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SOUVENIRS

d’un

VOYAGE DANS L’INDE

EXÉCUTÉ

I)E 1834 A 1839

PAR

M. ADOLPHE DELESSERT,

PARIS.

FORTIN, MASSON et C'e, I LANGLOIS et LECLERCQ,

1, PLACE DR l’ÉCOLE-DE-MRDECINE. | 81, RUE DE LA HARPE.

MDCCCXLIII.

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MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES.

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BENJAMIN DELESSERT,

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neveu.

Adolphe DELESSERT.

Voulant donner à ma famille quelques détails sur un voyage entrepris d’après les désirs et sous les auspices de mon oncle M. Benjamin Delessert , je n’ai pas la pré- tention de m’élever à la hauteur d’un voyageur instruit et possédant toutes les connaissances nécessaires pour remplir une mission profitable à la science. Je le dé- clare donc, ce voyage, entrepris pour mon instruction personnelle, ne peut intéresser que mes parents et mes amis. Je compte assez sur leur indulgence pour leur adresser ces souvenirs, écrits sous l’inspiration du moment.

Les recherches d’histoire naturelle m’ont particuliè-

a

II

rement occupé , et tout ce qui ne s’y rattache pas ne se trouve qu’accessoirement clans mes notes. Je ne me pose cependant pas en naturaliste habile , mais bien en voya- geur zélé dont le but était de s’instruire. J’ai rapporté des divers pays que j’ai visités des collections nombreu- ses , composées en grande partie d’espèces connues , il est vrai , mais rares ; et j’ai été assez heureux pour dé- couvrir aussi un assez grand nombre d’espèces nouvel- les. Pensant qu’il pourrait être utile de les publier, j’ai considéré ce travail comme un devoir, sans prétendre m’en faire un mérite. Mes collections se composent de mammifères , d’oiseaux , de reptiles , de poissons , de coquilles, d’insectes, de plantes et de minéraux. Le temps que je dérobais à la chasse était toujours employé à en assurer le succès pour le lendemain ou à préparer les victimes de la veille. J’étais parvenu , mais non sans peine , à dresser à ce genre de travail quatre Indiens que j’avais pris à mon service, et qui me suivaient dans toutes mes excursions. J’étais aussi accompagné de plu- sieurs Indiens armés et chasseurs. Ces dispositions étaient indispensables lorsque je pénétrais dans l’inté- rieur des terres , loin de toute habitation , souvent à de grandes distances et pour un temps plus ou moins long , dans des forêts remplies d’animaux dangereux, qui nous promettaient d’abondantes récoltes si nous étions en force pour les attaquer. Ce genre de vie me plaisait beaucoup : cette existence nomade a ses char- mes que nulle description 11e peut rendre 5 il faut être chasseur et naturaliste pour les comprendre et les ap- précier. Les privations, la fatigue, l’ardeur du soleil, rien 11e pouvait compenser le plaisir que me procurait

III

la possession d’un objet nouveau. Le plus souvent nous vivions, moi et ma petite troupe, du produit de notre chasse. Mes provisions , toujours très-légères à cause des difficultés du transport dans un pays sans routes tracées , consistaient en quelques rations de riz et quel- ques bouteilles de vin et d’eau-de-vie. J’établissais mon bivac partout j’espérais d’heureuses rencontres , et je levais le camp pour explorer d’autres lieux. Les dé- tails de cette existence sont , je le répète , sans intérêt, excepté pour ma famille. J’ai cependant ne pas les passer sous silence.

Je dois témoigner ici ma reconnaissance à mon ami M. le docteur Chenu, conservateur du riche musée conchyliologique de mon oncle : il a bien voulu se charger du classement de mes collections et m’aider de ses conseils et de son expérience pour la rédaction de mes notes. Je dois aussi le même témoignage à M. Gué- rin-Méneville , professeur d’histoire naturelle : il a dé- terminé et décrit toutes les espèces nouvelles de ma collection. Ce n’est qu’après m’étre assuré du concours de ces deux collaborateurs que je me suis décidé à pu- blier la relation de mon voyage.

SOUVENIRS

d’un

VOYAGE DANS L’INDE.

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PREMIÈRE PARTIE.

De Paris à Vile de France et à Vile Bourbon.

Parti de Paris le 28 mars 1834 , avec mon ami M. Perrottet, qui devait m’accompagner à Pondichéry, j’arrivai à Nantes dans les premiers jours d’avril. En attendant le départ du trois-mâts le Navigateur , capi- taine Gauthier, je ne pouvais mieux passer mon temps qu’à visiter les environs , ni me préparer de plus riants souvenirs que ceux que laissent les bords de la Loire, pour modérer un peu , par la comparaison , l’enthou- siasme qu’inspirent ordinairement les beautés des ré- gions tropicales. Aussi , après avoir pris le temps né- cessaire pour mettre mes papiers en ordre et faire quelques emplettes , je commençai mes promenades. Je visitai avec beaucoup d’intérêt Clisson , à six lieues de Nantes. Cette petite ville , bâtie dans une position ravis-

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

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santé, est aussi remarquable par ses souvenirs histori- ques que par ses constructions modernes , qui contras- tent singulièrement avec les ruines majestueuses qu’on y voit encore. La villa Lemot, la Garenne, la villa Va- lentin, ont particulièrement attiré mon attention. Dans une des cours de la villa Valentin on nous fit remar- quer un if, connu dans le pays sous le nom d’ If-anx- Vic limes ; il rappelle un de ces crimes que l’histoire si- gnale avec horreur : pendant la guerre vendéenne , à la place de cet arbre se trouvait un puits très-profond, dans lequel on précipita une foule d’infortunés, vieil- lards, femmes et enfants sans défense, qu’on ensevelit vivants. Que n’a-t-on enseveli en même temps le sou- venir d’un crime aussi atroce!

Avant de rentrer à Nantes , j’ai visité avec beaucoup d’intérêt une partie du département du Morbihan, dont les habitants offrent quelque ressemblance avec ceux du canton de Fribourg, autant par leur costume que par leur accent. Je ne sais si cette observation est exacte, mais elle m’a frappé ; et ce n’est pas sans plaisir que je crus reconnaître ces costumes, qui me rappelaient tant de souvenirs d’enfance. Enfin je revins à Nantes , déjà avec une provision de notes , et je n’avais pas encore commencé mon voyage. C’est en songeant aux désastres des guerres civiles qui ont désolé le beau pays que je venais de parcourir que j’appris, en arrivant à mon hôtel , qu’on se battait à Paris. Ma première pensée fut pour ma famille , et l’inquiétude qu’une semblable nou- velle me causait fut bientôt calmée par celle qui la sui- vit, et qui annonçait le rétablissement delà tranquillité. Je fus aussi assez heureux pour recevoir des lettres de

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mes parents , et l’une d’elles surtout me lit le plus vif plaisir : elle me rassurait sur la santé de mon oncle, que j’avais laissé un peu malade. Quelques détails sur les événements qui venaient d’affliger Paris ramenèrent le calme chez moi ; et j’en avais besoin , car je devais m’embarquer le lendemain.

Je partis pour Paimbœuf le 23 avril , et je me rendis de suite à bord du navire. J’y couchai , et le lende- main , à trois heures du matin , il leva l’ancre. Adieu donc , France ! ce n’est pas sans un certain serrement de cœur que l’on te perd de vue, que l’on quitte sa famille et ses amis! Adieu, France! peut-être pour long-temps !

La brise nous poussa rapidement, et cependant il nous fallait attendre la mi -marée pour franchir la barre (1). Le capitaine fit allumer pendant la nuit le fanal d’avertissement pour éviter l’abordage des nom- breux bâtiments qui à cette époque se trouvent dans ces parages. Le lendemain nous avions perdu la côte de

(1) Barre. On désigne sous ce nom la vague qui se roule et se brise en tout temps à l’entrée de certains fleuves. Ces convulsions de la mer sont causées par le gonflement des eaux du large , qui se choquent contre celles qui descendent des rivières et se réunissent sur une espèce de digue sous-marine étendue à l’entrée du fleuve. Cette digue est ordi- nairement formée par un amas de pierres , de sable , de débris de nau- frages accumulés par le cours des eaux du large et du fleuve , qui s’é- lèvent à une certaine hauteur au point de jonction des eaux , et servent de lit à leur lutte furieuse. Lorsque la mer est basse on aperçoit quel- quefois le sommet de cette digue , et c’est alors que la mer s’y ébat avec moins de violence ; mais les navires qui doivent franchir cette terrible barrière ne peuvent pas profiter de ces intermittences, puisque l’eaü qui leur est nécessaire pour flotter par dessus s’est retirée Certaines barres sont tellement dangereuses à traverser, que la conservation du navire et l’existence des marins qui le montent sont mises en question dans le rapide intervalle qui se passe à franchir ce danger. ( Dictionn . de Ma- rine.)

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

vue. Pendant plusieurs jours notre marche ne présenta rien de particulier. Le 28 nous étions déjà à plus de cent lieues de Nantes.

Pendant la journée je passais mon temps en conver- sations avec le capitaine et mon ami Perrottet : quel- quefois je préludais à des chasses plus importantes en tirant sur les oiseaux ou des marsouins qui s’appro- chaient du bâtiment, mais le plus souvent sans succès sur ces derniers ; je crois cependant en avoir blessé un. Mes seules victimes furent des alouettes de mer (1) et une pauvre hirondelle commune (2). En la voyant tom- ber je me repentis de n’avoir pas fait taire un sentiment d’amour-propre qu’excitait la présence de quelques per- sonnes qui se trouvaient sur le pont. Pauvre petite ! elle allait probablement en France revoir la fenêtre hos- pitalière où son jeune âge respecté ne pouvait lui faire prévoir une mort si loin de terre et de la main d’un voyageur qui lui devait protection, et aurait pu , par la pensée, la charger d’un souvenir pour sa famille.

Pour tromper l’ennui de la traversée , nous ne man- quions aucune occasion ; et les animaux que nous pou- vions voir, pêcher, harponner ou tirer, faisaient facile- ment diversion à nos habitudes, et devenaient un sujet de conversation. Pendant le voyage nous avons vu trois ou quatre baleines , et nous avons harponné plusieurs marsouins dont les matelots faisaient sécher la chair pour la manger : elle a beaucoup du goût de celle du

(1) Alouette de mer. Bécasseau Cocorli. ( Scolopax africana, Gmelin; Tringa subarquata, Temminck ; Numenius subarquatus , Bechst. ) Cet oiseau habile le littoral des mers qui baignent l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.

(2) Hirondelle commune ( Hirundo rustica de Linné).

DANS L’INDE.

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chevreuil. J’ai vainement tiré plusieurs coups de fusil sur une tortue de mer : son écaille, ouverte seulement pour laisser passer la tête , est assez épaisse pour la mettre à l’épreuve de la balle. Les matelots ont pris à la ligne de traîne plusieurs thons , que nous mangions avec grand plaisir.

Le 10 mai nous étions en vue de l’ile de Madère. La force du vent nous en éloigna en fort peu de temps, et, rencontrant les vents alizés (1) qui dominent tou- jours dans ces parages, nous laissâmes successivement derrière nous les îles Canaries, la côte du Sénégal et les îles du Cap-Vert. C’est à la hauteur de ces derniè- res que nous vîmes pour la première fois des groupes de poissons volants (2) , un très-grand nombre de mé- duses (3) et des paille-en-queue (4) ou oiseaux des tro-

( I) Vents alizés. On donne ce nom à des vents qui régnent entre les tropiques et soufflent régulièrement de l’est à l’ouest. Les bâtiments qui se rendent aux colonies en quittant les ports de la côte qui borde l’Océan sur nos parages, en sont favorisés dans leur course; mais, pour revenir, ils sont forcés de faire un circuit qui allonge leur route. Les vents alizés sont souvent si faibles dans la zone torride , que les bâtiments s’y trou- vent pris par le calme; mais, en revanche, ils ne s’élèvent jamais jus- qu’à la tempête. Quand les navires sont poussés par ces vents , les ma- rins disent que c’est une navigation de demoiselle. ( Dictionn . de Marine.)

(2) Poisson volant ( Exocetus volitans , Linné, Gmelin). Ces poissons voyagent par troupes nombreuses. Le développement de leurs nageoires pectorales leur permet de s’élever au-dessus des flots et de se soutenir par un véritable vol pendant un temps très-limité , sans doute , mais qui cependant leur permet de se soutenir pendant quelques minutes et de s’élever à la hauteur du pont des grands navires.

(3) Méduses. Animaux rayonnés à corps libre et gélatineux, transpa- rent , à formes régulières , élégantes , et à couleurs variées et brillantes ; armés, plutôt qu’ornés, de bras plus ou moins nombreux, flexibles, et qui donnent à ces animaux un aspect tout particulier.

(4) Paille-en-queue ( Phaeton candidus). Ordre des palmipèdes. Oiseau remarquable par deux brins ou filets très-longs , formés d’une tige pres- que nue, garnie seulement de très-petites barbules, et fixés au centre de la queue , qui est très-courte.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

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piques. Tous les jours de nouveaux objets attiraient notre attention. J’ai tiré et blessé un cachalot (4) qui avait au moins neuf mètres de longueur, et nous avons pu observer un requin qui nous suivit de très-près pen- dant plusieurs heures. Un matelot prit à la ligne une dorade (2) et un petit requin.

Nous approchions de l’équateur, et, pour nous en prévenir, deux matelots jouèrent des airs de berger sur une cornemuse : c’était nous annoncer la fête du père La Ligne. A cette époque nous eûmes un jour de pluie, et nous fîmes recueillir l’eau du ciel dans des toiles à voile pour prendre un bain d’eau douce. Le 1er juin nous étions sous l’équateur. La sévérité du bord fit place à des scènes de carnaval. Le bonhomme La Ligne vint nous faire sa visite avec toutes les cérémonies d’u- sage. Il y eut aspersion générale : c’était à qui nous donnerait le baptême. Chacun de nous s’y prêta de bonne grâce ; mais la fête n’en fut pas une pour les novices. L’eau leur fut prodiguée sous toutes les formes, ii y eut un feu roulant de plaisanteries qui dégénéraient en vexations; et, pour terminer la journée, on plongea les jeunes marins dans une cuve remplie d’eau de mer, au moment ils ne pouvaient s’attendre à cette mys-

(!) Cachalot (Physeter sulcaius). Mammifère cétacé. On prendrait ces animaux pour de petites baleines ; ils s’en distinguent cependant à pre- mière vue par la fréquence des jets de l’eau qu’ils projettent obliquement en avant et au bruit qui accompagne cette projection.

(2) Dorade. Fort joli poisson de la famille des scombéroïdes acantho- ptérygiens. Il peut être considéré comme un des plus brillants habitants de la mer, dont il dore la surface. L’éclat de l’or est mêlé à celui des pierres précieuses, et frappe les yeux de mille nuances éblouissantes. Ce poisson est aussi vorace qu’il est beau et bon. Sa chair excellente vient faire heureusement diversion au régime du bord.

DANS L’INDE.

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tification. Cette dernière scène fut la plus risible de toutes, à cause de la surprise des 'victimes. Tout rentra bientôt dans l’ordre. Une double ration de vin , accor- dée à l’équipage , lui fit passer joyeusement la jour- née. Notre dîner fut aussi , ce jour-là , splendidement servi : on nous donna, chose assez rare sous la ligne, une crème fouettée excellente , grâce aux deux vaches que nous avions à bord , et qui nous ont constamment fourni de bon lait.

Le lendemain il n’était plus question de fête ; la dis- cipline ne s’était pas ralentie : elle était restée un jour à fond de cale pour reparaître sans atteinte. La brise nous poussa rapidement devant l’île de l’Ascension , et quelques jours après devant Sainte-Hélène, si féconde en souvenirs.

Sur un écueil battu par la vague plaintive Le nautonier de loin voit blanchir sur la rive Un tombeau près du bord par les flots déposé.

Le temps n’a pas encor bruni l’étroite pierre ,

Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre On distingue. ... un sceptre brisé !

Jamais d’aucun mortel le pied qu’un souffle efface N’imprima sur le sol de plus profonde trace ,

Et ce pied s’est arrêté !

Il est ! Sous trois pas un enfant le mesure ! Son ombre ne rend pas même un léger murmure ; Le pied d’un ennemi foule en paix son cercueil ! Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne, Et son ombre n’entend que le bruit motone D’une vague contre un écueil !

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Sire , vous reviendrez dans votre capitale ,

Sans tocsin , sans combat , sans lutte et sans fureur Traîné par huit chevaux sous l’arche Triomphale , En habit d’empereur.

Jamais triomphateurs fameux dans les histoires , Jamais lui-même, après ses batailles-victoires , D’un peuple universel n’obtinrent plus d’accueil. Depuis que de la mort l’homme est le tributaire Jamais jusqu’à ce jour les vivants de la terre N’ont senti plus de joie en voyant un cercueil.

Ce jour-là , pour le voir, nous étions six cent mille Six cent mille vivants pour voir passer un mort ;

La vieille Rome , même aux temps de Paul-Émile, N’exhalait pas si haut son délirant transport.

C’était lui qui planait sur l’Inde et l’Amérique ,

Du centre de son île aux pitons rayonnants , Étendait ses deux bras sur les deux continents ; Exilé de la terre , il avait pour royaume L’immensité des mers que peuplait son fantôme. Sous quelque pavillon que le navigateur Sillonnât ces parages en coupant l’équateur. Quelque nom qu’il portât sur la poupe et l’étrave , Français , Russe , Espagnol , Américain , Batave , Anglais même ; sitôt qu’aux lueurs du matin Se montrait un point noir à l’horizon lointain ,

Dès qu’on voyait surgir dans ce désert humide

DANS L’INDE.

9

Du Pharaon français la grande pyramide ,

Un saint recueillement , un silence profond De l’un à l’autre bout s’étendait sur le pont :

On croyait voir le spectre , échappé de sa tombe ,

Entre l’onde et le ciel monter comme une trombe ; L’équipage , saisi d’une froide terreur,

Murmurait en tremblant le nom de l’empereur,

Traduisait son histoire en son grossier langage ,

Et le vaisseau lui-même , avec son lourd tangage ,

Semblait courber le front devant son suzerain.

C’en est fait : votre culte a renversé l’idole ;

L’île qu’illuminait son ardente auréole , Sainte-Hélène n’est plus qu’une auberge , un relais , Tenus sordidement par des maîtres anglais ; Napoléon n’a plus son trône maritime ;

Le grand Adamastor est rentré sous l’abîme ;

L’autel reste sans dieu , le prestige est brisé ,

Et le vaste océan est dépoétisé.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Tout le monde connaît les beaux vers que je cite; ils sont bien l’expression des sentiments qu’éprouve le voyageur en passant devant Sainte-Hélène. Que pour- rait-on ajouter aux pensées des deux poètes? Il y a des souvenirs qu’il serait difficile de bien rendre en prose, et ceux que ce rocher d’exil inspire sont de ce nombre.

Nous approchions du cap de Bonne-Espérance, et nous entrions dans la zone tempérée de l’hémisphère sud. notre marche fut ralentie, les vents furent très-variables. Quelques oiseaux particuliers à ces con- trées vinrent volt’ger autour du bâtiment. La mer était mauvaise : je ne pus que les reconnaître; mais, en nous approchant du Cap, elle se calma , et je pus tirer quelques pétrels (1) et deux albatros (2), que je tuai. Un matelot prit à la ligne un damier du Cap, que je m’amusai à empailler. Nous aperçûmes aussi deux bel- les baleines , à peu de distance du bord , et un serpent d’eau d’une grande dimension , comme on en rencon- tre quelquefois dans l’océan Indien.

Depuis quelques jours le froid s’était fait sentir : le thermomètre marquait treize degrés. Enfin le 28 juin nous doublons le Cap avec un fort mauvais temps , nous avons à essuyer un fort grain ; et un orage nous

( I) Pétrel ( Procellaria capensis). De l’ordre des Palmipèdes. Ces oi- seaux donnent une alarme salutaire aux matelots lorsque , au milieu du calme , ils viennent voltiger autour du bâtiment et chercher dans les agrès ou sous la poupe un abri contre les bourrasques , qu’ils ont l’instinct de deviner, et qui presque toujours ne tardent pas à éclater. Nombre de fois les navigateurs ont leur salut à ces heureux pronostics, plus sûrs que tous les calculs de la prévoyance humaine. (Drapiez.)

(2) Albatros. Oiseaux de l’ordre des Palmipèdes. Vulgairement nom- més Moutons-du-Cap ; malgré leur gloutonnerie, qui en fait de vérita- bles oiseaux de proie. Leur chair est dure et de mauvais goût.

DANS L’INDE.

IL

force à mettre à la cape (1) sous le grand hunier, à l’entrée du canal de Mozambique. Nous eûmes une nuit affreuse , éclairée par de nombreux éclairs ; c’était la première fois que nous avions un si gros temps de- puis notre départ , au moment d’arriver au but de no- tre voyage.

Pendant plusieurs jours la mer fut clapoteuse , mais bientôt nous eûmes un grand calme qui la rendit unie comme une glace. Nous avions dépassé le méridien de Madagascar, et nous rentrions sous le tropique du Ca- pricorne. Le vendredi 10 juillet nous avions atteint le méridien de l’ile Bourbon ; le 15 nous nous dirigions vers la pointe nord-est de file de France, que la vigie signala , et le lendemain , au réveil , nous apercevions la côte. Elle était verdoyante , se détachait parfaitement des montagnes du centre de l’île , et présentait un coup d’œil des plus pittoresques , surtout après quatre-vingt- un jours de navigation. Cette journée me parut très- longue : la côte me semblait inabordable. Enfin , un peu avant la nuit, un pilote vint au-devant de nous, et nous annonça la visite de la santé (3) , qui le lende- main devait nous donner libre pratique. Avant de dé- barquer nous eûmes successivement la visde d’un offi- cier du Mainville, vaisseau anglais en station ; il s’in-

(1) Mettre à la cape. La cape est l’état se trouve un navire qu’un gros temps ou un vent contraire force de dérober la majeure partie de ses voiles à la tempête, qui les déchirerait et compromettrait le bâti- ment lui-même. Quand la mer est devenue trop grosse et le vent trop violent pour continuer à faire route , on serre toutes les voiles excepté celles sous lesquelles on doit capeyer.

(2) Santé. Députation de la commission sanitaire d’un port pour aller le long d’un bâtiment qui arrive vérifier, en interrogeant le capitaine et l’équipage , s’il peut être librement admis dans le port ou s’il doit être consigné en quarantaine. (Dictionn.de Marine.)

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

forma du nombre des passagers et de notre lieu de départ; la santé vint ensuite, et, après, la police. Toutes les formalités remplies , nous quittons le Navi- gateur en entonnant en chœur :

Adieu , mon beau navire Aux grands mâts pavoises ! etc.

Avec quel bonheur nous retrouvons la terre ! c’est une jouissance que l’on n’apprécie bien qu’après une longue traversée. Nous voilà installés dans un hôtel à Port-Louis , et aussitôt nous nous mettons en courses. La première visite que nous fîmes fut pour notre cor- respondant, qui nous donna les meilleures instructions pour notre séjour.

L’ île de France, nommée d’abord Maurice par les Hollandais, du nom de Maurice de Nassau, qui la dé- couvrit en 1598, passa bientôt après sous la domination des Français, et depuis sous celle des Anglais, après une capitulation dont la première condition était le maintien des lois françaises. Lorsque les Français pri- rent possession de cette île , au dire du voyageur Bau- din , ce n’était qu’une immense forêt sur un terrain très-accidenté et coupé par de hautes montagnes. Le sol est presque entièrement recouvert d’une espèce de pierres poreuses et tendres qui ressemblent assez au grès gris de France. Le fer s’y trouve en assez grande abondance , le climat est chaud , l’air sec et sain , et le pays serait très-agréable s’il n’était exposé aux oura- gans les plus affreux.

L’île a d’abord été cultivée particulièrement en cé- réales, qu’on exportait; mais, depuis, la culture de la

DANS L’INDE.

13

canne à sucre a excité l’émulation des habitants , et c’est le produit principal de l’ile. Les récoltes ont sou- vent beaucoup à souffrir des sauterelles et des rats ; on prétend même que ce sont ces rongeurs qui ont chassé les Hollandais, qui , depuis ce temps, donnent à cette île le nom d’ lle-aux-Rals. Le blé, le sucre, le coton et l’indigo, voilà la richesse du pays. On y trouve abondamment l’ananas, les oranges, les citrons et les bananes.

L’ile fournit beaucoup de gibier gros et petit , des chèvres sauvages; on y trouve des singes, des perro- quets de plusieurs espèces , quelques oiseaux aux ri- ches couleurs et de très-grosses chauves-souris , qu’on mange comme une friandise. Elles sont un peu plus grosses qu’un pigeon, et, lorsqu’elles sont grasses, on les préfère au meilleur gibier de File ; leur graisse sert à préparer les mets.

Le 18 juillet je lis ma première excursion avec mon ami M. Perrottet , qui récolta un assez bon nombre de plantes tandis que je le suivais en chassant. J’ai tué plusieurs oiseaux ; je reconnus parmi mes victimes deux martins (1) et un bengali (2). Le lendemain je

(1) Martin ( Gracula tristis, Lat. ; Pastor tristis, Temminck). Ces oiseaux ont beaucoup d’analogie de mœurs avec les étourneaux d’Eu- rope. Ils font une guerre incessante aux insectes. D’un naturel assez fa- milier, ils se laissent facilement approcher, se mêlent parmi les trou- peaux et rendent même service aux animaux sur lesquels ils s’abattent en les débarrassant de la vermine qui les ronge.

(2) Bengali ( Fringilla Amandava, Bengali piqueté, Amandava). Es- pèce de moineau assez commun à l’ile de France. Dans son jeune âge, il est brun sur la tète et le dessus du corps; sa gorge est blanchâtre et les parties inférieures sont tantôt de la même couleur, tantôt d’un jaune sale, avec les couvertures des ailes parsemées de points blancs; le bec est brun et les pieds sont jaunâtres. Dans la saison des amours, le bec, les pieds, la tète et le dessus du corps sont d’un rouge foncé qui se

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voulus aller voir le jardin botanique des Pamplemous- ses. Il est à deux lieues de Port-Lou’ s , et Ta route qui y conduit est ravissante : elle est bordée de jolies mai- sons de campagne entourées de cocotiers et d’autres arbres des pays intertropicaux. Arrivés au Jardin- Royal , nous rencontrâmes le directeur, M. Hummann, qui fut pour nous d’une obligeance extrême , et nous lit gracieusement les honneurs de son établissement. Le jardin a une étendue de cinquante arpents ; il est très- bien distribué , et l’on y cultive avec succès plusieurs arbustes de l’Inde et de Java. Nous allâmes visiter la sucrerie de l’Union , au Bois-Rouge. Cet établissement, dirigé par un Français , M. Chermont , est fort beau. Le directeur fut notre cicérone : il nous expliqua avec une complaisance extraordinaire l’usage de toutes les machines , et nous fit part d’un perfectionnement qu’il venait d’apporter dans la fabrication. Jusque-là on tirait peu de parti des écumes enlevées sur les chau- dières ; souvent même on les jetait. Pensant qu’elles devaient contenir encore une assez grande quantité de sucre , il les lit placer dans des sacs de toile à voile; et , soumises à l’action d’un pressoir, elles rendirent assez de sucre pour que cette opération , faite en grand, vint à donner par jour cinq cenls livres d’excellent

rembrunit sur les pennes alaires et devient noir sur les pennes cauda- les, dont les latérales ont une bordure blanche. Pendant l’hiver, le des- sus de la tête , les côtés du cou , le dos et le croupion sont bruns et les couvertures supérieures de la queue d’un rouge rembruni ; le front , les joues et le menton sont d’un jaune rougeâtre; le devant du cou est d’un gris blanc; la poitrine, le ventre et les ailes sont d’un brun foncé. Les femelles ont la faculté assez singulière d’exprimer leurs désirs par un ramage moins varié et moins fort que celui du mâle, mais assez agréable. ( Dictionn . d'Hist. nat.)

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sucre , que l’on perdait avant son ingénieuse décou- verte. Il nous dit aussi qu’on évaluait, en moyenne commune, les exportations de sucre de 60 à 80 mil- lions de livres. Nous allâmes encore visiter une autre sucrerie voisine, mais plus importante que la première; c’est celle de M. Dumée. Pour nous y rendre , nous traversâmes des champs de cannes'; et M. Perrottet nous fit remarquer que les terres étaient très-propres à la culture de la canne , et supérieures même aux plan- tations de la colonie de Cayenne : mais que , malgré cette supériorité , les cannes étaient moins belles que dans cette dernière colonie , parce qu’on n’a pas le soin d’élaguer les touffes poussées qui absorbent en pure perte une grande partie des sucs nourriciers de la plante. La sucrerie de M. Dumée est à quatre lieues de Port-Louis. Après l’avoir visitée én détail , nous revîn- mes aux Pamplemousses pour y passer la nuit , me promettant bien de consacrer toute la journée du len- demain à visiter la vallée illustrée par Bernardin de Saint-Pierre : je voulais interroger tous les lieux té- moins des plaisirs , de la tendresse et des alarmes de Paul et de Virginie, recueillir un dernier souvenir de leurs chastes amours , et chercher les traces de leurs habitations. On m’a montré , près de l’église des Pam- plemousses, la place furent enterrés Paul et V irginie ainsi que leurs mères ; mais on n’y trouve pas la moin- dre inscription , pas la plus modeste pierre. Leurs ca- banes sont depuis long-temps détruites, et il est même impossible de dire précisément le lieu qu’elles occu- paient dans la vallée. Le souvenir qu’on a de ces in- fortunés est même si vague que, à part le rocher qui

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domine file d’ Ambre , et se trouvaient les nom- breux témoins de la perte du Saint-Géran , on ne peut pas exploiter la curiosité des étrangers; on n’est pas même d’accord sur le lieu de leur sépulture. Je n’ai pas été satisfait de ma promenade, et j’avoue que ce n’est pas sans désenchantement que j’ai repris le che- min de Port-Louis. Chemin faisant , j’eus l’occasion de voir faire la récolte des feuilles du Pandanus odoratis- simus (1), qui servent à la fabrication des sacs dans lesquels on expédie le sucre. Pendant notre marche nous fûmes un instant suivis par une odeur d’ail très- pénétrante. Ne sachant d’abord à quoi l’attribuer, nous avancions toujours sur la route , lorsque nous arrivâ- mes à un endroit la terre , nouvellement remuée pour réparation du chemin , nous permit de reconnaî- tre que cette odeur désagréable était produite par les racines mises à découvert et coupées du Mimosa Lebbee et Farnesiana.

Enfin nous arrivons à Port-Louis après nous être bien fatigués sans dédommagement. Avant de quitter cette ville , j’ai voulu visiter quelques établissements remarquables. Ma première visite fut pour l’Observa- toire. J’eus le plaisir d’y rencontrer l’ingénieur M. Mor- ton , élève de Loyd : il était occupé à donner le résul- tat de l’angle horaire aux navires pour régler leurs chronomètres au vrai temps sidéral par l’observation du passage d’une étoile au méridien. Parmi les instru- ments astronomiques précieux qu’il nous fît voir, je remarquai le cercle du célèbre opticien anglais Trough-

(!) Pandanus odoratissimus ou Baquois odorant.

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ton pour observer les astres au zénith ; le cercle de Men- doza pour les calculs nautiques; un télescope réflecteur qui donne cinq fois l’image de l’objet, et qui sert de lunette murale pour les observations astronomiques. Mais ce qui m’a le plus vivement intéressé, c’est le dep- ing-ill, instrument dont le célèbre capitaine Cook s’est servi pour calculer la dépression de l’aiguille ai- mantée; le chronomètre qui avait servi au capitaine Parry ; un pluviomètre (1) ; un thermomètre horizontal, construit de manière à marquer, sans qu’il soit besoin de rester en observation , les variations extrêmes de la journée. Un peu de fer, placé dans l’intérieur du tube, au-dessus de la colonne de mercure , est déposé au point celle colonne s’est arrêtée, et c’est à l’aide de l’ai- mant que cette parcelle de fer est ramenée sur le mer- cure pour l’observation suivante.

Après avoir visité l’Observatoire, je me rendis chez M. Théodore Delisle, qui eut la bonté de me faire voir une superbe collection de poissons conservés dans l’al- cool et qu’il envoyait à Cuvier. Cette collection, remar- quable sous tous les rapports, avait été faite avec tant de soin que M. Delisle avait fait sur papier une pein- ture exacte de chaque individu vivant ou sortant de la mer, avant de le confier à l’alcool , qui altère beaucoup les couleurs , ou , pour mieux dire , qui donne à tous les poissons qu’on y conserve la même teinte jaunâtre. Je me félicitai beaucoup de l’emploi de ma journée,

(1) Le pluviomètre est un instrument disposé pour connaître ta quan- tité de pluie tombée dans un temps donné. Deux auges équilibrées sont les parties importantes de l’instrument; elles se remplissent et se vident alternativement, et donnent exactement la mesure de l’eau tombée.

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qui se termina au théâtre. Des acteurs français, nou- vellement arrivés, y jouèrent tant bien que mal la Muelte de Portici. Mon premier soin du lendemain fut de porter chez un horloger ma montre à secondes , dont le ressort s’était cassé pendant que j’étais à bord et sans cause appréciable. Je parle de ce fait , bien peu im- portant par lui-même, à cause des observations que me lit faire l’horloger. 11 me demanda l’époque à la- quelle je m’étais aperçu de ce petit accident. Mes sou- venirs le rapportèrent à peu près à l’époque des fêtes du bord à l’occasion du passage de la ligne. « Je m’at- tendais à cette réponse , me dit-il ; on croit générale- ment que les métaux ne se brisent que sous l’influence d’une basse température; mais je puis assurer que la dilatation produit le même effet. J’ai reçu, ajouta-t-il, plusieurs envois de montres et de pendules d’Europe, et dans chaque envoi j’ai trouvé des ressorts cassés, sans autre cause que l’action de la forte chaleur. » Cette observation , sans doute , a être faite par d’au- tres, et je n’en parle ici que parce qu’elle m’intéressa beaucoup.

Devant m’embarquer le soir même pour l’ile Bour- bon , je fis mes dispositions de départ ; et , en me ren- dant à bord du brick qui nous y conduisait, je voulus visiter le vaisseau anglais le Mainville , de soixante- quatorze canons , commandé par l’amiral Goor. Ce bâ- timent , construit à Bombay, est magnifique ; mais on nous fit remarquer que le bois employé à sa construc- tion , bois de Theck , quoique fort beau , ne convient pas aux navires de guerre, et qu’il n’est généralement employé que pour les bâtiments marchands, parce qu’il

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éclate au boulet plus que les bois qu’on lui préfère, quoique moins durables et moins beaux.

Enfin me voilà de nouveau en mer, mais c’est pour une courte traversée; car nous avons à peine quitté Maurice que nous apercevons l’ile Bourbon. Nous avions à bord , comme passager, le maître de pêche du balei- n:er nantais l’Alhéndis , qui ava't fa t avarie si forte en talonnant près des îles Marion, qu’il fut condamné à son arrivée à Port-Louis. Je me suis amusé à dessiner sous voiles la vue de la côte sud-ouest de l’île , à trois lieues de terre, depuis le volcan jusqu’à Saint-Denis. La côte, quoique moins belle que celle de l’ile de France, est cependant remarquable : elle permet d’a- percevoir d’immenses champs de cannes à sucre, qui ne cessent qu’au pied des hautes Salazes, montagnes qui dominent les collines dont File Bourbon est héris- sée de tous côtés. C’est surtout depuis la pointe du Quartier -des -Français jusqu’à la Rivière -des- Pluies que la côte est verdoyante. En passant devant le fort Sainte-Marie nous saluons le pavillon tricolore, hissé pour les fêtes de juillet, et avant la nuit nous mouil- lons en rade de Saint-Denis , après deux jours de tra- versée, au milieu de sept navires français déjà au mouillage. La visite indispensable de la santé , celle de la douane, une fois faites, nous allâmes nous établir dans un hôtel.

Notre première visite fut pour le jardin botanique, dirigé par M. Richard , ami de mon compagnon de voyage, et qui avait précédemment dirigé un établis- sement du même genre au Sénégal. Pendant la journée nous allâmes sur le Barachois voir mouiller la corvette

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de l’État la Nièvre , qui arrivait de Madagascar. A bord de ce bâtiment se trouvait M. Bernier, médecin français fort instruit , attaché à la direction des hôpitaux de Bourbon et de Madagascar. 11 eut la bonté de nous don- ner de grands détails sur son dernier voyage, nous parla de la race des Ovas , des mœurs des Malgaches et de la dernière expédition faite contre eux par les Français. Il nous assura que Madagascar, dont on dit le séjour si funeste aux Européens , n’est dangereuse et malsaine que dans la partie sud-est , l’on trouve d’immenses marais environnés d’épaisses forêts pres- que impénétrables. Mon séjour à Saint-Denis fut très- court , et , grâce aux connaissances de mon ami M. Per- rottet , on nous accorda le passage de Bourbon à Pon- dichéry sur la corvette la Nièvre, que nous avions vue arriver. Nous allâmes faire notre visite au commandant et aux officiers du bord , et nous apprîmes que le dé- part était fixé pour le 10 août. Ce bâtiment emmenait à Pondichéri deux cents Telingas ou Indiens parias dont on était très-mécontent dans la colonie de Bour- bon : c’était une cargaison de fort mauvaise compagnie, qui s’était distinguée à Saint -Denis par l’adresse la plus subtile pour voler ; et cet exemple avait malheu- reusement été suivi avec trop de succès par les indigè- nes. . Mon séjour à Bourbon fut de trop courte durée ; je le regrette beaucoup, car c’est à peine si j’ai pu vi- siter Saint-Denis et les environs.

L île Bourbon fut découverte en 1545 par un Portu- gais nommé Mascarenhas , et on la désigna long-temps sous le nom de Mascareigne. D’abord occupée par les Portugais , elle fut abandonnée, et passa au pouvoir des

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Français, qui en firent un lieu de déportation. Prise par les Angla:s le 3 décembre 1810, elle ne fut rendue à la France que le 2 avril 1815 en exécution du traité de Paris.

Saint-Denis, chef-lieu de la colonie, est situé sur le bord de la mer et au nord de l’île. Cette ville se com- pose d’un millier de maisons occupées par douze mille habitants. On n’y trouve aucun édifice remarquable, même parmi les monuments publics. La plupart des maisons sont en bois et placées chacune au centre d’un jardin ou enclos carré dont les murs alignés for- ment des rues. On appelle une habitation ce qu’en France nous désignons sous le nom de ferme quand il s’y trouve une petite maison de maître.

La valeur moyenne d’un esclave est de 1,500 francs; son travail pendant un an est estimé à environ 500 francs ; sa nourriture, composée de riz, de maïs et de manioc, peut valoir 120 francs, et son habillement 15 francs. Les esclaves travaillent, pendant la saison des récoltes seulement, de cinq heures du matin à sept heures du soir; ils prennent deux heures pour leurs repas : il y a douze heures de travail régulier pendant deux mois de l’année consacrés aux récoltes. Quelques maîtres ajoutent à la nourriture de leurs noirs des légumes frais , de la viande ou du poisson salés.

Les grandes habitations , qui comptent de nombreux esclaves , ont habituellement une infirmerie , qui est sous la direction supérieure de la maîtresse de la mai- son , qui, il faut le dire, remplit généralement sa mission avec bonté, et cherche à rendre moins pénibles les douleurs de ces malheureux.

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Parmi les punitions qu’on leur inflige , les plus dures sont le fouet et la chaîne; et l’on remarque avec plaisir que le nombre des maîtres qui maltraitent leurs escla- ves diminue chaque jour, et que, en attendant l’éman- cipation qui sera l’honneur du siècle, un grand nom- bre de p’anteurs, poussés par un sentiment d’humanité bien naturel , cherchent à améliorer la position d’hom- mes qui ne sont dégradés que par l’esclavage et les mauvais traitements de leurs oppresseurs. Chez eux l’affection et le dévouement sont des qualités qu’on ne conteste pas, mais qu’on n’apprécie qu’à titre d’in- stinct. Chez eux les vices dont nous avons malheureu- sement d’aussi nombreux exemples dans les pays les plus civilisés , et qui sont toujours le résultat d’une dégradation morale , trouvent peut-être une excuse dans l’abrutissement qu’on leur impose et dans la faiblesse de leur caractère, qui se plie à une domination dont ils pourraient triompher s’ils savaient détourner un instant l’emploi de leurs forces et de leur intelligence du ser- vice de leurs maîtres.

Cette liberté dont nous sommes si liers est la source de nos progrès; c’est elle qui enfante nos merveilles : faut-il que ce soit elle aussi qui nous donne les moyens d’enchaîner une partie de la population du globe !

Je n’ai rien vu de plus déchirant qu’une vente d’es- claves : ils osent exprimer leur joie s’ils sont achetés par un maître connu par sa bonté, et ils savent mal dissimuler leur chagrin s’ils deviennent la propriété d’un homme dur et méchant. Les liens les plus chers sont brisés en un instant : le père est cruellement sé- paré de ses enfants et de leur mère, qui a souvent la

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douleur de voir disséminer sa petite famille, sa seule et unique consolation. Je ne m’arrêterai pas plus long temps à ces réflexions pénibles ; elles m’ont trop occupé pendant mon voyage , et je n’ai cessé de faire des vœux pour l’émancipation de tant de malheureux dignes d’un meilleur sort. Je dois ajouter cependant que la colonie de hourbon se fait remarquer par l’humanité des maîtres envers les noirs , et que ces derniers y sont générale- ment bien traités.

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De l’Ue Bourbon à Pondichéri.

Je m’embarquai le 10 août sur la corvette la Nièvre, pour me rendre à Pondichéri , et le même soir nous avions perdu de vue la côte de Saint-Denis. La corvette, commandée par le capitaine Garnier, comptait seize offi- ciers et cent cinquante matelots ou canonniers. De plus, nous avions à bord les deux cents Telingas. Je remarquai de suite la différence énorme qui existe entre la tenue des bâtiments de guerre et celle des bâtiments de com- merce. Plus d’hésitation dans l’exécution des manœu- vres; silence absolu, la voix seule de l’officier de service se fait entendre. Les soins de propreté sont poussés jusqu’à la coquetterie, et la toilette du bord est aussi soignée que celle d’une petite maîtresse.

Je couchais dans la salle d’armes, tous les soirs on suspendait mon hamac; dans la journée je me prome- nais à peu près partout, les manœuvres, les exercices , les plus petits détails du bord piquaient ma curiosité. Le lendemain du départ, le capitaine passa une revue de tout l’équipage; ce spectacle, nouveau pour moi, m’intéressa beaucoup.

Après la revue et pour éviter les effets de l’encombre- ment des Telingas, le chirurgien-major lit faire des fumi- gations dans l’ entre-pont que ces Indiens occupaient ; cette mesure hygiénique fut fréquemment employée pendant la traversée.

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Chaque jour le fourrier donnait des leçons de lecture et d’écriture à quelques matelots et aux mousses ; à l’avant de la corvette, d’autres matelots recevaient des leçons d’escrime; 'es officiers élaient occupés de divers détails, chacun avait son travail journalier; et moi, le plus désœuvré de tous, j’avais assez à faire d’observer chaque partie de cet ensemble parfait. La traversée ne présenta rien de particulier pendant une quinzaine de jours; mais le 26, peu de temps après le réveil, on en- tendit à bord un cri : Une femme à la mer! Aussitôt l’officier de quart, par une manœuvre promptement exé- cutée , fit mettre le navire en panne (4) ; pendant ce temps on avait jeté la bouée de sauvetage (2); une em- barcation montée par huit rameurs et commandée par un aspirant s’éloignait de la corvette en suivant son sil- lage. Tous ces soins furent inutiles , après un quart d’heure de vaines recherches l’embarcation revint sans avoir aperçu aucune trace. Cet accident nous occupa sé-

(1) Panne. Situation d’un bâtiment sous voiles qui demeure immobile, ou à peu près, par une disposition de ses voiles, dont quelques-unes agissent pour lui imprimer un mouvement en avant , et d’autres tendent à le faire reculer ; en sorte que, les effets généraux et opposés se neu- tralisant, le navire reste sans mouvement, hors celui de la dérive que produisent toujours sur les corps flottants le choc des lames et la puissance du vent. ( Dictionn . de Marine .)

(2) Bouée de sauvetage. Petit plancher fait avec plusieurs planches de liège chevillées et attachées solidement ensemble , de forme ronde ou ovale, et surmonté d’un petit mât auquel flotte un étroit pavillon rouge. La bouée de sauvetage est toujours à portée d’ètre jetée à la mer, elle sert de point d’appui au matelot qu’un accident y a précipité , en at- tendant les secours qu’on s’empresse de lui porter. L’un des côtés de ce petit plancher, celui opposé au mât , est alourdi, ce qui en déter- mine la stabilité sur l’eau. Des bouts de corde pendants garnissent le pourtour de la bouée, et offrent au malheureux nageur des points sai- sissables. Le pavillon sert à le faire apercevoir de loin. ( Dictionn . de Marine.)

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ricusement. Le capitaine lit ta re de suite une enquête; et on découvrit que l’Indienne qui avait arrêté !a marche du navire, s’était jetée volontairement à la mer, empor- tant par vengeance l’argent de son mari, avec lequel elle venait d’avoir une violente querelle.

Le lendemain de cet accident nous étions en vue des Maldives; ces î’es très-basses ne se distinguaient à l’ho- rizon que par les arbres élevés, pa'miers et cocotiers qui bordent le rivage; et, le 31, nous étions devant i’i'e de Ceylan. Le 2 septembre nous rencontrâmes un bâtiment de la croisière anglaise faisant l’exercice à feu à l’entrée du golfe de Benga'e; c’était le premier navire que nous rencontrions depuis notre départ de Bourbon. La tempé- rature était très-élevée et même insupportable, malgré la brise; nous suivions à cinq lieues de distance la côte de Coromandel , et à l’aide de nos longues-vues nous pû- mes apercevoir quelques bateaux pêcheurs regagnant la côte. Enfin, le 4, nous nous trouvons en vue de Pondi- chéri; nous mouillons à neuf heures du matin après vingt-quatre jours de traversée. Après les formalités d’usage, nous gagnons la terre dans les embarcations de la corvette. Arrivés à peu de distance de la côte, on nous transborda dans des schelingues (1) pour franchir la barre, qui est trop forte pour nos chaloupes européennes.

( I) Schelingue ou massoulah , bateau d’une construction singulière et dont les planches ne sont pas clouées. Sa forme est celle d’une barque grossière ; le fond est plat ; il n’a point de membrures ; les planches qui le composent sont ajustées , cousues et doublées avec l’écorce du coco- tier. La flexibilité de cette embarcation est telle , que les bordages cè- dent facilement au battement des vagues, qui perdent ainsi de leur vio- lence en trouvant moins de résistance. Aussi ces bateaux bravent la marée, quelque redoutable qu’elle soit, tandis qu’une chaloupe euro- péenne n’a jamais pu s’y risquer sans être aussitôt mise en pièces.

1)A\S L’INDiï.

Je ne saurais trop dire combien les ofïieiers de la Nièvre ont mis de bienveillance et de bonté dans leurs relations avec nous; aussi ce n’est pas sans regrets que je les ai quittés. Dès que nous fûmes à terre, on débarqua aussi les Telingas; on les rangea en bataille sur le rivage et un emp'oyé du gouvernement prit leurs noms, qu’il écrivit assez promptement avec un poinçon de fer sur une feuille de palmier; ils furent dirigés de suite, avec une escorte, sur leur pays, à peu de distance de Pondichéri.

Notre débarquement s’était fait au milieu des cris des Indiens, et en mettant pied à terre nous fumes assaillis par une foule de dubbahs ou daubachis : ce sont les gui- des indispensables d’un Européen nouvellement débar- qué sur le sol indien. J’en pris un qui me fut recom- mandé par les ofïieiers de la corvette, et qui me pilote très-bien. Pendant plusieurs jours, il m’aida à faire les emplettes nécessaires à mon établissement ; et il le lit avec beaucoup d’ intelligence, car, indépendamment des quelques roupies que je lui donnais, il savait se faire faire une remise par tous les marchands chez lesquels j’ache- tais quelques objets de ménage. Il avait tout le soin de ma maison, commandait aux autres domestiques, c’étail, en un mot, un intendant au petit pied (1).

( I) Les nombreux emplois d’une maison sont confiés à autant d’indivi- dus différents. Cette répartition n’est pas seulement établie par le luxe , mais bien encore par la coutume qui a fixé à chaque famille l’emploi ou les seules fonctions que ses membres pourront exercer. La religion de Brama défend à une partie de ses sectateurs de toucher à ce qui aj eu vie , et ordonne à tous de regarder le bœuf et la vache comme des ani- maux sacrés ; les parias seuls sont dispensés de cette loi par leur in- famie : aussi est-ce parmi eux que sont pris les cuisiniers, les cordon- niers , et les hommes qui remplissent les dernières fonctions de la domesticité. C’est une véritable étude , pour le nouveau débarqué , de

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Je fus témoin d’une procession faite en l’honneur de la Nativité de notre Seigneur, et conduite par les pères jé- suites. Cette fêle toute catholique avait néanmoins un peu du caractère des cérémonies du paganisme. Parmi les assistants on remarquait des Européens , des créoles et des Malais. La procession partit du bourg d’Ariangou- pan, qui donne son nom à la fête , et se rendit à l’église des Jésuites, l’on célébra une messe. Tout le trajet qu’elle parcourut était illuminé; en tête de la colonne marchait une foule d’enfants indiens , faisant avec des tamtams et des cornemuses une musique vraiment in- fernale; devant eux se trouvaient des hommes armés de bâtons au bout desquels brûlaient des pièces d’artifice, afin d’écarter la foule. Des vases sacrés, des anges et des madones portés en palanquin suivaient la procession. A droite et à gauche on remarquait une escorte de cipayes de la garnison. Les Jésuites, portant des bannières et des torches, fermaient la marche.

Je fis ma visileau gouverneur, M. de Mélay,qui me re- çut avec beaucoup de bienveillance et me donna vraiment des marques d’intérêt. Il me mit au courant des usages indiens, et eut la bonté de m’instruire longuement de ce (jue je devais faire ou éviter pendant mon séjour. Il ve-

distinguer, parmi la foule de domestiques que chaque matin il voit à sa toilette, celui qui doit lui donner l’objet dont il a besoin : la vue seule d’une botte fait reculer tout ce qui n’est pas paria ; et, de son côté, celui-ci, dont le contact est une souillure, n’osera jamais toucher à une partie du yêtement que le daubachi doit présenter. Cependant, malgré cet inconvénient et ceux qui résultent de la difficulté de s’entendre , le service des Indiens est fort agréable. Ils sont doux, soumis, attentifs , propres et très-entendus dans la partie dont ils sont chargés.

Laplace.

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nait de recevoir la nouvelle de la rnorl du général La- fayette (12 septembre 1834).

Pendant plusieurs jours, j’eus assez à faire de débal- ler mes effets et mes instruments; et j’eus le plaisir de voir que tout était arrivé en ordre et sans la moindre avarie.

Invité à dîner par M. de Mélay , le 14 , je me rendis à l’hôtel du gouvernement; c’est sans contredit le monu- ment le plus remarquable de Pondichéri. II n’a qu’un étage composé d’un corps de logis et de deux ailes; la façade est décorée de colonnes et de pilastres, et surmon- tée d’une galerie. Il est entouré d’un immense jardin en- touré de grilles.

Pendant tout le dîner, la salle à manger était aérée par les oscillations continuelles du panka, vaste éventail sus- pendu au plafond et mis en mouvement par un Indien , pour modérer les excès d’une température vraiment in- supportable.

La ville de Pondichéri, bâtie sur un terrain horizon- tal , perd beaucoup à être vue de la rade , car alors on n’aperçoit que les maisons voisines de la mer ; mais parcourue à l’intérieur, elle laisse voir ce qui échappe aux arrivants.

On y remarque quelques édifices publics, parmi les- quels je citerai l’église des Missions , un vaste bazar et des maisons particulières d’une construction élégante. La ville est habitée principalement par des Indiens , le nombre des Européens est très-restreint ; elle est divi- sée en deux parties par un canal qui la traverse et sur lequel des ponts sont jetés en face des rues principales. On y remarque deux quartiers principaux : l’un, nommé

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Ville-Blanche, est à l’est et près du rivage ; il est. peu peuplé, et c’est la résidence des Européens; les maisons, assez régulièrement bâties, sont éloignées l’une de l’au- tre, mais alignées. L’autre quartier, désigné sous le nom de Ville-Noire ou quartier Hindou, est beaucoup plus peuplé que le premier ; les maisons ne sont que des cabanes aussi simples que possible , ornées de varan- gues ou péristyles couverts. Leur alignement est peu symétrique, mais elles sont d’un aspect agréable et en- vironnées de grands arbres : elles ressemblent à autant de fabriques au milieu d’une forêt de cocotiers.

Après avoir pris pendant quelques jours connaissance de la ville, je commençai plusieurs excursions aux en- virons. Je me lis d’abord guider par deux chasseurs du pays, armés de sarbacanes; mes premières chasses fu- rent heureuses et commencèrent le noyau des mes col- lections. La chaleur me lit perdre quelques beaux oi- seaux, parce qu’à la lin d’une journée de chasse ils étaient déjà assez faisandés pour ne plus permettre de les mettre en peau. Aussi je pris dès lors le parti de les préparer sur place , c’est-à-dire de les mettre en peau dès qu’ils étaient tués. Ce travail me lit perdre beaucoup de temps, mais ne me découragea cependant pas. Je tuai plusieurs oiseaux que je reconnus de suite; ils étaient absolument semblables à ceux que je rencontrais assez fréquemment sur les bords du lac de Genève : ii n’en fut cependant pas toujours de même, tout mon temps fut dès lors consacré à la chasse. La plupart des animaux que je tuais étaient nouveaux pour moi ; et mes excursions étaient d’autant plus intéressantes, qu’il y avait réellement quelque danger à s’aventurer dans des

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forêts souvent mal habitées. Je rencontrai fréquemment des serpents de diverses espèces, et je ne les abordais pas toujours sans quelque émotion, surtout dans le commencement et lorsque je n’étais pas encore parfai- tement familiarisé à ce genre de chasse.

