SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. SEANCES ET TRAVAUX DE L' ACADEME DE REIMS. «*J -*«<•!««« volume. 20 NOVEMBRK 1846. — 27 MAI 1847. REIMS P. REGNIER, IMPRIMEUR DE L'ACADfcMIE BRISSART-BINET, LIBRAIRE DE 1,'aCADEMIE. MXIYII. Table des renvois de la planche representant la coupe du metier a tisser les pagnes. A. Pieux fourchus fiches en terre. B. Traverse superieure. €. Baton pose sur les traverses. D. Support fixe au milieu du baton. E. Poulie adaptee au support. F. Laniere en cuir passant sur la poulie. G. Lames. H, Marches. I. Peigne. L, M. Supports du peigne. N. Dechargeoir. n. Fiche en fer fixee dans le sol. SEANCES ET TRAVAUX DE LACADEMIE DE REIMS. ANNEE 1846-1847. ft'0 8 et 9. Seance du 'it* NoTcmbrc Ihii;. PRESIDED DE H. B01EVI11E, VICE-PRESIDENT. Presents,MM.Robillard,Bandeville,Fanart,Nanquette, Contant, Querry, Garcet, Derode, Tarbe, Maquart, Duquenelle , Louis Lucas, Soilly, Gonel, Eug. Cour- meaux , Guillemin , Pinon , Aubriot , Tourneur , Arnould , Henriot , membres tilulaires ; Et MM. deMaizieres, Maillet, Perreau, J. de Yroil, membres correspondants. La correspondance imprimee comprend les ouvrages suivants : Comptes rendus des seances de l'Academie des sciences , Tome xxn,nos18 a 26, mois de mai et juin 1846. Tome xxm, nos -la", mois de juillet , aoul. » ii. 1 — 2 — 2° Journal des savants ; mois de mai, juin, juillel , septembre, octobre 1846. o° Seance publique annuelle de la Societe d'agricul- ture de la Marne — 1845. 4° Travaux de la Societe agricole , scientifique et litteraire des Pyrenees-Orientales, annee 1845, 2e partie du 6e volume. 5° Precis analytique des travaux de l'Academie royale de Rouen, pendant l'annee 1845. 6° Memoires de la Societe d 'agriculture, sciences et arts de Valenciennes, tomes 5e et 6e, 1845 et 1846. 7° Journal du Genie civil, 40,41 et42e livraisons, aout, septembre et octobre 1846. 8° Annales scientifiques de I'Auvergne , tome 19" , juillet et aout 1846. 9° Journal de la Societe d'agriculture des Ardennes , 5e annee, nos 8, 9, 10, aout, septembre et oc- tobre 1846. 10° Societe royale d'agriculture de Caen , seances des 20 mars, 50 avril , concours agricole de 1846. 11° Programme des prix proposes par la Societe indus- trielle de Mulbouse , pour etre decernes en mai 1847. 12° Recueil des travaux de la Societe libre du departe- ment de FEure , 2e serie , tomes v et vi , annees 1845 et 1846. 13° Bulletin de la Societe d'agriculture de la Sarthe, 2e partie du 6e volume , annee 1845. 14° Societe academique de Falaise; rapport concernant le cbemin de fer de Paris a Cherbourg. 15° Academie royale du Card ; rapport sur le concours ouvert en 1846 , et programme des prix a de- cerner en aout 1847. — 3 — 16° Rapport de M. Gervais sur la coupe de Guillaume- le-Conquerant, lu a la Societe des anliquaires de Normandie. 17° Bulletin de la Societe archeologique de Beziers, tomes la 45, 1837-1814. 18° Essai sur la formation et et sur le developpement du langage des hommes , par M. J. Azais , pre- sident de la Societe archeologique de Beziers. — 1845. 19° Memoires et bulletin de la Societe royale des anti- quaires du nord ; Copenhague, i 857 - i 8 i i , quatre volumes rediges en six langues. 20° Antiquitesamericaines, d'apres les monuments his- toriques des Islandais et des anciens Scandinaves, par Charles-Christian Bafn , secretaire de la So- ciete royale des antiquaires du nord; Copenhague, 1845 , gd in-4°. Introduction en francais ; texte en latin , danois et suedois. L'examen de ces deux ouvrages est renvoye a une commission composee de MM. Bandeville , Arnoult et Guillemin. 21° Bulletin de la Societe des antiquaires de l'ouest , 1846 , 2e trimestre. 22° Proces-verbal de la seance publique annuelle de la Societe d'agriculture du departement de laMarne, 10 septembre 1846. 23° Compte rendu de la session du Congres central d'agriculture en 1846, par M. Sellier, delegue de la Societe d'agriculture de Chalons, corres- pondant de l'Academie de Reims. 24° Memoires de l'Academie royale de Metz, 27e annee, 1846. — k — 25° Rudiment agricole universel, ou 1'agriculture en- seignee par ses principes , par M. le Mis de Travanet, membre du conseil-general du Cher. (Renvoye a l'examen deMM. Derode et Lecomte). Monsieur le secretaire-archiviste donne lecture de la correspondance manuscrite , qui comprend : 1° Une lettre de M. Gastebois, membre correspon- dant a Lachy, par laquelle il demande l'examen de son memoire sur le morcellement , et s'atla- che a refuter les opinions presentees par M. de Maizieressurle meme sujet. — Cettelettre estren- voyee a la commission precedemment nominee pour examiner les memoires de M. Gastebois , et a laquelle est adjoint M. Maillet. 2° Une lettre du president de la Societe d'agriculture de Chalons, annoncant que la seance publique de cette societe est fixee au 16 septembre 1846, et invitant les membres de l'Academie a y assister. 3° Une lettre du secretaire du Cornice agricole , invi- tant les membres de l'Academie a assister a la reunion annuelle du cornice, fixee au 27 sep- tembre 1846, au lieu dit la Jouette, pres Vitry- le-Francois. 4° Une lettre du president de la Societe archeologique de Chalon-sur Saone, annoncant l'envoi des publications de cette societe en echange de celles de l'Academie. 5° Une lettre deM. Relhomme, membre correspondant, annoncant qu'il souscrit [au recueil des Seances de l'Academie. 6° Une lettre de M. Pernot, membre correspondant, accompagnant le dessin d'un monument gallo- romain , situe dans les environs de Vassy. — 5 — 7° Lettre de M. le sous-prefet, remerciant l'Academie de l'envoi de ses publications. 8° Lettre de M. Pergant , reclamant le memoire qu'il avait presente pour le concours sur le siege de Reims en 1559. — L'Academie decide que le memoire de M. Pergant lui sera restitue. 9° Lettre de M. Sellier, membre correspondant, an- noncant l'envoi d'un rapport sur la session du congres central d'agriculture. 10° Lettre de M. le ministre de l'instruction publique , ainsi concue : Paris, le 9 Novembre 1846. MONSEIGNEUR , Je m'empresse de repondre a la lettre que votre Grandeur m'a fait t'honneur de m'ecrire le 18 octobre dernier en m'adressant , au nom dc l'Academie de Reims , quatre cxemplaires du recueil des Seances et Travaux decette Compagnie pendant les annecs 1844-1843 et 1845-1846. .J'apprecie partieulierement, Monseigneur , les efforts que nc cesse de faire l'Academie de Reims pour le progres des sciences , des arts et de l'histoire. La protection dont votre Grandeur l'a honoree en acceptant la presidence de son bureau , est un motif de plus pour moi de chercber les occasions de lui fitre utile. C'est vous dire , Monseigneur , que j'ai fait prendre note de la demande de secours contenue dans votre lettre et que , lorsque j'aurai a faire en 1847 la repartition des fonds qui m'est allouee pour encouragement aux compagnies savantes, les titres de l'Academie de Reims seront examines avec le plus vif interet. Agreez, Monseigneur, l'assurance de ma haute consideration. Le Ministre de l'instruction publique , SALVANDY. — 6 — 11° Lettre de M. Louis Paris, par laquelle il donne sa demission de secretaire-general et de membre de I'Academie. 12° Traduction en vers francais du 2e acte d'OEdipe,roi, de Sophocle, par M. Gouniot, membre corres- pondant. Ce fragment est renvoye a l'examen de M. Monnot-des- Angles. 15° Fragments d'un ouvrage intitule : Stations poetiques d'un artiste chretien en Italie, par M. l'abbe Clerc, membre corres- pondant. 1° Catacombes. 2° Rome , premier aspect. 5° Le Col y see. 14° Lettre de M. le sous-prefet, par laquelle il demande un resume succint des travaux de I'Academie pendant l'annee 1846. 15° LettedeM. Azais, president de la Societe archeo- logique de Beziers , par laquelle il sollicite le litre de membre correspondant de I'Academie. 16° Une lettre de M. le Ministre de l'instruction pu- blique, adressee au tresorier de I'Academie, faisant connaitre que la souscription aux 2me et 3me volumes de l'Histoire de Dom Marlot est ajournee a l'annee 1847. 17° Une lettre de M. Maillet , membre correspondant, demandant que les membres de I'Academie soient charges de faire des rapports sur les divers ouvrages contenus dans la bibliotheque de I'Academie. A la suite de la lecture de cette leltre , le secretaire- archiviste expose qu'il a ete procede , pendant les vacances , a l'inventaire de la bibliotheque de l'Acade- mie , et qu'un grand nombre des ouvrages qu'elle de- vrait contenir manquent ou sont incomplets. II declare que le local de cette Bibliotheque s'oppose absolument a toute espece de classement methodique, et qu'il est indispensable que la question de la conservation de la Bibliotheque, resolueprovisoirementparl'Academie dans une de ses dernieres seances , soit examinee de nouveau au point de vue pratique. A la suite d'une discussion a laquelle prennent part surtout MM. Derode, Courmeaux, Arnouldet Louis Lucas, M. le president renvoie l'examen de cette question a la commission precedemment nominee pour cet objet , a laquelle est adjoint M. Courmeaux. Au nom de M. de Maizieres , M. Courmeaux donne lecture d'un Memoire sur l'amelioration des plantes de vigne en Champagne. M. le president informe qu'il sera procede aux elections du 2e semestre de 1846 dans une seance speciale qui aura lieu vendredi prochain. La seance est levee a 0 heures. — 8 — Nuance elu 1* Xovembre IS 16. PRES1DEIE DE M, B01M1LIE, VICE-PRESIDENT, Presents, MM. Saubmet,Robillard,Bande\ille,Bouche, Fanart, Nanquette , Contant , Landouzy, Phillippe, Querry, Garcet, Derode, Gobet, Lecomte , Tarbe, Maquart, Duquenelle, Monnot-des-Angles , Louis Lucas, Soilly, Gonel, Eug. Courmeaux, Guillemin, Pinon, Aubriot , Tourneur, Arnould, Cosset, Henriot. II est procede d'abord a la nomination d'un secretaire- general en remplacement de M. Louis Paris, M. Tarbe, ayant reuni plus des deux tiers des voix , est proclame secretaire-general pour la tin de l'annee aeademique. M. Garcet est nomme ensuite secretaire archiviste en remplacement de M. Tarbe. M. Louis Paris est nomme membre honoraire. II est procede ensuite a un tour de scrutin pour l'elec- tion de deux membres residants, mais aucun des can- didats presented ne reunissant la majorite prescrite par Particle 17 des statuts de l'Academie , on passe a la nomi- nation des membres correspondants. MM. Alliard, ancien membre residant, professeur de physique au college royal de Clermont, Azai's , president de la Societe archeologique de Beziers , CnEViLLiON , docteur en medecine a Vitry-le-Fran- cois , Mortier, lieutenant de gendarmerie a Reims, C. Robillard, directeur-medecin du Lazaret de Celte . — 9 — Ayant reuni la majority voulue des suiFrages, sontpro- clames membres correspondants de l'Academie. Au nom de la commission chargee d'etudier la ques- tion de la bibliotheque , M. Tarbe fait connaitre le resultat de 1'examen auquel elle s'est livree. De la part de Mgl l'Archeveque , M. Querry a offer t a l'Academie lajouissance d'une vaste piece voisine de la salle ordinaire des seances. La Commission propose a l'Academie d'accepter cette offre avec reconnaissance , d'ajourner toute discussion sur 1'alienation de la bibliotheque et de charger le conseil d'administration de prendre les mesures necessaires au classement des livres de l'Academie dans la salle dont il s'agit. Ces conclusions sont adoptees. II est donne ensuite communication d'une lettre de M. N. Rondot qui annonce sa prochaine arrivee a Reims et demande a presenter a l'Academie plusieurs travaux. La Compagnie decide qu'une seance extraordinaire aura lieu le lundi 50 novembre a sept heures du soir pour entendre les communications annoncees par M. Rondot. La seance est levee a 9 heures 5/4. 10 Seance extraordinaire du 30 Novemnre 1846. PRESIDEKCE DE I. B01EYILLE , VICE-PRESIDENT, Presents, MM. Robillard,Fanart,Nanquette,Landouzy, Querry, Garcet, Derode, Tarbe de St-Hardouin,Maquart, Duquthielle, Monnot-des-Angles , Louis Lucas, Soilly, Gonel, Guillemin, Eug. Courmeaux, Aubriot, Gosset, Arnould, membres titulaires , Et MM. N. Rondot, deMaizieres, Maillet, Villeminot, Perreau, et Henri Paris, membres correspondants. M. Robillard offre a l'Academie, au nom de M. C. Robillard son frere, membre correspondant : 1° un carquois garni de fleches empoisonnees ; 2° un porte- feuille de guerre ; tous deux de l'interieur de Galam ; 5° un poignard de Java; 4° un cbasse-moucbes de Constantinople ; 5°un encrierd'Alexandrie.— Desremer- ciments seront adresses a M. Robillard au nom de l'Academie. M. N. Rondot, membre correspondant, a la demande duquel a lieu cette seance extraordinaire, offre a la compagnie : 4° Quatre fleches empoisonnees par l'upas, destinees a etre lancees avec la sarbacane , des Dayaks de Borneo (Malaisie). — M. Landouzy, qui a deja fail quelques — 11 — experiences sur les poignards empoisonnes , ofl'erts par M Rondot , il y a six mois , est charge d' experimen- ter les proprietes du venin de ces Heches. 2° Quelques plantes qui lui ont ete donnees, au cap de Bonne Esperance, par M. Liuhvig Pappe, et dont il fait la description sommaire. 3° Quatre tahlettes du Carthame hong-hoa, employe en Chine pour la teinture. Une commission, composee de MM. Lecomte, Duquenelle et Henriot-Delamotte, et qui pourra s'adjoindre, s'ily a lieu, deschimistes etrangers a l'Academie , est chargee de faire quelques experiences sur ces echantillons. 4° Des filaments de Tching-ma, de Chine, (Corchorus, triumphetta ou Sida), employes pour le tissage des tissus d'ete connus sous le nom de Hia-pou ou Grass- cloths. 5° Deux echantillons de Hia-pou (tissu d'ete), ou Grass-cloth (tissu d'herhe) , etoffes tissees avec les filaments du Ma dans la province de Kwang-Tong,Yune hlanchie, l'autre teinte en cerise par le Carthame hong-hoa. A cette occasion , M. Rondot exprime le desir de voir nommer une commission a l'effet de rechercher si Ton pourrait naturaliser le Ma a Reims ; et il offre d'en de- mander des graines au jardin du Roi , qui le cultive avec succes depuis deux ans. L'Academie accepte cette proposition, et en confie l'execution a la commission nommee le 49 juillet 1846, dans une circonstance analogue , et composee de MM. Saubinet . , Lecomte et Edmond Arnould. — 12 — 6° Un jeu de cartes, contrefacon grossiere des carte anglaises, faites par les Chinois , achete a Canton, au prixde 2 centimes 1/2. 7° Enfin la premiere partie du catalogue des graines de Chine , renfermant la nomenclature des plantes pota- geres, cultivees au jardin de Fah-ti, sur la rive droite du fleuve Tchou-hiang pres de Canton. — Lesnoms de ces graines out ete traduits du chinois par M. Stanislas Julien de l'lnstitut. Apres cet hommage, M. Rondot lit a l'Academie quelques uns des documents qu'il a recueillis dans son voyage : 1° line note sur la fabrication des pagnesde coton, a Goree (Senegal). II indique les moyens employes pour egrener et filer le coton destine aux pagnes ; il decrit le metier a tisser, il en donne les plans et il presente des details precis sur l'etat des ouvriers et sur leur salaire. 2° Une promenade a la fete de San-Pedro , pres de Manille le 29 juin 1845 : recit gracieux , dans lequel il initie ses auditeurs aux moeurs du peuple dans ces regions lointaines. 5° Une note sur la teinture des toiles de coton et de laine dans le Tenasserim (cote bornee au nord par le Martaban , et a l'est par le royaume de Siam , cedee a l'Angleterre, par le roi d'Ava, le 24 fevrier 1826) : il indique les procedes employes pour teindre les toiles en bleu clair, en bleu vif et fonce, en jaune, en noir, en ecarlate et en vert. 4° Une note sur les relations de commerce entre la Russie et la Chine, notepleine d'apercus ingcnieux et de details qui sc rcfusent a l'analyse. — 13 — M. Maillet obtientla parole pour lire quelques conseils de M. Parent-Duchatelet , relatifs aux precautions a prendre contre l'asphyxie dans les caves qui ne sont pas sudisamment aerees. Puis M. Rondot reparait a la tribune pour lire : 5° Une petite note sur les cheveux, les petits pieds et les yeux a la chinoise, Et 2° une promenade dans Canton (25 aout 1845,) dans laquelle il nous fait visiter avec details une manu- facture de laque de Chine. Des remerciments sont adresses a M. Rondot par M. le president, au nom de l'Academie, pour les communications qu'il vient de lui faire : et l'ordre du jour etant epuise, la seance est levee a lOheures, et renvoyee au vendredi A decembre. — Ik - LECTURES. LECTURES DE M. RONDOT. Catalogue des Planles du Cap de Bonne Esperance. Vous vous rappelez, Messieurs, que j'ai eu l'honneur de vous presenter comme candidat au titre de membre correspondant , un botaniste hollandais du cap de Bonne Esperance , le docteur Ludwig Pappe. M. Pappe a bien voulu me remettre a mon passage au Cap une petite collection de plantes, et je m'empresse d'en offrir quelques-unes a l'Academie. Ce SOXT : 1. Hypolepis sanguinea dePersoon, des dunes sablonneuses de Kuylsrivier. Parasite sur les racines du trichogynes radicans de De Candolle. Fleurit en juin et juillet. 2. Champia lumbricalis, Ag. De la baie de la Table. 5. Gelidium confervicosd , Kiitzing? de la baie de la Table. 4. Tamnophora corallorrhiza , Ag. de Kalkbay. 5. Rhodomenia laciniala , Grew ? De la baie de la Table. 6. Grateloupia orndta , Agardh. de la baie de la Table , pres de la batterie Chavonne. Tres-commune. 7. Delesseria platycarpa , Ag. de la baie de la Table. 8. Splachnidium rugosum , Grev. ? Commune dans la baie de la Table. 9. Fucus constrictus , Harvey, de la baie de la Table, a Dricanker bay. — Rare. — 15 — Catalogue des graines de planles potageres culliyees aii jardin de Fah-ti, sur la rive droite du fleuve Tchou-Klang , pres Canton. 100. Hojuj-hien n-tsa i fin , 101. Tang-'aofin, 102 fin, 105. Chin-lo-pe fin , 10-1 Kouafin , 105. Jng-isai fin , 106. Tsienn-nienn-lsaijin 107. Youenn-kia fin , 108. Jo-koua fin , 109. Kin-kouajin , 110. Mienn-tiou fin , 11 1. Pang-ya-teoufin , 11-2. Tchao-tcheou-kiai-tsaiji 113. Kial-tsaifin , Hi. Hoa-kiai-tsaijin. Ho. Tsing-pi-tong-kouajin 116. Si-tchi-hienn-tsai fin Graines d'epinard rouge ( d'apres Bridg- man, Chinese chrestomathy , p. 150, n° 85. ) Suivant Remusat , le hienn- tsa'i est I'alcea rosea. C'est probablement le Iton-k'an-ts'oi , de Bridgman, Ch. Chrest. p. 449, n° 58 ; il le traduit par persil. Graines de longues raves. Graines de cueurbitacee Le premier caractere est illisible. Graines de salade ou de water greens, d'apres Bridgman. Les tsai designent toutes ces herbes potageres, comme laitues , chicorees , epinards , etc , que Ton mange souvent cbez nous en salade et en Chine toujours euites a l'eau. Graines d'auberginebleue. Graines d'une courge ou d'un melon. Graines de melon dore. Graines de dolichos Graines de dolichos n, Graines de salade a feuilles d'armoise du departement de Tchao-tcheou ; c'est , d'apres Abel Remusat, le sinapisjapo- nica (variete? ) Graines de sinapisjaponica. Graines de eucurbitaeee d'hiver a peau verte. 117. Po-lsai jin , 118. Youenn-si jin 119. Kin-koua jin , 120. Pe-kiajin. 121 122. Tsongjin, 125. Hao-pcin jin. 124. Ta-tong-koua jin , 125. Chin-teou. . . . jin , 12G. Youenn-lo-pe jin , 127. Tseu-soujin. 128. Ta-youan-tsai jin. 129. Tsie-koua jin , 1 50. Tsing-kia jin , 151 . Youdn-nie-hienn-tsa'i jin . 152. Ta-lo-pe jin , 155. Jng-tsai jin , 151. Teoujin, 155. Yottenn-si-teou jin . 156. Si'«- (en sunda'i'que , assum djaiva). (2) Le chupah designe la capacite d'une noix de coco ; nous ne l'esti- monsguere qu'a un demi-litre;cependant,nous pensonsquelecapitaineLow a voulu parler du chupah usite a Poulo-Pinang et a Malacca , qui , etant le quart du gantang , equivaut a un peu moins d'un litre 1/4. Suivant Cracofurd.le chupah rcpresenteun poids de 2 1/2 livres-avoir-du-pois (1 kil. 154). (5) En sunda'i'que : konnenq cjedeh. (4) En malais : nangka. — 35 — (me), et Ton mele el brasse le tout ensemble dans une cuve jusqu'a ce que l'ecume paraisse noire. On abandonne alors la cuve a elle-meme durant une nuit. On decante le lendemain , et Ton teint avec le liquide decante ; on fait secher a l'ombre et on reitere l'opera- tion d'autant plus de fois que Ton veut obtenir un noir plus fonce. E carl ate. On a du d'abord preparer une lessive avec les cendres du Ramei popei ( haxjoukadoxulou des malais (1). On en prend deux parties et demie en poids ; on y ajoute un quart ( egalement en poids ) de la feuille du ramboun-ben (assam simpor des malais (2), et un quart de nang-che ou hnanze (huile de sesame). On plonge dans ce bain une certaine quantite" de fil ou d'etoffe , un demi-catty , par exemple , et quand il en est bien sature, on le retire et on le fait secher au soleil. On renouvelle trente fois cette immersion , et cbaque fois on monte un bain nouveau , et Ton a soin de faire secher au soleil . Enfin , on rince bien le (il ou le tissu dans une eau courante. Pour fixer et aviver la couleur , il faut proceder ainsi : Prendre une quantite determinee de bois du nyobei (en malais : tjang houdau ; d'apres le texte anglais: mang- houdou ; morinda citri folia de Marsden et de Blume ) , le piler , le faire infuser plusieurs heures dans l'eau , plonger l'etoffe dans ce bain , Ten retirer pour la faire secher au soleil , reiterer l'operation jusqu'a ce que la nuance soit vive et eclatante , et terminer par un lin- eage dans une eau claire. ( 1 ) r.e kayou kadoudou n'est pas cite dans Hasskarl. (2) C'est un colbertia on an dillenia. — 36 — Vert. On commence par teindre le tissu en bleu clair. On prend un morceau de bois de kidderang long d'une coudee (I) et de dix pouces (2) de grosseur ; on le di- vise en petits copeaux et on le fait bouillir dans un gan- tang d'eau jusqu'a evaporation de moitie ; on enleve la chaudiere de dessus le feu , et Ton y met un morceau d'alun de la valeur d'une noix. On y plonge alors a trois reprises differentes l'etoffe de coton , en ayant soin de la fairesecher a l'ombre apres chaque immersion. Pour fixer la couleur , on mesure deux chupahs de feuilles d'assum handy (o) (c'est probablement le gar- cinia de Marsden ) , on les pulverise et on les mele avec la decoction d'un demi-chupab de curcuma ; on sature quatre fois la toile de cette composition ; apres chaque passe , on la seche a l'ombre, et enfin, on degorge par un rincage a grande eau. II. Les chinois ont acquis pour leurs matieres tinctoriales et leurs precedes de teinture une reputation incontestee, j'ai pense que la fabrique de Reims serait satisfaite de connaitre une des substances colorantes les plus interes- santes de la Chine , le Carthame hong-hoa. Je communiquerai tres-prochainement a Reims un rapport detaille que je termine sur la teinture chinoise par le Carthame et j'ose esperer qu'il offrira de l'interet a nos manufacluriers. (1 ) Environ 46 centimetres. (2) Environ 25 centimetres. (5) J. K. Hasskarl (catalogus plantarum in horto botanico Bogori- ensi cultarum altes) 1844 , ne mentionne aucuue plante de ce nom ni dans les garei?vn ni dans l'index. — 37 — En attendant, j'offre a I'Academie 4 tablettes de ce hong-hoa, et je la prie de vouloir Men charger un de nos plus habiles teinturiers de faire des essais de teinture sur laineavec cette substance. Leschinois emploient comrae a Lyon et a Avignon, etc., la potasse et le jus de citron pour fixer la matiere colorante rose. Des experiences ont ete entreprises par les premiers teinturiers de Paris et de Lyon ; le tres-petit nombre de tablettes que mon collegue M. Hedde et moi , avons a notre disposition, force a les faire sur une tres-petite echelle , il est neanmoins d'un haut inleret de les executer comparativement a poids et a volume egaux avec le Carthame du Commerce. Je pense done utile la nomination d'une commission chargee de suivre cet essai , de veiller a ce qu'il se fasse avec soin , de noter les resultats des experiences , etc. , et d'en rendre compte a I'Academie. J'ai l'honneur d'offrir a la compagnie un echantillon de fdaments de Ma de Chine. Le mot Ma est une designation generique qui s'ap- plique a plusieurs plantes textiles , qui ne sont pas encore bieri connues. Je m'occupe, de concert avec un de mes collegues , M. Isidore Hedde , d'un travail sur cet interessant sujet, et des qu'il sera termine, je m'empres- serai de le communiquer a I'Academie. Les tissus si frais et si jobs, connus dans le commerce sous le nom de grass-clothes ou tissus d'herbe , sont faits avec les filaments du Chou-ma , du Peh-chou-ma , du Tch'ing-ma, du Pi-ma et du Lo-ma; ce sont, autant que permet d'en decider un examen sommaire, Yurtica nivea, une espece de Sida, un Corchorus ou un Iriumphetta. L'urtica nivea, chou-ma, est la plante qui parait le plus generalement cultivee pour cet usage ; je sais qu'il — 38 — en existeau Jardiu des Plantes plusieurs plants parfaite- ment acclimates. 11 pourrait etre interessant pour notre agriculture locale d'essayer de naturaliser dans nos campagnes cette ortie qui donne des filaments si beaux et si tenaces. Grace a l'obligeance et a la science de M. Stanislas- Julien, nous avons la traduction de la maniere de cul- tiver le chou-ma, extraite de l'encyclopedie imperiale de l'agriculture , cheou chi thong khao et du traite general de l'agriculture, hong-tching-tsiounen-chou. J'ai done l'honneur de proposer a l'Academie de charger une commission du soin de decider si la cul- ture de 1'urtica nivea peut etre utilement introduite dans nos campagnes , et s'il convient de demander au Jardin-des-Plantes des plants pour les acclimater et les multiplier dans le pays de Reims. ■ II ■ 0 6 o — PETITE NOTE sur Les cheveux, les pelils pieds & les yeux a la Chinoisc. Les costumes ont eu, a l'exposition des echantillons de la delegation commerciale en Chine, le privilege d'attirer les regards des curieux : ils nous reportent , en effet, a des habitudes toutes differentes des notres; ils donnent une idee de la physionomie des peuples de l'extreme Orient, de leur luxe, de leur gout, de leurs insignes hierarchiques. Mais les observations qu'ils en- trainent s'adressent aux journaux de modes ou aux albums d'artistes, nous ne prendrons done le souci de nous y arreter que pour donner a leur occasion une loute petite note. — 39 — La coiffure des hommes reclame la premiere une ex- plication historique. On sail qu'apres avoir conquis la Chine, — vers le milieu du xvne siecle, les tar- tares mandchous imposerent leur coiffure aux vaincus, qu'ils les obligerent a se raser la tete et a n'y reser- ver qu'une longue touffe de cheveux. Les habitants des provinces du Kouang-tong et du Fo-kienn, gens turbulents de tout temps et jaloux de conserver leur hationalite et leur chevelure, protesterent les amies a la main contre Pinvasion et contre l'assimilation a la race conquerante. Les premiers durent bientot se sou- mettre, les seconds furent domptes a leur tour; mais encore aujourd'hui, un turban de cotonade bleu cache ce qu'ils considerent comme un signe de servitude. Les lions de la fashion de canton et de N'ing-po , moins patriotes , laissent pendre avec orgueil jusqu'aux talons une queue soigneusement tressee et parfumee qui pres- que toujours ne leur appartient pas tout entiere. Nous n'avons pas l'avantage d'etre initio- aux artifices de la coiffure des dames chinoises, mais nous dirons un mot de leurs petits pieds. L'origine de cette mode cruelle est encore un mystere : les uns l'attribuent a la jalousie des maris, les autres a I'infirmite d'une impe- ratrice et a la courtisanerie des dames de sa cour qui mutilerent leurs pieds pour les faire ressembler a ceux de leur souveraine. Quoiqu'il ensoit , toutes les femmes aujourd'hui subissent et maintiennent avec plaisir cette torture, qui leur donne un eharme et une beaute de plus; pour les riches, c'est un signe de haute distinc- tion ; pour les pauvres , un moyen de faire un mariage avantageux. Long-temps les dames tartares ont euvie aux chinoises cette coquetterie aristocratique, qui leur donne d'ailleurs une certaine grace originale, et elles ont maintes fois tente de suivre leur exemple. En 1858, — uo — Tempereur lit publier im edit pour leur defendre l'adop- tion de cette mode; il parait que ce tut sans succes, car le 19 Janvier 1840, la Gazette de Peking publiait des decrets plus severes , qui menacaient les chefs des fa- milies de degradation et de ehatiment, si leurs femmes et leurs fdles refusaient d'obeir , et declaraient a celles-ci qu'aucune des rebelles ne serait admise a entrer comme dame d'honneur au palais. Aujourd'hui, en depit des ordonnances de S. M. Taou-Kivang, presque toutesles elegantes de Peking ont des pieds d'une petitesse deses- perante, et portent le costume des fdles de Han. Pour prouver que la description que nous avons don- nee de la forme de ces petits pieds , qui n'ont souvent que 8 centimetres de long, est exacte, nous allons lais- ser parler le capitaine anglais Bingham , qui etait par- venu a decider une tres-jolie fille de Tchou-Siin a lui permettre de voir son pied nu. « Elle commenca , dit-il , a defaire le bandage supe- rieur qui s'enroule autour de la jambe et descend joindre une languette qui part du talon. Cela fait, elle ota son Soulier, puis elle deroula le second bandage, qui fait a peu pres l'oflice d'un bas, et dont les tours sur les orteils et les chevilles sont assez serres pour ne pas changer de place. En voyantle pied nu delajeune fdle, nous fumes agreablement surpris de le trouver d'une blancheur et d'une proprete parfaites, ce que nous sa- vions des habitudes chinoises nous ayant fait presumer tout le contraire. La jambe, depuis le genou jusqu'a la cheville, etait extremement deformee; on eut dit que le coude-pied avait ete desarlicule ; les quatre doigts re- plies par-dessous et completement aplatis , semblaient unis a la plante du pied , et le gros orteil seul avait conserve sa forme et sa place naturelles. L'espece de cassure que Ton fait subir au coude-pied determine — h\ — un arcarrondi entre le talon et l'orteil, qui permet an\ femmes de marcher sans tropde difficultes surune sur- face plane. » Si les chinoises arretent le developpement tie leurs pieds, en revanche elles laissent pousser leurs ongles , qui atteignent une longueur effrayante. Nous avons eu l'honneur de voir une dame de Canton , dont les doigts etaient armes de griffes de 55 millimetres de long ; elle avait soin de les proteger par de petits etuis , et y ajoutait encore un ongle artiiiciel pour jouer de la gui- tare tsing. Les portraits que nous avons rapportes ont familia- rise avec les physionomies de la race jaune. On a pu se convaincre de visit qu'il y a une grande exageration dans les re-cits et les croquis de certains voyageurs , et que l'obliquite des yeux des femmes est souvent pen sensible. Les yeux brides, releves presque a quarante-cinq degres , paraissent caracteriser les peuples de l'orient , les Thibetains , les habitants du Kan-Souk et du nord du Yun-Nan, par exemple , et nous ne savons en vertu de quelle tradition ils sont regardes comme une beaute. Aussi la coiffure chinoise a-t-elle ete imaginee en vue d'aider a la predisposition naturelle des yeux a l'obliqui- te , et les artistes appeles a peindre les faces venerees des dieux bouddhistes ou des genies de la secte de Laotss', ne manquent jamais de leur donner les yeux amande et releves des pretres de H'lassa. Natalis RONDOT. REJMS. RECMER, IMPRIMEL'It DE I.'ACAUEMIU. i n •0 f-i O Q) V)0 -IP S-i c J 03 CO 07 -"" H • ■fhr * 1 -+-F- ^^ — T — T — "~ -ii— -ii — — 1— "- — $ — I — -4 — i I — 11- -<>— -<>— * - —t< — s> « -HI « —II — > — ii- i — ii- I f " I * -■1— —II — — i — "f 1 /., .., r\Z I r — J ' - .^ -: v r 5 oooo 0 © o . sO G O U s 1 11 ■, 0 Mi\l.vvi\lni . .' /ffr( ,/<' /l'/ P JOllllI lll'll >"(\An c(lt.h>( //f /'" ('( i) / t/tttt/tt/tt Jr/f/f/'HC //a/'t'/tf tt/t-/' sf Q • 7it/(/ 6x> haded Jt'ft'J R_ /J li'luxiL cAoMw ''triwt /f.J CtCC ,^r//((y rft/t "J .c't/'/f/f.J- tt///m ( (UjiC ./r//rr >/'"/' i(/t"r/i/t'f"f >>>■' ,,„/,,■,/,.> ,//<■■,' ■'/"■■ a'"'- /??. ea.-//4r//7?-en/ /ea'eue-i '■■■" nfant "■' ,',-,,.,,,,„ r/t/f/r >'/ '< ff ///»/'<,■"» S 'l( j/(l/.t/rj //("//(■< t/r '( ///,/ /<'f">ft//"<-'/' ■' «u HUm |'.'u XU l,..i |™ Wtw »l>mi flu J'.,„„„ $N»U ©Ull.U. ■ ■ ■ A,/ ' ■'- ."Ml if.Mn u KwAttutn i ■ --. - 3u.fi .'•lun pi-ii.liltn Ill-nxoM -iiini, ./■/,/', /, Kwtvuiivn ■ " if ft i 'J.,., f, ... 7nuutfu r. . ■ ■ . 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Courmeaux, Guillemin, Pinon, Aubriot, Tour- neur, Er. Arnould , Henriot-Delamotte , membres titulaires. Et MM. deMaizieres, Maillet, Perreau, H. Paris et Mortier, membres correspondants. M. le Secretaire arcbiviste lit les proces-verbaux des 5 dernieres seances, qui sont adoptes apres une legere rectification. ii. li - kh — II fait ensuite le depouillemeni de la correspondance imprimee, qui comprend : 1° Merope, tragedie de Maffei, traduite pour la lre fois en vers francais, par M. Mangeart, avocat a Valenciennes, 1845. ( Commissaire M. Tourneur). 2° Traite des chevaux ardennais, ce qu'ils etaient, ce qu'ils sc-nt, ce qu'ils peuvent et doivent etre, par M. Dubroca, m. c; Charleville, 1846. (Commissaires MM. Geoffroi, Demilly et Mortier). 5° Journal de la soc. d'agriculture du departement des Ardennes, n° du 25 Novembre 1846. 4° Bulletin de la soc. academique, agricole, indus- trielle et destruction , de l'arrondissement de Falaise, ome trimestre 1846. La correspondance manuscrite comprend : 1° line notice de chimie agricole. ; \ 2° Une notice de physique et de chimie I M experimentale ; > Pergand. 5° Des conseils aux agriculteurs du de- \ partement de la Marne ; J (Commissaires pour ces trois ouvrages, MM. Lan- douzy, Lecomte, de Maizieres et Maillet). 4° Une lettre de M. Mortier-Des Noyers, qui remercie l'Academie du titre de membre correspondant qu'elle lui a confere ; 5° Une lettre de M.Pingret, qui offre de fabriquer pour les seances annuelles, des medailles avec les noms des laureats en relief. Cette lettre est renvoyee au conseil d'administration. — 45 — LECTURES. M. Guillemin lit un travail intitule : Influence du Cardinal de Lorraine sur le mouvement philosophique et litteraire de son temps. M. Landouzy, charge de rendre compte des travaux physiques et chimiques de l'institut, expose l'etat de la question relative a la pyroxiline (coton-poudre). Apres avoir prepare en presence de la compagnie une certaine quantite de coton-poudre, M. Landouzy fait remarquer qu'en cinq minutes on peut fahriquer cette substance ; une minute pour le melange des acides , une minute pour l'immersion du ligneux, une minute pour le lavage et deux minutes pour le sechage , lors- qu'on opere sur de petites quantites et qu'on a eu le soin de presser fortement le produit entre plusieurs feuilles de papier non colle. Effectivement, la pyro- xiline preparee sous les yeux des membres de la com- pagnie est immediatement employee a repeter toutes les experiences indiquees dans les annales de l'acade- mie des sciences. Des essais comparatifs fails seance tenante avec les armes a feu , dans la grande galerie de l'archeveche, il resulte qua poids egal le fulmi- coton possede de quatre a cinq fois la force de la poudre ordinaire. M. Pinon lit deux pieces de vers de M. Galis , I ancien membre de l'Academie ; la premiere est inti- i tulee : les Deux Chats; et la deuxieme fut composee | parlui, quelques jours avant sa mort, et adressee k sa sceur qui voulait aller le joindre a Naples. L'ordre du jour etant epuise , la seance est levee a 9 h. 3/4 et renvoyee au vendredi 18 decembre 184G. inaoagiai — 4G — Stance du <1S Decern b re I SIC PRESIDENT DE Msr L'ARCHEVEQUE. Presents , MM. Robillard , Bandeville , Fanart , Nanquette , Content, Landouzy, Wagner, Bonneville, Phillippe, Querry, Garcet, Derode, Lecomte, Sutaine, Tarbe, Monnot-des- Angles , Louis Lucas, Guillemin, Eug. Courmeaux , Pinon , Aubriot , Tourneur , Er. Arnould, Henriot, membres titulaires. Et MM. de Maizieres, Maillet , Perreau , H. Paris, Mortier , membres correspondants. M. Garcet, secretaire archiviste , lit le proces-verbal de la derniere seance , qui est adopte sans reclamation. M. Tarbe, secretaire general, fait le depouillement de la correspondance imprimee , qui comprend : 1° Le journal des savants , n° de novembre 1816. Apres quelques observations , M. le president charge une commission composee de MM. Bandeville et de Maizieres de rendre compte des travaux publies dans ce journal. 2° Le bulletin de la Societe academique , agricole , industrielle et d'instruction de l'arrondissement de Fa- laise, ome trimestre 1846. 5° Une lettre de M. de Caumont , president de l'ins- titut des provinces de France , qui consulte l'Acade- mie sur les moyens qu'il y aurait a prendre pour fa- ciliter les communications entre les societes savantes de province , et pour donner a leurs travaux \me plus — hi — grande publicite. Apres une courte discussion , l'Aca- demie charge le conseil d'administration de 1'examen prealable de cette question. M. le secretaire depouille ensuite la correspondance manuscrite, qui comprend : 1° Des lettres de MM. les docteurs Chevillon et Robillard ( de Cette ) , qui remercient l'Academie du titre de membre correspondant qu'elle leur a confere. 2e Une lettre de M. Gastebois , qui envoie le rap- port de M. Terray de Yinde , l'un des rapporteurs de la commission des voeux divers du congres central, session de 1846 , sur le morcellement de la propriete. Ce rapport est renvoye a la commission deja chargee de 1'examen des memoires sur cette question. 5° line lettre de M. de Fontenay , secretaire de la section d'archeologie de la societe Eduenne , qui en- voie un bon pour retirer un exemplaire de l'histoire de l'antique cite d'Autun , et les memoires de la so- ciete Eduenne pour 1844 et 1845 , et qui remercie l'Academie de l'envoi des tomes o et 4 des Seances et Travaux, et demande l'envoi des premiers volumes. 4° Une lettre de M. N. Rondot , annon^ant le pro- chain envoi de la suite de ses notes sur la teinture des peuples de l'Asie, d'un essai sur la flore de File Tchousan, et un travail sur le carthame Hong -ho a. LECTURES. 1° M. de S'-Hardouin lit, au nom de M. N. Rondot, un travail sur les plantes textiles de la Chine. 2° M. Garcet lit, au nom de M. de Maizieres, une note en reponse a l'une des questions du programme du congres, ainsi concuc : - 48 — Les vins de Champagne , susceptibles de devenir mousseux , presentent des proportions variables , quant auxsels, au sucre , auxmatieres albumineuses et aux principes colorants qu'ils renferment : quelle est l'in- fluence qu'on doit attribuer a ces variations? 5° M. Robillard termine la seance par la lecture de quelques reflexions au coin du feu. L'ordre du jour etant epuise , la seance est levee a 9 heures 4/2 et renvoyee au vendredi 8 Janvier 1847. — flO — LECTURES. Notice sur quelqucs plaules leililes de Chiue. J'ai eu l'honneur d'entretenir l'Academie dans sa seance extraordinaire du 50 novembre d'une plante textile chinoise et des etoffes que Ton tisse avec ses filaments, et j'ai ends le vceu de voir quelques uns de nos agronomes essayer de naturaliser dans nos campagnes la culture de celte urticee. On comprend en Chine sous le nom generique de ma, plusieurs plantcs que leurs caracteres botaniques classent dans des families differentes. Le cMng-ma , le tchou-ma , le pch-tchou-ma , le pi-ma, le lo-ma, etc., sont cedes que Ton cullive le plus ordinairement et dont les iilainents servent a lisser ces toiles fraiches et lustrees connues en Chine sous le nom de hia- pous (tissus d'ete), et dans le commerce cantonnais sous celui de grass-cloth (tissus d'herbe). Dans un prochain travail , je me propose de pre- senter la synonymie botanique de ces divers vegetaux textiles , et de donner quelques details sur les etoffes que Ton oblient avec leurs filaments. Mes collegues et moi nous avons fait du hia-pou on grass-cloth l'ob- jet d'une longue et interessante nolicc , qui fait partie — 50 — de noire ouvrage collectif sur les exportation de la Chine , et je crois utile de signaler des maintenant a l'attention de nos fabrieants cettc source de rensei- gnements varies. Pour eclairer la question , je me permettrai d'expo- ser mon opinion et de dire quelques mots de la ma- tiere premiere et du produit. Le tchou-ma parait etre Yurtica nivea. Mon labo- rieux collegue et ami , M. Isidore Hedde , en a rap- porte de Chine un plant , dont l'identite avec l'espece decrite par Linnee et Sprengel a ete constatee. Bur- nett (hist, and descr. account of China, ill, p. 550) indique cette urticee comme indigene en Chine ; Os- beck (a voyage to China and the cast Indies , 1771 , II, p. 562) la mentionne dans sa Flora sinensis; Loureiro (Flora cochinchinensis , p. 559 ) la decrit et la signale comme etant cultivee en abondance en Cochinchine et en Chine , et il ajoute cette observation : Hcrba ista dat optima fila cannabina, etc. Cette note et cette sy- nonymie botanique du cay-gai sont reproduites par Mgl' Taberd ( dictionarium anamitico-latinum , 1858). Le pere M. Blanco ( Flora de las Filipinos, 2e edit. , p. 485) mentionne cette plante comme commune dans le nord de l'ile Lucon et aux iles Batanes , et il dit : la corteza preparada se hila, y sirvepara hacer telas : y de ella misma se fabrica, segun dicen, el lienzo famoso llamado de Canton. Mon collegue M. Isidore Hedde et moi avons vu Yurtica nivea cultive dans les environs de la ville de Ting-haie ( ile Tchou-sdn) , et nous l'avons encore re- trouve dans les jardins pittoresques de la femeuse pa- gode des rochers de marbre , aux environs de Tou- ranne (Cochinchine). — 51 — Le Peh-tchou-ma , le lo-ma , le po-lo-ma, le pi-ma, etc., semblent etre des sida ou dos corchorus ; l'un de ces ma offre une grande analogie avec le genre trium- fetta. Le Cliing-ma, si Ton en croit Morrison (diction- naire, partie n , v. i, p. 569) designe non pas une espece particuliere , mais le iilamenl roui et peigne. Le docteur Clarke Abel (narrative of a journey in Chi- na, p. 125) donne ce nom au sida-tiUo? folia , dont il annonce avoir trouve d'immenses plantations sur les bords du Pei-ho , dans le voisinage de Tong-chou , ainsi que dans les environs de Tienn-ts'ing . II est assez singulier que le Chinese Repository , t. xi , p. 97, si- gnale les memes cultures dans la meme region dans les termes suivants : « L'ambassade Macartney a re- marque une espece d'ortie , appelee urlica nivca, avec laquelle on fabrique des tissus. » Quoiqu'il en soit , il existe en Chine , e'est un fait constant , d'autres plantes textiles que Yurtica nivea ; ce sont meme elles seules qui sont dessinees et peintes dans les albums qui reproduisent les travaux de l'in- dustrie liniere cbinoise ; ce sont , au dire des mar- chaiids , cedes qui donnent les fds les plus fins et les etoffes les plus estimees. Mes collegues et moi avons vu a Canton, chez ChumcKing, desgraines et un plant de l'une de ces especes ; les graines se rapportent a cedes du corchorus ; nos faibles connaissances bola- niques ne nous ont pas permis de decider si la tige qui nous a ete soumise est un sida ou plutot un cor- chorus (capsularis ou olitorius ? ). C'esl encore a cette derniere tiliacee que paraissent se rapporter les racines et les tiges spongieuses et filamenteuses que j'ai rap- portees. Le docteur WhiteUvw Ainslie (Materia Indira, 1S2(>. — 52 — t. H., p. 587) dit, a Particle singginjanascha , que le corchorus capsularis de Loureiro est beaucoup cul- tive en Chine, surtout aux environs de Canton, ou il est employe aux memes usages que le chanvre ; on tisse des etoffes avec les filaments de ses tiges. — Loureiro (Flora Cochinchinensis , 1790, p. 554) dit, en effet, en parlant du corchorus capsularis (son Urn ma) : Caulis hujus herbm est cannabinus, ej usque fila aqua calcis coda, et ad solem exposita flexibiliora , et alba fiunt, ad texendas telas idonea. Roxburgh, en decrivant le corchorus olitorius de Linnee dans sa flora Indica , fait observer que c'est une plante bien connue au Bengale a cause des fila- ments de son ecorce qui y sont employes comme en Chine. Avant de terminer cet expose preliminaire , je dois rectifier une erreur deja assez accreditee. MM. Bridg- man ( Chinese chrestomathy , p. 457, n° 9) etS. Wells Williams (English and Chinese vocabulary, p. 155) ont traduit po-lo-ma par chanvre aloes, et, d'apres ces autorites , on a suppose que les toiles connues sous ce nom etaient tissees avec les filaments d'un aloes. Le po-lo-ma n'a rien de commun avec les aga- ves , et c'est tout simplement une tiliacee ou une mal- vacee , c'est-a-dire , un corchorus , un triumfetla ou un sida. J'ai pense qu'il serait pour l'Academie d'un haut interet de connaitre les procedes et les soins desjar- diniers chinois dans la culture du tchou-ma. M. Stanislas Julien , membre de l'institut , a bien \oulu me communiquer quelques passages des ency- clopedies chinoises qui initient aux moindres details de la culture. — 53 — M. Julien , d'apres le temoignage du savant el re- grettable Robert Thorn , est le premier ties sinolo- gues europeens ; ses traductions de meng-tse , de lao- tse, et de quelques cbefs-d'ceuvre de litterature an- cienne sont connues de tous les orientalistes , et son bel ouvrage sur l'industrie serigene cbinoise, ses no- tices sur le papier , le vermilion , la cire d'insectes , la ceruse , le sucre , etc. , sont en haute estime dans le monde industriel. C'est dire a l'Academie que notre actif professeur de chinois et de tartare-mandchou au college de France fait passer avec une fidelite scru- puleuse et incontestee dans notre langue toutes les idees et tous les faits consignees dans les ouvrages litteraires et technologiques chinois. «>V^c- Exlrait de l'Encyclopedie iinperiale de rAgricultnrc , inlilulfo Ch6ou-chi-thong-khao, liv. LXXVIII, folio 3, verso, TRADUIT PAR M. STANISLAS JULIEN. Maniere de cultiver le Tchou-ma Pour semer le tchou-ma dans le troisieme ou le quatrieme mois, on choisit de preference une terre sablonneuse et legere. On le seme dans un jardin; si Ton a pas de jardin, on peut adopter un terrain situe pres d'une riviere ou d'un puits. On beche la terre une ou deuxfois, ensuite on forme des plates-bandes larges d'un demi-pied et longues de quatre pieds; apres — 54 - quoi on beche encore une fois. On tasse la terre super- ficiellement , soit avec le pied, soit avec le dos de la beche, et lorsqu'elle est un peu ferme, on l'egalise avec un rateau. La nuit suivante on arrose les plates- bandes, et le lendemain matin, avec un rateau a petites dents, on releve superficiellement la terre, puis on l'egalise de nouveau avec le rateau. Ensuite on prend un demi ching (sorte de me- sure) de terre humide , et un ho (sorte de mesure) de graines, et on les mele ensemble (1). Avec un ho de graines (de tchou-ma) on peut ense- mencer six a sept plates-bandes. Apres avoir seme , il n'est pas necessaire de recouvrir les graines de terre. Si on les recouvrait de terre, elles ne germeraient pas. On prend quatre batons dont l'extremite inferieure est taillee en pointe , et on les enfonce en terre en les ali- gnant, deux d'un cote de la plate-bande, et deux de l'autre ; Ton s'en sert pour appuyer une sorte de petit toit de deux ou trois pieds de haut , que Ton recou- vre d'une natte mince. (1) Bien que je n'aie pas encore termine mon travail stir les poids et mesuresde la Chine, je vais indiquer approximalivement la capacite du clung et du ho. Le ho est cinq fois plus grand que le tao ; en prenant pour base la ca- pacite du tsang-tao, donnee par M. Wells Willams, le ho equivaut a un peu plus de 25 litres; en partantde la capacite du tsang-ching , il corres- pond a peu-pres exactement a 25 litres. Mais en calculant le ho d'apres le volume de chih-kin-tao , deduit de sa relation ponderable avec le tsang- tao , on le trouve egal a 59 litres. L'etalon que m'a envoye S. E. le gou- verneur de Hong-Kong, sir J. F. Davis, equivaut a 57 litres 6/10. La capacite du ching varie egalement suivant les bases du calcul. D'apres les chiffres donnes par M. W. Willaras pour le tsang-tao , elle est egale a 5 decilitres , et d'apres la valeur calculee du chih-kin-tao , a un peu moins de 8 decilitres. Le ching ofliciel que j'ai mesure correspond a un litre environ. (Notede M. Natalis Rondot). — 55 — Dans le cinquieme ou le sixieme mois, lorsque la chaleur du soleil est devenue forte , on recouvre cette legere natte d'un paillasson epais. Si Ton ne prenait pas cette precaution , les germes de la plante seraient detruits par la chaleur. Avant que la plante ne germe, ou lorsque les pre- miers germes commencent a paraitre, il ne faut pas arroser. A l'aide d'un balai trempe dans l'eau, on mouille le toit de nattes , de maniere a tenir humide la terre qu'il recouvre. Chaque nuit, et lorsque le temps est couvert , on enleve les nattes , afin que les jeunes plantes recoivent la rosee. Des que les premiers germes ont paru, si Ton voit des herbes parasites, il faut les arracher immediatement. Lorsque la plante a acquis deux ou trois doigts de hauteur, le toit n'est plus necessaire. Si la terre est un peu seche , on l'arrose legerement , jusqu'a la pro- fondeur de trois pouces. On choisit alors une terre un peu forte, et Ton forme d'autres plates-bandes pour y transplanter les jeunes plants. La nuit suivante, on arrose les premieres plates- bandes ou sont encore les jeunes sujets ; puis le len- demain matin , on arrose les nouvelles plates-bandes qui les attendent. On les enleve avec la beche en con- servant une petite motte autour de chaque pied, et on les transplante (on les repique) cbacun a la distance de quatre pouces. On bine frequemment. Au bout de trois a cinq jours, on arrose une fois, puis au bout de vingt jours, de dix jours et de quinze jours, on arrose encore. Apres le dixieme mois (novembre), on les recouvre d'un pi> ;d de fumier frais de bceuf ou de vache , d'ane ou de cbeval. — 56 — II. Extrait du Traill general d'Agricullure, iotltul6 : Nong-tcliing- tsioufcnn-cliou (1). TRADUIT PAR M. STANISLAS JULIEN. Culture du Tchou-ma. Lorsqu'on cultive le tchou-ma pour la premiere fois, Ton se sert de graines. Apres qu'il a tie seme, les anciennes ratines donnent spontanement de nouveaux jets. Au bout de quelques annees, les ratines se croi- sent et s'enlacent, il faut les diviser et les replanter. Aujourd'hui, dans les pays de Ngan-King et de Kienn-riing, beaucoup de personnes detacbent avec un couteau des portions de ratine et les replantent. Ceux qui n'ont pas pu se procurer de la graine , imitent aussi le procede usite pour obtenir des plants de muriers, provenant de marcottes. Les resultats de cette pratique sont extremement rapides. Mais dans les pays ou il n'existe pas de ratine de fc/ioM-ina, et ou il serait difficile d'en faire venir de loin , il convient de recourir a la graine. Des que les jeunes plants ont quelques pouces de longueur, on les arrose avec de l'eau melee par moitie de fumier. Apres avoir coupe les tiges, il faut arroser (1) Cet article est reproduit par l'Eucyclopedie imperiale de l'Agricul- ture chinoise (Cheou-chi-thong-khao), 57 — immediatement ; mais cet arrosage doit avoir lieu la nuit ou par un lemps couvert , car si Ton arrosait en plein soleil , la planle se rouillerait. II faut bien se garder de faire usage du fumier de pore. Le tchou-ma peut etre plante tous les mois, mais il faut que ce soit dans un terrain humide. III. Exlrail de 1' Encyclopedic inipeYiale de P Agriculture (Cheou-chi- thong-khao), liv. LXXVIII, folio 5, redo. TIUDUIT PAR M. STANISLAS JULIEN. Multiplication du Tchou-wa- Lorsque les touffes de tchou-ma sont tres-fournies , on creuse la terre tout autour, et Ton en detache les nouveaux pieds, que l'on replante suivant les precedes exposes ci-dessus. Alors, le pied principal vegete avec plus de vigueur. Au bout de quatre ou cinq ans , les pieds de racines se trouvant extremement fournis , on les divise et on les replante sur d'autres plates-bandes. Quelques personnes abaissent et enterrent les longues tiges, et obtiennent des marcottes. Quand une plate-bande est trop garnie, on en eta- blit une nouvelle, qui est bientot suivie d'une autre et ainsi de suite. De cette maniere , les plants s'accrois- sent en nombre infini. On choisit. d'avance une bonne terre (litteralement terre grasse) qui a ete bien labouree en automne , et — 58 — on la fume avec du fumier fin. Le printemps suivant , on transplante. La meilleure epoque est celle ou la vegetation commence ; la seconde epoque (sous le rap- port de la convenance) est celle ou les nouvelles pous- ses paraissent; la troisieme epoque (c'est-a-dire la moins convenable) est celle ou les nouvelles tiges sont deja grandes. On espace les nouveaux plants d'un pied et demi , et quand les pieds ont ete bien entoures de terre, on les arrose. En ete et en automne , il faut profiter du moment ou la terre vient d'etre humectee par la pluie; on peut aussi les transplanter dans des lieux voisins, mais il faut conserver une motte de terre autour de chaque pied. Dans un chapitre suivant, ajouteM. St. Julien, on indique la maniere de separer avec un couteau les eclats de racines, qui doivent avoir trois ou quatre doigts de longueur, et on les couche par deux ou trois dans de petit es fosses eloignees l'une de l'autre, d'un pied et demi. On les entoure de bonne terre et Ton arrose. On arrose de nouveau trois ou cinq jours apres. Quand les nouvelles tiges ont acquis une certaine elevation , on bine frequemment. Si la terre est secbe, on arrose. S'il s'agit de trans- porter au loin les eclats de racines , il faut leur laisser leur terre premiere, bien enveloppee de feuilles de roseau. On les enferme en outre dans une natte pliee de maniere a les preserver du contact de l'air et de la lumiere ; on peut alors les transporter, en toute se- curite; jusqu'a une distance de plusieurs centaines de lis (1). (1) Cent lis font dix lieucs. (Note de M. St. J.) — 59 — La premiere annee, quand ia plante a atteiut la hauteur d'un pied, on fait une recolte. La seconde annee on fait encore une recolte. Les fibres des tiges eoupees sont bounes a filer. Chaque annee, dans le dixieme mois, avant de couper les rejetons qui depassent la racine, on couvre la terre d'une couche epaisse de fumier de boeuf ou de cheval. Dans le second mois, on enleve le fumier avec un rateau, afin que les nouveaux sujets puissent sor- tir librement. Au bout de trois ans, les racines sont extremement fournies. Si on ne divisait pas les racines, les plants ne pourraient pasprosperer; on continue ainsi d'annee en annee. Tous les auteurs qui ont ecrit sur la Chine ont parle de ces plantes textiles et des diverses toiles que l'on fabrique avec leurs filaments. Le pere Duhalde mentionne les departements ou cette culture et ce tissage sont repandus , il signale entre autres le chao-hon-fou (Fo-Kienn), le S'in-tchou-fou (Kouang-si ) , le Koe'ie- tchou, le Ta'i-houan-fuu (He Fonnose) (1), etc. Le Po- vou-tchi et le Ti-U-tchi confirment plusieurs de ses indications. Un de nos linguistes nous a traduit du Pe'ie-wen- youen-fou et d'un ouvrage en 52 cahiers , connu sous le nom de petit dictionnaire de kang-hi quelques notes dont je reproduis seulement les principales. On lit dans ce petit dictionnaire de kang-hi, au mot ma ou si : « L'ecorce du ma sert a faire des tissus et sa graine se mange. — Un empereur a dit qu'une jeune fille doit travailler le ma pour tisser des vetements, occupation naturelle des femmes. (1) « Ta'i-liouaiuj-fou , capital de nieForinose, fournit des toiles de laine , de coton , de ehanvre, de l'ecorce de certains arbres et de certaiue* plantes qui ressemblent assez a 1'ortie. » II. 5 — 60 — » Le ma (textile) ou la-ma, qui porte des graines. s'appelle aussi tseu-ma ou tchou-ma, c'est-a-dire ma femelle. » Le ta-ma qui est sans fruits s'appelle si-ma ou ping-ma. » L'ecorce de ces deux especes s'emploie pour faire des hia-pous. » On lit dans le Pe'ic-wen-youen-fou , a l'article Ilou-ma (ma aquatique) : « Un ancien a dit : A la porte del'est, se trouve un grand marais oil Ton pent planter du ma; le yao^na ou ma tendre y croit parfaitement , on se sert de ses filaments pour lisser des vetements. — Un autre livre dit : II y avait autrefois aupres de ce marais deux families, appelees gang et li, qui etaient enne- mies a cause de ce marais oil Ton peut planter du ma; elles s'en disputerent longtemps la possession et le droit d'y cultiver du ma , car cette plante sert a tisser des etoffes pour vetements. » Dans ce meme article , et dans des vers de Ta'i-fou, on donne a entendre que le ma doit etre plante dans un terrain humide , mais qui nedoit cependant pas avoir trop d'eau. On lit encore daus le petit dictionnaire de kang-hi, a l'article Hoang-ma : « A King-tcheou , departement de Ho-Kienn-fou , province de Tchih-li , on trouve l'es- pece de ma , appelee Hoang-ma , avec laquelle on fait des tissus tres-fins destines a l'empereur. — Et plus loin : Dans la troisieme annee du regne de Kai-yen , dixieme mois , on a commence a se servir de papier de hoang-ma. Autrefois on le fabriquait avec le pci-ma qui est la meme plante que le Tcha ou le si-ma. Ces citations ont peu d'interet et je ne crois pas utile de les multiplier ; je ne saurais finir neanmoins sans dire quelques mots flu travail dos fdaments et du commerce des hia-pow. — 61 — 11 y a trois qualites de filaments , la premiere pro- vient de l'enveloppe exterieure , c'est-a-dire de la sur- face de la plante , la deuxieme de la couche suivante el la troisieme de la couche fibreuse la plus voisine du coeur; plus on avance vers Ie centre de la tige , plus la finesse diminue ; aussi le qualrieme choix n'est-il em- ploye que pour dcs eloffes communes. Suivant who-yune , le premier numero de filaments bruts vendus engerbettes(l) vaut 200 fr. les 100 kilog, Le deuxieme numero 163 60c id. Le troisieme id 127 20c id. Les filaments bruts sont ensuite trempes pendant quelque temps dans l'eau bouillante , seches au soleil, puis peignes, teilles, divises a la main en brins tres- lins , et ces tils , lisses et tordus avec les doigts , sont noues les uns au bout des autres, et pelotonnes avec soin. On les acliete a la pelotte du poids de 50 grammes environ et le plus souvent a l'echee. Le devidage et Fourdissage n'ont rien de particulier; on en colle, on monte, on rentraie et on passe au peigne la chaine comme si elle etait en colon. Les hia-pous se tissent en general, sur des metiers a la marcbe ordinaires ; mon collegue M. Isidore Hedde en a vu fabriquer sur des metiers a une seule marcbe et a une seule lisse ; je dois a son affectueuse obligeance la des- cription de l'un d'eux que son experience en fabrication lui a permis de tracer avec l'exactitude desirable. (1) Mes collogues et moi avons fait connaUre dans l'article Hia-pous de notre ouvrage sur les exportations de Chine, la raaniere dont se vendent ces filaments bruts. C'est le plus ordinaireraent a l'echeveau qu'on les acliete. L'echeveau du premier numero a 1 melre 58 cent, de long el est une gerbette de 800 brins ; c'est une longueur totale de 690 metres que Ton a pour 1 fr. 37 cent. Les filaments du deuxieme choix forment des echevettes de 1 metre 19 cent. ; 2,000 brins de cette longueur, c'est-a-dire 2,386 metres valent 4 fr. 1"> cent. — 62 — » Le tisserand s'asseoit a l'extremite de deux niou- tants qui supportent le rouleau de devant. Sa main gauche doit toujours maintenir son peigne qui est attache a deux cordes fixees et reunies a la partie su- perieure de deux arcs flexibles de bambou qui partent de l'arriere-corps du metier et donnent par l'effet de leur elasticite une certaine impulsion. Au milieu passe une grosse verge ronde qui a chaque extremite s'engage dans un ceil menage dans une piece de bois. La partie superieure de celle-ci est attachee a une corde, cette corde rejoint l'extremite d'un bras qui fait bascule et qui correspond avec la lisse, et la partie inferieure de la piece de bois est liee a une autre corde qui sup- portc la marche. » La lisse fait lever la moitie inferieure de la chaine, de maniere que quand le tisserand force sur sa marche, celle-ci fait lever la lisse qui leve a son tour la moitie de la chaine et abaisse sur l'autre moitie la grosse verge ronde dont nous avons parle. Quand le pied abandonne la marche, la lisse retombe avec les ills qu'elle avait entraines et qui reprennent leur place; ils reforment naturellement un pas par l'effet de l'agen- cement general. Derriere le peigne, est la lisse formee de demi-mailles dans lesquelles est passee la moitie de la chaine et d'une baguette de bois supportee par une corde qui se rattache a un bras de levier. La chaine est done divisee en deux parties : l'une (celle in- ferieure) est passee dans les demi-mailles, l'autre (celle superieure) est retenue par la barre qui tra- verse le metier. » Mon collegue, M. Isidore Hedde, a eu la bonne pensee de rappbrter un modele de grandeur naturelle de ce metier employe egalement au tissage de cer- tains tissus de soie, et on a pu, a notre exposition — 63 — <>n comprendre, en le manoeuvrant, le jeu simple et facile ainsi que le curieux mouveinent de bascule, de la marche et de la lisse. On blanchit le hia-pous en le soumettant a une ebullition prolongee dans une eau alcalinisee par un peu de kann-sa (potasse), en les degorgeant a fond, les etendant sur le pre et les arrosant d'eau plusieurs fois par jour jusqu'a ce que la blancheur soit parfaite. II n'entre pas dans le cadre de mon travail d'en- trer dans de longs details sur les diverses qualites et largeurs de hia-pous qui se vendent a Canton, et qui pour la plupart sont fabriques dans la province de Kouang-tong et surtout dans le district de Sinn- houe, departement de Kouang-tcheou. II me suffira de dresser le tableau de la petite collection d'echan- tillons que Who-yune , de la rue des Treize-Facto- reries, a eu l'obligeance de me faire. II donnera une idee des prix de cet article. — (Voir le tableau ci-apres). II me reste a parler des filaments et des tissus de bananier, de Ko (I) (dolkhos bulbosus?) etc., ce sera l'objet d'une procbaine communicalion. Natalis RONDOT. (I) Je crois interessant d'emprunter des maintenant a une notice de M.Stanislas Julien sur la plantefro, d'apres 1'encyclopedie d'agriculture chinoise (Cheou-clii-thong-khuo , livre LXXY1II, folio 16), publiee dans les comptcs rendus de 1'academie des sciences, 28 aout 1843, la preparation des filaments de cette phaseolee qui completera celle que j'ai donnee de ceux du ma. « Apres avoir recueilli les tiges, on les fait bouillir dans l'eau devant un feu ardent. On erileve les filaments a l'aide de l'ongle ; ils sont aussi blancs que ceux du chanvre , mais ils ne sont pas adherents a la partie verte de la plante. Le tillage des filaments etant acheve , on les lave dans une eau courante , on les bat , et apres les avoir bien neltoyes , on les fait seeher an grand air. Leur blancheur s'augmente si on les expose a la rosee pendant une on deux nulls. Apres cela , il faut les mettre a l'ombre; ils Craignent les rayons du soleil. Ensuite on les tile el on ■ •n tail de la to lie. ■ — 04 ■mT-ri'Tiri i 3 C P! ?l K3 = = = — l^CCSO o — H . •■>. -,s. •<* CI tfi ■«* •"- »«* It -^ >c* CI •<>. 