon est un réservoir en forme de gousse contenant environ douze œufs et qui, lorsque ces œufs sont mûrs, s'ouvre au moyen d'une suture, comme le fait un péri- carpe. Plusieurs coléoptères aquatiques se tissent des tubes entièrement semblables qu'ils attachent à la partie inférieure de leur abdomen, ou qu'ils laissent nager sur l'eau. Ainsi la femelle de Yky- drop/iilus piceus s'attache à une feuille qui flotte sur l'eau et avec l'humeur visqueuse qui sort de sa filière anale, elle dépose des fils sur la face in- férieure de la feuille, jusqu'à ce qu'ils forment une bourse hémisphérique correspondante à la par- 226 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, § 88. « M. le docteur Her de Wurtzbourg eut la bonté de me donner il y a quelque temps un œuf humain complet qui venait d'être expulsé. Le fétus paraissait frais, bien nourri et ressemblait, eu égard à son développement, à celui de la quatrième figure de Sœmtnerring, et semblait, par conséquent , être de la septième semaine, ce qui s'accordait aussi avec les renseignemens qui me furent communiqués. La vésicule ombilicale était déjà fort aplatie , et son pédicule très grêle ; elle était attachée intime- ment àl'amnios parle moyen de l'allantoïde l. Je dirigeai principalement mon atten- tionsurla membrane caduque qui était entièrement intacte. La forme de l'œuf était celle d'un triangle arrondi imitant entièrement la forme de l'utérus; il existait aux angles supérieurs des appendices frangés longs et larges de plusieurs lignes , qui avaient été contenus évidemment dans les orifices utérins des trompes, tel que cela a été représenté exactement par Carus 2. Ces appendices sont lisses et unis comme toute la surface de l'œuf; il n'y a donc ni ouverture ni dé- chirure. L'extrémité inférieure est mousse, inégale, comme arrachée; cet aspect provient sans doute de ce que la caduque , comme je l'ai toujours remarqué, devient de plus en plus molle et plus délicate vers le col de la matrice , et partant se dé- tie postérieure du corps de l'animal. Elle tapisse lides au moyen de l'humeur visqueuse qui les ensuite l'intérieur de cette bourse d'une humeur revêt et qui a la propriété de s'endurcir, visqueuse, y pond ses œufs, recouvre le tout d'une L'oviductus des grenouilles sécrète une uia- humeur limpide qui durcit aussitôt, et laisse nager lièrealbumineuse, qui enveloppe les œufs indivi- sonnid, àla confection duquel elle a employé trois duellement, puis les réunit en une masse com- humeurs différentes , savoir : une première , le mune. Si à l'époque de la ponte des œufs , on met tissu extérieur, imperméable à l'eau ; une se- l'oviductus de ces animaux dans de l'eau à 120° F. fonde, ou enduit blanc par lequel l'œuf est fixé (48° à 490 centigrades), il se transforme , suivant à sa place; enfin une troisième pour le tissu E. Home, en une gelée dans laquelle il n'y a plus soyeux, sec et poreux à l'extrémité du nid et de trace de membrane. — Chez les animaux où par lequel il peut pénétrer de l'air (Miger Ann. l'incubation s'opère dans l'oviductus, il y a aussi du muséum d'hist. nat. vol. XIV, p. 441). La une membrane du nid, par exemple, dans le poche ovigère des entouiostracés contient de dix paludina vivipara, où elle semble s'attacher par à quarante œufs, par exemple, dans le monoculus des filamens à la paroi de l'oviductus; dans le quadricomis; elle est produite par l'activité orga- squatus maasimus, où elle contient une gelée qui nique , de même que celle des araignées l'est par renferme des œufs ; dans la salamandre terrestre, l'instinct de l'animal. — Les œufs des poissons se où elle est délicate, d'une consistance gélatineuse, revêtent dans l'oviductus d'une substance albu- et fournit également une enveloppe à tous les mineuse qui les enveloppe comme frai et qui, œufs pondus. pour quelques-uns, en se coagulant à sa surface (1) Cette membrane peut toujours être re- en manière de membrane, représente une sorte connue dans des œufs de trois, quatre et cinq de nid. — Ainsi les œufs de la perche d'eau douce mois ; elle forme une couche propre entre le sont contenus dans un tube membraneux, réti- chorion etl'amnios; c'est le tunica média de Ho - forme, de deux pouces d'épaisseur et d'une aune boken. i une aune et demie de longueur.— Les œufs de (a) Zur Schwangerschaft und Geburt, II, beaucoup de poissons se collent à des corps so- pi. 1, fig- 2. PHYSIOLOGIQUES ET PATHOLOGIQUES DE L'OEUF. 227 chire très facilement. Mais la substance de la membrane caduque est assez épaisse sur ce point, et on n'y voit aucune trace d'ouverture, comme M. Breschet en a fait la remarque exacte. Plus tard seulement, lorsque la membrane caduque a rempli son rôle, il est possible qu'on la trouve trouée en cet endroit. La figure donnée par' Çarus dans ses Âbbandlungen zur Scbwangerschaft und Geburt (Leipzi°-, 181A, pi. 2, pi. 1, fig. 2, 3, et p. 6) est donc inexacte; elle représente cette membrane avec une ouverture à son extrémité inférieure , ouverture par laquelle doit s'avancer dans sa cavité un bouchon gélatiniforme , ce qui n'a jamais lieu. L'exposition don- née dernièrement par cet auteur dans la seconde édition de sa Gynaekologie (Leip- zig, 1828 , vol. II, pi. 2, fig. 7) n'est pas plus exacte; car jamais la caduque ne pé- nétre aussi avant dans le col utérin : celui-ci est rempli, au-dessous de la membrane caduque, parle bouchon gélatineux précité, qui est assez épais. La surface de l'œuf que j'ai observé n'était pas égale; le côté droit est plus élevé que le gauche, surtout à sa face antérieure , et il est facile de voir que l'œuf avait été couché sur le côte droit. La substance de la membrane caduque était pénétrée de beaucoup de san<* frais qui avait été expulsé de l'utérus avec l'œuf. Du reste , j'ai trouvé cette membrane telle que je l'ai toujours vue, et telle que l'ont décrite tous les bons observateurs; elle