Mes excursions furent poussées chaque jour un peu plus foin , et il me fut quelquefois impossible de re- venir coucher à Pondichéri. Dans ce cas je faisais por- ter un hamac par un de mes chasseurs , et le soir je m’installais dans une chaulterie (1). On désigne sous ce nom des reposoirs assez commodes , et qu’on ren- contre sur un grand nombre de points dans les envi- rons de Pondichéri. Ce sont des constructions en pierre établies par les soins d’hommes riches, et dans les- quelles les voyageurs trouvent un abri pendant le jour contre la chaleur ou le mauvais temps , et pendant la nuit elles lui offrent un lieu de repos.

Quand je m’avançais dans le pays plus loin que d’ha- bitude, j’avais une voiture qui me suivait. Le premier accident que j’eus à déplorer arriva à un Indien de ma suite : il fut piqué au pied par un gros scorpion noir. Cette piqûre ne fut pas dangereuse, grâce au soin que nous primes du pauvre Hindou.

(1) Les Turcs ont des caravansérails, les Hindous ont des chaulte- ries, espèces d’auberges d’institution religieuse, ouvertes aux voyageurs de toutes les croyances et de toutes les castes. Ce sont vraiment des fon- dations charitables et pieuses. Elles sont ordinairement placées au mi- lieu d’un bosquet qui les ombrage, et près d’une source ou d’un réser- voir où le voyageur peut se désaltérer. Elles se composent toujours de quelques petites chambres et d’une galerie extérieure à colonnes pour les castes réprouvées. Quelquefois la prévoyance du fondateur a été jus- qu’à les doter d’une rente pour qu’on fasse chaque jour des distributions gratuites de vivres aux pauvres voyageurs qui viennent s’y reposer. [Inde française.)

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Pendant une de ces excursions Je hasard me condui- sit près d’une fabrique de cette toile bleue qu’on dési- gne dans le pays sous le nom de guinée , et qui est fort recherchée sur la côte d’Afrique , l’on en fait chaque année des envois considérables. J’eus la curiosité de visiter l’intérieur de cette fabrique, et je remarquai que les ouvriers employés à fouler et à battre les toiles, à l’aide de gros foulons de bo:s, avaient l’air d’être très fatigués. Je m’étonnais de voir ces Hindous, d’un naturel si paresseux , se livrer à un travail aussi rude, et je dis au contre-maître qui nous conduisait qu’en Europe cette opération se faisait à l’aide de foulons mus par l’eau. J’appris alors de lui que ce n’était pas par ignorance du procédé qu’ils ne l’employaient pas, mais bien parce qu’après plusieurs essais ordonnés par le gouvernement et sur une grande échelle ils avaient été obligés d’y renoncer, les résultats obtenus laissant beaucoup à désirer et par leur qualité et par le prix de façon ; il termina en nous disant que les toiles ainsi fabriquées avec des machines à l’euro- péenne étaient de mauvais teint , et coûtaient plus de fabrication que celles qu’ils obtenaient par le procédé indien (J).

En rentrant à Pondichéri nous rencontrâmes un ser- pent boa , que nous tuâmes assez facilement , et il fut de suite dépouillé par un de mes chasseurs , qui rem- plit sa peau de sable; à l’aide de ce moyen elle se

(I) Les manufactures de Rouen ont voulu imiter les guinées bleues: leurs essais , heureux sous le rapport du tissu , ne l’ont pas été sous celui de la teinture ; et , malgré la différence du prix , les peuplades d’Afrique donnent toujours la préférence aux toiles de l’Inde.

Laplace.

Pondichéry.

DANS L’INDE.

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dessécha promptement en conservant la forme de l’a- nimal.

J’eus bientôt parcouru tous les environs (1) de Pon- dichéri : mes excursions m’avaient porté dans toutes les directions; et j’avais plusieurs fois suivi la côte, qui partout présente le même aspect. La ville n’a pas de port, et la rade est mauvaise; aussi , comme je l’ai déjà dit, le débarquement présente toujours quelque dan- ger. Une autre difficulté pour la navigation se rencontre dans les moussons. On donne ce nom aux vents régu- liers qui régnent dans les mers de l’Inde, et soufflent alternativement pendant six mois du sud-ouest et du nord-est. Ils établissent deux saisons bien distinctes : l’hiver ou saison des pluies, et l’été ou saison des cha- leurs et de la sécheresse.

Les changements de vents s’annoncent par un trouble de l’atmosphère , et les animaux eux-mêmes y sont très- sensibles. Leur agitation , leur frayeur et leurs cris, sont un des signes précurseurs de la mousson. On s’est long-temps occupé de rechercher les causes de ce bou- leversement de la côte et du phénomène atmosphéri- que , mais on n’est pas encore arrivé à une solution satisfaisante.

Le climat de Pondichéri est sain , mais la tempéra- ture y est souvent accablante. La végétation est extra- ordinaire. Les palmiers , les bambous , y sont com- muns et prennenl un accroissement considérable; mais

(!) Les villages hindous sont désignés sous le nom ù’ aidées; ils sont habituellement entourés de bois épais et élevés qui mettent les habita- tions ou cases à l’abri des vents chauds. L’intérieur même des aidées est planté de palmiers et de cocotiers dont on peint les tibncs de di- verses couleurs.

SOI Y li. MRS DTX VOYAGE

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l’arbre le plus remarquable qu’on y trouve est le ba- nyan , qu’on désigne aussi sous le nom de liguier des pagodes, parce qu’il est sacré pour les Hindous, qui en font l’ornement obligé de tous les temples et des cliaulleries. Un seul de ces arbres présente un dévelop- pement si grand , qu’on en voit qui ont plus de cinq cents pieds de tour par l’implantation de leurs bran- ches : chaque branche , en s’écartant du tronc , laisse tomber vers la terre des rameaux qui y prennent racine et qui , à la longue, forment une petite forêt autour du tronc principal. Le plus célèbre de ces arbres est à Guzarate, il se nomme Cobir-Bar ; ses troncs multipliés et entrelacés couvrent un espace de plus de deux mille pieds de circonférence. Le pays fournit aussi un grand nombre d’arbres propres aux constructions navales , et l’on peut dire que la végétation de cette partie de l’Inde est aussi variée que puissante.

Les animaux que fournit ce pays sont aussi en propor- tion de la force de la végétation : les éléphants , les rhi- nocéros et les bulbes sont les géants du règne animal. On y trouve quelques singes , des cerfs de plusieurs espèces , des antilopes , des tigres , des ours , un grand nombre de reptiles, dont le plus effrayant est le boa , et le plus terrible le crocodile.

Les oiseaux sont en grand nombre , très-variés , et remarquables par fa richesse de leurs couleurs.

Les insectes et les papillons y sont surtout d’un éclat éblouissant. Le règne minéral est peu riche aux envi- rons de Pondichéri.

A part les grands animaux bien connus, je me suis procuré la plupart des espèces qu’on rencontre dans

DANS L’INDE.

l’Inde; plusieurs espèces nouvelles pour la science seront décrites et figurées dans la seconde partie de ce volume, aussi n’entrerai-je ici dans aucun détail d’his- toire naturelle. Cependant je ne puis résister au désir de rapporter un trait curieux que j’ai lu dans un jour- nal de Calcutta, et qui donne une idée de l’intelligence des éléphants. « Un détachement de cipayes, de garde auprès d’un grand magasin de riz, fut subitement en- voyé à quelque distance pour une expédition pressée : à peine les soldats furent-ils é'oignés , qu’une troupe d’éléphants sauvages , qui depuis long-temps rôdait dans les environs, se présenta devant le magasin. Un éclai- reur était préalablement venu s’assurer si la place était évacuée, et, sur son rapport, le reste de la troupe s’était mis en marche. Deux Indiens, surpris par leur arrivée, n’eurent que le temps de monter sur un ar- bre et de se cacher dans le feuillage, d’où ils furent témoins de ce que nous allons raconter. Parvenus à quelques mètres de l’enceinte, en bons tacticiens, les éléphants firent halte et procédèrent à la reconnais- sance des lieux : tout se passa avec ordre et méthode. Les murs du magasin étaient en briques, épais et soli- des, et l’on ne pouvait pénétrer à l’intérieur que par une ouverture ménagée dans le toit et à l’aide d’une échelle , chemin peu praticable pour des éléphants. Si le magasin eût eu seulement une porte , toute difficulté pour s’y introduire eût cessé à l’instant ; mais un mur de quatre briques d’épaisseur était un obstacle presque insurmontable, malgré la force prodigieuse et la saga- cité de ces animaux. Néanmoins ils ne se laissèrent pas décourager, et commencèrent aussitôt leur attaque eon-

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

tre un des angles du bâtiment. Un éléphant mâle , d’une grosseur énorme , travailla quelque temps à y faire brè- che , à l’aide de ses immenses défenses ; quand ses for- ces s’épuisèrent , le plus grand et le plus fort après lui le releva ; puis un troisième prit la place. A force de faire jouer les puissants leviers qui armaient leurs mâ- choires , ils avaient réussi à déranger une brique. La trouée une fois commencée , d’autres éléphants succé- dèrent ; et bientôt ils eurent pratiqué une ouverture suffisante pour donner passage aux maraudeurs : mais comme ils ne pouvaient entrer tous à la fois , ils se di- visèrent en détachements de trois ou quatre individus. Quand un de ces détachements s’était bien repu , il fai- sait place à un autre ; de sorte que les vingt éléphants qui composaient la troupe firent ainsi successivement un repas des plus copieux. Cependant un de ceux du premier détachement , resté en sentinelle, fit entendre un cri aigu : à ce signal les derniers entrés sortirent précipitamment du magasin ; toute la troupe se rallia, partit en brandissant les trompes en l’air, et s’enfonça rapidement dans l’épaisseur du jongle. Les cipayes re- venaient en hâte , l’avis avait été donné à l’officier que le magasin était au pillage ; mais il arriva trop tard : en entrant, il reconnut que les éléphants avaient dévoré et détruit presque toutes les provisions. »

On a tant écrit déjà sur les mœurs des Hindous, sur leur religion et leurs cérémonies , que je m’abstien- drais d’en parler si ce qu’on a dit ne s’écartait pas quel- quefois de la vérité qui doit présider à toute relation de voyage. On est obligé de croire le voyageur sur pa- role; mais, il faut le dire, la plupart des contradic-

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lions ou des exagérations qu’on rencontre dans les des- criptions de voyage viennent plutôt du caractère de l’écrivain que de sa volonté de tromper ses lecteurs. Chacun observe à sa manière , le blâme et la louange s’adressent souvent aux mêmes objets. Rester au-des- sous de la vérité, ou exagérer le bien ou le mal d’un fait , c’est faire une appréciation personnelle ; ce qui est bien pour l’un est mal pour l’autre , et l’on écrit malheureusement sous l’influence de préventions acqui- ses bonnes ou mauvaises. Aussi le grand défaut de cer- taines relations est de donner comme absolument vraies des observations incomplètes et par cela même trop souvent fausses.

Nous trouvons la preuve de cette vérité autour de nous, le même fait est souvent l’objet d’interprétations dif- férentes, quoiqu’il soit bien connu et que nous ayons tout le temps de le bien observer. Qu’est-ce donc lors- que l’on rend compte d’un voyage tout ce qui fait le sujet de la relation a frappé notre esprit , sans laisser le temps de pouvoir rectifier un premier jugement !

Bien pénétré de cette vérité, je me suis toujours délié de mes premières impressions ; et j’ai cherché à éviter l’écueil que je signale en rédigeant mes observations sur les mœurs , les usages et la religion des pays que je viens de visiter.

La côte de Coromandel est habitée, ainsi que le pays qui en dépend , par une population vouée au brama- nisme : cependant il s’y trouve un petit nombre dema- hométans; mais ces derniers sont entièrement étran- gers , ils descendent des anciens conquérants de la presqu’île de l’Inde. Leur caractère, leur taille, et sur-

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tout leurs costumes, les distinguent de suite des pre- miers.

Les vrais Hindous sont paresseux, doux, assez hos- pitaliers, et par-dessus tout très-superstitieux. La tem- pérance est une de leurs vertus, et leurs passions cal- mes et réfléchies n’excitent chez eux aucune de ces grandes actions qui élèvent l’homme. Ils pensent et ré- pètent souvent qu’il vaut mieux s’asseoir que marcher, être couché qu’assis, dormir que veiller, et que la mort est préférable à tout. Cette maxime, puisée dans leurs livres sacrés, suffirait pour donner une idée de l’état des Hindous, si l’histoire ne venait à l’appui de l’observation des voyageurs. Jamais es Hindous n’ont connu la gloire, souvent ils ont plié sous le joug de téméraires conqué- rants sans jamais le devenir eux-mêmes.

Leur teint est jaune-cuivré ; ils sont naturellement propres sur eux et dans leurs maisons , d’une constitu- tion plutôt faible que forte, surtout sur les bords de la mer. Ils ont adopté un costume convenable pendant les chaleurs, mais trop léger pendant les moussons; aussi la mort les décime-t-elle à cette époque. Les hommes sont nubiles de quatorze à quinze ans et les femmes de dix à onze ans, c’est l’âge auquel se font communément les mariages ; le climat contribue puissamment à les vieillir, et à vingt ans les femmes sont déjà flétries et vieilles.

Leurs croyances religieuses sont très-compliquées : ils reconnaissent dans Para-Brama le Créateur univer- sel , sous les ordres duquel se trouve le Trimourli ou Irinité, composé de Brama ou créateur, Wishnou ou conservateur et Schiva ou destructeur. Viennent

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après les bons génies ou déoulas , et les mauvais gé- nies ou deilli qui ont pour chef Maissassour ou Satan.

De toutes ces puissances célestes, c’est Schiva, le des- tructeur, qui a le plus d’adorateurs; puis vient Brama, qui est le plus respecté. Cette précaution religieuse, si opposée à nos croyances, annonce bien un peuple crain- tif et superstitieux.

Wishnou est néanmoins le plus célèbre; il s’est in- carné, dit-on, neuf fois, et la dixième précédera 'a fin du monde de quelques milliers d’années. Vient après une armée de divinités de troisième ordre : ce sont Agni, dieu du feu; Téhandra ou la lune; Indra, dieu des météores; Yama, la mort; Pavan, dieu des vents et de la musique, etc., etc.

Les Hindous croient à la métempsycose , et c’est par suite de cette croyance qu’ils refusent de manger de la viande et qu’i!s ont même pour certains animaux une grande vénération. La métempsycose, prise à la lettre, ne peut fournir matière à aucune discussion; raisonnée scienliliquemenl, elle s’appelle équilibre de la puissance vitale, peut s’expliquer en partie, et ne s’écarte en rien des dogmes auxquels nous avons foi. De même que les éléments qui, par leur équilibre, entretiennent l’harmo- nie des mondes en s’opposant merveilleusement l’un à l’autre, de même le fluide vital, répandu avec profusion par la Providence, ne peut cesser d’animer des êtres et fait parLie de cet ensemble parfait, de ce mystère impé- nétrable, marqué au sceau de Dieu, et que nous appe- lons la création. Dieu en plaçant l’homme sur cette terre avait fixé les limites de l’empire qu’il lui accordait sur tous les animaux, dont il le distingua d’une manière si

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providentielle. Mais il lui laissa avec eux des rapports trop nombreux et trop palpables pour que notre orgueil se refuse à les reconnaître. A l’animal , il donna la vie, l’instinct, la ruse, la force et le néant; à l’homme la vie, l’intelligence, qui, bien supérieure à l’instinct,, le fait triompher de a ruse et de la force, et, de plus, il eut en partage une âme immatérielle, immortelle. Le fluide vital qui l’anime, le fluide électrique qui l’excite, ne diffèrent en rien du fluide vital qui anime les ani- maux , du fluide électrique qui les excite. Dieu a répandu l’un et l’autre dans des limites invariables. C’est pour cela que, prévoyant la multiplication de l’es- pèce humaine,- plus forte que toutes les autres, il créa d’abord, et avant que l’homme ait pu s’emparer de tous les points habitables du globe, des animaux gigantes- ques, réservoirs du fluide vital; animaux qui devaient, par leur anéantissement et leur destruction complète , céder la vie dont ils n’étaient que dépositaires provisoi- res, à des races privilégiées plus nombreuses, mais ab- sorbant moins de fluide vital que les premières. Nous ne trouvons que les traces de ces géants du monde, que le principe vital abandonnait suivant les besoins pro- gressifs du développement de l’espèce humaine; mais nous savons qu’ils existaient lorsque la population du globe, faible encore, n’envahissait pas et la vie et la matière. Comme tout ce qui préside à l’harmo- nie des mondes se fait mystérieusement et sans que nous puissions nous en rendre un compte exact, ce n’est sans doute que bien insensiblement que ce prin- cipe vital passe successivement d’un être à un autre ; mais de même que l’accumulation du fluide électrique

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sur un point ne peut se faire sans orages , Je même F accumulation du principe vital ne peut se concentrer sans qu’il paraisse de ces fléaux qui déciment.

Dans le cours ordinaire des lois de la nature, un corps ne perd la vie qu’en l’abandonnant à d’autres qui s’en emparent de vive force, ou sur lesquels il la répartit , l’entretient ou la renouvelle. Par quoi donc sont animées ces myriades de vers qui dévorent un cada- vre en ne laissant que la matière? se sont-ils formés? ont-ils pris la vie éphémère qui ne leur a servi qu’à l’accomplissement d’une loi de nature ? que devient après eux le principe qui les anima un jour? Il se porte sur d’autres êtres et vivifie successivement et sans s’é- puiser toutes les créatures, sans laisser reconnaître ce'- les qu’il abandonne et celles qu’il choisit. Le fluide électrique se conduit-il autrement? est-il moins subtil, moins pénétrant? pouvons-nous suivre sa marche? De même que le fluide vital, nous ne le reconnaissons qu’à ses effets. L’un et l’autre nous échappent malgré nous, l’un et l’autre se combinent à nous sans que notre vo- lonté intervienne; c’est, sans doute, frappés de cette transmissibilité de la vie , que quelques philosophes égarés ont cru pouvoir exploiter la superstition en sou- mettant les hommes à certaines lois qui promettaient la honte ou l’espérance à leur vie bonne ou mauvaise ; c’est le châtiment ou la récompense promis par toutes les religions. Ce dogme a être préféré à celui du néant par l’homme , qui a toujours eu horreur de la mort; ce dut être pour lui une consolation de penser que la vie n’abandonnait son corps que pour prendre une autre forme.

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Ipse ego , nam rnemini, trojani tempore belli Penthoïdes Euphorbus eram. Virgile.

Le dogme de la métempsycose est le plus ancien de l’univers; l’on ne peut s’étonner de le voir encore ré- pandu dans une grande partie de l’Inde lorsque la my- thologie de tous les peuples le proclame, et que nos livres sacrés en fournissent de nombreux exemples, si extraordinaires qu’on les attribue tous à des miracles.

On me pardonnera sans doute cette digression , mais je comprends qu’elle doit être courte; aussi je termi- nerai en disant que, par la volonté de Brama, les Hin- dous sont divisés en quatre castes principales : les li rames , voués au sacerdoce, ont été tirés de la tête et particulièrement de la bouche de Brama ; les yallagas ou guerriers sont formés de ses bras; les vaiscias ou agriculteurs viennent de son ventre; en- lin les soudras , artisans, ouvriers et domestiques, ont été extraits de ses pieds (1). Viennent ensuite deux castes malheureuses et méprisées, celle des Parias et celle des Paulias.

La tribu des Parias est fort nombreuse, dit l’auteur des Tableaux de l’Inde, elle est plongée dans l’état de

(I) L’opinion commune sur ces quatre corps ou castes est que les Brames sont sortis de la tète de Brama ; et c’est pour cette raison qu’on les regarde comme des hommes privilégiés à qui cette divinité a commu- niqué son esprit et sa sagesse. On fait naître les yattagas ou rajas de ses épa ules, parce qu’ils soutiennent le gouvernement et qu’ils por- tent les armes pour la défense de la patrie. Les vaiscias doivent leur origine à son ventre , parce qu’ils constituent le corps d’état qui s’oc- cupe de l’entretien et de la nourriture du corps. Enfin , on fait sortir les soudras des pieds de ce dieu , voulant marquer par tout ce qu’il y a de pénible dans la vie , parce que leur caste est composée d’arti- sans et de mercenaires qui vaquent aux offices les plus fatigants.

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dégradation le plus abject. Le plus dur esclavage serait un bienfait en comparaison de la situation de ce peu- ple au milieu des castes qui l’entourent. Toutes ces cas- tes les considèrent, non-seulement comme des objets de mépris ici-bas , mais encore comme entièrement exclus de toutes les joies du monde à venir. Les humiliations dont on les abreuve, par suite de ce préjugé, partout on les rencontre, révoltent l’humanité et passent toute imagination. On leur interdit le moindre privilège de l’homme en société; on les ravale à la condition des plus vils animaux. Le paria n’a de communication qu’avec les seuls individus de sa caste; et toutes les fois que son ombre effleure seulement un objet appartenant à un membre d’une caste supérieure, il en résulte une profanation. Si c’est un aliment, il est jeté à l’instant; si c’est un meuble fragile, on le casse; si c’est un bijou de prix, on n’en fait disparaître la souillure qu’à l’aide des purifications les plus rigoureuses.

Le meurtre d’un paria n’a point de peine correspon- dante dans la loi; on se contente d’infliger au meurtrier une amende, qui est même rarement perçue si ce n’est dans des cas tout à fait graves. Les travaux les plus dé- goûtants sont le partage de ces êtres abhorrés, ce sont eux qui relèvent les immondices dans les villes et dans les villages. La nature malsaine de leurs occupations, et leur manière de vivre misérable, les rendent sujets à des maladies dégoûtantes. Ils se regardent eux-mêmes comme si impurs en comparaison d’un bramine, qu’ils n’osent paraître en sa présence qu’en se dévouant à une mort expiatoire , ou tout au moins à quelque supplice équi- valent. Si un membre d’une autre caste veut bien des-

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hh

cendre jusqu’à adresser la parole à un paria, celui-ci, pour lui répondre, se couvre la bouche avec la main , dans la crainte que son haleine ne souille l’atmosphère que respire son interlocuteur.

Jamais ces malheureux proscrits n’entrent dans un temple, et ne prennent part aux cérémonies de la reli- gion. Ainsi, méprisés par les autres classes, exclus de tout commerce avec elles , les parias sont réduits à une vie errante et privés de toute ressource, puisque c’est une œuvre méritoire de les humilier, et un péché de les secourir. Plongés dans le plus profond denûment, ils sont exposés à périr dans l’épuisement d’une longue agonie; à moins qu’ils ne recourent, pour se sustenter , à des moyens violents, qui ne font qu’accroître l’horreur qu’ils inspirent. Ainsi , délaissés et frappés des stigmates d’une injuste dégradation, souvent ils se retirent au fond des jongles, fuyant la vue des hommes qui les poursuivent de si abominables traitements; et là, ils achèvent leur misérable vie, réduits à la condition des brutes , per- dant l’énergie de leurs qualités morales, et cherchant leur proie comme des bêtes sauvages. Si la société est en perpétuelle hostilité avec eux, ils n’usent que trop de représailles. Souvent ils finissent par se livrer à ce pillage organisé qui est un des fléaux de l’Inde. Réduits à ce point, ils deviennent les plus désespérés, les plus féroces des brigands appelés Dacoïts. Faut-il s’en éton- ner? et ne doit-on pas quelque indulgence à des mal- heureux que leurs semblables condamnent sans raison à l’abandon le plus révoltant ? Aussi la vengeance qu’ils tirent de leurs oppresseurs est quelquefois terrible ; mais leurs brigandages sont isolés, le plus grand nombre

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(V entre eux se soumet avec courage aux plus affreuses privations. On lésa vus, dit-on, se glisser hors des jon- gles , lorsque les fruits de la forêt ont cessé de suffire à leur misérable existence, et gagner les bords du Gange, , à la faveur de la nuit et à l’abri des regards , ils traînent sur le rivage les cadavres flottants qu’ils aper- çoivent, pour assouvir, dans d’horribles festins, la rage de la faim qui les tourmente et les exténue.

Les villages parias doivent être assez éloignés des villes ou des habitations du reste de la nation pour qu’il y ait une distance assez considérable, pour que le vent ne communique pas des influences impures et contagieuses. Ces villages sont appelés parelchiris. Il est défendu aux parias de puiser de l’eau dans les puits des autres castes; ils en ont de particuliers aux environs de leurs demeures, autour desquels ils sont obligés de mettre des os d’animaux afin qu’on les reconnaisse et qu’on les évite.

Le service des temples est fait par les Dévédassis (1) ou Bayadères. La grâce et la beauté sont les conditions

(1) Ces créatures dégradées n’appartiennent pas à une caste particu- lière; elles sortent de toutes les castes inférieures pour y rentrer quand elles ont perdu leur jeunesse et leur beauté. Les brames, aux plaisirs desquels ces filles sont destinées , les choisissent dans l’enfance et les font élever par de vieilles bayadères pour les fonctions qu’elles sont appelées à remplir, et qui ne se bornent pas au service de la pagode : la jalousie de leurs maîtres ne peut aller jusqu’à renoncer à une bran- che lucrative de commerce. La passion des Hindous pour la danse pas- sionnée, qui n’est permise qu’aux bayadères, est pour les riches un su- jet de profusion dont les prêtres tirent un grand parti. Ces danseuses paraissent à toutes les fêtes et sont louées à des prix très-élevés ; à ces bénéfices ostensibles se joignent d’autres profits secrets dont l’autel réclame encore sa part : le reste, transformé en bijoux précieux, orne la bayadère et lui assure de nouveaux droits à la générosité de ses nom- breux adorateurs. Laplace.

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essentielles d’admission ; leur talent est de séduire et de charmer : elles ne négligent rien pour atteindre ce but; la recherche de leur costume, l’or, les pierreries, tout est employé pour attirer les regards. Le prix de leurs faveurs est une offrande à leurs divinités. Lorsque ces malheureuses sont usées par les excès de leur exis- tence déréglée, elles sont renvoyées du temple, et trou- vent bientôt des maris , que leur vie passée n’éloigne pas; et lorsqu’il arrive qu’elles refusent de rentrer dans leurs castes , elles sont conservées par les brames qui veulent bien consentir à leur confier les soins de pro- preté des lieux sacrés.

De toutes les cérémonies religieuses en usage dans l’Inde, la plus atroce et la plus extraordinaire est sans contredit celle des funérailles d’un homme puissant. La veuve, autant par tradition que par fierté, et plutôt par nécessité que par sa volonté, se fait traîner au foyer qui doit la brûler, alin qu’elle ne survive pas à son mari. Ces sacrifices, que le fanatisme seul peut propager, s’appel- lent sutties (1); heureusement ils deviennent chaque jour

(I ) Cette cérémonie se fait avec beaucoup de faste ; ses préparatifs varient dans chaque caste. L’usage le plus commun est qu’aussitôt après la mort du mari on place la femme devant la porte de sa maison, dans une espèce de tente ornée. Elle ne mange plus, ne fait que mâcher du bétel, et prononce sans s’arrêter le nom du dieu de sa secte. La vic- time est parée de tous ses bijoux et de ses plus beaux habits, comme si elle allait se marier. Les brames l’engagent à s’immoler, en l’as- surant qu’elle va jouir d’une félicité sans bornes dans le paradis , elle deviendra la femme de quelque dieu qui l’épousera pour la récom- penser de sa vertu. Ils lui promettent que son nom sera célébré par toute la terre et chanté dans tous les sacrifices. Pour la disposer à cette action héroïque ou plutôt insensée , à laquelle la loi ne les oblige cependant pas, les brames emploient des breuvages dans lesquels ils mêlent de l’opium afin d’exciter son imagination et d’obtenir une obéissance passive. Le fanatisme peut bien la faire consentir à un

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plus rares, quoiqu’on ne puisse leur opposer que la rai- son, et plusieurs castes y ont renoncé. On a cité dans les annales maritimes un exemple qui prouve qu’il ne serait pas si difficile qu’on le pense, de faire cesser une habi- tude aussi barbare. Pour empêcher une jeune veuve de la ville de Tirnoular, près de Karikal , de se brûler sur le corps de son mari , le gouverneur français lui a fait pro- poser une rente de quatre-vingts roupies, ce qui répond à peu près à deux cents francs de notre monnaie, et la proposition fut acceptée. La veuve s’appelait Sarouvan- gatama. Elle adressa au commissaire de la marine de Karikal la réponse suivante ; elle lui a été inspirée par la reconnaissance sans doute , mais le style ferait sup- poser qu’elle a été préparée par un autre que par elle : « Je dois à votre bonté ma nouvelle situation, et à votre sollicitude d’être admise parmi les personnes qui tien- nent leur existence du roi. Revenue en quelque sorte au monde, il est naturel que je vive des bienfaits de celui au nom duquel j’y ai été rappelée. Le devoir impérieux

pareil sacrifice; mais il faut avoir perdu la raison pour le consom- mer. Pendant qu’elle s’avance vers le théâtre funeste elle va termi- ner sa vie, souvent à la fleur de l’âge, et lorsqu’elle arrive à ce lieu d’horreur , les brames ont grand soin de la distraire de ses regrets par des chants l’éloge de son héroïsme est mêlé. Ce concert homicide sou- tient son courage au milieu des avant-coureurs de la mort ; le bandeau de la superstition couvre ses yeux , le moment fatal approche elle va être dévorée par les flammes. Alors, d’une voix entrecoupée de sanglots, elle fait ses adieux à ses parents, qui la félicitent, les larmes aux yeux, du bonheur qui l’attend Elle leur distribue ses joyaux et les embrasse pour la dernière fois. Après avoir fait trois tours, selon l’usage, autour de la fosse ardente, elle s’élance au milieu des flammes. Aussitôt quan- tité d’instruments font retentir l’air des sons les plus aigus pour empê- cher le peuple d’entendre les cris lamentables qu’un aussi horrible sup- plice doit arracher à ces malheureuses victimes. On augmente l’activité du feu en y répandant une grande quantité d’huile, et l’héroïne est bien- tôt consumée. Sonnerat.

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que j’allais remplir, n’a point été accompli; votre hu- manité et votre persévérance s’y sont opposées. Vous m’avez entraînée, contre ma volonté et l’usage de mes semblables, à une action qui me procure la vie heu- reuse et douce que vous venez d’assurer. Je n’ai pas sans doute assez pensé au bonheur de la vie future, j’ai cédé à vos insinuations ; mais j’espère que mes prières me rendront Schiva favorable, et que, le jour je se- rai à ses pieds, il me pardonnera d’avoir vécu sur cette terre une seconde fois bramine. Votre persuasion a vaincu une résolution que je croyais inébranlable. Je ne suis plus ce que j’avais été , et je ne voudrais pas changer ce que je suis. Ma reconnaissance pour vous sera celle d’une fille soumise; elle ne finira qu’avec ma vie. »

Il sera d’autant plus facile de faire cesser un abus aussi cruel qu’il y a fort peu de femmes qui s’y sou- mettent de bonne grâce , et toute la ruse des brames ne suflit pas pour étouffer les sanglots et les cris des victimes. La cérémonie commence et se termine par les chants des brames , secondés par le bruit de certains instru- ments discordants qui couvrent le mystère de la rési- gnation des veuves et n’enlèvent pas à d’autres le cou- rage de s’y soumettre; c’est d’ailleurs un supplice au- quel se rend la patiente déjà demi-morte par l’emploi de narcotiques puissants. Il est donc facile de compren- dre que la conviction n’entre pour rien dans le sacrifice.

A Pondichéri l’Européen de bon ton ne peut sor- tir qu’en palanquin, sans déroger à sa dignité; les voitures y sont très-rares, mais le palanquin les rem- place peut-être avec avantage à cause de la température.

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On raconte que la première fois que le gouverneur M. de Mélay, ennuyé d’être porté constamment, parut à pied le soir à la promenade , mais suivi de sa voiture et des palanquins de sa société, les habitants de Pondi- chéri crurent qu’ils étaient menacés d’un grand mal- heur.

Le palanquin remplace la chaise de poste; c’est en palanquin que les voyageurs se rendent d’une extrémité de l’Inde à l’autre, en franchissant les passages les plus difficiles. Les Télingas qui le portent sont relayés de distance en distance, et partout sur les chemins fré- quentés on rencontre des individus voués à ce genre de service. Un relais se compose de douze porteurs et d’un chef responsable; il y a peu d’exemples de l’abus que peuvent faire ces Indiens au milieu d’un pays l’on voyage isolé, et en quelque sorte livré à la merci des gens qu’on emploie.

La religion des Hindous leur défend de tuer des ani- maux, si ce n’est comme offrande à la Divinité; et cette interdiction s’étend même aux animaux immondes. Mais cette loi n’est pas généralement observée : quel- ques castes seulement y restent fidèles. Le soin de leur conservation , la propreté et même la sensualité font quelquefois déroger à ce principe; mais, par com- pensation, il n’est pas rare de voir des Hindous, scru- puleux observateurs de la loi , souffrir la faim plutôt que de consentira manger de la viande ou des aliments préparés par des parias.

On raconte qu’un Hindou, monté à bord d’un navire de la Compagnie pour affaires de commerce, s’y en- dormit après avoir pris une trop forte dose d’opium.

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Quand il se réveilla il s’aperçut que le vaisseau avait levé l’ancre, et se trouvait déjà à plusieurs lieues au large. Il y avait à bord beaucoup de lascars ou matelots indi- gènes ; mais, comme ils étaient tous d’une caste infé- rieure à la sienne, il dédaigna leurs provisions de route et n’osa y toucher, les regardant comme souillées par leur contact. Le capitaine du navire, fort indifférent aux superstitions indiennes, refusa de mettre un canot à la mer pour le reconduire au rivage , alléguant la perte de temps. Le pauvre malheureux n’eut donc plus d’au- tre alternative que d’aller jusqu’à Madras avec le vais- seau , laissant sa famille dans une entière ignorance de ce qu’il était devenu. Quand on lui eut communiqué la résolution impitoyable du capitaine, il se coucha sur le pont , d’un air sombre et chagrin , sans remuer ni parler, et resta deux jours dans cet état, n’ayant, dans cet intervalle, ni mangé un morceau, ni humecté d’une goutte d’eau ses lèvres desséchées. Le navire était alors au moins à cent lieues de Bombay ; mais, comme il fai- sait voile pour Madras, il ne s’éloigna guère de terre, et suivit la côte jusqu’au cap Comorin , en vue duquel il arriva le troisième jour, n’étant plus qu’à vingt lieues du rivage.

Dans l’intervalle , le pauvre Hindou , frappé d’horreur à l’idée de périr au milieu d’une race d’hommes souil- lés et impurs à ses yeux, supplia le capitaine de lui faire donner une barre de bois pour l’aider à gagner terre avec la marée. Le point le plus rapproché était Mangalore; cependant on en était encore à seize lieues. On lit droit à sa demande, et on jeta à la mer une barre sur laquelle il sauta ; puis, l’eau étant calme , il

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se conlia au caprice des flots , environné de requins et exposé à mille autres dangers. On ne sut jamais si ce malheureux fanatique parvint à gagner le rivage en vie. Assurément les chances ne favorisaient guère son en- treprise.

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De Pondichèri à Pulo-Pinang , Malacca, Singapoore, Batavia.

J’avais visité presque tous les environs de Pondichèri, et je me promettais bien de continuer mes excursions, lorsque V Astrolabe vint mouiller en rade de Pondichèri. Ce bâtiment venait de Madras et se rendait à la côte de l’Est, il devait faire plusieurs stations. Le capitaine, que je connaissais , proposa de me prendre à bord avec mes chasseurs , et de me ramener à Pondichèri après m’avoir fait explorer Pulo-Pinang , Malacca , Singa- poore et une partie de l’île Java, il devait s’arrêter assez de temps pour me permettre de chasser. J’accep- tai avec reconnaissance et sans hésiter une aussi ai- mable proposition , et mes préparatifs furent bientôt faits.

Nous devions mettre à la voile dans les premiers jours de novembre, et je dus profiter du temps qui me restait pour emballer avec soin tous les produits de mes chasses précédentes et assurer leur conservation. Ce travail terminé , je me procurai quelques ouvrages publiés sur le pays que j’allais parcourir, et je les lus avec beaucoup d’intérêt.

Le 8 je me rendis à bord , et le lendemain dès le ma- tin nous faisions voile pour Pulo-Pinang, pays nouveau pour moi , et nouvelles espérances. Bientôt nous perdî- mes la côte de Coromandel de vue, et notre navigation fut assez heureuse. Dix jours après nous avions tra- versé le golfe du Bengale , et nous nous trouvions de-

Presqu'île cle Malaeca,

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vaut les îles Nicobar : nous eûmes alors un peu de mau- vais temps, les vents nous contrarièrent pendant quel- ques jours ; et ils s’étaient fait sentir à la côte , car nous rencontrâmes beaucoup de goémons ou varecs.

Enfin, le 1er décembre, nous approchions du détroit de Malacca. Le capitaine prescrivit alors la plus grande sur- veillance; les armes furent vérifiées et préparées : nous avions à redouter l’approche des pirates malais , qui sont très-nombreux, et s’organisent en flottilles pour surpren- dre les navires pendant la nuit. Nos précautions furent heureusement inutiles, et, après être restés quelque temps en vue de File de Pulo-Péra, qui n’est qu’un rocher presque inaccessible , nous aperçûmes bientôt Pulo-Pi- nang, ou île du Prince-de-Galles , qui se présentait sous un aspect assez agréable. Le 6 une élégante pirogue nous amena un pilote , et nous mouillâmes devant le fort de la Ville-Georges, au milieu d’un assez grand nombre de bâti- ments , parmi lesquels on remarquait des jonques chi- noises, que je visitai avec plaisir. Le capitaine de V As- trolabe eut la bonté de m’accompagner à bord d’une de ces jonques , dont le commandant chinois nous fit gra- cieusement les honneurs. Nos compliments furent échan- gés avec lui à l’aide d’un interprète; et il ne voulut pas nous laisser partir sans nous offrir du thé à la mode chinoise , c’est-à-dire sans sucre. Après cette visite, nous nous rendîmes à terre pour nous promener dans la ville. Nous parcourûmes une longue rue formée de deux rangs de boutiques paraissait régner la plus grande activité. C’était un vrai bazar ; chaque magasin portait une enseigne en lettres chinoises. Je remarquai une mosquée pour les musulmans , un temple pour les Ar-

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méniens , une église catholique , un temple protestant, et un autre temple chinois. D’après un des derniers recensements de l’île, la population était de 37,962 ha- bitants dont 13,769 Malais ou Boughis et 7,552 Chi- nois; le reste se composait de Choulias, Bengalis, Ar- méniens et Européens.

Notre séjour à Pulo-Pinang devait être fort court; aussi , après avoir visité les points les plus remarqua- bles de la ville , je fis mes dispositions pour explorer les environs, qui m’intéressaient beaucoup plus. Dès le lendemain je partis pour la chasse , suivi de mes deux Malais. La campagne est fort belle, on y trouve des routes assez bien frayées : la végétation est riche et vi- goureuse ; on rencontre un grand nombre de cocotiers, des aréquiers et des bananiers. Les maisons de campa- gne ne ressemblent plus à celles de la ville ; elles sont construites sur pilotis, sans rez-de-chaussée, et l’on n’y arrive qu’à l’aide d’une échelle. Elles ont rarement deux étages, et, quoique singulières, elles sont cepen- dant d’un aspect agréable.

Je fus assez heureux pour rencontrer quelques oiseaux que je tuai; je reconnus qu’ils ne différaient pas des mêmes espèces que je m’étais déjà procurées sur la côte de Coromandel. Après avoir chassé une partie de la matinée, nous fîmes une petite halte pour déjeuner. Des noix de cocos firent tous les frais de ce repas, qui me parut excellent. Je continuai de marcher sans di- rection arrêtée; ne connaissant pas le pays, je m’avan- çais à l’aventure. Je tuai plusieurs oiseaux nouveaux, parmi lesquels je reconnus avec plaisir V Edolius puellus, et, chemin faisant, j’avais récolté quelques plantes rcmar-

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quables. Enfin, lorsque nous eûmes notre charge, il fallut bon gré mal gré songer au retour. Je repris la route de la ville, nous attendait un canot qui nous ramena à bord de l'Astrolabe , je mis de suite mes plantes en presse, pendant que mes Indiens préparaient les oiseaux.

Le lendemain, le capitaine et les officiers du bord se réunirent à moi pour fairo- une partie de chasse sur la presqu’île malaie; mais nous ne fûmes pas heureux, ou plutôt nous fûmes tout autant occupés des cu- riosités qu’offre le pays que de la recherche des animaux. Je tuai cependant un aigle pêcheur, des martins et des aigrettes blanches. Les marlins se trou- vent fréquemment autour des troupeaux; ils se posent sur les buffles, ils trouvent de nombreux insectes. Après une journée de fatigue sans grand résultat, nous nous dirigeâmes vers le bâtiment, et il était temps d’y arriver, nous avions tous besoin de repos. nous attendait l’évêque de la mission de Cochinchine : sa présence s’expliqua par quelques tracasseries éprouvées par les prêtres catholiques.

Peu content de mes premières chasses, je voulus faire une excursion sur la montagne des Signaux, peu éloignée de la côte. Un négociant qui vint nous voir à bord nous avait invités à nous rendre à une maison de campagne qu’il y a fait construire. Nous partîmes de grand matin avec un canot, et, arrivés à terre, nous trouvâmes des chevaux de selle qui nous étaient envoyés par notre amphitryon, M. Rewely. Un petit chemin mal frayé à travers une forêt vierge nous conduisit au pied de la montagne ; nous entendions de temps à autre

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les cris aigus des singes et le chant de quelques oiseaux qui ne se firent pas voir. Je tuai deux singes malgré leur agilité et leurs singulières grimaces. Enfin, et non sans peine, nous arrivâmes au haut de la montagne M. Rewely nous attendait pour nous conduire à sa maison. On nous servit du thé et quelques gâteaux : c’était peu pour des gens affamés, il fallut s’en conten- ter. Après une bonne nuit et malgré l’ exiguïté du repas de la veille, je me mis en chasse, et le plaisir que j’eus dans la montagne me fit facilement oublier l’abstinence à laquelle l’usage du pays me condamnait. Je fis une journée remarquable par la beauté et la variété de mes victimes. Le soir même, on proposa pour le jour sui- vant une chasse au tigre; c’était ce que je désirais le plus ardemment. A la pointe du jour nous nous mîmes en route pour l’île de Bouton-Cawanes, nous emme- nâmes M. Bouchaud, qui allait visiter la mission chi- noise. Après une heure de traversée nous arrivâmes à l’embouchure d’un petit ruisseau qui nous servit de port, et, après avoir marché quelque temps, nous reconnûmes le lieu du rendez-vous. se trouvaient rassemblés quelques propriétaires que les tigres avaient visités pendant la nuit, et qui nous racontèrent toutes les pertes que ces cruels visiteurs leur faisaient faire chaque jour.

La chasse aux tigres ne se fait que la nuit et dans le plus grand silence. Nous montâmes, à l’aide d’é- chelles, sur des arbres entre les branches desquels on avait préparé de petites plates-formes, et nous avions à peu de distance et devant nous une vache qui, atta- chée à un piquet, devait servir à attirer l’ennemi. A la

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(in du jour nous nous mîmes donc à l’affût ; mais, comme cela arrive souvent, les tigres ravageaient un troupeau voisin pendant que nous les attendions perchés sur nos arbres et n’osant pas même nous parler, dans la crainte de les détourner. La patience ne nous manqua pas, nous entendions à peu de distance le bruit qu’ils faisaient; mais aucun d’eux ne vint de notre côté, et il fallut y renoncer pour ce jour-là. Le lendemain, nous fûmes plus heureux; car à peine étions-nous postés qu’un tigre vint sauter sur la malheureuse vache, qui se défendit peu. Mon chasseur et moi nous fîmes feu en même temps, et le tigre roula sur l’herbe. Revenu de la première émotion inévitable en pareille circonstance, je crus remarquer qu’il n’était que blessé, et qu’il pourrait bien se jeter sur nous si nous descendions de notre arbre; aussi, par précaution, je lui envoyai une balle dans la tête, et cette fois nous allâmes à lui sans crainte. Tout fier de ma chasse, je rapportai mon tigre en triomphe, et ce n’est qu’à regret que je songeai au départ. J’aurais voulu tuer plusieurs de ces animaux ; mais il fallait rentrer à bord, le capitaine m’atten- dait pour mettre à la voile. Mes Indiens dépouillèrent la victime, et je n’emportai que sa tête et sa peau. Arrivé à bord, je reçus les compliments de tous les officiers, qui regrettèrent beaucoup de n’avoir pu m’accompa- gner dans cette excursion.

Le lendemain on leva l’ancre et nous fîmes roule vers Malacca, nous arrivâmes le 25 décembre.

La ville de Malacca fut fondée en 1252, par un prince malais qui fut chassé de ses États par un sou- verain de Java. Les Portugais, sous Albuquerque, s’en

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emparèrent en 1514, et elle devint un de leurs prin- cipaux établissements et la clef de leur commerce dans les mers au delà de l’Inde. Les Hollandais l’attaquèrent en vain en 1505 ; ils s’en emparèrent cependant en 1641 après une résistance opiniâtre. Les Anglais la leur enle- vèrent en 1795; mais la colonie de l’île du Prince-de-Gal- les en diminua beaucoup l’importance. A la paix de 4814 ils la restituèrent aux Pays-Bas, qui l’ont cédée à l’An- gleterre en 1823. La ville est défendue par un fort réside le gouverneur; les rues sont pour la plupart larges et belles; il y a une bonne rade pour les gros navires. On exporte de Malacca de l’étain, beaucoup de poivre, du sagou, des rotins, des dents d’éléphant et de la poudre d’or ; les importations consistent en opium, soie et dollars. Le commerce est moins actif qu’aulrefois, dit-on; beaucoup de navires préfèrent l’île du Prince-de-Galles, il se trouve une plus grande variété d’articles à exporter.

J’avais des lettres de recommandation pour M. W. Leurs; je me rendis de suite chez lui, et il eut la bonté de m’offrir des guides pour m’accompagner dans mes promenades : ce que j’acceptai avec d’autant plus de plaisir que l’on fait souvent de fort mauvaises ren- contres, et que les hommes y sont parfois plus à crain- dre que les bêtes féroces. Notre séjour à Malacca fut de peu de durée; mais mon temps y fut bien employé, et mes collections s’y enrichirent beaucoup. Je me fis conduire dans une forêt peu éloignée de la ville, et j’y tuai plusieurs espèces de singes, des cerfs et des anti- lopes; c’est que je me procurai un assez grand nom- bre de calaos et des faisans argus. Je fus aussi assez

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heureux pour tuer un jeune tigre, quelques sangliers et deux boas monstrueux; je trouvai encore un grand nombre d’insectes. Le plaisir d’une chasse aussi pro- ductive ne me fit pas oublier les plantes, que je désignais à un Indien qui n’avait rien autre chose à faire qu’à récolter les objets que je voulais emporter, et qui le faisait avec assez d’intelligence. Malheureusement nous ne pouvions nous arrêter que quelques jours dans les endroits qui me promettaient les plus abondantes récoltes et les chasses lés plus heureuses. Les environs de Malacca, fort beaux et entrecoupés de collines et de vallées très-fertiles, sont cultivés avec peu de soin; ils produisent principalement du poivre.

Le 31 décembre, nous nous mimes en roule pour Singapour, nous arrivâmes après deux jours de mer. Dès notre arrivée, notre premier soin fut de visiter ville. L’aspect qu’elle offre le soir est des plus curieux. Elle est éclairée par un grand nombre de lampes entou- rées de globes en papier blanc, sur lesquels sont tracés des caractères chinois de diverses couleurs. Nous entrâ- mes dans quelques magasins ; les marchands sont très- froids, peu engageants : on les dit fourbes et voleurs. Le commerce y est plus florissant que dans les pays que nous venions de voir. Par sa position, Singapour est l’entrepôt du commerce de la Chine et du Bengale. La ville est partagée en deux parties : l’une est la ville chinoise, l’autre est habitée par les Européens et le gouverneur. Pendant que nous y étions, on fit de nombreuses processions pour obtenir l’arrivage de plu- sieurs jonques qu’on attendait. Singapour n’avait été, jusqu’en 1818, qu’un repaire de pirates; les Anglais y

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ont formé depuis un établissement qui a fait en fort peu de temps des progrès très-rapides en population, en richesse et en bien-être : ce qu’il doit, indépendamment de sa position heureuse, à un commerce libre et à des lois justes et égales pour les hommes de toutes les croyances et de toutes les couleurs.

On dit aussi que la prospérité de cet établissement est due en grande partie à sir Stamfort-Rafïïes, quoi- que la Compagnie anglaise des Indes orientales soit parvenue à faire supprimer une partie des lois justes et bienfaisantes que ce gouverneur avait établies, et qui étaient une critique amère de l’administration de cette Compagnie dans le reste de l’Inde.

Je fus invité par un Danois établi depuis long-temps à Singapour à faire une partie de chasse ; il connaissait parfaitement le pays, aussi notre journée fut-elle très- heureuse. Les jours suivants furent encore bien occu- pés. Dans une de mes courses à terre je rencontrai M. Balcstier, consul américain, qui connaissait MM. De- lessert de Paris, avec lesquels il avait été en relation pendant quelque temps lorsqu’il était aux États-Unis. Il m’accueillit avec bonté et m’offrit même un logement chez lui; il eut la complaisance de me faire visiter en détail une fabrique de sagou. Le peu de temps que je passai à Singapour enrichit beaucoup mes collections. J’eus aussi l’occasion de voir deux missionnaires fran- çais ; ils pleuraient la mort de deux autres missionnai- res américains qui, s’obstinant à pénétrer dans le pays, avaient été tués et mangés par les Sauvages Baltas.

Ce n’est pas sans danger qu’on explore ces parages : les hommes et les animaux sont, à craindre. Mon ami

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(il

M. Perrottet courut les plus grands dangers près de Samboangan : emporté par le désir de se procurer des végétaux qui pourraient être utiles pour les colonies françaises, il cherchait souvent à s’éloigner de la ville. « Un jour, me dit-il , je fus extrêmement surpris , en voulant pénétrer dans l’intérieur d’un grand bois, du refus obstiné de mon guide de m’y accompagner. Il lit même toutes sortes d’instances pour m’engager à n’y pas entrer : il me donna pour raison qu’il était infesté de Maures , hommes sauvages ne vivant que dans les forêts, d’où ils font souvent des excursions dans les villes, ils pillent et égorgent tous ceux qui veu- lent s’opposer à leurs coupables desseins. Regardant cette version comme un peu exagérée, je n’en fus guère effrayé. Je n’aurais point changé ma résolution de parcourir les bois si mon guide ne m’eût menacé de m’abandonner. Je fus donc forcément contraint d’her- boriser seulement aux environs de la ville. Lorsque je fus de retour à Samboagan , je demandai au gouverneur l’explication de ce conte des Maures ; sa réponse ne fut pas plus rassurante que celle du guide. Il me raconta alors que. huit mois ne s’étaient pas encore écoulés de- puis que son prédécesseur avait été égorgé dans son lit, et que sa garde avait été massacrée par les Sauvages. Il m’engagea fortement à faire comme lui , qui ne s’éloi- gnait jamais beaucoup de la ville. Presque tous les jours, ajouta-t-il , on voit dans les environs des bandes d’individus cherchant à piller et à incendier la ville.

» De pareils récits étaient peu faits pour me donner le courage de continuer mes courses ; cependant l’amour de la science l’emporta sur celui de la vie : le guide que

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je tenais du gouverneur ne voulant plus m’accompa- gner, je m’arrangeai avec quelques chasseurs de notre bord et nous pénétrâmes assez avant dans le pays.

» Soit que le bruit de nos armes à feu ait intimidé les Sauvages , soit que , nous ayant aperçus eux-mêmes, ils n’aient pas été tentés de nous attaquer, nous ne décou- vrîmes aucune trace de ces Maures; mais, en revanche, nous fûmes à plusieurs reprises poursuivis par des buf- fles, dont les bois sont remplis. Un jour, j’étais seul, ayant perdu mes chasseurs , absorbé dans mes herbori- sations ; je cueillais des fleurs et des graines sur des ar- brisseaux formant un bosquet de bois assez touffu , lors- que tout à coup je fus distrait de mes occupations par un bruit sourd qui paraissait approcher : je me retour- nai promptement et je vis venir à moi trois buffles énormes qui se suivaient, portant le nez en l’air et marchant à grands pas; je me sauvai à toutes jambes et franchis une haie servant de clôture à un champ de riz, qui se trouva heureusement assez près de moi au mo- ment où j’allais être atteint par ces animaux. Les buf- fles , le nez appuyé sur la palissade , me mangeaient des yeux ; ils finirent probablement par s’ennuyer, et s’en retournèrent quelques minutes après. Ma frayeur calmée et le danger passé, je fus chercher ma boîte d’herborisation; et je continuai mes recherches , non sans retourner quelquefois la tête pour regarder si je n’aurais pas encore quelques buffles à mes trousses. »

Le 22 janvier nous nous rendîmes à bord , le départ pour l’île Java devant avoir lieu le même jour. Le voy age devait être de courte durée , mais le temps fut mauvais ; à l’entrée du détroit l’on fut obligé de jeter l’ancre dans

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la soirée. La nuit était très-obscure ; heureusement pour nous le temps s’éclaircit, et le capitaine reconnut que nous avions mouillé à un demi-mille des rescifs de Pan- Schoul. Bientôt après, un grain nous surprit; et, s’a- percevant que nous chassions sur nos ancres et que nous étions portés sur les rescifs, la mer se brisait avec force, l’officier de quart ne perdit pas une minute : il donna l’ordre de relever l’ancre; mais, comme cette manœuvre se faisait difficilement , il fit prendre le vent et couper la chaîne, pour nous éloigner à toutes voiles. Le mauvais temps augmenta , nous perdîmes deux voi- les, et, après quelques heures de grosse mer, le jour commença à paraître, le vent s’affaiblit , et nous conti- nuâmes notre route sans accident. Le 27 , à la fin du jour, nous étions au mouillage de Batavia.

