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nOU.ECTlOS DES PLUS BELLES PAGES

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Théophile

ODES ET STANCES. ÉLÉGIES ET SONNETS

I A MAISON DE SYLVIE; FRAGMENTS : PTRAHE ET TTSDÉ ;

POÉSIES niVERSES; CONTES

appendice: docoments biographiques; anecdotes;

jugements littéraires ;

le parnasse satyrique et le procès. bibliographie

avec le pontrait de danet

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COLLECTION DES PLUS BELLES PAGES

Théophile

ODES ET STANCES. ÉLIiGIES ET SONNETS

I.A MAISON DE SYLVIE. FRAGMENTS .* l'YRAME ET TTSBli ;

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II faut un peu d'adresse à bien cueillir des roses.

TUÉOI'IIILE.

NOTICE

THÉOPHILE

a Depuis ce temps-là, écrivait Sorel, dans sa Bibliothèque française, en i6G4, nos premiers poètes furent Théophile et Saint-Amant. » De- puis ce temps-là, c'est-à-dire depuis Malherbe et son école, jusqu'au renouveau de lOGo, Théo- phile est en efFet avec Saint-Amant, délaissé un peu plus vite, avec Tristan Lhermite et Guil-

THEOPHILE

laume Golletct, connus seulement dans un cer- cle, à peu près le seul poète. Sa vog'ue dura environ soixante ans,' et pendant ce larg'e demi-siècle, ses poésies furent réimprimées, chaque année à peu près, soit à Paris, soit à Rouen, Lyon ou Bordeaux. C'était plus que la vog'ue, c'était la gloire; sans Boileau, Théo- phile eût sans doute continué de régner jusqu'à la fin de l'ancienne littérature française. L'idole renversée, le socle resta vide. La démolition de Théophile l'ut celle de la poésie lyrique person- nelle : depuis la Maison de Sylvie jusqu'à la Jeune captive, la poésie française fut dramati- que, satirique, précieuse, burlesque, éloquente, spirituelle, et même tendre, quoique pas sou- vent, elle ne fut jamais plus lyrique. Une veine qui remontait jusqu'aux trouvères, et plus haut, jusqu'aux anciens provençaux, se trouva tarie. Il y a une curieuse modification du g-énie et du goût français; laquelle, si elle est explica- ble, n'a pas encore été expliquée, car Boileau n'est sans doute qu'une cause seconde. Un critique n'a raison que si le public, d'avance, lui donne raison.

Théophile a donc un grand intérêt. Il mar- que la date meurt un genre qui ne devait

iciiattre que deux cents ans plus tard dans la forme môme il avait ôté enseveli. Le roman- tisme renoue si naturellement avec Théophile qu'il est encore permis d'en manifester quel- que surprise et aussi quelque contentement, (]ela permettrait, en opposition à des idées qui ont pris corps récemment, de considérer le romantisme lyrique comme le développement d'un g-erme national et non plus comme une importation étrang-ère. Théophile Gautier, retrouvant un des siens dans cevieux Théophile de Viau, fut heureux. Soyons-le avec lui et reconnaissons que le lyrisme personnel, s'il est, comme le disent les néo-classiques, une dépra- vation de la poésie, est, du moins, chez nous, une dépravation traditionnelle.

La Bruyère, dans son jugement, joint Théo- phile à Malherbe, preuve qu'à la fin du dix- septième siècle Théophile g-ardait encore son rang". « Ils ont, dit-il, tous les deux connu la nature. » Malherbe en aurait fait l'histoire et Théophile, le roman. Gela n'est plus très clair pour nous, qui avons vu tant de romanciers de la nature, infiniment plus romanesques que Théophile. Mais ne retenons que le premier terme. Théophile a connu la nature. Cela sera

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THEOPHILE

Garde toujours des feuilles vertes... Je reverrai fleurir nos prés. Je leur verrai couper les herbes, Je verrai quelque temps après Le paysan* couché sur les gerbes, Et comme ce climat divin Nous est très libéral de vin. Après avoir rempli la grange Je verrai du matin au soir Comme les flots de la vendange Ecumeront dans le pressoir...

Aucun poète contemporain n'est capable d'une chanson aussi familière, et c'est un des charmes de Théophile qu'il ait osé être aussi personnel et aussi doux.

La Maison de Sylvie^ qui date de la même époque, est d'une inspiration moins naturelle, mais le talent de Théophile y est très sûr et très maître de lui. La Maison de Sylvie, c'est lechâ- teau de Chantilly, et Sylvie, c'est Marie-Félice des Ursins, duchesse de Montmorency. Théo- phile passa prés d'elle les derniers et peut-être les plus doux mois de sa vie. En cet asile magnifique, il devient un homme nouveau; le temps est loin il s'écriait : « Mon âme inca- gue les destins ! w Les destins lui .sont si clé- ments, enfin, qu'il les adore. La Maison de

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Si/lluc est bien, comme on l'a dit, une suite il'Oiles à la Joie :

l);iiis ce [tare, nu vallon sccrcl Tout voile (le ramages sombres, le soleil est si discret Oii'il n'y force jamais les ombres, Presse d'un cours si dilii:^enl Les Hots de deux ruisseaux d'arsfcnl El donne une Fraîcheur si vive A tous les ol)jets d'alentour, Oue même les martyrs d'amour Y trouvent leur douleur captive.

Ce beau poème est gâté, au i^oilt moderne, par des touches de préciosité. Sylvie pèche à la lig'ne, et les poissons se battent <( ;i qui plus tôt perdrait la vie, en l'honneur de ses hameçons ». La strophe suivante, encore dans le même ton, est cepcnilant très jolie :

D'une main détend.inl \o bruil El de l'autre jetant la lii;ne*, Elle l'ait (|n'abordanl la nuit. Le jour pins bellement décline. Le soleil craignant d'éclairer El craiiïuant de se retirer, Les étoiles n'osaient paraître, Les Ilots n'osaient s'enlrcpousser, Le zéphyre n'osait passer. L'herbe se retenait de croître *.

THEOPHILE

Tune de ses originalités. Non pas que l'intimilc avec la nature soit rare à cette époque de la poé- sie française. Malherbe, Racan, Maynard, Saint- Amant lui-même sont des poètes de la nature et qui aiment les champs et les bois, les fleuves, la mer, mais Théophile a peut-être regardé les paysag-es d'un peu plus presque ses contempo- rains. D'un peu trop près, pensait La Bruyère : « Il s'appesantit sur le détail » ; d'assez près, dirons-nous, au contraire, pour que ses dessins soient formés avec une précision ing-énue. Il y a encore bien des réminiscences littéraires dans les paysages de Théophile, et aussi bien des feintes et bien du mauvais goût, mais on y verra çà et des traits et même des figures d'une élégante et juste simplicité :

La charrue écorche la plaine, Le bouvier qui suit les sillons Presse de voix et d'aiguillons Le couple de bœufs qui l'entraîne.

Alix apprête son fuseau, Sa mère qui lui fait sa lâche Presse le chanvre qu'elle attache A sa quenouille de roseau.

Une confuse violence Trouble le calme de la nuit

l'it la Iuniit"'iv nxrc \c hniil Uissipoiil l'umliic cl le silence.

Mais pourquoi faut-il <jue, danscelte ac^rôable description du malin, il fasse intervenir « le îjénéreux lion « et, ce qui est pire, « sa dame entrant dans les hocaj^cs ■»? C'est que Théophile ne possède pas encore l'art de localiser un pay- sajafe. II veut nous décrire un matin universel, et son tahleau, heureux dans le détail, est, dans l'ensemble, incohérent.

Le Matin, cette ode célèbre et d'après la- quelle on juge toujours du pi'Oilt de Théophile et de sa sensibilité pour la nature, n'est qu'un charmant exercice de rhétorique. Il y a cepen- dant un Théophile ivre des beautés champêtres et amoureux de son pays natal ; il se révélera beaucoup plus tard, après son procès, quand il écrit à son frère, quand il révc, après tous ses malheurs, du ciel et des jours de son enfance :

S'il plaît à l.T l)onlé des cioux, Encore une ibis en ma vie Je paîtrai ma dent et mes yeux Du rouiçe éclat de la pavie. .. Je verrai sur nos grenadiers Leurs rouges pommes cnlr'ouvertes le ciel, comme à ses lauriers,

10 THEOPHILE

Garde toujours des feuilles vertes... Je reverrai fleurir nos prés. Je leur verrai couper les herbes, Je verrai quelque temps après Le paysan* couché sur les gerbes, Et comme ce climat divin Nous est très libéral de vin, Après avoir rempli la grange Je verrai du matin au soir Comme les flots de la vendange Ecumeront dans le pressoir...

Aucun poète contemporain n'est capable d'une chanson aussi familière, et c'est un des charmes de Théophile qu'il ait osé être aussi personnel et aussi doux.

La Maison de Sylvie^ qui date de la même époque, est d'une inspiration moins naturelle, mais le talent de Théophile y est très sûr et très maître de lui. La Maison de Sylvie, c'est le châ- teau de Chantilly, et Sylvie, c'est Marie-Fôlice des Ursins, duchesse de Montmorency. Théo- phile passa près d'elle les derniers et peut-être les plus doux mois de sa vie. En cet asile mag-nifique, il devient un homme nouveau; le temps est loin il s'écriait : « Mon âme inca- gue les destins ! » Les destins lui sont si clé- ments, enfin, qu'il les adore. La Maison de

Sylvie est bien, comme on l'a dit, une suite «rodes à la Joie :

Dans ce parc, un vallon secret Tout voilé de ramatijes sombres, le soleil est si discret (Ju'il n'y force jamais les ombres. Presse d'un cours si dilii^ent Les flots de deux ruisseaux d'arjjent Et donne une fraîcheur si vive A tous les objets d'alentour, Oue même les martyrs d'amour Y trouvent leur douleur captive.

Ce beau poème est g^âté, au yoût moderne, par des touches de préciosité. Sylvie poche à la ligne, et les poissons se battent « à qui plus tôt perdrait la vie, en l'honneur de ses hameçons ». La strophe suivante, encore dans le même ton, est cependant très jolie :

D'une main défendant le bruit Et de l'autre jetant la lii'ne *, Elle fait qu'abordant la nuit, Le jour plus bellement décline. Le soleil craignant d'éclairer Et craignant de se retirer. Les étoiles n'osaient paraître, Les flots n'osaient s'entrepousser, Le zéphyre n'osait passer. L'herbe se retenait de croître *.

THEOPHILE

Voilà une nature bien spirituelle. On la retrou- vera dans le Songe de Vaux. La Fontaine a beaucoup pratiqué Théophile. Il a su par cœur la Maison de Sylvie ; cela est visible dans ses premières œuvres : « A Malherbe, à Racan, il préférait Théophile, y^

Voilà pour le goût de la nature. On aimera ensuite Théophile pour la grâce qu'il sait don- ner à l'expression de sa tendresse amoureuse :

Quand tu me vois baiser tes bras. Que tu poses nus sur les draps, Bien plus blancs que le linge même ; Quand tu sens ma brûlante main Se pourmener * dessus ton sein. Tu sens bien, Cloris, que je t'aime.

Comme un dévot devers les cieux, Mes yeux tournés devers tes yeux, A genoux auprès de ta couche, Pressé de mille ardents désirs. Je laisse sans ouvrir ma bouche Avec toi dormir mes plaisirs...

Théophile, bien qu'il se soit adonné, lui aussi, aux Cloris et aux Mélicerles, avait un certain sens du ridicule qui s'attache aux noms mythologiques transportés dans notre civilisa- tion. Amarante, dit-il,

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AmaraDte, Philis, Calistc, Pasilhée,

Je hais celte noblesse à vos uonis affectée,

et il continue par ce joli vers qui est un conseil de naturel et Je simplicité :

Le plus beau nom du monde est le nom de Marie.

Quant à l'ode à la Malherbe, Théophile la fait presque aussi bien que Malherbe lui-même :

Celui qui lance le tonnerre,

Qui gouverne les éléments,

Et meut avec des tremblements

La grande masse de la terre ;

Dieu qui vous mit le sceptre en main,

Qui vous le peut ôler demain.

Lui <iui vous prête sa lumière,

Et qui, malgré les fleurs de lys.

Un jour fora de la poussière

De vos membres ensevelis ;

Ce grand Dieu, etc.

Il y en a très long sur ce ton bien soutenu. Bossuet mettra cela en prose : « Celui qui règne dans les cieux,etc. »,et il paraît que du coup cela devient très beau. Passons. La rhé- torique n'est pas ce qui nous attire, ni dans Théophile, ni dans Bossuet.

Faut-il accorder à l'auteur de quelques sati-

THEOPHILE

res ou épîtres, qui sont des professions de foi. le mérite d'avoir été un poète philosophique? Je crois que cela est nécessaire, car Théophile eut peut-être autant d'influence par son incré- dulité que par son talent. Sa philosophie d'ail- leurs est brève et se résume à peu près par ce vers :

J'approuve qu'un chacun suive en tout la nature.

Il ajoute, et sa vie donna à la maxime une valeur déplaisante :

Jamais mon jugement ne trouvera blâmable Celui-là qui s'attache à ce qu'il trouve aimable.

L'accusation de libertinag-e dont on charg'ea Théophile n'aurait pas suffi à émouvoir la justice si les Jésuites, on ne sait trop pourquoi, ne s'étaient acharnés contre lui. Le projet de réquisitoire de Mathieu Mole est un monument de partialité stupide. Théophile écrit de sa maî- tresse :

Tout seul dedans ma chambre, j'ai fait ton église. Ton image est mon dieu, mes passions, ma foi,

et le procureur lui impute cela à crime d'im- piété !

Théophile était connu, ses vers se vendaient. Cela fit que le sieur Lcstoc, imprimeur, donna sous son nom le Parnasse des Muses satijri- (jiies. Le P. Garasse dénonça ce recueil, d'ail- leurs peu recommandabIe,ct, pendant que Tau- torité royale laissait fuir Théopile, il s'achar- nait, avec le P. Voisin et le lieutenant le Blanc, contre l'imprudent poète. Théophile fut pris ; le procès dura deux ans, et se termina par un arrêt de bannissement. Mais l'exécution, jÇràce à de puissantes protections, en fot pour- suivie assez mollement et Théophile trouva à Chantilly, puis au château de Selles, en Berry, chez le duc de Béthune, un asile inviolable.

Quelle est sa part dans le Parnasse safi/- rique? On n'en sait rien, ni s'il y collabora volontairement. En tout cas, le livre sortait du milieu libertin fréquentait Théophile. Cela n'a d'ailleurs aucune importance ; la plupart des poètes connus du xix*= siècle ont fait des vers obscènes; c'est un passe-temps comme un autre, qui n'a pas nui à leur g'ioire, et qui ne t-loit point nuire non plus à celle de Théophile.

On lui reprocherait plutôt Pi/rame et This- bé, trag-édie déclamatoire et peu dig-ne, vrai- ment, du chantre délicat de Sylvie. Disons

THEOPHILE

pourtant qu'elle contient une jolie scène, quel- ques vers délicieux et que le rôle de Thisbé est une esquisse assez curieuse.

Théophile a fait lui-même sa psycholog-ie littéraire :

La règle me déplaît, j'écris confusément : Jamais un bon esprit ne fait rien qu'aisément.

On lui tiendra compte de ce qu'il est mort à l'âge même Malherbe commençait d'écrire. Théophile, avec les défauts d'un tempérament trop ardent, d'une imagination insoumise, d'une verve déclamatoire, était, comme en jugè- rent ses contemporains, un beau génie.

Il a un autre mérite, et qui n'est pas mé- diocre, ajouté aux autres. Théophile fut un libre esprit, de la lignée des indisciplinés et des incrédules. Elle remonte loin, dans la litté- rature française, jusqu'au treizième siècle, et peut-être plus haut. L'auteur à'Aucassin et Nicoleite raille le paradis ne vont que non- nes et vieux prêtres et toutes vilaines gens qui passent leur temps accroupis devant les autels ; il veut aller en enfer vont les beaux clercs et les cavaliers, les belles dames courtoises avec

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leurs barons. C'est sans iloutc ce que répondit Tlicophile au curù do Saint-Nicolas, qui s'en courrouça. 11 était païen, de ce paganisme admirable qui e.\it;e que l'on vive sa vie, avant tout. Bientôt va commencer la grande littéra- ture soumise au clergé, pendant laquelle Mo- lière presque seul représente l'intelligence affranchie. C'est dans Théophile et dans Cyra- no, plus que dans l'équivoque Gassendi, que Molière avait puisé sa philosophie. On n'est pas un esprit secondaire, quand on prépare la venue de plus grands esprits que soi. Théo- phile est un de ceux qui ont maintenu le flam- beau allumé. Des gouttes de cire brûlante sont tombées sur sa main : c'est pour cela qu'elle tremble un peu.

En cette édition, on a tâché de donner de son talent une idée à la fois exacte et favorable. Môme dans un Ronsard ou un La Fontaine, il faut choisir. Nous avons choisi dans Théoj)hile, sans rien omettre, pensons-nous, d'essentiel ou de caractéristique. On trouvera en ce peu de pages le poète lyrique, rélégiaque,le satyrique, le dramatique même ; on trouvera le conteur.

l8 THÉOl'HILE

on trouvera, en appendice aux œuvres désinté- ressées, l'apolog-iste de soi-même.

C'est un service à rendre à ces poètes qui n'agréent plus qu'aux lettrés ou aux curieux, d'allég'er leur bag'ag'e : écrasé sous les deux tomes de ses œuvres complètes, Théophile, chargé de ce seul petit volume, se relève et se présente allègre à une lointaine postérité.

Gomme on fait pour Corneille^ son contem- porain à quelques années près, pour Malherbe, plus ancien, nous avons modernisé l'orthog-ra- phede notre Théophile : l'usage de rajeunir les imprimés du temps, quand il s'ag"it d'un Cor- neille, et de les suivre strictement, quand il s'agit d^un Théophile ou d'un Saint-Amant, est absurde. Tous ont droit à une mesure ég"ale. Voici du Corneille authentique : « le connoij celuy-cy Vay ueu que nostre peuple Oueussay-Jejait, Pollux... ? Fust péry le premier. y) Les seuls archaïsmes que nous avons respectés sont leso// pour ait et quelques for- mes que la rime impose, tel coral pour corail :

.... Pour se faire voir libéral, Arrache de son sein avare L'ambre, la perle et le coral.

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Ou ne peut pas non plus remplacer en \crs J'oy qui n'a qu'une syllabe, par Jouis, qui en a lieux. Ces remarques montrent que, loin de prétendre <i une édition savante, nous avons au contraire cherché à mettre Théophile en état d'être goûté sans peine par tous les amateurs de poésie française.

REMY DE GOUUMONT.

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LIVRE PREMIER ODES ET STANCES

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I.K MATIN

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L'aurore sur le front du jour Sèiuo l'azur, l'or ot l'ivoire. El le soleil, lassé de boiiv, Commence son oblique tour.

Ses chevaux, au sortir de l'onde, Oe flanune et de clarté couverts, La bouche et les naseaux ouverts, Uontlenl lu luiuiore du monde.

LIVRE PREMIER ODES ET STANCES

LE MATIN

ODE

L'aurore sur le front du jour Sème l'azur, l'or et l'ivoire, Et le soleil, lassé de boire, Conimeuce son obliciuo tour.

Ses chevaux, au sortir de l'onde, De flamme et de clarté couverts, La bouche et les naseaux ouverts. Ronflent la luniiôrc du monde.

12 THEOPHILE

La lune fuit devant nos yeux ; La nuit a retiré ses voiles ; Peu à peu le front des étoiles S'unit à la couleur des cieux.

Déjà la diligente avette * (1) Boit la marjolaine et le thym, Et revient riche du butin Qu'elle a pris sur le mont Hymette.

Je vois le généreux lion Qui sort de sa demeure creuse, Hérissant sa perruque affreuse, Oui fait fuir Endymion.

Sa dame, entrant dans les bocages, Compte les sangliers * qu'elle a pris Ou dévale chez les esprits Errant aux sombres marécages .

Je vois les agneaux bondissants Sur ces blés qui ne font que naître ; Cloris, chantant, les mène paître Parmi ces coteaux verdissants.

Les oiseaux, d'un joyeux ramage,

(i) Pour les mots marqués d'un *, voir le Lexique, IV de V Appendice.

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ODES ET STANCRS 23

Kii cliantanl semblent adorer La lumii'iT qui vient dorer Leur cabinet et leur plnniaiçc.

I^a charrue écorehe la plaine; Le bouvier, ([ui suit les sillons, Presse de voix et d'aii>iiillons Le couple de bœuis qui renlraînc.

Alix apprête son fuseau ; Sa mère, qui lui fait la t;\che, Presse le chanvre qu'elle attache A sa cpienouille de roseau.

Une confuse violence Trouble le calme de la nuit, Et la lumière, avec le bruit. Dissipe l'ombre et le silence.

Alidor cherche à son réveil L'ombre d'Iris qu'il a baisée. Et pleure en son âme abusée La fuite d'un si doux sommeil.

Les bêtes sont dans leur lanière, Oui tremblent de voir le soleil. L'homme, remis par le sommeil, Reprend son œuvre coulumière.

24 TIIKOI'IIILE

Le forgeron est au fourneau ; Oy* comme le charbon s'allume ! Le fer rouge, dessus l'enclume. Etincelle sous le marteau.

Cette chandelle semble morte, Le jour la fait évanouir ; Le soleil vient nous éblouir : Vois qu'il passe au travers la porte !

Il est jour : levons-nous, Philis ; Allons à notre jardinage. Voir s'il est, comme ton visage, Semé de roses et de lys.

LA SOLITUDE

Dans ce val solitaire et sombre, Le cerf, qui brame au bruit de l'eau, Penchant ses yeux dans un ruisseau, S'amuse à regaraer son omlire.

De cette source une Naiade Tous les soirs ouvre le portai * .

ODKS ET STANf.KS

I)o sa demeure de eristal, El nous ehanle une sérénade.

Les nymphes que la chasse attire A l'onibratïe de ces forêts Chcrcheni les cabinets secrets. Loin de l'embûche du satyre.

Jadiji au pied de ce ij;rand chêne, Presque aussi vieux que le soleil, liacchus, l'Amour et le Sommeil. Firent la fosse de Silène.

Un froid et ténébreux silence Dort à l'ombre de ces ormeaux. Et les vents battent les rameaux D'une amoureuse violence.

L'esprit plus retenu s'engage Au plaisir de ce doux séjour, Philomène nuit et jour Renouvelle un pileux langage.

L'orfraie * et le hibou s'y [)erche ; Ici vivent les loups-garous ; Jamais la justice en courroux Ici de criminels ne cherche.

aG THÉOPHILE

Ici l'amour fait ses études ; Venus y dresse des autels ; Et les visites des mortels Ne troublent point ces solitudes .

Cette forêt n'est point profane; Ce ne fut point sans la fâcher Ou' Amour y vint jadis cacher Le berger qu'en seignoit Diane.

Amour pouvoit par innocence, Comme enfant, tendre ici des rets, Et comme reine des forêts Diane avoit cette licence.

Cupidon, d'une douce flamme Ouvrant la nuit de ce vallon, Mit devant les yeux d'Apollon Le garçon qu'il avoit dans l'àme.

A l'ombrage de ce bois sombre Hyacinthe se retira, Et depuis le soleil jura Qu'il seroit ennemi de l'ombre.

Tout auprès le jaloux Borée, Pressé d'un amoureux tourment, Fiit la mort de ce jeune amant, Encore par lui soupirée.

ODES ET STANCES 27

Sainte forêt, ma confidente, Je jure par le Dieu du jour Que je n'aurai jamais anioiu- Oui ne te soit toute évidente.

Mon ange ira par cet ombrage ; Le soleil, le voyant venir, Ressentira du souvenir L'accès de sa première rage.

Corine, je te prie, approche ; Couchons-uous sur ce tapis vert, Et pour être mieux à couvert, Entrons au creux de cette roche.

Ouvre tes yeux, je te supplie : Mille amours logent dedans, Et de leurs petits traits ardents Ta prunelle est toute remplie.

Amour de tes regards soupire. Et, ton esclave devenu, Se voit lui-même retenu Dans les liens de son empire.

0 beauté sans doute immortelle, les Dieux trouvent des appas ! Par vos yeux je ne croyois pas Que vous fussiez du tout si belle.

28 THÉOPHILE

Oui voudroit faire une peinture Qui peut ses traits représenter. Il faudroit bien mieux inventer Que ne fera jamais nature.

Tout un siècle les destinées Travaillèrent après ses yeux, Et je crois que pour faire mieux Le temps n'a point assez d'années.

D'une fierté pleine d'amorce, Ce beau visage a des regards Qui jettent des feux et des dards Dont les Dieux aimeroient la force.

Que ton teint est de bonne grâce ! Qu'il est blanc, et qu'il est vermeil ! Il est plus net que le soleil. Et plus uni que de la glace.

Mon Dieu ! que tes cheveux me plaisent ! Ils s'ébattent dessus ton front, Et les voyant beaux comme ils sont, Je suis jaloux quand ils te baisent. ;

Belle bouche d'ambre et de rose, JTon entretien est déplaisant Si tu ne dis, en me baisant. Qu'aimer est une belle chose.

ODES ET STAM.rS

D'un air plein tranioureu.se llaniine, Aux accents île la douce voix, Je vois les fleuves et les bois ^ iilirascr coiuine a l'ail mon àine.

Si tu mouilles les doigls d'ivoire Dans le cristal de ce ruisseau, Le Dieu qui loge dans cette eau Aimera, s'il en ose boire.

Pn'sente-lui la face nue, Tes yeux avec(]ue l'eau riront. Et dans ce miroir écriront Que Vénus est ici venue.

Si bien elle y sera dépeinte Que les Faunes s'enflammeront, Et de tes yeux, qu'ils aimeront, Ne sauront découvrir la feinte.

Entends ce Dieu qui te convie A passer dans son élément ; Oy * qu'il soupire bellement Sa liberté déjà ravie.

Trouble-lui cette fantaisie. Détourne-toi de ce miroir, Tu le mettras au dé.sespoir, El m'iMoras la jalousie.

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3o THÉOPHILE

Vois-lu ce tronc et cette pierre? Je crois qu'ils prennent garde; à nous, Et mon amour devient jaloux De ce myrthe et de ce lierre.

Sus, ma Corine ! que je cueille Tes baisers du matin au soir ! Vois comment, pour nous l'aire asseoir, Ce myrte a laissé choir sa feuille !

Oy * le pinson et la linotte, Sur la branche de ce rosier ; Vois branler leur petit gosier ! Oy * comme ils ont changé de note !

Approche, approche, ma Dryade ! Ici murmureront les eaux ; Ici les amoureux oiseaux Chanteront une sérénade.

Prète-moi ton sein pour y boire Des odeurs qui m'embaumeront ; Ainsi mes sens se pâmeront Dans les lacs de tes bras d'ivoire.

Je baignerai mes mains folâtres Dans les ondes de tes cheveux, Et ta beauté prendra les vœux De mes œillades idolâtres.

ODES ET STANCES '^l

Ni' <Taiiis rioii, ('.iipidon nous f^ardc. Mon petit autfc, cs-lu pas mica? Ha! j»' vois que lu m'aimes bien : Tu rouîi^is ipiancl je U". rci^arde.

Dieu ! »pie cotte Faron timide Est puissante sur mes esprits ! Renaud ne fut pas mieux épris Par les charmes de son Armide.

Ma Gorine, ijue je t'embrasse! Personne ne nous voit tju'Amour ; Vois (jue même les yeux du jour Ne trouvent point ici de place.

Les vents, ([ui ne se peuvent taire, Ne peuvent écouter aussi. Et ce que nous ferons ici Leur est un inconnu mystère.

SUR UNE TEMPETE

I s'éleva COMME IL ÉtOIT PKKT DE s'eMBAROUER POUR ALLER EN ANGLETERRE

Parmi ces promenoirs sauvai^es J'oy* bruire les vents et les flots, Attendant (juo les matelots

32 THÉOPHILE

M'emportent hors de ces rivages. Ici les rochers blanchissants, Du choc des vagues gémissants, Hérissent leurs masses cornues Contre la colère des airs, Et présentent leurs têtes nues A la menace des éclairs.

J'oy * sans peur l'orage qui gronde, Et, fût-ce l'heure de ma mort. Je suis prêt à quitter le port En dépit du ciel et de l'onde. Je meurs d'ennui dans ce loisir : Car un impatient désir De revoir les pompes du Louvre Travaille tant mon souvenir, Que je brûle d'aller à Douvre, Tant j'ai hâte d'en revenir.

Dieu de l'onde, un peu de silence ! Un Dieu fait mal de s'émouvoir. Fais-moi paroître ton pouvoir A corriger ta violence. Mais à quoi sert de te parler, Esclave du vent et de l'air. Monstre confus qui, de nature Vide de rage et de pitié, Ne montre que par aventure

ODKS ET STANCES 33

Ta haine ni ton amilii';?

iNooliers *|iii, par un loni;!," usage, \'oyez les vajçues sans effroi, Kl qui conuoisscz mieux que moi I^eur bon et leur mauvais visage, nites-moi, ce ciel foudroyant, Ce Ilot de lenipèle aboyant, Les flancs île ces montagnes grosses Sont-ils mortels à nos vaisseaux, Kt sans aplanir tant de bosses Pourrai-je l)ien courir les eaux?

Allons, pilote, la fortune Pousse mon généreux dessein ; Je porte un Dieu dedans le sein Mille fois plus grand (pie Neptune : Amour me force de partir. Et, diU Tliétis, pour m'engloutir, Ou\Tir mieux ses moites entrailles, Cloris m'a su trop enflammer Pour craindre que mes funérailles Se puissent faire dans la mer.

0 mon ange ! ù ma destinée 1 Qu'ai-je fait à cet élément, (Ju'il tienne §i cruellement Contre moi sa rage obstinée ? Ma Cloris, ouvre ici tes yeux.

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ODES ET STANCES

35

ODE

Ieureux, tandis qu'il est vivant, Celui qui va toujours suivant L grand maître de la nature, I it il se croit la créature ! I 'enviera jamais autrui, ( ind tous les plus heureux que lui S moqueroient de sa misère; I rire est toute sa colère. C ui-là ne s'éveille point / sitôt que l'aurore point 1 ir venir des soucis du monde 1 )ortuner la terre et l'onde; 1 st toujours plein de loisir; I justice est tout son plaisir, 1 permettant à son envie I . douceurs d'une sainte vie, 1 >orne son contentement 1 la raison tant seulement ; J spoir du gain ne l'importune, ^ son esprit est la fortune; ] clat des cabinets dorés < les princes sont adorés i plaît moins que la face nue

la campagne ou de la nue ;

sottise d'un courtisan.

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3/j THÉOPHILE

Tire un de tes regards aux cieux :

Ils dissiperont leurs nuages.

Et, pour l'amour de ta beauté,

Neptune n'aura plus de rages, ,

Que pour punir sa cruauté. l

Déjà ces montagnes s'abaissent, i

Tous les sentiers sont aplanis, |

Et sur ces flots si bien unis Je vois des alcyons qui naissent. Cloris, que ton pouvoir est grand ! La fureur de l'onde se rend A la faveur que tu m'as faite. Oue je vais passer doucement. Et que la peur de la tempête Me donne peu de pensement !

L'ancre est levée, et le zéphire, Avec un mouvement léger. Enfle la voile et fait nager Le lourd fardeau de la navire *. Mais quoi ! le temps n'est plus si beau, La tourmente revient dans l'eau ! Dieu ! que la mer est infidèle ! Chère Cloris, si ton amour N'avoit plus de constance qu'elle, ,

Je mourrois avant mon retour. î

ODKS KT STANCES

Heureux, tandis qu'il est vivant, Celui qui va toujours suivant Le grand maître de la nature, Dont il se croit la créature ! Il n'enviera jamais autrui, Ouand tous les plus heureux que lui Se moqueroient de sa misère; Le rire est toute sa colère. Celui-là ne s'éveille point Aussitôt que l'aurore point Pour venir des soucis du monde Importuner la terre et l'onde; Il est toujours plein de loisir; La justice est tout son plaisir, Et, permettant à son envie Les douceurs d'une sainte vie. Il borne son contentement Par la raison tant seulement; L'espoir du gain ne l'importune, En son esprit est la fortune; L'éclat des cabinets dorés les princes sont adorés Lui plaît moins que la face nue De la campagne ou de la nue ; La sottise d'un courtisan,

35

36 THÉOPHILE

La peine qu'un amant soupire,

Lui donne également à rire ;

Il n'a jamais trop affecté I

Ni les biens ni la pauvreté,

Il n'est ni serviteur ni maître ;

Il n'est rien que ce qu'il veut être,

Jésus-Christ est sa seule foi ;

Tels seront mes amis et moi.

A PHILIS

STANCFS

Ha ! Philis, que le ciel me fait mauvais visage ! Tout me fâche et me nuit, Et réservé l'amour et le courage, Rien de bon ne me suit. Les astres les plus doux ont conjuré ma perte, Je n'ai plus nul soutien ; La cour me semble une maison déserte, je ne trouve rien. Les hommes et les Dieux menacent ma fortune ; Mais, en leur cruauté, Pour mon soûlas tout ce que j'importune Ce n'est que ta beauté. Les traits de tes beautés sont d'assez fortes armes

ODES KT STANCES 87

Pour vaincre mon nmllioiir, Kl dans la afc^nc, assisté dp tes charmes, Je mourrais sans douleur. Dedans rextrémité de la peine nous sommes, Soupirant nuit et jour, Je feins que c'est la disgrâce des hommes, Mais c'est celle d'amour. Parmi tant de dangers, c'est avec peu de crainte Que je prends garde à moi, Kn tous mes maux, le sujet de ma plainte C'est d'être absent de loi. Pour m'ôter aux plus forts qui me voudroient poursuivre Je trouve assez de lieux, Maïs quel climat m'assurera de vivre. Si je (piille tes yeux. Le soleil meurt pour moi, une nuit m'environne, Je pense que tout dort, Je ne vois rien, je ne parle à personne, N'est-ce pas être mort ?

STANCES

Mon espérance refleurit, Mon mauvais destin perd courage Aujourd'hui le soleil me rit Et le ciel me fait bon visasre.

Mes maux ont achevé leur temps, Maintenant ma douleur se range, A la fm mes vœux sont contents : Amour a ramené mon auge.

Dieux, que j'ai si souvent priés, Sans me vouloir jamais entendre,

Je vous ai bien injuriés D'être si longs à mêla rendre.

J'excuse votre cruauté ; Je perds le soin de vous déplaire: Le retour de cette beauté A fini toute ma colère.

Q

STANCES

uand tu me vois baiser tes bras, ^'Oue tu poses nus sur tes draps, B^nVas blancs que le linge même;

Quand tu sens ma brûlante mam Se pourmener * dessus ton sein, Tusensbien, Cloris, quejet'amie.

Comme un dévot devers les cieux, Mes yeux tournés devers tes yeux,

ODES ET STANCES 89

A genoux auprès de ta couche, Pressé de mille ardents désirs, Je laisse saus ouvrir ma bouche Avec loi dormir mes plaisirs.

Le sommeil, aise de l'avoir. Empêche tes yeux de me voir Et te retient dans son empire Avec si peu de liberté Que ton esprit tout arrêté Ne murmure ni ne respire.

La rose en rendant son odeur, Le soleil donnant son ardeur, Diane et le char qui la traîne, Une Naïade dans l'eau, Et les Grâces dans un tableau, Font plus de bruit que ton haleine.

Là, je soupire auprès de toi, Et, considérant comme quoi Ton œil si doucement repose, Je m'écrie : O Ciel ! peux-tu bien Tirer d'une si belle chose Un si cruel mal (juo le mien !

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4o THÉOPHILE

CONSOLATION

A MADEMOISELLE DE L..

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onne un peu de relâche au deuil qui t'a surpris ; Ne t'oppose jamais aux droits de la nature, pour l'amour d'un corps ne mets point tes esprits ; Dedans la sépulture.

La mort, dans tes regrets à toi se présentant. Te fait voir qu'elle n'est qu'horreur et que misère ; Pourquoi donc tâches-tu qu'elle t'en fasse autant Qu'elle a fait à ton père?

Quoi que l'affection te fasse discourir, Tes beaux jours ne sont point en état de le suivre; Comme c'étoit à lui la saison de mourir. C'est la tienne de vivre.

Il étoitlas d'honneur, de fortune et de jours, Tes jeunes ans ne font que commencer la vie, Et, si tu vas si tôt en achever le cours, Que deviendra Livie '?

Remets pour l'amour d'elle encore ces appas

Qui s'en vont effacés dans ton visage sombre,

Et qu'un si long chagrin ne te maltraite pas

Pour contenter une ombre.

ODES ET STANCKS 4'

Il est vrai qu'un tel mal est fâcheux A içuérir, Et, (le (juel(]ue visçueur ([uc ton esprit puisse être, Il te faut soupirer iors(|ue tu vois périr Celui (jui t'a lait naître.

Encore ses vertus touchoient ton amitié Au deh\ du devoir la nature oblijçe, Si bien que la raison approuve la pitié Pour l'ennui qui t'afflige.

Ses conseils savoieul rendre un roi victorieux, iSon renom honoroit et la paix cL la guerre, Et je crois que l'envie est cause que les Cieux L'ont ùté de la terre.

Mais aussi, quel climat n'en a du déplaisir? L'Europe à son sujet se plaint contre les Parques, Autant que si leurs lacsétoient venus saisir Quelqu'un de ses monarques.

Je vois comme le ciel pour soulager ton deuil Veut que tout Tunivers à tes soupirs réponde, Et, pour t'eu exempter, ordonne à son cercueil Les pleurs de tout le monde.

Toutefois tous ces cris sont des sons superflus; Nos plaintes dans les airs sont vainement poussées; Un homme enseveli ne considère plus Nos yeux ui nos pensées.

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^2 THÉOPHILE

Sachant qu'il a rendu ce qu'on doit aux autels. Tu dois cire assuré de sa béatitude, Ou ton esprit troublé croit que les Immortels Sont pleins d'ingratitude.

Tes importuns regrets se rendront criminels ; Ton père eu son repos ne trouvera que peine. Puisqu'il semble être admis aux plaisirs éternels Pour te mettre à la gène.

Le mal devient plus grand lorsque nous l'irritons. Reviens dans les plaisirs que la jeunesse apporte C'est un grand bien de voir fleurir les rejetons Lorsque la souche est morte.

Un homme de bon sens se moque des malheurs ; Il plaint également sa servante et sa fille. Job ne versa jamais une goutte de pleurs Pour toute sa famille.

Après t'être affligé, pense à te réjouir: Oui t'a fait la douleur t'a laissé les remèdes. Il ne te reste plus que de savoir jouir Des biens que tu possèdes.

Arrête donc ces pleurs vainement répandus ; Laisse en paix ce destin que tes douleurs détestent.] Il faut, après ces biens que nous avons perdus, Sauver ceux qui nous restent.

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Sans doute il eût été plus beau. Ce qu'un hiver a fait mourir

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THEOPHILE

Sachant qu'il a rendu ce qu'on doit aux autels. Tu dois être assuré de sa béatitude, Ou ton esprit troublé croit que les Immortels Sont pleins d'ingratitude.

Tes importuns regrets se rendront criminels ; Ton père en son repos ne trouvera que peine, Puisqu'il semble être admis aux plaisirs éternels Pour te mettre à la gêne.

Le mal devient plus grand lorsque nous l'irritons. Reviens dans les plaisiT-s que la jeunesse apporte C'est un grand bien de voir fleurir les rejetons Lorsque la souche est morte.

Un homme de bon sens se moque des malheurs ; Il plaint également sa servante et sa fille. Job ne versa jamais une goutte de pleurs Pour toute sa famille.

Après t'ètre affligé, pense à te réjouir: Qui t'a fait la douleur t'a laissé les remèdes. Il ne te reste plus que de savoir jouir Des biens que tu possèdes.

Arrête donc ces pleurs vainement répandus ; Laisse en paix ce destin que tes douleurs détestent. Il faut, après ces biens que nous avons perdus, Sauver ceux qui nous restent.

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ODE

L'inficlélilé nie déplaîl, El mon humeur juij^e (lu'olle est Le plus noir 'crime de la terre : Lorsque les Dieux tirent venir Les premiers éclats du tonnerre, Ce ne fut ([ue pour la punir.

La déesse qui fait aimer, Des flots de l'inconstante mer Sortit à la clarté du monde. Or, Vénus, si ton doux tlambeau FiU venu d'ailleurs que de l'onde Sans doute il eût été plus beau.

Ce (ju'uu hiver a tait mourir Un printemps le fait refleurir. Le destin change toutes choses : Mon amitié tant seulement. Vos beaux lys et vos belles roses, Dureront éternellement.

44 THÉOPHILE

ODE

Enfin mon amitié se lasse : Je suis forcé de me guérir. L'amour qui me faisoit périr Tous les jours peu à peu se passe. J'ai rappelé mon jugement, J'ai fait vœu d'aimer sagement. Je rougis de ma servitude Et proteste devant les Dieux Que je hais ton ingratitude Plus que je n'ai chéri tes yeux.

Je n'ai plus le soin de te plaire : Mes charmes sont évanouis ; Désormais je me réjouis De ta haine et de ta colère. Cette lâcheté d'endurer Ne me sauroit guère durer ; Je veux être exempt de souffrance Aussi hien que toi de pitié, Et vivre avec l'indifférence Dont tu traites mon amitié.

Jamais douleur insupportahle Jusques à mon mal n'empira,

1

ODES KT STANCES 45

.l;iniais esprit no soupira D'un travail si pou protitablo. Jo vis trop amoureusement, Jr sers trop malheureusement : Ma belle ne veut point entendre Le mal qu'elle me fait sentir, Et me détend de rien prétendre Oue la honte et le repentir.

O mes Dieux ! ô mon influence ! Recrardez la peine je suis ! Sans l'aire un orime je ne puis Espérer une récompense. 0 Dieux (|ui gouvernez nos cœurs, Si vous n'êtes des Dieux moqueurs Ou des Dieux sans miséricorde, Remettez-moi dans ma maison, Ou faites enfin qu'on m'accorde Ou la mort ou la ffuérison !

ODE

Un corbeau devant moi croasse, Une ombre offusque mes regards ; Deux belettes et deux renards Traversent l'endroit je passe

46 THÉOPHILE

I

'4 Les pieds faillent à mon cheval.

Mon laquais tombe du haut, mal ;

J'entends craqueter le tonnerre ;

Un esprit se présente à moi ;

J'entends Caron qui m'appelle à soi.

Je vois le centre de la terre.

Ce ruisseau remonte en sa source ; Un bœuf gravit sur un clocher ; Le sang coule de ce rocher; Un aspic s'accouple d'une ourse; Sur le haut d'une vieille tour Un serpent déchire un vautour ; Le feu brûle dedans la glace ; Le soleil est devenu noir; Je vois la lune qui va choir ; Cet arbre est sorti de sa place.

STANCES

Le plus aimable jour qu'ait jamais eu le monde Le plus riche printemps que le soleil ait vu. Celui de nos amours d'attraits le plus pourvu, Ni toutes les beautés de la fdle de l'onde.

Ce que donne Apollon pour embellir sa sœur,

OnES ET STANCKS l\']

\\\\ u^rAccs (le vos yeux à poirif s'acconiparc, Vi loiilos ces fleurs d'or don! l'Aurore se pare, )uaiul elle va baiser son amoureux chasseur.

ODE

T-kcrfidc, je nie sens heureux De ma nouvelle servitude ; Vous n'avez point dint^ratitude Oui rebute un cœur amoureux . Il est bien vrai que je me fiichc Du fard votre teint se cache ; Nature a mis tout son crédit A vous l'aire entièrement belle; L'art qui pense mieux faire qu'elle Me déplaît et vous enlaidit.

L'éclat, la force et la peinture De tant et de si belles fleurs, Oue l'aurore avec([ue ses pleurs Tire du sein de la nature, SaDs fard et sans déguisement Nous donne bien plus aisément Le plaisirjd'une odeur naïve ; Leur objet nous contente mieux

48 THÉOPHILE

Et se montre devant nos yeux Avec une couleur plus vive.

Les oiseaux, qui sont si bien teints. Ne couvrent point d'une autre image Le lustre d'un si beau plumage Dont la nature les a peints. Et leur céleste mélodie, Plus aimable qu'en Arcadie N'étoient les flageolets des Dieux, Prend elle-même ses mesures, Choisit les tons, fait les césures. Mieux que l'art le plus curieux.

L'eau de sa naturelle source Trouve assez de canaux ouverts Pour traîner par les plis divers La facilité de sa course ; Ses rivages sont verdissants, des arbrisseaux fleurissants Ont toujours la racine fraîche; L'herbe y croît jusqu'à leur gravier. Mais une herbe que le bouvier N'apporta jamais à sa crèche.

Ces petits cailloux bigarrés En des diversités si belles, trouveroient-ils des modèles, Qui les fissent mieux figurés?

OOKS KT STANCES /|l)

La nature est iniiiiilal)le,

Kt dans sa beauté vérilaldc

Klle éclate si vivement

Ouc l'art gî\lc tous ses ouvrages

Va lui fait plutiM mille outrajgcs

(Ju'il ne lui donne un ornement.

L'art, ennemi de la franchise, Ne veut point être reconnu ; Mais l'Âinour, qui ne va que du, Ne souffre point (ju'on se déguise. Les Nvmplies, au sortir des eaux, D'un peu de jonc et de roseaux Se font la coiffure et la robe, Et les yeux du Sat}Te ont droit De regretter encore l'endroit Oue le vêtement leur dérobe.

Si vous saviez que peut l'effort De votre beauté naturelle Et combien de vaiucjueurs pour elle Implorent l'aide de la mort, Vous casseriez ces pots de terre, De bois, de co<iuille, de verre, vous renfermez vos onguents; La nuit vous quitteriez le masque, Et perdriez * cette humeur fantasque De dormir avecque vos gants.

5o THÉOPHILE

Lorsque vous serez hors d'usage Et que l'injure de vos ans Appellera les courtisans A l'amour d'un plus beau visage, Quand vos appas seront ôtés, Que les rides de tous côtés Auront coupé ce front d'albâtre, Tâchez lors d'escroquer l'amour, Et, si vous pouvez, chaque jour Faites-vous de cire ou de plâtre.

Si le ciel me fait vivre assez Pour voir la fin de votre gloire Et me punir de la'mémoire De nos contentements passés. Je crois que je serai bien aise, Ne trouvant plus rien qui me plaise Au visage que vous aurez, De revoir l'Amour et les Grâces Et d'en aller baiser les traces Sur le fard dont vous userez.

Mais aujourd'hui, belle Perside, Vos jeunes yeux seront témoins Qu'il faut un siècle pour le moins Pour vous amener une ride. L'Aurore, qui dedans mes vers Voit apprendre à tout l'univers

ODES ET STANCES 5l

Oue votre lieaulé la surmonte, Arrachant de ses beaux habits Et les perles et les rubis, Klle pleure et rouiçit de honte.

Klle n'est point rouge au malin, n'autant (pie Titon l'a baisée, Et ne verse point sa rosée l'our la marjolaine et le thym, La rougeur (juî paroît en elle, C'est de voir Perside trop belle, Et l'humidité de ses pleurs, Ouoi que chante la poésie. Ce sont des pleurs de jalousie Et des marques de ses douleurs.

ODE

Clorîs, pour ce petit moment D'une volupté frénélicpie, Crois-tu (|ue mon esprit se pique De t'aimer éternellement ? Lorsque mes ardeurs sont passées, La raison chan2;e mes pensées. Et, perdant l'amoureuse erreur, Je me trouve dans des tristesses

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52 THÉOPHILE

Qui font que tes délicatesses Commencent à me faire horreur.

A voir tant fuir * ta beauté, Je me lasse de la poursuivre, Et me suis résolu de vivre Avec un peu de liberté. Il ne me faut qu'une disgrâce, Qu'encore un trait de cette audace Qui t'a fait tant manquer de foi . Après, tiens-moi pour un infâme Si jamais mes yeux ni mou âme Songent à s'approcher de toi.

