££ ^ SUR LE TURF L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de reproduction et de traduction en Fiance et dans Ions les pays étrangers, y compris la Suède et la Norvège. Cet ouvrage a été déposé au ministère de l'Intérieur (section de la lilirsuiiïe) en novembre 1898. PARIS. ÏVPOGRAl'HIK DE E. N.ON, NOURRIT ET C'% 8, RUE GARANCIERE. OÔ13. SIR LE TURF TEXT E E T I) E S S 1 1\ S CRAFTY COURSES PLATES ET STEEPLE-CHASES PARIS LIBRAIRIE PLON Ë. PLON, NOURRIT et C", IMPRIMEURS-ÉDITEURS RUE GARANCIKltE, 10 1899 Tous droits réserves AU BARON FINOT, Monsieur, Comme le bon père de famille qui attend un nouvel enfant, je me suis demande, au moment de publier ce nouveau volume, quel était le parrain qui pourrait exercer sur son avenir la plus bienfaisante influence. Votre nom, qui est certainement le plus populaire sur le Turf, m'est venu le premier à V esprit. Vous avez bien voulu me permettre de l'inscrire en tête de ce volume : c'est une faveur que j'apprécie à toute sa valeur, et dont je vous suis très cordialement reconnaissant. CRAFTV. Paris, novembre 18lJS. SLR LE TLRF Pendunt l.i 1 ii I te finale. AU LECTEUR Sur le lurf, comme autrefois sur le pout d'Avignon, « tout le monde y passe, y passe. » Tout Paris et le Monde entier! et rien ne parait s'op- poser à ce qu'on y danse en rond (l'espace est généralement suffisant) ; mais les résultats les plus habituels du pari mutuel ne sont pas assez régu- lièrement favorables pour provoquer chez la majorité des spectateurs de semblables manifestations d'allégresse. Si tout le monde passe à un moment donné sur le Turf, peu y retournent, et un moins grand nombre encore y séjournent. C'est un monde spécial composé de la façon la plus hétéroclite, mi-partie ultra sclcct, grands propriétaires, oisifs opulents, véritables et demi mon- daines supcrlalivement élégantes, et mi-parlie des déclassés de toutes espèces qui, sortis de leurs milieux naturels pour des motifs variés, se maintiennent miraculeusement dans le courant de la vie parisienne, grâce à une série de procédés aussi peu scrupuleux qu'aléatoires, parmi lesquels la poursuite acharnée et parfois la rencontre du Tuyau constitue une ressource très peu probable, mais possible, et à coup sur très escomptée. L'Encyclopédie la plus volumineuse serait insuffisante à enregistrer la foule qui encombre les hippodromes, et les monographies qu'on consacre- mit à chaque catégorie d'habitués équivaudraient à la nomenclature de toutes les professions exercées dans la capitale. La revue des spécialistes, profes- sionnels ou amateurs, peut être passée dans un cadre moins étendu, c'est la lâche que nous avons acceptée, et que nous allons nous efforcer d'accomplir le plus exactement et le plus complètement possible. Décembre 1898. SUR LE TURF LES COURSES Considérations générales. — Les acteurs. — Leur recrutement. — Elevage et ventes publiques. — Propriétaires éleveurs et propriétaires acheteurs. — Les mécomptes de l'éleveur. — Ah! c'est uu métier difficile. — Etablissements de vente. — Saiut-James. — Le Tattersall. — Dres- sage. — Entrainement — De l'importance des engagements. L'ensemble d'un spectacle se compose de deux éléments : la troupe qui l'exécute et le public qui y assiste. Comme corrolaire de cet axiome, ou peut ajouter que la valeur de cha- cune de ses parties est proportionnelle l'une à l'autre, et que le public est d'autant plus nombreux que la troupe est plus talentueuse; en un mot l'acteur a le public qu'il mérite : la foule, s'il est éminent, — voyez Coque- lin!!! — le désert, s'il est nul! — Ne nommons personne. Ces vérités admises, le rôle des sociétés de courses est tout indiqué : fournir des allocations suffisantes pour attirer les compétiteurs les plus nom- breux et les plus estimés; et c'est ce qu'elles font toutes, poussées par la plus louable émulation. Les considérables allocations fournies, il s'agit de trouver les chevaux dignes de les disputer : c'est la tâche des propriétaires d'écuries, et chacun 1 2 SUR LE TURF. d'eus s'efforce de mettre en ligne les concurrents qu'il croit capables, à tort ou à raison, déjouer les premiers rôles. Tous poursuivent le même but : fournir le vainqueur des épreuves capi- tales ; mais, tandis que les uns cherchent à produire eux-mêmes les chevaux incomparables appelés à triompher dans les solennités du turf et accumulent les sacrifices pour améliorer leur élevage, d'autres, mieux avisés, si l'on en juge d'après les résultats obtenus pendant ces dernières années, se contentent d'acheter tout faits les animaux qui leur semblent les plus séduisants, ou qui, d'après leur origine, paraissent devoir réunir les qualités de vitesse ou de tenue nécessaires pour tenir la tète de leur génération. Les propriétaires qui ont adopté ce mode de recrutement ont deux façons de renouveler leur effectif. Les réclamations sur les champs de courses et les achats en vente publique, à Saint-James (Chéri-Halbronn), à Neuilly (Tattersall) à des dates variables, et à Deauville, après la semaine des courses. L'éleveur a certainement droit à une plus haute considération, au point de vue spécial des services rendus à la race chevaline, que le propriétaire qui se SUR LE TURF. 3 borne à acheter l'animal tout produit et cherche à confisquer à son profit les bénéfices que sa bonne conformation peut faire espérer ; le premier corres- pond, dans la hiérarchie commerciale, par exemple, au grand industriel qui construit des usines, crée un outillage onéreux, fait toutes les avances de fonds nécessaires pour fabriquer dans les conditions les plus favorables; le second peut être assimilé au commerçant de délail qui ne risque rien au delà de la valeur des marchandises qu'il se propose de revendre, simple intermé- diaire entre le producteur et le consommateur. Malheureusement, quand l'objet fabriqué est un cheval pouvant, à la suite d'un certain nombre d'expériences publiques qui démontrent sa supériorité, prendre une valeur absolument impossible à prévoir non seulement au moment de sa naissance, mais encore pendant les premières phases de sa formation, il arrive souvent que ce n'est pas à son producteur que profite cette bienfaisante plus-value. Quand l'éleveur ne fait pas courir, la déconvenue d'une pareille mésa- venture n'existe pas pour lui; l'excellence de ce cheval exceptionnel aug- mente la valeur de ses autres produits, et il rentre dans la catégorie de tout 4 SUR LE TLRF. producteur dont la fabrication a reçu une récompense exceptionnelle, médaille d'honneur ou décoration. Cela lui permet d'augmenter ses prix. Si, au contraire, il est à la fois éleveur et turfiste, et que ce soit pour réduire son effectif qu'il a veudu le cheval hors ligne, quelle suite de désillusions et de regrets il s'est préparée en éliminant le meilleur spécimen de sa production ! A quel degré d'exaspération doit arriver un malheureux propriétaire con- stamment battu par son propre cheval, perpétuellement classé second der- rière lui-même, et réduit à se contenter de la prime réservée à l'éleveur, alors qu'il n'aurait eu qu'à ne pas réformer son cheval pour toucher le montant du prix avec tous les accessoires y afférant! Le comble de In guigne. — Etre régulièrement battu par le cheval qu'on a éleié et volontairement reformé. Pour les chercheurs de combles, c'en est un tout trouvé : avoir élevé et vendu à un concurrent le cheval qui bat régulièrement dans toutes les épreuves importantes le cheval que vous lui avez préféré et que vous avez conservé en vertu d'une série de considérations plus judicieuses les unes que les autres sur la construction, les points de force, la profondeur de la poitrine, la largeur des articulations, la puissance des leviers, etc., etc. Sic vos, non vobis, a dit le poète, c'est vous qui l'avez fait, mais c'est sous votre nez que passe la récompense. C'est une des déceptions les plus douloureuses du métier d'éleveur, dans lequel elles sont cependant exceptionnellement nombreuses, poulinières SUR LE TURF. 5 vides, poulains mort-nés, épidémies, morts multipliées, accidents à l'her- bage, etc., etc., toutes mésaventures qui ne diminuent aucun dos frais géné- raux, qui seuls continuent à courir avec une persévérante vitesse. Je sais bien que ceux dont le haras confine à leur habitation ont le plaisir de voir galoper sous leurs fenêtres leurs yearlings, et que rien ne donne à une prairie une plus joyeuse animation que les ébats d'un nombreux lot de poulains et de pouliches; spectacle agréable, j'en conviens, mais combien plus coûteux que la loge la plus convoitée à la plus exceptionnelle des repré- sentations théâtrales! Achat de poulinières, prix des saillies, entretien des boxes, appointe- ments du personnel, frais de voyages pour l'envoi des juments à l'étalon, nourriture, soins vétéri- naires, etc., etc. Le grand avantage d'une pareille entreprise est qu'elle absorbe tout le temps que son fortuné propriétaire pourrait consacrer à la dilapidation de ses capitaux par des moyens plus rapides : séjours prolongés à Monaco, par exemple, ou assiduités régulières auprès de nos plus réussies demi-mondaines. Quelques-uns mènent de front ces diverses occupations, obéissant à ce lem- cheval!... vous le vendre SUR LE TURF. pérament spécial de viveurs irrémédiablement destinés à devenir de préma- turés décavés. II ne faudrait pas croire que, même affranchi des charges d'un élevage personnel, le métier de propriétaire soit un passe-temps économique à la portée de toutes les bourses. Pour être pratiqué, je ne dirai pas utilement mais seulement impunément, il demande une somme de qualités dont la réunion ne se ren- contre pas fréquemment : une grande présence d'esprit, beaucoup d'activité, énormément de sang-froid, et assez de bon sens pour résister à la tendance que nous avons tous d'attribuer au cheval que nous possédons, fùl-ce la plus médiocre des haridelles, toutes les qualités connues. — Pour se décaler plus rapidement qu courses, il n'y a que Ja roulette : et ce [ pas toujours elle qui va le plus vite Les résultats obtenus par une écurie de courses à la un d'une année tiennent souvent moins à la qualité de ses chevaux qu'à l'estimation que le propriétaire a su faire de sa cavalerie. Tout l'art des engagements est là, et tel qui s'est obstiné à faire inutilement courir à ses produits les grandes épreuves, aurait utilement employé les mêmes chevaux s'il avait consenti à les engager dans une société moins relevée. L'animal vraiment supérieur est une excep- tion, par conséquent une rareté sur laquelle il ne faut jamais compter. Le talent est de savoir utiliser les sujets moyens, et, pour eu tirer parti, il est indis- pensable de ne pas garder d'illusions sur leur véritable valeur, et savoir se résigner à les laisser gagner leur prix à réclamer, quand ou les voit incapables de figurer à l'arrivée des grandes épreuves. Te! brille au second rang qui s'éclipse au premier. C'est la réflexion d'un sage, et plus d'un propriétaire aurait trouvé sou SUR LE TURF. " compte à la faire graver sur le boxe de son élève favori, dout la carrière de crack manqué aurait pu, avec une moindre ambition, être utile à l'écurie et payer largement sa part d'avoine... 11 serait difficile de décider lequel des établissements de Saint-James ou de la route de la Révolte est le plus pittoresquement installé et le mieux appro- prié à sa destination. Pour être impartial, il faut constater que tous deux sont également bien aménagés pour l'installation et la présentation des chevaux. Le second est plus rapproché du centre, mais le chemin qui conduit au premier est plus agréable, et plus familier aux habitués des grandes ventes. Il y a donc compensation. 4S*w w^m^i^^ Je crois, sans en être autrement sûr, que la succursale de l'établissement Chéri a élé construite sur l'emplacement où l'étalon de feu.Moreau-Chaslon, » le Petit Caporal » , se livrait à ses saillies habituelles. Spécialement en vue du but qu'il remplit, il est très bien conçu. Les boxes, suffisamment nombreux, sont vastes, clairs, bien aérés. On peut y examiner utilement les animaux. Les dégagements sont larges, et les voies par lesquelles les chevaux sont amenés à la tente où les enchères ont lieu sont suffisamment ouvertes 8 SUR LE TURF. pour éviter l'encombrement et les accidents que les excès de gaieté des pou- laius pourraient amener dans un espace plus restreint. C'est à la fois confortable et élégant. Le Taltersall a trouvé toute faite son annexe de la route de la Révolte, con- struite pour les écuries de lord Seymour. Piste en cercle abritée par des arbres déjà anciens, vastes pelouses, boxes nombreux, pavillon central pour le service administratif et le logement du directeur. Tout y est, et il a suffi de dresser un hangar destiné à abriter les acheteurs les jours de vente pour que l'installation fût complète... Le spectacle, quand quelque animal de valeur incontestée figure au pro- gramme, mérite qu'on s'y arrête et qu'on examine avec soin la composition de la chambrée. Tout le monde sportif est là. Les journalistes spéciaux, la majorité des entraîneurs, tout un lot d'hommes d'écurie, jockeys, lads et garçons de voyage, puis tous les propriétaires ou L'ETABLISSEMENT DE SAIMT-JAMES. VENTE DE PUR SANG SUR LE TURF. Il leurs représentants chargés de pousser, en leur lieu et place, jusqu'à concur- rence d'une somme déterminée à l'avance, à seule fin d'éviter l'emballement de la lutte, le cheval qu'ils ambitionnent d'ajouter à leur effectif. Tous se sont installés sur les gradins, s'oppliquaut à se dissimuler dans des groupes insignifiants, composés de simples curieux, afin d'éviter le con- tact des spécialistes, dont les observations ou les conseils pourraient les influencer. Les enchères commencent. Le premier cheval présenté est généralement un personnage de peu d'im- portance, concurrent malheureux jusqu'alors, ou bon cheval éloigné du turf par un accident quelconque, plus ou moins bien raccommodé. Le marteau réclame le silence : on fixe un prix. « A mille francs, il y a marchand » . — Personne ne dit mot. Le public a besoin d'être encouragé. « Voyons, messieurs! » Et une voix à la tribune donne à nouveau lecture du catalogue, appuyant sur l'origine, s'il s'agit d'un cheval inconnu, insistant sur le montant des sommes gagnées, s'il est question d'un revenant. Un amateur se déclare. 12 LE Tl'RF. « Mille vingt francs, cinquante, soixante, quatre-vingts, onze cents. » Les enchères montent, poussées plus ou moius activement, pendant qu'on se montre les capitalistes soupçonnés de vouloir acquérir le numéro sensa- tionnel de la vacation. « Ce petit gros là-bas en paletot mastic, c'est bien le comte de B... ? — Pas du tout, le voilà là-bas, dépassant de tout le buste la masse du public. - — L'on m'avait bien dit qu'il avait un certain embonpoint, mais je ne le savais pas si grand. — Vous aurez confondu avec son beau-frère, la circonférence dans sa plus grande pureté de ligne. — Montrez-moi donc le propriétaire de Doge. C'est ce petit mince, n'est-ce pas? avec un pince-nez, là-bas, à gauche de la tribune... — Mais, pas du tout! C'est M. V. P... que vous désignez. M. A... n'a pas tout à fait deux mètres, mais il ne s'en faut guère; il est à droite, debout, en gris... — Celui qui a les épaules eu porte manteau? — Parfaitement. — Lst-ce que Mlle M. D... est ici? — Je ne la vois pas, madame sa mère non plus, mais je crois bien que sou fondé de pou- voir est derrière la tribune... — Qui est-ce? — Ce n'est pas moi qui vous le dirai... — Celle forte brune là-bas, n'est-ce pas Mme R — i? — Pourquoi voulez-vous qu'elle soit brune ? — ■ Je pensais qu'une Italienne. . . — Eh bien, vous vous mettiez simplement le doigt dans l'œil : d'abord, elle n'est pas là, et ensuite elle est blonde, mais blonde comme je vous en souhaite. — Ça ne serait pas de refus... — Quelqu'un que je voudrais bien voir, c'est AI. J. de B... On m'a dit qu'il ne ponlait jamais moins de cent mille, et qu'il gagnait toujours... A LA SUCCURSALE DU TATTERSALL. — ROUTE DE LA RÉVOLTE. Qu'est-ce que rous faites dans cet _ Je le dirige, mon général. l'EXTE DE l'LIt SJ.VC. SUR LE TURF. Là C'est parfaitement exact. Vraiment? — Seulement vous confondez avec le pari mutuel. — Vous n'êtes pas sérieux. Pas quand on me récite des contes de fées... » Cependant un grand silence se fait : on vient d'introduire le Crack, qu'on place de façon que sa silhouette se découpe sur la plinthe de la tribune. Toutes les têtes se penchent vers lui, dans un examen à la fois attentif et respectueux. Lui parait absolument indifférent à l'émotion qu'il produit. II arrive souvent que c'est précisément le moment où l'attention se concentre sur lui qu'il choisit pour lever la queue, écarter les jambes de derrière, et se vider conscien- cieusement. ^w On lit sur l'estrade la notice : « Rayon d'or II, né en 189... par Fil de Soie et Escarhoucle, son père gagnant de plus de deux cent mille francs d'argent public; père de Luisant, de Voyeur, de Conquérant, de miss Henriett, de Bouton d'or, et de nomhreux autres gagnants. Sa mère, fille de Tardigrade, importée d'Angleterre, gagnante de plusieurs prix à deux et trois ans, etc., etc. » La lecture est terminée. Un silence, et la voix reprend plus grave : « Nous avons marchand à vingt mille, m Nouveau silence, un peu plus long et sensihlemeut plus profond, après lequel les enchères commencent. « Vingt et un, cinq cents, deux mille, cinq cents, vingt-cinq mille, cinq cents, trente mille, cinq cents, trente, trente-cinq. » Les chiffres s'accumu- lent sans qu'aucun des enchérisseurs se fasse entendre. 16 SUR LE TURF. Les crieurs seuls articulent le montant des sommes atteintes sans qu'il soit possible de voira quels ordres ils obéissent. La plus humble des professions exige, par le temps de civilisation raffinée où nous vivons, des qualités poussées à la perfection ; les aptitudes comme l'agriculture doivent, pour obtenir un résultat rémunérateur, recourir aux procédés inten- sifs, et le coup d'œil des Peaux-Rouges devient de la myopie si on le compare à celui des modestes salariés qui sont chargés d'énoncer à haute voix les mises con- senties par des mouvements de physionomie impercep- ~— tibles à l'ensemble du public. — Messieurs, no cband a \ingt mille ! .. Quarante mille francs à gauche. » Aucun des spec- tateurs n'a perçu, malgré les plus grands efforts d'atten- tion, le moindre sigue; pourtant l'enchère a été mise, et la preuve c'est qu'on adjuge. En résumé, les moyens dout dispose un gentleman désireux de monter une écurie de course sont l'élevage, la réclamation, l'achat soit à l'amiable, soit en vente publique. Une fois en possession d'une cavalerie suffisamment nombreuse, il ne lui reste plus qu'à trouver le moyen de l'employer utilement, et pour obtenir ce désirable résultat il lui faut exceller à la fois dans l'art délicat de la préparation et dans celui, non moins difficile, des engagements. La préparation commence par le dressage, et se termine, pour employer le terme technique, par l'entraînement. Les soins infinis, les précautions minutieuses à apporter dans la première partie de cette éducation dont le but est avant tout de familiariser le poulain, d'atténuer progressivement la crainte instinctive qu'il a de l'homme, ne sau- raient être trop recommandés aux gens d'écurie chargés d'entrer les pre- miers en contact avec des animaux dont la sauvagerie résulte surtout d'une excessive pusillanimité. SUR LE TURF. 17 C'est celte appréhension qu'il faudrait apaiser tout d'abord, et, malheu- reusement, les ignorants qui s'imaginent qu'il faut avant tout se faire craindre se rencontrent encore en trop grand nombre, et leurs brutalités laissent dans la mémoire des animaux qu'ils maltraitent un souvenir souvent ineffaçable. On ne saurait trop répéter que le cheval est un animal essentiellement craintif, et que sa principale, pour ne pas dire sa seule qualité intellectuelle, est la mémoire. Le cheval est un i Bal essentiellement craintif dont un n'acquiert la confiano d'une persévérante dnucenr. Ces deux points admis, il est facile de concevoir que les violences subies sont le point de départ de toutes ses résistances, de toutes ses défenses, qui ne sont en réalité que des ripostes aux mauvais traitements dont il se sou- vient, ou des parades à ceux qu'il prévoit. C'est certainement parce qu'il aimait et connaissait à fond les animaux que La Fontaine a dit : « Mieux vaut douceur que violence » , car vis-à-vis des hommes, du moins pour certains, le secoud moyen est bien souvent le plus efGcace. Les propriétaires qui tiennent à ce que le caractère de leur cavalerie ne 3 IS SUR LE TURF. soit pas exaspéré, doivent donc surveiller avec une extrême sévérité leurs premiers rapports avec l'humanité. Pour l'opération infiniment délicate qui consiste à prendre au moment du sevrage le poulain à la mère, ils ne doivent employer que des hommes d'une douceur et d'un courage éprouvés. La violence chez les gens qui affrontent obligatoirement ou professionnel- lement un danger quelconque n'est bien souvent qu'une façon de dissimuler un trac intense, l'équivalent des chants que les poltrons profèrent la nuit pour ne pas entendre la chute des feuilles mortes et éviter le tressaillement maladif que leur cause le moindre bruit inexpliqué .... La mise du premier licol est une opération de la plus haute importance, dont la réussite ou l'insuccès peut inûuer de façon définitive sur toute la car- rière d'un poulain : faite avec la patience nécessaire, après une série de caresses, de frôlements répétés autour des oreilles, de pressions légères sur le chanfrein et la ganache, elle aura donné assez de confiance au yearling pour qu'il ne redoute plus le contact de l'homme et n'oppose désormais aucune résistance quand il s'agira de lui faire porter un harnais plus compliqué; brusquée, réussie par surprise, elle lui laissera au contraire une impression souvent bien difficile à faire oublier. Pour avoir voulu gagner quelques