était formée d'un tissu muqueux homogène, mou, friable, offrant des ouver- tures en forme de mailles, ce qui lui a valu le nom de membrane criblée. Elle n'a aucune des propriétés que possèdent les membranes séreuses : je dois par consé- quent contredire absolument le docteur Velpeau qui la considère comme une mem- brane séreuse. Une incision dirigée de la face antérieure vers le côté gauche , qui évidemment ne contenait pas l'œuf, conduisait à une cavité à parois celluleuses fort inégales; il v avait dans cette cavité une concrétion fibrineuse et un grumeau de sang caillé. Je ne doute pas que ce ne soit là la cavité de la caduque, décrite pour la première fois par M. Breschet , puis par M. Velpeau , et figurée par Bojanus. La circonstance que , dans le cas présent, il y avait du sang au lieu de lymphe dans cette cavité, peut être considérée sans doute comme accidentelle. Le tiers de l'œuf environ s'avançait dans cette cavité ; il avait un surtout cellulo- membraneux, la caduque réfléchie; ce surtout était fort inégal, pas aussi lisse qu'on devrait le croire d'après les figures ; et la membrane réfléchie paraissait, sur ses bords, se continuer tout-à-fait avec la caduque vraie; mais il était assez facile de les séparer (1) Zur Schwangerschaft uod Geburt. II, p. 7 et pi. 1, fig. 2. — Gynaekologie, 2e édit., toI. II, pi. 2, fig. 7. 6- 3o 228 M. G. BRESCHET. — ÉTUDES ANATOMIQUES, etc. l'une de l'autre. C'est en arrière et en haut, où l'œuf avait été le plus rapproché de l'orifice delà trompe, que l'union entre ces deux feuillets était la plus intime. Comment cette membrane réfléchie a-t-elle été formée? Les opinions, comme on sait ont été partagées long-temps sur ce point. Carus, parmi les modernes, a admis que l'œuf pénètre dans la masse pulpeuse de la caduque , et en s'y développant qu'il conserve une enveloppe fournie par elle1; manière de voir que Meckel2 regarde aussi comme la plus vraisemblable. Bojanus et M.Veipeau, au contraire, et surtout le dernier, prétendent avoir observé à différentes reprises que l'œuf s'applique sur la surface extérieure de la caduque, et s'enfonce dans un repli de cette mem- brane comme les viscères dans leur enveloppe séreuse. Si les observations de M. Vel- peau sont exactes, il n'y a rien à dire; cependant des observations faites sur des animaux, et que je me propose de publier par la suite, me font pencher pour la première opinion. Il était assez facile de séparer la caduque réfléchie d'avec le chorion, dont les flo- cons absorbans étaient engagés dans les mailles de la caduque réfléchie. Or, ces "mailles ou trous ne peuvent pas, comme le pense Carus (1. c, p. 9), provenir di- rectement de flocons absorbans; car elles existent aussi sur la caduque vraie, et même plus distinctement. Je ne crois pas non plus que la caduque réfléchie soit ja- mais séparée du chorion par un espace, comme le prétend et le figure Carus (1. c, pi. 1., fig. 3,4); mais il y a contact immédiat. Si je ne me trompe, les flocons les plus forts et les plus longs étaient dans les points correspondans à la cavité de la ca- duque, c'est-à-dire en regard du point où devait se former plus tard le placenta. '1) Sur la cavité de la membrane caduque de volume II, cahier 5, mai 1828, pag. oi5. l'œuf humain décrite par MM. Breschet et Vel- (2) Anat. de l'homme, vol. IV, p. 701. peau, Zeitschrift fur die organische Physik, SUR UN CAS DE PERFORATION ULCEREUSE DE L'OREILLETTE GAUCHE. PAR M. P. MARUÉJOULS, DOCTEUR EN MEDECINE. Jean-Pierre Léuaousi de Tendols, ancien militaire, domestique, menant une vie réglée, se plaignait depuis quelques jours d'une douleur au côté gauche, accompa- gnée de toux et de difficulté à respirer. Le deuxième jour de son incommodité il garda le lit; le troisième, se sentant mieux, il se leva de bon matin, déjeûna et se mit ensuite en roule avec ses bœufs pour aller charger du minerai à une lieue en- viron de son village. En arrivant à la mine , sa démarche était triste et sa tête bais- sée, lorsque tout à coup les ouvriers, qui observaient l'air de souffrance de cet individu, le virent tomber de son siège. Ils coururent pour lui porter secours, mais tous leurs soins furent inutiles; de vains efforts de déglutition pour avaler quelques gouttes d'eau-de-vie qu'on lui présenta, furent les seuls signes de vie qu'ils obser- vèrent chez cet homme. Me trouvant à ce moment près de là, j'allai voir le cadavre, qu'on avait déjà transporté dans le séchoir d'un domaine voisin. La pâleur répandue sur la figure, qui portait l'empi-einte de longues et vives souffrances, le froid de tout le corps, fixèrent tellement mon attention, que je fus le soir même trouver le maire pour lui manifester mon désir de faire l'ouverture de ce cadavre; il m'en fit délivrer l'autorisation avec beaucoup d'empressement et de bonté, et j'y procédai le lendemain, 5i décembre, à huit heures du matin, dix-huit heures après la mort, en présence de M.Valentin, élève en pharmacie. Des renseignemens postérieurs pris sur le compte de cet homme m'ont appris qu'il traînait, depuis quinze ou seize mois, une vie languissante, qu'il était essoufflé à la plus légère course et que le moindre fardeau était pour lui d'un poids énorme. Ouverture du corps. Le cadavre paraissait être celui d'un homme de quarante à quarante-cinq ans; taille de cinq pieds quatre pouces; cheveux noirs, face pâle et contractée; système musculaire très développé, roideur cadavérique très forte. Il 23o M. P. MARUEJOULS. — OBSERVATION, etc. existe dans l'aine droite une longue et large cicatrice qui provient évidemment de quelque ancien bubon abcédé et ouvert spontanément. La percussion pratiquée sur la poitrine donne, à gauche, un son mat qui n'existe pas à droite. Les cartilages costaux ayant été mis à nu de chaque côté par une longue incision , je détachai le sternum de son articulation claviculaire; arrivé au cartilage de la seconde côte "auche un flot de sérosité jaunâtre s'échappe aussitôt par un jet fort et soutenu. La plèvre était tellement remplie de cette sérosité, que le poumon se trouvait aplati et refoulé sur le côté correspondant de la colonne vertébrale. Il n'y avait ni routeur, ni flocons, ni exsudation membraniforme. Le poumon était sain et crépi- tant, ainsi que celui du côté droit, quoiqu'un peu plus gorgé de sang que de cou- tume.