| Fur ii RIT x ARE D . " A di Fr ua 4 N | ie js {Mi Ce Lu % FAR PLAT EAN NAN AS AE a JA M V ms LH ATEN TEEN LT \ VEN SECOND VOYAGE AGRICOLE EN BELGIQUE ET EN FRANCE. IMPRIMERIE DE Mr* V* BOUCHARD-HUZARD, rue de l'Éperon, 5. SECOND VOYAGE AGRICOLE EN BELGIQUE, EN HOLLANDE ET DANS PLUSIEURS DÉPARTEMENTS DE LA FRANCE, PAR. \ M, LE COMTE CONRAD DE GOURCY. DO A.de GRANIER PARIS, Librairie agricole DE DUSACQ, RUE JACOB, 26. Librairie d'agriculture DE M®° BOUCHARD-HUZARD, RUE DE L’EPERON, 5. 1850 Hs Le 10D1 A 0 4Ÿ ke | | ds gr LE - XAMAAÏ a - EF ke an 1 cl pra 2 NEA. ÉR d | , | EU as v | jt a 58 MA \ AANNO2 1007 1 ER KA 4 | + sommaire. Départ de Paris pour la Sologne et le Berry. — Visite au domaine de Chepailles ; exploitation de M. Bobé. — La Motte-Beuvron. — Mauvaises eaux de la Sologne, excepté la Saudre. — MM. Guillaumin, Grosjean. — Pauvres terres à Nouan.—M. Yver, à la Ménerie ; ses composts et ses défrichements.—M. Lupio, à Loroy ; drainages remarquables.—Jardins maraîichers d'Issoudun et de Bourges.— Succès de M. Lemaitre à Saint- Aouste.—Visite à M. Durand de Bois-Habert.— M. Routier ; ses marnages. — M. Choquet, cultivateur flamand, à Saint-Christophe ; défrichements et fours à chaux. — M. Bourdin, près de Culan; culture sur mauvais sables. — Procédés habiles du fermier flamand Demulder, à la Ferté- Reuilly. — Du bon emploi des engrais. — Élève du bétail chez M. de Béhague, à Dampierre ; nouveau système de fermage.— M. et M°° Lattu, au château de Cormont ; leur bienfaisance. — Ecole d'arbres résineux de M. Vilmorin.—M. Carlier, cultivateur intelligent près de Briare.—Ecole modèle du Loiret, à Monthernaume, appartenant à M. Chavannes, dirigée par M. Bardonnet. — Retour à Paris. J'ai quitté Paris le 27 avril pour faire une tournée agri- cole en Sologne et en Berry , où j'ai des amis fort bons agriculteurs. J'aime infiniment à visiter leurs travaux, ainsi qu’à étudier les améliorations agricoles qu’ils ont nouvelle- ment introduites chez eux, Je me suis rendu le 28 chez M. Bobé, au château de Che- pailles, près de Saint-Denis-sur-Loire ; ce propriétaire cul- tive depuis très-longtemps 600 hectares de sa terre, sur laquelle se trouve une étendue considérable de bois, plantés ou semés en grande partie par son père et par lui. Son bétail se compose d’une vingtaine de jeunes chevaux percherons, d’une trentaine de vaches et d’un superbe troupeau de douze cents bêtes mérinos, sans compter les agneaux, dont il a eu cette année cinq cents fort beaux, provenant de six cents mères. Il ne donne les béliers aux jeunes brebis que lors- qu'elles ont atteint l'âge de trente mois; ce troupeau est 1 + de conduit par six bergers, dont les meilleurs lui coûtent 400 fr. et la nourriture; les plus jeunes, n'ayant que dix- huit ou vingt ans, reçoivent 250 fr. , M. Bobé achète ses chevaux à l'âge de trente ou trente- six mois et les revend trois ans après ; de celte manière il ne perd ni ne gagne dessus. I s'est procuré dans le temps des bêtes croisées durhams à une vente qui a eu lieu près de Ne- mours; elles s'engraissent ayec une grande facilité, même en n'ayant pour toute nourriture que des navets et de la paille, pendant que les vaches du pays restent maigres. M. Bobé ne fait presque plus de récoltes sarclées, depuis l'invasion de la maladie des pommes de terre; ses terres, qui sont légères, conviendraient particulièrement à la culture des carottes, qui donnent de si grands produits dans les sables de la Belgique, et n'exigent que fort peu d'engrais ; il fait beaucoup de navets d'éteule semés à la volée, et il est dans une excellente voie par rapport aux prairies artifi- cielles , car plus de la moitié de ses terres labourables sont en luzernes , trèfle rouge , trèfle incarnat , lupuline , ray- grass d'Italie, vesces et lentillons, spergules, gesses à une fleur, qu'on nomme dans ce pays pois cornus, et seigle des- tiné à être fauché en vert. Il sème entre autres une grande quantité de trèfle incarnat mêlé de lupuline ; ce fourrage est cette année on ne peut plus beau ; il a été semésur chaume de froment sans labour, et enterré par un coup de herse Bataille. Les trèfles rouges sont semés dans de l'avoine qui vient après les grains d'hiver, et qui a reçu une fumure de 120 hecto- litres de cendres lessivées, dont le prix à Orléans, éloigné de 24 kilomètres, est de 1 fr., et à Pithiviers, éloigné de 56 kilomètres, de 25 centimes seulement l'hectolitre. « Ces cendres, m'a dit M. Bobé, ue font que peu d'eflet sur l'a- voine, mais elles produisent de superbes récoltes de trèfle et leur effet améliorant se fait sentir plusieurs années. Je plâtre également mes tréfles, non que cette plante profite beau- coup de cet amendement, mais parce que la récolte d'avoine qui le suit est infiniment plus belle que celle qui vient sur an ja trèfle non plâtré; » et en effet je vis une grande différence entre deux champs d'avoine dont l’un venait après trèfle plâtré, et dont l’autre n'avait pas reçu cet amendement ; dans le premier l’avoine était beaucoup plus haute, plus épaisse et d’un vert plus foncé. Les terres de cette grande culture sont presque toutes sur un sous-sol imperméable, et malgré cela les luzernes y viennent fort bien et durent de quatre à cinq ans. Cette an- née, les vieilles luzernières ont beaucoup souffert des gelées pendant la première quinzaine d'avril, tandis que par ex- traordinaire les jeunes luzernes ont fort bien supporté ces intempéries. Les lentillons, qu'on nomme dans ce pays jarodes ou jarats, semés sans fumure dans les plus mau- vaises terres, produisent encore 5,000 kilogrammes d'excel- lent fourrage ; combien y a-t-il de prés, valant plusieurs milliers de francs l’hectare, qui n’en produisent pas tant? Les terres que je viens de citer sont cependant de véritables terres de Sologne, quoiqu'elles se trouvent sur la rive droite de la Loire, mais il est vrai de dire qu'elles sont bien culti- vées depuis plus de vingt ans et qu’elles ont été marnées à raison de 120 tombereaux d'excellente marne par hectare. Je pense cependant que M. Bobé, aurait plus de profit à ne jamais semer une prairie artificielle dans une terre maigre, sans lui consacrer une bonne dose de cendres ou de suie, ou enfin de bon guano du Pérou. Ce dernier lui coûterait, en le prenant à Nantes chez M. Maes, et rendu dans sa pro- priété, 280 fr. les 1,000 kilogrammes ; cependant je lui préférerais la cendre au prix où il peut se la procurer, car elle durera plus longtemps que le guano, si on emploie pour égale somme des deux engrais, en comptant les frais pour les transporter et les épandre. M. Bobé ramène en contre-voiture, chaque fois qu'il en- voie à Orléans, des cendres, ou bien des boues de ville qu’il paye 4 fr. le mètre cube. Le guano lui coûterait certaine- ment moins cher, pour produire une récolte donnée, que les boues de ville. Il prétend qu'elles font plus d'effet que EE. ses fumiers, qui m'ont paru en effet trop pailleux : je pense qu'il aurait de l'avantage à économiser la litière à son bétail, à vendre de la paille à Orléans, et à mettre cet argent en cendres ou en guano, dont 250 à 400 kilogrammes produi- raient les plus belles céréales et dont 500 ou 1,000 kilo- grammes, amèneraient les plus belles récoltes sarclées qu'on puisse désirer. J'ai admiré chez M. Bobé un champ d'une dizaine d'hec- tares, d'un sable maigre n'ayant que 50 à 55 centimètres d'épaisseur sur un sous-sol caillouteux ; il portait une belle coupe d'un mélange formé par de la luzerne, du sainfoin, du trèfle rouge, de la lupuline et du raygrass anglais. Cette terre a été marnée, bien fumée, et a reçu 120 mètres cubes de cendres lessivées. C'est ainsi qu'on parvient à rendre les mauvaises terres bonnes et productives, car après le défri- chement de cette prairie artificielle qui durera probablement quatre ou cinq ans, on obtiendra dans ce sable de belles ré- coltes de grains. Il existe au fond de ses marnières une pierre calcaire qui est presque entièrement composée de co- quilles marines; il est possible qu'elle contienne du phos- phate de chaux, et si cela est, sa présence augmenterait beaucoup l'influence de cette chaux employée comme amen- dement. Les vignerons de Saint-Denis et ceux même de Jargeau, qui est de l'autre côté de la Loire, viennent louer des terres jusqu'à 5 kilomètres de chez eux, tant ils sont désireux d'augmenter leurs petites cultures ; ils ont récemment suivi le bon exemple que leur donnait depuis longtemps M. Bobé, en semant du trèfle incarnat. Arrivé à la Motte-Beuvron, je remarquai des prés irri- gués, que le propriétaire du château a fait établir, m'a-t-on dit, sur de vieilles terres et sur des bruyères qu'on a défri- chées pour cela. Ce qui a attiré mon attention sur eux, ce sont les rigoles qui s'y trouvent tracées , car pour les prés, ils ont plutôt l'air d'être couverts de tapis noirs, que de verts gazons. On m'a assuré qu'on y avait dépensé beaucoup d'ar- —. 7) — gent , que tout cela n'avait abouti qu’à une couple de petites récoltes de foin, d’une qualité plus que médiocre , et que maintenant les premiers faits ne donnent presque rien : la cause de ces mauvais résultats me paraît être, d’abord l'im- perméabilité du sous-sol, ensuite la mauvaise qualité des eaux du Beuvron, qui comme presque toutes les rivières et ruisseaux de Sologne, deviennent noires ou au moins brunes, en parcourant les bruyères et les bois, où elles se chargent de tanin et de parties acides, nuisibles à la végétation. Pour former de bons prés dans ces parages, il faudrait d’abord drainer, puis bien marner ou chauler les terres ou défriche- ments, ensuite bien cultiver et bien fumer pendant quelques années ; après quoi on répandrait sur chaque hectare 120 hec- tolitres de cendres lessivées, mélangés avec 500 à 1,000 ki- logrammes de bon guano du Pérou; le tout serait enfoui à l’aide de la herse Bataille ou d’un bon scarificateur ; puis on sèmerait des poussiers de greniers à foin, auxquels on ajou- terait un peu de trèfle rouge et de trèfle blanc, qu’on enter- rerait avec des herses garnies d’épines, et sur lesquels, pour finir, on passerait le rouleau. Quand au bout d’un an le ga- zon serait bien formé, on établirait l'irrigation, en ayant la précaution de faire passer l'eau dans un réservoir qui con- tiendrait du fumier, des cendres, de la suie et du guano, de manière à corriger cette eau et à l’animaliser; si on avait des vidanges, elles y feraient merveille; mais en résumé je crois qu'on tirerait un plus grand produit de ces terres en les bien cultivant , et en y faisant venir alternativement des céréales, des prairies artificielles, des céréales et des racines; bien entendu qu'on aurait d’abord drainé, puis marné ou chaulé, enfin bien fumé et bien cendré. Si l'on manquait de fumier et de cendres, on devrait mettre du guano dans les anciennes terres, et du noir animal dans les défrichements, mais dans ce dernier cas, on ne marnerait ou chaulerait qu'après avoir tiré quatre récoltes au moyen du noir animal, qui devrait être mêlé avec la semence, à raison de 4 hecto- litres et demi par récolte; ensuite on apporterait le calcaire 18". et les autres engrais; cela exigerait beaucoup d'avances, mais assurerait de gros intérêts. On m'a dit à la Motte-Beuvron, que la compagnie du che- min de fer du Centre amène de la marne, prise dans une coupure que cette compagnie est obligée de faire près d'Or- léans, pour raccorder ce chemin avec celui de Paris; elle vend cette marne en gros, à raison de 50 francs la toise et au détail à 55 francs. Les effets de cette marne sont tels, que ceux qui en ont le moyen, en achètent, malgré ce prix élevé, pour la conduire par de mauvais chemins, à plus de 24 kilomètres de la station. Je pense que si les cultivateurs de la Sologne connaissaient les effets de la chaux, ils la pré- féreraient beaucoup à la marne, car il ne leur faudrait que 10 mètres de chaux, au lieu de 50 mètres cubes de marne par hectare, et le transport de 40 mètres à 16 ou 20 kilomè- tres de distance, est une grande augmentation de dépense en temps et en argent. Les terres de Sologne ne peuvent pro- duire du trèfle, du froment et de l’avoine, que lorsqu'elles ont reçu une bonne dose de calcaire ou du phosphate de chaux. J'ai loué à la Motte une petite charrette attelée d'un ex- cellent poney, qui me conduisit par des chemins détestables à 18 kilomètres de là, chez M. Guillaumin , l'un des meil- leurs orateurs du congrès d'agriculture. Il était malheureu- sement absent ainsi que sa famille. Il a construit une jolie maison sur les bords de la Saudre , la rivière la plus consi- dérable de la Sologne, qui, venant d'un pays fertile et cal- caire, a le mérite de fertiliser les prés sur lesquels elle dé- borde. Je ne trouvai que des servantes, et personne ne pou- vant me faire voir les cultures, assez éloignées de l’habita- tion, je n'ai fait qu'apercevoir un beau champ de trèfle, et des défrichements de pâtureaux qui bordent les prés le long de la Saudre, défrichements qu'on doit remettre en prés, dis- posés pour recevoir les eaux de la rivière. On nourrissait le bétail de M. Guillaumin avec un mélange de foin et de paille coupés et de racines. De. En venant de la Motte, j'avais traversé une propriété assez bien bâtie, appartenant à un monsieur d'Orléans , qui comme la plupart de ses voisins, n'y fait aucune améliora- tion. J'ai longé ensuite une terre d'environ 800 hectares, partagée en quatre fermes; le propriétaire, M. Gros-Jean, qui est, je crois, des environs de Nancy, défriche beaucoup de bruyères et de pâtureaux, et a rendu bien des services aux habitants en les faisant beaucoup travailler. Dans ma course j'ai traversé plusieurs fois le canal projeté pour l'amélioration de la Sologne ; il devait être navigable, servir à amener de la marne, et fournir de bonnes eaux prises dans la Saudre, pour faire des irrigations. Les travaux considérables qui ont été faits par un fort détachement des ateliers nationaux, viennent d’être abandonnés faute d'ar- gent. J'ai vu de distance en distance, sur les bords de ce canal commencé, et qui ne sera, je le crains bien, jamais fini, de grandes baraques construites pour loger ces bandes de mauvais ouvriers, qu'on connaît dans le pays sous le nom d’insurgés. On leur fournissait du pain, de la viande et 1 litre de vin; on les avait partagés en escouades qui avaient cha- cune un chef et un cuisinier; comme ils étaient nourris lors même qu'ils ne travaillaient pas, il y en avait plus de la moitié qui ne faisaient qu'une couple de journées par se- maine, afin de pouvoir s’enivrer avec l'argent gagné ; dans le commencement ils étaient à la journée et ne faisaient presque rien; plus tard on les a mis à leur tâche. J'ai vu , non loin de l'habitation de M. Guillaumin , une maison de campagne, nouvellement construite par un ac- quéreur étranger au pays; il défriche aussi d'excellents pâtureaux, qui sont couverts de froments remarquablement beaux. En me rendant de là à Pierrefite et ensuite à la station de Nouan-le-Fuzelier, j'ai eu à suivre pendant quelque temps les bords de la Saudre, qui forme d'assez bons prés, partout où ses débordements peuvent répandre son limon fertilisant; mais les parties élevées de ses rives forment un terrain d'une extrème maigreur. | ET J'ai visité à Nouan un fermier des environs de Calais, qui a loué, il y a un an ou dix-hiit mois, une ferme de 200 hec- tares, dont moitié est en bruyères et le reste en vrais sables de Sologne ; il paye 1,100 francs, mais les récoltes de seigle que j'ai vues dans ses pauvres terres sont si mauvaises, que je crains bien qu'il ne puisse se tirer d'affaire, Ce fermier avait défriché plusieurs hectares de bruyères; il les avait semés en avoine ou en seigle, mais rien n'était venu ; je Jui dis que s’il eût mêlé 450 litres de noir animal, avec les se- mences répandues dans les bruyères défrichées, il eût obtenu de belles récoltes. Je lui ai remis, ainsi qu'à plusieurs autres cultivateurs des environs, la brochure de M. Chambardel, qui parle des défrichements de bruyères, au moyen du noir animal mélangé avec les semences ; il n'y a que cette mé- thode qui puisse aider les fermiers étrangers, qui auront loué ou acheté des terres en Sologne, à en tirer bon parti, à moins qu'ils ne soient très-capables et munis d'un capital considérable, ce qui arrive rarement aux fermiers qui vien- nent s'établir si loin de leur pays. Ce cultivateur artésien m'apprit qu'il y avait dans les environs plusieurs habitants du nord, qui avaient, comme lui, acheté ou loué des fermes en Sologne. Je me suis rendu de là à la station de Theillay, d'où je comptais visiter le lendemain matin M. Yver, qui m'avait été indiqué comme cultivant fort bien , une terre achetée par lui il y a une couple d'années. M. Yver se trouvait à la station, et il eut la bonté de m'inviter à venir coucher chez lui, au lieu d'aller dans une mauvaise auberge de village. Nous nous rendimes à une fort jolie habitation, qu'il vient de faire construire à environ 5 kilomètres de la station du chemin de fer; elle se nomme la Mènerie, comme la ferme auprès de laquelle on l’a placée, et se trouve à 10 kilomètres de Vierzon. Sa propriété composée de 350 hectares, est tra- versée par la grande route, dont on profite pour faire venir de Vierzon toutes les boues de ville, que M. Yver a achetées pour plusieurs années, à raison de 480 francs par an. Il em- EC ploie deux hommes qui conduisent chacun un tombereau attelé d'un cheval, pour réunir ces boues dans un emplace- ment d’où on les amène à la Ménerie, quand elles sont sèches et qu'on en a le temps. Elles lui reviennent rendues chez lui, à 4 francs 75 et 5 francs le mètre cube. Il en a essayé l'effet à différentes doses, depuis 50 jusqu’à 120 mètres cubes par hectare, et il compte en mettre habituellement 80 mètres pour les céréales d'hiver et 120 pour les récoltes sarclées ; cela fera des fumures coûtant de 380 à 400 francs pour les grains, et de 570 à 600 francs pour les récoltes sarclées. Je pense que 400 à 500 kilogrammes de guano pour les céréa- les, qui lui coûteraient rendus à Vierzon 28 francs les 100 ki- logrammes, et par conséquent 412 à 440 francs par hectare, et le double en guano pour les récoltes sarclées, lui donne- raient autant de produits que les boues de ville; mais en supposant que celles-ci fussent comme engrais d’une plus longue durée, en ajoutant une demi-fumure de guano la troisième année, cela produirait plus que les boues en ques- tion et n'aurait coûté que 556 ou 420 francs contre 570 ou 600 francs pour les racines, et 168 ou 210 francs contre 580 ou 400 francs pour les grains. Il faut encore considérer qu'on n'entre pas quand on veut, avec quatre-ving{s ou cent vingt tombereaux d’un engrais fort pesant, dans des terres aussi humides que celles de Sologne, pendant que le peu de poids du guano permet presque toujours de le semer. M. Yver fait un très-grand cas des composts pour fertiliser ses terres; j'en ai vu des tas immenses, qu'il compose ainsi : - Il fait retirer la vase de plusieurs grandes mares qui sont nombreuses dans ses terres, et la laisse mürir à la gelée et au soleil ; on la pioche bien menu, et on la mélange ensuite avec de la chaux, qu'on paye 15 francs le mètre cube à Vierzon, à raison de 6 mètres de chaux pour 400 mètres de terre; on met une couche de vase, une couche de chaux, une seconde couche de vase, puis une de fumier, autant que possible sortant bien humide des étables, une autre couche = Vs de vase sur le fumier afin d'éviter le contact de la chaux et du fumier. Plus on met de fumier, mieux cela vaut, surtout avec du fumier dont la litière a été en grande partie formée en bruyères. Ces composts s'échauffent très-fort au bout de quelque temps, on les laisse ainsi pendant plusieurs mois, ensuite on les repioche soigneusement, pour en reformer de nouveaux las, qui restent encore plusieurs mois ainsi avant d'être employés. Les terres de cette propriété m'ont paru supérieures à celles qu'on voit en traversant la Sologne, mais elles sont à sous-sol argileux et très-imperméable, et ont le plus grand besoin d'être drainées. M. Yver a fait creuser de grands fossés dans diverses directions; les chemins qui traversent sa pro- priété ont été redressés et rélargis par lui; ils sont bordés de fossés qui facilitent aussi l'écoulement des eaux. 11 défriche d'excellentes bruyères avec une charrue de Grignon, qui est tout en fer et dont le plus petit modèle coûte 60 francs, le moyen 80 francs et le plus grand 120 francs. Cette dernière, attelée de quatre forts chevaux et souvent de six, exécute parfaitement ce défrichement ; mais je pense qu'elle ne ren- verse pas assez la tranche, qui reste posée sur champ; il en résulte selon moi, que la bruyère qui a de l'air peut conti- nuer à pousser, tandis que si elle se trouvait complétement recouverte de terre, elle serait étouffée et pourrirait , ce qui par la suite faciliterait beaucoup le déchirement et la pulvé- risation des gazons de bruyères, qui sont très-tenaces. Je crois que lorsqu'on veut défricher le plus économique- ment possible une bruyère, il faut la labourer avec une char- rue qui verse parfaitement le gazon sens dessus dessous ; pour cela , il ne faut donner que l'entrure nécessaire, afin que le soc ne passe pas dans le fort des racines de bruyère et surtout des ajoncs nains, ce qui augmenterait infiniment la difficulté du labour. En outre, si on labouraïit trop profond, la tranche se trouverait placée sur champ, au lieu d'être complétement retournée ; on doit faire suivre la première charrue par une seconde, qui devra amener par-dessus la — 14 — tranche du gazon de bruyère, assez de terre meuble pour qu'elle puisse boucher les interstices qui se-trouvent entre chaque tranche, de manière à parfaitement couvrir et étouf- fer la bruyère, et aussi pour avoir de la terre meuble par- dessus les tranches de bruyères, que les racines rendent compactes. Ce double labour terminé, on devra rouler avec un rouleau très-pesant, afin de bien aplatir les tranches de bruyères contre terre, ce qui aidera à leur pourriture, et afin d'éviter qu'il y ait des creux sous les gazons. Après le rouleau on fera venir des herses, pour ameublir la terre amenée à la surface par la seconde charrue, en prenant garde de ne pas retourner les gazons. Alors cette terre pourra être semée en grains d’hiver ou de mars, ou en sar- rasin suivant la saison, avec de la semence qui aura été trem- pée pendant vingt-quatre heures dans l'eau; et si c’est du froment on mettra pour chaque double hectolitre 1 livre de vitriol bleu dans cette eau, ce qui évitera complétement la carie. Après avoir égoutté la semence à la sortie de l’eau, on la mêlera le mieux possible avec 450 litres de noir ani- mal bien pulvérisé, acheté dans une raffinerie de sucre, et on aura soin de ne pas laisser cette semence plus de sept ou huit heures dans le noir, qui pourrait la détruire par la fer- mentation, surtout en restant en tas. De cette manière, on peut être certain d'obtenir une fort belle récolte, surtout si l'on commence par semer des grains d'hiver, car la séche- resse pourrait nuire à l’avoine, à moins qu’on ne l’ait semée en février. Si les bruyères sont en terre très-légère, il faudra semer du seigle en place de froment ; si le défrichement a pu être fait quelques mois avant l'ensemencement, cela vaudra mieux. Le mode de défrichement de M. Yver le force de donner trois labours et beancoup de hersages, et remet le premier ensemencement à dix-huit mois au moins après le premier labour. Si l'on possédait le fameux rouleau Cros- kyll, dont le plus grand modèle, composé de dix-huit dis- ques à pointes, doit peser de 14 à 1,500 kilogr., et qu'on D peut se procurer à Lens (Pas-de-Calais), chez le sieur Morel, el à Bourges à la forge de Mazière, dans les prix de 500 à 530 francs, cela faciliterait infiniment le travail et amélio - rerait beaucoup l'état de la terre après le défrichement, et par suite le produit de la récolte, J'ai été étonné de w dans de vieilles terres de Sologne, de fort beaux fror er et d'excellents trèfles, qui sont le résultat d'une fumure 75 mètres de boues de ville, qui vues en tas, ont cepen- dant l'air de contenir beaucoup de terre. M. Yver reconnaît que le drainage anglais serait la première amélioration à apporter aux terres si humides de la Sologne, mais il n'a pas, dit-il, le moyen de dépenser 5 à 400 francs par hec- lare sur une aussi grande étendue; je lui ai répondu que S'il allait visiter M. Lupin, au château de Loroy près la cha- pelle d'Angillon, route de Bourges à Gien, il y verrait une grande étendue de terres drainées, dont le sous-sol est ce- jendant caillouteux, ce qui augmente la dépense, et que celle amélioration n'a coûté là que de 400 à 120 francs par hectare; j ajoulai que le drainage coûterait moins cher chez lui, car ses terres ne contiennent ni cailloux, ni pierres. M. Yver, après avoir quitté les affaires, est venu passer quatre années dans une maison de campagne qu'il avait louée près de Grignon ; il a employé ce temps à s’instruire en agri- culture, en suivant les cours de la ferme modèle; c'est en- suile qu'il a acheté la terre dont il poursuit l'amélioration avec tant de persévérance. Il achève dans ce moment une grande bergerie qu'il a établie d'une manière fort écono- mique; elle se compose d'une grande toiture couverte de chaume, qui est posée par terre au lieu de l'être sur quatre murs; la charpente est composée en grande partie de peu- pliers pris sur la terre et qu'il ne fait pas entrer en compte. La construction lui revient à 1,200 francs; la paille seule lui coûte 500 francs. Il ne connaissait pas encore le prix des râteliers, J'ai vu dans son ancienne bergerie des auges an lieu de râteliers; elles ont 50 centimètres de largeur, autant de hauteur, et des deux côtés des trous ovales assez grands, "VS de pour que les moutons puissent y passer la tête; ils mangent ainsi le foin ou la provende sans rien jeter par terre. Ces auges conviendraient surtout pour nourrir le troupeau avec du fourrage et des racines coupés et arrosés avec un bouil- lon , composé d'eau et de farineux, mêlés de tourteaux comme cela se pratique toujours davantage en Angleterre. Cette méthode est économique et a l'avantage de ne pas sa- lir les toisons et surtout de donner d’'excellent fumier. M. Yver a pu faire cette année, toutes ses avoines et froments en février et mars ; il y a semé un mélange de graines com- posé de trèfle rouge et blanc, et de lupuline, qui lui a coûté, pris à Orléans, 25 francs les 100 kilogrammes ; il en a em- ployé encore plus que ne le font les Anglais, qui sèment ce- pendant les prairies artificielles très-épais, quoique leur cli- mat humide favorise infiniment la levée et la réussite de ces graines. M. Yver ne s’est pas encore occupé de l'amélioration du bétail qu’il a trouvé dans ses fermes ; il attend pour cela d'être bien monté en fourrage et racines ; ses vaches de So- logne lui donnent à nouveau lait et étant bien nourries, une livre de beurre par jour. Il a amené de Grignon plusieurs laboureurs, qu'il paye 400 francs par an. Il a eu la com- plaisance de me reconduire à la station du chemin de fer, où nous avons trouvé M. Lupin, qui a engagé M. Yver à venir examiner ses drainages; nous avons pris congé de M. Yver et j'ai accompagné M. Lupin dans sa terre, qui est à 28 kilomètres de Bourges et 52 de Vierzon. M. Lupin a fait venir d'Angleterre, il y a cinq ans, une machine pour fabriquer des tuyaux en terre, et il a fait con- struire un four pour cuire ces tuyaux, que l'on met ensuite au fond de rigoles parallèles, creusées à 4 mètre 20 centi- mètres de profondeur, afin d’assainir complétement les terres trop humides, soit par suite de fausses sources ou de suinte- ment, soit seulement à cause de l'imperméabilité du sous- sol, qui s'oppose à l’infiltration des eaux de pluie dans les entrailles de la terre. Il a déjà drainé beaucoup de ses terres . — 1h — les plus mouillées, et il est si content des résultats obtenus qu'il hâte de tout son pouvoir cette première de toutes les améliorations à apporter aux terres froides, Il paye, pour creuser les rigoles à 1°,20 de profondeur, poser les tuyaux et reboucher les rigoles, de 25 à 50 centimes les 2 mètres courants; après différents essais, il s'est arrêté à la distance de 20 mètres entre les rigoles parallèles, ce qui donne, si tout le champ a besoin de drainage, 500 mètres de rigoles et quinze cents tuyaux, Comme ceux-ci ont été faits à la journée, M. Lupin n'en connaît pas bien le prix de revient, mais prenons celui que fait payer M. Armitage, un Anglais” qui en fabrique à Paris, 5, rue des Fourneaux, et qui les vend 16 francs le mille; c'est 24 francs pour quinze cents tuyaux à ajouter à la façon des rigoles, qui, à 45 centimes le mètre, coûte 75 francs; restent les rigoles transversales si on en a besoin, pour lesquelles je mettrai à tout hasard 21 francs, cela montera donc à 420 francs l'hectare, Cette dépense est bien peu de chose pour une amélioration si profitable, et elle ne doit pas effrayer les propriétaires, s'ils réfléchissent qu'une bonne fumure, qui ne durera que trois ans et que je ne compterai ici qu'à raison de 50 mètres cubes, du prix de 5 francs, coûtera, sans compter le trans- port et l’épandage, 250 francs, tandis qu'on connaît des drainages de quarante ans de date, qui fonctionnent parfai- tement. Il faut encore observer que le sous-sol que nous citons ici est caillouteux et qu'il contient souvent des pou- dingues assez volumineux et difficiles à extraire ; or, il y a bien des terres qui sont exemptes de pierres, où les rigoles, pou- vant être complétement faites avec des bêches, coûteront moins cher de façon. En nous promenant nous avons remarqué un champ de froment considérable, dont moitié était fort belle et le reste très-médiocre; après en avoir demandé la raison, j'appris que la partie qui laissait tant à désirer, n'avait pas encore été drainée. M. Lupin a employé le guano du Pérou depuis trois ans ENT , et en est fort content; il a constaté que son effet sur ses prés durait au moins deux ans, et que la récolte de foin était aussi belle la seconde année que la première de son application sur les terres. Il le sème en avril sur des froments qui ont reçu en automne une demi-fumure; il en met dans ce cas de 100 à 200 kilos, suivant l'état de fertilité du sol, et sur les prés environ 550 kilos. Il a semé l'automne dernier, comme essais, 2 hectares en froment et 8 en seigle, dont la semence avait été mêlée avec 4 hectolitres et demi de noir animal par hectare, sur un fond de bruyères récemment dé- friché ; ces grains sont très-beaux et promettent jusqu’à cette heure une ample récolte. Je suis parti de Loroy pour me rendre à Bourges, et de là à Châteauroux. On voit dans ce parcours combien les terres saines el calcaires, présentent des récoltes plus avancées, que les terres humides et froides du pays que je quittais. Il existe auprès d'Issoudun de mauvais prés marécageux à fond de tourbe, dont une grande partie a été convertie en jardins maraïichers, très-bien cultivés; on y voit de fort belles asperges et des planches de légumes divers, qui don- nent de belles espérances. On m’a dit que les jardiniers-ma- raichers de cette ville conduisaient beaucoup de légumes sur le marché de Bourges, où il existe aussi des marais con- sidérables cultivés en jardinage, mais il paraît que ce genre de culture est mieux entendu et plus avancé à Issoudun. J'ai, visité, en passant à Saint-Aouste, route de la Châtre à Issoudun , une famille de cultivateurs des environs de Mons en Belgique. M. Lemaitre, le fermier, était malheureuse- ment absent, en sorte que je n'ai pu voir que les champs voisins de la ferme, où j'ai trouvé de bons seigles, des fro- ments et des trèfles remarquablement beaux. M. Lemaiître est arrivé avec un capital suffisant pour supporter les dé- penses extraordinaires occasionnées par la disette de 1846 et 1847. Quoiqu'il fût forcé d'acheter à cette époque tout ce qu'il fallait pour faire exister une nombreuse famille, et entretenir six ou sept chevaux, il a pu encore acheter le fu- — "1 Le mier de plusieurs auberges qui se trouvent dans la commune, traversée par la grande route ; aussi n'a-t-il pas semé, comme le font la plupart des fermiers qui viennent se fixer dans le Centre, des terres sans les avoir préalablement bien fumées ; il a donc eu de suite des récoltes qui ont plus que payé ses avances, et il se trouve maintenant sur un bon pied, De là je me suis rendu chez mon ami M. Durand de Bois- Habert ; j'ai trouvé chez lui de fort belles prairies artificielles, en luzerne, trèfle rouge et incarnat, des vesces admirables, de fort beau raygrass d'Italie, des pâturages composés d'un mélange de raygrass anglais, de trèfle blanc et rouge, et de lupuline ; il les laisse durer deux ans, ce qui améliore la terre en la reposant. Ses froments sont pour la plupart un peu trop clairs; cela tient à ce que, l'hiver ayant été fort doux , il est resté dans ce pays une immense quantité de corbeaux et surtout d'alouettes, qui, après avoir beaucoup éclairei la semence, ont vécu sur les feuilles des froments ; mais comme, du reste, la plante est très-vigoureuse, on es- pére qu'elle tallera. Les seigles et avoines d'hiver, qui étaient bien levés avant l'arrivée de cette nuée d'oiseaux destruc- teurs, sont d'une grande beauté, IT y a plusieurs hectares de colza qui se trouvent presque partout avoir 2 mètres de haut, et ce qui est le plus remarquable chez M. Durand, c'est le bon effet que produit, même dans ses anciennes terres, le noir animal mêlé à raison de 5 hectolitres avec la semence du froment et du seigle. J'ai vu une plarche de seigle, dont la semence n'avait été mêlée avec du noir qu’à raison de 2 hectolitres par hectare; il était encore bien; mais celui qui avait reçu 5 hectolitres était beaucoup plus beau. M. Durand a aussi employé du guano du Pérou, à raison de 5 et 400 kilogrammes par hectare, et en a obtenu les meilleurs résultats. Il a quelques bêtes à laine très-belles, provenant d’un croisement southdown et brebis du Cre- vant. Nous sommes allés visiter la culture de M. Routier, fermier du département des Ardennes, qui a loué il ÿ a quelques m4 = années une propriété, dont une grande partie est d'une haute fertilité; mais on a abusé de sa bonne foi, comme cela n'arrive que trop souvent pour les fermiers étrangers qui viennent louer des fermes dans le centre de la France, et qui, comparant les prix de loyer des terres de leur pays à celui qu’on leur demande, se laissent aller à payer infiniment plus cher que la valeur réelle. Cela aurait moins d’inconvé- nient, si les nouveaux venus étaient munis d'un capital con- sidérable, car alors ils pourraient, comme beaucoup de fer- miers écossais et anglais qui ont un bail de dix-neuf à vingt- sept ans, faire des défrichements, des assainissements, des chaulages ou marnages, des chemins praticables, des murs de clôture avec les pierres provenant du défoncement des terres à 55 centimètres de profondeur, ainsi que des bâti- ments de fermes et même de jolies habitations pour leur famille. En se procurant les meilleures races d'animaux de toute espèce, les instruments d'agriculture les plus perfec- tionnés, enfin des masses d'os pulvérisés et de guano ou d’au- tres genres d'engrais, nécessaires pour mettre leurs terres en état de donner de suite de bonnes récoltes, ils se trouve- raient avoir avancé beaucoup d'argent pendant le premier tiers de leur bail, rentrer dans ces avances et les intérêts du capital dans le second tiers, et faire un bénéfice convenable dans la troisième période du bail. Mais, la plupart du temps, les fermiers arrivants n’ont quitté leur pays que parce qu'ils ne possédaient pas un capital suffisant pour y réussir ; ils ne savent pas tout ce qu’il en coûte pour mettre sur un bon pied de production , les terres médiocres ou les fermes qui n’ont jamais été bien cultivées; ils se figurent qu’en labou- rant bien ils obtiendront des récoltes à la vérité moins bon- nes, mais qui s’amélioreront par la suite, et qui enfin les payeront de leurs travaux ; mais hélas! il n’y en a que fort peu qui réussissent à vaincre les grandes difficultés qu’en- gendre le manque d'argent nécessaire. Quand au contraire le nouveau fermier est bien dans ses affaires, comme c'était le cas chez M. Routier, il arrive sou- 2] — 48 — vent qu'il se décourage en apprenant que son bail est beau- coup trop cher pour le pays, et au lieu d'affronter vigou- reusement les obstacles, il hésite pendant quelques années à faire ce qui est absolument nécessaire pour réussir. M. Routier est resté ainsi pendant longtemps sans entre- prendre les marnages, les défrichements et autres améliora- tions indispensables à une bonne culture; il a fini par voir qu'il était la dupe de cette manière d'agir, et il travaille maintenant avec une grande activité à rattraper le temps perdu, Comme il a une marne extrèmement fertilisante , il s est mis à marner, et il en met de 100 à 200 mètres cubes par hectare, Il nous a fait voir de fort beau froment venu sur uue vieille terre peu fertile, mais qui avait été bien marnée, Un champ considérable, couvert de -froment telle- ment beau qu'il versera presque à coup sûr, avait été semé sur ce qu'on nommedans ce pays un pâlureau, défriché, puisfumé, mais pas encore marné. Une des trois fermes de M, Routier se compose de 51 hectares des meilleures terres qu’on puisse ren- contrer, mais qui sont assez difficiles à labourer, et de 45 hectares de prés donnant d'excellent foin, mais en bien petite quantité, Si on les drainait et qu'ensuite on les mît en cul- ture, ils produiraient plus du double de revenu. Ces terres sont tellement fertiles qu'on n'ose pas les fumer et que sou- vent Je froment verse encore. Nous avons vu plusieurs beaux champs de féveroles d'hiver, très-épaisses, quoiqu’on n’eût mis que 2 hectolitres de semence par hectare. La totalité de la ferme se compose de 57 hectares de prés dont les meilleurs sont exposés aux inondations de l’Arnon, et de 149 hectares dont un tiers est tout ce qu'il y a de meilleur, un tiers devient très-bon après un fort marnage, et le reste se trouve en terres humides et très-caillouteuses. Le prix de ce fermage est de 11,000 fr. Nous ayons été, mon ami et moi, voir M. Choquet , pro- priétaire lillois, qui a acheté une terre avec une jolie maison à Saint-Christophe, près Culan, département du Cher. I a défriché une assez grande étendue de pâturages garnis d'a- mn MO jones au lieu de bruyères ; ce terrain est humide, et malgré cela d’une fort bonne qualité, De beaux froments le couvrent en partie, mais il a été assaini au moyen de petits fossés qui, restant ouverts, gènent infiniment la culture et occupent beaucoup de place; si au lieu de cela on l'avait drainé il eût été d'abord mieux assaini, car on aurait pu rapprocher davantage les rigoles , et on n'aurait rien perdu de ce bon terrain ; il a été chaulé et bien fumé. M. Choquet a 50 hec- tares de prés qu'il améliore les uns après les autres, et dont il peut irriguer une bonne partie; il a une soixantaine de bètes à cornes de l'espèce du pays, sept juments poulinières, un bon étalon de travail et six poulains de divers âges; il possède un troupeau de race du Crevant; les antenois qui ont été élevés chez lui, et qu'il a bien nourris, valent 26 fr. la paire, tandis qu’il vient d'en acheter qui sont du même âge pour 18 fr.; mais ceux-ci ont souffert par le manque de nourriture. M. Choquet cultive beaucoup de betteraves, carottes, pommes de terre et navets; il a récolté l'année dernière plus de 50,000 kilogrammes de carottes par hectare, sur ses dé- frichements. Il à un four à chaux continu, dans lequel il emploie de l’anthracite, qui produit 5 hectolitres 1/2 de chaux pour 1 de ce combustible; sa chaux lui revient à 60 centimes l’hectolitre. Huit ou neuf familles de culti- vateurs des environs de Lille ont suivi son exemple en ve- nant se fixer dans le Berry, les uns comme propriétaires, les autres comme fermiers. M. Bourdin, un habitant de Paris, a acheté une propriété de 200 hectares à 2 lieues du Culan; il y a construit une jolie habitation; et sur des sables qui ont bien mauvaise mine, la surface en ayant été épuisée par la mauvaise culture du pays, mais dont le fond parait infiniment moins mau- vais, il obtient de très-beau seigle après une application de 100 hectolitres de chaux , et de 30 mètres cubes de fumier, Il m'a fait voir deux planches d’un seigle magnifique, qui avaient reçu comme fumure des lupins fauchés enterrés ET F- sous raies; il avait fumé à côté avec du noir animal ; mais comme c'étaient des terres usées et non pas un défriche- ment, le seigle était détestable. J'ai vu un fort beau trèfle qui avait été semé dans un seigle chaulé et famé. M. Bourdin sème des betteraves où rutabagas sur une terre chaulée et fumée ; l'année suivante, il fume de nouveau et sème des carottes; ensuite il sème dans les terres qui sont susceptibles d'irrigation , de la graine de foin pour les mettre en prés, et dans les autres il a semé cette année pour la première fois de la luzerne. Il a une trentaine d'hectares de mauvais prés, qui pourraient être en grande partie irrigués, mais ils ont besoin avant tout d'être drainés. Il en a amélioré quel- ques hectares au moyen de l'application de 80 mètres cubes de terres provenant de gazons pris dans les rigoles d'irriga- tion, et auxquels on a ajouté un dixième de chaux. I cul- tive avec succès les topinambours dans des mauvais sables; les lupins réussissent très-mal sur simple labour sans fu- mure, et ils viennent énormes dans ces mêmes sables, lors- qu'ils ont été défoncés. Cela prouverait, ce me semble, que le sous-sol est beaucoup plus fertile que la terre de la surface, et qu'on ferait bien d'essayer, au moyen de deux charrues qui se suivraient dans le même sillon, de ramener une partie de ce sous-sol à la surface; je pense aussi que la luzerne, une fois que ses racines se seraient enfoncées, pourrait four- nir de bonnes récoltes. Les arbres fruitiers et les légumes viennent à merveille dans ce terrain une fois défoncé et bien fumé. La chaux à forte dose y réussit on ne peut mieux; on pense cependant généralement sur le continent qu'elle ne convient pas aux terres sablonneuses. En Angleterre on en met dans les sables et même dans les terres très-calcaires, mais le climat y est fort humide, tandis qu'il est fort sec dans le centre de la France. Le plâtre fait un grand effet sur les prairies artificielles, que M. Bourdin a semées dans ces sables si maigres en ap- parence. En me rendant de Chezal-Benoit à Issoudun et ensuite ET à Vierzon, j'ai vu beaucoup de champs couverts de très-beau sainfoin et de fort belles vesces ; ces plantes aiment les terres calcaires. Je suis allé visiter une des fermes du château de la Ferté- Reuilly, dont le fermier, nommé Jean Demulder, est venu, comme simple laboureur, de la Flandre belge son pays. M. Pradet, au service duquel il était entré il y a quinze ou dix-huit ans, a été si content de sa capacité comme cultiva- teur, de son activité et de son honnêteté, qu'après l'avoir mis d’abord comme maitre valet dans cette ferme, il la lui a donnée ensuite à moitié, et a fini par la lui louer pour 5,000 fr., au lieu de 1,800 fr. que le fermier berrychon en donnait. Celui-ci s'était ruiné et avait détérioré les terres; Demulder au contraire fait très-bien ses affaires, tout en améliorant la ferme, qui se compose de 60 hectares de terres labourables et de 5 hectares de prés. Il a remboursé les avances que M. Pradet lui avait faites pour le mettre à même de devenir métayer ; toutes ses terres sont couvertes de su- perbes récoltes; il ne fait pas de jachères mortes, il a une grande étendue en fort belles luzernes , sainfoins et trèfles ; ceux-ci sont plus beaux que tout ce que j'avais vu dans l’année; il a des vesces d'hiver et 7 hectares de colza de toute beauté; ses froments, ses seigles, et avoines sont de même ; il a une assez grande étendue en récoltes sarclées; il les sème ou les plante dans des lignes creuses, formées au moyen d'un fort rayonneur, de sorte que, lorsqu'il les ar- rose avec du purin, ce liquide se rassemble naturellement dans ces lignes creuses, où se trouvent les plantes. Il ne sème ses trèfles ou autres prairies artificielles, qu'après avoir hersé deux fois vigoureusement les grains de mars quand ils sont bien hors de terre ; après avoir semé le trèfle il ne donne qu’un coup de herse les dents arrière, et il roule dès que le trèfle est bien levé. Il ne le sème jamais que par un temps humide ou du moins couvert, évitant avec grand soin de le faire par un beau soleil; aussi n’a-t-il ja- mais manqué ses semailles de trèfle , ce qui arrive si fré- ET quemment dans ce pays. Son bétail se compose d'une ving- taine de bêtes à cornes de l'espèce du pays, qui par la bonne et abondante nourriture, sont devenues belles et d'un poids considérable. I à huit fortes juments, un bel étalon de . travail et quatre poulains, cent cinquante moutons pour l'engrais, et une douzaine de gros cochons destinés à la vente. Son énorme tas de fumier, qui est composé des en- grais fournis par les différentes espèces de bétail, contient une pompe avec laquelle il arrose fréquemmment non-seule - ment le fumier, mais encore le pavé des étables, de manière à le tenir propre comme cela se fait en Flandre. Jean Demulder a encore une autre citerne pour recevoir les urines du bétail, mais il peut aussi y envoyer les jus de fumier, qu'il améliore alors en y mettant des tourteaux de | colza ; il emploie dans l'année environ mille tonneaux, con- tenant chacun 7 hectolitres d'engrais liquide. Il a ac un épicier deux tonnes à huile cerclées en fer, qui son cées sur des brancards, auxquels on adapte, lorsqu'on veut s'en servir, des essieux garnis de leurs roues détachés de tombereaux inoccupés. Une autre pompe, placée dans la citerne à purin, sert à remplir les tonneaux d'arrosage. Quand il conduit les fumiers dans ses terres, il a soin de les faire piocher depuis le haut du tas jusqu’à sa base, afin de bien mélanger les couches qui proviennent des différentes espèces de bestiaux, et aussi afin de pouvoir les répandre bien également sur la terre, ce qui est essentiel si l'on veut obtenir des récoltes bien égales; sans cette précaution on voit dans les fermes où l'on a ordinairement autant de tas de fumier que d'espèces de bétail, que certaines parties des champs sont bien plus belles que les autres, suivant que l'on y aura employé du fumier provenant des bêtes à l'engrais, des moutons ou des chevaux, ou bien celui des vaches et des élèves ; ce dernier fumier est beaucoup moins bon, parce que ces bêtes ne mangent habituellement ni tourteaux ni grain, et encore parce qu'il contient infiniment moins de phos- phate de chaux, car ce sel a été employé à la formation du D GE lait, ou à celle des os des jeunes animaux. Si, comme cela se voit très-fréquemment, on charge le fumier tel qu'il se trouve, et qu'ensuite des hommes à la tâche le jettent à la fourche et le répandent fort mal, sans en briser les mottes compactes, il en résulte une végétation très-inégale et des produits inférieurs ; dans certaines contrées, des femmes et des enfants ramassent les fourchées de fumier jetées par les hommes, et les déchirent avec leurs doigts, de manière à le répandre également partout; c'est un procédé très-utile quoique fort dégoûtant. Lorsque le fumier a été pioché bien menu, les femmes n’ont besoin que de petites fourches pour le répartir également. Dans bien des pays on a la mauvaise habitude de ne con- duire les famiers qu’au moment de semer les grains d'hiver ; cet usage a le grave inconvénient de les réduire, par une fermentation trop prolongée, à la moitié de leur volume ; la fermentation diminue en même temps leur qualité fertili- sante par l’évaporation de l’'ammoniaque. Ailleurs, et surtout dans la Beauce, on le conduit sur les jachères dans un état excessivement pailleux , et on le laisse longtemps en fumerons au lieu de le répandre de suite, ce qui vaudrait infiniment mieux, quand même on ne pourrait pas l'enterrer immédiatement. Ces fumerons sont comme lessivés par les pluies, et les endroits où ils ont séjourné se trouvent beaucoup plus fertilisés que le reste du champ; aussi aperçoit-on de loin des taches rondes et alignées, qui sont d'un vert foncé, tandis que le reste est clair et jaune. Je déplore également de voir, dans une grande partie de la France, répandre le peu de fumier dont on peut disposer, sur deux ou trois fois plus de terrain qu’on n’en peut fertiliser ; un bon nombre de cultivateurs se flattent, hélas! que plus ils sèmeront de grains, plus ils en récolteront, ne voyant pas qu'un champ qui n’a reçu que des façons insuffisantes, qui n'a obtenu que la moitié ou le tiers de l'engrais dont il aurait besoin, payera le mème loyer, exigera autant et même plus de semences, les mêmes frais de moisson, et qu'il ne us QE donnera cependant que la moitié ou le tiers d'une bonne récolte. Il serait donc bien désirable que beaucoup de pro- priétaires cultivassent eux-mêmes, et s'il ne leur convient pas de cultiver en grand, qu'ils le fassent au moins en petit ; ils introduiraient ainsi avec le temps dans leurs environs, les bons assolements et les bonnes méthodes de culture, la connaissance des engrais qu'on peut importer de loin avec avantage, des grains et graines d'espèces plus productives, de bons instruments et outils, les races d'animaux qui payent le mieux les soins et la nourriture qu'on leur donne. Mais comme en général notre culture pèche surtout par le manque d'engrais , ce qu'il est le plus essentiel de faire connaître aux fermiers, c'est que des engrais achetés à des prix raisonnables payeront toujours avec usure, le capital employé à leur acquisition, tout en permettant d'adopter de bons assolements, qui amèneront l'augmentation des fu- miers, sans laquelle il n'est pas possible de cultiver avec profit. Je connais plusieurs propriétaires du centre de la France, qui, ayant employé avec succès des engrais achetés et im- portés de loin, ont enfin décidé leurs métayers à s'en servir en leur faisant l'avance des frais et se remboursant de la moitié de cette dépense sur leur part de récolte. Les pro- duits de la ferme sont ainsi devenus bien plus abondants, et ces métayers sont arrivés avec le temps à une aisance qui, avant l'acquisition des engrais, leur était absolument incon- nue, pendant que les propriétaires, en les aidant, ont aug- menté de beaucoup leurs revenus. Je me suis rendu au château de Dampierre, à 12 kilo- mètres de Gien, route d'Orléans. M. de Béhague était absent, mais son régisseur, M. Pilinsky , ancien officier polonais, qui est devenu un excellent agriculteur en pas- sant cinq années à Roville et à Grignon, m'a parfaitement accueilli. J'ai employé la soirée à visiter la vacherie, qui se compose de seize vaches, charolaises ou normandes, et de leurs filles provenant d'un beau taureau durham; ces — 95. — dernières sont infiniment plus belles et plus grasses que leurs mères. Il s’y trouve quinze bœufs presque tous charo- lais ; ils viennent d'être achetés pour faire en partie les travaux de culture. Le taureau est âgé de quatre ans; on est obligé de le nourrir avec du fourrage d’une qualité inférieure pour l'empêcher de devenir trop gras. On tient un jeune taureau anglo-charolais pour servir les génisses, l'autre étant trop lourd; il sert aussi les vaches du voisinage; il est fort beau. J'ai vu huit veaux de lait établis chacun dans une pe- tite boxe, où ils sont en liberté. J'ai surtout admiré un jeune bœuf durham cotentin âgé de quarante mois ; il est énorme et excessivement gras ; il est destiné à paraître à l’exposition et à y faire voir ce qu'on peut obtenir par le croisement durham, avec une excellente et abondante nourriture. On élève ici les veaux en les faisant boire au lieu de les faire teter ; je crois avoir remarqué souvent, pendant mes voyages agricoles, que les veaux qui tettent viennent mieux et sont plus forts que ceux qu’on élève en les faisant boire. Nous avons quitté la basse-cour pour nous rendre dans un établis- sement que M. de Béhague a créé pour élever le jeune bé- tail ; il a construit, le long et à l'extérieur des murs du parc, des étables divisées en larges boxes, où l’on tient deux jeu- nes animaux, autant que possible du même sexe, sans être attachés. Ces boxes ont chacune leur petite cour, dans la- quelle on étend le fumier qu’on sort chaque jour de l’étable, et lorsqu'il fait beau temps, ni trop chaud ni trop froid, les jeunes bêtes viennent y prendre leurs ébats. Comme M. de Béhague fait tenir très-exactement note des naissances de ses animaux, de leur poids, car on les pèse chaque mois, de la nourriture qui leur est allouée, etc., j'ai pu, après avoir parcouru ces registres très-détaillés , prendre quelques notes intéressantes pour les agriculteurs. Alibert, jeune bœuf durham-charolais, est né le 20 mai 1846; il pesait, le 50 avril 1849, après avoir déjeuné, 814 kilogrammes. Baring, jeune bœuf durham-charolais, est né le 25 juin 1846; il a pesé, le 50 avril 4849, 875 kilo- —— 96 — grammes : ces deux bêtes ont eu pendant tout l'hiver cha- cune 55 kilogrammes de rutabagas, 40 kilogrammes de foin et du sel, Argus est né le 414 novembre 1846; il pesait, le 50 avril 4849, 640 kilogrammes : il est durham-charolais, O'Connel, né le 28 février 1846, est durham-cotentin, il a pesé, le 50 avril 1849, 960 kilogrammes ; c'est celui que j'avais vu dans la basse-cour ; il a eu des farines et des tour- teaux, enfin la meilleure nourriture qu'on puisse donner à un bœuf. Carolus, durham-normand, dont la mère était déjà de demi-sang durham, est né le 48 décembre 4846; il pesait, le 50 avril 4849, 664 kilogrammes. Prudent, bœuf durham-cotentin, aussi de deuxième croisement, né le 42 août 1848, pesait, le 50 avril dernier, 274 kilogrammes. Artos et Délia, jumeaux nés le 48 novembre 1847; la femelle pe- sait en naissant 25 kilogrammes et le mâle 24 kilogrammes ; ordinairement les veaux pèsent de 50 à 57 kilogrammes : le mdle pesait , le 30 avril 1849, 455 kilogrammes et la femelle 405 kilogrammes, On m'a dit que les veaux, une fois âgés de six mois, consomment journellement jusqu'à l'âge d'un an, de 5 1/2 à 4 pour 100 de leur poids vif; dans la deuxième année, 5 pour 100, et dans les années suivantes, seulement 2 1/2 pour 100. Ces animaux augmentent de poids chaque jour, lorsqu'ils sont bien nourris et qu'ils se portent bien, dans la première année d'environ 1 kilog., la deuxième année de 850 grammes, la troisième année de 6 à 700 grammes. M. de Béhague a dans cet établissement trente-trois élè- ves de bêtes à cornes et neuf poulains. 11 vend à des bou- chers d'Orléans , à partir de l'âge de dix-huit mois, les jeu- nes bêtes qui ne promettent pas de venir assez bien pour remporter des primes aux concours de Poissy; elles n’ont reçu pour toute nourriture que 5 kilogrammes de foin et dix kilogrammes de racines; il en obtient habituellement 60cen- times le kilogramme du poids vif. On pense ici que la nour- riture d’une bête revient en moyenne, depuis l’âge de huit mois jusqu'à celui de trente-six mois, à 40 centimes par jour. On y a l'intention de ne jamais conserver un jeune 2 ff = bœuf passé l’âge de trois ans, à moins qu’il ne doive concou- rir, et l'on croit qu'il paye mieux sa nourriture à trente qu'à trente-six mois. Il se trouve ici quatre anglo-cotentins et cinq anglo-charolais arrivés à un âge où on peut déjà ap- précier leur mérite, et le meilleur des neuf est un durham- charolais. Il se trouvait, dans le nombre des vaches charo- laises existant dans la ferme, une vache donnant à nouveau lait et en bonne saison, 18 litres de lait; aucune des coten- tines ne produit davantage, mais elles conservent plus long- temps leur lait, et les charolaises donnent en moyenne un tiers de moins. ; M. de Béhague a imaginé une nouvelle manière de tirer parti des petites fermes, au lieu de les louer en argent aux mauvais cultivateurs de ce pays; il a fait avec un de ses la- boureurs qui était depuis longtemps à son service, et qu’il connaissait pour un honnète homme et un bon ouvrier, l’ar- rangement suivant. Il le loge avec sa famille dans une petite ferme composée de 50 hectares de véritables terres de Solo- gne, et dans laquelle il n’y a pas de prés; le ménage doit faire les labours et les autres travaux qui regardent un fer- mier. On lui a donné deux bœufs pour commencer ses {ra- vaux. Il a pour gages 500 francs. Cet homme possédait 500 francs d'économies ; son ménage se compose de sa femme et de ses deux petits enfants. Il a commencé par acheter une vache dont le produit, ainsi que celui de toutes celles qu'il pourra nourrir par la suite, sera pour lui, à con- dition de payer pour chaque vache 50 francs par an. On lui a acheté pour le mettre en train 260 francs de fumier, qu'il a été chercher à 4 kilomètres de sa ferme, et qui provenait des chevaux de la gendarmerie. Il a employé ce fumier à faire venir des navets et du fourrage pour nourrir ses bètes ; les engrais qu'elles ont faits ont produit assez de nourriture pour qu'il ait pu augmenter son cheptel de plusieurs vaches; en- fin cette année qui est la troisième, il possède dix vaches à lui appartenant , et on lui a ajouté une seconde paire de bœufs , afin qu'il puisse marner plus vite ses {erres, ce qui — les met en état, étant fumées, de produire de fort beau trè- fle rouge et incarnat , des vesces, du maïs fourrage, des na- vets, des betteraves, des rutabagas , des carottes, des choux cavaliers, du sarrasin pour être consommé en vert ; et main- tenant qu'il a déjà une abondance de fourrage et par consé- quent de fumier, on a semé 5 hectares de seigle, dont le grain sera le premier loyer que M. de Béhague aura touché. Maisune bonne partie des terres se trouvent marnées et bien fumées : les dix vaches, à 50 francs l'une, font les 500 francs que M. de Béhague avait à lui donner, À mesure qu'on aura marné plus de terres, il aura plus de fourrage et on dit que d'ici à deux ans il aura vingt vaches ; alors c'est lui qui devra 500 francs, et M. de Béhague aura en outre, pour lui servir de loyer de sa ferme, le produit en grains de 10 hectares de seigle qui pourra être facilement de 200 hectolitres, les ter- res étant marnées, bien fumées, et fort bien cultivées. Cela lui fera en temps ordinaire un loyer de 2,500 francs; mais il a été obligé de construire un bâtiment pour loger les vingt vaches, et comme il l'a voulu très-bien établi et commode il l'a fait construire en pierre et couvrir en tuile; on y a fait un corridor entre les crèches. Ce bâtiment lui a coûté 4,000 francs. Il faut ajouter à ce chiffre, pour trois années de loyer qui avant cet arrangement était de 250 francs, 750 francs, les 260 francs d'achat de fumier, deux années de gages du laboureur avant l’époque où ses dix vaches l'ont payé, soit 4,000 francs, enfin mettons 990 francs pour des journées qu'on lui a fournies afin de l'aider à marner et par d'autres dépenses omises, et M. de Béhague se trouve, moyennant un capital de 7,000 francs, avoir transformé une locature de 250 francs par an, en une ferme d'au moins 2,000 francs de loyer, tout en faisant le bien-être d’une fa- mille, car le produit des vingt vaches bien nourries mettra ce ménage fort à son aise. Cette année, cette petite ferme a déjà 4 hectares de ré- coltes sarclées, fumées à raison de 75 mètres cubes de fu- mier, dont la litière est à la vérité composée de bruyères ; on = = a soin, Chaque fois qu’on sort le fumier des étables, de met- tre une bonne couche de marne dessus, afin d'éviter l’éva- poration de l’ammoniaque et une trop grande fermenta- tion. Il y aura encore 5 hectares et demi de fourrages, com- posés de maïs pour couper en vert, de sarrasin, de ves- ces, etc. M. de Béhague est si content des résultats obtenus par cet arrangement, qu'il vient d'établir un autre de ses anciens laboureurs, dans une ferme de 40 hectares de ses mauvaises terres; il y a mis cet homme aux mèmes conditions que le premier. Jusqu'à cette heure les habitants de la commune de Dampierre, n'avaient pas suivi les bons exemples de cul- ture que leur donne depuis longtemps M. de Béhague; mais dès qu'ilsgnt vu le charretier Martin avoir de si belles ra- cines, des trèfles rouges et incarnats, ils se sont mis à l’imi- ter, et j'ai vu beaucoup de champs appartenant à ces petits cultivateurs, couverts de trèfle incarnat, de luzerne , de sarrasin , fourrages , et d’autres récoltes qu'ils avaient vu faire par Martin. M. de Béhague a de fort beaux froments, mais j'ai été sur- tout étonné de la beauté de 2 hectares de cette céréale qui se trouvent faire partie d’un champ assez considérable, ayant produit l'année précédente des pommes de terre hâtives sur une fumure de 72 mètres. Les 2 hectares qui sont si remar- quables ont été parqués en dix jours par trois cents bêtes mérinos après l’arrachage des pommes de terre, pendant que le reste du champ qui avait aussi produit ce tubercule n’a pas reçu d’engrais; aussi les feuilles du froment y sont-elles étroites et de couleur jaunâtre. M. Pilinsky m'a fait remar- quer que le froment venant après les betteraves était plus beau que celui qui venait après les pommes de terre. J'ai regretté qu'on n'eût pas donné un peu d'engrais pulvéru- lent au froment venant après récoltes sarclées ; je pense que 150 ou 200 kilogrammes de guano eussent fort bien fait là. L'assolement de Dampierre est : première année, racines, —— 90 — colza et mais fourrage, fumés à raison de 72 mètres cubes ; la litière de cet engrais est composée en grande partie de bruyère. Deuxième année, froment ou seigle ; on sème sur ce grain par la neige 20 kilogrammes de trèfle, qui n'a ja- mais manqué lorsqu'il a pu être semé ainsi, et qui est très- beau cette année, Troisième année, trèfle fauché deux fois, Quatrième année, trèfle pâturé, Cinquième année, froment. Sixième année, vesces ou mais fourrage auxquels on a donné 56 mètres de fumier ; on repique des rutabagas en place des vesces, au fur et à mesure qu'on les enlève, Septième an- née, froment après le maïs, et grains de mars après les ru- labagas, car on arrache ceux-ci fort avant dans l'hiver. Il faut faire attention que les animaux qui doivent consommer les rutabagas, n'aient pas été nourris de betteraves ou carottes avant de recevoir des rutabagas ou navets, car alors ils ne proliteraicnt pas si bien avec ceux-ci. On sème ici les colzas en lignes avec le semoir Hugues, on les éclaircit en traversant les lignes avec la herse Bataille, dont on a Ôté un rang de dents, on les sarcle à la houe à cheval et à la main, on les butte avant l'hiver ; le maïs est mis sur des billons fumés à la manière du Northumberland. Les touffes de mais pour fourrage sont espacées de 4 mètre en tous sens, on n'en laisse pas à graine et on ne le fait consommer par le bétail que lorsque le grain est en lait; on le coupe au hache-paille. On m'a dit que les betteraves qui sont de l'espèce blanche de Silésie, produisent de 40 à 50,000 kilogrammes par hectare. Les rutabagas repiqués en produisent autant; on fait cuire les pommes de terre dans le four qui sert à la cuisson du pain. On en met 15 hectolitres à la fois, on les fait passer toutes cuites au coupe-racine, Les luzernes sont fort belles dans les bonnes terres de la ferme : je n'approuve pas le pâturage de trèfle de la cinquième sole , car je pense que de le faire durer deux années devra nuire à sa bonne reproduction tous les sept ans, ensuite le pâturage fourni par cette sole ne m'a pas paru abondant. Les trèfles incarnats sont fort beaux ; on y a mis éoé AMRE dits aujourd'hui les vaches et jeunes bêtes pour la première fois, en essayant de les attacher au piquet comme cela se pra- tique en Normandie. M. de Béhague ne compte plus acheter de vaches norman- des ; il leur préfère les charolaises ou des croisées durhams. Un jeune vacher suisse qui est ici depuis cinq ans, soigne avec un aide âgé de seize ans les trente-trois jeunes bêtes et les neuf poulains de la succursale de la basse-cour ; le Suisse gagne 540 fr. Un autre vacher suisse, qui soigne les bœufs de travail et les bètes d'engrais, et qui est venu ici de Gri- gnon, gagne 500 fr.; un autre Suisse, qui est le premier vacher et qui a élé élevé dans l’école de Vehrly chez M. de Fellenberg, gagne 500 fr. On tient toujours de dix à douze juments percheronnes et au moins douze bœufs pour les travaux de culture; trois laboureurs seulement sont chargés de soigner les chevaux, et le second vacher soigne les bœufs ; ce sont des journaliers qui font travailler les bêtes non employées par les trois charretiers. On se sert ici de charrues de Dombasle ; je pense que dans des terres aussi légères la charrue belge-améri- caine labourerait aussi bien et demanderait moins d'effort de traction. M. Pilinsky a été extrêmement poli et complaisant pour moi; il me semble avoir fort bien employé les cinq années qu'il a passées à Roville et à Grignon pour son instruction agricole, car je l'ai trouvé fort instruit et en même temps très-modeste. Il n’a pas encore vu exécuter de drainage, et ne connait pas les bons résultats qui en sont la suite dans les terres humides ; aussi ne croyait-il pas cette dépense profi- table dans des terres de qualité inférieure. Je l'ai engagé à aller visiter les drainages qu'on exécute à Lorois ; il pourra alors se convaincre de la grande utilité de cette opération dans toutes les terres qui sont en culture et mème dans les pâturages humides auxquels elle enlève le grave défaut qu'ils ont de donner la cachexie aux bêtes à laine, touten les rendant de meilleure qualité et plus abondants. SE, — Le troupeau de M. de Béhague se compose de (rois cents brebis mérinos et de leurs agneaux ; il leur a donné l'an der- nier de grands béliers métis des environs de Paris, afin d'augmenter la taille des bêtes et le poids des toisons. On n'élève plus de cochons ici. Le guano n'a pas encore été essayé dans la culture de Dampierre, On s'est servi cette année de 400 kilog. de superphosphate de chaux pour faire venir du replant de rutabagas et de choux, mais on ne voit pas encore son effet, car il n'y a pas longtemps qu'il est em- ployé. Je me suis rendu de Dampierre au château de Cormont chez M. Lattu; son habitation, qu'il vient de reconstruire, est charmante ; il a aussi fait bâtir quarante jolies maisons de journaliers, qu'il leur loue, avec 25 ares de jardin, de 70 à SO fr.; les plus chères ont une chambre de plus que les autres. Il paye un médecin à l’année et fournit les mé- dicaments pour tous les habitants de sa commune; il em- ploie une immense quantité d'ouvriers sur sa terre, qui se compose d'environ 1,500 hectares. Madame Lattu donne chaque année, au 4° juin, une fête aux habitants; elle fait distribuer à chaque ménage 1 litre de vin, 2 kilog. de viande et 2 kilog. 1/2 de pain; elle paye aussi les violons pour les faire danser, et fournit des objets utiles qui peu- vent être gagnés par des tours d'adresse. M. Lattu a fait d'immenses marnages; il cultive une grande ferme et a des bêtes charolaises. M. Lattu a eu la complaisance de me faire conduire chez M. Vilmorin, aux Barres, près Nogent-sur-Vernisson. M. et madame Vilmorin étaient à la promenade et je les ai trou- vés dans les anciennes pépinières, qui sont encore peuplées d'une quantité d'arbres rares; tous les. propriétaires qui s'occupent avec suite de l'amélioration de leurs bois, de- vraient visiter cette école si remarquable d'arbres verts, existant depuis plus de trente ans, dans laquelle les diverses variétés des résineux sont représentées par des lignes placées à côté les unes des autres, en sorte qu'on peut les comparer D aisément et juger leurs mérites respectifs; cela facilite à chaque planteur le choix des espèces qui lui conviennent le mieux. Les arbres sont placés ici dans une terre sablonneuse et humide ou bien dans une terre calcaire, sèche et sans fond. Je citerai quelques espèces qui m'ont le plus frappé et dont M. Vilmorin m'a confirmé ou fait connaître les mérites. J'ai beaucoup admiré cinq variétés de laricios : celui de Calabre, celui de Tauride, celui d’Espagne, celui d'Autriche ou pin noir, enfin celui de Corse, qui m’a paru le moins vigoureux. J'ai remarqué le pin à mâture de Riga et de Volhynie, celui d'Haguenau, le pin d'Écosse, celui de Genève, le silvestre, enfin le pin de Corte, espèce de pin des Landes ou pin maritime, mais qui est d’une plus grande dimension ; le pin-sapo, qui est de la famille des sapins; le grand pin de l'Himalaya et celui de Californie. Les cèdres du Liban restent dans ces mauvaises terres plusieurs années sans pousser, comme s'ils allaient mourir, et puis ils finis- sent par prendre le dessus, s’élancent et viennent fort bien. M. Vilmorin n’élague jamais un arbre résineux que lors- que les branches ont l'air de périr. Il sème ses pins-laricios et autres en plein champ avec des lupins ou du sarrasin, qu’il laisse périr sur pied; il m'a fait voir des chènes d'Amérique et autres arbres, qui, ayant été plantés entre des lignes de pins maritimes destinés à leur servir d’abris, n’ont pas le quart de la dimension de ceux qui, plantés en même temps, n'avaient pas eu de pins pour voisins. Il a remarqué aussi que les genèêts et bruyères sont funestes aux semis d'arbres verts. Un arbre dont il fait grand cas et qui vient mieux sur un mauvais sol que la plupart des autres et de tous les ypréaux dont il est une variété, c’est le blanc de Hollande à grands bourgeons; j'en ai vu dans différents endroits aux Barres, venant très-bien et fort droits, entre des blancs de Hollande de diverses espèces, qui étaient tout rabougris. Cet arbre a encore le mérite de ne presque pas donner de rejetons, du moins de ne pas les envoyer à beaucoup près aussi loin de sa tige, que les autres variétés. 3 — 4 — M. Vilmorin recommande aussi l'anus cordata et celui à feuilles rondes qui prospèrent loin des ruisseaux, le bouleau à canots d'Amérique; comme arbres d'ornement, le quercus rubra où chône rouge d'Amérique, le coccinea , le tinctoria où quercitron ; le palustris, qui vient aussi fort bien dans les sables ; le chêne ferrugineux, celui à feuilles de saule, le faleata, le pin-sapo ou sapin d'Espagne, l'acacia sans épine, qui ne se propage que par greffes; le pin-laricio d'Amérique greffé sur le silvestre; le pin à cinq feuilles des Alpes, grefTé sur celui du Lord, de même que celui de l'Himalaya ; enfin , le chêne-cyprès où pyramidal est encore un arbre intéressant, M. Vilmorin étudie depuis deux ou trois ans avec le plus grand soin, les produits des semailles de graine de pommes de terre; parmi l'immense variété de ces tubercules, fl en a trouvé ua certain nombre qui promettent beaucoup sous le rapport du produit ou de la bonne qualité; mais la ma- ladie les attaque souvent plus gravement que les anciennes. Il estime beaucoup la harvey, pomme de terre que je lui ai apportée d'Angleterre. J'ai vu dans son potager de superbes choux marins où crambes; il paraît que leur culture est la chose la plus facile ; on les sème en pépinière ou en place; ils ne sont bons à manger que la troisième année ; on ne doit couper une planche que tous les deux ans; c'est, dit M. Vilmorin, un excellent légume, ressemblant par le goût aux choux-fleurs; il se mange quinze jours avant les asper- ges; pour le blanchir on couvre le pied avec un pot à fleurs renversé; ce légume dure pendant six semaines à une épo- que de l’année où les jardins fournissent encore fort peu de chose. M. Vilmorin fait ses plantations d'arbres verts en lignes espacées d'environ 5 mètres; si c’est une espèce très-bran- chue, il les éloigne davantage; il préfère, pour les pays qui souffrent fréquemment de la sécheresse, que le der de la plantation soit garni de gazon. | Il a cultivé le lupin avec grand succès pour débiétier | » ur comme engrais. Il cultive aussi deux espèces de trèfle in- carnat , dont une est beaucoup plus tardive que celle géné- ralement répandue dans le nord et le centre de la France; l'espèce tardive a le mérite de prolonger beaucoup le temps, pendant lequel on peut employer cet excellent fourrage vert, et on s’en sert avantageusement pour épaissir un trèfle or- dinaire qui aurait levé trop clair, car l’époque où tous deux sont bons à couper diffère de très-peu de chose. La pluie m'a empêché, à mon grand regret, d’aller visi- ter les belles cultures des marquis Amelot et de Dalmatie, qui entretiennent des taureaux durbams, des vaches charo- laises et du canton de Schwitz. En-quittant M. Vilmorin je me suis rendu chez M. Batailler, ancien ingénieur des ponts et chaussées, qui est propriétaire de la terre du Portail; son habitation se trouve à 4 kilomètres environ de la ville de Montargis. En son absence madame Batailler a eu la bonté de m’accorder l'hospitalité et de me donner un conducteur pour visiter la culture de son mari. M. Batailler s'occupe depuis quelques années à transformer de bonnes terres qui ont une assez grande profondeur, sur un sous-sol calcaire, en prés irrigués; mais le terrain ne se prête guère à cette opération, car la rivière coule à pleins bords, les terres qui la bordent n’ont presque pas de pente et sont humides ; les nouveaux prés sont très-beaux, partout où le sous-sol ne souffre pas de l'humidité, mais c’est jà malheureusement une exception ; dans les parties basses l'herbe est jaune et fort peu abondante. M. Batailler possède une source sur la- quelle il compte pour irriguer beaucoup de prés, mais elle m'a paru trop peu abondante pour remplir son attente. On m’a fait voir un pré semé de l’automne précédent, sur une terre très-bien nivelée mais pas fumée, excepté 1 are 1/2 sur lequel on avait répandu 10 hectolitres de colombine ; il y avait sur cette partie, de l'herbe on ne peut plus épaisse et haute de 65 centimètres. On n’a pas pu me dire le prix de la colombine, mais en la comptant à 2 fr. l’hectolitre, ce qui n’est pas trop cher je pense, cela porterait la fumure -— 90 — à 4,520 fr. l'hectare, et je crois que 1,000 ou 4,200 kilog. de guano eussent donné un aussi beau résultat, quoique le prix d'acquisition et le port réunis n’eussent pas monté à plus de 260 ou 512 fr. Cent mètres de bon fumier qui, pris à Montargis, coûteraient 4,000 fr., ne produiraient pas un meilleur effet que 1,200 kilogrammes de guano. M. Batailler, qui est du Languedoc, a fait venir de cette province deux hommes dont un dirige les journaliers et l’au- tre est laboureur; ce dernier se sert d’une araire de son pays, qui est une charrue des plus imparfaites qu'on puisse rencontrer; elle a un soc pointu pour labourer les terres pierreuses, et un autre’soc absolument semblable à une bêche, pour couper les racines; je cite cette mauvaise char- rue, parce qu'elle a un age qui se prolonge jusqu'au joug des bœufs; si on attelle des chevaux, cet age s'adapte à un joug semblable à ceux qu’on emploie en Hongrie, pour atte- ler les bœufs par le cou; on fixe ce joug aux deux colliers des chevaux, sur un rebord placé derrière pour le suppor- ter; la barre inférieure du joug passe sous le cou des bêtes ; on fixe cet attirail en enfilant aux deux bouts du joug une baguette par un trou de la branche supérieure, puis on la fait entrer dans un trou de la branche inférieure du joug. Ce laboureur assure, ainsi que ses confrères avec qui j'en ai causé dans mes courses agricoles du midi, que cet age qui remplace les traits diminue considérablement la fatigue de traction ; je suis assez disposé à le croire, car j'ai vu dans les environs de Toulouse, beaucoup de bonnes charrues à ages prolongés attelées de deux bœufs de taille moyenne, qui labouraient facilement des terres fortes, en prenant des sil- Jons larges et profonds. Les terres du Portail et de ses environs m'ont paru très- bonnes, et ne manquent que de fumier et de bonne culture pour produire d’abondantes récoltes; il y en a une partie qui serait parfaite si on la drainait. 1] y avait plusieurs pro- priétés à vendre dans ces environs ; une entre autres, com- posée d’une jolie maison bourgeoise, d’un fort beau jardin ne pe et de 70 hectares de bonnes terres, venait d'être vendue à l'amiable 55,000 fr., quoiqu’elle eût coûté plus du double au vendeur. Les Languedociens m'ont fait voir leur manière de planter le mais; lorsqu'on le destine à produire du grain, on fait des billons à la manière du Northumberland. Ils assurent que le mais aime la terre neuve prise dans le sous-sol, quand même elle ne serait pas bonne; ils labourent donc très- profondément, ils déposent la graine à la main et dans le fond des billons, de manière à employer 4 décalitres de se- mence; on met entre deux pieds de maïs deux ou trois hari- cots grimpants qui s’attachent à ses tiges, et produisent beaucoup. On recouvre cette semence à la charrue en pre- nant une très-petite tranche sur le billon voisin, car il ne faut pas qu'elle soit beaucoup enterrée ; quand le plant est long comme le doigt, on fait passer une herse renversée sur les billons , afin de faire tomber un peu de terre fine au pied des plantes : peu de temps après on sarcle et lon éclaircit, en ne laissant les plantes qu’à 0°,66 dans les lignes qui sont à { mètre les unes des autres. Pour semer le maïs fourrage il faut employer de 8 à 40 dé- calitres de semence ; on la répand aussi à la main dans toutes les raies de charrue; la raie suivante couvre la semence. On herse le champ une fois que le maïs est bien levé, afin de le débarrasser des mauvaises herbes, ensuite on le sarcle pour le tenir propre jusqu'à l’époque où, étant assez grand, il couvre bien le terrain. On récolte daus le Midi alternativement du mais et du froment, en fumant tous les ans ; on sème, dès qu'on a enlevé le froment, du trèfle incarnat le plus hâtif ; celui-ci est récolté à temps pour être remplacé par le maïs à graine, à plus forte raison pour être suivi par celui destiné à ètre consommé. Les Languedociens m'ont fait voir une très-forte fourche à deux dents, qui sert, dans les terres très-fortes de leur pays, à remplacer la bèche qui pénétrerait trop difficilement en terre; ils m'ont dit qu'avec cet outil, un homme peut re- (98 —- muer 1 are de terre forte par jour, tandis que les gens du Gatinais n'en bôchent qu'un demi-are à peine. Je ne me souviens pas d'avoir vu ailleurs en France des ormes aussi beaux et aussi gros que ceux qui forment les deux avenues qui conduisent à l'habitation du Portail; ils annoncent assurément un bon fond de terre. En me rendant de Nogent au Portail, je me suis trouvé dans la diligence avec un M. Carlier qui a acheté, entre Gien et Briare, une propriété de 120 hectares il y a environ douze ans ; elle se composait en grande partie de terres en côtes et de sables d'alluvion sur les bords de la Loire, le tout fort maigre; on n'y cultivait que du seigle pour grains d'hiver. M. Carlier a commencé par les améliorer en les semant en seigle pour être consommé en vert, en trèfle incarnat, en vesces et gesces ; il faisait pâturer ces fourrages par un trou- peau de moutons, qu'il engraissait en lui donnant des tour- teaux ; ce troupeau parquait les champs qu'il venait de dé- pouiller, et on semait des navets ou des colzas aussi pour être pâturés, ou d’autres fourrages suivant la saison. Ces ré- coltes étant consommées, il parquait ou fumait, et semait des racines ; à mesure que ses terres s'amélioraient , il aug- mentait son bétail. Il a semé sur ses terres en coteaux, après les avoir défoncées et bien fumées, une trentaine d'hectares de luzerne et sainfoin à deux coupes. Il a acquis d'un pro- priétaire voisin le droit de détourner et d'amener sur ses terres d'alluvion un petit ruisseau , et il est ainsi parvenu à former 55 hectares de prés irrigués, qui sont excellents, car le sous-sol est perméable et l'eau du ruisseau de bonne qua- lité, 11 y engraisse des bœufs et des vaches achetés dans le Gatinais et la Sologne; il paye ce genre de bétail en moyenne 60 centimes le kilogr., et dit que s’il achetait des bêtes limousines ou charolaises, elles lui coûteraient au moins 80 centimes. Il m'a assuré pouvoir engraisser par an plus de 300 bêtes à cornes ou leur équivalent en moutons. M. Carlier a toujours une dizaine d'hectares en froment, autant en avoine, le même nombre en récoltes sarclées pour EN de le bétail, 5 hectares en trèfle, 5 en vesces, 50 en luzerne et sainfoin à deux coupes, enfin le reste des terres en fourra- ges à la Dezeymeris. Avant d'acquérir cette propriété dans le Loiret, il faisait le commerce de chevaux et de bétail dans la Picardie qui est son pays; il m'a engagé à venir voir sa culture la première fois que je reviendrais dans le Centre ; je lui ai promis ma visite pour l'automne prochain, car j'ai cru reconnaître en Jui un cultivateur très-intelligent. En me rendant de Montargis à la ferme-école du dépar- tement du Loiret, qui est placée dans une terre de 440 hec- tares appartenant à M. Chavannes, raffineur à Orléans, j'ai vu bien des champs cultivés en safran; on choisit pour cette culture les terres calcaires les plus légères et les moins bon- nes, on ne les fume pas et on y plante les oignons de safran en juillet ; ils y restent trois ans moins deux mois, car on les arrache en mai, on les range dans les champs comme des pierres cassées sur les bords des routes; ils restent ainsi pendant deux mois, ensuite on les replante dans une autre terre. Le safran se vend, quand il a été bien récolté et con- servé dans un endroit sec, depuis 48 jusqu'à 50 francs la livre, on l’exporte en grande partie en Allemagne. M. Chavannes était venu à Montbernaume pour me faire voir sa ferme-école, dont il a donné la direction à M. Bar- donnet, l’ancien propriétaire de la terre de Changy, terre qu'ilacultivée pendant longtemps, et qu’il a vendue ensuite au marquis de Dalmatie. La terre de Monthernaume a appartenu pendant quelques années à une société qui s'était formée pour exploiter une immense magnanerie, qu’elle fit con- struire d’après les systèmes les plus perfectionnés, et qui a coûté, m’a-t-on dit, plus de 100,000 francs; cette société qui n’a pu se soutenir, a vendu la magnanerie, la ferme et les 440 hectares à M. Chavannes pour 540,000 francs, en perdant, assure-t-on, plus de 400,000 écus. Le directeur, les professeurs et les élèves agriculteurs sont logés dans ces immenses bâtiments, qui ont l'air d’une grande caserne. M. Chayannes désirerait trouver un sérici- 6 culteur qui voulût former chez lui une magnanerie; il Jui donnerait les bâtiments avec les appareils et 44 hectares d'excellentes terres, plantées depuis une dizaine d'années en mûriers qui sont dans un état prospère. M. Chavannes a fait les arrangements suivants avec le directeur : celui-ci touche les 2,400 francs alloués par le gouvernement ; son fils est l'agent comptable ou économe ; il a 4,000 francs. La société loue les terres pour un bail de 18 années à raison de 50 francs pendant les neuf premières années, et de 55 francs le reste du bail, M. Chavannes four- nit le capital nécessaire pour faire marcher la culture, et on lui en paye 5 du 100. On commence par lui payer le loyer et les intérêts, il reçoit en outre les deux tiers du produit net, et le directeur a le troisième tiers pour lui, mais il n'entre pas dans les pertes. Les dortoirs des élèves ont été arrangés comme ceux de la ferme-école de la Charmoise, et sont fort bien tenus. Les élèves m'ont paru plus âgés que ceux que j'avais vus dans d'autres fermes-écoles, ils sont au nombre de dix-huit. Les terres sont bonnes, mais pleines de pierres calcaires ; elles sont assez difficiles à cultiver, étant très-collantes. La ferme- école dispose de 180 hectares de terres et de 7 en bons prés. Il y a de fort belles pépinières, qui ont été établies dans des prés, au fond d’une vallée. Voici la note des récoltes en terre : bect. ares Froment, 28 Escourgeon, 11 Avoines, 95:13» Orges de printemps, 10 » Pommes de terre, 10 » Mais fourrage, 1 40 Vesces et pois de printemps, 3 » Luzerne et sainfoin à faucher, 42 50 Id. id. à pâturer, 8 50 A reporter. 140 » — M — Report. 140 » Vesces d'hiver, 45 >» Trèfle incarnat, minette et trèfle blane, 40" 5 Prés naturels, r MERS 472, » Le reste des terres est en betteraves, topinam- bours et jachère, ou 45% > 487 » Le bétail se compose, maintenant que la ferme vient d’être récemment établie, de Onze chevaux, qui consomment chaque jour 152 litres pe- sant 66 kilogrammes d’orge et avoine qu'on fait concasser, 90 kilogrammes dont moitié foin et le reste luzerne, 22 ki- logrammes de paille, le tout coupé. Quinze vaches et deux taureaux, qui reçoivent 90 kilogr. de topinambours, 20 k. de farine d’orge, 50 k. de luzerne sèche et 100 Kk. de paille d'avoine. Lorsqu'il n’y a pas de racines on les remplace par une augmentation de 8 k. de farine d'orge, 20 k. de son, deux sacs de balles et 28 k. de paille; lorsqu'on pourra doubler les racines on supprimera les farines. Deux cent quatre-vingt-douze moutons, qui recevaient, le 18 avril, 205 kilogrammes de foin et sainfoin, 56 kilogram- mes de paille d'avoine, 75 litres d'avoine et 20 feuillards. On mélange ici soigneusement les fumiers des différents ani- maux ; on les met dans le même tas, sous lequel se trouve une citerne qui peut contenir 500 hectolitres de jus de fu- mier ; avec ce jus on arrose au moyen d'une pompe, plu- sieurs fois par semaine, tout le tas de fumier, qui doit res- ter ainsi quarante à cinquante jours pour être employé avec le plus de bénéfice. On met, maintenant que les terres sont encore en mau- vais état, de 70 à 75 mètres de fumier ou de boues de ville par hectare de froment ; on a eu cette année 875 mètres cu- bes de boues dans la ville de Pithiviers ; elles reviennent, —— 19 — étant rendues dans le champ, à 5 francs 60 centimes le mètre. M. Bardonnet fait mettre ces boues en tas après les avoir bien mélangées, car il y en a qui sont bien plus ferti- lisantes les unes que les autres; on en ôte les pierres, les tes- sons, ele., et on les laisse assez longtemps en tas avant de les employer. On estime ici les 4,000 kilogrammes de bon fu- mier à raison de $ francs. M. Bardonnet nous a fait voir une expérience qui mérite d'être citée: il a mis, dans une partie de son champ de fro- ment, du fumier de vaches bien fait et humide, mais sor- tant de l'étable ; dans le morceau voisin, du fumier mélangé qui était resté cinquante jours en tas, et avait été bien ar- rosé ; à côté, du fumier bien mélangé, mais sortant des éta- bles, écuries et bergerie ; enfin, à côté, du fumier de mou- tons tout seul et sortant de la bergerie; il a mis partout la mème quantité; voici le résultat existant alors : la partie fumée avec le fumier mélangé qui était resté cinquante jours en las, soigneusement arrosé deux fois par semaine, parais- sait devoir produire le double des autres fumiers; le fro- ment, dans les diverses fumures faites avec du fumier sor- tant de dessous les bestiaux, n’était pas moitié aussi haut que celui du fumier bien préparé; ce froment-ci était d'un vert foncé, pendant que les autres étaient jaunâtres. On doit hiverner à Montbernaume 200 moutons de So- logne qui seront engraissés, et 500 métis en y comprenant les agneaux. On vend le lait pour Paris 8 centimes le litre. On m'a dit ici que l'hectolitre de colombine se payait 5 francs. M. Bardonnet nous a affirmé une chose qui me paraît bien extraordinaire ; il assure que le plâtre produit un très-bon effet sur le trèfle incarnat, et qu'il n’en produit aucun sur les autres prairies artificielles, et cependant toutes ses terres sont calcaires. Le noir animal ne produit dans ces terres de bons résultats que lorsqu'on en met 40 hectolitres par hectare; cela formerait une fumure très-chère. M. Chayannes loue ses meilleures terres, près d’un vil- lage, jusqu'à 70 francs l'hectare. I à fait venir récemment RE > un bon vacher du canton de Fribourg ; il a des bergers du pays pour ses troupeaux, tandis que chez M. Malingié ce sont des jeunes gens de l'école qui gardent et soignent les bêtes à laine. Un des deux taureaux est un croisé durham- cotentin ; il y a dans l’étable deux vaches durhams. Je me suis séparé de ces messieurs, pour revenir à Paris, afin d'assister au congrès d'agriculture et pour voir l'expo- sition. Sommaire. Traversée de la Beauce; vices de la culture dans ce pays. — Visite à M. Salvat, à la Blondellerie; son exploitation. — Beau bétail de M. Adolphe Salvat, au château de Nozieu. — Jmmenses plantations de M. de Vibray, à Cheverny. — Parti qu'on peut tirer des terres sablon- neuses à fond calcaire, — Cultures de M. Duquesnoy, à la Guésardière ; étables à planchers et rigoles. — Ferme-école de M. Malingié; — de M. Chambardel, au château de Marolles ; ses heureux défrichements. — M. Desloges, cultivateur distingué, à Mantelan ; emploi du falun comme amendement. — Grandes propriétés de MM, de la Selle ; bon parti qu'on peut tirer des bruyères.—Culture du val de la Loire.—Haras et vacherie du Pin. — Superbe bétail de M. de Torcy. — Bel aspect de la contrée d'Argentan à Saint-Lô. — Domaine de Canizy, à M. de Kergorlay. — M. Diguet, habile vétérinaire, — Emploi de la tangue comme amende- ment, — Grand défrichement de forêts, — Engraissement des volailles. — Étalons de M. Théot, à Saint-Germain , près d'Avranches. — M. Mé- rielle, bon éleveur à Angoville. — M. Basly, près de Caen; ses beaux étalons.— Château de Fontaine-Heury ; fertilité du pays environnant, — Herbages d'Olivarot.