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Stanislas Julien no permettent plus de conscrvcr la moindre incertitude sur ce point. On lit, en elTet , dans le Penn-thsao-kang-mo , livre xih, folio 29: « On appelle aussi le Ching-ma , tclteou-ma. Ses feuilles ressemblenl a celles du ma. Sa tige s'eleve tres-haut; voila pourquoi on l'appelle tching- ma, ou ma qui monte. II croit abondamment dans la province dc Chenii-si, et dans les arrondissements au sud du fleuve Hoa'i II commence a pous- ser au printemps , sa tige acquiert la hauteur de trois pieds ( chinois ). Ses feuilles ressemblent a celles du ma ; elles sont de couleur verte. II fleurit dans le quatrieme ou le cinquieme mois. Ses fleurs sont blanches et dis— posees en epis comme celles du millet. Dans le sixieme mois , ses graines se forment ; elles sont de couleur noire. Sa racine est commc celle de la plante hao ( espece d'absinlhe ) ; sa couleur est d'un brun tirant sur le noir ; clle est tres-chevclue. » Le Penn-lsao , qui est tin ouvragc medical , ne dit rien qui permettfi de penser que le Ching-ma ait quelque valeur industrielle. C'est ce qui resulle aussi de l'article Ching-ma , dans la grande encyclopedic imperiale de botanique , Kouang-kiun-fang-pou , livre xciv , folio 18. Cette plante n'est ni nominee , ni decrite dans la grande encyclopedic imperiale d'agri- culture , Cheou-chi-tliong-khao , ni dans celle qui porte le litre de Nong- tching'-tsiouenn-chou. Cette plante n'a done ete citee parmi les ma , que parce que le caractere ma entre dans la composition de son nom , et Ton a vu plus haut que ce caractere y a ete introduit a cause de la ressemblance des feuilles de cet ar- buste avec celles du ma. II en est de mSme d'une autre plante decrite dans le Kouang-kiun-fang-pou sous le nom de ma du ciel f tienn-ma) , qui n'offre aucune des propricles filamenteuses du ma ct que Ton appelle ainsi a cause dc sa forme et de son apparence exterieure (dit l'ouvrage chinois). (N. RONDOT.) — ()<> LEcrrni: de m. gullemin. lnDuence de Charles de Lorraine sur le mouveinent pbilosopkique el litleraire de son temps. C'est un spectacle interessant que de suivre l'alfran- chissement graduel de l'intelligence et le progres du libre examen sous Francois I81' et ses successeurs. La poslerite ne doit pas seulement se montrer recon- naissante envers ces princes pour avoir genereusement encourage les arts, les lettres, les sciences; on doit leur tenir compte surtout de la noble resistance qu'ils opposerent aux tendances retrogrades de ceux qui voulaient enchainer la pensee a la routine et aux traditions du passe. Sous Francois Ier, les arts avaient trouve en France un facile et brillant accueil. C'est que les arts nous venant d'un pays catbolique, l'ltalie, et puisant leurs inspirations au sein du catholicisrae meme, cbarmaient tout le monde et ne portaient ombrage a personne. II n'en fut pas de meme quand de hardis et laborieux ge- nies entreprirent de populariser en France l'etude des langues de l'antiquite, et particulierement l'etude de la langue grecque. La Sorbonne qui representait en France la tradition du vieil enseignement, et qui regentait en souveraine les intelligences, s'emut et resista opiniatrement a l'invasion de l'hellenisme. C'etait — f»7 — au sein de I'hellenisme que s'elaient produites la pliv- part de ces heresies qui avaient si long-temps trouble 1'eglise primitive , et on craignait que la diffusion de la langue grecque ne ranimat des doctrines depuis long-temps ensevelies sous les decrets des conciles, et ne fournit des armes aux nouvcaux hercliques. Heureusement , Francois 1" ne partagea point ces craintcs, il soutint les novateurs, et la fondation du college des trois langues annonca la defaite de la Sorbonne, et le triomphe de la langue grecque. Toutefois si les lettres antiques etaient a pen pres emancipees, si I'hellenisme avait obtenu en France droit de cite, si la langue grecque, la langue de riieresie, etait naturalisee sur le sol de notre patrie, la philosophic avait a prendre sa place dans le grand mou- vement du xvie siecle ; elle avait a fonder ses droits , a conquerir son independance. Or, les circonstances parais- saient toujours assez peu favorables a sa cause, et le jour de son triomphe paraissait encore assez eloigne. Francois Ier , dans ses dernieres annees , effraye du progres des innovations religieuses, avait pris parti pour les defenseurs de la tradition contre ses adver- saires, et la toute puissance d'Aristote, dont le nom representait I'ancienne doctrine philosophique, avait ete maintenue. Quand le roi mourut, le gouvernement qui rellete toujours dans une certaine mesure les idees et les tendances contradictoires d'une epoque , hesitait entre la scholaslique et le bon sens, entre la tradition et lelibre examen, entre Aristote et Ramus. 11 s'agissait de savoir a qui resterait la victoire. A I'avenement de Henry II, Tissue de la lutte sem- blait encore incertaine. II y avait dans le pari em en t un parti qui repoussait ouvertemenl tonics les innovations: — 68 — La Sorbonne tonic puissante par sun influence sur l'esprit public et sur le pouvoir lui-meme etait animee (Tun semblable cspril. En dehors cle ces deux grands corps dont les arrets etaient des lois pour le pays , il y avait beaucoup de gens qui attribuaient a l'exercice de la raison le progres de lheresie et qui confondaient dans une merae aversion les reformes de toute espece. Le premier ministre du roi Henry II etait de ce nombre. Le connetable de Montmorency « etait persuade que les letlres avaient engendre les heresies et accru les Lulhe- riens qui estaicnt au royaume , en sorte qu'il avait en pen d'estimc les gens savants et leurs livres (I). » Quand le premier ministre pensait ainsi , on pouvait craindre que son influence sur un prince faible et peu lettre n'arretat la marche des esprils et ne jetat le pou- voir dans la reaction. D*un autre cote les reformes dans leur enthousiasme exalte pour l'antiquite biblique et pour le christianisme primitif n'etaient pas loin de regarder comrae de veri- tables payens les amis de la litterature et des arts antiques ; et emportes par un puritanisme excessif et par une haine violente contre l'eglise romaine , ils au- raient volontiers supprime le catholicisme et banni de la cour et du pays ces poetes brouillons qui mettaicnt en avant toute sorte de vilaines chansons et de lascive musique. (2) » II y avait la un double ecueil qu'il fallait eviter. La France ne pouvait pas plus partager les preventions fanatiques du connetable de Montmo- rency, que le puritanisme exagere de Calvin. Kilo ne demandait pas mieuxque de faire tourner le mouvement des esprils au profit de la raison et de la civilisation ; (\) Voir Regnierdela Planche,]ustoiredc France sousFiangois 11. p. 1 70. (2) Mem. de Conde , t. C. p. 50. — 69 — mais elle voulait y arriver sans passer par la reforme hcretique et sans rompre avcc son passe. Elle voulait sorlir du catholicisme etroit et routinier de la Sorbonne, sans se jeter dans les temerites de l'ecole calviniste. Pour que ia France se mainlint dans cette ligne de sage hardiesse et de liberie moderee, il fallait que lepouvoir lui vint en aide , il fallait qu'un esprit large et d'une haute portee conciliat le pouvoir aux besoins nouveaux, et sous la protection de la royaute , ouvrit la route a loutes les innovations legitimes. Ce fut le role de Charles de Lorraine sous Henry II et sous son successeur. Sui- vant Etienne Pasquier , Charles de Lorraine ful en son temps la seule ressource des bonnes lettres et dis- cipline. Recherchons dans l'liisloire du temps si les fails justifient cet imposant temoignage. II esl certain d'abord qu'a la mort de Francois Ier, tous les regards , toules les esperances des savants , et des penseurs se reporterent sur le jeune car- dinal. On attendait beaucoup d'un prince qu'on voyait toujours entoure d'hommes instruits , qui au milieu des persecutions dirigees contre Ramus , avait gra- cieusement accepte la dedicace de ses elements d'Eu- clide , et avait inaugure son entree au pouvoir par la fondation de TUniversite de Reims. On le regardait generalement comme le seul homme capable alors de continuer l'oeuvre de Francois I". Sous le dernier regne on avait songe a donner au college des trois langues un developpement proportionne aux besoins intellectuels de la France , et il ne s'agissait de rien moins que d'allouer a ce grand etablissement une somine annuelle de 100,000 ecus destines au traitement des professeurs , et a l'entretien de 600 jeunes gens qui devaient etre Aleves dans les hautes sciences , el qui — 70 — rcpandraienl ensuite dans tout le pays, comme pretres et comme professeurs , les lumieres qu'ils auraient puisees a ce grand foyer d'education publique. Fran- cois Iei mourut sans avoir fait tout ce que les savants attendaient de lui ; mais son projet ne peril pas avec lui. Le savant et vertueux Duchatel qui avait inspire au roi cette noble pensee en poursuivit l'execution sous le regne de son successeur. Devenu grand aumo- nier de France sous Henry II , il associa ses efforts a ceux de Charles de Lorraine pour la reforme des etudes, et pour la reorganisation de l'eglise gallicane (1). On attendait les plus grands resultats des efforts reunis de ces deux bommes et de l'immense credit dont ils jouis- saient a la cour. Personne ne doutait que Charles de Lorraine ne menat a bonne fin l'entreprise plusieurs fois commencee sous Francois I, et toujours entravee par le mauvais vouloir de quelques ministres (2). On croyait qu'aussitot que la France serait sortie de la guerre qu'elle soutenait alors contre l'Espagne , le car- dinal n'aurait qu'a faire signe au roi (5 ), pour obtenir les sommes necessaires a la fondation d'un grand eta- blissement des hautes etudes en France. Malheureuse- ment les guerres continuerent jusqu'a la fin du regne de Henry II, et les troubles religieux qui eclaterent sous les regnes suivants ne permirent pas de donner suite a ce grand projet. (1 ) Cardinalis Lolharingiae opt imam ecclesiaj ordinationem illo (Caslel- lano ) adjutore agitabat. Vit. Pet. Cast, auctore Gallendo , p. 140. (2) Quarum rerum perficicndarum gloria , quae ad immortale litterarum decus pertinent illustrissimum et omnium bonarum artium amantissimum Cardin. Lothar. manet. Ibid (5) Ipso until , ibidem. — 71 — Charles de Lorraine n'en cut pas moins l'honneur de fonder a cette epoque le libre enseignement de la philosophic dans notre pays , et d'emanciper dans la personne de Ramus l'esprit philosophique. Ramus, on le sail, venait de lever le drapeau de 1 'insurrection contre la grande autorite des ecoles , contre Aristote. Dans des theses d'une singuliere hardiesse pour le temps , il soutenait que lout ce qu' Aristote a enseigne n'est que faussete et chimere. (QuoBcumque ab Aristotele dicta sint, ficta esse et commentitia). La Sorbonne gardienne, inquiete et vigilante des vieilles traditions poussa un cri d'indignation. L'union intime de la philosophic d'Aristote avec la theologie avait rendu sacre pour ainsi dire le nom du philosophe grec. On croyait qu'attaquer ses ouvrages, c'etait saper la religion dans ses fondements : l'universite se souleva en masse et un proccs criminel fut intente a l'audacieux professeur. Le conseil du roi voulut envoyer Ramus aux galeres, mais Duchatel intervint et on se borna a fer- mer la bouche a l'adversaire d'Aristote , et a interdire ses livres dans tout le royaume (1). Ceci se passait trois ans avanl la mort du roi, et quand Henry II monta sur le trone, la disgrace de Ramus durait encore. Le cardinal de Lorraine se sou- vint de l'editeur d'Euclide, de Pancien domestique du college de Navarre , du celebre professeur devenu la victime de sa philosophic R ne put supporter plus long-temps cette intolerance pedantesque de la Sorbonne, et fit casser l'arretdu conseil. Grace a Charles de Lor- raine, Ramus, comme il le dit lui-meme , recouvra la (1) Yoyez pour touto cette affaire Duboulay, hist, de l'universite, t. 0. p. 93. — Bayllo diet, ciit art. Ramus. — 72 — liberte de la plume et la liberte de la langue (1). Encou- rage par cette haute protection , il reprit ses lecons , et parla plus haut que jamais contre Aristote. Bienlot apres, le Cardinal de Lorraine le fit nommer professeur de philosophie et d'eloqucnce au college de France (2), et sa voix, contenne j usque la dans l'etroite enceinte du college de Presles, retentit publiquemenl dans Paris, et appela autour de sa chaire une innombrable jeu- nesse. Des lors la logique naturelle et le bon sens eurent un organe, et l'enseignement philosophique en- tra dans une nouvelle voie. Cette eclatante protection accordee a Ramus par Charles de Lorraine etait un fait de la plus haute importance , c'elait de la part d'un prince de l'Eglise un eoup aussi hardi qu'habile, c'e- lait repondre au besoin le plus imperieux d'une ville, qui reclamait en toutc chose le libre examen, c'etait devancer la reforme elle-meme, qui ne voulut jamais aller si loin. Pour rompre ainsi en visiere avec les prejuges et les vieilles idees, au risque de soulever les clameurs de la Sorbonnc, il fallait un liberalism e et une independance d' esprit bien rare encore non seulement chez les homines d'eglise, mais encore chez les reformes eux-memes. On ne pent s'empecher ici de rappeler un fait bien propre a ebranler la foi de ceux qui croient que la reforme a donne au monde la liberte d'examen. Quel- ques annees plus tard, Ramus embrassa le protestan- tisme et fut oblige de quitter la France. II esperail au moins obtenir une chaire de professeur a Geneve, dans le centre meme du calvinisme. Theodore de (1) Me ad oommendationem Cardin. Lothar. Henricus manibus rt lingua solvit. V. Ram. op. oratio habilS anno 1S51 circb initium. (2) Ibidem. V. aussi Moreri art. Ramus. — T6 — Beze , non moins effraye que la Sorbonnc de 1'audace de ses doctrines , lui fit savoir que Geneve n'avait ni place ni argent a lui donner (1) , et que d'ailleurs il avait eu tort d'attaquer Aristote , ce qui prouve que l'esprit sectaire etait aussi dur et aussi etroit que ce- lui de Messieurs de la Sorbonne. Ce ne fut pas seulement a la pbilosophie que Charles de Lorraine procura la protection du pouvoir. La philosophic, la poesie, les sciences recurent aussi de lui les plus touchants encouragements. Tous les grands hellenistes qui s'etaient formes sous le regno precedent a l'ecole de Guillaume Bude, les Turnebes, les Daurat, les Danes furent combles de ses faveurs. Aussi, la plupart d'entr'eux lui ont dedie leurs ouvrages les plus importants. — Meme, le docte Masson remarque que presque tous les livres qui ont ete publies en France pendant trente ans, ont ete places sous l'illustre patronnage de son nom (2). Ceux neanmoins qui ont rendu le plus d'hommages a Charles de Lorraine furent les poetes contemporains suivant Tusage; si l'on en croit un des plus illustres d'entr'eux, Bonsard, qui se fait sans doute 1'echo des regrets et des plaintes de ses confreres , la tristesse etait grande au Parnasse francais, quand Francois Ier mou- rut. Le nouveauroi paraissait incliner plutot aux pen- sees guerrieres qu'aux arts de la paix. II excellait moins dans les exercices de l'esprit que dans ceux du corps, et il preferait la conversation de Mn,e de Valentinois aux entretiens des savants. La cour etait livree a l'empire des maitresses et des hommes de guerre. Les poetes avec leur exageralion ordinaire dirent que e'en (1 ) Bozo, Epist. 56. (2) Elnj. Papy. Mass. p. 4i3. - Ill — etait fait de la poesie, si Charles de Lorraine n'elait pas venu. Des le commencement que Dieu mil la couronne Sur le chef de Henry , il n'y avait personue Qui triste ne pleurat les lettres et les arts ; Tout l'honneur se donnait a Bellone et a Mars ; La muse etait sans grace , et Phoebus contre terre Gisait avec sa harpe , accable de la guerre. Heureusement Charles de Lorraine tendit la main au dieu de la poesie, et le releva. Et alors nos bocages Rcelus pour si long-temps entre les buissons verts Commencerent aux vents a murmurer leurs vers (t). Ronsard qui eut une si grande vogue en son temps, qui dans l'orgueil de ses triomphes pouvait dire a tous les poetes contemporains : Vous etes mes sujets et je suis votre roi. Ronsard fut une des creatures les plus devouees du cardinal de Lorraine. Celui-ci l'avait connu au college de Navarre et il devint plus tard son protecteur. II le fut pendant toute sa vie (2). Le chef de la pleiade etait un des familiers, un des commensaux du cardinal; il avait meme au chateau de Meudon son petit logement qu'on appelait la tour de Ronsard (5). Quoiqu'il y fut un peu a l'etroit, le grand poete eut etc assez heureux s'il n'avait pas eu parfois a essuyer les railleries mordantes de maitre Rabelais qui trouvait sa muse un peu mercenaire et le roi des poetes par trop impecunieux (A). Du reste les (1) V. (Euvres de Ronsard. Epitre a Ch. de Lorraine. (2) Vie de Ronsard par Binet , dans les arch, curieuses , l™ serie , t. 10, p. 366. (3) V. Jugements et observations sur Rabelais, par Jean Bernier, p. 52. —Paris, 1697. (4) Ibidem. — 75 — poetes de celte epoque riches de gloire , mais pauvrcs d'argent, ©talent prcsque tous fameliques commo lour mailre, et semblaient n'attendre Ieur vie que du Cardinal. Du Bellay, Bai'f, Daurat, qui en grec surpasse les gregeois , comptaient souvent sur une epitre pour vivre le lendemain. L'energique auteur de l'illuslra- tion de la langue franchise, Joachim Du Bellay, se plaint souvent an cardinal ties rigueurs de la fortune. « La poesie, s'ecrie t-il avec arnertume, ne rapporte rien a celui qui s'y livre. » C'est le cri unanime des poetes anlerieurs au xix° siecle. Qui fit ut. una suo sit musa ingrata poetae Et semper vatern sors inimica prcmat ? At tu qui cunclos praclaris artibus anteis Cuique adeo soli minima et astra favent , Hire mihi concilia : tunc mi, tune Carole, divis Sideribusque ipsistu mihi major oris. Oncroirait entendre un contemporain d'Horace, priant Mecene de Ic recommander a Auguste. Le cardinal de Lorraine fut done le protecteur de- clare de cette docte Pleiade , expression hrillante , mais exageree de cet enlhousiasme qu'inspirait alors l'etude de l'antiquite. II encouragea puissarament ces reforma- teurs litteraires dont le tort fut de faire violence au genie national en poussant trop loin limitation antique, mais qui n'en donnerent pas moins a la langue et a la poesie francaise une fermete, un eclat, une elevation auparavant inconnus. Ces hardis novateurs, « qui disposaient en conque- rants de la langue et de la litterature (1) ■» avaient d'ailleurs un caractere politique qui les recommandait (1 ) Tableau de la litterature francaise au 16c siecle par M. Saint-Mar Girardiu, p. 69'. fT. 6 — 70 — a la faveur du pouvoir et qui devait les rendre sin- gulierement populaires. C'etait la repugnance pour la reforme et le zele pour le catholicisme. Du Bellay em- ploye la raillerie contre le calvinisme, Ronsard, dit son biographe , arma les muses au secours de la foi. Tandis que « suivant ses expressions » le Cardinal bataille en robe et son fr ere en harnais, il met, lui, sa plume de fer au service de la France , il demande avec colere quelle est cette doctrine prechee a coups d'epee , quel est : Ce Christ empistole, tout noirci de fumce. Un tel poete, on le sent, devait plaire a la maison de Lorraine. Panni tous ces ecrivains que Charles de Lorraine mit a l'abri du besoin ou des rigueurs du pouvoir, il faut encore placer le grand bouffon du 16e siecle, Rabelais. Chose singuliere et qui peint bien les con- tradictions et les inconsequences de cette epoque , cet homme qui se moque sans cesse des papesgots, des evegots, des cardingots, trouva les admirateurs les plus sinceres et les plus chauds defenseurs parmi les eve- ques et les cardinaux. Le cardinal de Chatillon se fait son avocat aupres du roi contre les docteurs de la Sorbonne; le cardinal Du Bellay l'attache a sa suite comme medecin, et le cardinal de Lorraine lui fait donner la cure de Meudon pour Pavoir a cote de lui. Odet de Chatillon aime et protege l'auteur de Panta- gmel parce qu'il trouve dans ses satyres contre l'eglise romaine, une excuse et un pretexte a l'apostasie qu'il medite; les cardinaux Du Bellay et de Lorraine le re- cherchent pour son etonnante erudition , pour son incroyable gaiete, et pour cet esprit merveilleux qui re- luit a travers le cynisme de son badinage. Ces prelats — 77 — instruits, spirituels , s'associaient volontiers aux plaisan- teries de Rabelais , contre la grossierete et l'ignorance des moines ; hostiles par tradition aux abus de la cour romaine, ils applaudissaient sans trop de scrupule a ses attaques contre Rome , la ville la plus moinante de la moinerie. Ce qui leur plait dans ses follastries joyeuses, c'est ce vif amour de la science, ce gout ex- quis pour l'antiquite , qui etait commun a tous les grands esprits du temps, c'est un singulier besoin d'en fmir avec la barbarie du moyen-age , et cette insur- montable aversion « pour ces gens qui ne veulent ou tie peuvent bter ce brouillard gothique et plus que cim- merien, dont le monde est enveloppe. » Au fond le cardinal de Lorraine avait la meme antipathie pour les moines que Rabelais, lui qui au concile de Trente veut qu'on reforms severement la moinerie, qu'on en reduise le nombre et qu'on instruise bien ce qui reste , qu'aucun ne demeure oisif et inutile comme ils sont presque tous maintenant (1). Ainsi Rabelais, malgre son cynisme , servait a sa maniere la cause de la reforme catholique, et en attaquant par le ridicule les moines, les theologastres de la Sorbonne, il arrivait par des moyens differents, au meme but que le cardinal de Lorraine. TOutes ces attaques devaient lui susciler necessaire- ment bien des ennemis et plusieurs fois deja sous Francois Ier, on avait essaye de le rendre suspect d'heresie aux yeux du roi et de provoquer des pour- suites contre lui. Ces intrigues se renouvelerent sous Henry II, et ce fut pour le mettre a l'abri de loute inquietude que le cardinal de Lorraine, de concert avec Diane de Poitiers, obtinrent pour lui un pri- vilege du roi qui I'autorisait a faire imprimeret mettre (1) Mem. pour to concUe de Trente, p. 474, — yh — en vente la suite — 180 — qui se declare ordinairement a la suite d'un repas trop copieux d'aliments verts ou sees, de grains crus, de provendes ou le son et les niemes pailles dominent , se manifeste aussi a la suite d'une alimentation seche long-temps continuee et dont les effets n'ont pas ete combattus par l'usage de racines fourrageres , de grains cuits et de boissons rafraicbissantes ; elle a pour sym- lome caracteristique, la distension et la durete de la panse plus volumineuse et d'une elasticite moins eten- due dans la meteorisation recente essentielle et simple, distension , volume et durete qui se reconnaissent faci- lement a la resistance molle, pateuse, non elaslique qu'on sent en pressant le flanc gauche, apres avoir refoule les gaz avec le poing , ou dans la cavite du bassin, en fouillant l'animal par 1'anus. La constipation, une gene extreme de la respiration, la difficulte des mouvements de progression, quelquefois la sortie par la boucbe et le nez de parcelles alimentaires melangees a un liquide mousseux et acide , le gonflement des veines sous-cutanees du cou et de la face, avec rougeur des yeux , enfin des congestions cerebrales et d'aspbyxie, sont autant de signes, qui joints a ceux decrits ci-dessus, donnent la certitude de l'existence de la meteorisation compliquee de surcbarge d'aliments. Lasaignee, radministradonde deux ou troisbreuvages d'eau d'orge miellee a peine tiede dans cbacun desquels onajouteralo a 20 grammes etber sulfurique, des la- vements prepares avec de l'eau de son ou de mauve , des frictions secbes, de petites promenades, si le temps est doux, de bonnes couvertures sur le dos de l'animal quand il fait froid, la ponction du rumen si le cas l'exige, tels sont les moyens a mettre en pratique pour com- battre les complications graves de cette meteorisation et donner le temps d'aller cberefcer un. veterinaire. — 181 — II sera faitalors par celui-ci, a travers le flanc gauche et de haut en has, une incision qui permettra d'extraire de la pause la surabondance d'alimcnfs qu'elle contient ; rnais celte operation delicate , qui ne pent etre pratiquee que par une main exercee, n'est pas ton jours suivie de succos, et si I'animal eta it gras nous en conseillerons plutot le sacrifice. Saint siibstquents. — Plus ou moinsdediete suivant laqualite et la quantity d'alimentscontenus dans le rumen, le temps qu'a dun: la memorisation , les causes qui Font d&erminee et s:i gravity. Ainsi, aux animaus qui auront ele memorises potir avoir pature des herbes tendres et mouillees, ou mange a I'ctable des f'ourrages verts Ira is ou en ctat de fermen- tation, sebien garder de rendre les memes aliments, ne les f'aire paitre, s'ils vont en plaine, qu'un pen de bonnes herbes fennes et scenes, et si ils restent a l'ctable ou alabergerie, dormer une petite quantitcde ces merries herbes ou du loin de seconde coupe bien in et bien recolto; pour boisson, eau blanche farinense legerement salee. A ceux memorises par une surabondance d'aliments rerts, tels qneluzerneon trefle, unediete severe, pen- dant au moins deux jours, ne donner que de l'eau blanchie avec de la ferine d'orge . on simplement de l'eau daire salee el qnelqnes lavements pour favoriser les evacuations; suivre ensnite le regime indiqnl' pour la memorisation simple. A ceus memorises par la transition du vert au sec ou par I'usage exelusif d'aliments sees, diete blanche pen- dant deus on trois jours, brenvage d'ean d'orgeetd'eau de graines de lin melanges, rendns laxatife par l^:j grammes sulfate de sonde chaque litre; lavements adon- cissants. El quand I'animal commence a rnminer, donner — 182 — pour toute nourriture quelques tranches de carottes, de betteraves crues ou cuites melangees avec un peu de grain cuit et de son. Enfin a ceux meteorises avec surcharge d'aliments sees , la diete absolue pendant 5 ou 4 jours, force breu- vages rendus purgatifs par l'emetique a la dose de 15 grammes chaque litre et lavements egalement purgatifs. Dans tous les cas ne remettre les animaux que gra- duellement a leur nourriture ordinaire , quand la rumination sera parfaitement retablie, si Ton ne veut voir la meteorisation se renouveler. Traitement de la meteorisation cleterminee par la presence cVun corps etranger clans I'cesophage. — Le traitement de cette sorte de meteorisation differe de celui que nous venons d'indiquer, en ce qu'il est de toute impossibilite ici d'administrer aucun breuvage. Laponc- tion du rumen est souvent indispensable et quelquefois meme il faut y recourir avant de tenter aucun autre moyen. On doit aussi avoir recours a la saignee, soit avant, soit apres la ponction , quand la meteorisation a ete consi- derable et s'est compliquee de congestion pulmonaire ou cerebrale. Si le cas n'etait pas trop pressant, qu'il fut possible d'eviter la ponction du rumen et que le corps etranger soit arrete dans la portion cervicale du conduit alimen- taire , on pourrait tout d'abord essayer de l'expulser par l'un des trois m ovens que je vais indiquer et dont on doit d'ailleurs faire usage quand la ponction a ete faite. 1° Apres avoir introduit par la bouche, un ou deux verres d'huile douce ou d'olive dans l'cesophage , latete etant bien maintenue par l'une des cornes et le mufle, un aide comprime ce canal en dessous de la tumeur — 183 — formee par le corps etranger, faisant saillie sous la peaur du cote gauche de l'encolure , pour l'empecher de des- cendre; une autre personne exercesurlui une pression avec la main de maniere a lui faire faire un mouvement retrograde qui le force a remonter vers le pharynx et a le faire ainsi arriver dans l'arriere houche ; alors a l'aide d'un pas d'ane ou d'une planche percee, maintenue dans la houche , pour l'empecher de se fermer et s'opposer a tout mouvement de deglutition, une petite main va le chercher en ayant le soin de suivre le milieu de la bouche et de serrer les doigts les uns contre les autres jusqu'au pres du corps a extraire. On peut encore au moment de l'arrivee du corps dans l'arriere houche , lacher brusquement la tete , pour essayer de le faire rejeter au dehors , sans l'introduction de la main , qui n'est pas sans quelque danger. 2° La tete etant hien tendue sur le cou , on introduit dans la bouche une longue sonde en baleine munie d'un bouton a son extremite, ou une baguette flexible dont le bout bien arrondi est entoure d'un linge ou mieux d'un cuir doux, commeun doigt de gant par exemple, enduit de saindoux, d'huile ou de heurre, que Ton fait penetrer avec precaution dans l'oesophage en suivant la voute du palais et poussant tres doucement le corps etranger qui glisse jusque dans la panse. Ce moyen est le seul a mettre en pratique lorsque le corps est arrete dans la portion thoracique ou flot- tante de l'oesophage ; ce casse reconnait aux mouvements de deglutition repetes par l'animal , a des tremblements generaux, a une agitation conlinuelle, et enfin a l'exis- tance de la memorisation. 3° L'oosophagotomie, operation qui consiste a inciser longitudinalement el toujours du cole gauche de l'enco- — 184 — lure, le canal alimentaire, justement a 1'endroit ou le corps forme sous la peau une preeminence. Cette ope- ration peu dangereuse et ordinairement suivie de succes, doit etre pratiquee par un veterinaire qu'on a le temps d'aller chercher quelqu'eloigne qu'il soit , la ponction du rumen etant faite. Apres l'operation de l'oesophagotomie, nous ferons observer qu'il est preferable de nourrir 1'animal avec des aliments solides qui se pretent plus facilement a la de- glutition que les liquides, et de donner de l'eau claire pour boisson , l'eau farineuse venant a s'echapper de l'incision cesophagienne, peut se repandre dans le tissu cellulaire, lache et abondant qui entoure ce conduit, y fermenter, irriter les tissus et determiner des engorgements im- flammatoires plus ou moins graves. Dans les campagnes on a l'babitude de chercher a ecraser le corps etranger au moyen de deux morceaux de bois; cette pratique a le grave inconvenient de de- terminer des contusions, des meurtrissures, l'inflam- mation et meme la gangrene des parties ; je la conseil- lerais tout au plus pour ecraser des corps peu consis- tants, comme desracines cuites par exemple. Traitement de la memorisation symptomatique. — Les affections aigues ou chroniques du canal intestinal, une lesion quelconque des organes digestifs, ou le sejour d'un corps etranger dans leur interieur, leur debilite, une alimentation prolongee avec des substances fibreuses ou avariees qui s'accumulent dans les estomacs et les intes- tins, les irritent, les fatiguent; enfin, les maladies de poitrine et des organes urinaires , sont autant de causes capables de suspendre Facte de la rumination , et qui peuvent donner naissance a cette quatrieme variete de meteorisation. — 185 — Elle n'est jamais aussi brusque dans son developpe- ment que la meteorisation essentielle , simple ou com- pliquee, et si quelquefois elle parait se manifester tout- a-coup, c'est que les premiers symptomes ont passe inapercus; ainsi, quelque temps avant son apparition , l'animal perd sa gaite; Pappetit devient capricieux , moins actif, la rumination plus Iente ct moins repetee, les excrements sont plus fonces en couleur, plus sees, plus durs ou beaucoup plus mous et sont d'une odeur plus forte que dans l'etat ordinaire ; la peau est moins souple, les poils plus ternes ; en y faisant attention , on pent enfin remarquer a 1'avance une predisposition maladive chez l'individu. Dans ce cas, la tympanite ou meteorisation n'etant point la maladie primitive, pour la combattre, il faut tout d'abord attaquer celle qui lui a donne naissance. Or, si elle est determinee par rinflammalion aigue des organes digestifs, urinaires ou respiratoires, qu'il y ait ou non surabondance d'aliments dans la panse, c'est a la medication antiphlogistique qu'il faut avoir recours; la diete, la saignee, les breuvages adoucis- sants et calmants, les lavements mucilagineux , les fric- tions seches et de bonnes couvertures sur le dos de l'animal seront mises en usage. Si au contraire, la meteorisation est due a l'usage d'aliments fibreux ou de mauvaise qualite, qu'il y ait inflammation chronique , ou faiblesse des organes di- gestifs; une bonne nourriture de facile digestion, donnee en petite quantite, des purgatifs laxatifs, salins ou dras- tiques, tels que le sulfate de soude, 1'emetique qui nous ont souvent reussi , des lavements purgatifs, toniques ou excitants, des frictions seches ou irritantes, la prome- nade parle beau temps, seront les moyens cboisis de — 186 — preference. Enlin, dans l'un ou l'autre cas, la ponction du rumen , si elle <§tait necessaire. Mais encettecirconstance, jene saurais trop recom- mander d'appeler un veterinaire , lui seul est capable de juger pour bien diriger le traitement reclame suivant les cas, etindiquer les soins subsequents. TROISIEME P ARTIE. MOYENS PRESERVATIFS. L'homme qui parcourt les campagnes a lieu de s'e- tonner de voir avec quelle negligence les lois de l'hygiene veterinaire sont encore generalementobservees. Ici, les animaux de toute espece sont enlasses pele-mele dans une ecurie encombree de fumiers, manquant d'air et de lumiere. La, epuises par des travaux au-dessus de leurs forces, les chevaux sont maltraites et rudoyes. Ailleurs , pendant l'hiver, c'est une inaction complete , qui sert de pretexte au cultivateur pour ne leur donner qu'une faible nourriture de mauvaise qualite, inca- pable de maintenir l'equilibre du mouvement nutritif. Autre-part, avec l'exces de travail, et dans le but d'en obtenir encore davantage, c'est une surabondance d'aliments qui fatigue et surexcite les organes digestifs. Ici, ce sont des courses forcees et precipitees imme- diatement apres un repas copieux ; la , c'est un cheval couvert de sueurs qu'on laisse expose k toutes les in- temperies atmospberiques, ou auquel on fait boire une eau tres-froide. Pour les betes bovines , ou elles sont les trois-quarts de l'annee exclusivement nourries a l'etable avec des aliments sees , ou menees , par tous les temps , dans des paturages ou elles n'ont pour toute nourriture que des berbes tendres, souvent couvertes d'bumidite. — 187 — Ce que je dis du mode d'alimentation des betes bo- vines, n'est cependant pas applicable aux campagnes des environs de Reims. Ici , au contraire , ou nourrit generalement trop , en raison de la bonne qualite des fourrages , et je ne serais pas eloigne de croire que cette fatale maladie qui decime si souvent nos vaches laitieres, n'ait pour principale cause cet exces de nourriture , dont les effets ne sont pas contrebalances par des racines rafraichissantes. Cela me parait d'au- tant plus vrai, que pendant cinq annees d'exercice dans mon ancienne clientele, ou les animaux de cette espece ne recoivent qu'une alimentation moins abon- dante et moins echauffante, je n'ai vu aucun cas de peripneumonie contagieuse. A l'egard de nos troupeaux, combien de pertes quotidiennes qui n'ont d'autres causes que de la mau- vaise entente de l'bygiene. Les metorisations, le pie- tin, la cachexie aqueuse, le sang de rale, les mala- dies charbonneuses et d'autres affections encore qu'on pourrait prevenir, apportent tous les jours la desolation et le decouragement dans nos fermes. II n'est done pas superflu d'entrer dans quelques con- siderations sur les mesures bygieniques qu'il serait im- portant de prendre pour diminuer, autant que possible, les maladies de nos animaux domestiques et les pertes dont elles sont la cause. Mais attachons-nous princi- palement aux moyens de prevenir les affections si fre- quentes et si graves, qui font le sujet de notre travail, et pour cela , jetons d'abord un regard retrospectif sur les causes qui les determinent. Les mauvais traitements, un exercice force aussitot apres que les animaux ont mange, Firregularite des repas, un repas trop copieux, l'usage de fourrages nou- — 188 — velleinent recoltes, le vert donne trop tot ou en trop grande quantite, ou en etat de fermentation, l'eau froide prise en trop grande abondance quand les ani- maux ont chaud, peuvent donner lieu aux indigestions recentes, simples ou compliquees. Une alimentation continue avec des fourrages ava- ries, fibreuxou trop feuillus, avecdu sonpeu farineux, desfeuilles de vigne, un melange de paille hachee, de menue paille et de son, peu ou point mouilles, des fa- tigues trop considerables , qui nuisent aux fonctions di- gestives , ou l'inaction qni ne stimule point l'appetit , sont autant de causes capables de provoquer les indi- gestions cbroniques ou coliques stercorales. L'usage abusif d'aliments qui n'ont point jete leur feu, de grains echauffants, d'eau froide et crue nou- vellement tiree du puits, qu'on fait boire a descbevaux couverts de sueurs ; les courses forcees , un arret subit de transpiration , l'exposition a un air froid et vif , peuvent determiner les congestions intestinales ou tran elides rouges. Telles sont en peu de mols les causes principales de ces trois affections ; apres les avoir enumerees, qu'il nous soit permis , pour completer notre travail et mieux at- teindre le but que nous nous sommes propose d'indiquer aux cultivateurs les moyens de les eviter. MOYENS DE PREVENIR LES INDIGF.STIONS. 1° Ne point maltraiter les animaux. — Lecheval que nous avons exclusivement soumis a notre empire et qui nous rend tous les jours de si grands services, devrait etre de notre part l'objet d'une sollicitude toute particu- liere, nous en tirerions de grands avantages. — 189 — A l'exemple de qui se passe en Angleterre et dans quelques autresEtats, il serait bon qu'une loi defendit de traiter les animaux avec rigueur, car la brutalite est un tres mauvaismoyen de les gouverner. Continuellement tourmentes ils deviennent stupides, mefiants, indociles, ils sont maigres, de chetive apparence, digerent mal et ont souventdes indigestions. Menes au contraire avec douceur et management, le cbeval aime son maitre et lui obeit volontiers, travaille tranquillement sans beau- coup se fatiguer, se conserve en bon etat et n'eprouve point de derangement dans l'acte de la digestion. 2° Ne point dormer a manger et a boire immediate- ment avant et apres le travail. — II est une habitude dangereuse, suivie par l'homme des champs comme par l'habitant des villes, qu'il serait urgent d'aban- donner, c'est celle d'employer le cheval a la course ou a des travaux penibles, immediatement apres son repas. II en est du cheval comme de nous-meme , si apres un repas copieux on nous forcait a un exercice pe- nible ou a un travail d'esprit, nous en eprouverions un malaise insupportable; le sang affluant vers les organes locomoteurs ou le cerveau , il y a diminution d'activite de l'estomac, la digestion est difficile, se fait mal ou des indigestions surviennent. La plenitude de l'estomac s'oppose encore au libre mouvement des poumons dans la poitrine, dont la capacite se trouve diminuee , et nuit ainsi a Facte de la respiration et de la circulation. Pour obvier a ces inconvenients , on devra done ne pas attendre le moment du depart pour donner a man- ger a son cheval, et s'arranger de maniere a lui lais- ser d'une demi-heure a une heure de repas avant de le faire travailler. — 190 — II faudrait toujours aussi , a la rentree du travail , laisser ecouler quelques instants , avant de donner a manger et surtout a boire, et si les animaux avaient long-temps endure la soif, on les ferait boire a plusieurs reprises et peu a la fois. En ete l'eau sera tiree a l'a- vance pour etre a la temperature de l'air ambiant. En hiver, on ferait bien d'y jeter parfois quelques morceaux de fer rouge , ou d'y ajouter un peu d'eau chaude. S9 Ne point donner de fourrages et de grains nouvelle- ment recoltes. — L'usage des fourrages et des grains nouveaux est toujours pernicieux; manges avec vora- cite , mal maches , peu impregnes par la salive et souvent pris en trop grande abondance, ils surexcitent l'esto- mac et les intestins , et par leur propriete fermen- tescible, determinent frequemment des indigestions stomacales et intestinales , avec memorisation. Le vert donne tout-a-coup et sans discernement produit a peu pres les memes effets. MQYENS DE PR^VENIR LES INDIGESTIONS CHRONIQUES OU COLIQUES STEHCORALES. Nourrif suffisamment et avec des aliments de bonne qualite', t\e pas soumettre les chevaux a des travaux au- dessu& d& leur force, ni les laisser dans une inaction complete. — Si bien nourrir coute, mal nourrir coute encore davantage, dit un vieux proverbe, trop peu goute dans la classe agricole. En effet, si la quantite d'aliments n'est pas suffi- sante pour entretenir le mouvement nutritif, il y a non-seulement perte de la nourriture, mais encore perte du sang, de la graisse et des chairs , qui, a de- faut d'une alimentation reparatrice, sont obliges de — 191 — fuurnir aux organes les mateViaux necessaires a l'en- tretien de la vie. L'animal maigrit, perd tous les jours deses forces et devient peu apteau travail. Mais le cul- tivateurne connait pas assez cet axiome physiologique, et de la ces erreurs de regime qui lui sont si prejudicia- bles. Qu'il recolte beaucoup, il donne sans discernement et avec prodigalite. Qu'il recolte peu, il nourrit avec parcimonie, dut-il voir ses chevaux deperir, il n'ache- tera rien de ce qui lui manque , ce qu'il a , il le donne, et voila tout. Heureux encore, quand par defaut de calcul, il n'a pas vendu au moment de la recolte une partie de ce qui lui etait necessaire. C'est surtout en hiver, quand les chevaux ne tra- vaillent pas, qu'on croit pouvoir impunement dimi- nuer de beaucoup les rations, ou ne donner que des aliments peu nutritifs. Sans doute, un cheval qui ne travaille pas a besoin de moins de nourriture que celui qui est soumis a des travaux fatiguants; mais ne sait-on pas qu'il lui faut au moins sa ration d'en- tretien pour conserver ses forces, et que si Ton veut en obtenir du travail, serait-ce dans un temps plus eloigned il est necessaire de rentretenir dans un bon etat de sante et de vigueur. « Ce n'est pas au mo- » ment de faire travailler les chevaux qu'il convient » de leur donner des jambes » Mais ce qui predispose le plus souvent aux indigestions chroniques, aux coliques stercorales, c'est une nour- riture pendant quelque temps prolongee avec des ali- ments de mauvaise qualite qui se digerent difficilement et remplissent les organes digestifs sans apaiser la faim. Le foin trop feuillu, coriace ou trop ligneux, les grosses pailles pauvres en matieres nutritives, les me- — 192 — nues-pailles, le son sec et peu farineux , sejoument dans l'estomac et les intestins, les fatiguent inutilement, les irritent, durcissent , se dessecbent , et forment les pe- lotes ou masses d'aliments qui determinent les coli- ques stercorales. Les effets de cette mauvaise alimentation se feront d'autant plus sentir, que les chevaux serottt plus faibles, soumis a des travaux epuisants, ou reduits a un repos absolu. Nous ne saurions trop recommander au culti- vateur de bien calculer sur ce qu'il a recolte, pour ne conserver d'animaux qu'autant qu'il pourra les nourrir convenablement et avec regularity, et s'il n'avait pour sa consommalion que des fourrages avaries , de mau- vaise qualite, il faudrait tacber de diminuer leurs effets nuisibles, et augmenter leur valeur nutritive en les secouant, les bacbant, les melangeant et les arrosant avec de l'eau salee. Les menues pailles seront toujours rejetees pour la nourriture des chevaux, car je ne connais pas d'ali- ments plus propres a determiner les indigestions chro- niques. MOYENS DE PREVENIR LES CONGESTIONS INTESTINALES. Eviter de donncr des aliments nouvellement recoltes et ne point abuser de ceux qui sont tres-nourrissanls. — Nous avons vu qu'une alimentation abondante avec des fourrages et des grains nouvellement recoltes pouvait determiner des indigestions ou provoquer le develop- pement de congestions intestinales. 11 est important de nous arreter de nouveau sur riniluence de cette alimen- tation , qui suivant la qualite nutritive des aliments , les circonstances et les predispositions individuelles , — 193 — fera naitre Tune ou l'autre de ces affections, ou les determinera simultanement. Tout le monde sait que le foin nouveau repand une odeur penetrante qui monte a la tele et incommode. Entrez en effet dans un fenil , au moment de la fermen- tation, c'est-a-dire pendant les deux premiers mois qui suivent la recolte, restez-y quelques temps, et bien- totvous eprouverez un malaise insupportable; on a vu meme des bommes mourir asphyxies pour s'y etre im- prudemment endormis. Or, cette odeur, cette vapeur malfaisante, est due a un gaz , a un priucipe irritant qui s'echappe des foins, en meme temps que le reste de leur eau de vege- tation, et qui joint aux materiuux nutritifs des plantes fourrageuses, surexcite les organes digestifs, y fait affluer le sang, active 1'absorplion du chyle et predispose aux indigestions, aux congestions ou aux inflammations. Sices aliments sont pris en trop grande quantite, qu'ils soient mal broyes; quelle que soit leur faculte nutritive, ils s'accumuleront dans le tube digestif, fer- menteront la comme a l'air libre et determineront infailliblement des indigestions. Pris au contraire en quantite raisonnable, en rapport avec les forces diges- tives , s'ils sont de bonne qualite , ils seront bien digeres, mais le principe stimulant qu'ils contiennent, transports dans le torrent circulatoire, produira des elfets excitants sur tout l'organisme, le sang deviendra en peu de temps epais, abondant et riche, il y aura plethore et predisposition aux congestions et aux inflammations. De meme que les fourrages nouveaux, l'avoine et les autrcs grains subissent, apres la recolte, le pheno- mene de la fermentation. L'avoine nouvelle, dit Grogner, — 194 — determine des indigestions, des inflammations d'intestin, des douleurs abdominales, etc. On doit done toujours conserver la quantite de vivres necessaires a la consommation , pour attendre que le foin nouveau soit ressue, ait jete son feu, ait perdu son odeur forte et sa saveur desagreable. Comme l'avoine qui a fermente, il sera alors moins echauffant, moins irritant, plus salubre en un mot. Avan t d'arriver a donner exclusivement les aliments nouvellementrecoltes, on ferait sagement d'alterner les aneiens avec les nouveaux , pour ne point passer brus- quement d'un regime a un autre. Mais il peut arriver que par suite d'une mauvaise annee, on soit oblige de faire consommer des aliments aussitot apres la recolte ; il faut dans ce cas , les donner avec precaution, faire crever, cuire , ou concasser les grains , ou ajouter un peu de sel a chaque ration , ou les laisser avec leur paille non battue. Les foins donnes en petite quantite , seront arroses avec de l'eau salee et on fera usage d'eau blanclie preparee avec du son ou de la farine d'orge. Les grains et les fourrages ayant subi leur fermen- tation naturelle, qui contiennent beaucoup de principes nutritifs et sont donnes en abondance, produiront tout- a-fait les memes effets, mais plus lentement que les aliments nouveaux qui n'ont point jete leur feu, si nous en exceptons toutefois , les indigestions qui se deve- loppent apres un repas trop copieux. Le cultivateur devra en consequence, s'attacber a bien connaitre la valeur nutritive des aliments , pour regler les rations qu'il donne a ses chevaux. II n'ou- bliera pas que les grains nourrissent plus et font plus de sang que les foins et les pailles, les legumineuses — 195 — (lentilles, feverolles, vesces, gesses, jarosses, sainfoin, trefle, luzerne,) plus que les cereales (ble, orge, seigle, avoine) et que ces aliments ont des qualiles nutritives d'autant plus grandes, qu'ils seront plus murs, auront vegete pendant une annee seche , dans de bons terrains, et d'autant moins qu'il seront recoltes sur un sol tres- fecond , auront pousse pendant une annee pluvieuse et seront plus legers sous un meme volume. Quand les animaux apres avoir ete maigrement nourris, reprendront de la vigueur et de l'embonpoint et qu'on les vena s'arrondir par suite d'une nourriture abondante et riche en principes nourrissants , il sera toujours bon : 1° de leur pratiquer une saignee pour desemplir les vaisseaux et favoriser la circulation du sang; 2° de les rafraicbir en leur donnant de l'eau blan- che, des carottes, ou une ration d'orge et de seigle cuits. Ne point donner d'eau froide aux chevaux qui sont eouverts de sucur et qui sont a jeun. Eviter les arrets de transpiration et les refroidissements brusques. — II est un fait vulgaire qui peut donner une juste idee de l'impression produite par une eau tres-froide sur nos organes, comme sur ceux des animaux. Lavez-vous les mains avec de la neige ou plongez-les dans une eau glacee ; au froid vif et glacial que vous eprouverez d'abord, succedera bientot une chaleur presqu'insup- portable , qui sera due a l'afflux du sang vers la partie irritee. Ainsi , l'eau froide ingeree dans l'estomac et le tube digestif exalte la sensibilite des tissus, determine leur irritation et des congestions surviennent. Un vent tres-froid, en arretant brusquement les transpirations cutanee et pulmonaire, peut aussi provo- 13 — 196 — quer le developpement de congestions intestinales en repoussant le sang vers les organes abdominaux. Toute boisson froide sera done rejetee, notamment quand les chevaux auront chaud ; et pour diminuer les funestes effets du froid sur les animaux qui seront au travail, ils seront pourvus d'une demi-couverture de laine en hiver, et de toile en eHe. A leur entree a l'd- curie on aura le soin de bien les bouchonner, de les couvrir encore, et de fermer les ouvertures qui pourraient donner un courant d'air. MOYENS DE PRfiVENJR LES METEORISA.TIONS DES RUMINANTS. Les moyens preservatifs des me'teorisations decoulent naturellement , comme ceux de toutes les maladies, des causes qui peuvent les determiner. Ne pas donner d'aliments verts qui se seraient e"chauffes en tas, ou qui sont mouilles par la pluie, le brouillard ou la rosee ; les etaler apres les avoir fauches pour qu'ils sechent et ne fermentent pas. Ne pas conduire les animaux dans les paturages, no- tamment dans les luzernes et les trefles avant que le soleil n'ait debarrasse les plantes de l'humidite qui les recouvre. Dans le cas ou on serait oblige de faire pature des herbes fraiches, donner une ration de fourrages sees ou de pailles a la bergerie ou a l'etable avant le depart, afin de satisfaire au premier besoin et d'empecher que les animaux mangent avec voracite. Quand les paturages seront tout-a-la fois abondants et succulents, comme ceux formes par les prairies ar- tificielles, conduire d'abord les animaux dans les endroits ou les berbes sont clair-semdes , ne les mener dans les luzernes et les trefles, que quand l'appe'lit — 197 — sera deja diminue , puis les eloigner de ces lieux aus- sitot qu'on verra la peau du flanc gauche &tre de niveau avec la derniere cote et la hanche ; ne revenir dans ces paturages que quand les animaux auront rumine et en partie digere. Ne jamais passer sans transition du vert au sec, ni du sec au vert. Pendant l'hiver alterner les aliments sees avec des racines fourrageres tels que : betteraves , carotes, pommes de terrre, topinambours , navets, choux, etc., ou tout au moins du grain cuit, seigle ou orge; saler les aliments pour aiguiser l'appetit et favoriser les digestions. Eviter de donner des foins nouveaux , qui en fermentant dans le rumen , peuvent determiner des meteorisations, ne les donner qu'en petite quantite, en ayant le soin de rafraichir les animaux, si on elait absolument force d'en faire usage. Ne pas laisser endurer la soif aux animaux , afin qu'ils ne prennent pas une trop grande quantite d'eau a la fois. Tels seraient a peu pres les moyens de preserver les ruminants des meteorisations. Nous venons de dire que pendant l'hiver il dtait bon d'alternerla nourriture seche avec des racines fourrageres, il est utile de revenir sur cette prescription , car l'usage des racines est peu connu dans notre arrondissement. Rien n'est cependant plus contraire a la sante et aux habitudes des ruminants, qu'une alimentation seche, et par son usage exclusif, nous ne pensons pas qu'il soit possible d'entretenir ces animaux avec profit. Le son , la dreche et les grains cuits , tout en produisant de bons effets sous le rapport de l'engraissement ne peuvent pas remplacer les racines fourrageuses pour contrebalancer les funestes eflets d'une nourriture echauf- fante et coutent toujours plus cher. — 198 — Que les cultivateurs ne nous objectent plus qu'il faut de bons terrains pour la culture des racines , nous repondrions avec conviction, que partout, on peut les cultiver, et que la oules plantes pivotantes ne viennent pas, les tubercules poussent ; nous dirons plus, et l'experience le prouve, quelle que soit la qualite du sol sans recolte sarclee, tout bon assolement est im- possible. La carotte, lenavet, la pomme de terre, le topinam- bour, le panais, la betterave, produisent, pour la plupart, le plus de nourriture sur un terrain donne , rafraicbis- sent les animaux, les tiennent en bonne sante en les nourrissant bien, favorisent l'engraissement, augmentent la secretion laiteuse, preservent les nourrissons d'un lait trop echauffant , preparent l'economie a la nourriture verte, s'opposent enfin au developpement des meteori- sations et des irritations gastro-intestinales, si frequentes pendant l'hivernage , etc. La culture de ces racines n'offre pas de difficultes serieuses , et les avantages qu'elles procurent, compen- sent largement les frais qu'elle necessite. Cultivons done les racines fourrageres , faisons les entrer d'un quart, d'un tiers et quelquefois meme de moitie en poids dans la nourriture seche, nous pour- rons ainsi elever et entretenir plus de bestiaux, les conserver, avoir plus d'engrais , de meilleurs r^coltes, et partout concourir a augmenter le bien etre general. HEIMS. — IMP. DE RKCMER. SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. ANNEX 1846-1847. r 14 el 15. S£nnc<» du 19 Fevricr 1949. PRESIDENCE DE Mff L'AWMiQDE. Etaient presents, MM. Brimont, Saubinet, Robillard, Bandeville, Fanart, Nanquette , Landouzy, Querry , Garcet,Gobet, Lecomte, Sutaine, Tarbe de S-Hardouin, Maquart, Monnot, Louis Lucas, Gonel, Clicquot, Eug. Courmeaux,Guillemin, Pinon, Aubriot, Tourneur, Henriot, membres titulaires ; Et MM. Levesque dePouilly, de Maizieres , Maillet, 1'abbeAubert, H. Paris, Perreau, Brissaud et Mortier, membres correspondants. M. Garcet , secretaire archiviste, lit le proces-verbal -de la derniere seance , qui est adopte sans reclamation. 14 — 200 — M. Tarbe de S'-Hardouiu , secretaire-general, fail le depouillement de la correspondance. La correspondance imprimee comprend : 1° Une lettre du secretaire-general dela Societe royale et centrale d'agriculture , sciences et arts, du departe- mentduNord (Douai), qui envoie un bon pour retirer le volume des memoires qu'elle a publies pour 1845- 1846. 2° Le mandement de Mgr l'Archeveque, pour le careme de 1847. o° Une lettre-circulaire par laquelle la commission d' organisation du congres central d'agriculture, an- nonce a l'Academie, que la 4e session s'ouvrira le lundi 22 mars prochain. Cette lettre est accompagnee du programme des tra- vaux du congres pour 1847. La commission envoie en outre trois questions importantes, des rapports el une serie de demandes sur lesquelles elle appelle le plus promptement possible l'attention particuliere de l'Aca- demie. MM. Lecomte et Maillet sont pries de preparer une reponse aux questions posees; MM. Edm. Arnould et de Vro'il sont designes pour representor l'Academie au congres central. 4° Une brocbure intitulee, Tiers de sol d'or frappe a Mauriac, par M. C. Robert, membre correspondant. 5° Rapport sur l'ouvrage ayant pour titre : Examen sur I'histoire des monnaies royales de France, parM. Car- pentin, fait a l'Academie royale deMetz, parM. C.Robert, membre correspondant. 6° L'Ardennais, nosdes7, 9, 11, 14, 16, 18, Fevrier; par M. Fleun L'V — 201 — La correspoadance manuscrite comprend : 1° L'ampliation d'une ordonnance royale en date du 15 decembre 1846, ainsi concue: « Louis-Philippe, roi des Francais, a tous present « et a venir salut. « Sur le rapport de noire ministre Secretaire-d' Etat « au departement de V instruction publique, nous avons « ordonne et ordonnons ce qui suit : » Art. le'. L'Academie de Reims, etablie a Reims (Marne), est rcconnue comme elablissement d'utilite pu- blique et son reglement joint a la presente ordonnance est approuve; aucune modification ne pourra etrc apportee a ce reglement avant d'avoir recu notrc approbation. Art. 2e. L'Academie de Reims est declaree apte a posseder, acquerir, aliencr, recevoir des donations et legs, apres en avoir recu Valorisation, eonformement aux dispositions de I'article 900 du code civil. Art. 5e. Notre ministre Secretaire-d' Etat au depar- tement de V Instruction publique est charge de I'execution de la presente ordonnance qui sera inserce au Rulletin des lois. Fail au Palais des Tuileries, le 45 Decembre 4846. signl LOUIS-PHILIPPE. Par le Roi, le Ministre secretaire d'Etat de V Instruc- tion publique , signe SALYANDY. Pour ampliation : pour le chef du Secretariat, le chef du cabinet. signe MARQUIS D'AUX. — 202 — 2° Une lettre en date du 8 firmer, deM. deSalvandy, ministre de l'Instruction publique, qui adresse a l'Aca- demie l'ampliation de l'ordonnance royale et qui ajoute : « J'apprecie, Monsieur le President, le zele el les travaux importants de l'Academie de Reims, et je suis heureux d'avoir a lui remettre cette communication. » — Le bureau s'est empresse d'adresser ses remer- ciments a M. le ministre. o° Une leltre en datedu 15 fevrier 48-47, parlaquelle M. de Bussieres, depute de la Marne et membre corres- pondant de l'Academie, en transmettant l'avis de la nouvelle ordonnance, annonce qu'il va poursuivre aupres du ministre de l'Instruction publique, la realisation d'un autre vceu forme par la compagnie , et qui a pour objet le complement de la souscription sur lequel elle a cru pouvoir compter pour la publication de Dom Marlot. 4° Une lettre par laquelle M. Paris (Louis) previent l'Academie que tous les diplomes de membres corres- pondants , qu'il avait adresses , comme secretaire au ministere de l'Instruction publique , ont ete envoyes a leurs destinalaires , a l'exception de trois qu'il faudra refaire. M. Paris en remerciant l'Academie du litre de membre honoraire qu'elle lui a confere, annonce l'envoi procbain d'un nouveau travail bistorique. 5° Une lettre de M. Henri Gerante, peintre verrier a Paris , qui remercie l'Academie du titre de membre correspondant qu'elle lui a confere. M. le Secretaire-general, apres avoir lu Tordonnance royale qui approuve les nouveaux statuts organiques , demande que l'Academie arrete definitivement son — 203 — reglement interieur, resle a 1'etat d'ebauche depuis quatre ans et qu'elle y introduise les decisions qu'elle a prises depuis cette epoque. Une commission composee deMM. Robillard, Fanart, Nanquette , Garcet , Gobet, et Lucas , est chargee de preparer ce travail. M. Gonel demande la parole, et propose a l'Academie d'accueillir l'ordonnance qui la classe parmi les etablis- sements d'utilite publique en votant une collecte pour les indigents de la ville. L'Academie decide que la motion sera reprise en comite secret a la fin de la seance. M. Monnot-des-Angles demande que l'Academie fasse les frais d'un tirage a part des Observations de M. Dessain sur la mendicite. Cette motion est renvoyee au comite d'administralion. LECTURES. M. Brissaud lit la deuxieme par tie d'un travail intitule : Essai sur la vie politique d' Henri de Navarre avant son avenement a la couronne , d'apres sa correspondance particuliere. Cette deuxieme lecture comprend : Fbistoire du Bearnais entre les annees 1584 et 1589. M. Brissaud continue de developper la tbese bistorique qu'il avait exposee l'an dernier. La correspondance du Bearnais eclaire d'un jour tout nouveau 1'histoire de sa vie politique avant son avene- ment; lesmemoires contemporains, selon M. Brissaud, ne donnent pas une juste idee des talents politiques et du patriotisme eleve de Henri de Navarre pendant cette periode; ses lettres, au contraire , nous le montrent — *204 — rcpre'sentantdeja,des cette epoque, la cause monarchique et le parti de la tolerance, elles nous donnent le secret de ses succes, et demontrent ce que jusqu'ici on n'avait fait que deviner. M. Landouzy continue 1'histoirede la decouverle de l'inhalation de l'ether pour supprimer la douleur dans les operations chirurgicales ; il caracterise la discussion qui s'est etablie a ce sujet a l'Academie des sciences, entre MM. Roux et "Velpeau d'une part, et M. Magendie de l'autre ; il s'attache a refuter les objections que Ton a fondees,soit sur desfaits, soitsur des hypotheses, ildecrit les effets physiques etleseffets physiologiques tres varies produits par l'etherisation ; il cite a l'appui , quelques experiences qu'il a pratiquees sur plusieurs personnes et notamment sur deux academiciens, et il termine en sou- met tant a l'inhalation quelques uns de MM. les eleves de l'ecole de medecine. comit£ secret. A 9 heures 1/2 l'Academie se forme en comite secret. M. Lucas annonce, avec l'assentiment d'un genereux bienfaiteur, qu'un legs d'une somme considerable est fait a l'Academie et que le testament est depose dans son etude. M. Gonel developpe la motion qu'il a faite au com- mencement de la seance. Apres une discussion appro- fondie, alaquelle prennentpart surtout, Me'TArcheveque et MM. Gobet, Landouzy, Gonel et Lucas, l'Academie — 205 — decide qu'une collecte sera faite dans son sein au profit des pauvres, que la souscription sera ouverte seance tenante, entre les membres presents, et que la liste sera portee au domicile des membres absents. A 10 heures 1/2 la seance est levee et renvoyee au vendredi 5 mars. — 206 — Stance flu 5 liars 1847. PBESIDENCE DE H. LAMOOZY, YICEPRES1DEM. Etaient presents, MM. Robillard, Bandeville, Fanart, Nanquette, Phillippe, Querry, Garcet, Derode, Sutaine, Tarbe de S'-Hardouin, Maquart, Duquenelle, Monnot, Louis Lucas, Soilly,Eug.Courmeaux, Aubriot,Tourneur, Gosset et Henriot-Delamotte , raembres titulaires ; Et MM. de Maiziere, Maillet, Velly, H. Paris, J. Perreau, membres correspondants. M. Garcet, secretaire archiviste, lit le proces-verbal de la derniere seance, qui est adopte sans reclamation. M. Tarbe de S'-Hardouin , secretaire-general, fait le depouillement de la correspondance. La correspondance manuscrite comprend : 1° Une lettre de M. le Maire de Reims, qui remer- cie l'Academie , au nom de la ville et des pauvres, de la collecte faite dans son sein a Tissue de la derniere seance. M. le secretaire annonce que la somme recueillie par ses soins , s'est elevee a 855 francs. 2° Une lettre de M. Feuillet, membre correspondant, a Lyon , qui adresse un n° du Courrier de Lyon (11 fevrier 1847), contenant un article dans lequel il rend compte des communications faites a l'Academie de Reims, par M. Rondot. 5° Une lettre de M. Devismes, membre correspon- dant , qui, residant en ce moment a Amsterdam , offre a l'Academie ses services pour les missions dont elle — 207 — desirerait le charger en ce pays. — M. Devismes sera prie de faire parvenir aux societes savantes de la Belgi- que quelques prospectus des publications de l'Academie. La correspondance imprimee comprend : 1° Un bon, adresse par M. Ballin, archiviste de l'Academie royale des sciences , belles-lettres et arts de Rouen , pour retirer un exemplaire du Precis analy- tique des travaux de cette Societe, pendant l'annee academique 1845-1846. 2° Une lettre-circulaire par laquelle M. de Caumont, au nom du Congres scientilique de France, reuni a Marseille en septembre dernier, engage l'Academie a deleguer trois de ses membres a la session de 1847, qui se tiendra a Tours. M. de Caumont annonce en outre qu'unconseil-general Academique se reunira a Tours, le 4 mars, pour arreter le programme des questions qui seront discutees pendant cette session , et engage l'Academie a se faire representer a cette reunion preparatoire. 3° L'Ardennais, nos des 23, 25 et 28 fevrier, 2 et 4 mars 1847, par M. Fleury. 4° Le Journal du genie civil des sciences et des arts, 46e livraison. 5° Le Journal de la societe d'agriculture du depar- tement des Ardennes, 25 fevrier 1847. 6° Les Annales scientiliques , litteraires et industri- elles de l'Auvergne, novembre et decembre 1846. 7° Une notice sur un cachet d'oculiste romain, par M. Ch. Dufour, membre correspondant , a Amiens. M. Phillippe est charge de rendre compte de cette notice. — 208 — M. de Cauniont avait annonce que des cetle annee M. le ministre de l'lnstruction publique pourrait sans doute mettre a la disposition du congres scientifique une somme destinee a decerner des prix aux auteurs des meilleurs ouvrages publies en province, et il avait de- mande a l'Academie , afin de les mentionner dans le rap- port dont il est charge, quels etaient parmi les ouvrages edites et composes dans nosdepartements, ceux qu'elle jugeait dignes de l'attention du congres et des recom- penses du ministre. M. l'abbe Bandeville, rapporteur de la commission, nommee dans la seance du IS Janvier, lit la lettre qu'elle propose d'ecrire a M. de Caumont. L'Acade'mie adopte la redaction de cette lettre par laquelle le Marlot francais est designe seul aux suffrages du congres. M. Phillippe lit une note d'Archeologie medicaledans laquelle il donne la description de cinq cachets d'oculistes romains, et l'explication queluien afournieM. Sichel. A la suite de cette lecture, M. Lucas annonce qu'un cachet d'oculiste romain a ete decouvert a Reims il y dix mois, et qu'il fait partie de sa collection. M. Monnot-des-Angles fait un rapport elogieux sur un ouvrage de M. Prompsault sur la langue latine. M. H. Paris lit, au nom de M. Pinon, le commence- ment d'une notice sur la vie et les oeuvres d'Eustache Deschamps, poete champenois du xive siecle. M. Tarbe de S'-Hardouin lit , au nom de M. de Maiziere,un rapport sur une notice inseree parM. Cousin dans le Journal des Savants, et dans laquelle l'auteur examine les oeuvres d'Hutcheson, fondateur de l'ecole philosophique ecossaise. A 9 heures i\\ la seance esllevee etrenvoyeeaui9Mars. — 209 — LECTURES. LECTURE DE M. RRISSAUD. Essai sur la w politique d'fleuri de Navarre, avanl son avencmcnt, d'apres sa correspondance parliculiere. 