Cette ville fut fondée sur le terrain occupé ancienne- ment par la ville indienne de Jaccatra. En débarquant au port ou Boom, on a devant soi l’ancienne ville; on la traverse en passant par trois ou quatre rues assez fré- quentées pendant la matinée, mais tout à fait désertes pendant le reste du temps. Au bout de l’ancien fau- bourg, ou Buiten-Niew-Poort-Straat , un peu plus ha- bité que le reste , on arrive aux quartiers modernes, c’est-à-dire à une suite de jolies habitations entourées de jardins , sur les bords du canal de Moolenvliet et de Ryswyk , sur une longueur d’environ trois quarts de lieue. A l’issue de ce canal on a devant soi une grande plaine carrée , pareillement entourée de maisons euro- péennes : c’est Weltevreden ou le Quartier-Militaire; et, en prenant à droite, on voit une autre plaine à peu près carrée que l’on nomme le Konings-Plein, aussi entourée

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de charmantes maisons particulières. En traversant Weltevreden on se retrouve sur la grande route menant à Builenzorg , le long de laquelle les habitations, d’une architecture moderne , se succèdent de nouveau pen- dant une bonne lieue et demie, jusqu’au delà du fort de Maester-Cornelis. Si l’on ajoute à cela quelques al- lées latérales aboutissant au canal ou aux carrés dont nous venons de parler, comme le Prinseen-Laan , le chemin de Gounong-Sahocrie, celui de Tanaaban, on pourra se faire une idée de la disposition de la capitale de Java. Derrière ces différents quartiers européens se trouvent les quartiers ou camps des habitants asiatiques et des Chinois. Le camp de ces derniers est hors de l’enceinte et à l’ouest de l’ancienne ville , dont il formait comme un vaste faubourg ; mais, à la longue, ils se sont glissés partout , et on les voit maintenant établis de tous côtés, surtout dans les bazars situés entre les quartiers qui viennent d’être cités.

On remarque sur la place d’armes une colonne élevée par les Hollandais en mémoire de la bataille de Water- loo ; elle est surmontée d’un lion dont la griffe semble arrêter le mouvement d’un monde. L’allégorie n’est pas forcée sans doute, mais il est curieux de remarquer que toutes les nations veulent être représentées par le lion ; c’est un hochet qu’on rencontre partout en sortant de France : aussi l’on pardonne facilement cette fanfaron- nade aux peuples étonnés d’avoir battu par leur force numérique une armée habituée à la victoire, on serait lier à moins!

La rade de Batavia est aussi sûre que belle, une een- laine de navires peuvent y trouver un excellent ancrage :

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ordinairement les grands vaisseaux de l’État mouillent à une assez grande distance et dans la partie nommée rade extérieure, car elle est regardée comme infiniment plus salubre que celle plus rapprochée du rivage.

Quantité de petites îles entourent et couvrent pour ainsi dire la rade de Batavia; la plupart sont inhabitées maintenant, mais presque toutes avaient été utilisées autrefois par l’ancienne Compagnie des Indes pour y placer des chantiers, des magasins, des hôpitaux ou des ateliers.

On croit généralement la population de Batavia plus considérable qu’elle ne l’est en effet : 3,025 Européens ou descendants d’eux, 23,108 Javanais ou Malais, 14,708 Chinois, 601 Arabes et 12,419 esclaves; ce qui donne une population de 53,861 âmes , parmi lesquelles on ne comprend pas la garnison de Weltevreden. La popu- lation de la province est de 182,654 habitants.

Les Javanais sont généralement bien faits; leur fi- gure est grave et fière ; leur costume se compose d’une longue chemise à manches courtes, d’un large pantalon en toile, et d’un pagne couvrant les épaules et le cou. Les chefs seuls portent des pantoufles en tout temps. L’usage veut qu’un Javanais, môme d’une classe élevée, se déchausse en paraissant devant son supérieur. Les hommes du peuple sont désignés , en général , sous le nom d ' Orangkitjiel, et les habitants des montagnes sous celui A’ Oranggounon. Les Javanais, dit M. de La Place, ont un caractère assez doux , obéissant , susceptible de reconnaissance et d’attachement; mais ils sont super- stitieux, fanatiques, vindicatifs et attachés fortement à leurs usages.

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GG

Les anciennes relations font souvent mention des Amokspiiwers 3 qui, dans leur rage aveugle, dit-on, couraient les rues, tuaient ou blessaient tous ceux qu’ils rencontraient, jusqu’à ce qu’on fût parvenu à les tuer eux-mêmes. Ces accidents sont devenus infiniment plus rares, comme l’assure M. de Hogendorp, depuis la cessation de la traite des esclaves. C’étaient le plus sou- vent des Boujinais et des Bal i nais nouvellement amenés et vendus, parmi lesquels il s’en trouvait qui, regret- tant leur patrie, des parents, une amie, une épouse; d’autres qui, ne pouvant exécuter les ordres qu’ils ne comprenaient pas encore et craignant le châtiment , éprouvaient un dégoût de la vie qui parfois dégénérait en frénésie , pendant laquelle ils se saisissaient de la première arme venue pour en frapper aveuglément au- tour d’eux, sachant d’avance qu’ils tomberaient à leur tour et n’auraient pas long temps à souffrir. L’ivresse produite par l’opium donne quelquefois lieu à des fu- reurs Semblables.

Le duel est extrêmement commun parmi les Javanais ; pour la moindre insulte, ils se déchirent à coups de crit, comme des tigres. Les enfants mêmes se battent quelquefois jusqu’à la mort. La jalousie est la principale cause de ces combats, auxquels les Hollandais cher- chent en vain à mettre un terme ; un regard , un mol indiscret, suffit pour occasionner des meurtres et en- gendrer des haines irréconciliables qui se transmettent de père en fils.

Les femmes, qui inspirent des passions aussi violen- tes, sont belles et bien faites : malgré leur teint très- brun , elles ont une physionomie fort agréable, à la-

quelle de grands yeux noirs, au regard doux et pensif, de longs cheveux relevés avec grâce derrière la tête, donnent quelque chose d’ intéressant. Leur tournure paraît aisée, voluptueuse; et leur habillement, qui tout simple qu’il est ne manque pas de coquetterie, leur prêle un nouveau charme : une chemise blanche et am- ple, qui ne laisse voir que la forme d’une gorge conser- vée soigneusement, et dont les plis sont serrés autour de la ceinture par un pagne qui descend jusqu’aux ta- lons; une pièce d’étoffe de grand prix, qu’elles drapent de mille manières sur des épaules couvertes de colliers; enfin des bras arrondis et ornés de bracelets , des mains petites, des pieds bien proportionnés, achèveraient de faire des Javanaises des femmes séduisantes , si leurs dents noires et leur bouche , inondée d’une salive rouge , ne portaient, comme celle des hommes, les traces repoussantes du bétel et même du tabac mâché et fumé. Leurs qualités morales sont moins flatteuses, et mon compagnon de voyage les a tracées très-fidèle- ment : « Là, comme ailleurs, dit-il, il est sans doute d’honorables exceptions ; mais , en général , l’éducation première y est extrêmement négligée. Les enfants, entourés dès leur berceau d’une foule d’esclaves empressés à satisfaire leurs moindres fantaisies, sont tellement portés à suivre l’impulsion du climat et de leurs désirs, qu’avant même d’avoir atteint l’âge de vingt ans ils sont plongés dans une immoralité dégoû- tante. Leur caractère, naturellement indolent, ne peut supporter la gêne d’une élude quelconque; on voit très- souvent des jeunes filles de dix-huit ans, appartenant aux familles les plus riches, qui ignorent jusqu’aux

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éléments de la plus simple éducation. 11 est facile de concevoir combien cette ignorance, jointe aux influen- ces perfides du climat, tend de pièges à leur innocence : aussi n’est-il pas rare de les voir se laisser aller à la séduction. »

Les dames de Batavia déploient dans leur toilette un luxe prodigieux; et, malgré tout cet éclat, elles sont loin d’effacer les Européennes, dont elles ne peuvent égaler l’élégante simplicité : elles le sentent si bien, que ces dernières sont pour elles un objet d’exécration, et il n’est que trop commun de voir les funestes effets de leur haine.

La nature, active dans ces climats, a doué leurs habitants des passions les plus violentes ; mais la jalousie surtout est chez eux un foyer toujours ardent, qui laisse toujours échapper des flammes dévorantes que rien ne peut réprimer. De fréquents exemples ont rendu cette vérité incontestable, et le trait suivant, arrivé à Bata- via, pourra en donner une idée exacte. Un jeune Malais, élevé par un Européen, et devenu depuis son domestique affidé, avait donné en plusieurs circonstances les mar- ques les moins douteuses d’un attachement sans bornes pour son bienfaiteur et son maître. Celui-ci devint amoureux d’une de ses esclaves, que son fidèle domes- tique aussi aimait éperdument sans oser l’avouer. Le soupçonneux Malais épia les démarches de son maître , et ne tarda pas à reconnaître qu’il n’avait plus rien à obtenir de la jeune esclave. Dès qu’il ne douta plus de son malheur, il ne respira que pour satisfaire une ven- geance complète; et il sut tellement contenir les trans- ports de la jalousie et de la rage qui le dévoraient , que

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les imprudents amants continuèrent leur liaison dans une sécurité parfaite. Plusieurs mois s’étaient écoulés ainsi sans que le vindicatif Malais eût trouvé une occa- sion favorable pour mettre à exécution son funeste pro- jet , lorsque son maître le prévint un jour qu’il se pro- posait d’aller le lendemain à la chasse dans les forêts voisines, et qu’il désirait qu’il l’accompagnât.

Ils partirent en effet le jour indiqué. Lorsqu’ils fu- rent isolés au milieu du bois , le Malais , chargé des armes , s’arrêta soudain , et , fixant des regards furieux sur son maître, lui dit avec une fureur concentrée: « Depuis que j’ai pu marcher, je t’ai toujours suivi , sur terre , sur mer, partout enfin ; lu as eu en moi le plus zélé serviteur ; tu m’as été en plusieurs circonstances redevable de la vie ; et , en agissant aussi bien envers toi , je ne pouvais cependant le peindre tout l’excès de mon attachement. Loin de trouver en loi les sentiments reconnaissants sur lesquels je devais compter, lu m’as outragé avec la femme que je chéris , et tu ne crains pas de faire périr de douleur le compagnon fidèle de tes dangers. L’enfer repose dans mon cœur ulcéré depuis plusieurs mois ; aujourd’hui seulement je trouve l’oc- casion de lui donner l’essor. Tu vas mourir, maître in- grat et cruel , je vais t’ immoler à ma vengeance ; mais je sens que je t’aime encore, malgré ta perfidie : aussi ne pense pas que je puisse te survivre , mon crit m’aura bientôt délivré d’une existence que je ne pourrais plus supporter. »

Le Malais exécuta sur-le-champ sa terrible menace. C’est lui-même qui raconta ainsi les détails de cette scène alïligeante à plusieurs montagnards qui , en traversant

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la forêt, le trouvèrent gisant à côté de sa victime, et donnant encore quelques signes de vie.

Certes, les dames créoles sont loin d’imiter la froide cruauté de ce frénétique ; mais la jalousie fait néanmoins chez elles d’affreux ravages. La vengeance la plus horri- ble est toujours celle qu’elles préfèrent : habiles à pré- parer les poisons, qu elles rencontrent facilement dans un grand nombre des productions du pays, elles les font avaler, par doses calculées , aux victimes que leur cœur outragé a désignées. Beaucoup de personnes meurent à Batavia d’une maladie du foie attribuée au climat, et qu’il serait peut-être plus naturel de regarder comme le résultat des breuvages apprêtés par les séduisantes Malaises.

On voit des Malaises se marier dès l’âge de dix ans. Ln Javanais, M. Midelcop, a raconté à M. Perrottet tous les détails de la cérémonie des mariages; ils méritent d’être mentionnés. Lorsqu’un Malais devient amou- reux d’une Malaise, suivant l’usage de tous les peuples, il lui fait la cour; c’est dans la manière de s’y prendre que diffèrent les coutumes des nations barbares ou civi- lisées. Si la jeune fille partage les sentiments qu elle in- spire , le Malais va trouver le père de sa future , lui dé- clare sa passion , et le supplie de lui accorder la main de sa fille, dont il possède déjà le cœur. La réponse du père est rarement positive : il examine d’abord quelle est la fortune de celui qui veut devenir son gendre ; s’il pos- sède une case pour loger sa fille , et des champs en- semencés suffisants pour la nourrir. La loi veut que ces conditions soient de rigueur, et les pères , en géné- ral , ne sont pas plus exigeants que la loi. Lorsque le

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jeune homme a obtenu îe consentement des parents, i! s’empresse d’en prévenir ses propres parents et ses amis. Il est rare que le marié ait plus de seize ou dix- huit ans. Tous ceux qui prennent part au mariage du côté de l’époux se réunissent ; on commande des musi- ciens : deux ou trois joueurs d’une espèce de hautbois forment le fond de cet orchestre , placé à la tête du cor- tège, qui doit parcourir toute la ville. Les parents du jeune homme et leurs amis remplissent des paniers de bananes cuites, de biscuits et de toutes sortes de choses destinées au festin. On place sur la tête du marié un bonnet de carton en forme de schako sans visière , et peint en jaune; tout son costume se réduit à un panta- lon. I! monte à cheval , et il a à ses côtés pour écuyer un barbouilleur qui a peint soigneusement en jaune, avant de sortir, toutes les parties du corps non couvertes par le pantalon, et qui , pendant la promenade, ne le perd pas un seul instant de vue, et remplace, chemin fai- sant , la peinture partout elle s’efface , soit par le frottement , soit par la chaleur. Ce peintre , avec son pot de peinture et son pinceau , n’est pas la partie la moins bizarre de cette procession burlesque, composée ordinairement d’une cinquantaine de personnes, hom- mes et femmes ; celles-ci portent chacune un panier de vivres. Le cortège , sorti le matin , ne rentre que le soir, et ne s’arrête durant la journée que pour manger et se rafraîchir. Le soir venu , on rentre chez îe nouvel époux , se trouve servi un joyeux banquet. La future n’y assiste pas, attendu qu’elle n’est pas encore ma- riée ; son tour arrive le lendemain ; la même cérémonie a lieu pour elle; cependant, au lieu d’être à cheval,

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elle est portée en palanquin , et est dispensée de se faire barbouiller le corps. Le cortège de la mariée se réunit le soir à celui de l’époux , et c’est seulement alors qu’ils peuvent se considérer comme unis, et qu’ils se retirent dans leur case.

Au milieu de celte population douce et indolente se trouvent des Malais à demi sauvages qui ne vivent que de rapines et de brigandages. Un jour mon ami M. Perrot- tet, sorti de Sourabaya pour herboriser, fut tout à coup arrêté dans un petit bouquet d’arbres par cinq Malais ar- més chacun d’un crit , espèce de poignard. Après l’avoir fouillé pour le voler, ils semblaient animés d’intentions encore plus hostiles. Heureusement mon ami portait dans sa poche un petit dictionnaire malais , qui lui ser- vit à leur faire deviner en partie le but de ses promena- des. Ils ne comprirent peut-être pas très-bien le sens de ses phrases décousues ; mais ils parurent tellement sur- pris d’entendre quelques mots de leur langue prononcés à l’aide de son dictionnaire , qu’après s’être concertés ensemble ils semblèrent vouloir le rendre à la liberté : ils commencèrent par le conduire au bord d’une rivière, et voulaient à toute force la lui faire passer sur un étroit bambou qui servait de pont. Il vit bien que leur inten- tion était de le précipiter dans l’eau une fois qu’il serait sur ce faible appui. Mais, pour leur épargner le plaisir de rire à ses dépens, il s’y jeta de lui-même, la tra- versa à la nage, et ne commença à respirer que lors- qu’il toucha l’autre rive. Ils lui avaient pris le peu d’ar- gent qu’il portait , et une petite serpette.

Après cette aventure, Perrottet, au lieu de continuer sa promenade, regagna la ville à la hâte, et alla rendre

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compte aux autorités de ce qui lui était arrivé. On lui promit de faire des perquisitions à ce sujet, mais il n’en entendit plus parler : seulement le gouverneur lui accorda un guide du pays pour l’accompagner dans ses excursions, et il ne sortit plus sans lui.

Il dut un jour à son guide l’honneur d’être reçu par un tomogon ( l’on désigne sous ce nom les princes du pays). « Je trouvai, dit-il, ce petit seigneur assis sur ses talons et placé sur une table de bambou ; mon guide, à sa vue, fit comme tous les naturels du pays, il se pro- sterna contre terre à dix ou douze pas de son chef. Ce- lui-ci, après avoir interrogé mon compagnon de voyage sur le motif qui m’amenait dans ses domaines, se leva, vint au-devant de moi, et, me prenant par la main, il me conduisit auprès de la table, sur laquelle il prenait du thé; il en demanda pour moi, et me le fit servir par son fils. Je remarquai que sa femme évita de m’appro- cher. Après le thé, on apporta deux tasses de porcelaine dans lesquelles on versa du café. Pendant que j’en bu- vais une, l’autre se remplissait; ce qui m’engagea ou plutôt me força en quelque sorte à en avaler successive- ment cinq qui me désaltérèrent complètement. Ce café était détestable et d’une saleté dégoûtante ; je ne pouvais boire souvent qu’à demi les tasses qu’on me servait et je jetais le reste, qui contenait la partie la moins propre.

» Le tomogon essaya à plusieurs reprises de me parler directement ; mais jamais nous ne pûmes lier conver- sation : je ne l’entendais nullement, et il ne comprenait pas un seul mot de ce que je lui disais. Mon guide, qui depuis notre arrivée était toujours agenouillé sur une natte étendue par terre pour tous les sujets qui ont

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affaire au souverain, me servait d’interprète. A eliaque parole qu’il adressait au lomogon, il élevait, en signe de respect, ses deux mains jointes jusque devant sa bouche. Il y avait à peu près une heure que j’étais assis auprès du tomogon, lorsque sa femme, à qui il avait ordonné de me préparer à souper, me fit inviter à en- trer dans la salle était dressé le couvert. Cette salle était une cabane close simplement par des lames de bambou entrelacées l’une dans l’autre; les bancs sur lesquels nous étions assis étaient de même matière. Je me mis à table avec le tomogon et son fils, et je man- geai successivement une espèce d’omelette, du mouton à moitié cuit cl du riz en guise de pain, que ces Malais ne connaissent pas. Par une attention assez délicate, on m’avait donné une espèce de fourchette; mais, voyant le prince et son héritier présomptif manger avec les doigts, je voulus, par réciprocité de bons procédés, me conformer à leurs usages, et je me mis aussi à me servir assez gauchement de mes doigts.

» Après souper on me montra mon lit : c’était un ca- napé tissu de rotin , sur lequel on avait étendu une natte et une espèce de tapis servant de couverture ; on l’avait garni d’une moustiquaire. En me couchant, je le trouvai couvert de Heurs de frangipane blanche ( Plu - meria alba ) ; mon oreiller même en était entièrement garni. L’odeur forte de ces fleurs, quoique agréable, me donna un mal de tête affreux, parce que je n’eus la prévoyance de les éloigner que lorsque je m’aperçus qu’elles m’avaient incommodé. Ma douleur de tête et le bruit des deux hommes qui me veillaient m’empêchè- rent de fermer l’œil de toute la nuit. C’est une habitude

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chez les Malais, lorsqu’ils donnent I hospitalité de nuit à un étranger, surtout à un blanc , de le faire garder pendant son sommeil par des hommes qui chantent pour l’empêcher d’avoir peur. Ce qui, chez nous, n’est qu’un enfantillage , est chez le peuple malais une cou- tume respectable, puisqu’elle prend sa source dans de généreuses intentions. »

Notre séjour à Batavia devait être de courte durée, et, comme, d’après une ordonnance rigoureusement exé- cutée, il est défendu de débarquer des armes ou de la poudre sans une autorisation du gouverneur, je me dé- cidai à ne pas perdre de temps en sollicitations qui me promettaient peu de succès , et, au lieu de chasser, je eonsacrai mon temps à visiter le pays et à m’occuper spécialement de botanique. Je fus reçu à Batavia par M. Lanier (1), riche négociant français qui s’occupe beaucoup d’histoire naturelle, et particulièrement de conchyliologie. 11 possède une fort belle collection. Je rencontrai chez lui M. Diard, naturaliste aussi courageux que savant, envoyé dans l’Inde avec Duvaucel par Cu- vier; ils n’ont pu remplir ensemble qu’une partie de leur mission : Duvaucel est mort pendant l’expédition.

Je remarquai chez un autre négociant une véritable ménagerie , composée des oiseaux les plus rares , et même de grands mammifères. Pendant que j’examinais ces animaux curieux, on vint nous apprendre qu’un tigre, qu’on transportait à bord d’un navire américain,

(I) M. Lanier, arrivé depuis peu à Paris, s’est trouvé parmi les victi- mes du malheureux événement du 8 mai, sur le chemin de fer; il n’a qu’à sa présence d’esprit d’en être quitte pour une fracture du bras, et il n’a pas attendu sa guérison complète pour partir pour Batavia.

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avait brisé sa cage et s’était jeté sur deux Malais, auxquels il fit de si cruelles blessures, qu’ils moururent sur la place. Il se lança à la mer et gagna la terre à la nage en si peu de temps, qu’il fut impossible de le tuer. C’est en vain que peu de temps après on se mit à sa pour- suite , on perdit bientôt ses traces. Ces accidents font peu d’effet dans le pays , on y est en quelque sorte ha- bitué. Ainsi le môme jour un Malais , se baignant à peu de distance de la ville, fut saisi par un caïman , qui ne put parvenir à l’entraîner sous l’eau ; mais la lutte fut si longue, que le malheureux Malais, tout couvert de blessures, n’eut que la force d’arriver à la ville, il rendit le dernier soupir après avoir raconté ce qui ve- nait de lui arriver.

Habitué à marcher sans crainte lorsque j’ai mon fusil sous le bras, je l’avoue, je résistai au désir de m’aven- turer sans moyens de défense ; je fus réduit à ne faire que des promenades et à herboriser.

Un des plus beaux arbres de Java est sans contredit le tamarin ( Tamarindus indica ), que les Malais nom- ment pohon assam (arbre aigre); il s’élève très-haut et étend ses branches au loin. On le cultive de préférence près des habitations et sur le bord des grands chemins, parce qu’il fournit un excellent abri contre les ardeurs du soleil. Le fruit, qui ne peut mieux se comparer qu’à d’énormes fèves de marais , contient des pignons fort durs, enveloppés d’un suc épais et d’une saveur acide assez agréable. A Java on en fait des confitures, tandis qu’on l’exporte pour l’usage pharmaceutique.

On voit assez communément le Ficus Benjamina (wa- rïnguin), c’est l’arbre des tombeaux, servant de retraite

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à de nombreux oiseaux , qui y déposent un grand nom- bre de graines mai digérées ; il se couvre de plantes grimpantes parasites, qui le parent de fleurs très-variées et souvent aux couleurs les plus éclatantes.

Le Teclonia grandis (pohon jattie) est l’arbre le plus précieux de File par la qualité durable de son bois ; il sert à la construction des navires et des maisons. Il est important de construire les maisons en bois dur pour résister aux attaques des fourmis blanches, Termes fata- lis, qui sont très-communes. Leurs innombrables lé- gions, dit le comte de Hogendorp, circulent sous terre, descendent sous les fondements des maisons et de elles remontent jusque dans les solives de la toiture en perforant et en faisant des chemins couverts dans toutes les poutres et les boiseries de la maison, à mesure qu’elles avancent. Elles peuvent détruire ainsi en fort peu de temps une habitation de fond en comble. Une poutre ou une planche en proie à ces petits dévastateurs parait solide à l’œil, tandis que dans l’intérieur elle est rongée et percée à l’exception de quelques libres du bois qui en retiennent les parois extérieures.

Le gambir (Gulla gambir), Funis uncatus de Rum- pliius ; l’arequier, Âreca catechu, en malais Pinang, en javanais Jambir, à Amboine Poua ; lesaguier ou gomuti, Borassus gomulus c’est le plus gros de tous les pal- miers, une seule grappe du fruit suffit pour la charge d’un homme. L’enveloppe de ce fruit contient un poison très-énergique; les Javanais s’en servent pour empoi- sonner leurs flèches : aussi les Hollandais appellent le suc qui en découle hell water , eau d’enfer. C’est de ce palmier que les Chinois retirent le toddy, boisson forte.

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lis l'ont une incision à l’arbre, et reçoivent dans un vase un sue qui a tout d’abord le goût du vin sortant du pressoir. Après deux ou trois jours, cette liqueur se trouble, elle devient blanchâtre, acide; la fermentation s’établit, et elle acquiert une qualité spiritueuse. Cette liqueur prend alors le nom de vin de palmier; on l’em- ploie pour la fabrication de l’arrach si renommé de Batavia. On en obtient aussi un sucre cristallisé de cou- leur foncée et d’une saveur particulière : c’est le seul dont se servent les naturels. Le même arbre fournit encore une espèce de lilasse dont on se sert pour faire des cordages, une substance spongieuse qu’on emploie pour calfater les vaisseaux ; enfin on en retire une es- pèce de fécule d’un goût peu agréable, qui ne sert de nourriture qu’aux pauvres. Cet arbre précieux à plus d’un titre ne prospère point sur les côtes, le cocotier croit avec tant de facilité; il préfère les lieux élevés, se rencontre un peu d’eau. Le bois de construction ne s’obtient pas seulement du Teclonia grandis , qui n’est employé que par les gens riches; les arbres qui fournissent les bois employés plus fréquemment sont : le Liquidamber rasamala (rasamala) ; le Pinus dammara (ki-bima); le Laurus gemmi/lora (hourou); le Laurus mangliet (manglit); les Diplerocarpus relusus et Iriner- vis (palaglar menjak), et plusieurs arbres fruitiers.

Un arbre non moins précieux que ceux que je viens de citer est le Ficus elaslica (pohon karet), dont les Java- nais retirent une résine qui sert à faire des flambeaux.

Je parlerai encore du rarach ou arbre à savon, Lau- rus sebifera, Sapindits saponaria. Ses fruits fournissent une substance grasse que les Javanais emploient pour

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laver le linge. Le bananier, Musa paradisiaca , appelé pisang par les Malais, fournit un fruit délicieux. Si on le cueille un peu avant la maturité, quand sa fécule n’est pas encore changée en sucre, on la fait torréfier pour s’en servir en guise de pain ; quand il est bien mûr, on le mange cru : il est alors très-sucré et fort agréable.

Le bananier ne s’élève point en arbre; il n’a d’ail- leurs ni bois, ni écorce, et le tronc consiste en libres entourées d’enveloppes bulbeuses qui se recouvrent l une l’autre. Au haut de cette tige sortent des feuilles longues et fortes, au centre desquelles paraît une lon- gue tige autour de laquelle sont rangés un grand nom- bre de fruits.

Parmi les autres fruits que produit f ile, je ne par- lerai que du mangoustan, Gareinia mangoslana , nommé le roi des fruits. Il est légèrement acide, d’une saveur extrêmement délicate et très-sain; il a F aspect, d’une grenade mûre. Une écorce brune, dure extérieurement, plus molle et moins foncée intérieurement, renferme une pulpe blanche et transparente comme la neige; c’est la seule partie mangeable du fruit.

Une des productions importantes de Java , et c’est certainement la plus singulière, est un nid de petite hirondelle ( Ilirundo Esculenla), qui est extrêmement recherché dans File et exporté à grands frais en Chine. Le nid de cet oiseau , dit un voyageur qui a assisté à une récolte, est formé d’une substance blanche assez semblable à l’écume de la mer ; il a la forme d’une moi- tié d’écorce d’orange, et l’aspect gélatineux. Lorsqu’on le fait tremper dans l’eau, il s’amollit et se partage en libres de nature mucilagineuse , d’un goût assez fade.

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Mon oncle M. Benjamin Delessert en possède quelques échantillons clans son musée.

On aura peine à comprendre que ces nids se vendent fort cher et deviennent des sources de fortune pour ceux qui possèdent dans leurs terres des cavernes les hirondelles vont se retirer. On sait dans le pays que M. Michiels, le plus riche propriétaire foncier de Java, se fait , avec les nids qu’il récolte dans une caverne à Klappa-Noungal, située à deux lieues de Java, un re- venu de 70 à 80,000 piastres. Son père, il y a environ quarante ans , était un petit marchand portugais qui parcourait la campagne avec un ballot de marchandi- ses; il découvrit cette caverne jusqu’alors inconnue, et obtint du gouvernement, à bas prix , quelques terres incultes dont la caverne faisait partie. Après quelques années il put acheter toutes les terres que le gouverne- ment fit vendre dans les environs , et qui forment plu- sieurs districts. Ce qui fait rechercher si avidement ces nids , ce sont les propriétés excitantes et toniques qu’on leur attribue : on les sert comme une friandise dans des ragoûts , des soupes et des espèces de pâtés.

On suppose que les hirondelles les construisent avec de l’écume de mer, tandis qu’il serait plus naturel de croire que c’est avec des produits végétaux ou animaux qu’elles les fabriquent. Quoi qu’il en soit, la récolte se fait avec assez de cérémonie pour que j’en dise deux mots. Les hommes qui récoltent ces nids précieux des- cendent , à l’aide d’échelles de bambou , dans les ca- vernes. Pour être assuré de leur fidélité , on ne les y laisse entrer que nus ; et , avant d’y descendre , comme à leur retour, ils reçoivent la bénédiction de quelques

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prêtres, qui demeurent pendant l’opération à l’entrée de la caverne avec les autres gardiens. Il suflit d’observer avec soin l’époque de la ponte et le moment les jeunes oiseaux quittent le nid. On les laisse tranquilles pendant ce temps afin de ne pas effaroucher les hirondel- les, qui abandonneraient la caverne. Mais une partie des nids se récolte avant que les œufs y soient déposés; ces nids sont plus blancs et plus propres, ils deviennent ce qu’on nomme dans le commerce nids de première qua- lité. Les nids de la seconde et de la troisième qualité sont ceux que l’oiseau construit à la hâte pour remplacer ceux qui lui ont été enlevés, et ceux les petits ont été élevés : bien moins beaux, ils sont couverts de petites plumes et d’autres saletés que l’on ne peut ôter qu’avec bien de la peine quand ils ont été trempés. Ordinairement la pre- mière qualité de nids d’oiseaux se débite aux ventes pu- bliques tenues à Batavia avant le départ des jonques ch i- noises, au taux de 3,000 piastres le picle de 125 livres. Une livre de 16 onces peut contenir environ 50 nids. La seconde qualité est payée de 14 à 1,500 piastres, et la troisième de 7 à 800.

Dans quelques résidences ces cavernes sont exploitées pour le compte du gouvernement , et l’on voit figurer les nids d’oiseaux, dans certains états d’importations de l’ile de Java, pour une somme de 180,000 piastres.

Le règne animal n’est pas moins riche à Java que le règne végétal. Le buffle est l’animal domestique le plus utile aux Javanais, c’est celui qui leur rend lès plus grands services. Le bœuf et la vache y sont peu estimés. Les chevaux sont vigoureux, bien établis, mais de pe- tite taille ; le pays en fournit peu , mais on en reçoit de

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Timor el de Bi ma qui sont très-supérieurs à ceux du pays.

On trouve à Java toute espèce de gibier, et , de plus, des tigres , des léopards , des rhinocéros , qui ne per- mettent de se livrer aux plaisirs de la chasse qu’avec beaucoup de réserve. On a observé que chaque année deux ou trois cents Javanais périssent victimes de la férocité de ces animaux. Le gouvernement colonial, pour contribuer à la destruction des tigres , paye une prime aux habitants qui parviennent à en tuer un. On en détruit environ une centaine par année. Cependant l’établissement de celte prime ne suffit pas , parce que beaucoup de Javanais ont pour le tigre un respect su- perstitieux : il y a des villages, dans l’intérieur, les habitants, au lieu de se réunir pour faire la chasse, préfèrent se cotiser pour faire une espèce de pension alimentaire à ces visiteurs féroces ; c’est-à-dire qu’ils apportent régulièrement , dans un endroit le tigre a coutume de venir, des bêtes mortes ou des débris de viande de bullle, à défaut de toute autre, espérant à ce prix n’avoir plus rien à craindre pour leurs personnes ou leur bétail sur pied.

Madras.

j-coibchs - Gîvusccliy,

Églises Ecossaise/ su ■JfyfaÉh'as .

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De Batavia à Pondichèri. Voyage à Madras ; excursion à Pamendy et à Gyngy.

Nous étions à bord depuis deux jours, attendant un vent favorable pour sortir de la rade de Batavia; enfin, le 20 février, on mit à la voile. Nous nous dirigeons vers le détroit de la Sonde, et bientôt nous sommes de- vant la baie de Bantam. Pendant cette traversée nous eûmes beaucoup à souffrir de la chaleur et des mous- tiques, dont le bourdonnement est aussi insupportable que les piqûres douloureuses. 11 faut ajouter à ce pre- mier supplice la visite incessante des Cancrelas ou grosses blattes : je ne saurais auquel de ces deux enne- mis accorder la préférence.

Le 27, après un grain violent de sud-ouest, nous vîmes tomber une trombe à peu de distance du navire. Au mauvais temps succéda un calme plat qui nous força à nous diriger vers le sud pour rencontrer des vents convenables. Ne pouvant nous attendre à ce contre-temps, qui prolongeait de beaucoup la durée de la traversée, nos provisions s’étaient épuisées, l’eau surtout, et il fut question de nous mettre à la ration ; heureusement les vents favorables nous furent rendus, et le quarante-cinquième jour, à notre grande joie, nous débarquions à Pondichèri.

Aussitôt après le débarquement je m’empressai de déballer toutes les collections que je rapportais, et j’eus

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la satisfaction de voir que tout était dans un état par- fait de conservation.

On attendait à Pondichéri le nouveau gouverneur, M. de Saint-Simon, venant remplacer M. de Mélay, qui rentrait en France après avoir gouverné la colonie pen- dant six ans.

La corvette de l’État l’Oise, qui amenait le gouver- neur, avait mis cinq mois pour arriver, après une courte relâche à l’île Bourhon. Le 1er mai, fête du roi, fut un jour de réjouissance générale; toute la ville fut illuminée, on tira un feu d’artifice, et le gouverneur donna, avant son départ, un bal des plus brillants. Le 3 mai, Perrottet et moi nous nous rendîmes sur le port pour voir arriver la corvette, dont le salut se fai- sait entendre, ainsi que le canon du fort qui lui répondait.

Un grand nombre de schelingues pavoisées portaient toutes les personnes qui allaient au-devant du nouveau gouverneur.

Sur le rivage, les cipayes étaient rangés en bataille. M. de Saint-Simon fut reçu par un officier supérieur de la marine et le chef de la police de Pondichéri; il se rendit de suite au Gouvernement, toutes les au- torités étaient assemblées pour le recevoir. La réunion dans les salons était considérable, mais ne présentait pas le même aspect que le peuple, dont le costume varié offrait un coup d’œil remarquable.

Quelques jours après son arrivée, le gouverneur me fit l’honneur de venir me voir et de visiter mes collec- tions déposées au Jardin du Roi; elles parurent l’inté- resser beaucoup.

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La corvette qui avait amené M. de Saint-Simon de- vait reconduire en France M. de Mélay, et je profilai du départ de ce bâtiment pour envoyer à Paris une grande partie des objets que je m’étais procurés pen- dant mon voyage avec V Astrolabe. Je m’occupai de suite de l’emballage, et je ne me reposai qu’ après avoir vu embarquer mes caisses.

Le 48 mai, M. de Mélay s’embarqua, emportant les regrets de la colonie ; la ville entière l’accompagna à son départ, auquel présidait le nouveau gouverneur. Cette journée fut triste, et le silence général était un témoignage de l’affection qu’avait su s’attirer M. de Mélay. Il prit congé de toutes les personnes qu’il con- naissait particulièrement, et les honneurs militaires lui furent rendus ; le canon annonça son départ du rivage et son arrivée à bord. La corvette appareilla de suite et fut bientôt hors de vue. Nous étions loin de nous douter que quatre jours après il mourrait subitement. Aussitôt que cette nouvelle fut officiellement connue à Pondichéri, M. de Saint-Simon fit célébrer un service funèbre auquel toute la ville assista. Par la douceur de son caractère et sa bonne administration, M. de Mélay avait su aplanir bien des difficultés et se concilier l’es- time générale.

Mes premières collections dirigées sur Paris, il fal- lait en faire de nouvelles, soit en explorant les mêmes lieux dans une saison différente, soit en visitant des points plus éloignés de la ville. Le 49, je partis avec mes chasseurs pour faire une excursion à Permacoul, l’on me promettait des merveilles. Permacoul est à vingt milles de Pondichéri. Pendant la marche j’eus

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beaucoup à souffrir de la chaleur; mais je tuai un grand nombre d’oiseaux, parmi lesquels je remarquai le Cur- sorius coromandelicus , le Tetrao umbellus , et le Paon sauvage. Je tuai aussi quelques petits mammifères. Le paon domestique n’a rien perdu de son état primitif; car il est impossible d’établir la moindre différence avec ceux que je parvins à me procurer au nombre de huit mâles et femelles. Mes Indiens trouvèrent beau- coup d’insectes. Après quelques jours de chasse, je re- vins à Pondichéri mettre en ordre mes richesses. Je fis, sans m’éloigner autant, plusieurs promenades qui cha- que jour venaient augmenter mes collections. Je tuai plusieurs chats sauvages, des corsacs ou renards jaunes, qui sont assez communs aux environs de la ville ; des chacals, deux hyènes, des blaireaux, un pélican, et un ibis, Ibis religiosus.

Mes excursions furent interrompues par la fête du dieu Schiva, qu’on célébrait à Villenour, et à laquelle je voulais assister. Elle dura dix jours ; une foule im- mense s’y était rendue pour voir la statue du dieu qui fait sept fois le tour de l’étang situé auprès de la pa- gode. Les brames faisaient tous les frais de la fête , et les bayadères dansaient et formaient des groupes singu- liers : un de ces groupes représentait un pigeon blanc agitant ses ailes.

Après la fête je partis pour Pondichéri ; le retour des oiseaux de passage était commencé , et je comptais sur de belles chasses. Cet espoir se réalisa, car je dou- blai le nombre de mes oiseaux.

On m’avait engagé à me rendre à une aidée anglaise, connue sous le nom de Pulci-Paléom ; j’en rev ins chargé

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de plusieurs oiseaux remarquables, parmi lesquels se trouvaient plusieurs coqs de bois et des vautours.

Pour me reposer un peu de mes fatigues et varier mes plaisirs, je partis pour Madras. Je voulais voir cette ville , dont j’avais si souvent entendu parler. Ma- dras est un des établissements anglais , à 25 lieues de Pondichéri. La partie de la ville qu’on nomme la Ville- Blanche ou le Fort-Saint-Georges est bien fortifiée, et n’est habitée que par des Anglais. On y remarque une grande activité, beaucoup de luxe, mais, je crois, aussi beaucoup d’ennui. Je repartis avec plaisir pour Pondi- chéri , me disposant à faire une excursion à Gyngy, à 80 milles N. -O.

Après deux jours de marche nous arrivâmes à Bembé- Pamendy, et nous étions encore à 20 milles de Gyngy. La route que nous suivions est très-accidentée, le sol est rocailleux et assez élevé. Un chasseur du pays , qui me servait de guide , m’engagea à m’arrêter au moins un jour, me promettant que je ne regretterais pas mon temps. Je fis alors camper ma petite troupe, et dis- poser ma tente sous un manguier , dont les feuilles devaient me garantir de l’action du soleil. J’organisai une partie de chasse pour le lendemain , et , pour en assurer le succès , je fis chercher à l’aidée de Pamendy une douzaine d’indiens qui devaient me servir de tra- queurs. J’avais amené de Pondichéri huit tireurs, que je plaçai convenablement aux points fréquentés par les animaux que nous voulions nous procurer , et que nous reconnûmes facilement aux traces nombreuses et variées que l’on voyait sur le sable. Mon guide ne m’avait pas trompé , car je parvins à tuer plusieurs axis (cerf mou-

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clieté), deux sangliers , un assez grand nombre de liè- vres et des oiseaux de toute espèce. Ce premier succès m’engagea à séjourner à Pamendy ; mes traqueurs m’a- vaient mal fouillé plusieurs enceintes du bois, qui, placé sur des rochers à pie, était très-épais et presque impéné- trable. Pendant dix jours je ne cessai de chasser, et je fus assez heureux pour tuer deux ours , et assez de mam- mifères et d’oiseaux pour me permettre de choisir et de préparer ceux qui n’étaient pas trop abîmés par le plomb.

C’est à regret que je quittai Pamendy pour me ren- dre à Gyngy, je parvins après un jour de marche. L’aidée de ce nom est dominée par d’anciennes forte- resses construites par des princes indiens et occupées depuis par des troupes françaises 11 y a environ vingt ans que le pays est passé au pouvoir des Anglais.

Je m’occupai de suite de l’établissement de mon camp, et je lis quelques petites promenades pour prendre con- naissance des lieux et me préparer à la chasse. Les mon- tagnes arides étaient cependant couvertes çà et de petits bouquets de bois.

Je tuai successivement plusieurs axis , des sangliers, des ours , des porcs-épics , plusieurs écureuils et beau- coup d’oiseaux remarquables. Sur les bords d’un étang que nous rencontrâmes, je me procurai quelques oi- seaux aquatiques d’espèces rares. Nous y aperçûmes aussi des crocodiles qu’on dit y avoir été apportés au- trefois. Je consacrai plusieurs jours à la recherche des insectes , et , ne pouvant prendre le temps de les pi- quer, je les plongeais de suite dans des llacons remplis d’alcool.

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Les Indiens chargés de préparer mes animaux suffi- saient à peine ; mon séjour dans ces montagnes m’a procuré les plus belles chasses : je tuai plusieurs sin- ges, et, un jour, je surpris deux chiens sauvages, ou chennayes , Canis primœvus de Hodgson, donnant la chasse, comme de vrais chiens courants , à un axis que je leur pris sans pouvoir les tuer eux-mêmes, à mon grand regret. Ces chiens sont très-rares, et les habitants du pays disent qu’ils accompagnent toujours les tigres, auxquels ils servent d’avant-garde. Quoi qu’il en soit de cette assertion, le lendemain, en allant voir mes chas- seurs au filet , qui étaient partis de très-bonne heure , nous remarquâmes, près de l’endroit j’avais tué l’axis de la veille, les" pas assez nombreux d’un tigre de forte taille, et, un peu plus loin , ceux d’un ours, que nous suivîmesassez loin , et avec assez de persévérance pour parvenir à le rencontrer. L’attaque fut vive; mais la résistance nous déconcerta d’abord un peu : c’était une bête énorme, et sa fureur, excitée par une pre- mière blessure à la tête, augmenta d’une manière ef- frayante dès que je lui eus envoyé à peu de distance une balle qui lui cassa l’épaule droite; il se dressa con- vulsivement, et, se dirigeant sur un de mes chasseurs pour l’attaquer, il fut attendu de sang-froid, et reçut à bout portant une balle qui, lui traversant la poitrine, arrêta sa marche et le fit tomber sur le coup; accourant alors sur lui, nous l’eûmes bientôt achevé. Cette prise me fit le plus grand plaisir, moins pour l’espèce, que je pos- sédais déjà, que pour sa taille vraiment extraordinaire.

Il est rare de rencontrer des tigres dans les environs de Gyngy , parce que le gouvernement anglais a établi

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une prime pour leur destruction , et que chaque année on tue ceux qui paraissent ou viennent des environs.

Je me reposai un jour en herborisant, en cherchant des insectes, et je m’amusai à faire un croquis des montagnes qui me procuraient tant de plaisir.

Voulant aussi visiter la forteresse de Gyngy, je pris un guide, qui m’y conduisit par un chemin qu’il était impossible à tout étranger de reconnaître. Arrivés au mur d’enceinte, nous eûmes bientôt visité la place. Je remarquai sur un mur de beaux rayons de miel, au- tour desquels bourdonnait un essaim de mouches; et comme je me disposais à tirer sur un de ces rayons pour le faire tomber, j’en fus détourné par mon guide , qui me prévint que près de il y avait un petit temple consacré à Schiva , et que ce serait offenser les Mala- bars qui me suivaient. Je renonçai alors à mon projet, et je fis bien ; j’en donnerai la raison un peu plus loin. J’appris alors que des Indiens récoltaient chaque année le miel , qu’on trouve abondamment dans cet endroit ; mais que pour en obtenir l’autorisation, ils devaient faire plusieurs offrandes aux brames et se soumettre à certaines cérémonies religieuses.

Je ne pus visiter qu’une partie de la forteresse , parce qu’un pont de communication , détruit depuis plus de cent ans, ne nous permit pas de traverser un précipice affreux qui nous séparait d’une partie des bâtiments. Ce pont fut brûlé, dit-on, par le roi Decing-Radjah , parent du fameux Typo-Saïb.

En revenant, je vis, sans pouvoir les tirer, plusieurs grosses chauves-souris, et comme je témoignais à mon guide le désir de m’en procurer quelques-unes , il me

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conseilla d’y renoncer, parce que ces animaux sont sa- crés; puis il ajouta qu’en passant près de Gyngy, j’en verrais bien davantage. Ennuyé d’être arrêté à chaque instant par ces obstacles ridicules , nous étions à peu de distance d’une aidée, lorsque j’aperçus sur un arbre au moins quatre cents de ces animaux suspendus aux branches par les ongles. Le désir d’en tuer l’emporta sur la prudence, et, d’un coup de fusil tiré d’assez loin, j’en abattis quatre; mais toutes les autres parti- rent en faisant entendre des cris aigus. Beaucoup d’in- diens sortirent alors de leurs maisons, et, irrités de mon sacrilège, ils me poursuivirent en me lançant des pierres et m’accablant de reproches. Le parti le plus sage, après cette faute, était de prendre la fuite, et je n’eus pas même le temps de la réflexion. Je fus heureux d’en être quitte pour la peur : ils m’auraient lapidé, moi et les miens. Je me rappellerai long temps cette promenade, et chaque fois que dans ma collection mes yeux tombaient sur les malheureuses victimes de mon audace, je ne pouvais m’empêcher de rire en songeant aux dangers que j’avais courus.

Les Indiens sont si superstitieux , qu’ils m’auraient tué pour venger la mort de quatre bêtes immondes.

Si , pendant mon séjour à Gyngy, je fus exposé à des tribulations de ce genre , on me rendit aussi des hon- neurs que je ne méritais pas. On me lit médecin malgré moi. Un des traqueurs que j’avais employés était depuis long-temps malade, et je crus reconnaître qu’il était atteint d’une fièvre intermittente très-fréquente dans ces parages. J’avais une petite provision de sulfate de qui- nine pour mon usage , je lui en lis prendre, et le troi-

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sième jour il fut guéri ; cette cure miraculeuse fut bien- tôt connue de tous les habitants malades de l’aidée, qui vinrent me trouver à mon bivouac pour me consulter. Tous n’avaient pas la fièvre , mais tous voulaient être guéris, et, pour ne pas perdre de la considération que je m’étais si facilement acquise , j’épuisai toutes les res- sources de ma mémoire et toute ma pharmacie, et, dans la crainte d’avoir augmenté peut-être le mal de mes crédules clients , dont je redoutais plus les violen- ces que les reproches , par prudence je me disposai à lever le camp pour rentrer à Pondichéri.

C’est en faisant mes dispositions de départ que je me blessai à la main , ce qui me força à précipiter encore mon retour.

J’avais déchargé deux de mes fusils avant de les em- baller, je voulais en garder un troisième pour faire la route; mais j’avais pris le soin de placer du papier entre le marteau et les capsules, qui tenaient si fort que je n’avais pu les enlever des cheminées. Cette précaution prise, je voulus mettre ce même fusil dans son fourreau de cuir; il y entra facilement d’abord, de manière à faire arriver l’ouverture du fourreau jusque sur la batterie. Rencontrant alors de la difficulté pour l’engager com- plètement, je voulus forcer sur les canons; mais, ne pouvant réussira mon gré, je retirai vivement le four- reau , qui , rencontrant un des chiens , fit partir le coup de gauche. Heureusement pour moi je ne me trouvais pas dans la direction de la charge, et je fus seulement blessé à la partie interne de la main droite. Pendant mon séjour à Gyngy des abeilles s’étaient engagées dans le fourreau de mon fusil , et y avaient construit un nid

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qui en bouchait le diamètre , et formait l’obstacle à l’in- troduction du canon. Ma blessure, peu douloureuse sur le moment, ne laissa pas de m’inquiéter lorsque le sang s’en échappa en grande abondance et par jets in- termittents, ce qui me fit reconnaître qu’une artère était ouverte. Je ne savais comment arrêter l’hémorrha- gie ; plusieurs moyens me furent conseillés par les In- diens, mais aucun ne réussit. J’imaginai de me faire serrer le bras par une ligature et de me couvrir la plaie de charbon réduit en poudre très-fine. Ce procédé n’ar- rêta pas complètement l’hémorrhagie; mais je perdis peu de sang à partir de ce moment. On me fit un lit sur mon chariot, et, après m’être arrangé le plus com- modément possible, je partis pour Pondichéri.

Un gonflement considérable se forma ; je savais que dans les plaies de ce genre et surtout dans une partie formée de tendons, de membranes et de tissus peu ex- tensibles, le tétanos pouvait se déclarer sous l’influence d’une température élevée; j’étais résigné à tout, et c’est alors que je me trouvai très-heureux de n’avoir pas blessé les susceptibilités de mes Indiens en tirant sur les abeilles du fort de Gyngy, car incontestablement ils auraient supposé que ma blessure était une punition que m’envoyait Schiva, et ils n’auraient pas osé me donner leurs soins ni m’aider dans mon malheur, dans la crainte de déplaire à Schiva en adoucissant la rigueur de sa vengeance.

J’arrivai à Pondichéri sans accident, mais non sans douleur; je reçus de suite les soins du docteur Trouette, chirurgien-major de la marine. Ma blessure fut trouvée grave; il la pansa, et, après six semaines de souffrances

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et plusieurs opérations nécessaires pour retirer les es- quilles, je fus assez bien pour commencer à sortir.

Je ne saurais reconnaître assez les bons soins que le docteur Trouette me prodigua, et les attentions de mon ami Perrottet qui passa plusieurs nuits près de moi pour surveiller l’hémorrhagie qui reparaissait de temps à autre. C’est quand on se trouve isolé de sa famille qu’on apprécie à leur valeur les soins d’un ami, et qu’on peut juger de son affection.

La fièvre inflammatoire, qui ne m’avait pas quitté depuis le jour de mon accident, m’avait beaucoup affai- bli, les chaleurs augmentaient, et l’on me conseilla de quitter Pondichéri pour aller passer le temps de ma convalescence dans un pays plus tempéré. Dans l’ im- possibilité où je me trouvais de chasser ou de m’occu- per, je pris le parti de m’embarquer pour me rendre à l’ile Bourbon, que j’avais eu à peine le temps de visi- ter, et que je voulais mieux connaître. Le docteur Trouette approuva mon projet, qui fut de suite mis à exécution.

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De Pondichéri à Vile Bourbon.

Je partis de Pondichéri le 14 avril 1836 , à bord de la corvette de guerre l'Isère , commandée par le capitaine Henri de La Blanchetais. Cette traversée n’offrit rien de particulier; chaque jour on faisait la manœuvre; le temps, trop calme pour notre marche, favorisait les exercices. A la hauteur de Ceylan , pendant qu’on fai- sait l’exercice à feu, un matelot tomba à la mer; mais il fut sauvé promptement , grâce à la bouée qu’on lui jeta.

Un bâtiment américain, faisant voile pour Calcutta, fut hélé par ordre de notre capitaine : lors de notre dé- part de Pondichéri , on répandait quelques bruits de guerre entre la France et les États-Unis. Nous rencon- trâmes plusieurs navires anglais et français.

Enfin le 26 nous aperçûmes le feu du volcan de Bour- bon , et le lendemain nous mouillâmes en rade de Saint- Denis. Ce voyage m’avait fait le plus grand bien , et ma blessure ne me faisait plus souffrir ; je commençais à pouvoir me servir de ma main.

Disposé que j’étais à passer quelque temps dans l’île, je fis plusieurs excursions ; les premières , sans résul- tat pour mes collections , me firent connaître le pays, et contribuèrent promptement à me mettre en état de recommencer ma vie nomade.