— Ferme-école du Calvados, dirigée par M. de Mec- flet. — Concours d'agriculture à Pout-l'Évèque. — Culture du pays de Caux. — Carrière agricole de M. Dargent. — Instruments d'agriculture importés d'Angleterre par M. Bille. — Séjour à Dieppe. Je suis parti de Paris le 49 juin pour me rendre à Arcon- ville près de Toury en Beauce ; j'ai remarqué pendant cette course , avec regret, bien des champs en jachère dans des terres douces qui n’en ont aucun besoin, et sur ces jachères des fumerons complétement blanchis par les pluies, preuve qu'ils y sont déposés depuis longtemps. Il faut attribuer le bas prix des fermages de ce pays aux vices de la: culture beauceronne ; je ne saurais trop attaquer la mauvaise ma- nière de fumer les champs, l'habitude de faire des jachères improductives, enfin l'usage de laisser beaucoup de froment dans la paille pour nourrir les bêtes à laine, au lieu de leur ED — donner des betteraves, des rutabagas et des navets, dont la culture remplacerait si bien les jachères mortes, et qui ra- fraîchiraient les troupeaux au lieu de les échauffer, comme cela arrive par l'emploi du grain ; on éviterait ainsi la mala- die connue sous le nom de sang-de-rate, qui fait périr pres- que tous les ans, dans les fermes à terrain calcaire, une bonne partie des plus belles bêtes du troupeau. On me dit que les excellentes terres que je parcourais ne se louaient en corps de fermes que 45 francs l’hectare, et que la moyenne de cette province n’était que de 55 francs. J'ai visité un jeune fermier qui cultive deux fermes com- prenant 400 hectares ; celle des deux que j'ai visitée com- portait à peu près la moitié de sa culture; il s'y trouvait un cheptel composé de sept cents mérinos, quarante-deux vaches normandes et quinze chevaux, ce qui donne à peu près cinq huitièmes d’une grosse bête par hectare, et cepen- dant les avoines n'étaient pas moitié de ce qu’elles eussent dù être dans d'aussi bonnes terres, si l’engrais n’eût pas manqué. Les froments étaient beaux, mais on leur consacre tout le fumier de la ferme. Ils rendent, m’a-t-on dit, de 25 à 50 hectolitres par hectare dans les bons fonds, et en moyenne 20 hectolitres; on ne vend pas de paille, mais on n'a pas assez de bestiaux pour la réduire en fumier. Si l'on cultivait une étendue suffisante de terrain en racines en adoptant l’assolement alterne, on pourrait doubler la quantité de bé- tail, et le nourrir d’un mélange de foin, paille et racines, le tout coupé, en y ajoutant des tourteaux et des farines de fèves, pois, ou orge; on engraisserait alors un bon nombre d'animaux, on aurait du fumier en abondance, et les récol- tes ne seraient plus réduites à la moitié de ce qu'elles de- vraient produire. J'ai vu de beau trèfle incarnat qu'on avait laissé pour se- mence. Il y avait dans cette ferme une machine à battre, de la force de deux chevaux; elle coûte 1,800 francs et bat de 15 à 20 hectolitres de froment par jour ; ces machines sont encore fort peu communes dans ce pays. On n'y connait pas sé dl encore le guano. On vend le lait 10 centimes le litre pris à la ferme , et 44 centimes rendu à la station du chemin de ter, | J'ai vu en me rendant de Toury à Orléans, et de là à Mer, de bonnes et de mauvaises récoltes. J'ai loué à ce dernier endroit une petite voiture qui m'a conduit à la Blondellerie, habitation de M. Salvat fils aîné, Mon cocher était un cabaretier qui obtenait de son petit cheval, et de ceux qui viennent loger chez lui les jours de marché, une cinquantaine de mètres de fumier dans le courant de l'an- née, Il fume avec cet engrais et celui qu'il achète 4 hectare 80 ares de froment , autant en avoine, et la même quantité en trèfle, vesces et sainfoin à une coupe, qu'il fauche et qu'il laboure ensuite ; il m'a dit qu'il achetait tout le fumier qui lui manquait pour bien fumer ses 5 hectares 4/2 tous les ans, et que de cette manière il avait toujours de fort belles récoltes, Son voisin a aussi un cheval ; ils les réunissent pour faire leurs labours, ainsi que ceux d'un certain nombre de petits propriétaires , qui n'ayant pas d'attelages les louent pour cultiver leurs terres et rentrer leurs récoltes. Ces bra- ves gens devraient avoir de bonnes vaches, qui feraient leur culture en temps convenable, au lieu de prendre des labou- reurs, qu'il faut payer fort cher, et qui ne font la besogne des autres qu'à leur convenance et lorsqu'ils ne peuvent travailler pour eux-mêmes. Ce cabaretier m'a dit que les bonnes terres du Val se louent jusqu'à 480 et 200 francs l'hectare. M. Salvat m'a fait voir une nouvelle prairie d'environ 20 hectares, qu'il avait faite dans une terre de Sologne améliorée par lui; il y a semé un mélange de trèfle rouge, trèfle blanc, lupuline, raygrass d'Italie, houlque Jlaineuse, et des fonds de greniers à foin, le tout fort épais; elle est d'une beauté extraordinaire, Nous avons mesuré la partie du champ dont on avait emporté le foin sans les râtelures, sur quatre très-fortes voitures à deux chevaux; il estimait 1,250 kilogrammes la charge de chacune des voitures; en PU les comptant seulement à raison de 4,000 kilogrammes, cela ferait 4,000 pour 45 ares ou 9,000 kilogrammes par hectare. Il a 450 ares de carottes semées en ligne à 50 cen- timètres, qui sont très-bien levées et très-nettes. Une assez grande étendue de choux ont déjà été repiqués, mais il compte faire 4 hectares de choux à vaches et un de choux cabus, les premiers fumés à raison de 40,000 kilogrammes, et les autres avec 60,000. Ils sont plantés au plantoir sur des lignes à la Northumberland, espacées de 80 centimètres les unes des autres, et à même distance dans la ligne; il leur donne en outre une bonne pincée de guano, prise entre quatre doigts, qu'il place dans la ligne entre deux pieds de choux, au moment où on les sarcle, de manière à recouvrir de suite le guano de terre; cela en consomme environ 500 kilogrammes par hectare. M. Salvat a environ 4 hectare de chanvre de Piémont, qu'il a semé dans un pâtureau défriché depuis dix ans; il l’a fumé à raison de 60,000 kilogrammes de fumier et lui a encore donné 500 kilogrammes de guano; il est aussi beau que les meilleurs chanvres, venus dans les bonnes terres d’al- luvion du val de la Loire. Il a 12 hectares de seigle magnifique, 5 hectares de fro- ment assez médiocre et 45 hectares d'avoine de toute beauté, beaucoup plus belle que celles que j'ai vues hier et aujour- d'hui en venant de Paris ici. Il a fait arracher un semis de pins maritimes âgés de huit ans, qu’il avait vendu pour faire des échalas et des fagots ; il l'a semé en seigle sans fumure, et ce seigle est devenu magnifique, quoique les pins eussent été semés sur une vieille terre de Sologne bien maigre. Il à 4 hectare de bruyère écobuée sur lequel se trouve un très-beau froment. La pépinière de betteraves est superbe; il va les repiquer comptant en faire 5 hectares, et 4 de pom- mes de terre. Ses vesces d'hiver ont plus de 4 mètre 60 cen- timètres de hauteur. Une assez grande étendue de terre a déjà été drainée, au moyen de rigoles couvertes, dans les- quelles on a mis des fagots d’aunes ou de bruyères, cela fait PR très-bien, mais ne durera malheureusement pas très-long- temps. Quel dommage qu'il ne se soit pas arrangé avec son frère, pour faire venir d'Angleterre une machine à faire des tuyaux de drainage, qui, étant mise entre les mains d'un tui- lier du voisinage, leur eût fourni le moyen d'exécuter des drainages bien établis qui coûteraient beaucoup moins cher et auraient une durée indéfinie ! La chaux revient à M. Salvat , rendue chez lui, à 4 francs 50 centimes les 2 hectolitres; elle vient des bords de la Loire, à environ 40 kilomètres de la Blondellerie. S'il construisait un petit four à chaux sur une parcelle de terre contenant de la pierre calcaire, qu'il pourrait acheter sur les bords de la Loire, sa chaux ne lui reviendrait alors qu'à 75 centimes l'hectolitre. M. Salvat hiverne 500 bêtes à laine, qui proviennent en partie d'un croisement entre brebis solognotes et béliers southdowns. Il vient d'acheter un beau bélier de cette race à Alfort pour 460 francs. Ses vaches et élèves proviennent de taureaux durhams avec vaches bretonnes ou mancelles, et ce bétail est fort beau ; il dépasse le nombre de trente têtes. Sa vacherie contient une vaste citerne à purin. Il vend ses veaux à l'âge de six semaines, n'élevant que les plus belles génisses; ses vaches provenant de croisement durham lui donnent au premier veau de 12 à 15 litres de lait. I fait arroser fréquemment les fumiers avec du purin, et le laisse pendant quinze jours sous ses bêtes à cornes, mais en les tenant toujours abondamment fournies de litière de bruyères et de fougère, mêlée de paille. | La terre de la Blondellerie se compose de 550 et quelques hectares dont environ 500 en bois, créés en grande partie par MM. Salvat père et fils. Elle a l'avantage de posséder des marnières. M. Salvat paye 8 francs pour faucher et faner 1 hectare de prés. I loue pour 80 francs des locatures avec grange, étable pour deux vaches et des cochons, 50 ares d'excellent jardin, 50 ares de prés, et autant de pâtureau; il ue ajoute , si le locataire le désire, de bonnes terres à raison de 35 francs l'hectare. Ses choux sont arrosés au moment de la plantation; je lui ai conseillé de les tremper dans une bouillie épaisse, de bouse de vache mêlée à du noir animal; je suis persuadé qu'il évi- tera ainsi l’arrosage qui est dispendieux, et que cela ne nuira en aucune façon à la bonne réussite des récoltes sarclées qu'on repique. M. Salvat m’ayant retenu à coucher, m'a envoyé le len- demain matin chez son frère M. Adolphe Salvat, au château de Nozieu , qui se trouve dans le riche vallon de la Loire et à 10 kilomètres de Blois. Il ne cultive qu'environ 50 hec- tares de ses excellentes terres ; il en loue 70 en détail aux vignerons de sa commune, qui les payent depuis 160 jus- qu’à 200 francs. Il a en outre des bois magnifiques, et des vignes qui donnent dans les bonnes années jusqu’à 120 hec- tolitres d’un bon vin rouge ou blanc. M. Adolphe Salvat a une des plus belles vacheries de France ; elle se composait , lorsque j'étais chez lui, de deux taureaux durhams, d’un taureau croisé durham et hollandais, de neuf vaches, trois génisses et deux vêles de pure race durham, de deux vaches hollandaises, de trois vaches et une génisse croisées durhams-hollandaises, de trois belles vaches durhams- mancelles , et de deux bœufs et une génisse durhams à l’en- grais. Il n’a que deux fort belles juments percheronnes pour la culture, mais ses chevaux de voiture peuvent, je pense, y aider aussi. J'ai vu chez lui 4 hectares de chanvre de Piémont fort beau, qui a reçu pour toute fumure 600 kilogrammes de guano du Pérou par hectare; il a été cultivé à la bêche par des vignerons, qui sont chargés de tous les travaux de cette culture, y compris le bèchage, payent la moitié de l'engrais et de la semence, et laissent la moitié du chanvre arraché et lié, pour le propriétaire du terrain ; cette récolte ne lui a rap- porté net, l’an dernier, que 225 francs, loyer payé; mais il y a sur ce terrain, qui n’a pas reçu d'engrais, un superbe fro- 4 ment qui devra donner au moins 55 hectolitres. Ces 600 ki- logrammes de guano coûtent rendus sur place 470 francs. Il faudrait, suivant M. Salvat, de 12 à 4,600 pieds cubes de fumier par hectare pour obtenir un bon chanvre; le pied cube de fumier coûte ici de 50 à 40 centimes; prenons la moyenne de 1,400 pieds cubes à 55 centimes, cela ferait 490 francs au lieu de 470 francs; c'est donc une économie de 520 francs, sur laquelle on pourra prendre ce qui sera nécessaire pour suppléer à la fumure de la troisième année, car on pense que l'effet du fumier doit s'y faire encore sen- tir, Les vignerons de ce pays commencent à comprendre le mérite du guano; M. Salvat est prié par plusieurs d'entre eux d'en faire venir, et il croit que bientôt on devra en éta- blie un dépôt dans le pays pour en fournir aux petits culti- valeurs, comme cela a déjà lieu depuis plusieurs années dans les environs de Melun, dans le département de Maine-et- Loire et dans la Flandre belge. M. Salvat a des champs de récoltes sarclées, qui sont fort propres et donnent de belles espérances ; ses carottes sont en lignes distancées par 55 centimètres; l’an dernier il en a récolté 60,000 kilogrammes par hectare. Il va bien- tôt semer des navets, auxquels il consacrera 4,000 kilo- grammes de superphosphate fabriqué chez lui; les os con- cassés à peu près de la grosseur du doigt ont coûté 40 francs les 1,000 kilogrammes, l'acide 25 francs les 100 kilogram- mes. Il faut au moins 400 kilogrammes d'acide pour 4,000 ki- logrammes d'os; mais c'est par un effet du hasard qu'il a pu se procurer des os cassés à un prix où l'on vend ordinai- rement les os entiers. Je pense que c'est à l'emploi des os pour faire venir les turneps que les Anglais doivent en par- tie d'avoir des récoltes de froment de 50 à 40 hectolitres par hectare. Ses pommes de terre sont fort belles et très- propres; il m'a dit qu'on les vendait depuis deux ans au moment de la plantation 5 francs l'hectolitre. Les bords de la Loire sont très-bien cultivés, et cette amé- lioration de culture s'étend jusqu'à 4 kilomètres de la rive üû D gauche en entrant en Sologne. On voit ces sables jadis si mai- gres produire de superbes récoltes de seigle, d'orge, de ha- ricots, ainsi que de luzernes et de trèfles rouge et incarnat; on y à planté beaucoup de vignes; j'y ai même remarqué quelques champs couverts de beaux froments; cela est dû en partie aux bons exemples donnés par quelques propriétaires et surtout par M. Salvat le père, qui ont marné, chaulé, fumé abondamment, fait des prairies artificielles et cultivé des racines pour nourrir beaucoup de bétail, et obtenir ainsi de meilleur fumier en plus grande quantité. On voit avec plaisir de ces petits cultivateurs qui plantent des bette- rayes et des choux, et qui sèment soit des carottes et des na- vets en lignes, soit du sainfoin avec l’avoine pour le faucher une fois et le retourner ensuite, soit de la luzerne à laquelle ils ajoutent 7 à 8 kilogrammes de raygrass d'Italie, un peu de trèfle rouge et de lupuline. Toutes les récoltes sarclées de M. Salvat sont plantées ou semées après une récolte de seigle, de trèfle incarnat, de vesces d'hiver fauchées en vert, pour le bétail. Les carottes sont semées sur les premières récoltes enlevées, et les choux et betteraves repiqués après l’incarnat et les vesces. M. Sal- vat devrait faire du colza dans les terres pour lesquelles il ne trouverait pas d'amateurs voulant faire du chanvre à moi- tié; le colza produirait beaucoup d'argent dans un aussi bon fond. Il a employé le taureau durham-hollandais avec ses vaches croisées, parce qu'il est supérieurement marqué d’a- près le système Guénon, espérant obtenir ainsi une plus grande production de lait des élèves provenant de ce tau- reau. Il vient de faire châtrer deux taureaux durhams encore jeunes; un d'eux a eu, au dernier concours de Poissy, le premier prix des taureaux; ces bètes qui n'avaient pas en- core quatre ans auraient pu servir encore plusieurs années à la propagation de leur espèce. Il a perdu Fan dernier d'un coup de sang un taureau durham qu'il engraissait après Pa- voir châtré et en a vendu un autre à la boucherie pour 700 francs. — 52 — Le 22 juin de grand matin, j'ai été faire une visite au marquis de Vibray dans son magnifique château de Courch- verny à 12 kilom. de Blois, [ nous a conduits, mon neveu et moi, dans une des immenses plantations qu'il a commencées en 1850, et qui sont arrivées à couvrir 700 hectares; il a détruit pour cela ses deux plus mauvaises fermes, et a réduit considérablement l'importance des douze autres, qui comp- tent encore plus de 1,500 hectares ; les bois ont à peu près la même étendue. Les plantations sont composées de chênes, de bouleaux, de laricios, de pins noirs d'Autriche et de pins silvestres. On y trouve aussi beaucoup d'arbres rares, tels que le pin de Caramanie, le pin des Pyrénées, le montana, le Gerardiana, Ve sinensis, le culterys, le macrocarpa qui vient, je crois, de Californie, le pin palustris, le pinus insi- qmus encore de Californie, l'ercelsa de l'Himalaya, le pinus sabiniana, également de Californie, les pinus Hartweyi et nobilis du Mexique, le ponderosa des Alleghanys et des mon- lagnes Rocheuses, le Lambertiana de Californie, le Rousse- hana et beaucoup d'autres de Calabre et de Caramanie, l'abies spectabilis, le cryptoriena japonica le Douglasi, celui-ci vient de bouture et arrive à une hauteur et une grosseur énormes ; l'abies-fraserie, le pin-sapo d'Espagne, l'abies morinda où Smithiana, des cèdres du Liban, de l'Atlas et de l'Himalaya; ce dernier vient facilement de bou- tures en les mettant sous cloches, de même que le taxodium sempercirens, qu'on dit s'élever à 100 mètres de hauteur ; j'ai oublié les noms d'une grande quantité d'autres conifères que posséde M. de Vibray, et dont le nombre s'élève, m'a-t-il dit, à cent cinq variétés, Il en a greffé lui-même une grande quantité dans les bois, entre autres le strobus où pin à cinq feuilles, sur pins silvestres, sur laricios et sur pins du Nord. [la mis beaucoup de sapins blancs ou argentés, et de sapins rouges dans les meilleures parties de ses bois; ils y viennent a merveille. Beaucoup des immenses et très-nombreuses allées qui coupent ses bois, ont été bordées avec les plus — 153 — belles espèces de chènes d'Amérique, avec des bouleaux à ca- not et d’autres arbres étrangers. M. de Vibray fait un très-grand cas du pinus austriaca ou pin noir d'Autriche; c'est une des variétés de l'espèce des laricios. I] assure qu'elle est très-vigoureuse, et qu’elle vient très-facilement de graine. Cette graine lui a été fournie par un M. Ket, pépiniériste à Wiener - Neustadt, en Autriche, à 5 fr. le kilogramme. Il se procure la graine de cèdre du Liban chez M. Guy, au Pecq, près Saint-Germain, ou bien chez M. Fougeroux, à Vrigny, près Pithiviers; ce dernier fournit aussi les divers glands d'Amérique qui proviennent des arbres plantés par le célèbre Duhamel du Monceau. Il existe aussi de vieux arbres d'Amérique dans un coin de la forêt de Blois nommé le jardin de M. de la Luzerne, qui les y fit planter, et dans une terre qui avait appartenu à M. de Malesherbes, et qui est aussi dans le voisinage de Pithiviers. J'ai vu dans le parc de Cheverny un cèdre du Liban planté en 1808 par M. Guillot, qui a vendu cette propriété à M. de Vibray le père; ce cèdre a 1°,65 de circonférence à 1,55 de terre; un fort beau mélèze planté à la même époque et dans le même terrain n’a que 4 mètre de tour. M. de Vibray s’est tellement occupé de silviculture jusqu’à cette heure, qu'il a encore fait peu d'améliorations agricoles ; il cultive cependant une grande ferme où il a commencé il y a quatre ans, à croiser des brebis de Sologne avec des bé- liers southdowns; il a maintenant environ trois cents bêtes provenant de ce croisement, dont il est fort content; il as- sure qu’elles ne sont pas difficiles sous le rapport de la nour- riture, et que les moutons arrivent, étant gras, au poids de 25 kilogrammes viande nette; les toisons sont aussi amélio- rées et plus lourdes. Je pense que le croisement southdowr avec nos races de bètes à laine commune sera très-profitable, mais qu’il devra être continué jusqu'à ce que l’on obtienne l'espèce pure, car elle est très-vigoureuse , donne une toison qui lavée à dos pèse près de 2 kilogrammes et convient à merveille pour la … OÙ = fubrication des draps communs ; sa viande est la meilleure de son espèce, et se paye toujours au moins 5 centimes par livre anglaise de plus que celle des autres moutons. Je pense aussi que l'introduction en France de troupeaux southdowns de pure race serait une excellente chose, si elle n'était pas si dispendieuse. [est bon d'observer que la viande des mou- tons croisés southdowns et brebis de Sologne est la meilleure que j'aie mangée en France. Tous les fermiers de M. de Vibray se sont mis à marnéer et à défricher des bruyères, dont il ne leur restait pas une grande étendue, et ils eullivent tous plus ou moins de fro- ment dans des terres où l'on n'en avait jamais vu, mais qu'ils ont marnées, M. de Vibray a desséché la moitié des nom- breux étangs qui se trouvaient sur sa terre ; cet exemple est un grand service rendu à ce pays, qui a t fièvres intermittentes. Le fond de ces étang cellentes terres et de bons prés, qui prod plus que les étangs empoissonnés. Ceux qui subsistent encore sont en mauvais fond; mais il n'y en aurait que plus de mérite à les détruire pour rendre le pays salubre ; et si on ne peut en faire des terres ou des prés, il sera toujours facile de les planter en bois après les avoir assainis. Le revenu sera moindre pendant vingt ans, mais l'avenir payera large- ment un sacrifice momentané, par des produits plus abon- dants et par la santé rendue à toute une contrée. M. de Vibray a une quantité considérable de fort beaux échantillons de minerais, d'ossements et de coquillages fos- siles, dont une bonne partie a été recueillie par lui-même dans bien des endroits, mais principalement dans les falu- nières de Mantelan et Sainte-Maure en Touraine, et dans celles des environs de Pontlevoy. Il a découvert chez lui, sous une excellente marnière, qui a près de 3 mètres de pro- fondeur, un très-beau sable marin contenant des ossements fossiles. Je serais bien étonné si les sables calcaires des en- virons de Contres n’en contenaient pas également, ainsi que du phosphate de chaux. Il serait à désirer qu’il se formäât en — 55 — France, comme cela se pratique en Écosse, en Angleterre et en Irlande, des sociétés de chimie, qui avec le produit de leurs souscriptions, payent un bon chimiste pour analyser à bas prix toutes les substances agricoles qui lui sont sou- mises par les membres de l'association; car il est presque certain que nous possédons aussi sur le continent des co- prolites ou pierres-engrais, des marnes et sables calcaires verts, qui contiennent beaucoup de phosphate de chaux, et par conséquent de l'acide phosphorique. Il y a cinq ou six ans qu'on ne connaissait pas les amas de coprolites qu’on a découverts en Angleterre, et maintenant des usines pulvéri- sent ces pierres, qui sont très-dures, et expédient cette pous- sière fertilisante d’un bout de l'Angleterre à l’autre; elle fournit aux cultivateurs un engrais infiniment moins cher que les os pulvérisés, et les remplace parfaitement. Si M. de Vibray apporte dans ses améliorations agricoles la même ardeur qu'il a déployée pour la silviculture, il ren- dra d'immenses services à son pays; mais pour cela il devrait s'adjoindre un habile cultivateur praticien des environs de Lille, capable de faire exécuter convenablement les travaux d'améliorations qui lui seraient ordonnés. Je l’ai aussi en- gagé à mettre dans ses locatures quelques bons cultivateurs flamands , choisis dans les mauvaises parties des Flandres belges , dont les fonds de terre ne se composent que de sables très- maigres; il aurait soin de leur ajouter une vingtaine d’hectares des meilleures terres de Sologne. Ces petits fermiers serviraient d'exemple à ceux du pays, qui les imiteraient plus volontiers que leurs propriétaires ; ils sup- posent toujours que ceux-ci ne peuvent produire de belles récoltes qu'à grands frais et à perte. J'ai vu dans les terres de Sologne, de Cheverny, et dans mon trajet de cet endroit au château de la Basme, habitation de mon frère, des champs de froment et d'avoine aussi beaux, au moins, que ce que j'avais vu de mieux depuis Étampes jusqu’à Mer, où j'ai quitfé les terres de Beauce. [l'est bon de remarquer quel immense parti on peut tirer — 50 — des terres sablonneuses à fond argileux , lorsqu'elles sont bien marnces, fumées et cultivées; ces terres deviendront excellentes si à cela on ajoute encore le drainage, Mon frère vient de construire une ferme sur des terrains vagues, com- posés principalement de sables blancs très-maigres, et de mauvaises bruyvères très-humides ; il a de fort beaux seigles dans les sables, sur lesquels on a mis d'abord environ 100 mètres cubes de sous-sol argileux, sortant des fossés qu'on a creusés pour entourer les pièces ; à quoi on a ajouté 15,000 kilogrammes de fumier, provenant d'un bétail très- médiocrement nourri, et qui reçoit pour litière des bruyè- res ; on a seulement le soin de couvrir ce fumier de couches épaisses de très-bonne marne, Mais ce qu'il y a de plus re- marquable dans cette ferme, ce sont les avoines venues sur un défrichement de bruyères, qui n'ont été labourées en partie qu'au mois de novembre dernier, et qui toutes n'ont reçu qu'un seul labour; la semence qui était de l'avoine d'hiver, mais d'une variété qu'on sème habituellement dans le Berry au mois de février, avait été mêlée avec 5 hectoli- tres de noir animal et autant de cendres lessivées, le tout ne revenant qu'à 36 francs par hectare ; cesavoinesontde1”,25à 1°,50 centimètres de hauteur, et elles sont d'une épaisseur et d'une couleur vert foncé qui font craindre qu'elles ne vien- nent à verser; elles dépassent de beaucoup celles que j'ai vues dans les environs de Paris ou dans le val de la Loire, où on loue les terres de 150 à 200 francs l'hectare, J'ai vu un fort beau froment venu sur une bruyère défrichée dans l'hiver de 1847 à 1848, qui avait produit l'an dernier une avoine, avec 7 hectolitres de noir animal semé sur la terre, et ce froment n'a pas reçu d'autre engrais. Mon frère avait semé l'an dernier de bonne heure de l'avoine avec du noir et elle a été bonne; il en avait semé d'autre vers la fin d'avril avec la même quantité de noir; elle n’a rien valu, la sécheresse ayant empêché le noir de produire son effet. M. Jénard, fermier des environs de Mons, qui a loué une ES ferme de mon frère il y a dix-huit mois, n’a pas pu, à cause des circonstances fâcheuses de l’époque, acheter du noir ani- mal et du guano ; aussi n'a-t-il fumé et semé que 12 hecta- res de grains d'hiver qui sont fort bons; il a 4 hectare 1/2 de vesces d'hiver mèlées de seigle, qui ont bien réussi mal- gré l'absence de fumure; il a plâtré pour essai trois planches de ces vesces, elles sont bien plus belles que les autres, et ce qu'il y a de très-remarquable, c'est que le seigle a aussi beaucoup profité du plâtrage, quoique la terre soit froide, nullement calcaire et n'ait pas encore été marnée. Les avoines de M, Jénard sont fort belles ; il en a plus de 20 hectares. Il a des vesces de printemps, des pois fourrage, des pommes de terre et un peu de choux cavaliers, le tout fort bien préparé; il compte faire beaucoup de navets d’é- teule, ceux qu'il avait semés l’an dernier et qui avaient très- bien réussi lui ayant été d’un grand secours. Il a conduit de bonnes terres sur ses prés, et a ajouté du fumier aux plus mauvaises parties ; ces améliorations ont augmenté de beau- coup la qualité et la quantité de son foin. Il regrette bien d’avoir amené un chariot dans ce pays, où les chemins de traverse sont trop mauvais pour des voi- tures à quatre roues ; il est aussi fâché d’avoir apporté ses charrues à tourne-oreille du Hainaut, car il reconnait que la charrue belge-américaine que nous avons introduite dans le centre, est supérieure et préférable à l’autre. Un des métayers de mon frère, qui est du pays, défriche des bruyères à la charrue; mon frère lui donne, pour l'en- courager à cette amélioration, 55 francs par hectare et lui fait l'avance de 5 hectolitres de noir. Le métayer lui rem- bourse la moitié de ccite dernière dépense sur la récolte d'avoine qui est venue au moyen de ce noir; on à fumé ensuite à raison de 15,000 kilogrammes de fumier, pour semer du méteil qui est fort beau. Mon frère avait fait repiquer du plant de colza, dans un -champ semé en navets et dans un autre qui l'était en hari- cots ; ces plantes une fois enlevées, le colza resté seul a con- at DO servé jusqu'au printemps une fort triste apparence; on Jui a donné alors du guano à raison de 300 kilogrammes par hec- tare, ce qui l'a fait venir comme par enchantement et a amené un produit considérable. Je viens de faire une visite à M. Detré et j'ai trouvé chez lui de très-belles récoltes en froment et avoine; il bat main- tenant son colza qu'il dit avoir produit une récolte complète. Il pense que la première coupe de ses luzernes produira 6,000 kilogrammes par hectare; elle est admirable, même dans les parties du champ qui n'ont que 0",10 de terre, sur un fond de sable calcaire d'une grande profondeur, elle n'est pas plus belle sur les parties du champ qui ont 0",50 de bonne terre; cela me fait supposer que ce sable doit contenir du phosphate de chaux. Je demandai s'il n'existerait pas des ossements fossiles dans ce sable, M. Detré me répon- dit qu'on en trouvait quelquefois; il serait fort intéressant pour les propriétaires de ce pays, de faire analyser avec soin ce sable qui forme le sous-sol d'une grande étendue de pays dans les environs; mais en tout cas, le bon exemple que M. Detré a donné en semant sur des terres qui jusque-là ne prodaisaient que de tristes récoltes, de la luzerne qui y vient aussi belle que dans les meilleures terres des environs de Pa- ris, devra être suivi par les cultivateurs des terres à sous-sol composé de ce sable calcaire. Si le sol supérieur y est d'une mauvaise qualité, il faudra lui fournir de l’engrais et à défaut de fumier faire venir du guano, car le noir animal et les cendres ne conviennent pas à ces sortes de terres. I faudra plâtrer la jeune plante au moment de la levée; et si l'on s'y prend bien, la luzerne prospérera et indemnisera grande- ment des avances qu'on aura faites pour elle. Au reste, eette plante est cultivée maintenant avec grand succès dans pres- que toutes les parties de ce canton, où anciennement on ne la croyait possible que dans quelques positions exception- nelles. Les grandes taches de luzerne du même champ, qui s'étaient trouvées complétement blanchies par les hâles brû- lants survenus en juillet 4848, ont tout à fait disparu; la sm “65 luzerne est aussi belle dans ces endroits-là que partout ailleurs. Toutes les récoltes de Salmain, jeune fermier de mon frère qui est venu encore enfant avec son père, il y a une vingtaine ‘d'années, des environs de Wavre en Belgique, sont très-belles et dépassent de beaucoup celles des autres fermiers du pays. Je suis allé passer une journée chez M. Duquesnoy, pro- priétaire de la Guésardière près Saint-Aignan, il a de fort beaux froments, mais il en a aussi qui sont médiocres, ce qui est dû, je pense, à ce qu'ils viennent après des pommes de terre, sans avoir reçu un nouvel engrais. Je suis persuadé que s’il leur consacrait de 200 à 300 kilogrammes de guano par hectare, il récolterait de 8 à 10 hectolitres de plus, qui malgré leur prix actuel de 45 et 44 fr., laisseraient encore un bénéfice de 50 à 40 fr. sur la première récolte, sans compter l'augmentation de la paille et l'effet que produirait le guano sur la seconde récolte. Il sème beaucoup d'avoines dites de février jusqu’à la fin de mars, faute de pouvoir le faire plus tôt à cause de l'hu- midité des terres, et elles viennent bien mieux que leurs voisines semées avec de l’avoine de printemps. M. Duquesnoy a une demi-planche de froment rouge d’Essex à six rangs, dont je lui avais donné douze grains dans l'automne de 1847 ; il croit que ce froment rendra boaucoup plus que celui du pays, et qu'il ne versera pas fa- cilement, sa paille étant très-roide et moins élevée. Il a semé du froment de mars de Rome que M. Vilmorin lui à donné ; ce grain est fort beau. 1] cultive aussi du fro- ment de mai. Il fait grand cas des pois nains impériaux et de ceux de Clamart, pour la culture en plein champ. M. Duquesnoy m'a dit qu’un homme armé d’un plantoir à cinq pointes, distantes de 0",22, occupe deux garçons, dont l’un met la graine de betteraves ou de rutabagas et l’autre bouche les trous, en y mettant du terreau mêlé d'engrais, — 60 — tels que cendres, suie, poudrette, ete, ; ce terreau favorise le développement de la plante, et empêche la pluie de dur- cir la terre du champ, qui élant très-compacte empêcherait les graines de lever, Il assure que ces gens plantent en deux journées 1 hectare; je suis étonné que deux garçons puissent suflire à planter et à boucher les trous qu'un homme fait avec ce plantoir, M. Duquesnoy a de fort beaux trèfles quoiqu'il n'emploie que 25 livres de graine; il la sème en février sur les fro- ments et il lui arrive pourtant fréquemment de ne pouvoir les herser, ses terres étant à sous-sol imperméable et assez argileuses ; il dit qu'il n'a jamais manqué sa semaille de trèfle, mais il est bon de faire observer que le froment vient ici après des pommes de terre bien sarclées et fumées, et c'est la position où les prairies artificielles réussissent le mieux. Il mélange 2 hectolitres 1/2 de vidanges avec 4 mètre de marne et emploie 50 mètres de ce compost par hectare pour les pommes de terre; cette récolte ainsi que celle de froment qui la suit sont aussi belles que si l'on avait mis 50 mètres cubes de fumier. M. Duquesnoy plante chaque année 15 hectares en pom- mes de terre destinées à la distillation; ayant remarqué que celles de l'espèce shaw n'étaient pas atteintes par la maladie, il n'en plante plus d’autres et s'en trouve fort bien, car si elles sont moins productives que la patraque jaune, elles donnent plus d'esprit. Il va essayer la violette hâtive qu'on cullive dans les environs de Vierzon; cette espèce fleurit beaucoup plus tôt que la précédente, Comme il a fait un temps très-pluvieux après la plantation des 45 hectares de pommes de terre , il y en a bien 5 hectares de pourries en lerre, qui seront remplacées par des haricots. Si les terres avaient été drainées, on n'aurait pas éprouvé cette perle. | M. Duquesnoy a semé du froment de Saint-Lô qui est superbe en paille, mais qui est tout rouillé; celui du pays a is SON depuis plusieurs années une maladie qui empêche beaucoup de tiges d'arriver à leur hauteur habituelle et qui les trans- forme en épis manqués ; on dirait que chaque grain, quoi- que l’épi soit encore en herbe, germe et pousse une petite tige; cette maladie diminue beaucoup la récolte tant en grains qu’en paille. Les étables ont un plancher construit en grosses büches de chène, refendues par le milieu, puis ébarbées, et qui forment une espèce de parquet, dont les feuilles ont 0",12 à 0",15 de largeur ; au bas du plancher disposé en pente, se trouve une rigole large de 0",80, profonde de 0",25 à 0°,50 et qui est évasée de manière à n'avoir que 0°,50 de largeur au fond ; elle est garnie d’une planche, afin de pouvoir être vidée facilement , puisqu'on la remplit chaque jour d’une nouvelle couche de marne, qui après y avoir passé vingt- quatre heures, se trouve parfaitement imbibée d'urine, et forme un excellent engrais pour des terres qui manquent naturellement de calcaire. Les veaux destinés à la boucherie sont placés ici dans des stalles tellement étroites qu'ils sont obligés de se coucher sur leurs jambes ; on les gène ainsi afin de les empècher de sauter, ce qui retarderait l’engraissement. J'ai vu employer cette méthode dans d’autres exploitations, mais les stalles étaient toujours un peu plus larges, les veaux ne couchaient pas sur leurs jambes, ce qui doit horriblement les gèner et mème nuire au repos qu'on veut les forcer de prendre; ils restent ainsi six semaines ou deux mois avant d’être livrés à la boucherie, Il y a dans cette ferme huit truies provenant de la grande espèce craonnaise ; elles sont très-hautes sur jambes et fort maigres ; elles produisent en moyenne en deux portées douze petits cochons, qui se vendent de 12 à 45 fr. la pièce à l’âge de six semaines ou deux mois. On ne leur donne en été que du vert et en hiver des résidus de distillerie ; elles coûtent ainsi fort peu d'entretien, mais en revanche elles ne produisent guère, et leurs petits ne peuvent pas être d’une — (69 — boune venue; d'unautre côté, la grande quantité de fumier produite par ces bêtes ne peut être d'une bonne qualité, car c'est la bonne nourriture qui fait le bon fumier, de crois comme les cultivateurs anglais, qu'il est beaucoup plus pro- litable de bien nourrir son bétail et de très-bien fumer ses terres, que d'en agir autrement. M. Duquesnoy m'a dit qu'il avait plus de bénéfice sur les pelites bètes à cornes qu'il prend en pension à raison de 45 centimes, pour les nourrir avec du fourrage coupé et composé de trois quarts de paille et un quart de foin, le tout mis dans des citernes et bien arrosé avec les résidus de dis- üillerie, que sur celle des grosses bêtes qui est de 55 cen- times. Il trouve encore plus profitables les moutons solognots pour lesquels on lui paye 5 centimes par jour; il pense qu'une grosse bête à l'engrais (ce sont ordinairement des bœufs limousins)} mange autant que quinze moutons solo- gnots. Les bouchers qui mettent des bêtes en pension chez lui, leur font ordinairement donner 2 kilogrammes de tour- eau par jour ; ils les payent à part; cela améliore beaucoup le fumier. La dépense moyenne des cinquante bêtes à cornes que M. Duquesnoy hiverne, et parmi lesquelles sont compris ses bœufs de travail et ses vaches laitières, est estimée ainsi : 22 1/2 centimes pour 7 4/2 kilogrammes de paille hachée, 124/2 id. pour les résidus de 10 kilogr. de PO de terre, 5 id. pour litière de bruyère, J id, pour les soins. 45 On évalue la paille à 3 francs les 400 kilogrammes, l’hec- tolitre de pommes de terre 2 francs. On animalise chaque jour 2 mètres de marne dans les étables, quand on a de la litière de bruyère, mais lorsqu'on n’en a pas, on met aussi sous le bétail de la marne passée à la claie, de manière à ne pas coutenir de pierres. Ac UN J'ai passé une heure dans la falunière de la commune de Thenay, près Pontlevoy, à faire piocher une personne du voisinage , et j'ai trouvé ainsi plusieurs os fossiles et quel- ques coquillages entiers. M, le curé de Thenay m'a raconté qu'on y à découvert il y a peu de temps, une dent molaire d’un animal antédiluvien, qui était plus grosse que le poing, et qu'on y a trouvé il y a quelques années une partie de l'échine d'un animal énorme. Je suis allé à la ferme-école de la Charmoise, dont M. Ma- lingié est le propriétaire et le directeur. Il a été horriblement grèlé cette année ; heureusement il était assuré, excepté pour le colza, pour lequel les assureurs exigent 45 pour 100. Il m'a dit que le froment de Bergues avait bien mieux résisté à la grèle que le froment du pays. Il a une grande étendue en fèves, qui eussent été fort belles sans ce fâcheux événement. Les trente antenois préparés pour le concours de Poissy, dont vingt ont concouru et obtenu une prime, ont donné, étant âgés de quinze mois, 51 livres de viande nette, qu’on a payée 75 centimes la livre. M. Malingié a un troupeau de sept cents bètes à laine provenant toutes de la même origine, dont voici l'historique. Il a pris un bélier né d’un métis mérinos et d'une brebis de Sologne, et l'a donné à un trou- peau de brebis berrychonnes ; il a fait saillir les brebis pro- venant de ce triple croisement par un bélier disbley, et maintenant on accouple ensemble les mâles et femelles qui sont le résultat du dernier croisement, et ce troupeau est réellement fort beau. M. Malingié ayant visité plusieurs fois depuis deux ou trois ans la culture de M. Chambardel, a été si content des résultats provenant des défrichements de bruyères ensemen- cés avec des grains mélangés de 450 litres de noir animal, qu'il a acheté de compte à demi avec un de ses amis, riche habitant du Nord, une propriété d'environ 500 hectares, dont une bonne partie est en bruyères; il ne l'a payée qu’en- viron 200 francs l'hectare. Il a déjà défriché 100 hectares de ruyères, et va les ensemencer d’après cette méthode, Il us compte former, avec les terres cultivées qui existent dans celte nouvelle acquisition, de petites fermes d'une étendue de 20 à 30 hectares. Il pense les louer à de petits cultiva- teurs des environs, auxquels il fera les avances nécessaires ; il se réservera le droit de Jes diriger dans leur culture, jus- qu'à l'époque où ils se seront libérés envers lui. Mon avis est que si on mettait dans ces petites fermes des gens bien choisis, pris dans le département du Nord ou dans le Hai- naut, on serait bien plus sûr de réussir, car ils connaissent la bonne culture, tandis qu'il faudra l'apprendre aux Berry- chons. Le commanditaire fournit les fonds nécessaires à cette opération, tant pour l'acquisition que pour l'exploitation, et ne prend que 5 pour 400 d'intérêt jusqu'au partage des bé- nélices. En nous rendant, mon frère et moi, de Montrichard à Genillé, nous avons vu de très-belles récoltes dans la terre de Rasai, qui appartient à un M. Moulin; il défriche ses bruyères en les chaulant et en les famant. Plus loin près du château de Montpoupon, dont M. de Fabrville est le proprié- aire, nous avons vu une culture beauceronne, donnant de magnifiques produits sur des bruyères défrichées il y a envi- ron dix ans. Nous avons été reçus à merveille au château de Marolles chez M. Chambardel. Il a, de même que l’an dernier, 90 hec- tares de grains d'hiver comme première et seconde récoltes, avec mélange de noir sur bruyères défrichées ; il a même 2 hectares de froment et 5 de seigle, qui sont les troisièmes récoltes successives de grains d'hiver, quivalentencoremieux, si c'est possible, que les deuxièmes récoltes sur défrichement de bruyères. Il a mélangé chaque fois 450 litres de noir avec la semence, et n'a semé cette troisième récolte succes- sive de grains d'hiver, que pour s'assurer de l'effet prolongé du noir animal. Tous ces grains sont on ne peut plus beaux. Il a en outre 50 hectares de vieilles terres couvertes en grains d'hiver, qui ont reçu une forte fumure ; il espère que ceux-ci rendront 25 hectolitres et ceux des défrichements NO 28 en moyenne. Mon frère a estimé à 28 ou 50 hectolitres le rendement probable d’un champ semé en méteil ; je l'a- vais déjà remarqué l'année dernière en juillet, quand il n’a- vait encore reçu que le premier labour sans aucun hersage ; les tranches de bruyères renversées étaient larges d'environ 0",40 , et la bruyère repoussait entre elles; la terre était dure et blanche comme une route. Lorsque M. Chambardel m'eut dit qu'elle serait semée dans deux mois en grains d'hiver, je ne pouvais pas me le persuader ; elle n'avait ce- pendant reçu depuis ma visite qu’un labour et quatre hersa- ges, et le méteil haut de près de 2 mètres, et des plus épais, avait de superbes épis; cela paraît fabuleux, il faut l'avoir vu deux fois pour le croire. Nous avons vu un défrichement de 66 ares, qui l’année dernière avait produit un fort beau froment, semé avec 5 hectolitres de noir, et cette année il contient une avoine qui est haute de plus de 1,50, très-épaisse et d’un vert foncé; elle n’a cependant eu ni noir ni aucun autre engrais; elle appartient à un métayer voisin qui abuse de sa terre, mais on voit par là combien le phosphate de chaux pro- duit d’effet sur un terrain qui contient beaucoup d’humus acide. M. Chambardel a 50 hectares d'avoine sur vieilles terres ; elles sont fort bien. Il a semé 12 hectares de troisième an- née de défrichement en vesces d'hiver, mêlées d’un peu de seigle; cette récolte qui était déjà rentrée lui a produit de 8 à 9,000 kilogrammes par hectare. Il à vingt chevaux, vingt-six bœufs de travail et vingt va- ches à lait, qui sont tous nourris à l’étable, enfin trois cent cinquante moutons qu’on engraisse. Il faudra qu’il augmente de beaucoup ce bétail, pour consommer les 550 milliers de kilogrammes de fourrage qu'il m'a dit avoir emmagasinés. Il à des trèfles de toute beauté dans ses vieilles terres qui ont été marnées. Il a employé pour 4,500 francs de noir animal, et pour 8,000 francs de poudrette et de tourteaux de suif; celui-ci » dl à coûte, pulvérisé, 175 fr. les 4,000 kilogrammes rendus chez lui; la poudrette Baronet lui revient , rendue, à G fr. l'hec- tolitre; il en met 50 hectolitres à l'hectare. Le guano lui reviendrait moins cher, je pense, mais il n'en a pas encore essayé. 4 M. Chambardel à chez lui un irrigateur vosgien, qui a travaillé pendant longtemps chez M. Riefel, au Grand-Jouan, une des trois fermes régionales ; il le nourrit et lui donne 2 fr. par jour. Il n'a encore pu se procurer que six élèves pour sa ferme-école. Je me suis rendu de là à Loches, où m'étant séparé de mou frère, j'ai pris un cabriolet pour aller à Mantelan ; en m'y rendant j'ai traversé une grande ferme cultivée par M. Desloges, dont le père, ancien fermier de la plaine de Caen , était venu se fixer en Touraine il y a une vingtaine d'années. Il a une grande étendue de fort beaux grains, el j'ai vu un champ très-considérable dont le colza venait | d'être battu. On m'a dit que M. Desloges employait depuis longtemps du falun et des tourteaux de colza pour fertiliser ses terres et qu'il venait aussi de se servir de noir animal avec beaucoup de succès. À Mantelan on met en général 6 mètres cubes de falun avec 12 mètres cubes de fumier par hectare tous les trois ans. Le falun se paye 1 franc le tom- bereau à deux chevaux; on dit qu'il réussit surtout dans les défrichements. M. Desloges élève beaucoup de bêtes à cornes de l'espèce du pays; on voit qu'il les nourrit bien, car elles sont bien plus fortes que celles des autres fermiers. C'est dommage qu'il n'ait pas un bon taureau durham et des béliers dishleys ou southdowns ; il cultive à ce que j'ai appris 300 hectares. Le taureau durham de M. de la Ferrière, qui n'avait que trois as, a été vendu l'an dernier 180 fr. à un boucher qui Fa tué; il eût si bien fait chez M. Desloges! Celui-ci met 1,500 kilogrammes de tourteaux de colza par hectare dans ses vieilles terres, ce qui lui assure de fort belles récoltes ; sc A il les paye maintenant 40 fr. les 100 kilogrammes, mais ils valaient avant la dernière révolution 45 fr. Je suis allé voir l'instituteur de Mantelan ; il achète, des ouvriers qui tirent le falun, les beaux coquillages et les os- sements fossiles un peu remarquables qui s’y trouvent; il en a une collection assez considérable; je lui ai acheté quelques os fossiles pour 5 francs; il en a dont il demande 20 francs la pièce. Ilm'a dit qu'on trouvait surtout dans les falunières d'un village voisin beaucoup de coquillages et d'os fossiles. J'ai été voir le principal extracteur de falun à Mantelan; j'ai appris de lui qu'habituellement les habitants de ce pays mettent du falun sur leurs fumiers comme on le fait avec de la marne; les plus aisés en appliquent, tous les quinze ou dix-huit ans, de 4 à 5 toises cubes par arpent de Touraine, qui est de 66 ares ; on en met davantage dans les terres fortes ou compactes. J'ai traversé la terre que M. de la Villeroux a créée dans d'immenses bruyères, achetées il y a environ vingt-sept ans; les récoltes de grains y sont fort belles, cependant il n’y a qu'une petite quantité de bétail, en proportion des terres cultivées de la ferme. En me rendant de Mantelan à la Selle, j'ai également traversé la belle et immense terre de Grillemont sur laquelle se trouvent trois châteaux, dont un est fort grand et très- beau ; elle a des bois superbes, vingt fermes, une partie de fort bonnes terres et des falunières et marnières; elle va être vendue par expropriation. Je suis arrivé fort tard chez M. de la Selle le fils; sa pro- priété, réunie à celle de ses parents, qui habitent un vieux château dans la même commune, contient environ 2,000 hec- tares, dans lesquels il y en a encore des centaines, qui sont couverts de bruyères bonnes à défricher. M. de la Selle ne paye que 60 francs pour piocher 1 hec- tare de bruyères, à tranche ouverte ; il payait 450 fr. pour écobuer 1 hectare. Les deux récoltes qui viennent après le piochage lorsqu'on a mélangé 360 litres de noir avec cha- — 68 — cun: des semences, sont infiniment plus belles et produc- tives que celles qui viennent après l'écobuage ; et la dépense de celui-ci est cependant plus considérable. Les froments sont beaux ici, mais ceux de Marolles leur sont supérieurs. IL est vrai que M, Chambardel emploie plus de noir que M. de la Selle, qui n’en met, la première année du défri- chement, que 360 litres, et qui les années suivantes diminue toujours la dose, tandis que M. Chambardel en mélange chaque fois 450 litres avec la semence. Les froments de ces deux messieurs contiennent beaucoup d'épis cariés; il y en a davantage chez M. de la Selle qui a simplement chaulé ses semences; M. Chambardel a trempé les siennes pendant douze heures dans une dissolution de sulfate de soude. Si ces messieurs avaient trempé leur semence de froment pen- dant vingt-quatre heures dans une dissolution de sulfate de cuivre ou vitriol bleu très-étendu d'eau , à raison de 4 kilo- gramme de sulfate pour 4 hectolitres de froment, ils n’au- raient pas eu un épi de carié. M. de la Selle a mis 500 kilo- grammes de guano dans 1 hectare de défrichement, qui avait déjà produit trois récoltes au moyen du noir ; il ya semé du froment qui est fort beau. Il a mis aussi 500 kilogrammes de guano dans 4 hectare d'une ancienne terre complétement usée, qu'on regardait comme la plus mauvaise de la ferme; le froment y est assez bon, mais dans une terre aussi délabrée il eût fallu en mettre 500 kilogrammes pour avoir une récolte complète. On a placé ici le colza en viliettes ou petits meulons, que deux hommes peuvent transporter sur une civière, comme M. de Dombasle le recommandait dans ses Annales, mais j'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de grains de perdus sur l'emplacement des viliettes; si l'on récolte le colza un peu sur le vert, il faut le mettre comme on le fait en Belgique, en grandes meules. Dans le cas contraire on doit transporter les andains sur la toile où on les bat, quelques jours après les avoir coupés. M. de la Selle est si content de l'effet produit par les es- = ps sais qu'il a faits cette année avec 1,000 kilogrammes de guano, qu'il va en demander 5,000 kilogrammes à M. Maes, négociant à Nantes. Les parents de M. de la Selle cultivent aussi fort en grand, et depuis longtemps ils adoptent les perfectionnements qui lui ont réussi. Ils ont, ainsi que leur fils, une demi-douzaine de grandes truies, dont les petits se vendent à l'âge de six ou sept semaines, depuis 8 jusqu’à 20 fr., en moyenne 12 fr. Is calculent qu'une truie donne par an 200 fr. de produit brut. Sa nourriture se compose en hiver de son avec des pommes de terre, avec des feuilles de choux cavaliers dans le courant de l'année et de la farine de sarrasin, dans le mo- ment où les mères nourrissent les petits. Ces bêtes sont ici en fort bon état. Dans ce moment-ci elles n’ont pas de pe- tits, mais elles vont aussi en pâture, ce qui leur fait beau- coup de bien. M. de la Selle m'a conduit chez un des paysans de son voisinage, qui l’a imité en défrichant des bruyères et en les semant avec du grain mêlé de noir ; nous avons vu chez ce brave homme plusieurs hectares couverts de froment très- beau. Cette excellente manière de défricher des bruyères, qui a le double mérite äe coûter peu et de produire de suite de fort belles récoltes, commence à se répandre du côté de Preuilly et de Loches. Dans les environs de cette dernière ville, il y a une im- mense étendue de bonnes bruyères, qui sont à portée de la marne, et dont on fera d'excellentes terres, en leur faisant produire d’abord quatre récoltes au moyen du noir ; ces ré- coltes qui auront donné du grain, de la paille, des fourrages, des racines et du colza, serviront à bien nourrir et même à engraisser du bétail, qui produira à son tour d’excellent fu- mier ; avec le bétail on aura pu charroyer les marnes ; avec l'argent produit par les grains et colzas, on pourra bâtir les fermes et drainer les terres. L'achat de bonnes bruyères dans les prix de 100 à 500 francs l’hectare, suivant leur position plus où moins rapprochée de villes importantes, de routes et ET surtout de chemins de fer, serait une excellente affaire pour un bon cultivateur, possédant un capital suffisant et propor- tionné à l'étendue qu'il achèterait et défricherait. Le pays qu'on parcourt en se rendant de la Selle à Tours est rarement infertile et souvent d'une très-bonne qualité, mais on n'y aperçoit que fort peu de prairies artificielles; on ne voit de luzernes qu'auprès des villes : peu de pommes de terre, Je n'ai vu qu'environ { hectare de betteraves semées à la volée, près de la demeure de M, de la Villeroux, et cepen- dant presque toutes les terres de ce pays sont susceptibles de produire de bonnes récoltes de luzernes. Les excellentes terres du val de la Loire que j'ai vues en me rendant de Tours à Saumur pendant environ 72 ki- lomètres, ne m'ont pas laissé apercevoir un seul champ de froment aussi beau que ceux faits sur bruyères par MM. Chambardel , de la Selle et Desloges, et par le paysan qui défriche à l'imitation de M. de la Selle; ni d'aussi bell avoine que celle que j'ai tant admirée chez mon f petite culture du val de la Loire est cependant très-soignée et fort intéressante, On y voit beaucoup de chanvre, des champs garnis de rangées de vignes, séparées entre elles par d'autres cultures; beaucoup de haricots, un peu dé maïs fourrage, et une plus grande quantité qu'on laisse venir à graine; on y voit aussi des luzernes et des trèfles, mais pas encore de raygrass d'Italie. | Un habitant des environs de la Chapelle, seconde ou troi- sième station du chemin de fer avant d'arriver à Saumur, m'a dit devant plusieurs personnes de ce pays qui étaient avec nous, que les meilleures (erres de la rive gauche qui sont auprès de l'embouchure de l'Indre, se louent jusqu'à 600 fr. l'hectare ; je n'avais jamais entendu citer un loyer de terre labourable aussi élevé; j'avais seulement oui dire à ce pauvre M. Leclerc-Thouin, qu'il y avait dans les environs d'Angers des terres affermées de 4 à 500 fr. l'hectare. : Je suis reparti de Saumur à quatre heures du matin en suivant la route du Mans ; le pays qu'on parcourt de Saumur ste SR is à Baugé, environ 52 kilomètres, est délicieux et fort bien cultivé, surtout la première moitié. Des rangées de vignes entremèlées de cultures diverses, et d’autres rangées, com- posées de beaux arbres fruitiers, annoncent une grande ri- chesse, quoique le sol ne soit généralement que du sable. On y aperçoit beaucoup de récoltes sarclées, telles que pom- mes de terre, choux cavaliers, mais, haricots, citrouilles, etc., tout cela parfaitement net de mauvaises herbes. Peu après avoir quitté Baugé , le pays devient moins beau et moins bien cultivé , et de la Flèche au Mans il est maigre, et garni de bois de pins. Il n'y a que les environs des villages et surtout des villes, qui soient bien cultivés. Comme je n'avais aucune adresse de bons cultivateurs dans les environs du Mans, je me rendis chez le secrétaire et ensuite chez le président de la Société d’agricullure de cette ville, voulant les consulter sur ce que j'avais à voir en ce genre; mais comme je ne les ai trouvés ni l’un ni l’autre, je me suis décidé à profiter d’une voiture qui partait pour Alençon, qui est à 52 kilomètres du Mans. Le pays que j'ai parcouru entre ces deux villes m'a paru beau, fertile et assez bien cultivé; on y voit beaucoup d'arbres fruitiers, des plan- tations diverses, des bois; on y cultive une grande quantité de chanvre, mais au lieu d’avoir déjà 4°,50 à 1°,60 de hau- teur comme sur les bords de la Loire, il a l'air de sortir seulement de terre. Un voyageur avec qui j'étais dans la voiture m'a cité M. de la Grandville, représentant de la Loire-[nférieure, comme un excellent cultivateur; un autre m'a dit qu'entre Poitiers et Montmorillon, il existait une immense quantité de bonnes bruyères qu'on pouvait facilement acquérir pour 50 à 60 fr. l'hectare. Il m'a aussi appris qu’un bon cultivateur des en- virons de Tonneins avait acheté une ferme entre Issoudun et Châteauroux, où il obtenait de grands succès en culture. Je couchai à Alençon et en repartis le lendemain matin. La campagne se trouve là, comme depuis le Mans, découverte et partagée en grandes fermes sur terrain calcaire ; on voit Chapelle change, il devient un peu montueux et bages. . so Nous avons vu près de là une belle habitation, que le pos- üllon m a dit appartenir au comte d'Auger, qui est selon lui un excellent cultivateur, adoptant de bons instruments et de nouvelles méthodes d' que des semences au pays, él de chevaux, mais n'é- tant amateur de bétail et de moutons. J'ai ‘déjcuné à Argentan et me suis rendu excellente qui va de Caen à Rouen, Pin, qui est un ique établissement. J'eus ne pas trouver M. Malo, le directeur de la € superbe vacherie du gouvernement. I n'était retour de Paris, où il était allé exposer quelqu beaux an pays On me un jeune homme assez intelligent, pour me conduire dans les étables et les herbages et pour répondre a mes questions. Le bétail se trouve maintenant dans les pâ- turages, il n°4 a que les taureaux qui n'aillent pas en pâture, el je le regrette pour ces jeunes animaux, qui ne m'ont pas paru assez bien nourris. Mon guide m'a dit qu'il y avait une cinquantaine de vaches dont plus de trente sont des durhams; viennent ensuite des herefords et des devons du Nord, et enfin quelques vaches cotentines choisies parmi les plus belles, qui ont coûté jusqu'à 600 fr. par tête, On croise ces vaches avec les trois taureaux durham, here- ford et ise aussi quelques vaches d La qualité des herbages que j'ai visités ne m'a pa des meilleures; tous les animaux qui les parcourent sont +. es cependant en fort bon état. Les génisses sont plus belles que les jeunes taureaux qu'on tient attachés dans des étables où ils mangent du trèfle beaucoup trop dur, et qui n’a pas passé au hache-paille; on leur donne 5 litres de farine d'orge, qu'on est dans l'intention de remplacer plus tard par 2 litres d'avoine. On les lâche dans de petites cours où ils ne peuvent prendre assez d'exercice, parce qu'ils n'y restent pas assez longtemps. Je crains qu’on ne puisse fournir à ce bétail si nombreux, une quantité convenable de racines pendant la mauvaise saison, car on n’en cultive qu'une petite étendue. Les terres étant très-fortes, les racines n’ont pas l'air d'y prospérer. Il est bon de remarquer ici que le perfectionnement des races de bétail en Angleterre, date de l’époque où la culture en grand des turneps s’est propagée dans ce pays. On ne cultive ici que 60 hectares, et l’assolement est trien- nal; on se sert de la houe à cheval et de la charrue de Dom- basle; je n’ai pas vu de scarificateur ni de machine à battre. La propriété du haras se compose de 800 hectares, dont moitié est en bois, 60 en culture et le reste en herbages. On en fauche une grande étendue pour faire la provision de foin, on en vend une partie sur pied ou bien on en loue pour ètre pâturés. D'après mon guide le haras contient cent étalons ; il s'y trouve aussi une vingtaine de juments de pur sang anglais et leurs élèves. Les chevaux étaient absents. On fait saillir les juments de labour par des étalons de pur sang, et l'on as- sure que les résultats en sont bons. Les jeunes taureaux se sont vendus en 1848 au plus 700 francs, tandis que cette année ils ont monté jusqu'à 1,200 fr. Les terres étant fortes et humides, on a cru devoir renon- cer à avoir des bêtes à laine. On a déjà trouvé des amateurs pour des jeunes taureaux de race devon, et il y en a eu de vendus depuis 250 jusqu'à 500 franes. Je n'ai pas trouvé que les deux taureaux de race a VU us hereford fussent beaux ; comme cette espèce est moins pe- sante, moins précoce et moins lactifère que les durhams, je ne crois pas qu'elle ait beaucoup de chances de se propager en France. On m'a fait voir une vache durham âgée de douze ans, elle paraît encore jeune, elle a donné jusqu'à 30 litres de lait. Les vaches durhams élevées au Pin peuvent rivaliser avec celles importées d'Angleterre, On a vendu des génisses dur- hams et devons de l'âge d'environ quinze mois, dans les prix de 450 à 200 fr. On m'a dit que les vaches durhams les moins laitières donnaient à nouveau lait de 40 à 45 litres; il y en a qui ar- rivent à 25 et même 50 litres; on ne trait pas les vaches qui ont des veaux, Il ne faut guère que deux mois pour engrais- ser les bêtes durhams ou devons, dont on veut se défaire; on leur donne du foin, des racines et 10 litres de farine d'orge. EL On tient à la vacherie trois grands taureaux durhams, deux devons ; ils m'ont paru fort bien choisis; il y a deux herefords que je n'ai pas trouvés beaux. Je pense qu'on ferait bien d'essayer de croiser les vaches du pays où les bêtes à cornes sont employées aux travaux d'agriculture, avec des taureaux devons, car cette espèce, quoique petite, est très-forte et très-active ; on les préfère en Angleterre à toutes les autres espèces pour le travail ; ils en graissent facilement, donnent de la viande excellente , et quoique leur lait ne soit pas très-abondant, comme il est très-gras il donne beaucoup de beurre. Un des meilleurs fer- miers du comté de Norfolk, qui avait une grande quantité de vaches devons, m'a dit qu'elles lui donnaient en moyenne 180 livres anglaises de beurre par an. En Amérique où l'on fait travailler les bœufs, on estime infiniment les devons, et l'on croise beaacoup les vaches du pays avec les taureaux de cette excellente race. On cherche à la vacherie du Pin à avoir des vaches abon- - dantes en lait. On conserve de préférence des taureaux bien EN, marqués suivant la méthode Guénon, lorsque du reste ils ont les autres qualités désirables. | Je suis étonné qu'on n'ait pas encore importé pour la va- cherie du Pin, une demi-douzaine de ces charmantes vaches du comté d'Ayr en Écosse , car ce sont les meilleures laitières connues, malgré leur petite taille et les terres peu fertiles du pays qu'elles occupent ; on les croit d'origine normande. Cette espèce a été importée il y a déjà longtemps dans le nord de l'Allemagne, où elle a été comparée aux vaches les plus abondantes en lait, d'Allemagne, de Hollande et de Suisse, et l’on a été obligé de reconnaître sa supériorité. On voit pousser de l'hièble au milieu des herbages du Pin, ce qui annonce que ces terres fortes sont sur le calcaire. On est obligé d'acheter beaucoup de paille pour servir de litière au haras. Les journaliers ont 4 franc en hiver, 4 franc 50 centimes pendant les travaux de la moisson, et le reste du temps 1 franc 25 centimes. Le conducteur de la voiture d'Alençon à Caen transpor- tait un énorme panier de guignes, qu'il avait fait venir du Mans, où il avait coûté 16 francs, et il espérait le revendre à Caen de 56 à 40 francs. J'ai vu au Mans et dans les villes que j'ai traversées ensuite, des charrettes pleines d'énormes arti- chauts tout ronds, qui étaient en partie bien desséchés ; on les criait dans les rues à 10 centimes la pièce; on m'a dit qu'ils venaient d'Angers, d’où on les envoie à de grandes dis- tances. Je me suis rendu le 5 juillet d'Argentan au château de Durcet près Flers, chez M. le marquis de Torcy. Il était en- core à Paris; le concierge du château m'a conduit à la va- cherie en disant au vacher, jeune homme iutelligent qui oc- cupe ce posle depuis sept ou huit ans, de me faire voir et de m'expliquer la manière dont on soigne le superbe bétail, qu'on élève dans cette ferme. Il y a soixante-cinq bêtes à cornes dont onze sont des veaux de lait ; on leur donne à l'âge de trois semaines 7 li- ns OT tres de bon lait dans lequel on a délayé 1 litre de tourteau de colza, 1 litre de farine d'orge et autant de farine d'avoine ; on va en augmentant petit à petit cette nourriture de fari- neux et en diminuant le lait; à six mois on leur donne 5 li- tres de farine et 4 ou ? de colza, avec 3 litres de lait; à huit mois plus de lait, mais 5 litres de farine et 3 de tourteaux, le fourrage vert et sec ainsi que des racines leur sont fournis suivant leur appétit; à un an les veaux de choix ont 3 litres de farine et 2 de tourteaux de plus; les autres continuent à être nourris comme à l'âge de huit mois; mais à un an et demi, on diminue la ration de farine pour l'augmenter en tourteaux, sans toutefois que celle-ci dépasse jamais 6 litres. En hiver, lorsque les racines sont abondantes, on diminue la farine, mais on donne la même quantité de tourteaux, Les génisses sont traitées jusqu'à leur neuvième mois comme les mâles, mais plus tard elles n'ont plus ni farine ni tour- eaux, Sept à huit mois avant le concours de Poissy, la ra- tion des animaux qui doivent concourir, est portée de 42 à 14 litres dont moilié farine et le reste en tourteaux. Les vaches reçoivent en été 2 kilogrammes de foin le matin, et eaviron 55 à 40 kilogrammes d'herbe ; en hiver leur ration se compose de 10 kilogrammes de foin et de 45 de racines; on ne leur donne ni farine ni tourteaux, et elles sont ce- pendant grasses. Je dois faire remarquer ici, qu'environ les 5/4 des nom- breuses primes remportées par les animaux élevés à Durcet, avaient depuis un quart jusqu'à moitié de sang schwitz, et que les bêtes durhams-cotentines n'en ont remporté qu'un quart; cela prouverait en faveur des vaches schwitz, pour obtenir de bons élèves croisés durhams. La mère du bœuf qui a gagné cette année la coupe à Poissy provient d'un taureau durham et d'une vache schwitz qui donnait 48 litres de lait ; elle en donne la même quantité. La mère d'un bœuf qui a remporté en 1846 la première prime, était la fille d'une vache moitié schwitz et cotentine, Un bœuf qui a obtenu en 1847 deux primes était né d'une en, vache schwitz de pure race. Une vache schwitz qui existait il y à quelques années à Durcet, donnait, lorsqu'elle vêlait dans la bonne saison, 52 litres de lait, et lorsque cela arrivait en hiver, 25. Ses trois premières filles ont donné jusqu'à 25 li- tres. Le demi-sang durham-schwitz donne beaucoup de lait et le trois-quarts de sang est mieux fait; ils s'engraissent plus facilement que les trois-quarts de sang durhams-cotentins, qui sont ordinairement plus étroits de poitrine et moins forts de cuisses. Le plus beau taureau durham de M. de Torcy n’a pas été à l'exposition, car il espérait y vendre celui qu'il y a envoyé. On prend ici 4 francs pour la saillie d’un taureau durham. Il y a dans ce moment sept bœufs qui pourront paraitre au concours de Poissy en 1850 et six pour celui de 1854. Cette vacherie est meublée de très-beaux animaux; il y a quelques bêtes de pur sang. Les terres de la ferme de Durcet sont d’une couleur brun foncé , elles sont légères et paraissent granitiques; les prés sont considérables, bien tenus et irrigués. La culture est très-soignée, l’assolement est alterne. Il y a un troupeau de brebis du pays qui doivent recevoir un bélier dishley. J'ai vu de belles truies de l'espèce du Berkshire. Le régisseur venait de mourir et n’était pas encore rem- placé. Les fermiers de M. de Torcy font de grands composts de terre mélangée d'abord de chaux ; au bout de quelques mois on les rebrasse et puis on les mélange avec le fumier qu’on destine au froment, celui-ci est semé après le sarrasin auquel on a donné du noir animal. Le pays est très-beau depuis Argentan jusqu’à Flers; c’est un bocage perpétuel, trop couvert d'arbres et d’épaisses haies, qui nuisent aux récoltes. J'ai remarqué sur cette route en partant d’Argentan des hié- bles qui annoncent la présence du calcaire ; il peut à la vérité ètre à une assez grande profondeur, pour que la surface ne EE, s'en ressente pas, Le pays depuis Flers jusqu'à Vire devient un peu montueux, il est fort agréable à la vue, les récoltes sont furt belles, les maisons nouvellement construites sont bien bâties et très-solides , car elles sont pour le moins encadrées dans de grandes pierres de taille en granit gris; à mi-che- min environ, le terrain devient schisteux, il est toujours couvert de belles récoltes, Les 10 à 42 kilomètres qu'on par- court après avoir traversé la ville de Vire, m'ont fait voir un charmant pays, de jolies vallées entourées par des hauteurs très-imposantes, de petites collines composées entièrement de roches, une culture soignée, de beaux herbages, de fort jolies maisons de campagne, de bonnes et belles maisons bâties en granit, qui logent de petits propriétaires cultiva- teurs, des arbres magnifiques, de très-belles vaches coten- tines , des haies généralement très-bien taillées, beaucoup de rosiers et d'autres fleurs devant les maisons ; ce pays est réellement délicieux. Nous avons passé devant une charmante habitation , dont le propriétaire emploie pour sa culture de fort beaux bœæufs de race cotentine. Nous avons traversé la petite ville de Thorigny, où l'on voit un immense château, dont les croisées sont d'une hau- teur démesurée ; il appartenait au prince de Monaco, qui l'a vendu à la ville : on y loge maintenant la gendarmerie et des écoles. | Un peu plus loin j'ai admiré une jolie habitation au mi- lieu d'un beau pare; on m'a dit qu'elle appartenait à M. Ha- vin, membre de l'assemblée législative, de n'ai pas aperçu un seul champ de trèfle depuis Vire jusqu'à Saint-Lô ; cette dernière ville est bien mal bâtie, Ce n'est pas un beau chef-lieu de département ; mais on s'oc- cupe de la désenlaidir un peu, on vient de construire un très-bel hôtel de ville, une préfecture, un vaste et bel établis- sement qui contient le dépôt d'étalons composé de cent che- vaux, un cobége ; on démolit d'abominables baraques, pla- cées vis-à-vis du portail de la cathédrale, à laquelle on vient ut d'ajouter un second clocher, qui est malheureusement plus petit que l’autre. j Mais si la ville n'est pas belle, ses environs et sa position sont des plus remarquables. La rivière de Vire, qui est navi- gable d'ici à son embouchure près de Carentan , embellit singulièrement ces vallons, dont Saint-Lô est aux trois quarts entouré. Je me suis rendu ce matin 5 juillet au château de Canizy, à 8 kilomètres de Saint-Lô, chez le comte de Kergorlay : il était aussi absent et encore à Paris, étant un des jurés de l'exposition. Son jardinier m'a conduit à la ferme , où nous avons trouvé la personne qui dirige sa culture; celle-ci pa- rait considérable, car la terre se compose de 300 hectares, et les bois ne sont pas très-étendus. Une petite partie de cette propriélé seulement est louée avec ses moulins. Cette ferme est cultivée d’après un bon système d’assole- ment. Première année : récoltes sarclées fumées à raison de 40 à 50,000 kilogrammes de fumier, amélioré au moyen de 1 hectolitre de tangue ou sable coquillier, par 1,000 kilo- grammes ; ce sable se vend sur le port à Saint-Lô, où il ar- rive d’une distance de 40 kilomètres à raison de 20 à 50 cen- times l’hectolitre. Les récoltes sarclées se composent de bet- teraves repiquées, pommes de terre, carottes, fèves et sarra- sin. On met pour la seconde sole, du froment d'hiver sur les récoltes qui ont été enlevées à temps, et du froment de mars ou de l’orge sur le reste. Troisième année : des vesces de printemps après le froment d'hiver, et du trèfle après les grains de mars. Quatrième sole : du froment. Cinquième : du colza repiqué, ou du lin et des vesces. Sixième année : froment. Septième sole : de l’avoine d'hiver. Celle-ci donne de 40 à 50 hectolitres, le froment en rend de 28 à 35. On laboure principalement avec de fort beaux bœufs du Cotentin, qui coûtent de 4 à 500 francs la pièce ; on les as- treint à un travail de neuf heures, et malgré cela ils sont en bon état. On en met deux ou trois à la charrue qui est amé- ricaine ; ils sont attelés avec des colliers. — 80 — On a une douzaine de chevaux pour faire les charrois, on en met quatre ou cinq à une voiture ; quand les récoltes sont rentrées et les fumiers conduits, ils vont chercher à Saint- Lô de la tangue et de la chaux ; celle-ci coûte 20 franes les 1,000 kilogrammes. On m'a dit que 4 hectolitre pesait envi- ron 75 kilogrammes : il y a ici une cinquantaine de vaches qui en général sont belles, et dont quelques-unes sont ma- gniliques. On m'a dit qu'une bonne vache donnait 20 litres, mais qu'il y en avait qui dépassaient un produit de 50 litres de lait. Les prés et les herbages m'ont paru fort beaux et de bonne qualité ; on se sert d'un ruisseau et de sources pour les irriguer. Il existe une pièce d'eau considérable près du grand et ancien château, dont l'eau peut, au besoin, être employée pour les irrigations. Les vaches sont attachées à des piquets dans les herbages, de manière à ce qu'elles gâtent le moins d'herbe possible. On assure que le même herbage nourrit moitié plus d’a- nimaux que lorsqu'ils y sont laissés en liberté. Le piquet a ici la forme d'une forte dent de herse de fer, le haut de cette dent est garni d'une tête ronde ; au-dessous de celle-ci il y a une entaille, autour de laquelle tourne une virole qui forme en mème temps le premier anneau de la chaîne; celle-ci doit avoir de 5 à 7 mètres de long ; elle est plus légère dans la partie qui se rapproche du cou de l'animal, et se trouve partagée en trois, au moyen de pitons tournants, afin d'em- pècher l'animal de s'empêtrer. Ces chaînes sont très-solides et coûtent de 7 à 8 francs. Le piquet, long d'environ 50 cen- timètres, s'enfonce à coups de maillet, mais peut se retirer avec les mains. Si, au lieu de faire pâturer, on fauchait les herbages afin de nourrir les animaux à l’étable ou dans des hangars pla- cés à portée, on alimenterait le double de bêtes et on n’au- rait pas besoin de faire enlever ou d'étendre les bouses, RE — Gr enfin on aurait une grande quantité de fumier pour fertiliser bien plus également et complétement les herbages. Un vieux bonhomme armé d’une pelle et d’une brouette ramasse ici constamment les fientes et les transporte dans une grande citerne en briques, dans laquelle l'eau d’une source peut être introduite à volonté ; on brasse ces matières de manière à en former un purin, qui se pompe dans des tonneaux montés sur essieux servant à l’arrosement des pâ- tures. | On fait beaucoup de composts avec des boues, vases, terreaux et bonnes terres; on met 2,500 kilogrammes de chaux avec 50 mètres cubes de ces terreaux, qu’on emploie à fumer 1 hectare de terre pour sarrasin , ou pour froment d'hiver. On voit sur toutes les routes de ce pays des voitures chargées de tangue, qu'on m'a dit conduire jusqu'à 24 kilo- mètres de Saint-Lô. Je suis allé, étant de retour dans cette ville, faire une visite à M. Diguet, vétérinaire du dépôt d'é- talons; on me l'avait indiqué comme très-habile connaisseur en chevaux et en bétail. Il est habituellement chargé par M. de Kergorlay et par d’autres propriétaires du pays, de leur acheter de belles et bonnes vaches; c’est lui qui a acheté les superbes vaches éotentines que j'avais vues au haras du Pin. Il m'a dit que pour bien se monter en bêtes de deux à quatre ans, il fallait y mettre de 3 à 400 francs, mais que pour avoir des bêtes comme celles du haras du Pin , il faut dépenser jusqu’à 550 francs. On avait formé dans le dépar- tement de la Manche , sous la direction de M. Diguet , une vacherie durham qui contenait un certain nombre de tau- reaux. La Société d'agriculture de Valogne ayant mis les bètes croisées durhams hors de concours, pour les primes qu’elle décerne, M. Sainte-Marie, inspecteur général d’agri- culture, a fait rentrer ces bêtes au haras du Pin. Je me suis rendu de Saint-Lô à Villedieu ; le pays m'a paru toujours fertile et bien cultivé, il est assez montueux; on y voit beaucoup de charmantes vallées, contenant d'excellents herbages. On m'a dit que la tangue les améliorait infiniment, (h mais qu'elle convenait moins aux terres, parce qu'elle avait l'inconvénient d'y faire croitre une grande quantité de mau- vaises herbes. Les habitants de Villedieu se rendent au bord de la mer pour chercher leur tangue, et recherchent sur- tout celle qui vient d'être déposée par la dernière marée, car elle est bien supérieure à celle que vendent les bateliers, qui la prennent sans distinction, en enfonçant leurs pelles dans les sables de la plage. Hs joignent cette tangue à leur fumier et en recouvrent celui-ci dans la proportion d'un quart, chaque fois qu'ils apportent une nouvelle cou- che; ils en saupoudrent aussi les parties humides des étables et écuries, lorsqu'ils retirent le fumier de dessous les ani- maux . Ayant pris un cabriolet de louage, pour me rendre dans une forèt considérable qu'on est en train de défricher, j'eus pour conducteur un petit aubergiste qui cultive 7 hectares à lui appartenant ; sa conversation pleine de bon sens, mérite d'être rapportée. Il prétend que pour tirer un bon parti de la tangue, il fant bien la mélanger avec une égale quantité de bonne terre, ensuite y ajouter du fumier dans la proportion du tiers de la totalité ; puis on applique 50 à 60 mètres eu- bes de ce compost par hectare, pour y semer du sarrasin ; on y récolte ensuite un bon froment sans fumure : mon auber- giste fait alors succéder de l'orge à laquelle il donne 40 mè- tres cubes de fumier; il y sème du trèfle, qu'il conserve pendant deux ans; il met sur ce trèfle dans le courant du second hiver; une demi-fumure qu'il enterre en versant ane tranche de ce trèfle, qui en recouvre alors une égale largeur non labourée, et ainsi de suite ; de cette manière le fumier, placé entre deux gazons de ce trèfle, opère par sa fermenta- tion leur complète décomposition. Au printemps il herse vi- goureusement avec une herse de fer, donne une seconde demi- fumure qu'il enterre par un labour complet , et sème alors de l'avoine qui vient de toute beauté. Les cultivateurs de ces envi- rous qui n ont que peu de fumier, écobuent leurs gazons de trefle et mème leurs chaumes de grains pour y suppléer, mais ms Gide ils n'ont que de pauvres récoltes à moins que leur terre nesoit argileuse. Quant à lui, son expérience lui à prouvé qu'il valait mieux acheter du fumier au prix minime auquel il se vendà Villedieu, de 5 à 4 francs le mètre cube, que d’aller à 24 ki- lomètres de là, chercher de la tangue que le transport ren- chérit beaucoup. H recherche avec empressement les curages de fossés, les gazons des bas côtés des routes, et d’autres bonnes terres, qu'il mélange avec du famier, et ses champs se trouvent très-améliorés par ces amendements. Je suis arrivé ainsi en causant avec ce brave homme dans la forèt qu'on défriche. Elle a une étendue de 980 hectares, eta été vendue il y a quatorze ans par l’État, avec permission de défrichement, pour la somme de 750,000 francs. Le fond a été revendu en gros pour 450,000 francs, et on le détaille par gros et petits lots à volonté; sur les bords de la route qui traverse cette forêt, on paye l'hectare jusqu'à 1,500 francs au détail, et il faut ensuite le défricher ; on ne paye cette étendue que 1,000 francs lorsque le terrain ne touche pas à la route. Il en coûte 100 franes et les souches, pour dé- fricher les parties qui ne sont pas pierreuses, et ce prix aug- mente jusqu'à la somme de 200 francs par hectare pour les terrains pierreux. On répand 5,750 kilogrammes de chaux et quinze voitures à trois chevaux de fumier sur le piochage, et l’on obtient ainsi de fort belles récoltes dans l'ordre suivant : froment , avoine , trèfle; si on peut fumer la quatrième année on ob- tient encore un froment, mais comme on manque d'engrais, on en donne peu à la terre et l’on m'a dit que la troisième récolte de froment ne valait pas grand’ chose faute de chaux et de fumier. Je tiens ces détails de métayers manceaux, qu'une dame du Mans, qui a acheté une partie assez considérable de cette forêt, a placés dans plusieurs belles fermes qu'elle a fait construire sur cette propriété. Le froment leur donne en moyenne 20 hectolitres à la première récolte, l'avoine 30, le trèfle 3,500 kilogrammes. J'y ai aussi vu de très-beau EX chanvre et des pois fort bien venus. L'un des acquéreurs qui revendent ces terrains, M. Lefaucheux, était malheu- reusement absent ; je n'ai donc pu me procurer que des ren- scignements imparfaits sur son exploitation. Ce monsieur et son frère, tous deux associés dans cette opération, avaient fait venir dans le commencement, un fermier anglais qui après avoir cultivé fort bien pendant cinq ans, est retourné en An- gleterre, je ne sais pour quelle raison, MM. Lefaucheux l'ont remplacé par un mélayer du pays, qui m'a paru fort mal rem- plir sa besogne. J'ai vu un troupeau dans lequel se trouvaient un certain nombre de belles brebis southdowns et des bêtes croisées dishleys et brebis du pays. On n'aperçoit plus de récoltes sarclées comme il y en avait beaucoup du temps du fermier anglais ; on m'a dit qu'un fils de ce fermier était dans une ferme du général Bonnemain, et qu'il la cultivait à mer- veille, J'ai vu sur le bord de la route une pépinière dans la- quelle se trouvaient de fort beaux plants d'arbres; le pépi- uiériste y avait construit son habitation et avait obtenu de superbes pommiers et cerisiers, après dix ans de planta- tion. Je suis entré chez un grand vieillard âgé d'environ soixante-dix ans , dont la chemise était toute déguenillée; il habite avec sa femme, assez proprement habillée, une ba- raque que des sabotiers avaient construite dans la forêt il y a une douzaine d'années. Le bonhomme leur a acheté cette baraque, et y a joint 280 ares qui l'entourent et vont jusqu'à la route. Ce terrain lui a coûté 5,400 francs, sans les frais, mais il paye l'intérêt de ce capital à 5 pour 100, et il doit le rembourser pelit à petit, Il a construit avec l'aide d’un seul journalier les quatre murs d’une petite maison en pisé; elle est arrivée à sa hauteur, mais le plus difficile reste à faire ; ce sont la toiture, les soliveaux, les portes et fenêtres, et la cheminée. 1 lui faudra pour 80 francs de paille; quant au bois nécessaire il pourra en prendre la moitié sur une petite propriété qui est à quelques lieues de là, et qu’il a louée avec — @D-— la maison aussi construite par lui à raison de 280 francs par an; ce bois provient d'arbres qu’il a plantés. Il a deux en- fants qui se sont mis en service pour l'aider à payer sa nou- velle acquisition, on peut même dire cette création. Cet homme si âgé, mais si courageux et si actif, m'a dit avoir défriché depuis deux ans plus des trois quarts de son acquisition ; j'ai oublié de lui demander s’il l’avait fait tout seul, mais c’est probable. Il a Ôté dans sa cour qui n’est pas grande plus de 4 mètre de bonne terre, pour la mettre de niveau avec la route; cette terre franche , de couleur jaune, lui a fait, mêlée avec de la chaux, des composts pour fertiliser ses terres; il a ensuite creusé une mare de 1°,50 de profondeur, et la terre argileuse mêlée de cailloux qui est sortie de ce trou lui a servi, étant gâchée avec de la bruyère coupée à 0",10 de longueur, à faire les murs de sa maison. La terre mélangée de petites pierres est préférée pour les bâtisses en pisé, parce qu’elle empêche les souris de s’y creuser des loge- ments. La femme contribue de son mieux à ces travaux; elle soi- gne un petit jardin qui lui fournit quelques légumes; ils ont deux chèvres qui font toute leur société. Elle ramasse soi- gneusement les crottins pour fumer son jardin. ai conseillé à ces braves gens de s'arranger des latrines, afin de ne rien perdre de cet engrais précieux, qui, assure-t-on , peut pro- duire toute la nourriture nécessaire à l'individu dont il pro- vient. Une fois la maison terminée, la baraque deviendra l'étable et la grange, en attendant qu’on soit paryenu à en construire une véritable. Un certain nombre de petits établissements de ce genre existent depuis quelques années, et sont par conséquent plus avancés ; d’autres sont seulement en voie de création. Mon hôtesse à Villedieu, où je suis retourné pour attendre le passage de la diligencequi devait me conduire à Avranches, étant maîtresse de poste avait une culture; elle m'a appris comment on élève les belles volailles qu'on vend si cher à Pacs don leur donne une excellente nourriture à partir de bour nansanme, abn de les amener en peu de temps à leur ul , on Les engraise alors en faisant des boulettes allon- goes avec de la farine d'orge et de l'eau bouillante ; on trempe ces boulettes dans du lait doux, pour faciliter leur passage jusqu au Remer, et si des volailles ont de ln peine à avaler, on Leur fait boire de temps en temps une gorgée de ce lait; ceux qui veulent cconomiser melangent de la farine de sarrasin ave celle d'orge, et + ajoutent même des pommes de terre boules et ecrasces, mais alors les volailles sont d'une qua- he infeneure; on dit que celles du Mans sont plus fines que celles de Normandie ; cela peut provenir de ce qu'elles man- gent de la farine de mas, car ce grain est cultivé dans le Maine pour cet objet. Les volailles normandes arrivent à un perds de 3 à 4 hilogrammes, et se vendent sur place de 50 à di centimes be 1/2 kilogramme. En passant à Saint-Germain, village situé à peu de dis- lance d'Avranches, je suis descendu de la diligence pour me rendre chez M. Théot, fermier de M. de Saint-Germain, membre de l'assemblée législative. M, Théot fait valoir une ferme composce de 16 hectares d'excellents prés et herbages qui dans ce pays se louent depuis 125 jusqu'a 150 francs l'hectare ; il x joint 10 hectares de terre à raison de 75 fr. Son betail se compose de vingt-sept bêtes à cornes, dont quatre proviennent d'un taureau durham que le gouvernement avait placé à Avranches et qui était trés-bien marqué d'après la méthode Guénon, le premier de ces animaux était un su- perbe taureau, nouvellement châtré parce qu'il était devenu tres-mechant. On lengraisse pour lefaire concourir à Poissy ; on croit qu'il pesera 600 kilogrammes viande nette; le se- cond etait une très-belle vache qui donne à nouveau lait 34 litres, et qui six semaines avant de vèler en donne en- core b litres; les deux autres sont deux belles vaches, dont l'une donne 26 litres et l'autre 22; M. Théot dit que le lait de ces trois vaches est tres-butyreux. Le reste de l'étable se compose de bêtes qui, provenant du taureau cité plus haut, Su, 7e n'ont qu'un quart de sang durham ; elles sont par conséquent bien inférieures aux quatre premières bêtes ; le taureau dur- ham n'était resté qu'une année à Avranches, mais un pro- priétaire du voisinage en ayant récemment acheté un autre M. Théot doit y envoyer ses vaches. Il a un étalon anglais pur sang, qu'il a payé 2,500 fr. quoiqu'il eût été blessé à un pied de devant à une course, au point de faire craindre qu'ilnerestàt estropié ; il en a eu quatre produits âgés de trois ans, qui proviennent de juments per- cheronnes, et espère en faire de beaux carrossiers. Il a aussi un étalon percheron qu'il a payé 2,000 fr. C’est un superbe cheval, qui ne pèche que par de gros pieds. M. Théot m'a dit qu'il manquait rarement une saillie, et qu'il avait produit beaucoup de chevaux achetés pour la grosse cavalerie. 1] a en tout dix-huit chevaux ou poulains. I a acheté un bélier et une brebis de race kent; le bélier étant devenu méchant a été châtré, engraissé et tué; il a donné 142 livres de viande nette. La brebis a deux fort beaux agneaux mâles ; M. Théot en céderait un volontiers pour 55 ou 40 fr. Tous les habi- tants de ce pays qui cultivent un peu, ont de cinq à huit bêtes à laine, qu’on voit attachées deux à deux ayant une jambe de devant liée à celle de derrière, afin de les empé- cher de courir; on les lâche ainsi dans les routes et les che- mins; on remarque souvent parmi ces bêtes un peu de sang anglais. M. Théot m'a dit que les vaches cotentines mères des trois vaches croisées durhams, étaient loin de donner autant de lait que leur progéniture; il m'a appris que M. de Saint- Germain, après avoir amélioré les fermes d’une terre qu'il possède près de Villedieu , les avait louées, et que mainte- nant il cultivait pour améliorer une partie de celles qu'il possède près d’Avranches. J'ai quitté M. Théot en regrettant intérieurement, qu'un - homme si capable et aussi bien disposé pour les améliora- tions agricoles, ne füt pas placé dans une ferme plus consi- dérable. £ — 8 — M. Buvis, riche propriétaire des environs, vient d'ache- ter au baras du Pin un taureau durham 1,200 francs. En me rendant à Avranches j'ai vu près du château de M. de Saint-Germain beaucoup de belle luzerne; j'ai aussi remarqué des champs de choux cavaliers, qui m'ont paru plantés trop près les uns des autres. On m'a dit que ceux qui ont maintenant de 150 à 160 centimètres de hauteur, avaient été plantés en octo- bre dernier et qu'ils seraient consommés une fois en fleur, au printemps prochain, après avoir passé deux hivers en terre. On jouit de la place de la sous-préfecture à Avranches, d'une vue magnifique ; on y découvre une fort belle baie, dans un coin de laquelle se trouve le fameux Mont-Saint- Michel, qu'on dirait n'être qu'à 4 kilomètres de distance , tandis qu'il est en réalité à plus de 16. | Je suis parti le G juillet par un temps magnifique pour Grandville, qui est à 28 kilomètres d'Avranches. Le pays est toujours riche et bien cultivé ; j'ai vu sur le bord de Ja route un dépôt assez considérable de noir animal, à 40 francs l'hectolitre; un de mes voisins dans la voiture me dit qu'on ne pouvait pas le vendre à ce prix sans l'avoir altéré, car à la grande raflinerie de Honfleur, pour laquelle il voyage, on le vend en gros 9 fr. 25; si l’on ajoute à cela la commission, le fret , l'emballage, etc., etc., il ne reste assurément aucun bénéfice pour le marchand. Les petits cultivateurs du pays fabriquent eux-mêmes les colliers de leurs chevaux avec des joncs, sur lesquels ils appliquent des attelles en bois; ces colliers m'ont paru légers, solides, peu dispendieux et très-doux au cou du cheval. On construit maintenant à Grandville un port où l’eau restera à marée basse. La ville est fort laide, mais du haut : de la colline sur laquelle elle est posée, on peut voir le Mont- Saint-Michel et les côtes de Bretagne, Un bateau à vapeur PT, anglais vient deux fois par semaine de Jersey à Grandville et fait la traversée en trois heures quand le temps n’est pas contraire; ce mème bateau va deux fois par semaine de Jer- sey à Saint-Malo; un autre bateau à vapeur français se rend deux fois par semaine de Grandville à Saint-Malo ; on com- munique de Jersey avec Southampton. J'ai remarqué hier et aujourd'hui une assez grande quan- tité de beaux champs de luzerne; je n’en avais presque pas vu depuis Alençon. On voit généralement en Normandie beaucoup de jolies femmes; mais c’est surtout à Grandville , où je me trouvais un jour de marché, que j'en ai aperçu le plus parmi les paysannes, malgré les abominables bonnets dont elles se coiffent. | Les maisons de Grandvillesont toutes recrépies avec un ba- digeon imitant assez bien le granit gris, si commun en basse Normandie; il est composé de granit et de verre pilés, de chaux hydraulique et de scories de forge; on le dit très- durable. On met ici 50 hectolitres de tangue sur 4 hectare de terre qu’on veut semer en luzerne; pour l'hectare de fro- ment on met40 petits tombereaux de tangue et 10 de fumier; quand on veut semer du sarrasin on emploie 250 litres de noir animal. ; J'ai vu à Grandville des tas de coquilles écrasées je ne sais de quelle manière, qui sont ainsi employées à fertiliser la terre; j'y ai aussi vu de la tangue fraîchement recueillie qui était noire, quoiqu'elle ne soit en général, lorsqu'elle est humide , que d’une couleur grise, J'ai oui dire qu'on venait de 40 kilomètres à la ronde la chercher sur cette plage, avec des voitures. Le pays que j'ai traversé en me rendant de Grandville d’abord à Coutances et ensuite à Perrier, trajet de 44 ki- lomètres, est toujours fort riche, mais il est bien moins joli et moins pittoresque que celui que j'avais admiré précé- demment en basse Normandie. J'ai eu cependant plusieurs ET fois le plaisir d'apercevoir les côtes de Jersey. Dans cette par- tie de mon voyage j'ai vu beaucoup de luzernières et de champs de lin ; les grains m'ont paru encore plus beaux que tout ce que j'avais vu jusqu'alors, J'ai remarqué beaucoup d'orge d'hiver, mais fort peu d'avoine; les prés sont aussi bons que nombreux. On entortille dans ce pays les jeunes pommiers avec du torchis pailleux depuis la terre jusqu'aux branches. On bâtit beaucoup en pisé dans la basse Normandie, mais c'est surtout du côté de Coutances que ce genre de construc- tion est plus répandu, mieux fait, et à meilleur marché. On m'a dit qu'on ne payait que 3 francs la toise pour des bâti- ments fort élevés ; un propriétaire de ce pays, qui voyageait “avec nous, et qui a souvent fait établir des constructions de ce genre, m'a montré un bâtiment assez considérable qui n'avait coûté que 800 francs ; 5 bâtiments de cette dimen- sion formeraient une belle ferme, qui, couverte en paille, ne coûterait que 4,000 francs; ajoutons 1,000 francs de plus pour l'intérieur de l'habitation du fermier; on pourrait done, en se procurant un bon maçon à pisé des environs de Cou- tances, se construire pour environ 5,000 francs une bonne ferme dansdes bruyères, comme celles qui se trouvent entre Montmorillon et Poitiers, où l'on peut encore les rempart pour 75 ou 100 francs l'hectare. Elles sont en général dans un bon fond, qui uedéfait pendant quatre ans de suite, au moyen du mélange des se- mences avec 450 litres de noir chaque année, toute espèce de récoltes donnant de très-grands produits. Peu de temps avant d'arriver à Coutances, j'ai aperçu cinq ousix énormes fours à chaux, chauffés avec des fagotsd'ajoncs ; un monsieur qui était dans la diligence, juge au tribunal de Coutances et propriétaire de plusieurs hectares d'ajoncs, me dit que la chaux de ces fours se vendait de 45 à 48 francs les 500 kilogr., et quecellequi se faitnon loin de là au charbon de terre ne vaut que de 10 à 44 francs. [l m'a encore appris que les mauvaises terres ensemencées en ajoncs produisaient "Qu = là, plus que les bonnes terres cultivées en froment et autres récoltes en usage; il a ajouté que 4 hectare produisait ainsi de 75 à 400 francs par an. On coupe les ajoncs tous les trois ans, et les fagots se vendent 10 francs le cent. II faut donc qu'ils produisent, lors de chaquecoupe, trois mille cinq cents fagots pour qu'ils puissent payer un loyer de 100 francs par an. On m'a montré des coteaux à pentes rapides qui étaient ensemencés en ajoncs; ce sont des communaux que les chau- fourniers voisins ont loués pour un long bail à ce taux. On vend à Coutances, en août et septembre, le litre de semence d’ajoncs environ 1 france. La ville de Coutances, où se trouve l'évêché de la Manche, est posée sur une colline formant presque un pain de sucre. La cathédrale est placée à son sommet. N'ayant pas trouvé dans cette ville un agriculteur estimé que M. Diguet m'avait indiqué, j'ai continué ma route jus- qu’à Perrier.Je me suis levé le 9 juillet àtrois heures et demie du matin, pour aller visiter à quelque distance de la ville une ferme composée de 30 hectares de terres fortes, très- difficiles à labourer , et de 5 hectares d’'herbages ou prés d'une apparence fort médiocre, le tout loué 35,500 francs. Le fermier m'a dit louer encore du côté de Carentan, quelques hectares de prés à raison de 300 francs l'un. I fume ses terres avec un compost dont il emploie 75 mè- tres cubes par hectare ; il est composé d'un quart de fumier, d’un autre quart de tangue qu'il envoie chercher sur la côte à 12 kilomètres de là , il y ajoute au moins 2,000 kilogr. de chaux, payée 48 francs le mille rendu chez lui, et le reste est de la bonne terre. Il a en tout une quarantaine de têtes de gros bétail , les veaux compris. Il vend les poulains âgés de six mois de 2 à 400 fr. Il a d'assez belles vaches, qui valent d'après lui de 250 à 350 fr. la pièce, et quelques moutons croisés anglais, qu'il estime beaucoup. | Ayant envoyé trois de ses vaches à 24 kilomètres de chez lui, à un taureau durham , il n'y en a qu’une qui ait retenu, YO et il prétend que son veau n'a pas été aussi bon que ceux quelle avait faits précédemment. C'est d'après des essais pareils que les fermiers cotentins, se sont persuadés que le croisement durham nuirait à leur race; ils reprochent aux durhams d'avoir la tête trop petite, de ne pas être de Ja cou- leur préférée dans cette province, etc. Le fermier met six beaux bœufs ou quatre fortes juments à la charrue de ce pays, qui est fort bonne, mais elle a un avant-(rain massif et lourd. 1 regarde 20 hectolitres de fro- ment comme un produit moyen, Le drainage rendrait le plus grand service à ses terres, qui sont très-argileuses et remplies de sources. 11 fauche en ce moment des prés, dans lesquels ses animaux ne sont pas entrés depuis le mois d'oc- tobre dernier ; une autre partie, qui a été pâturée jusqu’à la fin de mai, ne devra être fauchée que dans un mois ou six semaines, quoiqu'elle ait peu d'herbe maintenant; il prétend qu'elle donnera de 6 à 7,000 kilogrammes de foin par hec- lare, Il m'a dit que ses pommiers, qui sont loin d'être jeu- nes, ne diminuent sa récolle de froment que d'environ 2 hectolitres 4/2 par hectare. Son assolement est : sarrasin fumé, froment sans engrais, orge fumée et trèfle, ensuite Ja rotation recommence. Le trèfle revient tous les quatre ans, et ce retour fréquent qui date de mémoire d'homme, dit-il, ne l'empêche pas d'être fort beau. Ce fermier a la bonne habitude de rentrer ses bêtes à l'é- table lorsqu'il commence à faire chaud, pour leur éviter les piqüres des mouches, qui sont très-abondantes dans ce pays; il leur donne alors du trèfle ou des vesces en vert, et du mais. N'ayant point de râteliers ni même d’auges dans ses étables, le fourrage est jeté sur le pavé, et il s'en perd beaucoup. Combien il reste encore de perfectionnements à apporter à l'agriculture, mème dans les pays qui passent pour être les mieux cultivés ! On a dans ces environs une herse qui est bien faite, Pas dont les dents sont trop rapprochées. Les 16 kilomètres que j'ai parcourus pour me rendre à - 6 — Carentan, traversent un bon pays dont la culture m'a paru moins soignée que celle qui avait fait, la veille, le sujet de mes observations. Je me suis rendu à environ 4 kilomètres de cette ville, en suivant la route de Valogne, chez M. Mé- rielle, propriétaire-cultivateur et maire d’Angoville. Sa ferme se compose d'une centaine d'hectares, dont la plus grande partie lui appartient ; il n’en laboure que 15 hectares, tout le reste est en prés et herbages. 4 hectare d’herbages nourrit pendant l'été deux vaches à lait ou deux bêtes à l’engrais, et il faut le foin d’un demi-hectare pour les hiverner. M. Mé- rielle possède environ cent cinquante bêtes à cornes et plus de vingt juments et poulains. Il a refusé avant la révolution 1,500 francs de quelques-unes de ses juments. J'ai vu un beau bœuf qui avait obtenu lorsqu'il était tau- reau, pour 4,050 francs de primes ; on avait été obligé de le châtrer à cause de sa méchanceté. Une de ses vaches a reçu pour 500 francs de primes. Plusieurs autres de ces bêtes en ont aussi obtenu. J'en ai vu une qui est encore fort belle, quoiqu'elle ait plus de quinze ans ; on vient de la mettre : à l'engrais, car elle est restée deux années sans vèler. M. Mérielle est partisan du croisement durham, mais à condition d’engraisser jeunes, les bêtes qui en proviennent ; car il dit qu’on vend les génisses et jeunes vaches cotentines plus cher pour les nourrisseurs des environs de Paris, que celles qui ont du sang durham : on tient encore aux têtes vo- lumineuses, à la couleur braingée et aux gros os. II à un certain nombre de bêtes croisées durhams, parmi lesquelles il s’en trouve une âgée de quatre ans qui est très-belle, mais il m'en a montré une de race cotentine qui était supérieure en poids et en production de lait. Avant la révolution il eût pu vendre ses plus belles vaches de 450 à 550 francs. M. Mérielle a plusieurs vaches parfaitement marquées d'après le système Guénon; une d'elles donne à nou- veau lait 50 litres; il en a d'autres qui donnent de 2% à 25 litres; il m’en a fait voir une qui n’a pas vèêlé depuis un an, et qui donne encore plus de 20 litres de lait par jour. — 96 — 1 ma assuré qu avaut la révolution il lui arrivait souvent de vendre un beau veau mâle, pour en faire un taureau, jusqu'à 500 francs, et ses poulains attéignaient ce chiffre au moment du sevrage. I a envie d'acheter un tau- reau durham, afin de pouvoir continuer ses essais compara- üifs, en élevant des bètes croisées et des cotentins de pure race, Le conseil général du département de la Manche, a prié le gouvernement il y a quelques années, d'éloigner la va- cherie et les taureaux d'espèce durham, qu'il avait établis dans ce département ; M. Mérielle m'a dit que le mème con- seil faisait maintenant des démarches pour en ravoir. Tous ses chevaux passent l'hiver entier dans des enclos qui ont porté du froment, après l'enlèvement duquel il se formé de suite un pâturage abondant ; on n'ajoute à ce pâtu- rage qu'une demi-bolte de foin par tête, Il convient que ces bêtes profiteraient mieux si elles étaient tenues dans de bon- nes écuries, où elles seraient bien nourries, mais il trouve plus d'économie dans le système qu'il a adopté : je pense cependant que l'économie de fourrage est bien compensée, d'abord par la perte provenant du piétinement des chevaux dans une terre forte et humide, ensuite par la grande déper- dition d'engrais; et enfin les poulains, exposés sans abris à toutes les intempéries de la saison rigoureuse, doivent venir moins bien ou en tous cas, atteindre leur taille beaucoup plus tard. À M. Mérielle compte rentrer plus de 450 milliers de kilo- grammes de foin pour l'hiver. Ses herbages sont en partie sur fond calcaire et n'ont que peu de profondeur. La valeur locative qu'il attribue à ses terres est de 125 francs l'hectare, . mais il dit qu'il y a des herbages loués le double de cette somme , quoique ce ne soit qu'une exception. Son fils qui n'est pas marié habite et dirige une ferme leur appartenant, qui est située à 2 kilomètres de la propriété principale. I m'a fail passer, en me reconduisaut jusqu'auprès de Caren- lan, dans d'immenses marais à fond tourbeux, qui bordent | | | ee + la rivière de Vire jusqu'à son embouchure dans la mer. Ces marais ont été desséchés au moyen de plusieurs grandes coupures longitudinales, qui forment de véritables canaux, dans lesquels se déversent les eaux des petites et nombreu- ses coupures transversales, Une grande partie de ces marais appartenant à des communes voisines restent en mauvais pâlurages peu productifs , tandis que la portion qui forme des propriétés particulières, donne des prés dont l'herbe extrèmement épaisse avait plus de 4 mètre de haut lors- que j'y suis passé. Ces prés, m'a-t-on dit, produisent de 6 à 7,000 kilogrammes de foin par hectare. Ils sont plu- sieurs fois couverts de plus de 2 mètres d’eau pendant l'hiver. M. Mérielle achète ses bœufs pour les engraisser à l’âge de six et sept ans ; il faut de six à huit mois pour terminer l’en- grais. On les paye habituellement 50 centimes la livre pour les revendre sur le pied de 50 centimes. Il m'a dit que le prix des bètes à cornes avait baissé au moins du tiers depuis 1848. Comme il peut fumer très-abondamment le peu de terre qu'il fait valoir, il a de fort belles récoltes; il cultive des vesces d'hiver, des féveroles plantées en janvier et fé- vrier; ses froments lui rapportent ordinairement 50 hecto- litres. Ses composts sont formés avec un tiers de terre, un tiers de tangue et un tiers de fumier ; il les emploie aussi bien sur les terres labourées que sur les prés et les herbages. Lorsqu'il peut disposer dans un champ d’une tournaille, il la laboure, la herse bien, y amène le fumier qu'il fait en- terrer par un labour ; au bout de quelque temps il y répand de la tangue qu'il herse pour bien la mêler à la terre; il laboure et herse ainsi plusieurs fois, jusqu’à ce que tout soit parfaite- mentmèlé, ets en sert ensuite comme d'un compost. Cette ma- nière de le préparer coûte beaucoup moins que de faire toute cette besogne à la pelle. IF couvre les planches de son jardin de langue nouvellement recueillie, non-seulement pour fer- tiliser la terre, mais aussi pour empècher les limaces et au- ENT ve tres insectes à qui le sel fait du mal, de venir dévorer les jeunes légumes. M. Mérielle m'a conduit dans quelques-uns des her d'un fermier voisin, qui a pour une trentaine de mille francs de bétail ; il loue sa ferme à raison de 200 francs par hec- ture, On vit à fort bon marché dans ce pays; un employé qui mange à table d'hôte dans un hôtel où j'ai été fort bien servi, ne paye que 40 francs par mois pour deux repas avec du cidre pour boisson. Le pays situé entre Carentan et Isigny est extrèmement fertile ; il est couvert en grande partie d'ex- cellents herbages. J'ai continué ma route sans m'arrèter à Isigny, où l'on vend chaque semaine une énorme quantité de beurre très-renommé. À mi-chemin de cette ville à Bayeux, les terres deviennent moins bonnes et paraissent moins bien cultivées, On quitte, avant d'arriver dans cette ville, le bocage de la basse Normandie, et l’on entre dans ce qu'on appelle la plaine de Caen; on y voit une grande quantité de champs de colzas parmi lesquels j'en ai vu de fort beaux, qui étant coupés, couvraient presque entière- ment le sol. On y cultive beaucoup de froment barbu et d'avoines d'hiver ; ces dernières étaient mûres ; j'ai vu quel- ques petits champs de betteraves. On n'aperçoit plus de compost. L Je suis arrivé le soir à Caen et en suis reparti le lende- main matin, pour me rendre au château de Fontaine-Henry, chez la marquise de Canizy ; mais je me suis arrêté à moitié chemin de ma destination, pour visiter la culture deM.Basly, qui m'avait été indiqué comme le meilleur cultivateur des environs de Caen, et surtout comme un habile éleveur de chevaux. Je suis arrivé chez lui d'assez bonne heure; il était dans ses champs occupé à faire battre du colza. Voici les renseignements qu'il m'a donnés sur cette culture : tout le colza est semé en pépinière et puis repiqué à la charrue; où rapproche plus ou moins les plants suivant la qualité des terres; on espace les lignes de 57 centimètres, dans les moins bonnes, on met le plant à 17 centimètres de distance He dans la ligne, et on augmente cette distance jusqu’à 30 cen- timètres dans les meilleures terres. M. Basly estime que son plus beau champ de colza lui donnera 40 hectolitres de graine, sur un arpent de 400 perches de 24 pieds, ou 60 ares ; cela ferait un produit de 66 hectolitres à l’hectare, mais le produit moyen n’est réellement que de 32 1/2 hec- tolitres. Il croit qu'on peut récolter jusqu'à 85 hectolitres de colza par hectare, mais c’est un cas fort rare. Il a 42 hec- tares en colza, qu'il coupe en deux journées de travail, pre- nant tout le monde nécessaire pour que cette récolte ne se prolonge pas davantage; il paye les moissonneurs, les bat- teurs et ceux qui apportent le colza sur la toile, en leur abandonnant la paille du colza, mais à condition de l’enle- ver de suite, ainsi que les pieds de cette plante, qu'ils arra- chent immédiatement après avoir fini de battre. Le combus- tible étant fort cher dans ce pays, les pauvres gens se chauf- fent avec ces pieds de colza séchés au soleil, et chauffent le four avec la paille. M. Basly laisse le colza coupé pendant quinze jours sur le champ, afin qu'il puisse arriver à une complète maturité, ce qui fait grossir et en même temps noircir la graine. Il ne redoute pas les pluies qui surviennent habituellement pendant cet espace de temps, dans un pays aussi pluvieux, à moins que les javelles ne soient trop épaisses. Il a fait faire le nombre nécessaire de civières, pour appor- ter le colza sur la toile où on le bat. Ces civières sont faites en sapin afin d'être légères, et coûtent 5 francs la pièce. On fixe sur la civière, qui est très-longue, trois grands demi- cercles, qu'on réunit par quatre perches fort légères, aux- quelles on attache solidement le drap. La toile de colza se compose de 7 lés de large toile, afin de pouvoir lier la paille dessus, en mème temps qu’on bat. L’assolement de M. Basly est de 10 ans ; comme il ne cul- tive que 60 hectares, chaque sole en contient 6 ; la pre- mière est en colza, deuxième en froment, troisième en trè- fle, quatrième en froment, cinquième en colza, sixième en froment, septième en sainfoins à 2 coupes, huitième le même, 1 — "00. — neuvième en froment et dixième en avoine d'hiver. Son in- dustrie principale est d'élever des étalons, pour les haras du gouvernement ; il parcourait chaque année avant la der- nière révolution, toutes les parties de la Normandie où l'on élève de bons chevaux , et tâchait d'acheter une cinquantaine des meilleurs poulains mâles de race anglaise, âgés d'environ 6 mois, Ilavait alors cinquante poulains mâles de l'âge de6 à 18 mois, cinquante de 48 à 50 mois , et enfin cinquante au- tres ayant de 30 à 42 mois, âge auquel on s'en défaisait. Il a fait construire 80 boxes qui ont 5 mètres de long sur 5 et demi de large. Dans chacune des années 1846 et 1847, il eut la chance sur cinquante élèves d'en vendre quarante- sept à l'administration des haras. Quelques-uns de ces jeu- nes étalons ont été vendus jusqu'à 8 et 10,000 francs. J'en ai vu un qu'on était occupé d’entrainer, qu'il estime 20,000 francs. 1 m'a dit acheter des poulains de pur sang jusqu'à 2,000 francs à l'âge de 6 mois, et en avoir payé un cette année 1,500 francs. Il n'a que deux poulinières en tout; elles sont de pur sang, et ont chacune un poulain mâle. Un de ces derniers donne de belles espérances. Il n’a pas de moutous, et n'a que le nombre de vaches nécessaires, pour fournir le lait et le beurre qui se consomment chez lui Les poulains recoivent jusqu'à l'âge d'un an toute qu'ils veulent manger; à partir de cette époque on leur en donne 8 litres par jour. [ls sont tenus jusqu'au moment de ] l'entrainement, au piquet pendant toute la belle saison, et ne rentrent jamais à moins qu'ils ne soient malades. Le piquet se compose ici d'un morceau de bois gros comme le dessus du poignet d'un homme ; il doit avoir un crochet tournécon- tre terre, qui sert à fixer une corde de chanvre goudronnée, longue de 7 mètres, dont l'autre bout s'attache au licou du jeune cheval. Lorsqu'on dépl piquet on raccourcit la corde des deux liers, en la rep elle-même près du pi- quet , et à mesure que l'herbe qui se trouvait à portée de l’a- nimal se trouye consommée, onlarallonge d'environ 60 cen- timètres. 