Le 1 tee . Pons 7 : pastis 2 ee LEE Anh sâss 1 LUE TERRE XL #3 LIANT TT PIRELLI] DR AT Ne | à Near ACADEMTE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. LPO FH CURE mn * l | Két er { EL ' L | \ + 7 P Fe le ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. LIST SSIDIS SÉANCE PUBLIQUE DU 23 AOUT 1023. FRANTIN , IMPRIMEUR DU ROI ET LE L'ACADÉMIE. 1024 4\ ee) 4 9 Les pue , me PET. vs ; que # nm) y'a 1 ! as "| f | d° «1 f er! k 7 : » DR 14 \ 115 CT LA à L | k; f } FL ; ; “1 2 2 £ # LJ hi \ - L a 1 à Li LA une L M ut i LARNT. LE à, Nix } N N L1 À # EN r ‘es %e ACADÉMIE DES SCIENGES , ARTS ET BELLES-LETTRES + DE DIJON. SÉANCE PUBLIQUE DU 23 AOUT 1023. SSSISSPESSI M. DurAnDE , Chevalier des ordres de Saint-Michel et de la Légion d'honneur , Président, ouvre la séance et dit : Messreurs, Alors qu’une éloquence sublime prête som langage à ces principes immuables qui assu- rent la paix des États et le repos des peuples, à ces vérités éternelles qui consolent le mal- heur par l’espérance et font des portes du tombeau le seuil de l’immortalité ; tout ce qui existe dans une cité, d'hommes recom- mandables par les vertus et le savoir, d’hom- mes distingués par la naissance, le rang et k (6) les places, accourt à la voix de cette élo- quence persuasive , et s’empresse d’ennoblir son triomphe par ses suffrages et ses applau- dissemens. Heureuse de cette pensée , l’Académie de Dijon se félicite, Messieurs, de votre réunion dans ce sanctuaire des Muses, bien persuadée que vous y rendrez hommage au mérite dis- tingué d'hommes de lettres, qui, sur une question du plus haut intérêt, se sont dis- puté avec un rare talent la palme de la vic- toire. Vous, Messieurs, qui formez l’élite decette cité fidèle, vous qui vous glorifiez de voir placés à votre tête de vaillans guerriers, vé- ritables modèles de la chevalerie et de la loyauté française ; Des Magistrats non moins intègres qu’é- clairés ; Des Administrateurs dévoués à leur patrie comme à leur Prince , et dont les lumières sont l’ornement d’un Trône, qui, riche de toutes les vertus, aime à s’entourer de tous les talens ; Un Prélat qui, par son mérite et sa sagesse, vous rappelle les beaux temps de l'Eglise ; Qui mieux que vous, Messieurs, peut ap- précier ce que le génie acquiert d'illustration (#Y et de grandeur , lorsqu'il se consacre à la méditation et au développement des saines doctrines ? | C’est donc à vous qu’il appartient plus spé- cialement de rehausser, par vos suffrages , l'éclat des bons écrits ; et leur décerner en votre présence la palme du génie , c’est ho- norer le triomphe d’un nouveau mérite. En ce jour, Messieurs, dont nous vous devons la solennité, quelle satisfaction pour nous de pouvoir sous de semblables auspices célébrer l’amour des sciences et des lettres; les montrer, grâce aux efforts de nos con- currens, dans toute la plénitude de leur puis- sance ; les embellir des témoignages de re- connoissance offerts à ceux qui pendant le cours de l’année dernière ont honoré cette Societé du fruit de leurs veilles et de leurs travaux ; enfin , vous rendre un compte suc- cinct et fidèle de ceux qu’à leur exemple ont entrepris Messieurs les membres de cettè Académie , toujours animés du désir de se rendre utiles à leur pays et à l'humanité. C’est vous dire, Messieurs, que leurs tra- vaux , fruits d’une sage et judicieuse obser- * ation , reposent constamment sur des faits, et non sur des théories abstraites, des recher- (8) ches inutiles, des sous-divisions à l'infini, enfin sur des mots vides de signification, qui surchargent la mémoire et entravent l’étude des sciences sans augmenter leurs richesses, sans rien ajouter à leur célébrité. Certes, il est glorieux de pouvoir étendre la sphère des connoïssances humaines ; mais cette sphère a ses limites, et quiconque ne sait pas les respecter , écoute moins l’intérèt de la science, que l’amour des innovations toujours dangereux, ou le désir ardent de se créer une réputation. On ne sauroit trop le répéter, les sciences n’acquièrent et ne se perfectionnent que par la recherche des faits, par l’utilité des dé- couvertes; et il est rare que des écrits qui s’écartent de cette route , soient scellés du sceau de la vérité. La nature, Messieurs, est si magnifique dans son ensemble, si simple dans ses moyens, si uniforme dans sa marche, qu’on doit dé- sespérer de trouver ses confidens et ses in- terprètes dans ceux qui ne voient en elle que des mots et non des choses, dans ceux qui ne lui connoissent d’autre genre de ri- chesses que des nomenclatures ou des syno- nymies. Encore s'ils ne faisoient qu’enlever à la science cette simplicité aimable qui la (9) rend pleine de charmes et de vérité ; mais avec eux la lumière se perd dans cette mul- titude de sous-divisions , dans ce fatras de mots insignifians et barbares ; et semblable à ce beau ciel dont d’épais nuages nous dé- robent l'éclat, craisnons que leur sphère ne se couvre enfin d’une obscurité profonde, et que bientôt il n’existe plus pour les scien- ces, ni mensonge , ni vérité. Par quelle fatalité se fait-il, Messieurs, que ce bouleversement des idées , que cette altération des principes et des choses se fasse également remarquer dans la carrière des lettres ? L'esprit humain s’est donc égaré dans toutes ses conceptions , et l’empire des sciences et des lettres n’a pas moins souffert du systé- me des innovations , que la paix des États et la félicité des peuples. Depuis qu’on déverse le ridicule sur cette simplicité de mœurs, fidèle amie des douces affections de l’ame ; Depuis que lurbanité semble exilée du cercle du monde ; Depuis que la délicatesse et l'amour du bien ont cessé d’être en honneur parmi les hommes, et que l’encens prodigue ses par- fums au temple de Plutus ; (10) Depuis que l’égoïisme et l'ambition ont pris Ja place de ces sentimens élevés qui faisoient de l’homme l’image de Dieu , on ne retrouve plus dans les écrits du jour ces affections ten- dres et délicates , que peignoient si bien les anciens, et dont l’heureuse expression fai- soit couler de douces larmes. Faut-il accuser de ce changement les mou- vemens politiques, qui presque toujours en- traînent après eux la rudesse et l’âpreté, ou la crainte qu’auroient eue nos littérateurs , que la sensibilité ne fût usée par les désas- tres des révolutions? Et de là seroit née cette opinion si funeste par ses résultats, que chez une nation devenue plus avide d’émotions violentes que de l’amour du vrai, il falloit chercher dans le charme de l'illusion , dans l’exagération des récits, quelquefois même dans des situations outrées, le moyen defixer l'attention et de captiver les suffrages. Triste sort de la plupart des écrivains du siècle, qui ont immolé leurs talens sur l'autel de l'intérêt , et trahi cette vérité, qu’on ne trouve pas plus la beauté où règne l’affecta- tion , que la tendresse où règne l’art. génie en partageant nos discordes, quelquefois même le déshonorant par une vile complaisance , Plus d’une fois, étouffant leur (1) ils ne s’aperçoivent point, ces écrivains àm- bitieux, qu'ils enchaînent la pensée en la faisant plier sous le joug de fausses doctri- nes , et qu’ainsi ils entravent le mérite. Oui, Messieurs, il ne fleurit que dans les rangs d’une noble indépendance ; et tels écrits qui pouvoient être pleins de force et de vérité, ont ainsi trompé l'espoir d’une nation géné- reuse , qu’on reconnoîtra toujours à son res- pect pour le génie, à son admiration pour la gloire. Devons - nous encore mettre au nombre des causes de ce désordre littéraire le délire de la nouveauté, qui nous fait rechercher avec tant d’avidité, accueillir avec tant d’en- thousiasme la littérature étrangère , quoique souvent elle ne présente, du moins sous le rapport théâtral, que des situations contre nature, et qu’elle étonne l’esprit sans émou- voir le cœur? Mais ne nous y trompons pas, Messieurs; la cause la plus puissante de notre décadence littéraire , nous devons la chercher dans le mépris des saines doctrines, dans l’oubli des vérités éternelles. Il n’est qu'une morale douce et pure qui puisse donner à la voix de l’homme l’accent de la noblesse et de la vérité. (12) Il n’est qu’une religion sublime qui puisse embraser les cœurs du feu des vertus, faire sentir à l’homme toute sa dignité , l’élever au-dessus de lui-même, et lui inspirer ces pensées grandes et généreuses que ne sauroit trouver une imagination flétrie par des prin- cipes pervers, par des idées de matérialisme, et par cela seul frappée de froideur et de stérilité. Ainsi, Messieurs , lorsqu'un Gouverne- ment se désorganise , tout périt avec lui ; mœurs, institutions, vertus, même les scien- ces et les lettres, nos plus douces compagnes, et toujours nos plus fidèles amies. Sans doute au peuple français, il ne falloit rien moins qu'une révolution des plus sub- versives, pour bouleverser les idées et chan- ger les cœurs. Sans doute il seroit moins pénible de pou- voir attribuer cette décadence littéraire à l’in- fluence du génie imitatif; lacause seroitmoins blâmable ; mais l'effet n’en seroit pas moins funeste à notre littérature. De même que chaque peuple a un carac- tère et des mœurs qui lui sont propres, de même chaque peuple a son esprit et son gé- nie; et à moins qu'il ne veuille cesser d’ap- partenir à lui-même , il doit en conserver (13) soigneusement et le type et le mode d'ex- pression: Ainsi abandonnons ces littératures étran- gères, dont la plupart ne produisent que des émotions passagères, ets’insinuent dans l’ame sans pouvoir se flatter et du don du souve- nir et du mérite de la persuasion. Dans les conceptions de l'esprit, comme dans les mouvemens du cœur, soyons tou- jours Français. Ce nom ne déserta jamais les drapeaux de la valeur ; que sera-ce aujour- d’hui qu’il apparoît sous un nouveau genre de gloire , en usant du succès de ses armes, non pour opprimer et s’agrandir , mais pour réconcilier une nation avec les principes d’or- dre et de justice, et ramener dans son sein le bonheur et la paix ? Que sera-ce aujourd’hui qu’il peut em- bellir ses lauriers , et des vertus de ses Rois, et de ces souvenirs de grandeur qui nous reportent naturellement à ce beau siècle de Louis XIV, où le guerrier trouve tant d’élé- mens d'illustration et d’héroïsme;l’homme de lettres , tant de modèles de grâce et de bon goût, tant d'exemples du sublime et du beau. Mais de nos jours où de nouveaux prodiges doivent enfanter de nouvelles gloires, tâ- chons de faire revivre les époques brillantes (14) de Periclès et d’Auguste ; faisons plus, pres nons pour modèles ces lyres majestueuses qui donnèrent tant d’éclat au grand siècle. Elles seules sont dignes de transmettre à la postérité l’ère nouvelle du nom français. Sur-tout n’écoutons point certains esprits qui osent reprocher aux poëtes de cet âge, de n’avoir su ni interroger , ni connoître la nature. Tonoroit-il la nature, ce sublime Corneille, qui avoit puisé dans Tite-Live son ame de Romain ? Ionoroit-il la nature, cet immortel auteur d’Athalie, qui révéloit jusqu'aux secrets les plus cachés du cœur humain , en les parant des couleurs enchanteresses de Virgile ? C’est en marchant sur les traces de ces orands hommes , que la littérature fera re- vivre dans ses ouvrages cette délicatesse de soût, cette élévation de caractère, qui sont le propre du génie français , et qui joignent à l’amabilité du style , la pureté des penséee et l’éloquence du sentiment. Il résulte de cette digression , Messieurs, qui par défaut de temps n’est qu'un aperçu, que depuis quelques lustres les sciences et les lettres ont subi de grands changemens ; que dans la carrière des sciences naturelles, (15) on s’est plus occupé de l’histoire des mots ; que de la recherche et de la connoissance des faits ; que dans la littérature le goût et les grâces ont beaucoup perdu de leur in- fluence , et qu'on n’y retrouve qu'imparfai- tement le beau et te vrai, le grand et le su- blime ; et ce malheur, nous devons double- ment le déplorer, puisque nous en trouvons la cause dans le discrédit des saines doctri- nes , dans l’affoiblissement des croyances re- ligieuses , source première de ces affections nobles et généreuses , qui font de l’homme, selon ses diverses positions, l’appui du mal- heur ou le vengeur de l’oppression, le héros de la victoire, ou l’oracle de l’humanité. Heureux , Messieurs , si l'opinion que je viens d'émettre a quelques droits à votre bienveillance! Mais redouter la décadence des lettres, et désirer pour les Français tous les genres de gloire, c’est sans doute par- tager vos craintes et prévenir vos Vœux ; car en tout ce qui est de goût et de convenance, on retrouve toujours vos pensées et vos sen- timens. Oui, Messieurs, vous abhorrez le faux talent qui ne s’élève que sur les débris des doctrines et des mœurs ; mais vous honorez de votre estime cette douce éloquence, la (16) compagne du goût, l’amie de la société, les délices du monde ; vous faites plus, Messieurs, vous environnez d’éloges et de respect cette éloquence divine qui par la majesté de son langage , par la vérité de ses pensées, im- prime dans le cœur de l’homme un caractère sacré d'honneur et de relision , l’élève au- dessus des foiblesses humaines, et conserve dans toute leur pureté ces sentimens d'amour pour son Dieu et son Roi , rempart inexpu- gnable contre la corruption du siècle, le mépris des lois et la contagion de l’anarchie. Que les lettres soient ainsi rendues à leur vé- ritable destination, alors ellesrenaïîtront dans toute leur pureté ; alors elles reparoîtront sur la scène du monde accompagnées de tout leur éclat ; et le laurier d’Apollon , de nou- veau vivifié, couvrira de son ombre tutélaire le beau sol de notre France. Alors les Muses, depuis long-temps in- quiètes et silencieuses , s’empresseront de relever leurs autels; elles y publieront avec pompe, le triomphe de nos armées, la bra- voure de leurs chefs, et l’ineffable bonté de notre auguste Monarque. Leurs pinceaux s’animant d’une nouvelle énergie, elles nous montreront, sous les traits C7) | d’un seul, les vertus et la piété, la bienfai- sance et l’héroïsme, la bonté et la grandeur, Permettez-moi, Messieurs, de vous taire un nom que vos cœurs vous révèlent. Lisant dans tous les cœurs français ; ces divinités du génie feront encore retentir leurs temples de nos chants d’alégresse, de nos expressions d'amour et de respect pour le digne héritier du Trône. Ces chants triomphäteurs, puissent-elles les faire entendre en ce jour de fête dont l'aurore va bientôt paroître ; en ce jour, qui seroit le comble de la félicité , si ralliant tous les Français sous le panache de l’honneur , il n’en formoit plus qu’une seule et même famille étroitement unie et par les liens d’une Religion toute chré- tienne , et par les mêmes sentimens d'amour pour le Roi et pour la patrie. Quel sujet d’attendrissement et de joie, et qu’alors il seroit facile de célébrer dans toute la plénitude du bonheur , et la bra- youre de nos guerriers, et les hautes desti- nées de la France, sur ce berceau chéri, où se trouvent réunis la consolation de tant de maux , et le doux espoir du plus glorieux avenir ! 2 COMPTE RENDU DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES, ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON. PARTIE DES SCIENCES. ANNÉES 1022 ET 1023. RÉDACTEUR, M. DURANDE , CHEVALIER DE L'ORDRE DE SAINT-MICHEL ET DE LA LÉGION D'HONNEUR. Missurs : Lorsque les destinées de la France brillent d’un nouvel éclat ; Lorsque la sagesse et le génie président à ses conseils ; Lorsqu'une jeunesse belliqueuse s’enflam- me de l'amour de la gloire et se montre aux champs de Mars le plus ferme appui de l’em- pire des lis par sa bravoure et par sa loyauté ; Lorsque les lauriers de Mars aiment à $embellir du feuillage de l'olivier, pour ceindre le front d’un Prince magnanime , Fhonneur et l’amour des Français ; Lorsque la France recouvre son antique gloire sous la bannière d’un second Henri IV; Lorsque l’Europe attentive admire tani de grandeur et tant d’exploits, et que de | (19) toute part on rend hommage au trône des Bourbons ; : Fut-il jamais moment plus propice pour célébrer les sciences et les lettres, et décer- ner aux savans qui nous ont honorés du fruit de leurs veilles et de leurs travaux, des témoignages authentiques d’estime et de reconnoissance ? Sous un siècle de gloire la science reprend une nouvelle vie; les Muses même accourent inspirer aux poëtes le langage des Dieux, et la lyre d’Apollon s’enorgueillit de pouvoir confondre ses accens avec ceux de l’alé- gresse et de la renommée. Oui, Messieurs, les sciences et les lettres retrouvent alors leurs véritables élémens dans l’utile et le vrai, dans le grand et le beau, qui na- turellement viennent s’associer à tant de triomphes et rendre à ces sources de pros- périté leur importance et leur intérêt , leurs charmes et leur éclat. S’exprimer ainsi, Messieurs, c’estemprun- ter votre langage ; c’est manifester des sen- timens dont la pureté égale votre zèle pour la science ; c’est annoncer ce que dans des temps de félicité publique on est en droit d'attendre des savans et des littérateurs ; je dis plus, c’est rappeler à ces hommes recom- (20) mandables ce qu'ils se doivent à eux-mêmes, ce qu’ils doivent à une patrie quise distingue par l'esprit de ses habitans ; à un règne au- guste, auquel il ne manque plus pour avoir atteint tous les genres de gloire, que l’exis- tence d'hommes de génie dignes de rivaliser ceux du beau siècle de Louis XIV. Combien ce moment est à désirer, et pour l'avancement des connoïssances humaines, et pour le bonheur des peuples ! Plutôt créées pour orner l'esprit que pour l’égarer , plutôt amies sincères de l’ordre et de la paix que compagnes des désordres et des séditions , les sciences et les lettres nous garantissent de cet esprit de vertige , de ces attentats contre l'autorité, de ces guerres civiles, qui sont le plus grand fléau des em- pires, et qui naguère dans la péninsule faisoient couler Le sang français. C’est peut-être nous écarter de notre sujet, mais au moins c’est obéir au cri du senti- ment, que de jeter quelques fleurs sur la tombe de ces défenseurs des Rois; et enatten- dant que la reconnoiïssance nationale leur consacre un monument , honorons leurs manes par ces vers de Voltaire : Leurs noms toujours fameux vivront dans la mémoire L Et qui meurt pour son Roi, meurt toujours avec gloire. (21) En vous rendant compte, Messieurs , des travaux scientifiques de l’Académie de Dijon pendant les années 1822 et 1823, nous ne vous parlerons point des ouvrages imprimés que cette Société a reçus des associés non résidens , et dont ses commissaires ont donné des analyses remarquables par la clarté du style et par le mérite des réflexions ; ces ou- vrages sont entre les mains de tous les savans, et il convient de laisser à chacun d’eux son jugement et son opinion. D'ailleurs l’esprit de l’Académie est de s'attacher moins à la censure des mémoires qui lui sont envoyés, qu’à la publication des faits nouveaux, ou des vérités jusqu'alors inconnues , dont ils enrichissent la science, et qui seules peuvent faire de ces sortes de travaux l'éloge et le mérite ; mais cette tâche est remplie du moment que les ouvrages sont rendus publics. Quoiqu'ils n’offrent pas tous le même degré d'intérêt, tous sontégalement animés du même amour pour la science, du même désir d’être utiles. De telles considéra- tions justement appréciées par l’Académie, donnent à ces savans de nouveaux droits à son estime et à son attachement ; et désirant leur en donnerune preuvesolennelle, elle a décidé (22) que les titres de leurs ouvrages seroient im- primés à la suite du Compte rendu. La chimie, Messieurs, est de toutes les sciences celle qui a le moins souffert de nos temps de discorde et de révolution. Toujours favorable aux progrès des arts, en quelque sorte créés pour activer l’indus- trie, la chimie minérale a souvent trouvé dans la cupidité de l’homme et dans ses vues ambitieuses , les moyens de s’agrandir et de se perfectionner. Disons donc qu’il falloit être vraiment ami de son pays, vraiment jaloux d’accroître les connoissances humaiï- nes, pour s'occuper avec autant de zèle des deux autres branches, qui sont loin de pré- senter les mêmes motifs d'intérêt et d’uti- lité. Grâces soient donc rendues aux chimistes quiont fait de ces parties l’objetde leurs veilles et de leurs recherches ; des succès inespérés ont récompensé leurs généreux efforts, et nous devons à leur sagacité la découverte de plusieurs produits également importans et sous le rapport de leurs vertus, et sous celui de leur utilité dans les artset dans la médecine ; mais il étoit réservé à M, Tilloy, Vun de nos associés et pharmacien de cette ville, en publiant une nouvelle analyse de (23) la scille, de faire connoître aux savans les moyens de séparer ou d'isoler les diffé- rentes substances qui la composent. Déjà une analyse de cette liliacée avoit été publiée.en 1812 par M. Vogel. Cet ha- bile chimiste a trouvé dans cette substance un principe amer et visqueux, susceptible par l’action de la chaleur, d’être amené à l’état d’une matière pulvérulente et blanchä- tre. Ce principe s’humecte à l'air ; il est so- luble dans l’eau , dans l’alkool et dans le vinaigre ; Sa saveur est excessivement amère et âcre, quoiqu’elle laisse un arrière-soût sucré. Si nous en croyons M. Vogel, la scille doit à cette substance toutes ses propriétés médicales ; aussi propose-t-il: de l’appeler scillitine. Telle est l’analyse du célèbre Vo- gel. Celle présentée par M. Tilloy à l’Aca- démie paroît plus exacte et plus parfaite. Indépendamment des substances inertes découvertes par M. Vogel, M. Tilloy a re- tiré de cette plante bulbeuse les principes suivans. 1° Une substance grasse de couleur jaune et d'une saveur âcre ; par sa consistance ce produit tient le milieu entre la cire et la graisse ; il est insoluble dans l’eau, soluble dans l’alkool et dans l’éther. On peut dire (24) que la saveur de ce corps gras ne lui est point propre, puisqu'il peut en être dé- pouillé par des procédés particuliers. 2° Un principe remarquabie par son ex- cessive amertume, et soluble dans l’eau, dans l’alkool, dans l’éther et dans l’ammo- niac.M. Tilloy s’est convaincu par plusieurs expériences, que toute la vertu diurétique de la scille est contenue dans ce principe. 3° Une substance de couleur grisâtre, friable comme les résines, douée d’unesaveur amère et sur-tout excessivement âcre ; elle est insoluble dans l’eau et dans l’éther , mais très soluble dans l’alkool. Donnée à un chien de forte taille, seulement à la dose d’un demi-grain , elle produisit des vomisse- mens opiniâtres, et vraisemblablement elle l’eût fait périr , sans les prompts secours qui lui furent donnés. 4° Enfin du mucilage et du sucre incristal- lisables. M. Tilloy affirme que la scillitine de M. Vogel n’est autre chose qu’un mélange de ce produit uni à une certaine quantité des principes désignés sous les articles 2 et 3. Ainsi, Messieurs, il résulte du travail de M. Tilloy, non-seulement une connois- sance plus exacte des principes constitutifs de la scille , mais encore la connoissance (25) des moyens à employer pour isoler et con centrer , soit le principe diurétique , soit le principe vénéneux. On peut juger par cette analyse, des pro- grès de la chimie dans le règne végétal, et se convaincre qu'enfin ; par de nouveaux procédés , on évite de nos jours ces décom- positions qui s’opéroient pendant l’analyse, et donnoient lieu à de nouveaux composés, dont alors on devoit attribuer la formation, soit aux agens extérieurs, soit à la combi- naison des principes qui se dégageoïent des corps mêmes employés pour l’analyse , avec les produits des substances analysées. Telle fut pendant long-temps la source de tant d'erreurs, ou du moins la cause d’un état d'incertitude sur le véritable caractère des substances végétales ou animales, qu’on cherchoit à déterminer par l'analyse chi- mique. Les mêmes progrès se font remarquer dans la chimie du règne animal , quoique cepen- dant elle présente les mêmes difficultés; et sans doute ils doivent être pour nous d’un plus grand intérêt, puisqu’en nous dévoi- lant la nature des substances qui souvent sont la cause de nos maux, ils nous indi- (26) quent les moyens de les combattre et de les guérir. La bile, cette liqueur si importante par son influence sur la qualité des sucs nutri- tifs, méritoit de fixer l’attention des chi- mistes. M. Thenard est un de ceux qui se sont le plus occupés de cette analyse ; son travail consigné dans le premier volume des Mémoires de la Société d’Arcueil , nous an- nonce dans la bile la présence d’une résine; et avec une autorité d’un si grand poids dans l’art de la chimie, il ne falloit rien moins que le mérite distingué de Bergelius, et les ingénieuses expériences de M. Sené, l’un de vos collègues , et professeur à la Fa- culté des sciences de Dijon, pour renverser cette opinion, en prouvant que la bile du bœuf ne contient aucune partie résineuse , et que si, par l'effet de l’analyse , on obtient un produit résiniforme , il convient de l’at- tribuer à l’opération elle-même , et à la com- binaison ou à l’union du picromel avec l’a- cide employé à sa précipitation. Les nouvelles expériences faites par M. Sené ne laissent aucun doute sur cette vé- rité, qu'il n’existe dans la bile aucune ma- tière résineuse. En effet , que ce savant décompose par un : C2r5 carbonate terreux la matière d'apparence ré- sineuse , il obtient, ensuite par l’alkool le picromel pur, isolé de l'acide avec lequel il constituoit la prétendue résine; ou qu’il verse sur le picromel obtenu à la manière de M. Thenard , un acide quelconque , pour peu que cet acide soit puissant ou concentré, il le convertit en matière résiniforme. Mais le picromel obtenu par la décomposi- tion de la matière résiniforme étoit d’un vert jaunâtre, caractère que M. Bergelius prête à la matière essentielle de la bile ; tandis que le picromel de M. Thenard , lorsqu'il est par- faitement pur, est d’un blanc légèrement jau- nâtre, et sa combinaison avec lesacides, d’un blanc parfait. De tels phénomènes fixèrent l’attention de M. Sené ; il soupçonna que ces différences dépendoiïent d’une matière colorante parti- culière, précipitée par l'acide conjointement avec le picromel, et par lui retenue lors de sa séparation d’avec l’acide précipitant par les carbonates de barite ou de chaux. Pour s’en convaincre, il traita par l’alu- mine en gelée la dissolution aqueuse de ce picromel coloré ; et favorisé par ce moyen, il parvint à le décolorer complétement , même à le rendre absolument semblable au picro- (28) mel de M. Thenard. La bile tout entière traitée par l’alumine en gelée fut également décolorée. Quant à la nature du picromel , M. Sené incline à le considérer comme un véritable alkali. Sans parler de l'utilité de la bile, bien re- connue dans l’art du dégraisseur , les expé- riences suivantes , dues à la sagacité de cet habile chimiste ,| semblent confirmer cette opinion. Une dissolution de picromel dans l’eau a saponifñé une quantité notable d’axonge , et une quantité plus considérable d’acide mar- garique. Dans ces deux circonstances, le pro- duit de la combinaison donne avec l’eau une dissolution un peu trouble, que rend plus sensible une petite quantité d’acide acétique; et tout le monde sait que de semblables effets sont ordinairement le résultat des dissolu- tions sayonneuses. Quoi qu'il en soit, si l’on admet le picro- mel au nombre des alkalis, on ne doit le considérer que comme le plus foible des al- kalis connus. | Ainsi donc , Messieurs, il paroît prouvé par le travail de M. 5ené, (29) 1° Que la bile du bœuf ne contient aucuné matière résineuse. 2° Que la matière résiniforme découverte dans la bile par l'effet des analyses n’appar- tient point à la bile elle-même , et qu’elle n’est autre chose que le résultat de l’union du picromel avec l’acide employé à sa pré- cipitation. | 3° Que le picromel approche de la nature alkaline. 4° Que la matière colorante de la bile n’est point essentiellement inhérente au picro- mel , qu’elle en est distincte et séparée , et que dès-lors ce seroït commettre une erreur, que d’en faire un des caractères distinctifs du picromel. 5.° Que d’après les expériences de M. Sené, la bile est principalement composée d’eau , de picromel et d’une matière colorante par- ticulière. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce travail , qui fait infiniment d'honneur à M. Sené, et qui lui eût mérité l’estime des savans , si déjà il ne l’eût obtenue par des dissertations de médecine et de phy- siologie , consignées dans des recueils pé- riodiques , et notamment par sa disserta- tion inaugurale sur l'habitude considérée ( 30) dans l’homme sous tous les rapports , soit ent santé, soit en maladie. : De toutes les opérations de la chimie, l’une des plus importantes, sous le rapport de son application à l’économie rurale, est sans con- tredit la fermentation spiritueuse, ou alkoo- lique. Notre département sur-tout ne sauroit attacher trop d'importance à ce travail de la nature , puisqu'il est la principale source de son crédit et de ses richesses. C’est de la conduite de cette opération , que dépendent les bonnes ou les mauvaises qualités de la plupart des boissons dont l’homme en santé fait usage. Mais quelle est la nature , le caractère de l’agent qui détermine, dans le suc d’un fruit sucré , ce mouvement intestut qui amène à sa suite tant de changemens dans les propriétés de ce suc ? Est-ce une matière toujours identique, douée , exclusivement à toute autre, de la faculté de produire la conversion du sucre en matière vineuse ? Ou, pour me servir des expressions de M. Thenard , existe-t-il réel- lement, ainsi que le pense ce chimiste, une matière particulière qui mérite seule le nom de ferment? Enfin, plusieurs substances dif- férentes sont-elles capables d’exciter le mou- vement fermentatif ? (3) Tel est l’objet d’un Mémoire dont nous a fait hommage M. Collin , l’un de nos asso- ciés non résidens ; mais cet ouvrage , ainsi qu'il nous en a prévenus, n’est que le com- mencement d’un travail entrepris pour enri- chir de nouvelles lumières la théorie de la fermentation, et tâcher de mieux connoître ses véritables principes. Les expériences que M. Collin a déjà faï- tes, le conduisent à étendre singulièrement le nombre des substances propres à servir de ferment , et à présumer que la plupart des matières azotées jouissent de cette propriété. Quelque péremptoires que nous paroiïssent les expériences consignées dans le Mémoire de M. Collin , nous nous abstiendrons de les rapporter ici, d'autant plus qu’on reviendra sur ce travail , et qu’il en sera donné une analyse complète , lorsque M. Collin aura envoyé à l’Académie les expériences qui doi- vent donner suite à celles déjà faites, et qui peut-être apporteront quelques modifications dansles conclusions déduites de sespremières expériences , et qui sont ainsi conçues : 1.° Que plusieurs matières animales dis- tinctes peuvent exciter dans le sucre la fer- mentation alkoolique ; 2.° qu’elles paroïissent y produire un effet d'autant moins lent, (32) qu'elles ont atteint un certain degré de dis- solution ; 3.° qu’enfin il est à présumer que toutes les matières organiques azotées sont dans le même cas. Les malheurs de la patrie en donnant un plus grand essor aux facultés de l’ame, n’ont pu que faire sentir davantage au médecin l'importance et la nécessité de diminuer la somme des maux qui désolent l'humanité souffrante. Des phénomènes mieux observés, des trai- temens mieux étudiés et plus habilement rai- sonnés , furent pour quelques-uns le ré- sultat de cette position, et développèrent dans l’homme de l’art cet esprit d’observa- tion, cette justesse de coup d'œil, cette ha- bitude de tact, cette promptitude de voir et de saisir, qui n’appartiennent qu’au véritable médecin, et qui dans leur ensemble sont le plus beau don qu’il puisse désirer et pour l'honneur de son art, et pour l'intérêt de l'humanité. Tel fut sans doute l'esprit qui dicta les di- verses observations dont M. Salgues nous a donné connoïssance dans nos séances parti- culières, et dont nous essaierons de présenter l'analyse avec tout l'intérêt dont elles sont susceptibles. (35) L'une de ses observations traite du pru- riso formicans, maladie que les anciens ont confondue avec le scabies , et qui peut-être de nos jours n’en seroit pas encore distincte sans les talens et les lumières de M. Willian, anglais, et de M. Alibert. Il paroît que M. Salsues n’a eu d’autre but, dans cet écrit, que celui de vous faire connoître le traitement par lui administré à un homme de cette ville, qui fut affecté de cette maladie à l’âge de trente-quatre ans. Plusieurs médecins avoient déjà tenté cette cure par les délayans , les dépuratifs et les bainssulphureux, mais toujours sans succès; le malade découragé consulta M. Salgues, qui dans le principe fit vainement usage des mêmes moyens , avec cette seule différence, qu'il ajouta à son traitement les frictions de chlore étendu d’eau. Tant d’opiniâtreté dans la violence du mal, tant d’ineffcacité dans les remèdes employés, firent soupçonner à M. Salgues que l’exalta tion morbide de la sensibilité cutanée jouoit le premier rôle dans cétte affection, et qu’en conséquence tous les remèdes stimulans étoient contre-indiqués. Ce fut alors qu'il sentit la nécessité d'abandonner ces remèdes, et deleur substituer les corps émolliens et les préparations d’opium. à (54) Il prescrivit au malade de se frictionner tous les jours avec la liqueur connue dans Jes pharmacies sous le nom de baume tran- quille, auquel il faisoit ajouter une once de laudanum par quatre onces de baume. De plus, il recommanda pour nourriture des mets adoucissans , et pour boisson l’u- sage du petit-lait coupé avec le suc de chi- corée. Un mieux très prononcé ne tarda pas à se manifester, et trois mois de ce traitement opérèrent la parfaite guérison du malade; la peau reprit sa souplesse, les boutons dispa- rurent, Morphée recouvra ses droits, et bien- tôt reparurent avec lui et la vigueur et l’em- bonpoint. Un médecin, vraiment ami de l'humanité, me doit laisser échapper aucune des circons- tances qui peuvent perfectionner son art et augmenter la somme de ses connoiïssances. Cette réflexion m'est suggérée par l’obser- vation de M. Salgues, sur un calcul intes- tinal, qui fut pendant dix ans la cause de fréquentes coliques. Vous savez, Messieurs, que ces sortes de concrétions se rencontrent fréquemment chez les animaux ; elles sont connues sous le nom de bézoard ; et dans un temps moins éclairé , elles étoient considérées (35) comme des espèces d’arcanes , également propres à combattre toutes les maladies, quelles que fussent leur causeet leur activité; mais jusqu’à présent il estchez l’homme peu d'exemples de ces sortes de concrétions ; les premières furent découvertes par Maréchal et Moreau ; leurs observations sont consi- gnées dans les mémoires de l’Académie de chirurgie. Si nous en croyons M. Salgwes, l'espèce de calcul qui fait le sujet de sa digression fut détachée des intestins par suite des efforts violens, que le malade fut obligé de faire pour monter d’une cave dans une boutique un ba+ ril de soude. Le malade éprouva de suite une colique plus vive que les précédentes ; cepen- dant la douleur ne fut qu’instantanée , elle disparut au moment où il crut ressentir comme un corps qui se détachoit de l’hypo- condre gauche en prenant la direction du côlon descendant. Ce fut ainsi que ce calcul parvint jusqu’à l'anus, dont l’ouverture fut agrandie de six lignes en incisant le rectum et le sphincter. Cette augmentation de diamètre favorisa la sortie de cette concrétion ; depuis ce mo- ment les coliques ont entièrement cessé et la personne jouit d’une parfaite santé, (3%) Ce calcul examiné avec attention n'offre au tact rien de graisseux ; de sorte qu’il ne peut être confondu ni avec les calculs biliaï- res, ni avec les pierres de la vessie. Son aspect et sa texture peuvent le faire comparer à cette substance connue dans le commerce sous le nom d’amadou , et en bo- tanique sous celui de bo/etus ignarius. Exté- rieurement il présente une sorte de calotte brunâtre d’une grande dureté , et dont l’as- pect semble velouté. On remarque en outre cinq faces, sur l’une desquellesestune sorte de tubercule comme sur-ajouté. Dans l’opinion de M. Salgues , il répondoit à l’ouverture de communication qui existoit entre la cellule du côlon, où il étoit renfermé, etl’aire de cet intestin. Intérieurement le tissu de cette substance paroît également velouté et coloré comme l’amadou; de plus on y aperçoit distincte- ment plusieurs couches concentriques, dont quelques-unes semblent lésèrement blanchà- tres. En seroit-il de ces couches comme de celles observées dans le tronc du bois? et leur nom- bre dans les bézoards humains, peut-il de même indiquer le nombre d’années employé pour leur formation? ; (37) La nature semble avoir déterminé chez les femmes l’époque à laquelle elles deviennent aptes à la fécondation , par la présence mo- mentanée d’un fluide périodique, dont l’é- coulement cesse lorsque la conception s’est opérée. Tout porte à croire que l’âge influe moins que le climat, sur cette révolution physique; sous les tropiqueselle se manifeste ordinaire- ment dans la septième ou huitième année; etsi tout cequi serattacheaux grands hommes acquiert plus de poids et d’intérêt par l'espèce de prestige.dont ils sont entourés, je vous di- rai, Messieurs, que Mahomet, si profond en politique , si habile dans l’art de gouverner les hommes , épousa Cadisja à cinq ans, et qu'à huit ans, elle étoit nubile, tandis que dans la plus grande partie de l’Europe ce changement d’existence chez les femmes s’o- père de douze à quinze ans; plus tardif en- core dans les contrées voisines des pôles, il n’apparoît qu’à l’âge de dix-huit ans. S’il étoit permis, Messieurs, d’émettre une opinion peut-être trop hasardée, je considé- rerois le plus ou le moins de distance de la li- gne équinoxiale comme le thermomètre de l’âge nubile ; et de cette donnée, je tirerois cette induction,que dans ces contrées lesoleil, (38) cet astre si puissant, l’ame de la nature, la source de toute vie végétative, n’agit pas avec moins d'intensité sur l’espèce humaine que sur les végétaux de ces pays, auxquels il semble donner plus de majesté dans leur port, plus d’éclat dans leurs couleurs, plus de sua- vité dans leurs odeurs, plus d'énergie dans leurs vertus. Cependant quelle que soit la force de ces vérités, que l’époque de la nu- bilation est marquée par un changement dans l’organisation, qu’il se manifeste plusieurs années après la naissance, et que ce moment varie selon les lieux et les climats, il est des exceptions connues , et le phénomène le plus étonnant dans ce genre est sans doute celui dont M. Salgues nous a entretenus dans l’une de nos séances particulières. Il existe dans cette villeune jeune personne chez laquelle cet écoulement périodique s’est manisfesté dès la fin de sa première année; et depuis cette époque jusqu’à cemomentoùelle atteint l’âge de huit ans, ce flux périodique apparoît tous les mois avec la même exacti- tude que chez les femmes adultes ; cepen- dant, malgré cette aberration physique , cet enfant se porte parfaitement, et n’éprouve d'autre indisposition à l’approche de cet écoulement, qu’un sentiment de douleur et (59) de pesanteur dans la tête, accompagné d’une lassitude dans tous les membres. Extérieurement on n’observe d'autre signe que la teinte bleuâtre des paupières, Il faut cependant convenir que cet écoule- ment est peu de chose , et qu’il ne dure qu’un jour ou deux ; alors les symptômes précur- seurs disparoïssent entièrement, et ne lais- sent après eux aucun résultat , aucune suite fâcheuse qui puisse inquiéter et compromet- tre la santé. La bravoure française qui ne connoît au- cun obstacle à sa gloire, et quine calcule ni peine , ni danger, par-tout où ilse présente des lauriers à cueillir , ne fut point effrayée des maux que nécessairement devoit occa- sionner un changement total de climat et le sol brûlant des déserts de l’Arabie. Elle vit sans murmure une ambition effrénée porter ses étendards jusquesur les bords du Nil, et de là leur faire traverser des lieux arides, qui nous font sentir avec tant de force le charme et la beauté de nos climats. Les maux sans nombre qui désolent ces pays n’épargnèrent point les armées ; et les Français comme les Anglais, tous y furent atteints de l’ophtalmie , qu’on peut regarder (40) au moins comme endémique dans ces para- ges, et dont le traitement est à peine connu. ‘M. Salgues , dans le mémoire relatif à cet objet, dont il a donné lecture à l’Académie, ne transmet aucun détail sur les symptômes, la marche et le traitement de cette maladie ; son seul but est d'entretenir la Société du point de fait qui divise les médecins sur la contagion ou la non contagion , et de cher- cher à prouver son principe contagieux par un exemple que lui a fourni l’exercice même de sa profession. Pendant les guerres d'É gypte cette maladie fut si commune et tellement répandue, sur- tout dans l’armée anglaise , que les médecins de cette nation n’hésitèrent point à la regar- der comme contagieuse. Leur opinion sou- tenue par des faits nombreux, fut adoptée par les médecins italiens, entre autres par Mongiardini. Ayant observé la maladie à Chiavari , il affirma qu’elle devoit son exis- tence à des marins venus de Livourne, et que dans cette cité elle tiroit son origine d’un bâtiment nouvellement arrivé d'Égypte, qui portoit un transport de prisonniers français. Son apparition sur plusieurs points de l'Italie , à Vicence , à Ancône , à Malte, (41) en Sicile, dans l’île d’Elbe, et même jus- que dans les îles Britanniques , contribua beaucoup à répandre.cette doctrine , qui fut défendue avec chaleur par Mac Grégor, Cimba , Vasani , Farelli et Scarpa ; maïselle ne fit aucun prosélyte parmi les médecins français ; et si nousen exceptons l’un de nos collèoues, M. Chaussier , dont le mérite et les connoissances font honneur à l’Académie de Dijon , tous s'accordent à penser que c’est une erreur d'envisager cette maladie comme contagieuse , et qu’il suffit de regarder l’in- flammation de la conjonctive comme épidé- mique dans quelques circonstances particu- lières. M. Salgues auroit constamment partagé cette opinion , sans l’exemple ci-après rela- té qu’il vient d’avoir l’occasion d’observer, et dont il rend compte dans les termes sui- vans. « Un des petits-enfans d’une dame de « cette ville avoit une légère ophtalmie ; « la cuisson , la douleur que lui causoit « cette affection engagèrent cette dame à « lui bassiner les yeux avec de l’eau de su- « reau à laquelle elle accordoit une grande « confiance. Persuadée en outre que même « dans la plus parfaite santé cette eau peut (42) « être bonne pour prévenir la maladie des « yeux; avec le même linge trempé dans la « même eau dont elle venoit de se servir pour « son petit-fils, elle se frotta également la « paupière ; deux heures étoient à peine « écoulées , que cette dame ressentit des dé- « mangeaisons fort vives, qui ne lui lais- « sèrent aucun doute sur la nature du mal « dont elle alloit être frappée ; en cffet les « yeux devinrent fort enflammés, et l’oph- « talmie dont elle fut affectée présenta les « mêmes symptômes, et suivit la même mar- « che que celle de son petit-fils. » Mais w’est-ce pas trop hasarder que d'attribuer cette nouvelle affection à la contagion de la première ; et le même effet ne pouvoit-il pas avoir lieu, quand même cette affection ne seroit qu'épidémique ? D'ailleurs il est difficile de présumer que cette maladie soit la même que l’ophtalmie d'Égypte; et si ces deux maladies sont dissemblables, l’une de ces deux affections peut-elle être un guide sùr pour déterminer la marche et le carac- tère de l’autre? Cependant , quand même ces réflexions seroient justes , elles ne doivent point affoiblir le mérite de l'observation pré- citée. La véritable science de la médecine ne se compose que de faits; leur réunion (43) seule peut faire saisir quelques fils du laby- rinthe ; ainsi c’est un devoir pour la science que d'accueillir avecéloge et reconnoissance les diverses observations dont on lui fait hommage. La guerre, ce théâtre de la gloire , n’est pas le seul lieu où l’on court des dangers. Les élèves de Terpsichore sur celui de la fo- lie, ont également leurs inquiétudes et leurs jours de péril. Je veux parler, Messieurs, de la rupture du tendon d'Achille , de cet accident si fré- quent chez les danseurs, et dont jusqu'à pré- sent on ne connoît que deux causes; une contraction trop violente des muscles ju- meaux et solaires , résultat, soit d’un faux pas, soit d’un effort pénible et prolongé pour fixer le corps dans la station , ou d’un mou- vement porté à l’excès en lançant le pied en avant pour frapper un corps quelconque. Une nouvelle cause, du moins occasion- nelle, s’est offerte à l'esprit observateur de M. Salgues ; et c’est rendre service à la scien- ce, que d'inscrire dans nos annales cette ré- cente observation. Üne femme , âgée de cinquante-un ans, recut un coup de pied sur le tendon au-dessus du calcaneum ; cette femme tomba sur le (44) coup, et de suite la rupture du tendon fut caractérisée par un intervalle de plus d’un pouce et demi entre ses deux extrémités di- visées, et par un enfoncement considérable dans l’espace qui n’étoit plus occupé par le tendon en raison de l’éloignement ou de la séparation des parties divisées. Pour opérer la guérison de ce malade, qui se confia aux lumières de M. Salgues , ce médecin n’employa d’autre moyen que le repos, et l’application d’un bandage tel qu’il pût rapprocher , réunir et maintenir avec facilité les parties divisées. Le succès le plus complet couronna ce traitement, et la malade fut parfaitement rétablie dans l’espace de quatre mois. M. Salgues ne fut pas moins heureux dans l’ablation d’une paupière inférieure, affectée d’un vice cancereux. Il fait précéder cette cure de quelques ré- flexions très sages sur l’abus du mercure, de la ciguë et de la belladone , qui furent long- temps usités dans le traitement de cette ma- ladie ; cette méthode étoit celle du célèbre Storck,qui par son étonnante réputation de- voit faire loi dans le monde médical; mais aujourd'hui qu'avec raison on s'attache plus aux faits qu’à la théorie , il faut abandonner 45 ) ce traitement dont ee n’est nullement prouvée, et dire avec M. Salgues, que dans un siècle plus éclairé l'autorité des noms de- vient nulle , lorsqu’autour d’eux les faits ne viennent pas se réunir en faisceau pour sanic- tionner la puissance de leurs découvertes. Ce médecin ne voit d’autre moyen à em- ployer contre'le cancer, que la destruction de la maladie par le feu, ou sa resection par l'instrument tranchant. Pénétré de ce principe, il suivit cette mar- che dans le traitement de la maladie qui fait l’objet de sa digression ; mais en même temps M. Salgues observe qu’il fut favorisé par deux circonstances assez rares; 1.