—Le péricarde , très volumineux, fut ouvert sur sa partie antérieure; il s'en écoula beaucoup de sérosité rougeâtre. L'ouverture agrandie, j'arrivai à un caillot très volumineux qui recouvrait tout le cœur. J'ai évalué, par approximation, son poids à deux livres. Après avoir enlevé ce caillot et abstergé le péricarde de tout le sang qu'il contenait, j'examinai le cœur en place avec beaucoup de soin; son volume était une fois et demie au moins celui du poing du sujet; il était plus mou que d'ha- bitude, ses parois ventriculaires étaient flasques et affaissées, surtout à gauche. L'ayant soulevé, j'aperçus tout-à-fait en haut, sur sa face postérieure, un petit caillot de forme allongée, qui me conduisit dans l'oreillette gauche. Il me fut facile d'in- troduire le petit doigt dans cette ouverture, dont la forme arrondie était remar- quable. L'oreillette ouverte et débarrassée des caillots qu'elle contenait, je pus exa- miner la perforation. Elle était située à sa face postérieure, un peu à gauche de l'ou- verture de la veine pulmonaire droite ; la membrane interne était blanche et luisante , excepté au pourtour de l'ulcération, où elle était d'un rouge violacé; les parois étaient, en cet endroit, friables et bien évidemment ramollies. L'appendice était comme ecchymosée; les artères aorte et pulmonaire étaient saines, sans ossification ni rougeur intérieure, et les valvules en bon état. L'estomac, rempli d'alimens à demi digérés, présentait une injection considérable qui ne disparaissait point par le frottement ou en raclant sa membrane interne. Les intestins n'ont pas été ouverts; ils étaient aussi injectés en plusieurs endroits dans l'étendue d'un pouce, un pouce et demi, deux pouces. La veine iliaque gauche, ouverte par hasard, a fourni beau- coup de sang noir et liquide. Le crâne n'a pas été ouvert. OBSERVATION UNE LIGATURE DE L'ARTÈRE CAROTIDE PRIMITIVE . DANS UN CAS DE DILATATION ANEVRISMATIQUE DES ARTÈRES DE L OREILLE , DE LA TEMPE , DE LOCCIPUT , ET DE PRODUCTION DE TISSU ÉRECTILE1, PAR M. LE BARON 35UPUYTREN, DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, PREMIER CHIRURGIEN DU ROI ET DE L'HÔTEL-DIEU DE PARIS, PROFESSEUR A LA FACULTE DE MEDECINE, ETC., ETC. L'observation que je vais avoir l'honneur de lire aujourd'hui à l'Académie, a pour sujet la ligature de l'artère carotide primitive , dans un cas de maladie composée de dilatation des artères et de production originelle d'un tissu accidentel, analogue à celui des corps caverneux du pénis. Cette observation complétera, avec celles que j'ai déjà communiquées à l'Académie, l'histoire de la ligature des troncs artériels principaux , par lesquels le cœur nourrit la tête et les membres. La gravité des maladies du tronc des artères carotides primitives et de leurs divisions, avait souvent fait regretter aux praticiens de ne pouvoir employer contre elles les ressources dont l'art use avec tant de succès contre les lésions des artères des membres. Plusieurs considérations semblaient pourtant les inviter à étendre aux maladies de l' artère carotide primitive le bienfait de ces opérations. Ces considérations, communes aux artères iliaques externes, sous-clavières et carotides primitives, avaient bien plus de poids encore dans le traitement des maladies de cette dernière artère qui avait été, de- puis Galien jusqu'au plus mince physiologiste de nos jours, le but et l'objet d'un très grand nombre d'expériences, et d'observations d'anatomie pathologique également nombreuses, également authentiques. En effet, une foule d'expériences faites sur les animaux vivans avaient prouvé la possibilité de lier sans danger les artères carotides primitives, isolément ou bien à la fois. Mais trop scrupuleusement attachés, (i) Lue à l'Institut le 6 juin 1825. 2Ô2 CLINIQUE CHIRURGICALE peut-être, au principe que les expériences faites sur les animaux ne concluent à rien pour l'homme, les chirurgiens avaient abandonné aux physiologistes celles dont nous parlons, et avaient ainsi perdu volontairement les conséquences qu'elles fournis- sent, et dont l'application à l'art de guérir semblait si naturelle et si importante. Des recherches sur l'anatomie morbide avaient tout aussi vainement fait trouver un assez grand nombre d'exemples d'oblitération des artères carotides primitives , survenues sans qu'il en fût résulté le moindre trouble dans les fonctions du cerveau. Les praticiens, persuadés encore que l'oblitération, lente et graduée des artères , est beaucoup moins dangereuse que celle qui est subitement produite par la ligature , avaient reculé devant l'idée de lier l'artère carotide primitive. Plusieurs motifs rendaient plausible leur circonspection. L'impossibilité d'exercer une compression de sûreté sur l'artère, et de se rendre maître du cours du sang pendant l'opération , et surtout dans le cas où la tumeur viendrait à être accidentellement lésée; le nombre et l'importance des nerfs, des veines et des autres parties entre lesquelles l'artère et la tumeur se trouvent placées, et la difficulté de les séparer assez exactement de ces parties, pour éviter d'embrasser celle-ci dans l'anse de la ligature; enfin, l'importance des organes aux- quels les carotides se distribuent, la gravité des effets qui pouvaient résulter de l'in- terception subite du cours du sang dans l'organe qui sert d'agent à la pensée et aux mouvemens, organe bien autrement important à la vie qu'un membre