instants à la première tentative, on aura LE DRESSAGE DES YEARLINGS. Tant qu'on ne leur demande rien, les yearlings se promènent généralement assez sagement, sauf les mouvements de gaielë inévitables dans la première Ceux qui ont de la volonté la festent le plus souvent par une tends à s'éloigner de leur conducteur... Si celui-ci résiste et force, il est rare que la lutte se termine C^f^r_ ■i >w- LE DRESSAGE DESjYEARLINGS LE DRESSAGE DES YEARLINGS On ■ ....i en mettant en sac à farine, sur la selle, an lad. dont la fonc- tion consiste à làclier prise à la première incartade , le tout, dans le but de fami- liariser le cheval avec l'homme et de le mettre en confiance. -(lnnjpam généralement du ji coup, et il en résulte quel susdit iad es t freijueuiiiieri obligé de se ramasser. . ' LJï Quand il est parvenu à inspirer au yeai ling une confiance relative, le lad est autoris à enfourcher son élève, et, le gamin mis e selle dans une attitude plus régulière, codi mence une série de promenades au pas, teu SUR LE TURF. 25 compromis l'ensemble du dressage, et Pembouchage donnera lieu à toute une série de résistances plus ou moins violentes suivant l'énergie de l'animal, qui se renouvelleront à chaque tentative nouvelle, quand il faudra le panser, le seller, etc. La même patience, indispensable pour le dressage, sera tout aussi néces- saire pour la préparation matérielle du poulain. L'entraînement consiste dans une série d'exercices dont le but est d'ame- ner l'animal auquel on les impose au mieux de sa condition, à l'époque pré- cise où il doit disputer les épreuves qu'on l'estime capable de remporter. C'est un travail progressif qui doit être conduit avec prudence, car il faut éviter non seulement les accidents, mais jusqu'à l'apparence de la fatigue. Toute interruption dans le travail est un recul, bien souvent irréparable : l'ensemble de l'entraînement est une progression qu'il faut obtenir sans arrêt, par accumulation d'efforts multipliés, mais avec une telle sagesse que le résultat acquis ne puisse pas être compromis. Il faut que la santé générale reste, pendant toute celte période, à l'abri de toute fluctuation, que par conséquent il y ait équilibre parfait entre l'acquisi- tion et la dépense des forces obtenues. Un excès de travail anticipé, un galop trop prolongé ou trop vif, une suée donnée hors de propos, le plus léger refroidissement peuvent avoir des con- séquences déplorables non seulement pour la préparation poursuivie dans un but déterminé, mais encore pour toute la carrière de l'animal imprudem- ment surmené. Un effort prématuré, tenté avant qu'un accord complet se soit établi entre l'état des voies respiratoires et les forces musculaires, peut et doit amener des désordres souvent irréparables; et, sans aller aussi loin dans les prévi- sions pessimistes, on peut affirmer que toute précipitation qui arrête l'entraî- nement nécessite une mise au repos d'une durée telle qu'elle coûte fatale- ment à l'imprudent la perte de toute une année. L'entraînement interrompu ne peut pas être repris, et c'est toute une opération nouvelle à reprendre par le commencement, travail au pas, trotting, suées, purgations, etc. Tout ce qui a été fait est perdu, et bien perdu, puis- % 26 SUR LE TURF. qu'au lieu d'uue augmeutatiou des forces on n'a obtenu qu'une fatigue plus ou moins profonde, mais toujours très longue à réparer. C'est à l'entraîneur qu'il appartient sans doute de régler le travail de cha- cun de ses pensionnaires, mais le propriétaire doit au moins se faire rendre compte de la marche adoptée, veiller par lui-même à ce qu'aucune impru- dence ne soit commise, et que, sous le prétexte de hâter la mise eu condition, on ne compromette pas par des efforts excessifs les résultats acquis. Combien d'essais ont coûté la victoire à des chevaux qui avaient dépensé dans ces répétitions inutiles l'éner- gie emmagasinée qui leur aurait per- mis un effort décisif au moment de la lutte! Les économies se retrouvent tou- jours, affirme la sagesse bourgeoise. C'est aussi vrai pour les forces phy- siques que pour les valeurs accumu- lées, et ce sont bien souvent les éco- nomies faites pendant l'entrainement qui permettent les dépenses excessives de certaines uns de courses. Admettons que les efforts combinés du propriétaire et de l'entraîneur aient amené au mieux de sa condition le cheval qu'ils veulent faire courir : s'ils n'ont pas de sa valeur une juste appréciation, tout le mal qu'ils se sont donné ne produira aucun résultat, car, pour gagner une course, il ne suffit pas de bien faire un parcours, il faut le faire mieux que les autres, et, si vous engagez dans une société qui lui est supérieure l'animal le mieux préparé, vous pouvez vous attendre à le voir atteindre le poteau à distance respectueuse de ses concurrents. Qu'un père de famille s'illusionne sur la beauté, les qualités morales et l'intelligence de son héritier, il n'y a que demi-mal; il en sera quitte, au moment des examens, pour maudire la sévérité des professeurs qui lui ren- verront, sans aucun diplôme, l'objet de son admiration paternelle, et sou opinion sur la valeur de son produit pourra demeurer aussi favorable sans qu'il en résulte un bien grand dommage pour ses intérêts. SUR LE TURF0 27 II n'en sera pas de même pour le propriétaire qui persisterait dans ses illusions : les frais courent, le montant des engagements, le prix des montes s'accumulent, et la carte à payer s'élève rapidement à un total d'autant plus douloureux à solder, que l'on a espéré un résultat diamétralement opposé. Ajoutons que, la plupart du temps, on aurait pu l'atteindre si l'on avait eu de moindres ambitions. Connais-toi toi-même! a dit le sage. Connais ton cheval, dirai-je aux propriétaires, et je crois que je leur aurai donné un bon conseil. tet^v^ Examen mutuel. m M*é^M C^n LE CHAPITRE DES PARIS Quel sérail le véritable conseil à donner en matière de paris? — Serait-il stiiii? — Du jeu en général. — Systèmes variés. — Tous sont bons! — ■ Tous sont mauvais ! Le vrai conseil serait de ne jamais parier; mais, comme il ne serait cer- tainement suivi que par une infime minorité, je pense qu'il est plus qu'inutile de développer les raisons tendant à démontrer que c'est le meilleur parti auquel un homme à la fois avisé et prudent doive s'arrêter : le malheur est que l'amour du jeu est encore plus répandu qu'on ne croit, et beaucoup en sont possédés qui fulminent le plus énergiquement contre lui. Combien de gens ne se croient pas joueurs qui succombent à la première tentation ! Les bonneleurs le savent bien, et ce n'est certes pas parmi les habitués des tripots qu'ils vont chercher leurs victimes : il leur faut des clients plus naïfs, et, comme leur expérience les a convaincus que le joueur existe à l'état latent chez la plupart des humains, il leur suffit de choisir de bonnes figures émergeant de vêtements assez cossus pour leur faire supposer qu'ils renfer- ment des porte-monnaie et des portefeuilles abondamment approvisionnés. 30 SUR LE TLRF. Que sont, au surplus, les souscripteurs des valeurs à lots, sinon des joueurs qui s'ignorent? Qu'est l'appàl du jeu? L'espoir d'un gain facile, rapide et considérable! 11 faut avouer que c'est bien tentant, et ne pas s'étonner que tant de gens n'y résistent pas. Puisque le jeu est un instinct à peu près général, il n'y a pas à tenter de le supprimer : on jouera toujours et partout, aux courses comme ailleurs, et, ce qu'on peut soubaiter à ses amis, est simplement de jouer le moins bêtement possible. Pour obtenir ce résultat, il y a mille précautions à prendre, dont la plus importante est à coup sûr de ne pas parier quand même, de ne pas se croire obligé d'avoir son représentant dans toutes les épreuves auxquelles on assiste. Bien souvent on n'a de préférence marquée pour aucun des concurrents, dont plusieurs paraissent avoir des cbanccs égales : c'est bien le cas de s'abstenir. Ce qu'il faut suuhaiter Cependant un écart de cote, un iSi; point de plus donné par un book- maker, un renseignement favorable que vous entendez au passage, vous décident tout à coup, et voilà une mise disparue, qui, ajoutée à celle que vous comptez mettre dans la course suivante sur un cbeval auquel vous croyez fermement, vous aurait donné un bénéûce double. Perte des deux côtés qu'il aurait été facile d'éviter, subie sans conviction, même sans grand espoir de réussite, simplement pour avoir un intérêt dans la course. Sous le prétexte que chaque course fournit un gagnant, la plupart des joueurs ne veulent pas laisser échapper la chance de le prendre, et s'en rapportent au hasard plutôt que de renoncer à la possibilité d'un gain, même complètement problématique. C'est une tendance déplorable à laquelle obéissent surtout les petits joueurs, qui prennent un ticket comme un billet de loterie, et se figurent qu'en multipliant leurs mises ils multiplient en SUR LE TURF. 3] même temps leurs chances de bénéfice. On ne devrait jouer que quand on croit à un cheval une chance exceptionnelle. Une croyance de celte nature est généralement le résultat d'observations personnelles : ou le cheval dans ses courses précédentes a eu contre lui tels incidents qui ont empêché sou succès, ou il a suivi une mauvaise tactique, à moins qu'il n'ait été monté de façon à paralyser ses moyens, toutes éventualités qui sont faciles à con- stater quand on suit avec quelque attention et une bonne lorgnette les péripéties d'une épreuve. Avec de la mémoire et une ap- préciation à peu près exacte du mérite des animaux avec lesquels on l'a vu lutter, on peut prévoir que tel cheval, précédemment battu par des animaux de qualité supé- rieure, doit facilement triompher dans un lot moius relevé. Tel autre animal dont l'entraî- nement s'est achevé sur les hip- podromes, aura si bien progressé qu'il vous sera facile de voir h quel moment il atteindra l'apogée de sa forme; de temps à autre, moins souvent qu'on ne dit, plus souvent qu'on ne croit, vous aurez constaté qu'un cheval régulière- ment battu rentre au pesage sans un poil mouillé; de toutes ces ob- servations vous déduisez des con- clusions dont l'application vous amène à profiter de cotes très cent louis de mon cheval? rr . . , . . sutusamment rémunératrices, qui vous permettent de vous tromper quelquefois sans que votre hourse en soit sérieusement éprouvée. En tout cas, vous limitez les occasions de perdre, puisque vous ne jouez que quand vous vous êtes fait une conviction qui, pour s'établir fermement, vous fait assister à un certain nombre de séances pendant lesquelles vous êtes obliga- toirement réduit au rôle de spectateur aussi désiutéressé qu'attentif. 32 SUR LE TURF. Celle façon de procéder a, en outre, l'avantage qu'en cas d'insuccès, on ne peut s'en prendre qu'à soi-même, ce qui n'est pas le cas quand on se livre à la chasse aux renseignements. Il arrive fréquemment, en effet, que l'individu qui vous en approvisionne se borne à désigner successivement chacun des chevaux engagés à un nombre égal de parieurs comme étant le gagnant inévitable, procédé qui équivaut au rétablissement de la poule à son unique bénéfice, puis- que le gagnant inconnu, mais cer- tain, ne manquera pas de le récom- penser magnifiquement. D'autres joueurs adoptent une écurie et ne jouent que ses chevaux; c'est une façon comme une autre de s'associer, sans son consentement, au propriétaire sympathique; le tout est de le choisir heureux, et c'est alors tout héuéfice; ou ne contribue pas aux frais, et l'on participe aux bénéfices. ■ : : Certains jo ne risquent I< ont prépares. rs ont leurs jockeys pt leurs entraîneurs préfères, e argent que sur les elievoul qu'ils montent ou qu'ils D'autres suivent seulement la monte d'un jockey préféré, mais ce système exige une mise de fonds assez importante. Les jockeys qui recrutent ce genre de clientèle sont, en général, de fines cravaches auxquelles on confie les favoris. S'ils gagnent, le bénéfice est limité, souvent inférieur à la somme risquée; aussi, pour peu qu'ils soient battus plusieurs fois de suite, la balance s'établit en perle, à moins qu'on n'ait suivi dans ses mises une martingale quelconque qui répare, le jour du succès, les perles antérieures. Celle méthode présente un autre inconvénient. Si votre jockey de prédilection prend une forte tape, vos opérations se trouvent interrompues jusqu'à son complet rétablissement et, s'il vient à disparaître et que vous soyez absolu dans vos convictions , définitivement arrêtées. Pour obvier à cet inconvénient et ne pas mettre, comme on dit, tous les LE CHAPITRE DES PARIS. — COMME.VT CREVE UN TUYAU. — Jouez Canule; elle esta quarante —Joue Canule, et tu me remer- — Je ne l'ai eu qu'à vingt-cinq ! Vas-y jntre un, et c'est la gagnante... cieros... pour ton compte et remets cinq ionis pour — Diane vient de me donner un — M r''i -:}.:■ -Y: ^:^'- II'IIKS 1. ESSAI. RÉSULTATS. — S'il avait fait on public l'effort c[ii'on lui a demandé à domicile... — Il aurait certainement gagné la course, ne serait pas claqué, et aurait conservé nuire bon argent SUR LE TURF. 85 HANDICAP Le mol littéralement traduit signifie « main dam la casquette » , ce qui équivaut à dire que, si le handicapeur était parvenu à atteindre son but idéal, on pourrait choisir au hasard n'importe quel concurrent avec une chance égale d'avoir mis la main sur le vainqueur. \li! c'esl ui itiei difC '.lin !,< Iin]|,iilts lllliilll l|ii'l\ Salisfair' un éleveur sur mille. C'esl tout c' que l'on peut espén (S!l OEnvrcs posthu 11 cherche à égaliser les chances de tous les chevaux engagés en graduant les poids qu'il leur assigne, en tenant compte de leur âge, de leurs perfor- mances, de leur origine, des prix gagnés et du rôle joué par chacun d'eux dans les épreuves précédemment disputées. A première vue l'opération paraît simple, et il semble qu'il suffise d'infliger de gros poids aux bons chevaux et d'accorder aux rosses des poids déplume : en réalité, c'est pir un travail de Bénédictin qu'on arrive à établir avec jus- tesse une échelle raisonnée des poids. I! faut avoir préalablement pris note avec une exactitude scrupuleuse de tous les incidents survenus dans les courses auxquelles ont participé chacun des concurrents, comparer ce que chacun a fait par rapport à des chevaux 86 SDK LE TURF. (|ui ne figureront pas dans la course actuelle ; tenir compte de ce qui a pu fausser tels où tels résultats antérieurs, supputer, pointer, raturer, remuer des dossiers, compulser des programmes. Relire des comptes rendus, et, quand on a terminé toutes ces recherches, parachevé toutes les compilations nécessaires, on n'est jamais sûr, malgré tous les efforts de travail et tous les scrupules de conscience, de parvenir à satisfaire, je ne dis pas la majorité, — c'est un résultat impossible, - mais une honorable minorité de propriétaires. Tous s'accordent pour trouver que leur cheval est accablé sous les kilo- grammes et que leurs compétiteurs sont tous également favorisés. On ne peut contenter tout le monde et son père... Les handicapeurs con- naissent cet axiome et se sont procuré, à l'aide d'une volonté arrêtée, la surdité qui convient à leurs fonctions archi délicates, et qu'ils excercent avec une consciencieuse persévérance dont les vrais sportsmen leur savent un gré infini. UN HANDICAP PEU ORDINAIRE Nous étions, en compagnie d'une des plus fines cravaches militaire, que l'accumulation des galons bien plutôt que celle des années a forcé d'abandon- ner le rôle d'acteur et de se contenter de celui plus modeste du spectateur; accoudés à la grille du pesage d'Auleuil, nous venions d'applaudir à l'ar- rivée du Top Weight, nez à nez avec le plus petit poids, et nous nous émerveillions de la perpicacité des handieapeurs. ■ \\ez-vous fréquenté, il y a quinze ans, l'hippodrome de Rambervillerï ' « demanda le capitaine V...11, qui venait de nous rejoindre; c'est là que " j'ai couru le handicap le plus étonnamment juste que j'aie vu dans toute ma « carrière de courses ! k Et d'abord un mot sur cet extraordinaire hippodrome encadré dans le 12 90 SUR LE TURF. « plus magnifique paysage, avec les Vosges comme toile de fond, des tri- ci buues énormes tout à fait hors de proportion avec l'afflueuce du publie » plutôt clairsemé, et trois pistes aux noms sonores : la piste de Métendall, la « piste d'Austrasie et la piste du Soldat laboureur, également connue sous le h nom de la Grande Piste, sans doute parce qu'elle avait cinq cents mètres de « moins que la précédente . « l'as de guichets aux différentes entrées. Spectacle absolument gratuit. « Les luttes hippiques à l'œil. Ces choses-là ne se voient qu'en province. . Un homme charmant, d'une originalité savoureuse, le marquis de H , « était à la fois le propriétaire du terrain, l'architecte des tribunes, l'auteur « du programme, le donataire des prix, le juge suprême des réclamations, et, ■ par surcroît, la providence du pays. « Ces courses de Rambervillers, elles étaient la joie des extrêmes garni- sons de l'Est. « Lunéville, Nancy, Epinal y envoyaient leurs premières cravaches soutenir les prétentions à une suprématie toujours disputée. - C'était l'âge d'or, bien que ce ne fussent déjà plus les temps héroïques .. où uue paire de chandeliers gagnée sur l'hippodrome de Mérignac ou de Pont-à-Mousson vous sacrait à tout jamais grand écuyer, aux yeux des « populations stupéfaites de voir une haie servir à sauter par-dessus, alors « qu'elles avaient précédemment pensé que le but de ce genre d'obstacle « était précisément d'empêcher qu'on pénétrât dans les propriétés qu'elles « étaient destinées à protéger. « A Rambervillers, pas de boxes à vingt francs par jour, pas de chambres .. introuvables même au prix des plus durs sacrifices; hommes, chevaux, « ordonnances, tout était hospitalisé par le marquis. « L'hôtel de la Poste, retenu par lui, vivait pendant trois jours dans un i ( oup de feu indescriptible. SUR LE TIR F. '(I '■ Ou ne nous demandait qu'une chose : fusionner avec les agriculteurs et « leur inculquer des idées saines sur l'élevage du cheval de guerre Ces « conférences dégénéraient, je dois l'avouer, le plus souvent en un vaste « baccarat ou l'élément militaire initiait l'élément rural aux beautés du « tirage à cinq. ' Mais cette façon d'étudier les problèmes de l'élevage n'est malheureu- Extrait des programmes de Rambervillt es. — Courses .m gnlop pour cavaliers û poil, sèment pas spéciale à Rambervillers; ce qu'on ne rencontre nulle part ailleurs, c'est la fantaisie de la rédaction des programmes : Courses au trot, qu'il ne faut pas par un calembour trop facile appeler Courses de trop. » — k Courses au galop pour cavaliers, à poil, réservées aux culti- vateurs. » J'en passe, et des meilleures. " Les pistes étaient soignées, tout comme à Auleuil ; on y trouvait une grande rivière que, toujours comme à Auleuil, on sautait rarement. 92 SLR LE TTRF. a L'excellent marquis prenait à part chacun des concurrents et lui repré- .. sentait en termes affectueux le danger qu'il j avait à sauter tel ou tel - obstacle, et, le plus souvent, on convenait de passer à côté. - En revanche, en course plate, il n'était pas rare de se trouver en face « d'une belle bnrre fixe coupant la piste dans toute sa largeur. . : $ FILS F, « A ma première course sur cet hippodrome plutôt gai, j'arrivai au dernier tournant avec une grosse avance. >■ Le tournant était très raide! Quelle ne fut pas ma stupéfaction en « apercevant un immense écriteau portant ces mots : « N'avancez pas, il y <■ a des pièges à loups! » « Les réclamations, bien entendu, pleuvaient : le marquis recourait alors « à un procédé que, je le crains bien, les grandes sociétés n'adopteront pas « de sitôt. Il donnait des prix à tous les réclamants. Ces prix fournis par des industriels de Rambervillers, toujours facturés sur li<: Tim\ 93 au cours le plus haul, fournissaient une forte subvention au commerce local. « En somme, la plus grande cordialité régnait entre militaires et civils, l'amphilryon était adoré, et sou influence sur l'élevage local absolument favorable malgré ces procédés fantaisistes. l.'.ll . il..' .1 UN li.u.lil-.m .1 KjiiiI... « C'est là que je gagnai le handicap le plus étonnant que j'aie jamais couru. « Les trois chevaux engagés étaient de classes tellement différentes que nul poids ne pouvait combler l'intervalle. Le marquis était simpliste : — Vos chevaux, messieurs, sont de valeur inégale, parfait! 