# 7 “ LRU Ne D'OP VAE, | Ÿ Lu ur, TU SOUVENIRS D'UN AVEUGLE VOYAGE AUTOUR DU MONDE a “ A) L - (4 PA CA = http//www.archive.org/details/souvenirsdunaveu01arag NE À à je É { ; É Ka RES #4 ; * SOUVENIRS D'UN AVEUGLE VOYAGE UFOUR DU MONDE nouiele édition revue et augmentée ILLUSTRÉE DE 22 GRANDES VIGNETTES., PORTRAITS ET DE 150 GRAVURES DANS LE TEXTE Enrichie de Notes scientifiques par M. FRANCOIS ARAGO, de l'institut ET PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION PAR M, AULES HANIN TOME PREMIER PARIS H. LEBRUN, ÉDITEUR RUE DE LILLE, 9. CHEZ GARNIER FRÈRES, RUE DES-SAINTS-PÈRES, 6. C- FD D. ES GPRARÈ JAN 24 1967 INTRODUCTION. PRÉFACE DE LA #%e ÉDITION. L'acquéreur de cette nouvelle édition des Souvenirs d’un Aveugle avait demandé une préface à l’auteur. M. Jacques Arago s'était déjà mis à l’œuvre, quand parut dans les Débats une analyse de ce grand ouvrage. M. J. Janin, dont la plume a tant d’élo- quence, dont le jugement a tant de prix, venait de rendre compte des quatre volumes déjà pronés par tous les journaux, et pour la justification de son entreprise, l'éditeur n'a. pas cru mieux faire que de placer en tête de ces Souvenirs les pages rapides, colo- rées, pleines de cœur, de fougue et d'originalité, qui caractérisent si bien le feuilleto- niste du Journal des Débats. M. Arago a voulu tout d’abord, par un sentiment de mo- destie bien compris, se refuser à cette publication ; mais il devait aussi quelque chose à celui qui lui avait consacré tant de colonnes, et il a fini par céder à cette considéra- tion puissante. M. 3. Arago tire done vanité du mérite de l’éloquent critique, et notre livre s’enri- chit de quelques pages qui ajoutent à sa valeur. Je n’ai pas le temps de décrire un préambule , le vent souffle, le vent s’a- gite dans le port, nous avons à faire le tour du monde ; partons donc! A peine s’il nous est permis de jeter un regard d'adieu et de regret sur Tou- Jon, la première conquête du soldat Bonaparte. Toulon tient à la mer, comme le château-fort tient au fossé, comme le navire tient à sa nacelle. Déjà nous sommes en pleine mer, Écoutez! nous voilà tout de suite au beau milieu de la tempête. Oui, certes, vous êtes servi à souhait, une tempête le premier jour : partout le tonnerre, le vent partout; mais au bout de ce vent-à Bar- celone, les îles Baléares, l'Espagne, Gibraltar. On s'arrête à Gibraltar, ce monceau de canons anglais jeté au milieu de la mer. Entre ces gueules \I INTRODUCTION. béantes s'étend une espèce de ville habitée tant bien que mal par toutes sor- tes de bandits, de voleurs, de contrebandiers, de mendiants, de soldats. Passons vite, et, s'il vous plaît, saluons de loin le pie de Ténériffe; à qua- rante lieues, la haute montagne montre encore dans le ciel son front mena- çant. On passe la Ligne avec toutes les folles cérémonies des matelots en belle humeur. Ge jour-là notre voyageur, Jacques Arago, le propre frère du roi tout-puissant de l'Observatoire, qui déjà s'attristait de n'avoir fait amitié avec personne, car c’est là un gai, sincère et jovial compagnon, se fait. des amis dévoués de deux vieux matelots du navire, Petit et Marchais. Figurez- vous deux loups de mer, le cuir tanné, la main dure comme du fer, le cheveu rare, l'œil creux, le ventre aussi, l'estomac brûlé, mais âme tendre et le cœur honnête ; Marchais, véritable bandit dur à cuire, toujours le poignet au bout du bras, toujours le pied levé et la dent prête à mordre, battu, bat- tant, terrible, furieux, ivrogne, et, quand on saitle prendre, un agneau ! Petit, au contraire, malin, flâneur, railleur, bel-esprit, ami de Marchais au- {ant que Marchais est l'ami de Petit. Entre cet Oreste et ce Pylade de l'eau salée notre voyageur eut la chance de placer son bras d’abord, puis la tête, puis le cœur, et vogue la galère! Maintenant qu'il a ses deux amis dévoués, il défie l'ennui de le prendre. D'ailleurs il est jeune et beau, ardent et brave ; son regard vif et net s'empare de l’immensité; il tient avec un égal bonheur le pinceau et la plume, le flageolet et la guitare, le sabre du soldat-et le go- belet de l’escamoteur ; il est musicien, il est poëte, il est amoureux à ses heures, et, qui plus est, il a obtenu une haute paye de six cents livres par an. Or, voilà ce qui me plaît dans tout ce voyage : c’est qu'il s'agit de la con- templation d'un esprit prime-sautier ; c’est que c’est là tout à fait un tour du monde comme peut et doit le faire un poëte ; c'est qu'en tout ceei la science de la terre et de la mer, science devenue vulgaire comme l'A B G, cède le pas à la fantaisie, cette rare et bonne fortune des jeunes gens, des amoureux et des poëtes. La fantaisie est le capitaine de ce voyage autour du monde. Elle commande aux vents et aux orages; elle dit l'heure du départ, l'heure de l’arrivée, le temps du séjour. Une fois lâchée, gare à vous, qui que vous soyez, sauvages ou civilisés, blanes ou bruns, cuivrés ou noirs, maîtres ou esclaves, marins ou une : vous appartenez à cette grande " qu'on appelle la poésie. La fantaisie ! voilà un voyageur comme je les aime ; tout lui convient, la calèche à quatre chevaux et le bâton du pèlerin, le cheval de labour et le cheval de course, la chaloupe et le vaisseau de guerre, l'Océan et le petit ruisseau de la prairie; toutlui convient, et même la coque de noix de la reine Titania, ereusée par la dent de l'écureuil. A cet heureux voyageur - qui va, qui vient, qui s'arrête un peu au hasard, nonchalant et furibond