2e Partie. ( 1584. -1589. ) Messieurs , L'an dernier , dans uue lecture dont le sou- venir doit etre loin de vous, j'entrepris d'exposer la vie politique d'Henri de Navarre, jusqu'a son avene- ment a la couronne, d'apres le document le plus nou- veau et le plus sur, sa correspondance particuliere, publiee sous les auspices du ministers de l'lnstruction publique, dans la precieuse collection des Documents inedits. Mais je ne conduisis ce travail qu'a sa moilie. L'histoire d'Henri de Navarre, chef du parti protestant, peut se partager en deux periodes, separees par la morl du due d'Alencon, en 1584 ; e'est a cette epoque que je m'arretais. II me restait a etudier la correspondance du roi de Navarre, devenu heritier presomptifdela cou- ronne. La patiente indulgence avec laquelle vous avez, Messieurs , accueilli ce debut d'un novice , m'a encou- rage a poursuivre mon travail. — Mais, avant de vous soumeltre ce que depuis m'ont appris sur ce grand per- sonnage le depouillement et la critique des letlres qu'il — 210 — ecrivit pendant cette seconde periode , permettez-moi, Messieurs , de vous rappeler les conclusions de la pre- miere lecture. Quelle etait en -1584 la situation de la France et du Bearnais..? — Depuis 25 ans , une affreuse guerre ci- vile desolait le pays. Deux religions , toutes deux alors animees d'un fanatisme egal , se disputaient le sol . Leur fureur etait excitee et dirigee a leur insu par des ambitions politiques egalement funestes , ici des dema- gogues extremes , ou une noblesse avide de privileges; la une illustre famille de parvenus, convoitant pour elle le souverain pouvoir. Elles en vinrent au point de meconnaitre la loi antique et veneree du pays , l'autorite royale , avilie , il faut le dire , dans ces temps malheu- reux, dans la personne de ceux qui portaient le sceptre. — La maison d'Autriche , jalouse et redoutable rivale de la France , voyait avec joie ces discordes , elle les entretenait assidument, et preparait sous main la chute des Valois pour elever au trone les Lorrains, ses proteges et ses instruments. L'ordre social etait bouleverse, l'independance du pays en peril. Parbonheur, quel que soitledelire d'une e"poque, la raison ne l'abandonne jamais completement : au mi- lieu de la fouledes insenses qui courent a leur perte, la providence fait toujours naitre quelques homines de sens rassis, destines a sauver les autres. II se trouva done des hommes sages, peu nombreux d'abord, quijeterent au milieu des deux camps les cris de tolerance religieuse et de soumission a la royaute : e'etait la en effet le cridu salut. J'aiessaye, Messieurs, de vous faire voir, a l'aide des lettres du Bearnais, que ce fut lui en realite le chef de ce parti. Nominalement , il etait a la tete d'une des deux factions egarees : sa nais- sance . son education , la volonte de sa mere et — 211 — de son oncle lui avaient impose la direction des prolestants. Mais vous avez pu voir avec quelle habilete et quelle sagesse il avait su aecorder celte obligation avec le role que sa haute raison lui commandail. Vous avez pu voir que du jour ou il fut capable d'agir par lui meme, il adopta les idees de conciliation, d'ordre, et de patriotisme : qu'en combattant les exces des catholiques, il reprimait aussi ceux des siens, et qu'il ne reclama pour eux jamais plus que ce que la royaute consentait a leur donner. Le maintien de l'ordre par le libre exercice du pouvoir royal, tel fut le but constant de sa conduite : ce grand principe auquel se rattachaient tous les interets sociaux d'alors, do- mina toujours dans son esprit tout interet particulier de secte, de parti, de famille, et permettez-moi de vous le rappeler, il faut dire a sa grande gloire que, lorsqu'il commenca de professer cette noble politique^ il ne pouvait prevoir que son interet a venir la lui imposerait. II y fut toujours fidele pendant ces dix premieres annees, de 1574 a 1584, c'est-a-dire durant une pe- riode oil Ton n'avait pas a craindre que la race des Valois manquat au trone, ou personne n'entrevoyait la candidature eventuelle du roi de Navarre, et par consequent la necessite pour lui de suivre la ligne mo- narchique. II fit done passer le bien de la France devant son interet present, devant le besoin pour son parti de faire la loi a la royaute, devant l'avantage pour lui- meme d'obtenir une souverainete feodale. Haute intelligence, et grand cceur , quoi qu'on en ait dit, le plus admirable representant au xvie siecle de la politique vraiment nationale : par l'etude attentive de sa correspondance se trouve une fois de plus confirmee cette verite religieuse et consolante, que dans l'histoire — 212 — les grandes fortunes ne sont le prix que des bonnes causes servies par les grands talents. On lui a fait un crime de son adresse: on a taxe sa bonte de fausse bonhomie: vieux et injuste reprocbe. II est trop facile de refuter ceux qui lui refusent un coeur bumain et compatissant, ets'il employa les ressources de l'esprit le plus souple qui fut jamais, ne le fallait-il pas pour le bien de la France? Ne le fallait-il pas pour venir a bout de la plus grande ditficulte qui se puisse concevoir, pour concilier son role de partisan de la tolerance et de la monarchie limitee avec sa position officielle de chef des calvinistes, d'un parti aussi revolutionnairc que les ligueurs ? Au moment ou nous avons laisse le recit de sa vie, s'ouvrait pour lui une periode oil il allait avoir a deployer cette habilele incomparable. La mort du due d'Alencon , en l'investissant du litre d'heritier presomptif de la cou- ronne, compliquait singulierementses embarras. La plus grande difficult^ pour lui n'etait pas dans l'adoption d'une politique conforme ii ses interels nouveaux. Sous ce rap- port, il se trouvait fort a 1'aise, il n'etait point gene par son passe. La conduite qu'il devaitsuivre desormais, etait celle qu'il avaitsuivie jusqu'alors. Iln'avait pas acraindre qu'on lui reprochat d'avoir attendu pour defendre la mo- narchie qu'il fut appele a en etre le depositaire , il avait eu, a la tete du parti protestant, lasagesse etle courage de ne pas la combattre ; heritier presomptif, il pouvait la servir sans etre accuse d'apostasie. Avantage immense qui lui assurait tout le parti modere et devait le grossir autour de lui. II etait manifeste en effet qu'en prenant parti pour la royaute, en mettantson interet d'accord avec celui de la France, le Bearnais restait Gdele a lui-meme ; et grace a ces beureux antecedents, tous les hommes senses devaient voir en lui le pretendant ii preferer , — 213 — l'homme t. u, p. 4,71 . — 237 — une treve generate... J'estime que nous ferons quelque chose de bon. » II ne fallait pas clans le moment que ses gentilshommes tarclassent a le joindre, il les relan- cait vivement, mais avec une familiarite encourageante. Voici comme il traite un retardataire, M. de Lestellc : « Crapault, que voulez-vousdire, iln'eslpas temps peut- etre de venir (1) ? votre frere dit que sy , et Lavardin est aussi gros que vous pour le moins. Laissons raillerie, nevous excusez: ce n'en n'est pas la saison. Mais si vous m'aimez, et si vous voulez queje le croie, montrez l'exem- ple aux aultres. Je te prie, Crapault, viens-moi trouver et amene ce que tu pourras ou ce que tu voudras. Car en quelque facjon que je te voye, tu seras lebien vcnu. Ce erne nous avons faitjusqu'ici n'est pour riencompte au prix de ce que nous ferons asteure. » Enfin , le 21 avril, Henri passa la Loire, demarche solennelle qui annoncait publiquement sa prochaine reunion avec Henri III (2). « La glace a cte rompue, ecrit-il aDuplessis, non sans nombre divertissements que s'y j'y allais, j'estais mort, j'ai passe l'eau en me re- commandant a Dieu , lequel par sa bonte ne m'a pas seulement preserve , mais fait paraitre au visage du roy une joie extreme , au peuple en applaudissement non pared, mesme criait: vivent les rois, de quoi j'estais bien marry. » Le 50, une entrevue eut lieu entre les deux rois, tous deux s'embrasserent attendris, le roi de Navarre surtout « des yeux duquel on voyait les larmes tomber grosses comme pois, de grande joye qu'il avail de voir le roy. » La reconciliation des deux rois fut la source d'une suite de revers pour la ligue. Mayenne essaya vainemenl (1) Documents incdits, I. II, p. Hi. (2) Documents incdits, t. n. p. 477. 30. — 238 — d'enlever les faubourgs de Rouen. — Les Parisiens furent battus devant Senlis. Les deux rois echouerent, il est vrai, a mettre Orleans dans leur parti : malgre une lettre eloquente du Bearnais, les Orleanais tinrent pour la ligue . Mais sur tous les autres points, on etait victorieux . Mayenne reculait a la hate sur Paris , Henri III plein d'espoir s'etait reuni aux Suisses, et avec les troupes de d'Epernon, deMontpensier, ilavaitreuni i0,000hommes. Henri de Navarre etait transporle de joie : ses lettres a Corisande (1), respirent l'allegresse la plus expansive : «Mon ame,il y a cinq mois, Ton mecondamnaitheretique et indigne de succeder a la couronne : et j'en suis asteur le principal pilier , voyez les oeuvres de Dieu avec ceux qui se sont toujours lies a luy. » — « Si le roy use de diligence comme j'espere, nous voirons bientot les clo- chers de Notre-Dame de Paris. » En effet, le 21 juillet, les deux princes s'emparerent de Pontoise, et arriverent a S'-Cloud. L'assaut allait etre donne aux murs de Paris le 2 aout: « Sur le coeur de la ligue, dit Henri III, c'est droit au coeur qu'il faut frapper. » Mayenne avait tout au plus 10,000 homines, la ville tremblait, Henri HI ne l'epargnerait pas. La vengeance devait etre terrible. L'execration dans Paris etait au coni- ble pour le Valois, avec la haine, la crainted'un affreux peril , et le fanatisme qui ferait fermenter toutes les pas- sions haineuses. Henri III s'en etait trop approche. II tomba sous le poignard de Jacques Clement , le'aout. Un instant on avait cru que sa blessure n'etait pas mortelle, et Henri de Navarre dans sa lettre du ler aout a M. de Souvrele fesait esperer. — Cetespoir ne dura pas longtemps. Henri de Navarre etait oblige de faire (l) Documents inedits, t n. p. 487. — 239 — un post-scriptum pour annoncer que les chirurgiens etaient en grand doute de la guerison. II ajoutait: « je m'assure qu'un bon cceur n'aimera jamais la ligue ayant fait un si malheureux acte. » C'etait vrai; les exces, les meurtres , les vues egoistes des ligueurs devaient les perdre, et donner la victoire a Henri de Navarre. Une autre condition toutefois lui etait necessaire. — Les politiques aimaient en lui la sagesse de ses idees; — mais la nation exigeait un prince catholique. Aussi lors- qu'apres une nouvelle luttede six ans , la ligue aurait ete demasquee, Henri de Navarre n'en devait pas moins etre force d'abjurer le protestantisme. Henri III le lui avait predit. « Soyez certain que vous ne serez jamais roi , si vous ne vous faites catholique. » La correspondance du Bearnais, en resume, pendant la periode qui s'etend jusqu'en 1589 , nous a donne le secret de ses succes ; dans la suite , elle nous a demon- tre ce que jusqu'ici on n'avait fait que deviner. En politique, l'ordre et comme condition de l'ordre , la soumission a la loi, a l'autorite reconnue, en reli- gion une egale protection pour des cultes differents , telle est la cause dont le Bearnais fut le representant pendant tout le temps qui preceda son avenement a la couronne. Chefdu parti protestant et de la noblesse, il sait defendre leurs interets , sans menacer la royaute, a la tete d'un parti rebelle , il sait rester monarchique. II veut sans doute pour lui-meme et pour son parti des conditions avantageuses , des privileges , des gouverne- ments , des libertes : mais une fois la part faite , il veut qu'on s'en contente, ce que la royaute a octroye, qu'on l'accepte, qu'on ne demande pas plus ; seul contre tous les siens , il execute et fait executer les edits de paci- fication ; il punit la turbulence , et la mutinerie : si _ no — les Huguenots demandent la guerre, il la refuse : ce n'est que lorsque la royaute viole elle-meme les lois qu'elle a faites , qu'il se decide a suivre l'entrainement de son parti. — Quant a sa religion , abstenons-nous d'avancer qu'il fut ou ne fut pas fervent protestant ; mais quelqu'ait etc- le fond de sa pensee , affirmons que toujours il professa ouvertement la vraie religion de ceux qui sont appeles a gouverner les hommes , la tolerance, l'amour de la liberte de conscience. G'estpour cela, qu'il fut de bonne heurePhomme reserve ausalutde la France, celui que d'abord choisirait un petit nombre , parce que d'abord bien peu n'ecouterent que la raison , celui que plus tard tous devaient designer comme le sauveur , quand tous seraient redevenus senses par las- situde. — II le prevoyaitet pressentait sa fortune: une fois qu'il fut devenu heritier presomptif , il s'assura dans son coeur que la couronne ne lui echapperait pas, plein de confiance dans la legitimite de ses droits, dans la conformite de son role politique avec les vrais interets du pays , et aussi dans son art merveilleux pour ga- gner les hommes et les partis , il se promit le succes avec cette certitude qui n'est permise qu'au genie : il marcha hardiment contre ses ennemis, parce qu'il pratiquait exactement cette devise que je trouve dans une lettre a Corisande, et qui peut etre celle de tous les avises fondateurs de dynastie : « par patience et che- miner droit , je vaincs les hommes de ce siecle. » — 241 — LECTURE DE M. DE MAIZIERE. Extrait du journal des Savants, mois d'aout 48 46. Notice par 1H. Cousin sur Ihtckcsoii, fondaleur de I'ccoto philosopkique Ecossaise. PREMIER ARTICLE. Des sa jeunesse , Hutcheson recut , conserva , repandit avec ardeur les principes de la liberie civile et religieuse. II se refusa aux preuves donnees a priori del'existence de Dieu. Mais, profondement religieux, il s'eleye a l'idee de Dieu en partant de l'homme et du monde. Cette opi- nion^ M. Cousin promet de la combattre, probablement dans son deuxieme article. II fut persecute en Irlande, comme dissident. A 51 ans il composa a Dublin son premier ouvrage : Recherches sur Vorigine de nos idees de beaute et de vertu; ce fut le fondement de sa reputation. Trois ans apres , il fit paraitre VEssai sur la nature et la conduite des passions ct des affections ; avec des cclaircissements sur le sens moral. L'annee suivante, en 1729, il fut appele a l'univcrsite de Glascow , oil il fonda l'Ecole philosophique ecossaise, — 242 — Des lors il ne publia plus que des manuels , des abre- ges a l'usage de ses auditeurs. Mais il se devoua lout entier a ses fonctions. II fut un professeur eminent, il possedait une grande variete de connaissances di- verses, qui lui permettaient d'appliquer sa doctrine aux differentes matieres enseign^es dans l'universite. Presque tous les eleves des quatre facultes venaient puiser a ses lemons des principes ou des directions utiles. II etait communicatif , expansif et tres eloquent. Le vrai, inepuisable foyer de son eloquence, etait dans son coeur. II aimait et il bonorait l'humanite ; et il en inspirait le respect et l'amour a ses jeunes auditeurs. La croyance a la divine Providence etait le theme favori qu'il ramenait sans cesse. II faisait neuf lecons par semaine. La plus frequen- ce etait celle du dimanche soir , sur l'excellence du christianisme, en s'appuyant sur le nduveau testament. La philosopbie ne recherche que les verites de l'ordre naturel. La seule evidence qui lui appartienne est l'evi- dence naturelle. II suit de la qu'elle ne peut se soumettre a aucune autorite etrangere. Elle respecte, elle aime la Theologie ; elle en est la sceur : mais elle n'en est ni la fille, ni la servante. L'etude de la nature humaine est le point de depart de toute saine philosopbie. C'estlamethoded'observation appliquee a l'homme : ici , a nos facultes exterieures et physiques; la, a nos facultes internes , nos facultes intellectuelles et morales. L'observation interne a pour instrument unique la conscience, la reflexion; et pour objets , les idees , les sentiments , les pbenomenes par lesquels se produit noire constitution intellectuelle el morale. La methode d'observation interieure se nommc m&hode psychologique. Descartes l'a empruntee a Socrate el a tout vrai philosophe. — 2&3 — L'ecole ecossaise est tout aussi libre que cellede Locke, en possession comme elle de la vraie methode, mais la connaissant et la pratiquant mieux. Hutcheson se propose de conduire ses auditeurs a des verites d'un ordre eleve, a l'aide de leurs facultes naturelles. II en appelle a 1'autorilc souveraine d'une de nos facultes , de laquelle nous tenons le principe de l'obli- galion morale, qui nous revele plus particulierement les desseins de Dieu sur nous ; la volonte de Dieu nous est attestee par nos propres facultes; et toutes nos idees reposent sur l'evidence naturelle. Dans 1'ordre eternel tout vient de Dieu, tout nous mene a lui. Les facultes que nous tenons de Dieu nous decouvrenl des verites de tout genre, qui ensuite nous decouvrent Dieu. La methode d'Hutcheson est experimentale. Fort de la perfection deja obtenue dans la pbilosopbie naturelle, par 1'observation des faits, il fut convaincu que la vraie philosophic morale devait se fonder sur 1'observation exacte des dilferents principes d'action dont nous avons conscience en nous memes, et que c'est ainsi qu'elle doit etre la source de la plus vive satisfaction pour tout ami sincere de la verite. Hutcheson n'a pas d'abord pratique cette vraie me- thode philosophique, son Compendium logicce est un abrege de la logique de Port-royal , precede d'une courte introduction sur les promoteurs de la philosophic , parmi lesquelsil place Bacon, Descartes, Newton, Shaftesbury, et Locke. La logique est l'art de diriger l'esprit dans la connaissance des choses. L'esprit a trois operations; l'idee qu'il appelle apprehension, le jugement et le raisonnement. Hutcheson a suivi l'usageen commencant la metaphy- sique, par l'ontologie, et en tela il a viole la methode — m — experimentale. II declare an reste que l'ontologie est une science fort mince. Et il repete que la connaissance des etres reels s'acquiert par la sensation et par la cons- cience. II est alors un disciple de Locke. L'esprit est passif dans l'acquisition de ses premieres idees. Sa puissance consiste a agir sur elles, a les com- parer.... La raison pent decouvrir les relations des choses, leurs causes, leurselfets, rattacher l'avenir au present. II appelle sens externes, ce que Locke appelle les sens; et sens internes, ce que Locke nomme la conscience ou la reflexion. Pour Hutcheson la volonte est une faculte motrice , a la suite du besoin , de l'appetit, du desir, a la suite d'une apparence de bien ou demal. Le desir, l'aversion sont, selonlui, les actes de la volonte. En cela il confond les occasions de l'exercice de la volonte, aveccet exercice meme , et avec la force propre qui est le principe de cet exercice. Hutcheson accorde a la volonte emanee du desir le pouvoir de mouvement spontane. Mais il n'en- tend la qu'un pouvoir mecanique aveugle, et non un pouvoir independant, capable decederoude resister, de sorte que, sans nerfs et sans muscles, il n'y aurait pas de volonte. Dans son ouvrage posthume , le Systeme de philo- sophie morale, il est remarquable qu'on ne trouve pas meme l'expression de la liberte de la volonte. II hesite entre l'opinion : un jugement de la raison etant donne , la volonte suit necessairement, et l'opinion qui attribue a la volonte le pouvoir d'agir, de faire ceci, ou de faire cela. II penche du bon cote, quand il dit qu'il semble que la seule fonction de l'entendement est d'apercevoir la ve- rite; et que vouloir, ordonner, commander, appartient a la volonte.... Mais il ne dit pas si ce vouloir, si cette — 245 — volonte possede une energie qui lui soit propre , et dont elle dispose: en un mot, si elle est libre. Hutcheson renvoie a la metaphysique la solution du probleme. Maintenant dans son esquisse de la metaphysique on trouve seulement ces deux passages sur la liberie. L'un est dans 1'ontologie : « De libertate artlua est quccstio : » il developpe les deux opinions conlraires, sans decider; l'autre passage « In quo sit libertas ; » il expose 1'opinion sloique, et celle opposee, a laquelle seulement ilparait incliner ; l'excuse d'Hutcheson est dans la theologie de son temps et de son parti, et dans la philosophic regnante au xvir9 siecle , et meme au xvme siecle. M. Cousin annonce une psychologic plus assuree , qui elevera la foi a la liberie humaine, au-dessus de tous les systemes theo- logiques et philosophiques opposes. En attendant la realisation dans le procbain cahier du Journal des savants, de l'annonce faite par M. Cousin, pour moi disciple obscur de la philosophic naturelle, je m'occupe d'etablir solidemcnt cette liberie dans les deter- minations de la volonte ; etje me propose d'en faire, a une prochaine seance, le sujet d'une courte lecture a I'ho- norable compagnie. — 246 — LECTURE DE M. PHILLIPPE. Archeolode Medicalc. — Cachels des Oculislcs Romains. II faut que je sois bien convaincu de l'indulgence de l'Academie et de son amour pour la science, pour me decider a l'entretenir aujourd'hui d'un sujet qui ne peut guere conquerir ses sympathies , ni gagner ses suffrages. Je suis done soutenu par l'espoir que l'aridile de la matiere que j'aborde trouvera grace devant vous et j'ai besoin de me rappeler que personne , dans cette en- ceinte, n'est insensible a l'attrail d'unenouveaute scienti- fique, si chetive que soit sa valeur. La decouverte que j'ai l'honneur de vous commu- niquer, Messieurs, ne m'appartient pas, je me hate de le dire, mais j'ai le consentement verbal et ecrit du savant qui en est l'auteur, de la porter a la connaissancede votre docte compagnie; ce savant, e'est M. Sichel , dont le nom, comme ophthalmologiste , a franchi les limites du royaume. L'Archeologie, qu'on definit la science des antiquites, ne doit pas s'occuper seulement de la partie architecto- nique, de la numismatique , de la glyptique, elle doit com- prendre encore et elle comprend eneffet, lasigillographie. Jusqu'alors cette science n'avait admis que trois divisions, l'archeologie religieuse , l'archeologie civile et l'archeo- logie militaire; grace aux travaux de M. Sichel, et de quelques antiquaires peu connus, il faut en creer une — 263 — plus d'esprit et de lumieres, aussi me garderai-je bien d'imposer mon jugement comme regie invariable, je laisserai a chacun et son libre arbitre et le droit legi- time de critique etde blame. Assez souvent de nos jours, ne voit-on pas les mauvais ecrivains revolter encore plus par l'outrecuidancede leurs pretentions que parleri- dicule de leurs productions, j'eviterai cetecueil, d'autant plus qu'il n'y a qu'a gagner a etre modeste pour toutes sortes de gens sans exception. Un ecrivain mediocre, merae depourvu de talent, peut obtenir 1'indulgence, des qu'il montre qnelque defiance de lui meme. En de- finitive, je me suis applique ces paroles de Montaigne: « Je ne foys point de doubte qu'il ne m'advienne souvent » de parler de cboses qui sont mieulx traictees cbez les » maistres du metier, et plus veritablement, c'est icy » purement l'essay demesfacultesnaturellesetnullement » des acquises je n'ay point d'aultressergents » de bande a renger mes pieces, que la fortune; a memes » que mes reveries sepresentent, je les entasse; tantost » elles se pressent en foule, tantost elles se traisnent a la » file, je veulxqu'onveoye mon pas naturel et ordinaire » ainsi detraque qu'il est ; je me laisse aller comme je » me trouve Je ne chercbe aux livres qu'a » m'y donnerdu plaisir par unhonnete amusement. &c. » Has meus ad metas sudet oportet cquus. J'avouerai qu'apres l'excellente notice publiee par M. Crapelet, en tete d'une edition des ceuvres choisies d'Eustache Deschamps, qu'apres les savantes et judi- cieuses recherches faites par M. Paulin Paris dans les manuscritsdece poete conserves alaBibliothequeroyale, on pourrait qualifier de temeraire, de presomptueuse meme, lapensee qui me fit aborder un sujet traite par 18 — 264 — des plumes aussi exercees, plusieurs fois j'y voulus re- noncer; mais l'amour-propre provincial, le desir de faire connaitre un poete compatriote me soulint ; je crus remarquer qu'il existait dans le travail de ces ecrivains, deux donnees bien distinctes ; se completant l'une par l'autre , qu'il etait essentiel de reunir, c'est ce que j'ai essaye de faire, tout en avouant avoir emprunte a ces messieurs les renseignements indispensables a cette notice alin de la rendre interessante et complete. Les ceuvres completes d'Eustache Deschamps forment un volume grand in-4° velin de 595 feuillets a deux co- lonnes. Cet enorme volume contient 1175 ballades, 175 rondeaux, 14 lais, 80 virelais, des fabliaux, deux poemes non termines par suite de la mort de notre poete, ainsi que l'annonce la rubrique suivante placee en tete de la table generate. « En ces presentes rubriches sont les refrains de toutes les ballades et chansons roiaulx, et les premiers vers de tous les rondeaux et virelays estans en ce present livre selon l'ordre de l'A B C avecques plusieurs laiz , traitiez, lettres missibles, commissions et aultres eho- ses estans en ce present volumine, comme il pourra apparoir par ces presentes rubriches et par le proces dudit volume , fait par Eustache Deschamps , dit Morel, escuier huissier d'armesdu roy notre sire, chastellain de Fismes et son bailli de Senlis . Et entre les aultres choses, y a deux traictiez, cellui de la fiction du Lyon et l'anltre du Mirouer de mariage , non complez pour la mort qui trop tost lui survint. Dieu ait pitie et mercy de lame de lui. Amen. » Ce serait volontairement s'exposer a tomber dans l'er- reur, que de prendre ses renseignements dans les bio- graphies, pour ecrire la vie d'un personnage celebre. — 265 — Presque toutcs ces publications sent inexactes, et la pluparl repetent avec la plus grande naivete du inonde, les donnees mensongeres des biographies precedentes. Je n'en citerai pour exemple qu'Eustache Deschauips que beaucoup d'entre elles font naitre en Flandre , tandis qu'il nous donne, par les vers suivants, l'indicalion precise du lieu de sa naissance. Je fus jadis de terre vertueuse , Nez de Yertus le paTz renomme , Ou il avoit ville tres gracieuse , Dont li bon vin sont en maint lieu nomine , Jusques a cy avoit mon nom nomme , Eustace fut appele des enfans; Or suis tout ars , s'est mon noin remue ; J'aray des or a nom Brule des champs. Dehors Vertus ay niaison gracieuse , Oil j'avoye par longtenips demoure, Oil pluseurs ont mene vie joyeuse ; Maison des champs Ton ptusieurs appelle, Mais, Dieu mercy , toute plaine de ble , Ont les Angles le feu boute dedens ; Deux mille frans m'a leur guere coute ; J'aray des or a nom brule des champs. On voit par cette piece qu'Eustache possedait une maison a quelque distance de Vertus , qu'il avait continue d'y reunir ses amis et d'y mener joyeuse vie, que le nom de Deschamps lui bit donne par ces memes amis en reconnaissance de l'hospitalite qu'ils y recevaient , et que cette maison detruite et brulee par les Anglais , lors de 1'invasion d'Edouard probablement a l'epoque ou il vint assieger Reims , excite les regrets de notre poete. Observons aussi qu'au xive siecle, beaucoup de per- sonnes n'avaient pas encore de nom propre distinctif, le nom de Deschamps ne devint celui d'Eustache que quand l'emploi des noms propres fut general. Celui de Morel , sous lequel il est cite dans plusieurs biographies — 266 — est un sobriquet qui lui tut donne a cause de son leiut basanne" comme il nous l'apprend lui-meme par les vers suivants : Chacuns me dit: tu es lais garnemens, Gros visage as , tu es noirs et hallez, Un gros yeux , noirs sourcis tout herupez Tn es devant comme Saint Pol , pelez , Mais tu scez bien faire le precieux. Lor leur respon , comme resconfortez ; Si je suis laiz , si suis-je gracieux. Plus de doute possible, il etait noir et hallez, on l'appela Mourel du mot latin Maurus, Morellus, noiratre, basane, Maure. II naquit done a Vertus au commencement du xive siecle, il conserva toujoursune vive affection pour sa ville natale, comme on le voit dans plusieurs ballades et principalement dans celle-ci : Vertus est villc vertueuse Oil Dieux fist vertueusement Mainte fontaine merveilleuse En sec lieu merveilleusement , Pour arrousez le tenement , Bons vins a , fromens , seille , avaino , Moulins , jardins , riviere saine , Et qui court contre le Souleil , Sans tarir vient de vive vaine. Chascun le puet veoira l'ueil. Au piet du mont est fructueuse , Fondee tres-devotement ; De mainte eglise precieuse , Deux crosses, college ensement. Notre-Dame premierement , Saint-Sauveur et sur le demaine Saint-Jehan , l'autre eglise prochaine- Est saint-Martin de doulx accueil , Parroche du lieu souveraine , Chascun le puet veoir a l'ueil. — 267 — Maison Dieu y a gracieuse , Maladrerie et mesmement Conte , sceaux , justice piteuse , Tres bon aer , bel esbatement ; Brie au-dessus , bois largement , Carrieres, Moymer, la Champaigne, Et Marne de pres l'accompaigne A Epernay et a Busseuil , Bons fruiz a , bestiauls et montaigne , Chascun le puet veoir a l'ueil. ENVOY. Prince, des le temps Charlemaine Qui ficha son tref sur la plaine Devant Moymer , est en estueil Vertus qui a moult souffrir paine Des Anglis par feu gaste et vaine , Chascun le puet veoir a l'ueil. Vertus possedait au xrve siecle, ainsi que ces vers nous l'apprennent, deux abbayes, une collegiale, quatre eglises, un hotel-Dieu et une maladrerie. Le monl Moymer qu'on nomme aujourd'hui Mont Aime, a vu se reposer les armees victorieuses de Charlemagne , dans les plaines qu'il domine, comme plus tard il devait etre temoin de la joie insolente des troupes etrangeres, alors qu'elles defilaient dans ces memes plaines devant les souverains allies en 1815. Eustache avait, ainsi que nous l'avons ditplus haul, une vive affection pour sa ville natale , car toutes les fois qu'il la trouve , il saisit l'occasion d'en faire l'eloge, il a meme compose pour les habitants de cette ville , une charte en vers qu'il a intitulee : La charte des bons enfants de Vertus en Champagne. Mais il ne s'arrete pas a Vertus seulement et toute la province champenoise a droit ases hommages. II compose une ballade sur Reims , et dans une autre ballade il fait ses adieux a cette ville; la ville de Troyes n'est point oubliee et il kit — 268 — adresse trois rondeaux d'adieux , il deplore les malheurs que causenl les pilleries des Bretons , quand ils pas- saient en Champagne se dirigeant vers rAllemagne le sire de Coucy a leur tele. Malade a Fismes , il com- pose une ballade du detruit et estrange melodie des oy- seaux demourans en la tour; dans une autre, il y peint fort en laid les ressources et les agrements de cette for- teresse, il chante les mceurs et conditions des Champe- nois, il vante leurs succes dans l'etude et finitainsi sa piece : Habiles sont a l'escripture Les pluseurs , et a concepvoir. Dont cinq d'iceux met en figure : Le Mangeur qui par tres grant cure Voulut scolastique traicter ; Satnte More Ovide esclairer ; Viiry , Machault de haute emprise Poetes que musique ot chier. Toutes gens n'ont pas ceste guise. ENVOY. Princes , le cinq fait a prisier , Clametiges et auctorisier , Qui retorique loe et prise , Et tuit li poete estrangier ; Gils est de Langres tresorier, Toutes gens n'ont pas ceste guise. Les cinq auteurs dont il est question dans ces vers sont: Pierre, qu'on appelle Comestor ou le Mangeur (1). (1) Pierre Comestor surnomme le Mangeur (non parce qu'il mangeait plus qu'un autre , mais parce qu'il avait devore , lu beaucoup de livres). Doyen de l'eglise de Troyes, gouverna l'ecole de theologie de Paris de 11 G4 a 1169 — seretiraensuitea Saint Victor, et meurutsuivant lesunsen 1178 et suivantd'autresle21 Octobre 1185. 11 laissa tout son bien aux pauvres. 11 estauteurdu livre fameux intitule Scolastica historia qu'il dedia a l'Arche- veque Guillaume aux blanches mains , Archevgque de Sens. Cet ouvrage est l'histoire Sainte , suivie depuis le commencement de la Genese jusqu'a la fin des Actes des Apotres lirec du texte de I'ecriture et des gloses: l'auteur — 269 — II avait juge convenable de traduire ainsi son nom. Benoit de Sainte More (i), Philippe de Yitry (2), Guillaume de Machault (5) et Nicolas de Clemangis (4). y a joint quelques traits de l'histoire profane. Ce livre est a la fois dogma- tiqne el historique et le recit est charge de dissertations. On regrelte qu'il s'ecarte souvent du sens litteral pour suivre des sens figures et donne aux noms propres de fausses etymologies ; il raconte affirmativement des fables ridicules , cependant son livre fut recu avec enthousiasme , et pendant trois siecles on le regarda comme un excellent corps de theologie positive. II eomplelait une theologie universelle avec les sentences du P. Lombard et le decret de Gratien (Biographie universelle). (1) Auteur du siege d'Athenes et du roman de Thebes dont il avait puise le sujet dans Ovide. (2) Poete. (3) Guillaume de Machault, ne a Machault, dans les ardennes, poete ne en 1282 ou 1284, entra au service de Jeanne de Navarre, femme de Philippe le bel en 1301 , devint valet de chambre de ce prince, et plus tard secretaire de Jean de Luxembourg , roi de Doheme , a compose grand nombre d'ouvra- ges en vers , dont les plus remarquables sont : Le livre dou veoir dit, le dit du Vergier, le dit du Lyon, etc. Ses oeuvres sont conservees a la bibliothe- que royale , en deux volumes manuscrits , in-folio. (•i) Mathieu Nicolas de Clamenges, en latin Clemangius ou de Clemangiis, naquit vers le milieu du xive siecle au village de Clamenges pres Chalons- sur-Marne. 11 fit des etudes brillantes au college de Navarre dont son frere etait le grand-mattre. 11 etait recteur de l'universite en 1393, secretaire de l'anti-pape Benoit XIII , il fut soupconne d'etre l'auteur de la bulle d'excom- munication dressee contre le roi de France Charles VI. Les preventions que sa conduite fit naitre en cette circonstance , furent si fortes , qu'il jugea prudent de se retirer a Geneve. A son retour en France , il obtint la place de tresorier de Langres : de nouvelles preventions l'obligerent a quitter une seconde fois sa patrie, il se retira dans le monastere de Vallombreuse en Toscane oil il resta quelques annees. Ce fut dans cette retraite qu'il composa ses principaux ouvrages. Le roi lui accorda son pardon, lui rendit les bene- fices et a son retour , il fut nomme chantre et archidiacre de Bayeux. Sur la fin de sa carriere , il revint au college de Navarre , dont il fut proviseur et il y mourut ; il fut enterre dans la chapelle de ce college sous la lampe devant le maitre-autel : il choisit lui-m&nae cette place parce qu'ayant ete dans sa jeunesse hoursier de ce college il etait venu souvent la nuit etudier a la lueur de cette lampe. II est auteur de plusieurs ouvrages qui furent tros-estimes — 270 — Eustache lit ses humanites a Orleans , des l'age de 12 ans il se distingua par la vivacite de son esprit et son aptitude a apprendre. II etudia la philosophie , le droit, l'astronomie, et obtint de grands succes dans l'etude de chacune de ces sciences, ce qui lui valut la protec- tion de Louis d'Orleans, le meme qui fut assassine par Jean-sans-peur , due de Bourgogne , rue Barbette a Paris. II devinl plus tard huissier d'armes des rois Charles V et Charles YI de la liberalite desquels il obtint la Chatellenie de Fismes, ensuite le bailliage de Senlis et en dernier lieu la charge de tresorier de France , charge qu'il occupait encore a l'epoque de sa mort. Sans nous arreter a examiner toutes les pieces que contient l'enorme recueil des ceuvres d'Eustache Des- champs ( plus de 80 mille vers ) , nous allons jeter un coup-d'ceil sur les plus interessantes et principalement sur celles qui pourront nous renseigner soit sur les fa its et mceurs de cette e"poque, soit sur la vie de noire poete. Voici d'abord une ballade sur le temps present, qui nous donnerait une bien triste opinion de ce temps , si nous ne savions que souvent les poetes raisonnent peu leur convictions , et cedent a l'entrainement de leur ima- gination aussi mobile que le nuage qui passe ou le vent qui souffle. II est probable qu'Eustache aura compose cette ballade dans un acces d'humeur noire , qu'il aura dans leur temps. Sa latinite est remarquable , son style est orne , sans affec- tation , il abonde en termes choisis et en heureuses applications des auteurs sacres et profanes. Mordant dans ses satires, il est agreable dans ses des- criptions; il n'est plus lu aujourd'hui , niais il a joui a sonepoque d'une reputation etonnante , il correspondait avec les ministres et les souverains , et son uom , si souvent proclame immortel dans le xive siecle , est a peine connu aujourd'hui de quelques erudits {Biographic universelle). — 271 — charge sa palette des couleurs les plus sombres pour mettre en harmonie son tableau avec sa pensee , Temps de doleur et de temptacion , Age de plour , d'envie et de tourment; Temps de langour et de dampnacion , Aages meneur pres du definement ; Temps plains d'orreur, qui tout fait faussement , Aages meuteur, plain d'orgueil et d'envie , Temps sans honneur et sans vray jugement , Aage en tristour qui abrege la vie. 11 continue ses imprecations dans les autres strophes et menace le temps de la fureur du limit juge en lui donnant pour avis toutefois , que saige est qui se repent. Dans une autre ballade, intitulee : Foulz estvieulz horns quijeune femme prent , il recommande au lecteur d'eviter en mariage les disproportions d7age, car dit-il, dans son langage naif et qui peut paraitre grossier aux oreilles de bonne compagnie. Une jument n'aroit d'un toreau cure, Ne la chievre n'a cure du sangler , Chascun se doit a son per assembler. Apres avoir signale les tourments , les inquietudes qui attendent Phomme assez peu raisonnable pour contracter de pareils liens il s'ecrie : Les vieulz aux vieulz , jeunes aux jeunes gens , Aussi pourront bonne vie mener. Foulz est vieulz horns qui jeune femme prent. (La suite prochatnemenl). REIMS. — P. RECMER, lMPRIMEUR 1>B I.'ACAIiKMIE. SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. ANNEE 1846-1847. f 16. Stance — obstacle ne l'arrelera. Pendant l'hiver, quand, a son tour, la neige a voile la craie qui lui disputait sa blancheur , on voit les loups parcourir le plateau des Monts de Champa- gne, et dans leur trajet rapide pivoter en de longs circuits dans ceslieux abandonnes, et s'egarer sur 1'immense plate-forme de la montagne. Sur cesolvierge ou jamais le pied de 1'homme n'a porte, si ce n'est en ligne droite , la nature semble imperissable ; depuis que notre planete accomplit ses revolutions periodiques, les eaux du ciel sont restees impuissantes pour vivitier cette croute seche et brulante ; partout ailleurs , tout nait et meurt pour re- naitre et mourir encore, ici rien n'est change. Les vents dans leur course furieuse ne font pas tourbillonner de poussiere, ils glissent sur la surface du sol sans en en- lever la moindre parcelle. La pluie tombe-t-elle avec abondance ? La craie poreuse et friable l'absorbe aussitot. La foudre, la foudre seule a parfois frappe cette terre ingrate, et penetre dans ses flancs; alors, senlement, on rencontre quelque leger mouvement de terrain qui detruit runiformite de la surface, ou bien une modeste croix de bois qui vient rappeler au passant que, seul , au milieu de l'orage, un malheureux voyageur, sans abri , est tombe frappe dans la tempete. Nous traversions rapidement le plateau sauvage ; — oii tout me disait que l'ame ne saurait vivre, ou rien ne peut vivre; nos regards etaient fatigues par l'aspect mo- notone du ton blafard du calcaire. Cependant il nous fallut traverser ainsi quatre mortelles lieues. Heureuxsi, dans notre solitude, nous avions vu venir vers nous quelque charrelte ou quelque cavalier. Ce spectacle, or- dinairement si indifferent, eut ete pour nous tout un episode, car il serait venu nous rappeler qu'a l'extre- mite de ce pays mort , nous retrouverions encore une nature vivante et animee. — -297 — En cheminant je queslionnais mon guide, qui connaissait bien la topographie du pays; il m'apprit que les Monls de Champagne forment un immense am- phitheatre qui separe le vallage de la Champagne, et sont la continuation des monts d'Argonne, que la sur- face du plateau que nous traversions en ligne droite couvre une circonference d'environ 8 kilometres, etque la chaine de montagnes, qui separe les Ardennes de la Champagne, est la continuation du banc de craie. Son erudition ra'apprit encore qu'au nord du point ou nous nous trouvions, se trouve le blanc mont, sur lequel cam- pait, le 15 decembre 1650, l'armee du general de Duplessis-Praslin , qui battit celle que commandait Turenne. C'est cette defaite qui fut appelee la bataille de Rethel , bien que cette ville soit eloignee de plus de 20 ki- lometres du blanc mont. II me dit encore qu'un espaee circulaire d'environ 1 00 metres de circonference, se trouve pave depetits cailloux, places a la main, et que cet espaee, isole sur le haut du mont, est appele la place du manege. Enfin, completant ses donnees historiques et archeo- logiques, j'appris de lui que, dans le courant de 1845, en creusant le mont blanc, on decouvrit plus de cent squelettes ; chacun d'eux avait au-dessus de sa tete un petit vase en tcrre, puis un collier de cuivre au cou, un bracelet de meme metal a chaque bras , et un plus grand vase aux pieds. Chaque fosse etait construite en cailloux et chaque cadavre y avait ete place les pieds tournes vers le levant (1). Nous avancions toujours, et toujours le sol semblail monter devant nous. Inquiet pendant un moment, mon guide me communiqua une crainte : un nuage epais semblait s'elever dans la direction de Pouest. La chaleur (i) Je finis cos renseignements a M. le Curd d'Aub'ertve — 298 — devenait accablante, repercutee quelle elait par fa blancheur opaque de la craie. La pluie, dans tout autre moment , eut ete un agreable contre-temps ; mais la pluie sur la craie nue et lisse rend le sol glissant corarae un glacier. Quand l'orage surprend le voyageur au milieu des monts de Champagne, il n'y a pas le plus petit moyen de l'eviter. Dans l'impossibilite de franchir ra- pidement la distance qui separe ces lieux d'une route frequentee , il faut rester immobile ; et si , dans une sem- blable occurrence, la nuit vient vous surprendre, il taut s'abandonner a Dieu : car, sur ce plateau desert il n'existe pas un seul sentier battu ; c'est a peine si quelques or- nieres indiquent en plein jour la voie frequentee de preference ; nulle part ne s'eleve de jalon conducteur; parfois les traces d'ornieres s'elargissent ou disparaissent, et laissent le voyageur indecis sur la direction qu'il doit suivre. La pluie sur les Monts de Champagne , c'est le verglas sur le pave des villes. En songeant a pareille rencontre, il me vint a l'esprit de penser a cetle categorie d'hommes actifs a qui il faut constamment du nouveau sous le soleil ; a ces honnetes bumains, qui, sans regrets et sans remords , aban- donnent parents, amis, patrie, pour parcourir le monde sans y etre obliges ; a ces hommes , enfin , d'une or- ganisation telle qu'ils n'eprouvent qu'un seul besoin au monde: celui de voyager, de tout voir, detoutcon- naitreet qui visiteraient memel'enfer, si l'enfer recevait lesvivants. Je songeaisdonc aces heureux de laterre, doues d'une sante de fer et favorises de la fortune , el je me disais qu'un touriste serait gueri, a tout jamais, de la fievre des voyages, si la curiosite l'amenait a passer une nuit pluvieuse sur les Monts de Champagne. A tout moment je me retournais pour apprecier — 299 — f'iiiteiisile du image qui se developpait derriere nous el je songeais a la nuit sombre et orageuse. Heureusement notre quadrupeds' conducteur etail vif el notre bagage etait leger. J'ai dit que sur nos pas s'elevait insensiblement le sol : nous en acquimes bientot l'assurance ; deja nous avions traverse la plus grande parlie du plateau, Fhorizon se rapprocbait au devant de nous, et nous apercevions dans la vapeur doree qui le bordait, line ligne bleue, accidentee, qui annonoait un pays fertile et vivant. Encore quelques moments, et nous arrivions a l'exlre- mite des Monts de Champagne, nous commencions a respirer un air frais et embaume que le vent poussait vers la montagne, et nous distinguions bientot la cime des peupliers, dont le feuillage s'elevait audessus dusol crayeux, ainsi que fait le grand mat d'un navire qui s'a- nnonce en mer, avant la coque du bailment. II serait difficile d'exprimer, d'une maniere satisfaisante, le sai- sissant contraste que presente, a son extremite, la plate- forme des Monts de Champagne. Tranche presqu'en diagonalc, cecote du mont descend rapidement dans la plaine, et la, devant soi, sous sespieds, circulent sous d'epais ombrages , des ruisseaux d'eau vive et limpide. Au pied de cette montagne sinue et si aride, regne la nature la plusagreste etla plus active, aussi cette limits du desert offre-t-elle le plus bizarre rapprochement : sur le haut de la montagne tout manque, parce que tout y doit perir, a ses pieds le sol est trop riche, tropfecond. II semble que dans un de ces calaclysmes dont le monde a ete le theatre, toute la terre vegetale qui recouvrait l'immense surface de la montagne, s'est trouve violem- ment rejetee par le soulevement de l'enveloppe terrestre et qu'une force d'attraction, causee par I'approcho d« — 300 — quelque corps immense, est venue mettre ami cette ste- rile contree. Sans doute, cette revolution est antedilu- vienne ; nulle legende, nulle ballade n'expliqueront jamais la fatale destinee de ces lieux : notre globe a ses mysleres et partout se fait voirle doigt de Dieu. Avant de descendre la cote dangereuse de la mon- tagne, jejetai encore un dernier regard derrieremoi, je dis adieu a cette terre si pauvre, dont l'analogue ne se rencontre que par petites portions. Ailleurs, sans dome, on voitla craie se faire jour a la surface, mais elle n'est pas pure; aussi Ie campagnard., dans son naif, mais judicieux langage, appelle-t-il une portion du pays : la Champagne pouilleuse. Nous descendimes dans la verdoyante plaine, ou Plierbe couvre les cbemins, ou partout la terre est des plus fertiles. La fatigue de notre longue course avait cesse avec notre arrivee sur le sol ardennais. Nous avions depasse le village de Gratreuil, plante la-haut sur la montagne comme une sentinelle avancee, et nous tra versions celui de Sechault, limite du sol crayeux. Nous nous dirigeames alors vers la gauche , et mon guide me conduisit au milieu de bois epais, vers une retraite heureuse et calme: cette demeure silencieuse etait autrefois I'abbaye de Notre-Dame-des-Rosiers; nous fumes recus comme des amis par les maitres du lieu, et nous visitames les batiments du couvent, qu'avec peine le temps et la fantaisie des anciens pro- prietaries avaient transforme en chateau. La chapelle de I'abbaye renfermait encore , il y a quelques annees , les restes veneres de son fondateur qui mourut vers l'an inille, et dont la pierre tumulaire recouvrait la tombe. A cote etait aussi celle du seigneur des Armoises, noble chatclain qui suivit Louis IX en Palestine, et revinfc — 301 — ehercher le dernier repos au milieu de res frais et ma- jestueux ombrages. Plus on penetre dans ce delicieux paysage, et plus on eprouve le desir de le parcourir en tons sens ; a cha- qne pas s'offre un nouvean tableau , on suit le chemin le plus riant, on s'egare dans les allees tortueuses du bois; et si parfois, an loin , la voix du laboureur qui excite les bceufs a tracer un sillon , ne se faisait enten- dre, on se croirait au milieu d'une de ces forets vierges, forets druidiques, impenetrates, oil les Goths mettaient! comme en lieu sur, leurs femmes, leurs enfants et leurs tresors. Je ne vous conduirai pas plus loin dans ce ricbe pays des Ardennes. Encore quelques lieues et nous arrivions a Grandpre , ou les Sires de Joyeuse possedaient un chateau, qu'un violent incendie a detruit nagueres. D'autres donneront une description de celte riche et riante con tree ; pour moi se termine ici mon voyage a travers les Monts de Cbampagne. Je m'estimerai heureux, Messieurs, si je vous ai conduits sans ennui a l'extremite de ma course. Je devrais borner ici mon recit , mais il serait incom- plet , si je n'exprimais une pensee qui , peut-etre , vous aura frappe comme moi. Permettez-moi de l'ajouter a ce que j'ai pu vous dire sur les particularites qui dis- linguent les Monts de Champagne et le pays qui les bornent a Test. Lorsqu'a la fin de cettejournee de fatigue et d'emo- tions, je me livrais au repos, un songe vint s'emparer de mes pensees et prolonger encore les impressions de mon voyage. Ce que je vis dans mon sommeil n'est peut-etre que l'avenir qui attend ces lieux incultes et steriles. Tout avait change dans mon reve: un long et large sillon — 302 — etait tranche dans la montagne vers le flanc qui regar- dait la plaine , et une voie de fer lancait constamment une longue chaine de wagons qui transportaient par un mouvement ascensionnel les terres trop abondantes de la vallee , jusque sur le sommet crayeux. II me sem- blait voir onduler un long serpent dont chaque wagon semblait etre une des articulations, partout on repandait, sur le baut de la montagne, une couche salutaire qui devaitdonner la vie a cettenature condamnee jusqu'alors. Des milliers de bras etaient venus trouver du travail et des ressources dans cette transformation des lieux ; le genie de l'homme venait de dompter encore une fois la nature, ilapportait l'existence, la, ou jamais, peut-etre, la vie ne s'etait manifested. Tout celan'etait qu'un reve, mais ilest realisable; et soit que, dans sa sagesse, le gouvernement fasse executer un jour cette heureuse et admirable transformation, soit que des hommes, amis du progres, viennent former une association philantropique , que j'appellerai une sainte association, on peutarriver a ceresultat immense pour la contree, et lui creer une source de richesses et de prosperite. Les progres constants de l'industrie et les moyens puissants dont elle dispose , sont destines aujourd'hui a operer des miracles ; et, nous n'en pouvons douter , le siecle qui nous suivra vaudra mieux que le notre , par- ce que la perfection humaine marcbe toujours en semant derriere elle la science et les decouvertes. Telle est la destinee du monde, qu'il doit toujours s'enrichir - Ass. Allez, messire, allez. Qu'il dort? C'est prudent. (Brackenbury sort). 2e Ass. Le tuerons nous pendant ler Ass. Non : au reveil , il serait homme a dire Que nous l'avons tue lachement. 2e Ass. Pauvre sire ! Au reveil? desormais il ne s'^yeillera Uu'au jugement dernier. — M5 — 1e1' Ass. Mais aim's il (lira Que nous avons choisi le moment qu'il sommeille 2e Ass. Ce mot dcjuyement sonne mal a l'oreille ; Depuis que tu l'as dit, j'ai la comme un remords. ler Ass. As-tu peur par hasardf? 2<= Ass. Peur? non pas pourmon corps ! Cet ordre m'en repond ; mais j'ai peur pour mon ame Qui risque a ce jeu la de voir un jour la flamme Do l'Enfer; et notre ordre en enferne vautrien ! I"- Ass. Je croyais ton parti bien pris? 2e Ass Mais il Test bien: J'epargnerai Clarence. I" Ass. 0 vertu sans pareille ! Moi je vais a Glocestre apprendre la merveille. 2e ASS. Un moment done ! attends ; ce vertueux acces Va passer, je l'espere; il ne dure jamais Qu'une minute. I" Ass. Eh bien? 2e ASS. Ma foi , la conscience Regimbe encore un peu. ler Ass. Mais notre recompense Quand le coup sera fait , songes y done! 2e Ass. Allans , II va mourir, j'avais oublie les doublons. le'1 Ass Eh bien ! (a conscience a present pu gH-elle? — 316 — 2e Ass. Ma conscience? ellc est au fond de l'escarcellc De Glocestre. ler Ass. Ainsi done quand milord deuoura- Les cordons de sa bourse, alors s'envolera La pauvre conscience? 2<= Ass. Au diable et bon voyage ! Elle ne trouvera personne , je Ie gage, Qui veuille desormais l'utiliser. ler Ass. Au fait , Si notre voyageuse, un jour te revenait? 2e Ass. Oh ! je n'aurai plus maille a partir avec elle! C'est une dangereuse et sotte demoiselle Qui fait en un instant du plus brave un poltron ; Vous volez un farthing, elle crie au larron ; Vous jurez , elle preche ; au lit de la voisine Vous remplacez un soir le voisin : la coquine A l'instant voustrahit! C'est un lutin peureux, Sans cesse en guerre ouverte avec nos moindres vceux ; Rouge , pour un propos , jusque sur les deux joues, Et qui jette a plaisir des batons dans nos roues. Ne m'a-t-il pas fait rendre unjour, le croirais-tu , De l'or que le hasard offrait a ma vertu,? La garder, c'est vouloir un jour porter besace. Aussi , comme un fleau , de partout on la chasse ! Et quand on tient a vivre en joyeux compagnon , Sans plus s'en soucier , pour supreme raison On prend son interet. le'' Ass. Eh ! diable ! camarade ! Je la sens dans mon coude : elle me persuade De faire grace au due. "2e Ass. Etouffe ce demon Et ne vas pas prtter 1'oreille a son sermon ; II n'a dans ton esprit elu son domicile Que poury faire f-clorc uu remords imbecille. — M7 — ler Ass. Oli ! je suis a l'epreuve; elle fllera doux. 2e Ass. Allous done ! e'est parler , cela ! ler Ass. Commencons nous? 2* Ass. Frappc le du pommeau do ta dague a la tote , El puis jette le moi dans ce tonncau. lcr Ass. .,.,. , Parfaitc L idee ! — on en fera la soupe au vin ! 2e Ass. ,, ... .„ Tais-toi, 11 seveille. 1er Ass. Frappons! 2e Ass. , , . Attends : je veux , ma foi , Le faire un peu causer. Clai\ence. He! du vin ! l«r Ass. , Son altesse En aura trop bientSl ! Clarence. Qu'es-tu toi , par la messe ! ler Ass. Un homme corame vous. Clarence. Mais non de sang royal Ainsi que moi ! ler Ass. Ni vous , mylord , de sang loyal Ainsi que nous. Clarence. Ta voix gronde corame un tonnerre , M-iis Immhle est ton regard. — 318 — lev ASS. Ma voix , dans cette affaire Elle est la voix du roi : mon regard est le mien. Clarence. Mais que voulez-vous done? je ne comprends pas bien Vos paroles. . . . pourtant elles semblent fatales. Vos yeux sont menacants : comrne vous §tes pales ! D'oii venez vous? qui peut ici vous amener....? Pourquoi faire ? Les deux ass. Pour... pour... pour Clarence. Pour m'assassiner I - 319 — BULLETIN RETROSPECTIF. LECTURE DE M. ERNEST ARNOULD. Hisloire de la Colonne Inlame, par Alessandro Manzoni, iraduile en fraiicais par M. Ernest Arnould. M. Arnould ne vient pas offrir a l'Academie la lleur d'un travail original ; il veut seuleraent souraettre a l'at- tention bienveillante de ses confreres , la traduction d'un ouvrage italien, dont la publication lui a paru presenter un interetserieux. Le monde litteraire connait et apprecie le poete italien Alessandro Manzoni ; tour-a-tour poete lyrique, poete dramatique , historien , romancier , moraliste , il a su meriter par ses ecrits justement celebres, l'estime sinon l'admiration de l'Europe lettree. Ses premiers ouvrages Versi Sciolti adresses a sa mere Giulia Beccaria, et composes a l'epoque de sa premiere jeunesse, portent un cacbet d'indecision qui ne se retrouve qu'a l'etat de reverie et de melancolie religieuse dans les Inni sacri; sa pensee se developpe des-lors avec plus d'ampleur et de majeste ; il saisit son sujet nettement, hardiment, et il eveille ainsi dans toutes les ames , pieuses ou poetiques , un ecbo sonore et reten- tissant : il Natale, la Passione, la Risurrezione , la Pen- tecoste, il nome di Maria, sont des hymnes magnifiques, harmonieuses et touchantes comme la religion qui les inspira ; et Ton n'a pas oublie qu'a l'ode de Manzoni sur la mort de Napoleon: II cinque maggio, notre grand — 320 — poete Lamartine emprunta plus d'un trait, phis d'une grande pensee, et qu'il les coula en bronze dans les strophes de cette Meditation toujours si admiree : Sur un ecueil battu par la vague plaintive , Le nautonnier, de loin , voit blanchir sur la rive, Un tombeau pres du bord par les flots depose ; Le temps n'a pas encore bruni l'etroite pierre , Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre. On distingue un sceptre brise ! Quelques annees plus tard, parurent deux tragedies de Manzoni: // contedi Carmagnola, Adelchi : La pre- miere, le Comte de Carmagnole fut accueillie en 4820 par de nombreuses et par d'illustres sympathies : les ecrivains francais applaudirent avec plus de moderation que les critiques de l'AUemagne ; nous aimons a cons- tater en passant que les articles du journal des Savants et du Lycee Francais, engagerent le poete Milanais a ecrire , et a ecrire en francais , cette longue lettre , si curieuse, si remarquable, sur V unite de temps et de lieu dans la tragedie : « L'auteur du Comte de Carmagnole » maniait encore la langue francaise avec autant d'ha- » bilete que nos plus grands ecrivains Cette » perfection de style est un des traits les plus caracteris- » tiques des productions de M. Manzoni. Petit-fils de » Beccaria par sa mere , il a , quand il ecrit en prose , » la severite de l'auteur des delits et des peines, et il y » joint tout le coloris d'un poete. » M. Arnould pense toutefois que ces deux tragedies , le Comte de Carmagnole et Adelchi ne meritaient pas les eloges que Goethe leur prodigua dans la preface qu'il ecrivit en 1827, en tete des oauvres poetiques de Manzoni: — Opere poetiche di Manzoni , con pre fazione di Goethe, Iena, 1827. — 321 — La ibi vive el sincere tie Manzoni le porta a publier tin traile sur Id Morale catholique , destine, ait Fauteur, a mettre la morale de I'Eglise catholique a l'abri des ac- cusations dirigees contre elle dansle chapitre cxxvii de Xllkioire des Repubtiques Italiennes au moijen-dge : si nous avions a prendre parti dans ce debat , nous nous rangerions vraisemblablement du cote du poete contre Fhislorien, M. de Sismondi; mais nous ne pouvons ici que rapidenient rendre bommage aux intentions qui guiderent le chantre des Inni sdcri. L'ceuvre la plus considerable de Manzoni est assu- remenl son roman historique des Fiances, I promessi sposi, bistoire milanaise du xvne siecle. Ce n'est pas un roman a la maniere de Walter Scott, ainsi qu'on l'a quelquefois pretendu, que le poete essaya de natu- raliser en Italie; c'est line histoire , cbaleureusemenl ecrite, de la domination Espagnole au xvne siecle ; la partie romanesque, deux jeunes fiances, traverses dans leurs projets et dans leurs amours par un chef de Bravi, n'est a proprement parler que la partie accessoire ; et du sein de ces episodes qui nous montrent les visages sou- riants de Lorenzo et de Lucia, Fon voit apparaitre la grave et religieuse figure de Saint Charles Borromee, les delicieuses descriptions du lac de Come , les doux paysages du Milanais , et enfin les sombres tableaux de la famine et de la peste qui desolent et ravagent FItalie. Manzoni depeint avec une grande energie dans les chapitres xxxi et xxxn du roman des Fiances, Finvasion de la peste a Milan ; elle y etait entree a la suite des bandes allemandes. «... La fureur de la contagion alia toujours croissant ; il n'v eutbientotplus demaison qui n'en fut alteinte. La population du Lazaret de deux mille ames s'eleva a douze, 22 — 32* — et meme jusqu'a seize. La mortalite journaliere depassait cinq cents victimes, et elle arriva bientot jusqu'a douze et quinze cents. . . . » . . . . C'etait une opinion accreditee alors dans toute l'Europe, qu'il existait des enchantements, des opera- tions diaboliques, une race d'hommes conjures pour re- pandre la peste a l'aide de poisons contagieux et de malefices. Dejadesemblableschoses avaient elesupposees et crues dans beaucoup d'aulres epidemies, etnotara- ment a Milan, dans celle du siecle precedent. . . . » . . . . Mais deux incidents, produitl'un parunepeur dereglee, l'autre je ne saispar quelle mechancete, conver- tirent ce vague soupcon d'un attentat possible en soupcon veritable , et aupres du plus grand nombre en certitude d'un attentat positif el d'un coraplot reel. Quelques per- sonnes qui avaient cm voir, dans la soiree du 17 mai, des individus frotter dans la cathedrale une cloison qui servait a separer les places assignees aux deux sexes, firent emporter dans la nuit bors de l'eglise la cloison et une grande quantite de bancs. Le president de la Sante accourut avec quatre personnes de son tribunal, pour visiter la cloison, les bancs, les bassins d'eau benite ; il n'y trouva rien qui put coniirmer le ridicule soupcon d'un maleGce. Toulefois, pour complaire aux imagina- tions troublees, et plutot par exces de precaution que par necessite, il decida qu'il suffirait de laver la cloison. Cette enorme quantite de boiseries entassees produisit une grande impression d'epouvante sur la multitude, pour qui le moindre objet devient si vite un texte a conjectures. On dit et on tint pour certain que les em- poisonneurs avaient frotte tons les bancs et les murs de la cathedrale et jusqu'aux cordes des cloches. » La matinee suivante, un nouveau spectacle plus — 3-2S — etrange et plus signilieatif frappa les yeux et l'esprit de lous les citoyens. Dans toutes les parlies de la ville on vit les portes des maisons et les murailles enduites a longs traits de je ne sais quelle ordure d'unjaune blan- chatre , qui semblait y avoir ete appliquee avec des epon- ges. Soit que ce fut une indigne plaisanterie pour exciter une frayeur plus generale et plus bruyanle, soit que ce fill dans le dessein plus coupable d'augmenler le desordre public, enlin quelqu'en ait ete le motif, la cbose est tellement allestee, qu'on ne la peut attribueraux reves de cerveaux malades, d'imaginations troublees. La ville, pleine de terreur et d'effroi, fut plus que jamais epou- vantee; les proprietaires des maisons purifiaient avec de la paille embrasee les endroits infectes ; les passants s'arrelaient, regardaient et fremissaient d'horreur. Les etrangers, suspects parcela seul , et facilesa reconnaitre a leurs vetements, elaient arretes dans les rues par le peuple et conduits en prison Le tribunal de la sanle publia une ordonnance par laquelle il promettait recompense et impunite a qui ferait connaitre l'auteur ou les auteurs de cet attentat Les magistrats, chaque jour en moindre nombre , troubles, aveugles, employaient le peu qui leur restait de vigilance et de resolution a chercber les empoison- neurs, et malheureusement ils crurent en avoir trouve. I II y aurait un long et douloureux reck a faire de tous ces proces, mais cela vautune histoire a part » (1). (1) Les Fiances, chap. xxxi. et xxxn. Trad. deRey Dussueil. Le roman deManzoni a ete pour la premiere fois traduit en Francais en 1828 , par M. Rey Dussueil. 11 en existe une autre traduction , S vol. in-52 , par M. G Celte derniere traduction a ete reimprimee en 1838 , dans le mgrae format: le traducteur n'a pas garde l'anonyine dans cette seconde edi- tion; c'est M. Gosselin ; nous croyons son travail plus exact et plus elegant lit la fois que celui de M. Rey Dussueil; cependant cette derniere est plus connue , plus estimee en general et surtout plus repandue. — .V24 — L'histoire Milanaise du 17e siecle , I promessi sposi , fut publiee pour la premiere fois a Livourne en 1827 ; et Iorsque parut une des nombreuses reimpressions suivantes, l'edition illustree de Milan , en 1842, la pro- messe du poete se realisa : La storm delta colonna in- fame , l'Histoire de la colonne infame, fut reunie aux Fiances ; ce n'en est a proprement parler qu'un episode, e'est un magnifique et eloquent chapitre, qui, suivant M. Arnould, est digne d'etre soumis aux meditations de la compagnie, au point de vue de l'histoire , au point de vue du droit penal , au point de vue de la philosophic (1). M. Arnould analyse rapidement , a peu pres en ces termes , l'Histoire de la colonne infame. I. Le 21 Juin 1630, le matin , vers 4 heures 1/2, une femme du peuple appelee Caterina Rosa , se trouvant par hasard a la fenelre d'une arcade de passage, qui alors existait au commencement de la rue de Yetra de Cita- dini, dans la partie qui mene au Corso de la porte Ticinese (presque vis-a-vis les colonnes de San-Lo- renzo), vit venir un homme couvert d'un manteau noir, le chapeau sur les yeux, tenant un papier a la main, sur lequel (dit Caterina dans sa deposition), il appuyait (1) Avant d'analyser ce nouvel ouvrage de Manzoni , jusqu'a present a peine connu en France, el avant d'en lire devantl'Academie, les extraits que nous imprimerons dans ce recueil des seances , M. Em. Arnould fait connaltre a la compagnie , que s'il se decide a publier son travail , il y join- dra l'etude des legislations companies de Rome , du moyen-age et des temps modernes , en ce qui concerne la torture et les supplices iniliges aux accuses pour leur arracher l'aveu des crimes dontils etaient soupQonnes. M. Ar- nould ajoute que ce travail , il l'a dedie , avec son agrement , a un honorable membre de l*Academie , M. R., juge d'instruetion au tribunal de Reims. — 325 — Fautre main conuiie pour ecrire. Elle vit distinctetnent qu'en entrant dans la rue, il s'approchait de la niuraille des maisons qu'on rencontre immediatement apres qu'on a tourne le coin, etque de temps en temps, il tracait contre lemur, avec les mains derriere le dos. Alors, ajouta-t-elle, il me vint dans la pensee que ce serait peut-etre un de ceux qui, ces joins passes, i'roltaienl les murs avec quelqu'enduit. Poussee par un tel soupcon, elle passa dans un autre appartement, duquel on pou- vait tout voir le long de la rue, pour suivre de 1'oeil l'in- connu qui continuait son chemin, et j'ai vu, dit-elle, qu'il tenait sa main appuyee sur la murailie en question. 