Je voulus faire le tour de l’île en suivant la côte. Parti

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de Saint-Denis, à cheval, et suivi d’un seul domesti- que , je fis un vrai pèlerinage en visitant presque tous les saints de Bourbon. Je me dirigeai d’abord sur Saint- Paul , petite ville qui possède le meilleur port de l’ile ; de , sans perdre la côte de vue, j’arrivai à Saint-Gil- les, puis à Saint-Leu , l’on récolte d’excellent café. Je m’arrêtai un jour à Saint-Louis , et , en suivant les dunes et passant près de la magnifique plantation de cannes de M. Chabrier, qui n’était autrefois qu’un ma- rais inculte, je me rendis à Saint-Pierre, l’on a la plus belle vue possible des Salazes. Après avoir traversé le quartier Saint-Joseph , l’on cultive particulière- ment le riz, le giroflier et le muscadier, je parcourus la basse vallée et le Barril.

Je rencontrai alors un terrain immense , connu sous le nom de Vieux-Brûlé; et c’est pendant la nuit, à la faveur d’un beau clair de lune, que j’arrivai à peu de distance du volcan , dont nous aperçûmes parfaitement la fumée s’élevant en colonne , et le petit courant de lave qui descendait du cratère.

Nous avions traversé le Bois-Blanc, et reconnu le ter- rain couvert de lichen blanc nommé lichen vulcani. J’ar- rivai aux cascades , et le lendemain je me rendis à Sainte-Rose et à Saint- Benoit , et j’arrivai à Saint-Denis en traversant les quartiers Saint-André, Sainte-Suzanne et Sainte-Marie.

L’île Bourbon doit son origine à des éruptions vol- caniques. On remarque deux cratères principaux. Ce- lui du Gros-Morne, éteint depuis long-temps, est situé au nord, et celui du piton de Fournaise, encore en acti- vité , est au sud-est. Les laves qui s’échappent de ce

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dernier ont condamné à la stérilité la plus complète un immense terrain , que les habitants désignent sous le nom de Pays-Brûlé. Le centre de File est traversé dans tous les sens par une chaîne de montagnes escarpées qui divisent le pays en deux grands districts naturels, connus sous les noms de par lie du vent et partie sous le vent, sub- divisées en plusieurs quartiers. La superficie de file est évaluée à 170,700 hectares; sa plus grande longueur du nord au sud a quatorze lieues, et sa circonférence a près de 48 lieues. Pendant presque toute l’année le sommet des plus hautes montagnes est couvert de neige. La route tracée autour de l’île et sur le bord de la mer est coupée par un grand nombre de petites rivières , guéa- bles le plus souvent, mais se transformant après la moindre pluie en torrents impétueux. La température est douce, uniforme; le climat est très-heureux, puis- qu’il passe pour le plus sain de l’univers. Malheureuse- ment ce beau pays se sent un peu du voisinage de l’île de France, et les ouragans y exercent aussi de grands ravages.

Les produits de file sont le sucre , le café , le cacao, le coton , le girofle , la muscade , la cannelle , le tabac, le riz, le maïs, le froment, les ignames, les patates, et les bois de teinture et d’ébénisterie. On dit que l’intro- duction du café à Bourbon date de 1718 ; c’est d’Arabie que furent tirés les premiers plants : ils se multiplièrent rapidement dans l’île. Mais , en 1806 , un violent oura- gan ayant bouleversé une partie des cafèteries , on sub- stitua en beaucoup d’endroits à cette culture celle de la canne à sucre , qui a fait depuis lors des progrès si con- sidérables que la colonie a récolté jusqu’à 18 millions

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de kilogrammes de sucre , tandis que la récolte du café a rarement dépassé 650,000 kilogrammes.

Celte colonie a commencé peu de temps après la dé- couverte de l’ile. Des Français révoltés , et qu’on exila, en furent les premiers colons ; mais la Compagnie des Indes y envoya des ouvriers sous la direction d’un chef habile, et Louis XIY leur expédia de France de jeunes orphelins qui se marièrent, et forma ainsi le noyau de la colonie. Elle s’accrut subitement en 1673 par l’arrivée des Français échappés au malheur du fort Dauphin à Madagascar. La population actuelle de l’ile est de 100,000 individus dont 30,000 colons libres , 3,000 cultivateurs indiens , et le reste esclaves.

La colonie est régie par les codes français, modifiés et mis en rapport avec ses besoins.

Après mon arrivée à Saint-Denis je commençai une collection des poissons de File, et je réussis à les pré- parer assez bien pour leur conserver leurs formes et leurs couleurs. Prenant goût à ce genre de travail, ma collection fut bientôt nombreuse et m’attira les éloges de tous ceux qui la virent.

Je désirai beaucoup visiter une source thermale sul- fureuse très-fréquentée , qu’on trouve au pied de la montagne des Salazes. Cette source, au dire de Vau- quelin , est d’une espèce rare et peut-être unique (4).

(I) On remarque dans les bouteilles bien bouchées qui la renferment un dépôt noir formé de sulfure de fer et d’un peu de matière animale. Le dépôt formé dans les bouteilles mal bouchées , donnant accès à l’air , est jaune-ochracé, composé d’hydrate de fer, de carbonate de chaux, d’un peu de silice et de matière animale. Cette dernière eau contient des traces d’acide sulfurique que l’on n’observe pas dans la première.

L’eau de Bourbon, indépendamment de l’acide hydrosulfurique, paraît contenir de l’acide carbonique à l’état de combinaison et à l’état de

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On trouve encore dans l’île une autre source, située au pied du piton de Neige , dans la partie appelée la plaine des Étangs.

J’étais depuis six mois à Bourbon, et ma santé, par faitement rétablie, me permit de songer à faire un nouveau voyage : j’avais depuis long-temps l’intention d’aller au Bengale, et je fis mes dispositions pour prendre passage sur un navire partant pour Calcutta.

liberté ; car l’eau de chaux y produit un précipité beaucoup plus consi- dérable que les carbonates alcalins.

Pour chercher à connaître comment le fer se trouvait déposé au fond des vases à l’état de sulfure de fer, l’auteur a fait les deux expériences synthétiques suivantes. De la limaille de fer fut mise dans un flacon rempli d’eau saturée d’acide hydrosulfurique et agitée pendant vingt- quatre heures ; au bout de ce temps la liqueur séparée était incolore , elle n’était nullement affectée par l’infusion de noix de galle , et cepen- dant elle contient du fer, car elle noircit bientôt par le contact de l’air. Il fit dissoudre du fer dans de l’eau chargée d’acide carbonique , de manière qu’il restait beaucoup d’acide carbonique libre; il y ajouta une dissolution d’acide hydrôsulfurique , et le mélange exposé a l’air noircit au bout de quelques heures. L’auteur, d’après ces expériences, explique l’état dans lequel se trouvait l'eau minérale à sa source , et les change- ments qu’elle a éprouvés dans les bouteilles elle a long-temps séjourné.

11 pense que le fer était primitivement dissous par l’acide carbonique, peut-être aussi par l’acide hydrosulfurique ; qu’une grande partie , sur- tout du premier acide, s’étant dégagée à travers les pores du bouchon, l’acide hydrosulfurique s’est entièrement séparé du fer, et s’est précipité avec lui à l’état d’hydrosulfate de fer, plutôt qu’à l’état de sulfure de ce métal. Deux litres d’eau de Bourbon, soumis à l’évaporation, ont laissé un résidu qui a été en partie redissous par l’eau distillée : la portion insoluble pesait 190,37; elle était formée de 0,49 parties de carbonate de chaux , de 1 4 parties de fer , de 24 parties de silice et d'une petite quantité de matière animale.

La portion dissoute par l’eau renfermait 1 grain 12 de carbonate de soude , mêlé d'un peu de carbonate de potasse, et quelques atomes de silice.

L’eau de Bourbon fait exception à toutes les eaux minérales obser- vées jusqu’à présent. M. Pinac, qui a analysé celle de Bagnères-Adour, a pensé que le fer y était tenu en dissolution par l’intermède de l’hy- drogène sulfuré, mais sans le prouver par l’expérience. (II. Chenu, Es- sai pratique sur les eaux minérales, t. III, p. 130.)

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De Mur bon à Cale alla.

Partis le 27 novembre sur la Thérence, capitaine Cail loi , nous relâchâmes à Maurice pendant deux jours, et nous fîmes route sur Calcutta. Notre marche fut bonne , et la traversée n’offrit rien de particulier. Ce- pendant , arrivés à la hauteur de Sumatra , nous éprou- vâmes deux secousses violentes , comme si le navire touchait un bas-fond ; le capitaine n’en fut nullement inquiet , et nous expliqua que dans ces parages les trem- blements de terre se font sentir à de très-grandes di- stances en mer, et que ces secousses pouvaient aussi être dues à quelque volcan sous-marin.

Le 23 janvier nous étions au mouillage dans le Gange, devant Calcutta. Quelques jours après mon arrivée je fus invité par le docteur Wallich à passer quelque temps à sa maison, qui fait partie du Garden-Reach , dont il est le directeur.

Calcutta , aujourd’hui la brillante capitale du Bengale et de toutes les Indes orientales britanniques , et une des plus belles villes du monde, n’était, il y a un siè- cle, qu’un assemblage d’habitations mal construites, irrégulièrement distribuées au milieu d’un marais formé par les débordements du Gange, habitées cependant par une population nombreuse , et entourées d’un jon- gle impénétrable , et assez insalubre pour n’être abordé que parles malfaiteurs et les bêtes féroces , auxquels il

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servait de repaire. On donnait à cette espèce de village le nom de Govindpour. Calcutta a une étendue de six milles dans sa plus grande longueur ; cette ville pré- sente à l’arrivant un coup d’œil des plus animés , et elle est située sur le bras occidental de l’Hougley, qui n’est qu’un bras du Gange , mais qui , devant la ville , décrit une courbe , et s’arrondit en forme de vaste baie connue sous le nom de Garden-House, et peut recevoir les navi- res de la plus grande dimension.

Calcutta est la résidence du gouverneur général des Indes et le siège de la haute cour de justice , qui rend ses arrêts d’après la législation anglaise. Le nouvel hô- tel qu’habite le gouverneur a été construit, dit-on, par l’ordre du marquis de Wellesley , et il a coûté un million de livres sterling. Sa magnificence extraordi- naire, le goût de sa distribution, la richesse des acces- soires le feraient prendre facilement pour une des mer- veilles des Mille et une Nuits.

Devant Calcutta l’Hougley prend le nom de Garden- House, dit l’auteur de Y Inde Pittoresque , parce qu’il est entouré de maisons de campagne élégantes se ren- dent chaque jour, après avoir terminé leurs affaires , les riches négociants de Calcutta. Le quartier de la ville résident les Européens offre un aspect remarquable, qu’il doit aux portiques spacieux et élevés qui décorent presque toutes les maisons , et qui , supportés par de nombreux pilastres , leur donnent quelque chose de la grandeur des monuments grecs. Pour les étrangers qui arrivent d’Europe , les édifices sont d’un effet impo- sant à cause du style entièrement neuf de leurs con- structions, de leurs dimensions, et de la richesse de

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leurs ornements d’architecture. On est frappé de la sy- métrie et de la simplicité de leurs proportions , quoique cette simplicité même fasse peut-être un contraste trop tranché avec les pompeuses façades et les nombreuses colonnes dont elles sont généralement décorées. L’ab- sence de cheminées est une singularité qui ne peut échapper à l’œil d’un Européen, qui associe à l’idée de grandeur que fait naître l’intérieur de ces bâtiments celle d’un manque de commodité intérieure qui s’accorde peu avec les idées que nous nous sommes faites des jouis- sances sociales. Les fenêtres sont grandes et ne sont pas garnies de vitres; mais elles sont toutes fermées par des stores destinés à donner accès à l’air sans laisser péné- trer trop de lumière. Le toit de toutes les maisons, sans exception , est en terrasse , et entouré d’une élégante balustrade. L’architecture , basée sur les principes de l’école italienne , est bien appropriée à la région des tro- piques, quoiqu’on plus d’une occasion le goût ait été sacrifié à des caprices vulgaires. C’est ainsi que beau- coup de maisons ont deux frontons , comme si , par la raison qu’un seul de ces ornements produit un effet agréable , il suffisait d’en doubler le nombre pour ac- croître dans la même proportion la magnificence de l’édifice. Après le palais du gouverneur, le principal édifice est l’Hôtel de la Douane, bâtiment bas, mais spacieux , élégamment construit , et contenant des ma- gasins aussi vastes que commodes. Dans Choringhié, le quartier le plus à la mode de la ville , on voit une ran- gée de maisons magnifiques qui se succèdent comme une suite de palais , et réalisent presque les fictions bril- lantes conçues par 1 imagination orientale. La plupart

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sont revêtues de stuc, et s’élèvent au milieu d’une grande cour bien ouverte et bien aérée. Rien n’est oublié de tout ce que le luxe le plus recherché peut inventer pour obviera la nature du climat et en rendre le séjour déli- cieux.

Si la ville européenne est à citer pour sa magnificence, on ne peut en dire autant du quartier des indigènes : les maisons y sont d’un aspect misérable; les rues, étroites et sales, ne sont pas pavées; les maisons les plus vastes ne sont guère autre chose que des espèces de ruches faites de torchis , se pressent des essaims d’une population hâve, indigente et à demi affamée. Les ma- ladies qui accompagnent constamment la pauvreté et les privations qu’elle entraîne après elle, y exercent per- pétuellement leurs ravages, et des milliers de victimes succombent chaque année aux maux affreux qui s’ajou- tent ainsi aux tortures du besoin. On ne peut entrevoir le moindre avenir d’amélioration dans la position de ces êtres malheureux qui vivent agglomérés dans les fau- bourgs de cette immense métropole , et y croupissent dans une triste communauté de misères. Au temps le choléra régnait dans la ville , on dit que pendant plu- sieurs semaines sept cents individus périssaient journel- lement frappés de ce terrible fléau. Tous les plaisirs sem- blaient suspendus, et à peine s’écoulait-il une heure sans que les pleurs et les regrets donnés aux morts vins- sent rappeler aux vivants la désolation qui s’étendait autour d’eux.

Le nombre des habitants de Calcutta , tant indigènes qu’européens , est évalué à six cent mille.

J’eus beaucoup de plaisir à visiter l’hôtel-de-ville

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(Town hall), l’hôtel des monnaies, le muséum de la Société asiatique, le collège de médecine ( New ïndian medical college), le fort William, et particulièrement la bibliothèque, qui renferme un grand nombre d’ouvra- ges indiens.

Invité aux soirées de lord Aukland , gouverneur géné- ral , et à celles de Miss Edens, ses sœurs, je m’y rendis quelquefois. Les dames sont généralement vêtues avec plus de simplicité que de recherche.

Pendant mon séjour à Calcutta' je fus assez heureux pour voir M. Gaudichaud, de l’Institut : ce botaniste, aussi éclairé qu’infatigable , était à bord de la Bonite, capitaine Vaillant, qui vint y faire relâche.

Après avoir bien visité le pays, j’allai m’établir au bord du lac Salé pour faire une collection de tous les poissons de ce lac et de ceux du Gange; j’étais encou- ragé dans ces recherches par les nombreuses décou- vertes qu’avait déjà faites le docteur Cantor.

Je fis pêcher presque tous les jours, et, après avoir réuni une collection nombreuse, j’offris mes doubles à la Société asiatique de Calcutta, qui me fit écrire une lettre de remercîments très-flatteuse (1).

(1) MEETING OF THE ASIATIC SOCIETY.

The Monthly Meeting of the Asiatic Society last night was unusually crowded. The table was covered wilh a copious exhibition of stuffed Fish of the Sait Water Lake, forming part of the collection of M. Deles- sert, a French naturalist, who has been denoting his attention tho that objec-t since his arrivai a few months ago.

ASIATIC SOCIETY OF BENGAL.

To Monsieur Delessert.

Sir,

I hâve on the part of the Asiatic Society , to express to you their best

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Après avoir bien exploré les environs de Calcutta, et rassemblé de nombreux individus de toutes les espè- ces, je les emballai pour les expédier en France à la première occasion, et je me disposai à aller visiter un pays peu connu, les montagnes des Neelgheries. En attendant un navire, je partis pour Chandernagor, établissement français, et je visitai avec intérêt Seram- pore, ou Friedrichspagore , qui, avec les îles Nicobar et Tranquebar à la côte de Coromandel, forme la tota- lité des établissements danois dans l’Inde.

Je voulus voir aussi Barrakpoore, maison de campagne du gouverneur. On y trouve un parc considérable dans lequel on a établi une ménagerie. J’ai remarqué un assez grand nombre d’animaux, parmi lesquels je cite- rai des rhinocéros et des tigres. Un de ces derniers, venant du Népaul, était remarquable par la coloration fauve plus vif de son pelage. J’y vis des ours , des kanguroos, des antilopes, des hyènes, des chacals, des loutres et des loups, et un nombre considérable d’oi- seaux de toute espèce ; mais j’y trouvai surtout . une riche collection de faisans.

thanks for the gratifyng exhibition which you had the complaisance to affert them at the Meeting of last night.

The collection you hâve made in to short a time is highly creditalle to your industry and the manner in which the specimens are set up reflects equal crédit on your skill. Such an evidence ifwhat may be effected even in the immédiate neighbourhood of Calcutta is the best argument in favor of the success of your proposed Indian Muséum.

I hâve the honor to be, Sir, most obedient servant.

J. PRINSEPS, secr.

6,A july 1837.

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Voyage aux Neelgheries.

Enfin, je partis sur le navire le Gaillardon , touchant à Madras, nous arrivâmes le 1er septembre. La fré- gate f Arlémise, capitaine Laplace, s’y trouvait mouil- lée; nous partîmes pour Pondichéri , je préparai promptement tous les objets nécessaires à mon expédi- tion dans les montagnes des Neelgheries.

Le 8 janvier je me mis en route en palanquin, suivi d’un chariot qui portait mes bagages , et d’un assez grand nombre d’indiens pour résister aux atta- ques imprévues. Je pris la route de Salem, passant par Villenour. Après plusieurs jours de marche j’arri- vai à l’aidée de Yaklaour, je fis faire halte d’un jour pour permettre à mes gens et à mes bêles de prendre quelque repos. Le sol de cette partie ne diffère pas de celui de Pondichéri ; mais on aperçoit dans le lointain les montagnes Bleues de Gyngy, qui se détachent par- faitement des Gates de l’est. La température commen- çait à baisser considérablement. Je passai près des ai- dées de Vilseparam et de Tirouvanellore. On y voit une très-belle pagode dont la partie supérieure est occu- pée par un régiment de singes sauvages, logés et nourris par la superstition des brames. Arrivé à Ollendour , un de mes Indiens fut atteint du choléra. Fort embarrassé de ce contre-temps, et obligé encore de faire le méde- cin, je ne sus opposer à ses vomissements que des po- tions dans lesquelles je mettais jusqu’à quarante goût-

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les de laudanum, et je le fis frictionner vigoureusement pour tacher de rétablir la transpiration ; des sinapismes aux pieds et aux mains rappelèrent la chaleur, et cet accident ne nous arrêta que fort peu de temps. Aussi- tôt que mon Indien se trouva mieux, je le fis placer sur la voiture et nous pûmes continuer notre route.

Nous eûmes à traverser un bois je tuai un nom- bre prodigieux d’oiseaux, des singes de plusieurs espè- ces et des lièvres qui servirent à notre dîner. Nous arrivâmes à Ghina-S.alem le jour de Pongol, premier de l’année des Tamouls.

Les aidées que nous fûmes obligés de traverser me parurent moins misérables que celles qui sont plus rapprochées de Pondichéri. Nous passâmes devant Athour-Cotté, ancien fort en ruines, reste de l’ancienne puissance indienne.

Enfin, le 46 janvier, j’arrivai à Salem ; je m’établis au bengalovv, maison destinée aux voyageurs. Ces ben- galows, établis par le gouvernement anglais de di- stance en distance (dix ou douze milles), sont très- commodes. Ils se composent de deux chambres meu- blées, de pièces séparées pour les domestiques et d’écuries. On ne doit pas y demeurer plus de deux jours : la garde en est confiée à des invalides cypayes qui doivent fournir de l’eau seulement. Ils ont toujours à la disposition des voyageurs des volailles et diverses provisions qu’on est souvent enchanté de trouver. Les auberges gratuites nous font l’effet de contes en l’air dans notre France civilisée ; quoi qu’il en soit, le premier arrivant peut en disposer complètement jus- qu’au moment oû, un second voyageur survenant, il

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est obligé de partager avec lui, et de lui céder la place à la fin du second jour. Je fis à Salem plusieurs visites aux personnes pour lesquelles j’avais des re- commandations. M. Leschenault de La Tour, natura- liste du roi, a visité ce pays en 1846, et la descrip- tion qu’il en fait est très-exacte.

« Salem est le chef-lieu d’une province ; il y a un col- lecteur anglais pour la perception des revenus, un juge, un résident commercial chargé des achats pour le compte de la Compagnie, et une petite garnison de cypayes pour escorter les recettes à Madras et pour garder les prisonniers : il n’y a aucun autre Européen que ceux attachés au service de la Compagnie; ils sont au nombre de neuf à dix.

» Une chose très-remarquable c’est une grande forte- resse dont les murs ont environ quarante pieds d’éléva- tion ; elle a été bâtie par les souverains du pays. On as- sure qu’elle a plus de deux cents ans d’existence ; et quoiqu’elle soit entièrement construite en terre battue, elle n’est cependant que peu dégradée : la terre a acquis la dureté de la pierre.

» L’aisance dont jouissent les habitants de Salem se fait remarquer dans toutes les habitudes de la vie : on y est mieux vêtu et mieux logé qu’ailleurs. La ville est mieux bâtie et d’une grande propreté; mais les habitants sont tourmentés par un fléau qui paraît d’abord ridi- cule dans sa cause : ce sont les singes ( semblables à ceux dont j’ai parlé plus haut). Us se multiplient d’au- tant plus que le meurtre d’un de ces animaux est rer gardé comme une action sacrilège; les maisons en sont couvertes , et , malgré la précaution que l’on a de gar-

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nir les toits d’épines, ces animaux, dirigés par l’in- stinct de destruction qui les anime, parviennent à arracher les tuiles. Ce qui les excite encore à ce désor- dre c’est que souvent un Indien ira pendant la nuit répandre sur le toit d’une personne dont il est l’ennemi, quelques poignées de grains ; le lendemain matin , les singes accourent , écartent avec adresse les épines , et arrachent les tuiles pour s’emparer des grains qui ont glissé entre les jointures : le malheureux propriétaire témoin de ce dommage jette des cris, lance des pierres pour épouvanter les singes, qui sont aguerris à ces sor- tes d’attaques, et finit par se consoler, surtout s’il croit reconnaître le coupable , dans l’espoir de lui procurer bientôt une pareille visite.

» Les singes exercent encore leurs rapines dans l’inté- rieur des maisons lorsqu’on ne les tient pas bien fer- mées, et dans les bazars; à la moindre inattention des vendeurs, ils enlèvent grains, fruits et légumes avec une adresse et une effronterie presque incroyables. Si les Indiens n’étaient pas retenus par leurs superstitions religieuses, ils se débarrasseraient facilement de ces hôtes incommodes, qui ne s’avisent jamais d’approcher des maisons et des jardins des Européens, ils se- raient reçus à coups de fusil.

» Ces singes sont de l’espèce nommée bonnet chinois (cercopithecus fournis ). J’ai remarqué, mais sans avoir pu m’assurer si les retours étaient périodiques , que quelques femelles avaient la face aussi rouge que si elle eût été frottée de carmin ; j’ai cru cependant m’aperce- voir qu’elles étaient dans cet état pendant le temps de la gestation.

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» La température est très-chaude pendant le jour ; mais les nuits sont fraîches , et il faut se garantir avec soin. Le pays étant entouré de montagnes , le vent, de quel- que côté qu’il vienne, est toujours vif; il occasionne des suppressions de transpiration qui sont suivies de fiè- vres et de catarrhes. Les étrangers surtout sont souvent attaqués d’une fièvre que l’on nomme fièvre de Salem : elle n’est pas forte , et n’a que deux ou trois accès ; mais, ce qu’il y a de particulier dans cette maladie , c’est que les accès reviennent chaque mois , et que l’on se débarrasse difficilement de leur retour périodique, même en quittant le pays.

» Le sol est assez fertile; c’est une sorte d’argile rou- geâtre mêlée de sable, qui repose dans quelques en- droits sur des rochers schistoïdes : il y a peu de rivières. On cultive davantage les menus grains, principalement V holcus sorgho ; on cultive encore le cotonnier annuel, dont le produit est employé à la fabrication des toiles , et la canne, dont on retire un sucre grossier.

» Le nerium linclorium ( laurier-rose des teinturiers ) croît naturellement dans les bois des environs ; avec la feuille de cet arbre on fabrique une espèce d’indigo d’une qualité médiocre, qui sert exclusivement à tein- dre les toiles dans le pays : hors de ce n’est point un objet de commerce.

» Les roches qui constituent les montagnes des envi- rons de Salem sont granitiques ou de gneiss , elles con- tiennent beaucoup de grenats et d’amphibole ; le fer y abonde. A environ deux lieues au S. -S. -O. , dans la montagne de Kanliamale , il y a une mine de fer sa- blonneuse, que l’on ramasse dans les ravines; le fer

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qui en provient donne un excellent acier. Pour conver- tir le fer en acier, les ouvriers indiens le mettent par petites masses d’environ une livre dans un creuset en terre glaise ; la cémentation se fait en entourant le mé- tal avec les trois septièmes de son poids de poudre de l’écorce séchée du cassia auriculala ; on y ajoute quel- ques feuilles vertes de Yasclepias gigantea, ou du ja- Iropha curcas ; on lute le creuset, puis on l’échauffe avec du charbon de bois alin d’opérer la fusion. »

Pendant la roule et à toutes mes haltes, je me pro- curai beaucoup d’échantillons de minéraux. Le pays est très-riche et très-curieux ; je ne saurais en donner une idée plus exacte qu’en faisant connaître le rapport qui a été fait sur mes collections minéralogiques à la Société géologique de France, dans sa séance du 20 avril 1840.

M. Boué offrit de ma part des échantillons de la chaîne des Neelgheries, à l’O. de Pondichéri , et des environs de Bombay ; il donna ensuite lecture des notes suivan- tes, extraites de divers recueils scientiliques de l’Inde :

« M. John Mac-Clelland a donné une note sur la partie de l’Assam croit le thé. Entre le Gange et le Brama- putra on observe à Jumalpore un district élevé qui of- fre du bois fossile. Près du Bramaputra le sol laisse voir de l’argile jaune et rouge appelée kanka. Près des monts Kossiah la plaine marécageuse est parsemée de petites éminences, restes d’un ancien talus de ces montagnes. La pente de ces montagnes offre trois étages, le premier s’élevant à 1,500 pieds, le second formant des escarpe- ments, et le troisième des sommets. Au haut du pre- mier étage il y a un banc de coquilles marines l’a.u-

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leur a découvert 25 espèces identiques suivant lui avec celles du bassin de Paris; à dix milles plus à l’O., à la même hauteur, les coquilles sont groupées par familles. Les couches sont sableuses et çà et ferrugineuses. Les montagnes au nord de la vallée sont composées de por- phyre, de calcaire grenu , de serpentine, de granité et de talcschiste; tandis que des grès tertiaires, du calcaire coquillier et de la lignite forment le groupe des hauteurs au sud, avec des gneiss, des diorites et des siénites. La vallée d’Assam est donc placée entre deux systèmes différents. Dans le bas elle n’a que vingt milles anglais de largeur, mais dans le haut elle a cinquante milles.

» A Govahatti les monts Mekeer sont composés de gneiss, et à Goalpara d’amphibolite. ANoagong il y a des talcschistes à nodules de quarz avec un îlot de granité.

» L’Assam supérieur est un bassin alluvial traversé par quatre grandes branches du Bramaputra, le Dihong , le Dibong, le Bramaputra et le Subang-Shieree. Le dépôt le plus inférieur du sol est une argile jaune- rouge qui est sous les alluvions, composées de bas en haut d’ar- gile fine, d’argile sableuse à cailloux, de sable et de gravier. Sur le Noa-Dihing il y a des couches de sable contenant des conifères à trois cents pieds sur la vallée et du même genre que ceux charriés par les rivières Ellishme et Abor.

» L’auteur s’occupe ensuite des divers sols sur lesquels croît le thé, en particulier à Cuju; il en donne des ana- lyses, et une liste des animaux de l’Assam.

» M. le docteur Spilsbury a décrit dans \e Journal asia- tique du Bengale, 66, un nouveau gisement d’osse- ments fossiles d’éléphants sur les hauteurs près de Ja-

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balpour clans la vallée de Nerbouclda , ainsi qu’à Sa- gan ni ; ils étaient accompagnés d’une tête de buffle.

» M. le docteur Benza a décrit ( Journal de Madras , 1836) les Neelgheries, qui sont un groupe de montagnes atteignant 7,000 pieds et placé entre les rivières de Bo- vany et de Moyar, Danikam-Cottab , Goodaloor, le défilé de Koondah et Soondepettah , à la rencontre méridionale des deux chaînes qui bordent les deux côtes de la pé- ninsule de l’Indostan. D’après MM. Adolphe Delessert et Perrottet cette espèce de plate-forme quadrangulaire rugueuse est aussi remarquable pour la géologie que pour la botanique quelquefois semi-européenne , et le type particulier des habitants, dont les figures se rap- prochent plus de celles des Bomains que de celles des Indous; ils parlent aussi un langage différent de celui de l’Indostan.

» Cette chaîne n’est composée que de roches anciennes, telles que des gneiss granitoïdes , avec quelques îlots de granités ( monts Koondah , Coonoor , le voisinage du pic de Kudiakaa ) , des pegmatites (monts Koondah) , beaucoup de granités siénitiques ( entre Kolagherry , la vallée d’Orange et Coonoor, entre Ootacamund, Py- karra et Bungalov ) et des amphibolitcs schisteuses en énormes amas (sur les affluents supérieurs de la "rivière de Pykarra , sur celles de Cull-Aur , à Bungalov , To- vany et Billicoul ). Au milieu de ces roches il y a des gîtes en amas de grenat colophonite , entre Nunjanaud et Bungalov, d’essonite au nord-ouest d’Ootacamund , de fer oxydulé (Kotagherry) et de fer titanifère, au sud-est d’Ootacamund. Des filons de basalte s’y rencon- trent surtout près d’Ootacamund, ainsi qu’entre cette

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ville et Pykarra. La presque totalité du plateau est cou- verte d’une terre smectique, blanche, rougeâtre ou grise, appelée par l’auteur terre de lithomarge, qui paraît rentrer dans ces dépôts d’alluvions , que les géologues de l’Inde appellent latérite. On y trouve de la terre d’ombre près d’Ootacamund et beaucoup de fer héma- tite. Ce minerai y abonde surtout à l’ouest d’Ootaca- mund , entre cette ville et Nunjanaud , ainsi que dans un point au nord-nord-est des monts Koondah.

» M. Robert Cole a donné la description la plus com- plète du latérite ( Journal de Madras , 1836), en résu- mant tout ce qu’on avait dit à cet égard depuis Bucha- nan jusqu’à M. Benza. 11 a cherché à réfuter l’idée de M. Conybeare , que ce n’était qu’une argile ferrugineuse associée à la formation trappéenne si abondante dans le centre de l’Indostan.

» M. Buchanan, dans son Voyagé de Madras à travers le Mysore, le Canara et le Malabar, décrit ce dépôt comme une argile souvent poreuse à minerais de fer et dépourvue de restes organiques et de végétaux. A Jajpar, sur les bords du Yirbhum et à Murshedabad, c’est une argile qu’on peut couper avec un canif, qui durcit quelquefois et qui est bréchoïde à cause des nodules ferrugineux. M. Babington ( Tr . Geol. Soc., t. 5, part. 2) a décrit le même dépôt entre Tellicherry et Madras , comme une alluvion des montagnes des Gales , compo- sée de débris décomposés de roches anciennes telles que le gneiss, l’amphibolite. M. Voysey (J. of the As. Soc., août 1833, p. 400) décrivant les trapps au nord-ouest de Hyderabad, ne parle que de roches trappéennes fer- rugineuses appelées ironclay par les Anglais, et signale

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le passage de la waeke à ces dernières. M. Calder, d’un autre côté, donne le nom de latérite à un dépôt d’ar- gile ferrugineuse qui, suivant lui , succède au trapp au nord de Bankot et s’étend jusque dans l’ile de Ceylan. Le docteur Yoysey paraît avoir attribué les couches superficielles de latérite à des éruptions boueuses en connexion avec celles des basaltes et des trapps.

» MM. Turnbull Christie ( Edinb . phil. Journ.,vo\. 15) et Everest ( Glean . insc., mai 1831, p. 130) ont reconnu dans le latérite une structure agrégée d’alluvion. MM. Benza et Malcolmson sont du même avis et croient que le latérite est surtout au lavage des roches gra- nitiques, siéniliques et primitives décomposées, comme le prouve leur nature et les fragments de quartz à d’au- tres portions de leurs éléments.

» M. Coîe a pris la même opinion en examinant le la- térite qui couvre cinquante milles carrés sur les hau- teurs appelées Redhills , à 8 milles au nord-ouest de Madras. Ce sont de véritables couches irrégulières d’ag- glomérat à pâte argileuse ou de feldspath passé à l’état de lithomarge. Elles passent aussi bien à des espèces de grès qu’à des masses argileuses sans division de stratifi- cation. On y remarque des fragments de quartz et de grès siliceux, outre d’innombrables géodes et morceaux fragmentaires de fer ocreux rouge et brun. Ailleurs il y signale des cailloux de granité, de siénite et de dio- rite. Il paraît donc évident que le latérite n’est qu’une alluvion ancienne sans fossiles ou détritus des monta- gnes anciennes , surtout de celles composées de roches feldspathiques massives, ce qui n’exclut pas qu’on puisse avoir raison de vouloir lier sa formation à des torrents

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d’eau qui ont pu laver la surface d’une bonne partie de l’Indostan, lors de la sortie de ces énormes éruptions trappéennes. Ce fait serait analogue à celui des alluvions répandues autour du Vésuve, produites par suite des pluies accompagnant ou suivant les éruptions. »

Pendant mon séjour à Salem je fis une excursion sur la montagne de Schewroy-Hills, suivi de deux guides et de mes Indiens. Arrivés à 4,000 pieds d’élévation, nous finies halte, et je trouvai le climat d’Europe ainsi qu’une grande partie de ses végétaux. On y voit de beaux jardins l’on cultive avec succès les fruits et les légumes de France. Je voulais y passer quelques jours pour pouvoir chasser; mais après le troisième jour je fus obligé de revenir parce que je perdis subi- tement plusieurs de mes Indiens, qui succombèrent en peu d’heures au choléra malgré les soins que je pus prendre d’eux. En rentrant à Salem, je ne fus pas peu surpris de trouver à l’hôpital la moitié des Indiens de ma troupe que j’y avais laissés. Heureusement ils fu- rent promptement rétablis; et je me mis en route pour les Neelgheries, j’arrivai après quelques jours de marche en passant par Madepollam. Je m’étais arrêté pour chasser dans le bois qui borde la route d’Ootaca- mund. Ce bois est entouré d’un jongle de bambous dans une étendue de plusieurs milles. J’y tuai beaucoup d’oiseaux et de mammifères (1); c’est aussi dans ce

(1 ) Edolius puellus , Oriolus melanocephalus , Clauropsis aurifrons et Merops, plusieurs pics nouveaux, des huppes, des coqs de bois, quelques polyplectrons, des cerfs nommés Cadembé en tamoul, des singes blancs , des singes des pagodes , le cerf-souris ( Cervus minutus) , le Sciurus ma- labaricus, plusieurs ours des Gates ( Ursus mellivorus ), des chèvres sau- vages (Catté adé), des sangliers qui sont très-friands du fruit du Myr-

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bois que je tuai un gauri ou bœuf sauvage : pour arri- ver jusqu’à lui j’ai été obligé de me traîner à plat ven- tre dans les herbes et les épines, avançant alternative- ment mon corps et mon fusil. Cette marche peu avantageuse et très-fatigante dura une demi-heure; enfin, j’arrivai au but de mes désirs : c’était un petit buisson qui pouvait masquer les mouvements que je devais faire pour me relever. Toutes ces précautions étaient indispensables parce que je ne connais pas d’animal plus sauvage que ces bœufs; les yeux et les oreilles toujours au guet, le moindre bruit les fait fuir. Après m’être relevé sans bruit et lentement, j’étais à cinquante pas des bœufs ; j’osais à peine respirer, j’é- tais tout couvert de sueur. Je pris le temps de les bien examiner et de choisir celui que je voulais tirer. Après un quart d’heure d’attente, je me décidai à viser celui qui se trouvant le plus près de moi m’offrait le mieux aussi son poitrail. Je tirai mes deux coups l’un après l’autre, et, au milieu du tumulte occasionné par le dé- part de la troupe, je vis avec le plus grand plaisir ma victime tomber et se relever plusieurs fois sans pouvoir se tenir sur ses jambes. Un instant je regrettai de n’a- voir pas un second fusil; mais je rechargeai prompte- ment, sans perdre mon bœuf de vue, et, sortant de ma cachette, j’allai droit à lui : il fit encore quelques efforts pour se dresser, et, par prudence, je lui envoyai à quinze pas une balle qui lui traversa le flanc, réser- vant mon second coup pour le lui tirer à bout portant

tus candescens, des chacals , des porcs-épics , des mangoustes , des chats sauvages, un tigre et deux léopards.

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si cela devenait nécessaire. Arrivé près de lui, il vivait encore; mais je le vis bientôt mourir : je courus aussitôt chercher mes Indiens, qui le dépouillèrent de suite. Nous prîmes les meilleurs quartiers de viande pour notre dîner et je lis traîner le reste à vingt pas du buisson qui m’avait servi de cachette, espérant pou- voir m’y placer encore pour attendre quelque bête fauve à l’affût; mais le lendemain je ne trouvai plus que les débris épars du squelette. Je partis pour Kotagherry, je devais rester quelque temps; j’y formai un petit jardin pour avoir des légumes. J’avais quelques semen- ces qu’on m’avait conseillé d’emporter, et en peu de temps j’eus le plaisir de voir mon jardin en fleurs. Je restai sept mois à Kotagherry, et j’y fis d’aussi belles chasses qu’à Ootacamund; j’y tuai deux autres bœufs et plusieurs ours des Gates. Je fis alors une expédition à Tullamalay, et à mon retour je pus manger des petits pois de mon jardin.

Tous les jours je chassais, et, pour me reposer, je cherchais des insectes et des plantes. Un soir que je m’étais éloigné plus que de coutume, je fus surpris par la nuit à une très-grande distance de mon camp; et je fus obligé de me résigner à coucher à la belle étoile, ce qui n’amusa pas trop mes gens. Nous nous installâmes comme nous pûmes, et je fis allumer un bon feu pour éloigner les tigres ; mais vers le milieu de la nuit nous fûmes surpris par un orage violent qui éteignit notre feu et nous mouilla jusqu’aux os. Nous n’avions rien à manger, et ma petite provision de rhum était même épuisée. La pluie ne cessa pas de la journée du lende- main, ce qui ne nous avait pas empêchés de nous mettre

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en route; et nous arrivâmes au camp vers midi, dans le plus triste état qu’on puisse imaginer : nous étions très- fatigués, et cependant je ne pouvais laisser ce que j’avais tué la veille. Un jour de repos lit promptement oublier cette aventure. Parmi les animaux que j’aurais perdus si j’avais cédé à la fatigue en les abandonnant se trouvent plusieurs espèces nouvelles de mammifères et d’oiseaux que MM. de La Fresnaye et Gervais ont bien voulu décrire.

Je quittai Kotagherry pour aller m’établir à Ootaca- mund, parce que je me sentais très-faible; j’avais eu plusieurs fois la fièvre en séjournant dans les bois. Tous mes Indiens en avaient assez; et moi-même, n’en pouvant plus, je dus aller, dès mon arrivée, consulter le docteur Birch, en le priant de me donner des soins qui furent si efficaces qu’en peu de jours je me trouvai rétabli.

« Les montagnes des Neelgheries, dit M. Lesche- nault, sont situées au N. -N. -O. de Coimbatore; leur longueur E. et O. est d’environ quatorze lieues , et leur largeur N. et S. varie de cinq à neuf lieues. Je suis resté vingt jours sur leur sommet, et je les ai parcou- rues dans différentes directions : elles sont fort élevées, mais aucune observation n’a encore fixé leur hauteur; on ne peut en juger que par la température, qui, dans la saison la plus froide ( les mois de décembre et de janvier), fait descendre le mercure pendant la nuit au-dessous du degré de congélation, température bien froide pour le onzième degré de latitude sont situées ces montagnes. Pendant le mois de mai, époque de mon voyage , le thermomètre de Réau-

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mur a varié du onzième au dix-neuvième degré de chaleur.

» La pente des montagnes, du côté de Coimbatore, est fort escarpée : les sentiers étroits pratiqués pour les communications entre les habitants de la plaine et ceux des montagnes , sont très-rapides ; ils ont été tracés par les indigènes, qui, ne portant aucune chaussure, gravissent avec facilité les escarpements les plus roides. Ces sentiers montent directement sans presque aucune sinuosité (1), souvent ils forment avec l’horizon un an- gle de plus de 45 degrés et rarement au-dessous de 30 ; ils sont en outre embarrassés de grosses roches, qu’il faut quelquefois gravir en s’aidant avec les mains. On se fera difficilement une idée de la fatigue que l’on éprouve pour parvenir jusqu’au premier sommet ; je mis deux heures et demie pour y arriver, quoique la distance ne soit pas d’une lieue à partir du bas des montagnes. On trouve ensuite alternativement des des- centes et des montées , toutes fort rapides , pendant deux à trois lieues, qu’il faut parcourir jusqu’au pre- mier village. La difficulté des chemins est la cause que jusqu’à présent les Européens n’avaient qu’une connais- sance fort imparfaite de ces contrées élevées et de leurs habitants (2). Il y a dans cette route, au milieu des fo- rêts, une grande quantité de tigres, d’hyènes, d’ours, et beaucoup d’éléphants au pied des montagnes.

(1) Depuis cette époque on a considérablement amélioré les chemins qui conduisent aux montagnes de Neelgheries.

(2) Depuis l’époque j’ai visité ces montagnes elles sont- bien mieux connues ; on y a formé, à cause de leur salubrité, des établissements de santé, plusieurs Anglais de la péninsule viennent chaque année pas- ser la saison la plus chaude.

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Le sommet des montagnes des Neelgheries offre un aspect varié et très-pittoresque; la surface est composée de plusieurs monticules plus ou moins arrondis ou es- carpés ; ils sont séparés par des vallons, au fond des- quels coulent presque toujours des ruisseaux d’une eau limpide et murmurante ; avec un peu d’industrie , on pourrait établir de fort bonnes prairies dans plusieurs endroits de ces riches vallées. Les flancs des montagnes présentent tantôt des champs cultivés , tantôt des bou- quets de bois presque impénétrables, à cause des lianes et des arbustes épineux que fait naître abondamment une vigoureuse végétation , et qui enlacent des arbres quelquefois énormes. C’est à regret que je suis obligé de dire que ces bosquets sont dangereux , car ils ser- vent souvent de retraite aux tigres, aux ours et aux chiens sauvages, qui sont communs dans ces montagnes.

» Les habitants sont peu nombreux; ils paraissent fort doux, ils mènent une vie heureuse et indépen- dante. Ils sont divisés en trois tribus : les Burgers, les Collers et les Totevas ; les derniers, qui habitent les ré- gions les plus élevées, sont regardés comme les habi- tants primitifs : ils ne sont que pasteurs, ils possèdent de nombreux troupeaux de buffles. Les deux autres tri- bus cultivent la terre ou exercent des métiers utiles, tels que ceux de forgeron, de charpentier, etc., etc. Les 7o Itev as offrent dans leurs usages une coutume très- extraordinaire , et qui est bien en opposition avec les mœurs orientales; c’est la pluralité légale demaris(l):

(1) J’ai depuis observé la même coutume dans l’intérieur de l’ilc de Ceylan.

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ordinairement les frères n’ont entre eux qu’une seule femme qui accorde ses faveurs selon son gré. Outre ses maris, une femme peut avoir encore un amant dont les droits sont incontestés par les bénévoles époux. Cette race est généralement fort belle pour les formes et pour les traits.

« Les villages placés sur le sommet des monticules sont composés d’une petite quantité de cabanes peu élevées et d’une apparence misérable; mais elles sont solide- ment construites en bois, en terre glaise, et couvertes de chaume. Celles des Toltevas sont entièrement en bois ; il n’y a d’autre ouverture qu’une porte si basse, qu’il faut s’y glisser à plat ventre pour pouvoir y entrer.

» Les champs entourent ordinairement les habita- tions ; il n’y a d’autre bétail que des bœufs et des buf- fles , que l’on renferme pendant la nuit dans des parcs circulaires en pierre surmontés d’une haie sèche ou vive, fort élevée, pour les mettre à l’abri des bêtes fé- roces. Le terrain est rougeâtre ou noirâtre, meuble, profond et très-fertile. Les plantes cultivées sont le blé, l’orge, les lentilles, le paspale froment, la cretelle à épis larges , plusieurs espèces de millet, le pois chiche , une autre espèce de pois noir, la moutarde, le pavot qui fournit l’opium, l’ail, les oignons, etc. L’air y est pur et fortifiant , la température fraîche et agréable.

» La botanique offre le plus grand intérêt sur les mon- tagnes des Neelgheries par la différence qui existe entre les plantes de cette contrée et celles de la plaine ; on y trouve un très-grand nombre de genres analogues à ceux d’Europe : tels sont les vaccinium, rhododendrum , fragaria , rubus , anemone, balsamina , géranium, mes-

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pilus , planlago , rosa , salix , berberis , etc. Cette simi- litude indique que les plantes utiles d’Europe s’y accli- materaient parfaitement bien. »

La richesse végétale de ces montagnes devait attirer mon attention; cependant cette partie de l’histoire na- turelle ne pouvait être pour moi qu’un objet tout à fait secondaire et comme accessoire, ne m’étant jamais occupé que très -superficiellement de cette science. D’un autre côté, je savais que M. Perrottet, mon compagnon de voyage, s’y livrait exclusivement et avec beaucoup d’ardeur. Je ne me suis donc adonné avec quel- que soin à la recherche des plantes que dans les contrées j’ai voyagé seul, telles, par exemple, que Pulo-Pi- nang, Malacca, Balavia , etc. J’ai rapporté de ces divers endroits, notamment de Pulo-Pinang, un grand nombre d’échantillons des nombreux végétaux que j’ai rencon- trés, parmi lesquels se trouvaient, d’après le rapport des botanistes qui les ont visités, une foule de plantes rares, nouvelles ou peu connues. L’une d’elles (rubia- cée ) a été trouvée assez intéressante pour être décrite dans le troisième volume des Icônes selectœ plantarum de mon oncle Benjamin Delessert ( voyez la planche 81, etc. ). C’est YUncaria sclerophylla de Iloxburgh , dont aucun échantillon n’existait encore dans les herbiers d’Europe. Je me suis trouvé ainsi à portée d’enrichir l’herbier de mon oncle d’un grand nombre d’espèces qu’il ne possédait point encore, ce qui m’a fait d’autant plus de plaisir que je dois à l’amitié et à la bienveillance de cet excellent oncle l’entreprise et le succès de mon voyage. Je voudrais pouvoir lui témoigner ici toute la gratitude dont mon cœur est pénétré.

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J’éprouve le regret de ne pouvoir donner le catalo- gue de ces plantes intéressantes, dont la plupart n’ont point encore de nom; mais je citerai les diverses con- trées où je les ai recueillies. Ainsi, à celles déjà indi- quées j’ajouterai les suivantes : Montagnes-Bleues ou Neelgheries, les environs de Pondichéri, Gyngy (mon tagnes de), Bourbon, etc. La cryptogamie que j’ai rapportée de ce dernier pays a été vivement appréciée par M. le docteur Montagne, qui y a trouvé un grand nombre d’objets nouveaux et tout à fait inédits jusqu’à ce jour, principalement parmi les Jongermons et les fougères.

Outre les plantes sèches dont je viens de parler, j’ai encore rapporté une collection de fruits et de graines d’arbres de toute sorte; laquelle a fait d’autant plus de plaisir à mon oncle que la plupart des objets dont elle se compose ne se trouvaient point parmi ceux qui font partie de son riche cabinet carpologique :

Les montagnes des Neelgheries forment un énorme massif extrêmement accidenté , coupé de ravins , de val- lées marécageuses , de précipices ou gorges profondes, qui , suivant leur étendue ou leur direction , présentent une végétation entièrement différente de celle des pla- teaux qui les environnent. La surface de ces plateaux est singulièrement ondulée, et se compose en général d’une suite de monticules ou de mamelons arrondis dont quelques-uns ont une hauteur de plus de 8,000 pieds au-dessus du niveau de la mer.

La plupart de ces mamelons sont complètement dé- pourvus de végétation arborescente; une herbe line et touffue , d’un vert pâle, les recouvre en totalité, et leur

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donne une physionomie remarquable et toute particu- lière. De loin en loin seulement on aperçoit quelques bouquets d’arbres d’une étendue variable, mais généra- lement peu élevés. C’est dans les gorges et dans les ra- vins dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui doivent leur origine aux chutes d’eau ou aux torrents qui se précipitent des plateaux supérieurs , que l’on voit s’éle- ver une végétation vigoureuse et arborescente , contras- tant , par sa force et les espèces qui la composent , avec celle des mamelons du plateau.

Qu’on se ligure l’étonnement du botaniste européen s’élevant des plaines de l’Inde sur la chaîne des Neelghe- ries, à la vue de la végétation qui vient frapper ses re- gards. Dans la plaine , ces forêts impénétrables , com- posées d’arbres dont la cime s’élève à plus de 50 mètres de hauteur ; cette variété dans les formes , cet éclat et cette gravité dans les fleurs, ce mélange de palmiers élégants et des espèces colossales de figuiers , de man- guiers, etc., sur lesquels s’établit la végétation parasite des orchidées et des broméliacées épidendres ; ces lia- nes, si variées dans leurs formes, sont tout à coup rem- placés par une végétation maigre et chétive , qui fatigue l’œil par son apparente monotonie. Tout à l’heure rien ne rappelait au voyageur européen les végétaux de sa patrie ; aucune espèce , je dirais presque aucun genre de plantes n’appartient à ces forêts primitives de l’Inde et à celles de l’Europe. En une heure de marche , s’il pouvait perdre le souvenir du temps et des lieux, il se croirait transporté sur le sommet des Alpes ou du Jura : même forme générale dans l’aspect de la végétation, mêmes genres, et espèces presque identiques. Ainsi il

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

rencontre à chaque pas des renoncules , des violettes, des anémones , des mauves, des millepertuis, des fume- terres, des potentilles, des gentianes, des andromèdes et des rhododendrons, etc., etc.; en un mot, tous les genres qui, en Europe, caractérisent la végétation des hautes chaînes de montagnes.

Mais néanmoins si l’aspect général est le même, si les genres de végétaux sont ainsi communs aux sommets élevés des Neelgheries et de nos Alpes, cependant la na- ture imprime encore un cachet spécial à cette végétation des hautes chaînes de l’Inde. Ce sont bien les mêmes genres , mais ce ne sont pas les mêmes espèces qu’en nos climats. Ainsi, par exemple, aux Rhododendrum hirsutum et ferrugineum qui garnissent les roches cal- caires des Alpes de la Suisse et du Jura , se substitue le Rhododendrum arboreum , seul végétal ligneux, qui orne de ses magnifiques corolles pourpres les mamelons élevés du plateau des montagnes des Neelgheries. Si nous pre- nons une famille en particulier, celle des Orchidées, par exemple , nous verrons que pour le port , ses espèces rentrent tout à fait dans les formes européennes. Mais les genres Orchis , Ophris , Acer as , etc., de nos climats, sont remplacés par de nombreuses espèces appartenant aux genres Habenaria , Salyrium , Perislylns , qu’on ne trouve guère que dans les pays voisins des tropiques.

Comme nous l’avons dit tout à l’heure, M. Perrot- tet a séjourné deux années sur la chaîne des Neelghe- ries. Le peu d’étendue de ces montagnes lui a permis d’en parcourir toutes les parties. Il n’y a pas un des mamelons qui s’en élèvent, pas une des vallées qui la sillonnent, qu’il n’ait visités à toutes les époques de

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l’année. Aussi peut-on assurer qu’il en a recueilli à peu près tous les végétaux qui peuvent y croître , et que la végétation de ce groupe de montagnes est aujourd’hui aussi bien connue que celle des contrées de l’Europe qui ont été le mieux explorées.

M. Perroltet, avec la sagacité qui caractérise le na- turaliste parfaitement au courant de toutes les exigen- ces de la science et qui peuvent contribuer à ses pro- grès , ne s’est pas borné à recueillir avec soin tous les végétaux qui s’offraient à sa vue ; mais il a étudié leur structure , qu’il a reproduite, soit par des dessins ana- lytiques ou par des descriptions : il a noté surtout avec un soin tout particulier les diverses stations croissent chacun de ces végétaux ; de manière à pouvoir faire un tableau exact et complet de la géographie bo- tanique des Neelgheries, partie si intéressante de la science.

La végétation des Neelgheries , considérée dans son ensemble depuis la partie inférieure de la chaîne jus- qu’au sommet des mamelons qui la couronnent, peut se partager en quatre régions , caractérisées chacune par un certain nombre de végétaux qui n’appartiennent qu’à elle.