à la fois, toujours pressé de partir, toujours pressé d'arriver, et cependant disant à chaque pas cette parole de l Évangile : — Seigneur, nous sommes bien ici, dressons-y, sil vous plaît, trois tentes ; à de pareils voyageurs il faut mettre tout à fait la bride sur le cou. Ne leur demandez ni l'ordre, ni la méthode, ni le mouvement régulier, ni l'étude, ni la science ; ils ont mieux que tout cela : ils ont le hasard et l'inspiration, ils ont le coup d'œil, ils savent deviner et choisir, ils ont la parole vive et prompte, la main ferme, la tête fière, le INTRODUCTION. \Il regard assuré; en un mot, ils ne ressemblent en rien à tout ce que nous sa- vons des voyages et des voyageurs passés et présents. Le voyageur dont je vous parle est ainsi fait, il n'obéit qu'à lui-même, il ue s'inquiète guère de rechercher etde suivre les traces de ses devanciers ; il agit, avee le monde qui passe sous ses yeux, tout comme s'il était le pre- nier arrivé dans cet univers dont il se fait le juge suprème et sans appel. Il ne réfute personne, il ne sert de commentaire à personne, il ne cite personne. De Rà Je ne sais quelle nouveauté piquante et difficile à trouver dans un voyage autour du monde, cet inépuisable sujet de vagabondages puérils ou sérieux, dans lequel reparaissent nécessairement les mêmes noms, les mêmes observations, les mêmes découvertes. Par exemple, écoutez cet Arago en- thousiaste (ils le sont tous, le savant lui-même), une fois qu'il est dans le Brésil : Terre féconde, nature à part; brise qui souffle, divin soleil, rivières peuplées, air tout rempli d'oiseaux, arbres tous chargés de fruits, monta- ones pleines d'argent et de fer, ruisseaux qui roulent de l'or, vigueur, santé, beauté, courage, grands arbres, grands monuments, rien n'y manque. Notre voyageur entonne à ce propos l'hymne d'action de grâces qu'ont dû chanter les deux envoyés à la terre de Chanaan, quand ils revinrent tout courbés sous le poids des raisins et des épis. Jamais vous n'avez rencontré nulle part un plus infatigable enthousiasme. Seulement, si vous n'aimez pas les histoi- res de nègres et d'esclaves, siles plus abominables détails de sang, de bäton, de meurtres ineroyables, de vices sans frein, vous épouvantent, tournez quel- ques-unes des pages de ce livre, car vous avez à un chapitre qui en est tout rempli. Mais les dames! Oh! les dames du Brésil! Du feu sous une belle enve- loppe de belle chair brune, souple et luisante. Elles vont toutes chargées de perles, de rubis, de diamants, de chaînes d'or; de belles esclaves portent la queue de leurs robes traînantes. Elles vivent de la vie horizontale. La nonchalance, le sommeil et l'amour, voilà leur vie, Ont-elles un peu de loi- sirs, elles font appeler un esclave. — Couche-toi là. L'eselave obéit, et, ce- pendant, armées d'un fouet au manche d'ivoire ciselé, ces belles dames cher- chent, avee une cruauté souriante, les endroits les plus sensibles de cette créature humaine étendue à leurs pieds. Celle qui enlève au bout de sa lan- nière sanglante le plus beau lopin de chair noire, celle-là à gagné. Ajoutez à cet aimable ensemble, d'affreux moines de toutes couleurs, des églises pro- fanes remplies la nuit et le jour par toutes sortes de rendez-vous galants, des anthropophages dans les bois. — Et cependant notre heureux homme, dans ces bois d’anthropophages, rencontre de véritables Parisiennes de Paris, si belles, si fraîchement parées, de si jolis rubans, un œil si fin, des dents si blanches! Elles allaient de leur côté pour voir comment messieurs les sauvages peuvent manger un homme tout rôti. — Il à vu aussi des Albinos à l'œil rouge, aux cheveux blancs, des Boulicoudos aux oreilles allongées, des Tupinambas féroces, des Païkicés non moins féroces ; il les voi les touche, il leur parle, il se tire sain et sauf du milieu de ces bêtes hurlantes et puantes ; bien plus, ilse met à rêver qu'il les civilise. Les rèves de J, sont beaux, chaleureux, tout remplis d'humanité et de passion; laissons-le rêver, d'autant plus que déjà la voile l'emporte de nouveau. Tout II INTRODUCTION. à l'heure il était au Brésil, maintenant le voilà sur le cap de Bonne-Espé- rance, côte à côte avec le géant Adamastor du Camoëns. La ville du Cap est blanche, élégante, coquette. On voit que la Hollande a passé par R, tant vous y trouvez encore d'ordre, de propreté et de symétrie. Mais où va done notre mtrépide? Pourquoi ne pas s'arrêter sur ces pelits seuils hospi- taliers, à l'ombre bienveillante de ces bouchons en plein vent? Cet homme- à ne se repose donc jamais? Il s’agit bien de repos et de bouchons! il s'agit de gravir cette haute montagne, il s'agit qu'il veut s'asseoir là-haut à la Table avant que le nuage ait mis la nappe. Done, il grimpe, il grimpe, malgré le soleil; et tout là-haut que trouve-t-il? Un Parisien en bottes vernies, en habit noir, en gants jaunes ! un Parisien du balcon de l'Opéra et du café Tortoni! Voilà du bonheur : rencontrer des Parisiens parmi les Albinos, les Bouticoudos et les Tupinambas ; rencontrer un Parisien tout au sommet de la Table! Et, qui plus est, ce Parisien était le propre fils de la femme de Georges Cuvier! Une fois au Cap, et quand vous vous êtes assis sur la nappe de la Table, que peut faire un chevalier de la Table-Ronde, sinon aller à la chasse au lion! On chasse le lion là-bas, comme chez nous on chasse le Hèvre ; seule- ment, la chasse au lion est permise en tout temps, ce qui doit plaire gran- dement