94 SUR LE TURF. « J'ai trois pisles concentriques avec une ligue droite commune, chaque « cheval aura sa piste. » « Ce fut un triomphe pour le handicapeur. <; Les trois chevaux arrivèrent dans un mouchoir. « Et voilà comment, en les désignant absolument différentes pour chacun « des concurrents, le marquis de C... était parvenu à égaliser les distances! ! ! » Le résultat désire. — Parvenir à mettre nez à uez sur le Winning-posl le meilleur cheval de l'année et la rosse la plus incontestable. SUR LE TLRF. !)7 Une explication au pesage. — On lit dans VEiUraineur : « Hier, & Colombes, entre la première et la deuxième course, une altercation suivie de voies de fait a eu lieu entre AI. Privai, propriétaire de Sylphe, et AI. Carréfa, directeur du Turf. Cette altercation a eu pour motif un entrefilet paru le matin dans le journal de notre cooirère.., » Sut ta pelouse. — Explicalioa équivalente a 1j pn i > il j.i >ii j jji'uiir pour la nirjliier; u.ir G Seulement \t: :1e interjection a suf.1 SUK LE TURl*' 99 — Filou! Voleur! ! gracieuses exclamations c|iii s'adressent au jockey, à l'entraîneur, au propriétaire d'un clieial qui, le plus souvent, mérite seul ces aimables compliments. Avec un cheval avant fait correctement le parcours de Berny, il y a biea peu d'obstacles naturels capables d'arrêter un vrai cavalier. LA CROIX DE BER.W C'est le Chantilly du steeple-chase, et, pendant la première période de son existence, les Parisiens s'y rendaient, poussés par une curiosité à la fois mêlée d'étonnement et d'admiration. On ne comprenait pas que des gentilshommes dont la vie était facile, qui disposaient de ressources attestées par les notaires de la capitale, ou certi- fiées par les banquiers eu relation avec l'étranger, eussent la folie de se livrer à un pareil exercice. Une haie dans un manège, un fossé en bordure de forêt, on admettait ces imprudences parce que, par la première opération, on s'assurait que le 102 SIR LE TURF. cheval, une fois dresse, consentirait à franchir, en cas de nécessité, l'obslacle naturel qu'il était exposé à rencontrer soit en promenade, soit à la chasse! Mais, aller de gaieté de cœur à la recherche de chausse-trappes vérita- blement dangereuses, galoper à travers champs, grimper et descendre des talus, sauter des rivières, et surtout cette Bièvre particulièrement encaissée, le tout sans nécessité et à une vitesse nécessairement exagérée, puisqu'on ue se proposait pas seulement de passer tous ces obstacles, mais encore de les passer plus vite que ses rivaux ! Lue pareille action paraissait à tout le monde, aux cavaliers classiques aussi bien qu à l'ensemble du public, une preuve certaine de démence. Pareilles imprudences constituaient une preuve incontestable de folie, mais l'excès même de cette témérité faisait que la réprobation des gens sages n'allait pas sans quelque admiration. -' H (lïliSIi 14 SUR LE TURF. 107 On blâmait un exercice aussi périlleux, auquel ou ne voyait aucun bul utile, et cependant on se défendait mal contre l'étonnement provoqué par une pareille audace. Comme on ne pouvait croire à la véracité des premiers spectateurs, chacun tenait à contrôler leurs assertions. Le résultat fut que, tout en doutant et eu critiquant, l'on voulut voir, et le succès de ces premières réunions fut considérable. l.o passade de la seconde L'iévre. Cependant, comme ou se lasse de tout, la première curiosité satisfaite, le public ne larda pas à se désintéresser d'uu spectacle dont il ne discernait pas l'utilité, et les gentlemen riders continuèrent, pendant quelques années encore, ce que les gens raisonnables appelaient leurs insanités, dans une solitude de plus en plus profonde. Des difficultés étant survenues pour la location du théâtre de leurs exploits, ils y renoncèrent, et le steeple-chase subit un rehiclie qui put faire craindre qu'il ne s'acclimatât jamais dans notre pays. 108 sir le turf. Pendant de longues années, en dehors des réunions de la Marche, les courses d'obslacles furent à peu près abandonnées, et, si quelques prix leur étaient réservés sur les hippodromes de province, les allocations impor- tantes allouées à ce sport spécial demeuraient fort rares. En dehors du prix de 10,000 francs à Marseille, d'un de même valeur au Pin, de 7,000 francs à Dieppe, du military de 5,000 francs à la Marche, les vainqueurs devaient se contenter de sommes qui ne s'élevaient guère au-dessus de quinze cents francs. --.,,, j:.''. / h m ML fe Les pistes n'etaieot pai : les admirables (apis qu'elle! Celait un médiocre encouragement à faire les frais d'une écurie, à ris- quer les accidents pour les hommes et pour les chevaux, accidents d'autant plus fréquents que les pistes étaient moins bien entretenues qu'elles ne le sont aujourd'hui. Les tendons claquaient à tout propos, et les terrains laissés à l'état de nature produisaient aussi facilement les efforts de tendons, les jours de SUR LE TURF. 10'J courses, que les petits pois dans la saison favorable à ces savoureux lé- gumes. Cette situation, plutôt sacrifiée, dura jusqu'en 1803, date de la fondation de la première société des steeple-chases de France, dont la journée d'inau- guration eut lieu à lincennes. Circonstance qui imposa aux spectateurs un trajet plutôt pénible, à travers les populations du faubourg Antoine, qui ne dissimulèrent pas un instant leur manque de sympathie peur les élevants mondains, et surtout les élégantes demi-mondaines. I.a Inversée ilu faubourg Saint-An Quelques-unes d'entre elles, qui n'avaient pas reparu dans ces quartiers inélégants depuis qu'elles eu étaient sorties, eurent même à subir de regret- tables scènes de famille qui leur inspirèrent la résolution irrévocable de ne plus s'y exposer à l'avenir. 110 SLR LE TIR F. Seuls les passionnés du sport, qui avaient quelque confiance dans la qualité de leur musculature, persistèrent à traverser ces régions inhospi- talières, dont l'hostilité ne larda pas à tourner à l'indifférence, quand les toilettes tapageuses cessèrent d'offrir un prétexte à leurs manifesta- tions. Ce trajet, dangereux le premier jour, devint si pacifique par la suite, que le baron Fiuot pouvait atteler à son phaéton le cheval qui devait faire triompher ses couleurs sur l'hippodrome, sans aucune crainte d'iu VuU'iitiito .ill loi gagne cidenls qui auraient pu diminuer ses chances de succès, la distance lui paraissant justement suffisante pour dégourdir les jambes de sou cham- pion. Dès lors on put prévoir l'importance que prendrait l'institution, mais ce n'est qu'après la guerre et la constitution, en 1873, de la nouvelle société, qu'elle prit tout son développement. Dès l'ouverture de l'hippodrome d'Auleuil, l'affluence du public fit claire- ment voir que son succès était assuré. :WJ ' • ! SUR LE TURF, [13 Le chemin à suivie pour l'atteindre était familier à tout le inonde, et les habitués du Bois s'y portèrent en foule dès le second jour, car la première réunion avait été contrariée par une pluie si persistante, que peu de personnes avaient eu le courage d'assister à l'ouverture des régales d'Auleuil I C'est ainsi qu'on avait tout d'abord surnommé le nouvel hippodrome. Très habilement organisé dès le début, le nouveau champ de courses a reçu chaque année quelque nouvelle amélioration. Le prince de Sagan, qui élail en quelque sorte l'incarnation de la nouvelle société, lui consacrait la plus grande part de son intelligente activité et lui réservait toutes les trouvailles de sou infatigable imagination ; modifiant et améliorant sans cesse les conditions des programmes, augmentant les allo- cations à mesure que prospéraient les receltes, imaginant des attractions nouvelles, organisant des journées exceptionnellement attirantes par des défilés de coachs, des lunchs offerts aux membres des clubs et aux femmes de leurs familles, il battait sans relâche le rappel des rares élégances qui surnagent encore dans cette fin de siècle démocratisée. Maintenant qu'il est disparu, les bonnes volontés ne manquent celles pas, et les hommes spéciaux et incontestablement compétents qui composent le comité actuel maintiendront certainement la prospérité du steeple-chase;mais on est eu droit de se demander si l'on trouvera dans l'ensemble, ou du moins chez l'un d'eux, ce désir persistant d'amélioration, ce besoin impérieux de faire, comme feu Nicolet, de plus fort en plus fort. C'est ce que l'avenir nous apprendra. C'est le prince de Sagan qui tenta la résurrection de la Croix de Berny et parvint à lui rendre, un jour par an, un regain de popularité; malheureu- sement le trajet n'était guère plus agréable que celui de Vincenues, et la population de la chaussée du Maine et du faubourg de Monlrouge ne témoi- gnait pas aux élégances des demi-mondaines plus de sympathie que celle du faubourg Saint-Antoine ; de plus, la route peu pittoresque, médiocrement 15 114 S I!l LE Tl'RI'. entretenue et cahoteuse, était par surcroit exceptionnellement poussiéreuse, de telle sorte qu'après une expérience de quelques années, quand il s'agit de renouveler la location du terrain, les « bailleurs •■ ayant élevé leurs pré- tentions, on renonça à celte unique réunion réservée aux officiers et aux gentlemen. La route de Berny a toujours été connue pour être la plus poussiéreuse qui ^il jamais l Ce nouvel abandon du premier théâtre des exploits des steeple-cbaseurs français parait aujourd'hui définitif, et c'est dommage, car il est difficile de trouver un emplacement plus favorable au Ooss-Couutry, et sur lequel il soit aussi facile de suivre toutes les péripéties de la course. Les obstacles naturels de toute espèce qui s'y trouvaient en grand nombre, la nature variée du terrain et sa conformation mouvementée, offraient aux huniers et aux chevaux d'armes un hippodrome à souhait pour mettre en valeur les qualités spéciales qu'on attend de celle double catégorie d'animaux, et permettait de constater dans des épreuves sévères leur adresse et leur endurance. - SUR LE TURF 117 Le possesseur d'un cheval qui avait l'ait en bonne place le parcours de Berny pouvait être sur de n'être mis dans l'embarras, ni dans une chasse, ni en campagne, par la faute de sa monture, et qu'il rencontrerait dans bien peu de régions des obstacles naturels capables de lui couper la roule. A ce point de vue particulier, il faut regretter cette journée exceptionnelle, et que ne remplace pas la réunion dans laquelle les prix institués pour elle sont courus à Achères, sur un hippodrome en tous points semblable à tous les autres. Une autre raison de regretter l'abandon de Berny est l'impossibilité de retrouver aussi proche de Paris un endroit où le public indigène, le bon villageois, se montre aussi curieux d'uu spectacle si complètement en dehors de ses habitudes. Toute autre partie de la banlieue manque de la tradition qui amenait sur ce point privilégié toute la population rurale des environs, mettait sur 118 SIR LE TL'RF. la route, à côté du coacb le plus irréprochable, la carriole du maraîcher bondée de toutes les générations de sa famille, et, sur le turf, la blouse du journalier coude à coude avec l'habit rouge du gentleman rider. Celle pilloresque promiscuité est à jamais perdue pour les environs de Paris, et les gens désireux de la revoir sont désormais astreints à des dépla- cements plus sérieux, dans les pays d'élevage, où le plus humble des . M 0'-: S Ml J* >*Olt - ^ V- Sur la route de Bernj. cultivateurs s'intéresse au cheval et, s'il n'a pas la prétention de produire personnellement le vainqueur de la course à laquelle il assiste, met cepen- dant son amour-propre à voir triompher le représentant de l'élevage de son arrondissement, ou tout au moins de sa région. Partout ailleurs, le paysan se montre froid à l'égard du sport, et l'élément ouvrier des villes couliibue seul à grossir les recettes delà pelouse. Le paysan connaît trop bien la puissance des résultais obtenus par l'éco- nomie persévérante pour succomber à l'appât du jeu, et Uouve qu'il a • . SUR LE TURF, 121 suffisamment g;igné en plaçant dans sa lire-lire le franc que lui aurait coûté son entrée. L'issue d'une course plate, si disputée suit-elle, ne saurait l'émouvoir, car « faut toujours bien qu'il y en ait un qui arrive le premier» , et les péripéties les plus accidentées d'un steeple-chase ne font (pie l'affermir dans son opinion : que « faut être bien hèle, quand on a un bon cheval, de l'exposer à des accidents qu'il est si facile d'éviter » . Dans le canton de Berny, ces |)ernieieuses doctrines n'avaient pas cours. La légende, mère de toutes les religions, y avait développé le culte du sport. Les enfants tout petits avaient entendu répéter par les grand'mères le récit des exploits exécutés sur les rives de la Bièvre par des prédécesseurs de nos gentlemen actuels, et avaient été bercés par les noms très probablement défi- gurés, mais populaires, des Maekensie, des Tournoi) et de bien d'autres. Leur curiosité s'était éveillée, et quand on leur annonça que de nouveau les courses allaient avoir lieu sur leur territoire, l'hostilité du paysan contre 16 122 SUR LE TURF. lu Parisien se trouva singulièrement diminuée par le désir de voir à leur tour un spectacle qui avait laissé de si profonds souvenirs dans la mémoire des vieux du pays. L'accord des sporlsmen et des ruraux aurait vraisemblablement dure si la difficulté de Iraitef avec la multitude de propriétaires du terrain n'avait empêché la continuation des réunions; malheureusement, leur nombre était si considérable que l'entente avec chacun d'eux devenait matériellement impossible. Il eût fallu, pour la confection des baux nécessaires, toute une escouade de notaires, et, devant l'amoncellement des paperasses timbrées qu'il eût fallu rédiger, l'abandon de l'hippodrome de la Croix de Berny fut décidé, définitivement celte fois. Pur . Ordre du Préfet . delense de c irculer sur les l)as cites de la L'ACCIDENT DE M. TORRANCE C'est à la Croix de rîerny qu'a eu lieu l'un des accidents qui aient, pendant ces dernières années, le plus profondément impressionné le public des courses. M. Torrance, gentleman américain, dont les succès ne se comptaient plus sur nos hippodromes, et l'un des membres les plus sympathiques de la colonie Paioise, s'était chargé de piloter dans une course ouverte aux jockeys la jument de M. de Madré, empêché par un deuil de la monter lui- même. M. Torrance avait pendant tout le parcours gardé sa jument à P arrière- garde, et ce n'est qu'avant le dernier obstacle, à trois cents mètres de l'ar- rivée, qu'il l'amenait à l'attaque des leaders, passant à la droite du peloton, quand l'un des chevaux culbutant au passage d'un double sillon vint tomber 124 SUR LE TURF dans les jambes de sa monture, si malheureusement que les deux chevaux se renversèrent en même temps sur le malheureux gentleman, qui disparut complètement sous cette masse animale, pendant que le jockey, cause invo- lontaire de ce déplorable malheur, projeté à grande dislance, sortait indemne de l'effroyable bousculade. Pendant un instant les deux chevaux restèrent immobiles, mais quand on les eut relevés on aperçut le corps de M. Torrauce dans une immobilité absolue : en approchant, on pût voir à ses lèvres une légère écume sangui- nolente, le thorax était littéralement aplati, et, quoi qu'on fit, il fut impossible de rétablir la respiration. Le malheureux gentleman avait été irrémédia- blement étouffé. t y^ MARLY LE-ROI Celait charmant, sélect etlimited; oa y faisait du sport sans spéculation, du llirl à discrétion, et le tout se terminait par uu lunch en plein air du plus pittoresque effet. Ça n'a pas duré. La société du « Riding et Coachiug » existe toujours, mais il y a beau temps qu'elle a renoncé à ces réunions, que tous regrettent, et que personne ne songe à renouveler. Pour quelle raison les invitations ont-elles cesse? Pourquoi n'envoie-t-ou plus le polit carton enjolivé dans le coin gauchi' du joli dessin du baron Finol, et si poliment rédigé : « Le Riding and Coaching a l'honneur de vous prier de venir goûter dans le petit paie de Marly-le-Roi le 2 mai (à 2 heures). » 12<; SIR LE TURF. Je sais bien que, depuis celte époque (1883), le petit parc a été repris pour les chasses présidentielles; mais là n'est pas le véritable motif, puisque d'autres réunions aussi réussies ont eu lieu à la Marche avec un égal succès, et il n'est pas douteux qu'en réunissant n'importe où la même assistance on aurait obtenu le même résultat. ■ 4$M Certes, le décor était séduisant, la route agréable, niais les propriétés pri- vées dont l'accès est aussi facile sont nombreuses aux environs de Paris, et l'on n'aurait eu l'embarras que du choix pour trouver sinon mieux, — c'était parfait, — m:tis du moins aussi bien. Je crains que ce ne soit à de lâcheuses considérations d'économie qu'il l'aille attribuer la suspension prolongée de ces réunions certainement très regrettées; si limitée que fût l'assistance, les frais supportés par un petit nombre, et qu'aucune recette ne venait compenser, atteignaient un chiffre considérable et devaient, avec le succès, augmenter de jour en jour. Com- s u il i.k nui'' 127 ment résister, en effet, aux sollicitations des amis qui viennent demander des invitations pour de jolies femmes chez lesquelles on a soi-même dîne, danse, soupe, — sinon davantage ! — et les amis des amis... Les promoteurs de l'idée ont été effrayés par la perspective d'une ruine assurée et proebainc. On avait offert un lunch, les invités y comptaient, impossible de le sup- primer, et en le conservant on se heurtait à des difficultés qui auraient rendu indispensable un nouveau miracle de la multiplication du pain et du vin; et, dans ce siècle d'incrédulité, il aurait été téméraire d'y compter. C'est dommage que ce soient précisément les choses les plus agréables qui durent le inoins : songez depuis combien de temps déjà nous subissons les charmes du régime républicain, et considérez d'autre part que nous n'avons pu obtenir plus de cinq ou six de ces réunions ; et pourtant quel empressement à leur début, et comme l'institution semblait définitivement fondée 1 Que de noms connus parmi les gentlemen, des vrais, qui se disputaient les prix, bien modestes cependant! 128 SUR LE TURF. Copions au hasard un compte rendu de l'un de ces meetings dans la Viesportive, — encore une institution disparue, — celledu 2 mai 1885, qui, si je ne me trompe, a été la première : « Le décor est très pittoresque ; les ruines « du château comme foud et les royales chênaies de la forêt comme enca- «drement; en bas, la pièce d'eau et l'abreuvoir; à l'horizon, les coteaux " verdoyants de Boisprcau. «SI WàwWt k VSyV m M »,S|fi I pust et la tribune du juge Q M ni Ij . t> Une dizaine de mails-coachs viennent prendre rang aux ruines mêmes "du château, près de la ferme qui remplace aujourd'hui les communs du « siècle dernier... « Vers deux heures et demie, les préparatifs des courses commencent : «l'aménagement est d'un rustique voulu. « Une perche fichée en terre, en face une chaise de paille sur un petit « tertre, voilà le poteau d'arrivée, voilà la tribune du juge où s'installe le « prince de Sagan. SUR LE TURF. i:tl « Douze cavaliers se présentent au pesage, dont l'installation n'est pas « moins primitive. « Les concurrents font un premier lour de la piste, montent à travers les « labonréset finissent dans la ligne] droite après une rivière, une barrière fixe « et une claie. « Deux d'entre eux restent en route, le duc de Morny et M. Raoul de « (îontaut. « Une vive émotion se produit quand on voit M. de Gontaut rester à terre «sans connaissance; heureusement il n'est qu'étourdi... Mais le pauvre « French, le héros du Concours hippique, s'est cassé la jambe daus sa chute, « et ou l'emmène sous bois pour l'abattre hors de la vue de l'assistance. w. « Finalement le vicomte de Pully passe le premier devant le juge, précé- k daut le comte de Lindeman... Daus la seconde épreuve c'est M. Adolphe « Abeille qui l'emporte contre le marquis de Castellane. » A ces noms il convient d'ajouter ceux des vaincus de ce jour-là. Comte Martin du Mord, Maurice Foache, Frédéric Mallet, le pauvre Tor- rance tué à la Croix de Berny, prince L. Murât, M. IV. -K. Thorn, Henri 13:> SIR LE TURF. Couturié, baron Roger, Jules Pastré, vicomte d'Ivernois, duc de Moray, Raoul de Gonlaut et bien d'autres qui n'hésitaient pas a risquer la forte tape personnelle et les lâcheuses fractures des jambes de leurs chevaux favoris, dans le seul espoir de gagner devant une assemblée de choix, il est vrai, un objet d'art plutôt quelconque, ou une aquarelle qui le plus souvent ne rap- pelait que très vaguement le faire magistral de Leloir ou deFortuny. C'était charmant, élégant, intime. Ça n'a pas duré. Soi la route de Mûri] . SI It LE TURF 133 wîmffm ■ mi] mm fil , — Comment, disait-oD à un propriétaire de chevaux de steeple-cLase, après une course où son champion avait été baltu par la sottise du jockey, comm 'rit ne faites- ions pas mouler par des garçons intelligents? — C'est, répondit-il, que s'ils étaient intelligents ils ne monteraient pas. SUR LE TURI'. 135 — Savez-vous ce que c'est qu'un jockey '.'disait un entraîneur qui n'aime pas essai er ses chevaux avec d'autres artistes que ses propres garçons. — l'n jockey c'est un homme qui, pour quarante francs, vient le matin monter voire cheval, le bousculer, et vous dire qu'il a une mauvaise bouche. *H j4ute«i(. — lU'union du r,ri.ilcm|)S 8 mors 18 AUTEUIL Alphabétiquement et chronologiquement, c'est Auteuil qui tient la lèle des hippodromes. C'est lui qui inaugure la campagne sportive et ouvre le premier ses portes au public. C'est généralement vers le 15 février qu'a lieu cette solennité : il arrive souvent que la température se montre peu clémente, et que les premières épreuves se disputent sous la bise, la pluie ou la neige : les bourrasques y succèdent aux averses, et la gelée se produit parfois si sévère qu'on est obligé de renoncer à quelques-unes de ces premières réunions de printemps et de faire relâche, pour cause d'indisposition de l'atmosphère, un premier sujet qui a ses caprices tout aussi fréquents que les étoiles rnàles et femelles de nos principaux théâtres. 18 i:w SUR LE TURF. Quand la saison s'abandonne à des fanlaisies barométriques tout à fait exagérées, le nombre des acteurs se trouve forcément aussi limité que celui des spectateurs. 