Je me trouve prêt à te voir Avec beaucoup d'indifférence, Et te faire une révérence Moins d'amitié que de devoir. Toutes les complaisances feintes tes affections mal peintes Ont troublé mes sens hébétés, Je les tiens pour faibles feintîses Et n'appelle plus que sottises Ce que je nommois cruautés.

Je ne veux point te décrier Après t'avoir loué nioi-mèine : Ce seroit tacher d'un blasphèjne L'autel l'on m'a vu prier.

ODES KT STANCES HS

T'ayant prodiiçué des iouansçes (Jiic jo ne devois «|u'à des anales, Je ne le les veux point ravir : Je les donne à la tyrannie Pour déiyuiser l'ignominie * (^ue j'ai soufferl à te servir.

Je ne veux point mal à propos Mes vers ni ton honneur détruire ; iMon dessein n'est pas de le nuire : Je ne son<j^e qu'à mon repos. Encore auras-tu celte gloire Oue, si la voix de la mémoire Parle à quehju'un de mes douleurs, On dira que ma servitude Respecta Ion ingratitude Jusqu'au dernier de mes malheurs.

PRIERE AUX POETES DE CE TEMPS

Vousà(|ui des fraîches vallées, Pour moi si durement gelées, Ouvrent leurs l'onlaines de vers; Vous qui pouvez mettre en peinture Le grand objet de l'univers Et tous les traits de la nature.

54 THÉOPHILE

Beaux esprits si chers à la gloire. Et sans qui l'œil de la mémoire Ne sauroit rien trouver de beau, Ecoutez la voix d'un poète Que les alarmes du tombeau Rendent à chaque fois muette :

Vous savez qu'une injuste race Maintenant fait de ma disgrâce Le jouet d'un zèle trompeur. Et que leurs perfides menées, Dont les plus résolus ont peur, Tiennent mes Muses enchaînées.

S'il arrive que mon naufrage Soit la fin de ce grand orage Dont je vois mes jours menacés. Je vous conjure, ù troupe sainte ! Par tout l'honneur des trépassés. De vouloir achever ma plainte.

Gardez bien que la calomnie Ne laisse de l'ignominie Aux tourments qu'elle m'a jurés, Et que le brasier qu'elle allume, Si mes os en sont dévorés. Ne brûle pas aussi ma plume.

Ma Muse, foible et sans haleine,

ODES ET STANCES 55

Ouvrant sa inallieiircusc veine, A reeours à votre pitié : No mordez point sur mon ouvrage, Car ici votre inimitié Démenliroit votre courage.

Je ne fus jamais si superbe Oue d'ùter aux vers de Malherbe Le franeois qu'ils nous ont appris. Et, sans malice et sans envie. J'ai toujours lu dans ses écrits L'immortalité de sa vie.

Plût au ciel que sa renommée Fût aussi chèrement aimée De mon prince qu'elle est de moi ! Son destin, loin de la commune *, Seroit toujours avec le roi Dedans le char de la Fortune.

Une autre veine violente, Toujours chaude et toujours sanglante De combats de guerre et d'amour, A tant d'éclat sur le théâtre Qu'en dépit des frelons de cour Elle a fait mes sens idolâtres.

Hardy, dont le plus grand volume N'a jamais su tarir la j)lume,

THEOPHILE

Pousse un lorreot de tant de vers yu'on diroit ([uc leau d'Hypocrène Ne lient tous ses vaisseaux ouverts Ou'alors (ju'il y rcni])lit sa veine.

Porchères avec tant de flamme Pousse les mouvements de l'Ame Vers la route des immortels, Qu'il laisse partout des matières ses. vers trouvent des'aufcls Et les anircs des cimetières.

Encore n"ai-je point l'audace De fouler leur première trace ; Boisrobert en peut amener Après ses pas toute une presse Qui mieux que moi peuvent donner Des louantes à sa princesse.

Saint-Amant sait polir la rime Avec une si douce lime Que son luth n'est ])as plus mignard, Ni Gomhauld dans une élégie, Ni l'épigrammc de Maynard, Oui semble avoir de la magie.

Et vous, mille ou plus que j'adore, Que mon dessein veut joindre encore

ODES ET STAM K.S

A ces srénies visfoureux Do i|ui je cache ici la tçloire, Pour ce que le sort malheureux Les a fait cht>ir à ma mémoire,

Voyant mes Muses étourdies Des frayeurs et des maladies Oui me prennent à tous les moments, Faites-leur un peu de caresse Et leur rendez les compliments De celui (jui vous les adresse.

LETTRE A SON FRERE

Mon frère, mon dernier appui. Toi seul dont le secours me dure, Et qui seul trouves aujourd'hui Mon adversité longue et dure ; Ami ferme, ardent, généreux, Oue mon sort le plus malheureux Pique davantage à le suivre. Achève de me secourir : Il faudra qu'on me laisse vivre Après m'avoir fait tant mourir

58 THÉOPHILE

Quand les dangers Dieu m'a mis Verront mon espérance morte; Quand mes juges et mes amis T'auront tous refusé la porte ; Quand tu seras las de prier, Quand tu seras las de crier. Ayant bien balancé ma tête Entre mon salut et ma mort. Il faut enfin que la tempête M'ouvre le sépulcre ou le port.

Mais l'heure, qui la peut savoir? Nos malheurs ont certaines courses Et des flots dont on ne peut voir Ni les limites ni les sources. Dieu seul connoît ce changement, Car l'esprit ni le jugement Dont nous a pourvu la nature, Quoi que l'on veuille présumer. N'entend non plus notre aventure Due le secret flux de la mer.

En quelle plage des mortels Ne peut le vent crever la terre? En quel palais et quels autels Ne peut se glisser un tonnerre ? Quels vaisseaux et quels matelots Sont toujours assurés des flots?

ODES ET STANCES 5q

(Juehiuelbis des villes entières, l';ir un horrible chane^ement, ( )iit rencontri' leurs ciinolières lui la place du ronilenient.

Le sort, tiui va toujours de nuit, lOnivré d'orgueil et de joie, (Juoiqu'il soit sagement conduit, Garde malaisément sa voie. Ah ! (jue les souverains décrets (^nl toujours demeuré secrets A la subtilité des hommes ! Dieu seul connoît l'état humain ; Il saii ce qu'aujourd'hui nous sommes Et ce que nous serons demain.

Or, selon l'ordinaire cours Ou'il lait observer à nature. L'astre (jui préside à mes jours S'en va changer mon aventure ; Mes yeux sont épuisés de pleurs ; Mes esprits, usés de malheurs, N'ivent d'un sang gelé de craintes. La nuit trouve enfin la clarté, Va l'excès de tant de contraintes Me présage ma liberté.

Quelque lac qui me soit tendu Par de si subtils adversaires.

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-rai ' pbîiwfar les traviers * réclio do fleavc > d«s mariaiers.

\jf pècfa«tir, en se moHbodant, la nuit dans ce rirure,

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•uvent le prix sa nasse,

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6o . THÉOPHILE

Encore n'ai-je point perdu L'espérance de voir Boussères : Encore un coup, le Dieu du jour Tout devant moi fera sa cour Aux rives de notre héritage, Et je verrai ses cheveux hlonds Du même or qui luit sur le Tage Dorer l'argent de nos sablons.

Je verrai ces bois verdissants nos îles et l'herbe fraîche Servent aux troupeaux mugissants Et de promenoir et de crèche. L'aurore y trouve à son retour L'herbe qu'ils ont mangé le jour. Je verrai l'eau qui les abreuve, Et j'oirrai * plaindre les graviers Et repartir * l'écho du fleuve Aux injures des mariniers.

Le pêcheur, en se morfondant, Passe la nuit dans ce rivage. Qu'il croit être plus abondant Que les bords de la mer sauvage. 11 vend si peu ce qu'il a pris Qu'un teston * est souvent le prix Dont il laisse vider sa nasse. Et la quantité du poisson

01)i:S ET STANCES 6l

Dccliiiv parfois la tirasse * Et n'en paye pas la façon.

S'il plail à la honli- des cieux, Hncore une fois à ma vie Je paîtrai ma dent et mes yeux Du rouge éclat de la pavie * ; Encore ce brignon * muscat, Dont le pourpre est plus délicat Oue le teint uni de Caliste, Rie fera d'un œil ménager Etudier dessus la piste Oui me l'est venu ravager.

Je cueillerai ces abricots,

Ces fraises à couleur de flammes.

Dont nos bergers font des ccots *

Qui seroient ici bons aux dames.

Et ces ligues et ces melons ,

Dont la bouche des acpiilons

N'a jamais su baiser l'écorce,

Et ces jaunes muscats si chers,

Oue jamais la grêle ne force

Dans l'asile de nos rochers.

Je verrai sur nos gnMiadiers Leurs rouges pommes entr'ouvertes, le ciel, comme à ses lauriers,

y

62 THÉOPHILE

Garde toujours des l'euilles vertes.

Je verrai ce touffu jasmin

Qui l'ait oml)re à tout le chemin

D'une assez spacieuse allée,

Et la parfume d'une fleur

Qui conserve dans la gelée

Son odorat et sa couleur.

Je reverrai fleurir nos prés; Je leur verrai couper les herbes ; Je verrai quelque temps après Le paysan * couché sur les gerbes ; Et, comme ce climat divin Nous est très libéral de vin Après avoir rempli la grange, Je verrai du matin au soir, Comme les flots de la vendange Ecumeront dans le pressoir.

Là, d'un esprit laborieux. L'infatigable Bellegarde, De la voix, des mains et des yeux. A tout le revenu prend garde, Il connoît d'un exact soin Ce que les prés rendent de foin. Ce (jue nos troupeaux ont de laine, Et sait mieux que les vieux paysans * Ce que la montagne et la plaine Nous peuvent donner tous les ans.

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ODES ET STANCES

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Nous cueillerons luul à inoilic, r.omiiie nous avons fait encore, It^norants de rininiitii'* Dont une race se dévore ; Et frères, et scpurs, et neveux. De même soin, de mêmes vœux Fladant une si douce terre, Nous y trouverons trop de quoi, Y dût l'oraije de la s^uerre Ramener le canon du roi.

Si je passois dans ce loisir Encore autant que j'ai de vie, Le comble d'un si cher plaisir Borneroit toute mon envie. Il faut qu'un jour ma liberté Se lâche en cette volupté. Je n'ai plus de regret au Louvre, Ayant vécu dans ces douceurs ; Que la même terre me couvre Qui cou\Te mes prédécesseurs.

Ce sont les droits que mon |)ays A mérité de ma naissance, Et mon sort les auroit trahis Si la mort m'arrivoit en France. Non, non, quelque cruel complot < )ui de la Garonne et du Lot

62 THÉOPHILE

Garde toujours des feuilles vertes.

Je verrai ce touffu jasmin

Qui fait ombre à tout le chemin

D'une assez spacieuse allée,

Et la parfume d'une fleur

Oui conserve dans la gelée

Son odorat et sa couleur.

Je reverrai fleurir nos prés ; Je leur verrai couper les herbes ; Je verrai quelque temps après Le paysan * couché sur les gerbes ; Et, comme ce climat divin Nous est très libéral de vin Après avoir rempli la grange, Je verrai du matin au soir, Comme les flots de la vendange Ecumeront dans le pressoir.

Là, d'un esprit laborieux, L'infatigable Bellegarde, De la voix, des mains et des yeux. A tout le revenu prend garde, Il connoît d'un exact soin Ce que les prés rendent de foin, Ce que nos troupeaux ont de laine, Et sait mieux que les vieux paysans * Ce que la montagne et la plaine Nous peuvent donner tous les ans.

ODES ET STANCES 03

Nous cueilloroiis Idul à moitié, C.oinine nous avons fait encore, I ignorants de l'ininiilié Uonl une race se dévore ; Kt frères, et sa'urs, el neveux. De même soin, de mêmes vœux Flaltanl une si douce terre, Nous y trouverons trop de quoi, Y dût l'oraije de la sçuerre Ramener le canon du roi.

Si je passois dans ce loisir Encore autant que j'ai de vie, Le comble d'un si cher plaisir Borneroit toute mon envie. Il faut qu'un jour ma liberté Se li\che en cette volupté. Je n'ai plus de reijret au Louvre, Ayant vécu dans ces douceurs ; Oue la même terre me couvre (Jui couvre mes prédécesseurs.

Ce sont les droits que mon pays A mérité de ma naissance, El mon sort les auroit trahis Si la mort m'arrivoit en France. Non, non, quelque cruel complot Oui de la Garonne et du Lot

64

THEOPHILE

*2

Veuille éloigner ma sépulture, Je ne dois point en autre lieu Rendre mou corps à la nature. Ni résigner mon âme à Dieu.

Derechef, mon dernier appui. Toi seul dont le secours me dure. Et qui seul trouves aujourd'hui Mon adversité longue et dure, Rare frère, ami généreux, Oue mon sort le plus malheureux, Pique davantage à le suivre, Achève de me secourir : Il faudra qu'on me laisse vivre Après m'avoir fait tant mourir.

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A CHIRON, MEDECIN (i)

STANCES

Toi qui fais un hreuvage d'eau Mille fois meilleur et i)lus Ijcau Que celui du beau Ganymède,

(i) Le célèbre de Lormc, dont INIarioa était la fille na- turelle. Voir Tallemant des Réaux. {Collection des plus belles pages.)

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ODES ET STAMCES

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65

kAdâajK(i.(|

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Et qui lui donne tant d'appas Que sa liqueur est un remède Contre l'atteinte du trépas,

Penses-tu que, malgré l'ennui Que me peut donner aujourd'hui L'horreur d'une prison si noire. Je ne te srarde encore un lieu Au même endroit de ma mémoire se doit mettre un demi-dieu "?

Bouffi d'un air tout infecté, De tant d'ordures humecté Et du froid qui me fait la sruerre, Tout chagrin et "tout abattu, Mieux qu'en autre lieu de la terre Il me souvient de ta vertu.

Chiron, au moins si je pouvois Te faire ouïr les tristes voix Dont t'invoquent mes maladies. Tu me pourrois donner de quoi Forcer mes muses étourdies A parler dignement de toi.

De tant de vases précieux l'art le plus exquis des cieux A caché sa meilleure force. Si j'avois seulement goûté

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64 THÉOPHILE

Veuille éloigner ma sépulture, Je ne dois point en autre lieu Rendre mon corps à la nature, Ni résigner mon âme à Dieu.

Derechef, mon dernier appui. Toi seul dont le secours me dure. Et qui seul trouves aujourd'hui Mon adversité longue et dure. Rare frère, ami généreux, Que mon sort le plus malheureux, Pique davantage à le suivre. Achève de me secourir : Il faudra qu'on me laisse vivre Après m'a voir liiittant mourir.

ACHIRON, MEDECIN (i)

STANCES

Toi qui fais un hreuvage d'eau Mille fois meilleur et plus l»eau Que celui du beau Ganymède,

(i) Le célèbre de Lorme, dont Marioa était la fille na- turelle. Voir Tallemant des Réaux. [Collection des plus belles pages . )

ODES ET STANCK» 65

l']| (|iii lui donne tant cl'iippas (JiH- sa liiiucur t'sl un rcinrde Coniro lallciiilc du Irrpas,

l*ensos-tu (jue, malgré l'ennui Ouc me peut donner aujourd'hui L'horreur d'une prison si noire, Je ne le t!,arde encore un lieu Au même endroit de ma mémoire se doit mettre un demi-dieu ?

Bouffi d'un air tout infecté, De tant d'ordures humecté Kt du froid (jui me fait la içuerre. Tout chaa^rin et tout ahattn, Mieux (pi'en autre lieu de la terre Il me souvient de ta vertu.

Chiron, au moins si je pouvois Te faire ouïr les tristes voix Dont t'invo(|uent mes maladies, Tu me pourrois donner de (pioi Forcer mes muses étourdies A parler diiçnement de toi.

De tiint de vases précieux l'art le plus exipiis des cieux A caché sa meilleure force. Si j'avois seulement goûté

66 THÉOPHILE

A leur moindre petite amorce, J'aurois trop d'aise et de santé.

Si, devant que de me coucher, Mes soupirs se pouvoient boucher D'un long trait de cet hydromelle* tout chagrin s'évanouit. L'enfant dont avorta Semelle * Ne me mettroit jamais au lit.

Au lieu des continus ennuis Qui me font passer tant de nuits Avec des visions horribles, Mes yeux verroient en sommeillant Mille voluptés invisibles Que la main cherche en s'éveillant.

Au lieu d'être dans les enfers, De songer des feux et des fers Oui me font le repos si triste, Je songerois d'être à Paris, Dans le cabinet Caliste Eut le triomphe de Cloris.

A l'éclat de ses deux flambeaux. Les noires caves des tombeaux D'où je vois sortir les furies Se peindroient de vives couleurs,

ODES BT STANCES 67

Kt feroient A mes rêveries

De licaux prés tapissés do fleurs.

Ali ! tpie je perds de ne pouvoir (1uel(juetois t'ouïr cl te voir Dans mes noires mélancolies, Oui ne me laissent prcscpic rien De tant d'agréables folies Ou'on aimoit en mon entretien !

Que les dieux sont mes ennemis De ce «pi'iis ne m'ont pas permis De t'appeler eu ma détresse ! Docte Chiron, après le roi Et les faveurs de ma maîtresse. Mon cœur n'a de regret (|u'à toi.

À MONSIEUR DE L...

SUR LA MORT DE SON PÈRE ODE

Ote-toi, laisse-moi rêver : Je sens un feu se soulever Dont mon âme est toute embrasée. 0 beaux prés, beaux rivages verts 0 grand flambeau de l'univers,

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s visage, ■rc- j, l'usage ni de os mains.

le l'oubli

scendre, ennui, jourd'hui, s et que cendre.

Il 'i'i" xandre, !0 ans; eu que lui.

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68 THÉOPHILE

Que je trouve ma veine aisée !

Belle aurore, douce rosée,

Que vous m'allez donner de vers!

Le vent s'enfuit dans les ormeaux, Et, pressant les feuillus rameaux. Abat le reste de la nue ; Iris a perdu ses couleurs; L'air n'a plus d'ombre ni de pleurs ; La bergère, aux champs revenue. Mouillant sa jambe toute nue. Foule les herbes et les fleurs.

Ces longues pluies dont l'hiver Empêchait Tircis d'arriver Ne seront plus continuées ; L'orag'e ne fait plus de bruit; La clarté dissipe la nuit. Ses noirceurs sont diminuées ; Le vent emporte les nuées, Et voilà le soleil qui luit.

Mon Dieuj que le soleil est beau ! Que les froides nuits du tombeau Font d'outrages à la nature ! La Mort, grosse de déplaisirs, De ténèbres et de soupirs. D'os, de vers et de pourriture,

ODES ET STANCES Og

hUoiille dans sa sépulture I]l nos Ibrces et nos désii's.

Chez elle les géants sont nains; Les Mores et les Africains Sont aussi glacés que le Scythe; Les dieux y tirent l'aviron ; César, comme le bûcheron. Attendant que l'on ressuscite, Tous les jours aux bords du Cocyte Se trouve au lever de Caron.

Tircis, vous y viendrez un jour; Alors les Grâces et l'Amour Vous (juilteront sur le passage : !]llacé du rang des humains, Sans mouvement et sans visage, Vous ne trouverez plus l'usage Ni de vos yeux ni de vos mains.

Votre père est enseveli. Et, dans les noirs flots de l'oubli la Parque l'a fait descendre. Il ne sait rien de votre ennui, lit, ne fùt-il mort (ju'aujourd'hui, Puis([u'il n'est plus (ju'os et (jue cendre. Il est aussi mort qu'Alexandre, Et vous touche aussi peu (|ue lui.

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Lp ««al %r9hiA dam les armeaux, li. ; rtmmml \m CeniUiH mncaox, Abat le mât ée b bm; Iri» a pcrda m ooakan; i. «ir n'a plaa d'oaibre fli de pleura : 1^ bffgjre, MU diampe : MooilaaiM j<^ ' ' >i F..«lr U loi.

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ODES ET STANCES

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Etouffe dans sa sépulture El nos forces et nos désirs.

Chez elle les géants sont nains ; Les Mores et les Africains Sont aussi glacés que le Scythe ; Les dieux y tirent l'aviron ; César, comme le bûcheron, Attendant que l'o^l^ascite, To^c-j^s jours i^t^^^l^ du Cocvie

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^ubli

l'J hui, que cendre, •e, lui.

70 THEOPHILE

Saturne n'a plus ses maisons, Ni ses ailes, ni ses saisons : Les Destins en ont fait une ombre. Ce grand Mars n'est-il pas détruit ? Ses faits ne sont qu'un peu de bruit. Jupiter n'est plus qu'un feu sombre Qui se cache parmi le nombre Des petits flambeaux de la nuit.

Le cours des ruisselets errants, La fière chute des torrents. Les rivières, les eaux salées, Perdront et bruit et mouvement Le soleil insensiblement Les ayant toutes avalées, Dedans les voûtes étoilées Transportera leur élément.

Le sable, le poisson, les flots, Le navire, les matelots, Tritons, Nymphes et Neptune, A la fin se verront perclus : Sur leur dos ne se fera plus Rouler le char de la fortune, Et l'influence de la lune Alîandonnera le reflux.

Les planètes s'arrêteront. Les éléments se mêleront,

ODES ET STANCES ^I

Va cette admirable structure Dont le ciel nous laisse jouir. Ce (ju'on voit, ce qu'on peut ouïr, Passera comme une j)elnture : L'impuissance de la Nature Laissera tout évanouir.

Celui (jui, Formant le soleil. Arracha d'un protond sommeil L'air et le feu, la terre et l'onde, Ilenversera d'un coup de main La demeure du genre humain Et la base le ciel se fonde, Et ce grand désordre du monde l'eut-ctre arrivera demain.

LIVRE II ÉLÉGIES ET SONNETS

ÉLÉGIE

\ r \ K I ) \ M E

l'ciU consolé ma peine, il, je n'avois plus de veine. étoit morte, el mes esprits, couverts

-"" - '— " nvoient (]uitlé les vers.

notre sainte étude

itilude ; ici, lussi.

l'ignorance la France.

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KLEGIES ET SONNETS

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Aujourd'hui l'injustice a vaincu la raison, Les bonnes qualités ne sont plus de saison, La vertu n'eut jamais un siècle plus barbare, Et jamais le bon sens ne se trouva si rare. Celui qui dans les cœurs met le mal ou le bien Laisse faire au destin sans se mêler de rien : Non pas que ce grand Dieu qui donne l'ûme au mor ouve à son plaisir la nature féconde, le son influence encore à pleines mains

faveurs dans les esprits humains : 1 '■"^paux la Parque en sait rctonird Il vice n'a su mordre, 1

encore infinité ;oup de la divinité,

qui sans cesse trav;ii i jple, et jamais ne défailli nU hardi, grave et profond, I uc les autres ne font. t forcé de se feindro, 'il ne se peut contr autorisent les sols : des mauvais mots. 1 e, en faire estime ; I Ipense faire un criinel cœur me bat au s^ ndcment bien sain, , t abord funeste, ' e mon àme a la p4e.

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LIVRE II

ÉLÉGIES ET SONNETS

ELEGIE

A UNE DAME

Si votre doux accueil n'eût consolé ma peine, Mon âme languissoit, je n'avois plus de veine, Ma fureur étoit morte, et mes esprits, couverts D'une tristesse sombre, avoient (juitté les vers. Ce métier est pénible, et notre sainte élude Ne connoît que mépris, ne sent qu'ingratitude ; Oui de notre exercice aime le doux souci, Il hait sa renommée et sa fortune aussi. Le savoir est honteux, depuis que l'ignorance A versé son venin dans le sein de la France.

KI.KniFS F.T SONNETS 78

Aujourd'hui rinjustico a vaincu la raison,

Les lionnes (|ualilos ne sont |)lus de saison,

La vertu n'eut jamais un siècle plus harliare,

Et jamais le bon sens ne se trouva si rare.

Celui (|ui dans les cœurs met le mal ou le bien

Laisse faire au destin sans se mêler de rien :

Non pas que ce a^rand Dieu qui donne l'Ame au monde

Ne trouve à son plaisir la nature tcconde,

Et que son influence encore à pleines mains

Ne verse ses faveurs dans les esprits humains :

Parmi tant de fuseaux la l'arque en sait retordre

la conlaa;-ion du vice n'a su mordre,

Et le ciel en fait naître encore intinilc

Oui retiennent beaucoup de la divinité,

Des bons entendements qui sans cesse travaillent

Contre l'erreur du peuple, et jamais ne défaillent,

Et (jui, d'un sentiment hardi, ç^rave et profond,

Vivent tout autrement que les autres ne font.

Mais leur divin génie est forcé de se feindre,

El les rend malheureux s'il ne se peut contraindre ;

La coutume et le nombre autorisent les sols :

Il faut aimer la cour, rire des mauvais mots.

Accoster un brutal, lui plaire, en faire estime ;

Lors(|ue cela m'advient, je pense faire un crime.

J'en suis tout transporté, le cœur me bat au sein ;

Je ne crois plus avoir l'entendement bien sain,

Et, pour m'ètre souillé de cet abord funeste,

Je crois longtemps après (juc mon âme a la peste.

74

THEOPHILE

y

Cependant il faut vivre en ce commun malheur, Laisser à part esprit et franchise et valeur, Rompre son naturel, emprisonner son àme Et perdre tout plaisir pour acquérir du blâme. L'ignorant qui méjuge un fantasque rêveur. Me demandant des vers, croit me faire faveur, Blâme ce qu'il n'entend, et son âme, étourdie. Pense que mon saA'oir me vient de maladie. Mais vous, à qui le ciel de son plus doux flambeau Inspira dans le sein tout ce qu'il a de beau. Vous n'avez point l'erreur qui trouble ces infâmes, Ni l'obscure fureur de ces brutales âmes : Car l'esprit plus subtil, en ses plus rares vers. N'a point de mouvements qui ne vous soient ouverts ; Vous avez un génie à voir dans les courages. Et qui connaît assez mon âme et mes ouvrages. Or, bien que la façon de mes nouveaux écrits Diffère du travail des plus fameux esprits, Et qu'ils ne suivent point la trace accoutumée Par nos écrivains cherchent la renommée. J'ose pourtant prétendre à quelque peu de bruit, Et crois que mon espoir ne sera point sans fruit. Vous me l'avez promis, et, sur cette promesse. Je fausse ma promesse aux vierges de Permesse ; Je ne veux réclamer ni Muse, ni Phébus; Grâce à Dieu, bien guéri de ce grossier abus, Pour façonner un vers que tout le monde estime. Votre contentement est ma dernière lime :

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ELKOIES ET SONNETS

7U

Vous enlenilez le poids, le sons, la liaison,

El n'avez, en jui^oanl, [)oiir l)ul (|uc la raison ;

Aussi mon seulinieut à voire aveu se range.

Et ne reçoit d'aulrui ni blAme ni louange.

Imite qui voudra les merveilles d'aulrui.

Malherbe a 1res bien lait, mais il a fait pour lui;

Mille petils voleurs l'écordient tout en vie.

Ouant à moi, ces larcins ne me font point d'envie ;

J'a|)prouve que chacun écrive à sa faeon :

J'aime sa renommée, et non pas sa leçon.

Ces esprits mendiants, d'une veine infertile,

Prennent à tous propos ou sa rime ou son style,

Et de tant d'ornements qu'on trouve en lui si beaux

Joignent l'or et la soie à de vilains lambeaux,

Pour paroître aujourd'hui d'aussi mauvaise grâce

Oue parut autrefois la corneille d'Horace.

Ils travaillent un mois à cherclier comme à fils

Pourra s'apparier la rime de Memphis;

Ce Liban, ce turban et ces rivières mornes

Ont souvent de la peine à retrouver leurs bornes;

Cet effort tient leurs sens dans la confusion,

Ils n'ont jamais un rais* de bonne vision.

J'en connois i|ui ne font des vers qu'à la moderne.

Qui cherchent à midi Phébus à la lanterne.

Grattent tant le françois qu'ils le déchirent tout.

Blâmant tout ce qui n'est facile qu'à leur goût;

Sont un mois à connaître, en tâtant la parole.

Lorsque l'accent est rude ou ([uc la rime est molle,

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74 THÉOPHILE

Cependant il faut vivre en ce commun malheur, Laisser à part esprit et franchise et valeur. Rompre son naturel, emprisonner son âme Et perdre tout plaisir pour acquérir du blâme. L'ignorant qui méjuge un fantasque rêveur, Me demandant des vers, croit me faire faveur, Blâme ce qu'il n'entend, et son âme, étourdie. Pense que mon savoir me vient de maladie. Mais vous, à qui le ciel de son plus doux flambeau Inspira dans le sein tout ce qu'il a de beau, Vous n'avez point l'erreur qui trouble ces infâmes, Ni l'obscure fureur de ces brutales âmes : Car l'esprit plus subtil, en ses plus rares vers, N'a point de mouvements qui ne vous soient ouverts; Vous avez un génie à voir dans les courages. Et qui connaît assez mon âme et mes ouvrages. Or, bien que la façon de mes nouveaux écrits Diffère du travail des plus fameux esprits, Et qu'ils ne suivent point la trace accoutumée Par nos écrivains cherchent la renommée. J'ose pourtant prétendre à quelque peu de bruit, Et crois que mon espoir ne sera point sans fruit. Vous me l'avez promis, et, sur cette promesse. Je fausse ma promesse aux vierges de Permesse ; Je ne veux réclamer ni Muse, ni Phébus; Grâce à Dieu, bien gucri de ce grossier abus, Pour façonner un vers que tout le monde estime. Votre contentement est ma dernière lime ;

ELEQIES ET SONNETS 70

Vous entenilez \c poids, le sens, la liaison,

I']t n'avez, en iny;eanl, pour i)ut (|ue la raison;

Aussi nuiu sentiment à votre aveu se range,

l'A ne re(;oit d'aulrui ni bli\me ni louange.

Imite qui voudra les merveilles d'aulrui.

Malherbe a très bien t'ait, mais il a fait pour lui ;

Mille petits voleurs l'écorclicnt tout en vie.

Quant à moi, ces larcins ne me font point d'envie ;

J'approuve que chacun écrive à sa façon :

J'aime sa renommée, et non pas sa leçon.

Ces esprits mendiants, d'une veine infertile,

Prennent à tous propos ou sa rime ou son style,

Et de tant d'ornements qu'on trouve en lui si beaux

Joignent l'or et la soie à de vilains lambeaux,

Pour paroître aujourd'hui d'aussi mauvaise grâce

Oue j)arut autrefois la corneille d'Horace.

lis travaillent un mois à chercher comme à fîls

Pourra s'apparier la rime de Memphis;

Ce Liban, ce turban et ces rivières mornes

Ont souvent de la peine à retrouver leurs bornes;

Cet effort tient leurs sens dans la confusion,

Ils n'ont jamais un rais* de bonne vision.

J'en connois (|ui ne font des vers qu'à la moderne,

Qui cherchent à midi Phébus à la lanterne.

Grattent tant le françois qu'ils le déchirent tout.

Blâmant tout ce (jui n'est facile qu'à leur goût;

Sont un mois à connaître, en tàtant la parole,

Lorscjuc l'accent est rude ou que la rime est molle.

7G THÉOPHILE

Veulent persuader que ce qu'ils font est beau Et que leur renommée est franche du tombeau, Sans autre fondement sinon que tout leur âge S'est laissé consommer * en un petit ouvrage, Que leurs vers dureront au monde précieux, Pour ce qu'en les feisant ils sont devenus vieux. De même l'araignée, en filant son ordure, Use toute sa vie et ne fait rien qui dure. Mais cet autre poète est bien plein de ferveur : Il est blrme, transi, solitaire, rêveur, La barbe mal peignée, un œil branlant * et cave. Un front tout renfrogné, tout le visage hâve, Ahanc dans son lit et marmotte tout seul, Comme un esprit (ju'on oit* parler dans un linceul; Grimace par la rue, et, stupide, retarde Ses yeux sur un objet sans voir ce qu'il regarde. Mais déjà ce discours m'a porté trop avant : Je suis bien près du port, ma voile a trop de vent ; D'une insensible ardeur peu à peu je m'élève, Commençant un discours que jamais je n'achève. Je ne veux point unir le fil de mon sujet : Diversement je laisse et reprends mon objet. Mon âme, imaginant, n'a point la patience De bien polir les vers et ranger la science. La règle me déplaît, j'écris confusément : Jamais un bon esprit ne fait rien qu'aisément. Autrefois, quand mes vers ont animé la scène. L'ordre j'estois contraint m'a bien fait de la peine.

KI.KGIKS ET SONNETS

77

Ce travail inipurtun m'a loiii'tciniis marlyrc *, Mais t'iiliii, i;Tàco aux Dieux, j(^ m'en suis relire. Peu sans rairc naufrage cl, sans perdre leur ourse* Se sont aventurés à celte longue course : Il y faut par miracle estre fol sagement, Confontlre la mémoire avec le jugement, Imaginer beaucoup, et d'une source pleine Puiser toujours des vers dans une même veine. Le dessein se dissipe, on change de propos Ouand le style a goûté tant soit peu le repos. Donnant à tels efforts ma première furie. Jamais ma veine encor ne s'y trouva tarie. Mais il me faut résoudre à ne plus la presser ; Elle m'a bien servi : je la veux caresser. Lui donner du relâche, entretenir la flamme Oui de sa jeune ardeur m'échaufl'c encore l'àme. Jo veux faire des vers (jui ne soient pas contraints, Promener mon esprit par des petits desseins, Chercher des lieux secrets rien ne me déplaise. Méditer à loisir, rêver tout à mon aise, Employer toute une heure à me mirer dans l'eau, Ouïr, comme en songeant, la course d'un ruisseau, Ecrire dans le bois, m'interrompre, me taire, Composer un quatrain sans songer à le faire. Après m'être égayé par cette douce erreur. Je veux qu'un grand dessein réchauffe ma fureur ; Ou'un œuvre de dix ans me tienne à la contrainte De quelque beau poème vous serez dépeinte.

78 THÉOPHILE

Là, si mes volontés ne manquent de pouvoir, J'aurai bien de la peine en ce plaisant devoir. En si haute entreprise mon esprit s'engage, Il faudrait inventer quelque nouveau langage, Prendre un esprit nouveau, penser et dire mieux Que n'ont jamais pensé les hommes et les Dieux. Si je parviens au but mon dessein m'appelle. Mes vers se moqueront des ouvrages d'Apelle. Qu'Hélène ressuscite : elle aussi rougira, Par tout votre nom dans mon ouvrage ira. Tandis que je remets mon esprit à l'école, Obligé dès longtemps à vous tenir parole, Voici de mes écrits ce que mon souvenir. Désireux de vous plaire, en a pu retenir.

ELEGIE

Aussi souvent qu'amour lait penser à mon âme Combien il mit d'attraits dans les yeux de ma damf Combien ce m'est d'honneur d'aimer en si bon lieu, Je m'estime aussi grand et plus heureux qu'un Dieu. Amaranthe, Philis, Caliste, Pasilhée, Je hais cette noblesse à vos noms affectée ; Ces titres recherchés avecque tant d'appas Témoignent qu'en eff'et vos yeux n'en avoient pas. Au sentiment divin de ma douce furie,

KLECiIES ET SONNETS

79

Le plus l)eau nom du monde est le nom de Marie. (Quelque souci qui m'ait enveloppé l'esprit. En l'oyant proférer, ce beau nom me guérit ; Mon sang en est ému, mon Ame en est touchée. Par des charmes secrets dune vertu cachée. Je la nonmie toujours, je ne m'en puis tenir; Je n'ai dedans le cœur aucun ressouvenir. Je ne connais plus rien, je ne vois plus personne Pli\t à Dieu qu'elle sût le mal qu'elle me donne ! Ouun bon ange voulût examiner mes sens. Et qu'il lui rapportât au vrai ce que je sens ; Ou'Amour eût pris le soin de dire à cette belle Si je suis un moment sans soupirer pour elle. Si mes désirs lui Font aucune trahison, Si je pensai jamais à rompre ma prison ! A l'abord d'un censeur je sens que mon martyre De dépit et d'horreur dans mes os se retire ; Amour ne fait alors que renforcer ses traits Et donne à ma maîtresse encore plus d'attraits. Ainsi je trouve bon que chacun me censure, Atin que mon tourment davantage me dure. F^our conserver mon mal je fais ce que je puis, Et, me croyant heureux, sans doute je le suis. Je ne recherche point de dieux ni de fortune ; Ce qu'ils font au-dessous ou par-dessus la lune Pour le bien des mortels, tout m'est indilférent, Excepté le plaisir que ma peine me rend. Je crois que mon servage est digne de louange,

8o THÉOPHILE

Je crois que ma maîtresse est belle comme un ange,

Qu'elle mérite bien d'avoir lié ma foi.

S'il est vrai que son âme ait de l'amour pour moi ;

Elle me l'a juré: la promesse est un gage

la foi tient le cœur avecque le langage.

Je suis bien peu dévot d'avoir quitté ses yeux ;

Je suis trop nonchalant d'un bien si précieux.

Je ne devrois jamais éloigner * ce visage

Qu'après que de mes sens j'aurois perdu l'usage.

Aussi ])ien mes esprits, loin de ses doux regards.

N'ont que mélancolie et mal de toutes parts.

Le seul ressouvenir des l^eautés de ma dame

Est l'unique entretien qui réjouit mon àme ;

Mais si les immortels me font jamais avoir,

Au moins avant mourir, l'honneur de la revoir,

Quelque nécessité que le Ciel me prescrive.

Quelque si grand malheur qui jamais m'en arrive,

Je me suis résolu d'attendre que le sort

Auprès de ses beautés fasse venir ma mort ;

Si tandis * je souffrois le coup des destinées,

J'aurois bien du regret à mes jeunes années;

Mon ombre ne feroit qu'injurier les Dieux

Et plaindre incessamment l'absence de ses yeux.

ÉLKGIES ET SO>fNET.S

Souverain (|ui rt'uis riiilliii'nco des vers - Aussi hienquclu fais uiouvoir loiil l'univers, Ame (le nos esprits, qui dans noire naissance Inspiras un rayon de ta divine essence, Founpioi ne m'as-tu fait les sentiments meilleurs".'' Pounpioi tes beaux trésors sont-ils coulés ailleurs ? Je vois de toutes parts des écrivains sans nombre, Dont la grandeur a mis mon petit nom à l'ombre. Je n'ai (pi'un pauvre fond d'un médiocre esprit. je vais cultiver ce ({ue le Ciel m'apprit; Les tristes sons rimeurs d'un style qui se traîne Epuisent tous les jours ma lani^uissante veine. Si j'avois la vigueur de ces fameux Latins, Ou l'esprit de celui qui força les destins, Qui vit à ses chansons les Parques désarmées Et de tous les damnés les tortures charmées. Quand pour l'amour de lui le prince des enfers Laissa vivre Eurydice et la tira des fers; Ou, si c'est trop d'avoir ces merveilleux génies. Qu'à notre siècle inf;\me* à bon droit tu dénies, Je me contenterois d'égaler en mon art La douceur de Malherbe ou l'ardeur de Ronsart *, Et mille autres encore à «jui je fais hommage, Et de qui je ne suis que l'ombre et cpie l'image.

6

THEOPHILE

Je donnerois ma plume à ces soins violents,

A peindre ces sanglots et ces désirs brûlants,

Que depuis peu de jours quelque démon allume

Dans mon sang, l'amour se plaît et me consume.

0 Dieux, pourrois-je bien, sans vous fâcher un peu,

Suivre les mouvements de mon aveugle feu?

Déjà comme l'amour m'engage à la furie.

Je crois que l'adorer n'est pas idolâtrie ;

Dussé-je dépiter votre divin courroux.

Tout ce que j'en veux dire est au-dessous de vous ;

S'il vous plaît que le monde uniquement vous aime,

Si vous voulez purger la terre du blasphème,

Faire que les mortels rendent la liberté «

De leurs désirs pervers à votre volonté,

Sans les épouvanter de l'éclat du tonnerre,

Changez-vous en Cloris et venez sur la terre.

Alors de votre amour ils seront tous ravis.

Alors absolument vous en serez servis.

Il est vrai que tout cède à l'amoureuse peine,

Que Paris et sa ville ont brûlé pour Hélène,

Et les antiquités font voir aux curieux

Que l'Aube mit Titon dans le siège des Dieux;

Et de tant de beautés qui furent les maîtresses

De l'aîné de Saturne, on en fait des Déesses,

Qui n'ont été pourtant, non plus que leur amant,

Que le triste butin d'un mortel monument.

Mais, d'autant que l'amour est le bien de la vie

Qui seul ne peut jamais éteindre son envie.

KLKGIES ET SONNETS 83

Qui toujours dans la peine espère le plaisir, Qui dans la résislancc augmente le désir, Et <pic les senlinRMits de celte douce flaninic Suivent justiu'à la Hn les derniers traits de l'àme, On a cru de l'amour qu'il éloit innnortel, Et qn'aussi son sujet ne peut être que toi. Ainsi ces Dieux païens furent ce que nous sommes. Ainsi les vrais amants seront plus que les hommes. Si le sort me donnoit la qualité de roi, Si les plus chers plaisirs s'adrcssoient tous à moi, Si j'étois empereur de la terre et de l'onde, Si de ma propre main j'avois bâti le monde, ( Et, comme le soleil, de mes regards produit Tout ce (jue l'univers a de tleur et de fruit, Si cela m'arrivoit, je n'aurois pas tant d'aise Ni tant de vanité que si Cloris me baise ; Mais j'entends d'un baiser le cœur puisse aller Avec les mouvements des yeux et du parler. Que son àme sans peine avec moi s'entretienne, Et (]ue sa volonté seconde un peu la mienne. Amants qui vous piquez vers un objet forcé. Qui ne savez que c'est* d'un baiser bien pressé, Qui ne trouvez l'amour que dans la tyrannie Et n'aimez les faveurs qu'en tant ipi'on vous les nie, Que vous êtes heureux en vos lâches désirs, Puis(|ue même vos maux font naître vos plaisirs ! Pour moi, chère Cloris, je n'en suis pas de même; Je ne saurois aimer que si je vois qu'on m'aime.

84 THÉOPHILE

Et, si peu qu'on refuse à ma sainte amitié, Je sens que mon ardeur décroît de la moitié. J'entends que le salaire égale mon service ; Je pense qu'autrement la constance est un vice, Qu'amour hait ces esprits qui lui sont trop dévols, Et que la patience est la vertu des sots ; Ce que je dis, Cloris, avec plus d'assurance D'autant que je te vois flatter mon espérance, Et que, pour nous tenir dans cet heureux lien, Je vois déjà d'accord ton esprit et le mien. Aimons-nous, je te prie, et, lorsque mon visage Tu voudras rebuter, ou mon poil, ou mon âge, Regarde en mon esprit j'ai mis ton tableau; Lors tu verras en moi quelque chose de beau : Tu te verras logée en un petit empire l'esprit de l'amour avecque moi soupire ; Il se tient glorieux de recevoir ta loi. Et semble qu'il poursuit même dessein que moi. Si je vais dans tes yeux, il y va prendre place ; Je ne vois là-dedans que ses traits et ma face. Je doute s'il y fait ou mon bien ou mon mal. Et ne sais plus s'il est mon maître ou mon rival. Je connais bien l'amour, je sais qu'il est perfide. Et, si pour le chasser je suis un peu timide, Je lui ferai toujours un traitement humain. Puisque je l'ai reçu d'une si bonne main. Puisque c'est toi, Cloris, après l'avoir fait naître. Qui l'as mis dans mon àme, ton œil est le maître.

étÉGIES ET SONNETS

lu vis al)soliic en (os coiniiiaiultMiiciits,

ton vouloir piTsiilc à tous mes soiilimcnts.

Je sais biL'ii (|iu* ('.loris ne me vtMit pas coiitraindre

Au soin [lerpcluol de servir et de craindre ;

(Ju'elle a des mouvements sujcls à la pilié,

Et qu'au moins sa raison songe à mon amitié.

Cloris, si je venois, aveuglé de tes charmes.

Le cti'ur tout en soupir et les yeux tout en larmes,

Demander instamment un amoureux i)laisir,

Je crois (pic ton amour m'en laisseroit choisir.

Maintenant que le ciel dépouille les nuages,

Oue le front du printemps menace les orages,

(Jue les ciiamps comme toi paroissent endjcllis

De ipiantité d triliets, de roses et de lis,

Oue tout est sur la terre, et cpi'une humeur féconde

(Qu'attire le soleil fait rajeunir le monde,

Comme si j'avois part à la faveur des cieux,

^ui redonne l'enfance à ces bocages vieux,

El que ce renouveau, qui rend tout aii^réable,

Me rendît à les yeux plus jeune et plus aimable,

Je te veux conjurer avec des vœux discrets

De passer avec moi quelques momenls secrets.

Nous irons dans des bois, sous des feuillages sombres

jamais le soleil n'a su forcer les ombres;

Personne là-iledans n'entendra nos amours :

(;ar je veux que les vents respectent nos discours

Et que chaque ruisseau plus vitement s'enfuie

De devant tes regards, de peur qu'il ne t'ennuie.

86 THÉOPHILE

Maintenant que le roi s'éloigne de Paris, Suivi de tant de gens au carnage nourris, Qui, dans ces chauds climats, vont recueillir les restes Du danger des coml)ats et de celui des pestes. Il faut que je le suive, et Dieu, sans me punir, Cloris, ne te sauroit empêcher d'y venir. Si tu fais ce voyage (et mon amour te prie D'y ramener tes yeux, car c'est ma patrie. C'est les rais du jour daignèrent dévaler Pour faire vivre un cœur que tu devois hrùler). tu verras un fonds le paysan * moissonne Mes petits revenus sur les bords de Garonne, Le fleuve de Garonne, de petits ruisseaux Au travers de mes prés vont apporter leurs eaux, des saules épais leurs rameaux verts abaissent Pleins d'ombre et de fraîcheur sur mes troupeaux qui Cloris, si tu venois dans ce petit logis, [paissent. Combien qu'à te l'offrir de si loin je rougis. Si cette occasion permet que tu l'approches. Tu le verras assis entre un fleuve et des roches, sans doute il falloit que l'amour habitât Avant que pour le ciel la terre il ne quittât. Dans ce petit espace, une assez bonne terre, Si je la puis sauver du butin de la guerre, Nous fournira des fruits assez délicieux Qui sauroient contenter ou ton goût ou tes yeux. Mais, afin que mon bien d'aucun fard ne se voile, Mes plats y sont d'étain et mes rideaux de toile ;

KLKGIES ET SONNETS 87

l'n polit pavillon, ilont le vieux biUimcnt

Kul nia(;onnô tic i)ri(nio cl de luauvais ciment,

Montre assez qu'il n'est pas orgueilleux de nos titres;

Ses chandires n'ont plancher, toit, ni portes, ni vitres,

Par les vents d'hiver, sinîroduisant un peu,

Ne puissent venir voir si nous avons du l'eu.

Je ne veux point mentir, et, (piand le sort avare,

Oui me traite si mal, m'eût été plus barbare

Et qu'il m'ciU fait sortir d'un sang^ moins reconnu,

Je te confesserois d'où je serois venu.

Car j'ai bien plus de peine à découvrir ma face

Devant tes yeux si beaux «ju'à te montrer ma race.

Dans l'état je suis, j'ai bien plus de raison

De te faire agréer mes yeux que ma maison.

Je jure les rayons dont ta beauté m'éclaire

Que le but de mon àme est le soin de te plaire.

Et (jue j'aime si fort ta vue et tes propos

Qu'à ton sujet la nuit est pour moi sans repos.

Et, sans faire l'amour à la façon commune.

Sans accuser pour toi le ciel ni la fortune,

Sans me plaindre si fort, j'ai ce coup plus profond

Que les autres mortels, j'aime mieux cju'iis ne font;

Et, si ton cœur n'en tire une preuve assez bonne.

De ces vers insensés que mon amour te donne,

Pour m'en justirter à tes yeux adorés.

Je répandrai le sang d'où je les ai tirés,

Si ton humeur étoit do me le voir répandre.

Et ([u'autrement ton cœur ne me voulût entendre.