° par la largeur de la paupière supérieure , dont la dimension étoit telle qu’elle pouvoit re- couvrir tout le globe oculaire; 2.° par la cir- conscription de la tumeur , qui se terminoit à la base de la paupière inférieure. Ainsi dans cet état de choses , tout ten- doit à rassurer M. Saloues sur les suites de cette opération ; il n’avoit à redouter, ni la phlesgmasie de la conjonctive, ni la crainte de n’enlever avec le bistouri qu'une portion du cancer , puisqu'il n’y avoit point d’adhé- rence avec les parties contiguës ; d’où il s’en- C 46) suivoit que la partie malade étoit pleinement circonscrite. L'hémorragie fournie par les artères pal- pébrales, provenant de l’ophtalmique de Willis, et des dernières ramifications de la maxillaire externe, fut pour lui sans inquié- tude. Il sut promptement l'arrêter par l’ap- plication d’un cautère rouge à blanc de for- me olivaire ; et à la faveur de ce moyen, il remplit deux indications : la première , de suspendre le cours du sang ; la seconde, d'achever la destruction des parties carci- nomateuses , que le fer n’avoit point attein- tes. Quinze jours après, le cancer étoit guéri dans sa presque totalité ; le centre seul of- froit quelques légères fongosités , qui né- cessitèrent une nouvelle application du cau- tère actuel. Dans cette opération, comme dans la pre- mière , M. Salgues eut soin de couvrir l'œil avec un morceau de carton flexible, pour empêcher qu'il ne fût endommagé par la force du feu. A peine onze jours s’étoient écoulés , que la plaie fut parfaitement cicatrisée ; et jus- qu’à ce moment rien n’annonce le retour du virus cancerçeux ; ainsi M. Salgues ne sera ( 47) point trompé dans son attente. La hardiesse de cette opération , la sagesse de son traite- ment méritoient un tel succès, et son ame jouit du bonheur d’avoir fait un heureux de plus. Cette opération , Messieurs, avoit d’au- tant plus de droits à être mentionnée , que de nos jours les premiers chirurgiens se re- fusent souvent à l’opération du cancer, par suite de cette opinion , que la guérison n’est que fictive, ou du moins momentanée, et qu'on aggrave les douleurs et les maux du malade sans arrêter le cours de la maladie, L'Académie , Messieurs , n’attache pas moins de prix aux travaux de ses Associés qu’à ceux de ses propres membres ; elle sai- sira toujours avec empressement la publica- tion de ses Comptes rendus, pour leur en té- moigner sa reconnoissance. C’est vous dire, Messieurs , qu’elle éprouve une vive satis- faction de pouvoir mentionner honorable- ment un Mémoire qu’elle a reçu de M. Des- grange , docteur en médecine à Lyon, du- quel il résulte que la vaccination a été pra- tiquée deux fois avec succès sur deux jeunes personnes. La Société donne également des éloges au travail que lui a fait parvenir M. Lachaise, (48) docteur en médecine à Châlon-sur-Saône, sur le tétanos américain, sur cette maladie dont la cause et le traitement semblent cou- verts d’un voile impénétrable. Cet ouvrage se distingue par de judicieuses observations que lui a fournies sa pratique aux Antilles, et sous le ciel d'Haïti. Leur exposé donne à croire que le passage subit du chaud au froid est une des causes les plus fréquentes de cette maladie , et qu'au milieu des convulsions affreuses qui en sont le véritable type, on peut espérer quelque succès du camphre ad- ministré en frictions. C’est tout ce que cet écrit renferme de neuf. Mais on ne doit pas en être étonné, lorsqu'on se rappelle que plusieurs Sociétés savantes ont proposé,pour sujet de prix, la cause et le traitement du tétanos, et que des hommes d’un mérite dis- tingué se sont disputé la palme de la vic- toire , sans pouvoir l’obtenir. On pourroit encore faire figurer dans ce Compte rendu des observations intéressantes de M. le professeur Recamier , sur une af- fection aphteuse , qui, après avoir pris naïs- sance dans la bouche, attaqua successive- ment le larynx , la trachée- artère et les bronches. Des injections d’eau et de lait dans la ( 4) " trachée-artère , mais sur-tout l'emploi d’uns pompe aspirante pour enlever les mucosités qui la remplissoient et faisoient obstacle à la respiration , méritent de fixer l’attention des médecins , d'autant plus que ce moyen aussi nouveau que hardi eût peut-être réussi si le principe du mal ne se füt pas porté sur les bronches mêmes, où il détermina une or- thopnée des plus graves , dont le malade fut victime, M. Deluc a fait parvenir à l’Académie des recherches imprimées sur les os fossiles , et sur la chaleur de la terre. Cette Société, par suite de l'intérêt qu’elle attache à de telles recherches, voit avec peine ses régle- mens s'opposer à ce qu'il en soit fait une analyse succincte ; mais il lui est flatteur de pouvoir affoiblir ses regrets en consignant dans ses annales lessentimens d’attachement, de reconnoissance et d’estime dont elle est pénétrée pour un savant aussi profond et aussi distingué que l’est M. Deluc. Si nous considérons les sciences en géné- ral, nous pouvons dire avec vérité que dans ces derniers temps les progrès de l’industrie ont eu quelqu’avantage sur l’avancement des sciences ; l'horlogerie nous en offre une preuve bien plausible dans la découverte 4 (5) importante que nous a transmise M. Ver: neuil , horloger de cette ville ; découverte qui fait l’éloge de sestalens, et quiest des- tinée à faire époque dans les fastes de la mécanique. Je ne puis , Messieurs , mieux vous en faire sentir toute l'importance et tout l'intérêt, qu'en transcrivant textuellement le rapport fait à l'Académie par l’un de ses membres. Les machines à mesurer le temps sont ar- rivées , par les travaux simultanés des géo- mètres et des artistes, à une perfection si étonnante , qu’il semble que l’esprit humain ne puisse s’avancer plus loin. Si, avant les dé- couvertes de Huyghens, il y a cent cinquante ans , un homme s’étoit présenté avec une horloge semblable à celles que fabriquent aujourd’hui nos habiles horlogers, et qu’il eût fait voir que la résularité de cette ma- chine s’altéroit à peine de quelques minu- tes en plusieurs moiïs-; les savans rassem- blés dans la bibliothèque de Louis le Grand, auroient hésité à en croire leurs sens, et ils auroient assigné à cet homme la première place parmi eux. C’est principalement à l’ap- plication du pendule aux horloges et du res- sort spiral aux montres, que sont dus des ré- (51°) sultais si importans. Huyghens, ce digne précurseur de Newton , que Louis appela du fond de la Hollande pour lui faire part de ses bienfaits, est l’auteur de ces belles in- ventions. C’est dans son immortel traité, DE Orococ:o oscizrarorro , que l’horloge- rie prend une face nouvelle , qu'une mine non encore tentée est ouverte et exploitée à une profondeur immense , et que ce grand. géomètre laïsse des trésors à ses successeurs. Jetons un coup d’œil général sur les hor- loges telles que nous en jouissons actuelle- ment. Un moteur principal, poids ou res- sort, communique la vie à toute la machine, et transmet le mouvement à un mécanisme particulier nommé échappement, qu’on a varié de mille manières plus ou moins in- sénieuses , et dont la destination est de res- tituer au pendule régulateur la quantité de mouvement qu’il perd à chaque oscilla- tion ; tandis que celui-ci détermine à son tour l’uniformité de vitesse dans tous les rouages. On sait que la durée des oscillations du pendule, de cet instrument si simple et pourtant si merveilleux , qui règle le temps avec une précision rigoureuse , mesure la pesanteur aux différens points de la surface du globe et nous fait connoître la figure de (62) la terre , ne dépend que de sa longueur et de l'étendue de l’arc qu’il parcourt. Sa lon- gueur varie avec la température qui l’alonge ou la raccourcit suivant qu'elle s’accroît ou diminue ; on y remédie par les appareils nommés compensateurs , dans lesquels on oppose la chaleur à elle-même ; on la combat par ses propres forces, on rectifie ses effets par des effets semblables , mais op- posés. L’étendue ou l’amplitude des arcs par- courus dépend de la force dont le pendule est animé. J’ai déjà dit que celle qu’il perd à chaque instant, soit par le frottement de sa suspension , soit par la résistance de l’air, lui est restituée par la roue d'échappement. Mais on sentque cette force régénératrice doit être constante ; car si elleaugmente ou dimi- nue , le pendule décrit des arcs plus grands ou des arcs moindres ; la durée des oscil- lations s'accroît ou décroît , et l’horlose cesse d’aller juste (1). Cette condition étoit (1) Quoiqu’on dise ordinairement que la durée des oscillations du pendule circulaire est indépendante de l'amplitude des arcs parcourus, pourvu qu’elle reste très petite , on sait que ce principe n’énonce qu’une approximation ; à la vérité fort grande. Mais l’erreur tout-à-fait négligeable lorsqu'on ne considère qu’un (53) difficile à remplir : l'inégalité du moteur principal , les frottemens des rouages et des pivots, et sur-tout l’état variable des huiles, sont des causes de perturbation qu’il est im- possible de faire évanouir ; on peut affoiblir ces obstacles, maïs non les détruire. Il s’agis- petit nombre d’oscillations , devient très sensible au bout d’un temps considérable. Supposons qu’avec une amplitude & le pendule batte exactement la seconde , et soit T , le temps de l’os- cillation , lorsque amplitude devient æ.. On a par les principes de mécanique : M=Tva(i+a) ee étant la longueur du pendule , g la pesanteur , et & une quantité de lordre æ?, De même T=7 Vs (1 +w:) w étant composé en d; comme & l’est en &æ , ontire de ces équations , 1” -T = — 1”, C’est l’erreur d’une oscillation. È Par exemple, si œ = 3° et &, — 2°. 30', on trouve 1- T= — L’horloge avance de cette quantité dans une seconde ; ce qui donne 4526928 pour un jour, et près de 2° 26" dans un mois, La seule inégalité des amplitudes suffit donc et au- delà pour produire les variations qu’on observe dans les meilleurs garde-temps. On remarquera de plus que la résistance de l'air qui n’influe pas sur le temps d’une oscillation lorsqu'elle reste de même amplitude, altère cette durée quand l'amplitude est variable. C54) soit donc de trouver un moteur secondaire ; ou , pour m'exprimer comme les horlogers, un remontoir d'égalité, qui tout en puisant des forces inégales dans l’action du moteur principal, ne transmît cependant au pendule qu'une force motrice parfaitement identi- que à chaque oscillation ; et cet énoncé fait ressortir toute la ‘difficulté du problême qui a excité les recherches de plusieurs artistes célèbres , notamment de Gaudron et Thomas Mudge pour les horloges, de Haley et Bré- guet pour les montres. Mais quelque bien imaginés que soient leurs procédés, ils n’of- frent pas une solution exempte de tout in- convénient. M. Verneuil qui a étudié et pratiqué son art sous les grands maîtres | pendant trente années, est entré dans la lice ; et après un grand nombre de recherches et de tentatives, est enfin parvenu à un moyen aussi simple qu'ingénieux de résoudre la question. Je me contenterai de vous en faire aper- cevoir l’esprit, sans entrer dans des détails descriptifs qui exigeroient une figure pour être bien entendus. Supposons le pendule dans sa position verticale et commençant eon oscillation vers la droite, Pendant qu’il achève cette oscillation , une dent de la roue (55) d'échappement s’avance et pousse devant elle lun des bras d’un lévier coudé. L’autre bras du même lévier porte à son extrémité un petit poids qui se trouve ainsi élevé à une certaine bauteur , mais qui, arrêté par un obstacle convenable , ne peut plus redescendre. Le pendule, en exécutant son oscillation vers la sauche, décroche le lévier, et à l'instant même où il redescend vers la droite, le petit poids retombe sur lui et lui donne une impulsion. | Or il est évident que ce poids moteur du pendule , étant arrêté toujours à la même hauteur , et retombant de la même manière à chaque oscillation, communique toujours la même impulsion au pendule. En effet, lorsque le même poids sera poussé inésale- ment par la roue d'échappement, et que par suite, il s’élevera plus ou moins haut, il reviendra toujours s'arrêter à l’obstacle fixe, èt ne retombera jamais sur le pendule que de la hauteur où le retient cet obstacle. Il se retrouvera donc exactement dans la même position, soit absolue , soit relativement au pendule, auquel il donnera, par sa chute, la même quantité de mouvement. Les seules inégalités possibles ne sauroient provenir que du frottement du lévier sur son axe et de ses (56) variations de longueur en vertu de Ia tem- pérature. La première cause doit être regar- dée comme nulle si le pivot est exécuté en rubis ; et on peut remédier à la seconde en formant le second bras de lévier de deux lames courbes de métaux différens, termi- nées par une petite boule mobile sur une vis; par ce moyen, que M. Bréguet a ap- pliqué à la compensation dans les montres, on pourra amener le poids constamment à la même hauteur , quelles que soient les va- riations de chaleur de l’air environnant. Vous le voyez, Messieurs, l’idée princi- pale de M. Verneuil consiste à isoler entière- ment le régulateur du mécanisme de l’échap- pement, et à faire agir sur lui une force constante qui se renouvelle à chaque double oscillation. Il seroit à désirer que l’auteur appliquât cette idée aux montres, et il ne désespère pas d'y parvenir. ; Pénétré de l’importance du nouveau per- fectionnement que M. Verneuil vient d’ap- porter à un art qui a si puissamment contri- bué à l’avancement de l'astronomie, de la navigation, eten général de toutes les scien- ces d’observation, et qui leur rend tous les jours tant de services ; j’ai désiré me charger de vousenexposer le mécanisme et de vous en (57) faire sentir les avantages. L'Académie s’em- pressera sans doute de l’accueillir avec la distinction qu’il mérite , et de lui donner son approbation. Dijon , le 1°° mai 1622. * * * Ici se termine le Compte rendu de PAca- démie de Dijon pour la partie des sciences. Ainsi, Messieurs , la médecine et la chimie, ces deux branches si importantes, l’une dans l'intérêt de l'humanité, l’autre dans celui des arts, sont les objets dont cette Société s'est le plus occupée pendant les années 2022 et 1023. Tels sont, Messieurs, nos titres à votre bienveillance ; espérons que des temps moins agités que ceux qui viennent de s’écouler , procureront aux sciences plus de développe- ment et plus d’éclat. Semblables à cette fleur que fane l'orage , et qui sous un ciel pur et serein , conserve sa fraîcheur et sa beauté , les sciences et Les lettres, pour pros- pérer et s’accroître , demandent du calme et de la sécurité. Ayons donc cette confiance, que dorénavant nos travaux seront plus di- gnes de vous être offerts, plus en harmonie avec cette délicatesse de goût, cet amour du (58) beau et du vrai qui caractérisent d’une ma- nière si distinguée l’esprit de cette province. Quelle satisfaction pour l’Académie , si un jour le public en sortant de cette enceinte, pouvoit dire avec vérité : La réputation de l’Académie de Dijon ne repose plus tout entière sur d'anciens sou- venirs ; elle peut aujourd’hui s’honorer du présent | L’oracle de la Religion , l'interprète de la nature , l’auteur de la Métromanie trouvent des émules dans le lieu de leur naïssance, et la gloire de la Bourgogne peut de nouveau enrichir ses trophées des attributs des Mu- ses et du sceptre d’Apollon. COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE L’ACADÉMIE DE DIJON. PARTIE LITTÉRAIRE, ANNÉES 1022 et 1023. RÉDACTEUR ; M. FOISSETe 411, bed ent Un étrange préjugé voudroit flétrir parmi nous le culte des lettres. Des voix se sont élevées, qui ont proclamé la stérilité litté- raire des provinces, et les provinces l'ont répété les premières , et ces dédaisneuses paroles ont presque usurpé l’autorité d’une démonstration. Il semble que, hors des sa- lons de la capitale , il n’y ait plus d’inspi- rations pour le poëte, plus de méditations pour le philosophe : comme si la muse fran- gaise pouvoit oublier ce beau ciel de Pro- vence et d’Occitanie sous lequel elle est née; comme si les bosquets de Montbard avoient perdu le souvenir de ces pages immortelles (6) que Buffon venoit demander à leurs soli- tudes. Les voix que nous accusons, Messieurs, ne sont pas des voix ennemies. C’est au nom de leur admiration pour les lettres, qu’elles nous défendent , à nous, de les aimer. Elles nous refusent la gloire littéraire comme un patrimoine que des aînés jaloux craignent de partager avec des frères déshérités. Dans leur mépris, elles se hâtent de faire la part des provinces, et les condamnent à se traîner dans le cercle étroit de ces connoissances qui ne veulent que du temps et de la persé- vérance ; de ces connoiïssances qui ne sont qu'utiles et qui n’ont que des succès obscurs. Ces voix ne sont pas seulement des voix étrangères. Leurs échos se sont répétés de la capitale jusqu’à nous ; et plus près de nous, Messieurs , nous avons entendu d’autres voix repousser comme des hochets indignes d’un homme grave et d’une tête forte, toutes les études qu’elles ne veulent point honorer du nom de positives. Etrange destinée sans doute que celle qui nous livre à des mé- pris unanimes s'ils n’étoient pas contradic- toires, qui nous fait dire par les hommes les plus opposés ce que ce prêtre égyptien (6) disoit au législateur d'Athènes : Vous autres Grecs , vous n'êtes que des enfans ! C’est à nous, Messieurs , c’est aux socié- tés littéraires des provinces qu’il appartient de protester contre un tel arrêt ; c’est à nous de rappeler aux uns que les sciences , et sur- tout celles qui reposent sur l’expérience et l'observation , rencontrent hors de Paris bien plus de difficultés que les lettres, puisque les instrumens et l’émulation leur manquent. C’est à nous de faire souvenir les autres, que des connoïssances en quelque sorte mé- caniques ou matérielles ne suffisent pas à la destination de l’homme sur la terre; et que l’écrivain dont la voix n’auroit propagé qu’une seule vérité morale, celui dont le talent environneroit d’une sainte autorité la religion de ses pères, les souvenirs ou les lois de son pays, n’auroit pas moins servi l'humanité que celui qui invente une ma- chine ou qui découvre une substance nou- velle. C’est à nous enfin de répondre à des allé- gations par des faits, et d’opposer au double reproche d’impuissance et d’inutilité , dont on a voulu charger la littérature des pro- vinces , le tableau des travaux littéraires de (62) l’Académie , pendant les deux dernières an: nées qu’elle vient de parcourir. -Ne craïgnez pas, Messieurs, de jeter un coup d'œil rétrograde sur ces deux années; vos regards peuvent se reposer sur le passé. ’antiquité, dont le eulte a depuis si long- temps un autel privilégié dans cette enceinte, n’a-t-elle pas conservé tous ses droits au mi- lieu de vous? Ne l’avez-vous pas explorée dans ses monumens de tous les âges? Ne l’avez-vous pas interrogée tour-à-tour dans ses traditions les plus reeulées et dans le plus noble idiome qui ait été parlé par des homà2 mes? L'histoire politique, l’histoire litté- raire vous ont trouvés également fidèles aux souvenirs de l’ancienne France , de ses vieil: les libertés, de toutes ses gloires, et aux sou- venirs non moins doux de cette province, qui ne se rappelle pas sans quelque orgueil que nos Rois ont dù à ses enfans plus d’une victoire, et la muse française plus d’une couronne. Les plus hautes questions de la philosophie ont été agitées dans vos séan- ces ; de grands noms simultanément invo- qués à l’appui de sentimens divers, de gran des réputations attaquées et défendues , ont encore ajouté à la solennité de ces débats ; vous en garderez long-temps la mémoire, (63) Enfin, Messieurs, rien n’a manqué à vos vœux, le jour où des poëtes véritablement inspirés sont venus s'asseoir à côté de nous, pour nous confier leurs chants dignes d’un autre âge, et pour nous couronner de leurs lauriers. ANTIQUITÉS, ARCHÉOLOGIE. Dans cette revue, Messieurs, j'ai dû nom- mer d’abord l'antiquité ; comme étude où comme modèle, vous êtes habitués à la re- trouver au commencement et à la fin de tous Vos travaux. Les patientes investigations de l’archéolo- sie seront toujours au premier rang des ser- vices que l’Académie s'efforce de rendre aux lettres. Mais celles qui ont rempli les deux années qui viennent de finir, ont acquis pour chacun de nous un intérêt bien vif, depuis que le souvenir de ces recherches se mêle aux regrets que nous laisse une perte récente. M. GIRAULT nous avoit accoutumés sans doute à estimer, à honorer tous ses travaux. Mais les dernières productions d’un homme de lettres ont quelque chose de sa- gré ; le sentiment qu’elles inspirent participe (64) de la religion des tombeaux ; la reconnoiss sance due aux veilles de l’auteur s'agrandit de tout le respect qui s'attache à sa mémoire, Malheureusement, Messieurs, votre ses crétaire ne peut rappeler que bien impar- faitement les derniers titres de M. Giraurr à l'estime de tous ceux qui cultivent ou qui aiment les sciences historiques. Quelques souvenirs plus ou moins fuügitifs et les la- coniques indications des procès-verbaux de vos séances , voilà tout ce qui nous reste des deux années qui ont couronné une vie si pleine et si laborieuse. S’abandonnant sans relâche à la poursuite de résultats nouveaux, notre confrère n’a point pris le temps de mettre en ordre les feuilles éparses dont se composoient ses manuscrits ; et parmi ceux qu’il a ainsi dérobés en quelque sorte à nos louanges, nous regrettons sur-tout le grand travail auquel l’Académie des inscriptions et belles-lettres a décerné , il y a quinze mois , la première des trois médailles dont elle récompense chaque année les trois meil- leurs mémoires qui lui sont offerts sur les antiquités de la France (1). (1) Cette médaille a été obtenue par M. Girault, en juillet 1822, mm La 1°° médaille pour 1823 à été encore (65) Ï nous est peut-être permis de citer avec quelque complaisance un pareil triomphe ; c’est un ass2z beau témoignage rendu à votre Commission archéologique dans la personne de son Président. Et qu’on ne craigne pas qu'il dépose le ceste et que sa vieillesse se repose dans sa victoire. La palme qu'il a conquise ajoute, s’il se peut, à son ardeur. Un des correspondans de la Commission si- gnale à notre confrère un monument con- servé à Aignay-le-Duc, dans la chapelle des Hermites. Une inscription latine, mutilée par le temps, est la seule indication qui lui soit transmise. M. Grraurr s’en empare; il rétablit le mot c:ppum dont les deux ini- tiales étoient seules restées, et il a décou- vert un autel du dieu Mars consacré à un empereur par un Romain qui habitoit les Gaules (1). me rte décernée à l’un de nos confrères, M. Artaud, directeur du Musée de Lyon. (1) Voici l'inscription trouvée sur le monument, AUG. SAC: DEO MARTI CI COLLUI ET LIT P, ATTIUS PATER CIY« V..S 1: M. M. Girault l'explique ainsi + Augusto sacrum, Deo (66) D'anciens tombeaux également trouvés à Aignay , un autre tombeau découvert dans le bois de Vaux-Dixmes près Saulx-le-Duc, les bas-reliefs de Mavilly , si mal observés jus- qu'alors, et depuis si mal conservés , exer- çoient presque dans le même temps la sa- gacité de notre confrère. Il avoit fixé l’at- tention de l’Académie sur une agrafe que les tombeaux d’Aignay lui avoient offerte. C'étoit un ovale parfaitement semblable à ceux qui sont décrits dans le Compte rendu des travaux de l’Académie pour 1819 (1), et qui tenoit encore au ceïinturon d’un guer- rier; circonstance précieuse en ce qu’elle confirme l’opinion professée dés-lors par M. Girauzr, que les plaques de ce genre n’appartenoient pas, comme le veut Mont- faucon , à la coiffure des femmes Gauloises, mais à l’armure des Romains. Ce mémoire avoit été suivi d’un rapport sur les monumens détruits depuis trente ans EL SE Es mena Marti cippum collui et litavi Publius Attius, Pater, civis, votum solvi libenter, meritô. Ce nom d’Attius, qui a été celui d’un augure sous Tarquin l’Ancien, et de- puis, de deux personnages consulaires, se retrouve dans plusieurs inscriptions données par Gruter. (1) Voyez ce Compte rendu, pag. 154 etsuiv. (67) dans ce département, où notre confrère s’in- dignoit de retrouver par-tout des ruines contemporaines bien plus nombreuses, et sur-tout bien plus affligeantes que les ruines disséminées sur notre sol par des siècles de conquêtes ou de barbarie. C’est là qu’il flé- trissoit d’une véhémente réprobation, et le vandalisme aveugle qui dévaste le présent en haine du passé qu’il ne peut détruire, quis’acharne sur des pierres, comme l emeur- trier sur son ennemi mort, parce qu’il croit voir un témoin qui l’accuse; et l’insouciance qui ne frappe pas, mais qui laisse tomber, complice volontaire de toutes les ruines qu’elle n’a pas même essayé de prévenir ; et la cupidité qui achète pour démolir , qui se presse d’exploiter les fléaux publics comme mn patrimoine, et qui, dans le château d’un Vergy, dans la chapelle d’un Saint Bernard, ne voit que des matériaux à vendre, comme elle ne verroïit dans une guerre que des fournitures à faire , dans une peste que des héritages à recueillir (1). M. GirauzT cherchoit à se distraire de ces tristes vérités en reportant sa pensée sur d’autres âges, en interrogeant de plus an- (1) M, de Bonald. (68) ciens débris. Il se consoloit en tirant de leur poussière quelqu’une de ces villes qui ne vivent plus que dans les traditions lo- cales. Il aimoit à relever leurs murs, à leur rendre leur antique enceinte , leurs fortifi- cations , leurs édifices ; il regardoit ses tra- vaux archéologiques comme une sorte de res- tauration. C’est dans cette douce illusion qu'il a passé les derniers mois de sa vie à rassembler des documens sur deux villes an- ciennes dont on aperçoit encore des ves- tiges dans l’arrondissement de Châtillon-sur- Seine. L'une de ces villes est celle de Lan- sugue où Lantz-sur-Laignes , qui paroît avoir existé sur le territoire de la commune de Vertaut. L'autre est celle de Laziscon, qui étoit située sur le mont Roussillon , ou mont Lassois, à cinq quarts de lieue nord- ouest de Châtillon. Des sarcophages sans inscriptions et sans emblêmes , plusieurs dé- bris visiblement gaulois, un fragment d’ins- cription en beaux caractères romains du Haut Empire, une médaille d’or de Zénon l’Isau- rien, trouvée à peu de distance, des ves- tiges de chaussées pavées en hérisson qui viennent se croiser sur la colline , ne per- mettent pas de méconnoître l’existence d’une ville celto-romaine, remplacée dans le moyen ( 69 ) âge par une forteresse, et dont l’enceinte embrassoit tout le sommet du mont Lassois. M. Bourée, correspondant de notre Com- mission archéologique, à Châtillon , compte jusqu’à cinq voies romaines qui toutes pa- roissent avoir abouti sur ce point. Enfin, un manuscrit de l’abbaye de Pothières cite La- tiscon comme une ville assez considérable brûlée par les Vandales au v°. siècle ; et l’as- pect du sol par-tout noirci et couvert de charbon, un amas de décombres demi cal- cinés et de masses métalliques hétérogènes confirment encore ce témoignage, Parmi ces fragmens, que des fouilles ha- bilement dirigées arracheroïent facilement à la terre, il en est qui ressemblent beau- coup à ceux qui ont été trouvés à Alise et qui ont tant occupé M. GrrauzT dans ses derniers jours. Déjà, au commencement de 1822, un de nos confrères, M. Maruieu, ingénieur , vous avoit lu un mémoire où il prouve par la double autorité de Pline (1. 54, ch. 17)et de d’Anwville (Eclairc.géogr surlanc. Gaule), que l’ÆZesia de César étoit encoreune grande ville sous la domination romaine , malgré le texte de Florus qui assure qu’elle fut rasée par les lésions victorieuses. M. Martureu (70) vous a produit, à l’appui de cette opinion chaque jour mieux vérifiée, le dessin d’un bas-relief en pierre trouvé sur le sol d’Alise, et qui, sans être des meilleurs temps de l’art statuaire , rappelle cependant le style antique et le culte des divinités romaines. Le dieu et la déesse, (car deux figures com- posent ce bas-relief d'environ seize pouces de proportion ), le dieu et la déesse sont assis l’un et l’autre et dans la même attitude, leurs pieds gauches posés sur deux scabel- Zum. Le dieu tient de la main droite une ép e ; il est vêtu d’une tunique et du man- teau appelé #rabea ; sa tête porte tous les caractères de celle de Jupiter, reconnois- sable entre tous les dieux, dit Winkelman, parsa coiffure, par unechevelure pluslongue qui descend le long des tempes, couvre en- tièrement les oreilles sans former de bou- cles, et se projette en touffes ondoyantes comme la crinière d’un lion. Il est juste toutefois de remarquer à gauche de cette figure quelque chose qui ressemble à une massue ; le bras gauche qui auroit pu la sup- porter manque presque en entier. M. Ma- THIEU pense que ce fragment seroit quelque æœdicula, et qu’il représente Jupiter custos urbium. La déesse , coiffée d’une tour, at- (75) tribut qui paroît désigner Cybèle, est vêtue d’une double tunique dont l’une est la tala- ris ; de l’eau semble jaillir de la patère qui est en sa main droite, et sa main gauche soutient avec grâce une corne d’abondance. Ce petit monument n’est pas le seul que les vainqueurs aient laissé dans Alise. Outre les voies romaines qu’on a retrouvées en grand nombre au pied du mont Auxois sur lequel cette ville étoit assise, les fouilles exécutées sur les instructions de votre Com- mission permanente des antiquités, ont mis à découvert deux voûtes de construction ro- maine, faites de pierres communes et revé- tues intérieurement de cette espèce de mo- saique que Vitruve appelle reticulatum (V. 1. 