11 faut aux premiers un temps au moins passable pour qu'ils puissent étudier leurs rôles, car ce n'est pas sur des roules durcies par les gelées qu'on peut s'exercer à galoper, et le verglas interdit toute espèce de répé- titions sur les obstacles. Quant aux seconds, ils se montrent peu disposés à visiter des hippodromes sur lesquels ils ont chance de ne gagner que des pleurésies : on a vitré les tribunes pour les abriter du vent du nord; le coke brûle dans de nombreux réchauds , des boissons chaudes les attendent aux différents buffets, malgré cela ils n'ont pas con- fiance, et il faut recon- naître qu'ils n'ont pas tout à fait tort, car le spec- tacle qu'on peut leur donner n'est pas assez tentant pour compenser les intempéries qu'il leur faudrait affronter. Dieu sait cependant qu'on a fait l'impossible pour procurer au public tout le confortable désirable sur cet hippodrome modèle, — que le pavage en bois placé aux abords des tribunes lui permet de les gagner à pied sec, qu'on a tracé des pistes imperméables du pesage au pari mutuel, qu'on a fait aux bookmakers un parquet que les agents de change pourraient leur envier, et que des vitrages avancés, posés au sommet des différents édifices, forment un abri à peu près ininterrompu; malgré toutes ces mesures préservatrices des- tinées à lui inspirer toute sécurité, la foule se méfie : elle redoute le coryza et ses fâcheuses suites; elle craint également pour ses beaux habits, et, comme la coquetterie joue son rôle du côté des sporsfmen tout aussi bien que du côté des sporstwomen, personne ne bouge, et chacun se réserve pour des jours meilleurs où l'on sera en droit d'espérer du soleil et un nombre de SUR LE TURF Ml degrés suffisants pour que les papillons puissent sortir de leurs chrysalides. Sous le watèrproof, hommes et femmes perdent un gros tant pour cent de leurs séductions, et les ts^~ deux sexes évitent les occasions de se montrer l'un N'ajamaiseu le poidi pour être jockey; ;\ l'autre SOUS UU aussi fàclieilX aspect. cependant tueiif des courses qni mil fait gagner à --"Ji propriétaire des suinmes su- périeures au\ allocalionfl moyennes. Seuls, les parieurs incorrigibles et impénitents, qui sont au public élégant des pesages un troisième sexe équivalant àl' Auver- gnat vis-à-vis du reste de la population, se résignent à se couvrir des plus de célébrité, est bon dernier dans l'Omnium en 189t. nauséabonds caoutchoucs et s'acharnent, les pieds dans leurs snowboots et le chef encapuchonné, à la recherche des savautes combinaisons qui doivent les conduire à la fortune. On a dit que le véritable joueur continuerait sa partie le... derrière dans l'eau. Ceux-ci prouvent la vérité de l'affirmation et continuent leurs petits paris sous les plus persévérantes averses : à certains jours, le ring n'est qu'un océan de parapluies tellement rapprochés que cet instrument protecteur perd toute son utilité et ne sert plus qu'à verser sur le voisin toute l'eau qu'il a interceptée. Il en résulte que la somme de liquide récollée par chacun reste la même; seulement celui-ci absorbe ce qui était primitivement destiné à Ji2 SUR LE TURF celui-là, et réciproquement. C'est l'arrosage mutuel, sans aucun prélèvement sur les mises... La grande supériorité du steeple-chase sur la course plaie réside dans le côté dramatique du spectacle et la brutalité des péripéties : je ne crois pas ■cv- Premier dt'parl. — Celui du slarler émettre un paradoxe en affirmant qu'aucun des plus fidèles spectateurs de Chantjlly et de Longchamps ne vient sur ces hippodromes pour la seule contemplation des épreuves qui y sont courues; tous ont un attrait à côté, paris, intrigues, intérêts d'éleveurs, etc. A Auleuil, il y a des habitués qui ne sont attirés que par le spectacle et viennent uniquement savourer les émotions mélodramatiques de l'accident. Au pesage. — Le paddock. La promenade sous l'œil de: SUK LE TURF I i5 Il est tellement prévu qu'un outillage spécial, construit selon les règles du plus savant confortable, attend sur les lieux les victimes probables de la journée : pour les hommes, des brancards garnis de leurs matelas et de leurs oreillers antiseptiques stationnent aux environs des obstacles, dissimulés dans les massifs sous la garde de leurs porteurs, l'œil au guet dès que le départ est donné et prêts à courir à toutes jambes sur le théâtre de l'événement, si le jockey qui a fait panache parait incapable de reprendre sur ses pieds le Brancardiers de la Société des steeple-cliascs à la poursuite d'un cavalier à transporter. — Aianl qu'ils arrivent, le blessé sera certainement sur ses jambes el aura repris le chemin du pesage. C'est du niuins la façon dont les choses se passent la plupart chemin du pesage; — disons de suite que ces appareils sont rarement employés. Ils sont antipathiques aux jockeys, et leur apparition inspire aux plus meurtris une telle répugnance qu'il est bien rare qu'ils ne trouvent pas assez de force pour prendre la fuite aussitôt qu'ils les aperçoivent. C'est un remède d'une efficacité incroyable et qui démontre victorieu- sement la puissance de la volonté : pour éviter ce transport qui leur déplaît, des hommes qui l'instant précédent paraissaient définitivement aplatis et con- ta 146 SIR LE TIRF. servaient une effrayante immobilité se relèvent instantanément, se dressent sur leurs jambes et se mettent en marche, en flageolant, eu s'appuyant aux bras des spectateurs, des camarades accourus pour les secourir, en se cram- ponnant au besoin au col du médecin de service, et refusent obstinément le secours des brancardiers, qui, tout désappointés, remportent dans sa cacbelte leur instrument refusé. Il faut qu'une superstition inexpliquée, mais fortement ancrée dans l'esprit des jockeys, soit attacbée à l'emploi de ce moyen de transport pour que On est d'accord pour constater que les gentlemen et les officiers montent autrement qae les jockeys, et ont à cheial une 'nie: l'on discute la laleor des deui méthodes, qui tiennent peut-être beaucoup pins a la construction physique des deui ealêsrariec de caraliers qu'à nue divergence théorique. l'aversion qu'il inspire soit aussi unanime; il ne sert que lorsqu'il y a syncope prolongée, c'est-à-dire impossibilité pour l'intéressé de formuler uu refus, ou fracture d'un membre inférieur qui lui enlève la faculté de se tenir debout. Faut croire qu'il porte la guigne! Les appareils destinés au transport des chevaux blessés sont autrement compliqués : ce sont des voitures dont le plancher mobile permet de sus- pendre les animaux à l'aide de sangles mises en mouvement par un méca- nisme très ingénieux de rouages à crémaillères assez puissants pour enlever sans secousses les poids les plus lourds. LK cm P DU BRANCARD. SUR LE TURF. I 49 Ces véhicules sonl assez larges pour que, en les reculant, ils emprisonnent le cheval hlessé à l'endroit même de sa chute, et que, quelle que soit la position dans laquelle il est reste, on puisse l'enlever, sans le forcer à se relever. Je ne sais si la Société prolectrice des animaux a répandu ses faveurs sur l'inventeur de ce véhicule, mais elle lui doit une récompense exceptionnelle, car il a rendu un vrai service à l'animalité souffrante, tellement plus digne d'intérêt que l'humanité dans le même cas, puisque celle-ci ne parait plus, a l'heure actuelle, apitoyer que Mme Séverine. 150 SUR LE TURF. Le succès de l'bippodrome d'Auteuil, dû à sa situation exceptionnelle d'abord, et ensuite à l'imagination du prince de Sagan, grand metteur en scène de la Société des steeple-cbases, a marché avec une telle rapidité que les résultats obtenus ont dépassé toutes les prévisions. Les recettes se sont élevées dans des proportions si invraisemblables que le budget dont dispose la Société parait devenu, aux yeux d'un certain nombre d'bommes de cheval, tout à fait exagéré relativement aux services que peut en attendre l'élevage en général. Selon eux, les animaux de premier ordre, dont la carrière de courses est terminée après les grandes épreuves de plat, méritent seuls les encouragements d'une réelle importance, et ils regrettent que les courses d'obstacles, qui ne sont disputées que par des chevaux que leur recrutement même éloigne du haras, disposent d'allocations aussi considéra- bles qui, pensent- ils, devraient être réservées aux animaux appelés à jouer un rôle prépondérant et direct dans la production générale : ils voudraient que les encouragements importants allassent directement aux producteurs chargés de perpétuer la race, et regrettent que des sommes aussi considérables soient affec- tées à des spécialistes dont le rôle, au Nouroui proprirw™.. point de vue de l'élevage, ne peut être que secondaire, et qui ne sont appelés à exercer sur la production qu'une action tout à fait indirecte. L'un des écrivains auxquels cette opulence de la Société des steeple-cbases parait excessive, si on la compare à la simple aisance de la Société d'encou- ragement, se demande s'il n'y aurait pas moyen de « consacrer l'excédent « des receltes soit à des achats d'étalons destinés aux dépôts du gouver- « neuient, initiative qui appartient aux sociétés, soit à des primes aux pouli- « nières et aux établissements d'élevage dont la répartition serait confiée à « des commissions spéciales. SI' P. LE TURF. I.-.I « L'argent ainsi employé ferait bien retour à l'élevage, comme le veuleul « les règlements, et il le ferait utilement. » Nous laissons à Touchstone, qui a assez de talent pour la soutenir, et peut- être de persévérance pour la faire aboutir, la responsabilité de celte théorie ; mais il nous a paru curieux d'enregistrer une critique qui constate un succès auquel on ne peut reprocher que d'être trop complet. S'il est vrai que le but ait été dépassé et que les allocations accordées soient exagérées, je ne vois pas comment, pour ma part, on peut espérer ramener les choses cà un équilibre plus rationnel : ce que l'élévation des prix me paraît devoir amener, c'est un plus grand nombre de gens désireux de les disputer, par suite un débouché plus considérable pour les producteurs et un encourage- ment indirect, je le veux bien, mais très rémunérateur à l'élevage. C'est, du reste, le résultat qu'on peut dès aujourd'hui constater par les prix atteints dans les ventes publiques, dès l'âge le plus tendre, par les chevaux soupçonnés de pouvoir galoper : il suffit que leur origine soit suffisamment fashio- nable, qu'ils aient un- demi-frère, voire un arrière-cousin ayant fait ses preuves, pour que le marteau du commissaire-priseur s'abatte sur un chiffre absolument respectable. Échange C'est bien à l'élevage que vont toutes ces sommes, et, si quelques proprié- taires heureux, je ne dis pas habiles, daus la crainte de blesser l 'amour- propre de ceux qui ne réussissent pas, prélèvent une part minime des capitaux mis en mouvement par les sociétés, leur exemple fait persévérer daus leurs sacrifices tant de propriétaires qui ne couvrent pas leurs frais que les éleveurs auraient vraiment mauvaise grâce à leur reprocher des bénéfices qui constituent une aussi excellente réclame pour leurs produits et maintiennent les espérances de leurs meilleurs clients. 152 SIR LE TIRF. Au surplus, l'importance des prix accordés aux steeple-chasers a influé trop manifestement sur la valeur des animaux employés dans la spécialité pour qu'on puisse contester l'élévation de la classe des chevaux qui figurent aujourd'hui dans les courses d'obstacles, comparés à ceux qui à l'origine disputaient les maigres allocations qu'on leur accordait. On dit que ce sont des cartes dans les mains des joueurs; c'est une opinion qui peut être défendue, mais qu'il est également permis de contester; en tout cas, les joueurs, puisque joueurs il y a, n'hésitent pas à payer leurs cartes en proportion des enjeux qui leur sont offerts, et c'est encore au profit de l'éle- vage, fabriquant ces cartes spéciales, que va la plus-value. Du moment que les règlements s'oppo- sent à ce que les sociétés thésaurisent et qu'elles n'ont pas d'actionnaires pour en- caisser leurs bénéfices, il faut bien que ceux-ci fassent retour à l'élevage, à moins qu'ils ne se volatilisent, ce qui est invrai- semblable. S<- déclare qu'il ail sa chaise <'l »» I'"» cigare... el Quand on constate l'invraisemblable succès obtenu à Auteuil par le steeple-chasing, qui, à Berny, à la Marche, à lincennes, avait laissé le plus grand nombre si complètement indifférent, on est naturellement amené à se demander quel élément nouveau a pu modifier aussi radicalement les dispositions du public à l'égard d'un spectacle qui avait tout d'abord paru ne le passionner que modérément. 11 n'est pas douteux que ce soit à l'établissement du pari mutuel qu'il aille attribuer ce complet revirement, et que sa nouvelle passion pour des exercices qui précédemment le laissaient plutôt froid n'est pas autre chose que la passion du jeu; mais, s'il est vrai qu'elle entre pour la grande part dans la réussite de l'hippodrome, elle n'est pas seule à en avoir assuré le succès. 20 '• ■ Ifc Aulre coiu du pesage. /■'■:> M s. . ' ' \. > m- .■■'■■■,.>■ ■'■ : %Mj& Encore un coin du pesage. SUR LE Tl'Kl'. 159 Le pari mutuel fonctionne ailleurs, et nulle part l'affluence n'est aussi considérable. La beauté du site, sa proximité de Paris, la facilité d'accès, sont des éléments dont il faut tenir compte et qui ont certainement contribué à la faveur exceptionnelle qu'Auleuil a monopolisée dès son ouverture. Il en est un autre qu'on ne saurait oublier sans ingratitude : l'infatigable activité du prince de Sagan, qui, président du club de la rue Royale au moment de la reconstitution de la Société des steeple-chases, prit la direction de l'organisation de l'hip- podrome dont il avait obtenu la con- cession du Conseil municipal. Ou ne saurait mieux dire que ne l'a fait M. de Saint-Albin dans son ouvrage : les Courses de chevaux en France, quelle a été l'influence du prince pour le succès de l'institu- tion. Je lui laisse la parole : « A tout Sagan, tout honneur ! le prince ré- gnant de la Société des steeple- chases est le conservateur de la grande existence. « Il marche droit devant lui, sans s'inquiéter du ministère qui paye, sans « souci des crises politiques ou financières. « 11 fait du luxe par patriotisme, pour que les étrangers trouvent toujours « la France en belle humeur. « Le prince a son quartier général au petit club. « Il occupe dans le cercle même un appartement dont les fenêtres donnent « sur la place de la Concorde. « Il a vue sur le Palais législatif. « Il semble que du Palais-Bourbon le prince de Sagan a reçu du gouverne- « ment, fort malin en celle circonstance, la mission secrète de former une « espèce de cour, très utile à un pays qui ne saurait vivre sans conserver ses IliO SLR LE TURF. « iradilions de bonne humeur et d'élégance; la politique le laisse froid, mais « le sport le passionne. « C'est lui qui a créé Auteuil. «C'est lui qui a ressuscité la Croix de Berny; c'est lui qui a inventé les « fêles de Marly. « Il fera ce qu'il voudra, où il le voudra, comme il le voudra : le monde, « le vrai monde, ne demande qu'à suivre son panache, n C'était si parfaitement vrai, celte influence du prince, sur les agissements de la fashion, qu'il lui suffisait de dire à quelle heure et à quel jour il était « chic » d'être vu à tel ou tel endroit, pour qu'elle s'y portât en troupe compacte, fût-ce dans les locaux les plus notoirement incom- modes et précédemment réputés les plus inélégants : ses décrets étaient sans appel. S'il est vrai que la mode ait un sceptre, elle s'en était déchargée aux mains du prince, qui s'en est servi pendant une vingtaine d'années avec une incomparable désinvolture : ses décisions avaient force de loi, et jamais dans notre pays, qui du reste n'en a pas eu beaucoup à supporter, aucun despote n'a été plus servilement obéi : c'était bien l'obéissance passive, sans discussion, sans examen. rdrei »ui joc- Admirable discipline, acceptée volontairement par un groupe de gens toujours prêts à se déclarer indé- pendants à tous les points de vue et qui prétendent n'agir que selon leur bon plaisir. Le leur était celui du prince. Cette influence qu'il exerçait si incontestablement sur l'élément mondain, le prince la mit au service de la Société des steeple-chases, dont il s'était SUR LE il RF. 161 promis d'assurer le succès, et, avec celle intuition qu'il possédait de la mise eu scène, il comprit qu'une exhibition annuelle des gens du monde sous les yeux de ceux qui n'eu sont pas constituerait une considérable attraction, un véritable clou! Restait à trouver le prétexte à ce cortège aristocratique. Ce ne fut pas long. La Société du Riding et Coacbing, une annexe du club de la rue Royale, organisait ses réunions, et il fut décidé qu'une journée dite « des drags » aurait lieu chaque année à Auteuil, dans laquelle un défdé de tous ces élégants équipages servirait de prologue au spectacle. C'est à la porte du cercle de la rue Royale, ainsi nommé parce qu'il est situé place de la Concorde, que se réunissent les drags appelés à figurer dans le cortège; n'y sont admis que les membres de la Société des Guides. C'est uue mesure de précaution dont le but est d'écarter les intrus. Au premier abord il semble qu'elle soit inspirée par une prudence exces- sive, puisque la plupart des gens en mesure d'atleler dans ces conditions exceptionnellement dispendieuses font généralement partie des grands cercles et, de ce fait, sont admis de droit dans la Société. Elle a cependant sa raison d'être, puisqu'elle permet d'exclure de celte figuration exlra-select les équipages que le Sherry RIosson et autres Moulins rouges ne manqueraient pas de chercher à y introduire. Après avoir subi sur la place de la Concorde l'examen prolongé d'un public plus spécial qu'indulgent, les attelages, précédés de whips en habits rouges chargés de leur ouvrir la voie, s'engagent par une courbe savante dessinée IG-2 S lll I.E TL'RF. aux alentours de l'obélisque dans l'avenue des Champs-Elysées, suivent l'avenue du Dois, gagnent l'avenue des Acacias et pénètrent sur l'hippo- drome, après avoir contourné l'enceinte du pesage pour venir se placer en ligne de bataille face aux tribunes. C'est le momeut de transporter du sommet des drags à la tribune du Club leur élégant chargement. Opération délicate qui ne va pas sans difficultés : les hautes personnalités qu'il s'agit de faire descendre de ces parages élevés sont souvent plus impor- tantes qu'agiles, et les échelles qu'on adapte aux sièges exigent une précision de mouvements qui reste le privilège de la jeunesse. tf$-<-^.V> m,o Mtf' 51 i "-S -C r:'X3K"Sf=1£^3iir.i;^ si i; LE nui'. [65 Les vieilles dames auxquelles leur situation de maîtresses de maison con- sidérables a valu le périlleux honneur d'être invitées constatent avec effroi l'infériorité des échelles sur les ascenseurs et ne parviennent le plus souvent à toucher terre qu'après des variations d'équilibre qui nuisent souvent à l'économie de leur toilette; les chapeaux perdent la position savante qu'ils occupaient au moment de la première ascension, et il n'est pas rare, dans celte descente accidentée, que leurs vénérables tibias se trouvent produits dans toute leur étendue aux regards irrespectueux du populaire, toujours sensible à ces révélations involontaires. C'est alors que s'effectue, sous le feu des lorgnettes du pesage, le passage de la piste : bien des gens qui monteraient à l'assaut avec la plus inébranlable fer- meté, se précipiteraient sans hésiter du haut des ponts pour repêcher leurs semblables, arrêteraient au besoin les chevaux le plus sérieusement emportés, les mieux disposés en un mot à mériter les médailles de sauve- tage de tous les modules et des métaux les plus variés, se sentent pris d'un véritable malaise à la pensée de défiler à découvert, en plein soleil, sous la batterie de milliers de regards plus ironiques encore que curieux, prompts à saisir le moindre ridicule... Les plus braves en sont impressionnés et leur atti- tude s'eu ressent; raide, guindée chez les uns, embar- rassée chez les autres, on voit qu'ils se sentent en spectacle et savent que leur public manque d'indulgence, La journéedes couchs ■ - :i«"• Un des principaux attraits de l'hippodrome d'Auleuil lient certainement de la certitude qu'on a d'y rencontrer toutes les personnalités eu vue du monde sportif. Un provincial curieux de connaître, au moins de vue, tous les héros du Turf, peut eu quelques séances réaliser son désir, car ce ne sont pas seulement les propriétaires d'écurie de sleeple-chases qui s'y réunissent au pesage; — les éleveurs qui leur ont vendu leurs chevaux ont la curiosité de voir comment ils se comportent, et les propriétaires d'écurie de plat, désireux de se débarrasser des chevaux qui ne leur ont pas donné pleine satisfaction, ne sont pas fâchés de se rendre compte de la façon dont les frères aînés de ceux- ci, entrés dans la spécialité, ont pris leur nouveau métier; — ils peuvent recueillir dans ce facile déplacement des indications qui leur permettront d'évaluer avec une plus grande précision les animaux dont ils comptent se SUR LE TURF : A AUTEWL. — CONVERSATIONS VARIÉES. Quelle tactique vous deiez suivre? Celle que \ous trouverez la meilleure. Le cheval peut et doit gagner, c'est à vous de savoir comment... Précieux encouragement. — Si le cheval n'était pas tombé toutes tes lois qu'il a couru ces derniers temps, je vous dirais que vont nez une très bonne chance... — Puisque le cheval est tombé... ! — Justement! pour qu'il fut sur de gugner, il aurait fullu qu'il fût d'abord bût de ne pas tomber... SUR LE Tl'RK : A AUTEUIL. .1/. Ed... Arc... et le colonel B . .t de B...é. — Eu voyant en grande conférence ces deux personnalités sportives, vous pourriez croire que vous allez surprendre un important secret. N'écoutez pas : il ne s'agit que d'uue combinaison pour le retour, et de décider où l'on se etrouvera pour gagner la voiture. SUR LE TURF : A AUTEl II,. Consultations complémentaires et consolations an.c convalescents. — Quand il y a, fracture, on sail pour combien de jours oi en a; mais, s'il s'agit d'une commotion, ce n'est qu'après des années qu'on peut avoir la certitude qu'elle n'aura pas île sniles... SUR LE Tl!Rl' : A Al'TEUU, vl ,, , « -si! Chute authentique de M. Halford dans le prix d'hiver, ïï /écrier 18X5, au mur en erre. — Le cheval Virelan, à M. Descliamps, avait la jambe cassée el dut être abattu. Quant au cavalier, sa chute, qui avait paru terrible, n'eut d'autre conséquence qu'une syncope assez prolongée. V> SI I! LE TURF. 187 défaire el savoir de façon à peu près certaine jusqu'à quel chiffre peuvent s'élever leurs prétentions. Le personnel des écuries s'y trouve également à peu près au complet. Entraîneurs et jockeys manquent rarement à ces réunions, qui 'ikV/jt comptent toujours d'importantes épreuves pour lesquelles ils ont souvent un renseignement qu'il peut être intéressant d'utiliser. Que ce soit pour un motif ou pour un autre, tout ce qui joue un rôle dans le sport se trouve l '^ës^>- _ J réuni à la butte Morlemart, et, j.