THEOPHILE

ELEGIE

C loris, lorsque je songe, en te voyant si hcUe, Que ta vie est sujette à la loi naturelle, Et qu'à la fin les traits d'un visage si beau Avec tout leur éclat iront dans le tombeau, Sans espoir que la mort nous laisse en la pensée Aucun ressentiment de l'amitié passée. Je suis tout rebuté de l'aise et du souci Que nous fait le destin qui nous gouverne ici. Et, tombant tout à coup dans la mélancolie. Je commence à blâmer un peu notre folie, Et fais vœu de bon cœur de m'arracher un jour La chère rêverie m'occupe l'amour. Aussi bien faudra-t-il qu'une vieillesse infâme Nous gèle dans le sang les mouvements de l'àme. Et que l'âge, en suivant ses révolutions, Nous ôte la lumière avec les passions. Ainsi je me résous de songer à ma vie Tandis que la raison m'en fait venir l'envie ; Je veux prendre un objet mon libre désir Discerne la douleur d'avecque le plaisir. mes sens tout entiers, sans fraude et sans contrainte. Ne s'embarrassent plus ni d'espoir ni de crainte. Et, de sa vaine erreur mon cœur désabusant,

Ér-iCfilES ICI SDNNKTS 89

Je s^oiktcrai le bien que je verrai présent ;

Je prendrai les douceurs à quoi je suis sensil)l(>,

Le plus abondamment qu'il me sera possible.

Dieu nous a tant donne de divertissements,

Nos sens trouvent en eux tant de ravissements,

(Jue c'est une fureur de chercher qu'en nous-mème

Quelqu'un que nous aimions et ([uehju'un qui nous aime

Le ccinir le mieux donné lient toujours à demi,

Chacun s'aime un peu mieux toujours <[ue son ami ;

On les suit rarement dedans la sépulture ;

Le droit de l'amitié cède aux lois de nature.

Pour moi, si je voyois, en l'humeur je suis,

Ton àme s'envoler aux éternelles nuits,

Quoi que puisse envers moi l'usage de îes charmes,

Je m'en consolerois avec un peu de larmes.

N'attends pas que l'amour aveugle aille suivant,

Dans l'horreur de la nuit, des ombres et du vent.

Ceux qui jurent d'avoir l'àme encore assez forte

Pour vivre dans les yeux d'une maîtresse morte

N'ont pas pris le loisir de voir tous les ellorts

Que fait la mort hideuse à consumer un corps,

Quand les sens pervertis sortent de leur usage,

Qu'une laideur visible ettace le visage.

Que l'esprit défaillant et les membres perclus,

En se disant adieu, ne se connoisseut plus ;

Que, dedans un moment, après la vie éteinte,

La face sur son cuir n'est pas seulement peinte,

Et que l'infirmité de la puante chair

go THEOPHILE

Nous fait ouvrir la terre afin de la cacher.

Il faut être animé d'une fureur bien vive,

Ayant considéré comme la mort arrive,

Et comme tout l'objet de notre amour périt.

Si par un tel remède une âme ne guérit.

Cloris, tu vois qu'un jour il faudra qu'il advienne

Que le destin ravisse et ta vie et la mienne ;

Mais, sans te voir le corps ni l'esprit dépéri.

Le Ciel en soit loué ! Cloris, je suis guéri.

Mon âme, en me dictant les vers que je t'envoie,

Me vient de plus en plus ressusciter la joie ;

Je sens que mon esprit reprend la liberté.

Que mes yeux dévoilés connoissent la clarté.

Que l'objet d'un beau jour, d'un pré, d'une fontaine,

De voir comme Garonne en l'Océan se traîne.

De prendre dans mon île, en ses longs promenoirs,

La paisible fraîcheur de ses ombrages noirs

Me plaît mieux aujourd'hui que le charme inutile

Des attraits dont Amour te fait voir si fertile.

Languir incessamment après une beauté.

Et ne se rebuter d'aucune cruauté ;

Gagner au prix du sang une faible espérance

D'un plaisir passager, qui n'est qu'en apparence ;

Se rendre l'esprit mol, le courage abattu ;

Ne mettre en aucun prix l'honneur ni la vertu ;

Pour conserver son mal mettre tout en usage;

Se peindre incessamment et l'âme et le visage,

Cela tient d'un esprit le Ciel n'a point mis

ÉLKr.iES Ht sonnf.ts gi

Ce (|ut' son iiilliicnco inspire à srs amis.

l'onr moi, (|uc la raison ('-clairo en quelque sorte,

Je no saurois porter un(< fureur si forte,

Kt déjà lu peux voir, au train de cet écrit,

Comme la içuérison avance en mon [esprit :

(^ar insensiblement ma musc un peu léfçèrc

A passé dessus toi sa plume passasçèro,

l*]t, détournant mon C(cur de son premier objet,

Dès le conuucnccment j'ai cbangé de sujet,

Emporté du plaisir de voir ma veine aisée

Sûrement aborder ma flamme rapaiséc

El jouer à son jçré sur les propos d'aimer,

Sans avoir aujourd'hui pour but (pie de rimer,

Et sans te demander (|ue ton bel omI éclaire

Ces vers, je n'ai pris aucun soin de te plaire.

ELEGIE

Depuis ce triste jour (pi'un adieu malheureux M'ùta le cher ol)jet de mes yeux amoureux. Mon âme de mes sens fut toute désimie Et, privé que je fus de votre eompai^nie, Je me trouvai si seul aveccpie tant d'effroi Que je me crus moi-même être éloigné de moi ! La clarté du soleil ne m'étoit point visible,

THEOPHILE

La douceur de la nuit ne m'étoit point sensible,

Je sentois du poison eu mes plus doux repas

Et des goufl'res partout se portoient mes pas.

Depuis, rien que la mort n'accompagna ma vie,

Tant me coûta l'honneur de vous avoir suivie.

O Dieux qui disposez de nos contentements.

Les donnez-vous toujours avecque des tourments ?

Ne se peut-il jamais qu'un bon succès arrive

A l'état des mortels qu'un mauvais ne le suive ?

Mêlez-vous de l'horreur au sort plus gracieux

De celui des humains que vous aimez le mieux ?

Ici votre puissance est en vain appelée ;

Comme un corps a son ombre, un coteau sa vallée;

Ainsi que le soleil est suivi de la nuit,

Toujours le plus grand bien a du mal qui le suit.

Lorsque le beau Paris accorapagnoit Hélène,

Son âme de plaisir voit la fortune pleine ;

Mais le sort ce bonheur cruellement vengea :

Car, comme avec le temps la fortune changea,

De sa prospérité naquit une misère

Qui fit brûler sa ville et massacrer son père.

Bien que dans ce carnage on vit tant de malheurs,

Qu'on versât dans le feu tant de sang et de pleurs.

Je jure par l'éclat de votre beau visage

Que pour l'amour de vous je souHre davantage :

Car, si longtemps absent des grâces de vos yeux,

Il me semble qu'on m'a chassé d'auprès des Dieux

Et que je suis tombé par un coup de tonnerre

ÉLÉGIES ET SONNETS qS

Du plus haut lieu liu ciol au plus Itas de la terre. Depuis, tous mes plaisirs duraient dans le cercueil. Aussi vraiment depuis je suis vêtu de deuil, Je suis cliasfrin partout le |ilaisir abonde, Je n'ai |)his nul souci (]ut' de déplaire au monde. Connue, sans me tlaltcr, je vous proteste ici yue le monde ne fait que me déplaire aussi. Au milieu de Paris je me suis fait ermite ; Dedans un seul oitjct mon esprit se limite ; Ouel(iue part mes yeux me pensent divertir, Je traîne une prison d'où je ne puis sortir; J'ai le t'en dans les os et l'ànie déchirée De cette flèche d'or que vous m'avez tirée. Ouel(|uc tentation qui se présente à moi, Son appas ne me sert (pi'à renforcer ma foi. L'ordinaire secours que la raison apjjorle, Pour rendre atout le moins ma i>assion moins forte, L'irrite davantage et me fait mieux soufFrir Un tourment qui m'ohlis;e en me faisant mourir. Contre un dessein prudent s'obstine mon courage, Ainsi que le rocher s'endurcit à l'orage ; J'aime ma frénésie et ne saurois aimer Aucun de mes amis qui la voudroit blâmer. Aussi ne crois-je point que la raison consente De m'approcher tandis (pie vous serez absente. J'entends que ma pensée éprouve incessamment Tout ce que peut l'ennui sur un Hdèle amant ; J'onlcnds que le soleil aveccjue moi s'ennuie,

g4 THÉOPHILE

Que l'air soit couvert d'ombre et la terre de pluie, Que, parmi le sommeil, de tristes visions Enveloppent mon âme en leurs illusions, Que tous mes sentiments soient mêlés d'une rage, Qu'au lit je m'imagine tître dans un naufrage, Tomber d'un précipice et voir mille serpents Dans un cachot obscur autour de moi rampants. Aussi bien, loin de vous, une vie inhumaine Sans doute me sera plus aimable et plus saine, Car je ne puis songer seulement au plaisir Qu'une mort ne me vienne incontinent saisir. Mais, quand le ciel, lassé du tourment qu'il me livre, Sous un meilleur aspect m'ordonnera de vivre, Et qu'en leur changement les astres inconstants Me pourront amener un favorable temps, Mon àme à votre objet se trouvera changée Et de tous ces malheurs incontinent vengée. Quand mes esprits seroient dans un mortel sommeil. Vos regards me rendront la clarté du soleil ; Dessus moi votre voix peut agir de la sorte Que le zéphir agit sur la campagne morte. Voyez comment Philis renaît à son abord : Déjà l'hiver contre elle a fini son effort. Désormais nous voyons épanouir les roses, La vigueur du printemps reverdit toutes choses. Le ciel en est plus gai, les jours en sont plus beaux, L'aurore en s'habillant écoute les oiseaux; Les animaux des champs, qu'aucun souci n'outrage.

ÉLÉGIES ET SONNETS g5

Sentent renouveler et leur sanjç et leur Age, Et, suivant leur nature et l'appétit des sens, Cultivent sans remords dos plaisirs innocents. Moi seul, dans la saison chacun se contente, Accalilc des douleurs d'une cruelle attente. Languis sans réconfort, et tout seul dans l'hiver Ne vois point de printemps qui me puisse arriver; Seul je vois les l'orèts encore désolées, Les parterres déserts, les rivières gelées, Et, comme ensorcelé, ne puis goûter le fruit Qu'à la faveur * de tous cette saison produit. Mais, lorsque le soleil adoré de mon âme I Du feu de ses rayons réchauffera ma flamme, Mon printemps reviendra, mais mille fois plus beau Que n'en donne aux mortels le céleste flambeau. Si jamais le destin permet que je la voie. Plus que tous les mortels tout seul j'aurai de joie. O Dieu! pour défier l'horreur du monument, Je ne demande rien (pie cela seulement.

ELEGIE

Proche de la saison les plus vives fleurs Laissent évanouir leur àme et leurs couleurs, Un amant désolé, mélancoli(iue, sombre. Jaloux de son chemin, de ses pas, de son ombrcj

*3

11

?î**^.->; 'X^»^,

ELEGIES ET SONNETS

97

Moi li, d'un sort plus humble ou bien plus glorieux,

Sur s beautés du ciel n'ai point jeté les yeux,

Qui 'ai jamais cherché cette bonne fortune

Qu :idymion trouvoit aux beautés de la Lune,

Duî it cette saison leur ardent désir

Ne mve à son dessein ni place ni loisir,

Je ' rai ma Caliste après ce long- voyage,

Qu lus que cent hivers m'a lait souffrir d'orage,

Ou n'a plus ruiné que de faire abîmer

Ud lisseau chargé d'or que j'aurois sur la mer.

Ou outrage plus grand auroit-il pu me faire

Oiyne cacher un mois le seul jour qui m'éclaire ?

l)i< <, hâtez donc l'hiver et lui soyez témoins

Oi e printemps, l'automne et l'été valent moins;

•Ji dépouille les bois, et de sa froide haleine

Pe e tout ce que donne et le mont et la plaine :

Ce lois qui maintenant retient cette beauté

A 'n plus d'injustice et plus de cruauté,

Gf i 'hiver, au plus fort de sa plus dure guerre,

N< ^ ôte seulement ce que nous rend la terre,

N iporte que des fruits, n'étouffe que des fleurs,

El ir notre destin n'étend point ses malheurs.

Ci a dure saison qui m'ôte ma maîtresse

T( es ces cruautés à ma ruine adresse.

M front est plus terni que des lys effacés,

M sang est plus gelé que des ruisseaux glacés ;

B s est l'enfer pour moi, la Loire est le Cocyte ;

•I< e suis plus vivant si je ne ressuscite.

7

:

(jG THÉOPHILE

Baisoit aux bords de Loire, en flattant son ennui, L'image de Calisle errante avecque lui. Rêvant auprès du fleuve, il disoit à son onde : « Si tu vas dans la mer qui va par tout le monde, Fais-la ressouvenir d'apprendre à l'univers Qu'il n'a rien de si beau que l'objet de mes vers. Ces fleurs dont le printemps fait voir tes rives peintes Au matin sont en vie et le soir sont éteintes ; Mais, quelque changement qui te puisse arriver, Caliste et ses beautés n'auront jamais d'hiver. Ces humides baisers dont les rives mouillées Seront pour quelques jours encore chatouillées Arrêteront enfin leur amoureuse erreur, Et, s'approchant de toi, se gèleront d'horreur. Alors que tous les flots sont transformés en marbres. Lorsque les aquilons vont déchirer les arbres. Et que l'eau, n'ayant plus humidité ni poids. Fait pendre le cristal des roches et des bois; Que l'onde, applanissant ses orgueilleuses bosses, Souffre sans murmurer le fardeau des carrosses ; Que la neige durcie a pavé les marais. Confondu les chemins avecque les guérets ; Que l'Hiver renfrogné, d'un orgueilleux empire. Empêche les amours de Flore et de Zéphire ; Qu'Endymion, vaincu du froid et du sommcilj Ne peut tenir parole à la sœur du Soleil, Qui cependant toujours va visiter sa place. Sur le haut d'un rocher tout hérissé de fflace :

« I

KLKCiIES ET SONNETS f)7

Moi qui, il'un sort plus humble ou l)icii plus glorieux, Sur les beauh^s du ciel n'ai point jeté les yeux, Qui n'ai jamais cherché cette bonne fortune lJu'Eiul\ aiion Irouvoit aux beautés île la Lune, Durant celte saison leur ardent désir Ne trouve à son dessein ni place ni loisir, Je verrai ma Caliste après ce long voyage, Oui plus (jue cent hivers m'a fait souffrir d'orage, Qui m'a plus ruiné que de faire abîmer Un vaisseau chargé d'or que j'aurois sur la mer. Quel outrage plus grand auroil-il pu me faire Que me cacher un mois le seul jour qui m'éclaire '? Dieux, hâtez donc l'hiver et lui soyez témoins 'Que le printemps, l'automne et l'été valent moins; Qu'il dépouille les bois, et de sa froide haleine Perde tout ce (|ue donne et le mont et la plaine : Ce mois qui maintenant retient cette beauté A bien plus d'injustice et plus de cruauté. Car l'hiver, au plus fort de sa plus dure guerre, Nous ôte seulement ce que nous rend la terre, N'emporte ([ue des fruits, n'étoutVe (|ucdes lleurs. Et sur notre destin n'étend point ses malheurs, la dure saison qui m'ôte ma maîtresse Toutes ces cruautés à ma ruine adresse. Mon front est plus terni que des lys effacés. Mon sang est plus gelé que des ruisseaux glacés ; Blois est l'enfer pour moi, la Loire est le Cocyte ; Je ne suis plus vivant si je ne ressuscite.

THEOPHILE

Vous qui feignez d'aimer avecque tant de foi,

Trompeurs, vous êtes bien moins amoureux que moi ;

Courtisans qui partout ne servez que de nombre,

Qui n'aimez que le vent, qui ne suivez que l'ombre,

Qui tramez sans plaisir vos jours mal assurés.

Pendant chez la fortune à des liens dorés,

Vous savez mal que c'est * des véritables peines

Que donne un feu subtil qui fait brûler les veines.

Esclaves insensés des pompes de la cour.

Vous savez mal que c'est * d'un véritable amour.

Infidèle Alidor, tu feins d'aimer Sylvie,

Mais tu perds son objet et ne perds point la vie.

Tu chasses tout le jour, tu dors toute la nuit.

Et tu dis que partout son image te suit.

Qu'elle est profondément empreinte en ta pensée.

Et que ton âme en est mortellement blessée.

0 toi qui ma Caliste aujourd'hui me ravis.

Qui vois ce que je sens, qui sais comme je vis,

Malicieux Destin qui me sépare d'elle.

Tu répondras pour moi si je lui suis fidèle.

Parfois, lorsque je pense écrire mon tourment.

Je passe tout le jour à rêver seulement.

Et dessus mon papier, laissant errer mon âme,

Je peins cent fois mon nom et celui de ma dame.

De penser en penser confusément tiré,

Suivant le mouvement de mon sens égaré.

Si j'arrête mes yeux sur nos noms que je trace,

Quelque goutte de pleur m'échappe et les efface,

KLEOIES ET SONNETS QQ

Ef sans que mon travail puisse changer d'objet, Mille l'ois sans dessein je change de projet. Toute celte beauté, dans nies sens ramassée, Tant^^t ses doux regards présente à ma pensée, Quelquefois son iieau teint, et m'offre quelquetbis Les œillets de sa lèvre et l'accent de sa voix : Tantôt son bel esprit, d'une superbe image, Tout seul (le mes écrits veut recevoir l'hommage. Confus je me retire, et songe (pi'il vaut mieux Consoler autrement et mon Ame et mes yeux. Je m'en vais dans les champs pour voir s'il est possible Qu'un bienheureux hazard me la rendît visible; Je m'en vais sur les bords de ces publicjues eaux Dont le dos nuit et jour est chargé de bateaux, Et tout ce que je vois descendre sur la rive Me fait imaginer que ma Caliste arrive. Bref, contre tout espoir mon omI n'est jamais las De travailler en vain à chercher du soulas * ; Quoique le temps prescrit à cette longue absence Pour tout ce que je fais d'un seul point ne s'avance, Je veux persuader à mon ardent amour Qu'il voit à tout moment l'heure de son retour. » Ainsi dit Mélibée, et pâle, et las, et triste. Acheva sa journée en adorant Caliste.

'■ BIBLIOTHECA

ttaviens'v'',.

THEOPHILE

SONNET

Ton orgueil peut durer au plus deux ou trois ans; Après, cette beauté ne sera plus si vive : Tu verras que ta flamme alors sera tardive, Et que tu deviendras l'objet desTmédisants.

Tu seras le refus de tous les courtisans, Les plus sots laisseront ta passion oisive. Et tes désirs bonteux, d'une amitié lascive. Tenteront un valet à force de présents.

Tu chercheras à qui te donner pour maîtresse , On craindra ton abord, on fuira ta caresse ; Un chacun de partout te donnera congé.

Tu reviendras à moi : je n'en ferai nul compte; ?

Tu pleureras d'amour : ie rirai de ta honte.

r ....

Lors, tu seras punie, et je serai venge.

SONNET

'autre jour, inspiré d'une divine flamme, ij'entrai dedans un temple, où, tout religieux,

LLEGIES ET SONNETS

lv\aniin:iiit ilc prrs mes actes vicieux,

Un repentir profond fait soupirer mou Ame.

Tandis qu'A mon secours tous les Dieux je réclame, Je vois venir Pliilis. Ouand j'apen^us ses yeux, Je m'écriai tout haut : Ce sont ici mes Dieux ; Ce temple et cet autel appartient à ma dame.

Les Dieux, injuriés de ce crime d'amour, Conspirent par venc^eancc à me ravir le jour; Mais que sans plus larder leur tlamme me confonde!

O mort I quand lu voudras, je suis prêt à partir, Car je suis assuré que je mourrai martyr Pour avoir adoré le plus bel œil du monde.

SONNET

Si quelquefois Amour permet que je respire. Et que pour un moment j'écoule ma raison, Mon esprit aussitôt pense à ma guérison, Tâchant de m'affranchir de ce fâcheux empire.

Il est vrai que mon mal ne peut devenir pire. Qu'un esclave seroit honteux de ma prison.

THEOPHILE

Et que les plus damnés, à ma comparaison, Trouveroient justement des matières pour rire.

Cloris, d'un œil riant et d'un cœur sans remords, Me tient dans les tourments pires que mille morts, Sans espoir que jamais sa cruauté s'amende.

Hélas ! après avoir à mes douleurs songé, Je voudrois me résoudre à demander congé; Mais j'ai peur d'obtenir le don que je demande.

SONNET DE THEOPHILE

SUR SON EXIL

Quelque si doux espoir ma raison s'appuie, Un mal si découvert ne se sauroit cacher : J'emporte, malheureux, quelque part je fuie, Un trait qu'aucun secours ne me peut arracher.

Je viens dans un désert mes larmes épancher, la terre languit, le soleil s'ennuie. Et, d'un torrent de pleurs qu'on ne peut étancher. Couvre l'air de vapeurs et la terre de pluie.

Parmi ces tristes lieux traînant mes longs regrets.

ÉLÉGIES ET 80NNKTS I03

Je nie promène seul dans l'horreur des forèls la Funeste orfraie * et le hibou se perchent.

Là, le seul réconfort (jui peut ni'entretenir. C'est de ne craindre point que les vivants me cher- le llambcau du jour n'osa jamais venir, [chent

SONNET

SUR LE MÊME SUJET, FAIT DANS LES LANDES DE CASTEL-JALOUX

Je passe mon exil parmi de tristes lieux rien de plus courtois (ju'un loup nem'avoisine ; des arbres puants fourmillent d'écurieux *, tout le revenu n'est (ju'un peu de résine,

les maisons n'ont rien plus froidque la cuisine, le plus fortuné craint de devenir vieux, la stérilité fait mourir la lésine, tous les éléments sont mal-voulus des cieux,

le soleil contraint de plaire aux destinées. Pour étendre mes maux allonfçe ses journées, Et me fait plus durer le temps de la moitié.

Mais il peut bien changer le cours de sa lumière.

io4

THEOPHILE

Puisque le roi, perdant sa bonté coutumière, A détourné pour moi le cours de sa pitié.

SONNET

On n'avoit point posé les fondements de Rome, On n'avoit point parlé du sièffe d'IIion, La terre n'avoit point reçu Deucalion,

Les sœurs de Phaéton ne pleuroient point la ^onime Les géants n'avoient point monté sur Pélion, Et celui qui causa notre rébellion N'avoit pas mis la dent sur la première pomme.

Cypre n'avoit point vu ses rives écumer De ce germe divin qui tomba dans la mer. Quand la mère d'Amour voulut sortir de l'onde.

Bref, nous ne savons point de siècles assez vieux. Depuis qu'on a connu l'origine du monde, De qui l'antiquité ne le cède à vos yeux.

ÂLÂGIES P.T SONNETS

SONNKT

Ministre du repos, sommeil, père des sonates, Poiinpioi t'a-t-on nommé limatje de la mort? Que ces Faiseurs de vers l'ont jadis tait de tort, De le persuader avecque leurs mensonges !

Faut-il pas conlcssercpi'en l'aise lu nous plonges Nos esprits sont ravis par un si doux transport, Qu'au lieu de raccourcir à la fureur du sort 'Les plaisirs de nus jours, Sommeil, lu les allonges?

Dans ce petit moment, ù songes ravissants, }u'Amour vous a permis d'entretenir mes sens, J'ai tenu dans mon lit Elise toute nue.

Sommeil, ceux (jui l'ont fait l'image du trépas, Quand ils ont peint la mort, ils ne l'ont poinlconnue, Car vraiment son portrait ne lui ressemble pas.

SONNET

u moins ai-je songé que je vous ai baisée, I. Et, bien que tout l'amour ne s'en soit pas allé.

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106

THEOPHILE

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Ce feu, qui dans mes sens a doucement coulé, Rend en quelque façon ma flamme rapaisée.

Après ce doux effort, mon âme reposée Peut rire du plaisir qu'elle vous a volé, Et, de tant de refus à demi consolé, Je trouve désormais ma guérison aisée .

Mes sens déjà remis commencent à dormir; Le sommeil, qui deux nuits m'avoit laissé gémir. Enfin dedans mes yeux vous fait quitter la place.

Et, quoiqu'il soit si froid au jugement de tous, Il a rompu pour moi son naturel de glace Et s'est montré plus chaud et plus humain que voi

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SONNET

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D'un sommeil plus tranquille à mes amours rcvantj J'éveille avant le jour mes yeux et ma penséej Et, cette longue nuit si durement passée, Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.

Demi désespéré, je jure en me levant D'arracher cet objet à mon âme insensée.

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ÉLÉGIKS ET SONNETS

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oudain de ces vœux ma raison offensée ledit et me laisse aussi fol que devant.

sais bien que la mort suit de près ma folie, î s je vois tant d'appas en ma mélancolie mon esprit ne peut souffrir sa guérison.

hacun à son plaisir doit gouverner son âme ; iridate autrefois a vécu de poison, Lestrigons de sang, et moi je vis de flamme.

SONNET

1ère Isis, tes beautés ont troublé la nature, Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement, es Dieux, occupés après toi seulement, jsent l'étal du monde errer à l'aventure.

'oyant dans le soleil tes regards en peinture, H m sentent leur cœur touché si vivement I -, s'ils n'ctoient cloués si fort au firmament, iescendroient bientôt pour voir leur créature.

Irois-moi qu'en cette humeur ils ont peu de souci du bien ou du mal que nous faisons ici ; tandis que le Ciel endure que tu m'aimes.

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J06 THÉOPHILE

Ce feu, qui dans mes sens a doucement coulé, Rend en quelque façon ma flamme rapaisée.

Après ce doux effort, mon âme reposée Peut rire du plaisir qu'elle vous a vole, Et, de tant de refus à demi consolé, Je trouve désormais ma guérison aisée ,

Mes sens déjà remis commencent à dormir; Le sommeil, qui deux nuits m'a voit laissé gémir. Enfin dedans mes yeux vous fait quitter la place.

Et, quoiqu'il soit si froid au jugement de tous. Il a rompu pour moi son naturel de glace Et s'est montré plus chaud et plus humain que vous.

SONNET

D'un sommeil plus tranquille à mes amours rêvant, J'éveille avant le jour mes yeux et ma pensée, Et, cette longue nuit si durement passée. Je me trouve étonné de quoi je suis vivant.

Demi désespéré, je jure en me levant D'arracher cet objet à mon âme insensée,

ÉLéOlKS ET SONNETS IO7

El sDiiiljun (lo ces vd'ux ma raison ollcnsée Se ilctlit ol me laisse aussi loi (|iie devant.

Je sais bien (jue la mort suit de près ma folie, Mais je vois tant d'appas en ma mélancolie (Jue mon esprit ne peut souffrir sa guérison.

Chacun à son plaisir doit gouverner son àmc ; Alitliridale autrefois a vécu de poison, Les Lestrigons de sang, et moi je vis de flamme.

I SONNET

Chère Isis, tes beautés ont trouble la nature, Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement. Et les Dieux, occupés après toi seulement. Laissent l'état du monde errer à l'aventure.

Voyant dans le soleil tes regards eu peinture. Ils en sentent leur cœur touché si vivement Que, s'ils û'étoient cloués si fort au firmament, Ils descendroient bientôt pour voir leur créature.

Croîs-moi qu'en cette humeur ils ont peu de souci Ou du bien ou du mal que nous faisons ici ; Et, tandis que le Ciel endure que tu m'aimes.

I08 THKOPUILE

Tu peux bien dans mon lit impunément coucher ; Isis,que craindrois-tu, puisque les Dieux eux-mêmes S'estimeroient heureux de te faire pécher?

SONNET

Sacrés murs du soleil j'adorai Philis, Doux séjour mon àme étoit jadis charmée, Qui n'est plus aujourd'hui sous mes toits démolis Que le sanglant butin d'une orgueilleuse armée;

Ornement de l'autel, qui n'êtes que fumée, Grand temple ruiné, mystères abolis, Effroyables objets d'une ville allumée, Palais, hommes, chevaux, ensemble ensevelis;

Fossés larges et creux tous comblés de murailles, Spectacle de frayeur, de cris, de funérailles. Fleuve par le sang ne cesse de courir;

Charniers les corbeaux et lesloupsvontrepaîlrc, Clérac, pour une fois que vous m'avez faitnaître, Hélas! combien de fois me faites-vous mourir !

LIVRE III

LA MAISON DE SYLVIE ODE I

Pour laisser, avant de mourir, Les traits vivants d'une peinture Oui ne puisse jamais périr Qu'en la perle de la nature, Je passe des crayons dorés Sur les lieux les plus révérés la vertu se rétuiçie, Et dont le port me fut ouvert

(i) Chantilly a souvent changé de propriétaires: mais le bois de Sylvie a qardé son nom et le cardera tant (]iio ses beaux ombrages subsisteront (AlleacmkK

THEOPHILE

Pour mettre ma tête à couvert Quand on brûla mon effigie.

Tout le monde dit qu'Apollon Favorise qui le réclame, Et qu'avec l'eau de son vallon Le savoir peut couler dans l'âme ; Mais j'étouffe ce vieil abus Et bannis désormais Phébus De la bouche de nos poètes : Tous ses temples sont démolis Et ses démons ensevelis Dans les sépultures muettes.

Satan ne nous fait plus broncher Dans de si dangereuses toiles, Le Dieu que nous allons chercher Loge plus haut que les étoiles ; Nulle divinité que lui Ne me peut donner aujourd'hui Cette flamme ou cette fumée Dont nos entendements épris S'efforcent à gagner le prix Qui mérite la renommée.

Après lui je m'en vais louer Une image de Dieu si belle Oue le ciel me doit avouer

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LA MAISON DE SYLVIE

Du travail que j'ai fait pour elle : Car après les sacrés auteb. Qui devant leurs feux immortels Font aussi prosterner les ang'es, Nous pouvons sans impiété Flatter une chaste beauté Du doux encens de nos louanges.

Ainsi, sous de modestes vœux, Mes vers promettent à Sylvie Ce bruit charmeur que les neveux Xomment une seconde vie; Que si mes écrits, méprisés. Ne peuvent voir autorisés Les témoignages de sa gloire, Ces eaux, ces rochers et ces bois. Prendront des îîmes et des voix Pour en conserver la mémoire.

Si quelques arbres renommés D'une adoration profane Ont été jadis animés Des sombres regards de Diane ; Si les ruisseaux, en murmurant, Alloient autrefois discourant Au gré d'un Faune et d'une fée. Et si la masse d'im rocher

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THEOPHILE

Pour mettre ma tête à couvert Quand on brûla mon effigie.

Tout le monde dit qu'Apollon Favorise qui le réclame, Et qu'avec Teau de son vallon Le savoir peut couler dans l'âme ; Mais j'étouffe ce vieil abus Et bannis désormais Phébus De la bouche de nos poètes : Tous ses temples sont démolis Et ses démons ensevelis Dans les sépultures muettes.

Satan ne nous fait plus broncher Dans de si dangereuses toiles, Le Dieu que nous allons chercher Loge plus haut que les étoiles ; Nulle divinité que lui Ne me peut donner aujourd'hui Cette flamme ou cette fumée Dont nos entendements épris S'efforcent à gagner le prix Qui mérite la renommée.

Après lui je m'en vais louer Une image de Dieu si belle Que le ciel me doit avouer

LA MAISON DK SYLVIE

Du (ravail que j'ai fait pour elle: Car aprôs les sncrrs autels, Oui devant leurs feux immortels Font aussi prosterner les anges, Nous pouvons sans impiété Flatter une chaste beauté Du doux encens de nos louanges.

Ainsi, sous de modestes vnnix, Mes vers promettent à Sylvie O bruit charmeur que les neveux Nomment une seconde vie; Que si mes écrits, méprisés, Ne peuvent voir autorisés Les témoignages de sa gloire, Ces eaux, ces rochers et ces bois, Prendront des àmcs et des voix Pour en conserver la mémoire.

Si quelques arbres renommés D'une adoration profane Ont été jadis animés Des sombres regards de Diane ; Si les ruisseaux, en murmurant, Alloient autrefois discourant Au gré d'un Faune et d'une fée. Et si la masse d'un rocher

THEOPHILE

Se laissoit quelquefois toucher Aux chansons que disoit Orphée,

Quelle dureté peut avoir L'objet que ma princesse touche, Qu'elle ne puisse le pourvoir Tout aussitôt d'âme et de bouche ? Dans ses bâtiments orgueilleux, Dans ses promenoirs merveilleux, Quelle solidité de marbres Ne pourront pénétrer ses yeux ? Quelles fontaines et quels arbres Ne les estimeront des Dieux?

Les plus durs chênes entr'ouverts Bien plutôt de gré que de force, Peindront pour elle de mes vers Et leurs feuilles et leur écorce. Et, quand ils les auront gravés Sur leurs fronts les plus relevés. Je sais que les plus fiers orages Ne leur oseront pas toucher, Et pourront plutôt arracher Leurs racines et leurs ombrages.

Je sais que ces miroirs flottants l'objet change tant de place, Pour elle devenus constants.

LA MAISON DE SYLVIE Il3

Auront une fidèle e;Iace,

Et, sous un ornemont si beau,

Lu surlace nièiiie de l'eau,

Nonobstant sa délicatesse,

Gardera sûrement encrés

Et mes caractères sacrés

Et les attraits de la princesse.

Mais sa ccloiro n'a pas besoin Oue mon seul ouvrasse en n-ponde : Le ciel a déjà pris le soin De la peindre par tout le monde. Ses yeux sont peints dans le soleil ; L'aurore dans son teint vermeil Voit ses autres beautés tracées, Et rien n'éteindra ses vertus Que les cieux ne soient abattus Et les étoiles effacées.

ODE II

Un soir (jue les flots mariniers] Apprcloient leur molle litière Aux quatre rouges limonniers Oui sont au joug de la lumière,

Il4 THÉOPHILE

Je penchois mes yeux sur le bord D'un lit la Naïade dort, Et, regardant pêcher Sylvie, Je voyois hattre les poissons A qui plutôt perdroit la vie En l'honneur de ses hameçons.

D'une main défendant le bruit, Et de l'autre jetant la line *, Elle fait qu'abordant la nuit, Le jour plus bellement décline. Le soleil craignoit d'éclairer Et craignoit de se retirer; Les étoiles n'osoient paroître, Les flots n'osoient s'entrepousser, Le zéphire n'osoit passer, L'herbe se retenoit de croître *.

Ses yeux jetoient un feu dans l'eau; Ce feu choque l'eau sans la craindre. Et l'eau trouve ce feu si beau Qu'elle ne l'oseroit éteindre. Ces Eléments si furieux, Pour le respect de ses beaux yeux Interrompirent leur querelle, Et, de crainte de la fâcher, Se virent contraints de cacher . Leur inimitié naturelle.

LA MAISON DE SYLVIE

Les Tritoiis, en la rcuanlaiil Au travers leurs vitres liquides, D'aliorc! à cet oI)jcl ardent Sentent (ju'ils ne sont plus humides, Kl d'un élonnenient soudain Chacun d'eux dans un corps de daim Cache sa forme dépouillée, S'étonne de se voir cornu Kt comment le poil est venu Dessus son écaille mouillée.

Soupirant du cruel affront (Jui de dieux les a iait des hètcs, Kt sous les cornes de leur front A courbé leurs honteuses Ictcs, Ils ont abandonné les eaux, Kt, dans la rive les rameaux Leur ont fait un logis si sombre, Promenant leurs yeux ébahis, N'osent plus fier que leur ombre A l'étang qui les a trahis.

On dit que la sœur du Soleil Eut ce pouvoir sur la Nature Lorsque d'un changement pareil Actéon quitta sa figure. Ce que fit sa divine main Pour punir dans un corps humain

Il6 THÉOPHILE

La curiosité profane S'est fait ici contre les dieux, Oui n'avoient approché leurs yeux Que des yeux de notre Diane.

Ces daims^ que la honte et la peur Chassent des murs et des allées, Maudissent le destin trompeur Des froideurs qu'il leur a volées. Leur cœur, privé d'humidité, Ne peut qu'avec timidité Voir le ciel ni fouler la terre, Sylvie en ses promenoirs Jette l'éclat de ses yeux noirs. Oui leur font encore la guerre.

Ils s'estiment heureux pourtant De prendre l'air qu'elle respire ; Leur destin n'est que trop content De voir le jour sous son empire. La princesse, qui les charma Alors qu'elle les transforma, Les fit être blancs comme neige. Et, pour consoler leur douleur, Ils reçurent le privilège De porter toujours sa couleur.

Lorsqu'à petits flocons liés

LA MAISON DK SYI.VIK

La neiîçe, fraîchement venue, Sur des grands tapis déliés |]panche l'amas de la mie; Lorsque, sur le chemin des cieux. Ses "grains serrés et ii^racieux l\'ont trouvé ni veut ni tonnerre, Lt ([ue sur les premiers coupeaux *, Loin des hommes et des troupeaux, Ils ont peint le hois et la terre.

Quelque vigueur que nous ayons Contre les éclats qu'elle darde, ils nous blessent, et leurs rayons l]i)louissent (pii les regarde. Tel dedans ce parc ond)rageux * Eclate le troupeau neigeux, Et, dans ces vêtements modestes. le front de Sylvie est peint. Fait briller l'éclat de son teint A l'envi des neiges célestes.

En la saison que le soleil. Vaincu du froid et de l'orage. Laisse tant d'heures au sommeil Et si peu de temps à l'ouvrage, La neige, voyant que ces daims La foulent avec des dédains, S'irrite de leurs bonds superbes.

117

Il8 THÉOPHILE

Et, pour affamer ce troupeau Par dépit sous un froid manteau, Cache et transit toutes les herbes.

Mais le parc pour ses nourrissons Tient assez de crèches couvertes, Que la neige ni les glaçons Ne trouveront jamais ouvertes. Là, le plus rigoureux hiver Ne les sauroit jamais priver Ni de loge ni de pâture : Ils y trouvent toujours du vert, Qu'un peu de soin met à couvert Des outrages de la nature ;

Là, les faisans et les perdrix Y fournissent leurs compagnies Mieux que les halles de Paris Ne les sauroient avoir fournies. Avec elles voit-on manger Ce que l'air le plus étranger Nous peut faire venir de rare, Des oiseaux venus de si loin Qu'on y voit imiter le soin D'un grand roi qui n'est pas avare.

Les animaux les moins privés, Aussi bien que les moins sauvages,

i.A MAISON nn sYi.vii: iii)

Sont également captivés I >ans ces bois et dans ces rivages. Le niaîlre d'un lieu si plaisant De l'hiver le plus nialfaisant Défie (ouïes les malices, A l'uljoudance de son bien Les éléments ne trouvent rien Pour lui relranclier ses délices.

ODE III

Dans ce parc un vallon secret, Tout voilé de ramages sombres. le soleil est si discret Qu'il n'y torce jamais les ombres, Presse d'un cours si diligent Les tlots de deux ruisseaux d'argent, Et donne une fraîcheur si vive A tous les objets d'alentour, Que môme les martyrs d'amour Y trouvent leur douleur captive.

Un étang dort tout auprès ces fontaines violentes Courent et font du bruit exprès Pour éveiller ses vagues lentes.

THEOPHILE

Lui, d'un maintien majestueux. Reçoit l'abord impétueux De ces Naïades vagabondes Oui dedans ce large vaisseau Confondent leur petit ruisseau Et ne discernent plus ses ondes.

Là, Mélicerte, en un gazon, Près de l'étang qui l'environne, Fait aux cygnes une maison Qui lui sert aussi de couronne. Si la vague qui bat ses bords Jamais avecque des trésors N'arrive à son petit empire, Au moins les vents et les rochers N'y font point crier les nochers Dont ils ont brisé la navire *.

les oiseaux font leurs petits, Et n'ont jamais vu leurs couvées Soûler les sanglants appétits Du serpent quilles a trouvées ; n'étend point ses plis mortels Ce monstre de qui tant d'autels Ont jadis adoré les charmes, Et qui, d'un gosier gémissant, Fait tomber l'àme du passant Dedans l'embûche de ses larmes.

LA MAISON DE SYLVIE

Zéj)hyrc en chasse I«^s clialcurs. RiiMi (|ue les cygues n'y repaissent ; On n'y trouve rien sous les tleurs Oue la Iraîclieur dont elles naissent; Le Efazon içarde quel([uet'ois Le bandeau, l'arc et le carquois De mille amours qui se dépouillent A l'ombrage de ces roseaux, Et dans l'humidilc des eaux Trempent leurs jeunes corps qui bouillent.

L'étang leur prête sa fraîcheur, La Naïade leur verse à boire ; Toute l'eau prend de leur blancheur L'échu tl'une couleur d'ivoire. On voit lu ces nageurs ardents, Dans les ondes qu'ils vont tendants, Faire la guerre aux Néréides, Oui, devant leur teint mieux uni, Cachent leur visage terni Et leur front tout coupé de rides.

Or ensemble, ores dispersés. Ils brillent dans ce crêpe sombre Et sous les flots qu'ils ont percés Laissent évanouir leur ombre. Parfois dans une claire nuit, Oui du feu de leurs yeux reluit

THEOPHILE

Sans aucun ombrao'e de nues, Diane quitte son berger Et s'en va là-dedans nager Avecque ses étoiles nues.

Les ondes, qui leur font l'amour, Se refrisent sur leurs épaules, Et font danser tout à l'entour L'ombre des roseaux et des saules. Le dieu de l'eau, tout furieux, Haussé pour regarder leurs yeux Et leur poil qui flotte sur l'onde, Du premier qu'il voit approcher Pense voir ce jeune cocher Oui fit jadis brûler le monde.

Et ce pauvre amant langoureux, Dont le feu toujours se rallume, Et de qui les soins amoureux Ont fait ainsi blanchir la plume, Ce beau cygne à qui Phaëton Laissa ce lamentable ton. Témoin d'une amitié si sainte, Sur le dos son aile élevant. Met ses voiles blanches au vent Pour chercher l'objet de sa plainte.

Ainsi, pour flatter son ennui,

LA MAISON DE SYLVIE 1^3

Je dcmainU' an dieu Méliceric Si cliîUjiic dieu n'est pas celui Dont il soupire taut la perle, Et, contemplant de tous côtés La semltlance de leurs beautés, Il sent renouveler sa tlanune, Errant avec des faux plaisirs Sur les traces des vieux désirs Oue conserve encore son Ame.

Toujours ce furieux dessein Entretient ses blessures fraîches, Et fait venir contre son sein L'air brûlant et les ondes sèches. Ces attraits, empreints dedans Comme avec des tlambeaux ardents. Lui rendent la peau toute noire. Ainsi, dedans comme dehors, Il lui tient l'esprit et le corps, La voix, les yeux et la mémoire.

ODE IV

Chaste oiseau, que ton amitié Fut malheureusement suivie ! Ta mort est digne de pitié,

124 THÉOPHILE

Comme ta foi digne d'envie. Que ce précipité tombeau Qui t'en laissa l'objet si beau Fut cruel à tes destinées ! Si la mort t'eût laissé vieillir, Tes passions alloient faillir, Car tout s'éteint par les années.

Mais quoi 1 le sort a des revers Et certains mouvements de haine Qui demeurent toujours couverts Aux yeux de la prudence humaine. Si, pour fuir * ce repentir, Ton jug'ement eût pu sentir Le jour qui vous devoit disjoindre, Tu n'eusses jamais vu le jour, Et jamais le trait de l'amour Ne se fût mêlé de te poindre.

Pour avoir aimé ce garçon Encore après la sépulture. Ne crains pas le mauvais soupçon Oui peut blâmer ton aventure : Les courages des vertueux Peuvent d'un vœu respectueux Aimer toutes beautés sans crime, Comme, donnant à tes amours

LA MAISON DE SYLVIE

125

Ce chaste et ce coninuiii discours, Mou cœur n'a point passe ma rime.

Certains crili(|ues curieux En trouvent les mœurs oHensées ; Mais leurs soupçons injurieux Sont les crimes de leurs pensées : Le dessein de la chasteté Prend une honnête liberté, Et franchit les soties limites Que prescrivent les imposteurs Oui, sous des robes de docteurs, Ont des âmes de sodomites.

Le Ciel nous donne la beauté Pour une marque de sa grâce : C'est par la divinité Marque toujours un peu sa trace. Tous les objets les mieux formés Doivent être les mieux aimés, Si ce n'est qu'une âme maline *, Esclave d'un corps vicieux. Combatte les faveurs des Cieux Et démente son origine.

O que le désir aveuglé l'àme du brutal aspire Est loin du mouvement réglé

I 20 THÉOPHILE

Dont le cœur vertueux soupire ! Que ce feu que nature a mis Dans le cœur de deux vrais amis A des ravissements étranges ! Nature a fondé cet amour : Ainsi les yeux aiment le jour, Ainsi le Ciel aime les anges.

Ainsi, malgré ces tristes bruits Et leur imposture cruelle, Thyrsis et moi goûtons les fruits D'une amitié chaste et fidèle. Rien ne sépare nos désirs. Ni nos ennui? ni nos plaisirs ; Nos influences enlacées S'étreignent d'un même lien, Et mes sentiments ne sont rien Que le miroir de ses pensées.

Certains feux de divinités Qu'on nommait autrefois génies D'une invisible affinité Tiennent nos fortunes unies : Quelque visage différent, Quelque divers sort apparent Qui se lise en mes aventures. Sa raison et son amitié

LA MAISON Di; SYl.VIK 1 27

Prennent aujouririiui la inoilic De ma honte et de mes injures.

Lorsque d'un si subit eUVoi Les plus noirs enfants de l'Envie, Au milieu des faveurs du roi, Osèrent menacer ma vie, Et que, pour me voir opprimé, Le parlement même, animé Des rapports de la (^alonmie, Sans pitié me vît condjattu De la secrète tyrannie Des ennemis de la vertu,

Thyrsis, outré de mes doaleurs, Me redit ce songe effroyable. Qu'un long train de tant de malheurs Me rend dorénavant croyable. D'un long soupir qui dcvanra La première voix qu'il poussa Pour prédire mon aventure, Je sentis mon sang se geler Et comme autour de moi voler L'ombre de ma douleur future.

128 THÉOPHILE

ODE V

Damon, dit-il, j'étais au lit, Goûtant ce que les nuits nous versent, Lors que le somme ensevelit Les soins du jour qui nous traversent. Au milieu d'un profond repos nul regard ni nul propos N'abusoit de ma fantaisie. Une froide et noire vapeur Me transit l'âme d'une peur Oui la tient encore saisie.

Jamais qu'alors notre amitié N'avoit mis mon cœur à la gêne ; Tu me fis lors plus de pitié Que Philis ne me fait de peine. Cet effroyable souvenir Me vient encore entretenir, Et me redonne les alarmes Du spectacle plus ennemi Qui jamais d'un œil endormi A put faire couler des larmes.

Un grand fantôme souterrain, Sortant de l'infernale fosse,

LA MAISON DK SYI.VIK J 21)

Enroué connue de l'airain roulcroit Un carrosse, D'un iilniril (|ui nie nienaroit Kl d'un regard (|ui nie Messoit, Dressant vers moi ses |)as funèbres, Kier des commissions du Sort, Me dit trois fois : Damon est mort. Puis se perdit dans les léuèbi'es.

Sans doute (jue leurs vérités, Plus puissantes (jue les mensonges. Touchent plus fort nos facultés Kt nous impriment mieux les songes. Je relins si bien ses accents. Et son image dans mes sens Demeura tellement empreinte, Que ton corps mort entre mes bras !U ton sang versé dans mes draps Ne m'eussent pas fait plus de crainte.

Cherchant du soûlas * par mes yeux. Je mets la tète à la fenêtre Et regarde un peu dans les cieux Le jour, qui ne faisoit que naître ; Et, combien que ce songe-là Dans mon sang, que la peur gela, Laissât encore ses images, Je me rassure et me rendors,

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Dantoo, dil^, j'ëuis au Ut, (k>Ol»i ''S nous versent,

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Ijr* •oina du jour qui nous traversent .

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LA. MAISON DE SYLVIE

13

Enroue comme de l'airain roulcroit Un carrosse, D'un abord qui me mcnaçoit Et d'un regard qui me blessoit. Dressant vers moi ses pas funèbres, Fier des commissions du Sort, Me dit trois fois : Damon est mort, Puis se perdit dans les ténèbres.