1, c. vis). Sur la paroi intérieure de l’une de ces voûtes, on a remarqué quel- ques traces d’une peinture à fresque, genre qui commencçoit à se répandre au temps de Vitruve, mais dontil parle cependant comme d'un usage nouveau. ( L. vis.) Dans un atelier souterrain ont été trouvés _pêle-mêle des morceaux de verre, de l’épais- seur d’une ligne, une enclume, une clef, des fragmens d'os et d'ivoire plus ou moins travaillés, des stiles en fer et en ivoire, une hache, des anneaux de fer, deux fibules (72) dont l’une en forme de lièvre, une clochette et des ornemens en cuivre plaqués d’argent, qui paroissent avoir appartenu à un char de triomphe, une flûte en os, un ramas de ferrailles informes et d’instrumens ébau- chés, enfin plusieurs médailles, dont une de Tibère, une de Caligula, deux d’Antonin, une de Faustine, et quelques monnoies sau- loises. Ces débris se rapportent, comme on voit, à différens âges. Nous n’affirmerons pas que la clochette qui en fait partie soit une de celles qu’on agitoit par intervalles à côté du triompha- teur ; pour l’avertir, selon le témoignage de Zonare , qu’il étoit sous la main des lois, qu'il pouvoit être frappé du dernier sup- plice et porter comme les suppliciés la cloche destinée à avertir les passans de ne pas se souiller par la vue d’un bourreau et d’un condamné (1). Mais les restes du char de triomphe sont remarquables par la correc- QG) Uf sciret se legibus subditum et posse vel ex- éremo affici supplicia, etnolam sontibus appendi soli- tam gestare, quod ob id factum ne civis, aut carnificis aut damnato occurens , pollueretur. (Zon.t.2, Ann. Camilli tréumpha), (75) tion du travail et le fini de l’exécution. Ce sont plusieurs baguettes de fer plaquées d'argent qui dessinoient en relief les mou- lures du char, des rosaces et des palmes éga- lement plaquées (1). Les autres fragmens que nous avons énu- mérés n’ont rien de curieux. Ils sont tous d’un travail grossier , si l’on excepte quel- ques débris de vases antiques assez sembla- bles aux vases étrusques, et dont la terre rouge , vernie et brillante, comme celle de Sarguemines, est chargée d’ornemens du meilleur goût. | Nous ne rappellerions pas la découverte d’un long cercueil de pierre, ciselé de raies inésales sur les côtés et le couvercle ; nous ne parlerions ni des débris de fûts et de chapiteaux qui étoient à peu de distance, ni de quelques médailles connues, ni d’une pa- tère destinée aux sacrifices, et de plusieurs fragmens de sculpture, entr’autres un dieu lare, exhumés au même lieu, si les ouvriers (1) C’est aux Gaulois d’Alexia que Pline attribue l'invention de cet art précieux : Deindè et argentum incoguere similé modo cæpére, equorum maxime Orna= mentis et jumentorum jugis in Alexia oppido. (Histe nat, E 34 ; Co 17 de (74) n'eussent trouvé plus loin , immédiatement au-dessus de l’ancien cimetière, l'inscription suivante : Marti ET BELLONA SESTIUS NIGRINUS. DGAVIP EE Ce monument élevé par Sestius Nigrinus pour accomplir son vœu durant sa vie, n’é- toit-1il pas un temple consacré aux dieux de la guerre, et dont les ruines environnantes sont les derniers restes ? Nous savons tous combien M. GirAurT jouissoit d’avance des résultats qu'il se pro- mettoit de nouvelles fouilles. Il classoit en espoir tous les fragmens qu’il avoit réunis, tous ceux qu'il attendoit de recherches ul- térieures, dans un musée archéologique , dont l’idée avoit été approuvée par M. le Préfet de la Côte-d'Or, l’un de vos mem- bres, et dont le Conseil général du dépar- tement avoit consenti à faire les fonds. Cet établissement , pour lequel M. le comte Charles de Damas, gouverneur de la 16°. division militaire , avoit bien voulu concé- der l’ancienne chapelle des Élus , au palais de Moxsreur , auroit rapproché des frag- mens précieux pour l’histoire des arts dans les Gaules. Espérons que les obstacles im- (75 ) prévus qui en ont ajourné l’exécution se- ront vaincus, et que notre ville pourra bien- tôt s’honorer d’un établissement qui lui manque et citer un témoignage de plus de la protection que ses magistrats ont tou- jours accordée à tout ce qui peut étendre et encourager les travaux de l'esprit. NUMISMATIQUE. Le nom de M. Grrauzr se lie depuis trop long-temps à tous les services rendus dans ce département aux sciences historiques, pour qu’on s'étonne de le retrouver encore le premier parmi ceux de nos confrères aux- quels lanumismatique a eu de véritables obli- sations pendantles deux dernièresannéesaca- démiques. Nous ne nous rappellerons jamais sans reconnoissance qu’il a enrichi aux dé- pens de sa propre collection , le médaiïller que la Compagnie avoit confié à son zèle. Sa correspondance , si étendue et si active, lui assuroit sur tous les points du départe- ment une ample moisson de monnoïes an- tiques. Avant la fin de 1822 , et dans moins de douze mois, il avoit recueilli cent vingt médailles ou jetons , dont la moitié man- quoit au trésor numismatique de l’Acadé- mie ; nous çiterons entr'autres un A#/om2 (76) Pie et un Adrien en grand bronze, et une monnoie d’or de Zénon l’Isaurien, par- faitement conservée. Des études persévérantes, des recherches non moins désintéressées ont dicté le mé- moire qui Vous a été soumis par un autre membre, M. pe Carre, swrles moyens de reconnoître La falsification des médailles antiques en argent. Notre confrère voudroit d’abord prému- nir les amateurs contre la manie si extrava- gante et si dispendieuse des collections com- plètes. Il redoute sur-tout ces goûts exclu- sifs dont parle La Bruyère , zon pour ce qui est bon, ou ce qui est beau, mais pour ce qui est rare, unique, pOur Ce qu’on & et ce que les autres n’ont point. Comme le moraliste , il ne voit plus là #7 amusement, mais une passion quine lecède aux plus vio- lentes que par la petitesse de son objet ; et c’est par cette manie qu'il explique toutes les déceptions qui punissent chaque jour les curieux, sans les corriger. M. ne Cuarrey conseille à ceux qui veu- lent se préserver de cette maladie, de suivre dans le classement de leur collection , l’or- dre des temps, et non celui des métaux qu’il faut laisser aux souverains , sans trop s’af- (779 fliger de voir un Tibère d'argent à côté d’un Auguste de bronze, sans chercher à grands frais le bronze introuvable d’un prince obs- cur, dont nous pouvons à loisir contempler tous les traits dans une pièce d’or que notre médailler nous offre à chaque heure du jour. La vraie richesse numismatique n’est point dans un stérile amas de curiosités nulles pour la chronologie et les études qui s’y ratta- chent, mais dans les monumens qui peuvent fixer les doutes des modernes sur la mytho- logie , l’histoire ou la géographie des an- ciens. Le classement chronologique satisfait donc au but de la science ; il dissimule les métaux qui manquent à tel règne et à telle tablette ; il épargne à l’amateur le désespoir de ne pouvoir remplir un vide qui lui blesse la vue, dans une collection dont nulle puis- sance humaine ne sauroit combler toutes les lacunes. | Quant aux curieux qui ont eu le malheur d'adopter la classification métallique , incu- rables chercheurs de raretés chèrement inu- tiles , notre confrère n'oublie rien pour les sauver du moins des friponneries des bro- canteurs. Il leur recommande sur-tout le ma- niement habituel des médailles reconnues fausses, et une comparaison journalière de (78) ces pièces avec les médailles vraies. L’exa men minutieux, si l’on veut, d’une pièce suspecte , lui paroît la meilleure leçon qu’ils puissent recevoir. Il rappelle qu’un œil exer- cé, une expérience consommée n'ont pas tou- jours mis les plus habiles à l'abri d’une fraude adroïitement déguisée. L'auteur du mémoire expose avec une clarté remarquable le procédé mécanique dont se servoient les anciens pour frapper leurs médailles , et il fait voir l’impossibilité matérielle de les reproduire avec une préci- sion rigoureuse. Le manque deniveau dans le champ est un premier indice de fausseté ; et si ce défaut peut se rencontrer acciden- tellement dans une pièce antique, il sera toujours aisé de la reconnoître à la netteté, à la profondeur des inégalités de la face, comme le creux de l’oreille et le coin de la bouche qui, dans les médailles coulées, of- frent presque toujours une empreinte à de- mi effacée. On découvre facilement à la loupe si ces légères cavités et celles des let- tres ont été rétablies par le ciselet ou le burin. L’attention de l’acheteur doit se porter sur- tout sur le cordon perlé qui se trouve au- tour de la pièce suspecte. Le moule ne sau- roit rendre les angles formés par la jonc- (79) ton des perles, et leur parfaite régularité ne peut être l’ouvrage du burin, Il suffit que l'artiste ait appuyé une seule fois plus qu'il ne faut, pour que la surface entière- ment plane du champ conserve une légère inésalité qui trahit le faussaire. M. ne Carey fait remarquer que l’uni- que moyen de faire prendre à l’argent toutes les formes du moule, c’est de l’allier à une très petite portion de bismuth ; et il rappelle que par ce mélange le son de l’argent de- vient aigre et le métal singulièrement cas- sant. D'ailleurs les bords d’une médaille cou- lée n’ont en général que l'apparence de ces fentes dont le coin a laissé l’empreinte dans les pièces antiques. Dans les copies, la sur- face en porte à peine quelques vestiges, et la pointe d’une aiguille suffit pour recon- noître la supercherie. Examinant ensuite une question souvent controversée, celle de savoir s’il est exact de dire que deux médailles semblables ne peuvent être toutes les deux vraies, notre confrère observe que lesanciens employoient des coins mobiles, susceptibles par là même de prendre dans la fabrication de chaque pièce des positions très variées , et que dès- lors leurs médailles ne peuvent offrir d’au- { 8 ) | tre uniformité que celle du type et du re: vers. Les mêmes aspérités, les mêmes cas: sures sur les bords, observées dans deux mé- dailles, sont donc un préjugé contre l’anti- quité de l’une et peut-être de toutes les deux. Nous regrettons vivement que les détails rassemblés dans le mémoire sur la fabrication des monnoies romgnes, se refusent tout-à- fait à l'analyse. M. De Cuarrey en tire des conséquences toujours pleines d'intérêt et de justesse. Son mémoire est celui d’un homme auquel une longue habitude des médailles a rendu l’art et la science également fami- liers, et il ne laisse qu’un désir, c’est que l’auteur étende son travail à tous les métaux et qu’il embrasse dans de nouvelles observa: tions toute la numismatique des Romains. ANTIQUITÉ RELIGIEUSE. Vous nous avez ordonné, Messieurs, de vous rappeler ici deux lectures dont tout l'intérêt, vous le savez, est dans la puis- sance, disons le mot, dans la majesté des souvenirs dont elles sont pleines. Certes, la science de l’antiquité mérite tous nos hom- mages, soit qu’elle s'attache aux moindres traces d’une nation qui n’est plus et qu’elle vienne ajouter son témoignage au témoi- (8) pnage de ceux qui ont écrit ses annales, soii que, seule avec ses monumens et dans le silence de l'histoire, elle s'élève à ces médi- tations qui, suivant l'expression d’une fem- me célèbre, sont comme une prophétie du passé. Mais il semble qu’elle s'agrandit en- core lorsque , remontant au-delà de tous les monumens, au-delà de toutes les histoires, hors une seule qui a précédé les autres de plusieurs siècles, elle ne désespère pas de découvrir la source commune d’où sont sor- ties toutes les traditions du genre humain. C’est là sans doute une tâche immense et qui dépasse de beaucoup létendue naturelle des ouvrages qui peuvent être lus à vos séances. Il n’a point été dans notre pensée de l’embrasser tout entière dans le mémoire auquel nous avons donné le titre de Rap- prochemens entre les traditions profanes les plus anciennes et les traditions bibliques. Nous avons fait comme cet antiquaire dont parle Montesquieu , qui partit de son pays, arriva en Egypte, jeta un coup d'œil sur Les pyramides , et s’en retourna. Qu'il nous soit permis de borner l’analyse de ce travail au résumé succinct des princi- paux aperçus qu’il présente. L'origine du genre humain , le souvenir de sa félicité pri- (&) mitive , les crimes du premier âge du monde; le déluge , la longévité des premiers hom- mes , leur dispersion, là confusion des lan- gues, enfin, toute l’histoire d'Abraham, toute celle de Moïse ; voilà les faits sur les- quels l’auteur du mémoire interroge les tra- ditions des deux continens en les rappro- chant de la Genèse (1). La Genèse fait descendre la race humaine d’un seul couple. Le mémoire montre cette tradition chez les nations les plus anciennes, au milieu des peuplades les plus isolées. Les forêts d'Amérique ont conservé le souvenir de la première famille. Les Nègres la nom- ment encore aujourd’hui du nom que lui donne Moïse. Inutile d’accumuler les témoi- gnages : les citations que nous avons grou- pées autour de chaque fait ne sauroient trou- ver place dans le compte rendu de vos tra- vaux. (1) Nous omettons à dessein dans ce résumé une sorte d’appendice purement physiologique qui ne se ratta- choit point à notre travail , mais à l’objection tirée de la diversité des races d’hommes qui couvrent le globe. Notre réponse n’étoit pas seulement dans l’autorité du célèbre Blumenbach, mais dans des faits conuus et prouvés. (83) Lé bonheur de l’âge d’or, si semblable aux délices et à l’innocence d’Eden, est, comme l’on sait , une tradition presque uni- “verselle. Celle de la longévité des hommes qui peu- plèrent le monde est moins connue, mais non certes moins générale. Hésiode, le plus ancien des poëtes profanes et le père des théogonies grecques, Hécatée de Milet qui précéda Hérodote , Hellanicus de Lesbos, antérieur à tous les deux, Manéthon , dé- positaire des hiéroglyphes de l’ancienne Egypte , Bérose , ce prêtre de Chaldée, dont Voltaire n’a pas craint d’invoquer le texte en le mutilant, déposent comme à l’envi de l’existence de ces hommes plusieurs fois sé- culaires que la Bible nous montre au temps des Patriarches. Par-tout le déluge se présente comme la deuxième époque du genre humain; par- tout s’y rattache le souvenir d’une vengeance céleste. M. de Humboldt a prouvé que cette tradition (1) avoit précédé les Espagnols dans le Nouveau Monde. Bérose, une foule d’au- tres qui ont écrit contre les Juifs, et dont (1) Comme celle de la femme aw serpent, cells de l'arche, celle de la dispersion des hommes, (54) Eusèbe nous a conservé les témoignages (1), racontent que l'Arche s'arrêta près du Cau- case, et que les Arméniens en montrèrent long-temps les restes. Abydène (2) va jus- qu'à faire mention des oiseaux lâchés par Noë, qu'il appelle sesithrus. Que ceux qui ne croient pas au déluge nous expliquent au moins ces souvenirs de toute la terre, cette tradition si ancienne, si universellement perpétuée, d’un fait qui seroit incroyable s’il n’étoit pas vrai. Diront-ils que ces ido- lâtres qui écrivoient contre les Juifs avoient copié le récit de Moïse ; qu’il a existé on ne sait quel concert pour l'erreur entre la vieille Asie et le Nouveau Monde, entre les mystérieux pontifes de l’Inde et les sau- vages peuplades de la Sénégambie ? Diront- ils que les faits que nous citons sont envi- ronnés par-tout de fables grossières, et que rien ne prouve que ces faits ne soient pas fabuleux comme tout le reste ? Comme sion avoit pu inventer le déluge et remplir deux continens d’une telle fable ; comme si les annales d’aucun peuple assignoient une épo- (1) Prépar. Evans. L. 0, c. 4. (2) Abydène a écrit sur l’origine des Egyptiens, deg Chaldéens, etc, (#5) que où ce peuple eût commencé d’y croire ; comme sil étoit si difficile de séparer des circonstances, manifestement controuvées par cela seul qu’elles ne sont nulle part les mêmes, d’un fait principal, manifestement vrai par cela seul que sur ce point la mé- moire des peuples ne varie nulle part ? La Genèse nous apprend qu’il n’y eut d’a- bord qu'un seul peuple et qu’une même langue , mais que Dieu confondit l’orgueil des enfans d'Adam et les dispersa sur la face de la terre (1). Ici encore Abydène parle comme Moïse ; les livres sybillins confirment les traditions sacrées. Nous vous épargne- rons, Messieurs , la stérile nomenclature des autres autorités invoquées par Eusèbe. Mais ce n'est pas sans admiration qu’on retrouve les mêmes souvenirs aux extrémités de la Haute Asie et jusque dans les déserts de FAfrique ou sur les plages américaines; et qu'on voit jaillir de l’étude comparative des langues chez tous les peuples la décou- verte des plus étonnantes identités. Com- ment le genre humain ne seroit-il point sorti d’un même lieu, quand les rapprochemens les plus inespérés forcent les plus incrédules de (1) Genèse, c. xr, v. 6-10. (86) reconnoître que l’idiome des anciens Persans et des Germains, celui des Indiens et des anciens Grecs se confondent dans une com- mune origine ? Qu'est-il besoin de prolonger cette ana- lyse et de signaler sur l’histoire de Moïse et d'Abraham des conformités non moins frap- pantes? Vous n’avez point oublié, Messieurs, avec quelle précision les Nègres , cette na- tion séparée de toutes les autres, attestent les traits les plus merveilleux de la vie du législateur des Juifs, les dangers dont fut sauvée son enfance, la persécution de Pha- raon et le passage miraculeux de la mer Rouge (1). La langue des Nègres est la seule langue connue où le nom de Moïse exprime nettement, et sans avoir recours à aucune racine , l’idée que les livres saints y ont at- tachée (2). (1) Ils appellent la mer Rouge "mer du Levant(Ghéié ou Pinkon ). (2) Monsa, nom de Moïse dans la langue des Nègres, est précisément le participe du verbe monsa/ qui signi- fie sauver des eaux. Ce nom fut imposé à Moyse par la fille du roi d'Egypte : Fi/ia Pharaonis puerum adop- éavit in locum filii , vocavitque nomen ejus Moyses ; dicens ; quid tuli eum de medio aquarum. (Exod. 17; 9: ) Il est constant que ce nom n’est point hébreu , et (87) Cette remarque nous conduisoit naturel- lement à quelques recherches sur ce peuple que plusieurs anatomistes nous présentent comme voué de toute antiquité à la barba- rie par le malheur de son organisation. Les traditions de la Sénégambie repoussent vi- vement cette injure. Les Nègres ont gardé la mémoire d’une civilisation qui a échappé à leurs pères. Nos adversaires n’explique- roient pas mieux ce souvenir que tous les autres. Les Nègres racontent que leurs pères ont régné sur l'Egypte , et ce qui est re- marquable, sansiqu’ils aient eu depuis des siècles aucun rapport avec le pays d’où ils disent avoir été chassés (1). l’histoire, les monumens , les souvenirs religieux de cette antique contrée sont loin de les démentir (2). depuis Philon et Joseph jusqu’à D. Calmet, les rabbins et les commentateurs ont été fort embarrassés pour jus- tifier la signification que l’Exode lui attribue; la dési- nence qu’il a conservée en latin est évidemment grecque et ne sauroit contrarier l’opinion de ceux qui veulent que monsa soit le nom primitif. (1) Ils appellent encore les Egyptiens du nom de Mesraïm , c’est-à-dire du nom du 2° fils de Cham, qui selon la Genèse a peuplé l'Egypte. (2) Hérodote dit en propres mots : Je pense que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce qu’ils (8) Les analogies du langage appuient merveil- leusement ces indications précieuses. Volney reconnoît que les Coptes, qui sont les re- présentans directs des Egyptiens d’autrefois, ont conservé des restes de l’idiome primitif de l'Egypte, et que ces restes se rappro- chent sensiblement de l’idiome des Arabes et des Ethiopiens qu’il présente comme dé- rivés d’un fonds commun; et nous savons d'un voyageur qui a passé plusieurs mois au Sénégal, que la langue des Nègres a des affinités frappantes avec l’Arabe qui semble même n’en être au’un dialecte (1). L’auteur du Voyage en Syrie ajoute à cés rapprochemens déjà si étonnans, des observations physio- gnomoniques qui lui paroiïssent décisives , et il n’hésite pas à voir dans les Nègres les ont, comme eux , La peau noire et les cheveux crépus. (Liv. 11, p. 150.) — Le sphinx gravé dans Nordenet le Voyage pittoresque en Egypte a visiblement tous lescaractères d’une figure éthiopienne. — Enfin on con- noît l'ouvrage du président de Brosses : Du culte des Dieux Fétiches , ou des rapports qui existent entre l’ancienne religion des Egyptiens et celle des peuples de la Guinée, (Gi) Ce voyageur a rédigé une grammaire et un dic- tionnaire de la langue des Nègres Wolofs, qui sont en ce moment squs presse à l'imprimerie royale. { 89 } premiers auteurs de la civilisation grecque et les précepteurs du genre humain (1). C'en est assez du moins pour qu’on ne puisse nier que les peuples de la Sénégam- bie ont pu connoître les faits qui font l’objet de nos recherches, avant la prédication de l’islamisme qui leur fut apporté par des mis- sionnaires de la Mauritanie, et qui a pris à peine racine parmi eux. On ne sauroit trop remarquer que leurs traditions aban- donnent Moïse dès qu’ila passéla mer Rouge , tandis que le Coran suit ce grand lésisla- teur en Arabie. Pour la première moitié de sa vie, les Mahométans sont loin d’en avoir une notion aussi précise et aussi com- plète que les Nècres ; et c’est une preuve de plus que ceux-ci ne doivent point cette notion aux disciples de Mahomet. Près de finir cet exposé, nous sommes frappés d’un fait. Dans les dernières années (1) Voyage en Egypte et en Syrie, de l’état politique de l’Eg. ch. 1. — Volney observe que les Coptes d’au- jourd’hui sont de véritables mulâtres, ce qu’il explique en disant que leur sang , allié depuis plusieurs siècles à celui des Romainsetdes Grecs, a dû perdre l’intensité de sa première couleur , quoique la figure des Coptes ait conservé son moule oripinel, Il rappelle que Blumenbach ( 96 ) du dernier siècle , toutes les sciences étoient devenues tributaires de l’incrédulité. Elle avoit demandé des armes à tout ce qui fait autorité parmi les hommes, et toutes les in- fluences sociales avoient paru ses auxiliaires naturels. Le jour de la discussion est venu, et tout cet amas d’objections dont l’irréli- gion étoit si fière s’est écroulé pièce à pièce. Les découvertes géologiques attestent chaque jour de plus en plus que l’homme est mo- derne sur la terre. Les Fréret, les Bailly, les Delambre ont réduit à leur juste valeur les innombrables années de la chronologie chinoïse, et ce n’est déjà plus un mérite de répéter ces paroles de Bernardin de Saint- Pierre : Oui, je Le dis du fond de mon cœur, je ne connois point de livre où 2! + ait des monumens plus certains de l’his- toire des nations et de celle de la nature que la Genèse. a disséqué plusieurs momies égyptiennes qui lui ont pa- ru appartenir à la race éthiopienne. La femme de Salomon, fille d’un roi d'Esypte, étoit noire, si l’on en croit le Cantique des cantiques, c.1,v.4 et 5. Nigra sum, sed formosa, filiae Jerusalem ; nolite considerare quod fusca sim, quia decoloravit me sol. (91) PHILOLOGIE. Passer des aperçus que nous venons de retracer sur les primitifs habitans de l’E- gypte, aux recherches d’un jeune savant sur les hiéroglyphes de cette terre mystérieuse, ce n’est presque pas avoir changé de sujet. Une découverte du plus haut intérêt pour la philosophie et pour l’histoire avoit passé comme inaperçue dans les journaux litté- raires, lorsqu'un de vos membres s’est em- pressé de vous y associer en quelque sorte, en vous exposant avec détail les résultats neufs et positifs que l’auteur de cette dé- couverte , M. Champollion le jeune , a sou- mis à l’Académie des inscriptions et belles- lettres , vers la fin de 1622. Un petit nombre de documens, déjà consignés ailleurs (1), suffisent pour faire apprécier ces résultats. Les travaux de M. de Sacy qu’il faut nom- mer avant tous les autres, selon l’ordre des temps et selon le rang que l’opinion des sa- vans lui assigne parmi les orientalistes de l'Europe , les recherches d’'Ackerblad et du D". Young ( de la Société royale de Londres), avoient démontré à la fois et les difficultés (3) Dans le Journal des savans, (92) inséparables de l’étude des hiéroglyphes, et l'importance des notions nouvelles qu'il étoit permis d’en espérer. M. Champollion , de son côté, étoit par- venu à préciser les nuances qui distinguent les trois écritures connues dans l’ancienne Egypte, 1° l'écriture hiéroglyphique qui, vous le savez, Messieurs, étoit une vérita- ble peinture où chaque idée étoit représen- tée par un objet ‘physique employé tantôt dans le sens propre, tantôt dans le sens figuré ; 2° l’écriture Lzératique , sorte de ta chysraphie de la première, réduite ainsi par les prêtres à de foibles traces de limitation des objets physiques ; 3° l'écriture démoti- gue, ou populaire, qui se composoit des mêmes signes, mais combinés d’après des règles qui lui étoient propres pour les usages civils et les matières privées. Ces trois systèmes d’écriture étoient ‘do graphiques, c’est-à-dire, qu'ils représen- toient des idées et non des sons. Comment lesnoms propres étoient-ils exprimés dans les inscriptions hiéroglyphiques ? Ce problème paroissoit insoluble ; et une des sources les plus précieuses de l’histoire sembloit per- due pour les modernes , lorsque la compa- raison des caractères qui se correspondent Case | dans le triple texte de l'inscription gravée sur la fameuse pierre triangulaire de Rosette a révélé à M. Champollion une série auxi- liaire de signes destinés à exprimer le son des noms propres et des noms étrangers à la lan- gue Egyptienne. Ces caractères qui n’expri- ment plus des idées, mais des syllabes, cons- tituent ce que M. Champollion a nommé l'écriture phonétique, du mot grec @uvh (phônè ), qui signifie voix. En rapprochant les deux noms grecs de Ptolémée et de Cléo- pâtre, il a reconnu que les lettres communes à l’un et à l’autre de ces noms sont repré- sentées par des caractères identiques dans toutes les inscriptions qu’il a comparées ; et c’est par des observations semblables appli- quées à d’autres noms, que M. Champollion est parvenu à compléter l'alphabet tachy- graphique de l’ancienne Egypte. Il est permis de croire que cette décou- verte jettera un grand jour sur l'invention de l'écriture alphabétique. L'écriture hiéro- slyphique, qui représentoit des idées par des figures , a toujours paru fondée sur une ana- logie sensible ; mais la transition à l’écriture syllabaire, et de celle-ci à l'écriture alpha- bétique restoit un problème, parce que ni l'esprit, ni les sens ne peuvent saisir un rap- (94) uelconque entre le son qui frappe l'air n’est plus, et le trait qui fixe sur le ,-prer son existence fugitive. Dans ce genre d'invention , chaque pas franchit un abîme, et rien jusqu'ici n’avoit fait pressentir une explication satisfaisante. M. Champollion pose comme un fait constant que, dans le choix des signes hiéroglyphiques étendus à la représentation des sons, les Esyptiens ont pris pour signe de chaque voyelle ou de chaque consonne l’hiéroglyphe consacré à peindre un objet dont le nom en langue égyptienne commençoit par le son ou l’arti- culation qu'il s’agissoit de représenter. Ainsi l'usage d’une main est devenu le signe pho- nétique de la consonne T, qu’on trouve ainsi fisurée par l’image d’un niveau de maçon, parce que le T est la première articulation des deux mots égyptiens qui expriment ces deux objets. C’est par une application de‘ce principe que M. Champollion a déchiffré les inscrip- tions gravées sur les bas-reliefs et sur une des façades du fameux temple de Denderah. Personne n’ignore aujourd’hui que les unes portent le nom des Ptolémées, les autres celui des Antonins, que ces zodiaques de forme égyptienne, retrouvés dans des tem- ( 95 ) ples de construction grecque, ont été tracés sous les successeurs d’Alexandre ; et cette seule observation auroit suffi pour démentir le rêve de cette antiquité monstrueuse contre laquelle tant de savans hommes ont protesté tour-à-tour au nom de la Bible et de la rai- son (1). Un travail d’une véritable importance oc- cupoit vers le même temps les loisirs d’un de nos membres, M. Gurnrau pe Mussx. Vous l’aviez chargé, Messieurs, d'examiner l'opinion d’un savant helléniste anglais, sur les deux épopées d’Homère ; longue et pé- nible tâche, dont l’intérêt étoit doublé pour vous par le nom de celui qui a fait hommage à l'Académie de l’ouvrage de M. Knight (2). L’auteur proteste hautement contre la tra- dition qui attribue à Pisistrate la gloire d’a- voir réuni en corps d'ouvrage les chants ad- mirables dont se composent aujourd’hui l’f- liade et l'Odyssée. Il invoque avec force le silence d'Hérodote, de Thucydide, de Pla- ton et d’Aristote, d’Aristote qui loue avec QG) M Visconti, l’abbé Halma , traducteur de Ptolémée ; Biot, Gosselin ; Jomard ; Saint-Martin ;, Letronne , etc. etc. (2) Lord Hozrann, (96) tant de justice le merveilleux ensemble des poëmes homériques. Il s'étonne qu’un cri- tique aussi judicieux que Heyne ait labo- rieusement cherché dans l’ordonnance si simple , si naturelle, de ces antiques com- positions, je ne sais quel assemblage de piè- ces rapportées. Il réfute ses principalesobjec- tions. Il demande comment la bibliothèque d'Alexandrie, où les Ptolémées avoient ras- semblé tant de manuscrits d'Homère , n’of- froit aucun exemplaire de l’édition attribuée aux Pisistratides ; comment Homère ne se trouve pas même au nombre des poëtes dont les rois d'Egypte firent chercher dans Athè- nes les plus anciens manuscrits. Qui d’entre nous, Messieurs, placé entre les doutes de Heyne et de telles preuves, n’aimera pas mieux croire avec M. Knight que, si les poëmes d’'Homère ont été morcelés par les rapsodes pour la commodité de leurs au- diteurs, ils n’ont pas moins été composés par un même poëte (1) dans l’ordre qu'ils ont conservé jusqu’à nous, et que la seule gloire de Pisistrate est d’avoir prescrit aux rap- sodes de chanter de suite et à tour de rôle (1) Mille à onze çents ans avant J, C. (97) l'Iliade et l'Odyssée rendues à leur ordon- nance primitive ? M.DE Mussy admet encoreavec M. Knight que ces poésies , en traversant une antiquité de trente siècles, n’ont pu échapper aux doubles altérations d’un copiste inexact ou d'un scoliaste souvent systématique. Mais ne seroit-ce point se laisser à son tour abu- ser par l’esprit de système, que de publier au x1x.° siècle une restauration soudaine du texte homérique , sans s'appuyer d’aucun. manuscrit et comme pour démentir toute l’antiquité? Comment l’helléniste anglais n’a: t-il pas craint d’encourir le reproche de té- mérité , en effaçant de l’Iliade et de l'Odyssée tous les vers qui attestent la diversité des dia: lectes, comme interpolés par les rapsodes dans les âges qui suivirent? Comment ne s’est- 11 pas étonné de cette accusation d’ignorance que son système l’oblige de porter contre des hommes telsque Thucydideet Aristote, parce qu'ils ont méconnu cette unité de dialecte qu'il veut rétablir dans les poëmesd’Homère? Comment n’a-t-il pas senti que l’euphonie, si chère aux Grecs, et la mélodie originelle de leur langue repoussoient ces aspirations accumulées dans chaque vers de son édition, et que rendre Homère barbare, ce n’étoit F ‘(98 ) servir ni la langue du poëte, ni sa gloire ? Le point capital du système de M. Knight est l'introduction du disamma des Eoliens dans les mots où cette aspiration blesse le plus l'oreille, et ilavoue qu’on n’en trouve aucune trace dans les manuscrits les plus anciens. Mais persuadé qu'Homère n’a employé qu’un dialecte (l’Éolique ), il cherche dans des fr agmens d'inscriptions qui paroiïssent appar- tenir à ces temps reculés, dans des rappro- chemens de textes et des analogies souvent conjecturales, dés preuves de cet idiome pri- mitif qu’il prête à son poëte et qui auroit dis- paru, sans même laisser de traces dans la mé- moire des contemporains de Périclès et d'Alexandre. Si beaucoup de science suffisoit pour établir un tel système , rien ne manque- roit à la démonstration de M. Knight. Mais si l’érudition la plusincontestable ne dispense pas une opinion nouvelle de preuves directes et positives, M. Knight nous permettra de conserver quelques doutes. Notre mission n’est pas de nous prononcer également sur des recherches d’une autre na- ture, que M. Sécurer a livrées au public sous ce titre : Emploi des conjonctions et des modes conjonctifs dans la langue grecque. Avant de faire hommage à l’Académie de ce (99) grand travail , l’auteur avoit obtenu le seul genre de succès que puisse se promettre celui quiaime assez une langue morte pour en approfondir le mécanisme et la théorie : il avoit l’estime des savans qui ont dédaisné comme lui de s’arrêter à des généralités gram- maticales , presque toujours vagues et super- ficielles, et il ne demandoit rien aux autres. Les remarques de cet académicien sur le Tacite de la collection de M. Lemaire, faites en quelque sorte au milieu de nous, appar- tiendroient naturellement à ce Compte ren- du, si des critiques de détail pouvoient ÿ trouver place. M. SécurEr trouve encore à épurer dans le texte de Tacite, même après les Ernesti et les Oberlin, et ce ne seroit point une étude stérile que celle qui ajoute- roit aux travaux de ces savans hommes. La phrase du peintre de Tibère est toujours si pleine qu'aucune expression n’est indiffé- rente dans son récit : rendre au texte un mot omis ou tronqué par les copistes , c’est resti- tuerune pensée à l’histoire : et quelle histoire! HISTOIRE. HISTOIRE POLITIQUE. Le nom de Tacite nous rappelle d’autres études, et s’il jette quelque chose de son éclat ( 100 ) et de sa grandeur sur les modestes médita- tions du philologue, il ne sera pas d’un moins bon augure pour le lecteur , s’il le retrouve à la têted’une grande composition historique. Nous devons donc féliciter M. Loraïs de s'être emparé du tableau des mœurs germai- nes pour nous introduire dans son beau tra- vail sur l’ancienne France, après avoir dé- robé à l'historien d’Aoricola cette heureuse épigraphe : Majores cogitate. Son exorde , plein d’entraînement et de raison, est un religieux hommage aux an- ciens jours de la patrie. Toutes les paroles de notre confrère respirent « ce sentiment gé- « néreux et plein de délices qui associe le «< souvenir des pèresà l’ouvrage des enfans et « transmet aux générations qui commencent « la prudence des générations passées ; ce « sentiment ineffable d'amour et de véné- « ration qui fait que tous les hommes nais- « sent et vivent, pour ainsi parler, sous la « surveillance de leurs ancêtres. » M. Loraix rappelle le respect filial des plus grands hommes de la Grèce pour les le- cons de l’antiquité. Il demande si Rome, en expulsant ses Rois, rejeta les lois royales et le culte de Numa, si les souvenirs glorieux de la république étoient flétris sous la prudente ( io1 ) domination d’Auguste, si les plus absurdes tyrans défendirent jamais aux cohortes pré- toriennes de s’assembler au Champ-de-Mars et de compter les vieux trophées conservés au Capitole. Notre confrère regrette qu’un sentiment si noble n’ait point paru sacré aux législa- teurs de 1789,quisar ce point pouvoient join- dre à l’admirable exemple d’une nation voi- sine les exemples non moins admirables de tous les législateurs anciens. « Il falloit re- « vendiquer au nom de la Franceses libertés « héréditaires ; consacrer les doctrines sages « réclamées par l’exigence des temps, plu- « tôt comme la transmission d’un auguste « patrimoine que comme les concessions « d’uneautoritéqui tombe;il falloitenfin en- « noblirle présent par le passé, placerencore « la royauté à la tête des libertés francaises, « et faire reposer sur le gouvernement du « Roi les précieuses espérances de l’avenir.… « Mais des réformes, appuyées sur l’autorité « des temps anciens, n’eussent point enivré « le peuple d’un enthousiasme assez subit , « assez effréné. Elles auroiïent pu réveiller « le souvenir de ce long culte de la nation « pour ses Rois, de cet amour exalté, de « cette fidélité presque superstitieuse dont les ( 102) « exemples n’étoient pas encore très loin de « la génération qu’on vouloit séduire. La mé- « moire des temps accomplis , les pensées de « nos pères auroient jeté sur la liberté re- « conquise cette réserve filiale, cette gravité « respectueuse , ce caractère majestueux et « imposant, qui accompagnent toujours les « traditions vénérables. Laisser croire à la « France qu’elle étoit libre de temps immé- « morial, c’eût été modifier l'État sans causer < d’humiliation aux vaincus, sans permettre « de triomphe aux vainqueurs. Peut-être se « fût-on réconcilié sincèrement en présence « de nos ancêtres. Ce n’étoit point le compte « des novateurs, etc.» Ces réflexions, si remarquables par la ma- turité du style et de la pensée, annoncent assez l’intention du travail de M. Lorarx. Son discours peut être considéré comme un beau développement de ces paroles de l’ora- teur le plus éloquent peut-être qui ait hono- ré la tribune législative d'Angleterre : La Constitution française avoit été interrompue avant d’être achevée ; mais la France pos- sédoit les élémens d’une Constitution aussi bonne qu’on pouvoit le désirer. (1) Ce témoi- (:) Burke, ( 103 ) grage d'un homme qui avoit beaucoup étu- dié notre ancien gouvernement, et dont la vie ne fut qu’un long combat pour la liberté desautres, étoit digne d’inspirer à M. Lorain une production aussi distinguée que celle dont il a fait hommage à l’Académie. Il s’est proposé de montrer que la liberté n’est pas nouvelle en France, et que cette vieille Europe qui, selon la belle expression d’un de nos plus profonds écrivains, rendit toujours hommage à la suzeraineté de nos exemples, n’avoit pas seulement à imiter les grâces frivoles d’un peuple asservi. La pensée quidomine tout le discours est, comme on voit, une pensée éminemment nationale. L’auteur a entrepris de resserrer dans un ta- bleau digne de la France la longue généalo- sie deses libertés. Ce tableau n’arien d’idéal, rien de romanesque. Notre confrère en appelle par-tout à l’histoire ; il ne voit pas les temps quine sont plus, à travers des inté- rêts ou des passions d’un jour, Que ne pou- vons-nous le suivre dans ses recherches sur notre ancien droit public, soit qu’il nous montre la liberté individuelle écrite dans les capitulaires, dans les lois de Saint Louis, dans les ordonnances desessuccesseurs, et Mathieu Molé réclamant sous Anne d'Autriche la cou- ( 104) tume qui veut que les détenus soient inter- rogés dans le jour ; soit qu’il s'arrête avec un juste orgueil sur l’administration de la justice depuis les Missi dominici de Charlemagne jusqu'aux Lamoiïgnon et aux d’Aguesseau ; soit qu'il raconte l’affranchissement graduel descommunes, l'émancipation desser{s,lesim- munités des corporations depuis l’université de Paris qui s’appeloit/a {lle afnée des Rois, jusqu'aux corpsdesartset métiers quitenoient aussi du Prince tous leurs privilèges ; soit qu'il rende hommage à l’inviolabilité des pro- priétés françaises et à l’excellence de nos lois civiles et des ordonnances commerciales ; soit qu'il nous fasse voir jusqu’à Louis XIV le parlement d'Angleterre lui-même deman- dant sans cesse pour ce pays les libertés dont jouissoit alors la France? M. Loraix cite par-tout des textes précis ; il invoque des exemples plus décisifs encore. Dans l’im- puissance où nous sommes d'analyser une production aussi pleine , aussi substantielle, nous citerons quelques-uns des morceaux qui se détachent le mieux de l’ensemble du tra- vail. L'auteur peint à grands traits les prodiges d’une institution «que les plaisanteries mo- « dernes ne parviendront pas plus à flétrir (1059 ec qu’à faire oublier, la chevalerie : cette ins- « titution, mélange précieux de soumission « et d'indépendance, d’amour et de chasteté, « qui, prenantpourenseignela Foietlagalan- « terie, élevant l’ame du guerrier jusqu'aux < affections les plus nobles, jusqu’à l’exalta- « tion la plus héroïque , lui fit dédaigner en < même temps les richesses et le repos, la «< mortet la faveur, la crainte et les plaisirs; « le rendit, au nom de Dieu et des dames, « la sécurité des foibles, le protecteur des « opprimés, et sembla, au milieu de la bar- « barie du moyen âge, représenter et con- «< server seule les brillans attributs du carac- « tère français, » Parvenuauterme de son travail, M.LoraAïN le résume en quelques pages pleines d’une chaleur vraie, pénétrante, et fortement em- preintes de cette conviction qui donne la vie aux ouvrages de l’esprit. « Laissons dire à ceux qui ne comprennent pas l’ordre social, à ceux qui voient la civi- Bsation à travers de médiocres intérêts et des passions fugitives ; laissons-leur dire que la liberté est contemporaine de la révolution française. Nous qui aimons à reculer l’ère de notre affranchissement; nous qui ne croyons pas que la liberté réside dans des formes pu- (20680. rement extérieures; nous qui ne Croyons pas que les mêmes lois doivent régir le vieil or- gueil des Castillans et le patriotisme mercan- tile des Anglais d’A mérique ; nous quicroyons qu'il n’est ni possible, ni désirable de symé- triser les peuples , les institutions, les usa- ges ; nous qui ne Croyons pas qu'on soit es- clave, par-tout où n’existe pas le gouverne- ment représentatif, et à plus forte raison, par-tout où n’ont pas été proclamés les droits de l’homme ; nous aimons à sentir que la li- berté est ancienne en France. « Pressée partant de faits et par tant de sou- venirs , la mauvaise foi se trouble ; maiselle n’abandonne point encore son système de dépréciation et d’oubli. Elle prend pour règle de ses croyances quelques faits isolés , quel- ques temps malheureux, quelques actes ar- bitraires et rigoureux, tristes exceptions au milieu d’une liberté générale , et qu’elle ju- se encore avec cette inepte partialité qui ana- lyse les événemens du 15° siècle avec les idées philantropiques du 16°. Elle juge la liberté individuelle par les lettres de cachet, l’indé- pendance judiciaire par quelques commis- sions ; elle juge enfin la royauté par la tyran- nie, comme la relipion par la Saint Barthe- lemi. Ne pouvant trouver dans toute l’his- (io7) toire de F'rance qu’un seul Roi, Louis XI, dont le caractère fut tyrannique, et qui en- core opprima les grands sans froisser le peu- ple, elle appelle Charlemagne, un brigand victorieux, parce qu'il fut l’homme le plus étonnant de notre histoire ; Charles V ,un despote, parce qu'il étoit sage ; Henri IV, un roi absolu, parce qu’il réunissoit en lui l’assemblage royal et français de l’esprit et de la bravoure, dela victoire et de la légitimité; Louis XIV, un tyran, parce qu’il fut grand et qu’il disposa de l’amour de toute la France : et confondant dans une même aversion l’ou- vrage des temps et celui des hommes, les événemens et les principes, les règles sociales et les accidens, elle compose de nos annales une longue et monotone série de misère et _d’oppression, d’usurpation et de vasselage.…. _ Si les Rois, toujours ésaux à leur siècle, mar- _chent toujours avec la civilisation , la mau- vaise foine voit dans cette active surveillance qui satisfait les besoins de l’État dès qu’elle les connoît, que les longues et successives conquêtes du pouvoir absolu. En vain la voix solennelle du passé vient donner un démenti manifeste à des préventions erronées ; on a résolu de fermer désormais son cœur aux émotions francaises ; on oppose avec froideur { 108 ) à l'attestation des âges une incrédulité systé- matique et une ignorance factieuse.» Votre secrétaire ne craint pas, Messieurs, que de telles citations vous paroissent trop longues : il sait qu’il parle devant des hommes qui aiment toutes les gloires de leur pays. Nous transcrirons encore la péroraison comme le plusdigne hommage que nous puis- sions rendre à tout l’ouvrage , et nous vous aurons prouvé, Messieurs, que nous savons nous borner. «Ah ! si quelque main plus habile vouloit réunir dans un tableau vraiment patriotique les preuves de sentiment et de raison qui en- tourent en foule le noble sujet auquel nous avons apporté si peu de talent ettant de con- viction, peut-être seroit-il donné à cette œuvre nationale de voir s’incliner devant elle des amours propres désabusés, des ambitions éteintes, des haines réconciliées, des préju- gés vaincus. Peut-être en jetant les yeux sur les institutions, les mœurs, les grands Rois, les grandes choses de notre belle France, s’accoutumeroit-on à se dire avec quelque attendrissement : Ce fut le bien de nos pères. Nous avons besoin de le dire : nous ne voyons pour la France qu’une voie certaine de salut. . Que les amis de l’ordre et de la légitimité (109) prennent sous leur patronage cette doc- trine généreuse, qu’une alliance éternelle doit unir la liberté et la royauté. Une pensée si orande échauffera le cœur de la jeunesse française ; son ame s'ouvrira sans peine à des sentimens qui relèvent la dignité de notre patrie. Nous serons fiers de reconquérir un avenir fondé sur l’accord immuable de la science et des mœurs, de l’obéissance et de la grandeur d’ame. La fidélité redeviendra une vertu; nous ne laisserons aux détracteurs des temps anciens que l’ambition du mal, et l'impuissance de le commettre. Nous adore- rons à la fois nos monarques et nos immuni- tés nationales ; nous entourerons d’un appui plein de dignité le pouvoir royal qui seul put nous donner un gouvernemeïtt libre, et qui seul peut nous le conserver. Nos fran- chises publiques deviendronten quelque sorte pour nous des droits de famille; nous les transmettrons héréditairement à nos enfans comme un patrimoine indivisiblement uni à l'amour des Rois de France. Ils perpétue- ront cet héritage généreux , comme un bien sacré, une propriété inviolable , une substi- tution immortelle ; et peut-être mériterons- nous qu’un jour nos fils reconnoissans disent ( 110 ) à leur tour, en se souyenant de nous : #1a- jores cogitate l » CRITIQUE HISTORIQUE. Tout s’enchaîne dans les travaux litté- raires, et vous ne serez point trop surpris, Messieurs, de trouver à la suite d’une bril- lante apologie de l’ancienne France, le mé- moire consacré par un de vos membres à faire absoudre d’une accusation grave le premier Roi d’une auguste dynastie. Les libelles les moins suspects d’érudition ont appris à répé- ter comme une chose prouvée ce qu’on a co- pié par-tout sur l’avénement de Hugues Capet à la couronne. Veut-être nous ont-ils donné le droit de dire qu’il n’est guères d’é- vénemenshistoriques aussi généralement mal connus de nos jours. Dans la dissertation que nous avons sou- mise à l’Académie, nous croyons avoir prou- vé par les capitulaires et par les faits, que le sceptre, héréditaire sous la 1°° race, réuni sous la seconde à la mairie du Palais, devint électif comme elle. Pepin, pour affermir la popularité de sa maison , appela les grands à choisir entre les enfans des Rois; et de là { 2121) tous les déchiremens au milieu desquels finit la dynastie Carlovingienne (1). Toutefois les fils légitimes du dernier Roi étoient seuls admis à luisuccéder. Les enfans naturels de Charlemagne, ceux même qu’il avoit eus de ces femmes du 2° ordre dont parle Hénaut et auxquelles l’histoire a con- servé le nom de concubines , ne récilamèrent pas même d’apanage après sa mort et n’éle- vèrent jamais la moindre prétention à son héritage. Toute la justification de Hugues Capet est dans ces deux faits généraux. Il faut les dé- truire , ou renoncer à le flétrir sur parole du nom odieux d’usurpateur. Le quatrième descendant de Charlemagne, Louis-le-Bègue, avoit épousé à l’insçu de son père Ansgarde, fille d’un seigneur fran- çais (2). Cette union clandestine obtint la ra- (1) Annal. Metenses, an. 768. — Chart. divis.imp, Car. Magni, an. 806, art. 5. — Chart. divis. imp. Lud, Pii, art. 14 et 18. — Serm. de Louis-le-Bèoue : Æoo Hludovicus, misericordia dri Dei nostri er ELECTIONE populi rex consfitutus, etc. (2) Ludoicus filiam Harduini quondam comit's, so- rorem scilieet Odonis.