„, , pie laïque a'obtiendroit pareil «accès. COmiIie le gTOS public aSSeZ claÎP- semé aux réunions de semaine n'enveloppe pas les personnalités dans des groupes trop compacts, l'examen de ce monde spécial se trouve là singulièrement facilité. C'est ce qui nous a permis de regarder assez attentivement un certain nombre d'habitués de l'endroit, pour que les autres les reconnaissent dans les croquis disséminés dans ce chapitre. (prés la victoire, au les petites mitéres aVun homme heureu Steeple-chose mililairc. SUR LE TURF. — DÉFINITION DU TUYAU. Xous empruntais h M. de Saint-Albin celte définition du mot tuyau, (|iii n„us parait parfaitement juste. Se dit dans l'argot du turf d'un renseignement qui n'est pas le secret de tout le monde, et ipji se donne dans le « tuyau de l'ureille . . SUR LE TURF. — DKFIXMTIOX DU TUYAU. <3ufL_ C'est pas son jour. — T'inquiète doue pas, puisqu'on te fera signe, et, d'abord, quand il gagnera, c'est pas moi qui le monterai... on gueulerait trop !... SUR LE TURF. - EXPRESSIONS TECHNIQUES. Broken-down. - Traduction littérale : Cassé peu' le bas Quand l'accident se produit en fin de course- et n'empêche pas le cheval de jç/w■ à |" i fei lionn Colombes est la petite classe de l'école dont les premiers sujets d'Auteuil et de Longcbamps seraient les rhétoriciens. SUR LE TIRE. A COLOMBES. Félicitations au vainqueur. — Vous avez gagné bien facilement; mais, si vous aviez pris moins de longueurs à l'arrivée, peut-être n'aurait-on pas réclamé votre cheval... et je crois que le propriétaire n'aurait pas été lâché (le le conserver... SUR LE TURF. •211 X'empêche que, parmi ces apprentis, certains montrent, dès à présent, des qualités très appréciables qui permettent de leur prédire un très brillant avenir. Le favori du public est certainement le jeune Slern, fils de l'entraîneur, qui a déjà fréquemment montré une présence d'esprit, une appréciation du train, et une précision dans les fins de course que beaucoup de ses aînés pourraient lui envier. Grâce aux combinaisons diverses qui ouvrent aux hacbs et huniers, et aux cavaliers de poids très légers, la plus grande part des épreuves qui y sont disputées, l'hippodrome de Colombes est devenu le Conservatoire national des gentlemen et des apprentis jockeys. Une nomenclature détaillée de ces deux catégories de cavaliers est d'autant plus inutile que le public connaît non seulement chacun de ceux qui figurent dans la première, mais sait parfaitement, à une livre près, de combien la monte des plus habiles d'entre eux favorise l'animal qui leur est confié, et qu'on retrouve le plus grand nombre de ces messieurs sur tous les autres champs de courses. Quant aux professionnels, ceux qui ont mis à profit leur apprentissage ne tardent guère à prendre rang à la suite de leurs aînés, tandis que leurs rivaux maladroits rentrent définitivement dans la plèbe des hommes d'écurie. 28 218 SUR LE TURF. Principal représentant de 1'. .1 Colo es Pour l'installation, on voit qu'elle a été étudiée avec autant de soin que les programmes, et par des hommes également compétents, sachant ce qu'ils veulent et où ils vont. Tribunes spacieuses dominant les pisles dans toute leur surface, paddocks étendus qui seront très prochainement ombragés, vastes box, han- gars confortables, rien ne manque pour assurer aux spectateurs et aux acteurs les meilleures conditions pour jouer leurs rôles respectifs; les premiers pouvant être sûrs de voir, quel que soit l'étal de la température, le spectacle qui les intéresse, les seconds, de ne courir aucun dan- ger inutile résultant de l'encombrement, mor- sures ou coups de pied amenés par une promis- cuité qu'en certains endroits le manque d'espace rend à peu près inévitables. La qualité du sol se trouve être, par sur- croît, de tout premier ordre, de telle sorte que les accidents des membres y paraissent moins à redouter que partout ailleurs; et ce n'est pas un des moindres éléments de succès pour un hippodrome sur lequel beaucoup d'animaux, déjà quelque peu en- dommagés, n'ont souvent reçu qu'une pré- paration incomplète, car les propriétaires, qui sont parfois, eux aussi, des débutants, n'ont pas toujours une connaissance pro- fonde de l'entraînement, cette science j,,,,,,,*,,.,.! toute d'expérience, de tact et d'obser- vation, qui se devine rarement et ne s'improvise jamais. \"ous avons déjà constaté combien nous étions disposés à exagérer le suit le Trni'\ 219 mérite d'un cheval dès qu'il est notre propriété, à plus forte raison quand nous en sommes en même temps l'entraîneur. C'est pourquoi il ne faut pas s'étonner, après avoir entendu affirmer par les intéressés qu'un animal est tout à fait prêt, de voir qu'il lui est tout à fait impossible de suivre le train. 220 SUR LE TURF : A COLOMBES. Après les courses — A la recherche de sou véhicule. L'hippodrome de h «allée de la Salle. FONTAINEBLEAU C'est en 1882, sur l'hippodrome de la vallée de la Solle, mis à sa disposi- tion par la Société d'encouragement, qu'eut lieu la première réunion de la Société de sport de France. Nous venons de la voir à Colombes, où elle est aujourd'hui dans ses meubles et très confortablement installée. Les jeunes gens qui l'avaient l'ondée avaient quelque peine à faire partager la confiance que leur inspirait l'avenir de la nouvelle société, les tentatives analogues ayant successivement échoué à brève échéance; mais, comme le but qu'ils se proposaient méritait qu'on les encourageât, que d'ailleurs ils ne sollicitaient aucune allocation des grandes sociétés, celles-ci ne purent refuser le concours purement moral qu'on leur demandait. SIR LE TURF La première manifestation de leur bienveillance fut de prêter à ses fonda- teurs l'hippodrome de Fontainebleau. La première réunion obtint un succès complet, toute la population des Dans les courais militiiircs, plus le ijr.nle est inférieur, plus le [rain esl Bupci uni environs répondit à l'appel qui lui avait été adressé, et, dès ses débuts, l'avenir de la nouvelle société se trouva assuré; les adhésions arrivèrent nombreuses, et, dès la seconde année de son existence, il lui fut possible d'ajouter 5,500 francs de prix aux objets d'art primitivement offerts aux vainqueurs. KONTAl\EBÏ,KAU. -•■v- : ■ . '■■■ ■ : ■-':. r ;---;, .,i\ { // | De I inconvénient de se laisser aller' ! ■ui cbar s de la nal el aui tenln- tmns que l'Iierlie inspire irrésistiblement aux populations urbaines FONTAI.VKIïLEAl. Courses à propos des En se rendant l'iiippodro réi ipro |" ■■ ranime, mais (oui aussi sévèrement menées que s'il s'agissail de disputer \r prix aus camai id - SUR LE TIR F. 227 Aujourd'hui, la Société de sport de France a son budget personnel, et c'est un budget très sérieux; elle dispose en outre des allocations de la Société d'encouragement et de la Société des steeple-cbascs, qui ont été sensiblement augmentées, en proportion des résultats constatés. C'est une véritable puissance qui reste fidèle à son programme et continue à soigner sa pépinière de cavaliers. M. Kmile Descbomps, M. J. do Iirumond. [mpo A ses débuts dans cette voie, il s'est passé à Fontainebleau un fait symbo- lique de nature à faire prévoir la réussite complète de ses projets, le voici : Dans un steeple-chase, un cheval quelconque, dont le nom m'échappe (il n'a joui d'ailleurs que d'une célébrité relative), désarçonne son jockey à l'un des premiers obstacles; celui-ci, trop endolori, cède sa place à uu homme d'écurie qui continue le parcours, mais culbute aussi, presque dans les jambes de M. Emile Deschamps, qui enfourche à son tour le quadrupède, sur lequel il gagne la course. 228 SI' P. LE TURF. Ou procède au pesage de la série de ses cavaliers successifs, qui par un heureux hasard étaient dans les conditions de poids indispensables pour que le prix pût lui être conservé. N'était-ce pas d'un heureux présage pour le succès d'une institution des- tinée à produire des cavaliers, d'en avoir utilisé trois pour uu seul cheval. Le père Aymon n'a pas obtenu beaucoup mieux, et il a gagné l'immorta- lité. CS^î^ I LA SOCIETE SPORTIVE D'ENCOURAGEMENT primes steeple La Société sportive d'encouragement, fondée après la dissolution des deux sociétés qui diri- geaient les hippodromes de Saiut-Ouen et du Vésiuet, d'Enghien et de Maisons-Lafûtle, a renoncé définitivement au champ de courses du Vésinet depuis 1891, et presque complète- ment abandonné celui de la Marche, où se don- naient primitivement six réunions; sur les trois hippodromes dont elle dispose, celui de Mai- sons-Laftille est exclusivement réservé aux courses plates ; ceux d'Enghien et de Saiul- Ouen aux courses d'obstacles, haies et steeple- chases. Tout en restant complètement indépendante, elle a adopté les règlements des deux sociétés dont elle s'est faite l'auxiliaire et offre un total de prix qui s'élèvent actuellement à plus d'un million. Elle donne en outre à diverses sociétés de province un certain nombre de prix et accorde aux éleveurs des gaguauls de certains prix des de 500 et de 1,000 francs, suivant l'exemple de la Société des •ebases. La Iribunc du jugn à Sainl-Oue: Les boxes à Saint-Ouen. — Mise eu selle lu roule lie Snint-Onen . — Tc.ul le long (1rs forlifs. SAIXT-OUEX C'est l'hippodrome delà Société le plus rapproché de la capitale et, je erois hien, le plus fréquenté. C'est en tout cas celui où le public de la pelouse est le plus nombreux. Les trains spéciaux réglés selon « les besoins du service » s'arrêtent à la porte même du Parc. Ou n'a qu'une route à traverser pour pénétrer dans l'enceinte du pesage, et l'entrée de la pelouse située sur la droite n'exige pas des piétons uue marche de plus de deux cents mèlres. 231 SUR LE TURF. 11 est vrai qu'il faul accomplir ce très court parcours au milieu d'une population d'un extérieur peu sympathique fournie par le tout-Paris des fortifs et dont le contact et les émanations sont plutôt désagréables. On se gratte instinctivement après l'avoir, traversée, et l'on est contraint pour se frayer un passage au milieu d'elle à des « pardon, Monsieur » à ces types qu'on n'aimerait guère rencontrer après le coucher du soleil. C'est un grand inconvénient auquel le très habile président de la Société trouvera certainement prochainement la façon de remédier. L'entrée du pesaye. — Si vis- il.' l.i ji.iiul.iln.il !inti;|.iii' 1.1 [mlilrsif h j.lus raffinée est de rigu elle D'esl pas réciproque. Le goût très vif qu'il a de la complète correction doit lui rendre pénible pour son public une promiscuité aussi gênante, et nous sommes certain qu'il doit dès maintenant chercher la combinaison capable de la faire cesser. Il la trouvera, nous n'en voulons pas douter. Comme tous les hippodromes de la Société sportive d'encouragement, SLR LE TU Ul'. 237 celui de Saint-Ouen est admirablement aménagé : de nombreux boxes atten- dent les concurrents à proximité du pesage, qui louche lui-même aux bara- quements du pari mutuel, qui se trouve comme par hasard sur le chemin des tribunes. On a tout sous la main, et tout est placé dans un ordre raisonné. Après avoir soigneusement examiné les chevaux, vous passez devant l'abri réservé aux bookmakers. Si la cote qu'ils vous ont offerte ne vous a pas convenu, vous trouvez, en gagnant la tribune, le pari mutuel, dont la répartition sera vraisemblable- ment beaucoup plus équitable au cas où l'animal de votre choix sortirait vainqueur de l'épreuve que vous allez contempler dans la spacieuse et con- 'orlable tribune qui vous est réservée; l'ensemble de l'organisation est si ingénieusement combiné que vous aurez pu faire toutes vos opérations pré- liminaires sans avoir à regretter un pas inutile. Celle entente des commodités du public qu'on retrouve dans toutes les installations de la Société est due à l'influence de son président, M. Adam, continuellement préoccupé des aises de ses hôtes : il imagine chaque jour 238 SUR LE TURF. une amélioration nouvelle, et, aussitôt qu'un défaut d'organisation lui est signalé, son imagination se meta la recherche du moyen d'y remédier. C'est ainsi que, cette année, l'humidité de la saison a amené l'apparition d'une multitude de petits bancs destinés à préserver du contact du sol les pieds des sporlsuomen, fidèles habituées du pesage, et, comme AI. Adam veut que ses innovations soient à l'abri de toute critique, en empruntant aux théâtres leurs petits bancs, il s'est bien gardé de leur prendre les ouvreuses préposées à leur dislrihutiou. Le petit banc n'est pas surveillé et reste à la libre disposition des amatrices. Jusqu'à présent, nous n'avons pas appris qu'on ait abusé de celte con- fiance et que personne se soit subrepticement emparé de ces bienfaisants petits meubles libéralement confiés à la probité de la foule. Les petits bancs du pesntje. — Toujours parfaitement aimable de la grille du pesage. ENGHIEN La physionomie particulière de cet hippodrome résulte de trois singularités qui lui sont spéciales : l'escalier qui déverse directement au cœur du pesage les spectateurs amenés par le chemin de fer, les rosiers grimpants qui déco- rent de la façon la plus pittoresque la grille en bordure de la piste, et les tapis qu'une escouade d'hommes de service déroule après chaque épreuve entre les portes du pesage et celles de la pelouse afin de faciliter le passage entre ces deux centres d'affaires et éviter que le mouvement incessant des parieurs allant de L'un à l'autre ne détériore la piste et n'y trace, les jours où elle est mouillée, des profondeurs et des sillons qui, une fois durcis par le 240 SUR LE TURF. soleil, pourraient sinon amener des chutes, occasionner tout au moins aux membres souvent délicats des concurrents de regrettables accidents. Si les commissaires, comme leur aimable président, se montrent, en effet, constamment soucieux d'augmenter le confortable des iutallations destinées I ,. M ■ 1 Los tapis de la Société sportive :^#: ^ Le Ijlus ilis liroltt-. pas empêché M. Henri Coulurié, qui le moulait, de continuer le parcours, de passer sans encombre la collection d'obstacles restants et de lutter à l'ar- rivée de façon à se placer second à une encolure du gagnant. Quant au mur du potager, c'était certainement l'un des obstacles les plus impressionnants qu'on pût imaginer : c'était une brèche pratiquée dans un mur de 3 mètres SUR LE TURF. 257 qui se prolongeait de chaque côté de la piste : pour passer dans cette ouver- ture, il fallait des cavaliers et des chevaux également francs sur l'obstacle. On l'a sensiblement modifié déjà, et le mur chargé d'espaliers et de vignes dans lequel la trouée avait été faite a été depuis longtemps sacrifié. La banquette irlandaise qu'il précédait sur l'ancien parcours n'était pas non plus un obstacle à dédaigner; haute de 1 mètre, elle était trop large La lutte entre Magenta el Grahuge débridé, monté |>ai M. H, Cuuttiri pour être franchie dans le saut, et pas assez pour que la foulée d'attente put y être prise sans avoir été judicieusement mesurée. Les chutes n'y étaient pas rares, mais les chevaux qui la passaient sans encombre pouvaient avoir la prétention d'être des sauteurs véritablement dressés. L'accès de ce charmant hippodrome est assez facile pour qu'où s'explique difficilement son abandon relatif. 33 258 SUR LE TIRF. Le chemin de fer s'arrête à la porle du parc, et le trajet eu voiture, par le bois et le parc de Saint- Cloud, ajoute au plaisir des courses celui de la plus agréable promenade qu'il soit possible de faire aux environs de Paris : le seul motif qui empêche qu'on la fasse aujourd'hui est sans doute qu'on l'a beaucoup faite autrefois. h |ijelle irliiinliiisr .1 l.i Marche. RAMBOUILLET Le champ de courses a pour lui de ue ressembler à aucun des hippo- dromes des environs immédiats de la capitale. Pris dans un angle formé par la forêt qui lui sert de limite, il reste ouvert du côté de la ville qui fait décor à "' orizon. C'est un paysage agréable, moyen, mais qui n'a pas un caractère suffisant pour attirer irrésistiblement la foule à ses trois La qualité des chevaux qui s'y disputent des allocations ho- norables, sans doute, mais sans très grande importance, ne mo- tiverait pas davantage un dépla- cement déjà long, sur une ligne de chemin de fer où les trains se fout remarquer par leur sage lenteur, les wagons par leur étal de délabrement, et dont l'embarcadère a le tort d'être exceptionnellement éloigné à la fois du centre de la capitale et des quartiers habités de préfé- rence par les classes aisées. Son véritable élément de succès vient de la manière ullra-select dont ses environs sont peuplés. 262 SUR LE TURF. En dehors du château rendu eélèhre par la mort de François I" et le séjour de plusieurs de nos souverains avant notre président actuel, l'arrondissement de Rambouillet contient toute une collection de résidences plus ou moins connues, d'une antiquilé variable et d'une importance également diverse, mais dont la moindre offre encore ce précieux avantage d'êlre située en plein pays de chasse, assez loin de Paris pour être à l'abri des invasions régulières du public dominical, et qui assure à sou propriétaire, pourvu qu'il ne soit pas personnellement affligé d'une incontestable muflerie, la possibilité de relations nombreuses, plus enviables les unes que les autres, et qui ne tardent pas, pourvu que le nouveau venu ait une valeur quelconque, à devenir très suffisamment cordiales et sans laçons pour qu'il puisse, avec un peu d'ima- gination, se figurer qu'il fait réellement partie du moude dans lequel son voisinage l'a fait admettre. Les châteaux s'appellent Mainlenon, le Marais, Augerville, Bonnelles, Dampierre, Cheviiicourt, Beauplan, Ureleuil, Mauvières, Cernay, Pontchar- train, Vaugien, Voisins, Courson, Beauregard, la Croix-Saint-Jacques, Cou- bertin, etc., etc., et il n'est pas besoin d'être de la force de feu d'Hozier sur l' Armoriai français, étranger et même israélile pour ciler les noms de leurs propriétaires. C'est à celle agglomération tout à fait exceptionnelle d'habitations de plai- sance dans, ses environs qu'il faut attribuer l'aflluence des personnalités élé- gantes qu'on reneoulre au pesage de Rambouillet, et le luxe des équipages qui y amènent ses habitués. Si l'aristocratique colonie des vallées circonvoisines ne dédaigne pas l'usage de la bicyclette, elle dispose de moyens de transport moins démocratiques et le progrès de l'aulomobilisme n'a pas encore fait mettre aux amateurs de chevaux la clef sous la porte de leurs écuries. Si plusieurs ont déjà leur voiture à pétrole ou électrique, c'est comme adjuvant à leur cavalerie, et je ne crois pas qu'aucun d'eux songe à remplacer complètement ses attelages par aucun appareil de traction mécanique, si per- fectionné qu'il puisse devenir. Le cheval a été associé à trop d'actions héroïques pour que son prestige puisse jamais disparaître; il est indissolublement lié à celui de la noblesse, SI 11 LE TIRF 263 qui resle intact malgré toutes les théories égalilaircs ; tout cavalier se sent quelque peu chevalier, et pour qu'il descende de la monture qui le maintient au-dessus du niveau de la foule, il faut que les infirmités l'enlèvent de sa selle ou que la diminution progressive des revenus lui interdise la possibilité matérielle de subvenir aux frais de nourriture et d'entretien. Le champ de courses. — Une chasse de la diirbessp, où l'un voit que, dans la réalité, les choses peuvent se pas* '"il lins l'ancien hippodrome. En dehors de ces motifs, aussi déplorables l'un que l'autre, tout individu qui a véritablement aimé le cheval n'y renonce jamais. Ceux qui s'en déclarent dégoûtés par une chute violente, une série d'errossages, une suite prolongée d'accidents dispendieux, n'ont jamais été de véritables cavaliers. Ils ont monté à cheval pour le chic, pour faire comme les camarades, mais sans plaisir réel, sans jamais éprouver ce sentiment d'intimité avec l'animal qui fait qu'on jouit de sa puissance musculaire comme si elle vous était person- 264 SUR LE TURF. nelle, et qu'après avoir mis pied à terre, on se sent amoindri, incomplet, dépossédé de la plénitude de ses moyens. Un cavalier ne renonce pas volontairement à son cheval, pas plus qu'un fantassin à la perte d'une de ses jambes. De pareils sacrifices ne sont pas de ceux qu'on décide, c'est une nécessité qu'on subit, une opération obligatoire à laquelle il faut savoir consentir, mais aux résultats de laquelle il est souvent bien difficile de se résigner. Les sportsmen de l'hippodrome rambolilain me paraissent mettre en pra- tique l'axiome en vertu duquel l'amour serait le premier, le plus naturel et le plus passionnant des sports : toujours est-il que les jolies personnes s'y comptent dans une proportion inconnue ailleurs. Elles ont d'autant plus de mérite que les professionnels sont en infime minorité. sut le Trui'. 267 El c'est une bonne fortune inespérée pour l'étranger (|iii a lente le déplace- ment, d:avojr l'occasion d'admirer ce groupe de jolies femmes auxquelles leur situation dans le monde, l'importance de leurs fortunes, permettraient de rivaliser de laideur avec les Hottentotes les plus répugnantes sans cesser d'avoir droit aux plus respectueux égards. Il faut bénir avec Gossuet les vues de la Providence, qui a voulu que les plus élevées par le rang et par la naissance fussent en même temps les plus belles. Nous avons dit avec quel luxe étaient tenus les équipages qui amènent au pesage les châtelains des alentours. Ils ne font pas partie delà catégorie qui professe que n'importe quel véhicule s u t iï t à la campagne et que c'est sur les routes départementales qu'il convient C»*^^V d'user jusqu'aux jantes les voitures que le respect bumaiu le plus élémentaire interdit de sortir à Paris; ils pensent, au contraire, que la campagne est aujourd'hui le seul endroit où l'on puisse, sans avoir à craindre des démons- trations désobligeantes, risquer des équipages d'une certaine originalité cl montrer des attelages dont le passage serait certainement mal accueilli, notamment au faubourg Antoine : c'est en vertu de ce raisonnement que le comte P i se sert régulièrement à Rambouillet de ses cinq postières conduites à l'allemande, et ne les emmène jamais à Paris, où leur apparition, même dans les quartiers les plus civilisés, ferai! certainement révolution. 