aux amateurs. Le lion est un beau gibier, il aime de préférence la chair du nègre; l'homme blane a beaucoup moins de saveur pour le lion; moi, manger homme blanc! canaille, sotte espèce! À Dieu ne plaise que j'ouvre la gueule pour si peu! Ce goût dépravé du lion pour la chair noire la donne belle aux chasseurs tant soit peu blanes. Vous êtes blanc, vous allez à la chasse avec un nègre, vous tirez, vous manquez le lion, la bête court sur vous, el... le nègre est dévoré. Pendant que le lion achève son repas dans les broussailles, vous le tirez au jugé. — Un Français, nommé Rouvière, était en ce temps-là le plus grand dévorateur de lions de tout le Cap. Rou- vière sent le lion comme le lion sent le nègre. Rouvière n’est jamais plus content que lorsqu'on lui dit : Les buffles ont reniflé et battu du pied la terre. Alors Rouvière s'en va tout seul — sans nègre! à la poursuite de la bête féroce. Il va contre le lion à pas de loup; il l'attend la nuit et le jour; s'il rencontre le lion dormant, Rouvière, loyal champion, s’'éerie: — Holà! réveille-toi! réveille-toi! Puis, quand le lion a tiré sa tête de la caverne et la griffe de ses quatre pattes, et ses dents de sa gueule, et son œil sanglant de son orbite, voici que Rouvière attaque son ennemi face à-face; c’est là sa joie! Pour ce qui est de la Vénus hottentote, maître Arago a bien raison de s’'emporter contre cette qualité toute grecque de la Vénus, appliquée à cet abominable légume qu’on appelle une Hottentote. Il n'y a pas de Vénus hottentote! le sale tablier n'existe pas; on n’y croit guère un peu qu'à la foire de Saint-Cloud; mais chez les Hottentots c'est une fable. En fait de Vénus d'outre-mer, parlez-nous de la mulâtresse. Ah! dame, la mulà- tresse! Figurez-vous une rose noire tout entourée d'épines roses ; un je ne sais quoi qui s'échappe du troisième ciel ! Une flamme ! — un baiser — un sourire ; — ça fuit — ça vient — ça s’en va — ça se couvre d'un cachemire diaphane, — et enfin, à tremblement des tremblements, ô délire des délires ! INTRODUCTION. IX ça danse la cachucha, D cachucha des nègres ! — De l'esprit-de-vin coupé avec de l'éther! Il y à bien aussi, par ei, par À, quelques Chinois nomades qui font le commerce; mais le Chinois n'est guère aimé de M. Arago. Le Chinois lui fait mal à voir. Il le traite à peu près comme les hauts barons du quinzième siècle traitaient les juifs. Ah! si notre voyageur avail pu savoir en ce temps- là l'histoire de l'an 1840 en Chine, s'il avait vu ces Léonidas tondus, ces Spartiates bouffis, ce grand Kesken perdant la vie, que dis-je? perdant son bouton sur la brèche, tous ces héros de paravent, défendant le Céleste-Em- pire contre les canons de l'Angleterre, et se laissant tuer sans faire un pas en arrière! M. Arago n'eût pas oublié cette fois son inépuisable compassion. Le Chinois de 1840, c’est le. Léonidas antique, aussi brave. Mais la gloire lui manque. Et pourquoi ? Demandez-le à ceux qui fabriquent la gloire, aux poëtes, aux historiens, aux Tacites de la tribune et du journal. Vous demandez s’il existe encore des anthropophages? Règle générale, qui dit un homme, dit un peu plus, un peu moins, la bête féroce, qui mange ses semblables, avec cette différence cependant, que l’anthropophage, bien plus habile mangeur que le lion, est insatiable de chair blanche. C'est ainsi qu'un beau jour, par un horrible soleil qui les brûlait jusqu'au fond de l'ème, M. J. Arago, suivi de ses matelots, débarqua à Ombay, la capitale de l'an- thropophagie. L'île était remplie d'affreux sauvages qui avaient l'air de se dire tout bas, comme l’ogre de la fable : — Je sens la chair fraîche. — Nos marins s’avaucent d’un air résolu vers ces abominables coquins de toutes couleurs ; et, pour commencer l’entrevue sous de doux auspices, M. Jacques Arago se met à jouer de la flûte. Plus d'une fois ces doux accents plaintifs avaient dompté les natures les plus rebelles.— Ventre affamé n’a pas d'oreilles, dit le proverbe: qu'eût dit le proverbe d'un ventre d’anthropophage ? — Quand il vit que sa flûte manquait son coup, notre voyageur se mit à Jouer des castagnettes. Vous savez bien ce joli instrument d'ébène, qui éclate el scintille sous les blanches mains des danseuses de cachucha.— O surprise! — les castagnettes de M. Arago n'eurent guère plus de succès que sa flûte. Seulement, messieurs les sauvages voulurent avoir cette flûte. — Mais vous n'en savez pas jouer! disait-on aux sauvages. — Nous n'avons pas encore essayé, répondaient-ils. — Cependant on s'abouche, on cause, on rit, on se fâche ; un sauvage, qui sent l’eau — c'està-dire le sang — lui venir à la bouche, renversé d’un coup de poing le chapeau de M. Arago. — Zest ! avec le pied Arago ramasse son chapeau; le chapeau, lancé en l'air, retombe sur celte tête bouclée, animée par de grands yeux noirs. — Et messieurs les sauvages d'applaudir. Cependant le rajah; le maître anthropophage, s’avance à son tour vers les imprudents voyageurs. Il a entendu rire ses sujets, il veut que lui aussi on le fasse rire. — Rien n'est plus facile! Aussitôt Arago se met à l'œuvre. Il ne s’agit plus de jouer ni de la flûte ni des castagnettes, il faut jouer des gobelets. Soudain voici toutes les métamorphoses infinies de Comte et de Bosco qui paraissent ec disparaissent aux Yeux étonnés de ces sauvages. Vous jugez de leur étonnement, de leur stupeur el de leur épou- vante. Pendant dix minutes nos sauvages se figurent qu ‘ils ont affaire à des dieux. À