La première , ou la supérieure , qu’on peut appeler la région alpine , est celle que nous avons fait connaître tout à l’heure. C’est celle qui comprend tous les ma- melons depuis une hauteur de 5,000 pieds anglais au- dessus du niveau de la mer jusqu’à 8,000 pieds , hau- teur de quelques-uns des monticules aux environs d’Ootocamund, ville principale des Neelgheries. Elle est caractérisée, disons-nous, par la présence de tous ces

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végétaux alpins, dont nous donnions tout à l’heure une énumération succincte, au milieu desquels se rencon- trent deux ou trois espèces ligneuses, comme le Myrlus iomentosa , si remarquable par l’abondance de ses jolies fleurs roses , auxquelles succèdent des baies également roses, d’une saveur douce, aigrelette et parfumée; le Cotoneasler of/inis, DC., arbrisseau souvent rabougri et étalé à la surface du sol , tout couvert de petites fleurs blanches et tomenleuses, qui le font reconnaître de loin ; une jolie Acanlhacée , probablement nouvelle , à fleurs du bleu de ciel le plus pur et qui couvre quel- quefois d’immenses espaces de terrain ; enfin le Rhodo- dendrum arboreum , qui forme quelquefois à lui seul de petites forêts élégantes et dont on ne trouve plus un seul individu au-dessous de 5,000 pieds.

Cette zone supérieure est parfaitement tranchée; et elle diffère tellement de celles qui sont placées au- dessous d’elle, qu’elle parait n’avoir avec elles aucun rapport.

La deuxième région forme une bande d’environ 1,000 pieds de hauteur, qui commence à 4,000 pieds et s’élève jusqu’à 5,000. Sa végétation, comme celle des deux autres régions inférieures , offre tout à fait le ca- ractère tropical et indien ; mais elle se compose en gé- néral d’arbres peu élevés , et sur le développement des- quels la hauteur des lieux exerce une influence très- grande. Nous citerons ici , comme caractérisant cette région , des Dombeya, des lléliclères , le / alerta indica, des espèces appartenant aux genres Trichilia , Slerculia, Plerocarpus , Ficus , Croton . Y Arlocarpus incisa, etc.

» La troisième région est surtout caractérisée par la

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terminaison de ces magnifiques espèces du beau genre Anogeissus , qui forment de vastes forêts depuis la base de la montagne jusqu’à une hauteur de -4,000 pieds. Au-dessus de ce point on ne rencontre aucun individu d’une espèce qui , dans les régions situées immédiate- ment au-dessous , imprimait par son abondance un ca- ractère tout spécial à la végétation. Avec les Anogeissus se montrent le Gmelina arborea , le Cochlospermum gos- sypium , des Acacia , des Sapindus , des Celastrus sar- menleux, le Pterocarpus marsupium , les Grewia, les Dalbergia , des Spathodœa et d’autres Bignoniacées, etc.

Enfin la dernière région est celle qui occupe la base des montagnes en s’élevant à une hauteur de deux et quelquefois trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer. C’est la végétation tropicale indienne avec tout son luxe et son éclat. Ce sont des forêts impénétrables, composées d’arbres magnifiques dont la cime s’élève souvent à plus de cinquante mètres de hauteur. Rien n’est beau comme ces majestueux manguiers chargés à la fois de fleurs et de fruits du plus beau jaune , comme le jacquier, à feuilles entières et luisantes, sur le tronc duquel se développent des fruits dont quelques-uns pèsent jusqu’à vingt-cinq et trente kilogrammes. Les bambous y forment des touffes vraiment gigantesques, et leur chaume creux et annelé s’élève à la hauteur des plus grands arbres, et acquiert une solidité comparable à celle des bois les plus résistants.

La végétal ion de cette dernière zone se confond insensiblement à sa base avec celle des plaines envi- ronnantes.

Nous avons parlé tout à l’heure de ces ravins pro-

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

fonds, de ces vallées abruptes qui sillonnent les flancs du massif des Neelglieries , et descendent quelquefois jusque dans la plaine qui l’environne. Leur végétation ne ressemble en rien à celle des plateaux ; la transition est subite. A peine le voyageur s’est-il engagé dans l’une de ces vallées, qu’il se voit tout à coup environné par une végétation luxuriante , par des arbres souvent d’une grande hauteur, comme les Lauriers , les Miclii- lia , les Gordonia , les Andromèdes arborescentes , sur lesquels croissent des Lianes et des Orchidées épiden- dres. C’est dans l’une de ces vallées, dans sa partie la plus rapprochée des plateaux, que M. Perrottet a dé- couvert cette belle fougère en arbre, à tige bifurquée, dont il n’existait jusqu’à présent aucun exemple dans la science. On sait en effet que les fougères ligneuses ressemblent , pour leur port et leur aspect général , aux palmiers et autres monocotylédonés à lige arborescente. Si l’on excepte quelques Dracœna et, parmi les pal- miers, le Doun ou palmier de la Thébaïde, le stipe des monocotylédonés , comme celui des fougères , est parfaitement simple et indivis. Dans l’espèce rapportée par M. Perrottet, il est parfaitement bifurqué. M. Per- rottet a également rapporté et déposé au Muséum d’ His- toire naturelle l’extrémité supérieure d’un Cycas bifur- qué, et un stipe de Lontarus flabelliformis divisé en six branches partant toutes de points differents. Ce sont autant de faits nouveaux pour la science , et qui proba- blement pourraient modifier en quelques points les ex- plications qu’on a jusqu’à présent données du mode de développement des arbres monocotylédonés.

Pendant mon séjour dans ces montagnes j’ai fait de

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nombreuses observations météorologiques que j’ai adres- sées à la Société asiatique de Calcutta, et cette Société a chargé M. Pr inseps de m’adresser ses remercîments au nom de l’assemblée (1).

(I) ASIATIC SOCIETY OF BENGAL,

INST1T0TED JAN. 6 1786.

A Monsieur Adolphe Delessert,

Kotagheny-Neelgheries.

Monsieur ,

Je suis chargé par la Société asiatique de vous remercier pour la série des observations météorologiques faites à Madepollam et à Kot- agherry, que vous avez eu la complaisance de mettre à sa disposition.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-obéissant serviteur.

Le 10 août 1838.

PRINSEPS, secr.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Voyage à la côte du Malabar, el retour en France par l'Égypte.

Ce voyage clans les montagnes m’avait beaucoup fati- gué ; cependant je ne voulais pas rentrer en France sans avoir visité la côte du Malabar. Je partis pour Calicut en passant par Paulghautcherry, continuant toujours à chasser. Un jour je fus poursuivi par quatre éléphants, qui me firent battre en retraite un peu plus vite que je ne voulais jusqu’à la lisière du bois ; arrivé sur la plaine, je courus encore jusqu’à mon convoi : mais les éléphants ne me suivirent pas; ils marchèrent long- temps au bord du bois dans la même direction que nous, et, rassuré parla crainte qu’ils avaient de s’éloi- gner du jongle, je leur lirai plusieurs coups de fusil, ainsi que mes chasseurs. Notre feu fut assez bien nourri pour les éloigner : nous les blessâmes sans doute, car ils ne reparurent plus ; et autant j’en avais eu peur quand ils me donnaient la chasse , autant , en ce mo- ment, j’aurais désiré qu’ils nous suivissent encore. Après un court séjour à Calicut , je me procurai un pattmar, ou bateau côtier, afin de me rendre à Bombay. Je touchai à Mahé, établissement français, je fus fort bien reçu par le gouverneur. Je visitai successivement Telliclierry , Cannanore, Mangaloor, Goa, et enfin j’arri- vai à Bombay le A janvier 4839.

Gattes de l'Ouest.

DANS L’INDE.

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Le climat de Bombay est très-agréable. Je voulus aller visiter la montagne de Mahubliswhur, les Anglais ont établi des maisons de santé, et la chute d’eau de Gokauk, prèsde Belgaum. Pendant mon séjour à Bombay, je vis par- tir pour le Caboul un corps de cinq à six mille hommes de l’armée anglaise. Bombay est une ville très-commerçante, mal bâtie, à rues étroites et malsaines. J’eus le plaisir d’y rencontrer le capitaine Dussumier, si connu par les naturalistes français. Il voulut bien se charger du trans- port de mes collections.

Je me préparai alors à rentrer en France , et j’obtins passage sur le bateau à vapeur la Bérénice. Je partis le 25 février 1839 de Bombay ; le 6 mars nous débar- quions à Aden, dont les Anglais venaient de s’emparer. Le lendemain , nous étions en route pour Suez ; nous traversons le détroit de Bab-el-Mandeb pour entrer dans la mer Rouge : nous passâmes devant Moka , nous prîmes un pilote , et le 1 1 mars nous débarquions à Suez . Le surlendemain j’étais au Caire. Sur toute la route de Suez au Caire on rencontre des tentes qui appartien- nent à la Compagnie anglaise , et sont placées pour la sûreté de la route et la commodité des voyageurs.

Je passai un jour au Caire; de je me rendis à Alexandrie, j’allai visiter la flotte et le palais du vice- roi. Je m’embarquai sur le bateau à vapeur le Blazer, partant pour Malte , , après avoir purgé la quaran- taine , nous débarquâmes. Je profitai du peu de temps que j’avais pour aller visiter l’ancien château des cheva- liers de Malte. Je quittai Malte avec le paquebot français le Minas , qui en cinq jours nous amena à Marseille en passant devant Messine, Civita-Vecchia et Livourne,

SOUVENIRS D’UN VOYAGE DANS L’INDE.

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nous débarquâmes assez de temps pour aller visiter Pise et sa Tour penchée.

Je ne fis pas un long séjour à Marseille ; j’étais trop impatient de revoir ma famille. Aussi je me mis de suite en route pour Paris, j’arrivai le 30 avril 1839, après une absence de six années , qui cependant se sont écou- lées bien rapidement. Toutes mes collections sont arri- vées en bon état, et elles sont bien conservées. Je dois en témoigner toute ma reconnaissance à mon oncle , M. Benjamin Delessert, qui a bien voulu donner les ordres nécessaires pour en assurer la conservation jus- qu’à mon arrivée , et faire disposer un local aussi con- venable que commode pour en faciliter l’arrangement méthodique, qui, grâce aux soins éclairés de mon ami le docteur Chenu , s’est fait très-promptement.

SECONDE PARTIE

SOUVENIRS D'l!N VOYAGE DANS L’INDE.

HISTOIRE NATURELLE.

INTRODUCTION.

Plusieurs rapports ayant été lus à l’Institut (4), par MM. de Blainville et Duméril, sur les nombreuses col- lections rapportées des diverses parties de l’Inde par M. Adolphe Delessert , nous ne chercherons pas à faire ressortir ici l’importance de celles qui ont rapport aux animaux vertébrés, car nos éloges ne pourraient rien ajouter au témoignage de ces célèbres académiciens.

Nous devons rappeler, cependant, que ce voyageur zélé a recueilli plus de douze cents Mammifères , un nombre prodigieux d’Oiseaux, des Reptiles, empaillés ou conservés dans l’alcool, une collection considérable de Poissons du Gange, et une jolie suite de Poissons des mers de l’Inde, si parfaitement empaillés et prépa- rés qu’ils conservent toute la fraîcheur de leurs cou- leurs ; des insectes de tous les ordres , des coquilles, des minéraux et des plantes. Ces richesses présentent un résultat d’autant plus surprenant que quatre années ont suffi pour les rassembler , et l’on peut dire que c’est une des plus nombreuses collections qui aient été rap- portées en France dans ces derniers temps.

(1) Dans la séance du 31 août 1840. Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des Sciences par MM. les secrétaires perpé- tuels; 2e semestre de 1840, t. XI, p. 385 à 390.

2e PART. 1

INTRODUCTION.

La publication des riches matériaux contenus dans cette collection aurait nécessité plusieurs volumes, si l’on avait voulu y faire entrer tous les animaux nou- veaux et intéressants pour la science. Mais le plan adopté pour le présent ouvrage ne nous a permis de donner que ce petit travail, fait sur la demande de notre ami M. Adolphe Delessert. Toute la portion qui traite des animaux vertébrés est due à la plume de ce voyageur, qui s’est fait aider, pour la description des Écureuils, par M. P. Gervais, et pour celle de quelques Oiseaux, par M. de La Fresnaye. Il a bien voulu nous confier la partie entomologique, composée ici d’un extrait du tra- vail que nous préparions sur les insectes qu’il a recueil- lis. Nous aurions désiré publier un catalogue raisonné de ses récoltes entomologiques, en donnant le nom de toutes les espèces, avec la description et la ligure de cel- les qui sont nouvelles; mais un pareil travail aurait exigé beaucoup de temps et d’espace. M. Adolphe De- lessert voulant borner la relation de son voyage à un seul volume , nous avons été obligé de ne donner, dans cet appendice, qu’un choix de quelques-unes des espè- ces les plus remarquables dans les nombreuses nouveau- tés dont il a enrichi l’entomologie.

Nous aurions aussi désiré présenter des généralités sur la distribution géographique de ces insectes, comme quelques naturalistes anglais l’ont fait pour ceux de l’Afrique, de l’Inde, des monts Himalaya, etc.; mais , pour donner quelque chose de certain , il aurait fallu terminer le catalogue que nous avions commencé,

INTRODUCTION.

ce qui nous a été impossible clans ce moment. Nous nous bornerons donc à l’aperçu rapide qui suit.

La collection d’insectes recueillie par M. Adolphe Delessert comprend tous les ordres et forme un total de 1048 espèces différentes, dont plus du tiers est com- posé d’espèces nouvelles pour la science.

Cette collection est surtout précieuse pour les savants qui désirent étudier la distribution géographique des insectes propres à la partie de l’Inde parcourue par M. Adolphe Delessert : car ce voyageur a eu soin de conserver ses récoltes dans des boites séparées, afin que les localités ne soient pas confondues. Il a même noté les époques de capture de toutes les espèces , ce qui est d’un grand intérêt pour l’étude des moeurs de ces ani- maux et pour la connaissance du degré de température des lieux qu’il a visités; car on remarque les mômes espèces prises dans la plaine ou sur le plateau des Neel- gheries, à 8,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et qui apparaissent à des époques différentes.

Les insectes du plateau des Neelgheries sont remar- quables par leur physionomie à la fois européenne et indienne. En effet , la majorité rentre dans les genres de notre France; et même quelques-uns n’en peuvent être distingués spécifiquement ( Coccinella septem-punctata , Vanessa cardai, Polyommatus bœticus , etc.), tandis que d’autres , pris sur le penchant de la montagne , appar- tiennent à des genres tout à fait propres à l’Inde ( Or - nilhoplera heliacon , Sternocera chrysis , Fulgora Deles- serlii , Macronala /lavo-maeulala , Mylabris sydœ , etc.).

INTRODUCTION.

Lv

Si nous examinons les collections de M. Delessert, en suivant l’ordre des familles, nous voyons, toujours parmi celles des Neelgheries , que , dans les Carabiques , on remarque une magnifique Cicindèle noire et jaune, pu- bliée par M. le comte Dejean sous le nom de Cicindela auro-fasciata , et dont une variété a été nommée Cicin- dela lepida par M. Gory ( Magasin de zoologie, 1833, 96); un Scarites nouveau, plusieurs Chlœnius , etc. Dans les Hydrocanthares , un Gyrin du sous-genre Ore- ctochilus (T Orectochilus semiveslilus, Guér. , Revue zool. ) forme une des plus grandes espèces de cette division.

Dans les Sternoxes il y a trois Buprestes connus mais rares; un superbe Taupin , le Ludius ( Campsoslernus ) Delesserlii, Guér., Rev. zool.), plusieurs autres Taupins plus petits , une espèce établissant le passage entre les Taupins et les Cébrions , etc.

Les Malacodermes offrent plusieurs Lycus et Telepho- rus inédits, et un Lampyre dont la femelle a plus de sept centimètres de long.

Les Clavicornes offrent le beau Sylphe nommé Oice- ptoma lelraspiloto par Hope, mais publié antérieurement par M. Delaporte sous le nom de Silpha formosa, ainsi que plusieurs Histers nouveaux.

Dans les Lamellicornes on peut citer un Aleuclms nouveau , sept ou huit jolis Ontophagus , plusieurs Eu- chlora , une Popilie très-grande ( Popilia splendida , Guér., Rev. zool., décrite plus tard par M. Newman sous le nom de Popilia regina ) , plusieurs Mélolonthes des sous-genres Ancylonycha et Anisoplia, de belles Cé-

INTRODUCTION.

loines, le superbe Goliath que nous avons décrit sous le nom de Goliathus Delesserlii (Rev. zool .), la femelle d’un beau Lucane figuré par Olivier ( Luc. gazella ) , et qu’on n’avait pas encore vu en France , et plusieurs autres espèces non moins intéressantes.

Les Mélasomes ont aussi plusieurs espèces nouvelles dans les genres Platynotus , Opatrmn, Eloma , etc. On distingue encore une belle Lagrie et une Cistèle de grande taille.

Les Rhynchophores comprennent aussi plusieurs espè- ces tout à fait nouvelles dans les genres Mecocerus , Episomus , Blosyrus , Myllocerus , Astylus, Alcides , JJ y psonolus, etc. On trouve aussi quatre Bostriches neufs.

C’est la famille des Longicornes qui contient les es- pèces les plus intéressantes : on y remarque un superbe Pelar goder us inédit , ainsi que cinq à six Saperdes dont plusieurs forment des sous-genres distincts ; plusieurs Obrium 3 et une série de neuf ou dix espèces nouvelles de Clytus.

Les Eupodes ont trois espèces nouvelles de Criocè- res. Enfin les Cycliques contiennent des Galeruques, des Cassides, des Chrysomèles (Chr. Rajah, Guér., Rev. zool.), et plusieurs Coccinelles des plus curieuses.

Si nous jetons un coup d’œil sur les Orthoptères, nous trouverons des espèces de Blattes nouvelles et d’un aspect purement indien, à côté du Gryllus capen- sis 3 si voisin de notre Grillon champêtre. 11 y a aussi un beau Criquet du sous-genre Phymaleus , formant une espèce très- voisine du Ph. scabiosus, Fabr.

INTRODUCTION.

fi

Les Hémiptères ont fourni l’un des objets les plus saillants de la collection : c’est une superbe Fulgore voisine de la Fulgora maculata de Stol! , à laquelle nous avons donné le nom de Fulgora Delessertii (Rev. zool., 1839, p. 183). Il y a aussi plusieurs Pentatoines, des Ly- gées, Membraces, Notonectes, etc., entièrement inédits.

De belles et grandes Libellules représentent l’ordre des Névroptères; on observe parmi elles plus d’espèces nouvelles que d’espèces déjà décrites.

Les Hyménoptères offrent surtout deux abeilles pro- prement dites; l une d’elles, très-voisine de notre Apis mellifica , la remplace dans ces montagnes et produit un excellent miel.

C’est dans l’ordre des Lépidoptères que les physio- nomies indiennes et européennes sont le mieux mar- quées. On trouve dans la même boite , contenant seu- lement des objets pris sur le plateau des Neelgheries, des Papillons blancs du chou ( du moins une espèce très-voisine de celle-ci, la Pieris gliciria , Cram.), des Colias palœno de Paris, des Vanessa cardui, Lilhosia pulchella, etc.; et, à côté, le grand Ornilhoptera 11e- liacon , les Papilio Helenus , Severus, lleclor , si carac- téristiques, de l’Inde.

La collection recueillie aux environs de Pondichéri n’est ni moins riche ni moins instructive , et il serait trop long d’énumérer successivement les objets neufs et intéressants qu’elle contient ; nous nous contenterons de signaler seulement la belle Cicindela princeps de Vigors, si différente de celle des Neelgheries ( Cic . au-

INTRODUCTION.

ro-fasciala) ; un grand Taupin vert à élytres rayées de blanc, que nous avons dédié à la mémoire de Latreille 5 une jolie Donacie voisine de la Donacio crassipes d’Eu- rope (Don. Delessertn, Nob., ïcon. du Règne Animal, texte), et un grand nombre d’autres espèces nouvelles dans tous les ordres.

Les insectes que M. Delesserl s’est procurés sur la côte Malaye, à Malacca, Singapore, Pulo-Pinang, etc., offrent aussi des espèces neuves et très-belles. Nous devons citer, parmi les Coléoptères, un superbe Ortho- gonius (O. laleralis., Nob.), plusieurs Lucanes, quel- ques Mélolonthides formant des genres nouveaux , des Calandres, la magnifique Saperde que Latreille a figu- rée dans le règne animal sous le nom de Saperda ve- nosa y etc.

Parmi les Orthoptères on remarque des Phasmes très-grandes, plusieurs Manies, une très-belle espèce du sous-genre Chæradodis (Ch. Iruncata, Nob.), des Phylloptères, un nouveau genre voisin des Truxales, et publié dans ces derniers temps par M. Westwood , sous le nom de Sy Stella llopei (Arcana Ent. , 1, pl. 4 , fig. 3), une espèce du genre Maslax du même auteur, et plusieurs autres espèces nouvelles de grande taille. Malheureusement, et comme il arrive toujours pour ces sortes d’insectes, les individus sont moins bien conser- vés que les précédents; quelques-uns ont perdu une partie de leurs pattes, de leurs antennes, etc., pendant le voyage, mais ils n’en sont pas moins très-utiles pour être décrits et figurés.

INTRODUCTION.

8

On trouve dans les Hémiptères plusieurs belles espè- ces nouvelles de Punaises et de Cigales, diverses Aphana et Flatta de la plus grande beauté, que nous avons décrites dans le texte de notre Iconographie du Règne Animal, et deux magnifiques F ulgores, les Ful- gora pyrrorhynchus , Donovan , et subocellala , de nous, dans la Revue zoologique.

Les Lépidoptères sont également riches en belles es- pèces ; parmi les grands Papillons il s’en est trouvé plu- sieurs de nouveaux et que nous décrivons dans cette notice, ainsi que d’autres Lépidoptères inédits, appar- tenant à divers genres.

Nous devons borner cette énumération rapide, qui aurait été trop longue si nous avions voulu indiquer tous les objets neufs et intéressants de la collection de M. Ad. Delessert. L’idée que ce court aperçu en donne suffira pour faire apprécier toute son importance scien- tifique. Qu’il nous soit permis cependant, pour appuyer notre assertion, de reproduire ici les conclusions du Rapport de MM. de Blainville et Duméril :

« Nous avons déjà fait observer que, pour la très-grande partie des objets de sa collection, M. Adolphe Delessert a soigneusement noté les lieux et les circonstances dans lesquels il les a recueillis; nous avons parlé de ses remar- ques sur les habitudes du Ratel, et nous aurions pu parler également de celles qu’il a faites sur les mœurs du Pangolin, animal qui n’est jamais venu vivant en Europe. Il paraît cependant que ses observations ne lui ont pas paru assez nouvelles pour en faire le sujet d’un

INTRODUCTION.

9

ouvrage à la manière d’Obsouville, ce qui est peut-être à regretter.

» Toutefois le dévouement que M. Adolphe Delessert a montré dans une entreprise qui a duré cinq à six ans , la manière sans prétention avec laquelle il en a présenté les résultats à l’examen et à l’étude des zoolo- gistes, et surtout la noble générosité qui l’a porté à offrir au grand dépôt des êtres naturels le choix des objets qui pourraient y manquer , nous a paru mériter d’être pris en grande considération. En conséquence, nous proposons d’adresser à M. Adolphe Delessert des remerciements pour les matériaux intéressants qu’il a fournis à la zoologie par une persévérance courageuse et une générosité dignes du nom qu’il porte. »

Si nous avions eu plus d’espace et de temps , nous aurions présenté le dénombrement des richesses scien- tifiques qui ont motivé ces conclusions flatteuses; mais nous n’avons pu nous occuper que de la partie de ces collections qui comprend l’entomologie. Les insectes, au nombre de plus de 40,000 individus, formaient 1,048 espèces différentes, réparties dans les divers or- dres de la manière suivante.

DÉTAIL PAR LOCALITÉS.

Des montagnes Neelgheries De Pondichéri De la côte Malaye

425 espèces. 362 261

Total

1048

2e PART.

10

INTRODUCTION1.

DÉTAIL PAR ORDRES.

Aptères.

Coléoptères.

Orthoptères.

Hémiptères.

Névroptères.

Hyménoptères.

Lépidoptères.

Neelgheries Pondichéri Côte Malaye Total

Neelgheries Ponclichéri Côte Malaye Total

Neelgheries. Pondichéri Côte Malaye. Total

Neelgheries Pondichéri Côte Malaye Total

Neelgheries. Pondichéri Côte Malaye Total

Neelgheries Pondichéri Côte Malaye. Total

Neelgheries Pondichéri Côte Malaye Total

12 espèces. 9 4 25

172

186

65

423

32

39

50

121

76

73

67

216

11

9

4

24

17

21

11

49

83

20

60

163

INTRODUCTION.

Il

Diptères.

Neelgheries Pondichéri Côte Malaye Total

27

22 espèces. 5

Cet aperçu des richesses entomologiques du voyage de M. Ad. Delessert, donne une idée de l’activité qu’il a déployée pour obtenir ces résultats, quand on songe qu’il s’occupait en même temps de toutes les branches de l’histoire naturelle, et qu’il tenait un journal très- détaillé dans lequel il a consigné une foule d’observa- tions intéressantes que nous voudrions voir mettre au jour.

F.-E. Guérin-Méneville.

SECONDE PARTIE.

§ i.

ANIMAUX VERTÉBRÉS.

PAR I\I. AD. DELESSERT.

BOEUF SAUVAGE DE L’iNDE.

Bibos frontaiis, Lambert.

(PI. 4.)

L’animal qui forme le type de ce sous-genre est encore peu connu en Europe et n’existait pas dans les collections de Paris. Il a été publié pour la première fois par M. Lambert, sous le nom de B os fronta- iis (1), que G. Cuvier adopte (2), et décrit et figuré de nouveau par Frédéric Cuvier (3) , sous le nom de Bos siliietanus. Malheureuse- ment la figure que ce savant en a donnée paraît avoir été faite d’après un dessin peu exact, car elle ne rend pas très-bien la bosse élevée que cet animal porte sur la partie antérieure de son dos ; bosse qui n’est pas une simple loupe graisseuse , comme le dit M. Lesson (4) , mais qui est produite par un très-grand prolongement des apophyses mon- tantes des premières vertèbres dorsales.

Dans ces derniers temps, M. Hodgson, gouverneur et résidant à Catmadou, ignorant que MM. Lambert et Frédéric Cuvier avaient publié ce bœuf sous les noms de Bos frontaiis et Bos silhetanus, en a donné une bonne description, dans les procès-verbaux de la Société asiatique du Bengale (5) , en proposant, avec raison , d’en former un

(1) Trans of Lin. Soc., vol. vu, pl. 4.

(2) Règne animal, 2e édit., t. i, p. 280.

(3) Hist. nat. de Mamm., t. iii , 42e liv.

(4) Manuel de Mamm., p. 393.

(o) 66, juin 4837, p. 499.

ik

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

sous-genre des Bœufs, sous le nom de Bibos , mais en lui donnant un troisième nom spécifique, celui de Subhœmachaius. Ce nom ne peut être conservé, puisqu’il est postérieur au nom de Frontaiis; publié par Lambert. Quoi qu’il en soit, la description du savant Anglais donnant une idée exacte de l’animal qui nous occupe , nous croyons utile de la reproduire ici.

« Après des recherches très-pénibles et coûteuses, j’ai enfin réussi à me procurer les dépouilles complètes des deux sexes du Gauri-gau. Les côtes sont au nombre de 13 paires seulement; le crâne des deux sexes est remarquable par sa grandeur et par un front large, surmonté d’une énorme crête transversale demi-cylindrique. C’est le prolonge- ment des vertèbres dorsales seulement qui produit l’élévation extraor- dinaire de la partie antérieure du corps, les vertèbres cervicales n’é- tant nullement prolongées. L’élévation s’étend longitudinalement de la première à la dernière paire de côtes : elle est plus brusquement pro- noncée en avant et s’abaisse insensiblement en arrière. La plus grande hauteur de la bosse , produite par le prolongement de ces vertèbres , est de ïh pouces au-dessus de la colonne dorsale, et c’est la troisième vertèbre, à partir de l’extrémité antérieure, qui atteint cette hauteur. C’est cette particularité qui rend l’animal très -remarquable; il est Bœuf, ou classé comme tel, par le nombre de ses côtes et par la forme générale de son crâne, mais il s’en distingue suffisamment, comme un sous-genre ou type séparé, par le plus grand développement du front, par la grandeur remarquable de sa crête frontale et par la saillie des vertèbres dorsales ; cette dernière particularité ostéologique donne à cet animal l’apparence d’un Chameau ou d’une Girafe, en faisant toutefois abstraction de la tête.

» J’appelle ce type Bibos; c’est un nom qui est également bon, soit qu’on suppose qu’il indique un Bœuf d’une grandeur extraordi- naire ( comme Bis et Bos ) ou un animal tenant du Bison ou du Bœuf (quasi Bi-Bos). Vous vous rappelez mes dessins du crâne, comparés à ceux du Buffle privé et sauvage et du Bœuf commun ; personne ne pourrait, en voyant ces caractères, supposer que cet animal est un Bison, si on admet l’exactitude des descriptions de Cuvier. Quant à moi, j’ai toujours considéré le Gauri-gau comme un chaînon séparé entre le Bœuf et le Bison ; mais c’est tout récem- ment qu’en me procurant des squelettes complets des deux sexes, j’ai été à portée de vérifier le fait. Je ne doute pas que VU rus des anciens (qui ne nous est connu que par des crânes fossiles) ne soit un Bibos ,

DANS L’INDE.

15

c’est-à-dire un animal du même type que notre Bœuf sauvage des forêts vierges et autres lieux déserts. Je ne pourrais décider si mon animal est le Gaurus ou le Gavoœus des auteurs, car il n’y a point de description assez claire de l’un ou de l’autre de ces animaux. Quel- ques-uns appellent le Gauri-gau Bœuf, d’autres Bison ; ce qu’il est en réalité, je ne le sais pas: en conséquence, je dois donner à mon type un nom distinct, soit Subhœmach aius.

» Ainsi donc, le Gauri-gau des forêts élevées est le Bibos Sub- hœmachaius, Nob. , et forme le type du nouveau sous-genre Bibos. La Société en aura actuellement une description très-exacte et minu- tieuse : d’un côté les particularités ostéologiques déjà mentionnées donnent à notre animal un caractère frappant de nouveauté, et de l’autre donnent un nouvel intérêt à tout ce que les anciens nous ont appris sur leur Urus.

» Les poils sont aussi fournis et aussi couchés que ceux du Bœuf ; seulement ils sont un peu plus allongés , et frisés sur le front et les cuisses. Ses couleurs sont en général brunes ou noires , ou variées de noir et de blanc. La queue est très-courte et ne descend pas jusqu’au jarret. Toutes. les particularités de la structure de cet animal retom- bent dans le caractère du sous-genre, et ses caractères spécifiques peuvent être décrits en deux mots : Le grand Bibos indien sauvage, avec les poils fournis et couchés, d’une couleur noire ou brune, ayant 10 pieds depuis le museau jusqu’à la queue, et 5 1/2 de haut aux épaules. Gauri-gau de l’Indostan. »

J’ai tué plusieurs individus mâles et femelles de cette belle et rare espèce à Tullamaley, dans le Mysore, à 20 mille des Neelgheries, pla- teau situé aux confins du Malabar. J’en ai tué quelques individus à la base de ces mêmes montagnes, qui sont élevées d’environ 7,800 pieds. On m’a dit qu’on le trouvait aussi dans le Travancor, on le prend avec des filets.

Ce Bœuf est très-sauvage et naturellement très-hardi, et il se défend facilement contre tous les animaux féroces. On ne le trouve qu’à la hauteur de 3 à 4,000 pieds environ au-dessus du niveau de la mer, sur le penchant des montagnes. J’en ai trouvé dans les montagnes de Shewroy-Hill près de Salem , dans le Garnatic ; on l’a tué aussi près de Gingée , à 60 milles N. -O. de Pondichéri, et , d’après le rapport de personnes dignes de foi, il paraîtrait qu’on l’a tué fréquemment sur toutes les Gates, qui s’étendent depuis Surate jusqu’au cap Corno- rin. Étant cette année à 200 milles de Bombay, sur la montagne de

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

16

Mahabuliswhur, des chasseurs anglais m’ont dit l’avoir tué dans le voi- sinage. Enfin, il paraît qu’il est répandu, en plus ou moins grande adondance , depuis Surate , en suivant les divers plateaux qui se trou- vent intermédiaires entre le Népaul et les Gates, jusqu’au Sylhet, district situé dans le Bengale. On m’a même assuré que ce Bœuf est répandu dans la chaîne des Gates qui longe la côte de Coromandel.

Les Anglais qui habitent l’Inde donnent au Gauri-gau ou Gun- gli-gau les noms de Syihet-C aile , de Gy ail et de Byson. Les habitants du Carnatic et de Pondichéri l’appellent, en langue tamoul, Câte-yrme, ou Buffle des bois.

J’ai rapporté plusieurs peaux préparées des deux sexes de ce bel animal, ainsi que des crânes, et j’ai déposé le plus bel individu dans les collections du âluséum de Paris.

CHIEN SAUVAGE DE l’hYMALAYA.

Canis primœvus. Hodgson.

( PL 2. )

Le Chien sauvage, ou Buànsû des Népaulais , habite toute la con- trée de la chaîne du bas Hymalaya, depuis le fleuve Sutledge à l’ouest, jusqu’au fleuve Brahmapoutroum ou le Burampoutre à l’est.

Les caractères de cette espèce de Chien sauvage sont d’avoir six molaires seulement à la mâchoire inférieure ; son poil est serré ; les pieds sont courts de poil jusqu’en bas; ses oreilles sont assez grandes et droites. Sa queue est couverte d’une touffe de poils raides à son extrémité ; il est d’une longueur moyenne, d’un roux prononcé sur le manteau et jaunâtre inférieurement.

Le Buànsû, ou Chien sauvage du Népaul , dit M. Hodgson ( dans les Recherches asiatiques, volume 18, partie II, page 223), habite la partie élevée qui est à une égale distance des montagnes de neige et des plaines, ou, en d’autres termes, il se tient dans la région moyenne du Népaul ; mais il émigre fréquemment dans les parties du sud , et quelquefois dans les districts du nord. Ses limites d’émigra- tion sont, à l’est et à l’ouest, autant qu’il m’a été possible de le cou-

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DANS L’INDE.

17

naître, Kali et Fista, et, comme j’en ai été informé de bonne source , du Sutiedge au Burampoutre. Des Chiens sauvages , pro- bablement n’offrant aucune différence matérielle avec ceux du Népaul, sont rencontrés également dans le Vindhya, les G hâtes, les Neei- g h cries , les montagnes de Kay sa, et finalement dans la chaîne s’é- tendant depuis Mirzapour jusqu’à celle d'Orixa et à la côte de Coromandel.

S’il m’était permis d’ajouter quelque chose aux renseignements pleins de précision et d’exactitude que donne le savant M. Hodgson, je pourrais dire qu’ayant habité près de trois ans la côte de Coroman- del, à Ponclichéri et ses environs, et ayant exploré ces contrées avec soin pour y famé des collections zoologiques , il m’est arrivé fré- quemment d’entendre parler de la même espèce de Chiens, et même d’en voir quelquefois aux diverses chasses ou tracs que je faisais aux grands Mammifères. Enfin , après bien de la peine , j’ai fini par m’en procurer un , tué dans les environs de Gcngy, à la côte de Coro- mandel , près des Gates. même , il y a quelques années , en jan- vier 1836, j’ai pris, aidé d’un de mes chasseurs, un jeune faon d'axis , ou cerf moucheté , qui venait d’être mordu et chassé par trois Chiens de cette espèce , lesquels aboyaient à peu près comme nos Chiens courants d’Europe; ce Chien n’est connu que par les chasseurs à la côte de Coromandel, il est nommé par les indigènes Chennayes ou Tamouls.

Je puis ajouter que j’ai rencontré plusieurs fois cette espèce de Chiens dans les montagnes de Neelghêries en bandes de trois à quatre, chassant en plein jour. Jamais je n’ai pu en tuer d’autre que celui que j’ai rapporté en Europe : il figure au jardin des plantes de Paris dans les galei’ies zoologiques. Ce Chien sauvage chasse le jour et la nuit , mais principalement pendant le jour. Six , huit , ou dix réu- nis poursuivent leur victime , chassant plutôt par l’odorat à la piste qu’à vue , comme le lévrier. Ils parviennent à obtenir leur proie plu- tôt à force de persévérance qu’en employant la ruse, ce qui leür arrive cependant quelquefois.

La proie du Canis primœvus ou Buansû consiste en lièvres , en Buffles sauvages ou domestiques et en plusieurs espèces de Cerfs ou d’ Antilopes. Quelquefois les Buffles qui sont à pâturer dans les dis- tricts éloignés des habitations deviennent la proie de cet animal. Jamais l’homme n’a été attaqué par ce chien.

Le Buansû ne se terre pas à la manière du Loup et du Renard , 2r part. 3

18 SOUVENIRS D’UN VOYAGE

mais habile dans les cavités naturelles des rochers, à la manière des Chacals du Népaul.

ÉCUREUIL DE DELESSERT.

Sciurus Delessertii. Gervais.

( PI. 3 et 4. )

La jolie famille de Mammifères à laquelle notre Écureuil sert de type , est, sans contredit , une des plus naturelles de l’ordre des Ron- geurs. Les Marmottes , intimement liées aux Tamias par les Spermo- philes et les Ptéromys , qu’on pourrait appeler des Marmottes volan- tes , tant certains de leurs organes , et en particulier leur crâne , ressemblent à ceux ces animaux , lui appartiennent également. Tous les Sciuriens ont des caractères faciles à saisir, et leur tète os- seuse confirme très-bien , par sa forme , leur séparation en un groupe particulier. L’absence de perforation palatine, la position des trous incisifs de chaque côté du bord interne des os de ce nom , et surtout la petitesse du trou sous-orbitaire , sont autant de caractères distinc- tifs des Sciuriens. Les Myoxus , qu’on place fort souvent dans la même catégorie que les Écureuils , sont , au contraire , un genre de Muséides, comme la forme de leur trou sous-orbitaire contribue à le prouver, et , au contraire , les Castors , presque toujours réunis aux Myopotames, etc., paraîtront bien plus voisins des Sciuriens, et, en particulier, des Marmottes , qu’on ne l’admet généralement , si , abs- traction faite de la forme de leurs molaires , en rapport avec un ré- gime spécial , ainsi que de leurs pattes et de leur queue , dont la dis- position est en harmonie avec la nature des lieux qu’ils fréquentent, on étudie leur structure générale avec plus d’attention. Leur sque- lette, en effet, n’est pas sans analogie avec celui des Marmottes, et leur crâne a la forme générale caractéristique des animaux de ce genre. Les Castors sont même les seuls Rongeurs qui aient le trou sous-orbitaire des Marmottes et des Écureuils (1), et l’on sait tout le

(■I) Les Ascom ys, quoique assez semblables aux Sciurus , Arctomys et Castors par la petitesse de leur trou sous-orbitaire, ce qui les éloigne aussi des Ctenomys et des Aspalomys , ainsi que nous l’avons fait remarquer dans la partie mammalo- gique du voyage de la Bonite , s’éloignent aussi de tous ces animaux par la direction du canal dont il s’agit et par la forme de leur crâne.

DANS L’INDF.

19

parti que l’on peut tirer des particularités de ce trou pour la classifi- cation des animaux de cet ordre. On pourrait donc voir dans le Cas- tor le représentant aquatique de la tribu des Arctomys, comme dans le Pterpmys, l’animal aérien du même groupe.

L’extérieur des Écureuils, celui des Tamias et celui des Marmottes, ne les fait pas toujours distinguer avec une égale facilité. Il est des cas aussi les couleurs de ces animaux n’ont rien de bien ca- ractéristique dans leur répartition ; leur système dentaire lui-même n’olîre pas d’assez grandes variations pour qu’on y ait constamment recours. Le nombre des espèces est cependant fort considérable , et chaque jour on en fait connaître de nouvelles. Les dents sont plus ou moins tuberculeuses , assez différentes par leur couronne , dans les Marmottes et quelques autres , de ce qu’elles sont chez les Écureuils proprement dits , leurs tubercules étant plus saillants chez les pre- mières et presque en collines transversales , ce que l’usure rend beau- coup plus manifeste. Leur nombre est généralement de quatre paires à chacune des mâchoires (1). Dans beaucoup d’espèces il y a toutefois cinq paires de molaires supérieures , et la nouvelle dent de chaque côté est la plus petite de toutes ; sa place est avant les quatre autres. Chez les Marmottes cette dent est plus forte que celle des Écureuils, et , dans ces derniers , elle est souvent si faible , que divers observa- teurs, F. Cuvier entre autres, et G. Cuvier, la voyant dans certains crânes et ne la retrouvant pas dans d’autres , l’ont considérée comme caduque, et , par conséquent, comme dépourvue d’importance réelle.

Le fait est que cette dent est aussi fixe que la première fausse molaire supérieure des Chauves-Souris , appelée également la caduque, et que M. de Blainville nomme dent gemini forme , et qu’elle est, dans ses proportions aussi bien que dans ses formes, très-bonne à consulter pour la distinction des espèces. 11 ne faudrait pas toutefois exagé- rer sa valeur et distinguer les Écureuils en deux groupes, suivant qu’ils manquent de cette dent ou qu’ils en sont pourvus. La forme du crâne de ces animaux donne des caractères d’un ordre supérieur et dont Illiger, G. et F. Cuvier se sont déjà servis avec avantage.

C’est par la forme du crâne , ainsi que nous l’avons dit plus haut,

fl) M. Hodgson donne à son Sc. lolcrioïdes six molaires à chaque mâchoire ; et comme il dit à ce sujet que, d’après le Règne animal de Cuvier, tous les Écureuils ont huit dents, il n’est guère possible d’admettre qu’il se soit trompé. Je laisse à ceux qui verront le crâne du Sc. lolcrioïdes le soin d'expliquer cette singularité.

20 SOUVENIRS D’UN VOYAGE

qu’on peut démontrer les rapports qui existent entre les Marmottes et les Castors.

Les Ptéromys se lient plus intimement encore aux Marmottes par la nature de leur tête. Une même affinité a lieu entre les Sciuroptères et les Tamias ; et , parmi les Écureuils proprement dits , la forme du crâne permet, par ses variations de second ordre, la distinction de plusieurs sous-genres.

S I-

1. G. Cuvier a séparé les Guerlinguets ou Macroxus , à cause de la forme de leur crâne , et son frère a démontré la justesse de cette remarque dans un mémoire spécial.

Les Guerlinguets ont le crâne assez court , comme renflé , peu courbé ; leurs dents molaires supérieures sont au nombre de quatre paires seulement.

Les autres espèces de la tribu des Écureuils proprement dits peu- vent encore donner lieu à des remarques analogues , ainsi :

2. Le crâne est aplati et élargi au chanfrein , et les os du nez sont courts et busqués dans les grands Écureuils indiens qu’on a nommés Sciurus malabaricus , maximus, aureiv enter , etc. Ces animaux , de même que les Guerlinguets, manquent de la dent gem- miforme.

3. Chez d’autres, également indiens, le crâne est assez semblable, par sa cavité cérébrale et son chanfrein , à celui des précédents ; mais sa face est un peu plus étroite , et les os propres du nez y sont moins arqués : tels sont les Sc. Rafflesii, hippurus , flavimanus , griseiventer , bilincatus et bivittatus. Tous ont une cinquième paire de molaires supérieures ; mais ces dents sont toujours petites et presque gemmiformes.

Le Sciurus bivittatus ou Toupaie était considéré par G. Cuvier comme un Macroxus ; mais il nous paraît évident que les vrais Ma- croxus (Sc. œstuans, etc.) sont américains , et qu’ils diffèrent moins des Écureuils d’Europe que des prétendus Macroxus indiens dont nous venons de parler.

h. Certains Écureuils africains ont aussi une forme spéciale : le front plat , la face assez courte , la partie crânienne non bombée , qua- tre paires de molaires aux deux mâchoires. Le Sc. annulatus , du

ri. 4.

J (L $ . S cuiras J?cie<PScrtii , Servais. S a S. ScixiTïLS Ùisi^/VÛT , Ar. Cuviez.

Annedouchc-'. se

VL. 6.

Sciurus aureiocnter . &.

jDela/itn/e. pin.v

DANS L’INDE.

21

Sénégal | une autre espèce, du Maroc (1); et le Sc. abyssiniens , Ehr. , type du genre Xerus de ce naturaliste, sont dans ce cas.

5. L’Amérique septentrionale a des Écureuils à crâne plus allongé, plus courbé, et dont les os du nez sont un peu inclinés. Ils ont tantôt quatre, tantôt cinq paires de molaires supérieures; mais la cinquième, lorsqu’elle existe , est fort grêle et presque aciculaire. Le Sc. capi- stratus et beaucoup d’autres appartiennent à cette section.

6. Un dernier groupe est celui du Sc. stramineus et de l’Écu- reuil à ventre roux , tous deux de l’Amérique intertropicale. Leur front est un peu bombé , la courbe de la face supérieure du crâne est brisée à la ligne interoculaire ; mais la forme est également plus al- longée et le chanfrein moins élargi que dans les Macroxus ou dans les Écureuils des quatre premiers groupes.

§ II-

Il y a aussi des Tamias dans plusieurs parties du globe ; mais ils n’offrent pas , comme les Écureuils , la particularité d’une forme de crâne , pour ainsi dire , propre à chaque pays. Par la forme étroite et un peu arquée de leur tête , par leurs habitudes plus terrestres , les Tamias approchent davantage des Spermophiles ; ils ont aussi les tu- bercules des dents plus saillants que chez les Écureuils qui précèdent, et leur cinquième paire de dents molaires , lorsqu’elle existe , est un peu plus considérable que celle de ces animaux , ce qui est un nou- veau trait de ressemblance entre eux et les Tamias.

(1 ) Sciurus Getulus. Nous rapportons cette' jolie espèce d’Écureuil au Sciurus Getu- lus, dont la connaissance est encore si incomplète. Elle nous a été communiquée par M. Parzudacki, et il y en a eu, à la ménagerie du Muséum, deux exemplaires envoyés de Mogador (Maroc) par M. Delaporte. Le Sc. Getulus a les oreilles très- courtes et sans pinceaux; il est gris-brun légèrement lavé de roussàtre un peu plus foncé sur le dos et gris en dessous. Deux bandes blanchâtres vont de chaque côté de l’épaule jusqu’au croupion , et sont séparées, du gris des flancs par une bande brunâtre comme au dos; la queue n’est pas distique, mais un peu en panache; ses poils roux sont annelés de blanchâtre et de noir , mais elle-même ne parait pas annelée; elle a un peu de roux-pâle à sa base, et la face externe des membres est lavée de la même couleur. La tête passe au gris ainsi que le dessous des yeux et de la jotfe.

Cet Ecureuil tient du Fossoyeur et du Palmiste par ses couleurs. Plus petit que le premier, supérieur au second, il a les poils aussi doux que ceux de ce dernier; mais son crâne et la forme de ses dents l’ éloignent de tous deux.

Nous renvoyons , pourla synonymie du Sc. Getulus, à ce qu’en disent les auteurs, et en particulier Fischer dans son Synopsis ma/mmalium.

22

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Aux Tamias appartiennent des espèces américaines ( Sc . üudso- nius (1), striatus , etc.); d’autres africaines ( Sc. erythropus et fossor ) et d’autres de l’Inde. Ces dernières avaient déjà été signalées, par F. Cuvier (2), comme un sous-genre à part, sous le nom de leur principale espèce, le Palmiste. Elles ont £ molaires au lieu de f, comme les vrais Tamias , et , comme leur pouce est nul ou rudimen- taire, M. Lesson les a aussi distingués en un genre à part, sous le nom de Funamb ulus (3); mais l’absence du pouce antérieur n’est pas un caractère aussi important qu’il le paraît d’abord , et , ce qui le prouve, le Ne. insignis , qui est un Palmiste par son système de coloration aussi bien que par son crâne et ses dents, a un pouce comme les Tamias américains et les prétendus Macroxus asiatiques, avec lesquels il est classé, à tort, par quelques naturalistes. Ainsi donc il faut admettre présentement quatre espèces d’Écureuils tamias dans l’Inde : Sc. palmarura, tristriatus , Dclessertii et insignis.

Le Sciurus Delessertii (pl. 3 ), dont nous avons déjà publié la description dans les Bulletins île la Société philomatique (4) , nous présente les caractères suivants :

Pelage roux, brun-oüvacé en dessus, formé de poils bruns à leur base et finement annelés , dans leur seconde moitié , de noirâtre et de jaunâtre ; le dessous du corps lavé de jaune-sale , non tiqueté ; l’indice sur le milieu du dos de trois petites bandes brimes , séparées par du fauve-olivacé ; tête et face externe des membres de la couleur du dos ; le jaune un peu plus abondant sur les pattes postérieures ; queue non distique , entièrement velue , d’une teinte olivacée un peu plus jaune que celle du corps, à cause de la plus grande étendue des trois ou quatre anneaux jaunes de chaque poil , plus fournie à sa base qu’à son extrémité, qui est appointie et dont les poils sont presque entièrement noirs. Quatre doigts en avant , cinq en arrière ; paume et dessous des pattes postérieures nus jusqu’au talon ; oreilles médio- cres, sans pinceau, garnies de poils courts ; moustaches noires ; dents *, incisives f, molaires tuberculeuses. La molaire antérieure assez dé- veloppée , ayant un talon interne et un tubercule saillant. Tête os- seuse assez renflée dans sa partie crânienne, arquée, front et os du nez un peu inclinés ; face étroite.

( I ) Type du genre pour llliger, Prodrohus mammalium .

(2) Mém. mus. , f. X,pl. 10, f. 2.

(3) Illustrations de fOoloçjiit.

(I) L’Institut , 1 841 .

( lilorojhsis

/ 'arvcrO'Tlrûr , SmaàisonA

i'. JW Ire f/e/.

DANS L’INDE.

23

Corps et tête , 1 3 centim.

Queue avec ses poils terminaux, \h centim.

Cette espèce a été rapportée du plateau des Nil-Gerrhies, dans l’Hin- doustan, par NI. Adolphe Delessert, auquel on doit des collections fort nombreuses et très-importantes recueillies pendant un séjour de plu- sieurs années dans ces contrées.

EXPLICATION DES PLANCHES 3, 4, 5, 6.

PI. 3. Fig. 1, Sciurus Delesserlii ; fig. 2, sa patte intérieure; fig. 3, sa patte postérieure.

PI. 4. Fig. 1-4. Crâne et dents du Sc. Delesserlii; fig. 5-8 , crâne et dents du Sc. insignis F. Cuv.

PL 5. Fig. 1-4. Crâne et dents du Sc. Rafflesii Horsf.

PI. 6. Fig. 1-4. Crâne et dents du Sc. aurciventer Is. GeofT.

VERDIN CURVIROSTRE.

Chloropsis curvirostris. Swainson.

(PI. 7.)

Cette nouvelle espèce a le plumage le plus agréablement varié : tout le dessus est vert-pré un peu doré , se nuançant insensiblement d’olivâtre sur la tète et de jaunâtre sur les sourcils et derrière les yeux. Les lorums , le dessous des yeux , la région des oreilles , la gorge , tout le devant du cou, ainsique le haut de la poitrine, sont noirs, couleur qui sur cette dernière partie se reflète un peu en bleu de roi très- foncé. De chaque côté du bec , une bande d’un beau bleu-barbeau , en forme de moustache , borde la gorge latéralement et descend jus- que sur le cou. Le bas de la poitrine , le ventre et le reste du dessous sont d’un jaune mordoré. Les petites couvertures de l’aile, à barbes allongées et décomposées , forment, sur son pli , une sorte d’épaulette du plus beau bleu-luisant d’aigue-marine. Les moyennes et grandes couvertures, les rémiges primaires et secondaires, et les rectrices , sont noires ; mais toutes ont leurs barbes extérieures d’un beau bleu- indigo plus foncé sur les couvertures que sur les rémiges et les rec- trices ; les troisième , quatrième , cinquième et sixième rémiges sont finement bordées de gris-blanc avant leur extrémité , et la dernière rectrice latérale est striée de roux à sa pointe et sur sa tige. Le bec est noir, allongé , très-comprimé , comme celui du Verdin à front d’or,

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

25

mais un peu plus arqué , ce qui lui donne entièrement l’apparence d’un bec de Philédon ; les pieds sont de couleur plombée.

Longueur totale de la peau non montée, 20 cent. 1/5.

Il se trouve dans l’Inde , dans le Bottan ou Boutan.

Un second individu, qui nous paraît la femelle ou un jeune de la môme espèce , diffère de celui-ci en ce que tout le dessus , les ailes et la queue sont d’un vert-pré intense et uniforme. Les premières rec- trices seulement ont leurs barbes extérieures bleuâtres, et les pre- mières rémiges les ont grisâtres. Tout le dessous est d’un vert plus pâle et un peu teinté de jaunâtre , avec le milieu du ventre et de l’ab- domen et les couvertures inférieures de la queue j aune- mordoré , mais plus pâles que chez le premier individu , qui- sans nul doute doit être un mâle adulte. Les moustaches bleues sont également beaucoup moins prononcées et plus pâles. La couleur mordorée du ventre , quoi- que moins vive , et l’entière 'conformité du bec ne nous laissent pas douter que ce ne soit la même espèce.

Cette espèce a été d’abord publiée sous le nom de CMoropsis auriventris ( Mag . zool ., 1850 , Ois., pl. 17), nous lui avons restitué le nom que Swainson lui tivait imposé antérieurement.

GOBE -MOUCHE ( SÎVQ ) STRIGULE.

Muscicapa (Siva Hodgson) Strigula. Hodgson.

(Pl. 8.)