qui, à la rigueur, peut être perdu sans beaucoup de danger. Tels étaient les motifs mis en avant par les plus timorés, et qui faisaient hésiter les plus hardis. Cependant ces objections et ces difficultés pouvaient être levées. L'expérience démontrait tous les jours que la compression de sûreté, indispensable dans l'opéra- tion de l'anévrisme par incision du sac anévrismal, est presque inutile dans l'opé- ration de l'anévrisme suivant la méthode d'Anel, c'est-à-dire par la ligature de l'artère, entre la maladie et le cœur. L'anatomie apprenait ensuite que l'artère carotide, bien qu'enveloppée avec la veine jugulaire interne, les nerfs trisplanch- niques et pneumo - gastrique , dans une sorte de gaine celluleuse, pouvait être isolée de ces parties avec facilité et sans rjsque pour elles. Et, si l'on eût pu douter du rétablissement de la circulation après la ligature de cette artère, l'ana- tomie apprenait encore qu'il n'est pas de parties du corps où la communication entre deux moitiés symétriques d'un système artériel, distribué au même organe, soient aussi nombreuses qu'entre les artères d'un côté de la tête et celles de 1 autre , tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Quelque puissantes que fussent ces raisons, elles n'avaient pourtant pas lait sortir les chirurgiens de leur timide réserve, et la crainte d'encourir le reproche de témérité DE L'HOTEL-DIEU. 2 53 laissait sans secours les malheureux affectés d'anévrisme de l'artère carotide primitive et de ses divisions, ou du moins ne permettait de leur donner que des secours im- puissans, et la tombe recevait bientôt ceux que l'art n'avait pas osé secourir d'une manière plus efficace. Il fallait une épreuve pour lever les doutes. . Sir Astley Cooper la fit, et elle manqua de succès une première fois, mais par des raisons qui n'atteignaient pas l'opération en elle-même. Ce savant praticien le sentit; il renouvela l'épreuve, certain du succès, si aucune circonstance étrangère à la maladie ou à l'opération ne venait le contrarier. Elle eut, en effet, dès la seconde fois, et elle a presque toujours eu depuis lors, tant entre ses mains qu'entre celles de beaucoup d'autres chirurgiens, les plus heureux résultats. L'observation suivante sera une preuve nouvelle de la facilité et de l'innocuité de la ligature de la carotide primitive, en même temps que de son efficacité contre les affections anévrismatiques de cette artère. Elle fera connaître de plus une maladie fort extraordinaire contre laquelle la ligature n'a pas offert, il est vrai, une ressource aussi efficace que contre l'anévrisme, mais dont elle a du moins modéré les progrès et diminué les dangers. Etienne Dumand entra à l'Hôtel -Dieu de Paris le 3 avril 1818. Ce malade, âgé de vingt ans, né à Villemanoche _, département de l'Yonne , avait une constitution peu robuste , une taille élevée , des formes grêles , un tempérament bilieux . et il exerçait la profession de charron. 11 avait apporté, en naissant, deux petites altérations à la peau, communément appelées taches de vin, sur le repli extérieur de la conque de l'oreille droite. Celle- ci n'était pas déformée; elle semblait seulement un peu plus large et plus épaisse à l'endroit occupé par ces taches. Une démangeaison légère était la seule incom- modité qu'elles occasionnaient; mais le jeune malade, excité par ces démangeaisons, grattait souvent son oreille, et chaque fois qu'il entamait la peau de cette partie, il en coulait un sang rouge et vermeil. Il resta dans le même état jusqu'à l'âge de douze ans; à cette époque marquée par le développement des parties génitales, l'oreille commença à prendre plus de volume; elle changea de couleur et devint violette. Trois ans après, le malade aperçut qu'elle était agitée par de légers mouvemens: elle avait alors acquis le double de son volume ordinaire, et les taches s'étaient élargies dans la même proportion. Huit mois après l'apparition des battemens, une première hémorrhagie eut lieu et fut déterminée par un effort exercé pour lui arracher son chapeau de dessus la tête. Cette hémorrhagie ne put être arrêtée qu'à l'aide d'un tamponnement très exact ; elle affaiblit le malade , mais le volume de la tumeur parut un peu diminué . 234 CLINIQUE CHIRURGICALE et les battemens s'y firent sentir avec moins de force. Cette amélioration ne fut que momentanée ; l'oreille ne tarda pas à reprendre son volume primitif, sa tension et ses battemens. Quoiqu'il n'eût que quinze à seize ans, le malade s'abstenait des plaisirs de son âge; car il avait remarqué que toutes les fois qu'il se livrait à des exercices un peu violens, qu'il dansait ou courait, qu'il prenait des alimens trop substantiels, ou qu'il usait de vin et de liqueurs, son oreille" acquérait plus de vo- lume , et que les battemens s'y faisaient sentir avec plus de force. A cette époque, une compression exercée sur l'oreille à l'aide d'un bonnet un peu serré, diminua le volume de la tumeur; mais, cette diminution ne s'étendit pas au-delà de l'action du corps comprimant, et l'oreille reprit son volume ordi- naire, aussitôt que la compression fut levée. Quelques mois après, une seconde hémorrhagie eut lieu spontanément ; elle fut considérable et s'arrêta pourtant d'elle-même. On consulta pour lors un chirurgien , qui fit appliquer des compresses imbibées d'une eau astringente : ce moyen n'eut aucun effet. Seulement quelques picotemens que le malade sentait dans l'oreille furent diminués. Une troisième hémorrhagie parut encore, spontanément, quelque temps après la seconde, et pen- dant que Je malade était au lit. Souffrant de l'oreille , et ne pouvant se livrer sans danger à un métier dont les efforts poussaient et retenaient le sang vers la tête, Dumand alla de nouveau, il y a deux ans, consulter un chirurgien, lequel ordonna une application emplastique qui n'apporta aucun soulagement au mal. Un autre chirurgien mieux instruit de la nature et des dangers de la maladie, lui conseilla d'aller à Paris réclamer les soins des maîtres de l'art. Cet avis fut négligé; une quatrième hémorrhagie eut lieu et fut arrêtée au moyen de l'agaric soutenu par un bandage compressif. 