la bonne heure! Mais le sauvage. lui aussi, possède son petit rai- x INTRODUCTION. sonnement. Si les simples hommes blanes sont si bons à manger, les dieux blancs doivent être d'un goût exquis. À cette idée, qui n’est pas sans logique, nos sauvages se rapprochent de plus belle; ils étaient là une centaine de grands dables aux dents longues, aux ongles noirs, armés d’ares, et de flèches et de crics, affamés, féroces…. C'est un grand miracle que nos marins leur aient échappé ; il est vrai que ces affreux hommes des bois avaient dévoré une douzaine d'hommes blanes il n’y avait pas huit jours. Un savant illustre entre tous, el cependant le plus simple et le plus bien- veillant des hommes, M. de Humbold, que M. Jacques Arago appelle souvent en témoignage, nous racontait l'autre soir, avec ce fin sourire des gens d'esprit qui ont laissé l'indignation comme un bagage trop lourd à porter, une assez bonne histoire d'anthropophages. M. de Humbold visitait, lui aussi} je ne sais quel désert de l'autre monde. Un jour qu'il était assis à côté d'un grand gaillard nouvellement converti à la religion chrétienne : — « Connaissez-vous monseigneur lPévèque de Québec ? dit M. de Hum- bold à son compagnon de voyage. — Si je connais l'évêque de Québec, re- prit l'autre; j'en ai mangé! » M. Arago va être bien malheureux de n'avoir pas su plus tôt cette anecdote-là De cette île furieuse, le vent (il appelle cela un vent favorable) nous pousse à Diély, atroce coin de terre tout rempli de Chinois, de Malais, de buffles, de fièvres pernicieuses et de serpents boas. A vrai dire, la descrip- lion de tant de broussailles, de lant de fléaux et de misères, faite d'un ton Si joyeux cependant, ne me paraît guère un juste motif pour entreprendre sans nécessité ces migrations difficiles. Que diable! quand on est venu au monde dans une famille heureuse et nombreuse, quand on est l'enfant de ce calme village des Pyrénées, le fils de cette vieille mère qui vous pleure; quand on à vécu vingt-cinq ans sous un beau ciel, au bord des fleuves qui serpentent, sur une terre verdoyante, toute chargée d'arbres et de fleurs, à quoi bon s’exposer à la mer bruyante, aux sables mouvants, ausoleil chargé de pesles mortelles, aux déserts remplis d'animaux hideux? Quoi! vous avez Sous vos pas, sous vos yeux, la France, l'Italie, l'Allemagne, les cités obeéissantes et libres, et vous allez de gaieté de cœur affronter les tempêtes, les orages, les pestes, les sauvages ! Sauvage ! Qu'est-ce que ce mot-là ? Sauvage! c'est-à-dire le milieu idiot et sanglant entre l'homme et la bête féroce. Sauvage depuis le commencement jusqu'à la fin du monde. Toujours la même créature informe, aecroupie sur le bord de cette mer dont elle ne sail pas l'étendue, regardant, sans les voir, les étoiles du ciel, toujours cet être abandonné aux plus vils appétits de la bête, sans pitié, sans cœur, Sans amitié, sans amour, servi par son ignoble femelle à genoux devant lui, et troquant contre une bouteille de rhum, son enfant ou son père! Done, à quoi bon visiter ces immondes créations, quand on est placé parmi les voya- geurs oisifs, la meilleure espèce des voyageurs ! A quoi bon se fatiguer l'âme et le regard à contempler ces hébétements, — sourire sans intelligence, vagues paroles, vagues regards, ventires creux, dents noires, ongles san- glants? — J'en dis autant de ces abominables recoins de la terre sans fruits et sans fleurs, sans murmures et sans verdure, sans monuments et sans histoires. — Landes stériles où pas un pied humain ne s'est posé, pas même INTRODUCTION. à le pied du pauvre Vendredi dans le Robinson Crusoé. — Certes ce n'est pas sur ces terres avilies que Pythagore pourrait dire après la têémpête : — Courage, amis, je vois ici des pas d'homme ! — Et si, en effet, les hommes n'ont jamais passé dans ces terres incultes, si jamais la poésie et l'amour, les belles jeunes filles et la gioire, l'urbanité et les douces passions, ne sont descendus du ciel sur ces contrées oubhées dans le divin partage, vous- même qui n'aviez qu'à être heureux -bas dans la plus belle partie des cinq parties du monde, que venez-vous chercher dans toutes ces misères? À quoi bon ces travaux inutiles, ces tortures sans résultat, ce vagabondage malheu- reux! Quoi! vous avez toute l'Italie heureuse et étincelante sous le soleil : quoi ! vous avez l'Allemagne contemplative et rèveuse; vous avez l’Angle- terre, cette immense fournaise : vous avez la France entière, l'adorable et sainte patrie ; vous avez les cathédrales, les musées, les théâtres, les écoles. les académies, les fleuves domptés par la vapeur obéissante, toutes les sciences, tous les beaux-arts, tous les plaisirs, tous les bonheurs, et vous allez à travers toutes sortes de périls de la terre et de la mer pour visiter Timor, Rawack, Guham, Humalata, Agagna, Tinian, les îles Sandwich, des ronces, des épines, des famines, des prostitutions, des meurtres, des ban- dits, des voleurs, des anthropophages, toutes sortes d'hommes et de choses maudites ! Certes j'admire votre courage, votre résignation : j'aime l'énergie, la puissance et l'intérêt de vos descriptions; mais cependant je ne puis m'empêcher de vous dire combien je vous trouve à plaindre de faire ce métier d'écumeur de mer, que dis-je ? d'’écumeur de l'histoire naturelle. Je vous plains d’avoir dépensé votre jeunesse à ces contemplations lamentables ; je trouve surtout, quand le ciel vous a donné un rare esprit, que c'est mal dépenser