Cette jolie espèce indienne est une de celles dont les caractères mixtes sont des plus embarrassants pour la classification. Son bec, quoi- que garni de poils à son ouverture , est plutôt comprimé que déprimé , comme çhez les vrais Gobe-Mouches; ses ailes et sa queue étagée, offrant des teintes d’un orangé vif, semblent devoir le ranger près des Gobe-Mouches ftammea et miniata du même pays, mais ses tarses et ses doigts forts et longs l’en éloignent. Ses ailes sont singu- lièrement courtes et arrondies ; leurs pennes sont régulièrement éta- gées de la première à la quatrième , qui est encore un peu plus courte que la cinquième : celle-ci , la sixième et la septième , sont égales et les plus longues. Le dessus est d’un olive grisâtre , mais toutes les plumes qui recouvrent la tête et la nuque sont d’un roux-mordoré

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DANS L’INDE.

25

olivâtre plus foncé. Vers leur centre elles sont allongées , lancéo- lées et disposées en forme de huppe assez touffue. Les ailes sont noires ; mais les primaires sont finement bordées, à l’extérieur, du jaune- orange le plus vif ; quelques-unes de leurs grandes couvertures , d’un noir profond , forment une tache qui ressort sur ce jaune à leur base ; les rémiges secondaires et tertiaires sont terminées de cendré-pâle ; les trois dernières les plus rapprochées du dos, qui sont noires, ont leurs barbes externes gris-cendré terminé de la première couleur, ce qui forme une bande cendrée sur la partie interne de l’aile. La queue, assez fortement étagée, est noir terminé de blanc -jaunâtre. Les quatre rectrices médianes sont d’un brun marron à leur base , qui s’étend jusqu’à moitié de leur longueur. Les quatre latérales , de chaque côté, ont leur bord externe et leur extrémité d’un jaune orangé. Cette couleur couvre le menton et la gorge , et est encadrée de noir, qui forme , de chaque côté , une sorte de moustache se pro- longeant jusque derrière l’oreille , et formant quelques stries trans- verses sur le devant du cou , qui , ainsi que la poitrine et tout le des- sous, est d’un jaune-paille, avec les flancs olivâtres. Le bec est couleur de corne , avec la mandibule inférieure jaunâtre. Les pattes sont cou- leur de plomb ; les tarses et les doigts sont assez forts , ainsi que l’on- gle du pouce.

Longueur totale, 15 centimètres 1/2.

Cette espèce vient du Bottan , dans l’Inde. Nous lui avons restitué le nom que M. Hodgson lui a donné (Corbyn’s indian review, il, p. 93, 1837), en abandonnant celui de M. variegata (Mag. zool. , 18A0, ois. pl. 19).

MARTINET ( Cliœtura ) A PIEDS NUS. Cypseius (Chœtura, Hodgson) Nudipes, Hodgson.

(Pl. 9.)

Ce martinet fait partie de ce groupe d’espèces remarquables par une queue courte , coupée carrément , et dont tous les tuyaux se pro- longent au delà des barbes en forme d’épines très-roides et très-acé- rées. Le dessus de la tête et du cou , les scapulaires , les petites et moyennes couvertures de l’aile , l’extrémité des rémiges , les rectri- 2e part. h

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

ces et leurs couvertures supérieures sont d’un vert à reflets bleu- violet cl’acier bruni. Tout le dos et le croupion sont d’un noirâtrc- enfumé s’éclaircissant insensiblement vers le milieu du dos , de ma- nière à y former une large tache blanc-sale. Les trois dernières rémi- ges, près du dos, ont leurs barbes internes entièrement blanches. Tout le dessous et les côtés du cou sont du même ton noirâtre-enfumé que le dos; la gorge et tout le devant du cou, les flancs, l’anus, les couvertures inférieures de la queue et les plumes qui recouvrent les j ambes sont d’un blanc pur. Bec et pattes noirs.

Longueur totale de la peau non montée , 18 cent. 3/4.

11 vient du Bottan , dans l’Inde.

C’est le Cypseius leuconolus (Mag. zool. ,1840, ois. , pi. 20). Hod- gson lui a donné antérieurement le nom que nous adoptons (Journal of the Asiatic Soc. uf Bengal, v, p. 779).

FRANCOLIN RE UARDWICKE.

Franc oiinus H ardwickii. Gray.

(PI. 10. )

Cette espèce , d’après la petitesse de son bec et l’allongement de sa queue , est tout à fait voisine du Francolinus spadiccus de La- tham. La tête, le cou en entier et le haut de la poitrine sont noirs; mais toutes ces parties sont variées de lignes , de taches et de bandes blanches. Tout le dessus du corps , depuis le bas du cou , ainsi que les couvertures des ailes sont d’un brun cannelle ; mais chaque plume est terminée par une tache blanche bordée de noir en avant et postérieurement. Ces taches sont petites et triangulaires sur le dos , plus grandes et de forme variée sur les couvertures, qui sont en grande partie d’un vert bronzé avec leurs tiges blanches terminées par une tache de même couleur. Les rémiges et les rectrices sont d’un noir obscur avec quelques reflets bronzés. La poitrine et le ventre sont d’un roux pâle ou couleur nankin parsemé de petites taches triangulaires noires; l’abdomen et les flancs sont du même brun cannelle que le dos et également couverts de taches blanches bor- dées de noir. Le bec est petit et noir, les pieds paraissent d’un noir

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DANS L’INDE. 27

plombé ; les tarses sont armés cle deux éperons très-droits et coniques.

Longueur totale , 32 centimètres 1/2.

La femelle est partout d’une nuance sombre , couleur de fumée , avec les couvertures des ailes finement bordées , à leur extrémité , d’une nuance plus foncée ; le dessus de la tête et du cou est noir , et les plumes sont roux-cannelle dans leur milieu. Cette dernière couleur règne sur le front au-dessus et au-dessous des yeux. La gorge et la poitrine sont d’un roussâtre sale. Les tarses n’ont qu’un éperon court, obtus , tuberculiforme.

Cette espèce habite les environs de Pondichéri. C’est le Francoli- nusnivosus{ Mag. zool., 1840, ois., pl. 18) publié antérieurement sous le nom que nous lui conservons dans les Illustrations of indian zool. i, tab. 39.

MERLE A BONNET NOIR.

Turdus ( S. G. Merula ) Nigropileus de La Fresnaye.

M. tola cinereo ardesiaca , alis caudaque paulo obscurioribus , remigibus primariis extus cinereo marginatis , püeo nigro; subtùs paulo pallidior; parum rufescente lincta, ano albescente, tectricibus caudœ inferis cine- reis, illarum scapis albidis; rostrum pedesque flava. Long. tôt. 26 1 /2 cent.

Cette nouvelle espèce , la quatrième de l’Inde , qui par sa colora- tion presque noire uniforme et la teinte jaune de son bec rappelle notre Merle d’Europe, offre de grands rapports avec les Turdus pœci- lopterus , Horf. , et unicotor, Gould , tous deux des monts Hyma- laya ; mais elle diffère du premier par ses ailes sensiblement plus cour- tes et leur teinte uniforme , et du second en ce qu’elle n’a pas les épaules rousses en dessous : elle diffère aussi du Turdus collaris , Sorel, Revue Zoot. , 1840, page 2.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

TIMALIE PRESQUE ROUSSE.

Timalia subrufa. Terdon.

T. supra tota rufescente-brunnea , plumis frontalibus rigidis, cinerascen- tibus; subtus rufa , ventre abdomineque pallidioribus ; rostrum breve , altum, valde curvatum, huic Timaliœ tlioracicœ simile sed paulo bre- vius , nigrum , mandibula supera basi ad rictum tantummodo , inféra tota flavis, hac apice nigro lineata ; pedes fuscescentes. Long. tôt. 25 cent.

M. de La Fresnaye avait donné à cette espèce le nom de Timalia pœcilorhyncha , dans la Revue zoologique, 18i0, p. 65; mais comme M. Terdon l’a nommée Timalia subrufa deux ans aupara- vant (Madras Journ. for litterat. and science, 24, 1838), nous avons lui laisser le nom le plus anciennement publié.

CRATEROPE DE LA FRESNAYE.

Crateropus Lafresnayii. Ad. Delessert.

Supra lotus olivaceo-brunneus, pileo loto fusco-ardesiaco , capistro , loris regioneque post-oculari nigris ; superciliis latis a capistro ad nuchav sordide albidis. Subtus rufo-cinnamomeus, mento gulaque nigris, rectri- cum scapis rufescentibus ; rostrum gracile, rectum; pedibus fuscescenti- bus. Long. tôt. 22 cent.

Nota. Nous adoptons , pour cette espèce indienne , le nom généri- que Crateropus de Swainson , plutôt que' celui de Cinclosoma parce que ce savant a restreint celui-ci aux espèces australiennes , d’après des caractères distincts et particuliers, et que , quant à celui de Ianlhocincla, donné par Gould à ces espèces indiennes, Al. Swain- son réclame une antériorité de quatre ans pour celui de Crateropus.

Nous avons changé son nom spécifique parce que M. Terdon, dans le journal que nous venons de citer, a donné le nom de Crateropus Delessertii à une autre espèce.

DANS L’INDE.

29

CRATEROPE A TÊTE GRISE.

Crateropus griseiceps. Ad. Delessert.

{Revue zool., par la Société Cuvierienne, 1840, p. 4 01.)

Cette espèce de Merle, à ailes courtes et à très-fortes pattes, fait partie du genre Crateropus de Swainson; le dessus et les côtés de la tête et du cou sout d’un gris obscur, plus foncé et noirâtre au devant et autour des yeux , et sur la région des oreilles. Cette couleur se fond , depuis le bas du cou , dans le brun sombre qui couvre tout le dessus du dos et prend une teinte cannelle sur le croupion et les couvertures supérieures de la queue. Les ailes sont de la couleur du dos , mais la queue est d’un noir sombre ou couleur ardoise foncée ; la gorge , le devant du cou et la poitrine sont blancs , un peu teints de gris roussâ- tre sur cette dernière partie ; le ventre , les flancs et l’abdomen sont d’un roux vif. Le bec est allongé , fort , presque droit , avec la mandi- bule supérieure noirâtre à sa base , couleur de corne dans le reste , et l’inférieure d’un jaune pâle. Les pattes singulièrement fortes , avec le pouce et son ongle très-developpés , sont d’un jaunâtre livide.

Longueur totale , 25 cent.

GOOE-MOUCHE RUFULE.

Muscicapa ruf'uia. De La Fresnaye.

Corpore toto caudaque viride-rufis ; pileo, nucha, c apitis lateribus alisque nigro-fuscis , lora circuitusque oculorum parurn rufescunt. Rostrum ni- grum, breve, non depressum, fere conicum magis adhuc quarn in nostra Muscicapa luctuosa. Pedes lividi. Long. tôt. 14 3/4 cent.

Cette petite espèce , moindre d’un quart que notre Gobe-mouche becfigue , est remarquable par son bec non déprimé , peu élargi et presque conique , comme celui des Gobe-moucherons d’Amérique de Temminck.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

PIE DU BOTTAN.

Pica Bottanensis. Ad. Delessert.

( Revue zool. de la Société Cuvierienne, 1840, p. 100.)

En comparant cette Pie indienne avec notre espèce européenne , on retrouve une telle similitude de plumage , une telle conformité dans la distribution des couleurs , que , malgré ses dimensions beaucoup plus fortes, on est tenté au premier abord de la regarder comme une sim- ple variété. Mais notre Corvus pica , qui se retrouve dans tout le nord de l’Asie jusqu’au Japon, et même dans l’Amérique du nord, n’y offre point du tout ces différences de proportions, et dernièrement encore M. Temminck, la signalant comme se trouvant au Japon, d’où il l’a reçue , ajoute que cet individu japonais ne diffère en rien de ceux d’Europe.

Or celle-ci en diffère non-seulement par des proportions beaucoup plus fortes , mais par quelques différences de forme dans certaines par- ties qui constituent bien évidemment une espèce distincte et nouvelle.

Elles consistent dans la forme du bec proportionnellement plus allongé , plus effilé , et dans celle des ailes beaucoup plus longues par rapport à la queue. Un autre caractère se retrouve encore dans les pennes de cette queue , qui , chez notre nouvelle espèce , sont singuliè- rement élargies et carrées à leur extrémité , ayant leurs tiges sinueuses et onduleuses même sous le doigt , et ces ondulations répondent à au- tant de bandes transverses, de nuance un peu plus foncée , qui s’aper- çoivent à certain jour sur les barbes. Du reste , la coloration est absolument la même que chez notre Pie d’Europe , sauf que les reflets en vert métallique et en bleu-violet d’acier bruni sont plus brillants.

Longueur totale de la peau non montée , 5 déc. 3 cent. ; de l’aile depuis le pli, 25 cent. ; du bec depuis son ouverture, 5 cent.

ORTllOTOME A VEiNTRE JAUNE.

Ortholomus flaviventris. Ad. Delessert.

( Revue zool., par la Société Cuvierienne, 1840, p. 101.)

Celte petite espèce , dont le plumage rappelle celui du Prima fa- miliaris d’Horsfield , en diffère par des formes plus sveltes, une

DANS L’INDE.

queue plus longue, etc. Le dessus de la tête et ses côtés sont d’un gris-ardoise un peu teint d’olive ; le dessous du cou , le dos et les ailes sont brun-olive ; la queue est de la même couleur, mais plus pâle ; elle est très-étagée , remarquable par sa longueur, et ses pennes ont leurs barbes internes fort larges , comme chez les vrais Mérions ; elles offrent à certains jours l’apparence de petites bandes transverses; la gorge, le devant du cou et la poitrine sont d’un blanc légèrement teinté de roussâtre. Le ventre est d’un jaune-paille vif, teinté de roux sur l’abdomen et les jambes. Le bec est noir, très-délié et très-com- primé vers la pointe ; les pieds sont rougeâtres. Les tarses sont élevés avec les doigts longs et déliés.

Longueur totale, cent. 1/2; de la queue, 8 cent.

'

§ II

ANIMAUX ARTICULÉS,

PAR M. F.-E. GUÉRIN-MÉNEVILIÆ.

COLÉOPTÈRES.

CICINDÈLE A BANDES d’oR.

Cicindela auro-fasciata. Dejean.

Dej., Spec. col., t. v, p. 224.

Cette belle espèce forme le type du genre Calochroa de M. Hope ( Coleopt . Man. , part. 2, p. 19 et 162, pl. 1, fig. 2), genre dans lequel il place les Cicindtla octo-notata Wied , chinensis et princeps Vigors, ainsi que trois espèces inédites provenant des Neelgheries. M. Hope a décrit cette espèce sous le nom de Calochroa crucigera ; mais c’est par erreur qu’il l’a considérée comme nou- velle, car c’est évidemment celle que nous avons reçue de MM. Adol- phe Delessert et Perrottet , et que nous avons comparée avec l’indi- vidu type de la description de M. Dejean [Spec. col., t. v, p. 22A) dans la collection vendue par cet entomologiste à M. le marquis de La Ferté-Senectèrc.

Cette Cicindèle varie beaucoup. Chez quelques variétés le noir domine, toutes les bandes jaunes sont très-isolées, comme dans le type. D’au- tres ont les bandes jaunes un peu plus larges : celle du milieu et celle qui est à l’extrémité des élytres se rapprochent beaucoup au bord externe, ou se réunissent tout à fait, comme dans l’individu que M. Hope a figuré et décrit sous le nom de Calochroa crucigcra. Enfin chez d’autres le jaune domine ; elles n’ont du noir qu’à la base et sur les côtés , au milieu , avec une tache de cetle couleur en arrière. Il y a des individus plus petits appartenant à cetle variété , et c’est avec l’un d’eux que M. Gory a fait sa Cicindtla lepida ( Mag . zool., 1833, cl. ix, pl. 96).

2e PART. ' 5

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

34

Celle espèce esl parfaitement distincte de la Cicindcla princcps de Vigors, que M. Ad. Delcssert a rapportée également. Celte der- nière n’a été trouvée que dans les environs de Pondichéri , près de la mer, tandis que la Cicindcla auro- fasciata ne se trouve que dans les hautes montagnes des Neelgheries, du Decan, etc.

IIELLUO TRIPUSTULÉ.

Ilctluo tripustulatus. Dejean.

Fuscus , punctatissimus. Labro rutundato, lœvigato, fcrrugineo-limbato. Vertice fulvo-maculato. Ore fulvo. Ehjtris maculis quatuor flavis, posti- cis subconfluentibus. Pedibus abdomineque fulvo-lcstaceis. Long. 15, larg. 5 millim.

Ilelluo tripustulatus. Dej., Spcc. col., t . i, p. 286.

Var. Helluo quadrimaculatus. Guérin-M. , Revue zoologique , par la Société Cuvierienne, 1840, p. 38.

Il est d’un brun-noirâtre foncé, légèrement pubescent, très-forte- ment ponctué. Lèvre supérieure lisse, arrondie, bordée de jaune- fauve; une tache fauve sur le vertex. Deux taches sur chaque élvtre : deux placées avant le milieu , rondes ; celles de l’extrémité réunies à la suture et ne formant qu’une tache transverse un peu dentelée en avant : palpes , antennes , dessous et pattes jaunes. Dessous de la tète et du corselet noirâtre , une ligne longitudinale fauve sur la tête. Des- sous du métathorax et de l’abdomen d’un jaune fauve.

Notre individu a été trouvé à Pondichéri par M. Perrottet; un autre provenait des monts Neelgheries, il a été pris par M. Ad. De- lessert.

Après un mûr examen, nous l’avons rapporté à Y Ilctluo tripustu- tatus de Dejean, en n’en faisant qu’une simple variété, qui s’en distingue par son labre bordé de fauve , par sa tête qui porte une tache fauve sur le vertex , et par le dessous de son thorax et de l’abdomen d’un jaune fauve.

Nous pensons que le Macrochcilus Bcnsoni de M. Ilôpe ( Colco - pterists Man., part. 2, p. 110 et 160, pl. 1, fig. 5) est une autre variété de la même espèce.

Dans tous les cas il est impossible de croire , avec AI. Dejean , que Fabricius ait décrit cet insecte sous le nom de Brachium tripu-

DANS L’INDE.

35

st-ulatus, car sa description diffère trop de cette espèce. Il est proba- ble que l’on trouvera quelque jour un vrai Brachine indien à qui cette description ira mieux.

ORTIIOGONIE LATÉRAL .

Orthogonius lateralis. Guérin.

Capite thoraeeque a Iris , nitidis. Elytris punctato-slrialis , flavo-auran- tiacis, nigro-marginalis; sutura nigra, latissima basi , et in medio am- pliata. Pedibus nigris, femoribus testaceis. Cor pore sublus abdomineque flavis , nigro-maçulatis. Long. 18 , larg. 8 millim.

Cette grande et belle espèce est assez allongée , à côtés parallèles. Sa tête est noire , et offre des inégalités assez fortes en avant. Les man- dibules sont fauves à la base , noires ensuite et bidentées. Les palpes sont noirs, avec l’extrémité brune. Les antennes sont d’un brun noi- râtre avec les deux premiers articles presque fauves. Le corselet est noir, luisant , assez aplati , plus de moitié plus large que long , tron- qué droit à ses deux extrémités avec les côtés arrondis. Les élytres sont un peu plus larges que le corselet , de moitié plus longues que larges , lisses et luisantes avec de fines stries de points enfoncés. Elles sont d’un beau jaune S’ocré tirant un peu sur l’orangé avec le bord externe finement liséré de noir, et elles ont au milieu une bande suturale large , très-dilatée à la base et en arrière à partir du milieu. Le dessous du thorax est noir taché de jaune-fauve. L’abdomen est jaune lisse et luisant avec une tache noire de chaque côté du dernier segment, qui est large et tronqué en arrière. Les hanches, les tro- chanters et les cuisses sont jaunes avec les genoux noirs. Les jambes et les tarses sont noirs, et velus avec le dessous des tarses garni d’un duvet jaunâtre.

Ce précieux insecte a été pris à Pulo-Pinang.

36

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

CHLENIE BILUiNÉ.

Chlœnius bilunatus. Guér.-Mén.

Capite thoraceque cupreo œneis. Labro fulvo. Thorace transversim subqua- clralo. Elytris obscure viridi-œneis , pubescentibus, striatis, interstitiis granulatis, macula subrotunda postica. Antennis , palpis pedibusque te- st aceis. Long. 1 3 à 1 4, larg. 5 à 5 1/2 millim.

Var. Chlœnius Neelgheriensis . Guérin-Mén., Revue zoologique, par la Société Çuvierienne, 1840, p. 38.

Tête et corselet d’un vert-cuivreux ponctué. Corselet d’un quart plus large que long. Élytres noires, légèrement pubescentes, striées, finement ponctuées , ayant chacune , près de l’extrémité , une tache arrondie fauve plus rapprochée du bord extérieur, un peu échancrée en arrière. Dessous du corps noir à reflets bleus. Labre , antennes , palpes et pattes d’un jaune fauve. Cet insecte est très-voisin des Chlœnius bimaculaius , binotatus et vulneratus de Dejean , mais il s’en distingue suffisamment par son corselet plus large que long.

Cette espèce varie pour la taille et pour la forme de la tache des élytres. M. de La Ferté nous écrit qu’il en a dont la tache est en forme de virgule et d’autres elle est ronde. La tache des variétés inter- médiaires passe insensiblement de la forme virgulaire à la forme ronde.

La variété que nous avons nommée Neelgheriensis appartient à une des formes intermédiaires.

Cette espèce a été trouvée assez abondamment près de Pondichéri. Les individus sont plus rares et un peu plus forts dans les Neelgheries.

CHLEME DE LA FERTÉ.

Chlœnius Lafertei. Guér.-Mén.

Capite thoraceque cupreo- œneis , punctatis. Thorace subrotundato , posticè subangustiore. Elytris obscure viridi-œneis, striatis, interstitiis granu- latis, flavo quadrimaculatis. Antennis fuscis, basi testaceis. Labro , pal- pis pedibusque test aceis. Long. 13 à 15, larg. 5 à 6 millim.

Cette belle espèce ne peut être confondue avec aucune de celles que M. Dejean a décrites, à cause des deux taches terminales de ses

DANS L’INDE. 37

élytres, taches qui ne se remarquent dans aucune des autres espèces de ce groupe.

Ce Chiœnius a été trouvé à Pondichéri.

QRECTOCHEILE SEMI-VÈTU.

OrectocheUus semivestitus. Guérin.

Oblongo-ovalis , convexus , nigro-piceus , nitidus , ochrœato-sericeus. Ca- pite, thorace elytrorumque disco lœvibus. Corpore subtus nigro-piceus. Pedibus intermediis et posticis fulvis , anticis nigro-fuscis. Long. 11 à 13, larg. 6 à 7 millim. Rev. zool., par la Société Cuvierienne, 1840, p. 38.

Noir-verdâtre lisse et luisant. Côtés de la tête , du corselet et des élytres largement bordés de duvet jaune-grisâtre; cette bordure beau- coup plus large en arrière des élytres, elle se termine aux deux tiers de leur longueur à la suture. Élytres simplement tronquées à l’extré- mité , fortement rebordées sur les côtés ; dessous d’un noir de poix : pattes intermédiaires et postérieures fauves. Voisin des O. gangeli- cus et spéculum de M. Aubé.

Découvert dans les eaux douces du plateau des Neelgheries.

CAMPSOSTERNE DE LATREILLE.

Campsosternus LatreUlii. Guérin.

Viridis , nitidus , cupreo-micans , albo-tomentosus. Elytris acuminatis , punctatis, profunde striatis, striis albo-tomentosis. Antennis nigris, de- pressis, dilatatis et serratis. Long. 35 , larg. 1 1 millim.

Ce bel insecte est allongé , d’un vert un peu foncé , luisant , avec quelques reflets cuivrés, et couvert, d’une manière plus ou moins complète , d’un fin duvet blanchâtre. Les antennes sont grandes , noires , larges et aplaties , un peu en scie. Le corselet est aussi large que long, arrondi sur les côtés, rétréci en avant, à angles postérieurs fortement acuminés , garni de duvet gris assez serré sur les côtés et dans les fossettes postérieures. L’écusson est arrondi , bleu-luisant. Les élytres sont assez brusquement rétrécies en arrière, terminées en

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

3 a

pointe divergente , finement penchées, avec d’assez fortes stries longi- tudinales à fond garni de duvet blanc, ce qui les fait paraître rayées de blanc; le dessous est garni de duvet blanc plus serré qu’en dessus, surtout sur les côtes et sous les cuisses. Les tarses sont noirâtres , avec leurs crochets rougeâtres.

Découvert dans les environs de Pondichéri.

CAMPSOSTERNE DE DELESSERT.

Cam/>sosteruus Delessevtii. Guérin.

Elongatus, viridi-nitidus , cupreo-micans. Antennis ,palpis niandibulis- que nigris. Capite puncta to, foveolato. Thorace elongato, postice latiore; angulis posticis mucronatis in disco punctulato, lateribus marginatis, rugosis. Elytris subrugosis , nitidis, api ce acutis. Corpore subtus pedi- busque viridi-cupreis , lateribus griseo-tomentosis . Long. 29 à 38 , larg. 9 012 millim.

Elater ( ludius ) Delessevtii. Guérin-Mén., lîevue zoologique, par la Société Cuvierienne, 1840, p. 38.

Allongé , d’un vert-luisant à reflets dorés et cuivreux. Tête forte- ment ponctuée, avec une large fossette en avant. Mandibules, palpes et antennes noirs. Corselet plus long que large, assez aplati , très fine- ment chagriné et un peu pubescent sur les côtés, qui sont rebordés et cuivreux; beaucoup plus étroit en avant , peu arrondi sur les côtés, et terminé en arrière , de chaque côté , par une forte pointe ayant l’extrémité un peu courbée en bas. Écusson arrondi , placé dans un large enfoncement de la partie antérieure des élytres , celles-ci fine- ment chagrinées, assez convexes vers leur base et terminées en pointe aiguë. Dessous et pattes d’un vert à reflets plus cuivreux que le des- sus. Cette belle espèce , très-voisine de l’E. fuUjens de Eabricius , en diffère par la forme de son corselet.

Elle a été découverte sur le plateau des Neelgberies.

Ce genre, fondé parLatreille {Ann. Soc. Ënt. , t. III, p. 141 ), forme le sujet d’une monographie dont M. Hope s’occupe en ce mo- ment.

. y. P a||pstas:i a. . oùjcura , Guer.

Baj'vmorplia ùwurnr/a/u, ffuer. 3. C dlitCO OT atlïUS Snbru<joju.c, Guer.

DANS L’IN DK.

39

PARASTASIE OBSCURE.

P ara sla sia obscurci. Guérin.

Nigra, punctata. Scutello , elyiris basi et margine exteriori fusco-fulvis.

Femoribus apice , tibiis tarsisque fusco-fulvescentibus. Long. 12,

larg. 7 millim.

(PI. 1 1 , fig. I.)

Nous avons rapporté cette espèce au genre Parastasia de Al. AVest- wood , mais avec doute ; parce que nous ne trouvons d’ongles in- égaux, dont l’un bifide, qu’aux tarses intermédiaires et postérieurs, tandis que les antérieurs ont les ongles égaux et tous deux simples. Cependant , comme tous les autres caractères semblent ne pas diffé- rer de ceux que M. Westwood assigne à son genre ; que les tibias an- térieurs sont armés de trois dents à l’extrémité , dont les deux pre- mières rapprochées entre elles et bien séparées de la dent apicale ; que les mâchoires sont armées de dents aiguës , les mandibules terminées extérieurement par une saillie dentiforme , et le chaperon bidenté , comme Westwood le signale pour son genre Parastasia , nous avons pensé que cette réunion de caractères nous permettait de placer notre insecte dans ce genre.

Le corps de notre nouvelle espèce est épais , court et presque glo- buleux ; sa tête est assez petite , noire , couverte de rugosités trans- versales qui la rendent comme écailleuse , avec le chaperon peu avancé , terminé par deux dents assez saillantes et très-relevées : ce qui permet de voirie labre, qui est transversal, faiblement arrondi, et cilié en avant. Le corselet est un peu plus large que long , finement rebordé et arrondi sur les côtés , très-bombé , couvert de gros points enfoncés et noirs avec une trace très-visible de ligne longitudinale brune au milieu. L’écusson est triangulaire , plus large que long , ponctué d’un brun -fauve bordé de noir. Les élytres sont noires avec la base et les bords d’un brun-fauve fondu. Elles ont des séries longitudinales de gros points enfoncés , assez mal alignés : près de l’écusson , et entre ces lignes de points , il y a de très-faibles éléva- tions ou côtes visibles seulement quand on regarde l’insecte dans le sens de sa longueur. La saillie humérale est assez forte et lisse. Le dessous du corps est noir, mais les bords du ta thorax sont fauves. Les pattes antérieures sont noires avec l’extrémité des cuisses, le

40

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

milieu des jambes et les tarses d’un brun un peu fauve. Les jambes sont larges, aplaties, carénées en-dessus et au milieu, abord interne, tranchant , échancré brusquement à la base ; terminées au côté externe par trois fortes dents arrondies dont la terminale est séparée des deux précédentes , qui sont très-rapprochées entre elles : le tarse est brun- fauve , plus court que la jambe ; son dernier article est beaucoup plus court que les quatre précédents , et terminé par deux crochets égaux, arqués et simples. Les autres pattes sont d’un brun fauve avec la base des cuisses noire; leurs jambes sont épaisses et leurs tarses sembla- bles à ceux des antérieures , mais avec le crochet interne profondé- ment bifide. L’une des deux épines terminales internes des jambes postérieures est plus courte , en massue ou comme une tête de clou.

Quand la description plus détaillée du genre Parastasia aura paru, il' sera peut-être nécessaire d’en séparer génériquement notre insecte. Dans ce cas, nous proposerions de lui donner le nom de Carter o- soma; ce serait alors notre Carterosoma obscurum.

Ce Lamellicorne a été découvert à Pulo-Pinang.

EXPLICATION DES FIGURES.

PI. II, fig. 1. L’insecte de grandeur naturelle.

la. Sa tête grossie et vue en dessus.

lb. Sa mâchoire.

lc. Patte antérieure.

1 d. Tarse intermédiaire.

1r. Tarse postérieur.

Genre BARYMORPHE. BARYMORPHA , Guérin.

(Bapuî, lourd; fjcopcpvj, forme.)

Cet insecte , découvert par M: Adolphe Delessert sur la côte ma- laise , offre presque tous les caractères du genre Ruteia , qui ne se compose jusqu’à présent que d’espèces américaines; mais son faciès , la brièveté de ses pattes et de leurs tarses, et la forme plus globuleuse de son corps , l’en distinguent d’une manière suffisante. Il se rapproche beaucoup du genre Parastasia , fondé par M. AVestwood (An and Mag. ofnat. History , etc. ; novembre 1841); mais chez celui-ci les crochets des tarses sont inégaux et l’un deux est bifide , ce qui n’a pas lieu chez notre insecte. Voici ses principaux caractères :

Corps court, épais, presque globuleux. Chaperon bidenté, à dents

DANS L’INDE.

ai

relevées. Antennes de dix articles. Mandibules à sommet bilobé. Mâ- choires armées de six fortes dents ou épines arquées. Pattes courtes. Jambes antérieures épaisses , un peu aplaties, armées de trois dents à l’extrémité. Tarses courts , assez grêles , à dernier article beaucoup plus court que les quatre précédents , avec les crochets plus courts que cet article , égaux , arqués et simples.

BARYMORPHE BIMACULÉE.

Bavymor'pha bimacuiata. Guérin.

Bufo—castanea ; capite niyro. Thorace maculis duabus nigris notato. Elytris flavo-nebulosis. Pygidio nigro rufoque variegato. Long. 10 , larg. 10 millim.

(PI. 1 1 , fig. 2.)

Tout son corps est d’une couleur marron-rougeâtre ou couleur d’a- cajou très-luisant. La tête est petite , noire , assez fortement ponc- tuée , avec deux petites carènes élevées , ne se joignant pas au milieu et qui séparent le front du chaperon. Les antennes et les palpes sont fauves , à poils pâles. Le corselet est très-bombé , plus large que long , finement rebordé , ponctué , à côtés arrondis , avec le bord postérieur un peu avancé en arrière , au milieu , et finement liséré de noir. On voit de chaque côté , au milieu et près du bord latéral , une impres- sion assez profonde , et , en arrière , deux grosses taches noires et ron- des, bien séparées entre elles. L’écusson est grand et triangulaire , fine- ment bordé de noir. Les élytres sont de la couleur acajou du corselet et de l’écusson , mais marquées de taches irrégulières et nuageuses jaunes. Elles sont très-luisantes, bombées , arrondies sur les côtés et en arrière , avec des séries longitudinales de points enfoncés assez dis- tincts, et elles offrent chacune, h la base et près de la saillie humérale, une fossette assez large et assez enfoncée. Le pygidium est d’un brun rouge taché de noir. Le dessous est d’une couleur plus foncée et uni- forme. Le sternum du mésothorax s’avance entre les hanches intermé- diaires en une pointe triangulaire aplatie en dessous. Les pattes sont d’un brun rouge presque fauve , avec l’extrémité des cuisses et la pointe des dents des jambes antérieures noires.

Cette curieuse espèce a été trouvée à Pulo-Pinang , sur la côte Malaye.

2'' PART.

()

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

EXPLICATION DES FIGURES.

PI. II, fig. 2. L'insecte de grandeur naturelle.

2 a. La tête grossie et vue en dessus.

2b. Mâchoire.

2e. Extrémité de la mâchoire plus grossie.

2 cl. J ambe antérieure vue en dehors.

2e. Son extrémité du côté interne.

2 f. Patte postérieure.

POPILIE SPLENDIDE- PopUia splendida. Guérin.

Viridi-micans. Thorace lœvigato. Elytris sulcatis. Long. 10 , larg. 10 millim.

Popilia splendida. Guér.-M., Rev. zoul., 1840, p. 39.

Popilia regina. Nexvman, Trans. Ent. Soc. Lond., vol. iii, p. 3b.

(PI. 12, fig. 1.)

D’un beau vert métallique très-luisant à reflets dorés. Tète assez fortement ponctuée. Corselet et écusson lisses. Élytres fortement striées, avec des points enfoncés dans les stries. Dessous lisse , à reflets cuivrés rouges très-brillants, avec les côtés du thorax un peu pubescents. Antennes et pattes vertes.

Elle habite les monts Neelgheries.

GOLIATII DE DELESSERT.

Goliathus ( Trigonophorus , Hope) Delessertii. Guérin.

Aureo-viridis , olivaceo et rubro-micans. Cornu frontali capitis œquali , trigono , antice sinuato (fem.). Antennis nigris. Elytris subtilissime striato-punctatis. Femoribus, tibiis apice, tarsisque nigris. Long. 37 à 39 , larg. 18 à 20 millim. Güérin-Meneviij.e , Rev. zool. par la Société Cuvierienne, 1829, p. 229. Westwood , Arcana Entomol., 8, p. 122, pi. 29, fig. 4.

(PI. 12, fig. 2.)

Cette magnifique espèce est d’un beau vert glauque-luisant à reflets olivâtres et rougeâtres. Le dessous et les pattes sont d’un vert gai

DANS L’INDE.

43

avec les pointes latérales du mésothorax d’un rougeâtre fauve. La tète est aplatie , de forme presque carrée , un peu élargie en avant , pro- fondément sillonnée en dessus, tronquée carrément au bord antérieur, et portant au milieu de ce bord une grande corne dirigée en avant et en haut , comprimée latéralement à sa base , ensuite aplatie et élargie transversalement , aussi longue que la tête , sinuée en avant , un peu courbée en haut et formant un peu la cuiller. Cette corne est verte en de- dans avec le bord antérieur noir, et tout à fait noire en dehors. Le vertex porte une petite corne plate , dirigée en avant et en bas, triangulaire et à sommet noir et aigu. Les antennes sont courtes et noires. Le corselet est presque aussi large que les élytres, étroit et de la largeur de la tête en avant , s’élargissant en une ligne presque droite jusqu’au milieu de sa longueur, et à côtés parallèles ensuite. Son bord postérieur est coupé droit avec une faible échancrure au milieu pour l’insertion de l’écus- son. Ses côtés sont fortement rebordés , le milieu du bord postérieur offre une bordure noire occupant toute l’étendue de la base de l’écus- son ; sa surface est très-finement chagrinée , vue à la loupe , avec quelques points et rides vers les bords, en avant. L’écusson est grand, triangulaire , un peu plus long que large. Les élytres sont de forme ordinaire , un peu plus étroites et arrondies en arrière , avec de très- faibles lignes de petits points enfoncés. Les jambes antérieures sont terminées en dedans par une seule épine articulée , noire ; elles sont un peu dilatées au côté externe, qui est armé au sommet de deux for- tes dents arrondies, noires. Les jambes intermédiaires et postérieures ont , près du milieu du bord externe , une' petite épine aiguë , et leur bord interne est fortement cilié. Tous les tarses sont noirs. Le dessous du corps est finement ponctué ; le sternum est avancé sur l’insertion des pattes antérieures, arrondi et un peu relevé au bout. L’abdomen est un peu bombé au milieu. Notre unique individu est une femelle.

Nous avons dédié cette belle espèce au zélé et intrépide voyageur qui l’a découverte. 11 n’en a trouvé, en juillet 1838, que quatre indi- vidus sur le plateau des Neelgheries, près d’Otacamund, et à Kotir- ghery.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

hi\

Genre CENTROGNATHE. CENTROGNJTUUS, Guérin. (xsvxpov, épine; yvuOoç, mâchoire.)

Ce nouveau genre diffère des Cremaslocheilus par sa lèvre infé- rieure , qui , au lieu de couvrir entièrement le dessous de la tête , est de grandeur ordinaire , épaisse , saillante et tronquée à l’extrémité. Les mâchoires sont terminées par deux fortes épines ou pointes cor- nées , dont l’inférieure est bifide ; elles sont cachées. Ses autres carac- tères ne diffèrent que peu de ceux des Grémastocheiles.

CENTROGNATHE SUBRUGUEUX.

Cenlrorjnatltus subrugosus. Guérin.

Crassus, atro-opacus, elongatus, subrugosus , capite excavato , tricornuto , cornibus duobus lateralibus compressis , subacuminatis , mediano com- pressa, apice dilatato. Thorace subrotundato. Elytris subquadratis , pa- rum elongatis. Pedibus crassis, femoribus anticis inermibus. Long. 20, Iarg. 10 millim. Guérin, Revue zool. par la Société Cuvierienne , 1840, p. 79.

(PL 11 , fig.3.)

Corps épais , noir, terne , allongé , couvert de rugosités comme effa- cées en partie. Tête excavée en dessus , offrant de chaque côté , au- dessus des yeux , une corne comprimée assez saillante , un peu courbée en dedans , avec le chaperon relevé en une troisième corne aplatie , élargie au bout , recourbée un peu en dedans comme les deux latérales. Corselet à côtés arrondis. Écusson triangulaire. Élytres un peu plus larges que le corselet à leur base, assez allongées, parallèles, planes en dessus. Pattes fortes, courtes. Les jambes antérieures n’ayant qu’une faible trace de dent au côté externe. Tarses courts, cylindriques et épais , terminés par deux crochets assez longs.

Habite la côte Malave, à Pulo-Pinang.

EXPLICATION DES FIGURES.

PI. II, fig. 3. Tête du Centrognathus subrugosus très-grossie.

3a. La même vue en dessous.

3!). L’antenne.

3c. Mâchoire.

DANS L’INDE.

GNATHOCÉRA OLIVACÉE.

Gnathocera olivacea. Guérin.

Viridi-olivaceà nitida , flavido et rubro-micans . Clypeo suberecto , apice emarginato. Thorace punctulato. Elytris punclato—striatis. Palpis, an- tennis, genubus tarsisque atris. Long. 25 , larg. 12 1/2 millinr. Guér.-Mén., Revue zool. par la Société Cuvierienne , 1840, p. 80.

D’un vert-olivâtre très-luisant à reflets jaunâtres et rougeâtres. Cha- peron un peu relevé au milieu , avec cette saillie échancrée. Une pe- tite corne penchée en avant , aplatie et peu élargie à son extrémité , au milieu de la tête, qui est fortement ponctuée. Corselet, élytres, dessous du corps , pattes et antennes comme dans l’espèce précédente ; à l’exception des jambes antérieures, qui sont armées de deux fortes dents noires au côté externe. Nous avons vu cette espèce dans l’ad- mirable collection de M. Gory ; elle y porte le nom de Gn. surrya (Hope) : nom que nous aurions conservé, quoique nous ne l’ayons trouvé publié nulle part , si nous avions pu deviner ce qu’il signifie. Neelgheries. Juin.

MACRONATA PEINTE.

Macronata picta. Guérin.

Nigra, opaca. Prothorace utrinque lineis duabus obliquis flavispicto, in me- diopostico confluentibus. Marginibus scutelli flavis. Elytris lœteauran- tiacis , nigro maculatis; maculis discoidalibus flavo-pupillatis. Tho- race subtus abdomineque transversim flavo-lineatis, pygidium macula flava oblonga longitudinali notatum. Long. 18, larg. 12 1/2 millim. Guér.-Mén., Revue zool. par la Société Cuvierienne, 1840, p. 81 .

Noire. Tète et corselet ponctués. Corselet ayant de chaque côté deux lignes jaunes obliques : les plus extérieures partant du haut des bords latéraux , à courbure extérieure , et allant se terminer près du bord postérieur, devant l’écusson ; les intérieures partant des angles antérieurs , derrière les côtés de la tête , à courbure intérieure et se réunissant en arrière , au milieu , près de la réunion des deux exter- nes. Écusson noir bordé de jaune. Élytres d’un jaune-orangé assez vif, ayant chacune le bord externe et quatre taches noirs : la première

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Zt6

près de l’épaule ; deux placées obliquement au milieu , interrompues chacune par une petite tache d’un jaune pâle; la dernière, plus grande, placée près de l’extrémité. Une grande tache jaune sur le py- gidium. Dessous du thorax et de l’abdomen ayant de grandes bandes transverses d’un jaune doré.

De Pulo-Pinang , côte Malaye.

CÉTOINE DE LA COTE MALAVE.

Cetonia. Malayana Guérin.

Obscure viridis, subopaca. Clypeo emarginalo. Thorace punclato, maculis duabus anticis albis. Ëlÿtrorum sutura acuminala, elytris subcostatis, striato-punclatis, nigro-marginatis , utrinque maculis sex albis notatis, quinque marginalibus, sexta subapicali. Pygidio albo subtus corporis pedibusque nigris. Lateribus thoracis abdominisque albo-maculatis. Long. 16, larg. 8 millim. Guér.-Mén., Revue zool.par la Société Cuvierienne , 1840 , p. 81.

Verte en dessus, noire en dessous. Tête et corselet fortement ponc- tués. Chaperon échancré. Une tache blanche à chaque angle antérieur du corselet , derrière la tête. Élytres largement bordées de noir avec de faibles côtes élevées et des lignes de points enfoncés. Elles ont cha- cune six taches blanches, dont cinq au bord dans la partie noire, et une près de la suture et vers l’extrémité. La suture est terminée par une petite épine. Le pygidium est couvert de duvet blanc en dessous. Le thorax et les segments de l’abdomen offrent plusieurs taches noires. Pattes noires.

De Pulo-Pinang, côte Malaye.

CÉTOINE DE GORY.

Cetonia Goryi. Guérin.

Supra viridis , nigra infra, Capite punctato , clypeo emarginato. Thorace punctato, notulis duabus medianis lateribusque flavis. Elytris nitidulis, ad apicem obsulcatis , punctato-striatis , inœqualiter albo-maculatis; pygidio notulis quatuor albis transversim positis , lateribus abdominis albo notatis. Long. 13, larg. 7 millim. Guér.-Mén., Revue zool. par la Société Cuvierienne , 1840, p. 81.

Verte en dessus, noire en dessous. Tête et corselet fortement ponc-

DANS I/INDE.

47

tués. Chaperon échancré. Corselet ayant les côtés bordés d’un duvet jaune-argenté et deux points de cette couleur au milieu. Élytres assez luisantes offrant des côtes peu élevées , des lignes de points enfoncés , et chacune sept taches d’un jaune argenté , ainsi disposées : la pre- mière près de l’angle huméral, très -petite; la seconde, derrière celle-ci, au bord externe, divisée en deux ou trois petites taches; les troisième et quatrième , très-grandes , toujours au bord externe , la quatrième étant située à l’angle postérieur; les trois autres, de moyenne grandeur, placées près de la suture : l’une au milieu , la sui- vante plus en arrière , et la troisième près du bord postérieur. Pvgi— dium ayant quatre petites taches dorées. Côtés de l’abdomen et du corselet tachés de jaune-pâle. Pattes noires et velues.

De la côte Malave et de Java.

CÉTOINE A BANDES ROUGES.

Cetonia rufo vittata. Guérin.

Nigra , nitida , subelongata; thorace punctis quatuor albis , limbo postico rufo. Elytris obscure viridibus , ad apicem subcostatis. Vitta longitudi- nali mediana rubra, apice haud attingente; utrinque maculis tribus al- bis, mediana rotundata , duabus transversalibus ad marginem. Corpore subtus et pedibus atris,sed thorace infra albo-maculato. Long. 9, larg. 5 millim. Guér.-Mén., Revue zool. par la Société Cuvierienne, 4840, p. 82.

Noire. Tête et corselet ponctués. Chaperon assez élargi , échancré. Corselet ayant une large bordure rouge partant du milieu et se prolon- geant un peu au bord postérieur avec quatre points blancs sur le dis- que. Élytres d’un vert foncé , luisantes , finement striées , avec des sillons larges et peu profonds ; elles ont chacune au milieu une large bande longitudinale rouge , partant du bord antérieur, faisant suite à la bordure du corselet et se terminant avant l’extrémité; leur bord externe offre deux petites taches blanches situées en arrière , et il y a un point blanc entre la suture et la ligne rouge, vers le milieu de la longueur de l’élytre. Les côtés du thorax sont blancs. Les pattes noires. De Pulo-Pinang , côte Malaye.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

h S

LUCANE BICOLORE.

Lucanus bicolor. Oliv. (Var. Dcfesscrlii. Guérin.).

(PI. 12, fig. 3.)

Si l’on ne savait pas combien la couleur varie chez les insectes , on aurait de justes molifs de séparer le Lucane femelle que M. Ad. Deles- sert a trouvé dans les Neelgheries, du Lucanus gazella d’Olivier, qui n’est que la femelle de son Lucanus bicolor. En effet , dans l’ouvrage d’Olivier ( Luc. , pl. h , fig. 13 ), son Lucanus gazctla est représenté semblable aux individus de M. Delessert : mais chez ceux-ci le jaune des élytres commence angulairement un peu au-dessous de l’angle huméral, au bord externe, et va toujours en s’élargissant pour se terminer en pointe près du bord postérieur de la suture ; tandis que dans l’individu figuré par Olivier, la partie jaune reste également étroite dans toute sa longueur, et forme une véritable bordure.

Dans un Lucane mâle décrit et figuré par M. Saunders ( Trans . Ent. Soc. Lond., vol. n, p. 177, pl. 16, fig. 3), sous le nom de Lucanus bicolor, Fab. ( Fabricius n’a jamais décrit de Luc. bico- lor) nous trouvons la même disposition de couleur que dans les indi- vidus rapportés par Al. Delessert , et , si l’on devait les considérer comme des variétés du Lucanus bicolor d’Olivier, ou même les en séparer, il est évident que l’individu de AI. Saunders irait avec ceux de AI. Delessert , tandis que celui d’Olivier pourrait être regardé comme le mâle du Lucanus gazella du même auteur, mais comme formant une variété chez laquelle le jaune domine.

Il est possible que l’on trouve des individus chez lesquels le noir de la suture couvrira entièrement ou presque entièrement les élytres ; et nous ne serions pas surpris que le Lucanus cancellas d’Olivier fût de ce nombre, quoique sa figure offre quelques légères différences dans la forme du corselet et les dents des mandibules. On sait com- bien ces dernières varient dans ce genre ; on sait aussi avec quelle inexactitude les peintres de cette époque dessinaient les insectes : ils se contentaient de représenter leur ensemble sans s’inquiéter des dé- tails de leurs formes, ce qui laisse toujours du doute sur l’identité de leurs figures avec les individus que nous leur comparons.

J?l. ±2.

'.Prelr&cLûucr. drl.

Giraud Je.

DANS L’INDE.

49

Voici la synonymie de l’espèce que nous figurons :

Lucanus hicolor , Oliv. Ent. , 1. 1, G. 1, p. 22, 6, pl. 5, f. 2 (mâle).

gazeüa, Oliv. Ibid., p. 13, pl. h, fi g. 13 (femelle).

hicolor, Saunders. Trans. Ent. Soc. tond., vol. il,

p. 177, pl. 16, fig. 3 (mâle).

Si les localités de ces variétés étaient bien précisées , et si l’on trou- vait , par exemple , que toujours les individus des parties montagneuses de l’Inde ont le jaune des élytres placé obliquement , comme dans notre individu des Neelgheries et celui de M. Saunders , on pourrait peut-être en former une espèce distincte de ceux des parties basses , ayant le jaune des côtés des élytres droit , parallèle au bord , comme dans le L. gazeüa d’Olivier. On pourrait alors les arranger ainsi :

Lucanus Delessertii , Nob. Noir avec une bande jaune obli- que au côté extérieur des élytres ( mâle et fem. ).

Syn. : Lucanus hicolor, Saunders. Trans. Ent. Soc. (mâle) .

Lucanus hicolor , Oliv. Noir avec une bande jaune droite et parallèle au bord extérieur des élytres.

Syn. : Lucanus hicolor, Oliv. (var. mâle).

gazeüa, Oliv. (femelle).

L’idée que nous hasardons aujourd’hui, sur l’examen d’un individu mâle du Lucanus hicolor d’Olivier, pris par M Ad. Delessert sur la côte Malaye et parfaitement identique avec la figure d’Olivier, sur ce- lui de trois individus femelles à côté des élytres obliquement jaune , provenant du plateau des Neelgheries , et sur les figures données par Saunders et Olivier, ne pourra être jugée que lorsqu’on possédera des collections faites avec intelligence dans des localités de l’Inde bien précisées. Alors on pourra fixer les limites de l’espèce et conserver ou rejeter celles que nous proposons aujourd’hui avec une extrême réserve.

PASSALE DES NEELGHERIES.

Passalus Neelg heriensis. Guérin.

Semiconvexus. Antennarum clava hexaphylla. Capite in vertice tubercu- lato ( tubercule carinata antieeque elevdto ) et in utroque laiere carinu- lato. Clypeo valde emarginato, semi-circulari . Mandibulis apice triden- tatis. Long. 28, larg. 8 M% millim.

Son corps est peu bombé, lisse et luisant. La tête est un peu ponc- 2e PART. 7

50

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

luée en dessus. Il y a sur le vertex une petite carène longitudinale et deux autres carènes transverses à son extrémité ; de la partie antérieure de la carène médiane se détache une autre carène très-fine , d’abord droite, se séparant ensuite en deux sous un angle ouvert et courbe, formant un mamelon au point d’arrêt , et réunies par une autre carène transverse : le tout sans atteindre le bord du chaperon. Celui-ci est fortement anguleux vis-à-vis l’extrémité des deux carènes, mais ses angles sont tronqués à leur extrémité : l’angle gauche est plus dilaté que le droit et se penche un peu vers lui à son extrémité. Les bords élevés de la tête sont saillants et anguleux avant leur extrémité. Les carènes oculaires sont peu élevées et obliquent beaucoup du côté de l’œil. Le labre est assez fortement échancré, pointillé, velu. Les mandi- bules sont droites , d’abord anguleuses extérieurement , recourbées brusquement à l’extrémité ; la lèvre s’articule avec le menton par une ligne très-sinuée. Les lobes latéraux de celui-ci sont chargés de très- gros points, excepté vers leur extrémité : on n’aperçoit pas de fosset- tes gulaires. Les antennes sont hexaphylles , les trois derniers articles sont beaucoup plus longs que ceux qui les précèdent ; le dernier est notablement renflé dans son mibeu. Le prothorax' est en carré trans- versal , ayant un sillon dorsal peu profond qui n’atteint ni le bord an- térieur ni le bord postérieur. Le sillon marginal est très-étroit , avan- çant derrière la tête , un peu élargi à son extrémité ; les fossettes latérales sont peu profondes et ne sont accompagnées d’aucun point. L’écusson est lisse ; les fosses mésosternales sont peu profondes , ru- gueuses, et s’élargissent un peu à leur extrémité. Le disque du mé- sosternum est accompagné de quelques points agglomérés ; les stries des élytres sont également profondes et également chargées de petits points espacés.

Cetle espèce a été découverte par M. Ad. Delessert sur le plateau des Neelgheries. Nous l’avons communiquée à M. Percheron, qui l’a fait entrer, en notre nom, dans sa Monographie des Passaies ( Mag . zooi. , 18A1).

DANS L’INDE.

51

MÉCOCÈRE BOSSU.

Mecocerus gibbosus. Guérie.

Oblongo-ovatus, postice gibbosus , niger, flavo-tomentosus. Elytris striatis, albo-punctatis. Aniennis pedibusque fulvis. Long. mar. 4 4 , larg. 4 4/2 millim. Long. fem. 40, larg. 4 4/3 millim.

Cette espèce est bien distincte des trois Mecocerus décrits par M. Schoenherr, surtout par la forme bossue de ses élytres en arrière. Tout son corps est noir , mais dans l’état frais il est couvert d’ écailles très-fines et très-serrées d’un jaune d’ocre assez foncé. La tête et le corselet sont très-finement rugueux. Le corselet est un peu plus long que large, subcylindrique, un peu plus étroit en avant, arrondi sur les côtés , avec un sillon transversal avant le milieu , interrompu sur la ligne médiane ; et une petite carène transversale , arquée en arrière, placée entre le sillon médian et le bord postérieur, remontant , sur les côtés, jusqu’à une ligne élevée qui paît de l’insertion des pattes antérieures. Les élytres sont de la largeur du corselet à leur base ; elles s’élargissent ensuite, se relèvent en bosse en arrière, et ont cette partie comme globuleuse et assez brusquement élevée. Elles ont de fortes stries , de gros points enfoncés , et sont ornées , sur le fond jaune produit par les écailles qui couvrent tout le corps , de petits points blancs formés par du duvet et placés sur le sommet des côtes faiblement élevées entre les stries de points. Le dessous est varié de jaune et de noirâtre. Les antennes et les pattes sont fauves et garnies de quelques poils jaunes.