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Sans doute que leurs vérités, Plus puissantes que les mensonges, Touchent plus fort nos facultés Et nous impriment mieux les songes. Je retins si bien ses accents, Et son image dans mes sens Demeura tellement empreinte, Que ton corps mort entre mes bras I']t ton sang versé dans mes draps Ne m'eussent pas fait plus de crainte.

Cherchant du soûlas * par mes veux. Je mets la tète à la fenèln- ^^ Et regarde un peu ' Le jour, qui Et, c( Dat

THEOPHILE

Croyant que les vapeurs du corps Avoient enfanté ces nuages.

Le sommeil fie m'eut pas repris Que, songeant encore à ta vie. Tu vins rassurer mes esprits Qu'on ne te l'avoit point ravie. Il est vrai, Thyrsis, me dis-tu, Qu'on en veut bien à ma vertu. je te vis dans une émeute Avancer, l'épée à la main. Vers un portail qui chut soudain Et qui t'accabla de sa chute.

De là, ce songe en mon cerveau Poursuivant toujours son idée. Je te vis suivre en un tombeau Par une foule débordée. Les juges y tenoient leur rang, L'un d'entre eux épancha du sang Qui me jaillit contre la face. tout mon songe s'acheva, Et ton pauvre ami se leva Noyé d'une sueur de glace.

L\ MAISON DB SYLVIE l3l

ODI<] VI

NOUS étions dans un cabinet Enccinl tle fontaines et d'arljics; Son meuble est si clair et si net Que l'émail l'est moins ou les marbres. Celui (jui l'a lait si poli Semble avoir jadis démoli Le fi^rand |)alais de la lumière, Et, pillant son riche pourpris. De tout ce glorieux débris Avoir porté la matière.

Pour conserver son ornement, Le soleil le lave et l'essuie, Car c'est le soleil seulement Qui fait le beau temps et la pluie. Flore y met tant de belles fleurs Que l'Aurore ne peut sans pleurs Voir leur éclat (pii la surmonte : C'est à cause de cet alVront Qu'elle montre si peu son front Et qu'on la voit rougir de honte.

L'odeur de ces fleurs passeroit

[3p. THÉOPHILE

Le musc de Rome et de Caslillc, El la terre s'offenseroit Qu'on y brûlât de la pastille. Le garçon qui se consuma Dans les ondes qu'il alluma Voit tous ses appas renaître, Et, ravi d'un objet si beau. Il admire que son tombeau Lui conserve encore son être.

La nymphe qui lui lait la cour Le voit tous les ans revivre. Car son opiniâtre amour La contraint encore à le suivre ; le ciel semble avoir pitié Des longs maux de son amitié. Et permet parfois au Zéphyre De la mener à son amant, Qui respire insensiblement L'air des flammes qu'elle soupire.

Echo, dedans un si beau feu Jalouse que le ciel la voie. Est invisible et parle peu. De respect, de honte et de joie. Ainsi mes esprits transportés, Se trouvent tous déconfortés Quand une beauté me regarde,

LA MAISON DE SYIA'IE l33

l'^l mon discours le moins suspect Trouve toujours ou le respect Ou la honte qui le retarde.

Quand je vois partir les regards Des superbes yeux de Caliste, Uni sont autant de coups de dards nulle qu'elle ne résiste, Le témoin le plus assuré Qui de mon esprit égaré Montre la passion confuse, C'est que je ne saurois comment Le prier d'un mot seulement Que sa voix ne me le reiuse.

Je suivrois l'importun désir Qui m'en parle toujours dans l'âme, Et prendrois ici le loisir De parler un peu de ma flamme ; Mais l'entreprise du tableau. Qui par un cabinet si beau Commence à pourmcner * la muse. Me tient dans ce parc enchanté, le Printemps le plus hâté Toujours cinq ou six mois s'amuse.

Quand le Ciel, lassé d'endurer Les insolences de Borée,

[34 THÉOPHILE

L'a contraint de se retirer Loin de la campagne azurée ; Que les Zéphyres, rappelés, Des ruisseaux à demi gelés Ont rompu les écorces dures, Et, d'un souffle vif et serein, Du céleste palais d'airain Ont chassé toutes les ordures^

Les rayons du jour, égarés Parmi des ombres incertaines, Eparpillent leurs feux dorés Dessus l'azur de ces fontaines ; Son or, dedans l'eau confondu, Avecque ce cristal fondu Mêle son teint et sa nature. Et sème son éclat mouvant. Comme la branche, au gré du vent, Efface et marque sa peinture.

Zéphyre, jaloux du soleil. Oui paroît si beau sur les ondes. Traverse ainsi l'état vermeil De ces allées vagabondes. Ainsi ces amoureux Zéphyrs, De leurs nerfs, qui sont leurs soupirs. Renforçant leurs secousses fraîches, Détournent toujours ce flambeau,

X.\ MAISON DE SYuVlE |35

l''t, pour cacher !e fond de l'eau. Jettent au moins des leuilles sèches.

L'eau, qui fuit en h>s res^anhint, Orijfueilleuse (h> h-ur (|uei'ello, l\it et s'échappe cependant Qu'ils sont à disputer pour elle. Et pour prix de tous leurs efforts, Laissant les ànies sur les bords De celte fontaine superbe. Dissipent toutes leurs chaleurs A conserver l'état des fleurs Et la molle fraîcheur de l'herbe.

C'est se couche Palémon, Oui triomphe de leur maîtresse. Et plein d'écume et de limon, Quand il veut reçoit sa caresse. Ainsi naguère deux bers^ers Ont couru les sauglants daniçers Que l'honneur a mis à l'épée, Et par un malheur mutuel Laissent vain(|ueur de leur duel Un vilain qui plut à Napée.

l36 THÉOPHILE

ODE VII

Le plus superbe ameublement Dont le séjour des rois éclate, L'or, semé prodigalement Sur la soie et sur l'écarlate. N'eurent jamais rien de pareil Aux teintures dont le soleil Couvre les petits flots de verre. 'Quelle couleur peut plaire mieux Oue celle qui contraint les cieux De faire l'amour à la terre ?

Ce cabinet, toujours couvert D'une large et haute tentuVe, Prend son ameublement tout vert Des propres mains de la Nature, D'elle, de qui le juste soin Etend ses charités si loin. Et dont la richesse féconde Paroît si claire en chaque lieu Oue la providence de Dieu L'établit pour nourrir le monde.

Tous les blés, elle les produit;

LA MAISON DE SYLVIE 187

Le ce|) ne vient ([ue de sa force : ICIIe en fait le pampre H le f'ruil, Va les racines cl l'ëcorce; Elle donne le mouvement Et le siège à charpie clément, Et, selon (pie Dieu l'autorise, Notre destin pend de ses mains, El l'influence des humains Ou leur nuit, ou les favorise.

Elle a mis toute sa bonté, El son savoir et sa richesse, Et les trésors de sa beauté. Sur le duc et sur la duchesse ; Elle a fait les heureux accords Oui joiîfnent leur âme et leur corps. Bref, c'est elle aussi cpii marie Les zéphyres avec nos fleurs, Et qui fait de tant de couleurs, Tous les ans, leur tapisserie.

Avec les naturels appas Dont ce beau cabinet se pare, La musique ne manque pas D'y fournir ce quelle a de rare. Ces chantres si lût éveillés. Oui dorment toujours habillés, Ouand l'Aurore les vient semondre *

l38 THÉOPHILE

Lui donnent un si doux salut Que Saint-Amant, avec son luth, Auroit peine de les confondre.

Quand la princesse y fait séjour, Ces oiseaux pensent que l'Aurore, A dessein d'y tenir sa cour, A quitté les rives du More. Un saint désir de l'approcher Les anime et les fait pencher Des branches qui lui font ombrage, Et, devant ces divinités, Leurs innocentes libertés Ne craignent rien qui les outrage.

Leurs cœurs se laissent dérober, Insensiblement ils s'oublient, Et des rameaux qu'ils font courber Quelquefois leurs pieds se délient ; Leur petit corps précipité Se fie en la légèreté De la plume, qui les retarde; Ils planent sur leurs ailerons Et volètent aux environs De Sylvie, qui les regarde.

Quand elle écoute leurs chansons. Leur vaine srloire s'étudie

LA MAISON DE SYLVIE 1 .'i((

A rt'cilcr «luoliines I(N;niis hi' leur plus douce inclotlit;. Chacun d'eux se trouve ravi ; Ils étalent tous à l'envi Leur trésor cache sous la plnmc. Et ces remèdes si plaisants (Jui des soucis les plus cuisants Détrempent toute raiiierluine.

Comme les chantres quelquefois, D'une complaisance ignorante .Mii^iiardant et l'u'II cl la voix Devant les beaux yeux d'Amarante, Leur plaisir et leur vanité Fait qu'avec importunité Ils nous prodia;ucnt leurs merveilles, Et qu'ils chantent si lontifuement Oue leur concert le plus charmant Lasse l'esprit et les oreilles.

Ainsi l'entretien d'un rimeur, Knflé des arts et des sciences, Lorsqu'il se trouve en bonne humeur, Vient à bout de nos patiences. Et, sans qu'on puisse rebuter Cet instinct de persécuter Oue leur inspire le ccénie. Il faut, à force de parler,

l/(0 THÉOPHILE

Que le poumon, las de souffler, Fasse paix à la compagnie.

Ainsi ces oiseaux, s'attachant Au dessein de plaire à Sylvie, Dans les lons^s efforts de leurs chants Semblent vouloir laisser la vie : Leur jgosier sans cesse mouvant Etourdit les eaux et le vent. Et, vaincu de sa violence, Quoi qu'il veuille se retenir, Il peut à peine revenir A la liberté du silence.

Comme ils tâchent à qui mieux mieux De faire agréer leur hommage, Leur zèle rend presque odieux Le tumulte de leur ramage ; Leur bruit est ce bruit de Paris Lorsqu'une voix de tant de cris Bénit le roi parmi les rues Qu'on le fâche en le bénissant. Et l'air éclate d'un accent Oui semble avoir crevé les nues.

LA MAISON DK SYLVIK l/|l

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Sur tous le rossignol outre, Dans son ùmc encore altérée, N'a jamais pu dire à son gré Les affronts (jue lui fit Tcrce. Ses poumons, sans cesse enflammés, Sont ses vieux soupirs ranimés, Et ce peu d'esprit qui lui reste N'est qu'un souvenir éternel De maudire son criminel Et l'appeler toujours inceste.

Ce petit oiseau tout penché la princesse se présente Craint d'avoir le gosier bouché, Le bec clos, la langue pesante, Et, cependant qu'il peut jouir Du bonheur de se Faire ouïr. Lui* raconte son aventure, Et gazouille soir et matin Sur les caprices du Destin, Oui lui fil changer de nature.

Il a lie si divers accès

l42 THÉOPHILE

Dans le long récit de sa honte, Qu'on aura fini mon procès Quand il aura fini son conte. Les morts gisants sous Pélion, Toutes les cendres d'Ilion, N'ont point donné tant de matière De faire des plaintes aux cieux Que cet oiseau malicieux En vomit sur son cimetière.

Ce plaisir reste à son malheur Que sa voix, qui daigne le suivre, Afin de venger sa douleur, La fait continuer de vivre. Il ne fait pas bon irriter Celui qui sait si bien chanter, Car l'artifice de l'envie Ne sauroit trouver un tombeau D'où son esprit toujours plus beau Ne revienne encore à la vie.

La cendre de son monument, Malgré les traces ennemies, Fait revivre éternellement Son mérite et leurs infamies. Les vers flatteurs et médisants Trouvent toujours des partisans Le pinceau d'un faiseur de rimes,.

VK MAISON Dli: SYLVIE l43

S'il est adroit aux fictions,

Aux plus sincères actions

Sait ilonner la couleur dos crimes.

Pieux! que c'est un eontentenienl IJien doux à la raison humaine Oue d'exhaler si doucement La douleur (juc nous fait la haine ! Un brutal (ju'on va poursuivant Dans des soupirs d'air et de vent Cherche une honteuse allégeance ; Mais la douleur des bons esprits, Oui laisse îles soupirs écrits. Guérit avecque la vengeance.

Aujourd'hui, dans les durs soucis Du malheur qui me bal sans cesse, Si mes sens n'étoient adoucis Par le respect de la princesse, J'écrirois avecque du Hel Les adversités dont le Ciel Souftre que les méchants me troublent, Et, quand mes maux m'accabicroient, Mes injures redoubleroicnt Comme leurs cruautés redoublent.

Peut-être les sanglants auteurs De tant et de si longs outrages,

i44

THEOPHILE

Ces infâmes persécuteurs, Verront mourir leurs vieilles rages ; Et si ma fortune, à son tour Permet que je me venge un jour, N'ai-je point une encre assez noire Et dans ma plume assez de traits Pour les peindre dans ces portraits Oui font horreur à la mémoire ?

Mais ici mes vers, glorieux D'un objet plus beau que les anges, Laissent ce soin injurieux Pour s'occuper à des louanges. Puisque l'horreur de la prison Nous laisse encore la raison. Muses, laissons passer l'orage ; Donnons plutôt notre entretien A louer qui nous fait du bien Qu'à maudire qui nous outrage.

Et mon esprit voluptueux Souvent pardonne par foiblesse. Et comme font les vertueux. Ne s'aigrit que quand on le blesse. Encore, dans ces lieux d'horreur. Je ne sais quelle molle erreur Parmi tous ces objets funèbres Me tire toujours au plaisir.

I,A MAISON DE SYI.VIF. l/(5

Kl mon d'il, i|ui suit mon désir, Voit Chantilly dans ces tcnrl)ros.

Au travers de ma noire tour Mon àme a des rayons qui percent Dans ce parc, que les yeux du jour Si difficilement traversent. Mes sens en ont tout le tableau : Je sens les Heurs au bord de l'eau ; Je prends le frais qui les humecte. La princesse s'y vient asseoir. Je vois, comme elle y va le soir, Que le jour fuit et la respecte.

Les oiseaux n'y font plus de bruit. Le seul roi de leur harmonie, Oui touche un luth en pleine nuit. Demeure en notre compaiçnie, Et, laissant ses vieilles douleurs Dans la lumière et les chaleurs Oue la fuite du jour emporte, Il concerte si sagement Qu'il semble «jue le jugement Lui forme des airs de la sorte.

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I voix, qui peut tout ravir, vous complaire, j'ai de vous servir 1 vain de me satisfaire, que mes airs innocents, d'avoir flatté vos sens, it donné de la tristesse,

l4C THÉOPHILE

ODE IX

Moi qui chante soir et matin Dans le cabinet de l'Aurore, je vois ce riche butin Qu'elle prend au rivage more, L'or, les perles et les rubis. Dont ses flammes et ses habits Ont jadis marqué la cigale. Et tout ce superbe appareil Qu'elle déroboit au soleil Pour se faire aimer à Céphale,

Tous les jours la reine des bois Devant mes yeux passe et repasse, Et souvent, pour ouïr ma voix, Se détourne un peu de la chasse. Souvent qu'elle se va baigner, rien ne l'ose accompagner Que ses Dryades vagabondes. J'ai tout seul cette privauté De voir l'éclat de sa beauté Dans l'habit de l'air et de l'onde.

Mais j'atteste l'air et les cieux,

l.A M VISON DE SYLVIE 1^7

Dont je lions la voix et la vie, Oiic mon jugement et mes yeux Aiment mieux mille fois Sylvie, l'n (le SCS regards seulement, Oui partent si nonchalanunent, Donne à mes chansons tant d'amorce Et de si douces vanités, Oue les autres divinités N'en jouissent plus que de force.

Si mes airs cent fois récités. Comme l'ambition me presse. Mêlent tant de diversités Aux chansons que je vous adresse, C'est que ma voix cherche des traits Pour un chacun de vos attraits. Mais c'est en vain qu'elle se pique De satisfaire à tous mes vœux, Car le moindre de vos cheveux Peut tarir toute ma musique.

Quand ma voix, qui peut tout ravir, Rcussiroit à vous complaire, Le soin que j'ai do vous servir TAche en vain de me satisfaire. Je crois que mes airs innocents, Au lieu d'avoir flatté vos sens. Leur ont donné de la tristesse,

l48 THÉOPHILE

Et que mes accents enroués. Au lieu de les avoir loués. Ont choqué leur délicatesse.

Quand la nuit vous ôte d'ici, Et que ses ombres coulumières Laissent ce cabinet noirci De l'absence de vos lumières. Aussitôt j'oy * que le Zéphyr Me demande avec un soupir Ce que vous êtes devenue, Et l'eau me dit en murmurant Que je ne suis qu'un ignorant De vous avoir si peu tenue.

O Zéphyres ! ô chères eaux ! Ne m'en imputez point l'injure : J'ai chanté tous les airs nouveaux Que m'apprit autrefois Mercure. Mais que ma voix dorénavant N'approche ni ruisseau ni vent, Que l'air ne porte plus mes ailes, Si, dans le printemps à venir, Je n'ai de quoi l'entretenir De dix mille chansons nouvelles.

Ainsi finit ces tons charmeurs L'oiseau dont le gosier mobile

LA MAISON DE SYLVIE l '\t)

Soiiftlo toujours à nos humeurs

De ([uoi faire mourir la Itile,

Lit, brûlant après son dessein,

11 ramasse dedans son sein

Le doux eliarnie des voix humaines,

La musique des iuslrumenls

Kl les paisii)les roulements

Du beau cristal de nos lontaincs.

Comme en la terre et par le ciel Des petites mouches errantes Mêlent, pour composer leur miel. Mille matières diiïérentes. Formant ses airs, qui sont ses fruits, L'oiseau digère mille bruits En une seule mélodie, Et, selon le temps de sa voix, Tous les ans le parc une fois Le re(;oit et le congédie.

ODE X

ossis^nol, c'est assez chanté-;

Ce parc est désormais trop sombre Je trouve Apollon rebuté D'écrire si longtemps à l'ombre.

R

5o THÉOPHILE

Ces lieux si beaux et si divers Méritent chacun tous les vers Que je dois à tout le volume ; Mais je sens croître mon sujet. Et toujours un plus grand objet Se vient présenter à ma plume.

Je sais qu'un seul rayon du jour Mériteroit toute ma peine. Et que ces étangs d'alentour Pourroient bien engloutir ma veine ; Une goutte d'eau, une fleur, Chaque feuille et chaque couleur Dont nature a marqué ces arbres, Mérite tout'un livre à part, Aussi bien que chaque regard Dont Sylvie a touché ces arbres.

Mais les myrtes et les lauriers De tant de beautés de sa race Et de tant de fameux guerriers Me demandent déjà leur place. Saints rameaux de Mars et d'Amour, En quel si reculé séjour Vous plaît-il que je vous apporte? C'est pour vous, immortels rameaux. Que j'abandonne ces ormeaux Et foule aux pieds leur feuille morte.

LA MAISON nu SYLVir.

Pour vous je laisse auprès de moi L'ne losfc, aujourd'hui dcscrlc, Que jadis pour l'amour d'un roi Ces arbres ont ainsi couverte . Sous ce toit, loin des coiu'tisans, De (jui les soiipijons médisants N'ont jamais appris à se taire, Alcandre a mille fois goûté Ce qu'un prince a de volupté Ouand il trouve un lieu solitaire.

Je dirois les secrets moments Des faveurs, des saintes malices. Dont le caprice des amants Forme leur plainte et leurs délices : Mais si l'œil de Sylvie un jour De cette lecture d'amour Avoit surpris son innocence. Ma prison me seroit trop peu ; Lors faudroit-il dresser le feu Dont on veut punir ma licence.

Suivant le vertueux sentier mon juste dessein m'attire, Je laisse à gauche ce quartier Pour le Faune et pour le Satyre. Or, (juelque si pressant dessein Qui m'enflamme aujourd'hui le sein,

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Os lieux si ïteaux et si divers

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Mais je sens croître mon sujet,

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L\ MAISON DE SYLVIE

Pour VOUS je laisse auprès de moi Une loge, aujourd'hui déserte, Que jadis pour l'amour d'un roi Ces arbres ont ainsi couverte. Sous ce toit, loin des courtisans, De qui les soupçons médisants N'ont jamais appris à se taire, Alcandre a mille fois goûté Ce qu'un prince a de volupté Quand il trouve un lieu solitaire.

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Je dirois les secrets moments Des Faveurs, des saintes malices, Dont le caprice des amants Forme leur plainte et leurs délices Mais si l'œil de Sylvie un jour De cette lecture d'amour Avoit surpris son innocence. Ma prison me seroit trop peu ; Lors l'audroit^M^^j^er le t'eu Dont on veu|flH^Bi licence.

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l52 THÉOPHILE

Quelque vanité qui m'appelle, Ce seroit un péché mortel Si je ne visifois l'autel, Etant si près de la chapelle.

Que ces arbres sont bien ornés! Je suis ravi quand je contemple Que ces promenoirs sont bornés Des sacrés murs d'un petit temple. Ici loge le roi des rois : C'est ce Dieu qui porta la croix, Et qui fit à ces bois funèbres Attacher ses pieds et ses mains Pour délivrer tous les humains Du feu qui ard dans les ténèbres.

Son esprit partout se mouvant Fait tout vivre et mourir au monde ; Il arrête et pousse le vent, Et le flux et reflux de l'onde ; Il ôte et donne le sommeil ; Il montre et cache le soleil ; Notre force et notre industrie Sont de l'ouvrage de ses mains, Et c'est de lui que les humains Tiennent race, et biens, et patrie.

Il a fait le tout du néant ;

I.K MAISON DE SYI.VIK l53

Tous les animes lui f(Mit homniame, Et lo nain comme le i;Tant Porte sa a^lorieuse iman'C. Il fuit au corps de l'univers Et le sexe et l'Age divers. Devant lui c'est une peinture Que le ciel et chaque élément; Il peut d'un trait d'(eil seulement Efl'acer toute la nature.

Tous les siècles lui sont présents. Et sa s^randeur non mesurée Fait des minutes et des ans Même trace et même durée. Son esprit partout épandu, Jusqu'en nos âmes descendu, Voit naître toutes nos pensées ; Même en dormant, nos visions N'ont jamais eu d'illusions Ouil n'ait auparavant tracées.

Ici, Muses, à deux genoux Implorons sa divine grâce D'imprimer toujours devant nous Les marques d'une heureuse trace ; C'est elle qui nous doit guider, Depuis celui qui vint fonder La première croix dans la France,

l54 THÉOPHILE

Jusqu'à sa race, qui promet De la planter chez Mahomet Avec la pointe de sa lance.

C'est mon esprit enchaîné Goûtera par un longue étude * L'aise que prend mon cœur bien Quand il combat l'ingratitude. Et si j'ai bien loué les eaux, Les ombres, les fleurs, les oiseaux, Oui ne songent point à me plaire, Lisis, qui songe à mon ennui. Verra sur sa race et sur lui Ma reconnoissance exemplaire.

LIVRE IV

PIÈCES DIVERSES

A MONSIEUR DU FARGIS (1)

Je ne m'y puis résoudre, excuse-moi de grâce : Ecrivant pour autrui, je me sens tout de glace. Je t'ai promis chez toi des vers, pour un amant Oui se veut faire aider à plaindre son tourment ; Mais, pour lui satisfaire et bien peindre sa flamme. Je voudrois par avant avoir connu son Ame. Tu sais bien que chacun a des goûts tous divers, Ou'il faut à chaque esprit une sorte de vers, Et que, pour bien ranger le discours et l'étude, En matière d'amour je suis un peu trop rude.

(i) M. Du Fargis d'Angenncs, neveu de M. de Ram- bouillet. Voyez TallemantdesRéaux (Collection des plus belles pages .

[56 THÉOPHILE

II faudroit, comme Ovide, avoir été piqué ;

On écrit aisément ce qu'on a pratiqué,

Et je te jure ici, sans faire le farouche,

Que de ce feu d'amour aucun trait ne me touche.

Je n'entends point les lois ni les façons d'aimer.

Ni comme Cupidon se mêle de charmer.

Cette divinité, des Dieux même adorée,

Ces traits d'or et de plomb, cette trousse dorée,

Ces ailes, ces brandons, ces carquois, ces appas,

Sont \Taiment un mystère je ne pense pas.

La sotte antiquité nous a laissé des fables

Qu'un homme de bon sens ne croit point recevables,

Et jamais mon esprit ne trouvera bien sain

Celui-là qui se paît d'un fantôme si vain,

Qui se laisse emporter à des honteui; mensonges

Et vient, même en veillant, s'embarrasser de songes.

Le vulgaire, qui n'est qu'erreur, qu'illusion,

Trouve du sens caché dans la confusion ;

Même des plus savants,mais non pas des plus sages,

Expliquent aujourd'hui ces fabuleux ombrages.

Autrefois les mortels parlaient avec les Dieux,

L'on en voyait pleuvoir à toute heure des cieux ;

Quelquefois on a vu prophétiser des bêtes ;

Les arbres de Dodone étoient aussi prophètes.

Ces contes sont fâcheux à des esprits hardis,

Qui sentent autrement qu'on ne faisait jadis.

Sur ce propos un jour j'espère de t'écrire

Et prendre un doux loisir pour nous donner à rire.

piKCns nivEnsES lyy

Copoiidanl je te prie cncor de m'cxcuser

Et me laisser ainsi libre à te refuser,

Me permellre toujours de te fermer l'oreille

(Juand tu mo prieras d'une faveur pareille.

Peuses-tu, quand j'aurois employé tout un jour

A bien imaginer des passions d'amour

(Jue mes conceptions seruient i)ien exprimées

En paroles de elioix, bien mises, bien rimées '?

L'autre n'y trouveroit possible rien pour lui,

Tant il est malaisé d'écrire pour autrui.

Après qu'à son plaisir j'aurois donné ma peine.

Je sais bien que possible il loueroit ma veine :

«Vraiment ces vers sont beaux, ils sont doux et coulants,

if. Mais pour ma passion ils sont un peu trop lents.

« J'eusse bien désiré que vous eussiez encore

u Mieux loué sa beauté, car vraiment je l'honore.

« Vous n'avez point parlé du front, ni des cheveux,

« Ni de son bel esprit, seul objet de mes vœux.

« Tant seulement six vers encor, je vous supplie.

« Mon Dieu, que de travail vous donne ma folie ! »

Il voudroit que sou front fût aux astres pareil,

Que je la fisse ensemble et l'aube et le soleil,

Que j'écrive comment ses reg-ards sont des armes,

Comme il verse pour elle un océan de larmes.

Ces termes égarés offensent mon humeur,

Et ne viennent qu'au sens d'un novice rimeur

Qui réclame Phébus; quant à moi, je rai)jure

Et ne reconnois rien pour tout que ma nature.

i58

THEOPHILE

SATIRE PREMIERE

Oui que tu sois, de grâce, écoute ma satire, ^ Si quelque humeurjoyeuse autre part ne t'attire; Aime ma liardiesse et ne t'offense point De mes vers, dont l'aigreur utilement te point. Toi que les éléments ont fait d'air et de boue, Ordinaire sujet le malheur se joue, Sache que ton filet, que le destin ourdit, Est de moindre importance encor qu'on ne te dit. Pour ne te point flatter d'une divine essence, Vois la condition de ta sale naissance, Que, tiré tout sanglant de ton premier séjour, Tu vois en gémissant la lumière du jour ; Ta bouche n'est qu'aux cris et à la faim ouverte. Ta pauvre chair naissante est toute découverte, Ton esprit ignorant encor ne forme rien Et moins qu'un sens brutal sait le mal et le bien. A grand peine deux ans t'enseignent un langage Et des pieds et des mains te font trouver l'usage. Heureux au prix de toi les animaux des champs ! Ils sont les moins haïs, comme les moins méchants. L'oiselet de son nid à peu de temps s'échappe Et ne craint point les airs que de son aile il frappe ; Les poissons en naissant commencent à nager.

PIÈCES DivensRs i5g

Kt le |Htulol ôclos chante et cherche à maniçer. NaUire, douce mère à ces hnilales races, Phis larîçeinenl qu'A toi leur a donné des grAccs. Leur vie est moins sujette aux l'Acheux accidents (Jui travaillent la ticiuie et deiiors et dedans. La hôte ne sent point peste, a^uerre ou famine, Le remords d'un forfait en son cœur ne la mine; Elle ignore le mal pour n'en avoir la peur, Ne connaît point l'effroi del'Achéron trompeur. Elle a la tèle basse et les yeux contre terre. Plus près de son repos et plus loin du tonnerre. L'ombre des trépasses n'aigrit son souvenir. On ne voit à sa mort le désespoir venir ; Elle compte sans bruit et loin de toute envie Le terme dont nature a limité sa vie, Donne la nuit jiaisibie aux charmes du sommeil Et tous les jours s'égaie aux clartés du soleil, Franche de passions et de tant de traverses Qu'on voit au changement de nos humeurs diverses. Ce que veut mon caprice à ta raison déplaît. Ce que lu trouves beau, mon œil le trouve laid. Un même train de vie au plus constant n'agrée : La profane nous fâche autant que la sacrée. Ceux qui, dans les bourbiers des vices empêchés, Ne suivent que le mal, n'aiment que les péchés. Sont tristes bien souvent, et ne leur est jiossible De consumer une heure eu volupté paisible. Le plus libre du monde est esclave à son tour,

l6o THÉOPHILE

Souvent le plus barbai'e est sujet à l'amour, Et le plus patient que le soleil éclaire Se trouve quelquefois emporté de colère. Comme Saturne laisse et prend une saison, Notre esprit abandonne et reçoit la raison ; Je ne sais quelle humeur nos volontés maîtrise, Et de nos passions est la certaine crise ; Ce qui sert aujourd'hui nous doit nuire demain, On ne tient le bonheur jamais que d'une main. Le destin inconstant sans y penser oblige, Et, nous faisant du bien, souvent il nous afflige. Les riches plus contents ne se sauroient guérir De la crainte de perdre et du soin d'acquérir. Notre désir changeant suit la course de l'âge : Tel est grave et pesant qui fut jadis volage, Et sa masse caduque, esclave du repos. N'aime plus qu'à rêver, hait le joyeux propos. Une sale vieillesse, en déplaisir confite. Qui toujours se chagrine et toujours se dépite, Voit tout à contre cœur, et, ses membres cassés. Se ronge de regret de ses plaisirs passés. Veut traîner notre enfance à la fin de la vie, De notre sang bouillant veut étouffer l'envie. Un vieux père rêveur, aux nerfs tout refroidis. Sans plus se souvenir quel il étoit jadis. Alors que l'impuissance éteint sa convoitise. Veut que notre bon sens révère sa sottise, Que le sang généreux étouffe sa vigueur.

PIÈCES DIVKUSES iGl

Et qu'un esprit bien se plaise à la riii^ucur. Il nous veut arracher nos passions humaines, Que son malade esprit nejuge pas bien saines ; Soit par rébellion, ou bien par une erreur, Ces repreneurs tacbeux me sont tous en horreur; J'approuve (ju'un chacun suive en tout, la nature: Son empire est plaisant et sa loi n'est pas dure ; Ne suivant que son train jusqu'au dernier moment. Même dans les malheurs on passe heureusement. Jamais mon jugement ne trouvera blâmable (lelui-là qui s'attache à ce qu'il trouve aimable, Qui dans l'état mortel tient tout indiflérent ; Aussi bien même fin à l'Achéron nous rend. Si tu veux résister, l'amour te sera pire. Et ta rébellion étendra son empire; Amour a quelcjue but, (piehpic temps de durer, Que notre entendement ne peut pas mesurer. C'est un fiévreux tourment, qui, travaillant notre âme, Lui donne des accès et de glace et de flamme, S'attache à nos esprits comme la fièvre au corps, Jusqu'à ce que l'humeur en soit toute dehors. Contre ses longs elTorts la résistance est vaine ; Qui ne peut l'éviter, il doit aimer sa peine. L'esclave patient n'est qu'à demi dompté S'il veut à sa contrainte unir sa volonté. Le sanglier * enragé, qui d'une dent pointue Dans son gosier sanglant mord l'épieu (|ui le tue, Se nuit pour se défendre, et, d'un aveugle ettort,

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PIECES DIVERSES

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ilCONDE SATIRE

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-lu ce icheux qui contre la fortune ' iiup eniiuent comme un chien à la lune, udroi ce semble, en détourner le cours ortur i d'un outrageux discours? i(î mf ;e en son âme il s'afflige du roi ses favoris oblige, le nom est à peine connu, ^er nouvellement venu, iiH v'eugle, en promenant sa roue, \ pi <er d'une ornière de boue, lUc 1 ivie, au-dessus du malheur, ; il lent gourmande la valeur.

cttons ! Et le François endure 'l ; dépens cette grandeur lui dure! ^ a 'efois étoient bien plus hardis : 3urd'hui la vertu de jadis? ieux, comme tu sais mal vivre, est d'or et que l'autre est de cuivre ; s lois (}u'on ne sauroit forcer; s est droit, qu'on ne le peut fausser. us du ciel pour posséder la terre ; i-e aux uns, aux autres se resserre : -sit que le ciel établit,

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102 THÉOPHILE

Se travaille lui-même et se donne la mort. Ainsi l'homme souvent s'obstine à se détruire Et de sa propre main il prend peine à se nuire. Celui qui de nature, et de l'amour des Cieux, Entrant en la lumière, est ne moins vicieux. Lorsque plus son génie aux vertus le convie, Il force sa nature, et fait toute autre vie ; Imitateur d'autrui, ne suit plus ses humeurs. S'égare pour plaisir du train des bonnes mœurs; S'il est libéral, au discours d'un avare Il tiichera d'éteindre une vertu si rare ; Si son esprit est haut, il le veut faire bas; S'il est propre à l'étude, il parle des combats. Je crois que les destins ne font venir personne En l'être des mortels qui n'ait l'àme assez bonne ; Mais on la vient corrompre, et le céleste feu Qui luit à la raison ne nous dure que peu : Car l'imitation rompt notre bonne trame. Et toujours chez autrui fait demeurer notre âme. Je pense que chacun auroit assez d'esprit, Suivant le libre train que nature prescrit. A qui ne sait farder ni le cœur ni la face, L'impertinence même a souvent bonne grâce. Qui suivra son génie et gardera sa foi. Pour vivre bien heureux, il vivra comme moi.

PIÈCES DIVEURKS |63

SECONDE SATIRE

Coiiiiols-tu ce IVicIicux ([iii coiilic lu rurtiiiic AI)()io iinpuik'iuiiieiit coiiiinc un ciiicii ù la luiio, Et qui vouilroit, ce semble, eu détourner le cours Par riniporluDité d'un outrageux discours? D'une sotte malice en son Ame il s'alllige Quand la faveur du roi ses Favoris oblige. Un boninie dont le nom est à peine connu, D'un pays étranger nouvellement venu, Que la fortune aveugle, en promenant sa roue, Tira sans y penser d'une ornière de boue. Malgré toute l'envie, au-dessus du malheur, D'un crédit insolent gourmande la valeur. Et nous le permettons! Et le François endure Qu'à ses propres dépens celle grandeur lui dure ! Nos princes autrefois éloient bien plus hardis : se cache aujourd'hui la vertu de jadis? Apprends, malicieux, comme tu sais mal vivre, Qu'une Ibrlunc est d'or et que l'autre est de cuivre; Que le sort a des lois ([u'on ne sauroit forcer; Que son compas est droit, qu'on ne le peut fausser. Nous venons tous du ciel pour posséder la terre; La laveur s'ouvre aux uns, aux autres se resserre ; Une nécessité, que le ciel établit,

l04 THÉOPHILE

Déshonore les uns, les autres anoblit; Un ignoble souvent de riches biens hérite, L'autre dans l'hôpital est tout plein de mérite. Pour trouver le meilleur, il faudroit bien choisir; Ne crois point que les Dieux soient si pleins de loisir. Encor si chaque infâme ctoit marqué d'un signe Oui de toutes vertus le fit trouver indigne, Les rois, qui sous les dieux disposent du bonheur, Enrichiroient toujours le mérite et l'honneur. Que si l'âme des dieux est la même justice, Si ce qui leur déplaît porte le nom de vice, Les rois, qui sont leurs fils et lieutenants ici, Peuvent juger des bons et des mauvais aussi ; Et, sans flatter mon roi, je trouve bien étrange Qu'un vulgaire ignorant et tiré de la fange Contre sa majesté se montre injurieux. Dessus ses actions portant l'œil curieux. Quant à moi, je répute une faveur bien mise Envers le plus chétif que le roi favorise ; Quoique toujours bien pauvre et toujours dédaigné. Sur mon esprit l'envie encor n'a rien gagné. Qu'un homme de trois jours de soie et d'or se couvre. Du bruit de sa carrosse * importune le Louvre ; Qu'un étranger heureux se moque des François, Qu'il ait mille suivants, pourvu que je n'en sois. Qui voudra pénitence aux déserts se consomme. Qu'il vive tout ainsi que s'il n'étoit plus homme, Ne mange que du foin, ne boive que de l'eau,

Pièces DIVERSES i65

i)liis l'iirl (le riiivfi' iiail rolic ni manteau,

Se louelle. Ions les jours, cl d'une vie austère

Accom|»lisse de (".lirisl le i;li)iieux mystère.

Moi ([ni suis d'une luuneur trop encline à pcclier,

D'un fardeau si pesant, je ne puis nï'enipèclier *.

Suis ta dévotion, et ne crois point, liermitc,

Ouc mon Ame te blâme, et moins qu'elle t'imite.

Puissent les envieux de la Faveur du roi.

Bien (jne leur rajjfe eneor ne se soit i)rise à moi,

De tels désespérés croître le triste nombre !

Reclus dans un rocher plein de silence et d'ombre,

Ou'ils ne puissent trouver le doux air de la cour,

El ne voient jamais un agréable jour !

Je leur lais ce souhait en mon humeur hardie;

Je ne crains point taillir, (juoi ([ue ma Muse die ;

Ma liberté dit tout sans toutefois nommer,

Par. une vaine aigreur, ceux que je veux blâmer.

Aussi n'attends jamais que je te fasse rire

D'un vers que sans danger je ne saurois écrire.

Ceux-là sont fols vraiment ([ui vendent un bon mot

De cent cpui)s de bàlou (pie fait donner un sot.

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[66

THEOPHILE

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SUR UN BALLET DU ROI

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I.

APOLLON CHAMPION

Moi de qui les rayons font les traits du tonnerre Et de qui l'univers adore les autels, [la guerre. Moi dont les plus grands Dieux redouteroient Puis-je sans déshonneur méprendre à des mortels ?

J'attaque malgré moi leur orgueilleuse envie, Leur audace a vaincu ma nature et le sort : Car ma vertu, qui n'est que pour donner la vie. Est aujourd'hui forcée à leur donner la mort.

J'affranchis mes autels de ces fâcheux obstacles. Et foulant ces brigands que mes traits vont punir. Chacun dorénavant viendra vers mes oracles Et préviendra le mal qui lui peut advenir.

C'est moi qui, pénétrant la dureté des arbres, Arrache de leur cœur une savante voix. Oui fais taire les vents, qui fais parler les marbres, Et qui trace au destin la conduite des rois.

C'est moi dont la chaleur donne la vie aux roses.

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PIECES OnXRSES

167

Et fait ressusciter les fruits enseveUs ;

Je dûone la durée et la couleur aux choses.

Et fais Tirre l'éclat de la blancheur des lys.

Si peu que je m'absente, un manteau de ténèbres Tient d'une froide horreur ciel et terre couverts ; Les versrers les plus beaux sont des objets funèbres Et, quand mon œil est clos, tout meurt en Tunivers.

1'

II. LES XAUTOXNIERS

Les Amours plus misrnards à nos rames se lient, Les Tritons à l'envi nous \"ieanent caresser. Les vents sont modérés, les vaçues s'humilient Par tous les lieux de l'onde nous voulons passer.

Avec notre dessein va le cours des étoiles, L'oragç ne fait point blêmir nos matelots, Et jamais Alcyon sans recarder nos voiles Ne commit sa nichée à la merci des flots.

Notre Océan est doux comme les eaux d'Euphrate ; Le Pactole, le Tage, est moins riche que lui. Ici jamais nocher ne crai^it le pirate. Ni d'un calme trop lonsr ne ressentit l'eimui.

Sous un climat heureux, loin du bruit du tonnerre.

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i66

THEOPHILE

SUR UN BALLET DU ROI

I. APOLLON CHAMPION

Moi de qui les rayons font les traits du tonnerre Et de qui l'univers adore les autels, [la guerre. Moi dont les plus grands Dieux redouteroient Puis-je sans déshonneur me prendre à des mortels ?

J'attaque malgré moi leur orgueilleuse envie, Leur audace a vaincu ma nature et le sort : Car ma vertu, qui n'est que pour donner la vie. Est aujourd'hui forcée à leur donner la mort.

J'affranchis mes autels de ces fâcheux obstacles. Et foulant ces brigands que mes traits vont punir. Chacun dorénavant viendra vers mes oracles Et préviendra le mal qui lui peut advenir.

C'est moi qui, pénétrant la dureté des arbres. Arrache de leur cœur une savante voix. Qui fais taire les vents, qui fais parler les marbres, Et qui trace au destin la conduite des rois.

C'est moi dont la chaleur donne la vie aux roses.

PIÈCES DIVERSES «G?

El fait ressusciter les Fruits euscveiis ;

Je cloiuie la dun-f cl la cnulrur aux choses.

Et fais vivre l'cclal de la blauclicur dos lys.

Si peu (juc je m'abseulc, m\ manloau de léuèbres Tient d"une froide horreur ciel el terre couverts ; Les vergers les plus heaux soûl des objets funèbres Et, quand mon œil est clos, tout nieurl en l'univers.

II. LES NAUTONNIERS

es Amours plus mignards à nos rames se lient, Les Tritons à l'euvi nous viennent caresser, Les vents sont modérés, les vagues s'humilient Par tous les lieux de l'onde nous voulons passer.

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Avec notre dessein va le cours des étoiles, L'orage ne fait point blômir nos matelots, El jamais Alcyon sans regarder nos voiles Ne commit sa nichée à la merci des flots.

Notre Océan est doux comme les eaux d'Euphrate ; Le Pactole, le Tage, est moins riche que lui, Ici jamais nocher ne craignit le pirate, Ni d'un calme trop long ne ressentit l'ennui.

Sous un climat heureux, loin du bruit du tonnerre,

l68 THÉOPHILE

Nous passons à loisir nos jours délicieux, Et jamais notre œil ne désira la terre, Ni sans quelque dédain ne regarda les cieux.

Agréables beautés pour qui l'amour soupire, Eprouvez avec nous un si joyeux destin Et nous dirons partout qu'un si rare navire Ne fut jamais chargé d'un si rare butin.

FRAGMENTS

Si je passe en un jardinage Semé de roses et de lys, Il me ressouvient de Philis, Qui les a dessus son visage.

Diane qui luit dans les Cieux, Toujours jeune, amoureuse et belle. Me la remet devant les yeux, Parce qu'elle est chaste comme elle.

Je la vois si je vois l'Aurore, Et quand le Soleil luit ici,

PIÈCES DIVERSES iOq

Il iiu' iTssniiviciit (l'rllc îuissi, Pour Cl* (]ii(' ri'iiivors l'adorp.

Les fçrAces dedans un tableau. Le petit Amour et la flamuie, Href, tout ce (|ue je vois de beau Me la l'ail revenir dans l'âme.

(De ilinmorlalilè de. l'ànie.

Les objets d'étrange figure Sont rares parmi les humains, Il se trouve dans la nature Peu de Géants et peu de Nains.

Bien peu de beautés comme Hélène, Peu de frères comme Castor, Peu d'ivrognes comme Silène, Peu de sages comme Nestor.

Peu de chiens comme étoit Cerbère, Peu de fleuves comme Achéron, Peu de femmes comme Mégère, Peu de nochers comme Caron .

Aucun teint beau connue Jacinthe, Rien de si clair que le Soleil,

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Le petit Amour et la flamme,

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Me la fait revenir dans l'àme.

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{De r Immortalité de rame.)

II

T es objets d'étrange figure -LiSont rares parmi les humains,

Il se trouve dans la nature

Peu de Géants et peu de Nains.

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Bien peu de beautés comme Hélène,

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THEOPHILE

Rien de plus amer que l'absinthe, Et rien plus doux que le sommeil .

Peu de bruits comme le tonnerre. Peu de morts comme Pélion, Et des animaux de la terre, Peu sont fiers comme un lion.

Peu de félicités suprêmes, Peu d'incomparables malheurs, Peu de ressentiments extrêmes, De voluptés ou de douleurs.

[Ibid.

III

Celui qui lance le tonnerre, Oui gouverne les éléments. Et meut avec des tremblements La grande masse de la terre; Dieu qui vous mit le sceptre en main, Qui vous le peut ôter demain. Lui qui vous prête la lumière, Et qui malgré les Fleurs de Lys, Un jour fera de la poussière De vos membres ensevelis ;

Ce grand Dieu qui fit les abîmes

PléCKS DIVERSES I7I

Dans le centre de l'Univers, Et qui U's lient toujours ouverts A la punition des crimes, Veut aussi ([ue les innocents A l'ombre de ses bras puissants Trouvent un assuré rcluiçc, Et ne sera point irrité Que vous tarissiez le déluî^e Des maux vous m'avez jeté.

Eloigné des bords de la Seine, Et du doux climat de la Cour, Il me semble »pie l'œil du jour Ne me luit |)lus qu'avec peine; Sur le laîle allreux d'un rocher, D'où les ours n'osent approcher, Je consulte avec des furies, Oui ne foulque solliciter Mes importunes rêveries A me faire précipiter.

Aujourd'hui parmi des sauvages. je ne trouve à qui parler, Ma triste voix se perd en l'air, Et dedans l'écho des rivasses : Au lieu des pompes de Paris, le peuple avecque des cris Bénit le Roi parmi les rues.

lyS THEOPHILE

Ici les accents des corbeaux, Et les foudres dedans les nues Ne me parlent que de tombeaux.

[Au Roi. Sur son exil. Ode.)

La paix, trop longtemps désolée, Revient aux pompes de la Cour Et retire du mausolée Les jeux, les danses et l'amour; Au seul éclat de nos épées Les tempêtes sont dissipées, Tous nos bruits sont ensevelis : Mon prince a fait cesser la guerre, Et la grâce a rendu la terre Pleine de palmes et de lys.

{Sar la Paix de r année 1620. Ode.

Tout ce que la nature a de rare et de beau, Ce qui vit au Soleil, qui dort dans le tombeau, Tout ce que peut le Ciel pour obliger la terre. Les plaisirs de la paix, les vertus de la guerre, Les roses des rosiers, les ombres, les ruisseaux. Le murmure des vents, et le bruit des oiseaux.

PIKCF.S DIVERSES I^S

Les vôlenienls d'Iris, cl le Icinl ilt* l'Aurore, Les attraits de Venus, ui les douceurs de KIore, Tout ce (jue tous les Dieux (tnt de cher et de doux, Grand Prince, ne peut point se comparer à vous. (Au Roi. Etrennes.)

vt

Chaque saison donne ses fruits; L'automne nous donne ses pommes, L'hiver donne ses lontçues nuits, l'our un plus çrand repos des hommes ; Le |»rintemps nous donne des fleurs. Il donne l'ànie, et les couleurs A la feuille qui semhle morte ; Il donne la vie aux forets, El l'autre saison nous apporte Ce qui fait jaunir nos guérets.

La terre pour donner ses biens Se laisse fouiller jusqu'au centre ; Et pour nous les champs indiens Se tirent les trésors du ventre ; L'onde enrichit de cent façons Nos vaisseaux et nos hameçons. Et cet élément si barbare. Pour se faire voir libéral.

174 THÉOPHILE

Arrache de son sein avare, L'ambre, la perle et le coral *.

Les zéphyrs se donnent aux flots, Les flots se donnent à la lune, Les navires aux matelots, Les matelots à la fortune ; Tout ce que l'univers conçoit Nous apporte ce qu'il reçoit Pour rendre notre vie aisée : L'abeille ne prend point du ciel Les doux présents de la rosée Que pour nous en donner le miel.

Les rochers qui font le tableau Des stérilités de nature, Afin de nous donner de l'eau, Fendent-ils pas leur masse dure ? Et les champs les plus impuissants Nous donnent l'ivoire et l'encens, Les déserts les plus inutiles Donnent de grands titres aux rois. Et les arbres les moins fertiles Nous donnent de l'ombre et du bois,

[Au marquis de Bouquinkant (i). Ode.