sa vie. — Occupa portum, fortiter occupa portum, celte parole du poële Horace, le poëte heureux des hommes heureux, me revient en mémoire à chaque pas que fait notre voyageur dans ces déserts si horriblement peu- plés. Et notez bien que, dans cette longue navigation, pas un des dangers de la mer ne lui est épargné. Le naufrage, la vague écumante, la nudité, la faim etla soif, les privatlions les plus cruelles, tout s'y trouve. M. Jacques Arago eût voyagé tout exprès pour écrire un voyage pittoresque, il n'aurait pas voyagé autrement. Entre autres passages de son livre qui sont très re- marquables, il faut citer tout le tome IIT, dans lequel est renfermée l'his- toire des îles Sandwich Cette fois l'animation toute méridionale de l'auteur est portée à son comble. Il va partout, il est partout. Il cherche même des ruines dans ces parages où rien n'a été fondé; il y cherche une histoire, il y cherche des rois et des reines et des grands hommes : il y chercherait la Charte constitutionnelle au besoin.— Sa description de la Nouvelle-Hollande est des plus pittoresques. En ce lieu, vous retrouverez à la fois la ville opu- lente et le désert sans limites, le civilisé etle sauvage, les serpents noirs dont la blessure est mortelle, et les jeunes filles d'Angleterre qui vous frappentau cœur de leur regard bleu de ciel. Le sauvage de la Nouvelle-Hollande est plus hideux que les plus hideux sauvages. Peu à peu la civilisation le pousse et le chasse, et l’écrase. Dieu soit loué! Je sais bien que certains philanthro- pes se plaignent avec de grosses larmes que ces pauvres cannibales soient si fort maltraités par ces féroces Européens: laissons dire les philanthropes NT INTRODUCTION. el batissons des villes dans 18 déserl.— Puis, quand vous bâtissez, prenez carde, un sauvage est peut-être là qui vous attend pour vous dévorer. « Tout « à coup, le Zélandais s'élanca comme un tigre (contre deux armées qui al- « aient en venir aux mains), se rua sur la horde étomée, abattit un des com- « baltants.. Je n'assistai point au dégoûtant repas qui se fit sur le champ « de bataille. » Gette fois, M. Arago a eu grand tort. Au contraire, puisqu'il était venu de si loin pour tout voir, fallait-il assister à cet abominable repas et se dire à soi-môme : Voilà ce que je suis venu chercher! Ces quatre volumes du Voyage autour du Monde sont toutremplis de va- riétés, d'intérêt, de passions infinies, d'incidents inattendus. Le dialogue, la narration, la description, le drame, la poésie, l'histoire, se donnent la main dans cette vaste arène, qui estle monde entier. L'auteur, jeune, intelligent, enthousiaste, intrépide, a voulu s'emparer, comme on ne l'avait pas fait en- core, de l'univers des navigateurs, el il l'a parcouru à sa façon. Façon bru- tale, violente, peu logique, prime-sautière, mais à tout prendre pleine d'agrément et d'intérêt. Quand parfois la parole lui manque pour se faire comprendre, quand sa plume fatiguée s'arrête n’en pouvant plus, aussitôt il prend le crayon, et ce qu'ilne peut pas écrire il le dessine. De cette course lointaine, il a rapporté tout ce qu'il a pu rapporter, des crânes, des habits, des dictionnaires, des portraits, des paysages, des chansons, des cris de guerre, des plantes, des coquillages, des ossements, des peaux de bêtes, des restes de cimetières; et de tout cela, pétri, mêlé, broyé, confondu, il a com- posé un livre. — Et si vous saviez quelle force d'âme il a fallu à ce pauvre homme pour se souvenir, pendant quatre longs volumes, de tous les éblouis- sements de sa jeunesse ! si vous saviez quel est le grand mérite d’avoir re- trouvé dans sa tête, dans son cœur, l'éclat azuré de la mer, l'éclat brûlant des cieux, l'éclat velouté du riv age ! si vous saviez que ce vaste regard qui embrassail tant de choses s’est éteint à tout Jamais peut-être ! si vous saviez que c’est maintenant à tons, appuyé sur le bras d’un ami, un bâton à la main, à la suite de quelque caniche fidèle, que cet ardent amoureux de tou- tes les beautés de la terre et,du ciel est obligé de parcourir de nouveau ce bel univers dans lequel il marchait d’un pas si ferme, d’un regard si net el si sûr! si vous saviez ce que cela doit être, quatre volumes de paysages copiés d'après nature par un aveugle, quatre volumes de souvenirs éclatants qu'il faut se rappeler, plongé dans une nuit profonde, quatre volumes des heureuses et poétiques misères de la jeunesse quand on est devenu un homme marchant à tàtons dans le vide! certes vous resteriez étonnés, comme je l'ai été moi-même, de la grâce limpide, de la parfaite et excellente méthode, : du style animé, de la vive passion, de l'intérêt tout-puissant de ce livre. — Roman piquant et vrai pour qui n’a pas quitté son petit coin de ciel natal, histoire fabuleuse et pleine de charme pour les plus hardis et les plus sa- vants navigateurs. NOTES SCIENTIFIQUES. Dre . LA Le NN Pme h 1e, LL ne. 1 re vi Ÿ Tel ñ LEET 1 let D 1 L' del nl ; D Ù DM ALI ñ | 1 1 CT i " 1 | | | £ L ë sal Fe “eatg (ira ie a j! | NAN in à NOTES SCIENTIFIQUES NOTE 1. Les Vents aïlizés. — Page 58 — Dans la plus grande partie des régions équatoriales, on rencontre constamment un vent d'est, auquel on a donné le nom de vent alizé. Un phénomène aussi régulier devait se rattacher à des causes permanentes: l'explication admise le fait dependre à la fois de l'action calorifique du soleil et de la rotation de la terre. Pour concevoir le transport des masses d’air qui résulte de ces