Chez les mâles, les antennes sont plus longues que le corps, un peu renflées aux trois derniers articles , qui sont entièrement couverts de duvet jaune. Les pattes antérieures ne sont pas beaucoup plus gran- des que les autres.

Chez les femelles , les antennes ont à peine la moitié de la longueur du corps; leur massue jaune est plus épaissie. Les pattes antérieures sont un peu plus courtes, mais le corps est tout à fait semblable à celui des mâles.

Ce curieux insecte a été découvert aux Neelgheries.

SOUVENIRS Ü’UN VOYAGE

ÉPISOME MONTAGNARD.

Episomus monianus. Guérin.

Ater, opacus , griseo-squamosus. Antennis griseis; clava migra. Capite thoraceque rugosis. Elytris ovatis , postice versus suturam subelevatis et subcarinatis , longitudine foveatis et griseo-squamosis. Long. 12 à 17, larg. 5 à 7 millim.

Le corps est un peu allongé, très-bombé , cl’un noir terne, avec de fines écailles grises sur toutes les parties qui n’éprouvent pas de frot- tement. Les antennes sont courtes , grises avec la massue d’un beau noir de velours. La tête et le corselet sont fortement rugueux , avec un profond sillon longitudinal au milieu. Les élytres sont de la largeur du corselet à leur base , ovalaires , élargies au milieu , avec la suture un peu élevée en arrière, formant une espèce de carène et coupées perpendiculairement. Elles ont chacune neuf côtes élevées, circon- scrivant des séries longitudinales de fossettes assez profondes à fond garni d’écailles grises très-serrées. Le dessous et les pattes sont fine- ment ponctués, plus ou moins couverts d’écailles grises; les jambes sont un peu velues : le dessous des tarses est garni d’un duvet jaunâtre. Cette espèce est assez commune sur le plateau des Neelgheries.

BARIDIE DES NEELGHERIES.

Barydius Neetgfieriensis. Guérin.

Ater , rugosus. Thoracis lateribus flavo-squamosis. Scutello flavo. Ely- tris striatis, maculis quatuor flavo-squamosis , duabus anticis basali- bus. Corpore subtus pedibusque flavo-squamosis. Long. 5, larg. 2 1/2 millim.

Cette jolie espèce est assez commune aux Neelgheries; son corps est ovalaire , noir, assez fortement rugueux. Le rostre est noir, arqué , grand , cylindrique , couvert de points rangés presque en stries longi- tudinales. La tête est presque lisse , très-finement ponctuée. Le cor- selet est à peu près aussi long que large , brusquement rétréci en avant , ayant ensuite les côtés droits et presque parallèles, à bords la- téraux garnis d’écailles jaunes très-serrées formant de chaque côté une large bande dorée un peu échancrée au milieu. L’écusson est

DANS L’IiNDE.

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petit, triangulaire, couvert d’écailles jaunes. Lesélytres sont peu con- vexes, rugueuses comme le corselet , avec de fortes stries longitudi- nales à fond lisse. Elles ont chacune quatre grandes taches écailleuses d’un jaune doré; les deux premières sont arrondies, placées à la base des élytres, ne touchent pas l’écusson et s’étendent jusque sur les an- gles huméraux ; et les deux autres sont placées un peu au delà du mi- lieu , en arrière ; elles sont de forme presque carrée , à bords dente- lés. Le pvgidium est noir en dessus. Le dessous du corps est entièrement couvert d’écailles jaunes , mais le dessous de l’abdomen offre toujours une bande longitudinale dépourvue d’écailles et noire. Chez la majo- rité des individus le dernier segment est armé , en dessous , d’une forte lamelle élevée, lisse , arrondie au bout et dirigée vers la tête de l’animal , tandis que d’autres n’offrent rien de semblable. Ceux qui sont armés de cette lamelle varient pour la taille : ce sont certaine- ment des mâles.

Les pattes de tous les individus sont couvertes d’écailles d’un jaune un peu plus pâle. Il y a quelques variétés à taches des élytres plus petites , et d’autres ces taches s’étendent , se confondent même dans plusieurs points.

MYLLOCÈRE DE FADRICIUS .

Mylioccrus Fabricii. Guérin.

Elongato-ovatus, niger, supra fusco, subtus albido-squamosus ; antennis pedibusque piceis, fronte plana, foveolata, rostro angustiore, longitudi- naliter impresso, obsolete-carinato ; thorace transverso, subconico, sub- tiliter remote punctulato ; ehjtris albo-tessellatis, subtiliter punctato- striatis; femoribus obsolète dentatis. Long. 5 à 8, larg. 2 à 3 millim.

Hab. Pondichéri.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

MYLLOCÈRE SUBFASCIÉ.

MyUocerus subfasciatus. Guérin.

Elongato-ovatus, supra fusco, subtus cinereo-albido-squamosus ; antennis pedibusque piceis; rostro supra profunde impresso, medio tenuiter cana- liculato ; thorace transverso , subcylindrico ; elytris convexioribus , mediocriter punctato-striatis, obsolète oblique albo fasciatis et tessella- - tis; femoribus bidentatis. Long. 5 à 8, larg. 2 à 3 millim.

Habite les monts Neelgheries.

DORYSTHÈNE MONTAGNARD.

D orysthenes montanns. Guérin.

Castaneo-nitidus. Thorace lateribus subreflexo , subspinoso. Elytris obso- lète rugosis, subcostatis, apice dilutioribus. Long. 29 à 42, larg. 10 à 15 millim.

(PI. 13.)

Le genre D orysthenes a été fondé, en 1826, par Vigors, pour un insecte qu’Olivier a publié sous le nom de Prionus rostratus. Fal- derman , sans connaître le genre de Vigors, a créé un genre Cyrto- gnathus avec une espèce très-curieuse , qu’il aurait rangée dans le genre précédent s’il l’eût connu, mais qui, heureusement, s’en distin- gue assez pour que l’on puisse adopter les deux genres. Nous avons montré, dans la Revue Zoologique par la Société Cuvierienne, 1840, page 83, les différences qui distinguent ces deux genres : nous n’avons donc plus qu’à reproduire les caractères de l’espèce en question.

Mâle entièrement d’une couleur marron , plus claire à l’extrémité des antennes, des élytres, aux tarses et au-dessous de l’abdomen. Tête allongée, à col cylindrique. Yeux transversaux, réniformes, ayant leur diamètre longitudinal étroit , laissant un large espace entre eux en dessus, et n’occupant au plus que le tiers de la longueur de la tête. Mandibules très-grandes et très-arquées. Corselet d’un tiers plus large que long , luisant , assez aplati , dilaté sur les bords , surtout au milieu , l’on aperçoit la trace d’une petite pointe confondue dans la dilatation. Elytres bombées à leur base, médiocrement luisantes, fine-

VL.J.&-

Dorysihen.es mon fan as, c,,cr.

ma/c rf/vmc//e .

Gérardcolor .

J. &. jPrê/re' <M~

DANS L’INDE. 55

ment chagrinées et offrant de très-faibles traces de côtes longitudinales. Tarses antérieurs des mâles très-dilatés.

La femelle est de la même couleur et plus large ; son corps est un peu plus aplati , son corselet est plus petit relativement aux élytres , la tête est plus courte ainsi que les mandibules, il n’y a point de pointe conique au prosternum ; l’abdomen est terminé par un petit oviducte fourchu , et les tarses antérieurs sont simples et non dilatés.

Cette espèce diffère du D. rostratus, parce que ses yeux sont beaucoup plus petits et n’avancent pas autant vers la ligne médiane. En effet , chez celui-ci , ces organes occupent à peu près la moitié de la longueur de la tête. Les tarses antérieurs des mâles sont moins dila- tés chez le D. rostratus ; ses élytres sont plus allongées, plus forte- ment rugueuses ; son corselet est moins large relativement à sa lon- gueur, car il est à peine d’un quart plus large que long. Enfin le D. rostratus , dont nous avons vu quatre mâles et une femelle , est toujours d’une couleur brun -noirâtre luisant avec le corselet d’un rouge presque fauve ainsi que l’extrémité des antennes , les pattes et le dessous du corps.

Voici ce que M. Perrottet nous écrit relativement à l’habitation et aux mœurs du D. montanus. « Cet insecte commence à paraître à la surface du sol dès la fin d’avril , et continue à sortir de terre, en aug- mentant en nombre d’individus, jusqu’aux premières pluies, qui d’ordinaire ont lieu fin de mai ou courant de juin. Leur nombre est alors si grand, que les chemins et les routes en sont souvent remplis , au point qu’on assure dans le pays que l’Ours noir des Gates ne se montre dans ces montagnes que pour s’en repaître. Parmi le grand nombre d’individus gisant à la surface du sol, on en remarque de jaunâtres, de blanchâtres et de bruns ; je me suis assuré qu’ils sor- taient de terre en en surprenant quelques-uns dans les trous mêmes qu’ils semblaient se creuser pour arriver à l’air fibre. C’est toujours sur les montagnes couvertes d’herbes plus ou moins grandes , d’arbus- tes, etc. , qu’on les voit se montrer en plus grande quantité. Les envi- rons de Coonoor,de Kotirgherris, etc. , sont les endroits l’on en voit le plus; ils se tiennent toujours à terre, ont une démarche lente et lourde. Je n’en ai jamais vu voler. »

Ces observations intéressantes, que M. Ad. Delessert nous avait fait pressentir en nous assurant que cet insecte se trouvait à terre dans des fieux élevés, dépourvus de grands arbres, et qu’ils servaient de nourriture aux ours ; ces observations , disons-nous , sont des plus

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

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curieuses et des plus importantes pour le classement du genre entier, car il est présumable que les deux autres espèces ont une manière de vivre analogue ; et dès lors ces insectes devraient peut-être s’éloigner des Priones, qui vivent dans les troncs d’arbres, et aller près des D or cadrons et de certaines Lamies que l’on trouve toujours à terre et dont les larves doivent vivre de racines.

Genre EUCHROA. EUCHROA, Guérin.

(su, bien ; /poa, coloration.)

Nous avions d’abord pensé que notre insecte entrait dans le genre P achyteria de M. Serville {Ann. Soc. Ent. France, t. il, p. 553) ; mais en lisant les caractères que cet entomologiste assigne à son genre , et surtout en examinant comparativement une P achyteria fasciat a de la collection de M. Buquet , nous avons reconnu que ces deux in- sectes différaient tellement par leurs antennes, qu’il nous a semblé im- possible , en suivant la méthode de M. Serville , de les laisser dans le même genre. En effet, dans la Pachytérie, les antennes sont égale- ment épaisses dans toute leur longueur, assez tomenteuses. Les arti- cles du milieu ne sont pas beaucoup plus grands que les suivants; ceux-ci offrent à leur extrémité interne une saillie dentiforme produi- sant des dents de scie. Dans notre genre, ces antennes sont tout à fait glabres , fusiformes ou épaissies au milieu , avec les troisième , qua- trième , cinquième et sixième articles plus grands et plus épais ; les suivants beaucoup plus minces et plus courts , ne formant pas de dents de scie. Nous ne parlons pas du nombre de ces articles, car M. Ser- ville s’est trompé en en comptant douze. Dans la Pachyteria. fas- ciata que nous avons sous les yeux , nous n’en trouvons évidemment que onze ; mais le dernier offre , extérieurement et près de l’extrémité, une petite dent obtuse qui a induire M. Serville en erreur.

Voici le signalement de ce genre établi comparativement avec celui que M. Serville donne de ses Pachyleria.

Palpes maxillaires presque aussi longs que les autres , ayant leur dernier article cylindracé ; celui des labiaux très-allongé , un peu sécu- riforme et tronqué au bout.

Mandibules longues, rétrécies et amincies, terminées en pointe et un peu courbées au bout.

/. E uclïTOa d/nudia/a , a. Pdar&pderTis

■M Jet.

Gérard, color.

DANS L’INDE.

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Antennes glabres , épaisses et fusiformes , de onze articles , un peu plus courtes que le corps ( dans les femelles ) , articles de trois à six plus épais et plus grands que les autres; les suivants simples, sans prolongement en dents de scie.

Labre transversal, un peu échancré et velu à son bord antérieur.

Corselet unituberculé latéralement, brusquement rétréci en avant et en arrière , n’avant pas de sillons transversaux près des deux extré- mités.

Élytres allant un peu en se rétrécissant de la base à l’extrémité , celle-ci arrondie et mutique.

Écusson triangulaire.

Cuisses en massue, fortement épaissies vers l’extrémité. Jambes un peu comprimées.

Tarses ayant leurs trois premiers articles presque triangulaires. Le premier article des tarses postérieurs allongé , le plus grand de tous.

EUCHROA PARTAGÉE.

Euchroa dimidiata. Guérin.

Air a. Antennis medio flavis, capite adverticem thoraceque fulvis. Elytris antice fulvis , maculâ scutellari nigrâ. Pedibus nigro-opacis tarsisque cinereo-cœrulescentibus. Long. 34, larg. 9 millim.

(PL 14, fig. 1 A

Cette belle espèce a tout à fait l’aspect d’une Pachyteria. Sa tête est finement rugueuse , noire , avec le milieu de la crête transversale qui sépare les antennes, et toute sa portion postérieure en dessus et en dessous , d’un fauve assez vif. Les antennes sont beaucoup moins lon- gues que le corps , noires , avec les second , troisième et quatrième articles entièrement, et tout le dessus du cinquième, d’un beau jaune- orangé. Le corselet est également rugueux , un peu plus large que long, muni d’un tubercule peu saillant de chaque côté, finement bordé de noir en avant et en arrière , avec la moitié postérieure noire en dessous ; il a en dessus quelques faibles bosselures. L’écusson est noir. Les élytres sont finement rugueuses, insensiblement rétrécies en arrière , munies de trois côtes fines et très-peu élevées , dont la se- conde se bifurque près de l’extrémité et se réunit à l’externe et à la suture ; elles sont d’un noir de velours avec la partie antérieure (jus- 2e part. 8

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

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que près du milieu ) d’un fauve-vif portant une grande tache noir- commun au milieu de la base. Cette tache et la portion également noire des élytres sont garnies d’un très-fin duvet qui remplit les gra- nulations , lesquelles ne sont visibles que sur la portion fauve. Tout le dessous du corps est noir avec quelques faibles reflets bleus. On voit sur les côtés du thorax et de l’abdomen des taches soyeuses» blanchâ- tres , produites par des poils couchés. Les pattes sont d’un beau noir avec les cuisses fortement renflées vers le bout, rugueuses, les jam- bes assez comprimées et les articles des tarses, assez larges , d’un bleu cendré en dessus, garnis en dessous d’un duvet très-serré et fauve. La partie interne des jambes antérieures est également garnie de du- vet fauve , mais moins dense.

Cette espèce, dont nous n’avons vu qu’une femelle, a été trouvée à Pulo-Pinang.

PELARGODÈRE EN DAMIER.

Pelargoderus lessellatus. Guérin.

A ter, griseo-pubescens. Capitethoracequevittis quinque albo-communibus. Thorace elongato , cylindrico , antice posticeque Iransversim plicato. Elytris apice bidentatis , maculis niveis irregularibus et subquadratis ornatis. Antennis pedibusque gracilibus. Long. 32, larg. 8 1/2 millim.

(PI. 14, fig. 2.)

Nous plaçons provisoirement cette belle espèce dans le genre Pelar- goderus ( Serville, Ann. Soc. Ent. de France, t. iv, p. 72) parce qu’elle offre la majorité des caractères assignés à ce genre ; mais , avec un peu de ■bonne volonté , on pourrait en faire un genre distinct , parceque son corselet offre , en avant et en arrière , un petit rétrécis- sement et trois ou quatre plis transversaux , tandis que dans les vrais Pelargoderus il n’a qu’un seul sillon transversal à chaque extrémité. Chez les Pélargodères , les pattes antérieures sont beaucoup plus gran- des que les autres dans les mâles; tandis que dans notre insecte, qui est aussi un mâle , ces pattes sont à peine un peu plus longues. Enfin , dans le genre de M. Serville , les élytres sont à peine tronquées à l’extrémité, tandis que dans le nôtre elles offrent chacune deux dents épineuses. Si l’on pensait que ces différences fussent suffisantes pour

DANS L’INDE. 59

motiver la création d’un genre distinct, nous proposerions de le nom- mer Macrochenus (p.aypo'ç, grand, long; aüy^v , nuque, cou).

Tout le corps de cet insecte est noir, mais il est couvert d’un très- fin duvet gris. Le devant de la tête est blanc avec une figure noire représentant assez bien un M renversé. Les yeux sont noirs et bordés de blanc. Les antennes sont grêles et de moitié plus longues que le corps. Le corselet est presque d’un tiers plus long que large , cylindri- que , un peu rugueux au milieu , ayant à son tiers antérieur un sillon profond précédé par trois ou quatre plis transverses , et près du bord postérieur un autre sillon suivi de deux ou trois plis. Il est orné en dessus de trois bandes longitudinales blanches qui se continuent sur la tête , et de chaque côté , au-dessus de l’insertion des pattes , d’une large bande de la même couleur, qui se continue aussi sur les côtés de la tête en passant sous les yeux. Les élytres sont plus larges que le corselet, à angles huméraux saillants, avec l’extrémité rétrécie insen- siblement , tronquée et bidentée ; elles sont ornées de taches angu- leuses blanches, de forme plus ou moins carrée, se touchant par leurs angles , ce qui leur donne un peu l’aspect des cases d’un damier. Le dessous est d’un gris plus blanchâtre que le dessus avec l’abdomen marqué d’une large bande noire au milieu et d’une série de gros points noirâtres de chaque côté. Le sternum est un peu saillant. Les pattes sont longues et grêles , presque égales , et ne diminuant de grandeur, des premières aux dernières , que d’une manière presque insensible . L’extrémité des jambes antérieures est un peu épaissie et arquée ; les autres offrent , près de l’ext témité , au côté externe , une petite dent peu saillante.

Du plateau des NeelgLeries. Trouvé en juillet.

Le Cerambyx tigrinus d’Olivier (t. IV, 67, p. 101 , pi. 19, fig. 142) , dont la patrie est inconnue, semble être très-voisin du nôtre. Serait-ce sa femelle ?

SAPERDE QUADRINOTÉE.

Saperda ( Sphænura ) quadrinotata. Guérin.

Nigra , dense flavo-tomentusa. Elytris apice truncatis , bidentatis , lateri- bus et basi bicostatis , humeris maculisque quatuor nigris. Long. 22, larg. 6 millim.

Elle ressemble un peu pour l’aspect général à la Saperda morbit-

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

losa de Fabricius ; mais elle n’est pas si aplatie en dessus, et sa forme est plus cylindrique. Tout son corps est noir, mais tellement couvert d’un duvet écailleux jaune d’ocre, qu’il peut passer pour entièrement jaune. Les palpes, les yeux et les antennes sont noirs et faiblement gar- nis de duvet jaunâtre. Le vertex a trois petites taches noirâtres. Le corselet , un peu plus long que large , offre un petit étranglement laté- ral près du bord postérieur ; il est fortement ponctué et orné en des- sus de quatre lignes longitudinales noires. Les poils jaunes du milieu se relèvent un peu sur la ligne médiane , et forment une petite crête longitudinale. L’écusson est arrondi , un peu saillant. Les élytres sont plus larges que le corselet , à épaules saillantes , droites sur les côtés , et diminuant insensiblement jusqu’à l’extrémité. Elles ont à leur base , en dessus , deux côtes assez élevées , qui s’effacent à partir du milieu , et de chaque côté deux côtes élevées , rapprochées , dont la plus ex- terne vient former l’épine latérale de la troncature du bout des ély- tres. Elles ont en outre des séries de gros points enfoncés , mal alignés sur le milieu des élytres , mais formant des stries à points plus rappro- chés sur les côtés ; la saillie humérale est dénudée et noire : il y a en outre , un peu avant le milieu , deux grandes taches noires , carrées ; entre ces taches et l’extrémité , deux grandes taches noires , oblon- gues , formées par deux bandes longitudinales réunies à leurs extré- mités , et dont les deux plus externes laissent entre elles un espace longitudinal jaune. L’extrémité tronquée de ces élytres est bordée de noirâtre. Tout le dessous du corps et les pattes sont d’un jaune uni- forme.

Trouvée sur les monts Neelgheries , en juillet.

SAPERDE A PLUSIEURS TACHES.

Saperda ( sphænura ) multigultata. Guérin.

Flavo-aurea , tomentosa, nigro-guttata. Antennis nigris et griseo-tomentu- sis. Pedibus fulvis. Long. 20, larg. 5 1/2 millim.

Cette délicieuse espèce , dont le fond de la couleur est fauve-pâle , est entièrement couverte d’un fin duvet , écailleux , très-serré , d’un beau jaune-serin ou doré. Les yeux , le labre , les mandibules et les antennes sont noirs; ces dernières sont couvertes d’un fin duvet gris et peu dense. La tête a sur le milieu du front une ligne longitudinale

DANS L’INDE.

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noire renflée au milieu. Le corselet , aussi large que long et un peu étranglé en arrière , offre en dessus quatre gros points noirs , et , de plus , un de chaque côté sur les flancs. Les élytres , lisses , sans côtes , tronquées et épineuses au bout , ont chacune la saillie humérale et huit taches de couleur noire de formes diverses , carrées , rondes ou triangulaires, et en outre, sur la suture, deux taches communes placées l’une au milieu, l’autre entre celle-ci et l’écusson, ce qui fait un total de vingt taches sur les deux élytres en y comprenant les angles humé- raux. Les côtés du mésothorax ont une grande tache noire arquée , et l’abdomen a une petite ligne noire au milieu du dernier segment et un peu de noir à la base des précédents , sur les côtés seulement. Les pattes sont d’un fauve pâle et tomenteuses.

Trouvée en juillet sur les monts Neelgheries.

Genre CENTRURE, CENTRURA, Guérin.

(xsvTpov , aiguillon ; oôpa , queue.)

Ce curieux genre devra être placé dans le voisinage des Apome- cyna, et surtout de celui que nous avons établi (Iconogr. du Règne animal , texte) sous le nom d 'Hatlia. Il avoisine aussi beau- coup les genres Cercoptera de Spinola (Mag. Zool., 1839. Ins., pl. 12) et Urocalymma de M. Westwood (Arcana Entomol., h , p. 58 , pl. 15, fig. 3 ) , mais il se distingue des Hat lia par son corps cylindrique avec le milieu des élytres renflé comme dans les Dorcadion ; des Cercoptera par ses joues, qui ne sont pas prolon- gées sur les côtés, et des Urocalymma par son corselet plus allongé et dépourvu de dent latérale. Voici les caractères essentiels de notre genre.

Corps épais, cylindrique, renflé au milieu. Tête à front perpendicu- laire ou même infléchi en dessous. Antennes grêles. Prothorax cylin- drique , plus long que large , tronqué presque droit à ses deux extré- mités, sans tubercules ni dents sur les côtés. Élytres allongées , un peu plus larges que le corselet et tronquées droit à leur base , très-élargies au milieu, rétrécies brusquement en arrière et terminées en pointes assez aiguës un peu divergentes. Pieds assez courts peu robustes , et de longueur égale. Palpes égaux , assez grêles , terminés par un

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

article un peu plus grand , ovalaire et pointu au bout. Mandibules courtes et fortes. Labre ovalaire transversal.

CEiNTRURE .A COTES.

Centrura costala. Guérin.

Atra , flavo-villosa. Anlennis fulvis. Thorace rugoso , subcarinalo , postice subcoarctato. Scutello iransverso , rolundato. Elytris apice acuminatis , basi yranulosis et punctatis , costis quatuor longitudinalibus in medio elevatioribus. Long. \ 5, larg. 4 millim.

Son corps est noir, mais entièrement couvert, dans son état de fraî- cheur, par un duvet court plus ou moins serré ou couché , de couleur jaune d’ocre. La tête est un peu granuleuse , à front coupé droit , per- pendiculaire et même un peu penché en dessous. Les antennes ne sont pas tout à fait de la longueur du corps ; elles sont filiformes et grêles , fauves , composées d’articles cylindriques , dont le premier est plus épais et en massue, le second très-petit, le troisième le plus long de tous, et les autres vont en diminuant de longueur jusqu’au dernier. Le corselet est cylindrique, plus long que large, un peu rétréci en arrière, fortement chagriné ou rugueux, avec une faible élévation longitudinale au milieu formant presque une carène. Les élytres sont ovalaires, termi- nées chacune par une pointe forte et un peu divergente. Elles ont à la base quelques petits tubercules et des points ou fossettes , et sur le disque quatre grosses côtes élevées qui ne partent pas tout à fait de la base , s’élèvent brusquement au milieu et diminuent ensuite. On voit de chaque côté de ces élévations une série de petits points enfoncés : deux côtes (la plus extérieure et la plus interne) atteignent l’extrémité de l’élytre , et se réunissent pour former le centre de la pointe termi- nale ; la seconde côte , à partir de la suture , se termine long-temps avant d’atteindre l’extrémité de l’élytre. Le dessous est couvert de du- vet jaune ; mais on voit une ligne maculaire noire au milieu de l’ab- domen , produite par l’absence de duvet sur ce point. Les pattes sont noires, et couvertes de duvet jaune.

Ce joli et curieux insecte a été découvert par M. Delessert sur le plateau des Neelgheries. La Saperda iyncea d’Olivier, t, iv, nH 68, pi. h, fig. Ul\, pourrait bien rentrer dans le genre Centrura.

DANS L’INDE.

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CRIOCÈRE A CROIX.

Crioceris cruciatus. Guérin.

Ferrugineo-nitidus. Elytris lœvigato-flavis , sutura fasciaque transver— sali nigris crucem forrnantibus. Long. 10 , larg. 4 millim.

Lema cruciata. Guérin , Revue zoologique par la Société Cuvierienne , 1840, p. 41.

Cette jolie espèce est très-facile à distinguer. Elle est d’un fauve- ferrugineux luisant avec les élytres jaunes et marquées d’une grande croix noire formée par une ligne suturale coupée au milieu par une autre ligne transversale qui louche les bords latéraux. Los côtés du mésolhorax sont un peu tachés de npir. Dans quelques individus, l’ab- domen est d’un fauve jaunâtre.

Découverte sur les monts Neelgheries.

CHLAMYS INDIEN.

Chlamys indica. Guérin.

Atra. Capite rugoso, complanato. Thorace in medio elevato , rugoso, foveis quatuor. Elytris profunde rugosis. Corpore subtus pedibusque rugosis. Long. 2 1/3 , larg. 11/2 millim. Chlamys indica, Guérin. Rev. zoo/, par la Société Cuvierienne, 1840, p. 41 .

Noir. Tête rugueuse , aplatie. Corselet très-élevé au milieu , ru- gueux, avec des élévations circonscrivant une espèce de sillon et qua- tre fossettes assez bien marquées au milieu. Élytres fortement rugueu- ses, ayant des élévations sinueuses et larges. Dessous et pattes rugueux.

C’est le premier insecte de ce genre que l’on ait encore découvert sus l’ancien continent. Il a été pris dans les environs de Kotterg- herry, sur les Neelgheries.

SOUVENIRS DT N VOYAGE

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CHRYSOMELE RAJAII.

Chrysomeia rajah. Gucrin.

Rotundata, globulosa, obscure viridis vel subnigra; ehjtris testaceis viridi- micantibus. Capite thoraceque lateribus punctatis. Long. 12 à 14, larg. 10 à II millim.

Chrysomeia ( plagidiora ) rajah. Guérin, Rev. zool. par la Société Cu- vierienne , 1 840, p. 41 .

Arrondie et très-globuleuse , d’un vert foncé , quelquefois presque noir, avec les élytres testacées offrant souvent des reflets verts. Tête et corselet lisses ; le corselet ayant de chaque côté quelques points en- foncés assez distants. Élytres très-finement ponctuées.

Trouvée sur le plateau des Neelgheries.

COCCINELLE DE DELESSERT.

Coccineiia, (Epilachna) Delessertii. Guérin.

Nigra, rotundata, pubescens. Capite thoraceque fulvis. Scutello fusco . Ely- iris nigris , utrinque maculis quinque rotundatis fulvis. Corpore subtus, lateribus thoracis et abdominis fulvo-rnaculatis ; antennis pedibusque fulvis. Long. 8, larg. 7 millim.

Coccineiia ( Epilachna ) Delessertii. Guér., Rev. zoolog. par la Société Cu- vierienne, 1 840, p. 42.

Noire, arrondie, pubescente. Tête et corselet fauves , écusson brun. Élytres noires, beaucoup plus larges que le corselet à leur base , ayant chacune cinq grandes taches arrondies fauves : deux à la base , deux au milieu, et la dernière à l’extrémité. Dessous du corps noir avec les côtés du thorax et de l’abdomen tachés de fauve. Antennes et pattes fauves.

Prise en abondance sur le plateau des Neelgheries.

n.iô.

( hoeradodis fritnet/ta, o'u

■i.M. del.

Oèrard

/) umcyfrùl

DANS L’INDE.

ORTHOPTÈRES.

CHOERADODE TRONQUÉE.

Cfiœradodis truncata. Guérin.

Luteo-grisea vel viridis. Capite transverso. Thorace latissimo subtriangu- lari postice truncato. Femoribus intermediis et posticis foliatis. Elytris nervosis. Alis nigris, albo-strigosis , apice flavidis, caudatis. Long. 7centim.

(PI. 15.)

Sa tête est transverse avec les yeux un peu pointus. Le corselet est allongé avec sa membrane très-large en arrière, à bord postérieur tronqué presque droit avec les côtés arrondis, insensiblement rétrécis vers la tête , elle vient se terminer par une petite sinuosité. Cette membrane donne au corselet une forme conique et le rend un peu plus long que large. Les élytres sont allongées avec les côtés rabattus, plus larges que le dessus, arrondis en arrière. Les ailes sont noires avec les nervures transverses d’un blanc jaunâtre : leur extrémité, d’un jaune obscur, est brusquement rétrécie en une petite queue dépassant les élytres dans le repos. Les cuisses antérieures ont une grosse tache noire en dessous ; les quatre postérieures sont garnies , h leur extré- mité et en arrière , d’une assez large membrane irrégulièrement den- telée. L’abdomen est large et rhomboïdal , un peu dentelé sur les cô- tés , et porte un petit appendice de chaque côté de l’anus. La couleur de l’insecte desséché est d’un jaune verdâtre et brunâtre feuille-morte. Il est probable qu’il a été vert.

Trouvé à Singapoore,à l’extrémité de la presqu’île malaise.

y

2e PART.

66

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

HÉMIPTÈRES.

FULGORE DE DELESSERT.

Fulgora Delessertii. Guérin.

(pi. 46, üg. a.)

Capite rostrato. Rostro dimidii corporis longitudine, adscendente, viridi.

Prothorace ferrugineo. Hemelytris nigro-viridibus , flavo-maculatis.

Alis cœruleis, apice nigris. Long. 34, env. 7S mill.

Fulgora Delessertii. Guér., Rev. zool., 1839, p. 183.

Cette espèce est très-voisine de la Fulgora maculata de Stoll ( pl. 26 , fig. 143 ) , mais elle s’en distingue d’une manière notable par la coloration des taches de ses hémélytres. Elle diffère de la Fulg. candelaria par les deux facettes latérales de la face frontale , qui ont à leur extrémité une carène longitudinale allant du sommet des faces latérales au sommet de la tête.

M. Adolphe Delessert a trouvé cette belle espèce sur le penchant des monts Neelgheries. Elle se tient sur les petits arbres au bord des rivières ; et il est fort difficile de la prendre , car elle est très-agile et s’envole au moindre bruit.

FULGORE SUBOCELLÉE.

Fulgora suêocellata. Guérin.

(Pl. 16, fig. 1.)

Capite rostrato. Rostro corporis longitudine , adscendente , supra obscure ferrugineo, infra viridi. Tibiis anticis et intermediis nigris. Hemely- tris viridi-fulvescentibus, flavo-subocellatis. Alis albis basi subviridi- bus , albo-farinosis , margineque antico nigro et ferrugineo maculatis. Long. 48, enverg. 93 mill.

Fulgora subocellata. Guér., Rev. zool., 1839, p. 183.

Elle est très-voisine de la Fulgora oculata de Westwood (Trans. Lin. Soc. , vol. xvm , p. 142 , pl. 12 , fig. 5) , mais celle-ci est plus

77. j 6 .

Vaillant dal.

Ocrard co/or

DANS L’INDE.

67

petite ; les yeux de ses hémélytres sont fauves , très-limités et entourés de blanchâtre sur un fond gris fauve , et ses ailes sont ornées, vers la côte, d’une grande tache rose terminé de brun, etc.

Cette Fulgore a été prise à Pulo-Pinang.

Nous avons reconnu que la Fulgore à laquelle nous avions donné provisoirement le nom de Rajah {Rev. zoot. , p. 183) est décrite et figurée par Donovan dans son Epitome Ins. of China , pl. 7, sous le nom de Futgora pyrorhynchus , que nous lui restituons.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

G8

LÉPIDOPTÈRES.

PAPILLON DE DELESSERT.

Papilio Delessertii. Guérin.

(PI 47).

A lis subhyalinis , albis , venis maculisque nigris. Ânticis subsinuatis posticis dentatis , angulo anali lunula obsoleta flava. Enverg. 11 centim.

Papilio Delessertii. Guér., Revue Zoolog. par la Société Cuvierienne , 1839, p. 233.

? Papilio melanides. De Haan , Hist. nat. des possessions néerlandaises dans l’Inde; me livr. (1840), p. 40, pl. 8, fig. 3.

Ce Papillon offre tous les caractères du dernier groupe formé par IM. Boisduval , car il appartient à l’archipel Indien ; il a le faciès des Pap. Panope et Dissimilis , et ne peut être placé que près de ce dernier : ce qui le range à la fin du genre. Ses quatre ailes sont d’un blanc légèrement nacré et demi-transparent , comme chez les Idc a ; les supérieures sont très-arquées à la côte , avec le bord postérieur très-légèrement sinué. Leur côte est noire avec six taches blanches in- égales allant de la base jusqu’au delà du milieu. La cellule discoïdale est également noire, occupée par quatre bandes blanches transversales et obliques ; les deux premières droites, les deux autres arquées : il y a, à la base une petite tache triangulaire blanche. Les nervures qui par- tent de cette cellule sont toutes plus ou moins largement bordées de noir, et l’extrémité de chacune de ces nervures est occupée , au bord postérieur, par autant de grandes taches noires. Entre chaque nervure, et près du bord , il y a une tache noire arrondie ; enfin entre la pre- mière et la seconde nervure , en partant du bord interne , et entre les quatrième et cinquième , un peu au delà du milieu du disque , il y a deux grandes taches noires très-distinctes des autres, de forme un peu carrée. Les ailes inférieures sont arrondies, sans appendices ni queues, un peu dentées, blanches, à nervures assez largement bordées de noir, avec le bord postérieur occupé par de larges taches noires fondues

TL. ,6

69

DANS L’INDE.

entre elles. Il y a , comme aux supérieures , un rang de taches noires occupant , près du bord , les intervalles des nervures. L’angle anal est occupé par une lunule noir bordé en haut d’une faible teinte jaune précédé d’une ligne transversale noirâtre. Le bord des quatre ailes est finement liséré de blanc interrompu par le noir des taches margi- nales. Le dessous est semblable au dessus ; mais les taches sont un peu moins larges , et la bordure antérieure jaune des lunules anales est d’une teinte plus vive. La tête de ce Papillon est noir avec deux lignes blanches en avant et contre les yeux, qui sont rougeâtres ; les antennes sont noires Le thorax est noir, taché de blanc dessus et dessous ; l’ab- domen est noirâtre en dessus , blanc sur les côtés et en dessous , avec une ligne noirâtre de chaque côté. Les six pattes sont brunes.

Hab. l’île de Pulo-Pinang, à l’entrée du détroit de Malacca.

Il est très-probable que c’est la même espèce que M. de Haan a re- présentée un an après notre publication (voy. Revue zoot. , 18â2 , p. 153).

PAPILLON NEPTUNE.

Papiiio Neptunus. Guérin.

(PI. 48.)

Alis nigris, concoloribus : anticis fascia sesqui altéra alba , striata ; posticis dentatis et caudatis, macula coccinea trifida ad angulum analem. Enverg., 10 cent.

Papiiio Neptunus. Guér., Revue zoolog. par la Société Cuvierienne, 1840, p. 43.

Ce papillon doit être placé en tête du dix-septième groupe de M. Boisduval. Ses quatre ailes sont d’un noir assez vif; les supérieu- res sont allongées, entières, et elles ont deux larges fascies d’un blanc- grisâtre coupé par des raies noires , placées , l’une avant le milieu , l’autre près de l’extrémité de l’aile. Les inférieures ont de profondes échancrures au bord externe , et une queue très-élargie et arrondie au bout ; elles portent , au delà du mifieu de leur longueur, contre le bord interne et vis-à-vis une échancrure de ce bord , une grande tache transversale rouge, divisée en trois taches par les nervures, arrivant jusqu’au milieu de leur largeur, et dont la plus extérieure est beau- coup plus petite. Le dessous des quatre ailes est exactement semblable

70

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

au-dessus. Le corps est noir avec les côtés du thorax rouges. L’abdo- men manque à l’exemplaire unique et mutilé que nous possédons. Habite la côte Malaye.

PAPILLON SATURNE.

Papiiio Saturnus. Guérin.

(PI. 19).

Alis nigris, dentatis : posticis caudatis ; anticis fascia subapicali, pos- ticis macula discordali magnâ, suif ureis. Enverg., 11 cent.

Papiiio Saturnus. Guér., Revue zoolog. par la Société Cuvierienne, 1840, p. 43.

Papiiio Nephelus. De Haan, Hist. nat. des possess. nèerl. (1840).

Il a beaucoup d’affinité avec le Pop. Nephelus de M. Boisduval {Spec. général des Lèpidopt. , tom. i, p. 210 ) , mais il s’en distin- gue surtout par la bande de ses ailes supérieures , composée de cinq taches , tandis que chez celui-ci il n’y a que quatre taches à cette même bande ; et par ses ailes inférieures, qui n’ont pas de tache ou point jaune au côté interne de la grande tache discoïdale. Ses quatre ailes sont noires ; les supérieures sont légèrement dentées, saupoudrées d’atomes jaunâtres , formant des raies très-faiblement marquées , avec une bande blanc-soufré droite , maculaire , formée de cinq taches , transverse , partant du bord antérieur de l’aile , passant un peu en de- hors de la cellule discoïdale et se terminant près du bord externe , environ vers son milieu. Il y a de très-petites taches blanches dans les angles rentrants du bord externe. Les ailes inférieures sont dépour- vues d’atomes jaunâtres ; elles ont au milieu une grande tache d’un jaune pâle arrondie et touchant h l’extrémité de la cellule discoïdale à son bord interne , ayant son bord externe fortement denté. Le bord extérieur de ces ailes est denté , et terminé par une large queue noire en spatule : elles offrent , dans les échancrures seulement et de chaque côté de la base de la queue , de petites bordures blan- ches. Le dessous des premières ailes est semblable au dessus, mais les taches sont blanches ; il y a des raies d’atomes très-bien marquées dans la cellule discoïdale et près du sommet. Le dessous des secondes offre des taches blanches, séparées par des nervures, et au nombre de sept, lesquelles viennent se terminer au bord abdominal. Les taches du

PI.

Papilio

ô'aûtrnÿuk, <?/,<■/■.

'■ Û. Prêtre, ,lct ,

Gérard, co/or .

DANS L’INDE.

71

bord externe et des côtés de la base de la queue sont beaucoup plus larges qu’en dessus, et précédées de lunules d’un blanc un peu bleuâ- tre. Le corps , en dessus , est noir-vif , mais la. tête et le prothorax sont tachés de blanc ; en dessous , il est également noir, avec les côtés du thorax, de l’abdomen, et le milieu de celui-ci tachés de blanc (mâle).

H. la côte Malaye à Pulo-Pinang.

PAPILLON BRAMA.

Papilio Brama. Guérin.

Alis fuscis , viridi-pulverulentis , fascia communi viridi-aurea ; posticis dentatis et caudatis , maryine lunulis viridibus , angulo anali macula fulva nigro ocellata. Enverg., 10 cent.

Papilio Brama. Guér., Revue Zool. par la Soc. Cuvierienne, 1840, p. 43, pi. 1 , fig. 3 et 4.

Papilio Palinurus. De Haan, Hist. nat. des possess. néerl., 1840.

Ce beau papillon ressemble beaucoup à celui que Stoll a figuré sous le nom de Pap. Regulus {Suppl, à Cramer, pl. 41, fig. 1) ; mais comme cet auteur ne fait aucune mention des taches d’atomes verts placées près du bord postérieur des ailes inférieures , nous avons le considérer comme ne se rapportant pas à cette espèce. Du reste , il est probable que le Pap. Brama, le Pap. Regulus et les Pap. Crino et Palinurus de Fabricius ne sont que des variétés locales d’une seule et même espèce. Ce doute ne pourra être levé que lorsque l’on pourra comparer entre eux un certain nombre de ces papillons provenant de localités bien précisées.

Notre Papilio Brama a été rapporté par M. Ad. Delessert de la côte Malaye. Il a environ 10 cent, d’envergure.

DANAIDE CHLOÉ.

Danaïs (Euplæa) Chioé. Guérin.

Alis integerrimis , fuscis ; anticis basi violaceo-micantibus , omnibus utrinque punctis marginalibus albis sérié duplici digestis : subtus punc- tis discoidalibus albis et subviolaceis. Enverg., 10 1/2 cent.

Elle est intermédiaire entre les Dan. Alcathoe et Cor et a de

72

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Godard. Le dessus de ses quatre ailes est d’un brun noirâtre avec un reflet d’un beau bleu-violet-vif occupant la plus grande partie des su- périeures, depuis leur base jusqu’au delà du milieu (chez le mâle , le seul sexe que nous ayons vu). Les premières ailes ont en dessus , à la côte et au delà du milieu , deux petits traits bleuâtres à peine visi- bles , et leur extrémité présente , près du sommet , quatre taches blanches. Il y a , en outre , au bord externe , une ligne de points blancs partant de l’angle interne et n’atteignant pas le sommet. Les secondes ailes ont de part et d’autre , sur le limbe de derrière , deux rangées de points blancs , dont les intérieurs un peu oblongs ; elles ont , en outre , en dessus , au milieu et près du bord de la côte , une grande tache triangulaire d’un blanc sale et bien limitée. Le dessous des qua- tre ailes est d’un brun chatoyant. Les supérieures offrent les mêmes taches et points que le dessus , mais ils sont un peu plus gros ; les deux petites taches de la côte sont plus fortes et blanches. Outre les quatre taches du sommet , il y en a encore trois autres très-petites , linéaires , formant une bande parallèle à la ligne du bord. Le milieu présente deux taches blanches entourées de violet , et il y a au-dessous de celles-ci une assez grande tache oblongue et blanche. Le dessous des inférieures offre , en plus des deux lignes marginales de points blancs , sept petites taches d’un blanc violet. Il y a quelques petits points blancs à la base de ces mêmes ailes. La frange est alternative- ment noire et blanche. Le corps et la tête sont noir taché de blanc.

Habite Pulo-Pinang , côte Malaye.

ARGVNNE ÉMALÉE.

Argynnis Emalea. Guérin.

Alis subrotundatis , anlicis apice subconcavis, supra fulvis: anticis apice etlineis flexuosis,posticis lineis flexuosis punctisque nigris, maculiscos- talibus duabus albis , subtus griseo-fulvis margaritaceo-micantibus, fascia media communi-alba, maculari, extus recta, intus dentata. Enverg., 7 1/2 cent.

Elle a beaucoup d’affinités avec YArg. Thyelia de Fabricius (God., p. 257). Le dessus de ses quatre ailes est d’un jaune-fauve- vif, un peu plus sombre à la base. L’extrémité des premières est noire avec deux bandes ondées de noir parallèles au bord externe , et

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DANS L’INDE.

73

moins marquées près de l’angle inférieur ; elles ont, en outre, au mi- lieu , une bande dentelée et ondulée de noir servant de limite à la por- tion plus obscure de leur base. On voit dans le milieu de la cellule dis- coïdale une petite bande transverse et brune avec le milieu fauve. Les inférieures ont au bord externe trois lignes noirâtres llexueuses ; une ligne llexueuse au milieu , se continuant avec celle des supérieures ; et , entre cette ligne et les externes , une série de six points noirs dont les deux antérieurs et celui de l’angle anal un peu plus forts ; elles ont à la côte deux taches blanches , de forme carrée : l’une au milieu , l’autre près de l’extrémité antérieure. Le dessous des quatre ailes est d’un gris-cendré-jaunâtre h reflets violets et perlés avec les nervures fauves ; elles sont traversées au milieu et obliquement par une ligne maculaire blanc bordé de noirâtre, droite du côté ex- terne , fortement dentée , surtout aux supérieures , du côté interne , et très-élargie à la côte des supérieures. On voit , en outre , aux ailes inférieures une série de six petits points noirs correspondant à ceux du dessus. Le corps est d’un brun jaunâtre, les antennes sont noires avec le côté antérieur fauve.

Habite la côte Malaye.

VANESSE EUDOXIE.

V anessa Eudoxia. Guérin.

(PL 20.)

Alis anlicis subfalcatis , posticis extus sub-caudatis ; omnibus supra ochraceis basi fuscis apice ni gris , posticis lineis duabus marginalibus punctisque sub-ocellaribus nigris; subtus brunneo-ochraceis, strigis den- tatisalbis et fuscis , ocellisque cœruleo-pupillatis prope marginem. Enverg., 7 cent.

Vanessa Eudoxia. Guér., Revue zoolog. par la Société Cuvierienne, 1840, p. 44.

Cette belle Yanesse peut être placée dans le voisinage des Fan. Laodora et Pdarga de Godard. Ses ailes supérieures sont d’un jaune -fauve couleur d’ocre , fortement concaves et dentées au bord externe, d’un brun pâle à la base, avec l’extrémité noi- râtre. Les inférieures sont dentées , elles ont une petite queue au mi- lieu du bord externe et un petit prolongement arrondi à l’angle anal. 2e part. 10

SOUVENIRS D’I N VOYAGE

74

Leur couleur esl semblable à celle des supérieures, avec la base égale- ment brune et l’angle supérieur externe noirâtre. Elles ont, près du bord , deux lignes sinueuses précédées de gros points noirs à contour plus pâle que le fond , dont les deux plus externes touchent la tache apicale noire. On voit sur le milieu du lobe de l’angle anal une petite strie oblique bleue. Le dessous est d’un brun jaunâtre ; la base des ailes , d’un jaune plus pâle au milieu, augmente de ton vers les bords, avec des lignes en zigzag blanches à reflets violacés et d’autres lignes brunes et transversales. Les lignes blanches du miüeu et celles qui lon- gent le bord externe sont plus larges et mieux marquées. Il y a, en ou- tre, au côté interne des lignes blanches du bord des quatre ailes une li- gne d’yeux brun bordé de noir et pupillé de bleu. On compte six de ces yeux aux ailes supérieures et cinq aux inférieures. La frange esl alternativement noire et blanche des deux côtés. Le corps est d’un brun jaunâtre, les antennes noires.

Hab. la côte Malaye.

SATYRE DES NEELGHERIES.

Satyrus (Cyllo) Neeigheriensis. Guérin.

(PL 21, fig. 1.)

Alis fuscis , anticis apice albo-maculatis , subtus griseo fasciatis ocel- lisque luteis nigro-pupillatis ; posticis subtus fasciis fuscis et griseis angulatis, ocellis nigris , flavo cinctis, inœqualibus: antico magno, ro- tundo, albo-pupillato, tribus sequentibus oblongis albo irroratis , anali duplici, ante anali rot undo, postice remoto. Enverg., 57 mill.

Cette espèce est très-voisine du Satyrus Europa (God. , Eue. , t. ix , p. 478 ) , et pourrait bien n’en être qu’une variété locale. Cependant , après l’avoir comparée avec les deux sexes d’un vrai Satyrus Europa provenant de la Chine et que nous a communiqué >1. Marchai, qui a bien voulu étudier cette espèce avec nous, nous avons trouvé des différences qui nous ont semblé réelles , tant dans la forme beaucoup plus sinueuse des bandes du dessous des ailes que dans la forme des yeux et dans la place qu’ils occupent. Chez les vrais Europa. mâle et femelle il y a, près de la base des quatre ailes, une bande d’un blanc nacré , commune aux quatre , assez étroite ,

DANS L’INDE.

presque droite et de la même largeur dans toute son étendue , tandis que la bande qui représente celle-ci, dans notre espèce, est très-irré- gulière et très-sinueuse et dentée , plus large vers la côte des ailes su- périeures , ne correspondant pas exactement avec celle des ailes infé- rieures. Dans notre espèce il v a, aux secondes ailes et un peu au delà du milieu , une autre bande grisâtre bordé de brun de chaque côté , fortement anguleuse vers le bord externe, un peu avant le milieu de sa longueur. C’est entre cette dernière bande et le bord que sont si- tués six yeux noir entouré de jaune, puis de brun, puis de gris- cendré. Le premier , celui qui touche à la côte , est le plus grand ; il a au milieu une grosse pupille blanche. Les trois qui suivent sont ovales et allongés , leur partie noire est semée d’un grand nombre de petits atomes blancs. Le quatrième n’est plus situé sur la ligne des autres , comme cela a lieu chez YEuropa; il est très-reculé vers le bord, parfaitement rond et très-limité , et n’a au milieu que trois ou quatre petits atomes blancs. Enfin , l’œil de l’angle anal est remonté sur la ligne des autres ; il est double , formé de deux ovales noirs, entourés tous deux de jaune, et semés de nombreux atomes blancs. Les yeux des ailes supérieures sont au nombre de cinq , bien ronds , tandis qu’il y en a six, dont plusieurs ovales, dans YEuropa. Dans notre espèce , c’est l’œil de l’angle postérieur qui manque. Les quatre ailes ont la frange blanche coupée de petites taches noires, immédiatement après la frange ; en dessus il y a une ligne étroite jaune bordé de noir des deux côtés, et précédée d’une ligne grise plus large et bor- dée, en dedans, de brun foncé. Notre individu est une femelle, son dessus est d’un brun-enfumé noirâtre (tandis que chez le vrai Europa ce brun est roussâtre) ; les ailes supérieures ont , au delà du milieu et au bord antérieur , une tache jaunâtre divisée en trois par les nervu- res ; il y a deux taches de forme carrée , près du sommet , et une autre tache près du bord externe et au tiers postérieur. Les ailes in- férieures sont sans taches , mais elles laissent apercevoir par transpa- rence quelques traces des yeux du dessous. Leur bord offre les mêmes lignes qu’en dessous , mais moins bien marquées ; et elles ont au mi- lieu du bord postérieur une petite dent en forme de queue , semblable à celle du S al. Europa.

Hab. les monts Neelgheries.

7(>

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

SATYRE D’ADOLPHE.

Satyrus Adolphei. Guérin.

A lis integerrimis, fusco-nigris; anticis punctis duabus albis minutissimis, posticis ocellis duabus ferrugineis , nigro pupillatis , obsoletis : subtus pallidioribus , anticis ut supra, posticis lineis duabus fuscis transver- salibus , basali abbreviata sinuata , altéra recta , puncto nigro albo- pupillato et punctis albis minutissimis pr ope marginem. Enverg., il mill.

Cette espèce ressemble beaucoup au Satyrus scrvalius de Go- dard , mais elle n’a pas de reflet violacé et ses ailes , en dessous , sont dépourvues des yeux signalés chez celui-ci. Les quatre ailes sont d’un brun-noirâtre plus foncé vers la côte des supérieures. Celles-ci ont, près du sommet et un peu plus bas que le milieu, près du bord externe, deux très-petits points blancs peu visibles. Les infé- rieures ont également près du bord deux petits yeux peu marqués, d’un jaune-fauve à pupille noire. Le dessous des quatre ailes est d’un brun moins foncé qu’en dessus, les supérieures offrent les deux petits points blancs du dessus. Les inférieures ont chacune deux bandes transverses et obliques brunes , la première près de la base , un peu sinueuse et n’atteignant pas le bord externe ; la seconde au delà du milieu , par- tant de la côte , aux deux tiers de la longueur de l’aile, et se terminant à l’angle anal. Cette bande est droite , nettement limitée du côté exté- rieur , fendue du côté de la base de l’aile. Entre cette bande et le bord il y a une rangée de quatre petits points blancs dont le second, à par- tir de l’angle anal , est entouré de noir.

Hab. les monts Neelgheries. Trouvé dans le mois de juin.

J’I . XJ .

S ;i ly PUS / Oi/tto J //ee/<///err/en.r/.r,

2. Salypiis r fient/ ,

DANS L’INDU.

SATYRE CHENU.

Satyrus Chenu. Guérin.

(PI- fig-2.)

Ali s integris, supra fuscis, pallidè submaculatis ; anticis utrinque ocello magno nigro et bipupillato ; posticis supra duabus , subtus tribus ocellis nigris; subtus omnibus griseo-cinereis fusco-slrigosis , anticis duabus, posticis tribus fasciis margineque brunneis. Enverg., 40 à 50 mil!.

Ce petit Satyre ressemble beaucoup à celui que Fabricius a nommé Baldus , et l’on serait tenté de confondre ces deux espèces si l’on s’en tenait rigoureusement à la description donnée par Godard ( Encycl . , t. ix, p. 551) ; mais quand on examine les figures données par Cra- mer, et surtout par Hubner, du Satyrus Baiclus, on voit qu’il a le dessous cendré et uniformément semé de petites stries brunes sans aucune trace des bandes qui se trouvent chez le nôtre. Les yeux des ailes inférieures sont aussi plus nombreux.