(i) Buckingham.

PIÈCES DIVERSES lyS

Tous nos arbres sont dépouillés, Nos promenoirs sont tous mouillés, L'émail de notre beau parterre A perdu ses vives couleurs, La c^elée a tué les fleurs, L'air est malade d'un calerre*, Et l'œil du ciel noyé de pleurs Ne sait plus reg'arder la terre.

La nacelle attendant le tlux Des ondes qui ne courent plus, Oisive au port est retenue ; La tortue et les limaçons Jeûnent perclus sous les glaçons ; L'oiseau sur une branche nue Attend pour dire ses chansons Oue la feuille soit revenue.

Le héron quand il veut pocher. Trouvant l'eau toute de rocher, Se paît du vent et de sa plume, Il se cache dans les roseaux. Et contemple au bord des ruisseaux. La bise, contre sa coutume, Souffle la neige sur les eaux bouillait autrefois l'écume.

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Arrache dcMotein avare. L'ambre, la perle et le coral <*.

l.es zéphyrs ae donoeol aux floU, l^ea 11 ine,

Ijt» nuteloU i la furtune ;

!•■ l'univers conçoit tf ce «ju'il re«;oil i <• notre vie aisée :

1 1.1- prend point du ciel

Les doux prékcola de la rosée <Jue i>our nous en donner le miel.

l^s rochers qui font le tableau l)r^ stérilités de nature, AHn de nous donner de l'eau, F.- •. ■■?

Ki i' - ^ . .^ ..—anls

Nous donnent l'ivoire et Teucens, Les déserts les plus inutiles Donucnl de f^rands titres aux rois, Et les arbres les moins fertiles Nous donnent de l'ouibre et du bois. {Au niarquit de Buu</uinJ,ir. i

(I) Buckiugbam.

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PIEGES DIVERSE»

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Tous nos arbres sont dépouillés, Nos promenoirs sont tous mouilles. L'émail de notre beau parterre A perdu ses vives couleurs, La gelée a tué les fleurs. L'air est malade d'un caterre*, Et l'œil du ciel noyé de pleurs Ne sait plus regarder la terre.

La nacelle attendant le flux Des ondes qui ne courent plus, Oisive au port est retenue ; La tortue et les limaçons Jeûnent perclus sous les glaçons ; L'oiseau sur une branche nue Attend pour dire ses chansons Que la feuille soit revenue.

Le héron quand il veut pêcher. Trouvant l'eau^ute de rocher, Se paît du ve^^Ê^ sa plume,

se cacJM^^^^^H'oseaux Kl coj^^^^^^^ffA^des ruisseaux.

i ' .1 coutume,

* ^e sur les eaux

. aulrelois l'éci

[■yÔ THÉOPHILE

Les poissons dorment assurés, D'un mur de glace remparés, Francs de tous les dangers du monde Fors que toi tant seulement, Qui restreins leur moite élément Jusqu'à la goutte plus profonde. Et les laisses sans mouvement Enchâssés en l'argent de l'onde.

Tous les Agents brisent leurs liens, Et dans les creux éoliens Rien n'est resté que le zéphyr, Qui tient les œillets et les lys Dans ses poumons ensevelis. Et triste en la prison soupire Pour les membres de sa Philis Que la tempête lui déchire,

{Contre Vhiver. Ode.)

Lorsque l'aube en suivant la nuit qu'elle a chassée Epart * ses tresses d'or, Le premier mouvement qui vient à ma pensée. C'est l'amour d'Alidor.

Je tâche en m'éveillant à rappeler les songes Que j'ai faits en dormant,

Pif.CKS DIVI USES 177

El dans le souvenir tic leurs plaisants mensonjçes Je revois mon atnaiil .

Mon esprit anionrcux n'est point sans violence

An milieu du repos, Je le vois dans la nuit et parmi le silence.

J'entends ses doux propos.

Tous les secrets d'amour «pic le sommeil ex[)rime

Mon âme les ressent, El le matin je pense avoir commis un crime

Dans mon lit innocent.

De honte à mon réveil je suis loute confuse,

Et d'un œil loul fâché Je vois dans mon miroir la rougeur (jui m'accuse

D'avoir fait un péché .

[Pour Mlle de .1/. Slances).

ue mon sort étoil doux, s'il eùl coulé mes ans ^Où les bords de Garonne ont les flots si plaisants!

0

Tenanl mes jours cachés dans ce lieu solitaire. Nul que moi ne m'eût fait ni parler ni me taire : A ma commodité j'aurois eu le sommeil, A mon i^ré j'aurois pris et l'ombre et le soleil.

178 THÉOPHILE

Dans ces vallons obscurs, la mère nature A pourvu nos troupeaux d'éternelle pâture, J'aurois eu le plaisir de boire à petits traits D'un vin clair, pétillant, et délicat et frais,

Qu'un terroir assez maigre et tout coupé de roches Produit heureusement sur les montagnes proches. mes frères et moi pouvions joyeusement, Sans seigneur ni vassal, vivre assez doucement.

tous ces médisants, à qui je suis en proie, N'eussent point ennuyé ni censuré ma joie, J'aurois suivi partout l'objet de mes désirs, J'aurois pu consacrer ma plume à mes plaisirs.

d'une passion, ni ferme ni légère, J'aurois donné ma flamme aux yeux d'une bergère, Dont le cœur innocent eût contenté mes vœux D'un bracelet de chanvre, avecque ses cheveux.

J'aurois dans ce plaisir si bien flatté la vie, Que l'orgueil de Caliste en eût crevé d'envie; J'aurois peint la douceur de nos embrasements Par tous les lieux témoins de nos embrassements.

Et comme ce climat est le plus beau du monde, Ma veine en eût été mille fois plus féconde :

piiii:ES nivEKSES 179

L'.iilf (l'iMi pjtpillcin m't>i\l plus lourni de vers,

nirjMijdiird'Iiiii lie l'croil le liniit de riiiiivers.

{Plainte de Théophile à son aini Tircis.)

EPIGRAMMKS

('^ race à ce comte lil)éral JEt à la guerre de Mirande, Je suis poète et caporal. O Dieux 1 que ma fortune est grande ! O combien je rerois d'honneur Des sentinelles que je pose ! Le sentiment de ce bonheur Fait que jamais je ne repose : Si je couche sur le pave, Je n'en suis (]ue plus tût levé. Parmi les troubles de la guerre Je n'ai point un repos en l'air, Car mon lit ne sauroit branler Que par un tremblement de terre.

l8o TIIÉOPIULK

Qui voudra pense à des empires, Et, avecque des vœux mutins, S'obstine contre ses destins, Qui toujours lui deviennent pires.

Moi, je demande seulement, Du plus sacré vœu de mon âme. Qu'il plaise aux Dieux et à ma dame Que je brûle éternellement.

M

on frère, je me porte bien, La Muse n'a souci de rien ;

J'ai perdu cette humeur profane; On me souffre au coucher du roi. Et Phébus toQs les jours chez moi A des manteaux doublés de panne.

Mon âme incague les destins ! Je fais tous les jours des festins; On me va tapisser ma chambre. Tous mes jours sont des mardi-çras, Et je ne bois point d'hypocras S'il n'est fait avecque de l'ambre.

imk*:es iiivunsKS i8l

Pour ctio (liviiio cl liiiiu.iiiif. Il faut ni jeunesse senlir Les plaisirs de la ISIanfilelciiie, Kl [)uis, vieille, s'cu reperilir.

Ie inupiis au momie lout nu ; Je ne sais combien je vivrai. Si je n'ai rien quand je mourrai, Je n'aurai jçaefné ni perdu.

LES AMOURS TRAGIQUES DE PYRAME

ET TuTseÉ

{Fragments) ]

ACTE I Scène première

D

THisui:

u bruilel des fâcheux aujourd'hui séparée, Ma seule fantaisie avec moi retirée,

THEOPHILE

Je puis ouvrir mon âme à la clarté des cieux, Avec la liberté de la voix et des yeux ; Il m'est ici permis de te nommer, Pyrame, Il m'est ici permis de t'appeler mon âme : Mon âme, qu'ai-je dit? c'est fort mal discourir, Car l'âme, nous fait vivre et tu me fais mourir. Il est vrai que la mort que ton amour me livre Est aussi seulement ce que j'appelle vivre. Nos esprits sans l'amour, assoupis et pesants. Comme dans un sommeil passent nos jeunes ans. Auparavant qu'aimer on ne sait point l'usage Du mouvement des sens, ni des traits du visage. Sans cette passion, les plus lourds animaux Connoîtroient mieux que nous et les biens et les maux. Notre destin seroit comme celui des arbres. Et les beautés en nous seroient comme des marbres, En qui l'ouvrier *, gravant l'image des humains. Ne sauroit faire agir ni les pieds ni les mains. Un bel œil dont l'éclat ne luit qu'à l'aventure, C'est comme le Soleil qui cachoit la nature. Auparavant qu'il fût entré dans ses maisons Et qu'il pût discerner la beauté des saisons. Moi je crois seulement depuis l'heure première Que l'amour me toucha, d'avoir vu la lumière. Et que mon cœur ne vint à respirer le jour Que dès l'heure qu'il vint à soupirer d'amour ; Et combien que le ciel fasse couler ma vie Dans cette passion avec un peu d'envie.

IMKC.KS IUVRHSES

i83

Oue mille empêchements combattent mes désirs,

|]t qu'un triste succès menace nos plaisirs,

Que les discours mutins d'une haiue ancienne,

Divisent la maison de Pyrame et la mienne,

nuliomnies, ciel, temps et lieux nuisent à mon dessein.

Je ne saurois pourtant me l'arracher du sein,

El (]uand je le pourrois, je scrois bien marrie

Que d'un si cher tourment mon ûme fût guérie.

Une telle santé me donneroit la mort;

Le penser seulement m'en lâche et me fait tort.

BERSIANE

Conuiient?vous être ainsi de nous tous éloignée ! Osez-vous bien aller sans être accompagnée ? Tout le monde au logis est en peine de vous, Et surtout votre mère en est en grand courroux.

THISBÉ

Pourquoi cela? ma vie est-elle si suspecte?

BERSIANE

Non, mais toujours les vieux veulent qu'on lesrespecte. Vous deviez pour le moins un de nous avertir, Faire quelque semblant que vous alliez sortir.

TUISBÉ

Sais-tu [tas bien que j'ain)e à rêver, à me taire, Et que mon naturel est un peu solitaire? Que je cherche souvent à m'ùter hors du bruit? Alors, poui' dire vrai, je hais bien qui me suit;

i84

THEOPHILE

Quelquefois mon chagrin trouveroit importune La conversation de la bonne Fortune ; La visite d'un Dieu me désobligeroit, Un rayon du Soleil parfois me fàcheroit.

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ACTE II Scène II

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PYUAME

Ta bonne volonté n'est pas diminuée?

THISBÉ

Elle a crû davantage, on n'a fait que jeter. Du soufre dans la flamme afin de l'irriter : Je suis d'un naturel à qui la résistance Renforce le désir, l'espoir et la constance ; Je crois qu'on me verroit mourir autant de fois Qu'on me force d'ouïr ces importunes voix, Sinon que mon amour de plus en plus persiste, Et brûle davantage alors qu'on lui résiste ; Et je n'ai rien de cher comme une occasion De tout ce qui sauroit nourrir ma passion, Puisqu'au divin objet dont je suis amoureuse Le sort veut que je sois parfaitement heureuse, Que tu mérites bien l'inviolable foi Que jusques au tombeau je garderai pour toi.

PYHAME

Et moi si le tombeau laissoit encore aux âmes

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PIECES DIVERSES

l85

Quelque petit rayon de leurs défuntes flammes, fe n'aurois autre feu que toi dans les enfers, Et dedans leurs prisons je n'aurois que tes fers : Mais parmi nos discours nous ne prenons pas garde Que ce doux entretien dont Amour nous retarde, S'il n'est })ien ménagé nous mancjuera bientôt.

TIIISBÉ

Hélas! ne pourrons-nous jamais dire qu'un mot? Les oiseaux dans les bois ont toute la journée A. chanter la fureur qu'Amour leur a donnée ; Les eaux et les zéphirs, quand ils se font l'amour, Leur rire et leurs soupirs font durer nuit et jour.

PYRAME

1 te faut retirer de crainte qu'il n'arrive

)ue de ce peu de bien encore on ne nous prive.

TUISliÉ

Dans une heure au plus tard je reviens donc ici.

PYRAME

Et moi je serai mort si je n'y viens aussi.

ACTE V Scène dernière

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THisBÉ, seule, peine ai-je repris mou esprit et ma voix. Cette peur m'a fait perdre un voile quej'avois

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l84 THÉOPHILE

Quelquefois mon chagrin trouveroit importune La conversation de la bonne Fortune ; La visite d'un Dieu me désobligeroit, Un rayon du Soleil parfois me fàcheroit.

ACTE II Scène II

PYRAME

Ta bonne volonté n'est pas diminuée?

THISBÉ

Elle a crû davantage, on n'a fait que jeter. Du soufre dans la flamme afin de l'irriter : Je suis d'un naturel à qui la résistance Renforce le désir, l'espoir et la constance ; Je crois qu'on me verroit mourir autant de fois Qu'on me force d'ouïr ces importunes voix. Sinon que mon amour de plus en plus persiste, Et brûle davantage alors qu'on lui résiste ; Et je n'ai rien de cher comme une occasion De tout ce qui sauroit nourrir ma passion, Puisqu'au divin objet dont je suis amoureuse Le sort veut que je sois parfaitement heureuse, Que tu mérites bien l'inviolable foi Que jusques au tombeau je garderai pour toi.

PYKAME

Et moi si le tombeau laissoit encore aux âmes

PIÈCES DIVERSES I 85

Quelque petit rayon de leurs défuntes flammes, Je n'aurois autre feu (|ue toi dans les enfers, Kt dedans leurs prisons je n'aurois que tes fers : Mais ]iarini nos iliscours nous ne prenons pas jçarde (Juo ce doux entretien dont Amour nous retarde. S'il n'est bien ménage nous man(piera bientôt.

Tuisnii Ilolas ! ue pourrons-nous jamais dire qu'un mol'.'' Les oiseaux dans les bois ont toute la journée A chanter la fureur qu'Amour leur a donnée ; Les eaux et les zéphirs, <piand ils se font l'amour. Leur rire et leurs soupirs font durer nuit et jour.

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11 le faut retirer de crainte qu'il n'arrive

One de ce peu de bien encore on ne nous prive.

TIIISDÉ

Dans une heure au plus tard je reviens donc ici.

PYUAME

Et moi je serai mort si je n'y viens aussi.

ACTE V Scène dernière

THiSBÉ, seule.

A peine ai-jc repris mou esprit et ma voix. Celle peur m'a fait perdre un voile que j 'a vois

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[86

THEOPHILE

Et ma fait demeurer assez lonsrtemps cachée. Possible mon amant m'aura depuis cherchée. Il doit être arrivé, s'il n'a perdu le soin De me venir trouver, car le jour n'est pas loin. Je n'entends plus que l'eau que verse la fontaine ; Le silence profond me rend assez certaine Que je puis approcher la tombe, cependant Mon PjTame languit sans doute en m'attendant. La béte qui cherchoit l'eau de cette vallée. Ayant éteint sa soif, ores s'en est allée. Autrement j'entendrois qu'elle feroit du bruit, Et ses yeux brilleroient au travers de la nuit. O nuit, je me remets enfin sous ton ombrage. Pour avoir tant d'amour, j'ai bien peu de courage. Mais, ou mon œil s'abuse en un objet trompeur. Voici de quoi rentrer en ma première peur : Une subite horreur me prend à l'impourvue *, Et, si l'obscurité peut assurer ma vue, Un augure incertain mes soupçons ne dément. Certains pas dans les miens mêlés confusément, Cette place partout sanglante et si foulée, Montre qu'ici la bête a sa fureur soûlée. Dieux ! je vois par la terre un corps qui semble mort. Mais pourquoi m'effrayer? c'est Pyrame qui dort. Pour divertir l'ennui de son attente oisive Il repose aux doux bruit de cette source vive. Ce sera maintenant à lui de m'acçuser ! Mais ce lieu dur et froid mal propre à reposer,

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PIECES DH'KRSES

187

Due déjà la rosée a rendu (oui humide, M'oblige à l'éveiller. Dieux ! que je suis timide ! J'ai son contentement et son repos si cher, Que ma vobc seulement a peur de le fâcher; Il dort si doucement qu'on ne sauroit à peine Discerner parmi Pair le bruit de son haleine : Mais d'où vient qu'immobile et froid dessous ma main Il semble mort? Pyramel ù Dieux j'appelle en vain. Je ne respire plus, ce beau corps est de arlace. Hélas ! je vois la mort peinte dessus sa face ; D'une éternelle nuit son bel oeil est couvert. Je vois d'un large coup son estomac ouvert. ! ne meurs pas si tôt, ouvre un peu la paupière Respire encore un coup, je mourrai la première. Ne len va point sans moi, ne me fais point ce tort Tu ne me réponds rien, mon coeur? Tu n'esîpas mort? Les Dieux ne meurent point, la nature est trop sage Pour laisser ruiner son plus aimable ouvrasre. Mais. 0 faible discours, ô faux soulagement, La perte que je fais m'ôte le jugement : Pyrame ne vit plus, ha ! ce soupir l'emporte. Q)mment?il ne vit plus, et je ne suis pas morte? Pvrame, s'fl te reste encore un peu de jour. Si ton esprit me garde encore un peu d'amour. Et si le vieux Caron touché de ma misère. Retarde tant soit peu sa barque à ma prière, Altends-moi, je te prie, et qu'un même trépas, .\chève nos destins ; je m'en vais de ce pas.

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l86 THÉOPHILE

Et m'a fait demeurer assez longtemps cachée. Possible mon amant m'aura depuis cherchée. Il doit être arrivé, s'il n'a perdu le soin De me venir trouver, car le jour n'est pas loin. Je n'entends plus que l'eau que verse la fontaine ; Le silence profond me rend assez certaine Que je puis approcher la tombe, cependant Mon Pyrame languit sans doute en m'attendant. La bête qui cherchoit l'eau de cette vallée, Ayant éteint sa soif, ores s'en est allée. Autrement j'entendrois qu'elle feroit du bruit. Et ses yeux brilleroient au travers de la nuit. O nuit, je me remets enfin sous ton ombrage. Pour avoir tant d'amour, j'ai bien peu de courage. Mais, ou mon œil s'abuse en un objet trompeur. Voici de quoi rentrer en ma première peur : Une subite horreur me prend à l'impourvue *, Et, si l'obscurité peut assurer ma vue. Un augure incertain mes soupçons ne dément. Certains pas dans les miens mêlés confusément. Cette place partout sanglante et si foulée, Montre qu'ici la bête a sa fureur soûlée. Dieux ! je vois par la terre un corps qui semble mort. Mais pourquoi m'effrayer? c'est Pyrame qui dort. Pour divertir l'ennui de son attente oisive Il repose aux doux bruit de cette source vive. Ce sera maintenant à lui de m'accuscr ! Mais ce lieu dur et froid mal propre à reposer,

PIÈCES DIVERSES 187

Que tléjà la rosée a rendu loul Inimitié, M'iiiilii^e i\ l'éveiller. Dieux ! i|ue je suis limido! J'ai sou conlentcinent el son repos si cher, Que rua voix seulement a peur de le fâcher; H ilorl si doucement qu'on ne sauroit à peine Discerner parmi l'air le bruit de son haleine : Mais d'un vient qu'inuiiobile et froid dessous ma main Il sendjie mort'.' Pyrame ! ô Dieux j'appelle en vain. Je ne respire plus, ce beau corps est de jçlace. Ili'Ias! je vois la mort peinte dessus sa face; D'une éternelle nuit sou bel œil est couvert, Je vois d'un larii^e coup son estomac ouvert. Ht' ! ne meurs pas si tût, ouvre un peu la paupière Respire encore un coup, je mourrai la prendère, Ne t'en va point sans moi, ne me fais point ce tort Tu ne me réponds rien, mon cœur? Tu n'esjpas mort? Les Dieux ne meurent point, la nature est trop sage Pour laisser ruiner son plus aimable ouvrage. Mais, ù faible discours, ù faux soulagement, La perte que je fais m'ôte le jugement : Pyrame ne vit plus, ha ! ce soupir l'emporte. Comment? il ne vit plus, et je ne suis pas morte? Pyrame, s'il te reste encore un peu de jour. Si ton esprit me garde encore un peu d'amour, Et si le vieux Caron touche de ma misère, Retarde tant soit peu sa barque à ma prière. Attends-moi, je te prie, et qu'un même trépas. Achève nos destins ; je m'en vais de ce pas.

THEOPHILE

Mais tu ne m'attends point, et si peu que je vive, En ce dernier devoir mon sort veut que je suive, Coupable que je suis de cette injuste mort. Malheureux criminel de la fureur du sort. Quoi, je respire encore et, regardant Pyrame Trépassé devant moi, je n'ai point perdu l'àme ! Je vois que ce rocher s'est éclaté du deuil. Pour répandre des pleurs, pour m'ouvrir un cercueil ; Ce ruisseau fuit d'horreur qu'il a de mon injure, Il en est sans repos, ses rives sans verdure ; Même, au lieu de donner de la rosée aux fleurs, L'aurore, à ce matin, n'a versé que des pleurs, Et cet arbre touché d'un désespoir visible, A bien trouvé du sang- dans son tronc insensible; Son fruit en a changé, la lune en a blêmi, Et la terre a sué du sang qu'il a vomi. Bel arbre puisqu'au monde après moi tu demeures. Pour mieux faire paroître au ciel tes rouges meures * Et lui monfrer le tort qu'il a fait à mes vœux, , Fais comme moi, de grâce, arrache tes cheveux. Ouvre-toi l'estomac, et fais couler à force Cette sanglante humeur par toute ton écorce. Mais que me sert ton deuil? Rameaux,prés verdissants, Qu'à soulager mon mal vous êtes impuisssants !j Quand bien vous en mourriez, on voit la destinée Ramener votre vie, en ramenant l'année. Une fois tous les ans nous vous voyons mourir, Une fois tous les ans nous vous voyons fleurir :

PIKCeS DIVERSES

Mais ninn Pyr.imp est mort,sans espoir qu'il retourne De ces pAles manoirs son esprit séjourne. Depuis que le soleil nous voit naître et finir, Le premier des dtMunts est encore à venir, El (jiiand les Dieux demain me le feroient revivre, Je me suis résolue aujourd'hui de le suivre. J'ai trop d'impatience, et puisque le destin De nos corps amoureux fait son cruel butin. Avant que le plaisir «pie niéritoient nos flammes Dans leurs emiirassemenis ait pu mêler nos âmes, Nous les joindrons là-bas et par nos saints accords Ne ferons «ju'uu esprit de l'ombre de deux corps. El puisqu'à mon sujet sa belle àme sommeille. Mon esprit innocent lui rendra la pareille. Toutefois je ne puis, sans mourir doublement; Pyrame s'est tué d'un soupron seulement; Son amitié fidèle un peu trop violente, D'autant qu'à ce devoir il me voyoit trop lente, Pour avoir soupçonné (|ue je ne l'aimois pas, Il ne s'est pu ejuérir de moins que du trépas. Que donc ton bras sur moi davantas^e demeure, O mort ! et, s'il se peut, cpie |)lus que lui je meure! (Jue je sente à la fois, poisons, flammes et fers ! Sus ! qui me vient ouvrir les portes des enfers ? Ha ! voici le poitï^nard qui du sang' de son maître S'est souillé lâchement ! il en rougit, le traître ! Exécrable bourreau, si tu te veux laver Du crime commencé, tu n'as qu'à l'achever !

igO THEOPHILE

Enfonce dedans, rend-toi plus rude, et pousse Des feux avec ta lame. Hclas ! elle est trop douce. Je ne pouvois mourir d'un coup plus gracieux. Ni pour un autre objet haïr celui des cieux.

FRAGMENTS D'UNE HISTOIRE COMIQUE

L'élégance ordinaire de nos écrivains est à peu près selon ces termes :

« L'aurore, toute d'or et d'azur, brodée de perles et de rubis, paraissoit aux portes de l'Orient; les étoiles, éblouies d'une plus vive clarté, laissoient effacer leur blancheur et devenoient peu à peu de la couleur du ciel ; les bêtes de la quête revenoient aux bois et les hommes à leur travail; le silence faisoit place au bruit, et les ténèbres à la lumière.»

Et tout le reste que la vanité des faiseurs de livres fait éclater à la faveur de l'ignorance publique.

Il faut que le discours soit ferme, que le sens y soit naturel et facile,le langage exprès et signifiant ; les afféteries ne sont que mollesse et qu'artifice, qui ! ne se trouve jamais sans effort et sans confusion. | Ces larcins, qu'on appelle imitation des auteurs^

PIKCKS niVKHSES I (J I

iincicns, se doivcnl dire des ornements qui ne sont pointa noire mode. Il laiil (icrire à la nioderne ; Déniosliiène el Virsçiie n'ont point écrit en notre temps, et nous ne saurions écrire en leur siècle ; leurs livres, quand ils les firent, éloient nouveaux, 2t nous en Hiisons tous les jours de vieux. L'invo- cation des Muses à l'exemple de ces païens est pro- fane pour nous et ridicule, llonsard, pour la vigueur le l'esprit et la nue ima<>,ination, a mille choses comparables à la mae^nificence des anciens Grecs ^t Latins, et a mieux réussi à leur ressembler qu'a- ors qu'il les a voulu traduire, et ([u'il a pris plaisir i les contrefaire, connue en ces mots cythcréan, )atarean, le trépied tymbrean. Il semble qu'il se .•euille rendre inconnu pour paraître docte, et qu'il ifl'ecte une fausse réputation de nouveau et hardi 'crivain. Dans ces termes étrangers, il n'est point ntelligible pour les Fran(;ois; ces extravagances ne ont que dégoûter les savants et étourdir les faibles. Jn appelle cette fai;on d'usurper des termes obscurs et mpropres, les uns barbarie et rudesse d'esprit, les mtres pédanterie et suffisance. Pour moi, je crois jue c'est un respect et une passion que Ronsard ivoit pour ces anciens à trouver excellent tout ce ]ui venoit d'eux el chercher de la gloire à les imi- ter partout. Je sais qu'un prélat, homme de bien, est imitable à tout le monde. Il faut être chaste comme lui ; charitable et savant, qui peut . Mais un

192 THEOPHILE

courtisan, pour imiter sa vertu, n'a que faire de prendre ni le vivre, ni les habillements à sa sorte. Il faut comme Homère faire bien une description, mais non point par ses termes ni par ses épithètes. Il faut écrire comme il a écrit, mais non pas ce qu'il a écrit. C'est une dévotion louable et digne d'une belle àme que d'invoquer au commencement d'une œuvre des puissances souveraines; mais les chré- tiens n'ont que faire d'Apollon ni des Muses, et nos vers d'aujourd'hui, qui ne se chantent point sur la lyre, ne se doivent point nommer lyriques, non plus que les autres héroïques, puis que nous ne sommes plus au temps des héros, et toutes ces singeries ne sont ni du plaisir ni du profit d'un bon entendement. Il est vrai que le dégoût de ces superfluités nous a fait naître un autre vice : car les esprits faibles que , l'amorce du pillage avoit jetés dans le métier des poètes, de la discrétion qu'ils ont eue d'éviter les extrêmes redites, déjà rebattues par tant de siècles, se sont trouvés dans une grande stérilité, et, n'étant pas d'eux-mêmes assez vigoureux ou assez adroits pour se servir des objets qui se présentent à l'imagi- nation, ont cru qu'il n'y avoit plus rien dans la poé- sie que matière de prose, et se sont persuadés que les figures n'en étoient point, et qu'une métaphore étoit une extravagance. Mais, comme j'avois dit, il étoit jour. Or ces digressions me plaisent, je me laisse aller à ma fantaisie, et, quelque pensée qui se

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l'IKCES DIVEUSKS I f)3

prt'sonle, je n'en dt-loiirno point la pliiine ; je fais ici imo roiivn'salioii divfi'sc cl iiilPrroin|)uc, ot non pas (les loçons exactes, ni des raisons avec ordre : je ne suis ni assez docte ni assez ambitieux pour l'en- •.re|>rendre. Mon li^Te ne prétend point d'obliîçer le lecteur, car son dessein n'est pas de le lire pour m'olilii^er, et, |)tiisqu'll lui est permis de me blâ- mer, (pi'il me soit permis de lui ih-plaire.

Aussitôt <|ue je lus liabillt-, je passai dans la eham- hre de C.liliphon, qui d'abord sVcria vers moi : ICst-il possible (jue vous ayez dormi si à repos dans une affliction si récente ? Vous ne fûtes banni (|ue d'hier, et vous voilà déjà ^niéri de cette peine ! C'est avoir les sentiments bien tarouches ou bien hébétés. Ce (jui ne me touche, lui dis-je, ni le corps ni l'âme, ne me donne point de douleur ; je me porte, Dieu merci, assez bien de l'un et de l'autre; si les bannissements faisoient effort à quelqu'un des sens, tu me verrois atteint de tous les déplaisirs dont la nature et la raison sont capables. Je ne résiste point par philosophie aux atteintes du malheur : car c'est accroître son injure, et tout le combat que le dis- cours fait contre la tristesse larena^rège * sans doute

I. Ce frai^mcnt peut t-tre considéré comme le portrait de Théophile peint par lui-même.

i3

ig\ THEOPHILE

et la prolonge. Si je m'apercevois que j'eusse du mal, tu rac verrois bientôt soupirer ; mais je ne sau- rois prendre l'apparence pour l'effet, ni la menace pour le coup. Cette disgrâce n'est que paroles, qui ne sont que vent. On m'a chassé de la cour, je n'avois que faire ; si on me presse encore à sortir de 4 France, quelque part de l'Europe je veuille aller, ^ mon nom m'y a fait des connoissances. Je me sais facilement accommoder à toute diversité de vivres et d'habillements ; les climats et les hommes me sont indifférents; j'ai l'esprit et le corps à la fatigue. Mais toujours serez-vous étranger et reçu dans la société des autres avec moins de familiarité et d'hon- neur. — Celui, dis-je, qui prise moins la faveur des hommes et l'avantage de la fortune que sa pro- pre vertu se trouve peu empêché de ces incommodités ordinaires. Si est-ce, disait Cliliphon, que ce sera un exil, et un honnête homme ne doit pas être indifférent à l'infamie. Si j'ai mérité la mienne, lui dis-je, je serois injuste de m'en plaindre; et si je n'en suis pas coupable, je suis assez sage pour la mépriser. Ne crois point que la joie qui me reste en cet accident soit d'aucun étourdissement : je connois bien que je suis sorti de Paris, que le roi le veut, que mes ennemis en sont aises, que je perds la pré- sence de mes amis, et qu'ensuite leur affection ne me durera guère, car ils sont hommes et courtisans. A cela voici mon remède : je ne tâcherai point de.

l'iKCis ni\r-.iisi;s U)5

i(>vcnir A la cour, mais j^ m'en passer, et, nu lieu de iTiiInT dans la içrAco du roi, je penserai à ni'ôler (lésa nu'inoire. Je m'edorcerai d'ouitlicr mes amis: car, s'ils sont Hdèles, ils me le pardonneront, et, s'ils ne m'aiment tçuère, j'aurai le plaisir d'avoir pn-venu leur intidélité, cl serai bien aise, d'autant «pie je les aime, de me rendre coupable pour les sauver de ce blâme. Il me sendile que c'est taire des amitiés de bonne sorte : il i'aut avoir de la passion non seulement pour les hommes de vertu, pour les l)elles femmes, mais aussi pour toute sorte de belles choses. J'aime un beau jour, des fontaines claires, l'aspect des montai!;nes, l'étendue d'une grande plaine, de belles forets ; l'océan, ses vagues, son calme, ses rivau^es ; j'aime encore tout ce qui touche plus particulièrement les sens : la musique, les fleurs, les beaux habits, la chasse, les beaux chevaux, les bonnes odeurs, la bonne chère; mais à tout cela mon désir ne s'attache (pie pour se plaire, et non point pour se travailler ; lorsque l'un ou l'autre de ces divertissements occupe entièrement une âme, cela passe d'affection en fureur et brutalité; la pas- sion la plus forte que je puisse avoir ne m'engage jamais au point de ne la pouvoir ([uitter dans un jour. Si j'aime, c'est autant que je suis aimé, et, comme la nature ni la fortune ne m'ont pas donné beaucoup de parties à plaire, cette passion ne m'a jamais guère continué ni son plaisir ni sa peine.

igG THÉOPHILE

Je me tiens plus àprement à l'étude et à la bonne chère qu'à tout le reste. Les livres m'ont lassé quelquefois, mais ils ne m'ont jamais étourdi, et le vin m'a souvent réjoui, mais jamais enivré. La dé- bauche des femmes et du vin faillit à m'empiéter ^- au sortir des écoles : car mon esprit un peu pré- cipité avoit franchi la sujétion des précepteurs, lorsque mes mœurs avoient encore besoin de dis- cipline. Mes compaonons avoient plus d'âge que moi, mais non pas tant de liberté. Ce fut un pas bien dangereux à mon âme que cette première licence qu'elle trouva après les contraintes de l'étude. Là, je m'allois plonger dans le vice, qui s'ouvroit assez favorablement à mes jeunes fantaisies ; mais les empêchements de ma fortune détournèrent mon inclination, et les traverses de ma vie ne donnèrent pas le loisir à la volupté de me perdre. Depuis, insensiblement, mes désirs les plus libertins se sont attiédis avecque le sang, et leur violence, s'éva- nouissant tous les jours avecque l'âge, me promet dorénavant une tranquillité bien assurée. Je n'aime plus tant ni les festins, ni les ballets, et me porte aux voluptés les plus secrètes avec beaucoup de médiocrité .

PIECES DIVERSES I97

LAHISSIi (i)

« Je servais dans la maison d'un citoyen romain avec un jeune esclave grec, à qui les hasards de la mer avaient fait trouver, au lieu de la liberté dont il jouis- sait dans sa patrie, resclavat;esur une terre étrangère. Tous les caractères et les signes naturels (\i\\, sur le front des gens bien nés, marquent la naissance ou l'éducation, ou les démêlait sur son visage : l'air distingué de sa personne annonçait la noblesse de son origine et l'on voyait par toutes ses manières «ju'il avait employé ses premières années à des exer- cices bien dillérents de ceux le sort le condam- nait ; car il était si peu fait pour servir qu'à le voir manier une broelie on eût dit (ju'il tenait une lance. S'il fallait porter quelipie fardeau, il pliait sous le plus léger, et il ne jwuvait porter un poids de vingt livres au delà d'un mille : cependant, malgré sa fai- blesse, il montrait beaucoup de courage ; tout ce

(i) Théopliile, qui était bon latiniste, a écrit ce conte en latin. Nous avons cru |)réfiTable de donner en traduc- tion cette agrt'ablc Larissa, trop peu connue. Cette ver- sion unique est empruntée à un recueil fort rare, le Portefeuille choisi ou Mélanje nouveau en vers et en prose: Londres, 1739. On y a fait quelques retouches.

198 THÉOPFULE

(jue sa condition exigeait de lui, quelque pénible qu'il fût, il le faisait de bonne grâce, et, oubliant ce qu'il était né, il avait su plier son esprit à la doci- lité exigée par la dureté de sa situation; mais sa délicatesse avait beaucoup à souffrir sous le joug d'une servitude inattendue. En effet, peu de temps après qu'il eut tâté de l'esclavage, ses forces, épui- sées par une vie dure, par le travail et par les veilles, l'abandonnèrent tout à coup, et il tomba dans une langueur mortelle. Ses beaux cheveux blonds, autre- fois soigneusement frisés, étaient négligés et tout en désordre ; son front, uni et blanc comme la neige, avait perdu son éclat et presque contracté des rides ; il avait les yeux mourants, les joues creuses et dé- charnées, les mains rudes et durcies par le travail ; enfin une maigreur affreuse répandue par tout son corps le défigurait horriblement et l'avait presque réduit à la dernière extrémité ; ainsi dépérissant de jour en jour, s'il donnait encore quelque signe de vie, ce n'était que par des sanglots et par des sou- pirs. Touchée de l'état je le voyais, je partageais en secret ses peines, et, compatissant à ses malheurs, je me plaignais de l'injustice du sort. Lorsque j'en trouvais l'occasion, je l'exhortais à prendre courage; je mêlais souvent mes larmes aux siennes et j'es- sayais de le consoler, ou du moins d'adoucir ses maux. De plus, pour ménager sa faiblesse, je le prévenais surtout, je faisais moi-même son ouvrage

•IKC.KS DIVERSES IQQ

et presque toiilo la bcsosfne tlu loiçis; mais je ne nie Cdiilentais pas de prendre sur moi toute la tAclie et (le lui procurer par mes faliu-ues le repos dont il a\ait liesoiii, j'étais devenue volontairement son esclave et,(pioi(pi"il \\\i mon compagnon, je le ser- vais comme mon maître, je m'elVorçais de lui mar- quer mou zèle et mon altacliemcnt.

« Au reste, tout abattu (juil était par sa nouvelle condition, il y avait dans sa physionomie quelcjue chose de grand et d'élevé; ses yeux, à demi éteints, laissaient échapper un certain éclat qui semblait exercer ses droits et dominer souverainement sur l'obscurité de mon étoile. On voyait briller sur son visage une dignité naturelle et je ne sais (juelle autorité qui me soumettaient d'abord à lui, et je suivais avec plaisir les impressions de cet ascendant. Ce jeune homme bien sentit bientôt toutes les obligations (|u'il m'avait, et ce que la pitié m'inspi- rait pour lui. Toutes les fois (pie je lui rendais quel- (pie service, je remarquais la peine (pi'il avait de ne pouvoir me rendre la pareille, et, tout confus de mes bontés, il me remerciait avec ces grAces et ce tour heureux d'expression que donne la politesse des cours, (^omme il avait beaucoup de douceur dans l'esprit et dans le caractère, ([u'il avait l'entretien fort aimable, la ligure charmante et toute la beauté qui peut rendre un mortel adorable, je ne fus pas longtemps sans passer de la compassion à l'amour.

nùoratLi

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PIKCICS DIVERSES

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ait besoin, j'étais devenue volontairement son

clave et, quoiqu'il fût mon compagnon, je le ser-

lis comme mon maître, je m'efforçais de lui niar

uer mon zèle et mon attachement.

« Au reste, tout abattu qu'il était par sa nouvelle

ondition, il y avait dans sa physionomie quelque

:hose de grand et d'élevé; ses yeux, à demi éteints,

aissaient échapper un certain éclat qui semblait

exercer ses droits et dominer souverainement sui

l'obscurité de mon étoile. On voyait briller sur sor

visage une dignité naturelle et je ne sais quelU

autorité qui me soumettaient d'abord à lui, et j(

suivais avec plaisir les impressions de cet ascendant

Ce jeune homme bien sentit bientôt toutes lei

obligations qu'il m'avait, et ce que la pitié m'insp

rait pour lui. Tou que service, je r©î pouvoir me rendr Ijontés, il me heureux cours. Co; 'esprit Fort p*

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200 THEOPHILE

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Il est vrai que, quoique mon cœur eût été jusqu'a- lors intact, la blessure fut d'abord légère; l'amour ne pénétrait pas très avant, je luttais, contre les attein- tes de cette flamme naissante ; mais, entrée par les yeux, la flèche pénétra bientôt jusqu'au fond de mon âme et c'est avec joie que, cédant enfin aux efforts de l'ennemi, elle se livra à lui sans plus de combat. »

Le début de cette agréable histoire avait rendu toute la compagnie attentive au récit de Larisse et principalement deux jeunes filles; mais elles fei- gnaient d'être distraites, pour ne point paraître écouter un récit trop libre, la pudeur ne leur permettait point de prendre part, et elles affectaient de détourner la tête ; ensuite, s'efforçant de bâiller, puis fermant peu à peu les yeux, on eût dit, à voir toute leur attitude, que le sommeil les gagnait réel- lement. Elles feignaient cette envie de dormir pour être seulement plus recueillies et se li\Ter avec plus d'attention au récit voluptueux de la vieille, car leurs oreilles étaient, en effet, tout aussi alertes et aussi éveillées que leur imagination, et elles goûtaient avi- dement la séduisante peinture qui flattait leurs désirs. Cependant, une de ces dormeuses ne put résister à un mouvement de curiosité qui lui fit jeter à l'échappée quelques regards sur la conteuse : mais, comme si ses yeux, éblouis par les images con- fuses d'un songe qui fait errer la vue au hasard

PIECES DIVERSES

se fussent oinrrts iiiacliiiialcniciil, clic les rcrcrtiia Itieu vile, l/aiilrc (illc, pour rcuchcrir sur sa coni- |)ai^Mc, s'élaut laissé i^lisser de dessus sou sièsfc, coruiue si elle \'ùl touibéc de sou lit CJi se réveillant le matin en sursaut : « Quoi donc, dit-elle, est-ce (|u'il fait jour? » Mais, s'étant bientôt déconcertée, une rougeur subite, dont elle ne fut point maîtresse, Iraliil par une véritable confusion le slratai-ème de sa fausse pudeur, et découvrit toute la feinte; on se mit à rire et toute l'assemblée, Hxant ses regards sur les deux filles, qui rougissaient à qui mieux mieux, on leur Ht connaître qu'on n'était point la ilupe de leur sonuneil, et ([u'elles s'étaient décelées elles-mêmes.

Cependant Larisse avait cessé ilc parler, elle ne voulait point, disait-elle, achever un récit qui fût capable d'offenser ipii que ce fût des assistants et elle menaça la compagnie de quelque vieux conte des plus usés, lorsque Philère, impatient d'entendre la suite de son histoire : « Ne voyez-vous pas, leur dit-il, que ces jeunes filles tâchent en cftet de s'en- dormir pour embrasser en songe l'image voluptueuse de votre jeune Grec? » Alors, sautant au col de la vieille par une vivacité de jeune homme : « Ma bonne mère, continua-t-il, je vous en conjure par vos amours, ne nous faites pas payer si cher l'in- terruption (pi'on vous a faite. » Enfin, à force de caresser et d'embrasser la vieille esclave, ce beau

THEOPHILE

Sfarçon la fit consentir à continuer son histoire. Elle promit de ménager le plus qu'il lui serait possible, dans la suite de ses amours, la pudeur des deux jeu- nes filles, et voulant qu'elles vinssent s'asseoir plus près d'elles : « On permet, dit-elle, une fois le jour, un peu de folie à la jeunesse. » Ces paroles, pro- noncées d'un ton de législateur, furent comme une espèce de dispense pour les oreilles scrupuleuses, et comme un passe-port pour les histoires de la soirée. Les deux jeunes filles ne se firent point prier pour se mettre auprès de Larisse et la vieille reprit ainsi la suite de ses aventures :

« Comme le feu qui se déclare dans une meule de blé et qui, parti de rien, forme en quelques instants le brasier le plus ardent, l'amour fut bientôt maître absolu chez moi. Ce n'était déjà pi us cet amour séduc- teur dont les jeux m'avaient paru si douxdansla nais- sance de ma passion, mais un Dieu cruel, et qui, devenu plus fier encore après avoir triomphé de ma faiblesse, exerçait sur moi son pouvoir tyrannique ; enfin, au lieu de cet amour paisible (pii s'était d'a- bord logé dans mes yeux et que j'hébergeais inno- cemment, je sentis un feu violent qui m'enflammait le sang dans les veines et qui dévorait jus<ju'à mes os. Toutes les armes que ma vertu opposait à son ennemi étaient des soupirs et des larmes, et, comme d'intelligence avec l'amour, ma volonté était trop faible pour tenter même de résister à ce qu'il plai-

PIECES DIVKHSKS

r.iil à mmi Ivran (ronloimcr de la innllu'iirousc Larlsse. Au reslc, je ne puis bien cxpriiucr quelle ctaitiua situation, eljc ne sais (|uelnoTii lui donner. Eli! connnenl puis-je décider si c'est volontairement ou nialu^ré soi qu'on subit le joui^ de l'amour, puis- (pie, dans mon éîçarement, en me plaic^nant de sa cruauté, je lui adressais en même temps mes vœux !

« Fatal amour (disais-je, dans ces moments ma raison semblait vouloir reprendre le dessus), funeste Iléau des mortels, pour(|uoi viens-tu troubler mon repos? » Puis, à l'iiislant même, chanu^eant de lan- t!fau,e : a Doux vainqueur (disais-je tout de suite), amour, le plus puissant des dieux, pardonne-moi mon emportement, mon cœur désavoue les plaintes injustes que ma bouche insensée profère, et si le trouble de mes sens permet quelque retour à ma raison, Dieu de Paphos et d'Idalie, j'adore ton pou- voir imprévu ; lais que mon cher Glison réponde à mes feux, et toutes les offenses que j'ai pu com- mettre contre toi, je vais les expier en faisant cou- ler parmi les roses, sur tes autels, le sanec des moi- lioaux et des colombes. » ('ependant ma blessure inortelle avait abattu mes esprits et je dépérissais à

le d'œil. Il n'y avait plus de soulagement pour moi ni dansla nourriture nidans le sommeil et nulle considération ne pouvait alfrancbir mon âme maî- trisée par une passion furieuse, et asservie à un cliétif esclave. Glison (c'est le nom de cet aimable

204 TnÉOPHILE

enfant) me paraissait plus beau de jour en jour, je trouvais son entretien plus agréable et je découvrais à chaque instant de nouveaux charmes dans ses yeux qui reprenaient leur vivacité. En effet, aussitôt que le temps, qui guérit tous les maux, à la longue, eut adouci l'amertume de son chagrin, et que, par l'habi- tude de soufirir, il fut endurci à la douleur, son visage, ayant repris son ancien éclat, fit bientôt bril- ler tant d'agréments et de beauté qu'en le regardant on se rappelait l'idée de cette admirable Vénus, le chef-d'œuvre du pinceau d'Apelles. Hélas ! tandis qu'il se faisait un changement si heureux chez Gli- son, j'en éprouvais un bien triste en moi : le feu secret qui me minait, consumait de plus en plus mes forces, et autant ce garçon si charmant s'embellis- sait encore chaque jour, autant je voyais s'altérer ma figure, (jui, sans vanité, dans ce temps-là, n'était point tout à fait à rejeter. Mais ce qu'il y a de plus cruel dans les maux que souffrent les amants, à mesure que le feu qui me dévorait se fortifiait dans mon sein, une timidité malheureuse me contraignait de l'étouffer, et quoique les transports d'une passion qui était à son dernier degré fussent devenus trop violents pour pouvoir être retenus davantage, com- me j'étais fort jeune et fort novice, je n'avais point assez de hardiesse pour exposer ma chère pudeur, par une déclaration téméraire, au danger d'essuyer un refus. Je n'avais donc plus de salut à espérer.

PIÈCES DIVEnSËS 2o5

puisque, si'cliant dj'jouron jour, il sonil)I;iit ([iic mon Amp niour.iute se ciTiisail son lonihoau dans nioii corps, lorsque mon amant, par un coup du deslin, m'ouvrit lui-mènip, sur \c, liord do ma fosse, l'uni- que voie ([u'il y avait pour me sauver. Car aussitôt qu'il vit sueconihor à son tour celte inforlnnée à laquelle il prétendait avoir de si jj^randes ol)lii>ations, son bon cœur ne put s'empèchcr de faire éclater sa tristesse; il ne pouvait retenir ses larmes, et, se souvenant de l'état affreux dans lequel il s'était trouvé, il s'empressait de me rendre les soins dont ma tendresse l'avait prévenu.

« Un jour (c'était justement un vendredi, jour con- sacré à Vénus) ; ce jour donc, environ sur le soir, nous nous mîmes à table à notre ordinaire, pour souper ensemble delà desserte de notre maître. Gli- son, parlaitement guéri du dégoût que lui causait son cha£çrin, mangeait beaucoup et de bon appétit. Comme j'avais les yeux attachés sur lui et que j'é- tais fort affaiblie, pour avoir été trois jours entiers sans prendre aucune nourriture, il m'excitait de temps en temps à manger. Toutes les attentions qu'il avait pour moi et tout ce qu'il me disait d'o- blisfeant semblaient justifier mon amour et nourris- saient ma folle passion, en me remplissant d'espé- rance. Ses yeux d'ailleurs paraissaient m'ètre garants detoul ce que j'augurais de sa sensibilité. Ainsi ma fureur amoureuse fut bientôt allumée à un j)oint

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206 THÉOPHILE

qu'il fallait ou périr sans oser parler ou surmonter, au hasard d'un refus, ma timidité naturelle et ris- quer une déclaration. C'est pourquoi, dès le lende- main je commençai à lui faire des avances.