2 V4 — La corde se trouve séparée en deux, vers les deux tiers de sa longueur à partir du piquet, au moyen d'un double tourniquet en fer, qui suffit parfaitement pour l'empêcher de s’enrouler autour du piquet. M. Basly, d'après une expé- rience de plusieurs années, faite sur un grand nombre de chevaux, assure que de cette manière il n’y a pas d'accidents à craindre; les élèves ont de bien meilleures jambes que ceux qui sont toujours tenus dans des écuries, et ils ne perdent pas à beaucoup près autant de nourriture, quec eux qui sont lâchés dans des enclos et auxquels il arrive de fréquents ac- cidents. Les cordes durent une saison. Il m’a fait approcher de plusieurs jeunes chevaux pour les caresser, sans qu'un seul aît cherché à s'éloigner ou à se défendre ; ils paraissent tous d’une grande douceur. Un homme est chargé de dépla- cer les piquets, d'allongerlescordes et de les surveiller ; leur grand nombre lui donne une suffisante occupation, Ils sont piquetés, comme cela se dit dans le pays, sur des champs de trèfle, de sainfoin, ou de luzerne. M. Basly a formé deux jeunes gens, qui sont chargés de lui dresser ses jeunes chevaux ; ils en entraînent dans ce mo- ment cinq, pour des courses au trot, qui doivent avoir bien- tôt lieu au baras du Pin. J’ai vu plusieurs poulains de pur sang, qui sontétablis dans des boxes contiguës à des paddocks assez étendus. Les froments de M. Basly sont les plus beaux que j'aievus dans mon voyage et ne sont cependant pas versés; il attri- bue cela à la roideur de la paille des deux variétés qu'il cul- tive : l’une est un froment qu’on nomme ici chicot écossais ; chicot dans ce pays signifie froment sans barbes ; l’autre es- pèce à épis plus courts ayant 6 rangs, vient aussi d'Angle- terre et a une paille encore plus forte que le précédent. M. Basly se sert beaucoup d'un rouleau de pierre pesant 1,000 kilog., mais qui l'inconvénient de n'avoir qu’un très- petit diamètre. Comme il a été forcé de diminuer infiniment le nombre de ses poulains depuis la révolution, il achète du tourteau de colza pour ajouter à ses fumiers. — 100 — Il est décidé à acheter un bon semoir à grains. Sa basse- cour est garnie de belles volailles à demi-huppes ; l'espèce à belles huppes est la meilleure de toutes, suivant lui, mais à condition qu'on coupe les huppes qui sans cela finissent par aveugler les volailles, en leur pendant sur les yeux lorsqu'elles sont mouillées. M. Basly n'a pas de prés et loue ses terres depuis 60 cen- times jusqu'à 1 franc la perche carrée de 24 pieds, ce qui met le loyer d'un hectare à 412 ou à 140 francs. J'ai quitté cet habile éleveur, enchanté de ce que j'a- vais vu chez lui et fort reconnaissant de son extrême obli- geance. Les environs de Caen en allant du côté de la Délivrande, | village sur les bords de la mer, ne sont pas des plus pitto- resques, mais ils m'ont paru fort bien cultivés et contenir des terres fertiles ; on n'y voit pas de luzernières, mais beaucoup de sainfoins à deux coupes, et des petits champs de bettera- ves très-bien tenus. Les fermes sont considérables et bien construites ; les maisons des journaliers, commodes et assez spacieuses. Le château de Fontaine-Henry, est un monument du xur° siècle fort remarquable ; il est placé surle bord d'une verdoyante vallée au milieu de laquelle serpente une joe ri- vière qui fait tourner des moulins. Le château est entouré d'un magnifique parc à l’an- glaise planté depuis une quarantaine d'années. Il con-. lient beaucoup d'arbres rares, entre autres de fort beaux tulipiers; le village placé à mi-côte, renferme de belles maisons parmi lesquelles il s'en trouve une demi-douzaine, qui appartiennent à d'anciens serviteurs de la famille de Canizy. Les terres de ces environs sont excellentes, elles se louent depuis 112 jusqu'à 140 francs l'hectare ; elles sont cou- vertes des plus belles récoltes, et il me paraît qu’on abuse du sol en y cultivant trop de colza , ce qui empêche d'y en- tretenir beaucoup de bestiaux; dans une ferme d'environ 140 hectares, il n’y a pour tout bétail que seize chevaux, — 101 — cinq vaches et cent moutons de taille moyenne; ce n’est pas le quart de ce qu’il devrait y avoir. Dans ce pays on ne fait pas de cas de la tangue; cela est dû sans doute à la nature calcaire des terres; on n'y fait pas non plus usage des composts si généralement employés dans la basse Normandie ; mais on y consacre une grande quantité de tourteaux de colza à la fumure des champs. Le guano n’y est pas encore connu. On est obligé de faire pourrir beaucoup de paille dans les cours, faute de bétail au- quel elle servirait de litière. On devrait la couper et l’arroser avec de l’eau bouillante, dans laquelle on aurait fait cuire des farines de fèves, pois, orge, et des tourteaux; cela nourrirait beaucoup de bétail qui produirait en abondance d’excellent fumier et donnerait encore du bénéfice, surtout si lon produisait des racines qui tout en nettoyant les terres , permettraient l'engraissement d’une partie de ce bétail. Il existe dans ce pays des carrières souterraines du même genre que celles des environs de Creil ; on y trouve beaucoup de coquillages pétrifiés, et quelquefois des cornes d’Ammon de 0°,50 de diamètre, ainsi que des ossements fossiles ; un carrier en a extrait, m’a-t-on dit, un poisson pétrifié d’une espèce jusqu'à cette heure inconnue; il le fait voir pour de l'argent et l'on assure qu’on lui en avait offert une somme assez considérable pour le mettre au musée d'histoire natu- relle de Paris, lorsque la révolution est arrivée et a empêché ce marché d’avoir lieu. M. Lair, depuis cinquante ans le zélé secrétaire de la So- ciété d'agriculture de Caen, dit qu'on trouve assez sou- vent des crocodiles incrustés dans les pierres des carrières qui environnent cette ville. Il m'en a fait voir une qu'il a chez lui, qui contient une assez grande partie d'un de ces amphibies. Il a eu l'obligeance de me donner des adresses de bons coltivateurs de ce pays, entre autres de M. Paul Paisan, qui va souvent en Angleterre pour affaires commerciales et — 102 — en a rapporté des instruments d'agriculture. Informé par Jui que la réunion de l'Association normande devait se te= uir les 42, 45 et 14 juillet à Pont-l'Évêque, je pris mes me- sures pour assister au concours d'agriculture qui devait avoir lieu le dernier jour et qui doit offrir beaucoup d'in- térèt. Je suis allé chez M, Paul Paisan, mais il était absent ; j'ai trouvé chez lui deux excellentes charrues tout en fer et fonte, de grandeur différente, pour lesquelles M, Ransom, fabricant à Ipswich, comté de Suffolk, a remporté plusieurs années de suite le premier prix, aux concours de la Société royale d'a- griculture d'Angleterre, Eh bien ! ces charrues étaient aban- données dans un coin du parc, les laboureurs de. la ferme, n'ayant pas su ou voulu s'en servir; elles avaient coûté, prises sur place, 100 francs la pièce. J'ai vu là, quelques autres instruments d'agriculture français perfectionnés, et de fort belles vaches. Le lendemain, j'ai prisla diligence de Rouen qui m'a trans- porté jusqu'à Lisieux. Les premiers kilomètres qu'on par- court en suivant cette route, font voir de très-bonnes terres couvertes de riches récoltes, et surtout de magnifiques luzer- nes. Ensuite on traverse une vallée remplie d'excellents her- bages, dans lesquels paissent de fort beaux bestiaux ; au bout de quelque temps on atteint une côte tellement roide, qu'il fallut ajouter quatre bons chevaux à nos cinq vigoureux per- cherons, et encore faire descendre tous les voyageurs pour alléger la voiture; au haut de la côte près d’une auberge, on chargea sur l'impériale de la diligence, dix paniers pesant chacun 50 kilogr. et contenant quinze poulets tués. Ces vo- lailles pesant tout près de 2 kilog., pièce se vendent de 2 fr. à 2 francs 25; les poulardes se payent depuis 2 francs 50 jus- qu'à 5 francs. Onm'adit que les petits poulets étaient élevés avec du pain émietté, qu'on avait fricassé en y cassant un œuf; quand ils sont plus forts on leur donne de l'orge et du sar- rasin en grains, jusqu'à ce qu'ils aient 2 mois et demi à 5 mois ; alors on les metà l'épinelte etonles gave avec desbou- — 103 — lettes qui ont la forme du petit doigt et sont composées de farine d'orge avec de l’eau, mais le lait écrémé doux ou caillé vaut mieux; le bat-beurre peut aussi être utilisé de la mème manière. En descendant cette forte côte pour nous rendre à Lisieux, nous avons vu quelques jolies habitations de maître, entou- rées de belles prairies. Je me suis rendu de là à Olivarot et ensuite à Falaise. Pendant la première partie de ces 46 ki- lomètres, j'ai parcouru un charmant pays garni d’herbages et plantations; les herbages des environs d’Olivarot se louent d’après le nombre et la taille des bœufs qu'on peut y en- graisser, de 90 à 1420 francs par tête. Les vaches à lait qui fournissent les fromages d’Olivarot restent tonte l’année dans les herbages et payent de 250 à 300 francs par tête, car elles mangent beaucoup plus que les bêtes à l’en- grais. J'ai causé un peu avec deux beaux garçons qui suivaient celte route, dont j'ai fait une partie à pied, étant parti avant la voiture de Lisieux; ils venaient de passer trois semaines dans les environs à faucher des prés à la journée; on les nourrissait et on leur donnait 2 francs 50 centimes, 5 francs et mème quelquefois 3 francs 50 centimes par jour ; cela m'a paru bien cher ; ils m'ont dit faucher chacun environ 40 ares par jour. On m’a fait voir une jolie habitation dont le propriétaire engraisse quatre cents bœufs par an dans ses herbages; plus loin on me fit remarquer un fort beau château, appartenant à M. de Neufville, membre de l'assemblée nationale; on le dit fort riche, très-bienfaisant et employant une immense quantité d'ouvriers. Après avoir monté une côte rapide nous avons traversé des bruyères et de mauvais bois; on y voyait d'anciens et de récents défrichements ; la terre y paraissait des plus mau- vaises, bien qu'on y vit de temps en temps de belles récoltes et quelqnes herbages plantés de jeunes pommiers bien ve- nants. On m'a dit qu'on mettait sur ces défrichements, pen- — 104 — dant une dizaine d'années de suite, des composts de terre, chaux et fumiers, ce qui finissait par les convertir en de bons terrains, On remarque, sur une partie de cette route, des champs de froment très-mauvais, à côté de champs d'orge et d'a- voine de toute beauté. La raison de ce contraste provient, m'a-t-on dit, de ce que les grains de mars sont faits après les trèfles d'un an, tandis que les froments se font dans ce canton sur des trèfles de deux ans, qui ainsi que les vieux sainfoins servent de pâturages jusqu'en août, et, ne recevant ainsi qu'une mauvaise préparation, produisent des récoltes en conséquence. J'ai couché à Falaise et me suis rendu le lendemain ma- tin 12 juillet chez M. de Mecflet, qui a obtenu tout nouvel- lement la ferme-école du département du Calvados. Il cul- tive une ferme de 200 hectares qui appartient à son beau- père; la moitié ou les deux tiers de cette étendue, se com- posent de terres calcaires pierreuses ou ayant peu de fond ; l'autre partie est très-bonne, mais il n'y a ni prés ni herbages. Îl a déjà une douzaine d'élèves tous d'âge et de force à bien travailler, 1 y à parmi eux plusieurs fils de propriétaires-cul- tivateurs, qui ont compris l'avantage d'une bonne instruction agricole, J'ai vu dans cette ferme des récoltes sarclées bien soignées, de belles avoines d'hiver et de printemps, des orges et des froments magnifiques; mais toutes ses récoltes n’é- taient pas aussi belles; il faudra beaucoup d'engrais pour améliorer une aussi vaste étendue de terres, dont une grande partie est au moins médiocre. J'ai vu un trèfle de seconde année, dont une moitié avait reçu 5 hectolitres 1/2 de plâtre cru en poudre par hectare; le trèfle plâtré était de toute beauté et le reste ne formait tout au plus qu’un pauvre pâturage. M. de Mecflet cultive les deux variétés de trèfle incarnat , dont l’une est bonne à faucher quand l'autre ap- proche de la maturité. 11 cultive aussi le froment rouge d'É- cosse et celui connu en Normandie sous le nom de froment- saumon , que les Anglais nomment salmon ; ce sont deux — 105 — espèces qui méritent d'être répandues en France, car elles sont très-productives. Les bâtiments de ferme sont fort beaux et les logements des jeunes gens sont spacieuxet bien aérés. M. de Mecflet a une vingtaine de chevaux ou de poulains, une trentaine de bêtes à cornes , les jeunes comprises, trois cents bêtes à laine parmi lesquelles se trouve un bélier anglais à longue laine, et enfin beaucoup de cochons noirs, qu’il m'a dit être de l’espèce du cap de Bonne-Espérance; ils arrivent étant âgés de deux ans au poids de 200 kilog. - M. de Mecflet possède une ferme près de Creuly, dont le fermier M. Lebaron m'avait été indiqué comme un des bons cultivateurs du pays; il paye 468 francs de loyer par hectare pour d'excellentes terres , sans avoir ni herbages ni prés; cette ferme est passée dans l'espace de dix-huit ans, d’un loyer de 5,500 francs à celui de 6,000 ; les impôts de 800 francs sont à la charge du fermier. Les poulains et les vaches de M. de Mecflet sont tenus au piquet. Il a entouré deux pièces de terre semées en pâtu- rage, par trois rangs de cordes de fil de fer, qui ont 2 centi- mètres de circonférence. Ces cordes se fabriquent à l’Aigle ; il en a fallu 264 mètres, qui ont coûté 67 francs 20 centimes ; elles m'ont paru bien supérieures au fil de fer; elles sont bien plus solides et se tendent parfaitement; elles sont po- sées depuis huit à neuf ans et ont l’air d’être neuves; on les tend sur plus de 100 mètres de longueur, au moyen d’une vis et d'une clef anglaise. En se rendant de Falaise à Caen et ensuite beaucoup plus loin, sur la route de Pont-l'Evêque, on traverse un pays de plaines bien cultivé et plus ou moins fertile; la culture du colza cesse dans les environs immédiats de Caen ; on arrive ensuite dans ce beau et riche pays d’Auge, qui est couvert de gras herbages et de bœufs à l’engrais de bien des espèces différentes ; on doit cependant regretter d’y voir si peu de terres cultivées, car les herbages fournissent bien peu d’ou- vrage aux habitants qui ont besoin de gagner leur vie en tra- ER vaillant. Je pense que beaucoup d'herbages élevés produi- raient plus d'argent par la culture que dans l'état actuel. Nous sommes arrivés fort lard à Pont-l'Évêque, Le len- demain matin, je me suis rendu dans un herbage où se te- nait le concours des bestiaux ; j'y ai trouvé M, de Caumont, le créateur de l'Association normande; son zèle incessant fait produire infiniment de bien à son œuvre, qui a servi de modèle à l'Association bretonne et à celle du Poitou, Il se- rait à désirer que toutes les régions de la France voulussent aussi adopter cette excellente organisation, J'ai encore trouvé là M, de Mecflet, M, Girardin, prési- dent de Ja Société d'agriculture de Rouen, et M. Dargent, cultivateur distingué demeurant à la porte de Fécamp. M, Moll en avait parlé il y a quinze ou vingt ans, de manière à me donner un vif désir de voir son intéressante culture. Le concours se composait de vingt-deux taureaux presque tous beaux et de race cotentine, excepté un seul aux trois quarts durham et un quart cotentin , qui élait très-beau et appartenait à M, de Fontenay, dont la terre est peu éloignée du haras du Pin; de trente belles vaches et dix-neuf génisses de l'âge de dix-huit à trente mois; d'une assez grande quan- tité de juments et de poulains, dont j'ai oublié le nombre. On n'y voyait qu'une trentaine de bêtes à laine, parmi les- quelles quelques mérinos, quelques béliers dishleys et kents. Ces environs ne sont pas riches en troupeaux. Enfin j'ai vu une vinglaine de cochons, parmi lesquels se trouvaient un verrat de Baltimore, et trois autres provenant d'un croise- ment entre un verral napolitain et une truie yorkshire. - Toutes les bêtes à cornes de race normande ou cotentine sont assurément fort belles, mais elles auraient beaucoup à gagner, j'en suis persuadé, si on alliait les vaches de ce pays avec de beaux taureaux durhams, bien marqués d'après le système de Guénon. l’endant le diner, deux messieurs dont l’un se nomme Goupyl, un des plus forts herbagers du pays d’Auge, nous ont fait connaitre Le plus grand produit en lait et en beurre — 107 — des vaches de ce pays. M. Goupyl offrait de parier 4,000 fr. qu'il avait la meilleure vache de toute la Normandie ; je lui ai alors demandé ce qu’elle donnait en lait et en beurre, il m'a répondu 52 litres par jour et 6 kilogrammes 1/2 par se- maine ; l'autre personne dit que la sienne ne donnait que 20 litres de lait, mais que celui-ci produisait de 7 kilog. 1/2 à 7 kilog. 750 grammes de beurre par semaine ; il a ajouté qu'elle était aussi bien marquée que possible d'après la mé- thode de Guénon; tous deux ont proposé si l’on doutait de leur véracité, de laisser leur vache à l'essai pendant quinze jours. Il y avait à cette réunion agricole, sept à huit membres du congrès central d'agriculture que je connaissais de figure, mais pas de nom, excepté M. de Pommereu; le lendemain de graud matin, M. Dargent et moi, nous montâmes dans la diligence de Honfleur ; nous eùmes un temps charmant pour notre traversée de cette ville au Havre, où nous passämes une couple d'heures, ce qui me donna le temps de bien vi- siter ce port si rempli de beaux bâtiments de commerce ; on m'a dit que les affaires reprenaient assez bien dans -cette ville si commerçante. Nous sommes partis à onze heures par le chemin de fer, que nous avons quitté à la station de Beuzeville, où nous avons trouvé un omnibus qui va de là à Fécamp. La culture du pays de Caux m'a semblé bien plus avancée que celle de la rive gauche de la Seine. Une fois qu'on est monté sur le plateau, on voit des terres dont la fertilité et la bonne culture sont attestées par la beauté des récoltes, on y remarque de très-beaux champs de froment et d'avoine, de trèfles et de vesces de printemps, car on prétend dans ce pays que les hivernages ou vesces d'hiver diminuent les récoltes de froment de moitié, tandis que les vesces de prin- temps améliorent le sol, ou du moins n’en diminuent pas la fertilité. M. Dargent a été confirmé dans cette opinion par plusieurs essais. On voit en grand nombre de beaux champs de pois fourrage, des champs de lin considérables, — 108 — et des colzas, qui dans ce pays ne reviennent que tous les huit ou douze ans. Cet ensemble de bonne culture fait plai- sir à voir. Les bestiaux sont au piquet, les chevaux aussi bien que les bêtes à cornes. Il n'y à que les pentes rapides des coteaux aux bords des vallées étroites, qui soient à peu près incultes étant sans fond de terre sur un sous-sol de craie ou de roches calcaires; on n'y voit que des ajones et des bruyères ou de pauvres pâtures à moutons. Les terres se louent en détail jusqu’à 90 francs l'acre de 36 ares, et elles sont aussi recherchées dans ce moment qu'avant 484$. Il en est de même des propriétés qui se ven- dent aussi bien qu'il y a deux ans; M. Dargent estime les bonnes terres, vendues au détail, de 4 à 5,000 fr. l'hectare. Il achète à raison de 1,500 francs l'hectare , toutes les fois que cela se peut et qu'elles joignent sa propriété, des pâtu- res à moutons qui n'ont pas assez de fond de terre pour être labourées et qui se trouvent exposées, par leur élévation sur les bords de la mer, aux vents violents qui y règnent si fré- quemment. Sa culture ne se compose que de 50 hectares de terres labourables , sur lesquels 10 sont chaque année en froments dont il a tiré la semence d'Angleterre ; ils sont de toute beauté, Cette récolte reçoit 400 mètres cubes d'un excellent famier fréquemment arrosé de purin ; on met l’an- née suivante 5 hectares en ayoine de printemps, dans la- quelle se sème le trèfle ; au moment de le retourner pour y semer du froment, on y amène encore 100 mètres de fu- mier; les autres 5 hectares sont plantés à moitié en colza sans fumure , qui est remplacé aussitôt que cela se peut par une semaille de trèfle incarnat, après lequel on sème de la vesce mêlée de 5 litres de colza. Cette espèce de trèfle ne manque jamais lorsqu'elle peut être semée dans la seconde quinzaine de juillet, et donne ici un très-grand produit. M. Dargent préfère de beaucoup la variété tardive et assure qu'elle produit infiniment plus que l’autre; on peut se pro- curer de cette graine chez lui. L'assolement recommence après les vesces. Les 2 hectares 1/2 restants de la seconde — 109 — sole sont plantés pour moitié en pommes de terre et le reste semé au semoir en carottes de la variété véritablement rouge, mèêlées avec des jaunes et des blanches à collets verts. M. Dargent fait faire ensuite des trous avec le plantoir à main et y fait déposer de la graine de betteraves ; puis un petit rouleau vient reboucher les trous. Ce mélange de racines, convenablement sarclé et éclairci, donne habituel- lement un produit de 90 à 100,000 kilogrammes par hec- tare; les betteraves comptent pour au moins moitié, Après les racines qui ont reçu 100 mètres cubes de fumier, on en ajoute 100 autres mètres pour les vesces de printemps, et le froment qui vient ensuite est habituellement le plus beau. S'il se trouvait semé dans une terre médiocre, il recevrait encore une demi-fumure. Le tiers à peu près des terres de M. Dargent, d’une qua- lité très-médiocre sinon mauvaise, n’a souvent assez de fond de terre que pour recevoir un labour de 0",08 à 0",10 de profondeur ; il ne fait. point de racines sur celles-ci et les remplace par des vesces fumées, suivies par un froment non fumé; dans ce casil fait les racines deux années de suite dans le même terrain et leur donne chaque année 400 mètres cubes de fumier, ce qui n’empèche pas de donner au fro- ment qui les suit 400 autres mètres de fumier, ou bien un parcage fait par trois cents bêles , qui mettent vingt-cinq jours à parquer 1 hectare. Son colza est repiqué en lignes séparées par 66 centimè- tres et à 12 centimètres dans les lignes ; on fait cette plan- tation au moyen de deux de ces énormes charrues du pays de Caux, dont chacune est attelée de trois très-forts chevaux entiers d'espèce flamande; elles se suivent et prennent cha- cune une tranche de 55 centimètres de largeur. Il m'a dit qu'il récoltait en moyenne 56 hectolitres de colza. On fume abondamment pour le replant qui est fait après une récolte de trèfle incarnat, et l'on parque, une fois la pépinière arra- chée pour produire du froment. Les pommes de terre radiale dl ayant la maladie — 110 — 400 hectolitres; maintenant on ne compte plus guère, en plantant des précoces, que sur 250 hectolitres. M. Dargent à semé cette année pour la première fois un nouveau froment anglais nommé froment européen. 1 est encore plus long en paille et plus beau en grains que le fro- ment rouge d'Écosse; aussi est-il versé dans la moitié du champ tandis que l'autre l'est à peine. Les épis de ces deux froments se touchent presque et sont d'une longueur extraor- dinaire, Il sème à la volée 2 hectolitres 1/2 de froment et 4 d'avoine; celle-ci a dans les mauvaises terres de 100 à 150 centimètres de haut et dans les bonnes au moins 160 centimètres ; elle est partout très-épaisse, et donne en moyenne 50 et quelquefois même 60 hectolitres par hec- lare. M. Dargent espère récolter cette année 40 hectolitres de froment par hectare. Il m'a dit avoir récolté une année 54 hectolitres de colza; cette plante ne revient dans le même champ qu'après douze ans. Ses trèfles sont très-beaux et donnent en moyenne, ainsi que ses vesces de printemps, 14,000 bottes de 7 kilogrammes ; ils reviennent tous les six ans. [ a eu plusieurs fois des récoltes de froment donnant 44 hectolitres à l'hectare en moyenne, et des champs qui en donnaient 50, 1 a cultivé le lin à l'époque où il se vendait bien , et il lui est arrivé de le vendre jusqu’à 2,000 francs par hectare ; maintenant ce même hectare de bon lin vau- drait à peine 350 francs. M. Dargent fait pâturer ses trèfles incarnats avant l'hiver par ses moutons, et y met ses vaches au piquet au printemps, au moment où il est en bouton. 1] le fauche pour les che- vaux lorsqu'il est en fleur de même que pour les moutons ; s'il n'est pas tout consommé en vert, il en fait du foin pour le troupeau. Les chevaux ne l'aiment pas sec. Un des quatre chevaux de travail de M. Dargent, ferait as- surément un des beaux chevaux de la fameuse brasserie de Barclay and Perkins de Londres. Il a quinze vaches et un taureau, dont il n’a pas changé — AN — ou croisé l'espèce depuis l’année 4812, époque à laquelle il avait dix-huit ans et où il s’est trouvé chargé, comme aîné d’orphelins, de cultiver leur propriété; j'ai vu ses vaches at- tachées à des piquets, dans un herbage voisin de l’habita- tion, il existe depuis longues années après avoir été semé dans une terre de cette plaine fort élevée, qui est sur fond calcaire; ces vaches sont fort belles, M. Dargent m'a dit en avoir plusieurs qui à nouveau lait donnent 98 litres dont on fait 4 kilogr. de beurre en 24 heures; on change le piquet huit à neuf fois par jour ; ces bêtes couchent dans l’herbage à moins qu'il ne fasse froid. Il a un troupeau qui dans ce moment-ci est de trois cents bêtes et sept béliers, les agneaux venant d'être vendus; ce troupeau est de pure racemérinos et n’a pas été allié avec d’autres troupeaux depuis l'an 1795, époque à laquelle M. Dargent père l’a acheté. Ces bêtes sont fort bien faites, basses sur jambes , très-rondes , à poitrines larges; elles dépouillent 2 kilogr. de laine lavée à dos, dont il refuse 2 fr. 75 le kilogr., tandis que la laine des métis du pays se vend de 4 fr. 75 à 4 fr. 90; les brebis une fois grasses pèsent 22 kilogr. 4/2 viande nette et les moutons 1/5 en sus, ou 27 kilogr. Ce troupeau vit principalement sur 13 hecta- res 4/2 de pâtures de dunes fort élevées au-dessus de la mer. Il y a dans cette étendue environ 1 hectare de grands ajonces qui se coupent tous les six ans pour chauffer le four ; ces pà- tures sont couvertes de crottes de moutons comme si on les avait parquées. On laboure de temps en temps afin de re- nouveler le gazon, les parties de ces pâtures qüi ont peu de pente et qui ont assez de profondeur de terre, pour recevoir la charrue. M. Dargent vend ses agneaux à l’âge de six mois 20 francs pièce. Il vend beaucoup de froment rouge d'Écosse pour se- mence à raison de 32 francs l'hectolitre ; il pourra en vendre en 1850 de celui nommé froment européen à raison de 60 francs l'hectolitre; il l’a payé 420 francs. {lm’a dit qu’on ne cultivait dans ses environs que du froment rouge, le blanc — 112 — n'y réussissant pas bien. I a cultivé pendant six ans de la betterave, pour une sucrerie qui existait alors dans le voisi- nage ; on lui payait 24 francs les 4,000 kilogrammes. Il renouvelle souvent sa semence de froment en la faisant cueillir épi par épi afin de n'avoir que la même variété ; j'avais oublié de dire que M. Basly fait de même; celui-ci m'a dit avoir une variété de colza qui gèle plus diffcile- ment que l'espèce ordinaire, et ce fait étant connu dans son pays, beaucoup de personnes lui en achètent pour se- mence. M. Dargent a établi pour les dix années qui se sont écou- lées de 1851 à 184, une moyenne annuelle du produit net de sa culture qui s'étend sur 52 hectares, dont 45 1/2 sont des pâtures à moutons ; il en a défalqué le loyer qu’il en eût tiré si elle avait été louée, et il a trouvé une somme dépas- sant 6,000 fr, Il a vendu une année pour 50,000 fr. de pro- duits de la ferme, après avoir vécu dessus. Lorsqu'en 1812 il a commencé à cultiver la propriété qui lui appartenait par in- divis avec ses frères et sœurs, il a été obligé d'emprunter une somme considérable, dont il payait 7 pour 400 d'intérêt; il lui a fallu près de dix-huit ans pour s'acquitter compléte- ment. Depuis il a pu économiser une somme suffisante, pour payer les parts de ses frères et sœurs et rester seul proprié- taire et en ce moment on lui offre du tout 180,000 francs. Les bâtiments se composent d’une maison de maître, et de dix bâtiments d'exploitalion grands et petits, placés dans une vaste cour gazonnée et plantée d'arbres fruitiers, qu’on nomme dans ce pays une masure; elle a une étendue de 5 hectares 70 ares, y compris les plantations et levées de serre, qui servent d'abri contre les vents violents de Ja mer. L'herbe de ces terrains forme pendant la bonne saison la principale nourriture de ses vaches. [l a fait faire, peu de temps après avoir pris la direction de saculture, il yaenviron trente-huitans, uneespècederempart haut de 5 mètres, ayant une base de même étendue, qu'ila fait planter de marsaults et autres espèces de bois venant facile- — 113 — ment , alin de créer un abri pour la ferme contre les vents de mer, qui sur un point aussi élevé de la côte sont ter- ribles. Entre ces levées de terre et les bâtiments, il a planté des hêtres et autres arbres qui ont fini par prospérer, tandis que la plupart de ceux plantés par son père n'avaient pu résister à l'effet destructif de ces vents violents. Chaque mètre de cette levée de terre a coûté 5 francs, et il y en a 500. Les plantations servant d’abri ne sont jamais élaguées. M. Dargent est entouré de vieux serviteurs dont le plus ancien est depuis quarante-quatre ans sans interruption au service de la famille ; sa cuisinière est depuis vingt ans chez lui, la servante depuis quinze, son premier berger depuis vingt ans ; celui-ci a 400 fr., les profits compris; son labou- reur, qui est le moins ancien de ses serviteurs, y est depuis sept ans; il a 550 francs, la servante 180 fr.; les journaliers hommes 1 fr., femmes 50 centimes et nourris; ce prix est le même pendant toute l'année, excepté pendant les six semai- nes de moisson, où l’on double le salaire. La nourriture des hommes est évaluée à 75 centimes ; ils reçoivent tous les jours de la viande fraiche. On a ici le soin de garnir la terre, autour des jeunes ar- bres fruitiers, avec des fagots d’ajoncs qu’on assujettit avec des pierres; cela conserve l'humidité, et empèche l'herbe de pousser ; les fagots en se pourrissant-fertilisent d'autant la terre qu'ils recouvrent. M. Dargent m'a engagé à aller voir M. Louis Leseigneur, jeune cultivateur de ses parents, qu’il dit être sur la bonne voie, et de passer chez M. Bille qui depuis une trentaine d'années, va presque tous les ans en Angleterre, où il est lié avec de bons cultivateurs, chez lesquels il prend les meil- leures espèces de froments qu'il multiplie chez lui et qu'il met ensuite dans le commerce. Il importe aussi très-souvent des instruments d’agriculture perfectionnés. J'ai quitté cet excellent M. Dargent pour aller prendre à Fécamp la diligence du Havre à Dieppe, qui va très-vite at- 5 _— 114 — tendu qu'elle porte les dépêches, La culture des environs de Fécamp m'a paru meilleure que celle des 400 kilomètres que j'ai parcourus en me rendant à Dieppe, et cela n’est pas étonnant, car l'exemple donné depuis trente-huit ans par un cultivateur tel que M. Dargent, a dû assurément être utile aux fermiers de ces cantons. On vend à Fécamp le tombereau de boues de ville attelé de trois chevaux, à raison de 9 francs. Les villages et les fermes du pays de Caux sont ordinaire- ment entourés de superbes plantations. Les terres qu'on aperçoit quelque temps après avoir quitté Fécamp sont d'une qualité supérieure, elles sont très-profondes et faciles à cul- tiver, et cependant on voit partout cette énorme charrue du pays de Caux, qui laboure assurément fort bien , mais qui exige un attelage de trois vigoureux chevaux ; elle me choquait d'autant plus, que je venais des environs de Caen où j'avais beaucoup admiré la charrue qui y est générale- ment en usage ; elle laboure parfaitement , et sans fatigue pour les deux chevaux qui la traînent, mais elle est diflicile à forger, et je Ini préfère encore la charrue belge-améri- caine, ou même celle de Dombasle. On bat dans ce pays les colzas, en les posant debout et bien serrés les uns contre les autres, sur une aire qu'on a pré- parée dans le champ de la manière suivante : on laboure un espace assez grand pour former une aire, on le herse bien, on le roule fortement pour le tasser le plus possible, et l'on y étend la toile à colza. Je ne conçois pas comment on peut faire marcher les chevaux sur ce colza posé debout. J'ai quitté la diligence au Bourg-Dun pour aller visiter M. Bille; il a eu la bonté de me montrer les nombreux in- struments d'agriculture, qu'il a successivement importés d'Angleterre, J'y ai vu le rouleau de Cambridge qui a du mérite, mais qui est de beaucoup inférieur à celui de Cros- kill, et un autre rouleau tout en fer valant encore moins que le premier que j'ai cité; il a trois scarificateurs dont aucun n'est à beaucoup près aussi bon que celui de Ducy, — 15 — que nous avons maintenant en France; plusieurs herses fort lourdes et à dents de fer perpendiculaires; mais M. Bille n’est pas parvenu à amener ses domestiques à se servir de tous ces instruments compliqués ; aussi sont-ils tous entassés dans une remise qui est fermée à clef. On n’emploie que les charrues anglaises, après leur avoir fait adapter le soc et le versoir du pays de Caux, et deux tarares anglais qui étaient dans les greniers. J'ai vu dans ses étables trois vaches, dont. une très-petite était de l'espèce hereford. I s’était défait de ses bêtes à laine anglaises et les avait remplacées par des brebis de l'espèce normande, parce que, disait-il, on ne pou- vait pas vendre les bêtes anglaises aux foires. On doit d’ailleurs s'attendre à cet inconvénient , toutes les fois qu’on adopte une race de bestiaux étrangers à la localité qu'on habite; mais avec les races très-précoces comme le sont celles qu'on importe ordinairement d’Angle- terre, c'est un petit malheur, puisqu'on peut engraisser très-bien les dishleys ou southdowns et les bêtes croisées qui en proviennent, de manière à pouvoir les livrer âgés de deux ans et même plus tôt à la boucherie. Quant aux bêtes à cornes provenant de taureaux durhams, il y a plus de béné- fice à bien les nourrir et à les vendre âgées de trente-six ou quarante mois, que de les conserver plus longtemps en leur ménageant la nourriture pendant leur jeunesse. UI Sommaire. Culture entre Dieppe et Eu. — Usines construites dans cette dernière ville par Louis-Philippe. — Terrains tourbeux des environs de Rupt. — Tra- vaux agricoles de M. Lefèvre de la Houpplière., — Bergerie modèle de Montcavrel, dirigée par M. Dutertre.—État de la culture, de Boulogne à Armentières. — Ferme de M. Waymel, à la Chapelle ; — de M. Julien Lefèvre, près de Lille ; — de M. Cornille , à Marcq; —de M. Fauquen- berg, à Perenchies. — Cultures de M. Decrombecq, à Lens. — Ferme de Loos dirigée par M. d'Hont.—Mort regrettable de M. de Wynezeele.— Hospice d'Alveringham. — Moëres belges. — M, de Graave , éleveur et cultivateur belge. — M, Vandale, fermier, près de Furnes. — M. de Smet ; ses plantations. — M. Van Dromme, grand industriel agricole, à Dixmud,—Culture du pays jusqu'à Thouroutte.—Ferme-école de Berg- Op-Zoom. — Culture intelligente de M. Pierre Doyen. — Grands défri- chements de bruyères. — Bienfaisance de M. Dieryckx.—Petites cultures très-remarquables des environs de Roulers.— Parti qu'on pourrait tirer de la Campine.—Réflexions sur l'état de la culture en France.—Misère des tisserands flamands. — Ferme de M. Demulnaer. — Environs d'Ypres. Ayant rejoint ma famille à Dieppe je m’y suis reposé pen- dant une semaine, et j'ai recommencé mon voyage agricole le 24 juillet en me rendant d'abord dans la ville d'Eu. La culture entre ces deux villes est toujours bonne, mais elle me semble moins avancée que celle des environs de Dieppe et à plus forte raison que celle du voisinage de Fécamp et du Havre. Les terres sont excellentes ; on y voit beaucoup de champs de lin et de chanvre, mais peu de colza ; de temps en temps j'admirais de superbes champs de froment ou d'a- voine, et puis à côté il y en avait d’autres plus que médio- cres, conséquence forcée du manque de fumier et d'une — 117 — mauvaise culture, bien annoncée du reste par l'abondance des chardons et autres mauvaises herbes. Dans plusieurs endroits des faucheurs coupaient des avoi- nes vertes, pour nourrir du bétail. On rencontre peu de champs de trèfle, mais en revanche une grande quantité de vesces et pois fourrages. Je n’ai plus remarqué de bêtes at- tachées au piquet, mais beaucoup de troupeaux et de parcs ; les vaches de cette partie de la Normandie, quoique étant de grande taille et assez belles, m'ont paru de races mélan- gées et ne formant pas un type particulier. J'ai visité le château d'Eu, dont l’intérieur est très-remar- quable; le parc est triste, contenant de vilaines eaux et beau- coup de plantations de peupliers. Le roi avait fait construire dans cette petite ville quatre usines fort importantes : un moulin contenant douze paires de meules, une grande huilerie singulièrement perfectionnée ; une boulangerie considérable employée à la confection des biscuits pour la marine ; enfin une scierie qui débite une im- mense quantité de bois importés des pays du Nord; elle oc- cupe toujours plusieurs scies rotatives. Les moteurs de ces diverses usines sont des chutes d’eau bien ménagées, que fournit une petite rivière qui va se jeter dans la mer au Tré- port; on l’a récemment canalisée depuis la ville d’Eu jusqu'à la mer, ce qui facilite infiniment l'importation des bois et l’ex- portation des farines et des huiles produites par les départe- ments voisins. Les tourteaux de lin et de colza provenant de l'huilerie sont vendus pour l Angleterre, et la sciure de bois est brûlée dans les fours; j'ai regretté qu’on ne se servit pas de celle-ci, ainsi que je l'ai vu faire en Ecosse, comme litière pour des animaux qu’on engraisserait avec les tourteaux (au lieu de les exporter), des racines et de la paille hachée, si l’on manquait de foin. Ces bêtes fourniraient une masse d’excel- lent fumier, et, lorsqu'elles seraient bien grasses , se ven- draient avantageusement en Angleterre. Cette grande aug- mentation de bon fumier permettrait de cultiver avec suc- cès des betteraves, rutabagas et navets, lesquels, soigneuse- — 118 — ment sarclés, détruiraient les mauvaises herbes, qui, réunies au manque d'engrais, sont la cause des pauvres récoltes dont la vue m'avait chagriné le matin. Le Tréport m'a semblé un fort triste séjour pour les bai- gneurs, car il n'y a d'autre promenade que la route qui con- duit à la ville d'Eu. Cette dernière contient quatre mille ha- bitants ; le Tréport en a cinq mille. Les herbages qui bordent la rivière entre ces deux villes auraient le plus grand besoin de drainage; il y a, je crois, une pente suflisante pour les faire réussir. Une dépense de 400 à 200 francs au plus par hectare, doublerait assurément leur produit actuel, ear ils sont garnis de jones et laiches que les bestiaux refusent. Les terres de ces environs se louent 80 francs et les herbages 120 francs l'hectare. _ Le pays que j'ai traversé en me rendant à Abbeville m'a paru contenir en général de bonnes terres, mais fort médio- crement cultivées, Depuis Abbeville jusqu'à Rupt, le che- min de fer suit des marais, qui sont des relais de mer, qu'on endigue contre le reflux ; ils sont loués de 40 à 50 francs l'hectare, Une grande partie de ces terrains, qui pourraient être très-productifs, sont en pâtis communaux couverts d’un bien chétif bétail; les chevaux, en assez grand nombre, y ayaient une meilleure apparence que les bêtes à cornes. On y coupe des gazons qui, étant séchés, servent de chauffage. Dans les environs de Rupt le terrain est plus humide et tourbeux; des fossés pleins d’eau le partagent en champs larges d'une dizaine de mètres, mais ne parviennent pas à l'assainir. On devrait convertir en polders ces terres, qui . présentent une étendue considérable, en les débarrassant de l'eau surabondante au moyen d'une machine à vapeur, qui pourrait leur rendre la fraicheur par les temps secs en rem- plissant les fossés d'eau, comme cela a lieu dans les marais desséchés des comtés de Lincoln, Norfolk et de Cambrigde en Angleterre; on donnerait ainsi une grande valeur à ces terres, qui n'en ont maintenant qu'une fort minime, car elles sont souvent submergées et toujours {trop humides. Dans — 119 — les parties tourbeuses on trouverait probablement, dans le sous-sol formé par les alluvions, de l'argile, ce qui convien- drait le mieux, ou des sables coquilliers, qui, répandus en quantité convenable, transformeraient ces terrains impro- ductifs en terres excellentes. On fait beaucoup de chanvre dans les meilleures parties de ces terres d’alluvion. Un habitant du pays, avec qui je voyageais sur le chemin de fer, me dit qu'un célèbre ingé- nieur actuellement employé à Toulon, après avoir été long- temps au service du pacha d'Égypte, avait voulu favoriser Abbeville son pays natal, en tirant de ses fabriques des toiles pour la marine militaire, mais qu’elles n'avaient pu soutenir la concurrence, avec celles qu'on fabrique sur les bords de la Loire et en Bretagne, où les chanvres sont d’une qualité bien supérieure à ceux du Nord. Je suis allé, le 24 juillet, faire une visite à M. Lefèvre de la Houpplière, qui possède avec d’autres membres de sa famille une étendue considérable d'excellentes terres et d'herbages, conquis successivement sur la mer à partir du commence- ment du xvu° siècle. Sa culture se compose de 450 hectares d'excellentes terres et de 200 hectares de bons herbages; le sous-sol est formé de sable gras et coquillier, et se trouve en général à 1 mètre de profondeur, son épaisseur est plus ou moins grande, il repose sur de la tourbe. Une petite partie de cette terre a été acquise par le pré- sent propriétaire, lorsqu'elle n’était encore qu’un marais tourbeux, et il en a fait d'excellentes terres en les assainis- sant au moyen de larges fossés ouverts , qui sont de 20 à 50 mètres les uns des autres, et dont le contenu composé en grande partie de ce sable gras et coquillier, a servi à amé- liorer la surface qui était tourbeuse. M. de la Houpplière a d’abord croisé des brebis du comté de Kent avec des béliers de Naz, ce qui a produit, m'a-t-il dit, un fort mauvais résultat ; il a mieux réussi en donnant en- suite aux brebis de race kent , des béliers de Rambouillet ; depuis il a employé des béliers dishleys et a obtenu ainsi “ — 120 — de bonnes bêtes, mais cela aux dépens de la valeur des toi- sons; il va donc se servir de béliers dishleys mérinos, qu'il a achetés à la bergerie de Montcavrel, Son troupeau était de dix-huit cents têtes, mais il l'a fortement réduit pour augmenter le nombre des bêtes à cornes. Il a ordinairement plus de cent cinquante bœufs ou vaches à l'engrais, venant presque tous de la basse Normandie, une bonne partie de ces vaches ont été achetées dans les environs de Beauvais. Il n'élève ni chevaux ni bêtes à cornes. Ses récoltes m'ont semblé fort belles; on emploie dans celte culture seize bons chevaux de labour et on se sert de la charrue de Dombasle sans avant-train, celle de Pluchet n'ayant pas fait un bon usage. M. de la Houpplière m'apprit que le gouvernement était au moment de vendre un relais de mer dans ces environs, et qu'il faudrait un capital de 250 à 500,000 francs pour ac- quérir, endiguer, défricher, bâtir la ferme et monter la cul- ture; que cette opération terminée on trouverait facilement de bons fermiers, qui loueraient à 4 pour 100 du capital employé. Un de ses neveux fait valoir de la même manière que lui, une grande ferme qui touche la sienne; son frère cultive fort en grand près Montreuil-sur-Mer, mais ce ne sont en général que des terres. La culture de M. de la Houp- plière exige un capital de 450,000 francs. à Après avoir quitté ce cultivateur très-distingué et fort obli- geant, je me suis rendu à Montcayrel; chemin faisant etavant de passer par Montreuil-sur-Mer, j'ai traversé lesterresd'une ferme considérable située dans la commune de Waillys, qui est la propriété d'un M. Magné; j'ai regretté de n'avoir pas le temps de la visiter, car j'y ai vu plus de cent vaches nor- mandes attachées au piquet et consommant des champs se- més en luzerne et sainfoin, J'y ai encore remarqué plusieurs pièces considérables de chanvre, etde fort belles récoltes sar- clées semées ou plantées en lignes. Dans une autre partie de celle course j'ai vu des charrues attelées de cinq bons chevaux, occupées à labourer des terres de culture facile, et — 121 — ensuite des pâtures garnies de ronces, d’épines, de genêts et de mauvais arbres foresliers ; je me suis cru un moment en Berry. La belle ferme de Montcavrel , qui a été louée par le gou- vernement à raison de 9,000 francs, pour y établir une ber- gerie de bêtes à laine, de différentes espèces venues d’An- gleterre, se compose de 175 hectares ; son directeur, M. Du- tertre, m'a fort bien reçu, il m'a fait voir lui-même sa cul- ture et la belle bergerie nationale. Les terres paraissent fort bonnes, mais elles sont d’une culture assez difficile et à sous- sol imperméable ; si le bail était plus long on pourrait les drainer , ce qui en les améliorant rendrait aussi un grand service au troupeau et donnerait en même temps un exemple fort utile à cette partie de la France. Le troupeau se compose de quatre cent cinquante bêtes, dans lesquelles se trouvent deux cent cinquante brebis de races dishley , kent, southdown et des bêtes croisées pro- venant de béliers dishleys et brebis mérinos ; on va donner à ces dernières des béliers issus de béliers Gros de Mauchamp et brebis mérinos; toutes ces bêtes sont en fort bon état, mais je crois que les espèces anglaises ont diminué en taille. On m'a dit qu’on n'élevait qu'environ cent vingt agneaux par an, car on réforme les moins beaux : on vend les brebis à des bouchers qui sont forcés de rapporter les têtes, afin de prouver qu'ils ont tué toutes les bêtes qu’on leur a vendues. Cet ordre, envoyé du ministère, me paraît contraire à la pro- pagation des races anglaises en France, car des brebis réfor- mées à l’âge de quatre ou cinq ans pourraient, étant ven- dues à des fermiers du pays, produire encore un ou deux agneaux. Les fermiers du nord de la France n’achètent que des béliers à longue laine et les southdowns sont demandés par les cultivateurs du Centre et du Midi. Il restait cependant à l'établissement plus de béliers qu’il n'en faut pour les brebis du troupeau. — M. Dutertre me dit que les béliers kents se déforment en vieillissant ; leurs côtes s’aplatissent et ils ont en outre l'inconvénient de man- — 122 — ger à poids égal, beaucoup plus que les dishleys. Lalainedes, southdowns est recherchée par les marchands ; avant 1848 les toisons des brebis se vendaient 6 francs ; celles des dishleys mérinos 8 francs. Tous les cochons que j'ai vus depuis mon passage dans la ville d'Eu, proviennent de croisements Se races anglo-chinoises. Les terres de Montcavrel paraissent fort bien. cultivées. mais on n'y fait que 45 hectares de récoltes sarclées, ce qui ne forme pas la onzième partie de la ferme, tandis qu'en An- gleterre on en fait dans le quart ou au moins la cinquième partie des terres labourables. Ces racines se composent ici de betteraves, rutabagas, ca- rottes et pommes de terre; elles sont cultivées en lignes et bien sarclées ; on fait aussi des fèves, beaucoup de pois fourrages et de vesces. Les luzernes n'y réussissent pas et les sainfoins n'y sont pas beaux. On se sert à Montcayrel de charrues Dombasle à avant-train, et on les attelle de trois chevaux. On donne au directeur chaque année 50,000 francs pour faire marcher la ferme, mais on lui retire l'argent provenant de tout ce qu'il vend. 27 M. Dutertre m'a fait conduire à Etaples où j'ai pu monter dans un convoi du chemin de fer, qui m'a rendu à Boulogne. On trouve, dans les terres qui s éboulent des falaises de cette dernière ville, de grandes cornes d'Ammon et des ossements fossiles d'une grosseur considérable. | Les environs de Montreuil ne sont pas trop bien cultivés; ils manquent essentiellement d'engrais. On entre à Étaples dans des dunes affreuses, qu'on cherche à consolider en y repiquant du chiendent marin ; on voit là de petites cultures de pommes de terre, de luzernes et de misérables champs de grains, qui ont à peine 55 centimètres de haut. Le chemin de fer traverse, depuis Abbeville jusqu'à Boulogne, presque loujours un assez vilain pays; on y voit beaucoup de dunes bien arides et des marais tourbeux, e — 123 — N Je me suis rendu de Boulogne à Calais par un omnibus de forme anglaise, attelé de quatre bons chevaux harnachés comme des chevaux de maitre et qui ont parcouru en trois heures sans être relayés, 32 kilomètres de cette route qui est très-montueuse. Les terres paraissent bonnes jusqu’à une petite distance de Calais; là elles deviennent caillouteuses, et dans le voisinage immédiat de cette ville le terrain n’est plus qu'une masse de cailloux gros et menus. Les récoltes que j'ai vues dans mon trajet étaient bonnes, mais la culture m'a semblé bien arriérée; je n'ai aperçu qu'un seul champ de lin, peu de colza, point de luzerne et fort peu de racines. de ne suis pas entré en ville, car on nous a déposés à la sta- tion du chemin de fer qui en est encore assez éloignée; nous sommes partis une heure après pour Saint-Omer, dont je voulais visiter les environs; mais une pluie à verse m'en a empêché. En se rendant de Calais à Saint-Omer, on traverse d’abord un marais, on retrouve ensuite des herbages ; plus on se rapproche de Saint-Omer, plus la culture se perfectionne; on y voit des petits champs entourés d'énormes fossés, dont la terre a servi à relever la surface au-dessus du niveau de l’eau; ces champs sont couverts de fort beaux chanvres et de toute espèce de culture maraichère. Après avoir tra- versé Saint-Omer et en s’approchant de Hazebrouck, on trouve beaucoup d’herbages, et puis avant d'arriver à Bail- leul on voit apparaitre cette excellente culture flamande, qui n’est égalée sous certains rapports par aucune de celles que j'ai le plus appréciées dans mes nombreux voyages agri- coles. Les environs d'Armentières paraissent être encore mieux cultivés si c’est possible, que ce que je venais de voir “auparavant ; les terres que j'ai aperçues entre ces deux villes, sont en grande partie couvertes de champs de haricots plan- tés en lignes très-rapprochées, également beaux dans toutes leurs parties, et exempts d'herbes. Les champs de froment , d'avoine et de fèves sont d'une beauté extraordinaire; on voit beaucoup de champs de tabac — 124 — parfaitement soignés, beaucoup de lin en grande partie ar- raché et mis en tas fort longs, très-élevés et couverts par des espèces de toitures en paille; les colzas sont arrangés en meules rondes très-bien faites, et dont la pointe seule est recouverte de paille. On voit des pois verts cultivés pour être mangés en purée, on les récolte avant leur complète maturité et on les fixe autour de perches alignées, plantées perpendiculairement en terre , afin de pouvoir labourer de suite entre ces lignes; ces pyramides de pois sont hautes de 5 mètres et n'ont qu'environ 4 mètre de diamètre, afin de pouvoir mûrir en séchant. J'ai vu des champs de seigle récolté, lié en gerbes fort minces, placées en dizains ronds et recouverts d’une grosse gerbe leur servant de chapeau ; ces champs étaient déjà la- bourés et hersés. On voit aussi des navets assez grands qui remplacent des hivernages consommés en vert. La moisson des froments est commencée et serait déjà avancée, sans le temps pluvieux qu'il fait depuis huit jours. Ce qui est admirable, et malheureusement fort rare dans les autres provinces , c'est de ne pas trouver une récolte médio- cre au milieu de tous ces champs si richements couverts, Une grande partie des terres que j'ai traversées entre Ca- lais et Armentières, sont divisées en champs d'une largeur d'environ 30 mètres, séparés par des fossés garnis de ga- zons ; c'est l'humidité de la terre qui oblige les proprié- taires à perdre ce terrain précieux, ainsi qu'à la dépense occasionnée par la façon et l'entretien des fossés ; ceux-ci ont en outre le grave inconvénient de servir de refuge aux limaces et autres insectes, qui ainsi que le chiendent sortent de ces bordures gazonnées, et nuisent beaucoup aux récol- tes. Si l'on connaissait dans ce pays le drainage, ces incon-" vénients disparaîtraient , et les terres seraient bien plus complétement assainies. Une dépense de 100 à 200 francs par hectare n'effrayerait pas des fermiers qui savent dépen- ser jusqu'à 42 ou 1,500 francs pour fumer leurs tabacs, fumure qui ne dure que pendant cinq ans, tandis que les — 125 — bienfaits du drainage se fontsentir pendant un temps indéfini: Je me suis arrèté à Armentières pour aller visiter M. Way- mel, maire d’une commune voisine nommée la Chapelle, et qu'on m'avait désigné comme un excellent cultivateur. Il était absent ; heureusement madame Waymel a pu par- faitement répondre à mes nombreuses questions. Cette ferme, qui a été cultivée pendant fort longtemps en commun par M. Waymel et son frère, vient d’être vendue, et M. Waymel a racheté les bâtiments et un quart du terrain ; elle se com- pose en totalité de #5 bonniers de 142 ares ou de 65 hec- tares 90 centiares ; là-dessus il y en a environ moitié en cul- ture, et le reste est en herbages et prés. On y entretient toute l’année une quarantaine de bêtes à cornes, les veaux com- pris, six gros chevaux, et une centaine d'énormes moutons; ces derniers n'y restent que pendant huit mois de l’année. J'ai oublié de demander le nombre des cochons. On nourrit les domestiques et tous les journaliers; en temps de moisson le nombre des personnes nourries s'élève à une trentaine ; on leur donne en tout temps des tartines beurrées et du thé à déjeuner et à goûter. 500 grammes de beurre fournissent pour quinze doubles tartines; on leur donne de la viande salée, bœuf ou porc, deux fois par jour ; ils ont pour boisson le lait qui reste dans la baratte, après que le beurre a été battu; ce lait est aussi employé pour faire la soupe les jours maigres ; on estime la nourriture à 75 centimes par homme; ils reçoivent, suivant la saison, de 60, 75 centimes à 1 franc par jour. M. Waymel s'étant marié, son frère a renoncé à la cul- ture ; au moment de la séparation, le matériel et les grains en terre, en grange et au grenier, ont été estimés à la somme de 80,000 francs, dont moitié a été remise à celui qui se retirait; cette ferme n’est cependant composée, comme je l'ai déjà dit, que de 64 hectares. 22,000 francs sur les 80 ont été attribués aux arrière-graisses, ou fertilité, non encore épuisée à celte époque, apportée dans les champs par les fu mures antérieures. Cette ferme avant été complétement grêlée il y a quelques sonées , M. Wavmel a été obligé d'acheter pour 40,000 fr. d'cograis de plus que d'habitude; cet achat se monte chaque sunée à une douraine de mille francs, pour 1 pare 6,0KK) francs de lover sans com d'impôt, où 32 francs par bonnier de 142 sur la ferme un millier de voitures de achète à Armentières le tonneau de vida 150 litres, de 60 à 75 centimes; un chario vaux en transporte de dix à douze tonneaux. de ville prises à Lille se payent 6 francs 7% centimes la charge de denx bons chevaux sur pavé; cette charge doit peser de 2,500 à 5,000 kilogrammes, et revient, rendue à la ferme, à 114 où 42 francs; on les estime ici plus que le fumier d'au- berge. Les terres de M. Waymel, excellentes mais humides, fournissent des colzas d'une grande vigueur, qui habituel ment ne grainent pas bien. La pluie étant devenue très-forte, il me fut pin el visiter la culture, et je me rendis à Lille avec un omn qui fait plusieurs fois par jour le trajet de cette v mentières, malgré la concurrence du chemin N'ayant pas trouvé chez eux le président ni de la Société d'agriculture de Lille, je me rendis main matin chez ce dernier, dans une belle habitation qu'il possède à 12 kilom. de cette ville, du côté de Tournai. Ce trajet me fit parcourir un beau et riche pays, mais la culture m'a paru moins e qu'entre Lille et Bailleul. Je n'ai pas trouvé M. Julien Lefèvre ni sa famille à Hem; le maître valet, qui remplit ces fonctions depuis longtemps, m'a con- duit dans les champs de cette petite ferme; elle se compose d'une vingtaine d'hectares de fort bonnes terres ou de prés ; j'ai vu la plusieurs espèces de froments anglais, et du tala- vera ; ceux qui avaient été semés en décembre devaient, sui- vant l'estimation du maître valet, produire 32 hectolitres et ceux qui ont été semés en bonne saison 40 hectolitres par hectare ; ils sont très-beaux, J'ai vu un champ dont on avait — 191 — vendu la récolte de lin sur pied 800 francs les 442 ares; il s'y trouvait des carottes qu'on a hersées de suite après l'ar- rachage du lin, elles vont maintenant être sarclées et éclair- cies à la main. IT y avait de belles betteraves qui avaient été semées après une récolte d’escourgeon ou orge d'hiver, consommé en vert. | Le bétail se compose de quinze vaches, quatre chevaux, une petite mule qui a encore l'air jeune, malgré ses trente ans, enfin des cochons anglo-chinois. Je suis revenu par un endroit qu'on m'a dit se nommer Ascq, de manière que je suis rentré à Lille du côté de l’ancien embarcadère du chemin de fer. Cette partie de ma course a duré cinq heures, et m'a fait passer par un pays moins riche et d'une culture moins soignée ; j y ai cependant vu de belles récoltes , une fort belle luzernière, beaucoup de choux cau- lets parmi lesquels il y en avait de nouvellement repiqués, un petit champ de raygrass d'Italie, et ne champs de jeune colza semé en lignes. Les charrues de ce côté de la ville sont des espèces de brabants auxquelles on a adapté deux roues d’inégale grandeur. Je me suis rendu à Marcq, route de Lille à Menin , chez M. Cornille, que j'avais déjà visité trois fois, car sa vacherie est une des plus belles qu'on puisse voir et sa culture des meilleures qu'on puisse étudier. M. Cornille était absent , mais on l’attendait; madame Cornille était occupée à faire voir ses vingt-quatre superbes vaches à deux messieurs, dont un, M. Demottes, fait valoir une trentaine d'hectares du côté d’Armentières. Ces messieurs étaient comme moi en admiration devant vingt-quatre vaches hollandaises, ayant coûté de 400 à 450 francs, qui avaient été choisies par un véritable connaisseur, désireux d’avoir ce qu'il y a de plus beau en ce genre. Elles consomment une énorme quantité de drèche, de résidus de distillerie et d’amidonnerie, enfin de 8 à 10,000 kilogrammes de tourteaux de lin par an. M. Cornille cultive 55 hectares ; il en met chaque année — 128 — 4 et 1,4 en tabac, qui reçoivent tous les fumiers provenant de ses vingt-quatre énormes vaches, de six ou huit chevaux de la plus grande force, d'une petite mule et d'une centaine de cochons. On ajoute à cela une immense quantité de vi- danges {1,800 à 2,200 hectolitres par hectare), et kil. de tourteaux de colza; ces 425 ares ; 1 leur de 9,000 francs d'engrais pour la Lt, laquelle, année commune, ne fait que pays immense fumure et les autres frais de culture; mais on obtient en- suite, sans ajouter d'engrais, d'abord une récolte de 50 à 75,000 kilogrammes de betteraves à sucre, puis une récolte de 55 à 40 hectolitres de froment, ensuite un trèfle qui donne une forte coupe l'année où il a été semé dans le fro- ment, et encore trois coupes l'année suivante, après avoir reçu 150 hectolitres de chaux, enfin une avoine de tonte beauté la cinquième année, et un froment la sixième, mais celui-ci reçoit de 45 à 1,800 hectolitres de vidanges, et les navets d'éteule qui le suivent ont encore la même dose de cet engrais par hectare; ensuite on recommence l'assole- ment. Ars Il faut employer la chaux quelques années avant lan tation du tabac, car elle lui est nuisible. Le tabac de M. Cor- nille est infiniment plus beau que ceux que j'ai vus hier et aujourd'hui; il se trouve repiqué en lignes séparées par 54 centimètres, et a 42 centimètres dans les lignes. On l'a châtré dans les premiers jours de juillet; cette opération consiste à couper le haut des tiges, à environ 56 centimètres au-dessus de la terre, afin de donner de l ampleur aux feuilles qui sont conservées. Les avoines de M. Cornille lui donneront cette année de 50 à 60 hectolitres par hectare ; ses froments au moins 40 hec- tolitres; il ne sème ni lin ni colza; ce dernier lui ayant mal réussi pendant trois années de suite, il l’a remplacé par des betteraves, qu'il vend de 18 à 20 francs les 1,000 kilo- grammes. Les vaches reçoivent chaque jour un tourteau de lin qui — 129 — pèse environ 1 kilogramme; celles qu’on achève d’engrais- ser en mangent tant qu'elles en veulent , elles en consom- ment 7, 8 et mème 9 kilogr. par jour; vers la fin de l’en- grais on diminue les tourteaux, pour les remplacer par des fèves bouillies. Les chevaux de la ferme sont tirés des environsde Bruges et ont été élevés dans les gras pâturages qui commencent près de cette ville et vont jusqu’à Furnes et Dixmude. Trois de ces beaux animaux seraient insuffisants pour les travaux de culture , mais les trois autres sont toujours occupés à amener de Lille des drèches ,'des résidus de distillerie et d’amidon- nerie, et enfin des vidanges. M. Cornille a des citernes pour conserver les différentes nourritures que je viens de citer, et d'immenses citernes à vidange et à purin, dans lesquelles on met aussi beaucoup de tourteaux de colza et de cameline. - Je n’ai pas aperçu la moindre herbe dans les récoltes sar- clées, et les champs de céréales sont de mème fort propres. Le temps étant redevenu beau, une quantité de piqueteurs se sont mis à couper les froments avec la sape; on les lie en gerbes de 22 centimètres de diamètre, peu serrées dans les liens, afin qu’en cas de pluie le vent et le soleil puissent les sécher sans qu’on soit obligé de les défaire; ce sont les fem- mes qui les lient en se servant pour cela de quelques brins pris dans la gerbe. Madame Cornillé me dit que sa meilleure vache lui don- nait 50 litres de lait; il Sen trouve quélques-unes dans la charmante mais petite espèce du comté d’Ayr, en Écosse, qui en donnent jusqu'à 40 litres, lorsqu'elles sont comme ici, très-bien nourries; j'ai appris avec infiniment de plaisir qu'on avait enfin introduit quelques-unes de ces jolies bêtes dans une des fermes du parc de Versailles. Les chevaux de travail employés à Lille et dans les envi- rons sont d'une très-grande taille et d'une graisse comme cela ne se voit nulle part; on les ménage de telle sorte, qu'on emploie généralement deux chevaux à traîner une charge qui ne serait nullement exagérée pour un seul. g ET he Je me suis rendu par le chemin de fer jusqu'à une petite distance de la commune de Perenchies, dont M, Fauquen- berg, chez lequel je me rendais, est le maire; son père était entré dans la ferme qu'il occupe il y a plus de trente ans; elle se compose de 52 hectares 1/2. Ils y ont planté depuis leur arrivée, chaque année, environ hectares de tabac, et donnent à hectare de cette récolte 8,800 1 de colza | chacun 4 kilogramme, à raison de cs les 400 kilogrammes; cela fait 1,252 francs. Si on ajoute à cela 400 mètres de fumier estimés 500 francs au plus bas prix, c'est une dépense de 4,752 francs au moins pour fu- mer { hectare. M. Fauquenberg estime que ses fèves, qui ont près de 2 mètres de haut et sont très-chargées de gousses, produi- ront 42 hectolitres par hectare; ses froments étant assez for- tement versés, il ne compte que sur une trentaine d'hecto- litres, En 4857, la moyenne des froments de ces environs en à rendu 56. Il ne fait plus que 4 hectare 1/2 de lin, trouvant qu'il se vend maintenant trop bon marché; il en faisait il y a quelques années de 4 à 5 hectares ; il a rem placé cette culture par des betteraves, qui lui crodnlaié 45 ou 50,000 kilogrammes, qu'on lui paye 20 franes les 1,000 kilogrammes rendus à 8 kilomètres de chez lui, ou 16 francs pris dans la ferme. T1 achète chaque année pour environ 10,000 francs d'engrais, qui se composent de chaux , vidanges, tourteaux et boues de ville. Sur les 52 hectares 1/2 qui composent sa ferme, il en a 7 en prés ou herbages ; le reste est partagé par tiers, dont l'un produit du froment ; l'autre, de l'avoine, des fèves, des betteraves ; et le troisième tiers, du colza, du tabac, du in et environ 550 ares de trèfle. Le loyer de cette ferme est de 6,000 francs et 900 francs d'impôts; cela fait 447 francs 40 centimes par hectare. Les bâtiments de ferme de ces pays ne m'ont pas paru convenables pour des loyers aussi considérables. M. Fau- quenberg m'a dit qu'une ferme de 55 à 60 hectares exigeait, — 131 — pour être bien cultivée, un capital de 50 à 60,000 francs. Selon lui, pour cultiver aussi bien qu’on le fait dans ces environs, un fermier ne doit pas prendre plus de 1400 hec- tares à ferme. Lorsque les engrais sont au fermier au lieu d’appartenir au propriétaire, le premier, étant sûr d'être remboursé des engrais qu'il n'a pas épuisés au moment de sa sortie de la ferme, continue à en acheter et à cultiver aussi bien qu’au commencement de son bail ; mais dans le cas contraire il ménage les engrais ou, pour mieux dire, n’emploie que ceux produits sur la ferme, et il laisse alors les terres en mauvais état. Pareille chose arrivant en Angleterre, on s’y occupe maintenant à trouver un moyen de faire adopter aux com- tés qui n’ont pas un bon droit de sortie, cet excellent usage, qui a été adopté peu à peu dans les comtés les mieux culti- vés de ce pays, et qui est en grande partie la cause de leur excellente culture. Si un fermier voulait céder un bail qui aurait encore neuf ans à courir, celui qui le remplacerait aurait au moins une douzaine de mille francs à lui rembour- ser, pour ses droits de sortie qui se composent principale- ment des engrais dont le fermier sortant n'aurait pas pu faire rentrer la valeur. M. Fauquenberg a une jolie famille composée de sept en- fants dont les deux aînés viennent de sortir de pension. Il est extrêmement intelligent et a été d’une grande obligeance pour moi. Je l'ai quitté et suis revenu à pied à Lille, ce qui m’a per- mis de mieux juger la culture de ces riches campagnes. J'ai causé avec un agriculteur qui suivait le même chemin que moi; cet homme louait 5 hectares 68 ares à la porte de la ville, à raison de 4,000 francs par an, et ne se plaignait ce- pendant pas de ce prix élevé, tandis que j'ai entendu plu- sieurs gros fermiers me dire que les terres sont maintenant trop chères pour qu’on puisse y gagner sa vie; et pourtant plus les fermes sont étendues, moins le loyer est considéra - ble. J'ai vu dans cette course beaucoup de champs de lin — 1932 — qu'on était occupé à arracher; la longueur de cette plante dans plusieurs pièces était de 82 à 87 centimètres; la me- sure qu'on nomme ici un cent, et qui contient environ {1 ares, en produit ordinairement deux cents bottes pesant chacune 8 à 9 kilogrammes ; on en charge quatre cents bot- tes sur un chariot attelé de deux chevaux, lorsqu'on suit une route payée. Il est d'usage dans ce pays, que les fermiers s'entr'aident pour certains travaux; ainsi, quand l’un d'eux a veñdu son lin sur pied, ce qui se fait le plus habituelle- ment, il doit le conduire où l'acquéreur l’a demandé en passant le marché ; alors les fermiers voisins viennent à jour fixe aider le vendeur à faire ce transport, Une paire de chevaux laboure, du côté de Perenchies, 50 ares dans un jour. La charrue de ces environs est la même que celles que j'avais vues la veille, mais elle n’a pas d'avant-train. Comme il faisait très-chaud ce jour-là, j'étais assez fatigué en arrivant à Lille; j'ai cependant profité d'un omnibus qui me conduisit à environ 42 kilomèt, de cette ville, en suivant une partie du temps la route de Béthune, pour me rendre dans un village nommé Allènes-les-Hauts-Bourdins; j'ai tra- versé en m'y rendant une ville considérable, qui passe pour être un faubourg de Lille et se nomme Wazemmes. Je me rendis chez M. Ochard qui était absent , mais un de ses fils, fort beau jeune homme, aussi bien élevé qu'intelli- gent, fut assez complaisant pour quitter ses occupations, afin de me faire parcourir sa ferme, dont les terres sont très- fertiles, mais auraient besoin de drainage. La culture est moins riche ici; on n'y fait ni tabac ni haricots, on achète bien moins d'engrais; j'ai vu de fort belles fèves; on y fait du colza, des betteraves et du lin. On voit, dans les champs de froment, un mélange de froment barbu de la variété connue sous le nom de taganrog, qui produit beaucoup, mais donne un grain d’une qualité inférieure. J'ai remar- qué avec regret l'effeuillement des betteraves ou disettes destinées à la nourriture du bétail. — 133 — Je suis rentré assez tard à Lille, d'où je suis reparti de grand matin pour me rendre à Béthune. Plus on s'éloigne de la capitale de la Flandre en se rendant du côté de Paris, moins la culture est bonne; on voit que c’est l’engrais qui manque; on ne connait pas encore le guano, qui viendrait en aide aux cultivateurs privés de fumier; on ne voit plus de tabac, excepté près de la Bassée où la culture est assez active et soignée; mais ensuite, dans le pays que j’eus à parcourir pour me rendre à Béthune, puis à Arras, la cul- ture est bien inférieure, sauf dans le voisinage de ces deux villes. Il en est de même d'Arras à Douai, où je me rendis par le chemin de fer. De cette dernière ville à Lens, la cul- ture s'améliore , et les terres sont d’une grande fertilité pendant ce parcours de 28 kilomètres. Près de Lens le bon exemple que M. Decrombecq y donne depuis plus de trente ans, paraît avoir porté ses fruits; les récoltes y sont plus belles, on y voit beaucoup de champs de betteraves, de superbes récoltes.de pavots, et une masse de meules de grains et de fourrages. M. Decrombecq a cette année 150 hectares de bette- raves fort belles et sans lacunes, grâce à son excellente cul- ture, à ses fortes fumures et à son rouleau anglais de Cros- kill, qu'il fait passer plusieurs fois sur ses champs de jeunes betteraves, ce qui empêche les vers et autres insectes de les attaquer, et fait beaucoup de bien à cette plante, qui de- mande une terre tassée. Ce précieux instrument lui a encore rendu le service émi- nent d'arrêter les ravages des vers dans ses froments; un champ, entre autres, qui était fortement attaqué, a été roulé malgré l'humidité et une terre grasse ; cette opération a sauvé cette récolte, qui est restée claire ; mais ayant tallé elle produira encore plus de 25 hectolitres, tant les épis de ce blé rouge anglais sont longs et pleins; il est vrai que des tourteaux de colza sont venus en aide au rouleau. M. Decrombecq emploie le tourteau en grande quan- tité comme supplément à ses famures ; lorsqu'il l’applique — 134 — en automne, il le met réduit en morceaux gros comme des noix partagées en deux; au printemps on le sème réduit en poudre, au moyen d'une double meule à huilerie, qu'il a Mablie à cet effet, Sa provision de tourteaux-engrais est déjà prête pour les semailles d'automne ; elle se trouve dans des greniers sur une épaisseur de 0",66 ; comme elle commence à fermenter, il la fait remuer et changer de place; on la saupoudre en même temps avec du plâtre, de manière à em- pêcher l'évaporation et la fermentation. Il emploie de 1,000 à 2,000 kilogrammes de tourtenux de colza par hectare, suivant l'état et la qualité de la terre. Ses froments sont admirables et lui donneront au moins en moyenne 30 hectolitres. 11 a semé cette année beaucoup de froment anglais rouge à épis longs; du froment rouge d'Es- sex à épis gros et courts; du "Essex, à épis pareils au précédent, I a encore du froment dit blanzé et beaucoup de richelle de Grignon ; il croit que ce grain semé au PRES lui donnera plus de 30 hectolitres. Il a de superbes froments semés fin de décembre avee | 120 litres, au moyen du semoir de Pruvost, maréchal à Wa- zemmes près Lille, qui se vend 300 francs et avec lequel on peut semer depuis les navets jusqu'aux fèves ; c'est assuré- ment le meilleur semoir que nous ayons sur le continent, et si les fameux semoirs anglais sont supérieurs, il faut penser qu'ils coûtent de 700 à 4,200 fr. Les froments semés jusqu'au 10 de novembre, n’ont reçu que 1 hectolitre de semence par hectare et ils sont très-épais, plus épais que ceux des fermiers voisins qui emploient 2 et 2 hectolitres 1/2, en semant à la volée, Les mit np aussi admirables. M. Decrombecq n'a qu'un champ d'avoine bis qui est déjà mûre. Ses richelles sont en partie coupés; on moissonne aussi le blanzé; ce sont les froments anglais qui sont ‘ei les plus tardifs. [| met ses grains en moyettes à la mode de Normandie, c’est-à-dire sans les lier; on place les javelles debout les épis en l'air, en forme de pain de sucre — 135 — très-large à sa base ; on lie une grosse gerbe très-près du pied, où l’ouvre pour la poser comme un chapeau sur la pointe de la moyette, en sorte que les épis de la gerbe pen- dent tout autour, puis on place un fort lien un peu au-dessus des épis pour bien fixer le tout. Il peut alors pleuvoir tant et plus, sans que l’eau pénètre dans la moyette. De cette ma- nière le froment qui doit pour être bien marchand, être coupé lorsque le grain est encore assez mou pour pouvoir ètre aplati, étant serré entre le pouce et l'index, et cepen- dant ne pas rendre d'humidité, pourra parfaitement mürir ; la séve qui se trouve encore dans la paille nourrit le grain, qui est plus gros et plus lourd en sortant de la moyette où il a dû rester quelque temps, que celui qui a été lié en petites gerbes comme c’est l'usage dans le Nord et en Belgique et qui est placé en dizains debout, pour que le vent et le so- leil sèchent le plus tôt possible toute la récolte. M. Decrom- becq a adopté cette méthode après avoir fait des essais com- paratifs, qui l'ont convaincu de son grand avantage. Il achète des hivernages composés de vesces, seigles et lentilles, à raison de 42 et 45 francs les cent bottes de 4 kilo- grammes, car ses betteraves ou son froment lui rapportent beaucoup plus d'argent qu'il n’en dépense à acheter l'hiver- nage, qu'il aurait pu récolter sur le même espace de terrain. [I a un champ de froment anglais qui lui donnera, dit- il, 45 hectolitres à l'hectare. Il a, cette année, beaucoup de betteraves montées, ce qui ne le contrarie que jusqu'à un certain point, car cela lui promet beaucoup de sucre dans ses racines: Il a semé comme essai la moitié d’un champ d’après la manière du Northumberland, c'est-à-dire en billons, dont les crêtes sont séparées de 0",66; il a laissé dans la ligne douze à treize betteraves sur 2 mètres de longueur ; elles sont in- finiment plus belles que celles des deux parties du champ qui les avoisinent, dont les lignes sont séparées par 0",50 et qui dans la ligne ne se trouvent qu'au nombre de neuf à dix par 2 mètres courants; aussi M. Decrombecq compte- — 136 — t-ilen fairel'an prochain une plus grande étendue en billons, afin de complétement expérimenter cette méthode, I cultive une variété de betteraves qui a peu de feuilles, et m'a dit que plus il roule ses jeunes betteraves avec le rouleau de Cros- kill, et moins elles sortent de terre, ce qui fait qu'elles con- tiennent plus de sucre, J'ai vu chez M. Decrombecq un monsieur qui ayant été trois ans dans les eaux et forèts comme garde général, a re- noncé à cette carrière pour se faire agriculteur ; il a com- mencé par passer dix-huit mois à Grignon ; ilest ensuite venu se fixer à Lens, où il loge et se nourrit à l'hôtel, ce qui lui coûte 60 francs par mois. [l a obtenu de suivre et d'étudier les travaux de cette culture si remarquable, afin de pouvoir la mettre en pratique dans une ferme qu'il compte louer ; comme c'est un jeune homme très-intelligent et fort actif, on peut espérer qu'il deviendra un excellent GORE en quittant cette bonne école. M. Deerombecq est toujours de plus en plus enchanté d'avoir fait établir soixante-dix boxes pour y tenir autant de bêtes à l'engrais, et il est bien décidé à en porter le nombre à près de deux cents, afin de pouvoir loger ainsi toutes ses grosses bêtes, aussi bien ses chevaux que ses bœufs de tra- vail ; il dit que les bêtes en boxes se couchent presque toutes après avoir mangé, tandis que les bètes attachées sont beau- coup plus souvent sur pied; celles-ci ont assez habituelle- ment les genoux écorchés ou du moins pelés, à cause des efforts qu'elles sont obligées de faire pour se lever, tandis que les bêtes en boxes les ont bien garnis de poils et se cou- chent ou se lèvent avec une grande facilité; l'engraissement en boxes dure en général quinze jours de moins que celui des bêtes attachées. M. Decrombecq se loue beaucoup de l'effet produit par le pansement sur les animaux à l'engrais. Après avoir en- graissé un certain nombre de bètes croisées durhams dont il a été fort content, il compte faire tout son possible pour s'en procurer, tant il y trouve d'avantages. Ses bêtes à cornes — 131 — reçoivent une ration composée d'environ 8 kilogrammes de fourrage vert, coupé et bouilli pendant dix ou quinze minu- tes, après avoir été mêlé avec 3 kilogrammes de paille ha- chée ; on y avait aussi ajouté avant la cuisson, 2 kilogrammes de farine de tourteaux de lin, d’œillette et colza par tiers, et 4 kilogramme de farine d'orge ; pour les bœufs ou fortes vaches, on met 4 kilogrammes de tourteaux au lieu de 2. Lorsqu’en hiver on distille de la mélasse ou du seigle, on met pour chaque bète 4 hectolitre de résidus de distillerie dans la chaudière, les résidus remplacent alors l'eau; 6n ajoute toujours à cette nourriture , des résidus de betteraves. En hiver on met aussi dans la chaudière les collets de la bet- terave à mesure qu’on les coupe pour la fabrication du sucre, et en été les tiges de betteraves montées; en coupant celles- ci lorsqu'on les voit, la betterave restée en terre devient en- core souvent bonne. Maintenant que les tourteaux et les grains sont fort bon marché , M. Decrombecq estime que la nourriture des bêtes à cornes lui revient en moyenne à 70 centimes et celle des moutons à 10. Il a dans ce moment trente-six chevaux, qui sont en fort bon état, on peut dire mème gras, quoique environ les deux tiers d’entre eux uient été achetés étant poussifs, dans les prix de 50 à 500 francs, suivant leur état, leur force et leur âge. Il a une paire de chevaux qu’il fait mettre à sa calèche ou à son cabriolet et qui vont ainsi sans s’arrêter le matin à Lille, d’où ils reviennent de même le soir, ce qui leur fait 60 kilomètres dans leur journée ; l’un des deux a coûté 55 et l’autre 70 francs ; ils ont bonne mine et ne tous- sent plus. Il faut depuis trois mois jusqu’à deux années pour les débarrasser de cette terrible affection , et il arrive rare- ment à M. Decrombecq d'en acheter qu'il ne parvienne pas à guérir, au moyen de la nourriture suivante : un peu de foin mêlé à beaucoup de paille hachée, le tout pesant à peu près 8 kilogrammes, 5 à 6 kilogrammes d'avoine con- cassée et 3 litres de farine d’orge; on humecte cette nourri- ture avec 2 litres d’eau, à laquelle on a ajouté un peu de — 138 — sel et un demi-litre de mélasse, afin de faire adhérer la farine au fourrage coupé. En été on mélange du vert coupé au fourrage sec. M. Decrombecq devant se rendre au marché de Béthune qui est à 20 kilomètres de chez lui, je l'y ai accompagné, et je loi ai va acheter là un taureau, une génisse, six vaches pour être mises à l'engrais et une belle jument ayant un fort commencement de pousse qu'il a payée 300 francs. I] avait ramené, quinze jours auparavant, deux chevaux de voiture de Paris et un d'Arras, qui sont aussi poussifs. | Il est enchanté de son scarificateur anglais connu sous le nom de lord Ducie, dans les usines duquel il a été inventé; nous l'avons vu occupé à peler les chaumes de froment entre les lignes de movettes ; les sept pieds de cet instrument sont pour cela garnis de pattes d'oies en fonte, dont le des- sous est formé d'une plaque d'acier fin ; on pèle ainsi les chaumes à quelques centimètres de profondeur, sur une largeur de 4°,55, de manière à enterrer superficiellement | les graines de mauvaises herbes, qui lèvent après la pre- mière pluie et sont ensuite détruites par un labour ou même par un simple hersage quand on n'a pas le temps de la-. bourer. Si au lieu du scarificateur on avait labouré, comme c'est l'usage dans les Flandres et les pays les mieux cultivés, on eût alors enterré les mauvaises graines de 10 centimètres peut-être, ce qui les eût empêchées de germer, mais elles se seraient trouvées ramenées à la surface par les labours sui- vants et mèlées aux récoltes dans lesquelles elles fussent arrivées à maturité, perpétuant ainsi la malpropreté des terres. M. Decrombecq est aussi très-content des trois petits rouleaux en fonte, garnis de dents de herse longues d'envi- ron (°,16, qu'on adapte sur la monture du scarificateur après en avoir enlevé les sept pieds, ce qui alors forme la | herse de Norwége, instrument dont on fdit grand cas en Angleterre, pour déchirer les gazons des herbages ou bruyè- res retournés, et pour pulvériser les mottes lorsqu'on tient En 2.5! * — 139 — à ce que le terrain ne soit pas tassé. Cet excellent instru- ment, qui à volonté en forme trois, pèse 900 kilogrammes étant tout en fer et en fonte; le sieur Morel, fabricant d'in- struments aratoires à Lens, l’établit pour 600 francs. II fa- brique aussi des rouleaux Croskill grand modèle pour le même prix; sans ce rouleau M. Decrombecq serait obligé tous les ans de relabourer beaucoup de ses froments, qui se trouvent déchaussés par les gelées du printemps, étant semés très-{ard et sur un terrain qui a très-peu de profondeur sur un fond de craie; ces froments, qui ne tiennent plus à la terre que par quelques bouts de racines, se trouvent com- plétement repiqués au moyen de deux ou trois coups de ce rouleau. Il n’a plus de champs de betteraves à relabourer et ressemer, depuis qu'il le possède, inconvénient grave, auquel tous les cultivateurs de betteraves destinées à la fa- brication du sucre ne sont que trop exposés. M. Decrombecq est si satisfait de son scarificateur anglais, qu'il cherche à se défaire, même au prix du fer, de ses scari- ficateurs français, qui sont cependant les meilleurs de ceux qu'on fabrique dans les environs de Paris ; il veut les rem- placer par ceux de Ducie. Il est toujours très-content de ses bergeries à planchers garnis de claire-voie, sur lesquels on ne donne pas de litière aux moutons, ce qui, outre l'éco- nomie de paille qui est alors employée à la nourriture du bétail, a l'immense avantage de préserver le troupeau du piétain. +: Il a fait faire de pareils planchers dans ses toits à cochons et s'en loue très-fort. Il fait passer toutes les cendres de charbon de terre dans un bluteau garni de toile métallique, pour les séparer des scories qu'on emploie pour améliorer ses chemins, ou bien, après les avoir fait pulvériser, à ren- dre les terres fortes moins compactes, et la cendre est em- ployée sur les planchers à claire-voie lorsqu'ils sont humi- des; cela empèche les moutons de glisser et s'empare en même temps de l'ammoniaque, au lieu de la laisser éva- porer. — 140 — 1 préfère de beaucoup au fumier fait avec de la litière, l'engrais qui se forme sous les claires-voies des bergeries, au moyen de bonne terre sèche et des exeréments des bôtes à laine qui tombent dessus. Il a un moulin à vent, qui sert à moudre les farines con- sommées dans sa ferme, ainsi que les tourteaux et le plâtre qu'il veut pulvériser; lorsque le vent vient à manquer, il se sert d'un autre moulin qui va par la vapeur, ainsi que son hache-paille, sa machine à battre et son brise-tourteau, Nous sommes partis à deux heures et demie du matin, M. Decrombeeq et moi, pour Lille, dans sa bonne calèche à vasistas, attelée des deux chevaux achetés pour moins de 200 francs, qui sans avoir reçu un coup de fouet nous ont fait faire 50 kilomètres en deux heures trois quarts. Il fait ce voyage tous les mercredis, été ou hiver, pour assister au mar- ché et à la bourse. Je n'ai commencé à distinguer les récol- tes, qu'une fois sorti d'une interminable bourg qu'on nomme Carvin et qui a plus de 4 kilomètres de long ; elles sont d’une grande beauté, car cette énorme commune se trouve dans d'excellentes terres et fournit beaucoup d'engrais. J'ai quitté alors ce bon M. Decrombecq pour me rendre par le chemin de fer à Douai et à Valenciennes. Je suis resté. six heures à Douai ; cette ville m'a paru aussi morne et triste, que Lille est vivante et active par son commerce et ses ma- nufactures. La culture est toujours bonne entre ces deux vil- les, mais l'avantage reste aux environs de Lille. On m'a cité hier un curé d’une commune près de Carvin, dont les paroissiens ont été singulièrement éprouvés par le choléra ; cet excellent homme a donné tout ce qu'il possé- dait pour soulager les pauvres. On nous a aussi parlé d’une commune de 4,500 habitants sur lesquels le choléra en a fait périr 250. Cette terrible maladie a fortement sévi à Lens, mais encore plus dans les communes environnantes. Les terres bordant le chemin de fer de Douai à Valencien- nes sontbien cullivées, mais les récoltes sontcependant moins belles que près de Lille; cela tient sans doute à l'emploi L2 — A1 — d'une moindre quantité d'engrais, car les terres ont fort bonne mine. Les environs de Valenciennes laissent apercevoir une im- mense quantité de cheminées de machines à vapeur, qui an- noncent la présence des houillères, ou des manufactures que le bon marché du combustible attire. Je ne suis pas entré en ville et j'ai continué ma route jus- qu'à Saint-Amand, d’où je suis allé visiter les eaux ou pour bien dire les boues de Saint-Amand, qui sont à 4 kilomètres de la ville. Le trajet entre Valenciennes et Saint-Amand et Orchies m'a fait voir un riche pays de culture, dans lequel il y a une grande quantité de champs couverts de chanvre de 2 mètres à 2 mètres 50 centimètres de haut, provenant de graine achetée par les fournisseurs parisiens sur les bords de la Loire. Pour obtenir ces beaux chanvres, on fume avec 30,000 kilogr. de fumier et 500 hectolitres de vidanges. La culture du chanvre disparait avant d'arriver à Orchies, où j'ai couché; j'en suis reparti de bonne heure pour me rendre à Lille. J'ai passé sans m'en douter devant la ferme-école que M. Demesmay vient d'établir dans sa pro- priété, où il y a aussi une sucrerie; c’est en rencontrant du côté de Lille, plusieurs beaux attelages de chevaux flamands, que j'ai appris du conducteur que je venais de manquer l’oc- casion de visiter cette belle culture. Un heureux hasard m’a fait rencontrer, quelques heures après, le frère et le neveu de M. Demesmay à la belle ferme de Loos, propriété de cette famille, qui est à 4 kilomètres de Menin, sur la route de cette ville à Courtrai. J'étais déjà venu une fois visiter l’ex- cellente culture de M. d'Hont, leur fermier, qui cultive près de 80 hectares de très-bonnes terres; nous avons parcouru ensemble une partie des cultures et avons admiré de fort beaux froments, des avoines comme je n’en ai vu que là et dans ces environs ; elles ont plus de 2 mètres de haut, sont très-épaisses et égales dans tout le champ; on espère récolter au moins 55 hectolitres par hectare. M. d'Hont a des choux caulets de différents âges, mais — 159 — ceux plantés vers le milieu de juin sont déjà, le4 août, hauts d'un demi-mètre et pourront être bientôt effeuillés, si cela est jugé utile; les trèfles sont magnifiques, on les fauche ha- bituellement trois fois dans l'année. Les seigles, qui sont encore en dizains, paraissent roll 5 mètres de haut, I nous a dit que les lins avaient parfaite- ment réussi, A I nous a fait voirun champ de 4 hestatéot demi, en pom- mes de terre jaunes dont les fanes sont complétement mor- tes et les tubercules déjà tachés ; ce qu'il y a de très-curieux daus ce champ, c'est une douzaine de rangées, plantées le mème )j jour que les autres , en pommes de terre rougeûtres, d'une espèce commune, dont la semence est venue de chez un fermier à quelque distance de là, qui passe pour n'avoir pas celte maladie dans sa ferme; ces douze rangées sont en pleine fleur, très-vigoureuses et aucunement atteintes par le fléau, qui a détruit les fanes du reste du champ; j'avais re- marqué ce matin, en venant de Lille à Menio, un champ de pornmes de terre atlaquées par la maladie, mais c'était le pre- mier que j'eusse encore vu cette année. « Combien, dis-je à M. d'Hont, faut-il de capital par hectare pour cultiver comme vous le faites ?—1,000 francs, me répondit-il, et si l’on en avait davantage, ça n’en irait que mieux, » La culture des environs de Menin est évidemment supé- rieure à celle des alentours de Lille, quoique les terres en paraissent moins bonnes ; elles sont d'une nature sablon- neuse, d'une couleur blanchâtre, et souffrent de J humidité, cependant les récoltes y sont plus belles, elles sont aussi plus précoces ; les grains d'hiver sont presque tous coupés et les ayoines complétement mûres, Les chaumes se labourent à mesure que les grains sont mis en dizains. On voit arroser les choux caulets nouvellement repiqués, avec du purin mêlé de vidanges, et donner un second arrosement à ceux qui ont été plantés il y a un mois ou six semaines. Plu is en me rendant de Menin à Ypres, moins les raissaient bonnes ; elles sont toujours bien cultivées, mais les produits — 143 — sont moins abondants. J'ai traversé, en faisant ces 16 kilo- mètres, un fort beau bois dont les futaies sont très-élancées et bien ébranchées. Ayant une lettre d'introduction pour le vicomte de Wy- nezeele, dont l'habitation devait se trouver sur ma route 5 kilomètres avant d'arriver à Ypres, je demandai dans plu- sieurs jolies maisons que je trouvai sur mon chemin, si elles étaient celles du vicomte ; enfin, lorsque je fus en vue d’une fort belle demeure, on me dit que c'était là le château de M. de Wynezeele. Étant donc entré dans un charmant pare parfaitement tenu, je passai devant un chenil assez consi- dérable, contenant de fort beaux animaux; je vis plusieurs cochers occupés à nettoyer quatre voitures, je demandai à l'un d'eux si M. le vicomte était chez lui : — Oui, monsieur, me répondit-il; enfin étant arrivé au perron je descendis de mon cabriolet ; deux domestiques se présentèrent, je répétai ma question ; même réponse; je demandai à être introduit : alors seulement on finit par me dire : « Mais il est mort hier au soir. » Fort étonné de n’avoir pas appris plus tôt ce triste événement, après tant de questions adressées à diverses personnes, je remontai en cabriolet et fus bientôt après dans un confortable hôtel de la jolie ville d’Ypres, que je n’avais jamais visitée. Cette ville contient 146,000 habitants; sa grande place, qui mérite ce nom par son étendue, est ornée de plusieurs constructions magnifiques, parmi lesquelles un très-bel hos- pice et surtout l'énorme hôtel de ville méritent d'être cités avec éloges. On fait beaucoup de dentelles dans cette ville ; les bonnes ouvrières gagnaient, avant le 24 février, de 2 fr. à 2 fr. 50 cent. par jour; maintenant elles sont réduites à moins de moitié. Je partis le lendemain par une pluie baitante pour Fur- nes, petite ville de 5,000 âmes ; j'ai traversé 28 kilomètres d'un pays plat, mais couvert d'une immense quantité de plantations, composées d'arbres d'espèces diverses, et prin- cipalement de chènes, ormes et peupliers, très-élevés et bien — 144 — droits ; on voit que ce terrain leur convient à merveille. Les nombreux herbages paraissent excellents et sont couverts de belles vaches de l'espèce flandrine, Les récoltes sont gé- uéralement belles, mais la culture y est cependant bien moins soignée que du côté de Menin. La récolte y est moins avancée; en se rapprochant de la mer la température est moins élevée et le grand nombre d'arbres, doit aussi contri- buer à cet abaissement. J'étais seul de voyageur dans un lourd cabriolet servant de malle-poste, qu'un bon cheval avait beaucoup de peine à faire avancer à raison de 10 kilomètres à l'heure, et quoi- qu'on relayât tous les 5 kilomètres, la pauvre bète était cou- verte de sueur. Le conducteur, qui parlait fort bien le fran- çais quoique Flamand, me dit entre autres choses qu'on re- gretlait infiniment le vicomte de Wynezeele, qui n'avait que quarante-trois ans, et était extrêmement bienfaisant; il cul- tivait, faisait de grandes améliorations et occupait ainsi une grande quantité d'ouvriers ; il leur faisait ramasser des pier- res où leur donnait d'autres ouvrages de ce genre, plutôt que de les laisser sans travail. Il était parvenu ainsi à trans- former une terre assez ingrate en une excellente propriété couverte de bons pâturages et de belles récoltes. M. de Wy- nezeele avait fait construire, peu d'années auparavant , une vinglaine de jolies maisons pour y loger les journaliers qu'il occupait plus particulièrement et aussi des douaniers, car il habitait assez près de la frontière de France. Au moment où l'on relayait dans un village où je venais de remarquer un château complétement réduit en cendres, un bon gros abbé est monté dans la voiture; il m’apprit que celte lerre, dont l'habitation venait d'être détruite par un incendie si violent, appartenait à un Français qui avait dé- pensé, pour faire construire le château, 150,000 francs, qu'il ne l'avait assuré que pour 100,000 francs, et que la compa- nie d'assurances ne voulait , je ne sais sous quel prétexte, rembourser que 50,000 francs; de là procès, impossibilité de reconstruire, et grand dommage pour les nombreux ha- — 145 — bitants pauvres de cette commune qui étaient employés par cette famille très-bienfaisante. Cet abbé est le vicaire de la commune d’Alveringham, où M. de Smet, frère de madame la comtesse Ferdinand de Bo carmé, possède une fort belle habitation , j'avais le projet de le visiter ; mais le bon ecclésiastique m’ayant appris que M. de Smet se trouvait momentanément à Furnes, je conti- nuai ma route jusque dans cette ville. La commune d’Alveringham, qui a plus de 3,000 habi- tants, partagés en plusieurs hameaux et maisons isolées, vient de parvenir, grâce à la bienfaisance de M. de Smet, de madame de Bocarmé qui possède dix fermes dans ces en- virons, et d’autres habitants aisés du pays, à construire un hospice de vingt-trois lits, qu’on espère porter plus tard jusqu’à trente; on y accueille les indigents les plus miséra- bles, les infirmes et les malades de la classe pauvre. L'église possède quelques terres, qu’elle a abandonnées à l’hospice, qui occupe ses vieillards valides aux travaux de culture. Les souscriptions se sont élevées au chiffre de 25,000 francs. M. de Smet, qui a donné la plus grosse somme, a en outre fourni gratis le terrain sur lequel on a bâti; le gouverne- ment a doublé la somme souscrite, et l'on est ainsi parvenu à fonder pour toujours cette grande œuvre de bienfaisance, qu'il serait si désirable de voir établir dans chaque agglomé- ration de 5 à 4,000 âmes, vivant dans des villages rappro- chés ; cet hospice est tenu par des sœurs, qui se sont encore chargées de l'instruction des filles pauvres. Il existe aussi dans cette commune deux bonnes écoles, une pour les gar- cons et l’autre pour les filles, et mon bon vicaire citait avec satisfaction, qu’à la dernière première communion , il n’y avait pas un enfant qui ne sût lire et écrire : ces détails m'ont singulièrement intéressé. En arrivant à Furnes je suis allé faire une visite à M. de Smet ; il était logé chez un de ses parents, et nous convin- mes qu'il me conduirait le lendemain soir chez lui; nous allâmes voir ensemble un notaire chargé de l'administration 10 a db ls des moëres belges, il eut l'obligeance de me donner les renseignements suivants : ces moëres sont des polders appar- tenant à deux familles françaises qui n'habitent pas ce pays. La plus grande portion de ce marais, transformé en polders par une société hollandaise, se trouve sur le territoire fran- çais; la partie belge est partagée en deux propriétés, dont une est composée de 714, et l'autre de 429 hectares. Les propriétaires étant éloignés négligent ces deux polders; ils u'entretiennent pas bien les moulins à vent, qui en outre ne sont pas assez nombreux pour élever toute l'eau sur- abondante jusqu'aux canaux de décharge; il s'ensuit que les fossés d'assainissement sont presque toute l’année remplis jusqu'aux bords et inondent même souvent les terres, Ces moulins m'ont paru mal établis; ils laissent retomber une bonne partie de l'eau, éleyée ainsi inutilement à une certaine hauteur, au moyen de vis d'Archimède. Il résulte de cet état de choses que les fermiers, au lieu d'excellentes récoltes qu'ils devraient toujours avoir dans d'aussi bonnes terres, si le service des eaux s’y faisait bien suivant les saisons, n'obtiennent la plupart du temps que des résultats ruineux ; ils pourraient pourtant y faire de bonnes affaires, tout en payant des loyers plus considérables. M. Pillet, que je suis allé visiter, est le seul grand fer- mier qui se soit soutenu jusqu'à présent dans les moëres ; ilest des environs de Gravelines. Il a loué pour dix-huit ans, il y a quatorze ans, 149 hectares et fait maintenant des démar- ches pour quitter, quoiqu'il lui reste encore quatre années de jouissance, A paye 61 francs par hectare. Il n’a plus de moutons ; une douzaine de vaches à lait, dix-huit élèves et quatorze chevaux complètent tout son bétail, qui, presque toujours dans les pâturages, est loin de produire les engrais nécessaires pour entretenir les terres en bon état; il n'em- ploie pas de tourteaux pour la nourriture de son bétail, ni aucun engrais étranger pour fumer ses terres; on ne s'en aperçoit que trop en voyant l'état des récoltes, qui cepen- dant, m'a-t-on dit, sont rarement aussi mauyaises que cette — 447 — année ; mais il paraît que les eaux d'hiver les ont plus ou moins détruites depuis trois ans; dans une partie assez con- sidérable du polder, ces pauvres fermiers ayant eu leur terre couverte d'eau en avril, ont été obligés de ressemer, sou- vent trop tardivement, et ce qui n’a pas été ressemé ne pro- duira presque rien. Lorsque M. Pillet quittera, sa ferme sera forcément partagée, comme cela est arrivé pour toutes les autres, en petites fermes, faute de trouver de bons cultiva- teurs qui consentent à se mettre dans une aussi mauvaise position. Les propriétaires ne voulant pas se charger de construire dés fermes, les malheureux locataires sont forcés de mettre une bonne partie de leur trop petit capital en constructions, qui tout en éfant insuffisantes paralysent néanmoins leurs cultures ; ils payent cependant de 70 à 80 francs par hectare ; aussi ont-ils un air,bien minable, Presque tous sont au dé- but de leur bail, car leurs prédécesseurs ont été ruinés et expulsés. On ne comprend pas qu'il sen présente de nou- veaux, surtout avec l'obligation de construire pour se loger; mais aussi ce ne sont que des gens qui ne trouvent pas de ferme ailleurs , et je pense que la chose ira ainsi de mal en pis, jusqu'au moment où les propriétaires, se trouvant sans fermiers solvables, seront forcés de changer leur manière d'agir, ou bien se décideront à vendre à des gens qui sau- ront mieux administrer ces belles et excellentes propriétés, qu'on regrette de voir dans un si piteux état. Les roseaux poussent dans tous les champs labourés, à tra- vers les récoltes; on prétend que lorsqu'on remet ces champs en herbages pour plusieurs années, les roseaux disparaissent, mais qu'ils reviennent lorsqu'on cultive de nouveau. Tous les champs de pommes de terre sont plus ou moins attaqués par la maladie, dans les moëres et dans les 8 kilomètres que j'ai dû parcourir pour m'y rendre. Tout ce pays aurait be- soin de drainage et de beaucoup de chaux, mais celle-ci coûte fort cher, car elle vient de Tournai ou de Saint-Omer par les canaux. f — 418 — Un riche et philanthropique propriétaire, M. Bortier, vient, après bien des essais infructueux , de bâtir un four à chaux d'une construction toute particulière ; il est parvenu à y faire une excellente chaux , avec la masse de coquillages dont les dunes qui se trouvent à 5 kilomètres de Furnes sont en partie composées ; il m'a dit qu'il pourrait livrer cette chaux à raison de 30 centimes l’hectolitre, ce qui per- mettra son emploi en grand dans les terres de ces environs, qui ont tant besoin de chaulage. M. Bortier n’a pas fait cette opération comme spéculateur, mais dans le but de rendre service à son pays. Les habitants des moëres ont, à ce qu'il paraît, lieu de se plaindre de certaines autorités qui leur refusent de l'eau, qu'on pourrait, disent-ils, accorder sans inconvénient , en lâchant quelquefois , des écluses dans la partie du pays plus élevée que les moëres ; ils auraient ainsi en été de l’eau po- table pour leur bétail, car elle est alors trop salée, et nuisi- ble aux animaux; en hiver, les pluies diminuent cet incon- vénient, mais l'eau reste toujours saumâtre. Ces braves gens ont aussi beaucoup à souffrir de fièvres intermittentes. On m'a dit à Furnes, que les moëres français se trouvaient en meilleures mains et qu'on en tirait un excellent parti; on y a construit des machines à vapeur, qui débarrassent ces pol- ders complétement des eaux superflues et par conséquent nuisibles. Je me suis rendu le 7 août de bonne heure chez M. de Graave, propriétaire qui jouit dans ce pays de la réputation d'un excellent cultivateur ; sa propriété se compose de près de 200 hectares d'un terrain des plus fertiles, dont plus de moitié est en herbages; le sol a de 4 mètre à 1°,50 de pro- fondeur, sur un sous-sol de bonne tourbe à brûler. La terre est froide et argileuse, difficile à labourer et à ameublir ; ce qui lui manque, c'est le drainage et la chaux; il y a assez de pente pour que le drainage soit possible. M. de Rham avait, dans son voyage agricole de 1857 ou 4858, engagé M. de Graave à drainer, mais celui-ci n'avait pas cru devoir — 149 — suivre cet excellent conseil ; il le regrette maintenant et il est décidé de se rendre l'an prochain en Angleterre, avec M. Bor- tier qui parle anglais, afin d’y étudier la manière de bien as- sainir les terres. Je lui ai donné mon second voyage agricole dans la Grande-Bretagne, pour lui faciliter les recherches sous le rapport des différentes améliorations agricoles, qu’il compte y étudier. M. de Graave a en été jusqu’à trois cents bêtes à cornes sur sa propriété, mais n’en hiverne que cent cinquante; dix- huit gros chevaux et deux cents bêtes à laine croisées dishley avec la grande race flandrine. Il a plusieurs taureaux dur- hams, ainsi que plusieurs vaches de cette bonne espèce. II tient un taureau de race hollandaise, qui ne sert que les vaches étrangères, dont les propriétaires n’en sont pas en- core arrivés à apprécier la race durham. Il s’est chargé de fournir les taureaux pour toutes les va- ches de sa commune, ce qui lui donne le droit de pâture avec son troupeau sur les chaumes ou terres en jachère des habi- tants, ainsi que sur les bords des chemins. Il a déjà beaucoup de bètes croisées durhams, provenant de vaches hollandaises ou de l'espèce du Furnes-Embacht ; cette dernière ne donne pas autant de lait que les hollan- daises, mais son lait est plus gras; sous le rapport de la beauté des formes, les bêtes du Furnes-Embacht sont infé- rieures. J'ai engagé M. de Graave à favoriser davantage ses élèves durhams de pure race, qu’il traite complétement comme les autres; aussi n’arrivent-ils pas à la taille et au poids des bêtes importées d'Angleterre ; cela doit aussi tenir au manque de racines et de tourteaux en hiver. Ses bêtes ne reçoivent dans cette saison que du foin et de la paille, à quoi on ajoute 4 kilogrammes de féveroles broyées. Il n’a qu'une vingtaine de vaches mères, dont cinq ou six sont de race durham. Il achète de ses voisins qui n’élèvent pas, tous les veaux provenant de ses taureaux durhams. M. de Graave en est à son premier essai en rutabagas, dont il a semé une vingtaine d’ares ; comme ils sont très-bien _— 150 — venus, cela l'engagera à les cultiver plus en grand. 