21 iS SIR LE TURF. II a fallu la venue du Czar à Paris pour que ses habitants refissent con- naissance avec la race percheronne, disparue eu même temps que les dili- gences, les malles-postes et les postillons montés. Le succès qui a accueilli pendant les fêtes franco-russes les chevaux gris de l'Elysée, qui n'étaient eu réalité que le dessus du panier de l'effectif de la Compagnie générale des voitures de Paris, se trouvait justifié par la qualité des animaux qui lui étaient offerts en spectacle, mais la surprise causée par- la réapparition d'une race oubliée a certainement contribué dans une large mesure à l'admiration du public. Les jeunes générations n'ont pas connu les coupés huit ressorts de la poste impériale, que les juments baies choisies par le général Fleury traînaient des Tuileries au château de Saint-Cloud. Ça marchait vile et droit, et ça ne manquait pas d'un certain chic. Quant aux individus qui se rappellent avoir vu de leurs yeux le départ des malles-posles delà rue Jean-Jacques-Rousseau, ils sont aujourd'hui quelque SIR LE Tl'RF. 269 peu croulants, et ce n'est pas étonnant puisque le dernier dépari de ces pitto- resques véhicules remonte à quelque chose connue cinquante ans. Ce qui l'est davantage, c'est qu'il est presque impossible à l'heure actuelle de reconstituer dans ses détails aussi bien le costume des hommes que le harnachement des chevaux de la poste royale. Ni dans les estampes ni chez les fripiers ou ne peut trouver un équipe- ment complet, et pour avoir le dessin exact d'une botte de postillon, il faut aller au musée de Cluuy, où l'on conserve le seul spécimen connu d'un usten- sile que l'on rencontrait pendant la première moitié dn siècle à tous les coins de toutes les routes du territoire. Tout passe, tout casse, tout lasse, et l'on perd jusqu'au souvenir de ce qui vous a été le plus utile et de ce qu'on a le plus aimé. Boule d; Saint-Cloud. — Posli' de Xnpolc A PROPOS DES ATTELAGES DES CHATELAINS DES ENVIRONS DE RAMBOl ILLET. Or^ !.•■ départ de !.. malle-porte ISin). CHEVAUX HONGRES Il parait que les peuples heureux, qui sont en même temps les peuples sages, n'ont pas d'Iiisloire : c'est le contraire pour les chevaux. Quand un poulain fait preuve au dressage d'un exécrable caractère et que, malgré tous leurs efforts, entraîneurs et jockeys ne parviennent à en tirer aucun parti, son malheureux propriétaire se voit obligé de recourir aux grands moyens et de faire pratiquer à son détriment la délicate opération qui du noble rang d'étalon le ravale au piteux personnage de cheval hongre, cet oncle du poulain, au même titre que le bœuf est celui du veau. Cet humiliant sacrifice ne s'accomplit pas sans dangers, et sa réussite exige la réunion de conditions multiples qui ont chacune leur importance : tout d'abord l'habileté du praticien, ensuite l'installation matérielle de Téta- 272 SLR LE TURF. blissement où doit se passer le drame, et enfin l'intelligente application du traitement préparatoire destiné à mettre le patient dans l'état hygiénique le plus favorable et diminuer les chances d'accidents pendant et après l'opé- ration. Dans une race spécialement destinée à la reproduction, on ne l'applique qu'aux animaux d'un tempérament irritable qui doit faire prévoir de sérieuses défenses, et il est nécessaire, avant de rien tenter, d'abattre leur excessive énergie et d'atténuer leur nervosité par une médication spéciale... Ce calme factice une fois obtenu, on amène le cheval, la tète préalablement recouverte d'un capuchon de cuir capitonné, qui l'aveugle momentanément, le plus près £>V^ZT possible d'un plateau mobile auquel il est rapidement fixé par de solides courroies; une série de trous pratiqués dans le plateau permet le passage de cordes terminées par des bracelets qu'on attache autour des paturons et permettent d'imposer aux membres la position que le praticien juge néces- saire de leur donner. :J5 SUR LE TURF. 275 Ou fait basculer le plateau à l'aide d'une manivelle, et le cheval, couche sur une table fortement capitonnée sur laquelle il est exactement appliqué, se trouve à une hauteur convenable pour que l'opérateur puisse commodément effectuer son délicat travail. L'appareil que nous venons de décrire s'appelle le Travail Daviau, du nom de son inventeur. Il a depuis qu'on l'emploie, par l'immobilité qu'il leur impose, sauvé la vie à bien des animaux dout les mouvements désordonnés auraient fait dévier le scalpel des vétérinaires. Pour réussir pareille opération, il fallait autrefois à ceux-ci beaucoup de bonheur, aujourd'hui ils n'ont besoin que de beaucoup d'habileté et de savoir : beaucoup possèdent ces deux grandes qualités. Il est rare de rencontrer chez les particuliers un outillage qui, pour être simplifié autant qu'il est possible, n'en reste pas moins quelque peu encom- brant. 276 SUR LE TURF. Des établissements spéciaux où ou le trouve toujours prêt à fonctionner, le Haras des hautes pâtures, situé sur le bord de la Seine, au pont de Bezons, est certainement l'un de ceux dont le monde des courses se sert le plus 7olontiers. Membre d'une ancienne famille de gros cultivateurs, des plateaux voisins - .- ,- i t pâtures. — Lf ! des vétérinaires» de la vallée de Chevreuse, qui se savaient assez estimés pour n'avoir jamais éprouvé le besoin de changer de nom, M. Filou en est en même temps directeur et propriétaire; il possède une expérience déjà ancienne, puisqu'il était l'associé de son beau-père, M. Guillaume, au haras de Bures, aujour- d'hui occupé par la remonte, et veille assidûment à la rigoureuse applica- tion des prescriptions de vétérinaires tels que les frères Garcin, M. Filard, spécialement attaché à la maison, et de bien d'autres spécialistes parisiens dont la plupart viennent fréquemment visiter les pensionnaires qu'ils lui ont confiés. SI II i,e nur. 277 M. Filou dispose de cent quarante-huit boxes bâtis parallèlement cl coupes par une avenue qui traverse de bout en bout l'ensemble des constructions. Son hôpital hippique, qui est en même temps une véritable maison de correction, puisqu'un grand nombre de ses pensionnaires en sortent absolu- ment transformés au point de vue du caractère, est l'habitation la plus voi- sine de la maison de répression que l'Etat entretient dans la presqu'île de Gennevilliers. On assure dans les environs que l'administration n'obtient généralement pas d'aussi bons résultats que M. Filou. Il est vrai qu'il ne lui est pas permis d'employer les mêmes procédés. s*- Le lau du baras des taules pal SUR LE TURF. — CHEVAUX HONGRES. Le haras de Bures. SUR I.E TURF. EXPRESSIONS TECHNIQUES. SUR LE TURF. — EXPRESSIONS TECHNIQUES. Couper. — Quand un jockey s>st placé devant un concurrent sans avoir sur lui une longueur d'avance, il a coupé son adversaire. Outre la bousculade qui peut résulter d'une pareille manœuvre, elle entraine, quand elle est prouvée, la disqua- lification de celui qui y a eu recours s'il a gagné, et le prix revient au cheval classé second. SIR LE TUR] EXPRESSIONS TECHNIQUES. Détresse. — Ou dit d'un cheval qu'il i est en détresse » quand, pendant la course, il ne peut, malgré ses efforts, suivre le train mené par les antres; il peut arriver qu'un cheval soit loin derrière sans que celle expression lui soit applicable : il faut qu'il y ait lutte, et lutte inutile, de telle sorte qu'on ail dès lors la certitude qu'il sera, de tous les coucrureuts, le premier à bout (le forces SI II LE TURF. EXPRESSIONS TECHNIQUES. ■ l ï Emballé — Un cheval est emballé quand le jockey qui le monte n'a momentané- ment plus assez d'empire sur lui pour le modérer dans sou yalop. — Définition textuellement empruntée à l'ouvrage de M. de Saint-Albin : « Les Courses de chevaux. ,i LOXGCHAMPS (l'est la maison mère de la Sociélé d'encouragement, dom les autres hip- podromes ne sont que les succursales. C'est certainement le plus admirable emplacement qu'il soit possible d'imaginer pour le plaisir des yeux et le plus heureusement conformé pour qu'on y puisse suivre toutes les péripéties d'une course : tout s'y passe à découvert, et les mouvements de terrain, assez sensibles pour que les chevaux y montrent nettement leurs différentes aptitudes, ne sont nulle part assez accusés pour les cacher brusquement aux observateurs. Les rares bouquets de bois qui masquent les pistes à certains points sont trop peu importants pour faire disparaître le groupe des concurrents, au train dont ils marchent, pendant plus de deux ou trois secondes, et il est rare 288 SUR LE TURF. qu'au cours de ces rapides éclipses il se produise uu incident capable d'influer sur le résultat d'une épreuve. Les chutes sont heureusement rares en plat, car elles sont généralement graves, et malgré que mes souvenirs personnels remontent malheureusement pour moi assez loin, je ne me rappelle pas avoir jamais vu à la sortie d'uu de ces étroits rideaux de verdure moins de concurrents qu'au moment où ils y étaient entrés. sur.int que le favori est ou n'est [us o au m i./ui de sa condition » Ce qu'on voit par contre à peu près chaque année, c'est le spectateur impru- dent qui s'ohsline à traverser la piste après la sortie des chevaux pour rentrer de la pelouse au pesage, subit à plusieurs reprises les refus des agents qui ont la mission de s'opposer à l'exécution de projets aussi téméraires, et ne parvient à tromper leur surveillance qu'au moment précis où, encore courbé pour avoir passé sous la clôture entre les jambes des spectateurs, il se trouve en contact avec le peloton, qui l'envoie avec la force irrésistible d'une trombe rouler, comme une pomme détachée par un vent de tempête, à des dislances invraisemblables. SIR LE TDRF. 291 L'homme qui croit avoir « toujours le temps de passer » est la plupart du temps porteur d'uue contre marque de la tribune à cinq francs, appartient à la classe moyenne et ne possède sur les vitesses obtenues en courses et la possibilité de changer la direction de chevaux à pareille allure que des notions incomplètes. Chose invraisemblable quoique exacte, il survit un petit nombre de victimes d'accidents de ce genre! émeut le temps de Ira Si on les interroge sur leurs sensations, celles qui sont sincères avouent n'avoir que des souvenirs parfaitement vagues, mais toutes s'étonnent que les jockeys aient eu « la férocité » de ne pas se détourner de leur chemin. Celle ignorance absolue de ce qu'il est possible de faire à un cavalier lancé à pareille allure est la seule excuse à leur imprudence. Elle ne l'explique cependant pas : on ignore généralement si la foudre peut ou ne peut pas se détourner du chemin qu'elle suit ; on évite cependant, non moins généralement, de se placer les jours d'orage sur le passage des cou- rants d'air. Le seul défaut de l'installation du pesage de Longchamps résulte de l'éten- due des espaces à parcourir. 202 SUR LE TURF. N'allez pas croire sur celte déclaration que je regrette que le pesage soit assez grand pour contenir la foule qui s'y porte à certains jours! Il est tout naturel que les membres du Comité aient proportionné l'espace au nombre des invités qu'ils ont à recevoir; en agissant autrement, ils se seraient exposés aux mêmes critiques que les maîtresses de maison qui réunissent le ban et Parrière-ban de leurs nombreuses connaissances dans In déport. le salon, le petit salon, la salle à manger et l'antichambre d'un entresol du quartier Marbœuf. Ce qui me paraît regrettable, c'est, par exemple, la longueur du chemin qui sépare le champignon des bookmakers, où l'on apprend la cote; des baraques du pari mutuel, où l'on peut utiliser les renseignements qu'on est parvenu à se procurer. En outre, ce parcours, qui serait long pour des deux ans et qui est excessif SUR LE TURF. 29:$ pour les jeunes femmes, qui ont le droit d'être délicates, et les messieurs vieux, qui ont le regret d'être fréquemment fatigués, doit s'effectuer sur un terrain détestable, d'une dureté exceptionnelle, recouvert de monolithes de gravier peu sensiblement inférieurs comme volume à celui de Louqsor et d'une inégalité telle que le macadam avant le passage du rouleau semble, par comparaison, le véritable tapis de Turquie. Ajoutez que par le soleil il faut porter son ombre avec soi, et vous avouerez qu'on peut imaginer un confort plus complet. Pourquoi, au lieu des grandes routes qui entourent la pelouse placée der- Mallieun ui | urieurs en train d'accomplir If parcours des tribunes au pari mutuel. rière la tribune officielle, qu'il est interdit de traverser, ne pratiquerait-on pas une série d'allées, qu'on abriterait sous des arbres plus ou moins feuillus? Pourquoi, les jours de semaine, où le public est toujours moins nombreux, ne rapprocherait-on pas du ring et des paddocks les baraques du pari mutuel? Pourquoi, les jours de grande sécheresse, n'arroserait-on pas avec moins de parcimonie ? Pourquoi ? ? ? Je m'aperçois que j'ai l'air d'un grincheux, décidé à tout critiquer de parti 294 SUR LE TURF. pris : c'est inexact , je dis qu'on pourrait tirer un meilleur parti d'un en- droit naturellement merveilleux, parce qu'il me semble que l'on serait faci- lement partout aussi agréablement qu'on l'est aux abords des paddocks, à l'ombre, en pleine verdure, à la fraîcheur des arbres, et qu'on se fait rôtir inutilement sans bénéfice pour personne. Un coin du paddock. Ce vaste espace dégarni, derrière les tribunes, n'a d'autre résultat que de laisser voir l'ensemble de cet édifice. Je crois qu'en le masquant de massifs intelligemment rapprochés lui-même y gagnerait, et je suis sûr que la majorité des sporlsmen bénirait le commis- saire qui aurait l'idée de semer quelques oasis dans le Sahara qui sépare les paddocks des baraquements du pari mutuel. Quant à celui qui ferait faire des passages, en pavés de bois, par exemple, je lui garantis que sa mémoire serait bénie par toute une série de générations. SIR LE TURF. 297 Je ne crois pas qu'on réalise jamais les améliorations réclamées ci-dessus : on serait alors obligé de refuser du monde, car, dans l'élat actuel, la foule grossit chaque année dans une proportion que les statistiques établissent exac- tement et que constatent, pour la plus grande joie de la Société, les tableaux de recettes. Ce serait à faire croire que l'amour du cheval est devenu chez nous, comme en Angleterre, une passion générale. Il n'en est rien. Nouvel aspect de l'avenue des Acacias, uu matin, à l'heure eliii Le succès de toutes les mécaniques, aux pétroles les plus alambiqués et les plus nauséabonds, montre clairement que le cheval est resté pour la majorité de nos concitoyens un animal inquiétant, dont il est sage de tou- jours se méfier. Ou n'est jamais sûr avec lui qu'il obéira demain aussi docilement qu'il l'a fait la veille, et qu'il sera disposé à se montrer aussi paisible aujourd'hui 38 298 SUR LE TURF. qu'il l'était hier : avec une bonne machine, on est à l'abri de pareils chan- gements de caractère, ça roule droit et du même train, et, ajoutent les partisans de ce vilain moyen de transport, s'il y a accident, la faute n'en est pas à l'instrument mais au mécanicien, tandis qu'avec les chevaux... C'est en cela qu'ils se trompent, avec les chevaux comme avec les machines c'est toujours le conducteur qui est dans son tort. La véritable cause de l'affluence du public aux courses est la passion du jeu. , les téritables protagonistes du sport eu Kr Le moindre bookmaker a plus fait pour la réussite du sport eu France que les efforts désintéressés des plus fervents apôtres de l'amélioration des races chevalines, et l'établissement du pari mutuel a consacré le succès détinitif des courses en mettant l'élément démocratique en mesure de se mêler à « la partie » qui se joue à chaque épreuve. Les femmes de toutes les fractions de monde ont suivi le mouvement et parient avec l'entrain qu'elles mettent à faire ce qui leur plaît. Les méthodes qu'elles suivent brillent généralement par une fantaisie qui pourrait paraître exagérée si les résultats obtenus n'étaient pas fort souvent très supérieurs à ceux que donne aux gens raisonnables l'emploi de procédés plus sérieusement étudiés. En matière de jeu, l'instinct se montre bien souvent plus clairvoyant que SUR LE TURF. 299 le raisonnement, et la lucidité de certaines joueuses semble tenir du magné- tisme. — « Mettez-moi cinq louis sur le numéro sept... — Mais c'est une simple rosse... — Elle gaguera... — Qui vous l'a dit? — Personne, mais je suis sûre qu'elle gagnera. » Et, en effet, le numéro sept donne un bénéfice énorme après avoir gagné avec la plus extrême facilité. Avec ces joueuses impressionnistes, pas de récriminations. — Ma pauvre enfaDt. vous aie» encore perdu... — Qu'est-ce que ça fait, puisque c'est toi qui ca payer ! ! ! Si leur inspiration les a trompées, elles ne s'en prennent à personne et ne cberchent aucune explication à leur défaite. Longcliamps est certainement le marcbé où se brosse le plus gros chiffre d'affaires et où les donneurs subissent leurs plus grosses perles. Les parieurs en courses de plat jouent volontiers les favoris, et, quand un cheval leur parait « sur » , ils n'hésitent pas à payer les plus fortes propor- tions : les books ont beau élever la cote sur les autres chevaux, ils ne par- viennent pas à contrebalancer leurs livres, et la victoire d'un cheval imbattable leur coûte alors de grosses sommes. 300 SIR LE TURF. Pendant de longues années, l'accès du pesage est demeuré rigoureusement interdit à toute une catégorie de personnes trop élégantes ou précédées d'une notoriété trop tapageuse. Le règlement portait simplement que l'entrée de l'enceinte était interdite à toute personne « non accompagnée » . Dans l'application, le rigorisme était encore poussé plus loin, et des per- sonnes qui, Dieu sait par quels procédés! étaient parvenues à décider de très authentiques gentlemen à les piloter dans ces parages interdits ont été, malgré qu'elles fussent dans les conditions de la lettre du règlement, impi- toyablement éconduiles. - Quelle est rette raiissante rocolte ? Tout simplement mudame lu duchesse de X*". Les consignes données à leurs agents par les commissaires assuraient eu effet non seulement l'application du règlement dans ses dispositions écrites, mais dans son esprit, et les personnes trop connues pour pouvoir nier leur identité, qu'elles fussent accompagnées ou non, étaient obligées de retourner à leur voiture. On a depuis longtemps déjà renoncé à ces exclusions que la morale expli- quait, mais que la galanterie réprouve. L'aspect général de la réunion n'a pas perdu à l'admission en franchise de SUR LK TURF. 303 cette nouvelle catégorie d'élégantes, dont la tenue, d'ailleurs, est en général très suffisamment convenable et les conversations souvent beaucoup plus retenues que celles d'autres habituées de l'endroit parfaitement classées et très authenliquement légitimes. Ces consignes pudibondes auraient du reste été bien difficiles à maintenir aujourd'hui que les femmes qui sont du monde et celles qui n'en sont pas s'habillent de façon identique, et je suppose que si l'on avait persévéré dans l'exclusion des toilettes excentriques et particulièrement tapageuses, certains employés, aussi mal renseignés que bien intentionnés, auraient commis de bien lâcheuses méprises et réintégré dans leurs véhicules, sans aucun des égards qui leur sont dus, un certain nombre de duchesses. A. ■/- m F?*liJG loe pluie d'or ne laisse jamais la fuule indilterente ! .'.