11 est à remarquer que dans toutes ces hémorrhagies le sang, quoique rouge, vermeil et évidemment artériel, sortait non par secousses, mais en bavant et comme il a coutume de le faire lorsqu'il s'échappe d'un fongus hématodes dont la surface a été entamée. Effrayé par la répétition de ces hémorrhagies et par l'accroissement de sa tumeur, le malade se décida enfin à entrer a l'Hôtel-Dieu de Sens, le 5 août 1817 Il était alors dans l'état suivant : L'oreille droite avait trois fois plus de volume que la gauche; elle avait l'épaisseur du doigt, et abandonnée à elle-même elle retombait par son propre poids. Elle était agitée de battemens isochrones à ceux du cœur; le cuir chevelu de la tempe offrait des bosselures nombreuses, et la petite plaie qui avait fourni la première hémor- rhagie n'était pas encore cicatrisée. MM. Populus et Rétif, qui dirigent cet hôpital, tentèrent d'abord une compression méthodique sur le trajet des artères de l'oreille, de la tempe et de l'occiput, à l'aide de petits tampons de charpie, soutenus par un bandage serré. Mais le malade ne pouvant la supporter, ils se décidèrent bientôt DE LTIOTEL-DIEU. 2~5 à attaquer la maladie par la ligature, et à pratiquer cette opération successivement sur les artères temporale, auriculaire antérieure et occipitale. Cette opération, basée sur une tentative de ce genre faite il y a quinze ans à l'Hôtel-Dieu de Paris, avait pour but d'intercepter successivement toutes les sources du sang qui alimentaient la tumeur. La ligature des premières de ces branches artérielles diminua un peu le volume de l'oreille; mais les battemens, quoique moins forts, persistèrent; les bords de la plaie furent rapprochés et maintenus en contact. Les ligatures tombèrent du douzième au quatorzième jour. Vingt et un jours après ces premières ligatures, il se manifesta tout à coup, par la petite plaie de l'hélix, une cinquième hémorrhagie qui ne céda qu'à une forte com- pression; le sang était rouge et artériel comme les premières fois. Peu de jours après une sixième hémorrhagie eut encore lieu et par la même plaie. Le vingt-huitième jour, une escarre gangreneuse de la largeur d'une pièce de cinq francs se forma entre l'hélix et l'anthélix. La chute de celte escarre eut lieu le trente- cinquième jour. Le quarante-troisième jour après la première opération qui n'avait produit qu'un léger amendement, la ligature de l'artère occipitale fut faite; elle n'eut pas de plus heureux résultats que les autres. Enfin , poursuivant toujours la maladie, les praticiens que j'ai indiqués cherchè- rent à faire la ligature de l'artère carotide externe, source commune de toutes les artères de l'oreille, de la tempe et de l'occiput. Il paraît certain, d'après le récit même qu'ils m'ont adressé, qu'au lieu de l'artère carotide externe, ils ne lièrent que l'origine de l'artère temporale superficielle qui était très dilatée. Quoi qu'il en soit, cette dernière ligature n'eut ni plus de succès ni plus d'inconvéniens que les autres, et le malade sortit de l'hôpital de Sens, après trois mois de séjour. Pievenu chez lui, le volume de l'oreille s'accrut de nouveau, et ses battemens augmentèrent. Il se décida pour lors à venir à Paris, et à entrer à l.'Hôtel-Diëu. L'oreille malade avait deux fois plus de longueur que l'autre : elle avait l'épaisseur du doigt, l'hélix et l'anthélix étaient effacés. Le contour de l'extrémité supérieure de l'oreille offrait, en arrière, une sorte dechancrure peu profonde , résultant de la chute de l'escarre dont il a été parlé. Toute l'oreille était d'un rouge violet foncé; elle était molle et compressible, les doigts y pouvaient distinctement sentir des bat- temens dans quelques poinls, et dans d'autres , des mouvemens d'expansion et de contraction, isochrones aux pulsations du cœur. Ces mouvemens imprimaient à l'o- reille une secousse générale qui l'éloignait de la partie latérale de la tète , et l'en rap- prochait alternativement. La presque totalité du cuir chevelu de la tempe et de l'occiput offrait une couleur 6. 3i 236 clinique chirurgicale bleuâtre et était parsemée de bosselures nombreuses. La compression exercée sur l'artère carotide primitive, de manière à y intercepter le passage du sang, suffisait pour faire cesser tout battement dans la tumeur qui s'affaissait aussitôt , pâlissait et restait dans cet état jusqu'à ce que la compression fût levée. Alors la tuméfaction et la rougeur reparaissaient; et les pulsations plus fortes, pendant quelques instans, im- primaient des mouvemens plus marqués à la tumeur. Cette partie paraissait au ma- lade plus chaude que les autres , et il éprouvait, chaque fois que le cœur y poussait une colonne de sang , une espèce de bruissement incommode et douloureux. Du reste, la santé générale était fort bonne; le malade ne se plaignait de rien, non pas même de douleurs à la tête. II entendait bien de l'oreille et voyait bien de l'œil du côté malade. Seulement il était obligé à de continuelles précautions pour éviter le frottement dans la crainte d'une hémorrhagie. Tel était alors l'état de notre jeune malades sa maladie n'était rien moins que simple (voyez pi. II). L'œil et le doigt permettaient de distinguer dans cette masse deux élémens très différens qu'on trouve quelquefois réunis , mais qui sont communément séparés dans les maladies qu'ils produisent. Le premier de ces élémens se présentait sous la forme de conduits larges, sinueux, inégaux, noueux, pleins et compressibles, qui ram- paient sur la tempe et sur l'oreille, auxquelles ils donnaient une apparence bosselée; ces conduits naissaient les uns des