… sili covrucrm copulat. Cet Odon , ou Eudes, étoit comte de la Bourgogne Transju- rane (gouyernçur de la Franche-Comté }, L’annaliste ( 112 ) tification de Charles-le-Chauve, puisque les deux fils d'Ansgarde, Louis III et Carloman, furent élevés l’un et l’autre dans le palais de Charlemagne. L'Empereur n’en força pas moins son fils de répudier l’épouse de son choix et d'accepter Adélaïde, quidevint mère de Charles-le-Simple. Les conséquences se présentent d’elles-mèmes. Né avant la disso- lution d’un lien sacré, le fils d'Adélaïde n’é- toit qu'un fils adultérin ; sa naissance ne lui donnoit aucun droit aux suffrages des barons et des évêques ; suivons les faits. Louis-le-Bègue succède à son père. Sacré par le Pape Jean VII qui cherchoit près de lui un asile, il n’en peut obtenir le couron- nement d’Adélaïde. Pourquoi? Les annales de Saint Bertin, Daniel, le père de Longueval nous l’apprennent ; c’est que le premier ma- riage n'étant pas nul, le second n’étoit qu’un adultère. A la mort de Louis-le-Bègue, Charles-le- à! Simple est comme étranger à sa SUCCESSION. raconte ensuite que le roi pardonna ce mariage à son fils. — V, Ann. de Saint-Bertin, Ann. de Metz,an 862. Ludovicus Balbus habuit..….. quamdam puellam xo- BILEM, nOMmine Ansgarem, SIBI CONJUGII FOEDERKE copulatam , et qui duos suscepit liberos, etc: ( 11929 Son père près de mourir, se hâte d’assurer le trône au fils aîné d’Ansgarde, sans aucune réserve en faveur de l’enfant d’Adélaïde. Même oubli à la mort de Louis III et de Car- Iloman, Charles-le-Gros, leur oncle, est appe- lé à la couronne. En lui s'éteint la postérité léoitime de Charlemagne; et dès-lors, suivant la remarque de Montesquieu (1), la facuité d’élire, jusques-là conditionnelle etrestreinte à une seule famille, devient pure et simple. Sile fils d'Adélaïde eût été légitime, il avoit des droits incontestables à la double couronne que Louis-le-Gros avoit portée. Cependant l'Allemagne ne pense point à lui, et la dalma- tique impériale , livrée pour la première fois aux chances d’une électionaristocratique, est déférée à Arnould, duc de Carinthie. Pres- que en même temps, Eudes, comte de Paris, arrière-petit-fils de Charlemagne par sa mère, est proclamé Roi de France. Ses ennemis ne lui opposent qu’un étranger dont les mouve- mens troublèrent peu le royaume ; et les pré- tentions de Charles-le-Simple étoient si loin de tous les esprits, que les provinces du midi, qui voulurent un moment se rendre indé- pendantes, ne songèrent pas même à se faire (1) Esprit des lois, 1 xxx1, ch. 1%. (114) un prétexte de $on nom. Le troisième fils de Louis- le-Bègue ne se montre que quatre ans après , à la tête d’un soulèvement suscité par l'archevêque de Reims. Une invasion des Normands force les deux compétiteurs à un partage, inégal toutefois pour Charles- le Simple. Eudes meurt bientôt sans héritier ; les seigneurs frappés de la nécessité de s’u- nir contre les périls dont la France étoit as- siésée, reconnoissent enfin son rival (1). Les chartes du roi Eudes , ses médailles, tous les anciens monumens diplomatiques dé- mentent ceux qui n’ont voulu voir en luique le régent du royaume. Il faut épuiser la liste des auteurs voisins de cette époque, pour ren- contrer quelques témoignages dont cette fa- ble de la régence puisse être étayée , et le sa-° vant Bullet a rendu palpables lisnorance et les contradictions des annalistes invoqués pour balancer tant de preuves. Les historiens les moins favorables à Budes attestent qu'il me (Gi) Ils avoient d’abord proclamé le fils d'Eudes en- core enfant ( vita S. Genulfi, ann. 898 ). Sa mort les rejeta sous la domination de Charles-le-Simple. Cette circonstance intermédiaire se concilie mal avec ce que Mézerai raconte des derniers momens du roi Eudes qui les auroit exhortés à ne pas rester plus long-temps re- belles au roi lésitime, (1489 Fat sacré à Reims sans opposition , et nous citerions des actes de Charles-le-Simple où il ne compte les années de son règne qu à dater de la mort du prétendu régent , qu’il appelle son prédécesseur (1). En effet le troisième fils de Louis-le-Bègue ne régnoit que par les suffrages des évêques et des barons. Il avoit été élu : Réginon, qui écrivoit sous son règne même , le déclare en termes formels. Aussi les grands se persuae dèrent sans peine qu'ils avoient le droit de Jui retirer un titre qu’il tenoit d’eux. Robert, frère du roi Eudes, fut substitué à Charles- le-Simple et se fit sacrer à Reims. Après sa mort, Hugues-le-Grand, son fils, refuse la couronne et la faittombersur latête de Raoul, toujours par le choix des grands, C’est encore l'influence de Hugues-le-Grand qui entraîne l'élection deLouisIVetdeLothaire(2).LouisV (1) V. le traité avec Henry, roi des Francs orient. Baluz. t. 2, an 921. — V. aussi Reginon, les Ann. de Metz, Luitprand , Guillaume de Jumièses, Abbon , Odoran, Othon de Frisingue, Aimar de Chabannes, les Chron. de Saint-Benigne, de Saint Waast d'Arras, de Saint-Pierre-le-Vif de Sens , etc. etc. (2) Totiusregni primates ELEGERUNT Ludové- cum , filium videlicet praedicti regis Caroli(Radulph. Glaber,l.1.c.x111). V aussi la Chron. de Tours etMézerai, Quant à Lothaire, Frodoard , annaliste contempos ( 116 ) est élu comme son père et son aïeul : s74/1- matur in regno , disent les chroniques con- temporaines ; et c’est l'élection consécutive de ces trois princes qui a fait illusion à beau- coup d'écrivains. Ils en ont conclu que l’hé- rédité avoit été rétablie ; mais l’ambition des seigneurs l’eût-elle souffert ? Plusieurs géné- rations d’empereurs ne se sont-elles pas suc- cédées en Allemagne sans que l’empire cessât d’êtreélectif,et la Pologne n’a-t-elle pas donné les mêmes exemples? Ce n’est pas lorsque les trônes chancellent, lorsque le diadême flotte surle front des Rois, que leur pouvoir devient héréditaire ; et à défaut des témoignages his- toriques, la raison nous défendroit de croire que les droits du sang eussent été rendus à une royauté démantelée, telle en un mot que la féodalité l’avoit faite pour les derniers re- jetons de Charlemagne. La couronne n'étoit donc point hérédi- taire lorsqu'elle fut offerte à Hugues Capet. Fils de Hugues-le Grand qui l’avoittrois fois refusée, beau-frère du dernier Roi, neveu rain, dit que sa mère eut recours à Hugues-le-Grand pour lui concilier les suffrages. Quam Hugo adcolloquium accivit, et venientem consolatur , ac de PROFECTIONE FILII EJUS IN REGNUM pOlliCErur, (117) du roi Raoul , petit-neveu du roi Eudes, pe- tit-fils du roi Robert, qu’avoit-il besoin d’u- surper un tône qui, par la force même des choses, ne pouvoit rester plus long-temps séparé du plus grand fief de la monarchie ? Pourquoi repousseroit-on les témoignages contemporains ? Est-ce parce qu’ils assurent que la royauté fût librement déférée à celut qui seul pouvoit la défendre ? (1). Arrêtons-nous. Peut-être en avons-nous dit assez pour balancer la confiance aveugle avec laquelle des hommes pleins de lumières ont abandonné leur conviction aux accusa- teursde la dynastie capétienne. Sinous avons été assez heureux pour désarmer des préven- tions auxquelles l’éducation a prêté sa puis- sance , si nos adversaires veulent bien recon- noître que notre opinion n’est pas indigne d’être examinée, notre temps n’aura pas été perdu (2). (1) V. Glaber Rad. I. 1 c. 2; Odoran , Chron. de Saint-Benigne, an 987; Thomas de Loches , la petite Chron. de Saint-Denis, celles de Senones et de Saint- Médard de Soissons, an 986 , etc. etc. (2) On ne citeroit pas un seul contemporain que Bullet n’ait consulté avant de justifier Hugues-Capet. Les écrivains auxquels le p. Lelong accorde le plus d’au- torité pour la fin de la 2° race sont l’annaliste de Saint- Bertin, Reginon , Luitprand et Frodoard. Ce sont pré- ( 118 ) BIOGRAPHIE, Une autre branche de l’histoire, qui a ten- té de beaux génies chez les anciens, et qui parmi nous a pris quelquefois, sur-tout dans ce siècle, un essor assez élevé, devoit trou- ver place dans les trayaux de l’Académie. Mais, s’il est vrai que la concision soit pro- prement l’éloquence du genre biographique, vous nous pardonnerez , Messieurs, de ne vous rappeler qu’en passant des lectures qui échappent à l’analyse par leur nature même. cisément ceux qui déposent le plus clairement des faits par nous invoqués. Nous n’avons pas parlé de deux erreurs de Velly, 3° Il invoque contre Hugues une lettre de Gerbert, qu’il rapporte à l’année 987 où commence la 3.° race. Cette lettre , adressée à Thierry, évêque de Metz, mort en 084 sous le règne de Lothaire, ne peut s'appliquer à ce qui arriva 3 ans après. 2° Il rapporte que Charles de Lorraine, compétiteur de Hugues, mourut son pri- sonnier. Les annalistes lorrains racontent au contraire que leur prince s’échappa, et l’on a trouvé son épita- phe dans une église de Mastricht; ily est appelé comte, Quoi qu’il en soit, ses enfans n’inquiétèrent jamais son rival. Mably, pour soutenir l’usurpation de Hugues, en est réduit à traduire Franci primates par Les principaux de l’Isle-de-France. N'est-ce pas vouloir se tromper À ( 119 ) La notice de M. Grraurr sur Claude de Beauvoir , maréchal de France sous Charles VI, n'offre suère que des faits militaires d’une médiocre importance. Celle qu’il avoit con- sacrée à Saint Bernard est le dernier travail que ses derniers jours lui aient permis. Nous devions cette double mention à sa mémoire, Nous y joindrons la nomenclature des arti- cles destinés par le rédacteur de ce rapport à la Biographie universelle (1), vaste entre- prise qui honore le XIX° siècle et qui se re- commande comme l’œuvre en quelque sorte solidaire de toute la littérature contempo- raine. C’est encore au genre biographique que se rapportent quelquesfragmens de l’his= toire littéraire de la province, que Messieurs GirAULT et AMANTON vous avoient offerts, et qu'ils ont fait imprimer sous letitrede Par- ticularités inédites et peu connues sur læ Monnoye, Crébillon et Piron. Ta publica- tion de ce travail, en le soumettant à un autre jugement que le nôtre , l’enlève natu- rellement au Compte rendu de l’Académie. QG) Philopæmen, Phocion, Paruta, Politien, Puloi, Properce, Pomponace, Pyrrhon, le cardinal de Retz. ( 120 ) PHILOSOPHIE. Des discussions d’un ordre bien supérieur ont retenti un moment dans cette enceinte. Mais, condamnés par les bornes naturelles de ce rapport à ne point embrasser dans toute leur étendue des doctrines qui parta- gent le monde philosophique , pourrions- nous consentir à leseffleurer ? Est-ce à nous d’ailleurs à faire la part de la louange et du blâme sur ces débats , auxquels, vous le sa- vez, nous n'avons pu rester assez étranger pour que l’impartialité du narrateur ne parût point plus d’une foissuspecte? Cette considéra- tion déjà si impérieuse, n'est-elle pas devenue toute-puissante, depuis que celui de nos con- frères qui étoit entré le premier dans la lice a youlu que le public se fît juge entre lui et nous? Et que pourrions-nous dire, si ce n’est que vous avez craintde rien prononcer sur ces questions, les plus hautes peut-être qui puis- sent être agitces parmi les hommes? Vous avez entendu un rapport d’une clarté remar- quable , auquel nul ne sauroit refuser l’élo- ge que Montaigne donnoit ingénuement à son livre : C’est ici un ouvrage de bonne foi. La noble modération qui distingue la partie polémique de ce travail, les connoissances ( Tant philosophiques dont il porte l’empreinte ne pouvoient échapper à l’Académie. Plusieurs membres toutefois refusoient encore leur conviction aux conclusions du rapporteur, et toutes ses opinions n’étoient point également admises par tous ceux qui partageoient sa doctrinesur la question principale du rapport. Vous avez pensé , Messieurs, qu’il ne vous appartenoit point de déciderentre deshommes tels que Platon et Descartes, entre M. de la Mennais et ses adversaires , entre votre rap- porteur et M. de Bonald. Vous n’avez pas eu la prétention de fermer la lice, parce que quelques-uns d’entre vous étoient descendus un moment dans l’arène , et vous n’avez pas cru vous établir leurs juges en votant à l’una- nimité l’impression d’un rapport qui ne peut que honorer l’Académie (1). LITTÉRATURE. — POÉSIE. L'alliance de la Philosophie et de la Poésie est trop ancienne ; elle s’est renou- velée de nos jours avec trop d’éclat, pour que votre secrétaire s’excuse de placer dans ce Rapport les disciples dé Platon si près des disciples d'Homère, et de ne point trop sé- (1) V. ce Rapport à la suite du Compte rendu. ( 122)) parer deux études qui tant de fois ont eu des inspirations communes, et qui tiennent l’une et l’autre à ce qu’il y a de plus élevé dans l'intelligence créée. Ce n’est pas au hasard, Messieurs , que nous avons prononcé ce nom de Poésie; les offrandes nombreuses que les Muses ont re- çues depuis deux ans dans cette enceinte, ne vous ont-elles pas donné plus que de la versification ? Un Académicien résidant, M. le marquis D'ArgauD-Jouques vous a fait hommage de son Ode à la ville d'Aix, et de quelques au- tres pièces qui, avant d'enlever vos applau- dissemens, avoient eu déjà ceux d’une pro- vince qui a été comme la terre classique de la Poésie française (1). Il vous avoit exclu- sivement réservé son épître à M. de Chéné- dollé, sur Les sentimens qu’on doit porter dans l’étude de La littérature. Mais, en déci- dant que votre recueil annuel s’enrichiroit de ces vers éclatant de pureté et d’harmonie,vous nous avez envié, Messieurs, le plaisir de les louer comme nous les sentons (2). Un autre membre, M. Brucxor, dont la (1) V. le recueil de l’Académie d’Aix. (2) V. cette Épitre à la suite du Compte rendu. | L | À (12819 muse féconde promet à ce siècle , déjà si ri- che en espérances poétiques, que la Bour- gogne aura aussi son poëte, vous a confié les préludes de sa Iyre si flexible et si mélo- dieuse. Vous avez admiré tour-à-tour toutes les grâces, et souvent toutes les richesses du style descriptif, dans son fragment sur les fleurs sauvages ; une mélancolie pleine de douceur dans son récit élésiaque du Sat de Leucade , pleine d’élévation et de vie dans la paraphrase d’un verset de Job, que nul de vous ne peut avoir oublié.(1) Nous l’avions vu éprouver,comme en se jouant,sa VOCationt lyrique par cettetraductionsifacile,siélégante et surtout si fidèle , de deux Odes d'Horace, où il avoit su badiner et philosopher comme lui. Trois fois son talent s’est confié depuis à l’ode héroïque, et trois fois sa lyre a changé de ton; riche de pensées et d'images, quand il chante les merveilles du grand siècle ; sombre et terrible, lorsqu'il rend les der- niers remords et les derniers blasphêmes de l’athée ; brûlant de verve lorsqu'il peint la liberté des Gaules expirant avec Sacrovir. (1) Taedet animam meam vitae mae ; dimittam ad- versèm me eloquium meum, loquar in amaritudine ani- mac mœ. (Job, x,1.) Ca24) Cette grande image d'Homère, qui nous apparoît par-delà trente siècles, agrandie par les efforts mêmes de l’envie, lui inspire un début vraiment lyrique dans son Ode à Louis XIV. Lorsque le chantre d’Ionie , Surchargé d’infortune et de célébrité, Loin des mortels, ravi sur l’aigle du génie, Voloit à la postérité, Des Zoïles sans nom poursuivirent sa gloire, Jusques au temple de mémoire, De leurs écrits blasphémateurs ; Mais, comme son héros, bravant de vains outrages, Homère invulnérable a traversé les âges... Et l’on cherche ses détracteurs. Foi magnanime, ainsi etc. L'ombre de Louis XIV s’avance indignée contre ses accusateurs. Elle raconte toutes les ploires de son règne ; ses généraux, ses ministres, la marine créée comme le com- merce, les canaux, la législation, les chefs- sénéreusefitéclore 5 dans les lettres et dans les arts, les progrès de d'œuvre qu’une pro tection la philosophie et des sciences. Le monarque paroît s’oublier dans ce tableau , pour ven- ger les grands hommes et les grandes choses de son siècle. Il se loue comme à son insçu dans chaque hommage qu’il rend aux re- ( 195 ) nommées cohtemporaines, et c’est ainsi qu'il rappelle sans orgueil ses victoires person- nelles, en prodiguant, à Lebrun de justes éloges. Là, le fameux vainqueur et d’Issus et d’Arbelles, Sous le pinceau d’un autre Appelles Revient foudroyer Darius. Là, Valencienne abat l’orgueil de ses murailles ; Ou le Rhin, frémissant au bruit de nos batailles, Soulève ses flots éperdus. Nous citerons encore la strophe de l’ar- chitecture et celle que notre jeune confrère a consacrée aux savans et aux philosophes du xvrr.* siècle. Tributaire des Rois, l’architecture altière Dirige dans les airs son vol ambitieux : Le Louvre; secouant son antique poussière , Découvre son front radieux ; Ma main, tout à la fois, pompeuse et bienfaisante, Offre à la valeur indigente L’asile auguste d’un palais : Venez y reposer votre tête guerrière, Vous ne mendierez plus le pain de la misère, Nobles débris des camps francais! Mais les cieux étonnés ont abaissé leur voûte : Ces savans assemblés mesurent l’univers, (1) Ou des globes errans dans leur céleste route nue SC | (1) La méridienne, ( 20" Fixent les mouvemens divers (1). Ïls percent le dédale où la raison humaine Gémissoit sous la lourde chaîne Des préjugés victorieux. Près d’eux, la vérité prend un essor sublime Et régit désormais d’un sceptre légitime La philosophie et les cieux (2). Le mouvement qui termine cette longue prosopopée n’est pas moins lyrique. L'ome bre royale se sent comme inspirée , quand elle rappelle le chantre de Cinna et celui d’Athalie ; elle croit les entendre encore, elle s’écrie : Racine, as-tu saisi ta lyre harmonieuse Ou la harpe des Séraphins? Le Ciel va-t-il laisser échapper ses myst ères® L'Apôtre a retrouvé sa parole de feu, Et proclame au milieu des gloires passagères La gloire éternelle de Dieu. Sublime Bossuet! Je t’entends, de ta chaire, Briser les grandeurs de la terre Sous l’anathême de la mort. Arrête !.… Epargne-nous les éclats de ta foudre, Et laisse ces grandeurs, s’abimant dans leur poudres Subir leur lamentable sort. Le chant guerrier d’un officier de Sacro- (1) Établissement de l'observatoire , trayaux de Cassini, (2) Descartes, Neyyton , Leibniz. (127 ) vzr, chef des Éduens, après la défaite de nos ancêtres par un lieutenant de Tibère, est un véritable dithyrambe. Ils ont vaincu , les soldats du midi! Teutatès attendoit leurs bras chargés de chaînes; Teutatès n’a point bu dans un crâne ennemi, Et son esprit plaintif par trois fois a gémi Dans le feuillage des vieux chènes. J’ai vu leurs légions marcher, Comme un noir tourbillon qui porte les orages, etc. Hélas ! ils sont vainqueurs, et tu dors dans ta cendre, O le plus brave des guerriers! C’est toi qui nous guidois aux combats meurtriers ; Le premier tu crias : Vengeance! Et nous volâmes tous, tous autour de ta lance Ranger nos épais boucliers. Ton œil invrépide Suit nos combattans, Ton coursier rapide Vole dans Les rangs, Son pied homicide Foule les mourans. Gloire à ton courage! La mort, le carnage Marchent devant toi. Les aigles romaines, À travers nos plaines, S'arrêtent d’effroi.... ( 128 ) Nos Bardes apprêtoient déjà le chant de gloires Ils nous promettoient la victoire, Et nos ressentimens et nos bras valeureux Nous l’avoient promise encor mieux ! Îls sont pourtant vainqueurs, ettu dors dans ta cendres OÔ le plus brave des guerriers ! Voyez-vous étendus nos bataillons entiers Dans ces champs qu’ils n’ont pu défendre? Ils ne leveront plus leur tête, pour reprendre Leurs immobiles boucliers. Silence ! leur pesante armure Giît avec eux au champ de mort, Et leur sanglante chevelure Se soulève au souffle du nord. Silence! L’astre aux rayons sombres Leur verse ses pâles clartés, Et l’on diroit qu’à leurs côtés On entend murmurer des ombres, Silence , terre des Gaulois! Pour toi l'esclavage commence. Liberté, silence à ta voix! Les Romains ont vaincu... Silence! Les Romainssont vainqueurs,et malheur aux vaincus, Malheur aux enfans de Brennus! Malheur à qui n’eut le courage Aux combats de savoir mourir ! Malheur à qui dans l’esclavage Comptera ses jours à venir ! Malheur à qui, chargé de chaînes, (129 ) Ornera les pompes romaines De léclat de son déshonneur , Et, dévorant d’amères larmes, Suivra , dépouillé de ses armes, La marche d’un triomphateur! Il y a loin des beautés qui distinguent ces strophes à celles qui ont rendu si célèbre le terrible récit d'Ugolin. En s'imposant un tel sujet après tant d’essais plus ou moins heu- reux, M. Brugnot s’est donné beaucoup de rivaux ; mais le plus redoutable sans doute étoit.son modèle. Le Dante est, comme on sait, le plus ancien poëte des temps moder- nes. Né dans le chaos du moyen âge, deux siècles avant la renaissance des lettres , son génie sut créer une langue à lui seul et re- commencer la poésie en Europe. Froissé par les chocs politiques an milieu desquels Flo- rence rêvoit la liberté, il peignit une nature violente et désordonnée ; il l’avoit vue. Dans ces temps de barbarie,ce n’étoit pas la force, mais la règle qui manquoit aux esprits , et tout le monde convient que le talent et les ouvrages du Dante sont fortement empreints du caractère de son siècle. Ses pensées ont une énergie à part ; la nudité de sa poésie, la précision incroyable de son style sont dé- sespérantes. C’est sur-tout dans le récit d'U- 9 ( 130 }) solin qu’on retrouve le faire du Dante tout entier ; tous ses défauts , toutes ses qualités sont là (1). Aussi M. Brugnot a-t-il moins voulu faire une traduction que ce que les peintres ont appelé une éfude. Il s’est atta- ché à reproduire la diction si énergiquement simple du chantre de l’Enfer, à nous rendre pour ainsi dire sa physionomie littéraire ; et, disons-le , lors même que la lutte est ma- nifestement inégale , il faut moins en accu- ser l’impuissance du traducteur que celle de la langue française , cette gzeuse fière dont Voltaire signaloit au siècle dernier la dé- daigneuse indigence. Si les bornes de ce Compte rendu ne se prêtent point à des ci- tations, d’ailleurs insuffisantes pour faire ap- précier une version qui se recommande sur- tout par l’unité de ton que notre jeune con- frère a religieusement conservée, nous lui devons au moins ce témoignage que nous avons été beaucoup plus frappés des diffi- (1) Peut-être ce morceau ne peut-il être complète- ment bien traduit qu’en latin. C’est la seule langue qui admette, sansqu’on lui fasse violence, d’aussi effroyables détails, et dont la concision égale celle de cette autre langue que les Italiens ont nommée Dantesque, dans l'impuissance d’en exprimer autrement le génie. (:213279 cultés qu’il a vaincues, que de celles qui ont été plus fortes que son talent. M. Brugnot traduit par-tout avec .une étonnante exac- titude, presque toujours avec une rare éner- gie;etnousle féliciterons d’avoir pu resserrer quatre-vingt-dix vers du Dante, en moins de cent vers français, dont la plupart ne seroient désavoués par aucun poëte de nos jours. C’est encore une belle inspiration que la paraphrase de ce verset de Job, déjà cité par nous, et qui a fourni à M. Brugnot une mé- ditation poétique digne d’être admirée, même après celles de M. de Lamartine. Qu’on nous permette cette fois de louer notre confrère en le citant encore. Que de fois, s’écrie-t-il, après avoir déploré le vide et les déceptions de la vie, Que de fois je cachaïi ces sentimens amers Dans l’ombre de la nuit, aux lieux les plus déserts! Que de fois, loin du bruit des demeures humaines, J'essayai d’endormir mes ennuis et mes peines! J’aimois à parcourir et les monts et les champs Que dépouilloit déjà le souffle des autans, A voir sécher les fleurs et mourir la verdure, Et les brumeux frimas attrister la nature ! Satisfait, sur un sol tout jonché de débris, J’entraînois sur mes pas des feuillages flétris ; J’interrogeois des bois la voix retentissante Qui me rendoit au loin sa réponse mourante ? (4227 Quelquefois je restois, long-temps silenciéux; Appuyé sur le tronc d’un vieux chène mousseux ; Écoutant au déclin d’un pâle jour d’automne Le tintement lointain de l’airain monotone... Ces sons religieux, mourant avec le jour; Ce repos solennel sur les monts d’alentour; La lune qui, pareille à la blanche vestale Qui vient faire brûler sa lampe sépulcrale Sur la tombe isolée où repose une sœur, Se levoit pour verser sa pensive lueur; Ces astres mi-voilés semés dans l’étendue ; Tout jetoit l'infini dans mon ame éperdue ; £lle avoit secoué le fardeau de ses fers ; Non! je n’habitois plus ce terrestre univers; Mais jusqu'aux cieux ravi sur de rapides ailes , Je croyois saluer les clartés éternelles, Entendre soupirer dans le séjour divin L’ineffable concert du cantique sans fin, Et, nageant au milieu d’un torrent d'harmonie, Commencer le matin d’une seconde vie. Et cependant l’orfraie à travers ces vieux bois Trainoit en cris mourans sa lamentable voix : « Le Ciel n’est pas encore aujourd’hui ta demeure, « Disoit-elle , tu vis sur La terre où l’on pleure. Nous n'avons pas encore parlé de l’Ode de M. Brugnot sur la Grèce , ni de son Idylle si touchante de /a Chapelle-des-Bois. Nous ne pouvons rien extraire de cette dernière pièce sans lui faire perdre quelque chose du charme que l’Académie a trouvé dans sa (1335Y lecture, et nous la soumettons tout entière au public (1) ; maïs nous essaierons de déro- ber quelques strophes à cette œuvre toute poétique où notre jeune confrère a mêlé la plainte éloquente , mais résignée , d’une lyre chrétienne aux cris de détresse qui naguère encore retentissoient dans l’antique patrie des beaux vers et des beaux arts. Ce qui distingue POde de M. Brugnot en- tre toutes les compositions lyriques inspirées par les malheurs de la Grèce, c’est que, sui- vant l’expression d’un de nos confrères (2), il donne plus de regrets à son ancienne splen- deur , plus de larmes à sa désolation présen- te, que d’espérances à son avenir et d’en- couragement à ses armes. Il.a chanté la Grèce au moment où elle désespéroit d’elle- même ; et, pour citer encore le même mem- bre , sa voix mélancolique et religieuse n’a trouvé pour elle qu’un hymne de deuil. Aussi la douleur du poëte n’a rien de vulgaire. Il jette d’abord un regard d'amour sur la France. Béni soitle doux nom de ma douce patrie! Qu’ils soient bénis trois fois les bords où le Français (Gi) V.à la suite du Compte rendu. (2) M. Lorain. (134) Respire avec orgueil l’air natal de la vie, Au sein des arts et de la paix ! Terre heureuse et féconde, etc. Puis, par une transition rapide, il nous transporte au milieu de ces nations déchues, accablées de leurs souvenirs plus encore que de 'eurs fers : Peuples déshérités , leur nom les importune. Le joug hideux de l’infortune Les opprime d’un double poids : Car s’il est des douleurs pour les ames vulgaires, Que les maux sont cuisans et les larmes amères Pour des esclaves, fils de rois ! M. Brugnot découvre une réprobation d’en bant dans ces catastrophes qui anéantissent tout un peuple. Les décrets du Seigneur sont des décrets sévères. TI laisse sous sa main les nations grandir, Leurs vertus d’un moment, leurs forfaits séculaires , Frapper la terre et la remplir. Puis il tonne à son tour, et, tombés sous sa foudre, Les peuples couchés dans leur poudre Dorment et ne s’éveillent plus : Vit-on jamais, levant leur tête ensevelie , Les antiques cités dans la vieille patrie Rebâtir leurs murs abattus? Tout-à-coup le poëte s’adresse à la Grèce, Ecoutons-le : (1328) Pourquoi donc t’agiter sous le poids de tes chaînes ? O Grèce , où traînes-tu tes enfans sur tes pas ? Et quel cri, répété dans tes îles lointaines, A retenti pour les combats? Îvre des souvenirs de l’antique vaillance, Ton cœur tressaille d'espérance... Hélas ! crains les destins jaloux ! Pourquoi parer ton front d’une main empressée, Pareille en tes transports à la veuve insensée Qui croit retrouver un époux. On dit que , sur les bords où sit l’orgueil d’Athène, On entendit frémir de belliqueuses voix , Qu’au milieu des débris un fantôme de Reine Parut, qui t’appela trois fois. Une pourpre en lambeaux , vieux vêtement de gloire, Sembloit accuser la mémoire D'une grandeur qui n’étoit plus; Mais son œil étoit fier , il provoquoit la guerre, Et sa robuste voix méloit aux chants d'Homère L’hymne sacré d'Harmodius. Elle étendit sa droite, elle brandit sa lance ; Son casque mutilé s’agita sur son front; Puis elle murmura comme un mot de vengeance Et Salamine et Marathon. Les lieux qu’elle fouloit à ces noms répondirent , Les tombeaux ébranlés gémirent, Le rivage désert frémit ; Et, bondissant joyeux sous le poids de ses armes, Le magique fantôme essuya quelques larmes, Voulut sourire et s’engloutit. Entraîné par son enthousiasme , le poëte ( 136. 9 oublie un moment les décrets célestes. Il s’est élancé au milieu de la guerre ; il court, bouillant d’impatience , à la voix du fantô- me qu’il a créé. Maïs bientôt les plaintes des mourans , les hurlemens des femmes l’arra- chent à ses illusions de liberté , de victoire. Il retombe dans sa douleur ; et alors, comme l'a dit encore M. Lorain, il ne raisonne pas, il ne déclame pas, il sent et il souffre. Que dirions-nous de plus, et que nous nous reste-t-il, si ce n’est à prédire, avec le même Académicien, que l’auteur des vers que vous venez d'entendre , « ne s’arrêtera pas « dans sa jeunesse; qu’il poursuivra ses suc- « cès et sa gloire jusqu’au jour où sa lyre « retentira glorieusement hors de cette en- « ceinte ; jusqu’au jour où ce ne sera plus « seulement une justice, mais un honneur, « d’avoir admiré ses premiers vers ; jusqu’au « jour où l’Académie devra être fière d’avoir « été la première cConfidente de sa muse, et « comme le berceau de sa renommée ? » L (187 7 EXTRAIT Du Rapport fait à l’Académie par MM. DE GourENAIN, T'rLrLoY et SENÉ , sur La question de chimie appliquée aux arts , proposée pour sujet d’un Prix à décerner en 1923, et de la Décision prise par cette Société. L'acanenre avoit proposé pour sujet d’un Prix à décerner en 1823, la question sui- vante : « Commentpourroit-onenleveraux eaux- « de-vie de marcs, de grains, de pommes de « terre, etc., l’odeur et la saveur qui les « distinguent des eaux-de-vie de vin. » Ce n'étoit pas uniquement sous le rapport des progrès dela science, que la solution de cette question intéressoit vivement l’Acadé- mie ; il s’agissoit, en effet, d’un produit con- sidérable de l’industrie agricole du départe. ment de la Côte-d'Or et des autres départe- mens qui cultivent la vigne, produit jusqu’à ( 158 ) présent fort défectueux , et dont le perfec- tionnement accroîtroit d’une manière sensi- ble les ressources de plusieurs provinces. Néanmoins, malgré l’émulation qu’un pa- reil sujet auroit dû faire naître, deux con- currens seulement se sont présentés, et les commissaires de l’Académie ont eu le dé- plaisir de lui annoncer que ni l’un ni l’autre n’ont rempli son attente. L'auteur du Mémoire n.° 1, pour enlever aux eaux-de-vie de marcs l’odeur et la sa- veur qui les caractérisent , propose le char- bon de bois, et par préférence, celui de til- leul ou celui de saule ; il fait concourir avec l’action de ce charbon, celle de l’acide sul- furique. L'Académie exigeoit un procédé nouveau et dont le résultat füt certain. La première condition n’a pas été remplie par l’auteur du Mémoire n.° 1,son procédé étant absolu- ment celui que Lowitz, savant chimiste de Pétersbourg, fit connoître il y a plus de trente ans. Mais, en écartant même la considéra- tion de la priorité, ce procédé, exécuté avec toutes les précautions que des expériences ultérieures ont démontré nécessaires , et dont la plus importante est une forte calcination du charbon ; ce procédé, disons-nous, n’a (159 ) qu’un succès fort incomplet. L’eau-de-vie de marc à laquelle on l’a fait subir, perd à la vérité une partie de son odeur et de sa sa- veur désagréables ; mais elle en conserve en- core assez pour qu’il soit impossible de la confondre avec l’eau-de-vie de vin, et de l’employer dans les arts du liquoriste et du parfumeur. C’est un fait dont les commis- saires de l’Académie se sont assurés directe- ment , et qui d’ailleurs avoit été constaté par plusieurs chimistes avant eux. Ils ont éga- lement reconnu que le charbon animal bien calciné exerce une action encore plus effi- cace que celle du charbon de bois sur les eaux-de-vie de marc, et autres; de sorte qu’il mériteroit encore la préférence sur ce dernier charbon. L'auteur du Mémoire n.° 2 a cherché à atteindre le but par deux voies différentes. Attribuant, avec tous les chimistes de nos jours, les mauvaises qualités de l’eau-de-vie de marc à une sorte d'huile âcre fournie par le pepin du raisin , il s'attache à atténuer les effets de la présence de cette partie du fruit, en séparant le marc de laliqueur fermentée, avant de soumettre celle-ci à la distillation. Toutefoisilestévidentque l’intention de l’au- teur ne peut qu'être imparfaitement rem- Cido) plie par le moyen qu’il indique ; car l’alkoo! qui se développe dans la fermentation du mélange de marc et d’eau qu'il prescrit, dis- sout une grande partie de l’huile âcre du pe- pin, et l’entraîne ensuite à la distillation. Ne seroit-il pas plus avantageux de laver, à plusieurs reprises , avec de petites quantités d’eau tiède, les marcs de raisin, avant de les faire fermenter, et de soumettre ensuite à la fermentation cette dissolution des parties su- crées, cette espèce de moût secondaire? IL en résulteroit vraisemblablement une liqueur vineuse qui ne contiendroit que très peu d'huile âcre , et dont le produit spiritueux se rapprocheroit, autant qu'il est possible, des eaux-de-vie de vin. Nous n’hésitons pas à conseiller cet essai aux personnes qui s’oc- cupent de la fabrication des eaux-de-vie de marc. Quant à la manière d’enlever aux eaux- de-vie leur odeur et leur saveur fortes , l’au- teur du Mémoiren°. 2 propose pour celles de marc, soit le charbon de bois, ce qui rentre dans le procédé dont nous nous sommes d’abord occupés , soit le plâtre en poudre; mais, outre que ce sel terreux n’a pas une efficacité plus absolue que celle du char- bon, les doses auxquelles il l’emploie sont si (141) grandes, qu’ellesne se concilieroient ni avec l’économie , ni avec la facilité d'exécution qui doivent être les mérites inséparables d’un procédé d’art , et à plus forte raison d’un tra- Yail étroitement lié à l’économie rurale. Sur cet exposé, l’Académie, adoptant les conclusions de ses commissaires, a déclaré que ni l’un ni l’autre concurrent n’avoit sa- isfait aux conditions du programme; et con- sidérant le petit nombre des personnes qui ont traité la question proposée, elle s’est déterminée à la retirer du concours. (142) RAPPORT Sur Le Concours ouvert sur la guestion de l’ Autorité. Répacreur, M." FOISSET, LISE SSIESSI Messieurs j Lorsque au milieudes mouvemenssinistres qui ont effrayé l'Europe il y a à peine deux années , nous avons fait un appel à tous les écrivains qui comprennent encore la Société, pour repousser , autant qu’il étoit en nous, l'invasion de doctrines homicides ; nous de- vions espérer que cet appel seroit entendu de tous ceux qui sont dignes de jouir de la civilisation , de ceux qui sont toujours prêts à la défendre contre elle-même, à la sauver des excès qui lui sont propres. Nous devions compter sur l’alliance si naturelle, et de nos jours si éclatante , de tous les talens d’un ordre élevé avec les traditions protectrices de l’ordre public ; et cependant, il faut le (143) dire , si la juste attente de l’Académie n’a point été entièrement déçue, elle est loin toutefois d’avoir été remplie. Une première épreuve avoit été tentée en 1822 ; elle est demeurée sans résultat. Une courte revue des quatre Mémoires restés à ce premier concours, justifieroit , s’il en étoit besoin , le jugement de la Commission d’exa- men , qui est devenu celui de la Compagnie. Le discours n.° 1, dont l’épigraphe est tirée de Bacon, se recommandoit par des vues judicieuses, par des réflexions pleines de sens ; mais l’auteur a peu d'idées qui lui appartiennent ; il a oublié tout-à-fait la So- ciété domestique et l’influence de l’autorité sur notre conduite privée. La diction est ha- bituellement foible, bien qu’il ait risqué par intervalles quelques mouvemens oratoires mal préparés ou mal soutenus; et l’impro- priété de l’expression semble tenir plüs d’une fois dans ce Mémoire, à l’inexactitude de la pensée. Ces critiques ne s'appliquent pas avec moins de force au discours n°. 5 (1), qui pa- QG) Epigraphe : Felix qui potuit rerum cognoscere CAUSAS, om V:RG. Géorg. C144) roît n'avoir été , dans la première conception de l’auteur, qu’un essai sur les avantagesd’une éducation religieuse et monarchique, auquel il a cousu quelques lambeaux qui se ratta- chent plus directement au sujet proposé. Toutefois ces deux Mémoires se recom- mandent constamment du moins par des doc- trines saines , et l’on regrette de ne pas trou- ver la même pureté de principes dans le n.° 4, dont l’épigraphe est empruntée au Contrat social. La marche de l’auteur n’est pas bien sûre, parce que ses opinions ne sont pas bien arrêtées.Ilprendd’abord l'indépendance pour la liberté , et confond l’Autorité avec la rai- son ; quoique l’une suppose avant tout l’o- béissance, et que l’autre commence par l’exa- men. C’est abuser étrangement des mots que de définir la vertu, une alliance de l’égoïsme avec la sagesse : L’évoïsme , dit-il, se ré- gularise dans un homme de bien. L’égoïisme ne se régularise pas; il cède. Malheur à ceux qui se persuadent que le désintéressement est une vertu imaginaire, et qui voudroientnous faire accroire que ce n’est qu’un mode d’égoiïsme plus régulier ! Deserreurs plus graves, mêlées à un grand nombre d’aperçus vrais et bien exprimés , prouvent que l’auteur du n.° 4 n’a pas assez C145) médité sur les hautes questions qu’il a abor- dées. Il s’égare trop souvent dans des géné- ralités sans but, et c’est un devoir pour nous de l’avertir que nous le croyons dans une fausse route et que ses études nous semblent insuffisantes. Étoit-ce à lui de répéter ce so- phisme vulgaire , que la morale de toutes les religions est la même, comme si la morale des prêtres de la bonne Déesse ou celle des Mollahs de Constantinople, pouvoit être confondue avec celle d’un Las-Casas et d’un Vincent de Paule ? L'auteur a pu lire dans l’histoire la condamnation de cet autre sophisme , que /es dogmes ne sont que des moyens indifférens qui varient selon le climat et les degrés de civilisation. Car,pour ne parler que des Hébreux dont la religion est bien plus ancienne que celle des Grecs, et des adorateurs du soleil qui sont les aînés de l’idolâtrie , les uns et les autres démen- tent l’assertion développée avec complai- sance dans le Mémoire, que /’omme com- mence par la religion la plus compliquée , la plus surcharsée de fables, pour s’en dégager peu-à-peu dans l’adolescence et la rejeter dans sa maturité. Vour être justes, nous devons tenir compte 19 ( 146) àl’auteur, de toutela partie de son travail quia trait à l’Autorité séculière. Nous nous abste- nons de signaler l'absence destransitions,le va- gue, l’impropriété et le morcèlement du style qui sembleaccuser ici l’incohérencedes idées; et l’auteur nous pardonnera sans doute de ne pas relever encore quelques idées spéculati- ves qui se rattachent malheureusement à la théorie d’un pacte primitif; théorie sans pro- fondeur 3 qui n’auroit pas dù survivre aux révolutions qu’elle étoit appelée à légitimer. Ces idées ne se retrouvent point dans le discours n.° 2, (1) dont le style se distingue habituellement par beaucoup de rapidité , et s'élève, quand il le faut, à une véritable éner- sie. Malheureusement , l’enchaïnement des pensées de l’auteur n’est pas assez marqué ; il se permet trop souvent des développemens qui ne ressemblent pas mal à des digressions, et il n’a pas saisi la pensée de l’Académie quant à la nécessité de l’Autorité dans la So- cicté religieuse. Mais malgré ces défauts , et quoiqu'il n'ait pas toujours évité l’ambition des figures, le vague, l’obscurité , ni surtout cette concision laborieuse que repousse le QG) Epig. : Rois, soyez attentifs; peuples, ouvrez l'oreille. (J.