11 y avait a la fenetre d'une maison de la meme rue une autre spectatrice, appelee Ottavia Bono ; laquelle ne sut pas dire si elle avait concu cet absurde soupcon ins- tantanement et d'elle-meme, ou seulement apres que Caterina le lui eut fait concevoir. Interrogee aussi elle- meme, elle deposa avoir vu l'liomme en question jusqu'au moment ou il entra dans la rue ; mais elle ne fait pas men- noitdes murs touches en marchant. J'ai vu, dit-elle, qu'il s'arreta la ou Unit la murailie du jardin de la maison des Crivelli , et j'ai vu qu'il avait un papier a la main , sur le- quel il placa la main droite, en quelque sorte pour ecrire. a ce que je crois, et ensuite, j'ai vu que levant la main de dessusle papier, il la frolta sur la murailledudit jardin, on il y avait un peu de blanc. Ce fat probablcment pour se nettoyerles doigts taches d'encre, puisqu'il parait qu'il ecrivait en realite. En effet, dans 1'examen auquel il fut soumis le jour suivant, interroge sur ce qu'il avait fait dans cette matinee, lorsqu'on lui demaiula s'il avail ecrit, il repondit : Oui, Monseigneur. Cet homme couvert d'un manteau n'oir, on sut qu'il etait commissaire de la Sanle, et qu'il s'appelait Cu- glielmo Piazza ; les deux femmes du peuple Caterina el — 32G — Ottavia repandirent l'epouvante dans toute les rues voi- sines; leur recit passa de bouche en bouche, la nouvelle circulabientot dans toute la ville; ces faits, enricbis de mille circonslances iraaginaires , parvinrent a la connais- sanee dusenat; il ordonna aussitot au capitaine de jus- tice d'aller aux informations et de proceder ainsi qu'il appartiendrait. Piazza fut arrete; sa maison fut visitee, fouillee de tous les cotes ; on rechercha surtout s'il ne se trouvait pas de petits vases contenant des matieres destinees a graisser lesmurailles, ou des sommes d'argent impor- tantes, et Ton ne trouva rien. Le capitaine de justice interrogca Piazza sur ses re- lations habituelles, sur ce qu'il avait fait le matin, au commencement du jour, sur le vehement qu'il portait ; enfin il lui demanda : s'il savait que Ton avait trouve differents barbouillages le long des murs de certaines maisons de Milan, principalement du cote de la porte Ticinese. II repondit : je n'en sais rien, parce que je ne me suis pas arrete a la porte Ticinese. On lui repliqua que cela n'etait pas vraisemblable ; on essaya de lui prouver qu'il devait le savoir : a quatre deman- des successives , quatre fois il lit la meme reponse en termes differents. — On le pressa de questions sur les choses les plus indifferentes , et toujours on arriva au meme resultat. Parmi les faits de la journee precedente, sur lesquels Piazza fut somme dedonner des explications, se ren- contrait celui-ci , a savoir qu'il s'etait trouve quelques instants avec les deputes d'une paroisse , (c'etait des bourgeois choisis dans chaque paroisse par le tribu- nal de la Sante, pour veiller, en parcourant la ville, a 1'execution des ses ordres). On lui demanda quels — 327 — elaient ces deputes de paroisse, il repondil qu'il les connaissait de vue seuleraent et qu'il ne pouvait in- diquer leur nom. Le capitaine de justice lui dit encore ; cela est invraiscmblable. — Terrible parole ! qui devait aux termes des lois en vigueur au xvn8 siecle, creer contre lui des indices suflisants, legitimes dans la pensee du juge, et le livrer aux horribles supplices de la torture. Guglielmo Piazza fut effeclivement applique a la torture ; trois fois la terrible epreuve fut renouvelee ; et trois fois, au milieu des douleurs les plus cruelles , au milieu deslarmes, des cris, des hurlements du patient, on entendit repeter d'abord avec une vive energie, puis bientot d'une voix qui allait de plus en s'affaiblissant : je suis innocent. . . je suis innocent. . . j'ai dit la verite. . . . Dans le livre de Manzoni, ces peintures sont tracees d'une main vigoureuse, et font une impression profonde sur l'ame du lecteur; les developpements dont le poete entoure ces scenes d'horreur, mettent en relief toutes les iniquites de ces procedures criminelles , arbitraires et mal definies, que le caprice ou la passion du juge exa- gerait et ensanglantait encore. Enfin les magistrals delegues par le Senat pour proceder a I'instruction, ne pouvant plus, sans se rendre coupables de forfaiture, mettre de nouveau h la torture ce malheureux Piazza, imaginerent de lui promettre l'impunite lis suivirent encore les voies illegales et innaccoulumees : void quelques pages du recit meme trace par le poete bistorien , et traduites par son interprete : Au chapitre 51 du livre des Fiances, il est question d'une proclamation dans laquelle le tribunal de la Saiite — 328 — piomeltait recompense etimpunite a quiconque revele- rait les auteurs des souillures trouvees sur les portes el les mtirs des maisons, dans la matinee du 18 mai; et Foil y parle aussi d'une lettre adressee par ce tribunal au gouverneur, sur ce fait meme. Dans cette lettre, apres avoir affirme que cette proclamation avait ele rendue publique, avec la participation de Mer le grand chancelier, lequel remplissait les fonctions de gouverneur, on priait ce dernier de lui dormer plus de force en en ecrivant une autre, lui- meme, renfermant la promessc d'une recom- pense plus elevee. Et le gouverneur en fit efl'ectivement, publier une, en date du 15 juin , dans laquelle ilpromet a chaque personne qui, dans le delai de 50 jours fera con- naitre la personne ou,lespersonnes qui out commis, favorise un tel crime, ou bien ontprete aide et assistance, la recom- pense, Sfc, $*. Si le denonciateur est un des complices, lui promet encore I'impunite de la peine. C'etait une doctrine consacree que le juge ne pouvait de sa propre autorite, accorder Fimpunite a un ac- cuse (1). Et dans les constitutions de Charles-Quint, ou les pouvoirs les plus etendus sontattribucsau senat, est excepte celui « d'accorder l'absolution et le pardon des crimes, graces ou sauve-conduits; ce pouvoir etant es- sentiellement reserve au prince (2). » Et Bossi, quedejii nous avons cite, et qui comme senateur de Milan a cette epoque, futl'un des redacteurs de ces constitutions, dit expressement : « Cette promesse de I'impunite appartient au prince seul (5). » Mais pourquoi se mettre dans le cas d'employer une semblable ruse , quand on pouvait recourir a temps (l) Farinacci, Quest. 8t, n" 277. ["2) Constitutiones dominii mediolanensis j He senatoribus. '^) Op. cit. tit. De confessis per lorlurani, it. — 329 — au goiiverneui' , qui avait assurement re§u clu prince un pouvoir aussi etendu , et la faculte de le trarismettre? Et ce n'est pas une hvpothese imaginee par nous: c'est ce qu'ils firent eux-memes, a l'occasion d'un autre mal- heureux , enveloppe plus tard dans ce cruel proces. L'acte est enregistre dans le proces meme , et en ces termes : Antonio Spinola, etc. En conformite de I'avis a nous donne par le senat , dans sa lettre du 3 eourant , vous accorderez I'impunite, en vertu de la presente , a Stefano Baruello, condamne comme distributew et fa- bricatcur des ontjuents pestiferes , repandus dans cette ville, pour [aire perir le peuple, si pendant le delai qui lui sera departi par ledit senat , il fait connailre les auteurs et les complices d'un tel forfait. L'impunite ne fut pas promise a Piazza, parun acle formel et authentique ; mais seulement par des paroles que lui lit entendre l'auditeur de la Sante , en dehors du proces. Et cela se comprend : un tel acte eut etc une supercherie trop evidente, s'il se fut raltache a la pro- clamation , une usurpation de pouvoir , s'il ne se fut ratlaclie a rien. Mais pourquoi , je le demande, s'enle- ver en quelque facon la possibilite d'entourer de for- mes solennelles un acte d'une aussi grande importance? Nous ne pouvons assurement repondre a ces questions d'une maniere positive ; mais nous verrons plus tard combien il fut utile aux juges que Ton eut agi ainsi. En tout cas, l'irregularite d'un tel mode deproceder etait si evidente, que le defenseur de Padilla (un autre accuse enveloppe dans le proces des empoisonnements publics), en lit l'objetde nombreuses remarques. Quoi- qu'il n'eut pas besoin , comme il ratteslc avec beaucoup de raison , de s'occuper de ce qui ne regardait pas direc- temenl son client, pour le disculper de cette accusation — 330 — insensee; quoiqu'il admit sans raison, et avec assez pen delogique, un crime positif, et de veritables coupables, dans cet imbroglio de chimeres, de suppositions el d'in- ventions; cependant, ad abbondanza , comme on dit, et pour affaiblir tout ce qui pouvait avoir rapport a cette accusation , il opposa differents moyens de defense a la partie du proces qui concernait les autres accuses. Et a propos del'impunite, sans attaquer l'autorite du senat en pareille matiere (car quelquefois les hommes se croient plus offenses lorsque c'est leur pouvoir qui est mis en doute , que lorsque c'est la rectitude de leur ju- gement), il opposa comme moyen de defense que Piazza « fiit introduit en presence de monsieur l'auditeur seu- lement, lequel n'avait aucune juridiction que par consequent , la maniere dont on proceda etait entachee de nullite, et contraire aux termes de droit. » Et en par- lant de la mention qui fut faite plus tard , et acciden- tellement, de cette impunite., il dit : « Et cependant, jusqu'a ce moment, rimpunite ne se revele pas, ne se lit meme pas dansle proces, lorsque cependant, en pre- sence de la susdite disapprobation , elle devait etre con- slatee dans le proces, suivantles termes de droit. » En cet endroit des defenses, il y a une parole qui fut jetee la comme incidemment, et qui est tres-significa- tive. Passant en revue les actes qui avaient precede rimpunite, l'avocat ne combat par aucune parole ex- presse et directe la torture infligee h Piazza, mais il en parle en ces termes : « sous pretexte d'invraisemblances, il fut torture. » Et c'est , ce me semble , une circons- tance digne d'observation, que la chose ait ete appelee par son nom a ce moment meme, et devant ceux qui en etaient les auteurs, et par un homme qui nepensait point a defendre la cause de celui qui en avail ete la victime. — 331 — II imporlede dire que cette proinesse d'impunite fill peu connuedu public, car Ripamonti, en raconlantles i'aits principaux du proces, dans son histoirede la peste, n'en fait pas mention , etmeme la rejette indirectement. Cet ecrivain, incapable d'alterer a dessein la verite, mais inexcusable de n'avoir lu , ni les defenses de Pa- dilla , ni l'extrait du proces qui les accompagne , ou d'avoir ajoute foi de preference aux bavardages du pu- blic, ou aux mensonges de quelqu'interesse, raconte que Piazza, aussitot apres la torture, et tandis qu'on Ie detachait pourle reconduire en prison, filsur le cbanip line revelation sponlanee, a laquelle personne ne s'at- tendait (1). La revelation mensongere eut lieu effecti- vement, mais le jour suivant, apres une entrevue avec l'auditeur, et elle fut faite a des gens qui s'y atten- daient parfaitement. C'estpourquoi, s'il ne fut pasreste quelque petite trace de ces documents , si le senat n'eut eu a faire qu'avec le public et avec l'histoire , il eut at- taint son but en faisant disparaitre la trace de ce fait si essentiel au proces, et qui ouvrit le champ a tons les aulres fa its qui se succederent ensuite. Ce qui se passa dans cette entrevue, personne ne le sait, personne ne pent l'indiquer, a l'exception d'un seul. « 11 est tres-vraisemblable, dit Verri , » que dans la prison , cet auditeur ait persuade a ce mal- heureux qu'en persistant a nier, la torture du spasme lui serait chaque jour infligee de nouveau; que le crime etait regarde comme certain , et qu'il n'y avait pour lui d'autre expedient que de s'accuser et de nommer ses complices ; de la sorte qu'il aurait la vie sauve, et qu'il se soustrairait aux tortures pretes a elre renouvelees chaque jour. Piazza demanda done, [l) Dr IVsle, etc., page 8i. — 332 — et obtint promesse d'impunite, a condition toutefois qu'il exposerait sincerement le fait. II ne parait cependant pas probable que Piazza lui- raeme ait demande l'irapunite. Le malheureux, corame nous le verrons par la suite du proces, ne s'avancait jamais, a moins qu'il ne fut entraine; et il est bien plus croyable, que pour lui faire faire ce premier pas, si etrange, si horrible, pour le contraindre a se ca- lomnier lui et les aulres, l'auditeur lui ait offertl'im- punite. Et en outre, les juges , quand ils lui en par- lerent ensuite, n'auraient pas omis une circonstance si importante, et qui donnait a son aveu un poids si considerable; le capitainede justice ne l'eut pas oubliee non plus dans sa lettre a Spinola. Mais qui peut s'imaginer les combats qui ont agite l'ame de cet homme, auquel le souvenir si recent des tortures aura fait eprouver tour-a-tour la terreur de les subir encore, et l'horreur de les faire subir! au- quel l'esperance d'echapper a une mort epouvantable, ne se presentait qu'escortee d'une autre epouvante, celle de l'occasionner a un autre innocent ! car il ne pouvait croire qu'ils pussent abandonner une proie , sans en avoir saisi au moins une autre, qu'ils vou- lusseut tout terminer sans une condamnation. II cede, il embrasse cette esperance , quelqu'borrible et incer- taine qu'elle soit, il prend la resolution de mettre une victime a sa place. Mais comment la trouver? a quel til se rattacher ? Comment choisir la ou il n'y a per- sonne? Quant a lui, il yavait un fait reel, qui avait servi d'occasion et de pretexte pour l'accuser. II etait entre dans la rue de la Yetra, il avait rase le mur, il l'avait touche ; une malheureuse femme avait pris une chose pour une autre, mais il y avait la quelque cliose. — 333 — Un fait tout aussi innocent, et aussi indifferent, fut, on va le voir , ce qui lui suggera la fable et lui indi- qua la victime. Le barbier Giangiacomo Mora composait et vendait un onguent contre la peste ; un des mille specifiques qui avaient et devaient avoir credit , tandis que faisait tant de ravages un mal dont on ne connaissait pas le remede, et dans un siecle ou la medecine avait encore si peu appris a ne pas affirmer , et si peu enseigne a ne pas croire. Peu de jours avant d'etre arrete, Piazza avait demande de cet onguent au barbier ; celui-ci avait promis de lui en preparer ; et l'ayant ensuite rencontre la matinee meme dujour qui precedal'arrestation, il lui avait dit que le petit vase etait pret, et l'avait engage a venir le prendre. On voulait de Piazza une histoire d'onguent, de conventions arretees , de rue de la Vetra ; ces circonstances si recentes lui servirent de matiere pour en composer une : si Ton peut appeler composer le fait de rattacher a beaucoup de circonstances veri ta- bles une invention incompatible avec elles. Le jour suivant, 26 juin, Piazza est conduit devant les juges, et l'auditeur lui ordonne : de dire conformement a ce que extrajudiciairement il lui a avow a lui-meme, et aussi en presence du notaire Balbiano, s'il sait quel est le fabricateur des onguents, avec lesquels on a si souvent trouve enduites les portes, les murailles et les serrures des maisons de la ville. Maisle malbeureuxqui, mentant malgre lui, chercbait a s'ecarter le moins possible de la verite, repondit seu- lement : c'est lui qui m'a donne I' onguent, le barbier. Ce sont les paroles traduites litteralement, mais placees si mal-a-propos par Ripamonti : Dedit onguenta mihi tomor. — S'd!\ — On lui dit de nommer ledit barbier ; et son complice, son agent pour l'accomplisseinent d'un tel attentat; il repond : je crois que son nom est Gio-Jacomo , sa famille (son nom propre) je V ignore. line connaissait avec certitude que le lieu ou etait sa maison, ou plutot sa boutique; et a une autre question il l'indiqua. On lui demanda , s'il avait regu de ce barbier, ou pea ou beaucoup de cct onguent. II repondit : 11 men a donne autant que pourrait contenir cet encrier qui est Id sur la table. S'il eut recu de Mora la boite d'onguent preservatif qu'il lui avait demandee, il eutpu ladecrire; mais ne pouvant rien tirer de sa memoire , il s'atlacha a un objet present, pour s'attacber a quelque chose de reel. On lui demanda si ce barbier est son ami a lui accuse: et ce malheureux, ne s'apercevant pas combien la verite qui se presente a sa memoire, se heurte avec ce qu'il invente, repond : C'estmon ami,, oui Monsieur, bonjour, bonne annee, c'est mon ami, oui Monsieur; c'est-a-dire, qu'il le connaissait a peine, pour le saluer en passant. Mais les juges, sans faire aucune observation, conli- nuerent a Finterroger, et lui demanderent, clans quelles circonstances ce barbier lui a donne cet onguent. Et voila ce qu'il repondit : Je passais par Id , et lui en m' appelant me dit :j'ai,je nesais quoi, dvous donner;jelui demandai ce que c etait ? Et il me dit : c'est je ne sais quel onguent ; etje lui repondis: Oui, oui, je viendrai, je viendraile prendre plus tard ; et a deux ou trois jours de la , il me le donna. 11 altere les circonstances materielles du fait, au- tant que cela est necessaire pour l'adapter a la fable qu'il invente; mais il lui laisse sa couleur; et quelques unes des paroles qu'il rapporte, etaient probablement celles qui avaient ete reellement echangeesentr'eux. Ces paroles prononcees par suite d'une convention deja arretee , re- lativement a un preservatif, il les donne comme ayant — 335 — ete prononcees dans le but de proposer de but en blanc un empoisonnement , au moins aussi insense qu'atroce. Quoiqu'il en soit, les juges instructeurs continuent toujours leurs questions, sur le lieu, surlejour, sur l'heure de la proposition et de la reraise; et comme ils efaient satisfaits de ces reponses, ds adressent de nou- velles questions; Que lui a-t-il dit, lonqu'il lui remit cette bolte d'onguent ? II me dit: Prenez cette bolte; et enduisez les murailles ici , tout antour , et ensuite venez me trouver, vousaurez tine bonne somme d'argent. Ma perchc Mais pourquoi II barbiere Le barbier Senza arrischique Sans courir aucun danger Non ongera da N'aurait-il pas lui-m6me Se di notte ! Enduit les murs pendant la nuit ! Remarque Verri, a cet endroitde son recit. Apres s'etre aventure au milieu de telles invraisemblances, Piazza en produit de plus deraisonnables encore dans une reponse suivante. Lorsqu'on lui demande si ce barbier lui a assigne a lui accuse un endroit precis pour le barbouiller d'on- guents , il repond : lima dit de frotter d'onguent cdet Id dans la Vedra de Cittadini, et de commence)' parsa porte, oil en effet j'ai commence. Ainsi done sa propre porte, le barbier l'avait frottee d'onguent ! « Ajoute ici en note Verri pour la seconde fois. Et certes sa perspicacite n'etait pas ici necessaire pour (aire une pareille observation ; il fallut 1'aveugle- mentdela passion pour nepaslafairea l'instant merae , ou la haine mechante que la passion inspire pour ne pas en tenir compte, si, comme il est plus naturel de le penser, elle se presenta aussi a l'esprit des juges. Le malheureux inventaitavectant de difficultes, etsous TempirtHrune telle contrainte, quand il elaitabsolument — 336 — excite etforce en quelque sorte par les questions, (que l'on nesauraitdeviner sicettepromesse de sommes d'argent a ete imaginee par lui, afin de donner une raison qui indiquat pourquoi il avait acceple une commission de cette sorte , ou si elle lui fut suggeree par une insinua- tion de l'auditeur , au milieu de leur tenebreuse entrevue. II faut en dire autant d'une autre invention, qui, dans l'instruction , alia indirectement a Fencontre d'une autre difficulte, a savoir comment il aurait jamais pu ma- nier cet onguent si mortel, sans en ressentir aucune atteinte. On lui demande sice barbier lui a dit a lui accu- se pour quel motif il faisait barbouiller d' onguent lesportes et les murailles. II repond : luine m'a rien dit ; je m ima- gine bien que cet onguent etait empoisonne, et pouvait nuire aux hommes , puisque la matinee suivante, il me donna une eau a boire, en me disant quelle me preserverait des effets de cet onguent empoisonne. A toutesces reponses, et a d'autresde memevaleur, qu'il seraittrop long et inutile de rapporter, les juges ne trouverent rien a opposer ; pour parler avec plus de pre- cision , ils n'opposerent rien. Us crurent ne devoir demander d'explication que pour une seule chose a sa- voir: pour quel motif n'a-t-il pas fait ces reponses, lors des precedents inter rogatoires ? II repondit : Je ne le sais pas, et je ne sais a quoi en at- tribuer la cause, sinon a cette eau qu'il ma donne a boire; car Votre Excellence a bien vu que pendant toutes les tortures que j'ai subies, je n'aipu rien dire. Cette fois cependant, ces hommes si faciles a con- tenter, ne sont pas satisfaits, et ils redemandenl encore : Pour quel motif n a-t-il pas dit cette verite avant aujour- d'hui, surtout ayant ete torture de la manierc qu'il fut tprtwi, et samedi et hier. — 337 — Celte verite ! II repond : Jenel'ai pas dite, pane que je n'aipas pit ; et je serais reste cent ans attache a la corde, que je naurais pu dire quoique ce fut, parce que je ne pouvais parler, et en effet quand on me demandait quelque chose qui eut rapport a ces faits particuliers , tout souvenir fuyait demon esprit, ctje ne pouvais repondre. Apresces paroles, l'inlerrogaloire fut clos, et l'infortune fut recon- duit en prison. Mais suffit-il de l'appeler l'infortune ? A une pareille question, la conscience se trouble, elle so refuse a r<>- pondre, elle voudrait se declarer incompelente ; il semble que ce serait en quelque sorte une arrogance cruelle , une ostentation de pharisien, que de juger celui qui agissait au milieu de telles angoisses, et entoure de sem- blables embuches. Mais presse de repondre, la conscience doit dire: Piazza fut coupable, lui aussi; les souffrances et les terreurs de l'innocent out une force, une puissance que Ton ne peut meconnaitre ; mais elles ne sont pas de nature a changer les lois eternelles, et a faire que la calomnie cesse d'etre un crime. La compassion elle- meme, qui voudrait cependant apporter une excuse au malheureux torture, se revolte avec energie, elle aussi, contre le calomniateur : elle a entendu nommer un autre innocent ; elle prevoit d'autres tourments , d'autres terreurs, peut-etre aussi d'autres crimes. Et les hommesqui creerent ces angoisses, qui ten- dirent ces embuches, croira-t-on les avoir excuses, en disant : on ajoutait foi a la contagion de la peste par le frottement des onguents, et la torture existait? nous croyons cependant, nous aussi, a la possibility de tuer les hommes par le poison ; et que dira-t-on d'un juge qui alleguerait ceci comme la preuve d'avoir 23 — 338 — justement condamne un homme pour empoisonnement? nous avons encore cependant la peine de mort, et que repondrait-on a quelqu'un qui pretendrait ainsi justi- fier toutes les sentences de mort? Non, la torture n'exis- tait pas pour le cas oil se trouvait Guglielmo Piazza : ce furent les juges qui la voulurent, qui, pour ainsi dire, 1'inventerent dans ce cas special. S'il les eut trompes , la faute eut du retomber sur eux, parce qu'elle etait leur ouvrage; mais nous avons vu qu'il ne les trompa point. Supposons cependant qu'ils aient etc trompes par les paroles de Piazza dans le dernier interrogatoire, qu'ils aient pu croire vrai un fait raconte, explique decette maniere, entouredescirconstancesque nousconnaissons. Par qui avaient ete arrachees ces paroles? Comment l'avaient-elles ete? A l'aide d'un moyen sur Pillegiti- mite duquel ils ne devaient pas se tromper, et ils ne se tromperent pas en effet, car ils chercherent a le dissimuler et a le denaturer. Si , par impossible , tout ce qui arriva depuis eut offert un concours accidentel des circonstances les plus propres a confirmer l'erreur, la faute devrait encore retomber sur ceux qui les premiers avaient ouvert la voie. Mais nous verrons au contraire que tout fut di- rige par la meme volonte , et que pour maintenir l'er- reur jusqu'a la iin, ils durent encore eluder les lois , resister a l'evidence, se faire un jeu de la verity, et fermer l'oreille aux avis de la pitie Nous donnerons dans l'un des prochains numeros l'analyse de la fin de l'ouvrage de Manzoni , et probablement un on deux chapitres complets traduits textuellement. HEIMS. — P. IlEGWER, IMPRIMEUR DE L ACADEM1E. SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. ANNEE 1846-1847. N° 17. Sttancc da I© Avril 1949. PRESIDENGE DE M" I/ARdlEYEOUE. Etaientpresents,MM. Saubinet, Bandcville, Robillard, Fanart, Nanquette, Landouzy, Querry, Garcet, Lecorate, Derode, Tarbe de S'-IIardouin , Maquart, Monnot-des- Angles, Gonel, Pinon, Aubriot, Tourneur, Henriot- Delamotte, raembres litulaires ; Et MM. de Maiziere, Maillet , Perrcau, II. Paris, membres correspondants. M. Garcel, secretaire arcbiviste, lit le proces-verbal de la seance du 19 mars, qui est adopte sans reclama- tion. M. Tarbe de Sl-Hardouin, secretaire-general, fail le dopouillement de la correspondance. ii. 2/i — 340 — La correspondance manuscrite comprend : i° Une lettre par laquelle M. le Ministre de l'lns- truction publique informe l'Academie, que par une decision recente de l'Administration des finances, les Societes savantes sont autorisees a s'adresser reciproque- ment,soussoncouvert, les publications qu'ellesechangent entre elles ; et que de plus MM. les presidents de ces Societes sont compris au nombre des personnes qui correspondent en franchise de port, avec le ministre de l'lnstruction publique. 2° Une lettre de M. de Caumont, qui annonce qu'il a recu les volumes que l'Academie lui a adresses pour concourir aux recompenses qui devaient etre decernees par le Congres scienlifique, mais qu'il n'estplus ques- tion de donner suite a cette idee. — M. de Caumont sera prie de conserver pour sa bibliotheque le Dom Marlot dont l'Academie lui fait hommage. 3° Une lettre par laquelle M. Charlier, medecin- velerinaire, fait hommage al'Academie de son Instruction sur les coliques du cheval, et sollicite le litre de membre correspondant. 4° Une lettre de M. Lacatte-Joltrois, qui adresse a l'Academie quelques observations sur le rapport de la commission du congres, charge d'examiner les faulx de S'-Bale. — Ces observations seront honorablement deposees aux archives. 5° Deux lettres de M. Jullien , de Paris, qui envoie a l'Academie le montant de sa colisation comme membre correspondant , et qui lui adresse le discours imprime d'adieux qu'il fit aux congres de Genes, le 29 septembre 1810, et une notice sur V institution des creches. L'Academie recoit encore un memoire manuscrit de — 341 — M. P. Huot, membre correspondant, surles Ciirconstances attenuantes en matiere capitate. Et un memoire de M. Maillet, membre correspondant, sur le Guano d' Amerique , son economic, ses avantages, ses resultats, et les divers moyens de l'employer surles terrcs labourables, les prairies naturelles et artiticielles, dans les vigiies, les jardins, etc. Ces deux memoires sont renvoyes au comite de publication. La correspondance imprimee comprend : 1° Deux bons pour retirer le 4e cabier des actes de l'Academie royale des sciences, arts el belles-lettres de Bordeaux, pour 1846, et l'extrait de seances de la Sociele royale d'agriculture etde commerce de laville deCaen, pour 1846. 2° Instruction aux cultivateurs sur les coliques du chevaletlcs meteor isations du ruminant, par P. Cbarlier, medecin-veterinaire. 3° Essai sur l'emploi du temps, par M. Jullien,de Paris, membre correspondant, 1 vol. in-8°. 4° Explication de quelques monnaies baronales ine- dites, in-8°, par M. A. Barthelemy, membre corres- pondant. 5° De I'llijdroemie anhemique ou cachexie aqueuse du cheval, et de la congestion sanguine apoplectique du mouton, in-8°, par P. Cbarlier. 6° Elements de grammaire generale , par M. Perron, membre correspondant. 7° Quatrieme memoire sur la localisation des fonctions cerebrates et de la folie, par le docteur Belhomme, membre correspondant , 1 v. in-8". — 342 — 8° Histoire de l'anliquc cite d'Autun , par Edme Thomas, official, grand cliantre et chanoine de la ca- thedrale de cette ville , mort en 1 660, 1 volume in-4°. 9° Traite analytique et raisonne de tous les etats, pieces et certificats a dresser periodiquement par les receveurs de I'enregistrement et des domaines $fc, par M. Landouzy, receveur de I'enregistrement et des domaines a Droue (Loir-et-Cher), 1 volume in-8°. 10° Memoire de la Societe Eduenne , 2 vol. in-8° , pour 1844 et 1845. 11° Notice sur Notre-Dame de La-Roche, par M. Paul Huot, membre correspondant. 12° La vie et les ceuvres de J.-J.-N. Huot, continua- teur de Malte brun, par son fils, Paul Huot, membre correspondant. 13° De la rehabilitation des condamnes, par le meme. 14° Rapport sur les monuments anciens d'Orleans, par le meme. — Ces divers ouvrages de M. Huot sont confles a l'examen de M. Eug. Courmeaux. 15° Mcmoires de la Societe des antiquaires de Nor- mandie, loe et 14° volume. 16° Rulletin du Musee d'industrie, par M. Jobard, de Rruxelles, 4e livraison de 1845, lre et 2e livraison 1846. 17° Rulletin de la societe archeologiquedeSens, 1846 18° Resume analytique des travaux dela onzieme et de la douzieme annee de la Societe Havraise d'etudes diverses, par M. Millet S. Pierre. 10° Rulletin trimestriel de la Societe des sciences, belles-lettres et arts du departement du Yar, scant a Toulon, 4 numcros pour 1846. 20° Actes de l'Academie royale des sciences, leltres ot arts de Rordeaux, ler et 2'' trimestre 1846. — 'm — 21° Societe d'emulation du Jura, annees 1844 o' 1845. 22° Journal de la Societe d'agriculture du departc- ment des Ardennes, mars 18i7. 25° Academie des sciences, belles-lettres et arts de Besancon, seance publique du 24 aout 184i et 28 Janvier 1845. 24° Societe d'agriculture , du commerce , des sciences et des arts, de Boulogne-sur-Mer : seance publique du 29 octobre 1846. 25° Bulletin de la Societe academique, agricole, industrielle et destruction, de l'arrondissemenl de Falaise, ler trimestre 1847. 26° Du patronage , ou de l' influence par la charite : discours prononce par le president de la Societe royale d'emulation d'Abbeville, le 8 mai 1846. 27° Bapport adresse par le Conseil de surveillance de l'elablissement agricole et professionnel , destine aux enfants pauvres de la Haute-Marne, aux actionnaires- lbndateurs de cet etablissement. 28° Documents historiques sur la province de Gevaudan, par M. Gustave de Burdin (prospectus). 29° Prospectus d'un Annuaire meteorologique de la France. 50° Programme d'un concours litteraire ouvcrt par la Societe pbilotecbnique de Paris , sur cette question : rechercher V influence que I 'esprit public et les moeurs , en France, ont exercee sur les diverses phases de la come' die, depuis Moliere. Prix: une medaille d'or de 500 francs. 51" Journal des savants, mars 1847. 52° Budget de la ville tie Beims pour 1817. - m — 55° L'Ardennais, uos depuis le 2i mars jusqu'au do avril. LECTURES. M. Pinon continue la lecture de sa Notice sur la vie ct ks anivres d'Eustache Deschamps. M. Saubinet, au nom de M. de Belly, litun rapporl sur le Catalogue raisonnd des planles vasculaires lume — 371 — La premiere de ces deux compositions est une ballade sur la mort de bon Preudome et cbevalier Sampy (1), guerrier si fameux dans les recits de Froissart et si ou~ blie datis les biographies, dites universelles , voici cette ballade: S'Argus qui ot cent yeux pour regarder , Et Lins qui voit sur toute beste nine , Et Alpheus qui ne se pot garder D'Aretliusa qu'il cha^a touto nue Ou fleuve ou elle baignoit, -Taut que tons deux en plours convertissoit, Ne cessoient tous de plourer ainsi , A fort plourer la mort, ne souffiroit Le bon prodome et chevalier Sampy. Car saiges fu , a ses fais regarder , La frontiere a , devers Guine , tenue , Pour son Seigneur saigement , sans error , Ne qu'a son temps forteresce ait perdue Guines , Calais le doubtoit , Car saigement tous ses faiz empronoit , (1) « Ce bon chevalier de Sempy ou de Sampy, dont le nom se perdit plus lard dans la maison de Croy , vivait encore en 1382 , puisqu'alors il contri- bua an brillant succes de la campagne de Flandre , par la maniere dont il defendit.le pont de Commines dont le connetable de Clissou Iui avait confie la garde. L'annee suivante , Charles VI lui fit un present magnifique ainsi motive dans une lettre adressee aux generaux conseillers surle faitdes aydes ordonnes pour la guerre : « Pour consideration des bons et notables services que nous a fais en nos guerres , et par especial en la derriere chevauchee. .. faite en Flandre , et en la prise , fortification et emparement de Gravelingues, nostre ami et feal chevalier et conseiller le sire de Sempy.... Considerans aussi les grands peines et travaux , frais et depens qu'il lui a convenu sup- porter en ceste annee pour le fait de la reformation des parties de Picardie... a icelui nous avons donne et donnons la somme de deux mille francs d'or... donne a Beaute-sur-Marne , le xve jour de Janvier de l'au de grace 1383. « En 1586, Charles VI le fit encore rembourser d'une somme de quinze cents francs qu'il avait pretee , pour faire plusieurs ouvrages a Gravelingues et Andruit. » (Note de M. Paiilin Paris i ii. 26 — 372 — Et maintes foys les Anglois desconfy , Gravelingues leur basti en temps froit, Le bon prodomme et chevalier Sampy. Et le chasteau de l'Escluse sur nier Dreca et fist , Ardre a bien maintenue , Et Andruich et Leplanque ordonner Scent bien aussi garder la gent menue ; Li roys amer le devoit , Picardie bien plaindre le devoit , Therouenne, Saint Omer et aussi Flandre et Artois et chascun qui congnoit Le bon prodomme et chevalier Sampy. Prince en honneur voult tousjour labourer Et loyaument tout son temps vous servi , Sans grant terre ne tresor acquester Le bon prodomme et chevalier Sampy. La seconde est celle qu'il composa a la mort de Bertrand Du Guesclin ; de nombreuses complaintes fu- rent composees pour deplorer le trepas de celui qui avait ete le liberateur de la France, mais la plus remar- quable de toutes celles qui nous restent aujourd'hui est celle d'Eustache Deschamps. Le nom de Du Guesclin est un de ces noms que la vieille France aimait tant a repe ter et que la France nouvelle aime a redire encore , malgre les tentatives de beaucoup de gens pour effacer les choses du passe. « On aura beau gratter sur les vieux monu- mens, dit un commentateur, frapper du marteau sur les ecussons, on aura beau souffler surlasainte poussiere des aieux, le passe de la France est toujours la qui se dresse dans toute sa majeste, et nos vieux souvenirs nationaux sont d'une nature si vivace qu'ils planeront toujours au-dessus des vents des revolutions. » Voici cette ballade : Estoc d'Oneur et arbres de vaillance, Cuer de Lion , esprins de hardement, La flour des preux et la gloire de France , Victorieux et hardi combatant , Saige en vos fais , et bien entreprenant , — 37a — Souverain homme de guerre , Vainqueur de gens et conquereur dc terre, Le plus vaillant qui oncques fust en vie, Chascun pour vous doit noir vetir et querre, Plourez , plourez , flour de chevalerie ! 0 ! Bretaingne ploure ton esperanee ! Normandie fay son entierement ; Guyenne aussi , et Auvergne, or t'avence, Et Languedoe, quier lui son monument, Picardie , Champaigne et Occident, Doivent pour plourer acquerre Tragediens , Arethusa requerre , Qui en eaue fut par plour convcrtie , Afin qu'a touz de sa mort les cuers serre : Plourez, plourez, flour de chevalerie! He ! gens d'armes, aiez en remembrance Vostre pere ; vous estiez si enfant. Le bon Bertran , qui tant ot de puissance , Uui vous araoit si arnoureusement , Guesclin crioit : priez denotement , Qu'il puistparadis conquerre; Qui dueil n'en fait, et qui n'en prie , il erre , Car du monde est la lumiere faillie; De toule honour estoit la droicte serre: Plourez , plourez , flour de chevalerie I Dans un lai de plus de trois cents vers , Eustache continue a celebrer la memoire du bon Connetable, il nous le peint plus genereux qu'Alexandre, plus vaillant qu'Achille, semblable a Cesar, etonnant l'univers de ses bauts faits et de ses prouesses , raconte ensuite comment il chassa les Anglais de la Normandie, etga- gna plus tard la bataille de Cocberel ou tomba l'orgueil du roi de Navarre et ou le fier Captal de Bucb fut fail prisonnier, il nous le fait voir au-dela des Pyrennees ou son impetueux courage parvint a dompter le farou- cbe Henri de Transtamare, et ne cessant de combattre que quand la mort de Pierre le cruel vient mettre (in a ces luttes sanglantes , puis debarrassant le sol — 374 — francais des grandes compagnies qui porlaient partout le pillage et la desolation. Prisonnier a Bordeaux, ville au pouvoir du prince de Galles et obtenant sa ran§on pour laquelle auraient volontiers file toutes les piles du royaume de France, dit un vieil historien , ensuite achevant de delivrer la France du pouvoir de l'Angle- terre , avec l'epee de Connetable qu'il recut a son re- tour de prison. Enfin , il nous fait un tableau trop vrai de la France a l'epoque ou Edouard III vint la ravager , quand precedemment les malheureuses ba- tailles de Crecy et de Poitiers l'avaient mise en grand peril, helas, dil-il, Helas ! ce fut grant tempeste Pour toutes les flenrs de lys. Mais le genie qui preside aux destinees de la nation franchise montra visiblement sa main favorable en sus- citant un prince sage comme Charles V, et un capitaine invincible comme Du Guesclin. Bertrand futl'liommede la providence, l'instrument liberateur qui sauva notre nationalite, aussi Deschamps sensible a la mort de cet illustre guerrier, n'epargne-t-il pas les plaintes, et ex- prime-t-il les regrets les plus amers sur cette perte. Lasse ! de fort heure nee , fortunee , Et mal menee, Esgaree ; Trifle, dolente , esplouree; Plaine de dolour , De tristour Et de plour, Dame de toute langour Que n'est ma vie finee ! Dans cette piece, notre poete nous apparait cons- tamment anime du plus pur sentiment patriotique, et toujours a la hauteur du sujet qu'il traite. — a75 — Ecoutez le chanter les exploits de Loys de Sancerre , dans la ballade intitulee : Des plows et plains de la mort du noble et vaillant chevalier feu monseigneur Loys de Sancerre, mareschal et depuis connestable de France, et de la mort des amies de Champaigne, et voyez comme sa haine pour les Anglais se manifeste dans cette strophe : Plourez, plourcz les amies de Champaigne, Tous Champaignois , clers et gens de noblesce, Dont l'escu mort voy , cri , banniere, enseigne , Le bon Loys de Sancerre, l'adresce Des chevaliers, qui print mainte forteresce Sur les Anglois ; jadis mareschal de France, Connestable depuis pour sa vaillance, Et qui fut fait par bonne election ; En maintlieu fut passavant en saison Son noble cry et s'ensaigne levee , Et des Anglois fist grant destruction : En paradis soit s'ame couronnee. 11 raconte ensuite les hauts faits de ce guerrier , les regrets que sa mort entraine, le vide qu'il laisse dans 1'armee, il y a dans cette composition de la sensibilite et de la noblesse. La mort de Miles de Dormans, eveque de Beauvais lui inspire line ballade, qui nous est d'autant plus pre- cieuse qu'elle nous fait mieux connaitre que tous les autres hisloriens la vie et les moeurs de ce personnage. Qui a son temps a tenu belle salle , Chancelier fu de la court souveraigne , Bons clers et grans ot sans maniere male , Doulz et courtois , sans pensee vilaine. .\ Rosbech fut armez sur la plaine, Contre Flamens ou li conflis fu faiz , Chascuns rassoubs fu de coupe et de painc, Du noble Mile, eveque de Beauvais. Avec le roy qui leur orgucil ravale Fu ce prelal per de France en demaine , — 376 — Devant Bourbourc el Autlain en Itale , Nobles gens ot toudis en sa compaigne , f.hiens et oyseaulx; larges com Charlemaignc, En tout estas fu puissans el parfais , Tant qu'on parloil bien loin en Alemagne Du noble Mile , eveque tie Beauvais. Voulez vous juger de la hardiesse de son dire et des sentiments liberaux qui l'animent, ecoutez-le donner des conseils au prince, Six choses sont qui font prince exillier Perdre s'onneur el haine encourir : Trop longueraent sa guerre conseillier , Estre orgueilleus, son convent non tenir , Trop convoiter, ses subgiez asservir, Paresce es fais qu'om doit hastis avoir ; Par ces six poins se puet prince honnir ; Pour ce , fait bon tels vices remouvoir. Par longs conseilz puet terre perillier , Et la puet lors l'ennemi conquerir , Et par orgueil se fait prince laissier , Et si acquiert deshoneur par mentir ; Par convoiter , se fait partout hair ; Par asservir , ses subgiez emouvoir , Par paresce, du tout anientir: Pour ce , fait bon telz vices remouvoir. Conseil se doit briefnnent expedier , C'est ce qui fait la guerre secourir ; Humilite , souffisance traittier , Franchise amer, verite souslenir , Diligence en tous cas maintenir ; Car tous ces poins doit tous bons princes scavoir , Regnes en puet par les autres fenir ; Pour ce , fait bon telz vices remouvoir. On remarque dans les poesies d'Eustache Deschamps, des apercus, des conseils et des verites qui sont de tousles temps. Elles justifient,dilM. Crapelet, les paroles de l'auteur du songe du viel pelerin a Charles VI. « Tu peux bien lire et ouir les dictiez vertueux de ton servi- teur et officier Eustache Mourel. » — 377 — Parmi les ballades qu'on a souvent citees, il en est une qu'on ne se Iassera jamais de relire, c'est la bal- lade du bon capitaine : cette piece a de l'entrain et du mouvement. Aux champs , aux champs ! Issez de vos maisons Vous qui devez avoir honeur et querre ; Vezci april et la doulce saison Que Ten se doit ordonner pour la guerre , Et que Ten doit son ennerai requerre , Et la frontiere tenir Tant qu'il ne puist en voz marches venir. Li temps est doulz pour dormir en la plaine. L'erbette vient pour chevaulx soutenir ; Ainsi se doit gouverner capitaine. Car le temps est atrempez par raison , Ne chaut , ne froit : doucement charriot erre , Qui doit mener engins et garnison Pour les chasteaulx son ennemi conquerre , De ses amis doit un chascun pourquerre Des que l'iver voit fenir , Ses allies en amour maintenir, Et de ses gens faire grosse compaigne , Et souldoiers paier et relenir : Ainsi se doit gouverner capitaine. Arbalcstriers doit avoir a foison ; Avecques se par assault acquerre Veult un chastel , ville ou forte maison Mineurs avoir , et doit souvent enquerre De 1' ennemi , quel part il vient ou terre , Pour son fait rompre et perir; Et bons chevaulx doit avoir pour courir Et descouvrir plat pais ou montaigne. A son dessus doit combatre et ferir : Ainsi se doit gouverner capitaine. En voire ost n'ait nulle division , Soient vos cuers ferinez a une serre , Briefs en consaulx et en conclusion , Avise bien le pais et la terre , Croiez les bons : qui ce ne fait , il erre Faites justice tenir Et de tout l'ost amer et cremir, Soiiez humble , vertueus a la paine , — 378 — Et li premiers pour les coups departir : Ainsi se doit gouvernor capitaine. Faicies le gaing venir tout en un son Autrui profit no vous chaille acquerir , Car ce serait honte et confusion ; Soit tout commun , car cilz qui trop fort serre Ne puet ouvrir ; pour ce son bien enserrc Et le fait anientir f'our convoiter puet un horns touthonnir Et tout gaingner quand largesce le maine ; D'Alixandre doit a touz souvenir; Ainsi se doit gouverner capitaine. Envoy. Princes , li horns qui veult gens seignourir Le sien garder et l'autrui conquerir, Doit estre bons et que lasehete craingnc , Les bons amer , honourer et chierir , Largesse avoir et tout temps poursuir Ainsi se doit gouverner capitaine. La guerre de Flandre a laquelle il assistait comme acteur ne paraissait pas etre tout-h-fait du gout de notre poete, si Ton en juge par un virelai qu'il composa a cette occasion et dont voici la premiere strophe : Puisque j'ai passe le Lis Je serai gais et jolis En ce doulz pa'is de France , Et vivray , a ma plaisance , Maugre Flandre et le pa'is , Ou j'ai toudis fait penance , Porte bassinet et lance , De cote de fer vestis. Geu aux champs , en gran doubtance , En faim , froit, pluie et souffrance, Sanz convert , sans avoir lis. Aussi de retour en ce doulz pais de France, se livre-l-il a ses penchants dont la bonne chere parait etre un des principaux , libre dans ses allures il chante le vin en vrai disciple de Bacchus. — 379 — Jamais a table no serray Si je nc voy le via tout pnesl Pour boire et verser sanz arresl . Au premier morsel tel soif ay due ra'ort suy se boire n'y est ; .Jamais a table ne serray, etc... Comment il m'en va , bien le scay ; Rolant en mourut ; si me plest Boire tot puisque vin me pest. Jamais a table ne serray Si je ne vois le vin tout prcst Pour boire et verser sans arrest Et comme les plaisirs et la bonne chere ne tardent pas a epuiser ses ressources, il adresse au roi supplique sur supplique pour obtenir quelques secours. Voici un echantillon de sa maniere d'implorer les bontes du monarque. Les dyables m'ont rompu ma houppelande , Et ma chappe est. par vin toute perdue , Micux m'eust vain ebassier en une lande , Les dyables m'ont rompu ma bouppelande , Au roi suppli de ce meffait amande, Et que par lui m'en soit une rendue ; Les dyables m'ont rompu ma houppelande , Et ma cliappe est par vin toute perdue. Menace plus tard d'etre prive de ses emplois et benefices, il s'adresse aux dues de Berry, de Bourgo- gne , d'Orleans et de Bourbon pour que ceux-ci inter- ceded en sa faveur et lui obtiennent la conservation de ses bonoraires, mais ici il change de ton, et on s'appercoit dans cette supplique ainsi que dans celle qu'il adresse au roi , qu'il craint pour son avenir el que cette crainte est fondee. Apres avoir rappele ses servi- ces, il termine ainsi : Mes seigneurs , soicz remembrans (Jue moi , pourc Eustace des Champs , Ay servia royal ligrtie ,J — 380 — Sans charger , sans estre marchans ; A ma fin , pour estre contens , Me laissiez raes gaiges a vie. Dans sa requete au roi pour le meme objet , il rappelle qu'il doit ses litres et emplois au bon Charles V, qu'il les tient depuis vingt-huit annees et qu'il y aurait injustice a les lui retirer au moment oil il arrive a la vieillesse. Mais il tient que ne voulez mie En tel cas vos servenz souffrir Deppointer de gaiges a vie , Ordinaires sur leur finir , Veu qu'il lui fault sur ce tenir Et garder Fymes vo forteresce A ses fraiz ; c'est ce qui le blesce ,. Dost le cuer de paour li tremble ; Se vo pite ne le radresce , C'est de bien servir poure exemple. Ses plaintes furent ecoutees, car nous le voyons a sa mort en possession de tous ses emplois et de plus avec la charge de tresorier de France. A cette epoque d'enfantement du langage national, et meme plus tard , on remarque que la versification quoi- que devenant de jour en jour plus repandue et plus familiere, s'applique, faute d'idees a raconter les faits. On s'appercoit que ce n'est pas Pinteret poetique qu'il faut rechercber dans toutes ces compositions, mais bien l'interet historique avant tout. Pour relever des vers que la pensee ne soutenait pas, on s'imposait des diflicultes sans nombre, et ces entraves imposees a plaisir, et comme tours de force, au lieu d'amener la reforme, faisaient reculer le progres et retrograder la poesie jus- qu'a son point de depart. Deschamps cependant ii su se preserver du mauvais gout qui devait s'emparer de ses successeurs, et quoique subissant l'empire de la loi — 381 — commune, c'est-a-dire, appliquant la poesie a la nar- ration des faits , il a conserve assez de bon gout et de naturel pour que son exemple fut suivi comme le meil- leur par les poetes qui scurent s'affranchir par la suite des entraves que leur avait imposees l'ignorance. Voici une ballade qui donnera une idee de son talent des- criptif: Sur le chateau de Coucy (1). Qui vuet terre de graud deduit savofr , Et ou droit cuer du royaumc de France ; Et forteresce de merveilleux povoir , llaulles forest et estancs de plaisance , Aires d'oiscaulx, pars de belle ordonnance Ou pais de Vermandois , Devers Coucy acheminer te dois; Lors des lerres verras la nompareille , Pour ce est son cri : Coucy a la merveille (2). Voy Saint-Aubin oil il a beau manoir (5) , Aire a herons ou maint faucon s'elance , A Foulembroy puet grand sire manoir (I). Dains a ou pare , qui moult vault de finance , Eaues aussi ; et que vault la puissance De la tour de Coucioys , Et du chastel qui tant est lieux adroits? De Saint-Goubain durement me merveille (5) , Pour ce est cri : Coucy a la merveille. Saint-Lambert puet tout homme recevoir (6) ; En mi l'eslanc ou le poisson s'avance , Le Ghastelain puet bien la chace avoir. La Fere est fort pour homme de vaillance , Oyse l'enceint : mais mettre en oubliance (1) Coucy le chateau departement de l'Aisne. (2) C'etait le cri de guerre des Seigneurs de Vervius. (5) Saint-Aubin a une lieue de Coucy-le-ChSteau. (4) Folerabray, aujourd'hui manufacture de bouteilles. (5) Saint^Gobain, manufacture de glaces. (6) Saint-Lambert celebre par son clang. — 382 — Ne veuil Acy cesle fois , Ne Gercies, pour ce disl li bon rois (1), Que de Coucy ne vist euvre pareille , Pour ce est son cri : Coucy a la merveille. Toutefois au milieu des plaisirs et de ses reveries poetiques, Eustache ne negligeait pas ses interets et il ne laissait echapper aucune occasion de reclamer au roi soit desfaveurs soit des secours. Nous avons vu que deja, on avait fait droit a ses demandes: il parait que ces preuves de bonte du monarque avait excite les desirs de notre poete, car nous le retrouvons s'adressant de nouveau a Charles VI dans le but d'obtenir une nouvelle pension, voici la lre strophe de la supplique. Au roy supplie Eustace humblement Que comme il ait vostre pere servi, Huissier d'armes jadis tres longuement , Et vostre tante en Lombardie aussi , Due , duchesse d'Orleans autressi , Et pour ce lui eust donne Gaiges le roy, poureslre guerdonne A sa vie certaine pension ; Qu'il vous plaise, seigneur tres redoubte, Retenue aitet confirmation. Dans une ballade, intitulee : Qu'il faut propter de la jeunesse, on remarque une pensee philosophique vraie et les vers ont une tournure poetique remarquable. Or, n'est-il fleur , odeur ne violelte Arbre n'esglantier, tout ait douceur en lui , Beaute, bonte, ne chose tout parfaicle, Homme, femme, tant soitblanc ne poli, Crespe ne blont, fort, appert ne joli , Saige ne foul , que nature ait forme , Qui a son temps ne soit viel et use , Et que sa mort a sa fin ne le chacc , Et se viel est qu'il ne soit diffame : Viellesce est fin , et jeunesce est en grace. 1) Gercies, Quiercy, etait une maison royale. — 383 — La flour en mai et sou odeur delectc Aux odorans, non pas jour et demi ; -3 En un moment vient li vent qui la guelte , 1 Cheoir la fait ou la couppc par mi : Arbres et gens passent leur temps ainsi ; Riens estable n'a nature ordonne, Tout doit mourir ce qui a este ne ; Un poure acces de fievre l'omme efface , Ou aage viel qui est determine : Viellesce est fin , et jeunesce est en grjice. &c. On a pu remarquer par les diverses citations quej'ai faites des compositions d'EustacheDeschamps, quece qui le distingue des autres poetes de son epoque, c'est un esprit satirique prononce et une originalite de pensees singuliere: de la nait leplus souvent uneheureuse con- venance entre les sujets qu'il traite et la nature de son esprit. Ainsi tandis que ceux-ci, domines par les idees et les moeurs de la chevalerie, chantent lagloire etles belles etassaissonnentleurs chants de ces eternels refrains d'amour tant rebattus, Eustache quoique n'etant pas tout-a-fait etranger a ce genre de composition, n'est jamais plus poete, que quand il chante les travers etles ridicules; ses pieces, soitlais, virelais, ballades ou ron- deaux, etincellent souvent de graces originales qui n'ont pas ete effacees. La ballade surla decadence de la chevalerie, indique parfaitement qu'il regrettait les temps anciens, etqu'alors comme aujourd'hui il etait dans l'humaine nature de regretter ce qui n'est plus. Les chevaliers du bon temps ancien Et leurs enfants aloient a la messe , En doubtantUieux, chascun vivait du sien. L'en cognoissoit leur bien et leur prouesse , Et li peuples labouroit en simplesse ; Chascun estoit content de son office Religion fut de tous biens l'adressc Mais aujourd'hui nc voy regner que vice. — 384 — Le virelai intitule les atlieux a sa dame et qui commence ainsi : Adien m'amour, ma joyc, m'esperance, Et cet autre rondeau : Adieu, mon cuer : adieu, ma joye; Adieu, tout le bien que j'avoye. Nous indique parfaitement qu'il sacrifiait par fois au gout de son epoque, et qu'il avait conserve quelques restes des moeurs de la chevalerie expirante. Est-il question de faire la paix avec les Anglais, aus- sitot Deschamps prend sa lyre et chante cette paix si desirable, mais, dit-il, apres les maux sans nombre que nous causent ces insulaires, apres leur manque de foi si souvent repete, pouvons nous avoir coufiance en leurs paroles? Non certes, et cette paix ne sera veritable, que quand nous aurons obtenu des garanties, ne vous fiez pas a leurs discours, dit-il , leurs paroles sont men- teuses et, Paix n'arez ja s'ilz ne rendent Calais (1). Nous l'avons vu precedemment traiter de fou le vieillard qui prend une jeune femme et faire ressortir avec verite les inconvenients attaches a une semblable (1) Notre poete avait probablement en vue lorsqu'il composa cette ballade , la paix que Charles V voulut faire en 1375 etdont parle Christine de Pisan dans son livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles : « Toutefois par compassion du peuple , se consenti a traictie de paix , la- quelle fut pourparlee entre les deux roys, et consentoit notre roy plain de doul- ceur, de laissier paisiblement au roy d'Angleterre les terres et seigneuries qu'il avoit en France , reserve toutefois a luy son hommage , souverainete et ressors des terres que le roy d'Angleterre avoit ou royaume de France , tant en celles qu'il tenoit, comme en celles que noslre roy pour le bien de la paix, lui vouloit encore bailler par le dist traictie , lequel Dieu ne volt que adont fust accomplis, ne paix faicte, et en ce m§me an, mouru Edouart, roy d'Angleterre. » — 385 — union, dans la ballade qui suit, il est beaucoup plus explicite , il se prononce d'une maniere absolue contre le mariage et il est a supposer que lui-meme marie n'avait pas trop a se louer des liens qui l'attacbaient a sa moitie ; cette piece au reste ne manque pas d'un certain entrain qui fait sourire les epoux meme les mieux assortis , et la verve satirique de notre poete s'y deploie d'une maniere tout-a-fait originale. A Puis ! — Qui est? — Amis. — Que veuis ? Conseil. — De quoy? — De mariage ; Marier vueils. — Pourquoy te deuls? — Pour ce que n'3y femme en mesnage Qui gouvernast et qui fust sage , Bonne , belle et humble tenue , Riche , jeune et de hault parage. Tu es fouls : — pran une massue. Advise se souffrir fen pues : Femme est de merveilleux couraige, Quant tu vouldras avoir des eufs Tu auras poree ou fromaige; Tu es frans , tu prendras servaige : Horns qui se marie se tue ; Advise bien. — Si le feray-je. Tu es fouls : — pran une massue. Femme n'aras pas a ton eulx Mais diverse et de dur langaige ; Adonc te croistera tes deuls, Souffrir ne pourras son oultraige. Va vivre avant en un boscaige Que marier comme beste mue. Non ; avoir vueil le doulz ymaige. Tu es fouls : — pran une massue. Envoy. Fils tu feras foleur et raige De marier. — Aime en vorue Franchement ; d'avoir femme enraige. Tu es fouls : — pran une massue. — 386 — II y a dans cede petite piece une verve rabelaisienne et une rondeur qui plaisent, on y remarque deja le germe decet esprit caustique qui forme l'element distinctif du caractere national. Plusieurs autres compositions de Deschamps ont cette meme physionomie rieuse et spirituelle. Voulez vous parvenir a la cour, ecoutez ses conseils, Pigne toy bel , ton chaperon abat , Soies vestu de robe tres-jolie , Fourre-toy bien , quoiqu'il soit de 1'achat ; Tien toy brode d'or et de pierrerie ; Ment largeraent afin que chascun rie , Promet assez et lien po de convent . Fay tous ces poins ; ne te chaille qu'om die : Va a la court et en use souvent. Mais un peu plus loin il se ravise : Mon corps se pert , use , gaste et detruit , A court suir, qui est doubteuse vie: On dort le jour et y veille-on la nuit ; Et y fait on trop de gourmenderie. Vin barillie et viande pourrie Y ont pluseurs ; tant d'ordure y a court , Qu'eureus est cilz qui ne la poursuit mie : Trop de perilz sont a suir la court. Le lai du roi est une assez longue piece de vers adressee a Charles VI dans laquelle Eustache n'epargne ni les conseils, ni les remontrances ; on lit avec plaisir ces vers, et les verites que laisse echapper sa plume hardie inspirent le plus vif interet pour son courage et sa per- sonne , on y voit que s'il etait courtisan en certaine cir- constances, sa nature tranche, ne reculoitdevantaucun obstacle , toutes les fois qu'il s'agissait de proclamer une verite ou d'exprimer des sentiments patriotiques. (La suite prochamement) . — 387 — BULLETIN RfiTROSPECTIF RAPPORT k M. E. D6rod6 sur le uiorcelleiuent , les irrigations, l'iwluslrie viticolc, la vialtililc rurale, It; melayage, elc, {au sujct des memoires adresses a l'Acaderaie par MM, dp Maiziere et Gastebois). Messieurs, Au nombre des questions economiques, dont Fexa- men a le privilege d'exciter le plus vivement vos sympathies , vous etes habitues a placer en premier ordre celles qui interessent la constitution de la pro- priety fonciere et la bonne direction de l'industrie agri- cole. Aussi , vous etes-vous empresses de satisfaire a la demande que vous ont adressee dernierement deux de nos correspondants, MM. de Maiziere et Gastebois, lors- qu'en vous envoyant divers memoires concernant cette partie si interessante de la science administrative, ils vous ont exprime le desir que leurs travaux fnssent inurement eludies par une commission speciale qui vous rendrait compte de ses impressions. Par leur objet, les communications que vous aviez recues se recommandaient a une attention serieuse ; elles se recommandaient egalement par Uncontestable II. 27 — 388 — competence de ceux a qui vous les devez : maintes fois vous avez ete a meme d'apprecier les services que M. le colonel Gastebois a rendus a l'agriculture en sa qualite de president du cornice de Sezanne ; et vous savez tous avec quelle perseverance infatigable, avec quelle elevation d'esprit et de sentiment M. de Maiziere qui , lui aussi a porte l'epaulette dans l'arme savante de l'artillerie, poursuit la solution de tous les problemes, dontsondevouemental'humanitelui inspire la recherche. Votre commission avait done un double motif pour exa- miner avec le plus grand soin les memoires que vous lui aviez renvoyes: je viens aujourd'hui vous exposer sommairement le resultat de ses efforts. Le premier memoire de M. Gastebois traite de la viabilite rurale. VIABILITY RURALE. Les hommes pratiques sont d'accord pour reconnaltre que la loi du 21 mai 1856 sur les chemins vicinaux a fait le plus grand bien ; cependant comme toutes choses en ce monde, et principalement comme toutes les lois de detail votees par nos grandes assemblies , elle n'est exempte ni d'imperfections ni de lacunes: ce sont ces lacunes et ces imperfections que M. Gastebois s'est attache a signaler. Ainsi dans les villages, par exemple, les rues n'etant point considerees comme chemins vi- cinaux, on ne peut pas employer regulierement a leur entretien les ressources que la loi affecte aux commu- nications de commune a commune; cet entretien par le meme motif, n'est pas obligatoire ; de la il resulte bien frequemment que pour se rendre d'un chemin vicinal a un autre qui n'en est en realite que le pro- longement , on est force de traverser des cloaques impraticables ; e'est un inconvenient grave ; il appartient — 389 — au legislateur d'y parer. Nous pourrions vous en indiquer d'autres encore; l'impossibilite d'appliquer aux chemins purement communaux les dispositions de l'art. 14 qui impose le paiement d'une subvention speciale aux pro- prielaires de certaines exploitations exceptionnelles : la prescriptibilite de cette nature de propriete commu- nale, chose fort compromettante pour l'avenir; enfin et avec M. Gastebois, qui partage sur ce point l'opinion de M. de Cormenin, l'oubli dans lequel la loi a laisse les chemins communaux ; a cet egard il nous semble cependant que ^administration a dans les mains un moyen simple de satisfaire a tous les besoins, puisqu'elle peut toujours transformer un chemin communal en che- min vicinal lorsque, comme le dit l'avis du conseil d'etat du 21 avril 1839, les ressources des communes le per- mettent. Ce sont la choses de pratique etqui ne touchent en rien ni a la legislation ni surtout aux principes. Nous en dirons autant de l'institution des agents-voyers, cantonnaux et communaux, que propose l'auteur dela note; facultative, elle existe, qu'on en fasse ressortir les avantages, ellese propagera;obligatoire, elle seraittrop lourde, trop dispendieusepour un grand nombre de loca- lites; de meme pour lemauvaisclassement des chemins, leur peu d'harmonie : les prefets n'ont pas besoin d'at- tributions nouvelles pour que les classements repondent mieux au besoin de la circulation ; de meme encore pour l'emploi des prestations, la conversion des prestations en taches, &., &. Avec du zele, de l'activite, une sur- veillance plus effective de l'autorite superieure, la loi actuelle sufllt. — Cette analyse incomplete pourra vous donner une idee du travail de M. Gastebois sur la viabilite rurale ; on y remarque des vues saines, pratiques, presque toujours rcalisables sans la haute intervention du legis- lateur ; nous croyons que vous devcz en recommander — 390 — la lecture ;maisilne souleve aucune question de principe ; vous nous semblez peu competents pour en connaitre; il renferme des voeux a adresser au gouvernement, el vous n'avez pas mission d'en exprimer ; si nous ne nous trompons, l'auteur en a lui-meme juge ainsi et sa note a du etre adressee d'abord au congres central d'agricul- ture. Les opinions de M. Gastebois ont occupe une trop grande place dans la discussion a laquelle cette grave assemblee s'est livree lors de sa derniere session, pour qu'il n'ait pas a revendiquer l'honneur de l'avoir souvent inspiree. Vous pouvez vous en convaincre en consultant soit les proces-verbaux du congres , soit l'analyse de M.Guillot-Cheon,publiee dans l'lnduslriel, soitlecompte rendu remarquable lu , a la societe d'agriculture de la Marne par M. Sellier notre confrere , delegue au congres central et membre du conseil general de noire departe- ment. MfiTAYAGE. Telle est vraisemblablement aussi la direction qu'a suivie le memoire dans lequel M. Gastebois etablit un parallele entre le fermage et le metayage, et balance les avantages et les inconvenients que presentent l'exploita- tion par le proprietaire et celle qui est confiee aux soins d'un fermier. Le metayage est presque inconnu dans le nord de la France; la location au tiers-franc, a moitie fruits, y devient chaque jour plus rare; cela se conceit sans peine : le proprietaire prefere un revenu fixe a l'even- tualited'une part dansles recoltes incerlaines ; le locataire de son cote trouve son avantage dans une plus grande liberte d'allure et dans la possession exclusive du produit de son travail et de son intelligence. Ce mode de location est meme le seul convenable dans les contrees de plus en plus nombreuses oula loidu travail est consideree comme — mi — obligatoire pour lous les membres de la communaute. La le fermier n'est autre chose qu'un industriel qui emprunte un capital immobilier qu'il feconde de son argent etde son intelligence au lieu et place du proprietaire que la speciality de ses aptitudes ou de ses gouts retient dans une autre voie ; c'est le commercant, le manufacturier meltanten valeur les fonds dontles capitalistes propre- ment dits sont detenteurs : par le fait d'une reciprocity heureuse et d'un sage emploi de toutes les forces, chacun peut ainsi participer aux bienfaits des diverses natures de propriete et se consacrer au genre de travail qui lui convient le mieux. Mais dans le midi de la France, on rencontre peu de cultivateurs assez riches pour faire les premieres avances que necessite l'acquisition d'un mo- bilier aratoire et il y a necessite de recourir au metayage ; or le metayage est un detestable procede quand le pro- prietaire habitant la ville ne se produit jamais dans ses domaines que sous la forme d'une quittance; il peut au contraire amener de bons resultats, si le proprietaire craignant egalement de rester oisif et de se livrer au rude metier de la culture, surveille lui-meme I'exploitation , intervient frequemment aupres de ses metayers pour les aider de ses conseils et ne craint pas de faire quelques avances a sa terre; le metayer devient ainsi une espece de commis interesse et l!union du capital, du travail, et du talent, se trouve realisee pour le bien des deux parties. C'est ee que M. le comte de Gasparin a demon tre au congres central avec beaucoup d'autorite. Tout en don- nant la preference au fermage on peut done se resigner sans trop de regrets a user du metayage la ou ce mode de culture est pour ainsi dire necessaire. Mais Pexploita- tion par le proprietaire ne doit-elle pas avoir la preferen- ce?!