1} se sert d'une très-grosse charrue de Brabant, à laquelle il n'attelle pour les seconds labours que deux juments. Je l'ai engagé à visiter M. Decrombecq et à employer comme lui le rou- leau Croskill et le scarificateur Ducie, qui avec la herse de Norwége lui rendraient les plus grands services dans ses terres fortes ; il m'a dit que se rendant de temps en temps à Lille pour affaires, il pousserait son voyage jusqu'à Lens. M. de Rham lui a envoyé, il y a dix ans, un hache-paille, dont il se sert en hiver, au moyen d'un manége à un cheval. J'ai remarqué dans la basse-cour, un grand hangar dont l'extérieur était fermé avec de la paille de colza, liée comme l'est une toiture de chaume; il paraît que cela dure déjà depuis plusieurs années. r sd L'assolement du pays est de neuf ans : première année, jachère fumée avec le fumier provenant de l'année entière ; deuxième, escourgeon ; troisième, fèves ; quatrième, escour- geon ; cinquième, fèves ; sixième, froment; septième, fèves; huitième, froment ; et neuvième, avoine, M, de Graave Va modifié en intercalant du trefle et des vesces de printemps. Il espère au moyen du drainage, qui fera disparaître les nom- breux fossés qui coupent les pièces de térre, pouvoir se pas- ser de jachères, car il dit que ces petits fossés garnissent les terres de chiendent et d'autres herbes traçantes. Il engraissait ses moutons à l'âge de trois ans et le fera do- rénavant à deux. Ses béliers dishleys lui ont coûté 550 fr, la pièce. Une de ses vaches lui a coûté 800 francs, à l’une des ventes à l'enchère des bestiaux anglais, que le gouvernement de la province importe, en fournissent le capital nécessaire pour cette grande amélioration. M. de Graaye m'a fait voir on journal hebdarasdaire, der grieulture, qui est envoyé à toules les communes du royaume de Belgique par le ministre de l'intérieur. Il est imprimé en français ou en flamand, suivant la langue parlée dans la commune. C'est assurément là une chose fort utile, opérée par le gouvernement de cet intéressant pays, dont les insti- SE. tutions contiennent probablement, bien des choses dignes d’être imitées en France. J'ai quitté M. de Graave pour aller visiter son beau-frère, M. Vandale, jeune cultivateur français des environs de Ber- gues, où sa mère exploite une grande ferme. Ilest depuis deux ans marié et fermier à la porte de Furnes, n'ayant qu'un bail de neuf ans, à raison de 92 fr. par hectare; sa ferme se com: pose de 84 hectares d'excellentes terres , bien moins humi- des que celles de M. de Graave, et de 45 hectares de bons her- bages ou prés, le tout d’un seul tenant et touchant la ville. Il n’achète que pour environ 4,000 francs d'engrais, qui sont en grande partie des vidanges, payées de 50 à 60 centimes l'hectolitre et demi. Il paye les journaliers le même prix que son beau-frère, qui demeure à 14 kilomètres de là, sur Ja route de Dixmude : 75 centimes et nourris, ce qu’il estime en tout à 1 fr. 50. Ses laboureurs gagnent de 45 à 18 francs par mois ; c’est plus cher que du côté de Lille et de Courtrai. Il est allé en Hollande pour y acheter douze fort jolies génisses âgées d'environ dix-huit mois, qui lui coûtent ren- dues chez lui 460 francs par tête; il a habituellement seize vaches laitières et tient en été cent cinquante bêtes à cornes, sans compter les veaux de l’année; douze chevaux sans les poulains. Il a cinquante bêtes de moins en hiver, Son trou- peau de deux cents têtes est aussi croisé dishley. Il a deux beaux taureaux durhams, dont un lui a été fourni par le gouvernement de la province; ils restent toujours à l'éta- ble. Il a vingt-six bœufs gras âgés de quarante mois, et en refuse 560 francs en moyenne; il prétend que leur poids moyen est de 575 kilogrammes viande nette. Il s'en trouve dans cette bande un seul durham-hollandais, qui n’est pas plus gros que les autres, et on lui en offre 460 francs. Les trente jeunes bœufs qui seront vendus gras l’an prochain, seront en grande partie des croisés durhams ; il achète tous les veaux croisés durhams qu'il trouve, I soigne beaucoup ses terres, enlèvelesterresdes tournailles pour les épandre dans l'intérieur du champ, ou pour leségaliser, quand c’est néces- — 152 — saire. Ilemploie pour cela la grande pelleà cheval, ainsique les petits tombereaux à trois roues; ses bâtiments de ferme sont très-beaux ; ses froments sont magnifiques; il compte sur 35 hectolitres par hectare. Ses avoines sont aussi fort belles; mais ce sont surtout les féveroles qui sont extraordinaires; elles ont plus de 2 mè- tres de haut; on les coupe déjà quoique toutes vertes, mais on les lie en bottes très-minces, qu'on place debout en les assujettissant au moyen d'un grand lien qui les empêche de tomber. M. Vandale compte accompagner son beau-frère et M, Bor- tier en Angleterre. J'ai oublié de dire que ces deux messieurs ont quelques parties de leurs chemps de froment infectées par une maladie qui leur était jusqu'alors inconnue ; tantôt elle commence par la racine qu'elle pourrit, tantôt elle at- taque les plantes avant que l'épi ne soit encore plein, tantôt quand le grain se forme, mais toujours en le détruisant, Us m'ont assuré, ainsi que d'autres personnes de leur pays, que lorsqu'on défriche un bon herbage, il donne pen- dant vingt ans de suite sans être fumé, alternativement, d'a- bord escourgeon et fèves, et plus tard froment et fèves, On les loue pour cela jusqu'à 240 francs l’hectare pendant un bail de vingt ans. M. Vandale, dans son assolement qui est aussi de neufans, donne la première année une forte fumure, et la quatrième il met une bonne dose de vidanges, qui avec des curures de fossés ont servi à former un compost. Je partis le soir avec M. de Smet pour sa terre d'Alverin- gham, qui n’est qu'à 8 kilom. de Furnes. Son habitation est fort jolie et très-commode; les terres sont excellentes, mais légères. Il ne cultive qu'une très-petite réserve qui est fort bien conduite. La mème maladie du froment que j'avais vue dans les ter- res fortes et humides, existe aussi ici dans les terres légères et saines, mais y sévit moins fortement , c’est aussi la pre- mière fois qu'on la remarque. — 153 — Comme le lendemain était un dimanche, nous sommes al- lés à la messe dans une fort grande et belle église, qui était pleine de fidèles ; les hommes occupaient un côté et les fem- mes l'autre. La population entière était vêtue comme le sont ordinai- rement les habitants des petites villes, et (out dans cette mise annonçait l'aisance, quoiqu'il existe six cents indigents sur trois mille habitants. À partir du mois d’avril jusqu'à celui d'août inclus, il se tenait une foire tous les premiers lundis de chaque mois ; mais petit à petit les marchands français qui y viennent, étant arrivés le premier dimanche au lieu de son lendemain, cette foire se fait maintenant dans un hameau voisin, au lieu de se tenir comme précédemment sur la belle place qui entoure l'église et qui est plantée de fort beaux arbres ; cela déplaît infiniment aux habitants d’Alveringham , mais on ne sait comment faire pour rétablir les choses sur l'ancien pied. On peut trouver dans ces foires, ainsi que dans celles qui se tiennent les autres lundis des mêmes mois à Furnes, Dix- mud et Loos, tous endroits très-rapprochés, d'excellent bé- tail dont beaucoup de génisses convenables à l'engraissement, mais qui, sortant des pâturages gras de ce pays, mettraient quelque temps à s’accoutumer à la nourriture de l’étable. Ce pays est couvert de belles plantations, qui nuisent in- finiment aux récoltes des champs qu’elles entourent; elles sont principalement composées d’ormes de trois variétés : l'orme rouge, celui à larges feuilles dit de Hollande, et celui qu'on nomme ici l'orme montant. M. de Smet, qui s'occupe de plantations et qui a de belles pépinières, donne la préfé- rence au dernier, parce qu'il s'élève plus que les autres ; il est à la vérité un peu plus lent dans sa croissance, mais son bois est plus dur et se vend plus cher. J’en ai vu un dont il refuse 100 francs. Il à aussi un peuplier de Hollande dont il pour- rait avoir le même prix. On multiplie ici les ormes, en pro- vignant les jeunes branches des arbres recepés en pépinière; on sy prend de même pour avoir du plant de pommier ; _— 154 — le plant est bon l'année suivante pour être mis en pépi- nière. , Les terressont louéesici depuis70 jusqu'à 400 francs l'hec- tare, malgré le voisinage nuisible des arbres et quoiqu’il s'en trouve beaucoup de fort légères; ce prix élevé doit te- nir à la nombreuse population qui couvre cette partie du pays, tandis que celle des excellentes terres que j'avais vues les deux jours précédents, m'a paru peu nombreuse, L'hu- midité des terres argileuses, le grand nombre d'herbages et le manque d'abri contre les vents violents de la mer, sont probablement les causes qui empêchent le Furnes-Embacht d'avoir une plus grande population. Les terres se vendent de 2,500 à 5,500 francs l'hectare à Alveringham. Les habitants de cette partie de la Belgique ne sont en général pas beaux ; on retrouve ces figures qu'on voit sur les tableaux des peintres flamands. M. de Smet ne fait élaguer ses chônes que dans leur jeu- nesse lorsqu'ils ont encore la peau lisse, et avant qu'il n'y ait de grosses branches; on doit toujours donner les coups de serpe de bas en haut. Si pour faire de belles tiges on veut se débarrasser des branches qui les garnissent , il faut les cou- per pendant le mois d'août ; cela les empèche de repous- ser. A environ 4 kilomètres d'Alveringham en se rendant à Dixmud, on quitte le bocage pour rentrer dans les plaines du Furnes-Embacht. On récolte dans ces terres fortes, dont les mottes une fois qu’elles ont séché se fondent à la première pluie, depuis 70 jusqu'à 90 hectolitres d’escourgeon qui est ici la principale récolte et que l'on nomme sucrion. Le fro- ment et même l'avoine ne produisent que moitié de ce nombre d'hectolitres. Les fermiers ordinaires ne fument qu'une fois tous les neuf ans, sur la jachère qui reçoit de cinq à six labours ; on sème l’escourgeon en octobre. J'ai encore vu aujourd'hui, en me rendant à Dixmud, de superbes avoines, des fèves hautes de plus de 2 mètres , des secondes coupes detrèfie ayant plus d'un demi-mètre. Ce qu'il — 155 — y à à reprocher à ce riche pays, c’est de voir, entre les plus belles récoltes, des champs misérables, car il y a encore bien des cultivateurs négligents, qui comptant sur l'extrême fer- tilité de leurs terres, ne les fument pas assez. On ne fait point de colza qui produirait cependant beaucoup. On n'y cultive pas de racinés, qui permettraient de nourrir mieux et plus de bétail en hiver, ce qui donnerait davantage de fumier. On y manque de bons instruments, tels que scarificateurs et pesants rouleaux, pour bien ameublir ces terres fortes. Les chevaux sont énormes et très-beaux, mais ils ont gé- néralement de trop gros pieds. Notre dernière révolu- tion en à de beaucoup diminué Île prix, d'un tiers au moins. Je me suis trouvé un jour de marché à Dixmud; j'y ai vu une quantité considérable de très-beaux attelages, et une masse d’excellent beurre , qui se vendait en gros 1 franc 20 le kilogr., les fermières l’apportent dans des cuvettes en sa- pin et entouré de linge bien blanc. Le chemin que j'ai suivi pour m'y rendre est impraticable en hiver; on cherche à l'améliorer en le garnissant de sable, dans lequel nos deux jolis chevaux, attelés à un léger cabriolet à pompe, avaient de la peine à nous trainer. Je suis allé voir M. Van Dromme, qui avait d’abord éta- bli une distillerie considérable près de la maison de cam- pagne de son père , à 2 kilomètres de la ville; ensuite il à construit une sucrerie de betteraves , dont il vient de céder la direction à son gendre, pour reprendre la direction d’une grande affaire de fours à chaux et de commerce de charbon, qui lui est advenue par un second mariage. La distillerie fa- brique de 6 à 7,000 hectolitres d'esprit, avec des mélasses ou avec la betterave même, lorsque la fabrication du sucre devient moins profitable. On y engraisse chaque année envi- ron huit cents bêtes à cornes ; il faut cent jours pour les avoir bien grasses; on leur fait une pâtée composée de pulpe de betteraves, farine de fèves et de tourteaux de lin, le tout ar- rosé de résidus de distillerie. — 156 — M. Van Dromme achète autant qu'il peut des croisés dur- hams. Ses fours à chaux, qui cuisent de la pierre tendre, es- pèce de marne venant de Saint-Omer par les canaux, livrent pour environ 80,000 francs de chaux par an , au prix de 90 centimes l'hectolitre, malgré le grand éloignement de la carrière, M. Van Dromme assure qu'il ne se réserve qu'un bénéfice de 10 pour 400 dans cette affaire. Il emploie pour combustible le charbon de terre de Charleroy , malgré l'a- bondance de très-bonne tourbe qui n’est qu'à 2 kilomètres de l'usine, M. Van Dromme est une des trois personnes choisies par les délégués de la province , pour passer deux jours par se- maine au chef-lieu, afin d'aider de leurs conseils le gou- verneur, qui remplit dans ce pays les fonctions de nos pré- fets. J'ai été étonné de voir un magnifique jardin public dans une petite ville comme Dixmud; une bonne partie de ce jar- din est entourée d'une belle grille à fers de lance dorés; M. Van Dromme me dit que M. Bortier, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, étant né dans cette ville, avait fait éta- blir ce beau jardin sur des terrains de sa famille et en avait fait hommage à sa ville natale. M. Van Dromme m'a engagé, lorsque je reviendrais à Dix- mud, à descendre chez lui, promettant de me faire voir ce qu'il y a de plus intéressant en fait d'agriculture dans les environs. Je suis parti à quatre heures par une petite dili- gence qui se rendait à Thouroutte où jesuis arrivé à jt res, J'ayais d'abord traversé d'excellents prés que M. Van Dromme m'avait fait voir de loin, en me disant qu'ils se ven- dent jusqu'à 8,000 francs l'hectare; nous avons vu ensuite de très-bonnes terres fort bien cultivées, et plus tard jusqu’à Thouroutte des terrainssablonneux, couverts desemisde pins, parmi lesquels il y en avait d'une très-belle venue, déjà bons à exploiter , ainsi que des chênes, des hètres et des saules qu'on n'étête pas et dont on fait des planches. Les chênes étaient fort droits, très-élevés, et ils sont souvent éla- — 157 — gués afin de ne pas leur laisser venir de grosses branches. Le sous-sol de ces sables est argileux. On est étonné de voir ces terrains à sapins, ces pauvres sables, véritables terres de bruyères , couverts, le long d’une bonne partie de cette route, de magnifiques récoltes de froment, avoines, trèfles, lins, pommes de terre, carottes, sarrasins; les navets ve- naient seulement d'être semés après l'enlèvement des sei- gles ; mais le plus extraordinaire et ce qui prouve l'efficacité d'une bonne culture avec abondance d'engrais, c’est la réus- sitedes fèves dans de pareilssables ; j'en ai vu plusieurs champs superbes. Dès mon arrivée à Thouroutte, je me suis fait montrer le chemin de la ferme-école qui n’en est qu’à 2 kilomètres. M. Dieryckx, notaire et bourgmestre de cette ville, est oc- cupé de l'établissement de cette ferme-école sur des terrains à lui appartenant, qui paraissent des plus mauvais; l’en- droit se nomme Berg-Op-Zoom. On y fait de belles construc- tions; l'étendue est de 50hectares composés presque en to- talité de bruyères, défrichées nouvellement par écobuage. Il y a six ans qu’on a commencé à y créer une ferme et l’on y voit des récoltes de toute espèce qui sont fort belles; on y emploie du guano avec grand succès; on n’y à pas encore essayé le noir animal ; mais j'en ai tant parlé à ces messieurs, que j'espère bien qu'ils en feront au moins des essais. J'ai trouvé M. Dieryckx , qui est aussi le directeur de la ferme- école, à la ferme, où M. Peters, jeune homme des environs de Saint-Tron qui a passé deux ans à Técole d'agriculture de Hohenheim dans le royaume de Wurtemberg, est profes- seur d'agriculture; il y a encore deux autres personnes atla- chées à cette ferme. Les élèves devront ètre au nombre de vingt. Le gouvernement fournira des bourses de 500 francs et des demi-bourses de 150 francs, et les jeunes gens de fa- milles aisées payeront 300 francs. Ils travailleront pendant une demi-journée dans les champs et consacreront le reste du temps à leur instruction, qu'on a l'intention de rendre scientifique. : M. Diervekx est parvenu à fonder, il y a déjà un certain nombre d'années, une Société d'agriculture à Thouroutte ; elle se compose de quarante membres qui se réunissent tous les. lundis soir; il s'y trouve habituellement à peu près moitié des sociétaires; comme ce jour se trouvait être un Jundi M. Dieryckx m'a engagé de m'y rendre, J'ai offert à cette Société la relation de mes deux derniers voyages agricoles en Angleterre et en Belgique, ainsi que la petite brochure de M. Chambardel, que je distribue lors de mes tournées agricoles, dans les pays où il existe des bruyères, parce qu'elle pourra y rendre de notables services. La séance a duré jus- qu'à près de minuit. La souscription s'élève à 42 francs. Cette Société a fait venir des Ardennes une fort petite espèce de vaches, accompagnée d'un taureau, dans l'intention de rendre service aux très-pelits cultivateurs et journaliers des environs, afin que s'il leur arrivait de perdre une vache, celte perte füt moins irréparable que s'il s'agissait d'une bête ayant coûté de 150 à 200 francs, mais je crains que le but n'ait été manqué, car ces vaches microscopiques revien- nent encore à près de 450 francs rendues à Thouroutte; elles donnent au plus 7 ou 8 litres de lait et engraissées ne pèse- ront pas plus de 100 kilogrammes de viande nette, Jortan: an les tuera. de La ferme-école possède plusieurs animaux croisés durhams. J'y ai vu un essai de différentes espèces de froment, parmi lesquelles il s'en trouvait plusieurs anglaises, On y tient aussi des cochons de race anglo-chinoise. Il s'y trouve un verger dont les arbres poussent avec vigueur ; et cependant le sous-sol est composé d'une argile blanche très-profondeet d'une infertilité complète; elle n'a qu'un mérite, c'est celui de faire de bonnes briques, qu'on emploie aux constructions de la ferme-école, ce qui évite un transport onéreux. : . Les membres les plus zélés de la Société d'agriculture; se réunissent aussi le jeudi pour causer culture, M, Dieryckx, qui a de nombreuses occupations, ne pouvant m’accompa- gner le lendemain , m'a donné un de ses clercs qui est aussi — 159 — membre de la Société et cultive une demi-douzaine d'hec- tares à lui. Ce clerc m'a conduit d’abord chez un riche paysan qui à fait sa fortune en cultivant bien ; il possède deux fer- mes dont une que nous ayons wvisitéé contient environ 22 hectares de terre et 2 1/2 de prés, qu'il a formés princi- palement en rebouchant les grands fossés qui servent à con- duire les eaux de pluie à la rivière; il les a remplacés par des prés fort étroits d'environ 40 ou 50 centimètres plus creux que le bas des champs labourés. Pour les créer il a d’abord placé sur le côté la terre superficielle, il a enlevé ensuite une partie du sous-sol, afin de produire l'enfonce- ment nécessaire au libre écoulement des eaux ; ce sous-sol a servi à remblayer les creux et à égaliser les parties des champs labourables qui en avaient besoin ; puis la terre de dessus qui avait été posée sur le côté a été répandue sur la surface de ces nouveaux prés; on l'a bien fumée, labourée et enfin semée avec du poussier de grenier à foin, et cela forme des prés excellents, car ils sont arrosés par l'eau qui s'écoule des champs et qui est toujours chargée de plus ou moins d'engrais; ils n’ont que l'inconvénient d'être quel- quefois couverts d’eau trouble au moment où l'herbe est grande, ce qui la salit, mais cela n’arrive que par les pluies torrentielles, car on a établi de chaque côté de ces prés longs et étroits, une rigole qui sert à volonté pour l'irrigation ou pour emmener l'eau. M. Pierre Doyen, le propriétaire que nous visitions, de- meure à 2 kilomètres de Thouroutte ; sa ferme est traversée par la belle route de Roulers bordée de beaux chènes. Il a partagé ses 22 hectares en neuf soles ; la première produit du lin avec une légère fumure de purin. Deuxième, seigle fumé à raison de 470 à 200 francs par hectare. Troisième, colza dans lequel on sème des carottes, qui viennent en ré- colie dérobée; dans une partie de ce champ on laboure de suite après l'enlèvement du colza, on herse bien, on met une forte dose de purin , puis on repique des betteraves venues en pépinières; on sème aussi des navets dans les mêmes — 160 — conditions. M. Doyen a déclaré qu'il n'épargnait pas le purin, qu'il en mettait jusqu'à quatre fois pour les récoltes dérobées, qui sans cela rapporteraient peu, et de plus lui abimeraient ses terres pour les années suivantes, Quatrième sole, seigle pu- riné, Cinquième, trèfle qui reçoit de 450 à 150 hectolitres de purin. Sixième, seigle puriné, Septième, pommes de terre après une forte fumure, accompagnée d'une bonne dose de purin; on en terre ce tubercule à la charrue en lais- sant 50 centimètres entre les lignes. M. Doyen dit qu'elles rapportent plus ainsi que lorqu'elles sont plus rapprochées, sans compter qu'on peut alors les sarcler mieux et plus fa- cilement. Huitième sole, seigle avec purin. Neuvième, avoine aussi avec purin. Ce cultivateur ne fait pas ou peu de froment, ses terres élant très-sablonneuses et produisant plus d'argent avec le seigle, Son avis est qu'il faut très-fortement fumer les ré- coltes sarelées, dans lesquelles il comprend le colza, et ne donner que peu d'engrais au lin et aux céréales, qui verse- raient sans cette précaution. Il donne outre la fumure, encore 600 kilogrammes de guano à ses racines, répétant et insistant sur ce qu'on ne saurait trop les fumer. Il a pendant toute l’année trente-six vaches à l'engrais, qu'on trait tant qu'elles donnent du lait. Il évite de les achetef pleines, et son principe est de les payer le moins cher possible ; elles lui reviennent de 90 à 120 francs. I leur donné du foin et des tourteaux avec de la farine de fèves. Il achète des veaux âgés de quelques jours, dans les prix de 40 à 12 francs, et les vend à six semaines. Il ne les nourrit qu'avec du lait nük: écrémé dont ils boivent à volonté; ils sont placés dans des boxes un peu plus longues que l'animal, tel qu'il est au mo- ment de la vente; elles ont 52 centimètres de largeur. M. Doyen dit qu'on aurait tort de leur accorder plus d'es- pace. Ses vaches lui donnent habituellement un bénéfice pu. en sus du fumier. | Il m'a assuré ne semer que 60 litres de seigle ou de fro- ment par hectare et 155 litres d'avoine ; je ne puis m'em- — 161 — pècher de croire qu'il y a une erreur dans la traduction des mesures. Il récolterait, au moyen de cet ensemencement si extraordinairement clair, et qui a lieu à la volée, de 50 à 49 hectolitres de seigle et de 400 à 142 en avoine blanche. Cette avoine a celte année plus de 2 mètres de hauteur et m’a paru trop claire; il prétend que s'il semait plus épais, ses grains verseraient, et qu'étant clairs la paille en est plus roide ; cette dernière assertion est très-judicieuse. II cultive une yariété de pommes de terre rouges, qu'il trouve excel- lente et d’un grand produit; son nom dans ce pays est zae- lingen; elle produit chez lui de 500 à 600 hectolitres. Son lin étail très-fin et avait plus de 4 mètre de long; il assure l'avoir souvent plus long et lavoir vendu l’an dernier 850 francs l'hectare. M. Doyen vient d'acheter il ÿ a deux ans une ferme qui lui a coùté plus de 60,000 francs : elle joint son ancienne propriété ; il en a conservé dans sa culture une partie des terres, qu'il est en train de défoncer à 66 centimètres de profondeur, en ayant le soin de laisser la terre cultivée à la surface ; il nous a dit que cette opération diminuait cepen- dant infiniment les premières récoltes. Ses laboureurs ga- gnent moins de 100 francs par an, tant la population des Flandres est nombreuse. Nous sommes revenus à Thouroutte après cette visite fort intéressante, et M. Dieryckx étant encore dans l'impossibilité de s’absenter, me prèta son cabriolet ; nous fûmes, son clerc et moi, dans une des terres qu'il administre; celle-ci est depuis plus de vingt-cinq ans sous sa gouverne, et le pro- priétaire lui a laissé le droit de faire ce qu'il jugerait conve- nable pour l'améliorer. Cette terre, qui a appartenu ancien- nement aux comtes de Flandre , contient un vieux château bien entretenu ; elle se compose de 460 hectares, qui étaient en grande partie en bois; M. Dieryckx a défriché tous ceux qui étaient mal venants ou mauvais, ce qui a donné une grande étendue de terres, qu'il a fait cultiver pendant que]- ques années ; après quoi il a ressemé les plus mauvaises en 11 = > F- pins silvestres et mélèzes ; ces derniers dépassent de beau- coup les pins en hauteur et en grosseur, Les pins donnent du produit plus tôt que les mélèzes; en les éclaircissant ils fournissent d'abord des rames à haricots, ensuite des per- ches à houblon, plus tard des perches à faire des barrières pour entourer les pâtures, et à la fin des chevrons et du bois de charpente ; mais les mélèzes donnent en dernier lieu un plus grand produit et du bois presque incorruptible. Les terres les plus fertiles ont été louées de 65 à 70 francs l'hectare ; on a formé aussi des prés, mais j'en ai oublié le prix de location. On est obligé de labourer ces prés tous les dix ou douze ans ; on leur fait produire trois récoltes d'avoi- nes admirables, on fume pour la dernière, dans laquelle on ressème le pré. Nous nous sommes rendus de là à une immense bruyère em dans laquelle le gouvernement fait exécuter d'irrigation et un très-grand réservoir, où pour ms un étang pour les alimenter; quand pe travaux seront terminés on mettra les bruyères en vente par par- celles, on fera des prés avec celles qui pourront être irri- guées et des terres ou des bois avec les autres. Le gouver- nement se remboursera de ses avances sur le prix de vente, et le reste sera placé en rentes, au profit des communes à qui les bruyères appartenaient. Ces opérations ont l'immense avantage de faire travailler les pauvres gens et de donner des revenus aux communes en place de M + sépro- ductives. En faisant cette course de plusieurs lieues ni era terrain sablonneux et naturellement improductif, n ons traversé une quantité considérable de semis d'arbres 5 très-prospères, dont une partie est âgée de vingt-cinq à trente ans. J'ai aussi remarqué une quantité de hameaux et de pe- tites chaumières , entourés de champs couverts de magnifi- ques récoltes, de jardins garnis d'arbres fruitiers et de fort beaux légumes. Ces champs, faits avec de misérables bruyères, bien plus — 163 — mauvaises que celles qu'on parcourt en Sologne ou dans les Landes, portent des seigles de 2 mètres, des avoines presque aussi hautes, de fort beaux froments, de superbes trèfles dont on fauche la seconde coupe et qui en fourniront pro- bablement une troisième; ces trèfles sont très-épais et ont plus de 60 centimètres de haut. On y voit de bons champs de lin et même de belles fèves, cela souvent sur des sables qui ont moins de 4 pied d'épaisseur sur un sous-sol d'ar- gile inerte et compacte. Beaucoup de ces chétives chaumié- res, qui sont souvent dans les plus petites dimensions, sont entourées de belles haies en charme ou aubépine, parfaite- ment taillées. M. Dieryckx a fait construire à ses frais trois petites mai- sons d'école, dans les parties de la commune les plus éloi- gnées de la ville, car son territoire a une étendue de 5,000 hectares et contient une population d'à peu près le même nombre d'habitants. Il a attaché à chaque école 4 hec- tare de terrain; le tout est loué à une personne convenable et en état d'instruire les enfants, pour la modique somme de 60 francs; cela en vaudrait facilement le double. Mainte- nant, pour attirer les enfants, il fait conduire dans les éco- les le plus à portée des familles secourues, les pains que le bureau de charité distribue; il dit alors aux parents : Vous enverrez vos enfants à l’école, d’où ils vous rapporteront vo- tre pain le soir en revenant ; s'ils n'y vont pas, vous n'aurez plus de pain. Ceci a encore pour but d'empêcher les parents de venir en ville se livrer à la mendicité, ou seulement de perdre leur temps. M. Dieryckx achète du coton et des toi- sons qu’il fait filer par de pauvres femmes et tricoter par les enfants, pendant le temps passé à l’école; il achète aussi des coupons ou des morceaux entiers d’étoffes passées ou de mauvais débit, qu'il obtient à fort bon marché; les filles confectionnent avec cela des habillements d'enfants ou de vieillards, qui sont distribués aux plus malheureux; les en- fants sont payés de l'ouvrage qu'ils font , ce qui est encore une raison de ne pas faire l’école buissonnière ; ce sont, à ce ni ue, qu'il dit, les SOO francs qu'il reçoit pour ses fonctions de bourgmestre, qui sont employés à ces dépenses, mais il est très-probable qu'il y ajoute beaucoup de sa poche, On est heureux d'apprendre de pareils faits et on se reprocherait volontiers de n'avoir pas déjà agi de même. On emploie dans ces environs depuis cinq ou six ans du guano avec le plus grand succès; on le tire de Valparaiso et il se vend dans la ville et dans plusieurs dépôts disséminés dans les campagnes, 27 francs les 100 kilogrammes. Toutes les chaumières, on pourrait souvent dire les bara- ques de ce pays, sont munies d'une citerne à purin, sur la- quelle il existe des lieux d'aisances, et si ces gens sont trop misérables pour avoir une pièce de bétail quelconque, ils ont du moins un tonneau défoncé par un bout, enfoncé en terre afin de ne rien perdre, et un paillasson en guise de pa- ravent, placé à côté de ces lieux pour les cacher; et je pense que la grande beauté de leurs récoltes dans des terres si sablonneuses et si pauvres, doit être attribuée en partie à l'usage fréquent du purin; on voit de tous côtés des hommes ou des femmes arroser leurs champs ou -leurs jar- dins, avec cette liqueur dont l'odeur n'est rien moins qu'a- gréable. M. Dieryckx fait (out ce qui dépend de lui pour introduire parmi les petits cullivateurs du pays, l'emploi des vaches comme bêtes de trait au lieu de chevaux, et je pense qu'il leur rend ainsi encore un vrai service, car un homme qui ne cultive que quelques hectares peut le faire très-facilement avec des vaches, sans pour cela leur faire perdre leur seulement il ne faut les atteler que pendant uw journée, ou, si l'on est pressé, pendant un quart le mé et autant le soir; on leur donne alors un suppl rent de nourriture composé de son, de farine de pois ou de sarra- sin, ou de tourteau; le lait dans ce cas ne diminuera même pas. M. Dieryckx achete beaucoup de petites fermes, ou des locatures qui ont un peu de terres; il choisit de braves gens — 165 — connus comme bons cultivateurs; il leur loue à un prix rai- sonnable sa nouvelle acquisition, quand même ces gens n’au- raient pour tout bien que leur petit mobilier; il leur fait les avances nécessaires au fur et à mesure des besoins, et a ra- rement à se plaindre de cette confiance ; une de ses condi- tions est toujours, qu'ils feront faire leurs labours par Îles vaches. Il leur donne lui-même cet exemple; j'ai vu à la ferme-école une génisse qui n'avait pas trois ans, attelée à un de ces petits tombereaux montés sur trois roues, qu'elle ramenait plein de sable destiné aux constructions. J'ai ad- miré ce matin une pelite charrue attelée de. deux ânes, qui faisaient conduits par un jeune garçon, un fort bon labour dans ces terres si légères. On voit dans ce pays beaucoup de beaux ânes servant de montures, ou attelés à de légères voitures, et rendant ainsi de bons services; on les paye jusqu’à 200 francs. J'ai vu du froment Marygold, variété très-estimée en Angleterre, qui, m'a-t-on dit, rend beaucoup de grains dans les sols très-sa- blonneux. Parti à huit heures et demie de Thouroutte avec un convoi du chemin de fer, qui m'a déposé au bout d’une heure à Roulers, je me suis rendu chez M. le Noire-Canoot, orfévre, qu'on m'avait engagé de consulter, pour savoir les fermes que j'aurais à visiter dans ces environs où l’on cultive à mer- veille. Il a eu de suite la bonté de quitter ses occupations, pour me conduire chez deux frères, blanchisseurs de toiles, demeurant dans un des faubourgs. Un d'eux nous fit d'a- bord voir des cochons de race anglaise, ensuite six vaches laitières dont quatre sont du pays, et donnent d’après sa dé- claration de 15 à 18 litres de lait; les deux autres sont hol- landaises et donnent, la première 87 et l’autre 96 pintes, soit, m'a-t-on dit, 45 1/2 et 48 litres de lait; cela nous a paru fort extraordinaire. Elles sont nourries dans d’excel- lents herbages et reçoivent chacune trois tourteaux de 4 ki- logramme; ces bêtes avaient coûté 400 francs la pièce, et celui qui les avait été chercher en Hollande m'a dit les avoir — 166 — payées sur place 300 francs au moment de faire leur premier veau, On nous a montré ensuite des génisses du pays qu'on cugraisse dans des pâtures; elles ne donneront pas poids; elles coûtent en moyenne 150 francs, elles sans recevoir d'autre nourriture 400 francs. Ce blanchisseur nous a fait voir ensuite sa petite culture qui a lieu dans une terre de la plus haute fertilité; ses fro- ments étaient magnifiques, à épis très-longs et bien garnis; ses betteraves fort belles, mélangées de l'espèce anglaise dite globe, de rouges et de jaunes. Ses carottes, semées dans le seigle, venaient d'être sarclées nenenet et arrosées abondamment d'un purin épaissi par des bouses de vaches ; elles étaient encore fort petites, car elles ne peuvent profiter qu'après l'enlèvement de la récolte dans laquelle elles ont été semées, et lorsqu'elles ont reçu sarclage, éclai et purin; le propriétaire dit qu'elles deviendront ses comme le bras. a 18 Nous sommes allés de là visiter la petite culture A Noire; elle ne s'étend que sur 2 hectares, mais ils pro sent plus que beaucoup d'autres cultures trois et même qua- tre fois aussi étendues, Il a pour système de n'employer son fumier qu'en automne; il le soigne parfaitement ; on l'ar- rose fréquemment avec du purin épaissi de bouse. Il fume tous les ans ses terres à raison de deux cents brouettées de fumier de 150 kilogr. chacune, par cela ne fait que 30,000 kilogr.; mais on recommence | les ans. Il a de fort belles betteraves; quelques-unes ont déja de 16 à 20 centimètres de diamètre; elles : T espactes en tous sens de 65 centimètres; il ne les effeuille jamais, elles sont parfaitement sarclées, I m'a dit avoir récolté ily a trois ans, sur 20 verges, dont 500 équivalent à 44 ares 95 centiares, 5,520 kilogr. de betteraves globes jaunes ; à ce taux { hectare eût produit l'énorme quantité de 498,000 ki- logr. de racines. Ses fèves ont plus de 2 mètres et sont couvertes de gousses, Il met tous les quatre ans par hectare 100 hectolitres de chaux, qui lui coûtent, en venant de t — 167 — Tournai par le chemin de fer, 75 francs. Il arrose ses bet- teraves et pommes de terre avec 250 hectolitres de ce purin épais en usage dans ce pays; ceci est en sus de la fumure dont j'ai parlé. Aussitôt qu'il s'est aperçu du commence- ment de la maladie des pommes de terre, il en a arraché les fanes en contenant, avec les deux pieds posés dessus, les tubercules en terre; il les a buttées de manière à bien boucher les ouvertures qui auraient pu rester au-dessus , et il a formé avec les fanes, de la chaux et de la terre de fossés, des composts arrosés de lessive faite avec de la soude, et qui a servi à blanchir des toiles ou des fils. Il m'a dit employer avec succès du sel dans les composts, mais n’en pas avoir éprouvé de bénéfice lorsqu'il l’a employé seul sur une terre. M. le Noire a deux vaches, dont une peu grosse et qui est de la Campine lui donne à nouveau lait et en bonne saison 22 litres marquant 25 degrés au lactomètre ; il dit que 17 ou 18 degrés annoncent déjà un fort bon lait; aussi sa vache lui produit-elle 7 kilogr. de beurre par semaine, pendant un cer- tain temps après le part. Le gouvernement belge accorde 500 kilogr. de sel par hectare aux cultivateurs qui veulent s’en servir comme amen- dement, il en donne 50 grammes par jour et par tète de bête à cornes, mais il exige qu’il soit mélangé de sel de Glauber à raison de 5 kilogr. pour 100 kilogr. de sel, et qu'on y ajoute encore des tourteaux pulvérisés. M. le Noire estime les meilleurs froments et les superbes avoines que nous avons vus chez d’autres cultivateurs, de- voir produire 40 hectolitres les premiers et 75 hectolitres les secondes. Il vient d'acheter 500kilogr. d’os pour en faire l'essai comme fumure, pensant que le phosphate de chaux aug- mentera le produit des récoltes et surtout du froment, mais il a payé ces os 40 francs, ce qui est le double de leur valeur dans le commerce. Il fait ramasser en ville les écailles d’hui- tres qu’on met petit à pelit dans les foyers servant à faire - bouillir les lessives destinées à blanchir les fils; elles forment — 168 — une excellente chaux, qui mêléeaux cendres fertilise les com- posts. Les tombereaux à trois roues sont aussi gran tombereaux français, tandis que ceux des environ le ne sont guère que moitié. La charge de fumier conduite par un cheval se vend ici, où l'on sait en apprécier la valeur, 12 francs. M. le Noire m'a conduit dans une famille composée de deux frères âgés de quarante à quarante-cinq ans et de trois sœurs dont l'ainée avait atteint la cinquantaine et la plus jeune la trentaine; tout ce monde vit dans le célibat, exem- ple qui n'est pas rare dans ce pays, m'a dit mon guide, et il m'en cilait une foule d'exemples; il prétend qu'il n'en ré- sulte généralement pas d'irrégularités dans la conduite. Si cela est exact, il faut l'attribuer d'abord à la grande dévotion des Flamands, et ensuite à leur climat froid et humide ; ; on ne voit assurément rien de pareil dans les provinces les de la France. | " Revenons-en à la culture de la famille dont j'ai indiqué le personnel ; ces braves gens cultivent 3 hectares d'excel- lentes terres, qui peuvent valoir de 8 à 40,000 francs l'hec- tare. Ils en sont les propriétaires, ainsi que de la maison qui est fort jolie et accompagnée d'une grange, d'une étable oc- cupée par quatre bonnes vaches du pays, d'une remise, et enfin d'un beau jardin aussi bien soigné que pourrait l'être celui d'un curé amateur d'horticulture; tout cela est d’une netteté, d'une propreté achevée. La meilleure de leurs vaches donne 25 litres de lait. Leurs terres sont autour de la mai- son. Ils transportent leurs récoltes au moyen de deux énor- mes brouettes peintes en rouge, ayant chacune une roue de plus de 4 mètre de diamètre. Un des frères, homme grand et fort, brassait vigoureusement les bouses de vache, pour les bien mèler à l'urine dans une grande citerne couverte. Chacun peut cultiver du tabac pour son usage particulier, mais il ne m'a pas paru à beaucoup près aussi bien soigné que dans les environs de Lille, Les sarclottes n’ont dans ce — 169 — pays qu'un manche long de 55 centimètres , afin de forcer le sarcleur à se rapprocher de la terre; il doit tenir cet outil de la main droite, Landis que de la gauche il ramasse et se- coue les mauvaises herbes qui viennent d'être arrachées avec la sarclotte. La très-petite culture de ce pays se fait princi- palement à la bèche. Depuis six jours que j'ai quitté Ypres, je n’ai pas aperçu un pauvre; on prétend cependant qu'il y en a immensément dans les Flandres, tant la population y est considérable. Ces pauvres gens, qui étaient habitués à vivre principalement de pommes de terre, ont eu beaucoup à souffrir depuis que celles-ci sont en partie détruites, par la maladie qui s’est dé- clarée en 4845 et qui a depuis toujours plus ou moins sévi, À la suite des grands travaux que legouvernement de Bel- gique a entrepris dans la Campine et ailleurs, pour y établir des canaux navigables, dont les eaux devront servir aux irri- gations, il est bien à désirer que des capitalistes amis de leur pays achètent ces déserts, qui ne demandent que les bras de bons cultivateurs si nombreux dans les Flandres, et avan- cent la première mise, c'est-à-dire les capitaux nécessaires pour construire de petites fermes, en défricher une partie, acheter les engrais, les semences, et faire vivre pendant dix- huit mois les ouvriers occupés de ces travaux préparatoires. Quand une fois on aurait récolté du grain et du fourrage, on mettrait dans ces petites fermes le bétail nécessaire, et on conferait le tout, avec les récoltes suffisantes pour nourrir bêtes et gens, à des familles honnètes, laborieuses, au cou- rant de la culture flamande la plus perfectionnée, enfin à des gens qu'on choisirait de préférence dans les parties de ce pays qui sont sableuses et naturellement très-maigres ; car les cultivateurs habitués aux bonnes terres seraient décou- ragés en voyant ces bruyères, qui paraissent si ingrates et qui donnent cependant, après deux labours et quatre hersages, de superbes grains d'hiver, au moyen de 4 hectolitres 1/2 de noir animal mélangés avec la semence. On obtient ainsi la première année au moins20 hectolitres, peut-être 50; puis, — 170 — la seconde année, après un seul labour, quatre hersages et 450 autres litres de noir, on a une deuxième récolte de grains d'hiver d'au moins 50 hectolitres; la troisième année, tou- jours avec 450 litres de noir mêlés à la semence, on récolte en vesces 6 à 8,000 kilogrammes d'un excellent fourrage, ou des pommes de terre pour les hommes et des navets pour les bestiaux. Quand on pense que ces produits considérables s'obtien- nent au moyen de 13 hectolitres 1/2 de noir animal, résidu des raflineries de sucre, qui coûte à Rotterdam moins de 5 franes l'hectolitre, les capitalistes ne devraient assurément pas craindre d'opérer des défrichements , si peu coûteux à effectuer et si avantageux dans leurs résultats immédiats. Avec les pailles, fourrages et racines, on peut nourrir du bétail et faire du fumier pour continuer d'une manière pro- fitable la culture des terres défrichées; mais si ces engrais ne suffisaient pas, on aurait encore la ressource du qui se transporte au loin facilement, puisqu'il du: À 4 à 500 kilogrammes pour fertiliser 4 hectare, et faire pro- duire à la plus mauvaise terre une superbe récolte de céréa- les; avec le double de ce poids on a une excellente récolte de racines ou de fourrage, sans compter que le champ fumé ainsi fournira une bonne récolte l’année suivante sans nouvel engrais. Si on parvenait à peupler les déserts de la Campine et des Ardennes (ceux-ci offrent de meilleures terres, mais un cli- mat rigoureux }, avec le trop-plein de la population des Flan- dres, le reste de cette population ne manquerait pas d'ou- vrage et cet ouvrage serait plus justement rétribué, car on est obligé de convenir que les ouvriers des Flandres, par suite de la concurrence qu'ils se font, ne sont pas assez payés. J'ai fait le soir une promenade d'environ 4 kilomètres en suivant la route qui conduit de Roulers à Gand, et j'ai eu de nous eau lieu d'admirer cette belle et riche culture flamande, qu'on devrait bien chercher à introduire dans l'intérieur de la France, malgré ce qu'ont pu dire contre elle quelques- — NN — uns de nos théoriciens, qui prétendent qu'il faut absolument passer par plusieurs périodes agricoles avant d'arriver à une culture réellement perfectionnée, et qui blâment de toute leur force les agriculteurs qui l'ont de suite introduite dans des pays à culture arriérée. Ces messieurs prétendent qu'il est impossible d'obtenir de suite, dans des terres peu fertiles ou des bruyères défrichées, des récoltes abondantes, et que si l’on y parvenait ce ne serait qu'aux dépens de sa fortune. Eh bien ! d’après ce que j'ai vu dans les mauvaises bruyères des Flandres belges, d'Angleterre et d'Écosse, dans les bon- nes bruyères de la Touraine et du Berry, enfin dans celles plus que médiocres de la Sologne et des Landes, je suis inti- mement convaincu que la meilleure manière de tirer bon parti de ces terres en friches, ou même de celles qui sont ruinées par la prétendue époque de culture semi-pacagère et labourable, qui est en usage dans nos provinces du centre au moyen du triste et déplorable métayage; je suis con- vaincu, dis-je, que si on y employait les capitaux nécessaires comme le font les grands fermiers anglais et écossais, ou à défaut de sommes suffisantes pour de vastes et promptes amé- liorations, si l'on n’entreprenait de cultiver que l'étendue de terre quel'on pourrait bien fumer et bien soigner, comme c'est l’usage des fermiers flamands, on obtiendrait de suite les plus profitables résultats. Il faut, lorsqu'on défriche, du noir animal , et lorsqu'on cultive des terres usées et maigres, du guano ou autres en- grais existant à portée et à bon marché, afin de pouvoir créer promptement denouveaux engrais, base indispensable à toute bonne culture. Et je puis affirmer que MM. de la Selle et Chambardel, dans leurs bruyères défrichées de Touraine, et les petits cultivateurs flamands, dans leurs pauvres sables, obtiennent les uns et les autres de plus belles récoltes que la plupart de nos fermiers placés dans un rayon de 40 kilomè- tres autour de Paris. Si la culture est si arriérée dans une grande partie de la AI France, cela tient surtout à ce que nos cultivateurs ont — 172 — presque tous l'ambition de cultiver des fermes trop étendues pour leur capital, ou bien, s'ils ont de la fortune, ils achè- tent des terres au lieu d'améliorer leur culture, N'ayant ni assez d'attelages ni de bons instruments d'agriculture, ils labourent mal, hersent trop peu souvent, roulent mal à propos leurs terres. Dans les contrées les mieux cultivées on fait assez de prairies artificielles, mais dans la plupart des départements elles sont complétement inconnues ou à peine essayées, Quant aux racines, nos meilleurs fermiers, s'ils ne sont pas sucriers, n'en font point ou à peine. Nos métayers, pour ne pas dépenser de l'argent en journées, font tout trop tard; ils fauchent quand ils devraient moissonner; si le temps n'est pas très-favorable , le foin blanchit et prend un mauvais goût; le grain trop mür s'égrène ou germe. Les prés ne sont pas assainis ni irrigués. Les semences sont in- férieures et trop peu abondantes; les bestiaux, peu nom- breux et chétifs, perdent leurs déjections dans de mauvaises pâtures ou sur les bruyères, et meurent de faim en hiver, où ils ne reçoivent la plupart du temps que de la paille, faute de trèfle et de racines. Le peu de fumier qui se fait dans les métairies est donc de mauvaise qualité, et s'il y en a assez pour fumer 5 hectares, on en fume 40 ou 15 ; aussi, quand ils récoltent 40 ou 12 hectolitres par hectare, nos fermiers sont satisfaits, tandis que les bons cultivateurs en récolteraient de 25 à 55 sur le même sol. Si dans les parties les mieux cultivées de notre pays il y a des fermiers qui augmentent leur fortune, cela tient à ce que les propriétaires, n'ayant aucune connaissance en cul- ture, louent leurs terres sans en connaître la valeur. Si le bail vient à expirer dans un moment où les denrées se ven- dent bien, il augmente un peu le fermage ; si le contraire a lieu , il le laisse stationnaire ou même il est forcé de le di- minuer. Les baux sont encore presque partout d'une durée de trois, six ou au plus de neuf années ; ceux de dix-huit ans sont une exception. Ayec un bail de neuf années un fermier entrant ne peut pas améliorer ; il ne fait pendant les — 173 — cinq premières années que refaire un peu les terres, qu’il usera de son mieux dans les quatre dernières, à moins qu'il n'ait obtenu un nouveau bail quatre ou cinq ans avant la fin de celui dont il jouit. On ne devrait jamais contracter de bail moindre de dix-huit ans lorsque les terres sont en bon état ; si elles sont usées ou de médiocre qualité, il faut à un bon fermier, muni du capital nécessaire et de la volonté d’a- méliorer, un bail de vingt-sept ans : il a besoin de neuf ans pour défricher, marner, chauler, fortement fumer avec des engrais achetés, drainer, défoncer les terres, en extraire les pierres ou roches qui empêchent les bons labours, aug- menter et améliorer les bestiaux et les bâtiments, devenus insuffisants au bout de quelques années de bonne culture ; il est forcé pendant tout ce temps de faire des avances au lieu d'avoir des bénéfices ; il emploiera les neuf années sui- vantes à rentrer dans ses avances et ne gagnera de l'argent que pendant les neuf dernières. Voilà ce que font beaucoup de fermiers anglais et surtout écossais. Je dois dire cepen- dant que depuis qu’on connaît le guano pour les terres usées et la bonne manière d'employer lé noir animal sur les dé- frichements, un bail de dix-huit ans peut suffire à un fer- mier instruit et doté d'un bon capital. Pour en revenir aux environs de Roulers, j'ai vu que les carottes semées entre les colzas étaient beaucoup plus belles que celles qui l'avaient été dans le seigle; cela tient à ce qu'elles avaient été débarrassées bien plus tôt de la récolte qui les couvrait. Le colza étant semé ou planté en lignes un peu espacées, cela permettrait de semer les carottes aussi en lignes, ce qui diminuerait infiniment les frais de sarclage et d’éclaircissage, qui sont assez grands pour cette plante, la moins exigeante sous le rapport de la fertilité de la terre. On voit ici les femmes parcourant les champs à genoux, pour sar- cler et éclaircir les carottes ou les navets semés en récoltes dérobées, avec autant de soin qu’elles le font à une autre époque pour le lin. On est bien malheureux en voyageant, surtout lorsqu'on — 174 — s'occupe de recueillir des renseignements sur la culture, de ne pas savoir la langue du pays; j'ai eu beaucoup de peine, en me servant de l'allemand et du français , à faire com- prendre à un fermier occupé dans son champ quelques- unes de mes questions et à saisir ses réponses. J'ai pourtant (ini par deviner que ce brave homme avait un cheval très- fort pour ses labours, huit vaches et quelques cochons, pour une culture de 44 hectares 1/2, ce qui ne l'empêche pas d'acheter beaucoup de vidanges et de tourteaux. I était en train de semer des navets, et son fils, qui dirigeait son beau cheval , était placé les jambes écartées , les pieds posés sur les montants d'une herse de bois fort utile, qui n'existe pas dans la Flandre française, et dont les dents sont plates et couchées en arrière, de manière à glisser sur la terre en pesant dessus, au lieu d'y pénétrer en la soulevant. Elle sert principalement à rasseoir el lasser une terre nouvellement labourée qu'on ressème de suite, et pour enterrer légère- ment les petites graines, C'est un instrument qui mérite d'être importé et qui ne coûle que 10 francs. Mon jeune homme , posé sur la herse, en guidant son cheval , appuyait alternativement sur la jambe droite et sur la jambe gauche, afin d'imprimer à la herse un mouvement en zigzags il fai- sait cela d'abord deux fois sur la terre qui venait d'être la- bourée après l'enlèvement de la récolte de seigle, et recom- mençait encore deux fois après que son père avait semé. J'ai remarqué de petits cultivateurs qui n’ayant pas d’atte- lages pour labourer, avaient d’abord pelé leurs chaumes de seigle avec une houe légère et large de 20 à 25 centimètres, puis ralissé et enlevé les chaumes après avoir laissé aux mauvaises graines le temps de germer; ils recreusent en- suite à la bêche les raies qui séparent les planches larges d'environ 5 mètres, et recouvrent la moiïtré de celles-ci, avec la terre provenant de cette fouille; les planches une fois entièrement recouvertes de terre, ils les arrosent de purin, les ratissent, les sèment en navets et ratissent de nouveau, — 175 — Dinant à table d'hôte avec plusieurs personnes , un fabri- cant de calicot, de Gand, qui m'a paru fort intelligent, nous raconta qu'il fallait être un très-bon tisserand pour pouvoir gagner 6 francs par semaine ; que le commun de cesouvriers, depuis l'âge de quatorze ans jusqu’à soixante, ne gagne que 5 francs ou 5 francs 50 centimes pour six jours, et en- core faut-il que la femme et les enfants aident le tisserand à arriver à ce minime salaire, avec lequel il faut vivre toute une famille ; on ne leur donne dans ce moment que 4 cen- times pour le tissage de 1 mètre de calicot. Ce monsieur a été l’un des membres d’une commission chargée de vérifier l’état de misère extrème , dans lequel sont tombées ces mal- heureuses familles d'ouvriers employées dans les manufactu- res et il dit qu'on ne peut imaginer rien de plus hideux. Il ajoutait que ces malheureux étaient infiniment plus mal logés et couchés que les vaches dans leurs étables, qui ont du moins de quoi se rassasier et de la paille fraiche pour litière tous les jours, tandis que ces pauvres gens cou- chent souvent quatre ou cinq, grands et petits , ensemble dans un châssis de planches, contenant de la paille ordinai- rement réduite en petits morceaux, servant ainsi depuis un an, et pleine de vermine. Cette commission est allée ensuite visiter des villages qui ne contiennent point d'ouvriers em- ployés dans les manufactures, et elle s’est assurée que les plus pauyres ouvriers agricoles, sont infiniment moins mal que les autres. Je suis allé le 9 août au matin visiter le sieur Demeulnaer, vieux fermier que M. Dieryckx m'avait signalé comme un bon cultivateur des environs de Roulers; il a eu l’obligeance de me faire visiter ses champs malgré la pluie battante. Sa ferme, qui n’est qu’à vingt minutes de la ville , se compose de 58 hectares 1/2; il la loue 2,550 francs ou 61 francs l'hectare. Il possède mais ne cultive pas, une ferme de 17 hec- tares 70 centiares, qu'il a achetée. Il emploie quatre bons chevaux à sa culture et se sert de charrues à tourne-oreilles. Ses terres sont généralement plus fortes que celles que j'a- — 176 — vais visitées la veille ; aussi attirait-il souvent mon attention sur les nombreux fossés qu'il avait faits et sur ceux qu'il avait le projet de faire ou de creuser davantage; on voyait qu'il était très-préoccupé de la nécessité de se débarrasser du trop d'humidité, Combien le drainage lui conviendrait S'il le connaissait! combien il rendra de services à ces pays, qui souffrent tant encore de l'humidité, malgré de nom- breux et profonds fossés et leur ruchottage! On donne ce nom à la façon des raies qui se trouvent entre les planches formées de quatre ou cinq tours de charrue, raies qu'on creuse avec la bêche pour leur donner une profondeur de 98 centimètres. Et cependant, par le labourage et le bè- chage opérés depuis des siècles, presque tous les champs des Flandres française et belge ont été bombés , de manière à égoutter plus facilement les eaux sur les deux côtés du champ ; et même dans le pays de Waes, la partie la mieux cultivée des Flandres belges, les champs ont des pentes des quatre côtés du carré, qui est toujours entouré de fossés profonds , dont la terre a servi pour créer l'élévation ou exhaussement du milieu. Les récoltes de M. Demeulnaer étaient toutes fort belles. Il m'a dit que ses froments lui reñdaient en moyenne de 50 à 55 hectolitres l'hectare et les colzas de même; ses trè- fles sont admirables. Il a vingt-sept bêtes à cornes et trois taureaux, car il est chargé de faire saillir les vaches des en- virons, ce qui lui vaut le droit de pâture pour cent gros moutons, achetés à l'âge d'un an, de 95 à 24 francs la pièce et qu'il revend pour la France à deux ans de 50 à 52 francs, sans avoir été engraissés. Il fait le plus grand cas du fumier de ses moutons, quoique ses vaches consomment annuelle- ment 5,000 kilogrammes de tourteaux de lin, ce qui amé- liore assurément celui qu'elles produisent. L'emplacement où se dépose la ration de nourriture qu'on donne à chaque vache, se trouve séparé de ceux destinés à ses deux voisines, par de fort belles dalles en pierre, ayant ordinairement une épaisseur de 7 centimètres et une gran- — AT — deur de 1 mètre carré ; on les insère dans le mur en le bâ- tissant et on les fixe verticalement dans le pavé, à 4 mètre 10 centimètres de distance les unes des autres. Les vaches mangent ainsi tranquillement , car elles ne peuvent s'aper- cevoir lorsqu'elles mangent, et en tous cas elles ne pour- raient s'atteindre , étant séparées par ces espèces de cloi- sons. Les vaches avaient été mises dans un enclos voisin, pen- dant qu'on les aflourait, qu'on lavait avec grand soin le pavé après avoir sorti le fumier et qu'on leur préparait une bonne et épaisse litière ; on voyait qu'elles étaient impatientes de rentrer dans l'étable, pour manger l'excellent trèfle qu'on venait de mettre entre les dalles, car elles étaient presque toutes auprès de la barrière du clos. Il y avait à côté une écurie commode pour les quatre beaux et gros chevaux. J'ai remarqué trois bâtiments servant de granges, dans l'un desquels se trouve placée la bergerie, et trois autres contenant les fourrages; c'est M. Demulnaer qui a fait con- struire à ses frais les trois derniers ; ils sont garnis de plan- ches et très-bien couverts en paille. Il y a encore plusieurs hangars, dans lesquels sont rangés avec beaucoup d'ordre les chariots, les tombereaux à trois roues, les charrues et herses, et où l’on dépose aussi les fourrages verts. Tous ces bâtiments sont séparés les uns des autres, en cas d'incendie, et entou- rent la cour; la maison n’a rien d’élégant, mais elle est spacieuse et suffisamment confortable à l’intérieur. Le bois de chauffage est fendu assez menu et forme des petites meu- les parfaitement rangées, dont le haut forme une toiture qui les préserve de la pluie. Les domestiques hommes sont nourïis et gagnent de 8 à 12 francs par mois; ils sont astreints à beaucoup d'ouvrage. Je suis parti de Roulers pour Ypres, afin de traverser en- core une autre partie de cette Flandre si bien cultivée, quoi- que ce détour triplàät mon chemin pour me rendre à Cour- trai. J'ai vu toujours d'excellentes terres, parfaitement cui- tivées, de belles fermes, des villages très-bien bâtis et an- 12 — 178 — noncant l'aisance, Quelque temps avant d'arriver à Ypres, on retrouve ces beaux herbages entourés d'arbres si élevés et si droits, et garnis de belles bêtes à cornes de race flan- drine. Malgré ma crainte de passer pour un rabâcheur, je ne puis m'empêcher de dire que tout ce pays a le plus grand besoin du drainage complet des Anglais. On m'a dit que dans une bonne partie du pays que je ve- nais de parcourir, les domestiques mâles ne gagnaient que 6 à 10 francs par mois, et les journaliers, pendant le temps de la moisson, 60 à 70 centimes par jour avec la nourriture; les moissonneurs à la sape ne gagnent pas davantage, et les femmes n'ont que 55 centimes. Dans toute cette contrée, jusqu'à Menin et Courtrai, tous les fossés ont l'air d’avoir été faits récemment ; il paraît que les fermiers les font très-souvent nettoyer, afin de se pro- curer de la bonne terre pour faire des composts ; et comme ils n'en trouvent pas assez, ils font déplacer dans les champs la terre de la surface, qu'on range sur le côté, afin de pou- voir enlever une partie du sous-sol , lorsque la pente du champ le permet, de manière à ne pas laisser des creux qui conserveraient l'eau; quand le sous-sol est parti, on remet en place la terre de la superficie. Lorsqu'on veut faire de la brique on agit de même. Dans les environs d’Ypres on voit beaucoup de meules de foin très-bien faites, rondes, d'un petit diamètre, et mon- tées autour d'une perche. Quelque chose de fort laid qu'on voit fréquemment dans les environs de Roulers, ce sont des commodités sans portes et ouvertes sur la rue ou sur la route, construites tout exprès pour engager les passants à y déposer leur offrande, tant on apprécie cette espèce d'en- grais; j'ai même remarqué beaucoup de lieux d'aisances placés à la portée des églises de villages; je ne me souviens pas s'ils étaient garnis de portes. On a fait fréquemment et l’on fait encore maintenant, #1 long de la route de Roulers à Ypres, ce que j'ai vu chez M. Doyen, propriétaire-cultivateur près de Thouroutte, c’est- — 179 — à-dire détruire les fossés et les haies qui les bordent , pour les remplacer par des prés étroits, dont le niveau est infé- rieur aux terres qui les bordent, de telle sorte qu'ils puissent servir à l'écoulement des eaux de pluie et cependant pro- duire du foin. On voit partout arracher les haies formées avec des aunes ou d’autres bois traités en taillis et souvent garnies d'arbres étêtés, car on réconnaît de plus en plus combien elles nuisent aux champs qu’elles entourent, sur- tout lorsqu'ils ont une étendue de moins de 4 hectares, et encore vaut-il mieux les remplacer par des haies d'aubé- pine, ou d’autres espèces d'arbres tels qu'ifs, charmes et hètres ; les premières forment une meilleure clôture à cause de leurs épines et n’usent pas autant les terres que les char- mes et hêtres ; comme haies, les ifs ont le mérite d’être un meilleur abri en hiver, puisqu'ils ne perdent pas leurs feuilles. J'ai vu une grande quantité de lin roui et non roui, étendu sur les prés et même sur les champs, entre Roulers et Ypres. J'ai vu beaucoup de meules de colza montées en carrés longs et parfaitement couvertes au moyen des lon- gues tiges de colza disposées pour faire toiture. IV é Sommaire. Procédés agricoles de M. Vanderplancke, près de Courtrai. — M. Vander- berg ; semoir de Pruvost.— M. Fontaine, cultivateur à Leuze.— Visite à M. F, de Bocarmé, au château de Bury. — M, Boel, — M. Letellier, no- taire à Ath, horticulteur et pépiniériste distingué, — M. Lagaé, bras- seur-cultivateur, — Mise en meules du colza. — Culture des environs de Courtrai, — Bel établissement de bienfaisance à Heule.— M. Deghel- der, agriculteur amateur à Thouroutte ; son système d'assolement. — M. de Kouyt. — Importation en Belgique d'animaux et d'instruments anglais par ordre du gouvernement. — Ferme de M. Verstrate-Lyke, près de Bruges. — M. Peers, d'Ostcamp, excellent agriculteur, — Co- lonie agricole de Russelède. — Culture des environs de Gand et de Ter- monde.—M. Vanvolstem, éleveur et sucrier près de Haal,— MM. Claes, habiles industriels et agriculteurs à Lembeck. — Port d'Anvers. — Hos- pice de Bévern. — M. Vandenheude, fermier au Kuildam. — Culture des environs de Saint-Nicolas. — Défrichements de M. Michaut , près d'Anvers ; — de MM. Jacquemyus et Vortman.—Beaux travaux agricoles de M. le comte de Baillet. En arrivant à Courtrai, je me suis rendu de suite chez M. Vanderplancke, excellent cultivateur que j'avais déjà vi- sité deux fois dans mon précédent voyage. Nous sommes allés voir le seul froment qu'il n’eût pas encore coupé ; il était fort beau et cependant c'était le moins beau de sa ré- colte , car il avait été semé fort tard. Il compte sur une moyenne de 50 à 55 hectolitres par hectare. Ses avoines sont belles, mais inférieures à celles que j'admirais tant entre Menin et Courtrai, qui sont les plus belles que j'aie jamais vues; elles étaient à peu près pareilles sur toute cette | route, — AST — J'ai vu 2 hectares de carottes, semées dans un champ de méteil dont la récolte venait d’être enlevée; une bande de femmes le parcouraient à genoux et en arrachaient les mau- vaises herbes à la main; dans quelque temps elles revien- dront pour les sarcler avec des binettes et les éclairciront en mème temps ; chacune de ces deux opérations coûtera 18 fr. par hectare. M. Vanderplancke les fera arroser avec du pu- rin avant de leur donner la seconde culture. Il a de super- bes choux caulets, qui ont été repiqués après une récolte de lin; ils ont reçu par hectare 500 hectolitres de vidanges liquides, qui ont servi à arroser une forte fumure épandue sur le champ, avant de l’enterrer. On va bientôt cueillir les feuilles de ces choux et on les arrosera ensuite de nouveau avec 500 hectolitres de purin. M. Vanderplancke a huit belles vaches, dont la souche existe depuis longtemps dans cette ferme où l’on a toujours cherché à la perfectionner, en ne conservant que celles qui donnent au moins 45 litres à nouveau lait et en bonne sai- son ; quelques-unes arrivent à 28 litres. Il en a huit autres, qui ont aussi été élevées chez lui, mais qui proviennent de ses vaches montées par un taureau durham ; il assure que leur lait est à la fois plus abondant et plus gras que celui des autres. Ces vaches croisées sont fort belles ainsi que le taureau actuel aussi croisé durham. Il a six élèves de deux à trois ans et quatre d’un an, six chevaux et quelques cochons ; ses jeunes bêtes proviennent du taureau croisé ; il devrait du moins donner un taureau de pure race durham à ses vaches de pays, afin d’avoir toutes bêtes de demi-sang : il y a plu- sieurs taureaux durhams dans le voisinage. Il va avoir des cochons de race essex-napolitaine, qui sont les plus estimés en Angleterre. M. Vanderplancke a reçu de M. Morren, professeur d’agri- culture à l'université de Liége, quarante variétés de fro- ment, mais il n’a pu les semer qu’en décembre ; il va semer tout ce qu'il en aura récolté à une époque plus convenable. Ses meules sont les mieux faites de toutes celles que j'ai vues — 182 — jusqu'à cette heure; elles lui servent de hangar pour les petits objets. IL fait le plus grand cas de la herse que j'ai décrite lors de ma promenade près de Roulers; il Ja nomme, je crois, un grilon. Je me suis rendu avec lui dans une ferme voisine; le fermier étant absent , je n'ai pu me procu- rer que les renseignements suivants. Cette culture consiste en 45 hectares; on y tient vingt-trois vaches, parmi les- quelles se trouvent deux durhams venant du gouvernement de la province, ainsi qu'un de ses quatre taureaux, dont le second est croisé durham, le troisième de race hollandaise et le quatrième de celle du pays ; le fermier ayant un trou- peau de cent moutons, est obligé de fournir des taureaux aux habitants de la commune. Si les vaches durhams pro- duisent des femelles , elles appartiennent au fermier ; si elles donnent des taureaux, le gouvernement les retire lorsqu'ils sont en se reproduire, pour les placer dans un autre canton, mais il les paye d’après dire d'experts. Les bôtes fournies par le gouvernement sont vendues par lui lors- qu'elles ne produisent plus. Les saillies des taureaux du gouvernement se payent 50 centimes et sont pour le fermier qui les nourrit; s'il n'y a pas beaucoup de saillies à faire, le gouyernement complète au fermier la somme de 50 francs pour indemnité, Parmi ses vaches, ce fermier en a de hollandaises, de l’es- pèce du Furnes-Embacht, et des bêtes du pays; on nous a dit que les dernières étaient les moins bonnes, que celles du Furnes-Embacht ne donnaient pas autant de lait que les hol- landaises, mais qu'il était meilleur. Il a encore dix élèves de bèles à cornes , cinq gros chevaux et un poulain, je ne sais combien de cochons. Étant très-rapproché de la ville, il en lire malgré ce nombreux bétail, encore beaucoup d’en- grais, | Je suis parti le lendemain 10 août de grand matin, pour me rendre chez M. Florentin Vanderberg, cultivateur dis- lingué, que le mauvais temps m'avait empêché de visiter l'année précédente; il demeure dans une ferme de la com- — 183 — mune de Pottes, qui se trouve située à 14 kilomètres de Courtrai et à peu près à même distance de Tournai. Mon cocher, ne connaissant pas bien le pays, m'a fait suivre la route d'Oudenarde, et nous sommes revenus par celle de Tournai, ce qui m'a fait parcourir environ 56 kilomètres d'un pays que je ne connaissais pas. Il m'a semblé que la culture devenait moins bonne en s’éloignant de Courtrai, mais la ferme de M. Vanderberg au contraire m'a paru en- core mieux cultivée que ce que j'avais vu précédemment. M. et madame Vanderberg sont Wallons malgré leur nom flamand ; ils m'ont paru tous deux fort intelligents et s’ex- priment en fort bon français. M. Vanderberg lit des journaux d'agriculture et est très-partisan du système Guénon; il a dressé un tableau sur lequel figurent toutes ses vaches avec leurs marques distinctives, et le chiffre de leur produit en lait et en beurre; il serait fort intéressant d'en avoir une copie. | La Société d'agriculture de Tournai, dont M. Vanderberg est membre, l’a prié de lui donner le tableau de son assole- ment , qu’elle croit convenable pour cet arrondissement ; il y détaille les quantité et qualité des engrais qui doivent y être employés ainsi que le nombre des bestiaux qu'on pourra nourrir avec ses produits et la masse d'engrais et de purin que ces bestiaux fourniront; il a bien voulu me promettre de m'en envoyer une copie cet hiver. M. Vanderberg cultive 42 hectares, dont 4 sont des ie placés sur les bords de l' Escaut ; ils sont bons et abondants, mais éloignés de la ferme. I lui reste donc 58 hectares de terres labourables, malheureusement morcelés ; quelques- -uns même sont situés à 4 kilomètres de l'habitation. Ses récoltes se composent de 18 hectares de grains d'hiver, fro- ment, méteil et seigle ; il a 2 hectares 1/2 en fèves, autant en avoine, 5 en colza, Auapt en betteraves et la même éten- due en lin; de #4 à 5 en trèfle, 4 en navets hâtifs semés après incarnat, 5 ou 4 en navets de récolte dérobée, 1/2 en pommes de terre. On fume pour les betteraves, avant l'hi- — 184 — ver, avec trente-cinq voitures de fumier attelées de trois bons chevaux, on les estime peser 4,500 kilogr.; on ajoute au printemps une même dose de fumier et 1,400 kilogr. de tourteaux de colza, ou son équivalent en guano; on récolte de 60 à 70,000 kilogr, de betteraves, On fume pour l'avoine qui doit être suivie par le lin à raison de quarante-deux voi- tres de fumier par hectare ; on donne au lin 4,400 kilogr. de tourteaux où 250 hectolitres de purin; l'engrais doit être unis quinze jours avant de semer le lin. L'avoine produit de 60 à 70 hectolitres. On sème le trèfle dans le froment avec de la graine venue de Lokeren, ville du pays de Waes et qui a la réputation de fournir la meilleure; on en sème 14 ki- logrammes par hectare, on lui donne un chaulage de 70 hec- tolitres, où bien 100 hectolitres de cendres, et du purin. Le froment vient après les betteraves, les fèves, le trèfle, le lin et le colza, qui tous ont été fortement fumés, et il ne re- çoit rien ; le seigle vient après le froment ou sur les terres trop sablonneuses. Les tourteaux de colza ont coûté 45 francs les 400 kilogrammes , pris à Tournai. On ne les sème, ainsi que le guano ou la suie, qu'après la levée des navets ou colzas et autant que possible par la plaie ou au moins par un temps couvert. M. Vanderberg sème tout en lignes : grains et racines; il se sert pour cela d'un semoir qui m'a paru encore meilleur que celui de M. Claes de Lembeck ; il a été inventé et fabri- qué par un maréchal du nom de Pruvost qui demeure à Wa- zemmes près de Lille, Ce semoir, que je trouve supérieur à tous les semoirs que j'ai vus en France et en Belgique, a en- tre autres mérites celui de permettre au conducteur de re- dresser d'un coup de main les petits écarts que le cheval fait quelquefois subir à la ligne droite; on peut semer avec ‘un depuis le trèfle jusqu'aux fèves; on peut à volonté éloi- ner les lignes, qui dans celui que j'ai vu sont au nombre de sept. 1 coûte 500 francs et est monté sur trois roues, dont celle de devant tourne dessous comme celles des tom- bereaux perfectionnés. Ce brave maréchal a, dit-on, inventé — 185 — ou perfectionné différents instruments, qui lui ont plus coûté que rapporté. M. Vanderberg, après avoir entendu parler avec éloge de ce semoir, s’est rendu à Lille afin de le voir agir et, pour plus de sûreté, est allé demander avis à M. Lefèvre demeu- rant à Lezennes, près de Lille, et à plusieurs de ses voisins, qui s’en servent depuis longtemps et en sont fort contents. Le gouvernement de la province avait donné à la Société d'agriculture de Courtrai un semoir de M. Clacs; elle l'a fait-essayer comparalivement avec le semoir de Pruvost, qu'on avait emprunté de M. Vanderberg, et la supériorité du second a été généralement reconnue. M. Vanderplancke, avant de connaître le bon effet du guano , faisait venir, cinq fois par semaine, 20 hectolitres de vidanges de la ville qu'il touche de si près ; maintenant il n’en fait plus venir moitié autant, l'emploi de ces matières étant embarrassant et désagréable, et le guano nécessaire pour obtenir le même résultat ne lui coûtant pas davan- tage. Il en a acheté cette année 4,000 kilogrammes à raison de 270 francs le mille; il en met 275 kilogrammes pour les navets et le double pour le colza. M. Vanderplancke étant occupé de sa moisson nr'a donné rendez-vous d'ici à quelques jours, pour me conduire dans quelques fermes de ses environs. Je suis parti le matin de Courtrai pour me rendre à Leuze, où je suis allé voir M. Fon- taine, propriétaire-cultivateur que j'avais déjà visité deux fois; sa propriété est fort bien bâtie comme ferme, et située à la porte de Ja ville. Je n’y ai trouvé que de belles et bonnes récoltes. Il a eu cette année 3 hectares en lin, dont moitié a été semée en mars et le reste au commencement de mai; le lin semé de bonne heure a été fortement fumé, comme étant plus exposé aux intempéries du printemps; il a été fort beau et s'est vendu 840 francs l'hectare; l'autre qui n’a pas reçu d'engrais est aussi, malgré son prix inférieur, {rès-beau et vient d’être vendu 690 francs l'hectare; celni-ci paraît plus avantageux, puisque le premier a coûté plus de 280 francs — 186 — de fumier; mais le champ qui a produit le lin de mars sera semé sans recevoir d'autre engrais tandis que l'autre devra tre fumé. M, Fontaine a encore le tiers de ses froments et toutesses avoines et fèves à couper. J'ai vu chez lui un champ de fro- ment barbu dont les barbes tombent avant la récolte ; il se vend un peu moins cher que les autres froments, 4 franc de moins par hectolitre, mais il produit énormément et réussit: dans des terres où d'autres froments seraient mauvais, Je l'ai vu cultiver aussi en Touraine. M. Fontaine l'a eu d'auprès d'Armentières. Je me suis rendu de Leuze au château de Bury chez M. le comte Ferdinand de Bocarmé, Les 6 kilomètres qui séparent ces deux endroits sont bien cultivés et en bonne terre; j'ai. rencontré beaucoup de piqueteurs qui revenaient de faire la moisson en France; on n'emploie dans ce pays-ci ni Ja faux. ni la faucille pour couper les grains; tout se moissonne à Ja sape, qui ne fait pas l'ouvrage aussi vite, mais qui le fait mieux que la faux, surtout lorsque le grain est versé; un autre. avantage de cet outil, c'estqu'on n'a pas besoin, comme pour la faux , d'être très-fort; tout homme peut piqueter, c'est-à- dire manier la sape. M. de Bocarmé, qui est un des meilleurs cultivateurs de Belgique , n'a que de fort belles récoltes ; il a drainé déjà une bonne partie de ses terres qui souffraient de l'humidité et s'en trouve à merveille; il va avoir une des deux machines. à faire des tuyaux que le ministre de l'intérieur M, Rogier, a fait venir d'Angleterre l'année dernière. Celle qui va lui être prêtée est maintenant chez M. d'Omalius-d'Anthine, où on estoccupé à la copier pour la mettredans lecommerce, car on commence à se préoccuper beaucoup du drainage en Belgi- que. M. Peers, d'Ostcamp, membre de la chambre des re- présentants, a aussi fait venir d'Angleterre la machine à laire des tuyaux, de Sanders de Bedford. M. le baron Mertens d'Ostin, près Namur, en a une autre depuis deux ans. M, le baron de Woclmont, près Saint-Tron, en a commandé une. — 181 — Ces messieurs, habitant des points fort éloignés les uns des autres, serviront, par le bon exemple qu'ils donnent, à répan- dre la connaissance de cette utile, on peut dire inappréciable amélioration. M. de Bocarmé engraissechaqueannée au moins cinquante et souvent jusqu'à soixante-dix bêtes à cornes ; il est si con- tent des résultats obtenus, dans l’engraissement des jeunes bêtes provenant de différents croisements durhams, qu'il est décidé à élever le plus possible de ce genre d'animaux, qu'il engraissera à l’âge de deux ans et demi , afin de les vendre autant que possible à partir du courant de novembre, épo- que où les bêtes engraissées à l'herbe commencent à devenir rares ; il tâchera d'avoir tout vendu vers la Pentecôte , mo- ment où les bètes d’herbages se représentent sur le marché. Il a maintenant vingt-cinq bêtes à l'engrais , parmi lesquel- les la moitié arrivera au poids de 400 à 450 kilogrammes de viande nette; les autres sont des génisses achetées aux foires de Tongreset Tirlemont, àraison de 55à 55 centimes le demi- kilogramme ; il se trouve dans ces animaux qui viennent du Limbourg et de la Campine, beaucoup de bêtes qui sont fort bien marquées d’aprèslesystèmeGuénon; lorsqu’ils’en trouve parmi elles qui sont pleines, on les ôte de l'étable des bètes à l'engrais et on a beaucoup de chances, d’avoir de bonnes laitières. | M. de Bocarmé faisait travailler jusqu’à cette heure, à par- tir de l’âge de deux ans, les jeunes bœufs croisés durhams qu'il avait élevés, et il a été très-satisfait de leurs services sous ce rapport; mais leur ayant reconnu une très-grande aptitude à s engraisser dès cet âge si précoce, tout en gran- dissant et augmentant beaucoup de poids, il est décidé main- tenant à les engraisser dès qu'ils auront atteint la findeleur seconde année et à remplacer ses vieux bœufs de travail par des jeunes bœufs de l'espèce du Furnes-Embacht , qui sont de bons travailleurs et ont amssi le mérite de s’engraisser fa- cilement. Il prépare ses bêtes destinées à l'engrais, en les mettant — ISS — dans des herbages ; il en sort les plus avancées vers le pre- mier août et elles n'ont encore aujourd'hui 44 de ce mois, qu'un demi-hectolitre de farine de seigle, mélangée avec de la drèche et de la pulpe de betteraves, pour douze bêtes; on met tout cela dans un tonneau , où on le mélange parfaite- ment avec des siliques de colza et des balles de froment ; on ajoute à cette nourriture préparée un peu de foin une fois par jour. Il engraisse dans ce moment un fort beau tau- reau croisé durham , qui est remplacé par son frère issu, comme lui, d'une très-bonne laitière de la Campine et d'un taureau durham. Il élève un jeune taureau et une génisse de pure race durham, ainsi que plusieurs croisés durhams de différents âges. M. de Bocarmé a essayé l'emploi du superphosphate de chaux, sur un petit carré de betteraves à sucre, et elles sont déjà le double des autres, qui sont cependant fort belles. 1 compte donc essayer l'an prochain cet engrais plus en grand, s'il peut se le procurer à un prix raisonnable. Il a semé l'an passé en automne plusieurs variétés de froment obtenues de différents côtés, mais surtout de M. Morren de Liége. Is'en trouve parmi elles, une variété à grains presque ronds et peu volumineux, ainsi que d'un froment anglais assez semblable à celui du Ménil-Saint-Firmin, et qui lui a été donné sous le nom de froment de Sicile carré; il ressemble aussi au fro- ment-sanmon , qu'on cultive beaucoup dans les environs de Nogent-le-Rotrou , mais celui-ci a de plus longs épis, et on dit qu'il rapporte moitié en sus des autres froments du pays. M. de Bocarmé compte cette année sur une récolte moyenne de 50 à 32 hectolitres en froment. Il a de fort beau trèfle sur un défrichement de bois qui ne date que de cinq ans, mais ce terrain a été fortement chaulé; le froment n'y vient pas encore aussi bien qu'ailleurs, malgré le tasse- ment qu'on lui procure, au printemps, au moyen du piéti- nement opéré par des hommes ; aussicompte-t-ilse procurer un rouleau Croskill, du grand modèle. Les froments battus — 189 — jusqu'à cette heure chez lui ont produit 50 hectolitres par bonnier de 155 ares; il les fait sécher sur la touraille pour les vendre. M. de Bocarmé est obligé de retirer à ses génisses croisées durhams, qu'il conserve pour en faire des vaches laitières, l'eau blanche qu'il leur donnait en hiver; elles n'auront plus que des racines , car elles ont tant de disposition à prendre la graisse, qu'il est probable qu’elles ne produiraient pas de veaux. Il a d'énormes serres et bâches à ananas, qui dans les années ordinaires lui produisent de 44 à 4,500 francs, sans compter tous ceux qu'il donne et consomme. Il élève cha- que année quatre cents nouveaux plants, et comme il faut trois ans pour les amener à maturité, il lui faut l’'emplace- ment de plus de douze cents pots. Il a d'immenses couches à melons, qu'il partage en quatre saisons ; il a des vitraux pour couvrir la moitié de ses couches, qui ont 150 mètres de longueur ; ces vitraux sont faits comme des petites bâches , c'est-à-dire qu'ils ont deux plans inclinés en toiture; ils sont faits en fonte et d’une seule pièce ; leur largeur à la base est de { mètre 50 ou 75, les deux montants qui se joignent en haut ont chacun 1 mètre d’étendue et sont garnis de verres. On en met deux larges sur la couche , ensuite un étroit et ainsi de suite; lorsqu'on veut donner de l'air on lève ou l’on Ôte les petits vitraux, qui se déplacent plus facilement. Ces couches, couvertes d’une grande quantité de fort beaux melons, sont faites d’une manière bien plus écono- mique que celles généralement connues. Le plant est élevé dans des couches ordinaires ; les graines sont placées sur de petits carrés de gazon, afin de les transplanter en mottes. La première couche à melons se fait au commencement d'a- vril; elle reçoit dans le milieu sur toute sa longueur , 53 centimètres cubes de fumier chaud, recouverts de 20 à 25 centimètres de terre, sur laquelle se plantent à une dis- tance de S0 centimètres ou 4 mètre, les pieds de melons. Au bout de quinze jours ou trois semaines, on place de chaque — 190 — côté de la bande de fumier, une nouvelle bande de fumier chaud qui aura aussi 0,55 de large, mais seulement 0,16 d'épaisseur; on y met de la terre comme sur le pre- miet ; les racines de melons viennent bientôt garnir ce nou- veau Lerrain. Deux ou trois semaines après, on borde celui- ci de deux nouvelles bandes pareilles aux précédentes, dont les racines viendront aussi s'emparer; cela forme ainsi des couches un peu plus larges que les vitraux ; dans les années chaudes on ajoute une troisième double rangée de fumier. On ôte les vitraux de la première couche quand la troisième en a besoin; alors elle se trouve déjà en grande partie ré- volée. Les piqueteurs reçoivent ici 9 francs pour moissonner 1 hectare de froment; un bon ouvrier peut le faire en trois jours ou trois jours un quart. Un bon berger gagne dans ce pays de 20 à 22 francs par mois et la nourriture. Je suis allé avec M. de Bocarmé faire une visite à un pro- priétaire-cultivateur du voisinage, que j'avais déjà vu dans mes précédents voyages. M. Boel, qui est aussi brasseur, a une culture de 70 hectares; il tient une grosse tête de de tail par bonnier de 453 ares. Il a déjà depuis plusieurs an- nées des taureaux durhams venant du gouvernement provin- cial; celui qu'il a maintenant est fort jeune et très-beau. aussi une vache de pure race, mais elle est un peu haute sur jambes; une bonne partie de ses vaches et tous ses élèves proviennent de croisement durham. Il a vendu cette année cinq jeunes bêtes de demi-sang durham destinées à faire des taureaux, pour la somme de 2,000 francs. 11 place pendant l'été des jeunes taureaux chez des cultivateurs, pour y faire la monte ; de cette manière il économise leur nourriture pendant six mois, avant de les vendre. M. Boel dit que plu- sieurs de ses vaches lui donnent de 25 à 28 litres de lait, et . une d'entre elles , qui est du pays, fournit pendant trois et quatre mois, de 10 à 11 livres de beurre par semaine. I} nous à fait voir un champ qui lui a donné trois récoltes de- puis l'hiver dernier, et dans lequel il vient de planter la qua- — 191 — trième. La première à produit des navets semés en même temps que le trèfle incarnat et qu’on a arrachés dans le cou- rant de l'hiver ; la deuxième une superbe coupe d’incarnat en vert, qui a fait place après deux labours, plusieurs her- sages et une forte fumure, à des pommes de terre hâtives, lesquelles ont été arrachées et sont déjà remplacées par des choux caulets, qui ont reçu et recevront encore des arrose- ments de purin. M. Boel, après avoir vu le drainage chez M. de Bocarmé, s’est mis à en faire : il remplace les tuyaux, qui n'existent pas encore dans ces environs, par les scories tirées des cen- dres de charbon de terre de la brasserie et d’une forge. Il à de la luzerne ; c’est une plante qui se retrouve dans la cul- ture du Hainaut. Comme il existe dans le voisinage deux grandes sucreries, on y voit une quantité considérable de champs de betteraves, et il en est résulté une grande amé- lioration de la culture dans toute la contrée environnante; ici tous les cultivateurs, petits ou grands, font des bette- raves. Dans les communes trop éloignées pour pouvoir livrer aux sucreries des betteraves à 16 francs les 1,000 kilo- grammes , on voit encore beaucoup de terres en jachère, et la culture y paraît bien moins soignée. J'ai remarqué de petits champs qu’on avait recouverts de fumier, afin de les préserver de la sécheresse ; depuis qu’il a . plu, les betteraves ont poussé beaucoup de feuilles d’un vert très-foncé; cette opération aura pour résultat de rendre ces racines beaucoup moins sucrées. Les villages de cette partie de la Belgique sont fort bien bâtis; ils annoncent l’aisance de leurs habitants; les rues ainsi que les chemins les plus fréquentés, sont pavés. Les habitations de campagne assez nombreuses, sont soignées ; tous les bâtiments et même les murs de clôture sont fré- quemment recrépis, les portes, persiennes et barrières sou- vent repeintes, les jardins très-bien tenus ; les églises consi- dérables et bien entretenues; cependant celles du pays fla- mand leur sont très-supérieures. Le dimanche les habitants ms OR sont fort bien mis; tout le monde à l'église a son livre de prières. J'ai enfin été obligé de prendre congé de mes excellents hôtes, qui m'ont fait promettre de revenir les voir avant de rentrer en France, Étant arrivé à Leuze trop tard, pour pro- liter du convoi qui devait me porter à Courtrai, je me suis décidé à partir dans la direction opposée, pour me rendre à Ath, afin d'aller voir M. Letellier, notaire de cette ville, que je connaissais comme étant un grand horticulteur et pépi- uiériste; il a bien voulu me conduire dans sa campagne où il vient de construire, sur une étendue de 25 hectares, un charmant chalet contenant sept chambres à coucher de mai- tre, une belle cave, une jolie serre et un clocher. M. Letel- lier est trop occupé dans son étude pour se charger de la culture de toute la propriété; il ne s'est réservé que 8 hec- lares de prés et Lerres, et quatre en pépinières; ces derniers fournissent à eux seuls un produit brut de 8,000 franes, par an. Sa propriété occupant une colline et une vallée, il a pu y créer depuis longtemps un beau parc à l'anglaise, d'où l'on peut jouir d'une vue charmante sur la ville et ses environs. Il a un grand polager et d'immenses serres ou bâches, destinées jusqu'à cette époque à la culture des plan- tes rares; mais comme elles ne trouvent plus un débit avan- lageux , il va y forcer du raison et s’en tenir à la création de boutures enracinées, des plantes les plus recherchées par le commerce de l'horticulture. J'ai vu là en pépinière de ma- gnifiques espaliers de poiriers, qui garniront de suite une étendue d'au moins 2 mètres du mur, contre lequel on les plantera ; ils se vendent 5 fr.; il en expédie en mottes jusqu'à 100 et 120 kilomèt. ; le port et l'emballage à cette dernière distance, en doublent à peu près le prix d'achat. Il vend de fort belles quenouilles depuis 4 fr. jusqu'à 2 fr. 50centimes, suivant leur laille, On peut se procurer ici tous les meilleurs fruits anciens et nouveaux, à des prix très-modérés ; il ne conseille qu'une (rentaine de variétés de poires. — 193 — IL recommande les mèmes variétés d'ormes que M. de Smet, mais il ajoute celui d'Amérique dont il parle très-fa- vorablement ; il les propage aussi par les marcottes. Il' occupe en été dans ses jardins et pépinières douze journaliers et en hiver le double, sans compter les quatre jardiniers. M. Letellier s'est chargé de la plantation de haïes en au- bépines, le long d'un chemin de fer de 55 kilomètres d’éten- due. On lui alloue pour cela 18,000 francs ; mais il n’est pas tenu de remplacer ce qui ne réussira pas ; on n’a pas accepté l'offre qu'il avait faite de s’en charger à raison de 10 pour 100 du capital. M. Letellier a construit plusieurs hangars d’une façon très-économique. Ils sont montés tout en bois; les côtés sont garnis de demi-briques ; le tout est recouvert en paille ; il m'a dit qu'un bâtiment de 8 mètres de large sur 14 de Jong ne lui revenait qu’à 600 fr; un de ses hangars, qui existe déjà depuis assez longtemps, est garni tout autour de paille au lieu de briques, ce qui l'abrite parfaitement de la pluie. Il y a dans cet établissement trois citernes à purin ou vidanges, dont une, qui est voûtée, contient 2,000 hecto- litres; les deux autres sont simplement couvertes d’un léger toit de chaume ; elles contiennent ensemble plus du double de la précédente; ce sont les vidanges, la suie et les cendres de la ville, éloignée seulement de 2 kilomètres, qui, délayées avec des tourteaux, forment un purin assez liquide, avec lequel on irrigue les pépinières, le potager et les prés; la plus grande partie de sa propriété étant placée sur les flancs d’un coteau, M. Letellier s'est rendu maître des nombreuses sources qui s’y trouvent, au moyen de l'assainissement connu de tous temps, qui consiste à faire des rigoles couvertes dont le fond contient des pierres, ou des fagots d'aune, d’épines et de bruyères ; il m'a dit en avoir fait avec des branches il y a quinze aus, qui remplissent encore fort bien leur office; il profite de l’eau fournie par une partie de ses rigoles, pour remplir ses citernes à volonté. Un chimiste de ses amis a composé une liqueur dont quel- 15 — 194 — ques litres versés dans une fosse au moment où on la vi- dange, parviennent à la désinfecter presque complétement ; avant qu'il m'eût parlé de cette découverte, nous nous étions | approchés d'une des citernes pour en examiner Ja construc- tion; elle contenait beaucoup de purin ; il me demanda si je sentais une forte odeur; je lui répondis que non; ep me dit qu'on venait d'y vider 30 hectolitres de vidanges arrivées de la ville le matin. 