-B. RoussEAu.) (147) sénie de notre langue, concision qui révèle bien plutôt les efforts de l’écrivain , qu’elle n’atteste une force réelle, nous regrettons qu'il ne soit pas rentré en lice cette année ; car il étoit digne de remplir toutes les espé- rances qu'il avoit données à l’Académie. Du reste , tous les mémoires envoyés en 1822 avoient, par des réflexions étrangères, un peu débordé le sujet qui cependant étoit par lui-même assez vaste. Par une préoc- cupation d'esprit singulière, aucun des con- currens ne l’avoit embrassé dans toute son. étendue. Il falloit se borner à développercette vérité, que la volonté n’est forte que de ce qu'elle cède à la règle , comme l'intelligence ne vit que de ce qu’elle croit. Il falloit suivre l'Autorité dans la Société relisieuse , dans la Société civile, dans la Société domestique, en. démontrer la nécessité par tout ce qu’il y a de plus intime dans notre nature, et forcer tous les esprits de la proclamer avec nous le premier de nos intérêts et Le plus impérieux des besoins sociaux. C’étoit là, comme on voit, une question de vieoudemortpourla civilisation toutentière, etl’Académies’empressade la remettre aucon- cours,endoublantlapalme proposée.Sansdou. te, il faut sémirsur les temps où de semblables (148) véritésne sont pas d’évidence publique.Ausiè- cle de Bossuet et de Pascal, on ne démontroit pasl’Autorité,parce qu’on y croyoitetqu’ilau- roit paru presque aussi étrange de la prouver quede la combattre.Maisdans ce siècle où tou- tes les vérités sont redevenues desopinions, où les doctrines manquent aux peuples déshéri- tés de leurs croyances, qui s’étonnera du be- soin de les reproduire? Peut-on réclamertrop de leçons pour cette génération avide de jouir, qui déjà s’élance dans le tourbillon de la vie, toujours prompte à s’agiter au hasard , sans savoir où elle va, sans demander d’où elle vient, mais habituée à considérer l’Auto- rité comme essentiellement hostile , et la li- berté comme la négation du pouvoir ? Des publicistes sont venus, qui n’ont vu dans l’ordre social qu’un état de guerre entre les gouvernans et les gouvernés. Ils appeloient dans leurs rêves d’orgueil je ne sais quel état de choses où les guerres civiles seroient d'ordre naturel, où le droit d’insurrection seroit une loi sociale : comme si la sécurité, sans laquelle la liberté n’est qu’un songe , pouvoit se rencontrer dans ces constitutions violentes où l’on ne voit plus que deux en- nemis en présence , épiant l’occasion de se dévorer, où les chefs de l’État sont despotes à (149) peinedelavie, etlescitoyensn’ont qu’àchoïisir entre la tyrannie dequelques hommeset la ty- rannie detous! Faut-il s'étonner, aprèsd’aussi étrangesthéories,queleseulnomde l'Autorité auquelCicéronattachoitune idée si noble etsi élevée, soit devenu un signe de contradiction parmi les hommes, et que la plupart des con- currens en aient à peine senti toute la force, nous dirions presque toute la vertu ? Un pro- gramme spécial a été publié poux mieuxattes- ter l'importance que nous attachions tous à ce quela questionfüthien comprise. Dévelop- per ce programme en peu de mots, ce ne sera passeulementrappeler les intentionsde l’A ca- démie , ce sera vous établir juges du Con- cours. Les vues générales de l’Académie étoient faciles à saisir. Les concurrens devoient étu- dier l’homme, non dans l'isolement contre nature où l’exile Rousseau , mais dans ses rapports naturels avec les êtres auxquels il doit s’unir dans la Société religieuse , dans l'État, dans la famille. Ils devoient montrer que si sa volonté est toujours libre, elle n’est jamais indépendante ; qu’elle doit accepter le joug de l’ordre, ou que le désordre lui en imposera bientôt un plus dur ; que cette vo- lonté semanque par-tout à elle-même ; qu’elle (267 se contredit et s’annulle, si elle ne consent à être conduite ; et voilà pourquoi il faut à l'homme social, non-seulement des conseils qui le persuadent , maïs une puissance qui le contienne , non-seulement un sentiment re- ligieux qui l’échauffe par intervalles , mais une Autorité religieuse qui le subjugue sans cesse. Caril ne faut pas que la pensée de l’A ca- démie reste donteuse : elle ne veut pas seu- lement ce que nos voisins ont appelé de la relisiosité (1) ; elle veut de la religion, c’est- ä-dire , selon la force même de l’étymolo- gie(2), un lien pour les esprits et pour les consciences. Il ne s’agissoit donc pas de mon- trer uniquement que la religion est un grand bien et un bien nécessaire ; mais aussi que c’est un besoin pour l’homme que ses senti- mens religieux soient dirigés par une Auto- rité comme ses actes extérieurs. En partant de la Religion, comme de la plus ancienne , la plus nécessaire et la plus parfaite des Autorités, il n’est pas difficile d'établir celle des législateurs et des conduc- teurs des peuples, pour parler comme la Bible et comme Homère. Les conditions gé- (i) L'école de Kant. (2) Religio de religare, lier plus fortement. ( 151 ) nérales de l’autorité civile , sa source, sa né- cessité , sa nature, voilà d'assez hautes ques- tions pour que les concurrens se crussent dis- pensés de descendre à l’examen de ses formes locales , et se perdre dans la discussion des combinaisons variables ou accidentelles qui rentrent dans le domaine de la politique par- ticulière. N’étoit-ce pas déjà une grande et noble tâche que de chercher si, comme la pensé Cicéron (1), l’unitéestsinon dansl’essen- ce, au moins dans la nature de l’autorité ; si, comme l’a dit de nos jours un publiciste cé- lèbre , Le pouvoir doit étre un, par cela seul qu'il veur (2); et s’il faut réprouver comme imparfaites et contre nature ces sociétés an- tiques , si long-temps proposées comme mo- dèles, etoù la liberté n’a pu soutenir l’épreuve de la civilisation et le développement naturel des lumières ? Tout le monde avoue que la souveraineté démocratique est une fiction. Mais n'est-ce pas un examen grave et qui sufhroit à de longues méditations, que celui de savoir si l'autorité qui repose sur une fic- tion , peut satisfaire à sa fin naturelle; si, (Gi) Quod nisi unum sit (imperium ) vix ullum esse potest. DeRep. I, 38. (2) Législation primitive, 1. I, chap. 9, n. 4. (41529 par-tout où le peuplea été proclamé unepuis- gance , l’ordre social peut être un ordre vrai ? ÆEt en effet, tout étoit violent dans ces an- ciennes républiques dont la durée fut si cour- te et qu'on a tant admirées : à Rome , la guerre étrangère, seul remède aux guerres intestines, employée comme moyen de gou- vernement par le Sénat ; à Sparte, toutes les affections naturelles brisées ; par-tout l’es- clavage proclamé nécessaire , des abus de pouvoir incroyables, des mœurs publiques qui épouvantent, un droit des gens qui fait frémir ; ici, l’asservissement des fils et des mères de famille; là , le pauvre livré par les lois à la servitude et aux tortures; et, si l’on veut juger de la félicité intérieure, la justice des Ephores et des Archontes presque aussi scantlaleusement célèbre que celle des pro- consuls.) De telles discussions, Messieurs, conser- vent à la question toute sa généralité; et de tels faits, rapidement invoqués , ne lui font certes rien perdre de sa hauteur. Dans la So- ciété domestique, l'autorité n’appeloitpas des considérations moins élevées. La suprématie du chef de famille, comme époux, comme père, comme maître, a été consacrée par les 10is, et encore plus par les mœurs de tous les (2688) peuples. Ce sont là trois supériorités légiti- mes, parce que ce sont des supériorités natu- relles. La première de toutes les Sociétés, la famille a commencé comme les autres, par l’Autorité; c’est la force même des choses qui soumet la femme à l’époux ; dès le jour où elle l’a fait régner sur elle , il y a eu société; jusque-là il n’y avoit que l’échange de deux fantaisies, et tout au plus les habitudes du concubinage. C’est encore la nature qui pro- clame l’indissolubilité de ces liens, qui dé- fend à l’homme le divorce, parce qu'elle ne l’a point formé pour la promiscuité des bru- tes; c’est elle qui a jeté nu sur la terre l’hom- me-enfant dont le premier accent est une plainte, dont la première sensation est un besoin ou une douleur ; c’est elle qui, sui- vant l’expression de Bossuet , intéresse à sa conservation, comme père , celui qu’elle a établi sur sa tête comme chef et comme maî- tre ; et c’est sous ce point de vue que l’Apô- tre, s'appropriant une pensée qui est de tous les âges , appeloit le pouvoir héréditaire une paternité (1). (1) Forcé de resserrer, autant qu’il étoit en lui, dans un résumé rapide les aperçus les plus généraux du sujet, le rédacteur du Rapport déclare qu’il emprunte plus d’une pensée , plus d’une expression, soit à quel- (154) Voilà , Messieurs, quelques-uns des aper- çus généraux dont l’Académie espéroit le dé- veloppement , parce qu'ils sortoient des ter- mes mêmes de la question proposée. Elle savoit que cette question n’est pas nouvelle; elle a voué trop de reconnoissance aux écrivains qui l’ont approfondie , pour né pas appeler les concurrens à concentrer dans un foyer commun et les lumières dissémi- nées sur ce sujet dans ces livres qui sont restés comme des monumens nationaux, et celles que nous offrent des écrits plus ré- cens qui Seront cités à leur tour comme les plus beaux titres de la littérature contempo- raine. Sans repousser les citations qui font autorité et après lesquelles on désespère de donner à la même pensée une expression plus concise et plus vigoureuse , l’Académie n’a point prétendu qu’elles fussent accumulées avec profusion ; elle attendoit des concurrens le talent de fondre les méditations des publi- cistes les plus célèbres dans un corps de doc- trine bien ordonné et dont la forme et l’ex- position leur devinssent propres. ques-uns des concurrens, soit à des auteurs connus qu’il ne pouvoit citer sans multiplier jusqu’à la fatigue les caractères italiques et sans surcharger son travail de notes pour la plupart superflues. (295957 En distinguant /” Autorité qui est essentiel- lement raisonnable , de l’arbitraire qui est en soi contraire à la raison, la Compagnie n’a pas voulu seulement rappeler cette vérité beaucoup trop incontestable, et je diroiïs pres- que triviale , que l'arbitraire a entraîné de grands maux ; elle a cru qu’il importoit de prévenir toute confusion dans les idées , et de repousser tout d’abord l’accusation vul- gaire , que les amis de l’ordre sont des fau- teurs du despotisme. Elle savoit que celui qui étudie l'Autorité dans son essence reconnoît bientôt qu’elle n’est arbitraire que par acci- dent; que la règle, pour être absolue, n’est ni capricieuse, ni tyrannique, et que sa fixité même exclut au contraire les variations et le caprice. Montesquieu a défini les lois, /es rapports nécessaires qui dérivent de la na- ture des choses. Dans ce sens , nous disons avec lui, que la Divinité même a ses lois ; ce sont celles qui dérivent de sa nature; et la plus absolue de toutes les autorités, celle de Dieu, loin de paroître à l'intelligence comme souverainement arbitraire, se pré- sente à nous , dans son essence, comme la sagesse infinie ; et, dans son action, elle a reçu le nom de Providence , nom sacré que la réconnoissance des peuples a donné quel- (156) quefois à l'Autorité sociale , émanation de celle de Dieu, et bienfaisante comme lui pour les hommes qu'il a créés à son image. À cet égard , nous devons le dire, la pen- sée de l’Académie a été peu comprise, et nous pouvons étendre à tous les concurrens le même reproche quant aux développemens sollicités par le Programme sur l'influence secrète del’ Autorité dans ses rapports avec zotre conduite privée et nos habitudes mo- rales. On n’a pas su montrer comment l’Au- Zorité se trouve en harmonie avec Le cœur de l’homme , avec l’esprit de l’homme ,avec zoute la nature de l'homme. Le besoin de dépendre nous est naturel, et c’est pour cela que nous aimons posséder et appartenir. L'homme ne sent son existence que par ses rapports avec les autres êtres ; plus il mul- tiplie ces rapports et par conséquent ses obli- gations, sa dépendance, plus il existe. Il n’est pas moins facile de voir, comme l’a répété Leibnitz d’après un Père de l'Eglise, que nos déterminations les plus familières sont des actes de foi : Pleraeçque actiones nostrae fide nituntur. Eten effet, Ôtez l’Autorité,etl’hom- me, abandonné à toutes les fluctuations de l'examen, livré à toute sa misère individuelle, délibérera toutes ses croyances , tâtonnera (157) lorsqu'il faudroit agir, ou plutôt l’homme n’en seroit pas le maître ; il faut qu'il veuille et qu'il agisse; c’est là sa nature, c’est là sa vie;et, pour vouloir il faut qu’il sache, pour savoir il faut qu’il croie. L'expérience commune est là ; s’il la remet en question, les connoissances les plus simples, les détails les plus vulgaires lui coûteront des années d’examen ; il mourra avant d’avoir appris la vie. Mais la Providence qui l’acréé pour l’ac- tion, n’a pas permisqu'’il püts’arrêter dans le doute. L'éducation nous façonne à l’autorité des maximes reçues, et dès que la raison nous arrive , nous voyons la loi faite et le chemin tracé. L’homme se repose dans cette foi na- turelle qui lui a été donnée; car il aime croire, et il se sent attiré vers l’affirmation comme s’il y reconnoissoit le caractère de la vérité. Rousseau le savoit, et ils le savoient aussi ces philosophes qui ont proclamé avec em- pire l’indigente souveraineté de la raison. Dès qu'ils veulent persuader , ils commandent , et ils attestent par là même que la raison n’est point faite pour cette suprématie qu'ils lui attribuent. C’est presque toujours un fardeau pour l’homme que de penser par soi-même; et quand un peuple réclame pour lui la li- berté des opinions, il s’'abuse s’il ne s’aper- (158 ) çoit pag qu’il demande seulement à penser comme ses tribuns ou ses écrivains. Je n’exprime que foiblement des idées qui sans doute sont dans tous les esprits qui ont su s'élever àla hauteur du sujet proposé par l’Aca- démie.Toutefois,sans cesser de rendreunjuste hommage à ce besoin de croire qui nous presse de par-tout, Elle ne s’est point dissimulé que nous portons en nous-mêmes un principe d’orgueil qui s’indigne de cette dépendance et qui refuse de respecter comme légitime ce que la raison proclame comme nécessaire. Elle a cru même que la défense de l’autorité seroit incomplète si l’on ne rappeloit /es écarts auxquels l’homme estcondamné lors- qu’il contredit cette loi de son être. Dès que l'intelligence de l’homme ne peut plus se confier qu’à ses propres ténèbres, à ses pro- pres incertitudes , il aura beau s’agiter dans le vide ; c’est alors sur-tout qu’éclatera son impuissance. Seul avec son égoïsme, il re- trouvera par-tout sa misère et son néant. Délivré de l’autorité, il ne pourra se déli- vrer de lui-même ; car l’amour de soi de- mande sans cesse un nouvel aliment qui ne le rassasie jamais’; et l’homme ne pouvant consommer son indépendance que par l’iso- lement, est contraint de s’avouer sa profonde (159) indigence et de s’arrêter en dépit de ses répu- snances dans le sentiment invincible de son imperfection. | Ces vérités naturelles sont aussi des véri- tés politiques ; elles sont d’une application journalière dans les troubles de la société civile ; car l’esprit de faction, comme l’es- prit de secte, n’est au fond qu’un esprit d’in- dividualité plus général et plus aveugle. Mais si les faits historiques , et sur-tout ceux qui se rattachent à l’époque contemporaine, pou- voient trouver place dans cette partie de la discussion, ce ne pouvoit être que par des développemens rapides et dans un tableau peint à grands traits. Les concurrens de- voient négliger des détails que la mémoire supplée de reste quand on connoît la révolu- tion française ; et qui ne la connoît pas? Tel étoit à peu près le plan indiqué par l’Académie. Elle vouloit que toutes ces con- sidérations fussent resserrées dans un ensem- ble qui, sans exclure la rapidité ni la cha- leur, en feroit mieux ressortir toute la force. Elle ne demandoit pas aux concurrens des développemens qui excédassent de beaucoup l'étendue des discours ordinaires ; mais elle attendoit une composition dont l’auteur ( 160 ) sût s'élever aux points de vue les plus séné- raux d’un si vaste sujet, un discours où se- roient réunies toutes les considérations prin- cipales. Dix-neuf Mémoires lui sont parvenus pour ‘le 2°. concours. Dix-huit auroïent mérité le prix, s’il eût suffi pour l’obtenir, des prin- cipes qui font l’honnête homme, et des sen- timens qui font le bon citoyen. Ces sentimens sont presque la seule recommandation du Mémoire n° 1, portant pour épigraphe : O- nis potestas est à Deo; et du n.° 5, dont la devise est cette autre parole de l’Apôtre : Obedite praepositis vestris, etc. En rappro- chant ces discours des développemens que V’A cadémie avoit indiqués dans son program- me, leurs auteurs ne sauroient manquer de reconnoître eux-mêmes que leurs ouvrages ne pouvoient rester au concours. Le style seul en auroiït exclu ces compositions incom- plètes; l’une et l’autre décèlent une main peu exercée. La première n’est pas exempte de déclamation ; la seconde, écrite avec une mo- dération louable, manque tout-à-fait de cha- leur et de vie. Un défaut plus grave encore que la foiblesse , l’incorrection a fait ésale- (1640) nent rejeter le n°. 2 (1), que la fréquence et la barbarie de ses inversions ne permettent pas d'attribuer à une plume française. Il faut le dire, ce n’est point ainsi qu’on persuade un siècle indifférent et raisonneur. Si le style philosophique doit être sobre d’ornemens, il ne faut pas qu’il les repousse, et d’ailleurs aucune des qualités du discours ne lui est en- tièrement étrangère. Quand la philosophie est appelée à proclamer ces vérités éternelles qui font vivre les sociétés , elle doit savoir s'élever à toute la dignité de sa mission, et trouver sans effort une chaleur vraie et pé- nétrante , un style fort de pensées et même d'images, une dialectique qui porte par-tout l'empreinte de cette conviction qui donne la vie aux ouvrages de l'esprit. Les publicistes les plus célèbres, Platon et Cicéron chez les anciens, Bossuet et Montesquieu parmi nous, n’ont jamais dédaigné d’associer l’énersie du discours à l’énergie de la pensée : ils savoient que le langage estaussi une puissance,comme l'intelligence humaine dont il est pour ainsi dire une révélation continuelle. (1) Épigraphe : L'autorité est un grand ressort qui doit se mouvoir aisément et sans bruit. (Esprit des lois, 1, XIT, ch. 25.) 11 ( 162 ) Mais, pour que le langage soit une puis- sance , il faut plus que de la correction,plus que de la facilité, plus que de l'élégance. C’est ce qu'ont trop oublié les auteurs des discours cotés sous les N°. 3, 9, 10, 14 et'19 (1). Nul d’entre eux ne paroît avoir soupconné l'étendue de la question proposée. Aucune profondeur dans les doctrines, aucune de ces pensées qui arrêtent le lecteur et le forcent de réfléchir ; presque point de vues généra- les, mais une suite de réflexions, tantôt trop développées, tantôt trop connues, après les- quelles on se demande ce que l'écrivain veut établir. Les agrémens d’une diction limpide et ornée ne suffisent point à un sujet de cette hauteur, et l’indisence des pensées est mal voilée par quelques formes académiques. En achevant la lecture de ces Mémoires, on s’é- tonne qu'ilsn’aient)eté presqueaucune lumiè- re sur un sujet qui appelle les méditations du philosophe et se prête mal aux amplifications des rhéteurs; toutefois nous devons aux con- (1) L’épigraphe du n° 3 est empruntée à M. Lemaire. Celle du n° 19 est tirée de Job. Voici celle du n° 14: Tded necessitate subditi estote, non solum propter iram , sed ct propter conscientiam. (Ep. ad Rom, cap. XIIT. ) (2655 currens ce témoignage que l’Académie a re- marqué dans chacun de ces cinq discours, des passages dignes d’être relus; elle regrette que l’auteur du n.° 9, dont l’épigraphe est un heureux emprunt fait au génie de Tacite, se soit assujetti à une division malheureuse,dont les développemens, forcés de rentrer les uns dans les autres , ne laissoient point de liberté au talent (1). Elle auroit presque tout loué dans le n.° 14 , si la diction de l’auteur étoit moins chargée d’interrogations et d’apostro- phes ; seulement elle se seroit plainte de la rapidité de sa marche qui le force de tran- cher les questions plutôt qu’il ne les décide, et d’efileurer des vérités trop fécondes pour qu'il soit permis d’omettre leurs principaux développemens. Le n.° 10 l’a trouvée plus sévère. Le mé- rite d’une élocution claire et facile est le seul qui recommande ce Mémoire ; mais il a mé- rité de se voir signaler entre tous les autres par des erreurs qui ne sont qu’à lui. L’au- teur s’est exclusivement appliqué à discuter quelles sont les formes politiques qui con- viennent le mieux à l’Europe, et en parti- (1) L'autorité est juste; elle est utiles elle est bien- faisante. Ci64) culier à la France. Son moindre tort, c’est d’être tout-à-fait hors de la question propo- sée : il veut qu’on assigne au pouvoir une division telle que nul n’en puisse reconnoître le siège principal, c’est-à-dire que l’Autorité devienne imperceptible pour être tolérée. L'Académie rend justice à toutes les inten- tions ; mais elle doit rappeler à l’auteur qu’il n'y a point de Société possible sans un point suprême et culminant, devant lequel toutes lesinférioritéss’inclinent,touteslesrésistances s’effacent; c’estla volonté du père dans la fa- mille, l’infaillibilité dans l'Eglise, etla souve- raineté dans l'Etat; infaillibilité, souveraine- té, termes corrélatifs, termes synonymes, parce qu’ils répondent à des attributs insépa- rables, à des attributs sacrés. Si le pouvoir n’avoit plusde siège principal, il y auroitcom- bat entre des pouvoirs supposés égaux, et par conséquent rivaux les uns des autres, il y auroit combat ; et qui ne voit pas que bien- tôt il y auroit victoire, et qu’une Autorité quelconque sortiroit souveraine de la lutte, ou que la Société succomberoit dans cette crise permanente ? L'Académie se devoit à elle-même de dé- savouer cette doctrine par une improbation publique. L'auteur du n.° 10 a choisi pour ( 165 ) épigraphe ces paroles de Cicéron : Que rien n’est plus naturel que l’autorité (1). Pour ne pas réfuter d’avance son ouvrage , il n’a pas ajouté avec l’orateur romain, que diviser l'autorité , c’est l’anéantir (2). Cette double maxime forme la devise du n.° 13, écrit d’un style pur, concis et sou- tenu, mais qui ne s'élève guères au -dessus du ton didactique. L'auteur doit se reprocher de n’avoir pas suivi l'Autorité hors de la Sa- ciété purement civile, et d’avoir mêlé à un srand nombre d'idées judicieuses des subti- lités sans objet ; il falloit laisser cette méta- physique sans lumière à ces publicistes mo- dernes , qui, considérant la Société comme une abstraction , ont mis l'Autorité hors du rang des choses positives. L’Autorité n’est point une idéalité, c’est une puissance , et toute puissance suppose action et vie. Les dernières années du dernier siècle sont une assez haute réponse à ces creuses théories où l'Autorité zdéalisée, pour parler un moment leur langage, s’évapore en ne paroiïssant que s’épurer. (1) Nihil tam aptum est ad Jus conditionemque na £urae quam imperium. ( Cic. de Leg. lib. 3. C. 1.) (2) Quod nisi unum sit, esse nullum potest. (Crc. de Rep. I, 38.) ( 166 ) Des considérations bien différentes ont écarté du concours les Mémoires N° 6,8, 12) 188147 et 16. Il ne reste plus rien à dire sur le n°8, quand on a loué les intentions de l’auteur et donné la mesure de son travail, qui porte cette courte devise : U£ prosint,et n’a pas lui- même plus de trois pages. Le Mémoire N.° 18 est loin d’encourir le même reproche : ce n’est pas un discours, c'est un livre, avec toutes ses divisions et sa table des matières. L’auteur y traite des cor- porations , du pouvoir municipal et provin- cial, du jury, du libre-arbitre , du suïcide, du duel, du célibat religieux, du droit de guerre ; en un mot, il parle un peu de tout, mème de son sujet. Tel qu’il est toutefois, son travail mérite une distinction particu- lière ; aucun des concurrens n’a fait regretter davantage à la Commission qu’il se fût mé- pris sur l’intention de l’Académie. Son style est inégal; mais quoiqu'il accuse souvent la néglisence , l'expression de l’auteur ne man- que habituellement ni d'originalité, ni de force. Le plan de louvrage est vaste et à beaucoup d’égards bien ordonné; on y trouve un assez grand nombre d'idées neuves , et elles ne sont point présentées d’une manière (167) vulgaire ; on y sent par-tout une ame pure et profondément religieuse, et l’on ne sauroit y méconnoître l’empreinte d'une conviction indépendante. Peut-être seroit-il vrai de dire que l’auteur a dans l'esprit plus de portée que d’étendue , et dans ses aperçus plus d'originalité que de justesse (1). La chaleur et l'énergie sont les traïîts ca- ractéristiques du N.° 6 (2) : c’est une homé- lie pleine de force, et quelquefois de véhé- mence contre la Révolution. L’auteur peint sa pensée avec un bonheur d’expression re marquable ; il est éloquent à force de chris- tianisme,, et ses croyances toutes seules lui. ont fait rencontrer des vérités d’un ordre peu commun. Malheureusement ce n’est encore là qu’un côté du sujet, et la lecture des Mé- moires qui nous restentà parcourir, ramène sans cesse le même reproche. Le temps paroît avoir manqué à l’auteur du N.° 12, qui jette pêle-mêle dans son dis- cours , des doctrines saines , des pensées in- cohérentes ou fausses, et des aperçus. d’un grand sens. Sa diction, pleine d'énergie et {1) L’épigraphe du n° 18 est tirée d’Athalie. (2) Epig. du n° 6 : Corruit in platea civitas etacqui- tas non pofuit ingredr, ( 168 ) de négligence , tour-à-tour ferme , élevée et déclamatoire , confirmeroit cette conjecture. L'Académie , dont il réclame les conseils avant de publier son travail , auroit désiré plus de maturité dans la conception géné- rale du sujet, dans les développemens, dans le style; elle ne peut qu'inviter le concur- rent à se bien pénétrer de l’esprit du Pro- gramme , et à soumettre tout son ouvrage à une méditation nouvelle (1). La Commission a remarqué dans le N.° 15 des réflexions pleines de justesse sur l’Auto- rité appliquée à l'éducation ; mais l’auteur n’est pas toujours à l'abri du reproche d’exa- gération , et d’ailleurs il s’est tenu fort loin des questions fondamentales (2). Le N.° 17 en a traité quelques-unes avec plus de solidité que de profondeur. La Com- mission a distingué sur-tout quelques déve- loppemens sur le but de l'Autorité ÿmais sur ensemble du discours, nous ne pouvons que (Gi) Epig. du n° 12: L’homme en ses passions toujours errant sans guide, À besoin etc... (Borzeau, Sat. X.) (2) Epig. du n° 15: Sceptra tenens y mollitque animos et temperat iras. { Vincire, Enéide, 1,61.) ( 169 ) renvoyer l’auteur au Programme de l’Aca- démie (1). Il est temps de nous reposer de toutes ces critiques dans l’examen des quatre Mémoires qui ont le plus particulièrement fixé l’atten- tion de la Commission. Celui de tous les concurrens qui a entrevu avec le plus de justesse les intentions de l’Aca- démie , est sans contredit l’auteur du discours N.° 7 (2). Besoin de l’Autorité , nature de l’Autorité, origine de l’Autorité , base de l'Autorité ; telles sont les divisions de ce dis- cours. L’auteur suit l’homme dès le berceau. Né de la femme , ses jours sont remplis de misères (Job). Ses premiers mouvemens in- voquent un soutien et un protecteur. Dans l’adolescence, il est perdu, s’il ne se confie à la sagesse des vieillards. Plus tard , il in- terroge sa raison , et sa raison appelle l’Au- torité ; isolée , elle ne peut pas même con- noître la nature : des hommes qui ont fait honneur à l’homme , Pythagore , Platon, Socrate, réclament une révélation d’en haut, (1) Epig. du n° 17. Nous avons, il est vrai, la raison pour partage, etc. (M DEsHouLIÈRES. ) (2) Epig. du n°7 : ic est lapis qui factus est in caput anguli, et non est in alio aliquo salus. Act, IV. (170) en confessant qu'ils s’ignorent eux-mêmes. Mais qu’il regarde autour de lui, et il se verra protégé par des liens nés avec lui et qu'il a trouvés tout formés. Par-tout la nature at- tache le foible au fort comme à une second providence. Ainsi se fonde l’association des époux ; ainsi grandit la famille ; ainsi com- mence la domesticité sur la terre. Les inéga- lités naturelles commencent les inégalités so- ciales. Les hommes s'unissent par cela même qu’ils ne sont point égaux. La nature ou la Providence suscite un homme hors de la fou- le, et les nations s'élèvent. Nous ne trouvons jamais qu’un seul nom à la tête de toutes les histoires : c’est Fohi chez les Chinois, Menu dans l’Inde , Osiris en Egypte, Inachus chez les Grecs, Persée chez les Perses, Romulus chezles Romains. Ilsuffit de consulter les faits pour voir que toutes les grandes migrations ont été accomplies et tous les peuples fondés sous l'autorité d’un seul. Ces rois laissent or- dinairement l’empire à leurs fils, et l’héré- dité s'établit dans l’autorité publique comme elle s’est établie dans la famille par la nature des choses et par la puissance de la coutume. Tout est ici en harmonie avec les inspirations du cœur ; et si la voix des peuples est la voix de Dieu, l’accord de tous les hommes sur un PR (2789 \ fait de cette nature est la manifestation d’un besoin immuable, de l’ordre éternel , de la vérité. Ainsi toutes les relations publiques sont sorties, dans l’enfance du monde, des rela- tions d'amour et de respect domestiques. Aïnsi la nature de l'Autorité est d’être pro- tectrice. Mais trop divisée , elle s’annulle, et la nature nous ramène sans cesse à la loi de l’unité. Le pouvoir veut, z/ doit donc être un. Les annales des peuples sont ici d’ac- cord avec la raison. Rome , dit Bossuet, & commencépar la Monarchie et y estrevenue comme à son état naturel. Ce n’est que peu à peu que les villes grecques ont formé leurs républiques. Homère avoit dit dans les temps anciens : J’/usieurs princes ne sont pas une bonne chose ; qu’il n’y ait qu’un chef et qu’un roi. L'unité est si essentielle à tout gouvernement, que les constitutions républi- caines ont toujours opposé des contrepoids à la puissance de la multitude. Sparte avoit ses Rois et ses Ephores ; Athènes son Aréo- page et ses Archontes ; Rome, son Sénat, ses comices par centuries et ses Dictateurs. On compte plus d'années où le peuple de ces républiques obéit à la volonté d’un seul ,que d'années où il ait cru lui-même exercer sa (172) prétendue souveraineté ; il passoit des volon- tés de Périclès à celles de Cléon ou d’Alci- biade, des caprices de Marius aux sugges- tions d'Antoine. Ses désordres intérieurs le dégradoient autant que ses conquêtes;etl’on a dit avec raison : « Ce n’est pas la nature, « ce sont les Romains corrompus qui ont « formé les Néron et les Caligula. » C'est encore le besoin de l’unité qui dans les temps modernes avoit donné aux aristocraties ita- liennes leurs Doges, à Venise ses Inquisi- teurs d'Etat, à la Confédération germanique un Empereur, à la Suisse son Landamman. Tel a même été l’effet des commotions qui ont suivi la reconnoissance du dogme ab- surde de la souveraineté du peuple , que le nom de république a disparu presque par- tout de la liste des Etats. L'auteur auroit pu ajouter à ces considé- rations des considérations puissantes , tirées de la destination même de l’Autorité sur la terre. Si elle a été instituée dans un but d’u- nion, de sécurité , de fixité, il est difficile de concilier ces trois conditions avec la souve- raineté populaire. Plus la démocratie envabit l'Etat, plus il s’introduit de divisions parmi ses membres ; plus les peuples manquent d'avenir , et moins il reste de sécurité dans C7 les esprits. Au contraire, plus le souverne- ment est un, plus l’union des sujets devient intime. Et qu’on ne croie pas que Le despo- üsme soit le plus rigoureux exemple de l’u- nité politique. Sous un despote, il y a d’un côté le maître , et de l’autre une multitude : c’est un colosse; il est debout, mais sans ap- pui, et tous les élémens de l’anarchie se pres- sent et souvent s’agitent autour de lui ; il est foible , car il est seul , et le défaut d’unité politique se mesure à l’isolement du pouvoir ; il n’y a pas de lien, parce qu’il n’y a pas de faisceau : si l'Autorité manque d’intermé- diaires et de supports, elle devient foible et se livre au premier occupant : ce n’est pas là de l’unité, c’est de la solitude. C’étoit là le lieu d’en appelerautémoignage de toute l’antiquité républicaine, de Platon, de Xénophon, d’Aristote ,de Polybe,de Plu- tarque, de Cicéron , et de tant d’autres qui tous ont déposé en faveur de l’unité, et même de la Monarchie. Au reste, l’auteur est trop sage pour ne pas repousser toute idée de censure à l’égard des autres gouvernemens. Il déclare, avec Bossuet, « qu’il n’est aucun établissement hu- « main qui n'ait ses inconvéniens ; de sorte « qu'il faut demeurer dans l’état auquel un (174) « long temps a accoutumé le peuple. C'est « pourquoi Dieu prend en sa protection tous « les gouvernemens légitimes, en quelque « forme qu'ils soient établis. Qui entreprend « de les renverser, n’est pas seulement en- « nemi public, ilest encoreennemi de Dieu.» L'auteur cherche ensuite par quels moyens se perpétue l’Autorité ; il prouve sans peine, que par-tout où elle est une, elle doit être ._ héréditaire , de sorte g’elle se perpétue par Les mêmes lois qui perpétuent le genre hu- main , et qu’elle aille pour ainsi dire avec La nature. Puis il établit l’infaillibilité de l'Autorité ; et, après avoir montré qu’elle est naturelle, et par conséquent divine, il la proclame par cela même inviolable ; les an- ciensl’auroient appelée sainte. Il étoit facile de prouver par l’histoire les bienfaits de l’Au- torité héréditaire ainsi constituée , de distin- guer l’Autorité, même absolue, de l'Autorité illimitée , et d’ennoblir l’obéissance en mon- trant l’Autorité , non comme une force ma- térielle, mais comme un lien moral, qui place moins un hommeau-dessus d’autres hommes, qu'une institution au-dessus d’autres institu- tions. Ces réflexions terminent la seconde partie. (175 ) L'origine de l'Autorité est le titre de la “roisième. L'auteur s’élève avec l’histoire contre l’hy- pothèse d’un état antérieur à la famille, et contre celle d’un contrat primitif entre les peuples et leurs chefs. Ces chefs se trouvè- rent faits,onne lesfit pas. Mais cette Autorité purement humaine a-t-elle autre chose en sa puissance que des supplices ? Sa sanc- tion véritable et dernière est donc dans la souveraineté de Dieu par qui règnent les Rois. « Ainsi comprenons dans la royauté « quelque chose de plus grand que ce que « l’isnorance y admire. Ce ne sont ni les « palais, ni les trônes, et pour dire quelque « chose de plus redoutable, ce ne sont ni « les forteresses, ni les armées qui me mon- « trent la véritable grandeur de la dignité « royale. J’élève mes yeux jusques sur Dieu < même ; et de cette majesté infinie, je vois « tomber sur les princes un rayon de gloire que j'appelle royauté. » ( Bossuet ). Les anciens avoient également eu l’idée de la majesté dont teur de l’univers envi- ronne le mortel né pour commander à d’au- tres hommes. « Il me semble, dit Xénophon, que les 3 (176 ) « Dieux ont répandu dans la personné de « celui qui règne, une certaine dignité, une « certaine grâce qui l’accompagne par-tout; « non qu’elles ajoutent à la beauté de son « corps, mais nous croyons le voir avec plus « de plaisir que nos égaux. » Cette considé- ration, ce respect, continue l’auteur du dis- cours, prennent leur source dans un senti- ment dont nous ne pouvons nous défendre. Ces acclamations qui portent à l'oreille des Rois les hommages des peuples , s'élèvent spontanément. Le sujet se réjouit à la vue de l'héritier du trône ; il salue de loin dans l’en- fant royal l’espoir d’une grande nation, son chef et son conducteur futur ; il célèbre par des fêtes l’avénement au trône du prince dont il n’a pas même connu le gouvernement, et l’amour chez lui précède la reconnoissance. Nous arrivons à la dernière partie, et nous savons déjà où est la base de l'Autorité. «Non, « s’écrient tour-à-tour Rousseau et Montes- « quieu, jamais Etat ne fut fondé que la « Religion ne lui servit de base (1) : !: La Re- cc ligion et les mœurs s les deux ancres « qui retiennent le vaisseau de l'Etat pen- (1) Contrat social, 1. IV, ch. 8. 1e CARE. & dant la tempête (1).» Nous éleverions donc sur le sable l’édifice social , si nous différions de serrer les nœuds d’une alliance devenue plus que jamais nécessaire entre la politique et la croyance religieuse. Où est la patrie, quand il n’y a plus de Religion ? César nia en plein sénat l’immortalité de l’ame et la vie future ; César fut l’oppresseur de Rome. Caton croyoit à l’uneetà l’autre, et Caton combattit pour la liberté. Nous nous ferions toutefois une illusion grossière si nous pensions pouvoir être éga- lement redevables à toute croyance du bien- fait de servir tout-à-la-fois de garantie aux droits des peuples et d'appui à l'Autorité. « Dans tout Etat bien constitué, a dit un « philosophe payen (2), les premiers soins « doivent se tourner vers la Religion véri- æ table,etnon versunereligion quelconque.» De-là la nécessité de choisir entre les croyan- ces catholiques et la variété infinie des opi- nions protestantes. L’Autorité réparoît dans toute sa nécessité, dans toute son unité , dans la Société religieuse; elleconsacre l’obéissance et complète tous les devoirs dansl’Etat et dans (1) Esprit des lois, 1. VIII, ch: 13, (2) Platon. 12 (178 ) ja famille ; elle est la source et le couronne- ment de toutes les autres Autorités. Religion de dévouement et de concorde, Religion de véritable affranchissement , l’essence du ca- tholicisme est vérité , pureté, amour, comme l'essence du soleil est lumière, pureté , cha- leur ; à lui seul appartient donc le perfec- tionnement de l’homme et la civilisation des peuples. Chaque page de l’histoire est un dé- veloppement de ces assertions. « Chez tous « les peuples idolâtres, qui ont ignoré le « Médiateur (J.-C.), il y a eu ignorance « profonde de la nature de Dieu et des be- « soins de l’homme ; absurdité dansle dogme, « abomination dans le culte , atrocité dans « les lois, férocité dans les mœurs, peur de « Dieu, haine de l’homme, barbarie enfin. « ...... Et il y a eu toute connoissance de « la nature de Dieu et des besoins de l’hom- « me, du pouvoir de l’un et des devoirs de « l’autre, toute raison, toute sagesse , toute « vertu, amour parfait de Dieu et de l’hom- « me, ordre parfait et civilisation consom- «< mée dans la Société chrétienne , qui a eu « une connoissance pleine et entière du Mé- « diateur venu (1). » (1) Législation primitive, 1 I, ch. 5. : s = . oo (179) La fin du discours est une application de tes principes aux souvenirs et à la situation de la France. Ce Mémoire se distingue par une grande clarté d'exposition, par de nombreuses re- cherches, des citations singulièrement heu- reuses, et par une sagesse remarquable de style et de composition. Maïs on y désireroit un plus grand nombre de vues neuves, des développemens plus complets et un art plus délié à rajeunir des vérités communes à tous les siècles. On regrette que la diction de l'auteur manque de coloris; son discours res- semble trop souvent à une dissertation : tou- tefois, si l’on n’y trouve point toutes les qualités qui l’auroient rendu digne de con- quérir un prix, il estincontestablement celui qui a le plus approché du but marqué par l’Académie. Elle lui a décerné le premier accessit. Le discours N° 11 a d’autres titres à l’es- time. Le style en est plus rapide, plus no- ble, plus orné. L’imagination y tient autant de place que le raisonnement. On y rencon- tre des aperçus qui ne sont point d’une raison vulgaire , des pages qui re seroient pas déplacées dans nos meilleurs livres, et l’on a droit de s'étonner que l’auteur n'ait ( 180 ) pas assez largement embrassé les vues de l’Académie. Ses idées se développent avec ordre , avec nettete ; mais sa marche n'est point assez philosophique, parce qu’il craint toujours qu’elle ne soit point assez oratoire. S'il a entrevu presque toutes les sommités du sujet, le plus souvent il les indique du doigt et se hâte de poursuivre sa route. C’est ainsi que, pressé de rendre hommage à l’in- fluence de la Religion en général , il oublie de raconter les bienfaits et de démontrer la nécessité de /’ Autorité dans la Société reli- gieuse ; et ce n’est point seulement alors qu'il mérite le reproche, assez grave dans un tel sujet , d’avoir remplacé la profondeur des principes par les grâces d’une élocution vive et animée et par les qualités de la jeu- nesse. Le Mémoire N° 16 est celui de tous qui renferme le plus de matériaux sur la ques- tion proposée. Dans les deux immenses vo- lumes dont il se compose, l’auteur a réuni tous les élémens d’un bon ouvrage ; mais l'ouvrage lui-même n’est pas fait. La première partie de son travail est con- sacrée à la famille, premier élément de la Société publique. L'homme qui, dans sa double nature , trouvera toujours le témoi- (252) gnage invincible de sa misère et les titres impérissables de sa grandeur , ne peut mé- connoître la nécessité de soumettre sa li- berté à la règle , d’où ‘la nécessité de l’état social. La Société domestique, type de toutes les autres , commence avec l’Autorité mari- tale, plus grande , plus indéfinie dans l’état natif où le chef de famille est investi d’un double sacerdoce , plus parfaite et plus ré- glée dans la civilisation chrétienne qui est venue apprendre à l'épouse que la soumis- sion est une de ses prérogatives. L'auteur nous montre cette Autorité, perpétuelle de sa nature par la sainte indissolubilité du mariage , limitée par ses besoins et par ses devoirs, étendue par la naissance des enfans dont la soumission, comme celle de leurs mères, n’est que foiblesse et amour ; et J’Autorité paternelle transmise à la mère lors- qu'elle a cessé d’être épouse, douloureux héritage dont elle est attristée , mais non accablée , et qu’une obéissance qui n’avoit rien de servile l’a rendue digne de recueillir. L’Autorité civile continue l'Autorité pa- ternelle; c’est la seconde partie du Mémoire. Un reproche qui ne s'applique pas exclusi- vement à cette partie, nous dispense de toute analyse. L'auteur s'attache bien moins à Li | ( 182 ) remplir les intentions du programme publié par l’Académie , qu'à lutter corps à corps avec un puissant adversaire |, avec J. J. Rousseau. Dans la troisième division de son travail, on retrouve cette intention polémique. La deuxième n’est qu’une réfutation du Contrat social et du Discours sur l’inéralité des con- ditions parmi les hommes ; la troisième , une réponse à la trop fameuse profession de foi du Vicaire dans Émile : c’est aussi contre la doctrine de l’ Émile que l’auteur établit dans sa première partie la nécessité de l’Autorité dans l'éducation. On ne l’accusera point d’avoir choisi un champion vulgaire ; maïs ce n’est point dans un combat singulier qu'une si haute question peut être vidée. Il ne s’agit pas de vaincre un homme , mais de fonder des doctrines ; et les formes polé- miques jettent dans la composition bien des digressions , bien des longueurs, et je ne sais quoi de personnel qui s’allie mal avec la hauteur du sujet. Il est vrai de dire toutefois que les erreurs de Rousseau conduisent l’auteur à parcourir presque tous les points de la question pro- posée. Il ne les épuise pas toujours ; maïs la rédaction un peu hâtive de son travail n’a C 209 } point empêché la Commission de reconnoître en lui une grande solidité de principes, unie à de très bonnes études religieuses et poli- tiques. Aussi l’Académie a-t-elle partagé le 2° accessit entre lui et l’auteur du discours N°17 (0) Parmi les 19 Mémoires qui ont été suc- cessivement appréciés dans ce Rapport, l’Aca- démie a encore distingué le n° 4, qui annon- ce des connoissances étendues, surtout en histoire (2). L'auteur ne s’est pas dissimule qu'il traitoit la question d’une manière in- complète. Maïs, par l’élésance de sa diction, le bonheur de ses citations, l’excellence de ses doctrines, il a des droits à une mention honorable que la Compagnie s’est empressée de lui décerner. (Gi) Epigr. du N.