^ these generale nousdirons oui avec M.Gastebois, mais avec lui encore sous cerlaines conditions. Nos villcs sont remplies do cultivateurs-proprietairesdesillusionnes et mines dont les confidences sont bien douloureuses et nous avons entendu sans ctonnement M. le due de Cazes, le venerable president du congres central d'agri- culture, declarer avec candeur en plein congres que les terres qu'il exploitait lui-meme, lui avaient toujours coute plus qu'elles ne lui avaient rapporte, tandisqu'au con- traire cedes qu'il louait lui produisaient des fermages. Le proprietaire veut-il consacrer toutes ses beures a la culture, sent-il en lui lafermete necessairepour semettre en garde contre les innovations irreflecbies , contre la manie de transplanter les especes dans les contrees pour lesquellesla nature neles a points faites, a-t-il pour la pratique et l'experience ce sage respect trop souvent etranger aux jeunes laureatsdes fermes modeles? Qu'il se mette a l'ceuvre; avec beaucoup de peine il pourra mieux reussir qu'un fermier aiguillonne moins directement que lui par ce sentiment si vif qu'on appelle l'amour de la propriete, et manquant le plus souvent de capitaux et de connaissances tbeoriques ; autrement l'experience est la qui atteste qu'il se ruinerait presque infailliblement ; il n'y a en pareilles matieres que des questions de per- sonnes. M. Gastebois a, ce nous semble, envisage les choses sous eet aspect raisonnable; il est dans le vrai. II est encore dans le vrai lorsque dans une note fort inte- ressante, il indique les principales modifications qu'il se- rait utile d'apporter a la loi d'Angeville sur les irrigations. IRRIGATIONS. Tout le monde comprend aujourd'hui la sagesse de cette maxime proclamee au XVIe siecle, par Olivier de Serres lorsque traduisant en son langage la pensee de Caton, il disait: h nourrir du belail etre Vumque moyen — 393 — pom bien faireses besongnes. Tout le inonde sait combien est grande l'inferiorite de la France sous ce rapport puisque nous ne possedons qu'un sixieme de nos terres en prairies, tandis qu'en Angleterre par exemple, l'eten- due des pres egale, dit-on , celle des terres consacrees a la culture des cereales. Ce que tout le monde ne sait pas, c'est traduire en faits les pensees utiles : notre con- frere a eu ce merite en provoquant pour sa part la nouvelle proposition que viennent de formuler MM. Dan- geville et La Farelle pour completer la loi du 27 Avril 1845. Mais en dehors et au-dela de cette proposition M. Gastebois examine la question des societes d'irri- gation,et il signale plusieursempechements a l'organisa- tion de ces societes. II n'a pas paru demontre a votre commission qu'il fut impossible d'organiser pour les irrigations des associations analogues a celles que la loi speciale autorise pour les dessechements ; elle croit au contraire que ces associations, elres moraux qu'on pour- rait facilement rendre aptes a posseder , rendraient peul- etre plus de services que les syndicats cantonnaux qu'on propose et au sein desquels la majorite en nombre et en chiffre feraitla loi a la minorite. Du reste ce sont la des malieres qu'on ne saurait traiter sans entrer dans de trop grands details. Mais M. le colonel Gastebois a rouvert devant vous un debat plus general, bien souvent agite, toujours bru- lant et qui rentre davantage dans le cercle nalurel de vos attributions. L'auteur a rencontre dans cette enceinte un contradicteur redoutable; nous vous demanderons tout-a-1'heure la permission d'entrer dans quelques de- veloppements a ce sujet. Nous devons auparavani vous dire un mot du memoire de M. de Maiziere sur les plants de vignc de la Champagne. — *M — INDUSTRIE V1T1C0LE. M. de Maiziere se plaint de la decadence des vins rouges en Champagne, et il attribue cette situation fa- cheuse a l'inhabilete des vignerons , au mauvais choix des teiTains, a l'adoption des plants grossiers qui pro- duisent plus et plus mal ; il cite en exemple le eru de Fleury-la-Riviere si renomme au XVP siecle, si peu considerc aujourd'hui, et propose pour remedier au mal, des reformes sur le merite desquelles nous aurons a nous expliquer. Mais tout d'abord votre commission conteste que nos vins rouges soient inferieurs a ce qu'ils etaient autrefois : on en fait moins dans les qualites superieures, cela est possible, on vend moins bien ceux d'une qualite secondaire, cela est certain ; pourquoi? Parce que nos vins blancs mousseux n'ont point d'egaux, tandis que nos vins rouges, si faciles a ecouler quand la Belgique nous etait ouverte , quand la mer etait in- terdite aux vins du midi, quand les transports etaient moins perfectionnes , rencontrent partout aujourd'hui des rivaux redoutables ; d'ou la consequence qu'il y a tout avantage, quelques localites exceptees et a part les annees hors ligne, a convertir les raisins des fins lieux en vins blancs plutot qu'en vins rouges; mais cela ne prouve pas le moins du monde que la Champagne ait sous ce premier rapport degenere. Apres avoir re- grette le passe du vin rouge, M. de Maiziere s'effraie de ravenir reserve auvinblanc: il fait remarquer les dangers de l'introduction des cepages a grosses grappes et de l'emploi trop abondant des fumiers , et nous laisse entrevoir un jour, peut-etre peu eloigne, oil l'Allemagne nous fera sur les marches etrangers une concurrence plus redoutable que celle dont nous ressentons deja les eifets. C'est avec grande raison que M. de Maiziere — 395 — encourage le vigneron a se garder des cepages grossiers et des funiures exagerees : il fait tres-bien d'exciter leur emulation par la crainte d'une concurrence qui menace de devenir de plus en plus serieuse : mais votre com- mission eslime qu'il y a un peu d'exageration dans son langage. Sans doute la question est grave et difficile a resoudre ; cependant en presence de nos exportations toujours croissantes, et aussi jugeant la question par nos propres lumieres nous proclamerons hautementque jamais les vins de Champagne mousseux n'onteteplus dignes qu'aujourd'hui de ligurer sur les tables opulentes. En fut-il autrement nous n'admettrions pas comme realisables les institutions reformatrices que propose notre ingenieux collegue, et qui consistent en des jurys de commune, de canton, d"arrondissement et de de- partement, appeles a classer les vignes suivant la nature de leurs plants et a fixer le prix des vins; le mieux semble a votre commission de s'en rapporter a Pinteret prive, sauf les cas de falsification et de tromperie sur la marchandise : a coup sur les habiles vignerons de la Champagne ne sont point arrives a la perfection: ils peuvent encore faire des progres, mais les cornices suffisent pour leur indiquer les meilleures methodes, et nous croyons que l'intervention des jurys que propose M. de Maiziere, rencontrerait de grandes difficultes d'application et ne produirait pas tout le bien qu'il en attend. MORCELLEMENT. II nous reste, Messieurs, a vous enlretenir de la ques- tion que nous vous signalions tout-a-riieure comme la plus importante de cedes que nous avions a trailer, c'est- a-dire du morcellement ; nous nous acquitterons de notre tache le plus brievement possible. — 396 — Le morcellement du sol est generalemenl envisage par les gens du monde sous un point de vue different suivant leurs tendances politiques. Les hommes d'etat et les ecrivains les plus eminents ont long-temps eux- memes cede a cet entrainement : ainsi lorsqu'il signalait les inconvenients de la division de la propriete et faisait entrevoiraux riches cultivateurs le temps oil leurs enfants seraient valets la ou ils sont maitres (4), M. deBonald rattachait evidemment la question agricole a ses preoc- cupations d'un autre ordre; autant en pourrions-nous dire de beaucoup d'autres personnages considerables , tels que M. le due de Levis, M. Texier, etc. etc. On a mieux compris dans ces derniers temps la distinc- tion qu'il est juste d'etablir entre deux idees qui se tou- chent sans se confondre, la division de la propriete etle morcellement du sol ; la premiere interesse au premier chef I'ordre politique, la seconde est particulierement relative au meilleur emploi a faire des biens ruraux quels qu'en soient les maitres; il est bon de les rapprocher, de les combiner ; elles ont de l'influence l'une sur l'autre, mais avant tout e'est sagement faire que d'etudier sepa- rement les deux aspects du probleme. Pour mieux faire ressortir notre pensee il nous suffira de rappeler qu'en Irlande par exemple la terre est possedee par un nombre tres-restreint de proprietaries tandis que pour l'exploi- tation elle est fractionnee a l'infini : de telle sorte que la condition affreuse de ce malheureux peuple offre tout a la fois des arguments aux ennemis de la grande propriete et aux adversaires du morcellement. Ces ar- guments employes d'une maniere generate, absolue, (I) De la loi sur l'oi'ganisation des corps administratis par voie d'elec- tion , et considerations sur la mendicite el les enfants trouves , par M. lc- Yicomte de Bonald , Pair de France. Paris, 1829. — 397 — manquent neanmoins de justesse, car le meme pheno- mene se reproduit sur d'aulres points de l'Europe avec des consequences toutes ditferentes, notamment en Tos- cane et en Lombardie, dans le royaume de Valence et dans la basse Catalogue (1). Mais il en resulte cependant que ces deux faits, grande propriete et petite culture, ne sont pas le moins du monde inconciliables. De meme on concoit parfaitement une grande etendue de terrain exploitee par un seul , lorsque ce genre d'ex- ploitation serait preferable et possible, et appartenant en commun a un nombre illimite de proprietaires qui rece- vraient suivant leurs droits une part dans les produits ou dans la rente. Bien des causes s'opposeront peut-etre long-temps encore a ce systeme si usite, pour la mise en valeur des usines, des houilleries, etc, etc, soit egalement applique aux terres arables (Voir sur cesujet un travail remarquable attribue a M. Leon Faucher et public dans la revue des deux mondes en 1855). Mais il n'a rien que de tres-simple en theorie et il recoit deja un commencement d'execution dans certaines grandes fermes qui n'apparliennent pas en commun il est vrai a plusieurs proprietaires , mais qui se composent de la reunion entre les mains d'un seul fermier de plusieurs lots appartenant a divers. Cette distinction est palpable. M. de Maizieres et M. Gastebois l'ont respectee , lorsque rouvrant devant vous ce debat, objet de tant de contro- verses ils se sont particulierement attaches a la question du morcellement, abstraction faite du droit de propriete. Cependant commepour etre distinctes, ces deux ques- tions n'en sont pas moins connexes, je vous demanderai la permission de vous dire un mot de la premiere, et de resumer devant vous les elements d'appreciation que (I) V. M. I';i>s\, ilcs *\s|rni.> dr lulluro, lX.ji;. p. 1|. — 398 - vous avez lus ailleurs en y ajoutant quelques details pro- pres a faire apprecier si les raisonnements produits au dehors de cette enceinte en vue de la generality de la France , sont ou non et dans quelle mesure applicables a notre departement. On fait grand bruit dans les conversations et meme dans les livres du nombre des cotes foncieres: elles etaient en 1815 au nombre de 10,083,751 ; on en comptait en 1842 11,511,841, est-ce a dire que le nombre des proprietaires se soit accru dans la meme proportion que celui des cotes? Nous le voulons bien; mais le nombre des proprietaires de biens ruraux est-il egal a celui des cotes? Pas le moins du monde. D'abord chaque proprietaire est represente par une cole parti- culiere dans tous les arrondissements de perception ou il possede quelque immeuble : Plusieurs cotes ne representent done souvent qu'un proprietaire. Ensuite bien des cotes ne representent que des maisons, oc- cupant un tres-petit espace de terrain , et il y avait en France des 1842 — 6,805,402 maisons ; le departe- ment de la Marne en compte pour sa part 76,910. Enfin les derniers recensements , plus severes en ce qui concerne les proprietes baties, ont du avoir pour eifet d'augmenter le nombre des contribuables, sans que la division de la matiere imposable ait pris un developpe- ment proportionnel. Aussi, M. Lullin de Chateau-Vieux ne porte-t-il qu'a quatre millions le nombre des pro- prietaires francais ; cette evaluation est evidemment au-dessous de la verite; en doublant le chiffre on trouverait neanmoins une grande difference entre le nombre des proprietaires et celui des cotes. Quoiqu'il en soit, comme M. Passy Pa fait remarquer avec rai- son , de 1815 a 1842 le nombre des cotes s'est eleve — 399 — de 14 p. 0/°, tandis que la population, elle, presente un accroissement de 18 p. °/0 pendant la meme periode : Ainsi, le nombre des proletaires est relativement plus considerable aujourd'hui qu'il y a 50 ans. II faut dire neanmoins qu'en decomposant ces chiffres on remarque que la proportion est en sens inverse dans les dernieres annees. Ainsi de 1815 a 1826 le nombre des cotes fon- cieres s'est accru de 2 p. °/0 etla population de 9 p. °/0, de 1826 a 1855 les cotes ont augmente de 6 p. °/0 et la population, elle, de 5 1/2 p. •/„; enfln de 1855, en sept annees seulement la population ne s'est accrue que de 5 1/2 p. °/0 et les cotes foncieres de 6 1/2 p. °/0. Dans notre departement les cotes foncieres ne depas- saient pas en 1815 le chiffre de 168,167; elles sont au- jourd'hui, suivantM. Chalette, au nombre de 180,124, accroissement 7 p. °/0 environ ; mais de 1815 a 1826 elles ne s'etaient accrues que de 1 p. °/0 tandis qu'elles se sont accrues de pres de 6 p. °/0 de 1826 a 1855; depuis lors leur nombre est reste presque stationnaire. La po- pulation qui etait de 511,027 habitants en 1815, est aujourd'hui de 556,652, accroissement environ 15 p. °/0. A Reims, vous savez que la population s'est elevee en 50 ans de 51 ,080a44,000 habitants ; ainsi, pourlaFrance en general et specialement pour notre departement , le nombre de proprietaires est moindre aujourd'hui par rapport a la population qu'il n'etait en 1815. Done, s'il en est parmi vous qui pensent que l'ordre social est interesse a ce que les classes laborieuses n'ar- rivent pas trop facilement a la possession du sol , nous dirons, sinon pour les rassurer, au moins pour amoindrir leurs regrets, que les fails contemporains, quoique con- traires a leurs desirs , ne se precipitent pas avec celte effroyable impetuositedont ont parle les alarmistes, bien — /iOO — que dans ces dernieres annees, au contraire de ce qui s'etait passe au commencement de la restauration , la division de la propriete fonciere augmente dans une pro- portion plus rapide que la population ; et d'un autre cote nous ferons remarquer que l'avenir se presente sous des couleurs favorables a ceux qui tiennent pour incontes- table qu'il y a justice et avantage a appeler le plus grand nombre de citoyens au bienfait de la propriete , k ceux qui admettent avec un auteur accredite que ce sont les mariages multiplies de l'homme avec la terre qui font la plus grande force du pays. Nonobstant une certaine tendance a l'agglomeration des capitaux , mal- gre la difference de fecondite des mariages des diverses classes de la societe , et ce fait patent que la loi des successions atteint moins les grandes fortunes que les petites, il est permis d'esperer que l'ceuvre des legis- lateurs du code civil continuera de porter ses fruits naturels ; que le nombre des proprietaries suivra plus- tot une progression ascendante que decroissante , et qu'ainsi le plus puissant element d'ordre de notre societe moderne ne nous echappera point. Si nous ne nous trompons, MM. de Maiziere et Gastebois sont d'accord sous ce premier rapport ; ils ne se separent que surla question du morcellement, et encore leur dissentiment est-il plus apparent que reel ; l'un , croyant qu'il faut remettre a l'interet individuel le soin d'agglomerer ou de diviser les exploitations suivant les besoins, l'autre, estimant au contraire que le legislateur doitintervenirpour remedieraux inconvenients signales ; l'un, mettant en relief les avantagesdu morcellement pour certaines cultures , l'autre , faisant ressortir les dangers du systeme pour les cultures differentes. C'est ce dont vous pouvezvous convaincre en comparantleurstravaux ; — 401 — ces travaux sont trop complets pour que nous cherchions a Ies analyser. Mais avant d'aborder en peu de mots la question du morcellement , il ne sera peut-etre pas sans interet de remettre sous vos yeux les elements materiels de la dis- cussion. Cela rentre d'ailleurs dans le cadre que nous nous sommes trace; nous n'avons pas la pretention de resoudre d'aussi vastes problemes ; nous desirons bien poser la question, vous exprimer le sentiment de la commission sur les memoires communiques, et reserver pour des discussions ulterieures l'examen des difficultes les plus ardues. Nous savons quel est le nombre des cotes foncieres , quel est celui des parcelles ? La superficie totale de la France est de 52,768,600 hectares. La superficie im- posable comprend , elle, 49,865,610 hectares ( soit pres d'un hectare et demi par habitant ) qui sont divises en 130,000,000 parcelles environ ( le nombre de parcelles etait de 123,650,328 en 1835). Done, si chaque cote representait un proprietaire, et si chaque proprietaire avait une fortune egale, ils possederaient chacun onze parcelles de 40 ares environ chaque ou 4 hectares 40. Nous n'avons pas besoin de vous faire remarquer combien ces chiffres sont menteurs puisque pour negliger les autres raisons, la moitie des cotes 5,205,41 1 , est inferieure a 5 fr. tandis que 15,561 seulement sont superieuresa 1000 fr. Dans le departement de la Marne la superficie du sol comprend 817,057 hectares ( plus de 2 hectares par habitant ), et la superficie imposable 785,589. Cette su- perficie est divisee en 2,487,846 parcelles dont la contenance moyenne serait de 52 ares : ce qui donnerait en moyenne, aussi pour chaque cote fonciere, 15 par- celles, representant 4 hectares 16. — !\02 — Dans l'arrondissement de Reims , la superficie imposable est de 162,554 hectares ( 1 hectare 30 par habitant), divises en 714,682 parcelles dont lacontenance moyenne serait d'environ 23 ares , ce qui donnerait en moyenne pour chaque cote fonciere 15 parcelles repre- sentant 5 hectares , la population de la Marne est de 356, 652 ames, celle de l'arrondissement de Reims qui com- prend 181 communes, s'eleve seule auchiffrede 154,883. Pour descendre aux communes nous citerons deux faits qui nous ontete signales l'un par M. Gastebois, 1'autreparM. Charpentier-Courtin, president du Cornice agricole de Reims. Lachy, pres Sezanne, comprend 852 hectares, divises en 2565 parcelles d'une etendue moyenne de 55 ares ; le nombre des parcelles s'est dans cette commune accrue de 58 p. °/„ en 20 annees, depuis 1824 jusqu'a ce jour. Le territoire de Retheny , pres Reims , sur lequel est situe la belle ferme de Modelin , est divise en 6095 parcelles d'une contenance moyenne de 52 ares 45. Ce sont deux communes agricoles, le morcellement est de beaucoup plus grand dans celles qui cultivent la vigne. Vous voyez que , soit qu'on envisage la France dans son ensemble, ou le departement de la Marne, ou l'ar- rondissement de Reims, oumeme les communes prises in- dividuellement, on arrive a peu pres aux memes resultats. Nous nous trouvons, nous, dans la moyenne. Ainsi les etudes auxquelles vous vous livrerez auront tout a la fois un interet national et un interet local, et vous pourrez prendre pour point de depart ce fait : que le nombre des proprietaires, tout en suivant une progression ascendante a laquelle on ne saurait trop applaudir, ne s'augmente pas neanmoins avec aulant de rapidite qu'on le croit generalement , et que de l'autre le morcellement — 403 — dusolprend chaque jour des developpements qui meritent de fixer I'attention dcs economistes. Ce morcellement qui frappe tous les regards a-t-il nui au progres de l'agriculture? Doit-on chercher les raoyens d'y mettre un terme ? Quels sont ces moyens ? Doivent-ils etre de persuasion ou de coercition , directs ou indirects , etc. , etc. C'est ce sur quoi MM. de Maiziere et Gastebois sont principaleraent en desaccord. A ce propos nos deux honorables correspondants se sont attaches a mettre en parallele la grande, la moyenneet la petite culture. (M. Passy appelle petites cultures celles qui embrassent moins de 15 hectares, moyennes celles dont la contenance est de 15 a 40, et grandes celles dont l'etendue est plus considerable. M. de Maiziere en cela d'accord avec un grand nombre d'ecrivains, appelle specialement petite culture la culture a la beche. ) Le parallele n'est certainement pas hors de propos : si la possession exclusive du sol par une classe privilegiee, n'est pas exclusive de la petite culture; si d'un autre cote la culture peut avoir lieu en grand, quoiqu'avec un desavantage enorme sur un sol extremement frac- tionne ; il n'en est pas moins certain que ceux qui considerent la plus petite culture comme la meilleure ne doivent pas se preoccuper du morcellement. Est-ce une discussion que nous devions aborder ici avec tous les details que comporte un examen decegenre? Nous ne le croyons pas. II n'y a pas bien longtemps que Sismondi ecrivait : « Les questions de grande et de petite culture sont au nombre des plus epineuses et des plus compliquees ; elles n'ont jamais ete bien resolues, quoiqu'un grand nombre d'ecrivains des deux parties les aient decides fort legerement en ne les considerant que d'un seul 28 — /i04 — point de vue. » Et nous croyons qu'il y aurait temerite de noire part a vouloir trancher tbeoriquement et d'une maniere generale des questions qui doivent recevoirune solution differente suivant que les terrains sont propres it telle ou telle production , les populations plus ou moins agglomerees, les capitaux plus ou moins abon- danls, les besoins du marcbe de telle ou telle nature. S'agit-il de la production des plantes potageres , de la vigne,dulin,duchanvre,dulioublon,del'oIivier,elc.,etc., la petite culture et merae pour certain de ces produits la minime culture presenteront des avantages que vous demanderiez en vain a la grande culture ; l'intervention personnelle du proprietaire et de sa famille, les soins minutieux qu'il consacrera a sa terre produiront des merveilles: et les eloquentes paroles de M. de Maiziere, ses ingenieux calculs vous apparaitront tout resplen- dissants de verile. S'agit-il au contraire d'exiger du sol les objets de grande consommation , tels que les grains et le betail , la grande et la moyenne culture devront etre evidemment preferes , il y a dans ce cas, entre la beche et la charrue toute la difference qui separe le rouet de nos grand' meres de la Mull-Jenny, et le prin- cipe que les frais generaux et les pertes de force pesent toujours plus lourdement sur les petites industries, recoit alors son applications pour 1'induslrie agricole comme pour toute autre : Aussi dans la Beauce les exploitations sont encore organisees sur une vaste echelle; s'il faut meme en croire M. de Passy, il y a dans ces contrees de plaines fertiles qui entourent Paris a une distance de 15 ou 20 kilometres, une tendance marquee a la reunion plutot qu'a la division des terres. Mais encore une fois nous vous proposerons la solution d'un probleme moins large : laissons de cote pour — 405 — aujourd'hui et la vigne dont la culture s'accommode parfaitement del'extreme division du sol, et le jardinage avoisinant les grands centres de population et les plantes essentiellement meridionales, et toutes ces cultures dif- ficiles qu ont donne naissance a taut de petites fermes enFlandre, en Belgique, en Allemagne et en Suisse. Reservons aussi pour un exarnen special les forets dont la conservation importe tant a la societe ^'exploitation des bois exige un esprit de suite, de prevoyance et de moderation peu compatible avec une propriete indivi- duelle, mobile, divisee, besogneuse, pressee dejouir ; et ce n'est pas sans raison que les esprits se preoccupent des moyens a l'aide desquels on pourrait en assurer la conservation sans porler atteinte a notre constitution democratique. Ne nous appesantisons meme pas sur la comparaison des avantages qui sont propres a la petite, a la moyenne et a la grande culture: Quelle que soit la solution tbeorique que recevrait cette question, si tant est qu'elle soit susceptible d'en recevoir une , vous auriez grand'peine a indiquer par quelle voie on pourrait changer l'etat de choses acluel sans eviter ce double ecueil: retrograder aveuglement vers le passe; ou se jeter etourdiment dans les theories societaires. Votre commission vous demande de vous prononcer modestement sur la question ainsi posee : Dans les contrees appelees a produire les cereales et le betail le morcellement de plus en plus considerable du sol a-t-il des inconvenients graves pour I'agriculture ? En cas d'aftirmative, et pour remedier au mal, la legislation devrait-elle agir par voie de contrainte ou par voie indirecte? Ainsi formulee, la question n'a pas paru douteuse "a votre commission , au moins sur le premier chef. — /|06 — Personne ne pense a nier les progress qu'a fails notre agriculture depuis 50 ans, specialement dans ledepar- tement de la Marne. Malgre la nature rebelle du sol ( 450,000 hectares de terrains calcaires ) malgre notre inferiorite relative sous le rapport des prairies (50 p. °/0 au-dessous de la moyenne ) ; et pour ne vous occuper hi de nos 94,886 hectares de bois lesquels commencent a etre exploites d'une maniere plus conforme aux pres- criptions de la science moderne, ni de nos vignes (18,-495 hectares) si industrieusement cultivees, notre departement s'est place au-dessus de la moyenne ge- nerate sous presque tous les rapports : On y compte aujourd'hui 200,590 betes de l'espece bovine et 510,542 de l'espece ovine , le double de ce que nourrissait la meme contree il y a 80 ans ( voir l'interessant ouvrage de M. Challelte); grace a Intelligence de ses habitants, a leur amour du travail, a leur bon esprit, l'aisance s'est repandue dans les campagnes ; l'usage de la viande presque inconnu, il y a quelques annees encore, v est devenu plus frequent ; on y est mieux loge, mieux velu; l'odieuse plaie du pauperisme ne s'y manifeste que par ces redoutables caravanes de mendiants que vomissent dans nos plaines, et les grands centres raa- nufacturiers, et les departements moins heureux: Tous ces avantages sont dus en partie aux bons exemples donnes tantot par d'opulents agronomes comme M. le Vte de Brimont notre venerable doyen, dont 1'exploila- tion peut etre consideree comme une veritable ferme modele ; tantot par d'habiles praticiens comme le pre- sident du cornice de cet arrondissemeut ; d'autres fois par des hommes inspires par le seul amour de l'agri- culture, comme M. Lapoulle a qui le cornice de la Marne a decerne recemment une medaille d'or pour ses belles experiences sur le Guano; oui ces avantages sont dus — 407 — en partie ii I'impulsion — Ses montagnes sonl escarpees, quelques-unes elevent leurs pics jusqu'a line hauteur de 5o0 metres. Toutes s'appuientsur descontreforts mamelonnes, se tiennent, courent de l'E. a TO. , et paraissent terminer cette chaine grandiose qui partent des Himalayas, traverse le Yun-ndn , le Kouang-si, et se ramifiant au nord du Kouang-tong > entre dans le Fo-Kienn pour se perdre a Formose, en raerae temps qu'elle penetre dans le Tche-Kiang pour disparaitre dans Parchipel. Ces chaines qui traversent Tchou-san encaissent de belles et fertiles vallees; les unes, situees au milieu de Tile, sont do- minees et fermees de toutes parts , mais la plupart sonl ouvertes par des gorges , s'etendent sur la pente douce des mamelons et se terminent a la mer. Les plus grandes sont sillonnees par des ruisseaux qui prennent leur source sur le sommet des montagnes voisines ets'enpreci- pitent en cascades, detournees bien souvent pour arroser les champs disposes en lerrasses sur les versants. Les indigenes donnent a plusieurs de ces fdets d'eau le nom ambitieux de rivieres, quoiqu'aucun d'eux ne puisse 6tre remonte par les sampans a plus d'un mille et demi de l'embouchure. Nous n'avons vu qu'un ou deux points du littoral , nous n'avons gravi que les collines de ce cirque monta- gneux qui domine la vallee de Yong-tong , nous confon- drons done nos observations avec celles du docteur Cantor et du lieutenant Ouchterlony. lis n'ont trouve et vu comme nous a Tchou-san que des roches volcaniques anciennes. « Les roches pre- dominantes de File , dit Ouchterlony (Journal d'hist. not. de Calcutta, t. n, p. 156), appartiennent a la formation volcanique ancienne ; ce sont des argilolith.es - kid — (clay stone), des porphyres argileux (day-stone por- phyry), des porphyres feldspathiques et des trachytes. — Sur les falaises des cotes nord et sud, a Buffalo island, etc., la roche affecle la forme colonnaire, et en divers points des dykes et des masses de diabase porphyroide (green stone) penetrent les strates des ar- gilolithes et les ont durcis el grandemenl alteres. Sur la cote ouest, le porphyre argileux se montre a l'etat schistoide, laminaire, et y est l'objet d'une exploi- tation importante , car il fournit a File et au continent des dalles pour les routes et les parquets, ainsi que des moellons pour les constructions. Entre les couches d'argilolithe, on trouve aussi un conglomerat grossier qui empate des fragments anguleux de diverses roches ignees et se trouve converti en porphyre compacte ; on le taille en colonnes, en meules de moulins a ble, en des pour les fondations , etc. — II n'y a pas de calcaire dans File; le peu de chaux employee par les Chinois s'obtient par la calcina'ion des coquilles marines re- cueillies sur les rochers On fait d'excellentes bri- ques avec l'argile provenant de la decomposition des trapps.. — etc. » Nous n'avons pas vu nous-meme en place les roches primordiales a Tchou-san, mais d'apres les echantil- lons que nous avons eus sous les yeux , il parait que le granit se montre sur quelques points de la cote , entre autres dans la vallee de Ma-aou , au nord de la ville de Ting-ha'ie , et sur le rivage nord-est. Nous avons eu de l'ile Chong-tiaou, tres-voisine de Ch'in- kiang, un pretendu gneiss confinement cristallin, qui semble etre un granit trappeen. La formation de Tchou-san est primordiale selon nous; ilne faut que regarder les larges dalles des ponls — 4 1 5 — du ruisseau de la vallee de Yong-tong et de la chaussee de Ting-hdie a Taou-taou pour avoir la preuve qu'on y exploite du vraigranit. Mais Pagoda-hill et les carrieres de 1'ouest temoignent aussi d'antiques phenomenes vol- caniques , et Ton peut constater qu'il y a eu eruption trappeenne, ouque, du moins une puissante action igneea altere les roches preexistantes, quecelles-ci ont ete in- jectees de porphyres et associees a des trachytes. II y a done a Tchou-sdn des roches primitives, me- tamorphiques et volcaniques, et cesont, au moins par la cote, les trapps qui dominent. Les exemples de dykes et d'injections porphyri- tiques (1) n'y sont pas rares non plus et offrent d'interes- sauts sujets d'etude. L'argilolithe penetre par le diabase porphyroide passe a l'etat de gres dur feldspathique et nous a rappele certains gres gris qui accompagnent les psammites du terrain houiller. A Pou-tqu, nous avons trouve le granit, le trapp et sur la greve de la haie de 1'ouest , en galetsroules, des argilolithes noirs avec quelques facettes cristallines que nous avons ete tente de prendre pour des fragments basaltiques. A N'ing-po, on nous a remis des echantillons de porphyres argileux et de diabases. On trouve a Tchou-sm, a Pagoda-hill, un exemple de structure colonnaire; e'est un mamelon isole que couronnent un fort et un temple bouddhiste, et qui, situe sur le bord de la mer, domine Taoiir-taou et la vallee. L'argilolithe trappeen s'y montre en prismes verticaux legerement inclines et irreguliers ; comme le feldspath qui est un de ses elements constituants, se (1) II n'est pas rarede trouver des eristaux de fer oligiste dans !e porphjre de Tchou-sdn. — /lie — desagrege et se decompose facilement, la roche est a cet endroit profondement alteree par les infiltrations des eauxet par l'action de Fair. — Si M. Callery a reelle- ment reconnu le granit a Buffalo island ( Niou-pi-chan) , il y affecterait aussi la structure colonnaire comme celui de Cornouailles. Cette petite note sufiit pour donner une idee su- perficielle de la constitution geologique de Tile. Elle n'a ni rivieres, ni lacs, ni forets; ce sont des influences negatives qui reagissent sur son climat , sa faune et sa flore; mais elle n'en est pas moins heureusement dotee comrae contree agricole. Le sol deses vallees est fertile; elles sont abritees par des collines et arrosees par de nombreux ruisseaux. Ceux-ci se jettent dans les canaux qui sillonnent Tile et qui servent pour les irri- gations des cultures et comme voie de communication , car les routes et les voitures y sont aussi inconnues que dans les provinces meridionales. Les differents canaux qui circulent dans la campagne a plusiews milles de Ting-ha'ie, versent leurs eaux dans un canal central qui traverse cette ville et aboutit a la mer. REIMS. — P. REGNIER , IMPRIMEUR DE L ACADEMIE. SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. ANNEE 1846-1847. N' 18. Stance da 9 Mai 184*. PRESIDED DE Mr L'ARCMEQUE. Elaient presents: MM. Saubinet, Robillard, Bandeville, Fanart , Nanquette , Querry , Derode , Tarbe de St-Hardouin, Monnot-des-Angles, Gobet, Louis-Lucas, Maquart, Tourneur , Eug. Courmeaux, Aubriot , Guillemin et Henriot-Delamotte, membres titulaires ; Et MM. de Maiziere, Duchene, Perreau, H. Paris , et Brissaud , membres correspondents. En l'absence du secretaire-archiviste, le secretaire- general donne lecture des proces-verbaux des seances des 16 et 25 avril , qui sont adoptes sans reclamation. Le secretaire-general fait ensuite le depouillement de la correspondance. ii. 29 — 420 — La correspondance manuscrite comprend : 1° Une lettre de M. le docteur Phillippe, par la- quelle il donne sa demission de membre de l'Academie. 2° Une lettre de M. Bonneville , membre honoraire, par laquelle il fait hommage a l'Academie d'un nouvel ouvrage qu'il vient de publier, et exprime le desir que la compagnie s'en fasse rendre compte. o° line lettre de M. Roucher Daubanel, membre correspondant , par laquelle il fait hommage a l'Aca- demie d'une piece de vers , ayant pour litre : Les devoirs du medecin. 4° Une lettre de M. Lejeune, membre correspondant, par laquelle il annonce qu'il vient de terminer la tra- duction de Vhistoire de Veglise de Reims, par Flodoard , entreprise sous les auspices de l'Academie, et prie la compagnie de nommer une commission pour reviser son travail. M. le President designe pour faire partie de cette commission , MM. Bandeville , Nanquette , Gobet , et Soilly. 5° Une lettre du president de la Societe archeolo- gique de Sens , invitant l'Academie de Reims a se faire representer au Congres archeologique , qui doit se tenir a Sens , pendant six jours , a partir du 51 mai prochain , et envoie plusieurs formules d'adhesion. La correspondance imprimee comprend : 4° Traite des diverses institutions complementaires du regime penitentiaire , par M. Bonneville. — Cet ouvrage est renvoye a l'examen de M. Bouche. 2° Necessite de {'instruction professionnelle , par M. Jobard ( de Bruxelles \ membre correspondant. — 421 — 5° line notice sur quelques monnaies champenoises du xme siecle, par M. E. Jolibois, membre corres- pond ant. 4° Bulletin de la Societe de Geographie, 5e serie , tomes vi et vii , nos 51 a 58. 5° Societe des Antiquaires de l'Ouest , 1" triraestre de 1847. 6° Extrait des seances de la Societe royale d'agri- culture et de commerce de Caen , annee 1846. 7° Atlas methodique des cahiers d'histoire naturelle ou introduction a toutes les zoologies, par Achille Comte, — organisation et physiologie de Vhomme, par le meme. (prospectus). 8° Projet de lot sur Vexercice de la medecine et de la pharmacie , par MM. le docteur Loreu et Darragon , avocat. 9° Journal de la Societe d'agriculture du departe- ment des Ardennes , 4e annee , n° 4. 10° L'Ardennais , n° du 18 avril au 6 mai. M. Tarbe propose a la compagnie de charger une commission d'examiner de nouveau les faulx de S-Bale et de reviser, s'il y a lieu, le rapport fait au Congres scientifique par M. Payer, conformement a la demande presentee par M. Lacatte-Joltrois dans la derniere seance. Cette proposition est adoptee, et MM. Saubinet, Maquart et Derode sont designes pour composer cette commisssion. M. Derode donne lecture du rapport redige par M. de Maiziere sur la notice de M. Thiery, ayant pour titre : Methode et moyen de regenerer les pommes de terre. M, Robillard donne lecture de la piece de vers -m- adressee par M. Roucher Daubanel intitule : Les devoirs du medecin. M. H. Paris lit, au nom de M. Pinon, absent, la suite de la notice sur la Vie et les OEuvres d'Eustache Deschamps. 423 — LECTURE DE M. PINON. Eustache Deschamps, pofclc champenois du xiv* sifecle. (Suite). Nous avons deja vu combien ll croyait peu au bon- heur attache aux liens conjugaux ; la complainte suivante nous prouve qu'il vivait en mauvaise intelligence avec sa femme. J'ay tous les manlx dont je fu entrepris Frains et passez sans honte et villenie ; Or est sur moy de femmc li venins Par marier, qui toujours brait et crie , Tance el maudit douce vierge Marie. Beau sire Dieu , s'ecrie-t-il , le coeur plein d'amertume et d'un ton trop naturel pour qu'il ne soit pas vrai , Beau sire Dieu ! pourquoy me roariaige? Oncqucs horns n'ot tant de dueil ne de raige ; Par femme suy desert , mort et lappe. Saiges n'est pas qui entre en tel mesnaige : Or gart chascun qu'il n'y soit atrape. Ces vers sont l'expression energique de ses douleurs et de ses regrets, et nous indiquent son originality et son individuality, car si le poete s'arrete a nous depeindre ses tracasseries conjugales et les petites miseres de sa vie, on sent que sa nature fiere s'indigne du joug qui la — m — blesse, et que c'est la puissance de ses impressions per- sonnels qui le force a exprimer ce qu'il ressent, comme un faible soulagement a ses ennuis. La fierte et la liberte dans son dire forment done les traits dis- tinctifs de son caractere. Ami de Guillaume de Machault, poete et champenois comme lui, ils correspondaient frequemment ensemble, ainsi qu'Eustache nous l'apprend dans une epitre a Guillaume, dans laquelle il lui annonce qu'il a fait accepter un de ses dits au comte de Flandres. II est question, dans un manuscrit que possede M. de Monmerque, d'Eustache Deschamps en ces termes : « Aprez vint Eustace Mourel , nepveux de maistre Guil- laume de Machault, lequel fust bailli de Senlis, et fust tres souffizent de diz, de ballades et d'autres choses. » II existe dans cette assertion une erreur qu'il importe de rectifier : Eustache n'etait pas le neveu de Guillaume de Machault , mais son disciple et son ami , il ne vint pas apres lui, car il etait son contemporain , et lui survecut de pres de40 annees, Guillaume etant mort vers 1580. Sa mort a inspire deux ballades a Deschamps; void comment il s'exprime en commencant l'une d'elles : Vestez vous noir, ploureztous, Champenois, La mort de Machault, le noble rethorique. II existe une autre ballade ou il se plaint de sa misere et se pretend digne d'etre nomme a Reims la cite Cappitaine de la foire aux Chetifs. A l'epoque ou vivait Eustache, deux foires avaient lieu a Reims, l'une a Paques, l'autre a la Saint-Remi; deux autres foires furent instituees par Francois ler en — 425 — 1521 , « en consideration , dit Rogier (1) , de ce que les habitans dudit Reims avaient suportez de grandes charges au temps de la prise de la ville de Therouenne faite par les Anglois qui menassoient lors d'assieger la ville de Reims , et pour y obvier lesdits habitans ex- poserent la somme de cinquante deux mil livres en munitions de grains, vins, avoines et autres pour la nourriture de dix mil hommes de guerre. » Ces deux foires furent celles des Rois et de la Madelaine. Quant a la foire aux Chetifs dont parle notre poete, nous avouerons etre dans l'ignorance la plus complete a cet egard, et que malgre nos recherches, tant a la bi- bliotheque de la ville, que dans les ouvrages deja publies , aucun renseignement n'est venu nous eclairer. Nous en sommes done reduit a conjecturer: qu'en dehors de l'emplacement de la Couture, lieu destine aux foires de Paques, il existait un endroit tout proche, reserve aux saltimbanques, aux jongleurs, et autres gens de chelive profession, lesquels elisaient un ca- pitaine charge d'un service d'ordre et de surete pour toute la duree de la foire. Deschamps a compose un ouvrage intitule : L'art de dictier et de fere changonsJ balades, virelaiset rondeaulx. l\ indique d'abord dans cette oeuvre les sept arts libe- raux comme suit : la grammaire , la logique , la rhe- torique , la geometrie , Varithmetique , la musique et I'astronomie ; a la suite de la definition de la musique, il enseigne la maniere de faire des vers et de s'exercer atoutes sortes de poesie (2). Cet ouvrage doit etre re- garde comme un des monuments les plus importants (1) Manuscrit de la bibliotheque de Reims. (2) Voir a la fin de cette notice. — 426 — qui nous restent sur l'etat des connaissances humaines a cette epoque. Parmi les nombreuses ballades que renferme le ma- nuscrit d'Eustacbe Deschamps , on est tout etonne de retrouver au milieu d'elles des fables et des allegories qui sont loin d'etre sans merite ct sans originalite. Faire des fables apres La Fontaine est une chose impossible, tout le monde est aujourd'bui d'accord la-dessus, et, ceux-meme qui se sont essayes dans ce genre n'ont pas balance a reconnaitre qu'il etait inimitable ; car tous n'ont fait qu'imiter sa maniere , n'ayant d'autre but que de faire passer dans leurs edits quelques-uns des traits de leur modele. Mais ne devons-nous pas un leger souvenir aux prodecesseurs de cet liomme illustre, qui, les premiers, out traduit en notre langue les fables et apologues des anciens , chez lesquels on remarque une naivete perdue lout-a-fait de nos jours, une simplicile qui n'est pas sans merite malgre ses imperfections , et dont La Fontaine a su si heureusement s'approprier l'excellence ; c'est sous ce point de vue que nous recommandons Eustache Deschamps a voire atten- tion et que nous vous prions de lui savoir gre de ses tentatives. Voici comment M. Crapelet s'exprime a ce sujet : « Mais un autre litre est acquis a cet auteur, et au- cun des biographes qui ont mentionne ses ouvrages, sans les connailre, ne l'a meme indique, c'est celui de fabuliste: on a bien souvent, sans doute, ouvert l'e- norme manuscrit des poesies d'Eustache Deschamps sans soupconner que des fables y fussent sous les litres de ballades et de rondeaux. La table placee en tete de ces poesies , et qui comprend une si nombreuse serie de pieces sous la meme denomination, aura fait croire a l'inutilite des recherches. » — 427 — « Au reste, ces fables du XIVe siecle, qui ne com- promettront certainement pas la reputation tie La Fon- taine , offrcnt une particularity assez notable , c'est que l'auteur les a ecrites pour son propre compte, sous Pinfluence de faits qui lui etaient personnels, comme Gilblas a raconte la fable des deux pies au due de Lerme, pour I'instruire de Fetal de misere ou il se trouvait. L'bumeur satirique d'Eustacbe Deschamps lui avait attire de petits ennemis, et l'on sait que ce sont les plus dangereux ; a force de tracasseries et de persecu- tions, on le forca de s'eloigner de la cour, et il n'etait plus meme appele aupres du roi quand ses fonctions d'huissier d'armes auraient exige qu'il fut pres de sa personne: il croyait avoir oblige des amis, et il n'avait fait que des ingrats. II occupait depuis trop long-temps, au gre deceuxqui la convoitaient, une place de bailli, et on avait repandu le bruit de sa morl pour prendre sa place , comme cela se voit encore de nos jours. Non seulement ses longs services restaient sans recompense, mais il n'avait plus aucun traitement, aucun secours. II ne cessa pas dese plaindre, de signaler l'aviditedes courtisans, les abus, les intrigues, les malversations; mais il le fit d'une maniere inusitee, pour mieux at- tirer ("attention du prince, et avec plus de menagement, en se servant de 1'apologue ; aucune de ses pieces ne nous apprend toutefois si ce fut avec plus de succes. La moralite de ses fables lui est done presque toute personnelle , ou applicable a des evenements qui se pas- saient sous ses yeux; et c'est sous ce point de vue que ces fables meritent, ce me semble, d'etre appreciees. » Void un echantillon du faire de notre poete, les Souris et les Chats. Je trouve qu'entre les souris Ot im merveilleux parlement — m — Contre les cltas leurs ennemis, A veoir manure comment Elles vesquissent seurement. Sanz demourer en tel debat , L'une dist lors, en arguant, Qui pendra la sonnette au chat? Cilz consaulx fut conclus et prins ; Lors se partent communement. Une souris du plat pais Les encontre , et va demandant Qu'om a fait. Lors vont respondant : Que leur ennemi seront mat ; Sonnette aront ou coul pendant : Qui pendra la sonnette au chat? C'est le plus fort, dist un ras gris. Elle demande saigement Par qui sera cilz fais fournis ; Lors s'en va chascune excusant. II n'y ot point d'executant ; S'en va leur besongne de plat. Bien fut dit; mais, au demourant, Qui pendra la sonnette au chat? Envoy. Prince, on conseillebiensouvent, Mais on puet dire com le rat Du conseil qui sa fin ne prant: Qui pendra la sonnette au chat? La Fontaine a traite le meme sujet dans sa fable intitulee : Conseil tenu par les rats ; sans chereher a etablir des points de comparaison qui ne peuvent exister, il est a reraarquer cependant que la moralite de la fable se trouve la meme chez nos deux poetes ; et s'il s'agit de decider lequel est preferable a l'autre, dans cette fable , nous avouerons , malgre le respect et l'admiration que nous conserverons toujours pour La Fontaine, qu'ici, Eustache Deschamps nous parait superieur, tant par la naivete et la profondeur , que par 1'heureuse in- vention de ce refrain : Qui pendra la sonnette au chat? — 429 — Citons encore la fable du Reuard et du Corbeau : Renart jadis que grant faim destraignoit Pour proie avoir chaijoit par le boscage ; Tant qu'en tracent , dessur un arbre voit Un grant corbaut qui tenoit un frommage. Lors dist renars par doulz et humble langaige . Beaus thiesselin , c'est chose clere et voire , Que mieulz chantes qu'oisel du bois ramage : On se decoit par legierement croire. Car li corbauls le barat n'appercoit, Mais voult chanter ; po fist de vasselage ; Tant qu'en chantant sa prove jus cheoit. Renart la prist et mis a son usaige ; Lors appercut le corbaut son dommaige : Sanz recouvrer perdit par vaine gloire. A ce mirer se doivent foul et saige : On se decoit par legierement croire , etc Ainsi que Deschamps , La Fontaine a puise le sujel de la fable du Renard et du Corbeau dans Esope et dans Phedre, mais celui du Conseil des Rats ne l'aurait- il pas emprunte a notre auteur , qui a son tour aurait trouve ce sujet dans quelqu'ecrivain oublie depuis des siecles (1) ? Une chose a remarquer , c'est queM. Walc- kenaer dans son Essai sur la fable et les fabulistes, qui precede sa belle edition des ceuvres de La Fontaine , ne fait nullement mention d'Eustache Deschamps comme fabuliste : peut-etre a-t-il neglige de compulser avec attention les ceuvres de ce poete, ne s'imaginant pas que des fables y fussent cachees sous les titres de ballades ou de rondeaux , ou peut-etre a-t-il ete effraye du nombre de vers que ces recueils renferment , et que ce nombre l'aura arrete des le debut de ses re- cherches. Quoiqu'il en soit, M. Walckenaer nous parle d'un auteur anonyme allemand, comme traducteur (i) Peut-ftre dans les fables de Pilpay , auteur du 13« siecl>\ — k2>0 — d'Esope des le treizieme sieele , de Marie de France, d'un anonyme qui vers 4542 a 1547 traduisit en vers francais les fables d'Avianus, ensuite de Gilles Corro- zet , de Guillaume Gueronlt , de Philibert Hegemon et de beaucoup d'autres encore , mais nullement de Descbamps. C'est done avec justice que nous reclamons le titre de fabuliste pour notre poete, titre qu'un au- tre champenois devait, trois siecles plus tard, illustrer de l'eclat de son genie, et porter si baut, que ses imi- tateurs onl desespere de pouvoir l'atteindre. LaFontaine, environne d'ecrivains dont les ouvrages presentaient tout ce qui pouvait eveiller l'idee du genie, parut avec des ceuvres de peu d'etendue, d'un fonds leger , d'un style ordinairement farailier : et il sut neanmoins se placer parmi tous ces grands ecrivains, ainsi que l'avait prevu Moliere , et conserver au milieu d'eux le surnom d inimitable , que la posterite a confirme avec entbousiasme. Je ne m'arreterai pas davantage a vous citer les ballades, rondeaux, lais, virelais et autres composi- tions d'Eustacbe Descbamps : ce que je vous ai donne suffira pour faire connaitre ce poete. II y a sans doute encore une grande quantite de ballades inedites parmi lesquelles on en trouve de morales, de legeres, de bacbiques, d'anacreontiques, d'epigrammatiques, de satiriques, depatriotiques, en un mot on voit qu'Eustache s'est exerce dans tous les genres, et sur tous les sujets. 11 me serait difficile de mentionner dans cette notice tout ce qui pourrait le recommander a l'estime des sa- vants et des amateurs de notre ancienne litterature ; d'apres l'examen que j 'en viens de faire, tout incomplet qu'il est, on ne peut lui refuser la qualite de poete — (iM — national , et il n'eut pas ete juste de laisser dans 1'oubli un auteur qui, quoique du XIVe siecle, reunissait autant de genres de connaissance et de merite. Mais pour completer l'examen de ses oeuvres, il me reste a parler de l'ouvrage le plus important qu'il ait compose, tant par la singularite que par la diversite des details, son etendue et surtout la hardiesse des pensees, je veux parler du poeme intitule: le Mirouer de mariage. Un philosophe l'a dit avec raison : les poetes ou les historiens devraient etre les secretaires de la societe ; et malheureusement dans toutes les histoires publiees de- puis que lintelligence humaine a su transmettre ses pensees , on s'apercoit de la lacune immense que les ecrivains ont laissee derriere eux en oubliant de nous donner l'histoire des mceurs. Cette lacune est un mal - heur irreparable. Malgre leurs efforts a nous depeindre les mceurs et les babitudes d'une societe eteinte depuis long-temps, en depit de leur talent a dresser l'inven- taire complet des vices et des vertus, a rassembler les passions, et a en composer des types, nos auteurs contemporains n'arriveront jamais a ecrire fidelement l'histoire des mceurs disparucs; car, n'ayant pour se guider que des souvenirs ou des notions incompletes, ils ne peuvent offrir a la curiosite du lecteur que ce qu'ils ont puise a des sources iusuffisantes. On doit done savoir gre a Eustache Deschamps , de nous avoir transmis des details sur une epoque si eloignee de nous , details minutieux peut-etre aux yeux de beaucoup, mais precieux pour ceux qui aiment a explorer le passe, et a reconstruire soit en ecrit, soit en imagination, l'edifice social, tel qu'il — 432 — existait alors. Et si en se preoccupant exclusivement de quelques sujets pris dans la societe meme on repro- chait a notre poete la legerete, voire meme l'obscenite de quelques uns de ses vers , on oublierait qu'il existe d'autres compositions dont la moralite racbete ces pein- tures un peu libres et on lui saura gre de n'avoir rien ou- blie pour nous laisser un tableau complet et original. En lisant ce poeme on voit que la pensee de l'e- crire ne lui vint pas a 1'esprit comme un caprice, un vain desir de narrer des fails ridicules ou scanda- leux. Bien different des poetes precedents, qui n'exer- caient leur genie qu'a raconter les exploits des preux , ou a ecrire d'interminables bistoires des paladins de Charlemagne, de geants el de fees, Deschamps s'oc- cupe a reproduire les modeles vivants qu'il a sous les yeux, pour en enrichir l'histoire. Quoique poete il ne raconte que les evenements ou les croyances de son temps. « L'imagination, comme dit M. Villemain , n'est qu'un souvenir plus vif , par fois elle imite seule- ment une copie: on l'admire, quand elle renouvelle la realile. » II avait en vue de retracer les mceurset les ridicules de son epoque; les details dans lesquels il entre, lorsqu'il decrit tout ce qui compose le mobilier , l'ajustement et le confortable d'un homme aise , sont d'autant plus precieux , comme renseignements, que peu d'ouvrages nous enoffrentde semblables. L'ideeetait done positive , il voulait peindre l'etat social dans ce qu'il avait de blamable , de ridicule et de superflu , et faire revivre dans son oeuvre les hommes , les femmes et les choses de son temps. Le poeme du Mirouer de manage renferme \ 3,000 vers; nous allons jeter un coup d'ceil sur ce qu'en a — 433 — publie M. Crapelet: cequisuffira pour avoir une idee de l'ouvrage. Repertoire de science repond a son ami Franc-Vouloir qui l'a consulte sur le fait de mariage : Et sces-tu qu'il fault aux matrones Nobles palais et riches trones ; Et a celles qui se marient , Qui moult tost leurs pensers varient , Elles veulent tenir d'usaige D'avoir pour parer leur raesnaige, Et qui est de necessite , Oultre ta possibility, Vestemens d'or , de draps de soye , Couronne , chapel et courroye De fin or, espingles d'argent. Et pour aler entre la gent , Fins cuevrechiefs a or batus , A pierres et pedes dessus ; Tyssus de soye et de fin or. Repertoire de science continue la nomenclature des objets qui seront exiges par la future, et par toute femme dont la coquetterie est insatiable. Ainsi, tu lui acbeteras, dit-il, des bijoux, de riches atours, des fourrures , des pierreries , des chaines d'or , des voitures , des chevaux d'un grand prix : et quand tu auras satisfait ses desirs, contente merae ses plus legers caprices, ne vas pas te croire au bout : Et si dira encor : Je vueil, Une fustaine , monseigneur , Et me fault un mantel greigneur (1). Que je n'ay , adroit fons de cuvc; Et si vous di bien que ma huve (2). Est vieille et de poure fasson ; (i) De plus grand prix. (2) Ornement de coiffure. — m — Je scay tel fernme de masson Qui n'est pas a moi comparable , Qui meilleur Ik , et plus coustable Quatre foiz que la mienne n'est. II faut encore a madame, un riche manteau, une capote pour aller a cheval, une belle haquenee, une riche selle. II me fauldroit avoir un curre (1) A cheannes (2) , bien ordonne , Dedenz et dehors painture , Couvert de drap de camocas (5). Je vois bien des femmes d'avocats ou de pauvres bourgeois de village posseder ces objets , pourquoi ne les aurai-je point, moi qui suis de haute naissance? D'ailleurs il faut que je vous fasse honneur , et je vois que les maris de ces dames quand ils reviennent de voyages , Leur apportent gans ou courroyes , Pelices, anneaulx, fremillez (4) Tasses d'argent ou gobelez , Pieces de cuevrechies entiers. Yous n'avez done pas a rester en arriere de ces maris , vous devez les surpasser en galanterie et me donner .... Bourses de pierrerie , Coulteaux a ymaginerie Espingliers taillez a esmaulx , (1) Char. (2) Chaines. (5) Etoffe flne de poil de chameau. (4) Agraffes, boucles. — 435 — Puis des ponies derideauxde lit, peignes, tressoir, miroir dont I'etui soil en ivoire et pendu a des chaines d' argent, livre d'heures avec fermoir en or Qu'a donques ceuls qui les verront Puissent partout dire et compter Qu'om ne puet plus belles porter. Mais ce n'est pas tout, il faut a madame: Ecuyer , ehambriere, domestique, cuisinier, chef d'oifice, som- melier, chapelain, maitre d'hotel, provisions de toute espece, grains, besliaux, poulardes, (bin, avoine, etc., chambres et salles bien ordonnees pour recevoir les etrangers, beaux lits, beaux draps, salles bien decorees, tables, fauteuils, treteaux, ecrans, dressoirs, grand nombre de vaisselles en argent et en etain,pots, aiguieres, chopines, salieres, pelles, chaudrons, cremailleres, rotissoirs, saucieres, lardoires, cbenets,pilon, passoires, mor tiers, cuillers, lechefrites, etc. II continue la no- menclature de ce qui est necessaire soit pour la cuisine, soit pour la maison , et donne ensuite des details curieux sur tout ce qui est utile a la toilette des dames , et il termine cetle partie de son poeme en disant : Des nopces qui sont de grans coux Puisse bien sernionner a tous Uue c'est folie de les fa i re . Repertoire de science continue ensuite a critiquer ceux qui font des noces somptueuses, il prend pour autorite saint Bernard. Saint Bernart puis a tesmoin traire, Qui dit que nopces somptueuses , Aux marians sont dommageuses , Et qu'a la dame et au seigneur Portent dommaige sanz lionneur. Un proverbe dit que les grandes noces sont pour les sots, et que les bommes sages sen abstiennent. II. 30 — &36 — Et ainsis voit-on moult souvenl Que telz nopces et tel convent Ne sont que cousts el mocquerie. « On depense son hien , on se fait mocquer de soi et on ne retire de toules ces prodigaliles, que des contra- rietes sans honneur. » II expose ensuite comment le mariage n'est qu'un tourment, quelle que femme et de quelqu'etat qu'on la prenne : Qui prandra femme , cilz l'ara Toute tele qu'il la prandra , Soit juene , vieille , salle ou nette Sotte , boicteuse ou contrefecte , Humble , courtoisc ou gracieusc , Belle , ou borgne , ou malicieusc ; Car pardevant se couverra , Mais ses meurs apres ouverra , Et de pr£s les fera sentir A tel qui en sera martir; Lors fera apparoir ses vices. « Et il est bien difficile de s'apercevoir de ses defauts, car la dissimulation en est un des plus prononces. » Aussi dit-il: Se lu veulz achaler bestail Pour garder ou vendre a detail , Soit buefs , vaiches, brebis ou pors , Tu le verras au long du corps On ventre , en la queue , en la teste, Et es dens, s'il est jeune bete, Et le mettras a l'essay : « Mais il n'en est pas de meme pour une femme, une fois marie, il faut la garder telle qu'elle est, et Dieu sait si elle tarde a montrer son caractere ; si riche que vous soyez, vous ne pourrez satisfaire tous ses caprices ; sortez-vous ? Attendez vous a essuyer ses reproches en renlranl; parlcz vous a quclqirun? elle en prendra — m — jalousie; restez-vous an logis ? votes 1'ennuierez , erifln mille eontrarictes vous attendent , sans compter les ennuis qui surgiront. » Se tu la prens quelle spit belle , Tu n'aras jamais paix a elle , Car cliascun la convoilera ; Et dure chose a toy sera De garder ce que un chaseun voite Et qu'il poursuit et qu'il eonvoite. « L'un Iui enverra un chapeau, l'autre une robe ou desjoyaux, celui-ci donnera des fetes pour elle, celui-la lui adressera des lettres, des chansons, des rondeaux, dans lesquels il lui peindra sa flamme, et vantcra ses vertus, en disant que personne n'a plus de sens qu'elle, qu'aucune beaute ne lui est comparable, qu'il brute ou qu'il meurt pour elle ; l'un s'habillera en vert pour lui plaire, l'autre en bleu, celui-ci en blanc , celui-la en rouge, un quatrieme s'habillera en noir pour indiquer sa souffrance et son martyr. Dans tes preoccupations maritales, si tu lui refuses d aller aux fetes, ou de gouter quelque plaisir, oh ! ce seront alors des oris, des plaintes, des doleances continuelles, » Car sa femme plourra landis Et dira : li jours soit niaudis Que je fus oncques roariee ! « Veux-tu parer a ces inconvenients et epouse-tu une laide femme : autres tourmens, autres supplices. » Nulz horns n'ara sur elle envie; « Mais tu seras bientot honteux de l'avoir epousee, ce seront des querelles et des reprochcs quotidiens, et ta femme ne restera pas en arriere dans ces disputes maritales. Car : » Belle femme est envix domp'tee , Et la laide est. trop ahontee. Se tu prans femme qui soil riclie, — /|38 -- C'est le denier Dieu et la briche(l) P'avoir des reprouches souvent, S'elle est povre , ce n'est que vent , Et tourment d'elle soustenir. « Enfin veux-tu tinir tes jours en paix : » Quelque chiere que femme face , II te fault encliner sa face , Soit belle , laide ou difformec ; Fain qu'elle soit de toy amee. Jl convient sa beaute louer Et te tien d'autre regarder. 11 faut qu'appelee soit Dame, Et que tu jures Nostre-Dame Quelle passe tout en bonle. « II faudra feter le jour de sa naissance, etre pre- venant avec sa nourrice, aimable avec son aieul, ses freres , ses oncles , ses beaux freres , ses cousins , cou- sines, avoir l'air d'aimer toute la parente, et ne mani- fester d'autre volonte que la sienne , en un mot : » Quan qu'elle aime te fault amer. L'auteur continue a examiner les chances bonnes ou mauvaises du mariage, se prononce contre ce lien et cite plusieurs faits qui le determinent a parler ainsi. Je ne pousserai pas plus loin l'examen de cette partie du poeme, je m'arreterai aux narrations historiques qu'il renferme , comme m'en paraissant les morceaux les plus interessants. On voit dans ces narrations qu'Eustache Deschamps a ete Thomme de son temps et de son pays, qu'il a ete intimement associe a tout ce que la France a senti et souffert , et que son ame a ete profondement agitee par toutes les vicissitudes des choses. L'invasion de l'etranger, les batailles per- dues, les devastations commises , tons les malheurs (1) Le moyen. — 439 — qui fondirent sur la Fiance, agirent puissamment sur son esprit et y laisserent une empreinte ineffacable. II reproche a Franc-Vouloir la perte de la bataille de Crecy, celle de Poitiers ou le roi fut fait prison- nier avec la fleur de la noblesse franchise, et raconte la captivite du roi en Angleterre. Pendant laquele moult de maulx Furent faiz et moult de travaulx , Mainte durte, mainte grevance , Ou poure royaume de France , Qui par la faulte de leur chief, Encoururent trop grand meschief ; Car toutes nations estranges Et voi sines , hotelz et granges Pilloient et boutoient fu ; Et chascuns ennemis leur fu. Par suite de trabison , les ennemis furent bientot maitres des contrees arrosees par la Maine, la Seine, l'Oise, 1'Yonne, la Loire, le Cber et la Dordogne, qu'ils ranconnerent et devasterent a leur aise. II nous ra- conte les atrocites commises en Beauvoisie , et la Jac- querie levant l'etendard de la revoke, en Picardie , en Champagne et en Brie, Paris en pleine insurrection, et le regent Charles, Dauphin de France, force de pren- dre la couleur et la livree des insurges. .... Cas est divers Que pour paour li sires prangne De son serf et subgit l'ensaingne Que li subgiect doit de lui prendre. Cet episode est d'aulant plus curieux, qu'on semble lire dans la narration d'Eustache Deschamps les scenes affreuses du 20 Juin 1792, ou le malheureux Louis XVI fut force de s'affubler de 1'ignoble bonnet rouge a la plus grande joie d'une populace en delire. — kko — Etienne Marcel, prevot des marchands, chei'du parli populaire, etait maitre de Paris, et il altendait les secours promis par Charles le Mauvais, roi de Navarre, pour por- ter le dernier coup a la noblesse, quand Jacques et Simon Maillard, riches bourgeois, jusqu'a-lors devoues a Marcel, formerent un parti contre lui. L'esprit na- tional triomphait en eux des haines politiques, et, maitre pour maitre, ils aimaient autant le tils de leur roi qu'un prince etranger, ami des Anglais. Marcel d'ailleurs ne gardait plus de mesure et ne cacbait plus ses desseins; il avait envoye a Charles le Mauvais les deniers de la ville, soi-disant pour solder les troupes destinees a la defendre , mais en realite pour payer les secours qu'il attendait de ce prince. Dans la nuitduol juillet 1358, Marcel se rendit a la Bastille de la porte Saint Antoine, pour de la ouvrir les portes au roi de Navarre qui, une fois maitre de Paris , devait delivrer le prevot de ses enne- mis dont les maisons etaient deja marquees; mais au moment oil celui-ci demandaitles cles de la porte, Jean Maillard et Simon son frere arriverent, suivis d'une grande foule de peuple qu'ils avaient rassemble en promenant dans la ville une banniere du regent aux cris de Montjoie , Saint-Denis , au Roi , au Due I On en vint au mains, et bientot Maillard ayant rejoint Marcel qui etait accule dans le donjon de la Bastille , lui fendit la tete d'un coup de hache. Cette mort mit fin a la crise, les chaperons rouges et bleus disparurent pour faire place aux blancs , et le lendemain le regent rentra dans Paris aux acclamations unanimes. Rien ne m'etonne de ceci, continue Repertoire de science a Franc-Voulior , Car qui ton conseil croit et tient Souvento foiz l'en mesavient. — m - Mai en advint a ceux de Meaux, de Paris, etc, qui voulurent prendre la duchesse de Normandie en la forteresse du marche de Meaux, et n'y purent parvenir et a tous ceux qui ne veulent pas ecouter la raison. Ici Deschamps aborde un sujet glorieux pour les Remois,un sujet qui enflamme notre ardeur civiqueet nous rend fiers des ancetres , non a cause des combats qu'ils eurenta soutenir, mais parce que leur courage, leur attitude et leur vigilance, surent conserver au roi la ville dusacre, ville qu'Edouard regardaitcomme de la derniere importance a prendre, dans le but evident de se faire sacrer a son tour a la et place du roi Jean. Ce sujet, e'est le siege que soutint la ville de Reims en 1358 contre les armees d'Edouard III, roi d'Angleterre ; Voici comment ce siege est raconte par Eustache Deschamps : Un po apres o sa puissance Passa et vint le Roy angles A toute grosse genl a Gales , Par Artuis et par Vermendois ; Devant Reins vint seoir ou niois, L'an cinquantc neuf de novemlire , A Saint-Baale, bien m'en rememlire ; A quatre lieues de Reins loga , Et quarante jours l'assiega. Le prince de Galles ses filz , Alors son lieu et siege pris A Ville-Domniange ; du mains Ot deux lieues jusques a Rains. Richemont et Norhantonne, Deux contes, cliascun en personne So logierent a Saint-Tliierri , Et le due de Lancastre aussi Pres de Reins loga a Brimont. Lc mareschal et Beauchamp adonc A Bethegny prindrent leur place. line seule lieuc d'espace Avoil jusqucs a Reins et non plus - m - Ainsi i'ul li sieges conclus , Qui dura par quarante jours. Assault n'y ot, nc fraintes (ours , Fors tant que po cntrcr n'issir Povoit-on a Reins , sanz mentir , Pour les anglois qui chcvauchoient Chascun jour, et s'y occuppoient De pres la ville , et sans cesser , Qu'on n'y povoit yssir , n'entrer A grant paine , a piet n'a cheval , Par assault n'ot oncques Reins nial ; En ce temps bien le sceut aidier, Et l'onzime jour de Janvier , Les quarante jours dessus d'iz Du siege faiz et acompliz , Desloga environ minuit Le roi et li autres trestuit. A Reins raontrercnt les talons , Et s'en vont par devant Chaalons Sanz assault faire, et a Poingny Passerent Marne , et a Mery Sayne et Aube ; tirant s'en vont Par Brinon et par Rougemont. Telle est la narration du siege de Reims , faite par Eustache en bon champenois, avec la fidelite la plus scrupuleuse. II continue ensuite a ecrire les differentes phases de cette guerre, rend compte du traite de Bretigny, qui fut conclu le 8 mat 1360 et qui rendit la liberte au roi Jean apres quatre ans de captivite, et assura a Edouard III la possession de la Guyenne : il s'arrete en cet endroit ainsi que l'indique la note suivante : « De la mater e de ce livre ne traicta I'acteur plus avant, pour maladie qui hit survint, delaquele il mourut. Dicu lui pardoint a I'ame. Amen. » Nous avons vu Eustache Deschamps dans les diverses compositions que nous avons parcourues, tour-a-tour moraliste, satirique, fabuliste, etc. Nous le retrouvons le meme dans son poeme du Mirouer de Mariaqe, avec — fx!