Notre Satyre de Chenu est en dessus d’un brun grisâtre avec quel- ques fines taches nébuleuses et plus pâles vers l’extrémité. Les ailes supérieures ont près du sommet un grand œil rond , noir , largement bordé de jaune et marqué de deux petites pupilles d’un bleu luisant. Les inférieures ont deux yeux beaucoup plus petits , noirs , bordés de jaune , avec une seule pupille bleue très-petite. Le premier est situé au milieu de la largeur de l’aile, près du bord externe ; l’autre est placé entre le premier et l’angle anal. Le dessous des quatre ailes est d’un gris-cendré marqué d’une multitude de petites stries transverses ondées et brunes. Les supérieures ont l’œil unique comme en dessus ; les inférieures ont trois yeux , les deux du dessus et un troisième près de la côte et plus distant du bord externe. Dans les supérieures le bord externe est d’un brun jaunâtre , et il y a deux bandes de la même cou- leur , partant presque du même point au bord postérieur près de l’angle interne et divergeant ensuite pour se rendre à la côte , l’une en dedans et l’autre en dehors du grand œil apical. Aux inférieures le bord externe est également jaunâtre , et il y a trois bandes de la même couleur et un commencement de quatrième bande sur laquelle est posé l’œil près de la côte. La bande de la base est un peu arcpiée et n’atteint pas le bord interne; les deux autres vont en divergeant de

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

78

l’angle anal à la côte , et embrassent dans leur intervalle le plus large l’œil supérieur et le commencement de bande sur lequel il est posé. Le corps et les antennes sont bruns , les pattes et le dessous sont variés de gris. - Il y a des individus plus petits qui ne diffèrent en rien de cette description.

Hab. les monts Neelgheries. Trouvé en juillet.

T'OLY OMMATE NYSEUS.

Polyommatus Nysnis. Guérin.

(PI. 22, fig.-l.)

Alis supra fuscis , posticis macula poslicali magna ferruginea. Cauda minuta nigra , apice alba, subtus albo-subv indescente : anticis apice ai- gris, albo-maculatis punctoque medio nigro ; posticis basi nigro macu- latis, margine late fcrrugineo (ad angulum anticum nigro), albomacu- lato. Enverg., 57 mill.

Cette jolie espèce se rapproche, pour la forme, de notre Argus poeta ( Voyage autour du monde de la corvette la Coquille , ZooL, t. il, part. 2, lredivis., pag. 277, pl. 18, f. h). Tout le dessus de son corps et de ses ailes est d’un brun-noirâtre uniforme avec la frange alternativement noire et blanche de part et d’autre. Les ailes inférieures ont , près de l’angle anal , une petite queue mince , noire , à bout blanc : elles sont en partie occupées par une grande tache d’un rouge ferru- gineux placée au bord inférieur à partir du milieu de leur longueur , mais ne remontant pas jusqu’à la côte. Le dessous est d’un blanc très- faiblement verdâtre vers la base. Les supérieures ont un gros point noir au milieu , et leur moitié apicale est noir marqué de deux bandes de taches blanches dont l’interne composée de taches inégales , l’ex- terne formée de six taches alignées et égales et suivie, près du bord, d’une petite ligne blanche mince et interrompue. Les inférieures ont à la base huit ou dix gros points noirs, et leur extrémité présente une large bordure noire au quart antérieur, et d’un beau rouge-ferrugi- neux jusqu’à l’angle anal, bordée extérieurement d’une fine ligne noire que précèdent de petites lignes blanches. Cette bande est traversée dans son milieu par une ligne de huit taches blanches. Le dessous des pal- pes, du corps et des pattes est blanc.

Hab. I’ondichéri. Trouvé en juillet.

’olvom malus . Vy. i'CU.i'

Lc&p Cri A ÏBenJa/ïi mu,

J^rèlre de/..

DANS L’INDE.

79

IIESPERIE DE BENJAMIN.

Hesperia (Thymele) Benjaminii. Guérin.

(PI. 22, fig. 2).

Corpore alisque supra obscuro-viridibus , apice obscurioribus ; posticis margine inferiori fulvis , subtus lato-viridibus, nervis nigris : posticis macula magna posticali fulva , nigro-punctata. Capite infra anoque fulvis. Enverg., 5 4/2 centrai.

Cette magnifique espèce n’a aucun rapport avec celles qui ont été publiées par Linné et Fabricius. Son corps est d’un vert obscur avec le dessous de la tête , le devant des hanches et des cuisses antérieures et le dessous de l’anus d’un jaune-fauve vif. Les quatre ailes sont en dessus d’un vert obscur tirant au noirâtre vers l’extrémité avec le bord inférieur des secondes un peu prolongé en un lobe arrondi et d’un beau jaune-orangé ou fauve. Le dessous des quatre ailes est d’un vert-doré assez vif avec les nervures noires. Les inférieures ont en arrière une large tache d’un beau jaune-fauve , partant de l’angle anal et se terminant carrément au milieu de leur bord inférieur, avec une grande tache noire vis à vis le lobe ou fausse queue , et quatre ou six gros points nou s réunis entre cette tache et la terminaison du fauve. Les tarses sont de la couleur du corps : les antérieurs sont d’un jaune pâle en avant. Les antennes sont noires.

Hab. les Neelgheries.

Nous avons donné à cette espèce le nom de M. Benjamin Delessert, protecteur éclairé des sciences et dont le nom est vénéré des natu- ralistes.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

80

SPHINX VIGILANT.

S/y/tinx (Deielphila) vigil. Guérin.

(PI. 23 , fig. 1).

Capite thoraceque fusco-virescentibus, linea laterali albo-grisea. Alis fus- cis , anticis puncto medio atro , margine posteriori et exteriori latè gri- seis , fusco maculatis et slrigosis. Abdomine griseo supra obscuriori, utrinque maculis quatuor fuscis postice albo-punctatis . Enverg.

9 cent., long. corp. 4 cent.

Il ressemble beaucoup mSpiiinx velox de Eabricius (Ent. syst. 3, p. 378); mais la description de celui-ci ne convenant pas en tout point à notre espèce, nous nous sommes décidé à la donner ici. Le dessus de la tête est d’un brun assez foncé , faiblement verdâtre , avec les côtés d’un gris cendré. Le corselet est de la couleur de la tête ; il offre de chaque côté , avant les ailes , une large bande grise qui se continue avec celle de la tête , se bifurque un peu avant l’insertion des premières ailes, pour suivre l’insertion de celles-ci et des secondes , et envoyer une bande oblique sur le dos , laquelle se confond en arrière avec une large ligne médiane grise partant de la partie postérieure de la tête. La ligne grise qui longe l’insertion des ailés devient d’un blanc vif en arrière. Les ailes supérieures sont divisées en deux parties lon- gitudinales de couleurs différentes, brunes et cendrées, égales ; l’anté- rieure , celle de la côte , est d’un brun varié de noirâtre avec quel- ques raies longitudinales noires, une nervure grise vers l’extrémité et un petit point noir au milieu. Cette partie brune n’atteint pas l’ex- trémité de l’aile , et elle est limitée inférieurement par une ligne si- ' nueuse noire. La partie postérieure et externe de ces ailes est d’un gris-cendré un peu roussâtre , commençant au bord inférieur , près de la base , et se terminant au sommet. On voit dans cette partie une ligne brune assez large , partant de l’angle apical et dirigée vers le milieu de l’aile ; une autre ligne sinueuse et parallèle au bord externe, suit ce bord : il y a deux ou trois petites lignes onduleuses au milieu, près de la limite de la partie brune, et parallèles au bord de celle-ci , et quelques petits points bruns marqués sur les nervures plus blanchâtres qui traversent la portion grise. On voit une assez grande tache brune, au bord intérieur, près de l’angle interne, qui est assez

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DANS L’INDE.

81

saillant; le bord externe est un peu arrondi et saillant au milieu, fai- blement échancré en haut : ce qui produit une petite pointe à l’ex- trémité : sa frange est alternativement jaunâtre et noire. Les ailes in- férieures sont d’un brun obscur avec l’angle anal arrondi , plus pâle et une ligne noire onduleuse, assez large et peu limitée , parallèle au bord inférieur, fondue dans la couleur brune du fond, vers l’extrémité, et terminée avant l’angle anal à une petite saillie du bord postérieur de l’aile ; la frange est gris interrompu par du brun. Le dessus de l’abdomen est d’un gris-brun piqueté de brun plus foncé au milieu, gris plus pâle sur les côtés et à la base , et il a de chaque côté, à partir du troisième segment, quatre taches noires peu limitées e marquées d’atomes gris à leur partie inférieure. Le dessous des quatre ailes est gris-cendré varié de ferrugineux et d’atomes noirs. Les supérieures ont au milieu un grand espace brun uniforme, et près de l’extrémité une large bande plus ferrugineuse marquée près du sommet de trois faibles bandes noirâtres partant de la côte et peu allongées. Il y a de plus, dans cette partie fauve, une ligne de cinq à six points noirs. Les inférieures ont aussi deux bandes maculaires noirâtres, l’une au mi- lieu, l’autre entre celle-ci et le bord externe. La frange des quatre ailes est comme en dessus. Le dessous du corps est gris-roussâtre , et les côtés de l’abdomen sont marqués de six petits points noirs. Les antennes et les pattes sont grises.

Hab. Pondichéri.

MACROGLOSSE HY LAS.

M acroglossum Hyias. Lin. (Var.)

Cette variété se distingue du type décrit par Linnæus , par la cou- leur jaune du dessus de son abdomen. Nous avions d’abord pensé que cette teinte était due à une décoloration ; mais dans ce cas le corselet aurait aussi jauni , ce qui n’a pas eu lieu. Du reste nous décrivons , dans le texte de notre Iconographie du Règne animal , Lépidoptères, une espèce (notre Macrogt. trochilus ) que feu Desjardins a obser- vée vivante à l’île Maurice, et dont l’abdomen est toujours jaune ; ce qui montre que cette couleur est bien naturelle chez certaines espèces.

Avant de décrire la variété découverte par M. Ad. Delessert , nous croyons devoir transcrire la description originale que Linné a donnée de 2" PART. 11

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

son Sphinx hyias dans l’appendix de son Mantissa plantarum ( Regni animal. Insecta, p. 539).

Sphinx hyias. Alis fenestratis ; abdomine fascia purpnrescente. - liai), in China. D. Fabricius.

Corpus affine S. fuciformi.

Abdomen griseo-glaucescens , subtus nigruin albo variegatum. Cingulum (segmenti quarti) purpureum.

Thorax griseo-glaucescens. Abdomen subtus albiduni.

Anus subtus barba atra.

Alœ totœ fenestratæ , margine nigro.

Comme on le voit, il y a dans Linné une faute d’impression dans les endroits il parle de l’abdomen de son sphinx ; mais les carac- tères essentiels de l’espèce , la bande pourprée du milieu de l’abdo- men et la barbe noire de l’anus , sont bien indiqués. Voici la description de notre variété.

Alis hyalinis; anticarum costa apieeque lenuifuscis; capite thoraeeque r iridibus; abdomine supra lutescenti, cingulo medio ferrugineo. Barbis ani nigris. Thorace infra flavo-pallido ; abdomine infra nigro , ferru- gineo alboque variegato.

Ses quatre ailes sont vitrées à nervures brunes. Les supérieures ont la côte , le sommet , le bord externe et la base du bord interne noirâ- tre saupoudré , à la côte et au bord interne , d’atomes jaunâtres. Les ailes inférieures ont la base de la côte jusqu’au milieu , et tout le bord interne jusqu’au pli marqué par une petite échancrure du bord infé- rieur de l’aile , d’un brun grisâtre , surtout vers l’angle anal. Les ner- vures des quatre ailes sont noirâtres. La tète et le corselet sont verts et sans taches. L’abdomen est d’un jaune d’ocre avec le quatrième segment d’un fauve velouté, depuis sa base jusqu’au milieu de sa lon- gueur. Le dernier segment est bordé de poils noirs et terminé par une brosse noire ayant une tache jaune au milieu et un petit point blanc de chaque côté. Le dessus des palpes et de la tête est blanc. Le dessous du thorax est jaune-pâle ; enfin le dessous de l’abdomen est noir avec des taches fauves peu limitées de chaque côté des segments, et trois rangs de taches blanches dont une médiane et deux latérales. Les pattes sont d’un jaune pâle , et les tarses postérieurs noirâtres. Long. 30, env. 57 mil]. Habite les Neelgheries.

l’i. *4 .

Cvjiantoecra .

y G . i/’haùenarûr, ûuer. 3. G. dùlincta/, Cuer.

2. G. aj/hu'.r,

4- . per Unir,

Gérant' co/or.

D avortés «rr.

DANS L’IN Dlï.

83

OYNAUTOCÈRE BORDÉE.

Gynautocera marginata. Guérin.

(PL 25, fig. 1.)

Alis nigris , margine exteriori cijaneo micantibus. Subtus antici ma- cula rotundata flava. Corpore nigro , subtus coccineo maculis nigris lateralibus. Pedibus nigris , cxjaneo- micantibus. Enverg. 7 centim. 8 millim.

Ailes oblongues , arrondies , d’un noir brunâtre dessus et dessous. Bords des quatre ailes , en dessus , ornés de reflets d’un beau bleu- vif visibles à certains jours, comme dans les Nymphaiis iris et autres lépidoptères changeants ; dessous ayant les nervures et les bords pourvus d’écailles d’un bleu verdâtre visibles également sous certains angles , les supérieures ayant de plus , près de la côte et un peu au delà du milieu , un assez grand point jaune. Corps noir en dessus , rouge en dessous, avec des taches noires sur les côtés. Pattes noires à reflets bleus.

Habite Pulo-Pinang sur la côte Malaye.

CYNAUTOCÈRE MACULAIRE.

Gynautocera macutaria. Guérin.

(PL 25, fig. 2.)

Alis oblongis, utrinque nigris , virescenti cyancoque micantibus; anti- cis apice fasciis duabus macularibus albis supra et infra , posticis infrà maculis albis submarginalibus. Env. 6 cent. 4/2.

Ailes oblongues , entières , noires, à reflets bleus, violets et verdâ- tres : les supérieures ayant de part et d’autre une large bande blanche presque maculaire et transverse au delà du milieu , et près du bord externe une ligne de taches oblongues et blanches se réunissant à la bande précédente, à l’angle interne ; les inférieures sans taches en

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

S h

dessus, ayant en dessous une tache blanche au delà du milieu , près de la côte, et une série de six ou sept taches arrondies et blanches près du bord postérieur. Il y a des reflets bleu-vif derrière ces taches margina- les; entre elles et la frange, qui est noire. Corps et antennes noirs à reflets bleus et verts. Dessous de l’abdomen anneléde blanc.

Habite la côte Malave.

La P h. aleita de Cramer, pl. 396, fig. C. , que cet auteur dit venir de Surinam, pourrait bien être une Gynautocera indienne très-voi- sine de la précédente.

GYNAUTOCÈRE PIIALKNOIDE.

Gynautocera plialœharia. Guérin.

(Pl. 24, fig. 4.)

Alis utrinque albis basi flavis. Anticis apice late nigro, albo fasciato ; linea costali maculisque tribus in medio nigro subeyaneis. Posticis apice nigro -maculato. Vertice et collari sanguineis. Thorace nigro-viri- dis, albo-lineato. Abdomine flavo. Enverg., 5 4/2 cent.

Ailes d’un jaune pâle dessus et dessous , plus blanchâtre vers l’ex- trémité ; les supérieures ayant une ligne à la base de la côte , trois taches inégales au milieu , et l’extrémité noire , avec quelques taches blanches près du sommet dans la partie noire ; les inférieures ayant seulement le sommet taché de noir : dessous des supérieures ayant à la base une grande tache noire à reflets bleus et verts , s’arrêtant au milieu et n’arrivant qu’au milieu de la largeur de l’aile , avec l’extré- mité noire, comme coupée par une bande dentée blanche ; les inférieures d’un jaune plus vif à la base et au côté inférieur avec quelques tacbes noires au sommet. Tête, en dessus, et prolhorax ou col en entier rou- ges. Corselet noir à reflets bleus et verts avec les épaulettes bordées de blanc. Abdomen jaunâtre , plus pâle en dessous. Antennes et pattes noires ; celles-ci avec des écailles blanches.

Habite Java.

Cette espèce ressemble assez à la variété du Sphinx pectinicor- nis. Lin., nommée Pliai, tiberina par Cramer et Hubner ; mais ses ailes jaunes et la petitesse de leurs taches noires l’en distinguent. Nous ne serions pas étonné cependant qu’elle n’en fût encore qu’une variété.

DANS L’IN DK.

GY NAUTOCÈRE DISTINCTE .

Gynautocera distincta. Guérin.

(PL 24, fig. 3.)

Alis anticis utrinque griseo - flavescentibus , fascüs tribus macularibus nigro cyaneis. Posticis albis , laie cyaneo-marginatis. Vertice flavo; collari nigro griseoque variegato. Thorace griseo, linea media nigro. Abdomine flavo , segmento primo albo , subtus nigro segmentis albo- marginatis. Env. 5 centim.

Cette espèce est bien distincte de la G. pectinicornis de Linné par son col noir , le dessus seulement de sa tête d’un jaune orangé et par la disposition des bandes maculaires de ses ailes supérieures qui produisent sur leur milieu une bande arquée verticale et non oblique. Ses premières ailes sont d’un gris-cendré un peu jaunâtre-sale ; elles ont une ligne noire à la base , parallèle à la côte ; à leur premier tiers on trouve une bande transversale arquée, formée de quatre taches inégales d’un noir à reflets bleus , puis une autre bande parallèle à la première , un peu au delà du milieu , formée de six ou sept taches laissant entre elles et la première une large bande gris-pâle com- mençant à la côte un peu avant le milieu , et se terminant au milieu du bord postérieur. L’extrémité de ces ailes présente encore une bande maculaire assez large , et entre celle-ci et celle du milieu il y a plusieurs taches de la même couleur noir-bleu séparées par les ner- vures et laissant entre elles quelques taches grises. Les ailes inférieures sont blanches avec une large bordure d’un noir à reflets bleus très- vifs, n’atteignant pas l’angle anal en dessus, y arrivant en dessous. Le dessous des quatre ailes est semblable au dessus , mais les reflets bleus sont plus vifs et la bande du milieu des supérieures est blanche. La tête est jaune en dessus avec les antennes d’un noir bleu. Le col ou prothorax est noir avec deux petites bandes transverses d’un blanc jaunâtre au milieu. Le corselet est gris-jaunâtre avec une large bande longitudinale d’un noir bleu au milieu. L’abdomen est en dessus d’un jaune d’ocre assez vif, comme le dessus de la tête , avec le premier segment blanc ; le dessous est noir avec une bordure blan- che à chaque segment. Le dessous du thorax et des pattes sont d’un noir-bleu taché de blanc. Hab. la côte Malaye. Décrit sur un individu femelle un peu passé.

SOUVENIRS D’I \ VOYAGE

86

G Y l\; AU T OCÈUE SEMBLA B L E .

Gynautocera a (finis. Guérin.

(PI. 24, fig. 2.)

Mis anticis utrinque viridi-micantibus nigro-maculatis , fascia media lata maculisque apicalibus albo flavidis. Alis posterioribus albo flavi- dis , maculis apicalibus nigro-viridi-micantibus. Vertice et margine anlico collari rubris. Thorace viridi-micante. Abdomine viridi-cœruleo , subtus albo , lateribus nigro punctato. Env. 42 mill.

(jette jolie espèce est très - voisine de la G. pectinicornis ( Sphinx pectinicornis, Lin. ; Pliai, tiberina, Gram.). Mais tous les auteurs s’accordent pour décrire et figurer cette dernière avec le dessus de la tête et tout le col rouges ; tandis que la nôtre a bien la tête rouge , mais son col est noir-vert avec un fin liséré rouge au bord antérieur seulement. Les ailes anterieures de notre espèce sont d’un joli vert - doré - brillant coupé un peu au delà du mi- lieu par une large bande oblique d’un blanc-jaunâtre formant une espèce de coude au milieu ; au côté interne de cette bande on voit, dans le vert, quelques taches noires. Son côté externe ou l’extrémité de l’aile est marqué de plusieurs taches et lignes noires et de deux petites taches blanches près du sommet. Les ailes inférieures sont d’un blanc lavé de jaune-pâle , elles ont au sommet deux ou trois taches noires inégales à reflets bleus extérieurement. Le dessous des supérieu- res est semblable au dessus , mais la bande du milieu est plus large et les deux points blancs du sommet se réunissent et forment une seconde bande assez large que coupent près du sommet quelques lignes bleues. Les taches apicales des inférieures sont presque effacées. Les antennes sont noires, la tête verte avec le vertex rouge. Le prothorax est d’un vert noir avec le bord antérieur finement liséré de rouge. Le corselet est d’un beau vert-doré brillant. Le dessus de l’abdomen est d’un vert- bleu très -luisant, et son dessous blanc ponctué de noir sur les côtés. Le dessous du thorax et les pattes sont blancs. Hab. Pondichéri et la côte Malaye.

Cette espèce est beaucoup plus petite que la vraie G. pectinicor- nis de Linné figurée dans Edwards.

Pour bien faire apprécier les différences qu’il y a entre nos espèces et le Sphinx pectinicornis de Linné, nous allons reproduire la

DANS L’INDE.

87

description qu’il en a donnée , et nous établirons sa synonymie. On verra que Linné avait décrit cette espèce d’après la figure d’Edwards, qu’il avait bien indiqué sa localité d’après ce même auteur, qui l’avait reçue de Chine; tandis que Fabricius, dans tous ses ouvrages, s’obs- tine à la donner comme d’Amérique, tout en copiant textuellement la description de Linné : ce qui montre qu’il n’a jamais vu cet in- secte. En rapportant à cette espèce la Phaiœna tiberina de Cra- mer, que celui-ci indique aussi comme venant de la Chine , il aurait cependant rectifier son erreur d’habitat.

Sphinx pectinicornis. Lin. Syst. nat. 2, 807, hk (1767), Edw. av. p. 36, pi. 226. (1758).

S. Subfusca, atis violaceis : fasciis duabus aibis subinter- rvptis, collari sanguineo. Hab. in Asia.

Statura S. filipendulæ. Antenriæ pectinatæ, sed apice filiformes et simplices.

Voici ce qu’on trouve dans Edwards : Glanures d’hist. nat. ois. , t. I, p. 36 , pl. 226. :

« Le petit papillon noir et blanc vient de la Chine , et fait partie de ma petite collection. Le dessus des ailes est noir ou d’un brun très- foncé ; elles sont barrées obliquement , d’un côté à l’autre , de barres d’un blanc de crème : la tête , et le commencement du corps est d’un très-beau rouge ; le reste du corps , et le corps inférieur ou la queue, est d’un beau bleu , qui semble s’introduire un peu parmi le noir des grandes ailes , aux endroits par elles sont attachées au corps. Le dessous de ce papillon est marqué de même que le dessus , excepté que les couleurs sont moins vives. »

Comme on le voit, il n’est nullement question ici des ailes infé- rieures ; cependant la figure nous montre qu’elles sont noir à reflets bleus avec une grande tache blanche au milieu , partant de la côte et atteignant à peine le milieu de l’aile.

Zygœna. pectinicornis. Fab. Syst. entomologiœ , p. 55A, 18 (1775). Il cite Linné 2-807, et Edw. copie la phrase de Linné, et donne pour habitatiou : in A merica.

Zygœna pectinicornis. Fab. Spec. Ins., 2, 16 A, 35 (1781). Il copie encore la phrase de Linné, cite VEnt. syst., et cite en plus: Phaiœna tiberina , Cram. Ins. , 3, t. xxxil, f. c. D. Il dit tou- jours : « Hab. in America. «

Zygœna pectinicornis. Fab. Mantissa Ins.. 2, p. 105, A2

88 SOUVENIRS D’UN VOYAGE

(1787 . Il ne donne qu’une copie de la phrase, sans synonymie ni habitation.

Zygcena pectinicornis. Lin. Ed. Ginclin , t. Y, p. 2397, ôû (1789). Copie de la phrase de Linné. Citation de Fabr. : Species et Mantissa.; de Cramer : ( P h. tiberina ); d’Edwards : Hab. in America.

Zygcena pectinicornis. Fabr. Entom. systemat , 3, pars 1, p. 399, kh (1793 . Il copie la phrase de Linné, et le cite. U cite Pliai, tiberina , Cram. , Edw : Hab. in Americœmeridionaiis insviis.

C/ialcosia tiberina. Hubn. Exotisch. Samel.

A notre avis , Fabricius a bien fait de rapporter la figure de la Pha- lœna tiberina de Cramer au Sphinx pectinicornis de Linné; mais il aurait dire que cette figure représente une variété de l’es- pèce Linnéenne. Il en est de même des figures de Ilubner. On ne pourra avoir de certitude sur l’identité de l’espèce de Linné et des espèces de Cramer et Hubner, que lorsqu’on aura reçu un assez grand nombre d’individus, pris en Chine et dans d’autres parties des Indes , afin d’avoir tous les passages entre la variété blanche figurée par Hub- ner et le type noir de Linné.

Ce genre Gynaulocera, que nous avons fondé dans le Magasin de Zoologie , 1831, cl. ix, pl. 12, sur une belle espèce semblable à un P api Ho proprement dit , a les plus grandes affinités avec le genre Procris ; c’est près de lui qu’il faudra le placer dans une classifica- tion naturelle, avec les genres Chelura et Helerusia de M. Hope. (Trans. Linn. Soc. Lond. , vol. xvm, p. hkk, pl. 31, f. h et 5.)

Nota. Nous venions de terminer cette notice, quand nous avons vu, dans la collection de M. Marchai, amateur très-instruit qui nous communique les richesses de sa belle collection avec la plus grande obligeance , un individu provenant de la Chine et que l’on dirait être le type de la figure d’Edwards. Il est entièrement noir avec- quelques reflets verdâtres sur la base des ailes supérieures , sur leurs nervures , et vers l’angle anal des inférieures. Les premières ailes ont deux ban- des obliques et maculaires d’un blanc jaunâtre : l’une au milieu , par- tant de la côte un peu avant le milieu de sa longueur, et se terminant un peu avant le bord inférieur , près de l’angle interne ; et l’autre , parallèle à la première , située près du sommet. Les ailes inférieures ont le bord interne un peu blanchâtre à la base , et une tache de la même couleur au bord antérieur, près de la côte, un peu au delà du

DANS L’INDE.

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milieu. Cette tache atteint à peine le tiers de la largeur de l’aile. Les antennes sont noires; la tête a des reflets verts avec le vertex rouge; le prothorax ou le collier est entièrement rouge ; le corselet et l’ab- domen sont noirs , à reflets verts et bleuâtres. Le dessous des quatre ailes est semblable au dessus , mais d’un noir plus brunâtre , avec des reflets d’un vert bleu. Les inférieures ont en plus , près de l’extrémité , deux taches jaunâtres formant le commencement d’une bande margi- nale.

Nous donnons (pl. 1k, fig. k) une figure exacte de cet insecte, qui est plus intéressant à nos yeux qu’une espèce nouvelle.

HAZIS MALAIS.

Iiazis malayanus. Guérin.

(Pl. 23)vfig. 2.)

Alis utrinque cinereo-griseis, subcyaneis , maculis nigro-cyaneis. Posticis margine interiori macula bifida lutea. Enverg., 8 1/2 cent.

Cette espèce ressemble tout à fait au Bombyx palmyra de Stoll [Suppl, à Cramer, p. 159, pl. 36, f. 1), et nous étions tenté de ne pas l’en distinguer; mais la grande et double tache jaune que l’on ob- serve au bord interne de ses ailes inférieures n’étant ni mentionnée ni figurée par Holl, observateur exact qui n’aurait pas manqué de signa- ler ce caractère , nous avons cru devoir décrire ce papillon comme espèce distincte. Ses quatre ailes sont d’un gris-cendré un peu bleuâ- tre ; les supérieures ont la base de la côte jaunâtre et de grandes taches d’un noir bleu, sinueuses, de forme carrée , formant trois bandes macu- laires transverses arquées , très-anguleuses et irrégulières. Il y a , en outre , au milieu et près de la côte , une grande tache ovalaire. Les in- férieures ont au milieu une grande tache ronde , une autre plus petite, à côté de celle-ci et près du bord interne , et deux bandes maculaires parallèles au bord externe , dont l’extérieure assez régulière , l’interne fortement sinueuse et anguleuse ; leur bord interne est occupé , depuis le milieu de sa longueur jusque près de l’angle anal, par une grande tache d’un beau jaune -doré coupé en deux par l’extrémité de la bande noire interne. Les antennes sont d’un brun jaunâtre, bipecti- nées, allongées; la tête elle corps sont également d’un brun jaunâ- 2e part. 12

90

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

tre avec le dessous et l’extrémité de l’abdomen d’un jaune doré ; le dessous des ailes est semblable au dessus. Hab. la côte Malaye.

EUCHELIA GRACIEUSE.

Euchelia gratiosa. Guérin.

PI. 26 , fig. A .

Alis anticis luteis, rubro maculatis; fascia lata fusca lineis rubris in- terrupta. Alis posticis roseis, basi dilutioribus. Thorace rubro , maculis {lavis et nigro punctatis. Abdomine roseo. Env., 39 à 52 mill.

Gette jolie espèce a quelques affinités avec la Phaiœna syringa de Cramer ; ses ailes supérieures sont d’un jaune pâle et couvertes de grandes taches anguleuses rouges jusqu’au delà du milieu , ayant en- suite une large bande noirâtre, qui n’atteint pas le bord de l’aile, cou- pée par des lignes rouges qui s’élargissent en arrivant à la frange. Les taches de la base, occupant plus d’espace que le jaune, laissent entre elles un réseau de cette couleur formant des bandes longitudi- nales coupées par des bandes transverses, et l’on voit dans chaque point d’intersection du jaune, une petite tache noirâtre. Les ailes infé- rieures sont d’un rose pâle, plus clair vers la base. Le dessous des quatre ailes est d’un rose-pâle mêlé de nuances jaunâtre-fondu. On voit près de l’extrémité des supérieures quelques traits longitudinaux noirâtres. La tête , la base des antennes et le corselet sont rouges. Les antennes sont jaunâtres avec le bout un peu brun. Le corselet offre cinq taches jaune marqué au milieu d’un point noir. L’abdomen et les pattes sont rouges ; celles-ci ont quelques petites taches noires. Habite les monts Neelgheries. Trouvée en juin et juillet.

Tl. 26

Eu.ch.cl.i4i ÿFütioj-tv, 2. Callimorplia j/w/a/a,

Al‘C lia JUon /ti/m , ffaer. 4- ÏVubolia a ïdicàTiay, G, ter. />■ / CCCll a ( faj-rtnra , o'un-.

J? rein', del

Gérard cofor.

DANS L’INDE.

91

CALLIMORPHE ? DE MARCIIAL.

CaUimorpha ? Marchalii. Guérin.

(PI 26, fig. 2.)

Alis anticis yriseo - cinereis , fasciis undato - fuscis punctoque medio nigro; posticis flavis, apice macula minutissima fusca. Vertice, thorace abdomineque flavis et nigro punctatis. Alis superioribus infra pallido- fuscis, punctis duabus nigris; posticis flavis, puncto medio nigro. Abdo- mine lateribus nigro-punctalo. Enverg., 34 mill.

Cette jolie espèce, qui formera plus tard le type d’un nouveau genre, ne peut être placée provisoirement que dans le genre Calli- morphe ; car ses palpes assez allongés , à dernier article distinct , la rapprochent de la Catl. liera. Sa tête est d’un blanc grisâtre avec le vertex jaune marqué d’un point noir. Les antennes sont allongées, sétiformes , brunes et garnies de deux rangs de cils pâles et peu visi- bles. Les palpes sont relevés et débordent notablement le devant de la tête, avec le dernier article plus mince, à écailles couchées, et comme nu; les trois articles apparents sont presque égaux, blanchâtres, à bout noir. Les ailes supérieures sont d’un gris-cendré pâle; elles ont à la base deux ou trois bandes onduleuses brunes plus foncées à la côte , leur extrémité forme trois taches bien marquées : il y a en- suite un espace gris-pâle occupant le tiers de la longueur de l’aile , marqué au milieu , du côté de la côte , d’un assez gros point noir. Vient ensuite une bande très-anguleuse et brune, précédée en dedans d’une petite tache noire en croissant, qui se trouve vis-à-vis l’angle le plus sortant de la bande brune, le ferme en dedans et forme ainsi une petite tache ovalaire grise. Le bord externe de l’aile est brun, et l’on voit une bande de la même couleur entre ce bord et la bande précédente. Les ailes inférieures sont d’un jaune d’ocre uniforme avec une petite tache brune au sommet; Le corselet est jaune avec deux taches noires sur le prothorax et quelques autres en arrière. L’abdomen est d’un jaune d’ocre assez vif en dessus avec une ligne médiane de points noirs; le dessous est d’un jaune plus pâle marqué de taches noires de chaque côté. Les pattes sont brun taché de jaune-pâle. Le dessous des ailes supérieures est d’un brun cendré avec deux gros points noirs placés dans le sens de la longueur ; les inférieures sont jaunes avec un gros point noir au milieu et assez près de la côte.

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SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Habite les monts Neelgheries. Prise en juillet.

Nous l’avons dédiée à M. Marchai, qui nous a communiqué géné- reusement les espèces de sa collection.

ARCTIE MONTAGNARDE.

Arctia montana. Guérin.

(PI. 26, fig. 3.)

Alis anticis obscur o - f usais et nigro - subundatis . Posticis livido-flaves- centibus, maculis quatuor nigris. Antennis pectinatis. Capite thoraceque obscur o-fuscis. Abdomine supra rubro, in medio fusco lineato. Alis an- ticissubtus pallido-rubris, margine obscurioribus maculis duabus nigris. Posticis ut supra. Abdomine subtus fusco , punctis lateralibus nigris. Pedibus fuscis, femoribus supra rubris. Enverg., 41 mill.

Cette espèce a une physionomie tout à fait européenne , et se rap- proche beaucoup de l 'Arctia fuliginosa. Ses antennes sont forte- ment bipectinées, brunes. La tête et le corselet sont d’un brun noirâ- tre ; celui-ci est très-velu, plus obscur. Les ailes supérieures sont d’un brun noirâtre, un peu teinté de jaunâtre vers l’extrémité, avec quel- ques taches ondées, très-peu visibles et d’un brun plus obscur. Les inférieures sont d’un jaunâtre-sale livide , à frange brune avec une tache noire au milieu , vers la côte , et trois autres taches semblables placées près du bord externe , l’une , plus petite , près du sommet , et les deux autres rapprochées entre elles et du côté de l’angle anal. Le dessus de l’abdomen est d’un beau rouge avec une large bande lon- gitudinale brune au milieu. Le dessous des ailes supérieures est rou- geâtre avec les bords obscurs et deux taches noires , l’une au milieu et près de la côte , l’autre près de l’extrémité. Le dessous des infé- rieures est entièrement semblable au dessus. Le dessous du corps est d’un brun grisâtre, et l’on voit un rang de points noirs de chaque côté de l’abdomen. Les pattes sont velues , brunes , avec le dessus des cuisses rouge.

Habite les monts Neelgheries. Trouvée en juillet.

DANS L’INDE.

93

ARCTIE INDIENNE.

Arctia indica. Guérin.

Alis omnibus, capite thoraceque albo-subflavescentibus. Alis anticis punctis minutissirnis nigris , posticis maculis duabus , costali et anali , nigris. Anticis subtus macula media fasciaque subapicali , posticis maculis tribus, fuscis. Abdomine supra flavo, subtus albo, punctis late- ralibus nigris. Pedibus albo-fuscis, femoribus supra rufis. Enverg., 43 mill.

Cette Arctia , qui est une femelle à antennes filiformes , ressemble encore beaucoup à nos espèces d’Europe. Ses quatre ailes, sa tête, son corselet et le dessous de l’abdomen sont d’un blanc faiblement jau- nâtre et uniforme. Le dessous des ailes supérieures présente quelques petits points noirs peu visibles, et laisse voir par transparence la trace de la bande noirâtre du dessous. Les petits points noirs sont ainsi pla- cés : deux à la base, l’un à la côte, l’autre au bord inférieur; deux autres au milieu du bord inférieur, trois au milieu, au commencement de la trace de la bande du dessous ; un près de la côte , au milieu , et quatre ou cinq très-petits près du bord externe. Les ailes inférieures ont deux taches d’un noir brun, l’une un peu arquée, près de la côte, au milieu ; l’autre, peu limitée, près de l’angle anal. Le dessus de l’abdomen est d’un jaune d’ocre un peu orangé avec de faibles taches noirâtres au milieu. Le dessous des ailes supérieures présente au mi- lieu, près de la côte, une tache noirâtre arquée, et entre le milieu et le bord externe une bande noirâtre maculaire , parallèle à ce bord , n’atteignant ni la côte, ni le bord inférieur, et suivie en haut par une tache située près de la côte. Les inférieures ont les deux taches que nous avons signalées au dessus, plus une troisième placée près de la tache anale au-dessus et en dehors de celle-ci. Les côtés de l’abdomen présentent un double rang de points noirs. Les pattes sont brunes , à poils blancs, avec le dessus des cuisses rouge. Les antennes, les yeux et l’extrémité des palpes sont noirs.

Habite les monts Neelgheries. Prise en juin.

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

94

BOMBYX FLAVICOLLE.

Bombyx flavicollis. Guérin.

(PI. 27, fig. I.)

Alis anticis fusco-sub-ferrugineis , striga transversali lutea fusco-margi- nata , basi strigis undatis obsoletis maculisque submarginalibus brun- neis et cinereis prope apicem. Alis posticis pallido-luteis, striga transver- sali obsoleta maculis duabus fuscis. Capite thoraceque fusco-ferrugineis, collari flavo. Abdomine pedibusque flavis. [Mas.) Enverg., 52 mill.

Tête et corselet très-velus , d’un brun ferrugineux avec quelques poils gris en avant et une large bande de poils jaunes au bord anté- rieur du corselet. Antennes largement plumeuses, d’un brun ferrugi- neux. Ailes supérieures de la couleur du corselet avec deux lignes ondulées brunes et jaunâtres à la base , une autre ligne un peu dentée au delà du milieu, jaunâtre, bordée de brun des deux côtés ; puis une série de grosses taches brunes , plus marquées au sommet et près du milieu , suivie d’une faible ligne de lunules peu marquées de la même couleur. Il y a, en outre, près du sommet, trois taches d’un gris cendré. Ailes inférieures d’un jaune pâle, presque blanches au mi- lieu , avec une ligne brune transverse, continuant celle des ailes supérieures un peu au delà du milieu , et deux taches peu marquées et brunes entre cette ligne et la frange ; vers le milieu, franges des quatre ailes d’un brun pâle. Abdomen jaune-brunâtre. Pattes très-ve- lues, jaunes avec le devant des antérieures brun-ferrugineux. Dessous des quatre ailes d’un jaune pâle avec la côte, le sommet des supé- rieures et de faibles traces des lignes et taches du dessous d’un brun plus pâle.

Habite les Neelgheries.

ru 37.

('■ ZW/rc t/c/.

Gérard co/or.

DANS L’INDE.

95

BOMBVX A COLLIER.

Bombyx collaris. Guérin.

(Pi. 27, fig. a.)

A lis anticis fusco griseoque variegatis, dilute flavescentibus ; striga trans- versali ferruginea, fusco marginata , basi strigis obsoletissimis lunulis- que submarginalibus , linea dentata formantibus , fuscis. Alis posticis flavo-fuscis, margine interiori subferrugineis, striga transversali fusca. Capite thoraceque ferrugineo- fuscis, collari pallido-flavo. Abdomine flavo-sub fusco. Pedibus fusco- ferrugineis. [Mas.) Enverg., 6 cent-

Tête et corselet très-velus, d’un brun ferrugineux assez vif avec une bande en avant du prothorax d’un blanc jaunâtre. Antennes de la couleur de la tête , très-plumeuses. Ailes supérieures d’un brun-fer- rugineux mêlé de gris-cendré légèrement lavé de jaune au milieu et au bord externe avec de très-faibles lignes onduleuses transverses à la base; une ligne droite d’un jaune -ferrugineux bordé de brun des deux côtés , au delà du milieu , et une ligne dentelée , brune , for- mée par des lunules réunies et placée entre la première ligne et le bord , cette ligne dentée précédée d’atomes gris-cendré plus visibles et suivie d’un large bord jaunâtre. Ailes inférieures d’un jaune brunâ- tre , plus pâle vers la côte , un peu ferrugineux à la base et au bord interne, avec une bande brune suivie de jaunâtre plus pâle et se con- tinuant avec celle des ailes supérieures. Frange des quatre ailes brune ; abdomen jaune -sale brunâtre; pattes d’un brun -ferrugineux avec quelques poils jaunes au devant des cuisses antérieures ; dessous des quatre ailes d’un jaune-sale brunâtre, plus pâle au milieu, avec de faibles traces des lignes du dessus.

Habite les Neelgheries.

Cette espèce est très-voisine de la précédente ; nous l’en croyons cependant très-distincte.

96

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

BOMBYX ü’âDOLPHE.

Bombyx Adolphei. Guérin.

(PL 27, flg. 3.)

Corpore alisque fusco-f errugineis , costa apiceque anticis obscur ioribus , posticis pallidioribus. ( Fem .) Enverg., 6 4/2 cent.

Ce Bombyx pourrait bien n’être que la femelle de l’une des espè- ces précédentes ; mais comme aucune observation directe ne nous le prouve , nous sommes obligé de le décrire séparément en attendant qu’il soit mieux étudié.

Ses quatre ailes sont d’un brun-ferrugineux assez pâle , peu opa- que ; mais les supérieures sont un peu plus foncées , surtout vers la côte et le sommet. Celles-ci ont quelques faibles traces de lignes trans- versales brunâtres et plus pâles ; mais elles sont à peine visibles , et nous les avons un peu exagérées dans le dessin. Le dessous des qua- tre ailes est d’un brun-ferrugineux -jaunâtre pâle avec la frange plus obscure de part et d’autre , l’abdomen est de la couleur des ailes infé- rieures avec les côtés un peu plus obscurs ; les pattes sont de la cou- leur de l’abdomen. Enverg. , 6 cent. 1/2. Hab. les Neelgheries.

ZÉRÈNE FASCIÉE.

Zerena fasciaria. Guérin.

(PL 26, fig. 5.)

A lis utrinque albo-sericeis ; anticis maculis costalibus, fascia apicali margine exteriori punctisque fuscis. Posticis punctis et fascia transver- sali fuscis. Subtus ut supra, sed costa anteriori flavida. Corpore flavo- fusco-maculato. Enverg., 53 mill.

Les antennes sont filiformes et noirâtres. Le devant de la tête et les yeux sont noirs avec le vertex jaune. Le corselet et l’abdomen sont jaune ponctué de noirâtre avec les segments abdominaux bordés de cette couleur en dessus. Les ailes sont d’un beau blanc-soyeux et un peu transparentes. Les supérieures ont la côte plus opaque , mar- quée de quatre grandes taches et de quelques points d’un gris noirâ- tre. Il y a une large bande oblique de la même couleur près de l’ex- trémité, précédée et suivie de points noirs. Le bord externe est

DANS L’INDE.

97

également noirâtre et ponctué , et l’on voit quelques petits points près du bord interne ou inférieur. Les ailes inférieures ont une bande transversale irrégulière de taches et de points noirâtres partant du bord interne au-dessous de l’angle anal , et se dirigeant vers l’angle apical. On voit près du bord interne, et au milieu du bord postérieur, d’autres taches et points de la même couleur. Le dessous est en tout semblable au dessus; mais les taches sont un peu plus fortes, et le bord antérieur des ailes supérieures est légèrement lavé de jaunâtre. Les pattes sont brunes, et le dessous de l’abdomen jaune largement taché de noirâtre.

Habite les monts Neelgheries. Trouvée en mai.

EUBOLIE INDIENNE.

Eubolia indicaria. Guérin.

(PL 2.6, fig. 4.)

A l is anlicis flavis , albo nigroque fasciatis; posticis griseis, margine luteo, punctis nigro, fasciis punctisque obsoleto-fuscis. Corpore lutescente, Antennis fusco-pectinatis . Enverg., 13 miîl.

Cette jolie petite espèce a quelques rapports avec YEubolia mia- ria de notre pays. Les antennes sont presque aussi longues que le corps , fortement bipectinées ou presque plumeuses , brunes. Les pal- pes sont jaunâtres , très -saillants au delà du chaperon et très-velus. Tout le corps est d’un jaune un peu obscur , un peu plus pâle en des- sous. Les ailes supérieures sont d’un beau jaune-doré un peu soyeux ; elles ont chacune deux larges bandes obliques , dentées sur les bords , d’un jaune plus brun limité par des taches noires formant les dents et bordées d’un fin liséré blanc de chaque côté. Entre la seconde bande et le bord externe il y a une ligne de taches noir bordé de blanc en dedans et la frange est jaune coupé de petites taches noires. Les ailes inférieures sont d’un gris pâle et luisant avec la frange jaune coupé par des points noirs. Elles sont couvertes de petits atomes bruns et offrent deux faibles bandes peu marquées et de cette couleur. Le dessous des supérieures est semblable au dessus avec le milieu lavé de grisâtre et les bandes plus brunes. Le dessous des inférieures est jaunâtre couvert, surtout vers l’extrémité , d’un grand nombre de pe- 2“ part. Î3

98

SOUVENIRS D’UN VOYAGE DANS L’INDE.

tites stries noirâtres avec une bande plus marquée formée par ces stries plus rapprochées, et précédée d’un petit point noirâtre. Les pattes sont jaune piqueté de brun.

Habite les monts Neelgheries. Prise en mai.

OBSERVATIONS

MÉTÉOROLOGIQUES.

ORSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES

SUIS LES NEE LG H Elu ES (1838).

Les Neelgheries forment une portion de la chaîne de montagnes qui s’étend le long de la presqu’île des Indes, du côté du golfe d’Arabie ; elles constituent un plateau compris entre les 11' et 12e degrés de la- titude nord et les 76e et 77e degrés de longitude orientale (méridien de Greenwich), c’est-à-dire 73°, AO' et 7A° AO' est du méridien de Paris.

Les deux principaux points occupés par les Anglais dans cette par- tie de l’Indoustan sont Ootacamund et Kotagherry, distants l’un de l’autre de onze milles.

Ootacamund est élevé de 2255 mètres au-dessus du niveau de la mer; Kotagherry l’est seulement de 1983m, 5, c’est-à-dire 271m, 5 au-dessous de la première ville. Le lieu le plus élevé des Neelgheries est Dodabet, dont la hauteur égale 8760 pieds anglais ou 2670 mètres.

Pendant un séjour de six mois à Kotagherry, j’ai recherché avec soin la température moyenne de ce lieu ; et je suis arrivé aux résultats suivants : les températures étant indiquées en degrés centigrades , ainsi que dans tout ce qui va suivre.

TEMPÉRATURES OBSERVÉES A KOTAGHERRY.

7fc. a.m. iOh-a.m. 2h. p ni. 5h. p.n>.

Avril. ... 14°, 6 15°, 7 18°, 3 '17°, »

Mai. ... 13,5; 15,5 18 , 5 16,5

Juin. ... 13 , » 15,7 16,5 15 , «

Juillet. . . 13,2 14,8 16,6 15,4

Août. ... 12 , 8 15 , » 16,5 15,5

Septembre. 13,4 15,5 17 , » 15,5

17°, » 16 , 5 15, «

Moyennes. 13°, 4 15°, 2 17°, 2 15,8

Moyenne de six mois ; 15°, 4.

102

SOUVENIRS D’UN VOYAGE

Dans l’ouvrage qu’a écrit M. Baikie sur les Neelgheries, et imprimé à Calcutta, on trouve que, pendant les mêmes mois, en 1833, la moyenne a été de 17°, 5. Sous l’équateur, M. de Humboldt a trouvé qu’à 2000 mètres de hauteur la moyenne était de 18° 4.

A Ootacamund, je n’ai pu faire d’observations que pendant le mois d’octobre 1838; et j’ai obtenu les nombres suivants :

11", a. ni. 10h. a. ni. 2I>. |>. m.' 5h.p.m.

Octobre 1838: | 13°,» | 15°, 5 | 16°, 8 | 1o°, 5

Moyenne du mois : 15u, 1 .

Pendant les mois d’avril, mai, juin, juillet, août et septembre, la moyenne des trois années 1831, 1832 et 1833 est, d’après M. Baikie, à Ootacamund, de 15°, 3; tandis qu’à Kotagherry, dans les mêmes mois, elle serait de 17°, 5, d’après les observations ci-dessus. La moyenne de toute l’année à Ootacamund est de 1 A; à Kotag- herry elle est de 16, 1. La différence de température moyenne pour toute l’année est donc de 1°, 7; différence qu’il faut attribuer à la dif- férence des hauteurs de ces deux lieux. Or Kotagherry est au-dessous d’Ootacamund de 271 mètres , ce qui fait une élévation de 159 mè- tres pour un abaissement de 1°.

A Pondichéri , dont la latitude est sensiblement la même qu’à Oot- acamund et Kotagherry, mais qui est au niveau de la mer, la moyenne est de 29°, 6; cette température étant de 14°, 3 au-dessous de celle d’Ootacamund, (pii est élevée de 2255 mètres , il en résulterait un abaissement de pour une élévation de 157 mètres. On sait que dans son voyage aérostatique M. Gay-Lussac a trouvé 174 mètres d’élévation pour d’abaissement. Dans les Alpes on trouve 140 à 150 mètres d’élévation pour chaque degré dont le thermomètre s’a- baisse.

J’ai déjà dit ci-dessus qu’à Ootacamund, pendant avril, mai , juin, juillet, août et septembre, la moyenne est de 15° 3. D’après M. Bai- kie , pendant les six autres mois la moyenne est de 1 3°, 3. En avril et mai , qui sont les mois les plus chauds de l’année , la température varie de 15°, 5 à 19°; et en décembre, janvier et février, saison la moins chaude, le thermomètre se maintient entre 11° et 13, 5 : d’où l’on voit que sur le beau plateau des Neelgheries la plus grande va- riation de température n’excède pas 8°. Aussi ce lieu est-il un des plus

DANS L’INDE.

103

sains et des plus délicieux que l’Européen puisse habiter , surtout dans le voisinage des pays brûlants situés au pied de ces montagnes. Tous les fruits et toutes les productions de l’Europe contribuent encore à embellir ce séjour aux yeux des voyageurs qui viennent aux Indes.

...

ii

I

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE.

Pages

De Paris à File de France et à l’Sle Bourbon I

De l’ile Bourbon à Pondichéri 24

De Pondichéri à Pulo-Pinang, Malacca, Singapoore, Batavia 52

De Batavia à Pondichéri. Voyage à Madras. Excursion à Pamendy et à Gyngy. 83

De Pondichéri à l'ile Bourbon 95

De Bourbon à Calcutta 100

Voyage aux Neelgheries 106

Voyage à, la côte du Malabar, et retour en France par l’Égypte 132

SECONDE PARTIE.

Introduction,

ANIMAUX VERTÉBRÉS.

MAMMIFÈRES.

Bibos frontalis

Canis primævus

Sciurus Delessertii

Rafflesii

aureiventer. . .

OISEAUX.

Chloropsis curvirostris

Muscicapa strigula

Cypselus nudipes

Francolinus Hardwickii. . . .

Turdus nigropileus

Pimalia subrufa

Crateropus Lafresnayi

griseiceps

Muscicapa rufula

Pica bottanensis

Orthotomus flaviventris. . . . 2e PART.

Pages.

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1 U

106

TABLf! DES MATIÈRES.

ANIMAUX ARTICULÉS.

COLÉOPTÈRES.

Cicindela auro-fasciata

Helluo tripustulatus

Orthogonius lateralis

Chlænius bilunatus

Lafertei

Orectocheilus semivestitus

Campsosternus Latreiilii

Delessertii

Parastasia obscura

Barymorpha ( genre)

bimaculata

Popilia splendida

Goliathus Delessertii

Centrognatus subrugosus

Gnathocera olivacea

Macronata picta

Cetonia malayana

Goryi

rufo-vittata

Lucanus bicolor

Passalus Neelgheriensis

Mecocerus gibbosus

Episomus montanus

Barydius Neelgheriensis

Myllocerus Fabricii

subfasciatus

Dorystenes montanus

Euchroa ( genre) .

dimidiata

Pelargoderus tessellatus

Saperda quadrinotata

multiguttata

Centrura (genre)

costata

Crioceris cruciatus

Chlamys indica

Chrysomela rajah

Coccinella Delessertii

ORTHOPTÈRES.

Chæradodis truncata.

HÉMIPTÈRES.

Fulgora Delessertii

subocellata

LÉPIDOPTÈRES.

Papilio Delessertii

Neptunus

Saturnus

Brama

Danais Chloe

Pages.

PI.

Fiff.

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TABLE DES MATIÈRES. \

Arginnis Emalea. . . . Vanessia Eudoxia. . . Satyrus Neelgheriensis. Adolphei. . .

Chenu. . . .

Polyommatus Nyscus. . Hesperia Benjaminii.

Sphinx vibili

Macroglossum hylas. . . Gynautocera marginata.

macularia.

phalænaria.

distinota. .

admis . . . Hazis Malayanus. . . Euchelia gratiosa. . . Callimorpha Marchalii. . Arctia montana. . . .

indica

Bombyx flavicollis. . .

collaris. . . . Adolphei. . . .

Zerena fasciaria. . . . Eubolia indacaria. . . .

l'aees.

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