° 11: Les discours consacrés à a vérité doivent étre simples et sans appréts. Epigr. du N.° 16 : Opinionum commenta delet dies, naturae judicia confirmat. (Cicero.) (2) Dé, probos mores docili juventae, DE, senectuti placidae quietem , Romulae genti date remque ; prolemque , Er decus omne, ( Hor. ) C184) Après la lecture de ce Rapport, M. Du- RANDE, président, a ouvert publiquement le billet cacheté qui étoit joint au Mémoire n° 7, eta proclamé le nom de l’auteur, M. Denis Rosszor, ancien chanoine de Dijon. M. Duranpes a ensuite ouvert le billet qui étoit joint au n° 11, et il a proclamé le nom de M. Ger vase, Directeur des contributions directes du département de la Manche. Les auteurs du n° 16 et du n° 4 avoient fait connoître d’avance à l’Académie qu'ils désiroient conserver l’anonyme. (2800 RAPPORT Lu par M. Rramsowre, dans la séance du 23 juillet 1825, sur la réfutation qu’a faite M. de Missery , du systéme de M. de la Mennais (1). LS SSISISIE SI Msssreurs, Dans un ouvrage trop connu pour qu'il soit nécessaire de vous en rappeler le titre, M. l’abbé de la Mennais a exposé un nou- veau système philosophique , qu’il appelle la doctrine du sers commun. Cette doctrine a paru fausse à quelques écrivains. Des objections, quine manquoient pas de force , ont été proposées ; M. de la Mennais a pris la plume pour défendre son système. M. de Missery, l’un des associés non ré- sidans de l’Académie de Dijon , a entrepris {}) L'Académie, en votant l’impression du rapport que l’on va lire, n’a rien entendu préjuger sur les opinions qu’il renferme. ( 186 ) de réfuter ce nouvel ouvrage de M. de la Mennais; il a composé dans ce dessein deux écrits qu'il a présentés successivement à l’Aca- démie. C’est le dernier de ces écrits qui va faire l’objet de ce Rapport. La Commission que vous en aviez char- gée, bien qu’elle füt décidée à ne pas sortir du cercle dans lequel elle se trouvoit ren- fermée , n’a pas cru toutefois qu’elle dût se borner à l’examen pur et simple des argu- mens que M. de Missery a fait valoir en dernier lieu. Comme il s’agit d’une réfuta- tion , il eût été difficile de ne point parler de l’ouvrage réfuté et de ne pas entrer dans l’examen des principes qu'il contient. De plus, et comme la matière en discussion a déjà et depuis long-temps occupé de grands esprits, donné lieu à de vifs débats, engendré divers systèmes, il étoit naturel que votre Commission, jetant ses regards en arrière, cherchât dans le passé comment a pu se for- mer la nouvelle opinion philosophique sou- tenue par M. de la Mennais. Vous ne vous étonnerez donc pas, Messieurs, que nous nous soyons livrés à quelques développemens en traitant un sujet sur lequel il seroit im- possible de disserter avec briéveté. « Il faut savoir douter où il faut, et as- (187) surer où il faut...... Qui ne fait ainsi, « n'entend pas la force de la raison. » Ces paroles empruntées de Pascal condamnent également ceux qui croient trop facilement et ceux qui doutent hors de saison. Dans les siècles d’ignorance, on doit se prémunir contre l’esprit de crédulité ; dans les siècles de philosophie, on doit se mettre en garde contre le penchant qui porte au doute. L'esprit philosophique tend de lui-même au scepticisme , c’est sa pente naturelle ; les temps anciens , comme les temps modernes, en fourniroient la preuve au besoin. Epicure, en donnant aux opinions vul- gaires la sanction philosophique , avoit osé prononcer que les sens ne trompent jamais; tous les autres philosophes protestèrent con- tre cette assertion , et il ne leur fut pas dif- ficile de prouver que les sens sont souvent en défaut. Dès-lors, et comme des témoins trompeurs sont avec juste raison suspects, le doute commença à se répandre sur toutes les connoissances que l’homme acquiert par cette voie. D'un autre côté, Zénon de Cittie ayant posé en principe que la vérité résulte du rap- port des sens toutes les fois qu’ils sont sains et dégagés de ioute entrave, plusieurs ob- ( 188 ) jections s'élevèrent encore; et Zénon d’ail- leurs se trouva embarrassé quand il fut obligé de rendre raison de ce qui se passe pendant le sommeil. Aussi Platon , que ces difficultés avoient sans doute frappé par avance, n’avoit point pris parti pour les sens; il avoit aban- donné, comme étant douteuses et équivoques, les connoissances qui nous viennent par eux, se bornant à soutenir que la vérité se trouve dans les idées seulement. Séparant ainsi le monde sensible du monde intellectuel, Pla- ton s’étoit contenté de défendre celui-ci de l'invasion des sceptiques. C’étoient -là les principes de l’ancienne académie ; ceux de la nouvelle laissèrent le champ libre au scep- ticisme ; car Arcésilas et Carnéade ne voyoient par-toutque des vraisemblances plus ou moins fortes. Opposant la raison à elle-même, fai- sant ressortir les contradictions sans nombre des systèmes philosophiques ;n'épargnantpas même ces axiomes ou prénotions qui parois- sent d’abord hors d’atteinte, ils enseignoient qu'on ne peut être certain de rien, pas même de cette proposition qu’il n’y a rien de cer- tain ; et comme ÂAristippe de Cyrène avoit insisté sur la certitude qui se rattache au sen- timent , ne voulant pas qu’on pût mettre én doute qu'il sentoit réellement ce qu’il sen- ( 169 ) toit , quand il éprouvoit du plaisir ou de la peine , la nouvelle académie s’attachoit en- core à déloger la certitude de ce dernicr re- tranchement. È S’il nous eût paru convenable, Messieurs, de donner plus d’extension à cette partie de notre Rapport, nous aurions rappelé à votre souvenir quelques-uns des raisonnemens qu'employoient les sceptiques d’alors , et vous auriez pu juger qu’il étoit difficile aux dogmatiques d’établir par la voie de l’argu- mentation qu’il y a quelque principe certain. Aussi le dogmatique, lorsqu'il se sentoit trop pressé , n’avoit guère d’autre ressource que de faire un appel direct à la conscience du sceptique, et celui-ci alors restoit confondu. Car s’il est vrai de dire qu'il y a eu des scep- tiques en spéculation, il est certain en même temps qu'il n’y en a jamais eu dans la pra- tique , la nature n'ayant jamais permis à qui que ce füt d’être sceptique pleinement. Ainsi la nature éloigne du scepticisme , tandis que le raisonnement y ramène ; c’est ce qui nous a fait dire en commencant, que l'esprit philosophique tend de lui-même au scepticisme , la philosophie s'appuyant plutôt sur le raisonnement que sur la nature et le sentiment. | ( 190 ) Il est difficile en effet que la raison , quand elle a secoué le joug de l’opinion commune, puisse se maîtriser elle-même assez pour ne pas s’élancer au-delà de ses limites naturelles. Voulant pousser alors trop loin ses recher- ches, et sonder trop profondément la nature de la sensation , elle arrive à reconnoître qu’il n’y a pas une relation nécessaire entre la sen- sation et l’existence d’un objet extérieur, ce qui met en doute la réalité des êtres maté- riels ; elle se dira donc, en premier lieu, qu'il n’y a rien de certain en tout ce qui a rapport aux sens, que la conscience intime de nos propres sensations ; et l’idéalisme s’en- cendre. Par rapport aux vérités de sentiment, comme elles ne peuvent être démontrées, comme elles seconfondent bien souvent avec des préjugés que l'habitude enracine, la rai- son les rejette avec dédain : ainsi rien n’est bon, n’est juste réellement ; il n’y a de vrai, en fait de sentimens , que l’impression que l’on en trouve en soi; mais il n’est nulle- ment prouvé qu'il y ait hors de l’homme quelque type auquel se rapportent nos idées de justice et de bonté. Tournant ensuite contre elle-même une (191) force qu'elle n’a pas su réoler, la raison vient à s’apercevoir qu'elle 1’a d’autre ga- rantie de la vérité des principes sur lesquels elle s'appuie, que l’intime conviction qu’elle a qu’ils sont vrais, sans qu’elle puisse se rendre compte de ce qui établit en elle cette conviction ; et de la sorte elle est amenée à ce point de douter d’elle-même aussi. Faut-il donc s'étonner d’après cela que le scepticisme , s'étendant toujours et gagnant graduellement comme le froid de la mort, arrive enfin jusqu’à ce sens intime qui est le centre de la vie intellectuelle, et que le sceptique s’interrogeant avec crainte , en vienne jusqu’à se demander à lui-même sil est bien vrai qu’il existe? Tels sont les écarts de la raison quand elle entreprend, en avançant toujours, d'arriver au dernier pourquoi des pourquoi. L’expé- rience des anciens temps fait voir quelles peuvent être les suites de cette témérité cou- pable ; l'expérience des temps modernes four- nit un nouveau moyen de s’en assurer. _ À la renaissance des lettres parini nous, la raison, toujours trop confante en elle- même, a voulu marcher indépendante des croyances , et le scepticisme a reparu. (192) Ainsi la philosophie s’engageant dans les mêmes voies d'erreur qu’elle avoit jadis par- courues , a ramené le doute à sa suite. Üne école célèbre , qui reconnoît Descar- tes pour son fondateur , posant le principe de certitude dans l’évidence, s’est attachée à faire voir que dans la recherche du vrai, les sens et le sentiment sont de mauvais gui- des. Donnant hautement la préférence à la raison qui marche appuyée sur des règles certaines, en partant de principes innés évi- dens ; les cartésiens ont soutenu que lessens, non plus que le sentiment, ne nous avoient point été donnés pour former des jugemens de vérité. Locke alors est survenu , qui a prétendu qu'il n’y avoit pas de principes innés. Suivant lui, tout viendroit de l’expérience, et toutes nos idées , celles même qui semblent être le plus dégagées de la matière, ont pour origine la sensation et ia réflexion. Ce principe ayant été modifié depuis, en ce que ces deux sour- ces des connoissances humaines ont été con- fondues par ses disciples, on a vu s’élever cette nouvelle école ennemie du spiritualisme et favorable au matérialisme, destructive du libre arbitre , destructive des sentimens mo- raux, qui donne pour unique fondement à (195) la morale l'intérêt personnel, et qui place la vérité dans la sensation seulement. Kant a paru, qui a dit à ceux qui doutoient du rapport des sens : Ce doute est fondé ; car s’il y a quelque chose hors de l’homme, ce quelque chose nous est inconnu. Toutes les propriétés des corps ne sont que des manières d’être en nous , l’étendue aussi bien que le reste ; l’espace même, ainsi que le temps, n'existent point hors de nous, Puis s'adressant à ceux qui doutoient de la vérité des princi- pes qui servent de base au raisonnement dans les matières abstraites, il les a confirmés dans cedoute, ensoutenantque ces principes n’ont en soi aucune réalité ; que ces idées d'unité et de pluralité, de réalité et de négation, de substance et d’accident , de cause et d'effet, de nécessité et de contingence , ne sont que dansnotreentendement,. Après avoirfaitcette large part aux sceptiques, Kant prononce avec autorité, qu’il y a quelque chose dont la réalité se manifeste à l’homme ; c’est son propre être. L'homme, dit-il, s'aperçoit par le sentiment intime de sa conscience, qu’ilest, qu'il agit avec liberté, qu’il se rend digne d’être heureux s’il est vertueux ; que ne pou- yant être heureux par la vertu dans cette vie, il y en aura une autre : d’où l’idée lime 1 (194) mortalité de l’ame, celle d’un juge suprême, d’un bien absolu, de Dieu. Voilà donc le monde philosophique de re- chef partagé, sur ce qui constitue la certi- tude , en trois grandes écoles dont les prin- cipes opposés se heurtant, se combattant sans cesse , assurent un triomphe facile au scep- ticisme qui établitson empire sur leurs ruines. Effrayé de ses progrès rapides, un homme doué d’un talent remarquable, a conçu le projet d’en arrêter le cours, en asseyant sur une base plus ferme et plus solide qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour , l’édifice des connois- sances humaines. Il accorde aux sceptiques que les sens sont trompeurs, que la raison individuelle est dans l'impuissance de prou- ver, que le sentiment privé estlui-même équi- voque ; mais il voit dans le sentiment com- nun un principe de certitude inébranlable, et il pose avec confiance sur cet unique fon- dement les principes généraux de la science et les règles éternelles de la justice. Cette doctrine a révolté certains esprits. M. de Missery la juge erronée et dangereu- se ; il s’est présenté pour la combattre, il l’a attaquée avec hardiesse ; toutefois il paroît que dans cette lutte honorable, il eût été flatté d’être appuyé de votre suffrage. (195) Pour bien établir le point qui est en dis- cussion, nous croyons devoir vous rappeler briévement quels sont les principes de M. de la Mennais ; nous développerons ensuite les raisonnemens que M. de Missery a employés pour démontrer que ces principes ne sont point exacts; et nous finirons en exprimant avec une sorte de défiance , l'opinion que nous nous sommes formée sur l’objet de ce débat. M. de la Mennais a reçu de la nature tou- tes les qualités qui font un écrivain éloquent, un orateur distingué ; personne ne le con- teste. Mais a-t-il reçu dans la même pro- portion les facultés qui sont nécessaires pour embrasser un plan vaste et l’asseoir profon- dément? C’est ce qui n’est pointencoredécidé. Ainsi le rang qu'il doit occuper parmi les métaphysiciens jusqu'ici n’est point marqué. En attendant que l'opinion se soit fixée sur ce point, il nous semble, tout en reconnois- sant la supériorité de ses talens, que l’on peut dire de cet auteur, que sa pensée reste quel- quefois cachée sous les ornemens brillans qui la décorent; que son expression, d’une éner- pie que rien n’égale, tend naturellement à l’exagération ; qu’il entraîne plutôt qu’il ne convainc; qu’ilse rend maître de l’esprit plu- (196 ) tôt qu'il ne l’éclaire. Nous ne sommes donc point étonnés que la doctrine de M. de la Mennais, développée dans un ouvrage où l’on : voudroit trouver plus de précision, ait pu donner lieu à diverses interprétations et n’ait pas été toujours également bien comprise. Quant à nous , Messieurs , après y avoir ap- porté tous nos soins , nous croyons l’avoir saisie,et nous pensons que le système de M. de la Mennais, dégagé des idées accessoires, se réduit aux principes que voici : Il est inutile que l’homme cherche en lui- même le fondement de la certitude. L'homme n’a que trois moyens de connoî- tre , les sens, le sentiment, le raisonnement : or ils sont insuffisans , du moment qu’il est question d’arriver à cette connoissance en- tière et pleine qui constitue la certitude. À la rigueur , l’homme ne peut pas dire : Je pense, Je suis. Mais la nature a mis en lui un penchant irrésistible à croire. Qu'il le veuille ou non, il faut que l’homme croie et qu'il admette , sur le témoignage du genre humain, mille et mille choses de la certitude desquelles il ne lui est pas per- mis de douter. Ainsi le sentiment commun, en vertu d’une (.197,) loi à laquelle l’homme est forcé de se sou- mettre , devient le sceau de la vérité, et il n’y en a point d’autre. C’est le fondement unique de la certitude. C’est la règle de tous nos jugemens. Nous jugeons de ce qui est bien ou mal, Jicite ou illicite, nuisible ou avantageux, d’après cette règle. Les relations sociales, la justice humaine, nos connoissances, notre conduite , notre intellisence en un mot re- posent sur ce fondement. Si le sentiment commun est la règle de la raison particulière en tout, la raison de Dieu, primitivement manifestée à l’homme par la parole, est à son tour le principe de la raison humaine. Dieu a donc révélé à l’homme, dans le commencement des temps, toutes les vé- rités qu’il étoit nécessaire qu'il sût; et le dé- pôt de ces vérités a été confié au genre hu- main , qui les transmet au moyen du témoi- gnage et de la parole, à chaque individu. Comme la vérité échapperoit à l’homme si le témoignage universel pouvoit errer, il s’en- suit que ce témoignage universel doit être infaillible. Toutes les vérités essentielles sont donc à la portée de l’homme , qui n’est induit en erreur que lorsqu'il oppose son sentiment (198) particulier au sentiment général, refusant d'admettre comme vrai ce que tous les hom- mes croient invinciblement. Tel est, Messieurs, si nous nous sommes bien rendu compte des principes de M. de la Mennais, le fond du système que M. de Missery a entrepris de combattre. Celui-ci , dans son premier écrit, avoit fait un argument auquel il a donné plus de développemens dans la suite. Car M. de la Mennais ayant nié la certitude qui nous vient du sentiment, du raisonnement et de l’ex- périence, pour donner exclusivement au con- sentement commun le droit d'imprimer sur nos connoissances le sceau de la vérité, M. de Missery s’est attaché à prouver que le senti- mentcommun estfaillible,en donnantl’exem- ple du polythéisme pour appui à sa propo- sition. Revenant donc sur ce point dans son ou- vrase manuscrit, M. de Missery s’est exprimé comme il suit : « Dira t-on que le polythéisme n'étoit pas « une croyance de sens commun? Mais de « deux choses l’une : ou M. de la Mennais « prend le terme de sens commun pour le « consentement commun raisonnable , et PORT SC RES ON CL ASE £ | | ( 199 ) alors il rentreroit sous l’empire du rai- sonnement ; Ou il prend ce terme de sens commun pour le consentement commun, quel qu’il soit , et alors l’idolâtrie devient une croyance de sens commun. « Qu'on ne dise pas que le polythéisme étoit admis sans examen ; M. de la Men- nais ne voyant d’infaillibilité et de certi- tude que dans le sentiment commun, toute opinion qui a pour soi le sentiment com- mun ne peut être soumise à aucun exa- men. « Qu'on ne dise point non plus que le polythéisme n’avoit pour lui que les pré- jugés de l’éducation ; car il en faudroit conclure que le consentement commun peut porter sur une croyance qui n’ait pour elle que les préjugés de l’éducation : d’où il s'ensuivra que le sens commun n’est pas toujours infaillible. « Le polythéisme , dit-on encore, n’étoit considéré nulle part comme étant d’évi- dence publique, et n’avoit pas été déclaré certain par la raison générale des peuples. Mais si le polythéisme étoit admis d’un consentement commun, et si ce consen- tement commun est infaillible , et même seul infaillible, dès-lors l'évidence etmême: ( 200 ) « l’évidence publique s’y rencontre, ou bien « elle ne se rencontrera nulle part : or, si «< elle s’y rencontre , ne faudra-t-il pas dire, « ou que ce qui est évident peut n’être pas « certain ; ou que le dogme le plus insensé se « trouveroit pourtant déclaré certain par la « raison générale des peuples ? » Telle est la manière dont M. de Missery insiste sur l’objection qu'il tire de lidolitrie, pour contester l’infailhbilité du sentiment commun. M. de la Mennais qui avoit prévu que cette objection pourroit lui être faite, avoit annoncé qu’il la résoudroit plus tard; mais en attendant, M. de Missery triomphe, et il ne craint pas de dire que cette objection est insoluble. | M. de Missery opposant ensuite au système de M. de la Mennais celui de Descartes, dit : æ M. de la Mennais rejette le principe de « l'évidence individuelle de Descartes , et.il « admet le principe du consentement com- « mun. Toutefois n’est-il pas plus évident, « que ce qui est évident est évident , qu’il « ne l’est que ce qui est conforme au senti- « ment commun est véritable ? » Dans un autre passage, M. de Missery presse son adversaire d’une manière plus vive encore, en ces termes : « Je viens donc, moi, A Re Las LAS cc ce cc d’ cc ( 201) à quelque chose de plus précis et de plus décisif; et je dis : Pour être convaincu ou certain, comme on voudra, que le tout est plus grand que sa partie , que deux et deux font quatre, que j’existe, et autres axio- mes, ai-je besoin, oui ou non, de l’assen- timent des autres hommes ? Voilà seule- ment ce que je demande. » Puis donnantà cette interpellation la forme un argument, il ajoute : « Arrêtons-nous seulement à la question de l’existence ; car enfin si je ne sais pas même que j'existe, qu'ai-je besoin de savoir autre chose ? qu’ai-je affaire de l’assentiment des au- tres hommes? que sais-je même s’il y a des hommes ? Or de-là, ne dois-je pas con- clure que le fait de mon existence parti- culière, reconnue, est un fait primitif, antérieur au fait du consentement com- mun, reconnu ; et qu’ainsi la philosophie de Descartes qui repose sur le premier fait, traitée tout unimenÿ de niaïse et d’absurde par M. de la Mennais, est toutefois infi- niment plus raisonnable et plus admissible que celle de M. de la Mennais qui repose sur le second fait? » M. de la Mennais avoit cherché à mettre Descartes en contradiction avec lui-même; ( 202 ) M. de Missery pense que Descartes ne s’est jamais contredit; et il prétend au contraire que c’est M. de la Mennaiïs qui tourne dans un cercle vicieux. « Suivant M. de la Men- L Ad L<4 cc cc cc cc cc Las cc cc Les cc cc cc Las cc LAS cc cc LOS cc cc cc eç nais ( dit-il ), le consentement commun est infaillible , et nous n’avons point d'autre certitude... ; donc, d’après ce principe, on ne peut admettre aucune vérité , pas même l'existence de Dieu, sans l’autorité du consentement commun. Mais, d’un autre côté, et toujours suivant M. de la Mennais, celui qui faisant abstraction de Dieu, veut découvrir quelque chose de certain , est un insensé qui cherche le vrai hors de la vérité ; et rien n’est vrai pour lui, s’il ne croit que Dieu existe... Donc, d’après cet autre principe, à moins que de supposer que Dieu existe, on ne sauroit admettre rien de vrai, pas même le con- sentement commun. Or, comparant ces deux conséquences bien déduites et ce- pendant contradictoires , ne pourrois-je pas n'écrier aussi? Tout-à-l’heure M. de la Mennais ne pouvoit croire en Dieu, sans connoître le consentement commun ; et maintenant il ne peut connoître le con- sentement commun , à moins qu'il ne croie en Dicu. » F 5091 Ce sont là, Messieurs, les argumens prin- cipaux que M. de Missery a présentés dans le dernier écrit qu'il vous a soumis. Il s’agit maintenant de savoir si la critique qu’il fait du système de M. de la Mennais doit paroître ou non fondée. Si M. de la Mennais, à l'exemple de Pascal et de tant d’autres, s’étoit contenté de gour- mander la raison pour la faire rentrer dans le devoir, il seroit à nos yeux exempt de tout reproche. La raison est une des plus belles facultés de l’homme; pour s’en convaincre , il suffit de jeter la vue sur ceux à qui cette faculté essentielle manque. Y a-t-il un objet plus pé- nible à voir qu’un fou ? un être plus dégradé qu'un imbécille ? Cependant ils voient, ils sentent aussi bien que nous. Mais dans celui- ci la raison est affoiblie ; dans celui-là elle est faussée. Comment se fait-il donc que la raison ait été l’objet de censures si vives? C’est que prenant en elle-même trop de confiance , elle devient hardie, présomptueuse et s’égare. Il n’y a rien de si haut à quoi elle ne prétende s'élever ; rien de si caché qu’elle ne veuille pénétrer ; et alors elle s’élance avec impé- (204) tuosité dans les immensités de l'infini, et se flatte d’en mesurer les dimensions incommen- surables ; ou bien se confondant avec l'être nécessaire, elle cherche en elle-même le prin- cipe de vérité ; enfin , elle marche sans pré- caution dans les routes tortueuses des scien- ces humaines. Mais qu’arrive-t-il ? Lasse des efforts impuissans qu’elle a faits, dégoûtée par les obstacles qu’elle a rencontrés si sou- vent sur sa route, froissée par les chutes fré- quentes dont son orgueil s’est vainement irri- té, elle prend le parti désespéré de renoncer à la vérité pour toujours. Il importe donc de marquer d’abord à la raison ses limites, en lui apprenant qu’elle est incapable de concevoir pleinement les rapports qui existent entre le fini et l'infini ; de lui faire connoître ensuite ces vérités qu'elle ne se donne point, et qui servent de base à ses raisonnemens ; de la convaincre enfin, que dans les choses même qui sont de son ressort, elle court souvent le risque de se tromper. Alors la raison pénétrée du sentiment de sa foiblesse, connoissant d’ailleurs ses limi- tes, n’entreprendra rien sur les mystères de la Religion ; elle ne discutera point ces vé- rités primordiales qui lui ont été données PS TT de ( 203.) comme point de départ ; et elle marchera avec circonspection dans les routes même qu'il ne lui est pas défendu de parcourir. Que si, pour s’épargner la peine de la ré- gler, on la terrasse , on l’écrase, il y a dans ce procédé plus de violence que de sagesse. Car, ainsi que le dit Pascal, ce sont deux excès également dangereux d’exclure La raison, de n’admeïtre que la raison ; et même dans ce qui tient aux choses surnatu- relles, Pascal ne veut pas qu’on l’exclue to- talement. Dieu n’entend pas, dit Pascal, que nous soumeltions notre croyance à lui sans raison , ni nOUS assujellir avec tyran- nie; et le grand Apôtre aussi, qui ne fai- soit profession de savoir autre chose que Jésus-Christ crucifié , n’exige cependant des chrétiens qu’une foi raisonnable. Ainsi, dans les matières de religion, la raison a son office : c’est de s’assurer que Dieu a daigné se faire entendre; après quoi elle est tenue de se soumettre, persuadée qu’elle doit être que la vérité qui est Dieu, ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Dans les matières de raisonnement, elle aura plus de latitude ; cependant elle ne s’arrogera pas le droit de discuter les principes ; elle les re- ceyra sans examen, et en descendant de ces ( 206 ) principes, elle arrivera aux conséquerices éloignées, en s’aidant des règles qui rendront sa marche plus sûre. Mais, dira-t-on, si la raison n’est point admise à discuter les principes, tout ce qu’elle édifiera sera sans fondement. Objection fri- vole ! Il n’y a pas d’édifice mieux fondé que celui qui est posé sur un roc dont la base est trop profondément cachée pour qu’on puisse la mettre à nu. Oui, il y a des vé- rités primordiales qu’il n’est pas donné à l’homme d'approfondir, et qui n’en sont que mieux établies. Sans elles, la raison qui va toujours du connu à l'inconnu, seroit para- lysée complétement; elle ne pourroit pas faire un pas. Ces vérités primordiales , ce sont celles d’abord que le sens intime fournit. Ainsi l’homme a la conscience de sa propre exis- tence ; c’est en lui une croyance invincible. « Dans ce fort inexpugnable , comme l’a « dit Kant, il se rit du raisonnement; car « pour être certain qu'il vit, l’homme n’a « besoin, ni de syllogismes, ni de preuves « quelconques ; ce n’est même pas pour lui « un axiome : c’est le fondement de toute « vérité. » à cime titns (207) Mais l’homme a non-seulement la con- science de son être, il a de plus la convic- tion qu’il existe d’autres êtres que lui: con- viction qui se forme en lui du moment qu’il perçoit quelques sensations, qui ne s’appuie sur aucun raisonnement, qui ne dépend d'aucune démonstration , et qui est le fon- dement des sciences naturelles. Dans le sentiment qui est de même indé- pendant des diverses opérations de l’enten- dement , l’homme trouve une source de vé- rités nouvelles qu’il croit et qu’il n’apprend point, d’où se tire la science des mœurs. Enfin , les sciences de l’intellect se fon- dent elles-mêmes sur des axiomes qui se font adopter à l'esprit, aussitôt qu’ils lui sort pro- posés, avec une force irrésistible de convic- tion , sans qu’il soit besoin d'y employer le raisonnement. Toutes ces vérités primordiales, soit celles qui dérivent du sens intime , soit celles qui proviennent de ces trois sources, lasezsation, Le sentiment, l’évidence, sont des vérités de foi, dont la nature de sa propre autorité commande la croyance, indépendamment de l’examen de la raison. Vouloir soumettre ces croyances aux rè- ( 208 ) gles des démonstrations, c’est renverser l'or: dre de la nature et s'engager dans une voie qui mène droit au pyrrhonisme. Disons donc avec M. delaMennais, de ceux quine veulent croire que ce que leur raison est à même de concevoir, « que ce sont des « insensés qui ne comprennent pas que le « premier acte de la raison est un acte de « foi, et qu'aucun être créé, s’il ne com- « mençoit par dire, je crois, ne pourroit pas « dire, Je suis. » Ainsi toute philosophie qui ne voudra pas établir le doute universel en principe, com- mencera nécessairement par un acte de foi. Kant l’a fait cet acte de foi, et d’une ma- nière nette et positive, en ce qui regarde les vérités de sens intime et de sentiment, qui sont (suivant lui) les seules qui aient de la réalité. « Je ne saurai rien d’elles, dit-il, et « surce qui les regarde, j'aurai soin de fuir la « science ; mais si par toute autre voie je me « trouve forcé à les reconnoître , j’appelle- « rai dès-lors ma conviction , croyance , et « non savoir. Ainsi je crois à ma propre exis- « tence qui ne peut m'être prouvée par au- cc Cun argument...» | Descartes sembleroit avoir voulu fonder son système de philosophie en doutant de ( 209 ) tout, même de son existence ; mais 1l cher« choit ensuite à se la démontrer en partant de ce point, Je pense, comme de quelque chose de certain, comprenant sous ce mot de pen- ser, tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons imméGiatement, com- me entendre, vouloir , imaginer, sentir,etc. Ainsi le doute de Descartes n’étoit point uni- versel ; et en outre , il ne s’apercevoit pas que par la simple énonciation de ce motje, quand il disoit 7e pense, il s’étoit déjà rendu compte à lui-même de son existence person- nelle, proclamant sans le savoir, comme l’a très bien dit M. de la Mennais , le premier article du symbole des intellisences. Ainsi Descartes croyoit, sans le secours du raison- nement, plusieurs vérités de sens intime ; et il croyoit également, sans preuves, les prin- cipes qu'il regardoit comme innés. Quant à Locke, non-seulement il admet- toit, sans se l’être démontré, qu'il existoit, qu'il sentoit, qu'il voyoit, qu’il vouloit, en un mot, toutes les vérités de sens intime ; mais 1l présupposoit en même temps l’exis= tence d’autres êtres doués des mêmes facultés que lui; et il croyoit fermement à la réalité des corps et de celles de leurs qualités, qu’il appeloit originales et premières. En outre, 14 (‘210 ) il rendoit hommage à l’évidence des axiomes, disant qu'ils n’ont pas besoin de preuves, et ne seroient même pas susceptibles d’en rece- voir. Ainsi il croyoit beaucoup de choses de la vérité desquelles il n’auroit pas pu fournir la preuve. La foi est donc le fondement de toutes les connoissances humaines ; la philosophie elle- même repose sur la foi; et soit qu’elle s’en rende compte, soit qu’elle se le dissimule, la philosophie avant que de dire , je prouve, doit s'être d’abord dit à elle-même, je crois. Il y a donc une foi naturelle, et c’est là cette vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (1) ; ce maître intérieur quinous apprend cequenous devons faire (2); cette lot écrite dans tous les cœurs dont la conscience rend témoignage (5). Ces principes , au premier aperçu, pour- roient vous paroître, Messieurs, avoir une grande analogie avec ceuxque professe M. de la Mennais ; ils en diffèrent cependant, et le moment est arrivé d’en faire voir l’oppo- er (1) Saint Jean, chap. 1°°. v. 0. (2) Saint Chrisostôme, sur le chap. vir, v. 12 de l’évangile de Saint-Matthieu. (3) Saint Paul, épit. aux Romains, chap. 11, v. 15: Cr21r 9 sition. Lorsque M. de la Mennais, après avoir établi que l’homme est porte naturel- lement à croire, entreprend de déterminer quel peut être l’objet de cette foi naturelle; au lieu de reconnoître que ce sont, en pre- mier ordre, ces impressions de sens intime que rien ne peut effacer, et en second or- dre , ces vérités primitives que nos facultés sensibles, morales, cognitives, saisissent na- turellement sans le secours du raisonnement, il aime mieux supposer que les croyances humaines sont fondées sur une première ré- vélation ; et en conséquence il propose pour fin à ce penchant qui porte l’homme à croi- re, qui lui en fait une loi, une nécessité, ces vérités que Dieu auroit (suivant lui) maniiestées au père commun de tous les hommes, que celui-ci auroit transmises à ses descendans, et que chaque individu rece- yroit à son tour du genre humain dont le témoignage seroit infaillible et constitueroit même la seule certitude que l’homme puisse avoir. Or ici le célèbre auteur de l’Essai sur l'in différence nous paroît être en défaut. S’il se füt contenté de présenter le témoi- gnage du genre humain comme étant un moyen sûr de connoître en quelque matière (ar que ce soit, ce quiest conforme à la na- ture, nous serions entrés dans son idée ; car nous pensons que M. de Missery donne trop peu d'importance à ce témoignage, lors- qu'il le réduit à la seule fonction de consta- ter les faits ; et nous voyons que Descartes lui-même regardoit comme une des raisons qui peuvent venir à l’appui des principes, de ce que ces principes auroient été connus de tout temps, même reçus pour vrais el indubitables par tous les hommes. Ainsinous croyons que l’assentiment du genre humain, qui forme, quand il s’agit des faits, une preuve irréfragable et complète, présente en outre, lorsqu'il est question des choses de sentiment, et même en matière de pure spéculation, un jugement se/on la nature, si ce n’est pas toujours un jugement selon la vérité. Mais de-là à penser, comme le fait M. de la Mennais, que le sentiment umiversel est toujours infaillible; et ce qui est plus fort, que hors de ce sentiment uni- versel il n’y a point de certitude, la dis- tance est si considérable qu'il n’y a pas de rapprochement possible entre ces deux opi- nions. Quelque déférence donc que nous ayons pour cet accord imposant qui résulte de l’as- (2239 sentiment de tous les hommes, nous ne sau- rions le regarder commeinfaillible. Le genre humain peut avoir aussises passions, ses inté- rêts, ses préjugés ; l’erreur peut se glisser dans ses jugemens et s'y maintenir pen- dant une longue suite de siècles. Le poly- théisme , la divination , le divorce, l’escla- vase étoient fondés sur des opinions géné- rales erronées qui ont régné plus long-temps que les opinions générales plus saines qui les ont depuis remplacées. L'esprit de barbarie qui a consacré l’usage de faire des eunuques, d’asservir les femmes , d’abuser des droits de la souveraineté, de pousser à l’excès ceux de la guerre, est encore aujourd’hui plus ré- pandu que lesprit d'humanité qui a dicté les règles du droit des gens parmi les nations européennes. Que devient donc cette opi- nion , qu'il n’y a de certitude entière et par- faite que dans le sentiment général; et que la certitude doit croître pour nous en pro- portion du nombre et du concert des auto- rités? Serons-nous obligés de croire, par exemple, que la Religion chrétienne, si foi- ble dans ses commencemens, et encore res- treinte dans ses limites, manque de certi- tude? Et à l’occasion du parallèle qui pourra s'établir entre cette Religion divine et fa (214) religion absurde des Lamas, serons-nous forcés d’attendre, pour juger laquelle mérite la préférence, que le nombre des sectateurs de l’une et de l’autre ait été préalablement comparé ? Autre observation : Si la certitude n’est que dans le sentiment genéral, je me vois condamné à douter de ma propre existence jusqu'à la fin de ma vie; car le sentiment général ne se prononcera jamais sur ce point; ettandis que je serai forcé d'admettre comme certain que Jules-César vivoit il y a près de deux mille ans , je n’oserai affirmer, moi, que j’existe présentement. Enfin , et comme l’a remarqué judicieuse- ment M. de Missery, si les connoissances que j’acquiers par les sens, le sentiment, la raison , sont toujours incertaines , comment arriverai-je à être sûr de quelque chose? Ce sera, dit-on, le témoignage du genre humain qui me donnera cette assurance. Mais pour constater ce fait que le genre humain existe et qu'il me rend témoignage, il faut que je fasse usage de mes sens ; et si mes sens sont incapables par eux-mêmes de me donner au- cuue certitude , il doit rester incertain pour moi qu’il y ait un genre humain et que ce genre humain me rende témoignage. Il ne (V2160) me reste donc aucun moyen d'arriver jus- 1 free LA e . qu’à la vérité, puisque je trouve entre elle et moi un abîme d'incertitude qu’il m'est im- possible de combler. €c cc « Mais, dit M. de la Mennais, il n’en restera pas moins vrai que par une suite de notre nature, le consentement commun détermine notre adhésion , que nous n’a- vons pas d’autre certitude, et que, malgré toutes les objections, un sentiment indé- libéré nous porte à regarder comme cer- tain ce qui repose sur cette base ; en éorte qu'au jugement de tous les hommes, se soustraire à cette loi fondamentale, uni- verselle, c’est cesser d’être homme, c’est éteindre en soi toutes les lumières natu- relles , et se retrancher volontairement de la sociétés des intelligences. » « Sur ce point décisif (ajoute M. de la Mennais), j'en appelle à la conscience, je la choisis pour juge , prêt à me sou- mettre à ses décisions. » Eh bien ! pour répondre à M. de la Men- nais, nous n’aurons qu'à rendre fidèlement ce que notre conscience nous dicte. Dans les choses douteuses, comme aussi dans les choses qui peuvent être, quoique vraies, susceptibles de controverse, la contradiction (216) nous fatigue ; nous nous défions de nous- mêmes; nous sondons l’opinion, et nous pre- nons de l’assurance quand notre sentiment est partagé. Mais quand il s’agit de ces vé- rités primitives qui forcent notre croyance, et de celles qu’on pourroit en déduire par une démonstration rigoureuse , comme en géométrie par exemple, nous nous inquié- tons fort peu de ce que peut en penser autrui. Tout homme sent très bien qu’il n’a pas be- soin de s’enquérir de ce qui s’en dit autour de lui, non plus que de savoir ce qu'on en pense au loin, pour être intimément con- vaincu qu'il existe, qu’il voit ce qu’il voit, qu'il a un corps, que le tout est plus grand que la partie, que d’un point à un autre le chemin le plus court est tracé par la ligne droite, qu'il y a de la bassesse dans une per- fidie, de la méchanceté à nuire aux autres sans motifs, etc. Sur ces vérités, de même que sur une foule d’autres , l’homme trouve en lui-même une certitude inébranlable ; non-seulement il en est assuré, sans s'être mis en peine d’en recevoir la confirmation du dehors ; mais il y a de plus en lui quel- que chose qui lui dit que s’il exprimoit sé- rieusement l'intention de douter de vérités semblables, jusqu’à ce que les autres hom- SR (217) mes eussent scellé de leur témoignage l’opi- nion qu’il s’en est faite , il deviendroit l’objet de leur risée. Voilà ce que notre conscience nous dit. Dès-lors si nous voulons bien accorder aux partisans du systême de M. de la Mennais, qu'il y auroit de la folie à contester, contre le témoignage du genre humain , que César ait autrefois vécu; il faut qu'ils nous accor- dent à leur tour qu'il y auroit de l’imbé- cillité à ne croire à sa propre existence qu’a- près que l'assurance en auroit été donnée par le témoignage des voisins et des proches. Il nous paroît donc que le système de M. de la Mennais ne tend qu’à substituer à des sentimens naturels et vrais, un sentiment imaginaire et factice; en sorte qu’il seroit à craindre qu’en cherchant à établir la certi- tude sur une base plus solide, l’auteur de l’Essai n’en eût réellement ébranlé les fon- demens. M. de la Mennais a été séduit par une ana- logie qu’il a reconnue et développée habi- lement, mais qu’il a poussée au-delà du vrai. Ayant remarqué qu'il y a une foi naturelle, comme il y a une foi surnaturelle, il s’est imaginé que la foi surnaturelle tenant de l'autorité, l’objet même sur lequel elle s’exer- ( 218 ÿ ce , il devoit en être de même de la foi na- turelle. Il a donc cherché pour l’homme dans l'autorité du genre humain , la même ga- rantie que le chrétien trouve dans l’autorité infaillible de l'Eglise : de là cette proposition dont la preuve est encore à faire, dont la raison a le droit de s'étonner, dont l’histoire dément la vérité, à savoir que le genre hu- main ne peut jamais se tromper. Bien plus, et toujours dans la vue de faire prévaloir le principe de l'autorité en toute espèce de matière , M. de la Mennais est allé jusqu’à nier qu’il y eùt aucun autre principe de certitude; etil ne s’est point aperçu qu’il ruinoit par-là ce principe même de l’auto- rité qu’il avoit tant à cœur d'établir. Il auroit dû voir cependant que le principe de l’au- torité présupposant de toute nécessité la vé- rité du témoignage des sens, ce n’étoit pas le fonder, mais bien plutôt le détruire, que de commencer par nier qu’il y eût aucune certitude dans les sensations. Ainsi M. de la Mennais, quand il met en doute le témoignage des sens, donne des ar- mes contre lui , et il fournit même, sans le vouloir, des argumens contre la certitude de la révélation. Saint Paul , écrivant aux Corinthiens, di- (219) soit que Dien voyant que le monde avec la sagesse humaine ne l’avoit pas connu, il lui avoit plu de le sauver par la voie de la pré- dication (1). Mais Saint Paul n’avoit pas, comme M. de la Mennais, commencé par nier la certitude du témois pouvoit dès-lors, mettant en parallèle, d’une nage des sens ; il part, les moyens intéricurs de conviction dont tout homme apporte le serme en nais- sant; d’autre part, les moyens extérieurs de conviction qui résultent d’une prédication appuyée de grands miracles, insister sur l’ef- ficacité de ceux-ci, relativement à la connois- sance du vrai Dieu. L’auroit-il pu s’il se fût annoncé d’abord comme sceptique ; s’il eût dit des sens en particulier, qu’on ne doitrien affirmer d’après eux? Assurément non; car ce ne sera jamais à celui qui aura d’abord nié la certitude qui résulte du témoignage o des sens, qu’il pourra être permis ensuite de proposer comme preuve à l'appui de la doc- trine qu’il prèêche, la résurrection d’un mort, la guérison miraculeuse d’un malade , en un mot, un fait quelconque. Si M. de la Mennais, marchant sur les traces du grand Apôtre, se fût borné à met- 1) Première épître aux Corinthiens, chap. 1°". v. 21. L ? P : ( 220 ) tre en doute que l’homme, dans l’état d’af- foiblissement où le péché l’a mis, puisse, avec les seuls moyens qu'il trouve en lui- même , s'élever jusqu’à l’idée pure de la Di- vinité ; 1l auroit sans doute , avec le talent qui le distingue, amené la raison à récla- mer elle-même le secours de la révélation. Mais en pressant trop vivement la raison dont il vouloit abattre l’orgueil, M. de la Mennais a dépassé le but; il s’est jeté dans le paradoxe, il a laissé la vérité derrière lui. Nous n’avons donc pas pu suivre M. de la Mennais jusqu’au point où il s’est avancé. Quant à M. de Missery, comme il s’est plus attaché à combattre les principes de M. de la Mennais qu’à faire l'exposition des siens pro- pres, nous ne saurions dire au juste si sa manière d'envisager les choses seroit en har- monie parfaite avec la nôtre. Toutefois nous n’hésitons point à déclarer que surla question de savoir s’il n’y a qu’un seul principe de cer- titude, comme le veut M. de la Mennais, ou s’il y en a plusieurs, comme le prétend M. de Missery, nous partageons l’avis de ce der- nier. (252) EPITRE A M'. DE CHÉNEDOLÉ, Sur les sentimens qu’on doit porter dans l’étude de La littérature. Par M. ze Marquis D'ARBAUD-JOUQUES, Préfet de la Côte-d'Or. One majestueux ,; de qui la tête antique De mes toits paternels ombrage le portique, La tempête s’apaise , et tes rameaux chéris Vont m'offrir de nouveau leurs tranquilles abris. « Heureux qui n’a point vu les fêtes étrangères, « Et qui ne s’est assis qu’aux banquets de ses pères! » La fille du désert aux échos l’a chanté ; Après elle, mon cœur, tout bas, l’a répété. Hélas , disois-je alors, si la faveur céleste, De mon astre arrêtant l’influence funeste , Après un long exil me permet d’accourir Aux champs qui m'ont vu naître et me verront mourir; Si jy peux d’un beau jour saluer la naissance, Et d’une nuit paisible écouter le silence, Après que mes guérêts , aujourd’hui plus bornés, (. 