autres à la manière des artères , et la grosseur de leur tronc, égale à celle du petit doigt , décroissait par degrés et conservait pourtant encore le volume d'une plume de corbeau dans ses moindres branches, qu'on pouvait suivre jusque dans l'épaisseur de la peau. L'origine, la situation , la direction , les divisions de ces conduits, et surtout leurs battemens isochrones à ceux du cœur, et dont la violence semblait à chaque ins- tant devoir entraîner une déchirure, et causer une hémorrhagie fâcheuse, indiquaient assez qu'ils étaient formés par le système artériel de l'oreille, de la tempe, et de la région occipitale dilaté outre mesure dans ses troncs, dans ses branches , et jusques dans ses ramifications cutanées. Tout ce qui, dans cette singulière maladie, n'appar- tenait pas immédiatement à la dilatation des troncs artériels, était formé par un tissu morbide analogue à certains tissus normaux du corps des animaux, et que je ne sau- rais mieux faire connaître qu'en donnant une idée abrégée de celui-ci. Il existe dans les parties génitales de la plupart des animaux des deux sexes, et particulièrement dans l'urètre, les corps caverneux et le gland, sur la tête et le col d'un grand nombre de gallinacées, sur les fesses de plusieurs singes, et dans plusieurs autres parties de l'organisation de beaucoup d'autres animaux , un tissu d'un rouge plus ou moins vif, d'une consistance variable, suivant les états dans lesquels on l'observe , d'une température beaucoup plus élevée que celle des autres tissus ; DE L'HOTEL-DIEU. 257 pourvu d'une enveloppe extérieure fibreuse, élastique, destinée aie limiter et à le cir- conscrire, à permettre ou à borner son développement; ayant pour base à l'intérieur des colonnes fibreuses diversement entrecroisées, et formant un réseau qui sert de sou- tien et d'appui à un nombre infini de vaisseaux capillaires artériels extrêmement dé- liés et très difficiles à injecter sans les déclarer, et à des capillaires veineux moins fa- ciles encore à remplir que les précédens, à des nerfs qui donnent à ce tissu une sensibilité, source première de ses propriétés et de ses usages. Ce tissu est rempli de sang artériel qui est l'agent matériel et immédiat des fonctions diverses auxquelles il sert. Enfin, à peine développé dans l'enfance où il est sans fonctions, ce tissu ac- quiert dans toutes les parties du corps où il se trouve son plus grand développement à l'époque où les animaux sont en état de se reproduire, et il devient un des princi- paux agens de leur reproduction. II perd sa rougeur, sa chaleur; sa sensibilité et ses autres propriétés dans l'état de faiblesse et de maladie , enfin il finit par s'altérer, se dénaturer et se flétrir dans la vieillesse. Nous l'avons, il y a plus de douze ans, nommé tissu érecti/c, d'une de ses propriétés principales. Ce tissu est le modèle et le type d'une multitude de tissus accidentels, que des vices d'organisation originels ou bien acquis peuvent développer dans presque tou- tes les parties de nos corps, où ils donnent lieu à des tumeurs souvent volumi- neuses et larges qui participent toutes, d'une manière plus ou moins évidente, à l'or- ganisation et aux propriétés du tissu érectile naturel. Ces tumeurs subissent comme lui, aux mêmes époques et par l'eifet des mêmes causes, un développement très marqué et des alternatives de tension et de relâchement qui sont en rapport avec l'état de santé et de maladie, de force ou de faiblesse des individus. Tel était le deuxième élément de la maladie de Dumand ; c'est lui qui remplissail les vides du réseau formé par les artères occipitales, auriculaires et temporales di- latées; qui donnait à ces parties leur couleur violette, leur température élevée, leur mouvement double d'expansion et de retraite; c'est lui qui s'affaissait et blanchissait par l'effet d'une compression légère , et reprenait bientôt après sa couleur , son vo- lume et sa tension habituels ; qui, à la moindre piqûre, à la moindre gerçure de la peau, fournissait, en nappe et sans mouvement de projection bien évident, un sang rouge, vermeil, artériel, et dont l'écoulement avait donné plus d'une fois lieu à des hémorrhagies inquiétantes. Le peu de succès des opérations déjà tentées, la persistance des battemens , l'aug- mentation du volume de l'oreille, malgré toutes les ligaturesqui avaient été pratiquées, ne permettaient plus de suivre le même système. Certain que les ligatures des bran- ches d'un gros tronc, faites séparément, et à des distances plus ou moins grandes les unes des autres, ne sauraient être efficaces en pareil cas, et que les nombreuses anastomoses qui existent eutre elles , et avec d'autres artères des parties voisines suffi- 253 CLINIQUE CHIRURGICALE sent presque toujours pour rappeler les battemens et perpétuer la maladie, je pensai qu'on ne pouvait espérer de succès qu'en faisant la ligature du tronc qui sert d'ori- gine à toutes ces artères, qu'en attaquant et en tarissant par une seule ligature toutes les sources du sang qui se distribue à une moitié de la tète, on entraînerait l'oblité- ration des artères de l'oreille, et le retour de celle-ci à son état naturel. Après avoir annoncé , par une sorte de pressentiment qui devait être justifié par la suite, que cette ligature offrait bien moins d'espoir pour la guérison du tissu érectile que pour celle de la dilatation anévrismale des troncs artériels, la ligature de la ca- rotide primitive fut pratiquée le 8 avril de la manière suivante : Le malade étant couché sur son lit, une incision , oblique de haut en bas et d'ar- rière en avant, fut faite le long du bord interne du muscle sterno-mastoïdien, dans l'étendue de trois pouces. Le tissu cellulaire fut incisé avec précaution, et à l'aide d'un bistouri conduit sur une sonde cannelée , le sterno-mastoïdien fut porté en dehors par un aide , et le larynx en sens opposé