« Il s'était jeté, pour y faire la méridienne, sur mon lit de repos ; je l'y surpris et là, débutant par un torrent de larmes : « Mon cher Glison, lui dis- je, il me faut tes baisers, ou je n'ai qu'à mourir. Je t'en conjure par tes beaux yeux et par tes genoux que j'embrasse, aie pitié d'une malheureuse qui meurt d'amour pour toi. » Je vis aussitôt sur le visage de mon amant briller une joie et une viva- cité qui furent le gage de mon bonheur, et il se rendit à mes premières instances. Que vous dirais-je de plus ? Il m'entraîna sans résistance sur le lit, encore toute troublée de la démarche que je venais de faire, et, me tenant étroitement embrassée, après m'avoir fait entre ses bras expirer plus d'une fois de plai- sir, il me ranima par de longs baisers. 0 jour de volupté, ô jour que je n'oublierai jamais ! Nous . goûtâmes librement dans la suite les douceurs secrè tes d'une tendre union. Tandis que l'âge le permet, T jeunes gens, jouissez, comme moi, de la vie, et que tous les jours de votre printemps, filés parles mains des amours, vous préparent un agréable automne, afin qu'un délicieux souvenir, vous retraçant les plaisirs passés, vous aide à supporter le poids de l'ennuyeuse et triste vieillesse. «

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APPENDICE

BIOGRAPHIE

^ I.

Vie de Théophile

Tlu'ophilc de Vian naquit en i5f)0, à CkTac, dans l'A- gcnais, et il semble avoir été élevé à Boussères-Saintc- Radcçondc, son père, ancien avocat au Parlement de Bordeaux, possédait un petit château. Sa famille était huç^uenote. Cependant on croit qu'avant d'aller faire sa philosophie àSaumur,où les prolestants avaient uneacadé- mie, il fréquenta le collège de la Flèche, que diric;eaient les Jésuites. Son incrédulité, excitée peut-être par cette éducation contradictoire, fut précoce. Ouand il abjura, vers iGaijCe fut par politique. Théophile vécut et mou-

2o8

THKOPHILE

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rut en libi m, selon tous les sens que l'on peut donner à ce mol.

En lOio I vint à Paris. Un de ses portraits le mon- tre avec >' le figure osseuse, labourée en tous sens, le front proli. rant, l'œil mal fendu, mais plein de feu, les moustache retroussées en l'air, la lèvre inférieure bouffie et laiçneusement saillante (i) ». Tout autre apparaît-il ns Tcffi^ie que Mairet fit graver en tête de ses Nouvi Œuvres (2). Peu importe. Il sut plaire et se faire iui-oup d'amis, en même temps que ses vers commcnrai sa réputation, qui fut fort grande, qui fut, pendant iju ues années, immense,

a Balzar lui se lient d'amitié, dit Paul Olivier (3), font enseni un voyage en Hollande, en 1G12, au beau milieu diK] on ce sait pourquoi, ils se brouillent: du reste l'i'pi^; r se montra peu généreux envers son ami, puis(|u'il r, qua, au moment même qu'il était détenu à la Concicri.' , et sous le coup d'une accusation capitale. De retour i iris, il trouva un protecteur, Henri II, duc de Montmo -y (celui qui devait être décapité en ifiSa), et composa - vers de ballets, des mascarades, des im- promptus. . ; une facilité qui était passée en proverbe, mais lui fit ind mrme beaucoup d'honneur. C'est alors, dit il, (ju'il jlongca dans le vice ouvert favorablement à ses jeunes itaisies ; la débauche des femmes et do vin « l'empiéta en tout cas il n'en fit ni plus ni moins que les autres: lement il était calviniste, un peu trop frailt

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nous reproduisons, d'après le tiraje de ICi^. , Cent Peète* lyriques du XVll' siècle. -Nous Ite citai io^Honelques inexactitudes.

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209

d'allure et d'opinions. Une piècde vers libertins lui va- lut un ordre du roi d'avoir à irtir du royaume le plus prouiptemenl possible, arrêt q- lui siçnifia, au mois do mai 1G19, le chevalier du ■■'!'>! vint à Londres, essaya mais en vain d'émouvoir la li.veillaûce du roi Jacques, et se plaignit bientôt amèremn, de ne respirer plus « le doux air de la cour »; on lu accorda sa grâce, et, en 1621, ne se possédant plus de ie, il rentrait à Paris. A partir de ce moment, hélas ! tu étoile allait faire rage, et sans répit, jusqu'à sa mort Au détour d'une rue, ils se croisent, lui et un ami, av un prêtre qui portait le bon Dieu à un malade ; Thérhile se découvre et s'in- cline, mais l'ami, imprudent,! siste à vouloir passer tête haute : un homme du peuple précipite, lui jette son chapeau dans la boue et se m à crier à tue-tète: « Cal- viniste! » ce (jui ameute la i\ c. Théophile eut beau se convertir : on lui mit tout si le dos, et on invoqua ce fait plus tard parmi d'autres riefs. En 1622, paraît le Parnasse sati/rique sous ie om de Théophile. Il eut beau désavouer l'ouvrage, le ire saisir, poursuivre les imprimeurs et même gagn son procès : les pères Voisin, Garasse, Guérin, R<;uid, l'attaquent, obtien- nent une prise de corps ; ui action criminelle est ou- verte ; Théophile n'a plus qu i'uir, et c'est ce qu'il fait, lentement, espérant toujour ocommoder l'affaire. Mais il est décrété en Parleineni déclaré coupable de lèse- majesté divine, condamné di' e fait à venir, pieds nus, la corde au cou, au Parvis otre-Dame, faire amende honorable, ensuite de ({iioi sera brûlé vif en place de Grève. L'arrêt fut exécute e Ffigie le 19 août 1623. o Le poète était à Chuuli , chez le duc de Montmo-

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208

THEOPHILE

rut en libertin, selon tous les sens que l'on peut donner à ce mot.

En 1610, il vint à Paris. Un de ses portraits le mon- tre avec « une figure osseuse, labourée en tous sens, le front protubérant, l'œil mal fendu, mais plein de feu, les moustaches retroussées en l'air, la lèvre inférieure bouffie et dédaigneusement saillante (i) ». Tout autre apparaît-il dans l'effigie que Mairet fit graver en tête de ses Nouvelles Œuvres (2). Peu importe. Il sut plaire et se faire beaucoup d'amis, en même temps que ses vers commençaient sa réputation, qui fut fort grande, qui fut, pendant quelques années, immense.

« Balzac et lui se lient d'amitié, dit Paul Olivier (3), font ensemble un voyage en Hollande, en 161 2, au beau milieu duquel, on ne sait pourquoi, ils se brouillent ; du reste l'épistolier se montra peu généreux envers son ami, puisqu'il l'attaqua, au moment même qu'il était détenu à la Conciergerie, et sous le coup d'une accusation capitale. De retour à Paris, il trouva un protecteur, Henri II, duc de Montmorency (celui qui devait être décapité en 1032), et composa des vers de ballets, des mascarades, des im- promptus, avec une facilité qui était passée en proverbe, mais lui fit quand même beaucoup d'honneur.C'est alors, dit- il, qu'il se plongea dans le vice ouvert favorablement à ses jeunes fantaisies ; la débauche des femmes et du vin '.( l'empiéta* » ; en tout cas il n'en fit ni plus ni moins que les autres; seulement il était calviniste, un peu trop frarit

(1) Tli. Gautier.

(2) C'est celui que nous reproduisons, d'après le tirage de \M^.

(3) Paul Olivier, Cent Poètes lyriques du XVII' siècle. —Nous corrigeons, dans cette citation, quelques inexactitudes.

AI'PICNDICE 20g

d'allure et d'opinions. Une pièce de vers libertins lui va- lut lin ordre du roi d'avoir à sortir du royaume le plus prouipleuienl possible, arrèl (jue lui sivjniHa, au mois de mai i6uj, le chevalier du t^uel. 11 vint à Londres, essaya mais en vain d'émouvoir la bicnveillaucc du roi Jacques, et se plaignit bientôt amèrement de ne respirer plus « le »loux air de la cour »; on lui accorda sa grâce, et, en iGai, ne se possédant plus de joie, il rentrait à Paris. A jjartir de ce moment, hélas ! son étoile allait faire rage, il sans répit, jusqu'à sa mort. Au détour d'une rue, ils se croisent, lui et un ami, ave»: un prêtre qui portait le bon Dieu à un malade ; Théophile se découvre et s'in- cline, mais l'ami, imprudent, persiste à vouloir passer léte haute : un homme du peuple se précipite, lui jette son chapeau dans la boue et se met à crier à lue-téle: « Cal- vinisle! » ce (jui ameute la foule. Théophile eut beau se convertir : ou lui mit tout sur le dos, et on invoqua ce l'ait plus tard parmi d'autres griefs. En 1623, paraît le Parnasse salijrique sous le nom de Théophile. Il eut beau désavouer l'ouvrage, le faire saisir, poursuivre les imprimeurs et même gagner son procès : les pères N'oisin, Garasse, fiuérin, Renaud, l'attaquent, obtien- nent une prise de corps ; une action criminelle est ou- verte; Théophile n'a plus qu'à fuir, cl c'est ce qu'il fait, lentement, espérant toujours accommoder l'affaire. Mais il est décrété en Parlement, déclaré coupable de lèse- majcstc divine, condamné de ce fait à venir, pieds nus, la corde au cou, au Parvis Notre-Dame, faire amende honorable, ensuite de quoi il sera brûlé vif en place de Grève. L'arrêt fut exécute en effigie le 19 août 1G23. « Le poète était à Chantilly, chez le duc de Montmo-

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210 TIIKOPHILE

rency. Par une délicatesse exquise, ne voulant pas que son protecteur fût inquiété, il s'enfuit, changeant tous les jours de retraite, mais, arrêté au Catelet, en Picardie, le 38 septembre, il est ramené de brigade en brigade, Dieu sait avec quelles brutalités ! transporté à la Conciergerie dans le cachot même avait langui Ravaillac. La situa- tion était navrante; la sentence du Parlement pouvait être appliquée le jour même, stricte : de plus, un in- quarto venait de paraître, du Père Garasse : « la Doc- trine curieuse des beaux esprits du temps, contenant plusieurs maximes pernicieuses à l'Etat et aux bonnes mœurs » in-quarto bourré d'injures à l'adresse de Théophile, « poetastre A'ilain, pouacre, écornifleur, yvron- gne, de Veau plutôt que de Viau, que dis-je un veau? d'un veau la chair en est bonne bouillie, rostie, de sa peau on couvre les livres, mais la tienne, meschant, n'est bonne qu'à estre grillée; aussi le seras-tu demain... » Ah I il s'en fallut de peu que la prédiction ne se réalisât; cependant, sur une apologie, très franche, très honnête et très loyale que le poète adressa au roi, le procès fut révisé : cela demanda deux ans deux ans d'incroya- bles souffrances, au bout desquels la peine fut commuée en un simple bannissement à perpétuité avec confiscation des biens. »

Théophile se retira à Chantilly, il avait trouvé l'hos- pitalité, mais M. de Gaillon (i) a prouvé qu'il n'y fit qu'un séjour assez bref, puisqu'on le retrouve, dans Tété de i6aG, au château de Selles, en Berry, chez le comte de Béthune. C'est de qu'il revint mourir à Paris, à l'hu- it) Le Poète Théophile, dans le Bulletin du Bibliophile, aoùt- seplembre 1855.

APPKNOICB

lel de Monlmorcncy.lc a5 septembre iGaG.îlt^c de trente- six ans. Il fut, dit Goiijpt (i), cnlcrrë dans le cimclièrc de Sainl-Nicolas-des-Ciiamps.

^2. Anecdotes

« Théophile avait une grande facilité à composer des vers; il en faisait même dans le moment sur le sujet qu'on lui proposait. Tels sont ceux qu'il fil au Louvre, devant Henri IV, sur une petite figure éipirslre en bronze de ce monaniue, qu'on venait d'apporter. Le poète, presse de dire son sentiment, passa doucement la main sur la croupe du cheval, en disant :

Petit cheval, joli cheval,

Doux au montoir, doux au descendre,

Bien plus pelil que Buc(5phal,

lu portes plus grand ((u'Alexandre.

(GoDJET, Blbl. fr., XIV.)

t Malherbe écrivait à Racan, le 4 novembre 1628 : Pour moi, je pense vous avoir déjà écrit que je ne le (Théophile) tiens coupable de rien que de n'avoir rien fait qui vaille au métier dont il se mesloit. » Quoique .Alalherbe n'estimât pas les vers de Théophile, Théo- phile ne laissait pas d'estimer ceux de Malherbe :

.Malherbe a très bien fait, mais il a fait pour lui.

J'niiiie sa renommée cl non pas sa le<;on. Théophile se moquait néanmoins de ces vers de Mal- Ci) Bibliothèque fvançaUe, lomc .\1V.

2 12 TIIICOPIIILE

herbe, Cette Anne si belle, et, pour les tourner en ridicule, il en avait ainsi parodié le premier couplet :

Ce l;rave Malherbe Qu'on lient si parfait. Donnons-lui de l'herbe. Car il a bien fait. »

(MÉNAGE, Anti-Baillet.)

Le jésuite Voisin, un des ennemis les plus acharnés de Théophile, fut exilé en 1626 et dut partir pour Kome, accompagné d'un M. Machaud ou Machault. Or, raconte le père Garasse :

« Les principaux amis de Théophile Viau, qui sont Vallaux (ou Vallot), Desbarreaux, Saint-Remy, les allè- rent surprendre sur le chemin de Dijon, sous prétexte d'un voyage vers la Limagne d'Auvergne. Ils l'atten- daient dans un logis sur le grand chemin auquel il de- vait nécessairement passer, et, le Père étant arrivé, ils lui firent mille caresses d'abord, et des protestations étranges d'une amitié sincère, et, sur leur départ, lui persuadèrent par leurs cajoleries d'entrer dans leur car- rosse, donnant son cheval et celui de M. Machaud, son compagnon, à deux laquais pour les mener doucement ; auxquels néanmoins ils avaient donné le mot de courir devant à toute bride. Quand ils tinrent le Père dans le carrosse, ils lui firent mille indignités, jusques à le souffleter et lui tirer la barbe, et lui donnèrent des coups d'éperons dans le ventre : ce qu'il endura patiem- ment, sans leur répondre une seule parole. M. Machaud, néanmoins, leur donna une verte réprimande, et, levant la portière, s'élança du carrosse, et fît si bien qu'il tira

APPENDICE aiiJ

le père île Jours mains, parrc que le carrossier mrrne clail honteux des indigiiiti's que l'ou comuiotlait eu sa pcrs(inn<'. Après tous ces outrages, ils furent contraints tic courir à pied plus d'une lieue, pour avoir leurs che- vaux et leurs hardes. »

(L. P. Garasse, Mémoires publiés par Cl). Nisard, 18G1.)

« La maladie de Théophile fut longue. J'apprends de Clioricr, dans la Vie de Pierre de Boissat, part. I, p. 30, que Théophile étant au lit de mort, et recevant visite de son ami Boissat, témoigna une extrême envie de manger des anchoix. Celui-ci, qui croyait ce mets fort conlraire à un malade, le lui refusa, et depuis s'en repentit, disant, quand l'occasion se présentait d'en parler, que ces an- choix auraient peut-être sauvé la vie à son ami, la nature souhaitant (juelqucfois des choses qui, toutes malsaines qu'elles paraissent, lui seraient très salutaires, par la dis- position particulière elle se trouve. »

(MÉNAGE, Anti-Baillet.)

« Il (Théophile) mourut comme une béte le premier (le 20) septembre iGaG, dans l'iiùtel de Montmorency, après avoir traduit en risée les exhortations qu'on lui faisait pour l'amendement de sa vie. Car telles furent les paroles que m'en écrivit M. de Saint-Nicolas (le curé de la paroisse), du 20 septembre iGaG : Theophilus,iit vLvit, ila inortuus est. sine sensu religionis et pielalis. »

(Gau.\.sse, Méni.)

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TIIEOrHILE

3. Nécrologie

« Théophile mourut le sS septembre, après avoir été exilé par plusieurs fois, étroitement emprisonné, et .avoir employé si longtemps le premier Parlement de France à sa condamnation. Enfin, il mourut d'une fièvre tierce, qui commença de le tourmenter quelque temps après son élargissement. Sa mort enfanta encore autant d'écrits, les uns pour, et les autres contre lui, comme l'on avoit fait durant sa prison. Le discours remarquable qui se fit sur sa vie et mort dit que le grand amas de mélancolie qui s'estoit fait en lui pendant sa prison avoit conçu un ardeur (se voyant élargi) qui lui causa cette fièvre tierce, qui eût été peu de chose si l'on y eût apporté les remèdes et que l'on eût suivi le chemin ordinaire de la médecine frayé par Hippocrate, qui estoit le plus sûr, de même qu'il estoit le premier de cet art ; mais le malheur voulut qu'un chimiste eut le premier le soin de Théophile en cette maladie, lequel lui donna d'une poudre pour lui faire perdre cette fièvre tierce, la- quelle se tourna en quarte et se communiqua après au cerveau, ce qui contraignit Théophile de se mettre au lit, oii, après avoir été trois semaines, la parole enfin lui cessa, ses yeux appesantis ne purent plus vaquer à leur fonction ordinaire, et ses oreilles se fermèrent. Après cela, lui étant sorti quelques larmes des yeux, la violence du mal le contraignit de payer le tribut à la na- ture. Voilà le dernier état de Théophile et la fin de ses

jours. »

(Mercure français, t. XII, 1626.)

II

JLGEMEXTS LnTER.\IRES

i 1

}c ne sasTois approever (elt« liche espèce d'hoo»- mes qui mesoreot U dur«e de leur aSectioo à ctllu de la félicite de leurs amis ; et pour moi, bien loio d'être d'une hauteur si basse, je me pique d'aimer jus<[iies ea la prisoD et dans le sépulcre. J'en ai rendu des temoi» SToa^res publics durant la pln$ chaude perscvution de ce in^nd et dÎTÎn Théophile, et j'ai fait voir »iue. parmi riufidèliiè du siècle nous sommes, i! se trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser tout ce que les autres craignent: mais, puisque sa mort m'a ravi le moyen de le serrir. je veux donner à sa mémoire les soins que j'avois destinés à sa personne, et faire voir à la postérité que, pourvu <pie l'i^orance des imprimeurs ne oiette point de faute à des ouvrais qui d'eux-mêmes n'en ont pas une, elle ne sauroit rien avoir qui puisse égaler ce qu'ils valent. Or, de ce grand nombre d'im- pressions qu'on a fait par toute la France de ces exce!-

es, je n'en ai point remarqué qui ne doive ^ ceux qui s'en sont voulu mêler, et, certes, je

- . - -• -rer de les voir jamais dans leur

. >4u*un imprimeur de cette ville, plus

désireux à'ao|uerir de l'honneur que du bieu, sans coasi-

21 C\ TIIKOPIHLE

§ 3, Nécrologie

« Théophile mourut le 35 septembre, après avoir été exilé par plusieurs fois, étroitement emprisonné, et .avoir employé si longtemps le premier Parlement de France à sa condamnation. Enfin, il mourut d'une fièvre tierce, qui commença de le tourmenter quelque temps après son élargissement. Sa mort enfanta encore autant d'écrits, les uns pour, et les autres contre lui, comme l'on avoit fait durant sa prison. Le discours remarqualjle qui se fit sur sa vie et mort dit que le grand amas de mélancolie qui s'estoit fait en lui pendant sa prison avoit conçu un ardeur (se voyant élargi) qui lui causa cette fièvre tierce, qui eût été peu de chose si l'on y eût apporté les remèdes et que l'on eût suivi le chemin ordinaire de la médecine frayé par Hippocrate, qui estoit le plus sûr, de même qu'il estoit le premier de cet art; mais le malheur voulut qu'un chimiste eut le premier le soin de Théophile en cette maladie, lequel lui donna d'une poudre pour lui faire perdre cette fièvre tierce, la- quelle se tourna en quarte et se communiqua après au cerveau, ce qui contraignit Théophile de se mettre au lit, où, après avoir été trois semaines, la parole enfin lui cessa, ses yeux appesantis ne purent plus vaquer à leur fonction ordinaire, et ses oreilles se fermèrent. Après cela, lui étant sorti quelques larmes des yeux, la violence -àa mal le contraignit de payer le tribut à la na- ture. Voilà le dernier état de Théophile et la fin de ses

jours. »

(Mercure français, t. XII, 1626.)

I

APPENDICE

II

JUGEMENTS LITTÉUAIH ES

« Je ne sa'jrois approuver celte làclie espèce d'hom- mes qui mesurent la durée de leur affection à celle de la félicité de leurs amis ; et pour moi, bien loin d'être d'une humeur si basse, je me pique d'aimer jusques en la prison et dans le sépulcre. J'en ai rendu des tcmoi» j;;Dagcs publics durant la plus chaude persécution de ce grand et divin Théophile, et j'ai fait voir que, parmi l'intidélité du siècle nous sommes, il se trouve encore des amitiés assez généreuses pour mépriser tout ce que les autres craignent; mais, puisque sa mort m'a ravi le moyen de le servir, je veux donner à sa mémoire les soin» que j'avois destinés à sa personne, et faire voir à la postérité que, pourvu que l'ignorance des imprimeurs ne mette point de faute à des ouvrages qui d'eux-mêmes n'en ont pas une, elle ne sauroit rien avoir qui puisse égaler ce qu'ils valent. Or, de ce grand nombre d'im- pressions qu'on u fait par toute la France de ces excel- lentes pièces, je n'en ai point remarqué qui ne doive faire rougir ceux qui s'en sont voulu mêler, et, certes, je commençois à désespérer de les voir jamais dans leur pureté naturelle, lorsqu'un imprimeur de cette ville, plus désireux d'acquérir de Ihoniieur que du bien, sans consi-

OIO THEOPHILE

dérer le temps, la peine et la dépense, s'est ofl'ert d'y apporter tout ce que peut un homme de sa profession. J'ai pris celte occasion au poil, et, me servant des ma- nuscrits que la bienveillance de cet incomparable au- teur a mis jadis entre mes mains, j'en ai corrigé ses épreuves si exactement que quiconque achètera ce digne livre sans doute sera contraint d'avouer que c'est la première fois qu'il a bien lu Théophile. De sorte que je ne fais pas difficulté de publier hautement que tous les morts ni tous les vivants n'ont rien qui puisse approcher des forces de ce vigoureux génie ; et si, parmi les der- niers, il se rencontre quelque extravagant qui juge que j'offense sa gloire imaginaire, pour lui montrer que je le crains autant comme je l'estime, je veux qu'il sache que

je m'appelle

De Scuderv (i). »

§ 2

« J'ai lu ^Malherbe et Théophile ; ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier, d'un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu'elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; il en fait la peinture ou l'histoire.

«L'autre, sans choix, sans exactitude, d'une plume li- bre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s'appesan- tit sur les détails; il fait une anatomie; tantôt, il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature ; il en fait le

roman. »

(La Bruyère. Des ouvrages de l'esprit.)

(1) Préface de l'édition de 1G32 et de toutes les suivantes.

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A PrENDlCE

217

§ 3

< ijiKMcjuc iri> inférieur à Malherbe, il est certain qu'il n'est pas étonnant qu'il ait ébloui quelques person- nes de son temps, et qu'il se soit trouve alors dans Paris, comme le dit M. Despréaux.

... des sots de qualité Pour juger de travers arec impunité, .\ Malherbe, à Racan préft-rer Théophile, etc.

On pouvoit ne pas s'apercevoir aussi facilement alors qu'aujouni hui qu'il y a beaucoup d'irrégularité et de né- gligence dans ses vers; que ce poète s'est plus piqué d'es- prit que de justesse: qu'il a plus donné à l'imagination qu'au jugement.

« Mais on pouvoit l'excuser aussi en faveur même de son imaginaliou, qu'il avoil belle et grande, et de son heu- reux génie; et croire que si la mort ne l'avoit pas sur- pris à l'âge de trente-six ans, et s'il eût eu une vie moins orageuse, il auroit donné dans un âge plus avancé, et dans une situation plus tranquille, des ouvrages plus par- faits et plus exacts. »

(Goujet, Bibliothèque française, tome XIV.)

« Celte fois, c'est d un véritable grand poète que nous allons parler. Il est mort jeune ; il a été persécuté toute sa vie et méconnu après sa mort. On voit que sa destinée de malheur a été complète : aussi dit-il lui-même qu'il fallait qu'il fût sous une étoile enragée.

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2l6 THÉOPHILE

dérer le temps, la peine et la dépense, s'est ofl'ert d'y apporter tout ce que peut un homme de sa profession. J'ai pris cette occasion au poil, et, me servant des ma- nuscrits que la bienveillance de cet incomparable au- teur a mis jadis entre mes mains, j'en ai corrigé ses épreuves si exactement que quiconque achètera ce digne livre sans doute sera contraint d'avouer que c'est la première fois qu'il a bien lu Théophile. De sorte que je ne fais pas difficulté de publier hautement que tous les morts ni tous les vivants n'ont rien qui puisse approcher des forces de ce vigoureux génie ; et si, parmi les der- niers, il se rencontre quelque extravagant qui juge que j'otïense sa gloire imaginaire, pour lui montrer que je le crains autant comme je l'estime, je veux qu'il sache que

je m'appelle

De ScunERY (i). »

« J'ai lu ;Malherbe et Théophile ; ils ont tous deux connu la nature, avec cette différence que le premier, d'un style plein et uniforme, montre tout à la fois ce qu'elle a de plus beau et de plus noble, de plus naïf et de plus simple; il en fait la peinture ou l'histoire.

«L'autre, sans choix, sans exactitude, dune plume li- bre et inégale, tantôt charge ses descriptions, s'appesan- tit sur les détails; il fait une anatomie; tantôt, il feint, il exagère, il passe le vrai dans la nature; il en fait le

roman. »

(La Bruyère. Des ouvrages de l esprit.)

(1) Préface de l'édition de 1032 et de toutes les suivantes.

APPENDICE 217

§ 3

« Oiioi(]iic dès infériinir à Malherbe, il est certain qu'il n'est |)as l'ionnanl qu'il ail ébloui quelques person- nes de son tcm|)s, et qu'il se soit trouvé alors dans Paris, comincle dit M. Desprcaux,

... des sols (le qimlité Pour juger 'le travers avec inipunité, A Malherbe, à Hneau préférer Théophile, etc.

o On pnuvoit ne pas s'apercevoir aussi facilement alors qu'aujourd'hui qu'il y a beaucoup d'irrcjîularit('' et de iié- f;liçcnce dans ses vers; que ce poète s'est plus pi([ué d'es- prit que de justesse: qu'il a plus donné à l'imagination qu'au jugement.

« Mais on pouvoit l'excuser aussi en faveur même de son imagination, qu'il avoit belle et grande, et de son heu- reux génie ; et croire que si la mort ne l'avoit pas sur- pris à l'âge de trente-six ans, et s'il eût eu une vie moins orageuse, il auroit donné dans un âge plus avancé, et dans une situation plus tranquille, des ouvrages plus par- faits et plus exacts. »

(Goujet, Uibliolhùque française, tome XIV.)

a Cette fois, c'est d'un véritable grand poète que nous allons parler. Il est mort jeune ; il a été persécuté toute sa vie et méconnu après sa mort. On voit que sa destinée de malheur a été complète : aussi dit-il lui-même qu'il fallait qu'il ftit sous une étoile enragée.

THEOPHILE

« Il serait complètement oublié sans les deux ridicules vers de Nicolas Boileau dans l'Art poétique :

A Malherbe, à Racan préférer Théophile,

Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile,

et sans une mauvaise pointe tirée de sa tragédie do Pyrame et Thisbê :

Le voilà, ce poignard qui, du sang de son maître, S'est souillé lâchement; il en rougit, le traître,

que l'on cite dans tous les traités de rhétorique comme un monstrueux exemple de faux goût, ce qui ne l'empê- che pas d'être un poète dans le sens le plus étendu du mot, et d'avoir fait un des vers les plus vantés de l'abbé Delille :

11 n'oyt * que le silence, il ne voit rien que l'ombre,

et beaucoup d'autres dont de plus heureux ont profité, entre autres le même Nicolas Boileau qui parle de lui d'un ton si dédaigneux. Il est vrai qu'il le met en com- pagnie du Tasse, et que c'est un affront que l'on pourrait envier...

i( 11 est difficile d'avoir un plus heureux tempérament poétique que Théophile. Il a de la passion non seule- ment pour les hommes de vertu, pour les belles femmes, mais aussi pour toutes les belles choses; il aime un beau jour, des fontaines claires, l'aspect des montagnes, l'é- tendue d'une grande plaine, de belles forêts, l'océan, ses vagues, son calme, ses rivages; il aime encore tout ce qui touche plus particulièrement les sens, la musique, les fleurs, les beaux habits, la chasse, les beaux chevaux.

■■'■ ' 9

les bonnes odeurs, la bonne chère; c'est une Amcfacileel pleine de sympathies, prèle à se passionner à propos de tout cl de rien, un vrai cristal à mille facéties, rélléchis- Eunt dans chacune de ses uuamcs un tableau différent, avivé et nuancé de tous les feux de l'iris, et je ne sais vraiment pour(juoi son nom est si totalement oublié, tandis que celui de Malherbe, l'éplucheiu' juré de diph- thoni;ues, est partout cité avec honneur. Riais, comme je l'ai dit, Théophile était sous une étoile enragée, et de tout temps les hommes de prudence l'ont emporté sur les hommes d'audace : c'est ce (jui explique comment le grammairien Malherbe a éclipsé Théophile le poète...

« Théophile a fait à Chantilly trois ou quatre pièces de vers oii fourmillent, parmi un grand nombre de beautés, un aussi grand nombre de fautes de goût. Ces pièces sont malheureusement trop longues pour les rapporter ici. Elles sont semi-mythologiques, semi-descriptives et marquées du sceau le plus original et le plus étrange. Je ne sais si vous avez vu djins quelque galerie un de ces tableaux, l'Albanc jette, sur un fond si vert qu'il en est noir, un essaim de petits amours bien blancs, avec de toutes petites ailes bien roses : ou bien, avcz-vous vu au Musée la délicieuse aquarelle de Dccamps représentant des baigneuses? Si vous avez vu l'un ou l'autre, ou tous les deux, vous pouvez vous former une idée de ce que sont les charmantes stances de Théophile ; ce sont de grands arbres, vieux chênes séculaires dont le front .s'ar- rondit en panache d'un vert foncé, se détachent sur un ciel d'outremer, pommelé çà et de nuages blonds et flo- conneux. Ce sont des terrasses de brique avec des angles de pierre, de grandes fleurs épanouies dans des vases de

220

THEOPHILE

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marbre, df s im tes à pente douce et à balustres ventrus. C'est un p.ir' I lis XIII dans toute sa maçoificence. On voit à tra\ fis arbres et derrière les charmilles courir des daims \\\'\\ et blancs comme la neiçe: des perdrix, des faisans cl' Ilhine se promènent familièrement dans les allées .jv' ite leur couvée; des ruisseaux coulent en babillant S' des arcades de feuillage, et se vont rendre à l'etan ît aux viviers, naçent indolemment, dans une caii ' mantée, quelques cygnes, le col replié, les ailes oiivm>. Pour personnage, sur le devant, une belle jeune 1' ]i , assise sur l'herbe haute et drue de la rive, pêcln i 1 gne les beaux poissons bleus et rouges des réservons )ans le fond des vallées, de petits amours relKmd blancs et potelés qui se jouent ensem- ble, et puis un lupe de ces belles nymphes allégoriques comme on les ignait de ce temps, un peu cousines de celles de Ru as, plus femmes que déesses, avec des mamelles sailla îs, les hanches larges et ondoyantes, les bras gras ei 'ods, les mains et les joues toutes plei- nes de fossettes i chevelure blonde et flottant en arrière comme un man; u d'or, l'œil limpide el bleu, la bouche souriante et ro t comme un pavot, le dos et l'épaule d'une blancheur ; lis et d'un poli d'agate, qui reluisent sous l'eau verte mme autant de statues d'i^'oire submer- gées. Cette ondst si claire et si fraîche dans son cadre de verdure que s étoiles, la nuit, descendent du ciel pour s'y baigne; mies nues. Ce val est si solitaire et si discret ([ue Dian.ta chaste, ne craint pas d'y amener son Endymion et de / baiser au front avec ses lèvres d'ar- gent. C'est un p adis à dégoûter du paradis terrestre. C'est un de ces bux rêves que les poètes et les peintres

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font le soir quand ils regardent le s(jlei-.e coucher der- rière les grands marronniers, et comme en ai fait bien souvent à ma fenêtre en regardant les p.iUonsde brique et les toits d'ardoise de ma place Roye, au bruit de l'eau dans les bassins et du vent datis h arbres.

« Quant à la place que Théophile do lenir parmi les poètes de son temps, elle est diftuîile marquer. Il est mort très jeune et n'a pas eu le Icm; de réaliser ses idées, ou du moins il n'a pu le faire qi d'une manière incomplète; mais tel qu'il est, il mms mble, Régnier étant mort et Corneille n'étant pas i^nc venu, le poêle le plus remarquable de celte période; i' aut mieux que Hardy et que Porchère, que Bois-Rolier Maynard, Gom- baud, et tous les beaux esprits du temps ni ont, du reste, plus de mérite que l'on n'a l'air de le crie. Saint-Amant est le seul, à notre avis, qui le puisse Ij.Micer avec avan- tage ; mais aussi Saint-Amant csl-il u grand poète, d'un magnifique mauvais goût, el d'un erve chaude et luxuriante qui cache beaucoup de di; luts dans son fumier, mais il n'a pas l'élévatioii la mélancolie de Théophile, ce qu'il rachète par i grotesque et un entrain dont Théophile n'est pas d:'-. L'un fait de la poésie d'homme gras, l'ane de la poésie d'homme maigre, voilà la différence, 'ur Malherbe et Racan, quoiqu'ils soient plus irréproclules, ils lui sont assurément inférieurs, et j'ai loujours '■ étonné du dis- crédit et de l'oubli ce nom recoin innlable à tant d'é- gards est tombé depuis si longtemps. Mntenant que les réformes qu'il voulait introduire sont ;riptécsdc tout le monde, peut-être n'y trouvera-l-on rie que de fort sim- ple et de fort naturel; mais il faut su riorter au temps ;

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220 THKOPIIILE

marbre, des rampes à pente douce et à balustres ventrus. C'est un parc Louis XIII dans toute sa magnificence. On voit à travers les arbres et derrière les charmilles courir des daims privés et blancs comme la neige; des perdrix, des faisans de la Chine se promènent familièrement dans les allées avec toute leur couvée; des ruisseaux coulent en babillant sous des arcades de feuillage, et se vont rendre à l'étang et aux viviers, nagent indolemment, dans une eau diamantée, quelques cygnes, le col replié, les ailes ouvertes. Pour personnage, sur le devant, une belle jeune femme, assise sur l'herbe haute et drue de la rive, pèche à la ligne les beaux poissons bleus et rouges des réservoirs. Dans le fond des vallées, de petits amours rebondis, blancs et potelés qui se jouent ensem- ble, et puis un groupe de ces belles nymphes allégoriques comme on les peignait de ce temps, un peu cousines de celles de Rubens, plus femmes que déesses, avec des mamelles saillantes, les hanches larges et ondoyantes, les bras gras et ronds, les mains et les joues toutes plei- nes de fossettes, la chevelure blonde et flottant en arrière comme un manteau d'or, l'œil limpide et bleu, la bouche souriante et rouge comme un pavot, le dos et l'épaule t d'une blancheur de lis et d'un poli d'agate, qui reluisent - sous l'eau verte comme autant de statues d'ivoire submer- gées. Cette onde est si claire et si fraîche dans son cadre de verdure que les étoiles, la nuit, descendent du ciel pour s'y baigner toutes nues. Ce val est si solitaire et si discret que Diane, la chaste, ne craint pas d'y amener son Endymion et de l'y baiser au front avec ses lèvres d'ar- gent. C'est un paradis à dégoûter du paradis terrestre. C'est un de ces beaux rêves que les poètes et les peintres

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AfrUNDICE 2«I

f'onl le soir (luand ils rc^ardcnl le soleil se coucIict der- rière les u:raii(ls nuirrounicrs, el comme j'en ai (ail bien stiuvcnt à ma l'enôtre en rei;'ardant les pavillonsde brigue el les toits d'ardoise de ma place lloyale, au bruit de l'eau dans les bassins el du venl dans les arbres.

<< (Juanl à la place que Tla-ophile doit tenir parmi les poètes de son temps, clic est dit'ticile à manjucr. 11 est mort 1res jeune et n'a pas eu le temps de réaliser ses idées, ou du moins il n'a pu le faire que d'une manière iii(Om]>lèle; mais tel qu'il est, il nous semble, Régnier étant mort et Corneille n'étant pas encore venu, le poclc le plus remaripiabic de celte période; il vaut mieux que Hardy el que Porchère, que Bois-Roberl, Maynard, Gom- baud, et tous les beaux esprits du temps qui ont, du reste, pins de mérite que l'on n'a l'air de le croire. Saint-Amant est le seul, à noire avis, qui le puisse balancer avec avan- tai^e; mais aussi Saint-Amant est-il un grand poète, d'un magnifique mauvais goût, el d'une verve chaude et luxuriante qui cache beaucoup de diamants dans son fumier, mais il n'a pas l'élévation et la mélancolie de Théophile, ce qu'il rachète par un grotesque et un entrain dont Théophile n'est pas doué. L'un fait de la poésie d'homme gras, l'autre de la poésie d'homme maigre, voilà la ditVércnce. Pour Malherbe et Racan, quoiqu'ils soient plus irréprochables, ils lui sont assurément inférieurs, el j'ai toujours élé étonné du dis- crédit et de l'oubli ce nom recommandable à tant d'é- gards est tombé depuis si longtemps. Maintenant ([ue les réformes qu'il voulait introduire sont acceptées de tout le monde, peut-être n'y Irouvera-l-on rien (jue de fort sim- ple et de fort naturel ; mais il faut se reporter au temps ;

222 TIIieOPIIILE

et par ce qui arrive dans la suite, on verra combien Théophile était un esprit progressif et en avant de son siècle; mais toutes les vérités ont toujours quelque pau- vre saint Jean précurseur qui marche hors de la voie, prêche dans le désert et meurt à la peine. Théophile a été un de ceux-là ; et s'il revenait au monde maintenant, nul doule qu'il ne fût une des plus lumineuses étoiles de la nouvelle pléiade. »

(Théophile Gautier, les Grotesques.)

§ 5

« ... Thisbé, si moquée, la Thisbé de Théophile, avec quelle grâce délicieuse elle raconte à Bersiane sa peur du bruil, de la vie extérieure du mouvement des choses!

THISBÉ

Sais-tu pas bien que j'aime à rêver, h. me taire, Et que mon naturel est un peu solitaire, Que je cherche souvent h m'oter hors du bruit ? Alors, pour dire vrai, je hais bien qui me suit. Quelquefois mon chagrin trouverait importun. La conversation de la bonne Fortune, La visite d'un dieu me désobligerait, Un rayon de soleil parfois me fâcherait.

Et que les professeurs ne viennent pas nous dire que le sentiment de la nature était inconnu au xvii* siècle, quand on trouve encore dans ce même Théophile des vers tels :

Les roses des rosiers, les ombres, les ruisseaux, Le murmure des vents et le bruit des oiseaux...

ArPENDU'.r.

ou tels :

Clia(|uo saison donne ses fruits, I.'Aiiti>nino nous donne ses pommes, I.'llivrr donne ses louffucs nuits Pour un plus grand repos des hommes, I^ Printemps nous donne des Heurs, Il donne l'Ame et les couleurs A la feuille (|ui semblait morte...

Je ne sais plus le reste. On lit toujours les mêmes livres, acheva Calixte, sans se douter que ceux-là seuls ont un inliTct «lue le grand nombre dédaigne.

Théophile, dit Entraînes, est un des rares poètes français. Il est plein de délicates rêveries, je le connais bien et je l'aime :

Prête-moi ton sein pour y lioire Des odeurs ([ui m'embaumeront. »

(Remy deGourmo-nt, Siœtine, i8go.)

§ 6

« Théophile de Viau... était un poète irrégulier, non- chalant, négligé, diffus souvent, mais doué de la plus charmante imagination du monde.

«... A vrai dire, il a ru tous les Ions et pour ainsi dire tous les goûls. Il a été poète philosophe dans la Mort de Sacrale, poêle précieux dans Pijrame, poète Malherbien dans ses odes. Le plus souvent, c'est un virtuose qui s'ac corde lui-même avec l'instrument qu'il prend en main, au lieu de l'accommoder à soi. il est vraiment lui-même et d'un vrai mérite, c'est dans ses ouvrages élégiaqucs. Le Théophile amoureux et le Théophile rustique son

224 THÉOPHILE

quelquefois charmants... Soit qu'il décrive, dans, /a Mai- son de Sylvie, une nature très civilisée, parc, jardins, pièces d'eau, etc., soit que, plus rustique, il nous peigne les coleaux dorés du soleil, les vignes, les grappes mûres et les espaliers de son pays, il est minutieux, un peu mesquin, « il s'appesantit sur le détail », comme dit La Bruj'ère, il décrit infatigablement et comme insatia- blementde petites choses; mais cela prouve qu'il regarde et qu'il aime à regarder, et l'on voit bien qu'il sent pro- fondément le charme de ce qu'il décrit, et il a des bon- heurs d'expression àfaire envie aux plus grands poètes... La Solitude, après un beau début, est un peu traînante ; mais des vers charmants, originaux, qui n'ont jamais été < faits auparavant, y fleurissent par intervalles.

«... 11 est admirable pour rencontrer des vers pittores- ques, de ceux que les Anglais, dès le xvui' siècle, ont appelés romantic... 11 est même romantique jusque dans les excès du romantisme moderne. Cela est rare, mais est à noter comme tendance...

« C'était un beau génie poétique très mal réglé et avec des bizarreries et incartades. 11 était plein d'imagination et d'esprit. . . »

(Emile Faguet, Histoire delà littérature française, igoo, tome II.)

«... Le talent poétique de Théophile de Vian consiste surtout à une succession (on pourrait dire accumulation) d'images brillantes, ou plutôt brillantées.

Cette manière, si en contraste avec celle plus sobre de l'art classicjuc au dix-septième siècle, surprit et fit extra- vaguer l'ignorance des Romantiques, au temps ils

AIM'ENDK.E 225

venaient de découvrir, pour s'en n'clamer, toute la bande obscure des rimeurs Louis XIII,

Tlicopliile Gautier (il est vrai qu'il n'avait point achevé de jeter sa gourme) en délira. Ouant à Sainte-Beuve, il fut plus circonspect et remit les choses en place.

Disons que ce pittoresque, souvent défraîchi, venait à Théophile de Viau et à ses émules, du seizième siècle finissant. Mais comme alors les derniers héritiers directs de la Pléiade savaient encore observer la décence et fuir une improvisation de mauvais aloi !

^lalgré toutes réserves et toutes répu^^nanccs, malgré les objections les plus fortes, il faut avouer que Théophile, ainsi que quelques autres parmi ses contemporains, avait reçu le don de poésie, vicié certes, mais véritable.

Théophile n'est pas si primesautier ou plein de fraî- cheur (jue quelques-uns l'affirment, ni Boileau-Despréaux si morne et rébarbatif que plusieurs, hier encore, se flat- taient de le penser.

Hélas ! la juste ojjinion a sa tare comme la fausse. Saisir un avis et rappliiiucr ciiaque fois à point, mais c'est le diable !

« Plus d'un parle encore de Théophile, et avec assez d'ostentation, mais en continuant d'iiçnorer ses ouvrages, sauf (juelques morceaux cités par Gautier et principale- ment la Solitade.

A la vérité, celte pièce, qui est fort longue et que Gau- tier a su émonder avec discernement, enferme plus d'une image poétique vive et harmonieuse.

La première strophe en est belle :

i5

220 THÉOPHILE

Dans ce val solitaire et sombre. Le cerf qui brame au bord de l'eau, Penchant ses yeux dans un ruisseau, S'amuse à regarder son ombre.

Dans ses paysages, Théophile de Viau nous montre, comme d'ailleurs tous ses contemporains, un mélançe de faux et de vrai qui ne laisse pas d'être curieux à noter. Dans un décor de toile et de carton-pâte, au milieu des concetti et des pointes, il trouve moyen de faire entendre parfois la voix naturelle des choses...

Les rayons du jour égarés Parmi les ombres incertaines Eparpillent les feux dorés Dessus l'azur de ces fontaines. Son or dedans l'eau confondu Avccque ce cristal fondu Mêle son teint et sa nature, Et sème son éclat mouvant. Comme la branche au gré du vent Eiïace et marque sa peinture.

On comprend l'éblouissement de la jeunesse romanti- que devant de pareils vers : elle y trouvait un modèle de débraillé et de truculent cher à ses propres aspirations. Cependant Théophile de Viau vivait en un temps les plus abandonnés gardaient encore comme un arrière- goût de style.

Ce que le romantisme a goûté chez les petits poètes Louis XIII, ce que les ignorants y goûtent encore au- jourd'hui, c'est surtout le plaisir de la surprise.

Ne soyons pas tout à fait intolérants avec la nouveauté même équivoque. Et j'ajouterai: Admettons une pointe de mauvais goût capable de relever à l'occasion le beau N immuable. Mais il ne faut pas qu'elle l'encanaillé.

aim'knhicg K27

V Certes, la Irage'die de Pijratne et Tliisbè contribua peu à la gloire de Tlico[)hile de Viau. Cependant, il ne serait pas exagéré de direcju'elle le garda de l'oubli mieux toute autre de ses œuvres. Et cela, à cause d'un hémisti- che qui est devenu proverbial, ayant fait sourire les doc- tes et les ignorants.

Le passage suivant de Boilcau finira de vous rappeler cette affaire.

« Veut-on voir, dit-il. combien une pensée fausse est froide et puérile? Je ne saurais rapporter un exemple qui le fasse mieux sentir que deux vers du poète Théophile, dans sa tragédie intitulée Pyrame et Thisbé, lorsque cette malheureuse amante ayant ramassé le poignard encore tout sanglant dont Pyrame s'est tué, elle querelle ainsi ce poignard :

Ah ! voici lo poignard qui du sang de son maître S'est souillé Idchement. Il en rougit, le traître!

« Toutes les glaces du Nord ensemble ne sont pas, à Hion sens, plus froides que cette pensée. Quelle extrava- gance, bon Dieu ! de vouloir que la rougeur du sang dont est teint le poignard d'un homme qui vient de s'en luer lui-même soit un effet de la honte qu'a ce poignard de l'avoir tué I »

A la vérité ce : Il en rougit, le traître', lu à sa place, ne doit pas surprendre outre mesure dans une œuvre écrite tout entière dans un style renchérissant sur les préciosités les plus forcées. Avouons maintenant qu'il se rencontre dans Shakespeare, dans quelques Espagnols

2 28 THÉOPHILE

et dans Racine même deux ou trois fois, de pareilles o extravagances » et qui, à force de génie, touchent au sublime. Mais il est vrai dédire qu'il vaudra toujours mieux se tenir dans la juste mesure.

***

« Théophile professait qu'il fallait que le discours fût ferme et le sens naturel et facile ; il rejetait les afféleries « qui ne sont que mollesse et qu'artifice », comme par exemple : L'aurore toute d'or et d'azur, brodée de per- les et de rubis, paraissait aux portes de rOrient. Les étoiles, éblouies d'une plus vive clarté, laissaient effa- cer leur blancheur et devenaient peu à peu de la cou- leur du ciel, etc.