1 serait à désirer que ce chimiste fit convaitre la composition de cette liqueur désinfectante ; cela rendrait un grand service à l’agriculture en facilitant sin- gulièrement l'emploi des matières fécales pour la fertilisa- tion des terres, M. Letellier vient d'acheter des champs qu'il n’a pas en- core assainis; il compte le faire d'après la mél an- glaise, avec des tuyaux qui lui viendront par le chemin de fer, des environs de Namur où il existe une tuilérie qui en fabrique. M est devenu, comme M. de Bocarmé, membre d'une association qui se forme en Belgique, pour y faciliter l'introduction et l'application du drainage. M. Letellier a fait des essais comparatifs avec Na d'engrais différents, entre autres avec des os broyés; ;ilen a été très-satisfait, mais il est effrayé par la diff de pulvérisation. Je lui ai conseillé de les faire réduire en dres, car le phosphate ne se détruit pas par le feu ; | perd ainsi que la gélatine et la graisse, et l'on assure en An- gleterre, que les cendres d'os produisent d'aussi bonnes ré- coltes que les os réduits en farine ; il est seulement probable que leur effet ne sera pas aussi prolongé ; faute de machines puissantes on ne peut pas broyer les os, mais cette opération est encore fort coûteuse lorsqu'on a les machines, tandis que quelques fagots suffisent pour opérer la réduction des os en cendres. Il n'a pas encore employé de guano, mais va le faire. On construit ici les meules sur un échafaudage peu élevé, de manière à les préserver de l'humidité et à permettre aux chats de passer dessous pour détruire les souris. Afin de se débarrasser de cette mauvaise engeance, on mélange du — 195 — phosphore avec les appâts qu'on étend sur des tartines de pain et l’on détruit ainsi la rataille sans que les chats aient à en souffrir. M. Letellier a acheté pour 2,000 francs il y à six ans, un mauyais pré, d'une extrème humidité; il Fa drainé, puis il a mis un vieux cheval avec un tombereau entre les mains d’un homme, chargé d’aller chercher tous les décombres de bonne qualité qui venaient à être disponibles en ville, et de les transporter sur le pré une fois qu'il était fauché. I est parvenu, de cette manière, à couvrir ce pré de deux cents tombereaux de matières fertilisantes, qui lui ont fait pro- duire depuis lors, 40 pour 100 de son prix d'acquisition et de la somme employée à l'améliorer; on lui en offre main- tenant 5,000 francs, somme qu'il trouve bien inférieure à sa véritable valeur . Les équarrisseurs de ce pays font bouillir les osdes chevaux qu'ils abattent, pour les revendre aux fabricants de noir ani- mal. M. Letellier leur achète les chairs à raison de 5 francs les 150 kilogrammes, et les fait mettre dans ses citernes pour augmenter la vertu de son purin. {l emploie Le sang des abattoirs de la même manière. M. Letellier vient d'acheter des terres fortes et qui sont pleines de fausses sources, car elles sont sur le penchant du coteau; il va les drainer à la manière anglaise et prétend qu'après deux bonnes fumures , qui seront payées ainsi que les frais de culture par les récoltes, elles vaudront plus de 4,000 francs. Il a planté des pommes de terre avant l'hiver et au printemps à côté les unes des autres; elles ne sont pas encore atteintes de la maladie et sont fort belles. J'ai remarqué sur la route une charrette assez fortement chargée de gerbes de froment ; elle était traînée par deux belles vaches ; on voit souvent dans cette partie du Hainaut des attelages de vaches occupés aux travaux de culture , la- bours et charrois. M. Letellier fait faire sa brique chez lui; le mille des grosses briques lui revient à 50 francs 50. C’est 50 centimes — 196 — de plus que chez M. Boel. On voit par là combien on est arriéré sous ce rapport dans le centre de la France, où la petite brique se vend encore 18 à 20 francs sur les bords du Cher et de la Loire, qui amènent pourtant du charbon de terre à fort bon marché, et la grosse y coûte près du double. Toute personne qui veut bâtir dans un pays où la pierre n'est pas abondante, ferait bien de faire venir de Charleroy des ouvriers briquetiers, qui se rendent partout où on les demande pour fabriquer cette marchandise. Je sais que des briquetiers de ce pays se rendent tous les ans dans les environs de Lyon; ils parcourent tout le nord de la France et vont jusqu'aux portes de Paris pour trouver ce genre d'occupation. {1 est naturel que plus ils s'éloignent de leurs pénates, plus ils demandent de façon par mille. Un maitre briquetier du Hainaut, qui vend des grosses briques crues, faites avec sa terre, 4 francs le mille, me disait qu'il se rendrait volontiers dans le centre de la France avec ses ouvriers à ses frais, si on lui en faisait une commande qui en valüt la peine, et qu'il ne prendrait que 6 francs du mille de grosses briques, si on lui fournissait la terre, l'eau et le sable, le combustible pour les cuire et la paille pour les couvrir, en cas de pluie pendant qu’elles sèchent. Il est bon de remarquer, qu'outre l’économie de la façon ou de l'achat des briques, il y en a une très-grande de transport: | Je suis retourné d’Ath à Courtrai chez M. Vanderplancke : nous avons examiné de plus près ses belles vaches ; ses huit bêtes croisées durhams nous ont paru toutes bien marquées d'après le système Guénon, et dans les huit du pays il ne s en trouyait que deux dont la marque ne fût pas satisfaisante; aussi m'a-t-il dit que c'étaient les deux moindres, et qu'il s’en déferait lorsque deux de ses génisses vêleraient. Il m'a fait remarquer une yache croisée qui était fort bien marquée et qui donnait beaucoup de lait, quoique sa mère ne füt pas bonne. Il paraît que son premier taureau durham avait un bon écusson. M. Vanderplancke étant encore nécessaire chez lui Je len- — 197 — demain dans la matinée, m’engagea à aller seul chez un de ses amis, M. Lagaé, bourgmestre de la commune de Heule, à 2 kilomètres de Courtrai, sur la route de Menin. Il est frère du notaire actuel de l'endroit, et lui-même est brasseur et distillateur ; il ne cultive que 8 hectares, et possède en outre 125 ares de prés. Il tient trois gros chevaux à cause de son commerce , six vaches à lait, cinquante à cent gros mou- tons, suivant la saison , pour les engraisser et les vendre à mesure qu'ils se trouvent en état. Il engraisse pendant l'hiver, un assez grand nombre de bêtes à cornes, qui consomment les drêches et les résidus de distillerie , avec des racines et du foin ; enfin il est fabricant de vinaigre de bière... Û Son assolement commence par le froment, lorsque l’exces- sive légèreté d’une partie de ses terres ne le force pas d'y substituer du seigle. Il fume à raison de 60 à 70,000 kilo- grammes de cet excellent fumier de bêtes à l’engrais, pour cette première récolte ; il sème aussitôt que le temps le per- met, en février et mars, 2 kilogrammes 1/2 de graine de carottes par hectare; il faut que la terre soit assez sèche pour qu'on puisse enterrer la graine avec un râteau à bras ; on les arrache assez à temps pour labourer le champ, l'arro- ser de purin et le semer en seigle ; après celui-ci on donne deux labours, une fumure pareille à celle du froment, et on repique du colza, qu'on arrose avec 5 ou 400 hectolitres de purin, immédiatement après l'avoir planté. On sème au printemps des carottes dans le colza, on les arrache à temps pour semer du seigle après avoir puriné; on y sème au prin- temps suivant du trèfle qui est aussi puriné, ensuite du seigle avec purin; après celui-ci, des navets et du purin; ensuite avoine sur 80,000 kilogrammes de fumier; on sème après sa récolte, du colza pour pâture et on finit par le lin, qui ne reçoit que 40 hectolitres de cendres de charbon de terre; si on lui donnait un autre engrais, il verserait. On fait des bet- teraves, des pommes de terre, des panais et de la chicorée en dehors de l'assolement., On peut faire les panais comme les carottes en récoltes dérobées ; ils conviennent surtout pour engraisser des cochons. M. Lagaé et un de ses cousins ont vendu leur lin cette année 4,100 franes l'hectare, et en- core élait-il en parti versé, car il avait été puriné. M dit que ses froments lui donneront cette année de 32 à 35 hectoli- tres, l'avoine 100; les seigles ne sont pas beaux, ils donnent dans les bonnes années 40 hectolitres. M. Lagaé m'a dit qu'il était essentiel de mettre le colza en meules avant de le battre, et de l'y laisser au moins un mois ou six semaines, car cela fait grossir et noircir la graine, la séve qui se trouve encore dans les tiges pouvant, lors- qu'elle est à l'abri du vent et du soleil, monter dans les siliques. Pour faire les meules, on bèche d'abord l'emplace- ment qui leur est destiné afin d'égaliser le terrain, on bat ensuite la terre de manière à la durcir ; on étend dessus une toile à colza et on bat assez de cette plante pour avoir 4 mè- tre 50 centimètres d'épaisseur de paille, qui doit être placée sous la meule. Quand on monte celle-ci, on s'arrange pour que les siliques du colza soient pliées dans l'intérieur ét que les tiges destinées à former la toiture, soient repliées vers la terre, de telle sorte que, la meule étant achevée et son faîte recouvert de paille de grain , toutes les tiges qui se recouvrent les unes les autres et sont inclinées vers la terre, servent de conducteurs à la pluie qui en les suivant ne peut pénétrer dans la meule; mais je pense que pour réussir à bien monter une meule de colza, il faut l'avoir vu faire et mème l'avoir appris. M. Lagaé m'a assuré avoir vu plusieurs fois , lorsque le colza se trouve sec au moment où l'on monte la meule, de bons cullivateurs arroser le colza dans la meule même, pour faciliter l'ascension de la séve jusqu'à la graine. J'étais étonné de voir, en venant de Menin à Courtrai, des récoltes d'avoine si extracrdinairement belles, mais la chose se trouve expliquée par l'emploi d'une dose énorme de fumier telle que 80,000 kilogrammes chez M. Lagaé, 65,000 kilogrammes chez M. Vanderberg. M. Vanderplancke — 199 — me disait dans sa lettre, écrite pendant l'hiver de 4848-4 « L’avoine a besoin d’une forte fumure, principalement #4 tinée à la récolte qui la suit, trèfle ou lin. » En me promenant sur le territoire de la commune ‘d'Heule avec M. Lagaé, j'ai vu souvent des terres très-sablonneuses, d’autres n'ayant que 50 ou mème 15 centimètres de profon- -deur sur un sous-sol détestable, argileux, ferrugineux, ou bien formé d'un mauvais sable blanc ; ces terres sont ce- pendant couvertes de récoltes superbes et louées 400 francs l'hectare; lorsqu'elles sont meilleures elles montent à 120 francs. M. Lagaé m'a fait un grand éloge de l’industrie et de l’activité des fermiers de ces environs, Il a un cousin qui cultive 50 hectares, on ne peut mieux ; il me faisait voir un petit fermier ne cultivant que 18 hectares, qui en avait cette année G en très-beau colza, 2 en superbes payots ; on était en train de récolter ceux-ci en les arrachant, on les liait par petites bottes, qu’on réunit ensuite en les posant debout en rond les liant ensemble, ce qui les empêche de tomber, car les pieds des bottessont séparés lesunsdesautres. M. Lagaé m'a montré les champs d’une autre ferme, dont le fermier avait été domestique; il était si fidèle, si actif et si intelligent, que son maître crut devoir l'aider à s'établir ; il lui prêta quelques milliers de francs, qui lui suffirent ajou- tés à ses économies et à quelques autres mille francs, que le père de M. Lagaé, alors notaire de Heule, voulut aussi lui avancer ; ce brave homme est parvenu avec le temps à rem- bourser les prêts qu'on avait bien voulu lui faire, et main- tenant il est à son aise, et achète du bien de temps à autre. J'ai vu des femmes occupées à sarcler avec leurs doigts, les champs de navets semés en seconde récolte; voici les dis- tances qu'on laisse entre eux, suivant l'époque où ils ont été semés, ou bien l’état de la terre. Ceux de jachère ou qui vien- nent après de l'escourgeon fauché en vert, du trèfle incarnat, ou du lin, sont tenus à 0°,55 de distance ; ceux qui ont été semés après du froment, du seigle ou de l'ayoine, sont espa- cés de 0",18 à 0",22, — 200 — M. Lagaé m'a fait voir une charrue à versoir changeant, dont l'usage est général dans ce pays; elle était faite par un excellent ouvrier et parfaitement ferrée ; elle coûtait 80 fr. au lieu de 60, que les font payer les maréchaux de village. Il m'a fait entrer dans une cabane à lui appartenant , qu'il loue avec environ 10 ares de terres fort sablonneuses , ser- vant de jardin, à un tisserand qui a une femme d'environ trente-six ans et sept enfants vivants ; plusieurs des filles font de la dentelle ; il y en a une, âgée de treize ans, qui gagne 1 franc 80 par semaine, mais il y avait plusieurs petits en- fants mangeant et ne gagnant rien. Ces braves gens, qui ont une excellente conduite et beaucoup d'ordre, parviennent malgré leur lourde charge à se tirer d'affaire; ils payent ré- gulièrement leur loyer de 50 francs, et leur terrain est cou- vert de beaux légumes. M. Lagaé dit que lorsque le lin est fort, il faut le rouir dans de l'eau courante, et que lorsqu'il est faible il faut le met- tre dans de l'eau stagnante, mais alors il n’est jamais si blanc. Il m'a fait voir un fermier encore jeune, qui cultive une douzaine d'hectares avec un seul bon cheval ; il me l'a dépeint comme étant on ne peut plus actif, intelligent et honnête ; il le croit très-capable de bien conduire une ferme d’une centaine d'hectares, s’il possédait le capital nécessaire à pa- reille entreprise; mais il n’a que 5 ou 6,000 francs à lui; sa famille, qui occupe de grands moulins, lui prêtera, dit-on, une quinzaine de mille francs, s'iltrouve une bonne ferme à louer. Un homme comme cela, conviendrait pour améliorer une ferme dans le centre de la France. M. Lagaé m'a fait voir son alambic dont il est très-con- tent ; il est tout en cuivre et lui a coûté 4,000 francs. [I dit qu'un fermier qui veut réussir doit avant tout penser à faire beaucoup de bon fumier, et que la distillation est le meilleur moyen pour arriver à ce but, car on peut alors nourrir et engraisser beaucoup de bétail. Sa brasserie lui vient bien en aide à cet égard ; aussi n'achète-t-il jamais d'engrais quoi- qu'il soit placé à la porte d'une ville. Il emploie ses tourail- — 201 — les ou germes d'orge à fertiliser ses prés; je lui ai appris, que les Anglais en font le plus grand cas pour la nourriture et l'engrais du bétail, qu’ils en donnent même un peu à leurs chevaux et qu'ils les payent 10 francs les 100 kilogrammes. Ce que j'ai vu chez lui et dans son voisinage, et ce qu'il m'a dit m'ont confirmé dans cette idée, que la culture entre Courtrai et Menin est supérieure à celles qu’on voit sur les routes qui vont de cette ville à Tournai et à Oudenarde ; et l’une des raisons de cette différence , c’est que les terres sont plus légères et moins bonnes de son côté, ce qui force les cultivateurs à faire tout ce, qui dépend d'eux, pour réussir. ; Ayant demandé à M. Lagaé combien il faudrait de capital à un fermier, qui entrerait dans une ferme composée d’une soixantaine d'hectares, il m'a répondu qu'il aurait besoin d'au moins 500 francs par hectare. II lui faudrait cinq bons che- vaux, vingt vaches à lait, quelques génisses et veaux, quatre- vingts à cent gros moutons et quatre ou cinq porcs à l'en- grais. [lachètera en oùtre 25,000 kilogrammes de tourteaux de colza, à 14 ou 45 francs les 100 kilogrammes, pour met- tre dans des jus de fumier ou dans de l’eau, afin de suppléer au purin d'urine; 250 à 500 francs de cendre; de la chaux plus ou moins, suivant la nature de sa terre, tout cela les frais de transport non compris. Il lui faut encore pour envi- ron 44 ou 1,500 francs de tourteaux, pour la nourriture de son bétail ; il fera bien d’ajouter à cela du guano, surtout si ses terres sont maigres. Le rendement moyen des récoltes dans ces environs est, pour l’avoine et par hectare, de 55 hectolitres ; du lin vendu sur pied, environ 700 francs ; la graine payera les frais de ré- colte. Le froment, à cause de la légèreté des terres, donnera seulement 25 hectolitres; le seigle qui vient après, 55 hec- tolitres; le colza en donnera 50; le trèfle deux bonnes cou- pes, et les pommes de terre 250 hectolitres. Les prix gagnés par les journaliers diffèrent suivant la qualité et la force des individus ; ils sont de 56 à 72 centimes pour les hommes et — 202 — de 56 à 45 centimes pour les femmes, avec la nourriture, Les cultivateurs gagnent de 80 à 200 francs par an, les servantes de 50 à 420 francs, Parmi les petits fermiers il y en a beaucoup qui n'ayant pas un capital suffisant, sont très-gênés, travaillent beau- coup plus que s'ils étaient domestiques ou journaliers, et sont fort mal nourris ; avec cela ils ont bien de la peine à payer leurs loyers ; un grand nombre finissent par manger ce qu'ils avaient et par rester insolvables ; cela vient de ce que les petites fermes se louent de 50 à 60 pour 100 plus cher que les grandes exploitations; comme les petites propriétés se vendent généralement plus cher que les grandes, les acquéreurs veulent avoir un intérêt raisonnable de leur ca- pital, et ils sont aidés dans leurs prétentions, par la concur- rence que se font le grand nombre de petites gens, qui au lieu de rester journaliers veulent devenir fermiers, sans en avoir les moyens. Les petits fermiers qui ont un capital suffisant, de l'intelligence, de l'activité et par-dessus tout de l’ordre , finissent pourtant par faire leurs affaires et cultivent mieux que beaucoup de grands fermiers; à mérite égal des indii- dus, ce sont généralement les petites fermes qui sont le mieux cultivées et dont les terres donnent les plus CR récoltes. M. Lagaé m'a conduit dans un très-grand établisoemtatt fondé dans la commune de Heule qui compte 5,500 habi- tants; il contient un hospice pour les vieillards et les orphe- lins, une école gratuite pour les enfants pauvres, un pen- sionnat et une école pour les jeunes personnes des familles aisées ; enfin le couvent des sœurs, qui sont chargées de la direction et de l'administration de l'établissement de bien- faisance et des écoles. Le père de M. Lagaé, qui était notaire, avait été le bourgmestre de cette importante commune, de- puis l'an 4799 jusqu'à sa mort, qui est de date assez récente. Etant parvenu à réunir une somme assez considérable à la- quelle lui et sa famille avaient largement contribué, il ob- tint du gouvernement un secours, qui le mit à même de con- La nm — 203 — struire cet hospice, dans un pays où la bâtisse est très-bon marché et où l’on peut fabriquer de la grosse brique à 5 ou 6 francs le mille et la chaux à 60 centimes l’hectolitre; la dépense n’a été que de 24,000 francs. La fille aînée du fon- dateur a pris le voile et est maintenant la supérieure du couvent qui contient dix-neuf sœurs ; elle a eu la bonté de nous faire voir elle-même toute la maison, qui se compose de bâtiments très-considérables. L'hospice contient mainte- nant quarante-deux vieillards des deux sexes et cinquante- trois enfants orphelins garçons et filles ; l'habillement, la nourriture et le blanchissage des adultes, reviennent à 30 centimes par jour et ceux des enfants à 25 centimes. On ne conçoit pas comment on parvient avec une si petite dépense à vêtir, coucher, blanchir, raecommoder, chauffer et nourrir tout ce monde, qui annonce la santé ; c’est réelle- ment incroyable et je ne puis m'empêcher de penser que la supérieure et d’autres sœurs qui ont de la fortune, y mettent de leur poche et n’en conviennent pas; enfin les comptes sont établis sur ce taux. Les enfants pauvres qui reçoivent l'instruction gratuite, sont au nombre de trois cent cinquante- six. Les sœurs qui font les classes, apprennent aussi aux filles à faire de la dentelle; au bout d’un an une petite fille peut gagner de 40 à 20 centimes par jour et au bout de quelques années elle parvient à gagner de 80 centimes à 1 franc. On retient aux orphelines, la valeur de leur nourriture et de l'habillement sur ce qu'elles gagnent, et on place le reste pour leur compte à la caisse d'épargne; on m'en a cité une, qui avait lors de sa sortie de l'établissement , économisé 250 francs. Elles sortent à l’âge de vingt ans. Les jeunes filles de la commune apprennent aussi à faire des dentelles et elles travaillent pour leur compte. Les sœurs suryeillent encore un asile pour les petits enfants, qui ne peuvent encore suivre les écoles. Il y a enfin une pension où vingt-cinq jeunes filles sont instruites, nourries et logées, au prix de 250 francs cha- cune. Il y a en outre cent trente-quatre externes, qui — 204 — payent une certaine rétribution, dont j'ai oublié le chiffre. Les orphelins mâles, arrivés à l'âge de dix ou douze ans, passent dans une partie séparée de l'établissement, où ils sont sous la direction d'un prêtre. Combien il serait à désirer, de voir de pareilles institutions de bienfaisance se multiplier! En France il en existe beaucoup dans les villes, mais les campagnes en manquent absolument. M. Lagaé m'a dit qu'il y avait dans sa commune beau- coup de familles très-misérables, et que la mendicité y était cependant interdite; les habitants aisés se cotisent et ont formé un bureau de charité, qui accorde aux familles, quand des malheurs, des maladies ou autres causes empêchent de suffire à leur existence, des secours en argent, et surtout en pain , proportionnés au nombre d'individus dont elles se composent. - Les fermiers des environs de Courtrai ont un usage qui me paraît très-peu louable : après la moisson, ils font ratisser leurs chaumes au moyen de grands râteaux à bras, et en- suite ils permettent aux femmes de glaner, à condition qu'ils partageront avec elles les épis qu’elles auront ramassés , et quand ils renoncent à faire passer le râteau, ils se réservent les deux tiers des glanes. J'espère que cet usage n'existe que dans cette localité. M. Vanderplanckea bien voulu me consacrer toute PR midi; nous avons parcouru pendant sept heures et à pied, les environs de Courtrai, du côté qui se trouve entre les routes de Gand et d'Oudenarde ; nous avons visité trois fermes : le fermier n'élait pas chez lui dans la première; il est distilla- teur et engraisse du bétail pendant l'hiver ; son logement et ses bâtiments de ferme sont très-bien ; il a un beau jardin po- tager parfaitement tenu et plein de beaux légumes, à son bout se trouvent une plantation d'arbres d'agrément et des fleurs. On me l'a dépeint comme étant fort intelligent et cul- tivant très-bien. Le second fermier, qui est riche, est ama- teur de beaux chevaux de travail; les siens sont fort gras et il en élève, I donne à ses chevaux 1 décalitre d'avoine et — 205 — 4 kilogrammes de pain de seigle; ceux de M. Vanderplancke ont la même ration, mais ne sont pas trop gras, car il les fait beaucoup travailler. Cette ferme , contenant 42 hectares, nourrit cent, à cent cinquante gros moutons et une douzaine de bètes à cornes, parmi lesquelles se trouve un beau tau- reau durham, venant du gouvernement provincial ; il y a aussi une vache de cette espèce , mais elle n’est pas fort belle , et d’après ce que j'ai vu jusqu’à cette heure, je ne crois pas qu'on fasse bien de vouloir faire élever des durhams de pure race chez les simples fermiers, qui n'ont pour cela qu'une vache, la plupart du temps médiocre et de race inférieure; ce n’est pas comme cela qu'on arrive à faire de bons tau- reaux. Le troisième fermier que nous visitèmes avec M. Van- derplancke , passe aussi pour être fort à son aise ; sa ferme est à peu près de même étendue que la précédente ; il a quatre bons chevaux pour sa culture, trente vaches, et fait peu d'élèves ; il vend du lait à la ville, et ne croise pas durham ; la moitié de ses vaches viennent du Furnes-Em- bacht et lui coûtent vers l’âge de trois ans de 200 à 250 fr. Toutes les cultures parcourues dans cette après-midi, étaient bonnes, mais n'avaient rien qui méritât d’être cité particu- lièrement. Les fermes des Flandres sont généralement entourées de larges et profonds canaux, pleins d'une eau stagnante de couleur foncée, qui, m'’a-t-on dit, servent de clôture et mettent à l'abri des malfaiteurs. Les sarclottes ou binettes de ce pays, sont toutes à man- ches de 45 à 20 centimètres de long ; elles ont d’un côté comme trois dents d’un fort râteau et de l’autre une lame triangulaire. Les petits cultivateurs flamands qui n'ont pas même un cheval, ne se servent pas de leurs vaches pour les travaux de culture. Ils en font une partie à la bèche ou à la houe, et font exécuter le reste à prix d'argent. Ils déchau- ment soigneusement tous leurs champs avec de grandes houes plates et légères, dont le fer a de 20 à 50 centimètres de largeur ; ils ne font alors que peler ce terrain; quand la terre ainsi retournée a séché, ils ratissent le champ et en- event les chaumes, apres les avoir secoués pour en faire de la huère. Je suis parti de Courtrai pour Thouroutte ; en descendant de waggon j'ai rencontré cet excellent M. Dieryckx à qui j'avais le projet de faire une visite, mais il partait par ce con- voi pour Bruges avec le professeur d'agriculture de sa ferme- école. Je me rendis chez le docteur Van Oie, secrétaire de la Société d'agriculture ; il m'a fait voir différents recueils pério- diques auxquels cette Société est abonnée; elle en reçoit d'anglais, d'allemands, de français et de belges, entre au- tres le Quarterly review of agriculture, journal de la Société d'agriculture d'Ecosse, qui est un des meilleurs écrits pério- diques en ce genre. Il y a parmi ces messieurs des personnes qui savent l'anglais et d'autres qui parlent allemand. Le docteur m'a fait voir un numéro de mon premier voyage en Angleterre et en Écosse, très-sale à force d'avoir été Ju, I s'est mis à ma disposition pour répondre aux questions, que je pourrais avoir à lui poser plus tard , et pour m'aider dans la recherche de fermiers ou de domestiques agricoles, si j'en avais besoin pour des amis. Le docteur est beau-frère de M. Deghelder, négociant fort intelligent qui se livre par amusement à une petite culture, et que j'avais vu peu de jours auparavant à une séance de la Société d'agriculture. Je me suis rendu chez lui; il m'a reçu à merveille et a eu l'ex- trème complaisance de consacrer cinq grandes heures à ré- pondre à mes incessantes questions et à me détailler au mi- lieu de ses champs sa maniere de cultiver, Son commerce lui laissant fort peu de temps, il ne cultive que pour se dé- lasser de ses autres travaux et ne s'exerce que sur environ 2 hectares 1/2 et son jardin, le tout attenant à sa maison. Son assolement étant partagé en huit années, ne comporte que 50 ares par sole; mais pour éviter à mes lecteurs des calculs, Je porterai ici l'étendue de chaque sole à 4 hectare. Premiere année. — Colza repiqué sur une fumure de — 207 — 71,000 kilogrammes; en mars on lui donne 360 kilogr. de guano de Valparaiso, qui a été mélangé avec son volume de cendres de charbon; son produit moyen est de 42 à 45 hectolitres. On repique fin de mai entre les lignes de colza, du replant de betteraves, dont la semence provient d’une hybridation entre des globes jaunes et des disettes ; | elles sont plantées à 40 centimètres dans des lignes distan- cées par 80 centimètres, On leur donne, après l'enlèvement du colza, un fort sarclage, et l'on place une pincée de guano prise avec trois doigts, dans la ligne entre deux betteraves; ce guano doit être recouvert de terre. Cette récolte dérobée produit ordinairement 75,000 kilogrammes. Si des bette- raves viennent à manquer lors du repiquage, on les rem- place par des rutabagas venus en pépinière. Deuxième année. — On sème fin d'octobre, dans les terres sablonneuses les plus légères, du froment Marygold rouge, qui produit dans ce genre de sol jusqu’à 50 hectoli- tres d’un grain très-beau, fort abondant et très-estimé par les boulangers ; il devient beaucoup moins beau dans les bonnes terres ayant de la consistance, et surtout dans les terres calcaires. On herse deux fois sur le labour avant de semer, et une fois après; la herse est traînée dans cette mi- nime culture, par trois hommes. M. Deghelder sème dans ses terres encore légères, maïs assez consistantes, du froment blanc de Hongrie; son rendement en grains est à celui du précédent comme 7 à 9, et encore son produit en paille n’est pas très-abondant; on roule avec un rouleau fort pesant, surtout en terres légères. On donne en mars 360 kilo grammes de guano à ces froments, à moins qu'ils ne soient trop vigoureux ; dans ce cas on diminuerait ou on suppri- merait cet engrais. Troisième année. — Trèfle semé à‘raison de 15 ou 16 ki- logrammes, auxquels on ajoute 4 kilogrammes de graine de raygrass d'Italie; on sème en mars sur le trèfle, 550 kilo- grammes de guano; ce mélange fournit en trois coupes 150,000 kilogrammes de fourrage vert et donne encore une 308 — pâture, qui dure un mois avant d'être labourée. On a donné un hersage très-léger par-dessus le guano; celui-ci a encore le mérite d'avancer la première coupe de quinze jours ou trois semaines. Quatrième année. — Froment de mars, ou orge cheva- lier, ou avoine printanière grosse blanche pour les terres ayant de la consistance, et l'avoine jaune pour les sables; leur produit est de 30 à 75 hectolitres ; la paille a de 4°,65 à 2 mètres de haut. L'orge chevalier produit de 50 à 70 hec- tolitres ; on lui consacre 5360 kilogrammes de guano ; aus- sitôt que ce grain est en dizains , on laboure en enterrant 71,000 kilogrammes de fumier; on sème des navets qui, dès leur sortie de terre, reçoivent 560 kilogrammes de guano, ce qui empêche les altises de les détruire. [ls produi- sent de 55 à 40,000 kilogrammes. Cinquième année. — Chicorée à café, semée fin d'avril ou commencement de mai; on lui applique de suite 360 kilo- grammes de guano. Il faut 2 kilogrammes de graine; elle produit en moyenne 1,750 francs, mais coûte plus de 1,000 francs en main-d'œuvre, Surième année. — Pommes de terre fumées avec 71,000 ki- logrammes de fumier ; on ajoute, au moment où on les butte, 560 kilogrammes de guano mis par pincées entre les plantes dans la ligne, et recouvert par le buttage qui a lieu deux fois, de manière à produire des billons très-prononcés. M, De- ghelder fait donner à ces billons la direction de l'est à l'ouest. Il plante trois variétés de ce tubercule : 4° la jaune de Flandre, nommée aussi neuf-semaines ; elle n’est pas des meilleures pour la table, et produit de 550 à 400 hectoli- tres; 2° la jaune d'Écosse à petites fanes sans fleurs; elle est plus précoce que la précédente et donne de 300 à 550 hec- tolitres ; 5° enfin la rose d'Écosse qui est moins hâtive et moins productive, mais délicieuse à manger. On arrache les fanes dès qu'on s'aperçoit du moindre signe de la maladie, on place les pieds de chaque côté de la touffe et on tire les fanes à soi, cela empêche les tubercules de sortir de terre; — 209 — grâce à ce procédé, employé depuis quatre ans, on n’a pas perdu de pommes de terre, excepté celles d'un coin du champ auxquelles, pendant les quatre ans, on a laissé leurs fanes, en obtenant toujours le même résultat. Une fois les fanes enlevées on butte de nouveau ; les tubercules ne pro- fitent plus, mais ils ne se gâtent pas. On sème sur les billons du replant de colza fort clair et sans engrais; on l’arrache en septembre et les pommes de terre ensuite. Septième année. — Froment de la variété convenable, suivant la qualité de la terre. M. Deghelder lui donne 360 ki- logrammes de guano en mars; il le fait suivre par de la spergule et de la moutarde blanche pour fourrage, à moins qu'il n'ait semé de l’avoine dans la sole de l'orge; dans ce cas il sèmerait des navets en place de spergule. Huitième année. — Chicorée si le prix de cette racine est. avantageux ; dans le cas contraire, on fait des fèves, ou du pavot, avec 560 kilogrammes de guano; des haricots ou des pois verts pour manger en purée. On peut aussi semer de la cameline, dont la paille a une certaine valeur pour faire des balais ou pour couvrir des toits; elle ne demande pas d’en- grais. M. Deghelder fait un peu de mais et de topinambours, et ces récoltes sont ordinairement prises dans une des soles de chicorée. Il donne de 7 à 8,000 kilogrammes de chaux par hectare, lorsqu'il défriche un gazon, un bois ou une bruyère. Ses terres ont toutes été défoncées avec la bêche à 0",66 de profondeur. J'ai vu chez lui deux espèces de fèves; celle qu'on cultive habituellement dans le pays, a été plantée dans une de ses terres les plus compactes, et a 2 mètres de haut ; elle lui rend ordinairement de 40 à 48 hectolitres ; l’autre, moins haute, à grains ronds, est beaucoup plus grainée. Son maïs a été semé grain par grain dans une pépinière, d’où on le retire vers les premiers jours de juin, lorsqu'il a atteint une longueur d'environ 10 centimètres, pour le plan- ter sur un champ qui vient d'être labouré, après avoir fourni du seigle multicaule ou de l’escourgeon fauché en vert. Ce 15 — 210 — mais repiqué présente généralement plusieurs tiges, quoi- qu'il ne vienne que d'un seul grain ; il fournit plusieurs épis et mürit ici tous les ans. On l'arrose, et une fois que la plante est bien reprise, on lui donne 560 kilogrammes de guano:; ce mais est de la variété dite quarantaine. I se trouve placé à 50 centimètres dans les lignes, qui sont elles- mêmes à { mètre de distance. On a planté vers la fin de juillet entre les lignes de maïs des choux de Milan, qui seront cou- pés à l'entrée de l'hiver, ou pour bien dire avant les fortes gelées, pour nourrir les vaches. Le maïs traité comme cela rupporte de 100 hectolitres par hectare; il sert à nourrir les vol ou, réduit en farine, à faire de l'eau blanche aux vaches et aux cochons; la paille sert de com- bustible. M. Deghelder s’est construit une place à fumier qui a une étendue de 5 mètres sur 5, et dont la profondeur est de 1,50, Elle est couverte en chaume et les côtés du hangar sont fermés, par des claies garnies de paille de colza; le creux est revêtu en briques; le tout a coûté 420 francs. Les fumiers de ses vaches et cochons et les autres immondices y sont portés et mis ainsi à l'abri du soleil et de la pluie; on y enferme les cochons, qui le mélangent en le fouillant ; on l'arrose fréquemment avec les urines et les eaux grasses, qu'on prend pour cet effet dans des citernes. M. Deghelder a quatre vaches, une génisse et un veau; il a en outre deux truies, dont les petits sont vendus avant l'âge de deux mois. En été, il leur donne du vert en com- mençant par le seigle multicaule et l’escourgeon, dont il fait tous les ans 7 à 8 ares; en hiver, on met le soir les ques de colza ou à leur défaut des balles de fre nent, dans un grand tonneau défoncé par un bout, qu'on remplit ainsi à moitié; on les arrose avec de l’eau bouillante, de ma- nière à ce qu'il reste un tiers du tonneau vide qu'on ne cou- vre pas hermétiquement ; le matin on mélange avec son con- tenu 9 kilogr. de farine de tourteaux de lin et 5 kilogr. de farine d'orge, 125 kilogr. de betteraves, ou si ce sont des — 211 — navets on en met 450 kilogr. Ce mélange forme la ration des six bêtes, et l'on en alloue toujours un peu plus aux va- ches qui donnent du Jait : elles reçoivent en outre 4 kilo- grammes de foin pris dans le verger, pendant que les autres n'ont que de la paille de froment ou de fèves, Les travaux de cette petite culture se font par un homme qui est déjà depuis quelques années avec M. Deghelder, et par des gens de journée ; le bétail est soigné par une ser- vante. On bêche la terre destinée aux racines , à 4/2 mètre de profondeur ; les autres sont labourées par un attelage loué. Les sarclages se font autant que possible avec les doigts et sans outils, comme cela est d'usage dans les Flandres, où Ja plus grande partie des terres sont des sables fins; si la terre est dure, on se sert d’une binette, dont le manche n’a que 0",16 à 0",20 de long, pour que l’ouvrier soit plus près des plantes et qu’il puisse employer sa main gauche à les secouer et à les mettre en petits tas, à mesure qu'il les ar- rache. M. Deghelder a un jardin très-bien soigné; il n’a cette maison que depuis quatre ans; les espaliers qu'il y a plan- tés sont cependant déjà en plein rapport et couvrent une bonne partie du mur. Les pêchers sont taillés d’après la méthode de Montreuil. Il fait monter les branches des poi- riers un peu au-dessus du mur. Une haie en ifs a été plan- tée pardlui , avec du plant âgé de trois ans et long de 50 cen- timètres, qui a coûté, à Gand, 45 francs le cent ; elle a déjà atteint plus de 4 mètre de hauteur et forme un bon abri eontre les vents froids d'hiver, dans les temps où les haies d'aubépine sont dépouillées de feuilles. J'ai vu chez lui une plantation d’osier, dont il m'a désigné une variété à lon- gues feuilles comme poussant vite et très-vigoureusement ; elle est cassante et ne convient pas pour des liens, mais elle donne d'excellentes baguettes de vannerie et fournit au bout de trois ou quatre années de très-bons manches d'outils, na- turellement très-ronds , ainsi que doux à la main, roides — 212 — et fort légers. On plante cet osier sur les bords des fossés. M. Deghelder a été le premier en Belgique à former une société pour l'importation du guano ; il connaissait un né- gociant d'Ostende, qui avait été longtemps consul de Bel- gique au Pérou, où son frère est encore fixé; ces messieurs s'associèrent en 1844 pour envoyer dans ce pays un bâti- ment chargé d'objets de chaudronnerie, et qui leur rapporta 100,000 kilog. de guano, dont ilstirèrent de 280 à 500 fr. la tonne de 4,000 kilogrammes. Ils y renvoyèrent depuis deux autres bâtiments, qni prirent leur cargaison complète dans les Îles à gnano du Pérou ; mais ils furent forcés de s'adres- ser aux maisons Anthony Gibbs de Londres et W. Joseph Myers de Liverpool, qui ont acheté au gouvernement péru- vien, le monopole de l'exportation du guano du Pérou et de la Colombie, moyennant la remise du quart du bénéfice net. Maintenant cette compagnie ne permet plus à d’autres bâti- ments que les siens, de charger du guano sur les lieux; elle fait transporter directement en Angleterre, d'où elle en ex- pédie toujours par ses propres bâtiments, lorsqu'elle reçoit une commande d'au moins 100,000 kilogrammes. M. Deghelder, le cédant comme il le fait à 23 francs 50 les 400 kilog. lorsqu'on en prend au moins 4,000 kil., ne gagne pas, mais il croit que beaucoup de marchands qui tiennent cet article, n'y trouvant pas de bénéfice, renon- ceront à en vendre et qu'alors cette affaire pourra re- devenir profitable, Il dit qu'il s'en vend maintenant une énorme quantité en Belgique; un directeur de station du chemin de fer de Bruges à Courtrai déclarait hier devant moi qu'on en transportait une quantité considérable sur ce chemin. M. Deghelder a fait savoir aux cultivateurs des environs, qu'il leur échangerait du froment Marygold contre d'autre, afin de répandre cette excellente variété, qui donne des pro- duits si considérables dans les terres sablonneuses, où l’on u ose ordinairement pas cultiver de froment. I pare ses ouvriers en été 1 fr. 12 et en hiver 90 cent., — 213 — les femmes de 60 à 90 centimes sans être nourris. M. De- ghelder dit qu'on voit quelquefois des fermiers de ce pays possédant un certain capital, se décider à s'expatrier ; il en est parti récemment un pour l'Algérie, un autre pour l'Amérique et un pour les environs de Cambray ; ces gens ne parlent la plupart que le flamand, mais il est rare qu’il n’y ait pas un membre de la famille qui ne sache plus ou moins bien le français. Au moment de monter en waggon, j'ai fait la connaissance de M. Bortier dont j'ai parlé précédemment, et qui se ren- dait comme moi à Bruges; nous montâmes dans la même voiture et le trajet ne me parut pas long, car sa conversation m'a singulièrement intéressé; aussi ai-je peu examiné le pays, qui m'a paru fort bien cultivé et toujours très-sablon- neux. Je me suis rendu le lendemain vers onze heures par le chemin de fer en quarante-cinq minutes à Ostende. A mesure qu'on s'éloigne de Bruges, les terres sablonneuses disparaissent pour faire place à ces fameuses terres fortes et humides, et à ces bons herbages tout semblables à ceux qu’on rencontre entre Furnes et Dixmude; mais la bonne culture cesse aussitôt qu’on y arrive, les avoines ne sont rien moins que belles; dans beaucoup d’herbages les chardons, les ar- rête-bœuf et autres mauvaises plantes, pullulent. Ostende est une jolie ville qui attire beaucoup d'étrangers dans la saison des bains de mer; on dit qu’il y en a plus de trois mille dans ce moment. Je suis allé visiter M. de Knuryt, dont j'avais fait la connaissance l’année précédente au con- grès d'agriculture de Bruxelles, il me reçut fort bien et me retint à diner, ce qui me donna le temps d'apprendre de lui bien des choses intéressantes. Voilà cinq années de suite que lui et M. Vanvolsteme , sont chargés par le ministère de se rendre en Angleterre pour y acheter des durhams, des co- chons des meilleures races et des instruments d'agriculture perfectionnés. En 1845 ils onteu à leur disposition 66,000 fr., qui leur ont servi à ramener une soixantaine de durhams moitié mâles et moitié femelles. La seconde fois ils en achetè- — 24 — rent dix-neuf pour un peu plus de 10,000 francs; l'année d'après, dix-sept bêtes pour 10,000 fr., et enfin l'an der- nier quarante et une têtes pour 25,000 fr. C'est la province de la Flandre orientale qui en a le plus acheté et elle en possède environ quatre-vingts têtes, dont moitié taureaux. Le gouvernement central double la somme, que le gouverne ment provincial destine à cette acquisition. Le ministère a fait acheter, cette année, par ces messieurs, pour 5,000 francs d'instruments araloires, parmi lesquels se trouvent le second en poids, des rouleaux Croskill, le scarificateur de Duey moins la herse de Norwége , la char- rue à versoir changeant de Wilky, deux semoirs à petites graines, un coupe-racine de Slight d'Edimbourg, un râteau à cheval de Smith de Stamford, une machine à concasser la graine de lin et autres grains pour la nourriture du bétail, la grande et la petite charrue à sous-sol, la charrue de Ho ward de Bedford, qui remporte depuis plusieurs années, le premier prix de la Société royale d'agriculture d’An- gleterre; un tombereau écossais avec ridelles coûtant 500 francs, dont la plupart des fermiers de ce pays se ser- vent aussi pour la rentrée des récoltes et qui, n'étant ja- mais attelé que d'un cheval, leur permet d’avoir un tiers de chevaux de moins que les fermes d'importance égale, qui se servent de voitures attelées de plusieurs chevaux. Nous avons en France une partie de ces instruments anglais; mais il nous manque la machine à concasser la graine de lin, les deux semoirs à petites graines, le tombereau à un cheval, le coupe-racine de Slight, qui est meilleur que celui de Gardner, la charrue de Howard et le râteau à cheval de Smith de Stamford, qui est le plus simple et le meilleur connu en Angleterre. Le ministère belge a fait venir d’un autre côté, deux ma- chines à faire destuyaux de drainage coûtant environ 4,000 fr, M. de Kouyt m'a conduit dans un château apparte- nant à un membre de sa famille, qui se trouve dans une commune nommée Ouderbank. On établit une ferme- — 215 — école dans cet endroit et on attend le ministre M. Rogier qui vient pour l'installer. Il y a de fort beaux jardins autour de l'habitation ; on m'a appris là que l’if venait fort bien de bouture et qu'il ne faut que deux ans pour mettre une bou- ture en état d’être mise en place, pour former une haie, Cette commune, qui par ses bâtiments annonce contenir beaucoup d'habitants aisés, possède un hospice pour douze vieillards ; il est dû à une dame qui a laissé 24,000 francs, pour celte œuvre. M. de Knuyt m'a dit qu’on lui laissait, la dernière fois qu'il a été en Angleterre, les durhams pour moitié du prix demandé les années précédentes. Il connaît M. Bates, le fameux éleveur de courtes-cornes ou durhams, et m'a assuré qu'il y avait dans le voisinage un éleveur demeurant près de la petite ville de Stocton, qui a refusé récemment 50,000 fr. d’un taureau, dont le nom est Bellevue. M. de Knuyt m'a conduit dans sa voiture, attelée de deux trotteurs hollandais , à la station la plus voisine du chemin de fer, d’où j'ai regagné Bruges. Je me suis rendu le lendemain chez cet excellent M. Goupy de Beauvolers, à Sainte-Croix-lès-Bruges ; il m'a montré d’abord sa petite culture et de là m'a conduit dans sa grande ferme, où le fermier, M. Verstrate-Lyke, que j'avais déjà visité l'année précédente, m’a fait voir ses magnifiques va- ches hollandaises ; il en a qui donnent jusqu'à 55 litres de lait; elles ont des queues qui déjà à partir des reins sont d’une finesse, que je n’ai encore remarquée dans aucune autre race à un pareil degré. Il m’a dit que pour avoir des génisses prêtes à vèler et du meilleur choix, il fallait les payer de 400 à 450 francs et même quelquefois 500 francs, et qu'on pouvait en trouver de très-belles, deux fois par semaine, les jeudi et vendredi, au marché de Malines. Il fume ses terres à raison de 40 à 45,000 kilogrammes de fumier de bêtes à l’engrais ; il y ajoute encore 150 kilo- grammes de guano, où bien il remplace cette énergique fu- mure, par neuf voitures attelées chacune de quatre chevaux — 216 — ramenant de Bruges des vidanges qui coûtent de 10 à 42 fr. la voiture, Il m'a dit que pour monter une distillerie en état de consommer 4,000 hectolitres de seigle et 4,500 d'orge, il faut y mettre une somme de 15 à 20,000 francs. On peut alors engraisser une centaine de bêtes à cornes par an. M. Verstrate-Lyke a vendu cette année aux cultivateurs de ses environs 400,000 kilogrammes de guano à 26 francs les 100 kilogrammes. Il m'a fait voir un jeune cochon de l'espèce du Derby- shire, du même âge qu'un cochon de la grande espèce du pays qui a été élevé avec lui; ils ont maintenant six mois ; le premier est très-gras et pèse, m'a-t-il dit, le double du second, qui avec la même nourriture est maigre. Cette ferme contient 119 hectares de terres excessivement sablonneuses et dont le sous-sol est un mauvais sable ferrugineux ou blanc ; on y achète pour 8,000 francs de tourteaux de lin, qui avec les racines et fourrages cultivés et les résidus de distillerie permettent d'engraisser deux cents grosses bêtes, ce qui n'empêche pas d'employer beaucoup de guano et d'élever une assez grande quantité de jeunes bêtes à cornes ; on y tient aussi un troupeau de 400 à 150 grosses bêtes à laine. Avec une masse d'engrais pareille, le fermier fait produire à ses mauvais sables de fort belles récoltes en tous genres; ses seigles lui donneront cette année 55 hectolitres par hectare. Les jeunes bêtes et vaches laitières de M. Ver- strate-Lyke, vont dans ce moment 45 août, à la pâture sur les spergules semées fin de mai. Le lendemain M. Goupy m'a conduit chez M. Peers, d'Ost- camp, que nous avions aussi visité ensemble l'an dernier ; il nous a fait voir ses deux taureaux durhams, dix vaches et autant d'élèves de même espèce, ainsi qu'un certain nombre de bêtes croisées durhams. [ fait travailler tous les jours ses laureaux ; aussi sont-ils maigres ; ils reçoivent 8 kilogrammes de farine composée de moitié fèves et orge et du vert. Il a des vaches durhams qui lui donnent de 20 à 28 litres de lait. Il a aussi des cochons essex-napolitains et de ceux du Der- — 217 — byshire. Il vient de faire construire pour 500 francs une seconde place à fumier ; elle est creusée en terre de plus de 1 mètre; son étendue est de 16 mètres de long sur 5 de large ; la charpente qui porte la toiture , dans laquelle se trouve un grenier à grains, est garnie de planches jusqu'à 50 centimètres de la toiture ; il a fait faire ces ouvertures tout autour du bâtiment, afin de laisser échapper les gaz provenant de la fermentation du fumier, et il assure que de cette manière les grains déposés dans ce grenier sont par- faitement secs. Il fait mettre sur ses fumiers le chiendent et les mauvaises herbes qui proviennent des sarclages, les chaumes et herbes réunis par la herse et le râteau à cheval après le déchaumage, opération qui a lieu de suite après la moisson, au moyen d'un labour superficiel, destiné à faire germer les graines de mauvaises herbes, qui se sont resse- mées avant la moisson. Il loge ses élèves de bêtes à cornes dans la nouvelle place à fumier couverte, et les ânes et jeunes cochons dans l’ancienne. Ces différentes bêtes n’en ont ja- mais souffert, quoiqu'on arrose de temps en temps les fu- miers avec du purin; mais on a toujours le soin de recou- vrir de litière, le fumier humide. M. Peers nous a fait voir la machine à fabriquer des tuyaux de Sanders et Williams de Bedford , qui lui est arri- vée tout récemment d'Angleterre; elle fabrique à la fois qua- tre tuyaux de { pouce de diamètre. Elle n’est pas trop fati- gante à tourner, elle n'oblige pas à remplacer l’homme qui lamanœuvre. Comme M. Peers emploie tous ses efforts à faire progresser l’agriculture de son pays, on lui envoie du minis- tère, de temps à autre, des graines anglaises, ou des instru- ments aratoires perfectionnés ; il a reçu ainsi une belle col- lection de froments, dont j'ai vu la première récolte et dans laquelle il y a bien des variétés qui sannoncent à merveille ; on lui a donné dernièrement la charrue à un cheval, dont on peut former une houe à cheval , qui sort de la manufac- ture de M. d'Omalius-d’Anthine. Pendant que j étaischez lui, il a recu une lettre du ministre, qui lui demandait quels se- — 218 — raient les meilleurs livres d'agriculture, pour composer les bibliothèques d'agriculture cantonales, qu'on est décidé d'établir sous peu en Belgique. Il est un des trois proprié- laires de ces environs, qui ont été chargés d'organiser et de surveiller le grand établissement de Russelède, où l'on élè- vera des centaines d'enfants pour l'agriculture, après les avoir retirés des maisons centrales ou prisons, dans lesquelles on les dépose pour des petits méfaits, et où ces malheureux se gangrènent; c'est lui qui, entrainé par son zèle et sa grande activité, s'en occupe le plus; il y va deux fois par semaine malgré les 46 kilomètres qui l'en séparent et sa culture de 150 hectares. M. Peers a luil y a environ huit ans, dans un auteur hol- landais nommé Newman , qu'on peut avoir à volonté d’une vache à lait un veau mâle ou femelle, en la faisant sailliraprès avoir vidé son pis lorsqu'on veut avoir un veau mâle, etau con- traire avee le pis très-plein lorsqu'on désire une génisse ; quoiqu'il n'ajoutât aucune foi à cette assertion, comme cela ne coûtait rien et n'ofrait aucun danger, il l’essaya, et cela réussit toujours depuis, non-seulement snr ses propres va- ches, mais encore sur celles de ses voisins qui en amenant leurs bêtes à ses taureaux, ont voulu en faire l'expérience ; il peut donc assurer que la chose est positive et qu'il n'obtient de ses vaches que des génisses suivant sa convena | des premiers veaux de génisses , sur lesquels sa recette ne peut opérer, puisqu'elles n’ont pas de lait lors de leur pre- mière saillie, Quoique ce fait paraisse fort extraordinaire, je dois le croire quand il est attesté par M. le chevalier Peers, membre de la chambre des représentants belges; et en tous cas on ne risque rien en l'essayant. Les meules de la ferme de M. Peers sont très-bien faites. I m'a fait visiter une double locature, qu'il a fait construire il v a quelque temps; une des moitiés de ce bâtiment se com- pose d'une petite cuisine, trois cabinets, une laiterie, avec une petite grange, deux toits à porcs, une citerne à purin, te- nant 50 hectolitres et des lieux dessus, et un terrain très- — 219 — sablonneux de 50 ares pour jardin ; il loue tout cela 70 francs à une famille composée du mari, de la femme et de six en- fants. Ils ont deux chèvres qu'ils ne peuvent lâcher, plu- sieurs lapines dont ils vendent les jeunes arrivés à leur taille, {fr. la pièce pour êtreexportésen Angleterre. Lepèrea emblavé une partie de son jardin en seigle, dans lequel il a semé des caroltes ; les enfants qui ne sont pas encore en état de travail- ler vont ramasser de l'herbe pour les chèvres et les lapins; ils ont déjà recueilli dans les chemins beaucoup de bousées de vaches sèches et de crottins, qui serviront à fumer leur terre, après avoir été délayés avec de l’eau, dans la citerne, où les eaux d’évier et de lessive et le contenu des vases de nuit sont soigneusement réunis et mélangés pour servir aux arrosements. Les enfants les plus grands arrachaient les chaumes du seigle et les herbes qui s’y trouvaient mêlées ; cela était serré pour servir de litière. Le seigle qui était dans la grange était fort beau , malgré l’extrème maigreur de la terre, qui se trouvait en bruyères au moment où l'on a bâti. Les carottes, les pommes de terre et d'autres légumes aide- ront avec le seigle à la nourriture de la famille; il y a de la chicorée dans le jardin, on en a grand soin, car ses racines produiront le café qui sera bu avec le lait des chèvres. Le père nous a fait voir une nichée de petits lapins sauvages qu'il a trouvés ; il nous a dit que les ayant mis avec une la- pine qui n'avait pas beaucoup de petits, elle les avait adoptés et les laissait teter comme les siens propres. M. Peers forme le plus qu'il peut des composts avec ses fu- miers, qu'on conduit dans les champs où ils doivent ètre em- ployés; on les mélange là avec des vases quand on peut s’en procurer, ou avec de la terre ; on les arrose avec du purin et des vidanges, cela les fait fermenter de nouveau, ce qu'on regarde comme essentiel, afin que leur présence dans ce sol excessivement léger le soulève le moins possible. Il vient heureusement de découvrir une marne argileuse, qui n’était pas connue dans ce pays, et il s’en promet beaucoup de bien pour ses {erres, — 220 — Nous avons visité une de ces petites fermes comme il v en a beaucoup dans ce pays: elle se compose de 5 hectares, loués avec les bâtiments 500 francs ; cette culture se fait au moyen de quatre vaches, dont on en attelle deux alternati- vement, quand elles ne sont pas trop avancées dans leur ges- tation ; il y a en outrecomme bétail une génisse, un veau et deux cochons ; il s'y trouve, comme dans toutes les fermes, une bonne et grande citerne et les lieux dessus; c'est une chose essentielle, sans laquelle on n'aurait pas de belles ré- coltes dans ces pauvres terres. Un fermier qui possède quatre bonnes vaches, pourrait cultiver jusqu’à 40 hectares de ces terres légères. M. Peers m'a montré une variété de carottes qui convient mieux que les autres, pour être semée en récolte dérobée parmi les grains. Ses pommes de terre de Rohan ont moins souffert que les autres, de cette maladie à laquelle personne ne connaît de remède. On paye un premier domestique à l'année, lorsqu'on ne le nourrit pas, 1 franc 10 pendant les jours ouvriers seule- ment, et les autres hommes 1 franc. Ils soignent leur bétail les jours fériés pour rien. Une servante nourrie gagne 70 francs; les femmes de journées de 50 à 75 centimes, sui- vant l'époque. La façon d'un mille de grosses briques est ici de 5 francs 50 ; pour cela l’ouvrier prépare sa terre, moule, fait sécher et cuire; le charbon coûte 1 franc 70 à 2 francs 20 l'hectolitre. M. Peers m'a fait examiner un groupe de mélèzes , pour me faire remarquer que ceux qui ont eu leurs branches cou- pées à 2 pieds du tronc, sont devenus infiniment plus beaux et plus gros que ceux restés intacts. Son frère cadet vient de se faire construire une fort belle habitation, qui lui coûtera plus de 100,000 francs; elle eût coûté davantage , s'il n'eût profité de la stagnation des affaires. Ce château dans le genre gothique est entouré d’un très-beau parc. Les messieurs avaient chacun une avenue plantée en chè- — 221 — nes qui ne prospéraient pas; l'aîné a fait creuser une rigole circulaire à environ 1 mètre 65 centimètres, autour du pied de chaque arbre, il y a fait mettre un mélange de bonne terre et de cendres de bois, et depuis les arbres ont poussé avec une grande vigueur ; il comptebientôt renouveler cette amé- lioration. Son frère a fait défoncer une certaine étendue de terre à 0°,65 de profondeur, entre chaque deux arbres, de chacune des lignes; et celte méthode si différente de l’autre a produit aussi un excellent effet. M. Peers m'a conduit à Russelède, cette magnifique colo- nie agricole dont j'ai déjà parlé. J'avais admiré l’année der- nière les bâtiments immenses, construits il y a dix ans pour une sucrerie et une distillerie de la plus grande dimension ; cette spéculation ayant manqué, les constructions et les 126 hectares de terres, dont une assez grande étendue est couverte de beaux bois, ont été cédés plus tard au gou- vernement pour environ le cinquième de la dépense pre- mière. M. Pool, le directeur, nous fit voir d’abord ses élèves, qui sont vêtus, lorsqu'ils ne travaillent pas, en blouse bleue, pantalon en toile écrue, ceinture en cuir noir, chapeau de paille à larges bords et souliers ; pour le travail, blouse écrue et sabots; ils étaient partagés par bandes, suivant leurs for- ceset leur âge, et occupés de divers travaux agricoles, les uns à sarcler, les autres à piqueter les avoines, d’autres à soi- gner sous la direction d’un jardinier le grand jardin potager, ceux-ci à soigner le bétail ou à charroyer des engrais, ceux- là à faire la lessive, enfin d’autres à préparer le diner de cette jeunesse, qui étant rentrée à l'heure habituelle, midi, prit son repas de bon appétit. On nous fit voir ensuite ce que l’on peut obtenir en si peu de temps par des enfants bien dirigés. Le maître d'école, ar- rivé seulement depuis une quinzaine , a pu amener dans un si court délai cette nombreuse famille, à chanter devant nous avec assez d'ensemble. Un ancien sous-officier encore jeune, qui est ici pour leur apprendre l'exercice, la gymnastique L- — 229 — #4 et le maniement du bâton, est parvenu à les et mème manœuvrer, ainsi qu'à leur faire e pèce d'exercice , où de longs bâtons rempla tout cela est réellement merveilleux, pour les premiers ne sont arrivés que depuis envi et dont le nombre va en s'augmentant chaqu maintenant au nombre de cent seize. On veut en recevoir ici jusqu'à cinq cents, qui coucheront dans deux immenses dor- toirs, où ils seront surveillés par quatre personnes, deux dans chaque pièce. Les lits ont été fabriqués dans la prison de Gand; ils sont tout en fer, fort solides et coûtent 98 fr.; les enfants couchent sur une paillasse. Ts reçoivent tous les jours une heure et les dimanches quatre heures d'instruc- tion. [ls ont trois quarts d'heure de récréation après dîner. On emploie tous les soirs une heure à faire l' exercice et à la leçon de gymnastique. Le personnel se compose jusqu'à cette heure de seize em- ployés qui sont nourris; le directeur sera très-bien logé avec sa famille. L'instituteur en chef aura, m’a-t-on dit, 4,200 fr., les autres personnes ont depuis 200 jusqu’à 450 fr. Comme les logements ne sont pas terminés, le chapelain n’est pas encore arrivé, mais on dit ici tous les dimanches la messe dans la chapelle. La nourriture des enfants ne revient qu’à 21 centimes par jour; ils ont le matin une soupe épaisse avec un très-pelit morceau de pain de seigle fort compacte, mais ayant bon goût ; le son n’en a pas été séparé, mais il a été complétement pulvérisé : on leur en alloue 500 gram- mes par jour. À midi ils ont une forte gamelle d’un potage épais et du pain comme au matin ; à cinq heures, des pom- mes de terre ou une autre soupe; le soir le reste de leurs 500 grammes de pain. La boisson se compose d'eau conte- nant quelques gouttes de vinaigre. [ls n'ont que six minutes pour chaque repas; le benedicite et les grâces se disent en silence avant et après. Un enfant de quatorze ans est le cui- sinier en chef; il a quatre aides et des petits garçons pour peler les pommes de terre. La cuisine et ses ustensiles en — 223 — fer battu sont parfaitement tenus, de même que les salles à manger. Ce sont les enfants qui font le pain et qui blanchis- sent le linge, et tout m'a paru fort bien fait. Ce sont les plus forts de ces garçons qui ont piqueté les 20 hectares de seigle et 8 d'avoine, lesquels, grâce aux vi- danges de la maison de force de Gand, aux boues de la ville de Bruges, à des cendres et à du guano, sont devenus très- beaux, quoique semés dans des sables de bruyères défrichés il y a trente ans et qui ont été fort mal cultivés depuis lors ; mais une bonne partie de ces terres usées à la surface ont une profondeur de 40 à 50 centimètres , dont le dessous est encore du sable de bruyère bien noir, qui pourra produire d’abord deux ou trois bonnes récoltes, en mélangeant du noir animal avec les semences, et à qui la chaux fera ensuite le plus grand bien: Le canal de Bruges à Gand passe à 4 kilomètres de la co- _ lonie et sert à l'apport des engrais dont je viens de parler; on est occupé à créer une bonne route ferrée, pour se ren- dre de la colonie au canal et à la station du chemin de fer. Le sous-sol est formé de sable d’un blanc verdâtre qui a une très-grande profondeur; il contient des pierres faisant effer- vescence dans le vinaigre. Ces sables de bruyères donnent sousce climat humide, lorsqu'ils sont bien fumés tous les ans, des récoltes de tous genresaussi belleset même plus bellesque les meilleures terres, dont la culture n’est pas aussi perfec- tionnée que celle des Flandres. Les trèfles y viennent éton- namment bien ; j'en ai vu hier dont la seconde pousse était fort épaisse et avait de 0",50 à 0*,70 de haut. J'ai vu aussi une avoine haute de 2 mètres, couvrant un trèfle long de 0,50, dans une bruyère nouvellement défrichée et ayant à une petite profondeur, un mauvais sous-sol de sable blanc. Le lin, les carottes, les rutabagas, les navets et les pommes de terre y prospèrent. Le froment et les fèves, qui sont des plantes de terres compactes, y viennent encore fort bien, tant la bonne culture et l'abondance des engrais peuvent modifier les qualités naturelles de la terre. On n’a dit qu’en — 224 — 1850 il y aurait plus de 400 hectares ensemencés dans la culture de Russelède. J'ai été enchanté de la tenue et des produits du potager, qui l’année dernière n'était qu'un champ de sable fort mai- gre el qui est maintenant couvert des plus beaux légumes de tous genres; j'y ai remarqué une planche de tétragone d'une vigueur extrême; elle avait 0”,80 de haut et cou- vrait parfaitement la terre. J'en ai conclu que si le bétail s'en arrangeait comme nourriture et si la graine se repro- duisait facilement , ce serait un fourrage très-utile puisqu'il ne craint point la sécheresse ; j'en ai emporté plusieurs bran- ches pour les offrir aux vaches; deux parmi elles la refusè- rent et une la mangea fort bien ; les cochons s'en régalèrent avec avidité, Ces derniers sont ici en assez grand nombre et de plusieurs espèces, entre autres de celle que les Anglais estiment beaucoup et qui est connue sous le nom d'essex perfechionnée; elle provient du croisement de verrats napo- litains avec des truies anglo-chinoises ; sa couleur est noire, ce qui dans certains pays et entre autres à Paris est un in- convénient , car on en paye la chair 5 centimes de moins. L'espèce blanche du Derbyshire devient plus grande. La colonie possède vingt bêtes à cornes, parmi lesquelles se trouvent deux taureaux et trois vaches de pure race dur- ham. Les taureaux travaillent ainsi que deux bœufs. Il y a six chevaux de culture. Je pense qu’on devrait employer des vaches au labour et même aux charrois, afin d'en donner le bon exemple aux petits cultivateurs du pays, qui auront une grande économie à remplacer un cheval par quatre vaches. Les enfants ont fort bonne mine, mais ils sont générale- ment de petite taille pour leur âge. Plus des deux tiers d’en- tre eux sont Flamands. Le directeur de l'établissement me semble un homme fort entendu et très-bien choisi pour son poste, mais il lui faut un directeur de culture, capable de tirer un bon parti de cette ferme considérable, qui sera d'une grande ressource pour l'existence et l'instruction agri- cole des nombreux élèves de la colonie. M — On va faire construire à vingt minutes de distance de la colonie, une maison consacrée aux orphelines et pouvant contenir quatre cents jeunes filles. Le gouvernement belge a consacré 600,000 francs à ces œuvres si utiles, et l’on es- père que cette somme suffira, pour mettre les deux établis- sements en état de se soutenir par leur travail et les 40 cen- times que les communes payent pour chaque enfant. Cet endroit pèche par le manque d’eau, les puits sont très-profonds et je n'ai pas aperçu de mares. On m'a dit à la colonie, qu’on guérissait radicalement les enfants teigneux, au moyen d'un onguent préparé par M. Geerart, pharmacien, rue des Dominicains, à Bruges. Je me suis rendu à Gand , où j'ai cherché en vain M. Ker- vyn et le baron de Coppens. En venant de Russelède à Ostcamp et de là à Gand par le chemin de fer, on remar- que toujours une bonne culture; on voit de belles récoltes à côté de bruyères, qui attendent le défrichement pour en donner de pareilles, des bois d’arbres résineux et principa- lement des mélèzes qui viennent à merveille, ainsi que les hètres; mais pour obtenir ces bons résultats, il faut absolu- ment défoncer le sous-sol, afin de détruire une couche de sable ferrugineux, qui rend ces terrains imperméables et y interdit complétement la réussite des récoltes ou celle des bois de quelque espèce qu'ils soient. Pour parvenir à ce but, on bèche à 0",65 et même à 14 mètre de profondeur; alors les arbres y viennent comme par enchantement et sans au- cune application d'engrais ; mais ceux-ci sont absolument nécessaires pour les récoltes de grains, racines ou prairies artificielles, qui y viennent très-belles lorsqu'elles sont suf- fisamment fumées. Dans ce pays tout est fait avec soin et réflexion; toutes ces immenses plantations ou ces semis d'arbres verts sont formés en planches bombées qui facilitent l'écoulement de l’eau, par des rigoles plus ou moins profondes, suivant l'humidité du terrain ; les mauvais bois sont défrichés, dé- foncés à au moins 0°,65, mis en planches et replantés si la 45 — 226 — terre n'est pas assez bonne pour être cultivée. TI y a envi- ron cinquante ans, tout ce pays ne formait qu'une vaste et mauvaise bruyère; quand je dis mauvaise je n'exagère pas, car elles sont plus mauvaises que la plupart de celles qui couvrent la Sologne ; celles du Berry valent au moins le dou- ble, sinon le triple. N'ayant rien à faire à Gand je suis parti pour Termonde ; j'ai encore vu de bonnes cultures en terres légères, mais plus de bruyères. Je me suis rendu chez M. Bommier, le juge d'instruction que j'avais rencontré dans mon précédent voyage et que je savais être un amateur zélé d'agriculture. Il habite une charmante maison de campagne dans un joli pare à l'anglaise, situé à peu de distance de la ville; mais il était absent. J'ai parcouru les environs, où j'ai d'abord tra- versé un véritable désert, couvert de monticules de sable, sur lesquels on a établi des moulins à vent; j'ai vu de pau- vres maisons n'ayant que 6 mètres de long sur 5 de large, avec des champs et jardins (rès-mal cultivés; mais malgré cette extrême misère, chaque pauvre hutte avait un tonneau enterré, caché par un double paillasson, et servant de lieux d'aisances. Tous les propriétaires qui louent des maisons à de pauvres journaliers, devraient en faire placer de pareils près des maisons, afin de leur apprendre à conserver ce pré- cieux engrais, qui servirait à fumer leurs jardins et leurs pommes de terre, tandis que faute de ces lieux si faciles à établir, ils salissent et empestent tous les environs de leurs misérables habitations, Un peu plus loin en se rapprochant de l'Escaut , les terres, quoique toujours sablonneuses, ont de la fraîcheur, et sont fort bien cultivées ; on y voit de belles récoltes, mais surtout des chanvres de 2°,30 à 2",60 de haut. Voici l’assolement adopté pour cette culture, dans la commune de Grembergue, près de Termonde. Première sole. — Lin semé sur une application de wvi- danges de 15 hectolitres à une mesure de bonne terre d’une étendue de 15 ares. On sème dans le lin des carottes qui — 227 — donneront environ huit charrettes à un cheval, les feuilles ayant été coupées. Deuxième sole. — Froment qui a reçu une fumure de trois voitures à un fort cheval et 25 hectolitres de vidanges. Troisième sole, — Seigle qui a reçu de trois à quatre voi- tures de fumier et 25 hectolitres de vidanges. On le rem- place par des navets d'éteule, qui recevront 25 hectolitres de vidanges. Quatrième sole. — Avoine sans engrais; on y sème du trèfle, Cinquième sole. Trèfle avec 7 ou 8 hectolitres de bonne cendre de Hollande, payée 1 franc 20 l'hectol., et 23 hectol. de vidanges. Sixième sole. — Méteil avec 30 hectolitres de vidanges. Sephème sole. — Chanvre avec douze voitures à un fort cheval, de fumier de vaches bien nourries, et 95 hectolitres de vidanges. Lorsqu'on loue un laboureur avec son cheval, on lui paye 5 francs 60 pour sa journée; il fait 53 ares de labour. Les journaliers gagnent en été 70 centimes et la nourriture. Les pauvres gens, quand ils ne trouvent pas d'ouvrage à la jour- née, vont sur les bords de l’Escaut, où ils fouillent profon- dément le sol, pour y trouver un sable coloré, qu'ils lavent et conduisent ensuite à la ville sur des brouettes , faisant ainsi bien chargés, au moins 4 kilomètres. Je me suis rendu le soir à Bruxelles d’où je suis reparti le iendemain matin par le chemin de fer, pour la ville de Haale éloignée d'environ 16 kilomètres. Je suis allé chez M. Van- volstem, qui tient avec ses frères une sucrerie de betteraves et une distillerie considérable. Ces messieurs eagraissent chaque année cinq à six cents bêtes à cornes; leurs étables en contiennent près de trois cents à la fois. [ls viennent de faire avec le gouvernement du pays, un marché par lequel ils s'engagent à lui fournir trois cents jeunes cochons, des deux races anglaises essex-napolitaine et derbyshire ; les premiers sont de taille moyenne. Ils ont une belle — 228 — truie de cette espèce, qui pèse, sans avoir été bien nourrie, 150 kilogrammes viande nette, n'étant âgée que d'un an. Les bètes de cette race se vendent ordinairement en Angle- terre, à l'âge de huit mois, pour la charcuterie, et pèsent en moyenne 80 et quelques kilogrammes viande nette; leur cou- leur est noire. Les berkshires arrivent à un poids plus con- sidérable, ils sont complétement blancs. Le gouvernement s'est engagé à payer les petits cochons, âgés de six semaines à deux mois, 50 francs pièce, et à ajouter 10 francs pour chaque mois qu'ils auront de plus lorsqu'il les prendra. On ne nourrit les truies qu'avec des résidus de distillerie coupés de moitié eau, qui leur sont donnés matin et soir, et de trèfle vert à midi, et malgré cela elles deviennent trop grasses, On a établi un jet d'eau , au moyen duquel on arrose les truies, sans les sortir de la petite cour attenante à leur toit. M. Vanvolstem est allé cette année en juillet, avec M. Claes j'ainé, à l'exposition de la Société royale d'agriculture d'An- gleterre qui s'est tenue à Norwick ; ils en ont rapporté diffé- rents instruments aratoires, entre autres une machine à battre portative , de Garret de Saxmundham, comté de Suf- folk, qui remporte depuis six ou sept ans le premier prix ; elle coûte prise sur place avec tous ses accessoires 4,750 fr.; et une paire de roues à moyeux en fonte, de Croskill de Be- verley près Hull, comté d'York, dont le prix est de 450 fr. Ils les ont déjà fait copier ici. Ces messieurs n'ont employé que dix jours à cette excur- sion, qui est du plus haut intérêt pour tout agriculteur, et qui peut se faire pour moins de 400 francs. Cette exposition et ce concours agricoles, tenus chaque année vers la mi- juillet dans une ville anglaise, réunissent ordinairement de sept à huit cents animaux les plus beaux d'Angleterre et de quinze à seize cents instruments aratoires. M. Vanvolstem a importé il y a une couplé d'années, quelques bêtes de race dishley qui se sont accrues au nombre de quarante ; il vend les toisons à une filature du voisinage, — 229 — celles des brebis à raison de 12 à 15 francs, celles des béliers antenois jusqu'à 25 francs. Ces animaux sont en liberté dans un clos gazonné où se trouve leur bergerie, ainsi qu’une meule de foin montée sur des piliers, à la hauteur voulue pour qu'ils puissent se mettre dessous quand il fait trop chaud et s’y frotter le dos contre la paille qui garnit la base de la meule, lorsque les mouches les tracassent. Ces messieurs achètent les jeunes taureaux de pure race durham qu'ils peuvent se procurer et ont fait connaître par des insertions dans les journaux d'agriculture, que les per- sonnes qui voudraient en vendre, n'auraient qu'à leur écrire. Ils élèveront ces jeunes bêtes d’une manière conve- nable pour en faire de bons taureaux ; le contraire arrive chez presque tous les fermiers ou cultivateurs de Belgique, qui ne comprennent pas encore tous les soins que mérite et que demande une race si précieuse, et que c’est surtout dans les premiers dix-huit mois que les jeunes animaux doivent être abondamment nourris. J'ai quitté M. Vanvolstem, très-reconnaissant de son bon accueil et enchanté de ce que j'avais vu chez lui, pour me rendre à 2 kilomètres de là chez MM. Claes de Lembeck ; je les ai trouvés comme l’année dernière très-occupés de leurs im- menses exploitations de distillerie et sucrerie, mais ayant un surcroît d'occupation, par suite des expériences du procédé de Melsens qui se font chez eux, où j'ai vu l'inventeur. La grande commission française et belge chargée d'examiner ce pro- cédé, doit se réunir à Lembeck mardi prochain 28 août. J'ai profité de cette occasion pour demander à M. Paul Claes, s’il connaissait les procédés de fabrication de sucre de M. Mel- laerts de Saint-Tron; il m'a dit qu'il les avait adoptés et que ce sucrier était le plus avancé qu'il connût ; il a ajouté qu'il avait appris beaucoup de lui et qu'ils avaient récipro- quement fait des échanges de méthodes, de procédés et de connaissances, qui leur permettaient d'obtenir jusqu'à 8 et 9 pour 400 du poids des betteraves, en sucre. Ces messieurs font avec 7 millions de kilogrammes de betteraves, dont \ — 230 — moitié provient de leur culture, 600,000 kilogrammes de sucre. J'ai trouvé chez MM. Claes la machine à faire des tuyaux de Weller, surpassée depuis par celle de Whitehead, qui a gagné en 1848 et 4849 le premier prix de la Société royale d'agriculture d'Angleterre. J'ai encore vu chez eux le rouleau Croskill du second poids. Les étables de ces messieurs ne sont encore qu'à moitié remplies; ils payent les vaches pour l'engrais de 400 à 300 francs; les plus chères arrivent au poids de 400 kilog. viande nette. Is ont de belles génisses de deux et d'un an, et neuf veaux croisés durhams. Ils ont un beau taureau, quelques vaches et élèves de race durham. Ils préparent deux jeunes bœufs croisés durhams âgés de deux ans, pour le concours. Ils ont plusieurs bôtes croisées à l'engrais et font ne A bœufs demi-durhams; ils en sont fort contents. Ils ont de superbes froments semés au semoir avec moins de 4 hectolitre par hectare; ceux qui ont été semés à la volée sont très-versés. J'ai rencontré chez ces messieurs deux colons de la Jamaïque, qui y étaient venus pour s'en- quérir du procédé Melsens. J'ai repassé par Bruxelles pour retourner à Gand, et j'ai profité d'une heure que me laissait le départ du convoi, pour visiter le musée d'agriculture, J'y ai vu bien des instruments aratoires anglais et belges, que je serais fort content de rencontrer au Conservatoire des arts et métiers de Paris; mais il y en a encore beaucoup de très-bons en Angleterre’et en Écosse, qui manquent dans ce musée comme dans le nôtre et qu'il serait fort utile d'y mettre; leur vué empêcherait sans doute nos fabricants, de vouloir inventer des objets qui existent et qui valent infiniment mieux la plu- part du temps, que leurs inventions ou perfectionnements. La ville de Gand est fort grande et a de beaux monuments; son hôtel de ville est fort remarquable; le palais de justice qu'on achève m'a paru d’un bon style. Le béguinage est une — 231 — institution des temps anciens, qui mérite qu'on la visite. Il y à un beau jardin de botanique. On vient de construire un entrepôt considérable sur les bords d’un large et profond canal, qui rejoint l'Escaut à 28 kilomètres de là et qui porte des bâtiments marchands d'un assez fort tonnage. J'ai re- marqué là un très-grand tas de sacs contenant du prétendu guano, qui, je pense, ne servira pas à propager cet excellent engrais et ne satisfera pas les personnes qui l’achèteront. La culture des environs de Malines est bien plus perfec- tionnée que celle des terres qui entourent Bruxelles, mais celle que j'ai vue entre Gand et Anvers m'a paru encore bien supérieure, quoique les terres, jusqu’à l'approche d’une grande commune du nom de Bévern, soient des sables sans consistance et naturellement très-maigres; elles n’en sont pas moins couvertes dans ce moment de fort belles récoltes de tous genres, mais surtout de racines et fourrages , sans lesquels on ne pourrait obtenir l'immense quantité de fu- mier, qui dans un sol pareil est nécessaire pour produire de semblables récoltes. Les terres y sont fort rarement cultivées en planches, et lorsque cela arrive les rigoles entre les plan- ches ne sont pas ruchotlées, mais seulement vidées à la charrue. Les champs sont généralement carrés, mais de pe- tite étendue ; ils sont élevés dans le milieu et vont des quatre côtés en pente, jusqu'aux fossés qui entourent le clos ; ceux- ci sont garnis de haies d’aunes et bordés par des blancs de Hollande ou d’autres arbres généralement de taille moyenne; je suppose que les propriétaires connaissant le mal considé- rable causé par les gros arbres aux récoltes qu'ils avoisinent, ont soin de les couper à l’époque où ils peuvent être em- ployés comme bois de charpente. Avant de quitter le territoire de la commune de Bévern en se rendant à Anvers, on traverse une grande digue deve- nue probablement inutile, car elle est coupée dans bien des endroits ; on entre alors dans une contrée formée de terres excellentes, mais très-humides ; les fréquents fossés qu’on y remarque sont pleins d'eau, dont le niveau est inférieur à — 232 — lu surface de 33 centimètres tout au plus. Aussi les récoltes x sont-elles généralement beaucoup moins belles que dans les sables maigres des environs de Saint-Nicolas. Je suis arrivé à Anvers encore à temps pour parcourir la ville et ses magnifiques bassins, mais ils sont loin d'être aussi bien garnis de bâtiments que ceux du Havre; parmi ceux qu'on y voit, les plus remarquables sans contredit sont les américains, ils y sont aussi en grande majorité. Je n'en ai vu à mon grand regret que trois ou quatre sous pavillon français, et un assez grand nombre d'anglais. Le lendemain matin de bonne heure, j'ai repassé l'Escaut pour me rendre à Bévern ; cette petite ville est située dans un pays de terres légères mais très-fertiles et supérieurement cullivées. M. le comte Charles d'Hâne, à Gand, m'avait in- diqué un monsieur habitant toute l'année cet endroit, comme pouvant m'aider dans mes études agricoles ; quand je me suis présenté chez lui on m'a dit qu'il n’était pas en- core levé; je fus donc déjeuner dans un café, ensuite je par- courus la ville qui borde principalement la route de Gand à Anvers ; elle est bien bâtie, même dans les quartiers pau- vres. Il s'y trouve beaucoup de fort belles maisons entourées de jardins considérables, je suppose qu'elles sont en partie habitées l'été par des négociants d'Anvers. Il y a un hôpital et une prison, et au bout de cet endroit, du côté de Gand, j'ai remarqué un superbe bâtiment de construction récente qu'un abbé qui venait à passer, me dit être un hospice pour les vieillards et une école pour les filles et petits enfants ; il poussa la complaisance jusqu'à me procurer de suite une sœur pour me guider dans la visite que je désirais faire à cet établissement. Or cet abbé était M. le curé de Bévern lui-mème, aux efforts persévérants duquel cet hospice devait son existence, car il a quêté pendant bien des années, des souscriptions et des aumônes, avant de réunir le capital né- cessaire pour ces constructions considérables et pour fournir une partie des ressources nécessaires, à l'entretien de ses habitants. I sy trouve cent quatre-vingts lits occupés par — 233 — seize sœurs et par des vieillards incurables ou infirmes, qui viennent de la ville ou de ses environs. Les salles sont très- belles, bien éclairées et aérées; les lits en fer garnis de tôle; les rideaux blancs comme la neige ; chacun son vase de nuit en étain, reluisant comme de l'argent. Neuf sœurs sont oc- cupées de l’hospice et sept de l’école ; elles apprennent aux jeunes filles, en sus de l'instruction ordinaire, à faire de la dentelle qui se vend bien en Hollande. On en fait dont le prix arrive jusqu’à 50 francs l’aune. Après avoir visité et admiré ce bel établissement, si bien dirigé, je retournai chez mon monsieur, qui n’a pu me donner aucun renseignement sur la culture, ni même m'in- diquer un fermier des environs sachant assez de français pour m'en entretenir. Je fus forcé de retourner au chemin de fer pour y attendre un convoi qui pût me conduire à Saint-Nicolas. Ce brave monsieur me dit qu’il avait été élevé avec ses frères, du temps de l’empire, par un précepteur sans sortir de la maison paternelle, qu'il n’a pas quittée de- puis lors; il paraît que cette éducation et ce genre de vie casanier n’ont pas beaucoup développé son intelligence ni son goût pour l'instruction. Je me suis promené dans les environs de la station du chemin de fer, en attendant le convoi qui devait m'emmener. J'ai vu de jolies maisons de ferme, dont les volets et les por- tes sont peints en couleurs vertes et blanches, les murs re- crépis à neuf, les jardins soignés et fleuris, les cours bien rangées, les meules de bois de chauffage et de fagots cou- vertes en paille de colza ou de cameline ; on estime particu- lièrement cette dernière plante pour former des toitures, mais son produit est peu abondant et les tourteaux qu’on en tire sont une espèce de poison pour les animaux; ils ne conviennent que pour fertiliser les terres. J'ai vu un homme labourer avec une charrue de grandeur ordinaire, qui n’était attelée que d’un bon cheval; il labou- rait superficiellement, mais son cheval marchait très-vite. Étant arrivé à Saint-Nicolas, j'ai eu assez de peine à ap- — 234 — prendre le nom d'un fermier sachant le français ; je pris ensuite un guide qui, ne connaissant pas l'endroit où nous allions, s'est plusieurs fois trompé de chemin ; nous avons cependant fini par trouver la ferme que nous cherchions, et quelque temps après arriva la seule personne qui dans la maison sût le français ; c'était un des quatre fils, qui avait été plusieurs années garçon pâtissier à Paris et que notre révo- lution avait fait retourner à son premier état. Le nom de cette famille est Vandenheude, fermier au Kuildam ; le père occupe une ferme de 15 hectares, Il a deux chevaux de moyenne taille; l'un, âgé de quatre ans, est estimé 550 francs ; le second est une belle jument qui provient d'un étalon du gouvernement, elle a cinq ans et vaut 750 francs. Il à huit vaches et deux élèves, enfin quatre cochons à l'en- grais, qui ont coûté ensemble, lorsqu'ils n'avaient que deux mois, 72 francs. Deux d'entre eux sont de l'espèce du pays et pèseront étant bien gras environ 200 kilogrammes chacun, les deux autres sont de la race du Berkshire; ils pèseront un quart de moins, mais ils auront mangé moins longtemps et moins abondamment que les précédents ; aussi cherchera- t-on dorénavant, à s'en procurer de préférence à d'autres. Les terres se louent de 100 à 200 francs suivant leur qualité. L'assolement est comme suit, Première année, pommes de terre avec soixante fortes voitures de fumier à deux chevaux. Deuxième, froment avec fumure de trente voitures. Troisième, lin avec vingt-cinq voitures de fumier. Quatrième, trèfle avec purin. Cinquième , froment puriné; si les terres sont très-légères on sème du seigle en place du froment, et l'on y sème aussi des carottes ; l’année sui- vante, de l'avoine fumée ou du sarrasin sans engrais. Les récoltes encore sur pied sont superbes. Les meules sont remarquablement bien faites dans cette ferme; on les a parées à l'extérieur, dès qu'on les a termi- nées, avec un volant bien aiguisé ; cela a pour but de faire tomber sur un drap qu'on étend au pied de la meule, tous les épis qui sortent des gerbes et qui sans cela eussent — 235 — été perdus. Pareille chose se fait aussi en Angleterre. Ce sont les gens de la ferme qui couvrent leurs meules et il ne faut qu'une demi-journée d’un homme et d’un enfant, pour terminer cette opération. Les haies sont formées avec des houx et sont parfaitement taillées ; les charrues sont ce que nous nommons le bra- bant. Ces braves gens m'ont indiqué un ancien sergent de la garde impériale, comme cultivant une petite ferme de l’autre côté de la ville, et qui parlant français pourrait me donner des détails sur la culture du pays. Mon guide m'’ayant quitté à mon arrivée dans la première ferme, j'ai eu beaucoup de peine et de chemin à faire pour trouver la seconde, et j'ap- pris là que ce brave sergent étant âgé de soixante-deux ans, s'était retiré en ville pour se reposer de ses travaux ; je fus l'y trouver. Il me raconta qu'ayant été fait prisonnier de guerre dans la retraite de Moscou, il lui en restait des infir- mités qui l'avaient forcé de renoncer à sa petite culture, laquelle se composait de 5 hectares. Il avait un bon cheval, quatre vaches et deux élèves, enfin quelques cochons, ce qui ne l'empêchait pas d'acheter encore beaucoup d'engrais. Son logement, l'ameublement et la mise de cette famille, annonçaient beaucoup d'aisance. J'ai admiré les beaux jeunes arbres qui bordent les champs sablonneux de ce pays et surtout les chênes, très-élevés, à écorce lisse et parfaitement droits. Les plantations gagnent singulièrement au défoncement à la bèche à 65 centimètres de profondeur, en usage dans ce pays comme préparation à la récolte des pommes de terre, et qui a pour objet de ra- mener à la surface la terre enfouie six ans auparavant, de manière à pouvoir semer tous les six ans du Jin dans le même champ, mais dans une couche de terre qui n’en avait pro- duit que douze ans auparavant. La ville de Saint-Nicolas est bien bâtie et fort propre, elle contient un vaste hôpital et un hospice ; au reste il paraît qu'il en est de même dans presque toutes les fortes commu- — 236 — nes des Flandres. I y a plusieurs grandes manufactures ; on entend tisser dans beaucoup de maisons. Je suis retourné à Anvers, regrettant de n'avoir pu, faute de savoir le flamand, obtenir des renseignements plus cir- constanciés sur la culture du pays de Waes, qui passe gént- ralement et à juste titre pour la plus perfectionnée de toute la Flandre. Voici pourtant un détail plus complet et plus circonstan- cié, d'un assolement en usage dans les environs de Saint- Nicolas, que je trouve dans les notes prises sur les lieux, dans un précédent voyage , que j'ai fait en 1859 en Bel- gique. Première année, on bôche le terrain à 65 centimètres de profondeur, on fume pour pommes de terre à raison de quatre-vingt-dix voitures à deux bons chevaux ; quand elles sont hautes de 4 pouces, on les arrose avec 250 hectolitres de purin, ou de vidanges allongées d'eau. Deuxième année, froment sur soixante voitures de fumier, dont moitié de fumier de mouton, si on a un troupeau ; on enterre ce fumier de 10 centimètres, on herse, on sème 2 hectolitres de froment, on recouvre par deux coups de berse, ensuite on piétine tout le champ, pour donner un peu de consistance à cette terre si légère ; on sème au prin- temps sur la neige 6 livres de carottes ; ou bien après la ré- colte du froment 2 livres de navets sur un labour très-super- ficiel, fait avec une charrue à un cheval, et on arrose avec 250 hectolitres de vidanges. Troisième sole, lin, qui reçoit vingt-cinq voitures de fu- mier; on y sème du trèfle à raison de 48 kilogrammes ; semer le trèfle par un temps couvert sur terre fraîche et jamais par un temps sec , c'est très-essentiel. Quatrième sole, trèfle qui reçoit 60 hectolitres de bonnes cendres de Hollande , à 4 franc le sac; on le fauche trois fois. Cinquième sole, seigle avec 100 hectolitres de purin si le trèfle a été très-beau ; dans Je cas contraire on fume pour le A — a — — 231 — seigle avec trente voitures de fumier et l’on donne aussi le purin. Le labour n'a dû être donné qu’à une petite profon- deur, le purin répandu sur le premier coup de herse; on sème 1 hectolitre et 2/5, on herse deux fois, ensuite on pié- tine si la terre est légère. Après que le seigle a été enlevé, on laboure à 5 centimètres de profondeur et l’on sème des nayets qui sont arrosés de purin. Sixième année, avoine; on fume avec trente voitures à deux chevaux de fumier de mouton si c’est possible, sur un labour superficiel après lequel on a bien hersé et ensuite en- levé les mauvaises herbes ; on sème l'avoine sur ce hersage en février si l’on peut et le plus tard dans le commencement d'avril, on répand le fumier par-dessus la semaille et on l’en- terre par un labour, qui ne doit guère mettre que 5 centi- mètres de terre par-dessus le fumier. Cela se fait avec une charrue attelée d’un cheval. Si on semait le trèfle dans l’a- voine au lieu de le faire dans le lin, on l’enterrerait au râ- teau au lieu d'employer la herse ; six hommes feront cette besogne en un jour. L’assolement est ici à son terme et recom- mence. : Dans quelques fermes on le prolonge encore de deux ans. Septième année, colza repiqué sur une fumure de soixante voitures de fumier, avec un arrosement de 200 hectolitres de purin ; il est suivi de carottes, auxquelles on donne encore 150 hectolitres de purin. Huitième année * on finit alors par un seigle sans fumure, qu'on a labouré à 50 centimètres de profondeur ; après avoir hersé on lui donne 200 ou 250 hectolitres de vidanges; on sème, on herse deux fois et on piétine ; on prend après cette récolte des navets, qui reçoivent encore du purin. Je suis parti le lendemain matin pour Brasschapt , terre du comte de Baillet, à15 kilomètres d'Anvers sur la route de Bréda. Il était absent, mais ces dames eurent la bonté de me recevoir et de m'expliquer une partie des immenses travaux exécutés dans ces déserts par M. de Baillet, depuis environ dix-huit ans qu'ila fait cette acquisition. Elles me donnèrent — 238 — le garde pour me faire parcourir la propriété, et voici le résumé de ce que j'ai vu et entendu. Le château existait entouré d'un potager et d'un certain uombre d'hectares de semis de pins, faits sur un simple la- bour, La ferme se composait d'une vingtaine d'hectares de bruyères défrichées; le reste de la propriété, qui aujourd'hui se trouve portée par des acquisitions postérieures à plus de 600 hectares, ne se composait que de bruyères en général d'une apparence peu encourageante, M, de Baillet a dé- friché plus des trois quarts de cette étendue considérable , et mème les semis de pins qui ne prospéraient pas, parce que le terrain n'avait pas été défoncé de manière à détruire dans le sous-sol, une couche plus ou moins épaisse dé sable ferrugineux qui s'y trouve; il y a des endroits où l’on a été obligé de creuser jusqu'à 1°,50 de profondeur; mais en gé- néral un défoncement de 0°,65 fait à la bôche, suffit pour enterrer le gazon à environ 25 ou 50 centimètres sous le sa- ble noir de la surface, et pour ramener en dessus cette cou- che de sable ferrugineux , qui lorsqu'elle se trouve dure et comme pierreuse, se délite et tombe en poussière par les ge- lées et degels. Ce sable de couleur brune ou de rouille est, dit-on, fertilisant une fois qu'il est désagrégé et mélangé avec le sable de la surface. Ces défrichements ont été cultivés pendant quelques an- nées, au moyen d'une quantité considérable de fumier pro- duit par un camp formé dans une partie de la propriété, où legouvernement a fait construire une maison assez jolie, pour loger le major commandant la batterie d'artillerie, détachée ici pendant la bonne saison pour y faire ses manœuvres et son école de polygone. 11 y a des maisons pour loger les offi- ciers, des baraques pour les artilleurs, une maison où se pré- parent les repas, des cantines et des logements pour les can- tinières , enfin des écuries pour deux cents chevaux et un magasin à poudre. Le loyer de l’espace consacré au camp, se compose d'une somme de 500 francs et de tout l’engrais qui y est produit; M. de Baillet porte à 4,200 francs la va- — 239 — leur de cet engrais. Les fumiers sont déposés au sortir des écuries, dans des fosses où on les couvre avec le meilleur sa- ble qu’on peut se procurer ; ils ont servi jusqu'à cette heure à fertiliser les terres et prés de la réserve du château, qui ont fourni cette année soixante voitures d’excellent foin, et cinq fermes de différentes grandeurs ; mais la plus grande partie des défrichements a été semée en pins sil- vestres sur des planches bombées et de 4 mètres de lar- geur. On recreuse de temps en temps les raies qui séparent ces planches pour assainir davantage le terrain et afin de recouvrir de terre, les aiguilles des pins qui couvrent le sol, ce qui empèche les habitants de s’en emparer pour en faire de la litière et étouffe la bruyère ou les mauvaises herbes, qui voudraient envahir la place. Cette opération a encore pour résultat de favoriser la végétation des pins et d'améliorer le sol, pour l’époque où les pins seront arrachés et le terrain re- mis en culture. M. de Baillet a fait construire une auberge assez considé- rable, et des maisons qu'il a louées au boulanger, au maré- chal, au charron, à un menuisier et à des journaliers. On construit dans ce moment une chapelle et à côté une maison d’école qui sont devenues nécessaires, car la population ar- rive, dit-on, à mille âmes. - Comme je désirais visiter une terre considérable apparte- nant à MM. Jacquemyns et Vortman de Gand, qu’on m'a- vait dit être à quelques lieues plus loin, ces dames m'en- gagèrent à profiter d'une diligence qui allait passer et à revenir le lendemain, car alors je trouverais M. de Bail- let et je pourrais obtenir de lui des renseignements plus cir- constanciés. Je suis donc parti vers une heure pour me ren- dre à Groot-Zunder, bourg sur le territoire hollandais ; ar- rivé là, j'eus bien de la peine à faire comprendre que je vou- lais me rendre chez M. Jacquemyns, qui faisait de grands tra- vaux de défrichement. Un individu qui parlait français, mais qui était à moitié ivre, me dit que cet endroit était à plu- sieurs lieues de là et que si je voulais l’attendre il m'y condui- — 240 — rait, parce que c'était à peu près surson chemin ; mais comme il continuait à boire et paraissait peu pressé de partir, une autre personne qui ne savait pas un mot de français, me fit proposer de me conduire; j'acceplai, et au bout d'un quart d'heure j'entrais dans une ferme et me trouvais en présence d'une dame qui ne parlait que le français; c'était la femme d'un commerçant des environs de Saint-Quentin nommé M. Michaut, qui en voyageant pour ses affaires s'était décidé, tenté par le bon marché des terres, à acheter là une éten- due d'environ 400 hectares de bruyères pour un peu plus de 50,000 francs. Il y avait ajouté une petite ferme assez bien bâtie, peu éloignée d'un de ses deux grands lots de bruyè- res, afin de se loger avec ses gens et ses attelages. Madame Michaut me reçut fort bien, et me dit que son mari allait bientôt rentrer; il revint en effet au bout de peu de temps et m'apprit qu'il connaissait la terre de M. Jacquemyns, qu’elle était à environ 12 kilomètres de chez lui et qu’il m'y con- duirait le lendemain dans son cabriolet ; j'acceptai avec re- connaissance sa proposition et l'hospitalité pour cette nuit; nous profitâmes du reste de la journée pour visiter ses dé- frichements les plus rapprochés. Ce que nous vimes se com- posait de mauvaises bruyères dans un sable noir de 15 à 20 centimètres d'épaisseur , posé sur un sous-sol ferru- gineux, mais qui n'est ni dur ni aggloméré. M. Michaut n'étant pas cultivateur s’est adjoint un ancien fermier de son pays comme régisseur ; ils font verser la bruyère à 15 centimètres de profondeur, avec un brabant attelé de deux bons chevaux , et font suivre dans la raie une charrue à sous-sol, qui entre à 20 ou 25 centimètres , et remue le . fond jusqu'à 55 ou 40 centimètres. Ils ont déjà retourné ainsi plus de 250 hectares. Une douzaine ont été défoncés à la bèche à la manière du pays; c'est bien la meilleure, mais elle a l'inconvénient de coûter 100 francs par hectare, ce qui n'est assurément pas cher pour cet excellent travail; car ce terrain étant ainsi défoncé à 0,65, le gazon de bruyère se trouve parfaitement recouvert de terre, ne peut repousser | | — 211 — et fertilise le sol en s'y pourrissant. Le régisseur a semé de suite une trentaine d'hectares des plus mauvaises parties en pins, qui lèvent ; ce sont des monticules de sable blanc, qu’un vent un peu fort emporte ; ce qui ressemble parfaitement aux dunes que j'ai traversées entre Abbeville et Boulogne ; on ne peut rien voir de pis en fait de terre. M. Michaut m'a dit que l’autre moitié de son acquisition était incompara- blement supérieure à celle que je venais de visiter. Ces messieurs ont fait venir des boues de rue de Rotter- dam à Bréda par bateau, et depuis là chez eux par voiture , soit à 20 ou 24 kilomètres, suivant le plus ou moindre éloi- gnement des terres, ce qui porte le mètre cube de cet en- grais à 7 francs rendu dans le champ; ils ont fumé ainsi une vingtaine d'hectares à raison de 40 mètres cubes, ce qui n’est pas moitié assez pour les pommes de terre, dont ils ont planté 12 hectares ; le reste est en pois et vesces, en avoine et en sarrasin ; cette fumure leur coûte donc 280 francs par hectare; pour cette somme ils auraient pu avoir 1,000 kilo- grammes de guano rendu sur place, qui eussent assurément donné une récolte au moins quadruple de celle que j y ai vue en pommes de terre. Nous en avons arraché plusieurs pieds et nous avons remarqué que les jaunes étaient très-petites, mais qu’une variété hâtive et de couleur rose, apportée de Saint-Quentin, était bien garnie de gros tubercules, qu'on dit excellents à manger. Les avoines sont assez belles pour avoir été semées si tard ; le sarrasin est fort beau, mais les pois fourrage ne valent pas grand'chose. Si ces messieurs eussent connu le bon effet que produit dans les bruyères dé- frichées le noir animal, lorsqu'on le mélange à raison de 450 litres avec la semence, ils eussent pu avoir de fort bel- les récoltes de grains, avec une dépense de 50 francs par hectare, car ils eussent acheté du noir animal à Rotterdam, à raison de 5 francs les 100 kilogrammes ; les 450 litres pè- sent à peu près 400 kilogrammes; cela fait donc 20 francs et 10 francs pour le port. Ils avaient mélangé leurs boues de ville avec le fumier 16 — 21 — produit dans la ferme par une dizaine de vaches et par qua- torze chevaux. de leur ai fait part de ce que je savais à cet égardet leur ai adressé d'Anvers un exemplaire de mon voyage agricole en Belgique de 1848, quicontient aussi une rela- tion des effets produits par le noir animal, dans les bruyères de MM. de la Selle et Chambardel, tous deux habitants du département de l'Indre. J'ai engagé M. Michaut, que les voyages n'effrayent pas, d'aller visiter ces messieurs peu de temps avant la moisson , alin qu'il puisse être encouragé à suivre leur exemple , ce qui pourra lui rendre d'immenses services, dans la position où il est. Nous sommes allés tous trois dans la propriété de MM. Jacquemyns et Vortman ; ils habitent Gand, mais viennent fréquemment ici où ils sont remplacés par un ré- gisseur. Aucune de ces trois personnes ne se trouvait sur les lieux, et les ouvriers où domestiques de deux fermes que nous avons visitées, ne sachant pas un mot de français, n’ont pu nous donner aucun renseignement. Les bâtiments sont fort bien établis et commodes; nous avons admiré une très-belle vacherie, qui se trouve dans la ferme où réside le régisseur ; elle est voûtée, pavée en briques sur champ ; les voûtes sont soutenues par des piliers en fonte; elle contient deux citer- nes à purin fort considérables, qui s'étendent sous deux pla- ces à fumier, de sorte que l'on peut, au moyen d'une pompe portative, arroser facilement les tas de fumier. Ce bâtiment est on ne peut mieux établi, mais doit coûter fort cher, Nous y avons vu une douzaine d'assez belles bêtes à cornes; mais nous avons regretté de n’y pas voir un bon troupeau de mou- tons des Arden , qui pourrait vivre dans ces vastes bruyè- res, surtout si me nnait un peu de tourteaux, ce qui le ferait profiter tout en améliorant singulièrement le fumier qu'il produirait. C'est en nourrissant beaucoup de moutons, auxquels on donne des tourteaux mèêlés avec de la paille ha- chée, faute d'autres fourrages, que les Anglais et Écossais parviennent à faire produire aux plus mauvaises terres, des navets et des fourrages, qui servent à nourrir beaucoup de — 213 — bétail, dont le fumier produit de belles récoltes, tout en améliorant la terre. Les terres sont ici parfaitement labou- rées et hersées; on voit que les employés des fermes y sont venus des environs de Gand. Nous avons aperçu des travaux de remblayage qu’on exé- cutait au moyen d'un chemin de fer, qui se déplace très-faci- lement. 3 Nous sommes retournés chez M. Michaut ; la ferme se nomme Leenep. Il nous a fallu deux bonnes heures, avec un tilbury fort léger et un excellent cheval , pour franchir la distance qui sépare les deux propriétés, car les chemins y sont presque impraticables et c’est là un immense inconvénient pour le pays. M. Michaut va construire quatre fermes, auxquelles il at- tachera 50 à 60 hectares; il compte les cultiver pendant quelques années pour les mettre en bon état ; alors il pourra les louer à raison de 50 francs par hectare, ce qui sera un taux inférieur au loyer habituel dans cette contrée. Je l'ai quitté en le remerciant de son extrème obligeance et suis re- tourné, par une des diligences qui parcourent plusieurs fois par jour cette route, chez M. le comte de Baillet que j'ai eu l'avantage de trouver chez lw. Dans les 20 kilomètres que j’eus à parcourir sur la route la plus fréquentée de la Campine, de Brasschapt à Groot- Lunder, je vis d’abord quelques maisons de campagne plus ou moins récemment bâties, entourées de quelques terres et de semis d'arbres verts; on aperçoit aussi quelques fermes et un gros village, les douanes de Belgique et de Hollande, enfin le bourg de Groot-Zunder. Les deux grandes com- munes sont placées le long d’une petite rivière, bordée d'une quantité considérable de prés qui paraissent très-bons. Près des villages et autour des rares habitations, on voit des champs de fort belle avoine, des trèfles excellents, une quantité considérable de spergule, de pommes de terre et de carottes. Les jardins sont garnis de beaux arbres fruitiers et de légumes; on voit que ces sables, qui paraissent bien mr — plus stériles que les plus mauvaises parties de la Sologne ; peuvent être transformés en champs très-productifs, par le défoncement à au moins 66 centimètres et l'application d'abondants engrais. J'ai remarqué dans les jardins de plusieurs habitations placées le long de cette route, une immense quantité de pe- lites ruches, que les habitants des Flandres mettent en pen- sion dans ces déserts, où la bruyère, la spergule et les sar- rasins les alimentent; j'en ai compté cent cinquante dans un seul jardin, près du relais. Ce qui m'a le plus étonné, ç'a été de voir de si beaux trèfles dans de si mauvais sables peu de temps après le défrichement, quelquefois même immé- diatement après le défoncement. Il paraît que cela est dû au noir animal, qu'on met dans ce cas à raison de 1,000 kilo- grammes par hectare. M. de Baillet m'a dit qu'il avait, dans le cours s de dix-huit années, défoncé plus de 500 hectares de bruyères ou mau- vais semis de pins, à au moins 66 centimètres de profon- deur. Il a transformé ainsi en bois, terres et prés de grande valeur des terrains achetés dans l’origine de 50 à 100 francs l'hectare, et qui, lorsqu'ils ne sont pas très-près des habita- tions, se payent maintenant 200 francs. Il loue les terres en petits corps de ferme à raison de 40 à 50 francs l’hectare, parce qu'il n’accorde pas de baux, voulant pouvoir ren- voyer au bout de l’année tout fermier dont il aurait à se plaindre. Ses voisins louent, avec bail de neuf ans, de 55 à 60 francs. Il regrette, maintenant que les terres se louent si avan- tageusement , d'en avoir mis tant en bois, car ceux-ci pro- duisent fort peu, et il est mème obligé de fabriquer des tui- les et des briques, qu'il ne peut vendre qu'à très-bon mar- ché, afin de consommer ses bourrées de branches de pins, faites lors des éclaircissages, car il n’élague pas, ne trouvant à en vendre qu'une très-petite quantité à raison de 5 francs le cent. Une fournée de cinquante mille très-petites briques consomme deux mille cinq cents bourrégs. Les petites bri- — 945 — ques ne se vendent que 5 franes le mille, les grosses 8 francs, et les pannes, espèce de tuile contournée , la seule qui soit employée dans le nord de la France et en Belgique, 17 francs au lieu de 24 à 50 francs , leur prix ordinaire. Au reste, ses bois viennent à vue d'œil et ils auront par la suite une grande valeur, comme bois de construction. M. de Baillet m'a con- firmé ce qui m'avait été dit par M. Peers, qu'on pouvait élaguer avec avantage les mélèzes, mais que c'était le seul arbre résineux auquel cette opération ne fût pas nuisible. Les terres de ces environs qui se rapprochent de la route et qui ne sont qu’à 16 kilomètres d'Anvers, se vendent jus- qu'à 1,200 francs l'hectare. M. de Baillet préfère les petites fermes composées de 4 ou 5 hectares ; la construction des bâtiments ne lui revient qu’à 1,500 francs, grâce à l’extrême bon marché de ses briques, de ses tuiles et de sa chaux. Il choisit ces petits fermiers parmi les meilleurs journaliers et leur fait les avances nécessaires pour qu'ils puissent se tirer d'affaire ; ils ont ordinairement un jeune bœuf acheté 120 ou 150 francs, qui étant ménagé de travail et bien soigné se revend au bout d’un an ou dix-huit mois avec un bénéfice brut de 100 fr. Ils ont une couple de vaches, un ou deux élèves et quelques cochons. Ce bétail loge dans des étables creusées d'environ 4 mètre, et on lui fait une litière épaisse, formée de minces gazons de bruyère; le creux se remplit peu à peu et ces gazons se trouvent ainsi bien mé- langés, on peut dire pétris, avec les fientes et urines. Ils ont un petit tombereau très-léger, ne pouvant pas charger fort, à cause des chemins sablonneux de ce pays qui sont ex- cessivement tirants. On voit dans leurs cultures des ayoines hautes de 4 mètre et 1",50 et fort épaisses, des trèfles excellents de première et mème de seconde année, de beaux sarrasins, des spergules et des pommes de terre, sans oublier les carottes. Leurs jar- dins contiennent de beaux légumes et mème quelques fleurs ; mais outre leur fumier, ils emploient des engrais achetés, principalement du noir animal et du guano. M. de Baillet — 216 — met du premier de ces engrais depuis 4,000 jusqu'à 4,500 ki- logrammes par hectare sur un défrichement, lorsqu'il l'em- ploie seul; il le paye à Anvers 5 fr, 50 ec, les 400 kilogr. J'ai vu chez lui une avoine de 4°,55, couvrant un trèfle qui avait bien 0°,50 de haut ; ils avaient été semés sur une bruyère défoncée l'hiver précédent, Ces choses extraordi- naires sont dues à l'emploi du noir, qui est dans ce pays à fort bon compte, car une forte fumure de 4,000 à 4,500 ki- logr. ne coûte que 55 ou 82 fr. 50 ©. prise à Anvers, et fait de l'effet pendant quatre ans ; mais comme on tient dans ce pays à avoir des récoltes complètes, on fume tous les ans malgré ce bon commencement ; seulement on diminue les doses, M. de Baillet avait fumé un défrichement pareil avee 600 kilogrammes de guano coûtant pris à Anvers 450 franes, et le résultat s'est trouvé le même; mais la dépense a été près du double. I n'est pas partisan des fumiers de gazons de bruyère si en usage dans la Campine, parce qu'ils ont l'inconvénient de beaucoup salir les terres, qui se couvrent de mauvaises herbes après ce genre de fumure. I a donc des citernes à purin et suit complétement la culture flamande. M. de Baillet a remarqué que le sable jaune ou rougeûtre couleur de rouille, est fertilisant quand il est mélangé avec le reste de la terre, parce qu'alors il ne forme plus comme ayant le défoncement, une couche épaisse et compacte, qui rend le sol imperméable à l'eau et aux racines des arbres; il pense même que ce sable est une des causes de la facile et complète réussite du trèfle dans ces sortes de terres, cette plante ne se plaisant pas à beaucoup près autant dans les terres légères, que dans les sols qui ont de la consistance ; j'avais déjà entendu dire cela par une autre personne. M. de Paillet ajoute que ce sable ferrugineux forme une excellente litière, et que, mêlé avec la fiente et humecté d'urine, il donne un engrais parfait. Il prétend qu'en achetant dans ses environs des bruyères à raison de 200 francs l'hectare, pour les défricher et les mettre en bon état et puis les louer après les avoir bâties, on — 247 — est assuré de placer son argent à 4 et même à 5 pour 100. M. de Baillet a une fort belle étable garnie de fortes va- ches hollandaises, il a aussi quelques jeunes bêtes croisées durhams, mais comme il n’élève que très-rarement, il n’a pas de taureau durham. 