par un autre aide. L'artère fut mise à nu, et fut isolée, avec soin, de la veine jugulaire et des nerfs qui marchent à ses côtés. Alors une sonde cannelée fut passée sous la carotide ; une seule ligature, formée de quatre Gis de lin, cirés et réunis en ruban, fut glissée sur la sonde et sous l'ar- tère à l'aide d'un stylet aiguillé qui furent, l'un et l'autre, retirés aussitôt après. L'utilité d'une exacte séparation de l'artère d'avec les nerfs et les autres parties qui l'environnent ne saurait être mise en doute. Il est incontestable qu'en comprenant dans la ligature des artères principales les nerfs et les veines qui les accompagnent, on ajoute aux dangers de cetteligature d'autres dangers proportionnés à l'importance des veines et des nerfs qu'on n'a pas su éviter. Il ne suffit même pas, pour apprécier ces dangers, d'additionner les effets résultans de la ligature de chacune de ces par- ties séparément ; il faut encore tenir compte de l'interception simultanée du cours du sang, et de l'influence nerveuse dans les parties auxquelles se distribuent les ar- tères , les veines et les nerfs compris dans une même ligature, et de la multiplication de toutes ces causes les unes sur les autres. Cette séparation n'est, nulle part, aussi importante que dans la ligature de l'artère carotide primitive. Cette importance tient à celle des organes auxquels se distribuent les nerfs qui l'environnent; savoir le cœur, les poumons et l'estomac, dont l'action pourrait être suspendue, ou du moins éprouver une altération profonde et irrémédiable par la ligature de ces nerfs. Toutes ces parties avaient été évitées, et l'artère avait été heureusement embrassée. En effet, chaque fois que, saisissant d'une main les extrémités de la ligature, on pres- sait, avec l'indicateur de l'autre main, l'artère placée au fond de l'anse du fil, les bat- temens cessaient , l'oreille se flétrissait , sans qu'il fut possible d'apercevoir le plus léger trouble dans les fonctions du cœur , du cerveau , du poumon ou de l'estomac. DE L'IIOTEL-DIEU. 209 Lorsque la compression était levée , les battemens reparaissaient aussitôt avec les autres symptômes de la maladie. Cette épreuve fut répétée plusieurs fois, après quoi la ligature fut serrée défini- tivement. Dans ce moment, le malade éprouva une vive douleur à une petite molaire du côté droit. Cette douleur n'existait pas avant l'opération, et elle a été sûrement déterminée par elle, sans qu'on puisse dire comment. Au reste, ce fut la seule douleur que causa la ligature. Le volume de l'oreilje, quoique beaucoup diminué, ne parut cependant pas réduit autant qu'on avait pu l'espérer; ce qui pouvait être attribué à la rétention du sang dans les aréoles du tissu érectile. D'ailleurs on n'a- percevait aucune pulsation , aucun mouvement d'expansion ou de contraction dans la tumeur. On pansa le malade : on appliqua sur l'oreille des compresses imbibées d'eau de Goulard, et on interposa de la charpie entre elle et la tète. Diviser la peau, arriver à la profondeur de l'artère, la mettre à nu, l'isoler, la soulever, jeter autour d'elle une ligature, et la lier avait à peine duré quelques secondes. Cepen- dant, le malade fatigué, dans la journée, par les questions sans cesse renouvelées d'élèves indiscrets, éprouva, le soir, un mal de tète assez violent. Un bouillon fut vomi; une saignée fut pratiquée; le mal de tête persista. Une espèce d'engourdis- sement se fit sentir dans le membre supérieur opposé à la maladie; des bains de pieds sinapisés furent donnés. Le deuxième jour, la douleur de tête était moins vive ; mais il en existait à l'oreille ; le malade la compare à des piqûres d'aiguille. Il vomit encore un bouillon ; d'ailleurs nul trouble dans les fonctions du cerveau , du cœur ou des poumons. Des sinapismes aux pieds; de l'eau de Seltz gommée, ainsi qu'une diète rigoureuse sont prescrits. Le troisième jour, les douleurs à la tête sont presque dissipées : il n'y a plus de vomissement. L'œil voit; l'oreille, la langue et les narines ont conservé leur sensibilité, et n'ont éprouvé aucune altération dans leurs fonctions. D n'y a aucune pulsation dans la tumeur, non plus que dans les artères temporales, auriculaires et occipitales; le volume de l'oreille est diminué ; cette partie est rouge et chaude : on la comprime exactement. Le quatrième jour, le malade prend avec plaisir et sans être incommodé , une légère soupe; il n'y a plus de vornissemens. Le cinquième jour, le premier appareil est levé, la suppuration est établie, elle est de bonne nature ; la plaie est pansée simplement. Le sixième jour, le malade est fort bien; l'oreille cause quelques picotemens ; d'ailleurs on n'y découvre aucun battement: elle est flétrie plus que de coutume. Les septième, huitième et neuvième jours, même état. Le dixième jour, nul battement encore dans l'oreille; le tissu érectile a perdu 2'fo CLIMQUE CHIRURGICALE un tiers de son volume. L excoriation qui, avant l'opération, fournissait du sang, ne donne plus que du pus de bonne nature. Le soir, le malade a Se la fièvre, la peau est chaude, le pouls élevé et fréquent ; il y a douleur vive à la tête, gêne dans la respiration. Une nouvelle saignée est pratiquée dans la crainte que cet état d'ex- citation ne détermine une hémorrbagie ou quelque inflammation à l'intérieur. Le onzième jour, le malade est très bien, la nuit a été bonne, le mal de tête est dissipé , la ligature est prête à tomber. On s'abstient cependant de toute traction. Le douzième jour, la ligature tombe sans hémorrhagie , après avoir coupé les pa- rois de l'artère. Le volume de l'oreille est diminué de plus d'un tiers. Le dix-huitième jour, !e tissu érectile , qui avait diminué jusqu'alors, semble avoir repris quelques rnouvemens d'expansion et de retraite , quoiqu'on ne sente aucun battement dans les artères voisines. Une compression exacte est exercée