\.y — une qualilc do plus cependant, celle de poete hislorien el d'historien digne de confiance, car ce n'est pas par Iradition qu"il ecrit. Tous les cvenemens qu'il raconle se sont passes sous ses yeux, et la meilleure preuve de la conliance qu'on attache a son dire, c'est que les ecrivains posterieurs ont puise chez lui les renseigne- ments historiques corame a la source la plus pure. « Ces morceaux historiques qui se trouvent a la tin du Mirouer de manage, dit M. Crapelet, font regretter que 1'auteur ait ete surpris par la mort avant d'avoir pu l'achever, mais on retrouve son caractere d'historien dans quelques pieces qui font partie de ce volume , et qui sont en plus grand nombre dans le manuscrit. « On pourrait surnommer Eustache Deschamps le Rutebeuf du XIVe siecle, dit M. Paulin Paris. — Ses oeuvres comprennent des epitres, des discours en prose, des jeux dramatiques, des ouvrages latins, des apologues, un grand poeme moral et une infinite de ballades el rondeaux pieux, bouffons, satiriques et obcenes. La plupart de ces pieces importent beaucoup a l'histoire litteraire et politique de notre pays. Deschamps etait sans contredit un homme de beaucoup d'esprit et d'o- riginalite; d'ailleurs magistrat assez peu scrupuleux, courtisan assez a vide , compagnon assez malveillant, assez gourmand, assez egoiste, mauvais man, pere indifferent, et ford laid de sa personne. Ses bonnes qualites pouvaient etre l'absence complete d'orgueil el de vanite, l'amour du pays et la haine des etrangers. II reste beaucoup d'actes et de lettres royaux qui le concernent dans notre collection du Cabinet des litres, et Ton pourrait a l'aide de ces documents et surtout de ses poesies, reconstituer toute sa vie, et refaire memo une partie de l'histoire de la bonne societe trancoise sous Charles V et Charles VI 1. » - m - foul en nous associant au jugemenl du savanJ academicien que nous venons de titer nous permettra- t-il de lui faire observer qu'il s'est peut-etre montre trop severe a l'egard de notre poete? Deschamps n'etait pasun pere indifferent, puisque dans plusieurs ballades, il reclame soit au pape , soit au roi , des places ou des faveurs pour son fds. Est-il bien certain qu'il fut mauvais mari, et la haine qu'il manifesto contre le mariage,les plaintes qu'il exbale contre sa femme, ne pourraient elles pas etre dues au caractere mediant ou acariatre de celle-ci ; ou a une incomptabilite d'hu- meur et de caractere de tous deux? Or en admettant comme M. P. Paris, que Deschamps n'ait pas ete un mari parfait , ne doit-on pas admettre egalement la reciprocite dans les torts, et ne pas plus croire a la mechancete du mari, qu'a la douceur angelique de la femme. Quant au reproche qu'on lui fait aussi, d'etre com- pagnonassezmalveillanl, jele trouve peu fonde. Eustache avaitbeaucoupd'ennemisalacour,etsurtoutdes envieux, les ennuis et les tribulations qu'ils lui susciterent , les denonciations dont ils le rendirent victime nombre de fois, dans le but de le deposseder de ses em- plois et benefices, toutes ces causes reunies ne jus- tifient-elles pas et au dela , l'aigreur et la causticite de quelques unes de ses compositions. Sa plume mordante dechirait au grand jour ceux qui le denigraient dans l'ombre, et je ne puis croire qu'il etait compagnon malveillant quand je le vois a Vertus , entoure journel- lement d'une foule d'amis, qui venaient ore et folatrer avec lui, dans sa petite maison des champs; or en fait d'amis, le mechant n'en a guerc. Je reconnais au reste, et ses ceuvres nous l'apprcn- nent, qu'il etait courtisan assez avkle, tres-avide meme, assez egoiste, assez gourmand et fort laid. Ces defauts obscurcissent a peine les brillantes quali- tes qui le distinguaient, et n'altcreront jamais la repu- tation qu'il s'est acquise de poete spirituel et original. — M — BULLETIN RETR0SPECT1F. Des circonlauces allfauanles en maliere capilale, par M. Paul HUOT, Avocat du Barreau de Versailles. Depuis les modifications apportees a notre legislation criminelle par la loi de 1852 (1), il s'est produit, ca et la , sur l'admission des circonstaDces attenuantes par le jury, des reraarques plus ou moins fondees, des pro- testations plus ou moins reflechies. L'annee derniere encore, la question a etc soulevee de nouveau a propos de deux parricides condamnes aux travaux forces; le Journal des Debate , la Gazelle des Tribunaux , etune feuille des departemente ont recommence a ce sujet une polemique savante et ingenieuse de part et d'autre, inais dans laquelle, selon nous, chacune des parlies a peut-etre un peu perdu de vue ce qui existait avant 1852, et ce que Ton a voulu a cette epoque. (1) Avant 1852, les tribunaux correctionnels seuls etaient autorises a tnoditier la peine quand les circonstances du delit leur paraissaient attenuan- tes , et ([lie le prejudice cause ne depassait pas 25 fr. Les crimes deferes aux cours d'assises etaient , en cas de condamnation , punies des peines fixees par • a loi ; ces cours ne pouvaient, dans l'application , descendre au-dessous du minimum. Aujourd'hui, l'admission des circonstances attenuantes par le jury pefmeta la cour de descendre la peine d'un degre el memo de deux; par exemple , dc substiluer aux travaux forces a temps, la reclusion ou l'eni- prisonnemept. — hhl — La Gazette des Tribunaux le disait avec raison : La loi de 1852 a eu pour but, en adoucissant certaines rigueurs exagerees de notre penalile, d'obeir au mouvement progressif de notre siecle qui repugnait a ces barba- ries inutiles ; mais elle a voulu aussi, lorsqu'elle lais- sait au jury le soin d'examiner si Ton devait ou non admettre des circonstsnees attenuantes, lui offrir un moyen de diminuer la peine sans avoir recours a un acquittement quelquefois scandaleux. A cette epoque, le rapporteur de la commission de la chambre des Pairs presentai'. en ces termes la situation des choses : « Le » jury, bien moins occupe des interets de la societe » que du sort du malbeureux present devant lui, le » jury nie la verite et l'evidence, plutot que de livrer » a une loi indexible un accuse coupable sans doute , » mais digne encore d'interet et de pitie. » Ainsi, deux objets bien distincts dans l'esprit des reformes de 1852 : Suppression de certaines peines accessoires ou prin- cipals comme : la marque, la mutilation du parricide, le carcan ; substitution des travaux forces a la peine de mort dans certains cas, voila la part de l'humanite ; voila les modilications apportees a la loi dans VinUret des coupables. L'admission des circonstances attenuantes par le jury, au contraire, et la diminution de peine, obligatoire alors pour la cour, ontete dictees par des considerations toutes differentes, par le besoin de rendre a la repression une force qu'elle perdait cbaque jour. Or , ce double resultat que le legislateur se propo- sait , le legislateur l'a obtenu. En meme temps que les amis du progres ont vu dis- paraitre de nos codes des penalites barbares et inutiles, les dispensateurs orticiels de la justice ont vu la repres- — 448 — sion puiser dans la nouvelle loi une force nouvelle. La ou le jury aimait mieux autrefois violenter sa cons- cience jusqu'a un acquittement immerite, que de condamner au bagne ou a la inclusion un coupable qui lui paraissait digne de quelque pitie, aujourd'hui le jury admet des circonstances attenuantes ; mais il con- damue, et la peine modifiee se trouve en rapport avec le delit, avec le prejudice cause, avec la position ou les antecedents du coupable (1). Aussi , n'est-ce pas l'admission des circonstances attenuantes en faveur de voleurs ou de faussaires qui a, dans ces derniers temps , excite tant de clameurs ; c'est l'admission de ces circonstances en matiere capitale, dans des cas ou le coupable nemeritait, dit-on, aucune pitie, notamment dans le cas de parricide. « Alors, » a-t-on dit, l'admission des circonstances attenuantes » est plus scandaleuse que l'acquittement lui-meme , » car, en cas d'acquittement le jury a pu se tromper, » mais au moins il est de bonne foi , tandis qu'il y a » quelque chose de revoltant a declarer un homme » coupable de parricide et a le punir, mais en Vex- » cusant, surtout lorsque la loi ne Vexcuse pas. » Ce raisonnement, juste au premier abord, peche par la base ; il repose sur une confusion ; il assimile deux choses completement distinctes dans leur essence et dans leurs consequences, a savoir : les circonstances attenuantes et Vexcuse legale. L'excuse legale est prevue et limitee par la loi, elle doit etre cherchee dans les faits memes de la cause, elle est provoquee par une question posee par la cour. (1) L'augmentation dans le nombre des condamnalions que constatent les statistiques criminelles loin de contredire cette assertion, lui donne au con- traire une nouvelle force; si les condamnations ont augmente, c'est moins par suite de l'augmenlation des delits, que par suite de la diminution des acquiltements. — m — Les circonstances attenuantes, au contraire, nesont pas limitees; elles ne font l'objet d'aucune question elles peuvent resulter des faits de la cause ou etre puisees dans des considerations tout-a-fait elrangeres a l'accu- sation. Elles resulteront des faits dela cause, par exemple, lorsqu'un mari trompe frappera d'un coup mortel le complice de sa femme quoiqu'il ne I'ait pas trouve en flagrant delit; elles seront elrangeres a la cause lorsque le jury puisera ses motifs d'indulgence dans les bons antecedens de l'accuse, dans sa jeunesse, dans son repentir, dans ses aveux. Lescirconstances attenuantes de eette derniere espece ne nous semblent pas appli- cables au parricide. En est-il de meme des circonstances attenuantes resultant des faits de l'accusation ? C'est ce que Ton dit en alleguant qu'il ne peut pas y avoir de circonstances attenuantes, la ou il n'y a pas d'excuse legale. Cela serait vrai si Vatlenuation prononcee par le jury portait uniquement sur les faits, mais il n'en est pas ainsi. Aussi l'expression de circonstances attenuantes ne nous parait-elle pas convenable parce qu'elle n'est pas tou- jours juste ni suffisamment claire; on y voit, le plus souvent, l'attenualion de la culpabilite, et le plus souvent, au contraire, on ne devrait y voir que l'attenuation de la peine. Ces mots prononces par le chef du jury : « II y a dans la cause des circonstances attenuantes » ne signifient pas : « la culpabilite de l'accuse nous semble moins grande que l'acte d'accusation ne la presente, » mais bien : « par des motifs dont il ne doit compte a personne, lejury tout en condamnant desire que la cour descende la peine, quelle qu'elle soit, d'au-moins undegre. » Ceci pose, peut-on admettre des circonstan- ces attenuantes en faveur d'un parricide ? — 450 — Certes nous professons pour le parricide tout aulant d'horreur que personne au monde, mais nous compre- nons, et nous allons essayer de faire comprendre que le parricide lui meme comporte des circonstances atte- nuates , meme puisees dans les faits de la cause , encore bien que la loi n'ait pas voulu accorder a ce crime l'excuse legale qu'elle accorde a certains meur- tres. En effet de ce que la loi qui excuse le meurtre de la femme par le mari en cas de flagrant debt d'adultere, n'excuse en aucun cas le meurtre du pere par son tils, il ne resulte pas que le parricide doive etre, dans tous les cas, sans distinction, puni de la meme maniere; il n'en resulte pas qu'il n'y ait aucune difference entre le monstre qui porte une main sa- crilege sur l'auteur de ses jours, dans le desir impie de recueillir plutot son heritage, et celui qui, dans un de ces cas appeles excuse ailleurs, a le malheur de ceder a un entrainement terrible, et de commettre un crime qu'il deplore ensuite avec toute la sincerite d'un veritable desespoir. II y a trois cas principaux d'excuse legale : l'adul- tere, l'attentat a la pudeur, la provocation. C'est-a- dire que le meurtre, commis par le mari dans certains cas , la castration commise par une femme pour echap- per a un viol , l'homicide ou les blessures provoquees par violences, n'entrainent contre leurs auteurs qu'une peinetres-legere, comparee a celle qu'ils encourraient sans cette circonstance speciale prevue par la loi. Aux termes de I'art. 325, le parricide n'est jamais excusable. Cependant, supposez qu'un fils soit provo- que par les violences que son pere exercerait sur lui ; supposez qu'un fils trouve son pere incestueux en flagrant debt, que dans l'un ou l'autre cas il le tue ; la loi est formelle ; on ne posera pas au jury la ques- — 651 — lion d'excuse; selon nous c'est nn \iee de la loi(1); dans le second cas surtout; le pere assez degrade pour commet- Ue,enmeme temps, sur sa bru, l'incesteet l'adultere, se depouille volontairement du caractere sacre dont la religion et la loi l'avaient investi, et son fils ne doit plus voir en lui qu'un miserable; Tart 525 ne fait pas d'exception ; la iille qui, pour echapper a des violences ineestueuses, conimettraitsur son pere le crime de cas- tration, serait excusable, Wgalement excusable; il y a ■enlre les deux cas une assez grande analogie pour que Je legislateur admit l'excuse dans le premier corame dans le second; il ne l'a pas admise; dura lex, sed lex. Et ce ne sont pas ici, malheureusement, des hypo- Ibeses purement tbeoriques: lorqu'on a le triste privi^ Jege de voir de pres fonctionner la justice criminelle, de penetrer dans tous les bideux mysteres du huis clos , on est force de reconnaitre que ces tentatives d'inceste, soit avec violence sur une iille nubile ou mariee, soit sans violence sur une iille de moins de onze ans, sont assez frequens pour poser sa personne on sa fortune a un mat consi- » derable et present; » or, en m'infligeant, a moi jure , une amende de 500 francs parce que ma cons- cience m'ordonne de ne pas sieger, vous exposez ma fortune a un mal considerable et present (surtout si je suis jure non pas en vertu des impots que je paie, mais en vertu des lumieres que ma profession me suppose), vous exercez sur moi une violence qui suftirait pour annuler une convention civile, qui suftirait egalement pour excusermon parjure, si, en me preoccupant de la peine je manquais a mon serment , lorsqu'en realite je ne manque qu'a une invitation dont ma raison est libre d'apprecier la valeur. Et poUrtant les plaisanteries dont on a poursuivi certains verdicts mitiges, les arguments dont on les a combattus out eu de singulieres el regrettables influences sur Tadministration de la justice. 11 est arrive que des jures, disposes a l'indulgence, out recule devant le ridi- cule, et un mot piquant de Vauteur des Guepes, a pu, a lui seul, faire tomber la tete d'un bomme. — Triomphe peu digne d'envie! — II est arrive aussi que, toujours dans la crainte du ridicule qui est la chose du monde la plus redoutee en France, des jures ont prefere com- mettre un veritable parjure ; il est arrive que , sans se communiquer leurs impressions, six jures abolitionistes siegeant dans la meme affaire, cherchant des circons- tances attenuantes , non pas en eux, mais dans les faits de la cause, et les y cherchant en vain, ne vou- lant pas concourir a une condamnation capitate selon eux inevitable, croyons, rhacun a part soi , etreseul ou — m — a peu pies seul du meme avis, croyanl qu'en facede la decision impiloyable de leurs collegues leur bulletin isole serait sans resultat, il est arrive que six jures out vote negativement , et qu'au depouillement du scrutin , l'urne contenait un verdict de six contre six , c'est-a-dire un verdict d'absoluticn, et que Paccuse, scelerat des plus accomplis, des plus redoutables, dont le crime etait patent, avoue, et digne de toute la rigueur des lois , a ete declare non coupable, et mis en liberte a la grande stupefaction du jury, dela cour, du defenseur et de Pac- cuse lui-meme. Voila a quoi Ton s'expose en contes- tant aux abolitionisles le moyen terme qu'ils tiennenl de la loi; et, qu'on y songe, le peril est plus grand que le mal dont on se plaint actuellement, car pour Pacquitte- ment, il suffit de six votes favorables a Paccuse, tandis que pour les circonstances attenuantes, il en fautsept. Mais, ajoute-t-on, le legislateur de 1852 ne prevo- yait pas 1 usage que le jury ferait du droit dont il I'avait investi ! » C'est une erreur; il prevoyait, il admettait l'usage, l'usage frequent de ce nouveau droit ; voici comment s'exprime, a cet egard , le rapport presente en 1852 a la chambre des pairs par M. le comte de Bastard : « La question est plus grave pour l'application de » la peine de mort. // faut reconnaUre que les jures » sur qui seuls pesera la responsabilite d'une condam- » nation capilale, se decideront avec peine a la pro- » noncer. Embarrasses dans tous les systemes de » philosophic speculative que 1'on plaidera devant eux, » ils iront meme quelquefois jusqu'a meconnaitre le » droit que la loi leur laisse , et au milieu des doutes » que Pon parviendra a elever dans leur esprit, ils » repousseront souvent Papplication legitime et juste » de la peine capilale. » — fi63 — Le rapporteur avait parfaitement raison ; seulement, il attribuait a tort les tendances du jury, aux systemes de philosophic speculative qui seraient plaides devant lui; rarement en effet, la defense se place sur ce ter- rain glissant, et l'avocat tente d'entrer dans cette voie sera, le plus souvent, interrompu par le president; en effet, c'est une jurisprudence admise generalement par messieurs les presidents d'assises, que la defense n'a pas le droit deparler de la peine. Cette restriction , impo- seea la defense, n'est pas dans la loi; aussi est-elle sou- vent eludee; l'avocat, au milieu d'une periode chaleu- reuse s'ecriera : « Savez-vous qu'il s'agit de l'echafaud ! » et le mot sera prononce, et, fut-il suivi d'une admo- nestation du president , il n'en sera pas moins recueilli par les jures, et s'ils sont abolitionistes, l'accuse en profitera. Mais si le defenseur allait plus loin, s'il de- veloppaitlesysteme des abolitionistes, ilserait, presque toujours, force de s'arreter. Non, les tendances abolitio- nistes ne proviennent pas des systemes philosophiques plaides a l'audience, mais des systemes philosophiques concjis ou adoptes precedemment par les jures. Quoiqu'il en soit, il resulte de la citation rapportee tout a lheure, qu'en proposant la loi, la commission charge par la chambre de l'examiner, averlissait l'as- semblee des consequences probables du nouveau sys- teme; et ce systeme a ete adopte avec ses consequences : repugnance pourlapeinede mort, usage des circonstances attenuantespourla repousser, meme lorsque l'application en sera legitime et juste, usage dont les jures abolitio- nistes profiteront souvent. N'est-ce pas la le tableau exact de ce qui se passe aujourd'hui? Ce n'est pas tout , le rapporteur va plus loin , il ajoute : — 664 — « Mais, tandis que ce resullat possible dela loi pro^ u posee par le Gouvernement , parait a qiielques esprits a mettre en peril la societe, d'autres, au contraire, ne » pensant pas qu'il soit besoin, pour conserver la paix » publique, du remede extreme de la peine de mort, » trouvent dans le projet V immense avantage de Vabolir » ainsi par le fait et graduellement , sans l'effacer en- w core de la loi. La peine de mort menacera sans cesse, » et cette menace ne sera pas toujours illusoire. » Ainsi, l'etat de choses actuel etait prevu en 1852, il etait accepte , il etait justifie a l'avance des attaques dont il est aujourd'hui l'objet. L'introduction dans nos lois des circonstances attenuantes, deferees au jury, a ete dictee par ceux qui ne pensent pas que le remede extreme de la peine de mort soit necessaire, par ceux a qui Ton reproche aujourd'hui d'en entraver l'application ; dans le systeme de 1852, l'admission des circonstances atte- nuantes sera une abolition de fait, mais graduelle; la peine de mort sera une menace permanente et cette menace ne sera pas toujours illusoipe ; en d'autres termes, le principe subsistera, mais les consequences de ce principe seront une exception, Les jures qui admeltent des circonstances attenuantes en matiere capitale, n'ont done rien a alleguer pour leur defense. lis sont dans l'esprit de la loi de 1852. Libre aux partisans de la peine de mort, libre aux ennemis des circonstances attenuantes , de blamer cette loi ; mais qu'ils ne viennent pas, en face de cet expose de motifs, en face de cette profession de foi du legislates, soutenir qu'on ne prevoyait pas en 1852 l'usage que Ton ferait du nouveau systeme. En desespoir de cause , ils invoquent un dernier ar- gument qu'ils formulent ainsi : « Quand la peine n'est — 465 — » pas comme le crime, certaine, prevue, fatale, le cri- » minel reportera sur la penalile elle-meme le doute el » l'incerlitude que la loi a jetes sur la nature de la » penalite. » A la bonne heure, voila qui est clair, voila qui est franc, voila qui attaque sans detour, non plus seulement le jury, non plus la loi de 1852, mais le code de 1810 lui-meme, mais le droit de grace laisse au souverain. En effet, ce que Ton demande ici, c'est toutsimple- ment la vieille loi du talion : « oeil pour oeil , dent pour dent. » Hors de ce systeme, cette uniformite, cette fixite que Ton veut trouver dans la peine, n'est pas realisable; elle n"a jamais existe en France. Avant la revolution, la peine etait arbitraire, le juge la fixait ; sous la loi de 1791, sous le code de Brumaire an iv, sous celui de 1810, il y a eu un maximum et un mini- mum; il est vrai que dans ces anciens systemes, la duree seule est variable , la peine est fixe quant a sa nature. Mais cette fixite n'est pas telle qu'on puisse dire que la peine sera, comme le crime, certaine , prevue , fatale; elle n'est pas de nature a (aire sur la foule 1'im- pression que Ton reclame. Ainsi, mettons de cdte les eirconstances attenuantes, ^upposons-nous encore sous l'empire du code del810, on pourra dire avec certitude : « Voila sur le banc des * aeeuses un bomme a qui Ton reproche d'avoir commis » tel crime , on va lui inlliger telle peine. » Le premier venu doit pouvoir fixer cette peine tout aussi surement que Je proeureur general , que le defenseur , que l'accuse lui-meme, il n'y a, pour cela, qu'a ouvrir le code a I'article relatif au fait qui est incrimine. Eo est-il ainsi, meme en dehors des eirconstances attenuantes? NuJJement. — 466 — D'abord, l'accuse peut etre acquitte; dans ce cas, de deux chosesl'une; ou le verdict sera approuve; alors se dira la foule, pourquoi avoir term ce malheureux pendant six mois en prison? ou le verdict sera blame; alors, dira la foule, la cour d'assises est une loterie; mais aux yeux de beaucoup de gens, tout acquittement est une erreur, tout accuse renvoye par le jury est ne- cessairemenl coupable; 1'opinion peut sufar les acquit- tements, mais non les approuver; laissons done le cas d'acquittement ; en dehors de l'acquittement , les cir- constances aggravates peuvent etre ecartees, on peut poser la question d'excuse legale, ou toute autre resultant des debats, et dans ces differentes especes, la peine sera considerablement modifiee. — Le fait aussi, soit; mais la foule ne comprend pas ces nuances, ces formes judiciaires quelesjureseux-memes ne comprennent pas toujours; elle ne saisit pas les degres de culpabilite, elle ne saisit que les differences de penalite, et ce sont ces differences que Ton reproche au systeme actuel. Ainsi , la foule a vu entrer a l'audience un voleur qu'elle s'attend a voir exposer sur la place publique et envoyer au bagne, il est acquitte; le lendemain, un autre qui se presente dans des circonstances analogues, estcondamne a dix ans de reclusion; le jour d'apres, e'est un assassin qu'elle espere voir monter sur l'echafaud ; la cour pose , comme resultant de debats, la question de coups et blessures; il est condamne d un an de prison. La foule ne comprend pas , mais elle a un bon sens inne, une conscience de son incompetence qui lui fait dire : cela devait etre ainsi; ces messieurs s'y connaissent mieux que nous; les plus frondeurs parmi elle, djront, tout au plus : « C'est une loterie. » Mais, il ne faut pas sele dissimuler, c'est une loterie a laquelle on ne joue pas volontiers, que celle ou Ton expose, sans le savoir au juste, sa tete, sa liberte, sob honneur. Et cette incertitude selon nous, est plus effra- yante, en certains cas, que la fixite imaginaire que Ton reclame. En eflet, la fixite relative qui existe aujourd'hui, la settle que Ton puisse raisonnablemcnt exiger, fut, lors de son introduction dans nos lois, regardce avecraison corame un progres; elle enlevait au juge le droit exor- bitant de fixer lui-meme la peine, selon son caprice; cette fixite fut reclamee, a cette epoque, dans 1'interet des accuses, et non dans 1'interet de la repression ; en effet, ilyavaitune criante injustice a appliquer au memefait commis dans les memes circonstances, tan tot la simple prison , tantot la mort, selon qu'il conviendrait aux juges. Mirabeau n'a-t-il pas ete execute en effigie pour avoir enleve Sophie? ce fait entrainerail aujourd'hui deux ou trois mois de prison. II est vrai que Sophie elait la femme d'un magistrat et que c'etaient alors les ma- gistrals qui fixaient la peine, ce qui permet de suppo- ser qu'ils auraient etc moins severes , s'il se fut agi de la femme d'un simple particulier, mais, n'est-il pas evident, pour resterdansle meme ordre de faits, que, si la crainte du cbatiment est une protection pour la foi conjugale, comme le cbatiment inflige au voleur est une protection pour la propriete, cette protection, lorsque le seducteur, en commen^antses coupables ma- noeuvres, ne sait pas au juste s'il s'expose a une simple amende ou a l'echafaud, sera bien plus efficace que lorsqu'il sera certain, commeaujourd'bui,d'enetrequitte, au pis aller, pour quelques mois de prison? — II y a done la encore la grande distinction du quoique et du farce que; nous admettons, pour notre part, la (ixitedes peines, non parce qu'elle intimide da vantage, mais ii, 32 — 468 — quoiqu'elle intimide moins, et parce qu'elle est confor- me a la raison et a l'humanite. Aussi, nous le repetons, l'incertitude de la peine ne resulte pas seulement des circonstances attenuantes; nous venons devoir des exemples oil, independamment deces circonstances, la punition du crime ne pouvait etreprevue, certaine, fatale, comme nos adversaires la veulent. Ceci pose, est-on bien venu a parler de l'effet produit sur la foule par un verdict qui condamne aux travaux forces a perpetuite un assassin contre lequel on aura requis la peine de mort ? La foule ne comprend pas cette mansuetude. Comprend-elle davan- tagele resultat cite plus haut, d'une affaire ou un homme, que la loi appelait aussi un assassin, n'est condamne qu'a un an de prison ? non. Que doit-elle done conclure de cette diversite de con- damnation dansl'ancien comme dans le nouveausysteme? Ce qu'elle en conclut? — Elle ne le cache pas, et nous l'avons dit plus haut; e'est que, dans toute affaire criminelle , il y a des chances pour l'accuse ; e'est qu'outre les chances dont nous avons cite des exemples , il y a encore la chance des circonstances attenuantes, de meme qu'apres la condamnation pure et simple il y a la chance de la cassation, la chance du renvoi devant une autre cour que la premiere qui jugera peut-etre autrement, de meme , enfin , qu'apres lerejet du pourvoi, il y a encore la chance de la clemence royale, selon nous, incompatible, avec la iixite ideale et impraticable que Ton invoque. Et, eneffet , puisque Ton se preoccupe tant des re- flexions de la foule , croit-on qu'elle accepte cette belle prerogative dusouverain que Ton n'ose pas attaquer,quY faudrait supprimer, cependant, pour etre logique? Non, a foule dans son gros bon sens a, plus d'une fois appli- — km — que, sans le connaitre, ['inflexible dilemme de Benthani . « Si la peine etait necessaire, il ne fallait pas la remettre ; » si elle n'etait pas necessaire, il ne fallait pas la » prononcer. » Nous nous etonnons profondement que les adversaircs des circonstances attenuantes, que les partisans d'une repression uniforme acceptent le droit de commutation. Comment ! le jury, ce jury si debonnaire, si limore, ce jury qui, trop souvent, s'erige en juge de la hi, yoila que, cinquante fois dans one annee, il a, par exception, fait preuve d'energie, il a, par extraordinaire, compris son devoir , il a prononce la peine de mort. Eh bien , sur ces cinquante coupables qu'il n'a juges dignes d'au- cunepitie, en voila douze qui, par l'effet d'une preroga- tive exorbitaute auront la vie sauve, tandis que les trente-huit autres auront la tete tranchee ! Certes, voila une belle these a declamation, tout aussi feconde que l'abus des circonstances attenuantes, as- surement. Elpourtant, nous croyons que le droit de grace est une belle et bonne chose et que, si elle a pour effet d'augmenter l'inegalite de repression , en admettant que ce soit un mal , il est largement compense par la portee politique et morale de cette prerogative; mais nous de- mandons que Ton fasse la meme concession aux circons- tances attenuantes qui, le plus souvent, sont une com- mutation anticipee exercee par le jury. Voici un extrait des comptes rendus de la justice cri- minelle en France, qui permettra d'apprecier la part qui revient, dans l'attenuation , a la clemence de la loi, a la clemence royale et a la clemence du jury. Nous prenons deux annees a peu pres au hasard ; 1829, la fin du systeme de 1810, lorsque!9 ans d'exei- — 470 — tice permetlaient (Ten apprecier les resultats , el 1841^ posterieure de pres de dix ans aux dernieres reformes; dans chacune deces deux annees, nous prendrous le cbiffre des accusations d'assassinat et nous releverons le resultatqu'elles ont amene. NOMBRE d'accuses. AquiuSs Con- damnes a mort. Aux travaux a perp1. a temps A la reclu- sion. A des pei- nes cor- rection011" En 1829: 227 1841: 190 85 67 52 36 52 49 7 27 6 7 25 4 Ce tableau a selon nous iwe grande portee : nous y voyons d'abord que le nombre des accuses est moindre de 53. Depuis 4852, les accusations d'assassinat ont diminue. — En 4829 on a acquitte 85 accuses; en 4844 seulement 67 ; mais le nombre des accuses etant moindre, h proportion demeure a peu pres la meme. En 4829 il nous resle 442 condamnes et 425 en 4844, A cette epoque bien beureuse et a jamais regrettable oil Tabus des circonstances atlenuantes n'etait pas venu jeler la perturbation dans la distribution de la justice et aneantir la fixiti de la peine, les 442 coupables auront sans doute ete condamnes amort?non. — 52 seulement sur 442; les 90 autres voient leur peine descendre d'un, de deux, de trois, de quatre degres; 25 ne subissent que des peines correctionnelles! Pourquoi? parce que les debats ont fait ecarter des circonstances aggravantes, ou poser des questions subsidiaires qui ont ete resolues, d'une maniere favorable a l'accuse; mais il est bon de remarquer ces 25 condamnations correc- tionnelles sur 442 individus places sous le coup d'ac- cusations capitales ; plus d'un sixieme! Que diront a cela, ceux qui veulent des peines fixes, ceux qui se — 471 — plaignenl quand un accuse entre a la cour d'assises sous nne accusation qui entraine la mort, en sort avec une condamnalion a perpetuity? — Ici, voila 25 assassins scion l'acte d'accusation , qui sont frappes d'une simple condamnation correctionuelle, et cela sous le code de 1810, avant les circonstances altenuantes. Sous la loi de 1852, les condamnations correction- nelles a la suite d'accusations d'assassinat , sont de 4 sur 124, moins d'un trentieme ! — II est vrai que, pour les condamnations a mort il y a une deplorable decroissance : 56, sur 122; a peine le quart! — En 1829 c'ctait 52 sur 142, plus d'un tiers! Mais que nos adversaires moderent leurs regrets. Nous allons reduire cette difference a sa juste valeur; le Compte rendu ne contient pas que des tableaux; ces tableaux sont prdced^s d'un rapport raisonne, el ce rapport admet, pour l'annee 1841, que 74 accuses seulement, d'apres les faits declares constants, avaient encouru la peine de mort. — On en a condamne a cette peine 56, pres de la moitie. Maintenant, c'est une cbose generalement acceptee, parmi des detracteurs du jury, que la cour, dans sa sagesse, blame, le plus souvent, l'admission des cir- constances attenuantes tout en la subissant, tout en descendant la peine d'undcgre,, pourobeir a la loi. Sans discuter ici cette opinion fort contestable , nous deman- dons seulement acte de ceci : toutes les fois que la cour descend de deux degres au lieu d'un, elle s'associe a la clemence du jury, elle l'approuve. C'est precisement ce qui est arrive pour 2i des condanmes de 1841. — 24, sauves par la clemence simultanee de la cour et du jury , 56 condamnes a mort, total, 60. — Les 14 aulres n'ont du leur salut qu'a I*admission de cir- eonstances altenuantes non approuvees par la cour qui — 672 — n'a descendu la peine que d'un degre. — C'est beau- coup, et nous conviendrons que le jury a use d'une deplorable indulgence, si la clemence royale n'est pas venue la ratifler, nous dironsque la repression a dimi- nue, si les 52 condamnes a mort de 1829 ont ete executes , tandis que 56 seulement l'auraient ete en 1841. — Or, il n'en est pas ainsi : les 36 de 1841 n'ont pas ete executes; les 52 de 1829 ne l'avaient pas ete non plus. Sur les 56, la clemence royale a com- mue la peine de 5 (1); sur les 52 de 1829, la clemence royale a commue la peine de 17. Supprimez les circonstances attenuantes et le droit de commutation, vous aurez, en 1841 soixante-qua- torze executions, mais la clemence royale qui a commue cinq des condamnes auxquels le jury lui-meme ri avail pas accorde de circonstances attenuantes, aurait evidem- merit commue de memeles \ingt-quatre, pour lesquels la cour a abaisse la peine de deux degres; eufin il nous reste 47 miserables dans les memes conditions que les 52 de 1829. La clemence royale ayant pris en pitie 17 de ceux-ci , nous pouvons bien supposer que Sa Majeste faisant apres, cequele jury a faitavant, aurait exerce sa prerogative aussi largement en 1841 qu'en 1829 si , au lieu de lui soumettre 56 condamnes a mort on lui en eut soumis 47. En commuant 12 sur 47, cequi serait moins que 17 sur 52, on aurait le meme nom- bre d'executions. On n'en a commue que 5 sur 56 , et voici le resultat general de la clemence royale com- binee avec la clemence du jury : Nous avons en 1829, sans circonstances attenuantes; 52 condamnations a mort. 55 executions. (I) Un ctait mort dans la prison — /i7S — En 1841 , sans circonstances attenuantes, nous aurions 74 condamnations, maisl'admission de ces circonstances a ete recon- nue juste par la cour , a l'egard de 24; resterait done, dans les onditions de 1829: 50 condamnations a mort. 50 executions. Resultal : En 1829 : 52 — 35 = 17 qui echappent a l'echafaud. En 1841 : 50 — 30 = 20 qui echappent a l'echafaud. Voila done a quoi se reduit Tabus effrayant des circonstances attenuantes: Trois tetes de difference ! Et si Ton rapproche ces chiffres de celui des accu- sations, la proportion sera en notre faveur ; nous aurons : En 1829, sur 227 accuses d'assassinat — 35 executes. En 1841, sur 190 30 executes. Ainsi, en prenant pour termes de comparaison le nombre des accusations et celui des executions , la repression aura ete plus energique apres qu'avant les circonstances attenuantes. D'ailleurs, queveut-on? Retablir le systeme de 1810? Mors reviendront les acquittements sans nombre et quelquefoisinexplicables,dontonseplaignaitavantl832. Que le jury ne soit appele a statuer sur les circonstances attenuantes que lorsque la cour en aura fail une ques- tion speciale ? Cette innovation a ete examinee et repoussee par les legislateurs de 1832; en voici le motif: quand la cour posera la question , le jury sera toujours porte a la resoudre, sans examen , affirmativement ; quand la cour ne la posera pas, et qu'il s'agira d'une condamnation capitale, les abolitionistes acquitteront. — hllx — Acceptons done la loi de 1852 telle qirelle est, avec ses consequences prevues et acceptees par le legisla- tes ; reconnaissons, avec tous les hommes du metier, que, meme dans les affaires capitales, meme dans les affaires de parricide, il y a souvent, tres-souvent, lieu d'admetlre des circonstances altenuantes qui semblent inexplicables a ceux qui ont hi le compte rendu des debats dans un journal, mais qui sont jugees tout differemment par ceux qui ont assiste a l'audience. Et, lorsque l'attenuation ne peut s'expliquer que comme une protestation contre la peine de mort, laissons le jury protester, laissons la cour abaisser la peine d'un degre sans croire que, pour cela , la societe est ebranlee j usque dans ses fondements; ne crions pas a l'abomination de la desolation parce qu'il y aura un deficit de deux ou trois tetes dans la sanglante comptabilite du bourreau, parce qu'un miserable au lieu d'expier son crime par un chatiment terrible, mais d'un instant, ira trainer a Brest ou a Toulon, pendant le reste de ses jours, la chaine du galerien, sous les coups de fouet de la chiourme, au milieu de toutes les horreurs du bagne, i O O-O ' SEANCES ET TRAVAUX DE L'ACADEMIE DE REIMS. ANNIE 1846-1847. r if fttoanre extraordinaire du «S ,%\ r!l i%ir PRESIDENCE DE IF L'ARCDETfiQDK. Etaient presents : MM.Saiib'iiiet,Tiol)iflard, Bandeville, Fanart, Nanquette, Landouzy , Querry , Garcet, E. Derode, Tarbede S-Hardouin , Maquart, Louis-Lucas, Eug. Courmeaux, Guillemin, Pinon, Tourneur, Henriot- Delamotle, membres tilulaires. M. Tarbe , secretaire-general, lit le proces-verbal de la seance extraordinaire du 9 avril, qui est adopte sans reclamation. La correspondance manuscrite comprend : Une lettre de M. GeoflVoy de Villeneuve, qui pres- ume toujours eloigne de Reims par des interets graves, adresse sa demission de membre titulaire. U. 33 — 476 — La correspondance imprimee coinprend : 1° Memoires de l'Academie royale des sciences, ins- criptions el belles-lettres de Toulouse, 5" serie, t. Ill 4 livraisons de 4847. 2° Un bon pour retirer un exemplaire du bulletin de la Societe academique, agricole, industrielle, et destruc- tion de Falaise, 4e trimestre de l'annee 1846. 3° Un n° de l'lndustriel de la Champagne , du mer- credi 21 avril 1847. M. Fanart a la parole. II continue la lecture du rap- port de la commission cbargee du soin de reviser le reglement interieur. La nouvelle redaction des articles 5 et 6 proposee par la commission est adoptee. La discussion s'engage successivement sur les litres qui ont pour objet les elections, les commissions et rapports, la seance publique et les prix, ['administration et les finan- ces, enfin la bibliotheque. Un amendement qui fixe l'epoque de la seance publique au mois de mai, un autre qui arrete que le bureau nouvellement elu sera installe immediatement apres !a seance publique, un troisieme, qui fixe a 5 mois, le maximum du temps, pendant lequel chaque membre peut rester depositaire des ouvrages appartenant a la compagnie ; enfin quelques dispositions generales sont successivement adoptees. L'ensemble du reglement est mis aux voix et adopte a l'unanimite. L'ordre du jour etant epuise, la seance est levee a 9 heures, et renvoyee au vendredi 7 mai. - 477 - Stance extraordinaire CM jri •**' = -CO -« c ■ w ui T3 "2 to W • «j « " 3 O o o • ■** to ^' o 0 — 3 >«■* *r- "*-< •a -a "a -a •« -a ' "a •». •«W 'c^ -*^ •«« '«* •<« w B.3 1 "* r- to aO •^' i i to' m ft. § Is 1 • ■ 1 1 O.J fc. tn W S-. t/S CO c_ S— QJ fc- a A O CD ..=. CD t. ■ -^; c3 i^s •a ■e = S •a "a ■a 5 "« "a "a "a "a "a r*. CO (_ •a a, " — bC a. p3 c - C3 W WW W mo- • r- co sincoooti^jnn^ton O CJ t— as ao oo * JO CM CM OB JO -O p£ •^- t- -^ T* ■(H ui si ei t* t. t. ^h ^ — J 5 ( ft. ' ©* co o to o o • o • JOOOIOOOSOJOIOOO 1 ,rH JO JO tO to as t—000O-»#-*COCMCM©0Or- ■ CO CLJ 1 *^ £3 CM T* ^n ^* ■ «r* tOCMcM'^T-i^-^-ccMCMcM'T-ir-' O rn * to ^. r. S3 3 i=J T* ^« « T-. CM CM CM t- ^- ^-i CM T< t3 n3 o 2 CO CD OJ OJ . L~ "§■9 --9 ^ "9 ^ "9 tl CD -Q ■__ t-L u. Janviei Octobr Decern Janvie: Fevriei Aoat. Janvie ga-sa.se-sa.2-ss ..So— — eo ■ .-. ao" > a— co c— co — a JO CO 00 cm to -* >n to to to -* "* ~* 5; OO oo 00 oo 00 oo oo ■r* ■** ^-l -r" T" ■»- — 495 — Les pains cubiques ont une de leurs laces linemen I treillissee par l'effet de 1'empreinte des toiles sur les- quelles ils ont ete coupes et seches, et les cinq autres sont striees par le tranchant du couteau qui a opere la division. Ils sont, en general, souilles de petits debris de feuilles de bananier, de fibrilles de palmiers et d'alans (especes de cyperacees). Tel est l'etat sous lequel nous avous trouve le gam- bier; cependantnous en avonsvu, plus rarement, ilest vrai, des echantillons sees, cassants, de couleur brun- chocolat fonce , a surface et a cassure persillee de cavites et dont la saveur etait un peu plus amere. Nous ne pensons pas que Ton en vende d'autres sortes dans les bazars. On y trouve ordinairement les gambiers a macher que nous avons decrits plus haut, en petits paquets de cinq ou six pains enveloppes dans des mor- ceaux de feuilles de bananier ; leur prix est plus ou moins eleve et leur qualite plus ou moins estimee suivant la blancheur, la legerete, la finesse et la purete de leur pate. Le gambier du commerce en pains cubiques s'achete souvenl aux indigenes par laxas (e'est-a-dire par dix mille), et se traite au picul de 60 kil. 1/2 sur le marche de Singapore, et au picul de 62 kil. sur ceux de Rbio et de Batavia. Grace a I'obligeance de M. J. Balestier, consul des Etats-Unis d'Amerique, nous avons pu suivre la pre- paration de cet extrait vegetal et noler les diflerenls faits qui la rendent si interessante. Comme il n'existe encore qu'unc description tres-breve de cette fabrica- tion donnec par M. Finlayson et reproduite par les — 496 — docleurs Bennett (!) etNeubold (2), nous croyons devoir multiplier les details (5). La manufacture du gambier est surtout active a Rhio , a Singapore , a Sumatra et a Malacca (4) ; elle est presque partout enlre les mains des Chinois emi- gres du Fo-liienn (d'E-mouy), de Canton et de l'ile H'lldi-mn , auxquels est devolue l'exploitation des ri- chesses agricoles et minerales de la Malaisie. La fabrique que nous avons visitee appartient a des Fo-kienois : elle est entouree de plantations de nauclea gambir et de vignes de poivrier noir; celles-ci tres- bien cultivees et entretenues avec soin , celles-la ne- gligees et etouflees par les cyperacees et les graminees (jui envabissent le sol. Ces deux cultures sont insepa- rables, au moins a Singapore, on le poivrier noir ne rcussit que dans un terrain bien fume, et les feuilles de gambier, epuisees par une ebullition de plusieurs beures, ont ete reconnues etre un excellent, etsuivant les indigenes , le meilleur engrais pour les vignes. (1) The Nauclea gambir, producing the Gambir, catechu or terra japonica of commerce. Singapore chronicle, novembre 1855. (2) Political and statistical account of the British settlements in the straits of Malacca, etc. 1859. (5) II y a , d'apres Fleming, deux procedes d'extraction du gambier. Le premier consiste a faire bouillir les feuilles dans l'eau , concentrer la decoction, etc. , c'est celui que nous avons decrit. Dans le second , on fait infuser les feuilles dans l'eau bouillante pendant plusieurs heures, unematiere feculente se precipite , on la recueille , on l'expose au soleil afin de lui donner un peu de consistance , on la faconne en petits gateaux et on la fait secher a 1'air. Le meilleur gambier se prepare de cette maniere (Asiatic researches , 1812. vol. xi, p. 187). (i) Elle etait bien peu imporlante a Malacca il y a dix ans , puisqu'en 1855-54 , la receltc du dixieme du produit des terres cultivees en gambier ne produisail que 157 piastres 22 cents. — Zi97 — Cesl dans ee but qu'on les reserve, el la beanie des lianes de poivrier, ainsiquela quantitede leurs grappes temoignent de l'efficacite de la fumure. — La loi malaise veut que les terres plantees en gambier et en poivrier noir re stent en jacbere pendant une annee (Neubold). L'atelier de travail est tres-simplement outille; les foyers el les cbaudieres y sont monies sans le moindre souci des regies europeennes; Cbinois et Malais s'in- quietent peu de savoir s'ils obliennent des agents in- dustries le maximum d'effet utile. On fait la cueillette des feuilles (1) durant presque toute l'annee et on les apporte a la fabrique dans des corbeilles de bambou A (pi. II.). II en faut quatre pour remplir la cbaudiere. — Les parois de celles-ci sont en ecorces d'arbres cousues , maintenues par des tringles de bambou etde rotin. Le fond est une bassine concave en fer fondu tres-mince. Ces chaudieres vien- nent de Siam, suivantM. Balestier, et coutent trois ou quatre piastres (2). Les feuilles etant jetees dans la cbaudiere, y sont enfoncees et comprimees avec des fourches a quatre dents B (pi. II.); on verse dessus une quantite sufli- sante d'eau et Ton commence le feu. Le foyer est up grand trou creuse en pleine terre sous la chaudiere; il n'a ni porte, ni grille, ni cen- (1) On pretend que les jcunes feuilles du nauclea gambir donnent le gambier le plus blanc ct le meifleur, et que Ton n'obtient avec les feuilles anciennes et epaisses qu'une qualite inferieure et brunatre (docteur Bennett). (2) Nous nous sommes assure que les jonques siainoises apportent en effet a Singapore de ces bassiues en fonte , inais il en arrive aussi de Chine. Nous avons vu ii Emouy et a Tchang~tchou un grand noinbre de ces chaudieres identiques a celles employees dans les fabriques de Singapore, el nous avons lieu de penser que Bliio en est approvisionne par les jonques fokienoises. — 498 — drier , et la cheminee est line simple ouverture menagee a lleur du sol, au-dessus de laquelle on fait cuire le riz et les aliments. On engage dans ce fourneau le bois en arbres ou en longues buches, on y entrelient un feu vif, petillant, et Ton etablit promptement l'ebullition dans la chaudiere. On commence d'babitude la chauffe vers trois beures du matin; au bout de cinq heures environ , a buit heures , l'extraclion est terminee : la decoction est assez ricbe, il ne reste plus qu'a la concen- trer. On enleve les feuilles avec une fourcbe de bois a trois dents un peu recourbees C (pi. II), on les depose en tas sur la table voisine, creuse et inclinee, elles s'y egouttent et 1'eau d'egouttage s'ecoule au fur et a mesure dans la chaudiere. L'ebullition se continue jusque vers onze heures , e'est-a-dire durant deux, trois ou quatre heures, plus ou moins de temps, suivant que ('evaporation est plus ou moins rapide. On a soin de suspendre a une corde un petit plateau treillisse en bambou D, supporte par quatre liens de rotin, au milieu duquel est menage un espace libre. Une noix de coco creuse, fixee a un man- che de bois E, s'y insere et son orifice se maintient presque a fleur du niveau d'eau. Le plateau occupe le fond de la chaudiere et nage dans le liquide ; toutes les £cumes et les impuretes, comme pedicelles, debris de feuilles, d'^corces, de graines, etc., qui flottent en sus- pension viennent se reunir dans la noix de coco. On l'enleve de temps eh temps , on en verse le contenu sur un petit tamis de bambou F , et on laisse egouttev au-dessus de la chaudiere. Quand le liquide devient sirupeux et parait suffisam- ment concentre , on le puise avec une cuiller de cuivre G, Ion le transvase dans des petits baquets de bois H pom e verscr eniin dans un nioule dispose, dans lequei — 499 — s'effectue par le refroidissement, dans Fespace d'envirort trois heures, la solidification dugambieren consistance savonneuse. Le moule I est un parallelipipede rectangle en bois, haut de 27 centimetres, long de 62 cent, et large de 34o millimetres. II est sans fond et s'etablit sur une petite table de bois porlee sur deux traverses de briques ; entre celles-ci est une rigole par laquelle s'ecoulent dans une terrine ou elles sont recueillies^ les eaux de suintement et d'egouttage. On a soin, avant de verser la decoction dans le moule , d'y disposer transversalement trois petites ficelles de bourre de coco. Quand la masse est solide, on enleve la caisse , on laisse le bloc de gambier expose pendant quelques beures a l'air pour lui faire acquerir plus de fermete , puis on saisit une des ficelles par chacune des extre- mites, on la tirede bas en baut en sciant et Ton separe aisement ainsi une trancbe de l'extrait encore pateux. L'ouvrier la prend , la pose sur un billot de bois cou- vert d'une toile de coton humide, et avec un couteau divise la trancbe en parallelipipedes, puis la subdivise en briquettes cubiques de quatre centimetres de cote, la plupart irregulieres. Au fur et a mesure qu'il les coupe, il les place sur des claies de bambou J , et quand celles-ci en sont couverles, il les expose sur des treteaux au soleil. La dessiccation y commence, elle s'y poursuit sans interruption, et a peine le gambier est-il raffermi qu'on porte les claies sur des traverses etablies au-des- sus de fourneaux en terre I (pi. HI). Le sechage s'opere rapidementalors, soit par Faction d'un feu direct, soit par la fumee et Fair cbaud qui s'echappent du trou de cheminee du foyer ouvert immediatement au-dessous des claies. La couleur naturelle du gambier est vert- pale, mais la fumee le brunit bien vite et sa teinle se fonce en meme temps que le retrait diminue son volume — 500 — Des claies il est jete dans des paniers el porte ail bazar. Si nous ajoutons foi aux renseignements donnes par le fabricant fokienois, les quaire bannerees ou cor- beilles de feuilles, d'une contenance totale d'environ 800 decimetres cubes, rendent trente-cinq catties, c'est-a-dire 21 kil. 173 de gambier en un bloc, dont nous estimons le volume a 57 5/4 decimetres cubes. A ce compte un metre cube de feuilles rendrait 72 1/4 decimetres cubes, le dechet serait de 93 pour cent. La plantation de nauclea de ce meme fabricant a , dit-il, une etendue de cinq a six cents brasses delong sur deux cents de large ; il en retire un produit men- suel de trente piculs (1815 kilog.) de gambier. C'est une estimation qui nous parait singulierement exageree. Le docteur Bennett parait avoir trouve a Singapore deux autres especes de Nauclea indigenes, mais qui ne donnent pas d'extrait astringent. On en cultive an jardin botanique de Buitenzoorg (Java) 12 especes indi- genes de l'Arcbipel Indien (Hasskarl : Catal. plant, in hor to Bog. cult. 1844. p. 113). Le gambier est employe en Chine pour la teinture en noir, en brun (1), en solitaire et en fauve des soieries et des tissus de coton , ainsi que pour le tannage des peaux; c'est une substance qui, malgre son basprix, n'esl pas d'un usage general. On lui prefere en teinture un tubercule, appele Chou-liang (2), qui a quelque (1) « On l'emploie pour teindre les cotonnades et les soieries ; la couleur , d'abordjaune d'ocre, devient bientot brun sale. » (Chin, coram. Guide , 1814. p. H4) {I) Bridgman (Chinese Chrestomathij , p. 208 , n° 109) et Wells Wil- tiams (English and Chinese Vocabulary, p. W8) appHqufeiit au gantMer — 501 — analogic avec ceux des dioscorea. On s'en sert avec avantage a Batavia dans les tanneries, et l'on avait essaye de le faire adopter dans celles de Manille, mais jusqu'a present on n'y a pas renonce a l'emploi des ecorces de cascalote (1) et de camantchile (2). Nous avons dit que eomme maslicatoire, le gambier etait repandu et consomme dans la plus grandepartie de l'Archipel Indien et sur le littoral E. et S. E. de Chine; il se vend meme jusque dans l'lnde concurremment avec le cachou, le cattacambou et le cachcutti (5). Le gambier est peu connu en France ou il est ordi- nairement designe sous lenom de cachou de Java, mais nous avons lieu d'esperer que dans un avenir prochain nos fabricants exactement renseignes, en utiliseront avec succes la richesse en tannin. Les essais d'appli- cation se poursuivent encore en ce moment; nous savons que dirigees avec intelligence et habilete, la plupart des experiences ont reussi d'une maniere ines- peree et que Ton se preoccupe deja de l'achat et de l'im- portation de ce nouvel agent industriel. C'est un article d'encombrement qui s'arrime en grenier ou en paniers et qui ne coute, nous le repetons, sur le marcbe de Singapore, que 15 fr. les cent kilogr. (15 mai 1845). Le droit de sortie sous pavilion etranger est de -i pour cent de la valeur a Java , et de 2 florins le picul dans les la denomination de chou-liang ; elle ne designe pourtant qu'une tuberculc qui est line excellente succedanee tinctoriale du gambier. Le nom ehinois de celui-ci est pin-lang-Kaou (Chin. comm. Guide, 18i4, p. 154). (1) Le cascalote est l'ecorce du bacauan, Rhi&ophora gymnorhiza (Blanco: Flora de Filipinos , 18 15. p. 276.) (2) Le camantchile ou camomiles est VInga lanceolata (Hlancu: p. 570). (5) W. Ainslie : Materia indica. — 502 — possessions hollandaises de la cote ouest de Sumatra. A Singapore, il n'y a a solder aucun droit de douane. Nous terminerons cette notice par un apercu du commerce de ce produit a Java et a Singapore , dont nous puisons les elements dans les ouvrages de MM. Embrechts et Holloway. (Voir les tableaux ci-contre ). La consommation de Java est, d'apres les chiffres officiels, de soixante mille piculs, mais on estime de dix a quinze mille piculs la quantite qui entre en contre- bande cbaque annexe. Elle est apportee dans les petits ports de Tile sur des siros malais par lots de provision de cinquante a cent piculs chaque. Le chiffre de l'importation du gambier dans les ports ouverts de la Chine n'est mentionne que sur un etat du mouvement commercial de Canton en 1854-55; il n'y arriva cette annee , sous pavilion anglais, que 97 piculs d'une valeur moyenne de 5 piastres le picul, soit 591 piastres. A Macao, il en est entre en 1858, 201 piculs; en 1840, 420 piculs, et en 1845, 72 piculs. -+ ^i — ». ■x tn 3 - CO -* Hi 00 <-;! 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Sophora japonica a fleurs violettes. 22. Hoang - chenn - hoa id. Hoang- Gardenia florida a jin. chenn. fleurs jaunes Bridgman , Ch. Chrest., p.4o3, n°51. — Grosier (dela C7»'/ie,vol.in,p. 81) rapporte que Ton se serf de la pulpe dcs baies de cette planle, lorsqu'elles sontfraiches, pourtein'dre les soies en rouge. (1) V Account of China , t. Ill , p. 574 , nc cite que trois nelurabiacees et nymphiacees en Chine : le nelumbium speciosum , le mjmpluea pygmata et Veuryale ferox. ii. 35 — 508 — graines de la fleur. 2?. Eoo-tcha-hqajin, id. Hoa-tcha. Camelia. 24. Sou-hing-hoa-jm. id. Sou-Mng, Jasminum officinale ( Reeves ) . Jasmin blanc ordinaire. — Cite dans Grosier ( de la Chine, vol. m, p. 837 ). — W. Williams, E. and c. vocab. , p. 107 etBridgman, Ch. Chrest.,p.iU, WW, meme synonymic 25. Peh-tchi-kia-hoa-jin id. Peh - tchi - Lawdonia alba ( Ree- kia. ves).D'apres W. Williams, p. 107, le tchi-kia-hoa est le laivsonia americana. 26. Fou-yong-hoa-jin. id. Fou-yong. Hibiscus (Reeves). Sui- vant W. Williams, E. and c. vocab., p. 106, et Bridg- man, Ch. Chrest., p. 455, n° 58 , le fou-yong-hoa est 1' hibiscus mutabilis. — Mentionne dans V Account of China, m, p. 565. 27. 28. Hoang - sou - hlng- id. Hoang-sou- Jasmin jaune. hoa-jin. King. W.Youei-kouei-hoa-jin. id. Youei-kouei . Olea fragram , variete (Reeves) (1). 5Q.Siao-kouei-hoa-jin. id. Siao-kouei. Malva ( Reeves ) . Je ferai observer que les synonymies botaniques re- posent sur l'autorite de Reeves,' de Thunberg, de Loureiro, de Siebold, de Wells Williams, de Remusat, et qu'il ne nous a pas encore ete possible d'en verifier 1'exactitude. (1) L' Account of China, t. m , p. 385, setrompe en disant que Volea fragrans est le l&n-hoa des Chinois; ils le designent toujours sous le nom de konei-hoa et c'est ainsi qu'il est mentionne par W. Williams , Bridgman ct Loureiro , qui le decrit dans sa Flora Cochinchinensis ( Osmanthus fra- gram, p. 29). 