234 7 Mais encor par mes soins de gerbes couronnés , Auront de leurs tributs récompensé leur maître Content et non lassé de son travail champêtre, Aucune illusion ne pourra, désormais, D'une ame fatiguée empoisonner la paix. Par linfortune instruit, je cherche la sagesse. J'abjure des erreurs qui trompoient ma jeunesse, L'amour qui, sous des traits si séduisans, si beaux , Nous offre tant de biens et nous fait tant de MmaAUx ; La folle ambition qui nous charge de chaines; La gloire poétique et ses promesses vaines ; Ces songes imposteurs qui m’avoient abusé Sont à jamais bannis d’un cœur tranquillisé. Quand l'aurore invitant autour de sa corbeille Le papillon léger , l’industrieuse abeille, Au printemps versera la rosée et les fleurs, J'irai ; de leurs parfums, de leurs riches couleurs, J’enivrerai mes sens, je charmerai ma vue, Quand Sirius , des cieux enflammant l’étendue, Jaunira le gazon sur le front des côteaux ; Attentif au doux bruit du feuillage et des eaux, J'irai m’ensevelir dans le bois le plus sombre, Sous la fraîche épaisseur de ses rameaux sans nombre(1). L'automne m'offrira le trésor de ses fruits. L'hiver même pour moi, coulera sans ennuis. L'étude , l'amitié , divinités sacrées, Sauront en abréger les plus longues soirées. (1) .....,.. frigus captabis opacum. Vire. (:523,) Quand on voit des amis , quand on lit de beaux vers , : Dis-moi, CHÉNEDOLÉ , se plaint-on des hivers ? Les lettres m'ont suivi sur.des rives ingrates ; Lies lettres me suivront au sein de mes pénates. Leur fidèle amitié se plie à tous nos goûts (1). Elles habitent, vont , s’arrêtent avec nous ; C’est un lait bienfaisant qui nourrit la jeunesse, Un savoureux nectar qui soutient la vieillesse. Elles suivent le sage aux champs, à sa maison; Consolent son exil, éclairent sa prison; Enfin , de l’infortune elles sèchent les larmes, Et du bonheur lui-même embellissent les charmes. Homère changera par son livre immortel, Mon cabinet en temple et ma table en autel. Près de lui brilleront ces fils de l’harmonie Dont sa puissante voix féconda le génie : Vir@ize, le plus grand des poëtes latins Qui du siècle d’Auguste ont orné les destins ; L’ingénieux Ovrpe et l’immortel Horace; AnR1osTE , Mirron et PÉTRARQUE et LE TASSE ; Racine, de nos bords cygne mélodieux , Qui sut le mieux parler le langage des Dieux; CoRNEILLE , créateur de notre illustre scène ; Rousseau, notre Amphion; et sur-tout La FONTAINE, Enfant de la nature et de la vérité, Qui touchant et sublime avec naïveté, (1) Adolescentiam alunt , senectutem oblectant, secundas res ornant , adversis perfugium ac solatium prœbent , delectant domi , non impediunt foris , pernostant nobiscum , peresrinan- tur , ruslicantur. Cic, CPR Te (224) Suit d'un pas indolent, aux bords de l’Hippocrène Ou Pan qui le conduit, ou Vénus qui l’entraîne, Où Minerve , empruntant sa séduisante voix Pour faire aimer son culte, et pour dicter ses lois. J’y verrai vos tableaux pleins de sel et de grâce, Utiles précepteurs du monde et du Parnasse, Mozrère et DespRÉAuUx, vous ; immortels censeurs Des sots et des méchans, des écrits et des mœurs. Celui qui prépara nos fatales discordes , VorrairEe même , armé de sa lyre à cent cordes, M'offrira ces écrits qui nous ont égarés, Condamnés par mon cœur , par mon goût admirés, Mais ne crains pas sur-tout que de ma solitude Soient bannis par l’envie et par l’ingratitude, Ces vrais soutiens de l’art, qui, nos contemporains, De l’envieux Zoïle irritent les chagrins: Non, tu n’entendras point ma voix adroite à feindre , Leur refuser la gloire où je ne puis atteindre. Je ne m'écrierai point: Le génie est perdu; Alors que sur ma tête il n’est pas descendu. Sarïnr-LamgEerT célébrant les pompes de l’année, De fleurs, d’épis , de fruits , de frimas couronnée ; Dezrzie embellissant et le soc de Cérès, Et l’arrosoir de Flore, et l’osier de Palés ; Celui qui, jeune encor , dans les bois de Navarre (1) Fit entendre des chants dont il est trop avare, Et qui de Salamine interrogeant les bords, Ressuscite des Grecs les noms et les accords ; (3) Fontanes. ( 525 ) L'oracle du bon goût , l’éloquent interprète Du vieux Athénien, père de PnirocrèrTe (1)3 Ce Berrin, de Tisuzze élève ingénieux ; Ce Lesrun , de PINDARE émule audacieux, Seront tous réunis dans ma douce retraite. J’écouterai leur voix, et d’une main discrète J’ornerai leurs écrits du myrte de Vénus, Ou du laurier, rameaux de Zoïle inconnus. Toi-même, cher ami , dont trop de modestie Retarde les succès et voile le génie, Le matin , quand du haut d’un rocher escarpé, Dégagé des vapeurs qui l’ont enveloppé, Contemplant le réveil de la nature entière, Je verrai s’élancer dans sa vaste carrière Cet astre souverain, cet orbe radieux, Qui d’une zône d’or enveloppe les cieux, Océan de splendeur dont la flamme féconde Court en ruisseaux de feu dans les veines du monde A Saluant ce soleil qui sur ma tête a lui, Je me rappellerai tes chants dignes de lui; Et leurs mâles beautés, chères à ma mémoire, Parleront à mon cœur de ta future gloire. Abandonnant ainsi mes paisibles loisirs À des goûts innocens , à d’utiles plaisirs , Si quelquefois, au bord de l’onde aganippide, Une fleur d’Apollon tente ma main avide, Penché sur le ot pur qui la vient abreuver, J’oserai la cueillir , sans crainte de trouver À sa tige trompeuse une épine attachée. É (4) La Harpe. ( 226 ) Loin de tous nos travers, solitaire et cachée, La poésie , hélas ! dont on fait un tourment, ! Est un art enchanteur , le noble amusement Des esprits délicats et des ames sensibles. Elle cherche les bois et leurs ombres paisibles, C’est là qu’un pin superbe, un päle peuplier, Joignent de leurs rameaux l’ombrage hospitalier, Cependant qu’à leurs pieds une onde fugitive Bat de ses flots plaintifs sa tortueuse rive (r). C’est là que s’arrêtant sur un bord écarté, L’amoureuse colombe , au plumage argenté, Plonge son bec de rose au sein de l’onde pure Qui lutte et fuit sous l'ombre avec un doux murmure, Oui, c’est sur ces tableaux éloquens pour son cœur, Que le poëte ému fixe un regard rêveur. La méditation fuit Les riches portiques. Pensive, elle s’assied sous ces chênes antiques, Dont le frémissement doux et mystérieux, Fut écouté jadis comme la voix des cieux. Un souffle poétique agite chaque feuille. La méditation dans son cœur le recueille ; L’enthousiasme y naît, et ses accens sacrés Font retentir ces bois qui les ont inspirés. O Dryades ! & Pan ! ouvrez-moi vos asiles ! Mais sur-tout, loin de nous le tumulte des villes, Là, tous les sentimens, confusément pressés , UE ES (1) Quà pinus ingens , albaque populus , Unbram hospitalem consociare amant Ramis, et vbliquo laborat Lympha fugax trepidare rivo. Horn. (27) Et dans l’amé distraite aussi-tôt effacés ; Ne sont que des éclairs, des ébauches débiles De tableaux fugitifs et d'images mobiles. Là, sont tous ces partis l’un par l’autre affrontés, Rivaux d’abord, bientôt énnemis emportés, Si d’un bruit imposteur le poëte idolàtre, Aborde imprudemment cet orageux théâtre, Détrompé d’une erreur dont il fut trop épris, Ses yeux s'ouvrent bientôt. Que voit-il dans Paris# Autour d’un vain fantôme appelé renommée, Il voit se disputant sa trompeuse fumée, Un peuple d'écrivains qui rampans et jaloux, Nourrissent dans leur cœur un éternel courroux. Le fiel et le poison distillent de leur plume. Leur amé, tour à tour , verse et boit l’amertume, Pour eux rien n’est sacré. Cet illustre vieillard (1) Qui pendant quarante ans fut lé soutien de l’art , Dont la voix douce , pure, et n’offensant personne ; Enrichit Triptolême et célébra Pomone, Quand cette voix expire, entend de tous côtés, Dur ses cheveux blanchis ses lauriers insultés. Plus malheureux encor l’amant de Melpomène ; Qui, jeune, auroit osé triompher sur la scène: Un nuage de traits, un déluge de cris L’accablent à linstant ; immobile , surpris, Il s’arrête , et replie, en soupirant , ses ailes Qui devoient l’élever aux voûtes éternelles: Mais aussi quelquefois le génie outragé (:) Delille: ( 228 ) Succombe au vain désir de se croire vengé. Il dépose sa lyre, et d’une main armée Décoche sur Zoïle une pointe enflammée. Tel, au fond d’un marais, dans le sacré vallon, Python crut en sifflant terrasser Apollon ; Apollon indigné de sa rage débile, D'une flèche perdue honore le reptile. Un noir venin jaillit de son corps traversé ; Il expire en mordant le trait qui l’a percé. Mais le foible mortel qui du Dieu suit l'exemple , N'a pas, comme le Dieu, pour son asile un temple. Dès l'instant où le trait est parti de ses mains, IL a soumis ses jours à d’éternels chagrins. La haine le poursuit ; chaque heure qui s'écoule, De ses vils détracteurs voit se grossir la foule. Étonné de leurs cris, de leur nombre accablé , Son courage chancèle , et son cœur s’est troublé. Il laisse triompher l'intrigue et l’ignorance, Et des bords du Permesse il s'éloigne en silence. Au Théâtre Français sous Pradon abattu, Qui rendra les vingt ans où Racine s’est tu ? Son luth étoit brisé. Devant lui les années Suppliantes venoient , et passoient consternées, Le Chantre d'Herminie , au fond des bois errant , Y vit d’herbe sauvage et boit l’eau du torrent , Et Milton n’a trouvé que sur la sombre rive, De la postérité la justice tardive. Je t'ai peint le génie en sa course arrêté, Opprimé par l’envie et par l’adversité, Tombant avec grandeur sous leur commune injure : ( 229 ) Mais de plus sombres traits renforçant ma peinture, Je crains de le montrer , souillant d’un vil poison La morale publique et l’humaine raison. On entend tous les jours aux bords de l’Hippocrène Les chants contagieux de l’impure Sirène , Ou de limpiété la sacrilège voix, Implacable ennemie et des mœurs et des lois. Je vois avec mépris tous ces tableaux qu’accuse La subite rougeur de la vierge confuse. Je ne puis concevoir l’amant licencieux , Et le Poëte athée est un monstre à mes yeux : De quel front ose-t-il célébrer la nature ? La nature pour lui n’est qu’une énigme obscure. Dieu seul en est le mot. Ce nom victorieux Est écrit sur la terre , est tracé dans les cieux. Les aquilons , la foudre, organes des tempêtes, Les globes enflammés qui roulent sur nos têtes , L’insecte qui se meut et que nous ignorons, Le sol qui nous soutient, l’air que nous respirons, Nos plaisirs, nos douleurs , et nos passions même, Tout proclame d’un Dieu l'existence suprême. Rendons la poésie à ses nobles destins ; Le Ciel même par elle instruisit les humains. Elle charme nos sens ; elle élève notre ame ; Elle couvre nos maux d’un céleste dictame. Oui , d’un vol assuré le Poëte fend l’air ; Et semblable à cet aigle aimé de Jupiter , Des viles passions traversant le nuage, Il subjugue l’envie et plane sur l'orage ; Ou dans un doux abri par les Muses conduit , ( 230 ) Rival harmonieux du chantre de la nuit, 11 anime des bois l’ombre et la solitude. Teis sont les vrais plaisirs , les charmes de l'étude, Mais il faut auprès d’elle, appelant les vertus, Chercher la jouissance , et repousser l'abus. L’abeille sur les fleurs voltige et se repose ; Elle y boit le nectar dans des vases de rose à Tandis que le serpent, reptile insidieux , Ne puise dans ces fleurs qu’un poison odieux. Les nobles sentimens font les grandes pensées, Muses, par la vertu vos routes sont tracées. C’est avec un sens droit et des cœurs épurés, Muses, qu’il faut s'ouvrir vos bocages sacrés. Votre étude doit être un véritable culte : Qui n’en fait qu’un métier s'égare et vous insulte. Ainsi, doux dans ses mœurs, et pur dans ses écrits, Des brigues ignorant ou méprisant les cris, Et n’y mélant jamais sa voix indépendante, S'il a quelques plaisirs, le Poëte les chante. Si quelque noir chagrin vient attrister son cœur, JL invoque son luth, son luth consolateur. La folle ambition , la honteuse avarice, Ne font point de sa vie un éternel supplice ; Car , sais-tu le destin du Poëte orgueilleux ? C’est Sisyphe poussant sur un mont sourcilleux Un énorme rocher, qui presque sur la cime, Retombe avec fracas et roule dans l’abime ; Tandis que bienfaisant, doux et religieux, Le vrai Poëte , aimé de la terre et des Cieux, Celui que je l'ai peint, et que tu me retraces ; en mat mlits (230) Sur un tapis de fleurs marche entouré des Grâces: L'étude et la nature éclairent ses désirs. Ses jours sont des instans ; ses travaux , des plaisirs, Mais , si le sentiment que de toi je réclame, L'amitié, d’un fil d’or daigne embellir sa trame, Ah ! qu’il bénisse alors son destin fortuné, Et qu’un agneau sans tache et de fleurs couronné , Tombe sur le gazon, offert en sacrifice À Phébus protecteur, à l’Olympe propice. Paris, à décembre 1801. (232: LA CHAPELLE DES BOIS, IDYLLE. Par M. Cr. BrucxorT, Régent au Collège de Troyes ( Aube ). Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques. (ANDRÉ CHÉNIER.) DER un jour d'automne, un soir,un des plus beaux; L’agneau ne béloit plus sur Le flanc des côteaux. La brise étoit muette , et la feuille séchée Tomboit à petit bruit sur la terre jonchée. Caché dans son abri , l'oiseau restoit sans voix ; Et glissant à travers les grands arbres du bois, Les derniers feux du jour de leurs rayons obliques Éclairoient la Chapelle et ses vitraux gothiques. Près de l’autel modeste , un vieillard prosterné Humilioit son front vers la pierre incliné. En longs anneaux blanchis tomboit sa chevelure, Le rosaire béni pendoit à sa ceinture. Lorsqu’aux pieds de la Vierge il eut ouvert son cœur, YL se leva , reprit le bâton voyageur, Et deux fois essuya quelques larmes furtives. (2527 Cependant Néolis , blond berger de ces rives, Lui-même, sur le seuil , prioit silencieux. Car l’homme , en son exil (besoin mystérieux !) L'homme, allié du Ciel vers lequel il soupire , Jeune ou vieux , a toujours quelque chose à lui dire. NÉOLIS. Vénérable vieillard , salut ! J’ai vu tes pleurs, Puisse bientôt le Ciel adoucir tes douleurs. LE PÉLERIN. Mon fils, ton front est doux et brillant de jeunesse , Garde que ta vieillesse imite ma vieillesse ! NÉOLIS. Je m’attendris aux pleurs qui coulent devant moi, Aux pleurs , hélas ! sur-tout d’un vieillard comme toi ! LE PÉLERIN. Je bénis ton bon cœur, le Seigneur te bénisse ! Aux cœurs comme le tien il est toujours propice. NÉOLIS. Mon père, tu dis vrai ; si je suis dans ce lieu, C’est que Dieu m’a béni , j’en rendois grâce à Dieu. Demain je verrai luire une heureuse journée : Elle prendra pour moi la robe d’hyménée , Marie au doux maintien, la belle du hameau. LE PÉLERIN. J'aime à te voir, mon fils, et si jeune et si beau, Plein d’espoir et joyeux commençant ton voyage. Le bel espoir , mon fils, sied bien à ton jeune âge. Moi, je crus, comme toi , ne trouver que des fleurs Sur l’aride sentier que j'ai baigné de pleurs ! ( 234 ) Ma plus belle journée, ami, c’est la dernière... Je l’attends..… NEOLIS. Comme moi, garde l’espoir, mon père! J’ai prié bien long-temps Notre-Dame-des-Bois ; La Vierge , en m’exauçant, m’a consolé deux fois. £lle a sauvé les jours de ma mère chérie ; Elle m’a pour épouse accordé mon amie... Mais quels sont tes chagrins ? dis-les ; si tu voulois, Peut-être , 6 bon vieillard, je te consolerois. LE PÉLERIN. En t’écoutant, je cède au penchant qui me guide. Un cœur religieux ne fut jamais perfide.… Ami, nulici-bas ne peut me consoler! Mais ton air est si doux, si doux est ton parler. Écoute un malheureux, et garde le mystère : Ce toit que nous voyons fut le toit de mon père; Ce clocher fut celui dont l’airain solennel, Lorsque l’on vint m’offrir aux pieds de l'Eternel, Frémit sur mon berceau, le jour de ma naissance. Mes jours, comme les tiens, étoient beaux d’espérance.… Mais , je ne fus point sage autant que toi, mon fils, Et mes jours de vieillesse ont tous été maudits. J’aimois aussi , j’aimois !... elle fut ma victime ; Notre amour insensé dut s’appeler un crime ! La malédiction de son père en courroux Nous ravit à jamais le nom sacré d’époux ; Et sa fille bientôt , sa fille infortunée , Amante sans espoir, mère sans hyménée , : En mourant, déposa son douloureux fardeau , Enfant nourri de pleurs et né pour le tombeau. Et moi, loin de ces lieux , exilé volontaire, ( 235 ) J'errai, je racontai mes remords à la terre. J'ai fait de longs chemins, j’ai franchi les déserts Et traversé les monts , et parcouru les mers, Ei sur le tombeau saint récité des neuvaines ; Mais l’exil, les dangers , les fatigues , les peines , Les longs chemins, mon fils, rien n’ôte le remords ! Je n’attends de repos que le repos des morts... J’ai pourtant voulu voir, avant d’aller vers elle, Mon hameau d’auirefois et la sainte chapelle Où nos sermens d’hymen furent jurés en vain; Car, sans Dieu , les sermens n’ont pas de lendemain. O mon fils, qu’ai-je dit ?.. mais ton ame est si bonne ; Je ne m’en repens pas. NÉOLIS. Que le Ciel te pardonne ! La langue qui trahit toujours m'a fait horreur. N’as-tu pas , saint vieillard, expié ton erreur ? Va, je prierai pour toi. Mais je veux, Ô mon père, Que tu viennes ce soir habiter ma chaumière. La nuit est déjà sombre ; écoute l’Angelus ! LE PÉLERIN. Mon ami , ton hameau ne me reverra plus, Iis m'ont tous oublié, comme le Dieu sévère Qui pour mieux me punir m’a laissé sur la terre. Je leur dirois ; je vis, quand ils n’y pensent pas ! Non, jamais ton hameau ne reverra mes pas, Jadis, j'en ai fait vœu devant la Vierge sainte Dont l’image sacrée est là , dans cette enceinte. Heureux le criminel qui peut se repentir ! NÉOLIS. Quoi ! ty ne viendrojs pas !., où donc vas-tu dormir ? ( 236 ) LE PÉLERIN. Lè , près de la Chapelle... Ami , je te demande D’accepter de mes mains cette légère offrande, Des reliques , mon fils, qui viennent des saints lieux, Pour te ressouvenir du vieillard malheureux. Le vieillard te bénit ; prends tout ce qu’il te donne : Sa bénédiction ne peut nuire à personne. Adieu. J’ai trop long-temps dans l’exil habité, Et je n’ai plus besoin de l’hospitalité.…. Toi, mon fils, sois heureux ! que ton chaste hyménée Compte , à chaque soleil , une belle journée ! Adieu, mon fils. NÉOLIS. Du moins, Ô vieillard généreux ! Laisse-moi t’apporter de nos fruits savoureux , Du vin vieux qui pourra réchauffer ta vieillesse , Car tu parois, mon père , épuisé de foiblesse ! Je vole et je reviens. Il s'éloigne en pleurant, Et plus agile accourt , chargé de son présent. Il trouva le vieillard Le front dans la poussière ; Il attendit de peur de troubler sa prière. Comme au temple régnoit une muette horreur ! L’astre des nuits versoit sa blanchâtre lueur A travers Les vitraux de l’antique chapelle. Néolis marche enfin ; par trois fois il appelle. Mais rien ne lui répond au fond du temple saint , Hors l’écho qui résonne au nom de Pélerin.... Cet autel, vieux témoin d’un serment téméraire , Vieillard , tu l’embrassas à ton heure dernière. ( 237 ) NOTICE SUR SIR JOSEPH BANKS, Lue à la séance publique de l’Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon , le 23 août 1823. Mssreurs ÿ Le besoin du savoir et le désir de s’orner l'esprit de connoiïssances agréables et utiles, ont toujours fait rechercher et accueillir par l’homme de goût, tout ce qui porte avec soi le cachet du beau, du juste et du vrai; par l'ami des sciences naturelles , tout ce qui fait connoître les richesses de la nature, la beauté de son tableau , la variété de ses nuances , et la majesté de son ensemble. Vous savez, Messieurs, que l'esprit et le ( 238 ) génie peuvent à l'infini varier leurs produés tions, et que par la multitude de leurs moyens créateurs, ils sont en quelque sorte inépui- sables et dans leurs richesses et dans leurs ressources. Mais quelque riche que soit la nature , ses productions , considérées indi- viduellement, n’ont qu’une seule manière d’être ; leur mode d'existence, leurs carac- tères , leurs formes , leurs couleurs sont su- jettes à peu de variations; et alors que d’ha- biles naturalistes les ont examinées et étu- diées , ils ne laissent à leurs successeurs rien de nouveau à découvrir, rien qui puisse ex- citer leur émulation, flatter leur attrait pour la science , et faire briller leur mérite dans le monde savant. Pour enrichir son pays de nouveaux ob- jets, pour lui procurer de nouvelles jouis- sances, il falloit donc chercher des régions inconnues , et agrandir sa gloire avec l’im- mensité de l’univers. De là découle naturellement l’origine et le but des voyages de long cours, si recom- mandables par les services distingués qu’ils ont rendus à la navigation ,; au commerce et aux sciences. Oublions, s’il est possible, ces voyages qui ne furent entrepris que par l'espoir des con- ( 239 ) quêtes , ou la soif de l’or ; oublions ces ex- péditions des Cortès et des Pizares, qui ne signalèrent leur arrivéedans des régions loin- taines , que par des actes d’injustice et des traits de barbarie ;.leurs souvenirs déchirans font répandre trop de larmes à l’humanité ; mais, Messieurs, quel intérêt ne se rattache pas à cesvoyages qui reconnurent pour cause des motifs nobles et touchans, le charme des sciences, l’extension du commerce, et les progrès de la civilisation. Nous leur devons la connoissance des pro- ductions de la nature les plus admirables et les plus merveilleuses. J’en atteste ces superbes étoffes apportées des rives du Gange; Ces métaux précieux, dont le sage emploi ait le bonheur de la vie ; Ces pierres étincelantes de feu, dont la beauté forme son diadême ; Ces végétaux inconnus jusqu'alors, dont Flore embellit ses jardins, et dont s’enrichis- sent les vergers de Pomone. J'en atteste ces aromates précieux , que nous offrons en holocauste au Roi des rois. J'en atteste enfin ces remèdes étonnans, qui sont notre espoir dans les différens âges (240) de la vie, et qui souvent se jouent de la faux du temps, toujours prête à nous atteindre. Grâces soient donc rendues à ces hommes célèbres qui, par zèle pour les sciences , par amour pour l’humanité, ont eu le courage de se dérober aux douceurs de la société, de s’exiler sur une mer orageuse , et de ne se laisser intimider ni par la fureur de ses flots, ni par la crainte d’un éternel adieu! Eh! quelle admiration ne méritent pas de sem- blables sacrifices, lorsque , pour commander à la fortune , on n’a besoin, ni des périls de la guerre, ni des hasards de la navigation ? La passion du bien, le désir de la gloire em- bellissent alors toutes Les actions de la vie. A de si nobles mobiles, à tant de coura- ge et de dévouement, joignez, Messieurs, les qualités du cœur, qui sont l’ame de l’exis- tence ; vous aurez une idée de celui dont je vais publier en ce jour solennel les tra- vaux et les talens. À ces traits, vous avez déjà reconnu Sir Joseph Banks, qui fut chevalier de l’ordre du Roi d'Angleterre, conseiller privé de Sa Majesté , président de la Société royale de Londres, correspondant de l'institut de Fran- ce, et Associé étranger de l’Académie des sciences , arts et belles-lettres de Dijon. | (41) Siies grands hommes existent pour l’orne- ment des nations, si dans tous les temps ces hommes distingués furent leurs premiers ti- tres d'honneur et de gloire, c’est un service à rendre à la postérité, que de perpétuer de semblables modèles, en lui laissantun tableau fidèle et précis de leurs talens et de leurs tra- vaux. L'éloquence, par l’organe d’un célèbre ora- teur, a déjà payé son tribut aux manes de ce grand homme ; heureux qu’il ne me reste plus que la tâche du sentiment ! Il me sera , Messieurs, moins difhicile de m’en acquitter en lisant dans vos cœurs ces expressions d’a mour et de reconnoissance , ces accens de regrets et de douleur que le Français fait en- tendre sur la tombe de l’homme de bien, et dont il honore toujours le courage et l’hé- roïsme , les vertus et le génie. A cet âge où les illusions de la vie sont dans toute leur puissance, où son image nous apparoît sous les couleurs les plus rian- tes et ne nous laisse entrevoir que l’aurore d’un beau jour , Banks montra les plus heu- reuses dispositions. Ses études commencées au collège d’Eton, çontinuées à l’université d'Oxford , furent , 16 (242) constamment couronnées de brillans suc- cès. Elles ne lui inspirèrent point le goût des sciences abstraites et métaphysiques, sans doute parce qu'il lui falloit des étu- des plus analogues à la sensibilité de son ame, et dès-lors plus en harmonie avec la bonté suprême , dont on retrouve sans cesse la toute-puissance et la sagesse dans la contemplation des merveilles de la nature et dans une étude approfondie de ses richesses et de ses bienfaits. Eh ! quels objets, Messieurs, plus propres à réveiller en nous le sentiment du beau, à exciter l'enthousiasme, quel’étude des scien- ces naturelles; aussi furent-elles l’objet chéri des travaux de Banks. A peine avoit-il atteint sa vinot-cinquième année , que déjà il avoit parcouru les côtes de la Terre-Ferme, visité le royaume de Labrador; et enrichi d'objets inconnus , il étoit rentré au sein de sa patrie, dont il reçut des encouragemens et des fé- licitations. Le gouvernement anglais si jaloux de ne laisser échapper aucune occasion d’employer le talent, s'empressa d'associer Banks à l’ex- pédition du capitaine Cook. C’est ainsi qu’il est au pouvoir des mo- narques , sinon de créer, du moins de dé- ( 543 ) velopper le génie. L'homme de bien trouvé dans son cœur la récompense d’une bonne action. Mais il ne peut en être de même des productions du génie ; il leur faut un mo- bile, je ne dirai pas plus noble et plus élevé; mais plus fastueux et plus imposant; ce mo- bile est la passion de la gloire, la récompense est là gloire elle-même , et elle dépend du public qui l’accorde par des témoignages d’es- time et de considération , du Monarque qui la sanctionne par des récompenses et des hon- neurs. Les Anglais doivent peut-être à cette sage politique, leur profondeur dans les sciences; l’étendue de leur commerce , et la prospérité de leurs manufactures. Le gouvernement anglais offrit à Banks tout ce qui pouvoit favoriser son expédition; mais il étoit doué d’une trop belle ame, pour accepter destributs désa patrie, lorsque la fortune lui prodiguoit ses faveurs et son crédit ; il se procura par lui-même les ins- trumens nécessaires à ses observations, et multitude d'objets qu’il crut utiles pour amé- liorer le sort des Sauvages, pour contribuer à leur instruction, à leur bonheur, se les rendre favorables, et enfin gagner leur confiance ; ïl Youloit que des bienfaits annonçassent son ( 44 ) arrivée, que desregretssuivissent son départ; et c'étoit ainsi, Messieurs, qu’il attachoit un double prix à son voyage, et par l'espoir d'augmenter ses découvertes en diminuant le nombre des obstacles, et par la pen- sée non moins chère à son cœur, de pou- voir améliorer les destinées de peuples qu'il supposoit ne connoître d'autre art que le ma- niement du javelot, d'autre perfection hu- maine que la force et l’agilité. Tant de générosité ne suffisoit point à l’ame de Banks ; il fit plus, il emmena avec lui le docteurSolander, ce célèbre disciple du grand Linné, un secrétaire, et deux dessinateurs peintres. J'ignore quelle fut la nature des instruc- tions que Banks, à son départ, reçut de son gouvernement ; mais on ne peut y pen- ser sans se rappeler avec un sentiment mêlé de douleur et d’admiration, celles qui furent données à La Pérouse par le meilleur des Monarques. « Partez, disoit Louis à La Pérouse, allez sur tous les points du globe porter la renom- mée du nom français ; que des peuples, dont l'existence nous est encore inconnue , ap- prennent de vous à respecter la France; qu’ils apprennent sur-tout à la chérir; que les bien- (245) faits annoncent votre arrivée, que les regrets suivent votre départ ; vous aurez conquis assez de gloire, si l'humanité, si la bienfai- sance président par-tout à vos travaux.Dans des circonstances impérieuses , peut-être ne pourrez-vous obtenir l’amitié des Sauvages par de bons traitemens; cherchez alors à les contenir par la crainte et les menaces ; mais ne recourezà la supérioritéde vos armes qu’à la dernière extrémité, seulement pour votre défense et dans les occasions où tout ména- gement compromettroit la sûreté des bâti- mens et la vie des Français dont la conser- Vation vous est confiée. «.° Dissertation sur ces questions : Æ4-#-1l existé un tribunal pour juger les Rois d'Egypte , après leur mort ? Les Pyramides d'Egypte étoient-elles destinées à servir de tombeaux aux Rois ? 16 pag. in-0°. 3.° Observations sur une statue antique représen- tant un hermaphrodite. In-8.°, 16 pag. 4. Observations scientifiques et critiques sur le génie des Peintres. In-8° , 29 pag. 5. Notice historique sur l’ancienne peinture sur verre. In-8° , 29 pag. 6.° Observations critiques sur la métempsycose. In-8.° , 40 pag. 7. Notice historique sur la sépulture d'Héloïse et d’Abélard. In-8.° , 25 pag. | 8.° Monumens de Saint-Denis. In-8°., 16 pag. 9.° Observations sur l’origine du carnaval. In-8°, 24 pag. 10°. Description d’une tapisserie rare et curieuse, faite à Bruges. In-8.°, 29 pages. — MM. Dsvosce et Percnor, Rapporteurs. 17. Odes sur la Force et la Vertu, par M. Ricne- ROLLE, correspondant. In-8.°, 12 pages.—M. Forsser, Rapporteur. 18. Les Régicides , dithyrambe; par M, Tézénas ({ de Montbrison }, correspondant. f 985 ) 19. Etudes sur La Fontaine , par M. Gurrtaumt; correspondant. (Besançon), 1822, in-8°.— M. Foisser, Rapporteur. 20. Table des 36 derniers volumes des Annales dé Chimie , etc. Par M. CoriN, associé non résidant: Paris, 1821. In-8°. 21. 1.° Mémoire sur la maladie qui affecte les va- ches laitières de Paris et des environs ; par M. Huzarp, associé non résidant. In-8°. 2.° Instruction sur la manière de conduire les va- ches laitières; par MM. Cuaserrt et Huzarp. Paris, 1807. In-8.° 3°. Notice sur les mots hippiatre, vétérinaire et maréchal ; par J.-B. Huzarn. 3.° édit. 1816. 4°. Instructions sur Les soins à donner aux chevaux pris de chaleur ; par M. Huzar»p. Nouvelle édition. 1817. 5.° Rapport à la Société royale et centrale d’agri- culture sur le concours pour des Mémoires ou ob- servations pratiques de médecine vétérinaire. Paris, 1821. In-6°. 6°. Instruction sommaire sur la maladie des bêtes à laine , appelée pourriture ; par MM. Tessier et Huzarn. 1822. — M. Massox, Rapporteur. 22. Opinions politiques pendant les sessions de 1814 à 18193 par M. le duc pe Brissac, associé non ré- sidant. 23. Discours prononcé pendant la session du collège du département de la Côte-d'Or, par M. le duc pe Brissac , président de ce collège. 24. Notice sur le général Legrand, par M. Devrziy, sorrespondant, ( 286 ) 25. Lettres de M. J.-André ne Luc, sur les 08 fossiles de quelques grands quadrupèdes , et faisant suite au Mémoire sut les os fossiles d’éléphant. — M, p’Aumonr, Rapporteur. 26. De l’emploi des conjonctions grecques, suivi des modes conjonctifs de la langue grecque ; par M. SéGurer , Préfet de la Côte-d'Or. Paris, 1814: In-8°. — M. pe Mussy , Rapporteur. 27. Rapport fait à la Société royale et centrale d'A: griculture, dans sa séance publique du 14 avril 1822, sur le concours annuel pour des Mémoires et obser- vations pratiques de médecine vétérinaire. Par M, Huzarp. 28. 1°. Des maisons de santé destinées aux aliénés , par M. SazverTe. Janvier 1821. In-8°. 2.0 Notice sur le conseil de salubrité établi près la préfecture de police de Paris; par le même. Août 1821. 3.° Notice sur la vie et les ouvrages du chevalier Louis Cadet de Gassicourt ; par le même. M. Antoine, Rapporteur de ces trois ouvrages. 29. 1.° Nouveau système de ponts en bois et en fer forgé; par M. Poyert, architecte , membre de l’Institut. In-4°. 2.% Rapport du conseil général des ponts et chaus- sées sur le système des ponts en bois et en fer forgé; suivi de la réfutation de ce Rapport , par M. Poyer. 3.° Deux Mémoires sur la nécessité de transférer l’'Hôtel-Dieu de Paris à l’Ile des Cygnes; par le même. 1766. In-4°. 4° Projet d’une nouvelle salle d’Opéra, et réponse ( 287) aux critiques des journaux sur ce projets par le mème. 5.° Projet de places et édifices. Paris, an 8, in-4°, — M. Marmieu , Rapporteur de ces ouvrages. 30. 1°. Chemical Catechism with tables etc., by Sam. Parkes, member of the royal institution etc, London. 1822. In 6°. 2.° A letter to farmers and gratters on the advan- tages of using of salt in agriculture, etc. Par le même. London , 1819. In-8°. 3.° Thoughts of the laws relating to salt etc. Par le même. London, 1817. In-8°. — MM. p’Aumonr, DE Gouvenaix et Tirzoy , Rapporteurs. 31. Ode à la superbe Rome ; par M. Vaysse, ins- pecteur des postes au Mans. — M. Sécurer , Rapp. 32. Poésies , par M. MorcevauT, de l’Académie des inscriptions et Belles-lettres. Paris, 1822. In-18. Traduction de la vie d’A gricola ; par le même. Paris, 3022. — MM. Percnor et Forsser, Rapporteurs. 33. Lettres bourguignonnes , par M. N'avizze, cor- respondant. — M, MonLaND, KR apporteur. Même ouvrage , 2°, édition. Dijon, août 1823. 34. Recherches sur les auteurs dans lesquels La Fon- taine a pu trouver le sujet de ses Fables. Par M. GuiLrauME, correspondant. Besançon , 1822. In-8°. — M. Peicxot, Rapporteur. 35. Traité de la Clavelée , de la Vaccination et de la Clavélisation des bêtes à laine ; par M. Hurrrez D’ARBOVAL, Correspondant. Paris, 1822. In-8.° — M. SazGues, Rapporteur. 36. Essai pour servir à l’histoire des fièvres adyna- ( 288 ) miques et ataxiques ; par M. MoxTrALcoN, correspi Lyon, 1823. In-8°. — MM. Sarcurs ProTAT, Kap. 37. Horace et l’empereur Auguste; par M. FE; Sacs VERTE , Corr. Paris, 1823. In-6°. = M. Forsser, Rap: 38. Manuel du Bibliophile, ou Traité du choix des livres ; par M: G. Percnor. Dijon , 1823. 2 vol. in-8°. 39. Notes et Mémoires de culture ; par M: Trouix, de l’Académie des Sciences , associé non-résidant. 1 vol: in-4.° pl. = M. Masson , Rapporteur. 40. Manuel de l’Observateur en médecine; par M: le doct'. MarcHAND. Paris , 1822, In-24. = M. Antoine, Rapporteur. 41. Essai sur la douleur, considérée sous le point de vue de son utilité en médecine ; et dans ses rapports avec la physiologie , l'hygiène , la pathologie et la thé+ fapeutique. Par M. Sarcurs, académicien résidant. Dijon. In-12. 42. Code d'Agriculture, par M. John Srnctair ; baronnet , des Sociétés royales de Londres et d'Édims bourg, etc., etc. ( Cet opuscule ést én anglais et fait partie de l’une des deux caisses de brochures qui ont été adressées à l’Académie par M. César Moreau, son correspondant à Londres ; brochures dont l’énumération seroit trop longue pour ce catalogue. 43. Rudiment of Chemistry, by Sam. Parkès, etc. — M. D’Aumoxr, Rapporteur. 44. Notice biographique sur M. J.-B. Desrras, ancien professeur de l’école vétérinaire d’Alfort ; par M. Sizvesrne , secrétaire général de la Société royale et centrale d’agriculture de Paris. Paris, 1823. In-6°. ( 289) 45. Le Maire du Palais, tragédie; par M. Axceroÿ:; Paris , 1823. In-8°. — M. Lorain , Rapporteur. 46. Ouvrages de M. Herscnez : 1.9 À Collection of examples of the application of the calculus of finite differences, by J. Fr. W: Henscurz F. R. S. London et Edinb. etc.; étc: Cambridge , 1820. In-6°. 2.° On the places of 145 double stars. Loridon ; 1821. In-4.° 3. On the aberrations of compound Jensés and object glässes. London, 1821. In-4°. 4°. On certain remarkable instances of deviation from Newton's scale in the tints developped by crystals with one axis of double refraction ôn expo: sure to polarised light , 1820. In-4°. 5°, On the rotation impressed , by plates of rock. crystal on the planes 'of polarisation of the fays of light as connected , with certain peculiarities in its crystallisation, Cambridge , 1820. 6.° On a remarkable peculiarity in the law, ofthe extraofdinary refraction of differently coloured rays exhibited by certäin varieties of apophillite, Cambrid. 1821. In-4°: 7°. On the separation of iron from other metals. London, 1622. In-4°. 8.° On the reduction of certain classes of funcé- tional equatioñs to equations of finite differences. Cambridge , 1820. In-4°. — M. p’Aumont; Rap. 47. Ouvrages de M. BABBAGE. 1°. À letter to sir Humphry Davy on the appli. cation of machinery to the purpose of calculating +2 ( 290 ) and printing mathematical tables, from Ch. Barrace, esq. M. a F. R. S. Lond. and Edinburgh. etc., etc. London. 1822. 