1 m'a dit qu'il comptait aller dans le mois d'octobre à la foire de Gorcum en Hollande, où il a déjà acheté dans les prix de 480 à 200 francs, de belles gé- nisses prètes à faire veau. Il vend ses veaux ordinairement à l'âge de deux mois jusqu'à 80 francs. [ls n'ont consommé que du lait comme il vient des vaches. Il est facile, m'a-t-il dit, de s’apercevoir s'ils ont reçu une autre nourriture; on n'a qu'à leur relever les paupières : si le globe de l'œil est bien blanc, on est sûr qu'ils n’ont eu que du lait ; si au con- traire le globe est rougeûtre et si les petites veines y sont bien marquées, cela prouve qu'ils ont aussi reçu une autre nourriture et que le lait leur a été épargné ; dans ce cas leur chair sera rouge au lieu d’être blanche. Les veaux sont tenus ici dans des stalles étroites: On élève tous les ans dans cette étable un veau de lait jusqu’à l'âge de six et même huit mois; il ne consomme pendant ce long espace de temps que du lait non écrémé ; cela tient à un usage des premiers bouchers d'Anvers, qui pour bien achalander leur étal se font un point d'honneur, de tuer le plus beau veau. M. de Baillet a établi il y a une douzaine d'années un grand potager dans des terres nouvellement défrichées ; les légumes y viennent admirablement bien. Il a entouré ce jardin du côté des bonnes expositions, avec des palissades garnies de planches recouvertes de plusieurs couches de gou- dron de gaz, et il a dans ce moment le plus bel espalier qu’on puisse désirer; les arbres sont (rès-gros, ont une écorce lisse et couvrent chacun une grande étendue, Ils sont garnis de fort beaux fruits, surtout en poires. Son parc à l'anglaise est garni d'arbres magnifiques et pleins de vi- gueur. Quand on pense que tout cela n’était, il y a‘une vingtaine — 248 — d'années, que de mauvaises bruyères, on ne peut s'empt- cher de rendre hommage à l'homme qui en si peu de temps est parvenu, malgré bien des obstacles et à une époque où le noir animal et le guano n'étaient pas connus, à transformer plus de 500 hectares d'un terrain absolument inerte, en une belle et bonne propriété, couverte de récoltes supérieures à celles, de la plupart des meilleures terres de la France, Quand je pris congé de cette aimable et intéressante fa- mille, M. de Baillet m'engagea fortement à revenir et à lui consacrer quelques jours, ce que je ferai avec grand plaisir. Il veut me faire voir d'autres entreprises de défrichements, la culture des fermiers campinois, et enfin un pays situé à environ 8 kilomètres de chez lui, qui n'était il y a une tren- taine d'années qu'un véritable marais, habité par une mau- vaise population occupée principalement de braconnage ; les habitants se sont transformés en de bons fermiers et ou- vriers à la journée, depuis que les propriétaires, suivant les bons exemples donnés par quelques-uns d'entre eux, se sont mis à assainir les marais, à les défricher, et sont parvenus ainsi à former des terres d'une haute fertilité et d'un grand produit. J'arrivai tard à Anvers, d'où je repartis le lendemain ma- tin à neuf heures moins un quart par le bateau à vapeur, qui chaque jour se rend à Rotterdam, où nous sommes arri- vés à quatre heures et demie. Ce petit voyage, qui coûte 15 francs et 5 francs de diner, se fait d'une manière fort agréable, lorsque le temps est beau et la mer calme, car on est pendant une bonne partie de ce trajet sur des espèces de bras de mer assez larges. Il y avait une bonne société à bord; j'ai causé longtemps avec un habitant d'Anvers, qui a acheté il y a quatorze ans, du côté de Westwesel , à 4 kilomètres de la grande route, 140 hectares de bonnes bruyères, au prix de 180 francs l'hec- (are. I les a fait labourer sans les défoncer, excepté dans certaines places où le sous-sol, se trouvant contenir une couche compacte et ferragineuse, a été défoncé à 1/2 mètre — ?19 — de profondeur. I! y a fait semer des pins silvestres et plan- ter des mélèzes qui viennent à merveille. Quoique ce bois fût bien placé par rapport à la route et au voisinage d'une ville, il ne lui avait encore rien rapporté et coûté beaucoup; mais une fois arrivé à la quinzième année depuis le semis, on pourra y prendre en éclaircissant de quoi payer l'inté- rèt du capital employé et des intérêts accumulés depuis la semaille; ensuite les intérêts iront en augmentant , et en- fin arrivé à l'âge de trente ans, on se trouvera avoir une réserve qui sans le fond vaudra 1,500 francs l’hectare, et si on l’arrachait, on serait possesseur d’un fond de terre très- amélioré par la chute des feuilles ou aiguilles des arbres et qui pourrait se défricher avec profit. Maintenant que la culture s’est singulièrement perfec- tionnée et qu'on a appris à connaître le noir animal pour les premières années de défrichements et le guano poar la suite, je pense avec M. de Baillet qu'il y a plus de bénéfice à cultiver les bruyères qui ont du fond, qu’à les mettre en semis de bois, à moins que ce ne soit dans un pays où le bois et le charbon de terre sont chers. at dat vambont 248}, mél D NOPIRUT Ling lt -44 hifi co agité bi LE | À CARE TE V . ” qu le SU Al | ROUILLE k d ts Et Sommaire. DETTE D we T à ntm à fa Rotterdam. — La Haye. — M. Krelage, fleuriste à Harlem. — Amsterdam. — Environs d'Utrecht et d'Arnheim. — Ferme de M. Morces. Château royal de Loo, — Mauvaises terres de Nimègue à Weert, — : faits avec la chair de cheval. — Grand canal de la Meuse à l'Escaut ; ses, bienfaits. —Herbages considérables créés dans des bruyères par M. Kecl- hof. — Défrichements de M. Josson. — Beaux travaux agricoles de M. de Coppeus, près de Gheel. — Diverses recettes d'engrais.— Description la Campine. — Grands défrichements de bruyères à Arendone. — P d'irrigations.— M. le comte Dubus, au château d'Ostmale.—Tr de Wessmale ; leurs défrichements. — Etat du pays, d'Anvers à Liége. — Mode de culture de M. de la Fontaine, à Wazemmes,—Serres de M. Morren; culture de la vanille; musée agricole de Liége. — Sucrerie et cultures de M. Pitteurs. — M. de Woelmont, habile cultivateur, à Op- lieu.—Grande culture de betteraves de M. Vandenbossche, près de Tir- lemont.— Exposition agricole de Gand.— M. Gheldolf. — Défrichements de MM. Jacquemyos et Vortman; engrais qu'ils emploient. — Nouvelle visite à M. de Bocarmé, près Leuze. — Culture du territoire entre Leuze et Namur. — Propriétés de MM. Félix et Adolphe de Gourey.— Bons ré- sultats du partage des biens communaux, — Fabrique de tuyaux de drainage — Visite à M. de Mertens, fondateur d’une ferme-école dirigée par M. Bertrand. — Rentrée en France, — Ferme-école du département du Nord, dirigée par M. Demesmé. — Nouvelle visite à M. Decrombecq. J'ai logé à Rotterdam dans un hôtel qui donne sur le grand port; je ne me lassais pas de regarder ces magnifi- ques bâtiments au long cours, qui vont à Java et autres co- lonies hollandaises. J'ai parcouru la ville pendant près de trois heures; j'ai pu ainsi voir les rues principales et tous les canaux intérieurs, couverts de bâtiments marchands, et des — 251 — bateaux du Rhin et de la Meuse; les bateaux du Rhin sur- tout sont énormes et parfaitement construits. Les quais, presque tous bordés de belles constructions , de riches et vastes magasins, sont plantés d'ormes magnifiques. J'ai suivi une charmante promenade, qui longe en partie la rivière et est bordée du côté opposé par de fort jolies maisons de cam- pagne, presque toutes entourées de parcs délicieux ; leur seul “défaut, qu’on peut aussi reprocher à beaucoup de belles mai- sons des quais, c’est d'être trop ombragées. Rotterdam est une ville très-commerçante, qui paraît faire d'immenses affaires ; les quais sont encombrés d'ouvriers oc- cupés à charger ou à décharger, de voituriers emmenant des marchandises ; partout on remarque une extrème activité ; tout cela est fort intéressant pour un habitant de l'intérieur du continent, qui n’est pas habitué à un pareil spectacle. Je n’ai aperçu qu'un petit bâtiment sous pavillon français: il était du port de Saint-Malo. En fait de bâtiments anglais et américains j'en ai vu bien moins qu'à Anvers, et aussi beau- coup moins de matelots de couleur. Je n'ai remarqué qu’un édifice un peumonumental, c’est un hôpital. L'hôtel de ville, contrairement à ce qui existe généralement dans les villes de Belgique, n’est pas remarquable. Ce qui frappe la vue et l'imagination, ce sont les beaux navires et les élégants ba- teaux à vapeur ; on en voit arriver ou partir souvent plusieurs à la fois. J'ai vu embarquer de très-beaux bœufs de la race blanche et noire pour l'Angleterre, et j'ai remarqué dans les rues un beau bélier dishley et deux fortes brebis southdowns, qu'on dirigeait du côté des magnifiques herbages qui touchent la ville, ainsi qu'un petit nombre d'énormes moutons gras, qui m'ont paru provenir d'un croisement avec béliers dish- leys. Les chevaux attelés aux camions sont très-hauts sur jambes et fort laids ; on les ferre dans ce pays d’une manière toute particulière; on les chausse de fers dont les trois cram- pons ont environ 3 centimètres de longueur. En nous rendant d'Anvers à Rotterdam , nous avions vu — 252 — une quantité considérable d'oiseaux aquatiques , de grande taille et de diverses espèces. On m'a montré de loin des pol- ders considérables, que le duc d'Aremberg a mis à l'abri des marées il y a peu d'années; on dit que c'est une magnifique opération , qui mérite d'être visitée. On peut s'y rendre en peu de temps par le bateau à vapeur, qui va d'Anvers à Rot- terdam; j'ai regretté de n'avoir pas su cela plus tôt. Nous avons laissé la ville de Herzogenbush sur notre droiteel avons longé plusieurs îles, qui font partie du groupe dont celles de Walkeren et de Zéeland sont les principales. Il paraît que ces Îles, qui sont couvertes de polders, sont fort bien culti- vées et excessivement fertiles, au point qu'on ne les fume jamais. Les terres y sont fort chères, tellement qu'on place difficilement son argent à plus de 2 pour 100. J'ai pris ma place dans le premier convoi du chemin de fer de Rotterdam, le matin du 51 août. L'embarcadère est fort beau; on ne va pas vite sur ce chemin; nous sommes arrivés à huit heures à la Haye. Il n'y a qu'une voie, mais elle m'a paru plus large que celle de nos chemins de fer; je la crois aussi large que celle du chemin de Londres à Bristol, qui est la seule de ce genre en Angleterre. Les stations sont construites avec assez de luxe. Nous avons traversé des her- bages qui m'ont semblé encore plus fertiles, que ceux des environs d'Ostende et de Furnes. Ils sont couverts d’une très- grande quantité de beau bétail, de chevaux et de beaucoup de moutons ; ceux-ci ont l'air de provenir decroisements faits avec des béliers dishleys et southdowns, car on en voit beaucoup qui ont la figure et les jambes plus ou moins brunes. Les voyages en chemin de fer ont l'avantage de vous faire aller vite; on peut s'arrêter dans chaque ville et en repar- tir au bout de peu de temps, si cela convient; mais leur in- convénient, car les meilleures choses en ont, est de ne pas vous faire voir les belles parties d'un pays. Dans un précédent voyage en Hollande, j'avais parcouru en bateau presque tout ce pays qui ne ressemble pas aux autres, et j'avais joui pen- dant tout le temps, du plaisir d'admiræ de jolies maisons de — 253 — campagne avec leurs jardins bien soignés, de traverser pres- que toutes les villes, bourgs et villages généralement situés sur les canaux les plus importants. Les chemins de fer évi- tent de traverser les lieux habités; nous n'avons donc vu au- jourd'hui que des herbages et du bétail, et, sans que j'en comprenne la raison, celui-ci m'a paru moins nombreux dans les herbages, une fois que nous avons été à une certaine distance de Rotterdam. J'ai revu avec plaisir cette jolie ville de la Haye, que j'ai parcourue pendant plusieurs heures, ainsi que son bois, l'une des plus belles promenades que jeconnaisse. Je me suis rendu à Shevening que je n’avais pas vu encore et qu’on m'avait dé- peint comme un lieu charmant; j'ai donc été singulière- ment trompé dans mon attente, car il n’y a rien de remar- quable ou même d’agréable dans la commune qui porte ce nom; la route qu'on suit pour s'y rendre est jolie, car elle vous fait traverser un bois et est ombragée par une assez belle avenue; l'établissement des bains de mer qui en est à dix minutes est fort bien, mais se trouve placé au milieu des dunes les plus affreuses. Je suis retourné à la ville par une autre route qui traverse d'abord ces dunes, ensuite un bois. | Je me suis arrêté pendant trois heures à Harlem, et je les ai employées à parcourir les belles promenades qui envi- ronnent le château royal et à visiter le jardin de l’un de ces fleuristes, qui inondent le continent de leurs oignons à fleurs. Celui que j'ai vu appartient à M. Krelage, qu'on m'avait indiqué comme parlant l'allemand, ce qui me permettait de m'’entretenir avec lui ; il demeure dans une rue nommée le petit Houtweg, n° 46. T1 m'a fait voir avec la plus grande complaisance ses jardins considérables et parfaitement tenus, et quatre pièces très-grandes, garnies partout et de haut en bas, de tablettes excessivement rapprochées, toutes remplies d'oignons de bien des espèces de fleurs. Il m'a dit avoir plus de cent variétés de glaieuls, obtenues par les semis; c’est une charmante fleur qu'on voit encore rarement dans nos — 254 — jardins et dont nous possédons peu de nuances diverses, Il a beaucoup d'espèces d'amaryllis obtenues de semences, au moyen du transport du pollen d'une fleur à l'autre; il y a trente-quatre ans qu'il a commencé à employer ce moyen, qui lui a valu une immense quantité de variétés, dans beau- coup d'espèces de fleurs, Il m'a fait voir des oignons de tu- lipe à 42 francs el de jacinthe à 25 francs. M. Krelage m'a dit payer pour sa petite maison, ses serres et ses jardins, un impôt se montant à 780 francs. 11 emploie toute l’année de vingt à vingt-cinq ouvriers qu'il paye de 2 à 4 franes par jour ; les mois de juillet et d'août lui coûtent de 1,500 à 1,600 francs de main-d'œuvre, et la moyenne de toute l'an- née est de 4,200 francs. La ville de Harlem parait être des plus tranquilles, als aussi des plus propres. Elle est placée au milieu de char- mantes promenades et de beaux jardins. J'ai admiré de dé- licieuses maisons, accompagnées de jolis jardins et ayant la vue sur le parc du château ; on voudrait s'y voir installé, si en mème temps on ne pensait au climat brameux et froid de la Ilollande. Les petits bourgeois de Harlem sont fort bien logés : j'ai remarqué de petits cordonniers et d’autres min- ces boutiquiers, occupant avec leur famille de jolies petites maisons à eux tout seuls ; elles étaient nouvellement peintes et brillaient par l'ordre et la propreté. On voyait des femmes occupées à laver les pavés de la rue en face de leur maison, comme elles doivent le faire dans leur cuisine; elles asper- gent les croisées avec de petites pompes à main et les lavent à fond plusieurs fois par semaine. Les maisons sont trop sou-* vent cachées par les ormes énormes qui garnissent beaucoup de rues. Je suis arrivé à Amsterdam encore à temps pour visiter avec un guide toutes les parties remarquables de cette grande ville. Ses immenses opérations commerciales lui. donnent beaucoup d'activité ; les magasins qui bordent les rues prin- cipales, sont vastes et garnis de marchandises de toutes sor- tes. Elle est coupée par une énorme quantité de canaux, — 255 — dont huit surtout sont très-larges et très-longs; on dit qu'il y a trois cents ponts. Les rues sont remplies de monde; il est vrai qu’elles sont étroites, Le port est plein de bâtiments; on m'a dit que la Hollande possédait cinq cents navires oc- cupés de la navigation à long cours. Je n’ai pas aperçu pendant ma longue promenade en ville, un seul de ces vilains fiacres posés sur un traîneau au lieu de roues, comme j'en avais vu beaucoup il y a dix ans; on m'a cependant dit qu’il en existait encore. Le temps est si chaud dans ce moment, que j'écris mes notes à neuf heures du soir en manches de chemise, la fenêtre ouverte. Ce qui est fort désagréable ici, c'est l’abominable odeur dont l’eau stagnante des canaux infecte les habitations. J'ai entendu crier dans toutes les rues d'Amsterdam l'offre d'énormes choux-fleurs, qui se vendent à vil prix. Je n'ai vu malheureusement que de loin deux de ces machines monstres à vapeur, qui sont occupées à l'épuise- ment de ce qu'on appelle la mer de Harlem, et je regrette infiniment de n'avoir pas pris le temps nécessaire pour exa- miner de près cette opération gigantesque. On m'a dit qu’on avait l'espoir d'arriver à l'épuisement total de ce grand lac, d'ici à deux ans ; une bonne partie se trouve déjà à sec et lon assure que le fond en est excellent. Le voyage entre Harlem et Amsterdam n’est que de 12 kilomètres; il n'offre rien de remarquable, que la circonstance de voyager sur un chemin de fer bordé par deux mers tellement rapprochées qu’elles n’en eussent bientôt plus formé qu'une, si l'on ne s'était mis à faire le desséchement de celle de Harlem, dont on fera d'excellents polders. Je suis parti le lendemain de bonne heure par le chemin de fer pour la ville d'Arnheim; je ne me suis pas arrêté à Utrecht que j'avais déjà vu. Ce voyage, que j'avais trouvé char- mant lorsque je l’avais fait en diligence, m'a paru cette fois fort monotone, car le chemin de fer ne traverse d’abord que des herbages et ensuite des déserts pareils à ceux de la Cam- pine. Nous avons cependant vu un peu de culture auprès — 256 — . L d'Utrecht; les terres étant pour la plupart des herbages re- tournés , étaient excellentes, mais les produits n'y répon- daient pas; les fèves, qu'on y cultive beaucoup, étaient fort sales et trop claires; elles n'avaient cependant qu'environ 1! mètre de haut. Les champs contenaient des plantations de beaux pommiers, couverts de fruits bons à manger. Au sortir d'Utrecht les terres ne conviennent plus pour des herbages ; elles sont bonnes, mais la culture est bien in- férieure à celle de Flandre; il n'y a que les jardins marai- chers qui soient bien soignés. Plus loin et jusqu'auprès d'Arnheim, on se croirait transporté dans les dunes de She- vening ; on cultive les endroits les moins mauvais, mais on a grand tort de ne pas convertir la plus grande partie de ce pays en bois de pins, qui seraient ici complétement à leur place ; ce ne sont en général que des collines de sable blanc qu'un vent un peu fort emporte au loin. On y voit aussi de grandes étendues de bruyères en terrain plat, qui ont 45 à 20 centimètres de sable noir sur une couche de ce sable lerrugineux dont M. Baillet dit tant de bien , quand il n’est pas aggloméré. On pourrait tirer un bon parti de ces es- paces, au moyen du noir animal. Les environs immédiats d'Arnheim, ville bâtie sur les bords d'une des branches du Rhin, sont charmants; une partie de la ville qui a été récemment construite est fort bien bâtie; on y voit de jolis boulevards. Je suis monté de suite en arrivant, sur la banquette d'une diligence qui se ren- dait à Deventer, petite ville à plus de 52 kilomètres d’Arn- heim, ayant appris d'un voyageur que le pays traversé par cette route était délicieux, et qu'à environ 8 kilomètres plus loin je verrais une ferme considérable , récemment créée dans de vastes bruyères, et près de cette ferme le château royal de Loo. Effectivement ce petit voyage, qui a duré en allant environ sept heures , est un des plus agréables qu’on puisse faire en si peu de temps; la route est bordée, pendant au moins les deux tiers de son parcours, de jolies maisons de campague entourées de beaux jardins, de villages très-longs — 251 — mais généralement bien bâtis et annonçant l'aisance de leurs habitants; on traverse quelques petites villes; on longe pendant presque tout ce trajet les bords d'une branche du Rhin, qui embellit et fertilise ses bords presque constam- ment sablonneux. On peut admirer de temps en temps quel- que grande habitation aristocratique, entourée de magnifi- ‘ques avenues de hèêtres et de superbes bois. La culture des terres qui avoisinent la route et s'étendent jusqu'à la rivière m'a paru généralement assez bonne, mais elle est supérieure auprès d'Arnheim, où le tabac se cultive en grand ; on y voit beaucoup de récoltes sarclées, telles que rutabagas, choux verts frisés dont les petites feuilles servent en hiver et au printemps à la nourriture des hommes et qui finissent par être consommés par le bétail , une fois qu’ils sont montés en fleur. On y cultive énormément de pommes de terre, qui servent à l'alimentation des villes de Hollande, où elles arrivent par les canaux ; on les dit d’une excellente qualité. On voit une quantité considérable de champs de na- vets d’éteule. J'ai un reproche à faire à ce beau pays qui borde immé- diatement la route de Deventer, c'est de laisser apercevoir encore trop souvent des bruyères, sur les derrières de ces charmantes maisons de campagne entourées de jardins d’une médiocre étendue. Les propriétaires, au lieu de construire sur un espace si restreint, eussent mieux fait d'acquérir au moins 20 à 50 hectares de ces terres délaissées, d'y créer une petite culture qui les eût intéressés, et des bois qui les eussent enrichis plus tard, tout en embellissant le paysage. Ce qui contribue infiniment à l'agrément de cette excur- sion, c’est le grand nombre et la diversité de ces jolies mai- sons de campagne, qui appartiennent généralement à des négociants d'Amsterdam ; ils viennent y passer les dimanches avec leurs familles, qui y sont installées pour l'été; elles sont toutes construites sur des modèles très-différents, et n'ont pas cette régularité qui ne convient qu'aux maisors 17 — 258 — de ville; elles ressemblent beaucoup à ce que j'ai vu en ce genre, en Angleterre. Tous les champs de tabac que j'apercevais étaient entourés de planches de haricots grimpant après de longues rames ; cela sert à abriter la tige de tabac contre les vents violents, qui souvent lui nuisent en refroidissant l'atmosphère et en déchirant ses larges feuilles. Le maïs mûrit parfaitement daus ces environs. Je suis enfin arrivé à la ferme récemment créte par M. Morces, qui, ayant fait une brillante fortune à Java, a voulu revenir dans sa ville natale, Deventer. Il a acheté il y a cinq ans environ 200 hectares de bruyères à 8 kilomètres de la ville, et a payé ce terrain 480 francs l'hectare. Il y a fait construire une belle maison de ferme, entourée de ma- guifiques bâtiments d'exploitation, dont le plus considérable contient la euisine des gens, celle des animaux, la boulan- gerie, la laiterie, les écuries pour vingt chevaux, et une seule vacherie où se trouvent soixante-dix-huit vaches blanches et noires qui sont loin d'être aussi belles que celles que j'avais yues le matin dans les herbages. Les taureaux sont de la même espèce. Son troupeau est composé de trois cents bre- bis et élèves ; ce sont des bêtes d'un assez grand poids, mais du reste fort communes, ainsi que les béliers. Il y a dix-huit chevaux pouvant devenir des chevaux de grosse cavalerie; ils coûtent à l’âge de quatre ans environ 400 francs. On n'é- lève pas de cochons. Ce seul bâtiment a coûté 26,500 francs, ce qui n’est assurément pas cher. Les soixante-dix huit vaches sont placées sur un seul rang, sur toute la longueur du bâtiment, qui doit d'après cela avoir au moins 80 mètres de long ; elles tournent le derrière du côté du mur, qui a des ouvertures par lesquelles on sort le fumier ; ce fumier est conservé sous un hangar régnant le long de tout le bâtiment, qui a 5 mètres de largeur, et dont le mur extérieur a 1°,55 de haut. Le fumier du trou- peau, celui des chevaux et d'une trentaine de veaux qu'on élève, sans compter celui qui vient de ceux destinés à Ja — 259 — boucherie, se déposent dans de grandes caves. Les stalles des veaux à l'engrais ont 46 centimètres de largeur en dedans sur 150 de longueur; il y en a vingt-quatre. Tout ce bétail, à l'exception d’une demi-douzaine de génisses , qui sont établies ailleurs, se trouve placé dans ce même bà- timent, qui est exposé à être incendié, puisqu'il contient deux cuisines et le four, sans compter le poële de la salle à manger des gens ; mais on a eu la précaution de se pourvoir d'une pompe à incendie. Le logement des filles de basse-cour sy trouve aussi. Le fourrage est placé en partie dans les greniers, et le reste sur deux énormes meules hollandaises à toiture mo- bile, pouvant se hausser ou se baisser à volonté; celles-ci sont octogones ; il y a donc huit mâts qui soutiennent la toiture; comme ils sont fort longs, ils permettent de Ja monter à une grande hauteur; elle est en chaume; je pense qu'il vaudrait mieux qu'elle fût en toile goudronnée. Le bas de la meule est garni de planches peintes avec du goudron de gaz et peut servir de remise ou d’écurie. Ces meules sont com- - posées de fourrage et d'avoine ; cela est parfaitement rangé jusqu’à une grande élévation; mais on est obligé de monter les gerbes ou le foin avec une poulie, ce qui retarde beau- coup la besogne. Je ne sais si on s'est trompé, mais on m'a dit que chacune de ces meules avait coûté 1,200 florins, qui font à peu près 2,520 fr. Les vaches n'avaient pas de râteliers et leur mangeoire n'avait que peu de profondeur ; on la remplissait d'un beau et bon trèfle qui débordait. ai visité le champ où on le fau- chait ; il avait bien 0",66 de haut, et le terrain qui le por- tait était quatre ans auparavant, une maigre bruyère en ter- rain sablonneux mêlé de cailloux. Les seigles et les avoines étaient fort beaux, les pommes de terre très-belles; il y avait aussi beaucoup de sarrasin et de spergule. F'ai vu des pépi- nières de chènes destinées à augmenter les plantations, qui sont déjà considérables. M. Morees a acheté jusqu'à cette heure une immense — = quantité de foin et de fumier, dans un pays de polders où lon prétend que le fumier serait nuisible on au moins inu- üle; les chargements ont 28 kilomètres à faire par bateau, ur un canal qui passe à 4 kilomètres de la ferme. I doit faire beaucoup de fumier avec un si grand nombre de va- ches qui ne sortent pas de l'étable; mais dans des terrains comme celui-là il faut une grande masse d'engrais, pour bien récolter. ( Les vaches ne sortent même pas pour boire; il y a une pompe dans l'étable et l'on porte à chacune sa boisson ; elles reçoivent en hiver de la nourriture préparée et chaude. Les instruments aratoires ne sont pas bien choisis , ex- cepté la charrue qui est fort bonne et un gros rouleau qui n'est pas trop long. On avait fait établir une machine à battre; mais ayant été faite sur un mauvais modèle, elle a été abandonnée; le hache-paille et le coupe-racine ont l'air d'être aussi détraqués. Les râteliers à moutons ont des man- geoires trop petites ; le haut en est garni en planches; le bas est en fils de fer si rapprochés, que les moutons ne peuvent pas y passer le nez. J'ai vu dételer trois charrues à cinq heures pour aller chercher le fourrage vert; les taureaux ou les vaches font ordinairement ce petit travail dans une ferme bien conduite. Il n'existe pas de semoir dans cette exploitation. M. Morees était absent, ainsi qu'un de ses neveux, qui dirige cette culture après avoir fait son éducation agricole à Hohenheim; aussi ont-ils nommé ce lieu Hohenheim, Le maître valet m'a dit ne pas connaître le noir animal ni le guano; ces deux engrais et surtout le premier eussent cconomisé bien de l'argent dans cette ferme. Je me suis encore rendu ce soir au château du roi dont je n'ai fait qu'examiner l'extérieur ; il a été construit sur de vastes bruyères dans lesquelles on a fait de grands semis et plantations, qui sont maintenant de fort beaux bois; quant aux terres cultivées qui sont des deux côtés de la belle ave- nue du château, elles portent de tristes récoltes. Le roi vient — 261 — souvent dans cette habitation pour s'y livrer au plaisir de la chasse ; on m'a dit qu'il y avait un équipage et des faucons. Son château est plutôt l'habitation d'un grand seigneur que celle d'un roi. J'ai encore vu beaucoup de jolies mai- sons de campagne sur la route de Deventer au château de Loo. On m'a dit à Deventer, où je suis allé coucher, que j'étais sur la routede Zwoll et de Græningen, pays fort bien cultivé; j'avais presque envie de m'y rendre, mais en réfléchissant que les récoltes de grains étaient près d’être rentrées et que les récoltes sarclées étaient trop jeunes pour être jugées, je me suis décidé à retourner sur mes pas jusqu’à Arnheim. De là je suis allé à Nimègue en faisant 25 kilomètres à tra- vers un pays d'alluvion, couvert d’herbages qui souffrent singulièrement de l'humidité; les champs sont garnis de fossés très-gènants pour la culture. La ville que je n'ai fait que traverser, m'a paru laide. Le bétail de ces environs est de couleur rouge. Je me suis trouvé en voiture avec un fermier des environs d'Utrecht, qui m’a dit que pour avoir de jolies génisses peu de temps avant l'époque où elles doivent vèler, il faut v mettre de 150 à 200 francs et 5 francs de commission si on n’achète pas en foire; on compte cinq à six jours pour les mener à Anvers ; là on peut les embarquer sur le chemin de fer ou les expédier par mer, suivant l'endroit où elles doi- vent se rendre ; il faut ajouter 65 francs pour la dépense de sept à huit bêtes et du toucheur. Comme la péripneumonie existe souvent en Hollande, il est bon de s'abstenir d’acheter en foire, car tout fermier qui voit cette terrible maladie entrer dans ses étables, se décide de suite à vendre tout son bétail , de crainte de le perdre. Il faut donc, quand on à envie de se monter en vaches de cette magnifique espèce de bêtes blanches et noires, s'adresser à un bon fermier du pays, qui vous conduit dans des fermes où la maladie n'existe pas. Ce fermier m’a paru être un homme entendu ; il se nomme Jean Ravenhorst , et demeure à Penneburg près Utrecht; son frère est aussi un fermier connu dans ces environs, I m'a dit que dans son pays on nourrissait les chevaux avec du seigle et du sarrasin, qu'on faisait passer au hache-paille sans avoir été battus, et que la nuit on ajoutait à cette nour- riture coupée, du foin et de la farine de fèves. Je suis reparti de suite de Nimègue par le cabriolet qui porte les dépèches et suis arrivé dans la nuit à Ruremonde, après avoir passé dans Venloo, et j'ai été obligé d'en repar- tir peu de temps après et de voyager le reste de la nuit à tra- vers un pays, qui comme tout celui que j'avais parcouru depuis Nimègue, est une espèce de Campine. Mauvaise terre sablonneuse, petite population, voilà tout ce que j'y ai re- marqué jusqu'à Weert, où je suis arrivé à la pointe du jour. J'avais eu l'occasion de causer pendant quelque temps avec un médecin, qui était monté en troisième dans notre cabriolet une heure avant d'arriver à Venloo ; ce docteur est grand amateur d'agriculture , et cullivateur lui-même, Il achète des bruyères qui m'ont paru des plus mauvaises, à 9 kilomètres de Yenloo, ville de 44,000 âmes, à raison de 200) francs l'hectare. 1 fait abattre en hiver beaucoup de mauvais chevaux, dont il mélange la chair et les entrailles avec des gazons de la bruyère achetée; on repioche trois ou quatre fois ce compost pendant les six mois qui précèdent le moment de l'employer. I lui faut un compost contenant trente chevaux pour améliorer 4 hectare; la chair d'un che- val lui revient à 2 francs. Cet engrais produit un seigle dans lequel on sème du trèfle qui devient aussi fort beau. H ob- tient le mème résultat avec une très-forte fumure ; mais, quel que soit le genre d'engrais qu'il applique, il a soin de répan- dre d'abord 20 hectolitres de chaux par hectare, Mon doc- teur venait, pour en faire l'essai, d'acheter un sac de guano pesant 60 kilogrammes , qui lui est revenu rendu à Venloo à 26 francs. Il avait entendu parler du noir animal, mais n'en avait jamais vu employer. D'après ce que je lui en ai dit, il — 263 — m'a assuré qu'il ne manquerait pas d'en essayer dès cet au- tomne. Il m'a appris que les conscrits hollandais n'étaient astreints en temps de paix qu'à un service annuel de trois mois pendant cinq ans, et que les engagés volontaires restent pendant tout ce temps au régiment. J'ai cru remarquer dans ce trajet, que si le sable est de couleur noire à la surface et jaune ou rouge au-dessous au lieu d'être blanc, les récoltes de grains et de trèfle sont fort belles. J'ai loué à Weert, gros bourg où se trouve une énorme église, une charrelte couverte d'un drap et attelée d’un bon cheval de charrue, avec laquelle nous nous sommes aventu- rés, mon conducteur et moi, dans les sables de la Campine, où nous ne cheminions par une chaleur étouffante qu’à rai- son d’une lieue à l'heure. Nous avons été visités assez sévè- rement par la douane belge et nous avons rejoint peu de temps après, le fameux canal, large de 10 mètres et profond de 5, qui prend son eau dans la Meuse, traverse la Campine sur une étendue de 56 kilomètres et rejoint l'Escaut par la grande Nèthe. Cette œuvre si utile et si grandiose a été ter- minée en peu d'années par le gouvernement paternel de Ja Belgique; elle va transformer un immense désert, en un pays qui se peuplera avec le trop-plein des Flandres, car son lit profond et large, toujours maintenu à une élévation suffi- sante pour servir aux irrigations d'une grande étendue de terrains, est en même temps navigable. Il sert maintenant à l'importation des engrais et de la chaux; plus tard il ser- vira à l'exportation des produits dont il aura été la première cause. J'ai envoyé mon véhicule à Overpelt et me suis mis à sui- vre le bord du canal à pied pendant trois heures; j'ai été ainsi amené dans une grande entreprise d'irrigation, se compo- sant de plus de 200 hectares, qui vient d'être terminée; un desassociés, M. Delbrouck, deMaestricht, était occupé avecun huissier-priseur à vendre à l'enchère les regains sur pied; plus de deux cents personnes assistaient à cette vente. Cesmes- sieurs étant fort occupés, je n'ai pu obtenir d'eux pendant le — 264 — trajet d'un morceau à l'autre, que les renseignements sui- vants. L'acquisition de ce terrain communal a coûté 400 fr. l'hectare ; la commune avait dû rembourser au gouvernement, pour frais de construction du canal principal, des canaux d'irrigation , des ponts suspendus établis à environ 4 kilo- mètre les uns des autres enfin des poncettes, 150 franes par hectare vendu; le défoncement du terrain à 66 centi- mètres, les terrassements nécessaires pour former le terrain en planches, creuser les rigoles qui répandent l'eau et celles qui l'emménent, ainsi que pour établir les canaux de prises d'eau et d'écoulement, enfin les dépenses de constructions pour loger le régisseur et les ouvriers attachés à l'établisse- ment, sont revenus à 400 francs par hectare; enfin les en- grais ont coûté 600 francs pour cette même étendue, Lors de la vente des foins sur pied cette année, les meilleures par- ties s'étaient adjugées à raison de 200 à 250 francs l'hectare, et dans ce moment il y en avait qui dépassaient 65 francs ; on espérait que la vente moyenne des regains monterait à 40 francs. Cette entreprise, la plus ancienne en Campine, n'avait été commencée qu'il y a cinq ans. J'ai quitté ces messieurs pour examiner une partie de cette vaste prairie, maintenant couverte d’une belle et vi- goureuse végétation, et qui n'était il y a deux ou trois ans qu'une maigre bruyère. J'ai trouvé des endroits où l'herbe avait plus de 50 centimètres de haut, et j'en ai rapporté quelques échantillons, que j'ai remis à la Société centrale d'agriculture à Paris. Ces prés se composent principalement de trèfle rouge et blanc, de lupuline, de fléole des prés, de dactyle pelotonné, de plantain lancéolé, de houlque laineuse, fromentale, du vulpin, du raygrass anglais et de beaucoup d'autres, dont il serait trop long de donner la nomenclature. Tout le terrain était formé en planches bombées de diverses largeurs, mais généralement de 9 à 10 mètres. La rigole qui déverse l'eau sur les deux côtés de la planche, se trouve na- turellement au milieu ; chaque planche est séparée de ses voisines par deux rigoles chargées d'emmener l'eau, une fois — 9265 — qu'elle à servi aux canaux de décharge. Les planches sont ici de différentes longueurs, mais l'expérience fait préférer celle de 50 mètres. J'ai été très-satisfait de cet examen ; cependant j'ai remar- qué une assez grande quantité de ce petit jonc, dont les jar- diniers se servent pour attacher les branches des espaliers , et je pensais d’après cela que le drainage deviendrait néces- saire; mais on m'a assuré que cette mauvaise plante avait disparu dans des prés plus anciennement faits en Campine, au bout de quatre ou cinq ans de leur formation. On bâtit sur cette grande étendue de prés un certain nombre de petites fermes auxquelles on attache 2 hectares de terre, pour y loger les familles dont les chefs soigneront les irrigations. Je me suis rendu de là à Overpelt, à environ 4 kilomètres du canal, où j'ai rejoint mon équipage. L’aubergiste me dit que M. Keelhoff, qui avait fait exécuter ces travaux d’ir- rigation, sous la direction de l'ingénieur en chef M. Küum- mer, demeurait depuis le commencement de ces travaux chez lui, mais que malheureusement il était absent; j'écrivis à ce monsieur, en le priant d’avoir l’extrème bonté de répondre aux questions que je lui posais, et je laissai un exemplaire de mon voyageagricole en Belgique pour lui être remis de ma part. M. Keelhoff a bien voulu me répondre, et sa seconde lettre est si instructive et intéressante, qu'avec sa permission je pense la faire insérer à la suite de cet ouvrage. Je me suis remis en route, comptant aller coucher à Gheel ; mais à la nuit tombante, en longeant un défriche- ment considérable, dans lequel se trouvaient des travaux d’irrigations qui m’avaient engagé à descendre de voiture, j'ai rencontré près d'une ferme un monsieur qui en était le propriétaire, et qui me pria avec tant d'instances d'accepter l'hospitalité chez lui, afin de me faire voir ses travaux Île lendemain matin, que je me décidai à profiter de son obli- geance. Ce monsieur se nomme Josson, négociant à Anvers. Il a — 266 — acheté 180 hectores de bruyères entre deux bourgs des noms de Lummel et Moll ; il en à déjà défriché 50 hectares et a construit deux fermes qu'il fait valoir, 1 a établi un grand canal d'irrigation sur sa propriété, qui a 3 kilomètres de longueur. Il a ménagé la pente de manière à former qua- tre chutes d'environ 2°,65 de hauteur, qui pourront par la suile faire marcher une machine à battre, un moulin , une scierie et une huilerie; ce canal lui a coûté 47,000 francs. Le terrain qu'il parcourt n'a pas l'air d'avoir de pente. M. Josson a partagé les terres qu'il cultive en carrés longs, bordés sur les quatre faces par des canaux d'irriga- tion plantés avec des aunes destinés à servir d'abris, contre les vents impétueux qui règnent dans ces plaines. Sans ces abris, le sable, chassé avec violence par le vent, blesserait et détruirait les jeunes plantes, Je ne sais pas si l'on a dé- foncé le sol à 66 centimètres au moins de profondeur, comme cela est nécessaire pour faire prospérer les plantations exé- cutées dans la Campine; toujours est-il que ces bordures de bois ne viennent pas bien; mais M. Josson a trouvé un ex- cellent moyen de créer dans le courant d'une année des abris très-touffus et ayant près de 2 mètres d'élévation : il a semé autour de quelques-uns de ses enclos, en avril 4848, une planche de 2 mètres de largeur en genèts et avoine, auxquels il a consacré une fumure de 750 kil. de guano par hectare; il a récolté une avoine superbe et a maintenant des genèts qui abritent à merveille les champs qu'ils entourent. Je pense qu'on pourrait employer ce moyen pour fixer les dunes sur les bords de l'Océan ; on sèmerait les pins en méme temps que les genêts. Il faudrait établir de distance en distance dans ces plaines sablonneuses que les vents ba- lavent d'une manière si destructive, des rideaux d'arbres verts, qui, ne perdant pas leurs feuilles en hiver, garanti- raient le pays, comme je l'ai vu faire dans le nord de l'An- sleterre et en Ecosse; cela ne nuit pas autant que les haies boisées qui affament les petits enclos. M. Josson destine ces champs entourés de rigoles dans — 267 — lesquelles il peut faire couler l'eau, à devenir des prés plats, au lieu d’être formés en planches bombées ; il est occupé dans ce moment à en établir un de cette manière, qu'il croit préférable à l'autre. Sa méthode de défrichement est de faire peler les bruyères, de former avec ces gazons d'immenses composts, qu'il mélange de fumier ou avec 750 kilogram- mes de guano pour 4 hectare. Il fabrique à Anvers des en- grais qu’il expédie ensuite ici par le canal; il y fait entrer de la suie, de la sciure de sapins, du guano, des cendres, de l'acide muriatique , et il arrose ce mélange avec un liquide provenant d'une fabrique, où l'on fait bouillir les chevaux, pour en tirer la graisse. Il n’a encore que peu de bétail, attendant pour en aug- menter le nombre la réussite de ses nouveaux prés. Il a trois chevaux, quatre bœufs, une vache, une génisse, et un tau- reau de buffle de couleur blanche et noire, venu sur un de ses bâtiments, qui lui apportait une cargaison de guano de la baie de Saldanha. Cet animal est extrêmement fort; il traine des charges juste le double de celles que des bœufs de grande taille peuvent mener. Lorsqu'on le dételle, on est forcé de le conduire à une mare très-profonde , où il se plonge de suite et reste le plus longtemps qu'il peut; on a de la peine à l'en faire sortir, un quart d'heure après qu'il y est entré. Il est toujours gras malgré son travail de tous les jours, qui ne lui est pas ménagé. Ilest bon de dire ici que le guano de la baie de Saldanha, se vend en Angleterre à peu près à moitié prix de celui du Pérou. M. Josson a été excellent pour moi et m'a fait conduire à Gheel, gros bourg à plus de 15 kilomètres de chez lui. J'ai passé en venant d'Overpelt à Gheel, par Lummel et Moll, communes populeuses, placées comme celle de Gheel sur des routes pavées , mais dont une partie n’a été faite que récemment. Ce pauvre pays de Campine, si étendu, n'a que deux routes qui le traversent complétement ; la pre- mière va d'Anvers à Bréda, la deuxième de Hasselt à Bois- — JU — le-Duc ; il y a ensuite celle d'Anvers qui va à Turnhouttes elle y formait un cul-de-sac, mais on en à fait nouvellement une qui part de Turnhoutte, passe par Gheel, où elle se partage pour aller d'un côté jusqu'à Moll et de l'autre à Lierre et Malines. Il est impossible qu'un pays naturellement pauvre, qui n'a ni routes ni canaux, prospère; il faut espérer que le gou- vernement belge, qui a si bien commencé en créant ce beau canal qu'il a conduit jusqu'à Turnhoutte, ne s'arrêtera pas en si beau chemin, qu'il prolongera le canal et dotera ce pays qui à tant d'avenir, de beaucoup de petites routes, Je venais à Gheel pour voir M. le baron Charles de Cop- pens, qu'on m'avait cité comme un grand défricheur et un cultivateur distingué ; j'ai été assez heureux pour le trouver, Il m'a dit avoir acheté, il y a sept ans, une ferme cultivée de 45 hectares près Gheel et 700 hectares de bruyères, à envi- ron 2 kilomètres de cet endroit. Nous avons visité ce soir la ferme anciennement cultivée; il n’a pas voulu lui consa- crer d'autres engrais que ceux qu'il a pu y faire, ayant le plus grand soin de n’en pas laisser perdre. Il y entretient maintenant vingt-cinq grosses bêtes et deux cochons à l'en- grais, Ces animaux font beaucoup de fumier, étant parfai- tement nourris et ne sortant jamais de l'étable, à l'exception des bêtes de trait. Il a commencé à défoncer à la bêche toutes les terres à 66 centimètres de profondeur, et à arracher les énormes haies qui entouraient et usaient ses pièces de terre. [ à d'abord mis en prairies artificielles les terres pour lesquelles il n'avait pas d'engrais, et s’est attaché à ne jamais ense- mencer une terre qu'après avoir pu la fumer convenable- ment. Il est parvenu ainsi à avoir de superbes récoltes; j'y ai surtout admiré un champ assez considérable de carottes extraordinairement belles, des trèfles magnifiques et de fort belles avoines. Il a essayé trois variétés de maïs qu’il avait reçues du ministre, ainsi que des avoines et des navets; un de ces mais a 2 mètres de haut, mais n’a formé que des épis > M = manqués ; les deux autres, qui sont à petites tiges, ont bien müri et donnent beaucoup d'épis. Ayant été un des juges du concours de charrues en septembre 1848 à Bruxelles, il a été si content de la charrue du nommé Odeurs, maréchal à Marline près Saint-Tron, qu'il l'a achetée, et quoiqu'il ne se serve depuis qu'il cultive que d’un excellent brabant, lui et ses laboureurs trouvent la charrue d'Odeurs si supé- rieure, qu'il n’en fera plus faire d’autres. Les meilleures terres des environs immédiats de Gheel se vendent 5,000 fr. l'hectare. M. de Coppens m'a dit qu'en creusant un puits, on avait trouvé à 13 mètres de profondeur de la bonne marne argi- leuse; mais comme elle est couverte d’un sable mouvant, qui, suppose-t-on, rendrait son extraction très-coûteuse, on n'a pas profité de cette découverte. IL fait valoir cinq fermes par lui-même; elles sont con- duites par des maîtres valets qu'il a dressés et qui font cha- que soir un rapport par écrit, sur les opérations qui ont eu lieu dans la journée. Ils ont pour cela des imprimés qu'ils remplissent fort proprement; à la fin de l’année on les fait relier, afin de pouvoir les consulter dans l’occasion. Un mar- chand de Gheel vient tous les jours passer chez lui le temps nécessaire, pour porter ces comptes sur le grand-livre, qu'on tient en partie double. On y ouvre un compte à chaque pièce de terre. Ces détails seront très-intéressants sous divers rap- ports, mais surtout sous celui des produits comparés de telle fumure; de telle ou telle espèce de grain, etc. M. deCoppens fournit aux ouvriers qui défoncent ses terres, des bèches très-différentes de celles en usage ; elles sont beau- coup plus larges et plus longues ; il m'a dit que c'était pour forcer ses hommes à ne prendre qu'une très-petite épais- seur de terre à la fois, pour mieux la diviser. Sa ferme, an- ciennement cultivée par un des meilleurs fermiers des envi- rons, donne maintenant le double en grains, de ce qu'elle en produisait précédemment. El m'a dit que sil voulait louer ses bruyères défrichées, en fermes de 20 à 40 hectares, — 270 — elles lui donneraient un revenu de 50 à 60 francs l'hectare, M. de Coppens a changé plus de 50 hectares de bruyères en bons prés irrigués et il compte en avoir 450 hectares ; voici comme il s'y prend pour créer ces prés. Il fait d'abord dé- foncer le terrain de 60 à SO centimètres, selon la nature du sous-sol ; cela se fait à la journée et à la bèche, et revient de 550 à 400 francs l'hectare. On y plante des pommes de terre après une forte fumure, qu'il estime coûter 200 francs. On y sème l'année suivante après une pareille famure une avoine et la semence de pré; cette fumure se compose pour moitié de fumier et pour le reste d’un engrais dont je don- nerai plus loin la composition, Lorsqu'il manque de fumier il emploie 4,500 kilogrammes de l'engrais composé, qu'il fait faire à Gand et qui lui coûte 200 francs la dose ci-dessus indiquée ; j'oubliais de dire qu'il forme les planches bom- bées destinées aux prés à irriguer, par un double labour; il leur donne 7 mètres de largeur. M. de Coppens a fait atteler un cabriolet à quatre places, afin d'avoir avec lui un jeune homme, qui pût garder le cheval lorsque nous descendrions et le conduire dans les endroits où nous devrions le reprendre. Nous sommes partis d'assez bonne heure, afin de voir une assez grande partie de ses défrichements. Nous avons d'abord visité des semis ou plantations d'arbres verts, âgés d’un à six ans. I} se fournit de replant en éclaircissant les semis, presque toujours au bout d'un an. Il m'a fait observer que les arbres plantés ou semés sur terrain défoncé à 60 à 80 centimètres de profon- deur sont plus beaux que ceux qui l'ont été sur un défon- cement fait au moyen de deux charrues qui se suivaient dans le même sillon. Je pense que si on faisait suivre la se- conde charrue par une forte charrue à sous-sol, cela pour- rait améliorer infiniment ce défoncement, quoiqw'il ne puisse jamais être aussi complet que celui fait au moyen de la bêche; mais si le sous-sol de sable ferrugineux et agglo- méré pouvait être divisé par ce triple labour, les arbres, je le crois , viendraient bien, et on aurait dépensé infiniment — 271 — moins. M. de Coppens m'a encore fait remarquer que les arbres plantés sur des places creuses, nivelées avec des terres rapportées, sont plus beaux que ceux plantés sur un terrain simplement défoncé à la bèche, ou bien sur un terrain d'a- bord trop élevé, puis nivelé par l'enlèvement du sous-sol, quoiqu’on eût pris la précaution ordinaire de conserver sur place, la terre de la surface. 11 m'a fait voir des ave- nues considérables en peuplièrs du Canada, où tous les arbres, attaqués par des vers au ras de terre, ne prospèrent plus, tandis que les peupliers d'Italie restent intacts. Il a aussi planté beaucoup de jeunes chênes en avenues; ils viennent vite pour cette espèce d'arbres ; il les plante âgés de cinq ou six ans ; on les élague d’abord à 16 centimètres du tronc, puis on retranche complétement un ou deux ans après les branches qui avaient été raccourcies. M. de Cop- pens a pour princfpe de laisser aux chênes, pendant les vingt-cinq ou trente premières années , les deux tiers de leur hauteur garnis de branches ; il est bien entendu que l'élagueur doit frapper avec la serpe de bas en haut. Les ormes ne réussissent pas chez lui, mais en revanche les mélèzes y viennent à ravir ; les aunes réussissent on ne peut mieux dans le sol défoncé, et fort mal dans celui qui ne l’a pas été; ils sont dans ce cas attaqués par un petit sca- rabée de couleur bleue foncée, qui en couvre dans ce moment les feuilles. Les cerisiers, les poiriers et pommiers viennent à merveille, dans un terrain près de sa principale ferme, qui a été défoncé à 1",65 de profondeur ; j'y ai vu des pruniers qui à 1 mètre de terre avaient 52 centimètres de circonférence après six ans de plantation. Il ne fait pas de cas du pin des Landes, dont j'ai aperçu quelques semis dans ce pays. Nous avons été voir une bande d'ouvriers, occupés à dé- foncer et à niveler en même temps, un terrain qui paraissait détestable ; on était dans la partie la plus élevée, qu'on dé- fonçait à plus de 4°,65 et dont on emmenait à la brouette le sous-sol, pour rehausser la partie la plus basse. C’est un ou- — 272 — vrage d'amélioration effrayant à voir au premier aperçu, pour l'agriculteur le plus zélé, mais lorsqu'on regarde avec atten- tion et qu'on remarque comme la bèche pénètre facilement dans ce sable, on ne se permet plus en soi-même de blâmer l'homme entreprenant et généreux, qui consacre sa vie el une partie de ses revenus à ces travaux gigantesques, qui lui seront en définitive profitables, tout en faisant vivre une foule de braves gens. , Les défoncements les plus profonds, toujours accompa- gnés du nivellement, ne dépassent que bien rarement la dépense de 400 franes par hectare. On a soin de mettre les agglomérations ferrugineuses à la surface ; elles l'améliorent et celles qui sont dures comme la pierre se laissent dissoudre par les gelées. M. de Coppens m'a dit qu'il y avait de certains sables blancs qu'on croirait complétement inertes, lorsqu'ils ne sont couverts que par quelques centimètres de terre de bruyère, et qui donnent cependant de fort beaux trèfles dès la seconde année, lorsqu'on leur a consacré 40 à 142 mè- tres de cendre faite avec des gazons de bruyères, à plus forte raison lorsque ce sont des cendres de tourbe, ou bien celles de bois qu'on emploie ; ces dernières, après avoir été lessivées, sont les meilleures. Le guano du Pérou , employé ici à raison de 400 kilo- grammes par mesure de 125 ares, a produit des sarrasins hauts de 1°,65, du colza de printemps admirable, des avoi- nes très-épaisses ayant 1°,55 de hauteur, des pois qui éten- dus dans toute leur longueur, mesuraient jusqu’à 5 mètres et qui ont produit sur un 1/2 hectare 22 hectolitres. Les pommes de terre sont très-belles ; mais ce que j'ai vu de plus remarquable, ce sont des carottes jaunes à collet vert , qui ont déjà 5 centimètres en diamètre ; on en arrache tous les jours plein un tombereau par hectare, pour les éclaircir ; cela durera ainsi encore pendant deux mois et elles donnent ordinairement lorsqu'on les arrache , de 40 à 45,000 kilo- grammes par hectare. Tous les champs de carottes que j'a- vais us pendant ce voyage, n'étaient pas à beaucoup prés er er aussi beaux que celui-ci, et il était égal dans toute la pièce. Une plante que je n'avais pas encore vue cultivée en grand et qui m'a paru devoir l'être du moins dans les terres légè- res, c’est la séradella, vulgairement pied-d’oiseau ; elle a ici environ 50 centimètres de haut, est très-épaisse, et les bêtes à cornes la dévorent. Nous avons vu un terrain consi- dérable, semé ce printemps avec des poussiers de greniers à foin, auxquels on a ajouté un peu de trèfle rouge et blanc et de la lupuline ; ceux qui ont été semés seuls sont bien mieux pris que ceux semés dans l’avoine, à moins que celle-ci n'ait été fauchée en vert. M. de Coppens m'a fait voir des prés qui ne peuvent pas être irrigués ; il leur donne chaque année 550 kilogrammes de guano et cela leur fait produire en abondance, du foin de première qualité. Ses prés irrigués produisent généralement en deux coupes 5,000 kilogrammes de foin très-fin et d’une excellente odeur ; ik vend les regains par adjudication jus- qu'à 60 francs par hectare. Les petits joncs qui poussent dans ies deux premières années d’un nouveau pré irrigué , disparaissent à la quatrième ou cinquième. La fumure qu'il emploie le plus généralement jusqu’à cette heure, est un en- grais composé dont il m'a promis la recette. Il en applique tous les ans pour 180 ou 200 francs par hectare ; mais il préfère, tant qu'il a du fumier à sa disposition, donner une demi-fumure composée de 20 à 25 mètres, et ajouter pour 90 à 100 francs d’engrais fabriqué. Il fait recouvrir chaque couche de fumier, à mesure qu'on le sort des étables, avec des gazons, de la vase, ou une argile blanche à laquelle il ajoute de la chaux. Il vient d'essayer la chaux à raison de 50 hectolitres par hectare, sur des terres nouvellement dé- frichées. M. de Coppens n'a jusqu'à cette heure que des vaches campinoises, qui sont du reste assez abondantes en lait ; elles ne quittent pas les étables. On leur donne, même en été, trois fois par jour, un mélange de légumes cuits avec des LS siliques de colza , des balles de grains , ou du foin coupé; on ajoute à cela, l'été, du trèfle ou autre fourrage en vert; et l'hiver, du foin et des navets d'éteule. J'ai vu chez lui un scarificateur d'Omalius, avee lequel il peut, en changeant les socs , fort bien peler les chaumes, et un rouleau long de 1°,65, ayant 5°,50 de diamètre ; il est composé de madriers épais de 10 centimètres, mon- tés sur de petites roues de chariot ; il lui a fait adapter une caisse devant et une autre par derrière, qu'on peut charger à volonté de terre, pour le rendre plus où moins pesant ; l'intérieur du rouleau est garni de pierres liées par du plâtre. M. de Coppens a déjà semé ou planté 300 hectares de bois; je l'ai engagé à essayer les différentes variétés de lari- cios, que j'ai trouvés si beaux chez MM. Vilmorin et de Vi- bray, et principalement celui qu'on nomme le pin noir d'Autriche, Je lui ai raconté ce que j'ai vu en Touraine, en fait de défrichements faits au moyen du noir mélangé avec la semence, et il a écrit de suite pour en faire venir. Voici plusieurs recettes d'engrais composés et leurs prix de revient. Pour fumer 8 hectares de bruyères nouvellement défoncées, qu'on allait semer en graine de foin, on a employé les objets suivants : fr. cent. 700 kilogr, d'os coûtant 6 fr. le 100, 42 » 419 — d'acide sulfurique à 29 fr., 90 34 75 — de chiffons de laine à G fr. le 100, 4 58 566 — de raclures de cuir à 6 fr. 55 96 125 — d'arêtes de poisson, 5 » 245 seaux de sang de bœuf à 52 cent. les | 12 litres, 78 4 2,750 kilogr. de marc de colle à 2 fr. le 100, 59 » 30 cuvettes de vidanges à 56 cent, l’une, 10 80 À reporter 519 88 — 275 — fr. cent. Report 5319 88 144 kilogr. de potasse à 20 fr. le 400, 28 66 AAA — de sulfate de soude à 45 fr., 16 80 b sacs de colombine à 6 fr. 56 cent., 31 80 308 hectol, de suie à 1 fr. 75, 539 » 68 — de cendres de bois à 4 fr. 50, 402 75 1,058 89 Main-d'œuvre, 51 journées à 4 fr. 27, 39 . 57 Frais de transport, 16 50 Combustible et lumière, 5 56 Usage de deux brouettes au bateau, » 24 1,400 16 La famure de 4 hectare de pré lui est donc revenue à 157 fr. 60, ce qui est bien peu, et cependant les prés ont bien réussi. Fumure de G hectares 50 cenhares de seigle. Y :; Y ” Suie, 417 1/2 hectolitres à 4 fr. 78 c., 746 Cendres de houille, 38 sacs à 63 cent., 23 94 — debois 41/2 — à 1 fr. 50, U:c78 456 seaux de sang à 32 centimes, 139 52 Raclures de cuir, 489 kïlog. à 6 fr. le 100, 29 54 Vidanges solides, 54 bacs à 1 fr. 36, 73 A4 Rognures de peaux, 4,500 kilog. à 5 €., 75 » Colombine, 4 sacs à 6 fr. 56, 25 44 Cendres lessivées, 5 hectol. à 2 fr. 6 » 11 cuvettes d'urine de cheval à 148 cent., 4 98 Frais de transport, 20 05 Main-d œuvre, 2. 05 Mare de colle 700 kilog. à 2 cent., 14 » — d'huile de poisson, 4,200 kilogr. à 4 centime, 42 » À reporter 1,199 414 — 216 — Kieport 1,199 Us fondus, 650 kilog. à 6 cent., 59 Acide sulfurique, 475 kilog. à 21 cent., 100 1,558 A déduire la valeur d'une partie de l'en- grais non employé, 225 1,115 Cette fumure a coûté 171 fr. 62 par hectare. Une espèce de plâtre pour 2 hectares de trèfle. fr. Chaux de gaz 22 hectol. à 25 cent., ù Sulfate de soude, 100 kilog. à 15 cent., 15 20 Engrais préparé pour 5 hectares de pommes de terre. fr. Suie, 156 hectolitres à 2 fr., 2792 Os fondus, 115 kilog. à 6 cent., 7 Acide sulfurique, 40 kilog. à 22 cent., 2 Sang de boucherie, 259 seaux à 52 cent., 76 Cendres de houille, 166 sacs à 66 cent., 109 Raclures de cuir, 545 kilog. à 6 cent., 52 Vidanges solides, 52 bacs à 1 fr. 30, ee Colombine, 5 sacs à 7 fr., 59 Raclures de cornes, 40 kilog. à 6 cent., 2 Cendres de bois, 4 hectolitre, 1 Poudre de charbon, 4 hectolitre, 1 Chaux de gaz, 10 hectolitres à 25 cent., 2 Sulfate de soude, 697 kilog. à 45 cent., 104 Potasse d'Amérique, 125 kilog. à 81 c., 100 Tourailles d'orge, 118 pierres à 18 c., 21 Cendres lessivées, 5 1/2 hectol. à 2 fr., 7 A reporter 854 — 271 — fr. Report 854 40 Main-d’'œuvre, 2 60 Transport, 12 05 Combustible et éclairage, 45 15 901, 20 Cela fait 180 fr. 24 cent. par hectare et n’est pas cher. Engrais pour 5 hectares de pres. fr cent. 1925 hectol. de suie à 2 fr., 250 » Os fondus, 50 kilog. à 7 fr. le 100, 42. M Acide sulfurique, 50 kilog. à 22 fr. le 400, 6 60 Sang de bœuf, 62 seaux à 52 cent., 49 84 Cendres de houille, 40 sacs à 65 cent., 25. ‘20 305 14 M. de Coppens a dépensé en engrais venus de Gand par bateaux jusqu'à Herenthals-à quelques lieues de chez lui, le port compris jusque-là, à partir du 20 novembre 1846 jus- qu'aujourd'hui 16 septembre 1849, en trente-quatre mois, les sommes suivantes : fr. cent. Pour 15 hectares de seigle, par hectare 76 fr. O8, 1,144 20 Pour 12 hectares de prés, par hectare 45 fr. 79, 525 48 Pour 5 hectares de pommes de terre à 115 fr. 50 par hectare, 359 91 Pour 5 hect. d'avoine à 80 fr. 82 par hectare, 404 09 Pour 8 hectares de pommes de terre à 445 fr. 64 par hectare, PP 22 Un envoi dont on ne dit pas l'emploi, 454 » Pour 5 hectares de seigle, par hectare 198 fr. 81, 11492 9 Pour 5 autres hectares à 183 fr. 25 M6 928 A reporter 5,878 98 — 2178 — fr. cent. Report 5,878 98 Pour 8 hectares de prairies à faire, à 188 fr. 82 par hectare, 1,510 57 Pour S hectares de prairies à faire, à 185 fr. 84 par hectare, 1,486 76 Pour 5 hectares de prairies à faire, à 150 fr. 25 par hectare, 450 69 Pour 5 hectares de pommes de terre, 901 » Pour 10 — _— — — 1,852 925 La moyenne est par hectare de 485 fr. 55. Pour 25 hectares de seigle en quatre fois, à 485 fr. 58 par hectare, 4,659 87 Pour 19 hectares 1/2 de prés à faire, à 168 fr. 05 par hectare, 3,276 71 Pour 7 hectares de pommes de terre à 170 fr, 05 par hectare, 4,190 tv44 | 21,186 9 Voilà plus de 21,000 francs dépensés en engrais en trente- quatre mois, mais il faut remarquer que les défrichements augmentent chaque jour en étendue daus cette culture. M. de Coppens m'a dit que les produits moyens de ses bruvères défrichées étaient, en seigle de 28 à 50 hectolitres, en avoine de 45 à 50, en pois de 30 à 40, en pommes de terre de 36,000 kilog., en foin de 5,000 kilog. Je vais ajouter ici une recette d'engrais factices, que j'ai trouvée dans un de mes journaux d'agriculture anglais; cette recelle est recommandée principalement pour les ré- colles sarclées. J'ai mis les doses destinées à 1 hectare. fr. cent 50,900 kilogr. de fumier à 5 fr., 150 » 500 — de guano à 26 fr., 101.9 200 — de noir animal à 7 fr. 50, 15 » 100 — d'acide sulfarique, 19 » 100 — de carbonate de magnésie (je : n’en connais pas le prix). A reporter 262 » — 219 — fr. cent. Report 262 » 100 kilog. de sulfate de magnésie, 45 _» 100 — de sulfate de soude, 1%, » 100 — de muriate d'ammoniaque, 48 » 100 — de sel de cuisine, 2 » 500 — de râpures de cornes, à peu près, 20 » 100 — de nitrate de soude, 45 ,» 453 » M. de Coppens a encore une autre manière de défoncer ses défrichements ; il les fait labourer le plus profondément possible, par deux charrues qui se suivent dans la même raie; dès qu'elle est terminée, il y place un nombre d'hommes suffisant à d’égales distances, qui en marchant à reculons approfondissent encore ce labour ; si le sous-sol peut améliorer la terre de la surface, ils le jettent sur le labour ; dans le cas contraire ils ne font que le bècher. M. de Coppens compte louer ses fermes aux chefs de cul- ture qu'il a dressés, et qui auront été assez de temps à son service pour qu'il les connaisse bien et qu'ils soient deve- nus capables de diriger une exploitation; il leur laissera les fermes garnies de bétail , instruments, fourrages, engrais, semences, et les grains nécessaires pour atteindre leurs pre- mières récoltes. Les fermiers prendront tout cela par esti- mation, payeront un intérêt modéré du capital, qu’ils rem- bourseront petit à pelit. Des gens bien choisis ne pourront manquer de réussir dans une pareille position. M. de Coppens a partagé ses bruyères par de grandes ave- nues plantées de chênes ou de peupliers ; il subdivise les grands carrés qui en résultent, en enclos d’une contenance de 5 hectares; il fait défoncer 2 mètres de largeur sur chaque côté des avenues à 1 mètre de profondeur, avant d'y planter les arbres. Un aubergiste fort intelligent de Gheel m'a dit avoir, il y a une dizaine d'années, fait des prés de Ja manière suivante. cs DA IL à commencé par niveler la bruyère, en ayant le soin de conserver toujours à la surface la terre qui y était précé- demment, J'ai déjà expliqué celte opération, 2: 1 à mettre celte terre de côté, jusqu'à ce qu'on ait enlevé le sous- sol des parties trop élevées, et rempli avec lui, les parties creuses, pour la répandre ensuite par-dessus la terre de superficie, On a labouré ensuite la bruyère à 40 ou 12 cen- timètres de profondeur , de manière à la renverser bien à plat. Suivait une seconde charrue qui ramenait 10 à 12 cen- timètres de terre par-dessus les gazons de bruyères; puis on a hersé, on a roulé avec un gros rouleau, on a hersé de nou- veau ; après cela on a semé des poussiers de foin pris dans le grenier, et par-dessus un tiers de semence de trèfle rouge , et enfin de la spergule. Il faut dire qu'on avait répandu 60 mètres cubes de fumier sur la bruyère , avant de la re- tourner, et qu'on avait arrosé avec du purin la terre labou- rée, après qu'elle avait été roulée et hersée. Il en est résulté qu'on a eu d'abord une coupe de spergule , ensuite une de trèfle, et que l'année suivante le trèfle et le foin naturel avaient produit une bonne récolte, Les vidanges et les cen- dres font à merveille dans ces prés. Cet aubergiste ne cultive qu'un grand jardin, 5 hectares de terre et 5 de prés, et il assure que le fumier des nom- breux chevaux étrangers qui descendent à son auberge, la plus grande de Gheel, celui des cinq qu'il possède, et de ses trois vaches, les vidanges, purins et cendres de la maison, sont loin de suffire pour sa petite culture, car les prés de la Campine qui ne sont pas irrigués, ne peuvent être produc- tifs qu'en recevant tous les ans une nouvelle famure. II m'a dit aussi que les meilleures terres anciennement cultivées , qui sont à la porte du bourg, ne produisent pas d'aussi bonnes récoltes qne les bruyères défrichées à la manière du baron de Coppens. : Celui-ci m'a fait le détail suivant de la dépense faite pour établir 4 hectare de pins; le défoncement à la bêche de Ja bruvere coûte 250 à 550 francs, suivant Ja profondeur et la — 9281 — dureté de la couche de sable ferrugineux qui forme le sous - sol, et qu'il s’agit de ramener à la surface; dans cette somme est comprise la façon des rigoles ouvertes, qu'il faut établir entre les planches couvertes par les jeunes arbres. Il faut ajouter 50 francs de replant d'un an, si on est obligé de l'a- cheter; sinon, seulement le prix du temps employé à son arrachage ; et enfin 6 francs pour le repiquer en ayant soin de le distancer de 66 centimètres dans les lignes, qui sont à 1 mètre les unes des autres. M. de Coppens a dépensé, depuis sept ans qu'il a com- mencé ses opérations de défrichements, 25,000 francs cha- que année, sans compter les valeurs produites par sa culture. Le gouvernement lui a fait la concession gratuite de sa prise d'eau dans le grand canal, parce qu'il avait été le premier à entreprendre en grand les défrichements de la Campine. Il paraît que les associés qui ont transformé en prés 200 hectares de bruyères près d’Overpelt, y ont mis une somme beaucoup trop considérable en engrais et amende- ments. Avant comme entrepreneurs de travaux publics, une coupure considérable à faire pour redresser le cours de la ri- vière dans la basse Meuse, ils ont cru devoir en transporter les terres, qui étaient de nature argileuse, sur leurs 200 hec- {ares de terres sablonneuses, et cela leur a beaucoup coûté. M. de Coppens a employé une bonne partie des deux nuits que j'ai passées à Gheel, à parcourir mon second voyage en Angleterre que je lui avais offert. Il m'a dit qu'il allait es- sayer une partie des méthodes de culture qui y sont décrites, entre autres celle employée par M. Warnes, pour loger son bétail en boxes et le nourrir avec des fourrages coupés, ar- rosés de bouillons formés de tourteaux et farines. Il compte aussi se procurer quelques-uns des excellents instruments d'agriculture de ce pays. La culture de la Campine en venant de Weert jusqu'à Moll, environ 60 kil. de France, est des plus négligées et des plus misérables ; les chemins y sont si mauvais, qu'on y va au pas presque tout le temps et qu'on y est abîimé de cahots; mais — 282 — depuis Moll, où l'on trouve une route pavée pour se rendre à Gheel, pendant environ à kilomètres, on ne voit quedes prés excellents faits d'ancienne date, sur fond de sable et sous-sol de tourbe ; ils sont traversés dans toute leur longueur par la Nèthe et plusieurs de ses affluents, dont les débordements servent à les fertiliser, On y fauche dansce moment de beaux regains, pleins de trèfle. Moll et Gheel sont de très-gros bourgs, dont le dernier a deux grandes églises et une quan- tité considérable de chapelles; son territoire est de plus de 10,000 hectares. J'ai loué ici un cabriolet pour me rendre à Arendonck et ensuite à Turnhoutte ; la première partie de cette course, qui a été de 20 kilomètres faits presque entièrement par de mauvais chemins de traverse, m'a fait voir un des côtés les moins mauvais de la Campine; nous avons passé dans une terre considérable, qui appartenait anciennement à un couvent ; elle est devenue la propriété d'un M, Vanderbec, qui à la réputation d'être bon cultivateur; j'ai regretté de ne pouvoir m'arrèter pour lui faire une visite. J'ai vu dans celte propriété de superbes bouquets de vieux pins, des plan- lalions anciennement faites en chènes , frènes et tilleuls magnifiques ; les arbres sont droits et fort élevés sans bran- ches ; on voit qu'ils ont été bien dirigés dans leur jeunesse. Arendonck est un gros bourg, possédant une grande et belle église ; il est situé à portée du canal et à 10 kilomètres de la ville de Turnhoutte ; on est obligé, pour s’y rendre, de suivre un chemin de sable très-fatigant pour les hommes et les cheyaux, et l'on traverse un fort mauvais pays. J'étais venu à Arendonck pour y visiter une grande entreprise de défrichements de bruvères, qu'on est en train de convertir en prés irrigués. J'ai pris pour guide un surveillant des ponts et chaussées, qui se trouvait dans l'auberge où j'étais des- cendu ; cet homme paraît très-intelligent ; il a été sergent dans l'armée belge, et son père est fermier dans les environs de Mons. Ce grand défrichement , composé d'environ 250 hectares — 283 — dont 210 sont défoncés et formés en planches, contient une certaine étendue déjà semée depuis le printemps. On y re- marque beaucoup de raygrass d'Italie très-vigoureux ; les légumineuses au contraire ont l'air d'y souffrir. Les entre- preneurs font venir d’une distance de 56 kilomètres, par le canal de la petite Nèthe, des vases de l’Escaut, qu'on mé- lange avec de la chaux, des gazons de bruyères ramassés en tas pour cela, des boues de ville, des cendres et des suies, des vidanges, du noir animal et du guano. Je n'ai pu savoir les doses de ces différents engrais. On mélange cela, on le repioche plusieurs fois bien menu et on l’emploie à raison de 100 mètres cubes par hectare. Les terrassements sont revenus à 245 francs. En résumé, toutes les dépenses à faire pour avoir un hectare en état d’être irrigué, y compris l’a- chat du terrain, les travaux préparatoires faits par l'Etat, les engrais et les semences, se montent à la somme de 1,000 fr. On assure que les prés produisent dès la seconde année un intérèt à 10 pour cent de ce capital. M. Stercken, qui dirige ces travaux d'irrigation, a été aussi employé à ceux d'Overpelt ; il était malheureusement absent ; je lui ai laissé mon voyage agricole en Belgique et lui ai écrit pour lui demander des renseignements sur ses travaux ; il a eu l’obligeance de m'envoyer les détails que je viens de citer. Mon guide m'a dit que le transport, le chargement et le déchargement des terres amenées par bateau revenaient à 5 francs le mètre cube. On a établi au milieu du défriche- ment un chemin de fer mobile; il porte des tombereaux . faits en fonte, fer forgé et tôle, qui sont fort commodes et faciles à décharger. Le terrain a été partagé ici d’une autre manière qu'à Overpelt. On a planté des haies dans la direction du nord au midi, en lignes parallèles séparées par 150 mètres, afin d'abriter les prés des vents d'est et d'ouest. Elles sont plantées sur un talus bordé de chaque côté par une rigole d'écoulement, destinée à emmener l’eau qui a déjà servi à l'irrigation des planches; ces planches — 284 — sont bombées et longues de 50 mètres; elles reçoivent l'eau par leur haut boul , d'une rigole d'alimentation qui en fournit aussi par son bord opposé à une bande large de 12 mètres qui est plate, parce qu'elle est destinée comme sa voisine, dont elle n'est séparée que par une petite rigole d'écoulement, à servir de chemin d'exploitation ; car les voitures chargées de foin auraient trop de peine à circuler sur les planches bombées. Je joins ci-contre un plan de ces irrigations, qui me paraissent être tracées d'une manière fort ingénieuse et facile à imiter ; il aidera le lecteur à comprendre mon explication imparfaite. Mon guide m'a encore dit qu'il en coûtait 440 francs par hectare pour le mettre en planches, y faire les rigoles et le défoncer partout à 55 centimètres de profondeur ; une fois que l'engrais est répandu à la surface des planches, ce qui se fait à la journée, on sème les graines du pré et on les en- terre au râteau à bras. On n'a commencé ce grand défrichement qu'en 1848; il n'en reste plus qu'environ 40 hectares à faire. J'ai couché à Turnhoutte et j'en suis parti à quatre heures et demie du matin, pour me rendre chez M. le comte Dubus au château d'Ostmalle; j'avais vu son père l’année précé- dente à Bruxelles, où il était président du conseil supérieur d'agriculture ; il est mort depuis. Le jeune comte a de beau- coup diminué l'étendue de la culture du château; il a bien voulu me montrer lui-même les travaux de son père, dont le vieux serviteur, chargé d'exécuter ses ordres pendant dix- huit ans, nous accompagnait. M. Dubus a un taureau et une vache durhams, deux va- ches croisées durhams, qu'il dit excellentes , cinq vaches et deux bœufs de pays; ces deux derniers font avec le taureau les travaux de cette culture ; il est vrai que les fermiers du comte en font partie. La terre a une étendue de 500 hectares. La partie qui est cullivée par le château à une très-mauvaise apparence ; ce RS OT EC Se RE / (| Rigole d'écoulement, ‘ Planche bombée plantée pour servir d'abri contre les grands vents. coulement. Rigole d'é ‘Auamwafnos2,p 21081 = E © = LI = 5° 8 8 E ® B cl 5 os “uote uoui]e p ajoëty ‘uonviwmie p 2108 Rigolo d'alimenta Moitié du chemin d'exploitation. PR SERRE füigole d'écoulement. Autre moitié dudit chemin. Rigole d'é conlement. Planche en ados plantée pour abri. Rigole d'écoulement. Tracé des irrigations qui ont été établies sur 200 hectares de bruyères défrichées, à Arendonck, à 45 kilomètres de Turnhout en Campine, par M. SreRCKEN. j sé HR - pla ss EN vire à Lt. 2 sin salé: ES re dé D, ibm fr TT 6 Ve PV D. INF TU th” LA -— “ æ À à LA — À ve +É A d (LR " ë] d L. * ] P, L'Es 4 è Fe * 1 14 2e [| ET sont des bois de pins qui, ayant été faits sans que la bruyère eût été défoncée, n’ont pas réussi ; on les défriche au fur et à mesure que les précédents défrichements ont été amélio- rés et loués à des fermiers, ou bien aux habitants de la com- mune d'Ostmalle, voisine du beau château de ce nom. En ar- rachant ces mauvais bois on défonce le terrain d'au moins 66 centimètres. Quand on à abattu les pins on ne voit sur la terre qu'un peu de mousse et des lichens, tant elle est in- fertile, et malgré cela on y obtient des récoltes magnifiques, une fois qu’elle a été défoncée et bien fumée. On m'a mon- tré un champ de 220 verges, mesure du pays dont il faut 300 pour 1 hectare ; il avait été fumé avec 45 tombereaux à un bœuf, de fumier de vaches dont la litière est de la bruyère fauchée et non pas des gazons de bruyères, qu’on n’estime pas dans cette maison; on y a ajouté 450 kilogrammes d'un guano qui ne vient pas du Pérou et 15 hectolitres de cendres de Hollande ayant coûté 15 francs. Le seigle qui y a été semé a été vendu sur pied avec la paille et a produit 446 francs. Un champ de 275 verges, après avoir reçu 85 tombereaux sem- blables de fumier et 100 hectolitres d'urine, fut planté à moitié en colza, qui ayant été presque détruit par la gelée, n’a produit que 7 hectolitres de graine, mais on y avait semé en mars des carottes, qui après avoir été séparées de leurs feuilles, ont rempli 45 de ces tombereaux attelés d’un bœuf. L'autre moitié du champ ou 157 verges 1/2 avaient cté plantées en betteraves; elles ont aussi rapporté 15 tombe- reaux de racines effeuillées. J’ai remarqué dans bien des endroits de la Belgique, que les betteraves produisent moins que les carottes dans les terres très-siliceuses. Une autre parcelle de défrichement a reçu après le dé- foncement 1,000 kilogrammes de noir animal et 20 hec- tolitres de cendres de Hollande avant qu'on y semät de l’avoine; elle a peu produit, ayant été semée très-tard et le temps étant devenu très-sec ; on avait semé dans l’avoine du trèfle, auquel on a appliqué encore 20 hectolitres de cendres de Hollande; j'en ai vu la troisième coupe, qui dans de bon- — 286 — nes terres d'autres pays, eût pu passer pour une très-bonne première coupe. On a estimé ces trois co 11.2 co à la somme de 450 francs par hectare. J'ai vu un champ de 55 ares qui a été fumé Dec 80 tom- bereaux de fumier toujours fait avec litière de bruyères; on y a semé celle année des navets et on y fera l'an prochain des pommes de terre sans nouvelle fumure ; on avait obtenu une belle coupe de spergule avant les navets, auxquels on atiribuait la valeur de 400 francs, J'ai vu de fort beaux rutabagas qui avaient été repiqués en juin; il y avait à côté du replant de colza, qu'on venait d'arracher pour le repiquer ; il était très-beau ; on l'avait lié en bottes et on le laissait se faner, afin d'éviter qu'il ne de- vint trop fort avant l'hiver; il avait été semé en juillet. Ce champ avait eu comme fumure 600 kilogrammes de noir et 20) hectolitres de cendres à l'hectare. J'ai beaucoup admiré un champ de séradella, qu'on avait d'abord semé en avril, mais la plante avait été détruite par le froid; on en a ressemé en mai, et elle est devenue très- belle et fort épaisse; ses tiges étendues ont jusqu'à 4°,33 de longueur , elle a déjà été fauchée sur une étendue de 90 verges (50 ares) et a fourni 1% tombereaux attelés d’un bœuf, d'un fourrage que le bétail aime beaucoup; on l'avait fumé comme les récoltes précédentes. Les 175 verges (60 ares ) de terrain qui vont être repi- quées en colza ont reçu 400 tombereaux de fumier et 50 hec- tolitres d'urine; on y sèmera en mars des carottes. J'ai vu de fort belles pommes de terre dans un champ dont elles étaient la première récolte après défrichement ; on leur avait donné 75 tombereaux de fumier et 300 kilo- grammes de guano par hectare. Un champ de 575 verges (150 ares) avait été fumé avec 1,875 kilogrammes de noir animal et 52 hectolitre - dres ; il a donné une très-belle avoine hante de po ol trèfle qui est venu dessous est cependant très-vigoureux et égal ; il recevra 40 hectolitres de cendres. — 287 — M. le comte Dubus avait acheté cette terre il y a dix-huit ans; il a commencé il y a douze ans à faire des prés sur bruyères par le procédé suivant : on a d’abord défoncé à 70 centimètres en enterrant la bruyère à 35 centimètres ; on a répandu par hectare 100 tombereaux de famier, qu'on a enterré en formant les planches par un double labour, et en endossant afin d'obtenir une planche suffisamment bom- bée. On a ensuite hersé et exécuté les rigoles d'alimentation et d'écoulement dont les terres ont servi à bien dresser les pentes des planches; on a semé 50 hectolitres de cendres de Hollande, ensuite les graines, qui ont été recouvertes au râ- teau; cela a produit des prés qui, n'ayant pas reçu depuis d’autres engrais, donnent une moyenne de 4 à 5,000 kilog. d’un très-bon foin ou regain, après avoir été irrigués par les eaux d’un ruisseau qui vient des bruyères, mais qui traverse les terres cultivées de la commune. Ce ruisseau n’a habituel- lement de l'eau que depuis l'automne jusqu'en mai; cepen- dant le regain est fort épais et a au moins 25 à 50 centimeé- tres de hant. D’après ce précédent, on peut espérer que les prés de la Campine , qui recevront de l’eau de la Meuse en abondance, pourront rester productifs sans recevoir de nou- velles fumures. Les charrues d'Ostmalle et de Westmalle, village à quel- ques lieues du premier, sont les mieux faites de toutes celles que j'ai vues en Belgique, et elles avaient déjà été jugées telles il y a quarante ans, par le célèbre écrivain agricole Schwerz. Cela n’empèche pas que le maître valet du comte ne fasse grand cas des petiles charrues à un bœuf, de M. d'Omalius- d'Anthine, près Liége. Les herses de ce pays sont aussi par- faitement construites. Plus on s'approche d'Anvers, plus la culture se perfec- tionne et plus les terres ont été améliorées par les fortes fu- mures. Nous avons passé auprès du couvent des trappistes de Westmalle, que j'avais visité il y a dix ans. J'ai regretté que l'heure avancée de la journée m'empêchât de m'arrèter, pour — 1288 — leur faire une nouvelle visite, [ls ont de bons prés, mais comme ils ne peuvent être irrigués, il faut les bien fumer ou cendrer tous les ans: ils reçoivent de 75 à 80 hectolitres de cendres par hectare, Ce sont celles de bois qui font le plus d'effet; viennent ensuite celles de tourbes dites cendres de Hollande : enfin celles de houille sont les moins bonnes, [ls emploient aussi beaucoup de vidanges et de noir animal; on se sert de ce dernier principalement après les défriche- ments. à Les trappistes s'y prennent autrement, pour établir des prés, que les défricheurs dont j'ai déjà raconté les principes. Ils défoncent les bruyères, qui sont ici des plus maigres, à 66 centimètres au moins, et même plus profondément si c'est nécessaire pour détruire complétement l'agglomération de sable ferrugineux , habituellement très-compacte dans leurs terres; ils recouvrent les gazons de bruyère d'au moins 35 centimètres de sol et ouvrent des rigoles à des distances convenables, pour empêcher l'eau de séjourner dans le ter- rain. On laisse alors ce défrichement pendant un an sans y toucher ; au bout de ce temps on le laboure avec une char- rue à quatre chevaux, qui entre à plus de 55 centimètres en terre et qui ramène la bruyère pourrie à la surface; ensuite on herse plusieurs fois afin de bien déchirer les gazons, qui ne seraient pas complétement consommés, et pour mélanger celle espèce de terreau avec la terre de la superficie. Onamène alors des matières fécales ou des composts composés de fu- mier d'élable , de noir animal et de terreau , qu'on enterre légèrement pour y semer, après un hersage, de la spergule, qu'on consomme en vert, qu'on fane, ou qui est enterrée comme fumure. On donne une autre forte fumure, qu’on enterre par un labour ; on herse, on sème de l'avoine et du trèfle; celui-ci reçoit l'année suivante des cendres; après sa première coupe on sème dessus sans le labourer, la graine. de foin prise dans les greniers à fourrages, on y ajoute du trèfle blanc, on recouvre ces graines d'une légère couche de compost bien émietté et Pon oblient ainsi de fort bons prés — 289 — dans des sables détestables, mais à condition de les fumer tous les anset d'avoir un climat naturellement humide ; aussi choi- sit-on de préférence les bruyères qui se trouvent dans les par- ties humides et basses. Pour les terres destinées à rester en culture, on opère le défrichement de la même manière ; lorsqu'il s’agit de défon- cer pour faire des bois ou des plantations , on fouille encore plus profondément le terrain, mais on ne ramène pas à la surface la bruyère décomposée. Ces détails sont extraits d’une lettre du vénérable supérieur de cette Trappe, qui a bien voulu répondre aux questions que je lui avais adressées par écrit. Je regrette aussi de n’avoir pas visité la maison de correc- tion qu'on a établie dans l’ancien château de Hochstraten à 8 kilomètres d'Ostmalle; on m'a dit, depuis que j'ai quitté la Campine, que cet établissement était parfaitement dirigé et qu'on y cultivait fort bien. En se rapprochant d'Anvers, on voit plusieurs avenues et autres plantations, formées par des hètres très-élevés et bien vigoureux, quisortentde cette terre si sablonneuse et simau- vaise avant d’avoir été défoncée profondément. Les propriétaires un peu aisés des pays encore couverts de bruyères, devraient faire construire quelques locatures con- tenant une petite grange et une étable pour quatre vaches et deux cochons. Ils y attacheraient 3 hectares, dont 2 se- raient défoncés, fumés et emblavés , afin que la famille qui s'y installerait pût récolter peu de temps äprès, À hectare de seigle, un demi-hectare en trèfle et un demi-hectare en pom- mes de terre, choux, carottes, betteraves, navets et sarrasin. Il lui resterait 4 hectare de bruyères, qu’elle défricherait en le défonçant à au moins 0°,66 de profondeur , quand elle n'aurait pas d'autres travaux chez elle, ou à la journée chez le propriétaire, qui retiendrait le prix des journées, jus- qu'à concurrence du loyer. On lui fournirait deux vaches et un cochon comme cheptel. I faudrait prendre ces familles de petits cultivateurs dans 19 — 290 — un pays à culture avancée, à population surabondante, et où par conséquent les salaires seraient peu élevés, parce qu'a- lors on aurait le choix entre des gens honnêtes et bons ou- vriers , disposés à changer leur existence précaire contre une position bien plus avantageuse, On devrait les pren- dre dans un pays naturellement très-peu fertile, tel qu'il se trouve dans une grande partie des Flandres belges, les envi- rons de Thouroutte par exemple, où le sol des bruyères ne vaut en qualité que le quart ou le tiers, de la plupart de nos bruvères du centre de la France. Ces cultivateurs habitués à lutter avec un sol ingrat, seraient en position de réussir plus facilement ; leur exemple serait très-utile aux autres culti- valeurs du pays qu'ils viendraient habiter et ne tarderait pas à augmenter la valeur des propriétés. Les constructions, en n'oubliant pas la citérsstiéetil qui recevrait aussi les eaux de lessives et d'évier, et sur laquelle doivent setrouver les latrines pour la famille, ne reviendraient guère qu'à 4,500 francs, élant bâlies en pisé et couvertes en paille prise sur la première récolte de seigle. Ajoutons encore 1,500 franes pour le cheptel, le défoncement des 2 hectares de bruyère et de noir animal à employer pour les premières récoltes, on aurait une petite ferme modèle, dont les bons exemples seraient plus facilement imités au bout de quel- ques années, que $ ils venaient du propriétaire, de conseille d'établir à la fois deux locatures et deux familles, car ces bra- ves gens s'expatrient plus facilement lorsqu'ils ont des gens de leur pays pour voisins ; les femmes surtout RE de peine à se décider. En quittant le lendemain Anvers pour me rendre à Liée, j'ai été tout étonné de voir des récoltes inférieures à celles que J'avais tant admirées, principalement chez le comte Du- bus et le baron de Coppens dans ces misérables terres de Campine ; et cependant la culture des environs de cette ville et de ceux de Malines compte parmi les meilleures dela Flan- dre. Une fois qu'on a passé Louvain, la culture si soignéeet si diversifiée des Flandres, disparait. On aperçoit alors de — 29 — vastes champs sans haies, sans plantations, cultivés à plat ou en planches très-larges, on ne voit presque pas de racines , peu de prairies artificielles; des prés traversés par des ruis- seaux non irrigués pourtant et ne donnant point de re- gains. Des troupeaux d'environ vingt belles vaches, pâturent dans des pièces de trèfle, ce qui annonce qu'on est rentré dans un pays de grande culture, où elle est bien moins per- fectionnée. Je me suis arrêté dans une petite ville nommée Wa- rem; pour visiter le baron de la Fontaine, qui m'avait été signalé comme un bon cultivateur. Il w’a dit qu'il ne culti- vait pas lui-même, mais s'était arrangé avec son fermier de la manière suivante. Les terres ont été partagées en deux ; le fermier fait ce qu'il veut de sa part et cultive la part du baron comme celui-ci le prescrit ; c'est le fermier qui a les attelages et le bétail à lui, ainsi que les instruments de cul- ture. L’assolement de M. de la Fontaine est comme suit : première année, racines fumées à raison de 60 à 70 mètres cubes de fumier ; deuxième, avoine ; troisième , trèfle ; qua- trième, froment qui reçoit du guano; cinquième, racines fumées comme la première année; sixième, froment ; sep- tième , féveroles ; huitième, avoine. Il se loue fort de cet arrangement , son fermier fait tous les frais de eulture , même les sarelages , et remplit parfaitement ses engagements. Tout ce qui est produit sur la moitié du baron est pour lui, excepté les pailles, qui restent pour le fermier. Le plâtre ne réussit pas dans ces terres argileuses ; le guano n’était pas connu dans cette partie de la Belgique ; M. de la Fontaine en a fait le premier l'essai et s’en trouve fort bien ; il remplace les cendres de Hollande, qu'on ne peut plus se procurer de bonne qualité. J'ai remarqué un fort beau verger, où les tiges des arbres étaient blanchies à la chaux ; on m'a dit ici, comme à Utrecht et à Derwent, que les fruits s'exportaient en Angleterre. J'ai profité de mon séjour à Liége pour faire une visite à M. Morren, professeur d'agriculture à l'université de cette — 292 — ville, et en même temps directeur du jardin botanique qu'il a créé. Il s'est fait construire une superbe maison en face du jardin qu'il dirige et a dans sa cour une serre chaude très-considérable, une autre tempérée et une orangerie. La première est garnie d'une plante grimpante, qui fournit la vanille ; M. Morren m'a dit qu'elle lui donnait une indem- nité convenable de la dépense que sa culture occasionne ; il est vrai que le charbon est fort bon marché à Liége. Il a trouvé le moyen de faire fructifier les fleurs de la vanille, qui avant sa découverte ne produisaient pas de gousses en Europe; son moyen est de prendre du pollen des fleurs mâles et de le poser sur les fleurs femelles. M. Morren m'a engagé à aller visiter le musée d’agricul- ture qui est aussi dù à ses soins ; il dispose maintenant d'une somme de 12,000 francs, avec laquelle il va l’augmenter d'une manière notable ; elle provient d'un versement annuel de 1,000 francs, alloué par le gouvernement provincial, et que M. Morren a laissé s'accumuler pendant six années ; le ministère de l'intérieur a ajouté pareille somme. Si une forte partie de ce capital est employée en instruments d'agricul- ture bien choisis, ce musée agricole d'une ville de province du petit royaume de Belgique se trouvera bien mieux garni que celui du Conservatoire à Paris. J'ai trouvé dans la grande salle de l’université destinée à ce musée une trentaine d'instruments aratoires , beaucoup d'outils perfectionnés, une fort belle collection de grains et plantes fourragères en paille, ainsi que dans des bocaux ; un herbier considérable ; enfin une grande quantité de vases pleins d'alcool et contenant toutes sortes d'échantillons de plantes. Ce musée agricole fait honneur à la ville de Liége, ainsi qu'à M. Morren , son créateur ; il serait bien à désirer que nos grandes villes de France voulussent imiter ce bon exemple, qui leur est donné par une ville assurément bien plus industrielle qu'agricole. J'ai trouvé là tous les instruments fabriqués par M. d’O- malius-d'Anthine , dont une notable partie devrait figurer 100 dans notre Conservatoire; un excellent coupe-racine de Slhigt d'Édimbourg ; un scarificateur Fypleyson ; le grand semoir écossais, qui est des plus simples, mais auquel je pré- fère infiniment celui de Pruvost de Wazemmes près Lille, qui coûte le même prix, 500 francs. Étant fort pressé par le temps, j'ai beaucoup regretté de ne pouvoir visiter plusieurs agriculteurs distingués des envi- rons de Liége dans un rayon assez étendu, et particulière- ment le baron Vanderstraten de Waillet, M. de Villers de Pittet à Fauquemont près Maestricht, et M. le comte de Pinto près de Pépinster. Je me suis rendu de Liége à Saint-Tron et de là au chà- teau d'Ordenge, chez M. de Pitteurs, beau-frère de M. de Villers dont le nom vient d’être cité. Il a établi une sucrerie considérable, qui consomme 45,000 kilogrammes de bette- raves par vingt-quatre heures, et cultive 85 hectares de cette racine. J’ai vu dans cette fabrique une nouvelle machine connue sous le nom de centrifuge, qui avait été inventée en Angleterre pour faire sécher le linge ; elle sert ici à séparer la mélasse de la cassonade, ce qui s'exécute en sept à huit minutes, pendant chacune desquelles la machine fait de 1,500 à 2,000 tours ; elle coûte 5,500 francs; il en faut deux placées l’une à côté de l’autre, afin d’en décharger une de son sucre qu’on remplace par du jus, pendant que l’autre fait ses évolutions précipitées. Cette sucrerie est dirigée par un neveu de M. Harpigny, fabricant de sucre à Famars près Valenciennes , chez lequel on a adapté d’abord la machine centrifuge à l'usage que je viens d'indiquer. On peut purger au moyen de cette machine 5,000 kilogrammes de sucre en vingt-quatre heures. Il y a dans les environs de Saint-Tron plusieurs sucreries , dont quelques-unes ne sont plus en activité depuis février 1848. D’après M. de Pitteurs , celle de M. Mellaerts , que j'avais visitée l'an dernier à mon passage à Saint-Tron, exporte pour environ 500,000 francs de sucre par an. On paye ici les betteraves à raison de 45 francs les 1,000 kil, — 294 — M. de Pitteurs cultive 250 hectares d'excellentes terres s âl à toute l'année environ deux cents bêtes à cornes, dont moi- tié est de race hollandaise et le reste provient de prémier et deuxième croisements durhams, I est si content des résultats de ce croisement, qu'il a le dessein de le continuer indéfi- niment. Ses trente bœufs de labour sont de jeunes bêtes de premier croisement , qu'on dresse au travail à deux ans; on en met pour cela un nouveau entre deux déjà habitués au travail, on les attelle d'abord à une herse, ensuite à une charrue, et quatre à cinq jours sufffsent pour les rompre parfaitement à l'ouvrage. On les engraisse vers l'âge de cinq ou six ans, Ils sont attelés au collier et ils m'ont paru mar- cher plus vite étant deux à la charrue, que la plupart des attelages de chevaux occupés de la même besogne; ils sont tous en fort bon état, et cependant leur nourriture n'est composée que de pulpe et de fourrage, et les terres d'ici sont loin d'être sablonneuses ; mais ils ne font qu'une bonne at= telée par jour, M, de Pitteurs les trouve meilleurs pour le travail que les bœufs du pays. Les vaches au nombre de vingt sont presque toutes de demi-sang durham ; quelques-unes donnent 25 litres de lait; les treize génisses qui proviennent de second croise+ ment durham sont (rès- belles, mais sont si grasses qu'on craint la stérilité ; leur nourriture se compose de 25 à 50 ki logrammes de pulpe et de paille, Il y a vingt-quatre veaux de l’année, provenant tous d'un taureau durham. On a vendu ici, il y a peu de temps, un bon bœuf gras croisé durham qui a donné 600 kilogrammes de viande. Il y a dans cette culture 45 hectares d'herbages qui ser- vent à engraisser deux vaches ou génisses par bonier, mée- sure de ce pays répondant à 87 ares. On revend ordinaire- ment ces bêtes 100 francs de plus qu'elles n'ont coûté. Les génisses qu'on achète pleines à l'entrée de l'hiver, pourêtre revendues au moment de faire veau, au printemps, coûtent de 80 à 100 francs et se vendent le double; elles ne reçoivent que de la pulpe et de la paille. Il y a des co- — 295 — chons anglo-chinois dans cette ferme, mais pas de moutons. Les terres de ces environs sont difficiles à cultiver et très- fertiles, et ne souffrent pas de l'humidité; on les loue dans un rayon de 4 kilomètres autour de Saint-Tron, de 150 à 200 francs les 87 ares; elles se vendent jusqu’à 4,000 francs l'hectare. M. de Pitteurs a dix-huit chevaux de travail , dont la plu- part sont des juments, qu’il fait saillir par des étalons de demi-sang, qui lui dounent de fort bons élèves ; il a des ju- ments payées jusqu'à 1,000 et 4,200 francs. Ses pulpes lui servent à nourrir deux cents bêtes à cornes pendant l'hiver et une cinquante pendant l'été, les autres étant alors dans les herbages. M, de Pitteurs nourrit depuis longtemps son bétail avec de la pulpe et ne s’est jamais aperçu qu'elle leur fût nuisible; mais comme elle donne un mauvais goût au lait, il nourrit celles qu’on trait avec du trèfle et des carottes. Il n'emploie ni tourteaux ni farine pour la nourriture de son bétail, Ses froments donnent en moyenne de 25 à 28 hectolitres, mais la variété connue sous le nom de marygold en produit jusqu'à 55. Les betteraves, après une fumure de 50 à 60 mè- tres cubes, donnent 50,000 kilogrammes. Les arbres du pare du château d'Ordenge sont d'une grande beauté. M. de Pitteurs, qui cultive depuis plus de trente ans, achète tous les ans pour 7 à 8,000 francs de fumier et de boues de rue à Saint-Tron, dont il n’est qu’à 5 kilomètres; ces dernières lui reviennent , prises sur place, à 5 fr. 50 c. ou 4 francs le mètre cube ; il ne trouve pas cet engrais aussi durable que le fumier. Il emploie la charrue du maré- chal Odeurs, qui ne demeure qu’à 8 kilomètres de là, et en est on ne peut plus satisfait. M. de Pitteurs m'a conduit chez sou ère aîné, le h teur ; il demeure près Saint-Tron et s'occupe aussi de culture; il possède des terres qui sont louées jusqu'à 250 francs les 87 ares. Il a planté en vergers 19 hectares, dont le dessous est en pâturages; la récolle de ceux-ci en est réduite de — 296 — moitié, mais il en est bien indemnisé par un revenu moyen de 3,500 francs en fruits. Les cerisiers sont les arbres qui produisent le plus et le plus régulièrement ; ils ne manquent chez lui qu'une fois en six ans, tandis que cela arrive aux pommiers une fois sur trois. M. de Pitteurs l'aîné vient de dessécher un petit lac qui lui donne 100 hectares d'un excellent fond ; cette opération lui a coûté 400,000 francs; il prétend en retirer 500,000. Il a chez lui un fort beau taureau durham , âgé de dix-huit mois, qui lui vient du gouvernement provincial. Son beau- père a obtenu de semence une variété d'ormes qu'on assure être supérieurs à tous ceux qu'on connaît. J'avais passé, en me rendant à pied à Ordenge, chez MM. Delpierre qui habitent un château à vingt minutes de Saint-Tron; ces messieurs étaient absents; je n'ai donc fait qu'apercevoir leurs terres; un de ces deux messieurs fait valoir plus de 100 hectares, presque tous en culture. Il en- graisse une centaine de bêtes à l'étable et leur fournit une litière de sable calcaire; il a dix-huit chevaux de labour et une machine à battre; j'ai vu chez lui un champ de fort belles carottes cultivées en lignes. Son frère n’a que six che- vaux, sa culture est peu considérable, mais il fait valoir un moulin entouré d'excellents herbages, sur lesquels il en- graisse une centaine de génisses. Les instruments de M. d'O- malius sont employés dans ces cultures. J'ai quitté le château d'Ordenge à onze heures du matin, pour monter dans une diligence, qui m'a conduit jusqu’à Looz, gros bourg entouré de magnifiques vergers, ainsi que les villages qui l'entourent ; les pommiers sont couverts de fruits, c'est un très-beau coup d'œil; il y avait quatre ans qu'on n'avait vu cette abondance. Les cerisiers n’ont pas donné beaucoup cet été, mais les pruniers ont donné une récolte très-considérable. On cueille les fruits un peu avant maturité, pour les envoyer en Angleterre. Je me suis rendu à pied de Looz au château d'Oplieu, chez le baron de Woelmont , où j'avais déjà l'an dernier passé — 297 — deux jours d'une manière fort agréable. Je vis avec plaisir des champs considérables de carottes et betteraves semés en lignes ; ils sont magnifiques de vigueur et de propreté. Les carottes sont ici grosses comme des betteraves, mais elles ne sont pas aussi longues que l'espèce ordinaire. Les navets d’éteule sont très-peu avancés, parce que la sécheresse a forcé de les semer deux fois. Les belles étables destinées à l’engraissement du bétail sont vides maintenant ; on ne les remplit que vers la fin d'octo- bre. Je n'ai pu voir qu’une vingtaine de belles vaches hol- landaises, et des cochons de