0 S ;■- sapp -' ; ; 1 p r TJ M Jf M ■d : SEANCES ET TRAVAUX DE L'AGADEMIE DE REIMS. ANNIE 1846-1847. ft'0 20. K&ince pnbllqne du '59 Mai 1849. PRES1DENCE DE Wv LARCHEVEQUE- La seance est ouverle a o heures de 1'apres-midi, dans la grande salle historique du palais archiepiscopal , en presence d'une nombreuse el brillante assemblee. Mgr 1'Archeveque , president; MM. Landouzy, vice- president ; Tarbe de S'-Hardouin, secretaire-general ; Garcet, secretaire -archiviste; et Saubinet, tresorier, prennent place au bureau. MM. Boullocbe, conseiller a la cour royale de Paris, president des assises ; Bourdon, sous-prefet de I'ar- rondisseraent; Sirebeau, president du tribunal civil; Werle, president du tribunal de commerce ; et Carteret , maire de la Ville, occupent des sieges d'honneur a droite et a gauche du bureau. ii. 3G — 510 — Etaient presents, outre les membres du bureau, MM. le Vte de Brimont, Robillard, Bandeyille, FaNART , NANQUETTE , QUERRY , DERODE , GORET , Leconte,Duquenelle, Louis-Lucas, Eug.Courmeaux, GuiLLEMIN, PlNON, AURRIOT, TOURNEUR, ERN. ArNOULD, Henriot-Delamotte, Dubois, Alexandre, Mortier des Noyers, H. Paris et Midoc, membres titulaires; EtMM. l'abbe Aurert, Bourdonne , Jules Perreau, Brissaud, Leroux, de Maiziere , Edm. Arnould, Battier, Lejeune, Paris d'Epernay, Foucher fds , Buyignier , Millet de Sissonne , l'abbe Pierret , A. Duchesne, Charlier, comte deLAMRERTYE, comte de Mellet, membres correspondanls. ORDRE DU JOIR. Mgl l'Archeyeque, president : Discoursd 'ouverture. M. Tarre de S'-Hardouin , secretaire -general : Compte-rendu des travaux de CAcademie pendant Vannee 4846-47. M. Leon Fauciieb : Lowcl. En l'absence de M. Leon Faucher , retenu a Paris par les travaux de la cbambre des deputes, M. Gabcet esi charge de donner lecture de la notice sur Lowel. M. Brissaud : Etudes sur Hincmar, archevequc de Reims. M. Henri Paris: Thibault le Cliansonnier. M. Natalis Rondot : Excursion a lagrotte de San- Matteo , a Manille. En l'absence de M. Bondot, M. Ernest Arnould est charse de lire son travail. — 511 — M. Garcet , secretaire-archiviste : Lecture du pro- gramme des questions raises au concours pour I'annee 4848. — 512 — Discours dc Mgr l'Archeveque , President. Messieurs , 11 ne s'est ecoule encore que bien peu de temps depuis que l'Academie de Reims a vu le jour ; il n'y a que quatre ans qu'elle parut pour la premiere fois dans cette enceinte, ou elle prit solennellement la place que vous lui aviez assignee parmi les societes savantes. Comptant sur le concours des amis des lettres, des sciences et des arts , elle n'a point ete trompee dans son attente ; elle a trouve et trouvera toujours, dans cette grande cite, des hommes capables, non moins zeles pour le developpement des connaissances utiles, que pour l'accomplissement des devoirs qu'impose la magistrature ou le sacerdoce, l'education de la jeunesse ou les besoins de l'humanite souffrante. Surmontant sans effort les obstacles qui se presentent a l'organi- sation definitive de toute societe naissante , et ne crai- gnant ni la contradiction, qui ne peut l'atteindre tant qu'elle restera fidele a l'esprit de son institution , ni la critique qu'elle respecte comme une auxiliaire, quand celle-ci se respecte elle-meme , bientot l'Academie que j'ai l'honneur de presider en ce moment, a su par ses travaux fixer l'attention des plus celebres acade- mies du royaume, et du congres scientifique de France, dont la treizieme session, qui a eu du retentissement au loin , fait aujourd'hui partie de l'histoire litteraire de Reims. Aussi, la stabilite de cette association n'est plus un probleme ; il est constant que l'industrie ne saurait avoir de l'antipathie pour la science a laquelle — 513 - elle doit son origine et ses progres ; et qu'une ville , riche en monuments et en souvenirs de tout genre , pouvait avoir, a cote de ses manufactures et de ses fabri- ques, unathenee, une manufacture intellectuelle, pour ainsi dire , ou se reunissent , en un certain nombre, les ouvriers du monde savant. Je sais qu'il a ete dit que l'on n'a guere vu, jusqu'a present, un chef-d'oeuvre d'esprit qui soil I'ouvrage de plusieurs (1): mais on peut dire aussi que la plupart des ouvrages qui interessent la science et en facilitent la propagation ne sont pas sortis de la plume des hom- ines de genie. Ce n'est point par les chefs-d'oeuvre, fus- sent-ils aussi communs qu'ils le sont pen, que Ton rend la science pratique et populaire. Je sais que ni les academies ni les ecoles publiques ne font les grands hommes ; mais ce n'est point non plus la nature seule qui les fait; car, pour l'ordinaire, c'est le travail qui les forme; c'est par le travail qu'ils arrivent a prendre place dans cette aristocratie qui gouverne la republique des lettres, ou la hierarchie des intelligences nous rap- pelle la hierarchie des esprits celestes. Non, ce n'est point dans les recueils des societes savantes, qu'il faut chercher les productions que Ton doit au genie createur, ces ouvrages de la plus haute puissance de l'esprit hu- main, que nous admirons, parce qu'ils sont rares; qui sont immortels, parce qu'ils ne se remplacenl pas. Mais on y trouve des melanges varies sur l'origine, les mceurs, la litterature et la legislation des peuplcs anciens et modernes ; des rapports consciencieux sur les differentes parties de la science et les relations qu'elles ont entr'elles; des memoires detailles, tanlot sur les beaux-arts, tantot sur les arts mecaniques d'une utilile i\ ) La [iruvi'iv. — 514 — generate et journaliere; des observations exactes sur l'agriculture , l'industrie et le commerce, qui forment les trois elements de la prosperite materielle d'une nation. Jamais, une academie de province n'a eu la pretention d'enrichir de ses inventions ou de ses theories le domaine de Pintelligence: introduire dans le pays par d'heureuses applications les decouvertes qui viennent de la capitale ou des regions lointaines ; se faire rendre compte des publications qui paraissent, afin de mettre a profit cequ'elles contiennent d'utile ; exciter parmi les jeunes gens une noble emulation pour les etudes se- rieuses ; encourager les talents timides ou trop modestes ; favoriser de tout son pouvoir les essais et les entreprises qui peuvent contribuer au bien-etre des citoyens : voila toute son ambition. De plus, une academie qui comprend dans le programme de ses travaux l'etude des sciences morales, se plait a offrir au peuple un exemple de subordination, tant dans l'observation meme de sa consti- tution que dans son amour pour l'ordre general et dans ses rapports avec l'autorite, comme elle se croit heureuse de concourir, suivant ses moyens, au soula- gement de l'infortune , quand les besoins extraordinaires du pauvre et de Tindigent reclament des secours plus abondants. Elle est grande et belle la mission que se donne et recoit d'elle-meme une societe, ayant pour but de repandre l'amour de la science et le gout des arts, puisant dans l'esprit de son institution le desir, le besoin et les moyens d'etre utile sous tous les rapports. Qu'il est digne l'homme de lettres, quelle que soit sa position, pretre ou magistrat, militaire ou medecin, qui, apres avoir consacre ses loisirs et ses veilles a etendre le cercle de ses connaissances speciales, vient deposer son travail dans le sein d'une compagnie, qui ne se l'approprie que pour le faire passer dans le — 515 — domainc public! Or, tel est, Messieurs, I'esprii de toute societe savaute; tel est, particuliefement , l'esprit de cette societe a laquelle nous appartenons. Et c'est parce qu'elle a toujours ete animee de cet esprit, qu'elle a rempli fidelement sa mission, que l'Academie de Reims a montre qu'elle etait, de fait, sans en avoir le nom ni toutes les prerogatives, un etablissement d'u- tilite publique. Aussi, le gouvernement vient-il, par une ordonnance du Roi , de lui decerner ce litre , avec les droits qui s'y rattachent, tanl pour la corporation que pour ses membres. Toutefois, notre Academie ne se fait point illusion ; quoiqu'elle soit redevable de ce nouveau titre a la con- fiance qu'elle a su inspirer aux magistrats de la Ville et du departement, ainsi qu'aux publications qui lui ont obtenu le suffrage et le concours de deux ministres de 1'instruction publique, elle le regardera toujours comme une distinction, comme une faveur insigne qui donne au pouvoir un droit incontestable a notre gratitude. En effet, l'ordonnance royale consacre, d'une maniere plus particuliere et plus solennelle, rinstitution de 1' Academie de Reims, et ne la modilie qu'en l'agr andissant , qu'en la rendantce qu'elle n'elaitpas, c'est-a-dire civilement capable de recevoir une dotation, qui lui procurera les moyens de continuer et de developper son ceuvre. Et cette faculte, nous l'esperons, ne sera pas sans objet, sins application. Si cbaque jour a sa malice, cbaque jour aussi, surtout en cette ville, nous revele quelque nouveau prodige de gencrosile. Oui, bientdl, puissamment secondee par ces ames elevees qui met- tent au-dessus de toutes les jouissances de cclle vie cellc qu'on trouve a faire le bien, l'Academie pourra donner au publicdenou voiles preuvesdesondevouement, en hosorant ceux qui cultivent les sciences, les arts et — 51G — les belles let t res. Vous lesavez; dans la repartition de ses dons, la nature ne distingue point l'enfant du pauvre de l'enfant du riche , l'enfant du cultivateur , de Partisan , de 1 ouvrier, de l'enfant de celui qui occupe un plus haut rang dans la societe. Souvent, sous le toit de l'humble cbaumiere, comme sous les lambris dores du palais des grands, il se rencontre des jeunes gens qui annoncent des talents rares avec des dispositions heu- reuses pour la vertu et une ardeur extreme pour le travail. Les abandonnera-t-on, cesenfants, silafamille ne peut faire les frais de leur education, sans laquelle, faute d'etre seconde, le genie demeure impuissant? Non, Dieu ne le veut pas : ils seront done Pobjet d'une sollicitude speciale de la part de 1'Academie, qui les adoptera, au nom de ceux qui lui donncront les nioyens de faire cette action , vraiment digne d'un etablissement d'utilite publique. Desormais, cet etablissement favorisera plus effica- cement ., et la litterature qui est a l'ame ce que la science est a l'esprit, et les beaux-arts, ou l'homme en imi- tant la creation montre qu'il a ete fait a l'image du createur; sans oublier ni les arts dont l'application re- pond aux besoins du corps et de l'intelligence, ni les travaux historiques qui mettent en relief les illustrations du pays et le merite des hommes qui nous ont legue leurs noms et leurs verlus, en nous leguant des fonda- tions, qui restent comme dehautes protestations contre Fesprit d'egoisme, aussi bien que comme des monuments de leur bienfaisance personnelle. L'Academie protegera les artistes, soit qu'ils s'occupent de la decoration de nos monuments publics et de la restauration de nos basiliques; soit qu'ils viennent dans lamaison saintese meler parmi les enfants de Dieu , dont la voix innocente repond au chceur des anges, cberchant a repandre — 517 — partout le gout de la musique, qui etait regardee chez ies anciens comme un embleme de 1'hannonie du monde. Se conformant toujours scrupuleusement aux intentions des donateurs, l'Academie decernera des recompenses a la vertu, des couronnes aux ecrivains dont les ouvrages auront ete juges utiles a l'instruction du peuple ou a la morale publique, qui est une condition necessaire a l'existence et a la duree des societes, a la paix, au bonheur de ceux qui Ies composent. Mais elle n'approu- vera point les livres qui seraient contraires aux lois de la religion ou de 1'Etat : « Je ne puis me dispenser, disait Duclos, de l'Academie francaise, de blamer les ecrivains qui , sous pretexte d'attaquer la supers- tition , chercbent a saper les fondements de la morale, et donnent atteinle aux liens de la societe ; d'autant plus insenses , qu'il serait dangereux pour eux-memes de faire des proselytes. Le funeste effet qu'ils produi- sent sur leurs lecteurs est d'en faire , dans la jeunesse, de mauvais citoyens, descriminelsscandaleux, etdes malheureux dans l'age avance, car il y en a peu qui aient alors le triste avantage d'etre assez pervertis pour etre tranquilles (1). » Tenant a justifier son tre , l'Academie de Reims montrera toujours par ses actes que veritablement elle est un etablissement d'uti- lite publique. Messieurs, c'est a vos suffrages que je dois le fau- teuil que j'occupe en ce moment ; en le cedant a celui que vous avez choisi comme etant vraiment capable et digne de presider vos travaux, je prie l'honorable compagnie d'agreer ma gratitude, et de compter sur mon devouement pour tout ce qui peut concourir, du moins moralement, a la gloire d'une societe a laquelle je serai toujours fier d'appartenir. (1) Consideration? sur les niocius de ce siecle , ch. 1 1 . — 518 — Comptc-rendu des travaux de l'Acad6nue pendant I'annee 1846-47. PAR M. TARBE DE S'-HARDOUIN, SECRETAIRE-GENERAL. Messieurs , En me confiaut le soin de rendre compte de ses travaux depuis la derniere seance publique , FAcademie a, malheureusement pour la brillante assemblee quise presse dans cette enceinte, consulte mes forces moins que mon zele, et les souvenirs encore vivants qu'a laisses a cette tribune la parole facile et elegante de mes pre- decesseurs, augmentent les difficultes de ma tache. Je m'efforcerai done seulement de vous presenter le tableau exact et fidele des travaux qui ont occupe nos reunions, beureuxsien ecoutant lecompte-rendu, vous pouvez oublier le rapporteur. Pendant le cours de cette annee nos seances parti- culieres ont recu un vif interet du retour de la mission commerciale en Cbine. Le jeune delegue de l'industrie lainiere, M. Natalis Rondot, n'a pas oublie que l'Academie de Reims avait regu ses premiers travaux et 1'avait admis au nombre de ses correspondants. Pendant sa longue absence, de frequentes lettres nous ont inilies aux premieres impres- sions du voyageur, et a son retour il a genereusement offert a la compagnie une curieuse collection d'objets d'art et d'industrie rapportes de la Cbine , et dont l'Aca- demie a enricbi le musee communal. — 519 — Les nombreuses communications que noire laborieux confrere nous a en outre adressees et qui ont pour objet le commerce, l'industrie, les productions vegetales, la constitution geologique, enfin les mceurs et les usages des pays qu'il a visiles, ces communications, dis-je, seront rappelees successivement dans la suite de ce compte- rendu, et cedes que nous avons pu deja comprendre dans nos publications ont lixe l'attention de nos lecteurs dans plusieurs villes industrielles , et notamment a Lyon. Nous ne doulons pas qu'a Reims les precieux ren- seignements donnes par notre confrere n'aient ete egalement remarques , malgre la defaveur qui s'attache presque toujours aux ceuvres locales. Avant de quitter M. Rondot, je dois lui associerdans la reconnaissance de la compagnie un autre de nos correspondants , M. Constantin Robillard, qui nous a offert plusieurs objets curieux, recueillis par lui tanten Orient que sur les cotes du Galam et dans les lies de la Malaisie, et dont l'Academie a fait don au musee de la Ville. La faveur qui depuis plusieurs annees s'est attachee a l'etude de l'archeologie et qui, peut-etrc, a ete due en partie a la facilite que cette etude offrait a quelques es- prits superficiels , cette faveur ne pouvait etre exclusive dans une ville aussi positive que la notre ; aussi , sans etre dechue du rang honorable qu'elle a toujours occupe , ne peut-on plus dire que l'archeologie eclipse nos autres travaux. Voici d'ailleurs ceux qu'elle nous a donnes. M. Kozierowsky, notre correspondant, qui en parlant de la patrie absente a toujours su trouver des accents eloquents quoique dans un idiome etranger pour lui , nous a hi un memoire ties - developpe sur les — 520 — monuments historiques de la Pologne et 1'interet qu'ils pourraient offrir aux archeologues francais dont ils sant moins connus que les edifices de la Perse ou de l'Inde, Ce travail se termine par des considerations fort in- teressantes sur la difference des principes civilisateurs qui ont regne en Europe , la cite dans la region Romaine, la campagne dans la region Slave; il resulte de-la une difference radicale entre les moeurs et les institutions de la partie occidentale et de la partie orientale de l'Europe ; de sorte que si d'un cote on trouve la cite, la feodalite, la propriete individuelle , de l'autre on rencontre le vil- lage, le patriarcat , V association et la repartition propor- tionnelle dans les travaux agricoles. Les secrets de la peinture sur verre sont-ils retrouves ? Telle est la question que M. Tourneur a discutee dans une rapide et interessante lecture ou il a rappele a grands traits l'histoire de cette branche de la peinture depuis le moyen-age jusqu'a nos jours. Les travaux recents des peintres verriers de Troyes ont prouve clairement que tous les effets des vitraux da moyen-age pouvaientetre facilement reproduits. Mais en imitant nos devanciers , il faut tenir compte du progres des arts et ne pas maladroitement reproduire aujour- d'hui des effets qui tiennent a l'imperfection du dessin ou des procedes employes au moyen-age, aussi bien qu'a Taction destructive du temps. Je dois encore mentionner ici l'analyse que nous a presentee M. L. Paris du memoire de M. Ch. Robert, notre correspondant, sur les monnaies des eveques de Toul. A propos de ce sujet un peu restreint, M. Paris a fait une spirituelle critique de l'engouement classique impose par 1c xvie siecle; mais, en spectateurs desinteresscs, — 521 — nous devons constater que l'archeologie du moyen-agea bien pris sa revanche et qu'elle exerce aujourd'hui sur les travaux des artistes une influence incontestee et peut-etre tin peu exclusive a son tour. Apres avoir enumere les nombreuses varietes mone- taires retrouvees a Tou1 par M. Ch. Robert, M. Paris a rappele (d'apres les savantes recherches de notre confrere M. Duquenelle), Fetat de la numismatique episcopate de Reims et il a montre avec douleur l'inferiorite de notre cite. Souhaitons, Messieurs, que quelque decouverte im- portante vienne relever la ville de Reims dans l'esprit des numismates et nous dispenser d'envier la collection dont M. Robert s'est fait Fhabile historien. Pour completer ce qui a rapport a l'archeologie , je rappellerai les travaux qui nous ont ete adresses par nos correspondants. Nous devons a M. Ch. Robert, dont le nom se re- trouve encore ici , deux memoires , l'un sur une monnaie d'or frappee a Mauriac, et l'autre sur fhistoire des monnaies de France. A M. Dufour, d'Amiens, une notice sur un cachet d'oculiste romain ; A M. Anatole Rarthelemy , un memoire sur quelques monnaies baronales inedites; A M. de Caumont, untraite elementaire d'areheologie ; A M. Emile Jolibois, une notice sur quelques mon- naies champenoises du xiii6 siecle; A M. Grosjean, un memoire sur 1'eglisede Fismes; A M. Paul Huot, de Versailles, diverses notices sur les monuments anciens d'Orleans, et sur Notre-Dame de la Roche; — 522 — Enlin, a MM. Prosper Tarbe et Maquart, ces in- fatigables historiens de nos monuments , la reproduction des curieuses dalles du xme siecle, echappees a la destruction de S'-Nicaise et qui , apres de nombreuses vicissitudes , vont, grace au zele de nos archeologues , retrouver enfin dans l'eglise de S'-Remi une place digne d'elles. Je ne puis oublier le savant ouvrage de M. Charles- Christian Rafn , secretaire de la societe royale des an- tiquaires du Nord, a Copenhague, sur les antiquites americaines d'apres les monuments historiques des Is- landais et des anciens Scandinaves ou l'histoire de l'Amerique avant la decouverte de Colomb. Pour etre moins nombreuses que les travaux archeo- logiques , les etudes historiques dont j'ai a vous entre- tenir ne leur cedent pas en importance. Continuant l'etudede son sujet favori, M. Guillemin, dont la parole savante s'est fait entendre plusieurs fois dans nos seances publiques , nous a donne le tableau de l'influence du Cardinal de Lorraine sur le mouve- ment philosophique et litteraire de son temps. II nous a montre le jeune et habile Cardinal fondant l'universite de Reims , introduisant dans notre pays le libre enseignement de la philosophic , reunissant autour de lui dans une commune el eclatante protection tous les savants , tous les hommes de lettres de son temps , depuis Ramus le hardi philosophe jusqu'au poete Ronsard: depuis Rabelais, dont les violentes et ener- giques satires n'ont jamais eloigne la faveur des princes de l'eglise , jusqu'au grave chancelier de V Hospital qui , sous la robe d'un des plus illustres magistrals des temps modernes, cachait un poete elegant et gracieux. Pourquoi faut-il que le Cardinal de Lorraine ait terni — 523 — l'eclat de ses grandes qualites par des violences et des persecutions qui le rendirent odieux a plusieurs classes de citoyens ? M. Guillemin excuse ses defauts par la raison politi- que et l'influence des idees du temps. Ce jugement est peut-etre trop indulgent. S'il est vrai qu'en racontant la vie des hommes ce- lebres on doive tenir compte du milieu dans lequel ils ont ete places , l'histoire ne peut oublier que quelques contemporains de Charles de Lorraine ont fait briller d'un vif eclat ces qualites de tolerance et de moderation qui manquent a la gloire du Cardinal et sans lesquelles il n'y a point de vraie grandeur. Nous avons entendu de M. Brissaud un essai sur la vie politique de Henri IV avant son avenement a la couronne, d'apres sa correspondance particuliere, pu- bliee recemment sous les auspices du ministere de rinstruction publique. Ce travail etendu sur un sujet que Ton pouvait croire epuise, abonde cependant en points de vue nouveaux. M. Brissaud fait parfaitement ressortir avec quelle sage habilete Henri de Navarre, le plus admirable representant au xvie siecle de la politique vraiment nationale , arbora le drapeau de la tolerance et de la moderation au milieu des exces des deux partis opposes. Par une narration pleine d'interet, il nous conduit depuis la paix de Monsieur en 1576, au moment ou Henri , echappant au joug humiliant dans lequel le rete- nait Catherine, devint chef du parti protestant, jusqu'a la mort de Henri III en 1589. Ce recit est anime par de nombreux fragments du recit du Bearnais, ecrits avec ce style nerveux et pitto- resque dont il avail le secret, et ou se revele son ori?ine meridionals — 52& — Parmi les travaux historiques j'aurais du citer en premiere ligne l'histoire de Reims, par Dom Marlot, dont les dernieres livraisons viennent d'etre publiees. Ce n'est pas un leger honneur pour l'Academie que d'avoir, a son debut, abandonnee presque a ses seules ressources , termine si promptement une oeuvre de cette importance. Mais cet honneur doit rejaillir surtout sur celui de nos collegues, M. Bandeville, qui s'est consacre a cette tache avec un zele infatigable. Si par une modeslie au-dessus de tout eloge, il n'a pas voulu que son nom restat attache au monument qu'il a eleve presque seul , il m'est du moins permis de le proclamer ici, ainsi que ceux de MM. Nanquette et Maquart dont l'un a puissam- ment contribue a la publication des premiers volumes, et dont l'autre a enrichi l'histoire de Dom Marlot de nombreux dessins qui en rehaussent le prix. Parmi les autres communications relatives a l'histoire, je citerai plusieurs litres des xvie et xvne siecles qui nous ont ete adresses par M. Devismes , notre cor- respondant a Sezanne. Un memoire sur le siege de Reims en 1359, par M. Pergand de Yitry, notre correspondant, et qui destine au concours historique de l'annee derniere , nous est parvenu trop tard pour y prendre part; enfin, un me- moire lu par M. Bandeville au Congres scientifique de Reims, sur l'influence des Benedictins dans la province de Champagne. Quoique l'etude de la philosophic soit un peu de- laissee dans notre siecle , ou la litterature facile et les travaux positifs se partagent le domaine des esprits, cette science a conquis cette annee dans nos seances une place honorable. — 525 — M. de Maiziere nous a donne avec ce style concis et nerveux qui lui est habituel, une courte notice sur Ilutcheson, fondateur de la pbilosophie ecossaise, et nous attendons avec impatience un autre travail de notre ve- nerable confrere dans lequel il nous a promis de refuter l'opinion du professeur de Glascow, et d'etablir solide- ment la liberie absoluede l'boinnie dans les determinations de la volonte. Nous avons enlendu de M. Tourneur la traduction d'un exlrait de Giobertisur le yem'c philosophique. Apres l'avoir defini la facultc de decouvrir et d'exprimcr conve- nablement la verite, l'auteur enumere les differentes qualites que doit presenter le genie et il range parmi elles l'amour de la religion et de la palric. Ce fragment est tire d'un nouvel ouvrage de Giobert dont M. Tourneur et Defourny ont offert la traduction a l'Academie, et qui a pour litre: Restauration dea sciences phdosophiques on Introduction a Vetude de la philosophic. Appreciant a sa juste valeur l'imporlance de ce travail, la compagnie a nomine M. Defourny, l'un des traduc- teurs, membre correspondant. L'Academie ne pouvait rester indifferenle aux souf- frances imposees a la classe ouvriere par l'insuflisance de la derniere recolte, et plusieurs de nos seances onl porte l'empreintedes justes preoccupations du moment. Organe des sentiments les plus genereux , M. Louis Dessain nous a lu un memoire sur l'extinction de la mendicite, cette question d'une si vivante actualile et dont la solution pratique souleve malheureusement lant de difficultes et de controverses. Dans ce travail inspire par une cbaleureuse pbilan- tbropie, notre bonorable correspondant developpe un ii. 37 — ,V26 — moyen qui reunittout d'abord deux qualiles precieuscs, la nouveaute et la simplicite d'execution. Apres avoir rappele que la faim est le besoin le plus inexorable que la nature ait impose a Phomme, la loi supreme de tous les etres vivants, M. Dessain etablit que dans une societe bien organised ce besoin doit rece- voir avant tout et chez tous les homines une satisfaction complete. II propose done d'instituer des restaurants gratuils, oil quiconque se presenterait, ayant faim, recevrait immediatement et sans condition , de quoi la satisfaire. Les administrateurs, les economistes traiteront peut- etre d'utopie la proposition de notre confrere , mais ce n'en est pas moins pour nous un devoir de rendre justice aux nobles sentiments qui ont dicte ses paroles, et qui reproduits avec un accent chaleureux et convaincu, ont porte, sinon la persuasion, du moins le doute dans nos esprits. L'institution dont j'ai a vous entretenir ensuite, si elle n'atteint pas un but aussi eleve , a du moins pour elle une experience heureuse de plusieurs annees. Vous devinez qu'il s'agit de la caisse dissociation pour le traitement des maladies dans les communes rurales , etablie a Floing , pres Sedan , par un ancien babitant de Reims , M. l'abbe Migeot, et qui deja a trouve des imitateurs dans les localites voisines. L'Academie a applaudi sans reserve aux efforts heu- reux tentes par M. Migeot, dans le but d'ameliorer le sort des ouvriers des campagnes pour lesquels les mala- dies sont si souvent fatales par les defauts de soins suffisants ou les frais enormes qu'elles entrainent. Ici vient se ranger naturellement un memoire de M. le comte deCoetlogon sur les Antilles et l'emancipation — 527 — de negres, memoire dans lequel notre honorable cbr- respondant combat par le recit de ses impressions per- sonnels, les vives accusations que chaque annee les defenseurs de la classe noire adressent a nos colons. A propos d'un sujet si eloigue de nous , et si violem- ment conlroverse , vous comprendrez facilemenl Messieurs, que l'Academie n'a pu qu'ecouter a vec atten- tion les observations de notre confrere , sans prendre parti ni pour les accuses ni pour les accusateurs. . J'arrive a la legislation et pour suivre l'ordre des temps, je commencerai par le memoire de M. Mahomet Mennesson, sur le rang de la femme dans la famille romaine. Cette etude, pleine de science et d'apercus ingenieux conduit naturellement l'auteur a cette conclusion , qua chaque pas que VhommefaU vers la civilisation, la femme en fait un vers I'egalite etje vous demandela permission de vous en lire les dernieres paroles. « La femme, a dit notre code, doit obeissance a son » man. — Les dames francaises se sont bien gardees » de suivre litteralement ce precepte. Toutes ont pre- » tendu que la lettre tuait et que l'esprit viviliait , et » comme en fait d'esprit elles marchenta la tele de la » civilisation, ce texte a ete pour elles une lettre en- » tierement morte ; par un raisonnement digne du » docteur le plus subtil elles ont cru que l'obeissance ne » devait se rencontrer que la ou il n'y avail pas de com- » mandement et leur pratique a ete Implication Iogique » de leur theorie. — Nous sommes loin de les blamer » de leur interpretation un peu large dela loi, bien plus » nous la reclamerions nous-memes pour elles ; mais » nous aurons a constalcr un lout autre systeme d'in- » terpretation dans le droil romain primitif. Rome — 528 — » entendait rudement l'obeissance que la femme devait » a son mari, c'etait une obeissance toute passive, » une absorption, une negation complete de sa person - » nalite, une annibilalion de sa volonte. » Cette citation de notre honorable correspondant conlribuera sans doute a faire rendre a notre epoque, la justice qui lui est due, et a degouler de tout retour vers le passe. Eloigne de nous pendant plusieurs mois, M. Gonel a mis a profit son sejour en Italie, et nous a rap- porte une elude interessante sur l'administration et la legislation du royaume de Sardaigne. 11 a constate les traces ineffacables que nos codes ont laissees dans tous les pays que les premieres annees de ce siecle ont vus soumis a la domination de nos armes. Toutes les principautes de l'ltalie ont remanie leur legislation, sous l'influence des idees francaises, et la Sardaigne qui les devance dans cette voie, va bientot jouir d'une codilication complete et bien coordonnee. En critiquant spirituellement l'agitation incessante des mceurs constitutionnelles , les crises periodiques qu'enlraine le developpement de l'industrie, M. Gonel paraissait vouloir nous faire envier lebonheur calme, le despotisme eclaire et tolerant qui president aux destinees du nord de l'ltalie sous l'influence d'un heureux climat qui invite l'esprit et le corps au repos. Ne nous laissons pas seduire , Messieurs, par ce tableau d'un voyageur indulgent et sachons preferer les rndes epreuves de la liberie a l'existence calme et si- lencieuse qui suflit a nos voisins. Dans une seconde lecture, M. Gonel nous a donne l'analyse du code de commerce Sarde, dont plusieurs — 529 — dispositions lui ont paru dignes de fixer I'attention des jurisconsultes francais. Enfin , nous avons recu de notre regrettable confrere (M. Bonneville), l'hommage d'un ouvrage qu'il vien de publier sur les Institutons compl&mentaires du sys- teme penitentiaire et dont l'importance ne nous a pas encore permis de faire un examen suffisamment approfondi ; De M. Paul Huot, notra correspondant , dont lei adherents du congres se rappellent encore la parole cbaleureuse, deux memoires remarquables sur les cir- constances attcnuantes en matiere capitale et sur la re- habilitation des condamncs; De M. Millet, juge de paix a Liesse, notre corres- pondant, la 2e edition de son Traite du bornage; De M. Jullien, de Paris, notre correspondant, un Essai sur l'emploi du temps el line notice sur Pinsti- tution des creches; Enflu de M. Landouzy, receveur de l'enregistrement a Drone (Loir et Cher), un recueil de jurisprudence administrative. Avant de quitter les sciences morales et politiques, il me reste a mentionner les nombreuses notices de M. Rondot sur l'industrie et le commerce des pays qu'il a parcourus. Notre laborieux confrere nous a successivemeul donne une note sur la fabrication des pagnes de colon a Goree, dans laquelle se trouvent des details precis et peu connus sur le traitement du coton, les metiers a tisser et l'etat des ouvriers dans la Senegamhie; Deux notes sur les precedes de teinture employes dans le Tenasserim et Tile de Sumatra: — 530 — I n rneinoire plein d'inlcrel sur les relations de com- merce entre la Russie et la Chine; Enfin deux notes sur les mesures de longueur em- ployees en Cochinchine, et sur les moyens d'echange et monnaies en usage dans l'archipel de Soulou (Malaisie). Nous lui devons encore ainsi qu'a M. Henriot- Delamotte, d'interessanls details sur un carnet d'e- chantillons conserve a la bibliotheque de Reims et qui offre un specimen precieux de l'etal de la fabrication et de la teinture des etoffes de laines vers le milieu du xvme siecle. Mallieureusenient ce carnet ne presente aucunes mar- ques, aucuns renseignements qui permettent de lui assigner une datecerlaine, etde mieuxjuger del'indus- rie a 1 q oque on il a etc forme. Notre infatigable correspondant , M. Jobard de Bruxelles, nous a envoye plusieurs travaux economiques, dans lesquels on retrouve sa verve babituelle. On connait ?a theorie fondamentale qui consiste a assimiler la pro- priete de toutes les idees ou decouvertes, a celle des objets mobiliers ou immobiliers. Toujourssur labreche, M. Jobard developpe cbaque annee son systeme dans une serie de publications d'une lecture tres-attrayanter et qui n'ont pas ete sans influence sur le cours des idees en ce qui concerne la legislation des marques de fabrique. Si l'agriculture n'a pas ete explicitement mentionnee par nos staluts au nombre des objets dont PAcademie devait specialement s'occuper, ellen'a cependant jamais cesse d'obtenir dans nos travaux une place proportionnee a son importance, et nous avons encore a enumerer cette annee de nombreuses communications sur cette matiere. — 531 — Notre correspondant, M. Maillet, qui s'occupe avec im zele louable de tout ce qui pent contribuer au progres de la culture locale, nous a donne successivement: Un rapport sur les recherches hydroscopiques de M. l'abbe Paramelle, dont je ne vous parlerai pas, car vous avez encore present a la inemoire le rapport lu il y a un an par M. Pinon sur cette question; Un autre rapport sur les memoires presentes par M. le capitaine Boulard, secretaire du cornice agricole de la Marne, aujourd'hui notre correspondant; Une note sur l'emploi du Guano, cet engrais recem- ment importe en Europe et dans lequel d'interessantes experiences faites dans Parrondissement, ontconstatedes proprietes slimulantes tres-energiques ; Enfin un inemoire sur des moyens faciles et economi- ques de procurer de l'eau en abondance aux localites eloignees des eaux courantes. Quoique les questions relatives aux irrigations aienl eu depuis quelques annees le privilege d'occuper les esprits, leurs avantages sontloin d'etre connuset assez apprecies. Ce moyen d'augmenter la fertilite du sol n'aurait nulle part une application plus utile que dans les plaines im- menses de la Champagne , ou les cours d'eau sont si eloignes, ou rien ne vient s'opposer au dessechement fatal de la coucbe superieure du sol. La commission cbargee d'examiner le travail de M. Maillet a deja, par mon organe, decerne un juste eloge a ses efforts perseverants et desinteresses, el je suis heureux d'avoir a reproduire ses conclusions dans une plus vaste enceinte. Dans un inemoire sur le morcellement , M. de Maiziere s'appuyant sur les curieux resultals contenus dans le — 532 — recent ouvrage de M. H. Passy sur les sijstemes de culture, avail montre que la petite culture donnaif tin produit net, plus considerable que les autres, et que des lorsle fraclionnement de la propriete n'etait pas a redouter. Dans ce memoire, ecrit avec la conviction chaleureuse et la logique serree qui le distinguent toujours , M. de Maiziere n'avait peut-etre pas etabli une distinc- tion assez nette entre la division de la propriete et le morcellement proprement-dit. Cette apparente confusion a ameneune replique d'un autre denoscorrespondants, M. Ie colonel Gastebois, president du cornice agricole de Sezanne, qui a expose avec beaucoup de nettete les consequences fatales du morcellement. Charge de faire un rapport sur cette importante question, M. Derode, apres avoir rappele que la division de la propriete etait une des plus precieuses consequen- ces de notre legislation moderne et le plus puissant element d'ordre social, a prouve par une serie de renseignements statistiques relatifs a la France entiere, au departement de la Marne , et a l'arrondissement de Reims, que d'une part , « le nombre des proprietaires, » tout en suivant une progression ascendante a laquelle » on ne saurait trop applaudir, ne s'augmentait pas » neanmoins avec aulant de rapidite qu'on le croitge- » neralement ; et que de l'autre part, le morcellement » du sol prenait chaque jour des developpements qui » meritaientde fixer ['attention des economistes, » Ce morcellement qui frappe tous les regards a-t-il nui aux progres de ragriculture? En cas d'affirmative, quels seraient les moyens d'y mettre un terme ? Ces questions sont si graves et si complexes que M. Derode a du les restreindre avant d'en chercher la solution ; laissanl de cote , et toutes les cultures — 533 — speeiales, telles que la vigne, le jardinage, les forels, et 1'etude des avantages propres a la petite, a lamoyenne, et a la graade culture, notre confrere a prouve d'une maniere incontestable, d'accord avecM. Gastebois, que dans les contrees, appelees a produire les cereales et le betail, le morcellement da sol avait les inconvenients les plus graves pour l'agriculture , en conduisant a conserver la deplorable institution de la vaine pature, en enlrainant une perte de temps, de terrain etde forces considerables, et en donnant naissance a de nombreux proces. Passant a I'examen des divers moyens proposes pour porter remede a la division excessive du sol , M. Derode n'a pas cru devoir en approuver aucun a cause de leur insullisance ou des atteintes qu'ils porleraient a la liberte et au droit de propriete. II s'est borne sagement a emeltre le voeu que l'autorite, par ses conseils et par des mesures legislatives favorables aux echanges, engageat les proprielaires a entrer dans la voie des reunions, maisenmeme temps il a insiste sur ce point, que toute institution qui tendrait a diminuer le nombre des possesseurs du sol serait eminemment dangereuse et contraire au but que doit se proposer toute societe equi- tablement organisee. Je n'ai pas besoin de constaterque l'Academie toute entiere a donne son approbation sans reserves aux conclusions du rapport que je viens d'analyser si im- parfaitement, et qui est certainement une des ceuvres les plus remarquables et les plus completes que nous ayons eues a entendre cette annee. Nous avions renvoye en meme temps a I'examen de M. Derode plusieurs memoires de M. Gastebois sui- tes irrigations, le metayage el la viabilite rurale, dans — 53/t — Jesquels notre confrere a signale ties vues saines et des propositions toujours dictees par un esprit prati- que el observateur. Dans un rapport sur l'amelioration des plants do vigne en Champagne, M. de Maiziere, se plaignant de la decadence des vins rouges, s'effrayait de l'avenir serablable reserve selon lui aux vins blancs, par suite de l'introduction des cepages a grosses grappes et de 1'emploi trop abondant des fumiers. Notre ingenieux confrere proposail diverses institu- tions reformatrices pour arreter la degenerescence de ces precieux produits, mais ses craintes n'ont pas ete partagees par la commission a laquelle nous avions sou- mis l'etude de cette grave question. En presence de nos exportations toujours croissantes et des progres de la science et de l'industrie , le rap- porteur, M. Derode, a crtipouvoir proclamer, que jamais les vins de Champagne n'avaient ete superieurs a ce quite stmt aujourd'kui et qu'on devait s'en rapporter aux habiles neyociants et aux intelligent vignerons de la Champagne pour faire arrive r nos vins a toute la per- fection dont Us sont susceptibles. Le perfVctionnement et l'hygiene des animaux do- mestiques ne forment, pour ainsi dire, qu'une branche de la science agricole, et c'est ici que vient se preseuter le travail que nous a hi M. Charlier et qui a pour litre, Instruction aux cultivateurs sur les maladies du cheval et des ruminants. Ce memoire, rempli de principes sages et clairement exposes, avait paru d'un si grand interet, que plusieurs de nos confreres en avaient demande l'impression et la distribution gratuite aux cultivateurs del'arrondissement, aux frais de la compagnie. Nos usages se sont opposes r *> r" OO,) a ce que celte proposition iYil adoptee, mais l'Academie a ele heureuse de reconnaitre le merite de M. Charlier en se l'adjoignant comrae membre correspondant. M. Dubroca de Sedan , nous avait adresse un traite sur ^amelioration de la race des chevaux ardennais. Charge de faire un rapport sur cet ouvrage, M. Morlier, tout en en faisant ressortir le merite et l'utilite, y a si- gnale quelques parties faibles et quelques lacunes. Notre nouveau confrere a lermine son examen par des considerations pleines de sens sur les obligations des rapporteurs academiques, qui doivent to uj ours avoir le courage de critiquer ce qui leur parait meriler la disapprobation. Ces principes , Messieurs , ont toujours ete en vigueur parmi vous ; l'Academie de Reims n'est pas , comrae quelques esprits chagrins l'ont suppose, une societe (V admiration mutuelle, et si la critique y conserve tou- jours la moderation et l'urbanite convenables, on ne peut direqu'elle ait jamais manque aux oeuvres incom- pletes, aux opinions hasardees et irreflechies. Pour acbever cetle parlie du compte-rendu je rap- pellerai que l'Academie a recu : De M. Sellier, notre correspondant a Chalons, uu compte-rendu remarquable de la session tenueenl8i(» par le congres central d'agriculture; De M. Millet, Inspecteur des forets a Paris, notre correspondant, une note sur la culture des oseraies; De M. de Maiziere, un rapport sur les moyens pro- poses par M. Thierry, pour la regeneration de la pomme de terre; Enfin de M. le marquis de Travanet, dont le nom est si connu dans la presse agricolc, un traite elemenlaire d'agriculture. — 530 — Ici viennent se placer les sciences physiques el na- turelles, et d'abord une savante notice de M. Alluard sur le Barometre et son application aux nivellements. Le poids et les dimensions du barometre le rendent d'un emploi difficile dans les voyages , et on a cherche a le remplacer par des instruments plus portatifs et sus- ceptibles de donner avec la meme approximation le nivellement des pays que Ton parcourt. M. Alluard nous a decrit deux de ces instruments, le sijmpiezometre et le thermometre barometrique , et [je renvoie a son memoire pour des details qui ne peuvent trouver place ici a cause de leur caractere scientifique. Nous avons recu de M. Ernoult, d'Angers, un memoire qui traite des causes d'accident sur les chemins de fers, et M. deMaizierenous en a fait connaitrele merite par nn rapport consciencieux. Toutes les observations de notre correspondant sont pleines de justesse et plusieurs ont ete confirmees par l'experience des faits anterieurs. Dans son memoire M. Ernoult fait un rapprochement piquant entre la vitesse des locomotives et les plus grandes vitesses observees dans la nature. La vitesse ordinaire des convois (10 a 12 lieues a l'heure) egale celle des oiseaux , des pigeons voyageurs et des plus grands poissons ; quant a la vitesse extraordinaire que Ton a donnee a quelques convois, celle de 23 lieues 1/2 a l'heure, par exemple, avec laquelle M. le Marechal Soult a parcouru en 1841 la ligne de Liverpool a Man- chester , elle depasse celle des tempetes qui n'est que de 20 lieues. Cette comparison hyperbolique des poetes , rapide comme la tempete, se trouvedonc aujourd'hui au-dessous de la realite, ce qui prouve l'infiuence des inventions modernes sur le langage poetique. 537 M. Duqueuelle nous a communique les resultats des experiences de teinture qu'il a faites au moyen des echantillons de carthame de Chine, rapportes par M. Rondot. Ces experiences ont montre que le carlhame de Chine donne sur le colon une tres-belle nuance , inais que , comme le carthame du pays, il ne produit sur la laine qu'une couleur terne et sans eclat, ce qui ne permet pas de lui donner a Reims d'utiles applications. En bolanique M. de Belly nous afaitun rapport sur le catalogue des plantes vasculaires du departement de la Marne, recemment publie et offert a l'Academie par M. le comte de Lambertye, notre correspondant. Tout en faisant remarquer dans cet ouvrage quel- ques erreurs et quelques oublis de peu d'importance, M. de Belly a insiste sur son utilite incontestable etles precieux documents qu'il offre a toutes les personnes qui voudront s'occuper de botanique dans le depar- tement. M. Lacatte-Joltrois nous a adresse une note sur les arbres si curieux de la foret de Verzy, connus sous ie nom de faulx de St-Basle , en reponse au rapport presente le 40 septembre 1845 aux leie et 6° sections reuniesdu congres scientifique, et inserc dans le compte rendu des travaux de la xme session. M. Lacatte attaque ces deux opinions, emises bien legerement par le rapporteur; savoir que la soudure variee des branches a du etre produite par la main des homines et que le sol ferrugineux sur lequel croissent ces arbres, n'est pour rien dans lesphenomenes si curieux qu'ils presentent. Attribuant ces erreurs au peu de temps dont la commission du congres avait pu disposer, M. Lacatte sollicitait une etude plus approfondie dela question. — 538 — L'Academie ne pouvait masquer d'accueillir favora- blement cette demande et elle a charge une nouvelle commission d'examiner avec soin des faits signales par notre honorable concitoyen. Avant de quitter les sciences naturelles, jedois vous citer les nombreuses et interessantes communications que nous a faites M. Rondot, et qui secomposent d'une notice sur plusieurs plantes textiles de la Chine et sur la culture du Tchou-ma; Du catalogue de deux collections de graines de plantes potageres, reunies par lui au cap de Bonne-Esperance et a Canton, et qui ont ete conliees aux soins deshor- ticulteurs de la ville; D'un apercu geologique sur File Tchou-san ; Enfin d'une notice sur les Gambiers de la Malaisie. Comme transition naturelle des sciences physiques a la medecine je mentionnerai les experiences faites par MM. Alluard et Landouzy sur les poignards empoi- sonnes rapportes de Pile de Java par M. Rondot, et qui ont prouve que les effets de ces armes devaient s'affaiblir rapidement avec le temps et etaient loin d'egaler l'energie des poisons que prepare la science moderne. L'annee qui vient de s'ecouler sera celebre dans l'histoire des sciences par deux decouvertes qui, sous le rapport scientifique,ont euun egal retentissement, mais qui different bien aujourd'hui par l'utilite et l'etendue de leurs applications. M. Landouzy charge de rendre compte des travaux de l'lnstitut, relatifs aux sciences physiques, ne pouvait oublier le coton-poudre et Tether. Dans une premiere seance il nous a rendu temoins — 539 — de toutes les proprietes si curieuses que les matieres ligneuses acquierent par 1'immersion dans les acides, et les echos de cette salle ont retenti de detonnations inaccoutumees. Plus tard, et a plusieurs reprises, il nous a entre- tenus des remarquables effets qui resultent de l'in- halation des vapeurs delher, et qui permettent de supprimer la douleur dans la plupart des operations chirurgicales dont elle etait jusqu'a ce jour le triste et effrayant cortege. Nous avons ete heureux de voir les observations de notre savant confrere devancer souvent celle des opera- teurs de Paris et le jugement des corps savants. Ainsi, c'est M. Landouzy qui, le premier, a signale a l'Academie royale de medecine l'auginentation de la fluidite du sang par suite de l'etherisation , et les consequences pratiques qui derivent de cette circonstance pour la ligature des arteres. C'est encore lui qui, par une serie d'experiences entre- prises avec MM. Leconte et Charlier, et conmiuniquees a l'academie des sciences, a demontre le peu de fonde- ment des craintes qui avaient ete emises sur le danger de rinflammation des vapeurs etherees dans les voies respiratoires par suite de l'approche d'un corps en ignition. Notre confrere a fait hommage a la compagnie de son traite de I'llysterie qui lui a valurecenunentde l'Academie royale de medecine une eclatante distinction qu'il avait deja su meriter deux fois dans les concours de la faculte de Paris, el l'Academie toute entiere a ete liere de ce nouveau succes d'un de ses fondateurs les plus actifs et les plus devoues. Pour completer tout ce qui a rapport aux sciences — 5/jO — il me faut rappeler que FAcademie a recu de M. le docteur Remy , de Chalillon, un traite sur la vie et la mort; De M. le docteur Belhomme, notre correspondant, a Paris , un memoire sur la localisation des fonctions cerebrales et de la folie; De M. le docteur Chevillion, notre correspondant a Vitry-le-Francois, un memoire qui traite de Finnocuite des injections iodees dans le tissu cellulaire de l'homme et sur lequel M. Landouzy nous a lu un rapport favorable ; De M. Maupied, docteur es-sciences a Paris, notre correspondant, un memoire sur le deluge; De M. d'Hombres-Firmas, correspondant de l'lnslitut, a Alais, plusieurs notices de physique et de meteorologie; De M. Pergant, de Yitry, plusieurs notices de chimie , physique et agriculture; De M. Riche, a Reims, un projet de machine a essorer les etoffes de laine; Enfin de M. Lapierre, fabricant de navetles a Reims, le plan d'un projet de direction des aerostats. La commission, chargee d'examiner ce travail, a, par l'organe de M. deMaiziere, parfaitement fait res- sortir (d'apres les principes elementaires de la dyna- mique) tout cc que l'idee principale de l'auteur avait d'inexact ; mais en meme temps elle a donne de justes eloges a I'ingenieuse disposition du mecanisme au moyen duquel M. Lapierre proposait de diriger a volonte les ailes de son appareil; et sur ses propositions l'Academie decerne a M. Lapierre une mention honorable. L'appareil de M. Lapierre parait susceptible de s'appliquer a la direction des aerostats, si un jour, ce que la march e rapide des sciences permet d'esperer, on trouve sous un poids tres-petit une force motrice — 5ft 1 — assez puissantc pour donner aux aerostats line vitesse notable nonosbtant l'effort d'un vent contraire. Fatigues peut-etre par de trop longs details scienti- hques vous serez heureux d'arriver enfin a la litterature, et nous rencontrerons , en commencant , M. Robillard qui, celte annee comme toujours, a anime nos seances par plusieurs lectures dont je n'ai pas besoin de vanter ici l'elegance et le bon gout. Dans un premier travail, M. Robillard a fait la phy- siologic du feuilleton; il nous Ta montre absorbant toute la litterature contemporaine et refletanl l'esprit du siecle. « Chez les pcuples d'une civilisation avancee, il n'y » a plus de livres ; il n'y a plus que des journaux , feuilles » ephemeres qu'on lit, qu'on ecrit, qu'on publie en » courant , et qui contiennent chaque jour la matiere » d'un de ces volumes qui chez nos peres represen- » taient le travail d'une annee. » Les ouvrages meme de iongue haleine se decoupent -en livraisons pour se glisser plus facilement dans les mains des lecteurs. « L'heureux ecrivain du feuilleton, dit M. Robillard, » jouit des plaisirs de la gloire, non pas apres trente » ans comme l'auteur de Y Esprit des his, non pas » apres trois mois comme l'auteur d'/van/ioe, mais » apres quelques heures, ou tout au moins une fois » par jour. » Ce sont des gloires concues le matin, ecloses a » midi comme l'ephemere du rosier de Rernardin de j> St-Pierre ; chacune voit a peine un soleil tout entier, » mais ce soleil sera eclalant peut-elre ! on le reve ,» pur et radieux; on en aura le front illumine dans des w boudoirs d'elite, au foyer de l'opera, sous les alleeK II. 38 — 542 -- » dcsTuileries, au cabinet de lecture procbain , enfin » dans l'univers que Ton connail » Voila l'important ! que nous fait l'avenir? on ac- » cuse la revolution d'avoir detruit le passe, on se » trompe; ce que les mceurs actuelles ont detruit » surtout, c'est le lendemain » Dans une autre piece qu'il intitule simplement : Refle- xions au coin du feu, et qui, a cause de son caractere serieux, aurait peut-etre du etre classee parmi les ceuvres philosophiques , M. Robillard a parfaitement caracterise notre siecle en le justifiant des critiques injustes dont il a ete 1'objet. Deux grands orateurs, M. de Lamartine etM. l'abbe Lacordaire, l'ont appele le siecle du sensualisme. C'est la une grave erreur ; si notre siecle a quelques-uns des vices de ses devanciers , au moins prend-il soin de les cacher ; c'est un hommage rendu a la moralite publique, c'est deja un premier pas vers la vertu. Notre siecle est, avant tout, serieux, positif, calcu- latcur, comme doit etre une epoque qui, ne gardant rien du passe, a eu tout a fonder, et qui a entrepris de resoudre ce probleme immense, inconnu aux autres generations , de trouver le repos dans la liberte. « C'est une tentative fort serieuse , dit notre confrere ; » mais faites done qu'elle soit entree dans la tete d'une » generation de sensualistes et de libertins ! » Nous avons encore entendu de M. Robillard une notice sur Boursault, ce bel esprit du 17° siecle, dont leslaurierstragiques, si oublies aujourd'bui, blesserenl l'ame sensible de Racine , mais qui a obtenu dans la comedie des succes moins contestes par la posterite. Boursault qui, a 15 ans ne parlait que le patois de sa province, avait beaucoup d'esprit naturel et, ce qui — 5/|3 — vaut mieux encore, une noblesse de sentiments et de precedes qui doivent proteger sa memoire. Par une modestie bien rare et qui avait pour motif rinsufllsance de ses etudes classiques il refusa la place de precepteur du dauphin et un fauteuil a l'Academie franchise. Attaque par Boileau dans ses premieres satires, il s'en vengea par des bienfaits qui desarmerent l'apre critique. On est hcureux , Messieurs , en etudiant un poete oublie de trouver un ecrivain modeste et un homme de coeur, car ce sont la des qualiles auxquelles ni la mode , ni le temps ne peuvent rien oter de leur prix. M. Pinon nous a donne une longue et interessante notice sur la vie et les ceuvres d'Eustache Descbamps , poete cbampenois du xive siecle. S'appuyant sur les arguments devcloppes d'une ma- niere si heureuse par M. Paulin Paris dans les premieres seances du congres scientifique, M. Pinon revendique pour la Champagne la gloire d'avoir produitles premiers fondateurs de l'idiome national. Eustache Deschamps, venu apres eux, est ne a Vertus; contemporain de Charles d'Orleans et de Christine de Pisan, il parait a notre confrere superieur a ces deux poetes dont la renommee a cependant eclipse la sienne. Les citations nombreuses et varices que M. Pinon nous a fait entendre, nous ont pleinement confirmes dans cette opinion et nous ont montre dans le poete champenois, tantot une verve satirique pleinc dehar- diesse et d'originalite , tantot des sentiments patrioti- ques exprimes dans un langage noble et touchant qu'inspiraient les desastrcs de Crecy el de Poitiers, el les funestes triomphes des Anglais. — 5M — Tout le monde connait le roman de Manzoni , les Fiances, celte interessante histoirc de la domination espagnole en Lombardie au xvir siecle, au milieu de laquelle apparait le sombre tableau de la peste qui desola l'ltalie a cette epoque. M. Ernest Arnould nous a donne une curieuse no- tice sur Manzoni et l'analyse d'un de ses ouvrages, pres- que inconnu en France et dont il a termine la traduction, I' Histoirc dela Colonneinfdme. C'est le recit d'un des proces qui suivirent l'invasion de la peste a Milan , proces odieux , diriges par le besoin aveugle de trouver des coupables a livrer aux passions egarees de la multitude qui , comme dans toutes les circonstances semblables , attribuait la contagion a des empoisonnemenls et a des malefices. Le travail deM. Arnould est un chaleureux plaidoyer en faveur de l'bumanite et de la justice contre l'egare- ment et la cruaute d'une epoque ou la torture etait le seul moyen d'arriver a la decouverte de la verite. Dans une Excursion aux Monts de Champagne , M. Maquart nous a decril en peintre l'aspecl triste et desole que presente encore une partie de la province et qui lui a valu nn si vilain surnom. Deja cependant, les perfectionnements de l'agricul- ture, l'ouverture des routes et des cbemins , les plan- tations d'arbres resineux ont commence a modifier profondement l'aspect du pays , et dans un siecle , grace aux progresde l'industrie et de larichessepublique, la description de notre confrere paraitra une fable a nos petits-fils, lorsque, suivant l'itineraire qu'il a indi- que, ils trouveront, au lieu du desert ingrat qu'il a decrit, de vastes pleines couvertes de ricbes moissons, jalonnees par de nombreux villages et bordees de tous cotes par des bois vigoureux. — 545 — M. Max. Sutaine qui a cntrepris de faire la biog«P» phie des artistes remois, a continue son oeuvre, cetle annee , en nous lisant une notice sur Jean Helart , peintre remois du xvne siecle. Quoiqu'il ait ete l'ami du peintre Lebrun et de La- fontaine , qui en a fait, dit-on , le heros d'un de ses contes , la celebrite de Jean Helart a franchi a peine les murs de la cite qui l'avait vu naitre ; mais les eglises de Reims possedent-elles de nombreux tableaux de cet artiste dont l'oeuvre !a plus remarquable est la peinture de la chapelle el de la galerie historique du chateau d'Etoges. M. Sutaine a signale chez Helart un coloris plein de chaleur et uneadresse d'executionsouvent ties heureuse, surtout dans ses figures de femmes qui sont presque toutes cbarmantes et finement rendues. M. Monnot-des-Angles, charge d'examiner la gram- maire raisonnee de la langue lalinc presentee a l'Aca- demie par M. Prompsault, nous a lu un rapport tres- favorable sur cet ouvrage dans lequel on trouve Perudition la plus etendue et dc trcs-curieuses recherches j)hiloIogiques ; conformementa ses conclusions, la com- pagnie a place le nom de M. Promj)sault sur la lisle de ses correspondants. Je crains, Messieurs, d'avoir trop abuse de voire patience et cependant je nc puis omettre les charmants ecrits par lesquels M. Ron. lot nous a communique ses impressions de voyages. Dans une Excursion a Vile de Pou-Tou, M. Rondol nous a deroule lecurieux tableau duculte deBouddha, qui fait consisler la supreme felicite dans un etal (Fin- difference et d'indolence parfaites. Vnc promenade dans Canton nous a fait penetrerdans — 5/i6 — les parties les plus secretes de la grande ville chinoise; les boutiques, les maisons particulieres, les ateliers se sont ouverls devant nous et nous avons suivi avec details les procedes de fabrication de la laque que l'in- duslrie europeenne n'imite encore que d'une maniere imparfaite. Dans une Promenade a la fete de San-Pedro pres Manille, M. Rondot nous a montre" un coin de celle societe si curieuse, composee des races les plus diverses et les plusbostiles, sur lesquels l'Espagne maintient sa domination depuis trois siecles a l'aide des institutions les plus liberates et de la plus genereuse politique. L'organisation de la propriete et du travail est reglee* sur ce point si recule du globe, par un systeme d'asso- ciation qui a devance de plus de deux cents ans les idees de Fourier et qui revele chez les Espagnols le genie special de la colonisation. Enfin, dans une Petite Note sur les cheveuoc, les petits pieds et les yeux a la chinoise, notre confrere nous a prouve que les graves occupations de la mission com- merciale dont il s'est si bien acquitte , ne l'avaient pas empecbe d'accorder aux dames du Celeste-Empire toute l'altention dont elles sont dignes. Avant de passer a la poesie qui doit clore cette longue revue , je dois mentionner deux ouvrages qui nous ont etc adresses par nos correspondanls , les Elements de grammaire generate, par M. Perron, professeur a la facul- te des lettres de Besancon , et VEssai sur la formation et le developpement du langage des hommes, par M. Azais, dc Beziers. Nous avons recuaussideM. Lacalte-Joltrois une No- tice sur M. Povillon-Pierrard, dans laquelle les nombreux travaux dc cet infatigable ecrivain, qui fut l'un denos — 5/i7 — correspondanls , sont peut-elre apprecics avec un pcu de severite. Noire confrere, M. Jules Perreau, continue avec une louable perseverance la traduction $ Hamlet, et justihe ains iles encouragements que 1'Academie avait donnes aux premieres parties de son travail. Son exemple parait avoir enlraine un autre de nos compatrioles qui a adresse a 1'Academie un fragment d'une traduction en vers de la tragedie de Richard III, fragment dans lequel nous avons remarque de meme que dans Y Hamlet, une reproduction tidele de l'auteur anglais et une versification pleine de concision et d'energie. Dans notresiecle aux ides positives, la poesiedevienl chose si rare que nous aurions ete heureux de saluer ici le nom du nouveau poete, mais ce nom n'a pas encore franchi un cercle etroit d'amis et nous est reste inconnu. M. Eug. Courmeaux qui a servi d'interprete aux vers d' Hamlet et de Richard I 11, a fait preceder sa lecture d'une courte mais vive appreciation de celte derniere tragedie, l'un des drames les plus vastes de Shakespeare et dont Casimir Delavigne s'est heureusement inspire dans une de ses ceuvres les plus touchantes , les Enfanfs d'Edouard. Malgre ce que je vous disais de la rarete des poetes , les vers n'ont pas fait defaut a nos seances, et nous avons entendu successivement de M. Wagner, donl I'ahsence momenlanee est si regreltee aujourd'hui, deux fables, I'Abeille et la Fourmi, la Primevere et le Souci , et deux conies d'un gout tres delicat, le Reefsteak et le Plum-pudding', DeM. Monnol-des-Angles, une Imitation de Calulle ; — 548 — DeM. Failly, notrc correspondant a Lyon, une Piece tie poesie legere, traduite de Gessner; De M. d'Aubanel, notre correspondant a Fere, une piece de vers, toate remplie de pensees sages et judicieu- sement exprimees, Les devoirs dumedecin. EnGn M. Pinon nous a donne lecture de deux pieces, eomposees a Naples par M. Galis peu de jours avantsa mort , et qui ont reveille les regrets que sa perte avait fait naitre parmi nous. Independamment des pieces qui ont pu etre lues dans nos seances FAcademie a recu plusieurs ouvrages poeti- ques de ses correspondants. Nous devons a M. Clerc, de Luxeuil, les Stations poetiques de V artiste clrretien en Italic ; A M. Mafngeart de Valenciennes, une tres-remarqua- ble Traduction de la tragedie de Merope par Maffei ; A M. H. Tampucci, un volume de poesies; A M. Lepine, de Renwez, la Mission de la Cloche; Et a M. Jullien, de Paris, un discours prononce par lui a la derniere seanee du Congres scientifique de Genes. Ici se termine veritablement le compte-rendu de nos travaux, mais puis-je omettre deux precieuxtemoignages de sympathie que l'Academie vient de recevoir ? M. Pernot, notre correspondant, voulant qu'il reste dans ce palais un souvenir de celle qui au xve siecle y porta d'une main si ferme l'etendard de la France , nous adresse aujourd'hui, pour orner la salle de nos seances ordinaires, un tableau peint parlui et represen- tant la maison ou naquit Jeanne d'Arc a Domremy. II y a quelqnes jours, M. Louis-Lucas nous avait annonce qu'un de nos conciloycns, couvrant ses ge- nereuses inspirations du voile de 1'anonymc , oflraU — 549 — a 1'Academie de fonder pendant une periode de dix ans un prix destine a encjurager l'etude des arts et de l'archeologie. Admirateur passionne de cette sublime basilique qui fait l'ornement et la gloire de notre cite, le donateura concu l'heureuse pensee d'en faire produire une rao- nographie complete, et chaque annee 1'Academie decer- nera en son nom une medaille d'or de 200 francs a la meilleure description d'une partie de la cathedrale de Reims. Esperons que ce noble appel sera entendu , et que ce magnilique monument, sorti avec son admirable unite des mains des artistes du xmc siecle , trouvera de nos Jours des historiens dignes de lui. Avant de quitter cette place que j'ai trop long-temps occupee, il me faut encore vous parler des changements que cette annee a amenes dans nos rangs. L'Academie a vu s'eloigner successivement , M. L. Paris, un des fondateurs etl'une des lumieres de notre section d'histoire et d'archeologie ; M. Alluard qui , a peine entre dans la compagnie , nous avait donne d'importants travaux ; M. Bonneville qui, deux fois, avait ete place a noire t6te, et qui justifiait si bien cet bonneur par un zele infatigable pour les interets de 1'Academie; Enfin M. GeoffroydeYilleneuve dont les eonnaissances variees nous etaient si utiles pour l'etude de toutes les questions qui se rattacbent a 1 agriculture. Pourquoi faut-il que nous ayons a deplorer aujour- d'hui la mort prematuree d'un de nos correspondants , M. Boulian, professeur de rbetorique au college royal de Reims, mort il y a quelques jours a Troyes, qui laisse parmises collegues etseseleves d'unanimes regrets et sur lequel 1'Academie foudait de si legitimes esperances. — 550 — Non contents de remplir les vides queces pertes lais- saient parmi nous, nous avons pu , profitant tie la faculte que nous accordait l'ordonnance royale du lSdecembre dernier, et toulen reservantdes places aux talents avenir, nous avons pu , dis-je , ouvrir nos rangs a de nouveaux confreres qui siegent deja au milieu de nous, etdontle zele pour la science et les lumieres viendront nous aider puissamment dans raccomplissement de la tache que nous nous sommes imposee. Apres avoir parcouru avec moi le resume bien im- parfait de nos seances , vous reconnaitrez , je l'espere , que, fidele a la pensee de ses fondateurs, l'Academie n'a pas cesse de travailler , dans la limite de ses forces , au developpement des sciences et des lettres et d'offrir un encouragement a tous les travaux utiles. Chaque annee, par une action insensible, augmente son influence et dissipe les preventions que toute ins- titution nouvelle ne peut manquer de soulever autour d'elle. L'Academie, qui a inscrit le progres dans sa devise, n'a recule devant aucun genre de publicite , et cbaque jour elle fait appel a la critique, sure de la trouver toujours grave et impartiale. En nous accordant le titre A'Etablissement d'utilite publique, le gouvernement a donne une solennelle ap- probation a nos premiers efforts, et nous a ouvert une nouvelle voie dans laquelle la sympathie de nos conci- toyens et le bienveillant appui des magistrals de l'ar- rondissementet de la cite continueront a nous soutenir. Sans cesser de favoriser l'etude des lettres, des sciences et des arts , l'Academie de Reims dirigera spe- cialement une partie de ses travaux et de ses encou- ragements vers les objets d'utilite pratique , et bien des — 551 — espritsserieux, des bommes d'application qui, par unc crainte que nous ne pouvonsapprouver, ont jusqu'a ce jour reculc devant l'idee de faire partie d'une societe cxclusivement scientifique et lilteraire, n'auront plus a l'avenir aucun pretexte pour s'isoler de nous. Dans cette grande ville ou l'esprit d'association re- pond si bien a toutes les idees genereuses , qui pourrait aujourd'hui meconnaitre que l'intelligence a aussi ses besoins, et refuser son concours a une institution qui a pour but de donner un aliment et une satisfaction, bien modestes il est vrai, mais neanmoins reels et efficaces, a ces idees de progres intellectuel qui sont la loi de tous les ages , et une des necessites les plus imperieuses de notre temps ! — 552 — de l'industrie manufactumehe. LOWELL, HH. M. LEon FAUCHER. L'industrie manufacturiere en Europe presente, dans les circonstances qui en ont marque le developpemenl depuis soixante ans, des phases semblables a celles qui signalerenl la naissance et le progres des agregalions urbaines aux moyen-age. C'est des deux cotes, la raeme absence de plan et le meme desordre; la vie se forme et rayonne un peu au hasard , la force est exuberante , mais elle se distribue inegalement dans l'espace. Voyez nos villes principales. Elles ne furent d'abord que ce que sont encore aujourd'hui les villages, les bourgs ruraux de rAllemagne , quelques maisons en- tourees d'une muraille et d'un fosse. Derriere celte enceinte defensive qui les protegeait contre I'ennemi exterieur, les habitants erigerent d'abord I'eglise, la cathedrale, osuvre non pas des annees mais des siecles, a laquelle contribuerent les aumones, les jeunes, les corvees et surlout les elans de la foi. Yint ensuite la construction de l'hotel de ville et du beffroi, symboles de la puissance municipale. Plus tard s'eleverent les palais des nobles, les hotels des corporations et les maisons sculptees des riches marchands. Le menu peuple, toujours oublie , vegeta dans les rues tortUeuses, ou au fond des cours infectes, sans air ni lumiere, heureux de voir encore ati-dessous de lui les parias de celte hierarchie sociale, les juifs relegucs dans un quarlier special et relranchedu monde, dans le ghetto. Au sein d'un tel chaos, l'ordrc ne pouvait etre que partiel et no — 553 — penelrait que par degres. II fallut nn siecle pouramencr la formation de la garde bourgeoise: un autre, pour deter- miner quelques mesures de salubrite. On n'a commence a paver Paris que sous le regne de Philippe-Auguste ; l'e- clairage regulier de la ville ne date que de M. de Sartines. C'est Napoleon qui lui a donne de l'eau ; c'est la revolution de juillet qui a complete le reseau de ses innombrables egouts. Aujourd'bui encore et malgre une depense de plusieurs millions consacresannuellementacetobjet, on ne prevoit pas l'epoque ou pourra etre eclaircie et assainie cette foret de maisons entassees dans les bas quartiers, dont les habitants vegetent depuis leur premier jour, pour mourir avant l'age. Dans nos vieilles cites , le sol semble avoir gagne tout ce que I'liomme a perdu : le terrain se vend au poids de Tor, et Ton fait litiere de la vie bumaine. Dans les manufactures, le progres a ete infiniment plus rapide, mais tout aussi peu regulier. L'industrie, echelonnee d'abord le long des cours d'eau, s'est bienlot concentree et massee dans lesvilles, abandonnant pour la vapeur le moteur hydraulique. Les cages des ma- chines et les batimens destines aux ateliers ont souvent ete construits, sans aucun egard aux