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Sur les rapports du Discopoma comata Berlese, avec le Lasius mixtus Nylander ;

Par M. Charles JANET.

« Les rapports des Acariens myrmécophiles avec les Fourmis n’ont pu être élucidés, jusqu’ici, que d’une façon fort incomplète. C’est Michael (*) qui a fait, à ce sujet, les observations les plus suivies. Ses expériences ont porté sur des Lœlaps et des Uropodinœ.

» On avait supposé, avant lui, que les Lœlaps se nourrissaient de ma- tières végétales en décomposition. Il a démontré que le Lœlaps cuneifer, ainsi que d’autres espèces, recueillies par lui, près d’Innsbruck, dans des nids de Camponotus herculeanus , tirent leur nourriture des cadavres des Insectes fraîchement morts et en particulier des cadavres des Fourmis. Quant aux Uropodinœ , Michael n’est pas parvenu à déterminer quels peuvent être leurs rapports avec les Fourmis.

)> Je puis combler, en partie, cette lacune par les observations que je viens de faire sur le Discopoma comata , Uropode qui a été découvert par Berlese, à Portici, dans le nid d’une Fourmi indéterminée, et que j’ai re- trouvé dans un nid de Lasius mixtus dans le jardin de la Villa des Roses, près Beauvais. M. Trouessart à qui je dois la détermination de cette espèce a pu la confirmer en comparant mes échantillons avec une préparation envoyée d’Italie par M. Berlese.

» Ces Uropodes se trouvaient, dans la fourmilière de Lasius mixtus , en très petit nombre dans les galeries et en grand nombre sur les larves des mâles et des reines et, surtout, sur l’abdomen des ouvrières adultes.

f1 ) Michael, On the Association of Gamasids with Ants (Proc. Zool. Soc. Lond p. 638; 1891).

» Lorsqu’un Discopoma est posé sur le sol d’une galerie du nid, il y circule les pattes antenniformes dirigées en avant. Il se soulève sur ses pattes postérieures lorsqu’une Fourmi passe dans le voisinage et, s’il peut l’atteindre, il grimpe sur elle. Celle-ci cherche à se débarrasser du parasite, mais ses efforts sont vains parce que l’Acarien applique si bien les bords de sa carapace sur le corps de son hôte que les pattes de ce dernier glissent sans trouver aucune prise.

» Les Fourmis se résignent et tolèrent ces parasites dès qu’ils se sont installés dans une de leurs positions normales, positions indiquées par la fiig. A. Lorsqu’il n’y a qu’un ou deux de ces parasites, ils se mettent sur les côtés de l’abdomen. Quelquefois une Fourmi porte six Discopoma : trois sont placés comme ceux représentés par la fig. A, et les trois autres occupent des positions semblables sur l’anneau suivant.

toujours aux mêmes points.

C, coupe transversale des téguments ; ma, membrane articulaire.

M, muscle ; ca , cellules adipeuses ; ci, cellules intercalaires.

D, rostre du Discopoma ; li, lingula ; ch, chélicères ; pa, palpes ; ga , galéas aigus.

» Les Lasius n’attaquent pas les Discopoma qui sont posés sur l’abdomen de leurs compagnes, mais parfois se jettent avec fureur sur ceux que je dépose sur le sol du nid d’observation. J’en ai vu qui, ainsi saisis, menacés du pinceau anal mouillé de venin et mordillés pendant plus d’une minute, sont cependant restés indemnes. La durée de ce mauvais traitement est d’ailleurs, presque toujours, abrégée par une cii-

constance particulière. La carapace du Discopoma se prolonge, sur tout le pourtour du corps si mince de l’animal, en une lame lisse, à la fois résistante et flexible. Cette lame plie et fait si bien ressort, sous l’action des mandibules qui la compriment, que, si ces dernières viennent à glisser, l’Acarien est projeté à 3cm ou 4cm de distance. Pen- dant quelques instants, la Fourmi cherche encore à mordiller la victime qui vient de disparaître ainsi, comme par enchantement.

» Quelquefois, cependant, la Fourmi arrive à tuer 1 e Dispocoma et à le déchiqueter en cinq ou six morceaux.

» Mes premières expériences m’ayant démontré que les Acariens ne se nourrissaient ni sur les larves vivantes, ni sur les cadavres des Fourmis, j’ai été amené à supposer qu’ils trouvaient leur nourriture sur le corps des Fourmis vivantes.

» Cette hypothèse a été bientôt confirmée, dans un élevage comprenant une ving- taine de Lasius et une quarantaine de Discopoma , par l’apparition, sur l’abdomen de toutes les Fourmis, sans une seule exception, de petites taches noires ( fig . A et B), situées exactement à l’endroit se trouvent les pièces buccales des Discopoma occu- pant leurs positions normales, c’est-à-dire sur le côté de l’abdomen, à la limite des premier et deuxième arceaux dorsaux de l’abdomen (Se 6 et Se 7). En outre de ces taches, quelques individus en présentent d’autres, similaires, à la limite des arceaux Se 7 et Se 8.

» Sur une coupe transversale du tégument ( fig . C), on constate que ces taches se trouvent sur la membrane articulaire des anneaux et que, par conséquent, sur l’animal vivant, elles sont vues par transparence à travers l’écaille chitineuse. Ces taches noires sont formées par une matière, d’un brun foncé, déposée sur la surface interne de la membrane articulaire. Dans la préparation représentée par la fig. C, prépara- tion faite sur un individu fixé par immersion brusque dans l’eau chaude, le sang forme un coagulum qui, au droit des plaies, sous les muscles moteurs des anneaux, est plus épais, plus colorable par l’hématoxyline, que dans toutes les autres régions du corps. Quant à la fine cuticule chitineuse de la membrane articulaire, elle apparaît comme légèrement déchiquetée et, dans certaines préparations, comme criblée de petits points noirs correspondant aux points elle a été blessée par les pièces buccales.

» Lorsqu’on observe au microscope des Discopoma vivants, on voit fréquemment leurs chélicères en mouvement. L’animal protracte l’un de ces appendices pendant qu’il rétracte l’autre, et l’amplitude de ce mouvement est assez considérable. Les ché- licères, dont le doigt mobile est par un muscle adducteur extrêmement puissant, sont les organes qui, par pincement, servent à produire de petites ouvertures dans la membrane articulaire de l’hôte.

» En outre de ce mode d’action, les chélicères peuvent, peut-être, tirer le tégu- ment vers la bouche de l’animal et y faire ainsi pénétrer les deux pointes fortement chitinisées dont les extrémités se présentent auprès des chélicères rétractées.

)) Il résulte de ces observations que ce n’est pas simplement pour se faire transporter, comme cela est certainement le cas pour beaucoup d’Acariens posés sur les Insectes, que les Discopoma s’attachent aux Four- mis, mais que ce sont de véritables parasites externes qui se nourrissent du sang de leurs hôtes. »

(ii janvier 1897.)

GAU'llllER-VILLARS ET FILS, IMPRIMEURS- LIERAI RES DES COMF1 ES RENDES DES SÉANCES DE l’aCADÉMIE DES SCIENCES,

2^289 Paris Quai des Grands-Augustins, 55,

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