la race du Derbyshire, fournis par le gouvernement. M. de Woelmont a pris pour ceux-ci l'engagement de céder ceux qu'il ne conserverait pas pour en tirer race, aux habitants qui en demanderont au même prix, à poids égal, qu’il vendrait les cochons du pays. M. de Woelmont n'emploie pour les travaux de culture que des juments et leurs élèves en attendant qu'il trouve à les vendre. Il a un gros étalon flamand pour renforcer la race du pays, qui n’est pas grande, quoique bien faite et assez forte. Il a donné les années précédentes un étalon de demi-sang. Il a acheté il y a plus de dix ans une jument de pur sang, qui lui fait depuis lors presque tous les ans un poulain ; elle a vingt ans et vient d’en faire un avec l’étalon flamand; ce poulain ressemble jusqu’à présent compléte- ment à sa mère. L'année dernière elle a fait une pouliche charmante avec un vieux étalon de pur sang, qui a coûté étant jeune 50,000 francs. Il y a deux ans elle à produit avec un étalon de demi-sang, un fort beau poulain qui fera un carrossier. M. de Woelmont m'a fait remarquer ensuite une forte pouliche, ayant de gros membres et une lourde tête, qui provient d'un étalon de demi-sang et d’une belle jument de labour. La ressemblance complète de cette pouliche avec sa mère le porte à donner raison aux éleveurs qui prétendent , que pour améliorer les races il faut être pourvu de belles femelles plutôt que de beaux mâles. : — 298 — Les semailles de grains se font dans cette ferme considé- rable, en lignes séparées par 20 centimètres, et on les sar- cle fort bien avec une houe à cheval qui a quatre socs, Les carottes sont à 50 centimètres, ainsi que les navets ; on m'a fait voir des lignes de navets qui ne valaient rien, dans le même champ où les autres lignes de cette racine étaient fort belles. On m'a dit que les premières avaient été semées sur chaume sans aucun engrais et que les autres avaient reçu par hectare 70 kilogrammes de guano mêlé avec des cendres et de la suie. | M. de Woelmont vient de faire faire plusieurs tonneau contenant chacun 2 hectolitres ; ils sont placés sur un bran- card à deux roues trainé par un cheval, qu'un jeune garçon conduit par la bride, en le maintenant toujours entre deux lignes de racines. Un homme marche derrière le tonneau roulant et ouvre lorsqu'il en est temps, deux robinets qui lâchent le purin dont cette futaille est pleine dans deux tuyaux faits de toile imperméable, garnis de bouts en zinc et placés de manière à diriger le liquide fertilisant, sur les deux lignes de racines; les bouts du brancard qui suivent immédiatement le cheval, sont pourvus de deux pieds desti- ués à empêcher le tonneau de faire la bascule, car le cheval est attelé avec des traits au lieu d'une limomière, Pendant mon séjour à Oplieu, j'ai vu faire un labour de défoncement ; on se servait de Ja charrue d'Odeurs attelée de deux juments ; elle versait on ne peut mieux une tranche épaisse de 25 centimètres, sans que l'attelage parût trop fatigué ; elle était suivie par une charrue d'Omalius privée de son versoir, qui pénétrait de 16 centimètres dans le sous- sol ; cette dernière était altelée de quatre bètes. Je crois que si on eût employé la charrue à sous-sol de Read, dont on se sert beaucoup dans les environs de Paris, deux chevaux ou au plus trois eussent suffi pour fouiller la terre aussi profon+ dément. M. le Docte, qui est toujours à la tête de cette culture, m'a donné une brochure écrite par un de ses frères, qui fait — 299 — connaitre la culture du pays de Luxembourg; je lui ai offert mon voyage en Belgique. FJE J'ai trouvé chez M. de Woelmont, le produit moyen des récoltes de 1849 comme il est porté sur un rapport présenté par le maire de la commune de Looz, pour être remis à la Société d'agriculture : froment, 25 hectolitres par hectare ; seigle et orge, 28 hectolitres ; avoine, 54; fèves, 17; pois, de même; et pommes de terre, 242 hectolitres. N'étant arrivé à Saint-Tron que juste à temps pour pro- fiter du convoi partant pour Tirlemont où je me rendais, je n’ai pas pu à mon grand regret, faire une visite à M. Mel- laerts. Arrivé à neuf heures à Tirlemont, j'en suis reparti de suite à pied, pour me rendre chez M. Vandenbossche, beau-frère de M. de Pitteurs. Je croyais n'avoir que 4 kilo- mètres à faire pour me rendre à Heylissem, mais il y en avait huit. Cette course me fit traverser une plaine fort riche et bien cultivée, sans haies ni plantations; on y voyait beaucoup de champs de betteraves, car il y a deux grandes sucreries dans la ville. L'une d'elles appartient au frère de M. Vandenbossche chez qui je me suis présenté sans le trou- ver. Le directeur de la sucrerie voulut bien me faire voir lui-même ce superbe établissement. Le château, qui formait anciennement une partie du couvent, présente une belle façade de vingt-deux croisées, au milieu de laquelle existe un très-beau portique, derrière lequel est placé un dôme, aussi grand que l’église de lAssomption de Paris; l'église du couvent, qui tenait à ce dôme, a été détruite. Ce bel édifice est entouré d’un parc à l'anglaise d'environ 50 hec- tares. La terre, qui est la propriété de M. Vandenbossche, se compose de 400 hectares d’un seul tenant qu'on dit valoir en moyenne 5,000 francs l'hectare. J'ai aperçu des prés irrigués d’une assez grande étendue. On fume avant l'hiver à raison de 40,000 ou 50,000 kilogrammes pour les betteraves, qui sont suivies par du froment; mais celui-ci, ne recevant pas d'engrais, ne donne qu’une moyenne de 20 hectolitres, ce qui n’est pas assez pour — 300 — d'aussi bonnes terres. On prélève cependant sur cet assole- ment biennal, #0 hectares qui sont ensemencés en trèfle. On loue des terres aux fermiers environnants, pour com- pléter 200 hectares de betteraves ; ils les labourent pour en- terrer la fumure qu'ils ont fournie et reçoivent 400 franes par hectare; de plus on leur laisse la feuille, Quant aux feuil- les des betteraves cultivées sur les terres de la sucrerie, elles servent à la nourriture des moutons, après qu'on les a lais- sées se faner pendant quelques jours sur le champ, pour qu'elles ne soient pas relâchantes. J'ai été bien étonné quand on m'a dit qu'on nourrissait et engraissait avec ces feuilles, sans y ajouter autre chose, un millier de moutons des Ar- dennes. Lorsque les feuilles sont consommées on les remplace par de la pulpe et 4 kilogr. de farine de graine de lin pour dix bètes. s On engraisse plus de deux mille moutons et trois cents bœufs dans cette sucrerie. Ces bœufs, de l'espèce blanche et noire, sont achetés dans la Campine et le Condroz, partie de la Belgique sur les confins des Ardennes qui longe la Meuse; on les paye environ 200 francs à l’âge de quatre ans; ils ne sont pas gros et m'ont paru fort maigres; on leur fait faire la plus grande partie des travaux de cette culture. Lors- qu'on les engraisse, on leur donne de la paille, de la pulpe et un kilog. de farine de graine de lin délayée dans leur boisson ; on ajoute pour les plusmaigres de la farine d'avoine, de manière à pouvoir les vendre en même temps que les au- tres. Quatre de ces bêtes attelées à un lourd chariot , ren- trent lorsqu'il fait sec 2,500 kilog. de betteraves ; mais quand ces terres grasses sont humides, on fait rentrer les racines par des tombereaux attelés de deux chevaux et contenant 1,500 kilog. Le produit moyen des betteraves est de 40 à 50,000 kilog. Le directeur m'a dit, qu'en employant 40 hec- tolitres de noir animal par hectare pour les betteraves, on obtenait une fort belle récolte. Les os se payent ici de 5 à 7 francs les 100 kilog.; on les carbonise sans briser les plus gros os, qui se cassent très-facilement ensuite. J'ai vu fonc- “ — 301 — tionner deux paires de machines centrifuges, dont on est fort content ; il ne faut que six ou sept minutes pour exécu- ter une opération qui durait de sept à huit jours. J'ai remarqué que les quatre bœufs attelés au manége de la machine à battre le grain, marchaient très-vite; on m'a assuré qu'ils labouraient autant d’étendue par jour que les chevaux, mais ils sont attelés au collier. Madame Vandenbossche voulait absolument me conserver à diner, mais j'étais forcé de partir pour arriver à temps à l'exposition agricole de Gand. Je fus coucher dans cette ville et me rendis d'assez bonne heure chez M. Jacquemyns, pro- fesseur de chimie à l’université , dont j'avais visité les cul- tures considérables en Campine; il était au moment de se rendre à l'exposition, où je l’accompagnai. Nous vimes d’abord la machine à faire des tuyaux de San- derset Taylor de Bedford, que M. Peersyavaitenvoyée, etjefus enchanté d'y rencontrer ce zélé agriculteur ; le semoir Claes, que le ministère expose ainsi que deux charrues d'Odeurs, à tous les concours agricoles, afin de faire connaître ces deux bons instruments ; une charrue très-bonne et bien travaillée, qui a un appareil fort ingénieux, mais trop compliqué pour devenir d’un usage général; elle m'a cependant tellement plu que je me suis décidé à l'acheter, pour l'emporter en France avec celle d'Odeurs , que je crois être la meilleure charrue qui existe pour terres ordinaires. Cette charrue , achetée 495 francs, a été fabriquée dans la petite ville de Thielt, par le sieur Édouard Van Maele, qui a aussi exposé un coupe-racine du prix de 1420 francs et un hache-paille imité de l'anglais, qu'il estimait 165 francs. J’ai remarqué une charrue de Zélande dont le versoir et le soc sont excel- lents, mais ont le grave inconvénient d'être attachés à un immense et très-lourd avant-train ; elle a remporté, ainsi que celle que j'ai achetée, un premier prix; la charrue belge modifiée par le célèbre Schwerz, directeur de Hohenheim il y a une trentaine d'années, a eu un second prix, ainsi qu'une autre qui lui ressemblait beaucoup. Celles d'Odeurs n’ont — 302 — rien eu et cependant elles sont bien supérieures à toutes les autres. On n'avait exposé ni celle d'Omalius ni ces excellents brabants de West ou Ostmalle, LH y en avait encore plusieurs autres, dont deux tout en fer, qui m'ont semblé bien infé- rieures aux précédentes, Deux semoirs-brouettes , une ba- ratle en tonneau, deux coupe-racines, dont les lames sont des serpes placées autour d'un arbre que la manivelle fait Lourner, un autre hache-paille, un tarare, une petite râpe à pommes de lerre, une charrue à sous-sol, un moulin à fa- rine, à bras, m'ont paru au moins insignifiants ; il y avait en- fin un chariot très-bien travaillé, mais d'une mauvaise forme et très-lourd, Les échantillons de céréales étaient fort beaux et très- nombreux; les racines, pommes de terre et autres légumes, élaient ainsi que les fourrages et les grains et graines, très- bien choisis, mais infiniment moindres en nombre que je ne les avais vus à l'exposition de Bruxelles en septembre 4848. Ce qui m'a le plus frappé en fait de fourrage, ce sont le ti- mothy des Américains ou phleum pratense, mais surtout un geure de phalaris qui, lorsqu'il est arrivé à sa taille, a de 2 mètres 50 à 2 mètres 60 de haut et forme un excellent fourrage lorsqu'on le fauche à moitié de sa crue; il ne vient que dans les prés marécageux, C'est M. Vanderbrugge, chez lequel je suis allé, qui l'avait exposé; il cultive cette plante avec succès, ainsi que le timothy , qui ne se plaît comme le phalaris que dans des terrains naturellement humides ou irrigués. | L'exposition était fort belle en fruits, mais ne pouvait se comparer à celle de Bruxelles. Quant aux plantes rares, elles sont à Gand dans leur centre , car M. Van Houtte et plusieurs autres maisons renommées, ont d'immenses serres des mieux garnies et font un commerce étendu avec toutes les parties du continent. Cette exposition fort intéressante avait lieu dans le Ca- sino, fort beau bâtiment placé entre deux charmants jar- dius. Le roi, la reine, une jeune princesse et deux jeunes — 303 — princes, sont arrivés de Bruxelles pour la visiter ; ils ont été fort bien accueillis. J'ai encore rencontré là M. Paul Claes, M. de Fienne qui s'occupe de culture dans le voisinage d’Oudenarde, l’excel- lent M. Dieryckx de Thouroutte, et j'ai fait la connaissance de M. Vortman, beau-frère de M. Jacquemyns, et de M. Gheldolf, qu'on m'avait cité comme ayant beaucoup con- tribué par son exemple à amener l’horticulture de Gand à un si haut point de perfection. M. Gheldolf est fils d'un cultivateur qui avait fait une belle fortune en formant des endiguements autour de relais de mer. Quoique estropié des deux jambes par une chute de voiture, il cultive une ferme de 50 hectares de ces excel- lentes terres fortes, qui se trouvent sur la frontière des terri- toires belge et hollandais en Zélande ; il m'a dit s’être fort bien trouvé, d’avoir suivi plusieurs conseils donnés par Lie- big. Une partie de ces-terres sont si fertiles quoiqu'on ne les fume jamais, que les grains y versent souvent, mais il y en à d’autres qui ont besoin de bonnes fumures, pour don- ner des récoltes complètes. Il dit qu’on ne fume pas les terres de Zélande, quoiqu'il y en ait beaucoup à qui le fu- mier ferait grand bien. Les colzas n’y produisent générale- ment que 50 hectolitres, tandis que de bons cultivateurs, dans des terres qui sont loin d'être aussi fertiles, savent y faire venir depuis 40 jusqu'à 50 hectolitres de cette graine. M. Gheldolf m'a confirmé ce qui m'avait déjà été dit par M. Peers, que c’était dans le Cadsand que se trouvent les terres les plus fertiles de cette partie de la Hollande. On voit auprès de la ville de ce nom, des amas de boues de ville et de fumier, gros comme des monticules, et il est défendu aux habitants d'en vendre aux Belges leurs voisins. M. Gheldolf achète des charges de bateaux de ces engrais à Cadsand et éprouve souvent des difficultés lors de leur enlèvement, quoique sa ferme se trouve à cheval sur la frontière et que par conséquent il s’en trouve une assez grande partie sur le territoire hollandais. — 304 — IL m'a dit qu'il y avait de ces terres de polders, qui, de- puis quarante ans qu'elles avaient été mises à l'abri des flots de la mer, avaient porté tous les ans une des récoltes sui- vantes, sans avoir reçu le moindre engrais : de l'orge d'hi- ver, du froment, du colza, des fèves ou pommes de terre. L'avoine est le premier grain qui vienne avant que ces terres ne soient complétement dessalées, et avant de l'y semer on est obligé de les laisser plusieurs années en herba- ges, ou en prés salés, servant à la nourriture des trou- peaux. C'est de là que sortent ces énormes moutons que j'ai vus dans les environs de Bruges. Il paraît que les terres des nouveaux polders que le duc d'Aremberg a créés, se vendent déjà 4,000 francs l'hectare. M. Gheldolf suit l'assolement que voici : première an- née, escourgeon ; deuxième, colza ; troisième, froment ; qua trième, trèfle; cinquième, escourgeon; sixième, fèves; sep ième, froment; huitième, betteraves ou pommes de terre, et ensuite il recommence. Il défonce ses terres avec une charrue à sous-sol de son invention. MM. Jacquemyns et Vortman, qui sont beaux-frères et associés dans une filature de coton très-considérable, se sont aussi associés pour acheter et défricher 900 hectares de bruyères dans la Campine, à 6 kilomètres de Hochstraten sur la gauche de la route d'Anvers à Turnhoutte. Comme je n'avais pu avoir de renseignements sur leurs travaux de dé- frichements lorsque j'avais visité leur terre, ils ont bien voulu me donner les suivants. La première chose à faire lorsqu'on entreprend la culture de mauvaises terres, c’est de se procurer beaucoup d'engrais d'un poids peu considérable, afin d'éviter une grosse dé- pense de transport, et de savoir choisir parmi les engrais ceux qui pour une somme donnée produisent le plus d'effet. Les ouvrages de Liebig ont aidé beaucoup M. Jacquemyns qui est chimiste , dans ses recherches à cet égard. Ces mes- sieurs rassemblent donc dans la grande et très-industrielle ville de Gand tout ce qui peut fertiliser leurs bruyères à me- — 305 — sure qu'ils les défrichent. Une des choses qui leur rendent le plus de service, ce sont les os; ils en achètent tant qu'ils peuvent en trouver à raison de 5, 6 et même 7 francs les 100 kilogrammes : voici la manière dont ils en tirent parti. On casse d’abord les très-gros avec un fort marteau, on les fait bouillir pendant sept à huit heures s’ils ne l'ont déjà été; cela produit 3 pour 100 de graisse qui paye la dépense de la cuisson. Ensuite on remplit avec des os quatre tonneaux défon- cés par un bout, qu’on a placés sur un chantier assez élevé, pour pouvoir facilement les soutirer ; ils doivent être garnis d’un gros robinet. On verse dessus les os du premier tonneau une solution composée d'acide muriatique et de deux fois son volume d’eau; on soutire cette solution au bout de qua- rante-huit heures pour la verser sur le second tonneau, et on la remplace par une nouvelle solution ; au bout de quarante- huit heures on soutire le liquide du second pour remplir le troisième, celle du premier pour mettre dans le second, en remplissant encore le premier d'une nouvelle solution ; qua- rante-huit heures après, on soutire le troisième tonneau pour emplir le quatrième et ainsi de suite; enfin après quarante- huit heures, on soutire la solution du quatrième ton- neau , qui doit être versée dans un réservoir; on soutire les trois autres tonneaux pour remplir les n° 2, 5 et 4, et on sort ce qui reste dans le n° 4, c'est-à-dire une gélatine ayant conservé à peu près la forme des os, mais étant comme de la colle mouillée. Si l'opération se fait dans la ferme, on verse cette gélatine dans une citerne à purin, pleine de jus de fumier ou d’eau, qui ainsi améliorée servira à arroser les champs ou les prés; mais ces messieurs, qui en- voient cet engrais à 100 kilomètres de Gand, sont obligés de le faire sécher et pulvériser. On remplit d'os le premier tonneau qui a été vidé et on y verse une nouvelle solution. On continue ainsi en ayant le soin de verser la solution qui a passé déjà dans trois ton- neaux, sur les os nouveaux, et celle qui est nouvelle sur 5 20 — 306 — tonneau qui doit être complétement vidé quarante-huit heu- res après. Une fois que la solution qui a été versée dans le ré- servoir, a déposé le phosphate de chaux dont elle s'était satu- rée, on décantel' eau, qui peut serviraux irrigations, à arroser le fumier, où à allonger le purin trop épais ou trop actif ; mais ces messieurs disent qu'elle ne contient pas beaucoup de parties fertilisantes. Ce phosphate de chaux', après avoir été séché, ressemble à du plâtre en poudre; on l'emploie à doses de 300 ou 400 kilog. par hectare. Ces messieurs font grand cas du nitrate de soude, dont ils mettent 80 kilog. avec 800 kilog. de sulfate de soude, dans une quantité d'eau suffisante pour pouvoir arroser 1 hec- tare ; ils assurent que cette solution produit un effet surpre- nant sur une terre nouvellement défrichée, mais ne produit pas de bons résultats dans une terre usée. Ils ont fait creuser une couche entourée de planches dans laquelle on a mis une épaisseur de 50 centimètres d'un mauvais sable, tiré d'un trou à plusieurs pieds de profondeur ; on a partagé la couche en deux parties, dont une a été plantée avec des pommes de terre qui ont reçu une bonne dose de noir animal ; l'autre fut aussi plantée avec ce tubercule, mais sans addition d'aucun engrais. Les deux côtés poussèrent des tiges fort grêles; quel- que temps après, on arrosa la moitié de chacune des deux parties avec la solution de nitrate et sulfate de soude; celle où il y avait du noir vint à prospérer d’une manière éton- nante et celle où il n’y avait eu que la solution resta aussi mauvaise ; alors on lui donna du noir et l’on ajouta de la so- lution aux pommes de terre ayant déjà reçu du noir, et les deux engrais à la portion qui n’avait encore rien reçu, et le tout devint très-beau ; on fit donner à la première partie un second arrosement avec cette solution, qui ne produisit aucun effet perceptible. La première récolte que ces messieurs aient faitedans leurs défrichements reçut 1,000 kilog. de noir animaletun ro- sement de ladite solution par hectare, et ils récoltèrent 800 hectolitres de pommes de terre sur cet hectare oi — 307 — depuis, la maladie étant survenue, les produits de ce tuber- cule ont terriblement diminué. Is emploient aussi beaucoup de sang de boucherie , ils le font bouillir pendant quelques minutes, après quoi il se coagule et peut se dessécher ; mais si on y ayait ajouté de l’eau, il resterait liquide malgré la cuis- son, Ces messieurs ont acheté leurs bruyères en plusieurs fois, de 18 francs jusqu'à 180 francs l'hectare; en moyenne elles leur sont revenues à 55 ou 40 francs, Ils défrichent en fai- sant labourer la bruyère à 10 centimètres de profondeur ; la première charrue est suivie dans la même raie par une se- conde , qui ramène le plus de terre possible à la surface. S'il y a dans le sous-sol une couche de pierres ou de sable ferrugineux, on place le nombre d'hommes nécessaire dans le sillon, pour qu'ils puissent le défoncer complétement à la bêche et le jeter sur le labour; dans le cas contraire ils se contentent d’y faire passer une charrue à sous-sol fortement attelée, qui fouille autant que possible le terrain de dessous. Une fois la première récolte enlevée, ils labourent profondé- ment pour ramener la bruyère décomposée à la surface. Ils défrichent 1 hectare en quatre journées d'hiver. Ils mettent pour la première récolte après défriche- ment, 1,000 kilog, de noir animal, qu'ils payent à Rotter- dam ou à Amsterdam, à francs les 400 kilog.; mais il faut le faire venir de ces villes à Bréda par eau , et ensuite par voi- ture, pendant 24 kilomètres, souvent par des chemins de sa- ble bien mauvais, Ils ajoutent à ces 1,000 kilog. de noir, 100 kilog. de gélatine sèche, ou de sang desséché ; et quand ils n’ont pas de ces deux derniers engrais, ils portent la dose de noir à 4,500 kilog. Ces messieurs ayant dans quelques coins de leur grande propriété, un sous-sol argileux très-compacte, ont essayé d'en répandre 400 mètres cubes par hectare sur leurs défri- chements, soit une couche de 1 centimètre d'épaisseur, et ils s’en trouvent fort bien, surtout après l'avoir mélangé avcede la chaux. Voici l’assolement qu'ils ont adopté : première an- — 308 — née après défrichement, pommes de terre avec 1,000 kilog. de noir et 100 kilog. de gélatine ou de sang desséché; deuxième, seigle avec 500 kilog. de noir et 25 mètres de fu- mier d'étable ; si le seigle n'est pas très-beau, ils y ajoutent encore du purin; ils amènent sur le champ, dès que le sei- gle est en dizains, 25,000 kilog. de fumier ; on l'enterre par un labour, on herse et puis on sème des navets d'éteule. Troisième année, avoine dans laquelle on sème du trèfle; on répand après l'enlèvement de l'avoine de 50 à 40 hectolitres de cendres de Hollande ou de bois, ou enfin de celles de tourbe ; quatrième, trèfle plâtré; cinquième année, seigle avec une fumure de 530 mètres; sixième année, avoine ; on sème en même temps un mélange de graines de prés ainsi composé : fléole des prés, vulpin, dactyle pelotonné, houlque laineuse, lupuline , trèfle rouge et blanc des prés ; si le sol était marécageux avant le défrichement, on y ajoute de la semence de phalaris, qui a 1 mètre à | mètre 55 de haut quand il est bon à faucher; on donne à ce pré une bonne dose de cendres, ou du guano et de la gélatine. Les produits en seigle sont de 28 à 50 hectolitres et en ayoine de 55 à 40. La belle vacherie dont j'ai parlé, et qui peut contenir trente- deux bôtes, a coûté à ces messieurs 7,000 francs. Ils ont acheté entre leurs lots de bruyères quelques petites fermes, quisont maintenant au nombre de sept, et ilsen ont construit quatre grandes de 40 à 60 hectares, dont une est cultivée pareuxet les trois autres par des fermiers flamands. Les pe- tites sont occupées par des habitants de la Campine , assez disposés à suivre les bons exemples qui leur sont donnés par les Flamands. Pour encourager leurs fermiers à défricher des bruyères, MM. Jacquemyns et Vortman leur donnent pour chaque hectare bien défriché 250 francs et 1,000 kilog. de noir animal. Ils construisent des locatures pour y loger des journaliers; ils y attachent 1 hectare de bruyères défriché, dans lequel ils ont fait répandre 1,000 kilog. de noir, et les louent ainsi pour 100 francs. Elles contiennent troischam- — 309 — bres, sont construites en briques, cuites au bois, du prix de 8 francs le mille, et coûtent 750 francs. Lorsqu'ils ont construit et défriché une ferme, ils la louent 50 francs l’hectare, et s'ils ne trouvent pas un bon fermier qui veuille la prendre, ils y mettent un de leurs meilleurs domestiques de culture; ils lui font alors les ayances nécessaires et se font rembourser petit à petit, à mesure que ses récoltes le permettent. Ces messieurs regardent 100 kilogrammes de gélatine avec 500 kilogrammes de phosphate de chaux, comme une bonne fumure pour 1 hectare. Ils m'ont dit que le noir ani- mal qui n’a pas encore servi dans une raffinerie et qui leur coûte 14 francs les 4,000 kilogrammes, s'emploie beaucoup plus facilement que l'autre, qui a besoin d'être séché et en- suite pulvérisé; 200 kilogrammes de noir neuf produisent le même effet que 500 kilogrammes de noir sortant des raf- fineries de sucre , car celui-ci contient environ 20 pour 400 d’eau et de 10 à 20 pour 100 d'argile. Ils obtiennent un bon résultat du noir dans les anciennes terres, lorsqu'ils l'emploient comme tiers ou moitié de fumure, avec du fu- mier. Le port des engrais sur les 90 kilomètres qui séparent Gand de leur propriété, leur revient à 20 francs les 1,000 ki- logrammes. Leur petit chemin de fer leur est de la plus grande utilité pour le nivellement des bruyères qu’on dé- friche, et pour le transport des argiles employées à donner à leurs sables un peu de consistance ; ils en ont 800 mètres partagés en tronçons longs de 4 mètres, ressemblant assez à des échelles; deux hommes les déplacent, les transportent et les replacent facilement. Le lendemain matin nous avons essayé dans une terre forte appartenant à ces messieurs les deux charrues que j'ai ache- tées ; celle de Thielt y a mieux fonctionné que celle d’Odeurs, qui n’est pas destinée aux terres collantes et pierreuses. Je me suis rendu de Gand à Courtrai et j'ai vu pendant ce trajet une quantité considérable de champs de colza; j'ai trouvé ceux de navets et de carottes supérieurs à ceux que — 310 — j'avais vus en me rendant de Malines à Gand. En rentrant dans les bonnes terres du côté de Courtrai, j'ai retrouvé avec plaisir de beaux champs de choux caulets, [ m'a sem- blé que le replant de colza était généralement petit dans les terres légères, et très-vigoureux du côté de Courtrai et surtout de Tournai, Dans les environs de cette ville, on re- trouve des charrues artésiennes, avec deux roues d'inégale grandeur, quelquefois attelées d'un cheval ou de deux va- ches. J'ai vu chez M. Fontaine, près Leuze, faucher des trèfles de l'année semés sur seigle, qui étaient fort épais et hauts de 40 à 50 centimètres. Le choléra à épargné cette ville, mais elle a eu beaucoup à souffrir de la petite vérole, qui attaquait les mères de famille et leurs grands enfants, aussi bien que les petits. Je suis allé à pied chez M. de Bocarmé et j'ai dépassé, en m'y rendant de bon matin, beaucoup de tonneaux de vidanges, contenant de 7 à 8 hectolitres de cet engrais, qui étaient trainés par un seul cheval et se rendaient dans les fermesdes environs de Leuze. J'ai rencontré une assez grande quantité de voitures remplies de chaux, qu'on transporte ainsi à de grandes distances pour fertiliser les terres. On voyait beaucoup de cultivateurs occupés à en répandre dans leurs champs: deux hommes suivaient pour cela le tombe- reau, le vidant à mesure avec leurs pelles; l’un jette à gau- che, l’autre à droite, Ces champs étaient tout blancs; on en voyait d'autres à côté qui étaient tout noirs, le trèfle étant caché par une épaisse couche de fumier pourri destiné aux semailles du froment. Ayant aperçu à une certaine distance de la route un homme qui labourait avec un attelage de deux petites vaches, je suis allé le rejoindre pour causer avec Jui ; il m'a dit qu'il les fai- sait travailler, quand il était pressé par l'ouvrage, deux heu- res et demie le matin et autant le soir ; il leur donne, quand elles travaillent, du trèfle et 1 litre d'avoine à chacune; maintenant que ses navets de jachère sont assez gros, il én — 311 — ajoute un peu à leur ration. Il cultive avec ce petit attelage 578 ares, qu'il loue à cause de sa proximité de la ville, à raison de 100 et 120 francs l’hectare. Il a de fort beau trè- fle semé ce printemps dans le seigle, et déjà bon à faucher, de très-bons navets; sa terre destinée au froment est cou- verte de betteraves, carottes et pommes de terre, mais tout cela est fortement fumé. Il a une citerne sur laquelle se trou- vent placés les lieux. Il n’a pas d'enfants et vit seul avec sa femme; les terres qu’il cultive sont louées, mais la maison qu'il habite est sa propriété. M. de Bocarmé vient d’être forcé de vendre un des deux bœufs qu’il destinait au concours, parce qu’il ne profitait plus, probablement parce qu'il a les eaux dans les jarrets ; cette bète provient d'une vache de pays fort ordinaire, avec un taureau durham ; elle est âgée de trente-huit mois et a été vendue 550 francs; elle pèse d’après le cordon 440 ki- logrammes. Un autre bœuf de concours, qui provient d'un durham avec une belle vache hollandaise, devra peser au printemps prochain, à l'âge de cinq ans, 700 kilogrammes viande nette; il est énorme et fort bien fait. M. de Bocarmé a un très-beau champ de colza semé en lignes séparées par 40 centimètres; des navets d’éteule se- més de même, qui sont parfaitement sarclés ; ils ont été ar- rosés avec du purin, et vaudront au moins le double de ceux d'un champ voisin, dont le cultivateur n’a pas semé en li- gnes, ni sarclé, ni arrosé ; la terre est de même nature, car il la détachée de sa culture avant la semaille des navets. Une partie de son avoine ayant été mouillée sur le champ, il la fait sécher dans ses tourailles. M. de Bocarmé faisait moudre, pendant que j'étais chez lui, par son moulin destiné au bétail, du seigle avec de la graine de lin; la farine du premier absorbe l'huile de lin, et cela produit une excellente nourriture pour le bétail à l’en- grais, lorsqu'une fois on y a ajouté de la farine de pois ou de fèves et que le tout a été mêlé avec la pulpe de betteraves. Cela évite l'achat de tourteaux de lin, qui sont maintenant — 312 — presque tous fraudés, parce que les fabricants les refondent pour y ajouter des matières autres que les résidus des graines oléagineuses ; M. de Bocarmé trouve encore une assez forte économie, à prendre de la graine de lin, au lieu de tour- teaux. Dans ce moment , où il ne fait que préparer le bétail qu'il vient d'acheter pour l'engrais, il se contente d'ajouter le mélange suivant à leur boisson : 1/5 de farine de fèves, 1/5 de seigle moulu avec la graine de lin, 1/5 de farine d'a- voine, 2/5 d'orge qu'on a fait germer comme pour faire de la bière et qui a été moulue après avoir été séchée sur la tou- raille; n'ayant que des navets de seconde récolte, il ne leur donne encore que de la pulpe. M. de Bocarmé a obtenu, au concours d'agriculture qui a eu lieu il y a deux mois à Tournai, le premier prix du beurre ; à propos, j'avais dit dans mon Voyage de Belgi- que de 1848, que le produit en beurre des vaches de M. de Bocarmé était peu considérable, mais j'avais pris 1 livre de 44 au lieu de 1 de 48 onces, ce qui diminuait le produit de plus d'un quart. M. de Bocarmé m'a fait voir encore une erreur dans mon voyage de l'an dernier ; je dis que la su- crerie que je venais de visiter à Peruwèz fabriquait de 45 à 50 milliers de kilogrammes de sucre; ce doit être 300 à 350 milliers de kilogrammes. Depuis que M. de Bocarmé engraisse et vend du bétail, il s'est toujours servi du cordon qui sert à estimer son poids, et les bouchers ont fini par admettre l'exactitude de ce que le cordon constate. Les regains de la culture du château de Burÿ6 se font depuis plusieurs années d'après la méthode de Klapmayer, qui consiste à réunir l'herbe en meulons, sans l'avoir fait sécher préalablement. Lorsqu'elle s'échauffe au point de ne plus pouvoir y tenir la main, on défait le meulon pour l'em- pêcher de prendre feu, et si le temps est favorable il est bientôt assez sec pour pouvoir se rentrer ; si au contraire il pleut au moment où la chaleur force à défaire le meulon, on le reforme dès qu'il est un peu refroidi, pour l'empêcher — 313 — d’être fortement mouillé. M. de Bocarmé réussit ainsi, mal- gré les pluies, les longues nuits et le peu de chaleur de l'au- tomne, à rentrer beaucoup de bon fourrage, qu'il perdait souvent auparavant, ou qu'il était forcé de consommer en vert, ce qui était un grand embarras , ses prés étant fort éloignés de sa principale ferme. On voit chez M. de Bocarmé des attelages de charrues de toutes sortes , de deux chevaux, de deux bœufs, d’un bœuf et d’un cheval, d’un bœuf et d’une vache, de deux génisses à une herse, de deux vaches à un petit tombereau à trois roues, qui approchent le fourrage vert et font tous les petits charrois de la ferme. Lorsqu'un cheval est malade il est rem- placé par un bœuf; si c’est un bœuf qui est retenu à l’éta- ble, on met une vache à sa place pour l'attelée du matin et une autre pour celle du soir; on leur donne alors un peu plus de farine. J'ai retrouvé à Bury M. Édouard Laburthe, dont j'avais fait la connaissance lorsqu'il était en pension chez M. Malingié, pour y étudier l’agriculture; il est venu se loger depuis quelque temps dans ce village, afin de suivre les cultures véritablement modèles de M. de Bocarmé et de quelques bons agriculteurs des environs, ainsi que la fabrication du sucre dans les deux sucreries du village voisin, Peruwèz. Nous sommes allés ensemble visiter M. Boel dont j'ai parlé précédemment ; il nous a fait voir son beau bétail et entre autres une vache grasse qu'il vient de vendre 450 francs. Ses jeunes durhams et croisés durhams ont bien profité de- puis que je ne les avais vus. Nous sommes allés visiter un champ de choux caulets plantés en quatrième récolte dans l'année; ils ont profité, mais bien moins que ceux que M. Boel a fait repiquer entre les lignes de carottes. Je pense qu'il aurait dû faire arracher ses pommes de terre dès que la maladie sy est montrée , car les tubercules ne profitent plus dès que les feuilles leur ont été ôtées , ou ont été dé- truites par la maladie; s’il eût donné alors un labour et fait planter les choux, ils seraient mieux venus. — 314 — M. Boel à huit veaux croisés durhams qui viennent très- bien, deux jolies pouliches de l'année, et en tout cinquante tètes de gros bétail sur 70 hectares , ce qui ne l'empèche pas de faire venir beaucoup d'engrais de Tournai , d'où il tire même des vidanges, quoiqu'il en soit à 20 kilomètres. Pour qu'un fermier cultive d'ung manière profitable , son avis est qu'il lui fallait au moins un capital de 750 francs par hectare. M. Laburthe nous a dit que M. Malingié avait appris de M. Goord , fameux éleveur de moutons newkents, qui était âgé de quatre-vingts ans quand il a fait sa connaissance et que j'ai aussi visité dans mon voyage d'Angleterre de 1840, la remarque suivante : on voit qu'un bélier sera ardent à Ja lutte et malgré cela pourra se reproduire pendant long- temps, lorsque sa queue est fort grosse à son commence- ment et s'amineit vite ensuite ; le même signe dans le taureau est aussi infaillible, M. Malingié, après une expérience de dix ans, à reconnu l'exactitude de cette remarque. J'ai encore vu dans les environs d’Ath, en me rendant de Leuze à Namur, un assez grand nombre de charrues où de charrettes attelées de deux vaches. J'ai dîné à Namur et en suis reparti avec une diligence, qui m'a déposé par une forte pluie à 2 bons kilomètres du château de mon cousin le comte Félix de Gourcey, que j'ai trouvé entouré de toute son aimable famille. Ce pays, qui se rapproche des Ardennes et qui est déjà fort élevé, est encore occupé de la récolte des avoines; les terres sont en partie calcaires et très-fertiles, et en partie sur sous-sol schisteux et froid ; elles se louent de 50 à 56 francs l'hectare, et les bois récemment défrichés par mon cousin sont loués pour douze ans à raison de 40 fr., l'arrachage étant au compte du fermier; le bail une fois expiré, les meilleares terres se louent jusqu’à 50 francs. J'ai remarqué ici un perfectionnement apporté au rou- lean, qui est surtout indispensable aux terres situées sur des pentes ; il consiste dans un long mancheron, adapté à une traverse aux deux bouts de laquelle sont fixés deux enrayoirs, — 315 — comme ceux qui se serrent contre les roues d'une voi- ture lors d’une descente. Le conducteur des chevaux, en marchant derrière le rouleau et en pesant sur le long man- cheron, serre plus ou moins l’enrayage sur le rouleau et peut ainsi descendre de fortes pentes, sans que le rouleau atteigne les jarrets des chevaux ; j'ai vu un assez gros rouleau descen- dre ainsi une forte pente comme s’il eût été en terrain plat. Le bétail de cette partie de la Belgique est toujours de l'espèce blanche et noire, qui évidemment descend de la belle espèce hollandaise ; il est assez beau ; mais ce qui m'a étonné, c'est de voir des fermes de 60 à 90 hectares ne pas avoir un mouton, sous le prétexte que les bergers sont chers; cependant le fumier de moutons conviendrait on ne peut plus à leurs terres froides. Les rares troupeaux que j'ai ren- contrés sont des ardennais qui ressemblent complétement à nos bons troupeaux de Sologne; les moutons gras arrivent à 56 livres de viande nette, On emploie une grande quantité de chaux, qui fait à merveille surtout dans les terres schisteuses. J'ai remarqué le même défaut que je blâmais il y a des années en Lorraine ; c'est celui d’avoir beaucoup trop de chevaux; j'en ai vu dix-huit dans une ferme de 90 hectares; c’est le double de ce qu'il en faudrait, si au lieu de lourds chariots on employait des tombereaux et des charrettes à un cheval, comme cela se fait dans toute V'É- cosse et dans une bonne partie de l'Angleterre, où cette méthode devient chaque jour de plus en plus en usage, tant on y trouve d'avantages. On ne connaît pas encore dans ce pays le guano; il y ren- drait cependant grand service, car on voit que les récoltes ont manqué d'engrais. Les trèfles de l’année se voient à peine, tandis qu’en Flandre ceux qui ont été faits sur seigles se fauchent ayant jusqu'à 50 centimètres de haut; aussi le beurre fait ici dans les fermes ressemble-t-il à celui qu'on fait en hiver, — 316 — Mon cousin m'a fait voir une fort belle avenue de mélèzes appartenant à un de ses voisins, qui les avait élagués il y a une dizaine d'années au blâme général du pays, et auxquels cel élagage a parfaitement réussi. I regrette infiniment d'a- voir entouré ses champs et bordé ses chemins en peupliers du Canada , qui sont chétifs et ne prospèrent pas , tout en faisant grand tort aux récoltes qui les avoisinent, tandis que les mélèzes plantés à côté d'eux sont plus gros, poussent vigoureusement et nuisent peu aux champs ; c'est dommage que cet arbre, qui fournit un bois excellent et qui ne craint presque pas l'humidité lorsqu'il est employé, ne vienne bien que dans les pays froids. Une brabant très-bien faite, et ayant un petit soc et ver- soir devant le coutre, ne coûte ici que 45 francs. Nous sommes allés visiter l'église de la commune, qu'on vient de construire en briques encadrées dans de fort belles pierres de taille, qui lorsqu'on les polit sont du marbre d'un gris noir. Cette église, faite d'après un bon plan, a 55 mè- tres de long sur 15 de large, et un fort joli clocher; ses voltes, dont les deux de côtés sont en briques, sont suppor- tées par quatorze colonnes ; le pavé du chœur est en marbre rouge et noir poli; le reste de l’église en belles dalles de marbre noir non poli. Les socs des colonnes, qui sont en marbre, n'ont coûté que 16 francs tout posés ; on m'a dit que si on eût été les prendre à Dinan, éloigné seulement de 12 kilomètres, ils en eussent coûté 40. L’entrepreneur est arrivé pour cette construction à un excessif bon marché; je l'avais estimée 50,000 francs, croyant rester bien au-dessous de la vérité, et j'ai plus que doublé le prix qui lui est al- loué ; il n'aura que 25,500 francs, mais il dit qu'il y perdra quelques milliers de francs. Les briques ont été faites sur place, la chaux de mème ; l'entrepreneur a acheté un mor- ceau de terre communale dans lequel on a trouvé ces beaux blocs de marbre. Les fenêtres sont en fer et ont coûté moins cher que si on les eût faites en bois. Je ne pouvais com- — 317 — prendre comment il était possible de faire un aussi beau bâtiment pour pareille somme. Mon cousin m'a dit qu'un de ses beaux-frères a, dans une propriété située à Waesminster, non loin de Saint-Nicolas et de Tamise, environ 80 hectares de prés, parmi lesquels il y en a dont la première coupe se vend jusqu’à 700 francs l’hec- tare. Les enfants de mon cousin ont, à cheval sur la fron- tière de Belgique et de France, du côté de Menin, une ferme nommée Warneton, que la même famille cultive depuis cent cinquante ans; le frère du fermier actuel, M. Sera est l'évêque de Gand. Je quittai mes bons parents pour me rendre au château de Barsenal près la ville de Ciney, chez une sœur de M. de Gourcy, et je comptais voir, en passant, M. d'Omalius de Hal- lois, l’un des géologues d'Europe les plus instruits , pour le consulter sur la possibilité de découvrir sur le continent des pseudo-coprolites comme on les nomme en Angleterre , où ils existent sur une ligne qui traverse toute cette ile. Depuis cinq ans qu'ils sont découverts on a établi déjà plusieurs usi- nes pour briser d’abord et ensuite moudre ces pierres sem- blables à des cailloux , et qui contiennent jusqu’à 40 pour 100 de phosphate de chaux, engrais qui s’expédie mainte- nant par les chemins de fer à de grandes distances, pour fu- mer les terres, et qui coûte infiniment moins que les os pulvérisés, qu'il remplace. Mais M. d'Omalius était à table lorsque je passai près de son château, et la nuit approchant je ne voulus pas le déranger et je continuai mon chemin. An moment d'entrer dans la ville de Ciney j'ai aperçu dans un champ un tas de pierres calcaires préparées pour être converties en chaux; voici comme on s’y prend pour la faire cuire sans avoir un four. On trace un carré long avec d'énormes pierres : il doit contenir trois petits conduits voû- tés faits en pierres sèches, qui serviront à allumer le feu et à fournir un courant d'air pour l'entretenir ; ils doivent tra- verser le carré dans sa largeur de part en part. On forme dans le milieu un rond vertical avec des fagots placés debout _— JB — qu'on entremèle de charbon de terre; on place une cou- che de pierres grosses comme le poing, puis une couche de charbon, el ainsi de suite, jusqu'à ce que le tas ait atteint une hauteur d'au moins 2 mètres, en ayant le soin de rétrécir un peu chaque couche à mesure que le tas s'élève, On en garnit le pied à l'extérieur de grosses pierres à environ 4 mè- tre de hauteur, pour maintenir ensemble les couches super- posées, et enfin on recrépit tout le tas avec du mortier de terre argileuse. Le charbon de terre doit entrer pour un quart dans la masse destinée à faire de la ebaux; il n'y a que lui qui coûte du transport, car on prend la pierre dans le sous- sol, La chaux se vend ici 6 francs le mètre cube. Mon cousin le baron Van Eyl m'a dit que le gouverne- ment, pour favoriser les défrichements et les améliorations agricoles dans les Ardennes, avait fait construire sur diffé- rents points de ce pays où il existait de la pierre à chaux, de grands fours pour en faire cuire; elle est ensuite transportée et mise en dépôts dans les différentes communes où se tien- nent des marchés, pour y être vendue à bas prix aux petits cultivateurs ; on a remarqué que depuis lors la culture s'est bien améliorée. Mes jeunes cousins m'ont conduit dans une très-belle ferme, appartenant à leur oncle M. Adolphe de Gourcy; elle se compose d'environ 150 hectares de bonnes terres caleai- res et louche à une étendue pareille de bois qui sont aussi à lui; il va en défricher nne partie assez rapprochée du village, pour la louer par lots aux habitants qui en payeront 50 fr., mais seront chargés du défrichement, Le fermier de cette grande propriété est un homme fort à son aise et très-intél- ligent ; il a des écuries garnies d'un grand nombre de beaux chevaux de travail, qu'ilconduit en France ; mais depuis deux aus les circonstances ne lui sont pas favorables, La culture de ce pays a encore beaucoup à gagner, mais on y voit de belles luzernes , des sainfoins, beaucoup de trè- les el vesces; le bétail y est assez beau et j'ai vu quelques troupeaux d'une espèce de moutons, qui à l'âge de quatre ans — 319 — donnent 40 à 50 livres de viande nette. II faudrait donner à de pareilles brebis des béliers dishleys et à celles des Arden- nes des béliers southdowns, dans les fermes où la culture est assez avancée pour bien nourrir letroupeau, et dans celles qui ont beaucoup de bruyères, on devrait essayer le croise- ment avec des béliers de la race des cheviots. On n’a favo- risé jusqu'à cette heure en Belgique que l'importation des durhams et des bonnes espèces de cochons anglo-chinois ; on devrait aussi importer des béliers des trois races que je viens de citer; cela rendrait de grands services dans ce pays, où la cultureest loin d’être aussiavancée que dansles Flandres. J'ai quitté Barsenal à trois heures du matin, pour aller prendre à Ciney une diligence qui m’a conduit en cinq heu- res à Huy, ville assez considérable située sur les bords de la Meuse entre Namur et Liége. Un monsieur que j'ai trouvé dans cette voiture m’a dit que le baron d’'Huart avait une culture très-perfectionnée du côté d'Arlon, ainsi qu'un M. de . Woelmont. Un curé de ces environs, quivoyageait avec nous, m'a raconté que dans sa commune, dont le nom est Leygnon, et dont la population est d'environ deux cents familles, on avait donné il y a quelques années, à chaque ménage 1 hec- tare de terres vagues appartenant à la commune, pour le cultiver et en jouir pendant trente ans, à condition que ce terrain serait défriché dans trois années et que le détenteur payerait chaque année 6 francs destinés aux dépenses de la commune. Ons’est si bien trouvé de cet arrangement, que le conseil municipal a demandé au gouvernement provincial l'autorisation, qu’il a obtenue, de partager de même le reste des communaux; cela produira encore environ 4 hectare à chaque feu, et mettra les plus pauvres de ces braves gens dans une sorte d’aisance, puisque le défrichement du premier hectare les a déjà mis à l'abri de la misère. Avant ce partage temporaire des communaux , on donnait à chaque habitant une certaine étendue de terrain à écobuer et à cultiver pen- dant deux ans, et la plupart d’entre eux ne profitaient pas de cette permission, dontils ne tiraient qu'un avantage bien — 320 — minime, tandis que maintenant, certains de jouir du sol pen- dant un laps de temps fort prolongé, ils l'ont défoncé, chaulé, bien fumé, et y font de belles récoltes. Un autre curé, monté plus tard dans la voiture, nous a raconté que les commu- naux de sa paroisse, qui n'est pas très-loin de Huy, mais dont le nom m'échappe, ayant été vendus lors de la grande révo- lution, un homme aisé de cette commune les avait achetés , puis revendus en détail aux habitants, à prix coûtant , en leur accordant beaucoup de temps pour le rembourser; il est résulté de cette action si louable qu'il n'y a pas de misère dans cette heureuse commune. La route que j'ai suivie jusqu'à Huy m'a fait parcourir un pays très-montueux et fort pittoresque , surtout dans sa se- conde moitié; on m'a dit que beaucoup de voyageurs an- glais se détournaient de leur chemin pour le visiter. J'ai suivi pendant longtemps le cours d’une petite rivière, qui a son embouchure dans la Meuse à Huy, elle fait mouvoir un assez grand nombre d'usines, telles que moulins, papeteries, forges. Elle est bordée de côtes fort élevées, couvertes sou- vent de très-beaux bois futaies et de nombreux taillis; on y remarque beaucoup de carrières, qui fournissent les unes du schiste pour les constructions, d’autres de belles pierres de taille formées d’une espèce de marbre, d'autres des grès très-durs donnant d'excellents pavés; enfin il y en a qui fournissent des blocs ressemblant à des poudingues, qu’on m'a dit être expédiés de tous côtés et même jusqu’en Amé- rique, et qui servent à former des creusets et des pierres très-réfractaires, servant à la construction des fours à réver- bère et autres usines de ce genre. J'ai traversé ou côtoyé, avec le regret de ne pouvoir les visiter, plusieurs terres considérables, qu'on m'a dit être en partie cultivées par les propriétaires; on m'a cité M. de Pier- repont et deux messieurs du nom de Lydekerke, dont un sur- tout cultive fort bien et très en grand dans un endroit nommé Cinqg-Fontaines. Ce dernier emploie beaucoup de chiffons de laine pour fumer ses terres, et les paye 60 francs les 1,000 ki- — 321 — logrammes ; il a une vingtaine de vaches à lait provenant de croisement avec des taureaux durhams. On m'a encore cité comme bon agriculteur le comte de Lynden d’'Aspremont, qui demeure à Alten, à # kilomètres de la ville d'Andenne et à pareille distance de Sclayen. Au moment où j'arrivais à Huy, la diligence de Liége à Namur allait partir; je n’ai eu que le temps de m'y trans- border avec mes bagages, et après avoir parcouru dans cette excellente voiture , attelée de quatre bons chevaux , 42 kilo- mètres à travers la charmante vallée de la Meuse, je me suis arrêté à Andenne, pour y visiter une manufacture très- considérable de briques réfractaires, de carreaux de four, de tuiles, etc. Mon principal but était d'y voir fabriquer des tuyaux de drainage avec la machine que M. le baron de Mer- tens a prètée , et voilà ce que j'ai vu ou entendu dire : on a remis cette machine à deux ouvriers à qui on fournit la terre toute prète à être employée; cette terre m’a paru assez ferme ; ces ouvriers n’ont pas d'enfants pour emporter et ran- ger les tuyaux, comme cela se pratique en Angleterre; leur machine reste à la mème place, quoiqu'elle soit montée sur quatre roues Lout exprès pour avancer, à mesure qu’on rem- plit les tablettes sur lesquelles on range les tuyaux pour les laisser sécher. Au dire de ces ouvriers, cette machine ne fa- brique qu'environ neuf cents petits tuyaux de 2 centimè- tres 1/2 de diamètre et de 0°,50 de long par jour; elle a en outre le grand inconvénient de fatiguer beaucoup celui qui fait tourner la manivelle; on est obligé de le relever sou- vent. S'il en est ainsi, cette machine n’est rien moins que bonne, car la petite machine de Sanders de Bedford, qui coûte 500 francs et 100 francs pour quatre moules, est an- noncée comme devant fabriquer cinq cents tuyaux par heure, et celle de Weller, que le gouvernement belge a aussi fait venir d'Angleterre , doit en faire quinze cents dans une heure. Celles de Scrag et de Whitehead, qui sont avec celle citée plus haut les dernières qui par la Société royale d'a- griculture d'Angleterre, sont annoncées comme üevant 21 — 322 — eu faire plus de 2,000 par heure. Les deux ouvriers m'ont dit qu'on leur donnait 5 francs par mille de petits tuyaux. J'ai su au bureau de la fabrique qu'ils se vendaient 45 francs le mille et qu'on espérait pouvoir en réduire le prix, une fois qu'on se servirait de la machine de Clayton qui venait d'arriver d'Angleterre, mais qu'on n'avait pas encore dé- ballée , parce qu'on allait l'envoyer à Namur pour figurer à l'exposition agricole, qui doit avoir lieu sous peu et dont le roi compte venir faire l'ouverture, Je me suis rendu d'Andenne à Sclayen, où l'on passe la Meuse en bateau, et de là au château de Melleroy, chez mon cousin Adolphe de Gourcy, où toute la famille se trouvait réunie, La terre qu'il habite se trouve dans un canton où l'on a récemment découvert plusieurs lits de minerai de fer d'une grande richesse; on m'a dit l’année dernière, à la forge de Couillet près Charleroy, que ce minerai contient environ 80 pour 400 de fer. Mon cousin a une de ces mines sur sa propriété, et il ne vend que 4 franc 50 centimes le mètre cube de ce minerai pesant 3,125 kilogrammes. Un pro- priélaire voisin a découvert il y a quelques années une mine de plomb fort riche, dont le minerai, assure-t-on, contient 90 pour 100 de plomb. Mon cousin se flatte d'avoir trouvé sur sa terre une mine de calamine; il a aussi chez lui des couches fort épaisses d'argile plastique, pour laquelle une compagnie lui paye chaque année 2,500 francs, afin d'avoir seule le droit d'en extraire. Il y a au-dessus de cette terre plastique une couche de terre noire qui ressemble assez aux terres pyriteuses de Picardie. Mon cousin a une réserve qui occupe quatre bons chevaux ; il a trois chevaux de luxe et dix-sept bêtes à cornes. J'ai vu chez lui deux charrues perfectionnées; celle de M. d'Oma- lius et celle d'un maréchal en réputation du nom de Reme- din, qui demeure à Erpont près Namur; cette charrue est tout en fer et commence à se répandre dans le pays. Il a un rouleau en fonte pesant 550 kilogrammes. Il achète la chaux sur les bords de la Meuse, dans d'immenses fours à chaux — 323 — qui la bordent de distance en distance , à raison de 3 francs le mètre eube; c’est le meilleur marché dont j'aie encore entendu parler pour de la chaux. L'ainé de mes deux jeunes cousins, qui vient de finir ses études, m'a conduit le lendemain matin au château de Warnéfranc , appartenant au marquis de Croix, Français qui a aussi de grandes propriétés en Normaridie, près de Ber- pay. La belle terre que nous visitions contient 4,400 hec- tares, dont 550 en bois; Fhabitation est fort ancienne et très-belle; mais ce qui m’y à frappé le plus, c’est la beauté extraordinaire des arbres dans le parc et dans les bois avoi- sinants. Cette terre est d'un revenu de 70 à 80,000 francs nets d'impôts. Le marquis étant en France, son régisseur nous fit visiter les environs du château et la basse-cour ; nous avons vu dans celle-ci une très-belle vacherie, contenant de superbes va- ches hollandaises, achetées à Malines, et quelques gémisses provenant d’un taureau anglais sans cornes de la race de Suffolk, et de vaches de Hollande ; ces bêtes seraïent tout à fait belles si elles n'étaient pas trop hautes sur jambes. IT y avait de fort beaux chevaux dans des boxes; le marquis en est grand amateur ; on m'a dit qu'il avait auprès de Bernay un haras de chevaux fins trotteurs. Nous avons rencontré l ingénieur de la forge de Couillet, qui se rendait à ses mines de fer; j'ai profité de cette occa- sion pour lui parler des pseudo-coprolites qui existent en grande quantité en Angleterre et particulièrement à Dept- fort en Norfolk ainsi qu'à Fétixtow, comté de Suffolk, où se trouvent aussi de grandes usines pour la pulvérisation de ces pierres-engrais : il m'a dit qu’on pourrait peut-être bien en découvrir dans les dolomites et qu’il s’occuperait de cette recherche. Le régisseur nous a fait voir des échantillons de pyrites fort curieux, qu'on trouve dans les environs et qu'on vend assez cher à des fabricants de produits chimiques. J'ai quitté le lendemain Melleroy en compagnie de mon cousin, qui se rendait à Namur pour y porter à l'exposition, — 324 — des choux rouges pesant jusqu'à 40 kilogrammes, des cabus de 12, de très-grosses betteraves et carottes, des oignons, enfin des pois du roi, qu'on dit excellents. J'ai fait chez lui la connaissance d'un frère de ma cou- sine, M. de Woot, qui a été officier au service de l'empereur et a été à Moscou ; il a eu la bonté de m'engager à venir chez lui, au château de Mosche, canton d'Avesne, à 42 kilomèt. de la station de Landen, sur le chemin de fer de Malines à Liége et sur la route qui se rend de là à Namur, par Hanut. Ïl m'a dit que je verrais là les meilleures terres de Belgique. Il est entouré de grandes fermes bien cultivées et m'a pro- mis de me conduire chez MM. Ciny à Latine, et Ruelle à Meffe. Il veut aussi me mener, lorsque je reviendrai en Bel- gique, chez un excellent agriculteur, M. Lomba, à Villier, à G kilomètres de chez lui, ainsi que chez M. de Diest, qui cultive entre Louvain et Liége une ferme de 300 hectares ; M. Éloi de Burdine dans le même pays et M. la Hesbaye, pas loin de Landen ; ce dernier réussit à se tenir au courant des nouvelles améliorations agricoles. Jesuis reparti de suite de Namur, pour me rendre au château d'Ostin chez le baron de Mertens ; il a été déjà deux fois cette année en Angleterre et projette d'y faire un troisième voyage destiné aussi à y étudier en général l'excellente culture de ce pays et plus particulièrement les opérations de drainage ; il y a mené et patroné un jeune ingénieur que le gouverne- ment belge a envoyé dans ce pays , pour y étudier à fond l'art du draineur; ce monsieur, dont le nom est Leclerck, vient seulement d'en revenir, après avoir consacré quatre mois à cette étude. I va diriger diverses entreprises de drai- nage sous le patronage d'une vingtaine de propriétaires, qui ayant entendu parler des grandes améliorations exécutées par ce moyen dans la Grande-Bretagne, vont en essayer sur di- vers points de la Belgique. M. de Mertens à fait faire cette année une assez grande etendue de rigoles d'assainissement et est très-content des résultats obtenus. — 325 — Il a rapporté d'Angleterre un râteau à cheval et une machine à faner, avec les outils destinés à faire des drains imaginés par Clayton et ceux indiqués par M. Jo- siah Parkes. Il à aussi importé une charrue de Ransom d'Ipswich, qui vient de nouveau de remporter un prix de la Société royale d'agriculture d'Angleterre ; elle convient aussi bien aux terres fortes qu'aux légères, ayant pour cela un soc et un versoir de rechange. C'est M. de Mertens qui a choisi la machine à faire des tuyaux de Clayton, pour la tui- lerie d’Andenne ; elle coûte à Londres 30 livres sterling. Le baron vient de faire construire à côté de sa basse-cour une nouvelle cour de ferme entourée de bâtiments qui pour- ront contenir une centaine de bêtes à cornes. Il a dans ce moment vingt chevaux de travail, dix poulains, soixante bêtes à cornes, parmi lesquelles se trouvent un jeune tau- reau et deux génisses de race hereford, qu'il vient de rame- ner et qui m'ont paru fort bien choisis. Le ministère vient de lui faire cadeau d’un bélier, d'une brebis southdown et de deux brebis croisés southdowns. Il a une douzaine d'hectares couverts de belles récoltes sarclées, parmi lesquelles j'ai aperçu avec plaisir une cer- taine quantité de betteraves globes jaunes et rouges , et des navets globes blancs, qui étaient énormes, mais ils étaient en lignes espacées de 0",75 et séparés dans les lignes par 0”,42. Le baron s'est chargé de l'établissement d’une ferme- école chez lui; M. Bertrand, né en Allemagne, élève de Hohenheim , et qui est depuis trois ans son régisseur, en sera le professeur principal. On doit y recevoir encore cette année vingt élèves, et l’année prochaine on en prendra dix de plus. M. Bertrand a fait repiquer l'an dernier ses colzas à 0",35 dans les lignes, distancées elles-mêmes de 0°,50 ; il a ainsi obtenu une récolte de 28 hectolitres par hectare, et il les remet celte année à pareille distance. II serait fort intéres- sant de voir faire des essais comparatifs de plantations de — 326 — colza, à grande, moyenne et petite distance, pour savoir les- quelles produiront davantage, Comme il était tombé de très-fortes ondées le jour précé- dent, une certaine quantité de rigoles de drainage qui ve- naient d'être creusées furent complétement remplies d'eau et en partie de terre; j'ai remarqué que les racines du chaume d'avoine dans lequel ces rigoles avaient été creusées à 47,26 de profondeur, pénétraient dans le sous-sol jusqu'à 0",70; j'ai mesuré leur longueur, ce qui était facile, l'eau les ayant bien séparées de Ja terre. M. Bertrand m'a dit que le drainage coûtait 400 francs par hectare, quand le sous-sol ne contient pas de pierres et se travaille facilement. 1 vient d'apprendre assez d'anglais pour pouvoir lire les bons ouvrages d'agriculture que M. de Mertens a rapportés, et parmi lesquels se trouve le plus re- commandable de cette époque, celui de M, Stephens, inti- tulé The Book of the Farm, qui coûte 400 fr, Il est bien fâcheux qu'un ouvrage aussi complet, aussi es= sentiel, ne soit pas traduit en français, et envoyé par le gou= vernement à nos sociétés d'agriculture. Le gouvernement belge est occupé dans ce moment à former des bibliothèques agricoles pour ses comices, M. de Mertens vient de composer une instruction à l'usage des draineurs ; il m'a promis de me l’adresser quand elle aura paru; il m'a donné une bro- chure écrite par M. Kervyn, inspecteur général des écoles primaires et secondaires de la province de la Flandre, que j'ai eu le regret de ne pas trouver à mon passage à Gand ; le titre de cette brochure de soixante pages est Observations sur la culture flamande; son unique défant est d'être trop courte, Ce petit ouvrage est excellent et instruit parfaitement son lecteur des procédés agricoles de ce pays si bien cultivé; ce serait encore une brochure à répandre en France. Une chose qui m'a bien étonné en Belgique, c'est de voir une quantité de gros cultivateurs éprouver un grand éloi- gnement pour les bêtes à laine, qui dans de grandes fermes sont si utiles, soit en vivant sur des pâturages où le gros bé — 321 — tail crèverait de faim, soit en fournissant un engrais excel- lent par lui-même et qui a le mérite d’être déposé par le troupeau sur les champs éloignés ou d’un accès difficile, ou enfin sur des terres trop légères, qui ont besoin d'être tas- sées par le piétinement de ces bêtes au parc. M. Bertrand s'est aperçu en visitant avec moi une grange à froment que le grain qui venait d'être battu se trouvait couvert, ainsi que les parois de la grange, par une infinité de moucherons de la plus petite taille; j'avais vu pareille chose une fois dans le Berry. J'ai vu, dans les magnifiques serres d’Ostin, une seringue anglaise faite pour arroser les plus grandes plantes qu’elles puissent contenir, et pouvant à volonté envoyer la pluie la plus fine par-dessus les feuilles, ou en mouiller seulement le dessous à l’aide d’une pièce de rechange. J'ai suivi pour rentrer en France le chemin de fer qui con- duit à Lille, et j'ai retrouvé la culture améliorée à partir d'Es- caussine, mais plus particulièrement à Ath, Leuze, Tournai et surtout à Courtrai ; plus on s'approche de cette dernière ville, plus elle se perfectionne. On voit autour de ces deux dernières cités beaucoup de petits et moyens champs plantés en choux caulets; il y en a de tous âges et même qui n’ont été plantés qu’en septembre; près de Lille cette culture aug- mente beaucoup; les champs en sont et plus étendus et plus nombreux. Je suis allé le lendemain matin de mon arrivée à Lille chez M. Demesmé, à la ferme-école du département du Nord. Elle se trouve située dans la commune de Templeuve et à une petite distance de Pont-à-Marcq, sur la route de Lille à Valenciennes, à 14 kilomètres de Lille. La ferme se compose de 110 hectares de bonnes terres fortes ; M. Demesmé, après en avoir été le fermier pendant une douzaine d'années, en est devenu le propriétaire il y a quatre ans, en payant l’hec- tare 5,000 francs. Il à jeté bas tous les anciens bâtiments et a construit sur le mème emplacement une superbe ferme, dans laquelle lui, ses deux filles et ses six fils, sont fort bien — 328 — logés, et qui lui a coûté 100,000 franes, I y a encore trouvé place pour y établir les jeunes gens et les professeurs de la ferme-cole, qui ne sont encore que onze, presque tous beaux jeunes gens, bien en état de travailler. H a choisi dans la colonie de Merle près Saint-Didier, deux des frères de l'ordre qui s'est formé pour diriger les colonies agricoles où l'on élève des enfants pauvres. Ses écuries sont garnies de fort beaux chevaux entiers, achetés dans les environs de Dixmude et de Furnes, au prix moyen de 600 francs à l’âge de dix-huit mois; il ne les fait travailler qu'à trente mois. Il a toute l'année quatre- vingts bêtes à cornes à l'engrais et ne leur donne que de la pulpe et des tourteaux d'œillette; on délaye ceux-ci dans de l'eau, à laquelle on ajoute 25 grammes de sel ; le reste de la: nourriture se compose dans ce moment de paille de fro- ment , qu'on met dans des râteliers de fer. M. Demesmé préfère pour l'engraissement les vaches de forte taille, aux génisses et vaches, qu'on peut acheter dans les prix de 100 francs. Il se servait d'une fort bonne charrue dite brabant , à sa- bots, mais il la remplace maintenant par une charrue-na- vetle, avec laquelle on peut complétement labourer à plat, en suivant toujours le même sillon, car en arrivant au bout de la raie on tourne la charrue qui versait (je suppose à droite) en arrière, et elle se trouve alors remplacée par la charrue versant à gauche, qui suivait derrière entre la char- rue occupée et le laboureur ; on la fabrique à Orchies où elle coûte 400 francs, ce qui n'est pas trop cher assurément. Il n'emploie ni hache-paille ni scarificateur ; il se sert d’un se- moir Crespel de l'ancien modèle. Les terres de M. Demesmé étant fortes et à sous-sol im- perméable , il attend avec impatience une machine à faire des tuyaux, que le ministère a promise à la Société d'agri- culture du Nord. J'ai trouvé ses betteraves très-belles et très-propres. Il sème du colza et de la moutarde blanche sur les chaumes de froment , avec le projet de les enterrer, mais — 329 — je les ai trouvés encore bien petits et nous sommes au 28 sep- tembre. J'ai vu entrer M. Chavannes, raffineur à Orléans et pro- priétaire de la ferme-école de Monthernaume (Loiret), chez M. Demesmé pendant que nous parcourions la ferme; il était accompagné du fils aîné de M. Mariotte, propriétaire près de Romorantin, dont j'ai parlé dans le commencement de cet ouvrage. Ces messieurs visitaient depuis quelque temps les sucreries du département du Nord et arrivaient de Valenciennes; ils examinèrent la sucrerie de M. Demesmé, qui n’a pas été reconstruite comme la ferme, et me rame- nèrent à Lille; mais nous visitämes, avant de rentrer en ville, une sucrerie qui achète des betteraves à raison de 18 francs les 1,000 kilogrammes ; nous avons trouvé ce$ ra- cines médiocres sous le rapport du volume, de la forme et de la qualité. On s'occupe beaucoup dans cette usine des ma- chines centrifuges, qu'on nomme aussi turbines; M. Cha- vannes doit aussi en établir dans sa raffinerie. Je me suis rendu le lendemain matin à Valenciennes, où j'ai eu le plaisir de rencontrer M. le comte de Bocarmé, à qui j'avais donné rendez-vous pour aller visiter M. Decrombecq. Ea arrivant à Douai nous primes un cabriolet qui nous con- duisit à Lens; nous profitâmes du reste de la journée pour visiter la basse-cour et quelques champs peu éloignés. M. De- crombecq nous fit voir le travail du scarificateur Ducy, dont il est de plus en plus enchanté, ainsi que de celui de la herse de Norwége en laquelle on le transforme à volonté ; les deux instruments, composés entièrement de fonte et de fer et pesant 900 kilogrammes, sont très-bien établis par le sieur Morel, mécanicien à Lens, qui les vend 550 francs, juste le mème prix qu'en Angleterre. Il fabrique le gros rou- leau de Croskill avec dix-huit disques pour 625 francs. M. de Vogué le fait vendre à Bourges, avec vingt-deux disques et pesant 1,800 kilogrammes, pour 600 francs. M. Chavannes nous a rejoints dans les entrefaites et nous avons visité dans l’après-dinée Ja sucrerie ; M. Chavannes, — 330 — qui venait d'en visiter un assez grand nombre, m'assura que celle de M. Decrombecg était une des plus avancées. Le lendemain matin nous avons revu plus en détail les bètes à l'engrais, et M, Decrombecq ne tarit pas sur l'avan- tage qu'il y a à tenir les bêtes renfermées dans les boxes an lieu de les attacher par le cou à des mangeoires; il répète souvent qu'il lui tarde beaucoup d'arriver au moment où il aura deux cents boxes au lieu de soixante-dix, afin de n'a- voir plus un seul animal attaché. Il assure que les bôtes y sont si à leur aise qu'elles s'y engraissent en bien moins de temps que celles de ses étables qui sont du reste fort com- modes, et le fumier qui a passé trois mois dans les boxes est bien supérieur à l'autre, car se trouvant comprimé égale- ment par les pieds de l'animal , il n'a pu fermenter et a par conséquent conservé toute son ammoniaque ; il n'a été ex- posé ni à la pluie ni au soleil ni au vent. M. Decrombecq, pour corriger d'autant les inconvé- nients des étables, laisse le fumier sous les animaux le plus longtemps possible; il vient mème d'essayer, d'après le conseil du duc Decazes, dont il a eu cet été la visite, de n'ôter le fumier de dessous ses chevaux qu’une fois par mois; il fait recouvrir la litière salie par de la paille fraîche; on répand tous les deux jours 4 décalitre de plâtre dans une écurie de 50 chevaux, et cela produit un excellent fumier bon à être employé de suite, dont la paille se trouve suffi- samment réduite et complétement imbibée d'urine. Le hasard m'a bien servi, car nous sommes arrivés au moment où l'on sortait le fumier qui venait de passer un mois sons les chevaux, et nous ayons pu nous assurer que son odeur alcaline était beaucoup moins forte que cela n’a lieu le ma- tin, lorsqu'on a relevé la litière sèche sous les mangeoires et qu'on a enlevé le fumier de la nuit. D’après cela il paraît évident que les chevaux n'auront pas à souffrir du séjour prolongé du fumier, puisque le plâtre s'est emparé de l'am- moniaque, et ils ont l'avantage d'avoir ainsi un lit moins dur, — 331 — M. Decrombecq ne trouve pas de reproches à faire à cette méthode, qui, en laissant toute l'urine dans la litière, le prive de purin, car il dit avoir remarqué que ce dernier, appliqué aux céréales, pousse trop à la paille et qu'employé aux récoltes sarclées il produit trop de feuilles au détriment des racines; il emploie l'urine, qui lors de la nourriture au vert sort des étables, à arroser des composts, préférant, dit- il, de beaucoup les engrais terreux aux pailleux. Lorsque ses chevaux ou bœufs ont maigri à la suite d’un fort travail, il les remet facilement en état en leur donnant des carottes si c'en est la saison. Nous n’avons eu qu’à admirer en parcourant sa princi- pale récolte, qui se compose d'environ 130 hectares de bet- teraves ; elles ne sont ni grosses ni creuses, mais leur ex- cessif rapprochement dans les lignes , où il s'en trouve cinq à six par mètre courant, l'intervalle entre les lignes n'étant que de 50 centimètres, fait que leur produit n’est dépassé chez aucun des meilleurs et des plus grands cultivateurs de cette racine. Ses betteraves sont d'un petit diamètre , mais sont fort longues sans sortir presque de terre; elles sont très-compactes et fort pesantes en proportion de leur vo- lume ; on ne voit pas de clairières dans ces champs immen- ses, car son rouleau Croskill, qui y passe souvent lorsque la plante est jeune, empèche les vers de la détruire, et assure aussi par la forte pression de la terre sa bonne réussite. Il choisit depuis longtemps ses semenceaux, non-seule- ment parmi les racines les mieux faites, mais encore parmi celles qui portent peu de feuilles , lesquelles , quand elles sont nombreuses, ont été formées inutilement aux dépens de la racine. M. Decrombecgq assure que l'emploi de la chaux produit des betteraves plus sucrées, et que sa manière de les mettre en silos comme elles sortent de terre, après les avoir simplement secouées en ne leur coupant pas les feuilles, contribue aussi beaucoup au même résultat. Il se loue infiniment de l'emploi de charrues sans versoirs, pour leur prompt et économique arrachage , ainsi que pour les — 332 — faire sortir de terre sans les blesser, ce qui arrive fréquem- ment par la négligence des ouvriers, qui enfoncent mal leur bèche, Je suis forcé de m'arrêter, craignant de répéter ici ce que j'ai déjà cité de cette excellente culture, lors de ma précédente visite. Nous avons quitté ce cultivateur si remarquable , après l'avoir complimenté de bien bon cœur sur sa nomination de chevalier de la Légion d'honneur, qu'il a si bien méritée, Nous sommes retournés, M. de Bocarmé et moi, à Douai, où nous nous sommes séparés pour retourner chacun chez nous, hi Sommaire. Quatrième tournée agricole. — Visite à M. Mariotte, au château de Trécy; ses défrichements. — M. de Beauchène; cultivateurs formés par ses soins. — Instruments aratoires recommandables. — M. Yver à la Mé- nerie ; ses composts. — M. Durand, à Bois-Habert. — Belle usine con- struite près de Bourges par M. de Vogué. — MM. Massé, habiles horti- culteurs. — M. Lupin, au château de Loroy ; ses drainages.—Défriche- ments de M. de Vogué à Aubigny. — M. Carlier, habile agriculteur près de Gien. — M. de Béhague, au château de Dampierre ; augmen- tation de son beau bétail, — Manière de récolter les navets. — Retour à Paris. . Je suis parti le 22 octobre pour ma quatrième tournée agricole de cette année; je me suis trouvé en waggon avec un habitant de Paris, qui a acheté il y a quelques années une propriété de 400 hectares sur la route de la Motte- Beuvron à Sully; comme il s’y trouve 200 hectares de bruyè- res, je lui ai remis une notice sur le pralinage des grains avec du noir animal. Il m'a engagé à visiter la culture d’un de ses voisins à l'Aumônière, commune d’Ide, à 16 kilom. environ de la Motte ; il assure qu’elle est parfaitement diri- gée par un élève de Grignon, M. Desguerest, qui aurait déjà dirigé une autre culture avec beaucoup de succès. Je pourrai suivre ce conseil dans une de mes premières visites dans ce pays, car le moment n'est pas favorable pour faire une première visite dans une ferme. de me suis rende au château de Trécy chez M. Mariotte, qui a essayé le pralinage des grains sur # hectares de bruyé- res récemment défrichées, et à obtenu d'excellentes récoltes _— 334 — en seigle, et en froment d'hiver et de printemps ; aussi va- t-il emblaver de cette manière 20 hectares de bruyères défrichées pendant le couran&de l'année ; il n'y mettra que du froment, car ses bruyères sont excellentes, elles sont couvertes d'ajoncs nains, et feront de très-bonnes terres une fois qu'elles auront été drainées, opération qui rendra d'im- menses services au centre de la France, où se trouvent tant de terrains à sous-sol imperméable , qui souffrent tour à tour excessivement de F humidité dans la saison pluvieuse et des sécheresses si fréquentes en été. M. Mariotte, pour se convaincre de l'utilité du ptisene de la semence, a emblavé 4 hectare sans se livrer à cette opé- ration préparatoire, mais le noir avait été répandu à double dose sur le terrain ; les 2 hectares placés de chaque côté du premier, furent semés avec du grain mêlé à 5 hectolitres seulement de noîr, et leur récolte n'a différé en rien d’a- vec celle du champ qui en avait reçu 40 hectolitres. I y a, dans les 400 hectares formant la terre de Trécy, outre 55 hectares de prés, 75 hectares de bonnes terres for- tes d'alluvion , qui bordent la rivière de la Saudre et que M. Mariottecompteconvertir presque entièrement en prés, car elles sont souvent convertes par les inondations de cette ri- vière, dont les eaux sont retenues dans leur cours par la grande filature de drap peu éloignée de Trécy. Si l'on ajoute 55 hectares de fort bonnes bruyères nouvellement défri- chées, et la meilleure partie des terres légères, on a de quoi former trois grandes et bonnes fermes chacune d'environ 100 hectares. M. Mariolte fera des plus mauvaises des bois de pins, en se réservant de les défricher plus tard, s’il trouve ainsi le moyen d'en tirer un meilleur parti, quand elles au- ront été améliorées par la chute des feuilles, si on ne les laisse pas enlever comme cela est en usage dans ce pays. [y a une assez grande étendue de cette terre qui est couverte par de jolis bouquets de futaies et par des semis de pins, dont plusieurs ont déjà un certain âge. M. Mariotte a trouvé des gens qui lui payent G francs par an et par hectare planté en — 339 — pins maritimes déjà grands, pour avoir le droit d'y ramasser au râteau les aiguilles de ces pins, pendant dix ans à partir du commencement de ce singulier bail. J'ai vu à Trécy, et dans une terre du voisinage dont je parlerai tout à l'heure , des luzernes semées sur des sables fort maigres mais sains, qui promettent de n'être pas trop mauvaises quoiqu’on ne leur ait pas donné beaucoup d’en- grais. Je pense qu'on pourrait tirer un bon parti des sables sains de laSologne et du Berry, si on voulait les traiter comme le font les bons cultivateurs de la Campine; il faudrait les dé- foncer pour détruire la couche ferrugineuse qui existe aussi dans ce pays quoiqu'à un degré moins fort , puisqu'elle n’em- pèche pas les arbres résineux d’y prospérer, puis les marner ou les chauler en enfouissant le calcaire assez profondément, à l'opposé de ce qui se fait ordinairement ; on leur donnerait ensuite du noir et du gnano, afin d'y établir une bonne lu- zernière, qui pourrait durer dix ans et pendant ce laps de temps singulièrement améliorer le sol, tout en fournissant beaucoup de bon fourrage ; ce fourrage, permettant de nour- rir du bétail, produirait beaucoup de fumier, avec lequel on améliorerait d’autres terres. On voit les plus petits cultivateurs des environs de Reims et de Chäâlons-sur-Marne , venir mème d’une distance de 20 kilomètres, afin d'y chercher le fumier dont ils ont be- soin pour mettre leurs détestables terres crayeuses en état de produire une bonne luzernière ; ils ne craignent pas d'en ré- pandre pour plus de 600 fr. par hectare ; maisaussi ce terrain, qui valait de 200 à 500 fr. avant d’avoir été mis en luzerne, en vaut de 4,000 à 1,500 dix ans après, au moment où on détruit cette plante. M. Mariotte a beaucoup de belles prairies artificielles, ves- ces, gesses , trèfles et farouch ou trèfle incarnat ; le plâtrene produit ici aucun effet quand on l'emploie de bonne heure, soit en marsou même en avril ; il faut attendre la chaleur pour qu'il agisse d’une manière favorable. On sème aussi dans ces terres de l’incarnat mêlé de vesces, du mais, des choux-ca- — 336 — vahers, mais ils demandent beaucoup d'engrais ; il faut leur mettre à chaque pied une cuiller à bouche pleine de noir, cela les fera venir très-beaux. M. Mariotte fai faire un an d'avance les trous destinés à la plantation d'arbres ; c'est une bonne méthode, mais à con- dition que l'eau n'y séjournera pas. Un bon moyen de faire prospérer les arbres dans des terres froides et acides, c'est de mélanger 4 décalitre de chaux avec la terre sortie du trou qui leur est destiné; si le sous-sol est imperméable , il faut faire le long des lignes d'arbres un fossé plus profond que les trous et établir une communication souterraine afin que l'eau surabondante puisse s'écouler dans les fossés et ne reste pas dans le trou, où elle nuirait beaucoup à l'arbre; pour des arbres fruitiers ou d'espèces rares, on fera bien d'envelopper leurs principales racines avec des chiffons de laine assez dé- composés et trempés dans du jus de fumier. Le troupeau de grosses brebis bavaroises se compose de cent quatre-vingts bêtes, soignées depuis huit ans par un berger wurtembergeois qui les a amenées d'abord en Lor- raine , puis en Sologne , où elles sont depuis plus de deux ans. Ces bètes ont coûté à l'âge de trente mois 52 fr. les bre- bis et 50 francs les béliers ; le poids des moutons gras est, à l'âge de quatre ans, de 25 à 50 kilog. ; les brebis à cinq ou six ans atteignent 25 kilog.; elles donnent 4 ou 5 livres de laine Javée à dos, très-bonne pour les matelas. Ce troupeau n'a pas du tout souffert de la cachexie aqueuse, dans un pays où les moutons y sont très-exposés; mais le berger leur donne chaque semaine une ration de sel se montant à 4 ou » livres pour moins de deux cents grosses bêtes. Il prétend que c'est le soir qu'il faut leur accorder ce condiment et que si on le faisait dans la matinée , cela leur ferait du mal, en les excitant à boire beaucoup. On leur donne chaque jour 2 livres et demie de foin lorsqu'elles vont en pâture; on ne leur accorde de provende que lorsqu'elles allaitent leurs agneaux. M. Mariotie a fait défoncer | aunée derniére en automne — 93931 — une terre à 28 centimètres de profondeur, par deux char- rues qui se suivaient dans le même sillon ; la seconde a ra- mené quelques centimètres d'argile à la surface ; on verra d'ici à quelque temps si le mélange de cette argile sera utile au sable qui forme la terre superficielle. Il paye de 65 à 72 francs pour piocher une bruyère à tranche ouverte; celle-ci est assez compacte et pleine d’ajoncs nains qui gar- nissent toute la terre de leurs racines tenaces. II a fait ni- veler à la bèche bien des terrains qui contenaient des creux ; cela lui revient, quand la terre est légère, à 1400 francs l'hectare. Il a semé en octobre 4848 9 hectares de seigle sur une fumure composée pour chaque hectare de 800 kilogrammes de chair pulvériste, achetée 10 francs les 100 kilogrammes, et dont le port coûtait 2 francs par quintal métrique, depuis Oberville, situé dans la plaine des Vertus, jusqu’à Salbris à 24 kilomètres de chez lui; cet engrais, quoique appliqué sur de vieilles terres, a produit des épis bien mieux grainés que les autres fumures; il à obtenu ce résultat trois années de suite avec ce mème genre d'engrais. Il le fait mélanger avec six fois autant de terre pulvérisée, mais il est obligé de donner une gratification aux ouvriers qui le répandent, tant son odeur est infecte; aussi ne peut-on l’employer qu’à 600 mètres au moins de toute habitation. Je suis allé, en quittant M. Mariotte, faire une visite à M. de Beauchène, dont la terre est à moins d’une lieue de Trécy; elle est aussi placée sur les bords de la Saudre, mais sur son autre rive. Sa terre contient 470 hectares, dont 80 sont en prés ou terres d’alluvion argileuses et humides, qui se couvrent naturellement, après une récolte de céréales, d’une herbe de bonne qualité qui donne pendant deux ans d'abondantes coupes de foin et puis disparaît, pour faire place en grande partie à la petite reine marguerite. On Jaboure celle-ci durant l'hiver pour y semer une avoine qui devient belle ; l'année suivante on donne une jachère, on fume et l'on sème du froment qui vient assez bien, après 29 — 338 — avoir été submergé huit ou dix fois pendant l'hiver; mais ces récoltes sont loin d'être aussi belles que celles produites par les bruyères défrichées et semées avec du grain praliné. Les prés qui bordent la rivière sont bons; on vend une grande partie du produit sur pied. M. de Beauchène ne pouvant pas amener ses anciens mé- tayers à améliorer un peu leur détestable culture, les a rem- placés par les meilleurs de ses journaliers, auxquels il a four- ni suivant l'usage le cheptel, le foin et la paille nécessaires pour hiverner leur bétail, les semences et le grain indispen- sable pour la vie du ménage, jusqu'au moment où il aura pu récolter ses grains d'hiver, c'est-à-dire pendant environ vingt mois. I] lui a fallu ensuite faire de ces gens des cultivateurs, ce qui lui a donné une peine infinie; chaque fois qu'il a voulu leur faire adopter une amélioration quelconque, il a été obligé de leur en donner l'exemple pendant deux ou trois ans avant qu'ils consentissent à l'imiter, et encore fort en petit. Il les forçait, par exemple, à labourer chacun 1 hec- are au milieu de chacune de leurs trois soles, à le herser et à l'ensemencer comme il le leur prescrivait; ils venaient chercher dans sa basse-cour le fumier nécessaire pour faire produire à ces terres de très-bonnes récoltes; au bout d'un certain temps ces gens se sont aperçus que 1 hectare bien fumé et bien préparé produisait autant que 2 et même 5 mal fumés et mal cultivés, et que cependant il leur fallait le double ou le triple de semence et de temps pour le façon- ner et le moissonner. Ils ont alors restreint leurs emblaves, et ont fait des marnages, à la suite desquels le trèfle et même le froment sont venus dans une terre qui avant cette amélioration ne voulait pas en produire; ils ont consenti à faire une assez grande quantité de pommes de terre, pour pouvoir en donner à leur bétail; ils ont fait plus tard des navets d’éteule, ils y ont ajouté un peu de betteraves et même des choux-cavaliers. M. de Beauchène leur a fourni de bons taureaux pris NN DOS ET LS . — 339 — d'abord en Berry et maintenant en Limousin; il s’est op- osé aux accouplements précoces ou hors de propos des jeunes taureaux avec les vaches ou génisses; des agneaux de l’année, qu'on ne fait castrer qu'à l’âge de quinze ou dix-huit mois, avec leurs mères ; des juments avec leurs pou- lains; et il est parvenu à garnir ses trois fermes d’un beau bétail, qui parcourt les prés après la fenaison et qui a en hiver une nourriture abondante, au lieu de végéter sur de la paille toute seule, comme cela se voit dans lerontres fermes du pays. Les fermiers de M. de Beauchène engraissent tous un cer- tain nombre de bœufs en hiver ; l’un d’eux arriye au nombre de huit; ils font pour cela bouillir des navets, des feuilles de choux-cavaliers, des pommes de terre, qu’on mélange dans un tonneau avec des balles de froment, du foin et de la paille hachés. On couvre ensuite les tonneaux et on les laisse ainsi pendant huit ou dix heures, temps nécessaire pour que cette nourriture arrive à la fermentation vineuse qui la rend bonne à ètre consommée. J'ai regretté de voir que les navets, qui sont semés à la volée, n'aient pas été éclaircis à temps; il en résulte qu'ils ne grossissent pas. Il faudrait à M. de Beauchène un semoir . de Pruvost, de Wazemmes près Lille, qui permettrait de se- mer les navets en lignes, de manière à faciliter l’éclaircisse- ment et le sarclage. Cette dépense de 300 francs serait bien- tôt rentrée par l'augmentation des produits, On pourrait le faire copier à Bourges, car M. Lupin le possède, ainsi que la houe à cheval, avec laquelle un homme et un cheval peu- vent cultiver à la fois trois lignes de betteraves ou autres ra- cines; elle Jui a coùté 450 francs à Lens. M. Lupin a le meilleur semoir pour récoltes sarelées, cul- tivées en billons espacés de 75 à 85 centimètres, qui sème, en mème temps que les deux lignes de graines, une ou deux espèces d'engrais pulvérulents , tout en les séparant de Ja graine par un peu de terre, pour éviter la destruction des germes, Cet instrument à coûté 200 francs en Écosse et est — 3410 — tout en fer, I a encore la charrue à double versoir qui forme à volonté la houe à cheval, pour le genre de culture des ré- coltes sarclées, connu sous le nom de culture à la Northum- berland ; ce sont les deux instruments les mieux faits de leur genre. Récemment importés d'Aberdeen, ils ont été déjà fort bien copiés par le serrurier de M. Lupin , qui de- meure à Henrichemont ; ce buttoir houe à cheval, tout en fer, coûte 450 francs. M. Lupin a aussi un excellent râteau à cheval anglais, et le coupe-racine le plus répandu dans ce pays ; il permettrait qu'on les fit copier en hiver, époque où le fabricant pourrait les emmener chez lui sans inconvé- nient. Il a la houe à cheval Malingié, qui ne coûte que moitié des précédentes et est aussi très-bonne dans son genre. On trouverait encore chez lui le scarificateur et la herse de Norwége, deux instruments des plus perfectionnés d'Angleterre, pesant ensemble 900 kilogrammes et qui coû- teraient de 450 à 500 francs. J'entre dans ces détails pour les agriculteurs désireux de se monter en instruments per- fectionnés, afin de leur en faciliter l'acquisition. J'oubliais de citer la charrue à sous-sol adoptée généralement ee la Grande-Bretagne, celle de Read. Tous ces instruments peuvent aussi être sont chez M. Laurent de la rue de Lancry à Paris, ainsi que la ma-. chine à battre portative à quatre chevaux, qui bat 10 hec- tolitres de froment par heure et coûte 4,800 francs, et plu- sieurs autres instruments anglais, entre autres la machine à faner. Si je me trouvais dans la position de M. de Beauchène, forcé comme lui de renvoyer des métayers ennemis de toute amélioration, et ne trouvant pas de bons fermiers munis du capital nécessaire, je prendrais en place d'ouvriers étrangers à la bonne culture et peu actifs en général, des familles fla- mandes dont les chefs eussent été maîtres valets ou premiers laboureurs dans leur pays, le mieux cultivé qui existe; je n'aurais pas alors le quart des peines qu'il a éprouvées , et j'arriverais en bien moins de temps à de meilleurs résultats. — 341 — Je conviens que les avances seraient plus considérables, mais si je n’étais pas en position de faire la chose sur plu- sieurs fermes à la fois, je commencerais d’abord par une. Si beaucoup de fermiers étrangers au centre n’y ont pas réussi, c’est que la plupart avaient échoué dans leurs premières exploitations, qu'ils arrivaient avec un capital insuffisant pour les fermes qu'ils prenaient, et enfin parce que la plu- part des propriétaires leur louaient plus cher qu'aux fermiers du pays. Malheureusement presque tous les propriétaires des nombreuses parties de la France où la culture est si arriérée, tout en comprenant qu'on pourrait et devrait mieux faire, se refusent aux travaux qui les regardent et dont la non-exécution empêche l'amélioration de la culture ; tels sont l’arrangement convenable des bâtiments, l'assainis- sement des terres humides, les défrichements, les marnages “ou chaulages, létablissement de prairies artificielles au moyen d'engrais achetés, la réparation des chemins impra- ticables. Une fois la ferme sur un bon pied , il faut la louer à un taux raisonnable, à 5 pour 400 net, par exemple, de sa valeur et du capital employé à son amélioration; puis on recommence à arranger une autre ferme. Avec un pareil système les propriétaires échapperaient à l'ennui , donne- raient de louvrage pendant toute l’année aux journaliers, qui en manquent généralement dans la mauvaise saison, augmenteraient leur influence , paralyseraient les menées des rouges, préviendraient les révolutions, et en fin de compte augmenteraient leurs fortunes. Il n’en est pas moins vrai que M. de Beauchène est par- venu à réaliser de très-grandes améliorations, qui sont assu- rément bien faites pour encourager ses voisins à l’imiter, et qui ont augmenté d’une manière notable les produits de sa terre, qui devrait être visitée par tous les hommes désireux de perfectionnements. M. de Beauchène n’a pas encore essayé l'effet du guano et du noir; mais son gendre, qui vient d'acheter une ferme dans ces environs, y a défriché des bruyères et va les em- — 31 — blaver avec du grain praliné au noir, M. de Beauchône a semé de la luzerne dans un sable sain mais très-maigre, qu'il venait de marner avec de l'excellente marne très-cal- caire, à raison de 60 mètres cubes par hectare; il en a fumé une partie, une autre a été cendrée, une autre «a reçu de la suie, enfin la dernière a eu du sel qui n’a pas eu de résultat, car la planche restée sans engrais était pareille à cette der- nière; c'est la suié qui a fait le plus de bien. Sa luzerne de seconde année qui avait reçu de ces engrais, a fort bonne mine; si on lui donnait une bonne dose de guano, elle de- viendrait superbe. J'ai té M. de Beauchône pour me rendre chez M. Yver, au château de la Mônerie, station de Theillay, près Vierzon. Son fils, élève de l'école polytechnique, m'a accompagné pour m'aider à le trouver ; nous l'avons rejoint au | champ considérable de récoltes sarclées qu'on 7 hectares de terres déjà anciennement cul Ü recu chacun 400 mètres cubes de boues de a vill zon ; les pommes de terre étaient déjà rentrées, fort belles, il y en avait très-peu de gâtées ; étaient comme celles des environs de Li n'étaient pas égaux, mais il y en avait d'énorr avait en outre un petit champ de choux-caval TS beauté. La plus grande partie de ses grains semés et bien levés ; il en a semé 1 hectare en fro 500 kilogrammes dé guano du Pérou, et 4 bé“ md de ia res défrichées, en grains mélangés avec 5 hectol! pe hectare. Le reste de ses grains d' hiver à TS RC les plus terreuses, et en extrayant les tui és, P né {villes cassées et autres tessons , afin de rendre la fumure égale dans toutes les parties des champs. On fume aussi les froments avec des composts formés de vases sorties des — 343 — nombreuses mares qui se trouvent dans les bruyères, ou avec les gazons enlevés par un labour, dans les chemins tracés _an travers de ces bruyères. On mélange d’abord de la chaux vive avec ces gazons, dont on forme des tas prolongés dans toute la longueur des chemins en construction; quelques mois après, on repioche bien menu ces commencements de composts et l’on y ajoute du fumier, en recomposant les tas, qui restent ainsi jusqu'au moment d'être employés; à cette époque on les repioche de nouveau, afin de les rendre bien homogènes. Je trouve cela très-bien , mais je suis convaincu que les récoltes qu’on obtient des composts et des boues de ville, au taux qu’elles coûtent ici, reviennent bien plus cher que par des fumures ordinaires, ou l'emploi du guano, noir ani- mal, suie et cendres. Les composts ont été très en usage en Angleterre, mais on a fini par les abandonner presque gé- néralement, leur prix étant trop cher pour l'effet qu’ils pro- duisent. M. Yver a chez lui un ingénieur qui a été employé très- longtemps par M. Polonceau ; ille nourrit à satable et lui donne 4,200 francs par an. Il} emploie à faire des arpentages, mais principalement à faire écouler les eaux superficielles de ses terres qui sont toutes à-sous-sols imperméables, et qui ont en outre l'inconvénient de former fréquemment dans les champs, des cuvettes où l’eau séjourne pendant la mauvaise saison. M. Yver n'ayant pas encore pu bien apprécier les bons effets du drainage, pense pouvoir le remplacer ou du moins y suppléer par des rigoles ouvertes, formées comme le sont les cassis des routes ; il n’obtiendra ainsi et à grands frais (car après chaque labour ou hersage il faudra vider de nou- veau ces espèces de rigoles) que l'écoulement des eaux qui eussent séjourné dans les bas-fonds ; mais ses terres n’en res- teront pas moins froides, étant remplies d’eau pendant une bonne partie de l’année, jusqu’au niveau du fond de ces ri- goles ouvertes, qui ont au plus 66 centimètres de profon- deur, et la capillarité fera monter cette humidité jusqu’à la surface. Pour cette raison ses terres produiront moins, tout en exigeant plus d'engrais et des attelages plus nombreux ; elles auront en outre le grand inconvénient de souffrir des sécheresses si fréquentes dans le centre, beaucoup plus que les terres saines où devenues telles par le drainage, qui chez lui ne coûterait guère plus que 100 francs par hectare. J'ai trouvé chez M. Durand, à Bois-Habert, de fort belles récoltes sarclées, en pommes de terre, betteraves, rutabagas et carottes ; ses emblaves d'automne sont complétement ter- minées et fort bien arrangées. Sa vacherie suisse-charolaise est nombreuse et en très-bon état. Les bœufs qu'il élève sont très-forts et travaillent bien ; il n'en met jamais que deux à la charrue, quoiqu'une partie de ses terres soient as- sez fortes. Toutes ses récoltes ont été très-belles cette année; il a une quantité considérable de fourrage ; un champ semé en raygrass d'Italie lui a donné S,500 kil. d’excellent foin, par hectare. Le Berry se peuple de propriétaires et fermiers étrangers à la province; ils viennent principalement dela Brie, de la Pi- cardie, de l’Artois, du département du Nord et de la Belgi- que ; il faut espérer que les bons exemples qu'ils donnent, feront sortir de son apathie ce pays si arriéré en agrieul- ture. Il contient cependant une quantité considérable de très-bonnes terres ; c’est la partie de la France où elles se vendent au plus bas prix, de 500 à 1,000 francs l'hectare en corps de ferme. J'ai remarqué, peu de temps avant d'entrer à Bourges, une fort belle usine, près de laquelle on a con- struit de jolies maisons couvertes en ardoises, qui servent de logement aux nombreux ouvriers de cette forge ; on m'a ap- pris que tout cela avait été construit récemment par le mar- quis de Vogué; ce bel établissement se nomme Mazières. En visitant peu de temps après une exposition agricole, hor- ticole et industrielle, qui s'est ouverte à Bourges il y a envi- ron un mois, jy ai vu de fort beaux produits de cette forge, entre autres les fontes de bien des espèces de charrues et un rouleau de Croskill à vingt-deux disques du plus grand — 9h — diamètre, pesant sans les roues 4,800 kilog. , dont le prix, aussi sans les roues, est de 600 francs ; il m'a paru très-bien fait et à très-bon marché. Il se trouvait à cette exposition beaucoup d'instruments araloires perfectionnés et entre autres une machine à battre portative; mais rien de ce que j'ai vu là ne me paraît mériter d'être cité. On y voyait de superbes betteraves et carottes, et des épis de maïs tellement longs et gros, que je n’en avais pas encore vu de pareils ; ils avaient été exposés par M. Au- clerck, excellent cultivateur, de la Bruère près Saint-Amand. J'ai été voir MM. Massé, neveux du fameux éleveur de bestiaux charolais; j'ai vu chez le premier, qui était absent, une collection admirable de chrysanthèmes. Son frère, que j'ai trouvé, m'a dit qu'il avait planté depuis quelques années, un jardin et un verger, avec les meilleurs arbres fruitiers de France, de Belgique et d'Amérique qu'il a pu se procurer ; il a tiré les derniers de chez M. Audibert, pépiniériste très-in- struit, qui demeure à Tarascon; il m'a encore recommandé un autre pépiniériste dont j'ai oublié le nom, mais qui dirige le jardin des plantes d'Avignon. M. Massé m'a appris que les nouveaux fruits dus à M. Van Mons et à ses imitateurs, qui les ont obtenus de pepins ou noyaux, sans avoir recours à Ja greffe, et dont un grand nombre sont excellents, ont le grand mérite de donner tous les ans. Il donne des greffes de tous ses arbres aux personnes qui lui en demandent. II es- père avoir d'ici à peu de temps chez lui, de très-bonnes poires qui se succéderont depuis l'automne jusqu'au mois d'avril. [ A cette occasion je dirai que j'ai mangé chez mon ami M. Durand, à Bois-Habert près Lignières, d'excellentes syl- vanges de deux variétés; ce sont des poires très-estimées à Metz et dans toute la Lorraine; il m'a dit qu’un habitant de Lignières cultivait avec beaucoup de succès les lupins pour les enterrer comme famure. Les comices de Saint-Amand et de Lignières viennent de se réunir et ont résolu d'établir une exposition de bétail et — 346 — de productions agricoles, ainsi qu'un concours de charrues, chaque année, dans un des chefs-lieux de quatre ou cinq cantons de l'arrondissement. Des commissions seront char- gées de visiter les fermes les mieux cultivées; elles seront nommées par canton el visiteront ceux qui leur seront étrangers, afin d'éviter la partialité. I est fâcheux que les comices disposent de si peu de fonds pour former des pri- mes, qui sont habituellement trop insignifiantes ; je pense qu'il serait préférable de ne distribuer que des médailles, ou ce qui souvent serait bien plus utile, de bons ouvrages et des instruments d'agriculture. J'ai appris, je ne me souviens pas de qui, que quand on laissait longtemps le noir animal dans les tonneaux où en gros tas avant de l'employer, il s'échauffait et perdait beau- coup de sa valeur. Je suis allé passer quelques jours chez M. Lupin, au châ- teau de Loroy, route de Bourges à Gien, à 4 kilomètres de la Chapelle-d’Angillon ; j'ai vu chez lui de fort belles récoltes sarclées, tant en carottes que betteraves globes rouges, jaunes, et disettes, rutabagas, choux caulets, moeëlliers, ca- valiers et cabus très-beaux, mais qui ne valaient rien lors- qu'ils se trouvaient dans un terrain humide, Son nombreux bétail est en fort bon état dans les quatre grandes fermes qu'il fait valoir ; il se compose de deux taureaux durhams, de vaches charolaises dont un certain nombre viennent de chez M. Massé, de normandes et de quelques bêtes du pays. Il s'y trouve aussi quelques vaches croisées durhams. Il à un grand nombre de veaux qui promettent beaucoup étant de bonnes races et fort bien nourris, et une quarantaine de bœufs à l'engrais. Ses troupeaux très-considérables se com- posent de quinze béliers et autant de brebis venant de très- beaux dishleys, de brebis mérinos croisées dishley et méri- nos, croisées crevant et dishley, de bêtes du Crevant et de croisées southdown et crevant , d'élèves de ces diverses espè- ces, enfin de moutons à l’engrais. 