« Le plaisant est qu'il se trouvait être justement plein à l'excès de toutes ces molles afféteries et que son discours manquait surtout de fermeté et de bon naturel... »

(Jean Moréas, l'Ermitage, i5 oct. 1906.)

§8

«... Pendant ce temps, la réputation de Théophile allait grandissant; l'éclat de son nom se répandait par toute la France, et c'est sur lui que tous les poètes, tous les beaux esprits tenaient les yeux fixés comme sur leur chef... Malherbe, que les vers de Boileau ont mis hors de pair, malgré l'admiration de quelques-uns, n'a jamais obtenu parmi ses contemporains cette place incontestée que lui donne la postérité, et certes si Théophile eût vécu,

APPENDICE 229

Tht'opliile eùl occupé le premier rang que nul ne lui aurait disputé. »

(CiiAiiLKs Garrisson, Tlu'opliilc et Paul de Vian, r.-iris, Picard, 1899.)

III LE PARNASSE SATYRIOUE

Le J'amasse salijriqae est un recueil de vers le madrigal voisine avec l'épigramme obscène et l'élégie avec l'ode priapique. Il parut en 1622 et ne souleva nulles colères. L'année suivante, l'imprimeur Lestoc en fit une nouvelle édition avec le nom de Théophile. Sur la dénon- ciation probable du jésuite Garasse qui, dans la suite, s'acharna après lui, Théophile fut poursuivi et condamne à être brûlé vif. Il put s'enfuir, fut pris, jeté en prison, puis relaxé après deux ans de procédures et de vexa- lions.

Âlleaume, dans son édition des Œuvres de Théophile (r866), a donné en appendice les pièces obscènes qui lui sont, sans preuve, attribuées. Nous ne pouvons ici être aussi hardis. Ce sont de pures ordures et on souhaite quelles ne soient pas de Théopliilc.

« G est, dit Théophile Gautier, un singulier monument littéraire, dans son genre, que le Parnasse satyrique : quelle différence avec les petits vers orduriers de Fer-

23o

THEOPHILE

V'

rand, de Dorât, de Voisenon, et autres coureurs de ruelle, mousquetaires ou abbés! c'est comme une tête du Garavage, toute noire de bitume, à côté d'un pastel de Latour, enluminé de carmin ; comme un bas-relief de vase antique à côté d'une lithographie de Maurin. Sans doute de pareilles productions sont indiçnes de l'art ; mais cependant il y reste encore assez d'art pour qu'on les voie brûler avec un sentiment de regret, et qu'on en retire avec le bout des doigts quelques feuillets échappés au feu de paille du bourreau : c'est comme ce musée erotique de Naples et ces belles statues qu'on n'a pas le courage de briser, mais sur qui la morale est obligée de tirer à tout jamais son rideau. »

Tout n'est pas à dédaigner dans ce Parnasse, bien qu'il soit assez inférieur, dans son genre, au Cabinet salyri- que paru quelques années auparavant. Vers obscènes : que cela ne nous effraie pas trop ! La seule différence qu'il y ait entre la poésie obscène et l'autre est dans le vocabulaire. Un mot fait du Lac de Lamartine une poésie obscène, tant il est vrai que l'obscénité est une question de philologie. Dans l'une et dans l'autre poésie, le sujet est le même, le rêve est le même, le désir est le même et l'une et l'autre aboutissent nécessairement au Crescite et multiplicaniini que Marot et, après lui, Théophile traduisirent en termes fâcheux pour les oreilles chastes. Une partie des pièces obscènes du Parnasse sati/riqae est obtenue ainsi ; c'est œuvre de libraire sans scrupule ou de grimaud gagiste. Comme c'est difficile de substi- tuer au mot aimer tel mot sale ou tel mot technique ! Et voilà-t-il pas un quatrain bien troublant!

Quelques pièces ont délibérément été écrites sur le

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APPENDICE

2.U

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laiesf»

mode grossier. II en est de rebutantes; il en est de spi- rituelles ; il en est de tout ù fait licencieuses ; il en est peu de voluptueuses : quelques-unes sont assez piquantes. J'avoue goûter fort l'épilaphe appelée Tombeau :

Ci-dessous gll la belle Njmphe aa lait ; Fille d'amour et mère des andouilles, Qui aima mieux le f que le iait Et usa moins de souliers que de c ,

Le trait est donné par le mot çrossier, qui ne paraît que vif, parce qu'il est un trait. Ccpen.'fant, de peur de rouçir, soyons discrets.

Voici deux épigrammes qui sont presque de bonne compagnie et qui certes n'avaient nul besoin d'être impri- mées sous le manteau :

ÉPIGRAMME

CorfîHe d'un seul fils fut mère. Qui, mort, fut mis au cercueil. Toute la cour en fut en deuil, Car chacun s'en pensait le père.

ÉP1GR.\.MME

Je perds mon temps et mes disours De vous raconter mes amours El la rigueur de mon martyre. Mon désir ne se peut borner; Je veux ce que je n'ose dire Et ce qu'on a'ose me donner.

Celle-ci a le mérite de l'impiété :

ÉPIGRAUME

J'enrage de lever la cotte De quelque jolie huguenote

230 THÉOPHILE

rand, de Dorât, de Voisenon, et autres coureurs de ruelle, mousquetaires ou abbés! c'est comme une tête du Caravage, toute noire de bitume, à côté d'un pastel de Latour, enluminé de carmin ; comme un bas-relief de vase antique à côté d'une lithographie de Maurin. Sans doute de pareilles productions sont indisi;nes de l'art ; mais cependant il y reste encore assez d'art pour qu'on les voie brûler avec un sentiment de regret, et qu'on en retire avec le bout des doigts quelques feuillets échappés au feu de paille du bourreau : c'est comme ce musée erotique de Naples et ces belles statues qu'on n'a pas le courage de briser, mais sur qui la morale est obligée de tirer à tout jamais son rideau. »

Tout n'est pas à dédaigner dans ce Parnasse, bien qu'il soit assez inférieur, dans son genre, au Cabinet salyri- que paru quelques années auparavant. Vers obscènes : que cela ne nous effraie pas trop I La seule différence qu'il y ait entre la poésie obscène et l'autre est dans le vocabulaire. Un mot fait du Lac de Lamartine une poésie obscène, tant il est vrai que l'obscénité est une question de philologie. Dans l'une et dans l'autre poésie, le sujet est le même, le rêve est le même, le désir est le même et l'une et l'autre aboutissent nécessairement au Crescite et multiplicamini que Marot et, après lui, Théophile traduisirent en termes fâcheux pour les oreilles chastes. Une partie des pièces obscènes du Parnasse satyrique est obtenue ainsi ; c'est œuvre de libraire sans scrupule ou de grimaud gagiste. Comme c'est difficile de substi- tuer au mot aimer tel mot sale ou tel mot technique ! Et voilà-t-il pas un quatrain bien troublant!

Quelques pièces ont délibérément été écrites sur le

AHPl'NnK.E 23 1

mode çrossier. 11 en est de rebutanlcs; il ca est de spi- rituelles ; il en est de tout à fait licencieuses ; il en est peu de voluptueuses ; quelques-unes sont assez piquantes. J'avoue i;-oiUer fort l'épitaiihe appolcc Tombeau :

Ci-(lossi)Us gll la belle Nymphe au lait ; Fille d'amour et m^re des aiidotiillcs. Qui ainia mieux le f que le lait Et usa moins do souliers que de c .

Le trait est donné par le mot c;rossier, qui ne paraît que vif, parce qu'il est un trait. Cepen.-fant, de peur de rouiçir, soyons discrets.

Voici deux épigrammcs qui sont presque de bonne compagnie et qui certes n'avaient nui besoin d'être impri- mées sous le manteau :

ÉPKinAMMi:

CorHIle d'un seul fils fut mère, Qui, morl, fut mis nu cercueil. Toute la cour en fut en deuil, Car chacun s'en pensait le pt're.

ÉPICiHAM.ME

Je perds mon temps et mes discours De vous raconter mes amours Et la rigueur de mon martyre. .Mon désir ne se peut horner ; Je veux ce qne je n'ose dire El ce qu'on n'ose me donner.

Celle-ci a le mérite de l'impiété :

ÉPIGRAMME

J'enrage de lever la cotte De quelque jolie huguenote

232 THÉOPHILE

Et de faire un timbre* plaisant

A quelque huguenot sufTisant.

Ce n'est pas que j'aime le vice,

Ni pour pratiquer l'exercice

Que le sale Arétin décrit.

Tout ce qui me le fera faire

N'est que pour venger le Saint-Père

Qu'ils ont appelé l'Antéchrist.

Quant à ces quatrains, on les trouvera je pense de l'excellente satire et bien dans la tradition des médisances contre les femmes :

QUATRAINS

Délivre-moi Seigneur.

Des filles de Paris qui ne disent, sinon : Je ne vous entends point, cela vous plaît à dire Qui ne répondent rien que oui et voire et non Et au partir de se mêlent de médire, Délivre-moi Seigneur.

De celle qui vous jure, étant entre vos bras. Que vous êtes tout seul qu'elle aime et favorise Et si vous la laissez seulement de trois pas, Vous trouvez aussitôt que votre place est prise, Délivre-moi, Seigneur.

De celle-là qui dit qu'elle n'échauffe pas Si elle est seule au lit, qu'elle y meurt, qu'elle y glace, Qui veut avoir quelqu'un pour réchauffer sa place. Qui ne craint nullement que l'on use ses draps, Délivre-moi, Seigneur.

De celle-là qu'on dit commenter (1) l'Aretin, Qui fait fort bien les vers, qui écrit bien en prose, Qui trouve fort mauvais qu'on touche à son tétin Et ne se fâche point que l'on touche autre chose. Délivre-moi, Seigneur.

(1) Texte : commencer...

233

De celle-là qui veut quelques tapisseries Avant que de vouloir vous donner ce qu'elle a, Kt quand ello en n eu, il fiiul des pieri'erics Kt puis une niaisou, avnnt d'en venir là, Délivre-moi, SeUjneur.

Do celle qui s'en va, balayant les églises, La chandelle à la main et un ^rand chapelet. Et si vous l'épiez, vous la verrez aux prises, Dedans un cabinet, avec quelque valet, Délivre-moi, Seigneur.

De celle-là qui feint s'enfermer tout le jour, N'ayant d'autre plaisir que d'être solitaire. Qui trouve fort mauvais que l'on parle d'amour, Qui n'en veut rien ouïr, mais qui le veut bien faire, Dilivre moi, Seigneur.

De ccllc-li\ qui dit qu'elle est fort bien pucelle, Qu'elle n'en quitte rien à fille de Paris, Et a toutes les nuits son ami auprrs d'elle, Non pas pour faire mal, mais de peur des esprits, Délivre-moi, Seigneur.

Voici quelque chose d'un peu plus scabreux, mais cela ne va pas encore très loin :

ÉPIGRAMME

Lorsque sur ton lit à mon aise, Catin, ton tétin droit je baise. Tu me dis : « 0 cher favori, o C'est le tétin de mon mari ; w Celui qui s'enlle au côté gauche o C'est pour toi seul qui nie débauches ; « Ton partage est bien le meilleur : « Puisque c'est le coté du cœur. »

Quant à ce sonnet, il faut se ri'signcr ou à le trouver plat, ou à n'en pas comprendre la pointe. Si l'on com-

234 THÉOPHILE

prend, on est perdu ; je compte sur beaucoup de mau- vaise volonté :

SONNET

Doux est le front de ma belle maîtresse, Doux est le trait que décochent ses yeux, Doux est son teint, doux son ris gracieux, Douce est aussi sa bouche charmeresse.

Douce est sa voix, douce sa blonde tresse. Douce est sa joue se plaisent les dieux ; Uoux est aussi son sein délicieux, Douce est sa main qui doucemeot me presse.

Douce est sa jambe et doux son pied joli, Doux son nombril, doux son ventre poli, Doux est l'attrait de sa grâce divine.

Mais plus que tout, ami, je trouve doux Le mouvement de cette belle Aline, Lorsqu'il advient qu'en secret e la f

Même remarque pour ce que l'on ose encore transcrire. L'esprit est dans le contraste entre une idée tendre et une image licencieuse ; l'éclair est obtenu par le frotte- ment d'un mot très doux et d'un mot très violent.. C'est, après tout, un genre les maîtres sont rares et l'on trouve peu de Régniers, de Motins, de Berthelots, de Théophiles, ou de Sigognes :

Je songeais que Phillis, des enfers revenue. Belle comme elle était à la clarté du jour. Voulait que son fantôme encor me (ît l'amour Et que, comme Ixion, j'embrassais une nue.

Son ombre dans mon lit se glisse toute nue. Et me dit : « Cher amant, me voici de retour,

APPENDICE 235

Je n'ai fnit qu'emliollir en ce triste S(^joui' (^û, depuis mon départ, lo sort m'a retenue.

Jo viens pour rebaiser le plus beau des amants, Je viens pour remourir dans tes embrassemoiits. s Alors, quand cotte idole cul abreuve ran flumme,

Elle me dit : c Adieu, je m'en vais chez les nioris', Comme tu t'es vanté d'avoir f... mon corps, Tu pourras te vanter <l'avoir f. .. mon âme. »

Cependant, el tel est bien mon dessein, avec ces jeux d'esprit, nous restons sur le seuil du Parnasse satyri- que. C'est un endroit où, si l'on peut y donner de compa- gnie un rapide coup d'oeil, on ne peut entrer que seul.

UN ninLIOPlIILE.

§ 2

« Arrêt de la Cour de parlement par lequel les sieurs Théophile, Berlhelot et autres sont déclares criminels de lèse-majesté divine pour avoir composé et fait imprimer des vers impies contre l'honneur de Dieu, son Eglise et honnêteté publique.

Avec défense à toutes personnes d'avoir ni tenir au- cuns exemplaires da livre intitulé le Parnasse satyri- que, n autres œuvres dudil Théophile, sous peine d'être déclarés fauteurs et adhérants dudil crime et punis comme les accusés.

A Paris, chez Antoine Vilray,au collège Saint-Michel, i6a3 (8 p. 10-13).

Arrêt de la Cour de Parlement contre Théophile et autres faiseurs de vers impies, exécuté le igaoùt i6a3.

Vu par la Cour, les Grand Chambre et Tournclle

236 THÉOPHILE

assemblées, l'arrêt de celle du ii juillet dernier, par lequel, sur la plainte faite par le procureur général du roi et livres par lui représentés, avoit été ordonné que les nomnoés Théophile, Berthelot, Colletet et Frenide ', auteurs des sonnets de vers contenant les impiétés, blas- phèmes et abominations mentionnées au livre très per- nicieux intitulé le Parnasse sàtyriqun, seraient pris au corps et emmenés prisonniers en la Conciergerie du Palais, pour leur être le procès fait et parfait, et ils ne pourraient être appréhendes, ajournés à trois brefs jours, à son de trompe et cris publics à comparaître en icelle; exploits de perquisition faits de la personne des- dits accusés, ajournements à trois brefs jours, les défauts à trois brefs jours obtenus en ladite Cour par le procureur général du roi contre ceux accusés le 5 août et autres jours suivants; autres livres et œu- vres dudit Théophile imprimés par les nommés Billaine et Quesnel ; conclusions du procureur général du roi ; tout considéré, dit a été que lesdits défauts ont été bien et dûment obtenus, et, pour le profit d'(iceux), ladite Coijr a déclaré et déclare lesdits Théophile, Berthelot et Colle- tet, vrais contumax, atteints et convaincus du crime de lèse-majesté divine, et, pour réparation, les a condamnés et condamne, sçavoir : lesdits Théophile et Berthelot à être menés et conduits des prisons de la Conciergerie en un tombereau au devant la principale porte de l'église Notre-Dame de cette ville de Paris, et là, à genoux, tête et pieds nus, en chemise, la corde au col, tenant chacun en leurs mains une torche de cire ardente du

i. Le nom est écrit comme dans la Doctrine curieuse du P. Garasse. 11 s'agit de N. Frenicle.

APrENDir.E 2'^•]

p.iiils de deux livres, dire et dcclarcr que très mécliam- iiieiil cl abomiDablcmenl ils ont composé, (ait imprimer et exposé en vente le livre intitulé le Parnasse safijri- (/ur, contenant les blasphèmes, sacrilèges, impiétés et abominations y mentionnées contre l'honneur de Dieu, son Ei^lise et honnêteté publique, dont ils se repentent et eu demandent pardon à Dieu, au roi et à justice. Ce fait, menés et conduits en la place de Grève de cette dite ville, et ledit Théophile brûlé vif, son corjis réduit eu cendres, celles-ci jetées au vent, et lesdits livres aussi brûlés, et ledit Berthelot pendu et étranglé à une potence qui, pour ce faire, y sera dressée, si pris et appréhendés peuvent être en leurs personnes; sinon ledit Théophile par figure et représentation, et ledit Berthelot en effigie à un tableau attaché à ladite potence. Tous et chacuns leurs biens déclarés acquis et confisqués à qui il appar- tiendra, sur lesquels et autres non subjects à la confisca- tion sera préalablement pris la somme de quatre mille livres d'amende applicables à œuvres pies, ainsi que ladite Cour avisera, et a banni et bannit ledit Colletet pour neuf ans hors du royaume; lui enjoint de garder son ban, à peine d'être pendu et étranglé; et, en tant que touche ledit Frcnide, a permis et permet audit procureur général du roi faire informer plus amplement contre lui des cas mentionné audit procès, circonstances et dépen- dances; fait ladite Cour inhibitions et défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'ils soient, d'avoir et retenir par devers eux aucuns exemplaires dudit livre intitulé le J'amasse satijrique, ni autres œu- vres dudit Théophile, ainsi leur enjoint les apporter et mettre dans vingt-quatre heures au grefle criminel

238 THIÎOPIIILE

d'icfille pour êire pareillement brûlés et rt'duits en cen- dres, sur peine, contre les contrevenants et qui s'en trou- veront saisis, d'être déclarés fauteurs et adhérents dudit crime et punis comme les accusés. Outre, ordonne que les libraires nommés Estoc, Sommaville, Billaine et Quesnel, qui ont imprimé les œuvres dudit Théophile, seront pris au corps et amenés prisonniers es prisons de la Conciergerie du Palais pour être ouïs et interrogés sur aucuns faits résultant dudit procès, et, ils ne pour- ront être appréhendés, seront ajournés à trois brefs jours à son de trompe et cris public à comparaître en icelle, leurs biens [saisis et commissaires y établis jusqu'à ce qu'ils aient obéi .

Prononcé et exécuté le 19 août 1623. »

'i 3

APOLOGIE AU ROI

... Ce premier arrêt donné par contumace n'énonce aucunes charges et informations faites contre moi ; les ruses de mes ennemis ont surpris la religion de la Cour, et supposé malicieusement des livres dont j'avois désa- voué et la composition et l'impression, et fait condam- ner les libraires par sentence du Prévôt de Paris. Même, d'un dessein particulier que j'avois d'en éclaircir mes accusateurs, que la condition de Religieux me faisoit croire plus aveuglés de zèle que d'inimitié, je pris le soin de leur faire voir la condamnation de l'imprimeur absent et fugitif, mais ils ont toujours déguisé la con- noissance de mon bon droit, et par une hypocrisie cruel-

AI'PKNDir.F. 239

le, ont continué leurs sollicitalions, jusqu'à ce qu'une ignominie publique leur eiH fait cun'e de ce fanlônie qui fut hriUé en ma représentation. Ce qui fait évanouir toutes les apparences de l'infamie que je pouvois encourir par ce jugement, et qui aconvaiiicu l'absurdité de ccsinu- tiles poursuites, c'est que le dernier Arrêt donné en plein Parlement, et en grande assemblée de Juges, a re- connu véritable le désaveu que j'avois fait des livres sup- posés; comme le premier jugement fut sans aucune preuve ni d'écrits, ni de témoins contre moi. aussi l'a-t-on poursuivi au temps que votre Parlement étoit congédié, à cause de la contagion, et qu'en l'absence du plus grand nombre de Messieurs de la grand Chambre, il fallut cxtraordinairement emprunter des Juges des Enquêtes pour trouver le nombre de dix Juges, auquel nombre le procès de contumace fut visité et jugé en une matinée seulement, qui est pour cela peu de temps. Je ne me plaindrai jamais de votre Parlement ; la voix publique est véritable, qui nous apprend que c'est la justice est rendue avec intégrité, et que l'innocence n'y peut être opprimée. 11 m'a conserve la vie que l'on conspiroit de m'ôter avec l'honneur, et m'a banni sans être convaincu que du malheur d'avoir été haï.

Les mieux sensés et les plus Chrétiens du siècle, qui sont instruits des faussetés de mes accusations, accom- parent» mon accident au.x Arrêts qui souvent intervien- nent aux procès de sortilège, lors que vos premiers Juges ont condamné à mort des pauvres paysans idiots; le Parlement, qui est l'asile de l'innocence, justifie ces mi- sérables, et néanmoins sur la diffamation les bannit du lieu de leur, demeure.

240

THEOPHILE

h

C'est une Décessité de la Police contre laquelle je ne murmure point, aussi bien ai-je contribué quelque chose à mon malheur, pour ce que d'abord, au lieu de lui résis- ter, je lui cédai, et le renforçai au lieu de le corrompre. 11 est vrai que les Juges ne font rien par imprudence, ni par colère.

Mon absence, qui n'éloit que de peur, a donné des soupçons de crime, et la fuite, que je prenois par respect de mes ennemis, a autorisé leur persécution. Tandis que mon éloignement sembloit appujer les prétextes de leur inimitié, V. M. faisoit paraître quelque trace des favora- bles inclinations qui m'ont engagé à son service. Ils em- ployoient avec licence tout l'effort et l'artiGce qui pouvoit faire réussir leur entreprise. On m'avoit bouché tous les passages du Royaume. Quelques Prévôts, de rintellii::ence de leur cabale, éloient toujours aux environs du lieu de ma retraite. Leurs livres, leurs sermons, leurs visites et leurs voyages n'avoient plus autre sujet que mon oppres- sion. J'ai une consolation bien glorieuse et très sensible d'avoir reconnu que V. M. ne donnoit aucun aveu à tous ces appareils de ma perte. Vous prêtiez votre consente- ment à mon salut, et la disposition que vous aviez à me plaindre plutôt qu'à me punir condamnoit la procédure de mes parties, et détruisoitles avantages qu'ils pensoient tirer de mon éloignement; vous approuviez le soin de ceux qui me vouloient conserver. Monsieur de Montmo- rency remarqua que "V^. M. m'aimoit autant à Chantilly qu'à Londres, et l'exemple de votre bienveillance me ser- voit de protection inviolable envers tous ceux qui avoient à cœur votre respect et la charité chrétienne. Le Parle ment imitoit votre bonté, et par une connoissance parti-

appendii;e

241

salière de vos intentions me permettoit de fuir lentement, ■t donnoil assez de loisir à mes ennemis pour se dédire l'une poursuite qui n'a fini qu'à leur confusion. J'étois iéjà sur la frontière, en la méditation de quitter ma pa- rie, et dans l'incertitude d'y plus revenir, et cette con- rainte d'éloigner «votre Courtenoit mon esprit dans des roubles qui me rendoienl indifférentes et la capture et lë- ■~asion. Ce chansrement de pays ne m'eût pas été fâcheux i\ Dieu m'eût fait naître ailleurs qu'en France, ou sous un lulre rè^e que celui de V. M., mais votre Empire et os vertus ont pour moi des amorces si puissantes que :'est me retirer du monde que de vous abandonner : aussi n'en allois-je avec des inquiétudes et des paresses, qui témoismoient assez que le danger de mourir en votre Royaume m'affliçeoit moins que le regret d'en sortir. Cette appréhension ne laissoit point de repos en mon âme. J étois déjà dans les supplices dont mon emprison- nement m'a retiré, et si la violence de mes ennemis n'eût précipité le dessein de ma ruine, j'eusse toujours reculé à ma justification, et on n'eût jamais découvert mon innocence, ni leur imposture. Lorsque j'élois aux termes de relâcher * à leur fureur, et que la patience de V. M. et des Juges leur donnoit et le temps, et le con- seil de se modérer, un homme qui fait profession de Re- ligieux, et qui a fait le dernier vœu, s'avisa de corriger voire clémence, et n'étant hardi que de ma timidité, s'a- rentura de me tendre les pièges dont il se trouve encore enveloppé. 11 avoit à dévotion un Lieutenant du Prévôt de la Connétablerie nommé le Blanc, son confident parti- culier : celui-là prit un tel soin de lui rendre cette com- plaisance, et se trouva si puissant dans celte conunis-

16

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*3

et par ce qui arrive dai la suite, on verra combien Théophile était un esprit OErressif et en avant de son siècle; mais toutes les v('i s ont toujours quelque pau- vre saint Jean préi^ursen ui marche hors de la voie, proche dans le désert et irt à la peine. Théophile a été un de ceux-là; et s'il /enaitau monde maintenant, nul doulc qu'il ne fût une ;s plus lumineuses étoiles de la nouvelle pléiade. »

(THÉopnii.t Utier, les Grotesques.)

4

y

« ... Thisbc, si nu quelle grâce déii( bruil, de la vii-

a Thisbé de Théophile, avec

cinlc à Bcrsiane sa peur du

nioiivement des choses!

y..

Sais-tu pas bien que j -i; \ r.*vcr, à me taire,

Et que mon naturel i~ 'lire.

Que jo cherche souv. rs du bruil î

AI..: ' [iii me suit.

n, importun.

L: -. .. c,

La visite d un

Un rayon de ^ . "'t-

Et que les professeurs n iennent pas nous dire que le

sentiment de la nalu: lit inconnu au xvn* siècle,

quand on trouve en n;- ms ce même Théophile des vers tels :

Les roses dos losui - Le murmure des vu.

~ ruissv.-iux. 'js oiseaux..

ttiinaiB

OU tels :

Chaque saison donn<

-s Is.

L'Aulomne noi;-

ninu"-.

L'Hivei' donne

Pour un plus l

.. ; liuniiiies,

Le Prinlcmps ii

e Meurs,

II donne l'àiiie i

le

A la feuille qui seiul

liilt a '.e...

Je ne sais plus le rr-; I jujour^ les m' in'S liyreu,

acheva Calixte, s;ii a que ceux-là seuls oui un

intérêt que le grau - p. Jaigne.

Théophile, dit 1 ^ ; u est un des rares poètM français. Il est plein de. délk îb rêveries, je le connais bien et je l'aime ;

Prête-moi ton sein pnnr y re Des odeurs (|iii " i ut

(Ri,

'.NT, Sijctine, 1890.)

« Théophile de \ chalant, négligé, à charmante imaginai

«... A vrai dirr, \' tous les goûts. 11 :i Socrate, poète ]ii'e( dans ses odes. Le j corde lui-même avr lieu de l'accommod et d'un vrai mérite, c- ->i Le Théophile amoureux

Il poète irrégulier, aon- , mais doué de la pla«

Q de.

0- les loDs et pour ainsi dire l'isophe dans la M>irl de rame, poète Malherbien '"-t un virtuose qui s'ac

: qu'il prend en maio.aa

< il est vraiment lui.mte*

da se-,

* ne».

240 THi;oririLE

C'est une nécessité de la Police contre laquelle je ne murmure point, aussi bien ai-je contribué quelque chose à mon malheur, pour ce que d'abord, au lieu de lui résis- ter, je lui cédai, et le renforçai au lieu de le corrompre. Il est vrai que les Juges ne font rien par imprudence, ni par colère.

Mon absence, qui n'éloit que de peur, a donné des soupçons de crime, et la fuite, que je prenois par respect de mes ennemis, a autorisé leur persécution. Tandis que mon éloignement sembloit appuyer les prétextes de leur inimitié, V. M. faisoit paraître quelque trace des favora- bles inclinations qui m'ont engagé à son service. Ils em- ployoient avec licence tout l'effort et l'artifice qui pouvoit faire réussir leur entreprise. On m'avoit bouché tous les passages du Royaume. Quelques Prévôts, de l'intelligence de leur cabale, éloient toujours aux environs du lieu de ma retraite. Leurs livres, leurs sermons, leurs visites et leurs voyages n'avoient plus autre sujet que mon oppres- sion. J'ai une consolation bien glorieuse et très sensible d'avoir reconnu que V. M. nedonnoit aucun aveu à tous ces appareils de ma perte. Vous prêtiez votre consente- ment à mon salut, et la disposition que vous aviez à me plaindre plutôt qu'à me punir condamnoit la procédure de mes parties, et détruisoitles avantages qu'ils pensoient tirer de mon éloignement; vous approuviez le soin de % ceux qui me vouloient conserver. Monsieur de Montmo- rency remarqua que V. M. m'aimoit autant à Chantilly qu'à Londres, et l'exemple de votre bienveillance me ser- voit de protection inviolable envers tous ceux qui avoient à cœur votre respect et la charité chrétienne. Le Parle- ment imitoit votre bonté, et par une connoissance parti-

APPENDICE 24 l

culicre de vos internions mepcrmclloil de fuir lentement, et doiinoil assez de loisir à mes ennemis pour se drdire d'une jioursuite qui n'a fini qu'à leur confusion. J'ctois déjà sur la frontière, en la méditation de quitter ma pa- trie, et dans l'incertitude d'y plus revenir, et cette con- trainte d'cloii^ner* votre Courtenoil mon esprit dans des troubles (pii me rcndoient indilVorentes et la capture et l'é- vasion. Ce changement de pays ne m'eût pas été fâcheux si Dieu m'eût fait naître ailleurs qu'en France, ou sous un autre règne que celui de V. M., mais votre Empire et vos vertus ont pour moi des amorces si puissantes que c'est me retirer du monde que de vous abandonner : aussi m'en allois-je avec des inquiétudes et des paresses, qui témoicnoient assez que le danger de mourir en votre Royaume m'affligeoit moins que le regret d'en sortir. Celte appréhension ne laissoit point de repos en mon ;îme. .1 étois déjà dans les supplices dont mon emprison- nement m'a retiré, et si la violence de mes ennemis n'eût précipité le dessein de ma ruine, j'eusse toujours reculé à ma justification, et on n'eût jamais découvert mon innocence, ni leur imposture. Lorsque j'élois aux termes de relâcher * à leur fureur, et que la patience de 'V. M. et des Juges leur donnoit et le temps, et le con- seil de se modérer, un homme qui fait profession de Re- ligieux, et qui a fait le dernier vœu, s'avisa de corriger votre clémence, et n'étant hardi que de ma timidité, s'a- Tentura de me tendre les pièges dont il se trouve encore enveloppé. II avoit à dévotion un Lieutenant du Prévôt de la Connétablerie nommé le Blanc, son conBdent parti- culier : celui-là prit un tel soin de lui rendre celte com- plaisance, et se trouva si puissant dans cette commis-

iC

2/^2

THEOPHILE

y

sion, qu'une place qui peut soutenir des sièges royaux se trouva foible pour ma protection. Ce Religieux qui dis- posa si absolument de cet officier de Justice, et qui trouva le Gouverneur de votre Citadelle si facile, c'est, Sire, le Père Voisin, Jésuite, qui, par une fantaisie déréglée et par UQ caprice très scandaleux, s'est jeté dans la ven- geance d'un tort qu'il n'a point reçu, et s'est forgé des sujets d'offense, pour avoir prétexte de me haïr. Jedirois à V. M. les secrètes maladies de cet esprit, si ce n'étoit une incivilité criminelle que de vous en entretenir : cet homme-là, égaré de son sens, très ignorant du mien, a fait glisser dans des âmes foibles une fausse opinion de mes mœurs et de ma conscience, et prostituant l'autorité de sa robe à l'extravagance de sa passion, il a fait éclat de toutes ces infâmes accusations, dont il fait aujourd'hui pénitence. Il a pénétré tous les lieux de ses connoissan- ces et des miennes, pour y répandre la mauvaise odeur qui avoit rendu ma réputation si odieuse. Il a suborné le zèle d'un Père éloardi (i), qui a vomi tout un volume, pour décharger la bile de son compagnon : c'est l'auteur de la Doctrine Curieuse et de quelques autres livres ou- trageux, à qui ma seule disgrâce semble avoir donné des privilèges, et dont les crimes n'ont trouvé de l'impu- nité qu'en la faveur de cette animosité publique, qui au- torise tout ce qui peut injurier. Le rapport de l'erreur populaire à ces génies malins, et certaine conformité des envieux et des ignorants, m'avoit suscité une haine si générale, et tellement altéré les sentiments des gens de

(1) Le P. Garasse, qui produisit contre Théophile un énorme li- belle aussi infâme que bouûon : Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps.

K^

Al'FKMilCK

243

bien, (Jup chacun avoil intt'rrt à me déshonorer, et que personne ne pouvoit èlre sauv»', b'il ne lûchoit à me per- dre. Cela me mit des espions partout : mes plus sûres conlidcnccs ui'étoient des einhùchcs, et le lieu de mon asile fut celui de ma prise... Je suis l'exemple de la plus longue et plus dure calamité de votre siècle. Il n'y a point d'homme qui ait des appétits si délicats pour la vie ni de si tendres sentiments pour la volupté, qui n'aimât mieux se priver de lun et de l'autre par des tourments les plus exquis *, que de souffrir le sale et le cruel traite- ment d'une si lon^rue prison (jue la micime. Si Dieu ne m'eût fait naître d'un tempérament robuste et d'une cons- titution bien saine, je fusse mort mille fois de plusieurs incommodités, dont, Dieu merci, je n'ai pas été seule- ment malade. On m'a traité deux ans durant avec des rigueurs capables de consommer des pierres; d'abord que je fus pris on me tint pour condamné ; ma détention fut un su[iplice et les Prévôts, des exécuteurs. Ils étoient trois sur chacun de mes bras, et autour de moi autant que le lieu par je passois en pouvoit contenir. Od m'enleva dans la chambre du sieur de Mcnilier pour y faire mon procès-verbal, qui ne fut autre chose que l'in- ventaire de mes bardes et de mon argent, qui me fut tout saisi. Apres mon interroc:atoire, qui ne contenoit aucune accusation, monsieur de Commartia m'assura que j'étois mort; je lui répondis que le Roi éloit juste et moi inno- cent. De il ordonna que je fusse conduite Saint-Quen- tin, par oli il prenoit son chemin, afin de rejoindre Mon- sieur le Connétable qu'il avoit quitté pour assister le Pré- vôt à ma capture. On m'attacha de grosses cordes par tout, et sur un cheval foible et boiteux, qui m'a fait cou-

2!\2 THÉOPHILE

sion, qu'une place qui peut soutenir des sièges royaux se trouva foible pour ma protection. Ce Religieux qui dis- posa si absolument de cet officier de Justice, et qui trouva le Gouverneur de votre Citadelle si facile, c'est, Sire, le Père Voisin, Jésuite, qui, par une fantaisie déréglée et par un caprice très scandaleux, s'est jeté dans la ven- geance d'un tort qu'il n'a point reçu, et s'est forgé des sujets d'offense, pour avoir prétexte de me haïr. Jedirois à V. M. les secrètes maladies de cet esprit, si ce n'étoit une incivilité criminelle que de vous en entretenir : cet homme-là, égaré de son sens, très ignorant du mien, a fait glisser dans des âmes foibles une fausse opinion de mes mœurs et de ma conscience, et prostituant l'autorité de sa robe à l'extravagance de sa passion, il a fait éclat de toutes ces infâmes accusations, dont il fait aujourd'hui pénitence. 11 a pénétré tous les lieux de ses connoissan- ces et des miennes, pour y répandre la mauvaise odeur qui avoit rendu ma réputation si odieuse. Il a suborné le zèle d'un Père éloardi (i), qui a vomi tout un volume, pour décharger la bile de son compagnon : c'est lauleur de la Doctrine Curieuse et de quelques autres livres ou- trageux, à qui ma seule disgrâce semble avoir donné des privilèges, et dont les crimes n'ont trouvé de l'impu- nité qu'en la faveur de cette aniraosité publique, qui au- torise tout ce qui peut injurier. Le rapport de l'erreur populaire à ces génies malins, et certaine conformité des envieux et des ignorants, m'avoit suscité une haine si générale, et tellement altéré les sentiments des gens de

(1) Le P. Garasse, qui produisit contre Théophile un énorme li- belle aussi infâme que bouil'un ; Doctrine curieuse des beaux: esprits de ce ttmps.

Al'PENUICK 2/|5

bien, que cliaciiii avoil inlriVt à me «It'shonorer, el (|uo personne no pouvoit <^lri' saiiv»', s'il ne lilcfioil îi me per- dre. Cela uie mit des espions partout : mes |>lus silrcs couliil<nces m'éloienl des cml)ilclics, cl le lieu de mon asile fut celui de ma prise... Je suis l'exemple de la plus longue cl plus dure cuhimilé do voire siècle. II n'y a |x>int d'homme (|ui ail des a|)pé(its si délicats pour la vie ui de si tendres sentiments pour la volupté, qui n'aimât mieux se priver de l'un et de l'autre par des tourments les plus exquis *, (juc de souffrir le sale et le cruel traite- ment d'une si lons;ue prison <pic la mienne. Si Dieu ne m'eût fait naître d'un îcmpérament robuste et d'une cons- titution bien saine, je fusse mort mille fois de plusieurs incommodités, dont. Dieu merci, je n'ai pas été seule- ment malade. Ou m'a traité deux ans durant avec des rij^ucurs capables de consommer des pierres; d'abord que je fus pris on me tint pour condamné ; ma détention fut uu supplice el les Prévols, des exécuteurs. Ils étoient trois sur chacun de mes bras, et autour de moi autant que le lieu par je passois en pouvoit contenir. On m'enleva dans la chambre du sieur de Menilier pour y faire mon procès-verbal, qui ne fut autre chose que l'in- ventaire de mes bardes et de mon arijcnt, qui me fut tout saisi. Apres mon interroc;atoire, qui ne conlenoit aucune accusation, monsieur de Commartin m'assura que j'élois mort; je lui répondis que le Roi étoit juste et moi inno- cent. De il ordonna que je fusse conduità Saint-Quen- tin, par oîi il prenoil son chemin, afin de rejoindre Mon- sieur le Connétable qu'il avoil quille pour assister le Pré- vôt à ma capture. On m'attacha de grosses cordes par tout, cl sur un cheval foible el boiteux, qui m'a fait cou-

244 THÉOPHILE

rir plus de risque que tous les témoins de mes confron- tations. L'exécution de quelque criminel bien célèbre n'a jamais eu plus de foule à son spectacle que j'en eus à mon emprisonnement. Soudain que je fus écroué, on me dévala dans un cachot, dont le toit même étoit sous terre ; jecoucliois tout vêtu et chargé de fers si rudes et si pe- sants, que les marques et la douleur en demeurent encore en mes jambes; les murailles y suoient d'humidité, et moi de peur. Je vous confesse, Sire, que je ne me trouvai ni assez brûlai ni assez philosophe pour me résoudre promptement en un accident si outrageux...

Je passois ces premiers jours de ma captivité dans des incommodités très rigoureuses, et dans de vives appré- hensions de mon procès, qui m'a toujours été plus à craindre pour la puissance de mes ennemis que pour mon crime. Et sans blesser l'intégrité des autres corps de Justice, je crois que l'avantage que V. M. m'a fait, de laisser ma cause à la Cour du Parlement de Paris, a beaucoup diminué mon danger. Ces Juges-là, Sire, ne trompent personne et ne sauroient être trompés. Us en- voûtèrent la compagnie de Deffuntis à Saint-Quentin, pour de me conduire à la Conciergerie du Palais.

J etois bien aise d'aller rendre compte de ma vie de- vant des gens que je sa vois être capables de la bien ména- ger. Mais la rudesse de ceux qui m'amenèrent troubloit un peu mon espérance, et me faisoit craindre la passion de quelques particuliers, qui pouvoient leur avoir recom- mandé cette sévérité ; mes accusateurs ont des instru- ments de toute nature et condition partout. J'étois monté encore plus mal que l'ordonnance de Monsieur de Com- marlin, et attaché tout le long du voyage avec des chaî-

APPENDICE 2/);)

nos, sans avoir la liberté du sommeil ni du repos, et sans quitter les fers ni nuit ni jour : on ne suivit jamais le praïul chemin, et comme s'il y eût eu des desseins par- tout à menlcver, les troupeaux ou les arbres un peu éloi- gnés leur donnoienl quelques alarmes assez ridicules, que je réserve à mes vers, plus capables de cette peinture que la prose. Etant arrivé à la Conciergerie, dont la presse du peuple m'empéchoit l'entrée, je fus enlevé dans la grosse tour, et porté tout d'abord dans le même cachot, le plus exécrable parricide de la mémoire * a été gardé; on y renferma deux gardes, (pii furent quatre mois dans le cachot, avec aussi peu de liberté que j'en avois. Le chagrin et les maladies, (]ui sont presque inévitables en ce-licu là, leur firent à la fin donner licence de sortir; de- puis on m'associa des prisonniers appelant de la mort. Après avoir été six mois dans une très grande impatience de me faire ouïr, Monsieur le Procureur Général me fit l'honneur de me venir voir, sur le bruit qu'il eut d'une abstinence extraordinaire dont je me macérois depuis qucl(jues jours, lime parla avec des civilités que je n'eusse pas méritées même en l'état de liberté, et commanda très expressément à ceux qui avoienl charge de moi de me gouverner avec toute la douceur que la nécessité de leur devoir me pouvoit faire espérer. En cela il a été toujours très mal obéi, car ces gens-là, sans se contenir même dans la rudesse permise aux guichetiers les moins humains, ont passé au-delà de la félonie des hommes les plus barbares. Je ne saurois, avec le respect que je dois à V. M., lui dépeindre les saletés et l'horreur ni du lieu ni des personnes dont j'élois gardé : je n'3' avois de la clarté que d une petite chandelle à chaque repas ; le jour y

2/i6

THEOPHILE

éclaire si peu, qu on ne sauroit discerner la voûte d'avec 'e plancher, ni la fenêtre d'avec la porte. Je n'j- ai jamais eu de feu ; aussi la vapeur du moindre charbon, n'aj'alit là-dedans par sexhaler, m'eût été du poison ; mon lit étoit de telle disposition que l'humidité de l'assiette et la pourriture de la paille y engcndroit des vers, et autres animaux qu'il me falloit écraser à toute heure. Divers prisonniers qui ont été avec moi, s'ils en sont sortis pour vivre, peuvent vérifier mes plaintes. L'on me nourrissoit de la pension qu'il a plu à V. M. de me continuer, mais mon manger et mon boire étoient tels qu'ils sembloien t avoir re<;u pour me faire mourir l'argent que vous leur don- niez pour me faire vivre ; et comme si les cruautés d'un tel entretien n'eussent pu donner assez d'exercice à leur ma- lice, ils s'ingérèrent dans mes affaires, et trompant la fa- cilité que j'ai toujours eue à donner ma confidence à ceux qui la demandent, par diverses ruses ils attrapèrent tous mes secrets, qui se sont par la grâce de Dieu trou- vés à ma justification. Pour un témoignage plus, mani- feste de la fureur extraordinaire qui les animoit contre moi, c'est que durant tout le temps d'une si dure captivité toutes sortes d'objets, de frayeurs et de peines me tenoient toujours en nécessité de consolation, il ne me fut jamais permis de communiquer avec un Religieux, ni de me faire donner un chapelet. Il sembloit qu'on eût pris à lâche de me faire périr le corps et l'âme; c'est alors que mes accusateurs faisoient retentir les Eglises de médisances dont l'Hôtel de Bourgogne eût été scan- dalisé.

C'est lors, Sire, que le Père Guérin fit un voyage exprès en Bretagne, pour suborner des témoins contre moi, ce

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APPENDICE

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que je vt'rifierai par des Conseillers de la Cour du Par- lement, de llenncs.cl lui-même a eu l'audace de d»'poscr; triais il n'a osé soutenir la confrontation. Le Pore Chaillou, supérieur des Minimes, qui est en réputation d'avoir bon sens et bonne conscience, représenta à ses Confrères les aifronts que ce détracteur faisait ordinairement à leur couvent, si bien qu'on se résolut de le faire sortir de Paris, ses imprudences se faisoient avec trop d'éclat. Je serais bien heureux, si les compac:nons du Père Garasse tn avoicnt donné sujet d'un ressentiment pareil. Le Père Margaslant, sup'ricur des Jésuites de Paris, après m'avoir tiil plusieurs injures dans son collège, s'en alla solliciter Monsieur le Lieutenant Civil, pour faire donner niaio- levée aux imprimeurs, de ce ramas de bouffonneries et d'impiétés de Garassus, quej'avois fait saisir. Le P. Voi- sin a été chez plusieurs de mes Juges à leur demander ina mort pour la défense de la Vierge et des Saints, dont il leur recommandoit la c^use. Et voilà, Sire, tout le fondement de ces cricries impudentes dont ils ont si longtemps agité mon innocence, et tout ce que ce long travail de persécution a pu produire contre moi.

La Cour ayant député Messieurs de Pinon et de Ver- tamond, pour instruire mon procès, on me fit sortir du cachot j'avois été six mois sans voir la clarté, et on m'amena devant eux dans la salle de saint Louis, le grand air m'éblouit d'abord, et faillit à me fairepàmer; après avoir levé la main et dit mon nom, mon pays, mon âge et ma profession, ou me demanda si j'étois catholique romain, et si je l'avois toujours été. Je répon- dis qu'il y avoil peu de temps que j'étois catholique, et qu'auparavant j'avois toujours fait profession de la

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si peo, qu'on ne smroit discerner la route d'arec

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APPENDICE

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que je vérifierai par des Conseillers de la Cour du Pa iement de Rennes, et lui-niCmc a eu l'audace de d- [-dseï iriais il n'a osé soutenir la confrontation. Le Père Chailio' supérieur des Minimes, qui est en réputation d'avoir bc sens et bonne conscience, représenta à ses Confrères li affronts que ce détracteur Caisait ordinairement à loi couvent, si bien qu'on se résolut de le faire sortir < Paris, ses imprudences se faisoientavec trop d'éclat.» serais bien heureux, si les compagnons du Père G:irasi m'avoient donne sujet d'un ressentiment pareil. I' Margastant, sup:'rieur des Jésuites de Paris, aprc- dit plusieurs injures dans son collège, s'en alla s._m, .vj Monsieur le Lieutenant Civil, pour faire donner niaiJ levée au.x imprimeurs, de ce ramas de bouffon i. d'impiétés de Garassus, quej'avois fait saisir. L' sin a été chez plusieurs de mes Juges à leur demMiili ma mort pour la défense de la Vierge et des Saints, doi il leur recommandoit la cause. Et voilà. Sire, tout fondement de ces crieries impudentes dont ils ont pou innocence, et tout ce que ce lo 1 a pu produire contre moi. ité Messieurs de Pinon et de Ve n)on procès, on me fit soriii s sans voir la clan aile de saint Lou faillit à me faire t mon nom, mo me demanda s: s toujours été. .!■ que j'étois cal s fait professio

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ndu à ma justifica-

. u'avois autre chemin à

répondis que je n'arois

>, que cëtoit un ouvrage de

luit sans mVloiçncr du sens de

ce n'ctoit point par je rendois raison

: >iir montrer que j'étois chrétien, jallois

luniois, je me confessois. On m'allé-

« f'" ce traité, dont je me suis en-

parle jamais de Platon sans

quoi fairManx>urer la peine

traductic^^^^^^ l'examen de

01 fairM|nY>ut ictic^^^^k 1

APPENDICE

249

cette version ou paraphrase sur l'iinmorlité de l'âme, on ne me trouva convaincu, je ne dis jx, Sire, d'une impiété, mais non pas seulement de la oindre irrévé- rence contre l'Eglise ; même il y a plupurs endroits que j'ai en quelque façon déguisés poules tournera l'avantage de notre créance.

Les libraires ont imprimé ensuite de î traité quan- tité de mes vers, avec les ignorances qu<j'y ai laissées et avec les crimes que mes ennemis y « ajoutés; j'ai éclairci la Cour de tout ce qui étoit de n composition, et rendu toutes mes pensées manifoslemit innocentes.

On m'apporta d'autres faits sur la pr<o d'un second tome imprimé en mon nom, mais je lis iir clairement l'impertinence des accusateurs, qui, l'.iiles subtilités scolastiques, avoient embrouillé le sens t mes écrits, et d'une malice aveuglée, pensant prulilcro mon peu de mémoire, produisoient des périodes iimrfaites en des choses le mécompte d'une syllalic pu d'une pensée innocente faire un crime.