regies qu'exigeaient la securite et l'hygiene. On a reuni les femmes avec les hommes, sans songer aux consequences facheuses qui pouvaient en resulter pour la morale publique. On a admis les enfants dans les ateliers , et Ton a enerve ainsi , en l'excedant de travail, la generation qui etaitl'espoir du pays. Les ouvriers se pressant autour des manufac- tures, sans ordre ni prevoyance, ces agglomerations sont devenues des cloaques immondes, d'ou s'echap- paicntlesexhalaisons de la misere et du vice. Aucun lien d'affection ne venant cimenter les interets communs au maitre et a 1'ouvrier , les querelles eclatent entre eux , — 55/i — ou tout au moins lcs causes de dissenliment se mulli- plient. Pour completer l'analogie, l'industrie manufac- turiere, dans toutes les contrees, a debute par se retrancher derriere le rempart des prohibitions ou des tarifs protecteurs. Elle aussi, avant de s'organiser, avait songe a se defendre. Les desordres, que je signale, ne sont qu'un acci- dent de croissance. II ne se peut pas que l'industrie, qui nous apporte la richesse et qui accomplit les des- tinees de rhomme, en le rendant maitre de la matiere ainsi que des forces physiques, demeure une cause normale de souffrance et d'immoralite. Nous sommes evidemment dans une periode de transition; et les dou- leurs que la societe eprouve sont celles de l'enfan- tement. L'industrie a de la peine a percer la croute du vieux monde; elle ne se fraie, qu'avec de grands dechi- rements, une place, et la premiere place, dans un ordre social ou toutes les positions etaient occupees; elle fait sa trouee a coups de canon , et au prix de quelques desastres. Mais deja les irrregularites de la vegetation indus- trielle commencent a seredresser; le pouvoir inter- vient avec sa force reparatrice. On assujetit les manufactures a certaines precautions de salubrite. On rend des lois pour limiter la duree du travail, auquel les enfants sont soumis. Les caisses d'epargne et les institutions de prevoyance font luire un rayon d'espoir sur la condition des ouvriers. L'education devient la preoccupation de notre epoque ; les chefs de la societe comprennent qu'ils ont des devoirs de prevoyance et de tutelle a remplir envers les classes qui sont assises sur les degres inferieurs de l'echelle. Ce que nous esperons , ce que nous attendons en Eu- rope, est deja a peu pres accompli, a l'autre bord de — 555 — I'occan. La, une societe nouvelle, placee en face du desert, libre de ses allures et n'ayant recu aucun legs du passe, marche sans obstacle vers l'avenir qui lui est promis. L'Induslrie peut la petrir et la mouler a sa guise ; elle y peut importer de toutes pieces et implanter sans transition les procedes qui sont ailleurs l'ceuvre lente de l'homme et du temps. Dans une contree oil les villes naissent, grandissent et se consti- tuent en quelques annees, le travail manufacturier ne saurait compter ses ages par siecles. Le vieux monde a produit, en soixante ans , Manchester avec ses trois cent mille habitants et ses deux cents usines , mais aussi avec lamisere, l'ivrognerie, la prostitution et le racbitisme , cortege hideux et en quelque sorte neces- sairede cette etonnantesplendeur. Le nouveau monde a enfanle Lowell en quinze annees , Lowell, c'est-a-dire, l'activite sans desordre, l'aisance des travailleurs, et la regularite des mceurs a cote de la richesse. L'indus- irie a realise la une merveille que des observateurs tres-competens , M. Michel Chevalier, Miss Martineau et Charles Dickens out admiree, a diverses epoques de sa croissance, etqu'il peut etre utile de decrire, aujour- d'hui que cet etat social semble avoir atteint son point de maturite. La ville manufacturiere de Lowell est situee au con- fluent du Merrimack et du Concord, dans l'etat de Massachusetts a dix lieues de Boston. Avant de de- venir le siege d'une florissante industrie , ce lieu servait de rendez - vous a la tribu, desormais, oubliee des Pawtucket. Le Merrimack arrete dans son cours par une barriere de rochers , y retombe d'une hauteur de trente-cinq pieds; et la chute porte encore le nom des sauvages qui avaient etabli leur quartier gendral entre les deux rivieres. — 556 — Plus tard, l'exploitation des vastes forets qui cou- vraient les bords du Merrimack , et la peche du saumon qui abondait dans ces parages, y altirerent une sorte de colonie industrielle. Le Merrimack fut mis en communi- cation avec le Concord par un canal qui, derivantses eaux au-dessus de la chute , servait a transporter les bois jusqu'au port de Newbury. En 1804- un nouveau canal, celui de Middlesex , ayant joint le Merrimack au port de Boston et supplantant le canal de Pawtucket (lochs and falls), on songea a utiliser la force motrice que celui-ci pouvait fournir. Des scieries, des moulins a poudre et raeme une filature construite en bois dans les proportions les plus modestes, s'eleverent sur ses bords. En 1820, cette petite colonie portait le nom de Chelmsford (Est) et renfermait deux a trois cents habitants. Voyonsmaintenant comment s'opera la transformation du hameau en village, du village en ville et de la ville en cite. En 1822, des speculateurs de Waltham , qui avaient compris les avantages de cette position industrielle, fonderent , pour l'exploiter, la compagnie ou corporation de Merrimack. La compagnie acheta le canal de Pawtucket, l'agrandit jusqu'a lui donner unelargeurde soixante pieds et une profondeur de huit pieds, et en deriva une chute qui devait faire mouvoir une immense manufacture. Mais une seule usine ne pouvait pas em- ployer toute la force motrice du courant, force qui representait , meme dans les eaux basses , plus de six mille chevaux. En 1825, la legislature du Massachusetts fit revivre l'ancienne compagnie du canal, qui fut autorisee a le racheter et a distribuer la force motrice, moyennant une redevance annuelle, entre les diverses usines, et qui devint ainsi le regulateur de 557 lindnstrie locale. A cette fonction dejk si importante , la compagnie en joignit bientol une autre qui en elait la consequence directe; ellc entreprit la construction des machines, et etablit une fonderie ainsi qu'une forge ou elle occupe anjourd'hui 500 ouvriers. Lowell a done obtenu des l'origine ce qui a manque a la plupart des villes manufacliirieres, un centre de mouvement et d'action. La compagnie du canal four- nissant a chaque industrie le moteur, p'ouvant fabriquer les machines, et formant les mecaniciens ainsi que les principaux ouvriers, on n'avait plus qu'a apporter les capitaux pour organiser la ruche induslrielle. Les capitaux abondaienl a Boston ; et de la , ces associations puissantes qui ont cree el peuple Lowell, de 1825 a 1840. Dans les autres foyers de travail, la manufacture vient s'implanter, comme elle pent, au milieu des habitations et des homines ; ici , 1'agglomeration a com- mence par la manufacture qui a servi de point de ralliement aux habitations el aux hommes, comme au- trefois les villages naissaient a l'ombre des manoirs seigneuriaux. Autant de manufactures a Lowell, autant de quartiers : chaque quartier est comme une ville distincte, une colonic Enfermee entre deux rivieres et bornee par un grand canal d'ou descendent plusieurs canaux secondaires, la cile manufacturiere se trouvc comme Venise au milieu des eaux. Mais deja la po- pulation deborde ces limites, elle va s'etendre le long de la riviere Concord dont elle remonte le cours, et passe le Merrimack pour former un quartier neuf sill- ies coleaux qui dominent le fleuve. Avant 1822, Lowell n'avait pas de service regulier de voitures publiques. En 1825, s'ouvrait, pres des chutes, la premiere hotellerie digne de ce nom. La meme annee la compagnie de Merrimack terminait et II. 39 — 558 — consacrait au culle un temple en pierre. Au mois de mars 1826 , le bourg comptait deux mille cinq cents habitants, se voyait erige en ville, etprenaille nom deM. Lowell, fondateur de l'industrie cotonniere aux Etats-Unis. En 4828, la banque de Lowell s'etablit avec un capital de 100,000 dollars; trois ans plus tard, le credit re- cevait une nouvelle et puissante impulsion de la crea- tion d'une seconde banque (Railroad-bank) au capital de 800,000 dollars (4,576,000 francs ). L'holel de ville fut inaugure en 1850. Les annees qui suivirent furent consacrees au developpement de la pensee reli- gieuse : chaque secte edifia son eglise; chaque croyance arbora sa banniere. Apres les eglises, les ecoles. En 1855, Fassociation des ouvriers ouvrait son club, auquel etaient annexees une bibliotheque et des salles de lecture. La classe moyenne ne resta pas en arriere de ce mouvement ; des l'annee 1856 Lowell comptait sept journaux. On songea aussi a l'instruction des enfants ; les ecoles primaires qui existaient deja , s'aggrandirent, et Ton fonda deux ecoles, deslinees a un enseignemenl superieur (Grammar schools). La richesse s'accumulant, une caisse d'epargnes fut ouverte ; quinze ans plus tard , elle comptait deja 2,000 deposants , et avait recti plusde 11 millions de francs. Avec les progres de la richesse viennent, cote a cote, ceuxdela pauvrete. Lowell eutbientot son bureau de bien- faisance (alms house), auquel on attacha une ferine pour occuper les indigents valides. En 1855, apres avoir vu se completer le systeme de ses institutions par la fondation d'une banque, par la construction d'un hotel de ville, de plusieurs temples, d'ecoles, et de nombreux etablisse- mentsd'instructionpublique,enfin, par la creation d'une caisse d'epargnes et d'une bibliotheque, Lowell fut dotee d'un chemin de fer a deux voies qui l'unit a — 559 — ftoston, et qui mil la ville industrielle a une heure (41 kilometres) de distance du port de raer. Lowell, qui coniptait a peine 16,000 habitants, se placa des lors bien en avant de l'Anglelerre qui etait reduite encore au chemin defer de Manchester a Liverpool, etsurtoul bien en avant dela France qui n'avait pas meme ouvert a cette epoque le chemin do fer de Paris a Si-Germain. Aujourd'hui, Lowell est aussi bien parlagc qu'une capitale, et voit pcnetrer dans son enceinte deux voies de fer, qui partem l'une du sud et I'autre du nord. Une bourgade,nce d'hier,n'a rien a envier a Manchester, a Rouen, ni a Bruxelles. Avant cette periode de son existence, on pouvait considerer Lowell comme une sorte de camp industriel, ou se pressait une population a peu pres nomade' Vers 1855, la ville commence a fixer les atfachements et les interets; elle a deja des reglements, elle aura bienlot des institutions. Les habitants vont se trou- ver places entre le berceau de leurs enfants et le tombeau de leurs peres. Les liens de la famille s'etendent , la tradition se forme, l'esprit local se developpe , la ville prend rang parmi les cites. Depuis que Lowell est dote d'un gouvernement muni, cipal , les ameliorations se succedent. Des trottoirs" et des egouts ont ete construits. On a eclaire les rues qui demeuraient auparavant, pendant la nuit plongees dans une obscurite profonde. En 1857' on a inaugure un marche couvert, batiment qui renferme aussi les tribunaux de comte et de police. En 1858 a ete ouverte la prison cellulaire, et l'hopital en 1859? La ville peutmaintenant punir ses malfaiteurset soigner ses malades. Les pares, les squares, ces jardins in_ terieurs, qui sont comme les poumons par lesquels respirent les grandes cites de l'Anglelerre et de 1'Ecosso — 560 — manquent encore a Lowell. Mais la ville a fait 1'ac- quisition de deux vastes espaces que Ton peut convertir en promenades. Lowell possede aussi un cimetiere plante de bosquets delicieux; et Ton sait que lescime- tieres sont les promenades favorites des habitants dans les villes americaines. En 1845, la population de Lowell atteignait lechiffrc de 50,000 ames (1). Un tiers de ce nombre se compose d'ouvriers employes dans les manufactures ou dans les ateliers de construction. En Angleterre, on le sait, les grandes industries ducoton; de la laine et de la soie, occupent plus de femmes que d'hommes, 519,000 en 1846, sur 515,000 ouvriers. A Lowell, la proportion est encore plus forte; on compte, sur 9 a 10,000 ouvriers, plus de 6,000 femmes ou jeunes fdles. Tout ce monde est reparti entre 55 manufactures, sans parler des ateliers de teinture et d'impression. Les compagnies ont construit, pour leurs ouvriers, 550 maisons, ou ceux-ci trouvent, a un prix modere , quand ils ne vivent pas avec leurs fa- milies, une nourriture saine et un logement commode. Le capital enfoui dans ces etablissements ne repre- sente pas moins de 65 millions de francs. II en sort chaque annee 9 a 10 millions de francs, sous forme de salaires ; et Ton cvalue a une somme egale les benefices annuels de 1'industrie. Quant aux produits, Lowell fabrique environ 70 millions de metres de tissus, de quoi envelopper deux fois le globe terrestre. Cette fa- brication, constamment progressive, n'a pas eprouve de ralentissement ni de temps d'arret ; malgre les crises periodiques qui ont desole les Etats-Unis, aucune maison a Lowell n'a eprouve de gene; aucune faillite n'a embarrasse de ses ruines, dans un pays ou les (1) Lowell, as it was and as it is. — 561 — faillitcs sonl si communes, le mouvement loujours as- cendant de celte merveilleuse prosperite. En regard de l'activite imprimee au travail, veut-on connaitre ce qu'ont fait le zele religieux et le gout de l'instruction? II existe a Lowell vingl-trois societes ou congregations religieuses qui ont erige vingl-une eglises ou chapelles. Ces associations, principalement com- posees d'ouvriers, contribuent , avec une grande libe- ralite, a des fondations pieuses; elles fondent, par exemple, des bibliolbeques dans cbaque paroisse, el enlretiennent des ecoles du dimanchc, que frequentent plus de six mille enfanls ou jeunes gens. La ville est d'ailleurs aussi ricbement pourvue, sous le rapport de l'instruction, que pourrait l'etre une ville universilaire en Europe. Elle renferme un institut, une bihliotbeque communale, une sorte de faculle des lettres et des sciences , buit ecoles du degre superieur et trente eco- les primaires. Les ecoles superieures recoivent quinze cents eleves; et les ecoles primaires deux mille enfants. Ce n'est pas encore la proportion de l'Etat de New- York, oil sur deux millions et demi d'babitants, sept cent mille enfants, depuis Page de cinq ans jusqu'a l'age de seize ans, frequentent assiduement les ecoles. Mais le con- tinent europeen offre peu de resullats aussi remarqua- bles, meme dans les conlrees oil ('instruction est le plus generalement repandue. De grands desordres onldii signaler, dans I'antiquile, la fondalion des villes ; car les fondateurs n'y apparais- sent qu'entoures d'une aureole sanglante, et la mytho- logie, tant sacree que profane, les reprcsente comme des bandits ou des meurtriers. Consullez la bible , e'est la race maudite de Cain qui invente les associations urbaines, et avec ces societes les sciences et les arts. Ouvrez I'histoire romaine : Romulus tue son propire — 562 — frere, pour lomber lui-meme un pen plus lard sous les coups cle ses compagnons d'armes. La guerre, le pillage, l'enlevement des femmes, voila quels furent les premiers actes de cette republique qui devaitdonner des lois a l'occident et a l'orient. Des desordres d'un autre genre, mais non moins graves, accompagnent aujourd'hui les progres de la puissance manufacturiere. Les enfants sont atteles au travail, avant 1'age de la raison et de la force; on les enerve, on les abrutit, et Ton desseche dans sa fieur le germe des generations futures. La famille se dissout , et avec la famille la moralite. L'ivrognerie, la prostitution et le vol aug- mented; la mortalile s'accroit dans une effrayante pro- portion. On opere a Manchester 1-4 a 15,000 arresta- tions par annee. De 1836 a 1842, l'accroissement des debts, qui avait ete de 50 pour 100 dans le reste de l'Angleterre, s'elevait a 100 pour 100 dans les dis- tricts manufacturers. En Angleterre, la mortalite qui est de 1 sur 55 habitants dans les campagnes, atteint le chiffre de 1 sur 58 dans les villes, de 1 sur 36 a Leeds, de 1 sur 52 a Sheffield de 1 sur 50 aGlascow, et de 1 sur 29 a Manchester. Les agglomerations in- dustrielles presententdes resultats analogues en France, en Prusse et en Belgique. Ce qui prouve que ces desordres, qui font hontea notre epoque, ne sont pas la consequence necessaire des progres des manufactures, c'est que Ton n'en trouve pas jusqu'a present la moindre trace a Lowell. II meurt aujourd'hui a Lowell un habitant sur 57, ce qui accuse une longevite plus grande non seulement que celle de la population urbaine, mais encore que celle de la population rurale des iles Britanniques ; quant aux autres villes du Massachusetts, elles ne sembtenl — 563 — pas etre placees dans ties conditions aussi favorables que Lowell. On coinpte en effet 1 deces sur 41 habi- tants a Providence, 1 sur 54 a Salem, et 1 sur 52 a Worcester. Les medecins de Lowell vont meme jusqu'a pretendre ( mais il y aurait de la temerite a legarantir ), que les ouvrieres des manufactures jouissent d'une meil- leure sante que le reste de la popnlation (1). Quant a la moralite, elle est vraimentexceptionnelle; lesmceurs a Lowell ont la rigidite de la vie monaslique. C'est une societe d'elite, pour laquelle lamisere etle vicenesem- blent pas faits. On a deja pu remarquer en Angleterre et en France que les ouvriers des manufactures isolees etaient gene- lement mieux portants , plus moraux et plus heureux que ceux quis'attachaient aux ateliers agglomeres danslesvil- les. L'industrie a Lowell a conserve le caractere distinc- tifde la manufacture rurale, c'est-a-dire , l'independance et l'isolement. Chaque etablissement forme en quel- que sorte unmonde a part, et qui se sullit a lui-meme. En voici I'organisation qui est invariablemenl la meme pour tous. Dans la Grande-Bretague, il n'y a pas de proprietes sans clotures. Enclore un champ signilie le defricher, le mettre en culture, selon l'usage et selon la loi. Les compagnies industrielles a Lowell ont adopte le meme principe. Chatjue manufacture est enfermee dans une enceinte qui en protege les batiments el qui en isole la population. Les filatures ou usines, dont le nornbre varie de deux a cinq , s'elevent le long de la riviere ou du canal qui fournit la force motiice: en regard et de l'autre cole de la cour, sont rangees a la file des maisons a trois elages qu'occupent les ouvriers (1) « The manufacturing population of this city are the healthicsf por- tion of the population. " (Lowell as it is.) — 56/t — de l'elablissenient. Entre les usines el les logemeuls des ouvriers, sont places les magasins, le comptoir el l'appartement du surintendant. En face et a l'autre extremite dela cour, on a etabli les ateliers de repara- tion. II faut passer par te comptoir pour penetrer dans l'etablissement, en sorte que la surveillance est incessante et facile. On comprendra l'imporlance de ces vastes aggregations de travail humain et de capitaux, quand on saura qu'il est une compagnie, fondee sur un capital de onze millions de francs, qui reunit dans la meme enceinte cinq iilatures, comptant 41,600 bro- ches, 1,500 metiers mecaniques a tisser, des ateliers d'impression et de teinture, 155 maisons garnies, 1,250 femmes ou jeunes fdles, et 550 bommes; au total 1,800 ouvriers. Le surintendant, qui est a la fois la tete et le bras d« la corporation, a sous ses ordres un surveillant qui preside aux rapports de l'etablissement avec l'exterieur, un surveillant de nuit qui repond de la surele interieure, et dans cbaque atelier, aux beures du travail, un sur- veillant auquel la direction en est confice. Les sur- veillants ou contre-maitres des ateliers sont deshommes maries , que Ton choisit parmi les mecaniciens ou les ouvriers les plus intelligents et les plus experimented, parmi ceux qui joignent a une moralite reconnue une grande force de caractere; ils forment la partie sedentaire de la population. Une manufacture en compte sou- vent quarante a cinquante. Leur traitement est de deux dollars par jour (environ 11 fr. ), sans compter les gra- tifications annuelles. Aussi plusieurs d'entre eux, apres quinze ou vingt ans de service, jouissent d'une bonnete aisance, et parvicnnent aux fonctions repre- sentatives, soit dans la cite soit dans Petal. Les compagnies veillenl, avec le plus grand soin, a Pordre airisi qua la sahibrite des ateliers , el leur lulelle suit la population ouvriere hors de P enceinte, au-dela du travail. Les reglements sont tres-severes ; ils font partie du contrat que chaque ouvrier souscrit et qui le protege. On n'est admis qu'en s'engageant au moms pour une annee. Les ouvriers ne peuvent pas s'ab- senter sans Pautorisation du surveillant ; ils sont tenus de resider dans Petablissement et d'en observer la regie qui s'elend au.v plus petits details de la vie, conime celle d'un monastere; on exige raeme qu'ils assistent, te dimanclie au service divin (1). (1) Voici le texte du reglement qui est affiche dans les ateliers de la compagnie de Merrimack. • Tout surveillant doit etre ponctuel dans I'exercice de ses devoirs, et exiger la meme ponctualite de ceux qui se trouvent places sous ses ordres. * Les surveillants peuvent , sous leur responsabilite, accorder des con- ges aux ouvriers qu'ils dirigent, pourvu qu'ils aient un noinbre suflisant de suppleants dans l'atelier. Dans le cas conlraire , il faut une necessity absolue pour justifier le conge. » Toute personne est tenue d'observer le reglement de l'atelier dans le- quel clle est employee ; on ne doit pas quitter le travail sans l'aulorisatiou du surveillant , excepte en cas de maladie ; mais dans ce cas , on doit ecrire au surveillant pour expliquer la cause de l'absence. > Toute personne est tenue de resider dans une des maisons garnies qui appartiennent a la compagnie , et de se conformer a la regie de la maison oil elle reside. » Toute personne est tenue d'assister regulierement au service divin, dans une des eglises ou chapelles oil le culte religieux est etabli. » Toute personne qui refuserait d'observer le reglement ci-dessus, ne sera pas employee par les compagnies. » Toute personne qui voudrait quitter les ateliers de la compagnie, doit faire connaitre son intention au surveillant , quinze jours au moins avant de se retirer. » Ouiconque prendra , dans les ateliers on dans la cour, des fils , des tissus on toute autre matiere appartenant a la compagnie, sera considere comme ooupable devol , et traduil en consequence devant les tribunaux, — 566 — Mais, quelle que soit la severite des reglements ii Lowell, celle de l'opinion publique est encore plus grande. Un ouvrier soupconne d'infldelite ne pourrait obtenir d'emploi dans aucun etablissement. Une jeune lille, qui s'ecarterait du droit chemin, serait montree au doigt et abandonnee de ses compagnes. Ajoutez qu'une ouvriere, qui n'a pas obtenu, en quittant Lowell, un temoignage honorable des chefs qui l'occupaient, trouve difficilement a s'employer ailleurs. Un cerli- licat emane de quelques compagnies manufacturieres devient un veritable diplome de moralite et meme dintelligence. Tout refus de le delivrer est un arret , non de mort mais d'exil. La victime expiatoire n'a plus qu'a aller retremper sa vie dans le desert : car elle a cesse de compter parmi les pionniers de la puissance industrielle. Dans les villes de l'Europe, les maladies et les vices de la classe laborieuse tienuenl peut-etre moins encore a 1'etat des ateliers, qu'a l'encombrement immoral et insalubre des habitations. C'est parce qu'une famille d'ouvriers a Manchester, a Glascow, a Liverpool, a Lille et a Rouen est le plus souvent parquee pele- mele dans une piece qui n'a pas souvent 5 metres carres, que les enfants naissent faibles ou scrofuleux, que la force du corps ne peut pas se developper, et que toute pudeur s'etiole. A Lowell, la bonne disciplinedesmaisons garnies ne contribue pas moins a enlretenir la moralite d'une population en quelque sorte nomade, que l'ordre severe qui regne dans les ateliers. ■> Le reglement ci-dessus est considere comme faisant partie du contrat souscrit par toutes les personnes qui entrent au service de la compagnie; i|uiconque l'aura observe aura droit , en quittant les ateliers, a un certilicat eonvenable qui lui servira de recommandation dans toutes les manufactures de Lowell; quiconque aura enfreint le reglement n'aura pas droit i\ ectto attestation. » — 567 — Les compagnies nc font pas une speculation en offrant ii Ieurs ouvriers des logements commodes. Les maisons, <|ue chacune d'elles construit, represented un capital considerable, exigent des reparations frequentes, et sont louees a un prix tres-modere. Les facilites et les avantages, qu'elles donnent ainsi aux ouvriers, sont un veritable supplement de salaire. Les compagnies n'ad- mettent , en qualite de locataires principaux , que des personnes d'une moralite eprouvee. On separeles hom- ines des femmes ; chaque sexe a son quartier, et dans chaque quartier, il y a autant de pensionnats que de maisons. Le logement et la nourriture se paient en moyenne 6 fr. 80 cent, pour une femme, et pour un hoinme 9 fr. 50 cent, par semaine. En retour des avantages qu'elles font a leurs loca- taires, les compagnies leur imposeut certains devoirs qui les erigent en fonctionnaires industriels. lis ne doi- vent heberger aucune personne etrangere a l'etablisse- ment, sans une automation speciale; ils ne peuvent tolerer ni desordres ni inconvenance. Les portes de chaque maison doivent etre fermees a dixheures du soir. A la premiere requisition , il faut que la personne qui tient la maison indique le nombre, donne les noms, et fasse connaitre le genre d'occupation de ses pension- naires, qu'elle rende compte deleurconduite, et declare s'ils frequentent ou non assidiiment les temples, a l'heure du service divin. On choisit generalement des veuves pour tenir les pensions qui recoivent des jeunes fdles, et pour rem- placer a leur egard la surveillance maternelle. Dans chaque maison , le rez-de-chaussee renferme la salle a manger commune, la cuisine et quelquefois un salon oil les jeunes lilies sc reunissent el se cotisent quelquefois — 568 — pour avoir un piano. Les elages superieurs soul distri- butes en chambres, dans cbacune desquelles on place de deux a cinq lits. La nourriture, sans etre recbercbee , est substanlielle. Mais on n'accorde qu'un intervalle d'une demi-heure pour le dejeuner et aulant pour le diner, ce qui n'est pas un repos suffisant pour couper une journee de travail, qui dure douze beures a douze beures et deraie. « J'arrivai, ditCb. Dickens, a la premiere manufac- ture au moment ou l'heure du diner venait d'expirer , et ou les jeunes fdles allaient reprendre leur ouvrage. Leurs rangs presses couvraient l'escalier de la filature : elles etaient toutes bien vetues, mais sans luxe, et se faisaient remarquer par une extreme proprete; elles portaient des cbapeaux commodes, des manteaux ou des schalls tres-chauds, et ne dedaignaient pas les claques ni les socques. On leur reserve dans les ateliers des armoires oil elles peuvent deposer tous ces accessoires de la toilette , ainsi que de l'eau en abondance pour laver les souillures du travail. Elles paraissaient jouir d'une bonne sante, etavaientles manieres de jeunes femmes bien elevees. « Dans les ateliers ou elles travaillent, on remarquait le meme ordre que stir leurs personnes. Des plantes grim- pantes en ombrageaient les fenetres. Je n'apercus pas un seul visage qui me laissat une impression penible ; je n'y vis pas une seule jeune bile pour laquelle, en admel- lant la necessite de travailler de ses mains pour vivre j'eusse preiere un autre genre d'occupation. » Ce tableau est vrai; mais pour comprendre la supe- riorite de cettepopulation, ilnefaut pas oublierque le tra- vail manufacturier n'est pour ellesqu'uneoccupationtem- poraire. Les jeunes ouvrieres de Lowell appartiennent ge- — 569 — neralement a des families de fermiers on dc proprietaires peu aises. Elles quittent, pendant quatre ou cinq ans, la maison palernelle, tantot pour venir au secours de leurs parents, tantot pour amasser une dot qui serve a les ctablir. En quatre ans, elles peuvent epargner ai- sement quatre a cinq cents dollars (1). Ayant deja reour en activcr eldevelopper les progres. — 617 — ECONOMIE AGRICOLE ET INDUSTRIELLE. Determiner l'etendue et la profondeur des gisements tourbeux du bassin de la Vesle, les proprietes chimiques et notamment l'intensite calorique el la puissance fecon- dante de leurs produits. Indiquer les modes d'extraction et d'emploi actuelle- ment pratiques; les perfectionnements dont ils sont susceptibles dans l'interet de la production et dans celui de la consommation agricole, industrielle et domestique. Completer le travail par des renseignements compa- ratifs sur la \aleur des produits des tourbieres d'autres localites, notamment des tourbieres du bassin de la Somme, et de celles des marais de S-Gond (arrondis- sement d'Epernay ) , et sur les modes d'extraction et d'emploi que l'experience a consacres dans ces localites. ARCHEOLOGIE. MONOGRAPHIE DE LA CATHEDRALE DE REIMS. (Prix fonde par un anonyme. ) lre ANNEE. Un de nos concitoyens a offert a I'Academie de fonder, pourdix annees consecutives , un prix qui serait decerne chaque annee , en seance publique, a l'auteurde la meilleure description d'une partie de la cathedrale de Reims. Pour se conformer aux intentions du fondateur, I'Academie mettra successi- venient au concours , pendant cette periode , la description de toutes les parties de la basilique : elle propose aujourd'hui la question suivante : Decrire les parties accessoires de la cathedrale de Reims , comme les chapelles , les autels , les fonts baptismaux, lejube, le labyrinthe, la rouelle, les beni- tiers, les tombeaux. — 618 — Les concurrents devront : 1° Dire ce qu'etaient autrefois, ce que sont aujourd'hui les chapelles de la cathedrale, sous quelles invocations elles etaient dediees, comment elles etaient desservies ; indiquer l'emplacement, la forme, le titre de celles qui n'existent plus. 2« Rappeler la forme, la matiere, l'ornementation des autels, des fonts baptismaux, des benitiers, qui ont ete places a differentes epoques dans la cathedrale ; la date de 1'erection et de la destruction de ces divers monuments. 3* Decrire le jube , le labyrinthe , la rouelle , en rappeler l'origine et la suppression. \» Signaler les personnages qui ont ete inhumes dans l'eglise , decrire les pierres tumulaires, relever les inscriptions, rechercher celles qui ont disparu. 5» Donner les dessins exacts de toutes les parties qui pourront gtre dessinees. Les prix consistent en une medaille d'or de la valeur de 200 francs, pour chacune des questiom. Ces medailles seront decernees dans laprochaine seance publique de I'Academie, dans le courant du mois de Mai 48£8. Les auteurs ne devantpas se faire connaitrc, inscriront leurnom et lew adresse dans un billet cachete, sur lequel sera repetee Vepigraphe de leur manuscrit. Les memoir es devront etre adresses (franco) a M. le secretaire-general de VAcademie, avant le 45 Mars 4848, terme de rigueur. VAcademie distribuera, en outre, des medailles d' en- couragement aux auteurs des travaux quelle jugera dignes de recompenses ; les personnes qui croiraient avoir droit a cette distinction, devront envoyer lews litres au secretariat avant le 15 Mars i848. Le President de VAcademie, Le Secretaire-general, H. LANDOUZY. TARBE DE S'-HARDOUIN. REIMS, — p. HEGNIER, IMPRIMEUR DE L ACADEMIE. TABLEAU J)ES MEMBRES COMPOSANT LACADEMIE DE REIMS xv 27 mai 1817. President d'honneur. Mgr Cousset (0. W), archeveque de Reims. Bureau pour Vannee 4846-4847. President , Vice-President, Secretaire-general , Secretaire-archiviste , Trcsorier, Membres du conseil d' administration. Mgr Gousset (0. &). MM. Landouzy, Tarbe de St-Hardoiun. Garcet. Saubinet. !Maquart. CONTANT. Derode. Bureau pour Vannee 4847-1848. President, MM. Landouzy. Vice-President , Secretaire-general , Secretaire-archiviste , Tresorier, Membres du conseil d' administration . Bandeville. Tarbe de St-Hardown, Garcet. Saubinet. Gontant. E. Derode. Henriot. 63 — 620 — Membres d'honneur. MM. Villemain (G. 0. 3!i), pair de France , membre de l'Academie franchise et de celle des inscriptions et belles-lettres, ancien ministre de l'lnstruction publique. Cunin-Gridaine (G. 0. $?), ministre de l'Agriculture et du Commerce, depute des Ardennes. Salvandy (comte de) (G. C. ti), membre de l'Aca- demie franchise , ministre de l'lnstruction publique, depute du Gers. Membres titulaires. MM. Gousset (0. $), archeveque de Reims. Ruinart de Brimont (le vicomte) (O. HI) , ancien depute , ancien maire de Reims. Saubinet, naturaliste , membre de la Societe d'a- griculture de la Marne. Robillard, juge destruction. Bandeville, chanoine honoraire, aumonierdu col- lege royal. Bouche de Sorbon , juge suppleant au tribunal civil. Fanart (L.), directeur du conservatoire de musique. Nanquette, cure de Saint-Maurice, chanoine ho- noraire. Brunette, architecte de la ville. Contant (Th.), notaire , licencie en droit. Landouzy (H.), correspondant de l'Academie royale de medecine. — m\ — MM. Wagner , liomme de lettres. Querry, vicaire-general du diocese. Garcet, professeur de mathematiques speciales an college royal , ofiicier de l'Universite. Derode (E.), avocat, membre du conseil municipal. Gobet, avoue* , membre du conseil municipal. Lecojnte, secretaire du cornice agricole. Sutaine (M.), administrateur de la Sociele des amis des arts , membre du comite communal destruc- tion. Tarbe de St-Hardouin, ingenieur des ponts et chaussees. Maquart (J. J.J, secretaire du Comite d'archeolpgie et de la Societe des amis des arts. Carteret (f&), maire de Reims. Duquenelle , pharmacien. Monnot des Angles , professeur emerrte , officier de l'Universite. Louis-Lucas, notaire, membre du Comite d'archeo- logie. Soilly ($), proviseur du college royal, ofiicier de l'Universite. Gonel (E.), avocat , membre du bureau de bienfai- sance et du comite communal d'instruction. Clicquot (F.-L.), homme de lettres. Courmeaux (E.), conservateur dela bibliotheque. Guillemin, professeur d'histoire au college royal. Pinon (F.), homme de lettres. Aubriot, reeeveur de 1'administration des hospices. Tourneur, professeur de rhetorique au petit semi- naire. Arnould (Ernest), avocat, membre du comite com- munal d'instruction. Gosset , arcbitecte. Henriot (F.), membre de la cbambre de commerce. — 622 — Payen (s&), ingenieur en chef des ponts et chaussees. Dubois, procureur du roi. Alexandre , substitut du procureur du roi. Mortieb. des Noyers , lieutenant commandant la gendarmerie de l'arrondissement. Paris (H.), avocat. Midoc (L.-H.), grefiier du tribunal de commerce. Membres honor aires. MM. Tarbe (P.), correspondant du ministere de l Instruc- tion publique, a Paris. Vincens de Gourgas , inspecteur de l'Academie de Lyon. Fleuby (H.), redacteur en chef de l'Ardennais, a Sedan (Ardennes). Belin-Delaunay, professeur d'histoire dansles col- leges royaux. Maille-Leblanc , ancien president du tribunal de commerce de Reims. Gilbert de Savigny (®), directeur de l'ecole de medecine, a Reims. Debode-Geruzez (♦) , membre du conseil general de la Marne , a Reims. Herbe , peintre , professeur a l'ecole superieure , a Reims. Hubebt (E.), avocat a la cour royale, a Paris. Belly (de), proprietaire a Beaurieux (Aisne). Raba , cure de Notre-Dame , a Reims. Paris (L.)(«), correspondant du ministere de l'lns- truction publique, rue des Ecuries-d'Artois, 12, a Paris. — 623 — MM. Bonneville ($), procuretir du roi , a Versailles. Ceoffroy de Villeneuve, proprietaireaChartreuve (Aisne). Membres correspondants . MM. Alluard, professeur de physique au college royal de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dome). Anot de Maiziere, professeur de rhetorique au college royal de Versailles, officier de l'Universite Arnoulu (Ed.), membre du Cornice agricole, a Toussicourt, pros Reims. Arrivabene (comte) (^), economiste , a Bruxelles. Aubert , cure de Saint-Remi , a Reims. AzAi's ($), membre de la Societe archeologique , a Beziers (Herault). Azaola (don Inigo Conzales de) ($), ancieri gou- verneur de Tondo, botaniste aManille (Philippines). Balestier (J.), consul des Etats-Unis,a Singapore (Malaisie). Ballin, directeur du mont-de-piete , a Rouen. Bally (*&), ancien president de l'Academie royale de medecine, a Villeneuve-le-Roi (Yonne). Barbey , notaire , membre du cooseil darrondisse- ment de Beims, a Fismes (Marne). Barthelfmy (A.) , conseiller de prefecture , a Saint-Brieuc (Cotes du Nord). Barthelemy , chanoine honoraire de Beims, vicaire a Saint-Denis du S'-Sacrement, rue S'-Louis-au- Marais, a Paris. Bazin (^), directeur de la colonie agricole, au Mesnil-Saint-Firmin (Oise). Belhomme ($i) , docteur en medecine, rue Cha- ronnc, 163 , ii Paris. — &2k — MM. Berger dp, Xivrey ($), membre de 1 Academie des inscriptions et belles-lettres , rue Saint-Germain- des-Pres, 15, a Paris. BERTRAND,juge an tribunal civil, a Troyes (Aube). Blanc, vicaire-general de Reims, rue Neuve-Ste- Genevieve, 12, a Paris. Bonjour (Casimir) ($) , conservateur de la biblio- theque Sainte-Genevieve , a Paris. Bonneville (F.) ($), ancien essayeur de la banquc de France y rue des Moulins , 14, a Paris. Borgnet , proviseur du college royal de Tour*. Bouillevaux , cure de Cerizieres (Haute-Marne). Boulard (Q) , secretaire du bureau central du cornice agricole de la Marne, a Cbalons-sur- Marne. Boulloche ($), conseiller a la cour royale , rue de Li)le , 3 , a Paris. Bourdonne , directeur de l'ecole primaire superieure, a Reims. Bourgeois-Thierry, membre dn conseil general de la Marne , a Suippes (Marne). Bourgain , juge de paix , a Sedan (Ardennes). Brissaud t prof esseur d'histoire au college royal de Reims. Bussieres (Broqeard de) ($z), ancien offlcier du genie, depute de la Marne, rue Greflulhe, 7 r a Paris. Buvignier , geologue , membre de la Societe philo- mathique , a Verdun (Meuse). Carette (0. $*), ancien offlcier superieur du genie , rue de Bagneux , 7 , a Paris. Garette ($z), capitaine du genie, membre de la commission scientiflque de l'Algerie. <',arette, avocat au conseil d'etat et a la cour de cassation , rue des Grands-Augustins , 5 , a Paris. — 625 — MM. Carteret , avocat a la cour royale, rue de 1'Arbre- Sec, 22, a Paris. Caton, cure-doyen de Craonne (Aisne). Caumont (de) (0. $), correspondant de l'Institut , a Caen. Cayx (0. vg) , inspecteur-general de l'Universite , administrateur de la bibliotheque de l'Arsenal , a Paris. Chaix-d'est-Ange (0. $), ancien depute de la Mame, avocat a la cour royale, boulevard Poissonniere , 23 , a Paris. Charlier, membre correspondant de la Societe" cen- trale de medecine veterinaire , a Reims. Charpentier , instituteur, a Reims. Chaurry de Troncenord (baron) ($), conseiller a la cour royale de Paris , membre du conseil general de la Mame , rue Jacob , 48. Chevallier ($) , membre de l'Academie royale de medecine , professeur a l'ecole de pharmacie , quai Saint-Michel, 25, a Paris. Chevillion , docteur en medecine , a Vitry-le- Frangois(Marne). Clement (P.), homme de lettres, rue de Miromenil , 30 , a Paris. Clerc, professeur de rhetorique au seminaire de Luxeuil (Haute-Saone). Cochard , fabricant de produits chimiques, a Reims. Coetlogon (comte Em. de), proprietaire a Cheret , pres Laon (Aisne). Coetlosquet (comte du) ($), membre de l'Academie royale de Metz, a Metz. Coilot , membre du Cornice agricole , a Reims. Comte (Ach.) (*ff), chef du bureau des Societes sa- vantes, au ministere de l'lnstruction publique , ii Paris. — G'26 — MM. Gussy (vicomte de) (t&), membre de 1 Academic royale de Caen , a Saint-Mande (Seine). Dagonet ($), docteur en medecine , a Chalons- sur-Marne. Danton $&}> inspecteur de I'Academie de Paris. DAUDvrLLE , (Ch.) membre de la Societe academique de Saint-Quentin (Aisne). Defourny , cure de Brognon, (Ardennes). Delafos9e fffi), professeur a la Faculte des sciences1 de Paris , rue d'Enfer , 47. Demilly , veterinaire de l'arrondissement de Reims. Dems (#) , membre de la Societe royale des Anti- quaires de France, a Commercy (Meuse). Derode (A.), ancien officier de marine , sous-chef a la direction des travaux publics , en Algerie. Desrousseaux de Medrano, manufacturier, membre du conseil general des Ardennes , a Charleville. Dessain-Perin , homme de lettres, a Cumieres (Marne). Didron (#t), secretaire du Comite historique des arts et monuments , rue d'Ulm , 1 , a Paris. Mouet , ancien professeur de l'Universite, a Reims. Durroca , veterinaire , a Sedan. Duchesne (A.), numismate, a Reims. Dufour , conservateur du musee , a Amiens. Duheme , docteur en medecine, a Douai. Dupuit ($), ingenieur en chef des pontset chaussees, a Angers-. Durand (H ), architecte, rue Coquenard, 31, a Paris. Dutemple , membre de la Societe geologique de France , maire de Pierry (Marne). Duval , docteur en medecine , a Epernay. Ernoult (Ch.), homme de lettres, Angecs. — 627 — MM. Estrayer-Cabassole , chanoine , ii Chalons (MarneJ. Failly , inspecteur des douanes , a Lyon. Farochon , sculpteur , rue d'Enfer, 76, a Paris. Faucher (Leon) , depute de la Marne , rue de Ti- voli, 22 , a Paris. Feuillet , juge de paix , rue des Trois-Maries , 12, a Lyon. Fossti d'Arcosse , membre du Comite archeolo- gique, a Soissons (Aisne). Foucher (J.-N.) , proprietaire a Mareuil-sur-Ay (Marne). Fourmer, cure, a Rethel (Ardennes). Frignez , docteur es-sciences , boulevard Bonne- Nouvelle , impasse Cendrier , a Paris. Gainet , cure a Cormontreuil (Marne). Gallois (Etienne) , bibliothecaire-adjoint de la chambre des Pairs , a Paris. Garinet, conseiller de prefecture, a Chalons-sur- Marne. Gastebois (0. $), lieutenant-colonel en retraite , a Lachy, pres Sezanne (Marne). Gauthier ($) , architecte , membre de l'Academie royale des beaux-arts , rue des Bons-Enfants , 28, a Paris. Gayot (E.), avocat , secretaire de la Societe acade- mique de 1'Aube , a Troyes. Gelis , chirurgien a l'hopital militaire de Sedan. Gerente (H.), peintre-verrier , quai d'Anjou, 13, a Paris. Geruzez (Eug.) ($r), professeur a la Faculte des lettres , rue de Vaugirard , 72 , a Paris. Godinot , membre du conseil d'arrondissement de Reims, a Chatillon-sur-Marne (Marne). Goguel , membre de plusicurs Socieles savantes , rue Sainte-Elisabetli , 27, a Strasbourg. — 628 — MM. Goulet-Collet , ingenieur hydraulicien , a Reims. Gouniot-Damedor , professeur de rhetorique au college de Blois (Loir-et-Cher). Mgr. Gros ($), eveque de Versailles. MM. Grosjean , pharmacien a Fismes (Marne). Grosselin , redacteur a la Chambre des Deputes , rue du Paon-Saint-Andre , 1 , a Paris. Hardy {%), professeur agrege a la Faculte de mede- cine , rue Gadet, 19, a Paris. Hedde (Isid.) ($?), delegue de l'industrie serigene , attache a l'ambassade de France en Chine , a Saint-Etienne. Hemart (baron), ancien officier, membre du conseil d'arrondissement de Reims, a Ay (Marne). Hombres-Firmas (baron d' ) ($?) , docteur es-sciences, correspondant de l'lnstitut, a Alais (Gard). Hubert (J.), professeur de philosophic au college de Charleville (Ardennes). Hvjot (P.) , conservateur-adjoint de la bibliotheque , a Versailles. Husson ($), membre de l'Academie royale de mede- cine, au college royal Louis-le-Grand, a Paris. Jarry de Mancy (W), professeur a l'ecole des beaux- arts, rue Cassette, 5, a Paris. Jobard {-&) , directeur du musee de l'iudustrie , a Bru\elles. Jolibois (E.), professeur d'histoire au college de Colmar (Haut-Rhin)» Joppe , conservateur de la bibliotheque, a Chalons- sur-Marne. Jourdain-Sainte-Foi , homme de lettres , a Doue (Maine et Loire). Jubinal (A.) (&) homme de lettres , rue Taranne, 16, ii Paris. — 629 — MM. .Iulien (Slan.) ($), membre de I'Academie des Ins- criptions et belles lettres , professeur de langue et de litterature chinoises au college de France , place de l'Estrapade, 34, a Paris. Jullien ($?), homme de lettres, rue du Rocher-d'An- tin, 23 bis, a Paris KoziEitowsKi, architecte, membre du Comite d'ar- cheologie, a Paris. Ladeveze (comte de), maire d'Orbais (Marne). Lair (US), secretaire perpetuel de laSociete d'agricul- ture et de commerce, a Caen. Lambertye (comte de) , proprietaire , a Chaltrait (Marne). Lererthais, peintre graveur, a Lisbonne. Lebrun , directeur de l'ecole des arts et metiers , a Chalons (Marne). Lejeune , professeur au college royal de Reims , officier de l'Universite. Leleu d'Aubilly, membre du conseil general de la Marne, a Aubilly (Marne). Lelievre, ancien censeur du college royal de Reims, a Fumay (Ardennes). Lepine, jurisconsulte, a Renwez ( Ardennes). Leboux, docteur en medecine, a Corbeny (Aisne). Lesure, docteur en medecine, a Attigny (Ardennes). Levesque de Pouilly ($), ancien depute , a Arcy- Ponsart (Marne). Licourt , docteur en medecine , a Chatillon-sur- Marne (Marne). Lienard, peintre, membre du Comite d'archeologie, a Cbalons- sur-Marne. Loisson (de) (%&), ancien depute de la Marne , a Pierry (Marne). Loison , homme de lettres, quai Bourbon, 35, a Paris, Louis ($!), medecin en chef des epidemies de la Seine, rue de Mcnars, 8 , a Paris. — 630 — MM. Maillefer de Corribert, proprietaire, rue Saint- Guillaume, 27, a Paris. Maillet, membre du cornice agricole, a Reims. Maiziere (de) , ancien professeur de l'Universite , a Reims. Mangeart , avocat a Valenciennes. Mareuse (V.), avocat a la cour royale d'Amiens, rue Bleue , 4 , a Paris. Marolles (Quatresols de) , procureur du roi , a Vitry-le-Francois (Marne). Marinet ($), ingenieur en chef des ponts et chaussees, a Chateau-Thierry (Aisne). Mathieu, avocat a la cour royale, rue Richelieu , 29, a Paris. Maupassant, professeur de philosophic au college de Chalons-sur-Marne, officier de l'Universite. Maupied , professeur a la Faculte de theologie de Paris, rue St-Dominique d'Enfer, 20, a Paris. Mauvais (cf?), membre de l'Academie des sciences et du Bureau des longitudes, a l'Observatoire royal , a Paris. Mellet (comte de), proprietaire, a Chaltrait (Marne). Mennesson (M.), docteur en droit, a Laon. Merode (comte de) (0. %), ministre d'efat, a Bruxelles. Melgy,, docteur en medecine , a Rethel (Ardennes). Michelin (H.) {Wj, conseiller a la cour des comptes, membre de la Societe geologique de France , rue Saint-Guillaume , 20, a Paris. Migeot, cure-doyen de Signy-le-Petit (Ardennes). Millet, juge de paix de Sissonne, ii Liesse (Aisne) . Millet, inspecteur des forets , sous-chef a l'adnii- nistration des forets , a Paris. — 631 — MM. Monmerque(0. ®), membre de 1'Acad^mie des ins- criptions et belles-lettres, rue Saint-Louis, 39, au Marais, a Paris. Morel, professeur de rhetorique au college de Niort. Mozer , medecin, a Verzy (Marne). MiJcHBACH, professeur de litterature allemande , a Reims. Nicot (0. m), recteur de l'Academie de Nimes. Nisard (Desire) ($), professeur au college de France, chef de division au ministere de llnstruction pu- blique, a Paris. Nitot, maire d'Ay, membre du conseil general de la Marne. Ozanneaux (0. *), inspecteur-general de l'Universite, quai Bourbon, 53, a Paris. Ozeray , archiviste paleographe , a Bouillon (Bel- gique). PAPPE(Ludwig), docteur enmedecine, au Cap de Bonne-Esperance. Paris, notaire a Epernay. Paris (Paulin) (»), membre de l'Academie des ins- criptions et belles-lettres, conservateur- adjoint de la bibliotheque royale, a Paris. Pauffin (Cheri), ancien juge , sous-chef au minis- tere de la Justice, rue Racine, 13, a Paris. Pergant , membre du cornice agricole , a Vitry-le- FranQois (Marne). Perin (A.), peintre, rue Saint-Lazare, 11, a Paris. Pernot («), peintre , membre du Comite des arts et monuments, rue St.-Hyacinthe-St.-Honore , 7, a Paris : Perreau (Jules), homme de lettres , a Reims. Perier (E.), membre de la Societe academique de Chalons-sur-Marne. — 632 — MM. Perron , professeur a la Faculte des lettros de Besanc,on. Perrottet ($), directeur du jardin du roi, a Pon- dichery (Inde franchise). Pierret , docteur en theologie , vicaire de Notre- Dame de Reims. Pingret , graveur , rue Guenegaud , 5 , a Paris. Pinteville-Cernon (de), president du Cornice agri- cole de la Marne, a Cernon (Marne). Poisson (0. $), sous-prefet , a Vouziers (Ardennes). Polonceau ($), ancien recteur de l'Universite , rue Neuve-des-Petits-Champs , 77 , a Paris. Ponsinet , juge-de-paix , a la Ferte-Aleps (Seine- et-Oise) . Pr£gnon , cure a Torcy (Ardennes) . Prin ($), docteur en medecine, a Chalons-sur-Marne. Prompsault , aumonier de la maison royale des Quinze-Vingts , a Paris. Rafn (Christ.) ($), secretaire de la Societe royale des Antiquaires du Nord , a Copenhague. Rattier ($), professeur de philosophic au college royal de Reims. Raulin ($), maitre desrequetes au conseil -d'etat, rue Neuve-des-Mathurins , 35 , a Paris. Richelet, conservateur de la bibliotheque , au Mans. Robert (Ch.) (®), ancien ele\e de l'ecole poly- technique, sous-intendant militaire, a Metz. Robillard (C), directeur-medecin du lazaret de Cette (Bouches-du-Rhone). Roism (baron de) (®), proprietaire , a Bonn (Prusse- Rhenane), — ou rue Franchise , 38 , a Lille. Rondot (NatalisJ (#), delegue en Chine pour les in- dustries des laines et des soies , membre de la so- ciete asiatique , rue Montholon , 24 , a Paris. — 633 — MM. Roucher-d'Aubanel, docteur en medecine, a Fere- en-Tardenois (Aisne). Rouit, directeur de l'ecole normale primaire, a Laon. Rousseau , docteur en medecine , a Epernay. Royer (E- dej, substitut du procureur-general pres la cour Royale , rue Saint-Renoit , 18 , a Paris. Royer -Coll ard (P.) (®) , doyen de la Faculte de droit , a Paris. Ruinart de Rbimont (Ed.), membre de la Societe geologique de France, rue Cassette, a Paris. Salle , docteur en medecine , a Chalons-sur-Marne. Sauvage (®), ingenieur des mines , a Metz. Sauville (Guillaume de), conseiller de prefecture , a Mezieres. Say (H.) ($), membre du conseil-general de la Seine et de la chambre de commerce de Paris , rue Rleue, 13 , a Paris. Sellier , secretaire de la Societe d'agriculture , membre du conseil-general de la Marne , a Chalons-sur-Marne. . Seure , docteur en medecine , a Suippes (Marne). Suckau , professeur d'allemand au college royal de Saint-Louis , rue Saint-Hyacinthe-Saint-Michel , a Paris. Sury , cure a Loivre (Marne). Sylvestre (@), homme de lettres , place Relle- chasse, a Paris. Tampucci (H.), chef de bureau a la prefecture de la Marne , a Chalons-sur-Marne. Teste d'Ouet , homme de lettres , correspondant du ministere de l'lnstruction publique, rue Rourg- l'Abbe , 7 , a Paris. Thierion de Monclin (J.) , maire a Nanteuil (Ardennes). — 034 — MM. Thierry (E. de), ancien oflicier de cavalerie, rue du Faubourg-du-Roule , 68 , a Paris , — et a Fismes (Marne) . Tirman, docteur en medecine , a Mezieres. Travanet (marquis de) (@), agronome, membre du conseil general du Cher, a Bourges. Varin (©), conservateur de la bibliotheque de l'Ar- senal , a Paris. Velly, fabricant de produits chhniques, a Reims. Viancin , membre de l'Academie de Besancon. Villeminot, ingenieur mecanicien , membre de la chambre de commerce de Reims. Vincent, inspecteur des ecoles primaires de Metz. Violette , homme de lettres , a Mary-sur-Marne (Seine-et-Marne). Vionnois, juge au tribunal civil , a Montpellier. Vismes (de) (♦), ancien prefet, a Sezanne (Marne). Voilemier, docteur en medecine, a Senlis (Oise). Vro'i'l (Jules Heriot de) membre de la Societe des economistes, a Reims. Weiss (*), correspondant de l'lnstitut, conservateur de la bibliotheque , a Besangon. Wilmet, cure a Montherme (ArdennesN. Wint (Paul de), homme de lettres, rue Neuve-Sam- son, 2 , a Paris. Wyld (James) , membre de la Societe geologique de France, a Epernay. Yvan (^), docteur en medecine, medecin de l'ambas- sade de France en Chine , professeur d'histoire naturelle medicale, place Breda, 10, a Paris. RFIMS. — IMPRIMERIE DE P. REGNIER. TABLE DES AUTEURS POUR LES DEUX VOLUMES de Vannee 1846- 18V7. Alluard. Remerclment a l'Academie , tome 1. page 49. Du Barometre considere comme instrument de nivellement, du sympiezometre et du thermometre barometrique , t. 1. p. 129. Anonyme (un). Clarence a la tour de Londres (Fragment do Richard HI, trad, en vers frangais ) , t. u, p. 311. Arnould (Ernest). Extrait dune traduction en frangais de YHistoire de la Colonne infdme, par Alessandro Manzoni, t. n. p. 319. Belly (Ch. de). Rapport sur le livre de M. le comte de Lambertye , intitule : Catalogue raisonne des plantes vasculaires qui croissent spontanSment dans le ddpartement de la Marne, t. H. p. 346. Bonneville (A.). Remerclment et communication a l'Academie, t. i. p. 95. II. till — C36 — Brissaud. Essai sur la vie politique d'Henri IV , avant son aveue- ment a la couronne, d'apres sa correspondance par- ticuliere, t. 1. p. 51. — t. u. p. 209. Etude sur Hincraar , archeveque de Reims, t. n. p. 571. Charlier. Instruction aux cultivateurs sur les coliques du cheval et les meteorisations des ruminants, t. u. p. 145. COURMEAUX (EUG.). Hamlet et Richard III, de Shakespeare. — Traductions en vers de M. Jules Perreau et de M***, t. n. p. 303. Derode (E.). Rapport sur les memoires concernant le morcellement, les irrigations , l'industrie viticole , la viabilite rurale , le metayage, etc., etc., t. n. p. 387. Dessain (Louis). Quelques reflexions sur la mendicite , t. n. p. 119. Ernoult (Ch.). Des causes d'accidents sur les chemins de fer, 1. 1. p. 196. Faucher (Leon). De l'industrie manufacturiere, — Lowell, t. u. p. 552. Gonel (Eug.). Notes sur l'administration et la legislation de la Sardaigne, t. i. p. 20. Code de commerce Sarde, t. i. p. 114. GOUSSET (Mer). Discours prononce a la seance publique , t. n. p. 512. Guillemin. Influence de Charles de Lorraine sur le mouvement phi- losophique et litteraire de son temps, t. n. p. 66. — 637 — Heniuot-Delamotte. Mote sur un carnet d'echantillons de la fabrique de Reims, appartenant a la bibliotheque communale, t. 11. p. 113. Huot (Paul). Des Circonstances attenuantes en matiere capitale , t. ii. p. 446. KoZIEROWSKI. Les Monuments historiques de l'ancienne Pologne peuvent- ils oflrir de l'interet aux arch^ologues frangais? t. 1. p. 241 . Landouzy. Experiences avec des poignards empoisonn^s de l'ile de Java, t. i. p. 285. Experiences sur la pyroxiline, t. ii. p. 45. Historique de la decouverte de l'inhalation de lather, t. ii. pp.118, 204. Maillet. Extrait dun rapport sur les recherches hydroscopiques de M. l'abbe Paramelle , t. i. p. 265. Notice sur des moyens faciles de procurer avec une force motrice , ne coutant rien ou presque rien , de l'eau en abondance aux communes et aux proprietes eloignees des rivieres, des ruisseaux et des sources, t. i. p. 300. Rapport sur les notices presentees par M. Boulard , de Chalons, t. ii. p. 353. Maiziere (A. de). Memoire sur le morcellement , t. i. p. 66. Examen de la notice de M. V. Cousin , sur Hutcheson , t. ii. p. 241. Rapport au nom de la commission chargee d'examiner le memoire de M. Lapierre , sur la direction des ballons, t. ii. p. 359. Notes sur le memoire de M. Ch. Ernoult , intitule : Des causes d'accidents sur les chemins defer, t. i. p. 221. — 638 — Maquart (J.-J.). Excursion aux monts de Champagne, t. li. p. 289. Mennesson (Mahomet). Du rang de la femme dans la famille roraaine, t. 1. p. 99. MlGEOT (M. L'ABBE). D'une association contre les maladies, t. n. p. 88. MORTIER DES NOYERS. Rapport sur letraite des chevauxardennais, parM. Dubrocar t. u. p. 279. Paris (Henri). Thibault le Chansonnier, t. n. p. 583. Paris (Louis). Compte rendu des recherches sur les monnaies des eveques de Toul, par M. Ch. Robert, t. i. p. 5. Perreau (Jules). Scene extraite d'une traduction en vers framjais de Y Hamlet de Shakespeare, t. n. p. 305. Phillippe. Archeologie medicale. — Cachets des oculistes romains , t. n. p. 246. PlNON (F. ). Notice sur Eustache Deschamps , poete champenois du xrve siecle, t. u. pp. 259, 365, 423. RONDOT (NATALIS). Plantes ehinoises , t. i. p. 47. Excursion a Tile Pou-Tou (province de Tche-Kiang), t. l. p. 152. Graines du Cap et de la Chine, t. i. p. 192. — 639 — Catalogue des plantes du cap de Bonne-Esperance , t. ii. p. 14. Catalogue des graines de plantes potageres , cultivees au jardin de Fah-ti , sur la rive droite du fleuve Tchou- Kiang, pres Canton, t. II. pp. 15, 505. Fabrication des pagnes de coton a Goree ( Senegal ) , t. ii. p. 17. Une promenade a la fete de San-Pedro , 29 juin 1845 , t. ii. p. 24. Procedes de teinture des peuples de l'Asie et de l'Oceanie , t. ii. pp. 33, 141. Note sur les cheveux , les petits pieds , et les yeux a la chinoise, t. ii. p. 38. Notice sur quelques plantes textiles de Chine, t. ii. p. 49. Multiplication du tchou-ma, t. ii. p. 57. La manufacture de Reims au commencement du xvme siecle , t. n. p. 108. Apercu geologique sur Tile Tschou-san, t. ii. p. 412. Notice sur les gambiers de la Malaisie , t. n. p. 485. Excursion a la grotte de San-Mateo, aux environs de Manille, t. ii. p. 598, Stanislas-Julien. Extrait de l'encyclopedie imperiale de l'agriculture, inti- tulee : CMou-chi-thong-khao, liv. 78. fol. 3. — Maniere de cultiver le tchou-ma, t. n. p. 53. Extrait du traite general d'agriculture intitule: Nong- tching-tsiouenn-clwu. — Culture du tchou-ma , t. ii. p. 56. Extrait de l'encyclopedie imperiale de l'agriculture, (CMou-chi-thong-khao). —Multiplication du tchou-ma, t. ii. p. 57. Sutaine (Max.). Jean Helart, peintre remois, t. i. p. 226. — 640 — Tarbe de S1-Hardouin. Rapport sur le memoire de M. Maillet ayant pour titre : Notice sur les moyens a employer pour procurer de I'eau aux communes, etc., etc., 1. 1. p. 290. Corapte rendu des travaux de l'Acaderaie pendant l'annee 1846-47, t.n. p. 518. Tourneur (V.). De la peinture sur verre, 1. 1. p. 33 TABLE DES MATIERES CONTENUES DANS LES DEUX VOLUMES de I'annee 1846-1847. AErostatique. Rapport au nora de la commission chargee d'examiner le memoire de M. Lapierre, sur la direction des ballons, par M. de Maiziere , t. n. p. 359. Agriculture. Catalogue des graines de plantes potageres , cultivees au jardin de Fah-ti sur la rive droite du fleuve Tchou-Kiang, pres Canton, par M. Nat. Rondot, t. n. pp. 15, 505. Multiplication du tchou-ma, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 57. Extrait de l'encyclopedie imperiale de 1'agriculture , inti- tulee : Cheou-chi-thong-khao, ettrad. par M. Stanislas- JULIEN, t. II. p. 53. Extrait du traite general d'agriculture , intitule : Nong- tching-tsiou6nn-chou. Culture du tchou-ma , trad, par M. Stanislas-Jllien, t. n. p. 56. Extrait de l'encyclopedie imperiale de 1'agriculture. Multi- plication du tchou-ma, trad, par M. Stanislas-Julien , t. H. p. 57. ArchEologie. L.es monuments historiques de Tancienne Pologne peuvent — 642 — ils offrir de l'interet aux areheologues francos ? par M. Kozierowski, t. i. p. 241. Archeologie medicale. — Cachets des oculistes romains, parM. Phillippe, t. n. p. 246. De la peinture sur verre, par M. V. Tourneur, 1. 1. p. 33. BlOGRAPHIE. Jean Helart, peintre remois, par M. Max. Sutaine, t, i. p. 226. BOTAMQUE. Rapport sur le livre de M. le corate de Lambertye, intitule : Catalogue raisonne des plantes vasculaires qui croissent spontanement dans le defr de la Marne , par M. Ch. de Belly, t. ii. p. 346. Plantes chinoises, par M. Nat. Rondot, t. i. p. 47. Graines du Cap et de la Chine, parM. Nat. Rondot, t.i.p. 192. Notice sur quelques plantes textiles de Chine, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 49. Notice sur les gambiers dela Malaisie, par M. Nat. Rondot, t. II. p. 485. Chimie . Experiences avec des poignards empoisonnes de l'ile de Java, par M. Landouzy, 1. 1. p. 285. Experiences sur la pyroxiline par M. Landouzy, t. n. p. 45. Historique de la decouverte de l'inhalation de Tether, par M. Landouzy, t. ii. pp. 118, 204. Critique litteraire. Hamlet et Richard III, de Shakespeare. — Traduction en vers de M. Jules Perreau, et de M***, par M. Eug. COURMEAUX, t. II. p. 303. DlSCOURS ET ALLOCUTIONS. Remerciment a l'Academie , par M. Alluard, t. i. p. 49. Remerciment et communication a l'Academie, par M. Bon- neville, t. i. p. 95. — 6&3 — Discours prononce' a la seance publique par Ms1 GODSSET, t. ii. p. 512. ECONOMIE POLITIQUE. Rapport sur les memoires concernant le morcellement, les irrigations, l'industrie viticole , la viabilite rurale, le metayage, etc., etc., par M. E. Derode, t. n. p. 387. Quelques reflexions sur la mendicite , par M. L. Dessain, t. II. p. 119. De l'industrie manufacturiere. — Lowell, par M. Leon Faucher, t. ii. p. 552. Memoire sur le morcellement, par M. de MAiziERE^t. i. p. 66. D'une association contre les maladies, par M. l'abbe Migeot, t. ii. p. 88. L\CONOMIE RURALE. Rapport sur l'ouvrage de M. Dubroca, intitule : Traile des chevaux ardennais, etc. , etc. , par M. Mortier des Noyers, t. n. p. 279. Geologie. Aperc,u geologiquesur l'ile Tchou-San, parM.NAT. Rondot, t. ii. p. 412. Histoire. Extrait d'une trad, en frangais de X Histoire de la Colonne infame (de Manzoni), par M. Ernest Arnould, t. ii. p. 319. Essai sur la vie politique d'Henri IV, avant son avenement alacouronne, etc., etc., par M. Rrissaud, t. i. p. 51.— t. ii. p. 209. Etude sur Hincmar, archeveque de Reims, par M. Brissaud, t. ii. p. 571. Influence de Charles de Lorraine sur le mouvement philo- sophique et litteraire de son temps, par M. Guillemin, t. ii. p. 66. Du rang de la femme dans la famille romaine, par M. Mah. Mennesson, t. i. p. 99. H. lib — 044 - HlSTOIRE LHTERA1RE. Thibault le chansonnier, parM. H. Paris, 1. 11. p. 583. Notice sur Eustache Descbamps, pocte champenois du xive siecle, par M. F. Pinon, t. n. pp. 259, 365, 423. Hydraulique. Extrait d'un rapport sur les recherches hydroscopiques de M. l'abbe Paramelle, parM. Maillet, t. i. p. 265. Notice sur des moyens faciles de procurer avec une force motrice, ne cout ant rien ou presque rien , de l'eau en abondanceaux communes et aux proprietes eloignees des rivieres, des ruisseaux et des sources, par M. Maillet, 1. 1. p. 300. Rapport sur le memoire de M. Maillet , ayant pour titre : Notice sur les moyens a employer pour procurer de l'eau aux communes, etc., etc., par M. Tarbe de S'-Hardouin, t. l. p. 290. Industrie. Note sur un carnet d'echantillons de la fabrique de Reims, appartenant a la bibliotheque communale, par M. Hen- riot-Delamotte, t. li. p. 113. Fabrication des pagnes de coton a Goree (Senegal) , par M. Nat. Rondot, t. n. p. 17. Procedes de teinture des peuples de l'Asie et de l'Oceanie, parM. Nat. Rondot, t. n. pp. 33. 141. La manufacture de Reims au commencement du xvine siecle, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 108. Jurisprudence. Notes sur 1' administration etla legislation de la Sardaigne, parM. E. Gonel, t. i. p. 20. Du code de commerce sarde, par M. E. Gonel, t. i. p. 114. Des Circonstances attenuantes en matiere capitale , par M.Paul Huot, t. n. p. 446. — 645 — MeCANIQUE APPLIQUEE. Des causes d' accidents sur les chemins de fer, par M. Ch. Ernoult, t. i. p. 196. Notes de M. de Maiziere sur leMemoire de M, Ch. Ernoult, t. ). p. 224. Medeciine veterinaire. Instruction aux cultivateurs sur les coliques du cheval et les meteorisations des ruminant?, par M. Charlier, t. n. p. 145. NuMISMATIQUE. Compte rendu dun ouvrage de M. Ch. Robert , intitule : Recherches sur les monnaiesdes eveques de Toul, etc., etc., parM. Louis Paris, t. i. p. 5. PniLOSOPHIE. Examen de la notice de M. V. Cousin sur Hutchesou, par M. de Maiziere, t. u. p. 241. Physique. Du barometre considere comrae instrument de nivelle- ment, etc., etc., par M. Alluard, 1. 1. p. 129, POESIE DRAMATIQUE. Clarence a la tour de Londres, fragment de Richard III, de Shakespeare, trad, en \ersfrangaispar M*** t. n. p. 31 1 . Scene extraite dune traduction en versfran^ais del' Hamlet, de Shakespeare, par M. Jules Perreau, t. n p. 305. Varietes. Compte rendu des travaux de lAcademie pendant l'an- neel8461847,parM.TARREDLSt-HARDOUiN, t. n.p. 518. INotesurles cheveux, lespetits pieds et les yeux ala chinoise, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 38. Rapport sur les Notices presentees par M. Roulard , par M. Maillet. t. n. p. 353. — 6/(6 — Voyages. Excursion auxmontsde Champagne, par M. J.-J. Maquart, t. 11. p. 289. Excursion a l'ile Pou-Toa (province de Tche-Kiang ) , par M. Nat. Rondot, t. i. p. 152. Une promenade a la fete de San-Pedro, 29 Juin 1845, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 24: Excursion a la grotte de San-Mateo , aux environs de Manille, par M. Nat. Rondot, t. n. p. 598. DOCUMENTS. Academie d' Arras. — Programme des prise. — Concours de 1846 et 1847, t. I. p. 42. Academie royale de Metz. — Programme des concours et des prix, pour I' anne'e 1847 , t. i. p. 188. Lettres de M. de Salvandy , t. I. p. 128 ; t. n. p. 5. ORDONNANCE ROYALE qui reconnait VAcad4mie de Reims comme etablissement d'utilite publique , t. n. p. 201. PROGRAMME DES CONCOURS ouverts pour I'annee 1848, t. n. p. 616. Tableau des membres composant l'Academie, t. ii. p, 619. iWWVMA' Table des auteurs , t. n. p. 635: Table des matieres, t. h. p. 641 & **■'■ REIMS. — P. REGNIEK , IMPMMF.IJH DF. l'aCADEMIE. m