•• Quand on sait qu'à une date déterminée il doit tomber une pluie d'or, ce serait vraiment folie que de ne pas prendre ses mesures pour recueillir la plus grosse part possible de cette bienfaisante averse — l'exemple de Danaé est là, et, sans compter ses imitatrices directes, bien peu parmi les autres commerçants de la capitale ne cherchent pas à profiter de l'aubaine. Ils savent que les paquebots et les chemins de fer ont par des tarifs ten- tateurs préparé la venue de tout un monde d'étrangers et de provinciaux S lit LE TURF. 313 qui va augmenter d'autant le nombre de leurs tributaires habituels, et ils ont pris leurs disposilions en conséquence. Les hôteliers ont nettoyé tout au moins les façades de leurs immeubles, les garde-manger des restaurateurs sont bondés de provisions, et leur per- sonnel, doublé pour la circonstance, attend, la serviette sous le bras, l'arrivée du tlot de consommateurs promis. Toutes les mesures sont prises, et la réussite Gnale ne dépend plus que du baromètre. — Hausse ou baisse. — C'est toute la question. Si les industriels qui se chargent d'héberger et d'alimenter la population pendant cette journée exceptionnelle ont dû déployer une invraisemblable activité, ceux que leur profession désigue pour ajouter aux charmes de leurs contemporains des deux sexes travaillent depuis des semaines entières à leur embellissement. Les modistes, tailleurs, chapeliers, bottiers, couturiers et couturières rivalisent d'efforts et d'imagination pour remédier aux conformations les plus déplorables, dissimuler les plus regrettables dispositions anatomiques et accommoder leurs incomparables créations aux visages les moins favo- risés. — Le plus curieux est que parfois ils y parviennent, et que souvent l'on est obligé de s'y prendre à deux fois. pour constater que telle personne adorablement arrangée est en réalité un incomparable laideron ; — l'illusion est courte, mais on l'éprouve, et c'est assez pour qu'on soit reconnaissant aux magiciens qui ont pu vous faire croire, ne fût-ce qu'un instant, qu'il y avait une jolie femme de plus. 40 •Mi SUR LE TURF Si ce culte du moi est plus que iiaturel chez la femme, dont la mission est de plaire, et qui, la plupart du temps, est en possession d'un point de départ : jeunesse, minois mutin ou jolie tournure, qui justifie dans une certaine mesure les prétentions qu'elle peut avoir de charmer par les yeux, on ne comprend guère que le sexe fort cède aux mêmes préoccupa- tions et cherche d'une façon persistante à rivaliser de séductions plastiques avec les plus jolies femmes de Paris. Préparatifs intimes. — Côté îles hommes. L'homme, à de rares exceptions près, est un animal médiocre, qui sup- porte mal l'examen : pour qu'il prenne une valeur esthétique, l'action lui est indispensable, et, comme on dit aujourd'hui, il faut, pour qu'il devienne intéressant, que son geste soit beau. C'est ainsi qu'on conçoit aisément ce que veulent dire les locutions sui- vantes : c'est un beau tireur, un beau cavalier, tandis que « le beau X... » tout sec, n'éveille que l'idée d'un personnage plutôt déplaisant, sans que l'esprit en conçoive nettement l'aspect. Quelque recherche qu'on y puisse apporter, la toilette masculine moderne ne comporte d'ailleurs aucune combinaison qui permette de différencier sen- siblement un individu d'un autre, — on n'est pas habillé, mais enveloppé par la redingote moderne; le chapeau n'est pas une coiffure, c'est tout au plus un couvre-chef, et les Anglais ont trouvé le véritable nom du pantalon, en l'appelant l'indispensable. SUR LK TURF .'i: On a beau chercher de savantes combinaisons à ce démocratique accou- trement, on n'arrive qu'à des modifications de détail plus ou moins heu- reuses, plus ou moins réussies, mais qui ne créent pas un costume personnel; et tous ces efforts aboutissent à l'unique résultat de faire dire au passant : « Dieu ! que voilà un monsieur qui s'est donné du mal pour être plus laid que nature! » Malgré cet insuccès fatal, les tentatives se renouvellent, et chaque généra- Prépartitifs intimes. — Coté des dames. tion compte un certain nombre d'incurables qui cherchent la pierre philo- sophale de l'ornementation masculine. Quand chacun des individus dont l'accumulation doit constituer le public du Grand Prix se trouve en possession de l'accoutrement qui lui paraît de nature à mettre le mieux en valeur ses avantages extérieurs, il lui reste à se préoccuper d'un moyen de transport. Le plus grand nombre, et ce ne sont pas les plus mal inspirés, se con- tentent du chemin de fer, véhicule actuellement entré dans les mœurs, suffisamment rapide, peu coûteux, et qui, grâce aux billets de retour, assure aux décavés un moyen certain de regagner leur domicile. Il a en outre l'avantage d'offrir aux gens qu'il transporte toute sécurité; la puissance du capital engagé dans les entreprises d'une pareille impor- tance ne laisse aucune incertitude aux intéressés sur le règlement des indemnités qu'ils pourraient avoir à réclamer, et il n'est jamais indifférent 31 fi SUR LE TURF. de savoir que les entrepreneurs auxquels on confie ses membres sont, le cas échéant, en mesure de les payer à leur juste valeur. Un autre moyeu de locomotion, également économique, également mû par la vapeur, est mis à la disposition des voyageurs par la compagnie des bateaux-mouches. Il a sur le chemin de fer l'avantage d'avoir son débarcadère beaucoup plus près du champ de courses et d'éviter aux gens qui s'en servent les flots de poussière qu'il faut traverser lorsqu'on prend la voie de terre. ¥- Moyens de transport économiques. — Les bateaux-mouches. — Michel Chevalier et autres Leroy-Beaulieu ont, grâce à de savantes recherches, découvert que le transit par eau était, de beaucoup, le meilleur marché. Celte vérité, malgré la inarche do progrès, est restée incontestée. Viennent ensuite tous les véhicules imaginés depuis la découverte de la roue, en commençant par la tapissière monumentale, connue sous le nom générique de Pauline, pour finir au simple fiacre. Autrefois, la conquête d'une de ces voilures nécessitait une série de pro- cédés diplomatiques d'une extrême ingéniosité. Vous faisiez signe au cocher, il ne daignait même pas s'arrêter. Vous vous lanciez à sa poursuite, il poursuivait sa carrière avec majesté, et ne paraissait même pas écouter les offres que vous lui adressiez, jusqu'au moment où les enchères ambulantes auxquelles vous vous laissiez entraîner atteignaient le chiffre qu'il ambitionnait. L'escalier d'une jolie femme ou réputée telle à la veille du Grand Prix. SUR LE TURF. 319 Il ralentissait alors sa marche et commençait des pourparlers qui se terminaient par la promesse d'une somme représentant à peu de chose près la valeur totale de l'équipage. Cette première partie des négociations vous amenait jusqu'à l'intérieur di' la voiture, qui s'ébranlait à une allure d'une lenteur étudiée. Le prix convenu vous donnait l'audace de demander qu'on accélérât l'allure. autrefois, la conquête iJun nacre nécessitait uon seulement le i niais, en outre, eelui de tout respect hua rillce de la forte son Alors commençait un nouveau colloque qui remettait en question les conventions arrêtées ; pour le prix déterminé il n'avait pas été question de la vitesse du trajet. Quel intérêt puis-je avoir à crever mon cheval? disait le cocher. Bref, on ne parvenait à le faire pousser sa bête qu'en lui promettant de l'intéresser dans les paris qu'on comptait faire. On n'avait plus alors affaire à un conducteur, mais à un associé. On marchait comme le vent, mais on recevait des conseils. H faut reconnaître qu'ils n'étaient pas toujours plus mauvais que ceux des feuilles spéciales, et il est même arrivé à des voyageurs chançards de recueillir de la sorte des renseignements tout à fait excellents. 320 SUR LE TURF. Aujourd'hui, la pratique générale de la bicyclette a rendu au bourgeois le sentiment de sa dignité, en lui assurant un moyen de locomotion au cas où ses propositions seraient repoussées par les despotes à quatre roues. Ce sont ceux-ci maintenant qui font les premières ouvertures, qui clignent de l'œil au passage du piéton, et, lorsqu'on consent à entrer en pourparlers, ils ne demandent plus de partager avec eux votre revenu annuel. Peut-être se rendent-ils compte d'ailleurs que celui des rentiers diminue chaque jour, et leur modération n'est-elle inspirée que par une pitié par- faitement justifiée du reste Aujourd'hui, la pratique de la bicyclette a donne au hourfleois la possibilité de fie soustrair au despotisme des cocliers de fiacre. Les champs de courses ne peuvent pas, en général, être considérés comme des endroits déserts, et ce n'est pas là que se transportent habituellement les amateurs de solitude. Cependant, il y a des degrés eu toute chose, et ces degrés se mesurent par des chiffres. L'assistance à Longchamps un jour de Grand Prix est aux réunions ordi- naires ce que un est à dix — ce qui revient à dire que si l'étendue de terrain SUR LE TURF. Ml réservée habituellement à chaque spectateur peut être évaluée en temps normal à 2 mètres carrés, il ne reste plus que 25 centimètres carrés par individu le jour de cette exceptionnelle solennité. Il en résulte que l'œil le plus pénétrant ne peut arriver à découvrir la nature du sol sur lequel repose cette foule d'êtres humains, pressés les uns contre les autres, de telle façon que chacun d'eux adhère à ses voisins par une in- finité de points, et que le contact s'étend généralement des pieds à la tête en suivant toutes les sinuosités du corps, situation toujours fatigante, agréable parfois quand les hasards du tassement ont rapproché votre enveloppe ter- restre d'une analomie sympathique et suffisamment capitonnée... FfRN Qltf S '"(! i\ fi Moyens de transport économiques. Le cliemin de fer. — Ce n'esl pol que ce soi: chi:, mais oa y Ironie toujours de la place. Celte foule, quand on a vu tous les procédés employés pour la transporter là, on comprend qu'elle y soit, mais ce qui paraît tout à fait inexplicable, c'est la nature des toilettes qui s'y trouvent empilées. Qu'on s'habille en grand apparat pour aller dans un endroit où l'on peut être vu, c'est parfaitement compréhensible ; mais qu'on choisisse, pour aller 41 322 SUR LE TURF. exhiber ce qu'on possède de plus remarquable en fait de falbalas précisément l'endroit où les têtes ont toutes les peines du monde à émerger, où les corps sont comme enterrés les uns par les autres, voilà ce qu'il est difficile de s'imaginer, et c'est pourtant ce qui se renouvelle chaque année, à date fixe. Eu réalité, voilà comment les choses se passent : pendant la séance de quatre heures durant lesquelles les toilettes enchevêtrées les unes dans les autres sont impossibles à discerner, il se produit deux ou trois entr'actes, de très courte durée, alors que le flot des parieurs se concentre aux guichets du pari mutuel et autour des principaux bookmakers. Les derniers vestiges de la poste. — On trum > plus (le posti!loti&! Quand ces grands courants s'établissent, l'espace compris entre les tribunes et la piste se trouve momentanément et relativement dégagé. Les femmes en profitent alors pour faire une promenade dans cet étroit espace. L'exhibition dure peu, mais, pendant ces quelques minutes, quel public ! Les tribunes restent bondées, et c'est par dizaines de mille que se chiffrent les yeux et les lorgnettes qui sont braqués sur les élégantes promeneuses. — Si l'on cote la dépense d'après le temps où ces mémorables toilettes ont été vues, elles reviennent à des sommes folles par chaque minute d'exposition. — Si, au contraire, on compte par tête d'admirateur, elles coûtent des frac- tions de centime et constituent une réclame véritablement économique. C'est le triomphe de la publicité à bon marché... ' ' ' v ' " h ' | ! l ne tranche de la pelouse un jour de Grand Pr SIR LE TURF 323 Les jours de réunions ordinaires, on peut se procurer à la fois les jouis- sances du spectateur et celles du parieur. On peut examiner à loisir les belles toilettes, admirer les jolies frimousses et trouver encore le temps de surveil- ler la cote de façon à établir avantageusement ses paris, après quoi l'on gagne une tribune où, muni d'une bonne lorgnette, on peut suivre tous les incidents de la course. Un jour de Grand Prix, le cumul de ces différents plaisirs est impossible, et il faut de toute nécessité se décider à n'être qu'un spectateur ou qu'un parieur. Si l'on veut voir la course, il faut d'abord se procurer une place d'où la vue embrasse l'ensemble du parcours, et, se l'étant procurée, ne céder sous aucun prétexte à la tentation de l'abandonner. On ne la retrouverait pas. .A l.i reelieretie de > et de la bonne eule. Donc impossibilité de parier, car chacun sait que pour le faire utilement et intelligemment il est de toute nécessité de suivre les fluctuations de la cote, dont les mouvements vous renseignent souvent de la façon la meilleure sur les chances révélées au dernier moment d'un cheval soigneusement caché, et peuvent souvent substituer le nom du favori réel à celui du favori pré- sumé. 326 SUR LE TURF. Suivre attentivement ce cours des valeurs, c'est ce qu'on appelle tàler le pouls des bookmakers, et, comme il est impossible de se livrer à cette aus- cultation quand on garde une place par sa présence réelle, seul moyen effi- cace en pareille circonstance, il est incomparablement plus sage de s'abs- tenir. Si vous voulez voir, ne pariez pas ! Si, au contraire, vous voulez parier, résignez-vous à ne pas voir la lutte et, par conséquent, la façon dont votre argent sera défendu par le cheval et le jockey que vous aurez choisis pour défendre vos intérêts. Les acclamations de la fin vous feront connaître eu temps utile si vous avez à vous réjouir ou à déses- pérer. Quand bien même on s'est ré- signé à ne pas bouger, on n'est pas pour cela assuré de voir. Il suffit pour en être empêché d'avoir devant soi quelqu'un de plus grand que soi, ou un cha- peau un peu étoffé. La meilleure des tribunes est sans contredit la tribune officielle : à peu près abandonnée les jours ordinaires; nos gouvernants, de- puis plusieurs années déjà, étant peu sporlsmen, elle se garnit seulement le jour du Grand Prix. Là, pas d'encombrement, et les toilettes qu'on y arbore sont perceptibles à l'œil nu. On y est vu, et l'on y peut voir. Je sais bien que la plupart des personnages importants qui la A l'arrivée. — L'important n'est pas d'avoir de bons yeux, le plus vent on ne voit rien, mais de bonnes oreilles pour distinguer, p les cris de la foule, le nom du vainqueur. SUR LE TURF. 327 garnissent sont incapables de distinguer la casaque de M. Abeille de celle de M. Edmond Blanc, et que quelques-uns sont toujours surpris de ne plus voir en tète à l'arrivée le cbeval parti devant les autres, mais ils ne sont pas là pour juger la course. Leur présence n'a d'autre but que de donner à la solennité toute son importance. Ce but, le cbef de l'État l'atteint par le seul fait qu'il a pris la peine de se déplacer et de montrer à la foule idolâtre l'attelage de gala dont il ne se sert que dans les grandes occasions. !|.i' ^ m : vée du chef de l'Etat. Tro's heures buttant. — L'esactilude est la |io!itesse des [irésid. nts. L'équipage est d'ailleurs honorable et atteint le degré de correction qu'on est en droit d'exiger. Il ne faut pas s'attendre, en effet, à trouver dans des jockeys qui conduisent une fois par an une Daumont la désinvolture d'hommes habitués à monter tous les jours à cheval, mais la justice veut qu'on reconnaisse qu'ils ne s'en tirent pas trop mal pour des gens qui n'en ont pas l'habitude. 328 SUR LE TURF. Ou ne fait avec perfection que ce qu'on fait tous les jours, et encore faut-il y avoir été exercé dès l'enfance. L'on n'arrive à la virtuosité que par des exercices répétés. I n beau tournant ne s'exécute pas du premier coup, et il faut plus d'un essai pour venir stopper à grande allure devant un perron. Pour le faire avec précision, il faut l'expérience, mais on ne peut pas demander à un peloton de gardes nationaux de manœuvrer comme le batail- lon de Saint-Cyr. C'est le kr.iit anglais qu'on présente à l'examen admiratif de: Quand, à trois heures moins quatre minutes, le chef de l'État, donnant une nouvelle preuve de son exactitude chronométrique, a fait son entrée dans la tribune présidentielle, on sait que la grande épreuve de la journée m1 peut plus tarder à être courue. Les parieurs retardataires se précipitent aux guichets du pari mutuel, dont les employés redoublent d'activité, encaissant précipitamment, et timbrant leurs tickets avec une incomparable dextérité; pendant ce temps, les gros pontes s'empressent autour des bookmakers pour faire leurs derniers paris, cherchant à utiliser les derniers renseignements recueillis, se couvrant sur tel cheval, reprenant de tel autre, de façon à limiter leur perle en cas de L'arrivée. — Chacun cric le nom du cheval pour lequel il a parié. Tous les noms inscrits au programme soul vociférés de la sorte aussitôt que le peloton arrive au dernier tournant. Mais, à mesure que le résultat se précise, la nomenclature diminue, et bientôt le nom du vainqueur éclate dans un cri formidable, enthousiaste, si c'est le champion national qui triomphe, déses- péré si c'est l'étranger qui est vainqueur. ',1 SUR LE TURF. 331 défaite, car, au dernier moment, le doute vient aux plus convaincus, et tels qui, le malin, croyaient d'une façon absolue à leur favori, commencent à perdre de leur assurance après avoir comparé les concurrents et entendu les appréciations contradictoires des gens réputés les plus connaisseurs. Les conversations surprises avant la course, pendant qu'on examine les chevaux, ont modifié plus d'un pari, et souvent empêché un parieur qui avait eu dès le début une bonne intuition de la mettre à profit. Outre que les plus expérimentés, les meilleurs juges de la condition d'un animal sont sujets à l'erreur, bon nombre d'entre eux, se sachant écoulés, ne se gênent pas pour émettre à haute voix des opinions absolument contraires à leur inlime conviction. Le delile des concurrents. La raison en est simple : si le cheval qu'ils se proposent d'accompagner de leur argent compte un trop grand nombre de partisans, les bookmakers le descendront immédiatement à la cote d'un ou plusieurs points, et le rendement du pari mutuel se trouvera proportionnellement réduit. Leur intérêt est donc de dissimuler le plus possible l'impression favorable que l'examen d'un cheval leur aura causée. Il en est de même pour les pronostics des journaux, et l'on agira prudem- ment en n'acceptant pas les yeux fermés ceux des spécialistes qui sont notoi- rement connus comme joueurs. 332 SUR LE Tl'RF. On ne partage pas de bonne volonté avec des indifférents un bénéfice probable, et cliarité bien ordonnée commence par soi-même, ce qui revient à dire qu'il est rare que le possesseur d'un tuyau s'amuse à crier sur les toits le nom qui constitue son secret, et sur lequel reposent ses espérances les plus caressées. Ce n'est donc pas ce que peuvent dire les gens bien informés, mais ce qu'ils font, qu'il serait intéressant de savoir. ^ StJfjcf précautions. — Les gardes du corps du faV' i n'approcbez pas ! I oilà pourquoi on les suit quand ils s'approchent du betting et donnent leurs ordres aux books, mais il n'est pas toujours facile d'entendre ce qu'ils disent : un mot, un chilfre, un doigt posé sur le nom du cbeval choisi, c'est tout; et le curieux voit le gros parieur s'éloigner sans avoir rien deviné. Son choix reste un secret entre lui et le donneur. Cette répugnance des initiés à faire part aux tiers de leurs informations amène quelquefois des résultats tout à fait imprévus, et dans son volume sur les Courses, Saint-Albin en cite un amusant exemple. Je n'ai pas le texte sous les yeux, et c'est dommage, car personne ne raconte mieux que lui, mais je me rappelle le fait, et je vais tâcher de le dire après lui. Un de ces amis qu'on connaît saus les connaître, mais qu'on rencontre partout, et qui se croient autorisés à vous aborder parce que, ne se rappelant plus ni où ni comment ou les a connus, on craint en les rebutant de déso- bliger un brave homme, qui peut-être est l'ami d'un de vos amis vérita- bles, lui demandait plus fréquemment que de raison son avis de la dernière heure. SUR LE TURF. 335 Plusieurs lois il lui avait vainement répondu qu'il avait imprimé le matin le nom du cheval auquel il croyait la meilleure chance, l'autre insistait quand même. Lassé par celte indiscrétion persistante, et décidé à se débarrasser de l'importun, le prophète sportif lui désigna comme devant gagner certainement le concurrent le plus invraisemblable du programme. Ce fut précisément celui-là qui passa le premier le poteau, et la queue en trompette. Le raseur l'avait pris à une cote invraisemblable et gaguait une somme énorme. Le malheur de Saint-Albin a voulu que son obligé involontaire fût de com- plexion reconnaissante; il s'obstine depuis lors à lui témoigner sa gratitude en demandant de nouveaux renseignements. «f\ Un groupe d'. dont le gros public ne serait pas fjelié de connaître l'opioîo le mérite réel de chacun des concurrents. Mais revenons à nos moutons, c'est-à-dire à l'épreuve elle-même. — La cloche a sonné pour la mise en selle. Les jockeys ont reçu leurs instructions définitives, reste à savoir comment elles seront suivies, et dans quelle mesure elles pourront l'être. 336 SUR LE TURF. N'empêche que chaque propriétaire croit sa lactique infaillible et se féli- cite par avance de la réussite de sa combinaison, qui repose sur une étude approfondie du caractère, des qualités et des défauts de l'animal qui porte ses couleurs. La meilleure recommandation à faire est de partir devant et de ne pas se laisser rejoindre. En principe, elle paraît excellente ; dans la pratique, elle est difficile à suivre, et les exemples sont nombreux où les vainqueurs doivent leur succès à une attente prolongée. — Qui veut voyager loin, dit la sagesse des nations, ménage sa monture. C'est souvent parce que leurs jockeys s'étaient souvenus de cet adage que les gagnants ont pu trouver au dernier moment les forces nécessaires pour l'effort qui devait les conduire jusqu'au poteau. La rentrée i!ea che 11 est vrai que le contraire s'est produit avec un égal succès, et qu'on a vu les deux lactiques réussir également bien à la même écurie. C'est pour avoir su attendre que Insistas a fait triompher les couleurs de M. Delamarre, et c'est pour avoir pris la tète au départ et ne s'être laissé rejoindre à aucun moment du parcours que Vermoiit a, quelques années plus tôt, également gagné le Graud Prix de Paris pour le même propriétaire. Les deux méthodes peuvent donc être excellentes : le difficile est de décider dans quelles circonstances la première doit être préférée à la seconde, et réciproquement. SUR LE TURF. :wn I ne fois en selle, les concurrents quittent le paddock, conduits à la longe par l'entraîneur en personne ou par un lad de confiance qui les pilote jusqu'à la piste, à travers la foule des parieurs, désireux de voir quelle allure les concurrents prennent sous le cavalier, et juger de la liberté de leur action pendant le galop d'essai. Le galop d'essai a certainement une importance sérieuse, puisqu'il permet de constater si le champion choisi est en possession de ses moyens, s'il est en santé, — et c'est un point important qu'on oublie trop souvent, car un cheval n'est pas une machine qui peut donner le même effort, la même vitesse qu'elle a donnés hier, qu'elle fournira demain. Sur la peh Toute organisation animale est soumise à des inégalités que nous-mêmes, quoique nous ayous les ressources de la volonté, ressentons tous. Les conditions atmosphériques, pour ne citer qu'un exemple, agissent sur eux comme sur nous, et, s'ils pouvaient répondre aux interrogations des regards fixés sur eux, plus d'un, et parmi les plus énergiques, nous répon- drait certainement : Aujourd'hui je ne me sens pas en train. Ce serait un fameux renseignement. Mais, s'il ne peuvent nous le donner, un changement dans leur physiono- mie, l'œil moins vif, le poil moins brillant, le pas moins actif, un indice quelconque peut nous le faire deviner. 