Messieurs mes commissaires étoient bit aises quej'é- vitasse les surprises, et se montrèrent; ou jours aussi prompts à me justifier qu'à me convainc. Après que je me fus purgé de tout ce qu'on pouvt reprendre ou soupçonner contre moi, dans ces deux tacs qui portent mon nom, on me présenta un livre iiUil'\ le Parnasse des vers satijriques dont j'étois accusé avoir compilé les rapsodies et les avoir mises en vite. J'apportai pour ma défense la sentence du Prén'it c Paris, obtenue contre les imprimeurs, et suppliai la Ce- de considérer que j'étois le premier de ma profc^si qui, par une affection aux bonnes mœurs et pour ?r le scandale

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2/Î6 T UKOPHILIÎ

éclaire si peu, qu'on ne sauroit discerner la voûte d'avec 'e plancher, ni la fenêtre d'avec la porte. Je n'y ai jamais eu de feu ; aussi la vapeur du moindre charbon, n'ayant là-dedans par sexhaler, m'eût été du poison ; mon lit étoit de telle disposition que l'humidité de l'assiette et la pourriture de la paille y engendroit des vers, et autres animaux qu'il me falloit écraser à toute heure. Divers prisonniers qui ont tlé avec moi, s'ils en sont sortis pour vivre, peuvent vérifier mes plaintes. L'on me nourrissoit de la pension qu'il a plu à V. M. de me continuer, mais mon manger et mon boire étoient tels qu'ils sembloient avoir re(;u pour me faire mourir l'argent que vous leur don- niez pour me faire vivre ; et comme si les cruautés d'un tel entretien n'eussent pu donner assez d'exercice à leur ma- iioe, ils s'ingérèrent dans mes affaires, et trompant la fa- cilité que j'ai toujours eue à donner ma confidence à ceux qui la demandent, par diverses ruses ils aitrapèrenl tous mes secrets, qui se sont par la grâce de Dieu trou- vés à ma justification. Pour un témoignage plus mani- feste de la fureur extraordinaire qui les animoit contre moi, c'est que durant tout le temps d'une si dure captivité toutes sortes d'objets, de fraj'curs et de peines me tenoient toujours en nécessité de consolation, il ne me fut jamais permis de communi(pier avec un Religieux, ni de me faire donner un chapelet. Il sembloil qu'on eût pris à lâche de me faire périr le corps et l'âme; c'est alors que mes accusateurs faisoient retentir les Eglises de mi'disances dont l'Hôlel de Bourgogne eût été scan- dalisé.

C'est lors, Sire, que le Père Gucrin fit un voyage exprès en Bretagne, pour suborner des témoins contre moi, ce

APPENDICE 2/|7

que je vérifierai par ilcs Conseillers de la Cour du Par- lement de Hennés, cl lui-niônic a eu l'audoco de d»'poscr; mais il n'a osé soutenir In confrontation. Le Père Cliaillou, supérieur des Minimes, qui est en réputation d'avoir bon sens cl bonne conscience, représenta à ses Confrères les nlTrunls que ce détracteur taisait ordinairement à leur couvent, si bien qu'on se résolut de le faire sortir de Paris, ses imprudences se faisoieiit avec trop d'éclat. Je serais bien heurcu.\, si les comp{)t;'n()ns du Père Garasse naavoicnt donné sujet d'un rcsscntinjcnl pareil. Le Père Marg^aslant, supi'rieur des Jésuites de Paris, après m'avoir dit plusieurs injures dans son collette, s'en alla solliciter Monsieur le Lieutenant Civil, pour faire donner main- levée aux imprimeurs, de ce ramas de bouffonneries et d'impiétés de Garassus, quej'avois fait saisir. Le P. Voi- sin a été chez plusieurs de mes Jujçes à leur demander ma mort pour la défense de la Vierge et des Saints, dont il leur rccommandoit la cause. Et voilà. Sire, tout le fondement de ces crieries impudentes dont ils ont si longtemps agile mon innocence, et tout ce que ce long travail de persécution a pu produire contre moi.

La Cour ayant député ^Messieurs de Pinon et de Ver- lamond, pour instruire mon procès, on me fit sortir du cachot j 'a vois été six mois sans voir la clarté, et on m'amena devant eux dans la salle de saint Louis, le grand air m'éblouit d'abord, et faillit à me faire pâmer; après avoir levé la main et dit mon nom, mou pays, mon îîge et ma profession, on me demanda si j'étois catholique romain, et si je l'avois toujours été. Je répon- dis qu'il y avoit peu de temps que j'étois catholique, cl qu'auparavant j'avois toujours fait profession de la

248 THÉOPHILE

religion prétendue réformée. Oue je m'ctois instruit en la foi romaine par les conférences du Père Athanase, du Père Arnoux, et du Père Seguirand, entre les mair.s de qui j'avois fait mon abjuration. Monsieur de Pinon me remontra que j'avois mal fait mon profit des ins- tructions de ces bons Pères, et que j'étois tenu pour un homme qui ne croyoit autre Dieu que la nature. Je répli- quai que j'étois tenu pour très homme de bien par tous ceux qui me connaissoient, et que mes accusateurs par- loient sans preuve ni apparence, et qu'ils étoient calom- niateurs et imposteurs. Monsieur de Vertamond, contri- buant peut-être un avis à ma justification, repartit qu'il n'y avoit point d'apparence que je fusse un athée, puis- que pour faire voir au public que j'avois des sentiments de la divinité tel qu'un chrétien les doit avoir, j'avois fait un livre de l'Immortalité de l'Ame, qui rendoit rai- son de ma créance.

Cela étoit dangereux pour un étourdi ou pour un mé- chant ; mais moi qui avois l'esprit tendu à ma justifica- tion, et qui, pour ne m'égarer, n'avois autre chemin à suivre que celui de la vérité, je répondis que je n'avois point composé ce livre-là, que c'étoit un ouvrage de Platon, que je l'avois traduit sans m'éloigner du sens de l'auteur, et que ce n'étoit point par je rendois raison de ma foi; que pour montrer que j'étois chrétien, j'allois à la Messe, je communiois, je me confessois. On m'allé- gua quelques passages de ce traité, dont je me suis en- tièrement justifié.

Saint Augustin, qui ne parle jamais de Platon sans admiration, m'a fourni de quoi faire approuver la peine que j'ai prise en cette traduction. Après l'examen de

APPENDICE 2.'J9

celle version ou paraphrase sur l'immortalité de lame, oa ne me trouva convaincu, je ne dis pas. Sire, d'une inipiclé, mais non pas seulement de la moindre irrévé- rence contre l'Eifiise ; même il y a plusieurs endroits (jue j'ai en quelque façon déguisés pour les tourner à l'avanlaçe de notre créance.

Les libraires ont imprimé ensuite de ce traité quan- tité de mes vers, avec les ignorances que j'y ai laissées cl avec les crimes <iue mes ennemis y ont ajoutés; j'ai éclairci la Cour de tout ce qui étoil de ma composition, cl remlu toutes mes pensées manifestement innocentes.

On m'apporta d'antres faits sur la prose d'un second tome imprimé en mon nom, mais je fis voir clairement l'impertinence des accusateurs, qui, par des subtilités scolastiques, avoient embrouillé le sens de mes écrits, et d'une malice aveuglée, pensant profiter de mon peu de mémoir(', produisoicnt des périodes imparfaites en des choses le mécompte d'une syllabe peut d'une pensée innocente faire un crime.

Messieurs mes commissaires étoient bien aises que j'é- vitasse les surprises, et se montrèrent toujou.-s aussi prompts à me justifier (ju'à me convaincre. Après que je me fus purgé de tout ce qu'on pouvoit reprendre ou soupçonner contre moi, dans ces deux tomes qui portent mon nom, on me présenta un livre intitule, le Parnasse des vers sali/riques dont j'étois accusé d'avoir compilé les rapsodies et les avoir mises en vente. J'apportai pour ma défense la sentence du Prévôt de Paris, obtenue contre les imprimeurs, et suppliai la Cour de considérer que j'étois le premier de ma profession qui, par une aft'ection aux bonnes mœurs et pour oter le scandale

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APPENDICE

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( Monsieur de Vertamond ne se put tenir absurdités. Cet homme-là, qui me fut

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i point son être. Le second témoin est un )nd, et sans autre appui que du P. Voisin,

I icnu aux écoles depuis douze ans ; il se son père le déshérita pour d'étranges re- avoil laites des l'âge de seize à dix-sept t risque de passer sa vie dans de grandes ne se fût rendu agréable au Père Voisin, à lui d'une affection fort particulière, quoi- i'ût alors dans une réputation très hon- le commerce qu'il eut avec ce religieux, il it sa vie, car les débordements qu'il conti- idale du collège, lui firent interdire la con- ([uelqucs écoliers de la Flèche qu'il avoit

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20 0 THEOPHILE

public, avoit fait supprimer de telles œuvres. Ayant annulé toutes les charges que ces livres me pouvoient mettre sus, je croyois avoir fini les interrogatoires qui furent de trois journées, et m'attendois à jouir du pri- vilèiçe d'uii peu d'élargissement qu'on ne me pouvoit refuser selon les formalités du Palais; mais l'hypo- crisie effi'ontée de ceux qui sollicitoient ma mort, avoit rendu mon affaire de telle importance, et fait estimer ma délivrance si dangereuse qu'il fallut donner haleine aux calomniateurs, et leur accorder la licence de redresser les embûches que j'avois évitées jusques- là. On me remit dans le cachot pour quatre mois, durant lesquels les guichetiers me continuèrent leurs inhumanités avec tant d'excès qu'on eût jugé qu'ils crai- gnoient plus mes ennemis qu'ils ne respectoient leurs maîtres. A la seconde attaque, qui fut de quatre jour- nées en nouveaux interrogatoires, on me représenta plusieurs manuscrits, et de mes amis et de moy, oii il ne se trouva. Dieu merci, non plus de crime qu'aux accu- sations précédentes. Le Père Garassus avoit malicieuse- ment altéré quelques vers en mon Elégie à Thyrsis, dont je me suis justifié par mon manuscrit, qui s'est trouvé tout contraire à l'imprimé de ce faussaire. Tout ce que j'ai composé et avoué est encore dans le greffe. Si j'étois assez heureux pour le faire confronter à la supposition de Garassus, lui qui fait tant du subtil, et qui profane si impudemment la dignité de sa profession, se trouve- roit convaincu d'une fausseté punissable du feu, aussi bien que son Compagnon, qui se trouve coupable d'avoir suborné des témoins, et dont la conviction est à la con- noissance de la Cour. Permettez-moi, Sire, de vous dé-

APPENDICE

couvrir cette imposture, et prenez la peine d'ouïr les fri- voles et l'alomnieuses dépositions des principaux qui m'ont été confronttjs. Le premier se nomme Anisé, avo- cat, qui se fit liii-miinc tant de reproches et se coupa si souvent, que ^lonsieur de Vertamond ne se put tenir de rire de ses absurdités. Cet homme-là, qui me fut confronté avec la gravité de la robe et du bonnet carré, lémoignoit m'avoir ouï dire que<[uand je couchois sur la dure cela me meltoit en humeur. Ces impertinences me l'ont rougir, et supplie très humblement votre Majesté de pardonnera la nécessité qui m'oblige à les dire jiar leurs termes, et non par les miens. 11 ajoutoit encore que certain Pavicj à qui je n'ai jamais parié, l'avoit entretenu de ([uelques discours profanes qu'il suppo-oit venir de moi. Le sens en étoit, que je disputois si l'âme étoit dans le sang. C'est un discours de philosophie dont je ne suis point capable, il ne m'importe qu'elle soit dans le sang ou ailleurs, pourvu qu'au sortir du corps je sois assuré qu'elle ne perd point son être. Le second témoin est un homme vagabond, et sans autre appui (pie du P. Voisin, qui la entretenu aux écoles depuis douze ans ; il se nomme Sajot, son père le déshérita pour d'étranges re- bellions qu'il lui avoit laites dès l'âge de seize à dix-sept ans, et couroit risque de passer sa vie dans de grandes nécessités s'il ne se fût rendu agréable au Père Voisin, qui se joignit à lui d unearteclioii fort particulière, quoi- que ce garçon fût alors dans uue rc'putalion très hon- teuse. Depuis le commerce qu'il eut avec ce religieux, il n'amenda point sa vie, car les débordenneuts qu'il conli- nuoit, au scandale du collège, lui tirent interdire la con- versation de quelques écoliers de la Flèche qu'il avoit

2.52 THÉOPHILE

tâché de corrompre. La contrainte de lui donner des reproches ma fait dire quelques-unes de ses infamies qui l'ont fait pleurer à la confrontation ; et d'autant que les larmes ne se peuvent pas écrire, le Greffier, qui est homme de bien, témoig-nera cette vérité. Sachant bien que la trahison lui seroit inutile si je venois à la découvrir pour ce que je savois bien ses crimes, il changea son nom et son pays, ce qui mérite punition exemplaire. Nonobstant ce déguisement, le regardant fixement aux yeux, il me revint quelque image d'une personne que des accidents très notables avoient rendu signalé : Tayant reconnu, je dis modestement quelques secrets de sa vie, assez capables d'aifaiblir sa déposition. 11 ne nia point qu'il n'eût été en ses jeunes ans disciple du P. Voisin , avoua que, depuis leur première reconnoissance, ils s'é- toient entretenus d'une amitié très étroite et d'une con- fidence qu'ils n'ont jamais interrompue, qu'ils avoient communiqué ensemble les accusations contre moi, et que le Père Voisin l'avoit induit à déposer. Il y avoit pour le moins quinze ans que je n'avois vu Sajot. Il dépose que depuis trois ans, il m'avoit ouï dire des vers sales et profanes, dont, à la vérité, il ne se souvient point; il m'accuse notamment avoir dit que je ne croyois autre chose que Jésus-Christ crucifié, et infère de que je tiens les cérémonies de l'Eglise peu nécessaires. Je le ' pressai de me nommer le lieu il prétendoit m'avoir ^ vu, en présence de qui, en quel jour, et à quelle heure i j'avois parlé à lui, il répond qu'il n'en sait rien, et con- j fesse toujours que le Père Voisin lui a dit qu'il étoit | obligé de déposer contre moi. II se trouve. Sire, que cet , homme-là est aux gages du Père Voisin, qu'il est neveu

ArPENDICE 253

il'une Ds-tne Mercie, qui contribue aussi à la nourriture de Sajot. Celle femme est confidente du Père Voisin et du Prévôt le Blanc. "car aussitôt que je fus pris, le Blanc s'en conjoait par lettre avec le P. Voisin, et adressa son paquet à la Dame Mercie, qui comnuiiiique ordinairement avec ce Religieux. La lettre m'est tombée entre les mains. 11 y avoit entre autres termes de respect pour ce Père, qu'il m'avoit si soigneusement veille qu'enfin il m'avoit attrapé, selon le commandement qu'il en avoit reçu de Sa Ilévérence. Il me fut encore confronté un sourd, nommé Bonnet, avocat à lîourçcs, qui déposoit m'avoir ouï dire en la présence du Père Philippes, capucin, qu'il y avoit dos gens qui se rcpcnliroient de m'avoir tiré de la dé- hanche. Le Père Philippes a rendu des témoignages tous contraires à cette imposture.

Tous les autres témoins, hormis un que je dirai après, ne m'accusent point de m'avoir jamais vu faire ni ouï dire quelque chose de repréhcnsible. Ils ne connoissent pas même ma personne, et n'ont autre instruction que les livres et les sermons de mes accusateurs. Ici je ne me puis taire de l'intégrité de monsieur le Procureur Géné- ral, qui ayant pris le soin d'en examiner quelques-uns, même des libraires, qui confessent avoir pris part en l'impression du Parnasse Satyrique, il a si bien sondé cette vérité que tous les témoins qu'il a produits n'ont parlé qu'à ma décharge.

Celui qui reste se résout de me faire un pur assassi- nat, car, sans accompagner sa déposition d'aucune cir- constance, ni couvrir d'aucun prétexte les calomnies qu'il m'improperoil*, il fit une copie de tout ce qui est de plus exécrable dans le Parnasse, et sans m'accuser

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Tous les autres témoins, hormis un que je dirai après, ne m'accusent point de m'avoir jamais vu faire ni oui dire quelque chose de repréhensible. Ils ne connoissent pas même ma personne, et n'ont autre instruction que les livres et les sermons de mes accusateurs. Ici je ne me puis taire de l'intégrité de monsieur le Procureur Géné- ral, qui ayant pris le soin d'ei^^ ilacr quelques-uns, même des libraires, qui c^"*!^^^ »oir pris r>n-' l'impression du Parn cette véjjL ,ue to'" parlé ^•^

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Tous les autres témoins, hormis un que je dirai apr^ ne m'accusent point de m'avoir jamais vu faire ni i.' dire quelque chose de repréhensible. Ils ne connoiss' pas même ma personne, et n'ont autre instruction que Ii livres et les sermons de mes accusateurs. Ici je ne in puis taire de l'intégrité de monsieur Je Procureur Gcf rai, qui ayant pris le soin d'en examiner quelquesuuv même des libraires, qui confessent avoir pris part (^ l'impression du Parnasse Satyriquc, il a si bien soad cette vérité que tous les témoins qu'il a produils dod-' ^ qu'à ma décharge.

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2^4 THE0P5HLE

toutefois d'avoir rien contribué à la composition, il me soutint en justice qu'il avoit appris par cœur ces vers infâmes à me les ouïr dire plusieurs fois, et en diverses compagnies il avoit eu ma fréquentation, depuis dix ou douze ans qu'il disoit me connottre. Je n'eus point d'autre reproche à lui faire, sinon que je ne le connois- sois point du tout, et priai monsieur de Vertamond de lui faire dire le lieu et les personnes qui peuvoient faire foi de sa déposition. Il ne sut dire ni rue, ni maison il m'eût vu, ni ne se peut ressouvenir d'un seul homme parmi tant de conversations. je priai la Cour de con- sidérer que cet homme, incapable de se ressouvenir des maisons et des personnes, qui sont objets fort apprélien- sibles à la mémoire, n'étoit pas croyable de se ressouve- nir d'un vers, qui n'est qu'un son; et je le voulus obliger d'en réciter quelqu'un, mais le témoin se trouva muet. Je m'aperçus encore que, dans les premiers interrogatoi- res, on m'avoit représenté une ligne de prose pour un vers, ce qui me donna des ombrages d'un faux témoin. Je trouvai dans cette déposition ce vers-là, qui étoit failli tout de même dans l'impression du Parnasse Salyrique; si bien qu'il appert clairement qu'il a retenu cette faute des imprimeurs et non pas de moi, pour ce que les moins versés dans la Poésie ne sauroient faillir en la mesure des syllabes. La condition de la personne rendoit aussi son témoignage très suspect, car un homme de sa sorte ne se trouve pas ordinairement à ouïr des vers ; c'est un boucher de la rue Saint-Martin, nommé Guibert. Voilà, Sire, la somme de toutes les charges qui ont si longtemps entretenu les espérances orgueilleuses de quelques hypo- crites, qui ne savent montrer leur dévotion que par la

APPENDICE 20.-)

cniautr, cl q\ii croient que, hors> de leur cabale, il n'y a point de salut. Us murmurent encore après mon arrêt, et ne se peuvent satisfaire de la justice de Dieu et de celle (lu Parletncnt, parce qu'ils n'ont pas du tout accompli leur haine. Ils cherchent tous les jours des prétextes nou- veaux à rallumer leur persécution, font courir en mon nom des vers mal faits et malicieux, qui déshonorent la réputation de mes mœurs et de mon esprit...

TlllioPUlLE.

IV

LEXIQUE

AccOMi'AUER (S'). Encorc usité quelquefois au xvn» siècle, pour comparer.

AVETTE. Pour abeille. Déjà fort archaïque au xvii'' siècle.

DRANLAM . Un œil branlant, qui remue constamment, hagard.

BRioNO.N. Se disait concurremment avec brugnon. Cf. Richclet.

CARROSSE (La). Premier genre de ce mot, qui est l'ita- lien carrocca.

CATERRE. Forme plus usitée au xvii« siècle que catarrhe. De même, giiiterre i>o\xr tjui tare.

COMMUNE (La). Le peuple, le vulgaire.

CONSOMMER. Lcs nuanccs entre consumer et con- sommer ne sont pas encorc déterminées au temps de Théophile. Plus tard, Corneille hésitera encore.

COKAL. Forme ancienne de corail, très usitée au xvu" siècle.

THEOPHILE

Ootcfois d'avoir rien contribue à la composilion, il me

«Milint en justice (ju'il avoit appris par cœur ces vers

... i^g Qjjjj. jjj.g plusieurs fois, et en diverses

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<i\ i.iou/.'- ans qu'il disoit me connoftrc. Je n'eus point

l'aulre r»»prochc à lui faire, sinon que je ne le connois-

liu tout, et priai monsieur de Verlamond de

re le lieu et les personnes qui peuvoienl faire

oi de sa déposition. Il ne sut dire ni rue, ni maison

I m'eût vu, ni ne se peut ressouvenir d'un seul homme

»armi tant de conversations. je priai la Cour de con-

idérer que cet homme, incapable de se ressouvenir des

naisons et des personnes, qui sont objets fort appréhen-

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APPENDICE

cruauté, et qui croient que, hor& de leur cabale, il m point de salut. Ils murmurent encore après mon arr'"4t ne se peuvent satisfaire de la justice de Dieu et d du Parlement, parce qu'ils n'ont pas du tout accoi li leur haine. Ils cherchent tous les jours des prétextes veaux à rallumer leur persécution, font courir en fci nom des vers mal faits et malicieux, qui déshonoiesa réputation de mes mœurs et de mon esprit...

Théophile.

IV LEXIQUE

AccoMPARER (S') . ,^- Encorc usité quelquefois au

J^Déjk fort archaïque au xvii lanl, qui remue conslami

M^ lyÂ

200 THÉOPHILE

€OUPEAu. Cime. Corneille : « Un passereau Qui d'un arbre écarté s'est choisi le coupeau. » [Imi- tation.)

couRO^■^"E. Royaume. Cf. trois vers plus bas ; Petit empire.

CROÎTRE. Se prononçait craitrc et rimait donc avec paraître qui avait le son actuel.

ÉcoT. Théophile semble donner à ce mot le sens de festin, régal.

ÉcuRiEu. Forme dialectale de écureuil. Se trouve dans Rabelais. Cf. Jaubert, Glossaire.

ÉLOIGNER. Est encore employé au xvu" siècle au sens de s'éloigner de. Donc, CLtte contrainte d'éloigner votre cour veut dire : De m'éloigner de votre cour.

EMPÊCHER. Embarrasser.

EMPIÉTER. Est, au sens actif, un terme de fauconne- rie : tenir entre ses serres.

ÉPARTiR. Séparer, répandre.

ÉTUDE. Se faisait encore masculin : Studiam.

EXQUIS. Raffiné. Cf. Bossuet : « Un supplice plus exquis ».

FAVEUR. A la faveur de doit se comprendre en fa- veur de, et à ma faveur signifie en ma faveur .

FUIR. Se faisait encore parfois de deux syllabes.

GOMME. Les larmes des Héliades changées en ambre.

HYDROMELLE. Cette formc, pour hydromel, se ren- contre au xvi" siècle.

iGAOMiNiE. Doit être entendu en un sens moins bas que maintenant.

IMPOURVUE (A 1'). Au dépourvu, à l'improviste.

APPENDICE Sjy

iMi'Hoi'LKKii. C'est du pur laliii : improperare, repro- cher, imputer : Dont il m'impropiToil », dont il me chargeait.

INFAMIE. Même remarque que pour Ii/noniinie.

Li.NE. Ligne. Orlhofrraphe conforme la prononcia- tion du xvii» siècle. Bénigne, Cggne, ligne, maligne, signe, signet se prononçaient bénine, cyne, Une, ina- line, sine, sinct. Ce dernier mot, signet, a rt'sisté.

MALiNR. Voyez Line.

MAHïYUEK. Martyriser. Richelet dit que marigrer est vieux et que martyriser, au sens profane, n'entre pas dans le beau style. On n'employait que tourmenter.

MÉMOiuE (De la). Dont on ail gardé la mémoire.

MEURE. Mûre, fruit. Se prononçait comme mainte- nant et ne pouvait rimer que pour l'œil avec demeure.

NAVIRE (La). Bossuet fait encore navire du féminin.

oïl». Ancienne forme de ouïr. De : oy,foy, il oit, j'oirrai. Nous avons conservé oyez et oyant, etc. Dans la coojugaison actuelle, fort irrégoilicre, les deux formes ouïr et oïr sont mêlées, ce qui donne : ouï et nous oyons.

OMBRAGEUX. Cousidéré comme incorrect, au sens de ombreua:.

ORFRAIE. Il s'agit de Veffraie ou fresaie, variété de chouette. L'orfraie est un oiseau de mer. Cette confu- sion est générale, depuis des temps très anciens, dans la littérature française, si générale qu'il faudra peut- être finir par en prendre son parti. Il semble d'ail- leurs vraisemblable [que effraie ne soit que la défor- mation de orfraie, sous l'influence de effrayer. Le retour à os/raie ou or/raie (latin ossifraga) aurait

«7

200

THEOPHILE

coupEAu. Cime. Corneille : o Un passereau Qui d'un arbre écarté s'est choisi le coupeau. » [Iini- tction.)

cocRON>"E. Royaume. Cf. trois vers plus bas ; Petit empire.

CROÎTRE. Se prononçait craitre et rimait donc avec paraître qui avait le son actuel.

ÉCOT. Théophile semble donner à ce mot le sens de festin, régal.

ÉcuRiEu. Forme dialectale de écureuil. Se trouve dans Rabelais. Cf. Jaubert, Glossaire.

ÉLOIGNER. Est encore employé au xvii' siècle au sens de s'éloigner de. Donc, citte contrainte d'éloigner votre cour veut dire : De m'èloigner de votre cour.

EMPÊCHER. Embarrasser.

EMPIÉTER. Est, au sens actif, un terme de fauconne- rie : tenir entre ses serres.

ipARTiR. Séparer, répandre.

ÉTUDE. Se faisait encore masculin : Studium.

EXQUIS. Raffiné. Cf. Bossuet : « Un supplice plus eœquis ».

FAVEUR. A la faveur de doit se comprendre en fa- veur de, et à ma faveur signifie en ma faveur .

FDiR. Se faisait encore parfois de deux syllabes.

GOMME. Les larmes des Héliades changées en ambre.

HYDROMELLE. Cette formc, pour hydromel, se ren- contre au xvi« siècle.

IGNOMINIE. Doit être entendu en un sens moins bas que maintenant.

1.MP00RVUE {\V). Au dépourvu, à l' improviste.

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iifosijoiiisbasf

AITENDICE

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iMPROi'iinEu. C'est du pur latin : improperare, repro- cher, imputer : « Donl il m'impropt'roit », dont il me cliaru;enit.

INFAMIE. M^mc remarque (|ue pour /(jnnminie.

UNE. Lit/ne. Orlhoirrapiie conforme à la prononcia- tion du XVII' siècle. Beni/jne, Cijjnc, ligne, maligne, signe, signet se pronom^aient bènine, cijne, Une, ina- line, sine, sinct. Ce dernier mol, signet, a résisté.

MALi.NK. Voyez lAnc.

MAnTYHEft. Martyriser. Richelet dit que martyrer est vieux cl que martyriser, au sens profane, n'entre pas dans le beau style. On n'employait que tourmenter.

MÉMOIRE (De la). Dont on ait gardé la mémoire.

HEURE. Mûre, fruit. Se prononçait comme mainte- nant et ne pouvait rimer que pour loeil avec demeure.

NAVIRE (La). Bossuet fait encore navire du féminin.

oïn. Ancienne forme de ouïr. De : oy,foy, il oit, j'oirrai. Nous avons conserve oycc et ayant, etc. Dans la conjugaison actuelle, fort irrégulière, les deux formes ouïr et oïr sont mêlées, ce qui donne : ouï et nous oyons.

OMBRAGEUX. Considéré comme incorrect, au sens de oml}reucc.

ORFRAIE. 11 s'agit de Veffraie ou fresaie, variété de chouette. L'orfraie est un oiseau de mer. Cette confu- sion est générale, depuis des temps très anciens, dans la littérature française, si générale qu'il faudra peut- être finir par en prendre son parti. Il semble d'ail- leurs vraisemblable |que effraie ne soit que la défor- mation de orfraie, sous l'influence de effrayer. Le retour à os/raie ou orfraie (latin ossifraga) aurait

>7

m

258 THÉOPHILE

été l'œuvre des t tymologistes amateurs qui ont, de tout temps, ravagé la langue française.

OL'RSE. Perdre son ourse. Nous disons: Perdre le nord. L'étoile polaire, qui marque le nord, se trouve dans la Petile-Ourse. OUVRIER. Se prononçait de deux syllabes.

l'AviE. Variété de pêche.

j'AVSAx, De deux syllabes : Prononciation dialectale, toujours en usage en beaucoup de régions.

PERDRIEZ (Vous). Dc deux syllabes.

PORTAL. Pour portail. C'est encore la forme courante au xvi" siècle.

pouRMENER. Forme archaïque de promener.

QUE c'est. Ce qu'il en est.

RAIS. La forme régulière serait rai, pluriel rais.

RELACHER. Théophile emploie ce mot au sens d'é- chapper.

RENGRÉGER. Acfgruvcr : « Ma douleur se rengrége », a dit Régnier.

REPARTIR. Répondre.

ROKSART. La vraie forme est Ronsard.

SANGLIER. Etait encore de deux syllabes.

SEMELLE. Sémélé.

SEMONDRE. Avertir.

SOULAS. Encore employé par Corneille : « Vain et faible soûlas. »

TAKDis. Adverbe : Pendant cela.

TESTOx. Pièce de monnaie qui valait alors une quin- zaine de sous.

TIRASSE. Filet.

APPENDICE 269

V

BIBLIOGRAPHIE

^ Ici-, Œuvres de Théophile, ou attribuées à, Théophile, ou concernant son procès

Le Catalogue de la Dibliothiqur du l'oij, 1750, donne la liste suivante des œuvres de Tliéopliiic, ou qu'on lui attribuait, ou qui le concernaient :

1. Les œuvres de Théophile; Lyon, iG3o.

2. Les œuvres de Théophile ; Rouen, if)3G.

3. Nouvelles œuvres de Théophile, composées d'excel- lentes lettres fran(;oises et latines, recueillies et corrigées parM. Mayret; Paris, 1G48 (Portrait par Danet).

4. Les œuvres de Théophile; Paris, iG36.

5. Les œuvres de Théophile; Paris, 1C61.

6. Le tableau salyrique des Pères de la Société, en vers, par Théophile.

7. Recueil de toutes les pièces faites par Théophile, depuis sa prise jusques à présent; tG34.

8. EloE^e du duc de Luynes, avec l'avis au Roy, par Théophile; 1G20.

9. Vers présentés au Roysur l'exil de Théophile; 1620.

10. Les Aventures de Théophile au Roy, par lui faites pendant son exil ; 1624.

1 1 . La Remontrance à Théophile ; 1620.

12. Plainte de Théophile à un sien ami pendant son absence; i6a3.

26o THÉOPHILE

i3. Réponse de Tircis à la plainte de Théophile, pri- sonnier, en prose ; 1G23.

i4- Théophile au Roy sur son exil; 1624.

i5. Dialoj^ue de Théophile à une sienne maîtresse, l'al- lant visiter en prison, en vers ; 1624.

16. La Maison de Silvie, par Théophile; 1624.

17. La Pénitence de Théophile; 1G24.

18. Prière de Théophile aux poètes de son tennps, en- semble la compassion de Philolhée aux misères de Théo- phile; 1624.

ig. Requête de Théophile au Roy; 1624.

20. Requête de Théophile au Parlement, en vers; 1624.

ai. Requête de Théophile à M. le Premier Président, en vers ; 1624-

22. La Rome ridicule, caprice; 1628.

28. Les soupirs d'Alexis sur la retenue si longue de son ami Théophile ; i6a4-

24. La tragédie de Pasiphaé, par le sieur Théophile ; Troyes, 1621.

26. Vers pour le ballet des Bacchanales, par Théo- phile Viaud, Marc Ant. de Gérard de Saint-Amant, du Vivier, Sorel, Bois-Robert Metel ; 1628.

Un recueil factice du temps contient les pièces sui- vantes :

26. La Prise de Théophile par un Prévôt des maré- chaux, dans la citadelle du Castelet en Picardie, amené prisonnier à la conciergerie du Palais, le jeudi 28 de ce mois (septembre) ; 1628.

27. Theophilus in carcere ; 1624.

28. Consolation à Théophile en son adversité; 1624.

Ari"KM>li;K 20 1

?ij. Les Larmes de Tliéopliile prisonnier, sur l'cspi;- rance de sa liberté; iGî/|.

3o. Apologie de Théophile.

Ajoutons, d'après Niceron, .Mémoires, tome XXXV'l :

3i. Lettre de Damon envoyée à Tircis et à Théophile, ausujot de sou interrogatoire du 18 novembre iGaS ;iG23.

32. Arrêt de la Cour du Parlement ; 1623.

33. Atteinte contre les impertinences de Théophile, ennemi des bons esprits ; i6î4.

34. L'apparition d'un fantôme à Théophile dans les sombres ténèbres de sa prison ; ensemble les {)ropos te- nus enire eux ; 1G34.

35. Récit de la mort et pompe funèbre observée aux obsèques du S' Théophile; 1G2G.

3G. Discours remariiuabic de la vie et mort de Théo- phile; iGr>G.

37. Le Testament de Théophile; 1G2G.

38. La rencontre de Théophile et du P. Coton en l'autre monde ; 1G2G.

3(j. L'ombre de Théophile apparue au P. Garasse; iGaO.

4o. I''asiphaé, tragédie, revue, corrigée et embellie, ^c. ; i6a8.

Ajoutons encore, d'après les catalogues actuels de la Bibliothèque Nationale :

4i. Le bannissement de Théophile présenté au Roi ; lOao.

4a. Le Théophile réformé ; 1G23.

43. Procès-verbal de l'emprisonnement de Théophile; 1623.

'V

262

THEOPHILE

44- Lettre consolatoire à Théophile ; iGaS.

45. Le Sacrifice des Muses, par le sieur H. Théophile, frère du défunt Théophile ; 1627.

46. Réponse du sieur Hydaspe au sieur de Balzac, sous le nom de Sacralor, touchant l'Anli-Théophile et ses écrits ; 1624.

47. Factura de Théophile ; ensemble sa requête, etc. ; 1C25.

48. Consolation sur la résolution de la mort ; ensemble l'adieu du monde, adressé aux beaux esprits de ce temps; 1625.

49. Miroir de la cour, sur lequel les revers et l'incons- tance de la fortune se voient, adressé au sieur Théophile; 1625.

50. Le Théâtre de la fortune des beaux esprits de ce temps ; ensemble l'action de grâce sur la liberté de Théo- phile; 1G25.

5i. Le triomphe de Minerve, par les muses d'fîippo- crèoe, sur l'heureuse liberté du sieur Théophile ; 1625.

52. La honteuse fuite des ennemis de Théophile après sa délivrance ; 1625.

53. L'oraison funèbre de Théophile, avec la défense des Jésuites ; 162G.

54. Discours remarquable sur la vie et la mort de Théophile; 1626.

55. La métemphycose (sic) de Théophile, ou le trans- port de son ombre en divers corps ; 1626.

56. La descente de Théophile aux enfers ; 1626.

57. La première lettre que Théophile a envoyée de l'autre monde à son ami; 1626.

Ajoutons encore ;

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ArHENDICK

•2^6

58. Le l'aroa.ssc des muses salyriqucs: iGa.'J. Hi-im- priiui' cil it»J7 sous le lilre, qui lui est rest<-, de : Par- nasse satirique du sicnr Th^uphile.

5ij. Les Amours tras:iques de l'vrame cl Thisbé; lOaG, 1617 et itiSo. ^)uel<]\ies exempl;iircs de l'édilinii de iGaf» porleiit ce titre sin^ulitT ; La Traç^die de Monsieur de •Venilome et monsieur le grand l'rieur, son Trère, dans le bois de Viiu'ciinesà leur tjrand regrel. Faict par Théo- phile tievaul «jue de mourir.

La première édition colleclivedcs poésies de Tlicophile est de itVji :

60. Les Œuvres de Théophile; Paris, Quesnel, iGai. Vinrent crsuile :

61. Les (Euvres de Théophile; iGaa.

6a. (Euvres de Thi'opliile, revues, corrierées et aug- mentées. Parties I et II. Paris, liiilaine, 162.3.

63. Recueil, etc. (Voj'ez n" 7^. lléimprinié en iGaS, i6»t) el 1637.

6/(. Œuvres de Thtopliiie, divisées en trois parties; Paris, HlUainc et Quesnel, iGaG; Houeii, Deiamasse, 1627, 1628, iGîQ ; Paris, iGpq ; Lyon, Michon, i()3o (Portrait par Piilliotl.

( r». (Euvres de Théophile, i>nbliées par Scudéry; Rouen, Delaman,t63a. Cette édition a ('té réimprimée de iGS^i à 1G77, tant à P.iris(|u'à Lyon, àRouen, àHordeanx, etc., environ cimpiante fuis.

C6. Œuvres complètes de Théophile, publiées avec une notice bio-rraphique par .M. .\llcaume; Paris, i8r)G, 2 voL jn-iG. Celle édition contient :

L Préface de Scudéry. Préface de l'auteur. Le Tom- beau de Tlieophile, par Scudcry. De l'immortalité de

I

262 THÉOPHILE

44- Lettre consolaloire à Théophile ; 1G23.

45. Le Sacrifice des Muses, par le sieur H. Théophile, frère du défunt Théophile ; 1627.

46. Répouse du sieur Hydaspe au sieur de Balzac, sous le nom de Sacrator, touchant l'Anti-lhéophile et ses écrits ; 1624.

47. Factum de Théophile ; ensemble sa requête, etc. ; 1625.

48. Consolation sur la résolution de la mort ; ensemble l'adieu du monde, adressé aux beaux esprits de ce temps; 1625.

49. Miroir de la cour, sur lequel les revers et lincons- tance de la fortune se voient, adressé au sieur Théophile; 1625.

50. Le Théâtre de la fortune des beaux esprits de ce temps; ensemble l'action de grâce sur la liberté de Théo- phile; 1G25.

5i. Le triomphe de Minerve, par les muses d'Hippo- crène, sur l'heureuse liberté du sieur Théophile ; 1626.

.52. La honteuse fuite des ennemis de Théophile après sa délivrance ; 1625.

53. L'oraison funèbre de Théophile, avec la défense des Jésuites ; 1626.

54- Discours remarquable sur la vie et la mort de Théophile; 1626.

55. La mélemphycose (sic) de Théophile, ou le trans- port de son ombre en divers corps ; 1626.

56. La descente de Théophile aux enfers; 1626.

57. La première lettre que Théophile a envoyée de l'autre monde à son ami; 1626.

Ajoutons encore ;

AITENUICIC 2ti3

58. Le Parna.sso des iniises salyriques: iGa^. Ri'im- priiui- ru iti:i7 sdiis le lilro, (|iii lui est rcsl<'-, de : Par- nasse satjriquc du sietir ThfO|iliile,

Si). i.i'S Amours trafiques de Pvrame et Thisl)é; i6a6, iàs7 el iti3o. ^iielijiies exemplaires de rédiliou de iGaG portent ce titre singulier ; La Traç^die de Monsieur de Vendôme el monsieur le grand Prieur, son Frère, dans le bois de Vincciincsà leur c^rand regret. Faict par Théo- phile devant que de mourir.

La première édition colleclive des poésies de Théophile est lie i("iai :

fio. Les Œuvres de Théopiiile ; Paris, QucsncI, iGai.

Vinrent ciisuile :

61. Les (Euvres de Tliéo[iliiIe ; iGaa.

6a. (.Euvrcs de Thi'opliile. revues, corrigées et aug- mentées. Parties I et JI. Paris, Billaine, i6i>.'}.

G.3. Recueil, etc. (Vo3'ez 7). Réimprimé en iCa», iGsG el 1637.

6/). Œuvres de Théophile, divisées en Irois parlies; Paris, Rillaine et Ouesnel, 1626; Rouen, Delamasse, 1G27, iGaS, 1G29; Paris, iOîq ; Lyon, Alichon, iG3o (Portrait par Palliotl.

(T). Œuvres de Théophile. publiées par Sciuléry; Rouen, Oelaman,tG33. Cetle édition a élè réimprimée de iGS^J à 1677, tant à Pnris(pi'à Lyon, à Rouen, àlîûrdeaux, etc., environ cinijuanle fuis.

C6. Œuvn-s complètes de Théophile, publiées avec une notice bioijraphique par .^L .\lleanme; Paris, iS.'jG, 2 vol. in-iG. Cette édition contient :

I. Préface de Scudéry. Préface de l'auteur. Le Tom- beau de Tiiéophile, par Scudcry. De l'immorlaiité de

204 THÉOPHILE

l'âme. Odes, stances, élégies, satires, sonnets, épigram- mes. Larissa. II. Au Lecteur, par Théophile. Frag- ments d'une histoire comique. Elégies, sonnets, odes, stances. Les Amours tragiques de Pyrame et Thisbé, tragédie. Les Requêtes et autres poèmes apologétiques. La Maison de Sylvie. Theophilus in carcere. Lettres à Mole, à Balzac et au Roi. Nouvelles Œuvres de Théophile- Dédicace et Avis, par Mairet. Soixante-douze lettres en français. Epître d'Actéon à Diane. Vingt-quatre lettres latines. Pièces du Parnasse satyrique attribuées à Théo- phile.

I 2. Autres écrits anciens, il est question de Théophile

67. La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps par Fr. Garasse; 1628.

68. Apologie du P. Fr. Garasse; 1624.

69. Nouveau jueement de ce qui a été dit ou écrit pour et contre le livre de la Doctrine curieuse ; 1625.

70. Recueil des pièces les plus curieuses qui ont été faites pendant le règne de M. le connétable de Luynes ; 1628.

71. Lettres de Phyllarque, par le P. Goulu; 162..

72. ISIémoires de Mathieu Mole (Société de l'histoire de France).

78. Mercure français ; 1619 et 1626.

74. Mémoires de Garasse, publiés par Ch.Nisard ; 18G1.

70. Bibliothèque française, par Ch. Sorel; 1664.

APPENDICr.

265

711. Jugoincnls des Savants, par Baillet ; iGS.').

77. Anli-Baillct, par Ménage; lûgo.

78. Mémoires pour servir à l'iiisloirc des hommes illustres, parle P. Niceron; 1727-1745.

7g. Bibliothèque fran(;aise, par l'abbé Goujet ; 1740-

55 3.

Travaux modernes sur Théophile

80. Th. Gautier, les Grotesques.

81. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi.

8ï. rhilarète Chasles, Revue des Deux Mondes; iSSg.

83. Bazin, Revue de l'aris ; i83r).

84. Vicomte de Gaillon, Bulletin du Bibliophile ; i855,

85. Allcaum^ (Voyez GC)).

8G. D' Kaethe Schirmacher, Théophile de Viau; Leip- sik, 1897.

87. Ch. Garrison, Théophile et Paul de Viau ; 1899.

88. Eugène Rittcr, Revue d'Histoire littéraire de la France ; 1902.

^

(T

TABLE DES MATIÈRES

>-oriCE

5

LIVRE PREMIER ODES ET ST.ANCES

LE MATIN, ode : 21

LA SOLITUDE, odc 24

SUR UNE TEMPÊTE 3-1

ODE (Heureuse tandis qu'il est vivant'' 35

A ruiLis, stances 36

STANCES {Mon espérance refleurit] 37

STANCES {Quand lu me vois baiser tes bras) 38

CONSOLATION A .m"" DE L

ODE (L' infidélité me déplait) 43

ODE (Enfin mon amitié se lasse) 44

ODE {Un corbeau devant moi croasse) 4^

STANCES [Le plus aimable jour qu'ait jamais eu le

monde) 46

268 THÉOPHILE

ODE [Perfide, je me sens heureux) 4?

ODE [Claris, pour ce petit moment) 5i

PRIÈRE AUX POÈTES DE CE TEMPS 53

LETTRE A SON FRÈRE 67

A ciiiRON MÉDECIN, stanccs 64

A MONSIEUR DE L... SUR LA MORT DE SON PÈRE. .... O7

LIVRE H ÉLÉGIES ET SONNETS

ÉLÉGIES :

A UNE DAME 72

Aussi souveni qu'amour fait penser à mon âme. . 78

Souverain qui refais l' influence des vers 81

Claris, lorsque je songe, en le voyant si belle. . . 88

Depuis ce triste jour qu'un adieu malheureux . . . 91

Proche de la saison les plus vives Jleurs 95

SONNETS :

Tonorgaeil peut durer au plus deux outrais ans. 100

L'autre jour, inspiré d'une divine Jlanime 100

Si quelquefois Amour permet que je respire loi

SONNET DE THÉOPHILE SUR. SON EXIL 103

SUR LE MÊME SUJ ET I o3

On n'avait point posé les fondements de Rome. . . io4

MinisLr£ du repos, sommeil, père des songes.... io5

Au moins ai-je songé que je vous ai baisée io5

D'un sommeil plus tranquille âmes amours rêvant. io6

Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature 107

Sacrés mars- du soleil j'adorais Philis 1 08

TAiii.E ni:s .MATii;ivES ;>.0(j

LIVIiE III LA MAISON Di: SYLVIE

ODES 1 09

LIVRE IV PIÈCES DIVERSES

A MONSIEUIX Df KARCilS. . I 55

SATIHE rnEMikni: 1 58

SECONDE SATIRE lC3

Sun UN BALLET DU ROI l66

FHAC.MIC.MS :

Si je passe en un jardinage 1 68

Les objets tVctranfje figure 16;)

Celui qui lance le tonnerre 1 70

La paix, trop longtemps désolée 172

Chaque saison donne ses fruits 173

Tous nos arbres sont dépouillés 1 75

Lorsque l'aube ensuivant la nuit qu'elle a chassée. 17O

Que mon sort ëloit doux s'il eût coulé mes ans.. 177

EPIGUAMMES :

Grâce à ce comte libéral 1 79

Qui voudra pense à des empires 180

Mon frère, je me porte bien 180

Pour être divine et humaine j8i

Je naquis au monde tout nu 181

LES AMOURS TBAGlyVES DE l'YRAME ET THISBÉ (Frag-

mcnls) 181

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ACHEVÉ D- IMPRIMER

le cinq avril mil neuf cent sept

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BLAIS ET ROY

A POITIERS

pour le

MERCVRE

DE

FRANCE

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270 THEOPHILE

FRAGMENTS d'cNE HISTOIRE COMIQUE IQO

LARISSE 197

APPENDICE

BIOGRAPHIE 207

JUGEMENTS LITTÉRAIRES 2l5

LE PARNASSE SATYRIQOE 229

LEXIQUE 255

BIBLIOGRAPHIE 258

ACHEVE D- IMPRIMER le cinq avril mil neuf cent sej.t l'.vn

BLAIS ET ROY

A l'OITIEnS

pour le MERCVRE

DE

FRANCE

MERCVRE

DE FRANCE

(Série modtrn»)

26, R«E DE CONDÉ. PARIS

paraît le i""" et le i5 de chaque mois

Littérature, Poésie, Théâtre, Musique

Peinture, Sculpture, Philosophie, Histoire

Sociologie, Sciences, Voyages, Bibliophilie

Sciences occultes

Critique, Littératures étrangères

Revue de la Quinzaine

Le Mercure de France occupe dans la presse une place unique : il est établi sur un plan très différent de ce qu'on a coutume d'appeler une revue, et cepen- dant plus que tout autre périodique il est la chose que signifie ce mot. Les deux tiers au moins des matières qu'il publie ne sont jamais réimprimées : il garde ainsi une inappréciable valeur documentaire.Etcomme il est attentif à tout ce qui se passe, à l'étranger aussi bien qu'en France, dans presque tous les domaines, il présente un caractère encyclopédique du plus haut intérêt.

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La Bibliothèque Université d'Ottawa Echéance

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