sur l'oreille." Le trentième jour, les rnouvemens d'expansion sont visibles à l'œil. Le quarante-troisième jour, on dépanse l'oreille qui, depuis plusieurs jours, était comprimée, entre deux blocs de charpie; elle offre, dans quelques points seule- ment, de légers rnouvemens: les doigts appliqués sur l'artère temporale n'y font sentir aucun battement. La suppuration séjourne dans la partie inférieure de la plaie : on la fait sortir en comprimant. Le soir, douleur à la poitrine, difficulté et gêne dans la respiration ; pouls fréquent et dur; application de vingt sangsues sur les côtés du thorax. Le quarante-quatrième jour, le malade est mieux, il n'éprouve plus de douleur à la poitrine. La plaie de l'opération est entièrement cicatrisée. Le quarante-sixième jour, après ?vo'r long-temps réfléchi sur la persistance opi- niâtre du tissu érectile et sur le retour de ses rnouvemens, j'imaginai qu'une com- pression, uniforme et continue serait peut-être plus efficace que celle que j'avais exercée avec de la charpie, des compresses et des bandes. En conséquence, après avoir affaissé l'oreille par une compression exacte, et quelque temps continuée avec la main, je Ja couvris, elle et les parties voisines de la tête, d'une couche de plâtre de statuaire , que je venais de faire délayer dans de l'eau; j'espérais, qu'en se pre- nant , le plâtre enfermerait l'oreille dans un moule capable de résister à l'effort d'ex- pansion du mal. Mais mon espérance fut déçue. La sève, dont l'effort soulève et écarte des masses énormes, n'a rien qui soit comparable aux effets de la tumeur dont il s'agit. Le plâtre qui unissait l'oreille à la tête fut en peu d'heures détaché de cette dernière partie; celui qui renfermait l'oreille elle-même fut bientôt entr'ou- vert, éclaté ; et le tissu érectile, s'insinuant à travers les fentes qu'il avait produites, servit à écarter encore plus les fragmens du moule qu'il avait brisé. Ce fut en vain qu'on en soutint les débris à l'aide de la compression; ce fut aussi vainement encore DE L'HOTEL-DIEU. ^i que le moule fut jeté une seconde et une troisième fois autour de l'oreille, et que son épaisseur fut augmentée. L'effort d'expansion de la tumeur le brisa chaque fois, en quelques heures de temps ; et quoique le volume et la saillie de l'oreille parussent avoir un peu di- minué, je cessai l'emploi d'un moyen qui était évidemment au-dessous du mal. J'espérais de meilleurs effets d'une machine composée de deux espèces de valves , qui, unies par une charnière, pouvaient recevoir l'oreille et la comprimer à vo- lonté à l'aide de liens placés à Fopposile de la charnière. Une courroie servait à la fixer autour de la tête et à l'appliquer fortement à la tempe. Cet appareil compressif, continué pendant quelque temps, réussit mieux que le précédent à contenir l'oreille et à borner son développement, mais il ne réussit pas mieux que lui à effacer le tissu érectile qui survivait au battement des artères. Pour guérir celte partie de la maladie , il eût fallu enlever le tissu qui la formait ou bien changer son organisation. L'enlèvement, seul moyen de guérir cette maladie, et que nous avons fréquemment employé dans des cas où elle avait des limites étroites pouvait, à cause de son étendue, entraîner des accidens graves. Changer la nature de la maladie n'était pas en notre pouvoir. Nous dûmes borner nos soins et nos efforts à la guérison de la dilatation anévrismale des artères, et abandonner à lui- même un tissu qui, lorsqu'il existe sans le grave accompagnement dont nous l'a- vions débarrassé, ne produit que de faibles incommodités, jusqu'à l'époque où la diminution des forces générales fait tomber sa force expansive, amène par degrés son affaissement, et le réduit à une organisation dont les propriétés, presque inertes, ne sauraient dès lors causer des craintes, ou exposer les malades à aucun danger. TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS CE VOLUME. Mémoire sur les poils, par M. C. Girou i Histoire d'une opération césarienne pratiquée dans l'hôpital impérial et royal de Santa-Maria- Nuova de Florence, par M. Anastasio Tassinari 33 Des Branchies et des vaisseaux branchiaux dans les embryons des animaux vertébrés , par M. le professeur Charles-Ernest Baer 41 Observations sur la saignée générale et locale, comme moyens thérapeutiques dans les em- poisonnemens, par M. A.Vernière .i^r ,. 5a Recherches sur la force du cœur aortique , par M. M. J.-L -M. Poiseuille 60 Observations de fractures accompagnées de circonstances remarquables, par MM. Moulin et GtJIBERT ■ 88 ' Note sur la véritable origine du nerf propre au muscle tenseur de la membrane du tympan, ou muscle interne du marteau , 93 Clinique chirurgicale de l'Hôtel-Dieu, par M. le baron Dupuytren. — De la différence dans le diagnostic des luxations et des fractures de l'extrémité supérieure de l'humérus, par M. Marx ' 96 Mémoire sur l'hypertrophie du cœur, l'inflamation chronique de l'aorte, et la dégénération stéatomateuse des tuniques internes de cette artère, par M. Angiolo-Nespoli. . . n5 Observations sur la péricardite chez les enfans, par M. Théodore Guibert ' 128 Second Mémoire de physiologie et de chimie microscopique sur la structure mtime des tissus de nature animale , par M. Raspail.. ; i55 Études anatomiques, physiologiques et pathologiques de l'œuf dans l'espèce humaine et dans quelques-unes des principales familles des animaux vertébrés , etc., par M. G. Breschet. . i65 Observation sur un cas de perforation ulcéreuse de l'oreillette gauche, par M. Maruéjocls.. . 239 Clinique chirurgicale. — Orservatiok sur une ligature de l'artère carotide primitive dans un cas de dilatation anévrismatique des artères de l'oreille, de la tempe, de l'occiput, et de pro- duction de tissu érectile, par M. LE BAJSOS DUPUTTREN 23 1 Jieperfoir<> 7. ê SecoTtd mémoire srtr ftv /t'j-j-it.r ,>r