influences combinées, il faut se rappeler d'abord qu’au contact d’un corps fortement échauffé, l'air s'échaufle lui-mème; qu'en s'échauflant il devient plus léger, s'élève et commence à former ainsi, au-dessus du corps chaud, un courant ascendant; qu’enfin ce courant s'alimente sans cesse aux dépens de l'air plus froid qui, de loutes parts, afflue vers sa base et s’élève en se dilatant à son tour. Voilà done, par la seule présence du corps chaud, une impulsion donnée, un courant établi: supposons, maintenant, qu'à une certaine hauteur, l'air échauffé rencontre une surface froide, il se refroidira bientôt, et, devenu plus dense, il retombera; il ira former à quelque distance du courant ascensionnel un contre-courant dirigé de haut en bas; il pourra mênie alors, d? la région inférieure, être ramené vers le foyer calorifique, qui agit IV NOTES SCIENTIFIQUES, comme un centre d'aspiration, et s'échauffant de nouveau, il circulera sans cesse dans la courbe fermée qu'il aura parcourue une première fois. Toutes les circonstances dans lesquelles un mouvement circulatoire de Pair s'établit sous nos yeux, d’une manière continue, dans un espace fermé, toutes ces circonstances existent à la surface de la terre, mais cette fois dans des proportions éncrmes, La zone échauffée qui déterminera par son contact avec les couches inférieures de lat- mosphère un courant ascensionnel, ce seront les régions équatoriales, formant autour de la terre une large ceinture, et frappées dans toutes les saisons par un soleil également ardent. La surface froide qui forcera ce courant à se déverser, en se refroidissant, de part et d'autre, des tropiques vers le sol des climats tempérés, ce sont les couches supérieures de l'atmosphère dans les régions élevées où règne, même à l'équateur, un froid per- pétuel. Mais à mesure qu'entre les tropiques il s'établit un courant ascensionnel d'air échauffé par le sol des grands continents, l’air plus froid des zones tempérées vient, eu rasantla surface de la terre, remplacer les couches qui s’élèvent. Et l’air de la surface des zones tempérées est rempla’é à son tour par le déversement des couches refroidies dans les hautes régions de l'atmosphère. Ainsi s'établit des deux côtés de l'équateur et d’une manière permanente une double circulation. Le seul vent qui semblerait, au premier coup d'œil, résulter de ce transport de l’air à la surface de la terre, ce serait un vent qui, de chaque pôle et dans des directions con- traires, soufflerait sans cesse vers l'équateur, c’est-à-dire un vent de nord dans l’hémis phère boréal, un vent de sud dans l'hémisphère opposé. Et cependant, ce transport de l'air du nord et du sud vers l'équateur n’est que très-peu sensible; il vient en quelque sorte se perdre dans le transport bien plus rapide qui nous parait entrainer l'air des régions équatoriales de lorient à l'occident. Comment se rendre compte de ces mouvements qui semblent s’accorder si mal avec les données que nous avons admises ? C’est à la rotation de la terre qu’il faut demander le rette de l'explication. La terre tourne sur elle-même; en tournant, elleentraine l'atmosphère qui l'enveloppe et la presse. Chaque portion d'air, en quelque sorte adhèrente au sol par le frottement, acquiert prémptement toute la vitesse du sol; et cependant, si elle ne la possède pas d’a- bord, il lui faut un certain temps pour l’acquérir. Mais la vitesse du sol qui résulte de la rotation est très-différente suivant les diverses latitudes. Qu'on se figure une boule tournant autour d’un deses diamètres. Les extrémttés decet axe diamètral seront en repos: le grand cercle, dontle plan lui est perpendiculaire, prendra le mouvement leplus rapide. Ainsi, sur la terre, un pointde l'équateur decrit en tournant environsept lieues par minute. À la latitude de Paris, nous ne parcourons guère que cinq lieues dans le même temps. Les pôles demeurent immobiles. Ce que nous venons de dire de différents points du sol est également vrai de l'air qui les touche. Pa Ansi, danschaque minute, l'air à Paris, l'air des régionstempérées, parcourt deux lieues de moins que l'air, que le sol des régions équatoriales. Mais si, en se transportant vers l'équateur, par l'effet de la circulation qu’excite lacha- eur solaire, l'air des régions tempérées conservait cette énorme inférivrité de vitesse, parvenu entre les tropiques, chaque point du sol le devancerait de deux lieues par minute, dans le sens de la rotation de la terre, c'est-à-dire d’occident en orient. Chaque point du: sol frapperait l'air et paraitrait en être frappé, comme si, la terr: étantimmobile, un vent d’une épouvantable violence soufflait dans la direction opposée, dans celle que semble ivre en effet le vent alizé, de l’est à l'ouest. NOTES SCIENTIFIQUES. Y C'est ainsi qu'emportés dans la direction mème d’un vent peu rapide, par une voiture qui le devance, nous croyons que l'air qui nous frappe est poussé vers nous en sens COn- traire de son véritable mouvement. Et telle est aussi l'explication du vent alizé. Seulement, au lieu de cette énorme rapidité de deux lieues par minute, le vent alizé n'offre qu'une vitesse médiocre. On aura déjà compris qu’il doit en être ainsi, pour peu qu’on aitsongé que l’air des régions tempérées n'arrive que lentement à l’équateur; que successivement et dans tout le trajet, le frottement sur le sol diminue la différence de vitesse de l'air et des parallèles terrestres qu’il vient traverser. Par un raisonnement