2°. On the application of analysis to the discovery of local theorems and porisms. By Charles BaBBAGE, etc. Edinburgh ; 1622. Iu-4°. — M. p’Aumoxr, Rapporteur. 48. Observations et remarques pratiques sur l’admi- nistration du seigle ergoté contre linertie de la matrice dans la parturition ; suivies de quelques réflexions sur l'emploi des lavemens mercuriels dans le traitement de la syphilis chez les nouveaux nés; par le docteur DescranGes, médecin à Tyon. Montpellier, 1822. s In-6°. ENVOIS DES SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES: 1. Extraits des travaux de la Société centrale d’agri- culture du département de la Seine inférieure , 1820 — 1822. M. Masson, Rapporteur. 2. Précis analytique des travaux de l’Académie des sciences etc. de Rouen, depuis sa fondation en 1744 jusqu’à l’époque de sa restauration le 29 juin 1603. T. 5. 1781-1793. Rouen, 1821, in-8°, 398 pag. fig. — M. Pricnor, Rapporteur. 3. Séance publique de la Société académique du dé- partement de la Loire inférieure , tenue le 3 septembre 1821, Nantes 1821, in-8°, 119 pag. — Rapporteur, M. PE1cn Tr. 4. Séance publique de la Société d’agriculture,com- merce, sciences, etc. du département dela Marne, tenue 15 27 août 1821. Châlons, 1821, in-8°, 86 pag. " (291) 5. Rapport fait à la Société royale et centrale d’a* griculture, dans sa séance du 18 mai 1008, sur l’usage des moulins à bras; par MM. Yvart, Labbé, Challan, rapp. , Paris 1821, in-8° avec fig. 54 pag. 6. Annales de la Société d’agriculiure;, sciences, arts et belles-lettres du département d’Indre et Loire. T, 1, 2,3,4 et 5, — Rapporteurs, MM. Masson, Boxer. 7. Séance publique de la société libre d’émulation de Rouen, tenue le 9 juin 1 821, in-6°. 8. Séance publique de la Société d'agriculture, com- merce , sciences et arts du département de la Marne, tenue à Châlons le 5 septembre 1820, in-8°, 96 pag. 9. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caën , 1821, in-8°, 43 pag. 10. Rapport sur les travaux de l’Académie de Caëny par M. Hébert secrétoire, année 1821, in-8°, 37 pag. 121. Annales de la Société d’agriculture, arts et coms merce du département de la Charente. T. 3, 4 et 5. 12. Séance publique de la Société des amis des sciences , lettres , agriculture et arts, tenue à Aix, le” juin 1821 ,in-8°. 46 pag.—Rapporteurs, MM. Masson, de GouvenaAIix. 13. Mémoires de la Société d’agriculture et’arts du département de Seine et Oise, publiés depuis La séance publique du 9 juillet 1820 jusqu’à celle du 15 juillet 1821; 21° année, Versailles 1821,in-8°, 174 pag. avec £g. 14. Procès-verbal de la séance publique de la So- ciété d’agriculture , commerce et arts de Boulogne-sur- mer, tenue le 3 juillet 1821. Boulogne , 1821 ,in-8°, 56 pag. ( 292 ) 15. Notice des travaux de la Société royale de mé- decine de Bordeaux , depuis la dernière séance publi- que jusqu’au 29 août 1821. Bordeaux 1821, in-8°, Rapporteur, M. Axroinr. 16. Compte rendu des deux séances publiques tenues par l’Académie de Besançon le 25 janvier et le 24 août 1821. — Rapporteur, M. Peicxor. 17. Journal de la Société d'agriculture et commerce du département de la Haute-Saône. — Rapporteur, M. Peicxor. 18. Compte rendu de la Société d’émulation du Jura. — Rapporteur, M. PRrOTAT. 19. Précis de la Constitution médicale observée dans le département d’Indre et Loire, pour le 3° et 4° trimes- tres de 1821, l’année 1822 et le 1‘* trimestre 1823, pu- blié par la Société médicale de Tours.— Rapporteurs, MM. Antoine et PROTAT. 20. Mémoires de la Société royale d'Arras pour l’en- couragement des sciences, lettres et arts, tom.3.Arras , 1821 ,in-8°. — MM. p’Aumonr et Masson, Rapp. 21. Journal des propriétaires ruraux pour le midi de la France , rédigé par les membres de la Société royale d'agriculture de Toulouse. Tom. 17, n.% 9, 10,11 et 12; tom. 18 et 19. In-8°.— M. Masson , Rapport. 22. Compte rendu de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Lyon, pour l’année 1821, — M: Forsser, Rapporteur. 23. Compte rendu de l'Académie des sciences, arte et belles-lettres de Mâcon, pour l’année 1821. = M, GirauzT, Rapporteur. 24. Analyse des travaux de la Société royale du Mans, 1 vol. in-8,° M. D'Aumonr, Rapports. (293 ) 25. Tableau analytique des travaux de la Société des sciences, agriculture, lettres et arts du Bas-Rhin ; par M. H. Hucor. Strasboure, 1821. In-8°,—M.Massox, Rapporteur. 26. Transactions of the Society for the encourage- ment of arts, manufactures and commerce. Tom.3g9.— MM. Marnieu et Masson, Rapporteurs. 27. Transactions of the society for the encourage- ment of arts, manufactures and commerce. With the premiums offered in the year 1821. London,1821, in-8°. — MM. Séxé , D’Aumonr, Rappore. 28. Society for the encouragement etc. Premiums offered in the session 1822-1823. London. In-8°. 29. Transactions of the society for the encouragement ef arts, etc. vol. 40. London 1823. In-8°.—MM.SEN* et D'AuMonT, Rapporteurs. 30. Mémoires du Comité agricole central du dépar- tement de Saône-et-Loire, In-8°. 31. Bulletin de la Société royale d’agriculture, scien- ces, etc. de Limoges. N.° 1. 32. Bulletins de la Société d'encouragement pour les cinq derniers mois de 1821, l’année 1822 et les huit premiers mois de 1823. — M. pe Gouvenaix, Rap. 33. Précis de la Société royale des arts du Mans. M. p'Aumonr, Rapporteur. 34. Annales de la Société des sciences , arts et belles-lettres d'Orléans. Tomes 1, 2, 3,4et 5. — MM. Protar et De Cnarrey, Rapo. 35. Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts du département de l'Aube. Premier cahier, 1°° trimestre 1822. = M, Masson , Rapporteur. ( 294 ) 36. Bulletin de la Société royale d’agriculture , arts et commerce des Pyrénées orientales. ( Mars 1822.) In-8°. 37.Journal d'Agriculture etc. du départementde lAr- riège. Tom. 3, n°. 13. Avril 1822. — M. GRasser, Rapporteur. 38. Séance publique de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Besancon ; 25 janvier 1822. — M. Percnor, Rapporteur. 39. Notice sur M. Päris, architecte du Roi et dessi- nateur de son cabinet; par M. Weiss, membre de l'Académie de Besancon. — M. P£rcnort, Rapporteur. 40. Mémoires d'Agriculture et d'économie rurale et domestique , publiés par la Société royale et centrale d'agriculture , pour l’année 1820. Tom. 1 et 2. Paris, 3821, In-6°. — M. Grasser, Rapporteur. 41. Séance publique de la Société royale de méde- cine, chirurgie et pharmacie de Toulouse, tenue le g mai 1822. — M. Antoixe , Rapporteur. 42. Précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen, pour 1821. — M. Pgrcexor, Rapporteur. 43. Séance publique de la Société centrale d’agri- culture du département de la Seine inférieure, 1822. In-8°. — M. Grasser, Rapporteur. 44. Recueil de l'Académie des Jeux Floraux. 1822. fn-8°. — MM. Amaxrox et Perenor, Rapport. 45. Bulletin de la Société de Géographie. Tom. 1, nas 2 et 3, Pyriss In-0.° 46. Réflexions et observations sur l'hiver de mil huit cent vingt-deux ; lues à la Société royale des arts du Mans, 1822, In-8°, mu M, Pricxor , Rapporteur, ( 295 ) 47. Annales de la Société d'agriculture , sciences , arts et belles-lettres du département d’Indre-et-Loire: — M. Bonsner, Rapporteur. 48. Notice des travaux de la Société de médecine de Bordeaux. — M. Antoine , Rapporteur. 49: Rapport fait à la Société royale de médecine de Bordeaux, au nom d’une Commission chargée de faire des recherches sur cet objet : Ceux qui ont eu la vac- cine peuvent-ils étre atteints de La variole ? == M. ANTOINE , Rapporteur. 50. Bulletins d’industrie agricole et manufacturière, publiés par la Société d’agriculture , arts et commerce du département de la Loire , arrondissement de Saint- Etienne (le dernier est du mois de juin 1823). — MM. Boxer et Masson, Rapporteurs. 51. Mémoires de la Société centrale d’agriculture et des arts du département de Seine-et-Oise , publiés dans la 22°. année. — Remis aux mêmes Commissaires. 32. Procès-verbal de la séance publique de la société d'Agriculture, de commerce et des arts de Boulogne. sur-Mer ; tenue le 15 juillet 1822. =— M. Masson, Rapporteur. 53. Séance publique de la Société libre d’émulation de Rouen. — M. Gueneau p’AuMonrT, rapporteur. 54. Procès-verbal de la séance publique de l’école secondaire de médecine de Bordeaux , tenue le 3: août 1822. — M, Antoine , Rapporteur. 55. Mémoires et rapports de la Société d’agriculture et arts du département du Doubs; 2.° année de la res- tauration. = MM. Bonner et Massox, Rapport. 56. Mémoires de la Société royale d'Arras , pour (296 ) l’encouragement des sciences , lettres et arts. Tom. 4; yet 2. liy. — M. Cnannonnier , Rapporteur. 57. Séance publique de la Société d’agriculture , commerce , sciences et arts du département de la Mar- ne, tenue à Châlons le 26 août 1822. = MM. De Mussx et Percnor, Rapporteurs. 538. Mémoire sur la nutrition des plantes et la coupe prématurée des blés , par M. Fevrier ; présenté à la Société d'agriculture de Seine-et-Oise.=M. DurANDE, Rapporteur. 59. Extrait raisonné des procès-verbaux des quatre premières séances de La Société d’agriculture de Dôle, département du Jura. — M. Bonxer , Rapporteur. 6o. Société des sciences médicales du département de la Moselle. In-8°, 45 pag. — M. Séné , Rapp. 61. Compte rendu de la Société des sciences , arts et belles-lettres de Mâcon , an 1522. In-8° , 104 pag. = M. pe Gouvenain , Rapporteur. 62. Recueil agronomique, publié par la Société des sciences, agriculture et beiles-lettres du département de Tarn et Garonue. Août 1821 — Juillet 1823. In-8°. — Rap. MM. Masson et DE GouvenaAIN. 63. Ephémérides de la Société d'agriculture du dé- partement de l'Indre , pour 1622. Séances des 4 avril et 1°°. septembre, 64. Notice des travaux les plus remarquables de l’Académie royale du Gard , de 1812 à 1822; par M. Phelip , médecin , secrétaire; 2 vol, in-8°. — Rapport, AT, n'Aumonr, 63. Traité de la poudre la plus convenable aux armes (PE EF Le, 4 ETAT M 14 ; k piston; par un membre de [a Société d'encouragement LMI à 0 FRE ( 297 pour l’industrie nationale. Paris, 1820. — M. SENÉ 3 Æapporteur. 66. Comptes rendus de l’Académie de Lyon : savoir, celui de 1823 , par M. Beraud ; 1815, par M. Cochet; 18:6, par M. Ballanche ; et pour 1821 , par M. Guil- lemet. Lyôn, 1822. Quatre broch, in-8°, —M. Loraiv, Rapporteur, 67. Séances publiques de l’Athénée des arts de Paris, 1813-1823. In-8°. — M. Forsser , Rapporteur. 68. Société royale d’agriculture de Lyon ; compte rendu des travaux depuis le 1°". mars 1621 jusqu’au 1. avril 1822; par M. Grocnier. — M, Morranp, Rapporteur. 69. Rapport sur les trayaux de la Société royale et centrale d’agriculture ; par M. SizvesTRe. 7o. Séance publique de la Société royale de méde- cine, chirurgie et pharmacie de Toulouse, 15 mai 1823. — M. Anvtoixe , Rapporteur. 71. Séance publique de la Société académique de Nantes , 1622. — M. Sarcues , Rapporteur. 72. Rapports faits à la Société royale d’agriculture dans sa séance publique du 6 avril 1623. In-8.° 55 pag. 73. Bulletin de la Société d’agriculture , etc. du dé+ partement de l'Eure. N.° 7. Juillet 1823. 74. Rapport fait à la Société royale et centrale d’agri- culture - sur le concours pour les mémoires et observa- tions-pratiques de médecine vétérinaire. Paris, 1821. In-8°, — M. Gnrasser, Rapporteur. 75. Compte rendu des travaux de la Société royale d'agriculture , histoire naturelle et arts utiles de Lyon, r depuis le 12 mars 1820 jusqu’au 1.°° mars 1821 ; par ( 298 ) M. L.F. Grocnter. Lyon , 1821, In-8° ; 270 p. fig. — M. Morranp, Rapporteur. 76. Exposé historique et statistique des travaux de la Société d’émulation et d’agriculture de l'Ain , années 1819 et 1620. Bourg, 1821. In-8°. — M. G:RAULT, Rapporteur. 77. Société des sciences médicales du département de la Moselle, séance générale. Juillet 1821. Metz.In-8°, — Rapporteur, M. D'Aumoxr. 78. Mémoires publiés par la Société royale et cen- trale d’agriculture ; année 1822. T. 1, in-8°.—M,. De Gouvenain, Rapporteur. 79. Memoirs of the astronomical society of London. Vol.the first.London, 1822. In-4.°N, D'Aumonxr, Ropporteur. 80. Journal d'Agriculture, lettres et arts, rédigé par des membres de la Société d’émulation et d’agriculture du département de l'Ain. (Août 1821, — juin 1823). MM. Masson et Bonner, Rapporteurs. ENVOIS DIVERS. 1. Annales européennes de physique végétale, F. 2; 5,6,7,8,9get or livraisons. = MM. Grasset et Morraxp, Kapporteurs. 2. Mémoire sur les Cours d'eaux et canaux d’arro- sage des Pyrénées Orientales ; par M. JAuBErRT DE Passa. Paris , janv. 1821. In-8°, 311 pag. et figur.— M. Guasser , Rapporteur. 3. Bibliothèque universelle d'agriculture. Juill. 1821. Vol. 6. 4. Chcfs-d'œuvre dramatiques de Voltaire , accom- (2089 pagnés de préfaces et de notes historiques; par M. Le- pAN. OËEdipe , tragédie avec des chœurs , représentée pour la première fois le 18 novembre 1716. In-8°.; 166 pages. 5. Observations sur l'appareil vinificateur de MU. Gervais, suivies de réflexions sur son opuscule ; par M. Deravau, propriétaire. Bordeaux, 1821. In-8° ; 164 pag. — M. pe GouvenaiIN, Rapporteur. 6. Quelques réflexions sur Part de faire le vin, de le décuver; par M. V. Toulouse. In-8°; 15 pag. 7. Observations sur la Physiologie végétale et sur le système physiologiquedeM.AusertTDuPsrir THouars, membre de l'Acad. des sciences, etc. par M. Fésurier. In-8.°; 79 pag. 8. De la Variole ou petite vérole et de la vaccine ; par Marie-Charles Saixes de Valognes. In-12, 1821. —M. Prorar, Rapporteur. 9. Rapport sur Pappareil vinificateur de MI. Ger- yais, au nom d’une Commission spéciale à Lyon ; par M. J.-F. Terme, docteur en médecine. Lyon, 1822. In-6°.—M. pe Gouvenain , Rapporteur. 30. Mémoires sur la Charrue considérée principa- lement sous le rapport de la présence ou de l’absence de lPavyant-train, par C.-J.. A. Marmieu DE Domgasre, correspondant du Conseil central d’agriculture. Paris. 1821. In-8°. — M, Grasser, Rapporteur. 11. Royal Jennerian society. London. 18193 64 pag. Sixth report on the proceding of the widows friend and benevol:nt society. 18109; 31 pag. 12, Report of the benevolent or strangers friend so- ciety; 1816 and 1817. Who pamphlets in-12. 13, British institution for p'omoting the sing arts ( 500 ) in the united kingdom. London 1821. 34. Observations on ackerman’s patent moveable axle for four Whuled carriages. London. 1818. In-8°; 58 pages. — M. p'Aumonr, Rapporteur de ces ou- vrages,. 15. The 2d report of the north Middlesex auxiliary Missionary Society, 1818, in-8°. 16, The sixth report of the north West auxiliary Bible Society , 1819. 17. Vinification mécanique, par Joseph Esquiror de Limoux. M. De Gouvenaix, Rapporteur. 18. Nouveau traité élémentaire sur l’art de l’équi- tation ; par M. Wirruerm, correspondant de la Com- mission d'Agriculture , formée dans le sein de l’Acça- démie. — M. Masson, Rapporteur. 19. Rapport sur le procédé vinificateur de Madll*. Gervais, suivi d’expériences comparatives ; par M. Deravau. Bordeaux,1822.1n-8°.—M.pEe GouvENAIN, Rapporteur. 20. Procès-verbal de la séance publique de la Société libre et d'encouragement pour la Société des sciences et des arts de Liège. 1821. In-5°. 21. Notice phytographique de quelques lieux duJura, de l’'Helvétie et de la Savoie. In-8°.— MM. Axnroinr, GurcHarp et Morrann, rapporéeurs: 22. Chant sacré pour Son Altesse Royale Mgr. 1e puc pe Borpeaux; par M. DE View. Paris, Didoë l'ainé. 1821. 23. Revue médicale, française et étrangère; 4°. année. Tom. 10. Janv. 1823. 24. Observations et réflexions sur les causes, les { 301 ) symptômes et le traitement de la contagion dans diftés rentes maladies, spécialement dans la peste d'Orient et dans la fièvre jaune. Par M. le doct. Barmr. Vol. in-8°; 400 pages. — MM. ProraT et Antoine, Rap: 25 .Traité delanatationet de son application à l’art de la guerre ; par M. pe CountTivron, capitaine dans la garde royale. — M. p’Aumonr , rapporteur. 26. Traité de l’authrax non contagieux , par Franc.- Alexis VerGNIER De Vicpessos, docteur en médecine; — Rap. MM. Antoine et SALGUES. 27. Influence des Sociétés littéraires, savantes et agri- coles sur la prospérité publique; par M. le baron Brco% DE Morocurs. Orléaris, 1823. In-8.° Rapporteur, M. Amanrton. 28. Bibliothèque universelle, juin 1821—juillet 1823: Genève , in-8°. 29. Annales de physique et de chimie, janvier 1822 août 1023. Paris, in-8°. 30. Bulletin général des annonces scientifiques par M. le baron de FéRussAC. 31. Notice sur les antiquités trouvées à Cailly par M. Lévi le jeune. Rouen, 1821. Rap. M. Grrauxr: LISTE Des membres de l’Académie des sciences ; arts et belles-leitres de Dijon. Juin 1624 (1). PROTECTEUR: Son ALTESSE SÉRÉNISSIME MOoxSEIGNEUR LE DUC DE BOURBON , PRINCE DE CONDÉ: BURE A U: Président : M. Bareter DE REULLE %, Président de Chambre à la Cour royale, Vice-Président : M. Axroine, Docteur en médecine. Secrétaire : M. Perexor, Inspecteur de l’Académie royale universitaire. Secrétaire- Adjoint : M. Forsser, Avocat. Bibliothécaire-Garde des Médailles : M.C.-N. Amax- Ton # , Conseiller de Préfecture du département de la Côte-d'Or. (1) Aux termes des nouveaux statuts de l’Académie, les membres résidans sont divisés en trois classes; et donze d’entre eux peuvent être déclarés associés libres. On a cru inutile de donner ici cette division, pour éviter Ja répétition des mêmes noms; en conséquence les associés libres seront désignés par les lettres A. L., et la classe dans laquelle chaque membre s’est placé sera indiquée à la suite de son nom, (0%) Conservateur des Collections d’'IXistoire naturelle à M. Masson-Four, ancien Pharmacien. Trésorier : M. GuicHarpD, Pharmacien. CONSEIL D’ADMINISTRATION. Président : M. DuranDe #, Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel , Docteur en médecine. M. RramsourG x , Président à la Cour royale. M. De GouvEenaIn. M. Prorar, Docteur en médecine. Secrétaire : M. Gueneau-p’Aumowr, Secrétaire de la Faculté des Sciences, Professeur de Physique à la même Faculté et au Collège royal. ACADÉMICIENS HONORAIRES RÉSIDANS. M. Le Compasseur, Marquis ne Courrivrox # #, ancien Colonel de cavalerie, Maire de Dijon. 14 Mars 1782. M. Ranrer, Baron DE BReTENtÈRE %& , Premier Pré- sident de La Cour royale. 24 Hope BG. M. Rramsoure %, Président de Chambre à la Cour royale. 24 Janvier 1816. M. le Chevalier ne Bersis nes Marrirys &, Député de la Côte-d'Or à la Chambre des Députés des déperr temens. 22 Mar 1622. SIGNES FOUR LES DÉCORATIONS. Ordre royal et militaire de Saint-Louis. Chevalier. Ordre royal de la Légion d'Honneur. (G. C. K}), Grand'Croix, (O0. #X), Officier. ( G. &), Grand-Officier. 34 , Chevalier. (C. % ), Commandeur. ( 504 ) M. Banorer ne Revrce %&, Président de Chambre à la Cour royale. 5 Juin 1822. ÀACADÉMICIENS HONORAIRES RÉGNICOLES: 5, Em. M.g' le Cardinal DE Larare, Archevèque de Sens et Auxerre , Comandeur de l'Ordre du Saint- Esprit, premier Aumônier de S. A: R. Madame ; Duchesse d’'Angoulème, à Paris: 24 Janvier 1770. 8. S.le Comte ne Lacérèpe (G.C.#), Pair de France ; Membre de l'institut royal (Académie royale des Sciences) ; etc., à Paris. 2 Décembre 1770. M. le Comte DE Tocquevizze (O0. # ), Commandeur de l’Ordre du Mérite Civil, dif de la Couronne de Bavière; de l'Ordre de l’Aigle-Rouge de Prusse, de seconde classe; ancien Préfet de la Côte-d'Or, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, préfet du départe- ment de la Somme, à Amiens. 6 Mars 1816: ÀÂCADÉMICIENS HONORAIRES ÉTRANGERS. 5. À. R.le Prince Aucuste-FRÉDÉRICD'ANGLETERRES DUC DE SUSSEX , à Londres. 13 Mar 1818. M. le Baron DE Zacu , de la Société royale de Londres, Correspondant de l’Institut toyal de France ( Acadeé- mie des Sciences), à Gênes. 16 Décembre 1784. Lord Horzanp, à Londres. 6 Mar 1818. ACADÉMICIENS RÉSIDANS. M. Rexaup, Inspecteur de l'Académie royale univer- sitaire. À. L, (CI. des Sciences). 16 Juillet 1778. M. Duranpe # , Chevalier de l'Ordre de St.-Michel, Docteur en médecine, Membre de la Commission administrative des Hospices et de l’adimimistration ( 305 ) du Mont-de-Piété. (CL. des Sciences et C1, des Bels les-Lettres). 16 Juin 1785. M. Axrorxe, Docteur en médecine, Professeur à l’E- cole secondaire de médecine, médecin consultant de la Chambre des pauvres. ( CL. des Sciences),21 Dé: cembre 1786. M. Vazcor, Docteur en médecine, Professeur-A djoint d'Histoire naturelle à la Faculté des Sciences , et des Sciences physiques au Collège royal ; Directeur du service des épidémies du département de la Côte d'Or, chargé de l’arrondissement de Dijon; Médecin en chef du Grand-Hôpital ; Professeur à l'Ecole se. condaire de médecine , et de Botanique au Jardin des Plantes, (CI. des Sciences). 26 Janvier 1592. M. De GouvenaiIN , Membre du Collège électoral du département de la Côte-d'Or. A.-L.(CL. des Sciences), 3 Juillet 1798. M.Morranx», Docteur en médecine, Professeur d'His- toire naturelle à la Faculté des Sciences, et de Bota- nique au Jardin des Plantes ; Professeur à l'Ecole se- condaire de médecine, (CL. des Sciences et Cl, des Belles-Lettres ). 30 Novembre 1798. M.CHanrsonnien. (CL. des Sciences). 30 Novemb. 1508. M. C.-N. AmantTon &, Avocat à la Cour royale ; Con- seiller de Préfecture du département de la Côte-d'Or, Juge suppléantau Tribunal de première instance. (Cl. des Belles-Lettres), 2 Décembre 1799: M. Poxcer, Avocat à la Cour royale, Professeur à la Faculté de Droit, (CL. des Belles-Lettres).22 Juiller 1802. 2Q ( 506 ) M. Narcrow , Professeur de dessin à l'Ecole des Beaux Arts. À. L. (CI. des Beaux-Arts). 2 Décembre 1802. M. le Comte CHarBoNnez # (G. #), Lieutenant- Général des armées du Roi, Inspecteur-Général d’ar- tillerie. (CL. des Sciences). 21 Avril 1803. M. BEerTuor #, Inspecteur-Général de l’Université de France, Recteur de l’Académie royale universitaire de Dijon, Doyen de la Faculté des Sciences et Pro- fesseur de Mathématiques à la même Faculté. (CI. des Sciences), 7 Juillet 1803. M. Prorar, Docteur en médecine. (Cl. des Sciences et CL. des Belles-Lettres). 7 J'uiller 1803. M. Devosce , Directeur de l’Ecole des Beaux-Arts, et Professeur de peinture à la même Ecole. (Cl. des Beaux-Arts ). 11 Mars 1806. M. Gurcuarp, Pharmacien. ( Cl. des Sciences ). 21 Janvier 1807. M. Proupnox , Bâtonrier de l’Ordre des Avocats, Doyen de la Faculté de Droit. A. L. (CI. des Bel- les-Lettres ). 17 Juin 1807. M. Coururier, Professeur de Rhétorique au Collège royal. (CI. des Belles-Lettres.) 8 Juir 1808. M. Masson-Four, ancien Pharmacien. ( CI. des Scien- ces). 12 Avril 1809. M. Travisini , Maître de Chapelle de la Cathédrale. A. L. (CI. des Beaux-Arts). 14 Juin 1809. M. Marureu , Ingénieur-Architecte. (CI. des Sciences et CL. des Belles-Lettres). 7 Avril 1812. M. Perenor, Inspecteur de l'Académie royale univer- sitaire , chargé par commission temporaire des fonc- ( 507 ) tons de Recteur. (CL. des Belles-Lettres). 8 Dé- cembre 1813. M. Borwrer , Professeur de sculpture à l’Ecole des Beaux-Arts. (CI. des Beaux-Arts). 6 Septembre 1815. M. Gueneau-D’Aumonr, Secrétaire de la Faculté des Sciences, Professeur de physique à la même Faculté et au Collège royal. (CI. des Sciences et Cl, des Belles-Lettres ). 24 Janvier 1816. M. Guenrau De Mussy # , doyen de la faculté des lettres, Professeur de littérature grecque à la même Faculté. (CL. des Belles-Lettres ). 31 Janvier 1816. M. Naurr #, Procureur-Général en la Cour royale. À. L. (CI. des Belles-Lettres). 21 Février 1816. M. Grasser , Membre du Collège électoral du dépar- tement de la Côte-d'Or. (CI. des Sciences ). 30 Dé- cembre 10104 M. Forsser, Avocat à la Cour roÿale. (CI. des Belles= Lettres ). 28 Juin 1820. M. Pernener De CHarrey, Membre du Collège élec- toral du département de la Côte-d’Or. ( CI. des Belles= Lettres et CI. des Beaux-Arts ). 8 Mai 1822. M. Tirroy, Pharmacien , Membre du Jury médical du département dé la Côte-d'Or. (CL des Sciences }. 3 Juillet 1822. M. Lorain , Avocat à la Cour royale. (CI. des Belles Lettres ), 24 Juillei 1822. M. Sazcuss , Docteur én médecine. ( C1. des Sciences)}s 24 Juillet 1822. M. Séné, Docteur en médecine , Professeur de chimie à la Faculté des sciences. (Ci. des Sciences). 7 doge 1822. ( 3c8 ) M. le Marquis D'ArsAuDp-Jouques X (O0. #), Préfet du département de la Côte-d'Or. (CI. des Belles- Lettres). 7 Maï 1825. M. Baupor-LamserT, Juge au Tribunal de première instance. ( CI. des Belles-Lettres). 28 Janvier 1824. M. Toussaint, Conservateur de la Bibliothèque publi- que de la ville de Dijon. (CI. des Belles-Lettres). 19 Mai 1624. ACADÉMICIENS NON RÉSIDANS. M. Axceror #, Homme de lettres, Pensionnaire du Roi, à Paris. 26 Décembre 1821. M. Ch. Bamsayxe, de la Société royale de Londres et de celle d'Edimbourg, Secrétaire de la Société astro- nomique de Londres, etc., à Londres. 7 Æ4oër 1822. M. Bazzsis , Docteur en médecine , ancien Professeur de botanique à la Faculté de médecine de Turin, etc. , à Lyon. 8 Avril 1807. M. le Duc de Bassaxo (G. C. &), ancien Ministre- Secrétaire d’État, à Paris. ... ..... M. BasrarD, Professeur de botanique, à Angers. 24 Février 1813. M. Borxvizztiers , Correspondant de l’Institut (Acadé- mie des Inscriptions et Belles-Lettres), à Versailles. 24 Juillet 1822. M. Bosc #, Membre de l’Institut (Acad. des Sciences, CI. des Sciences physiques), Associé libre de l’Aca- démieroyale de médecine,etc., à Paris. 3 Juillet 1798. M. Bouvier #, Médecin du Garde-Meuble de la Cou- ronne, à Paris. 22 Aoët 1798. S.. S. le Duc pe Brissac (C. #), Pair de France , an- ( 309 ) cien Préfet du département de la Côte-d'Or, à Paris. 24 Juin 1812. M. Carxor #, Conseiller à la Cour de cassation, à Paris. 23 Juin 1013. M. le Chevalier Caucny (O0. &), officier non comman- deur de l’Ordre du Saint-Esprit, Garde des archives de cet Ordre, et des registres de la Chambre des Pairs, etc. , à Paris. 24 Juin 1012. S. S. le Comte CHarraz (G.# ), Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, Pair de France, Membre de l’Ins- titut (Académie des Sciences), etc., à Paris. 19 Juin 1784. M. Cnaussrer #, Chevalier de l'Ordre de St..-Michel, Professeur honoraire de la Faculté de médecine de Paris, Membre de l’Institut (Académie royale des Sciences), Membre titulaire de l’Académie royale de médecine , etc. , à Paris. 14 Novembre 1776. M. le Comte Maxime de Cnorseur - DArLrecourT #, Membre üe l’Institut (Académie royale des Inscrip- tions et Belles-Lettres ), ancien Préfet du départe- ment de la Côte-d'Or, à Paris. 13 Septembre 1815. M. Cozix, Professeur de chimie à l’Ecole royale mili- taire de Saint-Cyr. 12 Avril 1820. M. Cosre , ancien Secrétaire perpétuel de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besan- çon, à Besançon. 26 Juiller 1809. S. S. le Comte Daru (G. C. # }, Pair de France ; de l'Ordre royal et militaire de PAigle-Blanc de Pologne; commandeur de l'Ordre de Saint-Henri, de Saxe; Membre de l’Institut ( Académie française ), etc., à Paris, 11 Avril 1804. ( 310 ) M. Dercros X, Capitaine de première classe au Corps royal des ingénieurs géographes, Employé aux opé- rations de la Carte de France , à Paris. 29 Novembre 1820. M. DesronTaines #, Membre de l’Institut (Académie des Sciences }), Professeur de botanique au Jardin du Roi , à Paris. 3 Juillet 1798. M, le Baron Dexox (0. #), de l'Ordre de Ste-Anne, de deuxième classe , de Russie ; Membre de l’Institut (Académie des Beaux-Arts), à Paris. 3 Jurllet 1798. M. le Raron pes Generres ( C. #), Médecin en chef des armées, Membre du Conseil de santé au Minis- tère de la guerre, à Paris. 14 Mars 1810. M. Desvienxes , Maître de Chapelle de l’église métro- politaine Notre-Dame de Paris, etc., à Paris. 26 Avril 1820. M. Du CHanovx #, Docteur- Régent de l’ancienne Faculté de Médecine en l’Université de Paris, etc.; à Paris. 11 Mars 17794 M. le Comte François pe NEurcHATEAU ÉG. M); Membre de l’Institut (Académie française), Vice- Président de la Société royale et centrale d’Agricul- ture séant à Paris, etc. à Paris. 18 Janvier 1765. M. Fremiet-Monnrer , à Bruxelles. 4 Mai 1805. M. Gisezin , Docteur en médecine , Secrétaire perpé- tuel de la Société des Amis des sciences, des lettres, de l’agriculture et des arts d'Aix ( Bouches-du- Rhône), à Aix. 12 Novembre 1809. M. Gasse (Stephano), Correspondant de l’Institut royal ( Académie royale des Beaux-Arts), à Naples, 22 Novembre 1809. ( 315 ) M. Guirraume, Juge au Tribunal de première ins- tance de Besançon, Secrétaire-Adjoint de l'Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de cette ville, à Besançon. 22 Mars 1820. M. Guizremor #, ancien Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, à Paris. 3 Juillet 1708. M. l'Abbé Hsmmer, Secrétaire perpétuel de la Société météorologique , etc. , à Manheim. 13 Novembre 1763. M. HerNAnDEz, Professeur à l’Ecole de médecine navale, à Toulon. 4 Janvier 1800. Sir Herscnez (J.-Fr.-W.), de la Société royale de Londres, de celles d'Edimbourg et de Gotting, Se- crétaire de la Société astronomique de Londres , à Londres. 7 Aoët 1822. M. le Chevalier Huzarp # , Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel , Membre de l’Institut (Académie des Sciences) , Inspecteur-Général des Ecoles royales vétérinaires, etc., à Paris. 22 Æoët 1708. M. Jacoror, Professeur de littérature à l’Université de Louvain. 22 Août 17098. M. Kunx, Professeur d'anatomie à Leipsick. 26 Jan- vzer 1792. M. Auguste ve Lapouiïsse, Hommes de lettres à Cas+ telnaudary. 26 Mai 1824. M. le Chevalier LanDprian1,à Milan. 21 Jurllet1785. M. De LasareTre X , Maréchal-de-Camp d’Artillerie, à Grenoble. 1° Mars1815. M. Lerargier aîné, Membre de l’Institut ( Académie royale des Beaux-Arts), à Paris. 11 Avri/ 1804. M. le, Chevalier Lenoir # , Administrateur des mo- ( 312 ) numens de l’église royale de Saint-Denis, de la So- ciété royale académique des Sciences de Paris, à Paris. 2 Décembre 1818. M. Lesace , Inspecteur des Ponts et Chaussées, à Va- lence. 21 Janvier 1807. M. Lesveur #, Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, Surintendant de la musique de la Chapelle du Roi, Membre de l’Institut (Académie des Beaux-Arts}, à Paris. 26 Juiller 1809. M. le Comte Marer #, ancien Conseiller d’État, à Paris sue tee M. Martin, Docteur en médecine, ancien Président de l’Académie de Lyon, à......19 Février 1812. M. Masuver, Docteur en médecine, Professeur de chimie médicale à la Faculté de médecine de Stras- bourg, 23 Décembre 1784. M. l'Abbé Mermer, ancien Censeur des études, etc., à Saint-Claude. 29 Avril 1812. M. MorrevauT, Membre de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles-Lettres), à Paris, ....... M. Panxes (Sam.), Membre de l’Institution royale de la Grande-Bretagne , de la Société linnéenne, et de la Société géologique de Londres. 24 Juillet 1822. MPEssoow, "OS a AO) ecenmbre 823. M, Periror %# , Conseiller - Secrétaire - Général du Conseil royal de l'Instruction publique ;, à Paris. 18 Janvier 1804, M. PLrancne, Pharmacien, Membre titulaire de l’Aca- démie royale de médecine , à Paris. 24 Février 1815. M, Poyer, Architecte de la Chambre des Députés et (315) de la ville de Paris, Membre de l’Institut ( Acadé- mie des Beaux-Arts}, à Paris. o Juillet 1769. M.QuarremÈère DE Quincy (O0. #& ), Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, Membre de l’Institut ( Aca- démies des Inscriptions et Belles-Lettres et des Beaux- Arts), Secrétaire perpétuel de celle des Beaux- Arts, à Paris. 8 Aoët 1821. M. Raner, Homme de lettres, Pensionnaire du Roi, à Paris. 18 Novembre 1802. M. le Chevalier RisouD père # , Président honoraire à la Cour royale de Lyon ; Correspondant de l’Insti- tut (Académie royale des Inscriptions et Belles- Lettres), de plusieurs Sociétés savantes régnicoles et étrangères ; Secrétaire perpétuel de la Société d’émulation et d'agriculture de l’Ain, à Bourg. 18 Janvier 1781. M. Sarssy, Docteur en médecine , à Lyon. 20 Novem- bre 1811. M. Sarcues (J.-B.), Homme de Lettres, à Paris. 23 Juillet 1823. M. SamoiorowiTz, Docteur en médecine, de la Société royale d’'Edimbourg, etc., à Cherson. 15 Aoët 1762. M. Sécurer (0. &), Préfet du département de l'Orne, à Alençon. 12 Juin 1822. M. Suremaix DE Misserv, ancien Officier au Corps royal d’artillerie , de la Société royale académique des Sciences de Paris, etc., à Beaune. 23 Juillet 1789. M. le Chevalier Tessier # , {Chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit, Membre de l’Institut ( Acad. royale des Sciences), honoraire de l’Académie royale de médecine , etc., à Paris, 3 Juéllet 1798 (34) M. TuiésauDn pe Bernéaup , Sous-Bibliothécaire à la Bibliothèque Mazarine, à Paris. 4 Janvier 1815. M. Tnourx #, Professeur-Administrateur au Jardin du Roi, Membre de l’Institut ( Acad. des Sciences), associé libre de l’Académie royale de médecine, etc., à Paris. 3 Juillet 1708. M. le Chevalier VarenrTiN #, Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel , Docteur en médecine , ancien Profes- seur et médecin en chef des Hôpitaux français en Amérique , associé non résidant de l'Académie royale de médecine , à Nancy. 18 Janvier 1604. M. Van Moss, Professeur de chimie, à Bruxelles. 18 Janvier 1804. M. Vaucner , Ministre du Saint Evangile et Profes- seur de botanique, à Genève. 6 Décembre 1809. M. Vauquezin #, Chevalier de l'Ordre de St.-Michel, Membre de l'Institut (Académie des Sciences) , Pro fesseur-Administrateur du Jardin du Roi, etc., à Paris. 2 Décembre 1802. ASSOCIÉS CORRESPONDANS. M. Arxix ( Arthur), Membre de la Société linnéenne, Secrétaire de la Société pour l’encouragement des arts, manufactures et commerce de Londres. 18 Mai 1818. M. Amorrux, Docteur en médecine, à Montpellier. 15 Juillet 1790. M. Annaup l’ainé, Docteur enmédecine , au Puy. 1% Avril 1818. M. Antauv, Directeur du Musée, à Lyon. 13 Janvier 1608. ( 525:) M. Aunrsent-Caizze , Docteur en médecine , à Bar- gemont. 28 Juin 1809. M. Bazme, Docteur en médecine, à Lyon. 4 Aoñt 1619. M. Baumes, Professeur à la Faculté de médecine de Montpellier. 23 Janvier 1783. M. BerriatT-SaintT-Prix, Professeur à la Faculté de droit de Paris. 1° Mar 1811. M. BoucHarzaT, Homme de lettres, Membre résidant de la Société royaie académique des Sciences de Paris. 5 Juillet1820. M. Brucmaxx, Docteur en philosophie, à Groningue. 27 Mars 1783. M. BrucnarTezzr , Professeur d'Histoire naturelle, à Pavie. 29 Novembre 1820. M. Braucnor, Régent d’humanités, au Collège de Troyes. 17 Juillet 1822. M. Bruxez, ancien Directeur de l’Académie de Bé- ziers, à Béziers. 1°° Mars 1792. M.Burarp, ancien ingénieur des mines du Palatinat, etc., à Paris. 18 Novembre 1802. M. Caner DE Vaux, Associé libre de la Société royale et centrale d’agriculture , etc., à Paris. 6 Janvier 1803. M. Caamporirion-Ficeac, Secrétaire de la Société des Sciences et des Arts de Grenoble, à Grenoble. 3 Avril 1808. M. Cnasze DE Laroucxe, de la Société des Sciences, . Artset Belles-Lettres de Mâcon, à Belle-Isle-en-Mer, 26 Mai 1824, (316) M. N. Cnarirron, Homme de lettres, à Paris. 24 Décembre 1823. M, Cnëze, Docteur en médecine, à Chälon-sur-Saône. 20 Août 1823. M. Corxper, Docteur en médecine, à Genêve. 18 Fé- vrier 1018. M. Corev, Membre de la Société royale, à Edimbourg. 10 Mai 1810. M. Coriyer , Membre de la Société philosophique, à Londres. 28 Janvier 1818. M. Curwex, Membre du Parlement d'Angleterre. 18 Mat 1618. M.Deramanrineaîné,de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Màcon, à Mâcon. 4 Aoät 1791. M. Deruc (J.-A.}), à Genève. 24 Juin 16018. M. DescraxcGes, Docteur en médecine, à Lyon. 18 AoOûE 1791. | M. Désonmes-Durressis, Propriétaire manufacturier, à Verberie. 14 Juin 1800. M DEbPREZ, seudirs il votes eornès Paris. fs HD cembre 1602. M. Devizzy (L.), Membre de plusieurs Sociétés sa- vantes, à Metz. 25 Janvier 1822. M. DopweLz , à Londres. 14 Janvier 1818. M. Dusois, ancien Chef de division au Ministère de l'Intérieur , à Paris. 22 Aoët 1708. M. Dunamez #, Membre du Conseil général des mines, Inspecteur-Général, à Paris. 18 Novembre 1802. M. F£ron, Docteuren médecine, à Paris. 22 Mars 1816. (317) M. Feyrou, Bibliothécaire de la ville de Langres, à Langres. 18 Aoët 1765. M. François, ancien Chirurgien de la Marine, à Auxerre. 14 Août 1766. M. Gazior, Docteur en médecine , ancien Député aux États-Généraux, à Saint Maurice-le-Girard. 29 Jan- vier 1789. M. Gouzrer, Architecte , à Paris. 21 juillet 1603. M. GréGory ( O/inthus) , Membre de la Société phi- losophique de Londres, à Woolvich. 28 Janvier 1812. M. Grocxier, Professeur à l'Ecole royale d'Economie rurale vétérinaire de Lyon ; Secrétaire de la Société royale d'agriculture, histoire naturelle et arts utiles de la même ville, à Lyon. 16 Mars 1821. M. Gruxwazp, Chevalier du Lyon belgique, Docteur en médecine , à Bellevaux, près Bouillon. 11 Avril 1782. M. pe Hazrpar, Docteur en médecine, Professeur de chimie ; Secrétaire de l’Académie des Sciences, Lettres et Arts de Nancy, à Nancy. 23 Mar 1804. M. Hazarp-Mirauir, Secrétaire-Général de l’Athé- née des arts, etc., à Paris. 27 Janvier 1810. M. Huraup, de l’Académie de Marseille , à Marseille. 5 Juillet 1620. M. HurTrez D’Arpgovaz , Amateur de l’art vétéris naire , à Montreuil-sur-Mer. 1°° Mar 1816. M. Lacoste pe Pratisance , Professeur de physique et d'histoire naturelle , à Clermont-Ferrand. 22 ÆAvri 1607. M. Lamoureux (/ustin), Substitut du Procureur du (:318 1) Roi près le Tribunal de première instance, à Nancy: 24 Août 1808. M. Lancne, Docteur en médecine, à Paris. o Mar 1021. M. Lavatrée , ancien Secrétaire du Musée , à Paris: 11 Avril 1804. M. Lecrann # (C. # ), Maréchal-de-Camp du Corps royal du génie, en retraite, à Vosne près Nuits. 28 Novembre 1804. M. Lemaisrre #, ancien fnspecteur-Général des poudres et salpêtres, à La Fère. 18 Novembre 1802. M. Lomsanp , de la Société royale et cen.rale d’agri- culture, à Paris. 13 Janvier 1785. M. Mazzer-Burint , Homme de lettres, à Genève. 15 Juillet 1790. M. MaquarTt, Homme de lettres, à Paris. 29 Novem- bre 1820. M. Marcnanr, Docteur en médecine, de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besan- con, à Besançon. 4 Février 1800. M. Marruey, Secrétaire de la Société de Médecine, à Genève. 22 Mars 1820. M. Monrrarcon, Docteur en médecine, à Lyon. 16 Avril 1823. M. César Moreau, Élève vice-consul de France en Angleterre, à Londres. 12 Novembre 1817. M. Moreau pe Jonnès #, Correspondant de l’Insti- tut (Académie royale des Sciences), etc., à..... 26 Novembre 1817. M. Navrrze , Docteur en médecine, au Bourgneuf. 20 Août 1823. ( 319) M. Ororx , Inspecteur des eaux minérales, à Provins. 9 Avril 17°0. M. Pérozze , Professeur d'anatomie, à Toulouse. 19 Juillet 1792. M. Edouard Perrr, Docteur en médecine , à Corbeil. 19 Août 1818. M. Periror, Statuaire, à Paris. 23 Décembre 1802. M. Perrirenew , de la Société philosophique , à Lon- dres. 26 Janvier 1818. M. Piceuer, Docteur en médecine , décoré de la grande médaille d’or du Mérite-Civil d'Autriche, etc., à Saint-Claude. 12 Décembre 1604. M. Poxce, Graveur, à Paris. 21 Juillet 1803. M. Ramer, Sculpteur, à Paris. 24 Aoët 1808. M. Raymown, Préfet, et Professeur de mathémati- ques spéciales au Collège royal de Chambéry; de l’Académie rovale de Turin , de celle de Goettingue, etc. , à Chambéry. 17 Juin 1807. M. Recnier # , Conservateur du dépôt central d’ar- tillerie , à Paris. 8 Février 1804. M. RévoraT, Docteur en médecine, à Bordeaux. 16 Mars 1608. M. RicHarp DE LA PrADE, Docteur en médecine, Professeur de médecine clinique, à Lyon. 10 Aog£ 1808. M. Ricuerozre, Professeur de rhétorique, à Avalon. 22 Mars 1820. M. Rocuer, à Villey-sur-Tille. 30 Novembre 1798. M. ÆEusèbe Sazverte , Homme de lettres, à Paris. 3 Août 1801. M. Sizvesrre #, Secrétaire perpétuel de la Société ( 320 ) royale et centrale d'agriculture, à Paris. 8 Janvier 1803. Sir John SiNcLAtIR, Baronnet, fondateur de la Société d'agriculture de Londres, à Londres. 19 Août 1818, M. Tezenas (de Montbrison), Homme de lettres, à Paris. 22 Aoët 1821. M. Tnomas, Secrétaire de la Société médicale de la Nouvelle-Orléans. 24 Décembre 1823. M. Taomassin (O. # ), Docteur en médecine, ancien Chirurgien en chef des armées, à Besançon. 21 Août 1703. M. Tourxox, Docteur en médecine , à Toulouse. 29 Avril 1812, M. Waisse , Inspecteur des postes, au Mans. 23 Vo» vembre 1808. Nora. L'Académie étant dans l'intention d’ajouter désormais exactement, au nom de chacun de ses Mem- bres résidans, non résidans , et de ses Associés corres- pondans, ses titres académiques et autres, les personnes inscrites dans la présente Liste sont invitées à mettre la Compagnie dans le cas de remplir cet objet, par l’envoi de la notice de ces titres à son Président. TABLE DES MATIÈRES. M coov ns d'ouverture de ne Séance publique du 23 août1823. . : Page 5 COMPTE RENDU. Partie des Sciences, rédigée par M. Dv- RANDE,: 0 C2 BLUE LR l9 1 ou Lonr s'ibhaient Believe! euCS CHIMIE, Analyse nouvelle de la scille, par M. Trio dehors T2 GRAS HUM S Nouvelles expériences sur FA bile, par DAT STE PM RONA AN CES OR — sur les fermens, par M: Corn. .,. MÉDECINE. Observation sur le Prurigo formicans, par MANS LLET ES NEVER UE UNS — sur un calcul intestinal, par le même: hu à NE EC AAA MENU "sur Un singulier phénomène er menstruation, par le même. . . . .. = sure CHE bre contagieux ge l’ophtalmie, par le même. — sur une nouvelle cause de rupture du tendon d'Achille, par le même. . — sur l’ablation d'une _Paupière in- jérieure affectée d’unvice TT parde même AE. sw à _— sur un fait de double SN AE : par I. le Docteur DEsGRANGE . 44 47 (_322.) — sur le tétanos américain, par A. L'zcmaree SOON SERRE. .