340 SIR LE TURF. C'est pour cela qu'un examen attentif des chevaux dans l'enceinte du pesage, pendant leur promenade, leur sortie et le galop d'essai, s'impose à tout parieur désireux de ne pas agir à l'aveuglette. Ce n'est pas une raison, parce que huit jours auparavant tel cheval a fait une course excellente, pour qu'il la renouvelle aujourd'hui. ' Sur la pelouse. — Pour .in, c'est moins l.illr.iil îles courses que le charme ih- la campagne l.ellcs midames . des compte» rendu tions dans la découverte de charmantes et jeunes figures qu'on distingue moins facilement dans des agglomérations plus nombreuses... Le rôle actif réservé à l'élément masculin présente un spectacle qui n'est pas à dédaigner; les multiples évolutions nécessitées par le jeu font valoir l'habileté des cavaliers, l'élégance de leurs silhouettes, leur adresse, qui égale celle de leurs chevaux, et la simplicité de leur costume permet aux connais- SLR LE TUIU". 377 seuses de recueillir sur les qualités de conformation des brillants champions une série de renseignements qui sont parfois utilisés. Ou découvre des musculatures qu'on ne soupçonnait .même pas sous le frac et l'on s'aperçoit que des hommes auxquels on reconnaissait seulement Ma WËÈÊmà , ■ > une jolie tournure sont de véritables modèles de force svelte et nerveuse, tels des chevaux qui sous les couvertures paraissent un peu ficelles et montrent, une fois découverts, des paquets de muscles de nature à rassurer les plus exigeants. Pour les grands sporlsmen, ceux qui ont une écurie, voire même une portion d'écurie, Deauville possède uue dernière attraction : les ventes de yearlings organisées et monopolisées par feu Chéri. C'est maintenant son gendre, M. Mal Bronn, qui préside à ces solennités qui ont lieu dans l'enceinte même du pesage. '.s 378 SUR LE TLRF Un nombre considérable de boxes, construits en arrière du pavillon des balances, hospitalise les convois amenés par les éleveurs, ce qui permet aux connaisseurs de se livrer, avant l'ouverture des enchères, à un examen approfondi des animaux qui leur sont offerts. Scrupuleu Cet examen a son importance, car il serait fâcheux de payer d'un prix con- sidérable un produit du sang le plus fashionable qui serait possesseur de remarquables jardons ou posséderait un rein absolument défectueux ; mais cette importance n'est que relative, il peut empècber un achat, par la conslalation d'un défaut capital; par contre, il est rare qu'il le détermine; ce qui décide d'aussi importantes acquisitions, c'est bien plutôt le pedigree que l'aspect d'animaux dont le modèle se formule à peine et dont les qualités se devinent plus qu'elles ne se constatent. Le moindre indice se confirme selon l'origine, et l'on escompte le déve- SUIt LE TUItK. ;',7<> loppement vraisemblable chez les enfants d'ime conformation qui a fait le mérite des parents. Malheureusement, de même que parfois les fils des gens les plus esti- mables se montrent fripouilles incomparables il arrive que le fils d'un excel- lent étalon et d'une jument hors ligne devient une rosse exceptionnelle. Ce sont, disait Bossuet, les secrets de la Providence, lesquels, par essence, étant impénétrables, sont particulièrement difficiles à deviner. C'est pour ce motif que tant de craks au moins vraisemblables finissent en chevaux de prix à réclamer. Malgré les déboires qui résultent de pareilles méprises, les ventes de Deau- ■c7<. z . 8! Irtno Vente de yearlings, d»n« la cour de l'établissement Cliéi ville offrent aux éleveurs un sérieux débouché, et aux propriétaires un moyen de remonte qui a donné à plusieurs d'excellents résultats. Les noms des grands vainqueurs achetés aux ventes publiques sont dans 380 SLR LE TIR F. la mémoire de tous les sportsmen : Plaisanterie, Nubienne, Maxico, Ruy- lilas, ont été payés, clans ces conditions, des prix dérisoires, ce qui ne les a pas empêchés de gagner la forte somme pour le compte de leurs heureux acquéreurs. C'est ce qui explique la quantité et l'élévation des enchères croissantes à chaque nouvelle vente, pour la plus grande joie et le « betit pénéfice » de leurs organisateurs. gjÉb v& Retour des courses. — Le dépari : 1 de la Brcautr DIEPPE Quelqu'un qui aurait mission de décerner un prix de beauté à l'un des hippodromes de Normandie serait certainement fort embarrassé : Deauville est le plus élégant, Caen le plus étendu, Cabourg le plus familial, Bernay le plus provincial, Lisieux le plus profondément normand; mais je crois que c'est à celui de Dieppe qu'il conviendrait d'accorder la palme, car je ne connais pas de paysage plus pittoresque. Les coteaux qui l'entourent, assombris par les futaies de la forêt d'Arqués, descendent jusqu'à des prairies d'un vert éclatant, coupées par des eaux courantes d'une admirable limpidité. Tout cela a un éclat qui montre vic- torieusement quelle puissance de végétation peut développer la terre de Normandie. La silhouette du vieux château qui s'élève au fond de l'amphi- théâtre révèle seule par ses teintes grises que toute cette verdure n'est pas seulement produite par les eaux courant à travers la vallée et que les pluies spéciales à la région, qui ont sali et miné ces vieilles murailles, y sont aussi pour quelque chose. 382 SLR LE TURF. Dieppe a sa pisle de plat et sa piste de steeple-chase : de la première, il n'y a rien à dire, elle est quelconque, plutôt inférieure, comme celles de tous les endroits où le petit nombre de réunions interdit les dépenses excessives nécessaires pour la fabrication du tapis idéal qui reste le monopole des grandes sociétés. La pisle des steeple-chases n'est naturellement pas plus soignée, mais le terrain est relativement bon, et les obstacles, bien compris, sont tout à fait favorables aux animaux qui savent réellement leur métier de sauteurs : le grand steeple-chase est, de toutes les épreuves actuelles, celle qui rappelle le mieux les débuts du sleeple-chasing, et son parcours conserve encore la plu- part des difficultés qu'on recherchait à l'origine pour mettre en lumière les qualités des premiers sujets de la spécialité. Il y faut, sinon de vieux routiers, du moins des chevaux particulièrement adroits et résistants, familiarisés avec tous les obstacles, les jugeant bien et sachant se recevoir sur n'importe quel terrain. C'est à la réunion de toutes ces qualités, rendues rares par le dressage actuel, qu'il faut attribuer le nombre des succès qu'y ont remporté les chevaux du baron Finot. Ils savent ce qu'ils font, grâce aux procédés employés pour leur dressage, et nos lec- teurs les connaissent par les révélations que nous avons empruntées à Fran- ciscan Friar. *\ Les tribunes du pesnge PAL L'hippodrome de Pau, pour être situé dans un pays particulièrement pit- toresque, ne mériterait pas une mention spéciale, si le groupe de véritables sportsmen qui ont élu domicile dans l'ancienne capitale du Béarnais ne donnait à ses réunions une physionomie tout à fait particulière. lion nombre de sociétés de province donnent des prix aussi importants, beaucoup possèdent une installation aussi confortable et non moins bien comprise, mais aucune ne réunit un aussi grand nombre de fidèles véritable- ment passionnés pour le sport et, surtout, le pratiquant avec une égale supériorité. Tous les membres de la colonie Paloise, qu'ils soient français ou étrangers, 49 386 SUR LE Tl'KF. professent pour le cheval le même culte passionné, et, bien que les étrangers y possèdent la majorité, on peut dire que Pau est peut-être le seul point du globe où l'internationalisme s'expérimente intelligemment? Avant qu'on arrive à l'union rêvée des Etats du monde entier, la société Paloisc réunit dans une entente complète des représentants de toutes les nations. 1 1 mmm, Les Américains et les Anglais y fraternisent de longue date, et les Français qui aiment véritablement le sport sont accueillis par eux comme de véritables compatriotes, tant, il est vrai, que rien ne rapproche plus complètement les natures les plus opposées qu'une passion commune. Les collectionneurs de timbres-poste, à quelque monde qu'ils appar- tiennent et quelle que soit la différence de leurs âges, peuvent soutenir d'interminables conversations sur leur spécialité. Il en est de même pour les fervents de l'équitaliou, et il n'est même pas toujours nécessaire qu'ils se comprennent complètement pour trouver un incontestable charme à des entretiens qui roulent invariablement sur l'objet de leurs prédilections. SIR LE TURF :$S7 Ils ne saisissent pas loules les finesses du dialogue, puisqu'ils ne con- naissent qu'imparfaitement les idiomes employés par leurs interlocuteurs, mais ils savent que le fonds de la conversation porte sur ce qui les intéresse le plus profondément, et c'est suffisant pour qu'ils y prennent le plus grand intérêt; si les nuances leur échappent, le fonds les passionne. Avec un public aussi sincèrement épris du cheval, il est naturel que les On toise le» poneys pour le courses soient religieusement suivies et que, quand la saison eu est tiuie, tous les dilellauli d'équilation qui ne peuvent chasser tous les jours le renard cherchent à utiliser, pour se livrer à leur sport favori, un terrain bien entretenu, qui se prête admirablement aux multiples usages que lui trouve leur inépuisable imagination. Toutes les occasions et tous les prétextes leur sont bons pour y orga- niser des private meeting dont les programmes sont extraordinairement variés. 388 SLR LE TURF. Les gentlemen de la Colonie en font lous les frais, à la lettre comme au figuré. Ce sont eux qui figurent comme acteurs et règlent la note à payer. Qu'un personnage de marque arrive à Pau, on organise immédiatement WÊM4 ■--^w^x^i^^ quelque chose pour célébrer sa présence. Un accident de montagne s'est-il produit, un incendie s'est-il déclaré à dix lieues à la ronde, vite une fête de charité au profit des victimes ! On évalue les frais, on fixe les cotisations et l'on va de l'avant. Les sinistrés auxquels les recettes sont destinées n'y sont généralement pas de leur poche, et les organisateurs trouvent dans le succès la compensation de leurs débours, de telle sorte que tout le monde est satisfait et que les uus et les autres n'attendent qu'une nouvelle occasion de recommencer. La variété des exercices auxquels tous ces messieurs se livrent dans ces SIR LE TURF. 389 réunions supplémentaires est invraisemblable et montre à quel degré d'ayi- lité, voisine de l'acrobatie, peuvent atteindre des hommes jeunes cl bien con- formés qui vivent constamment à cheval. La légende des Centaures est au-dessous de la vérité. Ces personnages fabuleux étaient soudés à leurs montures, ce qui dans une foule de circonstances devait être singulièrement gênant. Ils ont, eux, une autre liberté de mouvements : lis montent et descendent dans le même instant, s'habillent sur leur selle, K transportent des fardeaux, véhiculent d'un point à un autre avec une vitesse vertigineuse les objets les plus fragiles et évoluent sur des chevaux miscros- copiques dans un labyrinthe de poteaux, à travers lesquels le petit Poucet en personne, malgré la précocité de son intelligence, aurait de la peine à retrouver son chemin même en plein jour. La cavalerie qu'on utilise daus ces jeux est aussi diverse que ces exercices eux-mêmes — hacks et hunters y trouvent leur emploi, comme les chevaux de Polo. Plusieurs y ont gagné une réputation durable, et le nom de French, l'irlan- dais noir du comte de Bari, qui malgré sa grande habileté de sauteur dut être 390 SUR LE TURF. aballu après uue chute à Mari y, n'est pas encore oublié; d'autres virtuoses de l'obstacle, plus heureux, sont cités en même temps comme des sauteurs hors ligne et des macrobiles de l'espèce chevaline, tel tlie Major au comte Jean de Madré, qui a pu jusqu'à l'âge de vingt-sept aus accomplir le parcours de steeple-chase de l'hippodrome palois. Les chevaux ne sont pas seuls à con- server tardivement la possession de tous If leurs moyens. Parmi les cavaliers qui figurent dans ces parades d'agilité, ou compte un cer- Course aux œufs. r ° ' r tain nombre de quinquagénaires qui ont gardé toute l'élasticité de la plupart de leurs mouvements. Quand, ayant dépassé le milieu de la vie, on n'éprouve aucune hésitation devant un obstacle, on peut se vanter d'être au nombre des privilégiés : l'instinct de la majorité des gens qui ne sont plus dans toute leur fraîcheur les porte généralement à éviter les occa- sions de faire une chute, dont la fâ- cheuse courbature sera forcément la moins grave des conséquences. A l'âge de la grande souplesse, on se relève après les culbutes les plus vio- lentes sans aucune sensation doulou- reuse, et, si le cheval a bien voulu attendre son cavalier, celui-ci se remet immédiatement en selle et reprend sa course sans penser davantage à l'in- cident qui s'est produit. Il n'en va pas de même quand est passé l'âge de « toutes les audaces » . SUR LE TURF 391 Les vieux muscles qui se sont trouvés eu contact avec le sol en gardent toujours un fâcheux souvenir; la peau, telle une étoffe qui n'a plus que sa traîne, s'éralle plus facilement, et les os, qui manquent de moelle, se montrent infiniment plus friables : — telle précaution qui, prise par un homme de vingt-cinq ans serait le comble de la pusillanimité, n'est plus, pour un vieux monsieur, que l'indice de la plus élémentaire prudence. 1\ UACRCB1TE !>:■: LKSP1CE CHEVALINE The Major à M. J. de Madré, à l'âge Ce tingt-sej t ans I,e saul du cotitre-l VINCENNES C'est l'hippodrome de la Société d'encouragement pour l'amélioration du cheval frauçais de demi-sang, et l'on y pratique tous les genres de courses : plat, steeple-chase et trot. Le but que la Société s'est proposé permettrait de s'étonner d'un pareil éclectisme, d'autant plus que la majorité des épreuves de steeple-chase et la totalité de celles de plat sont disputées par les chevaux de pur sang : il a cependant sa raison d'être. Toutes les fois qu'on a voulu organiser des courses exclusivement réservées aux trotteurs, le public s'est abstenu : sans public pas de recettes, et sans recettes pas d'encouragement. De là l'institution des réunions mixtes. Les courses au galop attirent le public, et les courses de trot profitent de sa présence. C'est une combinaison ingénieuse qui favorise les uns et les autres, et, du 50 394 SUR LE TIRF. moment que le but est atteint, la nature des moyens employés n'a qu'une importance secondaire. Le terrain du plateau de Gravelle, très étendu et assez mouvementé, est cependant assez découvert pour qu'il soit facile d'y suivre les incidents des courses variées qui s'y disputent. La piste des steeplc-chases, souvent profonde, exige de la part des chevaux GJT lu slecple-ibase miliuiir une sérieuse endurance, et son parcours est celui qui, à l'heure actuelle, rap- pelle le plus celui de feu la Croix de Berny. Les épreuves militaires y sont nombreuses, principalement les courses de sous-officiers, qui sont montés précisément sur les chevaux dont la Société encourage la production, et le train dont elles sont menées montre que, malgré tout ce que l'on a pu dire, sur la direction donnée à l'élevage du demi-sang, il produit encore des galopeurs. La préoccupation que les éleveurs peuvent avoir de fabriquer des animaux capables d'atteindre les plus grandes vitesses au trot ne les empêche pas de donner à leurs poulinières des étalons de pur sang et de pratiquer également le croisement à l'envers. SI II LI<: TUIll'. 397 Daus les deux cas, les produits s'affluent de plus en plus, et leur modèle prend chaque jour une plus grande distinction. S'il est vrai, comme l'affirme un groupe très sérieux d'hommes très com- pétents, que les courses de trot influent sur la conformation des animaux qu'on y consacre et que la préparation spéciale à laquelle on les soumet développe à l'excès certaines particularités de construction, augmentent des points de force au détriment de l'harmonie générale et tendent à spécialiser une grande quantité d'animaux, un nombre tout aussi considérable de spécialistes con- teste les affirmations des premiers et soutient que les défauts constatés chez les premiers sujets des hippodromes de trot ne sont que des apparences qui résultent non pas de leur conformation primitive, de leur construction vraie, mais du développement artificiel produit par l'entraînement , qui modifie l'aspect des membres et trompe l'observation en altérant momentanément les proportions primitives. A l'appui de cette opinion, ils citent l'exemple de chevaux qui, successive- ment préparés pour le trotting et les courses au galop, ont fait preuve dans ces deux spécialités de qualités supérieures et se sont montrés complètement métamorphosés par l'application d'entraînements différents. Les deux théories ont leurs partisans également convaincus, cl les polé- 398 SIR LE TURF. iniques auxquelles elles donnent lieu ne sont certainement pas sur le point de se terminer. Chaque parti fait tous les jours de nouvelles recrues aussi passionnées que leurs aînés et non moins ardentes à la lutte. Les apôtres des courses au galop ont, dès à présent, constitué une société nouvelle qui se propose d'instituer des courses d'obstacles réservées au demi-sang, dans lesquelles nous reverrons les gros obstacles, les gros poids et les longs parcours de l'ancien steeple-cbasing. Malheureusement, ses res- sources sont encore trop modestes pour qu'il lui soit possible de réaliser ses projets : cependant les adhésions affluent, les cotisations abondent et, dès aujourd'hui, bien que la nouvelle société ait à peine deux ans d'existence, son comité a pu distribuer un certain nombre de primes aux éleveurs dont les produits lui ont paru mériter d'être encouragés, leur modèle se rapprochant du desideratum qu'elle recherche. Elle est loin de posséder des revenus aussi importants que ceux dont la société du demi-sang et même le trolting-club peuvent disposer pour offrir les allocations qui sont disputées à Viucennes et à Levallois-Perret ; mais, comme le but qu'elle se propose répond à un besoin sérieux, que les partisans de ses doctrines sont nombreux et que les hommes placés à sa tète ont toutes les qualités nécessaires pour faire aboutir leurs projets, il est probable que nous n'attendrons pas longtemps les résultats de leur pro- pagande. Nous assisterons donc prochainement, pourvu que Dieu nous prête vie, à SUR LE TURF. :5f>!) l'ouverture d'un hippodrome où l'on verra des obstaelcs analogues sinon identiques à l'ancienne banquette de Vinccnnes, de véritables contre-bas, des murs de plus de soixante centimètres et des rivières assez larges pour qu'il ne suffise pas de sauter dans le train la baie qui les précède pour avoir les plus grandes chances d'arriver de l'autre côté. L'élévation des poids permettra aux gens dont la (aille dépasse celle en honneur à Lilliput de continuer à monter eu course après qu'ils auront atteint l'âge oii les tours de taille s'élargissent et où les efforts de l'entraîne- ment ne parviennent plus à limiter le nombre des kilogrammes. Quand ces temps seront arrivés, et nous souhaitons qu'ils ne se fassent pas trop attendre, nous assisterons souvent, je l'espère, à un spectacle intéressant qui nous permettra d'admirer le sang-froid et l'habileté de véritables cava- liers et l'adresse de chevaux dont le dressage sera complet. La vitesse sera certainement diminuée, et l'on ne verra vraisemblablement pas ces nouveaux steeple-chasers abandonner momentanément leur spécialité pour venir gagnera Longchamps ou h Maisons-Laffilte quelque course de plat. A cela nous ne voyons aucun inconvénient. Si l'on obtient une nouvelle catégorie de bons chevaux, je ne vois pas qui pourrait s'en plaindre? Ils ne feraient concurrence à personne : les chevaux de pur sang conser- veront leur supériorité de vitesse, les demi-sang trotteurs atteindront des records inconnus jusqu'à présent, pendant que les nouveaux venus franchi- ront des obstacles de plus en plus élevés sur des parcours interminables. Ce ne sera qu'un nouveau sport dont le succès ne diminuera en rien celui 400 SUR LE TURF. des autres sports déjà en faveur : la difficulté sera peut-être de lui réserver des journées sur le calendrier des courses, mais on y parviendra, et, pourvu que sur le champ de courses encore inconnu qui sera monopolisé par le demi-sang galopeur le pari mutuel fonctionne régulièrement, nous n'hésitons pas à prophétiser que le puhlic ne manquera pas. 6"^C FIN! DE SU H LE TURT TA RI.K AU BARON FINOT. — Dbdisme AU LECTEUR LES COI RSES. — Considérations générales. — Les acteurs. — Leur recrutement. — Éle- vage et ventes publiques. — Propriétaires éleveurs et propriétaires acheteurs. — Les mécomptes de l'éleveur. — Ah! c'est un métier difficile! — Établissements de vente — Saint-James. — Le Tattersall — Dressage. — Entraînement. — De l'importance des engagements. LE CHAPITRE DES PARIS. — Quel serait le véritable conseil à donner en matière de paris? — Serait-il suivi? — Du jeu en général — Systèmes variés. — Tous sont bons! — Tous sont mauvais! Un nouveau guide du parieur — Le « Tout v — Le « Match CHANTILLY. — La Compagnie du Xord. — Les mendiant». — Le moyen de leur échapper. — Les fiacres locaux. — Les lads. — La chasse aux renseignements. — Le buffet. — Chercheuses de tuyaux. — Le pari mutuel — Essai Handicap — Un handicap peu ordinaire LA CROIX DE BERNY — L'accident de M. Torrance :)orlil's . MARLY-LE-ROI. — Propos AUTEUIL. — Le public. — Abondance de notabiliti grands prix d'Auteuil. — Propos variés, etc — définition du tuyau — Expressions techniques — Uxe visite \ I.VVCK — La journée des Coacbs. — L< COLOMBES FONTAINEBLEAU — Conseil d'ami — La Société sportive d'encouragement. SAINT-OUEN 49 81 85 89 101 123 12.") 133 137 189 193 197 221 229 231 233 404 TABLE. Pages ENGHIEN 239 MAISONS-LAFITTE 245 LA MARCHE 251 RAMBOUILLET 261 — Chevaux hongres 271 — Expressions techniques 279 LOYCHAMPS 287 — Le Grand Prix de Paris 311 — La campagne normande 353 CAEN 357 DEAUVILLE 301 DIEPPE 381 PAU 385 V1NCENNES 393 PARIS. TVPOr.RiPHIE DE E. PI.ON, NOURRIT ET Cie, 8, RIE laRIXCIKRE. 3513. M •». J6r m