semblable, on arrive à conclure que le courant supérieur qui ramène l'air des couches élevées de l'atmosphère équatoriale, vers la surface de nos cli- mats tempérées, doit tendre constamment à produire des vents d'ouest, C'est, en effet, dans nos climats la direction du vent la plus ordinaire. Mais un grand nombre de causes accidentelles, quin’existent pas dans le voisinage del’équateur, masquent fréquemment, chez nous, la partie régulière du phénomène, Après avoir lu cetteexplication, peut-être s’étonnera-t-on de nousentendreannoncer que les vents alizés peuvent être encore l’objet d'importantes recherches; mais il faut remarquer que la pratique de la navigation se borne souveut à de simples aperçus dont la science ne saurait se contenter. Ainsi il n’est point vrai, quoi qu’on en ait dit, qu’au nord de l’équateur ces vents soufflent constamment du nord-est ; qu'au sud ils soufflent constamment du sud-est. Les phénomènes ne sont pas les mêmes dans les deux hémi- sphères. En chaque lieu, ils changent d’ailleurs avec les saisons. Des observations journalières de la direction réelle, et, autant que possible, dela force des vents orientaux qui règnent dans les régions équatoriales, seraient donc pour la météorologie une utile acquisition. Le voisinage des continents, celui des côtes occidentales surtout, modifie les vents alizés, dans leur force et dans leur direction. Il arrive même quelquefois qu’un vent d’ouest les remplace. Partout où ce renversement du vent se manifeste, il est con- venable de noter l’époque du phénomène, le gisement dela contrée vuisine, sadistance, et quand on le peut, son aspect général. Pour faire sentir l'utilité de cette dernière recommandation, il suffira de dire qu'une région sablonneuse, par exemple, agirait plus tôt et beaucoup plus activement qu’un pays couvert de forêts ou de toute autre nature de végétaux. Sur la mer qui baigne la côte occidentale du Mexiqne, de Panama à la péninsule de Californie, entre 8° et 22 de latitude nord, on trouve,comme nous l’apprendle capitaine Basil Hall, un vent d'ouest à peu près permanent, là où l'on pouvait s'attendre à voir régner le vent d'est des régions équinoxiales. Dans ces parages, il sera curieux de noter jusqu’à quelle distance des côtes l’anomalie subsiste, par quelle longitude le vent alizé reprend pour ainsi dire ses droits. D'après l'explication des vents alizés la plus généralement adoptée, il doit y avoir constamment, entreles tropiques, un vent supérieur dirigé en sens contraire de celuiqui souffle à la surface du globe. On a déjà recueilli diverses preuves de l'existence de ce contre-courant. L'observation assidue des nuagesélevés, de ceux particulièrementqu'on appelle pommelés, doit fournir des indications précieuses dont la météorologie tirerait pari. L'époque, la force et l'étendue des moussons, forment enfin un sujet d'étude dans lequel, malgré la foule d'importants travaux, il y a encore à glaner, vi NOTES SCIENTIFIQUES. NOTE 2. Les Ouragans — Page 117. — J'ai dit quelques-uns des phénomènes météorologiques observés à l'Ile-de-France au moment du terrible ouragan qui dévasta la colonie; j'ai cité des faits vrais, précis, je les aiappuyés par desnoms propres; j'ai passé sous silence des catastrophessiextraordinaires, que la raison se refuse à les accepter, et pourtant j'ai apprisqu'on m'avait accusé d’exa- gération. À celaque répondre? Je l'ignoreen vérité. Toutefois, commeje veux qu’on me croie, comme ce qui est vrai pour moi est vrai pourtous, comme mes allures de franchise ne peuvent ni ne doivent être contestées, voici de nouveaux documents qui me viennent en aide, et contre l'évidence desquels toute contestation est impossible, La logique la plus sûre est celle des faits. Je donnerai ici des détails authentiques sur l'ouragan qui dévasta la Guadeloupe le 26 juillet 4825. Cet ouragan renversa, à la Basse-Terre, un grand nombre de maisons des mieux bâties. Le vent avait imprimé aux tuiles une telle vitesse, que plusieurs pénétrérent dans les magasins à travers des portes épaisses. Une planche de sapin d’un mètre de long, de deux décimètres et demi de large et de vingt-trois millimètres dépai-seur, se mouvait dans l'air avec une si grande rapidité, qu'elle traversa d’outre en outre une tige de palmier de quarante-cinqg centimètres de diamètre, Une pièce de bois de vingt centimètres d'équarrissage et de quatre à cing mètres de long, projetée par le vent sur un chemin ferré, battu et fréquenté, entra dans le sol de près d’un mètres. Une belle grille en fer, établie devant le palais du gouverneur, fut entièrement rompue. Trois canons de 24 se déplacèrent jusqu’à la rencontre de l’épaulement de la batterie qui les renfermait. J'extrais le passage suivant d’une relation officielle redigée peu de jours après l’é- vénement: Le vent, au moment de sa plus grande intensité, paraissait lumineux; une fiamme argentée, jaillissant par les joints des murs, les trous de serrure et autres issues, faisait croire, dans l'obscurité des maisons, que le ciel était en feu. | Voici un aperçu des diverses opinions qui ont été émises depuis quelques années sur les grands ouragans. M. E:py croit que le vent souffle dans toutes les directions possibles vers le centre des ouragans; il est arrivé à cette conséquence en discutantun grand nombre d'observations recueillies sur la côfe des États-Unis. Les effets du tornado qui, en juin 1835, traversa une partie du territoire de New-Jersey, étaient