11 a des juments anglaises pour élever des chevaux de luxe, et de bons chevaux de tra- — 347 — vail, enfin des cochons essex-napolitains, berkshires, york- shires et craonnais. Il a fait, comme d'habitude, beaucoup de marnages et de chaulages, et a découvert dans bien des endroits de la marne, en creusant des puits de 5 à 10 mètres de profondeur. Il à fait construire un four pour cuire les tuyaux, qu'il fabrique avec la machine d’Aynslie, dont il n’est pas con- tent, car elle n’est pas solide et lui a coûté presque autant de réparations que d’achat ; son prix est de 750 fr. à Paris, rue de Lancry. M. Lupin n'ose pas employer des tuyaux du diamètre de 5 centimètres, comme cela a lieu assez généra- lement en Angleterre. Les tuyaux dont il se sert sont ovales et ont 5 centimètres sur 3 4/2, ils lui reviennent à 22 francs le mille, la terre venant de 10 kilomètres et le bois généra- lement de 4 kilomètres. Son four ne contient que quinze mille de ces tuyaux moyens et un certain nombre de briques. Ses rigoles faites à 4°,20 de profondeur, dans un terrain à sous-sol caillouteux, lui reviennent de 12 à 15 centimes le mètre courant. fl a fait drainer les terres les plus humides, qui se trouvaient pleines de sources, en mettant les rigoles à 40 mètres les unes des autres ; dans ce cas, cela lui est re- vénu à 225 francs par hectare, mais il ne les met qu'à 20 mètres dans la plus grande partie de ses terres et sen trouve fort bien ; cela ne coûte alors que moitié. Sa machine étant peu expéditive ne lui a permis encore que de drainer 60 hectares ; s'il avait eu la machine de Whitehead de Pres- ton, qui a remporté la première prime de la Société royale d'agriculture d'Angleterre en 1848 et 1849, et qui ne coûte avec quatre moules que 675 francs, il en aurait déjà fait trois ou quatre fois autant, tant'il est satisfait des résultats obtenus jusqu'à cette heure. N'ayant pas osé quitter les planches bombées tout d'un coup, il n’a fait labourer com- plétement à plat que sur une certaine étendue, et il m'a dit que c'était là que le grain était le plus beau. Ses ouvriers n'ont pas voulu employer les outils anglais pour creuser les rigoles ; aussi ont-elles 42 à 15 centimètres de largeur au — 8 — fond et sont-elles plus larges dans le haut, que si elles eus- nt clé faites par des ouvriers anglais; elles demandent donc plus de temps pour être achevées et doivent ainsi coû- ter plus cher. Je pense qu'un propriétaire qui aurait beau- coup de drainages à faire, devrait, dans son intérêt, faire ve- nir d'Angleterre un ouvrier habitué à fabriquer les tuyaux et sachant fort bien faire les rigoles, en employant les outils convenables pour cela. Cet ouvrier pourrait, dans le courant d'une couple de mois, dresser des ouvriers français, Cette double besogne coûte moins cher dans les îles Britanniques, quoique la main-d'œuvre y soit beaucoup plus élevée, Je dois raconter ici ce que je viens d'apprendre en lisant un des derniers numéros du Farmer's Magazine , excellent et volumineux journal d'agriculture, qui ne me coûte rendu chez moi que 54 francs par an, et qui devrait être entre les mains de tout ag#iculteur sachant un peu d'anglais ; et un jeune homme, en moins de six mois s'il le veut, en saura assez pour lire et comprendre. J'ajouterai que l'on ne peut pas être au courant de tous les perfectionnements de l'agri- culture, si on ne lit pas au moins un bon journal d'agricul- ture anglais, car jusqu'à cette heure les journaux agricoles français ou allemands, n'ont pas encore compris combien ils gagneraient en s'appropriant les articles les plus intéres- sants des publications anglaises. J'ai donc lu qu'un draineur de profession avait imaginé un moyen bien simple de poser les tuyaux de 3 centimètres et de les recouvrir de terre argi- leuse bien foulée, sans risquer de les déranger de leur di- rechion. Voici comme il s'y prend pour parvenir à ce but et éviter par là l'emploi des manchons , qui sont excellents, mais qui augmentent d'une manière notable la dépense. M. Mac-Adam enfile cinq ou six tuyaux au bout d'un bâton très-droit et de grosseur voulue pour qu'il entre facilement et sorte de mème; ce bâton doit dépasser de 7 à 8 centimètres les tuyaux enfilés, afin d'entrer dans le dernier des tuyaux posés, qui n'est encore qu'à moitié couvert de terre foulée, el d'empêcher qu'il n'en bouge : il est fixé par son autre — 349 — bout et par une douille à un vieux manche de faux con- tourné, au moyen duquel l’ouvrier pose l'appareil au fond de la rigole de 1°,50 de profondeur, sans y entrer. On jette alors de la terre argileuse encore humide sur les tuyaux en- filés, et on piétine cette terre qui doit avoir environ 16 cen- limètres d'épaisseur, de manière à bien fixer les tuyaux, en ayant le soin de ne recoüvrir le dernier qu’à moitié. Lors- que c’est fait on retire le bâton au moyen d’un cordon fixé à son bout. Voici un dessin qui fera comprendre ma des- cription. a, manche de faux ; — b, cordeau pour retirer le bâton une fois que la terre piétinée a fixé les tuyaux; — €, tuyaux à placer; — d, tuyaux déjà un peu couverts. Je me suis rendu de chez M. Lupin dans la forge d’Ivoy, où l’on avait défriché 8 hectares de bruyères pour les ense- mencer avec du froment mêlé de noir, comparativement avec d’autres engrais. Un hectare a été fumé avec 40 mètres cubes de bon fumier de cheval, un autre avec 25 hectoli- tres de poudrette coùtant 75 francs le port non compris; un troisième a reçu 5 hectolitres de noir qu’on a semé sur terre avant d’enterrer la semence; on a semé un quatrième hectare en seigle, et le reste du terrain en froment dont la semence avait été mélangée avec du noir, à raison de 5 hec- tolitres par hectare. Une partie de ce dernier a été enterrée à la charrue, qui a formé des planches bombées, ensuite des billons suivant l'usage du centre de la France, enfin un labour à plat, ce qui ne vaut rien dans un terrain humide, Rigole de pieds de profondeur. — 8350 — avant de l'avoir drainé, Une autre partie du champ a été semée sur le labour et enterrée à la herse, aussi sur plan- ches bombées et terrain plat, I sera fort intéressant de voir les résultats de ces essais un peu avant la moisson, Avant appris que M, de Vogué, propriétaire de cette forge qu'il fait valoir, se trouvait au château d'Aubigny, à 46-ki- lomètres d'Ivoy, je suis allé lui faire une visite, car il m'a- vait prévenu qu'il y faisait de grands défrichements et du drainage. Il m'a fait voir plus de 400 hectares de bonnes bruyères nouvellement défrichées en grande partie à la pio- che, ce qui a fourni de l'ouvrage aux ouvriers des environs ; il en avait aussi fait labourer une partie par les charretiers de la forge, à l'époque où ils se trouvaient sans ouvrage; il va en défricher encore environ 150 hectares pour en faire des fermes, et 30 pour les joindre à ses bois, qui couvrent plus de 2,000 hectares. Il paye à ses métayers, pour le pre- mier labour qu'ils donnent à une bruyère, 48 francs par hectare; on leur avance leur moitié de poudrette ou de noir, pour fumer ces défrichements, M. de Vogué est aussi occupé d'assainir et d'irriguer une vaste étendue de prés, qui produisaient jusqu'à cette heure fort peu de foin. On y joindra les terres et pâtureaux qui les touchent et qui pourront être soumis à l'irrigation, [I a d'ex- cellentes marnières sur cette terre, qu'il a achetée il y a quel- ques années des héritiers du père du duc actuel de Riche- mond ; cette terre, n'ayant jamais été habitée, a été singu- lièrement négligée, jusqu'au moment où elle fut acquise par son propriétaire actuel. Il est fort heureux que M, de Vogué donne de si bons exemples aux propriétaires de ce pays, car en me rendant à Aubigny j'ai parcouru 20 kilomètres sans voir une mai- son, excepté l'auberge qu'il vient de construire vis-à-vis de son avenue, La plus grande partie de cet espace était cou- verte de bruyères bonnes à défricher ; il faut espérer qu’elles le seront bientôt , grâce à l'emploi du noir animal et à la manière de l’économiser, découverte par M. de la Selle. — 351 — Je me suis rendu de là chez M. Carlier, que j'avais ren- contré ce printemps près de Montargis. Il possède une jolie maison de campagne , près d'une très-grande ferme, où il a dépensé plus de 50,000 francs en constructions nouvelles. Sa propriété se compose de 436 hectares, dont près de moi- tié étaient des terres d'alluvion légères et caillouteuses, com- plétement épuisées, qu’il a remises en bon état. Il a mis en prés ce qui était susceptible d'être irrigué, au moyen de l'arrangement suivant, conclu avec le propriétaire de la ferme, qui touche le bout de la sienne; il l'a louée pour douze ans, en payant chaque année 1,000 francs de plus que le loyer précédent, moyennant le droit de détourner à perpétuité une partie d’un ruisseau, qui lui sert à arroser ses 53 hectares de prés, Environ un tiers de ses autres terres se trouve en luzerne et sainfoin. Il engraisse maintenant cent cinquante bêtes à cornes par an, et espère augmenter cha- que année ce nombre; il a vingt-cinq bœufs et cinq che- vaux de travail , et avec cela six ânes qui charroient presque tous ses fumiers, et rentrent une bonne partie de ses ré- coltes sarclées, ainsi que l'herbe qui est consommée dans les étables; ils tournent pendant une demi-journée le manége d’une machine à battre de Mottes, qui est de la force de quatre chevaux. M. Carlier assure que ces pauvres ânes, qui ont aussi le mérite d’être fort sobres, gagnent bien mieux leur nourriture que les autres bêtes de trait, Il fume ses terres à raison de 80 mètres cubes par hectare; aussi fait-il produire de fort belles récoltes à des terres qui étaient com- plétement épuisées lorsqu'il en a fait l'acquisition. Lorsqu'il est arrivé dans cette propriété, il a commencé par semer beaucoup de seigle, qu’il a fait consommer au printemps par des moutons, lesquels parquaient le terrain après l'avoir pâturé; il sème ensuite, après avoir donné un labour, de l’ayoine et des vesces, qui ont été pâturées à leur tour ; enfin il y a mis du sarrasin, qui a été fauché pour nourrir les vaches. M. Carlier sème ces terres, qui sont très- saines, jusqu’au moment où les gelées l’arrêtent, et tant — 352 — qu'il y a du fumier pour les mettre en état de produire de bonnes récoltes, Il a toujours un nombreux troupeau de moutons à l'engrais, dont le parcage fait grand bien à ses terres qui sont toutes fort légères. L'habitation de M, Carlier est à 6 kilomètres de Gien et sur la route de cette ville à Briare. Je le quittai pour me rendre à Gien, où je pris une diligence qui me conduisit au château de Dampierre, chez M. de Béhague. Nous fûmes vi- siter le lendemain matin son magnifique bétail, dont j'ai parlé au commencement de ce livre; il vient de l'augmenter d'une quinzaine de toutés petites vaches bretonnes, de l’es- pèce blanche et noire qu'on trouve dans le Morbihan; elles lui reviennent rendues chez lui à 100 francs; il en faut trois pour peser autant qu'une de ses vaches croisées durhams- charolaises, et M. de Béhague dit qu'à trois elles ne con- somment pas plus qu'une des anciennes; on leur donne ce que les autres ont rebuté. Ces petites bêtes commencent à donner leur premier veau ; il les a fait venir dans l'inten- tion de les faire castrer de suite après leur second vêlage, afin de les conserver pendant deux ou trois ans en pleine lactation. M. de Béhague fait construire dans ce moment une grande élable attenante à celle de ses vaches, dont il veut doubler le nombre; cela lui complétera une étable de quarante va- ches, qui se trouve à côté d'une autre contenant trente bœufs charolais, dont moitié est destinée au travail et les autres à l'engraissement. On prépare quatre bœufs pour le prochain concours de Poissy; ils sont admirables et m'ont paru aussi gras que possible; ils doivent cependant encore rester cinq mois à l’attache, et dans un état aussi avancé d'engraisse- ment ce sera fort heureux s'il ne leur arrive aucun accident. Je suis étonné que MM. de Béhague et de Torcy n'aient pas encore adopté l'usage des boxes pour loger leurs bêtes à l'engrais, où an moins leurs bœufs de concours ; ces animaux, qui restent si longtemps à l'engrais et qui arrivent à un em- bonporut extraordinaire , seraient infiniment mieux dans — 393 — une boxe, où on n'aurait pas besoin de les attacher , et où ils ne pourraient pas être tracassés par leurs voisins. Les bœufs de concours doivent dépenser 1 franc par jour pendant les quatre derniers mois de leur préparation; ils ont dans ce moment pour quatre, 120 kilog. de racines de bet- teraves, 24 litres de farine d'orge, 8 litres de seigle bouilli et deux bottes de foin. Les jeunes bœufs croisés, durhams-charolais ou normands, qui ne sont pas destinés à concourir , doivent être vendus dans le courant de leur troisième année au boucher, sans avoir consommé de farine , à partir de l'âge de huit à neuf mois. 1ls ne consomment pas tout à fait 5 pour 100 de leur poids vif; leur nourriture se compose de foin pour la moitié de leur ration et pour l’autre moitié de racines de rutabagas ou de betteraves; on estime qu'il faut # livres de celles-ci pour remplacer une de foin. On compte que 46 centimes par kilog. de poids vif représentent leur prix de revient. Il faut faire consommer d’abord les rutabagas et ensuite les betteraves, celles-ci se conservant mieux, mais surtout parce que le bétail ne mange pas bien les rutabagas, après avoir été habitué aux betteraves; on prétend même qu'il n'aug- mente pas autant de poids avec les rutabagas. Les veaux sont tenus seuls dans des boxes jusqu’à l’âgede quatre ou cinq mois ; ils reçoivent du lait non écrémé pen- dant ce temps; ensuite on en met deux ou trois ensemble, dans une grande boxe de l'étable destinée à la jeunesse; ils reçoivent encore du laït écrémé étant doux, qu'on mélange avec un bouillon de graine de lin ; on y ajoute du fourrage et des racines ; cela dure ainsi jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de huit ou neuf mois. M. de Béhague a augmenté cet été le nombre de ces grandes boxes , destinées à contenir trois très-jeunes bêtes, ou deux plus âgées, de manière à en pouvoir loger quatre-vingts. Un veau mâle né pendant que j'étais à Dampierre, provenant d'une vache durham-charolaise très-grasse, est venu assez petit et fort maigre, ce qu'on attribue au trop d'embon- 23 — 324 — point de sa mère; il pesait 30 kilog, Voici le poids d'un certain nombre de jeunes bêtes , que j'ai relevé sur les re- gistres : : Un veau pesé à dix mois poids vif 525 kilog. Un autre âgé de onze mois poids vif 568 kilog. Une jeune bête de vingt et un mois poids vif 505 kilog. Une génisse de vingt-six mois vendue à un boucher 553 francs 588 kilog. Wellington, vendu en mars 1848, âgé de quarante-quatre mois, à 4 franc 60 le kilog. poids brut, a produit 892 fr. 80 ; il pesait vivant 900 kilog. Bérenger, vendu à la même époque, étant LÉ rETS âgé de quarante-deux mois, pour 760 fr., pesait vivant 790 kilog. Duc, vendu aussi en mars 1848 , étant âgé NÉS de trente-sept mois, pour 710 fr., pesait | en vie Édiieié kilog. Napier, vendu à Orléans fin de février 1848 A pour 400 fr., âgé de quarante mois, pe- sait 705 kilog. Spencer, préparé pour le concours de 4848, qui n’a pas eu lieu, a été vendu à l'âge de nés mois 1,110 fr. jui 20h Lauriot, né le 27 février 4846 , a été vendu au concours en 1849 pour M0 francs ; il avait eu un P ” 400 fr. Cochrane, né aussi en février 1846, a été vendu au con- cours de Poissy 1849, à raison de 79 centimes le ki- log. de son poids vif, 540 fr. ; il a produit en chair nette 455 kilog. Le cuir Ai 6% À reporter ou2 kilog. — 350 — Report 502 kilog. Le suif 50 È La panne 7 Foie et mou 18 77 kilog. Son poids vif était de 680 kilog. Waverley, né le 45 juin 1846, était durham-charolais , et a été primé au concours d'avril 4849 à Poissy, comme deuxième prix de la première classe; il a eu pour cela 1,000 fr. M a vemporté le 1° prix de la deuxième catégorie 800 Il a été venda le 4 avril à Poissy à raison de 4 fr. 57 le kilog. du poids vif 1,150 2,990 fr. _ Il pesait en vie 720 kilog.; le poids net a été de 490 kilog. | Cela fait 68 p.100 chair TE nette ve 595 kilog. Le cair 48 Le suif 57 O’Connel, né le 28 février 1846, a paru à l'exposition de 4849 et a été vendu le 5 septembre, pesant vivant 980 kilog., à M. Pelettrez, boucher, rue Saint-Jacques, pour 4,000 fr. ou 1 fr. 02 cent. du kilog. du poids vif; il a donné chair nette 650 kilog. Le cuir 49 k.1P Le suif 125 kilog. 802 k.1/2 Il pesait vivant 980 kilog. Voici le poids actuel des quatre jeunes bœufs qu'on prépare pour le concours de Poissy. Baring , né le — 356 — 25 juin 1846, pesait le 30 octobre 1849, étant âgé de 960 kilog. quarante mois, Ïl a paru à l'exposition; le voyage lui a fait perdre beaucoup , ainsi qu'aux trois au- tres qui vont suivre. Il est vendu d'avance à un boucher de Paris pour 4,000 fr. Carolus, durham - charolais ayant trois quarts de sang durham, né le 5 janvier 1847, pesait le 50 octobre 1849, étant âgé de trente-quatre mois, Alibert, né fin de juillet 4846, pesait le 30 octobre 4849, à trente-neuf mois, Brutus, durham-normand , né en janvier 1847, pesait au 50 octobre 1849, à l'âge de trente-quatre mois, Il y a encore Cornélius, né le 45 fé- vrier 1847, qui pèse le 50 octobre 1849, àgé de trente-trois mois, Et Dagobert , né le 12 août 1847, qui a pesé le 50 octobre 1849, à l'âge de vingt- six mois et demi, 772 940 857 850 612 kilog. kilog. Je finis par Young-Stanley, qui a remporté le 51 mars 1847 , au concours de Poissy, étant âgé de trente-neuf mois, 1° le 1° prix de la première classe disputé entre bêtes qui ne peuvent avoir plus de quatre ans; il avait dix- 1,200 fr. neuf concurrents, 2° le 1°" prix de la seconde classe race cha- rolaise contre six concurrents, 5° le prix principal , disputé seulement par les animaux primés dans la première et la seconde classe, dix-neuf concurrents, coupe d'honneur, A reporter 800 1,500 5,000 fr. _ Report 5,500 fr. Jl à été vendu à M. Chatard , boucher à Paris, 4,525 4,825 fr. Il pesait à Dampierre le 26 mars, au moment de partir, 928 kilog.; il a été transporté en voiture jusqu’à Or- léans et de là à Poissy en chemin de fer ; il ne pesait plus à son arrivée, le 29 mars, que 865 kilog. et le 5 avril au moment d'être abattu, son poids était réduit à 825 kilog. Voici son rendement : Viande nette des quatre quartiers (onu 65 kilogrammes 75 7 pour 100 du poids vif 542 Kk.1/2 Cuir 55 kilog. Suif 77 674 k.1/2 Débit à l’étal le 7 avril : Morceaux de première qualité 487 kilog. Morceaux de seconde qualité 142 Morceaux de troisième qualité M3 942 kilog. La culture de M. de Béhague ne s'étend que sur 148 hec- tares, sur lesquels environ un tiers sont d’une fort bonne qualité. Il n’a pas encore essayé le guano. J'ai vu des choux- cavaliers fort beaux; mais ceux de la partie du champ qui avait reçu du superphosphate de chaux étaient évidemment supérieurs. La récolte de betteraves a été fort belle ; celle des rutaba- gas laissait à désirer, les carottes étaient excellentes. Le colza est planté sur des planches bombées, formées par quatre tours de charrue ; chaque planche contient trois lignes de plant, qui se trouve espacé de 50 centimètres dans la ligne. — 358 — J'ai vu récolter des navets d'une manière qui, je crois, mérite d'être imitée; une fille le faisait à la tâche, malgré une forte gelée blanche. On a un certain nombre de cordes neuves, comme celles qui servent à attacher les vaches à la mangeoire; on passe la corde dans un des deux trous d'un morceau de bois long de 20 et large de 7 centimètres jusqu'à ce que le nœud coulant l'arrète ; on allonge alors la corde par terre et on pose sur elle les navets à me- sure qu'on les arrache après em avoir secoué la terre; on a soin de poser alternativement à droite et à gauche de la corde les poignées de navets, de manière à ce que les racines soient en dehors des deux côtés; quand il y en a assez, on passe le bout de la corde dans l'autre trou eton le ire à soi en appuyant le pied sur le bois, afin de bien lier la bolte de navets, qui ordinairement pèse de 45 à 50 kilog. si les racines sont bonnes. Cette fille fait habituellement trente bottes par petite journée de la fin de novembre ; on lui donne 2 centimes 1/2 par botte ; celles-ci se chargent et déchargent facilement et se transportent de la voiture dans les corridors des étables, sans perte de temps, Quand le vacher veut les employer, il prend un grand couteau de cuisine; avec lequel il détache les gros navets, qu'on conserve pour plus tard ou pour les faire passer au coupe-racine, et d'un coup de cou- teau il fend les petits ; en retournant la botte en tous sens celle opération est finie à l'instant. ITCE Nous avons été avec M, de Béhague visiter sa petite ferme conduite par son ancien charretier Martin ; il cultive ses bet- teraves el choux-cavaliers depuis trois ans dans un pâtureau défriché, et y obtient de fort belles récoltes sarclées, mais il les fume chaque année à raison de 70 mètres cubes par hec- tare. [ y a déjà une vingtaine d'hectares de marnés il.a eu 5 hectares de très-beau mais fourrage. On en sème une partie tous les huit jours, à commencer du 4° mai jusqu'au 15 juin. Les navets de l'espèce globes blancs sont fort gros; les seigles, trèfles rouges, incarnats et les vesces sont ma- gnifiques. — 399 — M. de Béhague m'a fait parcourir les bois considérables qu'il a semés et plantés depuis une vingtaine d'années ; ils sont superbes et m'ont paru très-bien administrés. [l est dégoûté des pins silvestres, parce que les scolytes les font périr; il ne sème plus que des pins maritimes; ceux-ci donnent à l'âge de quinze ou dix-huit ans, par un fort éclair- cissage, un produit net de 400 francs par hectare en moyenne, pendant que les taillis de chênes et de bouleaux font atten- dre le double de ce temps, avant de donner un bon revenu. J'ai vu plusieurs hommes marchant parallèlement à tra- vers des bois de pins éclaircis; ils donnaient trois ou quatre coups de pioche superficiels, pour enlever le gazon, ensuite un coup plus profond au milieu de l'endroit pelé ; on y met- tait deux glands ou un plant de bouleau âgé de deux ans. Un homme plantait du gland, son voisin du bouleau et ainsi alternativement ; ces gens marchaient droit devant eux et faisaient un trou après chaque pas. M. de Béhague paye, pour arracher ces jeunes plants de bouleaux qui foisonnent dans ses bois, de 50 à 60 centimes par mille. | Un de ses voisins lui a dit devant moi que M. Hofman, le mécanicien de Nancy, venait de poser dans ces environs plusieurs machines à battre de la force de quatre chevaux, il les fait payer 4,200 francs : elles ne vannent pas, et doi- vent battre par heure quatre-vingts gerbes du poids de 45 à 16 kilogr. Il avait reçu plusieurs autres commandes et était retourné chez lui pour les exécuter. J'ai quitté M. de Béhague pour revenir à Paris. Fost-scréêptomn. Je viens de recevoir des lettres de Belgique qui m'appren- nent que le gouvernement de ce pays vient d'offrir à tous les fermiers du royaume qui voudront essayer le drainage, de leur envoyer une personne qui leur apprendra la manière de tracer et faire les rigoles; il leur fournira encore les — 360 — tuyaux nécessaires pour assainir un demi-hectare ; ils n'auront rien à payer pour l'instruction et les tuyaux. Cette détermi- uation du ministère répandra en pen de temps la connais- sance de cette immense amélioration dans toute la Belgique. On me mande aussi que la machine à faire des tuyaux de Sanders et William de Bedford , qui prise sur place coûte avec quatre moules 400 francs, est très-solide, qu'elle peut ôtre maniée par des femmes si on leur fournit de la terre préparée, et qu'elle fait environ 500 tuyaux de la petite dimension par heure; elle est garnie d'un grillage, qui empêche les petits cailloux où racines de venir entraver la fabrication. Pour praliner les grains ou graines avec du noir animal ou d'autres engrais pulvérulents, n'avant pas l'inconvénient de brûler les germes à leur sortie , il faut arroser chaque hectolitre de semence avec une eau dans laquelle on aura fait dissoudre 500 grammes de colle forte par hectolitre ; une fois tous les grains bien englués, on les saupoudre en les retournant, avec le noir animal dont une partie adhérera: aux semences ; on les laissera sécher, puis on humectera et on saupoudrera de nouveau. Pour le froment, le maïs ou le maba, on a soin, avant de se livrer à cette opération, de les faire tremper pendant vingt-quatre heures dans de l'eau, dans laquelle on aura fait fondre 250 grammes de vitriol bleu par hectolitre. Maniére économique et trés-profitable de défrichezr les bruyeres. On fait produire à une bruyère, au bout d'une année ou dix-huit mois au plus, du moment où le premier labour a été donné, une récolte de 20 à 25 hectolitres en froment, méteil ou seigle, suivant le plus ou le moins de légèreté du — 361 — sol défriché, en adoptant la manière d'employer le noir ani- mal, imaginée par M. de la Selle fils, propriétaire demeu- rant à 12 lieues de Tours, près de la ville de Preuilly. Il y à six ans qu'il suit cette méthode, qui lui a si bien réussi, que beaucoup de cultivateurs l'ont adoptée et qu'il y à déjà plus de 100 hectares de bruyères défrichées d'après cette méthode, près de chez lui. Voici comment procède M. de la Selle : il fait piocher à tranche ouverte la bruyère , après en avoir fait faucher là surface pour litière, ou l'avoir fait brûler, en y mettant le feu par un temps sec. Ce piochage coûte dans ce pays, aux époques où les travailleurs ne sont pas employés à la fenai- son ou moisson, 60 francs par hectare. Il fait ensuite ré- duire ce grossier piochage au moyen de herses armées de coutres et à coups de rouleau. En septembre, on donne un labour assez profond pour amener de la terre sur les gazons qui n’ont pu être réduits entièrement ; on herse encore une couple de fois, et puis on sème le grain, mêlé aussi bien que possible avec 360 litres de noir animal bien pulvérisé. Afin de répandre également sur le champ la semence et le noir, il fait passer le semeur trois fois sur l'emplacement où il ne serait passé qu'une, s’il n'avait semé que du grain pur. Une fois la récolte enlevée , M. de la Selle fait donner un seul labour et sème lorsque le temps en est venu, une se- conde fois du grain d'hiver, en y mettant la même quantité de noir. Cette deuxième récolte produit ordinairement de 50 à 55 hectolitres. La troisième année produit , toujours avec la même quan- tité de noir mêlé à la semence, une trentaine d'hectolitres de colza ou de 6 à 8,000 kilogrammes de vesce d'hiver mêlée de seigle. La quatrième année, on sème de l'avoine qui devient su- perbe et qui peut donner ayant reçu aussi du noir, de 40 à 45 hectolitres. On se trouve alors, au moyen de l'argent et du fumier produits par les quatre premières récoltes, en état de drainer — 562 — les terres humides, de les marner et de les fumer; de cette manière, on continuera à obtenir de ces terres d'aussi bonnes récoltes que dans les bonnes terres cultivées depuis long- temps, M. de la Selle a déjà défriché ainsi plus de 70 hec- lares. LUN PE. Li M. Dubreuwl-Chambardel , propriétaire de la terre de Ma- rolles, près Loches, où il vient d'établir une ferme-école, a été un des premiers à imiter M, de la Selle, I a déjà défri- ché une centaine d'hectares ; il ne donne que deux laibours ou un piochage et un labour à ses bruyères ; il ne herse que deux fois ayant et deux fois après la semaille, et quoique sa terre se trouve ainsi infiniment moins bien préparée.que celle de M. de la Selle, il obtient des récoltes encore plus belles, ce qui vient de ce que M, Chambardel met 450 litres de noir au lieu de 560, PAT LOTIR. J'ai vu, cette année, chez M, Chambardel 2 hectares en froment et 5 en seigle, qui produisaient leur troisième ré- colle du même grain; elle nous a paru encore plus belle que la deuxième récolte sur défrichement que nous venions de voir et qui était très-belle, Nous avons estimé qu'une première récolte de grain méteil, qui avait été semée sur une bruyère qui n'avait reçu que deux labours et quatre hersages, devait produire de 28 à 30 hectolitres ; la paille en avait prés de 2 mètres de haut ; la récolte était très-épaisse et les épis très-longs et bien garnis, va vb Aobafisé M. Malingié, propriétaire de la terre de la Charmoisé, près Pontlevoy, département de Loir-et-Cher, qui a établi une ferme-école il y a trois ans, a défriché cette année 100 hect, de bruyères pour les emblaver de cette manière. M. Desloges , fermier près Mantelan, route de Tours à Preuilly, a plus de 50 hectares de bruyères traitées de même, el les récoltes de froment et colza y sont admirables,.… : : M. Lupin, au château de Loroy (Cher), ayant essayé sur 10 hectares cette méthode, s'en est si bien trouvé, qutil \icut d'emblayer ainsi 50 hectares de bruyères défrichées. M. Mariotte, au château de Trécy près Romorantin, après — 363 — avoir essayé sur # hectares 1/2, vient d'en défricher 20 au- tres qui ont été semés de même. Il va défricher ainsi toutes ses bruyères. Il faut que j'ajoute que M, Mariotte ayant fait l'essai de semer sur 4 hectare 10 hectolitres de noir sans le mélanger avec la semence, et sur l'hectare voisin 5 hectolitres mêlés à la semence, le froment du second hectare a été aussi beau que celui du premier. Le noir animal devra être acheté dans les grandes raffineries d'Orléans ou de Paris ; dans celles-ci, il valait, cet été, 8 francs l'hectolitre, qui pèse ordinaire- ment de 85 à 90 kilogrammes, Les cultivateurs, qui n’ont jamais défriché ou vu défricher des bruyères comme il y en a une immense étendue dans le centre de la France et en Bretagne, bruyères qui, malgré le bon sol qu'elles couvrent, peuvent encore s'acheter dans quelques endroits au-dessous de 400 fr. l'hectare, pourront penser qu'une fois que le noir aura été employé pendant quatre ou cinq ans, ce terrain se trouvera épuisé et inerte; ils devront se tranquilliser là- dessus, en voyant les belles récoltes que M. de la Selle ob- tient à la cinquième et sixième année, après avoir employé une fumure ordinaire, ou de 5 à 400 kilogrammes de guano du Pérou. J'ajonterai que j'ai défriché, il y a vingt-cinq ans, des bruyères qui ont été cultivées depuis ce temps par de pauvres métayers des environs de Blois, et que cette terre continue à être infiniment meilleure que les anciennes terres de la mème ferme qui l'entourent. Le phosphate natif comme engrais. Il existe dans différentes parties de l'Angleterre, des dé- pôts considérables d'os fossiies ou phosphate natif. On en trouve en abondance dans les mines d'élain de Cornouailles, _ 366 — qui produisent, d'après une analyse soignée, de 45 à 60 pour 100 de phosphate de chaux. Dans le comté de sufolk, il existe des carrières d'un sable mèlé de coquilles, de carbonate et de phosphate de chaux, qui a un grand pou- voir fertilisant : le produit des terres qui ne sont pas trop éloignées de ce dépôt a augmenté d'une manière extraor- dinaire. Plus récemment l'attention s'est portée sur de certaines pierres siliceuses de couleur brune qui se trouvent dans ces mêmes carrières, et qu'on avait négligées jusque-là. Leur analyse a montré qu'elles étaient composées sur 400 parties, de 56 phosphate de chaux, 14 phosphate de fer, 21 carbo- nate de chaux , 4 alumine, 2 silice, 4 matières carbonacées et 2 eau. On les nomme coprolites et on les fait entrer dans les superphosphates de chaux, qu'on emploie maintenant en immense quantité pour fertiliser les terres. A Broughton, comté de Wilt, une marne noire donne 4 pour 400 de phosphate de chaux. Dans la partie nord de ce comté et dans le Northumberland on trouve des masses considérables d'os fossiles dispersés à la surface de la terre ; réduits en poussière et mêlés avec l'acide sulfurique, ils pro- duiraient de superbes récoltes de turneps. Il existe aussi des dépôts de phosphate natif dans d’autres pays, comme la Hongrie et l'Espagne. Dans l'Estramadure près Logrosan, grand village situé à 7 lieues de Truxillo, on peut suivre un dépôt de ce genre pendant 2 milles; il s'étend du nord-nord- est au sud-sud-ouest. Cette matière se trouve dans le schiste ardoisier ; la couche traverse la route qui conduit de Logro- san à Guadeloupe; on y a ouvert une carrière qui n'avait encore que 10 pieds de profondeur lorsque M. Daubeny et le capitaine Widrington, que la Société royale d'agriculture d'Angleterre avait envoyés sur les lieux pour lexaminer, y arrivèrent dans ce but. Ils pensent que cette veine de phos- phate s'enfonce à une grande profondeur ; le dépôt n’a que 7 pieds de largeur, et il y en a environ 3 pieds qui occupent le centre du rocher et qui se composent de phosphate de — 365 — chaux presque pur. Il y a d’autres endroits où la veine de phosphate natif a jusqu'à 16 pieds de largeur. Voici la moyenne de l'analyse de deux morceaux choisis parmi ceux qui paraissaient contenir le moins de matières hétérogènes : Peroxyde de fer. . . . . 3,15 Fluoride de chaux. . . 14,»» Phosphate de chaux. . 81,15 100 »» Ces messieurs ayant été chargés, d'en rapporter avec eux une suffisante quantité pour pouvoir en essayer les effets fertilisants, voici le rapport fait par le docteur Daubeny sur l'emploi comparatif de douze engrais appliqués à la culture des turneps , sur une bonne terre forte, mais devenue assez meuble par d’abondantes fumures. Racines, Feuilles, poids poids livres ang. livres ang. Une acre (40 ares) de la terre ci-dessus a produit RON ES SD er. . . 14,598 30,591 Avec 600 kilog. de phosphorite espagnole. . . 28,639 42,016 — 600 — dephosphoritearrosésde 300k. acide sulfurique. . . . . . 30,869 34,476 — 500 — de raclures d'os.. . . . . . 19,239 35,210 — 130 — d’un guano factice.. . . . . 26,058 28,302 — 751/2— nitrate de soude... . . . . . 28,459 45,302 — 130 — guano du sud de l'Amérique. 31,114 47,060 — 130 — compost animal de Grahame. 32,109 38,604 — 50 — sulfate d'ammoniaque.. . - 32,670 46,464 — 600 — poussière d'os. . . . . . : 36,185 45,446 — 130 — guano factice de Potter. . . 37,201 42,564 —22,000 — de fumier. . . . . . . : . 39,476 49,912 Un champ semé en orge Chevalier et fumé avec les engrais ci-dessus désignés, a donné les résultats suivants : Orges, poids kilog. 40 ares sans engrais. . - « + + + + + « + + + + + + + « 3,329 -— avec 600 kilog. phosphorite d'Espagne et 300 kilog. acide sulfurique. . . . : . . . : . . 6,175 — — 900 kilog. phosphorite d'Espagne seule,. . . 35,175 — 306 — (0 ares avec 860 kilog d'os pulvérisés, mélés à 420 kilog. acide sulfurique. . . . . 400) #1,118;835 — — 1,350 kil. os pulvérisés seuls... ; « + : . » » 6,000 __ — 900 — os brûlés et pulvérisés. . . , . . » Fed — _ 150 — guano factice de Potter... . . . . . 1, — — 900 —0d6s colombine:: dre, 7,250 _— _— 150 — guano factice de Grahame, . . . . . 6,275 — — 20,000 = fumier d'écurie, . . . . . . . . . 8,100 Je crois devoir ajouter qu'il est très-probable qu'il existe en France des dépôts de phosphate natif. J'ai entendu dire il y a un certain nombre d'années, qu'il existait aux envi- rons de Néris (Allier), des dépôts d'une terre très-fertilisante, dans laquelle on voyait des empreintes de poissons marins. Il existe des marnes schisteuses ou feuilletées dans les envi- rons de Lignières (Cher), et dans ceux de Neuvy-Saint-Sé- pulcre (Indre), qui sont très-fertilisantes. M. Routier, fer- mier ardennais, qui est venu louer une ferme dont il paye 14,000 franes dans la commune de Morlac , près Lignières, m'a fait voir un champ sur un coteau à pente très-rapide, dont la terre est présque blanche. Il m'a dit que ce champ donnait des récoltes superbes sans jamais recevoir de fumier, mais à chaque labour on ramène de la nouvelle marne à la surface. Les dépôts de falun qui sont formés presque entièrement de coquillages marins, qu'on trouve en Touraine dans les environs de Loches , fertilisent singulièrement les terres. Il y a près de Pontlevoy et de la commune de Thenay (Loir- et-Cher, de nombreux dépôts de sable très-coquillier. Jus- qu'alors on me l'a point essayé, mais d'après ce qui est ar- rivé dans le comté de Suffolk avec un sable analogue, on de- vrait expérimenter ses qualités, et j'engagerais les proprié- taires de ces environs, où je compte me rendre sous peu, d'en faire répandre quelques tombereaux sur leurs champs, afin de pouvoir en apprécier les résultats. Il existe aussi du sable coquillier à Grignon : j'ignore s’il a été essayé; mais, au reste, il se pourrait qu'il ne produisit Le, ns — 361 — pas de bons effets dans les terres calcaires, et qu'il füt ex- cellent sur celles qui manquent de chaux carbonatée. Les cultivateurs de la commune de Genouilly (Cher), à 4 lieues de Vierzon, m'ont bien souvent dit que leur marné très-caleaire ne produit que peu d'effet, tandis que tout le monde dans cette localité, admet que les marnes grises et argileuses qui contiennent des coquillages, et qu’on trouve aussi dans le même pays, sont très-fertilisantes. Il serait bon, je crois, d'engager toutes les sociétés d’agri- culture de France, qui auraient connaissance de dépôts de falun ou sable coquillier, ainsi que de marnes réputées très- fertilisantes, d'envoyer des échantillons au Conservatoire des arts et métiers pour y être analysés, en ayant soin d'y join- dre tous les renseignements qu’elles pourraient recueillir, sur ces dépôts et sur les résultats de leur emploi. M. Spooner, agriculteur et chimiste, dit que le plus ordi- nairement on trouve le phosphate de chaux dans les marnes tertiaires, mais qu’il en existe aussi dans celles de formation .secondaire , et que plus une marne en contient, plus elle augmente la fertilité des champs sur lesquels on l’'emploie. Depuis que cette note a été écrite, j'ai fait pendant l'été dernier un voyage agricole durant lequel j'ai recueilli les renseignements qui. suivent, sur les dépôts de falun et de sable coquillier. J'ai visité dans la commune de Thenay (Loir-et-Cher) plusieurs carrières d’où l'on tire du sable pour garnir les chemins; j'en ai pris un échantillon. Il contient une im- mense quantité de coquillages brisés, mais on ne l'a pas en- core essayé en amendement sur les terres. Il y a aussi beau- coup de ces carrières de sable coquillier sur la commune de Pontlevoy, qui touche la précédente. En visitant M. De- tré, propriétaire-cultivateur à Couddes (Loir-et-Cher), j'ai vu une superbe luzernière sur un terrain qui de tout temps pas- sait pour mauvais, à cause de sa petite épaisseur de terre sur un sable calcaire très-profond. M. Detré a sablé les allées de son jardin avec ce sable et elles se couvrent du plus beau — 3068 — trèfle blanc, pendant que les gazons que traversent ces allées n'en contiennent pas ou du moins fort peu. Cette circon- stance m'a fait supposer que ce sable calcaire, qui est verdà- tre, pourrait contenir du phosphate de chaux. Je me suis rendu de chez M. Dubreuil-Chambardel , à Mantelan {Indre-et-Loire}, afin d'y visiter les mines de falun qui se trouvent dans ce village. Dans certains endroits le falun est recouvert de plus de 4 mètre d'une excellente terre forte; dans d’autres il est presque à fleur de terre et sous la bruyère. Une partie de ces mines de falun reste à sec, tan- dis que l'eau se montre ailleurs, si l'on y pénètre à 3 ou 4 mètres de profondeur. Ce falun se compose presque en- tièrement de coquillages pulvérisés, au milieu desquels il s'en trouve quelques-uns d'entiers, et d'une très-petite quan- tité de sable. On m'a dit qu'on en mettait 6 mètres cubes par hectare, et que le bon effet durait une vingtaine d’an- nées; qu'on recommençait alors, mais que cette seconde ap- plication n'était pas aussi productive que la première. J'en ai également rapporté un échantillon. En allant de Creil à Mello (Oise), j'ai remarqué entre cette localité et Montataire une couche de sable coquillier qui a plus de { mètre d'épaisseur, et dont j'ai recueilli un échan- lHillon. É J'ai visité en septembre un monticule, situé au milieu de la plaine qu'on traverse peu de temps après avoir quitté Beauvais en se rendant à Clermont. Ce monticule est entiè- rement composé de sable contenant des coquilles d’huîtres, ainsi qu'une quantité considérable de petits coquillages qui, à l'opposé des premières, sont friables et s'écrasent entre les doigts. On m'a dit qu'il y avait à Marguerie, commune située à 20 kilomètres de Beauvais, des dépôts coquilliers. J'en ai trouvé un à Clermont (Oise, situé près d’une carrière d'ou l'on tire de l'argile complétement noire. Je rapporte des échantillons de cette dernière, et des coquillages de Beau- vais. Il est à désirer qu'on fasse des recherches actives sur Jes — 369 — différents dépôts de falun ou de marne et sable coquilliers; que des analyses en soient soigneusement failes par des chi- mistes instruits, et que les résultats de leur emploi sur les terres soient constatés avec exactitude. Il est certain qu'il existe un grand nombre de dépôts formés par la mer ou par les volcans qui pourraient fournir une masse importante de matériaux fertilisants, si leurs qualités, sous ce rapport, étaient déterminées convenablement. J'ai trop peu de connaissance en chimie et en géologie pour que ma traduction et mes notes ne laissent pas beau- coup à désirer; mais une commission composée d'hommes spéciaux ayant pour aide une personne sachant bien l'an- glais, rendrait certainement de grands services en analy- sant les nombreux articles des journaux anglais où sont consignées les recherches faites dans les îles Britanniques pour y découvrir des mines de phosphate de chaux. CORRESPONDANCE. Je joins ici les copies de plusieurs:lettres , que je:trouve +rop intéressantes pour n’en donner que des extraits. Lettre adressée au baron ne La FONTAINE, qui avait demandé à M. DE Coprens des renseignements, sur les défrichements de da Campine. Gheel, février 1849. Monsieur le baron, Désirant satisfaire à la demande expriméedans votre aima- ble lettre du 929 février dernier, je vous dirai que les propriétés que, j'ai acquises en 1838 et 1839 dans la commune de Gleel consistaient presque uniquement en bruyères, marais et quel- ques, parcelles de terre et pâtures, occupés par le plus déplora- ble des cultivateurs ; enfin ce malheureux ne pouvait payer son loyer de ferme montant à 400 francs,pour 84 hectares. de terrain ; c’était donc à raison de 4 fr, 76 l'hectare. Ayant examiné la nature du sol, il m'a paru que je pouvais en tirer parti; j'étudiai la position du terrain, j'ajoutai par de nouvelles acquisitions quelques portions uniquement cou- vertes de bruyères, afin d’unir la propriété à quelques par- elles faisant partie de l’acqusition premuère,.qui longeait la — 372 — rivière, la petite Nèthe. J'acquis par là une plus grande faci- lité pour opérer le desséchement de mes étangs et marais, pour lesquels je fis établir un large fossé qui devait commen- cer au bord de la rivière et que je dirigeai à travers la partie la plus basse de ma propriété; il me procura le moyen de me débarrasser de toutes les eaux tant des marais que des étangs, qui recouvraient une étendue de près de 300 hectares. Cette opération terminée, je traçai les divisions générales de la propriété, et les avenues devant servir de chemins d’exploi- tation furent exhaussées par les terres sortant des fossés qui les longent et qui devaient opérer l'assainissement des terrains intermédiaires. En même temps je fis construire une maison de ferme, avec étables et granges, ainsi qu’un modeste ré- duit pour moi ; en attendant nous demeurâmes campés comme de véritables colons au bivouac. Je divisai ensuite toute la propriété en grands carrés conte- nant chacun environ à hectares ; je fis défoncer à la bêche, à une profondeur de 75 centimètres , les quatre carrés entou- rant les bâtiments de la ferme, en ayant soin de conserver à la superficie la terre végétale ; j'en fis écobuer une partie et cou- per les gazons de bruyères à une épaisseur de 8 à 10 centi- mètres ; ils furent séchés le temps que les ouvriers défoncèrent le sol ; les gazons étant secs, je fis construire des fourneaux avec ces gazons et ils furent brülés sur place ; les cendres furent en- terrées au moyen de la herse, et je fis venir des cendres lessi- vées, que l’on répandit sur les terrains destinés aux semailles du seigle. J'employai environ 130 hectolitres de cendres par hectare, je fis donner un hersage , puis semer du seigle à rai- son de 1 hectolitre et demi par hectare, et après un second coup de herse , on roula fortement la superficie, Ces trayaux étant achevés dans les premiers jours d’octobre, je fis ouviir à la distance de 2 à 3 mètres, d’après la nature plus ou moins humide du sol , des rigoles parallèles de 35 centimètres de profondeur sur 30 de largeur; la terre que l’on en retirait servit à recouvrir mes semailles de seigle , lequel vint très- bien; aux mois de mars et d’avril je fis répandre un peu d'urine de vache , que j'avais recueillie pendant l'hiver dans les citernes construites sous mes étables. Cette opération ter- minée, je fis faire avec des branches de taillis de chêne ét — 3173 — des épines une claie, sur laquelle on plaça une forte bû- che de bois, et à l’aide de trois où quatre hommes on fit passer deux fois de suite la claie sur tous les seigles, de façon à ne plus apercevoir de verdure à une certaine distance ; mes ouvriers jetèrent les hauts cris et me prédirent que je n’aurais pas besoin de moissonneurs cette année. Dix à douze jours après, mon seigle se montra plus vigoureux qu'auparavant, talla bien et devint très-beau ; il rendit 2,000 à 2,600 gerbes par hectare, qui produisirent de 20 à 26 hectolitres de grain, à la grande surprise de mes ouvriers , qui m’avaient prédit une ré- colte équivalant à zéro. La récolte étant mûre, je la fis couper et lier immédiatement ; je fis retourner le même jour les éteu- les, répandre environ 100 à 120 hectolitres d’urine de vache et vidange de commodités par hectare, et y fis semer de la semence de navets que j’enterrai à l’aide de la herse re- tournée. Vers le 10 août je fis sarcler et arracher, les plants rapprochés de plus de 20 centimètres; vers la mi-septem- bre, je fis sarcler de nouveau mes navets et arracher ceux qui se trouvaient être à une distance plus rapprochée de 30 à 35 centimètres, ce qui me produisit déjà un peu de four- rages pour mes bestiaux ; je laissai le reste pour provision d’hi- ver, et j'eus une superbe récolte de navets, dont beaucoup pe- saient de 8 à 10 livres. A la fin de novembre mes navets ayant été consommés ou mis en silos, je fis labourer la terre en lits de jachères de quatre ados ; je la laissai ainsi jusqu’au mois d’avril, époque à laquelle je fis à l’aide de la charrue fendre les ados ; quelques jours après je fis donner un coup de herse pour niveler la terre, j'y fis conduire du fumier et j’y plantai des pommes de terre, qui furent arrosées d’urine et de vidange, avant de les butter ; au mois d’octobre je récoltai 865 grands paniers de tubercules par hectare; sur une partie j'avais planté des grosses pommes de terre qui servent à nourrir le bétail; on pesa la quantité produite sur une superficie de 400 pieds carrés , qui repré- sente une verge du pays; elle produisit 284 livres. La récolte de pommes de terre terminée, je fis labourer la terre en lit dé jachère; au printemps suivant, j’y fis semer de la petite orge d’été, dans laquelle on sema des carottes ; j’y récoltai environ 98 hectolitres d'orge et j’eus une bonne récolte de carottes. _ #14 — Les caroties étant récoltées je fis fumer l térre ét y séhiai duf seigle. Au printémps je le traitai comme le premier séigle, sauf que j'eus l'unpradence d'y faire semer en couvértare da fn-! mer de pigeon, qui empoisonna ma terre de mauvaiseshier- bes , aussi ne révoltai-je cette fois que 19 héctolitrés dan n:64 tare: vec #0 Vai fait gmsi plusieurs essais toujours en fumant brén mes terres et j'ai toujours obtenu de bonnes récoltes de suite après les défrichements, lorsque j'ai eu soin de bien faire défonéer le” terrain de prime abord etdeme servir de bons engrais, Celai que j'ai trouvé lé plus efficace pour les mises en cubraré” ést suis” contredil la cendre de potasse ow dé blanchisseur, qui laissé des traces pour plasiéurs années , et produit un effét mer: valleux, surtout sur le seigle et les navets. VYUTADEY 19 Lorsqu'on soigne bien les nouveaux défrichements l’on peut espérer de bonnes récoltes de seigle, avoine, pommes dé térré, navets, sarrasin ; orge d'été, spergale ; les catottes, trèfles et prairies. La betterave y vient aussi passablenient, En vôilà ; il ne paraît, assez pour faire marcher uné ChpIONRIER IEEE lorsqu'on peut intercaler les pois et l’avoiné. 66 L'assolement ordinaire du payschez les ms cultivateurs est q'inquennal et comme il suit : él Vi : id 1 année, pommes de terre, aVoiné; % Année, avoine, dréfle; 0701! 3* année, trèfle, seigle et spergulé ; “ 4 année, seigle et spérgüle, seigle et nâvets; = 5* année, $éeigle et navets, sarrasin ; | Mais je pense que l’assolement quatriennal de PA aus Dombasle serait peut-être préférable, soit donc : 1", pommes de terre ; :rilotso"b 2er 2°, avoine et trèfle; PP dE: 3°, trèfle; 4°, seigle et navets. us ve stinbort Les prairies que l’on établit dans A rstios humides de la bruyère réussissent très-bién. Voici comment on s’y prend quand la bruyère n’est pas trop ondulée. do Au mois de juin, du 10 au 25, l'on ouvre ün sillon avec nñe charrue attelée d’un cheval, on fait suivre dans le méme sil- — 319 — lon une charrue attelée de deux chevaux, dont la terre xecou- vre le gazon de bruyères retourné par la première charrue ; lorsque l’on rencontre quelque inégalité , l’on extrait la terre du fond du sillon , que l’on place en tas sur Le labour pour la répandre dans les parties basses ; lorsque l’on a fini de labou- rer une largeur de 25 à 30 mètres, plus ou moins, on nivelle le terrain, on ouvre les fossés qui doivent entourer la parcelle et on.,en répand Ja terre sur toute la superficie, qui, après avoir été nivelée à la bèche, l’est encore avec le dos d’une herse, jus- qu’à ce que la terre soit passablement divisée ; l’on y sème de la semence d'herbe, du trèfle, de la spergule et un peu de na- vets. On répand sur le tout un compost de fuinier très-court formé avec du fumier de cheval, des cendres de bois et de tourbe, des vidanges de commodités et des balles de céréales. Il est indispensable que ce compost soit en fermentation , ce qui a lieu au bout de sept à huit jours ; après quoi on.fait pas- ser une claie chargée d’un poids, puis l’on tasse le terrain à l’aide d’un rouleau. Vers la mi-septembre on est assuré de récolter un excellent fourrage pour les vaches laitières ; la récolte étant fauchée, on répand un deuxième compost pareil au précédent, ou bien du guano et des cendres (400.à 500 kilogr. par hectare). Si au mois de mai on voulait ajouter une légère couverture de guano ou de cendres de Hollande , l’on serait assuré d’avoir un ma- gnifique trèfle; j'en ai vu qui avait plus de 80 centimètres de hauteur, produisant beaucoup de semence ; l'on y récolte ordi- nairement deux coupes, quelquefois trois ; après quoi on donne une fumure de compost et on laisse la parcelle en prairie qui donne un bon produit en foin et regain les années suivantes ; si on leur donne une fumure de cendres de touxbe et guano, ou de vidange de commodités, l'on peut y récolter se 8,000 à 10,000 livres de foin, b D’autres retournent au mois de ni aus on vers le com mencement d'octobre le vieux trèfle, y répandent un compost de chaux, donnent une fumure superficielle, y,sèment du fro- ment d'hiver ou du seigle et recouvrent le tout avec la terre que l’on extrait des rigoles, que l’on ouvre entre les ados qui ont une largeur de 1 mètre à 1 mètre 30 centimètres. Le froment étant récolté, on laboure un lit de jachère; au — 476 — printemps suivant on donne un second labour et on y plante des pommes de terre bien fumées ; l'année d'après on y sème de l'avoine ou de la petite orge d'été, dans laquelle on sème des graminées. Je dois vous observer que je tiens mes bestiaux en stabula- tion permanente ; que par ce moyen ils me donnent beaucoup de fumier, qu'il y a économie dans la nourriture, sans dimi- nution de laitage ; que mes étables se trouvent pavées en bri- quettes , que toutes les urines sont recueillies dans des citer- nes, et que mes bestiaux, quoiqu'ils ne sortent jamais, se por- tent très-bien ; j'aides vaches qui n’ont pas vu la prairie depuis sept ans. Voici, monsieur le baron, à peu près le résumé de notre culture, qui certes pourrait considérablement s'améliorer ; mais je n'ose pas trop pousser mon personnel hors de sa routine, pour ne pas trop le désorienter à la fois. Depuis trois ans j'ai commencé à employer des engrais chi- miques, que je fabrique moi-même; ce qui a fortement dé- routé mes vieux praticiens , qui, je crois, m'ont traité plus d'une fois d’msensé dans leur intérieur , et qui, lorsqu'ils ont vu les bons résultats, auraient peut-être eu envie de croire à la sorcellerie, si je ne leur avais expliqué, à l'aide du catéchisme de Johnston, de quoi ils étaient composés, et que c'était tout uniment une bonne proportion d’un mélange de suie, de cendres d’os, de vitriol, de sang, de goudron, de ro- gnures de cuir , de chiffons de laine, de sulfate de soude , de gélatine etde potasse; que ce mélange, quoique ne pesant que 4,500 kilog., représentait une fumure de 70,000 kilog. de fu- mier d'étable. J'espère , monsieur le baron , que vous voudrez bien venir vérifier mes assertions vers la Pentecôte prochaine, et m'aider de vos observations que je vous prie de ne pas épargner, tou- tes sévères qu’elles pourraient être, car c’est le seul moyen de ‘ faire mieux ; je reçois toute critique avec reconnaissance : c’est la seule manière d'entrer dans la voie des progrès. En attendant , recevez, je vous prie, monsieur le baron, mes sincères remerciments pour l'envoi que vous avez bien voulu m'adresser , et agréez l'assurance de ma parfaite consi- dération. Baron CuarLes DE CoPpExs, LE — 311 — Lettre de M. Enovarn Lasunrue à M. ne Gourcy, sur le tra- ,vail des vaches dans les petites exploitations du Hainaut. Monsieur le comte, Voici les renseignements que j'ai pu me procurer sur les petites exploitations de 4 à 5 hectares, entreprises dans ces pays-ci au moyen de vaches, par de petits ménagers. Il m’a été assez diflicile d’avoir des explications un peu positives de la part de ces petites gens, qui ne calculent rien. Je vous adresse toutes ces choses comme j'ai su les recueillir en faisant pour le mieux ; puissiez-vous en être satisfait. J'ai visité cinq petites fermes de 3, 4, 5 hectares. Je crois que ce sont bien des fermes de cette étendue que vous m'avez recommandé de visiter ; elles sont exploitées avec deux, trois, quatre vaches. De plus, dans chacune, il y a une ou deux gé- nisses, un cochon et quelques volailles. Ca varie. Dans les deux plus fortes de ces petites exploitations j’ai vu un cheval. L'un des deux fermiers s’en trouvait fort bien ; l’autre au con- traire dit que dans leur position on doit calculer que le che- val est un animal de luxe ; il s’en plaignait ; il trouve que son entretien est coûteux. Calcul fait, dit:il , il vaut mieux entre- tenir deux vaches qu’un cheval : la dépense est sensiblement la même, et les résultats sont bien différents. Avec deux va- ches on a des profits assurés ; avec un cheval les bénéfices sont en question , mais il y a peut-être plus d'agrément. Ce fermier, qui raisonnait de la sorte, m'a semblé très-intelli- gent. Il l’est en effet , et beaucoup ; j'ai été à même d’en juger en visitant sa charmante petite ferme, admirablement culti- vée et fort soigneusement tenue. Il est décidé de vendre son cheval pour le remplacer par deux vaches. Les travaux de sa petite ferme n’en iront pas plus mal , et ses terres seront bien mieux fumées. Ces petits fermiers portent la plus grande attention à aug- menter leurs engrais. L'un d’eux m'a dit un mot très-remar- quable sur ce sujet ; il mérite, je crois, que l’on y réfléchisse, Pour avoir beaucoup du fumier, de bon fumier, disait-il, il ne faut pas avoir beaucoup de bestiaux ; il faut en avoir, mais pas un trop grand nombre. Trop c’est trop (c’est lui qui = parle); car pour bien faire il ne faut jamais envo gra ses Var ches au pâtnrage, à moins cependant que ce ne soit pour pro- fiter d'une nourriture qui serait perdue, si on ne la faisait pas pâturer. Tout engrais que les bètes déposent hors de l’éta- ble est du fumier perdu ; c'est là un principe. Je disais donc, continuait-il, qu'il ne faut pas avoir un trop grand nombre de bestiaux; ear il est très-important que les bêtes dé x ferme soient bien nourries. Tout dépend de cela. C'est Punis que moyen d’avoir de bons rendements et même de pouvoir faire trois récoltes là où les autres n'en font que deux. Quandi on a trop de bestiaux, on n'a que de mauvais bestiaux ; elest immanquable , car les nourritures leur manquent. De mau- vais bestiaux c’est la ruine de toute ferme: Oui, il faut des bestiaux. C’est comme de la vertu , ajoutait-il, pas-trop n'en faut. C'est là l'économie, la bonne économie. Notre affaire à nous culuvateurs ce n'est pas de faire parler de nous, c'est de bien faire produire au sol pour vivre le moins mal possible, pour gagner des forces afin de mieux faire encore. Lä-dessus ce brave homme, que j'écoutais avec un plaisir inexprimable, m'a conduit à son étable. J'y ai vu trois belles vaches à lait qua font les travaux de la ferme. Il y avait aussi une génisse d'un an. Tout dans cette petite étable est dans le meilleur état. On y remarque surtout beaucoup de propreté, preuve d'ordre et de soins. Chaque jour au matin, on nettoie léta- ble : les fumiers sont trainés dans la eour où on les répand: soigneusement sur le tas; on jette deux ou trois seaux: d'eau et on balaye de manière à faire tomber toutes les courtestor- dures dans la fosse à purin ; on fait la litière et on soïghe! les vaches ; on les trait, puis on les garnit, et les voilà parties pour cinq heures. Elles rentrent , leur repas est prêt. Elles restent à l'etable trois ou quatre heures, et si l'ouvrage presse elles travaillent encore jusqu'au soir, En rentrant elles trou- vent leur ration préparée et la litière rafraichie, On les trait trois heures après leur rentrée, “tot 2hii5q 2x) Le produit en lait et en beurre,e ei une sde ressource pour le ménage, La famille se nourrit principalement delai tage. On vend une bonne partie du beurre, surtout en été, J'ai demandé à tous ces fermiers si le produit de leurs va- ches qui travaillent était moindre que celui de celles qui ne — 319 — travaillent pas; ils m'ont répondu unanimement qu’elles pro- duisent presque autant. Pour le beurre, il n’y a pas de diffé- rence ; s'il y en a, elle est en faveur des vaches qui travaillent, Pour le lait , c'est autre chose : elles n’en donnent pas tout à fait autant. Mais il faut les nourrir davantage , leur donner une nourriture plus substantielle et rafraichissante, On leur donne 1 bon litre d'avoine et on les fait boire au blane avec 1 litre de son chaque fois. Il est très-important de don- ner quelque chose de rafraïchissant à ces bêtes, car le travail les échauffe ; mais avec cette précaution elles se portent tou- jours parfaitement bien. Tous ces petits fermiers sont enchantés de leurs vaches: Îls les aiment beaucoup; ils les conduisent parfaitement bien, avec ménagement ; sans les presser trop. C’est un point important, car, comme ils disent , elles n’ont pas l’haleine forte et longue come un cheval; elles sont délicates ; elles ne peuvent pas supporter aisément les grandes chaleurs. Aussi, quand les jour- nées sont très-chaudes, oh se met à l'ouvrage le matin de cinq heures jusqu’à huit heures avec deux vaches ; alors un petit garçon mène les deux autres vaches ; on les garnit au champ, et elles travaillent jusqu’à dix heures et demie. L'enfant ra- mène les deux premières vaches à l’étable, On fait de même dañis la soirée, L’assolement dans ces petites exploitations est absolument le même que dans les grandes. Et si le fermier est un homme intelligent ; comme un de ceux que j'ai visités, il y intercale très-bien quelques récoltes dérobées, et entretient le tout avec lé plus grand soin, ce qui augmente ses petits profits d’une manière très-agréable, Je désire beaucoup, monsieur le comte, que ces petits dé- täils soient ceux que vous attendiez de moi. C’est le premier travail que j'ai fait en ce genre; il se ressent un peu de ce genre de primauté malgré tous les soins que j Ÿ ai apportés. Mais je compte sur votre bonté; comme vous pouvez compter toujours sur ma bonne volonté. J'attends le petit mot de re- commandation. | Nous n'avons pas encore eu de nouvelles des charrues à essayer. Je vous prierai de vouloir bien me donner quelques détails — 380 — sur votre visite à Lens pour ce qui me concerne auprès de M. Decrombhecq. Agréez, je vous prie, l'hommage de mon profond respect. Enouann Lasvnrne. Seconde lettre de M. Év. Lasvnrue à M, pe Gouner, au sujei des petites exploitations dans le Hainaut. Monsieur le comte, Votre excellente lettre m'a été infiniment agréable ; je vous en remercie bien sincèrement. Je vous remercie également du petit mot d'introduction auprès des bons cultivateurs que vous avez visités en Belgique. Je ne compte pas en faire usage en ce moment ; ce sera un peu plus tard , au printemps prochain ; cependant je crois que j'irai voir M. Vanderberghe près Tournai, MM. Claes et Vanvolstem près Hal, Je ferai ces trois visites ces jours-ci, si j'en ai le temps. Vous êtes trop bon, monsieur, de vouloir publier les petits détails de culture que je me suis permis de vous adresser, au sujet des petites fermes de ce pays. Je ne pensais pas du tout que cet honneur leur était réservé; ils ne le méritent nulle- ment. Si j'avais pu croire que vous auriez eu cette intention, j'aurais fait en sorte de les en rendre moins indignes, Cepen- dant , je vous les livre entièrement comme ils sont ; je compte sur votre zèle pour y apporter les nombreux correctifs qui leur sont indispensables pour la forme et peut-être aussi pour le fond. C'est ayec plaisir que j'ai recueilli le plus exactement possible les réponses aux différentes questions que vous me posez à la fin de votre lettre. Les voici : | Les petits fermiers qui cultivent de 3 à 5 hectares avec des vaches, font-ils assez de famier pour leur culture , ou bien en achètent-ils ? — En général , ils n’en achètent pas, surtout si leur petite ferme est bien en train. Ce n’est que par exception, dans des circonstances extrêmement rares, qu'il leur arrive d'en acheter deux ou trois voitures, pour fumer un coin par- ticuher, où ils désirent faire une culture comme en dehors de — 381 — leur exploitation, du tabac par exemple. Mais c’est une affaire à part. De ce qu'ils n’achètent pas de fumier, il ne faut pas conclure qu’ils en font assez. Les uns en font plus, les autres moins, proportionnellement aux litières et aux soins qu’ils ont; mais d’après ce que j'ai vu et d’après ce qui m'a été dit par ce$ petits fermiers et même par d’autres personnes bien informées que j'ai consultées sur ce sujet , 1l est certain qu’ils peuvent faire chez eux tous les fumiers qui leur sont néces- saires ; car ils ont presque tous üne pièce de gros bétail par hectare ; de plus un cochon, des poules et toutes les ordures provenant du ménage, en même quantité que dans les grandes fermes. Une partie de ces ordures, les eaux grasses surtout, servent à bonifier le purin, et permettent mème d’y méler de l’eau pour en augmenter la quantité. Combien une vache fournit-elle de mètres cubes de fumier ? Elle en fournit de 20 à 25 mètres, quand on les tient le plus régulièrement possible à l’étable, comme ce fermier dont je vous ai parlé. Combien d’hectolitres d’urine? On n’a pas su me le dire; pas même approximativement. Quand ils manquent de purin, il!s en fabriquent avec de l’eau de cour, de la suie, et toutes scrtes d’ordures propres à cet usage. L’assolement de ces petites fermes est le mème que celui d' 2s grandes : il n’est pas très-bien déterminé ; les circonstan- « :s où l’on est et la nature du terrain le font varier. Voici ce qae je trouve de plus positif. Dans les bonnes terres : 1° pom- pae: s de terre (fumier solide), 2° lin (fumier liquide), 3° trèfle, 4° blé (sur demi-fumure solide), 5° seigle puis navets (fumier dic çuide), 6° colza , 7° blé (fumier solide), 8° seigle , puis navets (£ amier liquide). — Ou bien : 1° moitié pommes de terre, m oitié betteraves (fumier solide); 2° lin (fumier liquide), 3° blé (fr umier solide), 4° seigle, 5° trèfle, 6° (blé fumier solide), puis na vets (fumier liquide si on en a). — Encore : 1° seigle puis nas ets, 2° lin, ou pomunes de terre ou betteraves, 3° blé, 4° sei- gle. 5° trèfle. J\ >: suis désolé, monsieur, de ne pas pouvoir vous donner des rens € ignements plus amples et plus complets. Il m'est impos- sible , d'en avoir de plus précis. Je désire qu'ils vous soient agréa- bles t els qu'ils sont. — 382 — Adieu, mouseur, je me recommande à voire bon souvenir. Si je puis vous ètre de quelque utilité dans la recherche des méthodes de culture de ces pays-ci , vous me ferez plaisir en me mettant à contribution. Comptez sur tout mon zèle. Agréez, je vous prie, peser" de mon profond ah sq Évouanp Lasvnrue, Leure de M, le baron vx Coprexs à M. pe Gouner sur de résultat de ses défrichements dans la Campine. Li 004 YO Gheel, 25 décembre 1849, L 271 Je ne puis vous exprimer combien votre lettre du 14 m'a été agréable, et à quel point je suis sensible au bon souvenir que vous voulez bien conserver d'un défricheut de landes de la Campine, qui s'applaudit chaque jour d’avoir eu tout à la fois le plaisir et l'avantage de faire votre connaissanceetd'a- . voir pu recueillir, pendant les instants trop eourts quewou s avez pu lui accorder , tant d’utiles renseignements et de pré - cieuses instructions. Je sais si bien apprécier cet avantage et le parti qu'il me sera possible d’en tirerpar {a suite, querdé ‘jà J'ai mis en pratique vos conseils quant au mode d'enserivenc e- ment pratiqué par M. Dubreuil-Chambardel, décrit daws la relatiou de votre voyage agronomique en Frarice et en * Bell- gique. : (TIR nl JE Jem'’estime heureux, monsieur le comte, dvdrletthl C1 sion de vous être agréable en vous éclairant sur quelqués f fait s dont vous désirez être informé; je m’empresse de répond es vos questions. Par J'ai fait l'essai de la méthode Dubreuil-Charmbardel : Gil ce de 25 hectares, partie en froment, partie en seigle. J'ai en à- ploye le noir anumal ou le superphosphate de chaux, Pum set l'autre à la dose de 450 kilog. par hectare. Tous ces gra rims d'hiver semés en novembre sur terrain nouvellement défi à ché ont levé très-également; ils ont en ce moment la plus Y jelle apparence. Au printemps prochain, je compte faire une -nou- velle application du même procédé à mes semailles d’e » geset d'avoine. LEE. Monsieur le comte, : — 383 — de n'oserais, sous notre climat septentrional, sujet à des froids sévères en hiver , semer le raygrass d'Italie au mois de septembre ; je craindrais que cette plante ne fût compromise ou même tout à fait détruite par les gelées. : Le produit des carottes que vous avez vues chez moi à la ferme du Kiévit, cultivées en récolte de jachère, a été par hec- tare de 2,000 paniers de 25 kilog. soit 20,000 kilog. Le champ sur lequel j'ai obtenu cette récolte n’est défriché que depuis 1841 ; avant cette époque, c'était une misérable bruyère dont le sol formé de sable très-léger passait pour ètre d’une incu- rable stérilité. D’autres carottes semées en récolte dérobée, dans de l'orge de printemps, ont produit de 10,000 à 15,000 dés: de moins par hectare. Pour obtenir des prairies irriguées un bénéfice réellement important, 1l faut leur donner tous les ans une fumure plus ou moins copieuse. C’est d’ailleurs ce que vos notes sur la cul- ture d'Écosse et d'Angleterre prouvent mieux que ce que je pourrais dire à cet égard ; dès la seconde année, un pré irrigué et suffisamment fumé peut produire de 10 à 12,000 kilog. de foin et regain par hectare. | Je ne eonseillerai jamais pour les prés irrigués d'autre pré- paration que le défoneement à la béche ; les miennes ont été et continuent à être données à une profondeur de 70 à 80 centi- mètres. La chaux de bonne qualité me revient, rendue sur le terrain, de 13 à 14fr, le mètre cuhe, Le guano me revient de 25 à 26 fr. les 100 kilog. Je ne . crois pas que ce soit du guano du Pérou. Je paye le noir animal de:7Q à 80 francs les 4,000 kilog. rendus. Les cendres de houille me coûtent 1 franc V best les os, 7 à 8 francs les 100 kilog. Mes récoltes de pommes de terre n’ont pas souffert de la ma- ladie ; elles n’en paraissent pas atteintes jusqu’à présent dans les silos. Le colza d'hiver cultivé sur une petite échelle, ua rendu, sur des terres anciennement en culture , sur le pied de 40 à 22 hectolitres par hectare, — 384 — Le produitdes colzas d'été sur défrichement récent, aété beau- coup moindre; mais le sol n'avait pas reçu une dose ve suthsante. La dépense du défoncement de 1 hectare à 80 chtis, y compris le nivellement , me revient en moyenne à 350 fr. par hectare; cette moyenne n’est dépassée que quand le ter- rain est fort inégal et qu’il exige des remblais arr. que tombereau ou à la brouette. Je vous remercie d'avance, monsieur le conti de l’exem- plaire de votre voyage agronomique de cette année que vous voulez bien me promettre; je le recevrai avec bonheur, cer- tain d'y faire une ample moison de renseignements utiles. Deux genres de récoltes fort importantes ont depassé mes espérances, les navets en récolte dérobée après un seigle, et la séradelle, plante nouvellement introduite dans notre pays. Mes meilleurs navets ont été des turneps à collet vert et violet et des navets longs d'Alsace. La séradelle semée sur défriche- nent récent, a produit par are la charge d’une charrette à un cheval d’excellent fourrage vert, dont les vaches laitières se sont très-bien trouvées. J'accepte avec joie l'espoir que vous me donnez, de venir visiter un jour mes travaux de défrichements, dont je serai heureux de soumettre les progrès à votre appréciation éclai- ree. Agréez, monsieur le comte, mes sincères salutations. Baron CuarLes DE CorPens. Lettre de M. VanpensenGue à M, ne Gourcy, sur l'assolement le plus convenable pour le canton où il est cultivarwur en Belgique. Monsieur le comte, Je vous envoie ci-joint le plan d’assolement que je trouve le plus convenable pour la culture de notre canton. Je vous de- imande pardon de ma brièveté ; il est difhicile d'entrer dans de plus grands détails dans une lettre. Vous me direz peut-être — 389 — aussi que pour suivre cet assolement il faudrait que toutes les années , les récoltes fussent réussies, c’est vrai; mais je vous répondrai que je ne peux pas entrer dans les années exception- nelles, qui ont une partie des récoltes manquées, par la gelée, par la sécheresse, ou par toute autre cause imprévue ; seule ment alors on travaillera le mieux possible en remplaçant chaque partie manquée par la récolte que l’on jugera la plus convenable, suivant la terre et en s’écartant le moins qu’on pourra de l’assolement pour y rentrer la deuxième année ou même la première. Si les fourrages sont manqués, il se pré sente une plus grande difficulté ; il faudra acheter des nourri- tures pour suppléer à ce qui est manqué ; si cette dépense de- venait trop coûteuse, il faudrait vendre une partie de son bétail qui est le dernier des remèdes ; car alors il faudra certainement faire la dépense d'acheter des engrais pour remplacer ceux qu'on r’aura pu fabriquer. Si l’année a été mauvaise, il y a une perte plus ou moins sensible à supporter, et si l’on né- glige de se procurer les engrais nécessaires pour maintenir les terres dans un bon état de culture, la perte sera d’autant plus sensible qu’elle durera plusieurs années. Dans mon plan d’as- solement vous remarquerez que je n’arrive que les années ordi- naires à me fabriquer les engrais nécessaires à ma culture, ne pouvant jamais en faire de trop ; il est certain que toutes les années plus ou moins défavorables il faudra acheter les engrais nécessaires pour que chaque récolte soit engraissée comme il est dit dans mon plan d’assolement. Vous me direz peut-être aussi que je ne suis pas exacte- ment le plan d’assolement que je donne ici, c’est vrai; mais ina ferme étant composée de beaucoup de terres sablonneuses sur lesquelles je ne récolte principalement que du seigle, du colza et du lin, je me trouve avoir plus de lin et de colza que d’après mon assolement ci-joint. C’est une exception qui me force à faire des achats d’engrais, parce que le colza et le lin enlèvent une quantité d'engrais sans en rendre. Cela ne m’em- pêche pas de suivre mon assolement, qui a pour but principal d’éloigner le plus possible les lins, les trèfles et les avoines, que je regarde comme ne pouvant, dans une bonne culture, revenir plus de deux fois en vingt aus, où au plus trois fois ; da- vantage, c’est-à-dire plas souveut que tous Les sept aus, sur 29 ss 8 les terres douces et légères surtout, ils ne réussissent pas, lei je parle d'après bien des expériences. Avaut de terminer ma lettre, monsieur le comte, je prie d'avoir de l'indulgence pour ma rédaction ; 1âch comprendre mes idées et rien de plus. Je suis né fils vateur, j'ai plus labouré qu'étudié. . Je vous prie, monsieur, d'agréer l'expression si sentiments respectueux. ob Votre tout dévoué ln ur VaxpensenGue (Florentin), fermier à Pottes. P. $. Si j'ai tardé si longtemps de vous envoyer mon plan d'assolement, vous ne devez , mousieur, l’attribuer qu'à un voyage que j'ai dû faire en Hollande pour acheter des sine pleines. Pottes, 6 janvier 1850. *‘Juauo01} °°°" 0PT |°‘JUUOI Pre RUIRAR A ***"QUIOAY |° "SOU |” *-u0a$1n09 UOUOIT °°°" ‘2109 °‘Juau0 1 ;} ; #9 no DILIETS *-uo0ñanon So ES CAE ‘Juauoi ad En ‘1 ON le ‘JUauOoiz |°°* RUIRRAR °** QUIOAY |°° “SQUIDBY |-sa no afuog |” UUOIX |" 2109 10981009 *IU9OI dt: Lo. 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A la place des 25 ares d'escourgeon et des 25 ares de trèfle incarnat, navets ; toute la partie aura du fumier et du purin avant de planter ou de semer. 7° année, avoine avec trèfle. 8* année, trèfle avec 100 hectolitres de cendres ou 70 hect, de chaux suivant la terre. 9° année, froment suivi de navets dérobés avec fumier. 10° année, lin avec purin, 11° année, froment sans engrais. La onzième année est re- présentée par la première année de la onzième partie, c’est-à- dire que dans mon plan d’assolement qui est de vingt années, tout ce que portent les dix premières parties devra être porté par les dix suivantes. La première année de la première série sera représentée par la première année de la deuxième et sui- vra la même rotation que celle-ci, 12° année, fève avec fumier. 13° année, froment sans engrais. 14° année, betteraves avec fumier, double quantité de purin, c'est-à-dire 460 hectolitres. 15° année, froment sans engrais avec trèfle, 16° année, trèfle, 100 hectolitres ou 70 hect. de chaux suivant la terre. 17° année, froment sans engrais. 18° année, avoine avec fuinier. 19° année, lin avec purin. 20 année, froment sans engrais ; retour à la première année. — 389 — Il y a par cet assolement, chaque année, 9 hectares en blé, 2 hect. en avoine, ? hect. fèves, 2 hect. lin, 2 hect. racines, 2 hect. trèfle, 1 hectare colza. Une fumure de fumier est de trente-trois voitures par hec- tare, chacune pesant environ 1,500 kil. ; purin, 230 hectol. par hectare. Il me faudra pour suivre cet assolement pour 7 hec- tares de fumier et pour 7 1/2 hect. de purin par chaque année, En consommant toutes les racines dans l’établissement, plus les fèves et une grande partie des seigles, on pourra facilement nourrir quinze bètes d'espèce bovine, c’est-à-dire dix vaches laitières ou à l’engrais et cinq élèves de tout âge, plus quatre chevaux nécessaires à cette culture, qui fourniront 1,788 hec- tolitres de purin environ, puisqu’une vache bien nourrie en fait 122 hect. par année, c’est-à-dire 1 hect. en trois jours; plus les urines des chevaux que je ne compte pas, parce que je les conserve pour raccommoder tout grain souffrant par places, ou mangé des vers, cet engrais étant un véritable empoison- nement pour ces derniers. On obtiendra presque toujours aussi la quantité de fumier dont on aura besoin par la quantité de paille qu’on obtient. IL est cependant indispensable, pour passer les cinq mois d’hiver (1), de se procurer 16,800 kil. de foin pour les vaches, à raison de 4 kilog. par jour et par tête, ce qui permettra de ne presque pas laisser manger de paille, qui sera employée en litière. Les fermiers à qui leurs terres ne permettraient pas de cul- tiver le lin, ou même le colza, peuvent toujours les remplacer par des produits tels que pommes de terre pour la vente, ca- meline, colza d'été, pavots, ou par des prairies artificielles, qui serviront à la nourriture du bétail et qui économiseront des en- grais. Enfin il faut avoir soin de travailler, les yeux tournés vers le marché, comme disait Mathieu de Dombasle. Il ne faudra pour suivre cet assolement qu’acheter pour 2 hectares de cendres ou de chaux par année. Je conseille ce- pendant d’acheter en plus pour les cinq mois d'hiver, 1,125 kil. de farine de lin ou de tourteaux mélangés à autant de farine de seigle, qui feront 2,250 kil., c’est-à-dire 1 kilog. par jour \1) Fentends par cinq mois d'hiver du 15 décembre au 13 mai, — 390 — et par tête, pour les vaches laitières ou à l'engrais. Ajoutez pour les plus fortes vaches 1 kilog. de fèves. Pour le restant de l'année on donnera 1 kilog. de farine de seigle, d'escour- geon où de menus grains. Les urines et les fumiers seront de bien meilleure qualité avec ce supplément de nourriture, et les vaches laitières en payeront une grande partie par la plus grande abondance de lait. | Il est sous-entendu que les chevaux seront nourris avee les avoines et les fourrages verts et secs qui seront récoltés. Lettre de M, Krerinorr en réponse à plusieurs questions que W. ve Govuncy lui avait adressées au sujet de la formation et de l'irrigation des prés en Campine. Lummel, le 1890, Monsieur le comte, Je dois commencer par vous prier de me pardonner le re- tard que j'ai mis à satisfaire à l'objet de votre honorée du 11 septembre dernier, Diverses circonstances en sont la cause ; la première est que je voulais attendre la publication par le gouvernement d’un rapport détaillé que M, l'ingénieur en chef Kuümmer a adressé au département de l'intérieur, et dans le- quel sont insérées toutes les expériences que j'ai faites, Cette publication se fera ; ais comme il se passera plus de temps que je ne pensais avant qu'elle ue paraisse, je crois utile de répondre, en attendant, à toutes les questions posées dans votre honorée précitée, Premiere question. — « À quelle profondeur défoncez-vous « pour établir une prairie irriguée ? Ce défoncement se trouve- « t-il égal au milieu des planches qui ont été bombées, et au « bord des planches qui se rapprochent des rigoles d’écou- « lement? » Le sol est défoncé, en moyenne, à une profondeur de 0",60. Ce défoncement a la mème profondeur au bas des planches que vers la crête. Deuxième question. — « Combien ce défoncement coûte-t-l, « s'il est, conne je pense, égal partout ? » Avant d'entamer les terrassements on trace le profil des ados, chemins d’exploitation, etc.; puis on défonce le terrain ; — 391 — en faisant cette opération on tâche de former autant que pos- sible le profil de l’ouvrage. Le défoncement et la formation des ados, rigoles d'irrigation , d’égouttement , de distribution et d'écoulement marchent aussi de front ; ces divers ouvrages donnent lieu , en moyenne, à une dépense de 180 francs par hectare. Troisième question. — « Quels sont les engrais employés, « et combien en faut-il pour la fumure de 1 hectare? Com- « bien coûte cette fumure? » Les engrais que nous avons employés jusqu’à présent, en Campine, sont la boue de ville, le noir animal , le guano et la terre argileuse prise dans un terrain cultivé. Toutes ces fumures ont été employées de manière à ne pas exiger une dépense dépassant 200 à 210 francs par hectare, J'ai fait partiellement des expériences très-minutieuses avec les trois premiers engrais. À prix égal j'ai obtenu de plus beaux résultats avec une fumure de noir animal ou de boues de ville qu'avec du guano. La boue de ville coûte transportée à pied d’œuvre 5 francs le mètre cube, le noir animal 80 francs les 1,000 kilogrammes et le guano 25 fr. les 100 kiloyr. De la première espèce j'ai employé 40 mètres par hectare; de la deuxième 2,500 kilogr. et de la troisième 800 kilogr. Avec ces trois fumures j’ai obtenu un gazon magnifique dès la première année. Ces prairies donne- ront cette année une récolte d’au moins 5,000 kilogr. de foin. Des expériences réitérées m'ont convaincu que l’emploi de la chaux est une nécessité ; j’ai été porté à adopter la dose de 2 mètres cubes par hectare. Cette chaux est employée en compost ; elle revient, fournie à pied d’œuvre, à 12 fr. le mè- tre cube. Comme la question des engrais est très-importante, je me suis livré, en outre des expériences citées précédemment , à plusieurs autres dont les détails ne peuvent trouver place dans une lettre ; elles sont toutes consignées au rapport de M. Kum- mer, dont je vous ai parlé au commencement de la présente. Dès que ce document sera publié, je m’empresserai de vous le fawe parvenir. Quatrième question. — « Met-on la fumure avant la se- « mence et enterre-t-on celle-ci au râteau? » — 1399 — Un mois avant de procéder à l'ensemencement on épand le compost de chaux, en le mélangeant à la conche supérieure du sol au moyen d'un hersage. Quand on fait usage de boues de ville, on les répand sur le terrain avant d'ensemencer ; cet engrais est mélangé alors à Ja couche supérieure du sol, en le béchant légèrement , à une profondeur maximum de 6",10. Si on emploie du noir animal on le mélange avec les grai- nes et on sème le tout ensemble, Le guano est semé à la volée immédiatement avant de procéder à l'ensemencement. On cou- vre toujours les semeuces au moyen d'un râteau en bois. Cinquième question. — « De quoi se composent les semences « en espèces et en poids de chaque espèce? Lorsqu'on a semé, « combien de temps se passe-t-il avant qu'on ne puisse ir- « riguer? » Je me suis livré à plusieurs expériences afin de savoir à quoi m'en tenir, concernant le mélange des graminées à employer par hectare. J'ai semé vingt-cinq variétés de graminées, qui toutes m'étaient recommandées comme convenant aux prés irrigués. Celles qui ont le mieux répondu à mon attente sont le raygrass d'Angleterre, le timothy, le vulpin des prés, la fétuque des prés, la houlque laineuse, la flouve odorante, la lupuline et le trèfle des prés. Toutes ces variétés sont parfai- tement venues el se sont montrées avides de l’arrosage, Le mélange que je fais actuellement est le suivant pour 1 hec- lare : Raygrass. .. its ia: ctintéits CDR LOS, le ete D. Vulpin des prés... Fétuque des prés. Houlque laineuse.. . , . Flouve odorante. , . . . ... Lupuline,…. ci ste alé été Arèlle des pets, a DONNE RE Total, lissyds100 L'époque la plus convenable pour procéder à l’ensemence- ment est le commencement du mois de mai. Il est essentiel qu'après cette opération terminée, le sol reste constamment dans un état convenable d'humidité ; à cet effet on tient l’ean — 393 — dans les rigoles d'irrigation , jusqu'à ce que l’on voie que le terrain soit partout imbibé ; cette manœuvre doit se renouve- ler, chaque fois que la nécessité s’en fait sentir. Vers le mois d'octobre le gazon est déjà assez formé pour pouvoir profiter de l'irrigation. Sixième question. — « Combien de temps faut-il avant que « la coupe soit profitable ? Combien les coupes faites jusqu’à « cette heure ont-elles produit, cela par années séparées? » La coupe est tout à fait productive l’année qui suit l’ense- mencement ; en général les prairies bien traitées ont produit pour cette coupe de 4 à 5,000 kilogrammes. C’est ainsi que les prairies semées en 1847 ont produit en 1848 4 à 5,000 kilogr. de foin par hectare, et en 1849 il y a eu des parties qui ont donné jusqu’à 7 et même 8,000 kilogr. Ces dernières parties ont été adjugées en vente publique de 200 à 230 fr. par hectare. Septième question. — « Combien le terrain nu a-tl coûté, « et combien a-t-il fallu payer au gouvernement pour les tra- « vaux d'irrigation? » Le terrain nu a coûté en moyenne 130 francs par hectare. Les travaux d'irrigation ont exigé une dépense qui varie de 100 à 230 francs par hectare, mais en général cette somme ne dépasse pas 110 francs. Huitième question. — « Un pré une fois irrigué , faudra-t-il « encore le fumer, et cela au bout de combien de temps? » Une fois le premier gazon fumé, l'irrigation non-seulement entretient la prairie, mais encore les parties fertilisantes qu’elle dépose l’améliorent considérablement. Les prés irrigués qui ont été fumés en 1847 n’ont plus eu de fumure depuis cette époque ; l'influence de l’arrosage seule a suffi pour les porter au degré de prospérité qu’ils ont acquis actuellement. Neuvième question. — « De combien d’eau faut-il disposer « par hectare pour pouvoir l’arroser suflisamment ? » Nous ferons des jaugeages directs pour connaître exacte- ment le volume d’eau nécessaire à l’irrigation. Cette opération n’étant pas encore terminée, je ne puis donner de chiffre posi- tif; cependant nous savons déjà que 2 litres à 2 litres 1/2 d’eau par seconde sufliront pour arroser convenablement 1 hectare de prairies. Dixième question, — « Combien ont coûté les canaux de la — 394 — « Campine? Sufirontals pour arroser toutes les bruyères ir « rigables qu'ils traversent ? Combien d'hectares de bruyères « se trouvent-ils en position de pouvoir être jrrigaés? » Les canaux déjà exécutés en Campine ont coûté environ 5,000,000 francs. Ces canaux n'ont pas été établis dans un but purement agricole; les intéréts du commerce et de l'in dustrie ont aussi contribué à provoquer leur construetion, Je vous fais cette observation, pour que vous ne portiez pas en compte , à charge des ivrigations , les dépenses résultées de l'exécution des voies navigables précitées, La surface des: bruyères qui peuvent être transformées en prairies, au moyen des canaux de la Campine, est de 25,000 hectares environ; le canal suflira pour arroser convenablement cette superficie, Au besoin nous pouvons encore dévier dans les canaux divers l'UISSEAUX J'espère , monsieur le comte , que les renseignements qui précédent pourront vous être de quelque utilité; je regrette beaucoup de ne pouvoir dès à présent vous communiquer le travail sur les irrigations dont j'ai eu l'honneur de vous en- treteuir; dès qu'il sera publié, je n'aurai rien de plus pressé que de vous en adresser quelques exemplaires, Je serai heu- reux de pouvoir vous recevoir en Campine, afin d’étretà même de pouvoir vous donner uné masse de ces renseigne ments, qni ne peuvent se donner qu’à la suite débrtRiEne faites sur les lieux mêmes. Veuillez agréer, monsieur le comte, l'assurance de mes sen timents les plus distingués. | | J. Kezznorr. ' Bruxelles, 20 mai 1850. Monsieur le comte, J'aurais désiré pouvoir répondre plus tôt à votre lettre du 3 courant, et vous donner les détails que vous me demandez sur le drainage perfectionné anglais, que j'ai introduit en Bel- gique, et que je poursuis depuis deux années à Ostin ; mais j'ai été absent depuis lors. Maintenant je m’empresse de répon- dre à toutes vos questions, et pour le faire d’une manière régu= here je Les récapitulerai par numéros d'ordre. — 395 — Vous me demandez : 1° Combien j'ai déjà drainé d'hectares ? Environ 45 hectares. 2° Quelle est la profondeur des rigoles et la distance entre elles ? 1 mètre et 1 mètre 20 centimètres jusqu’à 1 mètre 50 cen- timètres de profondeur ; distance entre elles, 10 à 15 mètres; mais j'ajouterai qu’en règle générale j'ai adopté maintenant chez moi 1 mètre 10 centimètres de profondeur sur 10 mètres de distance. 3° Quel est le prix que coûtent les rigoles à faire à la tâche, et celui que coûtent le placement des tuyaux et le recouvre- ment ou comblage des rigoles ? Les fossés ou rigoles sont établis à la tâche sur le pied de 7 centimes Le mètre. Le déplacement des tuyaux se fait à /a Journée où à { centime le mètre, et le recouvrement à la béche coûte en hiver 1/2 centime et en été 1 centime le mètre, 4 Quelle est la largeur des rigoles ? A l’ouverture 0,40 c., et 0,25 au fond avec les outils ordi- naires. 5° Si je n’emploie que des tuyaux de 1 pouce, avec ou sans manchons ? 4 Mes tuyaux sont ronds et de 1/2 pouce anglais. Je ne me sers des manchons que dans les terrains mouvants, près des arbres, des haies, ou en traversant des chemins. 6° Combien coûte le drainage de 1 hectare en moyenne? A la distance de 10 mètres, il revient à 120 fr, À celle de 15 mètres 80 » y compris le transport des tuyaux qui viennent d’Andenne à 6 lieues de chez moi. 7° Que coûtent les tuyaux à Andenne, et quel est leur poids? î Les tuyaux À de 1 pouce 15 fr. pesant 950 k. le mille. B de 1p. 1/2 20 fr. — 1,100 . C de 2 p. 25fr. — 1,300 —_ D de 4 p. 50 fr. — 7,200 — Les manchons pour tuyaux À pèsent 450 — — B 500 be — C 600 — 396 — et les prix sont de 3, 4, et G fr, par 1,000. Se La machine est de Clayton ? Cette machine, à l'aide de trois ouvriers et d’un enfant, con- fectionne à l'aise à Andenne, 600 tuyaux de 1 1/2 pouce À l'heure, la terre étant préparée d'avance à l’état de pâte ; et pour redresser les tuyaux , les enfourner, les défourner et les mettre en magasin, il faut ajouter un personnel nécessaire de deux ouvriers et de trois enfants, Ailleurs qu’à Andenne, le système Clayton exigerait 1° 3 ouvrières et 1 enfant à corroyer et à triturer la pâte. 2% 3 — et{ — pour la confection des tuyaux. 3 2 — et 3 enfants pour le reste, En tout 13 per- sonnes, Quant au système même et au travail de cette machine, ils laissent peu à désirer. Le dégagement total de l'arr de la pâte seraitune amélioration fondamentale, sion parvenait à l’attein- dre et on le peut. 9° Mes terrassiers ont-ils pu être amenés à employer les ou- tils de drainage , que j'avais rapportés l’année dernière d’An- gleterre ? Oui et non. Il y a deux espèces d'outils : les uns de Clayton, qui sont décidément trop pesants pour mes ouvriers; les au- tres, de Walter Adams Lyndon, qui sont mieux faits, plus légers et les plus en usage aujourd’huien Angleterre. Pour les répan- dre dans ce pays, j'ai voulu les faire fabriquer ici, mais même à Seraing, où l’on a essayé de les imiter, on refuse de conti- nuer à les faire, ne pouvant lutter avec les prix de fabrication anglaise. Cependant, quoique mes ouvriers ne soient pas faits encore à ce mode nouveau de travailler, il est de première nécessité de les y dresser, parce que cela facilite et éconnomise le travail , les rigoles n'ayant besoin d’être plus larges dans le fond, qu'il n’est nécessaire pour y placer les tuyaux, que lon pose au moyen d’un crochet; mais il faut aussi alors que les tuyaux soient parfaitement droits et unis aux extrémités, afin d’être mis bout à bout, sans difficulté et régulièrement. Tout cela exige des soins particuliers, qu’on a de la peine à mettre en pratique. Du reste les ouvriers s’y prêtent, quoiqu'’ils préten- dent encore que c’est plus fatigant, parce que c’est plutôt un — 397 — travail des bras et des poignets que des reins, comme avec les anciennes bèches, et qu’il faut plus d'attention et de soin.—- Quant au jeune ingénieur que le gouvernement m'a prié de faire instruire en Angleterre, je l’ai placé pendant quatre mois dans les propriétés des dues de Bedford , de Devonshire et de Portland, où il a pu voir ce qui se fait de mieux en général en Angleterre, tant en drainage et en irrigations qu’en agricul- ture. — Je l’ai fait revenir l’automne dernier, mais je ne lai pas encore employé à Ostin. Pendant ce temps, j'avais formé une association de grands propriétaires en Belgique pour faire des essais de drainage sous la direction de cet ingénieur. Un grand nombre d’entre eux s’empressèrent d’y adhérer ; et le gouvernement ayant mis l'ingénieur à notre disposition, il est depuis lors occupé, et de tous côtés on le demande. Malheu- reusement la fabrication des tuyaux et des outils nécessaires n’a pas marché avec la mème célérité ; mais pour l'hiver pro- chain je compte que le drainage sera introduit très-générale- ment dans tout le pays, par les essais qui auront été faits, et dont les résultats sont déjà partout satisfaisants. Vous me demandez des nouvelles de mes cultures ? Je suis charmé de pouvoir vous dire qu’elles prospèrent très-régulie- rement. Malheureusement nous avons eu un printemps détestable et tout est arriéré. J'ai fait venir cette année les semoirs perfectionnés de Gar- rett avec sa fameuse houe à cheval , ainsi que le hand-dibbler de Newington. Pour démontrer clairement qu’ils pouvaient fonctionner aussi bien ici qu’en Angleterre , sans préparations particulières et dans des terres fort inégales, j'ai fait venir un semeur anglais , qui a semé en lignes une partie de mes mar- sages, betteraves, etc. Ces instruments sont parfaits et il n’y a rien à critiquer. Cet automne, tous mes grains seront décidément semés en lignes. Quant à l’école pratique d’agriculture , elle est tout orga- nisée , ne me donne pas le moindre embarras , et cela marche très-bien. Je n’ai admis la première année que quinze élèves, fils de paysans, qui y reçoivent l'instruction théorique pratique dé- terminée par le programme et le règlement. — 398 — Deja mes élèves commencent même à rendre des services à l'exploitation, quoiqu'il y en ait plusieurs qui n'avaient ja- mais travaillé de leurs mains! Mais comme j'ai admis égale- ment quelques élèves étrangers d'une position élevée et indé- pendante, qui eux travaillent très-assidüment pour s'instruire dans la bonne pratique agricole, cet exemple a fait de suite ’ bien que j'en espérais. Si vous venez dans notre pays, j'aurai beaucoup de plaisir à vous montrer tout cela, et vous reconnaitrez , j'espère, qu'avec de la persévérance et quelques capitaux on vient à bout de toutes les diflicultés en agriculture ! Agréez , je vous prie , monsieur, l'assurance de mes senti ments très-distingués. Baron E. pe Myenrens »'Osrin. P..$, Si vous croyez que les renseignements que je vous donne peuvent ètre utiles, je n'ai point d'objection à ce que vous en fassiez tel usage qu'il vous convient, trop heureux vraunent s'ils peuvent servir d'encouragement aux progrès agricoles. Je vous ai envoyé l'automne dernier mon petit ouvrage sur le drainage et le règlement de ma ferme-école d'Ostin. Les avez-vous jamais reçus ? Sinon je vous en enverrai d’autres. Instruments d'agriculture qu'il serait utile d'importer en France, pour former, avec ceux qui viennent d'étre ré- cemment importés, une collection complète des meilleures machines agricoles de cette époque. La charrue à versoir changeant qui devient à volonté une charrue versant d'un seul côté, un butteur on une houe à cheval, de James Comins de Southmolton-Devonshire , prix, 150 fr. À reporter 150 fr, — 399 — Report Le scarificateur tout en fer forgé, monté sur quatre roues, de John Johnston de Hazlehead près Aberdeen (Écosse), Le coupe-racine de Philips, Un land-presser, où machine à tasser la terre après un défrichement de trèfle, ou celles qui sont trop légères pour semailles de froment ; chez Garrett de Saxmundham-Suffolk, Le semoir à prairies artificielles qui délivre les graines au moyen de cuillers, de Peasenhall près Yoxford - Suffolk, Le niveau d’eau le plus perfectionné pour drai- nage, de Blundell; chez Horne, 123, Newgate- Street, à Londres, Le râteau à cheval le plus simple et le meil- leur, de Smith de Stamford, ; La machine à faire des tuyaux de drainage qui a été primée en 4847 par la Société royale d’a- griculture d'Angleterre, comme étant bonne et peu chère, de Sanders et Williams de Bedford, avec quatre moules ; elle fait quatre tuyaux à la fois, Celle qui a été primée en 1848 et 1849 comme la meilleure parmi une vingtaine, de Witheheade de Preston avec quatre moules ; elle fait sept tuyaux à la fois, Une machine attelée d’un cheval pour semer le plâtre, la suie, les cendres, le guano, les tour- teaux pulvérisés et le nitrate de soude; elle est faite par Croskill de Beverley, La meilleure charrette à un cheval pour ren- trer les récoltes, avec des roues en fer creux, de Stratton de Bristol, À reporter 150 fr. 162 105 150 262 450 2,899 fr, — 400 — Report Une excellente houe à cheval de Harkes de Mere-Cheschir, Boat-plough de John Caborn de Denton, Grantham-Lincolnshire; c'est une charrue faite pour nettoyer d'une manière expéditive ou re- faire à neuf les rigoles d'irrigation et celles qui servent à l'écoulement des eaux dans les champs emblavés, Je ne connais ni l'adresse ni le prix. Le ventilateur pour meules de foin ou grains qui s'échaufferaient; au lieu de les défaire on les perfore du haut en bas, au moyen d'une tarière de 0°,16 de diamètre; chez John Gillet de Brai- les près Shipston-on-Stowe, Balance à palonniers pour charrue, très-s0- lide et bon marché, de Harding de Oldspring près Market-Drayton, Claies de parc montées sur deux petites roues; elles sont garnies de râteliers ou de mangeoires. Chez Edward Hill de Brierley-Hill- Ironworks, pres Dudley. Je n'en sais pas le prix. Une seringue faite pour saler facilement et très-bien la viande ; chez MM. Cottam et Hallen de Londres. Une petite charrette à un cheval, faite pour rentrer le fourrage vert pour nourriture à l’éta- ble: elle contient entre les roues une caisse en tôle , dans laquelle on transporte, en allant au champ, le purin destiné à arroser l'herbage dont on vient d'enlever la récolte ; elle est de Stratton de Bristol et coûte Nous avons la meilleure machine à battre montée sur roues pour changer de place, de Garrett; elle est au musée agricole de Versailles A reporter 2,895 fr. 10 600 5,008 fr. as A Keport 3,608 fr. ainsi que beaucoup de bons instruments qu'on vient de faire venir d'Angleterre; elle ne vanne pas. Il faudrait maintenant la meilleure machine à battre à poste fixe d'Écosse : elle bat avec une roue à eau ou une machine à vapeur, ou enfin un manége de huit chevaux, jusqu'à 20 hectolitres de froment par heure; elle re- vient, avec la machine à vapeur à poste fixe, à 5,000 ou 4,00 On emploie maintenant en Angleterre des machines à vapeur montées sur roues avec les- quelles on va d’une ferme à l’autre, et par un beau temps, battre les meules érigées dans les champs. Celle de Cambridge de Marquet-Lavington , près Devizes, qui a remporté en 4849 le premier prix de la Société royale, est de la force de 4 chevaux de vapeur, mais fait marcher une machine à bat- tre de la force de 6 chevaux vivants; elle coûte 3,500 11.408 D. 26 Pages. je, 2, 52, 21, 105, ERRATA. la Hesbaye. Ligues. 14, école modèle du Loiret, lisez ferme-école. 16, éteule, éteules. 2, Courchverny, Cour-Cheverny. 15, éteule, éteules. 30, la culture du colza cesse dans les environs de Caen, lisez la culture cesse dans ces deux directions, upe fois qu'on a quitté les environs immédiats de Caen. 20, 11,000 bottes, Lisez 1,100 bottes. 12, et p. 156, 158, 159, 161, 165, 178, 180, 206, Thouroutte, lisez Thourout. 18, éteule, éteules. 9, insuffisants, suffisants. 12, et p. 186, 229, Saint-Tron, lisez Saint-Trond. 8, en terre, enterre. 36, 50 fr., D'Ér 9, Bommier, Bommer. 7: éteule, éteules. 6, Berkshire, Derbyshire. 19, Norwick, Norwich. 9, Ostmale, Ostmalle. 10, Westmale, Westmalle. 19, SBaillet, de Baillet. 19, d’éteule, d'éteules. etp.311, id. id. 13, 1,000 kilog., 100 kilog. 13, une brabant, une charrue de Brabant. 35, les dernières qui par la Société royale, lisez les der- nières qui ont été primtes par la Société royale. 17, le même pays et M. la Hesbaye, lisez le même pays ils furent séchés le temps, lisez ils furent séchés pen- dant le temps. LS LER LALRET VUI AU SU 5 Gourcy, Conrad 469 Second voyage agricole B3G58 en Belgique BioMed PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY Vi mt + fn À © ART À RL + +) FE æ : 2 ? mn $ k A 1 ox 4 À 20" 4 68 by imus : à ve aa 7e inde bye De 404 «04 be Le rh 9-4 th * Mi … RTE DÉTER 24 * TIR de 2 ee PE PAINE RES LI PCTOOTUT à 48 28% ae : v+ à éme d 4 2e rte st e 1 PS © [