parfaitement d'accord avec cette théorie. M. le docteur Bache, ayant suivi à travers le pays les traces du météore, trouva en effet, NOTES SCIENTIFIQUES. vi à l’aide de la boussole. que les directions des objets renversés convergaient générale ment, dans chaquerégion, vers un point central, La théorie de M. Espy est complétement en désaccord avec celle que M. le colonel Capper, de la Compagnie des Indes, proposa en 1801; que M. Redfield, de New- York, a reproduite naguère en la perfectionnant, et qui vient d'être l'objet d'un mé- moire approfondi présentè à Passociation britannique, à New-Castle, par le lieutenant colonel Reid. D’après cette théorie, les grands ouragans des Antilles, des régions tropicales et de la côte orientale des Etats-Unis, seraient d'immenses trombes. M. Reid trouve que les directions simultanées des vents dans les vastes étendues de pays que les ouragans ravagent concordent avec son hypothèse. Les journaux nautiques qu'il a pu discuter, provenant des divers navires dont se composait l’escadre de l'amiral Rodney en 1780, et du grand convoi escorté par le Culloden, qui, en 1808, fut presque anéanti dans le voisinage de l'Ile-de-France, paraissent aussi montrer que sur la limite exté- rieure du #srnado, les vents, au lieu d’être normaux à un seul et même cercle, lui étaient fangents. En point de fait, les observations sur lesquelles s'appuient, d’un côté, M. Espy et M. Bache, de l’autre, MM. Redfield et Reid, ne pourraient se concilier qu'en admettant qu’il y a des ouragans, des tornados de plus d’une sorte. Si l’on suivait la théorie de ces deux derniers météorologistes, il faudrait accorder que la érombe-ouragan à quelquefois une base desept à huit cents lieues de diamètre; que sa vitesse de propagation peut aller à huit lieues à l'heure; que celle de la rotatwvs de l'air à la circonférence, ou, en d'autres termes, que la vitesse des vents langenis, est quelque- fois de quarante lieues à l'heure. L'observation singulière de Frauklin, que les vents un peu forts ont quelquefois leur origine dans les points vers lesquels ils soufflent, ri : 19h Le : | bi di { 1191 io a: à | w : Hd JEU Pi TABLE DES MATIÈRES. RÉFLEXIONS. . AVANT. LÉ IE. LIT. XIE. XII. XIIT bis. XIV XY. XV XVII. XVIII. XIX. XX. TON ITR Dares —— Gibraltar. : - TÉNÉRIFFE.—Ancienne Atlantide de Platon. DAME. Murs. A OC A CC Des CANARIES À L'ÉQUATEUR. — Prise d'un requin. — Cérémonie du passage de la ligne. : Ex MEr.— Petit. — Marchais. DE L'ÉQuareur au Brésiz. — Coucher du led: — Rio- Ten Rio-JaxErRo. — Le Corcovado. — Le Négrier. . . . . Rio-Jaxerro. — Bibliothèque. — Esclaves. — Détails. s Rio-JaxeiRo.— Villegagnon. — Le baton de diamants. — Duel entre un Pauliste et un colonel de lanciers polonais. Brésiz. — Petit et Marchais. — Rixe.— Sauvages. — Mort # " borde.— Cap de Bonne-Espérance. . . , Le Car. — Chasse au Lion. — Dét ails. : ILE-nE-France. — Incendie. — Coup de vent. — Détails re balah.— Cachucha. — Danses.— Fêtes des Noirs. — Table ovale. ILE-DE-FRaxce, — Combat du Grand-Port. - : BourBon. — Saint-Denis. — Baleine et Espadon. — re Paul. _ Volcans. — Naké et Tabéha. ‘ Bourgox. — Petit. — Hugues. — Esclaves. NouveLLE-HOLLANDE. — Sauvages anthropophages. — Dé part Timor. — Chasse aux Crocodiles, — Malais. — Chinois. Timor. — Chinois. — Rajahs. — L'empereur Pierre. — Mœurs. La Mer . RE AE ESC Ougay. — Anthropophages. — Escamoteur. — Drame. : Timor. — Diély. — Courte explication.— M. Pinto. — Détails, — Mœurs. — Boa. PÉNNU Te POSE LU SNA Timor. — Boa (suite). — Deux Rajahs. — Détails. — Maladie. — Départ. TOME I 5 102 123 136 169 476 183 194 204 219 235 244 258 271 TABLE DES MATIÈRES. Pages. XXI. Les MoLuQuEes. — Attaque nocturne. — Le roi de Guébé. . . . 9280 XXII Rawack.— Les Sauvages.— Serpents.— Lézards.— Encore Petit. — Escarmouche. . . . . RU à 289 XXII. Rawack. — Pêche.— Le roi de Guébé et Petit. — EN jeune fille. — Départ.— Mort de Labiche.— Divers archipels.— Les Carolines. 301 * XXIVE NP COUR D'ŒIL RÉRROSPECTIE ke 318 NeXVE EN Mer. — Pêche de la Baleine. . . . . . . » 318 KXVIL LES EXPLORATEURS. "un - 398 XXVII. Suite DES EXPLORATEURS. + . . ne : 340 XXVIII. ILES MARIANNES. — Gubam. — Homalas — La Dore 349 XXIX. ILES MARIANNES. — Course dans l’intérieur. — Dolorida. 397 XXX. ILES MARIANNES. — Guham. — Agaona. — Fêtes. — Détails. . 366 XXXI. ILES MARIANNES. — Guham.— Mœurs. — Détails. — Fr CLNDOI EE - - : à à = 311 XXXII ILES MARIANNES. _ Cu onS — Suite de Mériquitta. —— Pont la et Domingo. . . : ; 388 XXXIII. ILES MARIANNES.— v oyage à inian — Fe Caroline — Uu Manor mesauvelavie. . ARE RE SERGE 399 XXXIV. ILES Mari ANNES.— Rotta.— Ruines.— Tinian. — Maison des re tiques. . : 409 NOXXVEOTILES INR — Reis à ocre — Naeation de Dr on — Fêtes ordonnées par le gouverneur. : M9 XXXVI. ILES MARIANNES.— Historiette — Maladies.— Détails. —— Mo 432 XXXVII ILES MARIANNES. -- Histoire générale. — Résumé. . . . 443 NOTES SCTENTIMOQUES LR ANREL QÙ SUIVRE RER ETES PU l LeSANENTSMATzES EN EE Il Les Ouragans. ; v LesélNOoMDeS EN É vHl Étoiles filantes. IX Le Tonnerre ‘ XI Sur le Mirage. or ic : 10 XV De la Hauteur des Vagues. XX De la Température de la Terre. . oi XXI Des Courants sous- marins. de COR sat EU ES xv a La Pluie sur mer. à , : XX VIT ” L'él fe * WI VO Te CG | G Arago, Jacques Étienne Victor 463 Souvenirs d'un aveugle A67 kel PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET TS UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY oo M3IASNMOQ LV 11